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Full text of "Mémoires couronnés et mémoires des savants étrangers / Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles"

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MÉMOIRES COURONNÉS 


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MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS, 


L'ACADÉMIE ROYALE 


DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


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MÉMOIRES COURONNÉS 


ET 


MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS, 


PUBLIÉS PAR 


L'ACADÉMIE ROYALE 


DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


TOME XXE. — 1846. 


BRUXELLES, 


M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 


1847. 


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TABLE 


DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME XXL. 


MÉMOIRES COURONNÉS. 


Mémoire sur les points singuliers des surfaces, par M. Benjamin Amiot. 
De basilicis libri tres, auct. M. A.-C.-A. Zestermann. 


MÉMOIRES DE CONCOURS. 


De la fertilisation des landes dans la Campine et les Ardennes, considérée sous le triple point de 
vue de la création de forêts, de prairies et de terres arables; par M. Raingo. 

Dissertation raisonnée sur les meilleurs moyens de fertiliser les landes de la Campine et des Ar- 
dennes, sous le triple point de vue de la création de forêts, de prairies et de terres arables; 
par M. J.-B. Bivort. 

Dissertation sur les meilleurs moyens de fertiliser les landes de la Campine et des Ardennes, sous 
le triple point de vue de la création de forêts, de prairies et de terres arables ; par M. Ch. Du 
Trieu de Terdonck. 


MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS. 


Mémoire sur divers lieux géométriques du second degré, déterminés par la géométrie descriptive, 
par M. J.-B. Brasseur. 

Nouvelles conjectures sur la position du camp de Q. Cicéron, à propos de la découverte d'an- 
ciennes fortifications à Assche, Description de ces fortifications; par M. Louis Galesloot, 

Notice sur un dépôt de monnaies découvert à Grand-Halleux, province de Luxembourg, en 1846: 
par M. G.-J.-C. Piot. 


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MÉMOIRE 


SUR LES 


POINTS SINGULIERS DES SURFACES, 


PAR 


M. Bensam AMIOT. 


Couronne en la séance de l'Académie royale du 1+r août 1846 


On doit pouvoir lire dans les développements des équations toutes 


les affections des surfaces qu'elles représentent 


Tome XXL. l 


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MÉMOIRE 


SUR LES 


POINTS SINGULIERS DES SURFACES. 


1. Nous nommerons, ainsi qu’on le fait pour les courbes , un point sin- 
gulier d’une surface tout point qui offre quelque particularité remarquable 
indépendante des axes de coordonnées auxquels on suppose rapportée 
l'équation de la surface. 

Il peut arriver qu'un point singulier d’une surface soit seul de son 
espèce, c’est-à-dire que tout autour les points infiniment voisins ne pré- 
sentent aucune particularité : on a dans ce cas un point singulier pro- 
prement dit. Mais il peut se faire aussi qu'au lieu d’un point unique, on 
trouve une ligne dont tous les points présentent, au moins dans une cer- 
taine étendue, les mêmes caractères de particularité et forment, par con- 
séquent, une ligne de points singuliers, ou, plus brièvement, une ligne 
singulière de la surface. 

2. Nous distinguerons d’abord des points ou lignes d'inflexion : mais avant 
de les définir, nous avons besoin de rappeler comment on peut déterminer 


la forme d’une surface donnée quant à sa courbure dans le voisinage et 


MÉMOIRE SUR LES POINTS 


de 


tout autour d’un point M, pris comme on voudra sur cette surface. On 
sait comment M. Dupin a ramené cette question à la discussion de la 
courbe remarquable à laquelle il a donné le nom d’indicatrice. 

Nous allons toutefois exposer, avec quelques détails, une méthode un 
peu différente qui nous donnera, sous ce rapport, les mêmes résultats, et 
nous fournira d’ailleurs plusieurs principes immédiatement applicables à 
l'objet que nous avons en vue. 

3. Soit une surface quelconque représentée par l'équation 


ER ES D ue "ET, ge) t0r 


entre les coordonnées rectilignes æ, y, z, que nous supposerons toujours 
rectangulaires. Concevons qu’en un certain point M, pris comme on 
voudra sur cette surface, on en ait construit une deuxième 


ÉR U U TTE, y, 2) 08 


ayant avec la première un contact de l’ordre n. Non-seulement on peut, 
comme on sait, substituer la deuxième surface à la première pour ce qui 
concerne tous les points suffisamment voisins de M, mais aussi la forme 
et la nature même de la surface (2) dépendent nécessairement des parti- 
cularités qui affectent la première au point commun, et, par conséquent, la 
discussion de celle-ci pourra nous faire connaître la forme de la proposée. 
Or, en chaque point M d’une surface, il existe en général une infinité de 
surfaces du deuxième ordre osculatrices à la première, et ayant, par con- 
séquent, même courbure en ce point. Parmi toutes ces surfaces oscula- 
trices nous choisirons le paraboloïde qui se trouvera complétement déter- 
miné si nous l’astreignons en outre à la condition d’avoir son axe 
constamment parallèle aux ordonnées + de la surface proposée. Nous 
nommerons cette surface osculatrice le paraboloïde osculateur, et si, pour 
abréger, nous posons, suivant l'usage, 
dz dz d’z az d°z 


P= — = — sh — 


, ‘ A) —= Ait 
dx" 1 dy dæ' dxdy dy 


SINGULIERS DES SURFACES. 


(4 


nous aurons pour son équation (voyez la note première) : 


is 


mn e l 
22 —=plX—x) + q(Y—y) + 3 (Ka) + sx) (Y—y) + 


X, Y, Z représentent les coordonnées courantes et æ, y, x celles du point 
d’osculation M. 

4. Pour discuter complétement l'équation (2), comparons-la à l'équation 
générale des surfaces du deuxième degré 


Az? + A + Az + 2Byz + 2B'xz + 2B'xy + 20x + 2C'y + DORE 0; 
ce qui nous donne 
Ar, A1, AU 0 B—0, B—0, B’—5,ete., etc... 


Or, on sait que le genre et l’espèce d’une surface du deuxième ordre 
dépendent de la valeur des racines de l'équation du troisième degré 


33 (A A A7) 2° 2 (AA! + A7 AA! —B?—B":— 17) à —(AA'A" + 2BB'B" 
__ AB: — AB? — AB?) —0, 


et, pour la surface (2), cette équation devient 
D— (r+t)x + (rt—s)à = 0. 


La racine 2—0 montre, si déjà on ne le savait, que la surface (2) est un 
paraboloïde. Les deux autres valeurs de à seront données par l'équation 


CE C4 NOMME) (rt) Are se = 107 


et l'on sait que le paraboloïde osculateur sera elliptique ou hyperbolique 
suivant que les deux racines de l'équation (1) seront de même signe ou de 
signe contraire. Par conséquent : le paraboloïde osculateur à une surface en un 
point quelconque x, y, z, sera elliptique ou hyperbolique, suivant que lon 
aura pour ce point r—s? > 0, ou rt—s$ < 0; il dégénèrera en un 


6 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


cylindre parabolique si r— — 0 et se confondra avec le plan tangent, 
quand on aura simultanément rt—$ = 0, etr +1 — 0, ce qui suppose 
séparément r= 0,s—0,1— 0. 

On peut aussi arriver à la même conclusion d’une autre manière. Soit 
3 la distance du plan tangent à un deuxième plan parallèle, celui-ci aura 


pour équation 
(Pl... . Z—2z—plx —x)+q(Y—y) +dVA+p +9; 


et si nous éliminons Z entre cette équation et celle du paraboloïde oscula- 


teur (2), nous aurons 
D RERO 4 Jeep +g =r(X—x) + 25(X—x) (Y—y) + 4(Y—y), 


équation qui représente la projection sur le plan des XY de la ligne d'inter- 
section du plan (P) et du paraboloïde (2). Or, suivant que cette ligne 
sera une ellipse, une hyperbole ou un système de deux droites, le para- 
boloïde osculateur sera elliptique, hyperbolique ou cylindrique : on est 
donc ainsi ramené à l'énoncé précédent. 

Si l’on suppose X et Y infiniment peu différents de x et y, d sera un infi- 
niment petit du deuxième ordre, et l'équation (P) représentera la projection 
sur le plan des XY de l’indicatrice, ou cette courbe elle-même si l'on sup- 
pose le plan des XY parallèle au plan tangent. 

5. En joignant aux propriétés de l’indicatrice les valeurs des rayons de 
courbure, on détermine facilement la forme de la surface proposée tout au- 
tour du point quelconque M. Mais on parvient au même résultat par le 
seul paraboloïde osculateur, et, au moyen des sections planes de cette 
surface on peut déterminer le sens précis de la courbure de chaque portion 
de la surface proposée, détermination qui nous est nécessaire pour la défi- 
nition des points et lignes d’inflexion, et qu'on ne peut effectuer en géné- 
ral par les rayons de courbure, attendu que leurs valeurs sont affectées 
d'un radical commun dont le signe ambigu ne permet pas de distinguer 
le sens absolu de la courbure des sections principales. 


SINGULIERS DES SURFACES. 


1 


Examinons successivement les trois hypothèses : 
rt ss >0, rt—s LO0, rt—s — 0. 


Le Soitrt— s > 0. Le paraboloïde osculateur est elliptique, et, par 
conséquent, se trouve, ainsi que la surface proposée elle-même, entière- 
ment situé d’un même côté du plan tangent commun tout autour et dans 
le voisinage du point M. Donc les courbures de toutes les sections planes de la 
surface, et par suite de la surface elle-même, sont dirigées dans le même sens au 
point M : reste à distinguer si c’est du côté des 2 positives ou du côte 
des z négatives. Or, le paraboloïde (2) a son axe parallèle aux ordon- 
nées z, et l’on sait que si l’on coupe un paraboloïde elliptique par un plan 
parallèle à l'axe, la courbe d’intersection est une parabole dont la conca- 
vité est toujours tournée dans le même sens que celle de la surface. Soit 
donc fait Y — y dans l'équation (2), on aura l'intersection du paraboloïde 
osculateur par un plan parallèle au plan des xx et passant par le point M. 
L'équation de cette section sera 


NO 


Cette parabole ayant son paramètre égal a :, on voit que : la surface 
proposée tourne, tout autour du point M, sa concavité du côté des z positives ou 
bien du côté des négatives suivant que l'on a x > O ou bien r < 0. D'ailleurs 
la relation rt—s? > 0 exige que r et 1 soient de même signe, et, par 
conséquent, le signe de r et celui de { sont également propres à donner 
le sens de la courbure de la surface tout autour du point que l'on con- 
sidère. 

6. 2. Supposons r— s? < 0. Le paraboloïde osculateur est hyperbo- 


lique, et, par conséquent, il coupe, ainsi que la surface proposée elle- 


8 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


même, le plan tangent commun mené par le point M. La surface a donc sa 
courbure tournée partie dans un sens, partie dans le sens opposé. Pour 
déterminer les limites de ces deux parties à courbure de sens contraire, 
je coupe le paraboloïde par un plan perpendiculaire au plan des XY, et 
passant par le point M. Ce plan a pour équation 


V7 — 2(X 
et l'intersection cherchée se projette sur le plan des zy suivant la courbe 


(X—x) 
en — 


L—2z—(p+aq) (X—x) + (r + as + 14°) 


Par conséquent, cette section se confondra successivement avec cha- 
cune des deux droites génératrices du paraboloïde passant en M (fig. 1), 
lorsque l’on attribuera à + l’une ou l’autre des deux valeurs qui satisfont 
à l'équation 


sEVs— rt (— CA 


CA Os +: —0, où — si 
l | Can 


I 


D’après cela, si l'on construit sur le plan des æy, les deux droites 


(D). 


et que par ces deux droites on conçoive menés deux plans perpendicu- 
laires à celui des xy, on divisera la surface proposée en quatre régions, 
dont deux opposées seront au-dessus et les deux autres au-dessous du plan 
tangent, au moins pour tous les points assez voisins de M. 

Pour distinguer ces régions , je cherche la section du paraboloïde oscu- 
lateur par un plan parallèle au plan des xz, ce qui me donne l'équation 


2 o 2 
ne na pr 2 


SINGULIERS DES SURFACES. 9 


laquelle représente une parabole ayant : pour demi-paramètre. Donc 
si l'on a r > 0, la surface proposée tourne sa concavité du côté des 
positives dans les deux régions DM'D’, dM'd' et du côté des 3 négatives 
dans les deux autres : ce sera le contraire si l’on a r < 0. 

Il est bon de remarquer que les deux droites (D) ne sont autres que 
les asymptotes de la projection de l’indicatrice sur le plan des xy. 

7. 5. Soit enfin rt —s — 0 : le paraboloïde osculateur dégénère en 
un cylindre parabolique qui a toute une génératrice située dans le plan 
tangent et qui, du reste, est entièrement situé d’un même côté de ce plan. 
Par conséquent, la surface proposée elle-même tourne sa concavité dans le 
même sens tout autour du point M; seulement la courbure est nulle sui- 
vant la direction de la génératrice du cylindre osculateur, dont la pro- 
jection sur le plan des xy a pour équation 


Y— y = — = (X— ). 


Supposons d’abord r différent de zéro : en faisant comme au numéro précé- 
dent, Y — y dans l'équation du cylindre osculateur, j'obtiendrai la section 
parabolique (k) qui tournera, ainsi que la surface elle-même, sa conca- 
vité du côté des z positives si l’on a r > 0, et du côté des x négatives 
si » < 0. Dans le cas où l’on trouverait r — 0, il en résulterait s — 0, et, 
par suite, L étant nécessairement SUpposé différent de zéro, la section para- 
bolique (k) se réduirait à la génératrice du cylindre osculateur. Mais alors, 
en coupant celui-ci par un plan parallèle an plan des yz, on verrait que 
le signe de & détermine pareillement le sens de la courbure de la surface 
proposée. 

Si l’on avait à la fois r = 0, s— 0, 1— 0, pour un certain point M de 
la surface proposée, le plan tangent en ce point osculerait complétement la 
surface. On sait que dans ce cas les deux courbures principales sont 
nulles. On pourrait toutefois déterminer la forme de la surface dans le 
voisinage du point M par le moyen d’une surface paraboloïdale de degré 
supérieur au deuxième et ayant, avec la proposée, un contact d'un ordre 

Towe XXI. 2 


10 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


marqué par son degré. Mais nous ne faisons qu'indiquer ici cette méthode, 
parce qu’elle sort de l’objet principal que nous avons en vue. 

8. Supposons actuellement que le plan tangent à une surface se déplace 
successivement de manière que le point de tangence M parcoure une cer- 
taine ligne tracée arbitrairement sur la surface. Il pourra arriver que 
celle-ci, d'abord entièrement située d’un même côté du plan tangent, se 
trouve ensuite partie du même côté et partie de côté opposé. IL y aura 
donc alors un certain point intermédiaire M, où la courbure d’une partie 
de la surface changera de sens, celle de l’autre partie n'ayant point changé: 
Nous nommerons tout point tel que M un POINT D'INFLEXION PARTIELLE, et S'l y a 
une ligne de la surface dont les divers points jouissent de la même propriété, ce sera 
pour nous UNE LIGNE D'INFLEXION PARTIELLE. 

9. Cela posé, admettons que pour la surface donnée, la quantité 
rt—s? soit généralement une fonction continue des trois variables x, y, z. 
S'il y a inflexion partielle en un certain point M, il faut qu’en deux points | 
voisins, situés dans les deux parties de la surface à courbure différente, 
les deux paraboloïdes osculateurs soient lun elliptique et l'autre hyper- 
bolique, et que, par conséquent, la fonction rt —s?, d’abord d'un certain 
signe, devienne ensuite d’un signe contraire. Or, pour changer de signe, 
il faut que cette fonction passe par zéro ou par l'infini. Donc : Tout point 
d’inflexion partielle d'une surface F(x, y, z) = 0 doit vérifier par ses coordonnées 
l'une ou l'autre des deux équations rt—s? = O ou rt—s?= æ. 

Mais la réciproque n’est pas vraie; car pour qu'un point, dont les coor- 
données satisfont à l’une de ces deux équations, soit un point d’inflexion 
partielle de la surface proposée, il faut d’abord que ce point soit situé sur 
la surface elle-même, et qu’en outre, pour deux points très-voisins du 
premier, et convenablement placés sur la surface, la fonction rt — 52? 
prenne deux valeurs de signe contraire. 

D'après cela, pour déterminer les points ou lignes d’inflexion partielle 
d’une surface donnée (1) F (x,y,2) — 0, on formera la fonction 


SINGULIERS DES SURFACES. 11 


et l'on posera les deux équations 
(x.y, 2) —10,, ÿ(x, y) — 0; 


si elles sont l'une et l’autre incompatibles avec l'équation (1), la surface 
n'admet aancun point d'inflexion partielle. Mais si l’une d’elles, par exem- 
ple, est compatible avec (1), le système de ces deux équations représentera 
généralement une certaine ligne (pouvant se réduire à un point unique) qui 
divisera généralement la surface en deux régions : si les coordonnées de 
deux points très-voisins, et situés sur chacune de ces deux régions, 
donnent pour la fonction rt—s? des résultats de signe contraire, la ligne 
ou le point ainsi déterminé sera une ligne ou un point d’inflexion partielle. 
Si au contraire, la fonction rt—s? reste de même signe pour tous les 
points voisins de ceux où elle devient nulle ou infinie, ceux-ci ne pré- 
sentent plus les caractères de l’inflexion partielle; mais ils peuvent offrir 
ceux d’une autre espèce d’inflexion que nous allons chercher à définir. 

10. Concevons le paraboloïde osculateur en un certain point m d’une 
surface et admettons que le point d’osculation se déplace en suivant une 
ligne tracée comme on voudra sur la surface proposée, il pourra arriver 
que, dans le passage d’un point m à un autre m', toutes les courbures du 
paraboloïde osculateur soient devenues de sens contraire, celui-ci étant 
toujours de la même espèce. Alors il existe nécessairement un point M 
intermédiaire, où toutes les courbures de la surface proposée changent 
de sens à la fois, de telle sorte que si, d’un côté, elles sont entièrement de 
même sens ou bien partie d’un sens et partie de sens contraire, de l’autre 
côté, elles sont, après le changement, encore entièrement de même sens 
ou bien encore partie d’un sens et partie de sens contraire. Nous nomme- 
rons un point de celte espèce UN POINT D'INFLEXION COMPLÈTE et, s'il y a une ligne 
de la surface dont tous les points jouissent de la même propriété, nous l'appellerons 
UNE LIGNE D'INFLEXION COMPLÈTE. 

11. D’après cela, considérons un point d’inflexion complète; pour un 
point voisin on aura rt—s? >0 ou bien r—$2< 0, r et { ayant même signe 
dans le premier cas et même signe ou signe centraire dans le deuxième. Pour 


12 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


… 


un autre point aussi très-voisin, Mais situé dans Ja partie de la surface dont 
la courbure est de sens contraire, on aura encore rs? © 0 ou r—s$< 0; 
seulement r et t auront en même temps changé de signe. Donc, quand on 
passera du premier au deuxième de ces points, il y en aura un intermédiaire 
pour lequel les quantités » et 1, supposées des fonctions continues des va- 
riables æ, y, + deviendront en même temps égales à zéro ou à l'infini. 

Par conséquent, pour déterminer les lignes ou points d'inflexion com- , 
plète d’une surface donnée, on poserales deux équationsr —0, r— que 
l’on joindra successivement à chacune des deux autres t = 0, 1 — c . On 
obtiendra ainsi divers systèmes, chacun de deux équations , représentant, 
par conséquent, une ligne qui devra appartenir à la surface proposée, ou 
tout au moins la rencontrer en un ou plusieurs points. Il faudra, en outre, 
que r et t changent de signe en passant par zéro où par l'infim et que la 
fonction rt—# reste constamment de même signe pour des points de la 
surface aussi voisins que l’on voudra de ceux que l’on considère. Nous 
ajouterons encore que les différentielles partielles du premier ordre p et q 
ne doivent pas en même temps changer de signe en passant par zéro ou 
par l'infini, car alors il y aurait bien changement de sens dans la courbure 
de la surface, mais le point obtenu serait un point limite dépendant de la 
position des plans coordonnés et non un véritable point d’inflexion. 

12. Appliquons cette théorie des points d’inflexion à quelques exem- 
ples. Soit d’abord la surface de révolution représentée par l'équation 


(Arme ran cures Ex, ms) = lait 10; 


dont Ja section par le plan des zx a visiblement l'une ou l'autre des trois 
formes (fig. 2), (1), (2), (3), suivant que l’on suppose a > 0, a— 0, a < 0. 
On déduit de équation (1) 


; se $ 9zp — 5x — 2ax = Ù 
Pour les équations différentielles du premier ordre, F 


( 2zq + 2y = 0. 
27 + p°—5x — a—=0 


Et pour celles du deuxième . zs + pq —= 0 


7. 


ät + q +1—=0: 


SINGULIERS DES SURFACES. 15 


Au moyen de ces équations on obtient aisément 


4(y° +3) (3x+a) — (5x +2ax) x (5x + Âa) 


rs — = — — : 
4z5 A4z6 


Pour obtenir les points d’inflexion partielle, il faut poser successivement 
rl—$2— æ et rt—s2— 0. La première de ces conditions donne 2 —0, 
ce qui réduit la surface (1) à l'équation y? —a$— ax? — Ô, qui représente 
l'intersection de la surface par le plan des xy. Mais en passant par lin- 
fini, la fonction rt —? ne change visiblement pas de signe, et, par consé- 
quent, on n'obtient ainsi aucun point d’inflexion partielle. 

On rendra rt — s? — 0 si l’on pose à (5x + 4a)— 0, équation qui se dé- 
compose dans les deux autres 4 —0,2— — a. 

A la première correspondent, eu égard à l'équation (1), y — 0, :— 0, ce 
qui donne l’origine des coordonnées. En effet, dans le cas de a > 0, la 
fonction rt— s? change de signe avec æ, et l'origine est un simple point d'in- 
flexion partielle. Le paraboloïde osculateur est elliptique dans toute la por- 
tion de surface DO et hyperbolique dans la partie AOA’. Quand on sup- 
pose a—0 ou bien a < 0, l'origine est un point singulier d’une autre 
espèce, ainsi que nous le verrons ci-après. 

Quant à la deuxième solution x = — Æ, elle est incompatible avec l'é- 
quation (1) dans le cas de a > 0 et donne de nouveau l'origine si a — 0. 
Mais si l'on suppose a < 0, la fonction rt — s s’annule et change de signe 
en passant par Zéro pour æ — — 3 et d’ailleurs cette valeur de +, sub- 
stituée dans l'équation (1) donne 2 + ? — — _ + Ainsi le cercle MM’, 
dont le plan perpendiculaire à l'axe des x coupe cet axe à une distance 
OP = — L , est une ligne d’inflexion partielle. Le paraboloïde osculateur est 
elliptique dans la portion de surface MCM! et hyperbolique dans la partie 
AMM'A'. 

Cette même surface n’a aucun point d’inflexion complète, car on trouve 
pour r et 1 les valeurs 
4z'(a+- 5x) — (2ax +5x }? Y$ + Z 


——. = y 2T: 


42 Ê 35 


RE — 


14 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


qui, à la vérité, changent de signe en passant par l'infini pour : = 0. Mais 
en même temps les valeurs de p et q, qui sont 


3x° + 2ax y 
P Du Æ 


9z 
2z 


deviennent infinies et changent aussi de signe avec z. C’est qu'en efet 
tous les points de la surface pour lesquels on a 2— 0 appartiennent à la 
ligne d’intersection par le plan des y et sont des points limites. 

15. Soit, en second lieu, la surface qui a pour équation 


CS Loncere F(x,y,2z)—=2% + xy —zx—= 0: 


On en déduit les équations différentielles 
52°p + y —1—0 
Du premier ordre . D ui e OR 
32°r + 6zp° — 0 
Et celles du deuxième. . . . . . + . : . . { 3z°s + G6zpq + 2y —0 
5z't + 62° + 2x — 0. 


On en déduit facilement 


Lt __ 2xy 
TL ose 
2(1—y) 1 2xy(1— y") soi 6x° + 2x°y° 
ET ER EE 925 VAL 925 : 
et, par suite, 
; 4 
Dry he Là 9774 


On voit que si l'on pose 2 — 0 avec x —0 et y quelconque, les valeurs 
de r et 1 deviennent la première infinie et la deuxième nulle en changeant 
de signe avec z. D'ailleurs p reste constamment de même signe ainsi que 
la fonction r—$. Par conséquent, l'axe des y est une ligne d’inflexion 
complète. Elle partage la surface en deux nappes, telles que toutes les cour- 
bures qui sont de même sens en chaque point deviennent de sens contraire 
toutes à la fois quand on passe de l’une à l’autre des deux nappes. 


SINGULIERS DES SURFACES. 15 


4. Soit enfin la surface représentée par l'équation 
CE CR RE Te me 2) = 7 Eur — 0; 


On en déduit pour les équations différentielles 


32° )p—1 —0 

DRINTÉMET ORALE. eu 0e CN ee le P 
32° +Yy")q+2zy —=0 
et =) 


Et du deuxième ?)s +6zpq+ 2py—0 


IE, er CRE 


*)t+ 6zq° + 4qy + 2z—0; 


d'où résultent les valeurs suivantes : 


1 2zy 
BG et ji DE 
67 6z°y— 28 ; 6z(y—92y°z° — 324) 
T=— ————, 5 — — É 
Gr +y (57 +y} (Gr +y) 
et enfin 


Nous voyons d’abord que la fonction rt—s? s’annule si l’on pose 32 — #2. 
tandis qu’elle est positive pour tous les points de la surface où l’on a 
32? > y? et devient négative pour tous ceux qui donnent 52 < y°. Par 
conséquent, si l’on trace sur le plan des zy les deux droites qui ont pour 
équations y — + : V5, et que par ces deux droites on mène des plans 
perpendiculaires au plan des yz, les intersections, de la surface (1) par ces 
deux plans, seront deux lignes d’inflexion partielle. 

Si nous faisons 2= 0, æ — 0, l'équation (1) sera vérifiée, quel que soit 
y. Mais alors les valeurs de r ett s’annulent et changent l’une et l’autre 
de signe avec z, car on peut supposer z assez petit pour que l’on ait 
ÿ— 2% 2 —5 # > 0, y étant supposé recevoir une valeur fixe. Dans le 
même cas, p ne change pas de signe, et la fonction r—s? reste négative 
pour des valeurs de z assez petites, soit positives, soit négatives. Donc, 
l'axe des y est une ligne d’inflexion complète. 


16 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


Pour nous former une idée de la forme de cette surface, supposons 
qu'on la projette sur le plan des xy (fig. 5); les deux lignes d'inflexion par- 
tielle se projetteront suivant deux courbes aoa et bob” dont les équations 
ÿ— + 5x V5 sobtiennent en faisantz = + r- y dans l'équation (1). 
En chaque point de la surface qui se projette dans les deux parties de plan 
aob eta'ob', toutes les courbures sont de même sens, tandis qu'en tous ceux 
dont les projections tombent en aob' et en boa’, elles sont partie d’un sens 
et partie de sens contraire. De plus, si l'on considère deux points » et m; 
symétriquement placés par rapport à l'axe des y, les asymptotes de la pro- 
jection de l'indicatrice en chacun de ces points auront des positions telles 
que Dd, Ce et Dd,, Cc;. Quant aux régions de la surface dont la courbure 
est de même sens, celles, par exemple, dont la concavité est tournée du 
côté des z positives correspondent pour le point m aux angles Dmc, dmQ 
et pour le point m, aux angles Dm,C, dim,c, qui sont dans une position 
inverse des premières, par rapport à la droite Y y'. 

15. Lorsque plusieurs nappes d’une même surface viennent passer par 
un certain point, on a généralement un point multiple, et nous nommerons 
ligne multiple toute ligne dont les divers points jouissent de la même pro- 
priété. Nous distinguerons plusieurs sortes de points et de lignes mul- 
tiples, suivant la forme et la position des nappes de la surface dans le voi- 
sinage de ces points. 

Si deux ou plusieurs nappes se coupent suivant une même ligne, admet- 
tant chacune un plan tangent distinct en chaque point de la ligne com- 
mune, nous aurons une ligne multiple proprement dite. 

Il peut se faire que deux ou plusieurs nappes d’une même surface, qui 
viennent passer par une ligne commune, ne s'étendent que d’un certain 
côté de cette ligne, et soient limitées du côté opposé. Dans ce cas, la ligne 
multiple sera dite une ligne de rebroussement. 

On conçoit pareillement que plusieurs nappes d’une même surface, qui 
se coupent ou se touchent en un point ou suivant tous les points d’une 
certaine ligne, soient imaginaires pour tous les points non communs. On 
a alors un point conjugué ou bien une ligne conjuguée, qui peuvent être isolés 
du reste de la surface, ou appartenir à une autre nappe réelle. 


SINGULIERS DES SURFACES. 17 


Lorsque deux nappes d’une même surface seront séparées par un point 
unique commun aux deux nappes, comme le sommet d’un cône, par exem- 
ple, nous donnerons à ce point le nom de point de jonction. 

Il pourra arriver que l’une des deux nappes de la surface devienne 
imaginaire , ainsi que cela aurait lieu, par exemple, pour une surface de 
révolution engendrée par une courbe plane ayant un point de rebrousse- 
ment et tournant autour de sa tangente en ce point : nous nommerons les 
points de cette espèce des points saillants. 

16. Nous pourrions considérer encore plusieurs points et lignes des 
surfaces qui rentrent dans la définition que nous avons donnée des points 
singuliers. Tels sont entre autres les points ombilicaux, les lignes des courbures 
sphériques, etc., mais tous les traités donnent le moyen de les obtenir, et 
d’ailleurs nous n'avons en vue dans ce mémoire que les lignes et points 
singuliers qui correspondent aux points singuliers des courbes planes, 
et peuvent se trouver par des méthodes analogues. Or, les méthodes par 
lesquelles on détermine les points singuliers des courbes, autres que les 
points d’inflexion, ne s'appliquent en général qu'aux seules courbes algé- 
briques. Nous supposerons pareillement dans tout ce qui va suivre que 
l'équation de la surface proposée sera constamment algébrique, entière et 
rationnelle par rapport aux trois variables x, y, :, ou pourra être ramenée 
à cette forme. 

17. Cela posé, commençons par démontrer le théorème fondamental 
suivant : Les coordonnées de tout point singulier, appartenant à l'une quelconque 
des espèces que nous avons définies au n° 15, satisfont simultanément aux trois 


équations 


En effet, soit un point M dont les coordonnées x;, y, 2, vérifient l’équa- 
tion de la surface proposée; si nous transportons l’origine des coordonnées 
en ce point, et que pour cela nous posions 


T2 +EË, y=Y +, 5=83, +6); 


[+ | 


Tome XXI. 


(2). 


aF 


— bi 4 + > à 2 "| 
dx,” dy, dz, Fa 9 |dri dyi 


18 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


l'équation de la surface deviendra : 


x à LEE 2p ] 2 2r 
dE MU TSF UE GP APR NN NRE 


& 


et nous savons qu'en posant l'équation 


menti nu di E + 4 + ë + 0 


nous avons le plan tangent à la surface au point M, pris actuellement 
pour origine des coordonnées. Concevons en outre une sphère décrite du 
point M comme centre, avec un rayon r que nous pourrons supposer aussi 
petit que nous voudrons; si nous nommons &, 6, y, les angles formés avec 
les trois axes de coordonnées par le rayon mené du centre en un certain 


point m de la sphère, nous aurons, en désignant par £, », 6, les coordonnées 
dem,£—7rcos.«,n—7c0s.6, 6= rcos.y, et pour que le point m soit com- 


mun à la surface et à la sphère, il faut, et il suffit que les valeurs pré- 


cédentes de £, », € satisfassent à l'équation (2). 


Or, nommons d la distance du point m» au plan tangent, nous avons 


en posant 


f'Tdë V2 [dF\?  fdF \: 
R— — EE 
V El # a Eu 


D'ailleurs, si nous nommons 9 l’angle du rayon r avec sa projection 


sur le plan tangent, nous avons d— r sin. 9; d’où résulte 


(100 dE dr j 
ne dde 


et par suite l'équation (2) peut être mise sous la forme 


(5) . Mr: € APE 0) CAO ECO rt AE) 


SINGULIERS DES SURFACES. 19 


s représentant une fonction réelle qui ne peut être infinie, au moins pour 
des valeurs de Ë, n, & très-petites. Cela posé, pour tout point » commun 
à la surface et à la sphère, l'équation (5) sera satisfaite, et réciproquement. 
Or, le premier membre de cette équation sera toujours de même signe 
que rhR sin. 4, puisque r est supposé aussi petit que l'on veut positif, et 
que 9 n’est pas infini. Supposons donc que par le point M on fasse passer 
un plan normal quelconque, ce plan coupera le plan tangent suivant une 
droite TT’, et la sphère suivant un grand cercle MTT’ (fig. 4.) Soit 9 un 
angle aussi petit que l’on voudra, et donnons à 9 les valeurs 


Pro 0 7 0 Nr EU0| 27 — 0,, etc., 


la dernière valeur ramenant au même point de la circonférence que la 
première. Or, pour chacune de ces valeurs le premier terme de (5) 
devient 


rR sin. 9,, rRsin.(r—0,) rRsin.(7+84,) rR sin. (27—0,), 


et pour tous les points de la circonférence compris entre &, et r—@, 
rR sin. 5 est évidemment positif, tandis que cette même quantité est con- 
stamment négative pour tous les points correspondant aux valeurs de 9 
comprises entre 7 + 8, et 27—6,. Donc, le premier membre de l'équation 
(3) d’abord positif devient ensuite négatif, et, comme il ne peut devenir 
infini , il passe nécessairement par zéro une ou plusieurs fois entre les points 
qui correspondent aux valeurs de 0, 4, et 2r—0,, puis r—0, et rx +0. 
Je dis, de plus, que cette même fonction ne s’annule qu’une seule fois entre 
chacune de ces deux limites, car en la différentiant par rapport à la varia- 
ble 6, on trouve 


d; 
r [R cos. 0 + 7 — |, 
d5 


: . d , . . . m 
et, d’après la nature de la fonction », _. n’est point infini. C’est donc encore 


R cos. 6 qui donne son signe à cette nouvelle fonction. Or, cos. 4 est con- 


20 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


stamment positif pour toute valeur de 9 comprise entre & et 2r— 0, et 
constamment négatif pour toute valeur de 8 comprise entre x —6, et 
r—+ 0. Donc, l'équation (5) n’a qu'une seule racine comprise entre 6, et 
2r—0, et une seule entre r— 8, et x + 8. Ainsi, toutes les fois que R 
n’est pas nul, la surface proposée ne rencontre le cercle MTT’ qu'en deux 
points infiniment voisins du plan tangent. Le même raisonnement s’ap- 
plique à toute section de la sphère M par un plan normal à la surface 
proposée, et, par conséquent, tout autour de ce point il existe une seule nappe 
de surface, dont les divers points, suffisamment rapprochés de M, sont infiniment 
voisins du plan tangent, et situés, ou bien tous d’un même côté, ou bien partie d'un 
côté et partie du côté opposé de ce plan. Donc enfin , pour que le point M puisse 
offrir quelqu'un des caractères de singularité que nous avons définis au 
n° 15, il faut que les coordonnées de ce point satisfassent à l'équation 
R— 0 qui se décompose dans les trois suivantes : 


Mais il ne suffit pas que les coordonnées d’un point vérifient ces trois 
équations pour que ce point soit singulier; car il pourrait se faire que ce 
point n’appartint pas même à la surface proposée. 

18. D’après cela, pour reconnaitre si une surface représentée par l’é- 
quation 


CR LR re Dir vs) D: 


que nous supposons algébrique, entière et rationnelle par rapport à 
chacune des trois variables x, y, z, admet des points singuliers autres que 
ceux d’inflexion, nous poserons les trois équations 


OR En (At) 
(A) a) , (a 


SINGULIERS DES SURFACES. 21 


qui pourront être incompatibles, admettre un nombre limité de solutions 
communes, ou en admettre une infinité, l’une d'elles, par exemple, étant 
la conséquence des deux autres. 

Dans le premier cas, la surface proposée n’admettra aucun point singu- 
lier de l'espèce que nous avons en vue. Telles sont, par exemple, visible- 
ment toutes les surfaces paraboloïdales dont l'équation est de la forme gé- 
nérale 


3 — À + Br + Cy + Dr’ + Ey° + Fay + Gr + ...... + Ly”. 


La même conclusion s'applique aux cas où les trois équations (À) ad- 
mettent un nombre, soit limité, soit infini, de solutions communes dont 
aucune ne vérifie l'équation (1). C’est ce qui a généralement lieu pour les 
surfaces du deuxième ordre dont nous avons cité l'équation générale au 
n° 4. On déduit en effet de cette équation : 


dF : 
— —92{(Ax + By + B'z + C ) —0 
dr 
dE 
— —92(Ay + B'x + Bs + C) —0 
dy 
[ 
dr . 
Fr — 9(4"5 + Br + By + C)—0, 


et l'on sait que ces trois équations, quand elles sont compatibles , déter- 
minent le centre, qui n’est jamais un point de la surface, à moins que 
celle-ci ne soit un cône, un plan, ou un système de deux plans qui se cou- 
pent. 

Il est bon d'observer encore que la surface proposée ne peut admettre 
de ligne singulière (de espèce que nous avons en vue), qu'autant que les 
équations (À) se réduisent à une ou au plus à deux équations distinctes. Au- 
trement elle ne peut avoir que des points singuliers isolés. 

19. Supposons actuellement qu’en différentiant l'équation (1) succes- 
sivement par rapport à æ et à y, on ait formé les équations différentielles 


22 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


des divers ordres : 


dF  dF 
— +— p—=0 

(2). dx dz 
dF dë 
— +—q—=0 
dy F4 
dF SE NS PER LPO 
— +9 - p+ D+—T—= 
dx° ärds | d 17 ds 

(5) dE æF dE dE BRAS 

. - + =— + + $=—= 
dxdy hi dydz P dxdz 1 ds" pq dz 
dF dr de SIN arQUE 
PONT PEN PTE LETTONIE 
+ TA Ten ARE de dF de 
— - +3 - He - - r = 
| ds ° deds) dre dsl °\ards RP)! rer 
ŒE , ®&F dE. y 2 o © dE dE «F 
— D ——— — PE + — p' —|7r 
dedy dedyds + ayds ? Ÿ\ards * © ddr? ass? + ÉÆ % =) É 
à 2 dE ) dF s 
+2 = S — 0 — 
dxdz È d AE = ir 

Œ À a BE . es Ci dE | e dF 
——— + 2 + + + 2 — q°]p+ NS 
drdy” drdydz Ÿ* dads ? * \ayaz dass 1 qe Ja mL 


DU 1) 


dr d'E dr 
2 + g\si— 
dyds ds” dz 
dE &E dr dE dr d'F dE 
= + D —— +3 — — +3 t 
dy dy°dz dydz dydz ds? 


gr 


Soit x, y, , un système de valeurs qui, déduit des équations À satis- 
fait à l'équation (1), il s’agit de reconnaître si le point M de la surface ainsi 
déterminé est un point singulier et à quelle espèce il appartient. Pour cela, 
je substitue +, y, à æ y dans les équations différentielles du deuxième 


SINGULIERS DES SURFACES. 25 


ordre, qui, eu égard aux équations (À), deviennent 


dF dE d'E 
9 2 —0 
(8) dx * dr,ds,? d dz ! 
ŒF d'E d'F d'F 
B). Re ne. 
RU Ep En ma PO 
Pre ŒF SEE 
() dl" de pr 


Nous avons maintenant plusieurs cas à examiner suivant que ces trois 
équations seront incompatibles ou bien donneront pour p et q des valeurs 
réelles égales ou inégales, ou bien des valeurs imaginaires. 

20. Les trois équations (B) seront incompatibles, si en éliminant p et q 
entre elles, on parvient à une équation qui ne soit pas identique. Or, l’éli- 
mination de qentre (b,) et (b,) conduit à une équation qu'on peut écrire 
sous la forme suivante : 


.dF ë d'F = dF d'F la dE | d'F d'FvyMd?FMI\E 
p 3° Es dx,dz, dy ds,° dy,dz, “ dy” En Le ds” al 


dr d'E d'E 
— 2 = à —— — — () 
dæ,dy, dy,ds, dr,dz, 9 


et si l’on élimine p entre celle-ci et (b), l'on a : 


| d'F | | d'F | d’'F ( dr | dF dE. d'F 
_ dr dy,dz, dx ,dz, ds,” éd: dr dy” ds 


°ÿ 7 dx,dy, 1 1 
d'F d'E d’'F 


4 FE — = 0 
d&,dy, dyds, dxdz, 


Par conséquent, si l’on n’a pas entre les coordonnées x, y, 4 du point 
M la relation identique D —0, les équations (B) sont incompatibles, et il 
s’agit de démontrer que le point M ne peut être qu'un point conjugué ou 
bien un point de jonction et d'établir un caractère de distinction entre 
ces deux espèces de points singuliers. 

Or, d’après les hypothèses admises, l'équation (2) de la surface du n°17 


24 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


devient 
jet CRE dF à_E GE. OM | 
LUARRES PORTT “dr dy, dx ds," ‘ ” dyds,” 
1 {dE 
+5 14. ] + ete. = 0, 


et, si nous posons l'équation suivante : 


L HR EN ER te d'F UE Er +0 dF "+ 
(st sn de age" as FF ardy, TE ride, Faute,” * 


nous aurons le lieu des tangentes menées par le point M de la surface à 
toutes les courbes réelles ou imaginaires que l’on peut concevoir tracées 
sur la surface et passant par ce même point. (Voyez la note deuxième à la 
fin du mémoire). Mais l'équation (L) représente une variété des surfaces du 
deuxième ordre, et nous pouvons en déterminer l'espèce. Pour cela, for- 
mons l'équation connue du troisième degré : 


(Li) 


dr” dy = dr? ds” a+ dy” dz? 


dé dé ds 


d'F f dE | ( dF NE #0 
dr dy, drds,) — \aydz, D, OR 


D ayant la même signification que précédemment, et, par conséquent, 
étant supposé différent de zéro. Soient ?',X! 2/!", les trois racines de l’équa- 
tion (L;), nous savons qu’elles sont toutes les trois réelles et qu'aucune n’est 
nulle. On sait aussi qu'il existe un système unique d’axes de coordonnées 


Le dF d°F ) d'Fe d'F PEU GF Fo 1d7F 
33 — 2+ [ 


rectangulaires tels que si l’on y suppose rapportée l'équation (L,), elle sera 
de la forme : 


OR 7) 1. LAN ET A HUE NU ED 


et, par conséquent, cette surface ne peut être qu'un point unique ou bien un 
cône, suivant que les trois racines de l’équation(L;) seront de même signe 
ou que l’une d’elles sera de signe contraire aux deux autres. 


SINGULIERS DES SURFACES. 25 


21. Dans le premier cas, il est assez évident que le point M est un point 
conjugué de la surface donnée. On peut, du reste, le démontrer directement de 
la manière suivante. Concevons en effet que l’on rapporte l'équation de la 
surface donnée aux mêmes axes de coordonnées pour lesquels l'équation 
(L) prend la forme (L’); on sait que pour cela il suffirait de remplacer dans 
l'équation (f) &, , & par des fonctions linéaires de £’, }', £', et par conséquent, 
en désignant par F, (£, 7’, £’) le premier membre de cette équation, on 
aurait : 


RÉ HO) ERP MES) Er etc ee. 


tous les termes suivants étant au moins du troisième degré. Les trois va- 
leurs de } étant supposées de même signe, nous pouvons poser 


et admettre que c soit le plus petit des trois nombres a, b, c. 
Cela posé, pour un point quelconque m de la sphère de rayon r infini- 
ment petit, supposée rapportée aux mêmes axes, nous aurons 


, 


Ed=—=ITICOS-G:hUH— TU COS.  É— 1 COS: 


et pour les points communs à la surface et à la sphère il viendra 


Æ £r (a? cos. ?z + b° cos. ?6 + c' cos. *y) + 1%; — 0, 


# représentant une fonction qui ne peut devenir infinie, quelque valeur 
qu'on attribue aux angles , 6, 7. D'ailleurs, en vertu de la relation 
cos. 2 + cos. % + cos. ?} — 1, l'équation précédente devient 

HE Lyc? + (a — 0°) cos. x + (a°—b') cos. *e] + 1%: = 0, 
et l’on voit que cette équation est impossible, » étant supposé assez petit, 
quelque valeur qu’on attribue aux angles « et €. Car le premier membre a 
toujours même signe que son premier terme, lequel ne peut changer de 

Tome XXI. 4 


26 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


signe ni s'annuler, puisqu'il renferme Æ + r? multiplié par la somme de 
trois carrés, dont l'un au moins ne peut être nul. Donc tout autour du point 
M, la surface n'a aucun point commun avec la sphère de rayon r. Done, etc. 

22. Supposons en second lieu que l'équation (L) représente un cône, 
auquel cas l’une des valeurs de 2 étant de signe contraire aux deux autres, 
nous poserons 


N— CU ET ENEREE ICE 


et en raisonnant comme au numéro précédent, on verra que, pour tout point 
commun à la surface proposée et à la sphère auxiliaire, on aura l'équation 


Æ {7° [a cos. *2 + b° sin. a — (b° + c°) cos. °y] + r$? = 0. 


Si l’on pose «&? cos? + L? sin. 2 — (b? + €?) cos? — 0, on déduira de 
cette équation deux valeurs de l'angle y, +, — ; réelles, égales et de 
signe contraire pour chaque valeur attribuée à +, pourvu toutefois que 
, . Set . e 
l'on ait 4? cos.?4 + b? sin.?4 < b? + €? ou simplement cos. à < Va ce 

== 
qui est toujours possible en supposant, comme cela est permis, a > b. Ces 
deux valeurs + y,, —;, sont les angles que forment avec l'axe des + deux 
génératrices opposées du cône représenté par l'équation (L). Soit fait pour 
5 P P q 
abréger &? cos? + b? sin?x = H?, 62 + = K?, l'équation précédente 
devient 


F,= + {ir (H +K cos.y) (H—K cos. y) + r°y = 0. 


Supposons actuellement que, par les deux génératrices opposées qui 
correspondent à une certaine valeur de l'angle 4, nous menions un plan 
(fig. D); ce plan coupera la sphère de rayon » suivant un grand cercle 
A AA, À", Admettons, en outre, que nous donnions à l’angle y des valeurs 
croissant par degrés infiniment petits depuis y = 0, jusqu'à y — 560, il 
est évident que le premier terme de la fonction F, et par suite cette fonc- 
tion elle-même changera de signe pour certaines valeurs de y comprises 
entre ;—9 et 7; +9, entrer —»; —0,7—;, +0, ainsi qu'entre r + y; —4, 
r + 71+0,et enfin entre 27—;,—0, 2r—, + 0, et seulement pour ces 
valeurs, l'angle 9 étant d’ailleurs supposé aussi petit que l’on voudra, 


SINGULIERS DES SURFACES. 


19 
1 


(fig. 6). De plus on a 


: . see) F4 à : ' 
et l’on voit que la dérivée 7 > COnStamment de même signe que + sin. 2} 


ne peut s’annuler ni changer de signe pour aucune valeur de y comprise 
entre ces mêmes limites. Il résulte de là que F, s’'annule une seule fois 
pour chacune de ces valeurs, et par suite le rayon r de la sphère auxi- 
liaire étant supposé assez petit, tout grand cercle dont le plan passe par 
l'axe du cône coupe la surface proposée en quatre points, que l’on peut 
considérer comme infiniment rapprochés des génératrices du cône, situées 
dans ce même plan. Donc : le point M Est ux poInT DE JoNcr1oN tel que deux 
nappes de la surface viennent se terminer en ce point et sont roucRéEs par un dou- 
ble cône qui a ce même point pour sommet. 

En résumé : Soient x; y, Z, les coordonnées d’un certain point M qui, 
déduites des équations (A), satisfont aussi à l'équation de la surface (1) : On for- 
mera l'équation (L,) dont nous supposons le dernier terme D différent de zéro; si 
celte équation n’a que des variations ou que des permanences, le point M sera un 
point conjugué, tandis qu'il sera un point de jonction si cette même équation admet 
à la fois des permanences et des variations. 

25. Supposons actuellement que les coordonnées x, y, z du point M 
satisfassent à la relation D — 0, et prouvons que, dans ce cas, le premier 
membre de l'équation (L) peut toujours être décomposé en deux facteurs 
du premier degré de la forme 


E—pE— qqn, G—DPE— 4%, 
p, p'etq, q' étant les racines des équations (b) et (b,). En effet, j'identifie 
avec le premier membre de (L) le produit 
(É—AË—By) (ÿ—A'E— By)" (A+ A')E—(B+B)£- A'AË + (AB + BA) £y+ BB. 
ce qui fournit entre les quatre quantités A, A’, B et B' les cinq relations 


E— 3 NT AE PE move Es LEonppAr 
ds US nel “dyds, ds us ne | Dde:2 CHR 


28 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


et, par conséquent, il doit y avoir une équation de condition. Pour l’obte- 
nir, je substitue les valeurs précédentes dans l'identité 


(AB' + BA’) — (A+ A) (B-+-B') (AB/+ BA')+AA'(B-+B)" + BB'(A+ A) —4AABB —=0, 


. , . dE \3 
et je trouve, en chassant le dénominateur ) À 


d°F | F d’F | d’'F d°F EE 9 d’F d°F d’F 
Te 
d. 


dr,” dx,ds, dy, © dx dy, - dyds, dx dy, 
PES dE NrEE 
dr” dy * TES 


0, 


équation qui n’est autre que D — 0. D'ailleurs À et A! sont les racines de 


l'équation 
fee deg am din der) À 
ds,° es dx,ds, ro CRE 
et B, B’ celles de l'équation 
dF dF d’F 
B° —— + 92B si 0: 


ds°l l dydzs, Ldr? 


1 


lesquelles ne diffèrent des équations (b) et (b,) qu'en ce que A remplace p 
dans la première et B, q dans la deuxième. Donc, etc. 
24. Les équations (B) étant supposées compatibles et déterminées, 11 y 
a au moins l’une des trois quantités 
dF dF dF 


dx ®” dy*" ds; 


1 


, 


qui n’est pas nulle; nous pouvons toujours supposer que ce soit _ et, 
par conséquent, lorsque l’on a D —0, ou, qu’en d’autres termes, les trois 
équations (B) sont compatibles et déterminées, l'équation de la surface 
peut être mise sous la forme suivante : 


1 dF à EN A TATE 
LÉ PONEMRARTRESE (E—p5— q) (E=pE ge à | 


SINGULIERS DES SURFACES. 29 


et nous avons actuellement à examiner trois hypothèses suivant que les 
équations (b) et (b,) donneront pour p, p' et q, q' deux systèmes de valeurs 
réelles inégales, réelles égales ou bien imaginaires. 

25. Supposons d’abord que l’on ait deux systèmes distincts de valeurs 
réelles de p et q, en égalant à zéro le premier terme de l'équation (f), on 
aura deux plans 


(P,) = pE— qu O0 (P,) 6—pE—qy—0, 


qui seront tangents à la surface proposée au point M supposé pris pour 
origine des coordonnées. Je dis de plus que : 

Cette surface se compose de deux nappes qui se coupent au point M et s'étendent 
tout autour de ce point, avec ou sans inflexion, en restant chacune infiniment rap- 
prochée de son plan tangent, au moins pour tous les points assez voisins de M. 

En effet, soit d la distance d’un certain point m de la sphère auxiliaire 
de rayon r, au premier plan tangent (P), et d, la distance d’un autre point 
m, de la mème sphère au deuxième plan tangent (P,), on aura 


DT a, = TT. 
Vi+p + VAE Te 


Si nous nommons 9 l'angle du rayon om avec le plan (P) et 6’ celui de 
om, avec le plan (P')}, nous aurons 


d=7#rsin.9, et d —7rsin.\, 
et par suite 


£—pE—qg—=7rRsin.o et &-—-pE—qgy—=7rR sin. i, 


en posant 
R= VV 1+9p + el R=VA+p +". 


D'après cela, les points communs à la surface proposée et à la sphère 
auxiliaire seront donnés par les valeurs de 9 et 5° qui satisferont à 
l'équation 

1 dF 


— RR/r° sin. 6 sin, # +: = 0, 
2,d5,: . 


30 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


9 étant toujours une fonction réelle et finie, quelque valeur qu’on attribue 
aux angles 9 et 8’. Maintenant, en raisonnant exactement comme nous avons 
fait sur l'équation B du n° 17, on verra que le premier membre de 
l'équation précédente s'annule pour une valeur unique de 6 comprise entre 
9, et 2 7—6,, puis pour une deuxième valeur comprise entre r—6, et 
r + 6. Le même raisonnement s'applique à 8!, et le théorème se trouve 
ainsi complétement démontré. 

26. Admettons maintenant que les valeurs de p, déduites de l'équation 
(b) soient égales, que celles de q tirées de {b,) le soient pareillement, et 
introduisons les hypothèses p=p' et q = q' dans les formules précédentes, 
nous aurons pour tous les points communs à la surface proposée et à la 
sphère auxiliaire la relation 


= R°r° sin. 0 + ro — 0, 


On voit que pour toute valeur attribuée à l'angle 6, le premier terme 
de la fonction F, reste constamment de même signe et s’annule pour les 
valeurs de 8,9 — 0,6 — 7. Par conséquent, l'équation F, — 0 admettra 
un nombre pair ou nul de racines réelles comprises entre + 6, et 2: — 6, 


ainsi qu'entre 7 — 6, et r + 6,. D'ailleurs, on a 
Le NC ET , de 
D'ou y” sin. 20 + 7 FT 


et par suite l'équation n — 0 admet évidemment une seule racine com- 
prise entre 29, et 2x — 29, et une seule entre 7 — 26, et r + 26,. Done, 
l'équation F, — 0 aura deux racines ou bien n’en aura aucune comprises, 
soit entre + 9, et 2r — 8,, soit entre r— 8, et r + &, l'angle 6, étant 
toujours supposé aussi petit que l’on voudra. Il en résulte que : le point M 
appartient généralement à deux nappes de surface qui, ayant même plan tangent, 
admettent entre elles un contact du premier ordre. Ces deux nappes peuvent 
s'étendre en même temps lune et l’autre tout autour du point M, ou bien 
elles s'étendent l’une et l’autre seulement dans un sens et sont limitées 


SINGULIERS DES SURFACES. 51 


dans le sens opposé, auquel cas le point M est un point de rebroussement 
ou de jonction, ou appartient à une ligne de rebroussement; enfin, elles 
peuvent être en même temps limitées dans tous les sens, et alors le point 
M est un point conjugué ou fait partie d’une ligne conjuguée. Pour distin- 
guer ces différentes circonstances, le moyen qui nous semble le plus sim- 
ple, c’est de couper la surface par un plan quelconque mené par le point 
M et de discuter la courbe d'intersection. 

27. Supposons enfin que les équations (b) et (b,) donnent pour p et q 
des valeurs imaginaires, c’est que les deux plans représentés par l'équation 
(L) sont imaginaires, et, par conséquent, l'équation (L,) fournit pour à 
deux valeurs de même signe, la troisième étant nulle, puisqu'on suppose 


D — 0. Soient donc 


EUR 


DE, 


on sait que l’on peut donner aux axes de coordonnées une direction telle 
que l'équation (L), étant rapportée à ce système d’axes, devienne 


Par suite l'équation de la surface donnée, étant rapportée aux mêmes axes 
de coordonnées, sera de la forme 


F— + a" + by + 6 —0, 


® étant une fonction algébrique qui ne contient aucun terme de degré 
moindre que 5 et qui ne peut devenir infinie, au moins pour de très-petites 
valeurs de £’, ;/. 

Si maintenant, dans l'équation précédente, on fait 


E = y cos. x, Y—T C08..6, 


on aura, pour déterminer les points communs à la surface proposée et à 
la sphère de rayon infiniment petit x, la relation 


F— + r'(a7 cos. *x + b' cos, 6) + 79 = 0. 


32 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


Or, le premier terme de la fonction F,, qui donne toujours son signe à 
la fonction elle-même, » étant supposé infiniment petit, ne peut évidem- 
ment changer de signe, mais il s'annule pour les valeurs cos. « — 0, 
cos. € — 0. En substituant ces valeurs dans la relation cos. *x 4- cos. *€ 
+ cos. * = 1,ona cos.y = + 1, et par suite y = Oet;— 7. 

D'ailleurs, en remplaçant cos.* 6 par sa valeur, déduite de cette même 
relation, dans F',ona 


F'— —Æ r°[(a° — D) cos. *« + b° sin. °y] + re. 


Cela posé, pour toute valeur de l'angle « qui rendra cos. *« infiniment 
petit, on démontrera, comme au numéro précédent, que l'équation F'— 0 
ou bien n’admet aucune racine réelle, ou bien en a deux correspondan- 
tes à certaines valeurs de y comprises entre + >, et 27 — ;, ou entre 
r— et r +», ou bien deux correspondantes à ces deux premières 
limites et deux autres correspondantes aux secondes. Le point M sera donc 
un point conjugué, un point saillant ou un point de jonction. Dans ce der- 
nier cas, les deux nappes auront une simple droite pour tangente com- 
mune au lieu d’un cône comme au n° 22. 

En résumé : Lorsque les coordonnées x, y, z, du point M satisferont à la rela- 
tion D — 0, ou, qu'en d’autres termes, l'équation (L;) aura une de ses racines 
nulles, il pourra se faire que cette même équation ait ses deux autres racines diffé- 
rentes de zéro toutes deux de signes contraires ou de même signe , ou bien qu’elle 
n'admette qu'une seule racine différente de zéro; 

Dans le premier cas, il y aura deux plans tangents distincts et par suite deux 
nappes de surface se coupant et s'étendant chacune tout autour du point commun 
M, lequel appartiendra généralement alors à une ligne multiple proprement dite; 

Dans le deuxième cas, les deux plans tangents seront imaginaires , et le lieu des 
tangentes à la surface se réduira à une droite unique ; le point M pourra être un 
simple point conjugué, un point saillant ou un point de jonction. 

Enfin , si l'équation (L,) n'admet qu'une seule racine différente de zéro, il y aura 
généralement en M un plan tangent unique , et la surface pourra se réduire encore à 
un simple point conjugué ou bien offrir deux nappes tangentes entre elles et s'éten- 


SINGULIERS DES SURFACES. 33 


dant tout autour du point M, ou bien s'étendant seulement dans un sens et limitées 
dans le sens opposc. 

28. Passons à quelques applications. 

Pour la surface que nous avons considérée au n° 12 


Er, y, s)—= 2% y rar — "0, 


les points multiples sont donnés par les trois équations 


— —=— (5x + Va) — 0, — 9y = 0, — 95 — 0. 
dx 1e dy ds 


Ce système 2a + 5x = 0, y = 0, x — O0 est visiblement incompatible 
avec l'équation de la surface, à moins que l’on ne suppose a = 0; mais 
alors on a x — 0 et, par conséquent, il ne reste à considérer que le seul 
DUAPUeE 0 7 00 
Or, pour ces valeurs de x, y, :, on trouve 
d'F d'R d'F d°F d'F d'F 


2 =}; = (}} it}; 
drdz dydz dxdy 


— — — 2a, 


dx° dy.’ ds° 
et par suite l'équation (L,) du n° 20 devient 
23 — (4 — Ia) x° + (4 — Sa) à + Sa = 0. 


Si l’on suppose a < 0, cette équation n’a que des variations, et, par 
conséquent, l'origine est un point conjugué de la surface. 

Dans le cas de a > 0, l'équation précédente a toujours une perma- 
nence, et, par conséquent, l’origine est un point de jonction. 

Enfin, si l’on suppose a — 0, cette équation devient 


D — 4x + 4 — 0, 
et admet deux valeurs de à égales à 2. Pour achever de déterminer, dans 


ce cas, la forme de la surface dans le voisinage de l’origine, je fais dans 
Towe XXI. fs) 


54 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


l'équation F 
T—TCOS «, y—=7T 008.6, ECO, 


A 


ce qui me donne, pour déterminer les points communs à la surface et à 
la sphère de rayon r, 


r? (cos. x + cos. °€) — r? cos. 3x — 0, 
ou simplement 
sin. x —r cos. 2: — 0, 


équation qui admet deux, et seulement deux valeurs de l'angle « com- 
prises entre à, et 27 —4, #, étant aussi petit que l’on voudra, et cela quel 
que soit l'angle . Donc, la surface n’a qu’une seule nappe tangente à 
l'axe des + positives tout autour de cet axe, et l'origine est un point 
saillant. 


2° Soit la surface représentée par l'équation 


É< 


F(z,y,s)= ax + 28 + sy? — ax —0 


qu'on obtient en cherchant : le lieu des points de l'espace pour lesquels l'or- 
donnée z est à celle de la sphère correspondante aux deux mêmes abscisses x et y, 
comme l'abscisse x est au rayon de la sphère. 


Pour obtenir les points multiples, nous posons les trois équations 


lesquelles sont visiblement satisfaites par le système x — 0, :— 0 et y 
quelconque, système qui satisfait aussi à l'équation F— 0. D'ailleurs on 
trouve pour ces valeurs de x, y, = 


d’F 


d'F 0 d°F LT) dr dE 
ds? dy 


a, = _— à — 
daxdz 


Û, 


, 


, = 0 , == 
dz° dxdy dxdz 


et par suite l'équation (L,) devient simplement 2?— 4? — (, et donne les 


deux valeurs 1= +4, à = —4a, qui sont de signe contraire. Ainsi, l'axe 


SINGULIERS DES SURFACES. 55) 


des y est une ligne multiple suivant laquelle se coupent deux nappes distinctes de 


la surface. 
De plus, on a pour les équations différentielles du deuxième ordre 


de F 
Gr? + y — a + a°p° + a°zr — 0 
2ry + «pq + a°zs — 0 
a +ag +azt=0, 


qui deviennent, quand on y suppose x = 0, :— 0 et y quelconque, 


y —®# +ap —=0, apg—0, aq —0, 


gi —\ 0m avec. pi Æ V/" IEEE 
a 


ce qui détermine les deux plans tangents en un point quelconque de l'axe 


et donnent : 


des y. 
3° Considérons encore la surface suivante : 


F(2,9, 5) = (22) — (2 = 0. 


Nous en déduirons d’abord 


dF a RP dF s A CN D 
— —=— (5-2) —D(r—y), — —=5(2—yli, — —9(z— x), 
dx y dy 9) dz ( æ) 
équations qui sont vérifiées, ainsi que l'équation F elle-même, si nous 
posonsz= 2°, y— x. 
Or, on a généralement : 


d°F dF d’'F 
— —=4#x(z—x)—90(x—- y), ——= — 920(x —-y}, - = 2 
dx dy* ds 
dF d’F 
= 920 (2—yh, — = — 45(5—-2), ——=0, 


drdz drdz dydz 


36 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


et pour les valeurs = 2° ,y—xona 
d’F d’F LF lF 2F d°F 
RE EST e 1 = 9, 0; ——=0, — — 
dx° dy° ds° dxdz dxds dydz 


et n’admet qu’une seule racine différente de zéro. Il y a donc en chacun 
des points de la ligne déterminée par les deux équations z = 2°, y—æun 
plan tangent unique, et il est facile de reconnaître que cette ligne est une 
ligne de rebroussement de deuxième espèce. 

En effet, l'on déduit de l'équation F 


s— 2 + (z—y) V(x—y), 


et l’on reconnaît que la surface se compose de deux nappes qui sont 
réelles pour toute valeur de y < x, et imaginaires pour y > x. On trouve 
pour les équations différentielles de deuxième ordre 


2{z— 2°) (r—2) + 2(p — 9x) — 20 (x — y} = 
2(z— 2°) s + 2q (p—Vx) + 20(x — y} = 0 


2(5— 2°) t + 29° — 20(z— y} —0, 
qui deviennent dans le cas présent, 
(Pr = 007 (ne 07) = 0 NET I—I0N 
et par suite le plan tangent a pour équation 
L— x —Qx(X — x). 


D'où résulte pour la différence des ordonnées z et Z de la surface et du 
plan tangent en un point quelconque de la ligne en question, correspon- 


SINGULIERS DES SURFACES. 57 


dantes à une même abscisse X 


2 ZX 5) + (X = 5) VX 5). 


Par conséquent, au moins pour X assez peu différent de x, on voit que 
les deux valeurs de z — Z sont essentiellement positives, d’où résulte que 
les deux nappes de la surface sont l’une et l’autre situées au-dessus de 
leur plan tangent commun. 

29. Dans tout ce qui précède, nous avons admis que le système de 
valeurs x, y, z que nous avons supposé déduit des équations (A), ne ren- 
dait pas les équations (B) toutes les trois en même temps identiques. 
Admettons actuellement que ce système de valeurs satisfasse à toutes les 


équations : 
de. ER SALÉE) 119 d°F : d'F 5 LME 
de AP + de ? deds  * dyds ‘dry 


Alors, pour déterminer p et q, on aura recours aux équations différen- 
tielles du troisième ordre (4) du n° 19, qui, eu égard aux hypothèses 
admises, deviennent : 


dÿF d5F diF diF 

(C) ds + 3 dE p + Es p'- Œs DID 

Ce Re 442 po pra —0 
(C). mudr. dy, dæ,dy,dz, dx,d3,° dx,°d dx,d ds, 

FAEAES PRES q + AN CR ar res PR 

* dr,°dy,° dx,dy,dz, dx,dz,° dy,'dz, dy,d ds; 
Li _ æF RTE) 8 
(C:) de DTE TA Lead À Et Si 


D'après ces mêmes hypothèses , l'équation (2) de la surface du n° 17 
devient 


1 (TE E3 + dir PLATE dE +5 dir Era mp | m PT £? +3 . GE PA 

3 \dr,5 dy%  dz3 dx,dz,° dy, ds dx°ds, dy,°dz, 

0 ee Ey + 3 a Ëy + gl à 6x) S [a £i + etc + etc, — 0, 
dz ‘dy, dx dy" dx dy,dz, 4 \dz,i 


58 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


Or, si nous posons l'équation 


&F … &F dF 


s —— Ë # + 6 ——— cr En 
8) dx 3 ÿ dy,° dx,dy,dz, ï 


nous aurons une surface ou variété de surface du troisième ordre, qui 
sera le lieu des tangentes menées par le point M à toutes les courbes que l'on peut 
concevoir tracées sur la surface en ce même point. 

Les différentes formes de cette surface ont avec les racines des équations 
(C) des relations faciles à établir. 

50. Cherchons d’abord à quelles relations doivent satisfaire les coeffi- 
cients de l’équation (S) pour que son premier membre soit décomposable 
en trois facteurs du premier degré de la forme 


ON AE RNA CÂE hr) (PENEER 7 


En effectuant ce produit, et l'identifiant avec le premier membre de (S), 
on a les neuf relations : 


AR TE dsF 
(4) 5 FU = — 455 (A + A’ + A") 
(2 3 Re (AA! + AA SN A'Al) 
dx, °dz, dz3 
à d3F DT 
(5) re Nr nes A 
SAR d3F 
(4 35 Duo (B + B' + B") 
arr d3F 
(b) 5 Hu Sud (BB' + BB” + B'B’) 
d3F BF 
(6) prrere — BB’B' 
= diF d?F 
(7) Hu de (AB’ + AB" + BA’ + BA" + AB’ + B'A') 
(8) pan" PE (AB'B/ + BA/B/ + BB'A") 
dx, dy, dz,3 
BE dE 
(9) = — — (AAB" + AB'A/ + BA'A"). 


dx dy, ds, 


SINGULIERS DES SURFACES. 39 


Les six premières montrent que les valeurs de A, A’, A!’ sont les 
racines de l'équation (C), et que celles de B, B’, B'' sont les racines de 
l'équation (C:;). 

D'ailleurs , si l'on multiplie respectivement les équations (9) par l'unité, 
(7) par A, (4) par A, (2) par B, (1) par 2AB, et qu'on les ajoute, on 
obtient après quelques réductions : 


d&F : d°F déF d°F dSF PE 


DER ee ! Re 
drdy, dedyds, dyjds dx ds, dr ds d33 


On trouve pareillement en multipliant (8) par l'unité, (7) par 2B, (1) 
par B?, (5) par À, (4) par 2AB, ajoutant et réduisant 


déF 6 dF p- dF N CA >AB diF AB &F 
dr ,dy,* Le dx,dy,dz, Ë Ch F* dy,‘dz, rs dy,dz,° FAR 


équations qui ne diffèrent de (C,) et (C;) qu'en ce que p et q y sont remplacés 
par À et B. On pourrait visiblement changer dans ces équations A et B 
en À’ et B, puis en A/’ et B’’, d’où résulte que : 

Pour que l'équation (S) soit décomposable en trois facteurs du premier degré de 
la forme (S;), il faut que chacune des trois racines de l'équation (C) jointe à l’une 
de celles de l'équation (C;), vérifie simultanément les équations (C) et (CG). 

Réciproquement : Si deux des systèmes de valeurs de p et q, déduites des équu- 
tions (C;) et (C:), satisfont aux équations (G,) et (C;), le troisième système satisfera 
aux mêmes équations, et le premier membre de (S) sera décomposable en trois fac- 
teurs du premier degré. 

En effet, soient p, p', p'' les trois racines de l'équation (C), q, q', q!' celles 
de (C;), nous admettons qu’on a les deux relations 


(C) dF n dF d'F \ d'F : dF ŒF. ,; d 

; = + 2- = - — pt — 2 - pq + NE 

| dx ‘dy, dx ,dy,dz, Eau dy,ds re dx, ds, 1 dx,ds.° pa ds,° 4: 

(c' diF : dF ; MEL dF AU dE br LR n 
SE) dx ‘dy 74 dx,dy,dz, PAT dy,dz P Le dz,’d3,° 15e dæ.°d5,° Pt dz,* RARE 


40 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


Je le retranche membre à membre, ce qui me donne 


* dE diF d'F + ÿh d'F 
GC 3 2 __n!2 ET. à - 2 (0q— ’ 
app PAU + (p°—p Vardss + (4 DÉS PE F7 + 2(pq—p q HR 
2 "an! d 
drone) ri 
Or, on a évidemment 
dF 1 &F Re 
dy,dsx, FE 3° 3 (+9 +q ) 
FE OR % 
Eee OU ; (pp + pp" +pp") 
dF 1 &F NME 
dx,dz,° 3 ds pie pe 


Je substitue ces valeurs dans la relation précédente, ce qui me donne 
par la suppression du facteur p—p' et après réduction 


._. dF dF pb 
San ab WE ; (09 + gp + pq" + pq + pa" + pa). 
dx ,dy,dz, 


3, 


Si Den sh substitue cette valeur de 


ms ainsi que les valeurs 


précédentes de ——— , etc., dans l'équation (C,), je trouve, toute réduction 


ns 
faite : 

__ _&F F {E- A Nes 
TT + de (pp'q" + pgQ + pp q) = 


En opérant de la même manière, on déduira de l'équation (C,) 


dF d'F 


5 ET TE + PP (pg'a” + p'ad” + qdp"')= 


Par conséquent, si deux des systèmes de valeurs de p et q, déduites des 
équations (C) et (C;) satisfont aux équations (C,) et (GC), les trois systèmes 
vérifieront toutes les relations (1), (2), (9), et par suite le premier membre 
de (S) sera décomposable en trois facteurs de la forme 


E—pE— qu) (8—pP'E— qu) (8—p'E—- d'A), 


SINGULIERS DES SURFACES. äl 


et chacun de ces facteurs égalé à zéro sera en général l'équation d’un plan 
tangent à une nappe correspondante de la surface proposée. 

51. Supposons actuellement que toutes ces conditions ne soient pas 
remplies, et cherchons celles qui doivent avoir lieu pour que le premier 
membre de l'équation (S) soit décomposable seulement en deux facteurs, 
dont l’un soit du premier degré et l'autre du deuxième, c’est-à-dire de la 
forme suivante : 


(S2) 4. . . (2—AË By) (22 CP + Du? + Efy+ FEr + Ge). 


En effectuant la multiplication et identifiant avec le premier membre de 
(S), on a les neuf relations : 


i d$F dF AC 5 dE dF BD 
q des mr dz,3 @ CONS ns IE 
diF dF dF déF 
5 — — (D—BG 4) 5 — F 
fi dy,°dz, FE ) Ws dx,*dz, ds,$ rome 
dF d'F dE déF 
5) —  —(G—B D — — — (F— 
5 dy,dz,* us) Es dx;dz=.° ds (ra) 
déF dSF dF déF 
17) 5—— — — — (AD+BE 5 = — — E 
(7) LATE (AD + BE) (8) 5 PAT es (PCA) 
qe TE (E—AC—BF 
\) dx,dy,dz, D ds re 


Je multiplie respectivement les équations (1) par l'unité, (4) par À, (6) 
par A°, et J'ajoute, ce qui me donne après quelques réductions, 


FE Jen di … dF dE 
——- BA ———— de L - 
dx? a dx,°ds, dx,dz,° ds, 
En multipliant (2) par l'unité, (5) par (B), (5) par B°, ajoutant et rédui- 
sant, on aura pareillement 


BF dF _dF _ d'F 
dy? dei dy°dz, +: dy,dz ; CEA 
Tome XXI. 6 


42 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


Par conséquent, les coeflicients À et B du facteur £— A ë—B; sont un 
certain système de racines des équations (C) et (C,). Je dis que ces mêmes 
racines satisfont aussi aux équations (C:) et (C:). 

En effet, je multiplie respectivement (8) par l'unité, (9) par A, (5) par A;, 
(4) par B, (6) par 2AB et j'ajoute membre à membre, ce qui me donne, 
toute réduction faite : 


BF dF BF dE ŒF CA 
A + D + 2AB va 
da "dy, dx dy,dz, dy,dz dx, ‘dz dx ,dz,* gi À 


équation qui ne diffère de (C,) qu'en ce que p et q y sont remplacés par A 
et B. On verrait de même que A et B satisfont à (C.). Donc : Si un seul des 
systèmes de valeurs de p et q déduites des équations (C) et (C;) vérifie les équations 
(C,) ec (C:), l'équation (S) représentera un plan et un point ou bien un plan et un 
cône du deuxième degré. 

Dans le premier cas, le point M sera un point conjugué relativement à 
deux nappes imaginaires et sera situé sur une nappe réelle et simple. Dans 
le deuxième cas, ce sera un point de jonction de deux nappes distinctes qui 
sera pareillement situé sur une troisième nappe. On distinguera d’ailleurs 
facilement ces deux cas l’un de l’autre : pour cela il suffira de diviser le 
premier membre de l'équation (S) par le facteur & — p£ — qn et de cher- 
cher, ainsi que nous lavons expliqué au n° 22, si le quotient représente 
un point ou un cône. 

92. Si aucun des systèmes de valeurs de p et q déduites des équa- 
tions (C) et (C;), ne satisfait aux équations (G,) et (C;), l'équation (S) sera 
indécomposable en facteurs plus simples et, par conséquent, représentera 
évidemment un cône du troisième degré. Le point M sera un point de 
jonction du troisième ordre. Dans le voisinage et tout autour de ce point, 
la forme de la surface sera donnée par celle des deux nappes du cône 
dans le voisinage de son sommet. 

55. Revenons au cas où les équations (C) et(G;) fournissent trois systèmes 
de valeurs de p et q qui vérifient tous les trois les équations (C,) et (C;) et 
observons que ces trois systèmes peuvent être réels et distincts ; que deux 


——" 


SINGULIERS DES SURFACES. 45 


peuvent être égaux , le troisième étant diflérent; qu'ils peuvent être tous 
les trois égaux entre eux; et qu'enfin, il peut ÿ en avoir deux imaginaires. 

Dans le premier cas, on aura trois plans tangents distincts et l'on dé- 
montrera par un raisonnement analogue à celui du n° 25, qu'à chaque plan 
tangent correspond une nappe unique de surface qui s'étend avec ou sans in- 
flexion dans le voisinage du point M et tout autour de ce point. 

Si des trois systèmes de valeurs de p et q il y en a deux réels et égaux, 
le troisième étant différent, on démontrera en raisonnant toujours comme 
nous avons fait aux n° 24 et suivants, que la nappe de surface qui corres- 
pond au plan tangent &—p£ —4;=— 0 s'étend tout autour du point M avec 
ou sans inflexion, tandis qu'au second plan tangent (£—p'i— gr) = 0 
peuvent correspondre un simple point conjugué, ou deux nappes distinctes 
ayant entre elles un contact du premier ordre et s'étendant lune et l'autre 
tout autour de M, ou bien s'étendant seulement dans un sens et limitées 
dans le sens opposé. 

Lorsque les trois systèmes de valeurs de p et q seront égaux entre eux, il 


n'y aura plus qu'un seul plan tangent £ —p£ — 41 — 0, et l'équation de la 


surface proposée pourra être mise sous la forme 
es as L 3 A [dMF | 
1 5 CPE] PS] + ; a EE cie + etc. = 0. 
Si nous nommons, comme au n° 25, r le rayon de la sphère auxiliaire 
et 6 l'angle qu'il fait avec le plan tangent, nous aurons 


FPT re Va 
FE, = =— Rôr sin. 6 + - rie — 0, 
ô\d5;à 40 © 
+ représentant toujours une fonction qui ne peut devenir infinie pour au- 
cune valeur attribuée à l'angle 6. 

Cela posé, on démontrera exactement, comme au n° 17, que l'équation 
F, — O0 admet un nombre impair de racines entre — 6,, + 5, et un nom- 
bre impair entre r—9, et x +4. D'ailleurs on a 

dF, d'F | d? 


: PEU AT 
— —= —— JR sin. 0 Cos. 6 +- , 
do d3,° k db 


4% MÉMOIRE SUR LES POINTS 


et il est facile de reconnaitre que l'équation _ — 0 admet deux racines 
ou n'en admet aucune entre chacune de ces deux limites, et par suite l’é- 
quation F, — 0 en admet elle-même une seule ou bien trois. 

Il y aura donc en M ou bien une seule nappe réelle et ordinaire, ou bien, 
trois nappes tangentes entre elles, lune d'elles s'étendant toujours tout 
autour de M et les deux autres s'étendant pareillement tout autour de ce 
point, ou bien s'étendant seulement dans un sens et limitées dans le sens 
opposé. 

Enfin, si deux des systèmes de valeurs de p et q sont imaginaires, on re- 
connaïtra par des raisonnements analogues à ceux des n° 25 et 27, que 
le point M est un point conjugué, ou bien un point saillant ou encore un 
point de jonction situé sur une nappe réelle. 

54. Nous ne pousserons pas plus loin cet examen déjà très-long des 
affections diverses que peut offrir une surface en un point M (x,, y, &) 
dont les coordonnées satisfont aux trois équations 


Se à el EE 
dx, dy D dE. 

Nous observerons seulement en terminant, que si le système de coordon- 
nées que l’on considèreet qui, par hypothèse, rend identiques les équations 
(B), rendait pareillement identiques les équations (C), les valeurs de pet q 
seraient fournies par un système de cinq équations du quatrième degré. 
D'ailleurs le lieu des tangentes à la surface en M serait une surface du qua- 
trième degré, qui pourrait se réduire à un point unique, ou se décompo- 
ser en deux facteurs du deuxième degré, ou bien en un plan et une surface 
du troisième degré, ou, enfin, être indécomposable en facteurs plus simples. 
De plus, chaque facteur du deuxième degré, ainsi que celui du troisième, 
le cas échéant, pourront offrir chacune des variétés que nous ont fournies 
les équations (L) et (S). 


SINGULIERS DES SURFACES. 


ps 
©e 


NOTE PREMIÈRE. 


Sur le paraboloïde osculatewr. 


Soit l'équation d’un paraboloïde de la forme 
(4). à . . à 14 = A+ BX + CY +DX° + EXY + NY, 


proposons-nous de déterminer les coeflicients A, B, C, D, E, F, de manière que cette surface ait 
avec une surface donnée et représentée par l'équation 


A DT U, 21 — 10, 


un contact du deuxième ordre en un point quelconque M (x, y, z) de celle-ci. 

On dit généralement que deux surfaces quelconques sont osculatrices, ou bien ont entre elles 
un contact du deuxième ordre, lorsque, pour un même système de valeurs des deux variables indé- 
pendantes x et y, l'ordonnée z et ses dérivées partielles du premier et du deuxième ordre prises par 
rapport à æ et à y sont les mêmes pour les deux surfaces. 

D'abord pour exprimer que la surface (1) passe par le point M (x, y, z) de la surface (2), j'ai 
la relation 


L= À + Br + Cy + Da + Ery + Fy”, 
d'où résulte 


Z—5—B(X—7)-+ C(Y—y) + D(X—7')-RE(XY —2y)+ F(Y— y"). 


D'ailleurs, en différentiant l'équation (1) par rapport à æ et à y, on a pour les deux équations diffé- 
rentielles du premier ordre 


d?, az s ee 
— = B + 9DX + EY, — — 0C + EX + 2FY, 
dx dY 


46 MÉMOIRE SUR LES POINTS 


et pour celles du deuxième 


œ 
ARS 


dZ dF 
= 93 Û 


— 2D, ——.#©, — 9F, 
dx dXdY dY° à 


et, par conséquent, nous avons, pour exprimer le contact du deuxième ordre, les relations 


p = B + 9Dr + Ey, q=0C + Er + 92Fy 
5 — Ds — 2%", 


DRE 
d'où l'on déduit aisément 
5 
DES E=s, F—-, B—=p—rx—sy, C—q—ty— sr, 
et par suite on trouve, après quelques réductions: 
re Lu ‘4 2 4 4 t 2 
Ds —=piX—r) + y)+ (rer) y) > (Y—Yy). 


Généralement la surface représentée par l'équation 


Ds p{X- 2) + y) + À Ra) + SX —2) (Vo y) + 2 (N—y)  E (X a) 
> 4 A 4.9 
w u 10 £ 
+ Lu pe LR 0 


r. & s 
2 4 3 n 
AL ET Op rev (Y=—y)", 


a, comme il est aisé de je vérifier, un contact de l'ordre n avec la surface (2) au point M de cette 
surface. 


NOTE DEUXIÈME. 
Sur le lieu des tangentes menées à une surface en un point singulier M. 


Soit la surface donnée représentée par l'équation 


1 Le F(z1y, sh 0. 


SINGULIERS DES SURFACES. 47 


Une ligne AB (fig. 7) tracée comme on voudra sur cette surface, sera définie par l'équation (1) 
jointe à une deuxième équation 


ON M A, pm NO 


laquelle représente une seconde surface que nous supposons astreinte à passer par le point 
M5 y:2); 

Si l'on conçoit menée en M une tangente à la courbe AB, cette droite aura pour projections sur 
les plans des #3 et des yz les droites représentées par les équations 


dy dz 


W)n—y= (Es), (9 ss (Es) 


= CL _ étant les dérivées de y et de z prises par rapport à æ, que x soit ou ne soit pas la 
variable indépendante, Pour les obtenir, on différentiera les équations (1) et (2), ce qui donnera 
généralement 


dF dF dy dF dz 
dx dy dx pi dr 
do do dy do dz 
dx és dy dx ki z dx 


Si nous supposons que les coordonnées x, y, z satisfassent aux trois relations 


dF dF dF 


= — —0,  — —=0, 


dx s dy 


l'équation (+) sera indéterminée. Mais en la différentiant elle-même et tenant compte des trois 
équations précédentes, on trouve 


d'F 
— +2 
dx* dxdy dx 


(7) - 


dF dy d'E ds d’F /dy\° d'F dy dz d°F /dz\° 
— 14 D Lg seau” | y ( — 


2 — — - 2 — | — 
dxdx dx de ay \dx} dydz dx dx “ dz’ \dx 


a , PA dy dz ñ . 
Des deux équations (4) et (>) on déduira les valeurs de 2 et de =, que l’on substituera en- 
q Y dx dx d è 


suite dans les équations (4) et (6), ce qui revient, en définitive, à éliminer #° et 7 entre les 
quatre équations (z), (6), (y) et (4). Mais des équations (4) et (6) on déduit 


dy Y— y ds ë — 


2 , Fe 
dx E—z dx E— x 


48 MÉMOIRE SUR LES POINTS, erc. 


et en substituant ces valeurs dans les équations (9) et ('), on a 


de dy do 
Es RENE dau: Pre 1 0 277 des 
qe ee UE ap 2 9 PE (8e) Gp) + DE (Ee) (Hs) + D (ni 
dx* dxdy ; ddz dy° ; 
2 ae (4—y) (és) + 23 (é—s) = 0 
dydz 5° 


Or, la deuxième de ces équations considérée en elle-même, représente une surface qui passe par la 
tangente M'T à la courbe AB et cela quelle que soït cette courbe, puisque l'équation (4) ne dépend 
en rien de la fonction +. Done l'équation (4) est le lieu des tangentes menées par le point M à toutes 
les courbes que l'on peut tracer sur la surface (1) passant par le même point ML. 

Si l'équation (+) était elle-même indéterminée, auquel cas les coordonnées du point M satisfe- 
raient aux équations 


dF 0 d’'F d°F 4 d°F : d'E dr 
dre, | dy” ? dz° É drdy HORS Dre dyd= 


on différentierait de nouveau cette équation et l'on trouverait, en opérant d'ailleurs exactement , 
comme on vient de faire, l'équation du troisième degré (S) du n° 29 pour le lieu cherché. 


FIN. 


Hem. cour mem. des savants etr. Tome XI. Hem. de M AHmiot. 


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AUGUSTI-CHRISTIANI- ADOLPHI ZESTERMANN, 


SCHOLAE THOMANAE APUD LIPSIENSES COLLÈGAE 


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BASILICIS LIBRI TRES, 


REGIA ACADEMIA LITERARIA, QUAE IN BELGIO FLORET, PRAEMIO ORNATT. 


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7 MERE nette 101051) 


ARGUMENTUM. 


INTRODUCTIO 
Liser I. De Garde 270 apud Athenienses 
INrropucri0 
Caput I. De nomine 7% Bardetov OToäc. 
Caput II. De numero 75 Basieimy roy apud Athenienses. 
Caput III. De origine r%s Badero oTo%s. 
Caput IV. De situ 745 Basieto otoäc. 


$ 1. Virorum doctorum de situ Regiae Porticus sententiae 
S 11. Mea de situ Regiae Porticus sententia 


Caput V. De usu 7%c Basietou arc. 


$ 1. De quadruplici Regiae Porticus usu. 
$ n. De rege in Regia Porticu munere suo tobette 
Sur. De legibus in Regia Porticu propositis . 


Siv. De Areopagitis Eumolpidisque in Regia Pen exéteentibus, 


$ v. De epulis in Regia Porticu factis . 
Caput VI. De forma 7%: Basdeio roc 


& 1. Introductio. 
$ u. De veterum porticibus 


> 


ARGUMENTUM 


$ ur. Deichnographia Regiae Porticus. 
$ 1v. De orthographia Regiae Porticus 


Caput VII. Regias porticus apud reliquos Graecos nullas fuisse demonstratur. 


Lier II. De Romanorum basilicis . 


IxrropucTi0 


Caput I. De generibus basilicarum. 


A 


. De forensibus basilicis . 
u. De basilicis ambulatoriis 
Sr. De basilicis domesticis . 
$ iv. De basilicis vinariis. 


ZA A 


Caput IT. De forma basilicarum forensium . 


: 1. Introductio . . 

1. Vulgaris de forma Boni on sententia 
: ur. Falsarum de basilicis Romanis sententiarum refutatio 
$ 1v. Mea de forma Romanarum basilicarum sententia.. 


Caput III. De usu basilicarum Romanarum . . . . . 


Caput IV. De origine basilicarum Romanarum. 


$ r. De Romanarum basilicarum origine ab exteris non repetenda. 
Sn. De basilicis ab ipsis Romanis inventis 


Caput V. De nomine basilicarum Romanarum. 


$ 1. Basilicarum nomina latina et graeca, quae apud veteres scriptores in- 


veniuntur 
. De significatione Abu alt 


Caput VI. De aedificiis, quae basilicae forenses Romanae fuisse dicuntur 


$ 1. De basilicis, quae dicuntur, Pompeiis, Hereulanei, Ocriculi, Paesti, 
Nemausi, Palmyrae, Aquini, Praeneste et Albae inventis judicium. 


Su. De basilica Constantiniana seu de templo Pacis 


Sur. De ecclesia Sancti Andreae in Barbara, quae basilica Brian fuisse 


creditur . 
. De basilica Te 
. De basilica Vicentina 


ARGUMENTUM. 


Lier III. De Christianorum basilicis . 
InxTropucr10 
Caput I. De forma basilicarum christianarum 


$ 1. Introductio. 


Su. Descriptio formae basilicarum christianarum . 


Caput II. De basilicarum christianarum origine . 
Caput IIT. De nomine basilicarum cbristianarum . 
CONCLUSIO . 
ADDENDA ET CORRIGENDA. 


EXPLICATIO TABULARUM . 


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INTRODUCTIO. 


Quae abhinc aliquot annos a Gutensohnio et Knappio ! et post illos à 
Canina ?, architecto Romano celeberrimo, in publicum datae sunt sacra- 
rum basilicarum Romanarum imagines, et qui ab eodem Canina ? et Bun- 
senio * de iisdem basilicis conscripti sunt libri; denique, quae nuperrime 
Treviris inventa esse creditur antiqua basilica profana : ea omnia hac 
nostra aetate viros doctos impulerunt, ut christianarum basilicarum an- 
tiquam formam atque originem laudabili studio perscrutarentur. Quorum 
virorum conjuncta opera effectum est, ut de forma basilicarum nunc ali- 
quanto rectius quam olim judicari possit; de origine autem etiam nunc 
relicti sunt, quibus superiorum saeculorum scriptores capti tenebantur 
errores. Nam quas apud veteres Romanos constat fuisse basilicas, eas 
viri docti, quamvis non sacro sed profano usui, hoc est, negotiis tractan- 
dis causisque agendis, destinatas fuisse intellexissent, tamen nominis 
similitudine decepti, exempla basilicarum christianarum fuisse statue- 
runt. Quae quidem sententia quum vel ideo suspecta haberi deberet, quod 
nullo nisi infirmissimo 1illo Gratiani nititur testimonio, tamen ad hunc 
diem, quod ego sciam, a nemine in dubium vocata est. Atque ut fieri 
solet, alius alium peperit errorem. Nam quum christianas basilicas e 
profanis originem traxisse sibi persuasissent, etiam formam utriusque 


1 Die Basiliken des christlichen Roms, sive : Denkmale der chrislichen Religion oder Samm- 
lung der aeltesten Kirchen Roms vom 4 bis zum 15. Jahrhundert, aufyenommen und herausgege- 
ben, von J.-G. Gutensohn und J.-M. Knapp. München, Cottasche Buchhandlung, 1822-1827. 

2 Ricerche sull Architettura piu propria dei tempj Cristiani, del caval. L. Canina, Roma, 1843. 

5 Die Basiliken des christlichen Roms nach ihrem Zusammenhange mit Idee und Geschichte der 
Kirchenbaukunst dargestellt, von C.-J. Bunsen. München, Cotta. 


8 INTRODUCTIO. 


basilicarum generis accurate inter se convenisse statuerunt, et quam op- 
time cognovissent chistianarum basilicarum formam ad antiquas basilicas, 
de quarum forma ipsis parum constaret, transferre atque alteram ex altera 
illustrare non dubitarunt. Atque hoc modo effectum est, ut satis accura- 
tam delineare posse sibi viderentur antiquarum basilicarum imaginem, 
petitam illam quidem ex christianarum basilicarum, quam ipsi excogita- 
vissent, similitudine. 

Verum enim vero haec omnis illorum argumentatio propterea mibil 
valet, quod aut falso aut certe parum firmo nititur fundamento. Nam ba- 
silicarum antiquarum formam aequalem fuisse formae christianarum, 
non prius poterit pro vero haberi, quam demonstratum fuerit, quod ab 
illis quidem demonstratum non est, christianas basilicas ad exemplum 
profanarum fuisse aedificatas. Ttaque alia via ingredienda est, ut, quae 
fuerit antiquarum basilicarum forma, quaeque ratio inter has et christia- 
nas basilicas intercesserit, accurate cognoscatur. Ac primum quidem an- 
tiquarum basilicarum forma per se et separatim spectanda est ita, ut 
christianarum basilicarum nulla habita ratione, ex solis veterum scripto- 
rum testimoniis monumentisque antiquis quam accuratissima adumbretur 
illarum imago. Deinde vero christianarum basilicarum forma similiter 
explicanda atque delineanda est. Quod ubi fecerimus , tum demum diju- 
dicari poterit, utrum antiquarum et christianarum basilicarum formae 
inter se congruerint nec ne, vel quod eodem redit, utrum christianae ba- 
silicae e profanis natae esse existimandae sint nec ne. 

Neque rectius idem viri docti, quos supra commemoravi, versati mihi 
esse videntur in indaganda profanarum basilicarum Romanarum origine. 
Quam enim Athenis fuisse Basexy avoiv, Porticum Regiam, cognoverant, 
eam propter solam nominis similitudinem Romanarum basilicarum exem- 
plum sive rowrérume fuisse statuerunt. Quae quidem argumentatio quam 
temeraria sit, non est, quod uberius demonstrem. Nam hoc quoque, quod 
illi voluerunt, non aliter probari poterit, nisi sic, ut primum Regiae Por- 
ticus et originem et reliquas rationes separatim pervestiges, deinde com- 
paratis inter se Porticus Regiae atque Romanarum basilicarum rationibus 
dijudices, utrum aliqua necessitudo inter eas intercesserit, nec ne. 


INTRODUCTIO. 9 


Haec quidem vitia ut evitarem, equidem de basilicis dicturus hane 
mihi legem scribendam esse putavi, ut separatim quaererem 1° de Ba- 
et to Atheniensium; 2° de antiquis Romanorum basilicis ; 3° de sacris 
Christianorum basilicis. Ita enim sperabam, fore, ut appareret, quae et 
quales necessitudines intercessissent partim inter Regiam Porticum Athe- 
niensium et basilicas Romanas profanas, partim inter antiquas Romano- 
rum et sacras Christianorum basilicas. Quas quidem res omnes quum 
sigillatim atque ea, qua opus est, diligentia explicavero, postremo loco 
sub finem disputationis meae summa rerum capita ita complectar, ut uno 
veluti obtutu perspici possit, quid mea qualieunque opera praestitum ef- 
fectumque sit. 

In qua quidem disputatione mea si quis forte me nimis longum et ver- 
bosum deprehenderit, is, quaeso, reputet, plane novam viam mihi in- 
grediendam, et si a christianarum basilicarum tractatione discesseris, 
reliquam disputationis materiam fere totam e fontibus nunc primum 
eruendam fuisse. Quo accedit, quod etiam in singulis rebus pertractandis 
saepius, quam factum vellem, mihi accidit, ut, quae hucusque pro veris 
certisque habita essent, impugnare cogerer atque refellere; id quod fieri 
non potuit, nisi accuratissime examinatis contrariarum opinionum argu- 
mentis. Atque ob id ipsum, quod nova prorsus via incedendum mihi fuit, 
etiam hoc haud injuria a lectoribus petere mihi videor, ut si quis me 
subinde a vero aberrantem invenerit, aequi bonique consulat errantique 
succurrat. Nam quum non id agam, ut mea sententia sed ut veritas per- 
vincat, gratissimum mihi fecerit, qui meliora me edocuerit. 

Restat jam, ut paucis significem, quibus subsidiüis usus sim in hoc li- 
bello conscribendo. Et primum quidem, ut me ne minima quidem vestigia 
fugerent eorum, quae ab antiquis scriptoribus de basilicis memoriae pro- 
dita sunt, omnes Graecorum atque Romanorum scriptores inde ab Homero 
usque ad Byzantinos scriptores perlustravi. In quibus quae inveni ad nos- 
tram rem pertinentia, ea libri [ cap. 4, et libri Il cap. 5, recensui. 
Deinde ne imagines basilicarum in nummis gemmisve, vel etiam in pictu- 
ris Pompeiis et Herculanei conservatis conspicuas praeterirem, tum libros, 
in quibus antiquorum nummorum gemmarumque imagines exhibentur, 


Towe XXI. 2 


10 INTRODUCTIO. 


ad unum omnes et nonnulla numophylacia, tum antiquitates Pompeianas 
Herculanensesque, et marmora Capitolina, quibus tabulae cujusdam anti- 
quam urbem Romam repraesentantis continentur reliquiae, perscrutatus 
sum, in quibus omnibus quae inveni etsi numero pauca in tab. IF, huic operi 
adjecta repetenda curavi. Denique recentiores scriptores, qui de antiquis 
basilicis disputaverunt, ni fallor, omnes, perlustravi, exceptis iis, quos 
propter bibliothecarum nostrarum inopiam nancisci non potui, quosque 
in catalogo infra ! subjecto asterisco notavi. Eorum vero scriptorum fere 
innumerabilium (vid. Cancellierium de secretarüs basil. Vaticanae, vol. I, 1), 
qui de christianis basilicis scripserunt, celeberrimos tantum et praestan- 
üissimos, imprimis Ciampinium ?, Binghamium 5, Goarum#, Agincur- 
tium ?, Platnerum ?, Bunsenium ?, Caninam ? et Kuglerum ? consului, 
quibus quidem viris me plurima debere gratissimo animo confiteor. 


4 Leonis Baptistae Alberti de Re aedificatoria, lib. X, ed. Ang. Politianus. Florent., 1485. — 
Andrea Palladio, dell Architettura, lib. IV. Venet., 1642.—Scamozzi, Les bâtiments et les dessins 
d'André Palladio.—Scamozzi, Le fabbriche e à desegni di Andr. Palladio, AN tom. Vicenza, 1776- 
1783. + Sernelli, Antica basilicographia.—Ciampini, Vetera monumenta. Romae, 1690.—Philan- 
der, Peraltus, Gallianus, Stratico, Schneider, Marini ad Vitruvi lib. V, cap. 1.— Enea Arnaldi : 
Delle basiliche antiche e specialmente di quella di Vicenza. Vicenza, 4767.—Pitisci, Lexicon anti- 
quitatum romanarum în v. Basirica. — Giulio Minutulo abbate de Celestin : Romana antiquitas. 
Dissertat. VII, pe Basicrcis, sect. IL—Quatremère de Quincy, Encyclopédie méthodique, Architec- 
ture, tom. 1, in v. Basique. — Hirt, Geschichte der Baukunst bei den Alten. 3 Th. Berlin., 1827.— 
Seroux d'Agincourt, Histoire de l'art pur les monuments depuis sa décadence au IV° siècle jusqu'à 
son renouvellement au XIV® siècle. Paris, Treuttel et Würtz, 1825. Tom. 1, Arcmrrecrure. — Franz 
Kugler : Der roemische Basilikenbau nacher entwickelt nach den Resten der antiken Basilika zu 
Trier, Kuxsrsuatr 1842, No. 84-86. (München, Cottasche Buchhandlung.)—Franz Kugler : Æunst- 
geschichte, 1842. Platner in libri, qui inseribitur: Beschreibung der Stadt Rom, tom. I et IL. — 
Pauly : Encyclopaedie der klassischen Alterthumskunde, in v. Bastuxa.— Bunsen : Die Basiliken 
des christlichen Roms nach ihrem Zusammenhange mit Idee u. Geschichte der Kirchenbaukunst; 
auch als erlaüternder Text zu dem Kupferwerke J.-G. Gutensohns u. J.-M. Knapps. München, 
Cottasche Buchandlung, 1842.— Becker, Handbuch der roemischen Alterthümer. Tom. I. Leipzig, 
4845.—Luigi Canina, Ricerche sull Architettura piu propria dei tempj Cristiani. Parte I. Roma, 
1843. — Friedr. v. Quast die Basilika der Alten. Berlin, 4845.—Jules Gailhabauds : Denkmaeler 
der Baukunst aller Zeiten und Laender. Für Deutschland herausgegeben unter Leitung von Franz 
Kugler. Hamburg, bei Julius Meissner, 1844. G6® Lieferung : die roem. Basiliken. 

2 Vid. Not. 1. 

5 Binghamii Origines ecclesiasticae, tom. HI. 

4 J. Goari Rituale ecclesiae orientalis. 


DE 


BASILICIS LIBRI TRES. 


LIBER PRIMUS. 


DE BAZSIAEIQ ZTOA APUD ATHENIENSES. 


INTRODUCTIO. 


Quum scriptores veteres, si unum Pausaniam exceperis, de Base) octo, 
quae erat Athenis, non consulto, sed data tantum occasione dixerint : 
non mirum est, in eorum libris aut nihil aut pauca contineri, quae faciant 
ad decernendas et solvendas, quas nobis proposuimus, quaestiones. At- 
tamen speramus, fore ut nobis contingat, ut quae diserte dicta non sint, 
comparatis inter se veterum locis conjectura assequamur. Qua in re ita 
placet versari, ut 1° de nomine; 2° de numero; 5° de origine; # de 
situ; d° de usu; 6° de forma +% Basdelo otoas apud Athenienses agamus. 
Quo facto illud quoque demonstrare conabimur, regias porticus apud re- 
liquos Graecos nullas fuisse. 


CAPUT LI. 


DE NOMINE THE BABIAEIOY ZTOAS. 


1. Regia Porticus Atheniensium ab hisce scriptoribus hisce verbis 
commemoratur. Plat. Theactet., extr. v5 pv oY amaTnTÉcy por els Tv Toù fBact- 


12 DE BASILICIS LIBRI IE. 


we orotv. Eutyph., init. +tveireco, ä Zuxpares , yéyovev, oTu— vor dorpiBeis mepi Thv To 
Basdéws otoûv. Aristoph. , Eccles., v. G85. za anpober toùs ex vod BñT éni tv oToriv 
duchoySey ri Basleur. Demosth., c. Aristog., p. 776. R. 75 try € dpEloU Téyou 
Body, otæ àv 5 Basdeio orox xaSétouérn Tepirgowéontez. Anstot. (apud Harpocr. 
in V. dofus) év tn ASmaiwy route : Ecmmræ à T9 ovoù tv Base. Aelian: 
Var. H. VI, 1. vai rc otias tac TpèS LA Basueis atoa écrmvtas. Pausan., I, 354% 
mpérn Œ écuv év Ti Obi naouuéyn otoù Basieus. Idem., I, 16, 5. ürèp dù rèv xepapemèv 
vai Tv ro Ti xaoouévmy Basile vaéc éorw. Aeschin., Ep. 4, $ 3. ui nv nai mpèc 
Aus êre npù Tic (Basueiou aroäs (you elxuy Tod ITryd5 por ). Harpocr. in v. Bastheuc 
atox, et Suid. in v. Basieros : dio sisi atoai rap lac re Tod "Eney9eprou Atos noi 
Bases. Hesych. in v. Basñewc ovot : do elai "A Svnoe Base ovoa. Phot. in v. 
‘Epucñ : nd yap Ths Roms «ai The Tob Paré atoäc eiat oi ‘Epuor xa)ovueva. Poll. VITE, 
9, L. cuve d œru T£Ôc Tr Basüeuw o7oa. Grammat. ap. Bekker. An. Gr. 1, 222 
et Phavor. in v. Barôeros otoû : A Smvnor do eior Bastiat otoat. Eunap. Vit. Acdes., 
pag. 41, 19: ed. Wyttenb. GITEP 0] Zopatns TEPi TAY Tod Basdéws otoi. Eustath. 
ad Odyss., 1, 598, pag. 1425, ed. Rom. xx Bases ext atox, Tanaio Ts vo5 
"ElaySepio Aùc 070%. Aedificium igitur, de quo agimus, appellatur modo ; 
reù Basiéws oo (Plat. Eunap. Phot.), modo à otoi sive oraux ! ÿ Basthews (Aris- 
toph. Aristot. Suid.), modo à Baséews otox (Demosth., Aelian., Aeschin., 
Poilux), modo Bazews atox (Harpocr., Hesych., Phavor., Bekker., An. 
Gr. Eustath. D modo otoi ÿ xahouuévn Basile EL xahouuéyn otoù [Bastheuoc (Pau san.). 
Quam ob rem mirari licet, quod recentiores scriptores scribere solent : 
Die Sioa Basileios (Leake, Forchhammer, Ross, Wachsmuth, etc.); imo 
scribi oportet : Die Basileos Stoa vel Die Koenigshalle, die künigliche Halle. 
Nomine oto% Basduñs Veteres Graecos Regiam Atheniensium Porticum de- 
notasse, quae est sententia viri docti W. in libro, qui inscribitur Real- 
Encyclopaedie der class. Alterthumswissenschaft in v. Basic, certis testimoniis 
probari non potest. Nam quae apud Platonem Charm., init., pag. 155. A 
leguntur verba : sai dh xai sic ti Taupéou nalaiotpey, tv ratavtwmpo vob Tic Basin 
ip5 ee, lis Porticum Regiam significari, tum demum pro explorato 
haberi posset, si aliunde constaret, palestram illam Taureae e regione rñs 
ro Bandéuws oto% sitam fuisse. 


1 Photius, in v. croéy, #2) cdv +5 1 rod, Éxarépas Mycuris. 


DE BASILICIS LIBRI IT. 15 


2. Regiam Porticum nomen accepisse ab altero Atheniensium archonte, 
qui fade; appellabatur, et in hac porticu sedebat f, vix in dubium vocari 
potest, neque ullus invenitur locus apud veteres, qui huic de origine no- 
minis opinion repugnet. Nam quae Hesychius et post eum Grammat. ap. 
Bekk. À. Gr., 1, 222, et Phavorinus scribunt : do etoi "AS Bases voa, 
n 7e deyouém Banihéue Aëg zai à v05 EeuSepiw, ea ex errore nata esse, mox demon- 
strabimus. 


CAPUT Il. 


DE NUMERO TON BASIAEION ZTOON APUD ATHENIENSES. 


1. Scriptores antiqui consentiunt, unam tantum Athenis fuisse Regiam 
Porticum. Sed ab üs discedunt Hesychius, si quae apud eum leguntur 
verba genuina sunt, et Phavorinus, qui sua Hesychio debere videtur, et 
Grammaticus ap. Bekk. A. Gr., 1, 222, qui Phavorini verba repetit. Et 
Hesychius quidem in v. Basiheros otox haec habet : di stat A Shmer Basieuor tour, 
Y TE eyouévn Toù Bashéws Aid rai ÿ Tod "ExeuSeio. Sed facile intelligitur, hunc lo- 
cum aut errore scriptoris aut peccato librarii mendo laborare. Namque 
Hesychius, si quae ab omnibus libris manuscriptis exhibentur verba, re- 
vera scripsit, verbis x te Xsyouém ». r. 2. nullo modo ostendit, do ser ASnvnc 
Bandai otois. Etenim si probare voluisset, duas Athenis fuisse Regias Por- 
ticus, necessario etiam duos reges appellare debuit, qui utrique porticui 
nomen dedissent. Atqui nihil legitur, nisi n re 2eyouém vo5 Basé Aus vai à 
r95 EjeuSepéu, quibus verbis nihil continetur, quo edoceri possimus, di 
cu Ave Bardeious avois. Ymo verbis Hesychii nihil aliud probari potest, 
nisi duas Jovis porticus Athenis fuisse, alteram Jovis regis; alteram Jovis 
Eleutherii, id quod ille dicere noluit. Quare non temere nobis statuere 
videmur, si contendimus, Hesychium errasse, quum asseveraret, duas 
fuisse Atheniensium regias porticus. Cf. interpp. ad h. 1. in ed. Alberti. 


1 Paus., I, 3, 1. rpôry dé êoriy êy deËit xaouuéyy aroù Burineros, Ev0x nañices BariAeüs. 


14 DE BASILICIS LIBRI HI. 


2. Inquirenti mihi, quomodo fieri potuerit, ut Hesychius in hunc er- 
rorem incideret, hoc in mentem venit. Hesychius, dum legit Pausaniae, 
lib. 1, cap. 5, $ 1, de Regia Atheniensium Porticu locum classicum : rer 
dE éare à Eux aodoouém gro Basidews , Vidit etiam verba, quae apud Pausaniam 
infra leguntur : évraiSa Eotmxe Zedc ovouakéuevos "EleuSépros xai Basthedc "Adpravèc ée dde 
doc te Gv FPX® edepyeaias nai Es Thy né palota dnoduËduEos Thy "A Snvartoy * Etc 
rio Der uxodunTau Ypapas Exoua Seodc dde nodouuévous 2. T. À. In quibus verbis haec 
duo epitheta : ‘EleySépus zai Basdeis male ad eamdem vocem Z«k retulisse 
atque pro praedicatis Jovis habuisse ideoque inter vocem Bareïs et 
‘Adass interpunxisse videtur : in quam interpretationem €0 facilius inci- 
dere potuit, quum Pollucis ! testimonio constaret, Athenienses Ai rèy 
Bardéx coluisse. Et quum commemorari videret osv om173ey oxodumuévmy, NO- 
minis expertem : hanc alteram oreiy nomine +5 ExeSepis denotandam esse 
arbitratus est, eaque interpretatione inductus pro una porticu duas po- 
suit. 

5. Sed quod libris manuscriptis suadentibus ipsi Hesychio vertimus 
vitio, fortasse librariis imputandum est. Quod si statuimus, medelam huic 
loco adhiberi oportet et assentiri Meursio Att. Lectt. VI, 17, qui verba 
do etar Buster To, n TE Aeyouén to Basdéwe Aus ; noi h Tob "EhevSepiou ita emendawvit : 
dùo elai ASivnoe atoai, n17e Banueus Deyouén, Ted Bandéwe , nre Auèc tod "EeuSepiov. Qua 
emendatione Meursius effecit, ut Hesychüi verba cum omnibus scriptori- 
bus veteribus de numero + Bardetwy atoû Consentiant. | 

Eadem autem medicina, quam Hesychio fecit Meursius, adhibenda est 
Phavorino et Grammatico Bekkeri An. Gr., 1, 222, qui Hesychii locum 
ita exhibent : Aÿo eist A Sonor BasÜeux otoai, n te vob Aeyouévou Basthéws Auc, xai ÿ toù 
"EleSpén, ubi optime procedit oratio, si legeris : Ao eiot "ASrynot atout, n TE 


Bas iers Tob Aeyouévou Basihéwe, nai n Audc Ted "EhevSepron. 


1 Polluc. Onom., VI, 122. 


DE BASILICIS LIBRI II. 15 


CAPUT II. 


DE ORIGINE TH2 BABIAEIOY ZTOAS. 


1. Quo tempore Regia Porticus exstructa fuerit, nemo scriptorum 
veterum memoriae prodidit. Attamen conjicere licet, illam porticum, 
quam Pausanias descripsit, nisi fortasse post bellum Mithridaticum re- 
stituta est, certe non prius aedificatam esse, quam, quae a Persis, OI., 
75, 1,a. C. N., 480. ambusta sunt, aedificia Athenarum reficerentur. 
Etenim ea Regia Porticus, quae tempore Solonis Regi Archonti aedificata 
videtur esse !, haud dubie a Persis funestissimo 1llo Athenarum incendio 
déleta est. Verisimile autem est, porticum illam simul cum reliquis 
aedificiis publicis, quae foro Atheniensium decori fuerunt, veluti porticus 
quae za vocabatur ?, porticus Jovis Eleutherii, curia, aedes Apollinis 
799 raxpov 5, et alia, barbaris pulsis, fortasse ex spoliis Persicis #, restitu- 
tam esse. Quae sententia quum jam per se probabilis sit, tum eo maxime 
confirmatur , quod cippos ad Regiam Porticum circiter OI., 83, 4, a. C. 
N., 445, positos esse his Aeliani verbis edocemur (Var., Hist., VI, 1.) : 
"A Snvaïor tpacroores Xadmdu, vatexAnpolynoa aiT@y Ty iv Es Tecapärovta Ÿ #}npcvs 
Thv inméBoroy raoyuévny yépav * Teuéun À dviee tn "A Sa év to AdayTo Gyouabouéve Térw * 
Ti À Dom éutodosey val ras otilas $ ràc TEÈS rn Barere) oTOQ ÉTTMLIAG , cnEp oùv ray 
DITS OTENY TA dnouyiuaTa ec. Toùs À dypalsrous Eyes vai où ÉvraDOa EaffeTay Tèÿ rar 
XduXsy Sue. Dolendum quidem est, quod Aelianus, quo tempore facta 
sint, quae narravit, notare omisit, sed conjectura tamen, quae ille reti- 


1 Vid. infra cap. V. 

2 Vid. Pausan., 1,16, 1, coll. 1, 47, 1. Demosth., 26, $ 23. Ael. V. Æ., VIT, 16. 

5 Vid. Tabulam fori atheniensis, tab. 1, fig. 2, 5. 

4 Odeum a Themistocle navium malis et antennis e spoliis Persicis pertectum esse narrat Vitru- 
vius, lib, V, cap. 9, $1. 

5 Arzoidious habent Perizonius et Gronov. Praef. ad tom. IV. Thes. Ant. Graec. 

5 Haeserunt viri docti in lectione xai rà; arus, quae sane vitio laborare videtur, Itaque correxit 
Meursius Ate., lect. VI, AT, #arà +; orfnz;, neque ego Meursio assentiri dubito. 


16 DE BASILICIS LIBRI HI. 


cuit, suppleri videntur posse. Nimirum duplicem contra Chalcidenses 
susceperunt Athenienses expeditionem, quarum alteram Herodotus, alte- 
ram Thucydides, Plutarchus et Diodorus Siculus memoriae prodiderunt. 
Et Herodotus quidem, lib. V, 77, haec habet : The dù arñc Tadrns muépne oi 
"ASmvaior diafévres ës Thv Edfow , opfBéhlouar nai voir Xahmdüor : veercavtes dE nai Toûtoug 
rerpoœourydious wngoiyous Eri Tüv imroforéuy Tn xépn heirovor : oidè imroféreu éxakéovto ci 
RAYÉES TOY XouXoy : Gaouç D Tautéwy oypnoay , aqua rai Bowräy Éuypnuévout eco y 
godecen éc médus Oncavres. Xpéve Où Eluoay oocas duvéus anorunoduevor. Tac d médas arétv, év 
Thot EdEuTO, AVENCÉUATEN EG TRY ax péroMY. Aïrep EtL Lai êc uè 77e TEpUEOÜGOL REG UEVOL Ex 
raté REpIrEpAEUGUÉVEY Tupi dn> toù Mdu vtioy OÙ toÿ peyäpou Tob npôs ÉGÉpAY TETpAUUÉ= 
y». Quem Herodoti locum si cum Aeliani narratione comparaveris, facile 
intelliges, Aelianum eamdem quidem significasse Atheniensium expedi- 
tionem , quam Herodotus descripsit, sed plura quam Herodotum narrasse. 
Jam vero Herodotus rem accuratissime narrat, neque credibile est, eum 
res, vinculis illis, quae commemoravit, multo graviores, quales sunt 
cippi ad memoriam locationis conservandam positi, silentio praeteriturum 
fuisse, si eas cognitas habuisset. Neque credibile est, Herodotum, qui 
vincula in aere pendentia vidisset, cippos ad regiam porticum, si illo 
tempore collocati fuissent, non animadvertisse. Hinc consequi videtur, 
cippos ab Aeliano commemoratos Herodoti tempore nondum positos 
fuisse, neque locationem agrorum in is commemoratam tunc factam 
fuisse, sed Aelianum quippe qui plus sexcentis annis post Herodotum flo- 
ruerit, res, quae diversis temporibus evenissent, commiscuisse, dum nar- 
raret : Tv homry (y) és w3æ, oi Tac (xata Tac) oThac— eye. Etenim vix du- 
bitari potest, quin agrorum locatio ab Aeliano commemorata post alteram 
illam expeditionem ab Atheniensibus contra Chalcidenses susceptam facta 
fuerit. Scilicet quae Thucydides, lib. 1, 114, extr., scribit : xat "A Smvaïa ré 
és Edfouy daffävres epeéous oTparryobvres atestpélavro Täcey nai Tv amy ouceyie 
zareorioavro, Ectuuñs Où éEcmicavres aùroi tv ya? ET Yo - Porro quae Plutarchus in 
vita Periclis, c. 25, habet : ES oûv ent roùc épestôtas toamêuevos rai dans (ITepe- 
Age) se Eos revrreovra vauai vai revTaucyutous omherouc xatestpébato tas méhec* xa 
Xomdoy pèy Toïs irrofétas Deyouévoucs mhoëto ai OéEn tapé poyras EEéBode, Ecruusie À 


ROTUS AVATTITOS EL Th XOPAS ASyvarouc prévouc HAT et quae Diodorus Siculus, 


DE BASILICIS LIBRI III. 17 


HbæXII, c: 7, litteris mandavit : Ilepxdñs aipedels atpatnyès EcTpaTEUTE) ET Ty 
Ed Bou pera duvauens dËtoéyou, xai Thv pèv néky Tay Estuarremy Éoy at xPATOS étumune 
rod Estrie €x tas rarpidos , ras À addae XATATANÈAUEVOS AVAYAAGE TAY TELIAP{EY 
"ASmvai , et Cap. 99 : AS Ty Eu Borav AVORTNGÉUEVOL La Tods Ecrtiousis x The Té- 
Dews ExPodévtes (don amowio Es tv éééreubav Ilephéous oTparmyoivros * yuiouc d oixn- 
Topas Enréphavtes, Thv Œ nu za TV Op Latex AmEcU NEA , haec omnia aperte 
docent, Athenienses Chalcidensium quidem Hippobotas ex agris ejecisse, 
sed ipsos agros sibi non arripuisse, Histiaeenses autem non solum ex 
urbe et ex agris pepulisse, sed etiam agros eorum Atticis cleruchis divi- 
sisse. Et causam quoque, eur Hippobotas ex agris ejecerint, indagare 
licet. Nam quos Athenienses teste Herodoto in agris Hippobotarum reli- 
querunt cleruchos, eos adventu Persarum a Dario missorum ab Euboea 
reversos esse, idem Herodotus, lib. V, c. 100, memoriae tradidit; quo 
facto Hippobotae agros suos recuperasse videntur. Quid autem agro Hip- 
pobotarum factum sit, id Aelianus verbis significare videtur : z © am 
éuiswræ , atque cippos ad regiam porticum positos locationis testes fecit. 
Quod quo tempore factum sit, ex Pausaniae lib. V, c. 25, cognosci potest, 
ubi haec leguntur : tadras énoioavto À Snvaïor TapaTTNGQUEVOU To debtepoy Ed£a , 
être TOËTU The Oyurdes, 7 Kpiouy ‘Tuspaïos Éylaa ITA, h. e. OI. ; 85, 5. Cf. Sie- 
belis, ad h. L. coll. Diod. Sic., XIE, 7 et 22. 

Quae quum ita sint, pro certo haberi potest, Regiam Porticum, OI. 85, 
4, exstructam jam fuisse. Quam sententiam egregie confirmaret locus 
epistolarum, quae Aeschinis nomine circumferuntur, modo epistolae illae 
pro genuinis haberi possent. Ibi enim haec leguntur : Of À péregor mpéyova 
droùy adto) (ro ILydipo ) Tv Cnpiay drédosm perd Tod eixôv xx To * ra 7 tai 
de nuAs En mod The Pasdeic oroûs, xaSiuevos évdbpart nai hüpa 0 Iivduooc 1, (ep. #4, $ 5). 
Quibus verbis significari videtur, statuam Pindari ab Atheniensibus ante 
Porticum Regiam poeta superstite constitutam esse. Sed Boeckhius ad 
Pind., IT, 2, p. 18, 19, ostendit, scriptorem falsarium et Aeschinis perso- 
nam mentitum esse. 

2. Quibus hoc unum addere placet, Platonem et Aristophanem primos, 
quam ipsi vidissent, Regiam Porticum in scriptis suis commemorasse. Et 


1 Pindarus diem supremum obiit OI. 80, ?. Cf. Boeckh. ad Pind., If, 2, pag. 45. 


Tome XXI. 


Qt 


18 DE BASILICIS LIBRI II. 


Plato quidem tum initio dialogi, cui nomen est Euthyphroni, quique 
Socrate adhuc superstite conscriptus est !, tum in fine Theaeteti, qui, OL. 
96, 5, exaratus videtur esse?, Regiam Porticum commemoravit. Aris- 
tophanes autem in Ecclesiaz., quae primum datae sunt, O[. 97, 1, a. C. N. 
3925, inducit, vers. 685, Praxagoram, Porticus Regiae mentionem fa- 
cientem. 

3. Quamdiu Regia Porticus salva atque incolumis steterit, plane igno- 
ratur. Si verbis Hesychii et Suidae d stat 'ASima atoat fides haberi posset, 
concedendum esset, Regiam Porticum Atheniensium horum grammatico- 
rum tempore, id est exeunte saeculo XI post Christum natum #, adhuc 
incolumem fuisse. Sed probe notandum est, hos scriptores, quae dede- 
runt, non raro ex vetustioribus scriptoribus ad verbum expressisse. Quare 
quod illi adhuc superstes esse dixerunt, tempore illorum tantum scripto- 
rum, quos grammalici secuti sunt, superstes fuisse existimandum est. 


CAPUT IV. 


DE SITU THZ BASIAEIOY ZTOAS. 


S 1 — Virorum doctorum de situ Regiae Porticus sententae. 


1. Situm Regiae Porticus qui definire conatur, is uti gravissimam ita 
dificillimam rem aggreditur. Nam quum permultorum aedificiorum Athe- 
niensium situm indagare vix possis, nisi quo loco Regia Porticus exstructa 
fuerit, antea cognoveris, facile apparet, ad subtiliorem antiquarum Athe- 


1 Vid. Stallbaum, Proleg. ad Euthyphron., pag. 145 : « Relinquitur ergo, ut (Euthyphro) aut 
post Socratis condemnationem, aut tempore litis in judicio pendentis consignatus esse putetur. » 

? Vid.Stallbaum, Proleq. ad Theaetet., pag. 56, qui paulo post mortem Socratis, neque tamen ante 
Corinthiacum bellum (O1. 96, 2) conscriptum esse Theaetetum contendit. Cf. etiam Burger. Pro- 
legom. et annotat. in Theaetetum Plat., pag. 6 et seq., et Ast., Platons Leben u. Schriften, pag. 192. 

5 Vid. Wachsmuth, Hellenische Alterthumskunde, Th. 1, pag. 601, ed. 2. 

+ Wid. Schoell, Geschichte der Griech. Litteratur, Th. M, pag. 197. 


DE BASILICIS LIBRI III. 19 


narum cognitionem maximi momenti esse, situm Regiae Porticus quam 
accuratissime definiri. Difficillimam autem et impeditissimam esse quaes- 
tionem, vel inde colligas, quod qui eam explicare studuerunt viri docti 
in diversissimas abierunt sententias. Quarum sententiarum quum nulla 
ex omni parte mihi satisfecerit, meam qualemcunque opinionem propo- 
nere et virorum doctorum judiciis submittere liceat. Sed priusquam quid 
ego sentiam exponam, virorum doctorum sententias recenseri necesse est. 
Omnes quidem, duce Pausania, [, 5, 1, in eo consentiunt, Regiam Por- 
ticum in Ceramico urbano sitam fuisse, sed in eo discrepant, quod alii, 
in his Leake et Rossius !, eam in media via, quae Ceramici urbani pars 
fuerit, ali, inter hos Forchhammerus ?, eam ad forum, ut videtur, quod 
et ipsum in Ceramico fuerit, exstructam fuisse existimant. Neque tamen 
qui consentire videntur, re vera consentiunt. Etenim Leake Ceramicum a 
porta Dipylo meridiem versus spectasse, eumque pertinuisse usque ad 
Museum, atque Musarum collem et Areopagum Pnycemque una compre- 
hendisse dicit, Rossius contra eumdem Ceramicum a porta Dipylo inter 
ortum brumalem et meridiem spectasse, atque usque ad forum, quod ille 
in septentrionalibus Acropolis radicibus ponit, pertinuisse existimat. 
Quae mira virorum doctorum discrepantia inde nata est, quod Pausa- 
niam, quem in describendis Athenis secuti, alii per aliam portam in urbem 
intrantem fecerunt 5, ideoque quae ab illo descripta sunt aedificia , eodem 
quidem, quo apud Pausaniam commemorantur, ordine recensuerunt, 
sed ali in aliis locis collocata putaverunt. Illud enim dolendum est, quod 
Pausanias neque portae, per quam Athenas ingressus sit, neque regionum, 
in quibus fuerint aedificia ab ipso commemorata, appellavit nomina. In- 
quirendum est igitur, quomodo hanc rem difficillimam expediamus. Nolo 
autem quas falsas duco virorum doctorum sententias refutare; sed quam 
ipse ex collatis veterum testimoniis concepi sententiam in medium profe- 


1 Leake, Topography of Athens, ed. 2, 4841. London by Rodwell, Germanice Topoyraphie 
Athens v. W. M. Leake 2. Ausg. Uebersetzt von Baïter und Sauppe. Zürich, 1844. Germanica in- 
terpretatione usus sum, — Ross : Le monument d'Eubulidès. Athen., 1851. Idem invenitur in : 
Kunstblatt zum Morgenblatte. Tübingen bei Cotta, 1837. N° 93-96. 

2 Forchhammer, Topographie von Athen. Kiel, Schwersche Buchhandl. 1841, pag. D2. 


5 Vid. Forchharmmer, Topographie von Athen., pag. 28. 


20 DE BASILICIS LIBRI III. 


ram ; quam si probare mihi contigerit, contrarias aliorum opiniones satis 
refutasse videbor !. 


$ 1. — Mea de situ Regiue Porticus sententia. 


1. Equidem, ut paucis sententiam meam complectar et statim in limine 
disputationis ponam, Regiam Porticum m foro Atheniensium, ante aditum 
Acropolis sito, et in eo quidem fori angulo, qui inter meridiem et occa- 
sum solis spectaret, ita collocatam fuisse existimo, ut frons porticus ad 
forum, hoc est ad septentrionem vergeret, latus autem alterum, occiden- 
tale dico, ad viam, quae a foro ad Museum duxisse videtur, pertineret, 
alterum, orientale puta, vicinum esset porticui Jovis Eleutherii, item in 
foro collocatae ?. Quam sententiam ne quis a Forchhammeri sententia non 
differre putet, sufficiat hic monuisse, ex illius sententia Regiam Porticum 
ad orientem solem, vel quod eodem redit, ad Acropolin spectasse. Ut 
autem justo ordine procedat disputatio, primum demonstrare conabor, 
Regiam Porticum in foro positam fuisse, deinde cam in eo fori angulo collocatam 
fuisse, qui inter meridiem et solem occidentem spectaret, postremo , frontem porti- 
cus ad septentrionem spectasse. | 

2. Ac primum quidem, quod dixi, in foro positam fuisse Regiam Porti- 
cum, id quum aliunde probari ? possit, tum egregie confirmatur duobus ve- 
terum scriptorum locis, quorum alter est in Pausaniae lib. T, cap. 5, S1. 
alter in Cornelii Nepotis Vita Timothei, cap. 2, $ 5. Pausaniae verba haec 
sunt : To ® ywpioy, o Kepaucrés, à pèv cvoua Eye dmd npwoS K:pauo, Audrey d cfa 
ral Apuodns va robre) deyouévss. Tlourn D sr év la radouuévn çtox Basitews. Et paulo 
infra : mysiey dù <ñs otoxs Kévuv Ecrme wa TucSeos vios Kévoysc. Quod dicit Pau- 
Sanias, ad dextram fuisse Regiam Porticum, apparet, de eo intelligendum 
esse, qui Ceramicum ingrederetur. Quas autem Pausanias in Ceramico 
prope Regiam Porticum vidit statuas, easdem in foro collocatas fuisse tes- 
tatur Cornelius Nepos, cujus haec sunt verba : « Cujus laudis ut memoria 


1 Rossii sententia de situ Ceramici satis refutata esse videtur a Forchhammero, Topographie 
von Athen., pag. 28 et seq. 


# Vid. infra, pag. 24. Plat. in Eryr., pag. 400. D. coll. init. ejusd. dialog. 


DE BASILICIS LIBRI II. 21 


» maneret, Timotheo publice statuam in foro posuerunt, qui honos huic 
» uni ante hoc tempus contigit, ut quum patri populus statuam posuisset , 
» filio quoque daret. Sic juxta posita recens filu veterem patris renovavit me- 
» moriam. » Hinc igitur manifesto apparet, Regiam Porticum, ante quam 
Cononis et Timothei statuae conspicerentur, ad forum exstructam, atque 
ipsum forum aliquam partem Ceramici fuisse. 

Sequitur jam ut demonstrem, Regiam Porticum in eo angulo fori, qui 
inter meridiem ac solem occidentem vergeret, conspicuam fuisse. Hoc autem tum 
satis demonstrasse videbor, si docuero, forum ante Acropolis aditum, hoc 
est in occidentalibus Acropolis radicibus situm fuisse, atque Pausaniam 
quippe e Piraeeo venientem, ab occasu solis, et per eam portam, quae 
inter Pnycem et Museum Acropoli esset opposita, in urbem atque in forum 
ingressum esse. 

Et forum quidem ante Acropolis aditum fuisse, non est, quod multis 
demonstrem. Nam quod ipsa rei natura postulabat, ut locus ante Acro- 
polis aditum vacuus relinqueretur, atque agendis rebus publicis destina- 
retur , vel ut, quod eodem redit, forum existeret, id idoneis scriptorum 
veterum testimontis probarunt Leake, 1. 1, pag. 157, et Forchhammerus, 
1. 1., pag. 57 et seq. Neque Rossius et Ulrichius !, viri ceteroquin rerum 
Atticarum peritissimi, nobis persuadebunt, forum illud, de quo agimus, 
in septentrionalibus fere radicibus Acropolis situm fuisse; illud autem 
lubenter concedimus, Athenis quoque , quemadmodum Romae, serioribus 
temporibus plura fora fuisse. 

Quod si conceditur, forum ab Acropoli occidentem selem versus spec- 
tasse, jam per se verisimile est, Pausaniam, qui a Piraceo, hoc est ab 
occidente veniens forum peteret, per eam portam, quae inter Pnycem 
et Museum ? ex adversum Acropolim sita esset, atque rectissimam in 
forum viam aperiret, in urbem intrasse. Atque eamdem sententiam con- 
firmat etiam descriptio viarum, quae ex Athenarum portubus in urbem 


ducebant. Nam duas commemoravit Pausanias vias, alteram ex Phalero, 


1 Of Duuéyes nai Tù punpa tiney réy ‘Ayvaisy ÿrè Edp. OÙAepryiou. Athen., 1845. 
? Portam inter Pnycem et Museum sitam Leake, L. L, pag. 518 (ed. ang. 445). Munychiam, 
Forchhammerus, L L, pag. 27, recte, ut mihi videtur, Piracam appellavit. 


2 DE BASILICIS LIBRI II. 


alteram ex Piraeeo, quarum priorem hisce descripsit verbis, lib. T, cap. 1, 
S> 2'Eote Où xara Tv odov, Ty €c "ASvas &x Paripou , vaos "Hpas oùTe Supas Exov ul oùTe opogoy e 
Mapdiéy qasuy arèy éurpñao toy L'ofBpiou. To où ayaua To vüy dn xaI@ Méyouorv "Arauévouc 
éctiy Epyov + x a roëréye o Midre ein As Gnuéves * Cap. 2, S À. EocckSévren dù & Tv 
rôw , Ecru Avrérne pymua ‘Auatéys. De altera autem e Piraeeo via haec legun- 
tur apud eumdem cap. 2), N D : 'Auéyrov Où x Tepuds, épelria Tüv Ter EoTW, a 
Kévoy VITE pOY che pos Kvido vaouayias cuéornce Ta yàp Oepustonhéous uetà Thv évayopnow 
oxcdurSévre Toy Miduy ri tic dpyñs 22SnpÉn Tav rpaoxevte évouatopévoy * Eict dë rage 
tac Thy by VOTE, Mvaydpov toù AuonelSouc, nai pviua Edanidtu uevéy. — K 4 : 
EiskSévruv di ée cn né, cxodumua és Taparueury éoTL TOY TOUR, ac TÉUMOVOL, TA LÈV dv 
räy Etoc, tas Où na XPÉVoY Xaheërovtes * xai TAmoioy vaës Eote Aruyrpoc * éyouara À arr 
re voi h maïe, va) Oada Eyuv Tauyes * yéypanteu d ëni to Toys ypaupaow 'Arteie , Epya ele 
ITpaËirédouc * toÿ vacb dË où réppu Ilosady ect o Érnov , pu dois Ent yéyaura To Bwrry, 
és © Koss à pÜQos rep This ahpas Eye tüs Xekéyns To Où ériypauuæ To ep AUÔY Thy Elxdva 
ae» diduor vai où Tlosaudüu. Étoai dé ou and Tüv mAGy éç toy Kepapemoy, xal einéveg mpd 
aray jade ua yovarGy nai d&vopay, Gong TE ÜTAPXEV GY TI Aéyos éç day nt. À. Utram 
viam Pausanias sibi elegerit, vix dubitart potest. Nam quum id maxime 
ageret, ut res memoria dignas conspiceret conspectasque litteris manda- 
ret, necessario eam sibi eligere debebat viam, in qua plurimae res in- 
signes cernerentur. Atqui ex illis ipsis verbis, quae supra adscripsi, intel- 
ligitur, posteriorem multo pluribus rebus quam priorem insignem fuisse. 
Accedit quod Pausanias ejusdem viae descriptioni statim subjunxit ipsius 
urbis descriptionem, quod haud dubie non fecisset, si ipse per alteram 
viam ad urbem accessisset. Neque dubito, quin illa via, qua usus videtur 
esse Pausanias, fuerit celeberrima illa guaërrés 1, via lapidibus strata, quae 
olim intra longos muros ab Athenis Munychiam et in portus huic urbi 
adjacentes ducebat. Hoc enim inde apparet, quod Pausanias dicit : éué- 
ro dE x Ilesoouds épeimux rüv reyüv Ecru, à Kévuy avéornoe, ». v. À. Et paulo infra : 
aigu dE Téqu xara ty odov yvopuétara x. tr. }. Etenim Cornelius Nepos in Vita 
Themistoclis, cap. 6, $ 5, narrat : Athenarum muros impulsu Themisto- 
clis ita exstructos esse ab Atheniensibus, ut nulli loco pepercerint, sive 


1 Vid. Forchhammer, Topographie von Athen., pag. 24 et 95. 


DE BASILICIS LIBRI II. 25 


sacer, sive profanus, sive privatus fuerit, sive publicus. Quo factum est, 
inquit Cornelius, ut Atheniensium muri e sacellis sepulcrisque constarent. Eo- 
dem autem loco, quo Themistocles muros exstruxerat, eos refecit Conon, 
Cf. Corn. Nep., Conon., cap. 4, $5, et quos ibi laudat Bosius. Itaque quae 
Pausanias de sua via scripsit, optime quadrant in viam illam longis muris 
rmunitam. Concedamus quidem, praeter hanc longorum murorum viam 
Pausaniae temporibus etiam alteram fuisse, quae extra longum murum 
septentrionalem e Piraeo ad urbem duceret !; sed quum Pausanias, qui 
commemorata e Phalero via a meridie ad septentrionem pergit, praeter 
proximam viam ad ruinas longorum murorum alteram ulteriorem non 
commemoraverit, causa nulla in promptu est, cur existimemus, Pausaniam 
neglecta hac via celeberrima, alteram, quae post hanc fuerit, ingressum 
esse. Etenim quam Leake? proposuit sententiam, viam intra longos muros 
propter paludosam loci naturam Pausaniae tempore jam desertam fuisse, 
eam vel ideo amplecti non possum quia veterum testimoniis nullo modo 
corroborata est. 

Quod si recte statuimus, Pausaniam intra longos muros ad urbem ac- 
cessisse, sponte apparet, eum per illam portam in urbem intravisse, quae 
in fine longorum murorum atque e regione Acropolis fuit. Nam longos 
muros recta Acropolin versus spectasse constat 5. Atque duo addam argu- 
menta, quibus res per se probabilis multo etiam probabilior reddi videa- 
tur. Et prius quidem argumentum eo nititur, quod Pausanias nomen por- 
tae, per quam in urbem profectus est, adnotare omisit. Nam si per eam 
portam intravit, qua solebant intrare, qui intra longos muros ad urbem 
venissent, non erat, quod portae nomen adjiceret, quippe quod neminem 
fugeret. Contra si per aliam portam introivisset, haud dubie appellare de- 
bebat portam , quae per se intelligi non posset. Alterum argumentum , quo 
sententia mea stabiliri videtur, petitum est ex extremis verbis ejus loci, quem 
supra € Pausania exscripsi : otoai dé eiouy amd toy nu] Gy éç Toy Kepauerxéy, ai 
civéyes Tpè adr@v vai puy ». +. ). Quibus verbis ea via describi videtur, qua 

1 Vid. Leake, Topographie Athens, pag. 171 (ed. ang. 234 et seq.) 


2 Topograph. von Athen, pag. 169 (ed. ang. 251). 
5 Vid. Leake, Topograp. Athens, pag. 168 et 298 (ed. ang. 231 et 418). 


24 DE BASILICIS LIBRI IL 


Pausanias inde a porta usque ad forum progressus est. Nam illud pro 
certo haberi potest, verbis àré +& ra ! non aliam portam significari, 
nisi eam, per quam ipse ingressus sit, neque vocabulum xecauerés hoc loco 
aliter atque supra, cap. 5, & 1, hoc est de foro dici, ut, quae hoc loco 
commemorantur srex et exe, inter portam et forum collocatae fuisse pu- 
tandae sint. Hoc autem si concedimus, apparet, eam viam, qua Pausanias 
intra portam per urbem progressus sit, eodem quo longos muros, vel 
illam viam, qua extra portam ad urbem accessisset, spectasse, atque 
utramque viae partem recta ad forum atque ad Acropolin duxisse. Unde 
simul et hoc efficitur, portam, per quam Pausanias in urbem ingressus 
sit, non aliam cogitari posse, nisi illam, quae medium teneret locum inter 
Pnycem et Museum. 

Quae quum ita sint, recte statuere videmur, Pausaniam ab occidente 
sole in forum intrasse, neque negari poterit, Regiam Porticum, quae in- 
gresso in forum primo loco ad dextram , id est meridiem versus sita esset, 
in eo fori angulo positam fuisse, qui inter meridiem et solem occidentem 
spectaret. Quod autem dixi, Porticum Regiam in fori angulo, vel quod 
eodem redit, in margine fori positam fuisse, id examinato aedificiorum, 
quae Regiae Porticui vicina fuerunt, situ paulo uberius explicare studebo. 

Nimirum duae fuisse dicuntur aedificiorum series, quae e diversis parti- 
bus Regiae Porticui adjacerent, vid. tab. E, fig. 2, quaeque quorsum spectave- 
rint eum accurate perspexisse oportet, qui de Regiae Porticus situ subtilius 
judicare velit. In priori quidem aedificiorum serie primo loco post Regiam 
Porticum commemoratur porticus Jovis Eleutherü. Etsi enim Pausanias ejus 
porticus, quam post Regiam appellavit, nomen addere omisit, tamen quam 
porticum significet, dubitari non potest. Nam quod ipse Pausanias ante 
hanc porticum statuam Jovis Eleutherii positam fuisse dicit, porro , quae 
Harpocration et Suidas ? de Porticu Regia et porticu Jovis Eleutherii juxta 
se positis scripserunt , denique, quae Eustathius ? adnotavit de utriusque 


1 Vocabulum +221 plurali numero saepe de una porta usurpatur praeeunte Homero, Cf. Lehrs, 
De Aristarchi studiis, pag. 129 et seq. Sic rapzixai ram, Plutarch. Thes., 27 et ravxix} rÜM4, 
Plutarch. Sull., 44, promiscue dicuntur, neque irénat rÜnæ, Opiériti rÜhei 2. +. À. aliter dicuntur. 

? Vid. supra, cap. 1,1, pag. 12. 


DE BASILICIS LIBRI III. 25 


porticus vicinitate, ea omnia manifesto docent, porticum illam a Pausania 
commemoratam nullam aliam fuisse, nisi rnv ro5 EeuSepiou Aws otcay !. Ean- 
demque porticum ad forum fuisse etiam Plato testatur, quum Socratem 
in porticu Jovis Eleutherii versantem ita loquentem fecerit : ét ne ASrwmat 
ToùTwy Tüv AY, Tv Év TA &yopa KEXTNILEVOS ein ka Tahayta ataIuéy 4. T. À. vid. Eryx., 
pag. 400. D. coll., init. ejusdem dialogi. À porticu Jovis Eleutherii Pau- 
sanias ad aedem Apollinis +5 Harpow, deinde ad pyrpès Se iepé ?, porro ad 
Boeuripuos rüv revranost, denique ad 64 perrexit, quaeomnia eodem ordine, 
quo enumerantur collocata videntur fuisse 5. Praeter ipsa autem aedificia, 
et res quas in iis vidisset memorabiles etiam quas ante ea animadvertisset 
statuas Pausanias commemoravit. Atque in his statuis memoravit etiam Har- 
modii et Aristogitonis simulacra, quorum commemoratione optime nostrae 
rei prospexit. Nam quum Harmodhii et Aristogitonis statuas in foro sub aede 
Victoriae #, quae in Acropolis Propylaeis exstructa esset, positas fuisse cons- 
tet, Pausanias tisdem statuis accuratissime significavit locum , quo vergeret 
illa, de qua nune agimus, aedificiorum series. Apparet enim eam in dextro 
fori latere a Regia Porticu, hoc est ab occidentali fori introitu orientem 
versus usque ad Harmodii et Aristogitonis statuas, vel si malis, ad Acro- 
polis viciniam pertinuisse. Cui sententiae confirmandae inserviunt etiam , 
quae Arrianus, De exp. Alex., IE, 16, habet : ‘Appodio ai Apusroyeltoyes you 
elndves —voy sevtou AS à Kspauerec — 7 avquEy é ré ? AUTANT LED bousta To 
Mrtpon. 

Alteram aedificiorum seriem, quam Regiae Porticui adjunctam fuisse 


1 Cf. Sicbelis. ad Pausan., lib. 1, 3. 

2 Apud Aeschin., c. Ctesiph., pag. 576 R., haec aedes appellatur Myroso * &y r© Myrpgo rapà rà 
Bovreurpros. 

5 Forchhammer, Topographie von Athen , pag. 35, putat rè Myrpücy et quae sequerentur aedi- 
ficia templo Apollinis vicina non fuisse, in quem errorem propterea incidit, quod supra male con- 
tenderat, Pausaniam in Ceramicum ingressum ad dextram se convertisse, atque meridiem versus 
perrexisse. Neque dubito, quin vir doctissimus, qui de multis Athenarum locis verissime atque 
acutissime judicavit, suam de foro Athenarum sententiam ipse improbaturus sit, ubi perpenderit, 
quam sibi finxerit fori formam, elegantiae et pulchritudinis, quam Graeci imprimis spectarent, 
legibus parum accommodatam fuisse. 

# Nid. Leake, Topogr. of Athens, pag. A57 et seq. (ed. ang. 215 extr.) 

5 Hoc est &; éxpéron, Cf. Thucyd., HE, 15. 


Tome XXI. 4 


26 DE BASILICIS LIBRI ILE. 


dixi, Pausanias his verbis indicavit, Hb. 1, 14,  : ürèp d rov Kepouerxoy xai avoëv 
Tav xaouuévny (asieucy vaës Eat Hoaistou —rAnsio Où iepéy éatuy ’Agpodirns Oùpariag. 
Nimirum commemoratis, quas recta via orientem versus invenerat, rebus 
insignibus Pausanias in eandem Ceramici partem, unde egressus erat, 
hoc est ad Regiam Portieum rediit, seque ad meridiem convertit, ut quae 
in hac regione post illam porticum essent memoratu digna deinceps recen- 
seret. Quam ob rem his verbis usus est : ürèp d roy Kepauerèy noi thv otoëv Thv 
xadoupéymy Casier vais éorw Hgaisro « supra Ceramicum et quidem supra Re- 
giam Porticum est Vulcani aedes. » Quibus verbis haec duo comprobari 
videntur, primum, Regiam Porticum in fine Ceramici exstructam fuisse, 
deinde, viam e foro in occidentali Regiae Porticus latere ad meridiem 
duxisse, qua ad aedes Vulcani atque Veneris perveniri posset. Quae omnia 
si vere disputata sunt, recte habent, quae supra contendi, Regiam Porti- 
cum in eo fori angulo sitam fuisse, qui inter meridiem atque solem occi- 
dentem spectaret. 

9. Superest, ut doceamus, Regiae Porticus frontem ad forum, hoc est 
septentrionem versus spectasse. Quam séntentiam jam per se credibilem 
confirmant etiam statuae, quae in tecto porticus positae fuisse dicuntur, 
Scironis a Theseo in mare praecipitati atque Hemerae Cephalum ferentis. 
Cujus rei testimonium exstat apud Pausaniam, lib. 1, 5, 1, his verbis 
expressum : Tadrns Eneot To xepou | tic otoûc dyahuata énts yhs, aqueis Onseds éc 
Salasca Exsipuva roi gépoua Huépa Képaoy. Quae staiuae quid significent, expli- 
care studuit Panofka in libro, qui inscribitur : Der Tod des Skiron und Pa- 
troclus, ei Vasenbild des Künigl. Museums. Altenburg b. Helbig, 1858 (Ber- 
lin, 1856). Qui vir doctus statuit, pag. 15, Hemeram Cephalum ferentem, 
atque in mare se praccipitaturam (hoc enim suspicatur duce Strabone , lib. 
X, pag. 452), significare diem vesperascentem, Scironem autem noctur- 
num daemonem, pag. 12, a Theseo, hoc est a sole oriente, victum, de- 
notare noctem decedentem, vel ut brevius dicam, Hemeram significare 
solem occidentem, Scironem lucem crientem. In qua disputatione quam- 
vis multa docte et vere observata sint, tamen ipsa statuarum explicatio 


1 Bekker LPS / PR FCO , - y nn 
Bekker., À. Gr., I, pag. 47, 9, #épauos de Yuets rdv êri rod orénou:, et pag. 271, xépaus:, 27205 


TAVTA TA KEPAUIL, LEpAguie JÈ ox rai rhiyhoi. 


DE BASILICIS LIBRI IL. 27 


mihi quidem non satis probabilis videtur. Etenim Hemeram alias Auro- 
ram, quae Cephalum, id est Luciferum ceperit, vesperam denotare non 
posse, vel inde colligi potest, quod Hemera, vel dempta imagine, lux, 
ubi ita increvit, ut Luciferum, stellam illam notissimam, ceperit vel de- 
tracta imagine, ut stella palluerit, nil efficit, nisi multum diem. Atque ve- 
teres eundem, quem exposuimus, sensum huic fabulae subesse voluerunt, 
qui, quum Phaëthontem Hemerae et Cephali filium esse dicerent, nihil 
aliud indicare voluerunt, nisi hoc : post auroram et luciferum solem oriri. 
Phaëthon enim solem significat, Cf. Creuzer Symbolik u. Mythologie, vol. II, 
pag. 462, n. 258, ed. 2. Atque ipsum etiam Pausaniam fabulam eodem 
modo interpretatum esse, neque dubitasse, quin Hemera in Regia Porticu 
posita lucem orientem denotaret, inde apparet, quod Phaëthontem ex 
Hemera à Cephalo natum esse ait. Quae si recte habent, Sciro noctem non 
diem significet necesse est. Neque obstat huic explicationi, quod Sciro a 
Theseo in mare praecipitatur. Fheseus enim, quemadmodum omnis ge- 
neris {yrannos superavit, ita etiam Scironem, hominem, ut fabulae tra- 
dant, crudelissimum 1 hostemque generis humani perdomuisse dicitur, 
quae res nonnullis monumentis antiquis, veluti metopa aliqua templi 
Thesei etiamnum Athenis superstite ? nobilitata est. Ttaque facile fieri po- 
tuit, ut quum Scironis imago in tecto Regiae Porticus repraesentanda 
esset, Athenienses praeter illum etiam Theseum, Scironis domitorem for- 
tissimum patriaeque defensorem meritissimum, repraesentari vellent. Id- 
que potuit eo facilius fieri, quod Sciro vix alia nota melius agnosci posset, 
quam adjuncta Thesei imagine, quodque ipsa statuarum concinnitas pos- 
tulare videretur, ut quemadmodum in priore ita etiam in altera statua 
par hominum conspiceretur. Itaque non est, quod vel Hemeram in mare 
praecipitaturam fingamus, vel Theseum hoc loco solem denotare creda- 
mus. Quae si recte exposuimus, jure contendere nobis videmur, Hemeram 
Cephalum ferentem lucis orientis, Scironem diei vesperascentis imaginem  fuisse. 
Quae imagines ut recte intelligi possent, ita haud dubie ab Atheniensibus 
collocatae sunt, ut earum positio coeli plagis, in quibus sol aut oriretur, 


1 Vid, Pausan., lib. f, cap. 44, $ 12. 
2 Vide Panofka, Der Tod des Sciron und des Patroclus, pag. 1. 


28 DE BASILICIS LIBRI HT. 


aut occideret, non repugnaret. Quam ob rem existimare licet, Scironem 
in ea tecti versura, quae occidentem versus spectaret, Hemeram in illa, 
quae ad orientem vergeret, positam fuisse. Neque nos falli ipse Pausanias 
testari videtur, qui quum ab occidente ad orientem per forum procederet, 
priore loco Scironem posteriore Hemeram se conspexisse scribit. Atque 
ex hac statuarum collocatione sequitur, frontem Porticus ad forum spec- 
tasse. Nam quae decoris causa aedibus imponuntur, ea in anteriore parte, 
quo facilius ab hominibus conspiciantur , collocari consentaneum est. 
Quae cum ita sint, non multum a vero aberrasse mihi videor, si Athe- 
narum forum, quem ad modum in tabula [ fig. 2 descriptum est, ita 


comparatum fuisse credam. 


CAPUT V. 


DE USU THE BASIAEIOY STOAS. 


S & — De quadruplici Regiae Porticus usu. 


Mirum fortasse alicui videatur, quod de usu Regiae Porticus priusquam 
de ejus forma agere mihi proposui. Sed quum de forma ejus per pauca 
tantum memoriae prodita sint, nonnulla autem conjici possint ex iis, quae 
usus postulasse videatur, non male versari mihi videor, si quae aliqua ex 
parte ad formam porticus definiendam facere possint, undique collegero, 
priusquam eam ipsam describere incipiam. 

Quae de usu hujus porticus disputaverunt viri docti, Archontem regem 
in ea causas ad se pertinentes cognovisse, id licet verum sit, tamen ex 
parte tantum imdicat, quibus rebus haec porticus inservierit. Equidem 
quadruplicem Regiae Porticus usum fuisse arbitror : primum, Archontem 
regem 1h consedisse, ibique munere suo functum esse, deinde leges cippis inscrip- 
tas ibi collocatas fuisse, tum Areopagitas et, ni fallor, Eumolpidas ii nonnun- 


quam judicia exercuisse, denique , publicas epulas interdum ibi celebratas esse. 


DE BASILICIS LIBRI IL. 29 


$ 1. — De rege in Regia Porticu munere suo fungente. 


1. Et primum quidem quod dixi, Archontem regem ibi consedisse ?, 
ibique munere suo functum esse ?, id non solum porticus nomen osten- 
dere videtur, sed etiam Pausanias docet, lib. F1, cap. 5, $ Ÿ : most & eorw 
é dia xaouuévn otox (faste, Eva rater Basdeds Evonciar apyu GRAN) RacUpEVNv 
Basüetay. Attamen quae scripsit Pausanias ëv9a xaditer Bondeds énasier apyv 
&pgf, non satis declarant, quomodo rex porticu, de qua agimus , usus sit, 
neque poterit de hac re recte accurateque judicari, nisi qualis fuerit regis 
äpyñ antea cognoverimus. Îtaque de ejus officiis quicquid à veteribus ac- 
cepimus, in medium afferamus. 

2. Qui Basei: 5 vocabatur apud Athenienses magistratus, is alter fuit 
archon, cui quae injuncta fuerint officia , ab hisce scriptoribus hisce verbis 
eparrantur. Pollux., VII, 9, 5 : O d Baseds puotnpiuy npoéotues pera Tüv émue- 
MnTo, nai Apaicy nai dyGVwY TV ET autant xoù TUs TEPl TAG TaTpIoUS Suoras dornst. Aion 
 Tpos avroy daypovoytou aefetas, is po , apour(BnTicens xai TOÏs yévEoL Ha Tois ispois 
(leg. ispeüme ) Täouy alto dxdbe Ka TA Tod ôvou dinas els "A peroy Ty Elçdyet, ai Tèy 


GTÉpaycy 4 dmodépevos où aûtoïs Qrabe * IIpoæyopeuer  toïs éy aitia ATÉYETIA PuGTNp NY ka! 


1 Regem ante Solonem apud Bucoleum, ut videtur in Basileo, sedisse, testantur Suidas in voce 
aps et Gramm. in Bekker. À. G., 1, pag. 449, his verbis usi : potes dE évréa tirés * Ououobéren 
ÊE, apyov, Baciheus, mohéuapyos * #4 mpè pèv To Dshowvos vouoy oùx ÉËyy adrofs qua dixÂber”, GhN 6 uèy 
Bacireds xu0ÿoro rapà r@ xahouwéye BouxoAeio (Bekker, Bouxcais), rà dè #2 mhyrioy vob Ilouravelou 
#. x. 2. Post Solonem autem, quum nulla alia sedes regis commemoretur, nisi Regia Porticus, non 
male statuere videmur, si existimamus, archonti regi Solonis tempore porticum, qua uteretur, ex- 
structam, basileum vero +4; buroBaredm traditum fuisse. Namque Pollux, lib. VIN, cap. 111, 
quum seribit, oi puAoBaoinets &E Eguonridéy dè évres, méliora Ty iepoy ÉTEMEMODITO, GUVEMOEUOYTES ËV TO 
Basiheio rapè rù Bouxéhewy, manifesto declarat, roùs quroBuoints y t@ Barineio mapà rù Bouxchenry 
consedisse. 

2 Archontes munere suo fungentes myrtis coronatos fuisse, testantur Pollux, VII, 9, 3, extr. 
(époprrec) musfioy Éorepusobyro, et 10, 69, rod rÿ2 Tpéreur pépoyros, ÿ Emfoay vois doyouviy ui pubbive. 
Hesych. inv. wuppos: dix rà rodç Gpyevras ras mubpivas orépeabæ. Schol. ad Aristoph. Vesp., 861 : 
Muéivais yap ÉcTEwayobyTo ci ApOYTES. 

5 De origine hujus magistratus egerunt Demosth., c. Neaer., pag. 1370, 15, R., Arist., Polit., 
VI, 5, 41. Ceterum vid. Poll., VII, 9, 4. Hesych., in voc, Barnes. Suid. in voc. äpycr. Schol. ad 
Aristoph. Acharn. 1224. Eustath. ad Odyss., 1, 398. Bekker., An. Gr., 1, 219, et quae de eo 
scripserunt Meyer et Schümann : Attischer Process, pag. AT et seq. 

4 Vid. not. 2, supra. 


30 DE BASILICIS LIBRI III. 


rûy ay VOL , dinater Où nai TAs TOY aduyov dxas. Eadem fere inveniuntur apud 
Gramm. Bekk., An. gr., 1, pag. 219; Coll., pag. 510, nisi quod ibi addi- 
tur : dxafer rai toi iepebat Tac apouBntisets Tas UTEP TAY yEpav. Quibus etiam addenda 
sunt, quae Lysias c. And., pag. 105, 28 (pag. 195 R.) dixit de Andocide, 
si quando rex eligeretur : "Ado te nomset n ÜTÈP HUÔY Suctaset ai EUYAS evEsTou at 
tà rarpua; Ta uèv éy too Sa Eleuowie , ta Où &v ro Elevoin iepo, nai vhs éoprhs émuehraete 
pusrneios , cmus av undtis ddr , und sel mepi và iepi. Denique non praetereun- 
dum est Scholion ad Aristoph., Acharn., v. 1224, ubi ad verba Aristo- 
phanis rod écruw © (Basuheds ; haec adnotantur : Ag ds pa Thy érmuéhery © [Buriedc 
eye (rns au ne To5 4065) ai vo aShov Edidou TO vigavtr, Toy aoxôy * à À Based Gp 
tie Ésri * pu Où mal TOY puornpioy EmuenTis T@v Tour xal Tüv Juoudy À mpxe. Qui 
scripiores omnes in eo consentiunt, æpgoyta Bardéa non solum, id quod prae 
caeteris viri doctissimi docere volunt, judicis munere functum esse, sed etiam, 
quod majoris etiam momenti fuisse videtur, Mysteriorum Eleusiniorum, fes- 
torum Dionysiorum atque Lenaeorum, et, qui simul celebrari solebant, ludorum 
publicorum curam habuisse. Quae omnia quot et quanta negotia regi exhi- 
buerint, ut accuratius perspiciamus, singula jam pertractemus. Id enim ad 
usum fegiae Porticus cognoscendum ideo multum facere putamus, quod 
verisimillimum esse videtur, regem, quae ad res sacras rite parandas cele- 
brandasque atque ad judicia recte exercenda ipsi visa essent necessaria, ea 
in sede sua vel ipsum parasse, vel aliis paranda atque curanda ibi mandassef, 
Opinamur enim, regem Regia Porticu eodem modo usum esse, quo hodie 
magistratus uti solent cellis suis, in quibus muneribus atque negotiis suis 
vacent, eamque Porticum haberi posse pro regis sede publica et forensi 
(lofjicialité, la chancellerie, nie Cancezzer, ExPEprrion pes Arcnon Koenie). 

5. Ac primum quidem, quas rex curasse a Polluce dicitur res sacras, 
Mysteria Eleusinia, festa Dionysia atque Lenaea, sacra patria, et quos 
simul cum Eleusiniis et Dionysiis celebrare solebant, ludos atque pom- 
pas solennes breviter recenseamus, non ïita quidem, ut qualia illa 
fuerint, exponamus, quum qui scire velit adire possit Mülleri ?, Boec- 


1 Vid. Pausau., F, 5, 1, supra pag. 29. 
? Müller (Petrus Erasmus) De disciplina arcana in libro : De hierarchia et studio vitae asceti- 
cae in sacris el mysteriis Graecorum Romanorumque latentibus. 


DE BASILICIS LIBRI II. 31 


khii ?, Wachsmuthii ? atque Lobecküi 5 libros, sed ut demonstremus, qui 
labores regi exinde nati sint. 

Et Eleusiniis quidem Mysteriis, quae primo loco commemorantur et 
majoribus et minoribus, quantam operam rex impendere debuerit, vel 
inde conjici poterit, quod plurimi cives Athenienses et multi etiam pere- 
grini üs initiari solebant #, quod permulti et magistratus et pontifices et 
ministri in iis agendis occupati erant®, denique quod per novem dies 
quotannis partim Athenis partim Eleusine celebrabantur 6. Etsi enim con- 
cedendum est, regem in ordinandis festis Eleusiniis ab éryeyreis, in cele- 
brandis tuendisque mysteriis a pontificibus atque ministris adjutum esse, 
tamen negari non potest, etiam illi ipsi satis laboris negotiique relictum 
esse, quippe qui curare debuerit, non solum, ut qui indigni viderentur, 
a mysteriis arcerentur 7 et quae facienda essent sacra, rite pararentur at- 
que fierent, quaeque ducendae essent pompae recte ordinarentur, denique 
qui dandi essent ludi, ordine celebrarentur, sed etiam , uti quae ita parata 
essent fierentque, ne perturbarentur ab impiis, aut si qui perturbare ausi 
essent, ne impune discederent. Nam quum haec omnia fieri non possent, 
nisi antea rex mandasset, quae fieri, et a quibus, et quonam modo debe- 
rent, sponte apparet, multos homines a rege mandata accepisse, eidemque 
de rebus peractis rationem reddere debuisse. Quae omnia recte atque justo 
ordine procedere vix potuissent , nisi loco atque hora consueta regem adire licuisset , 
vel quod eodem redit, nisi rex certis temporibus munere suo fungens in Por- 
ticu Regia consedisset , (xaSt6er Bariheds énaucion ap4sy apyrv). 

4. Quam sententiam etiam magis confirmare videntur illa, quae de 
Dionysiis $ atque Lenaeis festis narrantur. Nam quae in honorem Dionysii 


1 Boeckh., Staatshaushalt. der Athener, #, pag. 224 et seq. 
2 Wachsmuth, Hellenische Alterthumskunde, vol. I, 2, complur. locis. 
5 Lobeck, Aglaophamus, bb. F, & 15 et seqq., et $ 23 ec seqq. 
4 Vid. Müller, L. L., pag. 149. Lobeck, Aglaopham., 1, $5, et quos ille laudat seriptores veteres. 
Vid. Pollue., F1, 35. 

6 Yid. Wacbsmuth., Hellen. Alterthumsk., M, 2, pag. 138, ed. 1, pag. 485, ed. 2. 

7 Vid. Pollue., VIN, 9,5, xpozcpcdc-vouiuur, supra pag. 29 sq. 

8 Vid. Wachsmuth., Hellen. Alterthumsk., W, 2, pag. 415 et seq.ed. 1, pag. 486, ed. 2. Boeckh. 
Staatshaushalt. der Athen., W, pag. 170,476, 259 et quos illi laudant. 


œ 


32 DE BASILICIS LIBRI HI. 


celebrabantur festa, licet non sanctiora essent, at majora tamen, hilariora 
atque laetiora Mysteriis Eleusiniis fuisse constat. Quaecumque enim Athe- 
nis instituerentur jocosa certamina, veluti qua +95 yoës ! et quicumque ibi- 
dem celebrarentur ludi scenici, eos omnes festis Dionysiis institutos esse, 
omnes sciunt harum rerum periti. Atque maximos sumptus ab Athenien- 
sibus in hos ludos impensos esse, satis constat. Etenim Demosthenes, in 
Phil., 1, pag. 50,3, conqueritur quod Athenienses in illis solemnibus in 
honorem Dionysii tantum impenderent, quantum vix in classem compa- 
randam solerent, atque auctor libri De gloria Athen., cap. IV, narrat, specta- 
cula ab Atheniensibus data multo pluris stetisse, quam omnia bella contra 
barbaros ad libertatem vindicandam suscepta ?. Non igitur mirum est, in 
celebrandis Dionysiis Lenaeisque etiam plures homines occupatos fuisses 
quam in Mysteriis Eleusiniis rite peragendis ; neque errare videmur, si 
regem eorum quoque negotiorum, quae e Dionysiis nascerentur, partem 
maximam eandem ob causam, quam supra attulimus, in Porticu Regia 
exsecutum esse credamus. 

Quibus probatis atque concessis, non est, quod de Jaurahoreis dyäa Sive 
de Jauradcoutas 4 quibus rex praeerat, et de r& TATGiDY iEpGy dora pluribus 
disseram. Nam quae inde manabant negotia minoris momenti fuerunt , 
quam quae ex mysteriis Eleusiniis et Dionysiis festis celebrandis orieban- 
tur. Neque tamen dubium esse videtur, quin haec quoque sacra atque 
spectacula publica, quantum ejus fieri posset, a rege in Porticu Regia pa- 
rata et administrata fuerint. Itaque Regiam Porticum publicam ejus sedem 
fuisse jure nostro supra statuisse videmur. 

5. Atque eandem sententiam postremo loco etiam illa comprobare vi- 
dentur, quae de Archonte rege judicium in Porticu Regia exercente ÿ 


1 Vid. Schol. ad Aristoph. Acharn., 1224. 961. 1076. Equit., 95. Harpocrat., in v. yes, mÜrez. 
— Athen., X, 457 B. Wachsmuth, Hellenische Alterthumsk., I, 2, pag. 225, ed. 1 ; pag. 580, ed. 
2. Boeckh., Staatshaushalt. der Athen., X, pag. 107. 

2 Vid. Boeckh., Staatsh. der Athen., 1, pag. 295 et seq. 

5 Vid. Strabon, X, 468. Creuzer Symbolik u. Mythologie, M, pag. 189. Wachsmuth., Hellen. 
Alterthumsk., , 2, pag. 500 et seq. ed. 1; pag. 578, ed. 2. 

4 Vid. Schol. ad Aristoph. Ran., 131. 

5 De rege judice optime disseruerunt Meyer et Schoemann Der Attische Process., pag. 47 sqq. 


DE BASILICIS LIBRI IL. 33 


narrantur. Nam Atheniensium hune morem fuisse, ut qui rebus quibus- 
dam praeessent, iidem aut ipsi punirent aut puniendos curarent eos, qui 
in illis ipsis rebus aliquid deliquissent atque peccassent, praeter alios do- 
cuit Platnerus in libro qui inscribitur : Der Process bei den Attikern, 4, 1, 
cap. 2, S2, pag. 25 et 24. Ita factum est, ut ad Archontem regem, quippe 
qui rebus sacris pracesset, omnes pertinerent causae et publicae et priva- 
tae, quae aut e sacris violatis, aut e controversiis inter eos, qui res sacras 
curarent, ortis, aut denique e noxis ab inanimatis rebus ! allatis natae 
essent. Quas causas qui accurate cognoscere cupit, videat Pollucis locum 
supra pag. 29 allatum (VITE, 9, 5), et imprimis quae optime de hac re 
exposuerunt Meyer et Schoemann in egregio libro, qui inscribitur : Der 
attische Process, pag. 500 et pag. ATI et seq. 

Quibus in causis rex non ita versatus est, ut ipse sententiam de reis 
ferret (quamquam Pollucem in hac sententia fuisse colligas ex ejus verbis 
aros duita), Sed potius ita, ut sententiam a judicibus ferendam curaret. 
Etenim quae apud Athenienses vigebant judicia, drasripux, ita comparata 
fuerunt, ut qui judicio praeesset archon (eur dxasrapio 2) res ad se de- 
latas cognosceret, cognitasque ad dijudicandum proponeret judicibus (+ 
duurræs) sententiam ferentibus. Quae omnia ut recte procederent, hoc fere 
ordine gerenda erant5. Ac primum quidem archon reum, cujus nomen ad 
se delatum esset #, ad sedem suam vocabat ÿ vocatumque lege interroga- 
bat, deinde rem vel jure jurando, vel si videretur, tormentis adhibitis, 
quaerebat atque cognoscebat, cognitamque litteris diligenter mandandam 


1 Pausan., I, 28, 10. T2 Où & Ilpuraveto #2ho0uevos | dixasrppuor |, L'0a TO oidpw nel moi? polos Tois 


cc, Tôte rpéoroy, Bou ÉXTEIVEY 


Abümois dikégourir, ri rude apEarhai vouléc. 'Abyuaioy Barinedcyros Eoey 


0 Gouvéyos êr) Tob Bouob roù IloAiéos Auds. Kai 9 jèy Gmohir@y TaÜTy Tè TÉRERU) GTYADEY ËX Ts HOPAS 


guy, 6 dè rÉdErvs rapaurina doeigy 4piSeic, ka ÊG Tôde dy my ÉTOS xpivETI. 

2 Vid. Harpocrat. et Suid, in v. #pepcvix dimarryplou. 

5 Vid. Meyer et Schoemann, L. L. IV, Vom Processgange Wachsmuth, L. L IN, 1, pag. 540. ed. 1; 
pag. 258, ed. 2. Harpocrat., yeucvie dixaorypiou. 

4 Cf.Plat. Euthyphr. init. Ti vebrepor,  Sérpures, pépever, GT où rès dy Auxélo xara Mr à diatpidus, 
ESA de 99 diarpideig répi ty Toù Bariécs arody; OÙ vÉp mou #4 oi dixy Tic odTa Tuyyéve mpès Tèy Bariéa, 
Gvrep êusi; Euthyphro patris nomen delaturus erat. 

5 Plat. (Theact. extr.) Socratem ita loquentem fecit : ÿ pès où drarrytéos po tie rh rod Baoi- 
Dos oroùy èmi Ty Tob Mehprou ypapÿy , #9 ME vÉnpaT ru. 


Towe XXI. 5 


54 DE BASILICIS LIBRI I. 


curabat !; tum hos causae libellos, sive ut nos dicere solemus, acta fori, 
in cista, quae éyivos ? vocabatur, reponi, eamque cistam vinculis impositis 
diligenter clausam in sede sua, & 75 äpys asservari jubebat. Quibus om- 
nibus rite peractis cista cum libellis die judicii in illum locum (judicium 
dvarcieur) deferebatur, ubi sententia ferenda esset, deinde res ex libellis 
per scribam eum judicibus communicabatur, postremo reo orationibus ad 
clepsydram 5 habitis et accusato et defenso, sententia a judicibus lapillis 
in urnam conjectis ferebatur. Qua sententia reus, si absolutus esset, dimit- 
tebatur, sin damnatus Undecimviris poenam daturus tradebatur. Unde satis 
apparere videtur, archontem judicem quaesitoris (juge-instructeur, Unrersuou- 
UNGSRICHTER) partes egisse, judices, dxasrés, autem codem fere munere 
functos esse, quo hac nostra aetate eos, quos juratos, (jurés, ne GEscnwo- 
RENEN), NUNCUPAMUS, fungi videmus. 

Attamen ne quis putet, Pollucem, quum scribit : arèc dite, prorsus 
errasse, non omittendum est, Archonti regi in causis minutis licuisse, 
reum eo poenae genere, quod t% éme nomine vocabatur, pro sua auc- 
toritate afficere. Quae multa pariter atque illa, quae a judicibus rec erat 
imposita, ut secundum leges exigi posset, ab archonte in tabulas publicas 
referri solebat #. 

6. Tot et tanta negotia non ab uno rege confici potuisse, sponte appa- 
ret. Îtaque non mirum est, quatuor sacrorum euratores (rûv isouv émushnréc) 
regi publice additos esse, eique licuisse duos assessores (rapéas), a qui- 
bus in negotiis peragendis adjuvaretur, sibi adsciscere 5. Neque a vero 
aberrare videmur, si statuimus, praeter praeconem 6, qui partes in judi- 
clum vocare atque oratores invitare solebat, praeter clepsydrae curatorem 
(rè éÿ up T), praeter scribam 6, qui libellos conscribebat eosque in judi- 

1 Cf. Demosth., c. Timoth., 1203, 26 R. 

2 Vid. Harpocrat. in v. yo. 

5 Vid. Matthiae, De judiciis, pag. 269. De clepsydris, vid. Petermanni et Simonis libellum De 
clepsydra velerum. Pitisei Lerie. antiq. Rom.in v. ccersyora. Potteri Griech. Archacologie, X, p.249. 
Meyer et Schoemann, Attisch. Process., pag. 715 et seq., 715, not. 55. 

* Meyer et Schoemann, L. L., pag. 50. Boeckh., Staatsh. der Athen., T, pag. 418. 

 Demosthen., c. Neaer., 1369, 20; 1373, 21 R. Meyer et Schoemann, L. L., pag. 57, not. 82. 


® Meyer et Schoemann, L. L., pag. 705, not. 6 et 7; pag. 717, not. 43. 
7 Hesych. Suid. in h. v., Poll., VIII, 443. 


DE BASILICIS LIBRI III. 99 


c0 legebat, praeter ministros, qui id maxime agebant, ut silentium esset, 
vulgusque emittebant, ubi de mysteriis violatis sententia ferenda esset ! 
etiam alios plures fuisse, qui regi +5 & 7 Basdew rater ad manus essent, 
praecipue ex eo tempore, quo post pugnam Plataeensem ab Aristide etiam. 
infimi ordinis civibus ad summos honores aditus patefactus esset ?. 
Ceterum hic commemorare liceat, archontes recens sorte electos, prius- 
quam munera sua adirent, vel ad lapidem in foro, vel ad Regiam Porticum 
Jjuravisse, se leges patrias in magistratu gerendo non migraturos esse 3. 
Nam ex eo, quod ad Regiam Porticum juraverunt, suspicari licet, eos 
coram rege, quippe pontifice maximo Atheniensium, vota sua suscepisse. 


$S ur. — De legibus in Regia Porticu propositis. 


Athenienses, uti in alis locis publicis #, ita in Regia quoque Porticu 
leges cippis inscriplas posuisse, duo veterum scriptorum loci testantur, 
alter Andocidis, 1, 8%, pag. 40, lin. 55. R. : £dée ro due 


Cd La : ” Fe 4 , 
VOUG, Toad: VOUGYU dVyPAQEU Es TOV TOUCY, LUAMEP TEOTERC) GYEypignoo oxomEY Tu (Poyhouéve, 


roùs OË xupouué= 


et paullo infra, 1, 85 : EDIT SNTA pLèV où oi DOTE a avdpe, xa4T% To Yipouax 
Touri, toc dè xypmévtas dyéypabay ec Ty GToxy, Eret dE VE) poprTo ; ÉDÉLETA VÉLOY, dypag 
vue tés àpyas ph yphroæ * alter Aristotelis apud Harpocrationem in voce 


\ , 4 ; = = _ , 
xdplBers DE aveypéavtes dE roc vépoucs sis Todc 2dpBas, eotnoav à & tA otox tr Pacueiw. 


1 Demosth., c. Aristog., 1, pag. 776, 17. R. Polluc., VIIT, 193. 
2 Plutarch., Aristid., cap. XXL. 


r TES x F, # CPE VS _ 1e UT 
3 Polluc., VHI,9, 4. Ggou dè oùroi (oi Apsovrec) rpès ty BaciAcio oroë # êri toù, MiSou, ép' GE auu— 


À 


pui dEers roùs véuous Lai y dopodezfou , ÿ opuooby dydpifyTa aroticcu. 


4 Vid. Pollue., VII, 10, 128; infra pag. 36, not. 5. 
5 Pzetzes, Hist. Var., XI, 549 et seqq., de #be3ec1 haec habet : 


oi Tolyovor dè ai xbüpBerc. 


yéuous Toùc idiétæs, 


350 


x TE TOUS 


7Epi dypooicoy 


y «ai (epoToilag, 
Kai giri Torours dar: Toy dyomiwy: 
Kai êri oi pèy aSoves Ürppyoy amd EURO 


333 Ai x5pDe1; fau dè war 0) puéy ti drd EUR. 


36 DE BASILICIS LIBRI HE. 


Nam = 57057, quam appellavit Andocides, non significare porticum rw 
adoyuémy TOM , uti Reiskio ad Andocid., 1, 85, visum est, vel inde ap- 
paret, quod qui Poecilen descripserunt scriptores nunquam legum in illius 
parietibus conspicuarum mentionen fecerunt !. Contra vel per se probabile 
esse videtur, in sedibus magistratuum, qui inde a temporibus archontis 
Euclidis, OL 94, 2, a C. N., 405 ?, àypigo véum ph ypñou jure jurando 
obstringebantur, scriptas leges, quas sequi deberent, expositas fuisse. 
Quum autem praeter Portieum Regiam nullam aliam porticum magistra- 
tus sedem fuisse constet 5, non temere statuere videmur, 67037 ab Andocide 
memoratam r#v 105 Bardéws roi fuisse #. Quam sententiam egregie confir- 
mare videtur locus, quem shpra dedimus, Aristotelis : évæypadavres Œ rade 
vopLous els Tods zopleic , EcTAsa) y tn oTca. en Basteiv. Neque obstare videtur ñ quod 
leges, quas Andocides in parietibus inscriptas commemoravit, ab Aristo- 
tele in cippis incisae fuisse dicuntur. Nam quas superioribus temporibus 
(iva mep mpérspe éveypiqusæ), ut videtur Euclidis temporibus, parietibus in- 
scripserant leges , eas posterioribus, fortasse Aristotelis, temporibus, cippis 
incisas in aptiore Porticus loco collocaverunt *. Cujus mutationis causam 
quamvis nemo velerum commemoravit, suspicari tamen licet, id ideo in- 
stitutum esse, quod cellae, quibus rex ejusque assessores, scribae atque 
ministri posterioribus temporibus propter auctam negotiorum multitudi- 


r TRS É —. , 
Eupor d'auras KopoBaytes, dev xahobyTe #0pers 
Oecrouros ds Evpabe To repl edceBeixs * 


TH 071 xe0pÜpoyTa ave TE Kai mode Uiboc. 


et Pollux., VILL, 10, 128, dicit : x599eis cavides rupauoudtis, di: foay Épnevpauuéroi oi vou. 

1 Vid. Pausan., 1, 15, ibique interprett. Û 

2? Wachsmuth., Hellen. Alterth., 1, pag. 648, ed. 1; pag. 647, ed. 2 

5 Archon Eponymus sedebat in foro ad statuas Eponymorum (Andoc., e. Alcib., 118, 5), Pole- 
marchus ad Lyceum (Hesych. in voce'Erréze, ibique interpp.), Thesmothetae sedebant ad Thes- 
mothesion (Meyer et Schoemann, !. L., pag. 60, not. 89). 

4 Leges regis commemoravit Petitus in legibus Atticis. 

5 Neque Pollucis locus, VII, 10, 198, huic sententine adversari videtur, qui quum cippos, 
quibus leges inscriptae essent, antea in Acropoli collocatos fuisse narrasset, eosdem postea in Pry- 
taneo el in foro, vel, uti conjicio, in Regia Portieu ad forum sila, positos esse memoriae prodi- 
dit : KéeBeis cavides TUpauoeidEs, ds fav Égyeybauéyo of véun. ‘Aréxwivre dè &v 'AZpOTOREI TÉAGI, ENT 


dè iva mais EE éyru NAVEI, Eig TÙ Tourazéios 441 Thy dyopèr » ÉxOUITIYTEY, 


DE BASILICIS LIBRI II. 51 


nem vix carere potuisse videntur, ad muros Porticus inter parietes et co- 
lumnas exstructae, leges parietibus inscriptas contegerent, earumque 
aspectum auferrent. Cui rei ut mederentur, leges cippis inscriptas in medio 
Porticus spatio collocasse videntur. 


$ 1v. — De Areopagitis Eumolpidisque in Regia Porticu 


judicium exercentibus. 


1. Quam Bunsenius ! imprimis fovet sententiam, Regiam Porticum 
nihil aliud fuisse, nisi judicium sive forum, in quo rex jus dixerit, eam 
sic, ut a viro clarissimo proposita est, equidem amplecti non possum. 
Imo existimandum est, non solum regem, uti supra docuimus, interdum 
ibi de causis minutis sententiam dixisse, sed judices quoque quosdam eo 
ad jus dicendum convenisse. Etenim Demosthenes, contra Aristog., pag. 776, 
20 et seq. R., ut doceret, judicum esse, rè draSoüvra rite, Areopagita- 
rum senatum interdum e concionibus suis vulgus removendum curare 
commemoravit, his usus verbis : do éo5 rapakyuata, To — — ro À rny 
"A peie mdyou (Bavkny , OTa y Ti Easieio gTo2. La CoUÉn TES YOWIGTe 2 xarx mo mou 
xiav ëp ETS chou , xal Gravtos ÉxTodoy ÜTOYG)EU , qui locus aperte docet, Areopa- 
gitas interdum in Regia Porticu judicium exercuisse. Nequis autem putet, 
ejusdem sententiae testimonium inesse etiam in verbis Pollucis, L. VII, 
9, 5 : rai Ts Toÿ opévos diras els A peroy Tmdyoy elcdyet (8 Baseis), ita quidem, ut 
"Apeuy riyx Areopagitas simul cum rege in Regia Porticu sedentes denotare 
existimet, tenendum est, Areopagitas nunquam apud Graecos voce "A pers 


riyes, Quippe quae solum locum judici significet, sed hisce potius desig- 


1 Vid, Bunsen : Die Basiliken des christlichen Roms, pag. 15 et seq. Canina, {. L., Part. I, c. 2. 
? Quum de laesis mysteriis sententia ferenda esset, profani a ministris his verbis : weraorhore 
ë£ (Demosth. e. Aristog., pag. 776 R.) e judicio dimittebantur, ipsumque judicium, nequis +& 
iharä accederet, funi quodam 50 pedes a judicio remoto cireumdabatur. Cf. Demosth. c. Aristog., 
pag. 7176 : déc épô rapadeinuara, rà rhy Bouhÿr, rod revrunogious, md The doSevob; Tauryoi x194hidos rüv 
Grophrer aupias Een al uh rods idiôrez érerriéreu. Pollue., VIII, 195 : rù JÈ dixacrhpioy repiraxoisibero 


roù pèy Business Éranneiharres, ro dE répionoiniome dmè mévryoyra mods Éviyvero, al ol Ürypetai Épeio- 


, = ” 3 FA " "Ar Rap 12H 2 or 
rhkeiTas, Gros pydels dyurémreuros rporÿ * dvicraro dè rà dixucrhpla, ei névoiro diocymeix, ÉEynyral JÈ Êxx- 


Dobyro, ci ra repl roy dioryuelos al vd roy ao ieo@y didésuoyTés. 


38 DE BASILICIS LIBRI LEE. 


nari vocabulis : à & ‘Agé mayo Born, à Bouin n €ë ’Apeio Tmiyou,, à Bouhn à ET ’Apeics 
Tay®, À avw Bon, ñn Bouin, To Ovastipuy To € "A pion Ty , Cf. Maetzner ad 
Lycurg., pag. 96 et 175. Bergmann, in Proleq. ad Isocrat. Areopagitic., in ed. 
Benseleri, pag. à et seq. J.-H. Krause, in Pauly Realencyclop. der kl. Alter- 
thumsw. in v. Areopagus. 

2. Praeter Areopagitas autem etiam Eumolpidae de impiüis sententiam 
laturi in Regiam Porticum convenisse videntur. Nam quod Demosthenes 
Androt., pag. 601, 25 R., verbis duibesSeu npès Evuoridas significavit, Eumol- 
pidarum fuisse de àseGez jus dicere, id luce clarius apparet e verbis scholias- 
tae, Cod. August. Vindel. ad Demosth., tom. IT, pag. 157, a.R. :o y40 Based 
éreuseïTo ro ispuv Tp&yUATOY La ÉnMyE Ta Ths AoE(ElAs ypapAs TEOS rod Etuoriduc , atque 
e verbis schol. Arist. apud Creuzer., Symbol. u. Mythol., tom. IV, pag. 344, 
quae a scholiasta Aug. Vindel., non dissentiunt. Neque de loco, in quo 
Eumolpidae ad jus dicendum congregati sint, ambigi poterit, si memine- 
rimus, primum quidem, nullum, in quem illi convenerint, locum apud 
veteres commemorari, deinde vero, sanctam Eumolpidarum gentem in cele- 
brandis Eleusiniis mysteriis arctissime cum archonte rege conjunctam atque 
propter negotia simul cum rege exsequenda saepissime in Regia Porticu 
versatam esse. [taque quid, quaeso, verisimilius, quam Eumolpidas, quam 
rex cognovisset, causam in ipsa regis sede, quae ipsis consueta esset, ju- 
dicavisse ? 


$S v. — De epulis in Regia Porticu factis. 


Quod autem postremo loco significavi, etiam epulis faciendis interdum 
inserviisse Regiam Porticum, nititur loco Aristophanis in Ecclesiaz., vs. 
677 et seqq., ubi poeta Praxagoram mulierem ita loquentem inducit : 


os ee + dc Thy &yopoy xaTa don 
“Se 8 ON " , e u » 
Kara otiousa rap App ! xnpocu Tovtas, wc av 
Eiduc 6 hayoy érin yaipuv év émoiw ypipuart ? dev . 
Kai xnpo£er Tods ex to [Bgr 2 mt Tv ovTouxv éxokou dE 

! Statua Harmodii in foro posita. 


? Ut quae poeta scripsit verba : &2 éroo ppéuuerr demvei, nai mypbEes rod êx roù Bÿr' ( Bfru) recte 
intelligamus , recordari debemus, Athenienses solitos fuisse et, quem sorte quotannis elegissent, 


DE BASILICIS LIBRI III. 39 


Tv Basile demvsovrac * ro À Sfr ec Tv (otaxv) TapA TAUTNY 1 


\ ve "1 PE PE oi 4 * x » , 
Toùs À éx To uimT els Thy oTouù YOpEY Ty dIouTéro y. 


Poetam verbis à Aæyuy dume et dsmyiseyras significare cives Athenienses, qui 
carnibus, quae ex sacris factis relictae essent, in honorem Deorum pu- 
blice vescerentur, vel quod idem est, epulas publicas celebrarent ?, a viris 
doctis dudum perspectum est. Sed easdem epulas non solum in templis 5, 
sed etiam in porticibus publicis, veluti in Alphitopoli (odeum fuisse cre- 
ditur), in Jovis Eleutherii porticu atque in Regia Porticu celebratas esse, 
hic ipse locus manifesto declarat. 

Quae omnia si recte disputavimus, concedendum erit, eos Regiae Por- 
ticus usum nimis angustis finibus circumscripsisse, qui solum regem ibi 
causas cognovisse atque judiciis exercendis praefuisse, ideoque Porticum 
Regiam nihil nisi judicium sive forum archontis regis fuisse putarent. 


CAPUT VI. 


DE FORMA THS BAXIAEIOY ZTOAZ. 


$ 1 — Introductio. 


Regiae Porticus quum neque effigies in nummis gemmisve, neque ac- 
curata descriptio in veterum libris reperiatur, de ejus forma nihil aliud 


judicum numerum, in decem partes dividere, quas singulas litera quadam denotarent, et, quae 
haberent, decem judicia sive fora item singula literis denotare. Jam vero die causae agendae con- 
stituta sorte decernebatur, in quo judicio, vel quod eodem redit, in qua litera, judicum catervae 
literis notatae, vel si malis, oj êx roù Bÿra, ol Ex rod Sÿra #. +. À. sederent, sententiamque ferrent. 
Cf. Meyer et Schoemann , Der Altische Process., pag. 127 et pag. 148. Eodem modo, quo judicia 
atque judices, etiam coenacula, in quibus epulae publicae haberentur, atque cives Athenienses, 
qui publice epularentur, literis notati fuisse videntur, Ttaqne verba & érofo poéguur coenacula, 
et ci éx roù Bÿra w. 7, 2. epulantes significant. 

1 Jovis Eleutherii porticus, vide supra, pag. 20 et 24. 

2 Vid. Boeckh., Staatsh. der Athen., W, pag. 226. 

3 Vid. Petit., Leg. Altic., 1, 2,1. 


10 DE BASILICIS LIBRI II. 


proferre nobis licet, nisi quae aut ex ejus usu colligi, aut ex comparatis 
inter se quibusdam veterum scriptorum locis coneludi, aut denique e bre- 
vissima, quam Pausanias dedit, ejusdem descriptione peti discique pos- 
sunt. Quae quidem omnia, etsi per se spectata tenuia esse videantur, 
tamen inter se conjuncta atque in unum comprehensa , tantum efficiunt, 
ut, si non certa et perfecta, at probabilis tamen adumbrari inde possit 
Regiae Porticus imago. Quam quidem imaginem quo melius delineamus 
lectoribusque ante oculos ponamus, ita nobis versandum esse videtur, ut 
primum de porticibus in universum doccamus ea, quae ad falsam quorum- 
dam de hisce aedificiis sententiam refutandam sufficiant, deinde quaecum- 
que ad formam Regiae Porticus describendam faciant, justo ordine re- 
censeamus. Qua in re illud imprimis enisuri sumus , ut Regiae Porticus 
et ichnographiam, et orthographiam, quoad ejus fieri possit, describamus. 
Nam quae praeterea ad perfectam Regiae Porticus effigiem requiruntur !, 
eurythmia, symmetria atque decus, ea qualia fuerint in Regia Porticu, 
quum veteres taceant, ignoramus. 


S mn. — De veterum porticibus. 


1. Porticus, graece srox sive zroai ? 


sive rats, apud veteres fuerunt 
aut aedificiorum partes, aut quae per se ipsa starent aedificia. Nam quae 
in Italia atque Graecia est coeli temperies, ea uti nunc homines invitat, ut 
plurimum sub divo versentur ibique negotia curent, ita veteres quoque 
Graecos atque Romanos excitavit, ut ante portas aedium suarum non 
solum otiosi ambularent vel considerent, sed etiam negotiis, quibus quis- 
que operam daret, ibidem fungerentur. Quam ob causam quum solis aes- 
üvi radios pariter atque imbres subito incidentes aegre ferrent, tecta, 
quibus se contra solis calorem et pluviae molestiam defenderent, ante 
aedium januas exstruxerunt. [aec tecta altera ex parte elata, atque aedi- 
ficiorum parietibus externis annexa, altera ex parte demissa atque colum- 


1 Cf. Vitruv., 1, 2,5 et seq. 


Mol) 


2 Vid. Photius in verbo croi. 


DE BASILICIS LIBRI HE. 41 


mis imposita erant, ita quidem, ut, qui illis tegeretur, locus altera ex 
parte aedium parietibus muniretur, altera ex parte inter columnas liberum 
aditum haberet. Has igitur aedium partes ! Graeci 5r03ç Sive rapasrädus, Ro- 
mani porticus ?, iidemque , quod contineretur spatium inter columnas, in- 
tercolumnium ?, quod reperiretur inter columnas et parietem , ambulationem ? 
nominarunt. Quae qui recte perceperit, tum &S%ewsa illam ante aedes 
Ulyxis a Schreibero 5 optime descriptam, tum peristylia in aedibus Grae- 
corum #, tum etiam cava aedium sive cavaedia in aedibus Romanorum 
ejusdem generis fuisse concedet, neque pronaos aedium sacrarum, porro 
porticus templorum péripterorum $ porticusque in templis hypaethris, 
denique porticus in theatrorum summa gradatione 7 eidem generi adnu- 
merare dubitabit. 

2. Jam vero quum veteres porticus, quibus ab injuriis coeli se defen- 
derent, ante aedes exstruxissent, non mirum est, etiam in publicis locis 
versantes contra easdem coeli molestias iisdem uti voluisse remeduis. 
Quare jam antiquissimis temporibus ad forum atque ad fana, veluti ad 
forum Romanum a Tarquinio Prisco $, ad templa Delphica atque Olym- 
pica Ÿ porticus sunt aedificatae, imo posterioribus temporibus fora et, 
apud Graecos et apud Romanos undique porticibus inclusa invenieban- 
tur 10, [ta factum est, ut quae antea aedium partes esse solerent, proce- 


1 Vitruv., V, 5 et 7 (10). 

2 Cf. Lexicon Vitruvianum. 

5 Schreiber, Jhaca, oder Versuch einer geogr. antiq. Darstellung der Insel Tthaca, pag. 129 sqq. 

# Vid. Vitruv., VI, 7 (10), $ 1 et seq. 

5 Vid. Vitruv., VI, 5, $ 1 et seq. 

5 Portieus templorum peripterorum eo fine exstructas esse contendit Vitruvius « ut aedes circa 
<ellam haberent ambulationem atque si imbrium aquae vis occupasset et interclusisset hominum 
multitudinem , ut haberet in aede circa cellam cum laxamento liberam moram, » cf. Vitruv., IF, 
2,5 (1,814), Collata, LU, 5, $ 9 (2,6 9). 

7 Vid, Nitruv., V,6,$ 4 (7,$ 1). 

8 Liv. 1, 35. Ab codem rege et cirea forum porticus factae. 

9 Pausan., V, 21, et Siebelisii indie. verb. ad Pausan. in v. oroé Wachemuth., lib. laud. W, pag. 
677, ed. 2, 

10 Vitruv., V, 1,84, et Pausan., VI, 24, 2 : ‘H D dopà rois MAëioic où xar& tas Tévoy, al coai 
æpôs ‘loyiay môheis Eicis hay, spgro dÈ reroiyrau Ta dpyaorépo , arodis dè 4rè dAyAwy dieotéauis «ai 
dyvidis di duréy, 


Towe XXI. 6 


42 DE BASILICIS LIBRI IE. 


dente tempore etiam sejunctae et separatae ab aliis aedibus exstruerentur 
porticus. Quae porticus initio quidem unam lineam (veluti ad utrumque 
templi aut macelli latus !), aut ubi parallelae exstructae essent, duas lineas 
(veluti porticus in utroque latere Ceramici Atheniensis interni a porta 
Dipylo usque ad forum pertinentes atque Herculanei ?), postea vero ubi 
fora aut templa * undique circumcludi solebant, etiam quadratum effe- 
cerunt {. 

5. Hujus modi autem porticus veteres quum antiquitus in foris ex- 
struxissent, postea vel urgente necessitate vel data occasione etiam extra 
forum ad exemplar forensium porticuum exstruere coeperunt, eo quidem 
consilio, ut vel otiosis hominibus, qui turbis e mercatu rerumque publi- 
carum tractatione ortis, a foro deterrerentur, jucunda ambulacra, vel do- 
cendi discendique cupidis tanquam scholas aliquas pararent. Ex quo 
genere Athenis fuerunt porticus picta, à rx cts, in qua Zeno versari 
solebat Ÿ, atque Jovis Eleutherii porticus et palaestra Taureae, quas So- 
crates frequentavisse narratur 6. Neque mirum nobis videbitur, ejusmodi 
porticus etiam ad theatra exstructa esse, quod propterea factum esse Vi- 
truvius 7 narrat, ut cum imbres repentini ludos interpellarent, haberet 
populus, quo se reciperet ex theatro, choragiaque laxamentum baberent 
ad comparandum; quales sunt porticus Pompeianae (Romae), itemque 
Athenis porticus Eumenia, Patrisque Liberi fanum et exeuntibus e theatro 
sinistra parte Odeum. 

4. Quas autem ad forensium exemplar exstructas fuisse diximus por- 
ticus, eas quadrangulas atque undique parietibus circumclusas fuisse, non 
solum e Vitruvii verbis « ad parietes, qui circumcludunt porticus ambulatio- 


+ Vide Nummum antiquum Romanum in Beckeri Handbuch d. Roem. Alterth., X, tab. 5, num. 
40. 

? Vid. Himer. Sophist., Orat. M, pag. 446. Wernsd., Jorio Scavi di Ereolano, tab. 5. 

5 Vid. porticum Octaviae in tabula marmor., Urbis Romae in Caninae Pianta topograf. di Roma 
antica, no. XXIX. Cf. etiam Becker., Æand. d. Rôm. Alt, X, pag. 545, not. 1144. 

# Vid. infra 4, et Pausan., II, 13, 4 : "Ecrs dé vi gpopior Egoy croùs y rerpandvo ro cxfuari, ÉvSa 


cœlcis Érireéc 


ro Tà pyaioy. Strab., pag. 646. oroù rerpépavos. 
5 Vid. Diogen. Laert., VII, Zeno. 
® Vid. Platonis Theag. init., Eryx., init., Charmid., init., pag. 153. 


7 Vid. Vitruv., V,9, $ 1. 


DE BASILICIS LIBRI III. 43 


nes !; media vero spalia, quae erunt sub divo, inter porticus, adornanda vi- 
ridibus videntur? » , atque e descriptione imaginum, quae in Jovis Eleu- 
therii porticu 5 et in porticu Poecile # fuisse perhibentur, conjici licet, sed 
etiam exemplo Eumachiae porticus (Vid. Tab. IT, fig. 5), quae felici quo- 
dam casu Pompeiis servata conspiciturŸ, manifesto declaratur. Haec enim 
ita comparata est, ut quum medium spatium a tribus partibus muris, a 
quarta parte, quae in publicum vergebat, compluribus portis circumclu- 
deretur, porticum Poecilen et porticum Jovis Eleutherii forma externa ae- 
quasse videatur. Unde apparet, vehementer errare eos, qui unamquamque 
porticum unam tantum ambulationem in posteriore parte pariete longo, 
in utroque autem fine brevissimis parietibus latitudinem ambulationis 
aequantibus conclusam continere putent, ita ut veterum porticus nostris 
ambulationibus, quas Colonnaden sive Arcaden appellare solemus, omnino 
pares esse existiment. Reliqua, quae de porticibus in medium proferre 
possemus atque deberemus, si rem accuratius hic pertractare vellemus, 
hoc loco missa faciamus, quum vel ea, quae hactenus disputata sunt, ad 
formam Regiae Porticus cognoscendam suffciant. 


$ 1. — De ichnographia Regiae Porticus. 


1. Jam vero Regiae Porticus formam descripturi primum ichnogra- 
phiam ejus, quantum fieri poterit, delineare studebimus, et statim in 
fronte disputationis placet conjunctim proponere, quae ex veterum locis 
colligi possunt. Pro certis autem haberi posse haec videntur : primum 
Regiam Porticum fuisse aedificium undique aut parietibus aut januis cir- 
cumelusum idque oblongum , deinde in ambulationibus ejus cellas fuisse 
exstructas, tum in medio spatio regis tribunal, suggestus partium, subsel- 


1 Vitruv., V, 9, 8 3. 

2 Vid. Vitruv., V,9,8 5. 

3 Pausan., 1, 3, $ 2 et seq. 

# Pausan., 1, 15, 25 et seqq. 

5 Videatur Tabula fori Pompeiani in Goro von Agyagfalva : Wanderungen durch Pompoii, et 
deseriptio porticus Eumachiae apud eundem. 


44 DE BASILICIS LIBRI HE. 


lia judicum et cancellos judicii fuisse collocatos, denique cippos, quibus 
leges inscriptae essent, ut videtur, in medio spatio inter subsellia positos 
fuisse. Haec pauca, neque aliud quidquam ex veterum scriptis de hac re 
discimus. 

2. Ac primum quidem Porticum Regiam parietibus undique circum- 
datam ideoque talem fuisse, qualem supra, cap. VE, KI, 5. 4, descrip- 
simus, vel ex eo sequitur, quod rex non in aperta ambulatione, sed in 
tranquillo tantum loco, hoc est in porticu parietibus circumelusa munere 
suo fungi potuit. Cui quidem argumento haud leve pondus etiam eo acce- 
dit, quod Regia Porticus in frequentissima urbis parte, in foro atque in 
quadrivio sita fuit, quo loco qui tranquillus sedere, atque a turba , quae 
in foro et quadriviis versari soleret, non perturbatus negotia sua exsequi 
vellet, eum parietibus atque januis tectum munitumque esse oportuit. 

5. Utautem oblongam fuisse credamus Regiae Porticus aream, eo ad- 
ducimur, quod Jovis Eleutherii porticui, quae et ipsa oblonga esset, pa- 
rallela faisse memoratur. Et Jovis quidem Kleutherii porticum oblonga 
figura fuisse, ex imaginum in ejus parietibus pictarum ambitu luculentis- 
sime apparet. Nam si concesseris, Pausaniae (lib. F, 5, 2), verbis : otoù 
Omer ev radurrau YpapXS ExavTa Sendc dudtua rakoupéveus * Eri To Toiye To) Tépay Onseis 
éott yeypauuéros voi Anuorpatia te nai Aus, et $ 5 : "EvradSà éati yeypapuévoy vai vè 
rep Meriva "A Sraicy Epyc , d BonSrisoures Aanedupovios éréuonso — y ta y pag tou 
iNRÉMY ETTÉ HÉUNs EV ñ popuorarer T'pües ve © Eevoyüvrcs éy Toic "ASyvaiots , HO LOTX TV 
rroy Ty (Bourioy Exauvéydne à OnBaos” Tadras Täç Ypapas Evppévop &y pale ASrvaiors , 
non significari Regiam Porticum uti Meiero et Schoemanno atque Wachs- 
muthio ! visum est, sed porticum Jovis Eleutherii, quod jam Siebelis ad 
hunc locum probavit, et ipsa loci ratio statuere cogit, vix negari poterit, 
imaginibus illis in porticus parietibus pictis oblongam areae formam de- 
monstrari. Nam quae & +5 roïyn to répav, hoc est in pariete e regione aditus 
sito ? efligies tres erant Thesei, Democratiae et Demi, cae haud dubie 
multo minus sibi postulabant spatium, quam quae in dextro pariete repe- 

1 Meyer et Schoem., Att. Proc., pag. 47, not. 62. Wachsm., Æellen. Alterthumsk., H, 2, pag. 371: 


Die koenigliche Halle, geschmückt mit Gemälden des Euphranor. 
2 Cf. Siebelis. ad h. L. 


DE BASILICIS LIBRI IT, 45 


riebantur imagines duodecim deorum ! et quae in sinistro latere invenie- 
bantur militum Lacedaemoniorum, equitum Atheniensium et equitum 
Boeotiorum imagines ?. Hinc igitur consequitur , parietem ingredienti 
oppositum breviorem, utrumque parietem ad ingredientis latera longiorem, 
proinde aream Jovis Eleutherii portieus oblongam fuisse. 

Quod autem Regiam Porticum Jovis Eleutherii porticui parallelam 
fuisse diximus, ejus rei testes sunt veteres grammatici Harpocratio et 
Suidas ©, de quorum verbis quamvis dubitari quodam modo possit, tamen 
vel conjectura assequi licet, porticum Jovis Eleutherii et Porticum Re- 
giam, quam utramque eodem loco * eodemque tempore * exstructam esse 
cognovimus, forma quéque eadem fuisse. Deinde eo quoque monemur, ut 
Regiae Porticus aream oblongam fuisse existimemus, quod area oblonga 
concionibus judicialibus, quibus rex praesidebat, magis convenisse vide- 
tur, quam quadrata. 

4. De ambitu autem et amplitudine Regiae Porticus non habeo quid 
proferam, praeter ea, quae ex epulis publicis in illa celebratis concludi 
posse videantur. Quum enim Athenierses festis diebus interdum CCC bo- 
ves mactasse dicantur 6 et urius bovis carne ad minimum CCC homines 
vesei possint, quumque vix verisimile sit, plura quam centum loca, ubi 
epulae institui possent, Athenis fuisse, conjici licet, Regiam Porticum 
tantam fuisse, ut circa nongentos homines epulantes in se continere 
posset. 


1 Imagines, XI deor. Pompeiïis inventae, vid. in libro qui inseribitur Æerculanum und Pom- 
peii, tab. XI, ser. 1v, tom. IV. 

? Jmagines ab Euphranore pictas laudarunt Plutarch., De glor. Athen., cap. Il. Eusthathius, ad 
IL 1, v. 529, pag. 114, 11, ed. Rom. Plin., H. N., xxxv, 11, 8 129. Valer. Maxim., VIE, 41, 5. 

5 Harpoc., in v. Pacicns orot, et Suid., in v. Basiacios * do eist crea rap! AAMÿAZ:, ÿre vod 'FAeu- 
Non fuit, quod Forchhammerus (Topograp. v. Athen., pag. 35) ex his 
verbis concluderet, Jovis Eleutherii porticum e regione Regiae Porticus sitam fuisse, quod si signifi- 
care voluissent grammatici, melius, opinor, scripsissent : do éiri aroxi ratavrimpù &xhor, Uti le- 


Sepiou Aièz 4ul ÿ Bariders. 


gitur in Platonis Charmid., init., pag. 133, À. : #aù d'à ai eig rhv Taupéou raaiorpar, Ty xarayrixpo 
roÙ rfs Bariisÿs ipod eir#) So. 

4 Vid. supra, cap. IV, $2, pag. 24. 

5 Vid. supra, cap. HT, 4, pag. 15. 

6 Cf. Isocrat., Areopag., M, et Boeckhii, Staatshaush. der Athen., V, pag. 226. 


46 DE BASILICIS LIBRI HE. 


Internam areae formam qui animo suo recte informare voluerit, id 
imprimis tenere debebit, uti omnium ejus modi porticuum, ita etiam Re- 
giae Porticus spatium internum ex ambulationibus parietes undique cir- 
cumeuntibus sive cireum parictes currentibus, et ex medio spatio ambula- 
tionibus incluso constitisse. Qua utraque interni spatii parte variis modis 
usos esse Athenienses, vel ex iis suspicari licet, quae de vario et multi- 
plici Regiae Porticus usu supra, cap. V, a nobis allata sunt. Itaque cellas 
istas, quibus rex ejusque ràgedca, scribae et ministri, vix carere potuerunt, 
ut, quae ad sacra facienda opus essent, mandarentur vel ordinarentur, 
aut quae ad causas cognoscendas vel ad judicium exercendum necessaria 
essent, pararentur et conservarentur , in Porticus ambulationibus exstruc- 
tas fuisse, id quum per se probabile sit, tum mulio etiam probabilius fit 
eo, quod et in Graecorum palaestris porticus, quae ad meridiem specta- 
rent, cellis instructae ! et in Hadriani quoque, quae Athenis fuit, celeber- 
rima porticu ambulationes cellis magnificentissimis instructae fuisse di- 
cuntur ?. Quae si recte conjecimus, cellac inter parietes atque columnas 
ambulationum ita exstructae fuisse existimandae sunt, ut illarum ambitus 
ambulationis latitudine et unius vel duorum intercolumniorum spatio de- 
finiretur. Quum autem tres vel quatuor in utroque latere cellae Archonti 
ejusque adjutoribus et ministris vel sacra curantibus vel causas cogno- 
scentibus suffecisse videantur, non est, quod totum ambulationum spatium 
cellis impletum fuisse credamus, sed liberum laxamen tum auditoribus, 
qui judiciis interesse solerent5, in magna ambulationum parte relictum esse, 


1 Vitruv., V, 11, 2: fn duplici autem porticu collocentur haee membra, epheheum, in medio- 
coryceum-conisterium-frigida lavatio-elacothesium frigidarium-propnigeum. 
2 Pausan., 1,18, $ 9 : 'Adpavde dE rarecxeuäruro pe #ai &AAx 'ASyyziois, vady "Hoc #2} Arèc Tlayek- 


AYYI0U , KA SEOT; TOI, 


rois ipod no1967 * Ta dè Ériparéorara ÉkaTdy élxom! kicvee Dpuyiou Aidou. Ileroly9Tai dè 
ai tais crodis rar Ta ar oi rio. Kai oixpuura ÉpraUSé ÊcTin Gpôpo Te ÉriypÜco #4) dhaBäsTpo MSG, 
rpôs dE dyéhuuri LenoruyuËva rai vpavais * rurdxerra d8 à; aÿrù BiBhix. Rectissime docet Siebelisius ad 
h. 1. porticus habuisse tum parietes eodem lapide Phrygio obductos (x272 ré airè of rova), tum 
cellas seu aediculas (ozfuxra Evrads4 Ecri). Quibus cellis qui exedras scriptorem significasse sta- 
tuant, ideo errasse videntur, primum quod voc. &raüsz locum in porticibus denotare videtur, 
deinde quod Pausanias, si exedras significare voluisset, seribere debebat, nti moris erat : #2? rpocw- 
xodéuyyrai adtoïs ÉÉedpai %. +. À. 


5 Aeschin., 7. rzpre., pag. 191, c. Clesiph., pag. 4453. Demosth., pro Corona, pag. 293, 25 R. 


DE BASILICIS LIBRI III. 47 


consentaneum est. Quas cellas si in ea ambulatione, quae e regione aditus 
Jjaceret, atque in ea reliquarum ambulationum parte, quae illi proxima 
esset, exstructas, quae autem superessent ambulationum spatio, audito- 
ribus relicta fuisse existimemus, non multum videmur a vero aberrare, 

>. Medium autem inter ambulationes spatium judiciis exercendis et 
epulis celebrandis destinatum fuisse, ex eo facile colligas, quod epulae 
publicae ! et judicia apud Athenienses ita comparata fuerunt, ut nisi in 
spatiosis locis haberi non possent. Etenim Archon, qui Judicio praeesset, 
in tribunali, quale adhuc in Pnyce conspicuum est ?, simul cum scribis, 
qui ex libellis rem ab Archonte antea cognitam cum judicibus communi- 
carent, vel in judicio ipso, quae memoratu digna viderentur, litteris man- 
darent, consedisse videtur. Quo in tribunali etiam urnae, in quibus 
calculi ab judicibus ponerentur, et clepsydrae, ad quas partium oratores 
dixisse constat 5, videntur collocatae fuisse. Ad latera autem tribunalis 
suggestus (Znuara *), in quibus et rei et accusatores, utrique cum suis ad- 
jutoribus starent, ita positi videntur fuisse, ut justo spatio interjecto a 
tribunali distarent. Porro aras, ad quas litigantes ante judicii initium ju- 
rarent, in eo spatio, quod inter tribunal et judicum subsellia relictum 
esset, exstructas fuisse credibile est. Etenim ante tribunal, justo spatio 
interjecto, lignea subsellia * tegetibus tecta 5, in quibus judices sederent, 
videntur constituta fuisse. Praeterea cancelli, quibus vulgus à litigantibus 
et a judicibus arceretur, judicii locum circumdedisse, neque valvae de- 
fuisse videntur, quibus clauderentur dicasteria, ubi de mysteriis violatis 
ferenda esset sententia 7. Vide de Atheniensium dicasteriis, Meyer et 


1 Cf. Boeckh. , Staatshaush. der Athener , , pag. 226. 

2 Leake, Topograph. Athens, pag. 379, ed. germ. 

5 Vid. Meyer et Schoemann, Der attische Proc., pag. T21, n. 59. Potteri, Archaeolog., X, cap. 
21, pag. 242, ed. Germ. 

4 Cf. Ulpian. ad Demosthen. 7. 72e270., pag. 295. Ben. coll. Demosthen., ce. Olymp., pag. 1176, 
9, R. Aeschin., c. Clesiph., pag. 598 extr. coll., pag. 554. Suggestns in Areopago fuerunt lapides 
rudes AiS: pi neque vero 2154 éveil, ut legitur in Realencyclopacdie der klass. Allerthimsw., 


von Pauly in voce Anroracus. Vide de hac re Pausan. , 1, 28, 5, ibique Siebelis. 
5 Aristoph., Vesp., vs, 90. Polluc., IV, 121. 
6 Polluc., VII, 135. Hesych. in v. Lie, 
7 Polluc., VI, 123. Demosthen. , c. Aristog., pag. 776, med. R. 


48 DE BASILICIS LIBRI HI. 


Schoemann : Attischer Process, pag. 148 et seq., et quos illi laudant. 

Quae omnia si quis reputaverit, non dubitabit, opinor, quin judicia , 
quae ab Areopagitis Eumolpidisque in Regia Porticu exercerentur, in 
medio ejus spatio habita fuerint, neque a vero multum aberrare videmur, 
si quem supra enumeravimus judicii apparatum ia dispositum putamus , 
ut proxime ad cellas aditui oppositas tribunal et suggestus litigantium, 
tum aras. porro judicum subsellia, denique cancellos cum foribus consti- 
tutos fuisse existimemus. | 

6. Super est, ut de portis, per quas in Porticum Regiam aditus patue- 
rit, sententiam nostram proponamus. Et in fronte quidem Porticus aper- 
tam ambulationem pronais templorum similem, atque tot portas, quot in 
interiore ambulationis parte intercolumnia fuisse putamus, quas quidem 
portas valvis claudi potuisse ex Demosth., c. Aristog., pag. TT6 R., conji- 
cere licet. In sinistro autem, sive occidentali latere, quippe quod ad viam 
publicam vergeret una alterave porta vix decsse potuit, quibus num in 
orientali latere aliquae portae oppositae fuerint, ne suspicari quidem licet, 
propterea quod utrum inter Jovis Eleutherii et Regiam Porticum spatium 
quoddam interpositum fuerit nec ne, prorsus ignoratur. 

Ceterum, quo clarius appareat, quae sit nostra de Regiae Porticus 
ichnographia sententia, tabulae F, fig. 1 quae illam repraesentet, addidi- 
mus. Ex qua figura simul illud intelligitur, me dissentire a Bunsenio !, qui 
exedram sive apsidem, qualis in christianorum basilicis esse solet, etiam 
Regiae Porticui tribuit, eamque sedem regi assignavit. Cujus sententiae 
quae attulit vir illustris argumenta duo non hanc habent vim, ut eum vere 
statuisse credam. Nam quod primum dicit, in quovis dicasterio sedem 
judicis in exedra quadam esse debuisse, non apparet, cur judicii praeses 
in loco quodam secreto et a litigantibus pariter atque a judicibus sejuneto 
sedere debuerit, quum neque Archontes in concionibus Atheniensium, 
neque praetores in foro Romano, quum jus dicerent, in secreto quodam 
loco consedisse constet; deinde vero intelligi non potest, quomodo judi- 


! Bunsen., L. L, pag. 16: Ein solcher Ausbau, den alle spaeteren Basiliken mit cinander gemein 
haben, und durch welchen sie sich von allen andern Hallen unterscheiden, kan derjenigen nicht ge- 
fehlt haben, von der sie diesen unterscheidenden Nahmen tragen. 


DE BASILICIS LIBRI HI. 49 


cium, quale supra descripsimus, in tali loco, qualem Bunsenius finxit, 
commode exerceri potuerit. Huc accedit, quod nusquam, quod sciam, 
apud veteres scriptores commemoratur exedra in dicasteriis exstructa. 
Quod autem altero loco affirmat Bunsenius, basilicas et profanas et sacras 
ad unam omnes exedra instructas, easque ad Regiae Porticus exemplum 
aedificatas fuisse, id vereor equidem, ut satis probari possit. Quam rem 
quum infra tractaturi simus uberius, hoc loco paucis tetigisse sufficiat. 


$ 1v. — De orthographia Regiae Porticus. 


1. Veniendum jam est ad orthographiam Regiae Porticus (vid. tab. I, 
fig. 5), quam ita adumbrare studebimus, ut demonstremus, primum qui- 
dem, medium Porticus spatium tecto munitum, deinde, fenestras, quae 
lucem immitterent, infra medianum tectum et supra ambulationum tecta 
interpositas, denique statuas Hemerae et Scironis in fronte Porticus supra 
tectum ambulationis collocatas fuisse. 

Ac primum quidem tecto instructam fuisse Regiam Porticum, quum 
vel ex eo concludi possit, quod et judices interdum per maximam diei 
partem ! in judiciis versantes et cives publicis epulis ibi fruentes contra 
solis calorem pariter atque contra imbrium molestias tecto munitos fuisse, 
consentaneum est, tum eo maxime probatur, quod dicasteria, in quibus 
de caede sententiae ferebantur, veluti Areopagus et dicasteria in Delphi- 
nio, in Prytaneo et ad Phreattum subdialia fuisse, diserte memoratur ?. 
Id enim a veteribus vix commemoratum esset, si omnia omnino dicaste- 
ria subdialia fuissent; quam ob rem eo ipso, quod ra çoux dmartipux 1CtO 
caruisse dicuntur, simul videtur significari, reliqua dicasteria tecto munita 
fuisse. Jam quum in Regia Porticu nunquam de caede judicium habitum 
esse, Pollucis testimonio constet 5, dubitari mihi videtur non posse, quin 
tecto fuerit instructa. 


1 Vid. Meyer et Schoemann , Attischer Proc., pag. 727 et seq. 

? Vid. Antiphon., De caede Herod., pag. 709 R. : éravra ap dirarrhpis Ëy Üraigow dixdbei ras dixxs 
red pércv. Polluc., VI, 40, $ 4929 : Of 'Apciorayira dræigpior xaSibeyre, SC. Ê To Gpeio rép. Judices 
enim idem tectum cum homicida subire religione vetabantur. 

5 Wid.Pollue., VI, 9, 83: (6 Barined;) tag rod pévou dixas eis' Apeio méne? icdyei, ai rèv arévuror 


Tome XXI. 7 


20 DE BASILICIS LIBRI IL. 


Hoc autem tectum quomodo impositum fuerit mediano spatio, certis 
quidem testimoniis docere non possumus; sed si meminerimus, fere omnes 
veterum porticus desuper coelesti luce collustratas fuisse, et Regiam Por- 
ticum vel ob eam causam in pariete ad viam occidentalem sito fenestras 
habere vix potuisse, ne judices turbarentur strepitu , qui per fenestras ad 
eorum aures penetraret : facile concedemus, tectum Porticus ita fuisse 
exstructum , ut luci non officeret. Hoc autem quomodo fieri potuerit, os- 
tendit Vitruvius, lib. VI,5,S 9, ubi describit oecos Aegyptios his fere ver- 
bis usus : « supra epistylium (sc. inferiorum columnarum in aedificii solo 
» positarum) ad perpendiculum inferiorum columnarum imponendae 
» sunt minores quarta parte columnae, supra earum epistylia et orna- 
» menta lacunariis ornantur, et inter columnas superiores fenestrae collocan- 
» tur, ta basilicarum similitudo videtur esse. » Itaque statuere non dubita- 
mus, ecdem modo quo Aegyptiorum tecta exstrui narrat Vitruvius , etiam 
Regiae Porticus medianum tectum exstructum atque fenestras inter colum- 
nas superiores collocatas fuisse. | 

2. Jam vero accedamus ad frontem Regiae Porticus, quam Pausanias 
(1, 5, 1) his verbis descripsit : taÿrns énerti To xepaue Tic otoñc dyiluata éntis 
76, dquels Onoedc ëc Sélasoav Eupova vai qépouca Hyuéca Kégadoy, dv xdAMGToy yevéueréy 
quasi Uno Hpépas épardeions dprac diva vai ci Taida yvéoSo DaéSoyra na qÜanax Emolnse 
roÿ vasb. Taÿra Go te xai "Hoéodbs ELpARE £y Ement Toïc Ec TUc yorcras. Quum supra jam 
uberius exposuerimus, quae sententia mytho illo contineri videatur, de 
statuis hoc loco nihil addamus nisi hoc, recte videri statuisse viri docti, 
quum ea omnia , quae verbis : 5 xéuoroy— énolnse voù vas conltinentur, ex 
Hesiodi verbis in Theogonia, vers. 984 et seqq., servatis (nam ejusdem 
poetae vardloyes psy aetatem non tulit) explicanda censerent, quum Pau- 
sanias ipse ad Hesiodum auctorem provocaverit. Cf. Siebelis ad Paus., T, 
5, 1. Jtaque verba sx pieux émotgse re5 vao5, licet oratio non recte procedat, 
ad Venerem, cujns nomen ex Hesiodi loco subaudiendum est, non ad He- 
meram referenda sunt, neque assentiendum Forchhammero (Topograph. 
von Athen, pag. 54 in fine), qui ex his verbis conclusit, vel in Porticu vel 


AroSEperos cùy abris dxééer. Jn his enim vocibus "Apewy ré9ov locum judicii , non homines judicium 
exercentes significare, supra docuimus, cap. V, $ 4, pag. 57 et seq. 


DE BASILICIS LIBRI TT. o1 


ad exam Hemerae templum fuisse. Sed meam de statuarum collocatione, 
quam supra proposui, sententiam hoc loco defendam, necesse est, quum 
viri docti de hac re vehementer inter se diserepent. Alii enim verbis raÿrne 
ro xepdpw The otoë aream € terra figlina in fastigio Porticus factam , ali 
tympanum Porticus (l'intérieur du fronton, vas Gisreiretp) indicatum vo- 
Junt. Quarum explicationum posterior, quum nullis veterum locis probari 
possit, vix opus est ut multis refellatur; priorem autem vel eo refutari pu- 
tamus, quod areae in fastigio amplitudo haud dubie justum modum exces- 
sura fuisset, si quatuor statuas, naturalem hominum staturam procul 
dubio multo superantes, continuisset. Nam si harum statuarum binis con- 
junctis sex pedum latitudinem tribuas, easque quatuor pedes inter se 
disjunctas fuisse statuas, apparet, eas ad minimum sedecim, vel si in utro- 
que fine singulos vel binos pedes addideris, duo de viginti vel viginti pedum 
spatium complevisse. Tantae autem latitudinis aream in Porticus fastigio 
fuisse quis est, qui sibi persuadeat? Multo igitur probabilior sententia 
Kuhnii (ad Paus., I, 5, 1) est, qui #écoue tegulas significare observavit, 
quamquam pro tegulis potius tectum dicere debebat. Nos enim confisi auc- 
toritate grammaticorum, quos in nota ! laudavimus, contendimus , xécauoy 
hoc loco significare planum supra ambulationem, quae in fronte fuit, spatium, 
quod pavimento tectum, statuas Hemerae et Scironis ferebat. Vide quam 
dedimus Porticus a fronte apparentis imaginem tab. [, fig. 5, a, b. 


CAPUT VII. 


REGIAS PORTICUS APUD RELIQUOS GRAECOS NULLAS FUISSE 
DEMONSTRATUR. 


1. Restat denique ut inquiramus, utrum etiam in reliqua Graecia Re- 


giae Porticus fuerint nec ne. Hoc enim ut quaeramus ideo necesse est, 

1 Vid. Bekkeri, An. gr., 1, pag. 47, 19 : xésauoy Gs Yueis roy mi vod oréyouc, et pag: 271 : 
xépauos * réyra rà népéuie, nepéuix dè 8rrai rAivySo:, et Polluc., VIE, 162, qui tradit, non 
suo tantum tempore xépasoy fuisse vocatum ipsum réyos sive sré9es, sed Aristophanem quoque 
ita appellasse in Cocalo. Vide etiam Pape, Lex. ling. gr., in hoc verbo. 


22 DE BASILICIS LIBRI HIT. 


quod Hirtius !, Bunsenius ?, aliique 5 contenderunt, omnes Graeciae 
gentes hoc aedificiorum genere usas esse et ad exemplum Regiae Athe- 
niensium sibi exstruxisse Porticus. Quam sententiam qui probare volue- 
rit, ei primum demonstrandum est, Regiae Porticus Atheniensium formam 
plane peculiarem ac propriam et talem fuisse, quam alii imitatione dignam 
existimarent, deinde etiam exempla enumeranda sunt earum porticuum 
quae in aliis Graeciae urbibus ad Regiae Porticus similitudinem exstruc- 
tae atque eodem nomine insignitae fuerint. 

2. Et primum quidem Regiae Porticus formam peculiarem et juri di- 
cundo prae caeteris aptam fuisse Bunsenius frustra demonstrare studuit, 
ut ex iis, quae supra, cap. VI, scripsimus, satis apparere nobis videtur. 
Nam quum primum negaverimus, exedram in Regia Porticu fuisse, deinde 
quas Regiae Porticui tribuimus cellas, eas et in palaestris Graecorum et 
in porticu Hadriani fuisse probaverimus, denique Regiam Porticum Jovis 
Eleutherii porticui et +7 ra 374 aequalem fuisse, demonstraverimus , 
sponte intelligitur, quam delineavimus Regiae Porticus formam peculia- 
rem ac propriam non fuisse. Unde etiam illud intelligitur, reliquis Grae- 
ciae gentibus idoneam causam non fuisse, cur Regiam Porticum Athenien- 
sium praeter caeteras imitarentur. 

5. De exemplis autem si quaerimus, Bunsenius quidem asseverat, cre- 
berrima Regiarum Porticuum sive basilicarum (hoc enim nomine uti ma- 
luit) vestigia apud scriptores veteres inveniri#, sed testimonia, quibus senten- 
tiam suam stabil'ret, attulit nulla, neque ego accurate perlustratis veterum 
libris et inscriptionibus, usquam reperire potui. Quos enim commemora- 
tos inveni reges sacrificulos Megarensium , Olbiensium 6, Ephesiorum 6, 
Prienensium 7, eos in Regia aliqua Portieu sedisse, ibique jus dixisse vel 

? Hirt Geschichte der Baukunst bei den Alten., M1, pag. 180. 

? Bunsen, die Basil., der chr. Roms, pag. 17 med. 

3 Hofstadt Gothisches, A.-B.-C. Buch. Frankfurt ‘/y, 1845, pag. 258. Kugler, Kunstgeschichte, 
pag. 162. 

* Die Basil., des chrst. Roms, pag. 17 med. 
Boeckh., Corp. inseript., vol. 1, pag. 538. 
Boeckh., Corp. inseript., vol. IN, pag. 135. 


Strabon., XIV, pag. 632 extr. 
Vid. Strab., VIT, pag. 584. 


œ + © « 


DE BASILICIS LIBRI IL. DS 


munere suo functos esse, nusquam legi. Neque quam Hirtius ! et qui eum 
secutus est vir doctus in Paulyi fieal-encyclopaedie d. class. Alterthumsw., in 
verbo Basirica commemoraverunt Eleorum porticum (Pausan., VI, 24, 
2)?, Regiam Porticum fuisse aut certe ad Regiae Porticus Atheniensium 
similitudinem exstructam fuisse, concedimus. Hla enim quum totam me- 
ridionalem fori latitudinem compleret, haud dubie non undique clausa, 
sed potius aperta porticus fuit, atque uno pariete atque tribus columna- 
rum ordinibus, quorum primus ad forum pertineret, constabat. Qui co- 
lumnarum ordines quum spatium inter parietem atque apertum porticus 
latus in tres ambulationes dividerent, porticum in tres partes divisisse 
recte dici potuerunt (dtupoïar dE abTnv els poipas Tpeïc oi alovec). Unde facile intel- 
ligitur, Eleorum portieum basilicam tripartitam (un portique à trois nefs, 
Enxe preisemrrice Sroa) appellari non posse, quippe quo nomine eae tan- 
tum porticus designari possint, quae spatium tripartitum intra parietes 
contineant. Neque rectius idem viri docti, quos modo laudavimus, sta- 
tuerunt, porticum illam juri dicundo constitutam fuisse, quum qui Hel- 
lanodicas commemoraverunt scriptores % ne verbulum quidem de judiciis 
qualia rex Archon exercere solebat, ab Hellanodicis habitis scriptum reli- 
querint. Propius fortasse ad verum accessissent, si Hellanodicas Eleorum 


1 Hirt Gesch. d. Bauknst. b. d. Alt., tom. HE, pag. 180. 

2 Pausan., VI, 24, 2 : ‘H d8 änopx vois HAebois où xara tas ‘Iévoy 4x ou rpôs Toviay rédeis int ‘E- 
Apr, Tpôro dé rercigrar TO dpyaotépo, oToxTc TE Ard AAYAGY diecTéoæis xai dyuIdis d\ aÜTy — 
r@y crowy dé y rpôc mecymBpiar épyasias Ecti Tÿç Awpiou, dimipoDoi dŸ adTyy Éç moipag 
rpeïe oi xioyes. En raëry dÈ diymepebouoi ra old oi 'EAXa-odixzi. 

5 Vid. Pausan., V, 9, 5, et Siebelis. ad h. 1. Harpocrat., Phavorin., Etymol. M., in voce : ‘Ea- 
Dzyodirei, et Bekkeri, An. gr., 1, pag. 248, 32. Hesych., in voce dixoyu. Aelian., V. Æ.,IX, 51, 
X, 4, ibique. Kühn. Philostr. Vèt. Apoll., M, 30}, pag. 121; VI, 10, pag. 258. Schol. ad Pindar. 
Olymp., WE, 22. in ed. Boeckh., Gruter. Thes. Inscripl., pag. 489. Tzetzes, Hist. var. Chil., XI, 
362 et seqq. ed. Kiesling. haec habet : 


"Apti 44006 dè méySuye, Tives EAAxyodixas. 
Ehavodines vos por tods pl dixtiSéyTas 
Tyv "Ouvrier Éopr}y ai To yoya Tobros * 
Oéarpoy ave) pyioy 49 9ùp 4 Oauuria 

Oi rod &ysvos robrou dè T4; #piseis ÉvopyTes 


Eaaavodines sûururi Éhéyoyte, ds Epyy. 


d4 DE BASILICIS LIBRI III. 


porticu eodem modo, quo regem Archontem Regia Porticu, usos esse 
statuissent. Uti enim rex in sede sua res sacras, ita Hellanodicae in illa 
porticu ludos Olympicos certe ex parte videntur curavisse. Quare equidem 
non dubito, quin in tertia porticus ambulatione, quemadmodum in pa- 
laestrarum meridionali portieu duplici ! cellae fuerint, in quibus Hella- 
nodicae commode versarentur. 

Porro quam Romanorum basilicis sive Atheniensium Porticui Regiae 
similem fuisse existimant ? porticum Persicam in foro Spartano, eam Vi- 
truvius et Pausanias 5 tam paucis descripserunt verbis, ut vix appareat, 
quo jure viri docti basilicarum formam in ea repraesentatam fuisse opi- 
nari potuerint. 

Neque denique quae Pompeiis, Herculanei et Paesti inventae esse di- 
cuntur basilicae quidquam ad stabiliendam Bunsenïi sententiam facere 
possunt, propterea quod haec aedificia non basilicas, sed aut porticus 
quadrangulas undique clausas aut, quod de aedificio Paestano valet, tem- 
plum pseudodipterum pycnostylum fuisse infra docebitur. 

4. Sed accedit etiam alia res, qua Buusenii sententia infringi videtur. 
Nam Vitruvius, in libri V, cap. 1, in quo fora et basilicae tractantur, fora 
quidem et Graeca et Romana descripsit, et quomodo utrumque genus 
inter se differret, accurate exposuit, basilicarum autem nulla exempla nisi 
Romana posuit. Atque si ei cognita fuissent etiam Graecarum basilicarum 
exempla, haec quoque commemorare, et quomodo cum Romanis aut 
discreparent aut convenirent, docere debebat, idque docuisset sane tanto 


1 Vid. Vitruv., V, 11,2, supra pag. 46, nota 1. 

? Vid. von Quast die Basilika der Alten., pag. 21. 

5 Vitruv., 1, 1, 6: Non minus Lacones, Pausania Agesipolidos filio duce, Plataeo praelio pauca 
manu infinitum numerum exercitus Persarum cum superavissent, acto cum gloria triumpho, 
(spoliorum et praedae) Porticum Persicam ex manubiis laudis et virtutis civium indicem (victoriae) 
posteris pro tropaeo constituerunt, ibique captivorum simulacra barbarico vestis ornatu, superbia 
meritis contumeliis punita, sustinentiæ tectum collocaverunt; nti et hostes horrescerent timore 
eorum fortitudinis affecti, et cives id exemplum virtutis aspicientes, gloria erecti, ad defenden- 
dam libertatem essent parati. — Pausan., HE, 44, 3 : 'Exipavéoraror dE +ÿc dpopäe Éoriw #y aroùv Tleo- 


cixÿy Coudbouriy rè Aupbgwy roySEicuy Téy Mydixéy dy œpédoy dE adrYy ëg WéyESos Tù vÜy ka Ec x0Tmoy 


a petaBsBhpruris * eici dè ri T@y miôvw Ilépoaæ AiSou AeuxoD xal GA A0 al Mapdésios 6 L'oBpüou * 


A 5° , , x 7 » , * =. 
reroigre dE nai Apremiris Suyéryo pèy Auydéuudos, EBuoincuce dE ‘Aixxpvar rod. 


DE BASILICIS LIBRI IL D5 


certius, si verum esset, quod hodie viri docti contendunt, Romanas basi- 
licas ad exemplum Graecarum aedificatas fuisse. 

Quae omnia si recte disputata sunt, Bunsenii sententia ! vehementer 
iis labefactatur. Nam quae ille de basilicis dixit, ea de solis porticibus, 
quae per totam Graeciam forma quidem admodum varia ? reperiebantur, 
recte dici possunt. 


1 Vin. Die Basil., d. Christ. Roms., pag. 47 : Die Andeutungen der Alten zeigen sie (die Basiua) 
uns nur als eine in der hellenischen Welt nurcncagNerG uegLicue For. 

2 Vid. quae supra cap. VE, $2, pag. 40 et seq., dicta sunt, praeterea etiam indicem Siebelisii 
ad Pausan. Descript. Graeciae in voce : srcé et porticus. 


d6 DE BASILICIS LIBRI IL. 


LIBER SECUNDUS. 


DE ROMANORUM BASILICIS. 


INTRODUCTIO. 


Basilicae Romanae quales fuerint ut accuratius cognoscatur, disputatio 
nostra sic instituenda videtur esse, ut 1° de generibus, 2° de forma, 5° de 
usu, 4° de origine, 5° de nominibus earum dicamus. Ita enim facillime 
fieri poterit, ut quae recte de basilicis Romanis tradita sunt, denuo con- 
firmentur, quae falso disputata sunt, refutentur vel corrigantur, denique 
quae adhuc parum intellecta sunt aut prorsus ignota fuerunt, penitus 
cognoscantur et intelligantur. Quibus expositis 6° judicium de aedificiis, 
quae basilicarum Romanorum reliquiae esse dicuntur, adjiciendum esse 
videtur. 


CAPUT I. 


DE GENERIBUS BASILICARUM. 


S 1 — De forensibus basilicis. 


Q 


1. Pervulgatam, quam huc usque, exceptis lexicographis et nonnullis 
Vitruvii interpretibus, fere omnes, qui de his rebus scripserunt, intactam 


DE BASILICIS LIBRI II. ÿ7 


reliquerunt et propagarunt opinionem, ex qua unum tantum apud Ro- 
manos basilicarum genus exstitisse perhibetur, non amplius tueri poterit, 
qui veteres scriptores et inscriptiones ea, qua decet, diligentia perscrutatus 
erit. mo quatuor basilicarum fuisse genera certissimis veterum testimoniis 
edocemur. 

Et primum quidem genus complectitur notissima illa aedificia , quae 
tractandis fere iisdem rebus, quae alias in foro tractari solerent, inser- 
viebant, atque ita erant exstructa, ut per se ipsa starent, neque partes 
essent aliorum aedificierum. Quas quidem basilicas, quum et ad fora ple- 
rumque sitae, et rebus in foro agendis destinatae essent, forenses basilicas 
appellari licebit. 

2. Harum basilicarum primam! Marcus Porcius Cato Censorius, 
ann. Urb. conditae 569. Romae in Lautumiis ? post 5 Curiam Hosti- 


1 id. Aurel. Vict. V. J., 47, 3 : Cato basilicam suo nomine primus fecit. 

2 id. Liv. XXXIX, 44 : « Cato atria duo Maenium et Titium in Lautumäüis et quatuor tabernas 
in publieum emit, basilicamque ibi fecit, quae Porcia appellata est. » His verbis Livius aperte do- 
cet, basilicam Porciam non ad forum sitam fuisse. Hoc enim si declarare voluisset, haud dubie fori 
mentionem non omisisset. Itaque veritati male servierunt, qui Pseudo-Asconii (ad Cic. Divin. in 
Caec., 18) verbis : « Maenius, quum domum suam venderet Catoni et Flacco censoribus, ut ibi 
basilica aedificaretur, exceperat jus sibi unius columnae, super quam tectum projiceret ex provo- 
lantibus tabulatis, unde ipse et posteri ejus spectare munus gladiatorium possent, quod etiam tum 
in foro dabatur, » adhibito etiam Schol. Crug. ad Hor., Sat., ?, 5,21 : « Domo sua (Maenii) quam 
ud forum habebat divendita, » demonstrare studuerunt, basilicam Porciam ad forum exstructam 
fuisse. Nam praeterquam quod alter horum testium vel ideo fide vix dignus videtur, quod quae 
narrat male ad columnae Maenianae originem refert. (Vid. Becker., Handbuch. d. roem. Alterth., 
1, pag. 500, not. 519, et pag. 522,) alter vocibus « domo, quam ad forum habebat, divendita » 
non quod Livius significaverat, atrium in Lautumiis, sed aliam ejusdem Maenii, hominis divitis 
et prodigiosi, domum ad forum sitam indicat, utrumque scriptorem etiam propterea Livio post- 
habendum esse apparet, quod illi multis demum saeculis post deletam basilicam Porciam vixerunt, 
hic autem Clodianis tumultibus, quibus illa combusta est, fere aequalis fuit. De Lautumiarum vero 
situ primus rectissime disseruit Becker, Æandb. d. roem. Alterth., X, pag. 262 et seq., et Zur roem. 
Topographie, pag. 19. 

5 Vid. Plut. Cat., maj. A9 : Toax dE aa mpèg ryv Te Bacihxÿs eaTaTxevÿr Yuavriogyray (oi duap- 
veu) ÿv Éxétios Ex oppuérus suv@y Drù rù BouneuTrppioy Th dyopa rapÉBaRRE ral Ilopxiuy Basiuixÿ poo- 
#éeure. Quo loco eam, quam modo proposuimus de basilicae Porciae situ sententiam probari, 
nemo negabit, qui meminerit, Plutarchum quum Curia ad situm basilicae definiendum uti vellet, 
haud dubie ante Curiam, hoc est in foro stantem cogitandum esse. Jam vero, quum qui in foro sta- 
ret, Plutarchus non dixerit neque 7494 rè Guasurpe , juarta Curiam, neque pù reb Eeucury gi, 
ante Curiam, sed potius ÿrè +à Bouneurépio sub Curiam, hoc est in loco, qui Curiae area inferior 


Tome XXI. 8 


58 DE BASILICIS LIBRI II. 


liam ! ex pecuniis severissima sua censura exactis aedificandam curavit, 
quare vir ille fortissimus Romanarum basilicarum inventor atque conditor 
rectissime appellari potest. Quae basilica in honorem Catonis conditoris 
Porcia appellata, postea a Clodianis simul cum curia Hostilia igne deleta 
est a. U. c. 702, neque unquam videtur restituta esse ?. 

5. Novum autem illud aedificiorum genus ita placuit, ut quinque annis 
post a. U. e. 574, Censor M. Fulvius Nobilior basilicam aedificari jube- 
ret® eam, quae initio quidem Fulvia, postero autem tempore, quum ab 
Aemilio Paullo a. U. c. 699. refecta esset #, Aemilia et Fulvia à sive sim- 
pliciter Aemilia 6 sive etiam, quod posteriore tempore usitatissimum ejus 
nomen fuit, basilica PaulliT appellata est. Eam in medio foro$ post Argenta- 
rias novas° in septentrionali fori latere jacuisse, testantur Livius et Cicero 1, 


erat, infra Curiam (uti Plautus Cureul., IV, 4, 41 : Ditis damnosos maritos sub basilica quaerito), 
apparet, basilicam neque ante, neque jurta Curiam, sed infra vel post Curiam ideoque non ad 
forum sitam fuisse. Quae sententia ne verbis quidem =} änopt rapé3znae vefellitur, quippe quibus 
nihil aliud significetur nisi hoc, basilicam quasi alterum forum, fori laxamentum fuisse. Vide 
infra caput HE, De usu basilicarum. 

1 Curiam Hostiliam in septentrionali fori Romani latere sitam fuisse, acutissime docuit Becker, 
Handb. d.roem. Alterth., X, pag. 284 et seq. 

? Cf. Ascon., ad Cic. pro Mil. Argum., pag. 54, ed. Orell. « Quo igne et ipsa quoque Curia 
flagravit et item Porcia basilica, quae erat ei juneta , ambusta est. » Hic igitur quum voce erat 
uteretur, significavit, suo tempore basilicam aut omnino non refectam, aut certe Curiae non junc- 
tam fuisse. Quarum sententiarum utram eligam, non ambigo. 

5 Liv. XL, 51 : M. Fulvius plura majoris locavit usus — basilicam post argentarias novas. 

# Varron., L. L. VI, 2, pag. 187 et seq. : « Solarium dictum id, in quo horae in sole inspicie- 
bantur, quod Cornelius in basilica Aemilia et Fulvia inumbrawit. » 

5 Plut. Caes., 29 : aa dè üréro dv élue xal revraxéin Télayta dévros, 9° Gy «a t}y Baciar- 
299 Énéiros, oouacrèy dydSyua, Tÿ dnopà mpoceméAñyoes dur) the bouABias oixodouyrtiray. 

5 Plin. Æ. N. XXXV, 5, 4 : Post eum (App. Claudium) M. Aemilius, collega in consulatu 
Q. Lutatii, non in basilica modo Aemilia, verum et domi suae (imagines elypeatas (vid. Eichstaedt, 
De imaginibus Romanorum) posuit). Inseriptio num. Aemil., qui effigiem basilicae Aemiliae re- 
praesentat (in tab. nostra IN, fig. 8.) Aemilia. 

7 Plin. Æ. N. XXXVI, 45, 24 : Nonne inter magnifica basilicam Paulli columnis e Phrygiis 
mirabilem. Tac. 4nn., II, 72; Stat. Silv., 1,1, 29. Curios. Urb. Rom., reg. IV. Dio Cass. XLIX, 
42, 

# Cie., ad Attic., IV, 46 : Paullus in medio foro basilicam jam paene texuit iisdem antiquis co- 
lumnis. 

* De argentariis novis, Vid. Beckeri, Handbuch d. roem. Alterthümer, 1, pag. 296. 

10 Liv. XL, 51. Cic., ad Atic., IN, 16, supra nott, 5 et 8, coll. Becker, Handbuch, 1, pag. 296. 


DE BASILICIS LIBRI II. 59 


eandemque basilicam vel aetate ! vel igne ? identidem consumptam, sed 
semper summa diligentia restitutam ! diutissime exstitisse, inde apparet, 
quod medio fere saeculo quarto post Christum natum adhuc incolumis 
fuit 5. Neque de ejus incendio quidquam memoriae proditum. 

Quod vero Bunsenius # arbitratus est, basilicam Paulli duobus consti- 
tisse aedificiis, ita quidem, ut quum ex uno in alterum facile transiri 
possei, aedificia conjuncta unam efficerent duplicem basilicam , id procul 
dubio falsum est. Etsi negari non potest, apud Christianos certe fuisse ba- 
silicas conjunctas , tamen de duplici Aemilia basilica vel ideo dubitari 
licet, quod scriptores veteres nullam nisi unam sive simplicem basilicam 
Aemiliam commemoraverunt 6. Quam autem Cicero in Epist. ad Attic., AV, 


4 Tac., Ann. NI, 72 : Hisdem diebus (a. U. c. 775) Lepidus a senatu petivit, ut basilicam Paulli, 
Aemilia monumenta, propria pecunia firmarel ornaretque. 

? Incendio tempore Neronis orto, Tac., Ann. XV, 38-41, 

5 Basilica Paulli commemoratur in Curioso Urb. Romae, reg. IV, quod medio fere saeculo quarto, 
p- C. N. conscriptum esse videtur. Cf. Becker, Handbuch d. roem. Alterth., , pag. 709 et seq. 
« Reg. IV. Templum pacis continet — viam sacram , basilicam novam et Paulli. » 

# Bunsen, Beschreibung der Stadt Rom, tom. HI, 4, pag. 29 et seq. et pag. 52 : Der scheinbare 
Widerspruch ist also nicht zu loesen, als wenn wir annehmen, dass Paulus seine neue und die aeltere 
Aemilische Basilika so mit einander verband, dass beide ein grosses Gebüude ausmachten, welches 
man gewühnlich von dem Hauptbaue als Basilika Paulli bezeichnete. 

5 Sunt duo exempla basilicarum Christianarum conjunetarum, quorum alterum affert Paulinus 
Nolanus in Ep. XII, ad Sever. ( Biblioth. Patr., vol. VI, pag. 195, E,, ed. Lugd.) his verbis : 
« Laelissimo vero conspeetu tota simul hace (basilica) in basilica memorati confessoris (beati 
Felicis) aperitur tribus areabus paribus perlucente transenna : per quam wicissim sibi tecta ac 
spalia basilicae utriusque junguntur. Nam quia novam a veteri paries apside cujusdam monumenti 
interposita obstructus excluderet, totidem januis patefactus a latere confessoris quot à fronte in- 
gressus sui foribus nova reserebatur, quasi diatritam speciem ab utraque in utramque spectantibus 
pracbet. — Inter ipsam vero transennam (qua breve illud, quod propinquas sibi basilicas potius 
diseludebat, intervallum continuatur ) e regione basilicae novae super medianum arcum hi versus 
sunt : 

Ut medium valli pax nostra resolvit Jesus 

Et cruce dissidium perimens duo fecit in unum : 
Sic nova , destructo veteris discrimine tecti, 
Culmina conspicimus portarum foedere jungi. 


Alterum exemplum ecclesiarum conjunetarum, eeclesiam cathedralem Neapolitanam, comme- 
moravit Urlichs in libro qui inseribitur : Die roem. Topographie in Leipzig, pag. 34. 

6 Tac, Ann. WF, 72. Plin., XXXVI, 45, 24. Stat. Silo., L, 4, 29. Plut. Cues., 29. Galb., 26. Dio 
Cass., XLIX, 42; LIV, 24. Appian., Civil. I, 26. Not, reg. IV. 


60 DE BASILICIS LIBRI I. 


16, his verbis : « Ilam (basilicam) autem, quam locavit, facit magnifi- 
centissimam » commemoravit basilicam, eam non Aemiliam sed Juliam 
basilicam fuisse, Beckeri auctoritatem sequutus infra docebo. 

4. Idem L. Aemilius Paullus, qui basilicae Fulviae restitutor fuit, no- 
vam basilicam magnificentissimam locavit ! anno U. c. 699, eandemque 
filius ejus Aemilius Lepidus Paullus ann. U. c. 719 perfecisse mihi vide- 
tur ?. 

Nolo enim cum üis facere, qui dicunt, Dionem Cassium voce ééoxodunse 
significare voluisse, basilicam Aemiliam viginti annis ante a. U. c. 699 
a L. Aemilio Paullo plane renovatam, ab Aemilio Lepido Paullo a. U. c. 
719 a solo restitutam esse 5, siquidem aedificium, quod post viginti an- 
nos denuo exstrui oporteret, Romano nomine plane indignum fuisset. 
Haec nova basilica a Paullo conditore primum basilica Paulli #, postea- 
quam autem circa ann. U. c. 740 igne deleta, et nomine quidem ab eodem 
Aemilio Lepido Paullo, re vera autem ab Augusto et Paulli amicis resti- 
tuta fuit 5, ab Augusto basilica Julia videtur appellata esse. Ita factum est, 
ut quemadmodum basilica Fulvia a Fulvio condita in restitutoris honorem 
basilica Aemilia sive Paulli appellaretur, ïta altera Paulli basilica primo 
quidem basilica Paulli, postero autem tempore in honorem Julii Caesaris, 


1 Cic., ad Attic., IV, 16 : Paullus in medio foro basilicam jam poene texuit ïisdem antiquis co- 
lumnis; illam autem , quam locavit, facit magnificentissimam. 

2 Dio. Cass., XLIX, 492 : Kai rÿ> oroës rhy Iladhou xæAcuwéyyy Aimiliwos AËridos Tlxdos dois 
réhsor ÉÉvwxodiuyas xd 7ÿ drareia saSiéprey, ann. U. c. 749. Cf. Laurent., Fast. cons. capit., 
pag. 48. Opus a patre muneribus Caesaris (Ilaÿaoy dè ouAloy nl revranooioy rahäyroy Érplaro (0 
Kaicap).— Tlabaos uè dy rh Ilabou Argouéyyy Basiaixÿy àrd royde Tüy vpyudroy dvédyre Pouaiols, oixc- 
déuyuzx regieærnée * Appian., Civ. II, 26), inchoatum filius suis pecuniis perfecit; éfozodéwysey enim 
significat : aedificium perfecit. Cf. Henr. Steph., Thes. L. gr. I, pag. 1321 , ed. Paris. 

5 Becker, L. L., 1, pag. 505 : Eine Nachricht (Dio Cass., XLIX, 42) meldet, dass die Basilika, im 
Jahre T18 (720) vom Sohme des proscribirten L. Aemilius Paullus neu aus cigenen Mitteln erbaut 
worden ser. 

# Vid. Dio. Cass., XLIX, 42, not. 9, supra, et Dio. Cass., LIV, 24, infra not. 5. 

5 Vid. Dio. Cass., LIV, 24 : ÿ e crox ÿ labos xxd9y, a ro do dr adrÿc moùc rù 'Eoriioy dpi- 
670. — ‘H jèy cÙy sroù aerà robro évéuari uèy drd AiuiMou, èç By td ToD ro aæyTÔc MOTE MUTHY DÉVOG 
ÉxAÜSE , TO dE Épyeo Ür” Adnobcrou 42} dmè vüy vob Ilabhcu pihoy rodouyy. Quum ignis, quo # croù ÿ 
adress concremaretur, ad Vestae aedem perrexerit, apparet +} [aéaec? oo significare eam, 
quam postea Juliam appellarunt basilicam, in eodem eum Vestae aede fori latere, meridionale 
puta, sitam. 


DE BASILICIS LIBRI IL 61 


cujus impensis opus inchoatum !, a Caesare Augusto, cujus sumptibus per- 
fectum esset (Vid. not. 1), basilica Julia nominaretur?. Quam quidem de ori- 
gine basilicae Juliae sententiam licet non omni dubitatione carentem, tamen 
omnium maxime probabilem à Beckero * primum expositam esse, grato 
animo confiteor. Ceterum quum basilica Julia in meridionali fori latere # 
ad lacum Servilium in principio vici jugarii ® sita fuerit, credi non potest, 
eam in locum basilicae Semproniae, quippe in principio vici Tusci sitae 
(Vid. infra 5), aedificatam fuisse. Eadem autem basilica 6 igne devastata 


1 Vid. App., Civil. I, supra p. 60, not. 2 med. : Haÿ22v JE — repizariés. — Monum. Ancyr. : 
« Forum Julium et basilicam, quae fuit inter aedem Castoris et aedem Saturni, coepta profligataque 
opera a patre meo perfeci, et eandem basilicam consumptam incendio (vid. Dio. Cass., LIV, 24, 
supra p. 60, not. 5) ampliato ejus solo sub titulo nominis filiorum.... inchoavi | et si] vivus non 
perfecissem , perfici ab heredibus [meis jussi |. » Pecuniam vero, ex qua Augustus basilicam Juliam 
refecit, a Licinio Caesaris Liberto accepisse dicitur. Is enim ab Augusto Galliarum curationi prae- 
positus, quum provincias spoliasset atque repetundarum, ut videtur, accusaretur, ann, U. c. 759, 
rem suam familiarem Augusto tradidit, ex qua postero anno basilica Julia restituta est. Quare 
Schol. ad Juven., 1, 109 (pag. 162, ed. Heinrich.), seribere non dubitavit : « Licinius, ex Germa- 
nia puer captus, dein curationi Galliarum ab Augusto praepositus, eas spoliavit ; et cum fiagraret 
invidia, basilicam sub nomine Caï Julii Caesaris aedificavit. » Quae praeterea de Licinio supra 
commemoravi, ea leguntur apud Dion. Cass., LIV, 21, et Senec. Apocol., pag. 382, ed. Pip. Ce- 
terum vide Becker : Zur roemischen Topographie, pag. 51-55, qui huic rei difficillimae primus 
lucem attulit. 

2 Solebat Octavianus hominum clarorum monumenta evertere et vel suo vel suorum nomine in- 
signire, cujus rei exemplum exstat apud Dion. Cass., LVI, pag. 755, lin. 65 fin. Nam quum Vedius 
Pollio moribundus ann. U. ec. 759, splendidum quoddam opus exstrui jussisset, Augustus ejus rei 
faciendae specie, re ipsa autem ne quod Vedii in urbe exstaret monumentum aedes Pollionis fun- 
ditus evertit, et, repiorocy Gsdoufoaro, ua où +è 0vouu rà rod IIcAA&YOS, AAA Td re Aulas éréyeube, 
robro pèy où Uorepoy Érolycer. 

5 Handbuch d. roem. Alterth., Y. pag. 505, fin., et Zur roem. Topographie, pag. 51-55. 

4 Vid. Bunsen, Beschreibung der Stadt Rom , tom. WF, pag. 82 et seq.; Becker, Handbuch d. r. 
A.,1, p. 339. 

5 Cf Festus, pag. 290 : Servilius lacus appellabatur (ab) eo, qui eum faciendum euraverat, in 
principio vici jugarii, continens basilicae Juliae, in quo loco fuit effigies hydrae posita a M. Agrippa. 

5 Basilica Julia praeterea commemoratur ab hisce scriptoribus : Plin., Æpist. I, 44, K 4,8; 
V,24, 1:V1,55;, 4; Joseph. , Antiq., XIX, À, 11; ai 940 sis 7 Karirduoy uéyre (Caligulam) xzr4 
Soucis drèp Th Suparpès Érirehouuévas Om To T'aiou rapfr moïAduis naipés «al Ürèp rc Bacinixge 
ioréueroy #41 dépo wpualou al &pyupiou ppyuara dixppirrobyTa dax xarx 4ep2)ÿe* 
ddyhèy dé écri rè orénos els rÿv änopar gtpor. Sueton., Calig., 37 : « Quin et nummos non mediocris 
summae € fastigio basilicae Juliae per aliquot dies sparsit in plebem (Caligula). » Hieronym., 
Chronic., pag. 399. Olymp., 185, 3 (— 708 U. C.), « Romae basilica Julia dedicata est. » 


62 DE BASILICIS LIBRI II. 


a Diocletiano restituta ! atque in eodem Urbis Romae Curioso, quod 
pag. 9, not. 5 nominavimus, commemorata usque ad extrema antiquae 
Romae tempora incolumis fuisse videtur, quum area ejus etiam nune in 
meridionali antiqui fori Romani latere antiquis ruderibus tecta inveniatur. 

5. Quanti autem Romani basilicas aestimaverint, ex eo facile intelligi- 
tur, quod decem annis post Fulvium Nobiliorem ann. U. c. 584. Tib. 
Sempronius Gracchus ? in meridionali fori latere post Argentarias veteres 5 
ad signum Vortumni “ basilicam Semproniam , et aliquo tempore intermisso 
L. Opimius in septentrionali fori latere basilicam Opimiam © exstruxe- 


1 Catal. imp. Vienn., pag. 247, Ronc. : Opera publica arserunt — basilicam Juliam et Graeco- 
stadium — (regnante Diocletiano) multae operae publicae fabricatae (sic!) sunt, senatum, forum 
Caesaris basilica Julia. 

2 Liv. XLIV, 46: Tib. Sempronius Gracchus ex ea pecunia, quae ipsi attributa erat, aedes 
P. Africani pone Veteres ad Vertumni signum lanienasque basilicam faciendam curavit, quae pos- 
tea Sempronia appellata est. 

5 De argentariis veteribus vide Beckeri, Handbuch d, r. A., 1, 296. Beschreibung. d. St. Rom., 
III, À, pag. 26. 

4 Signum Vortumni sive Verturani in vicinia fori positum fuisse, non solum Livi verba testan- 
tur, sed etiam locus Propertü, IV, 2, 5, ubi Vertumnus ita loquens inducitur : 


Nec me turba juvat nec templo laetor eburno , 
Romanum satis est posse videre forum. 


Ex quo consequitur, Pseud.-Asconium ad Cie. Verr., 1, 59, verbis : « Signum Vertumni in ultimo 
vico (Tusco) Thuario est sub basilicae angulo flectentibus se ad postremam dextram partem, » sig- 
nificasse eam vici Tusci partem, quae foro vicina esset, non eam, quae ad Velabrum vergeret. 
Quare qui ex his verbis efficere student, basilicam Semproniam in Velabri vicinia sitam fuisse, 
contra Livii auctoritatem pugnare videntur. 

5 Vid. Varron., L. L., V, 156, ed. Müller : « Senaculum supra Graecostasin (in septentrionali 
fori latere sitam, vid. Becker, Handbuch, tom. 1, pag. 285), ubi aedis Concordiae et basilica Opi- 
mia, » Cic. pro Sext., 67 : L. Opimius, cujus monumentum celeberrimum in foro (basilicam puta) 
sepulerum desertissimum in littore Dyrrhachino relictum est. — Marini : Ati de’ fratelli Arvali, 
tom. 1, pag. 212. » Nel Museo di Monsign. Casali queste due scritte con caratteri mollo antichi : 


| Fri 
| Menophilus PME: Ossa sita | 
| Lucretianus P. Pomponi. P. L. | 
| Servos publicus Ma Ne | 
vs ur 2e | enopilus 
Ex basilica pi hic sit. | ir RP 
pes: | L. Corneli ex basilica 


Diophanti L. L. Alexae Opimia. 


DE BASILICIS LIBRI IL. 63 


runt. Sed de his basilicis apud veteres nihil praeter ea scriptum exstat. 

Itaque quatuor ad minimum basilicae in foro Romano fuerunt, cujus 
rei qui meminerit, illa non mirabitur , quae apud Strabonem, V, pag. 163, 
lin. 41, de foro Romano leguntur. Mo d & vs is tv dyopay rapehSur cv 
&pyax ; amv € an dx rapalBenuévn Tovrnv, nai BacrAunds toc ka vaodc, du 
d ai vo Komitohov. 

6. Posteriore autem tempore Romae plures basilicae ! exstructae sunt, 
quarum celeberrimae sunt basilica Ulpia in foro Trajano ? et basilica 
Constantiniana, a Maxentio illa quidem exstructa, sed postea Flavii me- 
ritis ® dedicata, postremo ut videtur a Constantino M. Constantiniana 
compellata. Quin etiam ii [mperatores, qui sacra Christiana amplexi 
sunt, novas basilicas exstruendas curarunt, veluti Theodosius Romae # 
exeunte saeculo quarto, et Rufinus nomine Imperatoris Arcadii Antio- 
chiae Ÿ ineunte saeculo quinto. Porro Constantinum Magnum Constanti- 
nopoli basilicam aedificasse, in eaque rhetores causas egisse litterisque 
operam dedisse, Julinnum autem bibliothecam collocavisse, narrant Pro- 
copius, Agathias et Zosimus 5. Tempore autem Justiniani basilicas mer- 


1 Cf. Curios. Urb. Rom., Region., XIV, c. breviariis suis : Basilicae X, Julia, Ulpia, Vestilia, 
Neptunia, Matidies, Marcianes, Vascolaria (seu Argentaria, Cf. Ulrichs die roem. Topograph. 
in L., pag. 70), Floscellaria, Constantiniana. 

2 Vid. Beschreibung. der St. Rom., WW, pag. 287, et Becker, Handbuch., 1, pag. 580. Nibby, Del 
foro Trajano, pag. 555. 

5 Aurel. Viet. Caes., 40 : Adhuc cuncta opera, quae mirifice construxerat (Maxentius), Urbis 
fanum atque basilicam Flavii meritis Patres sacravere. 

# Symmach., Æp. V, T1 (74) : « Bonoso optimo viro et post militiam palatinam geminae ad- 
ministrationis conspicuo, discussionem pontis ac basilicae novae praeceptio Augustana mandavit. 
Coll, £p. IV, T1. Quam quidem basilicam ecclesiam Christianam non fuisse, inde sequitur, quod 
aedium Christianarum aedificandarum eura episcopis demandari solebat. Cf. Euseb. Æ. E., X, 4, 
pag. 380 et seq. Vit. Const., WI, 25. Theodor., Hist. Eccl., 1, 14. Piale, Diss., F, 7, pag. 15. 

5 Zosimi Hist., V (Arcad. et Honor., LV), pag. 781. Rufinus Bxcinuny ofnodouei oroëy, %e 
eddé E2 4 mis Ege diurperéorepey cixodéuyuz. Quam basilicam, quominus ecelesiam Christianam 
fuisse cum Hirtio (Geschichte der Baukunst b. d. Alten., UE, cap. V, S 5) credam, eo impedior, 
quod nunquam ecclesiae christianae vocibus 5702 Bariixÿ, quod sciam, denotatae sunt. 

6 Procop., De aedific., 1, 11 : Karë rÿy Barineés oroy, iva dy ràs diras rapasxcu#torra 
ci re firopec 44 eiauyoyetc nai ei TivEs &AÀo1 Tob Épyou Todrou ÈrimeloDYraI, abAY Tis ÉcTIy 
drespeyésys. — Agathiae, Hist., I, pag. D2 À. : &AN évons yuesos êy vf BuriAclo aroë BiBAidix roxr& 


dxdy dyérhea val mpayuéror &Ë ÉoSgivod péoçes wa eis Moov 2aradüyra ÉxUEAETO kel dYEATTO * kai iuy 


64 DE BASILICIS LIBRI HI. 


catui destinatas in majoribus urbibus fuisse, testatur locus Digest., XXXIV, 
tit. 2, 1. 52, $ 4. Postremo Ramausius ! ineunte saeculo XIIT in bello 
Constantinopolitano laudat regias basilicas aliaque Constantinopolis aedi- 
ficia pulcherrima e longinquo fulgentia et conspicua. Omnino autem ba- 
silicas, quales huc usque commemoravimus, jam Augusti temporibus 
in omnibus fere Italiae, imo totius fere imperii Romani urbibus fuisse, 
certissimis testimoniis comprobatur ?. 


ayScueu rois ve hoboiv, x, 7. À. — Losim., Hist., I, pag. 715, 18 (vol. III, Script., Hist. Aug.). 
Julianus, Bi3209%2y7 &9 +9 Basinéws oroù cixodouyoas Kai Tabry BiBhous cas Eye Évarodéueros. 

1 Cf. P. Ramnus., Bell. Const., I, pag. 61, fin. ed. Ven., 1654. — « Templorum numerum Deo 
Coelitibusque dicatorum, atque ipsum demum Sophianum templum Justiniani opus, generosi ope- 
ris mole, sed excelsis potissimum plumbeiïs testudinibus, reliqua urbis aedificia superans, maæi- 
mum numerum Palatiorum, Thermarum, basilicarum Regiarum et Xenodochiorum, quantum 
nemo nisi oculis subjectum, unquam crederet, intuiti (Francones et Veneti) aegre inde lumina 
dejiciebant. » 

2 Cf. Suet. Aug., 100 : « Corpus Augusti Decuriones muvicipiorum et coloniarum a Nola Bo- 
villas usque deportarunt, noctibus propter anni tempus, quum interdiu in basilica cujusque oppidi, 
vel in aedium sacrarum maxima reponeretur, » — Muratori Thes. inscripl., 1, pag. 472, 8. — 
…. janam basilicam.…... Troilus Caecilianus eur. r. p. fecit. (Legitur haec inscriptio in fragmento ex 
Africa allato.) — Mur, Thes. inscript., pag. #78 : Haec basilic. , Memmiae Priscae... ex voto Caes. 
Paren. (Haec inseriptio legitur in fragmento, quod Ticini in culina sacrar, virginum de Pusterula 
invenitur.) — Reines., Inseript., pag. 286. Inseriptio Smyrnensis : 7. 


Sérys Neperéon crpôreis rÿy Baci2ixÿy — Aoûeios Becréios Th Bacinix#9 creer) rhy rh 


y59To oi dÉkx Bésoos dyoyo- 


75 Bouheurypio ui xeñs she Spas rose. — Gvuter., Corpusüinscript., pag. 171,1. (Spoleti apud 
Arist. Maurum.) J. C. Sex. Volusius — basilicam solo publ. a fundamento pec. sua — vit. —Gruter., 
Corpus inse., pag. 471, 2. (Tordae Transsylvan. in templi propylaco, quod forum spectat frag- 
ment.) Imp. Caes. M. Ant. Gordianus Pius Felix invictus Aug. basilicam lejum. — Gruter., LL, 
pag. 171, 4. (Vesunae Petrocorior.) 3. Lannae solo a Pomp. Ant. Bassus, CG. Cn., Consacpt. basilicas 
duas, ete. — Gruter., L. L., pag. 444, 4. (Neapoli in Cippo.) In curia basilicae Aug. — Praeterea 
commemorantur Basilica apud Caerites. Grut., L. L., pag. 214; Basilica Velleiana, Pietro de Lama, 
Inseriz. ant., X, M, Hi]; Basilica Veliterna, Clemente Cardinali Inseriz. antich. Veliterne, pag. b8, 
N° 20; Basilica Julia Aquiliana et basilica Fanestris; Nitruv., V, 1, $ 4,6; Busilica Cordubae 
in Hispania, Hirt. bell. Alex., cp. 52; Basilica Nemausi, Ael. Spart., Vit. Adrian, cap. 11; Ba- 
silicae Trevericae, Eumen. Panegyr. Const. Aug., NI, cap. 22, $ 5. « Video basilicas et forum, 
opera regia sedemque justitiae in tantam altitudinem suscitari, ut se sideribus et coelo digna et 
vicina promiltant. — Basilica Ocensis (Oea hodie Tripolis in Africa), Apulej. de Magia., 547. — 
Basilica Cingulana : fi. e. t., Hviriter, basil.…. endam, poliendam, subaurandam D. S. P. F. C. Mu- 
rat. Thes. inse., 1, 490, 4. 


DE PASILICIS LIBRI II. 65 


Su. — De basilicis ambulatorüs. 


Alius generis basilicae ambulationibus publicis !, balneiïs ?, theatris 5, 
curiis # et templis Ÿ conjunctae vel vicinae, eodem fine, quo porticus ad 
theatra 5, templa 7, balnea $, et macella ? aedificatae , fuisse videntur, ut 
qui ad illa aedificia accessissent vel in iis versati essent, in basilicis aut 
tempestatum molestias evitarent aut solis calorem effugerent, aut denique 
ambulantes refrigerarentur. Quare hujus generis basilicas ambulatorias 
appellare liceat. 


$ ur. — De basilicis domesticis. 


Quae tertio loco commemorandae sunt basilicae, eae in aedibus nobi- 
lium maxime et Imperatorum fuerunt : hae quidem amplissimae et ele- 
gantissimae, quales Vitruvius, lib. VI, 5, (8) 2, his verbis descripsit : 


4 Jul. Capitol., Vit. Gord., 32 : « Instituerat (Gordianus III) in campo Martio — lithostroton — 
quod esset deambulatorium , ita ut in capite basilica esset pedum quingentorum. Cogitaverat prae- 
terea cum Misitheo, ut post basilicam Thermas aestivas sui nominis faceret. » — Ael. Lamprid., 
Alex. Sever., 26 : « Basilicam Alexandrinam instituerat inter campum Martium et septa Agrip- 
piana, in latum pedum C. in longum pedum M. ita ut tota columnis penderet : quam eflicere non 
potuit morte praeventus. » 

? Murat., Thes. inser., 1, pag. 460. Imp. Caes. M. Ant. Gord. P. F. Aug. balneum cum basilica 
a solo instruxit. — Murat. /. L., pag. 455, et Grut. C. J., pag. 1715 : Aelius H(adrianus.. The)rmas 
vetustate consumptas cum por(ticibus) et basilicis — restituit. Inscriptio Narbone inventa. 

5 Plin., Ep. X, 55, 5. « Huic theatro (Claudiopolitanorum) ex privatorum pollicitationibus multa 
debentur, ut basilicae cirea, et porticus supra caveam, quae nunc omnino differuntur. » Qui locus 
etiam ideo imprimis memorabilis est, quod basilicae et porticus aperte discernuntur. Cf. etiam 
notl. 2 et 8. 

+ Vid. Reines., Inscr., pag. 286, supra p. 64, not. 9, r# Burbuxy orpéaeu Th mpèc rù Boucurépior, 

5 Murat, Thes. J., pag. 120 : Respublica populusque Corfiniensis sacellum Lyceium vetustate 
delapsum adjectis basilicis sua pecunia restit. decreto decurionum. 

6 Vid. Vitruv., V, 41. 

7 Vid. numos antiquos, quorum alter templum Trajani (Patini, N. Z Rom., pag. 117), alter 
Macellum Neronis (Patini, Vum. Imp. Rom., pag. 119), repraesentat. 

8 Jul. Capit. Gordian., 32 : Cogitaverat praeterea eum Misitheo, ut post basilicam thermas aes- 
tivas sui nominis faceret, ita ut hiemales in principio porticus poneret, et suo usui essent vel viri- 
daria vel porticus. 


Toue XXI. 9 


66 DE BASILICIS LIBRI IL. 


« Nobilibus vero, qui honores magistratusque gerendo praestare debent 
» officia civibus, facienda sunt vestibula regalia, alta atria et peristylia 
» amplissima, silvae ambulationesque laxiores ad decorem majestatis per- 
» fectae : praeterea bibliothecae, pinacothecae, basilicae, non dissimili modo 
» quam publicorum operum magnificentia comparatae , quod in domibus eorum 
» saepius et publica consilia et privata judicia , arbitriaque conficiuntur. » 
Hujus modi basilicas in palatio Domitiani Romae et in villa Gordiano- 
rum in via Praenestina ! fuisse, narrant Plutarchus, Popl., 15, his verbis : 
‘O pévrot Javuaaas Toë KateTwAlou Thu mohuTéAeuaY, € pay etdEy Ey ouxtæ Aoperux- 
vob atoùy à Pacilirhv, 7 Paleveoy n ralexiduy œurav, oiéy are td Acyépevoy Eryip- 
pou po Tov agütoy  « Où phdvS pores TÜ 7 éco Eyes vécc Xaipeus dos. » Touodreu 
ay t rpès Aopetiavèy eine ponton ‘ Oùx evocfinc où quétuuos Tù Y éoi cyerc v6Gov ‘ 
Xaiperc cixodou&r, et Julius Capitolinus, Vit. Gord., 52, his verbis : « Domus 
Gordianorum etiam nunc exstat, quam iste Gordianus pulcerrime exor- 
navit, et villa eorum in via Praenestina, ducentas columnas uno peristylo 
habens, quarum L Carysteae, L Claudianae, L Synnades, L Numidicae pari 
mensura sunt, in qua basilicae centenariae ? tres, caetera huic operi conve- 
nientia, et thermae, quales praeter urbem ut tunc nusquam in orbe ter- 
rarum. » 


$ 1v. — De basilicis vinarüs. 


Postremo loco miram vocis basilicae notionem afferre liceat, quam solus 
Palladius Rutilius, De re rust., 1, 18, his verbis servavit : « Cellam vina- 
riam debemus habere oppositam frigidam sic dispositam, ut basilicae ïpsius 
forma calcatorium loco habeat altiore constructum, ad quod inter duos 
lacus (bassins), qui ad excipienda vina hic inde depressa sint, gradibus 
tribus fere ascendatur. » Ipsius loci natura docet, basilicam hoc loco in- 


1 Ruinae villae Gordianorum hodie Tor dei Schiavi, vid. Neue rôüm. Briefe, 1, pag. 49; coll., 
IE, pag. 250. 

2 Basilicam centenariam fuisse basilicam centum columnarum docemur his verbis Pomp. Laeti 
R., Hist. comp. de imp. Philippi : « Ludis saecularibus — theatrum Pompeï arsit et ei propin- 
quum Aecatostylon, centum columnarum in campo Martio opus : Centenariam porticum appel- 
Jabant, » 


DE BASILICIS LIBRI III. 67 


ternum cellae vinariae significare spatium, in quo et uvae in calcatorio 
calcarentur. Cui loco nomen basilicae haud dubie inditum non esset, nisi 
inter internae vinariae cellae et internae basilicae, quae vulgo sic appel- 
labatur, speciem similitudo quaedam intercessisset. 


CAPUT IL. 


DE FORMA BASILICARUM FORENSIUM. 


$ 1. — Introductio. 


De basilicarum Romanarum forma nobis disserentibus in eo acquies- 
cendum est, ut illarum tantum basilicarum, quas primo genere compre- 
hendimus, formas quam accuratissime describamus. Nam reliquarum 
basilicarum, quippe nusquam fere a veteribus descriptarum, rectam et 
accuratam imaginem nemo facile delineare poterit. Qua in re ita versabi- 
mur, ut primum quae huc usque a viris doctis de basilicarum formis dis- 
putata sunt, colligamus collectaque lecturis proponamus, deinde quas 
falsas deprehendimus aliorum sententias, quantum fieri poterit, corriga- 
mus, denique, quae ipsi nobis rectius intellexisse videmur in medium 
proferamus. 


Su. — Vulgaris de forma Romanarum basilicarum sententia. 


1. Quam huc usque fere omnes viri docti de Romanarum basilicarum 
forma amplexi sunt sententiam, eam praeivit architectus Florentinus saec. 
XV, Leo Baptista Albertus. Is enim in libro, quem de architectura scrip- 
sit (lib. VIT, 14, pag. 260, ed. princ. Florent., 1485), docet, basilicam 
fuisse oblongum locum pertectum, in utroque latere « porticibus intrin- 


68 DE BASILICIS LIBRI I. 


secus patulis, » et in extrema parte « tribunali » forma sua hemicyclio 
dignitatis causa instructum (Vid. tab. HT, fig. 1-5). Praeterea idem conten- 
dit « secundum ? » id est post tribunal basilicae transversam ambulationem 
a nonnullis fuisse additam, quam « lineamento ducto » ad similitudinem 
literae T cum basilica junxerint !. Quam ambulationem , quod illic rhe- 
torum turmae causidicique versati sint, causidicam non chalcidicum, quod 
apud Vitruvium legitur, dictam esse putat Baptista. 

2. Eandem de basilicarum forma sententiam proponit Andreas Palla- 
dius (Della Architettura, WE, pag. 56, ed. Venet.), nisi quod causidicam 
Baptistae Alberti omisit atque porticum in brevi latere e regione tribuna- 
lis adjecit (tab. IE, fig. 4). 

Ceterum idem vir clarissimus suspicatus est, fuisse etiam basilicas 
tribunalis in sejuneto loco instructi expertes; atque undique intrinseeus 
porticibus ornatas, qualem in adumbratione fori Latini delineavit. 

Quae autem Palladius copiosius de basilicis exposuit, eadem paucis 
comprehendit Scamozzi : Les bâtiments et les dessins d'André Palladio, tom. 
IV, pag. 6. | 

3. Contra ea Ciampinus (Vetera monumenta, in quibus praecipue mussiva 
opera sacrarum profanarumque aedium structura, ete. illustrantur ,, Romae, 
1690, tom. 1, pag. 8, sq.) sententiam Baptistae Alberti fere integram 
repetiit, sed ita, ut quam ille « secundum tribunal » posuit causidicam, 
ante tribunal poneret, eandemque mediae basilicae ambulationi (à la nef 
intérieure, veu Mrrrersouirre) conjunctam literae T figuram efficere affir- 
maret. 

4. Uti autem Ciampinus Baptistam Albertum, ita Peraltus, Les dix 
livres d'architecture corrigés et traduits en français, avec notes, par Peraurr. 
Paris, 168%, fol., et nostris temporibus Agincurtius, Histoire de l'art par 
les monuments, depuis sa décadence au IV° siècle jusqu'à son renouvellement au 
XIV siècle. Paris, 1825, tom. I, Architecture, pag. 14, Palladium sequuti 
videntur esse. Attamen Peraltus, quam Palladius addiderat exedram, 

1 Cf. Albertum, Z. 1. Addidere insuper alii secundum tribunal transversam alteram ambulatio- 


nem, quam quidem causidicam nuncupamus, quod illie rhetorum turmae causidicique versaren- 
tur. Et junxere hasce ambulationes inter se lineumento ducto ad T litérae similitudinem. 


DE BASILICIS LIBRI II. 69 


omisit et quae idem Peraltus omiserat Chalcidica basilicae ita adjecit, ut 
lis inter extremas superiorum porticuum partes locum suum assignaret 
( Vid. tab. Til, fig. 5), id quod factum improbat Quatremère de Quincy. 
Is enim, Encyclopédie méthodique, Arcmrecrure, tom. 1, pag. 222 et seq. 
in v. Basilique, Chalcidica oblongi basilicarum spatii alas esse vult, ita 
quidem extremis partibus adjectas, ut simul cum oblongo spatio literae T 
figuram exhibuisse dicat. Idem porticus quoque in tribus lateribus fuisse, 
ante tribunal autem defuisse contendit. Eandemque de forma basilicarum 
sententiam probat etiam Vodoyerus apud Jul. Gaïlhabaud, Denfmaeler 
der Baukunst aller Zeiten; deutsch herausgegeben, von Fr. Kugler. Hamburg, 
1844, Liefer. VI. 

5. Qui huc usque a nobis allati sunt scriptores, ii omnes in eo con- 
sentiunt, quod basilicas intus porticibus instructas fuisse dicunt; contra 
Hirtius, Geschichte der Baukunst bei den Alien, Th. 5, cap. 5, K 5, pag. 180 
et seq. , affirmat, fuisse etiam apud veteres basilicas interiorum porticuum 
plane expertes. Cujus modi basilicarum quae attulit exempla infra recen- 
sebimus. Praeterea cum reliquis scriptoribus recte statuit, nonnullas ba- 
silicas duplicibus porticibus fuisse instructas. Quas ille in longis tantum 
parietibus positas videtur credidisse, quum quas in basilica Aemilia ante 
tribunal positas fuisse existimavit columnas, eas nonnullis tantum basili- 
cis proprias fuisse contenderit. Hirtii sententiam integram repetiit Kugle- 
rus in tractatu suo : Der roemische Basilikenbau naeher entwickelt nach den 
Resten der antiken Basilika von Trier., Kunsrerarr n° 84-86, 1842, neque 
postea improbavit in libro, quem inscripsit : Kunstgeschichte, v. Franz 
Kugler. 

6. Copiosissime nuper de basilicarum forma egerunt Bunsen in libro: 
Die Basililien des Christlichen Roms, 1842, pag. 18 et seq., et Canina in 
libro splendidissimis typis expresso : Ricerche sul archütettura piu propria 
dei Tempj Cristiani. Roma, 1845, cap. HT. Qui quum omnino in eo con- 
sentiant, ut veteribus basilicis tribunal et chlongum spatium transversa 
ambulatione à tribunali sejunctum tribuant, tamen in eo inter se discre- 
pant, quod Canina Chalcidica interdum semicireularia aedificia in extre- 
mis basilicarum partibus fuisse eademque simul tribunal complexa esse 


70 DE BASILICIS LIBRI IL. 


dicit (vid. tab. IL, fig. 6). Bunsenius contra alteram tantum Caninae de 
Chalcidicis sententiam probat, qua contendit, Chalcidica quadrangulas 
aedes fuisse e regione tribunalis ante aditum basilicae exstructas. Bun- 
senii sententiam breviter at perspicue nuperrime repetiverunt Platner et 
Urlichs in libro, qui inscribitur : Beschreibung der Stadt Rom, ein Auszug 
aus dem groesseren Werke. Stuttgardt u. Tübingen, 1845, p. 16. 

Praeterea Bunsenius contendit, quas Aemilius Paullus, teste Cicerone, 
Ep. ad Au., IV, 16, restituisset et exstruxisset basilicas , eas (nescio an iti- 
neribus) ita fuisse conjunctas, ut formarent basilicam duplicem, Doppel- 
basilika, duplici tribunali permagno in interiore latere brevi instructam 
(vid. tab. IT, fig. 2). Quae sententia quum eo labefactatur, quod quas 
Bunsenius conjunctas fuisse dicit basilicas non uno eodemque tempore 
exstructas esse, ex Ciceronis verbis intelligitur : « Paullus in medio foro 
basilicam jam paene texuit; illam autem, quam locavit, facit magnificentis- 
simam, » tum vero etiam eo improbatur, quod apud veteres scriptores 
non duae sive duplex, sed una sive simplex basilica Aemilia commemoratur. 
Quare non mirum est, quod et ante Bunsenium et post eum alii viri docti 
aliam inierunt rationem, qua Ciceronis locum vel emendarent vel expli- 
carent. Et Havercampius quidem, qui primus in notis ad Morellii Thesaur. 
num. famil. Rom., tom. IT, pag. 624*, de hac re disseruit, difficultatem ita 
tollere studuit, ut Ciceronis verba corrupta et unius tantum basilicae Paulli 
structuram vel refectionem ab eo commemorari contenderet. Attamen 
quum omnes libri manuscripti verborum scriptura consentiant, Havercam- 
pii sententia probari vix poterit. Felicius videtur Beckerus in Ciceronis 
loco explicando versatus esse, qui verbis : « llam autem, quam locavit, 
facit magnificentissimam » basilicam Juliam illo fere tempore exstructam ! 
significari putat, in cujus sententiam discedere non dubitavi, improbata 
Bunsenii sententia de duplici basilica Aemilia. Cf. quae supra scripsi, 
cap. [, $ 1, 5, pag. 59 et seq. Porro quod idem Bunsenius suspicatus est, 
conjunctae basilicae ichnographiam in fragmentis marmoris Capitolini ? 

? Hieronym. Chron., pag. 399; OI. 485, 5 (hoc est a. U.c. 708) Romae basilica Julia dedicata est. 


? Urbis Romae ichnographia antiqua in tabulis marmoreis delineata optime repetita est in Pi- 
ranesi Antichita di Roma, tomo I, et in Caninae Pianta topografica di Roma antica, 1832. 


DE BASILICIS LIBRI IT. 71 


adhuc superstitem esse, in eo non minus falli videtur. Etenim fragmen- 
tum, quod in tabula Romae antiquae a Canina delineata num. XXIV, de- 
notatum est, non Aemiliae sed Ulpiae basilicae ichnographiam continere 
docuerunt idem Canina in libro, quem inscripsit : Indicazione topographica 
di Roma antica. Roma, 1841, pag. 172, et Becker : Handbuch d. rüm. Al 
terth., tom. 1, n. 558, et Zur roem. Topographie, pag. 27 et 28. 

7. Quae omnia si quis comprehenderit, intelliget, basilicae aream 
secundum plurimorum VV. DD. sententiam ita fuisse comparatam, ut 
oblongum ejus spatium, aut integrum aut porticibus ad parietes positis 
tripartitum vel quinquepartitum exciperet transversam ambulationem, cui 
adjunctum esset tribunal hemicyclium medianam oblongi spatit partem 
latitudine aequans. Aditum autem sive portam basilicae iidem viri docti 
e regione tribunalis in brevi latere collocatum volunt. Porro porticibus 
basilicam intus circumeuntibus, sive simplicibus sive duplicibus, alias 
ejusmodi porticus impositas fuisse, iisdemque in nonnullis ! basilicis rur- 
sus alias columnas vel muros fenestratos insedisse, qui tectum ! mediani 
spatii sustinerent. 

Qua autem ratione his pertectis basilicis Tux immissa sit, non convenit 
inter illos viros doctos, quum alii illam desuper per medianae testudinis 
tectum, alii infra testudinis et supra porticuum tecta per intercolumnia, 
alii per porticuum parietes, ali denique et desuper supra tecta et a latere 
per parietes porticuum intravisse existiment ?. 

Denique praeterire nolo e nonnullorum sententia in exedra tribunalis 
sub ipso tribunali fuisse carceres, in quibus capti tenerentur rei, quorum 
causae apud praetores agerentur. Quae sententia, quum duobus tantum 
iisque non admodum certis nitatur testimoniis, altero, quod sub suggestu 
in porticu Pompeiana, quam nonnulli basilicam esse credunt, altero quod 
sub suggestu in mole quadam Treverica, quam ob exedram hemicyeliam 


1 Cf. Bunsen., L. L., pag. 25 : War das Mittelschiff unbedeckit, so — War aber das Ganze ein- 
gedacht, so, — pag. 24 : Die Breite sei ein Drittel des mittleren Raumes (ein absichtlich gewählter 
Ausdruck, der auch für Basnuaxen mr seveckrem Mirrecsenire PASST ). Kugler, Kunstblatt., n° 86, 
pag. 342, 2. 1842. In der Mitte ein offner Säulenhof et saepins apud eundem. 

2 Cf. Marini ad Vitruv., N, 1; Canina, Ricerche, ete., pag. 32 et seq.; Bunsen, Beschreibung. d. 
St. Rom, W1,2, pag. 175. 


72 DE BASILICIS LIBRI II. 


ipsi adjectam basilicam fuisse dicunt, carceres, vel certe cellae subterra- 
neae conspiciuntur, non magnopere mihi commendatur. 

8. Proportiones autem basilicarum omnes scriptores, si unum Baptis- 
tam Albertum exceperis, secundum Vitruvii praecepta constituerunt, quae 
quum infra uberius sint exponenda, hoc loco praetermittamus. Quas au- 
tem Albertus proposuit basilicarum proportiones, eas nec recensere nec 
refutare necesse est, quum e tabulis ad mentem ipsius delineatis facillime 
cognoscantur neque aliunde natae esse videantur, nisi ex ipsius arbitrio et 
praejudicata opinione. Sed ne quid negligam, quod ad declarandas viro- 
rum doctorum sententias faciat, superest, ut paucis significem, quibus rebus 
ii tanquam propriis et peculiaribus notis basilicas a reliquis porticibus dignosei 
posse Statuerint. Quae quidem notae quum non quaeri possint, nisi in iis 
rebus, in quibus omnes scriptores, caeteroquin discrepantes, consentire 
videmus, non mirum est, Bunsenium in eam opinionem esse adductum, 
ut exedram sive apsidem, quippe quam ab omnibus scriptoribus recentio- 
ribus basilicis tribui et pro maxime insigni illarum parte haberi intellexis- 
set, ipse quoque basilicis praeter cactera propriam et peculiarem fuisse putaret!. 


S ur. — Falsarum de basilicis Romanis sententiarum refutatio. 


IL. Vulgarem, quam supra dedimus, de veterum basilicarum forma sen- 
tentiam non omni ex parte probari posse, facile, opinor, sibi persuade- 
bunt, qui veterum libros et monumenta accurate perlustraverint. Quorum 
auctoritate confisus equidem primum nego : 

a. Exedram sive apsidem basilicis adjectam et necessario addendam 
fuisse; 

b. Ambulationem transversam (navem transversam, nef transversale, Quer- 


scurr) ante apsidem fuisse; 


1 Cf. Bunsen., Die Basiliken, ete., pag. 16 : In einer oder andern Form kann ein soucner Ausrau 
DEN ALLE SPAETEREN BASILIKEN MIT EINANDER GEMEIN HABEN UND DURCIL WELCHEN SIE SICH VON ALLEN ANDERN 
HALLEN UNTERSCHEMEN, derjenigen nicht gefehlt haben, von welcher sie DIESEN UNTERSCHEIDENDEN NAHMEN 
TRAGEN. Porro, Beschreibung. d. St. Rom, I, 4, pag. 71 et 72: Wüirwollen hier—gellend machen 
— (dass der Basilika dusjenige fehlen würde, was ste ercenrLicur pazu Macur, nämlich das Trieunar. 


DE BASILICIS LIBRI IE. 75 


c. Chalcidica longis parietibus adjecta fuisse ; 

d. Aditum maximum necessario in brevi latere basilicarum fuisse ; 

e. Basilicas porticibus carentes unquam exstitisse; 

f. Basilicas nonnullas tecti expertes fuisse. 

Deinde autem contendo, tectum mediano spatio impositum basilicis ita 
proprium fuisse, ut hoc uno maxime a reliquis porticibus distinguerentur. 

Quae omnia quo magis a vulgari sententia recedunt, eo intentius id 
mihi agendum esse intelligo, ut et sententiam a me propositam certis ar- 
gumentis stabiliam, et adversariorum argumenta refutem. 

IL. Ac primum quidem, quod exedram seu apsidem necessariam basi- 
licarum partem fuisse vulgo existimant, id tribus potissimum nititur argu- 
mentis, primum quod veteres basilicae, quae juri dicundo destinatae essent, 
apside seu exedra, id est loco secluso, quo judices considentes uterentur, 
ne a multitudine turbarentur, carere non potuisse creduntur ; deinde, quod 
christianas quoque basilicas, quas illi ad veterum basilicarum exemplum 
exstructas esse putant, apside seu exedra seu tribunali instructas esse con- 
stat; denique, quod et Ulpia vel Aemilia et Constantiniana basilica exedris 
ornatae fuisse dicuntur. 

{. a. Ex his quod primo loco positum est argumentum hac duplici re 
infirmatur, quod basilicae neque juri dicundo exstructae fuisse, neque si 
fuissent, idcirco exedra videntur indiguisse. Etenim Vitruvius, quem solum 
ex omnibus scriptoribus de fine basilicarum dixisse reperio , non tam liti- 
gantibus atque ambulantibus quam negotiantibus basilicas exstructas esse , 
docet his verbis (lib. V, 4, $ 4) : « Basilicarum loca adjuncta foris quam 
calidissimis partibus oportet constitui, ut per hiemem sine molestia tem- 
pestatum se conferre in eas negotiatores possint, » et alio loco (S 8) : « Uti, 
qui apud magistratus starent, negotiantes in basilica ne impedirent. » 
Postremo his verbis ($ 5) : « Uti supra basilicae contignationem ambu- 
lantes ab negotiatoribus (in inferiore basilicae parte versantibus) ne conspi- 
ciantur. » Quae quidem verba etsi aperte docent, Vitruvium in exstruen- 
dis basilicis negotiatorum aut unice aut certe praecipue rationem habitam 
esse dixisse, tamen ita explicari solent ab adversariis, ut oblongum qui- 
dem basilicae spatium mercatoribus, apsidem vero sive exedram litiganti- 

Tome XXI. 10 


74 DE BASILICIS LIBRI IE. 


bus destinatam fuisse dicant, quarum quidem partium priorem a Vitruvio 
solam descriptam, posteriorem neglectam esse existimant. At nemo non 
videt, Vitruvium, quum secundarium, quem putant, basilicarum finem 
distincte perscripsisset, primarium, quem dicunt, finem multo minus ne- 
gligere potuisse. Uti enim in templis peripteris ambulationem circa cellam 
nunquam descripsit, quin ipsam cellam, quippe primariam templorum 
partem antea definivisset, ita etiam in basilicis describendis exedram et 
litigantes profecto non omisisset, si verum esset, quod illi volunt, judicii 
exercendi causa basilicas exstructas esse. Ttaque jure statuere videmur, 
quem Vitruvius commemoravit basilicarum finem, eum primarium fuisse. 

Quae sententia etiam aliis duobus argumentis confirmari videtur, altero 
quidem hoc, quod nullam basilicam soli juri dicundo, unam autem, Ar- 
gentariam dico (Urlichs d. rôm. Topogr. , in Leipz., pag. 70), soli mercatui 
destinatam fuisse novimus; altero autem hoc, quod basilicae, quas im- 
primis juri dicundo exstructas fuisse censent, subselliis, in quibus liti- 
gantes considerent, caruisse reperiantur. Etenim M. Seneca in praef., 
lib. IV, Controv. 1, et Quinctil., J. 0. X, 5, 182, memoriae prodiderunt, 
Porcium Latronem in foro causam acturum, quum loci insolentia pertur- 
batus esset, impense petiisse, uti judicium et subsellia e foro in basilicam trans- 
ferrentur. Quae autem juri dicundo exstructa fuisse dicuntur aedificia, ea 
subselliis, in quibus sederent litigantes, carere vix potuerunt. Ceterum si 
vera esset, quam nunc impugno, sententia, etiam mirari liceret, quod 
quum jam in Ciceronis tempore ad minimum quatuor basilicae, Porcia, 
Aemilia, Sempronia et Opimia in latere vel in vicinia fori exstructae 
essent, tamen neque Cicero neque alius quisquam ex ejus aequalibus in 
basilica causam egisse narratur, sed in foro, et tribunalia lignea et sub- 


1 Sen., Zn praef., Ub. IV, Controv., « narrratur — declamatoriae virtutis Latronem Porcium 
unicum exemplum, cum pro reo in Hispania, Rustico Porcio propinquo sno, diceret, usque eo 
esse confusum, ut a soloecismo inciperet, nec ante potuisse confirmari, tectum ac parietes desi- 
derantem, quam impetravit, nt judicium ex foro in basilicam transferretur. » 

? Quinet., J. O. X, 5, 18 : « Quod accidisse etiam Portio Latroni traditur, ut cum ei causain 
foro esset oranda, impense petierit, uti subsellia in basilicam transferrentur. » 

5 Cf. Ascon, in praef. ad Cic. Orut. pro Milone : « Populus— corpus Clodii in cuviam intulit cre- 
mavitque subselliis et tribunalibus et mensis et codicibus librariorum (in foro inventis). » Cicer., 


DE BASILICIS LIBRI IT. 7 


sellia fuisse dicuntur 5. Quod autem ad Plinii ep. VI, 55, $ 4; II, 14, 
$4,etV,21, provocant viri docti, ex illis locis ideo non multum proficitur, 
quod in Plinii verbis non hoc inest, quod ülli volunt, basilicas primum 
quidem judiciis exercendis aedificatas; deinde autem negotiatoribus per- 
missas esse, sed nihil ex üis efficitur nisi hoc, judicia centumviralia in 
basilica Julia habita esse. 

Sed etiamsi concedam, basilicas juri dicundo exstructas esse, tamen ex 
eo non licet colligi, in secreto illarum loco, veluti in exedra cancellis 
clausa, judicia esse habita. Quod secus fuisse facile intelliget, qui ejus- 
dem Plinii locum (Ep. Il, 14) paulo accuratius examinaverit. Ibi enim 
haec leguntur : « Distringor centumviralibus causis, quae me exercent 
» magis quam delectant. Sunt enim pleraeque parvae et exiles. Raro in- 
» cidit vel personarum claritate vel negotii magnitudine insignis. Ad hoc 
» perpauci, cum quibus juvet dicere : ceteri audaces atque etiam magna 
» ex parte adolescentuli obscuri ad declamandum huc transeunt tam 1rre- 
» verenter et temere, ut mihi Attilius noster expresse dixisse videatur, 
» sic in foro pueros a centumviralibus causis auspicari, ut ab Homero in 
» scholis. — At Hercule ante memoriam meam (ita majores natu solent 
» dicere) ne nobilissimis quidem adolescentibus locus erat, nisi aliquo 
» consulari producente. Nunc refractis pudoris et reverentiae claustris 
» ommnia patent omnibus, nec inducuntur sed irrumpunt. Saepiuntur au- 
» ditores actoribus similes conducti et redempti : manceps convenitur in 
» media basilica, ex judicio in judicium transitur. Heri duo nomenclato- 
» res mei ternis depariis ad laudandum trahebantur. Hoc pretio quam 
» Jibet numerosa subsellia implentur. Si quando transibis per basilicam, 
» et scire voles, quomodo quisque dicat, nihil est, quod tribunal ascen- 
» das, quod pracbeas aurem, facilis divinatio. Scito eum pessime dicere, 
» qui laudabitur maxime, » Quae verba manifesto docent, primum, ad 
judicia atque tribunalia facillimum fuisse aditum etiam ïis, qui forte per 
in Vatin., 9 : « Quum eum tu consulem in vineula duceres et ab tabula Valeria collegae tui mitti ju- 
berent : fecerisne ante Rostra pontem continuatis tribunalibus, per quem consul populi Romani— 
duceretur? » Et cap. 44 : « Judices quaestionum de proximis tribunalibus esse depulsos. » Coll. 


pro Cluent., 27, $ 75, extr.: « Slaienum ad subsellia adduxit. » Caeterum vide Schützi Lexicon Ci- 
ceron. in verbis tribunal et subsellium, et Sueton., Caes. 84 : « Et eum subsellüs tribunalia. » 


76 DE BASILICIS LIBRI II. 


basilicam transirent; deinde, tribunalia transeunti tam propinqua fuisse, 
ut non opus esset a via deflectere, si quis laudem oratoribus pro tribuna- 
libus tributam audire vellet. Haec igitur, qui reputaverit, vix a se impe- 
trabit, ut centumviralia judicia in secluso et remotiore basilicae loco, velut 
in exedra ad extremam aedificii partem sita, esse habita existimet. 

Neque facile apparet, cur judicia, quae turbulentissimis bellorum eivi- 
lium temporibus in aperto foro, nec raro coram ingenti multitudine ! 
habita essent, deinde, postquam in tranquilliorem basilicam translata 
sunt, in remoto aique secluso loco haberi oportuerit. Nam quae in basi- 
licis tractari solebant causae civiles? , eae, teste Plinio, neque tantae tam- 
que insignes, neque tam secretae gravesque esse solebant, ut aut turbu- 
lentam multitudinem arcere, aut ipsas causas vulgus celare necesse esset. 
Capitales vero causas, quas in publico tractari Romani nollent, aut in 
curia coram senatu aut in secretariis actas esse docuit Cancellierius in 
libro, qui inscribitur : De secretarüs basilicae Vaticanae, tom. I, Ps. I, cap. 1. 

b. Ex his jam apparere videtur, basilicas neque judiciis exercendis 
exstructas fuisse, neque si hoc consilio aedificatae fuissent, exedris idcirco 
indiguisse. Has autem quominus credam basilicis adjectas fuisse, Vitruvii 
auctoritate gravissima impedior. Is enim in illis locis, ubi de basilicis 
exstruendis praecepit, exedrarum non modo nullam prorsus mentionem 
fecit, sed ne locum quidem illis exstruendis reliquit, neque quam ipse 
aedificavit basilicam Fanestrem exedra ornandam esse putavit. De quibus 
singulis nunc accuratius dicendum esse video. 

Ac de structura quidem haec sunt Vitruvii praecepta (lib. V, 1): « Ba- 
»_silicarum latitudines ne minus quam ex tertia, ne plus quam ex dimidia 
» longitudinis (parte) constituantur, nisi loci natura impedierit, et aliter 
» coegerit symmetriam commutari. Sin autem locus erit amplior in lon- 
» gitudine, Chalcidica in extremis partibus constituantur, uti sunt im 
» Julia Aquiliana. Columnae basilicarum tam altae, quam porticus latae 


1 Cie, pro Milon., 4, 1 : « Non enim corona consessus vester cinctus est, ut solebat, non usitata 
frequentia stipati sumus. » 

> Cf. Zumpt, Ursprung, Form und Bedeutung des Centumviralgerichts in Rom ; IN rmLosopn. 
ABHANDLUNGEN DER KOENIG. AKADEMIE ER WisseNscHArrEN 20 Benin, 1837, pag. 141, lin. 8. 


DE BASILICIS LIBRI HI. 77 


fuerint, faciendae videntur : porticus quam medium Sspatium est, ex 
tertia finiatur. Columnae superiores minores quam inferiores , uti supra 
seriptum est, constituantur. Pluteum quod fuerit inter superiores et 
inferiores columnas, item quarta parte minus, quam superiores colum- 
nae fuerint, oportere fieri videtur; uti supra basilicae contignationem 
ambulantes ab negotiantibus ne conspiciantur. Epistylia, zophori, co- 
ronae, ex symmetriis columnarum, uti in tertio libro diximus, expli- 
centur. Non minus summam dignitatem et venustatem possunt habere 
comparationes basilicarum , quo genere coloniae Juliae Fanestri collo- 
cavi curavique faciendam : cujus proportiones et symmetriae sic sunt 
constitutae. Mediana testudo inter columnas est longa pedes CXX, lata 
pedes LX. Porticus ejus circa testudinem inter parietes et columnas 
lata pedes viginti. Columnae altitudinibus perpetuis cum capitulis pedum 
quinquaginta, crassitudinibus quinum, habentes post se parastaticas al 
tas pedes viginti, latas pedes duos semis, crassas pedem unum semis; 
quae sustinent trabes, in quibus invehuntur porticuum contignationes : 
supraque eas aliae parastaticae pedum decem et octo, latae binum , 
crassae pedem, quae excipiunt item trabes sustinentes cantherium et 
porticus quae sunt submissa infra testudinem tecta. Reliqua spatia inter 
parastaticarum et columnarum trabes per intercolumnia Juminibus sunt 
relicta. Columnae sunt in latitudine testudinis cum angularibus dextra 
ac sinistra quaternae, in longitudine, quae est foro proxima, cum 1is- 
dem angularibus octo : ex altera parte cum angularibus sex, ideo quod 
mediae duae in ea parte non sunt positae, ne impediant aspectus pro- 
nai aedis Augusti, quae est in medio latere parietis basilicae collocata 
spectans medium forum et aedem Jovis. Item tribunal est in ea aede 
hemicycli schematis, minore curvatura formatum : ejus autem hemi- 
cycli in fronte est intervallum pedum quadraginta sex, introrsus cur- 
atura pedum quindecim, uti, qui apud magistratus starent, negotiantes 
in basilica ne impedirent. Supra columnas ex tribus tignis bipedalibus 
compactis trabes sunt circa collocatae, eaeque ab tertiis columnis , quae 
sunt in interiori parte, revertuntur ad antas, quae à pronao pr'ocurrunt, 


dextraque ac sinistra hemicyclum tangunt. Supra trabes contra capi- 


78 DE BASILICIS LIBRI IL. 


» tula ex fulmentis dispositae pilae sunt collocatae, altae pedibus tribus, 
» latae quoquo versus quaternis. Supra eas ex duobus tignis bipedalibus 
» trabes euerganeae circa sunt collocatae, quibus insuper transtra cum 
» capreolis columnarum contra corpora et antas et parietes pronai collo- 
» cata sustinent unum culmen perpetuum basilicae, alterum a medio su- 
» pra pronaum aedis. » In fine hujus expositionis docet, quomodo hoc 
basilicarum genus ab altero differat, quibusque rebus praestet, his verbis 
usus : « Ita fastigiorum duplex tecti nata dispositio, extrinsecus et inte- 
rioris altae testudinis, praestat speciem venustam. Item sublata episty- 


=: 


» Jiorum ornamenta et pluteorum columnarumque superiorum distributio 
» operosam detrahit molestiam, sumptusque imminuit ex magna parte 
» summam. Îpsae vero columnae in altitudine perpetua sub trabes testu- 
» dinis perductae et magnificentiam impensae et auctoritatem operi ad- 
» jungere videntur. » 

His igitur locis omnibus quum exedra sive apsis ne verbulo quidem 
commemorata sit, jure concludimus, ex Vitruvii sententia apsidem basilicis 
adjiciendam non fuisse. Nec vereor, ne quis objiciat, Vitruvium de apside 
propterea nihil exposuisse, quod basilicae apside carentes cogitari omnino 
non possent. Nam quum universae basilicae et singularum ejus partium 
proportiones ac symmetrias accuratissime exposuerit, profecto neque exe- 
dram, primariam, ut putant, basilicarum partem silentio praeterire potuit. 
Imo tribus locis, si exedra in basilicis exstruenda fuisset, commemorare 
eam debebat, et primum quidem eo loco, quo et latitudinis et longitudinis 
areae proportiones definivit. Etenim priusquam porticuum proportiones 
constitueret, exedrae et situm et ambitum significare debebat, quum pa- 
rum credibile sit, eam ad arbitrium modo ampliorem modo angustiorem 
exstrui potuisse. Qua exedrae definitione eo minus supersedere potuit, 
quod basilicae partes haud dubie multo leviores, veluti pluteum, epistylia, 
coronas, quales esse deberent, accurate descripsit. Deinde etiam illo loco, 
quo tribunal in aede Augusti situm commemoravit, apsidis mentionem 


facere debebat. Nam si tribunal pro more in exedra basilicae collocandum : 


erat, Vitruvius hoc loco sine dubio rationem afferre debebat, cur aut 
exedram basilicae suae omisisset, aut tribunal contra consuetudinem non 


“ 


DE BASILICIS LIBRI IL. 19 


in exedra sed in pronao aedis Augusti posuisset, vel quod eodem redit, 
pronao aedis pro exedra basilicae usus esset. Tertium denique locum, in 
quo apsidis mentionem facere debuerit, eum intelligo, in quo alterius 
generis basilicarum virtutes exposuit, et utriusque generis comparationem 
instituit. Nam si apsidem primariam ! basilicae partem esse putasset Vi- 
truvius (quod illi putant), rationem reddere debebat lectoribus, cur exe- 
dram aut omnino negligeret, aut pronaum aedis Augusti in ejus locum 
suffecisset. Quas res gravissimas quum Vitruvius non commemoraverit, 
mihi quidem persuasum est, exedram, quam basilicis adjectam fuisse re- 
centiores contendunt, Vitruvii temporibus in basilicis non exstitisse. In 
qua sententia etiam illud me confirmat , quod licet et basilicae et singulae 
earum partes saepissime commemorentur, apsidem tamen seu exedram 
basilicae nusquam commemoratam inveni ?. 

Quod autem supra dixi, Vitruvium ne locum quidem exedris aedifican- 
dis reliquisse, ejus rei superest ut rationem subjiciam. Quum enim ille 
docuerit, in externis partibus, hoc est in utraque parte extrema basilica- 


1 Bunsen, Die Basiliken d. ch. Roms, pag. 19, haec seribit : « Das Tribunal war schon von Au- 
gustus selbständig angewandt , und als der wichtigste und nützlichste Theil der Basilika von seinen 
Nachfolgern mit grosser Freiheit ausgebildet worden. » Quae quid sibi velint non liquet. Nam tri- 
bunalia ante Augustum in foro fuisse neminem fugit, apsides vero in basilicis Augusti tempore 
fuisse nondum probatum est. Cf. not. 3, pag. 74 et sq. 

2 Bunsen, . L., pag. 24, putat Plinii verbis ( Zp. VI, 55, $ 5): « Praeterea densa cireumstan- 
» tium corona latissimum judicium multiplici cireulo ambibat, » quae ita interpretatus est : Aus- 
serdemumgab ein dichter Kranz die so überaus cenaümice Gericussraerre ( Tribunalnische) in viel- 
fachen Kreisen, significari exedram judicio exercendo destinatam. Quam interpretationem vocum 
« amplissimum judicium » cerAüwice Gericurssragrre probare non poterit, qui in eadem epistola 
legit verba proxime antegressa : « Est haec oratio pro exempli raritate et judicii magnitudine in- 
» signis. Nam femina splendide nata, exheredata ab octogenario patre — quadruplici judicio bona 
» paterna repetebat. Sedebant judices centum et octoginta : Lot enim quatuor judiciis conscribuntur, 
» ingens utrimque advocatio et numerosa subsellia. » Post haec igitur pergit Plinius : « Praeterea 
» densa circumstantium corona, latissimum judicium multiplici cireulo ambibat. » Jam ex verbis 
supra adscriptis patet, judicium propterea appellatum esse latissimum, quod qui judicium exer- 
cebant fuerant plurimi, veluti judices et ingens advocatio et auditores in numerosis subselliis 
assidentes. Quare ut et loeus et personae simul verbis contineantur, vertendum est, das sehr 
ausgedehnte, sehr erweiterte Gericht. Praeterea sponte apparet, multitudinem exedram ambientem , 
quam extra muros basilicae stare oportuit, judicium videre non potuisse, Unde etiam elucet, Pli- 
nium voce judici exedram non significasse. Neque rectius idem vir doctus in Vitruvii verbis, 
lib. V, 1,8 : « hemicycli schematis » exedra seu apsidis nomen latere existimavit. Vid. infra, $ 4. 


80 DE BASILICIS LIBRI II. 


rum, Chalcidica constitui posse, non intelligitur, quo loco architectus, 
qui Chalcidica constituisset, exedras collocare debuerit. Quas autem viri 
docti invenerunt vias, ut hanc difficultatem tollerent, veluti Baptista Al- 
bertus, Peraltus, Ciampinus, Quatremère de Quincy, Bunsenius et Canina, 
eas propterea comprobare non possum, quod qui Chalcidicum post exe- 
dram posuit Albertus, basilicam plane deformem, ne dicam, ineptam, 
proposuit, qui vero eadem Chalcidica in extremis partibus porticuum, 
vel ad extremas partes longorum parietum, vel ante aditum basilicarum 
constituerunt, vel denique qui ea ipsas apsides continuisse ! putant, ii 
Vitruvii verba non recte videntur explicuisse. Nam Vitruvii verba « sin 
» autem locus erit amplior in longitudine, Chalcidica in extremis parti- 
» bus (se. longitudinis) constituantur » nihil aliud significant nisi hoc, si 
spatium basilicae exstruendae destinatum in longitudine ter amplius fue- 
rit, quam in latitudine, eas partes longitudinis, quae modum basilicae 
excedant, Chalcidicis in utroque longitudinis fine exstruendis tribuendas 
esse. Itaque Chalcidica etpost exedram, quam in una parte, et ante aditum, 
quam in altera parte extrema collocari volunt viri docti, exstruenda fuis- 
sent. Quae autem inde enasceretur difficultas atque deformitas, omnes in- 
tellexerunt, qui Alberti sententiam improbarunt. Sed haec tota difficultas 
sponte evanescit, modo missas fecerimus praejudicatas de exedra exstruen- 
da opiniones. Verba enim sicut apud Vitruvium leguntur, manifesto do- 
cent, extremas partes, quibus Chalcidica adjicienda esse dicuntur, esse 
fines longitudinis ejusdem spatii, cujus latitudinem antea aut ex tertia aut 
ex dimidia parte longitudinis constituendam definiverat. Si autem Chalei- 
dica oblongo spatio, nulla alia re interposita, addenda erant, sponte ap- 


1 Vid. Caninae Ricerche, ete, pag. 51, lin. 41 : Laonde se da alcune indicazioni si conosce il 
nome calcidico essersi riferito adun apside semicircolare, e secondo altre ai portici che stavano vi- 
cino ai fori, ove corrispondevano alcune basiliche o altri simili edifizi, ne viene di conseguenza la 
conclusione essere il calcidico formato da una grande apside semicircolare acui davanti corrispon- 
devano colonne disposte a guisa di portico. Cosi infatti si hrovano essere state formate quelle parti 
delle antiche basiliche praticate nelle estremità dei lati minori, ove avanti alla grande apside stavano 
poste le colonne delle navate traverse, come particolarmente ne offre esempio quanto vedesi appar- 
tenere alla celebre basilica Ulpia. coll., pag. 98, lin. 14. In queste stesse basiliche il tribunale si 
doveva transferire nel mezzo dei calcidici ed essere anche ripetuto in ambidue. 


DE BASILICIS LIBRI II. 81 


paret, nullm locum a Vitruvio exedrae sive apsidi esse destinatum. Unde 
recte concluditur, Vitruvium de exedra aedificanda plane non cogita- 
visse. 

Quae eadem sententia etiam Fanestris basilicae ab ipso Vitruvio 
exstructae exemplo confirmari videtur. Fuerunt quidem, qui contrariam 
sententiam elicerent ex his Vitruvii verbis : « Columnae sunt in latitudine 
» testudinis cum angularibus dextra ac sinistra quaternae, in longitudine, 
» quae est foro proxima, cum iisdem angularibus octo : ex altera parte 
» cum angularibus sex, ideo quod mediae duae in ea parte non sunt po- 
» sitae, ne impediant aspectus pronai aedis Augusti, quae est in medio 
» latere parietis basilicae collocata spectans medium forum et aedem Jo- 
» vis. Item tribunal est in ea aede hemicyeli schematis minore curvatura 
» formatum : ejus autem hemicycli in fronte est intervalium pedum qua- 
» draginta sex, introrsus curvatura pedum quindecim, uti, qui apud 
» magistratus starent negotiantes in basilica ne impedirent. » In quibus 
verbis quod commemoratur hemicyclium schema illi pro apside haberi 
posse arbitrati sunt. (Cf. Bunsen., Die Basiliken d. christ. Roms, pag. 24.) 
At male se de his verbis judicasse iidem viri docti sentient ipsi, primum 
si animadverterint, vocibus « in ea aede » non significari basilicum, prop- 
terea quod « huic aedi » infra aperte opponitur « basilica », sed potius 
« aedem Augusti » paulo ante a Vitruvio commemoratam ; unde apparet, 
voculam « eam » recte adjectam esse; porro si reputaverint, vocibus 
« hemicyeli schematis » secundum verborum structuram non exedram 
sive apsidem basilicae designari, sed eam ipsam curvaturam describi, qua 
tribunal in aede situm formatum fuisse dicitur; denique si perpenderint, 
vocibus « ejus autem hemicycli » propter additam voculam ejus nihil 
aliud significari, nisi quod modo commemoratum erat « hemicycli 
schema. » Itaque verbis supra allatis potius haec sententia videtur sub- 
esse. Tribunal forma hemicycli in pronao aedis Augusti positum est, 
cujus proportiones ita comparatae sunt, ut tribunalis cornua XLVI pedes 
distent, curvatura autem introrsus XV pedes habeat. Ex quo patet Fa- 
nestri basilicae exedram tribui non posse. 


2. Alterum autem argumentum, quo viri docti comprobare student, 
Tome XXI. Al 


82 DE BASILICIS LIBRI III. 


antiquas basilicas exedris instructas fuisse, a christianis basilicis petitum 
est, quas fere omnes exedris ornatas esse constat, quasque illi ad Roma- 
narum basilicarum exemplum aedificatas esse existimant. Quae quidem 
sententia licet ipsa nominis convenientia commendari videatur, tamen his 
tribus maxime causis refutatur, primum, quod nullo adhue veterum seri- 
ptorum testimonio probatum est, christianas basilicas ad profanarum 
exemplum exstructas esse; deinde, quod etiam christianae basilicae repe- 
riuntur, quae exedra careant (veluti quae olim Tyri fuit basilica, Cf. Eu- 
seb., H. E., X, 14; et quae adhuc Romae extat, basilica sancti Laurentii 
extra muros); denique quod, etiam si concedas, christianas basilicas in 
ceteris plerisque rebus antiquarum basilicarum formam referre, tamen 
facile fieri potuit, ut nonnullas saltem partes christiani pro consilio suo 
mutarent, et qua iis opus videretur exedra basilicas suas augerent. Nam 
hanc quoque a profanis basilicis translatam esse, certe non prius credi 
poterit, quam demonstratum erit, profanas quoque basilicas exedris in- 
structas fuisse. 

5. Restat jam ut de tertio adversariorum argumento dicam. IIli enim, 
quod modo dixi demonstrandum esse, videntur sibi jam demonstrasse. 
Nam duo saltem proferunt antiquarum basilicarum, quae exedram habue- 
rint, exempla, alterum e fragmento quodam marmoris Capitolini !, quod 
basilicae cujusdam Romanae ichnographiam exhibet, alterum e ruinis 
templi Pacis, ut vulgo existimant, vel basilicae Constantinianae, petitum. 
Quae quidem exempla si nihil haberent dubitationis, profecto multum va- 
lerent ad id, quod illi voluerunt, probandum, sed fateor equidem, neu- 
trum aptum ad probandum mihi videri. Nam ut primum dicam : 

a. De ichnographia basilicae Romanae, quam cum Canina Ulpiam fuisse 
puto, in ea contemplanda me duo maxime offenderunt, primum, quod 
quam basilicae exedram fuisse dicunt, peculiari Libertatis nomine insigni- 
tam inveni ; deinde, quod ejusdem exedrae, quam dicunt, ambitus ipsius 
basilicae ambitum si non excessit, at aequavit saltem. Id enim, quod pos- 
teriore loco posui, docere videtur, hemicyclium illud non apsidem sive 
exedram fuisse, quippe quae ex ipsorum virorum doctorum sententia me- 


1 Vide Caninae Pianta di Roma antica, Fragment num. XXIV denotatum et nostr. tab. If, fig. 3. 


DE BASILICIS LIBRI HE. 83 


diani basilicarum spatii ambitum excedere non debuerit !; quod autem 
priore loco commemoravi, indicare videtur, idem illud hemicyclium om- 
nino non partem basilicae, sed separatum ab illa aedificium fuisse. Nam 
quod universae basilicae tributum est nomen, haud dubie etiam singulis 
ejusdem partibus commune fuit, nec facile credas, ipsam basilicam Ul- 
piam appellatam , exedram autem ejusdem Libertatis nomine insignitam 
fuisse. Quare hemicyclium illud partem eorum operum, quae forum Tra- 


9 


janum cinxisse dicuntur ?, fuisse existimo, neque dubito ad illorum sen- 
tentiam transire, qui Libertatis lud atrium fuisse dicunt. 

b. Aliquanto plus tribuendum esse concedo alteri, quod proferunt, ba- 
silicae Constantinianae exemplo. Haec enim basilica , qualis nunc est, duas 
exedras habet, quarum altera posteriore tempore adjecta, altera autem 
simul cum ipsa basilica exstructa esse dicitur. Sed ne hoc quidem exemplo 
vincimur, propterea quod certum quidem exploratumque est, aedificrum 
illud, cujus rudera etiamnum Romae cernuntur, in loco basilicae Constan- 
tinianae exstructum esse, illud autem demonstrari non potest, ruinas 
illas ipsius basilicae Constantinianae esse reliquias. Vide infra, cap. VI, 2. 
Quae cum ita sint, non sine causis idoneis impugnare videmur sententiam 
eorum, qui antiquas basilicas exedris sive apsidibus sive hemicycliis 
instructas fuisse dicant. 

ce. Nolo tamen, ne quid dissimulare videar, silentio praeterire inscri- 
ptionem apud Gruterum, pag. 444, 4, ubi haec leguntur : « C. Domitio 
» Dextro II L. Valerio Massala Thrasia Prisco Cos. VI Idus Januar. In 
» Curia Basilicae Aug. Annian. Scribundo Adfuerunt A. Aquilius Pro- 
» clus. » Quibus verbis uti sane poterunt üi, qui basilicis exedram 
vindicare volent. Uti enim curia Pompeii fuit exedra Porticus Pom- 
péianae 5, ita etiam curia basilicae illius, quae Neapoli fuisse videtur, 
pro exedra basilicae haberi potest. Sed ne ‘hoc quidem subsidio multum 

1 Bunsen, d. Basil., p.22 : Wür finden das Miltelschiff{ gewühnlich von der Breite der Ocffnung 
des Tribunals. 

2 Canina, /ndicaz. Topogr., pag. 177. Bunsen, Beschreib. d. SL. Rom., WI, 2, pag. 169 et 170. 
Becker, Handbuch der rüm. Alterth., V,pag. 380, 381 in fine. 


5 Vid. Plut. Brut. , A4. coll. Caes., 66. Appian., Civil. V, 415. Cic., de Div. If, 9. Liv., Ep. 416. 
Dio Cass., XLIV, 16, 52. Suet. Cues., 80. Aug., 31. 


84 DE BASILICIS LIBRI IE 


proficient adversarii, quod quemadmodum phetrium vel curia 1 Augusta- 
lium in angulo porticus basilicae apud Caerites ? fuit, ita etiam curia illa 
Neapolitana in angulo basilicae fuisse existimari potest. Neque etiam si 
concedamus, curiam illam fuisse exedram basilicae annexam, aliud quid- 
quan inde efficietur, nisi hoc, uni alterive basilicae exedram adjectam 
fuisse, quemadmodum alias apsides porticibus adjectas fuisse legimus, ne- 
quaquam vero, exedram necessarian basilicarum partem fuisse. 

JL. — Similiter autem judicandum est de transversa ambulatione, quam 
inde ab Alberto fere omnes quos nominavimus viri docti inter exedram 
atque oblongum spatium antiquarum basilicarum interpositam existimant. 
Quae quidem sententia per se ipsa corruit, si exedras ab antiquis basilicis 
nobiscum abjudicaveris. Neque ulla exstant de transversa ambulatione 
veterum scriptorum testimonia. Quod autem ad Ulpiae basilicae ichno- 
graphiam provocant viri docti frustra sunt, quod hemicyclium juxta eam 
basilicam collocatum injuria pro exedra habent, ut jam supra a me est 
demonstratum. Itaque Agincourtio assentiendum esse videtur, qui hane 
ambulationem christianarum basilicarum non ab antiquis basilicis petitam, 
sed a Constantino M., qui christianarum ecclesiarum structuram ad crucis 
formam accommodare vellet, inventam esse existumat 5. 

IV. — Porro de Chalcidicorum situ, quam vir ceteroquin acutissimus 
et doctissimus, Quatremère de Quincy (Encyclopédie méthodique, Architec- 
ture, tom. [, in v. Basique), et Peraltus (ad Vitruv., V, 1,) proposuerunt 
sententiam, eam recte impugnarunt Bunsenius et Canina. Chalcidica enim 


1 Phetrium est curia, locus in quo sodales aut curiales conveniunt. Cf. Scalig., de Emend. temp... 
pag. 477. Reines., V. L., 5, pag. 602. Maussacus ad Harpocr., in v. soxrpizpyos. Coll. Reines., 
V. L. 562, Inscript. Reines., pag. 179 et 180. Pollue., IE, cap. 4. 

? Vid. Gruter, Inscript., pag. 214, 1 : Vesbinus Aug. Lib. petit, ut sibi locus publice daretur 
sub porticu basilicae Sulpicianae, uti Augustalib. in eum loeum phetrium faceret, ete.; 2. Magis- 
tratus et decurion. Curiatio Cosano Sal. Id. Aug. Desideranti a nobis Ulpio Vesbino, consilium de- 
curionum coegimus, a quibus petit, ut sibi locus publice in angulo porticus basilicae daretur, 
quod se Augustalibus phetrium publice exornaturum secundum dignitatem municipii pollicere- 
tur, gratiae huic actae sunt ab universis. « Ibidem : » Vesbinus Augusti L. phetrium Augustalibus 
cum ar(a) genii Munic. Caerit. donum dedit. Dedie., HI, Id. Jun. A Ninnio Hast. P. Manilio Vo- 
pisco Cos. 

5 Cf. Agincourt, Histoire de l'art, tom. 1; Architecture, pag. 14 et seq. 


DE BASILICIS LIBRI IL. 82 


fuerunt vestibula vel porticus ante aedium aditus, Forhalie mit Balcon, quae 
Bechi, del Calcidico e della cripta di Eumachia scavati nel foro di Pompeja l'anno 
1820, Napoli, pag. 25, optime his verbis descripsit : Che divero il Calci- 
dico altro non era, che una spezie di lato tetto sostenuto da piu pilastri, il quale 
allor quando erigevasi avanti la porta di un edifizio o publico o priwato, che fosse 
a pompa ed utilitä insieme servendo, ne abbelliva e ne componeva üi piu bella forma 
la faccita e veniva à formarne l'ingresso esteriore !. Hujusmodi autem aedi- 
ficia vix credas in remoto aliquo et obscuro loco collocata fuisse. Attamen 
quum propter majorem ambitum in longo pariete basilicarum, quippe 
pro more in forum vergente, commode collocari non possent, recte a Vi- 
truvio in extremis longitudinis partibus, hoc est in brevibus basilica- 
rum parietibus, collocanda esse dicuntur. Quam quidem de collocatione 
Chalcidicorum legem non solum secutus est, qui basilicam Aquilianam 
exstruxit architectus, sed etiam Apollodorus Damascenus, qui forum Tra- 
jaoum et basilicam Ulpiam aedificavit ? : id quod testari videtur colum- 
narum ordo, qui in brevi basilicae Ulpiae latere ante duplicem porticum 
collocatus maeniana superiora sustinuisse atque vestibulum sive deambu- 
latorium splendidissimum ante aditum lateralem constituisse videtur 5 : 
vid. ichnographiam basilicae Ulpiae in tab. IL, fig. 5. 

V. — Neque cum ïis facere possum, qui maximum aditum semper in 
brevi basilicae latere collocatum fuisse existimant. Quae sententia quum 
jam eo suspecta fiat, quod et a forma christianarum basilicarum et a struc- 
tura Pompeianae et Herculanensis porticuum , perperam pro basilica ha- 
bitarum , et a situ exedrae temere basilicis tributae # petita esse videtur, 


4 Illud tamen Bechi in eruditissima dissertatione minus recte monuit de Chalcidicis ex mea 
quidem sententia, quod ea nonnunquam separata ac peculiaria aedificia fuisse contendit, quum 
quae apud Murator. Thesaur Inscript., Ant. 980, 5, legitur inscriptio hanc sententiam non satis 
probare videatur. Plura fortasse alias. 

2 Vid. Dio Cass., LXIX, 4. 

5 De forma Chalcidicorum discrepant virorum doctorum sententiae, attamen et Chalcidicum 
Pompeianum in portieu Eumachiae (vid. tab. If, fig. 5, c.), et si recte suspicatus sum, Chaleidicum 
basilicae Ulpiae, quae quadrangula forma fuerunt, refutare videntur Caninae sententiam, qui ea 
semicireulari forma fuisse existimat. Cf. Caninae Ricerche, etc., pag. 51, lin. 41. coll., pag. 98; 
supra, pag. 80, nota 1. 

4 Bunsen, Die Basiliken, etc, pag. 22 : Die erhôühte TisuNALNISQNE ragle EM EINTRETENDEN als 
Spitze des Ganzen eNrcecen. 


86 DE BASILICIS LIBRI IT. 


multo etiam magis improbatur propterea, quod quae eam confirment, 
prorsus nulla, complura autem, quae refellant, reperiantur testimonia. 
Quae enim a Vitruvio coloniae Juliae Fanestri in foro exstructa fuit basi- 
lica, eam in longo pariete habuisse aditum maximum inde recte conjici- 
tur, quod longorum parietum alter ad forum situs erat , in altero autem 
quae collocata erat aedes Augusti item ad medium forum et aedem Jovis 
spectabat !. Nam illud quidem dubitari vix poterit, quin aedificia publico 
usui patentia in ea parte aditum maximum habuerint, in qua plurimi ho- 
mines versari solerent, hoc est in parte ad forum vergente; neque illud 
negari poterit, aedem Augusti maximo aditui oppositam fuisse, quum 
deorum aedificia ita constitui deberent, ut a praetereuntibus et conspici 
et salutari possent. Quod si quis dicat, e regione aedis Jovis non maximum 
sed angustiorem aliquem basilicae aditum positum fuisse, vereor equidem, 
ut cuiquam ea sententiam sit probaturus. 

Deinde etiam basilicae Ulpiae comparatio apertissime docet, maximum 
aditum in longo latere basilicarum constitui licuisse. Nam quod vel ex 
effigie Ulpiae basilicae in nummo Trajani conservata (tab. IF, fig. 9) concludi 
potest, maximum ejus aditum, quippe tripartitum ideoque satis amplum, 
in longo latere fuisse, id luce clarius ostenditur eo, quod, qui rudera ex 
area ejusdem basilicae removerant, Francogalli maximi aditus reliquias in 
longo latere invenerunt ?. 

Quae quidem omnia quamquam manifesto docent, maximum aditum 
non necessario in brevi basilicarum latere constituendum fuisse, tamen 
non hanc vim videntur habere, ut eum nunquam in brevi latere situm 
fuisse existimemus. Imo pro natura loci, in quo basilica exstruenda esset, 
maximus aditus modo in longo modo in brevi latere videtur esse consti- 
tutus. Etenim si locus basilicae ejus modi erat, ut ejus breve latus in fo- 
rum vel alium celebriorem locum vergeret, necessario etiam maximus 
aditus in brevi latere, quippe in eo loco, ex quo plurimi homines ingres- 


1 CE. Vitruv., IV, 5, S2extrem. 

2 Vid. Tournon, Études statistiques sur Rome, tom. M, pag. 253, planch. 28 et 29. Nibby del 
Foro Trajano. Bunsen, Les forum de Rome, W, pag. 24 et seq. Bunsen., Beschreibg. d. St. R., 
II, pag. 15 et seq. Becker, Handbuch d. rôm. Alterth., T, pag. 379 et quos ille laudat. 


DE BASILICIS LIBRI HI. 87 


suri essent, constituendus fuit. Itaque non dubito, quin basilicae Sem- 
proniae aditus maximus in brevi latere fuerit, quum alterum ejus latus 
longum in vicum Tuscum !, alterum autem breve in forum spectaret. 
Contra basilicam Porciam, cujus longus paries in viam quandam verge- 
bat, etiam aditum maximum in eodem pariete habuisse persuasum mihi 
habeo. 

Haec si recte sunt disputata, nemo infitias ibit, maximam januam et in 
brevi et in longo basilicarum pariete esse potuisse, neque situm ejus pro- 
priam atque peculiarem notam basilicarum Romanarum fuisse. 

VI. — Porro quod Hirtius, Kuglerus aliique ? scripserunt, nonnullas 
basilicas propter nimias spatii interni angustias porticibus caruisse, ejus opi- 
nionis causa haec videtur esse, quod nonnulla, quae ipsi pro basilicis 
habebant aedificia, et quae nos infra recensebimus, porticus non contine- 
rent. Sed hoc argumentum ideo nullius momenti est, quod nondum pro- 
barunt nec facile probare poterunt, veram esse suam de his aedibus sen- 
tentiam. Nam nulla est ex antiquis basilicis, quae columnis caruisse 
dicatur, multae autem sunt, quarum columnae apud veteres scriptores 
diserte commemorantur 5. (Juod autem a basilica sancti Andreae, quae 
antea basilica Siciniana appellata et ab Ethnicis exstructa fuisse dicitur, 
petitum est argumentum, id multum sane valeret, si certo probari posset, 
sancti Andreae basilicam, cujus ichnographiam Ciampinus ( Vetera monum., 
tom. Ï, pag. 7) exhibuit, revera eandem fuisse atque Sicinianam basilicam 
ab Ethnicis exstructam. Hoc autem quum viri docti hucusque frustra de- 
monstrare conati sint #, ex ista quidem basilicae ichnographia probari non 


1 Vid. supra lib. I, cap. 1, pag. 62, not. 4, de basilica Sempronia. 

2 Hirt Geschichte der Baukunst. b. d. A, M, V,$ 6, pag. 185 et seq. Kugler, Æunstblatt., 1849, 
n°84, pag. 334. Gailhabaud, Denkmäler der Baukunst aller Zeiten, ef. VI, ed. germ.,apud Meiss- 
ner, Hamburg, 

5 Columnae commemorantur in basilica Aemilia, Cic. ad Attie., IV, 16; in basilica Porcia. Plut. 
Cat. min. 5; in basilica Alexandri Severi. Ael. Lamprid. Aleæ, Sever., 25; in basilica Gordiani, 
Jul. Capitol. Gord.tres, cap. 32; in basilica Caeritum Grat. Thes 1ns. Rom., pag. 214; In basilica 
ad turrem Libyssonis, Orell., Inseript. lat., n° 4929; In basilicis Vitruvianis, Vitruv., V, 1, 83, 3, 
Get7: VI, 3,89. 

4 Vid. Ciampin., Veter. monum., , pag. 24%, 2: « Basilicam hane aedem fuisse, quae ab Ammia- 
no Marcellino describitur nomine Sicinianae me audivisse recordor à Joanne Lucio : verum licet 


88 DE BASILICIS LIBRI HT. 


poterit, basilicas columnarum expertes apud veteres Romanos exstitisse. 

VIE. — Aique etiam in eo erravisse mihi videntur viri docti, quod me- 
dium spatium in aliis pertectum, in aliis apertum fuisse dicunt. In quam 
sententiam vix illi incidissent, nisi quas infra recensebimus aedes Pom- 
peiis, Herculanei et Treviris inventas pro antiquis basilicis habuissent. 
De his quum infra dicturus sim, nunc hoc unum affirmo, nunquam apud 
scriptores veteres commemorari basilicas tecto mediani spatii carentes; 
quae autem apud Vitruvium de basilicis praecipiuntur, ea ita comparata 
esse, ut contrariam sententiam confirmare videantur. Nam quae ille, lib. 
V, cap. 1, $ 4, praecipit his verbis : « Basilicarum loca adjuneta foris 
»._ quam calidissimis partibus oportet constitui, ut per hiemem sine moles- 
» tia tempestatum se conferre in eas negotiatores possint, » ea aperte do- 
cent basilicas exstructas esse, ut negotiatores ibi etiam hieme negotiis suis 
sine molestiis, proinde melius quam in foro, vacare possent. Quod quo- 
modo in aperta basilica, quippe quae foro porticibus cireumdato plane 
aequalis fuisset, fieri potuerit, equidem certe non intelligo. Accedit etiam 
quod idem Vitruvius basilicas fenestris instructas fuisse memorat !, quibus 
profecto opus non fuisset, si tecto illae caruissent. 

Praeterea etiam aliorum scriptorum loci reperiuntur, qui tectum fere 
omnibus basilicis commune fuisse videntur demonstrare. Quo pertinet 
locus M. Senecae in praef. Dib. IV, Controv. : « Narratur — declamatoriae 
» virtutis Latronem Porcium unicum exemplum, cum pro reo in Hispa- 
» nia Rustico Porcio propinquo suo diceret, usque eo esse confusum, ut 
» a soloecismo inciperet, nec antea potuisse confirmari, {ectum ac pa- 
» rietes desiderantem, quam impetravit, ut judicium ex foro in basilicam 
» transferrelur. » 

Neque exempla desunt basilicarum quas pertectas fuisse constet. Et 
primum quidem quam Vitruvius coloniae Juliae Fanestri exstruxit basili- 


omnino nullas ad id probandum rationes adduceret, asserentis unieum testimonium tanti habui, 
ut auctores plurimos duxerim evolvendos magna spe fultus, id aliquando repertum iri, quaerentem 
tamen hucusque fefellit spes ita praecox. » 

1 Vitruv., VI, 5,9 : « In Ægyptis inter columnas superiores fenestrae collocantur, ita basilica- 
rum ea similitudo — videtur esse. » 


DE BASILICIS LIBRI HI. 89 


cam, eam tecto mediani spatii munitam fuisse, docent ipsius verba, lb. 
V,1,S6: « Tecta porticus, quae sunt submissa infra testudinem , » et K 9 
et 10 : « Supra columnas — trabes euerganeae circa sunt collocatae, 
» quibus insuper transtra cum capreolis — sustinent unum culmen perpe- 
» tuum basilicae, alterum a medio supra pronaum aedis (Augusti, quae 
» in medio latere parietis basilicae collocata erat, lib. V, cap. 1, S7). Ita 
» fastigiorum duplex tecti nata dispositio extrinsecus et interioris altae 
» Lestudinis (hoc est tecti medii spatii) praestat speciem venustam. — Co- 
» Jumnae in altitudine perpetua sub trabes testudinis perductae et magni- 
» ficentiam impensae et auctoritatem operi adjungere videntur. » — Idem 
de basilica Julia demonstrant complures veterum scriptorum loci, veluti 
Stat ên Silv., 1, 25 : 


At laterum passus hine Julia tecla tuentur, 
Iline belligeri sublimis Regia Paulli. 


Martial., VI, 58 : 


Jam clamor centumque viri densumque coronae 
Vulgus, et infanti Julia tecta placent. 


Suet.. Cal, 57 : « Quin et numos non mediocris summae e fastigio basili- 
» cac Juliae per aliquot dies sparsit (Caligula) in plebem. » Joseph. , An- 
ti, XIX, 1° 11: K> yap es To Komerwcy duévra rat Suoias ÜTÈP Tic JUYATOS ÊTUTE= 
Doopévas Üro vob Tao ragñy mohdmc noupoc voi drèp The Pacrhtrñc icTdpevoy 0 
dép ypyTios rai applis ypivate dapprrroïvre. Ter #aTà regle * Üdnoy D éate Tè 5TÉy 26 
ES TnŸ dyopAY DÉpCD. 

Neque de basilica Ulpia dubitari potest tum propter haec Pausaniae 
verba (lib. ie %) : Kuñ Pouatoy &yOpX 679 dù élyeux vod dourod Seïs aËia, 
vai pilote ëc Tèy op 000y yazeÿ rerorquévo , et lib. X, 5,5 : Pouaias Ch dyopa uEyé= 
Sos yeux val vararreune The Ans Saîpa Doa TOpÉYETOL TOY Dpogoy Aadrcby , quibus 
verbis simul cum foro Trajano etiam Ulpiam basilicam, ejusdem fori 


partem, significari recte statuerunt viri docti !; tm propter locum À. Gel- 


1 C£ Siebelis, ad hune locum et quos ille laudat. 


Tome XXI. 12 


90 DE BASILICIS LIBRI IT. 


hi, XII, 25, in quo statuae in fustigüs fori Trajani positae fuisse dicuntur# 

Haec igitur quum ita se habeant, equidem in ea sententia, ut pertec- 
tas fuisse censeam basilicas Romanas, tamdiu perseverabo, donec contra- 
rium ex antiquis scriptoribus erit probatum. 

VII. — Accedo denique ad postremam partem hujus disputationis, 
qua demonstrare conabor, non exedram sive apsidem quandam brevi spa- 
ti oblongi lateri adjectam, sed potius illud ipsum tectum medio spatio 
impositum basilicarum tam proprium fuisse, ut eo ipso maxime a reliquis 
porticibus discernerentur. Etenim Bunsenius, quem instar omnium appel- 
lasse sufficiat, aperte docet ?, exedram basilicis propriam atque peculiarem 
fuisse. Quam sententiam vix amplius defendet vir clarissimus, si et ea, 
quae supra de exedra basilicis falso tributa disputavi, accurate perpendeé- 
rit, et ea, quae nunc subjiciam, diligenter examinaverit. Nam quas Bun- 
senius àn solis basilicis fuisse putat exedras, eas et in ejusmodi porticibus, 
quas Graeci palaestras vocitabant, et in ïis, quas veteres ad theatra collo- 
cabant, et in aliis etiam porticibus exstitisse, veterum testantur testimonia. 
Et palaestra quidem quomodo aedificanda sit, Vitruvius, lb. V, cap. 11, 
$ 1 et 2, his verbis docet : « In palaestris peristylia quadrata sive oblonga 
» ita sunt facienda, uti duorum stadiorum habeant ambulationis cireui- 
» tionem, quod Graeci vocant do; ex quibus tres porticus simplices 
» disponantur, quartaque, quae ad meridianas regiones est conversa, 
» duplex; uti cum tempestates ventosae sunt, non possit aspergo in in- 
» teriorem partem pervenire. Constituantur autem in tribus porticibus exe- 
» drae Spatiosae, habentes sedes, in quibus philosophi, rhetores, reliqui- 
» que qui studiis delectantur sedentes disputare possint. In duplici autem 
» porticu collocentur haec membra, ephebeum in medio; hoc autem est 
» _exedra amplissima cum sedibus, quae tertia parte longior sit quam lata. » 
Quibus verbis diserte pronunciat, in palaestrae porticibus exedras fuisse. 


1 Gell. N. A., XIE, 23 : « In fastigiis fori Trajani simulaera sunt sita cireumundique inaurata 
equorum atque signorum militarium : subscriptum est : EX MANUBIEIS. 

? Bunsen, Die Basiliken, ete., pag. 16 : In einer oder der andern Form (hemicyeliam sive qua- 
dratam formam significat Bunsenius) kan ein solcher AussAU, DEN ALLE SPABTERN BASILIKEN MIT EINAN- 
DER GEMEIN HABEN, UND DURCH WELCHEN SIE SICH VON ALLEN ANDERN HALLEN UNTERSCUEIDEN, derienigen nicht 
gefehlt haben, von der sie den unterscheidenden Namen tragen. 


DE BASILICIS LIBRI III. 91 


Neque aliis porticibus exedras defuisse testes sunt porticus ad theatrum 
Pompeñ sita, porro quae in Curioso Urbis Romae, Reg., IV, commemo- 
ratur Porticus apsidata, denique porticus Asturnii apud Gruterum comme- 
morata !. Ex quibus quam primo loco commemoravi porticum Pompe, 
in ea fuit exedra ? nomine Curiae Pompeianae insignita 5, at caede Cae- 
saris contaminata ideoque paullo post mortem Caesaris obstructa *. Quare 
si basilicae a reliquis porticibus peculiari quadam nota distulisse dicen- 
dae sunt, certe non eo, quod apsides sive exedras haberent, discerni po- 
tuerunt. Attamen fuit, quo basilicae a reliquis omnibus porticibus differrent, tec- 
tum dico mediani spatii; quod si porticui impositum esset, basilicae nomen 
ill videtur vindicasse. 

Quae res inde maxime elucet, quod quum forma quadrangula, colum- 
nae. aditus in variis lateribus positi, et basilicis et porticibus communes 
fuisse videantur, tectum mediani spatii saepius in basilicis, at nunquam 
in porticibus commemoratur. — ftaque quum exedrae aut in basilicis 
plane non inventae sint aut si posterioribus temporibus inveniebantur is 
certe non peculiares, sed cum porticibus communes fuerint, nihil restat, 


nisi Lectum medü spatii, quod basilicarum proprium ac peculiare appellari possit. 


$ iv. — Mea de forma Romanarum basilicarum sententia. 


EL — Quam nos animo informavimus Romanarum basilicarum spe- 
ciem , eam et ex veterum scriptorum perscrutatione et ex effigierum in 
monumentis veteribus exhibitarum contemplatione et ex basilicae Ulpiae 


1 Gruter., Corp. Inscript., pag. 65, 5. Silvano sancto C. Asturnius Medicus. Lud. Gall, Portic. 
et exedr., et sign. aen. voto suscep. L. M. Dedie. Cal. Mai. L. Marcio et Sext. Jul. Cos. 

2 Plutarch. Brul., A4 : Sroë nàp #9 pie sy repli vd Séarpor, ÉEcdpas Évoura, ëv 4 Tlouryiou Iris Eiaèy 
elar4ae, Ti Fées crycauéryc, Te vals ovodis ai Tà SEdrpw rèy Toro) ÉXET/GY ÉXOTHHGEV) Els radTyy oÙv 
% TévkhyTos ÉxANETTO, 

5 Plin. 7. N.,XXXN, 9, 55 : « Hujus (Polygnoti) est tabula in porticu Pompeii, quae ante Curiam 
ejus fuerat. » Liv., Epit. 146 : « Ex is causis conspiratione in eum (Caesarem) facta, in Pompeii 
curia occisus est, viginti tribus vulneribus. » Suet. Caes., 80. « Postquam senatus in Pompeii cu- 
riam edictus est. » Coll. Appian., Civ. 1, 115. De Portieu Pompeii, vid. Becker, Handbuch der rüm. 
Alterth., V, pag. 614. 

# Suet, Caes., 88. « Curiam in qua occisus est (Caesar) obstrui placuit. » 


92 DE BASILICIS LIBRI HT. 


ex parte detectae cognitione natam esse profiteor. Etenim quae vulgo ba- 
silicae appellantur aedificia Pompeiis, Herculanei, Paesti, Treviris aliis- 
que locis inventa, is ideo pro exemplis antiquarum basilicarum uti nolui, 
quod utrum illa aedificia recte basilicae appellari possint, nec ne, ambigi 
potest. Atque sic futurum esse spero, ut expositio mea neque peti- 
tione principii, quam vocant, laborare, neque meris conjecturis niti di- 
catur. 

Ut autem justo ordine rem expediamus, primum definiamus, cui generi 
aedificiorum basilicae adnumerandae sint, deinde ipsam basilicarum for- 
mam ita delineabimus, ut et ichnographiam et orthographiam et vero 
etiam decus earum, quoad ejus fieri possit, lectoribus ante oculos pona- 
mus. Eurhythmiam autem et symmetriam basilicarum una cum ichnogra- 
phia et orthographia tractabimus. 

Ac primum quidem cui generi aedificiorum basilicae adnumerandae 
sint, facile ex eo cognoscitur, quod in omnibus basilicis porticus media- 
num spatium cingentes inveniuntur. Unde apparet, basilicas fuisse ejus 
modi aedificia, quae colummnis maxime ornari solent, veluti porticus, quae 
vulgo dicuntur, scholae, palaestrae, templa, atque id genus alia, quae omnia 
commmuni nomine porlicuum (édifices à colonnes, SAULENGEBAUDE, SAULENHALLEN), 
comprehendere non dubitamus. 

IE — In forma autem basilicarum adumbranda primum quidem hoc 
pro certo ponere licet, aream basilicarum fuisse spatüum oblongun in medio 
quidem vacuum, in lateribus autem undique porticibus ornatum atque parietibus 
cinctum. Quam sententiam probant non solum haec Vitruvii verba, lib. V, 
1,$6 : « Mediana testudo (la nef intérieure, menitu sparrum) inter columnas 
» (porticuum) est longa pedes CXX, lata pedes LX. Porticus (basilicae) 
» circa lestudinem inter parietes (basilicae) et columnas lata pedes wvi- 
» ginti, » sed etiam quod adhuc exstat accuratissime delineatum frag- 
mentum ichnographiae basilicae Ulpiae (vid. tab. IF, fig. 5), quippe in quo 
duplex columnarum ordo medium basilicae spatium cingens conspiciatur. 
Atque illud etiam ex utroque testimonio elucet, porticus in minoribus 
simplices, in majoribus vero duplices, proinde spatium basilicarum mino- 
rum tripartitum , majorum quinque partitum fuisse. 


DE BASILICIS LIBRI Hi. 95 


Latera autem basilicarum parietibus munita fuisse testantur Vitruvius ! et 
Seneca ?; neque tamen reticere possumus, Alexandrum Severum in ani- 
mum induxisse, basilicam exstruere, quae Lola columnis penderet 5. Quae 
verba denotare videntur, basilicam illum aedificare voluisse, quae pro pa- 
rietibus in externis quoque lateribus columnas haberet, ita ut quovis loco 
intrare et exire possent ambulatores. Sed haec basilica non negotiantibus, 
sed pro natura loci, quo exstrui debebat (scilicet in Campo Martio ad 
Septa Agrippae), ambulantibus tantum destinata videtur fuisse. 

Proportiones autem et symmetrias basilicarum ita constitui jubet Vitru- 
vius, lib. V, cap. 1, $ 4, ut earum latitudines ne minus quam ex tertia, 
ne plus quam ex dimidia longitudinis parte constituantur, nisi loci natura 
impedierit et aliter coegerit symmetriam commutari. Quas proportiones 
etsi universe propositas tamen ad solum spatiun medium referendas 
esse inde patet, quod ipse Vitruvius in basilica Fanestri exstruenda non 
totius areae, sed medii tantum spatii et longitudinem et latitudinem ad 
illam legem accommodavit. Nam ejus basilicae mediana testudo inter co- 
lumnas fuit longa pedes CXX, lata pedes LX, proinde latitudo ejus ex di- 
midia lougitudinis constituta erat. Ne quis autem existimet, universae 
areae plane eandem atque medii spatii proportionem fuisse, meminerit , 
porticus medium spatium undique cingentes in latitudine, hoc est in bre- 
vibus lateribus, non minores quam in longitudine, hoc est in longis pa- 
rietibus fuisse. Unde elucet, etiam areae universae aliam atque spatit medii 
fuisse symmetriam. Quod autem modo dixi de Fanestri basilica, idem 
etiam de Ulpia basilica valet, nisi quod in hac spatit medii latitudo non 
ex dimidia sed ex tertia longitudinis parte videtur constituta fuisse. Quae 
res etiamsi certo demonstrari non possit, propterea quod magna ejus pars 
etian nunc ruderibus sive recentioribus aedificiis obtecta jacet, tamen e 
fragmentis Capitolinis (tab. I, fig. 5) probabilis reddi potest. Quae quidem 

1 Vitruv., V, 1, 6: Porticus — inter parieles et columnas. $ 7 : — quae est in medio latere pa- 
riclis basilicae. 

? Seneca, Praef,, lib., IV, Controvers. : « Latronem Poreium — nec antea potuisse confirmari, 


tectum ac parietes desiderantem, quam impetravit, ut judicium ex foro in basilicam transferre- 
tur,» Vide supra, pag. 74, not. 1. 


5 Vid. Aelium Lamprid, Aleæandr. Sever., cap. 25. 


9% DE BASILICIS LIBRI III. 


fragmenta in utroque latere brevi V intercolumnia habent, in longo au- 
tem pariete XV aut XVI intercolumnia ostendere videntur ; unde concludi 
licet, hanc quoque basilicam ad Vitruvii legem extructam fuisse {. 

Porticus autem tertiae parti latitudinis, quae medio spatio concessa es- 
set, aequales constitui debuisse, ipse Vitruvius pariter atque Ulpiae basi- 
licae conditor suo exemplo docuerunt. Etenim porticus basilicae Fanes- 
tris pedes viginti, atque basilicae Ulpiae porticus interiores octo metra 
gallica 98 !2 centimetr. gall., exteriores vero septem metra gall. 74 1/2 
centim. gall. latae fuerunt, ut sponte appareat, eas fere omnes ex tertia 
latitudinis med spati, quippe fere 25 metr. gall. lati constitutas 
fuisse. 

LL. — 1. Ab ichnographia basilicarum facilis est ad orthographiam 
tansitus. Nam quum in orthographia haud aliae describantur partes, 
nisi quae in ichnographia jam fuerint significatae, aut certe ad illas exor- 
nandas necessario pertineant, apparet, ichnographiam optimam nobis du- 
cem esse ad orthographiam describendam. Itaque primum de porticuum 
altitudine atque symmetria, deinde de fenestris, quae in parietibus fuisse exis- 
timandae sunt, tum de tecto super medium spatium imposito, deuique de 
aditibus dicemus. 

2. Ac porticus quidem vel potius columnae porticuum et mediani spatii 
tectum sustinentes duplici modo exstrui solebant, unde duo illa quae Vi- 
truvius commemoravit basilicarum genera orta sunt. Quorum prius atque 
illud quidem, ut videtur, usitatius architeetus noster, lib. V, 1, 5, his 
verbis descripsit : « Columnae basilicarum tam altae, quam porticus latae 
» fuerint, faciendae videntur : perticus quam medium spatium est, ex 


! De ambitn aveae basilicae Ulpiae nondum certo judicare licet, quum architectus regis utrius- 
que Siciliae eques Banchi quos possidere dicitur Ulpiae basilicae mensuras rectissimas nondum'pu- 
blici juris fecerit. Interim Gailhabaudus, !. L., haee habet : Medium spatium latum 24 m.g. 85ctm.g. 
Porticus interior lata 8m.g. 98 { etm. g. Porticus exterior lata 7m. g. 74 { ctm. g. Platnerus vero, 
Beschreib. d. St. R., WE, 1, pag. 286 et 287, de basilicae ambitu haec refert : Latitudo basilicae 
170 pedd. gall., latitudo medii spatii 77 pedd. gall., latitudo porticus interioris 48 pedd. gall. Bun- 
senius denique, Beschreibung d. St. R., WU, 2, pag. 174 : Latitudo medii spatii 100 pedd. Ceterum 
X intercolumnia basilicae Ulpiae ruderibus liberata nune aperta jacent, quae in loco 445 pedd. 
gall. lato reperiuntur. 


DE BASILICIS LIBRI I. 95 


» tertia finiatur. Columnae superiores minores quam inferiores, uti supra 
» scriptum est, constituantur. Pluteum, quod fuerit inter superiores et 
» inferiores columnas, item quarta parte minus quam superiores colum- 
» nae fuerint, oportere fieri videtur, uti supra basilicae contignationem 
» ambulantes ab negotiatoribus ne conspiciantur. Epistylia, zophori, co- 
» ronae (columnis impositae) ex symmetriis columnarum, uti in tertio 
» libro (cap. V (HI), $ 6 et seq.) diximus, explicentur. » Quae descrip- 
tio licet nec satis perspicua nec satis plena sit, tamen haec duo docet, 
primum quidem porticus superiores inferioribus superstructas, deinde 
inter superiores porticuum columnas et inferiores parietem sive pluteum !; 
ambulationem superioris porticus cingentem, interpositum fuisse. Haec 
duo autem scriptor addere omisit, alterum, quibus rebus tectum mediani 
spatii fultum fuerit, alterum, ubinam fenestrae fuerint? 

Sed commode accidit, ut quae Vitruvius omisit, supplere possimus 
ex duobus numis antiquis, quorum alter in libro D. Sestini : Descrizione 
delle medaglie antiche greche del Museo Hedervariano, tom. HE, tab. F, 1, alter 
in Morellii Thesauro num. famil. Rom. gentis Minciae repraesentatur (vid. 
tab. I, fig. 7 et 6). Etenim in utroque numo aedificium conspicitur, 
quod aut pro basilica habendum est, aut certe basilicae simillimum 
est, quodque tectum mediani spatii muro fultum, atque fenestras in eo- 
dem muro intra mediani spatii atque porticuum tecta positas ostendit. 
Atque ipse etiam Vitruvius huic rei lucem aliquam affert his verbis (lib. 
NI, 5, 9): « Inter columnas superiores (oecorum Ægyptiorum) fenestrae col- 
» Jocantur, ita basilicarum ea sünilitudo videtur esse. » Unde jure colligi 
videtur, mediani spatii tectum aut columnis aut muro superiorum porti- 
cuum columnis imposito fultum fuisse, atque luculenter inde apparet, ba- 
silicarum fenestras supra porticus superiores atque infra tectum mediani 
spatii fuisse factas. Quae omnia si comprehenderimus , internam hujus ge- 
neris basilicarum speciein jure nostro ia describemus, ut duos columnarum ordi- 


nes, inferiorum scilicet et superiorum porticuum , pluteo sive pariete sejunc- 


1 Pluteum apud Vitruyium significare parietem, quo vacuum spatium inter duas columnas vel 
alias res situm clauditur vel impletur, testantur quae leguntur libro IV, 4, 1; libro V, 6, 6. Plu- 
teum Graccis est H£%oux. Plutarch., Pericl., A3, 159 , ed. Francof. 


96 DE BASILICIS LIBRI I]. 


Los, tertium aliquem columnarum ordinem vel murum fenestratum, cui mediani 
spatii tectum impositum esset, sustinuisse dicamus. 

Quibus ita expositis duo tantum videntur esse addenda, primum qui- 
dem illud, pluteum inter columnarum ordines non in omnibus basilicis 
ambulantes vel judiciorum auditores impedivisse, quominus in solum ba- 
silicae despicerent !, deinde hoc, fenestras etiam in pariete superioris por- 
ticus, pro more in forum vergente, fuisse videri, ut qui in basilicae porti- 
cibus ambularent, munera gladiatoria conspicere possent ?. (Tab. IV, 
fig. 9.) 

Alterum autem basilicarum genus Vitruvius, lib. V, 1, K 6, ita descrip- 
sit: « Non minus summam dignitatem et venustatem possunt habere com- 
>» parationes basilicarum , quo genere coloniae Juliae Fanestri collocavi cura- 
» vique faciendam : cujus proportiones et symmetriae sic sunt constitutae. 
» Mediana testudo inter columnas longa est pedes CXX, lata pedes EX. 
» Porticus ejus circa testudinem inter parietes et columnas lata pedes 
» _viginti (tab. V, fig. 1). Columnae altitudinibus perpetuis cum capitulis pedum 
» quinquaginta, crassitudinibus quinum, habentes post se parastaticas 
» altas pedes viginti, latas pedes duos semis, crassas pedem unum semis; 
» _quae sustinent trabes, in quibus invehuntur porticuum contignationes: 
» supraque eas aliae parastaticae pedum decem octo, latae binum, 
» crassae pedem, quae excipiunt item trabes sustinentes cantherium et 
» porticus quae sunt submissa infra testudinem tecta. Reliqua spatia 
» inter parastaticarum et columnarum trabes per intercolumnia lumini- 
» bus sunt relicta. Columnae sunt in latitudine testudinis cum angularibus 
» dextra ac sinistra quaternae, in longitudine, quae est foro proxima, 
» cum lisdem angularibus octo : ex altera parte cum angularibus sex, 
» ideo quod mediae duae in ea parte non sunt positae, ne impediant 
» aspectus pronai aedis Augusti, quae est in medio latere parietis basili- 
» cae collocata. » Quorum verborum initium : « Summam dignitatem 


possunt habere comparationes basilicarum, quo genere, etc. , » aperte docet, 


1 Plin., Ep., VI,55, 4:« Atque etiam ex superiore basilicae parte, qua feminae qua vüri —visendi 
studio imminebant. » 


2 Vitruv., V, 1, 1: « À majoribns consuetudo tradita est, gladiatoria munera in foro dari. » 


DE BASILICIS LIBRI HI. 97 


Vitruvium coloniae Juliae Fanestri non siagularis aut plane inusitatae cujus- 
dam formae basilicam exstruæisse, sed alterius tantum generis, ut videtur, re- 
centioris, exemplar constituisse. Quae res etiam eo confirmatur, quod si ab 
aede Augusti basilicae adjecta discesseris, reliquae aedificii comparationes, 
veluti areae divisio, porticuum collocatio, latitudo atque altitudo, deni- 
que fenestrarum dispositio ab usitato basilicarum genere nequaquam dif- 
ferunt. Etenim quam ipse Vitruvius inter Fanestrem et reliquas basilicas 
discrepantiam esse dixit, eam tantummodo in perpetuarum columnarum atque 
parastaticarum usu positam esse, his verbis, $ 10, exposuit : « Sublata epis- 
» tyliorum ornamenta (sc. in aliis basilicis utrique columnarum ordini 
» imponenda) et pluteorum (sc. inter superiores et inferiores columnas) 
» columnarumque superiorum distributio operosam detrahit molestiam, 
» sumptusque imminuit ex magna parte summam. fpsae vero columnae in 
» altitudine perpetua sub trabes testudinis perductae et magnificentiam impen- 
» sae et auctoritatem operi adjungere videntur. » [taque haud dubie er- 
rant viri docti, qui basilicam Fanesirem non alterius basilicarum gene- 
ris exemplum, sed aedificium plane singulare atque inusitatum fuisse 
dicunt. Neque Jucundo (ad Vitruv., V, 1), ejusque asseclis assentior, qui 
Fanestri basilicae propter parastaticas columnarum perpetuarum dorso 
adjectas dignitatem atque venustatem abjudicant. Quas enim vituperant 
parastaticas latas pedes duos semis, crassas pedem unum semis, eas prop- 
ter columnas quinque pedes crassas ab ïis, qui in media basilica starent, 
vix conspici potuisse, non dubium videtur. Quare Vitruvio operis sui dig- 
nilatem, venustatem auctoritatemque duobus locis praedicanti cum Palla- 
dio et Quatremère de Quiney diffidere et detrahere nolo. 

5. Scalae vero porticuum quo loco fuerint, ex veterum quidem scriptis 
non liquet, sed si porticus Eumachiae exemplum Pompeiis conservatum 
afferre licet, eae in aditus latere interno positae cogitandae sunt. Vide 
Porticum Eumachiae in tabula nostra IE, fig. 5, k. 

4. Porro fenestras constat supra porticus superiores collocatas fuisse, 
sed illud tamen enucleari non potest, utrum solis valvis an specularibus 
vitreisve laminis munitae mercatores a tempestatum molestia defenderint. 


Hoc unum pro certo affirmari potest, in aedificiis ad tuendos mercatores 


Towe XXI. 15 


98 DE BASILICIS LIBRI IIL. 


exstructis neque fenestras caruisse aliquo, quod illos tueretur, praesidio, 
atque illud etiam verisimile est, basilicas, quippe aedes magnificentissimas 
in fenestris laminas pellucidas vel speculares vel vitreas habuisse. Nam 
vitreis quoque laminis jam veteres usos esse in fenestris muniendis, docuit 
Hirtius, Geschichte d. Baukunst b. d. Alten., t. IT, Beilage C, pag. 66 et seq. 

5. Jam ad tectorum formas progredientes inter porticuum atque me- 
dii spatii tecta distinguamus necesse est. Nam porticuum quidem tecta ita 
comparata fuerunt, ut eorum cantherii (les chevrons, nas SPaRRWERK) in in- 
teriore basilicae parte columnis vel parastaticis superiorum porticuum 
sustinerentur, in exteriore autem parte parietibus basilicae aream cingen- 
tibus niterentur, atque a trabibus ad parietes undique declives essent. 
Medii vero spatii tectum quomodo constructum fuerit, optime a Vitruvio 
Fanestris basilicae tectum describente (lib. V, 1, 8.) his verbis edoce- 
mur : « Supra columnas (perpetuas medium spatium cingentes) ex tribus ! 
» tignis bipedalibus compactis trabes sunt circa (medium spatium in ca- 
» pitulis columnarum) collocatae (vid. tab. V, fig. 2, b) eaeque ab tertiis 
» columnis, quae sunt in interiore (longitudinis, vid. 7) parte revertuntur 
» ad antas, quae a pronao (aedis Augusti) procurrunt (vid. tab. V, fig. 1); 
» supra trabes contra capitula (hoc est ad perpendiculum capitulorum co- 
» lumnarum) ex fulmentis dispositae pilae sunt collocatae, altae pedibus 
» tribus, latae quoquo versus quaternis (vide tab. V, 2, c). Supra eas ex 
» duobus tignis bipedalibus trabes euerganeae (hoc est firmiter compac- 
» tae) circa sunt collocatae (ibid., d) quibus insuper transtra cum ca- 
» preolis columnarum contra corpora et antas et parietes pronai collocata 
» sustinent unum culmen perpetuum basilicae, alterum a medio (basi- 
» licae) supra pronaum aedis (Augusti). » Quibus duo maxime docere vi- 
detur Vitruvius. Ac primum quidem inde a vocibus « columnas » usque 
ad « trabes eucrganeae cirea sunt collocatae » describitur corona lignea co- 
lumnis imposita, medium basilicae spatium pronaumque cingens, atque 
hoc duplici consilio composita, ut ei et tectum amplissimum gravissimum- 
que superstrui et columnarum epistylia (zophori, coronae ceteraque epis- 
tyliorum ornamenta, cf. Vitruv., I, 5 (3), 15) in interna atque externa 


Non erat, quod viri docti contra codicum auctoritatem corrigerent: quatuor tignis. ide infra. 


DE BASILICIS LIBRI II. 99 


parte basilicae affigi possent. Quod quidem consilium etsi diserte non est 
propositum, tamen vel sponte intelligitur, tum quod in veterum aedificiis 
columpae tecta vel contignationes sustinentes sine epistyliis ne cogitari 
quidem pessunt, tum quod tecti amplissimi partes, transtra cum capreolis , 
in corona illa lignea positae commemorantur. Atque ex epistyliorum com- 
paratione, quippe quae secundum Vitruvii praecepta (lib. V, 5 (2), K 8- 
11) accuratissime definiri possit, etiam quae non satis perspicua est, co- 
ronae ligneae in basilica Fanestri comparatio demonstrari potest. Ap- 
paret enim primum quidem, spatium, quod columnarum capitula inter et 
transtra tecti intercederet, tam altum fuisse, quanta epistyliorum altitudo 
esse deberet; deinde trabes columnarum capitulis impositas tantum spatii 
vacuum reliquisse, quantum opus esset affigendis epistyliis, quae certum 
modum excedere non debebant; denique trabes pilasque ita fuisse collo- 
catas, ut epistylia et commode et firmiter affigi possent. Jam vero episty- 
liorum altitudo a columnarum et ratione et altitudine pendet, quarum 
rerum non nisi alteram a Vitruvio declaratam invenimus. Attamen quum 
celeberrimam et splendidissimam Paulli basilicam columnis doricae ra- 
tionis (vid. num. in tab. Il, fig. 8) ornatam inveniamus, vix credibile 
est, coloniae cujusdam ignobilis basilicam pulchrioribus et magis sump- 
tuosis columnis fuisse exstructam. Dorici autem generis columnis quin- 
quaginta pedes altis epistylia in fronte fere duodecim !, in postico autem 
undecim pedes ? alta imponi debuerunt, quam epistyliorum altitudinem 
cum ligneae coronae recte comparatae altitudine optime convenire ap- 
paret. Etenim corona lignea, si ita exstructa fuit, ut duobus tignis bipe- 


1 Vitruv., IV, 5, 4: « Epistyli altitudo unius moduli eum taenia et guttis « coll, V, 9, 5. » Si 
dorici generis erunt columnae dimetiantur earum altitudines cum capitulis in partes quindecim, 
et ex is partibus una constituatur et fiat modulus. » Inde sequitur, modulum columnae quinqua- 
ginta pedum continere pedes tres et unam partem pedis in tres partes divisi, sive uti nos dicere 
solemus 3 À ped. — Idem, lib. IV, 5, 4: « Supra epistylium collocandi sunt triglyphi eum suis 
metopis alti unius et dimidiati moduli. » $ 6 : « Supra triglyphorum capitula corona est collo- 
canda cum cymatiis crassa ex dimidia moduli, — simae quemadmodum supra scriptum est in 
ionicis ita perficiantur, » Lib. HI, 5 (3), 12: « Simae faciendae sunt altiores octava parte corona- 
rum altitudinis. 

2 Vitruv., HE, 5 (3), 43: « Membra omnia, quae supra capitula columnarum sunt futura, id est, 
epistylia, zophori, coronae inclinanda sunt in frontis suae cujusque altitudinis parte duodecima. 


100 DE BASILICIS LIBRI II. 


dalibus tertium tignum ejusdem altitudinis, atque huic rursus pilae tres 
pedes altae impositae essent, quae reliqua duo tigna bipedalia, item alte- 
rum alteri imposita, sustinerent, accuratissime illa undecim pedum alti- 
tudinem aequavit. Quae tignorum collocatio etiam eo commendatur, quod 
epistyliis commode atque firmiter affigendis optime accommodata fuit. 
Etenim epistylii ima latitudo hypotrachelio summae columnae respondere 
debebat !. Quae hypotrachelii latitudo in quinquaginta pedum columna 
quatuor pedes et pedis in octo partes divisi partes tres continebat. Unde 
patet, in externo atque interno binorum tignorum bipedalium conjuncto- 
rum latere pedis in sexdecim partes divisi partes ternas affigendo epistylio 
relictas fuisse. Neque minus apte quod supererat tertium tignum in media 
inferiornm tignorum parte, atque super illo pilae quoquo versus quater- 
nos pedes latae collocatae fuerunt. Nam quae et ipsae per se graviores 
essent epistyliorum partes, triglyphos dico cum metopis, et graviores etiam 
epistyliorum partes, coronam puta et simam, multum prominentes susti- 
nere deberent, eas firmum quoddam, quo niterentur, fundamentum ha- 
buisse consentaneum est. Et habuerunt profecto, siquidem et ima epis- 
tyliorum parte et imis tignis bipedalibus , utroque in latere spatium pedis 
vacuum habentibus, nitebantur atque etiam in vacua pilarum intervalla 
inmittebantur. (Vid. tab. V, f. 2 et f. 5.) 

Altero autem loco inde a verbis « quibus insuper transtra cum capreo- 
lis » Vitruvius breviter exposuit ipsius tecti comparationem eam, qualem 
in majoribus aedificiis veteres exstruere solebant. Namque veteres, si spatia 
tegenda commoda sive minora essent, ita comparaverunt tecta, ut canthe- 
rios in fastigio tecti culmini, quod columen sustineret, immitterent, hoc 
est trabi perpetuae, quae omnes tecti cantherios connecteret atque ligaret. 
Supra cantherios templa (Lattes, Larrex), deinde imsuper sub tegulas as- 
seres affixerunt ita prominentes, uti parietes projecturis eorum tegerentur. 

5 Vitruv., IV, 5, 4: « Epistylii latitudo imarespondeat hypotrachelio summae columnae. » Lib. V, 
9,5: « In imo columnae crassitudo fiat duorum modulorum. » De modulo supra p.99, not. 1. Idem, 
Bb. UE, 5, 12: « Contracturae autem in summis columnarum hypotracheliis ita faciendae videntur 
uti si columna sit ab minimo ad pedes quindenos, ima crassitudo dividatur in sex partes et earum 


partium quinque summa constituatur. — Quae erunt a quadraginta pedibus ad quinquaginta, item 
dividendae sunt in octo partes, et earum septem in summo scapo sub capitulo contrahantur. » 


DE BASILICIS LIBRI IIL. 101 


Sin autem spatia majora essent, transtra, hoc est trabes, quae ex pariete 
in parietem aedium porrigebantur, fecerunt, iisque imposuerunt capreolos, 
hoc est fulera, quibus exciperentur cantherii, et columen , quod et ipsum 
culmen in tecti fastigio ideoque totum tectum sustineret !. Hac autem ra- 
tione veteres majoribus tectis ea fulcra paraverunt, quae nos uno nomine 
Dachstukl, FAïrace, appellare solemus (vid. tab. V, fig. 4. 5). Transtris 
interdum lacunaria affigebantur, quae utrum in basilicis forensibus fue- 
rint necne, dijudicari non potest. 

Tecta basilicarum testudinata, hoc est aut duabus ? aut quatuor 5 par- 
tibus declivia fuisse, id quidem ipso nomine testudinis declaratur. De 
forma autem testudinis, qua veteres in basilicarum tectis exstruendis usi 
sint; licet nullum exstet veterum scriptorum testimonium, tamen si tecta 
porticuum medio spatio adjecta, tectaque earum aedium publicarum , 
quae in numis antiquis cernuntur (tab. 1, 6. 7. 8), undique declivia fuisse 
meminerimus, atque illud etiam reputaverimus, fastigia in brevibus tec- 
torum lateribus plerumque ideo ornatu vix digna fuisse, quod quum longa 


1 Vitruv., IV, 2, 1 : « Sub tectis, si majora spatia sunt, columen in summo fastigio culminis, 
et transtra et capreoli; si commoda, columen et cantherii prominentes ad extremam subgrunda- 
tionem. Supra cantherios templa, deinde insuper sub tegulas asseres ita prominentes, uti parietes 
projecturis eorum tegantur. 

2 Colum., De re rust., XI, 45: « Ficus in eo loco expandi debet, qui toto die solem accipiat. 
Pali autem quatuor pedibus inter se distantes figuntur et perticis jugantur. Factae deinde in hune 
usum cannae jugis superponuntur, ita ut duobus pedibus absint a terra, ne humorem, quem fere 
noctibus remittit humus, trahere possint. Tune fieus injicitur et crates pastorales culmo vel carice 
vel filice textae, ex utroque latere super terram planae disponuntur, ut cum sol in occasu fuerit, 
erigantur, et inter se acclines testudineato teclo, more tuguriorum , inarescentem ficum a rore et 
interdum a pluvia defendant. » 

5 Vitruv., II, 4, $ 4; « Apud nationem Colchorum in Ponto propter silvarum abundantiam 
arboribus perpetuis planis dextra ac sinistra in terra positis, spatio inter eas relicto quanto arbo- 
rum Jongitudines patiuntur, collocantur; in extremis partibus earum, supra alterae transversae, 
quae cireumeludunt medium spatium habitationis : tune insuper alternis trabibus ex quatuor par- 
tibus angulos jugamentantes, et ita parietes arboribus statuentes ad per pendiculum i imarum , edu- 
cunt ad alitudinem turres, intervallaque, quae relinquuntur propter crassitudinem materiae, 
schidiis et luto obstruunt. Item tecta recidentes ad extremos angulos transtra trajiciunt gradatim 
contrahentes, et ita eæ quatuor partibus ad altitudinem educurt medio melas, quas et fronde et luto 
tegentes efficiunt barbarico modo testudinata turrium tecta. » Hine igitur apparet, Nonium Mar- 
cellurm, pag. 58, 10, ed. Par.; Festum, pag. 565, ed. Valpy., et Isidorum Origg., XV, 8,8, tes- 
tudinem sive tectum testudinatum veterum male explicuisse. 


102 DE BASILICIS LIBRI III. 


basilicarum latera in forum vergere solerent, illa a locis frequentibus aversa 
essent, vix dubitabimus, quin basilicarum tecta undique declivia fuerint. 

6. De aditibus nihil quidem veteres scriptum reliquerunt nisi, valvis 
eos claudi potuisse !; sed commode in librorum locum numi succedunt, 
atque illorum supplent silentium. Etenim antiquorum illorum numorum, 
qui basilicarum Romanarum effigiem exhibent , alterum basilicae Ulpiae 
aditum maximum repr aesentare, inter omnes constat, alterum autem ean- 
dem partem basilicae Aemiliae ostendere, mihi certe persuasum est. Cujus 
quidem numi quam Spanbemius in libro De usu atque praestantia numo- 
rum atque Morellius in Thesauro numm. familiarum Romanarum, edide- 
runt effigiem, ex ea sane vix dijudicari poterit, utrum interna an externa 
basilicae pars in numo repraesentetur, praesertim quum discerni plane 
nequeat, in utram partem tectum sit conversum, pronumne sit an retro 
flexum. Quare non mirum est, Bunsenium internam basilicae Aemiliae 
partem in eodem numo depictam esse credidisse. At quod possidet hujus 
numi exemplar vir rei numismaticae peritissimus de Posern-Klett, senator 
Lipsiensis, id accuratissime tectum retro flexum ostendit, ideoque aperte 
docet, non internam sed externam basilicae partem esse in eo expressam 
(vid. tab. IL, f. 8). Deinde quum idem tectum reflexum in neutro latere 
aliis vicinis iisque acclivibus tectis sit conjunctum, apparet, non tectum 
unius alteriusve porticus, quippe quae omnes acclivibus tectis instruc- 
ae esse deberent, sed aliam eamque projectam basilicae partem signifi- 
cari. Porro idem numus egregius duas quinarum columnarum porticus ; 
alteram alteri impositam, ita ostendit, ut post priores alterae conspician- 
tur columnae, inter quas pariter atque inter priores viae apertae videntur 
esse. Quare non dubito, quin etiam in hoc numo, quemadmodum in 
numo Trajani, aditus basilicae maximus repraesentetur. Quae si recte ha- 
bent, ex utroque numo id colligi potest, maximum aditum summa arte 
constructum atque, nisi in omnibus, certe in nonnullis basilicis ita aedi- 
ficatum fuisse, ut ex superiore basilicae porticu interna in superiorem 
aditus porticum ambulatores transire possent. De numero adituum nihil 


1 Bei (71 ART: , #3, SE, 4 s 3 x x 
Reines., Inser EE pag. 286 : Ürécooyro dè oi déna — Aobxios Bectéïos Ty BaciAixÿ) TYy Tpèe à 


Bsvheurhcicy 


huis tas SÜpas rofceis. 


DE BASILICIS LIBRI IL. 103 


constat, at complures eosque magnos fuisse, et basilicae Ulpiae introitus 
sex (tres in anteriore tres in posteriore latere) docent, et inde concludi 
potest, quod viae publicae per basilicas duxerunt ?. 

Denique hoc tetigisse sufficiat, Chalcidica in extremis longitudinis par- 
tibus basilicarum exstructa fuisse. (Cf. Vitruv., V, 1.) 

IV. Praeterea ut quae ad formam basilicarum pertinent omnia recen- 
seamus, etiam de decore, splendore et magnificentia basilicarum nonnulla 
adjiciamus, quae qualia quantaque fuerint, ex permultis veterum testi- 
moniis apparet. Etenim quae a Ciceronis tempore commemorantur basi- 
licae, eae fere omnes magnificentissimae et splendidissimae fuisse dicun- 
tur ?; id quod tanto minus mireris, si memineris, multas basilicas ab 
ipsis Imperatoribus in honorem virorum illustrium tanquam Insignia re- 
verentiae pietatisque monumenta esse aedificatas 5. Fuerunt autem et 
materiae copiarumque, e quibus exstructae, et ornamentorum, quibus 
decoratae essent, pretio et splendore insignes. ta ex. gr. basilica 
Paulli, quam Plinius « mirabilem, » Statius « sublimem » appellavit, e 
« Phrygiis columnis # » exstructa , porro basilica Julia marmoribus 


1 Cf. Plin., Ep. H, 14,88 : « Si quando transibis per basilicam. » Plut. Galb., 26 : Eoxryro 
rhôrey Irréie, Era Em Aire dià Tÿc Ilabhou Baoiuxÿs mpocyepôuru. Cod. Just., M, tit. XI (XII), 24 : — 
« Decernimus, ne in eam (basilicam) equos liceat intromitti. » 

2 Cie. ad Autie., IV, A6 : «Paullus — quam locavit (basilicam) facit magnificentissimam , » supra 
p- 58. Plut. Cat. min., 5 :'H Ilookiz Baciueÿ riuyrixdr Yo dyéSype vod rahacd Kérwos * Plut. 
Cues., 29 : Tao dE drére dvT ile nai mevraniox Ténuyta dovros, LR Sy rai Tÿy Baciixÿy ÊKETI0s, 
Svomasrdy àyaSyue, +? dnopà mosrexénygrer. Appian, Cüiv. II, 26 : Tabos uè d} Tr Iabhou Aeyoué- 
Ju1 Baciduixÿy drd Toyde Toy pppyuéreoy dyÉgyre Pouaiics, cixodéuyua TEpIxAA RÉ. Ael. Spart., 
Vit. Adrian., cap. I : « Mürabili opere basilicam exstruxit. » Aur. Viet. De Caes., 46, 26. « Adhue 
cuneta opera, quae magnifice exstwuxerat, Urbis fanum atque basilicam Wlavii meritis Patres sa- 
cravere. » Zosim., Hist. V. (Arcad. et Honor.), pag. 781 : Rufinus Antiochiae Bacr212#9 oixodouet 
aroy, Yÿs oùde y 4 môdis Évet diarperéorepos cizodéwyma. Plin. H. N., XXXVI, 45, 24: 
« Nonne inter magnifica basilicam Paulli columnis e Phrygiis mérabilem , ete. » 

5 Monum. Ancyr.: « Eandem basilicam consumptam incendio ampliato ejus solo, sub titulo no- 
minis filiorum inchoavi. » — Aurel. Vict. D. C., XLVI, 26, supra in not. 2. Ael. Spart,, Vit. Adrian., 
cap. I, in honorem Plotinae. 

# Plin. LAN. XXXVI, 43, 24, in not. 2. Victor., Reg., VUI : Basilica Paulli e Phrygiis columnis. 
Stat. Silv., 1, 4, 26 : « Iline belligeri sublimis regia Paulli. » 

5 Nonnulli aeneas valvas in media janua basilicae Lateranensis de basilica Aemilia sumptas esse 
dicunt male. Vid. Beschreibung der Stadt Rom., WW, 1, pag. 528 et 5929. 


104 DE BASILICIS LIBRI HI. + 


strata ! tum basilica Neptuni praeclaris imaginibus decorata, postremo, 
quae praeter caeteras splendore et pulchritudine excelluit, basilica Ulpia 
marmoreis gradibus, marmoreo solo, marmoreis columnis ?; marmoreis 
denique iisdemque figurarum artificio insignibus epistylis © ornata atque 
aeneo tecto # munita fuit. Neque temere statuere videmur, si quemadmodum 
solum et columnas gradusque, ita etiam parietes basilicarum marmoribus 
ornatos fuisse opinamur. Quae res etsi non certis velerum testimoniis ni- 
titur, tamen et verbis Cod. Just., HI, tit. XI (XIT), 21 : « Basilicam inau- 
» ratam et marmoribus decoratam liberam ÿ in perpetuum manere — 
» jubemus, » et exemplo sacrae basilicae Hierosolymitanae in sepulcro 
Domini exstructae 6 comprobari videtur. Insigni vero splendore fulgebant, 
quae e ligno confectae essent, basilicarum partes, veluti contignationes 
inferioribus porticibus impositae, et transtra cum capreolis tecta susti- 
nentibus. Neque enim falli videmur, si, quae inauratae sive subauratae ? 
fuisse dicuntur basilicarum partes, eas porticuum lacunaria, trabes atque 
tecta intra basilicam conspicua fuisse credimus. Quam sententiam vix im- 
pugnabunt, qui noverint et basilicae sacrae in sepulcro Domini jussu 
Constantini M. exstructae lacunaria À fuisse inaurata et aliarum quoque 
basilicarum christianarum in Italia conservatarum trabes et lacunaria 
etiam nunc auro imposito splendere, 

Praeterea interior basilicarum facies spoliis provinciarum ? imaginibus 


1 Vid. Becker, Handb. d. rm. Alterth., X, pag. 341. 
Vid. Nibby, Del foro Trajano, pag. 555. Platner., Beschreib. d. St. R., HE, 1, pag. 287. 


5 Vid. Beschreib. der Stadt Rom., HI, 2, pag. 175. 
4 


Vid. Pausan., V, 12, 4 : Kai ÿ 'Pouaisy dnopà 20ouou dE elyexa Tod Aorrod Ses GËia, xal ÂMGTA ES 


rèy Gpomoy qaxscù reroimuéycr; et X,5 ,5: ‘Poæiois dE ÿ dyopà menéouc élvexa ai #ATATAEUTE The AA ÂYE 
Sadues cûca rapéyereu C00po yarxcbr. Coll., cap. IE, $ 5, VIL, in fine. 

5 Scilicet a tabernis et similibus rebus ad parietes collocatis. 

5 Vid. Euseb., Vit. Const., XI, cap. 56. 

7 Vid. Inscriptionem in Muratori Thesaur., 1. 1, pag. 490, 3, — basilicam — subaurandam. 


voyro. Xpuc@ mal aa To; Gpogous TeroixiA LÉ II. 
9 Cf. Cie. in Verr., 4,86 : « Immo vero modo ac plane paullo ante (homines) vidimus, qui 


forum et basilicas non spoliis provinciarum, sed ornamentis amicorum — ornarent.» Coll. Sueton., 
Caes., 10. Aul. Gell., XIII, 25 (24). 


DE BASILICIS LIBRE IT. 105 


virorum elarissimorum clypeatis !, pictis tabulis ? statuisque © exterior 
item simulacris statuisque in aditibus # et in fastigiis positis condecorari 
solebat. Cujus rei luculentissimum testimonium exstat in numo, qui basi- 
licae Ulpiae aditum maximum eumque tripartitum repraesentat ?, statuis 
ita ornatum, ut in utroque aditu extremo bigae, in medio autem quadri- 
ga, eaeque telamonibus, epistylia acroteriis ornata sustinentibus, sepa- 
ratae cernantur. Qua statuarum dispositione superiores aditus partes tribus 
portis triumphalibus non dissimiles redduntur. Praeterea hanc basilicarum 
exornandarum consuetudinem et statuae in Ulpiae basilicae ruderibus in- 
ventae ® et Gellius, N. A., XIII, 25 (24), his verbis testantur : « In fasti- 
» giis fori Trajani simulacra sunt sita circumundique inaurata equorum 
» atque signorum militarium, scriptumque est EX MANUBIEIS. » Quae 
omnia abunde demonstrant, basilicas ab antiquis scriptoribus jure in mi- 
rabilibus atque excellentissimis operibus enumerari 6. 

Jam vero, quam hucusque exposuimus de basilicarum forma senten- 
diam, eam ill improbabunt, qui nonnulla aedificia antiqua, quorum ru- 
dera etiam nunc hic illie supersunt, pro antiquis habent basilicis. Quam 
ob rem ut nostram sententiam quocunque modo defendamus, id agendum 
videtur esse, ut quo jure ista aedificia pro basilicis habeantur, paullo ac- 
curaüus inquiramus. Quam quidem quaestionem infra cap. VI instituemus. 

1 Plin., AL. N., XXXV, 5, 4: « Post eum M. Aemilius, collega in consulatu Q. Luctatii, non in 
basilica modo, verum et domi suae posuit (imagines clypeatas). » 

2 Cod. Just., ME, tit. XL(XH), 21 : « Basilicam inauratam et marmoribus decoratam liberam in 


perpetuum manere, neque alicujus imaginisaut pictarum tabularum obumbratione fuscari jubemus. » 
5 Inseript. apud Gruter., pag. 1080, 14. « Gabinius Vettius Probianus V. C. Praef. Urb. statuam 


conlocari praecepit , quae ornamento basilicae esse posset illustri. — Gruter., pag. 171; Gabinins 
Vettius Probianus, V. C. Praef., st. quae basilicae Juliae a se noyiter reparatae ornamento esset, 
adjecit. 


4 Vid. Descriptionem basilicae Ulpiae in libro qui inseribitur : Beschreibung d. St. R., WE, S 1, 
pag. 287, et II, $ 2, pag. 172 et seq. 

5 Jmago basilicae Ulpiae invenitur in numis duobus, altero aureo, altero aenco, qui in museo 
Caesareo Viennae asservantur et anno 867 U. c. exeusi sunt. Cf. Rasche, Lexicon univers. rei nu- 
mismat., in voce Basilica Ulpia.— Aurei denarii exemplar custoditur in numophylacio Gothano, 
cujus imaginem aceuratissimam dedi in tab. IT, fig. 9. 

5 Eumen., Paneg. Const. Aug., VW, 22,85 : « Video (Treviris) basilicas et forum, opera regia, 
sedemque justitiae ên tantam altitudinem suscitari, ut se sideribus et coelo digna et vicina promit- 
tant, » Vid. supra, p. 105, not. 4. 


Tome XXI. 14 


106 DE BASILICIS LIBRI HIT. 


CAPUT IIL. 


DE USU BASILICARUM ROMANARUM. 


1. Quo consilio M. Porcius Cato primam basilicam aedificaverit, dis- 
tincte quidem a veteribus traditum non est, sed ex 1is, quae de ejus cen- 
sura narrantur, facile concludi potest. Is enim quum recte suspicatus esset, 
Carthaginiensibus devictis, Asia imperio adjecta et Syris prostratis, Ro- 
mam à multo pluribus peregrinis frequentatum atque incolarum numerum 
magnopere auctum iri, id maxime curavit, ut quae a privatis occupata 
essent loca publica reipublicae redderentur, quaeque publico usui non- 
dum satis apta essent, pararentur atque laxarentur !. Jam vero quum 
forum rebus publice agendis non amplius satisfacere videretur, novum 
eumque amplum locum publicum condenda basilica suppeditare voluisse 
videtur, in quo, quae non necessario in foro peragenda essent negotia 
perfici possent. Îtaque recte Vitruvius, V, 1, $ 4, à, 8, basilicas negotian- 
tibus et litigantibus et ambulantibus, qui omnes in foro versari solebant, 
exstructas esse, his indicat verbis : « Basilicarum loca adjuncta foris quam 
» calidissimis partibus oportet constitui, ut per hiemem sine molestia 
» tempestatum se conferre in eas negotiatores possint, » porro « uti qui 
» apud magistratus starent negotiantes in basilica ne impedirent, » pos- 
tremo : « pluteum quod fuerit inter superiores et inferiores columnas, 
» item quarta parte minus quam superiores columnae fuerint, oportere 
» fieri videtur, uti supra basilicae contignationem ambulantes ab nego- 
» tiatoribus ne conspiciantur. » Praeterea alia multa exstant veterum tes- 
timonia, quibus non solum is, quem modo indicavimus, sed etiam ali, 
quos mox commemorabimus, basilicarum usus ostenduntur. 

2. Ac pruno quidem loco ponamus ea, quae ad negotiatores pertinent 

1 Vid. Liv., XXXIX, 42 : « (Censores) quae loca publica inaedificata immolitave privati habe- 
bant, intra dies triginta demoliti sunt. — In Aventino et in alüs partibus, qua nondum erant, 


(cloacas) faciendas locaverunt, et separatim Flaceus molem ad Neptunias aquas, ut iter populo 
esset, et viam per Formianum montem. » 


DE BASILICIS LIBRI HI. 107 


testimonia. Etenim Vitruvius propter negotiatores loca calidissima basilicis 
eligi, atque litigantes, ne negotiatores impediant, e basilicarum spatio se- 
gregari vult!; porro numularius de basilica Julia ? in lapide commemo- 
ratur; denique negotiatores merces in basilicis habuisse dicuntur5. Quid, 
quod etiam ergasteria interdum in basilicis fuisse, ostendit lex quaedam 
Imperatorum Theodosii et Valentiniani *. Atque quanto studio negotiantes 
basilicis inhaeserint, Senecae docent verba, De brevitute vitae, cap. XL, extr. : 
« Quaeris fortasse, quos occupatos vocem? non est, quod me solos putes 
» dicere, quos a basilica imumissi demum canes ejiciunt. » 

9. Deinde judicia, quae altero loco supra commemoravimus, in basi- 
licis habita Ÿ, atque ibidem et res, de quibus ageretur f, et causarum 


1 Vitruv., V, 1,8 : « Tribunal est in ea aede — uti, qui apud magistratus starent, negotiantes 
in basilica ne impedirent. » 

2? Gruter., Corp. Inscript., pag. 54, 1 : D. M. F. Flavius Genethlius, Numul. de basilica Julia, 
natione Bess. sibi et conjugi liberis libertis libertabusque deinceps de domo sua descendentibus 
vivus feeit. Hic in HE stabul. agitavit num. 

5 Vid. Digest., XXXIN, tit. Il, lin. 52, 4: « Quum quaereretur de tali legato : Hoc amplius 
filia mea dulcissima a medio sumito tibique habeto ornamentum omne meum muliebre cum auro, 
et si qua alia muliebria apparuerint, quum testatrix negotiatrix fuerit, an non solum argentum, 
quod in domo vel intra horreum usibus ejus fuit, legato cedat, sed etiam quod in basilica fuit 
muliebre ? respondit : si testatrix proprium habuit argentum ad usum suum paratum , non videri 
id legatum , quod negotiandi causa venale proponi soleret, nisi de eo quoque sensisse is, qui petat 
probet. » Digesta promulgata sunt a. 553, p. C. N. cf. Stoeckhardt, Tafeln der Geschichte des 
rôm. Rechts, pag. 102. 

# Vid. Cod. Just., HE, tit. XI (XI), 21. Imperatores Theodosius et Valentinianus A. A. Cyro, 
Praef. Urb., pasiticam inauratam et marmoribus decoratam liberam in perpetuum manere, neque 
alieujus imaginis aut pictarum eujuslibet honoris tabularum obumbratione fuscari jubemus, neque 
in aliqua parte ejusdem basilicae tabulato quidquam opere slationes ergasteriave constitui sanci- 
mus. Ilud quoque decernimus, ne in eam equos liceat intromitti vel nuptias celebrari. « Dat. 
Constantin. a.440, p. C. N. » Cod. Just. promulgatus est a. 529, p. C. N. Cf. Stoeckhardt, Tafein 
d. G. d.r. R., pag. 91. 


5 Plut., Cat. min., 5 : ‘H 08 #xrouuéoy Ilopxiz Bariueÿ vupegrinèy Yy Grdlqua, Tob maheucd Kéravos. 


Ejwbéres sy ÊxeT ypymariteis oi dypcapyot, xai xiovos Toïs dippois Éurodboy ciya doxobyTos, Énroray 
Josneiy add 4 perasrise. Plin., Ep. W, 14; VII, 55, 4. Lamprid., in Vita Comm., 2, « atque ipse 
in basilica Trajani praesidebat. » Quinetil., X, 5, 18. Senec., Praef., Lib. IV, Contr. Procop., De 
aedif., V, A1. Constantinopoli x47 à +ÿ7 Baoinéoc roy, iva dÿ ràs d'ixas mapasxeudioy Ta 
oi re phropes nai cicagupels xal elTives A Ao1 rod Epyou robraou ÊmiImEODYT&I, aÙAÿ Tis 
écris dreppeyébye. 

5 Senec., De ira, WI, 55 : « Libet intueri fiscos än angulo jacentes. Hi sunt, propter quos oculi 


108 DE BASILICIS LIBRI HI. 


libellos (acta fori) ! debitorumque tabulas ? servatas esse, per testes in 
notis citatos satis comprobatur. At illud quoque adjiciendum est, Romae 
maxime in basilica Julia 5 et Ulpia jus dictum esse, atque in hac altera 
servos manu missos esse Ÿ. Quae enim alias in una eademque basilica 
tractari solebant negotia, ea Romae propter basilicarum multitudinem 
ad certas basilicas rejecta et distributa esse, inde apparet, quod basilicam 
Argentariam Romae commemoratam legimus, et qued neque de judicis 
in basilica Paulli habitis neque de negotiis in basilica Ulpia actis quid- 
quam innotuit. Ceterum ex Quinctiliani verbis, X, 5, 17 et 18 : « Adoles- 
» centes non debent nimium in falsa rerum imagine detineri et inanibus 
» se simulacris usque adeo, ut difficilis ab his digressus sit, assuescere , 
» ne ab illa, in qua prope consenuerint, vera discrimina velut quendam 
» solem reformident. Quod accidisse etiam Porcio Latroni, qui primus 
» clari nominis professor fuit, ut cum ei, summam in scholis opinionem 
» obtinenti, causa in foro esset oranda, impense petierit, uti subsellia in 
»._basilicam transferrentur. Ya ii coelum novum fuit, ut omnis ejus eloquentia 
» contineri tecto ac parietibus videretur, » recte videtur posse concludi, 


clamore exprimantur, fremitu judiciorum basilicae vesonent, evocati ex longinquis regionibus ju- 
dices sedeant, judicaturi, utrius justior avaritia sit. » 
1 Vid. Agath., Hist., M, pag. 32 À., ed. Boisonad. : 472 


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(lege 52) Toy dyayrtioy drosoyre; Éurirhasla yeu Toy 24i ducraheis. 

? Wid. Cassiodor., Chron., H, pag. 204, Ronc. : « Tabulas debitorum in medio Romanae urbis 
foro (hoc est in foro Trojano sive in basiliea Ulpia, ef. infra cap. V, 1, 5) incendio concremarunt. 

5 Plin., Ep. V, 21 : « Descenderam in basilieam Julian, auditurus, quid proximia comperendina- 
tione respondere debebam. Sedebant judices , decemviri venerant, observabantur advocati; silentium 
longum, tandem a praetore nuntius. Dimittuntur centumviri, etc. » Ep. VI, 55 : « Sedebant 
judices centum el octoginta, tot enim quatuor consilüs conseribuntur » coll., {9 : « Intervenit enim 
— frequens necessitas computandi, ut repente in privati judicii formam centumvirale vertatur » 
coll. 11, 14, $$ 1, 4, 10, 11; 1, 5, 4; IX, 25, 1. Quinct., XIE, 5, 6. 

* Lamprid., Vita Comm, 2. Supra, p. 107 not. 5. Cassiodor., Chron., IT, pag. 204 Ronc., supra 
not. 2. 

5 Sidon. Apoll., Carm. 2 fin. : 


Nam modo nos jam festa vocant, sed ad Ulpia poscunt 
Te fora , donabis quos libertate Quirites, 
Quorum gaudentes exceptant verbera malae. 


DE BASILICIS LIBRI IT. 109 


rhetores in basilicis docuisse, atque jurisconsultos consulentibus respondisse. Vid. 
Wolf. ad Quinct. locum et A. Gell., N. 4., XHT, 15; Agath. Hist., HT, 
pag. 52, À. ed. Bois. Supra, pag. 108, not. L. Quae sententia etiam his 
confirmatur, primum, quod alias philosophi in basilicis docuisse narran- 
tur !, deinde, quod Cicero ad Att., 11, 14, de villa sua Formiana a con- 
sulentibus Formianis frequentata scripsit : « Basilicam habeo non villam 
frequentia Formianorum. » 

4. Praeterea omnes basilicae semper abundabant ? ambulantibus atque 
otiosis hominibus, quorum nonnulli ibi tamdiu otio frui solebant, ut per 
ludibrium peculiari Basiliciariorum nomine 5 appellari solerent. Qui autem 
apud Plautum Captiv., IV, 2, 25, commemorantur « subbasilicani, » eos 
non basiliciarios sive homines per basilicas discurrentes esse, sed: potius 
homines sub vel infra basilicam Porciam scortis utentes, ex alio ejusdem 
scriptoris loco, Cureul., IN, 4, 41, apparet, ubi haec leguntur : 


Ditis damnosos marilos sub basilica quaerito, 
Ibidem erunt scorta exoleta, quique stipulari solent. 


5. Praeterea de usu basilicarum haec comperta habeo : bibliothecas 
interdum in iis constitutas #, porro, nuptias nonnunquam in 1is celebra- 
tas ®, deinde corpus Augusti quum a Nola Bovillas deportaretur, propter 
anni tempus interdiu in basilica cujusque oppidi vel in aedium sacrarum 


1 Vid. Apulej., Apolog., 519 : « Dissero aliquid postulantibus amicis publice. Omnes, qui aderant, 
ingenti celebritate basilicam, qui locus auditorii erat, complentes inter alia pleraque congruen- 
tissima voce insigniter acelamant, petentes, ut remanerem (Oeae, hoc est Tripoli in Africa) fierem- 
que civis Oeensium. » 

2 Cic. in Verr., V, $ 152: « Forum plenum et basilicas istorum hominum videmus. » Vitruv., 
V, 4 : « Uti supra basilicae contignationem ambulantes ab negotiatoribus ne conspiciantur. » Suet., 
Cal., HA : « Misit (Caligula) cireum forum et basilicas nomenclatores ad invitandos juvenes senes- 
que. » Tac., A. XVI, 27 : « Aditum senatus (curiae) globus togatorum obsederat — dispersique per 
fora ac basilicas cunei militares. » ZZ., 1, 40 : « Completis undique basilicis. » 

5 Vid. Glossar, graec.lat. pazrès, éyspatos. Freund., Lex. lat. Franco-gallice : fläneur, dandy. 

4 Vid. Zosim., Hist., I, pag. 713, 48; (vol. IN, Script. hist. Aug.), BiBicbanr Ey rh Buriécs 
ciudoutrus ooà (Constantinopoli) 4 zaûry BiBhous Gcas ele Évarolémvos (Julianus Imperator 
creatus ). 

5 Vid. Cod. Just., WE, tit. XI (XI), 21. Supra, pag. 107, not. 4. 


110 DE BASILICIS LIBRI IT. 


maxima repositum esse !, denique, Augustales pontifices ? in Caeritum 
basilicae angulo 5 Phetrium * suum, hoc est locum sacris obeundis atque 
epulis sodaliciis celebrandis destinatum habuisse. 

6. Quo loco negotiantes et judices versari soliti sint, accurate quidem 
véterum testimoniis demonstrari non potest; attamen si fori consuetudi- 
nem in basilicam transferre atque locis quibusdam veterum fidem habere 
licet, non errare videmur, si negotiantes cum tabernis in porticibus, judices 
cum tribunalibus subselliisque in medio spatio versatos esse statuimus. Etenim 
tabernas, quibus negotiantes uti solebant, in utroque fori latere fuisse his 
duobus argumentis satis docetur, primum, quod argentariae aliaeque ta- 
bernae in utroque fori Romani latere fuisse commemorantur >; deinde 
quod Vitruvius, lib. V, cap. 1, argentarias tabernas in porticibus circa 
forum sitis collocandas esse scribit. Unde concludi potest, basilicarum 
quoque tabernas in porticibus ad latera exstructis collocatas fuisse; quo accedit, 
quod tabernae in medio spatio sitae de pulchritudine basilicarum haud 
dubie multum detraxissent. 


! Suet., Aug., 100 : « Corpus (Augusti) Decuriones municipiorum et coloniarum a Nola Bovillas 
usque deportarunt : noctibus propter anni tempus, quum interdiu in basilica cujusque oppidi vel 
in aedium sacrarum maxima reponeretur. » 

2 De Augustalibus vid. Tac., À., 1, 54 : « Idem annus novas caerimonias accepit, addito sodalium 
Augustalium sacerdotio. » Æ., I, 95, 2: « Faces Augustales subdere, quod sacerdotium ut Ro- 
mulus Tatio regi, ita Caesar Tiberius Juliae genti sacravit. » Cf. Lipsius ad hune locum. 

5 Gruter. Corp. Inscript., pag. 214 : Vesbinus Aug. Lib. petit, ut sibi locus publice daretur sub 
portieu basilicae Sulpicianae, uti Augustalibus in eum locum phetrium faceret, ubi ex consensu 
decurionum loeus ei, quem desideraverat, datus est, placuitque universis Curiatio Cosano cura- 
tori ob eam rem epistolam mitti in euriam. — Magistratus et Decurion. Curiatio Cosano Sal. Id. 
Aug. desideranti a nobis Ulpio Vesbino consilium decurionum coegimus, a quibus petit, ut sibi 
publice in angulo porticus basilicae daretur, quod se Augustalibus phetrium publice exornaturum 
secundum dignitatem municipii polliceretur, ete. Grut., L. L., pag. 215, 1. Sign. Genio Vesbinius 
Augusti L. phetrium Augustalibus cum ar. genii Munic. Caerit. donum dedit. Dedic. HE, Id. Jun. 
Q. Ninnio Hasta P. Manilio Vopisco Cos. 

# De phetrio, vide supra p. 84, not. 1. 

5 Cf. Liv., XXVI, 41: « Tabernas argentarias, quae crea forum Romanum tune essent. » Varr., 
ap. Non., pag. 552, M. pag. 364. Gerl. : « Hoe intervallo primum forensis dignitas erevit, atque 
ex labernis lanienis argentariue factae. » Liv., ME, 44 : Virgini venienti in forum (ibi namque in ta- 


dduceadéin roy rai TÔTE TEp} TYy Myopiy, coll. Dionys., ILE, 67. Varr., L. L., NI, 9, pag. 237. 
Plin., XXXV , 48. Cic., de Or., 1, 66. Liv., XXVI, 27; XXVII, 44. Becker., Handb. d. r. À. I, 


pag. 295 et seq. Abeken, Mittelitalien vor der Herrschaft d. Rôm., pag. 189. 


DE BASILICIS LIBRI II. ait 


Quae eadem res pariter atque fori consuetudo simul docet, judicum 
tribunalia in medio basilicarum spatio, quippe quod medio foro responderet, 
fuisse collocata. Namque in medio foro tribunalia fuisse, Dionysii, Liviüi, 
aliorumque scriptorum ! testimoniis constat; quo accedit, quod in foro 
pariter atque in basilicis quae ad tribunalia fuisse narrantur « numerosa 
subsellia » atque « ingens auditorum corona ? » in porticibus satis am- 
plum laxamentum non habituri fuissent. — Quamdiu autem mos obtinuit, 
ut e foro in basilicam transferrentur tribunalia 5, modo hic modo illic 
videntur collocata fuisse; postquam autem fixa tribunalia, quae quatuor 
in basilica Julia fuerunt #, constituta sunt, haud dubie in eodem loco, in 
quo initio collocata erant, remanserunt. 

At Juliae quidem basilicae IV, tribunalia in quatuor angulis medii 
spatii fuisse, quum vel inde colligi possit, quod manceps, qui obscuris 
adolescentulis apud centum viros dicturis auditores atque plausores loca- 
bat, in media basilica stabat Ÿ, ut ab omnibus tribunalibus, opinor, pari 
spatio remotus esset, tum etiam eo comprobatur, quod immodici plauso- 
rum atque emptorum auditorum clamores, quos « ululatus » appellare 


1 Dionys., II, 29 : Xœpioy re, y GO abebouevos Edixaëes (5 Poubho) EviTS puyeporéro rÿe 
ayopzc. HI, 6,7 : ré re dpopay, £v ÿ dixdtouci na ÉxxAyoidgouai, za) GAdoI ÉrITEACDII ToMTIAÈS 
FhSeis, ÉxEivos ÉxéTuyTe Éppaotypios Te xa thus roues repiBey. Liv. NI, 15 : « Dictator — sella in 
comilio posila, viatorem ad M. Manlium misit, qui dictatoris jussu vocatus — ad tribunal venit, » 
coll. Becker., Handb. d. r. A., 1, pag. 280. Quinct., X, 5, 30 : « Quid alioqui fiet, cum in medio 
foro, tot cireumstantibus judiciis, jurgiis, fortuitis etiam elamoribus, erit subito continua oratione 
dicendum, si partieulas, quas ceris mandamus, nisi in solitudine reperire non possumus. » 

2 Cic., pro Mil., 1, 4 : « Haec novi judicii nova forma terret oculos, qui quocunque inciderunt, 
consuetudinem fori et pristinum morem judiciorum requirunt. Non enim corona consessus vester, 
cinclus est, ut solebat ; non usitata frequentia slipati sumus. » Plin., Zp. I, 14, 6 : « Hoc pretio 
(ternis denariïis) quamlibet numerosa subsellia implentur; hocingens corona colligitur. » VE, 55, 5 : 
« Sedebant judices centum octoginta : tot enim quatuor consiliis conseribuntur, ingens utrinque 
advocatio et numerosa subsellia : praeterea densa cireumstantium corona, latissimum judicium 
mulliplici cireulo ambibat. Ad hoc stipatum tribunal, » 

5 Quinct., X, 15, 48. Senec., praef. lib. IV, Controv. Ascon., Argum. ad Cic. Orat. pro Mit. : 
« Populus corpus Clodii in euriam intulit cremavitque subselliis et tribunalibus. » 

4 Quinet., XIE, 5, 6 : « Quum in basilica Julia diceret primo tribunali, quatuor autem judicia, 
uti moris est, cogerentur, atque omnia clamoribus fremerent; et auditum eum et intellectum, et 
quod agentibus ceteris contumeliosum fuit, laudatum quoque ex quatuor tribunalibus memini, » 

5 Plin,, £p.W, 44, 4 : « Manceps convenitur in media basilica. » 


112 DE BASILICIS LIBRI II. 


Plinius non dubitavit!, postulavisse videntur, ut tribunalia justo spatio 
interjecto sejungerentur. Accedit etiam locus Quinctiliani, XIF, 5, 6, ubi 
Trachallus in primo tribunali dicens et auditus et intellectus et quod ceteris 
causidicis contumeliosissimum fuit, laudatus quoque ex quatuor tribunalibus 
narratur. Quo quidem loco tanquam singulare quiddam et admirabile 
videtur commemorari, quod qui in primo tribunali diceret causidicus, 
etiam ex tribus reliquis tribunalibus auditus intellectusque est; id quod 
mirum non fuisset, nisi magno intervallo inter se disjuncta fuissent sin- 
gula tribunalia. 

Contra de phetrii Augustalium in basilica Caeretum collocatione nulla 
est dubitatio; nam id quidem in angulo porticus collocatum fuisse, testan- 
tur quas in nota citavimus inscriptiones ?. Porro bibliothecas quoque in 
superioribus porticibus collocatas fuisse, ideo vix dubium esse videtur, 
quod, quo lectores nullo modo carere potuerunt, silentium in inferioribus 
certe porticibus atque in medio basilicae spatio inter negotiantes litigan- 
tesque expectari non potuit. Nuptiae vero, quemadmodum epulae publicae 
in foro ?, ita in basilicarum medio spatio videntur celebratae esse. Quae 
omnia aperte docent, basilicas haud aliter atque fora, toti vitae publicae vel 
usui publico fuisse destinatas. 


1 Plin., Ep. 11, 14, 10 : « Adsectabar Domitium Afrum, quum apud centumviros diceret graviter 
et lente, audivit ex proximo (tribunali) immodicum insolitumque clamorem. » 45 : « Ululatus 
quidem (neque enim alio vocabulo potest exprimi theatris quoque indecora laudatio), large 
supersunt. » 

? Gruter, Corp. Inse., pag. 214 et 215. Vid., supra, pag. 110 not. 5. 

5 Liv. XXXIX, 46 : — « Post ludos epulum, in quo quum toto foro strata triclinia essent, tem- 
pestas cum magnis procellis coorta, coegit plerosque tabernacula statuere in foro. » Cf. etiam 
Becker, Æandb. d, r. À. 1, pag. 52d. 


DE BASILICIS LIBRI II. 115 


CAPUT IV. 


DE ORIGINE BASILICARUXM ROMANARUM. 


Sr — De Romanarum basilicarum origine ab exteris non repetenda. 


1. De origine basilicarum Romanarum qui scripserunt aut diserte do- 
cent, veluti Bunsenius, Canina et Hirtius !, aut tacite concedunt, veluti 
Kuglerus aliique ?, basilicarum Romanarum formam ad Porticus Regiae 
Atheniensis exemplum exstructam esse, rati, quae eodem nomine insigni- 
tae essent porticus, etiam formam eandem habuisse. Sed haec conjectura 
neque per se certo fundamento nititur, neque veterum testimoniis com- 
probatur, nec denique comparatis inter se basilicis Romanis et Porticu 
Regia probabilis fit. Nam Porticum Regiam nomine faseñs atoäs apud ve- 
teres non designatam fuisse, supra lib. [, cap. 5, docuimus , omninoque 
nomen ozcäç Basdwÿs ante Romanorum dominationem apud Graecos usu 
non venisse, vel inde apparet, quod nemo graecorum scriptorum ante Jo- 
sephum (Ant., XIX, 1, 11) basilicam vocibus Barteñs otoûe denotavit. Ne- 
que veteres scriptores, qui primae basilicae a Catone exstructae mentionem 
fecerunt 5, quidquam memoriae prodiderunt, ex quo conjici possit, Cato- 
nem Atheniense illud exemplum secutum esse. Quod si fecisset, Romani 
haud dubie eo minus reticuissent, quum ne Graeci quidem Regiam Por- 
ticum Atheniensem imitati fuisse videantur, quumque basilicae Romanis 
novum quoddam aedificiorum genus fuisse dicantur *. 


1 Bunsen., Die Basilik. d. chr. R., pag. 15, 16. Canina, Ricerche sul Architettura piu propia 
dei tempj Crist., P.1., cap. 2. Hirt., Geschichte der Baukunst b. d. Alten., M, cap. 5, $ 3. 

2 Kugler, Kunstblatt., N° 84, 1842. Pauly, Realencyclopaedie der Alterthumsw., in voce Basi- 
lica. Quast, Die Basilika der Alten., pag. 6. 

5 Aurel. Victor., V. 1, XLVIL, 5. Liv. XXXIX, 44. Plutarch., Caton. maj., 19; Caton. min., 5. 
Pseudo-Ascon., ad Cicer, Divin. in Caec., 16. 

# Aurel. Victor., V. I, XLVIL, 5. Liv. XXXVI, 27 : « Comprehensa postea privata aedificia, ne- 
que enim tum (a. U. c. 544) basilicae erant. » 


Towe XXI. 15 


114 DE BASILICIS LIBRI IE. 


2. Structura autem Regiae Porticus, qualem supra adumbravimus 
(lib. I, cap. 6), si cum basilicarum forma comparatur, concedendum 
sane est, utrique nonnulla fuisse communia, porticus dico atque media- 
num spatium tecto instructum; sed non minus concedendum est etiam 
illud, neque porticus neque tectum mediani spatii, quippe quae etiam in 
aliis ejusmodi porticibus fuisse videantur (vid. lib. E, cap. 6, S 3), ad eam 
sententiam Romanos deducere potuisse, ut Catonis opus basilicae nomine 
insignirent. Neque etiam credibile est, Catonem ipsum Athenis Romam 
hoc aedificiorum genus transtulisse, quem non magnopere vita moribus- 
que Graecorum delectatum esse scimus. Accedit etiam, quod Romanorum 
basilicas et Regiam Atheniensium Porticum certe ab initio diversis usibus 
inserviisse constat. 

5. Fuerunt Praeterea !, qui Catonem in exstruenda basilica sua tem- 
plorum hypaethrorum formam quodammodo imitatum esse dicerent; sed 
vereor, ut Cato cognita habuerit vel unquam viderit, quae rarissima fue- 
runt, templa hypaethra ?. 


$ 1. — De basilicis ab ipsis Romanis inventis. 


Jam vero quae apud peregrinos frustra quaesita esse videntur originis 
basilicarum Romanarum vestigia, ea apud ipsos Romanos inquiramus. 
Neque qui consilium atque formam basilicarum reputaverit, frustra quae- 
ret. Etenim Cato quum basilicam suam fori laxamentum et tanquam alte- 
rum forum esse vellet, necessario etiam porticus, quae in foro invenie- 
bantur, pariter atque ambulationes vel maeniana illis imposita, et intra 
porticus spatium satis amplum exstruere debuit. Tum vero etiam id curare 
debebat, ut, quae in foro Romano saepissime negotia impedirent, tempes- 


1 Kugler, Aunstblatt., N° 86, pag. 542, G; 1842 : Eben so kann man sie (die Basilika) den Hy- 
paethraltempeln parallel stellen, deren Einrichtung auf sie wiederum nicht ohne Einfluss gewesen 
sein dürfle. Canina, Ricerche, ete., pag. 24. La sopraposizione dei due ordini di colonne nell 
interno di questi edifizj sembra che si fosse d' all architettura stabilita per à tempj del genere degl' 
ipetri. coll. Canina, Architettura antica Sez., , Architett. grec., parte II. 

? Vitruv., IL, 2, 8, (vulgo 1, 17): « Hujus (templi hypaethri) autem exemplar Romae non est, 
sed Athenis octastylos et in templo Olympio. » 


DE BASILICIS LIBRI III. 115 


tatum molestiae arcerentur tecto porticibus imposito. Cujus modi aedificn 
exstruendi exemplum proximum idemque luculentissimum suppeditavit 
ipsius fori Romani pars, comitium, tum, quum ludi gladiatorii in foro 
habebantur, velis tegi solitum !. Quod exemplum sequutus « Caesar Dic- 
tator adeo totum forum Romanum intexit, viamque sacram ab domo sua 
ad Chivum usque Capitolinum. » Plin., H. N., XIX, 1, 6. Haec autem 
quum in foro fierent, quis dubitet, quin in animo Catonis consilium ejus 
modi aedifici exstruendi excitare potuerint? — Quam quidem sententiam 
equidem amplector, repudiatis eorum opinionibus, qui aut ab Athenien- 
sium Porticu Regia aut a templis hypaethris basilicarum originem repe- 
tunt : quibuscum tantum abest, ut scriptores veteres de origine basilicarum 
tacentes faciant, ut etiam meae sententiae favere silentium eorum videatur. 


CAPUT V. 


DE NOMINE BASILICARUM ROMANARUM. 


S 1 — Basilicarum nomina latina et graeca, quae apud veteres scriptores 
inveniuntur. 


4. Quod supra descripsimus Romanorum aedificiorum genus a latinis 
scriptoribus hisce nominibus appellatur : 

a. Basilica a Plauto in Curcul., IN, 4, 11; a Varron. de L. L., NI, 2, 
pag. 187 Sp., V, 52, pag. 155; a Cicerone in Verr., T1, $ 59; IV, $ 6; 
V,S 152; pro Muren., $ 70; ad Autic., I, 14. IV, 16; ab Hirtio, B. À., 
523 a Vitruvio, V, 4, & 4. 5. 6. 7. 8. 9. NI, 3. 9. VI, 5. 23 a Livio, 
XXVI, 27. XXXIX 44. XL, 51. XLIV, 16; a Plinio, H. N., XXXV, 5, 4. 
XXXVI, 15, 24; ab Asconio ad Cic. pro Mit. arqum., pag. 54, ed. Or.; a 
Seneca, de fra, WE, 55. de Brevit. vit., 11 extr.; a M. Seneca, praef. lib. IV, 


1 Liv, XXVIT, 56 : « Lo anno (a. U. c. 546) primum, ex quo Hannibal in Italiam venisset, co- 
mitium lectum esse memoriae proditum est, et ludos Romanos semel instauratos esse, etc. » 


116 DE BASILICIS LIBRI HE. 


Controv.; a Plinio, Ep. IH, 44. V, 5. VI, 55. X, 55; a Tacito, An. HIT, 72. 
XVI, 27; H., 1, 40; a Suetonio, Caes., 10. Aug., 100. Cal., 37. 41; a 
Quinctiliano, X, 5, 18. XIT, 5, 6; a Petronio, Satyr., cap. 57; a Palla- 
dio Rutilio, de Re rust., 1, 18; ab Apulejo, 519; ab Aelio Spartiano, 
Hadr., A1. 19; a Lampridio, Comm. ss a Julio Capitolino, Gord. 52; ab 

Eumenio, Panegyr. Const. Aug., VIE, 22, 5; ab Ausonio, Grat. Act., K 5, 
No. 419, ed. Valpy; a Pseudo-Asconio ad Cic. Divin. in Caec., 16; ab Hie- 
ronymo, Chron. Euseb., pag. 5399; ab Aurelio Victore, V. L., AT; Caes., 
40, 26; ab Ammiano Marcellino XXVIE, 5, 15; in Curioso Urbis Romae, 
reg. IV; a P. Victore, Reg. VII; a Symmacho, Epist. IV, 71. V, 74. 
X, 45; a Sext. Pomp. Festo, pag. 856, lin. 15, ed. Valpy: in Institut. , 
IE, tit. 20, $ 4; in Codice Justin., MX, tit. NT (XIE), 21; in Digest., XNXIV, 
tit. IT, 52, $ 4; ab Isidoro Hispalensi, Orig. XV, 4, 11; in Anscriptionibus 
apud Muratorium, tom. 1, pgg. #72, 8. 478. 490. 120. 455. 460; apud 
Gruterum, pgg. 171, 1. 2. 5. 4. 6.7. 8; — 214. 250. 444; 1080, 14; 
apud Orellium, No. 4929; apud Petrum de Lama, Inscript. ant., No. 5. 

Regia a Statio in Silv., 1, 1, 29. 


1 Quas praeterea Suetonius, Aug., 51. 76. et Asconius, ad Cic. Orat. pro Seauro, N 45, pg. 27, 
ed. Orell., commemorarunt regias, eas non basilicas fuisse, non difficile est ad demonstrandum. 
Et primum quidem, quae Suetonii loco posteriori his ipsius Augusti verbis memoratur regia 
« Dum lectica ex regia domum redeo, » eam non basilicam aliquam, sed quae «27° &£2y#> hoc no- 
mine appellabatur, Mumae regiam intelligi oportere, vel ex eo apparet, quod, quum quatuof ad 
minimum tune temporis Romae essent basilicae, vix potuit una ex illis significari, nisi adjecta 
aliqua voce, veluti Paulli, Opimia, Sempronia, etc., qua a reliquis facile distingueretur. — Neque 
quae apud eundem Suetonium, Aug., 51, leguntur verba : « Pompeïi quoque statuam contra thea- 
» tri ejus regiam marmoreo Jano supposuit, translatam e curia, in qua Caesar fuerat occisus; » 
de basilica quadam ad Pompeii theatrum sita intelligenda esse concesserim. Nam qui verba allata 
comparaverit cum his veterum seriptorum locis, in quibus de eaede Caesaris agitur in Curia Pom- 
peianae porticus perpetrata : Plut., Brut., 44 : « Sroù pp 47 mix rüy rep rù Séar 


2 5 2 ; , , _ nn ea _ 2 ” oi * ES 
» 7 y Ilourylou Ti Elkdy ElcTyzeI, Ts TohEOS crycauéyys, 0TE TU: monts xal Ti IEATpE TÔY Tôroy ÉxEiyoy 


poy EÉedoar Evouca, 
» ÉxéTuyrer * El TadTyy où 4 coyenyros Érahgiro. » Caes., 66 : « ‘O dE deÉduevos Tôy pévoy ÉxEiyon «ai tèn 
» dyüve Ypss, Eis 69 4 cÜykAYTOs YSpoichy Tôre, Ilouwrwiou uèy eiréva 2EMÉYYY ÉVY, Tlouryiou d' arélyux 
D pensé TOY rpoorEromuyméyoy ro SEérpo, — Suet., Caes., 80 : Postquam senatus fdibus Martüs in 
» Pompeii curiam edictus est. Caes., 88; Curiam, in qua (Caesar ) occisus est, obstrui placuit. » 
— Porro, qui ad hos locos animum adverterit : Vitruv., V, 9 « Post scenam porticus sunt consti- 
tuendae — uti sunt porticus Pompeianae. » Plin., XXXV, 9, 55: « Hujus (Polygnoti) est tabula in 


DE BASILICIS LIBRI IT. 417 


c. Basilica Regia a Paulo Ramnusio, in Bell. Constantinop., IX, pag. 61, 
fin., edit. Venet. 

2. Quae quidem nomina a Graecis hisce vocibus redduntur : 

a. Bas a Josepho, Ant. Jud., XIX, 1, S 11; a Plutarcho, Cat. Ma., 
19; Cat. Min., 5; Caes., 29 ; Galb., 26; ab Appiano, B. civ., XE, 26; ix Rei- 
nesii Anscript., pag. 286. 

b. 3roi a Dion. Cass., XLIX, 42. LIV, 24. LAIT, 27. 

c. Bardwn 9704 a Strabone, V, pag. 165, lin. 41; a Zosimo, Hist., V, 
(Arcad. et Hon., LN), pag. 871, (vol. HE, Scripe. Hist. Aug.); a Suida in v. 
Basin. 

d. H Gardéw 0755, hoc est porticus Imperatoris, a Procopio, de Aedif., 
I, 11; a Zosimo, Hist., HI, pag. 715, 18. 

e. ‘H Basdecc otot ab Agathia, Hist., HA, pag. 52 A. ed. Boison. 

5. Praeterea viri docti basilicam Ulpiam etiam vocibus « Forum Tra- 
» jani, forum Ulpium, forum in medio urbis situm » denotatam esse 
contendunt. Sed vereor, ne qui verbis Gellii, XIE, 24, « in fastigiis fori 


porticu Pompeii, quae ante curiam ejus fucrat, » is facile intelliget, et Suetonium et quos post 
eum citavi scriptores unum idemique aedificium significare, neque dubitabit quin Suetonius, for- 
tasse elegantiae studio ductus, quod reliqui omnes scriptores neque basilicam neque regiam sed 
porticum appellarunt aedificinm, idem hoc loco regiae nomine appellaverit. — Qualem autem apud 
Suetonium in verbis « contra theatri ejus regiam » latere vidimus porticum ad theatrum sitam, 
talem etiam in Asconii loco supra citato : « In hujus (Scauri) domus atrio fuerunt quatuor colum- 
nae marmoreae insigni magnitudine, quae nunc esse in regia theatri Murcelli dicuntur » significari 
existimamus. Quam sententiam ideo amplectimur, primum quod jam Suetonii exemplo constat, 
regiam pro porticu dici, deinde quod de basilica ad theatrum Marcelli sita apud veteres nihil 
prorsus reperitur seriptum. Itaque et Suetonius et Asconius latina voce regiae, quae proprie grae- 
cae voci basilicae responderet, ad porticum significandam quodammodo abusi esse existimandi 
sunt; quae quidem dicendi seribendique ratio ipsa portieuum ad theatrum Pompeï sitarum struc- 
tura videtur excusari posse. Nam quae in fragmento Capitolino theatri Pompeii conspicitur ichno- 
graphia, ea aperte docet Porticus Pompeianas internas in altero latere non uti moris eral, parie- 
tem, sed item columnas habuisse, ita ut earum tecta ad similitudinem eorum tectorum, quae 
basilicarum spatio medio imposita erant, constructa ab utroque latere columnis sustinerentur, 
Nam pertecta fuisse spatia inter utrosque columnarum ordines conspieua, inde coneludi potest, 
quod quae post theatrum cernitur ejusdem structurae porticus teeto plane caruisset, nisi spatium 
inter utrumque ejus columnarum ordinem pertectum fuisset. Atque ejusmodi porticus etiam in 
parietibus aedificiorum Pompeianorum et Herculanensium pictae olim conspiciebantur. Vid, li- 
beum, qui inscribitur : Pompeii and Herculanum. 


118 DE BASILICIS LIBRI III. 


» Trajani simulacra sunt sita, » et Cassiodori, Chron., Il, pag. 204, 
« Ronc. : » tabulas debitorum in medio Romanae urbis foro incendio con- 
» cremarunt, » basilicam Trajani sive basilicam Ulpiam significatam esse 
putant, male ad partem fori Trajani restringant, quae optime de toto foro 
dici potuerunt. Rectius fortasse verba Pausaniae, V, 12, 4 : Kai à Pouav 
dyopa xéquou te Elverx To Doro Séac dbia, rai pilote ëc To opopoy xahroù neromuévoy, Et 
x D'MOIE Poe À  dyopà ueyébous élveux al LaTasuEvNs TAG ane Saipo. ose TApÈYE- 
ra rè pop jam cum Siebelisio de basilica Ulpia accipi posse videntur, 
propterea quod scriptor, si euncta fori aedificia significare voluisset, roù 
Gpépous et Tapéyetou Toùc opépous Xdmoÿs scribere debuisse videtur, quamquam 
idem Pausanias ejusdem nominis numero singulari etiam de plurium aedi- 
ficiorum tectis usus est !. Qua re equidem no contenderim, basilicam 
Ulpiam vulgo appellatam esse forum Ulpium sive forum Trajani, praeser- 
tm quum aequalis Constantin M. Lampridius ? eam non forum Trajani, 
sed basilicam Trajani appellaverit. Neque quae Sidonius Apollinaris 5 de 
Ulpiis foris dixit, ad basilicam Ulpiam referri oportet, etiamsi posse ita 
intelligi, facile concedam. 


$ n. — De significatione vocabuli basilicae. 


1. Postquam haec nomina allata sunt, duo imprimis explicanda res- 
tant, primum hoc, quid significet nomen basilicae, deinde, cur hoc nomine 
graeco_ Romanum aedificium appellatum sit. Atque illud quidem sponte appa- 
ret, vocabulum basilicae quippe natura sua non substantivum sed adjec- 
tivum, indigere nomine quodam substantivo, quod quum apud Latinos 
voci basilicae additum non inveniatur, recte a graeco scriptore Strabone 


1 Pausan., I, 18, 8 9: — xx oixfuara Evraÿbé EcTiy dppw Te Eriypéoo «ul XAaBéorpo AiSw, wide 
supra, pag. 46, not. 2. 

2 Lamprid., Vit. Commodi, 2 : « Adhuc in praetexta puerili (Commodus) congiarium dedit, at- 
que ipse in basilica Trajani praesedit. » 

5 Sidon. Apoll., carm. 2, fin. : 


Nam modo nos jam festa vocant, sed Ulpia poscunt 
Te fora, donabis quos libertate Quirites , 
Quorum gaudentes exceptant verbera malae. 


DE BASILICIS LIBRI III. 119 


repetitur. Îs enim, quum voci basilicae graecam vocem o7cxc, id est porti- 
cus, addiderit, aperte indicat, nihil aliud ad adjectivum basilicae cogitatione 
esse addendum, nisi ipsum illud porticus vocabulum. Fuerunt igitur basi- 
licae porticus basilicae, quae si ad verbum latine redderentur, porticus regiae 
essent dicendae. — Deinde autem apparet, neque a Catone neque à quo- 
quam Romanorum, quippe quos regio nomini perpetuo infestos fuisse 
constat !, ullum aedificium sensu proprio regium appellari potuisse, uti 
Isidoro visum est ?. Neque ab Atheniensi Bardeis orox nomen basilicae deri- 
vari posse propterea, quod Cato illam nequaquam imitatus esse videatur, 
jam supra significavimus. Sed ut veram vocis basilicae vim ac potestatem 
cognoscamus, ad Plautum, Catonis aequalem, qui primus omnium 
scriptorum latinorum basilicarum mentionem fecit, recurrendum est; ex 
quo apparet, adjectivum basilicus, a, um, et adverbium basilice illa aetate 
idem significasse, quod egregius, insignis, eximius, magnificus, egregie, etc. 
Afferam exempla : « Plaut., Capt., IV, 2, 51 : basilicas edictiones atque im- 
periosas habet. Trinum., IV, 5, 21-25 : Srr. Utinam veteres mores, vete- 
res parsimoniae potius majori honori hic essent, quem mores mali. Car. 
Dii immortales, basilica hic quidem facinora inceptat loqui. Pseud., 4, 5, 
42 : S. Salve, quid agitur? Ps. Statur hic ad hunc modum. S. Statum 
vide hominis, Callipho, quam basilicum. Pœn., HE, 1, 74 : Basilice ex- 
ornatus incedit. Pers., 1, 1, 26-29 : Quid ergo faciam , Diisne advorser? 
quasi Titani cum Diis belligerem, quibus sat esse non queam? S. vide 
modo, ulmeae catapultae tuom ne transfigant latus. T. basilice agito eleu- 
theria. 1bid., vers. 51-52 : T. Si tute tibi bene esse potes pali, veni, vives 
mecum, basilico abcipiere victu; tbid., IV, 11, 12 : Euge, euge, ornatus 
basilice! Tiara ornatum lepide condecorat tuum; ibid., V, 2, 25 : Huc, 
Babac! basilice te intulisti et facete. Curc., I, 5, 79 : Talos arripio, in- 


1 Ut ea, quae regie seu potius tyrannice statuit in aratores Apronius praetermittam. Cic., 
Verr., 2, 5, 48 fin. : Qui si in hune (Catilinam) animadvertissem, erudeliter et regie factum esse 
dicerent. Cie., Cat., 1, 42, 50. — Regia res scelus est. Ovid., Fast.,6, 595. Superbum istud et re- 
qium, nisi. Plin. Paneg., 7 fin. 

2 Isidor., Orig., XN, 4, M : « Basilicae prius vocabantur Regum habitacula, unde et nomen 
habent. » Male, nam non # Buriuxÿ sed rà Buriixéy sive rà Bariuxé Graecis est palatium sive ka- 
bitaculum regis. 


120 DE BASILICIS LIBRI II. 


voco almam meam nutricem, Herculem. jacto basilicum !. Epidie., 1, 1, 
54 : Dii immortales, ut ego interii basilice. Rud., I, 4, 18 : At ego ba- 
silicus sum, quem nisi oras, guttam non feres. Nostro illum puteum peri- 
culo et ferramentis fodimus. » Hinc igitur apparet, basilicam denotare 
magnificam, egregiam porticum ?. 

2. Atque ex eodem Plauto etiam suspicari licet, qui factum sit, ut do- 
meslicum opus peregrino nomine appellaretur. Etenim illa aetate Romanos 
novis vel peregrinis nominibus vel maxime gavisos esse, idem ille poeta 
docet in Epidici, WE, 2, 45 et seq. : « Quid ? istae , inquit, quae vesti quot- 
annis nomina inveniunt nova : Tunicam rallam , tunicam spissam, linteolum 
» Caesicium, indusiatam, patagiatam, caltulam aut crocotulam, subparum 
» aut subnimium, ricam, basilicum aut exoticum, cumatile aut pluma- 
» tile, cerinum aut melinum : gerrae maximae! — Cani quoque etiam 
» ademptum ’st nomen! Qui? vocant Laconicum. » Itaque non mirum 
est, Romanos magnificam Catonis porticum appellasse porticum basilicam , 
sive simpliciter basilicam, quum hoc adjectivum imprimis, teste Plauto, in 
deliciis haberent. 

Neque illud quisquam mirabitur, basilicae a Statio, Silv., 1, 4, 27 (supra 
S 1 b) in vocem regiam translatam, neque illud , basilicarum profanarum 
nomini posterioribus temporibus, velut a Paulo Ramnusio, adjectivum 
regiam adjunctum esse, quo profanae a sacris Christianorum basilicis dis- 
cernerentur. 


! Scilicet juctum. Basilicus jactus idem est qui Venereus, quando videlicet facies nulla jacto- 
rum talorum quatuor convenerit. Vid. interpp. ad hune locum. 

? Eadem adjectivi basilicus potestas continetur in verbis : uva basilica, vitis basilica. Colum., 
De r. r., UE, 2; IN, 7. « Foecundissimum genus vitium est genus basilieum. » Zbid., IE, 9, 24. coll. 
Plin., XIV, 2 : Basilicae juglandes. Macrob., Saturn., IL, 44 : « Hane Graeci etiam basilicam vo- 
cant. » 1bid., pag. 400, ed. Zeun. Viae basilicae. Digest., lib. 2, $ De verb. oblig. 


DE BASILICIS LIBRI III. 121 


CAPUT VI. 


DE AEDIFICIIS, QUAE BASILICAE FORENSES ROMANAE FUISSE 
DICUNTUR. 


$ 1. — De basilicis, quae dicuntur, Pompeüs, Herculanei, Ocriculi, Paesti, 
Nemausi, Palmyrae, Aquini, Praeneste et Albae inventis judicium. 


1. Jam usque eo progressa est disputatio nostra, ut certis argumentis 
dijudicari possit, utrum quae pro basilicis haberi solent aedificia Pom- 
peiis, Herculanei, Paesti, Ocriculi, Palmyrae , Praeneste , Aquini et Albae 
ad lacum Fucinum aliisque locis inventa, recte basilicae dicantur necne. 
Nam quum basilicae nomen, quod üis tribui solet, neque titulis in ipsis 
aedificiis inscriptis neque aliis veterum testimoniis probetur, sed argu- 
mentis tantum ex illorum aedificiorum structura petitis nitatur, quaeren- 
dum jam est, quam valida atque idonea argumenta sint, quibus id, quod 
propositum est, demonstrare studuerunt. 

2. Et primum quidem aedificia Pompeiis atque Herculanei detecta 
(tab. VI, fig. 5 et 1), sunt duae porticus quadrangulae medium spatium 
tecto carens cingentes !, quarum prior in interiore sive posteriore parte, 
quae duplex est, suggestum, altera in eadem parte tres parvas exedras, 
atque in aperto spatio medio duos suggestus eosque e regione positos con- 
_tinet. Qui quidem in utraque porticu reperti suggestus, quum pro tribuna- 
libus haberentur, induxerunt viros doctos, ut aedificia, quae tribunalia 
continerent, basilicas esse putarent. Sed etiamsi concedamus, suggestus 
tribunalia fuisse, tamen hinc non efficitur, ipsis aedificiis basilicarum no- 


1 De porticu Pompeïana, vide + Mazois : Les ruines de Pompéi, dessinées et mesurées pendant les 
années 1809-1814. Paris, 1812-27. Gell and Gandy Pompeiana, pag. 214. Goro v. Agyagfalva 
Wanderungen durch Pompeii, pag. 442. Süllicidia in medium spatium declivia docent, medium 
spatium apertum fuisse. — De porticu Herculanensi vid. Cochin et Bellicard, Observations sur les 
antiquités d'Herculanum. Paris, 1757, pag. 15. — Jorio, Notizie sugli scavi di Ercolano. Tab. HI. 


Tous XXI. 16 


122 DE BASILICIS LIBRI III. 


men tribuendum esse. Nam aliae etiam porticus atque alia loca Romae 
fuerunt, quae tribunalia quidem continerent, sed basilicae ideo non ap- 
pellarentur !. Quum autem utramque porticum apertam fuisse, ideoque 
tecto, basilicis peculiari ac proprio, caruisse cognoverimus, nos quidem 
nullo modo movemur, ut illas porticus basilicas esse credamus. 

5. Neque aliter de ruinis, quae Ocriculi inventae sunt (vid. tab. VI, 
fig. 7), judicare possumus, quas qui accurate consideraverit, procul 
dubio porticui Eumachiae simillimas esse concedet. Etenim utriusque 
aedificii medium spatium porticu et crypta cingitur, atque in utroque 
hemicyclium cum suggestu invenitur ?. 

4. Porro quod quarto loco commemoravimus aedificium Paesti sive 
Posidoniae inventum (vid. tab. VI, fig. 4), id recte quidem a Mayoro 5 tem- 
plum pseudodipterum (Vitruv., IE, 2, $ 6, ed. Schn.) pycnostylum (Vitruv., 
IE, 5, ed. Schn.), male vero ab eodem basilica appellata est. Hoc enim tem- 
plum in fronte pariter atque in postico inter cellae antas ternas columnas, 
atque circum cellam in fronte et in postico novenas, in lateribus vero 
cum angularibus duodevicenas habet, ita ut inter cellam et columnas 
ampla sit ambulatio. In media autem cella positus est columnarum ordo, 
qui quum in nulla alia Ethnicorum aede inveniatur, a Christianis poste- 
riore tempore hac aede usis exstructus esse videtur #, ut pro more eccle- 


4 Dio. Cass., LXVIII, pag. 1127, lin. 64 : O9 pévro da Tohepuxès dyÿp, T GAÂX YTTOY difnEr, 4 kal 
YrTov Édixaëer, GAAX rôre uiy &y tÿ dnopa vob Adyotarou, tôre dÀ É» + ÿ oToû Tÿ Auouia dvouacuéy, 
FcMéxis À xal 4) Roi Er? Byuartoc. 

? Guattani, Roma, tom. 1, pag, 68 : Un chiaro, e per quanto io sappia, unico essemplare di an- 
tica basilica deve prendersi dello scavo di Otricoli, intrapreso l'anno 177. Null altro che una 
lunga e liscia muraglia circonda l'edifizio. AAA Andito (melius crypla) in cui mette una rustica * 
apertura , il quale per mezzo di equidistanti archi communica con la gran sala BBB (\ocus la gran 
sala a Guattano appellatus revera est medium spatium apertum porticibus cinctum). Navi soste- 
nuti da otto colonne di travertino striate con capitelli Corinti, sei di fianco e due di fronte. C, Tri- 
buna in quisa di emiciclio con il suo tribunale, a cui si sale per diversi gradi (tribuna, quae dici- 
tur, est locus statuae). DD. Due camere quadrate ne fianchi della Tribuna. Intorno ricorreva una 
serie di piedistalli su cui posavano statue. Cf, Guattani, Modumenti inediti di anno 1775. 

5 Mayor, The Ruins of Paestum otherwise Posidonia in Magna Graecia. London , 1768, ta- 
bula XVI. 

* Neigebauer, Handbuch für Reisende in Italien in voce Pesro : Der innere Raum (der Basilika) 
war in der Mitte durch eine Saülenreihe durehschnitten, von welcher ietzt noch drei Säulen und 


DE BASILICIS LIBRI III. 195 


siae christianae antiquae ! viri a feminis in aedibus sacris segregarentur. 

D. Praeterea Kuglerus (Kunstgeschichte, pag. 286) parietinas Nemausen- 
ses, quae huc usque pro templi Dianae reliquiis ? habitae sunt, basili- 
cam fuisse putat in honorem Plotinae ab Hadriano 5 exstructam. 

Quam tamen sententiam jam a Rodio ad Vitruv., V, 1, in germanica Vi- 
truvi interpretatione dubitanter prolatam, quum Kuglerus nullis neque 
testimoniis in templo inventis neque argumentis a templi structura de- 
promptis corroboraverit, equidem probare non possum. 

6. Neque cum Hirtio, qui aedificii cujusdam Palmyrensis ruinas, qua- 
rum ichnographia in tab. VI, fig. 8, repraesentata cernitur, pro basilica 
venditat, equidem facere possum. Nam quas in hujus aedificii tergo 
atque lateribus conspicimus columnarum silvas, eas antiquis basilicis un- 
quam adjectas fuisse, nullo adhuc testimonio confirmatum est. 

De basilicis vero, quas Aquini, Praeneste, atque Albae ad lacum Fuci- 
num fuisse dixit idem Hirtius ?, nihil mihi innotuit praeter ea, quae apud 
Hirtium leguntur. Attamen quum duae priores columnarum expertes, ter- 
tia vero simplici tantum porticu in plano instructa fuisse tradatur, ne 
haec quidem aedificia basilicas fuisse crediderim ; imo Quastio 6 assentior, 
postremum aedificium templum peripterum fuisse affirmanti. 


S 11. — De basilica Constantiniana seu de templo Pacis. 


Romae in vicinia ecclesiae SS. Cosma e Damiano ad septentrionale 
antiquae viae sacrae latus inveniuntur ingentia rudera, quae vulgo no- 


einige Capitäle sichtbar sind. Die mehr verzierten Säulen mit ilwen Friesen und ihren Capitaelern 
lassen auf eine spaetere Epoche der Erbauung als iene der Tempel schliessen. Vide contra Vülkelii 
sententiam in Hbro qui inscribitur : Der Tempel des Jupiter zu Olympia, pag. 45. 

* Ammular., De Eccles. offic., M, 2. 

2? Mylius: Malerische Fussreise durch das sudliche Frankreich, tom. I, 2, pag. 56, tab. XLVI 
et XLVII. + Clerisseau, Antiquités de la France, pag. 105, pl. I—XXVIT. 
5 Ael. Spartian., Vit. Hadriani, eap. 11. 
4 Hirt., Geschichte d. Baukunst b. d. Alt, IX, pag. 185. 
5 L.L, pag. 185 et 184. 
5 Von Quast, Die Basilika der Alten, pag. 41. 


124 DE BASILICIS LIBRI IL. 


mine Templi Pacis appellantur. Quae quum ejusmodi sint, ut ichnogra- 
phia et orthographia aedificii, quod olim ibi fuit, facillime ex ïis colligi 
possit, Bunsenius accuratissimam exhibuit illius ichnographiam, quanr 
tab. VI, fig. 6, repetendam curavimus. Ex illa apparet, aedificium illud 
occidentem versus spectasse, atque in eodem latere apsidem medium spa- 
tium aedificii fere acquantem, in orientali latere aditum sive vestibulum 
ante januas interni spatii habuisse; porro internum spatium tripartitum 
atque tecto concamerato instructum fuisse; denique quod mirari possis, 
in meridionali latere alterum magnum aditum, atque in septentrionali la- 
tere alteram apsidem fuisse. Praeterea narrat Bunsenius (Beschreib. d. St. 
R., II, 2, pag. 295 et seq.), parietes duplici fenestrarum ordine, quorum 
alter supra alterum positus fuerit, ornatos fuisse, in medium vero spa- 
tium desuper per fenestras, infra mediani spatii et supra tectum conca- 
meratum positas, lucem immissam esse. Denique addit, in apsidis sep- 
tentrionalis solo suggestum, quod tribunal fuisse dicit, circaque parietem 
sedes, lapideis septis sejunctas, atque in parietibus imagines christianas 
inveniri. Longitudo aedificii est fere 500 pedum, latitudo 250 pedum. 

Hoc igitur aedificium templum Pacis non fuisse, Nibby, Canina, Bun- 
senius et Beckerus docuerunt compluribus iisque idoneis argumentis 1, 
quibus etiam hoc addere poterant, formam aedificii templorum structu- 
rae usitatae religioseque servatae plane repugnare: Cf. Vitruv., HE, 2 et 
5. IV, 1—9, 

Neque qui Beckeri argumenta L. {. pag. 445, exposita accurate perpen- 
derit, negare facile audebit, basilicam Constantini eodem loco, quo nunc 
ruinae illae conspiciuntur, fuisse exstructam. Quare viri docti illi non 
dubitant, haec ipsa rudera pro basilicae Constantinianae habere reliquiis. 
Quam sententiam etiam eo egregie confirmari putant, quod numus Maxen- 
ti, qui Constantinianam basilicam exstruxit ?, inventus sit in ipsius operis 
parte ea, quae anno 1828 aerae nostrae collapsa est. 


3 Nibby : Foro Romano, via sacra. Canina : Indicazione Topograf., pag. 81. Bunsen: Beschrei- 
bung der Stadt Rom., WA, 2, pag. 295 et seq. Becker : Handbuch der rüm. Alterth., Y, pag. 442 
et seq. 

2 Aurel. Vict., Caes., XL, 26 : « Adhuc cuncta opera, quae magnifice construxerat (Maxentius) 
— basilicam, Klavii meritis Patres sacravere. » 


DE BASILICIS LIBRI III. 125 


Attamen mibi et argumenta modo prolata accurate examinanti et ichno- 
graphiam basilicae illius Constantinianae iterum iterumque consideranti 
persuadere non potui, veram esse virorum doctorum de hoc aedificio sen- 
tentiam. Etenim numo illo Maxentii vix aliud quid probari poterit, nisi 
aedificium illud Maxentio non antiquius esse, nequaquam vero, idem ab 
eodem Maxentio aedificatum esse, cujus numus in illo fuerit inventus. Nam 
quum procul dubio priorum principum numi, uti etiam nunc fit in omni- 
bus fere terris, etiam post mortem valerent eorum, quorum imagines re- 
praesentarent , haud dubie etiam Maxentii numus posterioribus quoque 
temporibus in hominum manibus versari atque casu quodam fortuito cum 
caementis in murum, dum exstruitur, inferri potuit. Ichnographiam autem 
consideranti illud maxime mihi movit dubitationem, quod et muri et pilae 
tantam habent molem, quantam vix invenias in aedificiis a Constantino M. 
extructis, facile vero in is, quae Justiniani vel Caroli M. facta sunt 1em- 
poribus. Etenim basilicae Vaticanae muri tempore Constantini exstructi 
palmum octavum crassitudine non superant!. Qui vero in his ruinis con- 
spiciuntur parietes et pilae crassitudine modum Constantini tempore usi- 
tatum longe excedunt. — Accedit etiam, quod neque areae symmetria 
neque maximae januae situs in hoc aedificio conspicuus antiquis basilicis 
convenire videtur. Nam aditum quidem maximum basilicarum constat 
semper ad eum locum publicum spectasse, unde plurimi homines in- 
gressuri esse crederentur. Quare hujus aedifici aditus maximus, id quod 
posteriore tempore etiam factum est, in viam sacram, quippe locum pu- 
blicum et frequentissimum , patere ibique vestibulum exstrui debebat. Area 
autem ejusdem aedificii symmetriam ostendit, in areis basilicarum nun- 
quam conspicuam. Etenim Vitruvius diserte basilicarum latitudinem non 
minorem quam ex tertia non majorem quam ex dimidia longitudinis parte 
constitui jubet. Itaque hoc aedificium quum 300 pedes longum esset, 
latitudinem universam non 250 sed 187 ! pedum, vel si eam ex tertia 
longitudinis aestimaveris, non ampliorem quam 156 -‘; pedum postulabat. 
Quae quum ita sint, virorum doctorum de hoc aedificio sententiam equi- 


1 Cf. Ciampini librum, De aedificiis sacris a C. M. constructis, pag. 34, G. Octo palmi aequa- 
les sunt 6 pedibus. 


Eu 


126 DE BASILICIS LIBRI III. 


dem amplecti non possum; imo et murorum crassitudo et aditus maximi 
situs, et apsides, medium aedificii spatium fere aequantes atque ima- 
ginibus christianis ornatae, denique totius aedificii habitus mihi per- 
suadent, quae basilicae Constantinianae rudera habentur, potius ecclesiae 
Christianae VIT vel VIIT saeculo exstructae esse reliquias. Cui sententiae 
etiam Bunsenius quodammodo assentitur, quum rudera basilicae Constan- 
tinianae recentiorum aedificiorum imprimis sacrarum aedium exemplum 
esse dicat f. 


ur. — De ecclesix S° Andreae in Barbara, quae basilica Siciniana 
Là 
fuisse creditur. 


Basilica S“ Andreae in Barbara, quae medio fere saeculo XVIE, Romae 
adhuc salva exstabat, nunc vero diruta est, a Ciampino (Vetera monu- 
menta, tom. , pag. 242), et post illum ab aliis (Kugler, Kunstblatt, 1842, 
No. 84, pag. 554, 1), antiqua illa, quae ab Ammiano Marcellino ?, com- 
memoratur, basilica Siciniana fuisse creditur. Quam sententiam etsi nullis 
veterum testimoniis stabilire potuit Ciampinus 5, tamen veram esse statuit 
cum propter basilicae formam, quam retineret, tum propter antiquitatem, 
tum etiam ob viciniam Liberianae basilicae (/. L. pag. 24, 2). Haec autem 
argumenta fanto accuratius examinari oportet, quum, si quid valerent, 
singulare quoddam veterum basilicaram in medium proferretur exemplar. 
Ftaque primum basilicae illius formam, deinde antiquitatem, postremo 


1 Vid. Beschreibung d. Stadt Rom., WE, 4, 291. Wenige Ruinen des Alterthums haben einen so 
grossen Eïnflluss auf die neuere Baukunst, namentlich der Kirchen geübt, wie schon St. Peter zeigt. 

? Ammianus Marcellinus in lib. XXVII, 5, 153 (Valentinian. et Valens), haec habet de concer- 
tatione inter Damasum et Ursinum de episcopatu adipiscendo orta : « Et in concertatione supera- 
» vit Damasus, parte quae eï favebat instante, constatque, in basilica Sicinini, ubi ritus chris- 
» tiani est conventiculum, uno die centum triginta septem reperta cadavera peremptorum. » 

5 L.L., pag. 244, 2 : « Unicum (Joannis Lucii) testimonium tanti habui, ut auctores plurimos 
duxerim evolvendos, magna spe fultus, id (testimonium de basilica Siciniana) aliquando repertum 
iri : quaerentem tamen huc usque fefellit spes ita praecox; nee aliquid satis certum inventum est, 
praeter nonnulla, quae mecum qua lectitando qua meditando attentius revolvens, tenuem obseu- 
rissimae rei lucem afferre posse arbitratus sum. » Jam sequitur argumentorum supra allatorum 
expositio, 


DE BASILICIS LIBRI IL. 127 


situm examinabimus. Qua in re ita versabimur, ut quoad fieri possit, in 
exponendis Ciampini argumentis ipsius auctoris utamur verbis, ne quid 
temere aut immutavisse aut dissimulavisse videamur. Hic igitur ichno- 
graphiam basilicae Andreanae ab ipso tomo I Monumentorum , tab. F, fig. 5, 
exhibitam a nobis autem tab. VE, fig. 5, repetitam his verbis descripsit, /. L., 
tom. 1, pag. 9, 1 : « Istius basilicae longitudo est palm. 85, latitudo vero 
» 65, diameter 28. Ejusdem apsidis, quae lit. À denotatur, et retracto 
» anno (1689) diruta fuit (chordae longitudo) 24. Porticûs (in aditu po- 
» sitae) longitudo 68, latitudo 25. Tres in quolibet latere habet fenestras : 
» singularum latitudo palm. 15, altitudo sesquialtera, tres istarum ad 
» meridiem versae muro clausae sunt. — Porticus occidentem hibernum 
» respiciens, quatuor habet januas, quarum prior septentrionem versus, 
» aliis tribus minor est. In angulis quoque geminae aliae patebant, sicut 
» orthographia demonstrat in dicta tabula fig. 4. Super porticum aderant 
» quatuor fenestrae, superque tectum porticus tres, quarum mediae im- 
» minet fenestra orbicularis. » 

Haec autem basilicae Andreanae descriptio ejusmodi est, ut qui basili- 
carum descriptionem vel nostram ex ipsis fontibus derivatam, vel etiam 
ipsius Ciampini, quam dedit {. L., tom. I, pag. 7, 2. probaverit, hanc aedem 
antiquam esse basilicam, nullo modo possit concedere. Quum enim uti et 
ipsi demonstravimus et Ciampinus exposuit, in basilicis porticus deesse 
nequaquam potuerint, quumque ob ipsas porticus basilicae orox vocitatae 
sint, non video, quomodo Ciampinus huic aedi, porticu plane carenti, 
formam antiquae basilicae tribuere potuerit. Nam neque porticus vel po- 
tius vestibulum undique januis instructum, quod fuit ante basilicae januam, 
neque apsis e regione aditus collocata, ullo modo testari possunt, Sancti 
Andreae aedem olim basilicam forensem fuisse. 

Neque magis probare possum, quod Ciampinus, L. L., tom. I, pag. 9, 2, 
et pag. 245, 2, existimavit, basilicam illam ab Ethnicis exstructam ?, sed 
a Constantino M. Christianis traditam fuisse. Nam ut concedam, quod 
mibhi quidem parum credibile est, e basilicis forensibus unquam factas 


1 « Supra dicta architectonica praecepta animadvertimus in basilica Siciniana ab Ethnicis 
construcla, » 


bé. 


128 DE BASILICIS LIBRI I. 


esse ecclesias sive templa christiana, tamen Andreanam basilicam a Con- 
stantino M. Christianis traditam esse, ideoque jam ante Constantinum 
aedificatam fuisse, neque Ciampinus neque alius quisquam probavit. Ete- 
nim qui olim in illa basilica legebantur versus ab Anastasio bibliothecario 
in Vita Simplic Papae servati atque a Ciampino, L. L., pag. 245, 1, repetiti 
nibil suppeditant, quo moveri possimus, ut illam aedem Simplicio anti- 
quiorem esse credamus. Sunt autem hi : 


Haec tibi mens valide decrevit praedia, Christe, 
Cui testator opes detulit ille suas. 

Simpliciusque Papa sacris coelestibus aptans! 
Effecit vere muneris esse tui. 

Et quod Apostolici deessent limina nobis 
Martyris Andreae nomine composuit. 

Uuütur hac? haeres ® titulis ecclesia # justis 
Suecedensque domo mystica jura locat. 

Plebs devota veni, perque haec commercia disce 
Terreno censu “ regna superna peti. 


Quorum versuum sensus hie mihi esse videtur. Testator, cujus nomen 
non additum, detulit opes suas « haec praedia, » hoc est domum suam, 
Christo, et Papa Simplicius dedicatione aedis in honorem sancti Andreae 
Martyris effecit, ut domus testatoris « sacris coelestibus » adaptata vere 
munus Jesu esset. Hinc igitur, ni fallor, apparet, hanc aedem sacram ex 
testatoris cujusdam domo factam atque in honorem Sancti Andreae Mar- 
tyris a Papa Simplicio dedicatam esse, neque ulla ratio in promptu esse 
videtur, cur eam Simplicio antiquiorem putemus. Quare statuere non du- 
bitamus, basilicam Sancti Andreae anno demum 468 p. C. n. dedicatam 
esse. Cf. Ciampini, L. L., pag. 249, 1, ubi male 645, p. C. n. legitur. 

Quum vero quae huc usque disputavimus satis declarare videantur, 


* Infra imaginem, tab. LXXVI, a Ciampino exhibitam recte aplans, in contextu male aptas. 

? Ita haec verba recte infra imaginem, tab. LXXVI, in contextu Ciampini male Aaec ecclesiae. 

% Haeres aut nominis Martyris aut opum testaloris, etenim ecclesia nova quodammodo opes tes- 
tatoris haereditate accepit. 

# Pro censu legitur infra imaginem sensu. 


DE BASILICIS LIBRI II. 129 


errare eos, qui Sancti Andreae in Barbara ecclesiam Papa Simplicio anti- 
quiorem habeant, eamque basilicam Romanam forensem, atque adeo ba- 
silicam Sicinianam fuisse credant, non est, quod uberius inquiramus, 
num basilica Sancti Andreae eodem loco, quo olim forum Esquilinum 
fuit, exstructa atque ibidem etiam basilica Siciniana { aedificata fuerit. 
Qua de re quae proposuit Ciampinus, /. L., pag. 245, 2, ea nullis veterum 
testimoniis corroboravit; quare ne haec quidem pro certis exploratisque 
haberi possunt. 


S 1v. — De basilica Treverica. 


Treviris sunt ingentes parietinae aedificii a Romanis, ut videtur, exstruc- 
ti, quae ab Alexandro Wilthemio ineunte saeculo septimo decimo in libro 
manuscripto, qui inscribitur Luxemburgum Romanum, his verbis describun- 
tur : « Moles quadrangula, orienti atque occidenti latera longissime prae- 
» tendit. Septentriones opus semicirculare ad faciem maximae turris 
» prospectat meridiem murus saxeus, cum reliqua lateritia undique as- 
» surgant. Altitudo operis una ubique 114 pedum, crassitudo muri pedes 
» 10. In summo per quatuor angulos turriculae quadratae seu speculae 
»_interjecta ambulatione subdivali pinnata, in ipso excavata muro, statua- 
» rum pergrandium loculis passim distincto. Patentissima latera arcuata 
» fenestris novenis geminata serie auras olim transmittebant; nunc murus 
» caementitius implet. Aditus quondam in molem unicus, ia retractus, ut 
» aegre pateret equiti, donec Joannes Schôünbergius princeps non absque 
» multa opera laxavit, ut rhedae invehi possent. Archiepiscopo autem 
» Philippo Christophoro dejectum latus unum et pars operis posterior. 
» Tunc quoque intus detecta haec : per mediam aream fodiebant operae; 
» videre pavimentum vario marmore, tota paene area, qua ad aquilo- 
» em, diffusum : Dam areae pars australior muro sejuncta ingentem contine- 
» bat cloacam, pedibus 50 depressam. Xtem in ea parte, in qua pavimentum, 


» puleus artificio memorabilis, lapidibus quippe singulis in rotunditatem 


1 Basilicam Sicinianam esse eandem basilicam sacram, quam hodie « basilica Santa Maria Ma- 
giore » appellant, docuit Urlichs, Beschreibung der Stadt Rom, WA, pag. 213 et seqq. 
Tome XXI. 17 


150 DE BASILICIS LIBRI IT. 


» sesquipedali diametro pertusis, et serie perpetua invicem deorsum 
» junctis. Ad puteum fornix, seu sordium receptaculum, multo plenum 
» cinere. Semicircularem quam dixi ingentem turrim murus subterraneus 
» a reliquo molis corpore secernebat; quo perfracto deventum in cellam, 
» cujus fornix nec muro alüus se tolleret, nec omnem turris ambitum 
» expleret, spatiis quippe hinc inde decempedalibus relictis. In dextro 
» cellae latere arca e saxo et altera in latere laevo pari intervallo a se 
» discretae, tantaeque ut virum magnum stantem commode acciperent. 
» His specie et magnitudine pares quinque aliae cellae medio aequalibus 
» in orbem spatiis sejunctae. Haec intra molem. Ab occasu projectum 
» aliud ingens opus in circuli dimidium; nec materie nec specie moli dis- 
»_ par. Altissimum complectens puteum. Ad ortum, equile nunce principis, 
» cujus fundamenta parantibus occurrere aquaeductus subterranei vesti- 
» gia. Alibi circa molem plurimae murorum ruinae, quas excidere peni- 
» tus Lotharius et Philippus Christophorus archiepiscopus anno 1625. » 
Eandem molem , qualis nunc est, descripsit nuper Steiningerus in libro, 
qui inscribitur : Die Ruinen am Altthore zu Trier, isque, pag. 47, refert, 
episcopos Trevericos quondam cellis subterraneis in turri semicirculari 
inventis pro carceribus usos esse, in quibus qui ipsis a civitate traditi 
essent maleficos asservandos curavissent. Quae res Steiningerum commo- 
vit, ut hoc aedificium, quod quum neque Curiae neque alii aedificiorum 
generi à Vitruvio descripto simile videretur, basilicam fuisse judicaret. 
Quam sententiam etiam eo confirmari posse putavit, quod aedificii longi- 
tudo 212 pedum, latitudo 92 pedum ‘, denique turris apertura in fronte 
60 pedes continens optime cum Vitruvii de basilicarum forma praeceptis 
congrueret ?. Eandemque sententiam etiam alii viri docti, veluti Kuglerus 


4 Quast, in libello : Die Basilika der Alten, pag. 10, basilicae Trevericae ambitum ita defini- 
vit: « Es ist mit Wahrscheinlichkeit anzunehmen , dass der ganze colossale Raum von 88 Fuss lichter 
Breite bei der doppelten Länge (176 F.) und 100 Fuss Hühe nur ein einziges Schiff gebildet habe. » 

? Steininger, Die Ruinen am Altthore zu Trier, pag. 47 : Verbindet man hiermit die Angabe des 
Weihbischoffs Enan (vid. Wittenbachs Abhandlungen über die trierschen Alterthümer in der Treviris, 
1 Jabrgang N° 4) aus dem Anfange des sechzehnten Jahrhunderts, dass in diesem Gebäude etliche Lô- 
cher und schwere Gefüngnisse gewesen seien, in welchen man die Verbrecher, welche von der Stadt 
dem Erzbisohoffe überliefert worden — so glaube ich, dass man die Beuaurrunc wagen dürfe, dass 


DE BASILICIS LIBRI II. 151 


et Quastius !, amplexi sunt, id quod jure mireris, si debilissima esse 
Steiningeri argumenta mecum intellexeris. Nam primum quidem, quod 
ille dicit, opus Trevericum neque pro Curia neque pro alio aedificio apud 
Vitruvium descripto haberi posse, hinc non efficitur, eam basilicam fuisse, 
siquidem praeter illa, quae Vitruvius recensuit, aedificiorum genera pos- 
teriori tempore etiam alia, Vitruvio nondum cognita, exstitisse perquam 
credibile est. Itaque tum demum recte procederet Steiningeri argumentatio, 
si probavisset, molem Trevericam ipsius Vitruvii temporibus exstructam 
esse. Hoc autem vel ideo probari nequit, quod qui in illa repertus est 
later crucis figura ornatus ? satis manifesto docet, eam ante Constantinum 
Magnum non esse conditam. 

Neque pluris faciendum est alterum argumentum, quod a carceribus 
in Treverico aedificio quondam inventis petitum est. Quod quidem argu- 
mentum tum demum esset accommodatum, si probavisset Steiningerus , 
primum quidem, in basilicis omnino carceres fuisse, deinde, qui in opere 
Treverico reperti sunt carceres, eos ab ipso operis auctore esse repeten- 
dos. Quorum neutrum est a Steiningero demonstratum. 

Itaque levissima sunt, quae Steiningeri sententiam commendare videan- 
tur, argumenta, gravissima autem, quae ei repugnent. Nam quod opus 
illud Trevericum unam tantum eamque angustam portam habere dicitur, 
quodque porticuum ne vestigia quidem neque in solo neque in muris repe- 
riuntur 5, ea ita comparata sunt, ut de basilica vix cogitari liceat. Nam quae 
negotiisexercendis et frequentissimo commercio exstructae essent basilicae, 
profecto compluribus et amplissimis portis carere non potuerunt; neque 
porticibus unquam caruisse basilicas, jam supra demonstrasse mihi videor. 


das Gebéude eve Basuxa war. Man lasse den südlichen Thurm aus demselben weg, und schliesse 
dus Rechteck durch eine gradlinige Mauer, bemerke dann, dass die Hôhe zu den Angaben Vitruvs 
über die Curie nicht passt, S0 GLAUBE 1GH, DASS SICH NICHTS MEHR AUSSER DER BASILICA AUFFINDEN LAESST, 
wAS BINEN VercLeicn mil unserem Gebäude aushaelt. 

1 Vid. Kugleri tractatum : Der rôm. Basilikenbau nacher entwickelt nach d. Resten der antik. 
Basilika zu Trier. Kunstblatt. 1842, N° 84-86. — Vid. Quast, Die Basilika der Allen, pag. 10. 

2 Kunstblatt, N° 73, A844. Trier : An der oestlichen Seitenmauer der wesicen Basicica hat man 
einen Rormenzigcez mir cursriienem Krevzeszeicnen gefunden. 

5 Vid NV. Quast : Die Basilika der alten, pag. 10. 


152 DE BASILICIS LIBRI II. 


Supersunt etiam alia, quae ad infirmandam Steiningeri sententiam af- 
ferre possim; sed missa ea faciam, quum vel ea, quae supra scripsi, suf- 


ficere videantur. 
$ v. — De busilicu Vicentina. 


Ex omnibus aedificiis, quae antiquae basilicae esse creduntur, unum 
illud, quod Vicentiae in loco publico, Piazza de’ Signori appellato, exstruc- 
tum nomine Palagio della Ragione, PALAIS DE JUSTICE , nuncupatur, jure suo 
pro basilica haberi videtur. Nam qui inspexerit ejus palatii descriptionem 
et imagines ab Aenea Arnaldo ! propositas, is facile illi viro docto assen- 
tietur, eam antiquam esse basilicam. Quam sententiam ut et situ et forma 
et usu palatii confirmari appareat, jam Arnaldi descriptionem paucis repe- 
temus, atque simul ea, quae in eo palatio nostrae de forma basilicarum 
sententiae minus favere videbuntur, ita explicare studebimus, ut recte cum 
illa conciliari posse videantur. 

Sita est basilica Vicentina inter duo loca publica ita quidem, ut alte- 
rum ejus longum latus meridiem versus in forum piscatorium (Piazza della 
Piscaria), alterum septentrionem versus in forum principum {Piazza de’ 
Signori) vergat. Breve ejus latus orientale Palatio Praetorio adjacet, occi- 
dentale vero ‘in viam ad ecclesiam metropolitanam ducentem spectat. 

Forma basilicae secundum Vitruvii praecepta exstructae oblonga est, 
his proportionibus : Medium spatium est longum pedes centum et sexa- 
ginta, latum septuaginta pedes, portieus inferiores et superiores simplices 
medium spatium undique cingentes latae pedes viginti duos, altae cum 
crassitudine tecti concamerati pedes quatuordecim. — Medium spatium 
paulo aliter, atque Vitruvius praecepit, comparatum est. Nam altitudo 
ejus in duas partes ita est divisa, ut ejus inferior pars, altitudinem por- 
ticuum inferiorum aequans, pertecta reperiatur concamerationibus, quae 


1 Vid. Enea Arnaldi : Delle basiliche antiche, principalmente di quella di Vicenzia. Vicenzia, 
1764, 4. 


DE BASILICIS LIBRI IL. 155 


duobus ordinibus pilarum in longitudine positarum sustinentur. Altera 
vero medii spatii pars supra concamerationes est posita, atque inter su- 
periores porticus plane libera et vacua tectoque forma hemicyclio, quod 
pariete, in superioribus porticibus exstructo sustinetur, pertecta est. At- 
que haec interni spatii comparatio etiam porticuum formam videtur im- 
mutavisse. Nam quae inferiori basilicae parti concamerationibus pertectae 
desuper immitti non potuit lux, eam a latere per porticus intrare oportuit. 
Quare porticuum latera in publicum vergentia non muris clausa, sed inter- 
columniis luci immittendae aperta esse debebant. Quae autem inferioribus 
porticibus concessa esset forma, ea superioribus porticibus denegari non 
potuit, nisi violatis symmetriae legibus. Quam ob rem etiam superiores 
porticus in publicum vergentes apertae esse debebant. Quo factum est, 
ut quum superior medii spatii pars ampla portieuum parietibus externis 
careret, interna porticuum intercolumnia muris explerentur, ideoque 
parietes exstruerentur internum spatium cingentes !. Quare porticus basi- 
licae Vicentinae Arnaldo non intus sed extrinsecus exstructae esse vide- 
bantur. Lux autem mediano spatio superiori desuper per fenestras rotun- 
das parietum porticibus impositorum immittitur. Porticus vero lateris 
orientalis, quippe Palatio Praetorio adjuncta, quodam modo obtecta ne- 
que extrinsecus conspicua est. Quam ob rem etiam spatium, quod in ea- 
dem porticu continetur, singulari usui destinatum est. (Vid. tab. VE, fig. 2.) 

Aditus in internum spatium inferius hac nostra aetate reperiuntur qua- 
tuor, bini ab utroque latere longo, quibus antiquis temporibus singuli ab 
utroque latere brevi additi videntur fuisse. 

Scalae vero in superiores basilicae partes ducentes in extrema parte 
occidentali utriusque porticus longae ad parietem interni spatii collocatae 
sunt. — Tecta porticuum sunt plana atque cancellis circumdata statuis- 
que ornata, tectum autem medii spatit semicireulari forma atque plumbo 
coopertum. 

Denique de usu basilicae si quaeris, ejus spatia inferiora mercatoribus 
destinata ubique tabernas et horrea continent, excepta porticu oriental, 


1 Wid. Arnaldi : Delle basiliche antiche, pag. 54. Tutte le parieti, che circondano la gran sala.. 


154 DE BASILICIS LIBRI II. 


in qua telonium (La dogana, LA DouaxE, die Zolleinnahme) inest; superius 
vero internum spatium (magnus oecus, ampla aula) juridicundo dicatum est. 

Jam vero quae huc usque de basilica Vicentina relata sunt, si cum 
Vitruvii de basilicarum structura praeceptis comparaverimus, facile intel- 
ligemus, et situm ejus in calidissimo fori loco , et usum ejus mercatoribus 
maxime destinatum, et vero etiam formam oblongam pariter atque porti- 
cus medianum spatium cingentes, et ipsum medium spatium et negotiis 
causisque agendis optime accommodatum, nobis suadere, ut cum Arnaldo 
hoc Palagio della Ragione pro antiqua basilica habeamus. Etsi enim non 
omnes partes , quas hodie in illo aedificio conspicimus, antiquas esse con- 
tendere licet, quum et porticuum mediique spatii tecta et scalae atque 
reliquae partes ligneae ter ambustae ter restitutae ! et ipsae porticus an- 
no 1496 vetustate collapsae ? auctore Andrea Palladio saeculo XVI re- 
fectae sint, tamen credibile est, haec omnia secundum primam operis 
ichnographiam denuo esse exstructa 5. 

Cui sententiae neque hoc obstare videtur, quod hanc basilicam non 
prius quam anno 1222, p. C. N., commemoratam invenimus. Nam anti- 
quissimum esse hoc aedificium his duobus argumentis probatur, primum, 
quod jam illis temporibus palatium vetus appellatum est #; deinde quod in 
illo ipso aedificio inde ab antiquissimis temporibus sancti Vincentii, urbis 
Vicentinae patroni, sacra semel quotannis celebrantur, qua re indicari 
videtur, Sanctum Vincentium in locum ethnici cujusdam numinis (deorum 
enim arae aut propter sacra ante judicia facienda pro tribunalibus, aut 
propter pietatem erga deos in porticibus antiquarum basilicarum poni so- 
lebant *,), a Christianis esse suffectum 6. Quae quum ita sint, etiamsi tem- 


! Anno 1262, vid. Arnaldi, L. L., pag. 2% et seq. Anno 1291, vid. Arnaldi, L. L., pag. 26. Anno 
1444, cf. Arnaldi, pag. 27. 

2 Cf. Arnaldi, L. L., pag. 29. 

5 Cf. Arnaldi, L. L., pag. 86 : L' invenzione de Portici— era obligata di non sorpassare certi 
immulabili cONFINI, PRESCRITTI DAL CORPO ANTICO DELLA BASILICA , etc. 

# Cf. Arnaldi, L. L., pag. 23. 

5 Vid. supra, lib. JE, cap. HE, $ 4. 

5 CF. Arnaldi, L. L., pag. 55 : Era inveterato pio costume, come tuttora s' osserva, di celebrare 
ogn'anno nel giorno della festività di S. Vicenzo, Protettore principale della Cit&, una solenne messa 


DE BASILICIS LIBRI HI. 155 


pus, quo basilica exstructa sit, certo definiri non possit, tamen verisimile 
est, Romanum illud opus esse a Gothis Longobardisque conservatum. 
Ceterum nemo non videt, hanc Vicentinam basilicam propterea esse 
memorabilem, quod primum quidem suo exemplo docet, fuisse antiquas 
basilicas exedrae expertes, deinde quod demonstrat, veteres nequaquam 
exedram vel apsidem desideravisse, ut quae judicia perturbare possent, 
hominum negotiantium turbae a judicii loco arcerentur. Nam nescio an 
nullo modo commodius utrique basilicarum fini, mercatui et juridicundo, 
inserviri potuerit, quam illo modo, quo videmus Vicentinos basilica sua 
usos esse, hoc est eo, ut mercatum in inferiore spatio positum tecto for- 
tissimo a judiciis in amplissimo atque dilucido loco superiore habitis se- 
jungerent. Quae omnia aliquid momenti habere videntur ad confirmanda 
ea, quae supra ex antiquis scriptoribus de basilicis collecta retulimus. 


nella nostra basilica. L' origine di si lodevole istituto, si dice nell' accennato decreto, ch' ella sia an- 
tichissima. 


156 DE BASILICIS LIBRI HI. 


LIBER TERTIUS. 


DE CHRISTIANORUM BASILICIS. 


INTRODUCTIO. 


Jam inde ab initio fere saeculi quarti aerae christianae in Occidentis 
maxime terris novum rursus exstitit basilicarum genus. Nam Constanti- 
nus Magnus et qui illi successerunt Imperatores Romani praeter Julianum 
paene omnes multas ecclesias christianas exstruendas curaverunt, qua- 
rum plerisque inditum est nomen basilicarum. Quod quidem basilicarum 
genus quum ad nostra usque tempora conservatum clarissimas Christia- 
norum ecclesias in se contineat, non mirum est, multos exstitisse viros 
doctos, qui in pervestiganda et explicanda ejus natura singularem operam 
collocarent. Qui viri licet magnam et doctrinae et diligentiae laudem pro- 
meruerint, tamen rem non ita profligarunt, ut nulla prorsus relicta sit 
dubitandi et disceptandi materia. Nam quamquam de structura basilica- 
rum recte pleraque atque ita disputata sunt, ut facile possis in iis acquies- 
cere; de origine tamen et de nomine basilicarum quae ab illis viris tra- 
duntur, ea mihi quidem non ex omni parte satisfecerunt. Quapropter me 
quoque operae pretium facturum esse speravi, si collectis iis, quae recte 
sunt ab aliis praecepta, additisque, quae ipse rectius mihi videor intel- 
lexisse, totam materiam ita fuerim complexus, ut accuratissima reprae- 


DE BASILICIS LIBRI III. 157 


sentetur basilicarum christianarum imago. Quod ut recte fieri possit, pri- 
mum de forma, deinde de origine, denique de nomine basilicarum dicam; 
nam ex forma quodammodo origo, e forma et origine nomen videtur ju- 
dicari posse. 


CAPUT I. 


DE FORMA BASILICARUM CHRISTIANARUM. 


$ 1. — Introductio. 


Quae de basilicarum christianarum forma mihi innotuerunt, ea ex du- 
plici fonte manarunt, quorum alter in scriptis veterum , alter in ipsis basi- 
licis antiquis Romae adhuc conservatis continetur. Ex his posterior licet 
priori ideo sit posthabendus, quod certo probari nequit, antiquissimas 
basilicas plane non mutata forma nobis relictas esse, tamen multum valet 
ad confirmanda ea, quae in scriptis veterum traduntur, idemque solus 
relinquitur ad earum basilicarum, quas nulli libri commemorant, cog- 
noscendas formas. Itaque hanc mihi scripsi legem, ut libris scriptis pro 
primario fonte uterer, sed monumenta quoque, ubicunque ex re esse vide- 
rentur, in subsidium vocarem. Quum autem hoc maxime mihi propositum 
sit, ut ex forma basilicarum earum originem illustrem, non omnium basi- 
licarum christianarum formas earumque mutationes, quae ab ipsarum 
origine usque ad nostra tempora factae sunt, sed ea tantum monumenta 
recensenda mihi putavi, quae prioribus aerae christianae saeculis exstructa 
esse scimus, quippe quae ad originem basilicarum indicandam vel sola 
videantur sufficere. 

Atque haec cadem causa est, cur neque indicem basilicarum christiana- 
rum addiderim, qui eo facilius omitti potuit, quod et Canina (in libro 
splendidissimo : Ricerche sull Architettura piu propria dei tempj cristiani) et 
Bunsenius {Die Busiliken des christlichen Roms) copiosissime et accuratissime 
de numero atque forma basilicarum christianarum disseruerunt. 


Tome XXI. 18 


158 DE BASILICIS LIBRI I. 


$ 11. — Descriplio formae basilicarum christianarum. 


1. Quem supra in basilicis profanis describendis secutus sum ordinem, 
eundem in christianis quoque ita placet servari, ut primum de ichnogra- 
phia, deinde de orthographia, tum de symmetria, denique de decore ea- 
rum dicam. 

Et ichnographiam quidem ut recte animo informemus, tenendum est, 
aream quadrangulam fuisse atque antiquissimis temporibus semper his 
tribus partibus fuisse compositam, 1° aditu sive vestibulo (15 zpxû), 
2° atrio sive paradiso (76 &3piw), 5° templo seu basilica strictiore sensu 
dicta (ro vas); vid. tab. VIL, fig. 2. 

Quarum quidem partium alia aliam eodem, quem modo indicavi, or- 
dine excipiebat. His autem areae partibus, quas necessarias appellare 
liceat, postea aliae duae, sed minus illae quidem necessariae, accesserunt, 
apsidem dico, minori lateri e regione aditus adjectam, et transversam 
ambulationem ante apsidem collocatam. Unde factum est, ut initio qui- 
dem pro partium illarum numero, tria basilicarum quadrangularum 
genera reperirentur, quorum primum idque rarissimum aditu projecto, 
atrio et templo (vide ichnographiam basilicae Tyriae, tab. VIT, fig. 2, et 
bas. Sancti Laurentii, tab. VII, fig. 1) alterum, atque illud quidem om- 
nium frequentissimum, iisdem partibus atque apside e regione aditus brevi 
basilicae parieti adjecta (vid. tab. VIE, fig. 6), tertium denique partibus 
modo commemoratis atque ambulatione inter apsidem atque templum 
interposita constabat (vid. tab. VIE, fig. 4). 

Quibus basilicis posteriore tempore etiam quartum genus accessit. Nam 
recentiorum basilicarum magna pars, veluti Sanctae Mariae trans Tiberim, 
atrio carebat, atque etiam ex antiquioribus nonnullae, veluti basilica Sanc- 
tae Agnetis, basilica Sessoriana sive Sanctae Crucis Hierosolymitanae, 
basilica Sanctae Mariae in Dominica, quae ab initio atriis instructae, 
postea ïis privatae sunt, cujus rei causa, infra cap. IT, demonstrabitur. 

Ceterum nonnunquam exedrae vel cultui christiano, ut essent baptiste- 
ria, vel usui ecclesiastico, ut essent sacraria, in quibus aut verbi divini 


DE BASILICIS LIBRI HI. 139 


ministri meditarentur aut vasa sacra asservarentur, vel vitae ecclesiastico- 
rum privatae, ut in üs habitarent clerici, longis basilicarum parietibus 
adjecta fuisse traduntur; sed quum illae basilicarum naturam nequaquam 
immutaverint, non nostrum videtur esse, singulas accuratius pertractare 1. 

Restant vero, de quibus dicendum esse videatur, areae comparationes 
et symmetriae ejusdemque situs. Sed de prioribus illis vix commode dici 
poterit, nisi descripta orthographia, ad quam deinceps accessuri sumus ; 
de situ autem hoc unum adnotavisse sufficiat, longos basilicarum parietes 
plerumque meridiem et septentrionem versus, aditumque maximum orien- 
tem ? versus spectavisse, nonnunquam etiam easdem partes pro loci na- 
tura aliorsum directas fuisse 5. 

2. Jam vero ad orthographiam basilicarum transeuntes , in singulis ejus 
partibus describendis ita versabimur, ut ab introitu maximo usque ad ap- 
sidem pergamus. Et aditus quidem maximus sive primarius aut parva 
binarum vel quaternarum columnarum projectura, aut amplo vestibulo 
pertecto, quod latitudinem basilicae aequabat, constabat. Prioris generis 
exemplar in Sancti Clementis et Sanctae Agnetis basilica (tab. VIT, fig. 6), 
alterius in antiqua basilica Vaticana (tab. VIT, fig. 4), in basilica Ostiensi 
Sancti Pauli, atque in basilica Tyria (vid. tab. VIT, fig. 2) habetur. De 
forma autem columnarum non magis licet certi quidquam constituere, 
quam de vestibuli magnitudine et ratione interna, quae omnia tum pro loci 
temporisque ratione tum pro ipsius conditoris arbitrio diversissima fuerunt. 

Ex aditus projectura atque vestibulo vel una vel tres portae in atrium 
ducebant, quod intus aut undique aut tribus certe lateribus porticibus 
simplicibus instructum #, in medio subdiali cantharum (piscinam, puteum , 


1 De sacrariis basilicarum, vid. Cancellieri, De sacrariis basil. Vatic.—Bingham., Orig. Eccl., 
vol. HE, Hib. VIII. 

? Paulin. Nolan., Ep. XXXII, 15, ad Severum : « Prospectus vero basilicae non ut usitatior mos 
est, orientem spectat, sed ad Domini mei beati Felicis basilicam pertinet, memoriam ejus aspi- 
ciens. » 

5 Canina, Ricerche, etc., pag. 42, not. 

4 Interdum porticibus atrii elericorum habitacula imposita erant; vid. Paul. Nolan., Poem. nat., 
X, 53-57 : 

Sed rursus redeamus in atria , conspice rursum 
Impositas longis duplicato tegmine cellas 


140 DE BASILICIS LIBRI HI. 


phialam , xeiva:) continebat . Solum atrii plerumque splendidis lapidibus 
stratum, deinde porticuum intercolumnia cancellis, qui hominibus incu- 
bituris apti fuisse videntur ?, clausa, denique cantharus nonnunquam va- 
riis modis ornatus tectoque columuis fulto munitus fuisse traditur. 

Ex atrio porro introitus patebat in templum, primariam basilicae partem, 
cui tanquam vestibulum praejacebat quarta atrii porticus. Quae si omissa 
esset, veluti in basilica sancti sepulcri Hierosolymitani, in ejus locum in- 
tra templi parietes vestibulum, quod narthecem appellarunt, videtur suffec- 
tum esse. Quae tamen ecclesiarum partes quum in basilicis Latinisnunquam, 
quod sciam, reperiantur, hoc loco videntur praetermitti posse, quum 
qui plura de ïis cognoscere voluerit, adire possit Bingham. Orig. Eccl., 
vol. IT, lib. VII, cap. 5, $ 4, et cap. 4, $ 6. Ex ista autem, quam dixi, 
porticu sive vestibulo tres vel quinque portae aditum aperiebant ad inter- 
num basilicae spatium, quod pro loci amplitudine in utroque longo pariete 
aut simplicibus aut duplicibus porticibus ornatum ideoque aut tripartitum 
aut quinque partitum esset. Inferioribus deinde porticibus (xaréyerr atoat) 
aliae superiores (avéyawe ati) nonnunquam superstructae 5 earumque co- 
lumnis externis, hoc est, medium spatium tangentibus, parietes fenestrati 


Porticibus, metanda bonis habitacula digne 
Quos huc ad Sancti justum Felicis honorem 
Duxerit orandi studium. 


1 Euseb., ZE. X, 4, pag. 580 D : Kpfvxc drixpus ais rodcomoy Éricaevduy rod ved, ro +È yeb- 
pari rod véuaros rois repiBoAGy ieç@y èri rù Êco pdiobo ch àréppilu rapeycuéuas. Paul. Nolan., Ep. 
XIE, 13 : « Vel qua sub eadem mole tectorum geminis utrimque porticibus latera diffundit, quaye 
praetento nitens atrio fusa vestibulo est, ubi cantharum ministra manibus et oribus nostris fluenta 
ructantem, fastigiatus solido aere tholus ornat et inumbrat, non sine mystica specie quatuor colum- 
nis salientes aquas ambiens. » Cf. ejusdem. Paul. Nolan. Ep. XXXII ad Sever., et Canina, L. L, 
pag. 45, et tab. XXXUIE, fig. 5, ejusdem libri. 

2 Vid. Paul. Nolan., Poem. nat., X, 38-40 : 


Sed circumjectis in porticibus spatiari 
Copia larga subest , inter positisque columnas 
Cancellis fessos incumbere 


5 Vid. Euseb., Vit. Const., 37 : Au dè éxérepa +à rheupà dirr@y dvaneiuy JÈ xai xarayeiwy didupo 
Faparrades ro pinet rod veû cuveËeretyoyro. — Et Prudent., Passionem Hippolyti : « Ordo columnarum 
geminus laquearia tecti Sustinet auratis suppositus trabibus. » 


DE BASILICIS LIBRI III. 141 


impositi erant, qui tectum mediani spatii sustinebant. Qui parietes, si su- 
periores porticus deessent, inferioribus pari modo superstrui atque hoc 
modo medianum tectum sustinere solebant. Tectum vero medianum ple- 
rumque ita comparatum erat, ut cantherii intus conspicerentur, nonnun- 
quam autem splendidissima lacunaria transtris affixa desuper clauderent 
internum spatium. 

Medium vero inter porticus spatium (75 évixtopw), si apsis basilicae nulla 
esset adjecta, in fine e regione aditus aram (7 Suxasripm), sedibus clerico- 
rum cancellisque circumdatam continebat. Cujus rei exemplum olim 
exstabat in basilica Tyria! atque etiam nunc cernitur in basilica Sancti 
Laurentii extra muros urbis Romae sita (vid. tab. VIT, fig. 1); neque du- 
bito, quin etiam in aris ante apsidem basilicae Sanctae Agnetis (tab. VII, 
fig. 6), Sancti Clementis, Sancti Georgii in Velabro (Canina, {. {., tab. XIX, 
fig. 1), Sanctae Sabinae (Canina, /. {., tab. XXIT), ecclesiae monasterii 
Sangallensis antiquae ? in extremo spatio medio positis ejusdem rei con- 
tineantur vestigia. 

Tum in eodem spatio medio jam antiquissimis temporibus duo ambones 
constituti fuerunt, quorum alter evangeliis alter epistolis festis diebus co- 
ram populo recitandis inserviebat. Ceterum idem spatium antiquissimis 
temporibus solis clericis concessum fuisse, laicos autem in porticibus, et 
viros quidem in septentrionali, feminas in meridionali porticu , stetisse 
testatur Ammularius, De offic. eccl., HT, 25. 

Post medium autem spatium e regione aditus maximi plurimis basilicis 
adjecta est exedra, quae propter hemicycliam formam apsis * sive hemicy- 


1 Vid. infra 4, et ichnographiam basilicae Tyriae, tab. VIE, fig. 2. 

2 Vid. Keller: Grundriss des allen Klosters zu St. Gallen. Zürich, 1844. 

5 Amm., De Offic. Ece., MX, 2 : « In conventu ecclesiastico seorsum masculi et seorsum feminae 
stant, quod accepimus a vetere consuetudine, » — Lib. Pontif., Vit. Symmachi: « Qui fecit orato- 
rium à parte virorum. » Vit. Sergüi, 1: « Hic fecitoratorium intra basilicam B. Petri apostoli, quae 
est in parte mulierum. » 

4 Isidor., Orig., XN, 8, de apside haec habet : « Absida graeco sermone, latine interpretatur lu- 
cida, eo quod lumine accepto per arcum (triumphalem e basilica) resplendeat. Sed utrum absidem 
an absidam dicere debeamus, hoc verbi genus ambiguum quidam doctorum existimant ». Quam 
vocis apsidis explicationem wix probabunt, qui cognoverint, apsidem, graece &fidx, significare 
ligneum rotae cireulum, die Radefelge, la jante, deinde concamerationem, fornicem, ef. Henr., 


122 DE BASILICIS LIBRI HI. 


clium (jure, quoçatuw), propter sedes episcopi ceterorumque clericorum 
ad ejus parietes constitutas, tribunal sive tribuna ! (Gäua, chevet, DAS Home 
Cuon) appellatur. In apertura apsidis plerumque ara posita est, quae ex 
omnibus aedis sacrae partibus tanto facilius conspicitur, quum e spatio 
medio, nisi per aliquot gradus, ad apsidem escendi non possit. 

Quae quidem apsis in majoribus basilicis transversa ambulatione (nef 
en travers, Querscmirr) universam basilicae latitudinem modo aequante 
modo superante ? ab oblongo spatio sejungitur. Quod ubi factum est, ara 
nunquam in apside, sed in transversa ambulatione, at sedes episcopi 
semper ad medium apsidis parietem, reliquorumque clericorum sedes ad 
ejus latera positae reperiuntur. Quo autem facilius ambulatio transversa 
adiri possit, paries basilicae e regione aditus maximi situs ita perforatus 
est, ut fornices inde orti latitudini porticuum atque mediani spatii fere 
aequales aptissimum ad illam patefaciant accessum. Ex quibus qui in me- 
dio spatio exstructus est fornix a Ciampino arcus triumphalis appellatur, 
haud dubie, quod per illum pompae festae ad aram sedesque clericorum 
solerent intrare. 

5. In symmetriis autem basilicarum constituendis ipsi architecti tanto 
versati sunt arbitrio, ut perpauca sint, quae pro certis proponere liceat. 
Ac primum quidem constat, primarium basilicarum spatium, quam basi- 
licam strictiore sensu appellare liceat, oblongam esse domum simplici vel 
duplici porticuum ordine instructam; deinde ambulationem transversam 
ita esse comparatam , ut ejus latitudo basilicae latitudini nunquam sit mi- 
nor; tum apsidis sive hemicyclii intervallum sive aperturam non quidem, 
uti vulgo dicunt, internum spatium medium, arcus tamen triumphalis 
intervallum latitudine aequare; denique apsidis introrsus curvaturam ex 


Stephan. Thes. ling. gr. in hoc verb. Neque ïidem, quam Jsidorus proposuit scripturam vocis absi- 
dis probandam esse censebunt. Illud vero, in quo haesit grammatieus, utrum apsis an apsida scri- 
bendum sit, non magni facient, qui cognitum habent, posteriores Graecos terminationem no- 
minativi — 1; saepissime in «x mutavisse, v. €. ÉArés = éAridu spes, ita di; —=äVidx. Unde patet, 
utramque formam Isidori temporibus facile usitatam fuisse. 

1 Isidor., Orig., XV, 4, de tribunali haec exposuit, sed uti saepius male : « Tribunal eo , quod 
inde a sacerdote wribuantur praecepta vivendi. Est enim locus in sublimi constitutus, unde uni- 
versi conspici possint, Alias tribunal a tribus denominatum, quod ad illud tribus convocentur. » 

2 Vid. ichnographias in tab. VIT, fig. 5 et 4, conspicuas. 


DE BASILICIS LIBRI III. 145 


dimidia intervalli, quod est in fronte apsidis, factam esse solere. Reliqua 
omnia, veluti porticuum et mediani spatii latitudinem, oblongae domus, 
atrii et vestibuli longitudinem, diversissima fuisse, ex tabula hoc ipso loco 
subjecta facillime cognosci potest. 


e 


SYMMETRIAE METRA 


Basilicar, Christianor. ex ichni hiis apud Canin: 
ichnographiis ap: am GALLICA. 


trans Tiber. 


(Ricerche, ete.), propositis descriptae. 


Basiliea Vaticana 
Basilica S. Maria 
Basiliea S. Marine 
Ecclesia S. Chry- 
Basilica S. Crucis 


Basilica S. Agne- 
Basilica S. Cle- 


Universa aedificii longitudo . . . . . . . . 4 5l metra gall. 


Longitudo . . . . . . 2 2 metra gall. 


Latitudo metra gall. 


Templi ToÙ YAD . : { Porticus inter. . . . : À metra gall. 


Portic. ext. cum pariele. . Ê metra gall. 


| Medium spatium . . . . a 5 metra gall. 


3 | Intervallum. + . .., metra gall, 


Intervallum in fronte. . . 4 metra gall. 


——— | 


Introrsus curvatura . . . l ! !5 | metra gall. 
| 


EE .……—…—….—.——…—...—— 


Longitudo . . . . . . ; 1/2 9 metra gall. 
Transyersae ambula- Ë 


tionis. 


LaliEUdOnt. eu". LR. la 2 metra gall. 


Vestibuli interni. . | Longitudo . . . . . . ] metra gall. 


universa. . | Longitudo . . , . . . / metra gall. 


Atrii portieuum . | Latitudo . . . , . . [ 9 metra gall. 


impluvii. . | Latitudo. , . . . . . l | 3 metra gall. 


Vestibuli externi. . | Longitudo . . . . . . eu metra gall. 


Go ÉOAL E E 5} metra gall, 
Projecturae aditus . _ ee 


DÉCO TAPENE EN PNEU metra gall. 


4. De decore christianarum basilicarum complura sunt, quae dispu- 
tari possint. Nam uti earum solum ac parietes variis ac splendidis fulge- 
bant lapidibus, ita lacunaria et columnae multo splendebant auro. Nec 
minori imagines in parietibus pictae illis fuerunt ornamento. Sed ut etiam 
clarius appareat, quanta olim fuerit basilicarum christianarum magnifi- 


144 DE BASILICIS LIBRI III. 


centia, duo ejus rei proponam exempla, alterum primi, quod supra dis- 
tinxi, alterum secundi generis, basilicam Tyriam dico atque eam, quae 
olim in sepulcro Jesu Christi, Domini nostri, exstructa Hierosolymis fuit, 
quorum utrumque legitur apud Eusebium; vid. H. E., X, 4, pag. 580, ed. 
Vales. et Vit. Const., IE, 25. 55. 53. 56. 58. 59. Quarum quidem basi- 
licarum prior nunquam, quod sciam, basilicae nomine notata est; atta- 
men quum, quae Eusebius de ea narravit, plane congruant cum forma 
illarum ecclesiarum, quae inde a Constantino M. basilicae appellatae sunt, 
recte mihi videor etiam Tyriam ecclesiam a Paulino, episcopo Tyrio, 
circa annum 515, p. C. N., exstructam inter christianas retulisse basili- 
cas. Quae autem Eusebius de hac ecclesia narravit, ea fere huc redeunt 1. 


4 Euseb., Æ. E.,X, À, pag. 380 et seq. Obros 6 véos Yuy ua xxèc ZopoB48ex (Paulinus Tyriorum 
episcop.) +? zeccbcx (devastatam ecclesiam) é£fpeiper, xx oroïy où rÿv &Ë Gpyalou rahauèy arf re- 
pirébeiser. Taüry d° où rod pelècux Tèv por éravra repihalèy, rèv uèv LEcâey dyvçobro repiBohoy Tü rod 
Far FEPITEVIoUATI, ds à dpañécraron eïy Tod ravrès Épaocs. IlpéruAoy dE péya nai sis Üos Érypuédor 
Thèç DTA dvicyevros Yhiou darivas dyareréces, ÿdyxal, Toy maxpès mepiBéAwy Eco iepôy Écrüoi, Tfs TÔy 
Évdoy rapéoyer dployias SÉas. — Eïcco dÈ rage XAôyTi TUASY, oÙx EU De ÉpYxE? dydyvois al dyixTois Toci T@y 
Evde ÉiBaiyers ayloy. AixhaBoy Jè mAéaror Goo To eTaED To re ved, a Ty pote Eicüduy, TÉTapoi puèy 
TÉPIE Éykapolois 2aTExGuyGEY arodis * elç TETpdywyéy ti cxfua TEpppéÉag Tèv Téror, riooi ravrayébes Éra- 
poévas * y (se. F7) rà uéca (id est intercolumnia) dappéyuant tot: Ard Eblou dixruwroïs &ç rù cûu- 
merpor frouci proue, (hoc ]. altitudinis) zepxacious, éco aïôpioy pie ei Th vod cdparcd xérsdus, 
Aaurpèy x) Tag ToÙ pwrèc axtioiy dyemuéyoy dépa mupéyor * iep@y dÈ Éyradôx xabæpoioy ériber cÜuBoA«, xphyac 
GYTILQUS Elg TEÔTOTO ÉTITLEUALOY TOÙ VED, 7OAÂQ TO geûmari ToÙ véuaros Toi mEplB60 iep@y ri Tà Eco 
æpsiobri Th &ropéiuy rapeyouéras. Ka rpôry uèy Eriérror aÜty ÿ diarpiB} xécuoy Oued ka dyAdæy TÈ Tayr}, 
Toie TE TOY TobTUY lcaponty Éti dEouéyoic, xATÉAMYROy Ty Woÿy Tapeyouéry. AM vp na) Tÿy ToUTay 
Séey rapauenbéueos (Paulinus), ets ri AAdo? rois Évdoréro rporbhois Très Ér) rèv ed Tapodous dya- 
rerrauéas rois. “Tr pl vos Aou Bonus abs Tpeis rÜAAG Up Ev xarabels mAeupér, dy Tà rod Tàc Tap' 
Énärepa meyéder TE al mAdTEI mÂEovEzTE) Tÿ MÉcY Hapiodueros, raparpyuari TE aAxod cidypodétois xai 
roxiAuariy dyxyAbpoIs dapEpéyTeos aÜTYy oaidpôras" &s &y BariAidy Tadry Todc dopuoopous drégeuËe. Toy «bros 
DÈ Tpéroy na tuile rap Endrepa To rarrès ed vous rèy roy rporbhoy dpduèy dixrdËas, GyOTEY ÊT) Tab- 
aus GARQ TAEyI gori diapôpous Ts ri Tèy cixoy eioBols Érevdes, Taie dd EÜAOU Aerroupyiais sai rèy TEp} 
adTès #ôouoY aaTarokiA Ro * Ty dE BurinElo? dx07 rAouciorépais #d'y ka JAJIAËGI Tate Das dyÜpou dpS6veo 
piaoripia Toy Gvahouéroy vues. EvSa or dont repirrèy Eva, To déuyuatos uhxy TE ka) mAdTY xaraypé- 
qers* r& qadp Tabra xÉA AY al Ta Aégeu peirrou uenégy. Tyy JÈ Tüy Epgoy àrootiABoucay éVu TO Ad 
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dy Ely Toïs moA NO; GBara , Trois md EÜXoU replépparre dixtbois, Elg dxpoy ÉvrÉYoU Aerroupyiac ÉEyoxyuévois, 


GG Saupéoioy rois Gpooi rapéyers Tÿy SÉxy. ‘AN oÙ0È Tobdupos dpa £is AUEAËS EKEITO AÛTO, xai TÉE nobY 


DISSERTATION 


SUR LES 


MEILLEURS MOYENS DE FERTILISER LES LANDES 


DE 


LA CAMPINE ET DES ARDENNES, 


SOUS LE TIIPLE POINT DE VUE 


DE LA CRÉATION DE FORÊTS, DE PRAIRIES ET DE TERRES ARABLES; 


M. CH, DU TRIEU DE TERDONCK , 


PRESIDENT DE LA COMMISSION D'AGRICULTURE DE LA PROVINCE D'ANVERS. 


Vous dont le fol espoir couvant un vain trésor, 
D'un stérile travail croit voir sortir de l'or, 
D'un chimérique bien laissez là l'imposture 


L'or naît dans les sillons qu'enrichit la culture 


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DISSERTATION 


LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 


L'agriculture est mon plus grand bonbeur 


Il n’est personne qui ne reconnaisse que les véritables richesses d’un 
État consistent dans les productions variées de son sol. N'est-ce pas à cette 
source de richesses que l’industrie et le commerce vont puiser les élé- 
ments de leur existence et de leur développement? C’est surtout dans 
notre belle patrie, dans notre heureuse Belgique, que cette vérité se ma- 
nifeste plus particulièrement aux yeux de tous. Grâce au zèle, à l'activité, 
aux connaissances agricoles de nos infatigables cultivateurs, nous voyons 
chaque année nos campagnes se couvrir de belles et riches moissons, nous 
voyons surgir comme par enchantement de superbes forêts de sapins dans 
des lieux où, un siècle auparavant, les ronces et les bruyères occupaient 
seules la surface du sol. D'où vient donc qu'avec des éléments semblables 
de prospérité , la culture des terres se soit arrêtée tout à coup et qu'une 
partie assez notable de notre territoire soit restée inculte jusqu'à nos 
jours? Cette fraction du territoire est-elle frappée de stérilité? Existe-t-il 
quelques moyens de rendre productives les landes et les bruyères de la 
Campine et des Ardennes? Je tâcherai de répondre à ces questions d’une 
si haute importance pour l'avenir de notre pays. Non, ces landes, ces terres 


Je DISSERTATION 


incultes ne sont pas frappées de stérilité. Elles ne sont pas d’une nature 
différente de celle du sol que sillonne annuellement la charrue. Ce sol 
était jadis tout aussi improductif que le sont aujourd'hui les bruyères; et 
pour rendre ces dernières également productives, il ne faut qu'une main 
habile, de la persévérance, du discernement et le concours du gouverne- 
ment. Quant aux moyens de rendre ces terres à la culture, nous les puise- 
rons dans le passé, nous rechercherons comment nos ancêtres sont par- 
venus à amener d'anciennes bruyères à ce point de fertilité qui fait la ri- 
chesse de la Belgique. Nous discuterons ces moyens, nous y apporterons 
les modifications que réclame notre époque, et nous formulerons ceux 
que nous croyons les plus propres à être mis en pratique de nos jours. 
Pour arriver à ce résultat, il est nécessaire de remonter aux temps les plus 
reculés, de montrer quel était alors l’état de l'agriculture dans notre 
pays, en suivre la marche et les progrès, et dévoiler les causes qui ont 
contribué à son perfectionnement. 

Longtemps avant l'invasion des Romains, les Belges étaient des peuples 
nomades qui ne s’arrêtaient que dans les lieux où ils rencontraient de 
gras pâturages, et où ils pouvaient espérer de bonnes récoltes 1. Aussi la 
fertilité du sol de la Belgique avait-elle attiré leurs ancètres du fond de 
l'Allemagne. On ne peut toutefois se refuser à croire que dès avant la 
domination romaine, les champs de la Belgique ne fussent cultivés, mais 
il faut reconnaître aussi qu'alors l'agriculture y était peu honorée. Le 
Belge, n’écoutant que le sentiment de sa valeur et de son courage, n’aimait 
que la chasse, et abandonnaït aux femmes, aux vieillards, aux personnes 
les plus faibles, les soins du ménage et la culture des terres ?. Dans cet 
état de choses, l’agriculture devait nécessairement souffrir, et d'autant 
plus que la charrue était encore inconnue. Ce sont les Romains qui Pin- 
troduisirent dans nos contrées. Avant l'usage de cet instrument aussi pré- 
cieux qu'indispensable, nos ancêtres se bornaient à remuer la terre. Sous 
la domination romaine, la culture des terres acquit plus d'importance, puis- 


1 Colum discreti ac diversi, in fons, in campus, in nemus placuit. Tacite, ve Monte. Gen, 
cap. XVI. — César, de Bell., Gb. IL. 
? Tacite, de Morib. Germ. — César, de Bell. 9, lb. VI. 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. > 


que, d’après le témoignage de Jules César, les Romains tiraient de la Bel- 
gique les vivres pour une nombreuse armée campée du côté du Rhin. Ces 
fiers conquérants trouvèrent la Belgique couverte de forêts, entrecoupées 
de marais infectes, de médiocres pâturages et d’arides bruyères. Cependant 
le sol était bon et fertile, mais les soins, les connaissances et les bras man- 
quaient pour le cultiver. Les Romains contribuèrent, par de nombreux défri- 
chements, au progrès de l'agriculture. À partir de cette égoque, la culture 
des terres aurait pris sans doute un très-grand développement, si les in- 
vasions des barbares n’en eussent arrêté la marche progressive. Enfin, 
pendant les neuf premiers siècles, la Belgique avec ses noires forêts, ses 
champs stériles, offrait un aspect triste et sauvage. Les barbaries et les 
ravages que les Normands y avaient exercés pendant plus d’un siècle, et 
qui ne finirent qu'en 892, avaient décimé la population, rendu les campa- 
gnes désertes et incultes. La terreur qu'inspirèrent ces barbares était telle, 
que les Belges avaient ajouté aux grandes litanies cette supplication : De 
la fureur des Normands délivrez-nous, Seigneur ! A1 fallut donc tout recommen- 
cer, tout réorganiser en quelque sorte; il fallut rappeler les cultivateurs 
dans les champs qu'ils avaient désertés pour se soustraire à la cruauté de 
ces barbares. Les seigneurs, et surtout le clergé, exercèrent alors une in- 
fluence puissante et favorable sur l’agriculture. Les comtes de Flandre et de 
Hainaut, prenant vivement à cœur l'amélioration de leurs domaines, firent 
un appel à ceux qui voulaient venir défricher leurs terres incultes. En 1252, 
Henri IT, duc de Brabant, et Arnould Berthout, seigneur de Grimbergen 
et de Malines, firent une convention pour la mise en culture de toutes les 
terres vagues qu'ils possédaient en commun dans leurs États respectifs 1. 
Mais ce furent les abbayes de l’ordre de Saint-Benoît, de Saint-Norbert et 
de Saint-Bernard qui contribuèrent le plus au défrichement des bruyères. 
Ces religieux pour la plupart fixèrent leur demeure dans les endroits les 
plus sauvages et au centre des forêts. Bientôt les alentours de leurs mo- 
destes monastères se peuplèrent; on chercha à se rapprocher de ces bons 


4 Butkens, 4 p. p. 78. — Schayes, Des Pays-Bas avant et durant la domination romuine, L. il, 
p. M9. 


6 DISSERTATION 


cénobites qui, tout en se vouant au salut des peuples, travaillaient en 
même temps à leur inspirer l'amour de l'ordre et du travail, en défri- 
chant de leurs propres mains et en rendant productives les bruyères qui 
leur appartenaient. Plus tard, ils concédèrent des terres gratuitement , ou 
moyennant une faible redevance annuelle, à ceux qu'ils avaient instruits 
dans la foi, et ils leur fournirent même du bétail et tous les ustensiles né- 
cessaires au labour. C’est ainsi qu'ils créèrent des métairies et firent dis- 
paraître un grand nombre de vastes forêts et de landes dont la Belgique 
était couverte. Les bienfaits des premiers monastères, les services qu'ils 
rendirent à l’agriculture sont infinis. Au nombre de ces bienfaits , il faut 
compter la civilisation à laquelle ils contribuèrent puissamment, en con- 
vertissant au christianisme les diverses peuplades et en répandant parmi 
elles une instruction propre à cette époque. Le défrichement de plus de la 
moitié de nôtre territoire est un des principaux services qu'ils rendirent à 
notre agriculture. Sans la fondation des abbayes de Tongerloo , d'Everbode, 
de Postel et tant d'autres, les campagnes fertiles qui s'étendent au loin 
autour des lieux où fut le berceau de ces monastères seraient peut-être 
encore des bruyères arides ?. 

Ce n’est pas seulement à la Belgique mais encore à d’autres pays que 
ces religieux rendirent des services aussi signalés. En Allemagne, la cé- 
lèbre abbaye de Fulde fut placée sur le penchant de la colline longeant 
la rivière dont les eaux devaient fertiliser son territoire. Elle ne présenta 
d'abord que le germe de ce qu'elle devait être un jour, mais elle se déve- 
loppa de plus en plus, et, grâce à ses efforts constants et soutenus, les 
constructions augmentèrent, s’étendirent insensiblement; le nombre de ses 
religieux s’accrut, le sol qui l’entourait se défricha, et la forêt inculte, dont 
les vastes profondeurs n’avaient jamais retenti des coups de la hache, fut 
sillonnée par la charrue et se changea en riches campagnes parsemées de 
fermes et de villages 6. 


1 L'ami des hommes, Liv. 4, eh. IL 

? Tongerloo fut fondé en 1130, Postel vers 1140, selon Wikmans; mais, d'après le Mire, vers 
1173. Everbode date de 1198. 

5 Christophori Fuldenses antiquit. 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 


1 


Si nous portons nos regards sur la France, nous y verrons que c’est 
encore aux religieux que cette contrée doit sa richesse agricole. Là, comme 
ailleurs, ces bienfaiteurs de l'humanité ont fait naître l'abondance au mi- 
lieu des contrées les plus stériles. Les abbayes de Corbie, de Fontenelle, de 
la Trinité et bien d’autres encore contribuèrent puissamment aux dévelop- 
pements des arts, des sciences et surtout de l’agriculture dans ce royaume. 
Les savants auteurs de l'Art de vérifier les dates, s'adressant un jour à 
Louis XV, s’exprimèrent ainsi : « Sire! l’ordre de Saint-Benoît presque 
» aussi ancien que ce trône que Votre Majesté occupe avec tant de gloire, 
» s’est consacré depuis sa naissance à l’utilité publique, et quelquefois il 
» nous échappe de penser que votre empire, aujourd'hui si florissant, 
» doit à cet ordre en partie ses vertus, ses lumières et ses richesses. Les 
» plus belles provinces de votre royaume ont été défrichées par les mains 


> 


de nos pères. » Les bénédictins pouvaient s'exprimer ainsi, car ils ne 
disaient que la vérité. « Il faut être juste envers eux, dit Monteil ! ; on 
» n'est pas assez reconnaissant à leur égard. Ce sont eux qui ont défriché 
» l'Europe ?, qui l'ont civilisée. Autour de leurs cellules, dont les moines 
» d'alors exerçaient le labourage et tous les arts mécaniques 5, le peuple 
» a bâti de préférence des maisons. Leurs monastères sont le noyau de 
» plusieurs grandes cités. » Enfin c’est un fait avéré qu'à l’époque de la 
fondation des plus fameuses abbayes, on ne voyait que de vastes forêts, des 
marécages et des landes, et que ce sont les religieux qui les défrichèrent. 
Ces nouveaux établissements furent dotés avec des biens qui n'étaient d’au- 
cun rapport. Les moines, à force de soins et de courage, parvinrent à 
changer des déserts qu'on leur avait donnés en campagnes riches et riantes #. 

Pour le moment, nous ne nous étendrons pas davantage sur les ser- 
vices que les moines ont rendus à l’agriculture, mais nous ÿ reviendrons, 
car nous trouvons nécessaire de constater l’une des principales causes des 

1 Histoire des Français, par A.-A. Monteil, XIV° siècle, p. 15. Brux., Wauters , etc., 1845. 

2 Annales de l'ordre de Saint-Benoît. 

5 Dans un cartulaire de l'abbaye de Ja Trinité de Vendôme, du XI° siècle, on trouve mention- 
nés au bas de plusieurs chartres les différents métiers qu'exerçaient les moines de l'abbaye : Sutor 


pelliciarius, Faber, etc. 
# Veli, Traité sur l'état religieux. 


8 DISSERTATION 


innombrables défrichements de nos terres incultes dans les temps les plus 
reculés, et de faire comprendre pourquoi de nos jours nous nous trou- 
vons encore en présence de 257,000 hectares de terre où la charrue ne 
traça jamais le moindre sillon. 

Les guerres des croisades, qui appelèrent dans des régions lointaines 
nos comtes et nos barons toujours turbulents, et troublant par leurs que- 
relles incessantes le repos de leurs vassaux, contribuèrent plus tard aussi 
aux progrès de l’agriculture. Dès lors le cultivateur plus tranquille la- 
boura ses champs en paix, et les vit bientôt s'enrichir d’un grand nombre 
de plantes exotiques qui lui vinrent de l'Orient. Mais l'événement qui eut 
le plus d'influence sur l’agriculture fut la révolution du XVI: siècle, qui 
sépara la Hollande des Pays-Bas. La Belgique rentrée sous la domination 
espagnole vit son commerce et son industrie s’anéantir; cette circonstance 
porta le Belge, toujours actif, toujours laborieux, vers l’agriculture; le 
Brabant, les Flandres, le Hainaut et le pays composant actuellement la 
province d'Anvers se signalèrent bientôt par les progrès étonnants que cet 
art, le premier et le plus précieux de tous, y faisait chaque jour. Entre 
autres défrichements celui du pays de Waes, qui, avant l’époque des trou- 
bles des Pays-Bas, ne renfermait que des bruyères, est un des brillants 
succès qui couronnèrent les efforts de nos ancêtres !. 

Nous ne trouvons pas que, sous la domination espagnole, ni plus tard 
sous celle de Ja maison d'Autriche, le gouvernement se soit directement 
intéressé à la mise en culture des bruyères. À l'exception de l'ordonnance 
de Marie-Thérèse du 25 juin 1772, il n'existe aucun acte émané de l’au- 
torité souveraine qui encourage les défrichements. Les avantages que cette 
ordonnance accordait aux défricheurs se bornaient à l'exemption, pour 
un certain nombre d'années, de toutes les charges publiques, et à des fa- 
cilités pour le payement des prix d'acquisition des terrains. Quoique ces 
mesures fussent bonnes, et que de plus les communes dussent aliéner 
leurs bruyères, les défrichements ne firent pas des progrès bien sensi- 
bles; les ordres religieux cessèrent de fonder de nouveaux monastères au 


! Schayes, les Pays-Bas avant et durant la domination romaine, 1. H, p. 424. 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 9 


milieu des bruyères, et ces terrains ne furent plus recherchés que par des 
particuliers. Une des causes auxquelles on peut encore attribuer cette ces- 
sation des défrichements se trouve peut-être dans le manque de bras et de 


débouchés; car à cette époque les campagnes étaient moins peuplées; une 


récolte ordinaire laissait un excédant qui dépassait de beaucoup les be- 


soins du pays, et qui ne s’exportait pas aussi facilement que de nos jours. 


Les particuliers en général commencèrent leurs exploitations sur une 


trop grande échelle ou avec peu de discernement; aussi, reculant bientôt 


devant les énormes frais qu'exigeait une telle entreprise, ils se découragè- 


rent, et leurs terres, pour la plupart, retournèrent à leur état primitif. 


Quelques personnes opulentes, dit de Beunie!, ont voulu forcer la na- 
ture, en défrichant la bruyère par une abondante quantité de fumier : 
elles se sont trompées, car quoique leurs terres fussent les premières 
années assez fertiles, dès que la quantité de fumier leur manquait, 
elles ont été converties en bruyères ou en terres très-peu fertiles. Des 
exemples frappants nous prouvent que cette méthode est défectueuse; 
le feu duc d’'Hoogstraeten fit défricher une grande quantité de bruyères 
pas fort éloignées de son château. Il y fit bâtir une cense très-opulente ; 
il y employa tout le fumier de ses écuries : les premières récoltes y fu- 
rent très-abondantes ; même on y gagna du beau froment et de l'orge, 
tandis qu'on y répandait tout ce fumier; mais après quelques années 
le fumier des écuries du duc étant employé à d’autres cultures, ces ter- 
res ne rapportèrent que très-peu, et retournèrent presque en bruyère. 
» On voit la même chose à Sundert, près de Breda, ou M. Snellen, 
médecin de Rotterdam, a dépensé plus de sept cent mille florins au 
défrichement des bruyères, il y a trente ans, et dont la plus grande 
partie est déjà retournée en bruyère; quoique ce cultivateur infatigable 
y ait apporté tout le soin imaginable. Car il y fit bâtir plusieurs censes; 
il y distribua beaucoup de bêtes à cornes de toute espèce et de toute 
race étrangère; il y amena des moutons d’Espagne, de Barbarie et même 
de Perse; il y envoya de Hollande une quantité prodigieuse de fumier 


* Mémoire de l'Académie de Bruxelles, tom. IH, p- 452. 
Tome XXI. 2 


10 DISSERTATION 


LA 


et de foin : j'y ai vu des bateaux chargés de membrane et d'huile de ba- 
» leine, de nitre et de chaux. Il y fit planter des arbres étrangers; en un 
» mot, sa colonie était un nouveau monde pour un naturaliste, rien de 
» plus riant; tout y était en abondance. Je l'ai revue il ÿ a un an (en 
» 1776), je n’y ai trouvé que quelques broussailles et çà et là un peu de 
» mauvais seigle et de sarrasin. Malgré tous les soins de ce cultivateur, 
» il manqua son projet, et cela uniquement parce qu'il voulut améliorer 
» sa terre inculte par le fumier seul et quelques sels. On pourrait mul- 
» tiplier ces exemples si la nécessité l’exigeait. » 

Ce que M. de Beunie écrivait en 1777 est encore vrai aujourd'hui; 
car depuis, combien de particuliers n’ont pas été trompés dans leur at- 
tente en entreprenant des défrichements! combien ne s'y sont pas ruinés, 
ou du moins n’ont pas sacrifié en pure perte une grande partie de leur 
fortune ! 

Ceci prouve suffisamment que l'absence du concours des ordres reli- 
gieux est une des principales causes de l'abandon où sont restés nos ter- 
rains incultes. Le travail de ces pieux cultivateurs était lent mais sûr et 
bien raisonné. « Ils convertirent peu à peu en des terres d’un excellent 
» revenu les endroits les plus négligés, et où jamais la cognée du büû- 
» cheron n'avait rien abattu !. » Ils ne cultivaient que par petites por- 
tions à la fois et ne concédaient d’abord, à un même individu, qu'une 
quantité bien limitée des terres qu’ils avaient mises en rapport, sans doute 
pour que les frais et les travaux d'exploitation n’excédassent pas les 
moyens des concessionnaires. Toutes ces entreprises ont été constamment 
couronnées de succès. Ces hommes de Dieu étaient pour ainsi dire atta- 
chés au sol et tout à fait dévoués à leur ordre, qu'ils croyaient indestruc- 
tible. Les Annales de Saint-Benoît nous font voir l'organisation admirable de 
ces grandes familles de religieux. Presque toujours l’abbaye était bâtie au 
milieu d’une forêt inculte, triste, où le loup glapissait : car les cités n’in- 
spiraient pas de pieuses ni de mélancoliques pensées; on s’abritait près 
d’une colline, sur les bords d’une rivière. Là, toute la colonie se mettait 


1 Pluche, Spectacle de la nature. 


l 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 11 


à l’œuvre !. Le monastère était la ferme modèle de toute la contrée, le 
centre de l’industrie et des arts; on y enseignait les méthodes, les cultures, 
les moyens d'irrigation; l’art de défricher les terres, de féconder les forêts 
et les déserts. La magnifique institution de saint Benoît avait deux buts : 
l'étude et le défrichement des terres. La seconde prescription de ce saint 
était celle-ci : « Frères, cultivez le sol, travaillez, labourez » , et à cette 
règle se rattachaient les grands défrichements des forêts, la culture des 
déserts ?. Les religieux luttaient avec persévérance contre une nature in- 
grate; ils défrichaient, la pioche à la main, la roche stérile ; ils aplanissaient 
un terrain inculte; ils ne prenaient point la meilleure terre, mais ils la ren- 
daient excellente, et bientôt de beaux coteaux de vignes, des prairies arti- 
ficielles, des jardins potagers remplaçaient ces sites sauvages ; bientôt aussi 
à côté des abbayes s’élevaient des villages peuplés de familles laborieuses. 

Les particuliers n'avaient pas les mêmes ressources, la même perspec- 
tive ni autant de persévérance. Ce n'était point, comme chez les Bénédic- 
üns, l'amour divin qui guidait leurs travaux : l'intérêt seul était leur but. 
Chaque coup de pioche leur coûtait de l'argent, tandis que les religieux 
travaillaient en commun pour et par eux-mêmes. Leur règle leur imposant 
le travail, ils se livraient avec opiniâtreté à la culture des terres qui sem- 
blaient à jamais frappées de stérilité. En travaillant, ils cherchaient à ac- 
complir un devoir qui leur laissait entrevoir le ciel pour récompense. Ils 
se contentaient ici-bas d’un simple vêtement, d’une nourriture ordinaire; 
ils ne connaissaient point de salaire, et ce qui passe inaperçu sous les yeux 
du vulgaire, c’est que, vivant en communauté, il leur en coûtait moins 
pour vivre, et qu'ainsi ils pouvaient consacrer l’excédant des récoltes à 
de nouveaux défrichements. Les particuliers, au contraire, avaient des 
familles à entretenir , des salaires à payer; ils ne cherchaient qu'à réaliser 
de gros bénéfices; et si, dans un âge avancé, ils voulaient s’adonner au 
défrichement des bruyères, ils n'avaient guère l'espoir de voir leur travail 
achevé ; ou bien, la mort venant arrêter leur entreprise, leurs successeurs 


1 Histoire des abbayes de Corbie, de Fontenelle, ete. 
2 Règle de Saint-Benoit, publiée par Mabillon. 


42 DISSERTATION 


bien souvent n’aimaient point ce genre de culture, ou ne possédaient pas 
les connaissances nécessaires pour le mener à bonne fin. Enfin, d'autres 
reculant devant les frais, et considérant que le bénéfice était encore éloi- 
gné, revendaient à perte ou abandonnaient le défrichement des bruyères 
pour lesquelles leurs prédécesseurs avaient déjà sacrifié de grands capi- 
taux. 

L'établissement des colonies agricoles, soit par le Gouvernement , soit 
par des particuliers, est un rêve que la théorie semble étayer, mais dont 
la pratique détruit toute l'illusion. Ces sortes d'établissements sont trop 
forcés; le colon ne s’y croit pas assez libre ni assez respecté; ses surveil- 
lants ont trop l'air de geôliers. Ces derniers, en effet, ne sont que des mer- 
cenaires qui, en faisant trop sentir leur autorité, croient se faire valoir et 
se rendre indispensables, tandis qu'ils finissent toujours par se faire dé- 
tester... Et puis, de quels individus le Gouvernement peuplerait-il ses 
colonies? De cultivateurs pauvres et sans ressources, ou de ces ouvriers 
sans travail qui encombrent les villes manufacturières. Les quatre cin- 
quièmes de ces classes d'individus sont des êtres plus ou moins démora- 
lisés. Que l’on prenne des informations exactes dans chaque commune 
rurale sur les causes de l’indigence de la plupart des individus, et lon 
sera bientôt convaincu que la misère du plus grand nombre ne peut être 
attribuée qu'à la paresse ou à l’ivrognerie. Quant à la population que 
fourniraient les villes, elle serait, en général, plus démoralisée encore et 
tout à fait étrangère aux travaux agricoles. Les ouvriers des villes ne se 
métamorphosent pas aisément en cultivateurs. Il faudrait bien du temps 
avant que le produit de leur travail pût suffire à leurs besoins. Des familles 
honnètes et vertueuses, ayant même peu de ressources, ne viendront pas 
s'établir au milieu de ces gens pour la plupart abjects. Les dépôts de 
mendicité sont les véritables refuges de cette classe d'hommes dont le 
physique et le moral sont entàchés. Les colonies agricoles que le Gouver- 
nement créerait avec des fainéants, des ivrognes et des débauchés, ne 
pourraient jamais avoir d'avenir. En général, elles périraient toutes du 
même mal dont nous avons vu s’éteindre celles de Wortel et de Merxplas, 
qui, cependant, étaient placées sous la surveillance de l'intérêt individuel. 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 15 


Quoique dirigé avec intelligence et entrepris avec des bras vigoureux 
et habitués à la bèche et à la charrue, un défrichement n’est pas immédia- 
tement productif. Il faut, durant une longue série d’années, employer de 
grands capitaux sans en retirer le moindre intérêt. Les sommes immenses 
dont le Gouvernement aurait besoin pour les traitements du personnel 
administratif des colonies agricoles et la construction des habitations; 
pour l'achat du bétail, des chevaux strictement nécessaires, des engrais 
et des instruments aratoires; et, de plus, pour l’entretien et la nourriture 
des colons grossiraient tellement le budget de l'État, qu'il faudrait re- 
courir, pendant les premières années de l'établissement, à des mesures 
extraordinaires pour combler les déficits qui en résulteraient. 

D'après ce qui précède, 1l semblerait que le défrichement des bruyères 
est une entreprise dont le succès est bien douteux. Il n’en est pas ainsi : 
tout dépend de la bonne impulsion que le Gouvernement y donnera, des 
sacrifices qu'il fera et des encouragements qu'il accordera à ceux qui se 
voueront à un travail aussi vaste. Sans sa coopération, les défrichements 
sur une grande échelle sont impossibles. Son action est indispensable pour 
réaliser une si grande œuvre. Mais s’il doit faire de grands sacrifices, il 
doit aussi savoir se mettre au-dessus des préjugés. Examinons les obstacles 
qu'il doit vaincre et les mesures qu'il lui conviendrait de prendre. 

Le refus qu'un grand nombre de communes opposent à la vente de 
leurs terrains vagues sous prétexte que cette aliénation blesserait trop les 
intérêts des pauvres, n’est nullement fondé. Ce sont les habitants les plus 
fortunés qui, dans leur intérêt personnel et non dans celui des pauvres, 
instiguent cette résistance; et, en effet, les pauvres n’ont pas de troupeaux 
à faire paître, ni de nombreux bétail à nourrir. Les pauvres ne vont 
dans la bruyère que pour prendre des gazons pour la litière de leur 
chétive vache, ou pour se procurer quelque combustible. Encore ne peu- 
vent-ils guère les aller chercher bien loin de leur demeure, parce qu'ils 
devraient sacrifier, sans compensation, une partie de la journée de travail. 
Il n'en est pas de même des cultivateurs aisés; propriétaires d’un nom- 
breux bétail, de beaux troupeaux, ils les font paître dans les plaines va- 
gues; ils emploient leurs chevaux à chercher au loin dans la bruyère les 


14 DISSERTATION 


herbes et les gazons dont ils ont besoin pour les litières et pour le chauf- 
fage, tandis que les prolétaires malheureux doivent, à la sueur de leur 
front, les brouetter jusqu'à leurs chaumières. C’est toujours parmi les 
cultivateurs aisés que sont choisis la plupart des conseillers communaux ; 
et, comme ils pensent que la vente des bruyères les priveraient, sans au- 
cune compensation, des avantages qu'ils retirent de leurs droits d'usage 
sur ces terrains vagues, ils n’écoutent que la voix de leur intérêt personnel, 
et la bienveillance qu’ils semblent avoir pour les pauvres, n’est qu'un 
prétexte pour dissimuler leur égoisme. 

Cependant la généralité des habitants de ces communes recueillerait des 
avantages marquants du défrichement de leurs terres incultes. Le produit 
de la vente de ces terrains employé à l'extinction des dettes communales 
ou placé à intérêt. allègerait les charges de la commune qui pèsent entiè- 
rement sur les classes aisées. D'un autre côté, les indigents et les journa- 
liers trouveraient sans cesse de l’ouvrage; il en résulterait une diminution 
de dépenses pour les bureaux de bienfaisance, et partant encore un avan- 
tage pour les communes. Le défrichement des bruyères exercerait aussi 
une influence sur l’amélioration du bétail. Les Ardennes, par exemple, ne 
possèdent maintenant qu'un bétail chétif et peu recherché, qui doit trouver 
sa subsistance dans des pâturages maigres et arides sur les hauteurs, 
aigres dans les bas-fonds ; tandis que, par le défrichement, elles pourraient 
bientôt lui fournir abondamment d’excellents fourrages, et obtenir ainsi 
un bétail d’une qualité supérieure; car une nourriture saine et succulente 
est la première condition pour améliorer la race bovine. Les vaches des 
Ardennes qui, sur les marchés de Flandre et du Brabant, ne trouvent que 
peu ou pas d'acheteurs, parce qu’elles ont trop peu de valeur pour la 
boucherie et qu’elles produisent trop peu comme vaches laitières, se dé- 
velopperaient insensiblement, et, en outre, par un croisement bien en- 
tendu, de chétives qu’elles sont, deviendraient insensiblement fortes et 
belles comme celles des contrées les plus fertiles de la Belgique. 

Que l’on n’aille pas inférer de ce que nous venons de dire que nous 
voulons faire entreprendre le défrichement des bruyères sur une échelle 
si grande, qu'il faudrait entamer plus de 150,000 hectares à la fois. Tel 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 15 


n’est pas notre avis; car nous sommes entièrement convaincu qu'en agissant 
ainsi, on jetterait, pour le moment, une trop grande perturbation parmi 
les populations qui profitent des droits d'usage sur ces terrains. La mise 
en culture, par portions de quelques centaines d'hectares pendant les pre- 
mières années, les convaincrait que les avantages du défrichement dépas- 
sent de beaucoup les bénéfices résultant d’un usage qui leur accorde le 
droit de parcours et qui leur permet de prendre de la litière et d'enlever 
les gazons des bruyères pour leur chauffage. Cet usage d'enlever les ga- 
zons des bruyères est bien funeste au sol; il détruit périodiquement la 
fertilité que la nature elle-même voudrait communiquer à ces terrains 
arides, et les frappe de stérilité. 

Le défrichement des bruyères et des terrains vagues, qui occupent 
encore en Belgique une surface de 257,000 hectares, environ la douzième 
partie de notre territoire, ne devrait s'effectuer que dans un laps de temps 
de vingt-cinq ans au moins. Pendant les premières années, on ne vendrait, 
pour être mis tout de suite en culture, que les terrains situés non loin 
des villages et des hameaux, et l’on donnerait aux ordres religieux l’au- 
torisation d'acquérir pour leurs communautés, dans les endroits les plus 
isolés et les plus éloignés des habitations, des bruyères jusqu’à concur- 
rence de 1,500 hectares par monastère, à condition d'y ériger une abbaye, 
de l’environner insensiblement de métairies et d'y créer une ferme mo- 
dèle. Ensuite, l’on continuerait à aliéner, mais toujours par portions 
limitées , les bruyères voisines de celles qui seraient déjà défrichées. Le 
Gouvernement français doit s'être bien convaincu des services qu'en de 
telles circonstances les moines peuvent rendre à l’agriculture, puisqu'il a 
concédé aux religieux de la Trappe, et à des conditions à peu près sem- 
blables, des terres en Algérie. 

Nous allons faire maintenant la part qui incombe au Gouvernement 
pour encourager, seconder et soutenir les défrichements. D'abord il faut 
qu'il aide les communes à construire, ou qu'il établisse par lui-même, de 
bonnes routes et des canaux, pour procurer les moyens d’assécher les 
terrains marécageux et faciliter les irrigations là où elles peuvent être 
pratiquées avec avantage. Il faut que la Campine et les Ardennes soient 


16 DISSERTATION 


pour ainsi dire sillonnées de chemins , dans le but de faciliter le transport 
des matériaux et des engrais. Il faut, de plus, que ces deux parties de 
notre territoire soient traversées par un chemin de fer auquel viendraient 
se relier les principales routes et canaux, afin que le transport du fumier 
des villes, de la chaux et des autres matières qui servent d'engrais, puisse 
s'effectuer avec célérité et à peu de frais. Cette voie ferrée ne doit pas être 
un ouvrage de luxe; elle ne doit que répondre à son but, qui serait, non 
d'y faire mouvoir des voitures par la vapeur, mais par des chevaux. Il est 
reconnu qu'un seul cheval peut traîner, sur une voie à rainures, 10,000 
kilogrammes à une grande distance. 

Vaincre la résistance opiniâtre qu'opposent les communes à la vente de 
leurs terrains incultes, déterminer les particuliers à ne point laisser en 
friche eeux qui leur appartiennent, est la deuxième mesure que le Gou- 
vernement doit provoquer. Il faut donc qu'il sollicite une disposition lé- 
gislative qui force les communes à aliéner, à différents termes, leurs 
bruyères, fanges et terrains vagues, de manière qu’en vingt-cinq ans ils 
soient tous dans le commerce. Cependant les communes qui en manifes- 
teraient le désir, devraient pouvoir en conserver une partie, à condition de 
la mettre en rapport endéans un laps de temps à déterminer par l'autorité 
provinciale. Les acheteurs doivent avoir des facilités pour le payement du 
prix d'achat; il faut qu'il leur soit loisible de l’acquitter en trois paye- 
ments égaux de cinq en cinq ans, ou bien de se libérer en un seul à 
l'expiration de la quinzième année, sauf à en servir annuellement, et tou- 
jours par anticipation, les intérêts à raison de 2 1/2 p. c. Ils doivent être 
tenus de défricher annuellement au moins la quinzième partie des ter- 
rains qu'ils auront acquis, sous peine de voir la vente déclarée nulle. 
A l'expiration de chaque terme de cinq ans, une commission, dont nous 
parlerons plus tard, doit constater les défrichements effectués, ainsi que 
ceux qui sont restés en souffrance. Les terrains qui alors ne seront pas 
mis en culture, ce qui, aux termes du contrat, devait avoir lieu, pour- 
ront être saisis et revendus à la diligence de l’administration communale, 
qui ne restituera intégralement à l'acquéreur dépossédé que le montant des 
payements qu'il a effectués sur le prix d'achat, pour autant que le produit 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 17 


de la revente soit suffisant à cet effet. Si ce produit n’atteint pas celui de 
la vente primitive, la perte sera supportée par l'acquéreur ; dans le cas con- 
traire, le bénéfice tournera au profit de la commune. Il n’y aura lieu, 
dans aucun cas, à restitution pour les sommes payées à titre d'intérêts. 

L'État doit accorder pendant trente années consécutives l’exemption 
de toutes contributions, tant pour les bâtiments construits sur les terrains 
défrichés, que pour ceux de ces fonds convertis en terres labourables, 
prés ou bois. 

Quant au défrichement des bruyères appartenant à des particuliers qui 
s’obstineraient à les laisser improductives, on pourrait, aussi longtemps 
qu’elles resteraient incultes, les imposer comme terres arables, prés ou bois, 
en prenant pour base de l'évaluation du loyer les propriétés adjacentes. 

Lorsque l’on veut que les terres incultes produisent des céréales et des 
bois de construction, il est nécessaire d’en assurer la consommation. Il faut 
donc qu’une bonne loi règle les importations et les exportations de ces deux 
articles. Il importe au Gouvernement de faire examiner si la législation 
actuelle sur cette matière favorise suffisamment le producteur indigène 
pour qu'il puisse soutenir la concurrence du producteur étranger; et c’est 
là la troisième mesure qu’il doit prendre dans l'intérêt des défrichements. 

La quatrième mesure, celle qui, selon nous, est la plus importante que 
le Gouvernement puisse provoquer pour parvenir à réaliser une si vaste 
entreprise, c’est d'encourager les ordres religieux à reprendre leur œuvre. 
En faut-il un exemple? Que l’on jette un coup d’æil sur les travaux que 
les moines de l’abbaye de la Trappe, à Westmalle, sont parvenus à ef- 
fectuer avec des moyens très-bornés, dès l’origine de leur établissement, 
et l'on comprendra ce que des monastères établis sur une grande échelle 
peuvent faire en peu d'années. Il convient donc que, dans l'intérêt des dé- 
frichements et de l’agriculture, l'État autorise l'établissement d’une dizaine 
d’abbayes dans les contrées les plus stériles et les plus éloignées des vil- 
lages, et permette aux religieux d'acquérir, à dire d'experts, et de pos- 
séder 15,000 hectares de bruyères, landes ou fanges par abbaye, aux 
conditions suivantes : 


A. D'y construire non-seulement des bâtiments pour leur propre usage, 
Tome XXI. 3 


48 DISSERTATION 


mais aussi des métairies pour les cultivateurs qui voudraient se fixer dans 
les environs. 

B. De créer, dans chaque abbaye, une ferme modèle où l’on élèverait 
du bétail provenant des meilleures races étrangères, afin d’en répartir les 
produits dans les différentes métairies voisines. 

C. D'y ouvrir des écoles pour les enfants des cultivateurs des environs 
où l’on enseignerait toutes les branches de l’agriculture. 

Ces fermes modèles épargneraient au Gouvernement la peine d’en éta- 
blir lui-même à grands frais; car il est certain que ces sortes d’établisse- 
ments lui coûteraient chaque année des sommes immenses. De plus, les 
établissements religieux le dispenseraient d’ériger des colonies agricoles; 
le voisinage de chaque monastère en tiendrait bientôt lieu par le grand 
nombre d'ouvriers et de cultivateurs peu favorisés de la fortune qui iraient 
s’y établir dans l'espoir fondé d’y trouver de l'ouvrage et une existence 
honnête. Ainsi, en moins de trente ans, des masses de terres maintenant 
stériles et dont l'aspect attriste les regards, se couvriraient de riches mois- 
sons, d’épaisses forêts et de bons pâturages ; les usages nuisibles à la mise 
en culture des bruyères disparaîtraient insensiblement sans avoir occa- 
sionné des murmures sérieux de la part des prolétaires, et, enfin, l'État 
acquerrait de bons et vertueux citoyens, formés par les salutaires conseils 
et les bons exemples des moines. 

La seule faveur qu’on accorderait à ces religieux se borneraïit à leur lais- 
ser posséder les bruyères qu’ils auraient acquises et défrichées. Cependant, 
afin que cette faveur restät dans des bornes convenables, les terres qu’ils au- 
raient mises en culture et les bâtiments qu’ils auraient construits devraient, 
comme les propriétés des particuliers, à l'expiration des trente ans d’exemp- 
tion, contribuer aux charges publiques, d’après l'évaluation cadastrale, 
et, de plus, tous les dix ans, payer le double des taxes, en compensation 
des droits de mutation et de succession dont de fait ils seraient libérés. On 
pourrait encore stipuler que jamais, sous quelque prétexte que ce puisse 
être, ces monastères ne pourraient posséder d’autres propriétés foncières. 
Cette faveur suffirait pour déterminer plusieurs ordres religieux à se remet- 
tre à l'œuvre au milieu des terres incultes de la Campine et des Ardennes. 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 19 


On objectera peut-être que les 15,000 hectares que les moines défri- 
cheraient, présenteraient un chiffre bien faible en comparaison de lé- 
norme quantité de terrains vagues que la Belgique renferme encore, 
qu'ainsi, on n’atteindrait jamais le résultat que promet l'établissement 
d’abbayes, et que conséquemment il serait préférable de créer des colonies 
agricoles dans les endroits éloignés et non peuplés. Nous répondrons à 
cette objection que de telles colonies organisées comme elles doivent 
l'être, seraient pour l'État des établissements ruineux qui ne répondraient 
nullement aux intentions du Gouvernement. On les établirait principale- 
ment pour procurer du travail aux ouvriers des villes qui ne peuvent, si 
ce n’est avec peine, pourvoir à l'existence de leurs familles. Nous deman- 
derons combien on trouverait parmi eux d'hommes en état de bien manier 
la bêche, de conduire la charrue , de diriger une exploitation agricole 
de manière que le produit de leur travail couvrit les frais qu’ils occasion- 
néraient. Ce nombre serait bien restreint. En eflet, on ne saurait utiliser 
dans ces colonies que certains ouvriers des villes qui pourraient ÿ exer- 
cer leur métier : tels que des tailleurs, des cordonniers, des maréchaux 
ferrants, des charrons, des charpentiers, des maçons, etc. Mais que faire 
des ouvriers manufacturiers ?.... Tel a assez de force, assez d'intelligence 
pour être bon travailleur dans une fabrique qui ne pourra jamais devenir 
bon cultivateur, parce que les forces physiques lui manquent et qu'il ne 
peut que manier gauchement des instruments dont il n’a aucune habitude... 
C’est la campagne qui doit fournir les colons propres à exploiter la terre, 
et la campagne ne compte d’oisifs que les ivrognes, les fainéants et les 
gens sans aveu. Qu'on essaie avec de tels ouvriers le défrichement de 
257,000 hectares de bruyères!.… 

Il n’en est pas de même des établissements religieux; en peu d'années ils 
fourniraient de l'ouvrage à tous les métiers; les arts et les sciences n’y se- 
raient pas oubliés. La confiance et l'intérêt qu’ils savent inspirer, éveille- 
raient la générosité des personnes bienfaisantes; ces dernières viendraient 
les aider à donner un prompt développement à leurs institutions, et bien- 
tôt les bons résultats s’en feraient sentir au loin. On verrait des hameaux, 
de beaux villages s'élever au milieu des terres qui jusqu'à ce moment 


20 DISSERTATION 


semblent disgraciées de la nature , et l'aisance régner parmi leur popula- 
tion. Ces colonies seraient florissantes; l’ordre, la concorde, l’activité et 
l'intelligence s’y feraient remarquer. Mais le Gouvernement, dira-t-on, par 
ses moyens et sa force est plus à même que de simples religieux d’effec- 
tuer de si grandes choses. Rien n’est cependant moins vrai; les religieux 
ne se borneraient pas à défricher des bruyères, mais ils feraient en même 
temps tous leurs efforts pour améliorer et corriger le moral des individus 
qui viendraient au milieu d'eux chercher un refuge contre la misère. Le 
Gouvernement ne pourrait agir que par la contrainte; tandis que les reli- 
gieux n’emploieraient que la persuasion. Le Gouvernement ne pourrait 
confier ses colonies qu'à des mercenaires ; les religieux , au contraire, 
dirigeraient eux-mêmes celles qu’ils fonderaient dans le seul but de mériter 
la miséricorde de Dieu , non-seulement pour eux, mais aussi pour leurs co- 
lons. Nous devons reconnaître ici que, dans l’état actuel de la société, le plan 
que nous proposons rencontrera un grand obstacle. Les Gouvernements 
de nos jours, fondés sur la liberté, croient devoir professer l'indifférence 
en matière de religion, et ils oublient que les bienfaits de la civilisation 
présente, sont le travail des siècles passés, sont les résultats des vérités 
de l'Évangile mises en pratique. L'égalité des hommes devant la loi, ne dé- 
coule-t-elle pas de légalité des hommes devant Dieu?... Devons-nous ainsi re- 
nier le passé; ce qui a été vérité il y a quelques siècles, cesse-t-il donc 
d’être aujourd’hui une vérité? S'il est reconnu qu’une classe d’hommes 
est seule en état de défricher nos landes à peu de frais, sans secousse, sans 
perturbation ; pourquoi ne lui confierions-nous pas ce travail, cette charge? 
Nos institutions modernes ont-elles quelque chose à craindre de la part 
d'hommes laborieux, probes, moraux? Ne serait-il pas plutôt à désirer 
que les individus que la misère pousse au crime et qui vont expier dans 
les prisons la faute d’un moment de désespoir, trouvassent au contraire, 
dans ces abbayes, un refuge, un port de salut qui les conservät honnêtes 
gens? Elles sont donc chimériques les craintes qu'on veut opposer à 
l'établissement de ces couvents. On a beau invoquer le passé, le passé 
ne revient pas; les empires, comme les siècles, marchent et ne rétrogra- 
dent jamais. Lisez l’histoire! 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 24 


Enfin la dernière mesure à laquelle le Gouvernement devrait s'arrêter 
pour être guidé dans toutes les questions que soulèveraient les défriche- 
ments, c'est l'institution d’une commission, composée d'hommes possédant 
à fond l’économie rurale et forestière, qui aurait la mission de visiter les 
bruyères, d'indiquer les moyens de les rendre productives, de détermi- 
ner les parties qui doivent devenir terres arables, celles qu'il convient 
de convertir en bois; de tracer les routes et les canaux que l’on doit éta- 
blir, et de constater les progrès du défrichement, ainsi que les causes qui 
pourraient les ralentir. Cette commission formerait le conseil du Gouver- 
nement. 

Nous avons établi que, pour fertiliser les bruyères et les landes de Ja 
Campine et des Ardennes, il est indispensable de construire dans ces 
deux contrées, des routes, des canaux, et de les traverser par un chemin 
de fer, afin d'y pouvoir conduire au meilleur marché possible les maté- 
riaux et les engrais, dont une grande partie se perd maintenant dans 
les égouts des villes, et dont l'effet serait si puissant dans les bruyères. 
Ces communications faciliteraient en même temps le transport des pro- 
duits. Nous avons indiqué plusieurs autres mesures que nous croyons né- 
cessaires pour réaliser un si vaste projet. Nous ne doutons pas que ces 
mesures, mises en œuvre avec discernement, n'aient les plus prompts et 
les meilleurs résultats; car si l’on recherche avec attention les causes qui 
ont ralenti le zèle et l'esprit entreprenant de nos ancêtres, on les trouvera 
dans l’absence de la plupart de ces mesures. Enfin, si l’on veut sincère- 
ment que les plaines incultes de la Campine et des Ardennes se changent 
en campagnes riantes et fertiles; que de belles forêts de chènes, de hêtres 
et de sapins présentent à nos champs un abri contre les vents du Nord; 
que de bons fourrages nourrissent un nombreux bétail, si l’on veut encore 
que des milliers de bras trouvent chaque jour des moyens d’existence ; 
il faut qu'on ne se laisse pas entrainer par les préjugés du siècle contre les 
ordres monastiques ; qu’on sache distinguer les moines laborieux et utiles 
à la société; que, consultant l'histoire, on fasse le dénombrement des 
bienfaits qu'ils ont opérés dans toutes les contrées de l’Europe, et alors, la 
main sur la conscience, on s’écriera : Oh ! puisse-t-on entendre encore, au 


22 DISSERTATION 


fond de la bruyère, le son de la cloche du monastère de ces vénérables 
cénobites !..….. 

Lorsque le Gouvernement aura rempli sa tâche, qu'il aura détruit 
toutes les entraves qui, jusqu'à ce jour, se sont opposées à la mise en cul- 
ture de nos immenses terrains improductifs, les particuliers viendront à 
leur tour, avec plus d'espoir de succès, se livrer au défrichement des 
bruyères; ils ne devront plus se borner à créer des sapinières, dans la 
crainte de travailler en pure perte. 

Nous croyons nécessaire, pour compléter notre travail, d'indiquer ici 
quelques moyens de culture propres aux bruyères. Toutefois nous ne pré- 
tendons pas faire un traité complet sur l’art de défricher les bruyères; 
nous reconnaissons qu'il est impossible d'établir des principes générale- 
ment et constamment applicables ; nous nous bornerons à indiquer les 
moyens les plus simples à mettre en œuvre par les particuliers qui veu- 
lent se livrer avec prudence à ces sortes de spéculations, sans être obligés 
à de grandes avances de fonds. Néanmoins, nous avons la conviction que 
ces défrichements partiels amèneront des résultats plus prompts et plus 
satisfaisants que les exploitations gigantesques qui exigent de grands mou- 
vements de capitaux, et dont le succès est bien douteux lorsque ce sont 
des particuliers qui les entreprennent. 

Nous allons tracer en peu de mots les différentes opérations qu'exige 
le défrichement d’un terrain de 50 hectares de bruyères : la pemière con- 
siste à sonder le terrain à plusieurs pieds de profondeur, afin de con- 
naître la qualité et l'épaisseur des différentes couches de terre qui s'y 
rencontrent; la deuxième, à en faire le nivellement, afin de bien déter- 
miner les lieux par où on doit faire écouler les eaux; la troisième, à dé- 
signer les parties destinées à être transformées en terres arables, en prés, 
en bois; enfin, la quatrième, à faire creuser des fossés dans lesquels 
doivent venir se perdre les eaux provenant des rigoles qu’on fait faire 
autour de ses terres. À ces travaux préalables, soigneusement terminés, 
succèdera le défrichement. On trouve parmi les terres incultes, comme 
partout ailleurs, des terres de différentes qualités, de mauvaise, de mé- 
diocres et de bonnes. Les sables blancs constituent les terres les plus 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 25 


mauvaises; en les défonçant à une profondeur d’un mètre et demi, on 
rencontre souvent une couche de terre meilleure qu’on amène à la sur- 
face. Ce terrain est alors très-propre à être converti en sapinière et quel- 
quefois même en terre arable. Les bas-fonds sont humides et froids; en 
les saignant de manière que les eaux se jettent dans les fossés destinés à 
les recevoir, on parvient à en faire de bonnes prairies. Rien n’est plus 
précieux que les prairies pour assurer le succès d’un défrichement, parce 
que plus on a de pâturages, plus on peut nourrir de bestiaux, et partant, 
plus on peut se procurer de l’engrais. Quoique l'argile soit la base de la 
fertilité d’un sol, si elle y prédomine trop, elle le rend improductif; le 
soleil la durcit tellement que les racines des plantes ne peuvent s’y déve- 
lopper, et les eaux, ne pouvant filtrer assez rapidement au travers des 
pores trop serrés, les font périr. Un tel terrain, bien amendé avec du sa- 
ble, de la chaux, et convenablement fumé, donnera de belles récoltes de 
seigle, d'orge et même de froment. 

Si, sous le sol qu’on a reconnu propre à être converti en terre arable, 
il existe des pierres ou du tuf, on ne cherchera pas à les rompre si la 
charrue peut passer à plus d’un pied au-dessus, parce que cette espèce de 
banc, en empêchant l’eau de filtrer trop rapidement, conserve à la terre 
une bienfaisante humidité; on doit au contraire les faire disparaître des 
terrains qu’on destine à des bois de chénes et surtout de sapins. Après 
avoir décidé quelles seront les terres qu’on cultivera en céréales et en 
fourrages, et celles qu'on convertira en bois, on commencera par les dé- 
foncer à une profondeur telle que la nature du sol l'exige. 11 n’y a point 
de règle fixe à cet égard; les terrains destinés aux sapinières, ne renfer- 
mant pas de tuf ni d’autres corps durs, peuvent être laissés intacts et en- 
semencés immédiatement; on a seulement soin, dans ce cas, de tracer 
des rigoles et de couvrir la graine avec la terre qu’on en retire. 

Dans les premiers temps du défrichement, la bêche, la pioche et l'éco- 
bue sont les seuls instruments dont on a besoin, à moins qu'on ne préfère 
employer la charrue; mais alors il faut que deux charrues soient mises en 
œuvre simultanément, qu’elles travaillent dans le même sillon et que la 
deuxième soit attelée d’un ou deux chevaux de plus, afin de labourer à 


24 DISSERTATION 


une plus grande profondeur. Ce travail est plus prompt, mais n’est pas 
toujours aussi parfait que celui qu'on effectue à la bêche, parce que, on 
peut, par ce dernier moyen, s’il est nécessaire, défoncer le sol plus pro- 
fondément et atteindre quelquefois une bonne couche de terre. On ne 
saurait dire lequel des deux moyens est réellement le plus économique, 
car cela dépend de la situation des lieux et de la faculté qu’on a de se pro- 
curer des chevaux à la journée ou d’en posséder soi-même pour ce travail. 
Cependant, il est de fait que pour un défrichement de 50 hectares, acheter 
des chevaux serait une erreur, tandis que cet achat devient indispensable 
pour un défrichement sur une vaste échelle. On peut estimer qu'un hec- 
tare de bruyères, aplani et défoncé à la bèche à un mètre de profondeur, 
ne coûte qu'environ 160 francs de main-d'œuvre; l'expérience à justifié 
ce calcul. 

Les gazons, les ronces et les autres plantes qui couvrent la bruyère 
peuvent être utilisés. On doit les enlever, les entasser et, plus tard, les 
réduire en cendres. 

Après que le terrain aura été convenablement labouré et défoncé, le dé- 
fricheur le laisse reposer environ un an, afin que le sol puisse profiter de 
l’'engrais naturel et précieux que l'atmosphère prodigue sans cesse à la 
terre, par la pluie, la neige, la gelée et la rosée. Entre temps, il fait con- 
struire les bâtiments pour les métayers, dont le nombre doit être fixé à 
raison d’une maison par quatre ou cinq hectares au plus. Vers le printemps 
suivant, il fait brûler les gazons et les broussailles qui ne seraient pas con- 
sumés, pour en répandre ensuite les cendres sur les terrains qu’il destine 
à la culture des céréales. Au sortir de l'hiver, si déjà ce travail n’est pas 
fait, il divise ses terres en parcelles d’un hectare au plus, et entoure chaque 
parcelle d’une rigole et d’une plantation de bois taillis sur une largeur de 
trois mètres. Il compose sa plantation de bouleaux, d’acacias ou de mû- 
riers blancs. Ces trois espèces d'arbres croissent dans les terrains les plus 
maigres et viennent bien en taillis. Il abrite ainsi ses champs contre les 
vents du Nord et leur conserve une humidité bienfaisante. 

Après avoir donné un léger labour à la charrue aux terres, sur lesquelles 
il a fait répandre les cendres et les gazons consumés, ainsi que du fumier 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 25 


dans lequel il a laissé dissoudre le résidu de chevaux ou d’autres animaux 
abattus, le défricheur les fait ensemencer de seigle; s’il tarde de faire sa 
semaille jusqu’au mois de mars, il doit évidemment choisir un blé précoce. 
Il fait semer du raigrass et autres bonnes graminées, là où le terrain, par 
son humidité, se dispose naturellement pour devenir un pâturage. Il aura 
soin de créer des prairies artificielles avec la spergule et le sainfoin. Ces 
plantes fourragères constituent une excellente nourriture pour le bétail et 
améliorent sensiblement le sol. Quant aux terrains réservés aux sapinières, 
il peut, afin de les bien préparer pour cette culture, commencer par leur 
faire produire du genêt. L’utilité et les avantages de cet arbuste ne sau- 
raient être contestés , et l’usage dans le défrichement des bruyères ne peut 
en être assez récommandé. Lorsque, après la deuxième année de croissance, 
on l’enfouit vert, il forme un bon engrais, et l’on est sûr d’avoir une 
bonne récolte de seigle. Il est même bon de le faire succéder à cette céréale, 
parce que, au lieu d’épuiser le sol, il le fertilise. La culture du genèt, 
surtout dans l’origine d’un défrichement, est bien avantageuse; car tout en 
diminuant la dépense pour engrais, elle procure un rendement satisfaisant. 

Si les terrains sont destinés à être convertis en bois de sapin, le défri- 
cheur y fera enfouir à la charrue le genêt qui a deux ans, et au printemps 
suivant, il y fera planter ou semer le sapin. 

L'expérience nous a prouvé que la plantation est souvent préférable au 
semis; par cette première méthode on obtient des bois plus beaux, plus 
réguliers ét moins sujets, quand ils sont jeunes, à être endommagés par la 
gelée qui, en soulevant les sapins semés, en détache et découvre les racines ; 
tandis que cet inconvénient est moins grand et moins préjudiciable pour 
ceux qui ont été transplantés, surtout si l’on a eu soin, en les ôtant, de 
leur conserver les petites mottes de terre adhérentes aux racines. Il est 
donc très-utile de choisir, au milieu des terres que l'on a défrichées, une 
des meilleures parcelles, pour y créer par le semis une pépinière d'arbres 
de cette nature. 

Toutes les terres étant ainsi disposées, c’est-à-dire, les différents semis 
étant opérés, il est temps que le défricheur cherche à affermer ses métai- 
ries, dont chacune, comme nous l’avons dit, ne peut se composer que de 

Tome XXI. 4 


26 DISSERTATION 


cinq hectares tout au plus, afin que le métayer puisse les labourer avec un 
ou deux bœufs, et que le fumier provenant de son étable, ainsi que les 
résidus du ménage joints à l'engrais venant des villes, soient suffisants pour 
ameublir convenablement ses champs. 

En parlant du fumier des villes, nous avons particulièrement en vue 
les immondices qui s’écoulent par les égouts pour aller se perdre dans les 
rivières , et qui sont toujours mêlées à une grande quantité de boue et de 
toutes sortes de matières animales. Cet engrais forme de prime abord un 
humus précieux qui amende et fertilise prodigieusement le terrain le plus 
ingrat , et conserve longtemps sa force. Du moment que des routes et des 
canaux faciliteraient le transport du fumier, et en rendraïient par cela même 
le prix modique, ce serait une bonne spéculation que de recueillir ces 
immondices et de les réduire à l’état de dessiccation nécessaire pour qu’on 
puisse les conduire jusqu'au centre des bruyères. 

Si nous avançons que ce n’est qu'après que les terrains incultes auront 
été défoncés , labourés et semés que l’on doit les affermer, c’est que l'expé- 
rience nous a prouvé que le petit cultivateur à qui lon donne en location 
une maison avec des terres encore en friche, n’a pas les moyens de faire 
convenablement à ses frais ces travaux préalables, quand bien même on 
lui accorderait gratuitement, pendant deux années , l'usage de ces terres; 
de plus, il ne peut sur-le-champ se procurer des vaches, parce que le 
fourrage lui manque, tandis qu’en suivant notre système on fait disparaître 
ces inconvénients. 

La construction et la distribution de la maison et de tous les bâtiments 
nécessaires à une métairie, exigent aussi des soins et de l’entendement. Le 
logis du métayer ne doit être ni trop resserré ni trop étendu. Il suffit que 
la plus grande pièce, qui est celle où il se tient dans la journée, ait six 
mètres de longueur sur quatre et demi de largeur. Sa cave peut avoir la 
même grandeur, et au-dessus de celle-ci on construit deux chambres à 
coucher. La distribution intérieure du bâtiment doit être faite de manière 
que les soupiraux de la cave se trouvent au nord. Il est bon que l’étable 
soit attenante au corps de logis, afin que, pendant la nuit, on puisse, en 
cas de besoin, y avoir accès sans devoir passer à l'air. Elle doit être pavée 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 27 


en pente douce pour que l'urine des vaches, qui est un engrais précieux, 
s’écoule dans une fosse construite à cet effet, en briques, hors de l’étable. 
Un bœuf, deux vaches, une génisse et un porc doivent pouvoir y être facile- 
ment placés ; il faut donc qu’elle ait huit mètres de longueur et une largeur 
de quatre mètres et demi au moins. Il est essentiel qu’elle ait environ trois 
mètres de hauteur, afin que les animaux puissent constamment respirer 
un bon air. Une étable bien aérée contribue beaucoup à la santé du bétail. 

Il convient d'isoler la grange et de la placer de sorte qu’elle soit vis-à- 
vis de la façade de derrière de la maison. L'espace entre les deux bâti- 
ments doit être assez large pour y rassembler tout le fumier et y placer 
les meules de bois, etc. Comme il importe au métayer de réunir tout ce 
qui est susceptible de former de l’engrais, il faut qu’il ait soin qu'aucune 
matière, tels que débris de végétaux, etc., ne se perde. La fosse du 
lieu d’aisance doit être maçonnée avec du bon mortier pour que le liquide 
ne puisse filtrer au travers. Des pissoirs doivent être placés de façon que 
les urines viennent s’y rassembler. 

L’engrais provenant des lieux d’aisance est plus précieux qu’on le pense 
et exerce une grande influence sur la végétation. Les Chinois, qui sont les 
premiers agronomes de l'univers, et qui ont porté l’agriculture au plus 
haut degré de perfection, ne fument les céréales qu’avec des excréments hu- 
mains. Pourtant leur pays ne diffère que très-peu du nôtre sous le rapport 
de la fertilité du sol!. Nous avons constaté par nous-même combien l’effet 
de cet engrais est puissant. Nous avons vu dans la Campine une terre bien 
médiocre, naguère encore bruyère, donner une récolte de seigle qui ne 
laissait rien à désirer quant à la qualité de grain, la longueur et l’épais- 
seur de la paille, et qui n’avait été fumée qu'avec de la vidange. Ces faits 
prouvent suflisamment que l’on doit attacher une grande importance au 
rassemblement et à la conservation des matières fécales. 

L'emplacement pour le fumier sortant de l'écurie mérite aussi une atten- 
tion toute particulière. D'abord il faut que cet emplacement soit ombragé 
pour que l’ardeur du soleil n’ait pas trop d'action sur le fumier; ensuite il 


1 Liebig, Traité de chimie organique, introduction, p. 84, éd. de Hauman et C®, 


28 DISSERTATION 


doit être disposé de façon que l’eau du dehors ne vienne s’y perdre; c’est 
pour cela qu'il est indispensable de l’entourer d’une jetée de terre. Le fond 
de ce réceptacle doit être en pente, afin, que le purin, ou jus du fumier, 
s'écoule vers le bas et y soit reçu dans une fosse maçonnée ou dans un 
tonneau défoncé. Ceci est plus nécessaire et plus utile qu’on le croit, 
car le purin contient les parties les plus riches du fumier. S'il en reste, 
après en avoir de temps en temps humecté le fumier, on peut, ainsi que 
l'urine des vaches, le mêler à la vidange, ou l’employer à l'arrosement des 
semailles et des prés, sur lesquels ces deux matières produisent des effets 
étonnants. Enfin, comme nous ne pouvons trop nous étendre ici sur ce 
point, nous nous bornerons à recommander que, dans la construction 
d’une métairie, tout soit disposé de sorte que les immondices, les rési- 
dus du ménage, même l’eau de l'égout, soient conservés, ce que géné- 
ralement on néglige dans les établissements ruraux, et ce qui fait perdre 
ainsi plus d'engrais qu’on ne pourrait le croire. 

Le propriétaire de ces 50 hectares ne conserve sous sa direction que les 
sapinières et autres bois, et, s’il n’a choisi pour métayers que des hommes 
actifs et intelligents, il est assuré du succès de son entreprise. Les sapi- 
nières dont il conserve l’exploitation, n’exigent pas beaucoup de soins 
pendant les deux premières années, mais à la troisième, il commencera par 
les faire sarcler avec précaution, afin de détruire les mauvaises herbes sans 
blesser les racines des jeunes sapins. Il les laissera se dessécher sur place, 
et ensuite les fera recouvrir avec la terre provenant des rigoles qu’il a fait 
creuser à travers ses sapinières, de quatre à quatre mètres de distance. Cette 
opération contribue beaucoup à la végétation du sapin. Tous les deux ans, 
il fait nettoyer et un peu approfondir les rigoles, et jeter de la terre entre 
les arbres. Mais lorsque les sapinières auront atteint leur huitième année, 
alors il doit lutter contre un usage bien nuisible à la culture des arbres ré- 
sineux et qui semble être devenu un droit pour la population indigente ou 
peu aisée. Ce malencontreux usage consiste dans le dépouillement pério- 
dique des feuilles mortes qui jonchent la terre dans les bois. Ces feuilles 
sont un bon engrais; elles forment, après un certain laps de temps, un 
humus précieux, qui fait prospérer la plantation, améliore le sol et le 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 29 


prédispose même à la culture des céréales. La police, dans l'intérêt des 
propriétaires en particulier et des défrichements en général, devrait dé- 
fendre cet abus et le prévenir par une surveillance active, afin que les 
particuliers qui voudraient conserver à leur propriété cet engrais naturel, 
ne fussent pas exposés à voir leurs bois saccagés par la malveillance. 

Après la huitième année, le défricheur commence à retirer quelque re- 
xenu de ses sapinières , par le produit de l’élagage dont la valeur augmente 
sensiblement d'année en année; ensuite la vente des arbres, dont les uns 
servent à chauffer les fours des boulangers et les autres comme bois de 
construction , lui rembourse avec un grand bénéfice le capital qu’il a em- 
ployé à l'achat du terrain et à la création des sapinières. 

Ce défrichement de 50 hectares de bruyères n’entraine pas à de grandes 
dépenses, surtout si l’on emploie plus d’une année à le réaliser, et que 
l'on sache bien distinguer la culture que chaque parcelle réclame. 

Voilà le moyen le plus simple, le plus économique et le plus sûr de 
défricher avec succès les bruyères. Ce système, qui n’embrasse qu'une 
petite étendue de terre, donne presque toujours un bon résultat, parce que 
tout y est bien combiné, c’est-à-dire : que chaque terrain y est consacré 
à la culture qui lui est propre par la situation et la qualité de son sol; que 
l'étendue des métairies est en rapport avec le nombre de bras que la fa- 
mille de chaque métayer, aidée au besoin d’un ouvrier, peut fournir; et, 
que les étables produisent le fumier nécessaire à une telle étendue de 
terre. La dépense la plus importante que les métayers doivent faire, c’est 
l'achat d'engrais et de chaux pour amender les terrains trop compactes. 
Cependant comme l'influence de ces engrais sur la végétation, lorsqu'ils 
sont employés avec discernement, est telle que les produits en sont pres- 
que doublés, cette dépense n’est au fait qu’une avance de fonds toujours 
remboursés avec un bénéfice considérable. 

On prétendra peut-être que tout étant relatif, un défrichement sur 
un vaste plan peut-être entrepris avec les mêmes chances de succès. 
C’est une erreur : car plus une exploitation est grande, plus on a be- 
soin de bras, plus on a de détails à soigner, plus la surveillance est 
difficile. La mise de fonds est aussi plus considérable, et, proportion 


30 DISSERTATION 


gardée, plus forte encore que celle qui est nécessaire à un défrichement 
borné à une cinquantaine d'hectares. On se trompe du tout au tout, lors- 
que l’on calcule que l'exploitation de 500 hectares de bruyères ne peut 
coûter que dix fois ce que coûte celle de cinquante hectares. Les frais sont 
énormes, et pour rentrer dans les avances, il faut faire acquérir au sol une 
valeur grande et stable, et le faire produire constamment et beaucoup. IL 
y a, en outre, un obstacle insurmontable pour celui qui entreprend un trop 
grand défrichement. Cet obstacle, c’est le manque de bras. La campagne 
ne saurait lui fournir le nombre d'ouvriers nécessaires, et l’on chercherait 
en vain, comme nous l'avons prouvé plus haut, à les remplacer par le sur- 
croit des artisans qui végètent dans les villes. Tout doit être en harmonie 
dans une telle entreprise pour qu'elle réussisse; il faut qu'il y ait un en- 
semble parfait. Chaque parcelle de terre exige des soins particuliers et 
continuels; car du moment qu’on les néglige pour des travaux que l’on 
croit plus importants, la terre retourne à son état primitif de stérilité. Une 
exploitation de 500 hectares de bruyères, commencée simultanément et 
continuée de même, laissera, après dix années d’une culture pénible, un 
déficit considérable; les produits réalisés ne compenseront pas à beaucoup 
près la dépense. Ce déficit provient de ce que les produits sont peu nom- 
breux et que, conséquemment, ils reviennent à un prix trop élevé. On doit 
l'attribuer encore au travail des ouvriers, à leur position relative. Ces ou- 
vriers ne peuvent rien faire pour leur compte, soit directement, soit in- 
directement, parce qu'ils n’ont aucun intérêt personnel dans l’entreprise; 
enfin, parce qu'ils ne sont pas domiciliés sur les lieux mêmes. Lorsqu'ils 
sont, pour ainsi dire, attachés au sol qu'ils exploitent, qu'ils y ont leurs 
ménages, que le nombre de ces ouvriers est suffisant pour effectuer les 
travaux nécessaires aux terres qu'ils cultivent, ils consomment sur place 
une grande partie de la récolte, et le défricheur payant une partie des 
journées de travail en nature, se rembourse ainsi d’une bonne partie de 
ses dépenses. Les défrichements qu'entreprenaient les congrégations reli- 
gieuses étaient toujours proportionnés au nombre des moines qui devaient 
les exécuter. Ils prenaient de l'extension au fur et à mesure que la popu- 
lation du couvent et celle des environs augmentaient. Si les abbayes avaient 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 51 


suivi un tout autre système, des milliers d'hectares de bruyères, qui main- 
tenant sont converties en terres fertiles, seraient encore incultes. 

Cependant, de nos jours, nous voyons un défrichement assez considé- 
rable dans la commune de Gheel , province d'Anvers. Cette exploitation 
est dirigée, pour son compte personnel, par un homme ! qui possède de 
grandes connaissances en cette matière. Déjà, depuis peu d’années, il a 
converti en bois, en prairies et en terres arables environ 500 hectares de 
bruyères. Son système de défrichement ne laisse rien à désirer. La direc- 
tion et la surveillance des travaux sont habilement exercées. La seule 
observation que nous ayons à faire tombe sur la trop grande quantité de 
bois qu'il a plantés; plus des trois cinquièmes de ses terres sont consacrés 
à cette culture. Du reste, quelque riante que soit la belle propriété de cet 
intelligent défricheur, quelle que soit l’heureuse métamorphose qu'il a fait 
subir à des terrains naguère encore stériles, nous craignons que ce beau 
domaine n’ait le même sort que ceux du duc de Hoogstraeten et du docteur 
Snellen dont nous avons parlé. Nos craintes se fondent sur ce que, pour 
donner à une si vaste entreprise un avenir prospère, il faut que l’homme 
habile qui l'a commencée ait un successeur possédant le même goût, la 
même intelligence et les mêmes ressources pécuniaires. 

Des bruyères converties en sapinières sont généralement regardées 
comme définitivement défrichées. Nous n’envisageons pas la chose sous le 
même point de vue. Certes, ne couvrir le sol que de bois et de forêts, ce 
n'est faire qu’un défrichement temporaire. Combien ne comptons-nous pas 
aujourd'hui de terrains vagues d’une assez grande étendue qui autrefois 
étaient couverts de bois? Pourquoi ne sont-ils pas cultivés ? Pourquoi les 
laisse-t-on dans un état improductif? En voici la raison : les bois et les 
forêts, ne pouvant alimenter les cultivateurs qui viendraient y établir leurs 
demeures, doivent par cette seule cause rester à jamais de vastes soli- 
tudes, et plus ils seront éloignés du centre d’un village ou d’un hameau, 
plus il y a de probabilité qu'après leur dérodement, les terrains qu'ils 
occupent resteront encore longtemps incultes. Si alors on veut les convertir 


* Le baron Ch. Coppens. 


32 DISSERTATION 


en terres arables ou en pâturages, il faut presque opérer un défrichement 
total ; et, si l’on préfère les replanter de nouveau en bois, on doit se rési- 
gner à faire des travaux préparatoires qui ne seront guère moins longs ni 
moins coûteux que ceux que nécessite un défrichement en terres arables. 
D'ailleurs, comme nous l'avons déjà dit, les particuliers reculent sou- 
vent devant les frais qu’entraînent les défrichements. Nous reconnaissons 
qu'ils n’ont pas tort; les particuliers n'habitant pas pour la plupart sur 
les lieux, se trouvent obligés d'abandonner la surveillance de leurs tra- 
vaux à des mercenaires, qui ont un véritable intérêt à les prolonger le plus 
qu'ils peuvent; tandis qu'au contraire les corporations religieuses exploi- 
taient avec zèle et persévérance, parce que, mü par un tout autre mobile 
que l’intérêt du moment, chaque religieux, en travaillant pour la commu- 
nauté, était convaineu qu'il travaillait en même temps pour lui-même, que 
son existence était intimement liée à celle de son monastère; enfin, qu'il 
enfreignait ses vœux, s’il s’abandonnait à la nonchalance et à la paresse. 
Ainsi, pour qu’un défrichement de bruyères soit profitable à un pays, 
il faut que les meilleures terres soient employées à la culture des céréales 
et des fourrages, et que les autres soient converties en bois. Cependant 
plus on peut créer de pâturages, plus on est certain de réussir, c’est là 
un principe dont on ne peut s'écarter. Les bois sont nécessaires; et, dans 
la supposition qu'un pays ne renfermât que de bonnes terres, encore 
faudrait-il qu'une partie se couvrit d'arbres de toutes essences, car on ne 
peut pas perdre de vue les effets que les plantations produisent sur le 
climat. Les bois exercent une action bienfaisante sur l’état physique d’un 
pays. Ils garantissent le sol contre les funestes influences des mauvais 
vents; ils exercent une action très-prononcée sur leur direction, leur force 
et leurs propriétés physiques, et ainsi sur l’état climatérique, la tempéra- 
ture et l’état sanitaire des pays. Il est connu que souvent les déboise- 
ments ont produit des effets désastreux dans bien des États. On a constaté 
que, par suite de dérodements, des fleuves se sont desséchés, que des 
pays qui souffraient beaucoup des inondations sont maintenant accablés 
par la sécheresse, et que les sources et les puits tarissent fort souvent. 
Nous ne nous arrêterons pas plus longtemps à cette importante question 


SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 3 


météorologique, et nous nous bornerons à dire que notre opinion à cet 
égard est fondée sur les observations faites par MM. Passy et Arago, 
dans la séance de la chambre des députés de France, du 27 février 1856, 
et sur l'Histoire de la nature de Bronn. 

Le défrichement des bruyères de la Belgique doit done être bien rai- 
sonné, dans l'intérêt général du pays. Si elles étaient toutes converties 
en bois, beaucoup de localités deviendraient marécageuses, et leur aspect 
serait triste et sauvage. On évitera ces inconvénients en transformant la 
plus grande partie des terrains incultes en terres arables et pâturages, el 
le reste en bois, qui, par la situation qu’on leur aura donnée, préserve- 
ront la contrée des mauvais vents. Alors des villages s’élèveront insensi- 
blement dans les lieux où jamais n’exista le moimdre vestige d'habitation, 
et la surabondance de la population s’écoulera vers ces nouvelles demeu- 
res, pour y exercer une des plus belles et des plus utiles professions, 
celle de laboureur!.. Et alors seulement la grande œuvre du défrichement 
sera accomplie. 


FIN. 


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DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES DU SECOND DEGRÉ, 


PAR LA GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE; 


M. J.-B. BRASSEUR, 


PFKOFESSEUR ORDINAIRE A L'UNIVERSITÉ DE LIÉGE. 


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MÉMOIRE 


DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES DU SECOND DEGRÉ, 


DÉTERMINÉS 


PAR LA GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 


L'objet de ce mémoire est de déterminer par la géométrie descriptive 
la nature du lieu géométrique dont les distances de chaque point à deux 
autres lieux donnés sont dans le rapport constant k; chacun des lieux 
donnés étant à volonté ou un point, ou une droite, ou un plan. 

Ce même sujet a déjà été traité d’une manière simple et élégante pour 
le cas particulier de 4 — 1, par M. Olivier, dans ses Développements de 
géométrie descriptive, où il ajoute (page 355) qu'il n’a pu parvenir à 
déterminer la nature géométrique du lieu dont il s’agit par des considé- 
rations de géométrie descriptive pure, lorsque # n’est plus égal à l'unité. 

Nous avons pensé qu'il y aurait quelque mérite à traiter une question 
qu'un savant aussi distingué n’a pas jugée exempte de difficulté, et nous 
avons l'honneur de soumettre au jugement de l'Académie le résultat de 
nos recherches sur ce point. 


& 


SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


SI 


LIEU GÉOMÉTRIQUE DES POINTS DE L'ESPACE DONT LES DISTANCES DE CHACUN À DEUX POINTS 
FIXES SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT #. 


Propriété du lieu demandé. — Le lieu géométrique, dont les distances 
de chaque point à deux points fixes sont dans le rapport constant k, est 
une sphère, qui a son centre sur la droite qui joint ces deux points fixes, 
et qui coupe cette droite en deux points, extrémités d’un même diamètre, 
et tels que le rapport des distances de chacun d’eux aux deux points 
fixes est égal à k. 

Lorsque k — 1, le lieu demandé se réduit au plan perpendiculaire 
élevé par le milieu de la droite qui joint les deux points fixes. 


Démonstration. — Il est facile de reconnaitre que le lieu cherché ne 
peut être qu'une surface de révolution autour de la droite qui joint les 
deux points fixes; il suffira donc de déterminer la nature d’un méridien 
de la surface; ce qui conduit à la question de géométrie plane : détermi- 
ner le lieu de tous les points d’un plan, les distances de chaque point à 
deux points fixes de ce plan étant dans le rapport constant k. 

Par les deux points fixes A et B (fig. à), taçons une circonférence quel- 
conque AB, et d’un point fixe quelconque GC, pris sur le prolongement 
de la droite AB, menons la tangente Cn. La distance du point de contact 
n au point fixe C sera donnée par la relation 


2 


Cn= CAI.-CB: 
celle-ci montre que cette distance est indépendante du rayon du cercle ABn; 
si donc on fait varier le cercle ABn, le point de contact n restera sur 
une même circonférence dont le centré est en C. 
D'un autre côté, si l’on tire les deux droites nA, nB; les deux triangles 
semblables nCA, nCB donnent la proportion : 


nA : nB — Cn : CB; 


DU SECOND DEGRÉ. B) 


les deux termes du second rapport de cette proportion étant constants, le 
premier rapport l’est aussi, et fait voir que les distances du point », c’est- 
à-dire, d’un point quelconque de la circonférence C aux deux points fixes 
A et B, sont toujours dans un même rapport. 

Lorsque la valeur de ce rapport est donnée égale à k, alors sur la droite 
qui joint les deux points fixes, on construira deux points m, m’, tels que 
les distances de chacun aux deux points fixes À et B soient dans le rapport 
k; la droite mm! sera un diamètre de la circonférence qui satisfait à la 
définition du lieu géométrique plan qu'il s'agissait de déterminer. Si l’on 
fait tourner cette circonférence autour de ce diamètre, la surface sphérique 
engendrée jouira de la propriété que les distances de chacun de ses points 
aux deux points fixes sont dans le rapport constant k; ce qui était à 
démontrer. 


Corollaire. — En coupant cette sphère par un plan, on déduit la consé- 
quence suivante : si un point se meut dans un plan, de manière que le 
rapport de ses distances à deux points fixes, situés ou non dans ce plan, 
reste constant, il décrira une circonférence de cercle. 


SIL. 


LIEU GÉOMÉTRIQUE DES POINTS DE L'ESPACE DONT LES DISTANCES A UN. POINT ET, A UN PLAN 
DONNÉS SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT /. 


Propriété du lieu demandé. — Le lieu géométrique des points de l'espace, 
dont les distances respectives à un point et à un plan donnés sont dans le 
rapport constant £, est une surface de révolution engendrée par une 
courbe du second degré tournant autour de son grand axe. 

Cette courbe a pour foyer le point donné, et pour directrice la droite 
d'intersection du plan donné avec un plan perpendiculaire mené par le 
point donné. 


6 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 
La surface sera : 


Un ellipsoïde de révolution allongé, si 4 € 1, 
Un hyperboloïde de révolution à deux nappes, si k > 1, 
Un paraboloïde de révolution, si k — 1. 


Démonstration. — On sait démontrer par la synthèse ! que le lieu géo- 
métrique de tous les points d’un plan, dont les distances à un point et à 
une droite donnés dans ce plan sont dans le rapport constant k, est une 
courbe du second degré, savoir : 


Une ellipse, si ok <1 | 
Une hyperbole, si k > 1 on nd TU (CE 
Une parabole, si k — 1 | 


On sait d’ailleurs que le point et la droite donnés sont respectivement 
un foyer et une directrice de la courbe du second degré et que le grand 
axe de celle-ci est toujours perpendiculaire à la directrice. 

Si donc l’on fait tourner cette courbe du second degré avec sa direc- 
trice autour du grand axe, la courbe engendrera une surface de révolu- 
tion du second degré et sa directrice un plan perpendiculaire à l'axe de 
révolution; et il est évident que les distances de chaque point de la surface 
au foyer et à ce plan sont encore dans le rapport constant k; d’où l’on 
déduit comme réciproque la propriété du lieu demandé. 


Corollaire. — Si un point se meut dans un plan donné de manière que 
le rapport de ses distances à un point et à un plan fixes reste constant, il 
décrira une courbe du second degré, intersection de ce plan avec la sur- 
face de révolution définie plus haut. Cette courbe est toujours une ellipse, 


* M. Dandelin, colonel du génie, a démontré (Mémoires de l Académie) que la section faite dans 
un cône de révolution par un plan tangent à deux sphères inscrites à ce cône, est.une courbe du 
second degré ayant pour foyers les deux points de contact. M. Olivier, dans sa Géométrie descrip- 
tive, a déduit de ce beau théorème que les droites dans lesquelles le plan tangent coupe les plans 
des cercles de contact des sphères avec le cône sont les directrices de la même courbe. 


| 


DU SECOND DEGRÉ. 


quand le plan donné rencontre la droite fixe. Si le plan donné est paral- 
lèle à la droite fixe, la courbe sera une parabole, si £— 1; une hyperbole, 
si k > 1 et une ellipse, si 4 < 1. 


$ II. 


LIEU GÉOMÉTRIQUE DES POINTS DE L'ESPACE DONT LES DISTANCES À UN POINT ET A UNE DROITE 
DONNÉS SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT #. 


Propriété du lieu demandé. — Le lieu géométrique des points de l’espace, 
dont les distances à un point et à une droite sont dans le rapport cons- 
tant k, est une surface de révolution, engendrée par une courbe du second 
degré qui tourne autour de son petit axe et qui a respectivement pour 
foyer et directrice le point et la droite donnés. 

La surface sera : 


Un ellipsoïde de révolution surbaïssé, si 4 < 1, 

Un hyperboloïde de révolution à une nappe, si # > 1, 

Une surface cylindrique projetée sur le plan qui passe par le point et la droite dans une pa- 
rabole qui a respectivement pour foyer et directrice le point et la droite donnés, si i—1. 


Démonstration. — Nous ferons d’abord voir que le lieu cherché est une 
surface de révolution. A cet effet, désignons par D la droite donnée et 
par P le point donné. Prenons sur la droite un point quelconque C et 
imaginons la sphère auxiliaire, lieu des points de l'espace dont les dis- 
tances aux points P et C sont dans le rapport k. Si par le point C nous 
menons un plan perpendiculaire à la droite D, ce plan coupera la sphère 
suivant une circonférence de petit cercle, qui appartiendra au lieu cher- 
ché, comme il est facile de le voir, si l’on fait attention que les distances 
des divers points de cette circonférence au point C sont aussi les distances 
des mêmes points à la droite D. 

On aura de la même manière autant de circonférences du lieu cherché 
que l’on voudra bien considérer de points C sur la droite D : s'il arrivait 


8 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


que le plan, mené par le point C perpendiculairement à la droite D, ne 
coupât pas la sphère, ce serait une preuve que le lieu cherché ne s’étend 
pas jusqu’à ce plan. 

Pour que ces circonférences, dont les plans sont, par construction, per- 
pendiculaires à la droite D, appartiennent à une surface de révolution, il 
faut encore que leurs centres se trouvent sur une même droite parallèle à D. 

Pour démontrer ce dernier point, remarquons que la parallèle à D, 
menée par le centre d’une sphère auxiliaire, doit passer par le centre de 
la circonférence fournie par cette sphère. D’après cela, si les centres de 
toutes les sphères sont sur une même droite parallèle à D, cette parallèle 
sera l'axe de révolution de la surface qui nous occupe. 

D'abord le centre de la sphère auxiliaire, que nous avons considérée 
plus haut, se trouve sur la droite PC et par suite dans le plan PD. Soient 
m et n les points dans lesquels cette droite PC rencontre la sphère, mn sera 
un diamètre de cette dernière et l’on aura respectivement pour les deux 
points m et n : 


mP : mC 
nn 


I 
= 


Comme le point P est fixe, ces égalités prouvent que tandis que le point C 
se meut sur la droite D, les points m et n décrivent chacun dans le plan 
PD, une parallèle à D; donc le point milieu de mn, c’est-à-dire, le centre 
de la sphère décrit aussi dans le même plan une parallèle à D. Ainsi les 
centres de toutes les sphères se trouvent dans le plan PD sur une même 
parallèle à D; cette parallèle est donc l’axe de révolution de la surface. 

Faisons voir maintenant qu'un méridien de la surface est une courbe 
du second degré dont le petit axe coïncide avec l'axe de révolution. 

Le plan qui passe par le point P et la droite D, passant aussi par l'axe 
de révolution, coupe la surface dans un méridien. Les distances de chaque 
point de ce méridien au point P et à la droite D, devant être dans le rap- 
port constant k, ce méridien est une courbe du second degré ayant res- 
pectivement pour foyer et directrice le point P et la droite D; ce sera, 
d’après la relation (9) du paragraphe (2), 


DU SECOND DEGRÉ. 9 


Une ellipse, si k «€ 1, 
Une hyperbole, si k > 1, 


Une parabole, si k = 1. 


Puisque D est la directrice, le grand axe de la courbe du second degré 
coïncidera avec la perpendiculaire abaïssée du foyer P sur D, et le petit 
axe sera parallèle à D et par suite à l'axe de révolution; or, le petit axe de 
la courbe devra de plus coïncider avec l'axe de révolution de la surface : 
sans cela, la courbe du second degré, en tournant autour d’une droite qui 
ne serait pas un de ses axes, engendrerait une surface de révolution qui 
pourrait être coupée par un plan perpendiculaire à cette droite, suivant 
deux circonférences de cercles. Mais les considérations, qui ont conduit à 
conclure que le lieu cherché était composé uniquement d’un système de 
cercles parallèles, excluent cette hypothèse. 

Lorsque £ — 1, le méridien de la surface de révolution est une para- 
bole qui, tournant autour de son petit axe situé à l'infini, engendre une 
surface cylindrique projetée dans ce même méridien. On arriverait di- 
rectement à la même conclusion, en remarquant que les sphères auxi- 
liaires dont nous avons fait usage dans le cas général, se changent en 
plans dans le cas particulier de k = 1. 


Corollaire 1. — En coupant par un plan la surface que nous venons de 
déterminer, on a le corollaire : 

Si un point se meut dans un plan de manière que le rapport de ses 
distances à un point et à une droite fixes, situés ou non dans ce plan, 
reste toujours égal à k, il décrira une parabole, si £ — 1; une ellipse, si 
k < 1, et une courbe du second degré dont la nature dépend de la posi- 
tion du plan, si k > 1. 


Corollaire 2. — Lorsque k — 1, on a cet autre corollaire : 

La courbe à double courbure, intersection d’une sphère et d’un cylin- 
dre de révolution qui ont des rayons égaux, se projette sur le plan, qui 
passe par le centre de la sphère et l'axe du cylindre, dans une parabole 
qui a respectivement pour foyer et directrice le centre de la sphère et l'axe 


Tome XXI. 2 


10 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


du cylindre. La même courbe à double courbure se projette, sur un plan 
perpendiculaire à l’axe du cylindre, dans une circonférence de cercle, 
section droite du cylindre. 

Mais cette propriété est plus générale et peut s’énoncer ainsi : toutes 
les courbes à double courbure, intersections d’une série de sphères con- 
centriques avec une série de cylindres de révolution ayant même axe, 
pourvu que les sphères et les cylindres aient deux à deux des rayons égaux, 
se projettent, suivant une même parabole, sur le plan qui passe par le 
centre de la sphère et l'axe du cylindre. Ce centre et cet axe sont respec- 
tivement le foyer et la directrice de la parabole. 


$ IV. 


LIEU GÉOMÉTRIQUE DONT LES DISTANCES DE CHAQUE POINT A UNE DROITE ET A UN PLAN 
DONNÉS SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT . 


Propriété du lieu demandé. — Le lieu géométrique dont les distances de 
chaque point à une droite et à un plan donnés sont dans le rapport con- 
stant k, est une surface conique dont le sommet est au point de rencontre 
de la droite avec le plan. Toute section faite dans cette surface, par un 
plan perpendiculaire à la droite, est une courbe du second degré qui a 
pour foyer le point dans lequel le plan perpendiculaire rencontre la droite 
et pour directrice la droite dans laquelle le plan perpendiculaire rencon- 
tre le plan proposé : la courbe sera, en désignant par « l'angle de la 
droite avec le plan donné : 


Une parabole, si 4 cos. & — 1, 
Une ellipse, si k cos. a € 1, 
Une hyperbole, si k cos. «a > 1. 


La section faite dans la surface conique par un plan parallèle au plan 
proposé est toujours une ellipse. 


DU SECOND DEGRÉ. 11 


La surface conique sera de révolution autour de la droite, si celle-ci 
est perpendiculaire au plan donné. 

Enfin la surface conique dégénère en surface cylindrique, si la droite 
est parallèle au plan. 


Démonstration. — Que le lieu cherché est une surface conique, cela est 
une conséquence du principe suivant : « Si deux droites rencontrent un 
plan en un même point, les distances d’un point quelconque de la pre- 
mière droite à la seconde et à ce plan sont toujours dans un même rapport. » 
De là résulte en effet, en désignant par S le point dans lequel la droite 
donnée rencontre le plan donné, que si m est un point du lieu cherché, 
tous les points de la droite Sm appartiendront au même lieu; donc le lieu 
cherché est composé de toutes droites qui passent par le point S, et par- 
tant, une surface conique qui a son sommet en S. 

En considérant un plan quelconque perpendiculaire à la droite pro- 
posée, il coupera celle-ci en un point D, le plan proposé dans une droite 
T et la surface conique en une courbe qu'il s’agit de déterminer. Si m est 
un point quelconque de cette courbe, la distance de m à la droite propo- 
sée sera mb; et si du même point m» nous menons la perpendiculaire P au 
plan proposé et la perpendiculaire P’ à la droite T, nous aurons d’abord : 


mD : P = k: 


D'un autre côté, 8 désignant l'angle du plan perpendiculaire avec le 
plan proposé, on a la relation suivante entre P et P' : 


PI PésmuE. 
Substituant cette valeur de P dans le rapport précédent, il devient : 
mD : P— k sin. 8. 


En désignant par l'angle de la droite proposé avec le plan proposé, « 
sera complément de 8, et le rapport précédent se change en 


mD : P'—= k cos. «. 


12 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


Cette égalité signifie que le rapport des distances du point m au point 
D et à la droite T est constant et égal a k cos «; le point m appartient 
donc à une courbe du second degré qui a respectivement pour foyer et 
directrice le point D et la droite T; cette courbe sera 


Une parabole, si Æ cos. x — 1, 
Une ellipse, si k cos. x < 1, 
Une hyperbole, si 4 cos. « > 1. 


Ainsi se trouve démontré qu'un plan, perpendiculaire à la droite pro- 
posée, coupe la surface conique dans une courbe du second degré qui a 
pour foyer le point, dans lequel ce plan rencontre la droite proposée, et pour 
directrice la droite, dans laquelle ce même plan rencontre le plan proposé. 

Il nous reste à faire voir que toute section faite dans la surface conique 
par un plan parallèle au plan proposé est toujours une ellipse. 

Pour cela, ayant construit deux droites dont les longueurs d, d' soient 
dans le rapport constant k, imaginons le cylindre de révolution qui a pour 
axe la droite proposée et pour rayon d; imaginons également un plan 
auxiliaire parallèle au plan proposé et qui en soit distant de la quantité 
d', 11 est évident que la courbe d’intersection du cylindre avec le plan 
auxiliaire appartient au lieu cherché. Or, cette courbe est une ellipse; et 
comme on arrivera à la même conclusion si l’on fait varier ensemble d et d’ 
sans faire varier leur rapport, il s'ensuit que le lieu demandé que nous sa- 
vons être une surface conique, est composé d’une suite d’ellipses parallèles 
au plan proposé ; ce qui était à démontrer. 

En faisant les mêmes raisonnements pour le cas où la droite proposée 
est perpendiculaire au plan donné, on trouvera que le lieu cherché est une 
surface conique de révolution autour de la droite, et enfin, si la droite est 
parallèle au plan proposé, que le lieu demandé est une surface cylindrique 
dont les génératrices sont parallèles à la droite proposée. 

Corollaire 1. — Si un point se meut dans un plan donné de manière 
que le rapport de ses distances à une droite et à un plan fixes soit con- 
stant et égal à k, il décrira dans le plan donné une courbe du deuxième 
degré, intersection de ce plan avec la surface conique examinée plus haut. 


DU SECOND DEGRÉ. 15 


Corollaire 2. — Lorsque £ — 1, l’on a le corollaire suivant : si une 
sphère variable de rayon se meut dans l'espace, de manière à toucher à la 
fois une droite et un plan fixes, le centre se mouvra sur une surface co- 
nique. Si le centre de la sphère est de plus assujetti à se mouvoir dans un 
plan donné, alors il décrira une courbe du second degré, intersection 
de ce plan avec la même surface conique. De là résulte également que 
l'axe du canal engendré par une sphère variable de rayon, laquelle est 
assujettie à toucher à la fois une droite et un plan fixes, tandis que son cen- 
tre doit se mouvoir dans un autre plan donné, est une courbe du second 
degré. 

La courbe décrite par le centre de la sphère est, dans tous les cas, une 
ellipse, si le plan dans lequel se meut le centre est parallèle au plan fixe; 
mais alors le rayon de la sphère est évidemment constant, et l’on a cet 
autre corollaire : 


Corollaire 3. — Si une sphère de rayon constant R se meut de manière 
à toucher à la fois une droite et un plan fixes, le centre décrira une 
ellipse dans un plan parallèle mené à la distance R du plan fixe. 

Cette ellipse, qui se projette dans une circonférence de rayon R, sur 
un plan perpendiculaire à la droite fixe, est en même temps l'axe du 
canal engendré par la sphère. 


Corollaire 4.— Une droite de longueur R se meut de manière à toujours 
faire un même angle + avec une droite fixe; si l’une des extrémités de R 
se meut sur la droite fixe, l’autre extrémité décrira dans un plan fixe une 
ellipse. En eflet, la courbe n’est autre que celle décrite par le centre d’une 
sphère de rayon R sin. +, laquelle serait assujettie à toucher à la fois la 
droite fixe et un plan parallèle mené à la distance R sin. « du plan fixe. 


14 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


$ V. 


LIEU GÉOMÉTRIQUE DES POINTS DE L'ESPACE DONT LES DISTANCES RESPECTIVES A DEUX 
DROITES SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT #4. 


Premier cas. — Les deux droites sont parallèles. 


Propriété du lieu demandé. — Le lieu géométrique dont le rapport des 
distances de chaque point à deux droites parallèles est constant et égal à k, 
est une surface cylindrique qui se projette sur un plan perpendiculaire aux 
deux parallèles, dans une circonférence dont le rapport des distances de 
chaque point aux deux points de rencontre du plan perpendiculaire avec 
les deux parallèles est constant et égal à k. Cela est évident et n’exige 
aucune démonstration. 


Corollaire. — Si un point se meut dans un plan, de manière que le rap- 
port de ses distances à deux droites parallèles est constamment égal à k, 
il décrira dans ce plan une ellipse, intersection de ce plan avec la surface 
cylindrique de révolution définie plus haut. 


Deuxième cas. — Les deux droites se coupent. 


Propriété du lieu demandé. — Le lieu géométrique, dont les distances de 
chaque point à deux droites qui se coupent sont dans le rapport constant 
k, est une surface conique qui a pour sommet le point d’intersection des 
deux droites. Cette surface est toujours coupée suivant une ellipse par 
tout plan parallèle à l’un ou à l’autre des deux plans bissecteurs 1 des an- 
gles des deux droites. 

Lorsque k — 1, le lieu demandé se réduit aux deux plans bissecteurs 
des angles formés par les deux droites. 


! Par plans bissecteurs des angles de deux droites, nous entendons deux plans perpendiculaires 
au plan de ces droites et passant respectivement par les bissectrices de leurs angles. 


DU SECOND DEGRÉ. 15 


Démonstration. — Si l'on se donne un point du lieu demandé, c’est-à- 
dire, un point dont les distances aux deux droites proposées sont dans le 
rapport constant k, il résulte du principe, que nous allons citer, que la 
droite qui joint ce point avec le sommet de l'angle des droites proposées 
appartient au même lieu, et par suite que le lieu cherché est une surface 
conique dont le sommet coïncide avec celui de l'angle des deux droites. 
Ce principe est le suivant : « Si trois droites situées ou non dans un 
même plan, passent par un même point, les distances d’un point quel- 
conque de l’une d’elles aux deux autres sont toujours dans un même rap- 
port. » 

Démontrons maintenant que le lieu cherché, qui est une surface co- 
nique, est toujours coupé suivant une ellipse par tout plan parallèle à 
l’un ou l’autre des deux plans bissecteurs des angles formés par les deux 
droites. 

Désignons par D, D’ les deux droites proposées, et, dans leur plan, me- 
nons une parallèle quelconque à l’une d'elles, à D, par exemple, et dési- 
gnons cette parallèle par d. Imaginons aussi la surface cylindrique de 
révolution dont les distances de chaque point aux deux parallèles D, d 
sont dans le rapport constant k. Cela fait, les deux plans bissecteurs des 
angles formés par d et D' couperont la surface cylindrique dans deux el- 
lipses, qui feront parti du lieu demandé, comme il est facile de s’en con- 
vaincre, si l’on fait attention que la distance d’un point quelconque de 
l'une de ces sections à la droite d est égale à la distance du même point à 
la droite D'; mais les plans bissecteurs des angles formés par d et D’ sont 
respectivement parallèles aux plans bissecteurs des angles des deux droites 
proposées D, D’; et ainsi se trouve établie la propriété énoncée. 


Corollaire 4. — La courbe à double courbure, intersection de deux cy- 
lindres de révolution, dont les axes se coupent, se trouve sur la surface 
conique définie plus haut. Cette courbe se réduit à deux ellipses , lorsque 
les raycns des deux cylindres sont égaux. Cela vient de ce que le lieu des 
points de l’espace dont chacun est à égale distance des deux droites, se 
réduit aux deux plans bissecteurs des angles de ces droites. 


16 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


Corollaire 2. — Si un point se meut dans un plan de manière que le 
rapport de ses distances à deux droites, qui se coupent, est constamment 
égal à k, il décrira une courbe du second degré, intersection de ce plan 
avec la surface conique définie plus haut. 

Cette courbe , dont la nature dépend de la position du plan par rapport 
au cône, sera dans tous les cas une hyperbole, si le plan est parallèle au 
plan des deux droites, et une ellipse, si le plan est parallèle à l’un des deux 
plans bissecteurs des angles des deux droites. 


Troisième cas. — Les deux droites ne sont pas situées dans un même 


planetkest > ou < 1. 


Propriété du lieu demandé. — Le lieu géométrique dont les distances de 
chaque point à deux droites non situées dans un même plan, sont dans le 
rapport constant k, est un hyperboloïde à une nappe. 


Démonstration. — Nous présenterons d'abord la solution de la question 
proposée pour #, plus grand ou plus petit que l'unité, et nous examinerons 
à part les modifications que subit cette solution, lorsque k est égal à l'unité. 

Par la plus courte distance entre les deux droites proposées, menons 
deux plans, l’un perpendiculaire à la première droite, l'autre perpendicu- 
laire à la seconde droite. Ces deux plans, étant pris pour plans de projec- 
ion, feront entre eux un angle supplément de celui des deux droites 
proposées; chaque droite se projettera en un point sur le plan auquel elle 
est perpendiculaire, et les perpendiculaires à cette droite se projetteront 
dans leurs véritables grandeurs sur ce même plan. Ces propriétés sont 
indépendantes de l'angle que les plans de projection font entre eux, pourvu 
que l’on projette orthogonalement. 

Comme la considération des plans bissecteurs des angles, que font les 
plans de projection, nous deviendra nécessaire dans le courant de la dé- 
monstration, nous conviendrons de les nommer simplement plans bissec- 
teurs et de désigner par B celui dont les deux projections de chaque point 
coïncident, et par B celui dont les deux projections de chaque point sont 


DU SECOND DEGRÉ. 17 


de part et d'autre à égale distance de la ligne de terre. Cela convenu, 
passons à la représentation des données. 

Soit le point D, pris sur la ligne de terre (fig. 1), la projection horizon- 
tale de la première droite qui-est perpendiculaire au plan horizontal de 
projection, et que nous désignerons par (D). 

Soit le point D’, également pris sur la ligne de terre, la projection ver- 
ticale de la seconde droite qui est perpendiculaire au plan vertical de 
projection, et que nous désignerons par (D). 

Les données étant représentées de la sorte, si n, n! sont respectivement 
les projections horizontale et verticale d’un point de l’espace, xD sera la 
projection horizontale de la distance du point (n, n’) à la droite (D), et n'D’ 
la projection verticale de la distance du même point à la droite (D’); et 
comme les projections de ces distances sont respectivement égales à ces 
distances mêmes, il en résulte que, si le point (n, n') appartient au lieu 
demandé, l’on aura 


Din Dh rbre eme un(e) 


et réciproquement, si cette relation a lieu entre les deux projections n,n! 
d’un point de l'espace, ce point appartiendra au lieu demandé. 

Cette considération ramène l’objet de nos recherches à un problème des 
deux dimensions et nous permet de démontrer que le lieu en question est 
une surface gauche doublement réglée et partant un paraboloïde ou un 
hyperboloïde à une nappe. 

Ayant décrit la circonférence de cercle »m m', dont les distances de cha- 
que point aux deux points fixes D, D’ sont dans le rapport constant k, de 
sorte que l’on a pour un point quelconque a de cette circonférence 


CON GDE = MODEM 


si l’on considère le cylindre vertical projeté dans cette circonférence, les 

deux plans bissecteurs B, B' couperont ce cylindre dans deux ellipses E, E’ 
qui font partie du lieu demandé. 

En effet, soit (4, a) un point de ce cylindre; ce point est situé dans le plan 
Tome XXI. 3 


18 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


bissecteur B, à cause que ses deux projections coïncident, et il appar- 
tient, d’après (+) au lieu demandé, à cause que l’on a 


aD : aD’ — k. 


Soit (a, a’) (fig. 2) un point du même cylindre, mais situé dans le plan 
bissecteur B', ce qui donne a1— a"); ce point appartiendra au lieu de- 
mandé, à cause de la proportion 


aD : aD’ = k, 


que l’on déduit du rapport précédent en y remplaçant aD’ par son 
égal a'D”. 

Les deux ellipses E, E’ que nous venons de déterminer, nous permet- 
tent de faire voir que le lieu demandé est composé de deux systèmes de 
droites. 

Par le point a (fig. 1), qui représente les deux projections d’un point 
de l’ellipse E, ayant mené na perpendiculaire à «D, et n'a perpendiculaire 
à al, je dis que la droite de l’espace, qui a respectivement pour projec- 
tions horizontale et verticale na et n'a, fait partie du lieu cherché. Pour 
qu'il en soit ainsi, il faut que, pour un point quelconque (n,n') de cette 
droite, on ait la relation 


nD:nD=k . .. . . (2 


Or, les deux triangles nan! et DaD’ sont semblables, comme ayant leurs 
trois côtés respectivement perpendiculaires, et donnent la proportion 


na : aD = n'a : al)’, 


d’après laquelle les deux triangles rectangles naD, n'aD', dont les hypo- 
ténuses ne sont pas tracées sur la figure, sont également semblables et 
fournissent cette autre proportion, dont le dernier rapport d’après (1) est 
égal à k, 


nD :; n'D' — aD : aD' — k, 


DU SECOND DEGRÉ. 19 


laquelle prouve lexactitude de la relation (2) : donc la droite (na, n'a) 
appartient au lieu cherché. 

Toutes les droites construites d’après le même procédé constituent une 
surface gauche. 

En effet, soient (fig. 5) les deux droites quelconques (na,n'a), (nb,n'b), 
construites comme nous venons de l'indiquer, et supposons que le point n, 
intersection de leurs projections horizontales, puisse se trouver sur une 
même perpendiculaire à la ligne de terre avec le point »’, intersection de 
leurs projections verticales, il en résultera que les deux triangles nan’, 
DaD' sont semblables et donnent 


na : aD = nn’ : DD’; 

que les deux triangles nbn!, DbD' sont semblables et donnent 
nb1:.bD —= "nn"; DD': 

Ces deux proportions fournissent cette troisième : 
na : aD — nb : bD, 


de laquelle résulte que les deux triangles rectangles naD, nbD sont sem- 
blables ; et comme ils ont même hypoténuse nD, ils sont égaux, et l'on a 


na —= nb, et n'a = nb, 


ce qui est impossible, à moins que b ne coïncide avec a, ce qui n'est pas; 
donc la supposition que n et n' puissent se trouver sur une même perpen- 
diculaire à la ligne de terre, est également impossible, et partant, les deux 
droites (na,n'a), (nb, n'b) ne sauraient se couper; et comme elles ne peuvent 
pas non plus être parallèles, elles ne sauraient donc jamais être dans un 
même plan ; donc, etc. 

L'ellipse E’ va nous servir pour construire le second système de droites, 
satisfaisant au lieu demandé. 

Soit a, a! (fig. 2) les deux projections d’un point quelconque de l’el- 


20 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


lipse E’; ayant mené na perpendiculaire à aD et n'a perpendiculaire à 
a'D', je dis que la droite (na, na’) ayant respectivement pour projections 
horizontale et verticale na et n'a!, appartient au lieu cherché, c’est-à-dire 
que pour un point quelconque (n, n') de cette droite, on aura toujours la 
relation 


DD ND = Kb ed) 


Et, en effet, si l’on mène an!’ perpendiculaire à al)’, on pourra considérer 
na, n''a comme les deux projections horizontale et verticale d’une droite de 
la surface gauche déterminée plus haut; on aura donc, pour le point (n,n’') 
de cette droite, l'égalité 


nDenD— Er 


Or, d’après la figure, on reconnaît facilement que n''D' — n'D'; et en rem- 
plaçant »''D'par son égal n'D’, l'égalité précédente devient 


nD : nD' = #4, 


laquelle coïncidant avec l'équation (4), prouve la validité de cette dernière. 
Donc la droite (na, n'a’) menée par un point de l’ellipse E’ et toutes celles 
construites d’après la même loi par les différents points de cette courbe, 
appartiennent au lieu demandé. 

Faisons remarquer que l’on passe de la droite (na, n''a) menée par le 
point (a, a) de l'ellipse E, à la droite (na, n'a’) menée par le point (a, a’) de 
l'ellipse E’, en faisant tourner n''a autour de la ligne de terre, comme 
pour la rabattre en deçà de cette ligne. 

Au moyen de cette remarque, on prouvera facilement que deux droites 
construites d’après la même loi que (na, n'a'), et menées par deux points 
quelconques de l’ellipse E’, ne sont jamais dans un même plan et par suite 
que la surface formée par toutes ces droites est également gauche. 

Il nous reste à faire voir que les deux surfaces gauches que nous venons 
de déterminer, ne forment qu’une seule et même surface: et pour cela 
qu’une droite quelconque de la première surface gauche rencontre tou- 


DU SECOND DEGRÉ. 21 


jours une droite quelconque de la seconde. Soit (fig. #4), (na,n'a) une 
droite de la première surface gauche et (nb,n'b') une droite de la seconde ; 
je dis que le point x, intersection de leurs projections horizontales, et le 
point »’, intersection de leurs projections verticales, se trouvent toujours 
sur une même perpendiculaire à la ligne de terre. 

En effet, si nn n'est pas perpendiculaire à la ligne de terre, soit nyx 
cette perpendiculaire. Cela posé : 

Pour le point (n,x) situé sur la droite (na, n'a), on a 


nD : xD’ = k; 
pour le point (n, y) situé sur la droite (nb,n'b'), on a 
ADESUDE NE 


De ces deux égalités on déduit que l’oblique xD’ — l'oblique yD'; ce qui 
n'est possible que dans le cas où x et y seraient situés de part et d'autre 
et à égale distance de la ligne de terre. 

Mais dans ce cas a devrait coïncider avec b, les projections horizontales 
na, nb se confondraient, les deux droites seraient situées dans un même 
plan et il n’y aurait pas lieu à démonstration. Ainsi a ne coïncidant pas 
avec b, il est impossible que la droite ny soit perpendiculaire à la ligne 
de terre; donc nn’ est cette perpendiculaire, et partant les deux droites 
(na,n'a), (nb,n'b') se coupent et sont dans un même plan. 

Le lieu cherché étant une surface doublement réglée, qui est coupée 
par les plans B,B' suivant deux courbes fermées (ellipses), ne peut être 
qu'un hyperboloïde à une nappe. 

Il est facile de s'assurer que la ligne de terre, plus courte distance 
entre les deux droites (D), (D'), est normale à l'hyperboloïde aux deux 
points m, m' dans lesquels elle le rencontre. 


Corollaire À. — La courbe à double courbure, intersection de deux CY- 
lindres de révolution de rayons différents et ayant respectivement pour 
axes deux droites non situées dans un même plan , appartient à l'hyperbo- 


22 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


loïide à une nappe, lieu des points de l'espace dont le rapport des dis- 
tances respectives aux deux droites est constant et égal à celui des rayons 
des deux cylindres. 

En faisant varier les rayons des deux cylindres, sans faire varier leur 
rapport, l'ensemble des intersections successives des deux cylindres con- 
stituera l’hyperboloïde mentionné. 

De là on déduit aussi que le plan mené par les deux perpendiculaires 
abaissées d’un point quelconque de l'hyperboloïde sur les deux droites 
proposées, est un plan normal en ce même point à l'hyperboloïde; car 
l’une des perpendiculaires est normale au premier cylindre et l’autre au 
second cylindre; donc leur plan est perpendiculaire à la tangente en ce 
point à la courbe d’intersection des deux cylindres, et par suite normal à 
l’hyperboloïde. 


Corollaire 2. — Du corollaire précédent résulte cette autre propriété, 
qui n’a pu être établie jusqu'ici que par l'analyse, mais qui n’a plus qu'un 
intérêt scientifique dans la théorie des engrenages, depuis le travail de 
M. Olivier sur cette matière. Cette propriété consiste en ce que de toutes 
les droites qui s'appuient sur les deux droites proposées, la plus courte 
distance entre celles-ci est la seule normale à l’hyperboloïde. 

En effet, supposons qu'une droite d, s'appuyant à la fois sur les deux 
droites proposées D, D', soit normale à l’hyperboloïde en un point m. 
Ayant abaissé du point m deux perpendiculaires p, p' sur les deux droi- 
tes proposées D, D’ respectivement, le plan de ces deux perpendiculaires 
sera, d’après le corollaire précédent, normal au point m à l'hyperbo- 
loïde, et, comme tel, devra renfermer la droite d qui est normale au même 
point m à l'hyperboloïde. Ainsi, les trois droites p, p' et d, partant du même 
point m, devront être dans un même plan; or, cela est impossible; car il 
en résulterait que les deux droites proposées D, D', dont chacune ren- 
contre d et l’une des deux perpendiculaires p, p', seraient dans ce même 
plan, ce qui est contraire à la définition des deux droites proposées D, D’. 
Donc il est impossible en général qu’une droite qui s'appuie sur les deux 
droites proposées puisse être normale à l'hyperboloïde. Mais cette impos- 


DU SECOND DEGRÉ. 23 


sibilité disparaît, c’est-à-dire que les trois droites p, p' et d pourront être 
dans un même plan, sans que les deux droites proposées D, D’ y soient, 
lorsque la droite d coïncide avec la plus courte distance entre les deux 
droites proposées : alors les trois droites p, p', d coïncident ; tout plan, 
passant par d, renfermant nécessairement p et p', sera un plan normal, 
et partant d sera normal à l’hyperboloïde. 

Cette démonstration convient également au paraboloïde hyperbolique 
dans lequel se convertit l'hyperboloïde que nous venons de déterminer, 
lorsque k — 1. 


Corollaire 3. — Si un point se meut dans un plan donné, de manière 
que ses distances à deux droites non situées dans un même plan, soient 
dans le rapport constant #, il décrira une courbe du second degré, in- 
tersection du plan donné avec l’hyperboloïde à une nappe mentionné. 


Troisième cas. — Les deux droites ne sont pas situées dans un même plan 


et k — 1. 


Propriété du lieu demandé. — Le lieu des points de l’espace, dont chacun 
est à égale distance de deux droites non situées dans un même plan, est 
un paraboloïde hyperbolique droit ayant pour plans directeurs les deux 
plans bissecteurs ! des angles formés par ces deux droites. 


Démonstration. — La circonférence (fig. 6) dont le rapport des dis- 
tances de chaque point aux deux points D, D’ est égal à k, et que nous avons 
considérée dans le cas précédent, se réduit, pour k — 1, à la perpendicu- 
laire a élevée par le milieu à de DD’. Le cylindre vertical projeté dans 
cette circonférence, se réduit donc ici au plan perpendiculaire élevé par 
le milieu de DD’. Ce plan perpendiculaire, projeté en «, est coupé par les 
deux plans bissecteurs B,B’ en deux droites que nous désignerons par 9, » 


1 Par plans bissecteurs des angles de deux droites non situées dans un même plan , nous enten- 
dons les deux plans menés par la plus courte distance entre ces droites et sur chacun desquels ces 
droites sont également inclinées. 


2% SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES 


et qui correspondent respectivement aux deux ellipses E, E du cas pré- 
cédent. Les génératrices des deux surfaces gauches que l’on construira 
par le moyen des deux droites 9, 9’ seront, ainsi que nous le ferons voir, 
respectivement parallèles aux deux plans bissecteurs B,B', et par suite le 
lieu composé de ces deux surfaces sera un paraboloïde hyperbolique. 

En effet, ayant pris sur la droite 9, située dans le plan bissecteur B, le 
point quelconque (a, a), si lon mène na perpendiculaire à aD et n'a perpen- 
diculaire à al)’, la droite de l’espace (na, n'a) appartiendra au lieu demandé. 
Or, les deux projections de cette droite font, chacune, le même angle avec 
la ligne de terre; donc cette droite et toutes celles construites, d’après la 
même loi, par les différents points de la droite à, sont pa rallèles au plan 
bissecteur B'. De même, ayant pris sur la droite d', située dans le plan bis- 
secteur B’, un point quelconque (a, a') (fig. 7), on aura toujours @ = a!}, 
et si l'on mène na perpendiculaire à aD, et n'a' perpendiculaire à a'D', la 
droite de l’espace (na, n'a’) appartiendra au lieu demandé; or, il est facile de 
s'assurer que les deux projections na, n'a' de cette droite sont parallèles, 
et par suite que cette droite est parallèle au plan bissecteur B. 

Les deux systèmes de droites, qui composent le lieu demandé pour 
k — À, étant respectivement parallèles aux deux plans bissecteurs B, B', 
le lieu demandé est un paraboloïde hyperbolique ayant pour plans direc- 
teurs les plans B, B'. Ce paraboloïde est de plus droit, à cause que les 
deux plans bissecteurs B, B’ sont toujours perpendiculaires entre eux. 

Il ne nous reste plus qu'à faire remarquer que les plans bissecteurs 
B, B' des angles des plans de projection sont aussi les plans bissecteurs 
des angles des deux droites proposées. 


Corollaire 1. — Deux cylindres de révolution de rayons égaux et ayant 
respectivement pour axes deux droites non situées dans un même plan, 
se coupent suivant une courbe qui existe sur le paraboloïde hyperbolique 
droit, lieu des points de l’espace à égales distances de ces droites. 


Corollaire 2. 


deux droites non situées dans un mème plan, le centre se mouvra con- 


Si une sphère variable de rayon touche constamment 


DU SECOND DEGRÉ. 25 


stamment sur le paraboloïde hyperbolique droit, lieu des points de 
l'espace à égales distances de ces deux droites. 


Corollaire 3. — Si le centre de la sphère est, de plus, assujetti à se mou- 
voir dans un plan donné, il décrira, dans ce même plan, une parabole ou 
une hyperbole, selon que le plan est parallèle ou non à la plus courte 
distance entre les droites proposées. En effet, la courbe décrite ne sera 
autre que la section faite dans le paraboloïde hyperbolique par le plan 
donné; et cela étant, il suffit de rappeler , pour reconnaître la nature de 
la courbe, que la plus courte distance entre les deux droites proposées 
est l'intersection des deux plans directeurs du paraboloïde hyperbolique. 


Corollaire 4. — Le corollaire précédent donne aussi la solution de cette 
autre question : « déterminer l’axe du canal engendré par une sphère va- 
riable de rayon, laquelle est assujettie dans son mouvement à toucher à la 
fois deux droites données et à avoir son centre constamment dans un plan 


donné. 

Corollaire 5. — Par deux droites non situées dans un même plan, 
on peut faire passer une infinité d’hyperboloïdes de révolution à une 
nappe !. 


Les axes de tous ces hyperboloïdes constituent un paraboloïde hyper- 


4 Si en un point quelconque de l’espace on construit un triangle isocèle dont les côtés égaux 
soient respectivement parallèles aux deux droites proposées, les deux côtés de ce triangle isocèle, 
etpar suite les deux droites proposées, seront inclinées également sur chacun des plans, en nom- 
bre infini, que l'on peut conduire par la base de ce triangle isocèle. 

Or, lorsque deux droites, non situées dans un même plan, sont inclinées également sur un plan, 
elles appartiennent toutes deux à un même hyperboloïde de révolution à une nappe, dont l'axe est 
perpendiculaire à ce plan et qui jouit de la propriété d'avoir chacun de ses points à égale distance 
de ces deux droites. 

En considérant un plan quelconque sur lequel les droites proposées ont la même inclinaison, 
comme plan horizontal , si, après avoir construit deux horizontales, dont chacune s'appuie à la fois 
sur les deux droites, on élève par le milieu de chaque horizontale un plan perpendiculaire, qui 
sera vertical : l'intersection de ces deux plans verticaux sera l'axe de l'hyperboloïde passant par ces 
deux droites. 


Towe XXI. 4 


26 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES, erc. 


bolique droit, lieu des points de l’espace dont chacun est à égale distance 
de ces droites. Cela résulte de ce qu’un point quelconque de Faxe d’un 
hyperboloïde à une nappe est à égale distance de deux génératrices rec- 
tilignes quelconques de cet hyperboloïde. 


CONCLUSIONS. 


Le lieu géométrique dont les distances de chaque point à deux autres 
lieux donnés sont dans le rapport constant £, chacun des lieux donnés 
étant à volonté ou un point, ou une droite, cu un plan, est une surface 
du second degré. 

Le lieu géométrique plan dont les distances de chaque point aux mé- 
mes lieux donnés sont dans le rapport constant k, est une courbe du second 
degré. 


FIN. 


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Fig.6 


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NOUVELLES CONJECTURES 


LA POSITION DU CAMP DE Q. CICÉRON, 


A PROPOS DE LA DÉCOUVERTE 


D'ANCIENNES FORTIFICATIONS A ASSCHE. 


DESCRIPTION DE CES FORTIFICATIONS ; 
PAR 


M. Louis GALESLOOT. 


Toue XXI. 1 


ee 


SUR 


LE CAMP DE QUINTUS CICÉRON. 


Un passage du livre V des Commentaires de César, où ce général dit 
que, lors de la prise de ses quartiers d'hiver, à la fin de la quatrième 
campagne des Gaules, il envoya séjourner une légion parmi les Nerviens, 
a été un sujet de contestation entre plusieurs écrivains. Il s'agissait de 
fixer l'emplacement du camp qu’occupa cette légion dont Q. Cicéron avait 
le commandement. Miræus, Boucher, Vinchent, et Dewez après eux, ont 
placé ce camp à Mons; Wendelin à Vaudrez, entre Mons et Binche; De 
Schriek à Velsig, entre Gand, Alost et Audenarde; d’autres se sont ha- 
sardés à désigner Tournay ; enfin M. Baert ! l’a fixé à Castres, village 
situé à 2 lieues de Hal; tandis que MM. Des Roches et Roulez, le plaçant 
à 4 lieues plus vers le Nord-Est, se sont décidés à choisir la commune 
d’Assche comme le théâtre de la mémorable défense de Q. Cicéron. 

Il n’est peut-être pas dans l’histoire une tâche plus ardue que celle 
d'établir la vérité d’une manière irréfragable dans les questions du genre 
de celle qui nous occupe. Il n’est pas non plus de questions qui donnent 
plus de prise aux discussions, lesquelles, en définitive, ne conduisent sou- 


Mémoire sur les campagnes de César dans la Belgique, et particulièrement sur la position du 
camp de Q. Cicéron chez les Nerviens, etc., publié, avec des notes, par M.Roulez. Louvain, 1855, in-4°. 


4 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 


vent qu'à des solutions très-hypothétiques. C’est qu’en réalité, alors que des 
siècles se sont écoulés entraînant avec eux leurs inévitables révolutions à 
la suite desquelles l'aspect moral et matériel d’un pays se présente sous 
des phases toujours nouvelles ; alors, disons-nous, l'incertitude vient pren- 
dre une trop large part dans des débats historiques qui rentrent forcément 
dans son domaine. Ceci s'applique surtout à la géographie ancienne, qui, 
bien qu'étayée par les ouvrages d'hommes remarquables, tels que Pline, 
Strabon, Ptolémée et autres, n’en occasionne pas moins des débats conti- 
nuelsentre les savants, et principalement en ce qui concerne l’état des Gaules 
dans l’antiquité. La pauvreté des documents qui nous restent , est cause en 
grande partie, de cet état de choses, la plupart des ouvrages anciens ne 
nous étant parvenus que par lambeaux. A défaut de sources plus cer- 
taines, il faut naturellement que celui qui désire étudier la géographie des 
Gaules, s'attache à ce que l'antiquité nous a transmis de plus parfait dans 
ce genre de travaux. Nous voulons parler des commentaires de César. 
Aussi ont-ils été amplement discutés et commentés par les géographes 
modernes. Malheureusement le but principal du général romain est de 
narrer les faits; les détails géographiques ne servent qu’à l'intelligence de 
ces mêmes faits. D'accord en cela avec la grandeur de son entreprise, il 
ne voit que les peuples et les limites dans lesquelles ils sont renfermés. 
Les localités ne lui importent que pour autant que des obstacles l’arrêtent 
dans sa marche rapide. Enfin, César passe et repasse des rivières, souvent 
considérables , sans daigner les nommer. Que de points éclaircis pour nous 
s’il était entré dans plus de détails ! Et néanmoins l’on ne peut s'empêcher 
d'admirer les Commentaires de ce grand homme qui, au milieu de tant de 
périls et de travaux, sut encore consacrer ses rares loisirs à des détails 
géographiques, lesquels, bien qu'incomplets, n’en resteront pas moins un 
sujet d’admiration, eu égard aux difficultés qu'il dut rencontrer avant de 
pouvoir les mettre au jour. D'un autre côté, les savants ont reconnu que 
les écrits de César ont dù se ressentir de ces mêmes difficultés. De là ont 
surgi, de nos jours, ces discussions fatigantes et sans résultat définitif sur 
la situation contestée de différentes villes, et sur les limites de plusieurspeu- 
ples de nos contrées. Heureusement, ces débats ne sont pas d’une telle im- 


SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. b) 


portance pour les annales de l'humanité, que la connaissance de l’état moral 
d’une nation dépende de la manière dont on les envisage : ils sont, nous 
semble-t-il, purement secondaires sous ce point de vue. 

Quoi qu’il en soit, si j'ai parlé de la question historique qui se rattache 
à l'emplacement qu'occupa le camp de Cicéron, c’est que j'ai cru devoir 
le faire à propos de la découverte que je fis de vestiges de fortifications 
sur lesquelles un de nos plus illustres savants , M. Des Roches, a appuyé 
ses raisonnements dans ces circonstances !. Ce fut vers la fin de l’an 1845 
que je retrouvai ces vestiges, situés à un mille d’Assche (à l'Ouest du vil- 
lage) et qui sont signalés dans l'ouvrage de Van Gestel comme les restes 
d’un camp romain ?. De prime abord je reconnus que les antiquaires du 
siècle passé ne s'étaient point trompés. La configuration du terrain porte si 
évidemment les traces de la main de l’homme qu'il est impossible de s’y 
méprendre. Mais, ce qui milite surtout en faveur de notre supposition, 
c’est la dénomination même sous laquelle on désigne ces fortifications. 
L'endroit qu’elles occupent est porté sur toutes les cartes avec la qualifi- 
cation de Borghstadt, c'est-à-dire ville fortifiée. C’est ainsi que les camps 
romains établis le long de la Somme, en France, ont retenu, l’un le nom 
de Castelet, l’autre de Petit-Castel, etc. 5. Tout le monde sait parfaitement 
bien que les Romains préféraient, pour leurs retranchements , la forme 
carrée, qu'ils mettaient au-dessus de toutes les autres. Cependant les acci- 
dents du sol modifiaient souvent leurs principes là-dessus. C’est ce dont on 
peut se convaincre en consultant la dissertation de M. d’Allonville, à la- 
quelle se trouvent joints plusieurs plans. Les camps qu’il décrit, un seul 


1 Histoire ancienne des Pays-Bas autrichiens, t. I, p. 139 et suiv. M. Des Roches parle du camp 
d’Assche, de manière à faire douter qu'il l'ait vu lui-même. 

2 Hist. Archiep. Mechlin., t. W, p. 150. Personne, que je sache, ne s'est plus occupé de ce 
monument, qui est resté ignoré depuis le siècle passé. Cela s'explique par les diflicultés qu'on 
éprouve de bien saisir l'ensemble des lieux. Ce sont ces difficultés qui ont empêché que le camp 
d'Assche ne fût reconnu, il y a plusieurs années, par un de nos généraux qui résida dans ce bourg 
pendant deux mois, et qui s'occupa, semble-t-il, d'une manière fort active, à faire des recherches 
archéologiques. Mais il convient d'ajouter que les habitants de la commune ignoraient compléte- 
ment l'existence de ces fortifications ; il fallait donc en quelque sorte les retrouver. 

5 Voyez la Dissertation historique sur les camps de la Somme, par M. le comte d'Allonville , 
préfet de la Meurthe, 1828. Ouvrage dédié à Charles X. 


6 SUR LE CAMP DE (. CICÉRON. 


excepté, sont établis suivant la nature des lieux; de sorte que leur con- 
figuration varie beaucoup. À Assche, il est évident que, tout en cherchant 
à tirer le meilleur parti des avantages que présente la localité, on s'est 
efforcé de donner à ces fortifications une forme carrée. L'emplacement À 
(voyez le plan), bien qu'il soit difficile de le distinguer au premier abord, 
se détache néanmoins du sol de manière à laisser reconnaître aisément son 
périmètre. C’est cet emplacement qui forme le camp proprement dit. Sa 
superficie est de 15 hectares 59 ares, 25 centiares ou 135,925,00 mètres 
carrés. 

Il a pour défense : au Midi, un vallon B, en partie naturel, en partie 
artificiel, longeant un des quatre côtés du camp. Ce côté, comme on le voit 
sur le plan, suit la direction du vallon qui décrit une légère courbe. La 
partie regardant l'Ouest est défendue par un rempart élevé entièrement 
de main d'homme, C. Ce rempart qui, en certains endroits, atteint encore 
5 à 6 mètres d’élévation, s’est parfaitement conservé là où la charrue 
n'a point passé. L'espace que l’on voit entre les plantations, D, s’est plus 
ou moins affaissé par la culture. Les montagnes nommées Put-Bergen, E, 
qui s'élèvent dans la grande vallée au fond de laquelle coule le ruisseau 
dit West-Beek, servent de retranchement avancé et contribuent avec cette 
même vallée à défendre l'approche du camp vers le côté que nous décri- 
vons. Le Nord était protégé par un rempart également artificiel, F, et 
dont le contour est déterminé par le vallon G, qui lui fait décrire une 
courbe assez prononcée. Cependant, je présume que les labours conti- 
nuels ont fait subir des modifications au terrain dans cet endroit. Ainsi je 
croirais volontiers qu’un angle a existé au point H. À partir de l'endroit 
où le chemin sort du camp, vers l'Ouest, P, jusqu’à celui où nous venons 
de placer l'angle H, le sol forme une pente douce qui vient se terminer 
au ruisseau dit West-Beek. Les Romains ont profité de ces circonstances 
pour établir un second rempart 1, qui aujourd’hui prend naissance vers 
l'Ouest et se prolonge jusqu’au vallon G. Ilest probable que ce double re- 
tranchement défendait jadis les deux côtés du camp, situés à l'Occident et 
au Septentrion, c’est-à-dire qu'il était établi parallèlement à toute la ligne 
des remparts C, F. Il est rasé à partir de la lettre K à la lettre L. La partie 


SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 7 


Orientale du camp me paraît avoir été la plus vulnérable. Il a fallu, dans 
cette direction, qu’on le mît à l'abri d’un coup de main par des travaux 
assez considérables, dont le soc de la charrue n’a laissé que de très-faibles 
traces. L’escarpement M qui, à l'angle H, est encore élevé de 4 à 5 mètres, 
va en s’abaissant jusqu’au chemin 0; là il devient nul. Il se dessine in- 
sensiblement au delà de ce chemin, et atteint de nouveau jusqu’à 5 mètres 
d’élévation à l'endroit où commence le vallon B. Le sol en avant du rempart 
que nous décrivons, est uni et n'offre plus aucun vestige qui puisse faire 
supposer qu'il y ait eu là, comme vers l'Ouest et le Nord, un deuxième 
retranchement. Et cependant, comme je l'ai dit, c’est cette partie des forti- 
fications quia dû être faite entièrement par l’art. Toutefois, il convient de 
signaler le vallon G qui s’avance vers le Nord-Est et qui protégeait une 
partie de la position Orientale du camp. Il en est de même des marais N, 
qu’on peut regarder comme de véritables obstacles à la prise d’une place. 
Peut-être que ces marais s’étendaient bien plus loin en ces temps re- 
culés. 

Maintenant, si on considère l’ensemble des lieux, on verra que les Ro- 
mains avaient habilement disposé du terrain. L'emplacement À qu'ils 
choisirent, réunit à l'avantage d’une position très-élevée, au milieu d’une 
contrée fertile, celui d’être défendu par la nature au Nord et au Midi; de 
sorte que, pour l’isoler et en faire un plateau propre à l'assiette d’un camp, 
il avait fallu seulement élever les remparts C et M. Mais, ce qui est sur- 
tout à remarquer, ce sont les deux ruisseaux tracés sur le plan. Outre leur 
utilité, indispensable il est vrai, pour la provision d’eau (aquatio), c'était 
encore une excellente défense. Prenant tous les deux leur source à l'Est 
du camp, dans les marais voisins, ils coulent, l’un au Nord, l’autre au 
Midi de la place qu'ils enlacent dans leur cours tortueux et dont ils 
baignent les remparts B 1. Pouvait-on choisir un endroit avec plus de 
discernement ? 

Il est aisé de voir que le camp d’Assche a été établi selon les règles 
prescrites par Végèce, partisan zélé de l’ancienne discipline romaine. 
Tout en profitant des avantages du sol, on lui a conservé une forme 
carrée. Les remparts artificiels, si sujets aux éboulements, prouvent par 


8 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 


leur existence prolongée jusqu'à nos jours, qu'ils ont été construits avec 
la solidité ordinaire chez les Romains quand ils érigeaient ces impor- 
tants travaux. Grâce à cette solidité, ils ont su résister à toutes les 
causes de destruction. Quant aux remparts intérieurs, ils ont disparu, 
sauf cependant vers l'Ouest, C, où ils se montrent faiblement. Cest 
de ce côté et au pied du rempart M, à l'Est, qu'ont dû exister les 
fossés d'enceinte qu'exige Végèce !. Au Nord et au Midi, ils étaient, me 
semble-t-il, inutiles, à cause des deux ruisseaux qui serpentent dans cette 
direction. Nous voyons, d’après le plan, que je dois à l’obligeance de 
M. Vander Rit, qu'un chemin traverse le camp qu'il partage en deux par- 
ties, dont l’une est beaucoup plus élevée que l’autre. Je croirais volon- 
tiers que ce chemin a toujours existé et qu'il conduisait aux portes du 
camp. Ainsi je présume que c’est à l'ouverture © qu'il faut rechercher la 
porte prétorienne, qui regardait toujours l'Orient. Par conséquent, la 
décumane aurait été située en face, à l'endroit P. Je n’oserais rien avancer 
quant aux autres portes; et si je me suis hasardé à désigner l'endroit © 
comme l'emplacement probable de la prétorienne, c’est que j'y ai été 
engagé par l'ouverture qu’on y voit et qui est précisément tournée vers 
l'Est. Enfin, je terminerai cette courte description en disant qu'on peut 
conclure, d’après la position admirablement bien choisie et l’importance 
des travaux, que les vestiges de fortifications situées non loin d’Assche 
sont les véritables restes d’un camp romain, du genre de ceux qu'ils 
nommaient castra stativa, c’est-à-dire camps à demeure fixe. L'état même 
des lieux rejetterait toute opinion contraire. — Mais ces retranche- 
ments peut-on les considérer comme ceux qu'occupa Q. Cicéron avec 
sa vaillante légion? C'est là une de ces questions qui offrent, comme je 
l'ai dit, des difficultés toujours croissantes à résoudre. Aussi me conten- 
terai-je de renvoyer le lecteur à une lettre que M. A. Wauters, archiviste 
de Bruxelles, a bien voulu me communiquer à cet égard. Cet auteur, qui 
se rallie entièrement à l'opinion de Des Roches et à celle de M. Roulez, se 
proposait précisément de traiter cet incident des commentaires de César 


* Végèce, liv. IE, chap. VIIL. Les fossés étaient larges de 11, 45 et souvent de 17 pieds. 


SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 9 


dans un ouvrage dont les matériaux sont déjà réunis et qui verra bientôt 
le jour. Quant à moi, sans entrer dans les débats qui se rattachent à 
cette question historique, j'ajouterai que ce camp n’a pu être construit 
qu'à l’origine de la conquête, par un de ces nombreux événements mili- 
taires qui se perdent dans les opérations générales, et que l’histoire passe 
sous silence. Les postes militaires établis le long du Rhin et de la Meuse 
mettaient le territoire de l'empire à l'abri de toute insulte de la part des 
barbares. Les événements qui suivirent démontrent assez qu'ils étaient 
indispensables sur les bords de ces fleuves. Mais les fortifications dont 
il s’agit, situées au milieu des terres, sur les confins des vastes marais 
de la Ménapie, n'étaient opposées à aucune nation qui püût inquiéter les 
possessions romaines : d’où je conclus que c’est au séjour momentané 
d’une légion destinée, soit à soumettre, soit à contenir le pays, que ce 
camp doit probablement son origine. Le cas pourrait donc s'appliquer au 
campement de Cicéron en Nervie. En outre, si l’on admet les calculs 
parfaitement établis de M. d’Allonville, et qui s'accordent avec ceux de 
Juste-Lipse, on verra que l'emplacement que nous avons décrit (15 hect., 
39 ares, 25 cent. 1) est à peu près celui que pouvait occuper une légion 
avec son matériel, ses ouvriers, ses valets d'armée, etc. (operarü, calones, 
impedimenta, etc. ?). 

Mais, quelle que soit leur véritable origine, ces vestiges intéressants , 
qu'une culture perfectionnée respecte depuis des siècles, resteront toujours 
dignes de notre attention. Mieux que toute description, ils nous appren- 
nent ce que c'était que ces castra, que tous les peuples de l'antiquité, que 
les Grecs eux-mêmes ont admirés. Et il suffit de se transporter à une 
courte distance de Bruxelles pour retrouver un souvenir des légions 
romaines qui foulèrent le sol de notre pays, et qui, non loin de notre 
populeuse cité, au milieu de nos riantes campagnes, ont laissé un témoi- 


1 Ou 52.97.66/100 arpents romains. 

2 Jei encore les accidents du sol devaient naturellement modifier les principes admis. Ainsi je sup- 
pose qu'un terrain présentt toutes les qualités désirables pour établir un camp, c'est-à-dire qu'il 
offrit des retranchements naturels, on n'irait certes pas négliger ces avantages pour tirer au cor- 
deau un carré d'une contenance convenue, qui ferait perdre une partie de ces avantages. 


Tome XXI. 2 


10 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 


gnage authentique de la lutte dans laquelle ils s'engagèrent contre les 
anciens peuples de ces contrées. 

Il ne sera peut-être pas sans quelque intérêt de m'occuper maintenant 
du bourg d’Assche même : c’est à double titre qu'il mérite l'attention des 
antiquaires. D'abord, par le monument qui a été décrit dans ces pages, 
ensuite par les travaux de colonisation que les Romains entreprirent sur 
son territoire. 


NOTICE 


SUR L'ÉTABLISSEMENT QUE LES ROMAINS ONT EU A ASSCHE, 


Le village d’Assche, situé à 3 lieues Nord-Ouest de Bruxelles, est assis 
sur un magnifique plateau d’où la vue embrasse, dans tous les sens, un 
vaste horizon. Le sol y est d’une extrême fécondité. II doit cette fécondité 
à sa position élevée et à l’excellente qualité de la terre; ce qui me fait 
supposer que la culture y date d’une époque très-reculée 1. En outre, ce 
village est à proximité de l'Escaut. Tous ces avantages n'auront pas 
échappé à la sagacité des Romains, qui, mieux que toute autre nation, 
savaient profiter des ressources topographiques qu'offrait le pays où ils 
portaient la guerre. Ces mêmes avantages les auront engagés à faire de 
cet endroit une position militaire en ne peut mieux choisie dans cette 
partie du Brabant qui pour lors dépendait du territoire des Nerviens. 
Plus tard, lorsque la conquête des Gaules fut définitivement achevée, 
probablement du temps d’Auguste, on jugea convenable de faire passer 
par cette contrée, rendue plus ou moins hospitalière par la présence des 
légions, une grande voie qui partait de Bavay et se rendait en Batavie. 
Cette voie, il est vrai, ne se trouve indiquée ni dans l'itinéraire d’Antonin, 
ni dans la carte de Peutinger; mais ces ouvrages, comme on sait, ne sont 
pas très-complets ?. Quoi qu'il en soit, ce n’est pas sans intérêt qu’au- 

1 On voit, d'après le texte de César, que les Nerviens cultivaient des terres. 


® La voie qui passe à Assche méritait, par les avantages qu'elle présentait aux armées, d’être 
portée sur ces deux routiers. Ce n’est done qu'un oubli qui a pu causer cette omission. 


SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 11 


jourd’hui encore nous parcourons les restes de cette vieille chaussée. 
Créée par un de ces efforts puissants de l'art romain, elle parcourt le 
pays qui est entre Mons et Assche en ligne directe, mais, arrivée à cette 
dernière localité, la trace s’en perd, et l’on en est réduit aux conjectures 
sur sa continuation. Cependant il n’est pas à supposer qu’elle s’arrêtät à 
Assche, cette destination s’accorderait peu avec l'importance de cette 
chaussée, importance dont nous pouvons juger par les matériaux qui ont 
servi à sa construction. Ces matériaux, qu’on retrouve encore à une assez 
grande profondeur, suffiraient seuls pour condamner cette hypothèse. En 
effet, ils sont en tout conformes à ceux que Bergier dit avoir été employés 
pour les grandes voies de l'empire. Je les ai attentivement examinés. Ce 
sont, pour la première couche (statumen), de grandes pierres blanches qui 
soutiennent d’autres couches dont les pierres sont de moindre dimension 
(rudus et glareus). Or, ce n’est que dans les routes militaires qu’on employait 
ces masses énormes transportées à force de travaux et de persévérance 
dans des lieux marécageux et sauvages, comme l’était une bonne partie de 
la Belgique à cette époque. Cela se pratiquait ainsi à la différence des che- 
mins vicinaux, dont la destination était de moindre importance !. 

Le père Boucher dit positivement, dans son Belgium romanum , que cette 
chaussée aboutissait à Utrecht. C’est aussi l'opinion de Des Roches, 
qui prétend avec Bergier que ce fut cette même voie que parcourut 
Tibère, lorsqu'il se rendit auprès de son frère Drusus qui était malade en 
Germanie. Pline raconte l'extrême célérité qu’il mit dans ce voyage. Telle 
était, selon toute apparence, sa véritable destination. Et, à en juger par 
les événements qui se passèrent à cette époque, elle aura été construite, 
comme toutes celles qui partent de Bavai, par les ordres d’Auguste et 
sous la direction d’Agrippa. On sait que l’heureux Octave, guidé par une 
politique habile, et désireux de suivre les traces de César, avait médité la 

1 11 semble qu'il y a lieu de s'étonner en voyant ainsi s'effacer du sol, comme c'est ici le cas, ces 
voies indestructibles, monuments d'une si grande utilité et qui attestent, dans les trois parties du 
monde alors connu, de leur surprenante solidité. Ce serait mêmeune chose inexplicable, si on ne son- 
geait , d'un autre côté, que la civilisation gagnant de proche en proche, après que les peuples se fu- 


rent groupés dans un certain espace de pays, on put aisément se passer de ces monuments remar- 
quables, destinés, chez les Romains, à ne former du monde qu'un tout dont Rome était le centre. 


12 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 


conquête de la Germanie. Il fallut nécessairement soumettre la Batavie 
pour accomplir cette grande entreprise. Drusus, chargé de cette mission, 
eut la gloire d'y réussir. C’est à lui et à son fils que les Romains durent 
leurs premiers établissements dans cette contrée; ces établissements con- 
tribuèrent beaucoup à faire sentir la puissante étreinte de Rome aux 
Germains et à les contenir dans les limites que la nature avait mises entre 
eux et la maîtresse du monde. Mais les revers qu'éprouvèrent les armes. 
romaines en Germanie, déjà sous le règne d’Auguste, firent voir clairement 
que la conquête de cette vaste contrée était une entreprise des plus difficiles. 
D'ailleurs l'indiscipline commençait à se montrer dans les légions. IE 
fallut donc sinon soumettre les Germains, du moins les empêcher d’enva- 
hir le territoire de empire. De là l'occupation de toute la ligne du Rhin 
et du Nord de la Batavie, de là aussi toute l'énergie que Rome déployait 
pour mettre ses frontières à couvert des invasions dans cette partie de l'Eu- 
rope. C’est dans ce but, selon toute probabilité qu'aura été construite 1x 
voie qui passe par Assche. Elle liait les établissements romains de la Hol- 
lande, au centre des Gaules, par sa communication directe avec Bavaï, et 
avait en outre l’avantage, comme la chaussée qui se rendait à Cologne, de 
pouvoir transporter directement sur le Rhin tel renfort de troupes que le 
salut de l'empire aurait pu exiger. La politique romaine sentait tellement 
la nécessité de faciliter les moyens de diriger ses légions d’une frontière 
de l'empire à l’autre, qu’elle ne négligea aucun sacrifice pour atteindre 
ce but important. C’est ainsi que L. Vetus qui, sous Néron, commandait 
avec Paullinus Pompéius les légions stationnées le long du Rhin, proposa 
de joindre la Moselle à la Saône par un canal, afin d’aplanir les obstacles 
que présentait le trajet par terre aux troupes qui se rendaient de lftalie 
sur les côtes de l'Océan 1. 

En admettant donc que la route romaine qui nous occupe se rendit 


1 Tac. Ann., page 510. éd. de Leipzig, au Hiv. XIE, ch. 55. Vetus Mosellam atque Ararim, 
facta inter utrumque fossa, connectere parabat, ut copiae per mare (Va Méditerranée) dein Rha- 
dano et Arare subvectae , per eam fossam, mox fluvio Mosella in Rhenum, exin Oceanum decur- 
rerent : sublatisque itinerum difficultatibus navigabilia inter se Occidentis Septentrionisque lit- 
tora fierent. 


SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 15 


en Batavie, je pense qu'il conviendrait de présenter ici nos conjectures 
sur le genre d'établissement que les Romains ont eu à Assche. 

Le silence complet des documents littéraires du temps nous met dans 
l'impossibilité de rien préciser d’une manière absolue à cet égard. Cepen- 
dant, après avoir examiné attentivement les localités, il m'a semblé que 
ce village réunissait toutes les conditions qui pouvaient le faire regar- 
der comme ayant été, sous la période romaine, ce que les lois sur les 
grands chemins de lempire nommaient une mansio ou station. C'était, 
comme on le sait, un relais où les voyageurs trouvaient des hôtelleries 
et où l’État nourrissait des chevaux destinés au transport des dépêches et 
à tout ce qui pouvait intéresser le service public. On ÿ entretenait aussi 
des chariots à l'usage des empereurs et des fonctionnaires de État. Elle 
différait des mutationes, en ce que celles-ci étaient situées à une distance 
plus rapprochée les unes des autres, et servaient de relais seulement. Les 
mansiones étaient espacées à une journée de marche et formaient ordinai- 
rement une bourgade. Non erant insulae, dit Pitiscus !, aut domus et aedes 
solitariae, ac singulares, sed villae ac vici toti, quos mansionum nomine voca- 
bant, quod ibi cursores publici imperatoris mancrent sive interquiescerent et, sta- 
tiva nocturna haberent. Et puis : taque tam mutationes quam mansiones fuerunt 
extra urbes ac civitates; uti in villis, vicis, alisque locis immunitis ac facilis 
aditus; ad quae loca noctu, diuque cursu publico commodô accedere licuit, et 
sine ulla temporum mora equos cursuales citù mutare ad persequendum iter. 
Neque enim mutationes et mansiones cursus publici roman quaerendae sunt in 
colonüs, municipüs, praefecturis civitatibusque foederatis, sed in vicis aut vil- 
lis, etc., etc. Le passage qui précède et que j'ai expressément transcrit 
en entier, convient parfaitement au village d’Assche. Ce serait donc une 
supposition fort vraisemblable que de regarder cette localité comme ayant 
formé une station qui aura pris naissance lors de la création de la voie 
dont nous avons parlé. L’heureuse position des lieux confirme cette sup- 
position. Mais à en juger par les débris de constructions antiques qu'on 
voit encore à la surface du sol, je ne pense pas que sa destination se 


1 Jn verbo Mansio et Mutatio, Læxicon ANtQ. roman. £r nage. Voyez aussi Bergier, ist. des 
grands chemins de l'empire. 


14 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 


soit bornée à cette espèce d'établissement. L’étendue considérable de ter- 
rain qu’ils occupent, les nombreuses pièces de monnaie romaine qu'on a 
trouvées de tout temps à Assche !, nous démontrent clairement qu'il a 
existé en ces lieux, au moins un gros bourg. Mais, comme nous l’avons 
dit, le silence des documents nous défend de pousser trop loin nos con- 
jectures. Néanmoins, en jetant les yeux sur notre carte, on est forcé de 
reconnaître la sagesse qui présidait aux travaux des Romains dans leurs 
colonies. C’est ainsi que les établissements qu'ils disposaient sur leurs 
immenses voies animaient les solitudes qu’elles parcouraient. Ils tendaient, 
de plus, à faciliter les communications avec l’intérieur du pays, comme 
c’est ici le cas. Plusieurs grands chemins vicinaux qui ne peuvent dater 
que de la période romaine, aboutissent encore à Assche. Tel est celui qui 
se dirige vers Vilvorde, en passant par les limites des communes de Zel- 
lick, Laeken, Wemmel, Strombeek, etc. ; il est nommé dans un diplôme 
de 1227; inséré dans le recueil de Miræus?, Strata regia. Un autre 
chemin se rend à Malines et passe par Bollebeek, Brusseghem, Meysse, 
Beyghem, Humbeek, etc. Les paysans le désignent par le nom de Oude- 
baen , Heere-straet. Ce n’est pas là cependant la continuation de la voie mili- 
taire qui passait probablement par Merchtem, Londerzeel, Ruysbroeck et 
de là au-dessus du Ruppel. Il est à supposer que ces chemins allaient abou- 
tir à d’autres établissements dont le temps a fait disparaître les vestiges 5. 
Des communications ont dû également exister entre Assche et l'Escaut, qui 
coule à 3 lieues de là. Nombre de localités, situées entre ce village et Ter- 
monde, ont retenu les noms de Brede-straete, Lange-straete, Hoog-straete; ces 
dénominations proviennent sans doute d'anciennes routes qui parcouraient 
ce pays. Tout cela prouve clairement que l'établissement d’Assche était 
un centre actif de relations avec le pays circonvoisin qu'il tendait natu- 
rellement à fertiliser; ce qui, pour les Romains, était d’une indispensable 


1 Van Gestel, Æist. Archiep. Mechlin., t. IL. p. 150. 

2 Oper. diplom., t. WE, p. 991. 

5 On a découvert des antiquités romaines à Elewyt et à Saventhem près de Vilvorde, à Afli- 
ghem, à Mespelaere, où l'on trouva un trésor considérable. Depuis l'envoi de ce rapport à l'Aca- 


démie royale, j'ai retrouvé des restes de constructions romaines occupant un espace assez considé- 
rable dans le premier de ces villages. 


SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 15 


nécessité, puisque nous savons par Tacite, que les huit légions stationnées 
le long du Rhin tiraient leurs subsistances des Gaules. Ajoutez à cela la 
position d’Assche sur une grande chaussée dans un endroit où celle-ci avait 
plusieurs ramifications, et l’on sera forcé de convenir de l'importance de 
ce bourg à cette époque. Ce qui fonde en quelque sorte nos conjectures 
c’est : 1° sa durée probable; 2° l'usage soutenu que l’on semble avoir fait 
de cette chaussée dont les abords étaient sans doute cultivés. Je tire la pre- 
mière preuve des nombreuses pièces de monnaies trouvées à Assche sur 
l'emplacement même qu’occupèrent les constructions romaines. Ces mon- 
naies ! sont à l’effigie de différents empereurs ?, à partir d’Auguste jusques 
et y compris Anastase [«, qui mourut en 518 de Jésus-Christ; ce qui 
indique que ce bourg aura survécu à l'invasion des barbares. Quant à la 
seconde preuve, je m'en suis convaincu moi-même. Chaque fois qu'il m'est 
arrivé de parcourir les restes du chemin dont il est ici question, j'ai tou- 
jours découvert, dans les champs qui l’avoisinent, des débris de construc- 
tion, tels que tuiles, briques et fragments d’amphores qui ne pouvaient 
provenir que de métairies. C’est surtout à Castre que ces débris appa- 
raissent en quantité. Point de doute qu'il n’y ait eu là un établissement 
datant de la période romaine5. C'était peut-être un relais. Ce qui donne lieu 
de le croire, c’est la grande quantité de fers de chevaux et surtout de mu- 
lets qu'on y a découverts récemment à 8 pieds de profondeur #. On y a 
aussi déterré des fragments de cuivre assez bien travaillés. Je suppose qu'ils 
appartenaient à des harnais de chars. Une tradition très-répandue chez 
les habitants de Castre leur fait regarder ce village comme ayant été jadis 
une ville. Y a-t-il lieu de croire, d’après l’étymologie du nom, que cet 
endroit a servi à l'emplacement d’un camp? Enfin, le hasard a encore 


1 Elles ont été recueillies par M. Crick, notaire à Assche, qui a mis la meilleure volonté à secon- 
der mes recherches. Grâce à son zèle, ces curieux monuments ont échappé à la destruction; il a 
réuni toutes les monnaies qu'on a trouvées depuis quelques années, Toutes celles découvertes aupa- 
rayant, et la quantité en est très-considérable, ont été égarées par l'indifférence des paysans. 

2 M. Crick est également possesseur d'une pièce consulaire trouvée sur les mêmes lieux. 

5 Je m'en suis convaincu depuis en me rendant de nouveau sur les lieux. 

# Sous le sol même de la voie. Je ne parle pas maintenant des antiquités égarées par les pay- 
sans. Je me suis convaincu en les questionnant que des débris d'armes et de harnais avaient été 
trouvés avec d'autres objets qui étaient peut-être fort intéressants. 


16 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 


amené à la découverte d’un bon nombre de médailles romaines trouvées 
entre Assche et Castre, lors du pavement que le Gouvernement fit faire. 
Elles sont, si je ne me trompe, déposées au ministère de l’intérieur. D’a- 
près ce que m'ont dit les conducteurs des ponts et chaussées chargés de 
diriger les travaux, une ou deux étaient en or. La seule que j'aie vue, était 
une pièce de Trajan. Moi-même j'ai trouvé un grand bronze de Faustine 
et une pièce de Constantin. 

De ces découvertes continuelles d’antiquités on peut donc hardiment 
inférer que cette voie était très-parcourue. D'ailleurs cela s'explique si on 
songe qu’au terme de son parcours se trouvaient les Francs, dont la pre- 
mière conquête fut celle de l’île des Bataves. Dès le milieu du III" siè- 
cle, la guerre qu'ils firent aux Romains prit un caractère fort grave. I] 
fallut nécessairement prévenir le danger de leur invasion et prendre, en 
conséquence, des mesures énergiques. De là l'importance que doit avoir 
eue la route militaire qui nous occupe. 

Il y a lieu de croire que c'était cette route que prenaient les légions 
qui se rendaient en Batavie lorsqu'elles passaient d’une frontière de lem- 
pire à l’autre. Or, elles devaient naturellement s'arrêter à Assche, puisque 
c’est là, c’est-à-dire dans la mansio ou station, pourvue de magasins, que 
les troupes s’arrêtaient, faisaient étape et recevaient une distribution de 
vivres !, De cette manière, on peut, me semble-t-il, s'expliquer comment 
il s’est formé en ces lieux un établissement qui paraît avoir été assez 
considérable et qui, par sa superbe position, tendait évidemment à rendre 
agricole toute la contrée qui l’entourait. 

Telle est l'opinion que je me suis permis d'émettre sur l’établissement 
que les conquérants des Gaules eurent sur le territoire d’un des plus 
beaux villages du Brabant. Un passage, un mot des monuments contem- 
porains nous en eût sans doute appris davantage. Malheureusement il 
n’en est rien ici; tout se réduit donc à des conjectures. 


1 Bergier, Histoire des grands chemins de l'empire. 


SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 17 


APPENDICE. 


Lettre de M. Alphonse Wauters à Monsieur Louis Galesloot, sur les antiquités 
mentionnées dans le mémoire précédent. 


MoxsŒur ET Ai, 


Vous me demandez mon opinion sur les retranchements que vous avez retrouvés près d'Assche, 
et si l'on peut, avec quelque fondement, faire remonter leur construction au temps de la conquête 
de la Gaule par les Romains. Je vous remercie, Monsieur, de l'honneur que vous voulez bien me 
faire en me consultant, et je souhaite que ma réponse dissipe tous vos doutes, s’il en est resté dans 
wotre esprit. L'opinion qui fixe à Assche le camp dans lequel les Nerviens assiégèrent Quintus 
Cicéron , a été émise, il y a un demi-siècle, par Des Roches, mais ce savant historien n'a pas dé- 
veloppé, ce me semble, toutes les preuves qui militent en faveur de son hypothèse. Celle-ci explique 
parfaitement la narration de César. Telle est ma conviction, que je serais charmé de vous voir 
partager. 


Dans la ville d'Amiens, on reconnaît généralement la cité gauloise de Samarobriva, où César 
établit son quartier général après sa seconde campagne dans l'ile des Bretons. C'est de là qu'il 
partit en apprenant la révolte des Nerviens et le danger que courait son lieutenant Cicéron, dont 
le camp se trouvait sur le territoire de ce peuple. En quittant la capitale des Ambianes, il envoya 
à Fabius et à Labiénus, qui commandaient deux de ses légions, l'ordre de venir le rejoindre. 
Dans le pays des Atrébates, il opéra sa jonction avec Fabius; mais, avant d'arriver dans la Nervie, 
où il devait rencontrer Labiénus, il fut informé que ce dernier ne pouvait lui obéir, l'armée tré- 
wirienne étant venue se poster à trois milles du camp qu'il commandait, et une retraite en pré- 
sence des Tréviriens pouvant entrainer des suites désastreuses. 

Pendant les premières journées de marche , le général dut se diriger vers les quartiers d'hiver de 
Cicéron , en se tenant, autant que possible , à égale distance dela Morinie, où hivernait Fabius, et 


Tome XXI. 3 


18 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 


de la limite orientale du pays des Rémois, gardée par Labiénus. On peut done croire avec quelque 
fondement, qu'il suivit la route qui part d'Amiens dans la direction du Nord-Est, passe à Ba- 
paume, à Cambrai et aboutit à Bavai. C'est une ancienne chaussée romaine qui occupe peut- 
être l'emplacement d'un grand chemin gaulois. De cette manière César atteignait les rives de 
l'Escaut dans un endroit où sa largeur est médiocre et où une armée peut aisément le franchir. 

Arrivé à grandes journées dans le territoire Nervien, César apprit par des captifs à quelle ex- 
trémité Cicéron était réduit. Par la promesse d'une forte récompense, il décida un cavalier auxi- 
liaire à porter une lettre à son lieutenant. Le messager, comme on le sait, ne put pénétrer dans le 
camp assiégé, mais il attacha la dépêche à la courroie de son javelot, qu'il lança dans l'inté- 
rieur des retranchements. Le trait se fixa dans une tour; deux jours se passèrent sans qu'on le 
distinguât; le troisième un soldat l'aperçut et le porta à son chef. Peu d'instants après, la fumée de 
vastes incendies , que les Romains allumaient dans leur marche, annonça également leur appro- 
che. Arrêtons-nous ici; ce passage nous fournira des données précieuses sur lesquelles on ne s'est 
pas suffisamment arrêté. 

Quand le cavalier auxiliaire envoyé par César quitta l'armée, celle-ci était déjà entrée en Nervie 
et y avait fait des prisonniers. C'est là un point incontestable et sur lequel il importe d’insister 1. 
Cet émissaire fit sans doute une diligence extrême; toutefois, quelle qu'ait été Ia rapidité de sa 
course, il lui aura certainement fallu un jour et plus pour arriver à l'endroit désigné. Lorsque 
Cicéron prit connaissance de la missive de son général, et aperçut les incendies, précurseurs du 
secours qui lui arrivait, un second jour s'était écoulé, un troisième commençait. 

Instruits de l'approche de leur redoutable ennemi, les Belges, au nombre de soixante mille, 
vont à sa rencontre. César est bientôt informé de ce mouvement par une lettre, que Cicéron lui 
envoye au milieu de la nuit. 1] la lit aux siens, leur annonce une bataille prochaine et les exhorte 
à déployer leur bravoure ordinaire. Le lendemain, dès l'aube, il se remet en marche. Après avoir 
parcouru quatre milles, il trouve les Belges établis sur son chemin, au delà d'une grande vallée 
arrosée par un ruisseau. Combattre avec des forces inégales dans un lieu aussi défavorable à celui 
qui engagerait la lutte, c'était s'exposer à une perte certaine. Cicéron d'ailleurs était dégagé; nul 
motif ne pressait donc la marche de César; aussi, celui-ci s'arrêta, traça son camp dans l'endroit 
qui lui parut le plus avantageux, et en diminua l'étendue autant que possible, afin de paraître 
moins redoutable. 

Ce jour-là, il n’y eut que quelques escarmouches de cavalerie près du ruisseau ; les Belges at- 
tendaient des renforts, et leur ennemi voulait les attirer près de son camp. À peine la journée du 
lendemain commençait-elle, que la cavalerie des Nerviens et de leurs alliés s'avança et assaillit 
les cavaliers romains. Ceux-ci se retirèrent en simulant une déroute, et se réfugièrent dans les 
vetranchements , où tout présenta bientôt l'image de la confusion et de la crainte : les légion 
naires, paraissant saisis d'une terreur panique, travaillent en toute hâte à exhausser les remparts, 
à obstruer les entrées. Ces apparences trompeuses produisent l'effet que l'habile proconsul en 
avait attendu, Les Belges traversent la vallée et se répandent autour du camp. Tout à coup 
César fait déblayer les portes, lance sa cavalerie sur les assaillants, et par cette attaque inat- 
tendue porte le désordre dans leurs rangs; ils fuient sans avoir le temps de se rallier; ceux qui 
résistent sont tués ou pris. Le vainqueur craignit ou dédaigna de les poursuivre dans les forêts et 


1 Venit magnis itineribus in Nerviorum finibus..… Tum cuidam ex equitibus Gallis persuadet uti ad Cice- 
ronem epistolam deferat. Caesaris Commentarii de bello Gallico, 1. V, c. XLVIII. 


SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 19 


les marécages où ils avaient cherché un asile; il brûlait du désir de revoir ses braves légionnaires. 

La plupart des opinions que l'on a émises sur la situation probable du camp de Cicéron tom- 
bent devant un examen sérieux de la marche de César. Ce général , dans cetteexpédition ,employa 
cinq jours au moins pour traverser la Nervie. En présence de ce fait, est-il possible d'admettre que 
Cicéron ait campé, soit à Tournay1, soit à Bavai ?, soit à Mons 5, soit à Waudrez, près de Binche 4. 
Aucune de ces localités n’est située à un grand éloignement des frontières du pays des Atrébates. 
Tournay n’en est qu'à 6 lieues vers le Nord; des limites de l'Atrébatie jusqu'à Bavai, Mons et Wau- 
drez,iln'yaqu'une distance respective de 10 lieues, 13 {/alieues et 45 1} lieues. Ces espaces auraient 
été bien rapidement franchies par les troupes romaines , habituées à des marches de 6 ou 7 lieues, 

Dans une publication qui date de quelques années, on a essayé de prouver que Cicéron prit ses 
quartiers d'hiver à Castre 5. Cette supposition n'a rien d'invraisemblable, et nous l'adopterions 
volontiers, si des circonstances importantes ne militaient en faveur d’Assche. 

Aucun indice ne corrobore les assertions de Schrieckius et de De Bast, qui se sont prononcés 
pour Velsique 6 et Tervueren. Ce dernier endroit surtout a été mal choisi. Son emplacement me 
pouvait être considéré, du temps de César, comme une position militaire; des bois immenses où 
l'on ne pénétrait que difficilement, l'entouraient de toutes parts, et rien n'eût été aussi facile que 
d'en intercepter les communications. 

Quant à Velsique, on y a trouvé un grand nombre d'antiquités, mais est-ce là un argument à 
faire valoir dans la discussion qui nous occupe ? On ne serait plus aujourd'hui admis à faire déniver 
sa dénomination du mot flamand vwelt, qui signifie.champ, et d’une abréviation du nom de Cicéron 
(velt-cic) 7. 

Voyons si nous:serons plus heureux en préférant Assche à toutes ces localités. 

Pendant les premiers jours qui suivirent son entrée dans la Nervie, César, qui connaissait le 
prix du temps, continua sa marche avec rapidité. On peut du moins le supposer, et rien, je crois, 
n'autorise à établir le contraire. Admettons que la surveille de son combat contreles Belges, il ait 
campé au village de Castre, dont le nom est tout latin (Castra, camp); pour atteindre ce point, 
les Romains, à partir de Cambrai , ont dû faire 20 lieues. Ils onteu trois jours et plus pour fran- 
chir cette distance, le récit de César en fait foi. Chacune de leurs étapes se sera donc composée 
de 7 lieues environ, ce qui n’est pas excessif, car le jour même de leur sortie de Samarobriva les 
troupes du proconsul avancèrent de vingt milles (6 à 7 lieues) $. On pourrait signaler, comme 


1 Cousin, Zistoire de Tournay. 

2 Boucher, Belgium romanum , L. 1, c. 8. Cet auteur hésite à se prononcer entre Mons et Bavai. 

5 Vinchant; Miraeus , Chron. Belg.; Dewez, Mémoire dans lequél on examine quelle peut étre la situation 
des différents endroits de l’ancienne Belgique devenus célèbres dans les commentaires de César par les événements 
mémorables qui s’y sont passés ,\ 2. 

Gette opinion se base principalement sur ce que Ja capitale du Hainaut s'est longtemps appelée Castri locus,, le 
lieu du camp. Elle a été adoptée par M. Schayes, Les Pays-Bas avant et durant la domination romaine, 1. 1, 
p. 589. 

#* Wendelin. 

5 Mémoires sur les campagnes de César dans la Belgique, et particulièrement sur la position du camp de 
Q. Cicéron chez les Nerviens, par F.-J. B., publié par M. Roulez. Louvain, Van Linthout et Vandenzande , 
1833, in-4°. 

* Ortelius est du même sentiment que Schrieckius. 

? Voyez le Dictionnaire de la Flandre orientale, par MM. Meisser et Vandermaelen , p. 220. 

# Caesar, L. c., c. XLVII. 


20 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 


ayant été probablement leurs lieux de halte, 1° Jenlain, entre Bavai et Valenciennes; 2° les hau- 
teurs séparant Jurbise de Casteau , et 5° Castre. 

Ce qui appuie fortement l'idée que César suivit le plateau intermédiaire entre la Dendre et. 1 
Senne, c'est que des hauteurs d’Assche l'œil plonge vers le Sud jusqu'aux collines qui entourent 
Castre, tandis que, dans les autres directions, la vue est bornée par de grands bois ou des ter- 
rains accidentés. En quittant les lieux où il reçut la nouvelle de la levée du siége, le général 
romain fit quatre milles et s'arrêta à l'endroit où il vainquit nos téméraires ancêtres. Ur, en mar- 
chant vers le Nord, à une lieue trois quarts (41/5 milles) de Castre, on trouve la commune appe- 
lée Strythem , c'est-à-dire l'habitation du combat, domus pugnae, comme le dit Gramaye !, qui n’a 
pas toujours été aussi heureux dans ses étymologies. Cette dénomination, donnée à un village, indi- 
que à la fois, et qu’elle remonte à des temps très-reculés, car la plupart de nos agglomérations 
d'habitations datent au plus tard de la période mérovingienne, et l'importance de l'événement 
auquel elle doit naissance. 

Des Roches? a cherché l'emplacement de la bataille sur les hauteurs de Wambeke, au Sud du 
vallon de la Belle, cours d’eau qui vient de l'Est, traverse la chaussée romaine de Bavai à Assche 
et se jette dans la Lombeke ou ruisseau de Strythem. Ce qui l’a peut-être empêché de préférer ce 
dernier endroit, c’est qu'il est un peu écarté de la direction en ligne directe de Castre à Assche. 
Toutefois, comme les chemins, après l'invasion romaine, ont pu subir de grandes modifications, ce 
n'est pas là une raison suffisante pour éloigner le lieu du combat de la localité qui semble lui de- 
voir son nom. Il n'y a done pas d'invraisemblance à désigner le hameau de Tuytenberg (situé sur 
une hauteur et dépendant de la commune de Lennick-S'-Quentin) comme l'endroit où César s'est 
retranché. De ce poste le général romain surveillait les mouvements de ses ennemis, occupant 
au delà de la Lombeke, le territoire appelé depuis Strythem. Les Nerviens se seront réfugiés, 
comme l'a supposé Des Roches, dans le grand bois de Liedekerke et dans les vastes prairies que 
la Dendre arrose et que cette rivière inonde fréquemment. 

La première partie de la journée aura été employée par César à attirer l'ennemi, à le vaincre, à 
rallier ses soldats; dans la seconde, il rejoignit Cicéron. Cest vers la 9° heure du jour (ou trois 
heures de relevée) 5 qu'il arriva au camp; or, celui-ci existe encore à deux lieues et demie au Nord 
de Strythem. 

L'illustre auteur des commentaires sur la guerre des Gaules nous a laissé deux données qui 
peuvent servir à fixer l'emplacement du camp de Cicéron. D'après ses calculs, les camps de La- 
biénus et de Titurius, que l’on croit généralement avoir été situés, le premier à Rocroy, le second 
à Tongres, en étaient éloignés, celui-ci de 50,000 #, celui-là de 60,000 ® pas. La distance réelle 
en ligne droite d’Assche à Tongres est de 19 lieues (95,000 mètres) et celle d’Assche à Rocroy, de 
23 lieues (115,000 mètres.) 

Si, à l'exemple de Des Roches , nous portons à 1,056 toises 6 (2,020 mètres) la valeur du mille, 
toutes ces données présentent des résultats tellement satisfaisants que l’on ne peut les considérer 
comme dus au hasard ou à un rapprochement forcé. Les 60 milles que César comptait entre Assche 


1 Brucella cum suo comitatu, p. 34, édit. in-P, 
3 T. I, p.151 et 156. 

% Caesaris Commentarit, L.c., c. LIN. 

#Id., lc, c. XXII: 

5 Id,,c. LIT. 

ATOS D: 202, 


SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 21 


et Rocroy représentent 121,200 mètres, et les 50 milles entre Assche et Tongres, 101,000 mètres. 
Une différence de 6,000 mètres sur un espace aussi vaste, dans un pays encore inconnu pour 
ainsi dire aux Romains, peut à bon droit être considérée comme insignifiante. D'ailleurs les 
chiffres de César ne sont qu'approximatifs, ainsi que lui-même a eu soin d'en prévenir le lecteur en 
se servant du mot circiter. 

Si l'on adoptait les caleuls de M. le baron Walckenaer, basés sur ceux de Cassini ! et évaluant 
le mille à 760 toises ou 1,481 mètres, César n'aurait compté que 74,050 mètres du camp de 
Cicéron à celui de Titurius, et 88,860 mètres du camp de Cicéron à celui de Labiénus. Il y aurait 
done, avec les distances qui séparent Assche de Tongres et de Rocroy une différence de 20,950 
mètres dans un cas, et de 26,140 mètres dans l'autre. On serait done forcément amené à renoncer 
à la position d’Assche. Pour la remplacer, il conviendrait de recourir à l'opération suivante, En 
prenant pour point de départ Tongres et Rocroy , positions qui ne paraissent pas avoir éLé contes- 
tées, et en décrivant, à partir de la première, une courbe de 74,050 mètres (quinze lieues) de 
rayon, et, à partir de la seconde, une autre courbe de 88,860 mètres (dix-sept lieues et demie) 
de rayon, on formerait deux sections de cercle passant, la première, à Vilvorde, à Waterloo et 
dans la plaine de Fleurus; la seconde, à Chièvres, à Steenkerque et à Braine-l’Alleud (près de Wa- 
terloo). Or, cette dernière localité n'offre aucune des conditions qui pourraient nous déterminer 
en sa faveur. 

Il est donc préférable de s’en tenir à l'opinion de Des Roches. Elle seule s'accorde avec le fait sui- 
vant que nous croyons utile de signaler. César comptait 8 milles (16,000 mètres) de l'Axona à 
Bibrax 2; or, de l'Aisne à Bièvre, commune française qui a remplacé, selon l'opinion commune, 
l'antique forteresse Rémoise de Bibrax, il y a trois lieues (15,000 mètres). C'est encore là une 
preuve à ajouter à celles qui confirment les idées de Des Roches. 

On peut done dire sans exagération que la situation d'Assche explique, on ne peut mieux, toutes 
les données que nous fournit l'histoire sur le camp de Cicéron. L'existence du camp romain, sou 
admirable position, comme point stratégique sur une hauteur défendue par deux cours d'eau, la 
dénomination , si facile à expliquer, du village de Strythem , la concordance des distances, forment 
une réunion de témoignages qui se prêtent un appui mutuel. 


1 Géographie ancienne , historique et comparée des Gaules, t. LI. 
? Commentarii, L. IL, c. G. 


Alphonse WAUTERS, 


Archiviste de la ville de Bruæelles. 


FIN. 


de +4 


cour. &° Mém. des sa étr. Tome XX1. . Wem.de M! Calesloot. 
: i PLAN 
P 4 AY 
SIENS du 


CAMP ROMAIN srrue À ASSCHE. 


Le $ende 


ZAC Jarface tntérienre da Camp.{15 h.dg a. 2 c.on 32.97 oo arp.ront) 


CÆ B. Zempart en partie natnrel. en parte artfrerel : 
2 
e-4 % (Ge Benpart de l'Ouest 
LES) 7 D. Zrés de æ rempart endommagée par la culture. 
S # e ep E ; Montagnes servant de getranchement avancé 
ee Lg r 
F F. Lempart regardant le Nord . 


C. Vallon gui défindait ane partre de la position orientale du Cup. 
g 7 Vi P 


EH Angle on porte gur à dû avrster dans cet endroit 

1, 4 retranchement . 

K| Zntre ces deux Lettres ce retranchement à #é rase par 
L | Les labours continuels 

MZ. empart ortental 

N. Marais. 

0. Emplacement de la Forte Prétorienne . 

JE 774 de la Décumane. 


pee 


Bofil da Camp, enpé duns la direction du Nord an Sad . 


Eglise d'Assche 


FR s 
Le dignes pointilléer gui allonnent de tracé du Cp 
| Andiguent de cmevus de la triongulatron 
e 


fuit et ressé par Frél. Von der Ait . 


pur. À 


Wém. des sa» étr. Tome AX7 


gué allaunent Le tré du 


8 de la triongnlation 


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Profil dn Comp, onpé dans la direction de UEst à l'Onest 


LBchelle du Flan. (1 à 5000) 


100 o o 100 zov 300 400 Sov 
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1 Ë 0 10 ro 30 £o 30 


Lthelle des hantenrs pour ler profils 


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chaussée 


17" Galesloot 


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CAMP ROMAIN site À ASSCHE. 


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artie de la position ortentale du Gunp 


r dans cet endroit 


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ise d'Assche 


ne arprunt) | 


EP Degobere Zi de L'Aradere 


Fait et dressé pur Frél. Var de Ait 


NOTICE 


SUR 


UN DÉPOT DE MONNAIES DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX , 
PROVINCE DE LUXEMBOURG, EN 1846: 


G.-J.-C. PIOT, 


Docteur en droit, employé aux archives générales du Royaume 


Touwe XXI. 1 


NOTICE 


SUR 


UN DÉPOT DE MONNAIES DÉCOUVERT À GRAND -HALLEUX, 


Les circonstances relatives à la découverte de ce trésor, faite le 17 
juillet 1846, ont été rapportées avec assez de détails dans plusieurs jour- 
naux, pour qu'il soit maintenant inutile de revenir sur ce sujet. Voici ce 
qu’on lit dans L'Écho de Luxembourg : 

« Une intéressante trouvaille numismatique a été faite le 17 juillet 

» dans les déblais de la route en construction de Salm-Château, à Trois- 
» ponts (Luxembourg). Un ouvrier effectuant un petit déblai devant le 
» bâtiment du sieur Jacquemin, dans la traverse du village de Grand-Hal- 
leux, a trouvé une cruche grise, renfermant une grande quantité d’an- 
» ciennes monnaies en argent de différentes grandeurs. 
» L’ouvrier, qui était seul, cacha la cruche sous sa blouse, qu'il déposa 
à quelques pas de lui, lorsque le sieur Jacquemin précité vint à passer 
et découvrit la trouvaille dont il voulut s'emparer, comme ayant eu 
» lieu sur un terrain qui jadis lui appartenait, mais dont l'État avait fait 
» l'acquisition pour être incorporé dans la route. 


SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


= 


» Un conflit s'étant élevé pour la possession des objets trouvés, et 
» d’autres ouvriers étant survenus, plusieurs pièces furent perdues et 
» enlevées dans la lutte; heureusement un chef d'atelier qui se trouvait 
» sur le lieu parvint à s'emparer de la cruche, qu'il déposa chez le bourg- 
» mestre de l'endroit, où, par les soins d’un employé des ponts et chaus- 
» sées, elle fut scellée et cachetée, après que l’on eut constaté, par pro- 
» cès-verbal, la présence de 2,295 pièces de monnaie. 

» M. l'ingénieur en chef de la province fit parvenir le tout à Arlon, 
» où la remise a été faite entre les mains de M. le gouverneur. Les pièces 
» trouvées sont du moyen âge; plusieurs ont été frappées par les anciens 
» ducs et souverains de Luxembourg et du Brabant. » 

Les monnaies , ainsi que le vase qui les contenait, ayant été transmis au 
ministère de l’intérieur par M. le gouverneur de la province de Luxem- 
bourg, M. Vanderbelen, chef de la division des sciences, lettres et beaux- 
arts à ce département, nous fit l'honneur de nous appeler dans son cabinet 
pour prendre connaissance de cette découverte: 

Nous trouvames le dépôt numismatique dans un état pitoyable et diffi- 
cile à décrire : l'oxyde mêlé à la terre couvrait totalement les monnaïés et 
les rendait presque méconnaissables, malgré les précautions que l’ancien 
propriétaire avait prises pour leur conservation. Il avait séparé soigneuse- 
ment les unes des autres les monnaies du même module, de la même 
valeur courante, et il en avait formé des cartouches enveloppées d’une 
toile grossière, dont il restait à peine quelques traces. Ce moyen, aulieu 
de contribuer à la conservation des pièces, avait singulièrement aidé à les 
dégrader : les cartouches des monnaies de billon ne faisaient plus qu'un 
corps recouvert d'une croûte d'oxyde très-épaisse. 

Il était facile de prévoir que, sans les plus grandes précautions; une 
bonne partie de ces monnaies tomberaient en poussière, ou au moins se 
casseraient, lorsqu'on les détacherait les unés des autres. Nous em- 
ployämes à cet effet les acides; mais il n’y eut que le feu qui pût opérer 
une séparation complète et la moins nuisible pour les monnaies ; et pour: 
tant, malgré toutes nos précautions, une trentaine de monnaies françaises 
tombèrent en poussière; le reste fut sauvé. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. F 


Nous reconnümes très-facilement, après avoir nettoyé les monnaies , 
qu’elles appartiennent à l'Allemagne, à l'Angleterre, à la France et aux 
Pays-Bas, et qu'elles embrassent un espace de 148 ans, commençant 
vers 1157 et finissant vers 1285. Nous en avons dressé une liste accom- 
pagnée de quelques notes très-superficielles et qui n'auront peut-être d’au- 
tre mérite que celui d’être utiles à l'administration; nous l'avons transmise 
au ministère de l'intérieur. 

Toutefois, frappé de l'importance de cette trouvaille et pressentant 
l'influence qu'elle doit exercer sur la numismatique, M. Vanderbelen 
nous engagea à en faire l’objet d’une notice; et M. le ministre de l’intérieur 
voulut bien nous honorer, le 14 septembre dernier, d’une dépêche par la- 
quelle il nous informait que, si nous le désirions, nous pouvions faire du 
trésor l’objet d’une communication à l'Académie. Nous n'avons rien eu 
de plus empressé que de profiter de l'autorisation de M. le ministre et 
de nous rendre à ses vœux. 

Avant d'entrer en matière, nous croyons nécessaire de prévenir qu'on 
ne doit pas s'attendre à trouver dans ce trésor bon nombre de monnaies 
inconnues; au contraire, elles sont toutes, à l'exception de deux, ou 
connues, ou gravées, ou publiées. Ce n’est pas sous ce rapport que nous 
voulons donner de l'importance à la trouvaille; c’est par la réunion de 
toutes les espèces dont elle se compose qu’elle est remarquable; c'est 
parce qu’elle redresse bien des erreurs, renverse maint système de clas- 
sement, donne un caractère de certitude à quelques conjectures, et con- 
firme des opinions déjà émises, qui ne demandaient qu'une simple preuve 
pour être reçues définitivement comme des vérités. En un mot, cette trou- 
vaille est de la plus haute importance, parce qu’elle fournit au numismate 
des preuves matérielles et, par conséquent, irrécusables, comme nous 
allons le voir. 

Pour faire connaître d’un seul coup d'œil les monnaies dont se com- 
posait le trésor et pour mieux en faire comprendre la série chronolo- 
gique, nous avons dressé le tableau suivant ! : 

1 Nous avons fait usage dans ce tableau de quelques abréviations : £. u. signifie très-usé; u, usé: 
€. 0., conservation ordinaire; à. fl. d. e., à fleur de coin; b. e., bien conservé. 


6 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


: Noms NOMBRE 
Ë PERSONNAGES OU VILLES. Datrs. des ÉTAT. bi 
2 VILLES OÙ GHATHAUX- PIÈCES. 
| 
1 | Samson, archevêque de Reims . . .. 1158-1160. Reims. t. u. 4 
2 | Louis VII, roi de France . . . . . .. 1137-1180. Orléans. t. u. 8 
5 Id. Cie Cie » Bourges. t. u. 5 
16 
4 bpes Ml CET RE » Mäcon. t. u. 1 
5 GIE, re NT OUEN » Pontoise, t. u. 4 
6 | Pierre I ou II, évêque de Meaux. . . . 1171-1176. Meaux. (AU 1 
7 | Philippe-Auguste, roi de France. . . . 1180-1295. Arras. tu. 63 
8 Id. (FArIÉLE). MN ” » t. u. 47 
9 1d. (variété). . . ... 5 r tu. 3 )175 
10 » » Montreuil. t. 0. 12 
11 » » Paris. t. u. 50 
12 | Abbés de S'-Martin à Tours. . . .. . » Tours. t. u. 8 
15 | Abbés de S'-Martin à Tours, au nom 11 
de Philippe-Auguste . . . . . . .. ” Tours. tone 2 
14 Id. (Yariélé)- ©. » Tours. t. u. 120! 
15 | Éléonor, comtesse de Vermandois . . . 1185-1214. S'-Quentin. tu 4 
16 | Robert IT, comte de Dreux . . . . .. 1188-1219. Dreux. {. D 1 
17 | Thierri VII, comte de Hollande . . . . 1190-1205. t. u. 1 
18 | Guillaume III, comte de Ponthieu . . . 1191-1212. Abbeville. CAC 2 
19 | Ville de Francfort. . . . . . . . . . . |commen.auxuiesiè.| Francfort. CNT 5 
20 | Albéric, archevêque de Reims. . . . . 1207-1218. Reims. | t. u. 1 
21 | Guillaume II, archevêque de Reims. . 1219-1226. Reims. | t. u. 15 
22 Id. (VAMERO)E— © ds ste » » | LME 2 
25 | Jeanne, comtesse de Flandre . . . . . 1206-1244. ÿ tu. 1 
24 Id. » Alost. | u. 1 | : 
25 | Jeanne, comtesse de Hainaut . . . . . 1206-1244. u. ee, 
26 AUDE PATIÉES) Er M eue ete » u. 6 ( 14 
27 105. e (VALIÉLE) Let eee ele rte » u. 5 
| 28 | Alexandre I], roi d'Écosse . . . . .. 1215-1249. Berwick. u, 1 
29 | Thierri II, archevêque de Trèves . . . | 1212-1242, Trèves. u. 7 
50 | Hugues IV, duc de Bourgogne . . . . 1218-1272. Dijon. u. 1 
51 Ile MAYariété) 2 2% +20 ai: | Û ANT 2 4 
32 MM CELA MOT TEE | u. 1 
| 


NUMÈROS. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 


PERSONNAGES OU VILLES. 


Frédéric II, empereur d'Allemagne . . 


Florent IV, comte de Hollande. . . . . 
Louis VIIL, roi de France . . . . . . . 
Jean I”, évêque de Metz . . . . . .. 
RP (Variété): E -2de |. 
A (variété): =. 22.1. 
ATP (VATIÉ LE) HF - - =. 1. 
ONE MER ES À 
HARRIS). = Le - et ele 
LE, NOUS AE RON CIE À 
UP (VArIÉtS) LE ENT OA |. 
Henri IL, archevêque de Reims . . . . 
RM APATIÉLE) Le Le. cm R. 
Louis IX, roi de France. . . . . . .. 


Henri III, comte de Luxembourg . . . 
Otton III , comte de Gueldre . . . .. 
Heori II, duc de Brabant . . . . . .. 
Id. (ant) EN. à 1. 
Jacques , évêque de Metz . . . . ... 
Robert de Langres , évêque de Liége. . 
Id. (variété)... 3. .l. 

Id, (variété). .9, 4: .!. 

Id. (variété). .u.s4, 1, 

Id. (Fariélé) Le 0001 
Arnoul I], archevêque de Trèves . . . 
Id, LU OS PAC PRE 
Henri II , duc de Brabant, , . . . ,. 
Alphonse, comte de Toulouse. . . . 
Ferri II, duc de Lorraine. . . . . . . 
NC, 107) PP RA PE 
A (TRAME)... Aster, 


Thibaut V, comte de Champagne . . . 


Dates. 


1220+1250. 


] 


»” 


1227-1240. 


» 


1226-1270, 


» 


1226-1275. 
1229-1271. 
1255-1248. 


” 


1258-1260. 
1240-1246. 


1242-1259, 


” 


1248-1261. 
1249-1271. 
1251-1505, 


» 


n 


1253-1270, 


VILLES OU CHATEAUX. 


Aix-la-Chapelle(?) 


Reims. 


Luxembourg. 


Metz. 


S'-Trond. 
Trèves. 


Trèves. 


Nancy. 


Provins. 


ÉTAT. 


NOMBRE 
de 


PIÈCES, 


ES 


77 ) 
{ 7 


-_ 
x 


El 19 
mm — 
1 


NÉTAL. 


bill. 


cuivre. 


ar. 


bill, 


Ca 


NUMÉROS, 


SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


PERSONNAGES OU VILLES. 


Henri LIL, roi d'Angleterre . . . . . . 
Id. (RATÉ) enr 
Id. (VADIÉLÉ) ere ri 
Id. (VARIEIE), Car - Pie 
Id. LMARIGLÉ) css à etat 0 
Id. (VAUIÉTÉ) SE ee ele » de 
Id. MAÉ) EC 
Id, (ManéE) Es Gate 20e 
Id, LUAMÉRE) Et ne à à afete 0e 
Id. (VANÉÉ) ee Et e 
Id. (Vané) ne er EL 
Id. (NAN) Eee ini de 
Id. (VARIÉTÉ) Ep le fe 
Id. (AU) Ent. 


Marguerite de Constant., comt. de Hain. 


Id. (variété) . . . 
Id. (variété) . . . 
Id. (variété) . . . 


La même, comtesse de Flandre. . . . 


Id. (VATIÉLÉ) EE ct 
Id. (alé) EP 
Id. (NAPPES AR CE 
Id. (CECI SET ET SE 
Id (variété) ce. ct 
Waleran, duc de Limbourg. . . . . . 
Id. (VAMÉLÉ) En CE 


Henri de Vianden , évêque d'Utrecht . . 
Charles I", comte de Provence. . . . . 
Thierri VI, comte de Clèves . . . . . . 
Henri, seigneur de Herstal . . . . . . 
Jean 1«', duc de Brabant. . . . . . .. 

Id (Tan) EC Re 

Id (varié). Er. Re 


Dates. 


1216-1271 


» 


1246-1279. 
x 
1250-1267. 
1246-1285. 
1261-1275. 
1255-1285. 
1261-1294. 


» 


Noms 
des 


VILLES OU CHATEAUX. 


Canterbury. 

» 
Londres. 
Londres. 
Londres. 
Londres. 
Bristol. 
Londres. 
Londres, 
Newcastle. 
Oxford. 

» 
Londres. 


Valenciennes. 


Alost. 


Lille. 


Rolduc. 
Daelhem. 


Deventer. 


Clèves. 


Bruxelles. 


» 


ÉTAT. 


à fl. 


à fl. 


b. c. et à fl. de c. 


c. 


. 0. 


L'on 


c, 


» 


LA 


NOMBRE 
de 
PIÈCES. 


= 


MÉTAL. 


NUMÉROS. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 


PERSONNAGES OU VILLES. 


Jean I:", duc de Brabant . . . . . .. 


» 
Jean I”, comte de Sancerre. . . . . . 
Philippe-le-Hardi, roi de France . . . 
Id. (variété), 2. |. .… 
Gui de Dampierre, comte de Namur. . 
Ingelram, évêque de Cambrai. . . . . 


Henri IV, comte de Luxembourg . . . 


Édouard ler, roi d'Angleterre . . . . . 
Arnoul VIIL, comte de Losse . . . . . 
Jd. (varifté). 02,1. . 
Id. (varigté); +4 0... ,. | 
Jean LV; évêque de Liége ? «1. .|, . . 
OUT A CN CORRE ET 


Tome XXI, 


Dates. 


1268-1280. 
1270-1285. 
» 
1265-1297. 
1275-1285. 
1275-1988. 


1271-1507. 


1282-1296, 


NOMS 


des 


» 


Louvain. 


Louvain. 
» 
Tours. 


Tours. 


Cambrai. 


Bristol. 
York. 
Canterbury. 


Londres. 


Dublin, 


VILLES OU CHÂTEAUX, 


Luxembour. 


» 


b. c. 


à fl, de coin. 


NOMBRE 
de 


PIÈCES, 


PL] 


M] 


= 
a 


19 


- 
19 CS 
a 


9 


MÉTAL. 


10 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Nous suivrons constamment l’ordre établi dans le tableau , en donnant 
la description de chacune des monnaies. 


Samson, archevéque de Reims. 
1138-1160. 


N° 1. 4v. Dans le champ : SoN/: légende : x ARCHIEPISCOP./ — Ro. Croix canton- 
née de deux fleurs de lis; légende : x REOIS CIVITAS/. 
Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 8, fig. 1. 


Louis VIL, roi de France. 
1137-1180. 


N° 2. 4v. Portail défiguré; légende : LVDOVICGVS REX T/. — Ro. Croix cantonnée de 
A/0/; légende : AVRELANIS CIVITAS,. 


Grayée dans Le Blanc, p.164, fig. 10. — Revue fr., 1856, 
pl. 6, fig. 8. — Combrouse, pl. 50 , fig. 19; variété. 


Ce denier de billon, frappé dans la ville d'Orléans, a donné lieu à 
quelques controverses. 

M. Cartier, dans sa notice sur plusieurs monnaies royales du XII: siècle 
trouvées près de Beaugency, dit : « Cette monnaie se trouve ici, propor- 
» tionnellement aux six précédentes, en assez grand nombre; son type 
» est tellement semblable à celui des pièces de Philippe I, qu'il est 
» probable que son fils en a frappé; mais, en raison de la quantité et 
» de la bonne conservation de nos pièces, on doit admettre qu’il y en a 
» de Louis VII 1. » Dans l'inventaire de ces monnaies, il avait déjà dit 
qu’elles appartenaient à Louis VI et à Louis VIT. On le voit, M. Cartier 
n'avait pas tranché la question, parce qu’il n’avait pas assez de preuves 
pour attribuer la monnaie en question plutôt à Louis VI qu’à Louis VIT. 
M. Combrouse ? l’attribua à Louis VI. 

Quant à nous, nous croyons qu’elle appartient à Louis VII. En effet, 


1 Revue franc., 1856, p. 250. 
? Catalogue raisonné, A'° partie, Capétiennes, n° 98. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 11 


ne serait-il pas singulier de ne pas trouver dans un dépôt aussi considé- 
rable que celui dont nous donnons la description, une seule monnaie 


A 


d'un feudataire français, ou même d’un prince étranger à la France, 
contemporain de Louis VI? Pourrait-on expliquer comment les monnaies 
des seigneurs contemporains de Louis VIT n’y font pas défaut, si on ne 
lui attribue cette monnaie? Comprendrait-on comment la monnaie la plus 
ancienne de notre trésor, si on en excepte celles que nous attribuons à 
Louis VIT, serait un denier de Samson, archevêque de Reims, qui occupa 
le siége archiépiscopal de 1138 à 1160, et cela pendant le règne de 
Louis VII? Expliquerait-on comment le même fait a été observé dans les 
dépôts des monnaies découvertes à S'-Maixent et à Avesnes 1 ? Là aussi les 
monnaies de Samson furent les plus anciennes, et elles furent trouvées 

1 Voyez la Notice sur les monnaies françaises trouvées à S'-Maixent, dans la Revue franc., 1858, 
p- 281, et la Notice sur celles trouvées à Avesnes, dans les Mémoires de la Société d'émulation de 
Cambrai, 1832 à 1835, p. 203. Les monnaies du trésor d'Avesnes ont été mal attribuées dans la 


dernière de ces notices. Voici les rectifications que nous proposons : 


DATES 
assignées par l'auteur de 
la notice. 
A —— 


AÉOusNIIT;ro1 de France; 12299-12960 LM bone 1180-1995 

2. Louis VII, id. 1437-1180 MOT ADN MLQMNUELT ENT ENNENNEN SE Id, 

3. Louis VIII, id., TRS EMEA PER CRAN EENLS AE 2e D Id. 

4. Philippe- Fee roi de France, 1180-12 NAN 2) re UE CUS ce de 1180-1225 

5. Id., id. que RÉ OR da oeS : Nd e LC Id. 

6. Id., id. AN ANA ET Vu MEN tie Id. 

Ze Id., id., MEN EN ro PES ee Deler GA EG 1528-1564 

8. Id., id., TE ANNEE 2e, AMENER 47 1271-1285 
DrAbDA de" =-Mrtin de Dours AU 02 à ve 0e ile Tes Es Le), je » 
Mo unX=rroide Erance 1226-1270. 0.05... . : + . . * + » 1255-1257 
11. Raïmond VIT, comte de Toulouse, 1222-1249 . -. . . . . . . . . . 1197-1297 
42," Alphonse , comte de Toulouse, 1249-1271. :.,°. . :.". . …:. .. + 1249-1271 
15. Id,, LOMME’ 06 FOILOLL: 1249122100 PS REUN PORN RER Re DRE ïd. 
14. Hd 0Oteomiadetonioubesi240-12780 M 002 50 aronsr © Leu po Id. 
Hi Charles d’Anjou , comte de Provence , 1246-1985 . . . . . . . . . 1280-.... 
Mrnéontelde Mans RIT sié0le QUE AE PU DA 0. NE Te après 1315 
49/"Æobert1L'eomte de/Dreux ; 1188-1219. 2.0, 1,1... 1,1. 7 1509-1529 
19. Samson , archevêque de Reims, 1138-1160 . . . . , . . . . . . . 1140-.... 
20, Guillaume I, archevêque de Reims, 1219-1226. , . . . . . . . . . 1176-.... 
21. Guillaume III, comte de Ponthieu, 1191-1212. . . . ST de 957-1221 
22, Comte de Mans, XII siècle , monnaie mal gravée et non déchiffr to, 
25. Jean 1°, duc de Bretagne , 1287-1286. . . . . . . . . . . . . ....-1541 


24. Alexandre II, roi d'Écosse, 1241-1249 . . , . . ..,. . , . . . . 1214-.... 


12 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


avec celle dont nous donnons la description. Il nous semble donc très- 
naturel de conclure de ces faits qu’elle doit être restituée à Louis VIL 

Ces preuves ne sont que matérielles ; voyons maintenant si la marche 
du type de la monnaie d'Orléans y correspond et si elle ne les contredit pas. 

Le type de la monnaie est local et s’est conservé longtemps. Il se com- 
pose d’un portail ou d’une forteresse. Déjà représenté sur une monnaie de 
Charlemagne frappée à Arles, ce type se reproduit sur celle de Charles- 
le-Simple. Sous Philippe [*, il subit une singulière métamorphose, qu'il 
faut sans doute faire remonter plus haut, mais sur laquelle nous ne pou- 
vons donner de renseignements, parce que les monnaies au portail des 
devanciers de ce prince ne sont pas connues. Âu commencement du règne 
de Philippe, le portail ou la forteresse est encore reconnaissable; mais à 
la fin le type se défigure davantage. La dégénération du portail sur la mon- 
naie qui nous occupe est tellement grande, tellement sensible, qu'il est 
presque impossible d’y voir une imitation du portail figuré sur les mon- 
naies de Philippe I‘; il faut nécessairement supposer un assez long 
espace de temps entre les deux monnaies, pour expliquer une altération 
aussi grande. Placer les monnaies du règne de Louis VI entre celles de 
Philippe I et la pièce qui nous occupe, est donc, à notre avis, un sys- 
tème très-admissible. 


DATES 


assignées par l'auteur de 
la notice, 
ii 


_. | Henmellsroid'Anpleterre, 1216-1271 M IS 1972 
27. Indéterminée ne ici Par AC OT dd re DR et OU TO CET A LL Indéterminée. 
28. Id., LR PEN ES NEO OR PE ee 1 SO M OS Id. 

29. Marguerite de Constantinople, comtesse de Hainaut, 1244-1980. . . . . . 1415-1417 
50. Indéterminée. 

31. Marguerite, comtesse de Flandre, 1244-1980. . . . . . . . . . . . Indéterminée. 
S2dEanl. duc deBrabant, 1201-1204 RENE Ve Mie Ne ie te ie Id. 

53. Jeanne, comtesse de Flandre, 1206-1244, . . . . . . . . . . . . Id. 
GATIDUÉIENMIINCE, >... CREER En li eme cl: ee de 1127 

35. Jeanne, comtesse de Hainaut, 1206-1244 . . . . . . . . . . . . Indéterminée. 
86. Henri LIT, duc de Brabant, 1248-1961 . . . + . . . . . . , . . Id. 

57. Henri Il, id., LS ET ON ONE, SORTENT Id. 


On voit, au moyen de ces rectifications, que les monnaies les plus anciennes sont de Louis VII, roi 
de France, et de Samson, archevêque de Reims, et les plus modernes de Jean 1, due de Brabant. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 15 


Pour faire mieux comprendre la dégénération du portail, nous l'avons 
fait graver sur la planche où nous donnons toutes les transformations con- 
nues, depuis Charlemagne jusqu'à Louis VIT ?. 

Examinons maintenant le type du revers. Au commencement du règne 
de Philippe Le, l'alpha et l'oméga sont suspendus à la croix; vers le milieu 
de ce règne, les deux lettres, encore très-distinctes et très-nettes, se trou- 
vent dans les cantons de la croix; mais vers la fin, elles sont transformées 
en S. Sur notre monnaie, l’oméga est devenu un O. C’est encore une dé- 
génération trop subite pour l’attribuer à Louis VI; elle semble prouver 
que cette monnaie ne peut pas appartenir au successeur immédiat de Phi- 
lippe I. Elle doit être, par conséquent, restituée à Louis VIT. 


Ne 5. Av. Tête couronnée de face ; légende : LVDOVICVS REX/. Rv. Croix haussée 
et fleuronnée; légende : + VRBS BITVRICA/. 


Gravée dans Le Blanc, p.164, fig. 7. — Lelewel, pl. 6, fig. 51. — 
Rev. franç., 1856, pl. 6, fig. 7. — Combrouse, pl. 51, fig. 11. 


La même difficulté se présente pour lattribution de cette monnaie; 
mais cette fois, M. Cartier se trouve en contradiction formelle avec M. Com- 
brouse, qui l’attribue avec raison à Louis VIT, tandis que le premier la 
donne à Louis VI ?. 

Il va sans dire que nous adoptons l'opinion de M. Combrouse, pour les 
motifs que nous venons d'exposer en faveur de Louis VIT. 

Elle fut trouvée deux fois, à S'-Maixent et à Grand-Halleux, avec des 
monnaies de Samson, archevêque de Reims et contemporain de Louis VIT, 
et une autre fois, près de Noyon, avec les monnaies des évêques de Laon, 
Gauthier I et 11(1151-1174) et Roger (1174-1207), et de Renaud, évêque 
de Noyon (1175-1188), tous contemporains de Louis VII 5. Aucun des 
dépôts trouvés dans ces endroits n’ayant fourni de pièces de l'époque de 
Louis VE, il nous semble que la monnaie en question appartient à Louis VII. 


Voyez la planche, fig. 1,2, 3,4, 5, 6,7, 8, 9. 
Revue fr., année 1836, p. 257; Combrouse, Catalogue raisonné, J"° partie. Capétiennes, n° 61. 
Revue [r., 1841, p. 58. 


L2 


E] 


14 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Cette preuve matérielle est de trop grande importance pour que l’on puisse 
soutenir sérieusement l'opinion contraire. 


N° 4. Av. Deux croisettes en forme de carrés et deux annelets; légende : CASTRVM 
MAT/. — Ro. Croix cantonnée de deux cercles; légende : LVDOVICVS 
REX/. 


Gravée dans la Revue fr., 1856, pl. 6, fig. 5. — Combrouse, 
pl. 50 , fig. 8. 


Ce denier a été attribué à Louis VI par MM. Cartier et Combrouse. Fort 
des motifs que nous avons fait valoir, en parlant des différents trésors où 
les monnaies précédemment décrites et celles-ci furent trouvées avec des 
deniers de seigneurs et de prélats contemporains de Louis VIT, nous attri- 
buons encore cette monnaie à celui-ci. Nous invoquerons encore, à l'appui 
de notre opinion, la trouvaille de Dieuze, dont M. de Saulcy a rendu 
compte 1. Selon lui, et il le disait avec fondement, la plus ancienne mon- 
naie était de Louis VIT. 

Il est donc impossible d’y voir un denier de Louis VI; et cependant elle 
faisait partie de la trouvaille de Dieuze. Elle doit donc avoir été frappée 
par Louis VII. 

La marche du type confirme cette opinion en tous points. La croix très- 
large et légèrement pattée du revers ne peut appartenir qu’à l'époque de 
Louis VIT; et la dégénération, en annelets, de Palpha et de l’oméga dont 
étaient cantonnées les croix des monnaies de Philippe I et de Louis VI, 
prouve évidemment en notre faveur. Les deux annelets posés au-dessus et 
au-dessous des croisettes de l’avers sont encore le résultat de l’altération 
de l'alpha et de loméga, ainsi que cela résulte de la comparaison de cette 
monnaie avec celle d'Éléonore, duchesse d'Aquitaine, devenue plus tard 
l'épouse de Louis VIT 1. Or, c’est précisément sous le règne de Louis VII 
que la dégénération de l'alpha et de l’oméga en O eut lieu et fut possible, 
puisque, sous le règne de Louis VI, ces lettres furent transformées en 5, 
comme on le verra par les exemples reproduits sur la planche, fig. 10 à 19. 


3 Revue fr., 1843, p. 485. 
? Voyez Tobiésen Duby, pl. 32, fig. 3. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 15 


ne s’agit pas seulement ici de l'attribution de cette monnaie; il faut en- 
core déterminer la localité où elle fut frappée. Son type tout à fait aqui- 
tain 1 doit faire chercher cette localité dans l’Aquitaine, ou du moins dans 
les environs de ce duché, où il a pu se propager, et non à Nantes, comme 
l'ont fait MM. Cartier et Combrouse. Mâcon, en latim Matisco, Matis- 
cona, etc. ?, cité dans la notice des Gaules sous le nom de Castrum Matis- 
conense, présente plus d’analogie avec la légende CASTRVM MAT ou MATA 
inscrite sur la monnaie de Louis VII, qu'avec Mantes, simple château, 
nommé au XE siècle Medunta et aussi Castrum Medunta 5; et il serait très- 
difficile, pour ne pas dire impossible, d'expliquer comment le type aqui- 
tain aurait pu exercer quelque influence sur la monnaie royale de Mantes. 
N'est-il pas plus naturel de voir dans cette légende la ville de Mâcon, où 
l'influence du même type doit s'être fait sentir, et dont le nom latin 
correspond si bien avec celui qui est indiqué par la légende? Ne serait-il 
pas plus rationnel de suivre l’opinion de Tobiésen Duby et de Du Cange #, 
qui attribuent cette monnaie aux comtes de Mâcon? Nous avouons cepen- 
dant qu'il est très-difficile de rapporter convenablement cette monnaie à 
Gérard, comte de Mâcon (1155-1184), contemporain de Louis VIE 
Gérard était un vassal si remuant, si entreprenant, jusqu'à se mettre 
parfois en pleine révolte contre le roi ! 

Personne ne contestera d’ailleurs que des monnaies aient été battues à 
Mäcon , témoin celle gravée par Tobiésen Duby, pl. 102, fig. 2, et qui porte 
MATISCO, avec le nom de Philippe; or Matisco (Mäcon) ne peut jamais 
signifier Medunta (Mantes) ?. 


1 Voyez les monnaies d'Aquitaine dans Tobiésen Duby, pl. 32, fig. 1 à 5. 

2 Voyez, pour les différentes dénominations latines données à Mâcon, Trévoux, Dict. univers., 
verbo Macon. 

5 Dulaure, Hist. des environs de Paris, t. M, p. 242. 

4 Voici ce que Du Cange dit de la monnaie de Mâcon : Matisconensis monetae mentio est apud 
Sanjulianum in Matisconense, p. 251, 290, et Thevetum lib. 14, Cosmogr., cap. ÂT, à quo hic de- 
scribitur. (Du Cange, verbo Moxera.) Thevet cité par Du Cange n’est pas une autorité bien respecta- 
ble; mais, quelque crédule qu'il fût, cet auteur, pour le coup, semble avoir raison, 

5 Conf. Lelewel, Num. du moyen âge, t. X, p. 176. Ce savant pense aussi que cette monnaie 
fut frappée à Mâcon. 


16 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


N°5, Av. Alpha et oméga suspendus à des rubans; légende : LVDOVICYS RE/. — 
Ro. Croix cantonnée d’un annelet ; légende : PONTISA CASTRJ/. 


Grayée dans Le Blanc; pl. 64, fig. 4. — Revue fr., 1856, pl. G, 
fig. 2. — Combrouse, pl. 50, fig. 16. 


Le type de cette monnaie introduit par Robert, roi de France , fut sue- 
cessivement imité par Henri I et par Philippe [ 1. Cette imitation a fait 
supposer à MM. Cartier et Combrouse que la monnaie dont nous venons 
de donner la description doit être attribuée à Louis VI. Trouvée deux 
fois, à S'-Maixent et à Grand-Halleux, avec la monnaie de Samson, arche- 
vêque de Reims, nous la croyons plutôt de Louis VIF Nous avouons 
cependant que limitation de l’avers de ce dernier sur celui de la monnaie 
au même type de Philippe F est frappante, et qu'il semble calqué sur 
cetie dernière, sauf le nom. Mais il n’en est pas de même du revers, qui 
diffère essentiellement de celui de la monnaie de Philippe : la croix y est 
large, comme sur le denier de Louis VIT; l'alpha et loméga cantonnant 
la croix sous Philippe E et sous Louis VI, sont déjà défigurés sur cette 
monnaie et ne sont plus représentés que par un O ou un annelet. Or, on 
sait que, sous le règne de Louis VI, cette altération commença à se 
montrer et qu’elle se manifesta encore davantage sous Louis VIT, pendant 
le règne duquel elle atteignit le dernier degré de la dégénération. 

Ce qui nous fait encore supposer que toutes les monnaies dont nous 
venons de parler appartiennent à Louis VII, c’est qu’elles sont toutes 
aussi usées que celle de Samson, archevêque de Reims, et un peu plus 
usées que celles de Philippe-Auguste. Il en résulte qu’elles ont circulé 
pendant le même espace de temps et qu’elles sont, par conséquent, con- 
temporaines ou à peu près. 

Nous voyons aussi dans ce trésor une succession chronologique très- 
bien suivie de rois et de seigneurs. Or, comment expliquerait-on l'absence 
des monnaies de Louis VIT, si on ne lui attribuait celles qui sont décrites 
plus haut? Les donner à Louis VI, ce serait supposer que l’ancien pro- 
priétaire du trésor, en recueillant un si grand nombre de monnaies fran- 


1 Voyez Leblanc, pl. 156, fig. 4 et 6; Combrouse, pl. 47°, fig. 7. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 17 


çaises, n’y aurait compris aucune pièce de Louis VIF, et que du règne de 
Louis VI il aurait sauté à celui de Philippe-Auguste pour arriver à celui 
de Louis VIII, de Louis IX et de Philippe-le-Hardi. 

Nous conviendrons très-volontiers avec M. Cartier qu'il est fort diffi- 
cile de distinguer les monnaies de Louis VI de celles de Louis VIT; voici 
le moyen qu'il propose pour y parvenir : « Louis VI a plus de droits, 
» dit-il, aux pièces dont le type se rapporte à ceux des règnes précédents. 
» Louis VIT doit avoir frappé des parisis avec FES dans le champ, si 
» pareils aux monnaies incontestables de son fils; cependant Louis VI 
» pourrait avoir commencé par frapper la variété beaucoup plus rare 
» où le même mot abrégé FRANCorum est écrit F4 dans l’ordre ordi- 
» naire et non boustrophedon; c’est du moins ce que m ‘autorisent à penser 
» plusieurs exemplaires de ces deux variétés que j'ai sous les yeux. Ces 
» parisis se continuèrent sous les règnes suivants ! ». 

Quant à l'opinion de M. Cartier sur les deniers avec FS et F4, et qu'il 
veut attribuer à Louis VI et à Louis VIT, nous démontrerons lle que 
ces rois, loin de s’être servis de ce type, ne l’ont jamais connu; qu'il n’a 
pas existé de leur temps et qu'il est de l'invention de Philippe-Auguste. 


Pierre I ou IL, évêque de Meaux. 


1171-1176. 


N° 6. Av. Profil d'évèque mitré et crossé, à gauche; légende : PETRVS EPISCOP/. 
— Rv. Croix cantonnée de quatre globules et de deux fleurs de lis; 
légende : MELD CIVITAS/. 


Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 11, fig. 9. 


L'auteur que nous venons de citer n'avait pas osé se prononcer entre 
les trois premiers évêques du nom de Pierre qui occupèrent le siége épis- 
copal de Meaux, le premier de 1172 à 1175, le second de 1175 à 1176 
et le troisième de 1225 à 1255. L'état très-usé de l'exemplaire du trésor 


de Grand-Halleux doit faire attribuer cette monnaie à l'un des deux pre- 


! Revue fr., 1838, p. 96. 
Tome XXI. 


QI 


18 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


miers, entre lesquels il est très-difficile de fixer son choix. Cependant le 
type étant le même que celui de l’évêque Simon (1176-1195), il est 
possible qu’elle soit de Pierre 11 1. 


Philippe-Auguste, roi de France. 
1180-1925. 


N° 7. Av. Dans le champ : H5N; légende : PHILIPVS REX/. — Re. Croix portant 
dans le second et le troisième canton une fleur de lis; légende : AR- 
RAS CIVIS/. 


Gravée dans Combrouse, pl. 52, fig. 2. — Hermand, pl. 4, 
fige 45. 


Le type de cette monnaie est incontestablement de l'invention de Phi- 
lippe-Auguste, si toutefois on peut nommer invention la métamorphose 
du type des archevêques de Reims, qu’il semble avoir pris comme point 
de départ pour l'innovation de son coin. Le temps était venu où il fallait 
commencer par adopter, bon gré mal gré, un type nouveau, pour rem- 
placer insensiblement les types locaux devenus parfois méconnaissables, 
à force d’avoir été imités et altérés par les graveurs, tant sur les monnaies 
royales que sur les monnaies des feudataires. L’alpha et l’oméga étaient 
devenus des signes inintelligibles; les monogrammes étaient indéchiffrables 
et ne présentaient plus que des figures embrouillées; les têtes étaient 
d’horribles monstruosités; les portails, comme on vient de le voir par les 
échantillons donnés plus haut, étaient défigurés à l'excès; enfin, chez 
le Roi, comme chez quelques feudataires, la nécessité de changer de type 
se fit sentir, parce que l’on ne comprenait plus la signification des figures 
représentées sur les monnaies. Toutefois ce changement ne fut pas uni- 
versellement adopté; car les types locaux furent encore conservés dans 
plusieurs endroits; mais, en frappant monnaie dans les villes nouvellement 
ajoutées à son royaume, Philippe-Auguste se vit obligé de créer un nou- 
veau type pour sa monnaie royale. 

L'innovation de Philippe-Auguste ne fut pas perdue pour les feuda- 


1 Voyez Tobiésen Duby, pl. 41, fig. 8. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 19 


taires. Poussés par le besoin de changer de type, et voyant que leur sou- 
verain rejetait de quelques-unes de ses monnaies les anciens types locaux 
jusqu'alors conservés avec plus ou moins d’altération, plusieurs chan- 
gèrent aussi leur type particulier pour imiter les deniers royaux. L’inno- 
vation n’était certainement pas à leur désavantage; car en imitant le type 
royal, ils assuraient à leurs espèces un cours plus facile et plus répandu. 
Voyons donc à quelle époque ils ont commencé à imiter le type de Phi- 
lippe-Auguste; et nous aurons aussi l’époque vers laquelle il fut introduit 
sur les deniers royaux. Les feudataires sur la monnaie desquels on trouve 
ce type, sont : 


Éléonore, comtesse de Vermandois. . . . . . . . . 4185-1214! 
Robert IT, comte de Dreux . . . . . 04188-12192; 
Mathieu II, comte de Beaumont sur Oise et 4 NE 0 HAASOS: 

Renaud-comielde Boulogne MN RC  . 11191-1212# 
Guillaume TIL, comte de Ponthieu . . . . . . . . . 1191-1291 *. 


C’est donc vers la fin du XIE siècle que les grands vassaux de la cou- 
ronne commencèrent à imiter ce type; c’est donc aussi vers'cette époque 
qu'il doit avoir été employé pour la première fois sur les deniers royaux; 
car s’il eût existé auparavant, les feudataires se seraient aussi empressés 
de limiter plus tôt, et nous aurions des dates plus anciennes que celles 
qui sont fournies par les cinq monnaies des personnages cités ci-dessus. 

Les dépôts trouvés à Noyon, à Saint-Maixent, à Riom, à Vezin, à Beau- 
gency, à Avesnes, à Mareuil 5, et surtout celui dont nous nous occupons, 
sont là comme preuves matérielles à l'appui de notre opinion. Les mon- 
naies frappées à Arras, au nom de Philippe, après que l’Artois fut détaché 
de la Flandre en 1180, prouvent encore qu’elles sont de Philippe-Auguste, 


? Tobiésen Duby, pl. 105, fig. 4 et 2; Revue fr., 1857, pl. 5, fig. 8 et 9. 

? Tobiésen Duby, pl. 78, fig. 2 et 3. 

5 Jbid., Valois, fig. 1 

4 Jbid., pl. T4, fig. 4. Revue fr., 184, vignette, pl. 36, et 1838, pl. 2, fig. 6. 

5 Tobiésen Duby, pl. 74, fig. 4 et 2. 

6 Revue fr., 1845, p. 185; 4858, p. 283; 1842, p. 460; 1857, p. 288; 1836, p. 250; Mém. 
de la Société d'émulation de Cambrai, 1832 à 1835, p. 205; Revue fr., 1844, p. 374. 


20 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


puisque les comtes d'Artois ÿ exerçaient auparavant ce droit !. On sait que 
ce roi avait l'habitude de frapper monnaie dans les villes nouvellement 
soumises à son autorité immédiate, comme il le fit encore à Péronne, pour 
faire preuve de ses droits seigneuriaux et régaliens. 


N° 8. Variété du denier précédent avec deux fleurs de lis dans le premier et le qua- 
trième canton de la croix. 


Gravée dans Le Blanc, p. 176. fig. 1. — Lelewel, pl. 3, fig. 33. 
Hermand. pl. 5. fig. 47. 


N° 9. Variété, avec deux fleurs de lis dans le deuxième et le troisième canton, et une 
troisième entre les lettres : PHIL,, IP'/. 


Gravée dans Combrouse, pl. 52. fig. 1.—- Hermand, pl. 4, fig. 42. 


N° 10. Mêmes type et légende de l’avers que les n°° 7 et 8. — Rv. Croix cantonnée de 
deux annelets; légende : MOVTVRVEL/. 


Gravée dans Combrouse, pl. 52, fig. 6. 


N° 11. Mêmes type et légende à l’avers. — Ro. Croix; légende : PARISII CIVIS/. 


Gravée dans la Revue fr., 1836, pl. 6. fig. 10. Combrouse, pl. 32, 
fig. 35. 


Abbés de Saint-Martin de Tours. 


Fin du XII: siècle, 


N° 12. Av. Portail défiguré surmonté d’une croix; légende : + SCS MARTINVS/. — 
Ro. Croix dans un grenetis ; légende : TYRONYS CIVIS/. 


Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 16, fig. 7. 


S'il faut en juger d’après l’état usé des exemplaires trouvés à Grand- 
Halleux, ces pièces semblent avoir été frappées sous le règne de Philippe- 
Auguste. 


! Hermand, Hist. monét., p. 188. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 21 


1180-1225. 


N° 15. 4v. Portail défiguré, et surmonté d’une croix; légende : SCS MARTINYS. 
— Ro. Croix dans un grenetis; légende : PHILLIPVS RE/. 


Gravée dans Le Blanc, pl. 202, fig. 10.—Tobiésen Duby , pl. 16, 
fig. 1. — Revue fr., 1858, pl. 5, fig. 9. — Combrouse. pl. 52 , 
fig. 11. 
Tous les numismates sont d'accord pour attribuer ce denier semi-royal 
aux abbés de Saint-Martin de Tours, et ils pensent qu'il a été frappé au 
nom de Philippe-Auguste. 


N° 14. Mêmes type et légendes, mais d'un module plus petit. 
Gravée dans la Revue fr., 1858, pl. 5, fig. 9. 


M. Cartier, dans sa lettre sur les monnaies de la troisième race, a at- 
tribué cette pièce à Philippe-le-Bel (1283-1514). 

Nous avons déjà dit, et nous le démontrerons plus tard, que les mon- 
naies les plus modernes de notre trésor ne peuvent pas être postérieures 
à 1285 : il est donc impossible d'y trouver des monnaies de Philippe- 
le-Bel; car, s’il en était autrement , si cette monnaie appartenait effective- 
ment à Philippe-le-Bel, notre exemplaire , au lieu d’être usé, serait à fleur 
de coin, comme les monnaies de Jean I, duc de Brabant, de Marguerite 
de Constantinople et d’Ingelrame, évêque de Cambray; il devrait même 
être dans un meilleur état, puisque cette monnaie serait la plus récente de 
toutes celles que contenait le trésor. Nous aurions dû, pour le même motif, 
en trouver un très-grand nombre d'exemplaires, puisque c'était la mon- 
naie courante de l’époque, en France; elle aurait dû y être à peu près en 
aussi grand nombre que les monnaies de Jean I", duc de Brabant. 


‘ 


Eléonore, comtesse de Vermandois. 
1183-1914. 


N° 15. Av. Dans le champ : ONE légende : x CO VIROMENDI. — Ro. Croix canton- 
née de deux étoiles ; légende : + S.QVINTINVS/. 


Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 103, fig. 2. 


22 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Cette monnaie a été citée plus haut, pour prouver que le type qu'elle 
porte est de l'invention de Philippe-Auguste. 


Robert II, comte de Dreux. 


1188-1219. 


N° 16. 4v. Dans le champ : AS: légende : x EROBERTVS. — Rv. Croix cantonnée 
de deux V (alpha el oméga dégénérés); légende + DRVCAS CAST... (Les 
leutres S sont renversées.) 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 78, fig. 2. 


Le type de cette monnaie démontre qu’elle est de l’époque de Philippe- 
Auguste. Nous l'avons citée plus haut, à propos du nouveau type introduit 
par ce prince. 


Thierri VIL, comte de Hollande. 
1190-1205. 


Ne 47. Av. Profil à droite; légende : ….EODER.../ — Ro. Croix à doubles bandes, 
ancrée, cantonnée d’un globule et entourée d'un cercle; légende : 
…OC...N/ 


Voyez la pl. fig. 25. 


La ressemblance de ce type avec celui des mailles de Florent III (1157- 
1190) 1 et la croix du revers, semblable à celle des monnaies de Guil- 
laume Er (4205-1293), ne laissent aucun doute sur son attribution. 

Ce type, ainsi conservé religieusement pendant trois règnes successifs, 
fut copié sur les monnaies anglaises et suédoises, et se répandit, par la 
Hollande, dans les autres provinces des Pays-Bas, où il se transforma de 
manière à former un type nouveau, qui fut adopté en Brabant, dans le 
pays de Juliers et dans le comté de Loos. 

Cette maille et la marche de son type démontrent combien Van Alke- 
made était dans l'erreur, lorsqu'il attribuait à Thierri VII les deux mon- 
naies gravées sur sa quatorzième planche. 


1 Lelewel, pl. 20, fig. 8. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 23 


Guillaume LIT, comte de Ponthieu. 
1191-1212. 


N° 18. 4v. Dans le champ : VOŸ/; légende : + WILELM COMS/. — Ro. Croix can- 
tonnée de deux globules; légende : ABBATIS VILE/. 


Grayée dans Tobiésen Duby, pl. 74, fig. 2. 


Le type de cette monnaie, parfaitement semblable à celui des deniers de 
Philippe-Auguste frappés à Arras, et l’état usé de l'exemplaire trouvé à 
Grand-Halleux, ne laissent plus de doute sur son attribution à Guil- 
laume III. 

Tobiésen Duby, en parlant de cette monnaie, n’avait pas osé se pronon- 
cer entre les trois Guillaume, comtes de Ponthieu. 


Ville de Francfort. 
Gommencement du XIII: siècle. 


N° 19. Av. Main nimbée et entourée d’une légende dont on aperçoit à peine les 
traces. — Rv. Croix pattée, portant à chaque bout une perle, et entou- 
rée d’un cercle; la légende est effacée. 


L'état de nos exemplaires est tel que nous n’avons pu déterminer la 
monnaie que par le type. 

Ces pièces, minces comme des bractéates, se trouvent surtout dans les 
environs du Rhin. 


Albéric, archevéque de Reims. 
1207-1218, 
N° 20. 4v. Dans le champ : FEVE/; légende : x ARCHIEPISCOPVS/. — Ro. Croix can- 


tonnée de deux fleurs de lis et de deux omégas défigurés; légende : 
x REOIS CIVITAS/. 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 8, fig. 6, 


24 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Guillaume IT, archevéque de Reims. 
1219-1926. 


Ne 21. 4v. Dans le champ : Pe/; légende : + ARCHIEPISCOPVS/. — Ro. Croix 


cantonnée de deux croissants et de deux fleurs de lis; légende : REOIS 
CIVITAS/. 
Grayée dans Tobiésen Duby . pl. 8. fig. 5. 


Tobiésen Duby attribue cette monnaie à Guillaume [+ (1176-1202). 
M. Hermand, dans sa notice sur les monnaies trouvées à Saint-Omer, en 
1858 1, et M. À. de Longpérier, dans sa notice sur quelques monnaies 
inédites de Reims ?, suivent cette opinion. 

Quant à nous, nous ne croyons pas pouvoir l’adopter, parce qu’elle 
s'oppose évidemment à la marche des types. Un simple coup d'œil jeté sur 
la huitième planche de Tobiésen Duby doit nous en convaincre à l’évi- 
dence. II nous semble en résulter que les n° 5 et 8 sont des imitations de 
la monnaie figurée sous le n° 7 et appartenant à Albéric (1207-1218), 
prédécesseur immédiat de Guillaume IL. S'il en était autrement, si les 
monnaies figurées sous les n° 5 et 8 étaient antérieures à celles d'Albéric, 
il faudrait supposer que les omégas défigurés et gravés dans les cantons 
de la croix du n° 6, sont postérieurs aux croissants; et la monnaie de 
l'archevêque Robert (1299-1524), figurée sous le n° 11, devrait être anté- 
rieure à celle d’Albéric (1207-1218). Cette supposition conduirait à l’ab- 
surde et nous mettrait en contradiction flagrante avec la loi éternelle des 
types 5. 


- 104 ’ A GVLE 
N° 22. Variété du numéro précédent , avec UE 


Grayée dans Tobiésen Duby . pl. 8. fig. 8. 


1 Mémoires de la Société des antiq. de Morinie, t. IV, p.401. 

2 Revue fr., 1840, p. 340. 

5 Ce denier étant restitué à Guillaume If, il s'ensuit que la monnaie la plus ancienne du trésor 
trouvé à Saint-Omer, et dont il soit possible de fixer la date avec certitude, est de Philippe-Auguste. 
Cette observation ne sera pas sans importance pour les conelusions que nous pourrons en tirer 
dans Ja suite. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 25 


Jeanne, comtesse de Flandre. 
1206-1244. 


N° 25. Av. Guerrier debout à mi-corps et à droite, tenant une faux ou un drapeau. 
Rv. — Croix cantonnée de quatre globules et traversant un grenetis, 
autour duquel sont placées deux étoiles, accostées chacune de deux glo- 
bules , et deux perles également accostées de deux globules. 


Gravée dans Lelewel, pl. 40, fig. 16.— Den Duyts, pL 5, fig. 5. 
— Hermand, pl. 5, fig. 25. — De Bast, t. Il, pl. 1, fig. 6. 


Cette maille, entièrement muette, a été attribuée par M. Hermand à 
un comte de Flandre, antérieur à Guillaume Cliton (1127-1128). Notre 
manière de voir diffère beaucoup de celle du savant numismate. 

Voici nos raisons pour attribuer cette maille à la comtesse Jeanne : — 
En examinant le type du revers, nous avons été frappé de l’analogie qui 
existe entre cette pièce et d’autres frappées à Lille et à Ypres, et gravées 
sur la planche 20, f. 20, 21 et 22 de la Numismatique du moyen âge, par 
M. Lelewel. Nous y voyons aussi une croix, pattée, il est vrai, et diffé- 
rente de celle de notre maille, mais cantonnée de quatre globules et tra- 
versant un cercle ou un grenetis, comme sur celle dont nous nous occupons. 
Cette circonstance doit nous faire supposer, avec quelque fondement, que 
la maille en question appartient à un comte de Flandre, qui régnait à 
une époque très-voisine de celle où ces pièces ont été frappées; or, ainsi que 
nous le ferons voir tantôt, la maille frappée à Lille et portant à l’avers une 
fleur de lis, appartient à Marguerite de Constantinople. Il faut donc lui 
assigner une époque presque contemporaine; mais on sait que la croix 
non pattée, telle qu’elle se trouve représentée sur la maille au guerrier, 
est antérieure à la croix pattée de la maille à fleurs de lis, ou, en d’autres 
termes, à la croix employée par Marguerite. I faut donc nécessairement 
la restituer à un comte de Flandre antérieur à Marguerite; or, aucune 
autre monnaie flamande qu'il soit possible d'attribuer à un comte de 
Flandre antérieur à Marguerite, n'ayant été trouvée à Grand-Halleux, on 
peut la restituer à Jeanne. Son état usé, semblable à celui des monnaies 

Tome XXI. 4 


26 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


françaises de l’époque de Jeanne, donne encore de la vraisemblance à 
notre supposition. 

Nous la croyons frappée au commencement du règne de Jeanne, et 
nous sommes autorisé, par le type du revers, à l’attribuer à la Flandre 
française ; car les mailles frappées dans cette partie de la Flandre ont 
toutes la croix pattée ou non pattée, cantonnée de quatre globules, et 
passant par un cercle ou un grenetis quelquefois entouré d’une légende 
coupée par la croix. 


N° 24. Av. Aigle à ailes éployées, à droite, dans le champ, un croissant, — Rv. Croix 
brabançonne cantonnée de T/I/N/E. 


Gravée dans Den Duyst, pl. 5, fig. 1. 


Nous attribuons cette maille à la fin du règne de Jeanne, et nous la 
croyons frappée à Alost, ancienne dépendance de l’empire germanique. 

L’aigle impériale figurée sur l’avers ne laisse aucun doute sur le pays où 
la pièce a été fabriquée : ce symbole démontre, et tout le monde sera 
d'accord avec nous sur ce point, qu’elle a été frappée dans un territoire ap- 
partenant à l’Empire germanique. On nous demandera peut-être pourquoi 
nous attribuons cette monnaie à l'atelier d’Alost, plutôt qu'à tout autre 
dépendant de l'Empire, et si le grand nombre dé mailles à l'aigle trouvées 
dans le Brabant, ne prouvent pas qu’elles ont été frappées dans ce duché? 
Nous dirons, en ce qui concerne le premier point, que le gros et la maille 
frappés à Alost par Marguerite de Constantinople portent un double aigle, 
qui formait, sous le règne de cette princesse, les armes de l'Empire, de 
même que l’aigle formait aussi, sous le règne de Jeanne, les armes im- 
périales 1. La maille à l'aigle, avec croissant ou étoile, peut donc aussi 
avoir été frappée à Alost, Il résulte, d’ailleurs, du trésor dont nous nous 
occupons, aussi bien que de celui qui fut trouvé à Louvain, au mois d'août 
1840 ?, que toutes les mailles à la croix dite brabançonne sont à peu près 
de la même époque, et que cette croix fut reproduite dans presque toutes 


1 Voyez Lelewel, Num. du moyen âge, t. I, p. 32, et la pl. 14, fig. 63 du même ouvrage. 
2 Messager des sciences historiques, année 1840, p. 455. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 27 


les provinces méridionales des Pays-Bas, dépendantes de l'Empire 1. Ainsi, 
on la voit en Hainaut, en Brabant, à Cambrai et dans la Flandre impé- 
riale. En Brabant, elle se montre sur les mailles des ducs Henri IT (1255- 
1248) et Henri II (1248-1261); elle peut donc très-bien avoir figuré sur 
les mailles de la fin du règne de Jeanne (1206-1244) et sur celles du com- 
mencement du règne de Marguerite de Constantinople (1244-1280), com- 
tesse de Flandre et contemporaine des ducs de Brabant, Henri Il et Henri III. 

L’aigle isolée dans le champ prouve encore que cette maille est de Jeanne, 
puisque le lion gravé sur les mailles de Henri IT, duc de Brabant, est éga- 
lement isolé dans le champ. D'ailleurs, on voit encore figurer, vers la 
même époque, l'aigle isolée sur la monnaie de Mathieu IF, duc de Lor- 
raine (1220-1251), et sur celle d’Otton HI, comte de Gueldre (1229- 
1271). Quelques-unes des mailles de Jeanne portent une étoile au lieu 
d’un croissant, comme celle qui est gravée dans Lelewel, pl. 20, f. 31; 
or, l'étoile figure déjà sur la maille frappée dans la Flandre française par 
Jeanne, et le croissant paraît sur les monnaies françaises, avant et pen- 
dant le règne de cette comtesse. 

Toutes ces raisons semblent donc indiquer que la maille à l'aigle, avec 
étoile ou croissant, a été frappée par Jeanne. L'état usé des exemplaires 
de la trouvaille de Grand-Halleux semble confirmer cette opinion en tout 
point ?. 

Quant aux lettres T I N E, on est aujourd’hui d’accord pour y voir le 
nom du monétaire, et non celui de la ville de Tirlemont, en flamand Thie- 
nen, opinion que nous avions longtemps partagée avec d’autres numismates. 

Le second point de l’objection, celui du grand nombre de ces mailles 


1 On a eu le tort d'attribuer au duché de Brabant toutes les mailles à la croix dite brabançonne, 
et nous avons nous-même émis cette opinion, il y a longtemps; c'est comme si l'on concluait de 
Ja croix à double bande qui se reproduit sur toutes les monnaies des Pays-Bas au XIN° siècle, 
que toutes les espèces à ce type appartiennent au Brabant, parce qu'il y fut employé sous le règne 
de Jean I. 

Les croïx brabançonnes des différentes mailles, quoïqu'ayant la même forme, présentent entre 
elles des différences d'ornementation remarquables, qui indiquent des ateliers et des pays diffé- 
rents. 

? Si ces mailles ne sont pas de la fin du règne de Jeanne, il faut nécessairement les attribuer 
au commencement du règne de Marguerite. 


28 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


trouvées en Brabant, d’où l’on pourrait conclure qu’elles appartiennent à 
ce duché, est plus significatif. Nous avouons qu'on les trouve en plus 
grand nombre dans le Brabant que dans la Flandre. Mais Alost, ancien 
fief du Brabant, et par conséquent de l'Empire, touchait pour ainsi dire 
aux frontières du duché de Brabant, et ses relations continuelles avec ce 
pays peuvent avoir été l'une des causes qui ont amené en Brabant tant 
de mailles frappées dans cette ville. On en a trouvé aussi un grand nombre 
dans les environs d’Alost même 1; et dans le trésor de Grand-Halleux, 
cette maille ne figure qu’une fois, comme celle de Jeanne, frappée pour la 
Flandre française, tandis que les mailles contemporaines, frappées en Bra- 
bant, fournissent treize exemplaires : ce qui semble indiquer que les 
mailles à l'aigle appartiennent à la Flandre, plus éloignée du Luxembourg 
que le Brabant; or, plus les pays sont éloignés les uns des autres, moins 
leurs monnaies respectives y sont répandues. 

Dans le trésor trouvé à Louvain en 1840, il n’y avait pas autant de 
mailles à l'aigle qu’au lion brabançon. 


Jeanne, comtesse de Hainaut. 


1206-1244. 


N° 25. 4v. Figure qui ressemble au monogramme du Hainaut. — Ro. Croix dite bra- 
bançonne, cantonnée de deux annelets et de deux fleurs. 


Grayée dans Den Duyts, pl. 14, fig. 4. 
N° 26. Idem avec croix cantonnée d’'annelets auxquels sont adaptées des tiges. 
N° 27. Variété avec croix cantonnée de deux boutons de fleurs et des lettres : T/T/. 


Grayée dans Lelewel, pl. 20, fig. 41. 


La figure gravée sur l’avers de ces mailles a tant de ressemblance avec 
le monogramme figuré plus tard sur les monnaies du Hainaut, que 
M. Chalon les a comprises dans son catalogue des monnaies de ce comté. 
Personne ne pouvant sérieusement contester cette ressemblance, l'opinion 


1 De Bast, Second supplément au recueil d'antiquités, p. 189. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 29 


du savant numismate devient probable. La croix brabançonne du revers 
ne détruit pas la supposition, puisqu'elle appartient à plusieurs provinces 
des Pays-Bas, et que, par conséquent, elle peut aussi avoir été employée 
dans le Hainaut. 

Reste encore à discuter la question de savoir si ces mailles ont été frap- 
pées ou non par Jeanne, comtesse de Hainaut. Leur état de conservation 
et celui des mailles d’Alost sont absolument les mêmes; elles doivent 
donc avoir été émises en même temps : en d’autres termes, elles doivent 
être contemporaines. Nul doute, au reste, que ces mailles ne soient anté- 
rieures à celles qui ont été frappées par Marguerite à Valenciennes : leur 
état usé le prouve suffisamment. 

Le type des mailles au monogramme répond aussi parfaitement bien à 
l’époque de Jeanne. Le monogramme est isolé dans le champ, comme 
l'aigle sur la maille d’Alost, comme le lion sur la maille brabançonne du 
duc Henri IT, et comme l'aigle sur la maille d'Otton IIT, comte de Guel- 
dre (1229-1271). La croix dite brabançonne, figurée sur le revers, se 
retrouve aussi sur la maille d’Alost et sur celle de Henri IT, duc de Bra- 
bant, contemporain de la comtesse Jeanne. 

Il y a donc lieu de croire que nous sommes suffisamment autorisé à 
attribuer la maille avec le monogramme à Jeanne, comtesse de Hainaut !. 


Alexandre IL, roi d'Écosse. 
1215-1249. 


N° 28. Av. Profil couronné, à gauche, et avec sceptre ; légende : ALEXANDER REX. 
— Ro. Croix à double bande cantonnée de quatre étoiles et traversant 
la légende : I0h/AN/ONB/ER/ (Jean à Berwick.) 


Cardonnel attribue les monnaies au nom d'Alexandre et avec croix 
à double bande à Alexandre IL. Cette attribution est pleinement confirmée 
par l’état de l'exemplaire trouvé à Grand-Halleux. 


1 En supposant que cette maille ne soit pas de la fin du règne de Jeanne, on devra l'attribuer 
au commencement du règne de Marguerite. 


» 


30 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Thierri II, archevèque de Trèves. 
1212-1942. 


N° 29. Av. Évêque mitré et crossé, à mi-corps et à droite; dans la main gauche un 
livre; légende : THEODERICVS/. — Ro. Portail flanqué de deux tou- 
relles ; en dessous une rosette; légende : TREVERIS/. 


Gravée dans Bobl, pl. 1, fig. 1. Variété avec croissant au lieu de 
rosette. 


Hugues IV, duc de Bourgogne. 
1218-1272. 


N° 50. Av. Deux crosses défigurées et posées en sautoir, au-dessus et en dessous, deux 
annelets; légende : VGO DVX BVRG : DIE/. — Rv. Croix dans un gre- 
netis; légende : + DIVIONENSIS/. 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 49, fig. 13. — Lelewel, pl. 9, 
fig. 10. 


« L’obole de Hugues, duc de Bourgogne, disait M. Hermand, en ren- 
» dant compte du trésor trouvé à S'-Omer, a été attribuée par Duby à 
» Hugues V, qui régna de 1305 à 1515; rien ne s'oppose sérieusement 
» à ce que cette attribution soit admise, que la mauvaise conservation 
» de l’exemplaire trouvé qui paraît avoir cireulé longtemps. A la rigueur 
» même, les caractères archéologiques conviennent au moins autant à 
» Hugues IV, duc depuis 1218 jusqu'en 1272, qu'à Hugues V !. » 

Le savant Lelewel, partageant une opinion contraire à celle de Tobiésen 
Duby, avait déjà attribué cette pièce à Hugues IV ?, et l'évidence des faits 
nous fait une loi de souscrire à son avis. 

Examinons d’abord les preuves matérielles qui militent en notre faveur. 
La monnaie trouvée à Saint-Omer était, de l’aveu même de M. Her- 
mand, très-usée. Si elle avait appartenu à Hugues V (1305-1315), elle 


1 Mémoires de la Société des antiq. de Morinie, t. IV, p. 401. 
? Lelewel, Num. du moyen âge, t. 1, 1"° partie, p. 485 et 198. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 91 


aurait été la plus moderne du trésor, et, par conséquent, à fleur de 
coin. Dans le trésor de Grand-Halleux, cette obole était également usée, 
et aussi usée que les monnaies de l’époque de Hugues IV. En supposant 
que l’exemplaire fût de Hugues V, cette monnaie aurait encore été la 
plus moderne ; mais la plus récente ne peut être postérieure à 1285; il est 
donc impossible de l’attribuer à Hugues V. 

Les caractères archéologiques dont parle M. Hermand, loin de prou- 
ver en faveur de l’opinion de Tobiésen Duby, renversent totalement son 
système. En effet, les deux crosses en sautoir pouvaient encore très-bien 
figurer au XIII siècle, mais non au XIVe. La différence archéologique 
entre cette obole et les monnaies qui sont, en effet, de Hugues V, est 
tellement grande, tellement sensible, qu’il est impossible de les attribuer 
au même personnage. Sur les monnaies de Hugues V, on voit un écusson 
avec armes, caractère distinctif des monnaies de la fin du XIIT et du 
commencement du XIV: siècle, comme le démontre l’écusson figuré sur les 
monnaies de Robert II, duc de Bourgogne (1272-1505). En supposant 
donc que les monnaies aux deux crosses en sautoir et celles à l’écusson 
fussent contemporaines ou frappées par les mêmes personnages, par 
Hugues V, il faudrait aussi supposer que la même chose se fût passée 
sous Robert IT; or, les crosses commençaient déjà, sous son règne, à dis- 
paraître ; et si elles figurent encore sur les monnaies de ce duc, elles sont 
coupées et adossées. À la fin de son règne, les crosses n'existent plus, et 
elles deviennent une fleur de lis posée au-dessus de l’écusson. Les deux 
crosses en sautoir ne pouvaient donc prendre leur place sur les monnaies 
frappées après Robert IT, et moins encore sur celles de Hugues V. 

En général, toute la classification des monnaies des ducs de Bour- 
gogne, par Tobiésen Duby, est mal faite, à l'exception de celles des ducs 
qui ont régné vers le milieu du XIV: siècle. 


N° 51. Variété du numéro précédent avec BVRGDIE. 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 49, fig. 12. 


N° 52. Av. Deux crosses défigurées et adossées; au milieu deux lignes entre les- 


32 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


quelles : DVX/; légende : VGO BVRGVNDIE/. — Rv. Croix cantonnée 
de deux feuilles de trèfles avec tiges; légende : DIVIONENSIS/. 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 49, fig. 15. — Lelewel, pl. 9, 
fig. 11. 

Cette monnaie est encore attribuée par Tobiésen Duby à Hugues V. 
Inutile de répéter que l’état de l’exemplaire trouvé à Grand-Halleux ne 
permet pas d'adopter cette opinion. IT était aussi usé que les deux mon- 
naies précédemment décrites. 

Une pièce au même type et du même duc, mais frappée pour Auxonne , 
est attribuée par M. Cartier à Hugues IV. Elle fut trouvée avec une 
monnaie de Mahaut IT, comtesse de Nevers (1257-1262), contemporaine 
de Hugues IV !. 


Frédéric IT, empereur d'Allemagne. 
1929 + 1250. 


N° 55. Av. Figure couronnée à mi-corps, tenant un sceptre en forme de verge de la 
main droite, et un globe de la main gauche, légende : . . . . .VSREX/. 
— Ro. Figure couronnée, soutenant un bâtiment; légende : .....VR/. 


Gravée dans Gütz, pl. 29, fig. 348. — Lelewel, pl. 18, fig. 9. 


Le premier des auteurs que nous venons de citer attribue cette mon- 
naie à Frédéric I. M. Lelewel, se fondant sur les caractères archéolo- 
giques de la pièce, pense, au contraire, qu’elle est de Frédéric IL. L'état 
de conservation de l’exemplaire trouvé à Grand-Halleux ne laisse plus 
aucun doute sur la justesse de cette dernière attribution. 


Florent IV, comte de Hollande. 


1225-1255. 


N° 54. Av. Profil à droite; légende : FLOREN..../ — Ro. Croix ancrée et à double 
bande passant par la légende : X/H/O/L/. 


Voyez la planche, fig. 24. 
Nous sommes d’avis que la croix ancrée et à double bande, comme elle 


1 Revue fr., 1859, p. 217. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 99 


figure sur les mailles de Florent HIT (1157-1199), de Thierri VIT (1191- 
1205) et de Guillaume I# (1205-1225), comtes de Hollande, ne peut 
plus avoir été employée par Florent IV. Pendant le règne de ce dernier, 
elle devait déjà tendre à sortir des limites que lui traçait le cercle dont 
elle était entourée; elle commençait alors à traverser les légendes, comme 
on le voit plus tard sur les monnaies de Jean [*, duc de Brabant, et sur 
celles de ses contemporains. 

Nous avons donc cru devoir, sans hésitation, attribuer cette maille à 


Florent IV. 


Louis VIII, roi de France. 


1225-1226. 


N° 55. Av. Dans le champ : BY/; légende : LYDOVICVS REX/. — Ro. Croix dans 
un grenetis ; légende : PARISIE CIVIS/. 


Gravée dans la Revue fr., 1836, pl. 6, fig. 10. — Combrouse, pl. 47, 
fig. 5. 


M. Cartier, en rendant compte de la trouvaille de Beaugency, dit, à 
propos de cette monnaie et d’une autre au même type : « L'une a au 
» revers Neo et l’autre ON ; C'est la masse principale de notre trésor. Ces 
» pièces appartiennent à Louis VIF; je crois le n° 9 (celle avec F0) plus 
» ancien et de l’origine de cette sorte de monnaie ; nous l'avons ici 
» beaucoup plus usé et en plus petit nombre que le n° 10. Il pourrait 
» remonter à Louis VI 1. » 

Nous ne répèterons pas ici ce que nous avons dit de l’origine de ce type, 
à propos des deniers au même type de Philippe-Auguste. Nous nous bor- 
nerons à invoquer quelques faits nouveaux, pour prouver que ces mon- 
naies ne sont ni de Louis VI, ni de Louis VII. 

Pour les attribuer à Louis VI, il faudrait que, dans la trouvaille de 
Beaugency, elles eussent été moins nombreuses que les autres monnaies ; 
et c’est précisément le contraire qui eut lieu, de l'aveu même de M. Car- 


1 Revue fr., 1856, p. 257. 
Towe XXI. 5 


34 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


tier. Il faudrait également que, dans les trésors découverts à Saint-Maixent, 
à Vezin, à Dieuze et à Saint-Omer, et dans lesquels cette monnaie fut 
trouvée, on eût rencontré aussi des monnaies contemporaines de Louis VE, 
ou tout au moins des monnaies que l’on puisse attribuer à ce roi; ce qui 
n'eut pas lieu. Il faut donc nécessairement refuser cette monnaie à Louis VI. 

Voyons s’il est possible de l’attribuer à Louis VIT, comme l'a fait 
M. Combrouse 1. Nous ne pourrons plus argumenter contre lui, en invo- 
quant l'absence des monnaies contemporaines de Louis VIT, dans les tré- 
sors cités plus haut; mais ne résulte-t-il pas du dépôt de Beaugency, où ces 
monnaies furent trouvées en nombre supérieur à celui des monnaies de 
Philippe-Auguste, que le trésor doit avoir été enfoui immédiatement 
après le règne de ce dernier, et, par conséquent, sous Louis VITT, dont les 
espèces devaient être plus répandues à l’époque de l’enfouissement que 
celles de son père? car, en règle générale, les monnaies courantes, et, par 
conséquent , celles du prince régnant à l’époque de l’enfouissement, sont 
toujours plus nombreuses dans les trésors que celles des princes décédés. 
Ce fait ne démontre-t-il point déjà, à lui seul, que les monnaies à ce type et 
au nom de Louis doivent être attribuées à Louis VIT plutôt qu'à Louis VIT. 

Ce qui prouve d’ailleurs à l'évidence que cette pièce doit être attribuée 
à Louis VIT, c’est la monnaie au même type et exactement semblable 
frappée à Arras ?; or, Louis VIT ne fit jamais battre monnaie à Arras ; mais 
Louis VIIT, en sa qualité de comte d'Artois, doit y avoir exercé ce droit. 

Examinons maintenant la croix du revers, et voyons si elle ne nous 
fournit pas de nouvelles preuves en faveur de notre opinion. 

Au fur et à mesure que les monnaies des premiers rois de la troisième 
race approchent des temps modernes, les branches de la croix gravée sur 
leur revers deviennent de plus en plus larges, comme on en trouve des 
preuves matérielles dans les exemples fournis par la planche, fig. 10 
à 22 


di ie 
En même temps qu’elles deviennent plus larges, les branches de la 
croix se montrent ornées de l'alpha et de l’oméga dont l'usage avait cessé 


1 Combrouse, Catalogue raisonné, Capétiennes, n°° 76 et suiv. 
? Hermand, pl. 5, fig. 59 et GO. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 55) 


momentanément sous le règne de Philippe LE; vers le milieu de ce règne, 
les deux lettres passent dans les cantons de la croix, et vers la fin, elles 
commencent à dégénérer. Elles se maintiennent défigurées sur les mon- 
naies de Louis VE, et passent entièrement transformées et modifiées sur 
celles de Louis VIT. Sous Philippe-Auguste, les mêmes lettres deviennent 
des fleurs de lis; enfin, la croix est dégagée dans ses cantons. Louis VITE 
en revient encore momentanément aux fleurs de lis; mais il les abandonne 
bientôt pour reprendre la croix dégagée dans ses cantons, comme celle 
qui avait été adoptée par son père. 

Il résulte de la modification de la croix, de la dégénération de l'alpha et 
de l’oméga et de l’apparition et disparition des fleurs de lis, que les monnaies . 
attribuées par nous à Louis VIIT lui appartiennent effectivement , et qu’elles 
ne peuvent avoir été frappées ni par Louis VI, ni par Louis VIF, qui se 
servaient encore de la croix cantonnée de l'alpha et de l’oméga défigurés. 

Au reste, nous avons déjà dit plus haut que Philippe-Auguste a été le 
premier à introduire ce type; celui-ci ne peut donc pas avoir été inventé 
par Louis VIT; mais il doit avoir été imité par Louis VITE, qui n’a pas eu, 
pendant son règne de trois ans, le temps d’inventer un coin original. Nous 
ajouterons encore que les exemplaires trouvés à Grand-Halleux sont beau- 
coup moins usés que les monnaies de Philippe-Auguste. 

Le petit nombre de monnaies de Louis VIII trouvées à Grand-Halleux 
est peut-être la seule objection sérieuse à faire valoir contre notre système 
de classification, puisque l’on peut conclure du grand nombre de mon- 
naies de Philippe-Auguste trouvées dans le même trésor, qu’elles doivent 
être antérieures à ce règne. Nous ferons observer que, dans un trésor 
enfoui cinquante ans après le règne de Louis VIT, le nombre ne peut pas 
avoir autant d'importance que s’il avait été enfoui sous ce monarque. Le 
règne si court de ce prince ne peut avoir fourni au dépôt de Grand- 
Halleux autant de monnaies que celui de son père, qui régna pendant 
45 ans. 

On le voit, notre système de classification des monnaies de Louis VIT, 
de Philippe-Auguste et de Louis VIII diffère entièrement du système qui a 
prévalu jusqu'ici en France; mais il est si rationnel, il caractérise si bien 


36 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


les types des monnaies de chaque règne, qu'il nous semble préférable à 
l'ancien système évidemment embrouillé, n’offrant aucun guide certain et 
demandant très-souvent des explications difficiles à donner et difficiles à 
comprendre. Dans ce système, on devait sans cesse avoir recours aux 
exceptions dans la marche des types, et l'on finissait par ne plus voir la 
règle générale, tandis que, dans notre système, la loi des types reste par- 
faitement intacte. 


Jean I, évéque de Metz. 


1994-1958. 

N° 56. Av. Évêque mitré et crossé, à mi-corps, et à gauche, légende : IOH......) — 
Rv. Croix pattée cantonnée de deux étoiles et de deux croissants, lé- 
gende : METENSIS/. 

Gravée dans de Sauley, Rech. sur les monn. des év. de Metz, 
pl. 1, fig. 58. — Lelewel, pl. 19, fig. 15. 
N° 57. Variété avec grenetis fort gros; contre le dos : IOhA/. 


Gravée dans de Sauley , pl. 1, fig. 39. 


N° 58. Variété; la légende commence à la crosse; la croix est cantonnée de quatre 
globules. 


Ibid., fig. 42. 


© 


N° 59. Variété; la légende commence aux mains. 


Ibid., fig. 44. 


N° 40. Variété avec IOANES E/. 

N° 41. Id. fabrique grossière. 

N° 42, Id. avec IOV contre le dos. 
N° 45. Id. avec légendes effacées. 


L'état usé de ces monnaies et leur ressemblance avec celles de Jac- 
ques, évêque de Metz (1258-1260), ne laisse aucun doute sur la justesse 
de l'attribution de cette maille à Jean KE, faite par M. de Sauley. 

; P Y 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 37 


Henri II, archevéque de Reims. 


1227-1240. 


N° 44. Av. Dans le champ AINE: légende : ARCHIEPISCOPVS/ — Ro. Croix canton- 
née de deux fleurs de lis et de deux croissants; légende : REOIS 
CIVITAS.. 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 8, fig. 3. 


Tobiésen Duby attribue cette monnaie à Henri 1 (1162-1175). Con- 
vaincu, comme nous le sommes, par le raisonnement développé plus haut 
à propos de la monnaie de Guillaume IT, archevêque de Reims, nous ne 
sauriGns souscrire à cette opinion. Nous avons dit que, pour pouvoir 
attribuer à Guillaume I la monnaie de Guillaume IF, il faudrait supposer 
que le croissant fût antérieur à l’oméga défiguré inscrit dans les cantons 
de la croix sur les monnaies d’Albéric (1207-1218); par conséquent, on 
devrait en conclure que la monnaie d’Albéric est postérieure à celle de 
Robert (1299-1524). Le même raisonnement s'applique à la monnaie de 
Henri, copiée sur celle de Guillaume IT (1219-1226), et il faudrait aussi, 
si elleest de Henri TI, que la monnaie de Robert fût antérieure à celle d’AI- 
béric. L'état de cette monnaie et le trésor trouvé à Saint-Maixent en disent 
d’ailleurs assez pour qu'il ne soit plus nécessaire d’insister sur ce point !. 

N° 45. Variété, avec MEINR, 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 8, fig. 9. 


En se fondant sur une différence orthographique dans le nom de Henri, 
écrit tantôt AINRICYS, tantôt HEINRICVS, Tobiésen Duby s'était cru 
autorisé à faire une distinction entre les monnaies différemment orthogra- 
phiées. Il avait attribué à Henri I celles qui portent Ainricus et à Henri II, 
celles où l’on trouve Heinricus. Nous sommes d'accord avec lui, en ce qui 


concerne ces dernières monnaies. 


1 Comp., la Revue fr., 1840, p. 540. 


58 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Louis IX, roi de France. 


1226-1270, 


N° 46. Av. Portail défiguré et surmonté d'une croix; légende : TVRONVS CIVI. — 
Ro. Croix dans un grenelis; légende : LVDOVICVS REX/. 


Gravée dans la Revue fr., 1858, pl. 6, fig. 4. 


Dans sa lettre sur les monnaies de la troisième race, M. Cartier pré- 
tend que l’on peut attribuer ce denier à Louis VIIT 1. L'état de conser- 
vation des monnaies à ce type, trouvées à Grand-Halleux et à Mareuil ?, 
ne permet pas d’adopter cette opinion. 

Nous tâcherons de démontrer que la marche du type s’y oppose égale- 
ment et qu’elle doit être attribuée à Louis IX, qui semble avoir été le 
premier à lemployer sur la monnaie royale. Le moyen le plus sûr, pour y 
parvenir, est de chercher vers quelle époque les feudataires ont commencé 
à imiter le type de cette monnaie. Le tournois frappé par les abbés de 
S'-Martin, à Tours, jouissait en France et même à l'étranger de la meilleure 
réputation. Le roi était donc intéressé à imiter ce type, pour réhabiliter la 
monnaie royale frappée à un aloi très-bas. Le signal donné, les feudatai- 
res, encore plus intéressés à l’imiter, afin de procurer à leur monnaie un 
cours plus général, devaient s’empresser de l'adopter. 

Ce fait admis, il sera très-facile de deviner l’époque vers laquelle le 
roi de France commença à imiter les tournois, en recherchant en même 
temps l’époque vers laquelle les feudataires s’en emparèrent. Voici la liste 
des seigneurs qui usurpèrent le type tournois. 


Raimond VII, comte de Toulouse. . . . . . . . . . 4222-1249. 
Charles d'Anjou, comte de Provence. . . . . . . . . 1246-1286. 
Alphonse, comte de Toulouse et de Poitou. . . . . . . 1249-1271. 
JéantcommtetdeBlois. NICE EN SRE HO M1255 "12797 
Jean, vdue delBretasne Net-iris Tete Jane 1512-1541. 
Eudes IV, due de Bourgogne . . . . . . . . . . . 1515-1550. 
Charles; duc de Bretaene NORME SC CRC Ne 1544-1564. 


1 Revue fr., 1838, p. 99. 
2 1b., 1844, p. 374. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 39 


Les princes français qui régnèrent dans les provinces démembrées de 
l'empire grec, imitèrent aussi les tournois vers la même époque que les 
barons français. Gui de la Roche (1224-1264), Jean de la Roche (1264- 
1276), Guillaume de la Roche (1276-1285), Gui II de la Roche (1285- 
1508), tous ducs d'Athènes, l’adoptèrent tour à tour !. 

C’est donc dans la première moitié du XII: siècle que les feudataires de 
France et les princes français régnant à l'étranger se sont emparés du type 
tournois des monnaies royales; c’est donc aussi vers cette époque que le 
type tournois dut être adopté sur la monnaie royale. Il nous semble, 
par conséquent, très-naturel d'attribuer les monnaies à ce type, et au nom 
de Louis, à Louis IX. 

M. De Saulcy a dit avec raison : « À son retour de France, Gui de la 
» Roche se hâta sans aucun doute d'émettre de nouvelles monnaies por- 
» tantson titre de duc. Il les calqua sur les deniers tournois du roi Louis IX, 
» et en cela il ne fit qu'imiter le prince d’Achaïe, Guillaume de Villehar- 
» douin lui-même, qui, pendant l'exil de Gui de la Roche, fit frapper, 
» dans la ville de Thèbes, les demiers tournois à son nom ? ». Cette 
opinion a été également soutenue par M. Friedländer, qui dit plus expli- 
citement encore que ce type apparut en France sous Louis IX 5. Cette 
assertion n’est pas très-juste, puisqu'on voit figurer ce type sur les mon- 
naies de Foulques, comte d'Anjou (1109-1129), et que Philippe-Auguste 
l’adopta sur sa monnaie frappée à Rennes, en qualité de seigneur de la 
Bretagne, comme l’a suffisamment démontré M. Poey d'Avant #; il semble 
donc en résulter que Philippe-Auguste n'aurait pas encore été le premier 
à l’employer sur la monnaie royale. 


N° 47. Deux monnaies en cuivre aux mêmes type et légendes. Ce sont probablement 
deux pièces fabriquées par des faussaires. 


1 Revue fr., 1842, p. 146. 
2 10, pet, 

5 1; 1845, p. 124. 
1; 1844, p. 379. 


40 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Henri HI, comte de Luxembourg. 
1226-1975. 


N° 48. Av. Lion debout, à gauche. — Rv. Donjon crénelé; légende : LV/CEMBOR./ 


Gravée dans Grote, Plätter für Münzkunde, t. IV, pl. 13, 
fig. 282. Public. Luæ., pl. 7, fig. 55. 


Le lion debout, à gauche et isolé dans le champ, est dans la même 
position que les lions figurés sur les mailles de Henri Il, duc de Brabant 
(1226-1275), contemporain du comte de Luxembourg. Le donjon crénelé 
figure aussi sur les mailles frappées sous le règne de Henri IT à Anvers; 
la forme des lettres de la maille luxembourgeoise ressemble singulièrement 
à celle des lettres de la maille de Ferri IT, duc de Lorraine (1220-1251); 
le nom de la ville où la maille fut frappée est inscrit de la même manière 
sur les mailles contemporaines frappées par les évêques de Metz, les arche- 

. vêques de Trèves et les ducs de Lorraine, tous voisins de Luxembourg, et 
dont les monnaies ont dû exercer de l'influence sur le type luxembour- 
geois. Ces observations et l’état des mailles trouvées à Grand-Halleux 
nous font supposer qu’elles ont été frappées sous le règne de Henri II, 
et avant la maille que nous attribuons à Henri [V, comte de Luxembourg, 
comme nous le verrons plus loin, en parlant de cette monnaie. 

Notre manière de voir diffère essentiellement de celle des auteurs des 
publications de la Société archéologique de Luxembourg, qui attribuent 
cette maille à Waleran et Ermesinde (1196-1246), tandis que le docteur 
Grote n'avait pas osé se prononcer entre les trois Henri qui régnèrent 
de 1226 à 1288 1. 


Otton IT, comte de Gueldre. 
1229-1271, 
N° 49, Av. Double aigle à ailes éployées. — Rv. Croisette dans un grenetis; légende : 
Voyez la planche , fig. 25. 


1 Grote, Blätter für Münzkunde, t. IV, p. 94. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 41 


Une monnaie avec le même aigle et d’une fabrication aussi grossière, 
a été gravée par M. Lelewel dans son ouvrage sur la numismatique du 
moyen âge !; le revers en est totalement différent. Ce savant l’attribue à 
Otton IIL. 

La maille dont nous venons de donner la description étant du même 
type, il n’y a pas de doute qu’elle n’ait été frappée par le même personnage. 


Henri II, duc de Brabant. 
1255-1248. 


N° 50. 4v. Lion debout à gauche. — Rv. Croix brabançonne cantonnée de B/A/S/T/. 


Gravée dans Lelewel, pl. 20, fig. 35. 


N° 51, 4v. Idem avec B/A/T/I/. 
Gravée dans Den Duyts, pl. 5 , fig. 7. 


Ces mailles ont exercé depuis longtemps la sagacité des numismates 
belges, sans qu’on soit arrivé à une solution satisfaisante. Le trésor de 
Grand-Halleux semble avoir mis un terme à tous les doutes. 

L'état de ces mailles, comparativement plus usées que celles de Henri IT, 
également trouvées à Grand-Halleux, mais en nombre supérieur, nous 
autorise à leur assigner une époque antérieure à celle de Henri HT; on 
peut donc les attribuer au règne de Henri IT. La marche du type semble 
confirmer cette conjecture. Le lion, d’une fabrique grossière, est entière- 
ment isolé dans le champ, comme l'aigle sur la maille d’Otton III, comte 
de Gueldre, comme l'aigle de la maille d’Alost et comme le monogramme 
du Hainaut, sur la maille de la comtesse Jeanne; la croix dite brabançonne 
semble aussi appartenir à l’époque de Henri IT. 

Les lettres BAST et BATI indiquent le nom du monétaire. 


Jacques, évêque de Metz. 


1958-1260, 


N° 52. Av. Évêéque mitré et crossé, à mi-corps et à gauche; légende : IACOBVSy. — 


1 PI. 20, fig. 12. 
Towe XXI. 6 


42 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Rv. Croix cantonnée de deux étoiles et de deux croissants; légende : 
METENSIS,. 


Gravée dans De Sauley , pl. 2, fig. 83, 


Robert de Langres, évéque de Liége. 
1240-1246. 


N° 55. Buste mitré et crossé, vu de face; légende : R/BT/. — Ro. Perron accosté de 
deux fleurs de lis. 


Gravée dans de Renesse, pl. 4, fig. 3. — Lelewel, pl. 20, fig. 57. 


N° 54. Av. Buste mitré et crossé de face; lettres effacées. — Ro. Perron accosté de 
deux étoiles. 
Voyez la planche , fig. 26. 


Quoique les lettres du nom de l’évêque soient usées, nous n’avons pas 
hésité à attribuer cette monnaie à Robert de Langres, à cause du type. 


N° 55. Av. Buste mitré et crossé de face; légende : R...VS/. — Ro. Grand lion à 
droite. 

N° 56. Av. Buste mitré et crossé, vu de face, légende : R/OBE/. — Ro. Lion plus petit 
que celui de la maille précédente , et aussi à droite. 


Gravée dans de Renesse, pl, 4, fig. 7. 


N° 57. Av. Évêque mitré, à mi-corps, et bénissant de la main droite; légende : ROB..... 
— Ro. Double aigle à ailes éployées ; légende : TRVD/ONEY. 


Voyez la planche , fig. 27. 


Maille rare et encore inédite. 


Arnoul IT, archevéque de Trèves, 


1242-1259. 


N° 58. 4v. Évêque mitré et crossé, à mi-corps, et à droite ; dans la main gauche un 
livre; légende : ARNOLDVS/. — Ro. Bâtiment posé sur une arcade tri- 
lobée, ayant au centre une étoile; légende : TREVERIS/. 


Bohl, pl, 2, fig. 5. 


Ces mailles forment la plus grande masse du trésor. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 45 
N° 59. La moitié de la maille précédente; mêmes type et légendes. 


Les exemplaires de cette maille ont tressailli sous le coin et sont par 
conséquent mal frappés. En général toutes les monnaies de cet archevé- 
que sont frappées avec la plus grande négligence. 


Henri III, duc de Brabant. 
1248-1261. 


N° 60. 4v. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire ; légende : H#DV/CIS/. 
— Ro. Croix brabançonne cantonnée de B/A/S/T/. 


Gravée dans Lelewel, pl. 20, fig. 56. — Den Duyst, pl. 6, fig. 10. 
— Revue belge, 1842, pl. 11, fig. 5. 


Cette maille a été attribuée par M. Lelewel à Henri HIT. L'état usé des 
exemplaires de la trouvaille de Grand-Halleux confirme entièrement cette 
opinion. 


Alphonse, comte de Toulouse. 
1249-1971. 


N° 61. Av. Portail défiguré; légende : A COMES TOLOSE/. — Ro. Croix dans un gre- 
netis, légende : + MARC POVINCIE/. 


Grayée dans Tobiésen Duby , pl. 104, fig. 7, variété. 


Nous avons invoqué le type de cette monnaie, en parlant des tournois 
frappés par Louis IX, roi de France. L’exemplaire trouvé à Grand-Hal- 
leux est dans un état semblable à celui de ces tournois. Ils doivent donc 
avoir été émis à peu près vers la même époque. 


Ferri IIT, duc de Lorraine. 


N° 62, Av, Cavalier au galop à droite, entre les jambes du cheval : FERI, — Ro. Bras 


44 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


tenant une épée en pal , accostée d’un croissant et d’une étoile; légende : 
NANCEI/. 
Gravée dans de Sauley, Rech. sur les monn. des ducs de Lorraine, 
pl. 2, fig. 20. 


N° 65. Variété : l'étoile est plus rapprochée de l'épée. 
Gravée ibid., fig. 21. 


N° 64. Variété : l'épée accostée d’une fleur de lis et d’une croisette. 
Gravée ibid., fig. 27. 


L'état usé de ces monnaies confirme pleinement l'opinion de M. de 
Sauley, qu’elles ont été frappées au commencement du règne de Ferri. 


Thibaut V, comte de Champagne. 
1953-1270. 


N° 65. Av. Peigne à trois râteaux (tête défigurée); légende : CASTRI PRVVINS. — 
Ro. Croix cantonnée de deux croissants et d'un alpha et d’un oméga 
défigurés; légende : TEBAV COMES./. 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 77, fig. 6. 


Henri III, roi d'Angleterre. 
1216-1271. 


N° 66. Av. Tête barbue et couronnée de face, et main avec sceptre; légende : HEN- 
RICVS REX. — Ro. Croix à doubles bandes cantonnée de douze glo- 
bules et traversant la légende : NIC/OLE/ONC/ANT. (Nicolas à Can- 
terbury.) 

Gravée dans Mader , t. 1, fig. 108. 


N° 67. Idem avec : ROB/ERT/ONC/ANT/ (Robert à Canterbury). 
N° 68. Idem avec : WIL/LEM/ONC/ANT/ (Guillaume à Canterbury). 
N° 69. Idem avec : DAV/ION/LVN/DEN/ (David à Londres). 

N° 70. Idem avec : hEN/RIO/NLV/NDE/ (Henri à Londres). 


1 Cette monnaie et les suivantes ont été publiées par Ruding, Annals of the coinage, ele.; mais 
n'ayant pas cet ouvrage à notre disposition, nous n'avons pu indiquer ni les numéros des plan- 
ches, ni ceux des figures. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 45 


N° 71. Idem avec : NIC/OLE/ONL/VND/ (Nicolas à Londres). 
N° 72. Idem avec : REN/AVD/ONL/VND)/ (Renaud à Londres). 

75. Av. Tête couronnée et barbue de face; légende : HENRICVS REX IT — 
Rv. Croix à doubles bandes cantonnée de deux globules et traversant la 
légende : WAL/TER/ONB/BRVS/ (Gautier à Bristol). 

N° 74. Idem avec : HEN/RIO/NLV/NDE/ (Henri à Londres). 

N° 75. Idem avec : NIC/OLE/ONL/VND/ (Nicolas à Londres). 

N° 76. Idem avec : ROG/ORO/NNE/WEC/ (Roger à Newcastle). 

N° 77. Idem avec : GER/AED/ONO/XON/ (Gérard à Oxford). 

N° 78. Idem avec légende rognée. 

N° 79. Av. Tête barbue de face dans un grenetis ; légende : HENRICVS REX/. — Ro. 
Croix à doubles bandes, cantonnée de quatre fleurs de nèfle et entourée 
d'un grenetis; légende : WALTERO. LVN/ (Gautier à Londres). 


À en juger par leur état de conservation, ces monnaies semblent avoir 
été frappées vers la fin du règne de Henri HI. 


Marguerite, comtesse de Hainaut. 


1244-1280. 


N° 80. Av. Cavalier à l'épée, au galop, à droite; légende : MONETA VALENCENEN- 
SIS!. — Rv. Croix cantonnée de quatre croissants ; légende intérieure : 
SIGNVM CRVCIS/; légende extérieure : MARGARETA COMITISSA/. 


Gravée dans Van Alkemade, pl. 24, fig. 2. — Tobiésen Duby, 
pl. 86, fig. 3. — Ghesquière, pl. 4, fig. 2. — Lelewel, Observ., 
pl. 5, fig. 65. — Revue fr., 1856, pl. 4, fig. 4. — Grote, 
t. IV, pl. 9, fig. 204. 


N° 81. Variété, avec : VALENENENSIS. 
N° 82. Variété. Légende comme au n° 80, le cavalier courant à gauche, et les can- 
tons de la croix sans croissants. 


Gravée dans Grote, t. IV, pl. 9, fig. 205, variété avec croix can- 
tonnée de croissants. 


L'attribution de ce cavalier a donné lieu à de longues discussions, 
auxquelles plusieurs numismates ont pris part, en soutenant le pour et 
le contre et sans qu’on en soit venu à une solution définitive. 

Nous croyons devoir nous étendre sur ces discussions, pour tâcher de 


46 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


résoudre le problème par des preuves matérielles et par l'étude du type 
du cavalier. 

Trois comtesses du nom de Marguerite régnèrent en Hainaut : Margue- 
rite d'Alsace (1192-1194), Marguerite de Constantinople (1244-1280) et 
Marguerite de Hainaut, femme de Louis de Bavière (1545-1556). II s’a- 
gissait de savoir à laquelle de ces trois Marguerite il fallait attribuer le 
cavalier. Le premier qui souleva la question fut Ghesquière, dans son 
Mémoire sur trois points intéressants de l'histoire des Pays-Bas, p. 157; car Van 
Alkemade, en publiant cette monnaie, l’attribua à Marguerite de Hai- 
naut, sans alléguer aucun motif pour soutenir son assertion. Ghesquière 
l'attribua à Marguerite d'Alsace. « Le cavalier armé d’un bouclier, dit-il, 
» d’une épée qu’il tient haut, portant le casque fermé et surmonté d’une 
» croix; ces mots du revers SIGNVM CRVCIS, deux croissants renversés, 
» tout cela indique clairement un prince qui a entrepris un voyage pour 
» la délivrance de la Terre-Sainte, et C’est ce que fit jusqu’à trois fois 
» Philippe d'Alsace, frère de Marguerite, comtesse de Hainaut, savoir, en 
» 1177, en 1185 et en 1189, n’étant mort qu'en 1191 au siége d’Acre 
» en Palestine. C’est donc à Marguerite d'Alsace, comtesse de Hainaut, 
» que je crois devoir attribuer cette monnaie d'argent, et en fixer la date 
» vers 1190 ou bien 1191, avant que la mort de Philippe d'Alsace fût 
» parvenue en Hainaut. » 

Ces raisons, on le sent fort bien, sont très-faibles; elles n'étaient pas 
soutenables. L'éditeur de Tobiésen Duby fit observer fort judicieusement 
qu'il ne voyait pas le motif pour lequel Marguerite aurait fait battre mon- 
naie à l’effigie de son frère; et que n'ayant pas survécu à son époux, elle 
n'avait pu battre monnaie en son nom. « Il nous semble bien plus natu- 
» rel, ajoute-il, de reconnaître dans ce cavalier Guillaume, second 
» fils de Marguerite de Hainaut, et de présumer que la pièce a été frap- 
» pée, lorsqu'en 1546, elle l’eut nommé son Verbeider, ou successeur aux 
» provinces de Hainaut, de Hollande, de Zélande et de Frise. Que si, par 
» la comparaison des caractères, on la juge plus ancienne, on peut, sans 
» remonter à Marguerite d'Alsace, lui assigner une époque intermédiaire, 
» on peut, dis-je, l’attribuer à Marguerite de Flandre, veuve de Bou- 


> 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 47 


» chard d’Avesnes, laquelle, par une charte du mois d'octobre 1256, 
» assura le comté de Hainaut à Jean d’Avesnes, son fils aîné; et cette 
» nouvelle conjecture aura un certain degré de vraisemblance en ce que 
» nous avons quelques monnaies de Jean d’Avesnes, petit-fils et succes- 
» seur de cette même dame, parfaitement semblables à celles-ci par leur 
» type, à l'exception des demi-lunes qui ne s’y trouvent point. Ces demi- 
» lunes toutefois, ainsi que l’a chservé M. Duby, paraissent faire une 
» allusion plus applicable à Marguerite de Hainaut qui, par un accommo- 
» dement qu’elle dut faire à regret, céda à son fils, en 1354, la propriété 
» d’une grande partie de ses États. La croix et le signum crucis de son 
» casque n’ont rien de particulier 1, » 

L'éditeur aurait pu ajouter que les monnaies de ce module n'étaient pas 
encore frappées en Belgique par les seigneurs de cette époque, et que les 
croissants figurés sur le cavalier n’ont pas été introduits par les Croisés, 
mais imités d'après les croissants figurés sur les monnaies des prélats du 
midi de la France, qui les avaient pris chez les Maures; et que cet orne- 
ment ne figura sur les monnaies des Pays-Bas et sur celles de plusieurs 
seigneurs voisins qu'au XIIT° siècle. 

Au reste, les raisons alléguées par l'éditeur de Duby sont excellentes, 
pour autant qu'elles réfutent l'opinion de Ghesquière. Il semble même un 
instant attribuer le cavalier à Marguerite de Constantinople; mais il se 
hâte de soutenir de nouveau opinion de son auteur, qui avait suivi celle 
de Van Alkemade. 

Nous adoptons très-volontiers ses arguments contre Ghesquière, mais 
nous ne comprenons pas pourquoi, après avoir refusé de reconnaître dans 
le cavalier la figure de Philippe d'Alsace, l'éditeur de Tobiésen Duby veut 
y voir celle de Guillaume, second fils de Marguerite de Hainaut, qui fit 
une guerre si acharnée à sa mère, et s'empara de la Hollande, de la Zélande 
et de la Frise, ne laissant à Marguerite que le comté de Hainaut? Nous 
pourrions lui demander, à notre tour, à quoi bon l'effigie du fils sur la mon- 
naie d’une mère toujours en possession de ses droits? Il n’y a pas plus de 


1 Tobiésen Duby, Traité des monn., corrections et additions au t. 1, pl. xj et Ixij. 


48 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


motifs d’y voir Guillaume, fils de Marguerite de Hainaut, que d'y voir 
Philippe, frère de Marguerite d'Alsace ; il n’y a même aucun motif pour 
y voir Jean d’Avesnes, fils de Marguerite de Constantinople. Le cavalier 
n'est qu’une imitation des sceaux de l’époque; il ne représente ni l'effigie 
d'un homme ni l'effigie d’une femme, pas plus qu’il ne représente un évêque 
sur le cavalier de Pierre, évêque de Cambrai. 

M. Lelewel, dans sa Numismatique du moyen âge, a été le troisième à exa- 
miner cette question. « Il pense que le chevalier reparut sur la monnaie 
» de la comtesse Marguerite (1345-1356) et le comte Guillaume (1586- 
1589) 1. » 

Mais plus tard, dans ses Observations sur le type des monnaies des Pays- 
Bas, ce savant revient de sa première opinion. En parlant, dans ses notes, 
p. 7, de la monnaie de Marguerite de Constantinople, comtesse de Flan- 
dre et de Hainaut, il dit : « M. Chalon, en me communiquant les pièces 
» mêmes du comte Jean d’Avesnes (1280-1504) et de la comtesse Mar- 
» guerite, offrant un chevalier brabançon (+. les f. 74, 65), en fit une 
» observation qu'Alkemade a eu tort, en reléguant cette monnaie à la 
» comtesse plus récente (1545-1356). Le caractère semi-gothique, la 
» formule Signum crucis, et toute la ressemblance à la monnaie du même 
» genre de Jean d’Avesnes, la relatent à Marguerite de Constantinople 
» (1244-1280). Par conséquent , le chevalier brabançon, connu avant sur 
» les espèces mêmes, prit sa place sur la grosse monnaie avant 1280, 
» et ce fut après cette date que le chevalier lorrain accourt de l'étranger 
» vers 1500, suivre quelque temps ses traces. » 

Dans le courant de l’année suivante, M. Cartier entra en lice, armé d’une 
foule d'arguments savamment combinés pour soutenir l'opinion de Van 
Alkemade et de Duby et réfuter celle de Ghesquière, et particulièrement 
la manière de voir de MM. Lelewel et Chalon ?. 

Il commença par battre Ghesquière à plate couture, et enleva victo- 
rieusement à Marguerite d'Alsace toute prétention sur le chevalier, en 
faisant observer qu’elle ne fut pas comtesse de Hainaut de son chef, et 


1 T. Ii, p. 282. 
? Revue fr., 1836, p. 175. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 49 


que, par conséquent, elle ne pouvait avoir frappé monnaie en son nom à 
Valenciennes. Et, pour rendre la défaite de Ghesquière encore plus com- 
plète, il ajouta : « Le type du cavalier armé n’a aucun rapport obligé 
» avec les croisades; plusieurs seigneurs qui l’adoptèrent ne furent point 
» croisés; c’est le costume chevaleresque du moyen äge, el une imitation 
» frappante du type des petites pièces de Lorraine des ducs Ferry et 
» Thibault. Il est donc certain que l'attribution à Marguerite d'Alsace 
» doit être rejetée. » Après avoir fait valoir encore quelques nouveaux 
arguments contre Ghesquière, il finit par donner raison à Van Alkemade 
et à Duby, se fondant entre autres sur cette circonstance que Jean d’A- 
vesnes (1280-1504), Guillaume I et Guillaume IL (1504-1545), comtes 
de Hainaut, auraient suivi le même type. Il pense que Marguerite de 
Constantinople, frappant monnaie en Flandre avec les titres de comtesse 
de Flandre et de Hainaut, aurait dû en faire autant à Valenciennes; 
par conséquent, le cavalier qui ne porte pas ces titres, ne peut lui être 
attribué. Il conclut du bas aloi de quelques-uns des cavaliers de Margue- 
rite qu’elle a dû les frapper dans un temps de détresse, au moment où elle 
était en guerre avec son fils et à l’époque de la disparition du type. M. Car- 
tier termine en donnant un tableau des princes qui ont frappé monnaie 
au type de cavalier, et il y fait figurer Guillaume IF, comte de Hainaut 
(1557-1545), comme s’il avait effectivement frappé des cavaliers; ce qui 
est très-problématique, et même impossible, comme nous le dirons dans 
la suite. 

M. Chalon soutient, dans la même Revue, p. 260, son opinion et celle 
de M. Lelewel; il démontre que les caractères des monnaies frappées 
par Marguerite de Constantinople à Alost, sont absolument les mêmes que 
ceux du cavalier. [1 finit en disant : « Ainsi, en résumé, ni l'opinion de 
» M. Cartier, ni celle que je défends ici, ne peuvent s’étayer de preuves 
» directes; mais je persiste à croire que l'attribution à Marguerite de 
» Constantinople doit paraître entourée de plus de probabilité et sujette 
» à moins d'objections que le système de M. Cartier, et partant rester en 
» possession jusqu'à preuve contraire. » 

Dans ses observations sur cet article (p. 266), M. Cartier persiste éga- 

Tome XXI. fl 


50 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


lement, en disant que les objections tirées des chartes du pays seraient 
plus convaincantes que les raisonnements; et il regrette que M. Chalon 
n'ait cité que le concordat de 1297, qui ne dit rien de concluant, 
selon lui; il avoue que l’objection de la ressemblance du type de Margue- 
rite avec celui de Jean et de Baudouin de Beaumont est assez importante; 
mais, en définitive, cela ne suffit pas, et il tient surtout à cette circonstance, 
que s’il existe des cavaliers de Marguerite de bas aloiï, ses imitateurs au- 
raient dû en forger de plus bas encore, tandis que c’est précisément le 
contraire qui a eu lieu. 

M. Chalon revint encore sur cette question dans le Messager des Sciences 
et arts, année 1857, et il y démontra (p. 202) que les cavaliers de Mar- 
guerite ont précisément le poids que la comtesse voulait faire donner à ses 
monnaies, lorsqu'elle afferma, vers 1275, ses monnaies de Valenciennes 
et d’Alost à Claes Dekin, bourgeois de Bruges. Cet argument ne pro- 
duisit aucun effet sur les partisans de Marguerite de Hainaut. 

Dans cet état de choses, il n’y avait, à défaut de chartes, que la décou- 
verte d’un trésor de monnaies qui pût décider la question. 

Cette découverte ne se fit pas attendre longtemps. Au mois de novembre 
1858, on trouva un dépôt de monnaies dont nous avons déjà parlé à propos 
des monnaies de Guillaume IE, archevêque de Reims, et de Hugues IV, 
duc de Bourgogne. On y trouva deux cavaliers, l’un au nom de Margue- 
rite et l’autre au nom de Baudouin d’Avesnes. Il ne s'agissait donc plus 
que de déterminer l’époque vers laquelle le trésor avait été enfoui. Si son 
ancien propriétaire l'avait caché avant le règne de Marguerite de Hainaut, 
il fallait nécessairement attribuer le cavalier à Marguerite de Constanti- 
nople; s'il avait été enfoui pendant ou après le règne de Marguerite de 
Hainaut, il fallait absolument le restituer à cette comtesse. 

M. Hermand, en rendant compte de cette trouvaille, avait attribué à 
Hugues V, duc de Bourgogne (1305-1315) l'obole que nous avons res- 
tituée à Hugues IV (1218-1272) !, et il pensait que les deniers et les 
oboles au lion rampant et au nom d'Édouard, comte de Ponthieux, trouvés 


1 Voyez plus haut le n° 30. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. o1 


dans le même dépôt, étaient d’Edouard II (1290-1525). C'étaient les mon- 
naies les plus récentes; et il en concluait qu’elles avaient été enfouies à la 
fin du XIIIe siècle ou au commencement du XIVe. Il était donc évident 
qu’il n’y avait pas dans ce dépôt de monnaies contemporaines de Margue- 
rite de Hainaut, et que, par conséquent, le cavalier devait être attribué à 
Marguerite de Constantinople. « Si l’époque même de l’enfouissement, 
» dit-il, pouvait être portée, comme je le pense, au premier tiers du XIV° 
» siècle, la question serait résolue, et Marguerite de Constantinople con- 
» serverait l'honneur qu’on a voulu lui enlever, d’avoir introduit dans les 
» Pays-Bas le beau type du cavalier armé. 

» Contrairement à l'opinion émise, je crois avoir remarqué des diffé- 
» rences archéologiques assez essentielles entre toutes les monnaies au 
» cavalier armé portant le nom de Marguerite, pour en faire deux parts. 
» J'y suis d'autant plus disposé qu’il n'existe aucune bonne raison pour 
» déshériter l'une des Marguerite de Hainaut, au bénéfice de sa rivale... 
» Les caractères différents que je veux trouver entre les monnaies des 
» deux Marguerite sautent aux yeux, il me semble, dans la forme des 
» lettres des légendes sur les deux pièces à leur nom, n° 4 et 5 de la 
» planche 6, année 1836 (Rev. fr.). » 

En rendant compte de cette notice dans la Revue française, M. Cartier: 
s’est montré assez disposé à adopter ce terme moyen. C'était déjà une 
concession faite à l'opinion de MM. Lelewel et Chalon. 

Cependant Marguerite de Hainaut ne resta pas longtemps en possession 
du type du cavalier, qu’elle allait maintenant partager avec Marguerite de 
Constantinople, M. le docteur Grote, dans son journal de numismatique, 
donna un tableau de toutes les monnaies au cavalier, et finit en disant 
que, « d’après ce classement chronologique..…., les monnaies au nom de 
» Marguerite ne peuvent appartenir qu'à Marguerite de Constantinople, qui 
» régna jusqu'en 1280 et non à Marguerite d'Avesnes (1544-1356 1.) » 


1 Nach dieser chronologischen Disposition. kônnen die Münzen mit dem Namen Margarethe 
von keiner anderen als der von Constantinopel bis 1280, und nicht von der von Avènes 1344-1556 
sein (BLArrer rün Munzkunog, t. IV, p. 50). 


52 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Ce sont là les seules raisons qu'il allègue. Ensuite, il se contente de rappor- 
ter les preuves produites par les deux parties. 

Résumons maintenant ces preuves. Celles qui sont alléguées par Ghes- 
quière en faveur de Marguerite d'Alsace sont insoutenables ; tout le monde 
étant d'accord sur ce point, nous les passerons sous silence. 

Les preuves alléguées pour attribuer le cavalier à Marguerite de Con- 
stantinople se réduisent à la ressemblance des caractères de cette monnaie 
avec ceux qui se trouvent sur les monnaies fabriquées par Marguerite à 
Alost; à sa ressemblance avec le cavalier de Baudouin d’Avesnes et de Jean 
de Hainaut , et à son poids indiqué dans la charte de 1275. 

Les preuves alléguées en faveur de Marguerite de Hainaut sont : imita- 
tion du type des cavaliers de Guillaume 1 et de Guillaume IT, comtes de 
Hainaut, et d’autres princes voisins ; bas aloi de quelques-uns des cava- 
liers de Marguerite, et titre de comtesse de Hainaut seul employé sur les 
cavaliers de Valenciennes , tandis que les gros d’Alost portent les titres de 
comtesse de Flandre et de Hainaut. Quant au dernier point, M. Chalon l’a 
suffisamment réfuté. 

Enfin, la dernière opinion est celle émise par M. Hermand. II attribue 
des cavaliers aux deux Marguerite, en se fondant sur les différences des 
caractères employés sur les deux sortes de cavaliers. Nous verrons tantôt 
jusqu’à quel point l'opinion de M. Hermand est soutenable. 

Examinons maintenant les différentes manières employées pour repré- 
senter les cavaliers sur les monnaies. 

On aurait tort de penser que le type du cavalier employé par plusieurs 
princes ait été partout le même : le cavalier est armé tantôt d’une épée 
seulement, tantôt d’une épée et d’un bouclier, tantôt d’une lance avec 
drapeau et d’un bouclier ; la croix du revers est ou n’est pas cantonnée 
de croissants. Nous allons le faire voir par le tableau suivant, copié en 
partie sur celui qui a été publié par le docteur Grote. 


mit 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 


Cr 
Qt 


OUVRAGES 


NOMS DES SEIGNEURS. DATES. d | 
OU ILS SONT GRAVÉS OÙ CITÉS, 


Cavaliers à l'épée sans boucliers el avec croissants dans les cantons de la croix. 


DEC NNENOE T ? ? | VanAlkemade, pl. 24, fig. 2.—Tobiésen Duby, pl. 86, 
fig. 5.— Ghesquière, pl. 4, fig. 2. — Den Duyts, 
pl. 11, fig. 10 et 11. — Revue frang., 1. 1, pl. 4, 
fig. 4, 5 et 6.— Lelewel , Observ., pl. 2, fig. 65. — 
Grote, t. IV, pl. 9, fig. 205 et 204. 


Baudouin d’Avesnes, seig' de Beaumont. | 1280-1504 Revue fr., t. I, pl. 4, fig. 7.—Grote, pl. 9, fig. 205. 
Jean de Curne, . . .. .. CE au CA Lt de ? ? | Grote, pl. 9, fig. 206, 207. —- Verachter, cahier n°2. 


Cavaliers à l'épée, sans boucliers et suns croissunts dans les cantons de la croix. 


MArpnenite ER ae Cases ? ? Chalon, Catalogue des monnaies du Hainaut. — 
Rev. fr., t. V, pl. 24, fig. 5. 


Cavaliers à l'épée, aux boucliers et avec croissants dans les cantons de la croix. 


Jean , comte de Hainaut . . . . . . . | 1280-1504 Lelewel, Obs. pl. 2, fig. 74. — Rev. fr. t. 1, pl. 4, À 
| fig. 2.—Tobiésen Duby, pl. 84, fig. 4.—Grote, pl. 9, 
fig. 209. — Penningboek, enz., pl. 2, fig. A. 


Jean I, comte de Namur . . . .. -« | 1297-1550 | Grote, pl. 9, fig. 208. 


Cavaliers au drapeau, avec boucliers et sans croissants dans les cantons de la croix. 


Jean , comte de Hainaut. . , . . . . . | 1280-1504 Van Alkemade, pl. 21, fig. 4. — Tobiésen Duby, 
pl. 84, fig. 6. — Rev. fr., pl. 4, fig. 2. — Den 
Duyts, pl. 10, fig. 2. — Grote, pl. 9, fig. 210. — 
Penningboek , enz., pl. 2, fig. 5. 

Arnoul VIII, comte de Losse. . . . . | 1280-1528 Lelewel, Obs., pl. 2, fig. 52 .— Revue belge, t. 11, 
pl. 4, fig. 15. — Rev. fr., pl. 4, fig. 12. 


Waleram , comte de Ligny . . . . . . | 1288-1553 Tobiésen Duby; pl. 101, fig. 8. — Rev. fr., t. VII, 


pl. 5, fig. G 

Bertaud III , prince d'Orange. . . . . | 1289-1355 Tobiésen Duby, pl. 26, fig. 5. 

Gui, comte de St-Paul , , . .. .. . | 1292-1517 Tobiésen Duby, pl. 101, fig. 4. — Rev. rte 
pl. 4, fig. 10. 


Jean , comte de Namur. . .. , . . . | 1297-1330 Rev. fr., t. 1, pl. 4, fig. 9. 
Guillaume 1, comte de Hainaut . . . . | 1304-1357 Tobiésen Duby , pl. 85, fig. 2. — Rev. fr., L. 1, pl. 4, 


fig. 5. 
Robert , comte de Flandre. . , . . . . | 1305-1522 Rev. fr., 1. L. pl. 4, fig. 8. — Grote, pl. 9, fig. 211. 
Jean , sire de Waulaincourt, . . . . . | 1306-1514 


Jean, dauphin viennois. , . . . . .. 1507-1519 Tobiésen Duby, pl. 22, fig. 1. 
Pierre, évêque de Cambrai . . . . . . | 1310-1325 Tobiésen Duby, pl. 4, fig. 8. 

Jean, sire de Crèévecœur, . . , . ... 1515-1525 Rev fr. pl. 4, fig. 11. 

Gaucher, comte de Porcien . . . . . . | 1314-1529 | Tobiésen Duby, pl. 105, fig. 7 et 9. 


Ferri IV, duc de Lorraine . . . . .. | 1312-1528 | De Sauley, pl 5, fig. 16 et 19. — Le revers de cette 
monnaie n’a rien de commun avec les cavaliers 
cités ci-dessus. 


D4 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Les cavaliers les plus anciens, comme on vient de le voir, portent l'épée 
sans bouclier, et la croix est cantonnée de croissants. Les cavaliers plus 
récents portant l'épée ne sont pas armés du bouclier, et au revers la croix 
n'est pas cantonnée de croissants. Ceux d’une époque encore plus récente 
portent l'épée et le bouclier; et les plus récents de tous portent le drapeau 
et le bouclier. De cette observation il résulte nécessairement que tous les 
cavaliers à l'épée sans bouclier, à la croix cantonnée de croissants et por- 
tant le nom de Marguerite, sont les plus anciens et doivent être restitués à 
Marguerite de Constantinople. Il en résulte également que les cavaliers 
de la même espèce, mais sans croissants dans les cantons de la croix, 
sont également de Marguerite, mais postérieurs aux premiers. 

Cette observation est confirmée en tous points par le trésor trouvé à 
S'-Omer et à Grand-Halleux. Dans le premier, les monnaies les plus mo- 
dernes étaient de la fin du XIII: siècle ou du commencement du XIV°; 
dans le second, les plus modernes n'étaient pas postérieures à 1285. II 
est donc impossible d'y trouver une monnaie du milieu du XIV: siècle; il 
n’est pas moins impossible d'y voirune monnaie de Marguerite de Hainaut. 

La ressemblance des caractères du cavalier de Marguerite avec ceux 
qui sont gravés sur les monnaies de Marguerite de Constantinople, frappées 
à Alost, n’est donc pas sans importance; et si l’on veut une preuve plus di- 
recte encore, si l’on veut enfin une charte, comme le désirait M. Cartier, 
nous citerons l'analyse d’un document de ce genre telle qu’elle a été donnée 
par M. le comte de S'-Genois. Voici comment il s'exprime dans ses Monu- 
ments anciens, p. 577 : Commission donnée par Gui (comte de Flandre), à 
Henri de Moerslede, son bailli d'Ypres...…, et permission audit Jean d'acheter LES 
DENIERS DE CHEVALIER, appelés Rupre PENNINC, de ceux qui voudront les vendre. 
30 juillet 12801. Tout Flamand comprendra très-facilement que le rudre, 
ridder ou rydder pennink n’est autre chose que le cavalier, ou denier de 
chevalier, comme on disait à cette époque. On s'explique parfaitement 
la cause de cette mesure. Jalouse de la branche de Hainaut, celle de 
Flandre avait billonné les monnaies au cavalier, dans l'intention de faire 


1 M. Chalon, dans une lettre particulière adressée à M. Cartier, avait déjà signalé cette charte. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. BB] 


autant de mal que possible au comte de Hainaut. Ces cavaliers ne pou- 
vaient être que les cavaliers de Marguerite de Constantinople; car, en 
Flandre, ce type n’avait pas encore été imité, et les nouveaux cavaliers 
de Jean d’Avesnes, comte de Hainaut, ne pouvaient pas être de sitôt ré- 
pandus en Flandre, pour être déjà billonnés en 1280, alors qu'il venait 
à peine de prendre la direction des affaires de son comté. 

M. Cartier, pour soutenir la possibilité d’une attribution à Marguerite de 
Hainaut, conclut du bas aloi de quelques-uns des cavaliers, qu’ils ont été 
frappés au moment de la disparition du type. Cette conclusion ne nous 
semble pas trop juste : on pourrait lui objecter que, puisqu'il y a des 
cavaliers de bon aloi au nom de Marguerite, il faut aussi qu’ils aient été 
frappés à la naissance du type. Ou bien voudrait-on attribuer à Margue- 
rite de Constantinople les espèces de bon aloi et à Marguerite de Hainaut 
celles de mauvais aloi? De cette manière on rentrerait dans le système 
de M. Hermand, et l’on finirait par dire que les deux Marguerite ont 
frappé des cavaliers. Voyons jusqu’à quel point cette opinion est fondée. 
M. Hermand dit avoir remarqué des différences archéologiques, et surtout 
une différence dans les caractères des monnaies n® 4 et 5, représentées sur 
la planche 4 de la Revue française, année 1856. Cette différence ne consiste, 
nous semble-t-il, que dans les lettres N. Sur la monnaie n° 4, elles sont 
figurées H, et sur la monnaie n° 5, elles sont figurées n. Mais cette diffé- 
rence est-elle assez grande pour qu’il soit permis d’en tirer une conclusion 
quelconque? Les lettres H et n sont employées indistinctement à la même 
époque, et les monnaies sur lesquelles la lettre N est gravée tantôt H, tantôt 
N, tantôt n, ne sont pas rares. Les exemples en fourmillent; et, pour ne pas 
quitter la planche de la Revue française, nous signalerons le n° 10 sur le- 
quel le mot moneta est écrit MOnETA et le mot signum SIGHNVM. Nous 
pourrions en dire autant des n* 8, 9 et 11, où la lettre majuscule N est 
mélée avec la lettre n arrondie. La lettre S couchée (2) à la fin de 
CRVCIZ sur le n° 5, n’est pas plus concluante, le mot SIGNVM y étant 
écrit avec un $ debout. Ce qui démontre enfin à la dernière évidence que 
les trois cavaliers n° 4, 5 et 6 sont de la même époque, c’est, comme le 
fait observer M. Hermand, que le n° 6 est composé de l’avers du n° 5 et du 


d6 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


revers du n° 4. Il est donc évident qu'ils doivent être de la même époque. 

En supposant que les cavaliers puissent être attribués aux deux Mar- 
guerite, on devrait supposer que l'épée et les croissants ont figuré à la 
naissance et à la disparition du type. Ne serait-on pas obligé de faire 
ainsi des suppositions contraires à la marche et à la loi générale des 
types? Ce n’est assurément pas après avoir été abandonné pendant l’espace 
de quarante-cinq années, et après avoir subi de nombreuses métamor- 
phoses , que le cavalier à l'épée sans bouclier et à la croix cantonnée de 
croissants viendrait de nouveau s'installer sur les monnaies du XIV: siècle, 

Outre les différences archéologiques de l’épée, du bouclier et du dra- 
peau que nous avons signalées dans le tableau qui précède, pour les mon- 
naies aux Cavaliers, il y en a encore d’autres. 

Les personnes familiarisées avec les sceaux reconnaïîtront facilement 
avec nous que le cavalier n’est que la copie exacte des sceaux équestres 
de cette époque. Les cavaliers étaient sur les sceaux des seigneurs, au 
moyen àge, ce que le trône fut pour les sceaux des rois et des empereurs. 
On peut même poser en thèse générale que les cavaliers dénotent un 
sceau seigneurial et le trône un sceau royal ou impérial : à très-peu d’ex- 
ceptions près, les rois ne firent jamais usage du sceau équestre. Nous en 
exceptons toutefois les rois d'Angleterre; mais, en Allemagne, dont la 
presque totalité de la Belgique actuelle dépendait, nous ne connaissons 
aucun sceau équestre des empereurs; et nous connaissons, en Belgique, à 
peineun ou deux seigneurs qui aient fait graver un trône sur leurs sceaux. 

Nous avons remarqué, sur les sceaux des seigneurs, que les capara- 
çons des chevaux deviennent de plus en plus longs, à mesure que l’on 
approche des temps modernes, de manière que, vers la fin du XV: siècle, 
ils couvrent le cheval presque tout entier; c’est à peine si on y voit en- 
core passer les pieds. En appliquant cette observation aux cavaliers des 
monnaies, nous pourrions presque en établir la succession chronologique 
sans autre guide que les caparaçons comparés à ceux qui couvrent les 


1 Comp. la Revue fr., 1840, p. 447, où M. Deschamps soutient la même opinion. 
? Nous ne parlons ici que des sceaux et non des monnaies sur lesquelles les seigneurs ne se fai- 
saient aucun scrupule de se faire représenter assis sur un trône. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. d7 


chevaux figurés sur les sceaux. Les caparaçons sont très-courts au XITT° 
siècle; toutefois, vers la fin de ce siècle, ils deviennent déjà plus longs et 
commencent à couvrir la partie postérieure du cheval : au XIV: siècle, ils 
couvrent totalement la queue du cheval. La même chose se montre sur 
les monnaies aux cavaliers; et en comparant les cavaliers de Marguerite 
avec les sceaux équestres de son époque, on est frappé de leur ressem- 
blance quant aux caparaçons. 

Les croissants sont aussi très-caractéristiques, et déterminent encore 
l'époque des monnaies sur lesquelles ils sont figurés. On les voit sur les 
monnaies belges du XIII: siècle; mais nous ne pensons pas qu’on puisse 
nous citer un seul exemple d’une monnaie du XIV: siècle avec croissants. 
Il est donc impossible de trouver des monnaies de Marguerite de Hainaut 
avec des croissants. 

Ainsi l'épée , les croissants, le caparaçons, les caractères, tout concourt 
pour faire restituer à Marguerite de Constantinople les monnaies aux ca- 
valiers, soit de bon, soit de mauvais aloi. 

Reste encore à examiner si Guillaume I}, comte de Hainaut, a frappé 
des monnaies au cavalier, comme le suppose M. Cartier. 

Marguerite de Constantinople et ses deux successeurs immédiats, Jean et 
Guillaume F, ayant frappé des cavaliers, il s'ensuit que le type du cavalier 
a régné en Hainaut pendant l’espace de quatre-vingt-treize ans, si toute- 
fois on doit prendre comme point de départ la première année du règne 
de Marguerite. Peu de types des monnaies d'argent ont continué à exister 
pendant un si long espace de temps en Belgique. En supposant que le 
cavalier fût encore employé par Guillaume If, il faudrait supposer qu'il 
eût été conservé en Hainaut pendant l’espace de cent douze ans; ce qui 
nous semble impossible en Belgique, où la manie des changements de type 
était extrême, Il suffisait qu'un type eût quelque vogue, pour que tous 
nos seigneurs s’empressassent à l’envi de le copier. 

Le cavalier, si souvent imité par tous les princes voisins du Hainaut, 
devint aussi un objet d'exploitation. En limitant, on en altéra l'aloi. Guil- 
laume IL n'avait donc pas d'intérêt à l’adopter; et si l’on examine le ta- 
bleau des monnaies au cavalier, on peut se convaincre facilement qu'après 


Tome XXI. 8 


58 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Waleram de Ligny, Guillaume I, comte de Hainaut, fut le dernier à con- 
server le type du cavalier 1, 
Il nous semble donc que Guillaume IT n’a jamais frappé de cavaliers. 
S'il n'a pas frappé de monnaie de cette espèce, Marguerite de Hai- 
maut n’en aura pas frappé non plus. Ainsi nul doute que les cavaliers au 
nom de Marguerite n’appartiennent à Marguerite de Constantinople. 


N° 85. Av. Monogramme de Hainaut; légende : VA/LE/CE/NE/— Ro. Croix cantonnée 
de quatre croissants. 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 87, fig. 10. — Den Duyts, 
pl. 11, fig. 13, variété. 


La similitude entre les croix des cavaliers de Marguerite de Constan- 
tinople et celles qui sont figurées sur ces mailles nous semble une raison 
suffisante pour les attribuer à cette comtesse. La croix y est cantonnée de 
croissants, comme celle du cavalier, ou bien elle n’en est pas cantonnée, 
comme celle du cavalier galoppant à gauche, dont nous avons parlé an 
n° 82. L'état de ces mailles est d’ailleurs tout à fait semblable à celui des 
cavaliers trouvés à Grand-Halleux , et il prouve suffisamment qu’elles ont été 
émises vers la même époque. 

Personne ne révoquera en doute que Marguerite ait frappé des mailles à 
Valenciennes. Oudegherst dit positivement, dans ses Annales, que Margue- 
rite donna, en 1274, ses monnaies à Clays Dekin de Bruges pour trois ans, et 
qu’elle conserva le droit de faire forger des mailles artésiennes, rondes ou valen- 
ciennoises. 


Marguerite de Constantinople , comtesse de Flandre. 
1244-1280. 


N° 84. 4v. Aigle biceps dans deux arcades trilobées et posées l’une contre l’autre; 
légende : FLANDRIE + AC + hAYNONIE/. — Ro. Croix fleuronnée 


1 M. Desains, en faisant connaître une variété du cavalier de Waleram de Ligny, publié par To- 
biésen Duby, la croit plus moderne et l'attribue à Waleram HI (1371-1415). Nous croyons précisé 
ment le contraire. Il suffit d'examiner le caparaçon pour s'en convaincre à la dernière évidence. 
(Voyez la Revue fr., . VIE, pl. 5, fig. 6) 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 59 


cantonnée de : A/L/O/S et traversant la légende : MARG/ARET/A COMT/ 
TISSA. 


Gravée dans de Bast, Rec. d’ant., 2° suppl., pl. 2, fig. 6. — Le- 
lewel, Observ., pl. 5, fig. 62. — Den Duyts, pl. 1, fig. 6. 


Ne 85. Variété avec COM/TISSA/. 


L’aigle biceps adopté par Marguerite sur ses gros frappés dans la Flan- 
dre impériale, semble être le même que celui qui fit partie des armoiries 
de la ville d’Alost, ancienne dépendance de l'empire germanique. La com- 
mune d’Alost se servit au XIV: siècle d’un sceau représentant un guerrier 
debout tenant un drapeau sur lequel se trouve figurée une épée en pal. 
Plus tard, vers 1595, on voit encore sur le sceau de la ville un guerrier 
debout tenant un drapeau avec une épée en pal, mais accostée de deux 
petits écussons, l’un avec un aigle biceps, l'autre avec un lion !. 


N° 86. Av. Aigle biceps à ailes éployées. — Rv. Croix dite brabançonne, cantonnée 
de T/IN/E/. 


Gravée dans Den Duyts, pl. 5, fig. 1. 


On avait attribué jusqu'ici cette maille au duché de Brabant, à cause 
de la croix dite brabançonne figurée sur le revers. Nous la revendiquons 
maintenant pour la Flandre impériale, et nous la restituons à la ville 
d’Alost. 

L’aigle biceps de l’avers est entièrement semblable à celui qui est figuré 
sur le gros frappé à Alost par Marguerite de Constantinople; il est donc 
très-naturel d'attribuer ces mailles à l'atelier d’Alost. 

La croix dite brabançonne figarée sur le revers est bien de l’époque 
de Marguerite, puisqu'on la voit figurer sur les mailles de Henri IT et 
de Henri IT, ducs de Brabant et contemporains de la comtesse. 


1 Voyez la planche, fig. 56. Scrait-ce le sceau gravé par ordre du magistrat d'Alost vers 1395, 
comme il en est fait mention dans un compte de la ville de cette année? — Nous devons ce dessin 
à l'obligeance de M. Pinchard, occupé, dans ce moment, à rassembler tous les sceaux des commu- 
nes, qu'il se propose de publier incessamment, en y ajoutant des notices aussi utiles pour l'his- 
torien qu'intéressantes pour archéologue. 


60 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Ces mailles, un peu plus usées que les doubles gros d'Alost, semblent 
cependant avoir été émises à peu près vers la même époque; leur état est 
absolument le même que celui des mailles de Henri IT, duc de Brabant. 
On s'explique cet état plus usé, comparativement à celui des gros, en ob- 
servant que les petites monnaies circulent plus que les grosses; ainsi 
nos francs et nos demi-francs, quoiqu’émis en même temps que les pièces 
de cinq francs, sont toujours, après un certain espace de temps, plus usés 
que celles-ci. 


N° 87. Variété avec L/I/G/O. 

N° 88. Av. Fleur de lis dans un grenetis entouré d'étoiles et de cercles. — Rv. Croix 
pattée, cantonnée de quatre globules , de L/T/et de deux étoiles; les quatre 
globules sont entourés d’un grenetis. 


Gravée dans Den Duyts, Suppl., pl. 12. fig. 7. 


N° 89. Variété avec L/I/L/A/. 
Grayée dans Lelewel, pl. 20, fig. 20. 


Ces mailles, frappées à Lille, portent au revers le signe caractéristique 
de la monnaie frappée par les comtes dans la Flandre française, c’est-à-dire 
la croix cantonnée de quatre globules et traversant un grenetis. 

La croix pattée et non travaillée à jour, telle qu’elle figure sur ces deux 
espèces de mailles, ayant été employée par Marguerite de Constantinople, 
il s'ensuit que ces mailles doivent être attribuées à cette comtesse. 

Le lis royal est ici sans doute figuré sur l’avers par opposition à l'aigle 
impériale figurée sur les gros et sur les mailles d’Alost. 

Il n’est pas sans importance de faire observer que ces mailles sont aussi 
usées que celles de Marguerite, frappées à Valenciennes. 


Waleram IV, duc de Limbourg. 


1246-1279. 


N° 90. 4v. Lion à queue fourchue, à gauche, couronné et posé dans un écusson 
ogival; légende : + W/ALR/AMV/S/. — Rv. Croix à double bande can- 
tonnée de : R/O/D/E/ et traversant la légende : + WA/LR/AM/VS/. 


Voyez la planche, fig. 28. 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 61 


La ressemblance de cette monnaie frappée à Rolduc avec celles de Jean I, 
duc de Brabant, de Henri de Herstal, etc., ne laisse aucun doute sur son 
attribution. 


N° 91. Av. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : & + # 
MON/ETA/. — Ro. Croix à double bande, cantonnée de : D/A/L/E/, 
et traversant la légende : MO/NE/TA/ # + 5/. 


Voyez la planche , fig. 29. 


Quoique cette monnaie ne porte pas le nom de Waleram, il semble 
qu’elle doive lui être attribuée, à cause de son type. 


Henri de Vianden, évéque d'Utrecht. 


1250-1267. 


N° 92. Av. Évéque mitré et erossé à mi-corps, de face, et tenant un livre; légende : 
HENR/ICVS/. — Ro. Croix à double bande, cantonnée de : P/A/O/x/ 
et traversant la légende : + D'AVE/NTE/RIA!. 


Gravée dans Lelewel, pl. 20, fig. 7. — Grote, t. IV, pl. 17, 
fig. 567. — Mader, L. VI. fig. 44. 


Charles I, comte de Provence. 


1246-1285. 


N° 95. Av. Portail défiguré et surmonté d’une croix; légende : PVINCIALIS. — Ro. 
Croix dans un grenetis; légende : + K. CO.P.FI.RE.F./ 


Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 93, fig. 14, module plus grand. 


Nous avons invoqué le type de cette monnaie pour prouver que les tour- 
nois au nom de Louis sont de Louis IX, roi de France. 
Thierri VI, comte de Clèves. 
1261-1975. 


N° 94. Av. Figure calottée, vue de face, tenant un sceptre en forme de verge, et un 
globe surmonté d'une croix ; légende : THDECL.../—Rv. Croix à double 


62 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


bande et ancrée, passant par un grenetis et traversant la légende : 
CAVICLEVE!. 


Voyez la planche , fig. 31. 


Quatre comtes de Clèves, du nom de Thierri, s’étant succédé depuis 
1244 à 1505, il serait très-difficile d'attribuer cette maille à l’un plutôt 
qu’à l’autre, si le type, et surtout son état de conservation, ne pouvaient 
nous guider. 

Le type de l’avers ressemble singulièrement à celui de la monnaie de 
Henri III, évêque de Liége (1247-1274), publiée par M. Lelewel dans le 
journal de numismatique du docteur Grote. Il n’y manque pas même le 
sceptre en forme de verge, figuré aussi sur la monnaie de l’empereur Fré- 
déric IL. La croix à double bande et ancrée se trouve aussi sur les mon- 
naies contemporaines de Thierri VI, comme nous venons de le voir par 
la monnaie de Henri de Vianden, évèque d’Utrecht. 

L'état de l’exemplaire trouvé à Grand-Halleux nous autorise assez 
d’ailleurs à l’attribuer à Thierri VI. 


Henri, seigneur de Herstal. 
1253-1985. 
Ne 95. Av. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : + H/EN- 


RIC/VS. DNS. — Rv. Croix à double bande, cantonnée de P/E/T/R/ 
et traversant la légende : + DE/HAR/STAL/. 


Gravée dans Mader, t, VI, fig. 27. — Lelewel, Obs., pl. 5, fig. 61. 
— Revue belge, t. I, pl. 10, fig. 2. 


Jean I, duc de Brabant. 
1261-1294. 
N° 96. 4v. Ange debout tenant une lance de la main droite et une fleur de la main 
gauche; légende : MONETA BRVXELLENCIS| ?. — Ro. Croix fleuron- 
née; légende : + IOHANNES DVX BRABANTIE)/. 


1 Quelques exemplaires portent aussi BRVXELLENSIS. 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 63 


N° 97. Variété. L'ange tient la lance de la main gauche et la fleur de la main 
droite. 


Gravée dans Lelewel, p. 295.— Den Duyts , pl. 6, fig. 20. 


Lorsque Marguerite de Constantinople frappait ses cavaliers à Valen- 
ciennes et ses gros à l'aigle à Alost, Jean TL voulut aussi frapper, pour le 
Brabant, de la grosse monnaie inconnue jusqu'alors dans ce duché. De 
même que Marguerite adopta l'aigle impériale d'Alost, de même Jean I 
adopta saint Michel, tel qu'il figura pendant cette époque sur le sceau de 
la ville de Bruxelles. Il adopta aussi la croix fleuronnée. 

Cette monnaie a été attribuée par M. Lelewel à Jean III ; le trésor de 
Grand-Halleux prouve qu’elle doit être restituée à Jean I. 


N° 98. Av. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : + M/#0/x#N/ 
#[E&/Tæ#A/. — Ro. Croix à double bande cantonnée de B/R/VX/ et 
traversant la légende : + TO/HAN/NES/ DVX/. 


Voyez la planche, fig. 30. 


La présence de ces monnaies et des suivantes au même type, dans le 
trésor de Grand-Halleux, confirme en tous points notre opinion sur l’attri- 
bution que nous leur avons donnée dans la Revue de la Numismatique 
belge, en démontrant qu’elles ne sont pas de Jean IIT, comme l'avait 
pensé M. Lelewel, mais de Jean I. Nous disions, à propos de ces monnaies : 
« Nous croyons pouvoir attribuer à Jean I (1261-1294), les esterlings au 
» lion placé dans un écusson triangulaire et portant au revers une croix 
» à double bande terminée en globules. La ressemblance de ces mon- 
» naies, tant à l’avers qu'au revers, avec celles de Gui, comte de Namur 
» (1263-1297), et avec celles de Henri de Herstal (1253-1285), et, 
» quant à l’avers seulement, avec la monnaie de Henri V, comte de 
» Luxembourg (1283-1309), avec celle de Gui IV, comte de S'-Paul 
» (1292-1317), de Jean IV, évêque de Liége (1282-1292), de Mar- 
» guerite de Constantinople, comtesse de Flandre et de Hainaut (1244- 
» 1280), et avec celle de Jean d’Avesnes, comte de Hainaut (1260-1504), 


64 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


» sont autant de preuves que nous croyons pouvoir alléguer en faveur 
» de notre opinion 1, » 
Notre attribution est donc pleinement confirmée. 


N° 99. 4v. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : D/VX BRA! 
BANTIE. — Ro. Croix à double bande cantonnée de : B/R/V/X/, et 
traversant la légende : & + x/ MO/N/EITA. 


Voyez la planche, fig. 32. 


N° 100. Variété, les lettres gothiques M et N sont romaines. 

N° 101. Mëme type; lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : 
+ DVX BRA/BANTIE,. — Ro. Croix à double bande, cantonnée de : 
L'O/V'A/, et traversant la légende : + IDETIGRA/TIA/. 


Gravée dans Den Duyts, pl. 6, fig. 17. 


N° 102. Variété avec /X ID/EIG/RAT/IA et L'O/H/N/ dans les cantons de la croix. 


Voyez la planche, fig. 55. 


N° 105. Mêmes types et légende; la croix est cantonnée de W/A/LIT/. 
Gravée dans Lelewel , t. II, p. 202. 
N° 104. Variété avec la lettre T arrondie. 


N° 105. Variété avec la lettre T ordinaire et BRABANCIE/. 
N° 106. 4v. Lion debout à gauche. — Ro. Croix cantonnée de /D/V/X/. 


Gravée dans Lelewel, pl. 20, fig. 37. 


N° 107. 4v. Lion debout à gauche dans un écusson; légende : I D/VX/.X.]. — Ro. Croix 
cantonnée de L/O/V/A!. 


Gravée dans la Revue belge, t. I, pl. 11, fig. 4. 


Jean , comte de Sancerre, 
1268-1280. 


N° 108. Av. Écusson triangulaire avec bandes et dans deux de ses angles une tierce- 


1 Revue belge, t. , p. A1. 


L 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 65 


feuille; légende : + D : /CAR/ENT/0/. — Ro. Croix cantonnée d’un 
croissant ; légende : +. L.CO:SCESARIS). 


Voy. la planche, fig. 35. 


Nous avons fait de vaines recherches dans plusieurs ouvrages numis- 
matiques de France pour trouver quelque mention de cette monnaie; nous 
la croyons sinon inconnue, du moins inédite. 

Le type, c’est-à-dire l’écusson triangulaire entouré d’une légende, in- 
dique suffisamment qu’elle est de Jean I, comte de Sancerre, et en même 
temps comte de Charenton. Ce dernier comté passa dans la maison de 
Sancerre par suite de l’acquisition qu’en fit Louis I, comte de Sancerre. 
On s’explique donc très-facilement la légende : DE CARENTO. 


Philippe-le-Hardi, roi de France. 
1270-1985. 


N° 109. 4v. Portail défiguré et surmonté d'une croix; légende : TVRONIS CIVIS. — 
Ro. Croix dans un grenetis; légende : + PHILIPVS REX/. 


Gravée dans la Revue fr., 1858, pl. 10, fig. 7. 


En parlant de cette monnaie, M. Cartier dit, dans sa lettre sur les mon- 
naies de la troisième race : « Tournois au nom de Philippe, écrit par un H 
» comme ceux de Philippe-Auguste, mais qui ayant CIVIS, pourraient être 
» données à Philippe-le-Hardi, en plaçant sous Philippe-le-Bel le change- 
» ment de forme H majuscule en k cursif, le seul employé sur les gros et 
» sur les deniers communs de Philippus. Ceci, au reste, n’est qu'une 
» conjecture, car Philippe-le-Hardi a frappé des gros, et aurait, par con- 
» séquent, employé le L de la dernière espèce (1). » 

Cette conjecture, à laquelle M. Cartier n’attache aucune importance, 
est détruite par la trouvaille de Grand-Halleux, dont les tournois de Phi- 
lippe, qu'ils portent un I ou un A, étaient absolument dans le même 
état de conservation. Il est du reste impossible d’y trouver une monnaie de 


1 Revue fr., 1838, p. 98. 
Towe XXI. 9 


66 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Philippe-le-Bel, puisque la plus moderne du dépôt ne peut guère dé- 
passer 1285. 

Ainsi la distinction que l’on a voulu établir entre les tournois de Phi- 
lippe-le-Hardi et de Philippe-le-Bel, au moyen de la manière dont la lettre 
H est écrite, s’évanouit entièrement. 


N° 410. Variété, la lettre H y est gravée h, etle nom est écrit avec deux PP. 
Gravée dans la Revue fr., 1858, pl. 6, fig. 9. 


Gui de Dampierre, comte de Namur. 
1963-1297. 


N° 441. 4v. Lion bandé dansun éeusson triangulaire; légende : MAR/CHTO N/AMVRC/. 
— Ro. Croix à double bande, cantonnée de douze globules et traver- 
sant la légende : GCO/MES/FLA/DRE/. 

Gravée dans Den Duyts, pl. 1, fig. 7. 


Ingleranne, évêque de Cambrai. 
1973-1985. 


N° 112. Av. Buste mitré de face; légende : INGERRAMMVS EPISCHOPVYS. — Ro. 
Croix à double bande, cantonnée de douze globules et passant par la 
légende intérieure : CA/ME/RA/CV/; légende extérieure : AVE MARIA 
GRATIA PLENA/. 


Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 4, fig. 5. — Lelewel, pl. 20, 
fig. 49. 


C’est la monnaie la mieux conservée de toutes celles du dépôt. 


Henri IV, comte de Luxembourg. 


1275-1288. 


N° 115. Av. Figure coiffée d’un chaperon , debout à gauche, et tenant en main une 
fleur de lis; légende : LVSENBOR/. — Ro. Armes de Luxembourg 
dans un écusson triangulaire; légende : HA/N/RY/. 


Gravée dans les Publ. Luæ., pl. 7, fig. 51. — Grote, t. IV, pl. 15, 
fig. 285. 


Induits, sans doute, en erreur par la comparaison du type de l’avers de 


DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 67 


cette maille avec celui de la monnaie de Berthe, veuve de Mathieu 1, duc 
de Lorraine (1176-1195) !, les auteurs des publications de la Société pour 
la recherche et la conservation des monuments historiques dans le grand- 
duché de Luxembourg, ont cru pouvoir attribuer cette maille à Henri-A- 
veugle (1136-1196). Le type du revers, son état de conservation et la date 
où le dépôt fut enfoui s'opposent à l'adoption d’une pareille opinion. 

Le type s’y oppose, parce que nous ne pensons pas que l’on puisse citer 
un seul exemple d’une monnaie du XI: siècle, portant un écusson triangu- 
laire chargé d’armoiries, caractère distinctif des monnaies de la seconde 
moitié du XII siècle. Tous les seigneurs voisins du comté de Luxem- 
bourg l’employèrent vers cette époque sur leurs mailles. Otton, comte de 
Gueldre (1229-1271), Henri IL, duc de Brabant (1248-1261), Ferri IT, 
duc de Lorraine (1251-1305), Jean I, duc de Brabant (1261-1294), Guil, 
comte de Namur (1265-1297) Boëmond, archevêque de Trèves (1286- 
1299), et même Henri V , comte de Luxembourg (1288-1309), employèrent 
l’écusson triangulaire sur leur petite monnaie. Henri IT, comte de Luxem- 
bourg, doit donc en avoir fait autant; il est, par conséquent, impossible 
d'attribuer cette maille à Henri-l’Aveugle. 

L'état de conservation des exemplaires trouvés à Grand-Halleux dé- 
montrent assez qu'ils ont été mis en circulation après les mailles attribuées 
plus haut à Henri IIT; et comme elles sont les monnaies les plus modernes 
du comté de Luxembourg trouvées à Grand-Halleux, il n’y a pas de doute 
qu’elles ne doivent être attribuées à Henri IV, puisque le dépôt a été enfoui 
pendant son règne, et qui plus est dans le territoire même de son comté. 

IL paraît, d’après leur état, que ces mailles ont été frappées au com- 
mencement du règne de ce prince. 

Nous conviendrons, au reste, très-volontiers des difficultés que pré- 
sentait l'attribution de ces monnaies. M. le docteur Grote n'avait pas osé 
se prononcer entre les trois Henri qui se sont succédé depuis 1226 à 
12838, et sans le trésor de Grand-Halleux, il est probable que la ques- 
tion serait encore restée longtemps à l’état de problème. 


1 Voyez de Sauley, Rech. sur les monn. des ducs hérédit. de Lorr., pl. 36, fig. 28. 


68 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES 


Édouard 1, roi d'Angleterre. 
1271-1507. 


N° 114. Av. Tête couronnée, vue de face ; légende : + EDWR. ANGL DNS HYB/. — 
Ro. Croix cantonnée de douze globules et traversant la légende : VILL/ 
ABR/ISTO/LLA. (Bristo!.) 

N° 115. Idem avec EBO/RACI/CIVI/TAS/. (York.) 

N° 116. Idem avec CAN/TOR/CIVI/TAS/. (Canterbury) 

N° 117. Idem avec LON/DON/CIVI/TAS/. (Londres.) 


Gravée dans Lelewel, pl. 11 , fig. 17. Variété. 


N° 118. Tête couronnée dans un triangle équilatéral; légende : EDWR/ANGL D} 
NS HYB/. — Ro. Croix cantonnée de douze globules et traversant la 
légende : DVBL/INIE/CIVITAS/. (Dublin !). 


Arnoul VIII, comte de Losse. 


1280-1328. 


N° 119. Av. Armoiries de Losse dans un écusson triangulaire; légende : + C/OMES/D 
LO(S/. — Rv. Croix à double bande cantonnée de : P/E/T/R/ et tra- 
versant la légende : A D/EIG/RAT/IA x. | 


Gravée dans la Revue belge, t. 1, pl. 4, fig. 4. 


N° 120. Variété avec : C/OMES/DE xLO x/S/. 
N° 121. Variété avec la lettre M arrondie, et dans les cantons de la croix : G/O/R/S/. 


En suivant l'opinion de M. Perreau ?, qui attribue ces monnaies à 
Arnoul VIIT, nous le faisons avec la plus grande réserve. L'état usé des 
exemplaires que nous avons sous les yeux, et l’initiale du nom du comte, 
qui ne semble pas être un À, mais un [, dont la partie inférieure est tant 
soit peu ouverte comme un À mal formé, nous font supposer avec quelque 
fondement que ces esterlings appartiennent à Jean I (1256-1280). Nous 
sommes d'autant plus disposé à les attribuer à ce dernier, que l’un de nos 
exemplaires porte bien positivement un I, et qu'aucune monnaie d’Arnoul 
au type du cavalier ne fut trouvée à Grand-Halleux. 


1 Toutes ces monnaies ont été publiées par Ruding, Annals of the conag, etc. 
2? Rev. belge, t. IL, p. 108. 


ns 


DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 69 


Jean IV de Flandre, évêque de Liége. 
1282-1996. 


N° 122. Av. Lion debout à gauche, tenant une épée posée dans un écusson triangu- 
laire ; légende : IOH/ANN/E/SEPC/.—Rv. Croix cantonnée de H/O/Y/I/ 
et traversant la légende : LE/ODI/ENYSIS,. 


Gravée dans de Renesse, pl. 5, fig. 1. — Mader, t. VI, fig. 29. 


N° 195. Une monnaie au type limbourgeois. On connait encore des exemplaires de 
cette monnaie ; mais jusqu'ici on n’est pas encore parvenu à la déterminer. 


Voyez la planche, fig. 34. 


Il résulte des dates indiquées sous le nom de chaque prince que les 
monnaies du dépôt ont été frappées entre les années 1157 et 1507. 

Ceci établi, il sera facile de deviner à peu près l’époque où le trésor 
fut enfoui; et la fin du XI: siècle ou le commencement du XIV: se pré- 
sentent comme étant les époques les plus probables. Néanmoins, il ne 
semble pas que la dernière de ces époques doive être adoptée : différentes 
raisons s’y opposent. En effet, si le dépôt eût été caché au commencement 
du XIV: siècle, ne serait-il pas singulier de n’y trouver aucune mon- 
naie de Jean IT, duc de Brabant (1294-1312), monnaies si nombreuses 
et si répandues sur tout le sol de la Belgique? Comment pourrait-on ex- 
pliquer qu'aucun prince du XIV: siècle et voisin du Luxembourg ne soit 
représenté dans un dépôt aussi considérable et composé de tant de mon- 
paies diverses? On n’y trouve, par exemple, aucune monnaie de Jean, 
comte de Namur (1297-1530), ni de Jean d’Avesnes, comte de Hainaut 
(1280-1299), ni des quatre évêques de Liége qui se sont succédé depuis 
1292 à 1315, ni des archevêques de Trèves, Boëmond, Dither et Baudouin 
(1286-1507). En supposant que le trésor ait été caché au commence- 
ment du XIV:siècle, ne serait-il pas difficile d'expliquer comment un Luxem- 
bourgeois, qui devait nécessairement avoir réuni les monnaies les plus 
répandues dans son pays et, par conséquent, les monnaies courantes et 
frappées par le comte régnant au commencement du XIV: siècle, n'aurait 


70 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES, erc. 


compris dans son trésor aucune monnaie de Henri V, comte de Luxem- 
bourg (1288-1309)? 

Il est vrai que Ferri III, duc de Lorraine, régna jusqu’en 1505; mais 
ses monnaies ont été frappées, comme l’observe fort bien M. de Sauley !, 
au commencement de son règne, et l’état usé des exemplaires trouvés dans 
le dépôt démontre à l’évidence qu’elles ont été frappées au commence- 
ment de la seconde moitié du XIII: siècle. 

Quant aux monnaies d'Arnoul VIIT, comte de Losse (1280-1328), nous 
avons déjà dit qu’elles semblent devoir être attribuées à son prédécesseur 
Jean 1 (1256-1280); elles ne peuvent done appartenir au commencement 
du XIV: siècle. 

Reste encore à examiner si les esterlings d’Édouard I, roi d'Angleterre 
(1271-1507), ont été frappés au commencement du XIV: siècle. On sait 
qu'Édouard frappa des esterlings dès le commencement de son règne; il 
est donc très-possible que ces espèces qui jouissaient, comme celles de son 
père, d'une grande faveur à cause de leur bon aloi, aient été transportées 
assez tôt en Belgique, par suite de nos anciennes relations commerciales 
avec l'Angleterre. Les esterlings anglais étaient tellement recherchés, qu’ils 
se répandirent avec une rapidité étonnante sur tous les points de l'Europe, 
et qu'ils servirent de modèle à presque tous les seigneurs belges à la fin du 
XIE: siècle et au commencement du XIVe. Or, aucun esterling belge au type 
édouardin ne s’est rencontré dans le trésor; il doit donc avoir été enfoui 
avant que le type anglais ne fût copié en Belgique; et comme Jean I, 
duc de Brabant, semble avoir adopté ce type dans les dernières années de 
sa vie, il paraît que le dépôt a été caché sous son règne. Nous sommes 
presque tenté, eu égard à la belle conservation de la monnaie d’'Ingelranne, 
évêque de Cambrai, de supposer que l'enfouissement a eu lieu à peu près 
vers l’année 1285 ; et nous sommes d'autant plus tenté de nous en tenir 
à cette conjecture, qu'aucune monnaie d’un prince dont le règne ait com- 
mencé après 1285, n’a été recueillie dans ce trésor. 


1 De Sauley, Rech. sur les monn. des ducs hérédit. de Lorr., p. 57. 


FIN. 


Mém. cour. &° Men. des sav. étr. Tome XAZ. Mernoire de M7 Pot 


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Charlenay Louis Le Débonnuire ; 
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DE LA 


FERTILISATION DES LANDES 


DANS 
LA CAMPINE ET LES ARDENNES, 


CONSIDÉRÉE SOUS LE TNIPLE POINT DE VU 


DE LA CRÉATION DE FORÈTS, DE PRAIRIES ET DE TERRES ARABLES; 


M. RAINGO, 


Professeur de sciences naturelles à l'Ecole spéciale de commerce, d'industrie 


et des mines, à Mons. 


© fortunatos nimiüm, sua si bona nôrint, agricolas! 


Tome XXI. { 


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DE LA 


FERTILISATION DES LANDES DANS LA CAMPINE ET LES ARDENNES, 


CONSIDÉRÉE SOUS LE TRIPLE POINT DE VUE 


de la 


CRÉATION DE FORÊTS, DE PRAIRIES ET DE TERRES ARABLES. 


Dans un pays où l’accroissement de la population est la conséquence 
du régime de paix et de liberté que lui procurent ses institutions, il 
importe de rechercher les moyens d'assurer l'existence des classes nom- 
breuses et de maintenir autant que possible l’équilibre entre la produc- 
tion et la consommation. La solution de ce grand problème est tout 
entière dans le défrichement des landes et des bruyères, dont la Belgique 
possède une étendue considérable, et qu’en mère prévoyante, elle semble 
tenir comme en réserve pour l'alimentation de sa population toujours 
croissante. Grâce à cette ressource, notre belle patrie peut suffire long- 
temps encore aux besoins de ses enfants; et l'émigration ne sera une né- 
cessité pour aucun d'eux, si l'agriculture parvient à conquérir ces vastes 


landes, depuis tant de siècles stériles. 


4 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


C’est l'indication des meilleurs moyens d'arriver à ce résultat qui fait 
l'objet de la cinquième question proposée par l'Académie royale de 
Bruxelles, dans son programme pour le concours de 1846. Puissions- 
nous, en traitant ce sujet important et plein d'actualité, aider à l’accom- 
plissement d’une œuvre qui intéresse à un si haut degré la prospérité 
nationale, et répondre à l'attente du corps savant dont les travaux ont 


toujours un but d'utilité pour le pays! 


Cr 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 


ANALYSE 


ET DIVISION DU MÉMOIRE. 


F° Parme. — Des causes de la stérilité de la Camypine et des Ardennes. 


1. Coup d'œil général sur la Campine. 
u. Coup d'œil général sur l'Ardenne. 
ur. Des essais de défrichement tentés jusqu'à ce jour. 


IE Parme. — Division et classement des bruyéres. 


1. Bruyères propres à former des prairies. 
u. Bruyères propres à être mises en culture. 
ui. Bruyères à convertir en forêts. 


JL Parmi. — Du boisement des landes et des bruyères. 


1. Semis en place et en pépinière. 
u. Plantations. 
ur. Formation des abris et des clôtures. 


IV Panne. — De la conversion des bruyères en prairies. 


1. Travaux d'assèchement. 
u. Travaux d'irrigation. 
ur. Travaux de gazonnement. 


6 DE LA FERTILISATION DES LANDES 
Ve Parme. — De la création des terres arables. 


1. Défrichement du terrain. 
u. Fertilisation des landes défrichées. 
in. Culture des landes fertilisées. 


VI‘ Parme. — Organisation et exécution d'un défrichement. 


1. Considérations générales. 

u. Opérations préparatoires. 

ur. Travaux de défrichement et de fertilisation. 
iv. Construction. 

v. Travaux de culture. 

vi. Coup d'œil sur l'ensemble des opérations. 


Pièces à l'appui. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 7 


PREMIÈRE PARTIE. 


DES CAUSES DE LA STÉRILITÉ DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 


I. Coup d'œil général sur la Campine. 


1. La Campine est une vaste plaine qui s’étend sur le territoire des 
provinces d'Anvers et de Limbourg, et où l’on trouve à peine quelques 
élévations, qui peuvent être envisagées comme les restes d'anciennes dunes. 
Cette contrée, naturellement stérile, a été formée par des alluvions ma- 
rines, à une époque que l’on croit antérieure aux temps historiques; 
et les géologues la considèrent comme appartenant à l'étage supérieur des 
terrains tertiaires de la Belgique . La quantité d’eau qui en couvre 
encore aujourd'hui le sol, et les brouillards épais qui s’élèvent des parties 
marécageuses, en rendent l'atmosphère très-humide. Cependant le climat 
y est moins froid que dans certains pays plus rapprochés de l'équateur. 
Les vents qui y dominent le plus sont ceux du Sud-Ouest, de l'Ouest et du 
Nord-Ouest. Les vents d’Est s’y font ordinairement sentir dans les mois de 
décembre et de janvier, et y amènent presque toujours la gelée. En géné- 
ral, la température y est sujette à de fréquentes et subites variations, à ce 
point que l’on éprouve souvent dans un même jour des alternatives de 
froid et de chaud très-sensibles. 


1 D'Omalius d'Halloy, Coup d'œil sur la géologie de la Belgique, p. 87. 


8 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


2. La couche superficielle des landes de la Campine est composée de 
sables de diverses couleurs (blanc, gris, brun, noirâtre, jaunâtre, et quel- 
quefois roussätre). L'analyse de ces sables a fait connaître qu'ils renfer- 
inent généralement une très-grande quantité de silice, mêlée à très-peu 
d'argile et à des matières soit ocreuses, soit charbonneuses. Ce terrain 
superficiel, fort mobile et d’une épaisseur variable, repose sur des couches 
de nature différente : dans quelques endroits, le sous-sol est une terre 
tourbeuse et marécageuse; dans d’autres localités, c’est un banc de tuf 
ferrugineux d’une grande dureté; ailleurs, c’est une couche de glaise ou 
d'argile compacte. Lorsque la couche sablonneuse superficielle est très- 
épaisse, les eaux pluviales passent à travers comme par un crible; et le ter- 
rain n'offre qu'une plaine aride sur laquelle il ne pousse pas un brin 
d'herbe. Lorsque , au contraire, le sol qui recouvre les couches de tourbe, 
de tuf ou d'argile, a peu de profondeur, le terrain n’en est pas plus fer- 
ile; car les eaux pluviales, après avoir traversé le sable, sont arrêtées par 
les couches imperméables, y restent en stagnation, refroidissent la terre 
et font pourrir les racines des végétaux : aussi n’y voit-on croître que de 
la bruyère; et si l'on rencontre çà et là quelques arbrisseaux, ils sont d’une 
végétation languissante, leurs racines ne pouvant pénétrer dans les cou- 
ches compactes du sous-sol. Enfin, assez souvent les eaux n'ayant point 
d'écoulement, forment des étangs ou des mares non moins insalubres que 
stériles. 

3. C’est pourtant de ce sol ingrat que l'habitant de la Campine parvient 
à tirer ses moyens de subsistance. Il y cultive des pommes de terre, des 
navets, des carottes, du genêt, de la spergule, de l’avoine, du seigle et du 
blé sarrasin. Une partie des récoltes est employée à la nourriture de bêtes à 
cornes que l’on tient généralement à l’étable, en les faisant promener un 
peu tous les jours sur la bruyère inculte, lorsque la saison le permet. Ce 
bétail, ordinairement très-petit, reçoit pour litière des gazons que l’on va 
couper dans la bruyère, et qu’on laisse un certain temps dans l’étable 
pour qu'ils soient mieux imprégnés de l'urine et des excréments des ani- 
maux. Ce fumier est ensuite transporté sur le terrain, dont il ranime la fé- 
condité pour la production de nouvelles récoltes. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 9 


4. Le pauvre cultivateur des bruyères de la Campine ne parvient donc 
qu’à force de patience et de travail à tirer du sein de la terre quelques 
médiocres produits. Ayant trop peu de ressources pour entreprendre d’a- 
méliorer la nature du sol, il est condamné à faire chaque année d’inces- 
sants efforts pour obtenir un faible résultat. Malgré la dureté de sa condi- 
tion, il faut cependant reconnaitre qu'il travaille avec intelligence, et que 
sa culture est quelquefois mieux soignée que celle de cantons plus pro- 
ductifs. L'essentiel pour lui est de recueillir beaucoup d'engrais; mais 
comment y parvenir, si ses facultés ne lui permettent d'acquérir qu’un 
bétail peu nombreux et de médiocre qualité? Il a beau prodiguer ses 
sueurs, la nature ne le seconde nullement, et sa position ne saurait s’a- 
méliorer. 


IL. Coup d'œil général sur l’Ardenne. 


>. L’Ardenne est une contrée montueuse et pittoresque, occupant la 
plus grande partie de la province de Luxembourg, et formant un plateau 
élevé de plus de cinq cents mètres au-dessus du niveau de la mer. Sa con- 
stitution géologique est beaucoup plus ancienne que celle de la Campine; 
elle se compose principalement de roches schisteuses et de roches quart- 
zeuses, dont la position respective est fort confuse, mais dont l’ensemble 
appartient au groupe inférieur des terrains hémilysiens ou de transition ?. 
L’élévation du sol, jointe à l'existence de beaucoup de fanges et de marais, 
rend ce pays extrêmement froid. L'évaporation y est d'autant plus active 
que l'air y est plus raréfié, et le déboisement d’une partie de la contrée, 
en diminuant les abris, a encore augmenté l’âpreté naturelle du climat. 
On y trouve, dans une position élevée, des plaines immenses qui, tou- 
jours battues par les vents du Nord et du Nord-Ouest, ne s'échauffent que 
difficilement ; et dans les parties où se trouvent des fanges marécageuses, 
il s’exhale des brouillards épais, qui, joints aux gelées tardives, sont très- 


nuisibles à la végétation. 


1 D'Omalius d'Halloy, Coup d'œil, ete., page 17. 
Tome XXI. 2 


10 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


6. Le sol de l’Ardenne, composé de détritus de roches quartzeuses et 
schisteuses, est ou sablonneux, ou argileux. Le terrain meuble y a une 
épaisseur variable de 10 à 80 centimètres; tantôt il repose sur des roches 
très-fissurées, qui livrent passage aux eaux pluviales et le rendent sec et 
stérile ; tantôt le sous-sol se compose de terres marécageuses et tourbeuses, 
qui retiennent les eaux et forment des mares, des étangs et des lacs; en 
général le sol est poreux, léger et facilement accessible à toutes les 
influences atmosphériques. 

7. Les landes de l'Ardenne servent de pacage aux races ovine et bovine. 
Ce pâturage, qui consiste principalement en bruyères, mêlées de mousses 
et de lichens, forme des gazons épais, couverts d’une herbe chétive et 
rare. Il peut offrir une assez bonne nourriture aux bêtes à laine; mais il 
ne peut suffire à l'alimentation des bêtes à cornes. Aussi y rencontre-t-on 
de nombreux troupeaux de moutons d’une belle venue, tandis que les 
vaches y sont maigres et de petite taille. 

8. C'est particulièrement dans l'élève du bétail que consiste l’industrie 
de l'habitant de l'Ardenne; c’est là sa principale et même son unique 
source de richesse; la culture des terres ne lui procure que des produits 
très-médiocres et hors de proportion avec les frais et les travaux qu'ils Jui 
coûtent. C’est pourquoi il ne s’y livre que d’une manière accessoire. Le 
système de pâturage ne lui permettant pas de recueillir les engrais néces- 
saires à la production des céréales, il y supplée par l’écobuage. Cette 
opération, qui consiste à enlever les gazons pour les brüler en tas et en 
répandre ensuite les cendres sur le terrain, produit une et quelquefois 
deux modiques récoltes; mais elle finit par épuiser le sol, que cet effort 
rend improductif pour vingt, trente ou même quarante ans. Le eultiva- 
teur ardennais ne s'inquiète guère du préjudice qui en résulte, car la 
bruyère est immense eu égard à la population, et elle peut suffire pendant 
très-longtemps aux besoins de l’écobuage. 

Telle est sommairement la situation des deux contrées sur lesquelles 
va se porter notre attention. Au tableau peu avantageux que nous en 
avons tracé, nous allons ajouter quelques détails sur les améliorations 
qu'on a déjà essayé d’y introduire. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 11 


EL. Des essais de défrichement tentés jusqu'à ce jour. 


9. Le défrichement de bruyères effectués jusqu'ici sur une certaine 
échelle n’ont été généralement que des opérations isolées, conçues par 
des particuliers plus ou moins aptes à les diriger, et plus ou moins dis- 
posés à faire les sacrifices nécessaires. Tantôt infructueuses, tantôt cou- 
ronnées de succès, ces entreprises ne prouvent que la diversité des moyens 
employés, et ne peuvent servir de base à l'assiette d’une opinion sur les 
avantages qu’on en doit espérer. Pour se faire une idée de la possibilité 
de fertiliser ces landes stériles, il faut aller chercher les exemples dans 
la petite culture, et examiner ce que l’industrie indigène, aidée de quel- 
ques ressources, est parvenue à obtenir dans certaines localités. 

10. Ainsi, dans la Campine, les habitants qui, avant de mettre la 
bruyère en culture, ont eu soin de la défoncer, de manière à enlever le 
tuf ferrugineux; ceux à qui leurs moyens permettaient de mélanger la 
couche d'argile avec le sable de la surface; ou bien ceux qui ont pratiqué 
des rigoles et des fossés pour faire écouler les eaux stagnantes, sont par- 
venus à récolter, sur les landes défrichées, du froment, de l'orge, du 
chanvre, du lin et d’autres produits, que l’on n'obtient ordinairement 
que sur des terrains de première classe. Dans cette même contrée, les 
potagers qui entourent les habitations et auxquels les soins et les engrais 
ne manquent pas, offrent toutes les espèces de légumes que l’on cultive 
dans le reste de la Belgique. Et cependant, c’est le même sol, la même 
position, le même climat que dans les landes étendues, arides et sans 
végétation!!! 

11. Dans les Ardennes, « voyez la culture autour des endroits habi- 
tés; elle s'étend autant que possible; un champ en plein rapport se trouve 
à côté de la bruyère, dont il n’est séparé que par un simple sillon. On 
rencontre le long des routes nombre d'habitations qui sont groupées çà 
et là comme autant de colonies en miniature. Autour d’elles, le sol le 
plus ingrat s’est changé en un jardin fertile, et bientôt un champ couvert 
de moissons a été ajouté au jardin. Tout cela s’est fait successivement, selon 


12 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


les besoins et les ressources, par un travail persévérant et par l’intelli- 
gence apportée à se procurer des engrais de toute nature !. » 

12. Et dans d’autres provinces, ne trouve-t-on point à chaque pas, 
des preuves de la possibilité de fertiliser les landes les plus stériles? Le 
sol de la Flandre n'est-il pas de la même nature que celui de la Cam- 
pine, et sa fertilité n'est-elle pas due aux amendements que les habitants 
y ont introduits ? 

Les communes du Brabant et du Hainaut possédaient autrefois une 
quantité de terrains vagues qui, vendus sous le régime de l'empire fran- 
çais, sont devenus d'excellentes propriétés. Ne voit-on pas tous les jours 
encore, dans le voisinage des villes populeuses, le sol le plus aride se 
convertir en champ productif? Certes , cela ne se fait point sans dépense; 
mais on en est bien dédommagé par le revenu qu'on en retire; et tel champ 
sablonneux situé à mille mètres d’une ville très-peuplée, se loue souvent 
plus cher que les bonnes terres à blé des contrées les plus fertiles. 

15. Ces exemples prouvent que toutes les fois que, dans le défriche- 
ment des bruyères, on procèdera d’une manière analogue à ce qui s’est 
déjà pratiqué sur les lieux mêmes pour mettre des terrains en culture, 
on sera certain de réussir; et l’entreprise sera d'autant plus avantageuse, 
que limitation de la culture locale sera secondée par la connaissance de 
procédés perfectionnés, et par l'emploi de ressources suffisantes. Mais si, 
au lieu de se laisser diriger par ces considérations toutes rationnelles, on 
veut agir systématiquement et à l'aventure; si l’on ne tient compte ni de 
la qualité du sol, ni de la nature du sous-sol, ni de l'influence du climat, 
ni de l’expérience locale; si l’on s’imagine qu’il suffise de remuer la terre 
des bruyères pour en obtenir des récoltes; si l’on veut inoculer à une 
contrée froide et humide un mode de culture excellent pour des climats 
mieux partagés : alors les essais ne donnent point de résultats satisfai- 
sants, et ceux qui les ont tentés rejettent sur la stérilité des bruyères 
ce qui n’est dû qu'à leur peu de discernement et à l'insuffisance des 
moyens employés. 


1 Rapport de la députation permanente du conseil provincial du Luxembourg, adressé à M. le 
Ministre de l'intérieur, le 26 juin 1844. Page 55. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 15 


14. Ce que nous venons de dire des défrichements essayés au point de 
vue de l’agriculture, s'applique également aux défrichements opérés pour 
des plantations ou des semis d’essences des bois. Dans la Campine comme 
dans les Ardennes, on rencontre des pépinières et des plantations faites 
avec intelligence et succès; tandis qu’on en voit d’autres, dont l'aspect 
triste et languissant dégoûterait quiconque aurait l'intention de se livrer 
à ce genre de culture. Que lon consulte ceux dont la négligence ou l'éco- 
nomie mal entendue ont produit ces chétifs résultats, ils soutiendront que 
les landes, même au point de vue de la création de forêts, ne sauraient 
être défrichées ni cultivées avec avantage. L'amour-propre, ce grand 
mobile des actions humaines, est l'unique fondement de ces assertions 
erronées, auxquelles nous croyons inutile de nous arrêter plus long- 
temps. 


14 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


SECONDE PARTIE. 


DIVISION ET CLASSEMENT DES BRUYÈRES. 


15. Nous croyons avoir suffisamment établi par les faits précités, la 
possibilité de mettre en culture la plus grande partie des landes et bruyères 
de la Campine et des Ardennes. Nous allons considérer maintenant quelle 
espèce de produits on peut avantageusement en retirer. 

Dans la question proposée, l'Académie royale demande quels sont les 
meilleurs moyens de fertiliser ces landes, sous le triple point de vue de 
la création de forêts, de prairies et de terres arables. 

Le même sol ne pouvant être indifféremment appliqué à ces trois sortes 
de créations, nous examinerons d’abord quels sont, d’après leur nature, 
leur exposition et d’autres circonstances, les terrains les plus convenables 
à chacune d'elles, en commençant par les prairies, qui réclament des con- 
ditions exceptionnelles, et en terminant par les forêts, pour lesquelles 
sufisent les sols qui ne conviennent à aucune des deux autres catégories. 


L._ Bruyères propres à former des prairies. 


16. Les prairies permanentes, vulgairement connues sous le nom 
de prairies naturelles, sont ordinairement établies dans des sols et des 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 15 


situations plus humides que les terres arables. On en distingue même de 
trois sortes, suivant la plus ou moins grande humidité du terrain : 

1° Les prairies marécageuses, lorsque l'humidité est excessive; 

2 Les prairies basses , lorsqu'elle est due aux inondations et aux infil- 
trations des cours d’eau ; 

3° Les prés secs, quand elle ne provient que des eaux pluviales artis- 
tement recueillies et amenées de terres voisines. 

17. D’après ces distinctions, on pourra convertir : 

1° En prairies marécageuses, les landes composées de terres argilo- 
sableuses, reposant sur un sous-sol imperméable, pourvu que l’on puisse 
faire écouler au besoin l’excès d'humidité; 

2% En prairies basses, les sols de toute nature, occupant le fond des 
vallées parcourues par des cours d’eau; et ceux qui existent le long de 
ruisseaux sur lesquels des barrages pourront élever le niveau de l’eau pour 
la faire refluer à volonté; 

3° En prés secs, les bruyères situées de manière à recevoir les eaux 
des collines et des terres environnantes et à conserver quelque temps 
cette humidité accidentelle. 

Il importe de tirer parti de ces diverses situations pour la formation du 
plus grand nombre possible de prairies naturelles; car les fourrages qu’on 
en retire sont la base de la nourriture des bestiaux, et, par conséquent, 
la source de la production des engrais, but auquel doivent tendre tous les 
efforts du cultivateur. 


IL. Bruyères propres à former des terres arables. 


18. La meilleure composition minéralogique ! du sol arable est un 
mélange de trois sortes de terres : la terre argileuse, la terre calcaire et 
le sable, Suivant que l’un ou l’autre de ces trois principes est dominant, 
le sol prend le nom d’argileux, de calcareux ou de siliceux. Il ya des 


1 A cette composition minéralogique d'un bon sol, il faut joindre, pour qu'il soit fertile, l'humus 
ou le terreau, produit de la décomposition de matières organiques, animales ou végétales. 


16 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


contrées qui offrent ces diverses variétés de sol; mais, dans la Campine 
et les Ardennes, on ne rencontre ordinairement que des terrains siliceux 
et argilo-sableux. Ces terrains, quand ils ne sont ni trop secs, ni trop hu- 
mides , peuvent convenir à la culture, pourvu qu'ils aient une couche 
meuble d’une épaisseur suflisante pour l'espèce de végétaux qu’on se pro- 
pose de leur confier. C’est au cultivateur à les traiter et à les amender 
d'une manière convenable, et nous en indiquerons les moyens ci-après. 
Nous nous bornerons à consigner ici quelques observations sur le choix 
des bruyères à convertir en terres arables. 

19. La culture des landes exigeant , surtout dans le principe, une plus 
grande quantité d'engrais que celle des bonnes terres, il importe de re- 
chercher toutes les situations où le sol a la faculté de conserver l’engrais 
qu’on lui confie. Les terrains très-perméables et ceux en pentes trop in- 
clinées perdront naturellement beaucoup de leurs principes fertilisants 
par l’action des eaux atmosphériques; et l’on devra choisir de préférence 
les champs à pentes douces et ceux dont la couche superficielle offre le 
plus de consistance, soit par l'épaisseur du gazon de bruyères qu’on y 
trouve, soit par un mélange suffisant d'argile et de sable. 

20. L'exposition du terrain n’est pas non plus une chose à négliger. 
Les céréales exigeant, pour arriver à une maturité parfaite, une quantité 
de calorique déterminée, il s’en suit que plus le climat est froid, plus il im- 
porte de rechercher les expositions à l'Est et au Midi. Ces considérations 
ne sont pas moins importantes pour les récoltes-racines. On aura donc 
soin de défricher de préférence, dans le but de la création de terres arables, 
les bruyères situées au Levant et au Sud et placées à une hauteur où le 
climat ne soit point un obstacle à la maturité des récoltes. 

21. La coloration du sol contribuant beaucoup à l'absorption de la 
chaleur lumineuse , et conséquemment à l’échauffement du terrain, on 
devra donner la préférence aux landes de couleur foncée. Cependant 
comme l’évaporation est en raison de la température , il faudra s'assurer 
si l'accroissement d’évaporation qui résulte de la coloration est en équilibre 
avec la quantité d’eau que la terre reçoit, afin de conserver constamment 


au sol le degré d'humidité nécessaire à la végétation. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 1 


1 


22. Enfin, ce qu'il importe surtout de prendre en considération, c’est 
l'existence des abris. Les courants d’air exerçant une influence majeure 
sur l’évaporation, il s’en suit que les terrains non abrités, quels qu'en 
soient d’ailleurs les avantages, sont desséchés et refroïdis par l’action des 
vents, et que, livrés sans défense à l’intempérie des saisons, ils ne peuvent 
produire que de chétives récoltes. Aïnsi le voisinage d’une montagne, 
d’une forêt, ou même d’une simple plantation au Nord ou à l'Ouest d’une 
propriété, en augmente de beaucoup la valeur. On sait, au reste, combien 
le déboisement d’une partie de l'Ardenne a augmenté l’aridité de cette con- 
trée, et nous verrons plus loin que c’est surtout par la création de nou- 
veaux abris que l’on peut tempérer la rigueur du climat et assurer la fer- 
ülisation des bruyères. 


IL. Bruyères à convertir en forêts. 


25. Après avoir fait choix des landes qui peuvent convenir à la forma- 
tion de prairies naturelles et à la création de terres arables, le reste peut 
servir en partie au semis et à la plantation de diverses essences de bois. 
Nous disons en partie, parce qu'il est des sols dont la dureté et le peu de 
profondeur se refusent absolument à toute espèce de culture, et que l’ac- 
tion du temps peut seule diviser et ameublir convenablement. 

Ainsi l’on réservera pour les semis et plantations : 

1° Les landes trop sèches et trop arides pour pouvoir être converties 
en terres arables ; 

2% Les sols caillouteux où la culture des céréales et des légumineuses 
éprouverait beaucoup d'obstacles ; 

3° Les terrains en pentes rapides que les éboulis dégarnissent sans 
cesse de leur couche meuble et superficielle ; 

% Le coteaux exposés au Nord et à Ouest, qui sont trop froids pour 
être cultivés avantageusement ; 

5° Les plateaux élevés où la rigueur du climat n’admet que des végé- 
taux d’une nature robuste. 


Tome XXI. 9 


18 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


24. Mais là ne doivent point se borner les semis et les plantations à 
effectuer dans les landes ; car, dans un défrichement bien organisé , les 
prairies et les terres arables doivent être entourées de haies, de clôtures 
et d’abris qui, tout en préservant les propriétés des incursions des ani- 
maux , les dérobent à l'influence des bises froides, rompent le cours des 
vents impétueux, et conservent l'humidité du sol ($ 22). 

25. Le classement des landes étant ainsi établi, nous pouvons nous 
occuper d’une manière générale des moyens à employer pour les convertir 
en forêts, en prairies ou en terres arables, chacun étant à même de déter- 
miner l'espèce de défrichement le plus convenable aux bruyères qu'il 
possède. Nous ne ferons donc pas de distinction entre la Campine et les 
Ardennes, sauf les cas particuliers où certains procédés seraient d’une 
application toute spéciale à l’une ou à l’autre contrée. 

Nous commencerons par la création de forêts, suivant l’ordre du pro- 
gramme. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 19 


TROISIÈME PARTIE. 


DU BOISEMENT DES LANDES ET DES BRUYÈRES. 


26. S'il importe que la création des bois et des forêts n’usurpe point 
les terrains susceptibles de culture, il n'importe pas moins d'apporter à 
cette opération la plus grande économie; car les produits s’en font long- 
temps attendre, et les capitaux employés, si minimes qu'ils soient, ac- 
quièrent par l'accumulation des intérêts une haute valeur à l’époque où 
ce genre d'exploitation est en plein rapport. Ces considérations doivent donc 
ayant tout guider le spéculateur qui entreprend des semis et des planta- 
tions , et qui, presque toujours certain de ne pas recueillir le fruit de son 
travail, n’a d'autre satisfaction que celle de seconder l’ouvrage de la 
nature. 

27. D’après cela , la transformation des landes en forêts est une œuvre 
de patience et d'économie, pour lexécution de laquelle il nous suffira 
d'indiquer les moyens les plus certains et les moins coûteux. 

On peut y procéder de deux manières : par le semis et par la planta- 
tion. Nous traiterons successivement de l’une et de l’autre. 


L Des semis en place et en pépinière. 


28. La formation d’un semis embrasse trois opérations : le choix des 


20 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


essences convenables au terrain et à la contrée, la préparation du sol, 
et l’ensemencement. 

29. Le choix des essences d'arbres qui croissent le mieux et le plus 
rapidement dans les landes de la Campine et des Ardennes n’est plus un 
problème aujourd’hui. L'expérience a fait connaître, et déjà de belles 
forêts sont là pour l’attester, que les essences résineuses réussissent très- 
bien dans nos bruyères, et qu'il faut préférablement y cultiver le sapin 
de Norwége (Abies picea), le pin sauvage (Pinus sylvestris) et le mélèze 
(Larix europea). Non que l’on ne trouve aussi dans ces contrées de belles 
futaies de chênes, de hêtres, de frènes, d’aunes et de bouleaux, ainsi 
que des plantations très-prospères d’ormes, de tilleuls, d’érables, de sor- 
biers et de peupliers; mais ces essences répondent moins que les arbres 
verts à l’objet que nous nous proposons et dans lequel nous devons nous 
renfermer. Au reste, rien n'empêche de mêler aux semis des essences ré- 
sineuses, des graines d’autres essences acclimatées ; et l’on devra préférer, 
dans ce cas, le chêne et le bouleau, comme on le pratique en beaucoup 
d’endroits où la profondeur du sol le permet. 

50. Les essences étant choisies, il faut s’occuper de la préparation du 
terrain auquel la semence doit être confiée. La première opération est 
d’entourer d’un fossé creusé à la bêche, toute la bruyère que l'on veut 
ensemencer. Les terres que l’on retire de ce fossé sont déposées sur le 
bord intérieur, afin d'augmenter l'obstacle à l’incursion des animaux; et 
l'on sème sur ces espèces de bancs, deux lignes de graines de genêts (Ge- 
nista scoparia), lesquelles, distancées de 60 centimètres, forment en peu 
d'années d’assez bonnes défenses. En même temps que l’on organise cette 
clôture, on procède à la préparation du terrain, au moyen de la charrue, 
si le sol est meuble et peu incliné, ou bien à l’aide de la pioche et de la 
houe, s’il est pierreux et escarpé. Au reste, tous les moyens sont bons, 
pourvu qu'ils soient peu coûteux; et quand le terrain peut être essarté, la 
meilleure préparation est d’y cultiver du seigle l'année qui précède l'ense- 
mencement. Les frais du semis sont alors amplement couverts par le pro- 
duit de la récolte des céréales. 

51. Une méthode fort simple et peu dispendieuse consiste à pratiquer 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 21 


sur toute l'étendue du terrain, de petits sillons éloignés d’un mètre envi- 
ron les uns des autres. On y dépose la semence que l’on recouvre à peine 
d’une légère couche de terre. Ces sillons doivent être tracés perpendicu- 
lairement à la pente du terrain, pour éviter que les graines et les jeunes 
plants ne soient entraînés par les eaux. 

52. Enfin, l’on a aussi obtenu beaucoup de succès de semis sur plates- 
bandes. Cette opération consiste à lever une bande de gazons avec la 
bruyère, sur une largeur d'environ un mètre, à la retourner sur une bande 
de même largeur à côté, et à semer ensuite sur la bande dégazonnée. En 
peu d'années, les plants poussent leurs racines vers les bandes recouver- 
tes, et y trouvent une terre meuble et même un terreau; six ans après, les 
intervalles ne paraissent plus 1. 

55. Les précautions à prendre pour opérer l'ensemencement, consis- 
tent à semer la graine quand la terre est fraiche et nouvellement remuée, 
et à la laisser presque à nu sur le sol. L'humidité étant une des conditions 
indispensables à la réussite d’un semis, on prépare aux jeunes plants un 
abri, en mêlant à la semence une certaine quantité de graines de genèts, 
ou même une demi-semence d'avoine, dont on a soin de ne couper le 
chaume qu’au tiers ou à la moitié de sa hauteur. 

54. Tels sont les moyens les plus simples et les plus économiques 
d'opérer des semis en place. Ils réussissent assez généralement bien lors- 
que le sol est consistant et que la gelée du premier hiver ne déracine 
pas les jeunes plants; mais quand on ne veut consacrer à la formation 
de forêts que des terrains dont on ne peut tirer d'autre parti, il est pré- 
férable de recourir à la plantation et d'élever d’abord les essences en 
pépinière. Cette méthode est à la vérité un peu plus coûteuse, mais on 
conçoit qu'elle a plus de chances de succès, puisqu'elle permet de mieux 
soigner le développement et la conservation des jeunes plants. 

55. D'abord, la pépinière ne réclamant point un terrain fort étendu, 
pourra être établie sur un sol d’une certaine fertilité, ayant au moins 


50 centimètres de profondeur. On choisira de préférence une exposition 


1 Rapport de la Députation permanente du Luxembourg, déjà cité, page 289. 


22 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


au Nord, abritée des vents violents et arides, et où l’on puisse facilement 
pratiquer des irrigations et des écoulements. Le terrain, débarrassé des 
pierres et des racines qui pourraient nuire au développement des graines, 
sera partagé en plates-bandes d’un mètre et demi à deux mètres de lar- 
geur, et séparées par des sentiers de 60 centimètres. Si le sol est naturel- 
lement humide, on bombera légèrement les plates-bandes; si, au contraire, 
il est naturellement sec, on les creusera un peu au-dessous du niveau des 
sentiers. Ces dispositions étant prises, on tracera de petits rayons à 50 
centimètres les uns des autres, et l'on y sèmera les graines à la main, à 
des distances proportionnées à la bonté de la semence et au développe- 
ment qu'on se propose de laisser prendre au plant dans la pépinière. On 
recouvrira légèrement de mousse, et l’on n’aura plus qu’à donner de 
temps en temps un léger labour pour faire périr les mauvaises herbes. Au 
bout d’un an, les plants auront pris assez de développement pour être 
mis en place, et l’on procèdera au repiquage, comme nous l’indiquons 
ci-après. 

36. L'expérience a démontré que le repiquage convient beaucoup aux 
mélèzes, et qu'il peut s'appliquer avec succès aux pins sauvages et aux 
sapins de Norwége, pourvu que le plant ne soit àgé que d’un an ou tout au 
plus de deux; la faculté de reprise de ces deux essences étant d'autant 
plus grande que le plant est plus jeune. 

57. La même pépinière servira aux semis d’aunes, de sorbiers, de 
merisiers et d’autres essences dont on formera des abris et des bordures 
pour les champs cultivés. Enfin elle offrira, dans sa partie la plus hu- 
mide, quelques planches consacrées à la multiplication, au moyen de 
boutures, des essences de sureaux, de saules et de peupliers, dont on en- 
tourera les prairies. 

Cette pépinière, comme on le voit, est un véritable trésor pour l’agri- 
culteur comme pour le forestier; car avec une étendue de 50 ares seule- 
ment, elle peut fournir à la plantation de plus de cent hectares en bois 
résineux et aux clôtures d’une égale étendue en terres cultivées. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 25 


IL. Des plantations. 


58. Au point de vue de la culture des essences forestières, qui doivent 
avoir la préférence dans la Campine et les Ardennes , nous n’avons point 
à traiter ici de la plantation de rejetons arrachés dans les bois, lesquels 
valent en général beaucoup moins qu'ils ne coûtent; et nous ne devons 
nous occuper que de la mise en place des produits de la pépinière. Cette 
opération peut avoir pour objet le repiquage des semis d’un ou de deux 
ans et la plantation de jeunes arbres de cinq à six ans. 

99. Le repiquage des arbres verts se fait en lignes dans les terres la- 
bourées, ou en potets dans les terrains en friche. 

Par la première méthode, on laboure ou l’on défriche à la houe des 
planches d’un demi-mètre de largeur, ayant entre elles un mètre d’inter- 
valle, de manière que les plantations se trouvent à un mètre et demi de dis- 
tance. Puis, au milieu des plates-bandes ainsi formées, on repique à la 
cheville les jeunes plants, que l’on place en quinconce à un mètre et 
demi les uns des autres. On pourrait rapprocher les plants et les espacer 
à un mètre, sauf à éclaircir plus tard la plantation; mais l'expérience a 
prouvé que le produit de l’éclaircie ne compense point les frais de cette 
double opération. Cependant il serait prudent de rapprocher les distances, 
si la nature du sol ou d’autres circonstances laissaient quelque incertitude 
sur la reprise complète du jeune plant. 

40. Au lieu de repiquer à la cheville, on peut, lorsque l’on défriche 
à la houe, placer le plant dans la tranchée à mesure que l’on avance, le 
recouvrir avec la terre que l’on déplace ensuite, et l’affermir avec le pied. 
Pareillement, dans le labour à la charrue, on peut placer les plants dans 
les sillons, et les recouvrir avec la terre du sillon suivant. Mais il est à 
craindre que beaucoup de plants ne soient qu'imparfaitement recouverts 
et enterrés, et que l’économie de la main-d'œuvre ne compromette grave- 
ment la réussite des plantations. 

41. La méthode de planter en potets consiste à placer les jeunes plants 
dans des trous de 20 centimètres carrés sur 25 de profondeur. Pour cela, 
il ne faut point labourer préalablement le terrain; mais six mois environ 


2% DE LA FERTILISATION DES LANDES 


avant la plantation, on fait ces trous à un mètre et demi de distance, en 
déposant à côté la terre qu’on en extrait. Puis, au moment de faire la plan- 
tation, on remplit les trous en mettant au fond la terre qui était à la sur- 
face; et après l'avoir légèrement humectée, on y plante à la cheville. Trois 
hommes suffisent à cette opération : lun donne le coup de plantoir; le 
second , portant les plants, en place un dans chaque trou; et le troisième 
donne un coup de cheville pour resserrer le plant dans le trou en même 
temps qu'il pose le pied de l’autre côté pour affermir le sujet de toutes 
parts. Une plantation ainsi faite ne demande d'autre soin que celui de rem- 
placer, pendant les deux ou trois premières années, les plants qui ont 
péri; et l'expérience a prouvé que des pins plantés d’après cette méthode 
acquéraient au bout de vingt ans, une hauteur de dix à douze mètres. 
42. Les plantations d'arbres plus forts se font d’une manière analogue, 
mais en donnant aux trous de plus grandes dimensions. En creusant les 
fosses, on a soin de mettre à part la terre végétale de la surface; et quel- 
ques mois après , on remplit ces trous à moitié, puis on place le sujet; on 
en recouvre la racine avec la terre végétale que l’on trouve à l’entour, et 
l’on comble la fosse avec le reste de la terre, qui forme un petit monti- 
cule. Cette méthode peut convenir surtout aux essences d'arbres non rési- 
neux qu’on laisse ordinairement croître plusieurs années dans la pépinière 
avant de les transplanter. Mais, pour assurer la réussite de ces plantations, 
qui souffrent beaucoup quand elles ne sont pas suffisamment abritées , il 
convient de ne les faire que par intercalation, dans des plantations d'ar- 
bres résineux qui ont déjà pris un certain développement. Ainsi, l’on 
pourra, dans ce but, former d’abord une plantation de pins ou de mélèzes 
en lignes espacées d’un mètre, laissant vacante une ligne sur trois pour la 
plantation ultérieure d'arbres à feuilles caduques; et quand les arbres 
verts auront acquis un mètre de hauteur, on plantera dans les intervalles 
des sujets de taille inférieure, qui seront alors abrités contre le vent, le 
froid et la sécheresse. On peut cultiver de la sorte, le chêne, le hêtre, le 
frêne et le bouleau, qui offriront, après la coupe des arbres verts, une fort 
belle futaie qu’on n'aurait point obtenue par une plantation directe. Cette 
méthode est très-usitée en Angleterre, où l’on en tire de grands avantages. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 25 


45. Nous terminerons cet article par quelques considérations relatives 
aux contrées dont nous nous proposons le boisement. 

Nous avons vu que les terrains sablonneux de la Campine reposent 
assez souvent sur un sous-sol imperméable dont nous avons signalé les 
inconvénients ($ 2). Si, au moyen du fossé de circuit, creusé autour du 
terrain à boiser, les eaux ne s’écoulent point suffisamment, il faut néces- 
sairement enlever, à une certaine profondeur, la couche de tuf ou d'argile 
dans les fosses que l’on creusera pour faire les plantations, afin que les 
racines de l'arbre ne pourrissent point dans l’eau stagnante, et que son 
pivot s'enfonce plus avant. Cette observation peut s'appliquer aux ter- 
rains rocailleux de l’Ardenne. Si le sol n’a pas la profondeur nécessaire 
pour donner à l'arbre tout le développement dont il est susceptible, ce 
que l’on reconnaîtra au moyen de la sonde, il faut, en creusant les fosses, 
le défoncer à cinquante ou soixante centimètres. Sans cette précaution, 
on n’obtiendra que des arbres chétifs et rabougris; et mieux vaut alors ne 
pas en planter. 

44. Dans les montagnes du Luxembourg, où les côtes en pentes ra- 
pides s’opposent à l'emploi des semis, il faut recourir aux plantations en 
potets, et les établir en gradins parallèles, sur des tranchées que l’on forme 
en creusant les trous; et si le climat trop rigoureux s'oppose à la reprise 
des jeunes plants, il faut d’abord planter des abris en mélèzes de cinq ou 
six ans, et repiquer ensuite, dans les lignes intermédiaires, des pins sau- 
vages ou des sapins de Riga, si l'exposition est au Nord; des hèêtres ou des 
bouleaux, si elle est au Levant; des chênes ou des érables, si elle est au 
Sud; enfin des sapins, des hêtres ou des chênes, si elle est au Couchant. 

Nous donnons , aux annexes, sous la lettre A, un aperçu des travaux, 
des dépenses et des produits d’une plantation d'arbres résineux sur un hec- 
tare de bruyères. 


III. Des abris et des clôtures. 


45. Quiconque a parcouru la Campine et les Ardennes n’a point été 
sans remarquer que les parties les moins stériles de ces contrées sont en 


Tome XXI. L 


26 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


même temps les plus boisées, et que les abris que forment les forêts in- 
fluent beaucoup sur la fertilité du sol. En général, il est reconnu qu'il 
existe une différence de température très-sensible entre des terrains clos et 
ceux qui ne le sont pas; et l’agriculteur sait par expérience que la même 
quantité d'engrais fait obtenir un meilleur résultat dans une pièce abritée 
que dans une plaine ouverte. Les abris sont donc un moyen efficace de 
remédier à la rigueur du climat dans les régions froides; nous avons déjà 
vu ($$ 22 et 24) le rôle important qu’ils jouent dans le défrichement et la 
fertilisation des bruyères qui nous occupent. 

Aussi croyons-nous devoir, à l’occasion du boisement des landes, dire 
un mot de la formation des abris pour les terres à mettre en culture. 

46. Si le sol à défricher n’est pas déjà garanti contre l’action des vents 
rigoureux, on établira, au Nord et à l'Ouest, des massifs d'arbres assez 
épais. A cet effet, des lisières de 80 à 100 mètres de largeur pourront suf- 
fire; et comme les arbres verts offrent un abri permanent, c'est avec les 
essences résineuses que l’on en formera les plantations ou les semis. Après 
la création de ces abris , qu’il faut reproduire à des distances plus ou moins 
rapprochées, suivant la rigueur du climat et l'exposition du terrain, il 
conviendra d'entourer les champs et les prairies de clôtures et de haies. 
Un agronome allemand ! recommande, dans ce but, de partager le terrain 
en un certain nombre d’enclos dont les angles soient arrondis, d’entourer 
chaque pièce d’une lisière d’arbres très-serrés, et de laisser entre ces 
pièces des bandes de trente mètres de largeur, qu'on peut destiner au 
pàturage du bétail et même cultiver au besoin. 

4T. La pépinière qui nous à déjà procuré tant de ressources pour la 
création des forêts, nous sera encore d’une grande utilité pour la planta- 
tion des clôtures et des haies. Car on y aura fait des boutures de sureau, 
de saule, de peuplier, ou des semis d’aunelles, de bouleau, de sor- 
bier, etc. ($ 37). 

Le sureau, qui supporte la transplantation lors même que les plants 
sont très-forts , a l'avantage de croître beaucoup plus vite qu'aucune autre 


1 Nebbien, Einrichtungskunst der Landgüter. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 27 


essence employée pour clôture. Si son bois est de peu de valeur, ses fleurs 
et ses fruits donnent un certain produit. 

Le saule et l’aunelle, qui se plaisent dans les terrains bas et humides, 
pourront servir de clôtures aux prairies. 

Enfin le genêt épineux, dont nous avons déjà parlé comme moyen de 
clôture pour les semis d’arbres verts, sera aussi employé avantageusement 
pour enclore les terrains les plus froids et les plus stériles. 

48. On pourra introduire dans ces haies quelques arbres à tige, tels 
que le peuplier et le bouleau dans les terrains humides, le sorbier et le 
merisier dans les terrains plus secs. Il faut avoir soin de les espacer de 
10 à 15 mètres, pour que leur ombrage ne nuise point aux récoltes. 

49. Dans les terres légères, les haies de clôture seront plantées sur la 
limite même de chaque subdivision; mais dans les terrains humides et 
marécageux, les haies seront établies le long des tranchées servant à faci- 
liter l'écoulement des eaux. 

50. Une exploitation ainsi parquée et clôturée n’aura pas seulement 
l’avantage d’être abritée contre les influences météoriques, elle offrira, en 
outre, l'aspect le plus agréable, et sera très-productive en bois de chauf- 
fage, échalas, perches, pieux, cercles, etc. Enfin, les arbres de haute 
tige, formant autant de paragrèles, préserveront les moissons des ravages 
du fléau le plus funeste à l’agriculture, et, servant de véhicules à lhumi- 
dité de l'atmosphère, ils augmenteront les eaux des sources, en réduisant 
le nombre et l’impétuosité des torrents qui bouleversent le sol et le dé- 
pouillent de ses principes fertilisants. 

51. On nous objectera peut-être que ce système de plantations occu- 
pera beaucoup de terrain, et restreindra d'autant les parties cultivables. 
Mais la bruyère manque-t-elle donc dans la Campine et les Ardennes? 
Une pareille objection ne peut être sérieuse, quand il s’agit de landes ac- 
tuellement incultes et, pour ainsi dire, sans valeur. Car, en supposant que 
le cinquième ou même le quart d’une propriété fût occupé par des abris 
et des clôtures, la plus-value qui en résulte pour le reste, compense de 
beaucoup ce sacrifice fait à l'amélioration du climat et du sol. Au reste, 
la culture forestière, qui n’est pas très-coûteuse et qui donne à la longue 


28 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


de beaux bénéfices, améliore en même temps le fonds qu’on y consacre. 
L'expérience prouve qu’en moins de vingt ans, il se forme sur un sol 
planté de pins une couche de quinze à vingt centimètres de bonne terre 
végétale, produit de la chute et de la décomposition des feuilles; et l'his- 
toire nous apprend que les terrains créés sous l'abri et par les débris des 
forêts, ont toujours été recherchés comme les plus fertiles du globe. S'il 
était donc possible que la moitié de nos terrains vagues fût immédiate- 
ment convertie en forêts, il y aurait lieu de s’en réjouir : nos descendants 
y trouveraient des avantages que ne nous ont point laissés nos devanciers, 
et la génération actuelle en profiterait par l’heureuse influence que le boi- 
sement exerce sur une contrée. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 2» 


QUATRIÈME PARTIE. 


DE LA CONVERSION DES BRUYÈRES EN PRAIRIES. 


52. Les landes les plus propres à être converties en prairies sont, 
comme nous l'avons vu ($S 16), celles qui se trouvent dans une situation 
basse, où les eaux provenant des ruisseaux, des infiltrations ou des pluies , 
peuvent être recueillies ou évacuées de manière à entretenir une humi- 
dité constante sans être excessive. Le premier soin, avant de s'occuper de 
la culture spéciale de ces landes, doit donc être d'effectuer les travaux 
nécessaires pour procurer au sol les qualités convenables. D’après cela, 
nous diviserons les opérations relatives à la création des prairies , en trois 
espèces : le desséchement, l'irrigation et le gazonnement. 


I. Travaux de desséchement. 


53. L'eau, cet élément indispensable à la végétation, est quelquefois, 
par surabondance, un obstacle à la culture d’un terrain; mais la possibi- 
lité d'en faire écouler l’excédant met les sols naturellement humides et 
marécageux dans les conditions les plus avantageuses à la formation des 
prairies. L'essentiel est donc de bien concevoir et exécuter les travaux de 
desséchement. 


30 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


54. On peut réduire à trois les causes qui rendent un sol humide et 
maréCageux !: 

1° L'existence d’un sous-sol imperméable (à une faible profondeur), 
qui s'oppose à l’infiltration des eaux pluviales ; 

2° La présence de sources, provenant de réservoirs souterrains d’eau 
comprimée ; 

5 La situation du sol au-dessous du niveau des cours d’eau environ- 
nants. 

55. Dans le premier cas, il faut d’abord sonder le terrain pour con- 
naître la profondeur du sol et la nature du sous-sol; puis faire un nivelle- 
ment pour déterminer les pentes de l’un et de l’autre. On entoure ensuite 
toute l'étendue à convertir en prairie d’un fossé assez profond pour recueil- 
lir les eaux du sol perméable, et l'on creuse parallèlement, dans l’intérieur 
du terrain, des rigoles distancées de cent mètres environ, de manière à 
diviser l’espace en parcelles d’un hectare. Ces rigoles s’entre-croisent et 
viennent aboutir au fossé du pourtour, où elles déversent leurs eaux qui, 
de là, sont dirigées, suivant la déclivité du terrain, vers le courant le plus 
voisin ou le plus propre à l'écoulement. 

56. Les terres provenant de ces travaux sont transportées sur les par- 
ties basses, et servent à égaliser le terrain. Si, dans ce déblai, on ren- 
contre de l'argile, il faut en former des tas sur le bord des carrés, en y 
mêlant, couche par couche, une certaine quantité de chaux vive. On laisse 
ces tas exposés pendant quelques mois aux influences de l'atmosphère, en 
les remaniant de temps en temps pour mêler intimement les substances ; 
et l’on se ménage ainsi une marne artificielle que l’on étendra plus tard 
sur le terrain. A défaut d'argile, on traite de la même manière les gazons 
de bruyère que l’on détache des endroits où les rigoles et les fossés sont 
établis, et l’on en forme un compost qui servira d’amendement et d’en- 
grais. Enfin, l'hiver étant venu, on plante, le long des fossés et des ri- 
goles, les clôtures et les haies, comme nous l’avons indiqué précédemment 
(S 47). Il est bien entendu que, pour la facilité des communications, on 
doit établir, sur les rigoles, des ponceaux à l’aide de pieux et de gazons. 

97. Dans le second cas, celui où les sources et les réservoirs d’eau 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 51 


comprimée n’ont pas d'écoulement, par suite de la disposition du sous-sol 
imperméable en forme de cuve ou de bassin, on sondera également le ter- 
rain pour reconnaitre les endroits où se trouvent les nappes d’eau les plus 
puissantes, et là on pratiquera, à travers le sous-sol, des forages, des 
puisards ou des puits-perdus, jusqu'à ce que l’on parvienne à une couche 
dont la perméabilité donne issue aux eaux surabondantes. Dans un sol 
de cette nature, les rigoles doivent être dirigées vers les points où sont 
pratiqués les forages, et les clôtures se font comme dans le cas précé- 
dent. 

58. Enfin, lorsque l'humidité du sol provient de sa situation au-des- 
sous des terrains et des cours d’eau environnants, on opère le desséche- 
ment au moyen de plantations. On commence par creuser des fossés qui 
partagent le marais en bandes de dix à douze mètres; les terres qui en 
proviennent, servent à exhausser et à consolider le sol, en même temps 
que les rigoles serviront de réservoirs aux eaux stagnantes. On plantera 
ensuite, sur les bords, des saules, des osiers, des aunelles et des peu- 
pliers, pour soutenir les terres vaseuses; et, en même temps, on sèmera 
sur le sol exhaussé, des plantes qui se plaisent dans les terrains aqua- 
tiques, telles que des laïches, des fétuques, des renoncules, des bu- 
tomes et autres plantes ombellifères. Au bout de quelques années, le sol 
se trouvera desséché par l'effet de la croissance rapide des plantations, et 
les bandes pourront être converties en d'excellentes prairies. L’absorption 
de l'humidité par certains végétaux est telle qu'un saule de dix ans, par 
exemple, peut absorber près de trois kilogrammes d’eau en vingt-quatre 
heures. 

59. Si l'on ne parvient pas à opérer le desséchement au moyen de 
rigoles, de puisards ou de plantations, il faudra recourir à l'emploi de 
machines d’épuisement; mais il est fort à craindre que les frais n’excè- 
dent de beaucoup les avantages qu’on en retirera. 

60. Hors ce dernier cas, on pourra presque toujours parvenir à des- 
sécher suffisamment les landes pour les convertir en prairies; et à l'avan- 
tage d’avoir rendu à la culture des fanges stériles, se joindra celui d’avoir 
assaini la contrée, en supprimant ces foyers d'exhalaisons insalubres et 


32 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


de brouillards épais, non moins préjudiciables à la santé de l’homme 
qu’à la végétation des plantes. 


Il. Travaux d'irrigation. 


61. Les landes non marécageuses que l’on voudrait convertir en prai- 
ries, ne donneront que de faibles produits, si on ne leur procure lhu- 
midité nécessaire, au moyen d’irrigations, soit naturelles, soit artificielles. 
Il s’agit donc d'établir préalablement ces moyens. 

62. On entend par irrigations naturelles, celles qui ne demandent d’au- 
tres soins que de creuser quelques rigoles pour distribuer, dans l’intérieur 
d’une prairie, l’eau d’un ruisseau, d’une rivière, ou d’un étang situé dans 
le voisinage. En pareil cas, il suffit de faire une prise d’eau à ce réservoir 
naturel, de la mettre en communication avec les rigoles quand l'herbe a 
besoin d'humidité, et de supprimer cette communication lorsque la prairie 
a été suffisamment arrosée. Car les moyens d'irrigation ne sont profitables 
que lorsqu'on est le maître de les employer ou de les supprimer à volonté. 
Il est reconnu qu’une irrigation bien ménagée convertit le sol le plus 
aride en une excellente prairie, tandis qu’un excès d'humidité est sou- 
vent plus nuisible qu'utile à certains sols. Ainsi l'irrigation ne peut être 
avantageuse que dans les terrains perméables, parfaitement égalisés pour 
que toutes les parties en profitent également, et offrant une légère incli- 
naison pour que l’eau n’y reste point en stagnation. 

65. Si l’eau des arrosements ne vient point naturellement se déverser 
dans les rigoles que l’on a pratiquées, il faut alors effectuer quelques 
travaux, et l'irrigation devient artificielle. 

Les irrigations artificielles se font ordinairement au moyen de barrages 
et de réservoirs. 

64. Quand le niveau du cours d’eau dont on peut disposer, est plus 
bas que le terrain à arroser, on construit un barrage et des digues qui 
maintiennent ce niveau à la hauteur de l'endroit où doit se faire la prise 
d’eau; et l’on a soin d'établir celle-ci dans une position où l’on puisse faire 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 33 


arriver l’eau sur toutes les parties de la prairie. Pour cela, il convient 
de faire un nivellement avant de déterminer l'emplacement du barrage et 
celui de la prise d’eau. 

65. Quelquefois le ruisseau servant aux irrigations est si peu abondant, 
que l’arrosement ne produit pas d'effet sensible. Alors on établit vers la 
partie la plus élevée, un réservoir dans lequel l’eau s’accumule; et on en 
règle la distribution de manière à la faire servir à l'irrigation successive 
de plusieurs terrains situés à la suite les uns des autres. A défaut de cours 
d'eau, on emploie le même moyen pour recueillir les eaux pluviales et 
s'en servir au besoin. Mais en organisant les réservoirs, il importe de se 
prémunir contre les torrents, les fontes de neige et les inondations esti- 
vales, qui sont toujours préjudiciables aux prairies. 

66. Toutes les eaux ne convenant point aux irrigations, il faut avoir 
soi d’en étudier auparavant les qualités. En général, les eaux provenant 
des forêts ou sortant des marais tourbeux sont réputées mauvaises, à cause 
des principes astringents et acides qu’elles contiennent. Au contraire, les 
eaux qui auront traversé un sol calcareux ou qui découleront d’une terre 
en culture, devront être recueillies avec soin, parce qu’elles sont saturées 
de principes fertilisants, dont il importe de profiter. Enfin, l'on peut consi- 
dérer comme excellentes les eaux qui coulent dans des ruisseaux dont 
les bords sont garnis d’une herbe verdoyante. Mais avant d'opérer les 
travaux nécessaires à l’utilisation de ces eaux, il faut en calculer les dé- 
penses aussi bien que les effets : car s'ils sont coûteux et difliciles, il vaut 
mieux renoncer à la création de prairies naturelles, et réserver le sol 
pour la culture, qui permet de suppléer avantageusement à celles-ci par 


les prairies artificielles. 


UT. Travaux de gazonnement. 


67. Les terrains étant convenablement préparés au moyen des opéra- 
tions précédentes, c’est alors que commencent les travaux véritablement 
agricoles. 


Towe XXI. 5 


34 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


Ayant fait labourer le sol, soit à la bèche, soit à la charrue, on y sème 
des vesces, du blé sarrasin ou de la spergule; et avant que la récolte n’en 
soit parvenue à maturité, on l’enfouit par un nouveau labour. Ensuite 
on répand sur le terrain la marne artificielle ou le compost que l’on a pré- 
paré, et l'on y sème du seigle. 

Au mois d'avril suivant, on enfouit aussi le seigle au moment de sa 
floraison, et l’on sème de l’avoine, du trèfle et des graines de foin. La terre 
ainsi cultivée et fertilisée par les engrais verts, donnera la même année 
une récolte d'avoine, l’année suivante, deux coupes de trèfles, et les au- 
tres années des récoltes successives d’herbages abondants, dont on entre- 
tiendra la fécondité au moyen des engrais liquides que produiront les 
bestiaux auxquels ces récoltes auront fourni la nourriture. 

68. Si l’on est à portée de se procurer des engrais à bas prix, on peut 
commencer immédiatement le semis d'avoine, de trèfle et de foin, sans 
recourir à l’enfouissement des récoltes en vert; mais comme les engrais 
sont toujours rares dans les landes de la Campine et des Ardennes, on ne 
peut se servir de ce moyen, à moins que l’on n’ait à sa disposition une 
exploitation déjà en rapport et pourvue d’un bétail assez nombreux pour 
organiser une culture envahissante, Car ce serait une mauvaise spéculation 
que de vouloir opérer la fertilisation de nouvelles bruyères avec les engrais 
que produit une ferme dont le bétail ne suffit qu’à l'entretien des terres 
déjà défrichées; on s’exposerait à voir se vérifier à ses dépens, l’exacti- 
tude du proverbe : qu’un hectare bien cultivé rapporte plus que dix hec- 
tares mal entretenus. Lors donc qu’on voudra créer des prairies sur des 
landes incultes et sans le secours d'aucune exploitation préalable, on aura 
recours à l'emploi des engrais verts. Ce mode de fertilisation suffit, dans 
le principe, pour procurer les fourrages nécessaires à la nourriture d’une 
certaine quantité de bétail, dont le fumier sert ensuite à fertiliser une 
nouvelle étendue de terrain. | 

69. Un autre moyen encore de créer de bonnes prairies à peu de frais, 
c'est de faire d’abord des semis de genêts, qui s’accommodent des sols les 
plus stériles, et dont l’enfouissement améliore sensiblement le terrain. 
Cette propriété du genêt est d’ailleurs suffisamment connue dans la Cam- 
pine et dans les Ardennes. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 33 


70. Quant au choix des graminées dont on ensemencera les prairies, 
on se règlera sur les espèces déjà acclimatées, et que l’on trouve d’une belle 
végétation dans la contrée. L'expérience a démontré que c’est moins à la 
nature du sol qu’à la température, à l'humidité et à l'exposition, qu'il faut 
attribuer la croissance des végétaux. Si l’on veut donc essayer des semis 
d'espèces nouvelles, on s’attachera de préférence à celles qui croissent 
dans des climats et des situations identiques, par exemple, aux plantes 
alpestres pour les prairies des Ardennes, et aux plantes fourragères de la 
Hollande et des parties basses de l'Angleterre pour les prairies de la Cam- 
pine. Mais il vaut mieux se borner d’abord aux semis de graminées du 
pays, dont nous croyons inutile de faire ici lénumération. 

Nous joignons aux annexes, sous la lettre B, une évaluation des dépenses 
et des produits d’un hectare de bruyères converti en prairie. 


36 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


CINQUIÈME PARTIE. 


DE LA CRÉATION DES TERRES ARABLES. 


71. Les opérations relatives à la conversion des landes en terres ara- 
bles, peuvent avoir trois objets distincts : le défrichement du terrain, sa 
fertilisation et sa culture. 


I. Défrichement du sol. 


72. Ayant réservé les sols humides et marécageux pour la formation 
de prairies naturelles, nous n'avons à nous occuper ici que des sols secs 
et légers, ayant une certaine profondeur, et qui sont généralement pro- 
pres à la culture des céréales. Mais avant d'entreprendre ces cultures, il 
faut donner au terrain la préparation et la fertilité convenables. 

Le premier soin doit être de débarrasser le sol de tous les obstacles qui 
se trouvent à sa surface. Ces obstacles peuvent être des pierres ou des ra- 
cines. 

Si le terrain est pierreux ou rocailleux, on enlèvera tous les cailloux 
dont le volume peut entraver les labeurs, et on les transportera dans un 
endroit où ils puissent servir soit à faire une construction, soit à élever 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 37 


une clôture. Si le transport en est trop coûteux, ou qu'on ne puisse les 
utiliser, on les brisera en fragments assez petits pour qu’ils n’embarras- 
sent plus la charrue, ou bien on les enterrera dans les fonds à remblayer, 
en ayant soin de les enfouir assez profondément pour que la charrue 
ne puisse les atteindre. 

75. Lorsque les bruyères à défricher sont couvertes de gazons et de ra- 
cines, on en écroûte la superficie soit à la main, soit à la charrue, suivant 
les difficultés de l'opération et l'étendue des moyens dont on peut disposer. 

74. Le défrichement à la main se fait à l’aide de la houe ou de l’éco- 
bue. On enlève le gazon sur une épaisseur de 15 à 20 centimètres; on en 
forme des tas mélangés de chaux, et on les laisse en cet état jusqu’à ce 
que leur décomposition soit entièrement accomplie. Pendant ce temps, 
on ameublit le reste du terrain par un ou plusieurs labours; et quand le 
compost est arrivé au degré de maturité convenable, on le répand sur le 
sol, qu’on livre immédiatement à la culture. Cette méthode a sur le brülis 
de gazons, que l’on nomme vulgairement écobuage, l'avantage de conserver 
au sol toute la quantité d'humus que l’on peut retirer de la croûte ga- 
zonnée , et de corriger, par l’action de la chaux, les principes acides que 
cette croûte peut renfermer. 

Quand il y a des souches à déraciner, on emploie une espèce de trident 
en fer, muni d’un long manche bien solide, faisant office de levier. On 
introduit les dents de l'instrument sous la souche ; on place au-dessous du 
levier et non loin de cette souche, un bloc qui fait relever le manche sui- 
vant un angle de 50 degrés; et alors au moyen d’une traverse suspendue 
par une corde à l’extrémité du levier, deux ou trois ouvriers abaissent le 
manche jusqu'à ce que la souche cède à leurs efforts. 

Enfin, pour faciliter encore l'opération de l’'écroûtement, on se sert en 
Angleterre d’une bêche bien acérée, dont le manche est légèrement courbé; 
et lorsqu'on a d’abord divisé la surface du sol en bandes de vingt centi- 
mètres au moyen d’un tranche-gazon, on détache la croûte à l'aide de 
cette béche, tenue à la poignée par louvrier qui la dirige, et tirée en 
avant par un second ouvrier tenant une corde attachée à la base du 


manche. 


358 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


15. On conçoit que le défrichement à la main ne peut convenir qu'à 
des terrains de peu d’étendue, et que, pour des landes considérables, il 
faut recourir à l'emploi de la charrue. 

Après avoir enlevé les souches et les arbrisseaux qui se trouvent à la 
surface, on donne en automne un premier labour à l’aide d’une charrue 
dont le coutre et le soc sont bien acérés, mais qui n’a point de versoir. 
Par ce moyen, on coupe la croûte verticalement et horizontalement sans 
la retourner. Puis on fait passer une seconde charrue munie de son versoir, 
dans le même sillon et à la même profondeur, ce qui détache et retourne 
complétement la tranche de gazon. Il faut avoir soin de ne donner à ce 
double labour que la profondeur nécessaire pour atteindre la couche 
occupée par le tissu des racines; et lorsque cette couche n’est pas trop 
compacte, on peut se contenter d’un seul labour, qui se fait alors avec la 
charrue munie de son versoir. Le gazon étant ainsi retourné, il importe 
de l'empêcher de pousser de nouveau, et d'en hâter la putréfaction. Pour 
cela, on passe un fort rouleau sur le terrain et l’on fait rompre avec la 
houe, les mottes qui auraient résisté. On laisse ensuite les choses dans 
cet état pendant tout l'hiver; et lorsqu’au printemps on est certain que 
le gazon est bien décomposé, on donne un nouveau labour, toujours dans 
le même sens, mais un peu plus profondément, afin de ramener à la 
surface un peu de terre de la couche inférieure; puis on passe la herse, et 
le terrain est suffisamment préparé pour les travaux ultérieurs. 

76. Quand le sol manque de profondeur, on y supplée en consacrant 
la moitié du terrain à l'amélioration de l’autre. Après avoir écroûté et 
mis en tas les gazons de toute la surface, on partage l'étendue par bandes 
de six mètres de largeur, en suivant une direction perpendiculaire à la 
pente du terrain; puis on laboure toutes les bandes de rang impair et 
l'on y dépose la terre meuble des bandes voisines; plus tard, on étend 
sur le sol ainsi exhaussé, tout le produit des composts, laissant à nu les 
bandes non susceptibles de culture. A la longue, les influences atmosphé- 
riques détruisent la cohérence du fond des bandes stériles, et le rendent 
assez meuble pour servir à élargir les bandes cultivées, qui finissent in- 
sensiblement par se rejoindre. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 39 


77. Ce procédé, particulièrement applicable aux terrains pierreux 
des Ardennes, peut aussi être mis en pratique dans les terrains sablon- 
neux de la Campine, où le sol n’est le plus souvent stérile qu’à cause 
du peu d'épaisseur de la couche végétale. On y augmentera facilement la 
quantité d’humus, en partageant de même la surface en bandes parallèles, 
et en utilisant le gazon enlevé des bandes alternes au profit des bandes 
voisines. Cette opération, qui doit se faire à l’époque où le gazon est sec, 
aura en outre l'avantage de bien aérer les récoltes, de leur procurer une 
alimentation plus abondante par l'absorption des gaz qui affluent dans les 
bandes en friche, et de suppléer ainsi à la pénurie de principes nutritifs 
d’un sol nouvellement défriché. Insensiblement les bandes dénudées se 
recouvrent d’un nouveau gazon, que l’on emploie à rétrécir de plus en 
plus ces espèces de jachères. 


LI. Fertilisation du sol. 


78. Lorsque le sol est débarrassé par le défrichement, des obstacles 
qui s’opposaient à sa mise en culture, la seconde opération doit être de 
lui donner de la fécondité au moyen d’amendements et d'engrais. 

79. Nous avons déjà vu que, tout en effectuant le défrichement, on 
prépare, à l’aide de la chaux, un compost que l'on répand ensuite sur 
toute l'étendue du terrain. L'emploi de la chaux est un des moyens les 
plus efficaces pour amender le sol des bruyères; et son mélange avec les 
cendres provenant du brülis des plantes ligneuses qu'on ne peut enfouir, 
produit des effets merveilleux. La quantité de chaux à employer par hec- 
tare varie de 75 à 100 hectolitres, selon la nature du terrain, et la manière 
dont on la distribue sur le champ. Quand on ne prépare point de com- 
post avec les gazons, on transporte, au printemps, la chaux vive sur le 
terrain; on ly dépose par petits tas d’un quart à un tiers d’hectolitre , 
espacés entre eux de 6 à 7 mètres environ, et on les recouvre d’une 
couche de terre de 10 à 15 centimètres d'épaisseur. Lorsque la chaux 


commence à fuser, on a soin de remplir les fentes qui se font dans l'en- 


40 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


veloppe; et quand elle est entièrement éteinte et réduite en poussière, on 
remanie chaque tas pour bien mêler la terre avec la chaux, en ayant soin 
de préserver le mélange d’un excès d'humidité qui pourrait le convertir 
en pâte. On réitère cette manipulation au bout de quinze jours, puis on 
étend le tout sur le sol. Ensuite, on herse une première fois; trois jours 
après, on herse en recroisant; puis on passe un pesant rouleau, on donne 
un léger labour, et lon passe encore une fois le rouleau. Il importe que 
la chaux soit peu enterrée, et qu’elle se trouve toujours dans l'épaisseur 
de la couche végétale, où elle active l'élaboration des principes nutritifs 
des plantes. C’est en usant de ces précautions qu’une quantité de 75 hec- 
tolitres peut suffire par hectare, même dans les terres froides et argileuses. 
Quand on enterre la chaux en grande dose par des labours profonds, outre 
qu’elle se trouve en dessous de la sphère de nutrition des plantes, elle à 
l'inconvénient d'y former une espèce de croûte ou de plancher, qui ar- 
rête les eaux et nuit à la végétation. 

80. Dans les sols légers et sablonneux, l'amendement calcaire doit 
être secondé par un amendement argileux. On se procure l'argile néces- 
saire, en creusant des fosses sur le terrain même, aux endroits les plus 
convenables pour que l'extraction combinée avec le transport coûte le 
moins possible. Si l'argile est à une faible profondeur, ce que l’on recon- 
naîtra au moyen de la sonde, on pratiquera des trous sur toute la sur- 
face du terrain, à des distances de 20 à 25 mètres; si, au contraire, la 
couche de sable est très-épaisse, on ne fera qu’un petit nombre de fosses 
aux endroits les plus avantageux pour la facilité du transport. D’après 
les proportions dans lesquelles l'argile et le calcaire entrent dans la com- 
position d’une bonne terre arable, 25 à 50 mètres cubes d'argile suffiront 
par hectare. On mélangera cette argile avec la chaux, et on traitera le 
compost comme nous l'avons indiqué (S 79). 

81. Sous le point de vue de la spécialité des terrains qui nous occu- 
pent, nous croyons inutile d'entrer dans l’énumération de tous les amen- 
dements et stimulants dont l’agriculture peut tirer parti, tels que le plâtre, 
la suie, les cendres de houille, les boues des rues, toutes choses que lon 
ne rencontre que peu ou point dans la Campine et les Ardennes. Mais 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. A1 


nous ne devons point oublier de mentionner que là où la tourbe est abon- 
dante, on doit en opérer l’incinération, le résidu pouvant doubler l'effet 
du chaulage. On réduit ainsi de moitié la dépense de la chaux; ce qui 
m'est pas sans importance pour les localités éloignées des chaufours et 
des terrains calcareux. 

82. Quelques soins que l’on donne à la préparation du sol par les 
amendements et les stimulants, ils seront sans effet, si lon n'y joint une 
quantité suflisante d'engrais. Mais où trouver ces engrais dans des landes 
incultes, dans des cantons presque déserts? Nous aurons encore recours 
aux récoltes enfouies en vert comme nous l'avons déjà fait pour la for- 
mation des prairies naturelles ($ 67). Mais, pour économiser les frais de 
cette opération, on n'entreprendra pas à la fois toute l'étendue du terrain 
que l’on veut défricher : on commencera par en cultiver seulement une 
partie; on la mettra en bon état de fertilité au moyen de labours et d'engrais 
verts réitérés; on emploiera tous les produits de la récolte à la nourri- 
ture du plus grand nombre possible de têtes de bétail, dont les engrais 
fertiliseront ensuite le reste du terrain. Le succès de cette entreprise 
réclame, comme on le voit, autant d'intelligence, d'activité et de patience 
que de ressources pécuniaires; et la non-réussite de beaucoup de défri- 
chements provient de ce que ces diverses conditions ne se sont pas tou- 
jours trouvées réunies dans les entrepreneurs. 

83. Nous avons peu de chose à ajouter à ce que nous avons déjà dit 
de la manière d'employer les engrais végétaux. La terre étant suffisamment 
préparée et amendée, on y sème d'abord de la spergule, du sarrasin, des 
vesces ou des féveroles, puis du seigle et du trèfie blanc. Nous répèterons 
que l’époque à laquelle il convient d’enfouir ces végétaux, est celle où ils 
sont en pleine floraison. L'enfeuissement se fait à l'aide de la charrue, 
en ayant soin de placer devant le coutre une pièce disposée de manière à 
courber les tiges à enfouir. 

84. Si l’on retire tant d'avantages de Fenfouissement des récoltes en 
vert, on peut de même utiliser pour la production des engrais , une foule 
de végétaux que le sol fournit sans culture. Ainsi, les branches de bruyères, 
les tiges de genêts, les mauvaises herbes même seront recueillies avec 


Towe XXI 6 


42 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


soin, et mises en tas, par lits alternatifs, avec de la chaux et de la vase 
provenant des fossés, des égouts, des ornières, etc. Ce compost entrera 
bientôt en fermentation, et les substances qui le constituent, formeront, 
en se combinant, un bon engrais, dont on tirera parti pour augmenter la 
quantité de bruyères à mettre en culture. 


IL. Culture des landes défrichées. 


85. Après avoir suffisamment amendé et fertilisé les terrains défrichés, 
il reste à les mettre en rapport. Examinons d’abord quelles sont les 
espèces de végétaux qui leur conviennent le mieux. 

Dans les terrains tout à fait sablonneux, il faut choisir les plantes d’une 
végétation rapide, et celles qui tirent leur alimentation de l'atmosphère 
plutôt que de l'intérieur du sol. Tels sont la spergule, le sarrasin, les 
raves, les navets, les carottes et le seigle. On peut y joindre la pomme de 
terre, si les engrais sont suffisants; et l’avoine, si le sol a de l'humidité. 

Dans les terrains argilo-siliceux, on peut ajouter aux plantes qui pré- 
cèdent, l’orge, le trèfle, les vesces et les féveroles. 

Enfin, si le sol est convenablement amendé par la chaux, on peut y 
joindre encore le sainfoin , la betterave et le colza. 

86. Nous ne parlerons pas d’autres cultures, telles que celles de la 
luzerne, du lin et du froment, qui ne peuvent prospérer sur un sol nou- 
vellement défriché, mais que les cultivateurs des landes parviennent cepen- 
dant à faire réussir après un certain nombre d'années, dans certaines 
conditions. 

87. Pour généraliser ce que nous avons à dire de da culture, nous 
réduirons les divers produits agricoles que l’on peut tirer d’un défriche- 
ment dans la Campine et les Ardennes, au seigle et à lavoine, comme 
céréales ; aux navets, aux carottes, aux pommes de terre et aux betteraves, 
comme plantes-racines; et à la spergule, au sainfoin, au trèfle, aux vesces 
et aux féveroles, comme plantes fourragères. 

88. Cette classification étant admise, voyons dans quel ordre ces divers 
végétaux se succèderont, c’est-à-dire quel sera le système d’assolement des 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 43 


landes défrichées. Nous ne devons pas perdre de vue l'harmonie qui, pour 
assurer le succès d'une opération, doit toujours régner entre le but qu'on 
se propose et les moyens dont on peut disposer. Le but est, non pas la 
production de denrées vénales, mais la fertilisation successive d’une cer- 
taine étendue de terrain; les moyens sont la possession d'engrais abon- 
dants ; et comme ces engrais doivent s’obtenir par l'intermédiaire des bes- 
tiaux, c’est vers les récoltes nécessaires à la nourriture et à l'entretien de 
ces agents de la fécondité que nos efforts doivent se diriger. Ce serait, au 
reste, s’abuser étrangement que de prétendre obtenir d’un sol à peine vivi- 
fié de grands produits en céréales; outre que la récolte serait peu pro- 
ductive, elle épuiserait le terrain, et tout serait à recommencer. Mieux vaut 
donc, dans le principe, établir un mode d’assolement qui, tout en satis- 
faisant aux principaux besoins de l’entreprise, ne réclame successivement 
du sol que des productions en rapport avec sa fertilité progressive; et 
lorsque, plus tard, l'exploitation sera en pleine activité, on pourra modi- 
fier l’assolement suivant tout autre but qu’on se proposera. 

89. D’après ces diverses considérations, la culture qui succèdera à l’en- 
fouissement des engrais verts, sera une plantation de pommes de terre ou 
un semis de carottes ou de betteraves. Ces cultures, espacées et sarclées , fa- 
ciliteront la destruction des mauvaises herbes et des gazons qui pourraient 
reparaître sur le terrain défriché; et les intervalles entre les lignes, pourront 
encore recevoir un semis de trèfle blanc, dont l’enfouissement, fait avant 
la maturité des racines, augmentera sensiblement le produit de la récolte. 

A cette culture de plantes-racines, succèdera un semis d'avoine et de 
trèfle; au trèfle rompu et enfoui pour servir d'engrais, succèdera un semis 
de seigle; et après le seigle viendra un semis de vesces, de féveroles ou de 
sainfoin, suivant que lon voudra cultiver le terrain en prairies artificielles 
pendant un plus ou moins grand nombre d'années. 

90. Cette série de cultures pouvant occuper le sol pendant huit ans, 
on recommencera, après cette période, le même système de rotation; il 
a l'avantage de ménager la fertilité du terrain, en faisant succéder des 
cultures améliorantes aux récoltes épuisantes, et il permet, même dans 


le principe, de nourrir autant de têtes de gros bétail qu'il y a d'hectares 


4% DE LA FERTILISATION DES LANDES 


en culture. Mais si, à l'expiration de la période, on voulait restreindre 
l'élève du bétail, pour cultiver plus de céréales, on pourrait facilement sub- 
stituer au sainfoin l'orge et l’épeautre, et adopter l’assolement suivant : 

1, Racines; 2, avoine et trèfle; 5, trèfle; 4, seigle et navets; 5, ra- 
cines ; 6, orge; 7, vesces et féveroles; 8, épeautre ou avoine, selon le degré 
de fertilité du sol. : 

Ce dernier assolement pourra même être immédiatement pratiqué, si 
l'exploitation est pourvue de prairies naturelles d’une étendue suffisante 
pour l'entretien du bétail. Car, nous le répétons, la production des engrais 
doit être le principal objet de la sollicitude du cultivateur; et si, pour 
faire momentanément quelques profits plus considérables, on néglige de 
donner aux landes en culture la nourriture qu’elles réclament, on ne tarde 
pas à perdre tout le fruit des travaux et des dépenses du défrichement. 

On voit par ce qui précède, qu’un défrichement entrepris sous le point 
de vue de la création de terres arables, peut s'effectuer en cinq ans, au 
moyen d'une culture envahissante et suecessive, dont nous donnons les 
détails aux annexes, sous la lettre €. 


91. Nous pourrions considérer notre tâche comme finie, si, dans la 
question importante que nous traitons, on n’envisageait qu'isolément les 
divers partis que l’on peut tirer du défrichement des terres incultes. Mais 
nous pensons qu'en demandant une dissertation raisonnée sur les meil- 
leurs moyens de fertiliser les landes de la Campine et des Ardennes, 
l’Académie royale a eu principalement pour but de provoquer un travail 
qui pût au besoin servir de base et de direction à une exploitation de 
défrichement. Dans cette hypothèse, notre mémoire doit être complété: 
et il nous reste à présenter un exposé des diverses opérations que réclame 
l’ensemble de cette exploitation, en combinant les trois systèmes de la 
création des forêts, de la formation des prairies et de la culture des terres. 
Nous allons donc résumer, dans une dernière partie, l'application pra- 
tique des diverses théories que nous avons développées. 


nid. 


y 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 45 


SIXIÈME PARTIE. 


ORGANISATION D'UN DÉFRICHEMENT. 


L Considérations générales. 


92. Lorsque nous avons traité particulièrement de la conversion des 
landes en forêts, en prairies et en terres arables, nous avons indiqué les 
meilleurs procédés à employer pour y parvenir. C’est de l'application de 
ces moyens que nous allons maintenant nous occuper, en déroulant le 
tableau successif des travaux d'un défrichement entrepris sur un terrain 
tout à fait inculte; et pour nous placer dans les conditions les moins 
avantageuses, nous supposerons que le sol a besoin d’abris et de clôtures : 
ce qui introduira dans notre opération tous les genres de travaux que 
peut offrir un défrichement. Mais avant de mettre la main à l'œuvre, il 
faut mûrement examiner quel système d'exploitation il convient de créer, 
et quel parti on pourra tirer du défrichement exécuté; il faut bien déter- 
miner le but qu'on veut atteindre, afin de pouvoir régler sa marche en 
conséquence. 

95. La première et la plus importante des questions à décider, c’est 
le nombre d'hectares dont se composera chaque exploitation rurale. Les 
fermes, exploitées en grand, exigent généralement de la part de ceux 


qui les occupent, des capitaux que ne possèdent pas les locataires qui se 


46 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


qui se résignent à cultiver la bruyère. Si les ressources manquent, le 
bétail est insuffisant, le matériel incomplet, la culture défectueuse; et le 
sol, ne recevant ni les soins ni les engrais nécessaires, s'appauvrit bien- 
tôt et retourne à l’état de stérilité, dont on ne l'aura tiré que pour un 
moment. Une exploitation restreinte à l'emploi d’une seule charrue est 
donc préférable et d’un succès plus certain dans les landes défrichées; la 
quantité d'hectares qu'elle doit comprendre, est déterminée par celle 
qu'un seul attelage peut labourer et apprèter à l'arrière-saison pour les 
blés d'hiver, et au printemps pour les marsages et les prairies artificielles. 
En général, on porte à douze hectares l'étendue d’une ferme exploitée à 
l'aide d’un attelage de deux chevaux. Mais les considérations d'économie 
qui doivent dominer toutes nos opérations, ne nous permettant pas de 
faire usage de ces animaux, d’un entretien toujours onéreux dans les 
petites exploitations, nous emploierons les vaches comme bêtes de trait; 
et pour ne pas les surcharger d’un travail qui pourrait diminuer leur 
production en lait, nous réduirons l'étendue de chaque exploitation rurale 
à huit hectares, non compris l'espace occupé par les bâtiments, cours et 
jardins. 

94. Le second objet à considérer , c'est le système de culture à suivre 
dans ces exploitations. Aura-t-on principalement en vue l'élève du bétail ou 
la culture des céréales? Nous avons trop insisté, dans ce qui précède, sur 
la nécessité de veiller avant tout à la production des engrais, pour que le 
choix reste un instant douteux. Cependant nous ajouterons ici quelques 
considérations sur la culture des céréales, à laquelle on ne se livre souvent 
avec tant d’ardeur, dans les grandes exploitations, que parce que l'on est 
dans l’impossibilité, faute de capitaux suffisants, d'élever une quantité de 
bétail proportionnée à l'étendue des terres cultivées. Si l’on a l'avantage 
d’en retirer des produits presque immédiats, les inconvénients en sont fort 
nombreux. D'abord la main-d'œuvre est chère; la réussite des récoltes est 
souvent douteuse; les rats et les souris en détruisent une bonne partie ; 
les ouvriers en gaspillent une autre, et le reste ne peut être vendu sans 
exiger des frais de transport et de déplacement souvent très-coûteux. Que 
l'on joigne à cela la nécessité de construire de vastes granges pour abri- 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 47 


ter les récoltes, et des greniers bien aérés pour conserver les grains, et 
l’on appréciera combien il sera plus avantageux d'établir des fermes à 
vaches, dans lesquelles la culture des céréales n’interviendra que comme 
moyen de se procurer la paille nécessaire à la litière des bestiaux. 

95. Un troisième point à régler, c’est la manière de nourrir le bétail. 
Emploiera-t-on la nourriture au pâturage, ou la nourriture à l’étable, 
que l’on nomme stabulation? Par nourriture au pâturage, nous n’enten- 
dons pas ici parler de ce régime de faim et de misère auquel on soumet 
le bétail sur les terrains livrés au parcours commun, mais la consom- 
mation sur pied des herbages que fournissent des prairies bien entre- 
tenues. Cette méthode, qui est sans contredit la plus simple et la plus 
commode, présente, dans une exploitation du genre de celles que nous 
voulons créer, deux graves inconvénients : le premier, c’est la détériora- 
tion d’une assez grande quantité de nourriture par le piétinement des 
animaux et par le dépôt de leurs déjections; le second, c’est la perte des 
produits en fumier, que l’on ne peut alors consacrer à la fertilisation des 
terres en culture. Par la stabulation, au contraire, on peut utiliser, sans 
en rien perdre, tous les produits des récoltes fourragères, et recueillir 
tous les engrais, qui sont pour nous d’un si grand prix. Ces motifs doivent 
nous déterminer en faveur du système de stabulation, quoiqu'il occa- 
sionne plus de travail et réclame plus de soins. Au reste, la supério- 
rité de la stabulation permanente sur le pâturage a été reconnue par 
les plus habiles agronomes de tous les pays !. « Le pâturage ambulant, 


disait Favre d’Elvire, célèbre agronome et vétérinaire suisse, est par- 


tout, excepté sur les montagnes inaccessibles à la faux, une erreur et 
» presque une monstruosité en économie rurale. Les ruminants n’ont 
» pas, comme les chevaux, besoin d'exercice. » Cependant il a été re- 
connu que la stabulation absolue convient moins aux jeunes animaux, 
et qu'il est bon de les laisser courir de temps en temps dans un enclos. 


96. Par cette organisation, nos petites exploitations fourniront ample- 


# Arthur Young, sir Joh. Saint-Clair, Thaër, Fellenberg, Morel de Vinde, Mathieu de Dom- 
basle, ete 


48 DE LA'FERTILISATION DES LANDES 


ment les engrais nécessaires à la fertilisation du sol; les travaux de cul- 
ture s’exécuteront au moyen de vaches, et pour ainsi dire sans autres 
ouvriers que les membres de la famille; le blé récolté, les légumes du 
jardin, les porcs engraissés, du lait, du beurre et du fromage suffront à 
l'entretien du ménage; les divers produits du laitage, le reste des céréales 
non consommées par la famille, et la vente des veaux et des bêtes grasses 
formeront le revenu du cultivateur, qui, après avoir acquitté le prix de son 
fermage, trouvera annuellement un profit presque égal au modique capi- 
tal engagé dans son exploitation; cet état d’aisance réagira sur l'ensemble 
de la petite ferme, qui prospèrera de plus en plus. 

97. Quand on compare cette situation à celle de la plupart des petits 
cultivateurs des Flandres, du Brabant et du Hainaut, où la culture de 
deux hectares, souvent loués fort cher, suffit à peine à l’entretien de Ja 
famille, sans produire le moindre bénéfice annuel, on doit vivement dé- 
sirer que, dans l'intérêt du bien-être social, le défrichement des vastes 
bruyères de la Campine et des Ardennes s'exécute sans retard sur une 
assez grande échelle, pour pouvoir rétablir dans toute la Belgique l'équi- 
libre nécessaire entre la population et l'espace que réclame son existence f. 

98. Mais, nous dira-t-on peut-être, que fera-t-on de énorme quantité 
de beurre et de fromage produite par ces nouvelles exploitations? Ne nous 
inquiétons pas de l’excédant de ces produits, qui sont presque de pre- 
mière nécessité; quand ils seront répartis sur les divers marchés de la 
Belgique, quand ils ÿ auront supplanté les produits similaires de l’étran- 
ger, dont nous sommes tributaires pour des quantités plus considérables 
qu'on ne se l’imagine ?, si la consommation intérieure ne les absorbe pas 
complétement, ils seront avantageusement exportés, et pourront aug- 
menter notre avoir dans la balance générale de notre commerce extérieur. 


1 La comparaison de la superficie des terrains cultivables avec la population, donne, pour la 
Flandre orientale, le Brabant et le Hainaut, les rapports de { habitant pour 32, 42 et 44 ares; 
tandis que pour les provinces de Limbourg, Luxembourg et Namur, ces rapports sont de 4 ha- 
bitant pour 4 hectare 17 ares, 1",60 et 1",98. ‘ 

2 La valeur des importations effectuées dans la Belgique, en beurre et en fromage, pendant 
l'année 1844, est de 1,859,0392 francs. { Extrait de la situation commerciale de la Belgique, publiée 
en décembre 1843.) 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 49 


99. De ces diverses considérations découlent les conséquences sui- 
vantes : 

1° Les landes doivent être exploitées en petite tenue; 

2° Le but de l'exploitation doit être principalement l'élève du bétail; 

5° La nourriture se fera constamment à l’étable; 

% Les produits seront d’un placement facile; 

5 La condition du fermier n’aura rien à envier à celle de la plupart 
des petits cultivateurs des provinces les plus fertiles ; 

6° Les avantages de ces exploitations y attireront les populations labo- 
rieuses, et l’aisance qu’elles y trouveront en maintiendra la prospérité. 


IL. Opérations préparatoires. 


100. Si du riant tableau de ces exploitations ainsi organisées, nous re- 
venons au point d’où nous sommes partis, nous nous trouvons au milieu 
d’une lande déserte, où l’âpreté du climat, l’aridité du sol et l’exiguité de 
la végétation nous invitent à nous armer de patience et de courage pour l’ac- 
complissement de l’œuvre que nous voulons entreprendre. Cependant, cer- 
tains que nos effortsseront couronnés de succès, nous n’hésitens point à com- 
mencer; et après avoir pris inspection des lieux, après en avoir levé le plan 
et mesuré l'étendue, nous nous occupons de reconnaître la nature du sol, 
la composition du sous-sol, la possibilité des asséchements, les moyens 
d'irrigation naturelle ou artificielle, les parties à boiser comme abris, et 
les portions à convertir soit en terres arables , soit en prairies. Ces disposi- 
tions étant prises, nous opérons le partage de la totalité du terrain à cul- 
tiver en lots de huit hectares, en les distribuant de manière qu'ils profitent 
tous également des moyens d'irrigation et des abris à créer, et de telle façon 
que les constructions à établir sur chaque lot présentent dans leur en- 
semble le coup d'œil le plus agréable possible. On pourra adopter à cet 
effet une disposition sur deux lignes parallèles formant une rue de douze 
à quinze mètres de largeur, ou sur les quatre côtés d'un carré on d'un 
rectangle figurant une place publique. Trente ares en sus de l'étendue 

Tome XXI. 7 


50 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


réservée à la culture, serviront à l'établissement de chaque ferme, d’une 
cour et d’un jardin adjacent. 

101. Ce plan ainsi arrêté, on peut entreprendre autant de séries de 
douze exploitations que l'on a de charrues disponibles pour l'exécution 
du défrichement. Ce nombre est calculé sur la quantité de labours qu’on 
peut opérer, avec un attelage, pendant la saison des travaux champêtres, 
et sur la période de cinq ans après laquelle le défrichement doit être ter- 
miné ($ 90). La nécessité de pousser les travaux avec célérité nous fera 
préférer ici l'emploi des chevaux à celui des bœufs ou des vaches : toutes 
choses devant être réglées suivant la fin qu'on se propose. Mais, pour ne 
pas compliquer les opérations, nous supposerons cent hectares à défri- 
cher, c’est-à-dire l'établissement de douze fermes de 8 hectares 55 cen- 
tiares, pour l’organisation desquelles il nous suffira d’une seule charrue. 

102. Au centre de l'exploitation, nous ferons construire deux hangars, 
l’un destiné à loger les ouvriers employés au défrichement, l’autre devant 
servir d’abri aux chevaux, ainsi que de remise au matériel de l’entreprise. 
Ils seront établis de manière à pouvoir être convertis plus tard en deux 
grangettes pour deux des petites fermes. 

105. Non loin de là, et sur l'emplacement d’un jardin, nous prépare- 
rons le terrain pour l'établissement de la pépinière ($53); l'opération du 
semis étant de la première urgence, nous l’effectuerons dès l'ouverture de 
nos travaux, que nous supposons commencer au printemps. 

En même temps, nous ferons entourer toute la propriété d’un fossé, 
et nous ferons immédiatement sur les banquettes, le semis de genêts de- 
vant servir de clôture ($ 30). D’autres fossés seront aussi creusés plus 
tard entre les divers lots de huit hectares, et principalement autour des 
pièces destinées à la création de prairies. 


IL. Travaux de défrichement et de fertilisation. 


104. C’est, comme nous venons de le dire, au moyen de la charrue 
que vont s’opérer les principaux travaux de défrichement. Un seul atte- 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. d1 


lage de trois chevaux nous suffira ; au besoin, ils serviront tous trois à 
effectuer les labours; mais lorsqu'il n’en faudra que deux, le troisième 
sera employé aux travaux accessoires, transports, hersages, roulages, etc. 
Le personnel pour les conduire se composera d’un laboureur et d’un char- 
retier; celui-ci pouvant être employé à d’autres travaux lorsque les trois 
chevaux seront attelés à la charrue. En portant à cinq, terme moyen, le 
nombre de labours nécessaire au défrichement d’un hectare, et à deux 
journées de charrue le temps employé à chaque labour, la quantité de jour- 
nées de travail que réclame l'ensemble des labours sera de 960, lesquelles, 
réparties en cinq ans, donneront annuellement une occupation de 192 
jours. Or, on porte ordinairement l'année de culture à 210 jours ouvra- 
bles; ce qui établit suffisamment la possibilité de l'exécution de nos tra- 
vaux. Voici d'ailleurs comment nous les distribuerons pour en tirer le 
parti le plus prompt et le plus avantageux, et même pour réduire à quatre 
aus les opérations du défrichement de cent hectares avec une seule 
charrue. 

105. L'organisation des prairies soit naturelles, soit artificielles , étant 
la base de nos petites exploitations, nous nous occuperons d’abord du dé- 
frichement des terrains qui sont les plus propres à la production des 
fourrages ; et du 1* avril au 1 novembre, la charrue, la herse et le rou- 
leau seront constamment en activité pour la fertilisation de ces terrains. 
Si, par l'effet de circonstances imprévues, notre attelage ne suffit pas à 
tous ces travaux, nous ferons faire les transports de chaux par entreprise, 
pour laisser nos bêtes de trait entièrement à la besogne la plus pressante. 
Par ce moyen, nous pourrons avoir effectué avant l'hiver, sur une étendue 
de vingt-quatre hectares, les travaux indiqués ($ 67) pour la mise en 
culture des prés à faucher. 

Pendant l'hiver, l'attelage sera occupé à faire les approvisionnements 
de chaux nécessaires aux défrichements de l’année suivante. 

106. Dès que le retour de la bonne saison permettra de reprendre les 
travaux champêtres, une nouvelle série de vingt-quatre hectares sera mise 
en défrichement, en même temps que nous effectuerons les labours et 
les semis nécessaires au gazonnement des vingt-quatre hectares déjà dé- 


52 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


frichés ($ 67). Nous aurons ainsi, vers la fin de l’année, pour chaque lot, 
deux hectares de prairies en rapport et deux hectares de terres arables 
fertilisées. 

107. Afin de tirer parti des engrais produits par l’attelage pendant son 
séjour à l'écurie, quelques-uns des terrains destinés aux jardins auront 
été mis immédiatement en culture de pommes de terre ou d’autres racines, 
ce qui permettra desubveniren partieaux dépenses d'entretien du personnel 
employé; de même que les récoltes d'avoine déjà obtenues sur les vingt- 
quatre hectares de la première série défrichée, suffiront amplement à la 
nourriture des chevaux pendant toute l’année suivante. 

Les opérations continuant ainsi successivement, il nous paraît inutile 
d'en répéter les détails pour chaque année; on en saisira mieux l’ensemble 
et les résultats par le tableau que nous joignons aux annexes, sous la 
lettre D. 

108. Pendant le cours de cette même seconde année, on a effectué sur 
les terrains destinés à servir d’abris, et déjà enclos depuis un an, les tra- 
vaux nécessaires pour que, durant l'hiver suivant, on puisse procéder à 
la plantation des sujets de la pépinière qui auront alors dix-huit mois de 
croissance. Les opérations relatives à cette création ne se rattachant pas 
directement aux travaux d'organisation de nos petites fermes, nous nous 
contenterons de les mentionner en passant, et nous renvoyons, pour les 
détails, à ce que nous en avons dit précédemment ($$ 59 et 46). C'est pa- 
reillement pendant cet hiver et le suivant, que se fera la transplantation 
des arbres destinés aux clôtures des prairies et des terres arables ($$ 47 
et 48). 

109. Ainsi, déjà au commencement de la troisième année, les planta- 
tions d'abris et de clôtures sont effectuées sur une partie de la propriété: 
un quart du terrain de chaque lot est en plein rapport, et un autre quart 
est mis en état de culture. Pour profiter immédiatement de ces avantages, 
et ne point confondre le défrichement avec l'exploitation, nous remettrons 
ces terrains à des fermiers, en quantité telle que chacun d’eux puisse en- 
tretenir quatre vaches, dont les engrais nous serviront pour la fertilisation 
du reste du territoire. Mais pour cela, il faut avoir pourvu, dans le courant 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. D3 


de la seconde année ; à la construction des bâtiments nécessaires à ces 
premières exploitations ; ce qui aura été fait dela manière indiquée ci-après. 


IV. Constructions. 


110. Nous venons de voir que, tout en travaillant au défrichement, il 
faut aussi s'occuper des constructions, si l’on veut immédiatement tirer 
parti des avantages que présente une organisation progressive. Aussi, dès 
le printemps de la seconde année, avons-nous posé les fondements de six 
des douze bâtiments d'exploitation à élever sur la propriété; et pour ne 
pas détourner notre attention des travaux agricoles, nous avons fait exé- 
cuter ces constructions par entreprise; elles n’ont done réclamé de 
notre part qu'une surveillance générale. De cette manière, nous avons 
trouvé prêtes, au printemps de la troisième année, six habitations avec 
toutes les dépendances nécessaires pour l'établissement de six petites 
fermes : ce qui ne nous a demandé d'autres soins que de faire générale- 
ment pour toutes, un plan, un devis estimatif des travaux et un cahier 
des charges et conditions de l’entreprise. 

111. Dans la rédaction de ces pièces, nous avons tàché, tout en visant 
à la plus sévère économie, de pourvoir à tous les besoins et à tous les 
services de l'exploitation; voici les bases sur lesquelles nous avons établi 
nos plans et nos calculs. 

L’habitation n'étant destinée qu'à une famille peu nombreuse, ne doit 
pas être fort étendue : une pièce principale de 55 mètres carrés , avec 
deux cabinets adjacents, suflisent en général à un personnel de quatre 
ou cinq individus, dont la moitié sont ordinairement des enfants. Au 
reste, on peut, au besoin, établir au grenier un supplément de logement, 
soit pour les garçons adultes, soit pour la domestique, si le fermier en 
tient une. 

Au-dessous des cabinets se trouvent deux souterrains, dont l’un sert de 
laiterie, l’autre de cave aux provisions. 

112. L’étable devant contenir huit ou dix têtes de bétail, réclame une 


D4 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


étendue proportionnée à la consommation d’air qu'y font ces animaux en 
stabulation permanente. D’après M. le comte de Gasparin !, cette capacité 
doit être de 20 à 24 mètres cubes par chaque vache, suivant leur taille. 
Nous sommes arrivés à ce résultat, en donnant à l’étable 4 mètres de hau- 
teur, 8 mètres de longueur et 6 mètres de largeur. Les animaux y sont 
placés sur deux rangs, et l’un des coins est réservé à l'emplacement des 
harnais. On peut y établir un lit pour le gardien, si le fermier tient un 
domestique. 

L’étable est contiguë à l'habitation, sans aucune communication di- 
recte; et la place aux engrais est à l'extrémité opposée, vers laquelle 
s’écoulent les urines. Celles-ci sont recueillies dans une citerne à plusieurs 
compartiments, à laquelle aboutit le lieu d’aisance. 

Auprès de la place aux engrais se trouve une loge à pores, offrant plu- 
sieurs cellules de trois mètres carrés par tête d'animal ?. 

115. L’étable et l'habitation sont surmontées d’un grenier, dont les 
trois quarts sont employés à contenir la provision de fourrages secs pour 
la consommation de l'hiver. L'autre quart est réservé pour la conservation 
des grains et autres objets. 

11%. Enfin, de l’autre côté de l'habitation, est placée la grangette 
destinée à renfermer les récoltes. La quantité de terres cultivées en cé- 
réales n'étant pas considérable, une étendue de 8 mètres sur à est suffi- 
sante ; et le fermier y trouve encore place pour remiser ses instruments 
aratoires et pour y déposer les rations de fourrages verts pendant l'été. 

115. Tel est l’ensemble des constructions de nos petites exploitations 
rurales. Placées sur une même ligne, elles forment pour chacune un bäti- 
ment de 18 mètres de long sur 8 de largeur et 6 de hauteur , et occupent 
l'un des côtés d’une cour rectangulaire, au bout de laquelle se trouve le 
jardin. Le tout est établi, comme nous l'avons dit plus haut, sur un es- 
pace de 50 ares, en sus des 8 hectares en culture. 

Les six autres fermes sont successivement construites l’année suivante, 
de manière à pouvoir être occupées au commencement de la quatrième 


1 Cours d'agriculture. 
? Jbidem. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. DD 


année. Voir aux annexes, lettre E, le détail et l'estimation des construc- 
tions pour chaque ferme. 


V. Travaux de culture. 


116. À son entrée dans la ferme, le cultivateur auquel on la confie, 
doit posséder quatre vaches, un âne pour les transports, et les instru- 
ments aratoires nécessaires à son exploitation. Le tout peut lui coûter 
environ mille francs, suivant l'estimation que nous en donnons aux an- 
nexes, lettre F. On le met en jouissance de trois hectares de prairies, tant 
naturelles qu'artificielles, et il reçoit en outre deux hectares de terres ara- 
bles suffisamment préparées pour être mises en culture. Conformément à 
notre système de rotation (S 89), il sème sur l’un de ces hectares de l’avoine 
et du trèfle, et réserve l’autre pour la culture des racines, moitié en pommes 
deterre, moitié en betteraves. II fait le semis de celles-ci dans son Jardin, et 
n'en opère le repiquage qu'après que ses autres cultures sont en ordre. Il 
échelonne ainsi ses travaux, de manière à pouvoir les effectuer sans recou- 
rir à une main-d'œuvre étrangère, et à mettre à profit ses engrais à mesure 
de leur production. Il ne néglige pas l'emploi des engrais liquides pour 
la culture des racines, et particulièrement de la betterave !. Son bétail 
nourri à l’étable, est entretenu l'été au moyen des coupes de fourrages 
verts, auxquels il consacre deux hectares. N'ayant point encore de paille 
pour litière, il se sert provisoirement de gazons coupés sur les parties de 
bruyères non cultivées. L’âne, attelé à une petite charrette, lui facilite les 
moyens de transport, sans réclamer un entretien coûteux; et la saison 
s'écoule ainsi sans gêne, sans efforts extraordinaires, et sans autres dé- 
penses que les frais accessoires du ménage. Mais le produit du laitage y 
pourvoit suffisamment; et les récoltes d'avoine, de fourrages et de racines 
préparent les ressources nécessaires pour l'entretien du bétail pendant 


l'hiver. 


1 L'effet du purin versé sur le sol quand les plants sont déjà développés, fait plus que doubler 
le produit de la récolte (Maison rustique du XIX° siècle). 


26 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


117. À l'automne, le cultivateur rompt le trèfle de l’un des hectares 
qui lui ont été remis, et à l’aide de l’engrais-compost qu'a produit son 
bétail, il peut donner à ce terrain une fumure suffisante pour cultiver du 
seigle. I] fait lui-même les labours et autres travaux nécessaires; et l'hiver 
étant arrivé, il peut s'occuper du battage des grains qu'il a récoltés, du 
transport des engrais pour les cultures ultérieures, et des travaux que 
réclament les clôtures et fossés. 

118. Au retour du printemps, il effectue sur la terre qui a servi à la 
culture des racines, les labours nécessaires pour un semis d'avoine et de 
trèfle; et il met en culture de racines, un nouvel hectare tout défriché 
qu'on ajoute à son exploitation, laquelle se compose ainsi de six hectares : 
deux en prairies, un en trèfle, un en avoine, un en seigle, et un en ra- 
cines diverses. Après la moisson du seigle, un semis de navets peut four- 
nir une récolte dérobée, sur le même terrain; et l’ensemble de ces produits 
permettra d'accroître le nombre de têtes de bétail, ou d'élever les génisses 
dont le petit troupeau se sera augmenté. 

119. Avant l'hiver, on remet en seigle l'hectare occupé par le trèfle de 
deux ans; et au printemps, on enfouit ce qui reste de navets, pour semer 
du sainfoin, des vesces ou des féveroles; on fait un semis d'avoine et de 
trèfle sur l’hectare qui vient de produire une récolte en racines; et lon 
remet en pommes de terre et betteraves, un nouvel hectare défriché: ce 
qui porte à sept, le nombre d'hectares en culture. 

120. Enfin, suivant toujours le même système d’assolement, la ferme 
se trouve, l’année suivante, entièrement complétée par l’adjonction d’un 
huitième hectare; et l’exploitation peut fournir à l'entretien et à l’alimen- 
tation de huit vaches et de quelques élèves 1. 

Nous ne sommes entré dans tous ces détails que pour faire voir la 
facilité avec laquelle peuvent s’exécuter de grands travaux ainsi divisés, 
et le succès qui doit naturellement en résulter pour l’entreprise du défri- 
chement. Il est fort douteux que toutes ces opérations puissent se faire 


* On peut même parvenir à ce résultat une année plus tôt, en remettant au fermier, la seconde 
année de sa jouissance, un nouvel hectare en prairie, comme nous l'avons indiqué au tableau 
annexé sous la lettre D. 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 27 


avec les mêmes avantages, dans une exploitation de cent hectares, où il y 
a toujours quelque chose en souffrance, et des travaux qui se dérobent à 
l'œil du maître. Par notre combinaison, au contraire, chacun a intérêt à 
la bonne exécution des travaux; nous appliquons en grand des moyens 
énergiques aux opérations du défrichement, et nous tirons parti de la 
subdivision du travail pour les détails de la mise en culture. Un bétail 
nombreux, mais réparti dans douze exploitations, concourt dès la troi- 
sième année, à l'exécution de l’entreprise; et les frais d'établissement, qui 
eussent été considérables pour un seul exploitant, sont divisés de manière 
à ne point excéder les ressources ordinaires des petits cultivateurs. 


VI. Coup d'œil sur l'ensemble des opérations. 


121. L'œuvre que nous avions entreprise est terminée : toutes les terres 
sont défrichées et mises en culture; chaque fermier est installé dans sa 
petite exploitation, le bétail est au complet dans chaque ferme; les abris 
et les plantations commencent à se développer ; enfin tous les rouages de 
la machine sont en activité. Reste à savoir si elle est établie sur des bases 
solides, et si les ressorts mis en jeu produiront toujours les effets désirés. 
Un coup d’œil jeté sur l'économie des diverses parties de nos exploitations 
fera connaître si nos résultats sont certains et durables, ou si nous n'avons 
obtenu qu'un succès éphémère. 

122. Maintes fois nous avons eu l’occasion de nous convaincre que les 
engrais sont le pivot sur lequel repose la prospérité de l’agriculture. 
Voyons donc d’abord, si, dans leur état normal, nos petites fermes réu- 
nissent les conditions requises pour produire toujours les engrais suffi- 
sants à l'étendue des terres arables et des prairies. 

Nous ferons d’abord remarquer que notre système d’assolement qua- 
driennal, combiné avec la création d’une prairie artificielle pour quatre 
ans, embrasse une période de huit années, pendant laquelle nous ne 
demandons au sol que deux récoltes de céréales. Dans la culture or- 
dinaire, un pareil système réclame pour chaque sole une fumure de 


Tome XXI. 8 


58 DE LA FERTILISATION DES LANDES 


50,000 kilogrammes par hectare; et dans celle des landes, il en faut au 
moins 60,000. Cette quantité d'engrais représente le produit de cinq 
bêtes bovines nourries constamment à l’étable; car une vache adulte, 
consommant par an 1,000 kilogrammes de paille pour litière, produit 
12,000 kilogrammes de fumier normal !. Par le nombre de vaches entre- 
tenues dans nos petites fermes , nous sommes donc à même de fournir au 
sol une fois et demie autant d'engrais qu'il en doit recevoir. De plus, en 
recueillant, comme nous le faisons, les urines dans une citerne, et cha- 
que vache donnant par jour huit litres de ce produit ?, nous pourrons 
disposer annuellement de plus de 200 hectolitres de purin pour l’arrose- 
ment des prairies. Le sol reçoit ainsi, dans le cours de huit années, une 
quantité d'engrais plus que suffisante : pourrait-il se refuser, avec une cul- 
ture convenable, à produire les récoltes que nous en attendons? 

125. Voyons maintenant si rien ne manque à l'entretien du bétail, sur 
lequel nous comptons pour la production des engrais. 

Des huit hectares dont se compose chaque exploitation , il y en a six 
dont les produits sont destinés à la nourriture du bétail ; et chaque année, 
nous cultivons à cette fin, quatre hectares en prairies naturelles ou artifi- 
cielles, un hectare en trèfle et un en racines. Or, on admet généralement 
que quatre hectares de prairies produisent, soit en herbages, soit en foin 
sec, de quoi entretenir six vaches pendant une année; qu’un hectare de 
trèfle suffit pour quatre vaches pendant tout l'été; et qu’un hectare en 
racines en nourrit également quatre pendant tout l'hiver. Nos récoltes 
peuvent donc fournir à la subsistance de dix bêtes; et nous pourrons faci- 
lement joindre aux huit vaches, un âne et une génisse. Enfin, les deux 
hectares de céréales produiront environ 8,000 kilogrammes de paille, 
quantité suffisante à la litière de huit têtes de bétail; et s'il y avait quel- 
que déficit, nous y suppléerions par des genêts, des feuilles d'arbres et 
des débris d’autres végétaux servant ordinairement à cet usage. 

124. Toutes les parties du service de l'exploitation sont donc en parfait 
équilibre : le personnel suffit aux travaux; les récoltes, à l'entretien du 


4 Morel de Vindé, Mémoire de la Société royale et centrale d'agriculture. 
2 Boussingault, Recherches sur les engraïs. 


de Sam en Ée de 


DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 29 


bétail; le bétail, à la production des engrais; les engrais, à la prospérité 
de la culture. Mais les avantages du fermier sont-ils suffisants et de nature 
à fixer sur les landes fertilisées une population probe et laborieuse ? C’est 
ce que nous allons examiner. 

Déjà nous avons esquissé la situation du cultivateur dans nos petites 
exploitations ($ 96) : voyons maintenant les profits qu'il en peut retirer. 

Par le compte des recettes et dépenses annexé sous la lettre G, nous 
trouvons que dans chaque ferme : 


Les recettes peuvent être évaluées à. . . . . . . . . . . .fr. 1,702 
EST DENSES AE RC EE UC Ne 702 
Ce qui donne un produit net de . . . . . . . . . . . . .fr. 1,000 


ou l’équivalent de la mise apportée dans l'exploitation. Le fermier gagne 
donc annuellement 100 pour 100 de son capital. 

Or, en évaluant à 250 francs le montant des déboursés annuels pour 
l'achat des objets de consommation non fournis par la ferme !, et à pareille 
somme, les frais de vêtement pour une famille de cinq personnes, il res- 
tera, toutes dépenses déduites, 500 francs de bénéfice au fermier. Peu de 
familles d'agriculteurs se trouvent dans une condition aussi favorable. 

125. Après avoir ainsi établi les preuves du succès et de la stabilité 
de nos opérations, jetons en dernier lieu un coup d’œil sur les avantages 
du propriétaire. 

Le montant des dépenses occasionnées par la création des douze exploi- 
tations et le boisement de 24 hectares, y compris les intérêts successifs 
des sommes avancées pendant le défrichement, s'élève, d’après le compte 
annexé sous la lettre H, à 69,000 francs ?. À partir de la cinquième année, 
ce capital donne un revenu annuel de 500 francs pour chaque ferme, ou 


1 M. le comte de Lichtervelde, dans son Mémoire sur la Flandre orientale, ne porte qu'à 200 flo- 
rins de Brabant, le total des déboursés d'un ménage de douze personnes. 

2 Pour mettre l'exploitation d’un défrichement en grand à la portée de toutes les fortunes, on 
pourrait recourir au système des associations. Un simple agent, qui traiterait avec des entrepre- 
neurs de défrichements et de constructions pour les opérations de détail, n'aurait, au bout de cinq 
ans , qu'à toucher les revenus de l'exploitation, et les répartir entre les actionnaires. 


60 DE LA FERTILISATION DES LANDES, etc. 


5,600 fr. pour les douze exploitations ; ce qui fait 5 + p. 0 du capital fon- 
cier. Ce revenu, presque double de celui qu’on retire ordinairement des 
biens ruraux, est certes de nature à satisfaire toute personne raisonnable ; 
et il sera encore augmenté, avec le temps, du produit des 24 hectares de 
bois, dont la valeur, après 80 ans, est de 10,000 francs l’hectare. Il y a 
donc lieu d’espérer que les spéculateurs, qui livrent souvent leurs capitaux 
aux chances hasardeuses d'opérations industrielles ou d’expéditions loin- 
taines, saisiront avec empressement des moyens de placement non moins 
lucratifs et beaucoup plus assurés, lorsque l’exécution de quelques dé- 
frichements ainsi opérés, aura fait connaître les avantages que peut offrir 
la fertilisation des terres incultes. C’est au Gouvernement qu'il appartient 
de prendre à cet égard une généreuse initiative; et la Belgique, qui a su 
se placer au premier rang des nations amies du progrès, par la création 
de ses lignes de chemins de fer, peut conquérir non moins de gloire et 
de renommée, en utilisant les sources de travail et de richesse que ren- 
ferme l’œuvre du défrichement des bruyères. 


En attendant la réalisation de cet espoir, puisse notre essai, basé sur 
l'expérience des faits autant que sur l'autorité des principes, mériter l’ap- 
probation du corps savant dont l’indulgence accueille toujours favorable- 
ment les efforts de ceux qui tendent à augmenter la prospérité publique ! 


Janvier 1846. 


ANNEXES. 


A. Aperçu des travaux, des dépenses et du produit d’une plantation d’arbres 
résineux sur un hectare de bruyères. 


L'opération se fait au moyen d'un semis en pépinière, et d’un repiquage en potets ($$ 55 et 41). 


4 Formation de la pépinière. 


Edratontde 20/ares derterrainst 0. LOU LS EN RIT SN IN 100 SPAIN Er 
ÉnÉpamnonteteutture)QuiSOl ER CNET CRC TTC E 10 » 
Achat d'un kilogramme et demi de graines, à 4 francs . 6 » 
Main-d'œuvre pour les semis . . . . . . . . . . . . . . 2 » 
Soins à donner ultérieurement . . . . . . . . . . . A2)» 


Torar des dépenses. . . .fr. 55 


Le produit de ce semis étant de plus de 50,000 plants, le millier revient à 70 centimes. 


2 Repiquage et plantation. 


Valeur de 5:000)plants à /10lcentimes "CN de Te 10100 
Frais de déplantation . . . > Chutes tes de D 0: OR 
Ouverture de 5,000 trous, à 1 fr. ‘50 c le ile PALERME AREAS 0 (2) 


RBMEIDIANATION NAT QUE ee  205/(E) 


Brontanta/pipour plants ATEMPIACErn. UN NEO US) 


Montant ducont del plantation #0 0-20 0-0 MAD 
Creusement du fossé de clôture. 10/1. DU: yen t-0 20) (5) 


Toraz des dépenses par hectare . . .fr. 60 » 


(*) Le travail d’un ouvrier terrassier étant de 10 mètres cubes par jour, il lui sera possible de creuser pendant le 
même temps, 1.000 trous de 20 centimètres carrés sur 25 centimètres de profondeur , ce qui équivaut au déplacement 
de 10 mètres cubes. 

(2) Trois ouvriers, marchant bien d'accord, peuvent planter 1,000 pieds par journée de 10 heures , ou 100 pieds 
par heure. Les deux ouvriers travaillant au plantoir , gagnent 1 franc 50 centimes chacun; le troisième , qui porte 
les plants , ne reçoit qu'un franc; total : 4 francs le mille. 

() Pour évaluer le coût du fossé de clôture, nous avons supposé une plantation d’une étendue de 25 hectares, 


62 ANNEXES. 


ÉVALUATION DU PRODUIT. 


La dépense totale de 60 francs représente avec les intérêts cumulés à 5 p. ‘0 pendant 80 ans, 
un capital de 2,958 francs 60 centimes, soit 3,000 francs. 

Pendant la durée de cette période, on fera, de 16 en 16 ans, des éclaircies, que nous évaluerons 
à un cinquième des arbres. Laissant le produit qu'on en retire pour les frais de garde et de main- 
d'œuvre, on arrive, sans aucun surcroît de dépenses, à la fin des 80 années, et l'on a pour produit 
1,000 arbres, dont la vente, à raison de 10 francs, donneun totalde . . .fr. 10,000 » 
Le montant des dépenses était de . . . . . . . . . . . . . . . . 3,000 


1 y a donc un bénéfice de . . . . . . . + . . . . 2 ds fr: SO 000RE 


outre l'augmentation de valeur que le sol en retire par l'épaisse couche d'humus qui s'est formée 
inseusiblement de la décomposition des feuilles tombées. 

Tel est l'héritage que peut léguer à ses descendants tout propriétaire d’un hectare de bruyères 
aujourd’hui sans rapport, moyennant une faible dépense de 60 francs. Mais si, dans notre siècle 
positif, on doit peu compter sur la sollicitude des particuliers pour leurs arrière-petits-neveux, il 
faut espérer que les communes, propriétaires d'immenses bruyères, s'occuperont d'améliorer par 
le boisement le bien dont elles ont la tutelle. En choisissant convenablement les sites à boiser, elles 
exécuteront de véritables travaux d'utilité publique, par les avantages qui en résulteront pour 
l'adoucissement du elimat et la salubrité du pays. C’est même une œuvre à laquelle le Gouvernement 
devrait s'intéresser, en accordant des subsides aux communes sans ressources. Un encouragement 
de 25 francs par hectare, ne réclamerait qu'une somme de 100,000 francs pour faire opérer le 
boisement de 4,000 hectares de landes dans les parties les moins abritées de la Campine et des 
Ardennes. 


B. Aperçu des travaux et dépenses nécessaires à la conversion d’un hectare 
de bruyères en prairies. 


Clôtures, fossés et plantations ET ONE EE ten DT 
Enlèvement des pierres, extirpation des racines, ete. . . . . . . . . . . 40 » 
Travaux de nivellement et d'irrigations naturelles . . . . . . . . . . . 50 » 
Achat de 75 hectolitres de chaux à 6 francs le mètre eube. . . . . . . . . 45 » 
Préparation et épandage du compost PONT AA DCR RE DO OMC A0) © 


A+ RRPORTER,. = «fe 195 


offrant un périmètre de 2,000 mètres , et un déblai d’environ 3,000 mètres cubes. À raison de 15 centimes le mètre 


cube , l'ouverture des fossés coûtera 450 francs ; ajoutant 50 francs pour le semis de genêts, le total, 500 francs, 
réparti sur 25 hectares, donne pour chacun 20 francs. 


ANNEXES. 


Rerorr. . . . . .fr. 
Cinq labours , hersages et roulages. . . . . 4 . . . . .. . . . … . 
rames pour semis(d'engraisNerts EE Et ee, - 
Idem pour semis d'avoine, trèfle et foin . . . . . . . . . . . . . 


TOTAL serre ps mnsenesnffs 

Intérêts de cette sommependant la durée des travaux (18 mois), à 5 p.%0, 27 fr. 75 c‘, 

Gi 6 4 PROMIS OPERA EUR NT PE AU 

Horansdestirais Der: 

A déduire le produit de la récolte d'avoine obtenue la seconde année, soit 25 hecto- 
Des Gr OR EN ER PS LE 


Reste en compte. . . .fr. 


495 5» 
90 » 
45 » 
40 » 

370 » 
30 » 

400 » 

450 » 

230 » 


Au moyen de cette dépense, on obtient, à compter de l’année suivante, des récoltes de fourrages 
d'une valeur de 150 francs, qui vont même plus tard à 250 francs. Mais il faut faire d'abord une 
avance de 400 francs, somme ordinairement au-dessus des ressources de l'habitant des landes. 
On ne peut donc pas compter sur la population de ces contrées pour la fertilisation du sol. 


€. Aperçu des travaux et dépenses nécessaires à la conversion d’un hectare 


de bruyères en terre arable. 


Clôtures et plantations . . LE ROMA MOMIE RO Enr ET 
Enlèvement des pierres, don 1 T'ACLHES 2 CLOS M DE CCE 
Nivellement du sol. . . . . D BD DMC MCE 


Achat de 75 hectolitres de chaux à 60 € centimes . 

Préparation et épandage du compost 

Quatre labours, hersages et roulages . . . . . . . . . . 
Graines pour semis d'engrais verts . 


ÉOTATE PR cle 
Intérêts de cette somme pendant un an . . . . . . . . . . 
Toraz des frais. . . .fr. 


20 » 
40 » 
20 » 
45  » 
20 » 
12 
45  »(1) 
262 » 
43» 
PAT (Yu) 


Ainsi, au bout d'une année, d’un printemps à l'autre, un hectare peut, moyennant une dépense 


de 275 francs, être suffisamment préparé et fertilisé pour être mis en culture. 


() Les graines nécessaires aux semis successifs des plantes destinées à l'enfouissement comme engrais , sont : 


1° Semis de sarrasin , un hectolitre et demi à 10 francs. , . . . . .fr. 15 
20 — navets ouspergule . . . . ea anrethes se NT 10 
3 — seigle, un hectolitre et demi à 16 faces Ne de Pacte LA 


Toraz. 5 


64 


ANNEXES. 


D. Tableau des opérations successives d’un défrichement de 96 hectares, 
effectué en cinq ans. 


SOLES, 17e ANNÉE. 
Préparation. 
Préparation. 


Préparation. 


Première série. 


érie. 


Deuxième s 


Qme ANNÉE. 


Sainfoin. 


Sainfoin. 


Avoine et trèfle. 


Préparation. 


Préparation. 


Sainfoin. 
Préparation. 


Préparation. 


DM ANNÉE. 


Sainfoin. 
Sainfoin. 
Trèfle. 
Avoine et trèfle. 
Racines. 
Préparation. 
Préparation. 


» 


Sainfoin. 
Sainfoin. 
Avoine et trèfle, 
Préparation. 
Préparation. 

» 

» 


Ame ANNÉE. 


Sainfoin. 


Sainfoin. 


Seigle. 
Trèfle. 
Avoineet trèfle. 


Sainfoin. 
Racines. 


Préparation. 


Sainfoin. 
Sainfoin. 
Trèfle. 


Avoine et trèfle. 


Racines. 
Préparation. 
Préparation. 


Préparation. 


Dme ANNÉE. 


Sainfoin. 
Sainfoin. 
Sainfoin. 
Seigle. 

Trèfle. 
Sainfoin. 
Avoïne et trèfle. 


Racines. 


Sainfoin. 
Sainfuin. 
Seigle. 

Trèfle. 
Avoineettrèfle. 
Sainfoin. 
Sainfoin. 


Racines. 


Observations. — 1. Chaque sole est composée de 6 hectares, un par exploitation. — Les huit premières lettres indi- 
quent les soles de la première série; les huit autres celles de la seconde série. 
2, La préparation consiste dans les travaux de défrichement et de fertilisation qui précèdent la mise en culture. 


3. Les indications eu italiques font connaître les soles déjà confiées aux cultivateurs. On saisit ainsi d'un seul coup d'œil, 


la composition de chaque exploitation pendant la 3me, la 4me et la 5me année. 


E. Détail et estimation des constructions à faire pour chaque ferme. 


L'ensemble des constructions nécessaires à nos petits exploitations forme un bâtiment de 18 
mètres de long, sur 8 de large et 6 de hauteur, occupant une superficie de 150 mètres carrés, et 
offrant un développement de murs d'environ 400 mètres de surface. Pour donner un aperçu des 
frais que peut occasionner un bâtiment de ces dimensions , nous allons faire un devis approximatif 
des travaux, avec des évaluations moyennes, qu'il sera facile d'augmenter ou de réduire selon les 
localités. 


ANNEXES. 


CONSTRUCTIONS A FAIRE. 


50 mêtres cubes de déblais pour fondations, caves, etc. 


200 carrés de maçonnerie en pierres et briques. 


200 — de mursenterre (). 


80 de cloisons hourdées et platrées. 
de plafonds surlattes . 
— de plancher sur poutrelles 
cubes de bois de charpente . 
carrés de toiture en pannes . 
50 — de menuiserie { portes, fenêtres). 
100 — de pavement en pierres ou en cendrée . 
50 kilogrammes de fer pour ancres . 
Serrures, vitres , peinture, etc. 


Puits mitoyen pour deux exploitations . 


Une charrue 

Une herse . 

Une charrette. 

Harnais 

Une brouette . 3 

Deux tonneaux au purin 

Béches, faux et ustensiles divers 
Baratte et matériel de la laiterie 
Un âne. Re 

Trois vaches et une génisse 


65 


L'UNITÉ. 


. fr. 60 » 
20 » 

130 » 

90 » 

10 » 

20 » 

20 » 

50 » 

50 » 

550 » 

Toraz. ,. . «fr, 4,000: ‘» 


() À partir d'un mètre au-dessus du sol jusqu'au toit , les murs sont en pisé ou en terre liée d'un lait de chaux. 


Towe XXL. 


9 


66 ANNEXES. 


G. Compte des recettes et dépenses annuelles de chaque exploitation. 


RECETTES. 

Vente de 360 kilogrammes de beurre, à 4 fr. 50 € . . . . . . . . .fr. 540 »(1) 
— de 600 — de fromage, à 75 centimes . . . . . . . . . 450 5» 

— de 10 hectolitres de seigle, à 46 francs. + #20 MON, 160 »(?) 
— de42 + Mdavoine,à6 francs & 0,2 MINCE 252 » 
de quatre Veux ADD ITANCE Ne CS CCE "UE 100 » 
A IDNE DO EE) DPAESE) En Me ur nee lement Ne ee te ON NE 200 » 
Tor. otre MO 

DÉPENSES. 

Achat de graines pour semailles . . . . sg mdr 1 er ME Me CAO 100 »(5) 
— de 60 kilogrammes de Sels 45; centimes {ti ONE 27 » 
fear auvétérinaire et médicaments let le dirt ion 50 » 
Assurances, contributions et entretien du matériel . . . . . . . . . . 750» 

Dépensesaccidentelles ut Peuis, 0 nue CIO ROMANE EVENE 440 »(t) 
HOT TO LEUR RATS OS SM née à LE 1 500 » 


TOR EE AIENTr 702 » 


H. Calcul des frais de défrichement de 125 hectares et de l'établissement 
de 12 fermes. 


I. Dépenses organiques. 


Acquisition de 125 hectares de bruyères à 100 francs. . . . . . . .fr. 12,500 » 
DICDOUE CERDUP ARABIE VELS Eee NT OR Ne fe Den ne ne ie ne cie NA OURS 
Construchon de deux hanearés 2 0. 7 SC A eS C oi D UDURR 

À REPORTER. . . . .fr. 44,750 » 


() Toute vache de taille moyenne, suffisamment nourrie et entretenue, donne annuellement 1,800 litres dellait , 
produisant 15 p. °/, de crème , dont 4 litres forment 1 kilogramme de beurre; et les 1,500 litres de lait écrémé pro- 
duisent ensuite 100 kilogrammes de fromage. En portant la production totale du beurre à 360 kilogrammes, et celle 
du fromage à 600 kilogrammes , nous n’avons compté que sur six vaches, réservant le produit d’une septième vache 
laitière pour la consommation de la famille, et la huitième étant destinée à l’engraissement. — Le petit-lait sert à 
engraisser des porcs. 

©) Nous ne portons en vente que 10 hectolitres de seigle ; le reste sert à la nourriture de la famille. 

() Le cultivateur peut faire des économies sur cet article , en récoltant lui-même ses semailles. 

(*} Parmi les dépenses accidentelles se trouvent les frais de main-d'œuvre pour la rentrée des récoltes , ou le salaire 
d'une domestique, qui suffit alors comme auxiliaire pour la moisson. 


ANNEXES. 67 


REPORT Lee er AM 100) 
Achat de trois chevaux à 500 franes , . . . . . . . . .fr. 900 
de deux charnues A160 francs 0 FU OP) 
— "de deux herses en bois à 20/francs. 2040 0 A0 
"de deux herses en fer à 40 francs . . . . ©: . . . . . 80 
— de deux rouleaux en pierre à 40 fr M came meta 0 200 
pierre anes 
de deux tombereaux à 200 francs | 400 
Pour harnais, chaînes, ustensiles divers . . . . . . . . . . 300 
Piochess-béchesiet autres outils. … 2% + + : & 00h08. 01180 


II. Dépenses annuelles. 


Première ANNÉE. — Durée 6 mois (du 1° avril au 30 septembre 1847). 


Établissement des clôtures et fossés. . . - . . . . . . . . . .fr. 35,000 » 
Pont iA ÉOT OM ONEEN ONENTRNE T 30 » 
Frais de labours (six mois) . . MONS MEET © 419720) E) 
Frais de défrichement pour 24 Héetarees He à B C H CS 5 280 I() 
M ÉDENRES AID DO LES Re ee MC ER 68 » 
Toraz des dépenses faites à la fin de la première année . . .fr. 24,600 » 


Deuxième année.— (Du 1° octobre 1847 au 30 septembre 1848). 


Six mois d'intérêts à 5 p. (0 du capital employé. . . . - . . . .fr. 615 » 
Frais de labours . . . 6 Ah tement tt ON ref se Met DE RE 2 
Frais de défrichement des sales D E K L ; 5,480 » 
Frais de récoltes de 24 hectares à 10 franes . . . . . . . . . . . 240 » 
Dépenses imprévues + + + + . ..  ., - nl von 491 » 

Torau des dépenses faites à la fin de la deuxième année . . .fr. 31,600 » 


() FRAIS DE LABOURS. (Œ) FRAIS DE DÉFRICHEMENT. 
—_——_—_— 

francs. francs, francs. 
Nourriture de 5 chevaux . . . | 1,520 » 660 » | Chaux pour 24 hectares. . . . . 1,080 » 

Ferrure et vétérinaire . . . . 144 » 72 n | Formation et épandage descomposts. 480 

Salaire du maître laboureur . 600 » 500 » | Extirpation desracines,etc. . . . 900 
— du charretier . . . . 480 » 240 » | Graines pour engrais verts . , . . Y60 » 

\ 
Torar 2,544 » 1,272 » TOTAL: SIT 680 


{*) Voir l'indication des soles sur le tableau D , page 64. 


68 ANNEXES. 


REPORT 022 We Ar 


A née les produits des récoltes des 24 hectares cultivés : 


Six hectares d'avoine ou 150 hectolitres à 6 francs . . . .fr. 900 } 
Dix-huit hectares de sainfoin à 450 francs . . . . . . . . 92,700 f 
Reste en compte. . . .fr. 


Troisième ANNÉE. — {Du 1° octobre 1848 au 30 septembre 1849). 


Intérêts du capital déjà employé." . 0 0 TO IUT 
Constructions pour six fermes de la première se - 

Plantation de 24 hectares à 32 fr. 50 c° 

Frais de labours 

Frais de défrichement au éolés F c M N. 

Frais de récoltes de 18 hectares à 10 francs 

Dépenses imprévues . 


Torac des dépenses à la fin de la troisième année . . .fr. 


A péume le produit des récoltes des soles I K L : 
Six hectares d'avoine ou 450 hectolitres à 6 franes. . . . .fr. 900 
Douze hectares de sainfoin à 450 franes. .: : . . . . . . 4,800 


Reste en compte . . . fr. 


Quarrième année. — (Du 1° octobre 1849 au 30 septembre 1850). 


Intérêts du capital déjà employé. . . . RE LE 
Constructions pour les six fermes de la me tie. 

Frais de labours 

Frais de défrichement des ces H 0 P Q. 

Dépenses imprévues 


ToraL des dépenses à la fin de la quatrième année . . .fr. 
À DÉDUIRE : 


1° Le fermage des six NCIS de la Es série, louées 
seulement 200 francs . . . Ut: 4,200 | 

2 Le prix de la vente des de et jt ET moitié de l'éva- 
liongduipris d'achate CE CC ONCE RENE dd 


Mowranr du capital foncier. . .fr. 


CINQUIÈME ANNÉE. 


Les douze fermes en RES an 6 à raison de 300 francs de location, 
un revenu de . . . . D Vo A 0 te M A 5 À à ce 
Ce qui porte le taux de l intérét à É) 3%] p-° 


FIN. 


51,600 » 
3,600 » 
28,000 » 
4,400 » 
15,000 » 
780 » 
2,544 » 
5,480 » 
180 » 

16 » 
51,400 » 
2,700 » 
48,700 » 
2,435 » 
44,000 » 
2,544 » 
3,480 » 
M » 
71,200 » 
2,200 » 
69,000 » 
3,600 » 


DISSERTATION 


RAISONNÉE 


SUR LES MEILLEURS MOYENS DE FERTILISER LES LANDES 


DE 


LA CAMPINE ET DES ARDENNES, 


INT DE VUE 


DE LA CRÉATION DE FORÈTS, DE PRAIRIES ET DE TERRES ARABLES, 


RÉPONSE À L’UNE DES QUESTIONS DU PROGRAMME DU CONCOURS DE 1846 DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 
ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES , CLASSE DES SCIENCES 


PAR 


J.-B. BIVORT, 


Chlef de bureau au Miaistère de l'Intérieur 


Toue XXI. Î 


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…" 


DÉFRICHEMENT 


DES 


TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 


Des capitaux employés avec intelligence peuvent fertiliser 
jusqu’à des rochers, 
(3.-B'e Sax.) 


Déjà en 1857, le prince sage et éclairé qui préside aux destinées de 
la Belgique, conçut l’idée du défrichement. Depuis, le gouvernement ! a 
consulté les conseils provinciaux ou leurs députations permanentes et les 
commissions provinciales d'agriculture, sur les moyens de l’assurer; di- 
vers économistes et agronomes se sont également prononcés à cet égard: 
M. Bivort ? à résumé, examiné et discuté les différents systèmes qui ont 
été mis en avant. Cet auteur et quelques autres ont aussi traité la ques- 
tion du défrichement sous le rapport économique et sous le rapport 
social ; ils ont fait connaître les résultats que doit donner cette belle 
opération, et ils y ont vu, avec raison, un moyen d'augmenter le capital 


national et d'améliorer la condition de la classe ouvrière. 


1 Circulaire du Ministre de l'intérieur (M. Nothomb) du 50 juin 4843. Brux., imprimerie du 
Moniteur belge, 1843. 
2 Essai sur le défrichement des terres inculles de la Belgique. Brux., Deprez-Parent, 1844. 


SUR LE DÉFRICHEMENT 


TS 


Malgré les essais de défrichement qui ont été faits, et les mesures légis- 
latives ou administratives qui ont été prises depuis bientôt trois siècles 
pour les favoriser, c’est à peine si des 500,000 hectares de terres incultes 
qui couvrent le sol du pays, quelques milliers ont été rendus à la culture; 
et si de nouveaux essais se poursuivent de nos jours, ils ne trouvent que 
très-peu d’imitateurs. 

On considère généralement comme causes principales de cette imac- 
tion, l'espèce de mainmorte qui pèse sur les terres à défricher, l'absence 
de voies de communication et le manque de capitaux et de bras dans les 
contrées à défricher. 

À nos yeux ces causes ne sont que secondaires : tous les terrains ne 
sont pas la propriété des communes et, comme tels, soumis au pâturage 
des bestiaux de la communauté; ils appartiennent, en assez grande partie, 
à des particuliers, et ceux-ci ne demanderaient pas mieux que de pouvoir 
les vendre avantageusement. 11 est même bon nombre de communes qui 
sont dans les mêmes dispositions. Mais personne ou presque personne ne 
veut de ces terres; nous verrons tout à l'heure pourquoi elles ne sont pas 
recherchées. 

En ce qui concerne les voies de communication, nous sommes loin de 
nier qu’elles soient d’une grande importance pour l'agriculture : elles 
facilitent le transport des engrais, qui sont la base de toute culture, et 
elles donnent de la valeur aux produits de la terre en les rapprochant 
des consommateurs et en les rendant ainsi échangeables. Il n’en est pas 
moins vrai que l'absence de routes dans une contrée, n'y est pas toujours 
un obstacle à la culture avantageuse du sol. « Là où ce cas se présente, 
le cultivateur intelligent s'applique à produire, au lieu de matières en- 
combrantes, telles que les grains, des denrées d’un transport facile et 
moins coûteux, comme les denrées animales, les fromages, les laines et 
surtout les bêtes d'élève et de boucherie, qui peuvent être envoyés à de 
grandes distances et presque sans frais !. » Du reste, les contrées à dé- 


! Moll, Manuel d'agriculture ou traité élémentaire de L'art du cultivateur, ele., ouvrage couronné. 
Brux., Deprez-Parent, 1845, p. 221. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. > 


fricher ne sont pas totalement dépourvues de voies de communication, 
car une grande route des plus commodes et des plus sûres, traverse l'Ar- 
denne luxembourgeoise dans toute sa longueur. Eh bien! il y a tantôt 
dix-huit années qu’elle existe, sans qu’elle ait eu pour effet d’amener la 
mise en culture des immenses étendues de bruyères qui la longent : les 
quelques centaines d'hectares de ces bruyères qui ont été défrichés, ne 
peuvent réellement pas être pris en considération. Cependant nous n’en 
croyons pas moins qu'en dotant nos contrées incultes d’un large sys- 
tème de voies de communication, l'État aiderait puissamment au défri- 
chement. 

Le cultivateur, comme lindustriel et le commerçant, ne peut rien 
sans capitaux. On ne peut certes pas dire qu'ils abondent dans ces con- 
trées, mais il n’en manque pas en Belgique, et il est naturel qu'ils se 
portent là où il y a des profits à réaliser. Il en est de même des tra- 
vailleurs : les uns et les autres se produisent, s’allient et combinent leurs 
efforts là où le travail est utile ! et productif. C’est ainsi que, récem- 
ment, des colons et des capitaux belges ont traversé les mers pour aller 
fertiliser les terres incultes de Guatimala, et qu'en 1844, nous avons vu 
le comte d'Harnoncourt arriver en Belgique et la quitter accompagné d’un 
nombre assez considérable de colons belges, la plupart Luxembourgeois, 
destinés à défricher les terres incultes que ce seigneur possède dans la 
Moravie. 

D'ailleurs, comme le fait très-bien remarquer M. Bonjean, « l’agricul- 
ture, par la garantie qu'elle offre, doit provoquer les capitaux. Des ac- 
quéreurs se présenteront pour tirer parti de nos landes. Leur propre in- 
térèt les y convie; car on n'obtient maintenant des propriétés qu'avec 
difficulté et à des prix excessifs; tandis qu’on sait que des landes ache- 
tées au prix courant, selon les localités, ont décuplé de valeur peu d'années 
après avoir été défrichées ?. » 

Mais, nous dira-t-on, s'il est vrai que les capitaux et les travailleurs 

! Rossi, Cours d'économie politique, 18° leçon. Brux. 


2 Bonjean, Essai sur la question du défrichement des landes et bruyères ct sur diverses amélio- 


rations. Liége, Oudart, 4845, p. 78. 


6 SUR LE DÉFRICHEMENT 


se portent là où ils peuvent trouver un emploi utile, comment se fait-il 
que les Ardennes et la Campine continuent à rester improductives, et 
alors surtout que des essais de défrichement qui y ont été faits, ont par- 
faitement réussi? Cela vient, croyons-nous, de ce que ces essais ont exigé 
de trop fortes avances en capitaux qui n’ont donné que de légers béné- 
fices; que, parfois, il y a eu perte pour l'entrepreneur, parce que le pro- 
duit brut n’a pas suffi au remboursement des avances avec les profits 
usuels, et que même, dans certains cas, l'entrepreneur n’a retiré de sa 
terre que des valeurs égales aux valeurs consommées. En d’autres termes, 
l'ignorance de modes d'exploitation assez économiques, nous paraît de- 
voir être considérée comme la cause principale de l’état de stérilité des 
Ardennes et de la Campine; car, enfin, « produire au meilleur marché pos- 
sible, afin de pouvoir vendre aux mêmes prix que les autres producteurs, 
voilà la nécessité qui ne cesse pas plus de régir le travail agricole que le 
travail industriel !; produire beaucoup et à peu de frais, là est tout le sys- 
tème agricole ?. » On peut ajouter que la plupart des entreprises de dé- 
frichement, par cela même qu’elles n'étaient pas dirigées par une intelli- 
gence supérieure dans un but commun, n’ont souvent pu produire que 
des résultats individuels. Des travaux d’ensemble, rationnels, exécutés 
d’après une législation prévoyante, encouragés et soutenus par le gouver- 
nement, peuvent seuls arracher nos landes à leur état d'infertilité. 
Maintenant, que ce soit le gouvernement qui entreprenne le défriche- 
ment où qu'il l’'abandonne à l'industrie privée, l'un et l'autre ne s’en 
chargeront que pour autant qu'ils pourront le faire par des moyens éco- 
nomiques, mais surtout moins coûteux que ceux employés jusqu'à ce 
jour. Trouver un mode d'exploitation qui exigerait peu d’avances et qui 
assurerait des profits certains, c’est donc appeler sur nos terres incultes 
les capitaux et les bras nécessaires. Ce qui nous confirme dans notre 
opinion, c’est le fait économique suivant : lorsqu'il surgit une nouvelle 
branche d'industrie ou de commerce, si elle promet d’être lucrative, 
1 Hipp. Passy, nfluence des cultures sur l'économie sociale. Jounnaz pes éconowsres, édit. belge, 


fév. 1845, p. 88. 
? Pellault, L'art de s'enrichir par l'agriculture, ete. Paris, Dusillon, 1845, p. 2. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 


I 


elle ne manque jamais d'entrepreneurs; si elle prospère, le monopole 
qu'exercent les premiers occupants se trouve bientôt en présence de 
la plus rude concurrence, ce qui fait que les profits finissent quel- 
quefois par devenir si faibles, que ceux qui, les premiers, lui avaient 
voué leurs capitaux, les en retirent pour leur donner une autre desti- 
nation. 

D’après ces considérations, nous pensons que l’Académie royale de 
Bruxelles, en demandant une Dissertation raisonnée sur les meilleurs moyens 
de fertliser les landes de la Campine et des Ardennes, n’a pu comprendre par 
ces moyens que ceux que nous venons d'indiquer. C’est à les trouver que 
nous allons mettre notre étude et nos soins. 


Dans les avantages naturels d’un pays, le climat est aussi essentiel que 
le sol, et il est impossible de se former une idée nette de ses propriétés 
et de ses ressources, à moins d’être familiarisé avec les avantages et les 
désavantages de ses différents territoires !. Le cultivateur qui ne connaît 
pas le climat de sa localité, s'expose à essuyer de fréquentes pertes. C'est 
pourquoi, avant de nous livrer à la recherche du système d'exploitation 
qu'il convient d'adopter dans les Ardennes et dans la Campine, nous fe- 
rons connaître préalablement le climat de ces contrées; nous indiquerons 
en même temps comment il est possible d’en corriger l’äpreté, afin de le 
rendre plus favorable à la végétation. 

Il n’est pas moins important que nous connaissions la composition et 
la nature du sol de ces contrées, car, sans cette connaissance, il est im- 
possible que le cultivateur puisse tirer un bon parti de son terrain. Cet 
examen nous conduira à proposer également les moyens d'améliorer le 
sol, afin de le rendre propre à la production. 

Puisqu’on assigne, et avec raison, croyons-nous, au défrichement un 
but plutôt social qu'économique ?, cette opération devra se faire de ma- 
nière à satisfaire aux besoins du pays; nous devrons donc exposer ces 


besoins. 


ï Arthur Young, Voyage en France, tom. I, pag. 188. 
2 Le Roi, Discours d'ouverture de la session de 1843-1844. 


8 SUR LE DÉFRICHEMENT 


Enfin, si la Belgique est renommée par ses progrès agricoles, 1} n’en 
est pas moins généralement admis que l’art agricole y est encore suscep- 
tible de nouvelles améliorations. Ces perfectionnements ne peuvent avoir 
pour but que d'augmenter la production du sol; comme tels, ils nous pa- 
vaissent de nature à venir en aide au défrichement. Celui-ci peut, d’un 
autre côté, devenir un moyen d'introduire ces améliorations. C’est pour- 
quoi nous croyons nécessaire de faire connaître en quoi elles peuvent 
consister, et de rechercher en même temps les moyens de les obtenir. 
Cette partie de notre travail se lie, en quelque sorte, à la connaissance 
des meilleurs modes d'exploitation. 


CLIMAT. 


La Campine s'étend sur les provinces d'Anvers et de Limbourg; elle ne 
forme qu’une vaste plage. Dans les Ardennes, qui comprennent une partie 
des provinces de Luxembourg, de Liége et de Namur, des plaines alter- 
nent avec des pentes ou des collines couvertes de forêts ou hérissées de 
rochers. Dans ces deux contrées, le climat est àpre, mais le froid est 
moins intense dans la première, parce que la masse d’eau qui la couvre, 
et les fréquents brouillards qui s'élèvent des endroits marécageux, en 
augmentent considérablement lhumidité. Dans l’une et dans l’autre de 
ces contrées, le besoin d’abris, qui y adouciraient la température et pro- 
tégeraient les cultures contre l’action des vents, se fait vivement sentir. 
Il est vrai que les Ardennes se trouvent en partie garanties par des forêts, 
mais, disposées en massifs d’une trop grande étendue, ces forêts laissent 
souvent à côté d'elles des bruyères d’une étendue plus grande encore, et 
livrées, sans défense, à l’intempérie des saisons. 

Déjà plus d’une fois, nous avons entendu dire que l'äpreté du climat 
des Ardennes y serait toujours un obstacle invincible à une riche pro- 
duction. C’est une erreur qu’il est important de combattre. Certes, la ger- 
mination ne se développe qu’au moyen de la chaleur, qui fait élaborer la 
séve. Mais il est à remarquer que les plantes reçoivent aussi de la chaleur 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 9 


de l'intérieur du globe. D'après Buffon, « la chaleur que le soleil envoie 
à la terre, est même peu de chose en comparaison de la chaleur propre 
du globe terrestre; à tel point que cette chaleur envoyée par le soleil, ne 
serait pas seule suffisante pour maintenir la nature vivante 1. » D'où nous 
croyons pouvoir conclure que l'’äpreté du climat des Ardennes ne doit pas 
être considérée comme une cause de la stérilité de cette contrée. D'un 
autre côté, l’homme peut modifier les influences du climat, en assainis- 
sant, en défrichant, mais surtout en peuplant le pays : il lui rend ainsi de 
la chaleur; et cela se conçoit aisément, si l’on réfléchit que tous les êtres 
doués du mouvement progressif sont eux-mêmes autant de petits foyers de 
chaleur; que les eaux stagnantes et croupissantes deviennent des causes 
secondaires du froid, et qu'une seule forêt de plus dans une contrée, 
diminue, par son ombrage, la chaleur du soleil. 


SOL. 


Le sol arable est formé de quatre substances principales, savoir : le 
sable, l'argile, la chaux et l’humus. Presque tous les terrains renferment 
aussi du fer, qui leur donne leurs nuances. De la combinaison de ces 
diverses substances, résulte un grand nombre de variétés de terrains. 

Le sable pur, l'argile pur et la chaux pure sont stériles : le premier 
manque d'humidité, la seconde est trop compacte et n’absorbe pas assez 
l'eau, la troisième a trop de chaleur et décompose trop subitement les 
engrais. L’humus, ou terreau, est formé de la décomposition des matières 
végétales où animales; c’est la partie la plus nutritive du sol cultivable, 
et, par cette raison, la plus importante. 

Le sol, pour être fertile, doit contenir du sable, de largile et de lhu- 
mus ; la présence de la chaux ajoute à sa fertilité. 

Une terre est d'autant meilleure que sa couche arable, c’est-à-dire 
l'épaisseur de la terre cultivée, est plus profonde. Le sous-sol, ou la 


couche de terre placée immédiatement sous la terre cultivable, exerce 


! Buffon, Histoire naturelle : Tutowe pe LA rene, Paris, Deterville, 1809, t, Lr, p. 255. 


Touwe XXI. 2 


10 SUR LE DÉFRICIHEMENT 


une grande influence sur la qualité du sol. Les moins productifs sont les 
sous-sols ferrugineux et ceux formés de roches et de galets. Ceux com- 
posés d'argile ou de sable purs, sont moins mauvais et peuvent être mélan- 
gés à la terre cultivable par des labours profonds. 

Ces notions préliminaires nous ont paru indispensables, parce qu’elles 
nous permettront de juger , du premier coup d'œil, de la qualité du sol 
de la Campine et de celui des Ardennes. 

Le sol de la Campine se compose d’une couche de sable plus ou moins 
épaisse, recouverte de 10 à 20 centimètres de terre végétale ; le sous-sol 
est argileux; dans certaines parties, la terre est sèche; dans d’autres , elle 
est plus ou moins marécageuse 1. 

Le sol de l’Ardenne luxembourgeoise, formé de détritus, de roches 
quartzeuses et schisteuses, est tantôt sablonneux, tantôt argileux; la terre 
végétale n’y manque pas, la couche en est presque partout de 28 à 81 
centimètres ?. 

Le sol, mais surtout le sous-sol de l’Ardenne liégeoise, est composé de 
schistes, de terrains ardoisiers, de calcaires cu de poudingues; la terre 
végétale n’y manque pas non plus5. Le sol et le sous-sol de l’Ardenne 
namuroise présentent à peu près les mêmes éléments. 

Ainsi que nous venons de le voir, le sol des contrées à défricher est, 
par sa nature, cultivable. Ce qui le prouve mieux encore, c'est qu'à côté 
des terrains arides on rencontre, surtout dans le voisinage des habitations, 
des parties de terre de même nature qui produisent de belles récoltes, 
et que des essais de défrichement faits récemment, tant dans les Ardennes 
que dans la Campine, ont parfaitement réussi #. 


1 Constant, Du défrichement des terrains sablonneux, et particulièrement des bruyères de la 
Campine. Bruxelles, Deprez-Parent, 1839, p. 9. 

? Raingo, Notice sur le défrichement des bruyères et sur la formation de colonies agricoles dans 
les Ardennes. Mons, Em. Hoyois, 184%, p. 5. — Rapport de la députation permanente de Luxem- 
bourg, sur le défrichement. Arlon, 1844, p- 55. 

5 Rapport adressé à la députation permanente du conseil provincial de Liége, par la commission 
d'agriculture de cette province. Liége, Latour, 1844. 

4 Exposé sur la siluation administrative du Luxembourg, par J.-B. Thovn. Arlon, Bruck, 1854, 
p. 93. — De Saive, Sentinelle des campagnes. Bruxelles, Meline, 1842, p. 97. — Le Docte, 
Essai sur l'amélioration de l'agriculture en Belgique, ete. Liége, Desocr, 4844, pp. 62 et 65. — 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 11 


AMÉLIORATION DU SOL. 


Là où la couche arable n'offre point le mélange des substances que 
nous avons indiquées comme devant entrer dans la composition d’une 
terre cultivable, on peut la rendre propre à la production, en l’amé- 
liorant, soit physiquement, soit chimiquement. 

L'amélioration physique, qu’on appelle aussi marnage, s'obtient en 
mélant le sable et les graviers aux terres fortes, l'argile aux terres cal- 
caires ou siliceuses. Ces opérations peuvent se faire presque partout en 
défonçant le sol, et en ramenant au jour une partie du sous-sol pour le 
mélanger avec le sol. Les terres en friche offrent aussi généralement les 
substances nécessaires à la formation de l’humus là où il manque. Si le 
sol est tourbeux ou marécageux, on le rendra cultivable en y mélant de 
la terre argileuse, calcaire ou sablonneuse. D’après Chaptal, le sol, pour 
être fertile, doit contenir 77 à 79 parties de sable, et au moins 9 à 14 
d'argile, et 5 à 12 de chaux !. Un sol argileux, qui a plus de 80 p. % 
d'argile, un sol siliceux renfermant plus de 95 p. ‘ de sable, et un sol 
calcaire qui a plus de 40 p. % de chaux, ne sont plus cultivables. Les 
meilleures terres sont les terres franches; elles sont formées d'environ 45 à 
95 p. Vo de sable, un peu moins d'argile, 1 à 10 de chaux, et 5 à à 
d'humus ?. 

Les améliorations chimiques qu’on pourra faire subir aux landes des 
Ardennes et de la Campine, consistent en amendements et en engrais. 

Les amendements, qu'on confond, assez généralement et à tort, avec 
le marnage, dont nous venons de parler, sont des moyens de fertilisation 
factices et industriels ; ils conviennent surtout dans les contrées pauvres. 


Nous croyons inutile de donner ici la nomenclature de toutes les espèces 


Wodon, Des moyens de fertiliser les Ardennes, le Condroz et la Campine. Liége, Redouté, 1843, 
p. 7. — Stephens, Mémoire sur les moyens d'utiliser les terrains incultes en général. Verviers, 
Nautet, 4844. — Kenens, Note sur le défrichement de la Campine, par l'armée. Bruxelles, Hayez, 
1844, pp. 13 et 14. 

1 Chimie appliquée à l'agriculture, 1.4, p: 3. 

% Moll, L. c., p. 22. 


12 SUR LE DÉFRICHEMENT 


d’amendements, parce qu'ils sont généralement connus; mais nous nous 
arréterons un moment à celui qui, parmi eux, occupe la première place: 
nous voulons parler de la chaux calcinée. « L'application de la chaux est 
avantageuse dans presque tous les terrains; elle divise les terres argileuses 
et ameublit les terres compactes; elle agit encore avec plus d'efficacité sur 
les terrains schisteux, sur les terres froides et inertes 1. » 

L'effet de la chaux est merveilleux dans les terres de l'Ardenne; ce qui 
le prouve, c'est l’état plus favorable de l'agriculture dans les cantons qui 
sont assis sur le terrain calcaire ?. 

L'emploi de la chaux, pas plus que de tout autre amendement, ne dis- 
pense pas de fumer le sol : elle lui donne de la chaleur et de l’activité en 
lui fournissant du carbone, mais elle ne le nourrit pas; elle le dispose seu- 
lement à la végétation, qu'il faut soutenir par des matières azotées, par 
des fumiers. 

Le fumier est la base de l’agriculture, et on peut dire : sans engrais, 
point de récoltes; car ils forment la principale nourriture des plantes. 

Ce principe cesserait d’être vrai, si le procédé inventé par M. Bickes, 
de rendre la terre propre à la production sans engrais, venait à se réali- 
ser. Les effets qu'il prétend produire tiennent du prodige : il suffirait de 
tremper toute espèce de grains à semer dans sa composition chimique, 
pour obtenir les produits les plus beaux et les plus riches, et cela pour 
une dépense de 75 à 80 centimes par hectare! Cette invention opèrerait 
incontestablement une révolution dans Fart agricole. Mais, en attendant 
qu'elle ne soit plus un secret pour nous, nous croyons indispensable non 
pas de donner ici un traité sur les engrais, mais seulement de rechercher 
les moyens de produire les différentes espèces de fumiers au plus bas prix 
possible; car les contrées qu'il s’agit de défricher sont pauvres, et les 
terres n’y seront que peu productives pendant les premières années, qui 
seront cependant celles qui exigeront les plus fortes avances. 


1 Piérard, ingénieur des mines, De l'emploi de la chaux en agriculture. JourNAL D'AGRICULTURE 
PRATIQUE, publiée par le D' Bixio. Paris, 1844, t. I, p. 241. 

* Rapport de la députation permanente du Luxembourg, déjà cité, p. 23. — Raingo, L. e., pa- 
ges 9 et 10. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 15 


On ne peut espérer que, dès les premières années, ces contrées seront pour- 
vues de toutes les voies de communication nécessaires. Si donc, on devait 
employer, à la fertilisation des terres, des engrais pris au dehors, on se- 
rait exposé à faire de ce chef des dépenses excessives, et le défrichement 
deviendrait à coup sûr une entreprise ruineuse. Afin de diminuer autant 
que possible les frais de cette matière première de l'agriculture, il faudra 
s'attacher à trouver dans la culture même les moyens de se la procurer 
en quantité suffisante. Nous verrons plus loin quel est le mode d’exploita- 
ton qu'il faut adopter pour atteindre ce but. Qu'il nous suffise ici d’indi- 
quer les engrais les plus avantageux. 

Au nombre de ceux-ci, nous rangerons le fumier de toute espèce de 
bétail; le purin ou jus de fumier; les excréments de la volaille; la matière 
fécale; la suie de cheminée et les cendres de bois et de bruyères. Nous 
recommanderons surtout le fumier de bœufs et de vaches, comme conve- 
nant à toutes sortes de récoltes et comme étant d’un effet plus durable. Le 
purin est le moyen le plus actif de fertilisation pour les prés; il sert aussi 
à arroser les semailles. Le fumier de moutons, la colombine et les excré- 
ments humains sont les meilleurs et les plus puissants des fumiers de li- 
tière. En général , les fumiers des excréments animaux conviennent à toutes 
les espèces de prés et de terres. La suie, mélangée avec des cendres les- 
sivées, peut être employée dans toute espèce de terre, et pour toute espèce 
de récoltes. Les cendres de bois et de bruyères ne remplacent pas le fu- 
mier, mais, combinées avec ce dernier, elles servent à l'alimentation des 
plantes. 

Un engrais peu coûteux, c’est celui qu'on peut obtenir par le procédé 
Jauffret : « L’Ardenne abonde en plantes qui peuvent être employées à la 
préparation de cet engrais !. » 

Nous exclurons de notre nomenclature ce qu'on appelle engrais verts, 
c’est-à-dire les récoltes qu'on enterre pour engraisser le sol; car ils sont 
moins fertilisants que les engrais animaux , et beaucoup plus dispendieux 


que ces derniers : leur prix égale toutes les avances en capital et en tra- 


1 Rapport de la députation permanente du Luxembourg, p. 55. 


14 SUR LE DÉFRICHEMENT 


vail ajoutées au produit net. Nous reconnaîtrons néanmoins avec M. Le 
Docte, que ce mode de fertilisation peut être employé avec avantage dans 
les terres qu'on est obligé de laisser en jachère !, surtout lorsqu'elles sont 
naturellement sèches et légères, car l’évaporation de l’eau qui fait partie 
des plantes enfouies, s’opère bien plus lentement que celle provenant des 
irrigations ?. 

Mais il est encore une autre espèce d'engrais qui devient d’une haute 
importance pour les terres à défricher, à cause du bas prix auquel on peut 
le produire, et parce qu’il n’exige guère qu'une très-faible avance en tra- 
vail. On sait que, travaillée par les racines des arbres, couverte de débris 
de feuilles, de plantes et d'insectes, la terre s'améliore physiquement et 
chimiquement par la décomposition de ces matières, et qu'elle acquiert 
une telle fécondité que pendant plusieurs années elle peut se passer d’en- 
grais. Eh bien! chaque fois que le manque des capitaux nécessaires ne per- 
mettra pas au défricheur de se procurer des engrais en quantité suffisante, 
il pourra surmonter cet obstacle, en convertissant les terres en bois de 
sapinières. Cette espèce de culture, ainsi que nous le verrons plus loin, 
est recommandée par un savant agronome , et elle offre des avantages réels. 

Outre les travaux d'amélioration dont nous venons de parler, il en est 
d’autres que nous nommerons opérations préliminaires, ayant pour objet 
de préparer le sol à la production; ils consistent dans l'assainissement des 
terres marécageuses et dans l'établissement d'irrigations. 

L’assainissement est indispensable là où la terre souffre d’un excès 
d'humidité; car aucune culture avantageuse n’est possible là où séjourne 
l'eau. On dessèche une terre en y pratiquant des rigoles d'écoulement ; 
on fait aussi servir à cet usage les décombres de maisons et le sable. 

S'il est vrai que l'humidité soit, comme la chaleur, un des principes 
de toute fécondation, on peut dire qu'un des plus puissants moyens de 
venir en aide au défrichement, surtout dans la Campine, consiste dans 
l'établissement de travaux d'irrigation. Appliquées aux cultures, les ir- 
rigations assurent la constante réussite des récoltes. L'effet que les irri- 


1 Loco cilato, p. 26. 
? Cours d'agriculture de l'Institut de France, t. XI, p. 108. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 15 


gations produisent , quand elles sont employées pour les prairies, est 
encore plus marquant; car l'herbe ne croît en abondance que dans les 
terrains naturellement frais !. Pour ce qui regarde la manière de prati- 
quer les irrigations, nous croyons pouvoir renvoyer au Mémoire de 
M. Eenens ?, et à celui de M. Kummer. Toutefois, nous ne négligerons 
pas de faire remarquer, que ce savant ingénieur se trompe en disant que 
l'eau, qui pourra être obtenue par les irrigations, suffira pour former des 
prairies ; qu’elle y remplacera les engrais et dispensera même de faire usage 
de fumier 5. Les plantes, pas plus que l’homme, ne peuvent se passer d’a- 
liments solides. L'eau sert, sans doute, comme l'air, d’aliment aux plantes ; 
mais la matière nutritive qu'elle renferme, s’y trouve en petite quantité, 
et son effet est si peu durable, qu'il disparaît presque immédiatement sous 
l'action d’un soleil brûlant et même d’un vent froid. Supprimez, pendant 
un temps, l'irrigation dans une terre sablonneuse et sèche, et vous verrez 
bientôt les plantes languir, et cela parce qu’elles manqueront de nourri- 
ture substantielle. L'effet du fumier, au contraire, est constant; quoique 
lent, il dure pendant tout le temps que la plante emploie à son dévelop- 
pement. C’est pourquoi, pour avoir de nombreuses et de bonnes prairies 
naturelles, il faut non-seulement les arroser, mais encore les fumer. Tou- 
tefois, larrosage avec de l’eau permet de diminuer la quantité d'engrais 
nécessaires; et c'est là déjà un précieux avantage, puisqu'il s’agit, avant 
tout, d'apporter dans toutes nos opérations la plus sévère économie. Quand 
nous examinerons les modes d'exploitation, on verra combien il était 
important de relever la grave erreur que nous venons de combattre. 

Les travaux d'irrigation et de desséchement, pour remplir leur but, 
doivent être exécutés d’après un plan d'ensemble et sur une grande éten- 
due; dès lors, il est impossible qu’un particulier puisse les entreprendre; 
il le pourrait d'autant moins qu'il ne saurait ni obtenir le passage, sur 

1 Coxcnës cexrraz n'acncurrune. Compte-rendu et procès-verbaux des séances. 1"° session du 26 
février au 4 mars 1844. Paris, librairie agricole de la maison rustique, quai Malaquais, pp. 271 et 
suiv. — Dalloz, Rapport à la chambre des députés de France, sur la proposition relative aux tra- 
vaux d'irrigation des propriétés rurales. Monvreur veuce du 15 févr. 1845, p. 371. 


? Eenens, L. c., p. 41. 
5 Kummer, Défrichement des bruyères de la Campine. Brux., Devroye, p. 7. 


16 SUR LE DÉFRICHEMENT 


les fonds intermédiaires ; des eaux naturelles où artificielles dont il pour- 
rait disposer, ni forcer le propriétaire du fonds inférieur à creuser des 
rigoles pour faciliter l'écoulement des eaux dont il voudrait se débarras- 
ser. De ces considérations il résulte, qu’il n'y a que le gouvernement qui 
puisse se charger de pareils travaux; et il aiderait puissamment en cela à 
la mise en culture de nos landes. Est-ce à dire cependant que s’il refusait 
de les faire, l'industrie privée devrait y renoncer? Nullement. Ce que le 
gouvernement, dans ce cas, pourrait exécuter seul, des particuliers pour- 
raient aussi le faire, jusqu'à un certain point, par l'association; les habi- 
tants, dans les communes, pourraient même être obligés à s'associer dans 
ce but. L'histoire offre des exemples de semblables travaux exécutés en 
commun. On sait en effet, que c’est de cette manière que vers la fin du 
XVI: siècle, furent desséchés les Maremmes, cet éternel ennemi de la Fos- 
cane. C’est aussi de la même manière que se font en Belgique, les travaux 
de construction des chemins vicinaux et ceux du curement des rivières 
et des cours d’eau. 

Mais, d'après les considérations que nous avons émises ci-dessus, on 
conçoit aisément que la matière des irrigations et de l'assainissement à 
besoin d’être réglée soit par une loi, soit par des règlements provinciaux: 
En France, il est intervenu récemment une loi sur les irrigations 1; elle 
porte, art. 1, que « tout propriétaire qui voudra se servir, pour lirri- 
gation de ses propriétés, des eaux naturelles ou artificielles dont il à le 
droit de disposer, pourra obtenir le passage de ces eaux sur les fonds 
intermédiaires , à la charge d’une juste et préalable indemnité, » Pareille 
disposition pourrait être adoptée pour les contrées à défricher; on y en 
ajouterait une autre sur le desséchement et qui obligerait le propriétaire 
du fonds inférieur à recevoir les eaux de l'héritage supérieur. Le passage 
forcé pourra paraître un peu arbitraire, mais l'intérêt privé doit se taire 
devant l'intérêt national; d’ailleurs, et ainsi que le fait remarquer ayec 
raison M. Giovanetti, « sans le passage forcé on n'aura jamais la liberté 


d'utiliser les eaux, et l’agriculture irrigatoire rencontrera à chaque pas 


1 1845, 29 avril. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 17 


des entraves insurmontables dans le caprice, la mauvaise volonté et la 
cupidité des propriétaires des fonds intermédiaires !. 


BESOINS DU PAYS. 


Par ces besoins, nous comprenons ceux des principaux produits agri- 
coles que le sol belge ne fournit pas en quantité suffisante pour la consom- 
mation, et que, pour ce motif, nous sommes obligés de tirer en partie de 
l'étranger. Nous nous bornerons à indiquer ici ces besoins comme autant 
de faits, nous réservant d'y revenir lors de la discussion sur les modes 
d'exploitation. 


Premier fait. — La Belgique ne produit pas assez de grains; elle en con- 
somme annuellement pour plus de 15,000,000 de francs qu'elle tire de 
l'étranger. Cela résulte des documents statistiques et de la discussion 
à laquelle a donné lieu, assez récemment, au sein de la Chambre des 
Représentants, la proposition de loi de M. Éloy de Burdinne sur les cé- 
réales ?. 


Second fait. — « Les chantiers de construction d'Anvers font une grande 
consommation de bois nécessaires à la construction des navires, et sont 
destinés à l’augmenter encore; ainsi des forêts d’une étendue propor- 
tionnée aux besoins présumés nous sont indispensables, surtout en temps 
de guerre, quand les communications avec le Nord peuvent être interrom- 
pues 5. » Pour s'en convaincre, il suffit de consulter le chiffre des im- 


1 Giovanetti, Du régime des eaux, el particulièrement de celles qui servent aux irrigalions. 
Paris, Imprimerie royale, 1844. 

N. B. De tous les ouvrages qui ont paru sur cette matière importante, celui qui précède nous 
paraît pouvoir être consulté le plus utilement. Les législations prussienne et anglaise sur l'usage 
des eaux, méritent également d'attirer toute l'attention de notre gouvernement. 

2 Moniteur belge des 5 et G mai 1845. Documents parlementaires. 

5 Constant, Du régime protecteur en économie politique; de son application en Belgique. Brux., 
Deprez-Parent, 1842, 1. II, p. 155. 

Tome XXL. 5 


18 SUR LE DÉFRICHEMENT 


portations de bois étrangers; en 1842, il en a été importé pour une 
valeur de 5,573,140 francs 1. 


Troisième fait. — Le manque du bois de chauffage nécessaire aux ha- 
bitants, se fait aussi sentir dans certaines contrées des Ardennes, mais 
principalement dans l'arrondissement de Bastogne ?. 


PERFECTIONNEMENTS AGRICOLES, 


Ainsi que le remarque avec raison M. Senior, l’agriculteur peut tirer 
un parti plus grand de la même quantité de matière en augmentant le 
travail consacré au sol5. Mais cette augmentation de la production agri- 
cole n’est pas toujours subordonnée à une nouvelle avance de capital; le 
cultivateur intelligent et instruit sait souvent l'obtenir en recourant à des 
procédés agricoles plus économiques; et ce mode d'élever les bénéfices est 
d'autant plus préférable que « la terre a ses limites et qu’en appliquant 
au même champ une seconde, une troisième, une quatrième, une cin- 
quième portion de capital, on n'obtient pas indéfiniment un accroissement 
proportionnel des produits 4. » Aussi avons-nous déjà admis en principe 
qu'il importe, avant tout, de produire au meilleur marché possible, afin 
de pouvoir vendre au même prix que les autres producteurs. C’est pour- 
quoi nous croyons pouvoir conclure que l'agriculture la plus perfectionnée 
est surtout celle qui, en réclamant le moins d’avances possible, donne 
les produits nets les plus élevés. 

D'après ces considérations, on ne peut révoquer en doute qu'il ne soit 
essentiel de propager, dans les campagnes, la connaissance des perfec- 
tionnements agricoles; elle renferme implicitement celle des moyens les 


1 Heuschling, Essai sur la statistique de la Belgique. Supplément à la deuxième édition, Brux., 
Vandermaelen, 4844, p. 40. 

? Rapport de la députation permanente du Luxembourg, déjà cité, p. 316. 

5 Principes fondamentaux de l'économie politique, tirés des leçons de M. Senior, par le comte 
Jean Arrivabene. Paris, Aillaud , 4856, pp. 378 et 379. 

* Rossi, Introduction à la nouvelle édition de l'essai sur la population, par Malthus, Journal des 
économistes, édit. belge, 1845, p- 205. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 19 


plus économiques de fertilisation. Livrez, en effet, le défrichement et la 
mise en culture de nos landes à la routine, et le plus souvent tout s’y fera 
mal. Pour vaincre la routine, il est indispensable d'établir, mais surtout 
au centre des contrées à défricher, des fermes-modèles, où la mise en 
pratique des meilleurs procédés permettrait aux cultivateurs d’en appré- 
eier les avantages par des expériences faites sous leurs yeux. À ces établis- 
sements on annexerait des écoles d'agriculture, où les fils de cultivateurs 
apprendraient la physique, la chimie, la mécanique, l'histoire naturelle 
et l’art vétérinaire. En ce qui concerne les essais qui ont pour objet d’é- 
clairer la marche de la science agricole, ils continueraient d’être faits à 
la ferme expérimentale annexée à Fécole vétérinaire de État établie à 
Cureghem. Cette école serait maintenue, mais lenseignement agricole ÿ 
serait organisée sur les bases les plus larges. Les commissions provin- 
ciales et le conseil supérieur ou central d'agriculture, récemment réor- 
ganisés !, ont pour mission de faire connaître au gouvernement les 
besoins de l'agriculture, et de lui proposer en même temps les moyens 
d’y satisfaire, tels que les perfectionnements à introduire dans les modes 
de culture, dans l'emploi des engrais et des instruments aratoires, ainsi 
que dans Félève des animaux domestiques ?. Ces utiles institutions, com- 
posées d’agronomes et de personnes s’occupant d'économie rurale, pour- 
raient être considérées comme se rattachant à la partie pratique de Fen- 
seignement agricole. 

D’autres moyens également efficaces, de populariser les bonnes no- 
tions de culture, consisteraient dans la publication de petits manuels 
d'agriculture élémentaire; dans des publications agronomiques à la portée 
de toutes les fortunes, et dans la création d’un enseignement agricole élé- 
mentaire, dans les écoles normales d'instruction primaire, dans les sémi- 
naires et dans les écoles primaires. On le voit, dans notre système, l'en- 
seignement agricole aurait trois degrés et les trois espèces d'établissement 
où il existerait, correspondraient aux trois degrés de l’enseignement public 


1 Arrêté royal du 31 mars 4845. 
2 Art. 49 du mème arrêté, 


20 SUR LE DÉFRICHEMENT 


proprement dit et qui comprend les universités, les colléges et les écoles 
primaires; de cette manière, l'enseignement agricole serait mis à la fois à 
la portée de toutes les fortunes et de toutes les intelligences. Mais qu’on 
n'oublie pas que là où il doit surtout pénétrer, c'est dans les campagnes, 
et qu'ici il doit être plutôt pratique que théorique, parce que c’est moins 
par le raisonnement que par l'exemple qu'il faut chercher à convaincre 
le cultivateur et à dominer la routine. 

L'organisation d’un bon enseignement agricole est chose indispensable et 
un des moyens de venir puissamment en aide au défrichement. Un pareil 
enseignement est d'ailleurs lame de la carrière agricole, la culture propre- 
ment dite n'étant que le moyen d'application; car toute exploitation, pour 
devenir avantageuse, doit reposer sur des calculs et des connaissances éco- 
nomiques. Puis, comme le faittrès-bien observer Adam Smith, l'art du cul- 
tivateur exige beaucoup plus de savoir et d'expérience que la plupart des 
arts mécaniques. L’industriel travaille avec des outils et sur des matières 
dont la nature ne change pas, tandis que le laboureur se sert d’instru- 
ments et de matériaux sujets à varier, et qui veulent être maniés avec beau- 
coup de jugement et de prudence. Aussi peut-on dire avec J:-B. Say, « qu'un 
pays aurait de grands éléments de prospérité si beaucoup de propriétaires 
instruits étaient répandus dans les campagnes, et perfectionnaient l’agricul- 
ture, soit directement par de meilleurs procédés, soit indirectement par de 
bons exemples ? ». Ne perdons pas de vue, toutefois, que vouloir un bon 
enseignement agricole, c'est vouloir en même temps un personnel capable 
de le donner. Or, en Belgique, plus encore que dans les pays qui nous 
avoisinent, les hommes versés dans la science de l’agriculture sont'en 
très-petit nombre. Il importe donc de former des professeurs, soit en réor- 
ganisant l’école de Cureghem sur de larges bases, soit en fournissant à 
des jeunes gens qui se montreraient disposés à se vouer à l’enseignement 
agricole, les moyens d'aller acquérir à l'étranger les connaissances requises. 


1 Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse de nations, édit. Blanqui: 
Paris, Guillaumin, 4845, t. Ke, liv. 4 , p. 166. 

? J.-B. Say, Cours complet d'économie politique pratique. Bruxelles, Hauman, 4840; 2% partie, 
chap. IV, p. 5. 


DES TERRES INCULTES DE' LA BELGIQUE. 21 


Des expositions périodiques des produits de l’agriculture formeraient . 
selon nous, le complément nécessaire de l'enseignement agricole pratique. 
Elles n’offriraient pas moins d'utilité que nos expositions des produits de 
l'industrie manufacturière , dont on nous a déjà, à plusieurs reprises et en 
dernier lieu en 1841, vanté avec raison et fait connaître les avantages 1. 
Ces solennités nationales, comme les luttes, toutes pacifiques, engagées 
annuellement dans le concours de l’enseignement moyen, institué par l’un 
de nos premiers hommes d’État ?, viennent constater les perfectionnements 
tentés et les progrès obtenus, et elles permettent à tout le pays d'en juger 
par lui-même. Les récompenses décernées aux producteurs par la muni- 
ficence du roi et au nom de la nation, excitent, chez eux, une noble et 
salutaire émulation et soutiennent leurs efforts. 

Organisés comme ils l'ont été jusqu'ici, les jurys d’examen des produits 
de l’industrie nationale ne satisfont pas, croyons-nous, à toutes les exi- 
gences : la nature de leurs opérations et les bases sur lesquelles doit repo- 
ser l'appréciation des produits, ne sont, en effet, pas déterminées. Certes, 
les examinateurs qui ont été choisis, offraient toutes les garanties dési- 
rables. Mais l'institution des expositions embrasse un grand nombre d’in- 
térêts, et plus elle prend de développement, plus les questions qui touchent 
à ces intérêts acquièrent de la gravité. Il nous paraît done qu'il serait 
convenable de les fixer de manière à faire cesser toute incertitude à l'égard 
des devoirs des jurés et des droits des exposants. Faire un bon règlement ou 
une bonne loi sur la matière serait, sans doute, chose fort difficile, mais 
ce n’est pas là un motif sérieux pour reculer devant l'amélioration que nous 
proposons. Si les mesures réglementaires laissaient à désirer dans le prin- 


cipe, l'expérience permettrait de les perfectionner avec le temps. 


Nous proposerons , avec M. le comte Arrivabene, d’autres moyens, qui, 


joints à l’enseignement agricole, peuvent également aider aux améliora- 


 Gachard, Rapport du jury sur les produits de l'industrie belge présentés à l'exposition de 1835. 
Ch. de Brouckere, Rapport du jury et documents de l'exposition de l'industrie belge en 18. Brux. 
Seghers. 

2 Ch. Rogier, Concours géntral entre les athénées et colléges subventionnés par l'État. Distribu- 
tion des prix. Brux., imp. du Moxrreun Berce, 1840. 


22 SUR LE DÉFRICHEMENT 


tions agricoles et, par suite, au défrichement, parce qu'ils auraient pour 
but d'attirer vers l'agriculture les capitaux grands et petits : ces moyens 
consistent à perfectionner notre système hypothécaire, à favoriser léta- 
blissement de banques agricoles et à créer dans les campagnes des caisses 
d’épargnes !. Un bon système hypothécaire est chose indispensable au cré- 
dit des propriétaires fonciers ; il peut seul faciliter la mobilisation et la eir- 
eulation du capital foncier; quand il est vicieux ou incomplet, les capitaux 
qui pourraient féconder le sol s’en éloignent avec crainte. Il est donc urgent 
que le gouvernement s'occupe sérieusement de la réforme hypothéeaire, 
en étudiant les divers systèmes en cours d'exécution dans les autres pays. 
En ce qui concerne les banques agricoles, qui doivent mettre le eulti- 
vateur à même de se procurer, au plus bas prix possible, les avances 
qu'il voudrait consacrer aux améliorations agricoles, nous recourrons , 
pour en démontrer la nécessité et Putilité, surtout dans les contrées pau- 
vres, à un document remarquable dû à la plume d’un ancien adminis- 
trateur auquel les provinces qu'il a administrées doivent plus d’une amé- 
lioration sociale. « Dans un pays presque exclusivement agricole, comme 
le Luxembourg, dit l'auteur que nous citons, on ne fait que de légères 
économies, on n’accumule que lentement, et s’il survient quelque accident 
inattendu, les épargnes sont vite épuisées, et bientôt naît le besoin d’em- 
prunter. En l'absence de banques agricoles, l'usure est venue se fixer dans 
cette province. Des hommes avides y font ouvertement, avec leur argent 
ou celui qu'ils se procurent ailleurs, un genre de commerce qui double 
leurs capitaux en quelques années. Une gène momentanée force-t-elle Fin- 
dustriel à recourir à eux, ils ne lui prêtent point, mais veulent bien, pour 
l'obliger , lui escompter des billets, s’il en a de bons, revêtus d’un nombre 
donné de signatures; et voici les conditions ordinaires de cette négocia- 
tion. Six pour cent sans retenue pour intérêts, non de l'argent qu'on 
avance, mais du montant nominal des billets, ainsi de l'argent même 
qu'on retient; puis deux pour cent pour droit de commission (la commis- 


1 Sur la condition des laboureurs et des ouvriers Lelges , et sur quelques mesures pour l'améliorer ; 
lettre à M. le V'e Biolley, sénateur. Brux. 4845. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 25 


sion de placer son argent !), un demi pour cent pour encaissement, autant 
pour déplacement, etc.; et tout cela bien que généralement le débiteur 
rembourse au domicile du créancier ou se borne à renouveler ses engage- 
ments. Ajoutez que ces prêteurs ne placent leurs fonds que pour trois ou 
tout au plus six mois, et que, pour eux, le mois n’a jamais que trente 
jours et l’année 560! 

» Mais ce ne sont pas mème là les marchands d'argent les plus à crain- 
dre. Il en est d’autres plus dangereux encore: ce sont certains notaires, non 
pas tous, il en est de bien honorables, mais un grand nombre d’entre eux. 
Le notaire est le véritable banquier du campagnard, c’est à lui que nos 
paysans s'adressent quand ils ont besoin d'argent; et voici à quelles con- 
ditions il leur fait des avances : 5 ou 6 p. ‘lo d'intérêt, 5 p. de droit de 
recette, 3 p. %o pour faux frais, tant pour % pour le vin destiné à être 
bu à la vente, et qui souvent ne l’est pas, et tout cela sans les droits de 
timbre, d'enregistrement, de transcription et les expéditions de la vente! 

» J'ai vu de ces fonctionnaires qui avaient stipulé 22 p. 0 du produit 
des ventes qu'on leur avait confiées; et encore les parties ont-elles pré- 
tendu depuis qu’elles ont été trompées dans le compte qui leur a été rendu 
du reste. 

» Et l’agriculture prospèrerait dans un pays où de pareils abus exis- 
tent publiquement !! » 

D'après cet exposé, qui peut s'appliquer à toute la Belgique, nous 
sommes, pensons-nous, autorisé à croire que l'établissement de banques 
agricoles sur une vaste échelle, servirait puissamment fa cause du défri- 
chement, et que sans elles, l’agriculture ne pourra que végéter dans son 
impuissance ; « le crédit agricole, pour nous servir des expressions de 
M. Michel Chevalier, est, en effet, le premier de tous les crédits, puisque 
la richesse territoriale est la première des richesses et l'agriculture le pre- 
mier des arts ?. » Notre pays possède, il est vrai, des associations du cré- 


1 J.-B. Thorn, £rposé de la situation administrative de la province de Luxembourg. Axlon, 
Bourgeois, 1834, pp. 107 à 110. 

2 Michel Chevalier, Discours prononcé au collége de France pour l'ouverture du cours d'écono- 
mie politique en A843, Jounxar ves Économsres. Bruxelles, 1845, p. 51. 


2% SUR LE DÉFRICHEMENT 


dit foncier, notamment la Caisse des propriétaires et Va Caisse hypothécaire. 
Mais il suffit de se rendre compte du but économique de ces deux insti- 
tutions, pour se convaincre qu'elles ne sont pas de nature à favoriser effi- 
cacement l'agriculture. En lisant leurs statuts, on voit en effet qu’elles 
sont créées dans l'intérêt des prêteurs au moins autant que dans celui des 
emprunteurs. Les associations de l'espèce qui existent en Allemagne sont, 
au contraire, établies exclusivement en vue des emprunteurs ; il y a plus, 
c'est qu’elles ont été créées à l'instigation du gouvernement, qui s'est 
aussi réservé le droit de régler les conditions de leur existence ! Cest 
qu'en Allemagne on a compris que les banques agricoles doivent présenter 
ce caractère, pour tendre réellement à la prospérité de l'agriculture. On 
peut donc dire que, sous ce rapport encore, tout reste à faire en Belgique. 


L'utilité de caisses d’épargnes est aujourd'hui généralement reconnue, 
et l'expérience a montré que de toutes les institutions populaires, il n'en 
est pas de plus féconde en résultats. L'ouvrier, lorsqu'il est parvenu, à 
posséder, par l'épargne, un petit capital, est devenu en mème temps pré- 
voyant, économe et plus actif, S'il habite la ville, il emploiera ce capital 
à exercer une industrie manufacturière ou commerciale; s’il est habitant 
de la campagne, il sera porté à le faire servir à l'acquisition d'un petit 
fonds de terre, qu'il fera valoir au moyen de son travail et de nouvelles 
épargnes qu'il fera. Or, la plus forte garantie que puisse recevoir l'ordre 
public, consiste dans une classe nombreuse de propriétaires; plus done 
vous diminuerez la classe des prolétaires, et plus vous affermirez la so- 
ciété. Si les épargnes se trouvent dans les mains du cultivateur, elles Jui 
permettront de faire des améliorations dans ses terres. Mais c'est surtout 
au défrichement que les petits capitaux obtenus par l'épargne viendraient 
en aide, parce qu'ils mettraient leurs possesseurs à même de devenir ïm- 
médiatement propriétaires fonciers, les terres incultes devant coûter beau- 
coup moins cher que celles en plein rapport et qui, pour ee motif, sont 
aussi les plus recherchées. Le gouvernement favoriserait donc le défri- 


1 Royer, inspecteur de l'agriculture, Des institutions du crédit foncier en Allemagne et en Bel- 
gique. Paris, Dusacq, 1846. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 25 


chement en implantant dans les campagnes, l'institution des caisses d’é- 
pargnes. 


Lever les obstacles qui s'opposent à l'amélioration du sol, c'est souvent 
rendre l'amélioration possible. Nous nous expliquons. On sait que dans 
toutes les communes, les habitants ont le droit de faire paître leurs bes- 
tiaux sur les terres incultes ; c’est ce qu’on appelle le droit de vaine päture. 
Or, il est incontestable que la destruction des pàturages opérée par la 
dent du bétail conduit sans précaution dans ces päturages, s’oppose à leur 
amélioration, Nous eroyons avec M. Bivort !, que, dans les contrées à dé- 
fricher où la vaine pâture forme une des ressources les plus précieuses du 
pauyre, il est impossible de la supprimer entièrement : l'équité et l'hu- 
manité se réunissent pour la conserver; mais rien ne s'oppose à ce que ce 
droit soit limité et proportionné aux besoins des habitants, mais surtout 
réglementé. Cette dernière mesure conduirait à l'amélioration des pâtu- 
rages, et permettrait ainsi de soustraire, avec le temps, au pâturage com- 
mun, une partie des terres qui y seraient soumises, pour les livrer à la 
culture. Dans l'intérêt de l'agriculture et de l'éducation du bétail, il con- 
viendrait surtout de clore ces pâturages communs; car les bestiaux qui 
vagabondent pour trouver leur nourriture, fournissent peu d'engrais et 
viennent mal. 


Il nous reste à parler, pour finir ce chapitre, d'un inconvénient que 
présente souvent la culture du sol et qui a pour effet, soit d'empêcher les 
améliorations agricoles, soit d'augmenter les frais d'exploitation; nous 
voulons parler du morcellement de la propriété. Pour que les terres soient 
d'une culture facile, et qu'elles exigent le moins de frais, elles doivent 
être d’un seul tenant, car alors elles sont toutes sous les yeux du maitre, 
elles forment un tout favorable à l'économie du temps et des travaux ?. 


Nos landes, surtout dans la Campine, sont loin de présenter cet avantage; 


1 Loco citato, p.44. "a 
2 Moll, Le. p. 219. — Rau, Traité d'économie nationale, Wwaduit de l'allemand sur la 5° édition, 
par De Kemmeter. Bruxelles, Société belge de librairie, Hauman et C°,1840. 


Tome XXI LA 


26 SUR LE DÉFRICHEMENT 


elles sont au contraire morcelées, et souvent à tel point qu’on ne peut y 
employer aucun instrument perfectionné et qu’elles doivent être exploitées 
à bras d'homme. 

Empècher le morcellement de la propriété foncière en défendant le par- 
tage des héritages, ce serait nous ramener au temps des majorats et con- 
trevenir aux principes de la formation et de la distribution des richesses, 
qui veulent qu'à côté des vastes étendues de terrain susceptibles de la 
grande culture, il existe aussi de moyennes et de petites propriétés !. 
Mais on pourrait diminuer, jusqu'à un certain point, les conséquences du 
morcellement, en décrétant les échanges forcés ; ils consisteraient dans 
une espèce d’expropriation pour cause d'utilité publique, au moyen de 
laquelle les propriétaires du sol nécessaire au passage pour l'exploitation 
d'un autre héritage, seraient obligés de le céder. Le congrès central d’agri- 
culture de France a émis un vœu dans ce sens dans sa session de 18442. 
Ces échanges offriraient en outre l'avantage de prévenir les querelles et 
les procès qu’'entraînent nécessairement à leur suite les questions d’en- 
clave, de passage et de servitude. 


Mais il est une chose qu'il ne faut pas perdre de vue : c’est qu'il est 
impossible au ministre qui a l’agriculture dans ses attributions, alors qu'il 
est absorbé par mille autres travaux, de se livrer lui-même à la recherche 
des mesures qu’il convient de prendre dans l'intérêt de l’agriculture; il a 
encore moins le temps de diriger l’exécution de ces mesures. Puis, les 
travaux d'amélioration agricole, mais surtout ceux du défrichement, pour 
être menés à bonne fin, doivent être rationnels, c’est-à-dire qu'il importe 
qu'ils soient exécutés d’après un plan d'ensemble; il faut, en outre, que 
celui qui aura conçu ce plan préside, si cela est possible, jusqu’au bout 
à son exécution. Or, l'existence ministérielle dans les gouvernements con- 
stitutionnels est, comme on sait, des plus précaires. D’après ces considé- 
rations, nous regardons comme indispensable la création d’une division 
spéciale pour les affaires de l’agriculture. Le fonctionnaire à qui cette di- 


4 Droz, Economie politique ou principes de lu science des richesses. Bruxelles, Le Charlier, 1829. 
? Loco citato, pp. 285 et suivantes. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 27 


vision serait confiée, devrait non-seulement avoir fait une étude appro- 
fondie de la science agricole, mais aussi n'être pas étranger à la science 
de l'économie politique, car celle-ci forme la base de la précédente. S'il 
ne possède pas ces deux sciences, il ne produira jamais rien de complet, 
rien de grand, rien de vraiment utile; s’il n’est pas suffisamment versé 
dans toutes les branches de l’économie rurale, il sacrifiera une branche 
de l’agriculture à l'autre, en consacrant, par exemple, à l'élève des che- 
vaux de luxe et aux courses de chevaux, qui, sans doute, ont aussi leur 
utilité, une partie des encouragements destinés à la culture du sol; et s’il 
ne connaît pas, d’une manière approfendie, les principes de l’économie 
nationale, lenchaîinement des intérêts industriels, des intérêts commer- 
ciaux et des intérêts agricoles lui échappera, et tout en voulant favoriser 
ces derniers, il sera exposé à leur sacrifier les premiers. Il y a plus, c’est 
que sans cette connaissance, il pourra, et alors même que ces trois espè- 
ces d'intérêts ne seront pas en opposition, provoquer des mesures qui lui 
paraïîtront favorables à l'agriculture et qui, dans le fait, lui seront préju- 
diciables. Il proposera, par exemple, de décréter un droit sur l'entrée des 
grains étrangers, ou même d'en prohiber Fimportation , et il croira favo- 
riser en cela la production indigène. Eh bien, il aura fait un avantage aux 
propriétaires du sol, et empêché les perfectionnements agricoles, car le 
système protecteur ne peut avoir d'autre résultat que de limiter la produc- 
tion et de nuire ainsi au consommateur, qui est obligé de payer plus cher. 

En outre, le directeur de Fagriculture devrait avoir sous ses ordres 
plusieurs employés supérieurs possédant également les deux sciences pré- 
mentionnées. Ces employés seraient placés à la tête des différentes bran- 
ches de l'agriculture et travailleraient d’après des règles communes tracées 
par leur chef immédiat. Ainsi la direction comprendrait les quatre sections 
suivantes : 1° section de la culture des plantes; 2° section de l'élève du 
bétail ; 5° section des haras. La 4% section s’occuperait exclusivement de 
la question du défrichement, de cette question si vitale pour le pays et 
qui doit en changer la face. Cette section connaïtrait de toutes les opéra- 
tions du défrichement, et notamment des travaux de construction de routes 
agricoles, d'assainissement et d'irrigations, de reboisement, de création 


28 SUR LE DÉFRICHEMENT 


dé prairies et de culture des céréales. Afin que le service ne souffrit point 
de l'absence de chefs de sections, il y aurait auprès de chacune d'elles, un 
inspecteur agricole, chargé de se porter partout où sa présence serait jugée 
nécessaire dans l'intérêt de l'agriculture. Dans le même but, le directeur, 
en cas d'absence, serait toujours remplacé de droit par l'un des chefs de 
section ayant titre de sous-directeur. Enfin, à chacun des chefs des quatre 
sections seraient adjoints un ou plusieurs employés subalternes qui se- 
raient chargés de la besogne matérielle ou de détail; car si l'on veut que 
les chefs se livrent à une étude suivie et approfondie des questions agri- 
coles, 1l ne faut pas qu’ils en soient empêchés par cette espèce de besogne. 
Pour nous, il est démontré que sans une division spéciale d'agriculture 
fortement organisée, les progrès agricoles ne seront jamais réels , et nous 
croyons que c'est par la création de cette division qu'il convient d’ou- 
vrir la carrière des perfectionnements que réclame l’agriculture, et de pré- 
luder à la grande œuvre du défrichement. 


MODES D'EXPLOITATION. 


Il ne peut entrer dans le cadre de notre travail de passer ici en revue 
tous les modes d'exploitation rurale; il suffira, pensons-nous, que nous 
en examinions les principaux; ce sont : celui des pâturages, celui de la 
culture du blé et celui des assolements. Dans le premier système, les 
terres sont converties en paturages et en prairies, et il a pour but prin- 
cipal la production des denrées animales, telles que les bêtes grasses et 
les bêtes d'élève, la laine, le lait, le beurre, le fromage. Dans le second 
système, on récolte principalement ou exclusivement des denrées végétales 
de vente, telles que les grains, les récoltes industrielles. Le troisième sys- 
tème est une combinaison des deux précédents. Dans ce système, la moi- 
tié des terres de tout domaine est consacrée à l'éducation du bétail et 
convertie, en conséquence, en prairies artificielles et naturelles; l’autre 
moitié est livrée à la culture du blé et d’autres produits végétaux de 
vente. Dans notre opinion, avons-nous dit, les meilleurs moyens de ferti- 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 29 


lisation des Ardennes et de la Campine, sont les plus économiques. il 
semblerait donc, au premier abord, que le système des pàturages , qui est 
celui que préconise M. Kummer !, est préférable à celui de la culture à 
blé. IT est vrai qu'il exige moins d’avances en capital et en travail que le 
second , et que les irrigations que les canaux en construction et ceux pro- 
jetés permettront de pratiquer, presque partout, dans la Campine, en 
faciliteraient singulièrement l'exécution. Puis, n’y a-t-il pas absence de 
bras et de capitaux dans les contrées à défricher? 

Nous avons déjà démontré que les irrigations ne dispenseraient point 
de fumer les prairies. D'un autre côté, si celles-ci ne réclament pas de 
grandes avances en capital, elles donnent aussi moins de produit brut que 
les terres livrées à la culture des céréales; et c’est là une considération 
des plus importantes qui surgit contre le projet de M. Kummer; car, 
ainsi que nous le verrons plus loin, il devient urgent de songer à étendre, 
dans le pays même, la culture des grains, afin d'augmenter la subsistance 
du peuple. Quant au produit net, il est, dans le second comme dans le 
premier système, proportionné aux avances qui ont été faites, tant en 
travail qu'en capital. En effet, si un hectare de pré, par exemple, donne 
une récolte de 200 francs moyennant 40 francs de frais, un hectare en 
grains, au contraire, exige 140 francs de frais et livre une valeur de 500 
francs. N'a-t-on pas, des deux côtés, couvert les avances et réalisé un 
surplus de même valeur? I y a plus, c’est que pour peu que la moisson 
en grains soit plus forte, elle ajoutera davantage aux profits du fermier 
et à la fortune nationale. Ce n’est done pas dans l'élévation des avances, 
comme on le croit communément, mais bien dans celle du produit net 
que se trouve le véritable critérium de Ja bonté des divers modes de tra- 
vail agricole; par suite, il est évident que le système de pâturages, loin 
d’être supérieur à celui de la culture à blé, lui est au contraire inférieur. 

I semble toutefois que le premier de ces systèmes doive être préféré 
dans la Campine et dans les Ardennes, parce qu'exigeant moins d'avances 


en capital et en travail, il est plus praticable dans les contrées pauvres et 


1 Loco citato, pp. T7 et suiv. 


30 SUR LE DÉFRICHEMENT 


peu peuplées. Mais nous avons également répondu à cette objection, en 
faisant remarquer que les travailleurs et les capitaux se portent là où ils 
trouvent un emploi utile; et ce fait se produira dans la Campine et dans 
les Ardennes, lorsque les spéculateurs auront acquis la certitude qu'il 
existe des modes d'exploitation qui, sans nécessiter de trop fortes avances, 
donneront des profits certains. Eh bien, l’on verra que, dans le système que 
nous proposons, les avances seront de beaucoup moins élevées pour les 
cultures à blé que celles qu'on fait dans les systèmes généralement adoptés. 

Quelle serait, d’ailleurs, la conséquence de l'adoption du système des 
pâturages ? évidemment l'éducation du bétail. Mais serait-ce faire une 
entreprise assez productive et utile de multiplier outre mesure le bétail, 
alors que celui que le pays produit déjà suffit et au delà à ses besoins? 
Il résulte, en effet, des documenis statistiques, que nous en exportons 
annuellement des quantités considérables : en 1845, eette exportation à 
atteint le chiffre de 5,107,499 francs !, N’est-il pas plus rationnel de di- 
riger le défrichement de manière à ce qu'il vienne en aide aux besoins du 
pays? C’est notre avis. 

Au nombre de ces besoins, nous avons placé en première ligne, les 
grains, et nous avons vu que la Belgique en importe annuellement pour 
15,000,000 de franes. Ne doit-elle pas chercher, par tous les moyens 
qu'elle a en son pouvoir, à s'affranchir de ce tribut énorme qu'elle paye 
chaque année à l'étranger, et qui, d’ailleurs, par la concurrence qu'il fait 
aux grains indigènes, nuit à nos producteurs en les obligeant à vendre 
moins cher? Sans doute, si le pays produisait assez de grains pour sa 
consommation , il ne pourrait en étendre la culture sans se faire coneur- 
rence à lui-même et sans causer une baisse dans le prix de ce genre de 
production; mais comme il ne récolte pas assez de grains, en s'appliquant 
à en produire davantage, il ne peut qu’assurer des bénéfices aux nouveaux 
producteurs et, par suite, augmenter le capital national. D’ailleurs, comme 
le fait observer avec raison M. le Docte, « les céréales donnent un profit 
immédiat, tandis que les fourrages ne sont que médiatement avantageux 


! Statistique officielle du commerce de la Belgique avec les pays étrangers pendant l'année 4845. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. o1 


au cultivateur; il faut donc placer la production des céréales au premier 
rang, celle des fourrages au second rang. Produire plus de fourrage qu'il 
n’est nécessaire, est une dépense inutile. Ainsi, le rôle principal des prai- 
ries ne doit être envisagé que comme nourriture du bétail travailleur et 
comme devant fournir la quantité de fumier nécessaire pour tenir la pro- 
duction de l’engrais au niveau de son absorption par les récoltes épui- 
santes et, par là, maintenir la terre dans un état constant de fertilité et 
de richesse !, » D’un autre côté, la paille est indispensable en culture, 
car elle fournit la litière du bétail et sert donc également à la production 
du fumier; on peut dire : sans céréales, point de paille. Et en admettant 
même qu'il y aurait plus d'avantage à rester, sous le rapport de la produc- 
tion des grains, tributaires de l'étranger, parce que nous ne pourrions pro- 
duire au même prix que lui, ceux qu'il nous fournit, ce ne serait pas 
encore, croyons-nous, un motif suffisant pour renoncer à les récolter 
nous-mêmes. 

« Les opérations les plus importantes de l’agriculture, dit Adam Smith, 
semblent surtout avoir pour objet de diriger la fertilité de la nature vers 
la production des plantes les plus utiles ? ». Or, le blé ne fait pas seule- 
ment partie des plantes les plus utiles, mais il occupe encore le premier 
rang parmi elles; puis, il est de principe « que l’on ne doit jamais sacri- 
fier les bonnes terres à blé, destinées à nourrir les hommes, à produire 
des aliments pour les animaux 5. » Nous pourrions, sans danger pour la 
vie de la classe ouvrière et pour la tranquillité publique, nous passer, 
pendant une ou plusieurs années, de toutes autres productions que nous 
tirons de l'étranger ; mais si les 200,000,000 d'hectolitres de grains qu'il 
nous fournit annuellement, venaient à nous manquer par une cause quel- 
conque, rien ne saurait les remplacer. Et qu'arriverait-il si pareil fait se 
produisait? Il aurait pour effet de renchérir considérablement le prix des 


! Essai sur l'amélioration de l'agriculture en Belgique, suivi d'un mémoire sur le défrichement 
des landes et bruyères. Liége, Desoer, 1843. 

2 Recherches, ete., t. À, Liv. I, ch. V, p. 455. 

3 Boitard, Traité des prairies artificielles ctnaturelles, ete, Paris, V° Bouchard-Huzard, pp. 250 
et 251. 


32 SUR LE DÉFRICHEMENT 


grains indigènes, et ce renchérissement pourrait devenir une cause de per- 
turbation parmi les travailleurs. Il pourrait mème devenir un arrêt de 
mort pour l'indigent. À Londres, un schelling de hausse sur le quarter y 
accroît la mortalité; les travaux de Messance let ceux de Mellier ? ne l'ont 
malheureusement que trop bien prouvé. Mais qui ne se rappelle avec un 
certain effroi, l'année 1817 qui, en Belgique, a été marquée par une af- 
freuse disette : le prix moyen du froment s’est élevé pendant cette année, 
à 56 francs, c’est-à-dire à près du double de ce qu'il avait été pendant les 
années ordinaires ! Aussi les législateurs, tout en votant des mesures pro- 
tectrices de la production des céréales, ne le font-ils jamais qu'avec la plus 
grande hésitation; et le peuple ne les accepte qu'en murmurant. Témoin 
le dernier acte sur l’objet qui a été posé en Belgique pendant la session 
législative de 1844-1845 : « La proposition des 21 Représentants avait 
causé une vive émotion dans tout le pays % », et le vote législatif en a sin- 
gulièrement atténué les effets. C’est que le pain forme la principale nour- 
riture de Ja classe laborieuse : « dans les Flandres, par exemple, il entre 
pour neuf dixièmes dans la nourriture de l'ouvrier #! » 

Certes, la masse de produits de toutes espèces que fournit le sol cultiva- 
ble, depuis que les perfectionnements agricoles ont reçu plus d'extension, 
doit nous faire redouter, moins qu'autrefois, une disette de grains; mais il 
n’en est pas moins vrai que quand cet article subit une hausse excessive, 
l’ouvrier s’en ressent vivement, parce que le taux des salaires ne suit pas, 
ou du moins que très-rarement, les variations des prix des objets de consom- 
mation ; l'expérience est venue ici donner un démenti à l'opinion du prince 
des économistes. Mais le blé dans un État, c’est tout: ce n’est pas seulement 
la nourriture du peuple, c’est aussi la force, la défense, la tranquillité du 
pays. Quand le peuple a faim, l'émeute est bientôt dans la rue et la so- 
ciété tremble jusque dans ses fondements; la loi est foulée aux pieds et 


1 Recherches sur la population. Paris, in-4°. 

2 Études sur les subsistances , JournaL nes économsres. 1845, t. V, pp. 277 et sui. 

5 Malou, Rapport fait au nom de la section centrale. N° 408 des actes parlementaires de 
1844-1845. 

# Enquête commerciale et industrielle. N° 137 de la collection des actes parlementaires de 1840- 
1841, p. 669. 


PTT. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 39 


parfois elle ne reprend son empire qu'après avoir passé sur des milliers 
de cadavres! Ce qui est donc à redouter et ce qu'il importe d'éviter, c’est 
la rareté des blés. L’abondance de cette denrée peut bien causer quelque 
préjudice aux cultivateurs, parce qu'elle détermine toujours une baisse de 
ce produit; mais ce mal n’est jamais de longue durée, car ordinairement, 
sur dix récoltes, on en compte seulement une bonne, six médiocres et 
trois mauvaises. D'ailleurs, l'abondance des subsistances répand le bien- 
être et le bonheur dans Ja multitude, et nous croyons, avec M. Scialoja, 
qu'il ne faut pas, à l'exemple de Ricardo !, oublier les hommes pour ne 
tenir compte que des produits, et que la richesse ne doit être autre chose 
qu'un moyen d'améliorer le sort des premiers ?. 

Le blé, le blé, voilà la véritable culture, et celle qu’il importe d’en- 
courager dans les contrées à défricher. Il le faut pour les motifs que nous 
venons de déduire, et parce que le défrichement doit être dirigé vers un 
but social; il le faut, parce que, dans les Flandres , des centaines de mille 
de nos frères sont plongés dans la misère et que la Belgique, avec une 
population de 4,500,000 habitants, compte près de 600,000 indigents 
soutenus par la charité officielle! Que sera-ce donc plus tard , alors que la 
population suit constamment une progression ascendante, et que le prix 
des subsistances reste à peu près stationnaire? La population, et c’est là 
un fait social que Malthus a déjà prédit 5, la population, disons-nous, dé- 
passera le niveau des subsistances; celles-ci se trouveront chaque jour 
moins en rapport avec les besoins de la consommation , et la plaie hideuse 
du paupérisme, qui pèse déjà aujourd’hui de tout son poids sur la classe 
ouvrière, ne pourra qu’ajouter à ses souffrances et à ses angoisses! 

De tous les remèdes à ce mal immense, le plus efficace consiste dans 
laccroissement des moyens de subsistances, et c’est à amener ce résultat 
que tous les efforts doivent tendre, Oui, le capital foncier, développé de 


jour en jour, doit être la ressource des générations présentes, mais surtout 


1 Des principes de l'économie politique et de l'impôt. Paris, Aïllaud, 1835. 

2 Les principes de l'économie sociale exposés selon l'ordre logique des idées. Traduit de l'italien 
par H. Devillers. Paris, Guillaumin, 4844, p. 171. 

5 Essai sur la population. 


Towe XXI. D 


34 SUR LE DÉFRICHEMENT 


des générations futures ; il est, d’ailleurs, la force et la puissance des États 
et le signe le plus certain de leur prospérité. Convertir exclusivement nos 
landes en prairies et en pâturages, c’est leur appliquer le système manu- 
facturier et remplacer les hommes par des machines ou les chasser devant 
des troupeaux; c’est enlever aux travailleurs le moyen le plus sûr d’amé- 
liorer leur malheureuse condition. Mais non, la sagesse du Roï, la pru- 
dence des Chambres et notre cœur nous le disent : le défrichement n’est 
pas destiné à devenir une spéculation industrielle; il doit, en même temps 
qu'il assurera des bénéfices raisonnables aux entrepreneurs, tendre à l’a- 
mélioration de la condition de Ja elasse des travailleurs et partant à lex- 
tinction du paupérisme, c'est-à-dire à la solution du problème le plus 
difficile de l'économie sociale. Que la Belgique, qu'on aime déjà à citer à 
l'étranger comme un modèle de civilisation et d'expérience avancée, sache 
ici calculer avec l'avenir, et qu’elle prouve, encore dans cette circon- 
stance, ce que peuvent les capitaux alliés à la philanthropie; elle le doit, 
elle le peut ; qu’elle le veuille, et FEurope entière battra des mains! 

Pour nous donc, et nous le disons avec conviction, il est démontré que 
le système des pâturages doit être repoussé dans les contrées à défricher. 
C’est cependant, nous dira-t-on, à l'adoption de ce système qu’on attribue 
aujourd'hui la supériorité de l'agriculture anglaise sur l'agriculture fran- 
çaise !. On sait, en effet, qu’en Angleterre, les quatre cinquièmes du ter- 
ritoire sont consacrés à nourrir le bétail et un cinquième seulement à pro- 
duire des céréales; tandis qu’en France, plus des quatre cinquièmes du sol 
sont destinés à la culture des céréales et moins d’un cinquième à élever 
le bétail. On ne récolte, en Angleterre, que 59,140,000 d'hectolitres de 
blé proprement dit, ce qui fait 1,64 hectolitre environ pour chacun de 
ses 24,000,000 d'habitants ?. Il est bien vrai qu’en ce dernier pays, les 
avances en Capital, mais surtout en travail, que doit faire le cultiva- 


1 Catineau-la-Roche, La France et l'Angleterre comparées sous le rapport des industries agri- 
cole, manufacturière et commereiale. Paris, 1844. — Dezemeries, Vues pratiques sur les améliora- 
tions les plus importantes , les plus faciles et les moins coûteuses à introduire dans l'agricullure. 
Paris, 1845. 


? Moreau de Jonnès, Statistique de la Grande-Bretagne, 1. X, p. 174. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. so) 


teur, sont moins élevées qu'en France; mais les bénéfices du cultivateur 
anglais sont-ils plus élevés que ceux du cultivateur français? nullement. 
Dans le premier comme dans le second système, et nous l'avons déjà 
fait vemarquer, le bénéfice est proportionné aux avances : le cultivateur 
anglais emploie moins de capitaux et moins de bras que le cultivateur 
français; voilà la seule différence. Mais aussi, « en Angleterre, à la 
différence des États continentaux; la misère est plus grande dans les 
campagnes que dans les cités. Dans la Grande-Bretagne, les paysans ne 
sont pas protégés contre la misère par une laborieuse pauvreté, comme 
les paysans de France !, » ni conmme ceux des parties cultivées des pro- 
vinces de Liége, de Luxembourg et de Namur. C'est qu'ici chaque vil- 
lageois a sa vache, son porc, une maison et un heureux coin de terre, 
tandis « qu’en Angleterre, là où un seul fermier laboure aujourd'hui, 
trente petits fermiers vivaient autrefois. La grande propriété a réuni en 
une seule ferme les enclos et les terres des paysans, et le paupérisme est 
né2; » «il est né de la spoliation, de la spoliation organisée, systémati- 
que, persévérante, impitoyable de l'aristocratie anglaise qui possède toute 
la surface du pays 5. » En effet, il n’y a, en Angleterre et en Écosse, 
qu'une famille sur cinquante qui possède des terres, et les propriétaires 
fonciers ne forment que 57,000 familles dans lesquelles le sol est, pour 
ainsi dire, immuable. Le territoire cultivé de la France, au contraire, ap- 
partient à 4,000,000 de propriétaires. En 1842, l'Angleterre et le pays 
de Galles comptaient 1,429,000 pauvres pour 15,000,000 d'habitants. 
La population indigente de l'Irlande s'élevait à 2,585,009 individus! La 
mendicité est défendue dans ces pays; les indigents y sont réprimés par 
la prison, la déportation dans les colonies, les maisons de travail, ou bien 
ils sont secourus au moyen de la taxe particulière, appelée la taxe des 
pauvres, qui montait, en 1830, à 207,000,0090 , et qui est encore aujour- 


1 Eug. Buret, De La misère des classes laborieuses en Angléterre et en France, ete. Bruxelles, Soc. 
typ. belge, Walhen, 1842, p. 486. 

2 Walter Scott, Revue britannique, t. XXIX, avril 1830. 

3 Fréd. Bastiat, Cobden et la ligue ou l'agitation anglaise pour la liberté du commerce. Paris, 


Guillaumin, 1845, pp. xxxv et xr. 


56 SUR LE DÉFRICHEMENT 


d'hui de 168,000,000 de francs! La France ne compte que 1,600,000 
d'indigents. C’est moitié moins que l'Angleterre relativement à la popu- 
lation!. Nous le demandons : cela est-il digne d’une nation et surtout d’une 
grande nation, qu'une partie de sa population vive aux dépens de l’autre, 
alors qu'elle n’est pas naturellement frappée d’une incapacité de travail? 
Pour nous, le rouge nous en monte au front! C’est là de la charité, nous 
répondra-t-on? sans doute, c’est de la charité; mais n'est-ce pas plutôt au 
nombre des vertus qu’au nombre des obligations sociales que la charité 
doit être inscrite? 

Mais, en Irlande, la misère est bien plus grande encore parmi les’ ha- 
bitants des campagnes ; elle y est montée à un degré effrayant, et cet excès 
de misère a pour cause principale la distribution des terres dans ce pays. 
« Le propriétaire fait administrer son domaine, qu'il n’a souvent jamais 
vu, par des intendants qui, préoccupés d'en tirer le plus gros revenu pos- 
sible, divisent les terres confiées à leur gestion en parcelles insuffisantes 
pour nourrir une famille. Ces lots sont ensuite affermés au plus offrant, 
et, par suite de l'extrême concurrence, à des prix tellement exorbitants, 
qu'après avoir payé la rente, il ne reste plus même aux cultivateurs de 
quoi se nourrir misérablement de pommes de terre! Les mendiants qui 
couvrent par troupes toutes les routes, qui assiégent toutes les portes, ne 
sont qu'une face de ce triste tableau. Les cultivateurs , ceux qui s’obstinent 
à travailler, sont plus à plaindre encore dans leurs cabanes de boue, au 
milieu de leurs familles faméliques et en haïllons. Ces faits affligeants pa- 
raîtront peut-être incroyables; malheureusement ils sont consignés dans 
le rapport de la commission d'enquête que le gouvernement anglais avait 
instituée pendant la session de 1844-45, pour rechercher les moyens d’a- 
méliorer, par la voie législative, les rapports entre les propriétaires fon- 
ciers et leurs fermiers en Irlande ?. » 

Encore, si ces malheureux trouvaient toujours des terres à louer! D’'a- 
près une enquête faite en 1834 dans un des comtés de la Grande-Bre- 


1 EF. Tapiès, La France et l'Angleterre ou statistique morale et physique de la France comparée à 
celle de l'Angleterre sur tous les points. Paris, 1845. 
? L'Indépendance belge, du 13 juin 1845. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 97 


tagne, « les journaliers n'y demandent pas mieux que de louer bien cher un 
coin de terre pour y planter des pommes de terre, mais personne ne peut leur en 
procurer !! » Mais, il y a plus, d’après une relation toute récente d’un il- 
lustre économiste français, le laboureur anglais ne trouve pas même tou- 
jours de l'ouvrage : « il accepte le travail comme un secours qu'il mendie. 
Vous le rencontrez stationnant presque dans chaque paroisse, à l'endroit 
où se croisent les routes, sollicitant et disant avec le ton de la prière : 
Nous voilà, Monsieur, forts et bien portants ; ne voulez-vous pas nous faire travail- 
ler 2? » 

Walter Scott et M. Bastiat nous paraissent avoir indiqué la véritable 
cause de la condition misérable des campagnards anglais; car, enfin, la 
propriété est indispensable au travailleur pour assurer en tout temps des 
moyens d'existence à sa famille; il ne peut pas la garantir contre la misère 
s’il ne possède aucun droit au fonds du travail. 

Comment, d’ailleurs, allier le système des pâturages, qu'on semble re- 
commander à la France d'emprunter à la riche et aristocratique Albion, 
avec le reproche qu'on fait au premier de ces deux pays, de ne pas pro- 
duire assez de blé 5? En effet, le froment, qu'on récolte en France, ne 
s'élève qu'à 69,558,062 hectolitres {; ce qui, pour les 54,000,000 d'ha- 
bitants, donne un peu plus de 2 hectolitres par individu. Cette quantité est 
évidemment insuffisante. Non, on ne peut pas prendre pour point de com- 
paraison, comme règle générale en agriculture, ce qui se pratique chez 
nos voisins d'Outre-Manche ; leur système agricole ne peut nous convenir, 
et nos landes doivent être fertilisées par un autre procédé. Du reste, et 
comme le fait très-bien remarquer M. Léon Faucher, « la nature n’a pas 
destiné le Royaume-Uni à la production des céréales. IL est aussi difficile 
sous ce climat humide d’assécher la terre, qu'il lesten France de Parro- 
ser. L'eau n'y manque jamais à l’herbe; mais le blé manque souvent de 
soleil #. » On se trompe donc étrangement en pensant que c'est par prin- 

1 Eugène Buret, L. e., pp. 487 et 458. 

2 Léon Faucher, Études sur l'Angleterre. Paris, Guillaumin, 1845, t. IL, p. 75. 
3 Congrès central d'agriculture de Paris ; séance du 19 mai 1845. 
# 
5 


Statistique de la France (agriculture), 1845, p. 668. 
Les lois sur les céréales en Angleterre; Jounna pes Éconousres; édit. belge, 1845, p. 110. 


38 SUR LE DÉFRICHEMENT 


cipe que l'Angleterre a voué son sol au système des pâturages; la nature 
l'y a forcé. Ce mode d'exploitation peut être avantageux à l'aristocratie 
anglaise, qui est propriétaire de toute la surface du pays, mais à coup sûr 
ilest funeste à la masse de la population. 

Il nous reste à prévenir une dernière objection que les partisans du 
système des päturages ne manqueront pas de nous faire; c'est que le eli- 
mat froid des contrées à défricher, mais surtout des Ardennes, de même 
que le sol de ces contrées, sont, par leur nature, peu propres à y favo- 
riser la culture des céréales et principalement des grains. À cela nous ré- 
pondrons, avec M. Loiseleur-Deslonchamps, que « nulle plante n’est sus- 
ceptible de résister aux influences des climats comme le blé. L'homme Ja 
portée avec lui dans toutes les contrées où il a été s'établir, et elle a réussi 
presque partout. On la cultive dans l'hémisphère septentrional aussi bien 
que dans l'hémisphère méridional; il n’y a que les extrêmes du froid et 
de la chaleur qui lui soient contraires 1, » En ce qui concerne le sol de 
la Campine et des Ardennes, lorsqu'il aura été amélioré par les procédés 
que nous avons indiqués, il conviendra à peu près à toutes les espèces de 
céréales ; pour s’en convaincre, il suffit d’en parcourir les parties cultivées. 
« La partie cultivée de la Campine produit tout ce que peut produire toute 
autre localité, du froment, du seigle, de l’avoine, de l'orge, des pommes de 
terre 2, » On rencontre, de mème, dans les Ardennes, à côté des terrains 
arides, des terres de même nature qui produisent les plus belles récoltes 5. 


Si nous sommes d'avis qu'il faut introduire dans nos landes la culture 
des céréales, nous sommes loin de conseiller de les convertir toutes en 
terres cultivables; nous ne le pourrions d’ailleurs pas sans violer des 
premières règles de la science agricole. En effet, les diverses branches 
de production se lient les unes aux autres, et il n’est point de récoltes 
sans engrais, point de fumier sans bestiaux , point de bestiaux sans 1prai- 


1 Considéralions sur les céréales, etiprineipalement sur les froments. Paris, V° Bouchard-Huzard, 
1842, pages 85 et 86 de la partie historique de cet ouvrage. 

? Kummer, L. cit, p. 15. 

5 Thorn, L. cit. p. 93; — Le Docte, L. cit. pp. 62 et 65. — Wodon, L. cit., p. 7. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 39 


ries; et nous avons dit que, pour plus d'économie, il importait de pro- 
duire le fumier sur les lieux mêmes. Il sera donc nécessaire de consacrer 
une partie de nos landes à créer des fourrages naturels et artificiels. 

On le voit, notre système n’est autre que le dernier des trois systèmes 
principaux d'exploitation indiqués ci-dessus. « La culture des végétaux 
combinée avec l'élève du bétail, constitue la véritable agriculture, car elle 
comprend les principales branches de léconomie rurale, parce qu’elle 
assure les moyens de subsistance du peuple et la nourriture du bétail, en 
même temps qu'elle accroît le capital national. Ce système d'exploitation 
est suivi le plus généralement partout où le climat et le sol s’y prêtent ; » 


n 


c'est aussi celui qui, tout en assurant des profits aux défricheurs et un 
accroissement de la fortune publique, permettra d'atteindre Le but social 
assigné au défrichement; c'est, enfin, le système adopté dans toutes nos 
provinces, et la Belgique, nous pouvons le dire avec orgueil, est renom- 
mée par ses progrès agricoles. 

On peut admettre en principe, que dans toute exploitation où le système 
des assolements peut être suivi, on doit en consacrer la moitié au moins 
à des cultures fourragères; c’est la proportion qu'il faut observer, si l’on 
veut produire la quantité d'engrais nécessaire à la fumigation de l’autre 
moitié livrée à la culture des céréales. Nous proposerons donc de con- 
vertir la moitié de nos landes en prairies tant artificielles que naturelles, 
et de livrer l'autre moitié à la culture du blé et des autres produits végé- 
taux de vente. Toutefois, en consultant précédemment les besoins du pays, 
nous avons vu qu'il ne fournit pas partout du bois de chauffage en quan- 
tité suffisante, et qu'il importe également d'augmenter la production du 
bois de construction. Nous avons vu, en outre, qu'il est équitable, qu'il est 
humain de ne pas enlever subitement aux habitants de la Campine et des 
Ardennes la plus précieuse de leurs ressources actuelles, qui consiste dans 
la vaine pâture. Il sera donc indispensable de distraire préalablement de 
nos landes qui doivent être converties, moitié en prairies et moitié en terres 


cultivables, la partie nécessaire au reboisement et au pâturage commun. 


# Rau, L cit., pp. 321 et 328, 


140 SUR LE DÉFRICHEMENT 


Le reboisement, qui ne pourrait s'étendre à la totalité de nos landes 
sans devenir une spéculation ruineuse et sans nuire même à la culture !, 
offrira peu de difficultés, surtout parce qu'il nécessitera peu d’avances en 
capital et en travail. Il n’en devra pas moins se faire d’après un plan d’en- 
semble et avec beaucoup de prudence et de discernement; car, en même 
temps qu’il est destiné à nous fournir les bois de chauffage et de construc- 
tion qui nous manquent, il doit tendre à garantir les terres arables et les 
prairies contre l’action du climat aujourd’hui trop froid et conséquemment 
contraire à la bonne végétation; pour ces motifs, nous pensons que ie 
Gouvernement peut seul opérer le reboisement; il sera au moins indispen- 
sable qu'il en prenne l'entière direction. Il importe aussi que le reboise- 
ment devienne productif, et, pour atteindre ce but, il convient de ne le 
faire que successivement et de manière à ne pas jeter à la fois dans le com- 
merce une trop grande quantité de bois de construction. Puis, les forêts 
existantes n’occupent pas toutes la position qui leur est assignée naturelle- 
ment, c’est-à-dire les montagnes et les terrains dont la pente est rapide; 
il en est qui s'étendent sur des vallées, et celles-ci peuvent être resti- 
tuées avec avantage à la culture. Enfin, il est de principe que « les forêts 
doivent être établies sur les terrains trop pauvres pour passer à l’état de 
pâture ?. Il faudra done convertir en bois les plus mauvaises terres, en 
prairies, les terres d’une qualité immédiatement supérieure, et livrer les 
meilleures à la culture des céréales. On ne saurait violer ces principes, 
qui sont aussi ceux qui doivent être suivis dans toute exploitation agri- 
cole, sans affecter d’une manière plus ou moins sensible les profits de l’ex- 
ploitant et la richesse nationale; car les terres de première classe, outre 
qu’elles exigent moins d’avances en travail et en engrais que les autres, 
assurent la plus grande abondance et la meilleure qualité des produits ; 
vous n'aurez pas les mêmes résultats dans les terres de qualité immédiate- 
ment inférieure, bien que vous y ayez fait plus de dépenses d'amélioration 
que dans les premières. En descendant encore plus bas, les produits ne 


1 Kummer, L. cit, p. 7. — Rapport de la députation du Luxembourg, note de la page 77. 
2 Comte de Gasparin, Cours d'agriculture. Paris, à la librairie agricole de la maison rustique, 
n° 19, 184%, t. II, pp. 559 et 360. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 441 


dépasseront pas les frais; il pourra même arriver que vous travaillerez 
avec perte. 

D'après ces observations, chaque terre doit être affectée à un produit 
donné, et notamment à celui qui offre le plus de profits pour la moindre 
somme de déboursés. La configuration du sol entre aussi pour beaucoup 
dans le choix des cultures : partout et toujours on consacre, de préfé- 
rence, les plaines à la culture des céréales, parce qu'elle y éprouve moins 
de difficultés et exige conséquemment moins de dépenses. Les pâturages 
conviennent plutôt dans les contrées montueuses, quoique les terres situées 
au bord des courants d'eau s’y prêtent beaucoup mieux, parce que le voi- 
sinage de l’eau, mais surtout les irrigations qu'il est possible d'y pratiquer, 
les entretiennent dans un état constant de fraîcheur. Toutefois, si notre sys- 
ème d'exploitation est d’une exécution très-facile dans la Campine, qui, 
comme nous l'avons vu, ne forme qu'un vaste plateau, il devra être mo- 
difié dans certaines contrées des Ardennes pour se rapprocher davantage 
du système des pâturages. Néanmoins, comme, dans ce pays, des plaines 
alternent souvent avec des montagnes, la culture des céréales y est égale- 
ment et même généralement praticable. Dans notre opinion, cette espèce 
de culture doit, dans les Ardennes, mais surtout dans les contrées qui of- 
frent beaucoup d'accidents de terrain, être restreinte, dans le principe, 
aux besoins de la consommation locale, sauf à l'augmenter insensiblement, 
afin de se procurer la paille nécessaire à la litière des bestiaux, qui don- 
nent l’engrais. Il y a encore un autre motif pour en agir ainsi ; c’est qu'on 
ne pourra rapprocher les produits des marchés pour leur procurer un 
écoulement avantageux, que lorsque les Ardennes seront sillonnées des 
voies de communication qui lui sont nécessaires, et ce n'est que successi- 


vement que ces routes pourront être construites. 


Nous croyons en avoir dit assez pour démontrer que le système des as- 
solements doit être adopté dans la plupart des contrées à défricher, comme 
étant le plus conforme aux principes de l’agriculture et comme devant 
mener le plus sûrement au but social assigné au défrichement. On pour- 
rait cependant lui faire le reproche de ne pas être le plus économique, 


Tome XXL. 6 


42 SUR LE DÉFRICHEMENT 


non parce qu'il ne donnerait pas des profits aussi élevés que le système 
des päturages (nous croyons avoir prouvé le contraire), mais parce que 
la culture des céréales exigerait de bien plus fortes avances en travail 
et en capital que l'établissement de prairies comme principe unique de 
végétation. Cette objection est grave, mais il nous sera facile de la dé- 
truire en posant un exemple d'exploitation agricole conforme à notre sys- 
tème ; cet exemple rendra en même temps notre mode d’exploitation plus 
sensible. 

Certes, la conversion immédiate de nos landes en terres à céréales, 
nécessiterait une grande quantité d'engrais et conséquemment de fortes 
avances en capital, devant lesquelles les défricheurs les plus déterminés 
pourraient reculer. Ces engrais coûteraient d'autant plus cher, que, ne 
pouvant être produits immédiatement sur les lieux mêmes, il faudrait les 
tirer du dehors. Or, nous avons établi précédemment qu'ici surtout lé- 
conomie est indispensable et que, pour l'obtenir, il faudra former le fu- 
mier dans l'exploitation même. I va de soi que si l'invention de M. Bickes, 
dont nous avons parlé plus haut, venait à se réaliser, notre procédé 
deviendrait inutile, puisqu'elle donnerait, une fois pour toutes, la solu- 
tion du grand problème des engrais et que, par suite, il deviendrait pos- 
sible de livrer à la culture des céréales même les plus mauvaises terres. 

Or, voici comment nous procèderions : 

Soit donnée une ferme de 100 hectares. La moitié serait destinée à la 
culture des céréales, l’autre moitié serait convertie en prairies. 

Après avoir déterminé, d’après la nature du sol et les ressources de la 
localité, les parties qui conviendraient respectivement le mieux à ces deux 
espèces de cultures, je m'occuperais de la seconde section, celle des pà- 
turages, au milieu de laquelle j'élèverais les bâtiments de la ferme. Cette 
construction se ferait pendant l’automne, pour qu’elle pût devenir habi- 
table le printemps suivant et abriter les travailleurs chargés de com- 
mencer, à cette époque, l'opération du défrichement et de la conversion 
des landes en prairies. Afin d'économiser, autant que possible, sur le 
capital engagé dans mon entreprise et de me mettre ainsi plus à même de 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 43 


faire face aux dépenses de l'exploitation, je me conformerais à la recom- 
mandation que fait J.-B. Say concernant les constructions civiles !; en. 
conséquence, mes bâätisses seraient plutôt légères et simples que trop so- 
lides et fastueuses. C’est là une règle que les entrepreneurs n’oublient 
que trop souvent; aussi cet oubli devient-il quelquefois pour eux une 
cause d’insuccès et même de ruine. 

Une fois le personnel installé et la ferme pourvue des outils et des 
chevaux nécessaires, je m'occuperais de la formation des prairies. 

Après avoir nettoyé le sol, en le défrichant, je le disposerais à la pro- 
duction des fourrages en l'améliorant, c'est-à-dire en y pratiquant d’abord, 
pour autant que le gouvernement ne s’en serait pas chargé, les travaux 
d'assainissement et d'irrigation reconnus nécessaires; je continuerais l’a- 
mélioration du sol en le marnant et en l’amendant, suivant les procédés 
indiqués précédemment. Comme, dans le principe, je n'aurais pas de fu- 
mier sur les lieux, et qu'il faut, dans un but d'économie, éviter de le tirer 
du dehors, je ferais servir à cet usage les cendres provenant du brülis 
du gazon et des plantes ligneuses qui se trouveraient dans les landes. 
Afin de diminuer encore davantage la dépense du défrichement, je ferais 
brüler au printemps la bruyère et les genêts sur pied, en ayant soin de 
choisir, pour faire cette opération, un temps sec. Les cendres, il est vrai, 
ne tiennent pas lieu de fumier, et pour maintenir Ja terre en bon état, il 
faut alterner leur emploi avec celui du fumier; mais on sait qu’elles con- 
tiennent de la potasse qui, en se combinant avec lhumus contenu dans 
le sol, lui ôte ses mauvaises qualités et le rend immédiatement propre à 
nourrir des végétaux. On peut donc dire qu'elles peuvent remplacer, jus- 
qu'à un certain point, le fumier pour un temps donné, et qu'elles me 
seraient d’un grand secours jusqu’à la seconde année de la formation des 
prairies, époque où j'aurais du bétail à la ferme. 

Comme il importe de produire le plus de fumier possible, je nourri- 
rais le bétail à l’étable. Mais, pour pouvoir le faire, comme mes prairies 


saturelles ne fourniraient pas, pendant les premières années, les fourrages 


Loco citato, 2% partie, chap. XIE, p. 136. 


44 SUR LE DÉFRICHEMENT 


nécessaires pour leur nourriture et que, toujours dans un but d'économie, 
il ne faut pas les tirer du dehors, je diviserais les 50 hectares en deux 
parties; dans la partie dont le sol serait le meilleur, je sèmerais de la 
fleur de foin pour en faire des prairies naturelles; je consacrerais l’autre, 
à des fourrages artificiels que le sol produirait déjà la première année, 
après avoir été écobué et avoir reçu un seul labour; de manière que je 
serais mis à même de nourrir le bétail dès la seconde année de la forma- 
tion des prairies. Les cendres provenant des gazons brülés seraient enter- 
rées immédiatement par un labour superficiel. Divers agronomes, parmi 
lesquels nous placerons MM. Le Docte!, Moll?, et Thouin, considèrent 
les fourrages artificiels comme la meilleure nourriture pour le bétail. 
Presque toutes les espèces de terrains leur conviennent. Dans beaucoup 
de contrées de la France, la culture repose entièrement sur ces fourrages , 
qui y remplacent même les prairies naturelles. 

Si, dans la partie des prairies artificielles, il se trouvait des terres trop 
pauvres et qui, en conséquence, exigeraient une trop grande quantité de 
fumier pour donner des récoltes satisfaisantes, je les convertirais en pà- 
turages pour les moutons en y semant du trèfle blanc, de la lulupine, du 
ray-grass, sauf à en faire des prairies artificielles lorsque l'augmentation 
de l’engrais me permettrait de leur en appliquer une partie. 

Le bétail que je serais dans le cas d'acheter, exigerait une assez forte 
avance en capital, et les fourrages, pendant les premières années, ne se- 
raient pas abondants ni de première qualité. Afin donc de diminuer cette 
avance autant que possible, je suivrais le conseil de M. Moll#, et je don- 
nerais la préférence à des bêtes de petite taille, parce qu’elles coûtent 
moins et qu'elles sont plus sobres. Quand les prairies naturelles seraient 
en plein rapport, j'examinerais si je ne devrais pas donner la préférence 
aux grandes races de bestiaux. Je ne négligerais surtout pas d’avoir un 
troupeau de moutons à laine commune. Le parcage, qui consiste à faire 


1 Loco citato, p. 46. 

Loco citato , p. 195. 

Cours de culture, ete., publié par Oscar Leclereq. Paris, Bouchard-Huzard, t. I, p. 10. 
Loco citato, p.168. 


> À + 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 45 


passer la nuit à des moutons dans une enceinte mobile de claies, donne 
en deux nuits une forte fumure qui équivaut à 40 voitures, à 4 chevaux, 
de fumier par hectare. Le parc épargne la litière et le transport du fu- 
mier. Il pourrait donc servir admirablement pour bonifier les prairies 
naturelles, mais surtout les prairies artificielles. Inutile de faire remar- 
quer que je n'achèterais d'abord qu'autant de bestiaux que mes prairies 
artificielles me permettraient d'en nourrir, et que je laisserais à l'amé- 
lioration de la culture et, par suite, à celle de la nourriture, le soin de 
m'indiquer l'accroissement que mon troupeau pourrait prendre succes- 
sivement. 

Je ne perdrais pas de vue que je dois économiser le plus possible mon 
capital; je chercherais donc à produire l’engrais au plus bas prix. En 
conséquence, je donnerais la préférence au bétail qui me fournirait le fu- 
mier au meilleur marché : je choisirais les bêtes dont les autres produits, 
tels que le travail, le lait, le fromage, la viande et la laine, payeraient le 
mieux leur nourriture, par exemple, les vaches, qui, par la vente de leur 
lait et de leurs veaux, payent souvent en entier la nourriture, les soins, 
l'intérêt du prix d'achat et le loyer de létable. 

Si, afin d'économiser mes fonds, il importe de produire sur les lieux 
mêmes les fourrages nécessaires pour la nourriture du bétail, économie 
commande d'en agir de même pour la nourriture du personnel de la 
ferme. Pour le même motif, il est important de trouver le moyen de me 
dispenser de tirer du dehors la paille qui doit servir de litière au bétail 
pendant les huit premières années de mon exploitation. En conséquence, 
je livrerais, sur écobuage, à la culture des céréales, en mème temps que 
je m'occupérais de la formation des prairies, dix hectares de landes que je 
prendrais, par anticipation, dans la première section. La matière fécale, 
le fumier des chevaux et la colombine seraient ensuite employés à la fu- 
migation de ces terres, auxquelles je ferais surtout servir le parc des 
moutons. 

Le défrichement et la conversion en prairies des landes de la deuxième 
section , exigeraient cinq années. Arrivé à la huitième année, ces prairies, 


auxquelles j'aurais fait servir le parc et tout le fumier des étables, et qui 


46 SUR LE DÉFRICHEMENT 


auraient été constamment arrosées, donneraient une récolte entière, c’est-à- 
dire qu'elles seraient bonnes et en plein rapport. 

Quand mes prairies seraient en cet état, il ne serait plus besoin que de 
leur donner une demi-fumure, car leau provenant des irrigations tien- 
drait lieu de l'autre moitié. 11 y aurait donc surabondance de fumier. Je 
songerais alors à défricher et à exploiter la section des céréales composée 
également de 50 hectares. La surabondance du fumier de la seconde sec- 
tion, qui équivaudrait à celui qui serait nécessaire pour fumer 25 hectares, 
me servirait pour fumer la moitié des terres de la première section. Mes 
prairies, qui seraient alors en plein rapport, me permettraient d'augmenter 
mon bétail en quantité suffisante pour produire le fumier nécessaire à la 
fumigation de l’autre moitié des terres de la section des céréales. S'il me 
manquait encore du fumier pour cette moitié, je n’hésiterais pas à dis- 
traire un certain nombre d'hectares de la section des céréales pour en faire 
de nouvelles prairies. Celle-ci se trouverait un peu réduite sans résultat 
fâcheux pour l'exploitation. D'ailleurs, il est admis en principe qu'il faut 
consacrer à des cultures fourragères, la moitié au moins de l'exploitation #. 

Si je propose de partager également mon domaine entre les deux sec- 
tions, c’est parce qu’en général, le bétail nourri au moyen des fourrages 
d’une quantité donnée de prairies, fournit l’engrais nécessaire pour fumer 
une pareille quantité de terres à céréales. Du reste, j'aurais encore à ma 
disposition, pour fumer les terres de la section des céréales, la matière 
fécale, la colombine, la suie de cheminée et autres substances fertilisantes 
indiquées plus haut. Enfin, les cendres, provenant du brülis du gazon et 
des plantes, serviraient aussi d'engrais pendant la première année. L’herbe 
touflue qui pousse immédiatement après le brûlis, serait utilisée pour le 
paturage des moutons. 

En proposant de convertir la moitié de ma propriété en prairies et de 
consacrer l'autre moitié à la culture des céréales, j'ai été déterminé par 
les principes de l’économie rurale, qui veulent que les parties d’une 
exploitation agricole soient coordonnées de manière que chacune d'elles 


! Dezemeries, loco citato. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 47 


contribue à la prospérité de l’autre. Si, d’un autre côté, J'ai tant insisté 
sur la nécessité d'augmenter la production du grain, afin de faire servir 
le défrichement au but social qui lui est assigné, on comprendra facile- 
ment que le grain devra occuper la plus large place dans la section des 
céréales. Toutefois, comme le blé est de toutes les céréales celle qui est la 
plus exigeante, en ce qui concerne la qualité du sol, je n’en cultiverais 
que très-peu dans le principe, et j'attendrais, pour lui donner l'extension 
nécessaire, que les terres de la section des pâturages eussent été suffisam- 
ment améliorées pour assurer de bons produits. En conséquence, je com- 
mencerais par la culture des céréales qui réussissent dans les terrains les 
plus pauvres, telles que l’avoine, le sarrasin et la pomme de terre. Lavoine 
réussit dans les terres les plus sablonneuses et dans les plus fortes ; elle 
donne, de même que le sarrasin, les plus beaux produits dans les terres 
nouvellement défrichées. — Les lentilles et les jaroses viennent dans les 
plus mauvaises terres; elles se contentent d’un terrain léger.—Les fèves ! et 
les vesces, au contraire, réclament une terre forte. —Les pois veulent une 
terre franche, un peu calcaire. — Le maïs réussit dans les terrains secs. 

En ce qui concerne la culture des céréales, ilest deux règles économiques 
que je suivrais rigoureusement et qu'on ne perd que trop souvent de vue. 
Je veux dire que je cultiverais de préférence les espèces de céréales qui, les 
frais payés, me donneraient les bénéfices les plus élevés, et je me règlerais 
aussi toujours dans ce choix sur la demande du marché. 


1 Dans l'audience que le roi Léopold a accordée, le 7 août 1845, à la commission d'Anvers, Sa 
Majesté, soulevant la question des pommes de terre, qui, comme on sait, venaient d'être attaquées 
d'une maladie endémique des plus graves, exprima l'opinion que peut-être plusieurs peuples de 
l'Europe, le peuple belge entre autres, avaient poussé la consommation de la pomme de terre 
jusqu'à l'exagération, et que la culture des fèves, qui était d’un si grand secours à nos pères, pour- 
rait être reprise sur une plus large échelle, afin que cet aliment, très-substantiel, pût remplacer de 
temps à autre l'inévitable plat de pommes de terre au lait ou au vinaigre. La pomme de terre, ainsi 
que l'a fait remarquer le roi, comme base de l'alimentation, laisse beaucoup à désirer; elle con- 
tient peu de matière nutritive (25 sur 100), est d'une digestion assez difficile, et prédispose à des 
maladies de langueur auxquelles une bonne partie de la population rurale paraît sujette. 

Le défrichement pourrait devenir, à coup sûr, un moyen de réaliser les vues de Sa Majesté con- 
cernant la culture des fèves. Cette culture joindrait à l'inappréciable avantage de fournir une nour- 
riture plus substantielle que les pommes de terre, celui d'une récolte plus productive. 


18 | | SUR LE DÉFRICHEMENT 


Afin de retirer de la culture des céréales le plus grandproduit aux moin- 
dres frais possibles, j'en bannirais le régime des jachères. Cette méthode, 
est généralement suivie dans les Ardennes !; elle est fondée sur l'opinion 
que la terre a besoin de se reposer pendant une année pour porter de nou- 
velles récoltes ; mais cette opinion est évidemment erronée. Pour s'en con- 
vaincre, il suffit de se rappeler les notions les plus simples de la chimie. 
Le sol qui n’est pas en état de production, loin de se bonifier, s’épuise. 
Dépourvu de plantes, ilne peut absorber dans l'atmosphère ni, par con- 
séquent, retenir, au profit de la végétation, aucun gaz nourricier ; il doit, 
au contraire, par l'évaporation, perdre les principes fertilisants qu'il con- 
tient 2. On peut donc dire que la jachère est doublement improductive, 
d'abord parce que, loin d'assurer l'amélioration du sol, elle le détériore , 
ensuite parce qu'elle fait perdre une partie et le plus souvent le tiers des 
terrains cultivés. Aussi les agronomes sont-ils généralement d'accord pour 
la déclarer vicieuse et la proscrire 5, On peut, en effet, substituer à la ja- 
chère des récoltes productives, telles que les récoltes sarelées et fourra- 
gères, les légumineuses. 

On le voit, la question des jachères est liée à celle des assolements, 
que les agronomes considèrent comme la base la plus solide de la prospé- 
rité agricole. Ce dernier système est évidemment préférable à celui des 
jachères, puisqu'embrassant dans sa rotation toute l’étendue des terres cul- 
tivables, il tend à ajouter à la masse des produits et conséquemment à 
augmenter les profits du cultivateur. Il a de plus pour effet de donner de 
meilleures récoltes, et de maintenir les terres dans un état constant de fé- 
condité. 


1 Rapport de la députation permanente du Luxembourg, pp. 19, 20 et 21. 

2 Davy, Chimie agricole. 

5 Agriculture française , par MM. les inspecteurs de l'agriculture. publiée d'après les ordres du 
Ministre de l'agriculture et du commerce. Paris, 1844. Article de la collection de cet ouvrage qui 
traite de l'agriculture du département des Côtes-du-Nord ; — Yvart : Manuels-Roret. Assolements, 
jachères et succession des cultures. Annoté par V. Rendu. Paris, 4842, t. I", pp. 204 et suiv., et 282 
et suiv.; — Scheidweiler, Cours raisonné et pratique d'agriculture et de chimie agricole. Brux., 
Hauman, 1843, t. 1°, p. 489 ; — John Sinclair, Relation sur l'agriculture flamande ; — Dewal , 
Mémoire sur la culture et l'abolition des jachères dans les mauvaises parties de la province de Na- 
mur; — Schwerz, Introduction à l'agriculture belge ; — Le Doëte , loco citato, p. 20. 


TT 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 49 


En ce qui concerne la durée des assolements, j’adopterais les plus longs, 
à moins que des circonstances locales ne me forçassent d'en agir autre- 
ment, ce qui arrive encore assez souvent dans la pratique. Les assolements 
les plus longs sont aussi les plus économiques, parce qu'ils exigent moins 
de main-d'œuvre; et l'expérience a démontré que, pour avoir de bonnes 
récoltes, il importe que les mêmes plantes ne soient ramenées sur le même 
terrain que le moins fréquemment possible 1. 

Les landes de la première section ne seraient, comme celles de la 
seconde, en plein rapport, qu'au bout d’une période de huit années. 
J'aurais conséquemment employé seize années pour tirer mon domaine 
de son état de stérilité, et le rendre propre à produire d’abondantes ré- 
coltes. 


On le voit, notre système de production est des plus économiques. Nous 
le croyons aussi conforme aux principes de la science agricole, et de na- 
ture à assurer le but social assigné au défrichement, puisqu'il procurerait, 
dans le présent et dans l'avenir, de nouvelles ressources à la classe labo- 
rieuse. Le seul reproche qu’on pourrait peut-être lui faire, c'est qu’il de- 
manderait seize années de soins et de travail. Mais n'oublions pas que 
pour obtenir l’économie désirée et indispensable au succès, nous devons 
procéder avec l’aide du temps et diminuer, autant que possible, la main- 
d'œuvre, pour appeler à notre secours les forces de la nature. 

De tous les systèmes de défrichement et d'exploitation proposés jus- 
qu'à ce jour, celui de M. Rieffel, agronome des plus éclairés et des plus 
distingués, a surtout attiré notre attention, parce que, plus que tous les 
autres, il tend à l’économie. Nous le reproduirons ici, pour le faire servir 
de point de comparaison au nôtre. Voici ce système : 

« Étant donné un domaine de 500 hectares de landes, toutes ou 
presque toutes incultes, dans les circonstances ordinaires de ces terres, 
sans bâtiments, avec une population faible et ignorante, voici, selon moi, 
la marche la plus économique et la plus productive à suivre, pour arriver, 


1 Boïtard, L c., p. 277. — Thouin, L c., t. IN, pp. 29-58. 
Tome XXI. 7 


50 SUR LE DÉFRICHEMENT 


après une période de 25 ans, à posséder une propriété en pleim rapport, 
qui aurait coûté 100,000 francs de dépenses, et qui, après ce laps de 
temps, donnerait un revenu de 10 p. c. et aurait une valeur vénale de 
400,000 francs. 

» Ainsi donc, je prendrai, dans l'exemple que je pose, le pin maritime 
pour pivot de l'affaire ; c’est une des combinaisons qui demandent lemoins 
de connaissances spéciales, et avec laquelle, quoi qu’il arrive par la suite, 
il restera toujours sur le sol une création de richesses. 

» Sur la surface de mes landes, je commencerais par chercher les 50 
hectares qui me paraîtraient les plus faciles à mettre en prairies irriguées. 
C'est là que j'établirais mon habitation et le foyer vivifiant de l'avenir. 
J'estime que pour ces constructions , le défrichement et la conversion de 
ces landes en prairies irriguées, il faudra 50,000 francs. Cette opération 
demandera au moins cinq années, et les récoltes aideront à faire vivre la 
famille. 

» Dans le même temps, je sèmerais, chaque année, 50 hectares de 
pins maritimes sur écobuage. En supposant une avance première de 200 
francs par hectare, c’est un capital de 10,000 francs à consacrer annuel- 
lement à l'opération de l’écobuage. Mais la vente du grain remboursant, 
chaque année, la somme ou à peu près, il suffit que l’avance soit faite une 
fois. J'ai expliqué (dans lAgriculteur de l'Ouest, t. I, p. 40) ce mode de 
semis des pins qui rembourse tous ses frais en un an. Je répèterais cette opéra- 
tion pendant neuf années, et la neuvième j'aurais 450 hectares de pins 
maritimes de tous âges, et 50 hectares de prairies irriguées d’un grand 
rapport. 

» Il est facile de comprendre combien ce système, si simple, doit être 
avantageux. Après la vente du grain de l’écobuage, on a tous les ans les 
pailles de 50 hectares ; ces pailles, converties en fumier, seront toutes 
mises sur les prairies, et quand les pailles de 450 hectares auront servi 
à féconder 50 hectares de prairies, celles-ci devront être bonnes. 

» Pour consommer ces pailles et les réduire en fumier, rien ne sera 
plus avantageux, dans les premières années surtout, qu'un grand troupeau 
de bêtes à laine commune. Ce troupeau, bien conduit par un berger 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 51 


habile, sera une excellente cheville ouvrière dans cette machine. On cal- 
culera d'abord le nombre des bêtes pour 400 hectares de landes; puis, 
on diminuera peu à peu le troupeau au fur et à mesure des semis de pins; 
car il ne faut pas mettre les moutons en contact avec les jeunes pins, 
avant que ceux-ci aient atteint cinq ans : ils les dévoreraient tous. Quand 
les premiers pins semés auront cinq ans, il restera encore 200 hectares 
de landes, de façon qu'on pourra toujours avoir, en moyenne, un pâätu- 
rage de 250 hectares pour les bêtes à laine. 

» Je suppose que, arrivé à la neuvième année, je n’aie bénéficié en 
rien, et que j'aie dépensé : 


{5 En batiments etimoblien ts... fr". 30000.» 
COMENT AIRIS A ds clin: ee pos ln 000 
DOM DESIRE A EN EE RME CE EE ST EEE 000 #5 
dPHEnsemisdeipinslt 06h25 one auMatn140/0001 

Toraz . . .fr. 60,000 > 


» Cependant, la dernière année de l’écobuage, les 10,000 francs pri- 
mitivement avancés à cet effet, devront me rester après la vente de la ré- 
colte. Mais j'admets que tout soit dépensé; j'admets même que la masse 
des fumiers amassés m'ait conduit à faire une plus grande quantité de prai- 
ries, et qu'en définitive, à la neuvième année, je sois arrivé à une dé- 
pense totale de 80,000 francs sur mon capital de 100,000 francs. 

» Quelles seront à cette époque mes recettes ? 

» Les 50 hectares de prairies, fruit de neuf années de soins, de tra- 
vaux et de fumures surabondantes, avec irrigation, ne peuvent pas être 
estimés à un rendement moindre de 4,000 kilogr. de foin par hectare. 
C’est une récolte annuelle de 200,000 kilogr. de foin. 


200,000 kilogr. de foin, à 56 fr. les 4,000 kilogr., font . .fr. 7,200 » 
Mettons pour le produit net du troupeau . . . . . . . . 1,800 » 


Revenu . . .fr. ‘9,000 » 


» I résultera de notre opération qu'à la fin de la neuvième année, 


52 ‘SUR! LE DÉFRICHEMENT 


après une dépense de 80,000 francs , nous aurons sur la lande qui ne pro- 
duisait rien, un revenu de 9,000 franes, ettau moins 400 hectares en bois 
de pins. Il me semble qu'il y a peu de systèmes d'exploitation qui nous 
eussent conduits à ce résultat avec moins de dépenses et surtout avec moins 
de peines et de soucis. On pourrait se reposer paisiblement. 

» Mais on veut aller plus loin. Notre entreprise a été calculée pour 
vingt-cinq années, et on ne désirerait pas garder tant de bois. On aimerait 
à peupler le domaine d'habitations et de produits de toute nature. 

» Nous habitons un pays à métayage, et il nous est prouvé que de long- 
temps nous ne pourrons pas changer les mœurs et les habitudes de la po- 
pulation. Notre intention est donc de faire des métairies de 25 hectares 
chacune. 

» En prenant tous les ans vingt-cinq hectares sur nos pins, nous arri- 
verons à la vingt-cinquième année, ayant quinze métairies , et il nous res- 
tera encore 7 hectares de pins de 16, 17 et 18 ans. 

» La propriété sera alors ainsi composée : 


Prairies du propriétaire. 2.412.142 : + . : : . : 50 hectares. 

ADEME ES GERS EE D 

NÉ LoN E t Let PR MEN NES Sr. Mme 
ŒorTan..|..,., +200, — 


» Et la création de ces 15 métairies ne nous aura rien coûté, attendu 
que 25 hectares de bois de pins maritimes, abattus à l’âge de 14 ans, 
comme ce sera le cas, peuvent produire une somme de 5,750 francs, soit 
150 francs par hectare. Cette somme sera souvent plus que suffisante, 
dans nos pays, pour construire une métairie et avancer au colon la 
moitié du cheptel en bétail et en engrais, surtout après un défrichement 
de bois; car il n’est pas indifférent de créer une culture sur un défriche- 
ment de bois ou sur celui d’une lande. Le sol qui a passé 14 années sous 
le bois, a acquis par là un degré de fécondité supérieur à la lande. Couverte 
de débris de feuilles et d'insectes, travaillée par de nombreuses racines 
des arbres, la terre, physiquement et chimiquement, n’est plus la même. 


DES TERRES HINCULTES DE! LA BELGIQUE. 55 


Le temps et la nature ont travaillé ici pour l'homme: Mais s'il: fallait 
d’autres fonds , nous avons une réserve ‘de 20,000 francs que nous ap- 
pliquons, et les 100,000 francs sont dépensés. 

» Dans l'état actuel des choses, on ne peut pas estimer que chacune 
de ces métairies rapporte moins de 500 francs nets, ou 20 francs par 
hectare. Le revenu du propriétaire, à la 25° année, pourra alors être 
définitivement établi ainsi : 


PTS RS SE RS Al PA de ee D NO 0N 
AD DELAI A OO EN Le MUR me ee el Te DO 
JE "hectäres"de Dors 2, CHIMIE TONI) FE NO MUOTSE EF 


Troupeaux (mémoire) . 


Toraz. . . . 15,200 


» Dans les calculs que j'ai donnés des prairies, je n'ai dû prendre que 
la valeur du foin, parce qu'on trouve généralement partout à vendre le 
foin à 56 francs les 1,000 kilogrammes. Les regains pourront sans doute 
être pâturés par les bêtes à cornes, dont je n’ai pas parlé. De tels détails 
tiennent tellement à l’organisation propre et aux connaissances de l’en- 
trepreneur , que dans le tableau du revenu définitif, où il n’y aura peut- 
être plus de bêtes à laine, je n’en fais état que pour mémoire. 

» En supposant que les 500 hectares de landes soient venus en héri- 
tage pour 50,000 francs, c’est-à-dire à raison de 100 francs l'hectare, 
ou qu'on les ait achetés à ce prix, voici alors la somme de l’acquisi- 


tion : 
Première lestimation 4 41.1. 1402040, x . 14..07.1fr, 50,000 
Avances de défrichement . . . . . . . . . . . . . . 100,000 
Toraz pépensé. . . .fr. 150,000 


» Le revenu serait donc de 10 p.°%, et une semblable terre se ven- 


drait bien 400,000 francs !. » 


1 J. Rieffel, le Cultivateur, journal des progrès agricoles, fondé en 1829, et adopté,en 1855, comme 
bulletin du cercle agricole de Paris ; octobre 1844, 16° année, 40° cahier, vol. XX, pp. 583-590. 


4 SUR LE DÉFRICHEMENT 


Malgré toute notre admiration pour le savant agronome français, nous 
osons croire notre système de production préférable au sien. Celui-ci, en 
effet, s’il était adopté pour l'exploitation de nos landes, aurait surtout 
l'inconvénient de nécessiter un second défrichement de la partie de ces 
landes que, dans le but social vers lequel nous tendons et même d'après 
les principes agronomiques, nous devrons consacrer à la culture des cé- 
réales. Ce n’est pas tout : la masse de bois de construction qui provien- 
drait des immenses plantes de sapins, si elle était versée tout à coup dans 
le commerce, aurait pour effet inévitable de nuire à nos bois, « dont la 
valeur n’est déjà que trop avilie !. » D'un autre côté, en suivant le mode 
tracé par M. Rieffel, nous retarderions inutilement l'époque où la culture 
des céréales pourrait se faire avec profit pour le cultivateur, puisqu'après 
le second défrichement, nous serions obligé d'employer un temps encore 
très-long à l'amélioration complète de nos terres à céréales; car da pre- 
mière sole ne donnerait que 5° de récolte; la deuxième, “°; la troi- 
sième, ‘/o*; la quatrième, 6/*; la cinquième, 7/5 ; la sixième, So et Ja 
septième, %% ou une récolte entière. Notre système ne présenterait au- 
cun de ces graves inconvénients, et les avances qu'il nécessiterait seraient, 
proportionnellement, moins fortes que dans l’autre, puisque nous n’au- 
rions pas de second défrichement à faire. Enfin, il est facile de se con- 
vaincre que notre système est aussi plus simple que ce dernier. 


Nous pourrions terminer ici notre Mémoire, mais quelques points 
essentiels s'offrent pour ainsi dire spontanément encore à nos méditations. 
Adoptera-t-on, dans les contrées à défricher, la grande ou la petite culture, 
et lorsqu'il arrivera que le défricheur ne voudra pas continuer, par lui- 
même, l’exploitation des terres qu’il aura mises en valeur, de quelle ma- 
nière les fera-t-il valoir? les confiera-t-il à des fermiers ou à des métayers, 
ou bien encore les concèdera-t-il par emphytéose? Voilà plusieurs ques- 
tions économiques qui nous paraissent intimement liées à celle du choix 
d’un mode d'exploitation. Résolues, elles viendront compléter la nomen- 


1 Discussion législative sur l'article Bois dans la question des droits différentiels. Monreur Brice 
des 50 et 51 mai 1844. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 5à 


clature des procédés de fertilisation de nos landes et de nos bruyères. I 
est inutile de faire remarquer que les limites naturelles de notre Mé- 
moire ne nous permettent pas de traiter ces questions sous toutes leurs 
faces, et que nous devons nous borner à des indications générales. 

Grande culture signifie l'exploitation du domaine rural par un petit nom- 
bre de grands entrepreneurs, et petite culture l'exploitation du sol par un 
grand nombre de petits entrepreneurs. L’une de ces deux espèces de cul- 
ture doit-elle être préférée à l’autre dans les contrées à défricher? D’après 
Thaër, « là ou le sol est à un bas prix et le travail à un haut prix, on 
doit chercher à obtenir sur une grande surface et avec le moins de travail 
possible une certaine masse de produits ! ». Les circonstances qui déter- 
minent le savant agronome, se produisant dans la Campine et dans les Ar- 
dennes, ce serait donc la grande culture qu’il faudrait y adopter. Mais nous 
avons déjà fait remarquer, et l'expérience Fa prouvé suffisamment, que 
les capitaux et les travailleurs se portent là où ils peuvent trouver un em- 
ploi utile. D'ailleurs, si nous nous reportons au but social assigné au dé- 
frichement, nous ne pouvons accorder la préférence à la grande culture, 
car c’est la petite culture qui offrirait le plus de moyens d'amélioration 
de la condition de la classe laborieuse. Elle exigerait, en effet, un plus 
grand nombre de bras que la grande culture, et permettrait au journalier 
de devenir propriétaire foncier, soit immédiatement, s’il avait quelques 
fonds à sa disposition, soit par la suite, en se créant un petit capital par 
les économies qu’il aurait confiées à la caisse d’épargnes. C'est, consé- 
quemment, la petite culture qu'il faut favoriser dans nos landes, et le 
gouvernement le pourra par les moyens que la législature ne manquera 
sans doute pas de mettre à sa disposition. 

On nous objectera que pour que la puissance du capital et du travail 
puisse se développer tout à fait, il faut que ces deux instruments soient 
appliqués sur une grande échelle. À cela nous répondrons que quand on 
consulte l'intérêt général, il peut être préférable de favoriser un esprit 


1 Principes raisonnés d'agriculture , traduits de l'allemand par le baron Crud; 2° édit., Paris, 
Cherbuliez, t. 1°, pp. 135 et suiv. 


36 SUR LE DÉFRICHEMENT 


d'ordre et d'industrie parmi la foule des petits entrepreneurs, qu'une forte 
production et de fortes économies dans un petit nombre de grands entre- 
preneurs. À l’appui de cette opinion, nous rappellerons les funestes effets 
qu'a produits la grande culture chez les populations rurales de la Grande- 
Bretagne; et à nos yeux, ils parlent plus haut que l'intérêt bien entendu des 
grands entrepreneurs. Nous admirons les campagnes si soignées et si riches 
du Royaume-Uni, mais nous ne pouvons nous empêcher de gémir sur la 
misère qui accable sa malheureuse population agricole. 

Est-ce à dire, cependant, que la petite culture doive seule être introduite 
dans les contrées à défricher ? Nullement; car, ainsi que nous l'avons fait 
remarquer, le défrichement doit, selon nous, devenir en même temps un 
moyen d'aider aux perfectionnements que réclame chez nous l'agricul- 
ture, et ceux-ci doivent, de leur côté, venir en aide au défrichement, en 
répandant la connaissance des procédés économiques d'exploitation. Or, 
les améliorations agricoles demandent une action large et une grande 
étendue de terrains. Du reste, nous sommes loin de vouloir établir une 
règle absolue à l'égard de l'étendue à donner aux fermes. Ici tout dépend 
des circonstances : l'exposition, la nature du sol, les marchés, le montant 
des capitaux des entrepreneurs, tout peut exercer de l'influence sur la 
décision pratique de la question. Quoi qu'il en soit, nous ne sommes 
pas appelé à trancher la question si controversée de la grande culture 
et de la petite culture. Les motifs de notre préférence dans le cas qui 
nous occupe, reposent sur le but social que nous voulons atteindre; 
et nous croyons qu'il est à désirer qu'une grande partie de nos landes, 
la moitié au moins, sGit réservée à la petite culture. Combinée, d’ail- 
leurs, avec la grande culture, elle assurera l'alimentation convenable 
des marchés. 


Passons à l'examen des différents modes employés pour faire valoir les 
terres. Quand le propriétaire foncier ne veut ou ne peut pas faire valoir 
lui-même ses terres, il en confie l'exploitation soit à des fermiers en les leur 
donnant à bail, soit à des métayers. Dans le premier cas, l'entrepreneur 
fait toutes les espèces d’avances en travail et en capital, paye l'impôt, re- 


ot. ét mes nd er 


DES TERRES :INCULTES:DE! LA! BELGIQUE. byi 


cueille tous les profits et assure au propriétaire ‘une rente fixée d’avance. 
Ge mode d'exploitation est avantageux au fermier, parce! qu'il lui permet 
d’accumuler et de se créér ainsi les moyens de devenir lui-même proprié- 
taire avec le temps. Cette manière de'faire. valoir les terres st aussi favo- 
rable à l'agriculture, lorsque les baux, sont à longs termes; ceux-ci, ‘en 
eflet, permettent d'introduire des ‘perfectionnements : agricoles, et un 
fermier intelligent et capable ne néglige jamais ces améliorations, parce 
qu’elles ont toujours pour eflet d'augmenter ses bénéfices. 

Le métayer reçoit sa férme pourvue, de tout cequi est nécessaire pour 
la mettre.en valeur; il la maintient en état de:culture et remet la moitié 
de’toutes les récoltes au propriétaire. 

3.-B. Say trouve ce genre d'exploitation misérable, parce qu'il est con- 
duit avec trop peu de capitaux, et; qu'il éteint fout encouragement pour 
économiser et pour faire des améliorations 1: Mais, ainsi que le fait re- 
marquer de Sismondi, le métayer n’a besoin que de fort peu de capitaux, 
puisqu'il reçoit les terres ensemencées et.en plein rapport; le propriétaire 
s'étant chargé de toutes les avances fondamentales, il suffit qu'il travaille 
pour les faire produire. D'un autre côté, si ce système de culture n’assure 
pas de grandes aceumulations et, par suite une augmentation sensible 
du capital national, ces inconvénients sont amplement compensés par le 
bien-être qu'ilassure à la, classe laborieuse?. « Celle-ci, en eflet, y trouve 
toutes les jouissances par lesquelles la libéralité de la nature récompense 
le travail de l’homme ; son industrie, son économie, le développement de 
sontintelligence augmentent régulièrement son aisance : dans les bonnes 
années, il jouit d’une sorte d’opulence; il ne demeure point exclu du festin 
de la nature qu'il prépare; il dirige ses travaux d’après sa propre pru- 
dence, et il plante pour que ses enfants recueillent les fruits. Le métayage, 
du reste, est aussi avantageux au pays même qu'au paysan; il peut tout 
ensemble rendre très-heureuse la classe inférieure vivant du travail de ses 
mains , et tirer de la terre des fruits abondants, pour les répandre avec 


Cours complet, ete., W° partie, chap. IV. 
2 Nouveaux principes d'économie politique ou de la richesse dans ses rapports avec la population. 
2° édit. Paris, Delaunay, 4827, pp. 192-194. 
Towe XXI. 8 


58 SUR LE DÉFRICHEMENT 


profusion entre les hommes ! ». D'un autre côté, le métayage, s’il était 
organisé de la manière indiquée par M. Raïngo, assurerait des bénéfices 
raisonnables au propriétaire foncier ?. 

Le bon aménagement des terres d’un pays exige qu’il y ait de grandes 
et de petites cultures, et les principes de la formation et du partage 
des richesses réclament également cette division. Aussi nous garderons- 
nous bien d’être exclusif dans le choix de l’un ou de l’autre des deux 
systèmes à bail ou à métayage. En nous attachant à faire ressortir les 
avantages de ce dernier système, nous avons voulu montrer seulement que 
le gouvernement peut, sans danger, le favoriser, jusqu’à un certain point, 
dans l'intérêt de la classe laborieuse; par exemple, en subordonnant à 
son adoption, pour une partie de nos landes, les encouragements qu'il 
accordera aux entrepreneurs du défrichement. 

Mais il est un autre mode de fermage qui nous paraît surtout convenir 
pour les terrains communaux : nous voulons parler du bail emphytéo- 
tique. M. Florez Estrada en a si bien retracé les avantages , que nous ne 
croyons pouvoir mieux faire que de le laisser parler ici pour nous. « L’em- 
phytéose, dit l'illustre économiste, qui rend le fermier copropriétaire, a 
été l'invention la plus utile à l’industrie agricole. Ce système garantit au 
cultivateur la récompense complète du capital et du travail qu’il emploie 
dans les terres d'autrui, et le porte à donner à leur culture les soins qu’il 
prodiguerait aux siennes propres; c’est le seul qui puisse réunir dans une 
même personne l'intérêt du propriétaire et le zèle du cultivateur. Il n’est 
aucune autre méthode d’affermer la terre, qui offre plus de garanties au 
propriétaire pour le payement de ses rentes et au fermier pour la rentrée 
des utilités du capital et du travail qu'il emploie; c’est encore celle qui 
donne au cultivateur le plus de moyens de s'enrichir, et qui le porte le 
plus à améliorer la terre qu'il cultive 5. » 

Nous terminerons, en résumant les matières traitées dans notre Mé- 
moire : il peut être ramené aux points suivants : 


! De Sismondi, Loco citato. 
? Raingo, loco cilalo. 
? Cours éclectique d'écon. polit., trad. de l'espagnol, par Galibert. Paris, Treuttel, 1853, t. Il, p. 63. 


DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 59 


L'ignorance de modes d'exploitation économiques est la principale 
cause de l’état de stérilité de la Campine et des Ardennes; l'absence de 
voies de communication, le manque de bras et l'insuffisance des capitaux 
ne doivent être considérés que comme causes secondaires. 

Avant de se livrer à la recherche du système d’exploitation le plus con- 
venable, il est indispensable d'étudier le climat et le sol des contrées à 
défricher. 

Cette étude doit être suivie de celle des moyens d'améliorer le sol, 
afin de le rendre le plus propre possible à la production. 

Comme on assigne un but social au défrichement , cette opération doit 
être dirigée de manière à satisfaire aux besoins du pays. 

Le défrichement pouvant devenir un moyen d’aider aux perfectionne- 
ments dont l’agriculture est reconnue susceptible en Belgique, il importe 
de rechercher comment on pourrait parvenir à ces améliorations. 

Le système d'exploitation le plus économiqne, celui qui donnerait en 
même temps des profits raisonnables, qui conduirait le plus sûrement au 
but social assigné au défrichement, et qui serait aussi le plus conforme 
aux principes agronomiques, celui donc qu'il conviendrait d'adopter dans 
les contrées à défricher, ne peut être autre que le système des assole- 
ments. 

Toutefois une partie de nos landes doit être réservée au reboisement 
reconnu nécessaire ; une autre partie doit rester affectée au pâturage 
commun. 

Dans l'intérêt de la classe laborieuse, la moitié de nos terres incultes 
doit, autant que possible, être attribuée à la petite culture, l'autre moitié 
à la grande culture. 

Dans le même but, le gouvernement doit favoriser le mode de faire 
valoir les terres connues sous le nom de métayage. 

L’emphytéose est le mode de fermage qui convient le mieux pour les 
terrains COMMunaux. 


Avant de finir, nous réclamerons toute l’indulgence de l'Académie pour 
notre faible travail. Si, malgré notre insuffisance, nous avons eu le cou- 


60 SUR LE DÉFRICHEMENT, exc. 


rage d'aborder le problème, si grave et si difficile, du défrichement, c'est 
qu'il nous a paru gros d'avenir, et que nous n'avons pu résister au désir 
que nous éprouvions d'aider, autant que nos moyens pouvaient nous le 
permettre, à sa solution : tout bon citoyen doit faire servir ses connais- 
sances au bien de son pays. 


15 décembre 1845. 


FIN. 


DE BASILICIS LIBRI III. 145 


Orientem versus magnum altumque vestibulum (rsérve) Paulinus exstruxit, 
quod murum ecclesiae aulam circumdantem ita superabat, ut etiam üis, 
qui extra murum starent, internarum rerum adspectum amplum praeberet 
earumque rerum visendarum studium excitaret. Post vestibulum constituit 
atrium quadrangulum quatuor intus ornatum porticibus, quarum inter- 
columnia cancellis ligneis et reticulatis clausa medium atrii spatium aper- 
tum cingebant. In medio vero spatio aperto cantharus seu piscina (xpñvar) 
fuit, qui sacra interna adituris aptum praebebat lavacrum, ne impuris pe- 
dibus templi limina transgrederentur. Ceterum hoc atrium non solum in- 
gredientibus Christianis rite lavandi opportunitatem sed etiam Catechumenis 
christiana institutione nondum imbutis aptum commorandi locum praebuit, 
totique aedificio eximiam dignitatem adjunxit. 

Atrio conjunctum erat templum, quod per tres portas intrari licebat. 
Quas portas ita perfici jussit, ut media laterales et magnitudine et ampli- 
tudine longe superaret, aeneisque ornamentis, uti regina inter satellites , 
longe excelleret. Pari modo in utroque latere templi tres portas constituit, 
et supra porticus, quibus templum in utroque latere instructum erat, fenes- 
tras faciendas atque intestino opere ornandas curavit, quae largiorem lucem 
medio spatio infunderent. Medium spatium, quod Eusebius in H. E., Basieey 
os», in Const. laud., cap. IX, évéxropx appellavit, insigni fuit magnitudine et 
altitudine, atque eximia pulcritudine excelluit. In extremo, ut videtur, 
spatio medio altissimam constituit aram, eamque superis principum 
ecclesiasticorum sedibus et inferis reliquorum clericorum subselliis eir- 
cumdatam multitudini inaccessam reddidit pulcerrimis cancellis. Ceterum 
basilicae solum marmoribus splendidis stratum lacunaribus auro fulgenti- 
bus optime respondebat. In utroque vero externo basilicae latere ad portas, 
quae per porticus viam in medium spatium aperiebant, exedrae et conclavia 
maxima in usum baptizandorum exstructa reperiebantur. (Vid. tab. VIT, 2.) 


Ex hac igitur Eusebii descriptione recte conjici videtur, ecclesiam Ty- 


AiSo papuäpe ed péha xôopuo Tati }aurpôvas, dy hoimèy aa Êri ri ÉxTÈS TOÙ VEÙ METYEI ÉSédpas Aa cixcUS 


, 9 , y ET 3 ss , PP EL ne ,, FTP dns ) 
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rails êri rèy péooy oi no eisBodais yrouéyous * & nai aûrè Tolg ETI kaGÉpTENX HA TEPIPPA/TYIOY TOY di dura 
zu Hyiou mycbuaros éyospééouais, à eipyrinéraros Yudy Sohouty 6 rôy veùy rod ECÙ d'EMAHMEVOS ATEIPYAGETO. 


Tome XXL. 49 


146 DE BASILICIS LIBRI HT. 


riam ejusdem generis fuisse atque illas, quae posteriore tempore basilicae 
sunt appellatae. Nam quae in ea commemorantur porticus, eas non extrin- 
secus, sed intus fuisse, ut recte visum est Bunsenio !, vel inde apparet, 
quod portae, per quas aditus ad basilicam pateret, ternae in utraque por- 
ticu fuisse atque ad easdem portas maxima conclavia fuisse narrantur. Hinc 
enim manifestum est, parietes porticuum non intus ad medium basilicae 
spatium sed extrinsecus positos fuisse, quum, quae ad portas exstructae 
fuisse traduntur exedrae maximaque conclavia procul dubio nec inter co- 
lumnas nec ante, sed ad parietes porticuum aedificatae esse deberent. 

Itaque Paulini opus ex tribus illis, quas primi generis basilicarum pro- 
prias fuisse dixi, constabat partibus, vestibulo, atrio et templo sive basi- 
lica. Quod enim Bunsenio placuit, in eadem ecclesia etiam apsidem atque 
ante eam transversam ambulationem fuisse, adjectis in utroque latere con- 
clavibus, id equidem ex Eusebii verbis elicere non possum. Nam verba p 
amas TE Tà Tüy dla ayuov DuctasTpioy EV éd JE nihil aliud significant nisi hoc, 
aram (ro &yev Suaasripu) inter medias sedes clericorum esse collocatam , 
non id, quod Bunsenius voluit : aram inter oblongum basilicae spatium 
et, quam sedibus clericorum significatam vult, apsidem, in transversa 
ambulatione exstructam esse. Quod si indicare voluisset Eusebius, haud 
dubie transversam ambulationem pariter atque apsidem, insignes basilica- 
rum parties, suis nominibus designare atque ambulationis inter oblongum 
spatium atque apsidem situm non vocibus & péso Sex, sed potius verbis 
peraËd to mpuruaiou nai toù Bacuheiou oùxou significare debuit. 

Alterius christianarum basilicarum generis insigne exemplum exhibet 
ecclesiae christianae in sepulero Domini exstructae descriptio, quae licet 
paulo obscurior sit, tamen ipsam basilicae structuram satis declarat. At- 
que, ut reliqua mittamus, tres potissimum sunt acdificii partes, quas duce 
Eusebio (Vitae Const., HE, 55 et seqq.) accuratius pertractabimus ?. Ac primo 
quidem loco, quasi totius operis caput, commemoratur sanctum sepulcrum 
(=à isèv ave), eximiis columnis et summo decore ornatum (tab. VIT, 


1 Bunsen, Die Basiliken des christl. Rom., pag. 32. Das innere hatte ein Hauptschiff und zwei 
Nebenschiffe — mit doppelter Süulenstellung. 


? Euseb., Vit. Const., NI, 34 : Toÿro (rù avrpoy) pèy oùy mpéroy, Gouve rod ravrès xepæhÿy, éEcupé- 


TOIS KioG1, ÉD TE MAEÏOTO KATEMOIXIMAEY Y BaoiAËue piAoTmix, rayroicis AA AGTIG HAT! xaTepeLd pÜvOUTE 


DE BASILICIS LIBRI II. 147 


fig. 5, À). Cujus lateri occidentali adjectum fuit permagnum atrium splen- 
didis lapidibus stratum, et in tribus lateribus instructum porticibus 
(tab. VIE, fig. 5, 5). In quarto vero atrii latere, ex adversum sanctum 
sepulcrum ad orientem vergente, regium templum (Basic veie) (tab. VIE, 
5, 6) adjectum erat, opus ingens, immensa altitudine, latitudine atque 
longitudine. Cujus quanta fuerit pulcritudo, ex eo perspicitur, quod solum 
ejus atque parietes interni marmoribus obdueti, deinde tectum inaurato 
lacunari, quod maris ipstar totam basilicam tegeret, eamque auri fulgore 
collustraret, ornatum, denique porticus duplices et inferiores et superiores 
(rrôy atoûv dveyeloy Te ai raraysiuy Àdyuor Tapartädec ) in utroque templi latere 
longo constitutae tum altissimis columnis tum auratis contignationibus 
insignes fuisse narrantur. Aditum autem in basilicam amplissimum ape- 
riebant tres portae et ipsae ad orientem vergentes, quibus in vertice 
basilicae oppositum erat aedificii caput, Hemisphaerium sive apsis (tab. VIT, 
fig. 5, 7), quam duodecim columnae in capitibus argenteis vasis ornatae 
circumdabant. — Ceterum ex aedibus modo descriptis egressos alterum 
atrium sive prior aula ante sanctum sepulcrum versus orientem sita por- 


Cap. 35 : Aiéfeuve d éËgc Emi rapurnésy por, els xaSapèy aiSpioy dvaremrauésoy * cy dÿ MSc Aaurpèc 
are Tpouétos — rEpidpôunis roy x rpirAcdpou repieyuerey. Cap. 36: To 90 xarayrixpd mheupo rod dyTpou, 


6dy Tpôs dicyopTa AAoy ÉGpa, 0 Barineis cuvÿrrs vec. Epgor ÉÉxirios, els diboc œreipoy YpuËoy, mxouc TE 


xai Thdrouc Ti TAETTOY EÜPU 2. Ou Tà ulyelco Tÿc cixodouias, ÜAys mapmäpou roixihys d'exdAureoy 


Thamoseis * ÿ dè Énrée Toy rolyoy oÙic, Éeor@ MSo tas pèc ÉxaoToY apuoyais cuvée Au puvouéy, 
ÜrEpoUÉs Ti Dpyue xÉN ROUE The Ex Wapuhoou rpooobeus oùdèy Arodéoy rapéioev. Ava dè mpès xÜTOY: opépois, 
Tr pèy Exrèg déuara ponuBou reuépparres Uhy, CuBpoy Gopañèc Epuua emepior, Té dè The Eico aTÉyys PAU- 
nie parrouéror (—=cundouéro)) drypriquéva, ai darép ri péja mÉAME #aS chou Tod Buoiheiou cixou 
cuveyéoi Téis mpès MA AYAus cuumhoadils Gyeuvpuvéuee, ppua® JÈ diauyer d\ Go xexaAUuuÉ IX poTèc cie Lu p 


: ; NOTE ; a de bains ALARME SAR Eh 
papovdis Toy mévra veëy ÉEucrpémrus éroie. Cap. 37:'Aupi dè Éxdrepx Ta TAEUpa dirrüy oroûy 


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148 DE BASILICIS LIBRI IL. 


ticibusque ornata (tab. VIL, fig. 5, 5), tum portae ejusdem atrii sive aulae 
(tab. VIT, fig. 5, 2), denique ad viam publicam extructa totius operis pro- 
pylaea (tab. VIF, fig. 5, 1) excipiebant. Quae Eusebii descriptio, etsi in 
extrema parte non satis plana et perspicua esse videtur, tamen manifesto 
docet, sancti sepulcri eeclesiam jam ab ipso Constantino eodem sensu basi- 
licam esse appellatam, quo nos quoque ecclesias, vestibulo, atrio et oblonga 
domo cum porticibus et apside constantes, basilicas solemus appellare. 
Nam Hierosolymitanam quoque basilicam neque vestibulo neque apside 
caruisse, quivis facile concedet, qui totius operis propylaea pro vestibulo 
mecum habere voluerit. Quare eandem ecclesiam pro alterius basilicarum 
generis exemplo quinque partito equidem proponere non dubitavi. 

Eidem generi basilicarum adnumerandam esse basilicam divi Felicis, a 
Paulino Nolano quum in Ep. XXXIT 10-16 ad Severum, tum in Poematis 
natal. XXIV, 562, sqq. et XXV, 55 sqq. 196, sqq, 266 sqq. descriptam, 
apparet ex his ejusdem scriptoris verbis (Ep. NXXIF ad Sever.) : « Totum 
» extra concham (apsidem) basilicae spatium, alto et lacunato culmine, 
» geminis utrimque porticibus dilatatur, quibus duplex per singulos 
» arcus columnarum ordo dirigitur; » deinde ex hisce verbis, quibus 
atrium describitur, Poem. natal., XXIV, 595 sqq : 


Sed rursum redeamus in atria, conspice rursum 
Impositas longis duplicato tegmine cellas 
Porticibus , metanda bonis habitacula digne, 
Quos huc ad Saneti justum Felicis honorem 
Duxerit orandi studium non cura bibendi. 

Nam quasi contignata sacris coenacula tectis, 
Spectant de superis altaria tota fenestris. 


CAPUT II. 


DE BASILICARUM CHRISTIANARUM ORIGINE. 


1. De origine basilicarum christianarum qui hucusque disputarunt vir 
docti fere omnes in eo consentiunt , ut illas sacras a profanis veterum Ro- 


DE BASILICIS LIBRI IE. 149 


manorum basilicis originem duxisse existiment. Sed in eo tamen discre- 
pant illi viri docti, quod alii ! basilicas Romanorum profanas in basilicas 
christianas transformatas, ali ? basilicas christianas ad formam profana- 
rum exstructas esse dicunt. Jam ii, quos priore loco posui, sententiam 
suam duobus argumentis defendunt, quorum alterum Ausonii nititur auc- 
toritate, qui in Gratiarum actione pro consulatu, p. 190, $ 5 (ed. Valpy, 
No. 419), ad Imperatorem Gratianum haec habet verba : « Basilica olim 
negotiis plena, nunc votis pro tua salute susceptis » ; alterum ab Italicarum 
quarundam basilicarum, veluti basilicae Sicinianae 5 et basilicae ad lacum 
Fucinum prope Albam # sitae, petitum est exemplis, quas e profanis sa- 
cras factas esse affirmant. 

Quae argumenta facili negotio videntur refutari posse. Nam quam Au- 
sonius commemoravit basilicam, eam non necesse est haberi pro aede 
sacra Christianorum, quod inde apparet, quod in locis publicis, maxime- 
que in basilicis, saepissime suspendebantur tabulae votivae, quibus in- 
scripta essent vota pro alicujus salute suscepta Ÿ. Itaque Ausonius his 
verbis significasse videtur, basilicam, uti olim propter turbida tempora 
litibus causisque agendis, ita nunc propter otium pacemque a Gratiano 
restitutam votis plenam esse pro ejusdem salute susceptis. Neque fieri fa- 
cile potuit, ut basilicae profanae christiano cultui traderentur, quum, 
quae in illis tractari solerent negotia causaeque forenses, eas eo tempore 
sublatas esse credibile non sit, ex quo Romani amplexi sunt sacra chris- 
tiana. Quod si quae antea ad exstruendas basilicas Romanos compulissent 
causae, eaedem etiam suscepta disciplina christiana perduraverunt, sponte 
apparet, basilicas easdem ob causas, ob quas olim aedificatae essent, etiam 
tune conservandas fuisse. Quare non mirum est, quod Romae basilica Ul- 

1 Bingham., Origg. Eccl., vol. WE, pag. 491, $ 5. Hoffstadt : Gothisches À B C buch, pag. 260. 

? Bunsen, Die Basiliken d. ch. R., pag. 19. Kugler, Kunstblatt., 1842, n° 84. Canina, Ricerche 
8. a. p.p. d.t. cr., pag. 19. Pauly, Real-Encyclopaedie d. KL. Alterth. in voce basilica.. Haase, Kir- 
chengeschichte, X, pag. 172. Von Quast, Die Basilika der Alten, pag. 6. 

5 Ciampini, Veter, Monum., 1, pag. 244. 

# Hirt, Geschichte der Baukunst, tom, I, 5, $ 3. 

5 Ausonius respicit morem vola pro Imperatore faciendi, qui mos adeo solemnis fuit, ut auctore 
Dione, ob eundem omissum Tiberius acriter increparet Rhodiorum Magistratum. Vid. Bulenger., 


Amp. Rom., cap. ult. 


150 DE BASILICIS LIBRI HI. 


pia ! saeculo IX aerae Christ, et Constantinopoli basilicae regiae ? saeculo 
etiam XIII superstites commemorantur. 

Quod autem dicunt viri docti basilicam Sicinianam atque ecclesiam Al- 
banam ad lacum Fucinum basilicas profanas fuisse, id jam compertum 
est mero niti errore. Nam Sicinianam sive Liberianam basilicam esse ec- 
clesiam, quam hodie basilicam Sanctae Mariae Majoris appellant, neque 
illam ab Ethnicis, sed a pontifice Liberio a. 565, p. G. N. exstructam esse, 
docuit Urlichius, Beschreib. d. St. R., HE, p. 215 et seq. Cf. etiam Canina, 
Ricerche, etc., pag. 62, quibus addi possunt, quae nos supra lib. II, cap. 
VI, S 5, scripsimus de ecclesia Sancti Andreae, quam male a quibusdam 
pro basilica Siciniana habitam neque a Gentilibus, sed a Christianis saec. V 
exstructam esse, satis nobis videmur demonstrasse. Albanam vero eccle- 
siam non basilicam, sed templum peripterum fuisse affirmavit vir praeno- 
bilissimus de Quast.5, cujus in his rebus tanto major est fides et auctoritas, 
quum ipse suis oculis viderit antiqua Italiae monumenta. Praeterea nemo 
scriptorum veterum basilicam forensem in basilicam sacram conversam 
esse narravit; quodsi unquam factum esset, tanto minus illi silentio prae- 
terivissent, quo accuratius recensent templa ex antiquo Paganorum ad no- 
vum Christianorum cultum translata #. 

2. Multo sane cautius, quam illi, quos modo refutavi, versati sunt li, 
qui Christianos basilicarum suarum formas a Paganorum basilicis foren- 
sibus mutuatos esse dixerunt ÿ. Cujus sententiae duae potissimum aflerun- 
tur causae, altera in nominis convenientia, altera in formae, quae puta- 
batur, similitudine posita. Quibus quidem causis quantum tribuendum 


1 Nid. Beschreibung der Stadt Rom, tom. IE, 2, pag. 285. 

2 Paul. Ramnus, De bello Const., M, pag. 61 : « Templorum numerum Deo Coelitibusque dica- 
torum , atque ipsum demum Sophianum templum , Justiniani opus, generosi operis mole, sed ex- 
celsis potissimum plumbeis testudinibus, reliqua urbis aedificia superans, maximum numerum 
Palatiorum , Thermarum, Basilicarum regiarum et Xenodochiorum, quantum nemo nisi oculis 
subjectum, unquam crederet, intuili, aegre inde lumina dejiciebant. 

5 Die Basilika der Alten, pag. 11. 

# Bingham., Orig. eccl., vol. M, lib. VI, cap. 2, $ 4, pag. 164 et seq. 

5 Vid. praeter ceteros Agincourt, Histoire de l'art, tom. 1, Architecture, pag. 14 et quos supra 
citavi p. 149, not. 2. 


DE BASILICIS LIBRI IT. 151 


sit, jam paulo accuratius investigandum est. Et de nomine quidem basili- 
carum infra sigillatim dicturus sum; de formae autem similitudine non 
aliter judicari potest, nisi accurate inter se comparaverimus ea , quae su- 
pra lib. IT, cap. 2, $ 4, de profanarum et hujus libri, cap. 2, K 2, de sa- 
crarum basilicarum forma disputata sunt. Haec igitur qui inter se compa- 
raverit, is sane nonnullam similitudinem inter utriusque generis basilicas 
intercessisse fatebitur; sed illam neque in üis, ad quas vulgo provocant, 
partibus positam, neque tantam esse inveniet, ut proinde alterum genus 
ex altero natum esse existimandum sit. Sunt autem duae maxime partes, 
quas in utroque genere simillimas fuisse dicunt, apsis seu exedra atque 
porticus, quibus addunt etiam universam utriusque generis magnitudinem 
et magnificentiam. At de porticibus quidem pariter atque de amplitudine 
et splendore consentio, quamquam ne porticus quidem in christianis basi- 
licis plane eodem modo quo in forensibus constitutae fuerunt. Quam vero 
ex apside repetunt similitudinem, eam nullam prorsus fuisse, concedet, 
qui forenses basilicas apside plane caruisse mecum intellexerit. Contra jure 
mireris, eam partem a viris doctis neglectam esse, ad quam vel maxime 
provocare poterant ; tectum dico mediani spatii super porticuum tectis po- 
situm, quod supra demonstravi basilicarum adeo proprium fuisse, ut hoc 
uno maxime a reliquis publicorum aedificiorum generibus discernerentur. 
Sed ut lubens concedam, his duabus partibus, porticibus et mediant spati 
tecto, utrasque basilicas similes inter se fuisse, tamen eaedem basilicae 
tot tantisque rebus inter se differebant, ut vix credi possit, alterum genus 
ad alterius exemplum aedificatum esse. Nam primum quidem hae ipsae 
partes, quos modo commemoravi, licet utrique generi communes, tamen 
in utroque admodum fuerunt diversae. Et porticus quidem im Romanis 
basilicis undique, in christianis ad utrumque tantum parietem longum 
collocatae fuerunt; tectum autem mediani spatii ob id ipsum, quod in 
christianis basilicis duabus tantum porticibus niteretur, in his aliter, quam 
in forensibus comparatum fuisse, consentaneum est. Atque similiter etiam 
aditus maximus, qui a neutro genere abesse potuit, ea tenus tamen in utro- 
que diversus fuit, quod in forensibus basilicis plerumque in uno alterove 


qui in publicum vergeret, pariete longo, in christianis autem basilicis in 


152 DE BASILICIS LIBRI II. 


brevi, maximeque in orientali latere, soleret collocari. Quae autem prae- 
terea recenseri possunt basilicarum partes, eae omnes alterutrius tantum 
generis propriae et peculiares fuerunt; cujus rei exempla sunt Chalcidica, 
quae solis forensibus, porro atrium cum vestibulo, cantharus, transversa 
ambulatio et, quae supra commemorata est, apsis, quae omnia solarum 
christianarum basilicarum propria fuisse reperiuntur. Quo accedit , 
quod ipsius areae symmetria in christianis basilicis exempta est iis legibus, 
quibus basilicae Romanae erant adstrictae. Quae quum ita sint, apparet, 
multo majorem fuisse earum , quae discreparent, quam quae convenirent, 
partium numerum. Quae autem convenirent inter se utriusque generis 
partes, porticus puta et mediani spatii tectum, eas ad solum templum, 
quod proprie dicitur, sive ad domum oblongam pertinuisse apparet. Quam 
ob rem, si quidquam, hanc unam partem ab antiquis ad christianas basi- 
licas concesserim translatam esse. Quamquam ut ne hoc quidem facile 
concedam, his maxime moveor causis, primum quod porticuum quoque 
et tecti mediani licet similis in utroque genere, tamen non eadem fuit 
structura, deinde quod per se parum credibile est, aliquas tantum sacra- 
rum basilicarum partes a Romanis petitas, reliquas autem omnes aliunde 
adsumptas esse. Imo quum dubitari non possit, aliam rationem sequutos 
esse, qui sacras, aliam qui profanas basilicas exstruxerunt, multo mihi 
quidem videtur esse verisimilius, Christianos, etiamsi nonnulla similiter 
atque Pagani construxerint, tamen non tam illorum basilicas ümitatos, quam 
suO ipsorum usos esse ingenio. 

>. Fuerunt etiam qui dicerent !, Christianos in basilicis suis exstruen- 
dis templa hypaethra ex parte imitatos esse, neque male illi videntur ita 
statuisse. Nam qui Gentilium templa ad cultum christianum parum accom- 
modata fuisse affirmant, ipsorum Christianorum veterum optime refutan- 
tur exemplo. Quae enim Constantinus et qui eum sequuti sunt Imperatores 
dirui jusserant Gentilium fana, ea a Theodosio Magno ejusque successori- 
bus, quantum fieri potuit, conservata atque in ecclesias christianas conversa 
esse constat. De qua re copiose dixit Bingham., in Orig. eccl., vol. HF, 


1! Kugler, Æunstblatt, 1842, n° 86, pag. 542, 2. Canina, Ricerche, elc., pag. 24. 


DE BASILICIS LIBRI IL. 155 


lib. VIIT, S IV, pag. 166 et seq., et Fabricius, in Roma, cap. IX. Hince au- 
tem factum est, ut etiamnunc exstent nonnulla Gentilium templa olim in 
ecclesias christianas transformata, veluti Parthenon et Theseum Athenis !, 
Pantheon Romae, templum peripterum Albae ad lacum Fucinum ?, deni- 
que complura templa in Dalmatia 5 nonnullisque insulis Graecis. 

Imprimis autem templa hypaethra, si ab ambulationibus externis circa 
cellam positis discesseris, basilicis christianis simillima atque ob id ipsum 
christianae religioni exercendae aptissima videntur fuisse #. Etenim area 
eorum oblonga, porticibusque cincta, deinde locus, in quo Dei Deaeve 
simulacrum poni solebat 5, qui certe in nonnullis templis alius generis 
in apsidis formam erat redactus $, tum ipsum nomen medii spatii, quod 
äyirtopoy Nocatur 7, denique aditus maximus in brevi maximeque crientali 
latere collocatus, ea omnia optime respondent basilicarum christianarum 
structurae. Quin etiam aspersoria (zspcariox) in pronais collocata Ÿ cum 
cantharo in atrio basilicarum posito quodammodo videntur convenire. 
Quae omnia si reputaveris, vix negabis, magnam similitudinem interce- 
dere inter sacras basilicas atque Paganorum templa quum alia tum maxime 
hypaethra, quibus si tectum medii spatii imposueris, atriumque adje- 
ceris, fere nihil deesse videtur, quin pro basilicarum sacrarum exemplis 
haberi possint. 


4. Nihilo tamen minus hanc quoque templorum similitudinem fortui- 


 Leake, Topograph. Athens, interp. Germ., pag. 42, 4; pag. 45, 19, not. 2, pag. 2. 

2 Quast., Die Basilika der Alten, pag. 11. 

5 Eeclesia metropolitana Salonae (! duomo di Spalatro), Neigebauer, Handbuch [. Reisende in 
Jtalien, in voce Dalmatien. 

4 De templis hypaethris nuperrime scripsit C. F. Hermann. : Die Hypaethraltempel des Alter- 
thums. Goetting., 1845, pag. 6 et seq., et praeter eos, quos ille laudat, Voelkel über den grossen 
Tempel des Jupiter zu Olympia, pag. 39. 

5 Hermann, LL, pag. 35 in calce. 

6 Vid. ichnographiam templi Veneris et Romae ap. Hirtium., Gesch. d. B., tab. 48, 8, et ichno- 
graphiam templi Fortunae Pompeiis adhue conspieui in Goro von Agyagfalva Wander. d. Pompeii. 

7 Plutarch., Periel., XI, pag. 459, 50, ed. Francof. ibique Sintenis. Coll. Euseb., Laud. Const., 
IX : Ejco dè rù dé 


poy. Eig dupe Éralpcws vos. 

8 Vid. Hermann. L. L, pag. 25, et quosille laudat, Lakemacher, Antiq., pag. 471. Wachsmuth., 
Hell. Alterth., , pag. 218. Boeckh., C. J., vol. [, pag. 188 : « Primum pronai vas est aspersorium, 
ex quo lustrentur ingressuri, quod utpote in basi fixum asrasr est, » 


Tome XXI. 20 


154 DE BASILICIS LIBRI III. 


tam , formasque basilicarum, saeculo IV, exstructarum non ex gentilium 
templorum imitatione sed ex ipsa disciplinae christianae natura natas esse, 
facile sibi persuadebunt, qui quae fuerit illo tempore religionis christianae 
conditio, quidque in ecclesiis exstruendis postulaverint sacrorum usus et 
rationes accurate consideraverint perpenderintque. Nam quum tres essent 
Christianorum ordines, Clerici (#youevx), Fideles (more) et Catechumeni (44- 
emodpeva) |, etiam in templis christianis tria reperiebantur loca, in quibus 
illi pro sua quisque conditione rebus sacris interessent. Et Clerici quidem 
Fidelesque, quippe qui ad sacri cultus officia et ad interiorem sacrorum 
mysteriorum cognitionem admissi essent, tum propter sacrorum diuturni- 
tatem tum ad celanda mysteria indigebant locis, in quibus et tecto contra 
tempestatis molestias et cancellis parietibusque contra curiosam turbam 
defenderentur. Eandemque ob causam etiam Catechumenos ab initiatis se- 
gregari et sua utrisque loca assignari oportebat, quod ita fieri poterat, 
ut alteri in ipso templo, alteri in atrio templi congregarentur. Neque vero 
initiatos in templo inter se mixtos, sed Clericos a Laicis, itemque Laicos et 
pro sexu et pro vitae ratione sejunctos stare decebat. Itaque medium tem- 
pli spatium (+è dvixropor, ro Basüaiw) Clericis, latera vero (porticus) cancellis 
a medio spatio sejuncta, Laicis destinata fuerunt, ita quidem, ut in fine 
medii spatii circa aram maximam corona sedilium Clericis paratorum col- 
locata cerneretur ?, atque in latus boreale feminae, in meridionale mares 
convenirent 5. Praeterea Laici, quum et propter frequentiam et propter di- 
versas vitae rationes * discernendi esse viderentur, partim in solo templi 


! Bingham., Orig. eccl., vol. 1, lib. 1, cap. IX, $ 4, pag. 51. 
? Euseb., H. E., X, 4: "AAA 9%p de Lai rèy vedy Émitéécas, Spévoic TE Toie dyoräre els Thy Toy 


£ p. DNA ET Ms REr 2: : 2e 5 or FL 
FPCEG EL TIM, KO TROTETI BaSpois €y TASEL TOIS KXAT OU x4Ta TO T} 


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Ayicy dur Suciurrhpior 9 éco Sels adSIS mul rAdE de dv Ely Toi TonAOie aBura, rôie ro Ebhou TEPIÉPPUTTE 
dazdus #. 7. à. COÏ. Bingham., Orig. ecel., 1, Hb. IE, cap. 9, $ 7, pag. 141, et vol. E, lib. II, cap. 49, 
$ 5. 6, pag. 270 et seq. 

5 Vid. supra pag. 1M, not. 5, et Amular., De off. eccl., IN, 2. « Maseuli stant in australi parte 
et feminae in boreali. » 

4 Tertull., De virg. veland., IX. « Plane scio, alieubi virginem in viduatu ab annis nondum vi- 
ginti collocatam, cui si quid refrigerii debuerat episcopus, aliter utique salvo respectu disciplinae 
praestare potuisset, ne tale nune miraculum, ne dixerim monstrum in ecclesia denotaretur. » Bin- 
gham., O. E., vol. I, I, 22, 43, pag. 556; vol. I, VIII, 5, $ 6 et 9. 


DE BASILICIS LIBRI II. 155 


sedes acceperunt, partim in contignationibus !, quae porticuum columnis 
sustinebantur; atque haec ipsa causa fuit, eur media basilicae area in 
utroque latere longo porticibus cingeretur. 

Eandem autem, quam modo exposuimus, basilicarum christianarum 
comparationem Constitulionum apostolicarum auctor significare videtur, quum 
qualis et domus dominicae structura et fidelium in illa congregatorum 
distributio esse debeat, his verbis declarat (Const. apost., I, 57, in Cote- 
lerii Patr. apost., vol. I, pag- 265 et seq-.) : Ka mpütoy pëy à oxoc EgTo) ÉTUUN4NS 
var dyarohàs terpauuévos, EË énatépoy Toy pEpüv Tà Taotopépix Tpèc avatohv, GS TIS £oixe 
vnt * 221790 Où écos à Tod émerxémou Spévos, rap éxdrepa À atob xaTekéo de To pes (Bvrrpiou 
xai où DixoVor TapiITÉ way EsTaheïs The TAEloVos écdnTes ‘ Écixaot YAp vVaÿtac TOLX A PXOLG- 
Tlpoyoiz dE rouruy els To ETE po pépos oi darroi a Sebés wo pETA NÉONS NoUtIas vai cÛtaËtas 
a où YUVORES TEXOPISUÉVOS Ha adrar a Qté Suoa uv ayovsai * pécos À © dvæyvOTTNs 
gp dbnloë rives arc. — Srmézoao À oi uèy rulwpol els tas claédous Tüv avp®y, phicaotes 
adras, où d dénovar cle Tac To yuvainov. — Et ® tic eûpe On mapa Témey naSebouevoc, mt 
TAnooÉGdw Ùno To Jiaudvou. — Oi veurepor dx radebésSwsav, ay ñ Ténos, et À Un, oTmé- 
Togay &pSoi oi d TA Heeia Aôn mpolelinrères 2aSebécIuIay év Téber, Ta Où rudix ÉsTÔTA Rpoa- 
JapBovisSwoo arav ot ratépes nai puarépes. Où À vewrepor rade idix éd % Téros, et O Uye, 
emoSe Toy yuvady iordaSuse. Ài rapOévor À ai ai {por nai mpeBontc npôtu rarüv 
arnrétocoy 7 uaJetéo Sugar. Ecru di rüy térwy Tpoyoy © iéxovos, y ExagToc Ta ElTEP{OUÉ- 
voy eig Toy “doy TéTcy oppa Etenim verba oo Eco ET ANS xaT dyarohde TETPAUUÉVOS 
£Ë énatépoy Tüv pepôy tà rasrogépua Tpès dvarokm propterea aedem oblongam, ap- 
side carentem, significare videntur, quod scriptor, quum rasrogéguæ, hoc est 
Clericorum habitacula aedibus sacris adjicienda commemoravisset, haud 
dubie eam aedium sacrarum partem, quae multo pluris aestimanda erat, 
apsidem puta, praeterire non potuit, si modo illam aedibus sacris adiji- 
ciendam existimaret. Qua quidem aede hoc modo utendum esse censuit 
scriptor, ut solium episcopi Clericorum sedibus cireumdatum in medio 
poneretur (uésos à 705 émunémon Spévos — meloves éaSgres), reliquum vero spatium 
Laicis et lectoribus concederetur (els vo ÉTEpOY pépos oi arret no Sets Duy3e0 — pÉgos 


d à évepoarne ép dfnhod rwss écris). Quae interni spatii distributio etsi non satis 


1 Vid. Bingham., Orig. eccl., vol. D, lib. VUE, cap. 5, $ 7. 


156 DE BASILICIS LIBRI I. 


perspicua est, tamen hoc declarari videtur, episcopi solium in extremo 
spatio medio collocatum fuisse. Nam si totum spatium medium ecclesiae 
Clericis concedendum atque solium episcopi in media aede ponendum esse 
dicere scriptor voluisset, eas quae ad utrumque solit latus vacuae relin- 
querentur ecclesiae parties non ro Erepoy uépos, hoc est reliquam continentem 
partem, sed + £rpx pépn, hoc est reliquas duas partes interposito medio 
spatio disjunctas, appellare debebat. Jam vero quum + Etes uése scribere 
maluerit, totam ecclesiae aream in duas partes divisit, quarum alteram 
eamque procul dubio portis oppositam Clericis, alteram Laicis assignavit. 
Quae si recte statui, solium episcopi, uti in Tyria basilica, in fine medii 
spatii collocandum esse docetur. Quae autem Laicis relicta est aedis pars, 
ita partienda esse dicitur, ut lector (épées) medium spatium, reliqui 
Laici spatia ad utrumque aedis latus relicta tenerent. Itaque non injuria 
contendere mihi videor, quam ex Constitutionum apostolicarum loco erui 
aedium sacrarum distributionem cum iis, quae paullo ante disputavi, quo- 
dam modo congruere 1. 

Attamen hanc interni spatii distributionem jam Constantini temporibus 
videmus eo paulisper immutatam esse, quod quae initio in fine médii 
spatii fuisse videtur sedum clericalium corona atque interdum etiam ara 
jam in apsidem relegabantur spatio medio e regione aditus adjectam. 
Cujus rei non alia causa fuisse videtur, nisi ejus spatii, quod Laicis con- 
cessum erat, amplificandi necessitas. Atque similem ob causam, quum 
quod circa aram esset spatium solemnibus ecclesiasticis non amplius suffi- 
ceret, ante apsidem ambulatio transversa, quae et aram et pompas ad eam 
ducendas in se reciperet, videtur constituta esse. 

Fenestrae autem, quibus lux templo basilicae infunderetur, ita collo- 
cari debebant, ut, quae in basilica celebrarentur mysteria à profanis non 
cernerentur, sed totum tamen spatium internum coelesti luce collustrare- 
tur. Quam ob rem fenestrae neque in imo templi pariete, neque post por- 
ticus lucem impedientes, sed ita collocari debebant, ut facillime coelestem 


1 Nolo tamen Constitutionum apostolicarum testimonio propterea multum tribuere, quod et 
res, quae in jis tractantur, et sermonis genus, quo conscriptae sunt, si non tempora Byzantino- 
rum, at certe tempora Juliano Apostata posteriora videntur redolere. 


DE BASILICIS: LIBRI IL. 157 


lucem immitterent. taque vix aptior locus fenestris inveniri potuit, quam 
spatium inter porticuum et mediani spatii tecta interpositum , quod ad 
similitudinem basilicarum forensium muro fenestrato impletum et interno 
spatio satis affundebat lucis et universo operi multum adferebat splendoris. 

Quemadmodum autem ipsius templi, quod dicitur, basilicarum formae 
ita atria earum et vestibula e religionis cultusque christiani natura origi- 
nem videntur duxisse. Nam qui christianae ecclesiae baptismate nondum 
adscripti essent Catechumeni, porro qui propter peccata sua a concionibus 
sacris prohibiti essent poenitentes, denique, qui e Gentilibus Judaeisve 
christiana sacra vel e longinquo spectare cuperent, ii omnes quum ab ipso 
templo, quaeque ibi fierent mysteriis prohiberentur, haud dubie alium 
sibi postulabant locum, in quo tanquam in limine templi, commode ver- 
sari possent. Aique his omnibus atria basilicarum exstructa esse quum 
res ipsa docet, tum etiam Eusebius in descriptione basilicae Tyriae (H. 
E., X, 4) his verbis significare videtur : Ka FpôTA Uèv ETÉVTEY avtn À dar pr En — 
Taie À Tüy rputuy elcaywyy deouévors xaToAdnAOY Tv pod FApE{oUEUN. Quamquam idem 
scriptor eadem atria etiam Fidelibus hoc commodi attulisse testatur, ut is 
intrantibus et commorandi locum et lavandi opportunitatem praeberent. 
Illotis enim loca sacra adire non licebat 1. 


1 Euseb., L E., X, 4 : Eico dè apeASôpe1 ruAGy cÙx ES DS Évÿxe dy épyoic 44) dyixTois Too roy 
. Û , D x x = #! : S . DE LA) TC Oo eicédtyy. ré= 
Evdey ÉriBaivers Gyic) * diahaBèy dE mheïatoy 0007 Tù METAaËD ToÙ TE ED, Hal TüY TpoTwy Ecolo, TÉTApoI 


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29 GÉpa& TACÉ 09 * 


icpoy d° ÉvTaUS x xaSæpoiwy Étiger comBcha, xpvas AyTIxpUs Els Tpécumo) ÉTicxEudéy TO VEQ, TOAND TÈ 
mEdpari Tod véparos, rot: repiBéas epôy Êr rà Êce rpoiodoi rhy érS86ibis rapeyoméres. Coll. Paul. Nolan. 
Ep. XII ad Severum : « Sancta nitens famulis interluit atria lymphis Cantharus intrantumque 
manus lavat amne ministro. » Porro Paul. Nolan., Carm. XXV, Poem. nat., X, vers. 38 et seqq. in 
descriptione atrii basilicae Nolanae haec habet : 


Sed cireumjectis in porticibus spatiari 

Copia larga subest , inter positisque columnas 
Cancellis fessos incumbere , et inde fluentes 
Aspectare jocos , pedibusque madentia siccis 
Cernere , nec calcare sola ; et certamine blando 
Mirari placido salienteis murmure fonteis. 

Non solum hiberno placitura in tempore praesto est 
Commoditas, quia sie tecti juvat umbra per aestum. 


158 DE BASILICIS LIBRI IIL. 


Qui autem ante atrium exstructus erat aditus aut binis tantum quater- 
nisve constabat columnis, aut universi atrii latitudinem aequans amplum 
in se continebat vestibulum. Nam quo magnificentiores erant basilicae, 
tanto ampliore ornari solebant vestibulo, ut quae intus spectarentur mys- 
teria ipsius aditus magnifico indicarentur adspectu !. Ceterum pro docu- 
mentis eorum omnium, quae modo exposui, hae esse possunt basilicae : 
primum basilica Sancti Laurentii extra muros Romanos apside carens 
(tab. VIE, fig. 1), tum basilica Sanctae Agnetis antiqua, apside atque atrio 
instructa (tab. VII, fig. 6), denique basilica Vaticana antiqua (tab. VIT, 
fig. À) et basilica Sancti Pauli in via Ostiensi, utraque et apside cum trans- 
versa ambulatione et atrio cum vestibulo ornata. 

Sed restat jam, ut doceam, mutatis ecclesiae christianae rationibus 
etiam basilicarum christianarum formas mutatas esse. Nam quae posteriore 
tempore supervacanea viderentur, amota, quae minus apta essent, immu- 
tata sunt. Quare quum post sublatam Gentilium superstitionem et post in- 
troductum infantium baptisma, denique post superatos Gentilium tyran- 
rannos laxatamque disciplinae ecclesiasticae severitatem, neque Infideles 
neque Catechumeni neque Lapsi amplius invenirentur, et si qui superessent 
alius generis poenitentes, et numero pauciores essent neque a templis 
prorsus viderentur arcendi, non mirum est, eum locum, qui his omnibus 
antea destinatus erat, atrium puta, aut ab antiquis ecclesiis remotum (v. 
c. a basilica Sanctae Agnetis, a basilica Sessoriana seu Sanctae Crucis Hie- 
rosolymitanae, ab ecclesia Sanctae Mariae in Dominica alisque), aut recen- 
tioribus basilicis plane non additum esse (v. c. basilicae Sanctae Mariae 
Majoris et aliis). Ac potuit hoc eo facilius fieri, quum qui in medio atrio 
positus fuerat cantharus posteriore tempore propter mutatum vestitum pe- 
dibus lavandis non amplius posset inservire. Îtaque in atrii locum jam 
suffectum est amplum atque splendidum vestibulum, quale in omnibus 
basilicis recentioribus conspicitur, eodemque loco, quae ex atrio servandae 
viderentur sedes poenitentium constitutae, et canthari quoque prope por- 


1 Euseb., H. E.,X, 4: Hpérunos dE péya na eis Üoc Érypuéro pos arc dvicyoyros YAiou AxTIVas 


dyareräcas, 4dy a vois maxpay repiBéñoy ÉËo iepoy Écrool, tÿs To Évdoy rappéoyey dpocyiay SÉae. 


DE BASILICIS LIBRI II. 159 


tam muro sunt affixi. Nam quae olim pedum manuumque lavatione signi- 
ficata erat animi purgatio, ea posteriore tempore, quemadmodum etiam 
nunc fit, paucis aquae guttis e sacra phiala haustis atque in faciem sparsis 
solebat indicari. Hinc autem factum est, ut amotis supervacaneis servatis- 
que necessariis basilicarum partibus novum prorsus oriretur basilicarum 
genus, quod quidem omnium recentissimum est, cujus exempla sunt ba- 
silica Sanctae Mariae Majoris, basilica Chrysogoni et fere omnes reliquae 
basilicae recentiores !. 

Ceterum fatendum est, Romae etiamnunc nonnullas exstare basilicas, 
quae ad normam, quam supra posui, vix exigi posse videantur, veluti basi- 
licam Sessorianam , basilicam Sanctorum Quatuor Coronatorum, basilicam 
Sanctae Mariae in Ara Coeli !. Sed qui eas accurate examinaverit, facile, 
opinor, intelliget, earum formas neque ex ipsa religionis christianae in- 
dole, neque ex antiquorum aedificiorum imitatione, sed ex locorum, in 
quibus exstructae essent, natura, aut ex miro quodam conditoris invento 
profectas, aut etiam posteriore demum tempore mutatas ac depravatas 
esse. 

Sed satis jam demonstravisse mihi videor, quod probaturus eram, quod- 
que etiam ab Agincourtio ? obiter monitum esse laetus intellexi, christia- 
nas basilicas non tam ex Romanarum forensium imitatione, quam ex ipsa 
ecclesiae cultusque christiani natura originem duxisse suam. Quae si recte 
disputata sunt, simul apparet, falsam esse criminationem eorum, qui 
Christianos propter ingenii sui imbecillitatem antiquarum basilicarum for- 
mas mutuatos esse dicant. 


3 Vid. harum basilicarum ichnographias in Gutensohn und Knapp : Denkmale der christlichen 
Religion oder die Basiliken des christlichen Rom.; et Caninae : Ricerche s. arch. p. pr. dei tempj 
crisliant. 

? Histoire de l'art, tom. 1, Architect, pag. 14. 


160 DE BASILICIS:LIBRI IT: 


CAPUT TH. 


DE NOMINE BASILICARUM CHRISTIANARUM. 


1. Aedes Christianorum sacras primum quidem pcsexripue SÂVE oxeus mpos- 
euxrrpés, deinde éxxnaias appellatas esse, quum jam a Binghamio, Orig. 
eccl., vol. ILE, lib. VIIT, cap. 1, $ 1 et 4, adnotatum sit, tum imprimis 
apparet ex his veterum scriptorum locis. Et Eusebius quidem, H. E., VIII, 
1, 2, rerum christianarum incrementa jam ante Diocletianum facta de- 
scribens his utitur verbis : rc À a rc dxypäes tas puprivdpous Exetas uvæywyas 
Ha TX TON TOY xaTX TAG TOM ÉSPAGUÉTUY, TAS TE, ÉTIOMUOUS EV TOis TEOTEUXTNPIOLG 
auvopouas ; av dh Evexa padauds ETL Toi Tahouoi oixodounuact aproduevn, Ebpelas EG TAÏTOS 
dva Toicas Tas TOME Ex JEUEMQY AVOTOY ÉxXANGIAG, quibus quidem verbis in vete- 
rum illorum rposexrngioy locum novas easque ampliores éxnaias exstructas 
esse testatur. Âtque idem confirmant, quae apud Chrysostomum leguntur 
verba, tom. VII, pag. 9179 a. ed. Par. : Ka & oinia nai y émxkaotæ, et tom. VIT, 
pag. DLA : Téze oi cixie érndnoion poav, vuvi dù à éxrntia oinia YÉVOYE ; unde recte 
concluditur, ecclesiarum nomen illo quidem tempore, hoc est exeunte 
saeculo IV, usitatissimum fuisse. Sed in eo tamen errat Binghamius !, 
quod omnes omnino ecclesias jam antiquissimis temporibus etiam basili- 
carum nomine appellatas esse dicit. Nam omnes aedes sacras non promis- 
cue modo ecclesias modo basilicas nominatas esse, vel inde apparet, 
quod Constantinus Porphyrogeneta ve Basdu éxdnsiey a Basilio Macedone 
Imperatore (867) exstructam esse narrat. Quae enim adjecta est VOX faot- 
li quum plane supervacanea putari non possit, manifesto docet, Basi- 
lium ejus generis ecclesiam aedificandam curasse, quae peculiari nomine 
rs Basduñs denotari solerent. Jtaque quod Binghamius de antiquioribus 


! Orig. ecel., vol. HE, lib. VIE, cap. 4, $ 5 : « Et hine, reor, nomen basilicae generale aliquod 
ecclesiarum nomen posterioribus temporibus faetum est, — nam ex quo primum usus obtinuit 
commune omnium ecclesiarum nomen fuisse constat. » 


DE BASILICIS LIBRI IT. 161 


affirmavit, ad recentiora tantum referendum est tempora. Nam Anastasius 
quidem Bibliothecarius in Vitis Pontficum, et post eum multi alii, veluti 
Ciampinus, omnes ecclesias, sive instructas porticibus sive iis carentes, 
sive oblongas sive rotundas, basilicas appellare non dubitaverunt. Cujus 
rei quum fere in singulis et Anastasiani et Ciampiniani operis capitibus 
reperiantur testimonia, exempli gratia has duas aedes memoravisse suffi- 
ciat, alteram Sancti Andreae porticibus plane carentem, alteram Sancti 
Stephani in monte Caelio Urbis positam et forma rotundam. Cf. Ciampini, 
Vet. Monum., 1, cap. 27 ; II, cap. 16. 

2. Neque rectius idem Binghamius, Origg. eccl., vol. HE, lib. VIIL, cap. 
1, S 5, basilicas etiam évixrspa nominatas esse observavit. Nam Eusebii 
verba (Laud. Const., IX) : Eïow d ro dydutopoy ëls duryavoy éraipoy üos EV GXTadpou 
pèy oyiuart zarenctulley non totam basilicam, sed medium ejus spatium deno- 
tare ex eo apparet, quod verba &ow d ro évxztopw procul dubio opponuntur 
verbis proxime antecedentibus ££59ey epfBêho rèv rvra ve rephauBavov. Ete- 
nim si vocibus évéxropay El rivra vey eundem sensum subesse voluisset auctor, 
rectius scripsisset eo & aÜtoy es auryavoy Eraigur ue. Neque quae sequuntur 
verba oxas dù roïro (ro äviutopoy Thelocuw ébédpars Te Ey nÜxÂG TEpuTTOLyLaduEvos TavToiols 
éorepive) xilen, ei, quam modo proposui, interpretationi obstare videntur. 
Nam ex loco parallelo (Vic. Const., HIT, 50) cxag Œ melon, éÉédpous re à no 
DRE PUY TE AA HATAYEGY YOPALATOY ATAVTAYOTE) TEPLEGTOLY LOUE VOY (avaxtopor) 0) — étepävau 
ide, luculenter apparet, quae alias etiam basilicas cingere solebant por- 
ticus, hoc loco parietibus internis in diversa cubicula divisas, undique 
circum totam aedem in solo et in alto commorandi loca (irepomy te xai xata- 
JE opnuitoy énavtayédey mepueotayiouéver ) aliaque receptacula constituisse. 
Praeterea hanc esse illorum verborum sententiam, verba, quae apud eun- 
dem Eusebium, H. E., X, 4, pag. 581, B, leguntur : rèv à Basihaer oixev 
mhounntépos-tais des dybpe, ideo confirmare videntur, quod à Basieuwg oivog 
voculà ® opponitur rs rap éxirepa Toù mavrèç ven atoais, paullo ante ab Euse- 
bio commemoratis, atque eadem verba paullo infra (pag. 581, D.) vocibus 
to Bardet EL ro pésw dt» redduntur !. Denique neque illud praetermitten- 

1 Euseb., A. E., X, 4, pag. 581 D. : 'EÉédpa; à mal oixou; rod; map Éxärepa meyiorous ÉTITxEUXE y 


; , TERRE JU ae ; ; PERTE RER NX BE A d 
sûréyyos Êri raûros cie mhevpt 79 Barihcio auvebevyméveus, mal vale mi roy pulaoy oixoy &ia load, yyaévous. 


Tome XXI. 21 


162 DE BASILICIS LIBRI II. 


dum est, voce &vixrepa etiam in templis hypaethris medium inter porticus 
spatium apertum significari !. 

5. Quod si basilicarum nomen antiquissimis temporibus non omnium 
ecclesiarum commune, sed quarundam proprium fuisse concedimus, res- 
tat jam, ut, eur illud nomen iis impositum sit, quaeratur ; in qua re indi- 
canda multum inter se discrepant virorum doctorum sententiae. Âc primum 
quidem Isidorus Hispalensis ? divina templa propterea basilicas, hoc est 
regum habitationes, nominatas esse existimat, quia ibi Regi omnium, Deo, 
cultus et sacrificia offerantur. Quae ratio si vera esset, non majores tantum, 
quales sunt basilicae, sed etiam minores ecclesiae, quippe quae et ipsae 
cultui divino et sacrificiis offerendis inservirent, basilicae appellari debe- 
bant. Praeterea, supra lib. IT, cap. V, ostendimus, nomen basilicae ab 
Isidoro vocibus « regiae habitationes » male explicatum esse. Itaque non 
mirum est, Constantinum Magnum, qui in nominandis aedibus Chris- 
tianorum sacris, quam Îsidorus significavit, revera secutus est rationem, 
eas non Basduds sed wprxd appellavisse, id quod luce clarius apparet ex 
his Eusebii verbis (Laud. Const., cap. XNIT, pag. 660, D.) : Kara nés 7e vai 
2OUac, HÉpas TE Técac xaù Tag TOY (apfapuy Epiuouc, iepa nai Teuévn ëvi To rävruy (Baochet 
Ex, Tu dh où Tüv Cho deonéty ae Üo da * EvSev xai The Tod Oeométou Tpoonyopias 
AéloTar T& xadrepupéva. Oùx € dvSporey Tuyévra This émmlnocnc, £Ë aûroë d Toÿ 
Tôv OÂwY xupiou, Rapè ral xUpraxdU ÉVITE TÔV ETWYUpEGV. 

4. Neque rectius statuerunt illi, qui basilicarum nomen aedibus sacris 
ideo inditum esse existimaverunt, quod primae quae hoc nomine appella- 
tae sint ecclesiae üxo ro5 Basdéws a rege seu Imperatore, hoc est a Constan- 
tino Magno essent aedificatae. Quae sententia duobus argumentis refellitur, 
primum quod ecclesia Tyria jam a. 513, p. G. N. exstructa non solum 
structuram basilicarum repraesentavit, sed etiam nomine « tr Bardeiou 
day » ab Eusebio est appellata (vid. Euseb., H. E., X, 4), deinde, quod 
quae in epistola Constantini de exstruenda ecclesia Hierosolymitana ad 


1 Vide supra cap. Il, 3, pag. 155, not. 7. 

2? Orig., XN, 4, A : « Basilicae prius vocabantur regum habitacula, unde et nomen habent, 
nam Bzscés rex; et basilieae regiae habitationes. Nuance autem ideo divina templa basilicae nomi- 
nantur, quia regi ibi omnium Deo cultus et sacrificia offeruntur. 


DE BASILICIS LIBRI II. 163 


Macarium leguntur verba : à où pévey Bacrhuxhy Tôy araytayoÿ (BeAtiova yevéo- 
Sas (vide locum infra plenius adscriptum), manifesto demonstrant, jam 
ante Constantinum compluribus locis fuisse ecclesias basilicarum nomine 
notatas. Unde factum etiam est, ut Constantinus hoc ipso loco basilica- 
rum nomen non ut novum et inauditum , quod interpretationem sibi pos- 
tularet, sed ut satis tritum et Macario quoque cognitum usurparet. 

>. Sed ex eadem Constantini epistola etiam vera nominis origo optime 
videtur cognosei posse. Quod quo facilius fieri possit, integram epistolae 
partem, quae ad nostram rem pertinet,ex Eusebii Vit. Const., III, 50 etseqq., 
(coll. Theodoret., H. E., 1, 16, pag. 562, ed. Par.) huc transcribam : Exevo 
piloté ae menés de Boüloua, de apa névrw por p)}oy éhe, 6m Tèv ispèv Eneivo Téroy — 
dxodunuror aile rosurirouev. Tpomirec rouv tv aùv &yyivaav oùrux QariEai te tal Exkotou 
rüY dveyraiuy Tamoas Ja: Tpévou , ds où pévoy Basin rüv aravrayob (Brive, add nai ta 
Alone ToLNDTE YEVÉT I , GS TAVTA TA y éndotne xadiotetoyra nélews Dro Tob HTITUATOS TOUTOU 
vAGdo * ya) Tepi uèy Tic TOY Tolywy éyépoes Te na waMuepyias x. T. À. Tepi D Toy wo, 
dr où papuipur x. +. À. Tiv À tic Basin rauäpoy mérepe dcvapiay n Qt Tivos Étépas 
épyasias yes do doust napà 06% yuäver Poitou. In quo loco primum quidem hoc te- 
nendum est, basilicae nomen non universae ecclesiae, quam Hierosolymis 
exstrui Constantinus vellet, sed tantummodo domo ejus oblongae sive 
templo, strictiore sensu dicto, tribui videri. Nam quae voci Base Oppo- 
sita sunt verba 4 vx t4 alla Jam rodÿra yes, A Non videntur referri 
posse, nisi ad reliquas ejusdem ecclesiae partes. Atque idem confirmant 
verba paullo post subsequentia : z d ris Bardañs vauépay ». +. À, quum 
quae in his memoratur xuipa, uli alias ita hoc loco mediani spatii Signi- 
ficet tectum 7, Jam vero superiore capite demonstravi , hanc ipsam domum 
oblongam seu templum proprie dictum, eam esse basilicarum partem, in 
qua sola cernatur aliqua christianarum cum profanis basilicis similitudo; 
nam in hac domo inesse et porticus medianum spatium cingentes, et me- 
diani spatii tectum supra porticuum tecta elatum, hoc est eas partes, 
quae solae sacris basilicis cum forensibus fuerint communes. Hinc autem 
jam facilis est de origine nominis conjectura. Neque enim dubito, quin 


; F. 
1 Simile etiam in Tyriae ecclesiae descriptione nomen supra commemoratum : © 6 Bariheios olxos 
non tam universam aedem sacram, quam domum ejus oblongam videtur signilicare. » 


164 DE BASILICIS LIBRI II. 


propter hanc ipsam structurae similitudinem ; maxime propter tectorum 
similem comparationem, basilicarum nomen à profanis basilicis etiam ad 
sacras sit translatum. Quam quidem sententiam etiam reliquum ejus loci, 
quem supra adscripsi, argumentum atque ipse orationis contextus viden- 
tur comprobare. Nam quum in tota epistola sua nihil aliud agat Constan- 
tinus, nisi ut de structurae genere, quo novam ecclesiam exstrui velit, 
praecipiat Macario ; etiam nomen basilicae neque à persona auctoris, neque 
a summi Regis nomine, sed ab ipso structurae genere petitum esse, credibile 
est. 

Sed jam video cavendum esse, ne in gravissimum inconstantiae crimen 
incurram. Nam quod supra negavi, sacrarum basilicarum structuram a 
forensibus petitam esse, nunc autem nomen basilicarum ab altero ad'al- 
terum genus traductum esse concedo, ea sane ejusmodi sunt, ut magnopere 
inter se pugnare videri possin! : quo turpissimo crimine ut absolvar, haec 
duo maxime velim a lectoribus teneri.-Ac primum quidem supra ipse sig- 
nificavi, si ullam basilicarum partém a forensibus ad sacras traductam 
esse concedi possit, eam esse, a qua nune nomen earundem dico trans- 
latum esse, hoc est domum oblongam; et quae in ea sunt porticus et me- 
diani spatii tectum: 

Deinde vero a nominis origine ad formae originem non valet conelusio, 
quum quae nomini transferendo ansam praebuit formarum similitudo, 
etiam fortuito nata esse possit. Quemadmodum enim vix quisquam con- 
tendat, cellas vinarias, quarum supra Lib. IE, cap. 1, $ 4, mentionem feci, 
propterea appellatas esse basilicas, quod ad exemplum basilicarum foren- 
sium vel domesticarum essent exstructae, ita neque sacras basilicas ad exem- 
plum forensium aedificatas esse, ex nominis similitudine probari unquam 
poterit. Imo omnia aedificia, quae basilicarum nomine comprehenduntur , 
propterea uno eodemque nomine compellata esse videntur, quod omnibus 
mediani spatii tectum supra porticuum tecta elatum commune fuit. Ita 
nos quoque diversissima aedificia Rotundas appellare solemus, non quod 
alterum ex altero natum esse putemus, sed quod eorum omnium et area 
et tectum rotunda forma exstructa sunt. 

6. Restat denique, ut etiam alia duo commemorem aedificiorum genera, 


DE BASILICIS: LIBRI IL 165 


ipsius nominis similitudine cum $acris basilicis conjuneta, nec tamen cul- 
tui christiano destinata. Quorum alterum, cui est nomen os Gasiee apud 
Eusebium in Vi. Const., IV, 59, ubi porticus aedem Apostolerum cingen- 
tes describuntur, his verbis commemoratur : 'Aygi di robrey (rèv vais) aïSpus 
mo an TraupeyéSns Es dép a Ta pay JaNENTaE * à Tetpamheupe dE Tairn otoai déTpeyovi, 
pédoy ado ve To ci Spuoy amohkau(Soivousar 11 \oinoi Te Basileuc: raïciiatoais, ouTp TE ka &vet- 
XAUTTNEIC ragebetelveto, aa re rheïsta LATyW Yu TO) TOb TÉTOU Ppoupois ÉRLTNOELnI EpyaTUÉVa. 
In quibus verbis quum ox Bara eodem loco atque balnea, deversoria 
et custodum habitacula ponantur, non mihi videor errare, si domus istas 
regias comparaverim cum basilicis ambulatoriis supra Lib. IL, cap. 1, $ 5, 
commemoratis. — Alterius autem generis quod basilicarum seu basilicularum 
nomine nuncupatur, mentio injecta est in lege Salica, Tit. 58, $ 5. 4. 5. 
De quo quidem genere non dubito Du Cangii et Ciampini repetere senten- 
tiam , qui basilicularum nomine aediculas quasdam sepulcris principum 
superstructas, quae basilicarum formam ac speciem quodammodo prae se 
ferrent, notatas esse existimant. Vid. Du Cangii Glossar. med. et infim. latinit:, 
in vocibus Basilicula, basilica. Ciampin., Vet. Monum., 1, pag. 185. Eandem- 
que confirmat tabula apud eundem Ciampinum, Vet, Monum., 1, tab. XLV, 
fig. 4, expressa, qua ejusmodi basilica in ecclesia Sancti Laurentii extra 
muros conservala repraesentatur. 


CONCLUSIO. 


Jam quum ad finem perducta sit disputatio mea, hoc unum mihi relic- 
tum esse video, ut quae fusius adhuc de basilicis disputatä sunt, nunc 
paucis comprehendam et in uno veluti conspectu proponam. 

Exorsa est autem disputatio mea a Regia Porticu Atheniensium , quam, 
ut certum est, Graecis ro 705 Basdéns SCU Barhewv atoiv appellatam esse , 
ita incertum est, num unquam Borwñ om sive simpliciter Baroce fuerit 
nominata. Posita illa fuit in meridionali fori Atheniensis latere et in eo 


166 DE BASILICIS LIBRI IT. 


quidem fori angulo, qui meridiem et occidentem versus spectaret ; sedem- 
que in illa suam habuit Archon Rex, qui munere suo ita fungebatur, ut 
non solum, quae ad ipsum pertinerent, causas ibi cognosceret judicium- 
que exerceret, sed etiam res sacras, ipsius curae mandatas, ibidem cura- 
ret ordinaretque. Quam nominis causam fuisse omnes viri docti consen- 
tiunt. 

Neque tamen soli Regi Regia Porticu uti licuisse, ex eo apparet, quod 
etiam Areopagitae et, nisi fallor, Eumolpidae ibi judicia exercuerunt, at- 
que etiam epulae publicae interdum ibidem sunt celebratae. 

Forma autem Regiam Porticum quadrangulam et oblongam , nec solum 
in porticibus sed etiam in medio spatio tecto munitam, intus autem Âr- 
chontis et assessorum, scribarum ministrorumque cellis, deinde Archontis 
tribunali, litigantium suggestibus et judicum sedibus, denique caneellis, 
quibus vulgus à judicio arceretur, instructam fuisse, ea ommia sola con- 
jectura nituntur; sed de cippis, quibus leges inscriptae essent, in medio 
positis pariter ac de Hemerae et Cephali statuis extrinsecus super aditu 
collocatis, ex ipsis veterum scriptorum constat testimoniis. Praeterea cer- 
tissimum est, Athenis unam tantum fuisse Regiam Porticum, neque ullum 
exstat in veterum libris vestigium, quo adduci possimus, ut etiam in re- 
liquis Graeciae urbibus Regias Porticus fuisse credamus. Quare qui Ro- 
manos basilicas suas a Graecis accepisse dicunt, antiqua certe non habent 
testimonia, quibus suam firmare possint sententiam. 

Quas autem a Graecis abjudicavimus basilicas , eae apud Romanos longe 
frequentissimae fuerunt. Nam postquam Marcus Porcius Cato a. U. c. 
569, primam basilicam, quam forensem appellavimus , Romae exstruxit, 
non solum aliae multae ejusdem generis basilicae Romae et in alis Ro- 
mani imperii urbibus exstructae sunt, sed etiam tria alia exstiterunt ba- 
silicarum genera, ambulatorias dico, domesticas et vinarias. Et forenses 
quidem basilicae in hunc fere modum exstructae fuerunt. Area earum 
quadrangula et oblonga ita fuit comparata, ut mediani spatii latitudo non 
major quam ex dimidia, non minor quam ex tertia parte Jongitudinis 
constituta esset. Idemque spatium medium ita definitum undique cireum- 
dabant porticus vel simplices vel duplices, quarum altera in solo altera 


DE BASILICIS LIBRI LL. 167 


super hac posita erat, ita ut infra in solo et supra in porticuum contig- 
pationibus essent ambulationes circa medium basilicae spatium. Latitudo 
porticuum ex tertia medii spatii parte constitui solebat. Porticus in externa 
parte parietibus tectisque undique in externam partem declivibus munitae 
erant. Medium spatium tecto instructum erat, quod ut lux in basilicam 
intrare posset, ia erat aedificatum, ut columnis vel parietibus fenestratis, 
qui columnis superiorum porticuum impositi essent, sustineretur. Quo 
factum est, ut mediani spatii tectum supra porticuum tecta elatum non 
solum adspectum aedificii redderet magnificentiorem, sed etiam lucem in 
mediam basilicam intrare sineret. Aditus autem ad basilicas pro multitu- 
dine ac diversa vitae ratione eorum, qui intrare solerent, in omnibus, 
ut videtur, lateribus per complures patebat portas, quarum maxima et or- 
patissima plerumque in longo, qui ad forum vel alium locum publicum 
vergeret, pariete constituta erat. Praeterea si locus basilicis exstruendis in 
longitudine amplior esset, in utroque latere brevi adjungebantur Chalcidica, 
hoc est vestibula projecta, quae infra pertectum, supra vero apertum praebe- 
bant ambulatorium. Quae autem antiquis basilicis in altero latere brevi tri- 
bui solet apsis atque ante apsidem transversa ambulatio, ejus tantum abest, 
ut ullam mentionem faciant scriptores veteres, ut ita de structura basilica- 
rum praecipiant, ut apsidem ab illis prorsus abfuisse testari videantur. 
Deinde usus basilicarum forensium apud Romanos plane idem atque 
ipsius fori videtur fuisse. Itaque initio quidem imprimis negotiantes opi- 
ficesque et ambulatores in ïis versabantur, quorum illi in porticibus taber- 
nas, Stabula atque stationes habuisse, hi in porticuum maxime contigna- 
tionibus videntur versati fuisse. Posteriore autem tempore etiam judicia 
pro tribunalibus in mediis, ut videtur, basilicis exerceri atque sodalium 
phetria in porticuum angulis constitui coepta sunt. Quin etiam nuptiae in 
is interdum celebratae esse narrantur, ut luculentissime appareat, basilicas 
revera fere omnibus, quae alias in foris tractari solerent, rebus agendis 
inserviisse. Quae res etiam originem basilicarum videtur indicare. Quam 
quum a Graecis frustra repeti supra sit demonstratum , apud ipsos Roma- 
nos quaerenda est; nèque qui et formam et usum basilicarum ad fororum 
Romanorum formam usumque proxime accedere animadverterit, dubitabit, 


168 DE BASILICIS LIBRI II. 


quin illae ad horum exemplum exstructae ac veluti pro pertectis habendae 
sint foris. Cui sententiae ne graecum quidem basilicarum nomen videtur 
obstare. Nam quod tempore Catonis apud Romanos usitatissimum fuit no- 
men adjectivum basilicus, a, um , id apud Plautum, Catonis aequalem, nihil 
aliud significat, nisi egregium , eximium , insignem. Atqui vix ullam porticum 
Romae fuisse credibile est, quae majore jure basilica, hoc est insignis sive 
eximia appellari posset, quam illam, quam Porcius Cato primus exstruxisse 
narratur. Quae eum ita sint, et structuram et nomen basilicarum Roma- 
nis vindicare jure mihi videor. 

Restat, ut quae de sacris Christianorum basilicis supra uberius exposui, 
nune paucis comprehendam. Et formam quidem harum basilicarum qua- 
druplicem fuisse demonstravi. Quarum prima et antiquissima species , 
eujus exempla sunt ecclesia Tyria et Sancti Laurentn extra urbis Romae 
muros basilica, tribus tantum constabat partibus, aditu, atrio et templo, 
quod postremum aram ambones et Clericorum sedes in medio suo con- 
tinebat spatio. Altera earum species praeter priores tres, quas modo si- 
gnificavi, partes, etiam apsidem seu exedram semicircularem complecte- 
batur, in brevi templi latere e regione aditus maximi positam, atque ideo 
ut videtur adjectam, quod quum propter auctum Christianorum nume- 
rum medium basilicae spatium Laicis concedi oportuisset, jam alio loco 
opus esse videbatur, in quem Clericorum sedes atque interdum etiam ara 
commode transferri possent. Atque simili de causa etiam tertia species 
recepta esse videtur, dico eam, in qua ad apsidem etiam transversa am- 
bulatie addebatur, inter apsidem et oblongam domum interposita. Nam 
hanc quoque non aliam ob causam adjectam esse credibile est, quam 
quod ad pompas cirea aram ducendas et reliquas solemnitates celebrandas 
ne apsis quidem suficere videretur. Denique quarta basilicarum spe- 
cies, quae remoto atrio atque projecto ante templum vestibulo a prioribus 
distabat, inde ab eo tempore videtur aedificata esse, ex quo Catechumeni, 
quibus olim atrium destinatum erat, inter Christianos aut nulli aut rari 
inveniebantur. 

Aique has quatuor christianarum basilicarum species qui diligenter 
cum profanarum Romanarum basilicarum forma comparaverit, is, non 


DE BASILICIS LIBRI III: 169 


potuisse christianas ex Romanis nasci, facile nobiseum consentiet. Nam si 
discesseris à porticibus longorum parietum et mediani spatii tecto, quae 
solae partes utrique generi communes fuerunt, reliqua omnia, veluti ves- 
übulum , atrium cum cantharo , apsis et transversa ambulatio christianarum 
basilicarum adeo propria fuerunt, ut eas vix credas ad forensium exem- 
plum aedificatas esse. Neque aliter existimandum est de ea, quae inter 
templa hypaethra et sacras basilicas intercedit, similitudine. Quae licet 
etiam major sit, quam illa, quae fuit inter utrumque basilicarum genus . 
tamen non tanta haberi potest, ut ex illa repetere liceat sacrarum basili- 
carum originem. [mo qui qualis sacrorum christianorum fuerit eo tém- 
pore ratio, quamque accommodata ad illam sacrarum basilicarum struc- 
tura, accurate cognoverit perpenderitque, is eam non aliunde repetendam 
esse intelliget, nisi ex ipsa cultus Christianorum sacri natura, et veteres 
Christianos non Paganorum basilicas aut templa imitatos, sed suorum sa- 
crorum rationem sequutos, ideoque non alienis exemplis, sed suo ingenio 
usos esse existimabit. 

Nomen vero basilicarum sacrarum neque a summo Rege, cui sacratae, 
neque ab Imperatoribus , a quibus exstructae essent, sed a structurae ge- 
nere petitum est. Nam quas supra dixi christianis cum forensibus commu- 
nes fuisse partes, porticus puta longorum parietum et mediani spatii tec- 
tum; supra porticuum tecta elatum, praeterea fenestras inter porticuum 
mediique spatii tecta interpositas, eae licet non tantum valeant, ut uni- 
versam formam sacrarum basilicarum a forensibus petitam esse credamus , 
tamen hoc videntur effecisse, ut nomen basilicarum ab altero ad alterum 
genus transferretur. 

Haec habui, quae de basilicis in medium proferrem et subtili intelli- 
gentique virorum doctorum submitterem judicio. Quos ut boni consulere 
et me, ubicunque a vero aberrantem viderint, benevole in viam reducere 
velint, vehementer rogo. 


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Tome XXI. 22 


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ADDENDA ET CORRIGENDA :. 


Pag. 10, not. 1, ADDE : Deutschland und Italien, von Moritz und Hirt. 1 St. Berlin, 
1789, Dissert. IT. 

+ Angelo Uggeri : Della Basilica Ulpia nel foro Traiano. Istoria e ristaurazione. 

Litteratur- und Anzeigeblatt für das Baufach. 1859, No. 95. 

Kinkel : Geschichte der bildenden Künste bei den christlichen Vülkern. Bonn. 1845. 

Pag. 22, lin. 4, ab inf., et pag. 25, lin. À et segq., veLe verBa : Et paulo infra: 
cioi À réqu azx Thy ody —longis muris munitam. 

Pag. 68, lin. 2, pro vergis : Praeterea idem contendit, « secundum » id est post 
tribunal basilicae, Lece : Praeterea idem contendit « secundum » tribunal id est ante tri- 
bunal basilicae , ete. 

Pag. 68, not. 1, anne : De significatione voculae secundum, vide Vitruv., Il, 8, 41 : 
« Itaque in imo secundum portum forum est constitutum. » 

Pag. 68, lin. T, rosr vera : dictam esse putat Baptista, anparur : Baptistae de 
basilicis sententiam amplexi sunt Ciampinus (Vetera Monumenta, tom. 1, pag. 8 et seq.) 
Minutolus ( Romana antiquitas, Dissert. VIT, sect. IT), et Hirtius ( Deutschland und Ita- 
lien von Moritz. u, Hirt., 1 St., Dissert. IT, 1789). 

Pag. 68, lin. 18 et seqq., DELEATUR TOTUS LOOUS A VERBIS : « 5. Contra ea Ciam- 
pinus AD VERBUM aflirmaret. 

Pag. 68, lin. 2%, PRO NUMERO 4, LEGATUR 5. 

Pag. 69, lin. 2, inTerR vERBA : partes locum, INSERATUR : supra quadratum tribunal 
in brevi imae basilicae latere positum. 

Pag. 69, post lin. A1, et ante locum n° 5 notatum, Anne : 4. Contra ea nuper Ma- 
rinius ad Vitruv., V, 4, Peralti sententiam de basilicis fere integram repetiit, nisi quod 
Chalcidica in brevibus imae basilicae lateribus et ante aditum et post tribunal posita 
fuisse existimat. 

Pag. 80, lin. 2 et segq., vELEe versa : Quas autem viri docti invenerunt vias—vel ad 
extremas partes longorum parietum, etc., REPONE VERO : Quas autem viri docti invenerunt 
vias ut hanc difficultatem tollerent veluti Baptista Albertus, Perallus, Ciampinus, Quatre- 
mère de Quincy, Bunsenius et Canina , eas propterea comprobare non possum qui Chal- 
cidica ante exedram , vel inter extremas superiorum porlicuum parles supra tribunal , vel 
ad extremas partes longorum parietum, ete. 

Pag. 80, lin. 18, pro : Quae autem inde enasceretur diflicultas atque deformitas , 


1 Ista, cum ab auctore , post decretum jam praemium missa fuerint, suo quaeque loco inseri per instituti leges 
non licuit, 


172 ADDENDA ET CORRIGENDA. 


omnes intellexerunt, qui Alberti sententiam improbarunt, LEGE : Quae autem inde enas- 
ceretur diflicultas atque deformitas, omnes intelligunt. 

Pag. 84, lin. 16-19, DELEANTUR VERBA : Itaque Agincourtio —inventam esse existimat. 

Pag. 9%, not. 4, An»E : Quae nostra aetate detectae sunt basilicae Ulpiae partes de- 
pietae inveniuntur in Recinti Pontifici imagine, t. AT, fig. 1. 

Pag. 99, lin. 15 — pag. 101, lin. 8, DELE TOTUM LOCUM, SIMUL CUM ADJECTIS NOTIS , 
INDE A VERBIS : Denique trabes pilasque ita fuisse collocatas , ut epistylia, etc. AD NERBA : 
in basilicis forensibus fuerint nec ne, dijudicari non potest. lISQUE SUBSTITUE SEQUENTIA : 

Jam vero epistyliorum altitudo a columnarum et ratione et altitudine pendet, quarum 
rerum non nisi alteram a Vitruvio his verbis declaratam invenimus : Columnae altitudi- 
nibus perpetuis cum capitulis pedum quinquaginta, crassitudinibus quinum. Sed quam 
reticuit columnarum rationem, ea ex altitudine columnarum cum crassitudine earum 
comparata facillime concludi potest. Etenim quum Vitruvius docuerit, veteres Doricae 
columnae crassitudinem suae altitudinis septima parte fecisse, et in Ionicae columnae 
altitudinem novem crassitudinis suae diametros constituisse ! ; quumque idem assevera- 
verit, Corinthias columnas reliquis etiam graciliores fuisse ? : non diflicile est ad intelli- 
gendum quas quinquaginta pedes altas et quinos pedes crassas, proinde decem crassitudi- 
nis diametros in altitudinem elatas fuisse invenerimus columnas, eas pro Corinthiae 
rationis columnis habendas esse. Quibus columnis, etsi Doricae rationis epistylium im- 
poni licebat®, tamen Ionicae rationis epistylium superstructum fuisse ideo opinamur , 
quod quam eximia columnarum altitudine efficere architectus voluit gracilitatem atque 
teneritatem non humilioribus atque gravioribus Doricae rationis, sed altioribus et graci- 
lioribus Tonicae rationis epistyliis impositis facilius assequi potuit. Quare quas Corinthiae 
rationis fuisse existimamus columnas, easdem Jonicis epistylüs ornatas fuisse arbitramur. 
Quorum epistyliorum altitudinem facile definire licebit, modo hac quoque in re Vitru- 
vium ducem sequamur., Is enim eo loco, quem infra subjecimus, docet * columnarum 
Tonicarum quinquaginta pedes allarum epistylia ad minimum tredecim pedes et pedis in 


* Vitruv., IV, 1 : « Posteri vero — septem crassitudinis diametros in altitudinem columnae Doricae , lonicae noyem 
constituerunt. » 

© Vitruv., IV, 1 : « Dorica columna virilis corporis proportionem praestare coepit. Item postea Dianae consti- 
tuere aedem quaerentes novi generis, speciem iisdem vestigiis ad muliebrem transtulerunt gracilitatem , et fecerunt 
primum columnae (Jonicae) crassitudinem altitudinis octava parte, ut haberet speciem eæcelsiorem. — Tertium 
vero (genus) quod Corinthium dicitur, virginalis habet gracilitatis imitationem , quod virgines propter aetatis 
teneritatem gracilioribus membris figuratae effectus recipiunt in ornatu venustiores. » 

© Vitruv., IV, 1 : « Cetera membra, quae supra columnas imponuntur, aut e Doricis symmetriis aut Ionicis mo- 
ribus in Corinthiis columnis collocantur : quod ipsum Corinthium genus propriam coronarum reliquorumque orna- 
mentorum non habuerat institutionem, » 

# Vitruv., DL, 5 : « Epistyliorum ratio sic est habenda , ut, si columnae fuerint a minimo XIL pedum ad XY pe- 
des, epistyli sit altitudo dimidia crassitudinis imae columnae : item ab XV pedibus ad viginti columnae altitudo dime- 
tiatur én partes tredecim , et unius partis altitudo epistyli fiat : item si a XX ad XXY pedes, dividatur altitudo in 
partes duodecim et semissem , et ejus una pars epistylium in altitudine fiat : item si a XXV pedibus ad XXX, di- 
vidatur in partes XII, et ejus una pars altitudo fiat : item rata parte ad eundem modum ex altitudine columnarum 
expediendae sunt altitudines epistyliorum. Quo altius enim scandit oculi species . non facile persecat acris crebrita- 
tem : dilapsa itaque altitudinis spatio et viribus extrita incertam modulorum renuntiat sensibus quantitatem. Quare 


FR EP 


vote 


AT+ 


ADDENDA ET CORRIGENDA. 175 


quatuordecim partes divisi partes ternas (15 Ÿ/11 p.) alla esse debere, vel quindecim pedes 
et pedis in septem partes divisi quinas (15 °/: p.) alta esse posse, quam epistyliorum alti- 
tudinem cum ligneae coronae recte comparatae altitudine oplime convenire apparet. Ete- 
nim corona lignea, si ita exstructa fuit, ut tria tigna bipedalia alterum alteri imposita et 
compacta (Tab. V, fig. 2, b), atque his rursus pilae tres pedes altae impositae essent, 
(Tab. V, fig. 2, c), quae reliqua duo tigna , item alterum alteri imposita (Tab. V, fig. 2, d), 
sustinerent, tredecim pedum altitudinem aequavit. Quae quidem coronae altitudo eo pau- 
lulum imminula est, quod quae tribus tignis compactis impositae erant pilae et ipsae pau- 
lulum incisae et in tigna incisa immissae esse debebant, ut efliceretur ea, qua opus erat, 
arcta partium illarum conjunetio. Parique modo etiam superiorum trabium euerganea- 
rum altitudo paululum imminuta est eo, quod non solum ipsae inter se incisione facta 
conjunctae erant, verum etiam cum pilis conjungi non potuerunt nisi sic, ut et ipsae 
incisae essent, et in pilas incisas immitterentur. Qua ratione facile fieri potuit, ut coronae 
ligneae membra sive partes, quae, si simpliciter altera alteri fuissent impositae, ad trede- 
cim pedum altitudinem surrexissent , vix duodecim pedes et pedis in quatuor partes di- 
visi singulam partem (12 ‘/1p.) altae essent. Attamen quod hoc modo ortum est inter epis- 
tyliorum atque coronae ligneae altitudinem diserimen, plane tollitur, si quod cantherios 
contineret transtrum (Tab. V, fig. 2, e), pedem fere altum tignis euerganeis impositum 


semper adjiciendum est rationis supplementum in symmetriarum membris ». Ex quibus Vitruvii praeceptis apparet , 
columnarum quinquaginta pedum altitudinem in partes X esse dividendam, et epistylii iisdem columnis impositi 
altitudinem decima parte altitudinis columnarum , sive V pedibus constitui debere. De partibus epistylii Vitruvius haec 
habet : « Cymatium epistylii septima parte suae altitudinis est faciendum et in projectura tantundem : reliqua pars 
praeter cymatium dividenda est in partes XI, et earum trium prima fascia est facienda , secunda quatuor , summa 
quinque, Item zophorus supra epistylium quarta parte minus, quam epistylium : sin autem sigilla designari opor- 
tuerit, quarta parte altior quam epistylium. — Supra zophorum denticulus est faciendus tam altus, quam epistyli 
media fascia. — Corona cum suo cymatio praeter simam quantum media fascia epistylii. — Insuper coronas simae 
faciendae sunt altiores octava parte coronarum altitudinis ». Quae verba docent, rationes zophori , denticuli, coronae 
et simae pendere a rationibus cymatii et fasciarum epistylii, quae rationes epistylit columnarum quinquaginta pedes 
altarum ex legibus Vitruvii definiamus necesse est. Cymatium epistylii columnarum quinquaginta pedum aequat sep- 
timam partem quinum pedum (5/; ped.). Reliqua pars epistylii , 4?/, ped. dividatur in partes XII : 


4 1 ped. — 7 ped. div. 12 : © = 2 ped. — duodecima pars reliquae partis epistylii. 
+ 
‘ . 50 90 af 
Prima fascia = 3 x = — + ped. — 1 684 ped. 
84 8% 
« 50 120 
Secunda fascia =4Xx a = sx Pod: = 1 60/84 ped. 
# 
; à » 30 150 nn}, 
F En LATE APN) 
Denique tertia fascia = 5 X FPNSERTT: ped. = 41 60/81 ped. 


His expositis fiat computatio cunctarum epistyliorum partium : 


Epistylium. 55 2 SORTE ee et de Or VS ET ns be RU RUE 
Zophorus quarta parte minor quam ARE etre CE COUR Cdt es COS ENIUTE 
Denticulus tam altus quam epistylii media faseia . , , . , , , . . 4 . . . . . . 1 36/84. 
Corona quantum media fascia epistylii 1e one 2e 1 56/84, 

. . . ._ 120 120 15 135 PT 
Sima facienda altior octava parte coronarum altitudinis = + ( 8 = ) = =, .. 1:61/84, 
S facienda altior octava y 1] TS °F ü si 


18 


Altitudo epistyliorum columnarum quinquaginta pedum , . TO ER FT Vu 13 5/14 ped. 


174 ADDENDA ET CORRIGENDA. 


fuisse meminerimus. [laque tigna compacta, pilae tigna euerganea et transtrum, omnia 
ac singula arctissime inter se conjuncta, altitudinem epistyliorum plane aequaverunt. 

Altero autem loco inde a verbis « quibus insuper transtra cum capreolis » Vitruvius 
breviter exposuit ipsius tecti comparationem eam qualem in majoribus aedificiis veteres 
exstruere solebant. Namque veteres si spatia tegenda commoda sive minora essent, ita 
comparaverunt tecta, ut transtro, hoc est trabi a pariete in parietem porrectae, cantherios 
imponerent, eosdemque in summo culminis fastigio columini immitterent. Quod colu- 
men uti cantherios connectebat, ita transtrum ferreis catenis suspensum tenebat. Sin 
autem spatia tegenda majora essent, capreoli, sive fulcra , quae cantherios sustinerent, 
ne tegularum pondere deprimerentur, medio columini immissa sunt (Tab. V, fig. 4 et 5.) 
Hac autem ratione veteres majoribus tectis ea fulcra paraverunt, quae nos uno nomine 
Dachstuhl, Fairace appellare solemus. Supra cantherios templa (Lattes, Larren) deinde 
insuper sub tegulas asseres aflixerunt ita prominentes , ut parietes projecturis eorum tege- 
rentur. Transtris lacunaria afligi solebant, quae in basilicis quoque forensibus fuisse eo 
magis credibile est, quod quae basilicis splendore similes erant veterum aedes sacrae * 
et Christianorum basilicae antiquae° lacunaribus ornatae erant. 

Page 157, lin. 1-5, ab inf., TOLLANTUR VERBA : Atque haec eadem causa est, — 
christianarum basilicarum disseruerunt, IN EORUMQUE LOCUM sugsrITuATUR : Neque tamen 
quem Bunsenius et Canina in libris suis de sacris basilicis et de sacris aedibus Christia- 
norum conscriptis exhibuerunt indicem basilicarum christianarum Romae adhue super- 
stitum, hoc loco repetere, et earum , quas ipsi basilicis simillimas in Germania invene- 
rimus, ecclesiarum addere nomina, abs re esse putavimus : 


Basilica Sanctae Sabinae à papa Coclestino exstructa anno fere 495 p. C' N 
—  Sanctae Mariae Majoris a papa Sixto II. 452 » 
— Sancti Petri ad Vincula ab Eudoxia. . . . . . 449 » 
— Sancti Laurentii extra muros Urbis Romae (fuori le 

mura) pars postica a papa Pelagio . . . . . 580 » 
—  Sanctae Balbinae a papa Gregorio Magno . . . . 600 » 


! Epistyliorum et coronae ligneae altitudines comparatae : 


Coronae ligneae tria tigna bipedalia compacta . . . . . . . « . . . . . . . Gped. 
Pins ex fulmenis dispo Me Er, ie à Rio 6h Dre I ADN 
Duo itiponeuerganes Dipadalias ACL .12- CREME OU ET UE NCIS 
Mranstrom ous ere pas CERN. 0 CN CH CC UC. N 0-30 Ere DRE 
Cunctarum partium altitudo . . . . . . . . 14 ped. 


Quae altitudo comminuitur, quod eunctae epistyliorum partes propter arctiorem conjune- 
tionem insectae et immissae sunt, qua re facile efficitur spatium undeeim partium pedis 


in quaiuordecin'pértas divine Mes ne RS APS A A ee Lo à 1/14 ped. 
Restat}: 2<0e0 Reel Lite AS pal: 
Epistyliorumn altitudo 104 Un OMR NN, US CNT ASS a pet 

0 


* Vitruv., IE, 9 : « Ephesi in aede simulacrum Dianae , etiam lacunaria ex ea (cedro) et ébi et in ceteris nobilibus 
fanis propter aeternitatem sunt facta. 
® Vide infra lib, HT , cap. 1,42, 4. 


ADDENDA ET CORRIGENDA. 175 


Basilica Sanctae Agnetis extra muros ab Honorio I. . . . 625 p. C. N. 
—  Sanctorum quatuor Coronatorum ab Honorio 1 . . 625 » 
— Sancti Georgii in Velabro a Leone III . . . . . 682 » 
— Sancti Chrysogoni a Gregorio IL. . . . . . . 750 » 
— Sancti Joannis a Porta Latina 
—  Sanctae Mariae in Cosmedino } ab HadrianoÏ . . 790 » 


—- Sancti Vincentii ad tres Fontes \ 

— Sancti Laurentii extra muros Urbis Romae as le 
mura) pars antica . 

—  Sanctorum Nerei et Achillei a papa Féonelle exstruc- 


— ta anno fere. . . . MPETeS Per ppes 800 » 
—  Sanctae Praxidices (S. Prass di : 
sé al Paschalil . . 820 » 

—  Sanctae Mariae in Dominica \ 
— Sancti Martiniin Montibusa papis SergiolletLeonelV. 844et 855 » 
— … Sancti Clementis a Joanne VIII . . . . . . . 872 , 
— Sancti Nicolai in Carcere } a RE LS 

REATEe a + + « . Initiosaeculi decimi. 
— Sancti Bartholomaei in Insula { 
— Sancti Joannis Lateranensis a papa Sergio III. . . 910 ) 
—  Sanctae Mariae trans Tiberim a papa Innocentio IL . 1155 » 
M SANCtAE CTUCIS A VpPAPALUCIOUT 2. nn: 1144 » 


—  Sanctae Mariae in Ara Coeli, incerti auctoris et temporis. 


Praeter Romanas basilicas commemorandae sunt basilica Sancti Apollinaris Ravennae , 
et quas in Germania basilicis simillimas reperimus, ecclesia Altstallensis prope Schonga- 
viam in Bavaria (Grüber : Vergleichende Sammlungen für christ. Baukunst, Augsburg, 
Zanna, 1859, 2 T.); catholica ecelesia aulica Dresdensis, et urbana ecclesia Tepliciensis 
in Bohemia. 

Pag. 141, lin. 8, AD verBa : e regione aditus aram, ADDATUR NOTA HAEC : Vide Voigt , 
De altaribus veterum Christianorum , cap. XIV, $ 1 : « Unum tantum ecclesia vetus in sin- 
gulis templis seu aedibus et locis, conventibus sacris destinatis, habuit altare. » 

Pag. 141, lin. 15, vermis : In extremo spatio medio, SUBJICIATUR NOTA HAEC : 
Hinc intelligitur, quo modo in Concilio Constantinopolitano sub Menna, Act. V, 
tom. XI, Concil., ed. Par., fol. 570, omnis multitudo cucurrisse dicatur circa altare. 


Merc th dydypocu vob syloy edæyyehlou — era rod hovyiac cuyédpaoy arav To rÂf- 
Doc AÜLAG ToD SucuaaTnpiou, Lai HHPOGYTO. 

Pag. 141, lin. 16, Anparur : Vide Voigt, De allaribus veterum Christianorum, XIIT, 
4, pag. 257, et quos ille laudat. 

Pag. 142, lin. 447, rocce vera : Ex quibus qui in medio — solerent intrare, er 
REPONE : Ex quibus qui in medio spatio exstructus est fornix a Ciampino, Vetera Monum.., 
1, pag. 199, 4, med., arcus triumphalis appellatur hanc quidem ob causam , quod Chris- 
tiani ejus summitatem imaginibus Crucis aut imagine Domini nostri Jesu Christi, crucem 
prae manibus tenentis, ac e lateribus aliorum Sanctorum imaginibus conspicuam red- 


176 ADDENDA ET CORRIGENDA. 


diderunt, Romanorum exempla aemulantes, qui in areubus spolia hostibus direpta, tro- 
paei ritu, aut res ab Imperatoribus gestas , in ipso arcu exsculpebant. 
Pag. 145. IN LOCUM TABULAE QUAM HAEC PAGINA EXHIBET, SUBSTITUENDA EST HAECCE : 


Agne- 
Cle- 


SYMMETRIAE 


S. 


Basilicar, Christian. ex ichnographiis apud Gutensohn et Knapp. 


antiqua an. 800. 
trans Tiber, 
Hierosolym. 


Majoris. 
sogoni. 


(Die Basiliken des christl. Roms) propositis descriptae. 


Basilica S. Mariae 
Basilicn S. Chry- 


Basilien 

Basilican S. 
Ostiensis 

Basilica Vaticana 

Basilica S. Mariae 

Basilica S. Crucis 


Universa aedificii longitudo cum parietibus . 


| Cum apside et pariet. longit. 


Cum parietibus latitudo. 


: Ses : 33 ad sinist. 
Templi rod 400 . . Porticus interior. latitudo . 52 5/6 ad d. 


Portic. eum parietelatitudo. 


| Medium spatium . 


Areus triumphalis . | Intervallum. . . . . . 8 54 4512 


Intervallum in fronte, . . 5 4414 


ADS RC ET 
Introrsus curvatura . 22 1/2 


Longitudo . 
Transversae ambula- 8 


tionis inter parieles. 


Latitudo 


Longitudo . 


| HR fe 
= longitudo . 
| 


Vestibuli interni . 


Atri Porticuum cum pariet. latit. 


Impluvii latitudo . 


Vestibuli externi. Longitudo . 


Longitudo . 


Aditus projectura 
Latitudo. 


6 5/4 in ap- 


Parietum Crassitudo sid. T1 


Pedes Rhenani. 


Pag. 149, not. 2, post verBa : Bunsen., Die basiliken d. christ. Roms, pag. 19, 
iNSERE : Hirt., Histor. architect. Beobachtungen über die christlichen Kirchen , in libro qui 
inscribitur : Deutschland und Italien , Berlin , 1789, 1 St., pag. 55. 


EXPLICATIO TABULARUM. 


Ta. 1, fig. 1. Ichnographia Regiae Porticus Atheniensium : a. cellae archontis , assessorum , 


Toue XXL. 


scribarum , ministrorum ; 4. lribunal : 1. sedes archonlis , 2. sedes scribae et 
praeconis, 3. urnae lapillorum , 4. clepsydrae ; c. locus accusatoris; d. locus 
rei; e. arae; f. subsellia judicum; g. cippi quibus leges inscriptae erant; 
h. cancelli; à. porticus auditoribus concessa ; Æ. porticus ad forum sita. 


Tsë. 1, fig. 2. Forum Athenarum : A. Acropolis; B. Pnyx et Melite; C. Areopagus; D. vallis 


inter Acropolin et Museum (F.); E. via ad Dipylon, Liv. XXXI, 24; F. Mu- 
seum ; a. orchestra in foro , cf. Timaei Lex., Phot. Lex.; b. Leocorium in foro, 
cf. Meurs., Ceram. Gemin. , 17; c. ara Misericordiae in foro, Meurs., Cer. 
Gem. Stat. Theb., XIT, 481 ; 1. Porticus Regia ; 2. porticus Jovis Eleutherii; 
5. aedes Apollinis Patroi ; 4. Metroon ; 5-6. statuae Timotheï, Cononis , Eva- 
gorae, Jovis Eleutherii, Hadriani, Apollinis Patroi, Apollinis Alexicaci ; 
7.ara Apollinis Patroi ; 8. ara Matris Deorum ; 9. Buleuterion , curia quingen- 
torum ; 10. Tholos, cf. Pausan., 1, 5. Corn. Nep., Timoth., IL, 3. Platon. , 
Eryxias, init. coll., pag. 400, D. St., Pausan., I, 14, 5. Arrian., II, 16; 
11-15. aedes Aphrodilae Pandemi, fanum Gaeae Curotrophi et Demetris 
Chloae, cf. Harpocrat., Tedyuos Aopodiry, et Pausan., 1, 22, 5; 14. aedes 
Martis, Pausan , 1, 5; 15. domus Pythodori, cf. Demost., C. Conon., pag- 
1258 R. ; 16-17. statuae Amphiarai, Irenae cum Pluto, Lycurgi, Calliae, 
Demosthenis, Herculis, Thesei, Apollinis; 18-19. statuae Jleroum Epony- 
morum , cf. Paus., 1, 5; 20. ara duodecim Deorum , Plut., it. X Orut., V, 
12, pag. 266 SL.; 21. statuae Harmodii et Aristogilonis , Arrian., III, 16. 
Aristot., Athet, 1,8; 22. ara Eudanemorum, Arrian., IT, 16; 25. statuae 
Pindari et Caladis, Pausan., 1, 5 ; 24. Porticus in utroque viae Piraeae latere 
sitae, Paus., 1, 2; 25. Colonus Agoraeus, Forchhammer, Topographie von 
Athen, pag. 64 ; 26. taberna vinaria Aleae, cf. Isaeus, De hered. Philoctem., 
pag. 58 SL ; 27. runis, run, cui tropaeum imposilum erat, Paus., LA; 
98, Sloa Poecile, Pausan., 1, 15. Lucian., Zeus Trag., 53 ; 29. domus Me- 
tonis , cf. Demosth., ce. Éverg. et Mnesib., 1146. Aelian., F, A., XIII, 12; 


23 


78 EXPLICATIO TABULARUM. 


50. statuae Solonis ; 51. Seleuci, Pausan., 1, 15; 52. Hermes agoraeos , ef. 
Grammat. Graec. ; 52-55. Hermae, cf. Harpocrat., ‘Eoux7; 54. aedes Vulca- 
ni, Pausan., 1, 14; 55. aedes Veneris Uraniae, Pausan., 1, 14; 56. via Pi- 
raea, Pausan., L, 2 ; 57. Porta Piraea. 

No. 1-4, 9-15, 24-98, aedificia in marginibus fori ; 5, 6, 7, 8, 16, 17, 18, 19, 
90, 21, 29, 25, 50, 51, 52, 55, statuae et arae in ipso foro posilae. 

Tau.  L, fig. 5. Orthographia Regiae Porticus : 4. Sciron a Theseo in mare praecipitatus ; b. He- 
mera Cephalum ferens. 

Tas. IL, fig. 1. Recinto Pontificio : À. area fori Trajani ; B. Basilica Ulpia ; C. Columna Traja- 
ni; a — b. basilicae Ulpiae latitudo ; e. parietum basilicae reliquiae; d. sca- 
larum fragmenta ; e. spira paraslalicae generis Corinthii ; f. canalium aquam 
coelestem recipientium aperturae. 

Tas. IT, fig. 2. Basilica duplex ex sententia Bunsenii. 

Tas. IT, fig. 5. Fragmentum marmoris Capitolini, quod basilicae Ulpiae ichnographiam conti- 
nere videtur. 

Tas. Il, fêg. 4. Fragmenta marmoris Capitolini, quae basilicae Juliae ichnographiam continere 
videntur. 

Tan. Il, fig. 5. Porticus Eumachiae Pompeiis detecta : A. Forum Pompeiorum ; a. porta porti- 
cus Eumachiae ; b. via publica; c. Chalcidicum porticus Eumachiae; d. aditus 
porticus Eumachiae; e. porticus; f. crypta; g. statuae Eumachiae locus ; 
h. medium spatium subdiale ; à. statuarum loci; k. scalae; L. lapides fulloni- 
bus lavantibus exstrueli; m. lacus. 

Tas. IL, Jig. 6 et 7. Numi Romani , basilicarum imagines ut videlur repraesentantes. 

Tas. Il, fig. 8. Numus Gentis Aemiliae, basilicae Aemiliae a M. Lepido refectae propylaea os- 
tendens. 

Tas. II, jig. 9. Numus Trajani basilicae Ulpiae aditum repraesentans. 

Tas. III, fég. 1-5. Basilicae ex sententia Alberti; a. tribunal; à. ambulatio transversa. 

Tas. III, fig. 4. Basilica ex sententia Palladii; à. tribunal. 

Tas. III, fig. 5. Basilica ex sententia Perralti : A. inferioris basilicae dimidium ; a. aditus; b. por- 
ticus ; B. superioris basilicae dimidium; c. allerum Chalcidicum , tribunali 
quod in inferiore basilica positum est, superstructum. 

Tas. I], /ig. 6. Basilica ex sententia Caninae : a. tribunal ; b. transversa ambulalio. 

Tas. IL, fêg. 7. Basilica ex sententia Marinii cum Chalcidicis : a. Chalcidica ; b. tribunal ; c. scalae. 

Tas. III, Jig. 8 

Tas. IV, fig. 1 


- Basilica ex sententia Marinii sine Chalcidicis ; 4. tribunal. 
. Basilica Romana secundum veterum Lestimonia : a medium spatium; b. portieus ; 
c. tabernae ad parietes porticuum (stabula) ; d. tribunalia ; e. statuae. 

Tas. IV, ig. 2. Basilicacum Chalcidicis : a. basilica ; b. chalcidica. 

Ta. IV, fig. 5. Basilicae Romanae orthographia. 

Ta. IV, fig. 4. Basilica Romana in longiludine secta. 

Tam. V, fig. 1. Ichnographia basilicae Fanestris : a. medium spatium; D porlieus; c. pronaos 
aedis Augusli; d. cella aedis Augusti; e. tribunal in pronao aedis Augusti ; 
f. trabes supra columnas circa collocatae ; g. culmen perpeluum basilicae ; 
h. culmen a medio (basilicae) supra pronaum aedis Augusti. 

Tan. OV, fig. 2. Epistylia basilicae Fanestris contra columnarum capitula secta : a. columnarum 

capitulum ; b. trabes ex tribus tignis bipedalibus compactis ; c. pilae ex ful- 

mentis dispositae; d. trabes euerganeace ex duobustignis bipedalibus; e. trans- 

trum; f. cantherius; g. epistylium: 1. prima fascia, 2. secunda fascia , 


Tas. 


Tas 


Ta. 
Tas. 
Tas. 


V, fig: 


V, fig. 


l'E IT 
VI, fig. 
VI, fig. 
VI, fig. 
VI, fig. 
VI, jig. 
VI, lig- 
VI, fig. 
VI, fig. 


. VI, fig. 
. VI, fig. 


VII, fig. 


VII, fig. 


VII, fig. 


LE] 


CS 


19 = @ 1 D & À O1 1 = x 


ot 


EXPLICATIO TABULARUM. 179 


5. summa fascia, 4. cymatium ; A. Zophorus cum cymalio ; à. denticulus cum 
cymatio ; k. corona cum cymatio; /. sima cum capitibus leoninis vomentibus 
ructus aquarum coeleslium ex ore ; m. canalis aquam coelestem e tegulis exci- 
piens; n. tegula, junctarum tegularum spinam obtegens, Blendziegel; gg. dd. 
Epistylia intra basilicam. 


- Epistylia basilicae Fanestris inter columnas secta , d, b,g,h,i,k,l,m, n, 99» dd, 


uti in fig. 2. 

Basilica Fanestris in longitudine secta : &. pronaos aedis Augusti : 1. tribunal in 
pronao aedis Augusti, 2. parastalicae, 5. aditus aedis Augusli; b. porticus 
basilicae ; c. parastaticae post columnas altae pedes XX; d. contignatio por- 
ticus ; e. parastaticae altae pedes XVIIT; f. cantherii; g. intercolumnia lumi- 
nibus relicta ; k. columen ; 2. capreoli. 

Basilica Fanestris in latitudine secta : 4-1, uti in fig. 4 ; aa. cella aedis Augusti. 

Basilica Herculanensis. 

Basilica Vicentina. 

Basilica Pompeiorum. 

Basilica Paestana. 

Basilica Sancti Andreae. 

Basilica Constantiniana. 

Basilica Ocricolitana. 

Basilica Palmyrensis. 

Basilica Sancti Laurentii extra muros Urbis Romae ($. Lorenzo fuori le muru). 

Basilica Tyria secundum Euseb., A. £., X, 4, pag. 580 ed. Val.: 1. zepfonce, 
septum ; 2. à rporbue, veslibulum ; 5. atrium ; 4. cantharus ; 5. basilica, 
eds, templum; 6. ara ; 7. sedes clericorum; 8. exedrae. 

Basilica Sancti Sepulcri Hierosolymitana secundum Euseb., Wit. Const., III, 25- 
99; 1. où rayrès rpordnua, propylaea, vestibulum ; «ÿazio rÜxz, portae 


atrii; 5. diSpio, «Ühÿ rpoTy, prius alrium; 4. +à fps dyrpcy, Sanctum sepul- 


crum; 5. raumueyéSye V@pos, aSaecy also, poslerius atrium; 6. BusiAeiog 


26, templum ; 7. ara. 


. Basilica Sancti Petri, anno 800. 


VII, fig. 5. 


Basilica Sanctae Mariae Majoris. 
Basilica Sanctae Agnetis. 


ERRATUM. 


Pag. 40, lig. 18, pro rucrédec lege raparrédes. 


FINIS. 


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