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Full text of "Mémoires couronnés et mémoires des savants étrangers / Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles"

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MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS, 


PUBLIÉS PAR 


L'ACADÉMIE ROYALE 


DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


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MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS, 


PUBLIÉS PAR 


MÉMOIRES .COURONNÉS 


L'ACADÉMIE ROYALE 


DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


TOME XXIV. — 1850-1851. 


BRUXELLES, 


M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 


1852. 


TABLE 


DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME XXIV. 


CLASSE DES SCIENCES. 


MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS. 


Phénomènes de persistance des impressions de la lumière sur la rétine; par M. Ch. Montigny. 
Mélanges paléontologiques; par M. le baron P. de Ryckholt. 


Description des Entomostracés fossiles des terrains tertiaires de la France et de la Belgique ; par 
M. J. Bosquet. 


CLASSE DES LETTRES. 
MÉMOIRES COURONNÉS. 


Mémoire sur Démétrius de Phalère, considéré comme orateur, homme d'État, érudit et philoso- 
phe; par MM. S.-J. Legrand et F. Tychon. 


MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS. 


Histoire des compagnies militaires de Namur; par M. Jules Borgnet. 


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PHÉNOMÈNES 


DE 


PERSISTANCE DES IMPRESSIONS 


DE 


LA LUMIÈRE SUR LA RÉTINE; 


PAR 


M. Cu. MONTIGNY, 


PROFESSEUR DE PHYSIQUE À L'ATHÉNÉE DE NAMUR 


Tone XXIV. I 


PHÉNOMÈNES 


DE 


PERSISTANCE DES IMPRESSIONS 


LA LUMIÈRE SUR LA RÉTINE. 


Si l’on fait tourner rapidement autour de son centre un cercle, partagé 
en secteurs proportionnels aux espaces occupés par les sept couleurs du 
spectre, les secteurs étant revêtus de ces couleurs disposées dans le même 
ordre; quand la vitesse de rotation est suffisante, les couleurs particuliè- 
res des secteurs s’évanouissent, et le cercle se revêt d’une teinte grisàtre 
uniforme. Cette expérience prouve tout à la fois la persistance des sen- 
sations lumineuses sur la rétine, et la reproduction de la lumière blanche 
par la superposition des impressions des couleurs qui composent le spec- 
tre solaire. 

La teinte dont le cercle se revêt n’est pas absolument blanche, attendu 
que les couleurs artificielles des secteurs ne peuvent offrir ni lhomogé- 
néité, ni la dégradation, ni l'éclat relatif des couleurs du spectre. Mais, 
si ces conditions étaient remplies, la reproduction de la lumière blanche 
serait parfaite. Ce résultat s'obtient en faisant tourner un prisme réfrin- 
gent, traversé par un rayon solaire, autour d’un axe perpendiculaire à 
ses bases triangulaires : quand le mouvement est assez rapide, le spectre 
laisse une trace parfaitement incolore à son passage sur un écran. Cette 
expérience réussissant aussi bien par la rotation du prisme à la main qu’en 


4 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


le faisant tourner à l’aide d’un mouvement d’horlogerie, elle pourrait 
remplacer celle du disque coloré. 

Lorsque la vitesse de rotation du prisme n’atteint pas une valeur déter- 
minée, la trace du spectre mobile sur l'écran n’est plus incolore; elle est 
revêtue de ses couleurs naturelles. Cette apparition dépend des conditions 
de persistance des impressions des différentes couleurs que nous devons 
chercher à établir. Quand la vitesse de rotation est faible, il est évident 
qu'il s'écoule un intervalle de temps plus long entre les passages de deux 
rayons différents du spectre au même point de l’écran, et, par conséquent, 
au même lieu de la rétine; il doit donc y avoir une limite de vitesse où 
l'impression, produite par le premier rayon, est entièrement effacée à 
l'instant où celle du second rayon est excitée également au même point. 
Avec cette condition de vitesse ces impressions sont perçues séparément, 
et l'œil n’éprouve pas la sensation qui résulterait de leur superposition, de 
sorte que chacune d’elles est perçue distinctement des autres. Si cet effet 
a lieu pour les impressions de toutes les couleurs, le spectre, quoique 
mobile, accusera nécessairement toutes celles-ci. Nous ferons une obser- 
vation importante : le phénomène ne doit pas dépendre seulement du temps 
pendant lequel chaque impression dure en totalité, c’est-à-dire de l’in- 
tervalle qui s'écoule depuis son excitation jusqu’à son extinction com- 
plète, mais aussi de l’intervalle de temps pendant lequel l'impression de 
chaque couleur se conserve sans perte notable. En effet, supposons pour 
fixer les idées, que le spectre marche l'extrémité violette en avant; cette 
couleur sera la première à exciter une impression en un lieu quelconque 
de son passage sur la rétine; or, si le prisme tourne avec une faible vi- 
tesse, 1] peut arriver qu'au moment où le rayon rouge, par exemple, 
atteindra le même lieu de la rétine , l'impression du rayon violet s’y trouve 
notablement affaiblie, sans cependant qu’elle soit éteinte. Dans cet état 
d’affaiblissement, l'impression violette ne se mêlera plus avec celle du 
rayon rouge, plus récente, dans le même rapport d'intensité que si la su- 
perposition de ces deux impressions avait lieu, après un intervalle de 
temps beaucoup plus court, à partir de l’origine de la première de ces 
impressions. Les impressions des autres couleurs éprouvant des affaiblis- 


SUR LA RÉTINE. 5 


sements de même espèce que celui de l'impression violette, avant que toute 
la longueur du spectre ait passé au même point de la rétine , il est évi- 
dent que ces affaiblissements partiels, résultats d’une vitesse de rotation 
du prisme trop faible, contribueront à la perception distincte des couleurs 
du spectre dans les conditions où la trace de celui-ci en paraît revêtue. 

Nous devons nous demander si, dans cette expérience, les impressions 
des différents rayons du spectre se conservent sans perte sensible pendant 
le même intervalle de temps pour toutes. Des expériences de M. Plateau 
sur les couleurs artificielles l'ont conduit à admettre des valeurs de cet 
intervalle variant selon la nature des couleurs : ainsi, il a reconnu que, 
pour un papier de couleur jaune, ce temps est un peu plus grand que 
pour un blanc, qu’il est plus grand encore pour un papier rouge, et plus 
encore pour un bleu. L'extension de ce résultat aux impressions des cou- 
leurs du spectre est d'autant plus permise que, d’une part, M. Plateau a 
également établi en principe que l'intervalle de temps pendant lequel une im- 
pression se conserve sans perte sensible, est d'autant plus grand que l'impression est 
moins intense; et que, d'autre part, il résulte des expériences de M. Ed. 
Becquerel sur les pouvoirs éclairants des rayons du spectre, qu’ils sont 
très-différents l’un de l’autre (Traité de physique de Becquerel , 1. IL, p. 515). 
Ces résultats conduisent à cette conséquence que l'intervalle de temps 
pendant lequel les impressions des couleurs du spectre se conservent sans 
perte sensible, varie de l’une à l’autre. J'aurai occasion de citer un moyen 
qui pourrait être employé pour la détermination de ces différentes va- 
leurs. 

Dès l'instant où la vitesse de rotation du prisme atteint la limite minima 
pour laquelle la trace du spectre est incolore, la durée du passage du spec- 
tre suivant sa longueur, en un même point de l'écran, est une limite 
maxima { de temps que ne peut surpasser toute autre durée de passage 
des rayons, sans donner lieu à une perception distincte des couleurs; car 
à une durée de passage supérieure à 1, doit correspondre une vitesse de 
rotation moindre, et, par conséquent, une apparition des couleurs du 
spectre sur l'écran. 

La détermination de la valeur t serait utile à l'étude de certains 


6 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


phénomènes de la lumière, par exemple, celui de la scintillation des 
étoiles ; en effet, quelle que soit la cause du changement de couleur 
instantané des étoiles dans les circonstances où cette particularité du 
phénomène se manifeste, la couleur dont l'étoile se revêt instantanément 
ne peut être perçue par l'œil que pour le cas où les couleurs, complé- 
mentaires de cette teinte, font défaut pendant un intervalle de temps plus 
long que l'intervalle maxima t, approprié en valeur aux conditions d’éclat 
où le phénomène est perçu par l’œil. Si les impressions des couleurs com- 
plémentaires succédaient à celles de la teinte particulière après un in- 
tervalle de temps moindre que t, il est évident que la superposition de 
toutes ces impressions reproduirait la lumière blanche, ou plutôt la cou- 
leur naturelle de l’étoile. 
Quoique le dispositif des premières expériences que j'ai faites pour 
déterminer t, laisse à désirer, je crois devoir exposer succinctement le 
sy principe de cette détermination. Soient A B C la sec- 
Ÿ / tion principale d’un prisme réfringent, tournant au- 
tour d’un axe dont la trace est D; m à un rayon de 
lumière blanche, très-mince, pénétrant dans l’inté- 
rieur du prisme en i, et s’y réfractant suivant : 0. Du 
point o où le rayon émerge, celui-ci se disperse sur 
l'écran E F où il étale le spectre r v. Supposons que 
le prisme tourne dans le sens G A avec la vitesse mi- 
nima pour laquelle l’image r v reste parfaitement in- 
colore; en désignant par e la longueur r v du spectre 
sur l'écran, il est facile de voir qu’un espace r v sera 
E parcouru uniformément par l’extrémité d’un rayon 
quelconque avec la vitesse V sur l’écran, pendant 
l'intervalle de temps maxima t, et qu’ainsi on aura l'équation : 


e= N.t. 


Si le rayon o à passe dans l’intérieur du prisme par le prolongement D 
de l’axe de rotation, il peut être considéré comme tournant autour de ce 
point pris pour centre. Si, de plus, le rayon émergent D r, de longueur 


SUR LA RÉTINE. 7 


égale à R, se trouve de direction perpendiculaire au plan E F de l'écran, 
la circonférence r2R, décrite pendant un temps T, avec la vitesse V, à 
la distance R, a pour expression : 


x2R = V.T. 


De cette expression et de la précédente, on déduit : 


Cette expression serait rigoureusement exacte, si la vitesse V était absolu- 
ment celle du rayon émergent à la distance R sur l'écran , comme elle est 
réellement la vitesse de rotation du prisme , mesurée à la même distance 
R. Mais il est facile de voir que le mouvement angulaire du rayon lumi- 
neux émergent est moindre que celui du prisme; et que, si sur une des 
faces de celui-ci on élève une normale de longueur R à partir de l’axe 
de rotation, son extrémité décrira un arc z de longueur plus grande que 
l'arc e, décrit, dans le même temps, sur l'écran par le rayon émergent. 
+ B g. Pour reconnaître cette différence de mouvement, 
> {" désignons par 2 l'angle d'incidence du rayon lu- 
mineux m 1, mesuré par son écartement de la nor- 

# male m n; par 9 l’angle d’émergence q o E du rayon 
o E; 5 et n exprimant, respectivement, l’angle ré- 
fringent B et l'indice de réfraction de la substance du prisme. Les gran- 
deurs des angles « et ÿ sont liées par une équation qui, dans le cas où 
le rayon m I pénètre du côté de la base À C du prisme, est de la forme : 


sin. 4 = sin. 8 V’n? — sin.? : — sin. ? cos. 4. 


D'après cette expression, les valeurs de sin. « et de sin. varient en sens 
contraires ; ainsi, quand l'angle « augmente , par suite de l’écartement du 
rayon incident de la normale m n, le rayon o E, au contraire, se rap- 
proche de la normale © q à la face d’émergence, et l’angle + diminue. 


8 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


La rotation du prisme dans le sens À n B ayant pour effet d'augmenter 
l'angle «, par suite, le rayon émergent o E se rapproche de o gq de la 
quantité correspondante à l'accroissement qu’éprouve à : mais, comme la 
normale o q tourne dans le sens q E C avec le prisme, le rayon émergent 
0 E obéit également à ce mouvement, et il s’avance dans le même sens en 
décrivant un angle moindre que celui parcouru par o q de toute la quan- 
tité dont o E se rapproche de cette normale. D’après cela, l'arc e décrit 
par l'extrémité du rayon émergent à la distance R, étant moindre que z 
décrit par l'extrémité de la normale, la vitesse du rayon émergent sera 
V= et non simplement V, car ces arcs sont parcourus pendant le même 
intervalle de temps £. 

Le rapport = dépend des conditions dans lesquelles on opère. Si, pour 
déterminer cette valeur, on désigne par 4 l'angle d'incidence aug- 
menté par un mouvement du prisme très-petit, par 9 l’angle d’émergence, 
correspondant à 4’ et diminué relativement à 9; l'excès de la valeur sin. 2 
sur celle de sin. +, quantités respectivement exprimées en fonction de cos. 6, 
n, Sin. o, Sin. ®', COS. p, COS. 9, équivaut à 3. COS. « pour une très-petite 
différence angulaire a! — x. Le second nombre de l'expression renfermant 
également une quantité qui équivaut à e. cos. 9, on déduit aisément + — 1,04 
pour valeur du rapport cherché, dans le cas où l’angle d'incidence 4 est 
voisin de 56°, et où l’angle réfringent du prisme étant de 60e, la substance 
réfringente est de l’eau dont l'indice a pour valeur 1,556. 
toi dans l'expression de #, 
où le temps est en raison inverse de la vitesse, donne : 


La substitution du rapport numérique — 
LA 


PE RUE HO 
R 97 
Telle est donc l'expression de la valeur maxima de l'intervalle de temps 
que peut durer le passage des sept couleurs du spectre sur la rétine, 
pour reproduire l'impression de la lumière blanche dans les conditions 
de l'expérience. 
Voici l'exposé des principales dispositions qui avaient été prises pour 


SUR LA RÉTINE. 9 


la détermination de t que j'ai essayée, à l’aide de la lumière solaire, vers 
le milieu du mois de septembre 1850. 

Un rayon de lumière solaire, réfléchi par un miroir extérieur, pénétrait 
dans une chambre obscurcie en traversant une ouverture verticale très- 
étroite. Ce faisceau de rayons était reçu sur les faces d’un prisme à bases 
triangulaires équilatérales ; ces faces, formées de lames de verre très-minces, 
étaient solidement réunies de manière à contenir un liquide dans l’inter- 
valle qui les séparait; dans les expériences que j'ai faites, le liquide ré- 
fringent était de l’eau pure. Le prisme était monté sur un axe de mouvement 
d'horlogerie dont on pouvait faire varier à volonté la vitesse de rotation. 

Les rayons émergents, après avoir traversé un diaphragme percé d’une 
ouverture, étaient reçus sur un écran dont le plan se trouvait perpendi- 
culaire à la direction des rayons; c’est sur cet écran que se produisait 
l’image du spectre , avec ou sans couleurs selon la vitesse de rotation. Il 
est évident qu’on donnait à celle-ci une valeur telle que le spectre inco- 
lore se fût revêtu de ses couleurs pour toute diminution que la vitesse 
de rotation eût éprouvée. Le temps T d’une révolution complète du prisme, 
correspondant à cette vitesse minima, se déduisait de la durée de plu- 
sieurs révolutions du prisme successives, opérées dans ces conditions. 

Afin d'éviter les apparitions des images blanches, produites par la ré- 
flexion de la lumière dans l’intérieur du prisme, phénomène qui a lieu 
lors même de son immobilité, il convenait d'adapter au prisme trois pe- 
tits écrans verticaux , placés de manière à intercepter ces images blanches 
aux instants où elles se projetaient sur l'écran. Cette disposition ne doit 
nuire aucunement à la production des spectres incolores résultant de la 
superposition des rayons colorés. 

Dans les expériences que j'ai tentées, la distance R de l'écran à l’axe 
du prisme n’a pas dépassé 2,422, et la longueur e du spectre 0,072; 
je dois reconnaître qu'à une aussi faible distance et en employant un 
liquide aussi peu dispersif que l’eau, il est à craindre que les couleurs 
du spectre n’aïent pas présenté le degré d’homogénéité que l'on devait 
attendre, pour que la valeur de t convint au cas où les couleurs du spec- 


tre fussent complétement séparées. L’exiguité du local où ces premières 
Tous XXIV. 3 


10 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


expériences ont été faites, ne m'a pas permis de donner à R une valeur 
supérieure. 

Malgré l'incertitude qu’entraîne cette distance trop peu étendue, je ci- 
terai la valeur de +, déduite de plusieurs expériences pour lesquelles la 
durée moyenne T d’une révolution complète du prisme était de 8/’,58; t a 
été trouvé de 0//,042. Si, dans les conditions où j'ai opéré, la séparation 
des couleurs n’a pas été parfaite, cette valeur de t est trop grande; on 
la trouverait nécessairement moindre dans des conditions où, toutes cho- 
ses égales d’ailleurs, les couleurs seraient plus homogènes. 

Il est présumable que la valeur de t est modifiée par plusieurs des condi- 
tions où sa détermination s'opère, et au nombre desquelles je citerai prin- 
cipalement l’état de sensibilité de l'œil, et le plus ou moins d'intensité de 
la lumière, tant au lieu où on opère qu’à la source même de cette lu- 
mière. Si l'influence de cette dernière cause de variation était bien consta- 
tée dans ces expériences, il serait important de déterminer exactement la 
liaison entre la durée de l'impression et l'intensité de la lumière. 

Je n’ai pu donner suite à ces expériences dès maintenant; je me pro- 
pose de les reprendre, mais ce sera en faisant subir les modifications sui- 
vantes aux dispositions principales. Le prisme réfringent sera fixe de 
position au lieu d’être en mouvement, et le verre substitué à l’eau comme 
substance jouissant d’un pouvoir dispersif plus grand. Le spectre coloré 
se réfléchira sur un miroir métallique vertical, placé à une distance du 
prisme telle, que les couleurs du spectre soient nettement séparées. Le mi- 
roir étant monté sur l’axe du mouvement d’horlogerie, comme le prisme 
l'était précédemment, lors de sa rotation, le spectre, réfléchi sur un 
écran, y produira une image blanche par la superposition des sept rayons 
colorés aux mêmes lieux dans les conditions exposées. La valeur de t 
se déduira des éléments de l’expérience, et à l’aide de la formule, ap- 
propriée à ces nouvelles dispositions qui permettront de varier les ex- 
périences. Si, par exemple, on interpose entre le prisme et le miroir un 
petit écran opaque qui intercepte complétement un des sept rayons colo- 
rés, le spectre ne sera plus composé que des six autres rayons; leur su- 
perposition sur un écran éloigné, reproduira la lumière complémentaire du 


SUR LA RÉTINE. 11 


rayon intercepté par le petit écran. II sera facile de déduire la valeur de t 
qui, sans doute, différera selon la nature du rayon manquant. La manière 
dont les couleurs du spectre disparaissaient et se reproduisaient par suite 
des variations de vitesse de révolution du prisme , dans mes premières ex- 
périences, me porte à prévoir ces différences de valeur de £ : quand, par 
une accélération graduelle de la vitesse, le spectre devenait incolore, toutes 
les couleurs ne disparaissaient point simultanément : le rayon rouge et prin- 
cipalement le bleu m'ont toujours paru être les plus persistants. Quand la 
vitesse de rotation, d’abord suffisante pour produire le spectre incolore, 
éprouvait ensuite une diminution graduelle, ces couleurs étaient égale- 
ment les premières à reparaître : d’abord le bleu, puis le rouge, le jaune 
ne paraissant que pour une diminution de vitesse plus sensible que pour 
les autres couleurs. Au reste, ces différences sont assez difficiles à saisir. 
Si on intercepte de la même manière plusieurs rayons du spectre, ou 
tous moins un seul, on pourra mesurer la durée totale de l'impression 
produite par le rayon non intercepté; l'expérience consistera à donner au 
miroir une vitesse de révolution telle que l'apparition de cette seule cou- 
leur ait lieu sans discontinuité sur l'écran, c’est-à-dire, sans qu'il y ait, 
entre les retours successifs de l’image , des instants de cessation complète 
de l'impression. Dans ces conditions, le temps d’une révolution du mi- 
roir sera celui de la durée totale de l’impression, car on satisfera à la 
condition qu’à chaque retour de l’image colorée, « l’impression précé- 
» dente se retrouve au point d'être près de s’évanouir complétement. » 
(M. Plateau.) Par ce moyen, la durée totale de l'impression pourrait 
être déterminée aussi bien pour la lumière blanche et pour les couleurs 
complémentaires, que pour chacune des couleurs du spectre. Enfin, s’il 
est possible d'accélérer la vitesse de rotation au point que l'impression du 
rayon lumineux ne soit plus perçue à son passage, excessivement rapide 
sur l'écran, on aura une appréciation de l'intervalle de temps, excessive- 
ment petit, que doit durer une impression de couleur déterminée, pour 
qu’elle soit sensible à l'œil. On sait qu'un objet qui passe très-rapidement 
devant l'œil se distingue à peine ou même ne s’aperçoit pas du tout. 
Quelle que soit la variété des expériences que l’on puisse faire par le 


12 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


moyen qui vient d’être indiqué, elles offriront l'avantage d’être faites à 
l’aide des couleurs simples du spectre, et de conduire à des résultats plus 
précis que ceux qui se déduiraient au moyen des couleurs artificielles, qui 
jamais ne possèdent les mêmes qualités d’homogénéité et d'éclat. 

Actuellement, je citerai des circonstances qui me paraissent dépendre 
de phénomènes nouveaux (voir la note page 26) de perception des im- 
pressions lumineuses, et où les couleurs du spectre reparaissent sans qu’il 
soit nécessaire de diminuer la vitesse de révolution du prisme qui produit 
la lumière blanche : 

1° Si, sans perdre de vue le lieu des apparitions du spectre incolore 
sur l’écran, on imprime rapidement à la tête un mouvement oscillatoire, 
horizontal , autour de l’axe du cou, au moment où l’image blanche repa- 
raît, on la perçoit avec les teintes du spectre, disposées dans l’ordre ordi- 
naire relativement à l’angle réfringent du prisme. Quel que soit le sens 
du mouvement de la tête par rapport à celui de la rotation du prisme, 
cetie perception des couleurs a lieu, pourvu que cette dernière vitesse ne 
soit pas trop rapide relativement aux oscillations de la tête. 

On perçoit également les couleurs par le même mouvement, si l’œil, 
placé près de l'écran et dirigé vers le prisme, reçoit directement les rayons 
à leur passage. 

2° Si on interpose, entre l’œil et le lieu de l'écran où se peint le spectre 
incolore, une lentille concave ou convexe, assez rapprochée de l'écran , et à 
laquelle on imprime un mouvement vibratoire, rapide, peu étendu et paral- 
lèle à l’écran; les rayons traversant ainsi la lentille à chacune des appari- 
tions du spectre, celui-ci se revêt de l’une ou de plusieurs de ses couleurs 
primitives, selon la rapidité des mouvements de la lentille et du prisme. 

Si, au lieu de recevoir l’image sur l’écran, on la perçoit directement 
en regardant vers le prisme, au travers de la lentille vacillante, dans la 
direction du rayon lumineux, l’œil revoit également les couleurs du spec- 
tre à chacun de ses passages. 

5° Si le spectre incolore est reçu sur un miroir, auquel la main im- 
prime un mouvement vibratoire, l’image, réfléchie directement vers l'œil, 
produit la sensation d’une ou de plusieurs couleurs primitives. 


SUR LA RÉTINE. 15 


4 Si la lentille est interposée entre le prisme et l'écran, et que les 
rayons émanés du premier la traversent avant d'atteindre l'écran, le spectre 
reste incolore tant que la lentille est immobile; mais dès qu’elle est en 
vibration, à chaque apparition le spectre reprend ses couleurs. 

5° En faisant réfléchir sur un écran l’image incolore à l’aide du miroir 
vibrant (3), elle s’y pare des couleurs prismatiques nettement détermi- 
nées; mais, à cause de l’irrégularité du mouvement du miroir à la main, 
l'image colorée décrit une trace sinueuse et continue sur l'écran, et ses 
couleurs , d’un éclat très-vif, m'ont semblé, le plus souvent, s’étendre pa- 
rallèlement aux contours latéraux de la bande sinueuse. 

Dans toutes ces expériences, la perception des couleurs résulte évidem- 
ment du déplacement de l’image; dans les expériences 1, 2, 3, ce déplace- 
ment a lieu directement sur la rétine, c’est-à-dire que deux impressions 
successives du même point brillant ne peuvent se superposer au même lieu 
de la rétine, soit à cause du mouvement de celle-ci (1), soit par la déviation 
que le rayon lumineux éprouve avant de pénétrer dans l'œil, par suite du 
mouvement vibratoire de la lentille qu’il traverse (2), ou du miroir qui 
le réfléchit (3). Dans les expériences 4 et 5 l’image se déplaçant sur 
l'écran même, il est évident que l'impression est également déplacée sur 
la rétine. Dans tous les cas, ce déplacement ne s'effectue pas avec unifor- 
mité, mais avec une irrégularité résultant des moyens employés pour ren- 
dre distincte cette perception des couleurs. 

Afin de trouver la cause de ce phénomène, examinons les circonstances 
qui accompagnent un phénomène de perception identique, mais plus sim- 
ple, que j'ai observé fortuitement il y a plusieurs années, et qui m'a 
donné l’idée de reproduire des apparences semblables dans les expérien- 
ces précédentes. Une roue dentée horizontale de moulin, de grandes di- 
mensions, tournait avec une rapidité telle que ses dents n'étaient plus 
perceptibles ; en détournant vivement la tête, je fus étonné de les revoir 
distinctement, de sorte que la roue reparut pendant un instant très-court, 
comme si elle était immobile. L’essai réussit chaque fois que je le répé- 
tai, quel que fût le sens du mouvement de la tête comparativement à celui 
de la roue; je dois ajouter qu’il n'était pas nécessaire que l'œil perdit 


14 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


complétement de vue la roue aux limites des oscillations de la tête, car 
une excursion peu étendue suffisait pour la perception des dents. 

Depuis, je répétai cette observation avec les roues d’un mouvement 
d’horlogerie , tournant rapidement : les dents devinrent perceptibles tant 
par le mouvement de la tête, qu’en regardant la périphérie dentée au tra- 
vers d’une lentille ou après sa réflexion sur un miroir; le mouvement vacil- 
latoire que j'imprimai à l’une et à l’autre me parut devoir nécessairement 
produire le même déplacement des images sur la rétine que le mouvement 
de la tête; c’est ce que l'expérience confirma. Le moyen le plus aisé de 
produire ce phénomène de perception consiste à examiner une roue en ro- 
tation à l’aide d’une lunette montée sur pied, et au tube de laquelle le choc 

du doigt imprime de petites oscillations rapides : les dents de la roue 

reparaissent alors d’une manière permanente et très-distincte. L’image de 
la roue semble quelquefois immobile, ou bien animée d’un mouvement 
de rotation plus lent que celui de la roue elle-même, ou de direction 
contraire. La variété de ces apparences dépend de la rapidité des percus- 
sions imprimées à la lunette. 

Remontons à la cause unique de toutes ces particularités d’un même 
phénomène. Les dents d’une roue, tournant avec grande vitesse ! , cessent 
d’être perceptibles, parce qu’au même lieu de la rétine se succèdent, rapi- 
dement et alternativement, des impressions contraires, les unes brillantes, 
produites par les sommets des dents, et les autres obscures, qui corres- 
pondent aux creux de séparation. Ces impressions, d’un effet tout op- 
posé, se mêlant en chaque point de la rétine, produisent sur l'œil, placé 
dans le plan de la roue, l'effet d’une ligne de l'épaisseur de celle-ci, qui 
n’a ni l'éclat relatif des saillies des dents, ni la teinte foncée des creux. 

Si les impressions des dents et des intervalles ne se succèdent pas uni- 
formément aux mêmes lieux de la rétine, c’est-à-dire si leur vitesse de 
succession, quoique très-rapide, éprouve des variations très-faibles, et 
pour ainsi dire, instantanées, les dents et les intervalles deviennent dis- 


1 11 m'a été facile de constater que, dans les conditions ordinaires, les dents d’une roue, de 
5 à 4 centimètres de diamètre, cessent d'être distinctes quand deux dents consécutives passent au 
même point après un intervalle de temps de 0’’,04 environ. 


SUR LA RÉTINE. 15 


tincts à chacune de ces variations. Citons un fait qui ne peut s'expliquer 
que par ce qui vient d'être avancé : en examinant une roue dentée qui 
transmettait un mouvement rapide à un pignon sur lequel est monté un 
volant régulateur assez pesant, le tout faisant partie du mécanisme d’hor- 
logerie qui m'a servi dans toutes ces expériences , j'apercevais distincte- 
ment les dents et les creux de la roue dans une position constante, comme 
si elle eût été immobile , mais sans que les sensations de ces parties eus- 
sent toutefois la même intensité. Cette apparition a lieu pour l'œil dans 
les conditions ordinaires, sans qu'il soit nécessaire d’employer les moyens 
indiqués précédemment pour opérer le déplacement des images sur la 
rétine. Dans cette circonstance, les ailes du pignon, engrenant avec la 
roue, n'étaient nullement perceptibles, quoiqu’elles possédassent la même 
vitesse absolue que les dents de la roue. Quelle est donc la cause de 
cette différence? Je ferai observer d’abord que le mouvement du pignon 
est réglé par celui du volant auquel il était adapté, et que celui-ci, à 
cause de sa masse, se meut uniformément ou tout au moins qu'il ne peut 
obéir subitement à des variations de vitesse très-petites. C’est à cause de 
celte uniformité de mouvement du pignon, tournant comme s’il était 
complétement dégagé de toute influence troublante, que la succession 
des impressions des différents points du pignon s’effectue régulièrement , 
et qu'ainsi ses ailes ne deviennent pas distinctes des intervalles qui les 
séparent. 

Mais la rotation de la roue s’effectue-t-elle avec la même uniformité que 
celle du pignon de ce volant? Nous ferons remarquer que la vitesse de la 
roue, à chaque instant de la poussée d’une aile du pignon par une dent de 
la roue, doit dépendre de leur mode d’engrener. Or, on sait que très-rare- 
ment ce mode satisfait à la condition importante que les dents se succèdent 
avec une vilesse uniforme; et qu'au contraire, dans la plupart des engre- 
nages, la vitesse des dents est alternativement accélérée et retardée, 
selon les phases différentes de la poussée d’une aile du pignon par la dent 
de la roue. Dès l'instant où cette condition n’est pas remplie, la roue doit 
éprouver des irrégularités de vitesse à chaque poussée, et, principalement, 
quand elle conduit un pignon dont le mouvement, régularisé par la masse 


16 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


du volant avec lequel il fait corps, ne peut subir les mêmes inégalités de 
vitesse périodiques à des intervalles de temps excessivement courts. C’est 
aux points où ces fluctuations très-petites se font sentir que les dents de- 
viennent perceptibles, d’une manière d’autant plus distincte que les pre- 
mières sont plus sensibles. La preuve de ce que j'avance, c’est qu’en 
changeant le sens du mouvement du volant, le mode de poussée des dents 
et des aïles s’effectuant du côté opposé, les points de variation de la vitesse 
de poussée de la roue ne sont plus les mêmes ; aussi remarque-t-on que 
les lieux où les dents sont perceptibles ont changé de position relative- 
ment à la première apparence. Il suffit, du reste, du moindre ballotte- 
ment imprimé à la roue, pour que la position où ses dents sont distinctes 
soit sensiblement déviée. 

Exposons un autre fait qui tend à confirmer cette explication. Si, tenant 
entre les doigts l’extrémité d’une tige élastique, longue et mince, telle 
qu’une aiguille d’acier ordinaire, on lui imprime des oscillations rapides 
autour de cette extrémité, la tige ne laisse dans l’œil qu’une trace très- 
faible et uniforme de son passage à chacune des positions intermédiaires 
aux limites de ses excursions. Mais, si en atteignant ces limites, l’autre 
extrémité de la tige éprouve des chocs qui la mettent en vibration, la 
tige devient très-distincte dans des positions également espacées entre les 
extrêmes. Or, l'effet des vibrations transversales de la tige, excitées par 
le choc, est d'imprimer à chacun de ses points un mouvement ondu- 
latoire très-rapide, peu étendu et de direction perpendiculaire à la lon- 
gueur de la tige; ce mouvement, se combinant avec celui communiqué par 
la main, modifie le mouvement absolu de chaque point de la tige, de ma- 
nière que celui-ci est alternativement accéléré et retardé de quantités très- 
petites, selon le sens de chaque vibration par rapport aux excursions de 
la tige. Ces inégalités de vitesse, en se succédant très-rapidement, rendent 
la tige visible dans des positions également espacées, attendu que ces iné- 
galités se reproduisent périodiquement en chaque point de sa longueur, à 
cause de l'isochronisme des vibrations transversales de la tige. 

Ces deux faits tendent à prouver que des impressions sur la rétine, qui ne 
sont pas distinctes à cause de leur mode de succession rapide et uniforme au 


SUR LA RÉTINE. 17 


même lieu, deviennent perceptibles, si cette uniformité de succession éprouve, par 
intermittence, des inégalités rapides et de peu d'amplitude. (Voir la note page 28.) 

Appliquons cette déduction de l'expérience à l'explication des phéno- 
mènes exposés précédemment. 

Quand les dents d’une roue deviennent perceptibles par le mouvement 
de la tête, les rayons lumineux qui peignent sur la rétine la demi-circon- 
férence de la roue, supposée vue à hauteur de l'œil, éprouvent un dépla- 
cement suivant la ligne de l’image de la roue dans sa première position, 
en admettant que le mouvement soit imprimé à la tête dans le plan de la 
roue prolongé. L'image de la roue avance donc suivant la ligne de sa pre- 
mière position à chaque phase du mouvement de la tête; de sorte que de 
nouvelles impressions recouvrent successivement les impressions des dents 
et des creux précédentes, qui ne se sont pas encore évanouies. Ces nou- 
velles sensations ne se distingueraient pas des premières, si le déplacement 
de l’image s’effectuait avec uniformité; mais, comme le mouvement de la 
tête, quoique peu étendu et très-rapide, s'opère avec une vitesse variable, 
nécessairement les images des dents et des creux de la roue se succèdent 
aux mêmes lieux avec des variations de vitesse qui, d’après ce qui a été 
établi, rendent leurs impressions distinctes et produisent instantanément 
la perception de la roue, comme si elle était immobile. Nous ferons obser- 
ver qu'à l’irrégularité de succession des impressions, résultant du mouve- 
ment même de la tête, se joint l’irrégularité de superposition des impres- 
sions des dents, qui ne sont pas projetées à équidistance sur la rétine. En 
effet, dans une image quelconque de la roue horizontale, les espacements 
des dents diminuent à partir de son milieu vers ses extrémités; si donc il 
y a superposition de deux images de la roue, par le mouvement de la 
tête, que l’on supposerait même uniforme, les images des parties sembla- 
bles de la roue, telles que les dents, ne peuvent se succéder aux mêmes 
lieux avec uniformité, à cause des inégalités d’espacement des projections 
de ces points dans une même image. Cette cause d’irrégularité de succes- 
sion des mêmes impressions en un lieu de la rétine, s’ajoute donc à celle 
résultant du mouvement de la tête pour rendre la roue perceptible. 


L'effet de la lentille et de la lunette vacillantes s’explique par des effets 
Towe XXIV. 3 


18 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


analogues aux précédents, et qui sont l’irrégularité des vacillations et le 
déplacement de chaque rayon lumineux, incident sous un angle succes- 
sivement différent sur la surface de la lentille, qui varie irrégulièrement 
de position. Il résulte des effets combinés de ces causes, des superposi- 
tions des images successives de la roue, variables de vitesse, et qui, en 
conséquence de ce qui a été établi, rendent la roue visible dans ses 
différentes parties. Dans certains cas de vitesse de vacillation, l’image 
paraît immobile; dans d’autres, elle tourne plus lentement que la roue, 
dans le même sens ou bien en sens opposé; ces effets dépendent des po- 
“sitions relatives des lieux de la rétine où les impressions des parties de 
la roue deviennent successivement perceptibles. 

Dans ce qui précède, nous avons supposé que le mouvement de la 
tête ou de la lentille produit le déplacement de l’image dans la direc- 
tion du prolongement de sa première position; s’il n’en est pas ainsi, si, 
par exemple, le plan de la roue étant horizontal, les déplacements de 
l'image s’opèrent suivant une direction oblique à ce plan, les images per- 
çues obéissent simultanément à ce mouvement de déplacement et à celui 
de rotation de la roue, c’est-à-dire qu’elles se déplacent parallèlement à 
la diagonale du parallélogramme construit sur ces deux vitesses. Dans le 
cas d’obliquité, les images ne se superposent que partiellement; mais, 
d’un autre côté, elles se peignent successivement en des lieux différents de 
la rétine, et cette cause s'ajoute à la première pour rendre la roue visible. 

L'apparition des dents de la roue ayant lieu, quel que soit le sens du 
mouvement de la tête ou de la lentille par rapport à celui de la rotation 
de la roue, on ne pourrait expliquer la persistance des impressions par la 
combinaison des sens de ces mouvements, car, il n’y a que le cas où le 
sens du déplacement de l’image de la roue sur la rétine soit contraire à 
celui de sa rotation, également sur la rétine, qu’il y ait ralentissement 
de la vitesse absolue de l’image d’un point quelconque de la circonférence 
de la roue, et que, par conséquent, son impression devienne plus per- 
sistante. Mais, comme la roue est également perceptible quand le dépla- 
cement de son image s'opère dans le sens de sa rotation , et que, dans ce 
cas, les impressions de différents points doivent se succéder plus rapide- 


SUR LA RÉTINE. 19 


ment au même lieu, il est évident que l’on ne peut attribuer le phéno- 
mène de perception de la roue à une combinaison des sens dans les- 
quels s'effectuent le déplacement et la rotation de la roue, et qu’il faut 
nécessairement l'expliquer par les inégalités qu'éprouve la vitesse de superpo- 
sition des impressions des images semblables, en un même lieu de la rétine. 

La réapparition des couleurs s'explique à l’aide du même principe. Sans 
entrer dans des détails d'explication qui seraient les mêmes, je ferai seule- 
ment ressortir une différence que présente le phénomène de perception des 
couleurs par l'emploi des mêmes moyens : si la superposition des impres- 
sions de deux couleurs du spectre n’est que partielle, à cause de l’obliquité 
de leur déplacement sur la rétine par rapport au plan de révolution du 
spectre, ces couleurs seront évidemment distinctes l’une de l’autre, dans 
les parties qui ne se sont pas superposées. Mais si le déplacement des 
images s'opère parallèlement au plan de révolution du spectre, les images 
des différentes couleurs se superposeront complétement et successive- 
ment; si ce déplacement s’effectuait uniformément, il y aurait production 
de lumière blanche, comme dans le cas d’immobilité des impressions sur 
la rétine. Mais cette uniformité n’existant pas par l'effet des causes déjà 
citées , la superposition des couleurs éprouve des variations de vitesse qui 
les rendent perceptibles, de la même manière que les dents de la roue, 
car les irrégularités de succession des impressions sont les mêmes de part 
et d'autre. 

On peut provoquer la réapparition des couleurs du spectre sur l'écran, 
par un moyen qui diffère totalement des précédents, et dont l'explication 
des effets repose sur d’autres faits. 

Si, quand le prisme tourne avec une vitesse qui produit un spectre 
incolore, on interpose près de l’écran un disque vertical, monté sur un 
axe, et dont la circonférence soit entaillée par des rainures assez larges, 
qui, prolongées, rayonneraient au centre du disque, le passage des 
rayons de lumière à travers ces rainures produit des effets différents, selon 
que le disque est immobile ou qu'il tourne sur son axe. Dans le cas 
d’immobilité, à chaque passage des rayons du spectre incolore, la lu- 
mière qui traverse les entailles produit sur l'écran la sensation de la 


20 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


lumière blanche, et l'ombre obscure de chaque saillie est aussi nettement 
tranchée sur cette trace incolore, que si le disque était éclairé par un 
rayon de lumière solaire, incolore et immobile. Mais, si le disque est 
en mouvement de rotation, les ombres des dents sur l'écran apparaissent 
bordées extérieurement des couleurs du spectre qui s'étendent dans les 
espaces correspondants aux entailles, de sorte que les ombres de deux 
saillies contiguës sont reliées par un petit spectre, dont les bandes co- 
lorées se trouvent disposées perpendiculairement à la circonférence du 
cercle. Ces franges colorées ne se montrent que parallèlement aux bords 
latéraux de chaque saillie, et ne s'étendent pas sur leur sommet. 

La disposition relative des couleurs dépend des sens relatifs des rota- 
tions du disque et du prisme, qui, du reste, s'effectuent dans deux plans 
perpendiculaires entre eux. Si ces sens sont les mêmes, les couleurs se 
disposent dans l’ordre des rayons du spectre coloré qui se peindrait sur 
l'écran, si le prisme était immobile. Mais quand la rotation du disque est 
de sens contraire à celle du prisme, la disposition de chaque spectre qui 
se peint entre les ombres des saillies change, et elle devient l'inverse de 
celle du spectre coloré ordinaire. 

Un autre fait qui doit être signalé, c’est que les bords de chaque saillie 
se colorent sur le disque des teintes prismatiques, disposées sur ces parties 
saillantes ; leur disposition dépend également des sens relatifs de rotation 
du disque et du prisme; mais elle présente cette particularité que, dans 
les deux cas, elle est toujours l'inverse de la disposition des couleurs 
qui se montrent dans les entailles sur l’écran au même moment. 

Au reste, ces apparitions s'effectuent si rapidement, qu’à chaque pas- 
sage des rayons émergents du prisme, l'ombre du disque sur l'écran 
semble immobile, quoiqu’elle tourne rapidement, et toutes les entailles 
éclairées paraissent frangées des couleurs prismatiques au même instant. 
Si, cependant, la vitesse du disque est très-grande, les images des in- 
tervalles sur l'écran deviennent plus étendues dans le sens de la cir- 
conférence, que pour toute vitesse moindre, et les ombres des parties 
pleines sont moins nettement tranchées; de sorte que les bandes irisées, 
qui s'étendent de l’une à l’autre de ces ombres, empiètent sur leur lar- 


SUR LA RÉTINE. 21 


geur, mais en perdant aussi de la vivacité des teintes dont elles sont com- 
posées. 

Ces phénomènes se produisent, quelles que soient la forme et la largeur 
des rainures du disque; aussi se sont-ils manifestés de la même manière 
pour une roue dentée, métallique, de 8 centimètres de diamètre, et dont 
les dents étaient espacées de 5" seulement, que pour le disque ordinaire du 
fantascope, imaginé par M. Plateau, et dont le diamètre et les ouvertures, 
pratiquées près de la circonférence, sont de plus grandes dimensions. 
Les couleurs se produisent également dans d’autres conditions, identiques 
à celles qui viennent d’être exposées : si, par exemple, on passe les doigts 
entr'ouverts près de l'écran, au moment où la trace incolore des rayons 
lumineux en rotation se peint sur l'écran; les ombres des doigts au milieu 
de cette trace se peignent avec des franges irisées, qui bordent leurs con- 
tours latéraux de la même manière que les saillies du disque, dans des 
conditions semblables. 

Dans l'exposé suivant des circonstances qui contribuent à produire ces 
phénomènes , nous nous exprimerons comme si les couleurs perçues se 
peignaient en réalité sur l'écran, tandis que les effets résultent de l’ordre 
et de la durée de superposition des impressions sur la rétine elle-même. 

Lorsque le disque est immobile, les ombres des saillies de la partie 
de la roue qui se trouve éclairée au passage des rayons émanés du prisme 
en rotation, sont de teinte complétement obscure, et les intervalles qui 
les séparent restent incolores, à cause de la superposition des impressions 
de tous les rayons du spectre en chacun des points de l'écran corres- 
pondant à ces intervalles. Mais, quand le disque tourne, tous les rayons 
ne pénètrent plus jusqu’à chacun de ces points; en effet, telle partie de 
l'écran où se projette l'ombre d’une saillie, dans une position donnée du 
disque, ne reçoit plus l'impression d’un rayon R qui se trouve intercepté 
par cette saillie; mais, par suite du double mouvement du disque et des 
rayons, cette même partie reçoit postérieurement l'impression d’un autre 
rayon R/ qui, en traversant l'intervalle succédant à la saillie, pénètre 
ainsi jusqu'à cette partie de l'écran où l'impression du rayon R manque 
par suite de son interception précédente. La partie de l'écran considérée, 


929 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


ne produira donc sur l'œil que la sensation du rayon R’ et nullement 
celle du premier R. C’est de la succession des effets résultant d’inter- 
ceptions semblables des différents rayons, en des lieux successifs de 
l'écran et, par conséquent, de la rétine, que provient l'apparition des 
couleurs sur les bords des ombres. 

L'examen des circonstances que ces interceptions des rayons présen- 
tent, nous conduit à faire les remarques suivantes : 

1° Quels que soient les sens relatifs des mouvements du disque et des 
rayons du spectre, chaque point de l’écran où la périphérie des ombres 
des saillies se projette, éprouve alternativement l’action de certains rayons 
traversant les intervalles, tandis qu'il ne reçoit pas les impressions des 
autres rayons, intermédiaires aux précédents, et qui se trouvent inter- 
ceptés par les saillies en regard de ce point, lors de leur passage. Comme 
la durée du passage de la longueur du spectre est moindre que la valeur 
maxima { (page à), attendu que l’image du spectre sur l'écran est inco- 
lore en dehors des lieux où passent les ombres des saillies, il est évident 
que les impressions des rayons qui pénètrent en un même lieu de l'écran, 
ont toutes une durée supérieure à celle du passage du spectre incolore ; 
leurs impressions se superposent donc sur la rétine, et produisent néces- 
sairement l'impression de la couleur complémentaire des rayons qui font 
défaut en ce point. 

2° La largeur des dents étant généralement moindre que celle de l’un 
des rayons du spectre au lieu de son interception, et la vitesse du disque 
n'étant pas la même que celle du faisceau de rayons, on conçoit aisément 
que les mêmes rayons ne se trouvent pas constamment interceptés, de 
sorte que, alternativement, chacun d’eux pénètre en totalité ou en partie 
jusqu’à l'écran à travers un intervalle, puis se trouve intercepté par la 
saillie qui limite ce dernier. D’après cela, les couleurs complémentaires 
doivent varier de nature, mais de manière que chacune reparaisse pé- 
riodiquement. 

5° Les traces de chaque partie d’un même rayon sur l'écran forment 
ainsi une suite discontinue. Les vitesses du disque et du faisceau de rayons 
restant dans le même rapport, ces lieux des impressions de la même 


SUR LA RÉTINE. 93 


partie de chaque rayon sont à une distance égale, dont la grandeur dépend 
du rapport des vitesses, de leurs directions relatives, de l’espacement 
des saillies, et enfin de la divergence des rayons dispersés par le prisme. 

: 4° Quand bien même les saillies égaleraient en largeur un des rayons 
au lieu de son interception, celui-ci ne pourrait rester complétement in- 
tercepté et ne laisser aucune trace sur l’écran que pour des vitesses égales 
du disque et des rayons en ce lieu, et encore ne serait-ce que pour une 
partie très-peu étendue de l'espace parcouru simultanément par une saillie 
et un rayon, de sorte que, pour tout autre rapport de ces vitesses, un 
point de l'écran qui ne recevrait aucune partie d'un rayon à l'instant de 
son interception totale, éprouvera nécessairement l'effet d’un filet plus 
ou moins large de ce même rayon, soit avant ou après cette interception 
complète. 

Mais on doit faire observer que l'impression de ce filet, pénétrant en 
avant ou en arrière de la saillie, ne peut jamais être exactement celle 
qu’eût produite la partie du même rayon qui a été interceptée, car ces par- 
ties dans un rayon varient d'intensité à cause de la dégradation des teintes 
du spectre. Ainsi, par exemple, si on suppose que la partie du rayon 
rouge la plus foncée soit interceptée par une saillie, l'autre partie du 
même rayon, le rouge pâle, en traversant l'intervalle en avant ou en ar- 
rière de la saillie, produira sur l'écran l'impression d’un rouge moins 
foncé que si la totalité du rayon rouge eût atteint ce lieu de écran. 
D’après cela, la teinte de la couleur complémentaire, résultant du mé- 
lange de cette impression avec celles d’autres rayons au même lieu, 
variera, sans être complétement modifiée par la partie du rayon rouge 
qui aura pénétré à ce point. 

Ces faits étant bien établis, examinons d’abord le cas où la rotation 
du disque et du spectre s’effectue dans le même sens, de gauche à droite, 
par exemple; supposons, en outre, que le spectre marche sur l'écran le 
rayon violet en avant, et avec une vitesse telle qu’il ne laisse qu’une trace 
incolore. Considérons un point de l’écran où chacun des rayons du spec- 
tre, moins le rouge , ait produit une impression dont la teinte, plus ou 
moins foncée, dépendra de la partie de chaque rayon qui aura atteint 


24 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


ce point. D'après ce qui a été établi à la page 22 (1°), ce lieu produira l’im- 
pression de Ja couleur complémentaire du rayon qui fait défaut pour la ré- 
production de la lumière blanche; dans l’absence du rayon rouge, ce sera 
évidemment une impression de vert, couleur complémentaire du rouge, qui 
sera perçue par l'œil au lieu de l’écran considéré. Cette impression per- 
sistera avec sa teinte primitive, tant qu’il ne pénétrera aucun autre rayon 
en ce lieu. Si, cependant, par suite de la différence des mouvements 
du spectre et du disque, une partie du rayon rouge atteignait ce même 
lieu de l'écran, le mélange de son impression avec celles des six autres 
rayons ne reproduirait pas la lumière blanche parfaite, à cause de l’in- 
terception de l’autre partie du rayon rouge; de sorte que, dans ce cas 
même , la sensation du vert persisterait, mais elle serait d’une teinte plus 
ou moins foncée, selon que, dans la nouvelle position, le rayon rouge 
se fût trouvé intercepté à son extrémité claire ou foncée. Get effet a réelle- 
ment lieu, sinon pour le point de l’écran où le rayon rouge était totale- 
ment intercepté, du moins pour un point situé à droite du premier. En 
effet, le faisceau des rayons avançant plus rapidement que les saillies, la 
partie claire du rouge devancera la saillie qui linterceptait précédemment ; 
elle atteindra l'écran en un point situé évidemment à droite, très-près du 
premier, et où, d’après ce qui a été exposé à la page 25 (4°), persistent des 
impressions des six autres rayons : le mélange de ces impressions avec 
celle du rouge clair produira la sensation d’un vert pâle, teinte complé- 
mentaire de la partie foncée du rouge qui se trouve encore interceptée. Au 
delà de ce point, la sensation deviendra d’un vert plus foncé, car la partie 
foncée du rayon rouge pénétrant alors en ce lieu, et la partie claire y 
faisant défaut à cause de son interception par une saillie à droite, l’im- 
pression sera celle de la couleur complémentaire du rouge clair, qui est 
le vert foncé ou bleuûtre. 

Cet examen des teintes perçues dans deux positions successives de la 
saillie, relativement au rayon rouge, nous montre que la teinte verte, 
perçue par l'œil, passera du vert pâle au vert foncé, dans le sens du mou- 
vement du spectre, c’est-à-dire de gauche à droite. C’est également la 
disposition que le spectre lui-même nous offre quand il est immobile : le 


SUR LA RÉTINE. 25 


vert passant du jaune au bleu, de gauche à droite, le rayon violet étant 
en avant. 

Des phénomènes analogues de perception des couleurs complémentaires 
se produisant pour les rayons du spectre autres que le rouge, on conçoit 
comment les ombres des saillies apparaissent irisées de plusieurs couleurs 
prismatiques, dont la disposition est la même que celles du prisme, quand 
les sens de rotation du disque et du faisceau de rayons sont les mêmes ; 
en réalité, l'œil ne perçoit que des sensations de couleurs complémentai- 
res, et nullement celles des couleurs mêmes du spectre en mouvement sur 
l'écran ; et il les perçoit comme si elles formaient, dans les intervalles des 
saillies, des spectres ayant en hauteur la profondeur des creux. Ces spectres 
complémentaires doivent présenter une partie des sept couleurs du spectre 
réel , d'autant plus grande que la rotation du disque est moins rapide, car 
la durée de l’interception d’un rayon par une même saillie est alors d’au- 
tant plus prolongée pour tous les rayons. 

Quand le disque tourne en sens contraire des rayons, il est aisé de con- 
cevoir que l’ordre des couleurs devient l'inverse; car aux points de per- 
ception du vert, par exemple, par défaut du rayon rouge, la partie fon- 
cée de celui-ci est interceptée par chaque saillie à gauche du lieu où l’a 
été la partie claire du même rayon; c’est l'inverse de l’ordre des mêmes 
interceptions, lors de la rotation du disque et des rayons dans le même 
sens; conséquemment, les teintes vertes, complémentaires des rayons rou- 
ges interceptés , doivent suivre le même changement de disposition, c’est- 
à-dire que la teinte verte prendra une teinte foncée de droite à gauche, 
ou en sens inverse de sa disposition dans le spectre immobile. Les autres 
couleurs perçues éprouvant le même renversement de disposition, celle 
de leur ensemble doit varier évidemment selon les sens relatifs des rota- 
tions du disque et des rayons. 

Expliquons la coloration des saillies du disque : quand celui-ci est 
immobile, les saillies sont perçues avec leur teinte naturelle, à chaque 
passage des rayons colorés, attendu que chacune se trouve inondée de la 
lumière blanche résultant de la superposition des impressions des sept 


couleurs au même lieu de la rétine, à cause de l’immobilité du disque. 
Tome XXIV. 4 


96. IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


Mais quand il tourne également, chaque saillie est sensiblement déplacée: 
entre les passages de deux rayons contigus différents du faisceau; de sorte 
que les impressions particulières de ceux-ci ne se produisant plus exacte- 
ment au même lieu de la rétine, et leur superposition n'étant que partielle, 
chacune est perçue distinctement et chaque dent semble être revêtue des 
sept couleurs disposées parallèlement à la longueur de chaque saillie. 
Quant à la disposition des couleurs, elle dépend évidemment de l’ordre 
dans lequel elles se succèdent sur chaque saillie ; or, celui-ci variant selon 
le sens des mouvements relatifs du disque et des rayons, nécessairement 
la disposition des couleurs doit se trouver intervertie par un changement 
du sens de la rotation de la roue. 

Enfin, nous citerons une dernière expérience qui permet de revoir les 
couleurs du spectre passant rapidement sur l'écran, dans les conditions 
ordinaires ; si, à chaque apparition, on regarde le spectre à travers les 
rainures du disque précédent, en mouvement de rotation rapide près de 
l'œil, on voit le spectre revêtu des couleurs prismatiques qui restent dis- 
posées dans l’ordre ordinaire, quel que soit le sens de la rotation du dis- 
que. Cette perception s’opérant dans les conditions du fantascope, nous ne 
nous arrêterons pas à son explication, qui est celle des phénomènes que 
présente cet ingénieux instrument. 


NOTE SUR LES EXPÉRIENCES EXPOSÉES PAGES 12 ET 15. 


— 


Depuis mes expériences sur la réapparition des couleurs par les dif- 
férents procédés cités pages 12 et 13, le journal l'Institut a publié une 
communication, que fit M. Stevelly, dans une des séances de l’Association 
britannique, en juillet et août 1850, et qui est relative à l'observation d’un 


SUR LA RÉTINE. 97 


phénomène de réapparition des impressions sur la rétine par le mouve- 
ment de la tête. Voici en quoi il consiste : M. Stevelly observait des sec- 
teurs colorés tournant rapidement et produisant ainsi l'apparence d’une 
teinte uniforme; lorsqu'il détourna subitement les yeux de côté par un 
mouvement de la tête, il aperçut distinctement les couleurs de chaque 
secteur. Ce phénomène est de même nature que ceux que j'avais observés 
de mon côté; c’est la réapparition des dents d’une roue de moulin, pro- 
voquée par le même mouvement accidentel de la tête, et dont l'observation 
remonte à plusieurs années, qui me fit essayer la même expérience pour 
les couleurs du spectre. Son explication me conduisit aux différents pro- 
cédés, cités pages 12 et 13, pour obtenir le déplacement des impressions 
sur la rétine. La communication du fait observé par M. Stevelly m'a en- 
gagé à publier actuellement l'observation et les expériences que j'avais 
faites de mon côté. 

Pour expliquer le phénomène qu'il avait observé, M. Stevelly rappelle 
d’abord la disposition et le croisement des deux nerfs optiques : chaque 
nerf s’épanouit sur la portion du globe de l'œil voisine du nez; tandis 
que l’autre partie de Ja rétine est formée par des nerfs partant de la por- 
tion du cerveau qui, pour chaque œil, est la plus voisine de celui au- 
quel ces nerfs se rendent. M. Stevelly conclut de cette disposition qu’un 
mouvement rapide de la tête a pour effet de rejeter l’image de son lieu 
ordinaire sur la partie de la rétine la plus voisine de l'œil, et d’affecter 
ainsi, du moins pour un moment, une portion nouvelle et intacte de la 
rétine. Cette explication, qui est développée plus amplement dans l’Ansti- 
tut, n° 885, ne me paraît pas admissible. Sans m’étendre ici sur les objec- 
tions qu’on pourrait lui opposer, je me bornerai à dire qu'il ressort des 
diverses expériences citées dans le présent travail : 1° qu’il n’est pas né- 
cessaire que l’image soit rejetée vers une partie quelconque de la rétine, 
comme l'exige l’explication de M. Stevelly; 2 que le plus petit dérange- 
ment du lieu de production des mêmes impressions sur la rétine, suffit 
pour que leur perception devienne distincte. 


28 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE 


NOTE SUR LE PRINCIPE EXPOSÉ PAGE 17. 


Depuis les expériences citées, j'ai pris connaissance d’une explication , 
donnée par M. Wheastone, du phénomène qui rend visibles les ramifica- 
tions des vaisseaux sanguins de la rétine, lorsqu'on emploie des moyens 
qui sont exposés dans la note neuvième du supplément du Traité de la 
lumière de J. Herschell, traduit par MM. Verhulst et Quetelet. D’après 
cette note, certains faits ont conduit M. Wheastone à admettre qu’un objet, 
plus ou moins brillant que le fond sur lequel il est placé, devient invisible quand 
il est continuellement présenté au même point de la rétine, et la rapidité de sa 
disparition est d'autant plus grande que la différence des intensités lumineuses entre 
l'objet et le fond est moindre; mais, en changeant continuellement la place de 
l’image de l’objet sur la rétine, ou en le faisant agir avec intermittence sur un 
mème point, l’objet peut être rendu visible d’une manière permanente. 

Il existe une corrélation entre la deuxième partie de ce principe où sont 
exposées les conditions dans lesquelles le point lumineux, d’abord invisi- 
ble, redevient perceptible, et la conclusion des faits que j'ai posée en ces 
termes : des impressions d’un même point lumineux qui, en se succédant au même 
lieu de la rétine, avec uniformité, restent invisibles, deviennent, au contraire , 
perceptibles , si leur succession éprouve, par intermittence, des inégalités rapides et 
de peu d'amplitude. La différence des deux principes consiste en ce que, 
d’après le premier, pour la perception de l’objet lumineux au même point 
de la rétine, les impressions doivent y cesser complétement et s'y repro- 
duire périodiquement; tandis que, d’après le second, la perception d’im- 
pressions continues au même lieu s'effectue quand elles éprouvent, par inter- 
mittence, des accélérations et des retards dans leur succession très-rapide. 
Évidemment, l’un des principes est une conséquence de l’autre , car s’il 
est vrai qu’il y a perception d’impressions dont la rapidité diminue et 
augmente de quantités très-petites, à plus forte raison, ces impressions 
doivent-elles être perçues quand elles éprouvent au même lieu des inter- 
ruptions totales , se réitérant par intermittence. 


SUR LA RÉTINE. 29 


Les principes exposés ne sont à proprement parler que l'expression des 
faits, ou plutôt l’énonciation d’une propriété de l'organe de la vue; mais 
quelle en est la cause même? Proviendrait-elle de ce que les impressions 
sont plus complètes et, par conséquent, perçues plus distinctement aux 
points où la vitesse de succession éprouve un ralentissement ; et qu’ainsi, 
par exemple, la tige élastique, soumise à un double système de vibrations, 
est perceptible dans chaque phase où la vitesse absolue de ses points est la 
moindre ? Si, dans certains cas, cette cause contribue à la perception des 
impressions , elle ne peut pas être la cause unique du phénomène; car il 
me paraîtrait impossible d'expliquer comment les dents d’une roue, en 
rotation rapide, deviennent perceptibles par le mouvement de la tête, 
quand celui-ci conspire avec celui de la rotation de la roue pour augmen- 
ter la vitesse de déplacement des images des dents sur la rétine. L’expé- 
rience est indépendante des sens relatifs de la rotation et des vibrations de 
la tête, comme nous l’avons dit. Il me paraît aussi que, si l’état plus ou 
moins complet des impressions, selon la durée de leur excitation en un 
même lieu, était la cause principale de la perception aux instants de varia- 
tion de vitesse, la perception des dents d’une roue dont la vitesse s’accé- 
lère insensiblement, ne devrait pas devenir confuse pour toutes les dents 
au même instant où la vitesse atteint une certaine limite, car il est évident 
que l'œil étant placé dans le plan de la roue prolongé, les dents projetées 
sur la rétine au milieu de la projection du diamètre de la roue, qui est 
perpendiculaire à la ligne de vision de l'axe de rotation, possèdent une vi- 
tesse de déplacement sur la rétine plus grande que celle des dents voisines 
des extrémités du diamètre projeté. Si donc l’état plus ou moins complet 
des impressions pouvait être la cause principale de la perception aux lieux 
où il y a variation de vitesse, les dents, perçues au milieu de la projection 
de la roue, devraient être les premières à disparaître par l’accélération 
successive de la vitesse de rotation : l'expérience indique que toutes les dents 
cessent d’être distinctes au même instant, quelle que soit leur position sur 
la projection de la demi-circonférence dentée. 

La cause du phénomène me paraît être celle-ci : quand plusieurs im- 
pressions absolument identiques sont excitées à tous les points d’une 


30 IMPRESSIONS DE LA LUMIÈRE SUR LA RÉTINE. 


étendue continue de la rétine, leur ensemble produit une sensation par- 
ticulière ; évidemment il n’y a pas de raison pour qu'aucune de ces im- 
pressions soit plus perceptible que les autres, puisqu'elle n’en diffère 
aucunement. Mais s’il n’en est pas ainsi, si plusieurs impressions se dis- 
tinguent des autres , soit en se succédant irrégulièrement et non unifor- 
mément comme celles-ci, soit par tout autre caractère, ces impressions 
se trouvent dans un état différent et produisent une sensation distincte de 
celles des premières, de sorte que l’organe de la vue, qui, parmi les 
organes de nos sens, jouit d’une sensibilité si exquise, accuse ces impres- 
sions particulières par la perception de l’objet aux lieux de leurs exci- 
tations. 


FIN. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES, 


PAR 


Le Baron P. DE RYCKHOLT RYCKHOLT, y ef 


LIEUTENANT-COLONEL D'ARTILLERIE, CHEVALIER DE L'ORDRE LÉOPOLD. 


17 PARTIE. 


AVEC DIX PLANCHES. 


N'y aurait-il pas aussi pour l'homme quelque gloire à 
savoir franchir les limites du temps et à retrouver, au 
moyen de quelques observations, l’histoire de ce monde 
et une succession d'événements qui ont précédé l’homme 
sur la terre ?.…. C’est encore par les fossiles que nous avons 
reconnu le peu que nous savons sur la nature des révo- 
lutions du globe. (Covisn.) 


Tour XXIV. 1 


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INTRODUCTION. 


La paléontologie, si intimement liée à la géologie que, sans son con- 
cours, l’on ne saurait préciser l’âge relatif des terrains, s’est enrichie, 
depuis quelques années, d’une somme d'observations telles que, sans 
craindre d’être taxé d’exagération, l’on peut avancer qu’elle est passée à 
l'état de science exacte; cependant, malgré les principes rigoureux qui la 
régissent, nous avons vu fréquemment, dans les derniers temps, des sa- 
vants de grand mérite, auxquels la science doit d’incontestables services, 
déroger à ces principes, au risque de la ramener à l’état d'enfance d’où 
elle sort à peine, après avoir eu à lutter, pendant des siècles, contre de 
nombreux préjugés. Des observations consciencieuses, faites sur une 
grande échelle, ont démontré, presque mathématiquement, que chaque 
étage renferme dans son sein une animalisation distincte de celle qui 
vécut, soit dans la couche sur laquelle il repose, soit dans celle qui 
lui est géologiquement superposée. Tout tend donc à prouver qu'à la 
suite de chacun des nombreux bouleversements, qui ont tant de fois 
changé la face de notre globe, la race animale entière a été détruite, soit 
que les mers aient changé de lit, soit que les conditions d’existence aient 
été modifiées par l’altération chimique ou physique des eaux. 


Pénétré de cette certitude, je me suis demandé d’où pouvait, dans 


4 INTRODUCTION. 


l’état actuel de nos connaissances, provenir la confusion qui règne encore 
dans la détermination des espèces et la persistance de certains géo-zoolo- 
gues à assimiler des êtres qui ont vécu sous deux époques géologiques 
consécutives, ou sous plusieurs époques très-éloignées. J’ai cherché, en 
réunissant le plus grand nombre possible de ces êtres privilégiés, à m'as- 
surer, par une comparaison sévère, si cette identité était fondée sur des 
données irrécusables. Il en est résulté pour moi la profonde conviction 
que cette identité n’existait jamais, dans la rigoureuse acception du mot; 
j'ai toujours reconnu que souvent des caractères très-tranchés et d’autres 
fois plus légers, mais constants, séparaient nettement les espèces préten- 
dues identiques. 

Parmi les causes nombreuses qui ont le plus particulièrement con- 
tribué à engendrer la perturbation que nous venons de signaler, en dehors 
des causes systématiques, nous avons reconnu les suivantes : Absorbés 
dans le travail du cabinet, les savants se sont souvent bornés à acquérir 
des fossiles, sans s’enquérir, au préalable, si les terrains dans lesquels 
ils avaient été recueillis n’avaient pas subi quelque remaniement; ainsi, 
pour n’en citer qu’un exemple, celui qui voudrait décrire les fossiles 
crétacés de Tournay, sans savoir que la craie repose sur le calcaire car- 
bonifère, s’exposerait à signaler comme telles des espèces éminemment 
carbonifères. L'on conçoit, en effet, que les coquilles déposées dans l'ar- 
gile laissée à sec, après que les mers carbonifères se furent retirées, 
aient dû se mêler à celles des couches inférieures du terrain turonien, 
lorsque les mers, à la suite des siècles, ont repris possession du même 
terrain et détrempé l'argile qui les empâtait. Nous avons déjà eu occasion 
de signaler le singulier mélange de fossiles carbonifères et dévoniens ren- 
contré, depuis deux ans, à Visé, et nous y reviendrons encore plus 
tard, en traitant brièvement de la géognosie de cette localité. Celui qui 


explore un dépôt fossilifère doit donc, avant tout, s'assurer si les 


INTRODUCTION. 5 


fossiles d’un terrain ne se sont pas mêlés à ceux de la couche inférieure 
du terrain superposant. Souvent aussi, n'appréciant les fossiles que 
d’après des figures incorrectes ou des descriptions inexactes et tron- 
quées, les savants ont assimilé des espèces dont ils ne pouvaient sufli- 
samment comparer entre eux les angles spiral, sutural et apicial, ni 
saisir les légères différences dans les ornements, dans la forme des tours 
spiraux, et surtout des lignes d’accroissement !, que l'expression, ni le 
burin ne sauraient toujours rendre et que l’on doit nécessairement ap- 
précier, quelque minimes qu’elles soient d’ailleurs, lorsqu'il s’agit de 
comparer entre eux des fossiles d’âges différents; parce que, dans ce cas, 
il importe moins de faire ressortir l’affinité plus ou moins grande qui 
peut exister entre les espèces, que les différences saisissables. Nous in- 
sistons d'autant plus sur ce principe fondamental, qu’il est générale- 
ment reconnu qu’il existe une certaine analogie entre les êtres compris 
dans la création de deux époques géologiques consécutives, dont cha- 
cune, tout en ayant sa faune distincte, conserve des réminiscences de la 
création antérieure et prépare, en quelque sorte, les types de celle qui 
doit lui succéder; au surplus, qui n’a pas été frappé de l’analogie typique 
qui existe entre les coquilles tertiaires et celles dont les animaux vivent 
dans les mers actuelles ? 

D’autres fois, n’ayant égard qu’à l’aspect minéralogique des couches, 
les auteurs n’ont pas rapporté à leur âge véritable les fossiles qui y étaient 
ensevelis; la Belgique, l'Allemagne, la France nous en fournissent de 
nombreux exemples, et il suffira de lire quelques-uns des mémoires qui 


1 Les lignes d'aceroissement fournissent souvent un excellent moyen de distinguer deux espèces, 
d'ailleurs fort voisines, mais appartenant à des terrains différents; nous ne citerons que les sui- 
vantes: Spirifer cheiropterix et Euomphalus serpula de MM. d’Archiac et de Verneuil, espèces 
éminemment dévoniennes qui ont été assimilées à tort à des coquilles carbonifères très-voisines 
par leur facies extérieur, mais fort distinctes par leur mode d'accroissement. Elles seront décrites 
par moi sous le nom de Pseudo-cheiropterix et Pseudo-serpula. 


6 INTRODUCTION. 


ont été écrits naguère sur la constitution géologique de ces pays, pour 
être frappé des erreurs qui ont été commises et qui souvent sont telles, 
qu'on serait tenté de croire que le hasard, plus que la réflexion, à pré- 
sidé à la détermination des terrains d’abord et ensuite des fossiles qui 
y sont disposés. 

Nous bornerons nos réflexions à ce peu de mots. Nous avons cru utile 
d'exposer nos vues en paléontologie et par suite les principes qui nous 
guideront dans le cours de cette publication, dont le but est de faire 
connaître le fruit d’actives recherches faites sur divers points du pays et 
qui m'ont mis en possession de bon nombre de fossiles rares et précieux, 
dont quelques-uns sont destinés à combler, dans la science, des lacunes 
qui ne peuvent exister dans la nature. 

Nous décrirons donc les fossiles de tous les terrains que nous croirons 
nouveaux pour la faune générale ou celle du pays, sans nous astreindre 
à l’ordre méthodique, nous réservant de terminer notre travail par les 
considérations géologiques et hydrographiques qui en découleront tout 
naturellement. 

Il nous reste encore quelques mots à dire sur l'emploi des désignations 
françaises que nous avons souvent adoptées pour préciser l’âge des ter: 
rains, afin d'éviter le reproche de gallomanie. 

Les étages crétacés moyens et supérieurs sont fort nombreux dans les 
provinces de Hainaut, de Liége et de Limbourg et y offrent, comme 
dans tous les pays, un aspect minéralogique très-varié qui rend les dé- 
nominations de craie blanche et de craie chloritée d’une application peu 
précise ; car les dépôts de ces âges sont représentés, en Belgique, par des 


roches blanches, jaunes, oranges, vertes, noires, ferrugineuses, etc., 


1 N'a-t-on pas décrit, en Belgique, comme calcaire grossier l'étage supérieur crétacé de Ciply et, 
plus encore, cité dans ce terrain une foule de fossiles tertiaires dont personne n’a jamais eu con- 
naissance, par la raison qu'ils ne pouvaient s'y trouver! 


INTRODUCTION. 7 


leur consistance varie autant que la couleur ; les bruyères de la Campine 
sont couvertes de cailloux erratiques qui appartiennent à ces étages par 
les fossiles qui y sont empâtés ; le lit de la Meuse et celui de bon nombre 
de ruisseaux, qui y versent leurs eaux, sont en grande partie formés de 
cailloux du même âge, ainsi que les amas que l’on exploite pour la 
construction de nos voies de communication; le silex pyromaque, si 
varié dans ses formes et dans sa coloration, les grès rouges, verdà- 
tres, les conglomérats du Hainaut, les marnes de toutes les nuances, les 
sables verts et noirs, font encore partie de ces mêmes étages : Voilà 
pour la logique. 

Un autre motif, qui n’est pas sans importance pour justifier cet em- 
prunt aux Français, résulte des considérations suivantes : Les frontières 
méridionales du pays sont politiques et non géologiques; aussi la plupart 
de nos dépôts s’étendent-ils au delà de ces frontières et bien souvent, 
pour les étudier à fond, nous serons obligé de les franchir ; d’un autre 
côté, quoiqu'il soit à peu près certain que le sol actuel de la Belgique 
n'a, à aucune époque, fait partie de ce que l’on est convenu d'appeler 
bassin parisien, il y a toutefois entre les deux pays de si nombreux 
points de contact, qu’il me paraît nécessaire de marcher d'accord avec 
les géologues français, si l’on veut arriver à des conclusions hydrogra- 
phiques de quelque portée. Une nomenclature commune aux deux pays 
et fondée sur la paléontologie me semble le moyen le plus propre à 
atteindre ce but. 

Il est à regretter que les savants paléontologues allemands qui, depuis 
quelques années, se sont occupés des terrains crétacés de leur pays, aient 
admis une nomenclature irrationnelle basée sur l’aspect et la consistance 
minéralogique des roches; il en est résulté que leurs travaux, si péni- 
bles d’ailleurs, n’ont que peu profité à la science et l'ont même souvent 


embrouillée. 


8 INTRODUCTION. 


\ 


Ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, à combien de déterminations 
vicieuses n’a pas donné lieu leur malencontreux Hilston ? les dépôts, 
connus sous ce nom, et rapportés en 1856, par M. F.-A. Roemer, à 
l'étage supérieur du terrain jurassique, deviennent, en 1841, pour le même 
auteur, le néocomien des Français, tandis que l'étude des fossiles semble 
démontrer à la dernière évidence, que les uns, en petit nombre, sont 
réellement néocomiens, et que les autres appartiennent à l’âge du turonien 
inférieur. 

Gand, le 20 septembre 1847. 


EXPLICATION 


DE QUELQUES ABRÉVIATIONS EMPLOYÉES AU BAS DES PLANCHES. 


P. 2, ou 2° étage paléozoïque, ou dévonien. 
P. 3, ou 3° étage paléozoïque, ou carbonifère. 
J. 1, ou 1" étage jurassique, ou sinémurien. 
C. 1, ou 1" étage crétacé, ou néocomien. 
C. 4, ou 4° étage crétacé, ou cénomanien. 
GC. 6, ou 6° étage crétacé, on sénonien. 
T. 1, ou 1" étage tertiaire, ou suessonien. 
T. 2, ou 2° étage tertiaire, ou parisien. 


APERÇU GÉOGNOSTIQUE 


DES 


ENVIRONS DE TOURNA Y. 


Dans l’angle formé par les chaussées qui se dirigent de Tournay vers 
Bruxelles et vers Valenciennes, et à partir de Bruyelles et d’Antoing, est 
comprise une étendue de terrain aussi remarquable par les produits va- 
riés que l’industrie retire de son sein, que par le grand nombre de fossiles 
dont il a enrichi la faune universelle; il serait difficile de rencontrer sur 
aucun point du globe une semblable accumulation de débris organisés 
d’une conservation aussi parfaite. L'aspect général du pays parcouru du 
sud au nord par l’Escaut canalisé est plutôt accidenté que montueux; les 
nombreux mamelons qui pointent à sa surface ont le sommet arrondi là 
où la terre végétale repose sur le calcaire carbonifère, c’est-à-dire là où la 
craie ne s’interpose pas entre les deux étages que nous venons de nom- 
mer ; ils sont moins fréquents, lorsque le contraire a lieu. 


Le grand nombre de carrières ouvertes depuis quelques années permet- 
Tome XXIV. 2 


10 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


tent d'étudier facilement la constitution intime du sol, qui ! se compose 
des étages suivants : 


Calcaire carbonifère alternant parfois avec de l'argile noirâtre. 

Phtanite ne se rencontre qu’accidentellement en couche unique fort mince. 

Minerai de fer. 

Grès verdätre, dont l’âge est incertain; néocomien ? 

Terrain turonien inférieur, représenté par des conglomérats plus ou moins ferrugineux. 

Marne grisâtre ou bleuâtre, de l’âge du terrain turonien supérieur. 

Argile noirâtre du même âge que la marne, ne renfermant que des térébratules et des 
échinodermes. 

Diluvium à ossements. 


CALCAIRE CARBONIFÈRE. 


Ce calcaire faït partie du dépôt du même àge, que l’on voit, à partir de 
là, traverser la Belgique de l’ouest à l’est jusqu’aux frontières de la Prusse 
et qui à son tour n’est qu'une minime partie de cette longue ceinture dont 
les ondulations paraissent envelopper le globe à la latitude approximative 
de 50° nord, en détachant quelques fils vers le nord et le midi. L'existence 
de ce calcaire est connue dans les États-Unis, en Irlande, en Angleterre, 
en Belgique, en Prusse, en Russie, sur le versant oriental des monts 
Ourals, en Tartarie et au Kamtchatka. C’est contre cette digue que sont 
principalement accumulées les luxuriantes forêts contemporaines qui, par 
leur décomposition, fournissent aux générations actuelles l’une de ses plus 
puissantes ressources ; il me paraît assez probable que la solution de con- 
tinuité, qui semble séparer ce terrain en Belgique de celui de Angleterre, 
est plus apparente que réelle ; car il plonge visiblement vers l’ouest et à 
une demi-lieue de Tournay, dans cette direction il a été retrouvé à une pro- 
fondeur de 25-30 pieds. Il ne serait pas impossible non plus que, détruit 
en grande partie par les mers subséquentes , sa place fût occupée par les 


‘ Les travaux d'extraction ont été poussés jusqu'aux dernières limites verticales dans une seule 
carrière, celle de M. le sénateur Dumont; on s’est arrêté à une espèce de grès grisâtre parfaitement 
azoïque; l'absence du terrain dévonien paraît d'autant plus extraordinaire, que l'on sait qu'au cou- 
chant de Mons, il est superposé par le charbon minéral; aussi y a-t-il lieu de supposer que le grès 
recouvre le calcaire dévonien. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 11 


sables des mers tertiaires, ou que, faiblement développé dans un vallon 
sous-marin , il fût à jamais caché par les sables dont nous venons de par- 
ler et dont la puissance verticale est bien connue dans les Flandres. Des 
recherches multipliées à la sonde agissant à une grande profondeur pour- 
raient peut-être jeter quelque lumière sur cette importante question. 

Nous admettons donc que le terrain carbonifère de Tournay se relie ou se 
reliait jadis plus ou moins complétement avec celui d'Angleterre. Les mêmes 
considérations nous portent à croire que le calcaire carbonifère d’Irlande 
et celui des États-Unis, quoique séparés par une grande étendue de mer, 
ne sont que des chaînons isolés de la même chaîne violemment rompue. 

Pour comprendre la continuité relative de cet étage, l'on ne doit pas 
perdre de vue que le charbon minéral, la terre-houille , le psammite, le 
phtanite, le schiste houiller, l’anthracite sont des dépôts qui datent de la 
même époque. 

Nous nous écarterions trop de la forme d’un simple aperçu, si nous 
insistions davantage sur des considérations qui seront malheureusement 
encore longtemps hypothétiques; notre opinion est basée sur une série 
d'observations et de raisonnements qui ne seraient peut-être pas goûtés par 
tous nos lecteurs. 

Sil y a eu, comme nous le pensons, dislocation ou destruction du cal- 
caire carbonifère à l'ouest de Tournay, ou plutôt dans une direction qui 
ondule de là vers le sud-est de l'Angleterre, on pourrait se demander à 
quelle époque il faut la rapporter; quoique cette question, à ma connais- 
sance du moins, n'ait pas été traitée, il ne me paraît pas impossible d’ar- 
river à sa solution, en examinant la constitution géologique du littoral de 
la France et de l'Angleterre, de chaque côté de la Manche. 

Get examen nous conduira à conclure que l'Angleterre, jusqu’à l’époque 
où parurent les mers tertiaires , faisait partie du continent actuel; que, 
pour se frayer le passage qui constitue actuellement le canal de la Manche, 
l'Océan a dû renverser et balayer devant lui le puissant obstacle que lui 
opposaient les roches siluriennes, dévoniennes , jurassiques et crétacées ; 
que le même courant à pu et dû détruire les roches carbonifères qu’il a 
rencontrées sur son chemin. 


12 __ MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


En s’attachant uniquement au bassin parisien, l’on voit que le néoco- 
mien existe dans le sud-est de l'Angleterre et dans plusieurs localités de la 
Haute-Marne; que le gault se montre à Folkstone (Angleterre), Wissant, 
S'-Pol (Pas-de-Calais), ensuite à Macheromenil, Sauce-aux-Bois, Novion (Ar- 
dennes) et Varennes (Meuse); que le terrain turonien s’observe dans le sud- 
est de l'Angleterre, au cap Blanc-Nez (Pas-de-Calais), au Havre, à Rouen 
(Seine-Inférieure), et ensuite de Tournay à Mont-Blainville (Meuse), presque 
sans interruption et sans avoir subi de remaniement perceptible. Les divers 
dépôts sont, à mon avis, autant de jalons restés debout pour nous tracer 
les limites du bassin tertiaire. La fureur de la mer, après avoir brisé la 
barrière qui s’opposait à ses envahissements, semble s’être répandue avec 
calme au delà de la ligne qui se dirige en ondulant de Rouen à Tournay, 
pour prendre possession de la Champagne et des environs de Paris, et oc- 
cuper les Flandres, le nord du Hainaut, le Brabant, Anvers, le Limbourg, 
la Hollande, enfin une partie de la Westphalie et du Hanovre; les cartes 
de Cassini et de Ferraris sous les yeux, l’on peut sans peine suivre les con- 
tours du bassin, voir les parties submergées et émergées et déterminer 
assez exactement les golfes et les caps qu’engendrèrent ces nouvelles mers. 
Car, au nord de la ligne qui joint Tournay à Maestricht, en passant par 
Nivelles, la craie est généralement inconnue. Quoi qu’il en soit, c’est de cette 
époque que date la distribution actuelle du nord de l’Europe et la confi- 
guration de la majeure partie du globe. C’est à cette époque de bouleverse- 
ment et de destruction que sont dus les blocs erratiques que l’on rencontre 
dans la province de Groningue, de Liége !, dans le Marck-Brandebourg 
et sur une multitude d’autres points du globe; c’est à cette catastrophe qu’il 
faut rapporter l’existence de ces cailloux siliceux arrachés aux montagnes 
crétacées, si répandus dans la Campine, qui obstruent les orgues géologi- 
ques de la montagne S'-Pierre et qui se sont accumulés dans les bas-fonds et 


1 Les traces d’un courant venant de l'ouest sont très-reconnaissables en plusieurs endroits, sur 
les flancs des montagnes qui bordent la rive gauche de la Meuse dans la province de Liége; on y 
découvre sans peine le lit creusé par des eaux tombant torrentiellement ; les pierres qui y ont été 
amenées sont étrangères au pays. Les blocs erratiques siluriens et crétacés qu’on rencontre dans le 
Marck-Brandebourg proviennent de la Suède, tandis que ceux qui remontent à l’époque dévonienne 
paraissent y avoir été entratnées de l'ouest. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 15 


contre les flancs des montagnes; c’est à son action qu'il faut faire remonter 
l'existence de nos grands fleuves ; quelques grands lacs salés peu nombreux, 
perdant et reprenant successivement à plusieurs reprises leur salure, 
semblent seuls avoir existé antérieurement à la craie et avoir donné nais- 
sance au weald-clay en Angleterre, dans le nord et le centre de l'Allemagne 
et sur quelques points de la France. 

La stratification des roches dont nous nous occupons est très-irrégulière : 
horizontale sur un point, elle incline faiblement tantôt vers l'est, tantôt 
vers l’ouest; parfois aussi les bancs se trouvent soulevés et dressés par 
l’action de quelque travail souterrain ou sous-marin ; nulle part le calcaire 
ne pointe à la surface: il est toujours recouvert au moins de quelques pieds 
de terre ; sa puissance de bas en haut ou dans le sens de la profondeur est 
de 45 mètres; il se compose d’une série de bancs d'épaisseur et de struc- 
ture très-variées, coupés jointivement dans le sens vertical et horizontal ; 
c'est dans les joints qui séparent les divers bancs, dans les brèches ou 
affouillements que l’on rencontre cette argile noirätre que l’on peut consi- 
dérer comme de véritables nids de fossiles. 

On y rencontre encore assez abondamment le minerai de fer reposant 
sur le dernier banc. En vertu des lois de la pesanteur, il s'est accumulé 
dans les nombreuses cavités et anfractuosités de la surface des roches, 
qu’il a remplies, en versant le trop plein dans les parties basses du sol que 
j'appellerai le bassin de l’Escaut. 

Le minerai est assez riche pour avoir donné lieu, à plusieurs époques, à 
des exploitations, qui ont été reprises naguère sur une grande échelle. 
Quoique la date précise du dépôt ferrugineux ne puisse être fixée, toujours 
est-il certain qu’il est postérieur aux mers carbonifères et antérieur aux 
mers turoniennes. La présence dans son sein de fossiles carbonifères ne 
saurait rien faire préjuger sur son âge; car il a simplement empâté les fos- 
siles qui se trouvaient à la surface du calcaire qu'il superpose. 

Les premiers bancs ont reçu des carriers des noms qu’il importe de 
connaître au géologue qui se propose de faire des recherches sur les lieux, 
quoique leur signification ne soit pas toujours bien claire. 

À partir de la surface, ils portent les noms ci-après : 


14 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


4° Charbonneuux ; contient de l’anthracite; sert à confectionner des 
pavés. 

2° De croûtes; est encroûté sur les deux faces à une épaisseur de 2 pouces; 
sert à faire la chaux. 

5° Des os ou ossiaux (dur comme des os); sert à la cuisson et à la taille, 

4° De deux pieds; sert à la taille. 

5° De grèbes (crèches); sert à la cuisson et à la taille. 

6° Nave banc (nain); sert à la cuisson. 

T° Banc d’or (de 1° qualité); sert à la cuisson , à la taille et à la confec- 
tion des pavés. 

8° De trois pieds; sert aux mêmes usages que le précédent. 

9° De quatre pieds; sert id. 

On rencontre dans cette localité les principales variétés de calcaire men- 
tionnées par les minéralogistes; une seule cependant me paraît d’autant 
plus digne de notre attention, qu’elle n’a peut-être pas encore été signalée 
jusqu’à ce jour !. 

Les cinq premiers bancs dénommés ci-dessus deviennent brusquement, 
tant dans le sens de la profondeur que dans celui de l’étendue, argilo-schis- 
teux, d'aspect psammitique, de couleur noirâtre, pour reprendre ensuite 
leur structure, leur couleur et la compacité ordinaires; ils se divisent en 
feuillets irréguliers, imprégnés d'humidité, d’une densité bien supérieure 
à celle du calcaire ordinaire, et contenant une grande quantité de dépouilles 
d'animaux mollusques aplaties ; ils portent le nom bien mérité de calcaire 
pourri. Quoique les causes de ce phénomène ne soient pas d’une apprécia- 
tion bien positive, il me semble qu’on peut le mettre sur le compte d'une 
infiltration ferrugineuse qui a empêché les particules calcaires de s’a- 
gréger. La couleur et la présence incontestable de molécules ferrugineuses 


1 Le passage ci-après, extrait d’un mémoire de M. Robert James Hay Cuningham, intitulé : On 
the geology of the lothians, s'applique peut-être à cette variété. 

The mountain limestone in thone quarters where it is in extensively worked, exhibiting several 
allernations of « compact rock, with one having a more or less perfect slaty structure, and contai- 
ning à larger quantity of argilaceous matter ; it is in the imperfect limestone that vegetable and 
animal remains are found in the greatest abondance, and in certain districts it is characterized 
by particular fossil bodies, etc. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 15 


semblent confirmer cette opinion; dans ce cas, il faudrait admettre que le 
minerai de fer se soit déposé avant que les bancs eussent atteint un cer- 
tain degré de dureté, c’est-à-dire peu de temps après la retraite des mers 
carbonifères. 

J'ai observé, entre Vaux et Antoing un banc d’environ deux mètres d’é- 
paisseur à cassure conchoïde, de couleur bleue avec une légère teinte de 
rose, paraissant uniquement formé de tiges et de cupules de crinoïdes. 
Dans la même carrière, j'ai reconnu un autre banc, de peu d’épaisseur, de 
grande dureté et s’exfoliant très-irrégulièrement; il est composé de la 
réunion de grands céphalopodes, tels que Nautilus, Orthoceras, Cyrthoceras, 
Aganides, et de quelques gastéropodes à l’état de moules fortement com- 
primés. 

Dans ses affleurements, le calcaire perd presque toujours de sa compa- 
cité et devient plus ou moins friable; quelquefois cependant, il se divise en 
plaques qui fournissent les plus beaux exemplaires de Fenestrella, de Rete- 
pora, de Pecten, d’Avicula et d’autres coquilles bivalves de médiocre épais- 
seur. 

Les produits de tous ces bancs sont impropres à la cuisson et à la taille ; 
leur exploitation entraîne-de grands frais : heureusement ils ne se montrent 
qu'exceptionnellement. 


Fossiles. 
Vertébrés. 


Les vertébrés sont représentés, dans le calcaire compacte et dans l'ar- 
gile qui lui est subordonnée, par des vertèbres, des arêtes, des dents et 
des excréments de poissons; des vertèbres caudales semblent avoir appar- 
tenu à de puissants nageurs. J’y ai recueilli, non-seulement la plupart des 
coprolithes figurés par M. Buckland !, mais encore d’autres beaucoup plus 
gros. 


! Onthe Discovery of coprolithes or fossil focces intheline at lyme-regis and in other formations, 
pl. 30, fig. 51-41. 


16 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Crustacés. 


Les dépouilles des animaux de cette division sont nombreuses et géné- 
ralement bien conservées; ce sont des Pygidium et des têtes de Phillipsia 
Portl., des Cyclus Dek., quelques Cyproïdes et deux Pollicipes. J'ai rencon- 
tré des pattes qui paraissent avoir appartenu à des Phillipsia, et une pince 
qui semble provenir de quelque pagurien !, dont le corps, faiblement 
crustacé, n’a pu résister à la fossilisation. 


Annélides. 


Cinq espèces des genres Serpula, Spirorbis, Ditrupa et Filigrana y ont laissé 
de nombreuses traces de leur existence. 


Radiaires. 


Trois espèces de Cidaris K1., une multitude de Dichocrinus Münst., des 
Platycrinus Mil., Poteriocrinus Mil., Cyathocrinus Mil., Actinocrinus Mil., Syn- 
batocrinus Phil., Pentremites Say, témoignent du prodigieux développement 
de cette classe d'animaux. Cinquante espèces appartenant à ces divers genres 
ont été abondamment rencontrées par moi. Les individus réunis en groupe 
sont fixés, soit par la cupule, soit par le tube oral, contre les faces des 
bancs. On les rencontre encore isolément dans l'argile. 


Mollusques. 


4. Céphalopodes. 


Les restes des animaux de cette famille sont aussi remarquables par 
leur abondance que par leur taille; nous citerons en première ligne le Nau- 
tilus ingens ?, Mart. Petrif., Derbiensia, pl. 41, fig. 5, dont le plus grand dia- 
mètre mesure 50 centimètres et le N. multicarinatus Sow., qui atteint des pro- 


‘M. Phillips Geol. of Yorck., pl. 22, fig. 21 et 22, a fait figurer une portion de bras de crustacé. 
? Conchyolithus N., Ammonites (Ingens). 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 17 


portions un peu inférieures à celles de ce dernier; les Belemnitidae y appa- 
raissent pour la première fois; de gigantesques Orthoceras, d’autres à co- 
quille filiforme, des Nautiloceras, Aploceras, Melia, Subclymenia , Cryptoceras 
et Aganides complètent la série. 


2. Ptéropodes. 


Les genres Conularia et Bellerophon sont les seuls dont j'aie rencontré des 
débris. 


3. Gastéropodes. 


Les genres Loxonema, Eulima, Nerinea, Acteonina, Natica, Naticodon , 
Euomphalus, Serpularia, Trochus, Turbo, Pleurotomaria, Porcelia, Polytremaria, 
Cirrhus, Murchissonia, Macrocheilus, Capulus, Metoptoma, Helcion, Chiton, Chi- 
tonellus et Dentalium y comptent de nombreux représentants; les genres 
Nerinea et Emarginula s'y montrent pour la première fois. 


4. Lamellibranches. 


Les genres Pholadomya, Panopæa, Solen, Solenella, Solemya, Dorsomya, Leda, 
Scaldia, Megalodon, Cypricardia, Conocardium, Lucina, Cardiomorpha, Nucula, 
Arca, Mytilus, Avicula, Pecten et Anomianella atteignent déjà une grande im- 
portance spécifique. 


5. Brachiopodes. 


Parmi les brachiopodes, le genre Orbiculoidea ÿ acquiert un développe- 
ment bien remarquable; les genres Lingula et Thecidea n’y comptent qu’un 
représentant, tandis que les Productus, Chonetes, Leptæna, Strophomena , 
Orthis, Atrypa, Spirifer, Spirigera et Terebratula y ont laissé de nombreuses 
dépouilles. 


Polypiers. 


Les polypiers flexibles et pierreux sont déja nombreux; les genres Cel- 
lepora, Retepora, Favosites, Alveolites, Mortiera, Harmodites, Caryophyllia, Cya- 
Toue XXIV. 3 


18 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


thophyllum , Columnaria, Amplexus, Michelinia, etc., sont représentés par de 
nombreuses et belles espèces ; aucune d’elles n’a vécu dans l’étage infé- 
rieur, ni survécu aux mers carbonifères. 


Amorphozoaires. 


Les spongiaires sont peu nombreux; je n’en connais que quelques 
espèces, remarquables par leur texture. 


Corps de classe incertaine. 


Une multitude de petits corps ovoïdes groupés autour d’un axe, sem- 
blent avoir appartenu à quelque sertulaire carbonifère; cela est néanmoins 
douteux. 

Observations. — Les insectes, les foraminifères et les infusoires n’ont pas 
laissé des traces bien positives de leur existence; les végétaux, si nombreux 
dans le schiste houiller et dans les dépôts psammitiques du même âge, 
n’ont pas, à ma connaissance, été observés à Tournay. 

Parmi les nombreux animaux qui ont vécu dans cette partie des mers 
carbonifères, les uns se montrent dès les premières couches, et parcou- 
rent toute la série de bancs; d’autres s’éteignent beaucoup plus tôt, ou 
n’y apparaissent que plus tard, soit pour s’anéantir de suite, soit pour 
atteindre la fin des mers carbonifères, époque à laquelle la faune entière 
disparaît à jamais du globe. 

Beaucoup de ces fossiles ont été décrits par MM. Sowerby, Phillips, 
Cumberland, Lister, Martin, Goldfuss, Fischer, de Verneuil, d’Archiac, 
De Koninck, Michelin, Austen, etc. Si les circonstances me le permettent, 
je ferai connaître ceux qui ne l'ont pas encore été : il en reste environ 200. 


Phtanite. 


Le phtanite, qui n’acquiert qu’un développement fort restreint, ne 
renferme que des Productus et des Orbiculoidea d’une conservation parfaite. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 19 


GRÈS VERDATRE OU NÉOCOMIEN? 


Ce grès superpose le calcaire carbonifère à Chercq, à Calonne et à 
Vaux, c’est-à-dire le long des deux rives de l’Escaut. Sur la rive droite, 
toutefois, le développement en est fort restreint; il ne se montre dans les 
carrières ouvertes le long de la route de Valenciennes que sur un seul 
point, et là il repose sur la marne de l’âge du turonien supérieur. Il suffit 
cependant d’un peu d'attention et d’un coup d’æil jeté sur la topographie 
des environs, pour acquérir la certitude que sa présence y est acciden- 
telle, qu’elle est le résultat d’un remaniement ou plutôt d’un nivellement 
opéré par les mers tertiaires, qui ont, pendant une longue période de siè- 
cles, submergé cette contrée, car il est complétement désagrégé : il est 
devenu un sable verdätre, mêlé de limon, dont l'identité d’âge et l’origine 
sont attestés par les fossiles qui ont été entraînés avec lui. 

Sa puissance verticale est de 2 mètres à 3",50 sur la rive gauche de 
l'Escaut; elle n’est que d’un demi-mètre sur l’autre rive; il s'étend, avec 
des interruptions plus ou moins prolongées, jusqu'aux frontières de France; 
il apparaît, en outre, en Belgique, dans le Borinage, à Angres, près Mon- 
tignies-sur-Roc, dans le Brabant et dans la province de Liége. Nous le 
retrouvons ensuite en Westphalie, près Quedlinbourg (Hanovre), à Kies- 
lingswalda (Silésie), en Scanie et en Bohême. 

En Belgique, ce dépôt a été qualifié de tufau, de glauconie crayeuse et 
sableuse, et même de terrain tertiaire; en Suède, en Saxe et en Bohême, 
de néocomien; à Quedlinbourg, de sénonien. Hâtons-nous toutefois de faire 
observer que cette dernière détermination d’âge, parfaitement juste pour les 
parties supérieures du dépôt crétacé de cette localité, n’a été établie 
qu'avec la réserve, que les parties inférieures pourraient bien constituer 
un étage plus ancien. En suivant attentivement ce qui a été écrit sur la géo- 
gnosie des environs de cette localité, on est tenté de croire qu'il s’y est 
passé un fait analogue à celui que nous venons de signaler à Tournay, 
c’est-à-dire que sur un ou plusieurs points, le grès superpose des étages 
moins anciens. 

Il suffit de lire le mémoire que M. Geinitz a consacré à la description 


20 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


des fossiles de Kieslingswalda, pour être convaincu que, dans cette loca- 
lité, outre le dépôt du même âge que celui dont nous nous occupons, on 
y rencontre encore le turonien. 

Les fossiles du grès de Tournay se présentent pourvus du test, à l’état 
de moule sableux, quartzeux , ou ayant subi une demi-silification ; souvent 
le nucléus seul ou les deux ou trois premiers tours spiraux des gastéro- 
podes à spire effilée sont changés en calcédoine. 

Par l’absence, presque complète, de céphalopodes, il devient difficile 
de préciser l’âge de ce terrain; nous allons, pour y parvenir, énumérer 
les fossiles que nous avons pu recueillir soit à Tournay, soit à Angres. 


Nautilus ? Moule pyriteux ayant le labre marginé. 
—  neocomiensis? d'Orbigny. 

Turritella granulata? Sow., cité par M. Reuss, dans le néocomien de Bohème; notre co- 
quille diffère de celle de Blackdown. 

Scalaria …....… ? Par ses ornements et son angle apicial, c'est le Dupiniana, mais il 
est ombiliqué. 

Re MANS oectes nt ICODTRE, 

Natica canaliculata Sow., du gault en France, du gault et du turonien en Angleterre, du 
néocomien et du gault en Bohême. Ces assimilations faites sur des 
moules sont plus que douteuses. 

Acteon albensis? d'Orb., du néocomien en France. 

Pleurotomaria gigantea Sow. des auteurs allemands, dans le néocomien d'Angleterre et 
d'Allemagne. 

Fusus nodosus Reuss., néocomien de Bohême. 

Trois autres fusus inconnus. 

Dentalium bicostale de Ryckh., est peut-être le moule de l’Ellipticum Sow., du gault d'An- 
gleterre et de France. 

Cardium ? Le moule en est décrit, en Saxe et en Bohême, sous le nom de Hillanum, 
dont il se rapproche par la forme; il en diffère par les stries trans- 
versales dont la surface entière est couverte. Ces stries sont granu- 
leuses et ne persistent, dans le moule, que sur la région anale; il a 
de grands rapports avec le semigranosum Sow. du London clay. 
Le moule figuré par Sowerby, sous le nom de Dissimile, pourrait 
bien être voisin du nôtre. 

Cardium ottonis Geinitz, Kieslingswalda. 

Venericardia tenuicosta Sow., apud Reuss., du gault anglais et français; du néocomien en 
Bohême. Notre moule est identique avec celui figuré par M. Reuss, 
mais est-ce bien le Tenuicosta? 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 1 


Cypricardia arcacea Roem., du néocomien , d’après Reuss, de Quedlinbourg, Roem. 
— tricarinata Roem., de Quedlinbourg. 
Cyprina rostrata Sow. Bien figuré par Geinitz; du néocomien, d'après M. d'Orbigny. 
Mytilus lineatus? Sow. Diffère du Lineatus d'Orb. Le dernier est le Myt. cottae Roem.; le 
premier est du néocomien d'Angleterre. 
Pinna tetragona Sow. non Brocchi; P. decussata Goldf., du néocomien anglais , français 
et allemand. 
Arca decussata Sow., du néocomien anglais? 
— undulata Reuss., du néocomien de Bohême. 
—  furcifera Munst. apud Reuss., du néocomien de Bohême. 
Nucula semilunaris Reuss., du néocomien de Bohême. 
— —  ? Ornée comme le Pectinata du gault, mais plus étroite. 
— —  ? Indéterminé. 
Panopaea plicata? Sow., du gault en Angleterre et en France; du néocomien en Bohéme. 
—  Erwaldi Reuss., du néocomien de Bohême. 
—  arcuata? d'Orb., du néocomien de France. 
— —  ? Voisine du recta d'Orb. 
Pholadomya Esmarkii Nils., du néocomien de Suède, de Saxe, de Bohême; se trouve 
encore à Quedlinbourg. 
Tellina strigata Goldf., de Quedlinbourg; du néocomien de Bohème. 
Venus plana Sow. apud Reuss., du néocomien de Bohême. 
— immersa Sow. apud Reuss., du néocomien de Bohême. 
—  Elliptica Roemer, de Quedlinbourg. 
Corbula carinata ? d'Orb., du néocomien français. 
—  elegans? d'Orb., du gault en France. 
Pecten indéterminé. Voisin de celui cité sous le nom de Orbicularis dans le néocomien 
d'Allemagne et de Bohême; mais les oreillettes sont striées. 
Miss ? Plus grand que le maxima Desh. 
Ostrea Leymeriü? d'Orb., du néocomien de France. 

—  canaliculata Sow. Espèce mal limitée; est citée dans tous les étages crétacés ; en 
Belgique, on la rencontre particulièrement dans le sénonien supé- 
rieur de Ciply et de Maestricht; par la taille, par tout le facies exté- 
rieur, il est impossible de confondre les exemplaires du sénonien , 
du turonien et du néocomien? du pays. 

Terebratula moutoniana d'Orb., du néocomien de France. 

Un Ananchytes indéterminé, un Serpula et deux polypiers flexibles , ainsi que quelques 
dents de poissons, complètent la faune dont les débris sont déposés 
dans le grès en question. 


Il résulte de cette énumération que, provisoirement et aussi longtemps 
que mes déterminations n'auront pas été invalidées, 1l faut assigner l'âge 


22 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


néocomien au grès verdâtre de Tournay et aux autres dépôts des pays qui 
possèdent la même faune. Il est possible qu’il y ait là, en outre, quelque 
lambeau de gault, mais je ne le pense pas. M. Fitton, en prétendant avoir 
reconnu le gault aux environs de Liége, a été probablement induit en er- 
reur par la couleur noirâtre de l’argilé que l’on y rencontre sur quelques 
points. 

La stratification de ce terrain est subordonnée à celle du calcaire car- 
bonifère ; elle est généralement horizontale et se montre en couche unique, 
ne formant qu'un banc, et avec une consistance et une coloration qui va- 
rient d’une carrière à l’autre. 

Parcourons-en quelques-unes, pour étudier plus à fond les variations 
si multipliées et surtout si brusques que ce terrain subit dans sa compo- 
sition intime et dans son aspect extérieur. 

Dans l’une d'elles, celle qui est la plus rapprochée de la campagne de 
M. le baron Lefèvre, il présente une masse sableuse d’un vert un peu bru- 
nâtre, avec de nombreux nodules et rognons. Les fossiles, s’il y en a, 
je le crois, sont méconnaissables. 

À quelques pas plus loin, on reconnaît, minéralogiquement parlant, la 
craie de Blackdown; comme elle, cette couche est pétrie de fossiles, mais 
ils sont à l’état de moule. Cette carrière n'étant plus exploitée, on est ré- 
duit, pour s’en procurer quelques-uns, à fouiller les rares restes de déblais 
répandus sur le sol; travail des plus ingrats, parce que les moules, moins 
dures que le grès, se brisent au coup du marteau. 

Le long de la rive gauche de l’Escaut, il apparaît ensuite, sous forme 
de roche grisätre, avec une consistance médiocre et un aspect sableux ; 
les fossiles y sont peu nombreux; mes recherches sont restées sans résul- 
tat. Feu E. Wicard y a rencontré un superbe nautile, qui doit se trouver 
dans la collection de Mons. 

Près de là, dans une autre carrière, il offre les petits points microsco- 
piques verdâtres qui lui ont valu le nom de grès ou de sable vert sous lequel 
il est connu aux environs; sa compacité, quoique supérieure à celle de la 
roche précédente, est encore médiocre. Exposé longtemps à l’air, il s’ex- 
folie, se décompose et prend extérieurement une légère teinte rubigineuse. 


MÉLANGES PALEONTOLOGIQUES. 25 


La pesanteur spécifique, par suite de sa porosité, en est peu considérable; 
les fossiles y sont assez souvent bien conservés. 

Non loin de cette carrière, on en observe une autre, où le même grès 
est doué d’une dureté désespérante; les fossiles, quoique pourvus de leur 
test, n’en sont généralement retirés qu’à l’état de moule; les grains ver- 
dâtres y deviennent plus gros et sont accompagnés de petits fragments de 
quartz noir, qui lui donnent un aspect oolitique. Bon nombre de ces grains 
vus à la loupe, deviennent des crustacés, des gastéropodes, des lamelli- 
branches et des foraminifères, offrant un riche butin à la micrographie. 

Si ensuite nous passons l’Escaut, nous retrouvons notre terrain à Vaux, 
mais considérablement modifié; sa pesanteur spécifique diminue par l’ab- 
sence de grains quartzeux, et sa coloration devient moins intense par le 
manque de grains verdàtres; les fossiles aussi y sont moins abondants. 

Cet exposé est peut-être trop peu détaillé pour résoudre une question 
si intéressante pour la géologie du pays; mais les circonstances ne m’ayant 
pas permis de revoir les lieux que j'ai quittés, il y a plusieurs années et 
à une époque où ce terrain me paraissait se rapporter au sénonien infé- 
rieur, je n’ai à ma disposition que des souvenirs et quelques notes peu 
détaillées, prises sans but bien déterminé; je me propose, aussitôt que mes 
occupations me le permettront, de faire exécuter sous mes yeux les fouilles 
nécessaires pour vider une bonne fois cette question. Si je reconnais alors 
qu'il y a lieu de modifier mon opinion, j'en ferai humblement l’aveu; car 
je ne cherche que la vérité. 


TERRAIN TURONIEN INFÉRIEUR ?. 


Nous repoussons, comme trop vague, le nom de tourtiw employé par 
les ouvriers du pays et adopté par M. d’Archiac, pour désigner le terrain 


! M. Geinitz, dans un ouvrage sur les terrains crétacés d'Allemagne, publié en 1849, n'admet 
l'existence du néocomien que sur quelques points du nord de cette contrée, et nullement en Saxe, en 
Bohême, etc. Le dépôt qui nous occupe ne peut dès lors être néocomien ; il correspond probablement à 
l'oberer Quadersandstein de ce géologue, qui forme, à Quedlinbourg et à Kieslingswalda, l'étage cré- 
tacé supérieur pour lequel le nom de Danien vient d’être introduit dans la science. (L'auteur, 1851.) 

? Est l'étage cénomanien de M. d'Orbigny. 


24 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


turonien inférieur de Tournay; nous donnons la préférence à celui de 
conglomérats turoniens, comme reproduisant, en même temps, la constitu- 
tion minéralogique et l’âge de ce dépôt. Cette dénomination a, en outre, 
l'avantage d’être employée en Angleterre et en Allemagne. 

Ce terrain qui, depuis quelques années, a attiré avec raison l'attention 
des géologues, repose sur le calcaire carbonifère ou sur le minerai de 
fer ; il se compose de grès quartzeux rougeâtre et de conglomérats, dont 
la teinte ferrugineuse diminue souvent de bas en haut et de l’extérieur à 
l'intérieur; ces conglomérats sont formés de fragments de calcaire, de 
minerai de fer et d’autres corps pierreux de forme et de couleur très- 
variées, cimentés par du carbonate de chaux. 

Entre ces poudingues, sont parfois intercalés de rares fragments de 
craie faiblement teinte de vert, comme certaines parties de la montagne 
St-Catherine près Rouen; ils n’enveloppent que des fossiles de cette 
localité; leur origine ne peut être contestée, et leur présence doit y être 
considérée comme accidentelle. 

Il est évident que la couleur ferrugineuse qui domine dans le dépôt 
lui vient du minerai de fer qu'il superpose et qui a été en quelque sorte 
lavé par les mers turoniennes, après une longue exposition au contact 
de l'air. 

Sa puissance verticale varie de deux centimètres à un mètre cinquante 
centimètres; dans les brèches, elle atteint une épaisseur de deux à trois 
mètres; sa puissance horizontale, au contraire, s'étend sur une grande 
partie du Hainaut et du département du Nord. Il faut cependant ajouter 
que son aspect minéralogique change fréquemment, c’est-à-dire qu'il 
perd et reprend successivement sa teinte rubigineuse; à Montignies-sur- 
Roc, il présente les mêmes conditions minéralogiques qu’à Tournay. 

Sur la rive gauche de l’'Escaut, il s'arrête à peu près aux portes de la 
ville, sans toutefois se montrer dans toutes les carrières; sur la rive 
droite, Vaux, village situé à trois quarts de lieue de Tournay, est le point 
le plus septentrional où il m'a été donné de l’observer; son développe- 
ment y est fort restreint, et il subit, dans son gisement, de brusques et 
continuelles interruptions; au sud de ce village, il n'apparaît pas dans les 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 25 


carrières; seulement des traces s’observent à Crèvecœur, près d’Antoing; 
on le signale encore dans les talus du canal de Pommerœul jusqu’à Blaton, 
où il est traversé par les bures construites pour l'exploitation du charbon. 
En parcourant les lieux, on est tout d’abord frappé des interruptions que 
subit ce dépôt, et lon se demande comment il se fait que , bien développé 
sur un point, il cesse de se montrer à cinquante pas de là; je suis d’avis 
qu'il n’a pu s'effectuer sur les parties inclinées des roches; car j'ai remar- 
qué qu’il ne se montre bien qu'avec l'horizontalisme des bancs calcaires. 
Cette hypothèse, conforme d’ailleurs aux lois de la pesanteur, acquiert, 
de l'observation, un haut degré de probabilité. 

Les recherches que j'ai faites m'ont donné la certitude que le terrain 
turonien se présente sur plusieurs points du globe sous les mêmes condi- 
tions minéralogiques et souvent géologiques !. 

Le grand nombre de gastéropodes que j'ai recueillis dans ce terrain, 
me donne la conviction que cette partie formait littoral à l'époque où elle 
était occupée par la mer turonienne; car ces animaux ne sauraient vivre 
à quelque distance des côtes ; les céphalopodes, au contraire, y sont peu 
nombreux et appartiennent exclusivement à des espèces de Rouen (Seine- 
Inférieure); il y a donc lieu de croire que ces habitants des hautes mers 
ont été chassés par les vents sur ces côtes si peu hospitalières. 


1 Saxe. Conglomerat Schicht, immédiatement inférieur à la marne; voyez Geinitz, Charact. der 
Schichten und Petref. ( Geognostisch Beschaffenheit des Tunnel Gebiryes bei Oberan.) 

Suère. Calx glareosaet dura; Calx arenosa et glareosa; voyez Nilson, Petref. Suecanae format. 
cret., et Hizinger, Lethæa Suecica. 

Hoxçene. Gros Kürnige Conglomerat ; il se rencontre près Tlumatschau, au Schalkenberg, et 
contient des fragments de gneiss et de granit; voyez Glôker, Uber der March Sandstein. 

Russie. Voyez Strangways, On the Geology of Russia. 

Suvane, Conglomérats et marne; voyez Strickland,, On the Geology of Neigbourhood of Smyrna. 

Ancuerenre, à Exerer, Conglomerat puddingstone et red Sandstone having an argilo-ferru- 
gineous ciment first succeded chalk and flint: voyez docteur Berger, On the physical structure of 
Devonshire and Cornwal ; il ajoute : this conglomerat is in nearly horizontal strata. 

A Wewwouru. frregular calcareous concretions ; voyez Buckland et de la Bèche. 

A Bave. Quartzous conglomerat superposé par la marne ; voyez Lonsdale, n the oolitic districts 
of Bade. 

Suo ve L'Ancuererre. New red conglomerat, compact nodules, cow-stones ; voyez de la Bêche, On 
the south coast of Ingeland. 

Toue XXIV. 4 


26 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Si, à cette époque, il y avait eu communication directe entre Rouen et 
Tournay, il est bien certain que les dépouilles de ces animaux y seraient 
plus abondantes ; car la distance qui sépare les deux localités est insigni- 
fiante; il n’en était donc pas ainsi, et les deux localités voisines à vol 
d'oiseau, étaient, hydrographiquement parlant, à une distance telle, que ces 
intrépides nageurs ne la franchissaient que bien rarement : cet obstacle 
était probablement un cap s'étendant fort au loin dans la mer vers le nord. 

De tous les dépôts turoniens connus, celui de Blackdown (Angleterre) 
a, par ses fossiles, le plus de rapports avec le terrain qui nous occupe ; 
aussi est-il à présumer que tous deux ont fait partie du même golfe. 

J'ai déjà dit ailleurs que, dans notre opinion, le territoire actuel de 
la Belgique, pendant cette époque, ne faisait pas partie du bassin pari- 
sien; voici les considérations sur lesquelles je fonde mon opinion : j'ai 
remarqué qu'un grand nombre de mollusques qui ont vécu simultanément 
à Blackdown, Tournay, Montignies-sur-Roc, Visé, Aïx-la-Chapelle, en Saxe 
et en Bohème, ne sont pas connus dans le terrain du même âge en France, 
quoique ces contrées et ces localités possèdent en commun , avec les divers 
bassins français, assez de fossiles pour attester la contemporanéité des 
divers dépôts dans lesquels ils sont ensevelis; cela est trop simple pour 
avoir besoin de développement. Je pense qu’il en a été de même à toutes 
les époques géologiques. 


Fossiles. 
1. Vertébrés. 


L'existence des animaux vertébrés dans ce terrain est encore problé- 
tique. Le séjour de la mer turonienne, dans laquelle il s’est déposé, 
paraît avoir été trop court pour permettre à un ordre d'animaux si com- 
pliqués de prendre naissance ; leur apparition paraît s’y préparer, car ils 
ont existé en nombre dans la même mer, mais suffisamment modifiée 
dans ses conditions physiques et chimiques pour devenir favorable à leur 
existence. La grande quantité de sels ferrugineux en dissolution ou en sus- 
pension dans les eaux a probablement contribué à retarder leur création. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 27 


2. Crustacés. 


Des céphalothorax et des pinces de Dromilithes pustulosus Reuss, quel- 
ques Cythere et une Balane, sont les seuls crustacés que j'aie rencontrés. 


Mollusques. 


1. Céphalopodes. 


Quelques Nautilus, les Ammonites varians, inflatus et Mantellii Sow., Ha- 
mites cylindraceus Def., Baculites baculoïdes Mant., Turrilites costatus Montf., 
Scaphites æqualis Sow., sont les seuls céphalopodes dont j'aie pu observer 
les dépouilles. 

2. Gastéropodes. 


Si les céphalopodes, aux habitudes vagabondes , n’ont pas rencontré sur 
ces côtes peu profondes les conditions essentielles à leur existence, en 
revanche, les gastéropodes, éminemment côtiers, ont atteint, pendant cette 
courte période, un développement prodigieux ; aussi la plupart des genres 
y sont-ils représentés par un grand nombre d'espèces ; quelques-uns appa- 
raissent pour la première fois sur le globe. 

Voici l’énumération des genres que j'ai recueillis : 

Turritella, Rissoa, Eulima, Chemnitzia, Nerinea, Pyramidella, Acteon, Rin- 
ginella, Avelana, Natica, Narica, Nerita, Neritopsis, Trochus, Rotella, Solarium , 
Delphinula, Turbo, Phasianella, Stomatia , Pleurotomaria , CyprϾa, Rostellaria , 
Pterocera, Strombus, Pterodonta, Voluta, Mitra, Fusus, Pyrula, Murex, 
Buccinum, Cerithium, Vermetus, Bembyx, Capulus, Emarginula, Helcion et 
Dentalium. 

Les genres Murex et Cyprœæa se montrent pour la première fois dans les 
terrains crétacés, et le genre Buccinum dans le turonien. 

Ces divers genres fournissent environ deux cents espèces. 


3. Lamellibranches. 


Quoique je n’aie étudié qu'incomplétement les nombreux exemplaires 


28 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


de ma collection, je puis cependant donner l’assurance que j'ai reconnu 
les genres suivants : 

Cardium , Isocardia, Opis, Astarte, Crassatella, Venericardia, Cyprina, Cor- 
bis, Lucina, Trigonia, Arca, Nucula, Limopsis, Mytilus, Lithodomus, Pholas , 
Mya, Panopæa, Pholadomya, Mactra, Lyonsia, Fistulana, Donacilla, Arcopagia , 
Tellina, Capsa, Venus, Thetis, Corbula, Avicula, Inoceramus, Pecten , Janira, 
Spondylus, Plicatula, Chama, Ostræa et Anomia. 

Tous déjà signalés dans le terrain turonien. 


4. Brachiopodes et Abrachiopodes. 


Les genres Lingula, Orbicula, Crania , Thecidea et Caprina sont, chacun , 
représentés par une espèce. Les genres Rynchonella , Terebratula, Terebratu- 
lina, Terebratella comptent un assez bon nombre d'espèces auxquelles se 
rattachent de nombreuses variétés. 


5. Radiaires. 


Les genres Spatangus, Catopygus, Pygurus, Galerites, Discoïdea, Codiopsis, 
Salenia, Pentacrinus, Ophiura, etc., m'ont fourni environ 25 espèces, dont 
quelques-unes fort rares et d’autres nouvelles pour la faune de cette époque. 


G. Annélides. 


Les genres Serpula, Spirorbis, Ditrupa et Filigrana ne eomptent que dix à 
douze espèces, dont quelques-unes deviennent assez grandes. 


7. Polypiers. 


Les polypiers, au nombre d'environ 50 à 60 espèces, appartiennent prin- 
cipalement aux genres Astræa, Meandrina, Agaricia, Eschara, Escharina , 
Cellepora, Discopora, Diastopora, Heteropora, Ceriopora, Pustulipora, Myrio- 
pora, Membranipora , Mamillopora, Alecto, Defrancia, etc. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 99 


8. Amorphozoaires. 


Les amorphozoaires ne sont pas très-nombreux; cependant tous les 
genres, créés par les auteurs avant que M. Michelin ne les eût réunis 
dans le genre Spongia, y sont représentés, ainsi que les genres Jeria. 
Ventriculites et Plocoscyphia. 


9. Foraminifères. 


Les grandes espèces sont peu communes; je ne connais même que des 
Frondicularia; il y a encore bien quelques espèces microscopiques, mais 
leur extrême petitesse m'a détourné de leur étude, qui ne peut se faire 
qu’à l’aide d’un instrument grossissant. 


10. Corps de classe incertaine. 


Des corps serpulaires, pourvus d’une enveloppe coriace, hérissée de 
courtes tubulures, semblent avoir appartenu à des animaux voisins des 
Holothuridæ où Cirratulidæ; ils atteignent une longueur de plus d’un pied 
et sont enroulés en anneaux lâches. 


11. Végétaux. 


Je n’ai rencontré que quelques cryptogames, qui ont laissé leur em- 
preinte sur le test de coquilles à surface lisse. Si l'on en excepte quelques 
localités de la province de Liége, le turonien du pays n’est pas riche en 
végétaux fossiles; je n'ai même recueilli qu’une espèce de Metrosideros et 
un Salix, auquel les huîtres de l’époque se fixaient. 

Observations. — Bon nombre de ces fossiles ont été décrits par M. le 
vicomte d'Archiac, chargé de faire connaître la collection léguée à la Société 
géologique de France, par M. Leveillé; ils ont été recueillis sur les lieux 
par cet amateur, qui a consacré à leur recherche plusieurs années de son 
existence; d’autres l'ont été par MM. Mantell, Sowerby père et fils, Gold- 


30 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


fuss, Pusch, Rôemer, Duncker, Geinitz, de Buch, d’Orbigny, Reuss, 
Muller, Nilsson, etc. ; il reste encore à publier environ 300 espèces nou- 
velles pour la faune belge et 150 pour la faune générale. 


TERRAIN TURONIEN SUPÉRIEUR. 


Les conglomérats ferrugineux passent à la marne par des conglomé- 
rats blancs; ces derniers sont fermés de petites calcédoines lenticulaires, 
ovoides ou d’autres formes, ayant les angles usés, cimentés par la marne 
durcie; cette marne est blanche, grisàtre ou faiblement bleuissante, sans 
mélange de corps étrangers autres que des fossiles organisés, se délaie 
dans l’eau et se durcit à l'air. 

Sa puissance verticale, dans l’état normal, n’est que de 2 à 5 pieds, 
c’est-à-dire lorsqu'elle repose sur des bancs carbonifères horizontaux ; elle 
est insignifiante ou nulle sur la surface inclinée des roches; mais alors 
elle s’accumule au pied de la pente, et y forme des dépôts de 20 à 
25 pieds de hauteur. 

On l'emploie à marner les terres et, conjointement avec la craie de 
Ciply, à la fabrication de la porcelaine; ses produits bleuissent par la 
cuisson, par suite de la présence d’une faible quantité d’oxyde de man- 
ganèse. 

Nous avons déjà dit que nous considérons ce dépôt et le précédent 
comme produits par la même mer, mais modifiés dans sa constitution chi- 
mique par la cessation de l’action ferrugineuse. 

Cette marne se montre en Belgique sur une multitude de points et 
avec une coloration variant du blanc au noir le plus intense, en passant 
par toutes les nuances intermédiaires; à Roucourt, à quelques lieues de 
Tournay, elle est bleuâtre comme à Dresde; 

Elle ne s’observe bien à Tournay, que sur la rive gauche de l’Escaut; 
elle existe cependant sur l'autre rive au N.-E. de la ville, où elle est 
ramenée à la surface par la charrue; à l’ouest, je l'ai encore observée à 
une demi-lieue de cette ville, à la suite d’un déblai nécessité pour la pose 
des fondations d’un puits; elle couvre ensuite la partie méridionale et 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 51 


occidentale du Hainaut et une bonne partie du département du Nord. 
Dans les conglomérats blancs, les fossiles sont souvent à l’état de moule 
crayeux ayant subi un commencement de silification ; dans la marne, 
on rencontre en outre des moules de calcédoine souvent intimement 
soudés à des corps pierreux, comme si ces derniers avaient été soumis à 
une espèce de fusion; quelques fossiles jouissent exceptionnellement du 
privilége d’avoir conservé le test; les grandes espèces de peignes et d’inocé- 
rames sont généralement mutilées au point d’être méconnaissables. C’est 
un fait bien remarquable que certaines espèces de térébratules fort peu so- 
lides aient conservé le test, tandis que d’autres fort grandes l’aient perdu. 

Beaucoup de ces fossiles sont cités par quelques paléontologues comme 
propres au sénonien inférieur; la plupart, cependant, caractérisent le 
turonien supérieur. Peu de ces fossiles, et peut-être aucun, ne se trouvent 
dans les conglomérats ferrugineux, si ce n’est au point de contact des 
deux couches. 


Fossiles. 


1. Vertébrés. 


Les vertébrés, qui, comme nous l'avons dit, ne se sont pas montrés 
dans le dépôt précédent, acquièrent dans celui-ci un développement spé- 
cifique assez important : en effet, dès le principe, nous y rencontrons les 
dépouilles de nombreux squales, sauriens et poissons; ce sont des dents 
de Acrodus, Ptycodus, Corax, Otodus, Oxyrrhyna, etc., des vertèbres d’Oxyr- 
ryna et d’autres, des épines de nageoires de Spinax, des arêtes et écailles 
de Beryx ; enfin, des excréments de Macropoma. Ces mêmes vertébrés parais- 
sent avoir vécu dans la mer du même âge qui couvrait la plus grande 
partie de la zone qui s'étend de l'Angleterre par la Belgique jusqu’en 
Westphalie, Saxe et Bohême. 


2. Crustacés. 


Je ne connais que quelques Cühere d’une petitesse excessive et quelques 
Pollicipes; ils sont déjà décrits et figurés. 


52 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Mollusques. 


Les céphalopodes que j'ai recueillis caractérisent tous, sans exception, 
le turonien supérieur : ce sont Belemnitella vera Mil., Nautilus dilatatus Sow. 
(jeune àge du Radiatus du même auteur), Ammonites Decheni? Roem., 
fragments de l’Ammonites rothomagensis, Baculites anceps Def., des osselets 
de sépiaires et des cloisons de hamites. 

Les gastéropodes sont peu nombreux et pour la plupart déjà connus; 
ils appartiennent aux genres Avellana, Acteon, Natica, Nerüopsis, Solarium , 
Turbo, Trochus, Rostellaria, Emarginula et Dentalium. 

Les lamellibranches se rapportent aux genres Cardium, Isocardia, Cyprina, 
Nucula, Arca, Fistulana, Venus, Inoceramus, Pecten, Janira, Spondylus et 
Ostræa. 

Les brachiopodes, aux genres Terebratula, Terebratulina et Rynchonella. 

Les abrachiopodes, au genre Hippurites. 

Les radiaires, aux genres Salenia, Galerites, Discoïdea, Ananchytes, Spa- 
tangus et Asterias. 

Les annélides, au genre Serpula. 

Les polypiers, au genre Turbinolia et à quelques autres. 

Les Foraminiféres aux genres Frondicularia, Textularia , Robulina, Gyro- 
dina, etc. 


DILUVIUM. 


J'y ai découvert des ossements de Mastodon giganteus, de Bos urus et des 
dents de Equus adamiticus. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 35 


CREPIDULIDÆ »'Ormieny. 


Genre CAPULUS Montfort. 
C. PareLLa vet. auct.; Pineopsis Lamk.; Hipponix Defr.; AcrocuLia Phil. 


Coquille formant un cône droit ou oblique, ayant le sommet droit, recourbé 
ou enroulé latéralement; bouche ovale ou circulaire souvent frangée, avec ou 
sans échancrure postérieure ; impression musculaire transverse, en fer à che- 
val ouvert du côté extérieur. 

Les animaux de ce genre font partie de la première création connue, et leurs 
débris ont traversé tous les âges géologiques, sans jamais acquérir une bien 
grande importance spécifique. Les mers carbonifères d’abord, puis les mers 
tertiaires, ont nourri le plus grand nombre d'espèces de ce genre, qui atteint. 
dans les mers actuelles, le maximum de développement. C’est dans le premier 
étage du terrain paléozoïque que les coquilles présentent les plus fortes pro- 
portions. 


No 1. Caruzus Dumoxrianus de Ryckholt, 1847. 
(PL I, fig. 4,2.) 


C. Testà ovali, valdè convex, transversim sulcatà, sulcis tenuibus, confertis ; 
apice excentrico, crasso, dextrorsüm recurvo; aperturà valdè dilatatä ; 
margine integro. 


Coquille elliptique , très-convexe, presque hémisphérique , couverte en tra- 
vers de fins sillons très-rapprochés et très-prononcés, qui engendrent sur le 
dos quelques côtes à surface plane; le sommet, recourbé et tombant à droite, 
est placé au quart postérieur ; bouche très-grande; péristome entier. 


Observations. — Le Capulus Dumontianus offre à la première vue quelque 
ressemblance avec le Metoptoma elliptica Phill., Ilustrat. of the geol. of 
Yorcks, pl. 14, fig. 9; mais il en diffère par sa convexité plus grande, par le 
manque d’aire triangulaire sous-apiciale, par son ouverture dilatée et ses bords 
entiers. Si, comme je le présume, le sommet de la coquille décrite par l'auteur 


Tour XXIV. 5 


54 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


anglais tombe à droite, elle devra faire partie du genre qui nous occupe, et 
l'espèce du pays qui lui a été assimilée en serait bien distincte. Voyez De 
Koninck, Description des animaux fossiles, pl. 13", fig. 5, a, b, c, d. L’en- 
roulement moindre, des ornements plus marqués , etc., ne permettent pas de 


le confondre avec le Capulus substriatus Münst., Beiträge, Heft 5, pl. 14. 
fig. 29. 


Explication des figures. — PI. I, fig. 4. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
2. Le même, vu en dessus. 


Localité. — J'ai découvert ce cabochon dans le calcaire dévonien de Visé. 


No 2. Caruzus rugirer Sowerby. 


(PL I, fig. 7, 8.) 


Piceoris rugirer. Sow. Conchyl. minéral. de la Grande-Bretagne, page 632, table 607, 
fig. 4, mala. 
—— Phill., Just. of the geol. of Yorcks, page 224, tab. 14, fig. 14, pessima. 


C. Testä obliquè conict, carinis tribus tubuliferis è apice radiantibus plicisque 
undulatis, transversis ornatd; apice dextrorsüm recurvo; apertur& sub- 
orbiculari; margine flexuoso. 


Coquille un peu globuleuse formant un cône oblique; sa surface est ornée 
en long de trois carènes, dont la dorsale est assez forte, tandis que les deux 
latérales sont faiblement exprimées; toutes sont munies d’épines qui, étant 
brisées , ressemblent à des tubulures ; de fins plis à triple courbure s'étendant 
d’un flanc à l’autre, complètent les ornements de cette belle et rare coquille ; 
sommet recourbé et un peu tourné à droite; bouche orbiculaire; bords dé- 
chiquetés. 


Observations. — M. Sowerby a le premier décrit cette coquille et même 
d’une manière satisfaisante; mais la figure qui accompagne la description 
est tout à fait indéchiffrable; plus tard, M. Phillips en donna une diagnose 
incomplète et une figure qui rappelle certains exemplaires de Productus, 
comprimés par la fossilisation; on ne saurait pas le confondre, comme l'a 
fait M. Goldfuss, avec son Capulus priscus, ce dernier étant véritablement 
enroulé; la disposition des épines n’est pas non plus la même. L'auteur alle- 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 55 


mand réunit à la sienne, à titre de variétés, plusieurs espèces que l’on con- 
sidère généralement comme bien distinctes; ce sont : 


Capulus suleatus. Hizing. Lethæa Suecica, 4° part., page M, pl. 12, fig. 12. Coquille 
enroulée, ornée de grosses côtes longitudinales séparées par un sillon 
et traversées par des lignes d’accroissement onduleuses; du terrain 
silurien de Gothland. 

Capulus vetustus Sow. 

—  neritoïdes Phill. ( Espèces carbonifères trop connues pour ne pas pouvoir me 
—  angustus Phill. dispenser de toute citation. 
— _ tubifer Sow. 


N'oublions pas que le Capulus priscus de cet auteur est dévonien et que les 
figures 1a, b, c, d de la planche 168 représentent encore au moins deux 
espèces. En résumé six ou sept espèces, dont une silurienne, deux dévo- 
niennes et quatre carbonifères, sont comprises sous la même dénomination 
spécifique de priscus; ce dernier est fort commun dans l'Eiffel; on le ren- 
contre moins fréquemment dans les dépôts du même âge des provinces de 
Hainaut et de Namur; il a encore été cité depuis peu de temps, mais à tort, 
croyons-nous, dans l’étage silurien de Bohème. 


Explication des figures. — PI]. 1, fig. 7. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
8. Le même, vu sur le dos. 


Localité. — Ce Capulus a été recueilli par moi dans le terrain carbonifère 
de Tournay; on le rencontre encore dans le terrain du même âge à Preston 
Sow., et à Bolland Phil. (Angleterre). 


No 3. Capuzus aproceras de Ryckholt, 1847. 
(PL I, fig. 3, 4.) 


C. Westä subhemisphærict , dorso rotundato, lateribus declivis, striis tenuibus 
radiantibus, interdüm interruptis et plicis undulatis, transversis decussatà ; 
vertice crassissimo, dextrorsüm spirali; aperturà subquadrangulari ; labro 
sinuo0s0. 


Coquille un peu globuleuse, ayant le dos arrondi et limité par deux faibles 
carènes déterminées par l’inelinaison des flancs vers le sommet ; spire formée 
d’un tour et demi, dont le dernier comprend un peu plus de la moitié de la 


56 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


longueur entière; sa surface est ornée de fines stries, un peu irrégulieres , 
parfois interrompues, découpées en travers par des-ælis onduleux inégale- 
ment prononcés; sommet d’une épaisseur remarquable t légèrement incliné 
à droite; bouche incomplétement quadrangulaire; bords sinueux. 


Observations. — La grande épaisseur du sommet, la finesse des stries lon- 
gitudinales constituent des caractères qui ne permettent pas de confondre le 
Capulus adroceras avec les C. neritoïdes et striatus Phill., qui sont les deux 
espèces dont il se rapproche le plus. 


Explication des fiqures. — PI. T, fig. 5. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
* Le même, vu sur le dos. 


Localité. — J'ai découvert ce cabochon à Vaux, près Tournay, dans une 
couche carbonifère éminemment encrinitique ; elle y est, en outre, accom- 
pagnée de dents de Helodus levis Agaz. 


No 4. Cxruzus recrus de Ryckholt, 1847. 


(PE 1, fig. 5, 6.) 


C. Testà erectä, conicé, juniore tumulosä; adultà vel multilobatä et plicis 
transversis, undulatis, ornatà, vel lœævigaté et inornatd ; apice recto, mu- 
cronalo ; aperturd sub orbiculari; margine fimbriato vel subintegro. 


Coquille formant un cône droit ou faiblement oblique; sommet non 
recourbé et terminé en pointe; surface généralement bossuée, pendant la 
première période de la vie de Fanimal; dans l’âge adulte, la coquille est, ou 
multilobée, et alors couverte de plis ondoyants, qui en embrassent tout le 
pourtour et donnent naissance, sur quelques lobes, à des imbrications plus 
ou moins prononcées, ou non lobée, alors la surface ne renseigne que quel- 
ques lignes d’accroissement à peine visibles à l'œil nu; bouche presque cireu- 
laire; bords frangés ou entiers. 


Observations. — Lorsqu'on a sous les yeux les formes extrêmes du Capulus 
rectus, lon serait tenté d’en faire des espèces distinctes, surtout si l'on n'a 
pas été mis à même d'étudier un grand nombre d'espèces de ce genre. Déjà 
M. De Koninck a fait raison des nombreuses espèces créées aux dépens du 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 57 


Capulus vetustus Sow. et qui ne différent de l'espèce type que par le nombre 
de lobes péristomatiques. 

On sait que les animaux de ce genre sont libres dans le jeune àge, mais 
qu'en se fixant plus tard, ils ne peuvent quitter leur place; l'on conçoit dès 
lors que les conditions d'existence, telles qu'une surface lisse, ou raboteuse , 
le voisinage d’autres mollusques ou polypiers, doivent exercer une grande 
influence sur la forme de la coquille que l'animal est obligé de modifier 
d’après les accidents au milieu desquels il vit. 

Le sommet droit et mucroné, le renflement sous-apicial, feront toujours 
distinguer cette espèce de ses congénères de la même époque. 


Explication des figures. — PI. 1, fig. 5. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
6. Le même, vu sur le dos. 


Localité. — J'ai recueilli le cabochon droit, dans le calcaire carbonifère de 
Tournay et de Visé, 


No 5. Capuzus EvompnaLoïnes de Ryckholt, 1847. 


(PL 1, fig. 9, 10). 


C. Testà planorbiformi, dorso rotundato, anfractibus 3, ultimo propè su- 
turam angulato et anticè paululim dilatato, plicis undulatis transversim 
obtectà ; aperturà lobulatä, polygonali. 


Coquille orbiculaire, enroulée à peu près dans le même plan, ayant le 
dos arrondi; spire composée de trois tours, dont le dernier est anguleux près 
la suture et va en s’élargissant un peu pour former la bouche; sa surface est 
couverte de plis et de lignes d’accroissement onduleux ; bouche déchiquetée 


et polygonale. 


Observations. — Le Capulus euomphaloïdes relie le Capulus neritoïdes Phil. 
loco memorat., fig. 14, pl. 12 a, b, au C. angustatus du même auteur, même 


planche, fig. 20. 


Ilest probable que des découvertes ultérieures permettront un jour de 
réunir les trois espèces ; en ce moment, cela est encore impossible. 


38 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Explication des fiqures. — PI. I, fig. 9. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
10. Le même, vu sur le dos, un peu obliquement du côté de 
l’enroulement. 


Localité.—J'ai recueilli cette coquille dans l'argile carbonifère de Tournay : 
elle y est peu commune. 


Ne 6. Capuzus corpurarus de Ryckholt, 1850. 
(PL I, fig. M, 12.) 


C. Testà solidä, arcuatim conicà, ventricosé longitrorsüm plicatà, plicis cras- 
sis medio exorientibus ; apice brevi, mucronato, inflexo ; aperturd subor- 
biculari, fimbriatd. 


Coquille épaisse, arquée, formant un cône à base suborbiculaire et large, 
se terminant en pointe faiblement recourbée; sa surface, à partir du milieu 
de la longueur, renseigne de gros plis irréguliers qui se continuent jusqu’au 
péristome; ce dernier paraît ainsi grossièrement frangé ; on observe, en outre, 
quelques lignes d’accroissement, qui suivent exactement les accidents des 
plis longitudinaux. 


Observations. — Le grand développement du péristome, comparé à la 
hauteur de cette coquille, lui donne un aspect trapu; ce caractère joint à 
la petitesse du sommet, qui est, en outre, recourbé, le rend fort remarquable 
et permettra toujours de le reconnaitre. 


Explication des figures. — PI. I, fig. 11. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
12. Le même, au trait, vu sur le dos. 


Localité. — Jusqu'à ce jour, je n’ai rencontré le Capulus corpuratus que 
dans l’argile carbonifère de Tournay. 


No 7. Caruzus ziruus ‘ de Ryckholt, 1847. 
(PL I, fig. 15.) 


C. Testé crassä, ovato-erectà , dorso convexiusculo, lateribus planulatis, plicis 
irregularibus, transversis oblectà ; vertice spiraliter convoluto ; anfractibus 3, 
ultimo maximo; aperturd transversim angustiore, posticè emarginatä. 


1 Lisez elongatus ; les deux espèces sont cénomaniennes, 1851. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 59 


Coquille épaisse, droite, ayant le dos faiblement arrondi et les flancs 
aplatis; spire un peu enroulée à droite et composée de trois tours, dont le 
dernier forme, à lui seul, presque toute la coquille; sa surface est couverte 
en travers de plis grossiers, disposés très-irrégulièrement; bouche plus longue 
que large, munie postérieurement d’une faible échancrure semi-lunaire. 


Observations. — Je ne puis me dissimuler qu'il n'existe au premier aperçu 
une certaine analogie dans les facies de cette coquille et celui du Pileopsis 
elongatus Goldf., Petref. Germ., div. 5*, pag. 12, pl. 168, fig. 12, du néoco- 
mien de la Westphalie; je crois cependant devoir la distinguer spécifique- 
ment, parce que cet auteur ne mentionne pas la compression des flancs, qui 
constitue l’un des caractères saillants de l'espèce; en outre, les angles spiraux 
sont bien différents, et les tours de l'espèce allemande sont plus forts. 


Explication des figures. — PI. 1, fig. 13. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 


Localité. — Jai découvert le C. lituus dans les conglomérats ferrugineux 
de l’âge du terrain turonien inférieur et moyen, à Tournay. 


No 8. Caruzus FLexicosraTus de Ryckholt, 1850 ". 
(PL I, fig: 14,45.) 


C. Testà ovali, oblongä, crassiusculä, conicä, anticè convexä, posticè propè 
apicem excavatà, longitudinaliter costulatà, costulis planis, sulcis in- 
æqualibus divisis et pliculis quibusdam. remotis decussatä; apice acuto, 
reflexo ; aperturd suborbiculari. 

' 

Coquille. ovale, oblongue, médiocrement épaisse, conique, convexe en 
avant, évidée en arrière sous le sommet; sa surface est couverte de côtes 
onduleuses, aplaties, parfois bifurquées, séparées par des sillons inégaux et 
rayonnants du sommet; on remarque, en outre, quelques rares lignes d’ac- 
croissement peu marquées et très-espacées; sommet recourbé et terminé en 
pointe ; bouche presque orbiculaire. 


Observations. — Ce n’est que dans la faune tertiaire ou actuelle, que l'on 
pourrait rencontrer un cabochon ayant quelque analogie avec celui qui nous 


! Spec. clubia. 


40 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


occupe; encore ces rapports seraient-ils si éloignés, que nous croyons pou- 
voir nous dispenser d'y avoir recours; toute confusion nous parait d’ailleurs 
impossible. 


Explication des fiqures. — PI. I, fig. 14. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
45. Le même, au trait, vu sur le dos. 


Localité. — Jai recueilli ce cabochon dans la même localité et dans le 
même terrain que le précédent. 


No 9. Caruzus ryNcnoines de Ryckholt, 1847. 
(PI, I, fig. 1648.) 


C. Testä obliquè conicä, valdè arcuatä; nucleo, plicis raris, notato; apice 
brevi dextrorsum incumbente; aperturd ovali. 


Coquille formant un cône très-arqué, replié parfois en quart de cercle; la 
surface du moule accuse quelques plis transversaux ; spire formée d’un tour 
et demi; sommet recourbé à droite; bouche presque elliptique, plus longue 
que large. 


Observations. — Jusqu'à ce jour, je n'ai rencontré le C. rynchoïdes qu'à 
l'état de moule; ce dernier se sépare du test lorsqu'on veut le retirer de sa 
gangue, qui est extrêmement poreuse; le Fissurella? Bucchii Gein., Char. 
der Schicht, etc., tab. 16, fig. 5 ab, parait toujours moins recourbé et plus 
renflé que notre coquille, dont la courbure est fort inconstante, mais tou- 
jours très-forte. 


Explication des fiqures. — PI. TI, fig. 16. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil, 
47. Le même, vu sur le dos. 
18. Le même, vu sur le côté postérieur, 


Localité. — Dans la partie supérieure et peu compacte du terrain séno- 
nien supérieur de Ciply. 


Observations. — Avant mes recherches, deux espèces de ce genre ont été 
signalées dans les divers étages crétacés d'Europe : les Capulus elongatus et 
arquatus Goldf.; le premier du néocomien allemand, le second du même étage 
en Suisse; MM. d’Orbigny en France, Roemer dans le nord de l'Allemagne, 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 4 


Geinitz en Saxe, Reuss en Bohême, Pusch en Pologne, Nilson en Suède, 
Sowerby père et fils, Mantell en Angleterre, ne paraissent pas l'avoir ren- 
contré dans le terrain de cet âge de leur pays; il en résulte que ce genre, 
dont la présence n’a été constatée que dans l'étage le plus inférieur de la 
craie, se trouve en Belgique dans les terrains turonien et sénonien. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Capulus Euomphaloïdes de Ryck. 
—  Corpuratus de Ryck. 


Dbévoniennes. 


Capulus Dumontianus de Ryck. 
Turoniennes. 
Carbonifères. Caputus Lituus de Ryck. 


—  Flexicostatus de Ryck. 
Capulus Tubifer Sow. 


—  Adroceras de Ryck. Sénoniennes. 
—  Rectus de Ryck. Capulus Rhynchoïdes de Ryck. 


Gexre INFUNDIBULUM Montfort. 


Coquille conique, spirale, dont l’intérieur est pourvu d’une lame sur le 
côté, s’enroulant en spirale, d’Orbigny. 


Observations. — Les animaux de ce genre, d’après les connaissances ac- 
quises, se sont montrés pour la première fois dans les mers turoniennes , où 
l’on en connait une espèce décrite, sous le nom spécifique de cretaceum, par 
M. d'Orbigny. Déjà nombreux dans les mers tertiaires, ils se sont encore spé- 
cifiquement multipliés dans celles de nos jours. 


No 10. IxrunnmuLum cipzyanun de Ryckholt, 1847. 


Nous avons recueilli dans le sénonien supérieur de Ciply un moule crayeux 
qui appartient indubitablement à ce genre; comme il est assez défectueux , 
nous nous abstenons de le faire figurer, dans l'espoir que nous serons assez 
heureux pour en rencontrer un jour un exemplaire plus parfait. Voici, en 
attendant, les principaux caractères qui le distinguent de l'espèce précitée, 
figurée pl. 254, fig. 1-5 de la Paléontologie francaise. Les tours spiraux sont 


Tome XXIV. 6 


42 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


fortement déprimés ; la surface est ornée en long de stries onduleuses, parfois 
rameuses ; le sommet est moins régulier, comme s'il avait été rongé pendant 
la vie de l’animal, ou que celui-ci eût rencontré quelque obstacle dans son 
développement dès le début de la vie. L'on conçoit que, ne-possédant qu’un 
exemplaire, il se pourrait que ce caractère, qui se montre du reste parfois 
sur les coquilles de notre époque, ne füt qu’accidentel. 


FISSURELLIDÆ DORrBiGnry. 


Genre EMARGINULA Lamarck. 


ParTezzæ spec. Linn. 


Coquille scutiforme, conique, à sommet excentrique et souvent incliné, à 
cavité simple, pourvue en avant d’une forte échancrure ou d’une fente plus 
ou moins allongée. D'Orbigny. 


Observations. — L'apparition sur le globe des animaux de ce genre date 
des mers carbonifères; depuis cette époque, ils n’ont cessé d'exister, sans tou- 
tefois atteindre un développement spécifique bien important; les mers ac- 
tuelles en comptent le plus grand nombre d’espèces. 

La plus ancienne de celles connues a été assimilée à tort, par M. le comte 
de Münster, à l’espèce corallienne , dédiée, par M. Roëmer, au savant profes- 
seur Goldfuss de l’université de Bonn ; elle provient des couches de S'-Cassian 
dans le Tyrol, dont l’âge a été rapporté, à tort ce nous semble, au muschel- 
kalk ou 5me étage paléozoïque. 

Voici quelques considérations que nous croyons devoir invoquer à l'appui 
de notre opinion. 

La Providence n’a pas procédé à la création par sauts et par bonds; sa 
marche est régulière; si nous trouvons parfois des lacunes, si la création 
parait éprouver des interruptions par l'extinction présumée de quelque genre, 
ou plutôt, si son action parait momentanément suspendue pour renaître à 
une ou plusieurs époques subséquentes, cette mort, cette résurrection ne 
sont qu'apparentes; accusons-en le peu d’étendue de nos recherches, ces 
lacunes n'existent pas dans la nature. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 43 


-Je n'exprime peut-être pas bien mon idée, mais elle sera comprise ; car 
il existe bien peu de paléontologues qui, par leurs recherches , n'aient comblé 
quelque lacune et ressoudé ainsi quelque chainon de la grande chaîne zoolo- 
gique qui paraissait rompue. 

Je conclus donc que, tant que certains genres bien connus dans le 3e 
étage, et en même temps dans le dépôt de St-Cassian, n'auront pas été obser- 
vés dans le 5we, nous devons classer ce dépôt dans le 4me étage. 

En effet les genres Orthoceras, Cyrtoceras, Porcelia ‘ Murchissonia, Pro- 
ductus, etc., signalés à St-Cassian, sont éminemment carbonifères et ne se 
montrent plus dans le müschlkalk ou Dme étage. 

On ne saurait non plus prétendre avec quelque fondement que le dépôt 
qui nous occupe corresponde au 3% étage ; car il sera facile de comparer, 
comme je l'ai fait, les quelques fossiles tyroliens décrits comme espèces car- 
bonifères de Belgique, et l’on constatera, non-seulement que les assimila- 
tions sont fausses, mais encore que les fossiles assimilés n’appartiennent pas 
tous au genre auquel ils ont été rapportés ; d’ailleurs si ce dépôt conserve 
des types carbonifères, il en exhibe d’autres qui lui sont propres, qui y ap- 
paraissent pour la première fois, et se continuent ensuite dans les étages sub- 
séquents. 


No 41. Emarcinuza carsonireRa de Ryckholt, 1847. 


(PL. 1, fig. 19, 20.) 
E. Testà paraboloïdeä, canali longitudinali, è apice ad marginem anticum 
latescente instructà, striisque tenuibus, confertis concentricè obtectà ; apice 
, mucronato, subcentrali; apertur& orbiculari; fissurd arcuatä. 


Coquille formant un paraboloïde presque droit, marquée d'une dépression 
en forme de canal qui se dirige en s’élargissant du sommet vers le péri- 
stome; sa surface est couverte de fines stries concentriques très-rapprochées , 


! ILest à observer que le Porcelia cingulata Münst. est un Euomphalus, tandis que son Schitzostoma 
Buchii est un véritable Porcelia ; les figures 4 &, b et 5 a, b, c, de la planche XI du mémoire de ce savant 
sur les fossiles de St-Cassian, suflisent pour constater l'erreur dans laquelle il est tombé. 

Comme l'Emarginala Goldfussii Roëm. Münster, pag. 92, tab. 9, fig. 15, n’a en partage avec celui qui a 
été décrit sous le même nom par M. Roëmer (Word-deutsche Ool. Giberges, pag. 56, tab. 9, fig. 25), que le 
facies commun à presque toutes les espèces du genre, nous lui donnons le nom de Münsteriana, afin 
d'éviter toute confusion à l’avenir. 


44 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


qui s’'arquent en passant sur la dépression, et produisent ainsi sur le labre 
une petite échancrure; sommet terminé en pointe et faiblement postérieur : 
bouche circulaire; surface oblitérée marquée de stries transverses arquées ; 
fissure incomplétement semi-circulaire. 


Observations. — Cette coquille ne pouvant être placée convenablement 
dans l’un des genres Capulus ou Acmea, il ne restait qu’à en faire une émar- 
ginule et à la considérer comme une première ébauche du genre, qui appa- 
raît en effet dans l'étage suivant sous la forme qu’il a conservée jusqu’à 
nos jours. 


Explication des figures. — PI. I, fig. 19. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
20. Le même, vu sur le dos. 


Localité. — J'ai découvert cette rare coquille dans l'argile carbonifère de 
Tournay. 


No 42. Emaranuza Locuzara de Ryckholt, 1847. 
(PL 1, fig. 23-24.) 


E. Testä ovali, conicé, convexd ; costis æqualibus, lamellosis decussatä ; apice 
excentrico, hamoso ; fissurd supernè imbricatà, lateraliter costatd. 


Coquille ovale, conique, convexe en avant, évidée en arrière; la surface 
est couverte d’un réseau dont les mailles sont formées par des côtes lamel- 
leuses d’égale grosseur ; leur intersection donne naissance, sur les côtes lon- 
gitudinales , à une petite écaille concave en dessous ; sommet très-postérieur , 
fort recourbé; fissure limitée par deux côtes très-saillantes ; surface oblité- 
rée, couverte de plis arqués, transverses et imbriqués. 


Observations. — L'Emarginula loculata se distingue de ses congénères de 
la même époque par l'égalité de ses côtes et par la délimitation de la surface 
oblitérée. 


Explication des figures. — PI. I, fig. 24. Exemplaire grossi, vu de profil. 
25. Le même, vu en dessus. 
24is, Grandeur naturelle, au trait. 


Localité. — Fai recueilli cette émarginule dans le turonien de Tournay et 
de Montignies-sur-Roc (Hainaut). 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 45 


N° 13. EmancmnuLa nupa de Ryckholt, 1850. 


(PL 1, fig. A, 22.) 


E. Testé conicä, depressd anticè convexä, posticè sub apice excavatä, plicis 
tenuibus , undulatis transversim ornatd; apice crasso, recurvo; fissurà 
trigond, exstante, supernè convexd et lateraliter sulcatä ; aperturd ellipticä. 


Coquille formant un cône peu élevé, convexe en avant, évidé en arrière 
sous le sommet; sa surface ne renseigne que des plis concentriques, ondu- 
leux ; ils ne sont ni tout à fait équidistants, ni également prononcés dans 
toate leur étendue; sommet épais, recourbé; surface oblitérée triangulaire , 
saillante, latescente, convexe et bordée de deux sillons; fissure concave, 
assez grande; bouche elliptique. 


Observations. — L'Emarginula nuda a en commun avec celui figuré par 
M. Reuss, Bühm., Kreide geb., pl. 2, fig. 6, sous le nom de Carinata, une 
grande simplicité dans les ornements; caractère fort rare dans les coquilles 
de ce genre; il en diffère toutefois par sa surface oblitérée convexe et non 
concave, par la fissure et par sa forme plus elliptique. 


Explication des figures. — PI. I, fig. 21. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
22. Le même au trait, vu de profil. 


Localité. — J'ai découvert cette émarginule dans le turonien de Tournay : 
elle s’y trouve à l’état de moule crayeux. 


L 


* No 14. EmarcnuLa semnura de Ryckholt, 1850. 


(PL 1, fig. 25-27.) 


E. Testà tenui, anticè et posticè convexd, conicà, lateribus subcompressis . 
costulis radiantibus et transversis carinatis clathratä ; cellulis graniferis : 
apice brevi, excentrico, vix inflexo; fissurd supernè convex, haud exstante . 
lateraliter depressä ; aperturà ellipticà. 


Coquille mince, convexe en avant et en arrière , un peu comprimée latérale- 
ment, conique ; sa surface est couverte de petites cellules formées par environ 


16 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


30 côtes longitudinales et 40-12 côtes transversales, qui se croisent sans se 
couper ; les premières sont plus marquées sur les flancs que sur les surfaces 
antérieure et postérieure; toutes sont carénées ; chaque cellule est ornée d’une 
fine granulation composée de cinq séries régulières, chacune de 5 grains à 
peine visibles, sans le concours de la loupe , y compris ceux qui se montrent 
sur ses bords; les cellules tendent à disparaitre sur les côtés ; sommet petit, à 
peine infléchi un peu postérieur; surface oblitérée convexe sans être sail- 
lante et limitée latéralement par deux dépressions; bouche elliptique. 


Explication des figures. — PI. I, fig. 25. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
26. Le même au trait, vu de profil. 
27. Portion grossie de test. 


Localité. — J'ai rencontré cette coquille à Montignies-sur-Roc, dans le ter- 
rain turonien; elle s’y trouve à l’état de moule ayant conservé partiellement 
le test. j 


No 15. Emarcinuza rLexuosa de Ryckholt, 1850. 


(PI. I, fig. 28-29.) 


E. Testä tenui, inflatd, arcuatà, conicà longitudinaliter costulis tenuibus, 
confertis et transversim costulis similibus, sed undulatis reticulatä ; apice 
brevi, excentrico ; fissurd angustà, exstante, convexä, supernè imbricatd. 


Coquille mince , bombée en avant et en arrière, arquée, conique, ornée en 
long de fines côtes à peine saillantes, très-serrées; on remarque en travers 
d’autres côtes aussi fines et aussi serrées que les premières, onduleuses, qui 
se croisent avec elles en les coupant; sommet petit, un peu postérieur; sur- 
face oblitérée convexe, étroite, saillante, imbriquée et bordée de deux bour- 
relets. 


Explication des figures. — PI. I, fig. 28. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
29. Le même au trait, vu de profil. 
29bis, Portion de test grossie. 


Localité. — F'ai recueilli cette émarginule dans le terrain turonien de Tour- 
nay et de Montignies-sur-Roc; elle s'y montre avec le test. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 47 


No 16. Emarcinuza srexosoma de Ryckholt, 1850. 


(PL I, fig. 30-32.) 


E. Testà tenui ovatà, conicé, lateribus compressis decussatim lamellosà ; apice 
brevi, acuto, excentrico, recurvo; fissurd angusté, supernè imbricatà, la- 
teraliter sulcis parallelis distinctà. 


Coquille mince, convexe en avant, faiblement évidée en arrière sous le cro- 
chet, conique, fortement comprimée sur les côtés, qui présentent une surface 
presque plane; surface ornée en long de 36 côtes fines, lamelleuses et assez 
serrées , coupées par 16 côtes de même forme, mais beaucoup plus espacées : 
chaque intersection donne naissance à un petit tubercule; sommet très-pos- 
térieur et recourbé; surface oblitérée étroite, imbriquée, plane, non saillante 
et bordée de deux sillons; bouche plus longue que large. 


Observations. — L’Emarginula stenosoma se distingue des espèces crétacées 
connues par sa forme plus élancée, par son réseau à mailles allongées, par 
sa surface oblitérée plus étroite et le parallélisme des sillons qui bordent cette 
même surface. 


Explication des figures. — PI. 1, fig. 50. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
31. Le même au trait, vu de profil. 
32. Portion de test grossie. 


Localité. — Cette émarginule est celle que l’on rencontre le plus fréquem- 
‘ment dans le turonien de Montignies-sur-Roc et de Tournay. 


No 17. Emarcinuza impressa de Ryckholt, 1850. 


(PL I, fig. 1-3.) 
E. Testà solidulé, orbiculato-conicä; costis alternis majoribus et minoribus 
30longitudinaliter ornat, interstitiis impresso-punctatis ; apice subcentrali 


minulo, punctiformi, affixo ; fissurâ trigond, carinulatà, imbricatä, la- 
terali. 


Coquille assez épaisse, presque orbiculaire conique, ornée en long de 30 


18 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


côtes arrondies, un peu imbriquées, alternant avec le même nombre de côtes 
moins prononcées; ces côtes sont moins espacées en arrière qu'en avant; l’in- 
tervalle qui les sépare renseigne des impressions punctiformes qui, sur la ré- 
gion apiciale, alternent avec de fins grains et sur la région paléale avec de 
petites barres, souvent un peu obliques; sommet presque médian, petit et 
non détaché; surface oblitérée triangulaire, saillante, un peu carénée, imbri- 
quée et latérale, c’est-à-dire située à droite du plan vertical qui passe par le 
sommet et le grand axe de la base; la fissure parait petite. 


Observations. — Indépendamment des ornements si distincts de ceux que 
l'on remarque sur les espèces crétacées décrites jusqu’à ce jour, l'Emarginula 
impressa nous fournit encore un caractère bien rare dans les coquilles de ce 
genre, le latérisme ou l’obliquité de la surface oblitérée ; je ne l'ai même ob- 
servé que sur l’'Emarginula neocomiensis d'Orb. (Paléont. franc., Terr. crét., 
2e vol., pl. 254, fig. 4) et sur nos Emarginula gibbosula et galericulus. 


Explication des fiqures. — PI. IF, fig. 1. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
2. Le même au trait, vu de profil. 
3. Portion de test grossie. 


Localité. — J'ai découvert cette rare émarginule dans le turonien de Mon- 
tignies-sur-Roc. 


No 18. EaRGINULA cazeriCuLus de Ryckholt, 1850. 


(PL IL, fig. 4, 5.) 


E. Testä tenui, semi-globosä, subcrenulatä vel subgranulat&, costulis 14ma- 
joribus carinatis et inter binas tribus aliis tenuioribus , quarum intermedia 
sæpè crassior, rotundatis longitudinaliter ornatä; apice minuto, acuto, 
affixo, mediano ; fissurà exstante, trigond, canaliculatà , imbricatà, latera- 
liter carinulatà , subarcuatd. 


Coquille hémisphérique, mince; sa surface est ornée d'environ 14 côtes 
carénées, entre lesquelles, prises deux à deux, on observe trois autres côtes 
arrondies, dont celle du milieu est souvent la plus forte; vue à la loupe, elle 
parait couverte, tantôt d’une fine granulation, tantôt de crénelures produites 
probablement par de fines lignes d’accroissement très-rapprochées et très- 
faiblement exprimées; sommet court, en pointe, et non détaché; surface obli- 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 49 


térée triangulaire , saillante, creusée en gouttière, imbriquée , bordée de deux 
faibles carènes et déviant un peu à droite en s’arquant. 


Observations. —L'Emarginula galericulus possède plusieurs caractères qui 
lui sont propres ; chacun d’eux, pris isolément, établit une notable distine- 
tion entre elle et ses congénères; c’est, à ma connaissance du moins, le seul 
qui affecte la forme hémisphérique. 


Explication des figures. — PI. IE, fig. 4. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
5. Le même, au trait, vu de profil. 


Localité. — J'ai recueilli FEmarginula galericulus dans le turonien de 
Montignies-sur-Roc; il y parait peu fréquent. 


No 19. EmarcixuLza cissosuza de Ryckholt, 1850. 
(PL IH, fig. 6-8.) 


E. Test tenui, orbiculari, conicä, regione apiciali anticè gibbosä, posticè 
excavalà, granosd ; costulis radiantibus 16 subcarinatis remotis, et totidem 
filiformibus interpositis radialim ornatà et costulis tenuissimis, transver- 
sis, confertis decussatà ; apice postico, aculo, affixo; fissurà exstante, con- 
cava , imbricatà, lateraliter carinulata. 


Coquille mince, orbiculaire, conique, marquée en avant, sur la région api- 
ciale, d’une gibbosité très-prononcée; sa surface est ornée en long de 16 côtes 
fort espacées , faiblement carénées , d'épaisseur presque uniforme dans toute 
leur étendue, alternant avec le même nombre de côtes filiformes; on remar- 
que, en outre, de très-fines côtes transverses, très-rapprochées qui, par leur 
intersection avec les premières, produisent de petits tubercules graniformes ; 
sommet petit, postérieur, non détaché, terminé en pointe; surface oblitérée 
saillante, dextre, un peu concave, imbriquée, bordée par deux faibles carènes. 


Observations. — La forte gibbosité apiciale, ainsi que les ornements de la 
surface, sontles caractères distinctifs de cette émarginule, que l'on ne saurait 
confondre avec aucune des espèces connues. 


Explication des figures. — PI. II, fig. 6. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
7. Le même, vu de profil, au trait. 
8. Portion grossie de test. 


Tous XXIV. 7 


50 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Localité. — Fai rencontré FEmarginula gibbosula dans le turonien de Mon- 
tignies-sur-Roc. 


No 20. Emaranuza puncricepnaza de Ryckholt, 1850. 


(PL 1, fig. 35, 34.) 


E. Testà crasst, ellipticä conicà , ubiquè convexd ; costulis interdèm carinatis , 
sæpius planulatis, suleulo divisis, longitudinaliter ornatä; apice subme- 
diano, punctiformi ; fissur& trigond, levigatà et carinatd. 


Coquille épaisse, elliptique, régulièrement conique; sa surface est ornée 
de côtes inégales, dont quelques-unes sont carénées, tandis que la grande ma- 
jorité en est aplatie; toutes sont séparées entre elles par un fin sillon; on ne 
remarque aucune trace de lignes d’accroissement; sommet punctiforme, à 
peine postérieur; surface oblitérée, triangulaire, carénée, lisse et saillante. 


Observations. — Le bombement uniforme de l'Emarginula puncticephala , 
la petitesse de son sommet et la simplicité des ornements de sa surface con- 
stituent des signes distinctifs qui ne permettent pas de le confondre avec au- 
cune autre espèce décrite. 


Explication des figures. — PI. F, fig. 55. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
34. Le même, vu de profil, au trait. 


Localité. — Cette émarginule à été recueillie par moi dans le terrain turo- 
nien de Tournay. 


No 24. Emarcnuza eravina de Ryckholt, 1850. 


(PL IL, fig. 9, A0.) 


E. Testà crassd, conicä, anticè valdè convexd, posticè excavata ; costulis 30- 
32 radiantibus et ferè totidem tenuioribus transversis cancellatà ; apice brevi, 
postico, recurvo ; fissurd angustissimä, vix latescente et exstante, supernè 
imbricat ; aperturd ellipticd. 


Coquille épaisse, conique, moins haute que large , bombée en avant, forte- 
ment évidée en arrière; ornée en long de 30-32 fines côtes saillantes , assez 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 51 


espacées , avec lesquelles viennent se croiser ,sans les couper , le méme nombre 
de côtes moins fortes encore et plus rapprochées ; sommet court, recourbé . 
très-postérieur; surface oblitérée très-étroite, ne s’élargissant que faiblement , 
un peu saillante, imbriquée ; bouche elliptique. 


Observations. — Cette coquille, par son fort bombement antérieur, par 
l'épaisseur uniforme de ses côtes longitudinales, par la place qu'occupe le 
sommet, eñfin par le peu de largeur de la surface oblitérée , est parfaitement 
distincte de ses congénères que je viens de faire connaitre. 


Explication des figures. — PI. 11, fig. 9. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
10. Le même au trait, vu de profil. 


Localité. — L'Emarginula gravida a été découvert par moi dans le terrain 
turonien de Montignies-sur-Roc et de Tournay. 


No 22. EmancmnuLa supracreracea de Ryckholt, 1850. 


(PL, fig. 1, 12.) 


E. Testä ellipticä, conicä, parüm elatä, anticè convexä , posticè subexcavatà ; 
costulis radiantibus, confertis et plicis raris, inæqui-remotis decussatä ; 
apice valdè postico, ferè marginali, brevi, recurvo ; fissurâ supernè convexü, 
haud exstante, sulco laterali distinct, infernè eminentiore; labro nuclei 
serralo. 


Coquille elliptique, conique, peu élevée, très-convexe en avant, faiblement 
évidée en arrière, ornée en long de côtes arrondies très-rapprochées, coupées 
par quelques plis d’accroissement inégalement exprimés et espacés ; sommet 
court, recourbé, très-postérieur, presque marginal; surface oblitérée con- 
vexe sans être saillante, bordée de deux sillons; fissure saillante: labre den- 
ticulé sur le moule. 


Observations: — Je ne connais que le moule de l'Emarginula supräcreta- 
cea ; comme il appartient à un étage dans lequel ce genre n’a pas encore été 
rencontré, il constitue bien certainement une espèce nouvelle; je n'ai pu re- 
connaitre sur le moule, qui est d’ailleurs de la plus parfaite conservation, 
outre les côtes longitudinales, que quelques plis transverses fortement mar- 
qués. 


52 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Parmi les espèces de ce genre que j'ai décrites, c’est celle dont le sommet 
surplombe de plus près le labre. 


Explication des figures. — PI. IT, fig. 11. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
42. Le même, au trait, vu de profil. 


Localité. — Cette précieuse coquille qui relie, génériquement parlant, le 
terrain turonien au terrain tertiaire, a été rencontrée par moi dans l'étage su- 
périeur du terrain sénonien à Ciply. 


No 23. EmanamnuLa cezLuLosa de Ryckholt. 
(PL II, fig. A3, 14.) 


Acuzæa ceLLuLosA de Ryekh., n° 15, 1847. 


E. Test tenui, ellipticä, depressd, obliquè conicä , ubiquè similiter convexd, 
lamellis erectis radiantibus et transversis favosà ; apice brevi, obtuso; fissurà 
supernè angustà, convexd, imbricatä, lateraliter bilamellatä, infernè 
prælongä. 


Coquille mince, elliptique, formant un cône peu élevé, oblique, unifor- 
mément convexe, couverte de petites cellules profondes, formées par des 
côtes lamelleuses, qui se croisent, en les coupant, avec des côtes concentri- 
ques de même forme et également espacées; chaque intersection engendre 
une petite squamosité; sommet court, émoussé, placé à peu près au tiers 
postérieur; surface oblitérée allant en s’élargissant faiblement, convexe, 
bordée de deux lamelles, imbriquée; fissure allongée. 


Explication des figures. — PI. IT, fig. 15. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
14. Le même de grandeur naturelle, vu de profil. 


Localité. — Jai recueilli cette émarginule dans le terrain turonien de 
Tournay; elle y est peu commune et conserve une partie de son test. 


Observations. — L'on ne connaissait jusqu'ici que cinq représentants de ce 
genre, dont quatre en France et un en Bohême, dans les divers étages crétacés 
d'Europe; on en compte actuellement douze de plus, que j'ai pu décrire avec 
les seules ressources de ma collection; il est probable que, si j'avais pu dis- 


Q 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 3 
poser des collections publiques et particulières, le nombre en eût encore été 
plus grand ; j'ai pu , en outre, faire remonter l'existence du genre à une époque 
plus reculée, et constater que, depuis son apparition sur le globe, il n'avait 
cessé de se montrer jusqu'à nos jours. 

L'Emarginula cellulosa se distingue de ses congénères par son peu d’élé- 
vation, par sa surface uniformément bombée, par ses cellules formées de 
lamelles saillantes de même épaisseur, par sa fissure allongée égalant la moi- 
tié de la lohgueur de la surface oblitérée, ete. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Carhonifères. Emarginula stenosoma de Ryckh. 
— impressa de Ryckh. 
Pin — galericutus de Ryckh. 

F DA EL — gibbosula de Ryckh. 
Emarginula münsteriana de Ryckh. a” puncticephala de Ryckh. 


Turoniennes. — gravida de Ryckh. 
— cellulosa de Ryckh. 


Emarginula carbonifera de Ryckh. 


Emarginula loculata de Ryckh. 
— nuda de Ryckh. 
— seminula de Ryckh. 
— flecuosa de Ryckh. Emarginula supracretacea de Ryckh. 


Sénonienne. 


Gexre FISSURELLA Bruguières. 


Coquille conique, plus ou moins élevée, généralement ornée en dehors de 
côtes saillantes qui en rendent le bord crénelé, percée au sommet d’une ou- 
verture plus ou moins grande. 


Observations. — M. d'Orbigny (Pal. franc. Terr. crér., vol. IE, pag. 396) ne 
reconnait pas l'existence des animaux de ce genre antérieurement aux ter- 
rains lertiaires ; cependant, avant 1842, M. le professeur Deslongchamps, dans 
les Mémoires de la Société linnéenne du Calvados, tom. VIE, pag. 122, avait fait 
connaitre, de l’oolite de langrune, une espèce d'autant moins douteuse, qu'il 
en avait recueilli un assez bon nombre d'exemplaires ; dès lors, on pouvaitavec 
raison ou fondement espérer en rencontrer dans les étages supérieurs à l'oo- 
lite; en effet, en 1844, M. le professeur Goldfuss en décrivit une espèce dévo- 
nienne et une autre du turonien d’Aix-la-Chapelle , toutes deux très-problé- 


54 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


matiques ; un an plus tard, M. le docteur Reuss, dans son grand ouvrage Sur 
les fossiles crétacés de Bohême, 1°° partie, p. ##, décrivit deux autres espèces, 
Fiss. depressa et patelloïdes ; la première avait, dès 14859, été mentionnée 
dans le mémoire de M. le docteur Geinitz, Sur les fossiles crétacés de Saxe ; 
conjointement avec le Fissur. Bucchi, qui reste douteux ‘; en somme, les 
animaux de ce genre se montrent, d’après nos connaissances actuelles, pour 
la première fois, dans les mers oolitiques ; déja nombreux dans les mers 
tertiaires, ils acquièrent leur plus grand développement dans les mers de 
nos jours. 


No 24. FissurezLa Canrraineana de Ryckholt, 1850. 


(PL I, fig. 45, 16.) 


F. Testà crassd, ellipticä, conicä, depressä ; costulis radiantibus et tranversis 
tenuioribus decussatà ; apice excentrico, acuto, inflexo ; rimä apiciali ellip- 
hicû, parvé, marginatd. 


Coquille épaisse, elliptique, formant un cône un peu déprimé; sa surface 
est ornée en long de côtes arrondies, qui ne s’élargissent que faiblement 
dans leur parcours et montrent quelques fines nodosités produites par le 
passage de côtes transverses moins fortes que les premières; sommet anté- 
rieur, petit, libre, infléchi et entamé par la perforation apiciale, qui est petite, 
elliptique et entourée d’un bourrelet. 


Explication des figures, — PI. II, fig. 15. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
16. Le même, vu de profil. 


Localité. — J'ai découvert cette rare fissurelle dans le turonien de Monti- 
gnies-sur-Roc. 


? J'ai rencontré dans les conglomérats turoniens, à Tournay, le Fissurella Bucchii Gein.; la région api- 
ciale est dépourvue de test, et le sommet, dénudé et émoussé, montre une cicatrice presque circulaire, 
qui rappelle assez exactement la perforation des fissurelles; la forme capuloïde ne peut, ce me semble, 
être invoquée comme présomption contre la détermination du géologue saxon, attendu que la fissurelle 
non douteuse, décrite par M. Deslongchamps, affecte le même type; le test de notre coquille est épais; 
sa surface est ornée en long de fortes côtes espacées, qui sont coupées par quelques rares lignes d’accrois- 
sement. Le gisement des deux coquilles est le même, sous le double rapport géologique et minéralogique. 

* Ils ont été signalés depuis dans le 3m étage paléozoïque, 1851. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 55 


No 24". Fissunezza Recqraxa de Ryckholt, 1850. 
(PL IL, fig. A7, 18.) 


F. Testä tenui, suborbiculari, conicä; costulis radiantibus, planis, vix dis- 
tinctis et striis concentricis, confertis crispatà ; rimd apiciali ovali. 


Coquille mince, incomplétement orbiculaire, s'élevant en cône presque 
droit; sa surface est couverte de eôtes aplaties , à peine séparées, qui partent 
du sommet et de stries d’accroissement peu espacées ; cet ensemble la fait 
paraitre élégamment ridée ; sommet entièrement occupé par une perforation 
ovale. 


Explication des fiqures. — PI. IX, fig. 17. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
18. Le même au trait, vu de profil. 


Localité. — J'ai découvert cette rare fissurelle dans le turonien de Tournay. 


No 25. Fissurezza Nysriaxa de Ryckholt, 1850. 


(PL IT, fig. 19, 20.) 


F. Testà ellipticä, conicä, posticè convexä, anticè excavatà, longitudinaliter 
stris et costis 12-14 latescentibus, obtusè carinatis, interstitiis concavis et 
strüs confertis, undosis, concentricè ornalä; rim& subapiciali et anticà ; 
labro sinuoso. 


Coquille elliptique, conique, convexe en arrière, creusée en avant, ornée 
en long d’une multitude de fines stries très-rapprochées et de 12 à 14 côtes 
latescentes, inégalement carénées, séparées par des intervalles concaves et 
coupées en travers par de fines stries onduleuses, très-serrées; les côtes 
antérieures sont les moins marquées et ne se montrent qu'à quelque distance 
du sommet. Ce dernier est reeourbé et obtus ; perforation placée en dessous 
et en avant du sommet; labre sinueux. 


Observations. — Cette coquille, par sa perforation antérieure, constitue 
dans son genre , un nouveau type que je n’ai jamais rencontré dans les espèces 
vivantes ou fossiles. 


56 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Explication des figures. — PI]. II, fig. 19. Exemplaire au double de la grandeur naturelle, vu en dessus. 
20. Le même au trait, vu de profil. 


Localité. — J'ai découvert cette fissurelle dans le turonien inférieur de 
Montignies-sur-Roc. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Turoniennes. 


Fissurella Cantraineana de Ryckh. Fissurella Nystiana de Ryckh. 
— Recqiana de Ryckh. —  Bucchii Gein. 


Gexre ACMÆA Eschscholtz. 


ParTeLLa Lin. et cæt. auct.; HeLcioN Montf. PaTELLOÏDEA Quoy et Gaymard; 
Lorria Gray; Meroproma Phil. 


Coquille mince, patelliforme, lisse ou ornée de stries ou de fines côtes. 


Observations. — Les animaux des deux genres 4cmæa et Patella sont par- 
faitement distincts, tandis que la ténuité du test et la simplicité des orne- 
ments sont les seuls signes génériques auxquels on reconnait les acmées. Les 
animaux de ce genre font partie de la première création connue; depuis lors, 
ils n’ont cessé d'exister , leurs dépouilles se rencontrent dans tous les terrains 
et y acquièrent une certaine importance spécifique; néanmoins, c’est dans les 
mers actuelles que les espèces sont le plus nombreuses. 

Le genre Metoptoma, créé, en 1856, par M. Phillips aux dépens des acmées, 
forme une coupe artificielle à la vérité, mais qui relie ces dernières aux 
cabochons ; la plupart des espèces qui composent ce nouveau genre ne sont 
plus des acmées et ne sont pas encore des cabochons. 


No 26. Acuxa ‘ LarerauIS Phillips. 
ParELLA LATERALIS Phill., {ust. of the geol. of Yorckshire, tab. 14, fig. 6. 


A. Testà tenui, subovali, convext, lateribus coarctatis, anticè dilatatà ; posticè 


1 Lisez Helcion. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 57 


angustalé, suleis interruptis, inæqui-remotis, radialim ornatà, plicisque 
transversis, undosis notalé ; apicè excentrico, inflexo, acuto ; peristomate 
sin uos0. 


Coquille formant un cône latéralement comprimé, élargie en avant, rétrécie 
en arrière; sa surface est ornée de sillons, inégalement distribués, qui 
rayonnent du sommet au labre, qu'ils n’atteignent qu'après avoir subi une 
ou plusieurs interruptions dans leur parcours; très-prononcés sur la région 
postérieure, ils le sont moins sur la région antérieure et sur le flanc droit, 
tandis qu’ils ne se montrent qu'à peine sur le flanc gauche; on remarque, en 
outre, en travers des plis parallèles au labre, d'autant plus fortement 
exprimés que les rayons le sont moins ; sa convexité suit la même loi; région 
apiciale lisse; sommet un peu antérieur; légèrement incliné et terminé en 
pointe; péristome sinueux. 


Observations. — J'avais cru pouvoir me dispenser de mentionner, dans la 
diagnose, la dissimilitude qui règne dans les ornements qui se montrent sur 
les différentes parties de la surface, en limputant à la fossilisation; mais, 
outre que la conservation est irréprochable, j'ai reconnu que le même carac- 
tère se reproduisait fréquemment, tant sur les espèces fossiles que sur des 
espèces vivantes ; notre coquille offre bien quelques différences avec celle de 
Bolland, mais elles ne portent que sur les ornements, qui sont fréquemment 
altérés sur les coquilles de cet àge. 


Localité. — J'ai découvert cette acmée dans l'argile carbonifère de Tournay : 
l’auteur anglais la signale , en outre à Bolland. 


No 27. Acuæa ‘ Loxoconoïpes de Ryckholt, 1847. 
(PL I, fig. 2.) 


À. Testà rhomboïdeä, depressiusculà, tritabulatä, lateraliter striis radian- 
tibus , interruptis ornatä, et plicis transversis imbricatd ; apice excentrico 
puncliformi; margine integro. 


Coquille rhomboïde, déprimée dans son ensemble, formant trois étages 
distincts, correspondant probablement aux trois principales périodes de la 
vie de l'animal ; elle est d’abord oblongue et fort étalée; puis le plan d’accrois- 


Lisez Helcion. 


Toue XXIV. 8 


58 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


sement incline, en formant, avec le premier , un angle dièdre très-obtus; le 
contour se dessine déjà plus nettement; une dernière, mais plus brusque 
inclinaison, donne à ce dernier la forme définitive d’un losange, dont les 
angles antérieur et postérieur sont arrondis; la surface parait imbriquée par 
la superposition des labres successifs et très-rapprochés; quelques stries 
interrompues rayonnent sur les flancs ; sommet antérieur, représenté par un 
point ; labre entier. 


Observations. — Je ne connais aucune espèce, soit fossile, soit vivante, 
autre que celle-ci, qui affecte la forme d’un losange; je crois devoir faire 
remarquer que, sur certains exemplaires, les étages tendent à disparaitre en 
se confondant; tandis que la forme rhomboïdale paraît plus constante. 


Explication des fiqures. — PI. IT, fig. 21. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 


Localité. — Je n'ai encore rencontré l'Acmæa loxogonoïdes que dans le 
calcaire carbonifère de Visé. 


No 28. Acmzæa ‘ cizicina de Ryckholt, 1847. 


A. Testà tenui, maximä, ovali, obliquè conica, anticè dilatatä, posticè angus- 
tatä, suprà gibbosd, striis radiantibus et transversis decussatd ; apice excen- 
trico, obtuso; margine integro. 


Coquille extréèmement grande, mince, ovale, formant un cône oblique, 
comparativement peu élevé, plus large en avant qu'en arrière; sa surface 
gibbeuse, en arrière du sommet, est couverte d’un réseau formé par des stries 
rayonnantes et concentriques qui se croisent; région apiciale inornée; 
sommet obtus et placé au tiers antérieur; bords entiers. 


Observations. — L’Acmæa cilicina est l'une des plus grandes espèces du 
genre, même en y comprenant les espèces vivantes ; le grand axe de la bouche 
mesure 0,245 et le petit axe 0,213. 


Localité. — J'ai découvert cet Acmæa dans le calcaire carbonifère com- 
pacte de Visé; il y est à l’état de moule ayant conservé une portion de test. 


1 Lisez Helcion. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 59 


No 29. Acuza * numis de Ryckholt, 1847. 
(PL I, fig. 28, 29.) 


À. Testà tenui, suborbiculari, obliquè conicä, depressä, pliculis concentricis 
raris notatà ; apice excentrico, acuto inflexo; margine integro. 


Coquille mince, suborbiculaire, un peu plus longue que large, formant un 
cône oblique un peu évidé en avant, faiblement convexe en arrière; sa 
surface est marquée en travers de quelques lignes d’accroissement:; sommet 
placé à peu près au quart antérieur, un peu incliné, eflilé; bords entiers. 


Observations. — L’Acmæa humilis est la plus étalée des espèces carbo- 
nifères que j'ai rencontrées en Belgique; il diffère de l'Acmæa mucronata 
(Phill., loco memor., pl. 14, fig. 5) par la place qu'occupe le sommet, par une 
moindre élévation, etc., et de l’'Acmæa scutiformis, du même auteur (pl. 14, 
fig. 1) par son contour, par son sommet beaucoup moins antérieur, ete. Ce- 
pendant, si l’on tient compte des nombreuses causes qui exercent leur 
influence sur le développement des coquilles de ce genre, l’on comprendra 
que ces trois espèces pourraient fort bien n’en faire qu'une. 


Explication des figures. — PI. II, fig. 28. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
29. Le même, vu de profil, au trait. 


Localité. — Jai recueilli l'Acmæa humilis dans l'argile carbonifère à 
Tournay ; il y est assez rare. 


No 50. Acuxa * ueprarprauis de Ryckholt, 1847. 
(PL I, fig. 22, 25.) 


A. Testà heptagond, pyramidali, obliqué , costis rotundatis, sulco, distinctis 
radiatim ornatä; apice excentrico, antico submucronalo; margine dentato. 


Coquille formant une pyramide oblique, peu élevée, dont la base hepta- 
gonale est composée de côtés très-inégaux entre eux , mais égaux deux à deux 
dans l’ordre de correspondance, tandis que le côté restant, opposé en avant 
au sommet, se dessine en are de cercle à concavité extérieure ; sa surface est 
ornée de côtes assez fortes qui rayonnent à partir d’une certaine distance du 


1 Lisez Helcion. 
? Lisez Metoptoma. 


60 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


sommet; ces côtes, séparées par un sillon, ne se montrent que près du labre 
sur la moitié antérieure de la surface; région apiciale lisse; sommet placé au 
quart antérieur et terminé en pointe un peu émoussée ; labre denticulé. 


Observations. — L’Acmæa heptaedralis est, à ma connaissance, la seule 
acmée de la subdivision Metoptoma qui ait été rencontrée à Tournay; je ne 
pense pas qu’on puisse le confondre avec aucune espèce connue ; depuis 4847, 
époque à laquelle ce mémoire a été présenté à l’Académie, j'ai recueilli d’au- 
tres exemplaires dont le péristome heptagonal tend à s’arrondir; est-ce l'effet 
de la fossilisation qui a émoussé les angles? Je suis tenté de le croire. 


Explication des figures. — PL. IE, fig. 22. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
25. Le même au trait, de grandeur naturelle, vu de profil. 


Localité. —J'ai rencontré l Acmæa heptaedralis fixé sur des orthocères re- 
cueillis dans l'argile carbonifère de Tournay; par sa petitesse, il échappe aux 
recherches du paléontologue. 


No 31. Acuxa' inrrarasina de Ryckholt, 1847. 
(PL IL, fig. 26, 21.) 


A. Testà tenui, ellipticà, conicd, striis radiantibus, plicisque tenuibus , trans- 
versis ornalà; apice excentrico, antico, obtuso ; margine integro, acuto. 


Coquille fragile, elliptique, formant un cône oblique; sa surface est ornée 
de stries rayonnantes qui n'apparaissent qu'à une certaine distance du som- 
met et de fins plis concentriques; sommet très-émoussé et un peu antérieur ; 
bords entiers et tranchants. 


Observations. —L'Acmæa infraliasina se distingue du Patella ovata Rômer 
(Verstein. des nord-deutsche Oo. Geb., pl. 20, fig. 2), du corallien de Hohe- 
neggelsen, par sa forme plus régulièrement elliptique et une plus grande élé- 
vation, toutes proportions d’ailleurs gardées, etc. 


Explication des figures. — PI, IX, fig. 27. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
26. Le même, vu de profil. 


Localité. — Cette acmée n’est pas rare dans le grès infraliasique du Luxem- 


1 Lisez Helcion. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 61 


bourg connu sous la dénomination de grès de Luxembourg, que ses fossiles 
me font rapporter à l'étage le plus inférieur du terrain jurassique ou lias in- 
férieur 


No 52. Acuxa * niscrepans de Ryckholt, 1847. 


(PI IL, fig. 24, 25.) 


A. Testà crassiusculà, ellipticä, conicä, elatä ; costulis majoribus el minori- 
bus interpositis, radiatim ornatd ; apice obluso, excentrico, levi; margine 
dentato. 


Coquille elliptique, formant un cône oblique assez élevé; sa surface est 
ornée en long de grosses côtes espacées, qui ne se montrent qu’à partir d'une 
certaine distance du sommet; entre ces côtes prises deux à deux, on en ob- 
serve une autre plus courte, mais de même épaisseur que les autres; toutes 
sont pourvues de nodulations peu marquées, produites probablement par des 
plis transverses, dont trés-peu sont perceptibles ; en outre, ces côtes, fort ap- 
parentes sur la région postérieure, le sont beaucoup moins partout ailleurs : 
région apiciale lisse; sommet émoussé et placé au tiers antérieur; péristome 
crénelé. 


Explication des figures. — PI. I, fig. 24. Exemplaire un peu grossi, vu en dessus. 
25. Le méme, vu de profil. 


Localité. — Le gisement de cette acmée est le même que celui de l'espèce 
précédente. 


No 55. Acmæa * Nonmanprana de Ryckholt, 1850. 
(PL IL, fig. 51, 32.) 


À. Testà minutà, tenui, orbiculari, conicd, anticè propè apicem subexcavatt , 
plicis transversis notatä; apice centrali, obtuso. 


! Pendant longtemps, les géologues n’ont pas été d'accord sur l’âge relatif de ce grès; quelques-uns 
ont cru y reconnaître le Muschelkalk; d'autres un dépôt tertiaire; aujourd'hui que l'on sait positive- 
ment que ce grès est tantôt sous-adjacent et tantôt superposé au lias inférieur, l’âge n’en est plus douteux ; 
la faune renfermée dans son sein confirme pleinement l'observation; il est cependant fort remarquable 
que ce dépôt, si riche en fossiles, n’ait pas, que je sache, fourni des bélemnites, des térébratules, ete. 

* Lisez Helcion. 


62 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Coquille presque microscopique, mince, orbiculaire , formantun cône droit, 
faiblement évidé en avant près du sommet ; sa surface ne renseigne que quel- 
ques plis concentriques ; sommet central et émoussé. 


Observations. — Je crois devoir rappeler à ceux qui seraient tentés de rap- 
porter cette acmée à celle figurée par M. Roemer, pl. XI, fig. 4, sous le nom 
de Orbis Geinitz, qu'il a été reconnu depuis, que cette prétendue acmée avait 
été décrite sur une empreinte de vertèbre de poisson; on ne saurait non plus 
la confondre avec le véritable 4. orbis Geinitz. (Voyez Reuss, pl. 7, fig. 27), 
dont les flancs sont régulièrement concaves et le sommet terminé en pointe. 


Explication des figures. — PI. II, fig. 31. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
52. Le même, vu de profil. 


Localité. — L’Acmæa normandiana haute de 3-4 mill., est assez rare dans 
les collections , quoique assez fréquente à Tournay, Bellignies (Nord) et Mon- 
tignies-sur-Roc , dans le turonien ; elle conserve le test dans les trois localités. 


No 34. Acuxa ‘ Kowinexraxa de Ryckholt, 1850. 
(PL IL, fig. 35, 54.) 


A. Testà tenui, orbiculari, conico-depressä, posticè convexiusculé, anticè exca- 
valà ; costulis flexuosis, interdüm dichotomis et remotis, squamulosis , lon- 
gitudinaliter ornatà ; apice mediano ? 


Coquille mince, orbiculaire, déprimée , évidée en avant , également convexe 
partout ailleurs; sa surface est couverte de fines côtes rayonnantes, ondu- 
leuses, qui se bifurquent parfois; on remarque en outre, quelques lignes 
d’accroissement qui, à leur passage sur les côtes longitudinales, produisent 
une squamosité peu marquée; sommet un peu antérieur? 


Observations. — Le sommet de lexemplaire figuré étant un peu mutilé, il 
se pourrait qu'il appartint au genre Fissurella; si cela était, ses côtes plus 
fines, beaucoup plus nombreuses et la simplicité des ornements extérieurs 
ne permettraient pas de le confondre avec le Fis. depressa Geinitz, pl. 18, 


1 Lisez Helcion. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 63 


fig. 24, mieux figuré dans l'ouvrage de M. Reuss, pl. 11 , fig. 10 , avec lequel 
il a les plus grands rapports de forme. 


Explication des figures. — PI. I, fig. 55. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
54. Le même, vu de profil. 


Localité. — Cette acmée a été rencontrée par moi dans le turonien de Tour- 
nay ; elle y est pourvue du test. 


RELEVÉ DES ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Carbonifères, Infra liasiques. 
Acmæa lateralis Phil]. Acmæa infraliasina de Ryckh. 
—  loxogonoïdes de Ryckh. —  discrepans de Ryckh. 


—  cilicina de Ryckh. 
—  humilis de Ryckh. 
—  heptaedralis de Ryckh. 


Turoniennes. 


Acmæa Normandiana de Ryckh. 
—  Koninckiana de Ryckh. 


CHITONIDÆ vOnrmieny. 


Gevre CHITON Lin., CHITONELLUS Lamk. 


Dans une notice sur ce genre publié dans le tome XII des Bulletins de 
l’Académie royale des sciences, j'ai fait connaitre les espèces que j'ai rencon- 
trées dans les terrains paléozoïques du pays; depuis lors j'ai recueilli de 
nouveaux documents qui me permettent de rectifier ou de compléter ces 


espèces. 


Cuiron scazpiaxus de Ryckholt. 


Curron scazoranus de Ryckh., Bulletin de l'Acad. royale , ete., t. XII, 2 part., p. 62, pl. H, 
fig. 4, 5 et 6. 


Depuis que j'ai décrit cet oscabrion, j'ai rencontré dans le calcaire carbo- 
nifère de Visé quelques exemplaires d’un corps régulièrement elliptique, 


64 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


formé d'articles céramiformes, juxtaposés sur un même plan horizontal, re- 
présentant assez exactement un oscabrion composé de 10 à 15 cérames écra- 
sées, et par suite non carénées; en examinant avec attention ces fossiles, 
on ne saurait méconnaitre leur nature, et l’on est obligé de les considérer 
comme des spires de quelque spirifère; quoique le Chiton scaldianus, par 
ses flancs concaves et sa carène dorsale, n’ait qu'une analogie assez éloignée 
avec ces fossiles, il se pourrait que cette conformation füt accidentelle et due 
uniquement à une pression uniforme exercée avec la même intensité sur les 
flancs d’une spire mutilée, telle que celle que nous venons de mentionner: 
de nouvelles observations sont donc nécessaires avant que cette espèce puisse 
être définitivement admise; en attendant, elle doit être considérée comme 
douteuse, ou, pour m’exprimer plus catégoriquement, elle doit être biffée 
des catalogues paléontologiques. 


N° 55. Curron Szuseanus de Ryckh. 
(PL IL, fig. 35, 56.) 


Curron Szuseanus de Ryckholt, loco suprà memor. 


J'ai donné une courte description de cette coquille, que, faute de bon 
exemplaire, je me suis abstenu de faire figurer; aujourd’hui, je suis à méme 
de remplir cette lacune et de compléter le diagnose. 


C. Testà ovali, solidà, convexiusculé ; ceramis extremis.….? ceramo dorsali 
orbiculari, sulcis concentricis ornato ; carind dorsali obtusissimd ; aphophy- 
sibus latis ; lamell musculari marginatà et transversim sulcatä , tegumento 
palleali ? 


Angle dièdre 145. 


Coquille elliptique, peu convexe, épaisse; cérames extrêmes…..? cérame 
dorsale orbiculaire; sa surface est ornée de sillons concentriques à peine mar- 
qués sur l'aire médiane, tandis qu’ils sont fort apparents sur les aires laté- 
rales; carène dorsale faiblement exprimée; apophyses plus larges que longues; 
lamelle musculaire bordée à l’intérieur d’un fin bourrelet et sillonnée en tra- 
vers; téqument paléal.….? 


Observations. — La surface de la cérame dorsale, à en juger par quelques 
traces fugitives, était ornée en long de fines stries interrompues; la forme 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 65 


orbiculaire des cérames fournit un caractère qui suffit à lui seul pour faire 
reconnaître le Chiton Sluseanus des espèces fossiles connues. 


Explication des figures. — PI, IE, fig. 55. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
56. Le même, vu de profil, de grandeur naturelle. 
Localité. — J'ai découvert cet oscabrion dans le calcaire carbonifère friable 
de Visé. 
No 56. Cuiron Barraxpeanus de Ryckholt, 1847. 
(PL. 11, fig. 57, 58.) 


C. Ceramo dorsali cordiformi, plicis obliquis, inæqualibus, arcuatis aspe- 
ralo ; carind montuosä, rugosd ; latere palleali incrassato. 


Angle dièdre 1150. 


Coquille. — Cérame dorsale cordiforme, peu convexe, recouverte de plis 
arqués, très-serrés, d’inégale grosseur, qui se dirigent obliquement de chaque 
côté de la carène dorsale, vers le côté paléal; en sorte que la surface parait 
ridée et imbriquée; carène fortement accidentée par le redressement des plis 
qui s’y rencontrent; côté paléal épaissi par l'accumulation de la matière cal- 
caire des plis. 


Observations. — La carène dorsale éminemment ridée et l'absence d’aires 
latérales me donnent la certitude que le Chiton Barrandeanus appartient à 
la division des oscabrelles. 

Ce genre qui, naguère encore, n’avait fourni, dans les divers étages du 
globe, que trois espèces, en compte actuellement dix-neuf, réparties comme 
suit : trois dans le deuxième et treize dans le troisième étage paléozoïque du 
pays; trois dans le terrain tertiaire de France et d'Italie, dont deux doivent 
être décrites par M. le professeur Cantraine. 

M. J. Sowerby , à propos de son Pollicipes reflexus, signale la présence du 
genre dans la formation tertiaire de la baie de Colleville, île de Wight. 

Ce résumé à lui seul ne prouve-t-il pas combien a été grande, depuis quel- 
ques années, impulsion donnée à la paléontologie? 


Explication des figures. — PI. IE, fig. 57. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
58. Le même au trait, vu de profil. 
Localité. — J'ai recueilli cette rare coquille dans le calcaire carbonifère 
friable de Visé. 


Tome XXIV. 9 


66 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


DENTALIDÆ vOnrrreny. 


G£xre DENTALIUM Lin. 


Coquille conique, symétrique, plus ou moins arquée, ouverte aux deux 
extrémités. 


Observations. — Les animaux de ce genre ont vécu dans les mers silu- 
riennes; leurs dépouilles se rencontrent ensuite dans tous les étages du 
globe. C’est dans les mers actuelles que l’on compte le plus grand nombre 
d'espèces, et c’est dans le 3° étage paléozoïque que ces coquilles atteignent les 
plus grandes proportions. 


No 37. Denrazrum anriquum Goldfuss. 


Denraziuw anriquum. Goldf., Petrif. germ., pl. 166, fig. 2, a, b, div. 5°, p. 2. 
—  axpérermiNé d'Arch. et de Vern., Memoir on the paleoz. foss., p. 390. 
—  PRISCUM Münst. apud Sandberger, Neues Jahrbuch für Mineral. und Geol., 
Von Leonh. und Bronn; 14842. 


D. Testé conicd, attenuatä, arcuatä, annulis remotis cinctà ; angulo apiciali 5”: 
aperturd ovali, ferè orbiculari. 


Coquille conique, arquée, allongée, composée d'un angle régulier de 5°; 
sa surface est ornée en travers de fins bourrelets en forme d’anneaux , d’au- 
tant plus rapprochés, qu'ils sont placés plus près de la bouche; entre les 
bourrelets, on observe quelques lignes d'accroissement; bouche presque cir- 
culaire ; sommet effilé. 


Observations. — Le Dent. antiquum diffère du Dent. priscum Münst., 
apud Goldf., pl. 166, fig. 3, a, b, c, par une plus forte courbure, par sa 
bouche Btéb fStémentt bide: par ses anneaux plus apparents, ete. La 


figure citée de l’illustre professeur de Bonn est faite sur un exemplaire 
oblitéré. 


Localité, — Cette dentale est extrêmement commune dans le calcaire dé- 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 67 


vonien de Visé; je l'ai, en outre, recueillie à Pafrath et dans l'Eiffel; elle est 
éminemment dévonienne. 


N° 38. Denrazium PERarmaTuM de Ryckholt, 1847. 


(PL I, fig. 39, 40.) 


D. Testé solidà, gracili, tereti, arcuat, infernè et medio levi, supernè spinis 
validis armatà ; anqulo apiciali 5° ; aperturd orbiculari. 


Coquille épaisse, grêle, allongée , arquée, composée d’un angle apicial régu- 
lier de 3°; munie dans le jeune àge de quatre rangées, de trois ou quatre fortes 
épines régulièrement disposées et ayant la pointe dirigée vers le sommet: 
dans l’âge adulte, elle devient lisse et même polie; bouche orbiculaire. 


Observations. — Le Dent. perarmatum pose un nouveau type dans le genre 
dentale; il y a des dentales lisses, costulées , striées, couvertes en travers de 
bourrelets ; pourquoi n’en existerait-il pas avec des épines ? 


Explication des figures. — PI. I], fig. 59. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
40, Bouche, vue en dessus. 


Localité. — J'ai recueilli cette rare coquille dans le calcaire carbonifère de 
Visé. 


N° 39. Denrazium Inxquaze de Ryckholt. 


(PL I, fig. M, 42.) 


D. Testä conicä, incurvä, lentè attenuatà, sulcis sex profundis è apice ad 
peristoma plus minüsvè latescentibus notatà ; aperturä ellipticä ; angulo 
apiciali 5°. 


Coquille formant un cône recourbé s’atténuant assez lentement et composé 
d’un angle régulier de 5°; sa surface renseigne six sillons concaves , inégale- 
ment exprimés et espacés, qui vont en s’élargissant du sommet au péristome; 
de ces sillons deux, les mieux marqués, se montrent sur la face gauche: 
deux autres, séparés seulement par un filet, sur la face correspondante; un 
assez large, mais non continu, sur le dos ; le dernier, fort peu perceptible, est 


68 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


diamétralement opposé au cinquième; ce n’est qu'à l’aide d’un instrument 
grossissant qu'on parvient à découvrir quelques lignes d’accroissement com- 
plètes ; bouche elliptique. 


Observations. — La disparité des ornements sur les différentes parties de 
cette coquille n’a rien de bien anomal; nous l'avons déjà signalée sur des 
acmées et sur des fissurelles; or, les dentales ne sont que des fissurelles 
étirées en cône plus ou moins allongé, abstraction faite toutefois des ani- 
maux des deux genres, d’ailleurs assez rapprochés par leur organisation. 


Explication des figures. — PI. IN, fig. 41. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
42. Contour de la bouche, au trait. 


Localité. — Yai découvert cette dentale dans le calcaire earbonifère de 
Visé. 


No 40. Denrazium priscum Munster. 


Denr. Priscuw Münster apud Goldf., loco cit., pl. 466, fig. 3, a, b, ec, p. 2, div. 5. 
— Münster apud de Kon., loco cit., pl. 22, fig. 4, a, b, c, d. 


Quoique décrite et figurée déjà deux fois, la taille de cette dentale n’a pas 
été signalée, même approximativement; on s’est contenté d'affirmer qu'elle 
était inférieure à celle du Dent. ingens de K.; c’est là une erreur que je crois 
devoir redresser, ne füt-ce que pour engager les naturalistes à éviter l'emploi 
de noms spécifiques fondés sur la taille ; celle de la dentale qui nous occupe, 
atteint environ 24 centimètres; que devient à côté de ce géant des mers an- 
ciennes le Dent. giganteum, de M. Phillips, si ce n’est un véritable nain? 


No 41. Denrarium ivcexs de Kon. 


Le Dent. ingens se rencontre dans l'argile carbonifère de Tournay avec 
des proportions plus fortes qu'à Visé; il y acquiert la longueur de 20 cen- 
timètres environ; dans l’âge sénile les plis transversaux sont extrêmement 
prononcés. 


No 42. Denrauum penranioïpeum Phillips. 


Orrnoceras enTALtoïnEun Phill., Hust., p. 259, pl. 21, fig. 12. 
DENTALIUM ORNATUM de Kon., loco. memor.., pl. 22, fig. 3, a; b, c. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 69 


On rencontre quelques variétés de cette dentale , que je crois devoir signa- 
ler; elles dépendent ou de l'âge ou du degré de conservation ; arrivée à l'âge 
sénile, elle perd ses ornements et devient lisse; souvent les côtes ondoyantes 
ou longitudinales n'existent qu'à l’état rudimentaire; parfois elle est ornée en 
long et en travers de côtes de même grosseur ; enfin il arrive que les côtes en 
travers sont plus fortes que celles en long. 


No 43. Denrauiuw meniuu Sowerby. 


Dexratuu mentum Sow., Conchyl. mineral. pl. 79, fig. 5, 6, p. 191. 


Non —_ Sow. jun. apud Fitton, pl. 18, fig. 4. 
Non — Sow. apud Geinitz, loco cit., pl. 18, fig. 25 et 26. 
Non _ Sow. apud Reuss., loco cit., pl. 11, fig. 4, p. 40. 


D. Test conicé, arcuatà, subulatä, transversim rugosà; aperturé orbiculari 
dilatatà ; angulo apiciali 3 :. | 


Coquille formant un cône faiblement arqué, rétréci au sommet et élargi 
à la base en pavillon de trompette; sa surface est couverte de plis d’accrois- 
sement très-prononcés, surtout, sur le région buccale ; bouche circulaire ; angle 
apicial 5° +. 


Observations. — Cette dentale, parfaitement décrite par l’auteur de la Con- 
chyliologie minéralogique de la Grande-Bretagne, parait fort peu fréquente à 
Blackdown; car, quelques années plus tard, Sowerby fils, en décrivant les 
fossiles de cette localité, données par M. Miller au Muséum de Bristol, lui 
assimile une autre coquille qui n’a aucun rapport avec elle; en effet, le carac- 
tère sur lequel M. Sowerby père insiste le plus, c'est la dilatation buccale : 
il dit, en outre , que cette coquille ne montre que des lignes d’accroissement ; 
l'espèce décrite plus tard par son fils est ornée en long de fines côtes tran- 
chantes alternant avec des côtes moins fortes ; elle ne ressemble donc aucune- 
ment à l'espèce qui nous occupe; cependant les auteurs allemands, sans re- 
monter à la source, ont adopté aveuglément la détermination de Sowerby. 

A Tournay, où lon rencontre, comme nous l'avons déjà dit, un dépôt 
qui renferme dans son sein la plupart des coquilles de Blackdown, les deux 
dentales se montrent assez fréquemment ; j'ai done pu avec certitude séparer 
les deux espèces et en établir la diagnose. 


70 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Localité. — Le Dent. medium a été rencontré par moi à Tournay, Mon- 
tignies-sur-Roc, Visé, Bois-d’Aix, Aix-la-Chapelle; Sowerby le cite à Black- 
down. 


;: No.44. Denrasiun Geurrzianum de Ryckholt, 1847. 


Denraium meniom Sow. apud Fitton, p. 345, pl. 18, fig. 4. 
— Sow. apud Geinitz, loco cit., pl. 18, fig. 25, 26. 
— Sow. apud Reuss, loco cit., pl. 11, fig. 4. 


Nous donnons le nom de Geinitzianum à la dentale confondue, comme 
nous l'avons fait remarquer au n° précédent, par J. de C. Sowerby avec le 
medium de 3. Sowerby. 

La surface de cette coquille est ornée en long d’un grand nombre de côtes 
tranchantes lorsqu'elle est parfaitement intacte ; ces côtes alternent avec d’au- 
tres moins fortes, sans cependant que ce caractère soit appréciable au même 
degré sur tous les exemplaires; on observe une multitude de fines lignes 
d’accroissement très-rapprochées; bouche orbiculaire ou à peu près; angle 
apicial 5°. 


Localité. — Cette dentale a été rencontrée par moi à Tournay et à Mon- 
tignies-sur-Roc, dans l'étage turonien. Les auteurs cités à la synonymie l'ont 
rencontrée dans le terrain du même àge de leur pays. 


N° 45. Denraziuu Reussranum De Ryckholt, 1847. 


DenraLium srriaTum Sow. apud Mantell., Geol. of sassex , etc., p. 87, pl. 19, fig. 28 et 4. 
— Sow. apud Geinitz, loco cit.,.p.:76, pl. 18, fig. 27. 
— Sow. apud Reuss, loco cit., p. 41, pl. 44, fig. 18. 
Non Denraziun srriarum Sow. Mineral. Conchyliol., pl. 70, fig. 4. 
Non — Lamk. apud Deshayes, Monog. du genre Dentale, pl. 4, fig. 4, 5. 
Non — Lamk. apud Deshayes, Mémoires de la Société, ete., pl. 48, fig. 4, 5. 


Cette dentale a été rapportée à tort, par M. Mantell, à l'espèce tertiaire 
décrite par M. Sowerby sous le nom de Striatum ‘; le même nom spécifique 
a encore été appliqué par M. de Lamarck à une espèce vivant actuellement 


M. Deshayes a fait du Dent. striatum Sow. son Dent. acuticosta. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 71 


dans le golle de Tarente; elle n'existe dans le turonien de Visé qu'à l’état de 
moule, et encore ne la rencontre-t-on pas fréquemment. 


No 46. Denrazium sicosraLe de Ryckholt, 1847. 
(PL 11, fig. 45, 44.) 


Dexrauium vecussaTum? Sow. Min. Conchyliol., pl. 70, fig. 5. 
Conf. Denraium vecussarum  Sow. apud d'Orb., Pal. franç., t. 2, pl. 256, fig. 6. 


D. Test conicd, attenuatä, incurvd, costulis binis lentè latescentibus, oppo- 
sitis, longitudinaliter ornatà; aperturé ellipticä ; angulo apiciali #1. 


Coquille conique, peu eflilée, légèrement arquée, composée d’un angle 
régulier de 4° ‘/,; sa surface est ornée en long de deux fines côtes latérales . 
diamétralement opposées et allant en s’élargissant d’une manière peu sensi- 
ble ; bouche elliptique. 


Observations. — Nous ne connaissons le moule du Dent. decussatum Sow. 
que par la figure qu’en a donnée M. d'Orbigny ; celle que nous donnons du 
moule que nous lui rapportons, aidera probablement au rapprochement des 
deux espèces. Si ce rapprochement était fondé, l’âge du terrain dans lequel 
se rencontre notre coquille serait à peu près irrévocablement fixé; car le 
Dent. decussatum caractérise éminemment le gault en Angleterre, à Wis- 
sant près Boulogne et dans les départements de la Meuse et des Ardennes. 


Explication des figures. — PI. IL, fig. 45. Exemplaire (moule) de grandeur naturelle, vu de profil. 
44. Contour de la bouche. 


Localité. — J'ai recueilli le dent. bicostale dans le grès verdàtre de Tournay 
ou néocomien ? 


No 47. Denraziuw azrennans de Ryckholt, 1847. 
(PL II, fig. 45, 46.) 


D. Testà subareuaté, subulatä, costis novem crassis, totidemque subtilioribus 
interpositis striisque vix conspicuis, ferè nullis, transversis ornatä ; aperlturà 
ovali ; angulo apiciali 4° +. 


79 ._ MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Coquille conique, allongée, faiblement arquée , composée d’un angle régu- 
lier de 4° '/,; sa surface est ornée en long de neuf côtes convexes alternant 
avec le même nombre de côtes plus fines ; bouche elliptique. 


Observations. — Le Dent. alternans diffère du Dent. polygonum Reuss, 
pl. XI, fig. 5, par un nombre moindre de côtes autrement disposées. 


Explication des figures. — PI. IT, fig. 45. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
46. Portion de test, fortement grossie. 


Localité. — J'ai rencontré cette dentale dans le terrain turonien de Visé; 
elle y est à l’état de moule fréquemment déformé. 


No 48. Denrazium Micauxranum de Ryckholt, 1850. 
(PL. I, fig. AT, 48.) 


Denraziun ELLIPTICUM Sow. apud Reuss, p. 41, pl. 41, fig. 20. 
Non Denr. — Sow. Mineral. conchyliol., p. 110, pl. 70, fig. 6, 7. 


D. Testä subtereti, incurvd, lentè altenuatà , transversim rugosiusculà ; aper- 
turd orbiculari; angulo apiciali 4. 


Coquille un peu cylindrique, allongée, formant un cône régulier fort eflilé 
et peu recourbé; sa surface est recouverte de rides d’accroissement irrégu- 
lièrement disposées et peu marquées ; bouche orbiculaire; angle apicial 4. 


Observations. — En comparant notre figure à celle citée plus haut de 
M. Reuss, il me parait impossible de trouver entre les coquilles qu'elles 
reproduisent des différences suflisantes pour justifier leur séparation spéci- 
fique, et ce, avec d'autant moins de raison , qu’elles appartiennent au même 
étage, tandis que l'Ellipticum Sow. est propre au gault. M. Reuss, en décri- 
vant comme elliptique la bouche de sa coquille, a facilement pu être induit 
en erreur; car elle parait peu commune en Bohême. En Belgique, où elle est 
moins rare, les exemplaires à bouche circulaire ne se rencontrent que de loin 
en loin, tandis que ceux qui ont subi une compression et qui, par suite, affec- 
tent la forme elliptique, s’y trouvent assez communément. Le Dent. cylin- 
dricum Sow. a des proportions trop différentes pour pouvoir être confondu 
avec le Michauxianum. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 75 


Explication des figures. — PI. IE, fig. 47. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
48. Contour de la bouche. 


Localité. — J'ai recueilli cette dentale dans le turonien des environs de 
Liége. 
ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Néocomiennes. 


Dentatium bicostale de Ryckh. 
— decussatum ? Sow. 


Dbévoniennes. 


Dentalium antiquum Goldf. 


Carhonifères. Turoniennes. 
Dentalium medium Sow. 
— Geinitzianum de Ryekh. 
— Reussianum de Ryckh. 
— alternans de Ryckh. 
— Michauxianum de Ryckh. 


Dentalium perarmatum de Ryckh, 
— inæquale de Ryckh, 
— priseum Münst. 
— Dentalioïdeum Phil]. 


NATICIDÆ D'Ors1GNy. 


Gexre NARICA d'Orbigny. 


Narica Auctor. 


Coquille globuleuse plus longue que haute et généralement striée en tra- 
vers; spire courte; bouche semilunaire, toujours coupée carrément du côté de 
l'ombilic; ombilic toujours très-large et sans encroûtement. D'Orbigny. 


Observations. — Ce genre a été créé en 1839, par M. d'Orbigny, dans sa 
Faune des Antilles, aux dépens du genre Natica. À aucune époque ce genre 
n'a acquis un bien grand développement spécifique, comme on le voit par le 
relevé ci-après. Dans l'étage carbonifère où, d’après nos connaissances 
actuelles, ses dépouilles se rencontrent pour la première fois, on ne connait 
encore que deux espèces, l’une, le Narica lyrata Phill., loco cit., pl. 14, fig. 22. 
a été observée simultanément en Belgique et en Angleterre; l'autre, dont la 
description suit, a été recueillie par moi à Visé. Dans l'étage perméen de 


Tour XXIV. 10 


74 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


St-Cassian , M. le comte de Münster a signalé plusieurs Vatica, dont une au 
moins, le Natica semistriata, figurée Beitr. zur Petref., 4° partie, pl. 10. 
fig. 6, me semble devoir passer dans le genre qui nous occupe. Ce même 
auteur à assimilé au Varica lyrala une Naticella qui, par le manque d'om- 
bilic, ne peut être une Narica (voyez même pl., fig. 25); je n’en connais pas 
dans les divers étages jurassiques et tertiaires; une espèce en a été observée 
dans le turonien de Cassis, par M. Matheron et décrite sous le nom de Cretacea 
par M. d'Orbigny; vivantes on les rencontre sur le littoral des mers chaudes. 


N° 49. Narica spixescexs de Ryckholt, 1847. 
(PI HI, fig. 4, 3.) 


N. Testä tenui, arcuatà, longitudinaliter costatä, costis latis, sulco distinctis 
el transversim lamellosà, lamellis erectis, remotis, Spinosis, et striis undu- 
latis interpositis; anfractibus convexis, ultimo supernè depressiusculo ; 
aperturd ovali, posticè angustatä ; umbilico rugoso. 


Coquille mince, arquée; tours de spire convexes , légèrement déprimés près 
la suture; sa surface est ornée en long de larges côtes peu proéminentes, 
séparées par un sillon, et en travers de côtes minces en forme de lamelles, 
trés-saillantes, un peu convergentes vers les extrémités, tandis qu'elles sont 
fort espacées vers le milieu des tours; ces côtes, de distance en distance, for- 
ment des expansions épineuses, larges à la base , mais peu élevées; l'intervalle 
qui les sépare est ridé par un grand nombre de stries très-apparentes, com- 
posées d’un nombre de demi-cercles égal à celui des côtes longitudinales 
qu’elles traversent; leur concavité est tournée vers la bouche; cette dernière 
est oblique et serait elliptique, si elle n’était un peu rétrécie en arrière; ombi- 
lic plissé. 


Observations. — Le Narica spinescens diffère du Narica lyrata Phill., par 
sa forme moins globuleuse , ses sillons longitudinaux ; ses stries onduleuses et 
surtout par ses épines. 


Explication des figures, — PI. I, fig. 1. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le dos, 
2, Le même, vu de profil. 
5. Le même, vu sur la bouche. 


Localité. — Cette coquille a été découverte par moi dans le calcaire carbo- 
nifère de Visé. : 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 75 


Gexre NATICODON de Ryckholt, 1847. 


Nanczæ er NeriræÆ Spec, auct. 


Coquille nacticoïde, munie à tout âge sur le retour de la spire, au-dessous 
du bord interne de la columelle, d’une dent variable dans sa forme selon l'age 
et les espèces; surface columellaire encroütée ou calleuse, généralement ca- 
naliculée sur une assez grande étendue, lisse ou ornée en travers de plis, de 
stries, de sillons ou de granulations ; ombilic masqué. 


Observations. — Lorsqu'on observe attentivement les coquilles carboni- 
fères et dévoniennes rangées, par les uns, dans le genre Natica, par d’autres. 
dans le genre Nerita, l'on ne tarde pas à remarquer que ces fossiles échap- 
pent en quelque sorte à la diagnose des deux genres, et on éprouve quelque 
hésitation à les classer dans un genre plutôt que dans l’autre. 

En effet, procédons par voie d'analyse et prenons d'abord le Natica variata 
Phill., Nerita variata de Kon., et étudions-le dans ses détails; il se rapproche 
des Natica par sa forme globuleuse, par sa bouche et par sa columelle cal- 
leuse, qui ne se fond pas avec le corps de la coquille et laisse toujours subsis- 
ter un soupçon d’ombilie, qu'on trouve des mieux constitués, lorsqu'à l'aide 
d'un instrument pointu on enlève une partie de la callosité; on remarque 
aussi une dépression située presque entièrement en ayant de la surface cal- 
leuse; ce dernier caractère se rencontre, quoique rarement, sur quelques na- 
tices vivantes. 

Si on recherche ensuite quels motifs ont pu engager certains auteurs à en 
faire une nérite, on éprouve quelque embarras à en trouver un qui ait une 
apparence de fondement; car sa structure intime s'oppose à tout rapproche- 
ment de l'espèce ; si alors on vient à découvrir que cette coquille, dont le elas- 
sement nous préoccupe, est pourvue d’une grosse dent au-dessous du bord 
interne de la columelle, on ne cherche plus à en faire soit une natice, soit 
une nérile. 

Si on procède de la même manière à l'égard du Nerita spirata Sow., Natica 
spirala Phill., on reconnaitra la bouche des natices, un ombilic masqué, une 
dépression à la columelle, mais sa surface columellaire , régulièrement plissée 
en travers, repousse tout rapprochement avec les natices ; d’un autre côté, 
la forte dépression qui caractérise la columelle de cette coquille, la forme de 
la bouche, etc. , ne permettent pas de la réunir aux nérites ; une dent analogue 
à celle de l'espèce précédente et placée de la même manière, coupe court à 


76 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


toute hésitation, et l’on est encore une fois forcé de convenir que ce n'est ni 
une natice, ni une nérite. 

Passons au Natica plicistria Phill., Nerita plicistria de Kon., analysons 
ses caractères, comme nous l’avons fait pour les espèces précédentes, et nous 
arriverons au même résultat. Cette coquille doit, en passant dans le genre 
Naticodon , reprendre le nom spécifique de Globosum, qui lui a été donné dès 
1850 par M. Hoeninghaus. 

Quant au Natica ampliata Phill., Nerita ampliata de Kon., Capulus am- 
pliatus Goldf., nous avons de bonnes raisons pour en faire un Cardiomorpha ; 
cette assimilation nous parait incontestable, à moins qu’on ne nous prouve 
qu'il existe à Visé et à Tournay un Cardiomorpha dont chaque valve est iden- 
tique avec la coquille en question. 

De ces observations découle la nécessité de combler, dans la science, une 
lacune, en créant un genre dans lequel viendront se ranger ces coquilles équi- 
voques, dont l'intérieur ne nous est pas parfaitement connu et qui, sans ap- 
partenir aux natices et aux nérites, ont en commun, dans leur facie exté- 
rieur, quelque chose des deux genres. 

Il paraitra peut-être étonnant aux personnes peu familiarisées avec l'étude 
des fossiles paléozoïques, que cette dent, souvent si bien développée, soit 
restée inaperçue jusqu'à ce jour; en réfléchissant cependant que la dureté 
des roches qui recèlent ces fossiles , ne permet que bien rarement d’en déga- 
ger complétement la bouche, et que même, lorsqu'on y parvient, l'emploi 
d’un outil tranchant a presque toujours détruit cette dent, le fait paraîtra 
moins extraordinaire ; il a fallu un hasard presque providentiel pour parvenir 
à cette découverte, dont l'honneur revient de plein droit à M. le professeur 
Cantraine. 

Je ne connais l'existence du genre Naticodon que dans le 2e et le 5e étage 
paléozoïque ; cependant, à en juger d’après le facies de certaines coquilles dé- 
crites en Angleterre et en Allemagne, il y a lieu de croire qu'il se montre 
aussi dans le premier étage. Ainsi, pour n’en citer qu'un exemple, le Vatica 
gregaria Barrande du silurien de Jarrow (Bohème), ne devrait-il pas devoir 
être compris dans ce nouveau genre ? 


No 50. Nariconon pyruza de Ryckholt, 1847. 
(PL HT, fig. 4, 5.) 


N. Testà tenui, oblongd, ventricos, anfractibus quinque rotundatis, ultimo 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 77 


maximo, dilatato, plicis obliquis , transversis, evanescentibus ornatä ; aper- 
turd suborbiculari ; columellé ferè nudä , levi, suleo longitudinali exaratà ; 
apice mucronalo. 


Coquille mince, renflée, élargie en avant, acuminée en arrière, composée 
de cinq tours spiraux arrondis, dont le dernier comprend à peu près les ?/, 
de la longueur totale; dans l'état ordinaire de conservation, sa surface est or- 
née, près la suture , de plis arqués , transverses, qui disparaissent à une petite 
distance de leur point de départ; cependant, lorsqu'on consulte les retours 
de spire que les causes destructives de la fossilisation n'ont pu entamer, on 
remarque à la loupe de fines stries longitudinales coupées en long par de 
fines hachures: bouche incomplétement circulaire; columelle faiblement si- 
nueuse, presque concave, à peine recouverte d’une légère callosité, sans orne- 
ments bien distincts ; en arrière et à hauteur du milieu de cette dernière part. 
un sillon qui se prolonge en avant jusqu'au bout de la columelle; sommet 
terminé en pointe. 


Observations. — Le Naticodon pyrula diffère des espèces connues par la té- 
nuité du test, du Natica inflata Roem., Verstein. des hartzg., p. 27, pl. 7, fig. 8. 
par sa forme plus globuleuse, plus ramassée , par sa spire moins élevée, etc. . 
du Natica protogæa Goldf., par les mêmes motifs, par sa columelle moins cal- 
leuse, par le contour plus arrondi de la bouche, etc. 


Explication des figures. — PI. II, fig. 4. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le dos. 
5. Le même, vu sur la bouche. 


Localité. — J'ai découvert ce Naticodon dans le dévonien de Visé. 


No 51. Nariconon oranoïpe de Ryckholt, 1847. 
(PL UT, fig. 6, 7.) 


N. Test ovali, crassd, explanatä, depressä, levi, anfractibus 3 convexis , 
ultimo maximo; aperturd subsemi-circulari, dente acuto instructà ; colu- 


mellä callosä, levi, anticè depressä ; labro arcuato; apice laterali, ma- 
millari. 


Coquille épaisse , presque aussi longue que large ; déprimée. lisse. composée 


78 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


de trois tours spiraux convexes, dont les deux premiers sont à peu près en- 
roulés dans le même plan, tandis que le dernier forme à lui seul presque 
toute la longueur de la coquille; bouche plus longue que large , pourvue d’une 
dent terminée en pointe et limitée latéralement par un arc de cercle; colu- 
melle légèrement concave, calleuse, lisse et déprimée en avant; labre très- 
arqué ; ombilie marqué par une forte dépression ; sommet latéral, émoussé. 


Observations. — Je ne connais, dans le terrain paléozoïque, aucun Natico- 
don qui ait des rapports un peu marqués avec celui-ci, persuadé :que nous 
sommes, qu'il est bien adulte par suite du fort épaississement de la columelle ; 
il parait avoir été richement colorié pendant la vie de l'animal; il subsiste 
encore de cette coloration des traces, mais trop fugitives pour étre rendues 
par le pinceau; je crois être parvenu à en isoler la dent, mais je ne pourrais 
l'affirmer positivement. 


Explication des figures. — PI. HIT, fig. 6. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur la bouche. 
7. Le même , vu sur le dos. 


Localité. — Ce Naticodon se rencontre dans les mêmes circonstances que 
le précédent. 


Ne 52. Nariconox srevispira de Ryckholt, 4847. 


(PL HI, fig. 8, 9.) 


E. Testä crassä, ovali, levi, anfractibus 4, ultimo maximo, convexo ; aper- 
turd oblongä; columellà callosä, granulis partim confluxis obsità, anticè 
depressà ; labro arcuato, acuto ; spir& brevi, apice laterali, mamillari. 


Coquille épaisse, elliptique, lisse, composée de quatre tours spiraux, dont 
les trois premiers sont à peu près enroulés dans le même plan, tandis que 
le dernier forme les ‘/, de la longueur totale; bouche oblongue; columelle 
épaissie par une callosité couverte d’une fine granulation dont les éléments les 
plus rapprochés confluent deux à deux, ef donnent ainsi naissance à de petits 
plis; la dépression antérieure est fortement marquée; labre arqué et tran- 
chant; sommet mamillaire. 


Observations. — Cette coquille conserve de larges traces de sa coloration 
première ; ce sont des fascies irrégulières, transverses et noires; l'extrême 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 79 


épaisseur du test et la columelle chagrinée ne permettent pas de la confondre 
avec aucun de ses congénères connus. 


Explication des figures. — PI. WI, fig. 8. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le dos. 
9. Le même, vu sur la bouche. 


Localité. — Le Naticodon brevispira a été recueilli par moi dans le calcaire 
carbonifère de Visé. 


No 53. Naricopon variarum Phillips. 
(PL I, fig. 40, 44.) 


Narica variara, Phill., ust., of the Geol. of Yorck, p. 226, pl. 14, fig. 26, 27. 
Nentra — de Kon., Descript. des anim. foss., etc., p. 481, pl. 22, fig. 8, a, b. 


La dent de ce Naticodon, dans le jeune âge, est fort superficielle; la base en 
est large, un peu orbiculaire, et elle se termine en pointe ; adulte, elle devient 
conique. 

Nous renvoyons, pour la description de cette coquille et celle des deux 
espèces suivantes, aux auteurs cités à la synonymie ; elle conserve assez fré- 
quemment ses ornements primitifs; nous possédons de Visé des exemplaires 
unifasciés et bifasciés; on voit, pl. II, fig. 9, un exemplaire de Tournay, orné 
de quatre fascies noires sur un fond chamois, et, fig. 10", un autre de Visé 
colorié de rouge et de pourpre sur un fond clair; la fig. 11 en reproduit la 
dent isolée, vue de profil. 


Localité. — On rencontre ce Naticodon dans le calcaire carbonifere de Visé. 
de Berneau , Chocquier, Lives , etc.; les exemplaires de Tournay correspondent 
parfaitement aux figures de l’auteur anglais; il parait aussi fort répandu en 
Angleterre. 


N° 54. Nariconox cLososum Hoeninghaus. 
(PL HI, fig. 12.) 


Narica GLoBosA Hoen., Jahrbuch für Geol. und Min. von Leonh. und Bronn 1850. 
— Dumont,. Constit. géol. de la prov. de Liége, p. 350. 
— Davreux, Constit. géol. de la prov. de Liége, p. 271, pl. 8, fig. 1. 
NaïTICA PLICISTRIA Phill., loco cit., p. 225, pl. 14, fig. 25. 
NeriTa — Phill., apud de Kon., loco cit., pl. 42, fig. 5, a, b, c. 
Non NaricezLa puicisrria Phill., apud Münst., Beitrage, Heft 4, p. 93, pl. 10, fig. &. 


La dent de ce Naticodon est conique. 


80 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Explication des figures. — PI, II, fig. 12. Jeune exemplaire, vu sur.la bouche, au trait. 


Localité. — On rencontre fréquemment cette coquille dans le calaire car- 
bonifère de Visé et de Tournay. 


No 55. Naricopon spirarum Sowerby. 


(PL II, fig. A5, 44) 


Nenita spiraTa Sow.,, Conch. miner., p. 475, pl. 465, fig. 4, 2, 5. 
— —  Sow., apud Dumont, loco cit., p. 354. 
Narica —  Phill., apud de Kon., loco cit., p. 481, pl. 42, fig. 5 d. 


La dent de cette coquille est pyramidale, à base étalée, un peu radicante. 


Explication des figures. — PI. HT, fig. 15. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur la bouche. 
44. Dent isolée de jeune exemplaire, vue en face du côté de la 
columelle. 


Localité. — On rencontre ce Naticodon dans le calcaire carbonifère de Visé. 


Observations. — Je crois pouvoir affirmer que la dent dont sont pourvues 
les coquilles de ce genre, subit de grandes modifications par l’âge, et que, 
malgré les différences apparentes qu’elles montrent dans le jeune âge, elles 
finissent généralement, plus tard, par affecter la forme conique. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Dévoniennes, Naticodon variatum Phill. 
Naticodon pyrula de Ryckh. —  globosum Hoen. 
—  otaroïde de Ryckh. —  spiratum Sow. 
Carhonifères, 


Naticodon brevispira de Ryckh. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 81 


NERITIDÆ vOrmieny. 


Genre NERITA Linné. 


Nerrra et NerrriNa Lamk. et cæt. auct.; PELERONTA Ocken; Ccirnon et VeLares Montf. 


Coquille spirale, semi-globuleuse, aplatie en dessous et sans ombilic; bouche 
semi-lunaire; columelle entière, pourvue de dents ou de crénelures; labre 
tranchant, denté ou non denté à l'intérieur ; sommet généralement émoussé et 
latéral. 


Observations. —Les nérites ont été signalées dans tous les étages ; nous avons 
démontré que les coquilles des divers étages paléozoïques, décrites comme 
telles, devaient faire partie de mon genre Naticodon. M. A. d'Orbigny n’admet, 
lui, leur existence que postérieurement à la craie. Cette manière de voir est 
par trop exclusive, attendu que je possède au moins deux espèces de cette 
dernière formation : le vrai est que la plupart des auteurs ont classé dans ce 
genre des coquilles dont les caractères intérieurs leur étaient inconnus, et 
seulement sur le facies extérieur qui, par ses rapports avec les Natica et 
les Neritopsis, a pu les induire en erreur; cependant, d’après les connaissances 
acquises sur ce genre, je crois que nous pouvons admettre que les animaux 
se sont montrés avec les terrains jarassiques et que, depuis lors, ils n’ont cessé 
de vivre dans les mers qui se sont succédé, pour acquérir, dans les mers, 
les fleuves et les rivières de nos jours, le maximum de leur développement 
spécifique. 


No 56. Nenira czesosa de Ryckholt, 1847. 


(PI. III, fig. 45, 16.) 


N. Testä ovali, angulatà , spir brevi, angulo 80°, anfractibus tribus convexis , 
ultimo maximo, longitudinaliter squamoso-costatà, squamalis, brevibus , 
irregularibus, fornicatis vel plenis et transversim obliquè plicatä ; apice 
obtuso ; aperturd semi-orbiculari, coarctatà ; columellä incrassatä , trans- 
versi, quadridentatà ; labro acuto, supernè incrassato. 


Coquille ovale, anguleuse; spire composée d'un angle régulier de 80»; 
Tome XXIV. 11 


82 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


tours spiraux au nombre de trois; le dernier, fort convexe, forme à lui seul 
la presque totalité de la longueur de la coquille; sa surface est ornée en long 
de côtes, dont deux, celles qui sont le plus rapprochées de la suture et celle qui 
limite la dépression, sont les plus fortes ; ces côtes sont couvertes d’écailles, 
courtes, irrégulières , relevées en voûte, pleines ou creuses, isolées ou réunies, 
formées par le passage de plis transverses, obliques, onduleux et très-rappro- 
chés; ces plis rident en outre les interstices des côtes et s'accumulent dans 
le voisinage du labre; ces ornements ne sont qu'ébauchés sur les surfaces an- 
guleuses; sommet émoussé et lisse; bouche semi-circulaire et rétrécie par un 
fort épaississement palétal plus développé, vers la gauche, à la jonction du 
labre à la columelle, que partout ailleurs; columelle calleuse transversale, 
sans inflexion et pourvue de quatre petites dents. 


Explication des figures. — PI. IX, fig. 15. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le dos. 
16. Le même, vu sur la bouche, au trait. 


Localité. — Fai recueilli abondamment cette nérite dans le turonien de 
Tournay et de Montignies-sur-Roc. 


No 57. Nerrra cesropnora de Ryckholt, 1847. 


(PL HI, fig. A1.) 


N. Testä ovali, conoided, posticè subacuminat&, spirä angulo 107°; anfracti- 
bus convexis, ultimo maximo, angulato, supernè plicato, plicis transversis, 
obliquis, lamellosis, erectis, denticulatis et concentricè triplicato, plicis mi- 
noribus ; infrà carinam, medio unicostato, costà laté rotundatä, crispatä ; 
el anticè seriatim tuberculatà et torulosd ; apice obtuso, levi;,aperturd semi- 
orbiculari; columellà rectà , dentatà ; labro acuto. 


Coquille conique , un peu acuminée en arrière, légèrement élargie en avant: 
spire composée d’un angle de 107 et formée de trois tours spiraux convexes, 
dont les ornements sont très-variés ; les deux premiers sont lisses , tandis que 
le dernier, qui forme à lui seul presque toute là longueur , est anguleux ; sa 
surface supérieure ou déprimée est ornée d'un gros bourrelet.froncé, qui 
longe la suture, et de lamelles droites qui se dirigent obliquement vers la 
carène qui limite la dépression; ces lamelles sont denticulées et coupées par 
3 ou À petites côtes concentriques peu saillantes; la partie inférieure ou 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 85 


non déprimée de la surface est ornée, dans le milieu, d’un bourrelet plus mar- 
qué que le premier et froncé comme lui, par la continuation des plis trans- 
verses que nous venons de mentionner; en-dessous de ce dernier, on observe 
4 à 6 rangées de tubercules disposés régulièrement en funicules ; sommet lisse. 
à peine saillant, bouche semi-orbiculaire ; columelle droite et dentée ; labre 
tranchant. 


Observations. — N'ayant pas d'exemplaire dont la bouche est bien dégagée. 
il m'est impossible d'en faire connaître tous les caractères; je crois, cepen- 
dant me rappeler qu'ils différent à peine de ceux de l'espèce précédente. 
Cette observation, que j'ai été à même de faire sur un exemplaire faisant 
partie d’une collection particulière du pays, m'a engagé pendant longtemps. 
malgré les différences apparentes, à considérer les deux espèces comme 
n'en formant qu'une ; je erois encore que, par la suite, ce rapprochement 
sera possible. 


Le Natica nodoso-costata Reuss, pl. 44, fig. 21, ne serait-il pas établi sur 
un exemplaire roulé ou oblitéré par l’âge de notre coquille? 


Explication des figures. — PI. HE, fig. 17. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le dos. 


Localité. — Cette nérile se rencontre avec l'espèce précédente. 


ATLANTIDÆ Raxc. 


Gevre BELLEROPHON Montfort. 


Coquille généralement globuleuse, rarement discoïde, toujours symétrique. 
avec ou sans ombilics ; bouche presque toujours plus large que haute; labre 
muni à tout âge, dans sa partie médiane, d’une fissure élargie en avant; sur- 
face oblitérée se dessinant en carène imbriquée ou limitée latéralement par 
deux carènes ou côtes, couverte de plis arqués et transverses; rarement elle 
est marquée par une dépression simple; retours de spire recouverts d'une 
callosité qui cache les aspérités qui composent les ornements extérieurs de la 


coquille. 


84 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Observations. — Les savants sont peu d'accord sur la place que ce genre 
doit occuper dans la méthode; laissant de côté les systèmes trop absurdes 
pour qu'on s’en occupe, nous restons en présence de deux opinions qui mé- 
ritent, au même titre, qu'on les discute. 

MM. Deshayes, d'Orbigny , Cantraine , de Verneuil , ete., ont placé ce genre 
dans la famille des Atlantides; M. de Koninck, dans celle des Fissurellides, 
à côté des émarginules ; ce dernier rapprochement a quelque chose de si sé- 
duisant au premier aperçu, qu'il m'a paru destiné à rallier beaucoup de pa- 
léontologues ; pendant longtemps, j'ai partagé l'opinion du savant professeur, 
non que les considérations sur lesquelles elle s’appuyait me parussent con- 
cluantes, mais parce qu’il me semblait peu conforme à la marche habituelle 
de la nature qu'un genre, éteint depuis une si longue suite de siècles, fût 
représenté dans les mers actuelles par une famille assez nombreuse. 

M. de Koninck, pour faire prévaloir son opinion, a beaucoup insisté sur 
la callosité qui revêt les retours de spire; mais je pense que ce caractère ne 
peut être invoqué par les partisans d’une opinion, plutôt que par ceux de 
l'autre, attendu que si, les coquilles des genres Atlanta Lesueur et Helico- 
phlegma d'Orb. n’en sont pas pourvues, on ne l’a pas plus observée sur celles 
des genres Fissurella et Emarginula ‘; il en est de mème des conséquences 
que ce savant a voulu tirer de la plus grande épaisseur du test des Bellero- 
phon ; elles me paraissent aussi peu fondées que l’assertion d’un auteur qui, 
il y à 20 ans, écrivait, du plus grand sérieux, que bien certainement les am- 
monites, vu le poids de leur coquille, ne pouvaient quitter le fonds des mers 
et que, dès lors, on les rencontrerait un jour, par l'effet d’un heureux hasard ; 
n'est-il pas probable que cette épaisseur a dù être en rapport avec la puissance 
de locomotion dont l'animal disposait? Ainsi une ventouse plus développée 
a pu contre-balancer le surcroit de poids résultant de la plus grande épaisseur 
du test; ensuite il existe bien des espèces de ce genre dont le test n’est pas 
plus épais que celui des atlantides. 

Si l’on compare ensuite la coquille des atlantides avec celle des Bellerophon, 
l’on reste frappé de analogie qui existe entre les deux types, et l’on se sent 
entrainé vers lopinion de ceux qui classent les Bellerophon dans la famille 
des atlantides, comme la plus probable; c’est celle que j'adopterai pour cette 
publication *. 


1 Les Bellerophon à test très-mince que nous décrirons, sont à peu près dépourvus de cette callosité. 
? En principe, chaque coquille devant satisfaire aux conditions d'existence de Fanimal qui l’habite, la 
question controversée se réduit à celle-ci: par leur structure, les coquilles de ce genre sont-elles plutôt 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 85 


Ce genre appartient à la nature éteinte; il est propre aux étages paléozoï- 
ques; c'est dans le 3" que ses espèces sont les plus nombreuses et atteignent 
les plus fortes proportions. 

Une seule espèce, le B. nautilinus Munst. a été signalée dans le 4° étage, à 
St-Cassian ; mais cette coquille est dépourvue du principal caractère du genre : 
elle manque de surface oblitérée et de fissure; lAmmonites? rimosus du 
même auteur, pl. 45, fig. 51, se rapproche davantage du genre. 


No 58. Bezceropnon rugercuLarus d'Orbigny. 


BeuLeropuon rusercuLaTus d'Orb. et Ferrussac, Monog. des céphal. acétabul., pl. 8, fig. 7-10. 
— nopucosus Goldf., Mus. 
_— rusercuLATus de Vern. and d'Arch., Mem. on the fos., ete. pl. 353, pl. 28, fig. 9. 


B. Testä globulosé, perforatä, tuberculis obsità ; fissurd mediocri; carinä 
prominulé, plicis transversis, crassis, arcuatà; imbricatä; auriculis mi- 
nulis ; aperturd transversd ; umbilicis angustis. 


Coquille globuleuse, perforée; sa surface est couverte de tubercules plus 
ou moins confluents à leur base; fissure petite; surface oblitérée, limitée laté- 
ralement par deux côtes peu saillantes et marquée en travers de gros plis ar- 
qués; bouche beaucoup plus large que haute; oreillettes peu développées; 
ombilics étroits. 


Observations. — MM. de Verneuil et d’Archiac, en décrivant cette coquille, 
ne font pas mention de ses ombilics , qui sont cependant très-perceptibles à 
tout àge; les tubercules et les plis de la surface oblitérée s’affaiblissent et même 
disparaissent avec l’âge sénile. 


Localité. — J'ai recueilli le B. tuberculatus dans le dévonien de Visé et dans 
l'argile du même àge des environs de Pafrath. 


No 59. Bezceropnon miuzcus Sowerby, 1847. 
(PI HIT, fig. 18, 19.) 


J'ai fait figurer un exemplaire de Bellérophe que je rapporte, non sans 


propres à flotter à la surface des eaux qu'à abriter un animal rampant au fond des mers? La réponse ne 
peut être douteuse, ce me semble, car tous les principes statiques qui règlent la stabilité des corps sont 
merveilleusement observés dans leur construction. 


86 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


éprouver quelque incertitude sur ma détermination , au B. hiulcus Sow., par 
la présence d’ornements accidentels et par le manque de symétrie ; il offre à 
la science un cas morbide intéressant ; il est bien adulte et n’a subi aucune 
dépression, ni compression. 

Le côté gauche, à partir de l'oreillette, est marquée de trois larges côtes 
arquées, séparées par un sillon; une profonde dépression allant , ainsi que les 
côtes, en s’élargissant de bas en haut, occupe toute la surface libre jusqu’à la 
carène ; cette dépression est partagée en deux parties inégales et un peu éta- 
gées par une fine côte parallèle aux précédentes ; la carène ne me parait pas 
sensiblement différer de celle des individus non valétitudinaires ; sur le côté 
droit près de l'oreillette, on observe deux côtes identiques aux côtes analo- 
gues de l’autre face, mais les deux autres manquent, ainsi que la dépression ; 
on découvre, non sans peine , de fines stries correspondant aux sillons oppo- 
sés; tous ces accidents s’atténuent insensiblement avant d'atteindre le labre. 


Observations. — J'ai vu se reproduire ce manque de symétrie sur plusieurs 
exemplaires et toujours de façon différente. 


Explication des figures. — PI. IT, fig. 18. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
19. Le même, vu sur le dos. 


Localité. — L'exemplaire figuré a été recueilli par moi dans l'argile carbo- 
nifère de Tournay. 


No 60. Bezzeropnon pnaLexA de Ryckholt, 1847. 
(PL. HI, fig. 20-29.) 


B. Testé papyraced, valdè convext, lateribus compressis ; auriculis productis, 
explanatis et infernè rectè delineatis, costulis longitudinalibus et transversis 
decussatà ; carind vix prominulà, imbricatà ; umbilicis perspectivis ; aper- 
turä valdè transversd. | 


Coquille fort mince, formée de chaque côté de la carène de deux plans, 
dont l’un, vertical, comprend l’ombilic et l’autre, convexe, fait un angle obtus 
avec le premier; par suite de cette disposition, le dos paraît latéralement com- 
primé; sa surface est ornée en travers de fines côtes arquées qui représen- 
tent assez exactement des accolades dont la pointe repose sur le milieu de la 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 87 


surface oblitérée, et les extrémités s'appuient sur le pourtour de lombilic: 
ces côtes sont coupées en long par d’autres de même grosseur et équidistantes ; 
en sorte qu'elle parait couverte d’un réseau dont les mailles sont ornées aux 
quatre angles d’un petit tubereule à peine visible à l'œil nu (les jeunes exem- 
plaires paraissent couverts d’une fine granulation); surface oblitérée à peine 
saïllante et imbriquée ; ombilies montrant tous les tours spiraux ; bouche beau- 
coup plus large que haute; callosité gibbeuse; oreillettes fort grandes , étalées 
et se développant en ligne droite à leur limite inférieure. 


Observations. — Le test de cette coquille est, pour l'épaisseur, comparable à 
celui des argonautes ; l'on n'a donc que peu de chances de la rencontrer par- 
faitement intacte; je pense que les ornements s’oblitèrent dans l’âge sénile : 
car les oreillettes, et même toute la surface comprise entre les ombilics et le 
labre, sont frustes dans l'exemplaire figuré. 


Explication des figures. — PI. IT, fig. 21. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le dos. 
20. Le même, vu sur la bouche. 
22, Le même, vu sur l'ombilic. 


Localité. — J'ai recueilli le B. phalena dans l'argile carbonifère de Tournay. 


No 61. Bezeropnon papyraceus de Ryckholt, 1847. 


(PI. HI, fig. 28.) 


B. Testà papyraceä, compressä, lenticulari, clausà, cæsim carinatä ; carina 
lamelliformi, valdè exstante, transversim tenui lamellosä , lamellis sinuo- 
sis, stratis ; auriculis productis, valdè utrinquè incumbentibus ; aperturà 
paululüm transversd. 


Coquille fort mince, discoïde, non ombiliquée, munie d’une carène tran- 
chante et en forme de lamelle assez saillante ; sa surface est couverte de la- 
melles couchées et sinueuses ; les oreillettes sont très-prolongées en avant et 
retombent fort bas de chaque côté; bouche un peu plus large que haute: je 
ne connais pas exactement la fissure. 


Observations. — Le test de cette coquille est encore plus mince que celui 
de l'espèce précédente: aussi est-il fort rare d’en rencontrer des exemplaires 


88 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


passablement conservés ; je n’ai pas osé dégager complétement la bouche pour 
en étudier la callosité. 


Explication des figures. — PI. NI, fig. 28. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 


Localité. — J'ai découvert le B. papyraceus dans l'argile carbonifère de 
Tournay. 


Ne 62. Bezreropnon uyaunus de Ryckholt, 1847. 


(PL HI, fig. 26, 27.) 


B. Testä hyalinä, valdè convexd, infernè subglobos@, striis longitudinalibus 
et transversis decussatà, loco carinæ, fasciolà haud prominul& in depres- 
sionem profundam latescente, instructä ; umbilicis pervüs; aperturd ex 
æquo, vel magis in altitudinem patente; auriculis magnis, subexplanatis ; 
anfractuum reversionibus vix incrassatis ; fissurâ semi-circulari. 


Coquille hyaline, fort convexe, presque sphérique en dessous, un peu dé- 
primée en avant et au-dessus des ombilics; sa surface est ornée en long de 
fines stries parallèles à la surface oblitérée et coupée en travers par d’autres 
stries onduleuses, fort espacées ; la carène est remplacée par une bande étroite, 
superficielle, qui change en dépression assez profonde à hauteur des ombilies, 
et va, en s’élargissant rapidement, jusqu’au labre ; ombilics très-prononcés, lais- 
sant probablement voir tous les tours spiraux ; oreillettes très-développées 
et un peu étalées; bouche aussi haute ou plus haute que large; retours de 
spire à peine épaissis ; fissure semi-orbiculaire. 


Observations. — Le test de cette coquille n’est pas plus épais que celui de 
l'Atlanta Keraudrenii d'Orb.; on conçoit dès lors que je n’aie pas osé courir 
la chance de compromettre, pour l'étude des ombilics, l'unique exemplaire, 
d’une conservation assez parfaite, que j'aie pu recueillir. 

Ce bellérophe, ainsi que les deux précédents, établissent merveilleusement 
l'affinité du genre avec les atlantides; ne pourrait-on pas conclure à priori, 
que l’épaississement des retours de spire est en raison directe des aspérités, 
qu'il est destiné à recouvrir, pour garantir de toute lésion, soit le corps de 
l'animal , soit l'appareil de mouvement si délicat dont il est pourvu? et à pos- 
teriori, que la coquille des atlantides , lorsqu'elle est extérieurement ornée, 
est aussi pourvue d’un épaississement suffisant pour masquer les inégalités 
intérieures ? 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 89 


Explication des figures. — PI. HI, fig. 26. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le dos. 
27. Le même, vu sur l’ombilic, au trait. 


Localité. — Ce Bellerophon ne se rencontre que fort rarement dans l'argile 
carbonifère de Tournay. 


No 63. Bezzeropnon puicarus de Ryckholt, 1847. 
(PL HI, fig. 28.) 


B. Testé crassd, tumidä, arcuaté, lateribus compressiusculis, dorso convexo, 
D à ? 2 LA 
declivi, transversim plicatä, plicis confertis, undosis, imbricatis: carinä 
LA A , Lu 2 
prominulé, arcuatim rugosd; fissurâ magnä; aperturé transversd, valdè 
callosä ; umbilicis clausis. 


Coquille épaisse, renflée, arquée, ayant les flancs légèrement comprimés 
et le dos un peu convexe, inclinant, de chaque côté de la carène, vers les 
flancs ; sa surface est couverte en travers de plis très-prononcés, réguliers, 
serrés, ondoyants et imbriqués ; carène étroite, bien exprimée sans être fort 
saillante , allant en s’élargissant très-lentement, de bas en haut et traversée 
par de petits plis arqués; fissure grande; bouche plus large que haute; re- 
tours de spire revêtus d’une forte callosité; ombilics fermés. 


Observations. — Le B. plicatus diffère du B. tenuifascia Sow., Conchyl. 
mineral. , etc., pag. 484, pl. 470, fig. 5, 4, par sa forme bien moins globu- 
leuse, par sa surface fortement imbriquée, et surtout par le manque absolu 
d’ombilies qui, d’après M. de Koninck, sont visibles à tout âge dans le 
B. tenuifascia. 


Explication des fiqures. — PI. II, fig. 25. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le dos. 
Localité. — Ce bellérophe accompagne les espèces précédentes. 


Ne 64. Bezzeropmon susniscoines de Ryckholt, 1847. 


(PL HI, fig. 29-51.) 


B. Testä modicè crass@, discoïded, lateribus convexo-compressis ; juniore, 
striis undulatis transversim ornatä ; seniore, ferè oblitteratà ; carinä acutaà 


Toue XXIV. 12 


90 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


valdè exstante; aperturd subtrigonä, paululm transverst, auriculis 
utrinquè incumbentibus ; fissurd minutä ; umbilicis clausis. 


Coquille peu épaisse, discoïde, déprimée dans son ensemble, ayant les 
flancs légèrement arrondis; sa surface, dans le jeune âge, est tte de fines 
lignes d’accroissement qui s’oblitèrent dans l’âge sénile, au point qu'il n’en 
reste que quelques traces fugitives; carène tranchante, assez relevée; bouche 
presque triangulaire, un peu plus large que haute; oreillettes retombant jus- 
qu’au tiers inférieur; fissure fort petite; ombilics fermés. 


Observations. — Le B. subdiscoïdes diffère du B. Hiulcus Sow. par sa 
forme incomparablement moins globuleuse , etc. 


Explications des figures. — PI. II, fig. 50. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le dos. 
29. Le même, vu sur la bouche. 
31. Le même, vu sur l’ombilic. 


Localité. — Ce Bellerophon se trouve avec les espèces précédentes; il est 
moins rare. 
Observations. — L'on rencontre dans le calcaire dévonien à Chimay, le 


B. Hupschü ; dans le schiste du même âge de Verviers, j'ai recueilli un moule 
de Bellerophon que je ne puis rapporter avec certitude à aucune espèce 
connue; le grès quartzeux, qui sert, dans le Hainaut, à la confection des 


pavés ete aux chaussées de l'État, est pétri de eue de Bellerophon . 
dont la détermination est impossible. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Dévoniennes. Bellerophon phalena de Ryckh. 
Bellerophon tuberculatus d’Orb. Gr papyraceus de Ryckb. 
— hyalinus de Ryckh. 


— plicatus de Ryckh. 
Bellerophon hiulcus Sow. Var. — Subdiscoïdes de Ryckh. 


Carhonifères. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 91 


BRACHIOPODÆ D'Onrieny. 


Gevre ORBICULA Lamarck. 
OnrmicuLa et Discina Lamk. 


Coquille de forme extrêmement variable, cependant généralement orbi- 
culaire ou elliptique, très-inéquivalve; valve inférieure presque plane ou 
concave, percée, dans les espèces vivantes , d’une fente transversale et, dans 
les espèces fossiles que je connais, d’une ouverture circulaire destinée à 
livrer passage aux muscles d'attache ; valve supérieure patelloïde, recouvrante, 
à sommet excentrique, toujours plus près du côté supérieur; aire triangulaire 
et sous-apiciale ; impressions musculaires au nombre de quatre, dont deux 
latérales près du sommet et deux rapprochées du côté supérieur, et appuyées 
contre les limites de l’area ; impressions ciliaires en forme de déchiquetures an- 
guleuses ou arrondies, couvrant toute la surface interne des deux valves, 
fugitives dans certaines espèces, très-marquées , même saillantes, dans d’au- 
tres, existant dans toutes. 


Observations. — J'ai sous les yeux plus de 150 exemplaires d'orbicules; 
c’est sur cet ensemble que j'ai établi ma diagnose. 

L'apparition sur le globe des animaux de ce genre date des mers silu- 
riennes; plus nombreux dans les mers dévoniennes, ils sont au maximum de 
développement spécifique dans les mers carbonifères; à partir de cette 
époque, ils diminuent spécifiquement en nombre de bas en haut jusqu'à 
l'époque actuelle, où l’on en connait encore quelques espèces. 

M. Phillips en cite une espèce dans le néocomien d'Angleterre, MM. Mantell, 
J. de C. Sowerby et d’Archiac en mentionnent chacun une autre dans les 
divers étages du terrain crétacé ; le nom de Lamellosa, donné par M. d’Archiac, 
à une espèce sénonienne de Rouen, a déjà été appliqué à une espèce vivante; 
il serait, ce me semble, convenable de l'inscrire dans nos catalogues sous le 
nom de Archiaciana, afin d'éviter la confusion que pourrait engendrer le 
double emploi du même nom spécifique. 


92 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


No 65. OnrBicuza ‘ Canrraineana de Ryckholt, 1847. 
(PL IV, fig. 1,2) 


O. Testà tenui, orbiculari, convexiusculä, concentricè rugosd, apice obtuso. 


Observations. — L’Orbicula Cantraineana ne présente rien de bien saillant 
dans ses caractères, ni dans son facies; il diffère de l’Orb. subrugata Münst., 
Beit., etc., 3° part., pag. 80, pl. 14, fig. 20, par son sommet moins excen- 
trique, moins pointu, par ses rides plus marquées, par sa taille, etc. 


Esplication des figures. — PI. IV, fig. 1. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
2. Le même au trait, vu de profil. 


Localité. — M. le professeur Cantraine, à qui j'ai dédié cette orbicule, l'a 
rencontrée dans le dévonien du Luxembourg; cinq exemplaires sont fixés sur 
un Orthoceras, long de 12 centimètres. 


N° 66. Ongicuza ‘ Cmacensis de Ryckholt, 1847. 
(PL IV, fig. 5, 4.) 


O. Test orbiculari, conicé, striis radiantibus et rugis quibusdam concen- 
tricis ornatà ; apice obtuso; ared levi, ferè pland, valvd inferiore concavd. 


Coquille orbiculaire, formant un cône oblique; sa surface est ornée de 
stries rayonnantes coupées par quelques rides presque concentriques ; sommet 
émoussé ; area lisse, presque plane; valve inférieure concave. 


Explication des figures. — PI. IV, fig. 3. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
4. Le même, vu de profil, au trait. 


Localité. — J'ai recueilli cette orbicule dans le dévonien de Chimay; on la 
rencontre encore dans le terrain du même âge du Boulonais, d’où je l'ai 
recue de M. Bouchard-Chantereau. 


No 67. Orgicuza ‘ niripa Phillips. 
(PL IV, fig. 5, 6.) 


Orgicuza nrrima Phill., loco cit., pag. 221, pl. XI, fig. 12. 


O. Testé tenui, nigrä, nitidä ovali, depressä, conicä, striis remotis radian- 


1 Lisez Orbiculoïidea. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 93 


tibus et concentricis, confertis ornatà ; apice valdè excentrico, acuto, inflexo ; 
valvé inferiore pland. 


Coquille mince, noirâtre, brillante, presque orbiculaire, formant un cône 
déprimé et oblique; sa surface est ornée de stries très-fines qui rayonnent 
du sommet vers la circonférence, et sont coupées par d’autres stries égale- 
ment fines et très-rapprochées; sommet terminé en pointe, recourbé et placé 
aux */, de la largeur ; valve inférieure presque plane. 


Observations. — La fig. 12 de l’auteur anglais reproduit exactement la 
forme de notre coquille; il n’en est pas de même des figures 10, 11 et 13, 
qui représentent une espèce moins déprimée et dont le sommet est plus 
marginal ; ces considérations m'ont décidé à ne pas les mentionner dans la 
synonymie. 


Explication des figures. — PI. IV, fig. 5. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
6. Le même au trait, vu de profil. 


Localité. — On ne rencontre que rarement cette orbicule dans le cal- 
caire carbonifére de Tournay; elle est toujours fixée sur d’autres fossiles ; 
M. Phillips la cite dans le même calcaire de plusieurs localités d'Angleterre. 


No 68. Onsicuza ‘ mieroczypmica de Ryckholt, 1847. 
(PL. IV, fig. 12, 20.) 


O. Testä tenui, nigrescente, subnitidä, suborbiculari vel subovali, conico- 
depressä, variè insculptà; apice excentrico, obtuso vel acuto ; valvä infe- 
riore subpland ; nucleo granoso. 


Coquille mince, noirâtre, un peu brillante, à contour irrégulier, presque 
orbiculaire ou elliptique , formant un cône peu élevé; sa surface est couverte 
de tubercules granulés, disposés plus ou moins régulièrement en séries con- 
centriques, engendrant par leur confluence des ornements très-variés ; par- 
fois ils persistent; d’autres fois ils se réunissent à un ou plusieurs tubereules 
latéraux ou supérieurs ; sommet terminé en pointe lorsqu'il est libre, émoussé, 
lorsqu'il est caché par les ornements et placé au tiers de la largeur entière; 
bords se pliant exactement aux formes du corps sur lequel l'animal s’est fixé; 


1 Lisez Orbiculoidea. 


94 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


valve inférieure presque plane ; aire bien marquée, mais mal limitée; surface 
du moule granulé. 

Observations. — Sans égard pour la forme, j'ai réuni sous le même nom 
spécifique des coquilles assez dissemblables au premier aperçu, mais se con- 
fondant toutes, par le caractère commun d’avoir des tubercules couverts 
d’une fine granulation seulement perceptible à la loupe. 

Le test, abstraction faite des ornements dont le relief est assez marqué, 
est fort mince. 


Explication des figures. — PI. IV, fig. 12. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
15. Le même, de grandeur naturelle, au trait, vu de profil. 
14. Autre exemplaire grossi, vu en dessus. 
45. Le même de grandeur naturelle, vu de profil. 
46. Moule grossi, vu en dessus. 
17. Le même de grandeur naturelle, vu de profil. 
48. Traits indiquant la longueur et la largeur du même. 
19. Autre exemplaire, vu en dessus. 
20. Le même, de grandeur naturelle, vu de profil, au trait. 


Localité. — ai recueilli cette belle orbicule dans l'argile carbonifère de 
Tournay, où elle est peu commune; il est rare d’en rencontrer deux exem- 
ÿ ? 
plaires ayant à peu près les mêmes formes. 


No 69. OrgicuLa ‘ psammwornora de Ryckholt, 1847. 
(PL IV, fig. 7, 1.) 


O. Testé tenuissimé, subsemicirculari, convexd, granosd, granulis minimis, 
acutis, concentricè subplicatà ; apice acuto, inflexo; areû concavd ; valva 
superiore intus millepertusä et rugosd ; valvd inferiore pland ; nucleo valdè 
granoso. 


Coquille très-mince, un peu convexe, presque semi-orbiculaire; côté su- 
périeur légèrement arqué, les autres arrondis; sa surface est entièrement 
couverte de fins grains un peu allongés et marquée de quelques lignes d’ac- 
croissement peu prononcées; sommet terminé en pointe recourbée et placé à 
peu près au cinquième de la largeur entière; area un peu évidé et parfaite- 
ment limité; valve supérieure marquée à l'intérieur de quelques plis for- 


1 Lisez Orbicella. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 95 


tement exprimés et de milliers de petits enfoncements correspondants aux 
grains extérieurs ; valve inférieure plane; impressions musculaires grandes 
et orbiculaires ; impressions ciliaires courtes et arrondies ; la granulation est 
plus forte sur le moule que sur le test même. 


Explication des figures. — PI. IV, fig. 7. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
8. Le même, de grandeur naturelle, vu de profil. 
9. Trait indiquant la longueur du même. 
10. Valve supérieure, grossie, vue en dedans. 
41. Moule grossi, reproduisant les impressions viscérales. 


Localité. — J'ai découvert cette orbicule dans le calcaire carbonifère com- 
pacte à Tournay. 


No 70. Onmicuza ‘ Davreuxrana de Koninck. 
(PL IV, fig. 27-29.) 


Observation. — Je ne mentionne cette orbicule que pour en faire connaître 
les impressions ciliaires anguleuses et en rectifier le profil, établi probable- 
ment sur des exemplaires déformés. 

Cest par erreur que le dessinateur lui a donné la couleur ocracée de la 
roche dans laquelle je l'ai recueillie; elle est toujours noire et brillante, 
elliptique ou orbiculaire; j'ai pu, à différentes reprises , observer un instant les 
muscles d'attache, et je ne crois pas me tromper en affirmant qu’ils étaient au 
nombre de trois, ou que le muscle unique se trifurquait à la sortie de l’ou- 
verture; lorsqu'on a le bonheur de rencontrer cette coquille, on peut espérer 
en recueillir bon nombre d'exemplaires; j'ai vu des blocs de calcaire et de 
phtanite qui en étaient entièrement pétris. 


Explication des figures. — PI. IV, fig. 27. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
28. Valve inférieure, de grandeur naturelle. 
29. Valve supérieure, de grandeur naturelle, vue de 
profil, au trait, 


Localité. — J'ai recueilli cette orbicule dans le phtanite, à Tournay, où 
elle ne varie pas, tandis que, dans le calcaire même, elle offre beaucoup de 
variétés sous le rapport de la forme et de la convexité; je considère ces 
dernières néanmoins comme appartenant à une même espèce, parce qu'elles 
se trouvent toujours ensemble. 


1 Lisez Orbiculoidea. 


96 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


N° 71. Onrgicuza ‘ mesocoeza de Ryckholt, 1847. 
(PL. IV, fig. 25, 26.) 


O. Testä tenui, ovali, valdè inflatà, ferè hemisphæricé, transversim de- 
pressà, canaliculatà, plicisquè subconcentricis, undosis notatd ; apice acuto, 
lateribus declivè explanatis. 


Coquille mince, plus longue que large, fort renflée, presque hémisphé- 
rique, munie d’une dépression qui part du tiers supérieur du sommet pour 
aboutir au côté palléal; sa surface est marquée de quelques gros plis à peu 
près concentriques, qui s’arquent en passant sur la dépression; le sommet, 
terminé en pointe, est placé au tiers de la largeur; les côtés s’étalent en pente 
douce ; area limité de chaque côté par un renflement du test. 


Observations. — La forme globuleuse de cette orbicule et la dépression 
transversale sont les principaux caractères qui la distinguent de ses congé- 
nères de l’époque carbonifère. 


Explication des figures. — PI. IV, fig. 25. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
26. Le même, vu de profil, au trait. 


Localité. — Cette orbicule se rencontre fréquemment dans l'argile carbo- 
nifère, à Tournay ; elle est fort constante dans sa forme. 


N° 72. Onsicuza ‘ cissosa de Ryckholt, 1847. 
(PL IV, fig. 24-24.) 


O. Testà transversim ovali, valdè convexä, gibbosä ; latere cardinali angus- 
tato, latere palleali dilatato, utroquè rotundato; lateribus buccali et anali 
ferè parallelis , rugis crassis concentricè obsitä ; apice obtuso ; ared magnd. 


Coquille mince, plus large que longue, fort renflée, bossue; les côtés car- 
dinal et palléal sont arrondis ; le premier est, en outre, un peu rétréci, tandis 
que le second est un peu élargi; les côtés buccal et anal sont presque droits 
et parallèles; sa surface est couverte de gros plis très-saillants; sommet 
émoussé, placé aux */, de la largeur entière dans les exemplaires adultes, et 
moins excentrique dans les jeunes; area bien limité et fort marqué. 


1 Lisez Orbiculoïdea. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 97 


Observations. — Le contour de cette coquille varie considérablement d’'a- 
près l’âge; j'ai fait figurer un jeune exemplaire qui est presque orbiculaire ; les 
deux figures reproduisent les formes extrêmes; on la reconnaitra toujours à 
son aspect gibbeux et à ses gros plis 


Explication des figures. — PI. IV, fig. 21. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
22. Le même, de grandeur naturelle, vu de profil. 
25. Autre exemplaire grossi, vu en dessus. 
24. Le même, de grandeur naturelle, vu de profil, au trait. 


Localité. — Les exemplaires figurés ont été recueillis par moi dans l'argile 
carbonifère , à Tournay, où l’espèce est fort peu commune. 


N° 75. Ongicuza ‘ o8rusa de Ryckholt, 1847. 


(PL V, fig. 1, 2.) 


O. Testä nigré, suborbiculari, valdè inflatä, latere cardinali ferè recto, cæ- 
teris rotundatis, granulis minimis obsilà, rugisque crassis, irreqularibus 
concentricè nolatà ; apice marginali, vix prominulo ; regione apiciali ro- 
tundatà ; ared concava. 


Coquille noirâtre, un peu plus longue que large, fort renflée ; côté cardinal 
presque droit, les autres arrondis; sa surface est couverte d’une fine granu- 
lation et marquée en long de gros plis irréguliers; sommet à peine distinct 
et placé au-dessus du côté cardinal; région apiciale arrondie, presque globu- 
leuse; area bien limité et un peu évidé; impressions musculaires grandes. 
elliptiques et rétrécies à l’une des extrémités. 


Observations. — De toutes les orbicules que j'ai pu observer, l'Orbicula ob- 
tusa est celle dont le sommet est le plus marginal; on le reconnaitra encore 
à sa région apiciale globuleuse. 


Explication des figures. — PI. V, fig. 1. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
2. Le même, de grandeur naturelle, vu de profil, au trait. 


Localité. — J'ai découvert cette singulière orbicule dans l'argile carbonifère 
à Tournay. 


1 Lisez Orbiculoidea. 


Tome XXIV. 15 


98 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


No 74. Orgicuza ‘ rorruosA de Ryckholt, 1847. 


(PL V, fig. 3,4.) 


O. Testä crassà, sinuosd, inflatä ; granulosd, plicis torulosis, undulatis, con- 
centricè ornatà ; apice ferè marginal, acuto, inflexo; ared concavä, circum 
marginatà. 


Coquille épaisse, sinueuse, ayant la région anale plus renflée que la buc- 
cale, qui est un peu excavée; sa surface est couverte d’une fine granulation, 
perceptible seulement à la loupe, et marquée en long de gros plis onduleux 
et en forme de bourrelets; sommet terminé en pointe, recourbé vers le côté 
buccal, et très-rapproché du côté cardinal, qui est fort court: area un peu 
évidé et limité par trois bourrelets. 


Observations. — Abstraction faite du contour tortueux , cette coquille dif- 
fère des espèces connues par l'épaisseur assez remarquable de son test, par 
son sommet presque marginal et par la circonscription de l’area. 


Explication des figures. — PI. V, fig. 5. Exemplaire grossi, vu en dessus. 
4. Le même, grandeur naturelle, vu de profil, au trait. 


Localité. — J'ai rencontré l'Orbicula tortuosa dans l'argile carbonifère, à 
Tournay. 
No 75. Orgicuza ‘ Duwonriana de Ryckholt, 4850. 
(PL. V, fig. 5, 6.) 


O. Testà tenui, conicé, rugis crassis concentricè obtecté; apice acuto, valdè 
reflexo; areû sub apice levi, excavatä, deindè rugosä et convexd. 


Coquille mince, conique, couverte de gros plis peu réguliers, en forme de 
bourrelets et concentriques, entre lesquels s’interposent d’autres plis moins 
marqués ; sommet peu excentrique, terminé en pointe infléchie; area mal li- 
mité, évidé et lisse en dessous du sommet sur la moitié de la hauteur, plissé 
et convexe sur l’autre moitié. 


Observations. — La forme régulièrement conique et le facies de l'area de 


? Lisez Orbiculoidea. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 99 


cette coquille, ne me permettent pas de la soumettre à une comparaison un 
peu juste. 


Explication des figures. — PI. V, fig. 5. Exemplaire de grandeur naturelle, vu en dessus. 
6. Le même, au trait, vu de profil. 


Localité. — J'ai découvert l'Orbicula Dumontiana dans le calcaire carboni- 
fère à Visé. 


Observations. — J'ai fait figurer, pl. V, fig. 7-10, deux moules d’orbicules 
que je ne saurais rapporter avec certitude à aucune des espèces déjà décrites, 
afin d'attirer sur eux l'attention des géologues; l’un (fig. 7, 8) représente une 
orbicule dont tous les ornements sont en relief, ainsi que les impressions 
musculaires; l'autre (fig. 9, 10) en reproduit une fort remarquable par un 
cordon de tubercules qui longe le côté cardinal. 

Dans le turonien de Tournay, j'ai recueilli une belle orbicule que j'ai en 
vain cherchée dans ma collection , au moment où je voulais la décrire. 

Afin de rendre les impressions ciliaires plus perceptibles dans les figures 
que j'en ai données, j'ai cru devoir les grossir fortement; à quelques rares 
exceptions près, il faut le concours de la loupe et du soleil pour les observer. 


ESPÈCES DÉCRITES. 


Dévoniennes. | Orbicula psammophora de Ryckh. 
—  Davreuxiana de Kon. 

—  mesocæla de Ryckh. 

—  gibbosa de Ryckh. 
Carbonifères. —  tortuosa de Ryckh. 


Orbicula nitida Phill. —  obtusa de Ryckh. 
—  hieroglyphica de Ryckh. —  Dumontiana de Ryckh. 


Orbicula Cantraineana de Ryckh. 
—  Cimacensis de Ryckh. 


Genre CARDINIA Agassiz. 


Mya Martin; unio Sow.; Tellinites Schlot.; Thalassites? ; unionites Wiss.; Cardinia 
Agas.; Sinemuria Crist. 


Coquille très-variable dans sa forme et dans l'épaisseur de son test, équi- 
valve, close, rarement bâillante; impression paléale entière; impressions 


100 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


musculaires au nombre de deux , l’une anale ovale ou elliptique , l’autre buc- 
cale suborbiculaire , un peu échancrée du côté des crochets ; ligament interne 
et externe; charnière composée d’une dent cardinale, d’une fossette et de 


deux dents latérales, dont l’une anale sur la valve gauche, l’autre buccale sur 
la valve droite. 


Observations. — Les Cardinia se montrent pour la première fois dans le 
3° étage paléozoïque avec le schiste houiller, se maintiennent, dans les 4° et 
ÿe étages, pour s’éteindre dans les mers liasiques. J'ignore si le nom de Tha- 
lassites, en usage en Allemagne pour désigner les coquilles de ce genre, est 


antérieur à celui de Cardinia; dans le doute, j'ai donné la préférence au 
dernier. 


N°76. CarpinrA urrara Goldfuss. 


Uno urrarus Goldf., Petrif. Germ., div. 4, p. 180, pl. 131, fig. 16. 
Carninra urraTa de Kon., Descript. des animaux foss., p. 75, pl. 11, fig. 3. 


Nous donnons les dimensions exactes prises sur un exemplaire de cette 
coquille parfaitement conservé. 


DUO — Longueur 51 mill., par rapport à la longueur, largeur 
5: épaisseur 9; longueur du côté su 42 ‘/,; angle apicial 1552. 


Localité. — M. de Scherpenzeel a découvert cette cardinie dans le schiste 
houiller de la province de Liége, et M. l'ingénieur Toilliez dans celui du cou- 
chant de Mons ; M. Goldfuss l’a recueillie en Westphalie. 


No 77. Carninia Huzzosiaxa de Ryckholt, 1847. 
(PI. VI, fig. 48, 19.) 


C. Testä subsolidä, subtrigonä, convexd, latere buccali brevi, rotundato ; 
latere anali elongato, subanqulato, paulatim angustato, anticè obtuso ; 


longitudinaliter sublamellosé, lamellis brevibus, erectis, remotis, strisque 
interpositis ; umbonibus recurvis. 


na — Longueur 24°], mill.; par rapport à la longueur, largeur 


100 
épaisseur À ; longueur du côté anal 20 ; angle apicial 110. 


Coquille médiocrement épaisse et renflée, un peu triangulaire ; côté buccal 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 101 


court ét arrondi ; côté anal marqué d’une dépression cardinale peu exprimée , 
allongée et allant en se rétrécissant insensiblement jusqu’à l'extrémité, qui est 
émoussée ; côté cardinal arqué ; côté paléal légèrement sinueux ; sa surface est 
ornée en long de lamelles courtes, dressées et assez espacées; l'intervalle 
compris entre les lamelles est couvert de fines stries, lorsque le test est intact: 
crochets recourbés. 


Observations. — Le Cardinia Hullosiana diffère du Cardinia Tellinaria 
Goldf., par une longueur moindre et une plus grande largeur, ete. Les mêmes 
caractères ne permettent pas de le confondre avec le Cardinia ovalis Mart. : 


son épaisseur est aussi moindre que celle des deux espèces auxquelles nous 
venons de le comparer. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 18. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
19. Le même au trait, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai recueilli ce Cardinia dans le terrain houiller de la province 
de Liége ; il y est peu commum. 


No 78. Carninia nucuzaris de Ryckholt, 1847. 
(PL VI, fig. 20, 2.) 


C. Testä tenui, subovali, regione palleali compressé, alibi passim convexä ; 
latere buccali brevi, rotundato, propè apicem emarginato; latere anali 
subangulato, elongato, anticè rotundato ; latere cardinali arcuato; latere 
palleali ferè recto; longitudinaliter rugos ; umbonibus recurvis. 


Dimensions. — Longueur 13 mill.; par rapport à la longueur, largeur +; : 
épaisseur 4%; longueur du côté anal 1 ‘/, mill. ; angle apicial 105. 


Coquille mince, comprimée sur la région cardinale, convexe partout ail- 
leurs; côté buccal court, arrondi et faiblement échancré près des crochets: 
côté anal marqué d’une dépression mal limitée, à peine anguleux, allonge 
et arrondi en avant ; côté cardinal arqué ; côté paléal presque droit; sa surface 
renseigne en long des plis d’accroissement, dont un, longeant de près le labre. 
est fortement exprimé; erochets recourbés. 


Observations. — Si je n'avais été mis à même d'observer la charnière de 


102 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


cette coquille, j'aurais été tenté d’en faire une nucule; sa surface est couverte 
de fins grains irrégulièrement semés; je n’en ai pas fait mention dans la dia- 
gnose, parce que je crois que leur présence est accidentelle; je ne pense pas 
qu’on puisse la confondre avec aucune des espèces connues. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 20. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
21. Le même au trait, vu sur le ligament. 


Localité. — On ne rencontre que très-rarement cette coquille dans le 
schiste houiller de la province de Liége. 


No 79. Carpiia cozzicuzus de Ryckholt. 
(PL. VI, fig. 4, 2, 5.) 


C. Testà tenui, elongato-ovali, gracili, utrinquè angustatä, valdè inæquila- 
terd, convext, levi; latere buccali brevi, obtuso; latere anali elongato, 
subacuto ; latere cardinali recto, obliquo ; umbonibus exiquis. 


Dimensions. — Longueur 13 mill.; par rapport à la longueur, largeur 
55; épaisseur 5; côté anal 9 mil. ; angle apicial 47°. 

Coquille mince, allongée, un peu elliptique, rétrécie aux deux extrémités, 
élargie un peu en avant des crochets, médiocrement renflée, très-inéquila- 
térale; sa surface, presque lisse, ne renseigne que quelques lignes d’accrois- 
sement; côté buccal court et obtus ; côté anal allongé et se terminant en pointe 
émoussée; côté cardinal droit et oblique; côté paléal faiblement arrondi; 
crochets fort petits. 


Observations. — La forme allongée et grêle de cette cardinie, ainsi que sa 
surface lisse, la feront toujours reconnaître de ses congénères décrits jusqu’à 
ce jour. 


Explication des figures. — PI, IV, fig. 1. Exemplaire grossi, vu de profil. 
2. Le même, vu sur le ligament. 
3. Le même, de grandeur naturelle, vu de profil. 


Localité. — Le Cardinia colliculus a été découvert, ainsi que l'espèce sui- 
vante, dans le schiste houiller du couchant de Mons, par M. Désiré Toilliez, 
aspirant des mines. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 103 


Ne 80 Canpinra Touxiezraxa de Ryckholt. 


(PL IV, fig. 4, 5.) 


C. Testd ovato-abbreviatä, convex, utrinquè obtusà, inæquilaterä, concen- 
tricè rugosd ; latere buccali brevi; latere anali subangulato; latere cardinal 


recto; latere palleali vix rotundato. 


Dimensions. — Longueur 15 mill.; par rapport à la longueur, largeur 
5; épaisseur 4°; longueur du côté anal 9 ‘], mill.; angle apicial 119%. 


Coquille courte , un peu elliptique, médiocrement renflée, obtuse aux deux 
extrémités, inéquilatérale; sa surface est couverte de plis concentriques très- 
prononcés; côté buccal court; côté anal marqué d’une dépression anguleuse 
assez mal exprimée ; côté cardinal droit; côté paléal faiblement arrondi. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 4. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
5. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Le Cardinia Toillieziana a été rencontré dans le schiste houil- 
ler du couchant de Mons. 


No 81. Carpinia mans de Ryckholt. 
(PL. VI, fig. 6, 7.) 


C. Testä tenui, oblongä, lateribus rotundatis, valdè inœquilaterà, inflatü . 
concentricè rugosà; latere buccali brevi, angustato; latere anal elongato, 
medio dilatato ; anticè obliquè rotundato , hiante ; regione cardiniali subcom- 


pressd. 


Dimensions. — Longueur 18 mill.; par rapport à la longueur, largeur 55 : 
épaisseur 5% ; longueur du côté anal 15 mal. ; angle apicial 151°. 


Coquille mince, incomplétement elliptique , ayant ses côtés faiblement ar- 
rondis , très-inéquilatérale, renflée; sa surface est marquée en long de plis irré- 
guliers et d’inégale épaisseur; côté buccal court et rétréci; côté anal allongé . 
alleignant sa plus grande largeur un peu au-dessus des crochets, tronqué 
obliquement et bâillant à son extrémité; région du ligament un peu com- 
primée. 


104 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Observations. — Le Cardinia hians diffère des espèces connues du même 
genre par le bâillement anal. Ce caractère, joint à à la troncature antérieure, le 
fera aisément reconnaître. 


Ecæplication des figures. — PI. VI, fig. 6. Exemplaire de grandeur naturelle, vu sur le ligament. 
7. Le même, vu de profil. 


Localité. — Cette cardinie a été recueillie par moi aux environs de Visé, 
dans le schiste houiller. 


No 82. Carpinia unaxara de Ryckholt. 


(PL VI, fig. 8, 9.) 


C. Testà tenui, elongato-ovali, utrinquè angustatä, medio obliquè inflatä, 
valdè inæquilaterä, concentricè rugosiusculà ; latere buccali brevissimo. 


Dinensinn. — Longueur 22 mill.; par rapport à la longueur ; largeur 22; 
épaisseur +; longueur du côté anal 9'], mill. ; angle apicial 145. 


Coquille peu épaisse, allongée, presque elliptique, rétrécie aux deux extré- 
mités, atteignant sa plus grande largeur vers le milieu de la longueur, pour- 
vue d’un renflement qui se dirige obliquement du sommet vers l'extrémité 


anale ; sa surface n’accuse que quelques lignes d’accroissement peu régulières; 
côté buccal très-court; crochets petits. 


Observations. — Je ne connais aucune coquille du genre de celles dont 
nous nous occupons qui ne diffère essentiellement de celle-ci, par la posi- 
tion de ses crochets, par la forme du côté cardinal et par son peu d'épaisseur. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 8. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
9. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Cette cardinie a été découverte dans le schiste houiller du cou- 
chant de Mons, par M. D. Toilliez, que nous avons eu plus d’une fois l’occa- 
sion de citer dans le cours de ce travail. 


No 83. CarDiniA ANGULATA de Ryckholt. 
(PL IV, fig. 40, A4.) 


C. Testd rectä, crassä, oblongä, inflatà, utrinquè angustaté et rotundatä, 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 105 


inœquilateré , concentricè rugosd ; latere buccali brevi ; latere anali elongato, 
anquloso. 


Dimensions. — Longueur 22 mill. ; par rapport à la longueur, largeur 5 : 
épaisseur ;; longueur du côté anal 6 ‘/, mill. ; angle apicial 140°. 


Coquille droite, épaisse, un peu rétrécie et arrondie aux deux extrémités, 
renflée, inéquilatérale; sa surface est marquée en long de quelques rides 
espacées , engendrées par la réunion de deux lignes d’accroissement très-rap- 
prochées; côté buccal court, obliquement coupé du côté cardinal; côté anal 
allongé , marqué d’une dépression anguleuse partant du sommet pour aboutir 
à l'extrémité anale. 


Observations. — Le Cardinia angulata diffère du cardinia Scherpenzeelianu 
par ses proportions, par son côté cardinal non concave, par la forme du côté 
buccal; du Cardinia tellinaria Goldf., par sa dépression plus marquée, par 
son côté cardinal droit, etc. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 10. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
51. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Yai recueilli cette cardinie dans le schiste houiller des envi- 
rons de Visé. 


No 84. Carpinia ScnerpenzeeLiaNA de Ryckholt. 


(PL VI, fig. 12, 15.) 


C. Testà tenui, oblongâ, utrinquè obtusä, inflatà , inæquilaterä, concentricè 
plicato-rugost ; latere buccali brevi, dilatato ; latere anali elongato, valdè 
anguloso, angustalo, anticè obliquè truncato ; latere cardinali concavo. 


Dimensions. — Longueur 27 mill.; par rapport à la longueur, largeur 55: 
épaisseur 45; longueur du côté anal 12 mill. ; angle apicial 128°. 

Coquille mince, plus longue que large, obtuse aux deux extrémités, ren- 
flée , inéquilatérale; sa surface est couverte de rides irrégulières et d'inégale 
épaisseur, entre lesquelles on observe de fines stries; côté buccal court et élargi: 
côté anal allongé, allant en se rétrécissant un peu et marqué d'une dépres- 
sion anguleuse très-prononcée sur laquelle les rides longitudinales $'atté- 


Toue XXIV. 14 


106 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


nuent; l'extrémité anale est coupée obliquement du côté cardinal; ce dernier 
est concave. 


Observations. — En décrivant le Cardinia angulata, j'ai établi les caractères 
qui séparaient nettement les deux espèces; la forme du côté cardinal suffit à 
elle seule pour le faire distinguer du Tellinaria Goldf. et Ovalis Mart.; il 
diffère encore de ce dernier par sa dépression anale. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 12. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
13. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Cette belle cardinie a été découverte par M. le sous-ingénieur 
des mines Scherpenzeel, dans le terrain houiller de la province de Liége. 


Carpinia ovazis Martin. 


Mya ovauis Mart., Petrific. Derbiens, pl. 27, fig. 4, 2. 


Cette cardinie a été décrite et figurée par M. le professeur de Koninck : 
nous nous bornons à en faire connaitre les dimensions. 


Dimensions, — Longueur 42 mill. ; par rapport à la longueur, largeur 5: 
épaisseur -*5; ; longueur du côté Ahal 35 mill. ; angle apicial 149. 


CaRDiNiA TELLINARIA Goldfuss. 


Cette cardinie se trouvant dans le même cas que l'espèce prépédente, nous 
en agissons de même à son égard. 


BR — Longueur 28 mill.; par rapport à la longueur, largeur ; : 
épaisseur 2; longueur du côté anal 25 mil. ; angle apicial 140°. 


No 85. Carina sazeBrosa de Ryckholt. 


(PL VI, fig. 44, 15.) 


C. Testä solid, abbreviatà, subrhomboïdali, ventricosä, gibbosà, valdè inæ- 
quilaterd; rugis crassis, trregularibus, sulco distinctis concentricè obsilà ; 
latere buccali brevissimo, obtuso; latere anali anticè obliquè truncato ; latere 
ligamenti compresso. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 107 
Dimensions. — Longueur 15 mill.; par rapport à la longueur, largeur #2 : 
épaisseur 5: longueur du côté anal 11 mill.; angle apicial 105». 


Coquille épaisse, courte, incomplétement rhomboïde, ventrue, gibbeuse, 
très-inéquilatérale ; sa surface est couverte de gros plis irréguliers, séparés par 
un sillon; ces plis s’affaiblissent après avoir traversé le renflement oblique 
qui part du sommet et aboutit à l'extrémité anale, qui est un peu tronquée 
vers le côté cardinal; côté du ligament comprimé; côté palléal arrondi; côté 
buccal très-court. 


Observations. — Je ne connais aucune cardinie qui ait des rapports assez 
marqués avec celle-ci, pour qu'il soit nécessaire de mentionner les diffé- 


rences qui la distinguent. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 14. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
15. Le même, vu de profil. 


Localité. — Le Cardinia salebrosa a été rencontré par moi dans le schiste 
houiller du bassin de Charleroi. 


No 86. CanniniA maczenra de Ryckholt. 
(PL VI, fig. 46, 17.) 


C. Testé tenui, oblongä, gibbosd, compressd, inæquilaterd, transversim coarc- 
lat, levi; latere buccali brevi, angustato, obliquo; latere anali dilatato, 
anticè obtuso ; latere palleali sinuoso. 


Dimensions. — Longueur 10 mill. ; par rapport à la longueur, largeur #5 ; 
épaisseur -% ; longueur du côté anal 8 mill.; angle apicial 125°. 


Coquille mince , plus longue que large, rétrécie en arrière, élargie en avant, 
comprimée, gibbeuse, inéquilatérale et marquée, à partir des crochets, d’une 
faible dépression transverse; sa surface, presque lisse, renseigne quelques 
fines lignes d’accroissement, qui sont plus prononcées sur la région anale ; 
côté buccal court; extrémité anale arrondie ; côté palléal sinueux. 


Observations. — La compression transversale et son peu d'épaisseur distin- 
guent éminemment le Cardinia macilenta de ses congénères, avec lesquels il 


108 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


a quelques rapports de forme; ces caractères le feront toujours reconnaitre. 


Explication des fiqures. — PI. VI, fig. 16. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
17. Le même, vu sur le ligament, 


Localité. — J'ai rencontré cette coquille dans le schiste houiller des envi- 
rons de Visé. 


Ne 87. Carpinia cordes de Ryckholt. 


(PL VI, fig. 22, 25.) 
So copines de Ryeckholt, 1847. 


C. Test elongato-ovali, medio obliquè inflatä, lateraliter paulatim acclivi, 
sulcis profundis, sinuosis, inæquiremotis concentricè exaratà; latere buc- 
cali brevi, obliquè rotundato; latere anali elongato, paululim angustato 
et obtuso ; lateribus cardinali et palleali ferè rectis. 


ONE — Longueur 75 mill.; par rapport à la longueur, lar SL: 


épaisseur S; longueur du côté ddl 59 malt. 


Coquille allongée, un peu elliptique, renflée diagonalement, des crochets 
à l'extrémité anale et diminuant insensiblement d'épaisseur de chaque côté 
de ce renflement ; sa surface est marquée de sillons concentriques, profonds, 
inégalement espacés, un peu sinueux; côté buccal court et obliquement ar- 
rondi; côté anal allongé , légèrement rétréci et émoussé à son extrémité; côtés 
palléal et cardinal presque droits. 


Observations.— Le Cardinia copides se distingue du C. concinna Sow. apud 
Lieten, die V'erstein. Wurtemb., pl. 60, fig. 2, 5, par une longueur plus grande 
et une moindre largeur, par la place qu'occupent les crochets, etc. 


Explication des figures. — PI, VI, fig. 22. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
23. Le même, au trait, vu sur les crochets. 


Localité. — Cette cardinie se rencontre fréquemment dans le lias inférieur 
du Luxembourg; elle y est accompagnée de plusieurs autres espèces. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 109 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


— 


Schiste houiller. Cardinia angulata de Ryckh. 
Cardinia: utrata /Goldf. — rpernenre bons de Ryckh. 
—  ovalis Mart. 


—  Hulloziana de Rychk. 
—  nucularis de Ryckh. 
—  colliculus de Ryckh. 
—  Toillieziana de Ryckh. 


—  hians de Ryckh. Grès de Luxembourg. 
—  uncinata de Ryckh. 


—  Tellinaria Goldf. 
—  salebrosa de Ryckh. 
—  macilenta de Ryckh. 


Cardinia copides de Ryckh. 


CLAVAGELLIDÆ »Ormiewx. 


Genre CLAVAGELLA Lamarcek. 


Coquille, dont une valve est enchässée et fixée à la paroï du long tube cal- 
caire, et l’autre est libre en dedans de ce tube; impressions musculaires au 
nombre de deux , l’une anale , grande, presque transversale, irrégulièrement 
ovale; l’autre buccale, presque orbiculaire ; impressions palléales étroites for- 
mant un angle aigu; {ube très-long, rétréci du côté anal et élargi du côté 
buccal, où il est généralement terminé par quelques ouvertures tubifères. 


Observations. — D'après nos connaissances actuelles, ces animaux se sont 
montrés pour la première fois dans les mers sénoniennes; cependant je con- 
nais deux espèces turoniennes , dont une de Visé et l'autre de Tournay : dans 
les mers tertiaires, leur développement spécifique est supérieur à celui qu'ils 
acquièrent dans les mers de nos jours. 


No 88. CLavaceLLa coronara Deshayes. 


CLAVAGELLA coroNATA Deshayes, Descrip. des coquilles , etc., vol. 4, p. 8, pl. 3, fig. 9-10. 
— —  Sow., Conchol. mineral, p. 497, pl. 480, fig. 4, 2, 3. 


C. Valvä externé subovali, subæquilaterd, convexé, utrinquè rotundatà., 
longitudinaliter rugosä ; latere buccali breviore obliquè angustato ; latere 


110 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


anali dilatato, suturd crassè limbatä; latere palleali sinuoso ; tubo anticè 
conico-allenuato, posticè coarctatô, circüm tubulis ornato. 


Coquille, valve soudée un peu elliptique , presque équilatérale, renflée , ar- 
rondie aux deux extrémités ; sa surface accuse quelques plis longitudinaux ; 
côlé buccal un peu plus court et allant en se rétrécissant ; coté anal élargi en 
avant et limité par un bourrelet qui cache la soudure; côté palléal sinueux ; 
tube conique, irrégulièrement plissé en travers, comprimé en arrière et 
pourvu de huit fortes tubulures; disque petit, divisé par un sillon placé à 
peu près dans le même plan vertical que le côté cardinal; ouverture cireu- 
laire. 


Observations. — J'ai soigneusement comparé ma coquille avec toutes les 
espèces fossiles décrites, et je suis certain de ne pas m'être trompé en la rap- 
portant à celle de M. Deshayes, quoiqu'il existe entre elles quelques diffé- 
rences, surtout dans la forme de la valve soudée; mais les différences sont 
moindres que celles que l’on observe sur divers exemplaires du Clavagella 
aperta Sow. vivant actuellement dans la Méditerranée; les deux valves ne sont 
pas identiques ; la valve libre me paraît la plus longue. 


Localité. — J'ai rencontré cette clavagelle dans le grès tertiaire du Brabant ; 
elle y est à l’état de moule; elle a été recueillie aux environs de Paris, par 
M. Deshayes; en Angleterre, par M. Sowerby et à Bordeaux, par M. Gra- 
teloup. 


No 89. CLavaceLLa risraus Lamarck. 


FisruLana riiauis Lamk., Annal. de Mus., t. XI, pl. 45, fig. 8, et t. VIE, p. 498. 
CravaceLca Tistauis Lamk., apud Deshayes, loco suprà memor., p. 11, pl. 41, 6-10. 
— —  Lamk., apud Blainville, Manuel, p. 575, pl. 18, fig. 1. 


C. Valvé externi oblongä , convexiusculà , inæquilaterd, utrinquè rotundatà 
longitudinaliter rugosd ; latere buccali breviore dilatato ; latere anali angus- 
tato ; latere palleali rotundato ; tubo elliptico, posticè mutico. 


Dimensions. — Longueur de la valve soudée 28 mill.; par rapport à la lon- 
queur, largeur <; côté anal 11 mul. 


Coquille, valve soudée, oblongue, peu convexe, inéquilatérale, arrondie 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. | 111 


aux deux extrémités; sa surface est couverte en long de plis un peu irrégu- 
liers; côté buccal plus court et élargi; côté anal rétréci à son extrémité; côté 
palléal arrondi ; tube comprimé, à section elliptique , dépourvu en arrière de 
tubulures. 


Observations. — La valve libre de cette clavagelle est plus longue que la 
valve soudée. 


Localité. — Le Clavagella tibialis se rencontre à l’état de moule dans le 
même terrain que l'espèce précédente. 


Observations. — La conservation des exemplaires des deux clavagelles tu- 
roniennes que j'ai recueillis dans le pays, laissant quelque peu à désirer, je 
crois devoir en ajourner la description , qui ne pourrait être complète. 


ESPÈCES DÉCRITES. 


Étage parisien. 


Clavagella coronata Deshayes. | Clavagella tibialis Lamarck. 


PHOLADIDÆ vOrmienx. 


Gexre TEREDO Linné. 


Fisruzana Spec. et Sepraria Lamk. 


Coquille composée de deux valves égales, dont l’ensemble est comprimé et 
circulaire ; chacune d’elles est fortement échancrée en dessus et en dessous. 
et n’est que rudimentaire par rapport au développement de l'animal; elles 
ont en dedans un très-long cuilleron qui part de la cavité sous-apiciale; les 
tarets se forment un tube testacé souvent très-long, plus ou moins contourné, 
terminé en avant par des ouvertures courtes correspondant aux siphons; en 
arrière le tube n'est pas toujours fermé, la coquille en occupant toujours 
l'entrée ; c’est chez les adultes seulement que cette partie est close par la con- 
tinuité des parois du tube; les animaux sont pourvus de deux palettes oper- 


12 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


culiformes (d'Orbigny) ; une seule impression musculaire faiblement distincte, 
l'autre probable, par analogie (Rang). 


Observations. — Les animaux de ce genre paraissent s'être montrés pour 
la première fois dans les mers jurassiques ; dès lors, ils croissent spécifique- 
ment en nombre de bas en haut pour atteindre leur plus grand développe- 
ment dans les mers actuelles. En Belgique , je connais une espèce sénonienne, 
Teredo mosensis de Ryckh., du plateau de St-Pierre (mes exemplaires sont 
trop imparfaits pour pouvoir les décrire en ce moment), et trois espèces ter- 
tiaires, dont l’une, Teredo Burtini, a été seulement mentionnée par l’auteur 
de la Description des coquilles et polypiers des terrains tertiaires de la Belgique. 

Comme ces fossiles sont très-répandus dans le pays, rien n’est plus facile 
que d’en étudier une longue suite d'exemplaires; au premier aspect, on est 
tenté de croire que ces débris appartiennent à un grand nombre d'espèces 
distinctes ; cependant, après un examen attentif, on revient de sa première im- 
pression , et elles peuvent, à mon avis, être réduites à trois : 

La première, Teredo Burtini Deshayes, qui est la plus commune et en même 
temps celle dont les tubes sont le plus développés, se présente : 1° d’abord à 
l'état de moule; 2 pourvue de la couche interne du test; 3° munie de la 
couche externe du test; ce dernier reproduit assez exactement la structure 
intime du bois dans lequel l'animal s’est logé. 

La deuxième, à l'état de moule, a le tube articulé comme une tige de eri- 
noïde et est ornée d’anneaux transverses, lorsque le test en est conservé; elle 
a été figurée pl. 29 de l'Oryctographie de Bruxelles, par M. le docteur de Bur- 
tin ; nous lui donnons le nom de Divisa; de ces deux espèces, je connais les 
palmules. 

La troisième, figurée pl. 26 de l’ouvrage précité , devient pour nous le Te- 
redo frugicola, parce que nous ne l'avons rencontrée que dans de gros fruits 
ligneux; elle est reconnaissable à ses tubes grêles ; je n’en connais pas les pal- 
mules ; elle reste donc douteuse; c’est celle qui se rapproche le plus du Teredo 
navalis Linn. 

Les valves se trouvant renfermées dans l'épaisseur du bois pétrifié, il de- 
vient presque impossible de les en extraire ; en outre, le développement in- 
dividuel des tubes pour la même espèce me paraissant, jusqu'à un certain 
point, subordonné à l'étendue libre de l'habitat de l'animal, il ne nous reste 
en quelque sorte, pour établir les distinctions spécifiques, que les palmules 
que l’on à la chance de rencontrer en brisant un certain nombre d’exem- 
plaires. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 115 


Je pense qu'un zoologue, en étudiant le mode si souvent bizarre d’'agréga- 
tion de nos grandes espèces, y trouverait la solution de l'importante question 
de la reproduction chez les tarets. 

Enfin, je crois aussi que les tarets, plus que tout autre mollusque, pré- 
sentent à l'observateur attentif des cas intéressants de tératologie. 


N° 90. Tereno Burrini Deshayes 
(PL V, fig. M, 12) 


T. Tubo « lindraceo plus minüsve tortuoso ; almulis , cucullis conicis, axe 
g » 
solido utrinquè exstante insertis, instruclis. 


Dimensions. — Longueur 4 à 500 mill.; diamètre 18 mil. 


Tube cylindrique plus ou moins tortueux; palmules formées de 10 à 12 
petits cornets empilés, traversés par un axe solide et ayant deux faces, l'une 
plane triangulaire, équilatérale, l'autre convexe; ouverture du cornet limitée, 
d’une part, par une ligne droite; de l’autre par une ligne sinueuse, symé- 
trique par rapport à l'axe ; ce dernier, dans ses parties visibles, parait unifor- 
mément cylindrique; sa cassure, près de chaque insertion, montre qu'il y 
subit un fort épaississement, qui parait formé par enroulement, car, vu en 
dessus , il montre distinctement une ligne spirale. 

L’axe dépasse l’empilement d'un côté de 3 mill.; mes exemplaires étant 
mutilés, j'ignore s’il en est de même du côté opposé. 

Les palmules du Teredo Burtini diffèrent de celles décrites et figurées par 
M. le comte de Münster, Beiträge zur Petrefacten Kunde, 6° liv., p. 94, pl. 4, 
fig. 15 a-c, par une taille bien supérieure, par la sinuosité des bords de l'ou- 
verture des cornets, etc. 


Explication des figures. — PI. V, fig. 414. Palmule de grandeur naturelle, vue en face. 
12. Coupe prise sur l'axe, à l'insertion, vue en-dessus. 


Localité. — Ce taret se rencontre abondamment dans le grès tertiaire du 
Brabant. 


No 94. Tereno pivisa de Ryckholt. 
(PL V, fig. 15.) 


T. Tubo cylindraceo, plès minüsve tortuoso, annulis obtusis, sulco distinctis , 


Toue XXIV. 15 


144 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


cinclo; nucleo trochitiformi; palmulis angustis, ovatis, convexiusculis , 
utrinquè dentibus, validis, oppositis, instructis, axe solido. 


Dimensions. — Longueur du tube 190 à 200 mill.; diamètre 8 à 10 mil. 


Tube cylindrique plus ou moins tortueux, orné en travers d’anneaux 
émoussés, séparés par un sillon; les moules paraissent articulés comme des 
tiges d’encrine; palmules étroites, ovales, composées d’un axe solide, con- 
vexes sur les deux faces, munies de chaque côté de fortes dents émoussées et 
latéralement opposées; ces saillies forment deux à deux les extrémités supé- 
rieures d’une suite de cupules ou godets incomplets, superposés et allant en 
diminuant de largeur. 


Explication des figures. — PI. V, fig. 15. Palmule de grandeur naturelle, vue en face. 


Localité. — J'ai rencontré le Teredo divisa dans les mêmes localités que 


l'espèce précédente, à laquelle il est rarement associé dans la même pièce 
de bois. 


Observations. — Les deux tarets que je viens de décrire creusent leurs ga- 
leries habituellement dans le sens des fibres du bois ou verticalement: .ce- 
pendant, lorsqu'ils rencontrent un obstacle, ils forment un coude pour repren- 
dre ensuite leur première direction ; le Teredo Mosensis, au contraire, paraît 
préférer miner dans le sens opposé ou horizontal; sa marche, lorsqu'il en est 
autrement, devient fort tortueuse et génée, cette différence dans le mode de 


perforation tient, ce me semble, à l'essence du bois dans lequel chacun d’eux 
s’est abrité. 


GENre PHOLAS Linné. 


XyLoPpHAGA Turton; Jouanneria Desmoulins. 


Coquille globuleuse ou allongée, équivalve, très-bâillante en avant et en 
arrière, pour le passage du pied et du tube. Impression palléale pourvue 
d’un profond sinus anal; impressions musculaires, au nombre de deux à 
chaque valve, l’une anale, placée au bord du côté du ligament, et l'autre 
aux crochets sur une lame particulière qui les recouvre; ligament nul ou 
rudimentaire, point de charnière articulée ; les valves sont seulement en con- 
tact l’une contre l’autre: en dedans des valves est une forte dent en cuilleron 


MELANGES PALÉONTOLOGIQUES. 15 


qui part des cavités sous-apiciales; des pièces accessoires sur les charnières 
ou en avant (d'Orbigny). 


Observations. — D'après nos connaissances actuelles, les animaux de ce 
genre apparaissent pour la première fois dans le forest-marble ‘ du Calvados 
et ensuite dans le kimméridien * d'Angleterre et de France; MM. Sowerby, 
Phillips et d'Orbigny en mentionnent chacun une espèce dans le néoco- 
mien * de leur patrie ; une autre a été recueillie dans le gault‘, par M. d'Or- 
bigny ; nous en avons rencontré quelques-unes dans le turonien et le séno- 
nien du pays; en sorte que ce genre comptera à l'avenir des représentants 
dans tous les étages crétacés ; spécifiquement plus nombreux dans les terrains 
tertiaires, ces animaux atteignent, dans les mers actuelles, le maximum de 
développement. 


Ne 92. Puozas supracreracea de Ryckholt, 1847. 


(PL V, fig. 14-46.) 


P. Testà globosà, inæquilateré, rugosä, sulco profundo longitudinaliter 
el transversim notalà ; umbonibus valdè recurvis. 


Dimensions. — Longueur 10 À mill.; par rapport à la longueur, largeur £2: 
épaisseur -; longueur du côté anal 9 mill. 


Coquille globuleuse, inéquilatérale, marquée de deux profonds sillons 
légèrement sinueux et perpendiculaires entre eux , dont l’un, longitudinal, est 
tangent aux crochets et l’autre. transversal, passe au-dessus sans les entamer ; 
ces sillons indiquent la forme et la place des écussons; sa surface renseigne 
quelques gros plis inégaux; l’on observe sur la région palléale un espace à 
peu près lisse, limité par le sillon transverse et par un gros plis longitudinal : 
côté buccal très-court; crochets recourbés. 


* Pholas crassa. Deslongchamps, Mémoire sur les coquilles fossiles lithophages des terrains secondaires du 
Calvados, p. 6, pl. 9, fig. 4, 8. 
* Pholas compressa Sowerby, Conchyl. mineral, etc., p. 628, pl. 603; cette coquille a été découverte 
dans le même étage du Pas-de-Calais, par M. Bouchard-Chantereau. 
* Pholas prisca Sowerby, loco cit., p. 602, pl. 581. 
—  constricla Phillips, Geol. of York, etc. , 4re partie, pl. 2, fig. 17. 
—  cornueliana d'Orbigny, Paléont. franç., Terr. crét., t. WI, p. 505, pl. 549, fig. 1-4. 
® —  subcylindrica d'Orbigny, loco cit., p. 306, pl. 549, fig. 5-8. 


116 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Observations. — Je ne connais que le moule de cette coquille, dont le test 
se détache lorsqu'on veut la retirer de sa gangue; les valves ayant générale- 
ment éprouvé un léger glissement, je n’ai pu en observer le bâillement. 


Explication des figures. — PI. V, fig. 14. Exemplaire grossi au double de la grandeur naturelle, vu de 
profil. 
45. Le même, vu sur le côté cardinal. 
16. Le même, vu sur le côté palléal. + 


Localité. — Cette coquille, spéciale aux couches supérieures du terrain sé- 
nonien supérieur se rencontre assez communément dans le silex, à Ciply. 


No 95. Puozas Nysrraxa de Ryckholt, 1847. 
(PL V, fig. AT, 18.) 


P. Testa subtrigond, cuneiformi, longitudinaliter plicis lamellosis et flexuo- 
sis obsità, transversim obliquè bisulcatà ; latere buccali brevissimo, ro- 
tundato; latere anali elongato, rostrato; umbonibus compressis et pro- 
ductis. 


Dimensions. — Longueur 88 mill.; par rapport à la longueur, largeur 5: 
épaisseur 4; longueur du côté anal 57 mil. ; angle apicial 110o. 


Coquille un peu triangulaire et cunéiforme; sa surface est couverte en 
long de plis lamelleux, qui se contournent sur la région buccale et s’atténuent 
en avant sur la région anale ; deux profonds sillons partant des crochets vont 
diviser en deux parties à peu près égales, l’un le côté palléal, autre le côté 
buccal ; ce dernier est court, arrondi, et va en se rétrécissant, tandis que le 
côté anal est allongé et se termine en pointe fortement émoussée ; régions 
buccale et palléale fort bäillantes ; crochets comprimés et fort développés. 


Observations. — Le facies de cette pholade rappelle un peu celui de cer- 
taines coquilles du même genre qui vivent actuellement dans nos mers; elle 
en est cependant distincte, ainsi que de ses congénères crétacés , par des ca- 
ractères trop tranchés, pour qu'il soit nécessaire de les faire ressortir. 


Explication des figures. — PI. V, fig. 18. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
17. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Jai découvert le Pholas Nystiana dans le turonien supérieur 
de Tournay. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 117 


No 94. Puozas Kickxraxa de Ryckholt. 


On rencontre, dans le turonien inférieur de Tournay, le moule d'une pho- 
lade qui diffère de celui du P. supracretacea, par des crochets comparative- 
ment plus gréles et par les impressions qui paraissent accuser un écusson 
plus lancéolé; j'attendrai, pour le décrire, que j'aie pu me procurer un certain 
nombre d'exemplaires. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Turoniennes. | Sénonienne. 


Pholas Kickæiana de Ryckb. | Pholas supräcretacea de Ryckh. 
—  Nystiana de Ryckh. 


Genre FISTULANA Bruguières. 
GasrRoCHÆNA Spengler. 


Coquille oblongue ou cunéiforme, équivalve, très-bâillante sur la région 
palléale ; cette ouverture, élargie du côté buccal, est oblique; ligament allongé, 
extérieur; cette coquille perforante, comme certains Lithodomus, se forme, 
soit dans la pierre, soit dans les coraux , un fourreau tubuleux calcaire, qui 
tapisse les. parois du trou et se prolonge souvent en dehors; il parait aussi se 
rencontrer libre dans le sable (d'Orbigny). 


Observations. — Les fistulanes se montrent pour la première fois dans les 
terrains crétacés; elles croissent spécialement de bas en haut pour acquérir. 
dans les mers actuelles, leur plus grand développement ; je crois que le nom 
de Gastrochæna est antérieur à celui de Fistulana ; devra lui être préféré. 


No 95. Fisruzana ‘ ampmisBaexa Goldfuss. 


(PL. V, fig. 19-22.) 


Sercies 0F TEREDO Mantell., Geol. of Sussex, p. 207, pl. 18, fig. 25. 
SErPULA AMPHISBAENA Goldf., Petref. Germ., p. 259, pl. 70, fig. 16, a, b. 
Cenamyoires Geinitz, Charakt. der Schicht und Pet., p.15, pl. 5-6. 


1 Lisez Gastrochaena. 


18 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


FisTuLaNA AMPHILBAENA Geinitz, Die Verst von Kiesl., pl. 4, fig. 11-14. 
SERPULA AMPHISBAENA Goldf. apud Reuss., Die verst. der Bühm. Kreide Formation, 1°° part. 
p. 19, pl. 5, fig. 19-29. 


Observations. — On voit, par la synonymie, qu'il règne beaucoup d’incerti- 
tude sur la place générique que ce fossile doit occuper; M. Mantell le considère 
comme le tube d’un taret, tandis que M. Goldfuss le décrit comme étant une 
serpule ; M. le D' Geinitz ayant rencontré des fragments de bois fossile minés 
par des galeries, attribue avec doute ces dernières à l’œuvre de la larve de quel- 
que capricorne; cette opinion fut modifiée par lui peu de temps après, et il en 
fit une fistulane; M. le Dr Reuss, plus tard, se rangea de l'avis de M. le profes- 
seur Goldfuss: je regrette de ne pouvoir, à mon tour, admettre la manière de 
voir de ces hautes autorités, parce que les serpules sont adhérentes par une 
partie plus ou moins grande de leur surface aux corps sous-marins et nullement 
perforantes, comme l’animal de notre coquille. Nous restons donc encore en 
présence de l'opinion de M. Mantell et de celle émise par M. Geinitz; c’est à la 
dernière que nous donnons la préférence, parce qu’il nous est arrivé, en brisant 
les tubes siliceux à coups de marteau, de rencontrer dans l’intérieur une co- 
quille bivalve et quelquefois une valve seule, qui suffit pour lever tout doute. 

Cependant la coquille que j'ai sous les yeux et que reproduit la figure que 
je donne, étant, par suite de la fossilisation, chassée dans le tube et adhérente 
à ses parois, je ne puis la voir que sur la région buccale ; ma diagnose toute- 
fois ne reste pas loin du vrai, parce que, j'en ai vu un certain nombre de 
moules mutilés qui m'ont permis de reconnaitre les principaux caractères. 


F. Test subtrianqulari, cuneiformi, inflatà, valdè inæquilaterà ; latere buc- 
cali brevi, rotundato ; latere anali elongato, angustato; tubo subrecto, vel 
tortuoso, primüm cylindraceo, deindè conico, attenuato, annulis carinatis 
inœquiremotis, ferè parallelis cincto. 


Coquille presque triangulaire, renflée, très-inéquilatérale ; côté buccal très- 
court, arrondi; côté anal allongé et allant en se rétrécissant; tube droit ou 
tortueux, cylindrique à la longueur de plus de 20 centimètres et s’atténuant 
ensuite en cône fort grêle; sa surface est ornée en travers d’anneaux carénés, 
inégalement marqués et espacés presque parallèles entre eux. 


Observations. — Je connais des tubes qui ont une longueur de 20 centi- 
mètres sans perdre sensiblement de leur forme cylindrique; le test en est 
parfois assez épais, contrairement à ce qui se passe dans la nature vivante ; 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 119 


cette forte épaisseur et cette grande longueur seraient-elles des arguments à 
opposer à ma manière de voir? Je ne le pense pas, car l’on ne voit pas non 
plus, de nos jours, rien de semblable parmi les serpules et les tarets ; je pos- 
sède un tube dont l'ouverture est divisée dans toute sa longueur par une lame. 


Explication des figures. — PI, V, fig. 49. Extrémité inférieure ?. 
20. Extrémité supérieure. 
21. Moule siliceux d’une valve trouvée dans un petit tube. 
22, Section transversale du tube, montrant deux valves refoulées. 


Localité. — J'ai rencontré ces tubes dans la marne du terrain turonien 
supérieur de Tournay et de Gussignies, dans le terrain sénonien du plateau 
de St-Pierre; dans les deux premières localités , ils sont libres ; dans l'autre , 
ils sont tous dans des fragments de bois; ils existent encore dans la marne du 
même âge, en Angleterre, en Saxe et en Bohême. 


No 96. Fisruzaxa? Royaxexsis d'Orbigny. 
Fisruzaxa Royaxexsis d'Orbigny, Pal. franc. ter. crét., 1. NF, p. 395, pl. 575, fig. 9-12. 


Dans les spongiaires du terrain sénonien supérieur de Ciply, on rencon- 
tre une fistulane parfaitement conservée ; comme il est impossible de l'en reti- 
rer sans la briser, j'en ai pris le moule , qui m'a fourni un contour identique 
à celui de l'espèce citée à la synonymie. 


N° 97. Fisruzana * Essexsis de Ryckholt. 


Dans les spongiaires cénomaniens d'Essen, en Westphalie, j'ai recueilli une 
fistulane ; lés mêmes considérations que pour l'espèce précédente, m'ont en- 
gagé à en prendre le moule, qui m'a donné un contour buccal plus sinueux 
que dans les espèces décrites; son tube elliptique va en s’élargissant: une 
lame le partage, dans toute sa longueur, en deux parties égales; la coquille 
est bâillante sur les % de la longueur du côté palléal. 


N° 98. Fisruzaxa * Tonnacexsis de Ryckholt. 
(PL. V, fig. 25, 24.) 
F. Testà oblongä, trigoné , lateribus rotundatis, convexd, levigata ; latere buc- 
cali dilatato, obtuso ; latere anali angustato ; latere palleali valdè hiante. 


- ! Cette partie a été rencontrée par moi deux ans après la rédaction de ce travail. 
* Lisez Gastrochæna. 


120 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Dimensions. — Longueur 7 mill.; par rapport à la longueur, largeur <$;;: 
épaisseur 2; angle apicial 106». 


Coquille oblongue, triangulaire ayant ses côtés arrondis, très-inéquilatérale, 
convexe, couverte de fines lignes d’accroissement, élargie et obtuse du côté 
buccal, rétrécie du côté anal, bâillante sur la moitié de la longueur du côté 
palléal. 


Observations. — Le Fistulana Tornacensis diffère de ses congénères cré- 
tacés par sa forme, qui reproduit assez exactement un triangle sphérique. 


Explication des figures. — PI. V, fig. 25. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
20. Le même au trait, vu sur le côté palléal. 


Localité. — Cette fistulane a été rencontrée par moi dans les polypiers du 
turonien de Tournay. 


Observations. — Les nombreuses fistulanes que l'on rencontre à Tournay 
dans les pierres tendres, faisant partie des conglomérats de l’âge du turonien 
inférieur, mélées à des pholades et à des lithodomes, sont indéterminables ; ce 
sont en général des moules plus ou moins pyriformes de la cavité creusée 
par l'animal sur lesquels on aperçoit quelques impressions peu saisissables. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Turoniennes. Fistulana amphisbæna de Goldf. 
Fistulana Essensis de Ryckh. Sénonienne. 
—  Tornacensis de Ryckh. Fistulana Royanensis d'Orb. 


SERPULIDÆ ve Ryokorr. 


Genre DITRUPA Berkeley. 


Enraziun de France; PyrGcopocon Monrrort; DENTAL. et SERPUL., spec. auct.; BrocHUus 
Brown ; PaarETrium Koenig. 


Coquille libre, conique, arquée ou droite, ouverte aux deux extrémités. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 121 


Observations. — Ce genre, créé par M. Berkeley, a pour types le Serpula 
libera de M. Sars ‘, et le Dentalium subulatum * Desh. Les animaux de ce 
genre diffèrent des serpules, moins par leur organisation que par leur ma- 
nière d’être; car, tandis que les premiers vivent libres, les autres sont fixés 
par leur coquille aux corps sous-marins. Les auteurs ont confondu les Di- 
trupa avec les dentales et les serpules ; ils diffèrent des dentales par leur dé- 
veloppement en général peu régulier, et presque toujours par le rétrécisse- 
ment de la bouche, et des serpules par leur double ouverture et par le 
manque de traces d’adhérence. 

Le genre Pyrgopolon, créé par M. de Montfort, pour le Pyrgopolon Mosæ 
ou Entalium rugosum Defr., est fondé sur ce caractère particulier, qu'un 
tube grêle, libre, est immergé dans le grand, qu’il dépasse au sommet; ce 
caractère est propre aux exemplaires du plateau de St-Pierre et de la Sca- 
nie; à Ciply, où ces tubes sont extrémement communs, ils ne présentent 
que des cas beaucoup plus rares de cette conformation; il faut, ce me 
semble, en conclure qu’elle est due à des circonstances particulières de fossi- 
lisation , qui ont détaché la première couche du tube principal. 

Il est à observer que les espèces crétacées ont généralement le test beau- 
coup plus épais que celles qui vivent dans les mers actuelles ; aussi il se pour- 
rait que le genre Pyrgopolon dût être maintenu. 

Les animaux de ce genre se montrent d’abord dans le 2m et le 3me étage 
paléozoïque ; on les connait encore dans les terrains jurassiques, crétacés et 
tertiaires et dans les mers actuelles. 

Les espèces suivantes, mentionnées comme dentales ou comme serpules, me 
paraissent devoir faire partie de ce genre : 

Dentalium clava Lamk; Pyrgopolon Mosæ Mont.; Entalium Mosæ Defran.; 
Dentalites cingulatus Schlot.; Dentalium Browni Hiz.; crassum Desh. ; 
radicula Lamk.; tricostatum Goldf.; sexcarinatum Goldf.; corneum Linn.:; 
incrassatum Sowerby; strangulatum Desh.; deforme Lamk.; Serpula sep- 
temsulcata Reich.; sexsulcata Münst. et sulcataria d'Archiac, qui devien- 
nent, pour moi, Ditrupa clava, Mosæ, cingulata, Browni, crassa, radi- 
cula, tricostata, sexcarinata, cornea, incrassata, strangulata, deformis, 


! Zool. journ., t. V, p. 52, pl. 12, fig. 55, et Rathke, Beiträge zur fauna Norwegens, AcTA ACAD. NAT. 
cur., t. XX, p. 225. 


*# Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Paris, t. I, p. 575, pl. 16, fig. 29, et Monog. du genre Dentale du 
même auteur, p. 55, pl. 2, fig. 29. — Diraura susucara Berkeley, Zool. journ., t. V, p. 424, pl. 19, 


fig. 2. 
Toue XXIV. 16 


122 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


seplemsulcata, sexsulcata, sulcataria, sauf les réductions à opérer sur le 
nombre des espèces ’. 


No 99. Dirrupa czava Lamarck. 


DENTALIUM CLAVA Lamk., Animaux sans vertèbres, t. V, p. 346, n° 19. 

Pyrcoporon Mosx Montfort , Conchyl., p. 394. 

ENTALIUM RUGOSUM Defr., Dict. des sc. nat., t. XIV, p. 517, pl. 97, fig. 4. 
Dexrarres cincucatTus  Schl., Petref., p. 94. 

DENTALIUM CLAVA Lamk., apud Desh., Mém. de la Soc. d'hist. naturelle de Paris, 


t. IE, p. 574, pl. 18, fig. 19. 
—— Lamk., apud Desh., Monog. du genre dentale, p. 54, pl. 4, fig. 49. 
Denrauium Mosx Montf., apud Goldf., Petref. Germ., div. quinté, p. 3, pl. 166, 
fig. 10, a, b, c. 
— sexcariNaTuM Münst., apud Goldf., loc. cit., p. 4, fig. 12. 
— CRASSUM Desh., Monog. du genre dent., p.53, pl. 4, fig. 20. 
_ — Desh., apud Lamk., Animaux sans vertèbres, édit. belge, t. W, 


p. 472, n° 15. 
— — Desh., Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Paris, t. W, p. 375, 
pl. 18, fig. 20. 
— BROWNI Hiz., Leth. Suec., p. 21, pl. 4, fig. 9. 
Brocaus Brown., Conch. of Great Brit., pl. 1, fig. 10-12. 
Denrazium Mosx Montf., Bronn. leth. geog., p. 706, pl. 32, fig. 18. 
— CLAVA Lamk., apud Pot. et Mich., Gal. des moll., t. T, p. 546, n° 144. 


D. Testà crassé, conicä, rectà, plus minüsve incurvé, longitudinaliter haud 
costulatä, vel subcostulatä, vel costulis septem apicialibus, irreqularibus, 
obtusis, latescentibus, evanescentibus ornatä, semper transversim striatà, 
plicaté et annulatä; peristomate incrassato; aperturé orbiculari; angulo 
apiciali regulari vel irrequlari, valdè instabili. 


Coquille épaisse, conique, droite ou plus ou moins arquée, formée d’un angle 
régulier ou irrégulier, extrêmement inconstant, non costulée, ou seulement 
ornée en long, près du sommet, de sept côtes rudimentaires très-courtes, ou 
enfin de sept côtes émoussées, qui vont en s’élargissant faiblement à partir 
du sommet, pour s'arrêter vers le milieu de la longueur du tube; la partie dé- 
pourvue de côtes est toujours couverte en travers de stries , de plis ou d’an- 
neaux disposés sans ordre régulier; péristome entouré d’un bourrelet ou 
d’un anneau ; bouche orbiculaire. 


‘ Le Dentalium hamatum Forbes, Report, etc., pl. 15, fig. 8 a, 8 b, appartient encore à ce genre. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 193 


Observations. — Les savants qui se sont occupés de ce fossile lui ont donné 
des noms différents, exprimant plus ou moins les caractères de l'exemplaire 
qu'ils avaient sous les yeux ; en suivant leur exemple, il me serait facile de 
créer quelques centaines d'espèces ; celle qui est dépourvue de côtes passe à 
celle qui en est pourvue par des exemplaires qui ne montrent que des côtes 
rudimentaires ; de même, la forme rectiligne passe à la forme recourbée par 
une multitude de transitions; le Dent. sexcarinatum Münst., qui est muni de 
sept et non de six côtes carénées, et le Dentalium crassum Desh., ne sont que 
le jeune âge de cette coquille droite ou recourbée. 


Localité. — Le Ditrupa clava caractérise,en Belgique et en Suède, le terrain 
sénonien supérieur; il est des plus communs à Ciply et à Maestricht. 


No 100. Drrrura perormis Lamarck. 


DENTALIUN DEFORME Lamk., Animaux sans vertèbres, 1. V, p. 344, n° 6. 
— Potiez et Michaud, Gal. des moll., 1. 1, p. 540, pl. 57, fig. 20-22. 

SerpuLA seprEmsuLcaTA Geinitz, Charac. der Schicht., p. 66, pl. 22, fig. 6. 
—  SULCATARIA d’Archiac, Rapport sur les fossiles, ete., p. 50, pl. 14, fig. 11, a. 


D. Testà solidä, conicà, plès minüsve recurvt, costis seplem crassis, obtusis, 
sulco distinctis, propè peristoma, geminatim subconfluentibus, et striis 
transversis undulatis ornatà ; peristomale spissalo ; aperturä orbiculari ; 
angulo apiciali vario. 


Coquille épaisse, conique, plus ou moins recourbée, un peu tordue, for- 
mée d’un angle très-variable , rarement régulier ; sa surface est ornée en long 
de sept grosses côtes émoussées, séparées par un sillon et tendant à se réu- 
nir deux à deux près du péristome, et en travers de stries onduleuses qui 
entament parfois la crête des côtes; péristome pourvu d'un épaississement 
en forme de bourrelet ; bouche circulaire. 


Observations. — Le Serpula septemsulcata Geïinitz ne me paraît pas sufli- 
samment différer du Ditrupa deformis pour pouvoir en être spécifiquement 
séparé; quant au sulcataria de M. d’Archiac, il est positivement le même ; 
seulement l'exemplaire figuré parait avoir les côtes ou usées ou moins sail- 
lantes que ceux que j'ai sous les yeux. 


Localité. — Ce Ditrupa caractérise partout le turonien inférieur et moyen: 


194 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


en Belgique, je l'ai rencontré à Tournay et à Autreppe; en France, il a été 
recueilli au Mans et à Sassegnies; M. Geinitz le cite en Saxe. 


No 4014. Dirrupa cpzyana de Ryckholt, 1850. 
(PL. VI, fig. 26.) 


D. Testà crassd, conic, ferè rectà, longitudinaliter costis apicialibus contortis 
septem juniore lamellosis, adultà spissis, rotundatis et transversim , striis 
arcualis et annulis rugosis ornatà ; peristomate haud incrassato, aperturà 
orbiculari; angulo apiciali 5°-6o. 


Coquille épaisse, conique, presque droite, formée d’un angle régulier de 
5 à 6 degrés; sa surface renseigne sept côtes longitudinales contournées, 
fort développées, qui, de lamelleuses qu’elles sont d’abord, s’épaississent et 
s’arrondissent ensuite pour disparaître vers le dernier tiers de la longueur 
du tube; entre les côtes se montrent en travers des stries arquées qui se 
rencontrent deux à deux dans les intervalles un peu concaves qui les sépa- 
rent et en entament la crête. Leur concavité est tournée vers la bouche; à 
parür du point où les côtes s'arrêtent, le tube prend et conserve la forme 
cylindrique et se couvre d’anneaux ridés et irréguliers ; péristome dépourvu 
de bourrelet; bouche orbiculaire. 


Observations. — La forme des côtes, et surtout le manque de bourrelet au 
périsiome, m'ont engagé à considérer cette coquille comme espèce distinete. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 26. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 


Localité. — Jai découvert ce Ditrupa dans le terrain sénonien supérieur 
de Ciply. 


Observations. — Les espèces tertiaires du pays ont été décrites; seulement 
les Ditrupa incrassata Sow., strangulata Lamk. et cornea Linn., sont consi- 
dérés par M. Deshayes comme ne formant qu’une seule et même espèce. 


No 102. Drrrura pevonica de Ryckholt, 1850. 
(PL VI, fig. 24.) 


D. Test solidà , conict , irregulari, transversim rugosà ; aperturd orbiculari ; 
anqulo apiciali %. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 125 


Coquille épaisse, peu allongée, conique, pourvue de chaque côté d’une 
ouverture orbiculaire ; sa surface est accidentée et renseigne de fins plis d’ac- 
croissement très-irréguliers; angle apicial %. 


Observations. — L'accroissement peu régulier de cette coquille ne permet 
pas d’en faire une dentale; la double ouverture dont elle est pourvue ne 
permet pas non plus d’en faire une serpule; c’est le Ditrupa le plus ancien 
que je connaisse. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 24. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 


Localité. — Jai recueilli ce Ditrupa à la surface des terres labourées à 
Prüm , avec une foule d’autres coquilles dévoniennes. 


No 105. Drrrupa carsonirerA de Ryckholt, 1850. 
(PE VI, fig. 25.) 


D. Test tenuissimä, cylindraceä, plicis irregularibus, carinatis, continuis, 
interruptis vel confluentibus longitudinaliter ornatà ; aperturd suborbicu- 
lari, obliquä, marginatà. 


Coquille très-mince, cylindrique, ornée en long de plis peu réguliers, 
carénés, continus , interrompus ou se réunissant, en dessous du péristome, 
deux à deux par un arc de cercle; bouche presque orbiculaire, oblique, en- 
tourée d’un bourrelet, 


Observations. — Plutôt que de mettre ce fossile au rang des corps de 
classe incertaine, j'ai préféré, afin d'attirer sur lui l'attention des personnes 
qui s'occupent de la science, en faire un Ditrupa, genre avec lequel il a, 
du reste, les plus grands rapports; les ornements que nous venons de dé- 
crire ne se montrent parfois que sur l’une des deux faces du tube, l'animal 
auquel ce tube a appartenu parait avoir eu des habitudes sociales; car je n'ai 
jamais rencontré ces tubes que réunis en groupes. Cette observation est une 
présomption en faveur de ma détermination. 


Explication dés figures. — PI. VI, fig. 25. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 


Localité. — J'ai découvert ce Ditrupa à Visé et à Tournay , dans le calcaire 
carbonifère. 


126 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Dévonienne, Turenienne. 
Ditrupa devonica de Ryckh. Ditrupa deformis Lamk. 

Carbonifère. Sénoniennes. 
Ditrupa carbonifera de Ryckh. Ditrupa clava Lamk. 


—  Ciplyana de Ryckh. 


Genre FILIGRANA Berkeley. 


Tubes très-grèles, parfois presque capillaires , appliqués les uns contre les 
autres dans toute leur longueur ou diversement entrelacés de manière à 
constituer des masses assez régulières dans leur ensemble. 


Observations. — Ce genre, créé par M. Berkeley, a pour type le Serpula 
filigrana Lamk. de la Méditerranée; les habitudes sociales de ces animaux, 
l'agrégation de leurs demeures en masses relativement énormes, et l'espèce 
de dépendance dans laquelle chaque individu paraît se trouver vis-à-vis des 
autres membres de la famille, me semblent constituer un genre bien cir- 
conscrit; on en rencontre les débris pour la première fois dans le lias; ils 
continuent de se montrer ensuite dans les étages supérieurs des terrains ju- 
rassiques ; je n’en connais qu'une espèce dans les terrains crétacés et deux 
dans les mers actuelles. 

Il règne une grande confusion dans la détermination des espèces de ce 
genre; toutes celles qui sont connues dans les terrains jurassiques et crétacés 
ont été comprises sous le même nom spécifique de socialis ; M. J. de C. So- 
werby a, le premier, distingué l'espèce turonienne. 


No 104. Fiicrana rirormis Sowerby. 


SerpuLa riLirormis Sow., apud Fitton, pl. 16, fig. 12. 
— socauis Goldf., apud Muller, Beitr. zur Petrefactenkunde, pag. 12. 


Les tubes, légèrement onduleux, sont agrégés en masses qu'on peut com- 
parer en petit à un arbre sans tête, dont les branches latérales auraient été 
coupées à quelque distance du tronc; les troncatures sont occupées par les 
bouches des tubes, qui sont toutes assez régulièrement dirigées en avant. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 197 


* Localité. — On rencontre le Filigrana filiformis dans le turonien de Tour- 
nay, de Montignies-sur-Roc, de Visé, d’Aix-la-Chapelle, de Blackdown, etc. 


MYTILIDÆ vOrmenr. 


Genre LITHODOMUS Cuvier. 


MymnLus Linné ; Mopioa Lamk. 


Coquille allongée , oblongue, toujours obtuse à son extrémité buccale, com- 
primée à sa partie anale et généralement renflée, de manière à être circu- 
laire ou subcirculaire sur la coupe transversale de ses deux valves réunies: 
ses valves sont fermées ; impressions palléales entières, sans sinus anal; im- 
pressions musculaires au nombre de deux à chaque valve, l'une grande, 
oblongue, superficielle, placée à la région anale, l'autre située sur la région 
buccale; ligament extérieur, linéaire; charnière sans dents; les crochets sont 
généralement contournés à la manière des isocardes (d’Orbigny). 


Observations. — Les animaux de ce genre apparaissent sur le globe avec 
les mers jurassiques; ils se multiplient spécifiquement de plus en plus dans 
les mers subséquentes, pour atteindre leur plus grand développement dans 
celles de nos jours. 


No 105. Lurmonouus Cirzvanus de Ryckholt. 
(PL VI, fig. 1, 2.) 


L. Testä elongatä, subeylindricä, utrinquè angustatà et obtusdä, medio dilatatü, 
concentricè plicatà ; latere buccali brevissimo; latere palleali transversim 
plicis crispis obtecto ; umbonibus valdè recurvis. 


Dimensions. — Longueur 41 mill., par rapport à la longueur, largeur #5: 
épaisseur +. 


Coquille allongée, un peu cylindrique, rétrécie et obtuse aux deux extré- 
mités, élargie et aussi large qu’épaisse au milieu; sa surface est couverte de 
fines lignes et de gros plis d’accroissement ; côté buccal très-court ; région pal- 
léale marquée en travers de plis crépus ; crochets fort recourbés. 


128 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Observations. — Le Lithodomus Ciplyanus diffère du Lithodomus rugosus 
(d'Orb., loco cit., pl. 346, fig. 1-5) par son contour rétréci aux deux extré- 
mités et dilaté au milieu, tandis que le dernier est presque égal sur toute sa 
longueur; c’est le seul que je connaisse qui ait des rapports bien marqués 
avec lui; les rides palléales ne commencent à se montrer que sur les individus 
de moyenne taille. 


Explication des figures. — PI. VII, fig. 1. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
2. Le même au trait, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai découvert ce lithodome dans le terrain sénonien supérieur 
de Ciply; il y est habituellement à l’état de moule. 


No 106. Lirmopomus sms de Ryckholt. 
(PL VI, fig. 5, 4,5.) 


An Lrraopouus Arcmacn d'Orb.? loco cit., t. IE, p. 261, pl. 344, fig. 40-12. 


L. Testä oblongé, subarcuatä, gibbosd, tumidä, medio latè compressé ; latere 
buccali dilatato, obtuso ; latere anali angustato, anticè obliquè rotundato ; 
latere palleali sinuato ; umbonibus subterminalibus valdè recurvis. 


Dimensions. — Longueur du moule 15 müll., par rapport à la longueur, 
: nai 2 
largeur À; épaisseur 


Coquille oblongue, un peu arquée, gibbeuse, très-convexe, marquée sur la 
région palléale d’une forte dépression transverse, oblique, arquée, qui va en 
s’élargissant, à partir du sommet; sa surface est couverte partout de plis d’ac- 
croissement inégalement prononcés; côté buccal dilaté et obtus; côté anal ré- 
tréci et obliquement arrondi à son extrémité; côté palléal sinueux; crochets 
contournés et presque terminaux. 


Observations. — Le Lithodomus similis diffère peut-être du Lithodomus 
Archiacii, dont il a les proportions et le contour, par sa compression transver- 
sale plus marquée et par la direction de ses lignes d’accroissement, pour autant 
toutefois que la figure citée à la synonymie soit exacte. Les deux coquilles 
cependant sont fort voisines, sinon les mêmes; mais comme elles appartien- 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 129 


nent à des étages bien différents, il faudrait pouvoir les comparer avant d’ad- 
mettre leur identité si peu vraisemblable. 


Explication des figures. — PI. VII, fig. 5. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
4. Le même au trait, vu sur le ligament. 
5. Le même, vu sur la région buccale. 


Localité. — J'ai recueilli abondamment cette coquille dans le terrain séno- 
nien supérieur de Ciply; le moule se sépare du test lorsqu'on cherche à la 
dégager de sa gangue. 


No 107. Lurmonomus pyrirormis d’Archiac. 


Liruopowus pyrironmis d'Archiac, Mém. de la Soc. géol. de France, t. IH, 2° part., 2° série, 
p. 507, pl. 15, fig. 5, 5°. 


L. Testé oblongä , tumidä, gibbosulä, concentricè plicatä, transversim latè sub- 
compressd ; latere buccali dilatato, obtuso; latere anali angustato, anticè 
rotundato ; latere palleali recto ; umbonibus terminalibus, valdè recurvis. 


Dimensions. — Longueur 7 ‘/, mill.; par rapport à la longueur, largeur 2: 


épaisseur -TS.. 

Coquille oblongue, fort convexe, plus épaisse que large, marquée d’une 
faible compression palléale, qui va en s’élargissant à partir du sommet, cou- 
verte de lignes d’accroissement inégalement prononcées, obtuse et élargie du 
côté buccal, rétrécie et arrondie du côté anal, droite, non échancrée sur le 
côté palléal; crochets contournés et terminaux. 


Observations. —Mes exemplaires, qui sont d’une conservation parfaite, dif- 
fèrent de celui qui est mentionné à la synonymie par leurs crochets terminaux 
et non subterminaux , par leur côté palléal droit et non arrondi et par la lé- 
gère dépression palléale dont il n’est pas parlé dans la description de l'au- 
teur. Ces différences, assez importantes, m’eussent engagé à considérer ma 
coquille comme spécifiquement distincte, si M. le vicomte d’Archiac n'avait 
eu soin de prévenir ses lecteurs que la sienne étant en partie engagée dans la 
roche, il lui devenait impossible d'en donner une diagnose complète. 


Localité. — J'ai recueilli cette coquille dans le terrain turonien de Tournay ; 


elle y est peu commune, ainsi qu'à Montignies-sur-Roc. 
Tome XXIV. 17 


130 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Nc 108. Lrraopomus Hanoi de Ryckholt. 
(PI. VII, fig. 6, 7.) 


L. Testé nitidä, elongatä, convexd , utrinquè angustatä et obtusd ; medio dila- 
tatä, levigatà; lateribus palleali et cardinali rotundatis ; umbonibus valdè 
r'ecurvis. 


Dimensions.— Longueur 20 mill.; par rapport à la longueur, largeur $;; 


épaisseur À. 


Coquille brillante, allongée, très-convexe, presque cylindrique, élargie au 
milieu , rétrécie et obtuse aux deux extrémités, couverte de fines lignes d’ac- 
croissement ; côté buccal très-court; côté anal comprimé ; côtés cardinal et pal- 
léal faiblement arrondis; crochets contournés. 


Observations. — Le Lithodomus Hannonieæ diffère du Lith. oblongus d'Orb. 
(loco cit., pl. 544, fig. 4, 6), par ses côtés anal et buccal rétrécis, par une 
épaisseur moindre, et du Lith. prœlongus d’Orb. (même planche, fig. 4, 2, 3), 
par son côté anal non dilaté, par son côté palléal dépassant les crochets. 


Explication des fiqures. — PI. VIX, fig. 6. Exemplaire vu de profil. 
7. Le même au trait, vu sur le ligament. 


Localité. — Jai rencontré ce Lithodome dans les polypiers et dans les con- 
crétions classées par M. de Lamarck dans le genre Nullipora du turonien de 
Tournay et de Montignies-sur-Roc. 


No 109. Lrrnonomus orgreuzarus d’Archiac. 


CYPRICARDIA ORBICULATA d’Archiac, Mém. Soc. géol. de France, t. I, p. 189. 
Liraonomus sugorpicuzaris d'Orb., loco cit., pl. 346, fig. 4-8. 
—  orBicucatus  d'Orb., loco cit., p. 293. 


L. Testé nitidà, quadrilaterd, lateribus et anqulis rotundatis, valdè convexä, 
levigatä ; latere buccali brevi ; latere ligamenti compressiusculo; umbonibus 
contortis. 


Dimensions. — Longueur # mil. ; par rapport à la longueur , largeur 55: 


épaisseur 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 151 


Coquille brillante, un peu quadrilatère, ayant les côtés et les angles ar- 
rondis, très-convexe, plus épaisse que large; sa surface est couverte en long 
de fins plis, dont quelques-uns, de loin en loin, sont plus marqués : région 
du ligament légèrement comprimée; crochets contournés, non terminaux. 


Observations. — Quoique ma coquille soit presque microscopique, je ne 
saurais lui reconnaitre le plus petit caractère qui puisse m’autoriser à la con- 
sidérer comme distincte de lOrbiculata ; il est vrai que je n’ai pas observé de 
tube dans le genre de celui qui a été figuré par M. d'Orbigny ; mais l'animal , 
n'ayant pénétré qu'à une petite profondeur dans le polypier, et même ayant 
la majeure partie de la région anale encore libre, pareil tube n’a pu être con- 
struit. 


Localité. — J'ai rencontré ce lithodome dans les astrées et autres polypiers 
du turonien inférieur de Tournay et de Montignies-sur-Roc. 


N° 410. Lrrnonomus monrozus Nilson. 


Canorra montoLus Nils., Petrif. Suec., form. cret., p. 17, pl. 10, fig. 6, a, b, c. 
— Nils. apud Hiz., Leth. Suec., p. 62, pl. 28, fig. 15. 
_ Nils. apud Reuss., loco cit., 2 part., p. 5, pl. 37, fig. 13. 


L. Testä ovato-oblongä, utrinquè angustatà, medio dilatatà ; lateribus rotun- 
datis ; striis transversis el plicis concentricis ornatä ; latere buccali brevis- 
simo; latere anali compresso ; umbonibus involutis ; lunulä minutà, cordi- 
formi, valdè plicatd. 


47 


Dimensions. — Longueur 19 mill.; par rapport à la longueur, largeur =; 
épaisseur -% ; côté anal 25. 


Coquille rétrécie avec deux extrémités, élargie partout ailleurs, ayant ses 
côtés arrondis, renflée, très-inéquilatérale , marquée en travers, sur la région 
palléale, de stries interrompues et en long de plis très-prononcés ; côté buceal 
très-court; extrémité anale très-comprimée; crochets contournés ; lunule pe- 
tite, cordiforme et fortement plissée. 


: Observations. — Cette coquille, d’abord décrite par M. Nilson et ensuite par 
MM. Roemer et Reuss , n’est connue qu’à l'état de moule; sa forme générale . 


132 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


ses ornements, ses crochets, ses impressions musculaires, etc., en font un li- 
thodome; sa section transversale est cordiforme. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Turoniennes. Sénoniennes. 
Lithodomus pyriformis d'Arch. Lithodomus Ciplyanus de Ryckh. 
— Hannoniæ de Ryckh. — similis de Ryckh. 
— orbiculatus d’Arch. — modiolus Nilson. 


Genre MYTILUS Linné. 


Myrizus et Mopioza Lamk. 


Coquille allongée, oblongue, triangulaire ou lanciforme, équivalve, régu- 
lière, fermée en haut, à peine bâillante sur la région palléale pour le passage 
du byssus; impressions palléales entières, sans sinus anal; impressions mus- 
culaires au nombre de deux à chaque valve : l’une grande, oblongue super- 
ficielle placée sur la région anale; l’autre petite, située sur la région buccale ; 
ligament longitudinal extérieur; charnière terminale le plus souvent sans 


dents (d’Orbigny). 


Observations. — Les animaux de ce genre ont vécu en petit nombre dans 
les mers siluriennes; déjà nombreux dans les mers dévoniennes et carboni- 
fères, ils accroissent spécifiquement en nombre de bas en haut à dater des 
mers liasiques, pour atteindre leur plus grand développement dans les mers 
actuelles. 

Aucune espèce de ce genre n’a été signalée jusqu’à ce jour dans le calcaire 
carbonifère du pays, quoiqu'il en renferme un bon nombre, comme on le 
verra plus loin. 


No 111. Myrus Froenanus de Ryckholt, 1850. 


(PI. VII, fig. 8, 9.) 


M. Testd crassä, elongato-triangulari, gibbosd, cariné obtusd el sinuosà 
bipartitä, concentricè plicatä; latere buccali brevi, angustato; latere anali 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 135 


convexo, dilatato, anticè rotundato ; latere palleali latè et profundè exca- 
vato, extüs sinuoso, hiante. 


Dimensions. — Longueur 55 mill.; par rapport à la longueur, largeur #7: 


épaisseur $5- 

Coquille épaisse , allongée , un peu triangulaire , gibbeuse, bâillante à l'issue 
du byssus, partagée en deux parties fort inégales, par une carène obtuse qui 
s'infléchit un peu au-dessus des crochets pour s'arquer ensuite, et couverte 
de lignes d’accroissement qui dégénèrent en plis imbriqués sur la région pal- 
léale; côté buccal très-court, renflé, rétréci et terminé en pointe émoussée ; 
côté anal convexe , élargi et arrondi à son extrémité; région palléale marquée 
d’une large et profonde dépression concave qui longe la carène dorsale, et li- 
mitée à l'extérieur par une ligne fort sinueuse. 


Observations. — Le M. Floenianus diffère du M. priscus Goldf. (loco cit. 
p. 284, pl. 164, fig. 15) par son contour, par son côté palléal dépassent les 
crochets, par sa région palléale excavée et beaucoup moins comprimée; du 
M. substriatus Münst. (loco cit., part. 5, p. 57, pl. 11, fig. 10) par ses orne- 
ments, par son côté cardinal non sinueux et par d’autres caractères que la 
comparaison des figures fera aisément saisir. 

N'ayant pu parvenir à isoler la charnière de cette coquille, je ne l'ai pla- 
cée qu'avec doute dans le genre Mytilus ; il se pourrait qu’elle düt faire 
partie du genre Megalodon Sowerby , dont elle a un peu le facies ; cependant, 
le bâillement palléal me semble un caractère irrécusable en faveur de ma dé- 
termination. 

Je dédie cette belle coquille à M. le baron de Floen, de Visé, comme un 
bien faible témoignage de ma juste reconnaissance pour le bienveillant con- 
cours qu'il a bien voulu me prêter dans les nombreuses recherches que j'ai 
faites dans les environs de la localité qu'il habite. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 8. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
9. Le même au trait, vu sur le côté palléal. 


Localité. — Fai découvert cette coquille dans le calcaire dévonien de 
Visé. 


154 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


No 412. Mynus Leresvreanus de Ryckholt, 1850. 
(PI. VII, fig. 10, 11.) | 


M. Testé tenui, subarcuatà, oblongä, carinä acutà longitudinaliter bipartita , 
concentricè striatà ; latere buccali brevi, obtuso; latere anali convexo, valdè 
dilatato, anticè obliquè rotundato; latere palleali excavato; compresso, si- 
n'uoso. 


Dimensions. — Longueur 28 mill.; par rapport à la longueur, largeur 25 ; 
épaisseur 2. 


Coquille mince, un peu arquée, partagée en long par une carène peu émous- 
sée, convexe et renflée en avant, comprimée et excavée en arrière de cette 
carène , marquée de stries concentriques qui dégénèrent en fins plis sur la 
région palléale, obtuse et rétrécie du côté buccal, très-élargie et obliquement 
arrondie du côté anal; crochets dépassés par la région palléale, dont la 
limite extérieure est sinueuse. 


Observations. — Les caractères qui m'ont engagé à considérer cette coquille 
comme spécifiquement distincte de l'espèce précédente, sont : test trois fois 
moins épais, carène non infléchie et plus tranchante, extrémité buccale plus 
obtuse et plus large, extrémité anale plus dilatée et plus comprimée; côté 
cardinal moins droit, compression palléale moins concave; je me vois forcé 
de faire, pour cette coquille, les mêmes réserves que pour l'espèce précédente. 

Jai emprunté pour cette magnifique coquille le nom d’un de mes amis, 
connu à bien des titres et spécialement par ses connaissances métallurgiques; 
c’est un faible hommage que je me plais à rendre au zèle infatigable avec 
lequel il n’a cessé de seconder pendant plusieurs années mes pénibles re- 
cherches. 


Explication des figures. — PI. VI, fig. 10. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
11. Le même, au trait, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai recueilli le M. Lefebvreanus dans le même terrain et dans 
la même localité que l'espèce précédente. 


N° 115. Myrius Corpozranus de Ryckholt, 1847. 
(PL VII, fig. 2, 15.) 


M. Test tenui, elongatä, convexiusculà, juniore, striis capillaribus confertis 
» L 9 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 155 


concentricè ornatà ; seniore lamellosà, imbricatà ; latere palleali posticè an- 
qustato, hiante ; latere anali arcuato, dilatato, anticè rotundato ; lateribus 
cϾsim carinalis ; apice retuso, terminali. 


Dimensions. — Longueur 63 müill.; par rapport à la longueur, épais- 


24 
SeUT 55: 


Coquille mince, allongée, peu convexe, couverte sur les trois quarts de sa 
surface de fines stries concentriques , remplacées par des lamelles qui s’im- 
briquent sur l'autre quart; côté palléal rétréci en arrière et un peu bäillant, 
côté anal élargi et arrondi en avant ; labre tranchant; crochets obtus et termi- 
naux. 


Observations. — Cette moule a bien quelques rapports de forme avec le 
L. granulosus Phill. (Ilust., etc., pl. 5, fig. 13); mais, outre que le nom spé- 
cifique de cette dernière ne lui est en aucun point applicable, la diagnose 
est encore trop laconique et la figure trop incomplète pour que l'assimilation 
des deux coquilles soit possible. 


Explication des figures. — PI. VII, fig. 12. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
45. Le même, vu sur les crochets. 


Localité. — Cette coquille se rencontre assez communément dans l'argile 
carbonifère à Crèvecœur près d’Antoing; mais telle est la pulvérulence du 
test, qu'il suflit du moindre souffle pour le dissiper; l'exemplaire figuré ne 
doit sa belle conservation qu'à des circonstances exceptionnelles: aecolé dans 
les cavités contre la roche calcaire, et tapissé, en outre, à l'intérieur de cristaux 
dus à des infiltrations spathiques, il a pu échapper aux nombreuses causes 
qui ont amené la destruction de ses semblables. 


No 414. Mymus Mosexsis de Ryckholt, 1847. 


(PL VI, fig. 4, 15.) 
M. Testé erassä, arcuatä, elongato -convexä ; regione cardinali paulatim 
explanatà; regione palleali abruptè declivi, concentricè plicis imbricatis ob- 


sità ; latere buccali obliquè truncato ; latere anali anticè rotundato ; latere 
cardinali subrecto, unduloso; apice terminal. 


Coquille fort épaisse, arquée, très-allongée, convexe au milieu, s'étalant 


136 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


en pente douce vers le côté cardinal et retombant assez brusquement du côté 
palléal ; sa surface est couverte de gros plis concentriques qui s’imbriquent 
réciproquement ; côté buccal obliquement tronqué de bas en haut; côté anal 
arrondi ; côté cardinal presque droit, un peu irrégulier par la saillie des plis ; 
crochets terminaux. 


Explication des figures. — PI. VII, fig. 14. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
15. Le même au trait, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai découvert cette belle coquille à Visé, dans le calcaire car- 
bonifère. 


No 115. Myrizus Fonrenoyanus de Ryckholt, 1847. 
(PL VIT, fig. 16,17.) 


M. Testà tenui, oblongä, ventricosä, arcuatä, concentricè plicatä et striatä ; 
latere palleali, excavato, hiante ; latere anali dilatato, anticè rotundato ; um- 
bonibus turgidis ; apice terminal. 

Dimensions. — Longueur 50 mill.; par rapport à la longueur, épais- 


seur À. 


Coquille peu épaisse, oblongue, ventrue et arquée; sa surface est marquée 
de gros plis concentriques assez espacés, entre lesquels se montrent de fines 
stries à peine visibles à l’œil nu; région palléale évidée et bäillante; côté anal 
élargi et arrondi en avant; crochets renflés et terminaux. 


Explication des figures. — PI. VII, fig. 16. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
47. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Jai découvert le M. Fontenoyanus, à Antoing, à une demi- 
lieue de Tournay, non loin du célèbre champ de bataille de Fontenoy, dans 
l'argile carbonifère. 


No 116. Mymus ziconuza de Ryckholt, 4847. 
(PL VII, fig. 48, 19.) 


M. Testà oblongä, convexd , uniauriculatà , valdè inæqulaterd , striis quibus- 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 157 


dam remotis concentricè notatà ; latere buceali truncato, angustato; latere 
anali elongato, dilatato, anticè rotundato ; auriculà rugis confertis longitu- 
dinaliter obsité ; apice subterminali. 


Dimensions. — Longueur 22 mill.; par rapport à la lonqueur, largeur XX: 
épaisseur 

Coquille oblongue , uni-auriculée, médiocrement renflée , même un peu dé- 
primée à l'extrémité anale, très-inéquilatérale; sa surface renseigne quelques 
lignes d’accroissement très-espacées, qui, en se repliant, vont s’accumuler 
sur l'oreillette et y engendrent de gros plis irréguliers et très-serrés ; côté buc- 
cal rétréci et tronqué; côté anal allant en s’élargissant et arrondi en avant; 
côté palléal un peu bâillant ; erochets presque terminaux. 


Explication des figures. — PI. VII, fig. 18. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
19. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Le Myt. ligonula a été recueilli par moi dans l'argile carboni- 
fère des environs de Tournay. 


No 417, Myruus rasaus de Ryckholt, 1847. 
(PL VIT, fig. 20, 241.) 


M. Testà ovalo-oblongä, arcuatà, valdè inæquilaterd, cireùm compressä, 
medio inflatà , concentricè striis et lamellis quibusdam ornatà ; latere buccali 
brevissimo , vix è apice exstante, rotundato ; latere anali elongato, dilatato, 
anticè rotundato ; latere cardinali arcuato ; latere palleali sinuoso, hiante. 


Dimensions. — Longueur 48 mill.; par rapport à la longueur, largeur +: 
épaisseur 5; longueur du côté anal 7 mil. 


Coquille ovale, oblongue, très-inéquilatérale, légèrement arquée, compri- 
mée près des bords, renflée partout ailleurs; sa surface renseigne quelques 
lignes d’accroissement qui, pendant la dernière période de la vie de l'animal, 
changent en lamelles plus où moins marquées ; les lignes , en s’accumulant sur 
la région buccale, la font paraitre ridée; côté buccal très-court et obtus:; côté 
anal allongé, élargi et arrondi à son extrémité; côté palléal sinueux , dépas- 
sant à peine les crochets et bâillant à l'issue du byssus. 

Tous XXIV. 18 


138 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Explication des fiqures. — PI NI, fig. 20. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
21. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai recueilli le M. fabalis dans l'argile carbonifère de Tournay. 


No 118. Mvruus Præres de Ryckholt, 1847. 
(PL VIII, fig. 4,2.) 


M. Testä tenui, elongatà, ovali, gibbosà , convexd, valdè inæquilaterà, levi; 
latere buccali brevi, angustato, obtuso ; latere anali elongato, producto , an- 
ticè obliquè truncato ; latere cardinali compressissimo , extùs concavo; latere 
palleali vix rotundato, umbones exsuperante. 


Dimensions. — Longueur 20 mill.; par rapport à la lonqueur, largeur €, 
épaisseur 5; longueur du côté anal 18 ‘/, mill.; angle apicial 152. 


Coquille mince, allongée, un peu ovale, gibbeuse, médiocrement renflée, 
très-inéquilatérale ; sa surface presque lisse est couverte de fines lignes d’ac- 
croissement qui s'atténuent , après avoir traversé le renflement qui se dirige 
diagonalement des crochets vers l'extrémité anale; côté buccal court, rétréci 
et émoussé ; côté anal allongé, étalé et tronqué obliquement à son extrémité; 
région cardinale fortement éomprimée, et concave à l'extérieur; côté palléal 
faiblement arrondi et dépassant à peine les crochets. 


Observations. — Je ne connais aucune modiole dans les terrains paléozoiï- 
ques qui offre avec celle-ci une ressemblance assez frappante, pour qu'il soit 
nécessaire d'établir une comparaison ; le prolongement aliforme de la région 
cardinale la fera toujours reconnaitre sans difficulté. 


Explication des fiqures. — P1. VIE, fig. 4. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil, 
2. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Le M. præpes a été découvert par M. D. Toilliez, aspirant des 
mines, dans le schiste houiller du eouchant de Mons. 


No 419. Mymzus aricicrassus de Ryckholt, 1847. 


(PI VID, fig. 5, 4.) 


M. Testà lenui, ovali, regione palleali compressé, alibi pussim. convexd 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 159 


propè apicem callosé, striis tenuibus concentricè striaté ; latere anali obtuso ; 
latere palleali medio paululüm emarginato; latere cardinali arcuato ; um- 
bonibus valdè recurvis. 


Dimensions. — Longueur 25 mill.; par rapport à la longueur, épais- 


_50 
seur 100° 


Coquille mince, ovale, légèrement comprimée sur la région palléale, ren- 
flée partout ailleurs; sa surface est couverte de fines stries concentriques ; 
côté anal allongé, faiblement arrondi à son extrémité; côté palléal un peu 
échancré au milieu; côté cardinal faiblement arqué; crochets très-reeourbés 
s'appuyant contre une forte callosité sur laquelle les stries d’accroissement 
persistent et qui est marquée d’un sinus pour livrer passage au byssus. 


Explication des fiqures. — PI. VIT, fig. 5. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
4. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai découvert le M. apicicrassus dans le calcaire carbonifère 
friable de Visé. 


No 120. Myruus rerrocessus de Ryckholt, 1847. 
(Pt. VII, fig. 5,6.) 


M. Testà oblongä , inflaté, valdè inæquilaterd, concentricè rugis reqularibus 
obsité; latere buccali, brevi, angustato ; latere anali elongato, dilatato, an- 
ticè obtuso ; umbonibus valdè recurvis. 


Dimensions. — Longueur 20 mill.; par rapport à la longueur , largeur x: 
épaisseur #7: côlé anal 18 mill. 


Coquille oblongue, uniformément renflée, très-inéquilatérale; sa surface 
est couverte de plis d’accroïssement très-marqués et régulièrement disposés ; 
côté buccal, court et fort rétréci; côté anal, allongé , élargi et émoussé à son 
extrémité; côté palléal faiblement arqué, presque droit, dépassant les cro- 
chets; ces derniers sont fort recourbés. 


Explication des stitiit — PI. VI, fig. b. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
6. Le même, vu sur le ligament. 


Localité, — Le M. retrocessus a été recueilli par moi dans le caleaire carbo- 
nifère de Visé, 


140 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


No 121. Myrivs pazmarus de Ryckholt, 4847. 
(PL VUL, fig. 7, 8.) 


M. Testä tenui, convexä, anticè dilatatä, posticè angustatä, stris tenuibus 
concentricè ornatd ; latere anali anticè rotundato; apice terminali, minu- 
tissimo. 

Dimensions. — Longueur 24 mill.; par rapport à la longueur, épais- 
seur A; He 

Coquille mince, médiocrement renfléee ;, un peu arquée, élargie en avant , 
rétrécie en arrière; sa surface est ornée de fines stries d’accroissement, dont 
quelques-unes sont plus prononcées, tandis que les autres sont à peine per- 
ceptibles à l'œil nu; elles sont fort serrées vers l'extrémité anale et y perdent 
de leur régularité; vue à la loupe, cette partie de la surface paraît imbriquée ; 
crochets terminaux et peu développés. 


Explication des fiqures. — PI. VIT, fig. 7. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
8. Le même, vu sur le ligament, au trait. 


Localité. — Jai rencontré eette moule dans le calcaire carbonifère de Visé. 


N° 1422. Myniius Wesemagzianus de Ryckholt, 1847. 
(PI. VIII, fig. M4, 42.) 


M. Tesiä subtrigond, angulatä, valdè inæquilaterä, concentricè tenui-ru- 
gosd ; latere buccali obtuso; latere anali dilatato ; anticè rotundato ; latere 
cardinali recto; latere palleali rotundato ; regione palleali inflatà ; regione 
ligamenti compressd. 


Dimensions. — Longueur, 21 mil. par rapport à la lonqueur, épais- 
seur %: angle apicial. 932. 


Coquille un peu triangulaire, anguleuse, très-inéquilatérale. rétrécie et 
émoussée en arrière, dilatée et arrondie en avant; sa surface est couverte 
de fins plis d'accroissement; côté cardinal droit: région du ligament com- 
primée; région palléale renflée. 


Observations. — Le M. Wesemaelianus diffère principalement de ses con- 
génères de la même époque par sa région anale anguleuse, etc. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 141 


Evplication des fiqures. — PI, VIL, fig. 14. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
12, Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Cette moule, ainsi que la suivante, a été découverte dans le 
schiste houiller du couchant de Mons, par M. Désiré Toilliez, qui s'occupe 
avec un zèle louable des fossiles et des antiquités du pays. 


No 125. Mymuus Toruezsanus de Ryckholt. 1847. 
(PE VII, fig. 15, 14.) 


M. Testà spathulatä, convexä, valdè inæquilaterä, concentricè striata ; la- 
tere buceali brevissimo, angustato, obliquè retuso ; latere anali dilatato , an- 
ticè hiante et rotundato ; latere ligamenti compresso. 


Dimensions, — Longueur 10 mill.; par rapport à la longueur, largeur 2%: 
épaisseur 7; longueur du côté anal 8 À mill.; angle apicial 125°. 


Coquille spatulée, très-inéquilatérale, légèrement comprimée sur la ré- 
gion du ligament, uniformément renflée partout ailleurs; sa surface est cou- 
verte de fines lignes d’accroissement, qui sont plus marquées sur la région 
palléale; côté buccal très-court, rétréci et coupé obliquement en arriere: 
côté anal allongé, brusquement dilaté, bâillant et arrondi à son extrémité: 
côté palléal prolongé au delà des crochets. 


Explication des figures. — PI. VU, fig. 45. Exemplaire un peu grossi, vu de profil. 
14. Le même, vu sur le ligament. 


: Localité. — Le Myt. Toilliezianus accompagne l'espèce précédente. 


No 124 Mymius ampzrarus de Ryckholt, 1847. 
(PL VIT, fig. 9, 10.) 


M. Testà ténui, oblongä, depressd , strüs concentricis, inæquiremotis et striis 
brevibus, obliquis , iteratèm seriatis ornatà ; latere anali dilatato , anticè obli- 
què rotundato; latere ligamenti recto, obliquo; latere palleali compresso. 
extüs arcualo. . 


Dimensions. — Longueur 20 mill.; par rapport à la longueur, épaisseur 555: 
angle apicial 95. 


142 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Coquille mince, peu renflée, un peu arquée, fortement élargie et oblique- 
ment arrondie en avant; sa surface est marquée de stries concentriques , iné- 
galement espacées, entre lesquelles se montrent, en plusieurs séries irrégu- 
lières, de fines hachures courtes, obliques. et non visibles à l'œil nu; côté 
cardinal droit et oblique; région palléale comprimée et limitée par une ligne 
concave; crochets terminés en pointe. 


Observations. — La dilatation anale, la compression palléale, la ténuité 
du test et des ornements différents ne permettent pas de confondre cette co- 
quille avec le M. Palmatus. 


Explication des figures. — PI, VIIL, fig. 9. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
10. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Jai recueilli le M. ampliatus dans le calcaire carbonifère 
de Visé. 


N° 425. Myruus mivisus ! de Ryckholt, 1847. 
(PL VII, fig. 15, 16.) 


M. Testà tenui, subquadrilaterä, convexd, plicis 4-5, crassis et striis tenui- 
bus concentricè obtectà ; latere anali utrinquè obliquè rotundato; lateribus 
cardinali et palleali rectis ; umbonibus obtusis. 


Dimensions. — Longueur 20 mill.; par rapport à la longueur, épais- 
seur  ; angle apicial 52e. 


Coquille mince, un peu quadrilatère, renflée; sa surface renseigne 4-5 
gros plis, entre lesquels on observe de fines lignes d’accroissement; côté anal 
élargi, se raccordant par des arcs de cercle obliques avec les côtés cardinal 
et palléal; ces côtés sont presque droits; crochets émoussés. 


Explication des figures. — PI. VIIL, fig. 45. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
16. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Cette coquille a été découverte par moi dans l'argile carbo- 
nifère à Tournay. 


1 Lisez Mariæ. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 145 


No 126. Myrinus ampezrræcoza de Ryckholt, 1847. 
(PL. VIII, fig. A7.) 


M. Testà tenui, minutä, subarcuatä, tumidd, inæquilaterà, anticè dilatata , 
posticè anqustiore, utrinquè rotundatä, concentricè rugosiusculä ; latere 
buccali brevi; latere anali elongato ; latere palleali excavato, hiante; apice 
vürquliformi. 


Dimensions. — Longueur 10 mill.; par rapport à la longueur, largeur 25: 
épaisseur 49; côté anal 8 mill. 


Coquille mince, petite, faiblement arquée, renflée, inéquilatérale , arron- 
die aux deux extrémités, élargie en avant, rétrécie en arrière ; sa surface est 
couverte de fines lignes d'aceroissement, qui dégénèrent en plis imbriqués 
sur la région buccale; côté palléal un peu évidé, bâillant et dépassant les cro- 
chets, qui sont peu marqués. 


Explication de la figure. — PI. VII, fig. 17. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 


Localité. — Cette petite modiole a été rencontrée par moi dans l'ampélite 
alumineux des environs de Liége. 


N° 127. Myruvs cesrixorus de Ryckholt, 1847. 
(PI. VIII, fig. 418, 19.) 


M. Testi tenui, subcylindrica, plicis crassis rotundatis, utrinquè attenuatis 
concentricè ornal ; interstiis concavis ; latere buccali, obliquo, obtuso ; la- 
‘tere anali anticè obliquè rotuindato; latere cardinali arcuato ; latere palleali 
ferè recto, compresso ; umbonibus recurvis. 


Dimensions. — Longueur 14 mill.; par rapport à la longueur, épais- 
seur ;; angle apicial 100. 


Coquille mince ,un peu cylindrique; sa surface renseigne de gros bourre- 
lets concentriques, arrondis, assez espacés, s'atténuant aux deux extrémités 
et séparés par des intervalles concaves; extrémité anale comprimée, et ar- 
rondie en avant; côté buceal oblique et émoussé; côté cardinal un peu arqué: 
région palléale marquée, à partir des crochets, d'une dépression linéaire. 
oblique et limitée extérieurement par une ligne à peine sinueuse: crochets 
recourbés. 


144 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Observations. — Cette petite coquille, qui serait peut-être mieux placée 
dans le genre Lithodomus, diffère du Modiola squamifera Phill., par sa taille, 
par sa forme cylindrique, par le manque de réseau sur la surface. etc. 


Explication des figures. — PI. VII, fig. 18. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
19. Le même, vu sur le ligament, au trait. 


Localité. — Jai recueilli assez abondamment le M. cestinotus dans le cal- 
caire carbonifère à Visé. 


No 128. Myrius Pernezza de Ryckholt, 4847. 
(Pr. VIII, fig. 20, A.) 


M. Elongato-ovali, inflatä, subarcuatä, concentricè plicatä et striaté ; latere 
anali dilatato, rotundato ; regione palleali compressä. 


Dimensions. — Longueur (par reconstruction) 87 müill.; par rapport à la 
longueur ; épaisseur À; angle apicial 75°. 


Coquille épaisse, allongée, ovale, un peu arquée, renflée; sa surface est 
couverte de gros plis saillants, inégalement espacés, sur lesquels passent de 
fines lignes d’accroissement. ; côté anal allant en s’élargissant brasquement et 
arrondi à son extrémité; région palléale fortement comprimée sur sa moitié 
postérieure. 


Observations. — Par ses ornements, cette coquille rappelle le M. Fontenoya- 
nus; mais son contour plus arrondi, joint à une épaisseur moindre et à une 
longueur double, l'en éloigne fortement. 


Explication des figures. — PI, VII, fig. 20, Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
21. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai recueilli l'exemplaire figuré dans le calcaire carbonifère de 
Visé: il est bivalve, mais ses crochets sont mutilés. 


No 1929. Myrius Omazrusranus de Ryckholt, 1850. 
(PL VIII, fig. 22, 25.) 


M. Testà tenui, lanceolaté, convex, concentricè striatà; latere buccali trun- 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 145 


calo , obliquo; latere anali obliquè rotundato ; latere cardinali arcuato ; latere 
palleali compresso ; umbonibus brevibus. 


Dimensions. — Longueur 24 mill.; par rapport à la longueur, épaisseur £: 


angle apicial 60p. 


Coquille mince, un peu lancéolée, marquée de fines stries concentriques, 
comprimée sur la région palléale , convexe partout ailleurs ; côté buccal coupé 
obliquement de bas en haut; côté cardinal arqué; crochets courts. 


Explication des figures. — PI. IX, fig. 22. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
23. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai découvert cette belle coquille dans le schiste houiller des 
environs de Visé. 


No 150. Mymus psiuinorus de Ryckholt, 1850. 
: (PL IX, fig. 4,2.) 


M. Testà tenui, subarcuatà, elongato-ovali, gibbosä , valdè inæquilaterä, levi ; 
latere buccali brevi, angustiore, obtuso ; latere anali elongato , anticè obliquè 
rotundato ; latere ligamenti inflato; latere palleali sinuoso, abruptè com- 
presso; apice vix conspicuo. 


Dimensions. — Longueur 19 mill. ; par rapport à la longueur, largeur ;: 
épaisseur 7 ; longueur du côté anal 17 2 mill. 


‘Coquille mince, légèrement arquée , allongée, un peu plus étroite en arrière 
qu’en avant, obtuse aux deux extrémités, gibbeuse et très-inéquilatérale ; sa 
surface, partagée en deux parties par une carène longitudinale, oblique et 
peu tranchante, renseigne de fines lignes d’accroissement, inégalement espa- 
cées; on observe, en outre, deux plis assez marqués vers l'extrémité anale et 
quelques rides vers le rétrécissement palléal, formées par l'accumulation des 
lignes d’accroissement; région du ligament renflée ; région palléale sinueuse 
fortement comprimée et dépassant les crochets, qui sont fort petits. 


Observations. — Si l'on compare notre modiole au Modiola bipartita Sow.. 
Conchyl. min., p. 260, pl. A0, fig. 4, 5, 6, on trouve que les deux espèces 
ont les plus grands rapports; cependant, la conformation du côté cardinal, 


Tome XXIV. 19 


146 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


qui, dans la nôtre, se dessine en arc de cercle régulier, tandis qu’il est tronque 
dans l'espèce de Taunton, établit entre les deux espèces une différence assez 
notable ; la compression palléale est aussi plus forte dans la nôtre; M. Sowerby 
ne mentionne pas non plus, sur les moules qu'il décrit, l'existence d’une ca- 
rène tranchante, si prononcée sur ceux de notre coquille; ces caractères et 
quelques autres , que la comparaison des deux figures fera aisément saisir , 
m'ont porté à la considérer comme espèce distincte. 

Depuis la publication du Mineral conchology, plusieurs modioles jurassi- 
ques et crélacés, ayant en partage, avec le bipartita, le caractère d’une carène 
longitudinale plus ou moins prononcée, ont été rapportées à ce dernier; il 
suffit cependant de lire les diagnoses et de comparer les figures pour acquérir 
la certitude qu'il n'existe entre ces diverses coquilles que des analogies assez 
éloignées. 

Son côté cardinal plus arrondi, son côté buccal plus rétréci, son côté pal- 
léal plus creusé, distinguent notre coquille du Mod. levis, Rœm., p. 90, pl. 5. 
fig. 5, a, b, ce, Nord-Deut. ool. Gebirges. 


Explication des figures. — PI. IX, fig. 1. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
2. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai rencontré le M. psilinotus dans le grès du Luxembourg de 
l’âge du lias inférieur. 


N° 151. Myriuus Terquemranus de Ryckholt, 1850. 
(PL IX, fig. 5, 4.) 


M. Testd tenui, utrinquè angustatd, medio dilataté , inflatä, gibbosà , sublevi ; 
latere palleali recto, compresso ; latere ligamenti convexo ; apice exiquo. 


Dimensions. — Longueur 19 mill.; par rapport à la longueur, épaisseur -#. 


Coquille mince, un peu plus rétrécie du côté buccal que du côté anal, élar- 
gie au milieu, émoussée aux deux extrémités , renflée, gibbeuse ; sa surface 
est couverte de fines lignes d’accroissement onduleuses, inégalement espacées, 
qui se pressent vers l'extrémité buccale, et font paraître cette partie légère 
ment ridée; région palléale droite, fortement comprimée et marquée d’une 
faible dépression arquée, qui longe d’abord la gibbosité dorsale et s'arrête 
avant d’avoir atteint le côté palléal ; région du ligament uniformément con- 
vexe; crochets peu apparents. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 147 


Observations. — Il suflira de comparer les figures que nous donnons de 
cette coquille à celles de l'espèce précédente et du M. bipartitus Sow., pour 
reconnaitre qu'elle est bien distincte de l’une et de l’autre. 


Explication des figures. — PI. IX, fig. 5. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
4. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Le M. Terquemianus se trouve avec l'espèce précédente, 


No 152. Myruvs Benepenranus de Ryckholt, 1847. 
(PL IX, fig. 5, 6.) 


M. Test ovali, compressä; medio et latere ligamenti plicis radiantibus , plicis- 
que concentricis, interruptis, arcualis decussatà, alibi passim concentricè 
rugos, rugis confertis, irregularibus ; latere palleali posticè emarginalo , 
hiante ; latere buccali lamelloso, incrassato, angustato ; latere anali valdè 
dilatato, rotundato. 


Dimensions. — Longueur 50 mill.; par rapport à la longueur, largeur 5 : 


épaisseur >; longueur du côté anal 47 mill. 


Coquille épaisse, ovale, comprimée, allant en s’élargissant jusqu’à l'extré- 
mité anale , qui est arrondie ; sa surface est ornée en long de légers plis, et en 
travers de rides arquées, interrompues, très-rapprochées et très-irrégulières 
sur les régions anale et palléale, régulières partout ailleurs ; côté palléal muni 
d’une échancrure limitée par deux saillies lamelleuses et imbriquées, pro- 
duites par l'accumulation des rides concentriques, dont la supérieure est 
relevée en voûte, tandis que l’inférieure sert d'appui aux crochets qu’elle dé- 
passe faiblement; ces derniers sont grêles, recourbés et terminés en pointe. 


Explication des figures. — PI. IX, fig. 5. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
6. Le même, au trait, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai recueilli le M. Benedenianus dans le turonien inférieur. à 
Montignies-sur-Roc et à Tournay. 
N° 153. Mynizus corrx Rœmer. 


Mynivs corrÆ Rœmer, Verst. des Nord-Deuts. Kreidegeb., p. 66, pl. 8, fig. 18 (exemplaire 
déprimé). 


148 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Mynius corrx Rœmer, apud Gein, , loco cit., p. 56, pl. 10, fig. 5 (exemplaire déprimé). 
— —  apud Gein., Die Verst. von Kieslingswalda, p.15. 
— —  apud Reuss., loco cit., 2° part., p.14, pl. 50, fig. 4. 
MoptoLa enanuLosa Potiez et Michaud , Galerie des moll., t. 11, p.132, pl. 54, fig. 10. 
Mvrius unoucarus Reuss., Geogn. skizz, p. 118. 
— unearus Sow. apud d'Orb., Pal. franç., t. M, p. 266, pl. 337, fig. 7-9. Partim. 


M. Testà tenui, ovali, anticè paulatim dilatatà, posticè angustatà, subarcuatà, 
ventricosà ; sæpè plicis quibusdam inœqui-remotis concentricè divisd, strits- 
que subtilibus undoso-angulatis interpositis et costulis radiantibus, inter- 
ruptis vel dichotomis, ornatä; interdüm striis radiantibus et transversis 
decussatä, interdèm præterea granulosä ; latere buccali obtuso ; latere anali 
obliquè rotundato ; latere palleali abruptè declivi, medio concavo, posticè 

: inornato et plicis crassioribus notato. 


Dimensions. — Longueur 39 mill; par rapport à la longueur, largeur 5: 
épaisseur $.. 


Coquille mince, un peu élargie en avant, rétrécie en arrière, à peine ar- 
quée, fort ventrue; sa surface est couverte de fines côtes rayonnantes, plus 
prononcées et plus espacées sur la région palléale; ces côtes dévient de leur 
direction ou se bifurquent lorsqu'elles rencontrent, dans leur parcours, l'un 
des plis concentriques qui la partagent, de loin en loin , en plusieurs parties 
inégales ; entre ces plis, on observe de fines stries anguleuses, peu espacées, 
formant autant d’angles qu’il y à de côtes; ces dernières manquent à la partie 
postérieure médiane de la région palléale, tandis que les plis y persistent; 
souvent les lignes transversales onduleuses sont remplacées par de fines 
stries concentriques, et la surface paraît cancellée ; parfois, à l'intersection des 
côtes longitudinales et des stries transverses ; on observe de petits grains , et 
toute la surface parait couverte d’une fine granulation; côté buccal émoussé 
et un peu oblique ; côté anal obliquement arrondi; côté palléal replié sous un 
angle presque droit et légèrement évidé au milieu. 


Observations. — MM. Rœmer et Geinitz, n’ayant que des exemplaires dé- 
7 

formés à leur disposition, n’ont donné qu’une diagnose incomplète de cette 

P £ q . . 

moule; M. Reuss, le premier, a donné une figure reconnaissable à laquelle il 

manque tout ce qui est nécessaire pour en faire une modiole; des exemplaires 

pareils à celui que cet auteur a fait figurer, sont très-fréquents en Belgique. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 149 


Le Modiola lineata Sow. apud Fitton, propre au terrain néocomien d'An- 
gleterre, de France, de Belgique, et d'Allemagne? devra prendre le nom de 
angusta , que lui a imposé M. Rœmer, en 1856, attendu que le nom de li- 
neatus doit rester à l'espèce figurée par Chemnitz, tabl. 84, fig. 755. 

Il est à observer que M. Goldfuss aussi a donné le nom de angustus à une 
coquille qu'il croyait appartenir au genre Mytilus; mais il est reconnu que ce 
Mytilus n'est qu'un exemplaire mutilé de lAvicula Reichii Rœmer , qui. à son 
tour , n’est autre que l'Avicula anomala Sow. apud Fitton. 

Les ornements de cette coquille varient d’un exemplaire à l’autre et parfois 
sur le même exemplaire; les côtes se bifurquent, soit pendant la première. 
soit pendant la dernière période de la vie de l'animal, ou changent simplement 
de direction ; elles paraissent granuleuses , imbriquées ou crénelées , selon que 
l'exemplaire est plus ou moins bien conservé; on remarque aussi, très-sou- 
vent, une légère dépression là où les côtes rayonnantes s'arrêtent. 


Localité, — On rencontre cette coquille dans le turonien de Tournay, de 
Montignies-sur-Roc, de France, de Prusse, de Saxe et de Bohême. 


No 14534. Myrius concenrricus Münster. 


Myrius concenrricus Münst. apud Goldf., loco cit., p. 178, pl. 138, fig. 5. 
MobioLa coNCENTRICA  —  apud Rœmer, Verst. der Nord-Deuts. Kreideg., p. 67. 


M. Testä subovali, rectà, carinà obtusà bipartità, inflatà, plicis reqularibus, 
concentricis, imbricatim obsitä ; latere buccali brevi, rotundato ; latere anali 
elongato, paululèm dilatato, anticè obliquè rotundato; latere cardinali 

recto ; latere palleali medio obliquè coarctato. 


Dimensions. — Longueur 5 mill.; par rapport à la longueur, largeur 55: 
épaisseur ;; largeur du côté anal 4 mill. 


Coquille droite, un peu élargie en avant, partagée en long par une carène 
obtuse, renflée sur la région médiane postérieure, diminuant ensuite rapide- 
ment d'épaisseur; sa surface est couverte de gros plis réguliers, concentriques. 
qui dégénèrent parfois en lamelles sur la région du ligament; côté buceal court 
et arrondi ; côté anal allongé, obliquement arrondi à son extrémité; région 
palléale marquée d’une dépression étroite qui se dirige des crochets vers le 
milieu du côté palléal. 


150 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Localité. — Je n’ai rencontré que de jeunes exemplaires, du reste, par- 
faitement caractérisés, de cette coquille, dans le turonien de Tournay. 


No 1355. Myrius Tornacensis d’Archiac, 1847. 


(PL IX, fig. 7.) 


Mynius Tornacensis d’Archiac, Rapport sur les fossiles, etc., p. 307, pl. 15, fig. 3 et 3 a. 
—  Haxoësis de Ryckholt, 1847, Élucubrations paléontologiques. 
An  —  Gauuenu? d'Orbigny, loco mém., 1. HI, p. 275, pl. 339, fig. 4, 2, 


M. Test subtrigond, gibbosà, tumidä, concentricè lamelloso-costatä, costis 
latis, levibus; latere anali dilatato, anticè rotundato ; latere buccali angus- 
tato ; latere ligamenti obliquo; latere palleali recto, plicis transversis vel 
obliquis , intertextis, wirinque s in tuberculum desinentibus , ornato ; umboni- 
bus valdè recurvis. 


Coquille élargie en avant, rétrécie en arrière, un peu triangulaire, gib- 
beuse, renflée, ayant la région palléale fortement comprimée et marquée en 
travers de fins plis obliques limités à chaque extrémité par un tubercule, 
tandis que les régions anale et cardinale sont ornées de larges côtes concen- 
triques, lamelleuses et lisses; côté anal atteignant sa plus grande largeur vers 
le milieu de la longueur; crochets recourbés. 


Observations. — Cette coquille a reçu, la même année, deux noms spécifi- 
ques; je profite de l’occasion que l’Académie vient de me fournir pour lui 
restituer le nom qui lui revient par droit de priorité , attendu que le mémoire 
de M. d’Archiac était en cours d'impression lorsque mon travail fut présenté 
à l’Académie. L'auteur cité à la synonymie, n'ayant probablement que peu 
d'exemplaires à sa disposition, n’a pas fait figurer les ornements de la région 
palléale; la figure que j'en donne complétera ainsi celles qui sont mention- 
nées plus haut; je possède un exemplaire ayant 75 mill. de longueur. 


Explication des figures. — PI. IX, fig. 7. Valve de grandeur naturelle, vue sur la région palléale. 


N° 136. Myrius Muzcen: de Ryckholt. 


Monioca rasa Muller, Monographie der Aachner kreide Formation, p. 36, tabl. 2, fig. 3, a, b. 
An Lrraoprouus ? 


Le nom de faba appliqué à différentes reprises à des coquilles de ce genre 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 151 


reste définitivement acquis à l'espèce figurée par Chemnitz, tab. 85, fig. 761. 

Nos exemplaires ont été recueillis dans le turonien de la province de Liége: 
ils sont plus grands que celui qui est mentionné à la synonymie, et les lignes 
d’accroissement s'y montrent à partir des crochets. 


No 157. Myrius Aquiscraxensis de Ryckholt. 
Myriuus scararis Muller, Loco cit., pl. 2, fig. 11. 


Le nom de scalaris, donné une première fois par M. Phillips et une autre 
fois par MM. Potiez et Michaud, Galerie des moll., t. IE, p. 154, pl. 54, fig. 11. 
reste enfin à l'espèce figurée (Paleozoïc. foss., pl. 60, fig. 62). 


Localité. — J'ai recueilli le M. aquisgranensis dans le turonien des envi- 
rons de Liége; il y est, ainsi que l'espèce précédente, à l'état de moule 
crayeux. 


N° 1358. Mynius pizeopsis d'Orbigny. 


Myrius riLeorsis d'Orb., loco cit., p. 272, pl. 338, fig. 11-13. 
—  ixrcarus Mull., loco cit., p. 55, pl. 2, fig. 9, à, b. 


Mes exemplaires sont dépourvus de stries rayonnantes; ils satisfont, du 
reste, complétement aux diagnoses et aux figures qui en ont été données; 
M. le docteur Müller, à qui la science doit tant d'importantes découvertes 
dans les terrains crétacés des environs d’Aix-la-Chapelle, mentionne cette 
circonstance particulière que souvent les stries disparaissent au contact de 
l'air. 


Localité. — J'ai recueilli cette coquille dans le même terrain et dans les 
mêmes localités que les deux espèces précédentes. 
Myrnizus cLarrarus d’Archiac. 


Mynus cLarrarus d'Archiac, loco cit., p. 306, pl. 15, fig. 4, 4 a, 4 b. 


Le M. clatratus cité par M. d’Archiac, comme se trouvant dans le turonien 
de Tournay , m'est inconnu ; exemplaire figuré rappelle singulièrement, par 
sa forme et un peu par ses ornements , une vénéricarde du même terrain. 


152 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


© No 139. Mynius Cruvanus de Ryckholt, 1847. 
(PL IX, fig. 9, 15.) 


M. Testä elongatä, angustà, medio latiore, anticè et posticè ferè æquilatä, 
inflatd, tenuè granosd vel decussatà, plicis concentricis majoribus , remotis, 
striisque interpositis costulas radiantes decussantibus, ornatd ; latere buccali 
obtuso ; latere anali obliquè rotundato ; latere palleali compresso, ferè in an- 
gulum rectum replicato, posticè levi ; latere ligamenti inflato. 


Dimensions. — Longueur 28 mill.; par rapport à la longueur, largeur 555; 
épaisseur 55: 


Coquille allongée, étroite , atteignant sa plus grande largeur vers le milieu 
de la longueur, un peu plus large en avant qu’en arrière, renflée; sa surface 
est marquée de quelques plis concentriques, plus prononcés sur la région du 
ligament que partout ailleurs; entre les plis se montrent une multitude de 
fines stries à peine visibles à l’œil nu, qui coupent de fines côtes rayonnantes, 
un peu onduleuses, lesquelles font paraître la surface granuleuse ou treillissée ; 
côté buccal obtus; côté anal obliquement arrondi, région palléale fortement 
comprimée. 


Observations. — Le M. ciplyanus diffère du M. lineatus Sow., dont il pa- 
raît, du reste, voisin, par sa taille constamment plus petite , par son côté anal 
moins élargi, par sa région palléale plus fortement repliée, par ses stries 
placées entre les gros plis ; il est aussi toujours plus étroit. 


Explication des figures. — PI, IX, fig. 12. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
13. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — Le M. cyplianus est propre au sénonien supérieur de Ciply et 
de Maestricht ; il n’est que très-rarement pourvu du test. 


Ne 140. Myrius nupus de Ryckholt, 1850. 
(PL IX, fig. 8, 9.) 


M. Testà subovali, utrinquè angustatà et obtusä, medio dilatatd, inflatd, gtb- 
bosulà , concentricè plicatä ; latere ligamenti recto, obliquo, convexo; latere 
palleali vix sinuato, compresso, lentè declivi; umbonibus contiquis. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 155 
Dimensions. — Longueur 26 mil. ; par rapport à la longueur, largeur Ÿ%; : 
épaisseur 9. 


Coquille mince, incomplétement elliptique, atteignant sa plus grande lar- 
geur vers le milieu de la longueur , rétrécie et émoussée aux deux extrémités , 
renflée et un peu gibbeuse; sa surface renseigne de gros plis, espacés et d’au- 
tant plus prononcés qu'ils sont situés plus près de l'extrémité anale; région 
du ligament droite, oblique et convexe; région palléale à peine sinueuse et 
s’étalant en pente douce; crochets contigus. 


Observations. — Je ne connais le M. nudus qu’à l’état de moule; il diffère du 
Modiola æqualis Sow., dont il a les proportions, par son contour et princi- 
palement par son côté palléal insensiblement sinueux , par le rétrécissement 
buccal et par ses plis; les deux espèces sont, du reste, fort voisines. 


Explication des figures. — PI. IX, fig. 8. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
9. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai découvert le M. nudus dans le sénonien supérieur , à Ciply. 


No 441. Myruvus acrminorus de Ryckholt, 1850. 
(PL IX, fig. 10, 11.) 


M. Testé tenui, abbreviatä, ventricosä, ovali, posticè angustatà, alibi passim 
ferè œquilatä, radiatim costulis 15 planulatis, lentè latescentibus sulco, 
distinctis et concentricè striis remotis ornatd ; latere ligamenti levi, convexo ; 
latere palleali levi, abruptissimè compresso. 


Dimensions. — Longueur 15 mill.; par rapport à la longueur, épaisseur Z5. 
angle apicial 72. 


Coquille mince, raccourcie, ventrue, ovale, rétrécie en arrière, conservant 
ensuite à peu près la même largeur dans toute son étendue; sa surface est 
marquée en long d'environ 15 fines côtes aplaties, qui ne s’élargissent que 
très-insensiblement; ces côtes sont séparées par un étroit sillon et coupées 
de loin en loin par des lignes d’accroissement peu prononcées qui, à leur 
intersection avec les côtes , engendrent une fine granulation peu visible à l'œil 
nu; région du ligament lisse et convexe ; région palléale lisse et repliée pres- 


que verticalement près des crochets. 
Towe XXIV. 20 


154 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Observations. — Le M. actininotus diffère de ses congénères fossiles 
connus, par l'absence de tout ornement autre que des lignes d’accroissement 
sur les régions palléale et ligamentaire, tandis que le dos est couvert de rayons; 
son épaisseur, comparée à sa taille, est aussi fort remarquable. 


Explication des figures. — PI. IX, fig. 10. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
1. Le même, vu sur le ligament, au trait. 


Localité. — J'ai découvert cette moule dans le turonien de la province de 
Liége; elle ne conserve le test que très-rarement. 


No 142. Mymizus Querezerianus de Ryckholt, 4850. 
(PL IX, fig. 14,15.) 


M. Testä crassiusculà, ovato-trigond, posticè angustaté et obtusà , anticè dila- 
tatä et obliquè rotundatà ; medio longitudinaliter et arcuatim inflatä, costulis 
planulatis radiantibus, sulco distinctis, interdüm dichotomis, et plicis striis- 
que concentricis ornatà et imbricatà; latere buccali brevi; latere ligamenti 
recto et obliquo. 


Dimensions. — Longueur 28 mill.; par rapport à la longueur, largeur ;: 
épaisseur 5; longueur du côté anal 26 mill.; angle apicial 100. 


Coquille assez épaisse, ovale, un peu trigone, rétrécie et émoussée en arrière, 
dilatée et obliquement arrondie en avant, marquée d’un fort renflement longi- 
tudinal et arqué, et à côté de ce renflement, sur la région palléale, d’une dé- 
pression qui va en s’élargissant à partir des crochets; sa surface est ornée en 
long de côtes rayonnantes, aplaties, séparées par un sillon et souvent bifur- 
quées, et en travers de quelques plis entre lesquels on observe de fines stries 
très-rapprochées ; il résulte de cet ensemble que la surface, surtout près des 
bords, paraît imbriquée; côté buccal court; région du ligament convexe et 
limitée extérieurement par une ligne droite et oblique; région palléale très- 
comprimée et dépassant faiblement les crochets; ces derniers sont courts. 


Explication des figures. — PI. IX, fig, 14. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
15. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai découvert le Mytilus Queteletianus dans le néocomien? du 
Hainaut avec le M. angustus? Rœm., lineatus Sow. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 155 


No 145. Myrius Monrenanus de Ryckholt, 1850. 
(PL IX, fig. 46, A7.) 


M. Test ovato-oblongé, subquadrilaterd, inflatà , gibbosd ; latere buccali brevi, 
obtuso ; latere anali anticè obliquè rotundato ; latere cardinali arcuato, con- 
centricè lamelloso ; latere palleali posticè convexo et exstante, anticè exca- 
vato; umbonibus brevibus, recurvis et contiquis. 


Hppenaons — Longueur 15 mill.; par rapport à la longueur , largeur 3; : 
épaisseur 7%; longueur du côté anal 13 mill.; angle apicial 105e. 


Coquille ovale, oblongue, très-incomplétement quadrilatère, renflée, gib- 
beuse, marquée de lignes d’accroissement onduleuses qui dégénèrent sur la 
région du ligament en courtes lamelles qui s’imbriquent; côté buccal court et 
émoussé ; extrémité anale obliquement arrondie ; côté cardinal arqué ; crochets 
courts, recourbés, contigus et dépassés par la région palléale, qui est évidée 
en avant et convexe en arrière. 


Observations. — Le M. Morrenianus a des rapports de forme avec les 
M. æqualis Sow., Materonensis et imornatus d'Orb., tout en se distinguant de 
chacun d'eux par un caractère qui lui est propre et que la comparaison des 
figures fait suffisamment ressortir. 


Explication des figures. — P1. IX, fig. 16. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
17. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai découvert cette coquille dans le silex subordonné au terrain 
sénonien, à Haccourt (Liége); elle conserve le test ‘. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Dévoniennes. Carbonifères. 
Mytilus Floenianus de Ryckh. Mytilus Cordolianus de Ryekh. 
—  Lefebvreanus de Ryckh. —  Mosensis de Ryckh. 


! Jusqu'à ce jour, aucune espèce de ce genre n'avait été citée dans le terrain carbonifère du pays; ce- 
pendant nous avons pu en décrire 17; si, à ce nombre, nous en ajoutons quelques autres décrites comme 
Cardiomorpha, nous voyons qu’à l'époque carbonifère, ce genre avait acquis, en Belgique, un développe- 
ment spécifique qu'il n’a plus atteint dans aucune des mers subséquentes. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Mytilus Fontenoyanus de Ryckh. 
—  ligonula de Ryckh. 
—  fabatis de Ryckh. 
—  præpes de Ryckh. 
—  apicicrassus de Ryckh. 
—  retrocessus de Ryckh. 
—  palmatus de Ryckh. 


Mytilus Terquemianus de Ryckh. 
Néocomiennes ? 


Mytilus angustus ? Rœm. 
—  Queteletianus de Ryckh. 


Turoniennes. 


Mytilus Benedenianus de Ryckh. 


—  Wesemaclianus de Ryckh. 
—  Toilliezianus de Ryckh. 
—  ampliatus de Ryckh. 

—  divisus de Ryckh. 

—  æpelitæcola de Ryckh. 
—  cestinotus de Ryckh. 

—  pernella de Ryckh. 

—  Omaliusiana dé Ryckh. 


—  Cottæ de Rœm. 

—  concentricus Goldf. 

—  Tornacensis d’Arch. 

—  Mulleri de Ryckh. 

—  Aquisgranensis de Ryckh. 

—  pileopsis d'Orb. 
Sénoniennes. 


Mytilus nudus de Ryckh. 
— Ciplyanus de Ryckh. 
Mytilus psilinotus de Ryckh. —  Morrenianus de Ryckh. 


Liasiques. 


MYACIDÆ vOnrrieny. 


Genre MYA Lamk. 


Coquille ovale, oblongue, inéquilatérale, presque inéquivalve, fortement 
bâillante, surtout à la région anale; impressions palléales très - marquées, 
laissant un sinus profond, oblique; impressions musculaires au nombre de 
deux à chaque valve, une triangulaire, transverse à la région anale, l’autre 
allongée et transverse à la région buccale; ligament interne s’insérant dans un 
cuilleron vertical de la valve droite, et dans un cuilleron interne, placé sous 
le crochet de la valve opposée. 


Observations. — Les dépouilles de ces animaux , d’après nos connaissances, 


se montrent pour la première fois dans le turonien inférieur; ils vivent en 
nombre dans toutes les mers de notre époque. 


No 144. Mya Læviuscuza Sowerby. 


Lurraria éurcrris Brong. apud Nilson, Petrif. Suec., p. 18, pl. 5, fig. A, B, C. 
— Brong. apud Hizinger, Leth. Suec., p.67, pl. 20, fig. 1. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 157 


Panoræa cuncrris Brong. apud Reuss, loco cit., p. 17, pl. 26, fig. 3. 
— Brong. apud Grinitz, Charackt., ete., p.12, pl. 2, fig. 2. 
Mya Læviuscuza Sow. apud Fitton, Transact. of the geol., vol. 4, ® série, p. 340, pl. 16, 
fig. 6. 
_ Sow. apud d'Orbigny, loco cit., p. 326. 


M. Testà solid, turgidulà, oblongä, subrectangulari, utrinquè rotundatà et 
valdè hiante, inœquilaterà, transversim obliquè coarctatä et striatä, plicis 
crassis, irreqularibus, undosis longitudinaliter ornatà ; latere buccali bre- 
viore. 


Dimensions. — Longueur 69 mill.; par rapport à la longueur, largeur 5: 
épaisseur #7; longueur du côté anal 45 mill.; bäillement des valves, mesuré 
dans le sens de l'épaisseur, 50 mill. 


Coquille épaisse, plus longue que large, incomplétement rectangulaire . 
arrondie et bâillante aux deux extrémités, inéquilatérale et marquée d’une 
forte dépression transversale et oblique en avant; sa surface est ornée en tra- 
vers de fines stries rayonnantes , très-rapprochées, et en long de gros plis irré- 
guliers, onduleux, qui se replient de chaque côté presque perpendiculaire- 
ment; côté buccal le plus court. 


Observations. — Cette mye diffère du Panopæa qurgitis Brong., avec le- 
quel elle a été confondue, par sa largeur à peu près uniforme sur toute son 
étendue, tandis que le second est fortement élargi en avant, par sa dépres- 
sion et par ses stries rayonnantes ; le mode d’accroissement n’est pas non plus 
Je même. 

L'identité de notre coquille avec celle de l’auteur anglais me parait in- 
contestable; sa surface est à la vérité fort ridée, tandis que celle de l'espèce 
de Blackdown est à peu près lisse, comme le semble indiquer son nom; mais 
la diagnose ayant été établie sur un moule de calcédoine, les différences ap- 
parentes entre les deux coquilles se trouvent expliquées; car, quelque bien 
conservé qu'on puisse le supposer, à coup sûr, il ne reproduit pas les acci- 
dents extérieurs dans toute leur énergie. Ajoutons encore que notre coquille 
est renflée jusqu'aux ? de sa largeur à partir du sommet, et que les valves se 
replient ensuite; il en résulte que le bäillement de chaque côté est cordiforme: 
les stries rayonnantes dont la surface de cette coquille est ornée sont ra- 
rement bien perceptibles, parce que le test, par suite de la fossilisation, s'é- 
caille et perd sa couche extérieure. 


138 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Localité. — Cette mye se rencontre à Tournay et à Montignies-sur-Roc, 
dans le turonien inférieur; le Panopæa plicata Sow., cité par M. d’Archiac 
dans les mêmes localités, est, sans nul doute, un exemplaire mutilé de l'espèce 
qui nous occupe; il est assez facile de se procurer des valves montrant la char- 
nière. 


No 145. Mya Toncrorum de Ryckholt, 1847. 
© (PE V, fig. 25, 26.) 


M. Testà tenui, elongatä, inæquilaterä, convexä, gibbosulä, medio transver- 
sim coarctaté, concentricè rugos@ , rugis irreqularibus et imbricatis ; latere 
buccali brevi, obliquè rotundato, subanqulato; latere anali elongato, anticè 
rotundato, latere palleali sinuoso. 


Dimensions. — Longueur 29 mill., par rapport à la longueur , largeur #;; 
épaisseur %-:; longueur du côté anal 19 mill. ; angle apicial 149. 


Coquille peu épaisse , allongée, inéquilatérale , médiocrement renflée, gib- 
beuse , bâillante aux deux extrémités et pourvue d’une dépression transver- 
sale un peu oblique, partant des crochets; sa surface est couverte de plis 
irréguliers et imbriqués; côté buccal court, obliquement arrondi , légèrement 
anguleux ; côté anal allongé et arrondi en avant; côté palléal sinueux. 


Observations. — Le Mya Tongrorum n’est peut-être qu’une forte variété 
locale du Mya angustata Sow., Min. conch., p.344, pl. 551, fig. 1-5; il a bien 
quelques rapports avec l’exemplaire figuré sous le n° 4; cependant, à largeur 
égale, la longueur est toujours plus grande dans notre espèce. 


Explication des figures. — PI. V, fig. 25. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
26. Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai découvert le Mya Tongrorum dans le sable de la coupure 
établie pour la construction de la chaussée de Tongres à Bilsen; il se trouve 
un peu au-dessus de la couche à Lymnæa fabula Brong. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Turonienne. Tertiaire. 


Mya Lœviuscula Sow. Mya Tongrorum Sow. 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 159 


Genre PHOLADOMYA Sowerby. 


Donacrres Schlotheim; Hewicaroium Brongniart; Mya Zieten; Pacaymya Sowerby: 
Goniomya, Homomya, Arcomya, Agassiz, Lysianassa Münster, 


Coquille mince, renflée, ovale, oblongue ou triangulaire, équivalve, inéquila- 
térale, bâillante aux deux extrémités, mais davantage à la région anale; impres- 
sions palléales pourvues d’un sinus anal très-profond. Impressions musculaires 
au nombre de deux, une anale et une buccale ; charnière sans dents, pourvue 
seulement d’un léger épaississement cardinal et d’une nymphe peu épaisse. 
donnant un ligament externe court. (D'Orbigny , t. HIT, p. 348, Pal. franc. 


Observations. — Peu de coquilles ont été ballottées autant d’un genre dans 
l’autre que les pholadomyes, comme on peut le voir par la synonymie très- 
incomplète, placée en tête, et il n’a fallu rien moins que la découverte d’une 
espèce vivant actuellement dans les mers intertropicales pour régulariser 
enfin leur classement; confondues avec les Panopæa, elles ont été citées, à 
tort pensons-nous , dans les terrains paléozoïques ; nous décrirons, toutefois. 
une espèce carbonifère, dont nous n'avons pu isoler la charnière et qui, dès 
lors, reste douteuse ; seulement, par le facies général, cette coquille nous 
paraît plutôt une pholadomie qu'une panopée. 

Les dépouilles de ces animaux atteignent un grand développement spécei- 
fique dans les mers jurassiques ; développement qui se maintient ensuite dans 
les terrains crétacés, pour diminuer considérablement dans les terrains ter- 
tiaires et se réduire à deux espèces dans les mers actuelles. 


No 146. Puozanomya ‘ picuoroma de Ryckholt, 1847. 
(PL IX, fig. 18, 19.) 


P. Testà tenui, subovali, valdè inæquilaterd, ventricosd , utrinquè hiante, 
longitudinaliter plicatä , plicis crassis, sinuosis, dichotomis et transversim 
depressä, depressione latescente ; latere buccali, brevi, rotundato ; latere 
anali elongato, subangulato , anticè rotundato ; umbonibus inflexis ; lunula 
ovatà, profundä. 


Dimensions. — Longueur 46 mill.; par rapport à la longueur, largeur <=: 
épaisseur -% ; côté anal 54 mill.; angle apicial 125. 


* Lisez transversa, voyez Portlock. Report, ete., pl. 58, fig. 9. 


160 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


Coquille mince, incomplétement elliptique, très-inéquilatérale, presque 
ventrue ; bâillante aux deux extrémités; côté buccal court, un peu élargi, 
arrondi; côté anal allongé , anguleux, arrondi; sa surface est marquée d’une 
dépression transversale ; qui va en s’élargissant à partir des crochets, et cou- 
verte en long de gros plis qui se bifurquent à quelque distance de leur ori- 
gine, s'arquent en passant sur la dépression et s’atténuent sur la surface 
anguleuse ; les crochets se replient de manière à cacher les sommets. 


Observations. — L’exemplaire figuré renseigne, sur la région anale de la 
valve droite, des stries granulées rayonnant des crochets et visibles seule- 
ment à l’aide d’un instrument grossissant; je n’ai pas découvert ce caractère 
sur l’autre valve. 


Explication des figures. — PI. IX, fig. 18. Exemplaire de grandeur naturelle, vu de profil. 
: 19, Le même, vu sur le ligament. 


Localité. — J'ai recueilli cette rare pholadomye dans le terrain carbonifere 
de Tournay. 


No 147. Pnozanomia Esmarkn Nilsson. 


Carpira  Esmarir Nilsson, Petrif. Suec., Form. crét., p. 17, pl. 5, fig. 8, A, B, C. 
— —  Nilsson apud Goldf., loco cit., p.187, pl. 135, fig. 14, a, b. 
Pnocanomya —  Nilsson apud Goldf., loco cit., p. 272, tab. 157, fig. 40, a,b, c, d. 
— —  Nilsson apud Pusch., Polens pal., p. 87, pl. 8, fig. 14. 
— —  Nilsson apud Reuss, loco cit., 2 part., p. 18. 
— Koniexu Nyst, Desc. des coq. tert., p. 50, pl. 1, fig. 9, a, 6. 
-— OBLITTERATA Potiez et Michaud, Galerie des Mollusques, p.258, pl. 57, fig. 2. 


P. Testà tenui, polymorphä, sæpissimè oblongä vel cordiformi, valdè inæ- 
quilaterä, utrinquè rotundatä, medio et posticè ventricosd, anticè compressd, 
radiatim costulis acutis, lentè latescentibus, subnodulosis et plicis irrequla- 
ribus striisque tenuissimis interpositis concentricè ornatä; latere buccali 
brevi, angustato ; latere anali elongato , dilatato ; latere cardinali exeavato ; 
umbonibus plis minüsve gracilibus, valdè recurvis. 


Dimensions. — Longueur 55 mill.; par rapport à la longueur, largeur $ ; 
épaisseur 55; côté anal 49 mil. ; angle apicial 123°. 


Coquille très-mince, de forme extrêmement variable, généralement oblon- 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 161 


gue ou cordiforme, très-inéquilatérale , arrondie aux deux extrémités, ven- 
true au milieu et en arrière, comprimée en avant; côté buccal court ét rétréci ; 
côté anal allongé et élargi; sa surface est ornée en travers de côtes minces, 
tranchantes, un peu espacées, qui rayonnent des crochets en s’élargissant à 
peine jusqu'au côté palléal, et en long de plis irréguliers entre lesquels on 
remarque, à l'œil nu, de fines stries très-serrées ; l'intersection des plis et des 
côtes produit sur la surface de légers renflements plus larges que longs, sur 
lesquels les stries persistent et qui sont limités par deux plis consécutifs; côté 
cardinal excavé au milieu; crochets plus ou moins gréles, subordonnés à la 
forme de la coquille, et fort infléchis. 


Observations. — Quoique figuré à différentes reprises, le Pholadomya 
Esmarkii ne l'a jamais été d’une manière assez exacte, pour qu'il ait toujours 
été possible de le reconnaitre ; de là cette multiplicité de noms spécifiques 
qui lui ont été imposés. 

M. Goldfuss, après avoir décrit cette coquille comme cardita, la reprend 
ensuite comme pholadomya. 

M. Nyst, la croyant tertiaire, pense qu’elle pourrait bien être identique 
avec le P. Puschii, qui appartient au grès tertiaire du Brabant; l’écartement 
moindre et une épaisseur plus grande des côtes rayonnantes feront tou- 
jours distinguer le P. Puschi du P. Esmarkii, dont les plis sont irréguliers. 

MM. Potiez et Michaud, en 1844, ont donné le nom de Oblitterata à un 
moule fruste de cette pholadomye. 


Localité. — Le P. Esmarki caractérise, en Belgique, en Allemagne, en 
Suède, en Pologne, en Bohème, le terrain néocomien ? 


N° 148. Pnozapomya cicas Sow. 


Pacmmya  Gicas Sow., Conchol. min., p. 520, pl. 504, 505. 
Puoranoma — Sow. apud d'Orbigny, loco cit., p. 359, pl. 366. 


Localité. — Nous avons recueilli, dans le terrain de Montignies-sur-Roc, un 
exemplaire bivalve et parfaitement conservé de cette coquille, qui mesure 
200 mill. de longueur. 

M. d’Archiac la cite, dans le terrain de même âge, à Tournay. 


Tome XXIV. 21 


162 MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 


No 449. Pnoranomya æquivazvis Goldfuss. 


Corsuca æquivaLvis Goldf., loco cit., p. 250, pl. 151, fig. 15, 1835-1840, 

PuoLanomva caupaTA F. À. Rœmer, Verst. Nord-Deutsch. Kreide, etc., p. 76, pl. 10, fig. 8, 
1841. 

Carrum Lucerna Forbes, Report on the fossil from Southern India, pl. 17, fig. 10, 1842. 


—  CAuDATUM F, Rœmer, Jahrb. für Geol. und Miner. von Leonh und Bronn, p. 588, 
1845. 


Pnozanomya caupara Rœmer apud Geinitz, Kieslings walda, ete., p. 41, pl. 4, fig. 28-30, 
1845. 


— —  Roœmer apud Reuss, loco cit., 2-part., p. 18, pl. 56, fig. 8. 


Cette coquille est répandue au loin; en Belgique, on la rencontre dans toute 
la zone turonienne comprise entre la Meuse et les frontières de Prusse; elle 
se trouve , en outre, à Aix-la-Chapelle, en Westphalie, en Saxe et en Bohême; 
quelque impropre que soit le nom de æquivalvis, appliqué à une coquille d’un 
genre dont toutes les espèces sont équivalves, il a néanmoins le droit de 
priorité : c’est à ce titre que je l’ai maintenu. 


largeur +; 
épaisseur 5; côlé anal + mil. ; st À apicial 419. 


No 150. Pnozapomya puscan Goldfuss. 
Paoravomya Pusenst Goldf., Petref. Germ., p. 273, pl. 158, fig. 3, a, b. 


P. Testà subtrigonä, valdè inæquilaterd, posticè et medio tumidä , anticè com- 
pressd, longitudinaliter plicatà, plicis reqularibus, sulco distincts el trans- 
versim costis nodulosis è apice radiantibus, parüm remotis, ornatd ; latere 
buccali brevi-rotundato ; umbonibus recurvis. 


AHberione, — Longueur 44 müll.; par rapport à la longueur, largeur +5 : 
épaisseur À ; côté anal 35 mill.; angle apicial 110. 


Coquille subtriangulaire , très-inéquilatérale, fort renflée en arrière et au 
milieu , un peu comprimée en avant; sa surface est couverte en long de plis 
réguliers, séparés par un sillon, et en travers de côtes tuberculeuses qui 
rayonnent du sommet et dont la première limite supérieurement le côté 
buccal; les autres sont peu distantes de la première; côté buccal court et ar- 
rondi; côté anal allongé, faiblement arrondi en avant ; côté cardinal postérieu- 


MÉLANGES PALÉONTOLOGIQUES. 165 


rement excavé, presque droit en avant; côté palléal très-arqué; crochets re- 
courbés; sommets cachés. 


Localité. — On rencontre le Pholadomya Puschii dans le grès tertiaire du 
Brabant; il y est à l’état de moule sableux ; M. Goldfuss le cite dans le terrain 


du même âge, à Bunden , à Astruppe et à Grafenberg. 


ESPÈCES DÉNOMMÉES. 


Carbonifère. | Turoniennes. 
Pholadomya dichotoma de Ryckh. Pholadomya gigas Sow. 
_ æquivalvis Goldf. 
Néocomienne? 
Tertiaire. 
Pholadomya Esmarkii Nils. Pholadomya Puschii Goldf. 


FIN. 


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NOTES ET CORRECTIONS. 


Page 5, à la note. Au lieu de Euomphalus serpula et pseudo-serpula, lisez Ecculiomphalus , etc. 

Les genres Serpularia et Ecculiomphalus ont été créés en 1843 pour les £uomphalus à tours spiraux disjoints, 
l'un par le colonel Portloek et l'autre par M. Rœmer. — Le nom de Serpularia ayant été appliqué, dès 1840, par 
M. de Münster, à des Serpula dont les tubes sont pourvus de crénelures, celui de Ecculiomphalus doit prévaloir. 

Page 10. Il n’est pas sans intérêt de comparer la constitution géologique des environs de Tournay à celle des 
environs de Valenciennes, où les conglomérats cénomaniens reposent sur le terrain houiller; voici la succession des 
couches, en allant de bas en haut, et d'après une coupe prise à Anzin, que je dois à l'obligeance de M. le profes- 
seur Normand, à Valenciennes : 


MÈTRES. 
/ Houille. . US nn Sa AN TE LES Me M EN 
Terrain houiller . +4 Tourtia (variété de gompholite); conglomérat formé de sa- 
ble , d'argile , de calcaire , de limonite et de cailloux sili- 
ceux ou quartseux roulés. . . . . . . . . . . 2 » 
l'Glaiso r00 ges 7. + rene tas pneus rente 80 
| Glaïse avec:pyritess +). + 5 2,6 5 + 2. 1 46 à 
Étage cénomanien . Calcairo crayeux. *.. à 10002 3 0408 1200 
1er banc. £ 
Argile bleue compacte. . . . . . . . . 2.» 
| a Le Calcaire CRAYOUL: 5 Lee Men oieulet tie er DO 
Argile bleue compacte . . . . . . . . . 2» 
Sénonien inférieur? . . . |3° banc. ae PA MT ME Tente 2e 
Argile bleue moins compacte. . . . . . . 2 » 
BileZ Lt, sin jee se de etais 730 7 à Ci Us V# 
Bonne-pierre. +, +2 lie 5 re, +. + + + 114: à ‘4:80 
Torrains tertiaires el moder- } Grès . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9560 
nes . . . + + + *+ + ]Marne ou calcaire compacte. . . . . . . . . . . 5 50 
Tuf plus ou moins dur. . . . . . . . CRETE D | 
Torre venales le re Gill 


Page 19. Grès verdâtre. Les fossiles renfermés dans ce dépôt sont rapportés, dans le Prodrome de paléontolo- 
gie, à l'étage sénonien, et aux étages sénonien et danien, par M. Geinitz, dans sa dernière publication sur la faune 
crétacée des diverses contrées de l'Allemagne. Comme à Tournay on n’a rencontré d'autres céphalopodes que des 
nautiles, il y a lieu de croire que ce dépôt est de l’âge danien. Ainsi se confirmerait l'opinion émise par M. le profes- 
seur Dumont, que, dans certaines localités, ce grès superpose l'étage à Belemnitella mucronata. Au reste, la dis- 
tinction des deux étages est loin d'être assise sur des bases définitives. 

Page 25. Terrain turonien. Le turonien proprement dit, d'après la nouvelle distribution des terrains crétacés 
proposée par M. d'Orbigny, devient un étage presque exclusivement français. Obourg, près de Mons, est la seule 
localité belge où l’auteur en signale l'existence. Cette indication est fort contestable. Le turonien, toujours au dire de 
M. d'Orbigny , se trouverait encore au mont Sinaï (Palestine), à Gozau (Autriche), dans trois localités de la Bohème 
et à Kieslingswalda (Silésie). Cette dernière détermination d'âge, avant d’être admise, devra subir les épreuves de 
la discussion. 

Page 50. Terrain turonien supérieur. Par suite de la nouvelle division du terrain crétacé établie par M. d'Or- 
bigny , je crois que les conglomérats blancs et toute la zone de marne, qui renferme des fossiles à l'état de moules , 
devront être considérés comme cénomaniens, tandis que la partie supérieure du dépôt dans laquelle on rencontre 
quelques fossiles pourvus du test, devra être rapportée à l'étage sénonien. La ligne de démarcation qui sépare les 
deux étages est fort difficile à saisir et présente des difficultés que l'ancienne classification ne soulevait pas. 


Tower XXIV. + > 


166 NOTES ET CORRECTIONS. 


Le sénonien inférieur me paraît, en Belgique, bien caractérisé par le Belemnitella quadrata, et là où ce fossile 
manque, par le Spondylus spinosus ou le Terebratulina gracilis. Le Belemnitella mucronata est propre au sé- 
nonien supérieur. 

Page 59, à la note, au lieu de Species clubia, lisez dubia. 

Page 40, au lieu de CapuLus RYNCHOÏDES, lisez RHYNCHOÏDES. 

Page 56. Genre ACMÆA, au lieu de Lorria Gray, lisez Lorria Gray. 

Page 64, ligne 19, au lieu de Ze diagnose, lisez la, ete. 

Page 80. NATICODON SPIRATUM. Au lieu de Narica sprrata Phill., apud de Kon., loco cit., p. 481, lisez 
Nerira spiRaATA Sow., apud de Kon., loco cit., p. 484. 

Page 80, au lieu de Naticodon taroïde, lisez Naticodon otaroïde. 

Page 82, ligne 10, au lieu de palétal, lisez labial. 

Page 85. BELLEROPHON TUBERCULATUS, diagnose. Au lieu de arcuatà ; imbricatd , lisez arcuatis imbricatd. 

Page 91. Genre ORBICULOIDEA. En corrigeant les épreuves, je m'aperçois, mais trop tard, que je me suis 
servi quelquefois des expressions impropres : côté cardinal, côté buccal, côté anal; il sera facile de rectifier ces 
lapsus calami. 

Page 99. Le genre Unio fournit souvent, par la même espèce, de nombreuses variétés. Les auteurs qui ont traité 
des Cardinia me paraissent avoir été préoccupés de l’étroite parenté que l’on a cru, pendant longtemps, exister 
entre les deux genres; car ils ont souvent décrit, à titre de variétés, des espèces bien distinctes. 

Page 117. Le Serpula amphisbæna Goldf., du plateau de Saint-Pierre, doit rester dans le genre que lui a assigné 
le savant professeur de Bonn. Le fossile cénomanien qui lui a été assimilé, peut néanmoins, en passant dans le genre 
Gastrochæna, conserver le nom spécifique de 4mphisbæna. 

Page 118, 1°° ligne, au lieu de amphilbæna, lisez amphisbæna. 

Page 147. Myruus corrx. M. Geinitz vient de changer en Coftai le nom de Cottæ qui a été imposé à cette 
coquille par M. Rœmer. Quelle que soit l'importance de cette rectification, la science doit la repousser, parce que le 
premier nom lui appartient. La grammaire pourrait bien aussi joindre sa protestation à celle de M. Rœmer, injuste- 
ment dépouillé de sa propriété. Un savant prétend, il est vrai, que le génitif latin d’un nom patronymique s'obtient 
toujours en plaçant un 2 à la fin. Cette règle, qui paraît rationnelle pour les noms dont la terminaison n’est pas la- 
tine, ne pourrait être généralisée dans ses applications sans inconvénient ; ainsi, pour le cas particulier qui nous 
occupe, il paraît peu logique d'écrire Cottai, lorsque César, à propos du camp et de la légion de son lieutenant, se 
sert des expressions castra Cottæ , legio Cottæ , ete. 

La question, du reste, n’offre aucun intérêt scientifique; si elle méritait une discussion sérieuse, on trouverait sans 
peine des arguments pour combattre cette innovation grammaticale, 

Page 149. Myrizus concenrricus. M. Geinitz rapporte à tort cette coquille au Mytilus æqualis Sow., en la 
faisant figurer dans tous les étages crétacés allemands , à partir du cénomanien; en sorte qu’elle aurait joui du rare 
privilége d'échapper cinq fois aux causes qui ont amené la destruction de ses congénères, depuis l’époque néocomienne 
inclusivement. L'espèce cénomanienne qui nous occupe devra prendre le nom de Vervicanus. Je la ferai figurer. 

Page 157, 2: ligne, au lieu de Grénitz, lisez Geinitz. 

Page 157. MYA LÆVIUSCULA, synonymie. Au lieu de Mva zæviuscuLa d'Orb, lisez Panoræ, etc. 

Page 160, au lieu de PHOLADOMIA ESMARKII, lisez PHOLADOMYA, etc. 

La surface de cette coquille, telle que je la comprends, d'accord avec les naturalistes allemands, est faiblement 
tuberculeuse; le Pholadomya Carantoniana que M. d'Orbigny lui assimile est dépourvu de ce caractère, que ne 
signale non plus M. Nilsson. Faut-il en conclure que l'assimilation faite par l’auteur français n’est pas fondée? ou 
bien, les moules décrits par ces Messieurs sont-ils frustes? M. Geinitz a bien fait ressortir les différences qui séparent 
le Pholadomya Esmarkii et le Pholadomya nodulifera de Münster, que l’on rencontre dans le même étage. 

Page 162. PHOLADOMYA PUSCHII, diagnose. Au lieu de brevi-rotundato, lisez brevi, rotundato. 


PLANCHES. 


Le lithographe, en reproduisant les planches sur la pierre, a interverti la station normale de quelques coquilles; 
je crois, en conséquence, devoir prévenir que, dans mes descriptions, j'ai suivi la méthode introduite par M. d'Or- 
bigny. 


TABLE ALPHABÉTIQUE , 


SYNONYMIQUE ET GÉOLOGIQUE DES GENRES ET ESPÈCES DÉCRITS OU DÉNOMMÉS. 


Acmæa, Eschscholtz. V. Helcion, Montfort . 
Acroculia, Phillips. V. Capulus,  — 
Anomianella proteus, de Ryckholdt 
Arcomya Agassiz. V. Pholadomya, Sowerby 
Atlantidæ, Rang. . 


BelerophOn MONO LEE RM NE RRQ 
—  nodulosus, Goldfuss. V. Tuberculatus, d'Orbigny . 
—  tuberculatus, Sowerby. 
—  hiulcus, d'Orbigny . 
—  hyalinus, de Ryckholt. 
—  papyraceus  — 
— _ phalena -— 
— plicatus — 
— subdiscoïdes — 
: 


Capulus, Monfort . ns 
—  Dumontianus, de Ryckholt . 
—  hecticus, — 
—  priscus, 5 


PLANCHES. 


» 
» 


10 


10 


PAGES. 


56 


35 


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TERRAINS. 


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© O1 O1 Qi 19 


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168 TABLE ALPHABÉTIQUE. 


Capulus adroceras, de Ryckholdt . 
—  corpuratus, — 
—  euomphaloïdes, — 
—  tubifer, Sowerby. 
—  rectus, de Ryckholdt . ; 
—  elongatus, Goldfuss. V. Lituus, de Ryckhol 
—  flexicostatus, de Ryckholt . 
—  lituus, — 
—  rhynchoïdes — 
Cardinia Agassiz . 
—  angulata, de Ryckholt 
—  colliculus, _— 
—  hians, —— 
—  Hulloziana  — 
—  macilenta, de Ryckholt 
—  nucularis, — 
—  ovalis, de Koninck . 
—  salebrosa, de Ryckholt. 
—  Scherpenzeeliana, de Ryckholt . 
— _ tellinaria, de Koninck. 
—  Toillieziana, de Ryckholt. 
—  uncinata, — 
—  utrata, de Koninck. 
—  copides, de Ryckholt 
Cardita Esmarkii, Nilsson. V. hoiatet 
Cardium caudatum, Rœmer. V. Pholadomya æquivalvis. 
—  lucerna, Forbes. V. Pholadomya æquivalvis . 
Cerambycites amphisbæna, Geinitz. V. Gastrochæna . 
Chiton, Linné . ê 
—  Scaldianus, de Brie 
—  Sluzeanus, — 
Chitonellus, Lamarck . 


—  Barrandeanus, de Ryckholt, sous le nom de Chiton. 


Chitonidæ, d'Orbigny . 
Clavagella, Lamarck . 


—  coronala, Deshaeyes . 


PLANCHES, 


à Y en ne ie je èn 


ue dm hu © 


D D D OO © D D OO y 


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104 
102 
103 
100 
107 
101 
106 
106 
105 
106 
103 


104 | 


106 
108 
160 
162 
162 
117 
65 
63 
64 
63 
65 
63 
109 
109 


TERRAINS. 


ET 


> 


S 


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ÉTAGES, 


ÿ 


æ O1 OT O1 OT O1 O1 O1 O1 QT O1 O1 O1 ©! 


TABLE ALPHABÉTIQUE. 


Clavagella tibialis, Lamarek . 

Clavagellidæ, d'Orbigny . ; 
Corbula æquivalvis, Goldfuss. V. Ponte: 
Crepidulidæ , d'Orbigny . 


Dentalidæ, d'Orbigny . 
Dentalites cingulatus, Schlotheim. V. Titus à clava . 
Dentalium, Lamarck . 


antiquum , Goldfuss. . 

Navicanum , de Ryckholt 

priscum , Sandberger . 

dentalioïdium , de Ryckholt . 

inæquale, —— 

ingens, de Koninck. de 

ornalum  — NV. Dentaloïdeum . 

perarmatum, de Ryckholt . 

priscum, Münster . 

allernans , de Ryckholt . 

deforme, Deshaeyes. V. Ditrupa 

ellipticum, Sowerby . ; 
-- Reuss. V. Michauxianum . 

Geinitzianum, de Ryckholt . 

medium , J. Sowerby . 


— d. de C. Sowerby. V. PAPER : 


Michauxianum , de Ryekholt 

Reussianum , — 

striatum, Lamarck see 
—  Mantell. V. es 


—  Sowerby 
Browni, Hizenger. V. Me clava 
clava, . Lamarck. V. — 
crassum , Deshayes. V. — 
Mose , Goldfuss. V. — 


sexcarinatum, Münster. V. _ 


PLANCHES. 


122 


122 
122 
122 
122 
122 


TERRAINS. 


169 


ÉTAGES. 


170 


TABLE ALPHABÉTIQUE. 


Dentalium bicostale, de Ryckholt . 


Ditrupa , 


Donacites, Schlotheim. V. ATT : 


Berkeley. 
devonica, 
carbonifera, 
deformis , 
Ciplyana, 
clava, 


de Ryckholt . 


Dorsomya dorsata, de Ryckholt 


Emarginula, Lamarck . 


Eñntalium rugosum, Defrance. V. Ditrupa clava ! 
Euomphalus (Ecculiomphalus) pseudo-serpula, de Ryckhol. ; 


Filigrana , 


carbonifera, 


Miünsteriana, — 


cellulosa, 
fletuosa , 


galericulus, -- 


gibbosula, 


gravida, 


impressa, 


loculata , 


nuda, 


puncticephala , — 


supracretacea, . 


Berkeley . 


serpula, 


filiformis, de Ryckholt 
Fistulana, Bruguières 


Lamarck . 


amphäisbæna, Geinitz. V. Gastrochæna 


de Ryckholt . 


PLANCHES. 


_— 


19 RO = ææ RO RO RO RO > 19 € 


LA 


AONNNOH0N9%% 


TERRAINS. 


ÉTAGES. 


D RE À OR OO À À 1 O1 


TABLE ALPHABÉTIQUE. 


Fissurella, Brugières. 
—  Bucchi, Geinitz. : 
—  Cantraineana, de Reyckholt. 
— Recqiana , — 
— Nystiana, _ 
— Leodica, —— 
Fissurellidæ , d'Orbigny . 


Gastrochæna Essensis, de Ryckholt. 
— Tornacensis,  — 
— amphisbæna,  — 3 
— Royanensis, d'Orbigny . 
Gonomya Agassiz. V. Pholadomya. 


Helcion, Montfort. AA 

—  cilicina, de Ryckholt . 

—  humilis, —— 

—  lateralis, — 

—  loxogonoïdes,  — 

—  discrepans, — 

—  infrâliasina, — 

—  Koninckiana,  — 

—  Normandiana, — 

—  Ciplyana, — SNL 
Hemicardium, Brongniart. V. Pholadomya . 
Hipponix, Defrance. V. Capulus . 
Homomya, Agassiz. V. Pholadomya 


Infundibulum, Montfort . ee 
— Tornacense, de Ryckholt . 
— Ciplyanum , — 


10 


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PLANCHES. 


171 


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PAGES. | TERRAINS. ÉTAGES. 


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SRE 0 er 2 in 


5 E 


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© de de = æ QI OÙ Qi Ci = © à dd à 


172 TABLE ALPHABÉTIQUE. 


J. 
PLANCHES.| PAGES. | TERRAINS | ÉTAGES. 
Jouannetia, Desmoulins. V. Pholas. * | » 159 » » 
L. 
Lithodomus, Cuvier . . . RE LE LP) TEE » 197 » » 
— Hannoniæ , de Ryckholt. RE CR 7 430 | C 4 
— pyrilommis, “d'Archiné . "M . ;. 2,1: » 199 | C. 4 
— suborbicularis, — RD M CUT » 130 | C 4 
—— Ciplyanus, de Ryckholt. . . . . . . . . 7 497% C 6 
—— modiolus , — RER Se TON sa Een de » 131 PA 6 
— similis, — RS Te 2 7 428:1..C. 6 
Loos Gray Ve Helnionss il LR SN pe » 56 » » 
Lutraria qurgitis, Nilsson. V. Mya lœviuscula. . . . . . » 156 » » 
Lysianassa, Münster. V. Pholadomya. . . . . . . . . » 159 » » 
M. 
Metoptoma, Phillips . . . . RE ot eu TEEN » 56 » 
—  heptaëdralis, de Ryckholt. D ST MN NE 2 59 | P. 5 
Modiola concentrica, Roemer. V. Mytilus concentricus . . . » 149 » » 
—  Faba, Muller. V. Mytilus Mülleri . . . ne » 150 » » 
—  granulosa, Potiez et Michaud. V. Mytilus Ce. Se » 147 » » 
Myn,. Marin: Vo Cali en SOU A Cale » 99 » » 
—  ovalis, Martin. V. Cardinia ovalis . . . . . . . » 105 | P. 5 
—. Zâeten. V-SPholadomya… …, … .:.. : .-VnR » 159 » » 
LE ES EP RO PE one » | 156 » » 
— , dœviuseula,; Sowerby. 7. : .… 1. Rx » 156 C. 4 
—; Æongrorum;,;de Ryckholt! = 4" :", #0. 5 158 T. 1 
Myacide ,:LOrbigpy.. L'CLAENT R RRRNE » 156 » » 
Mytilidæ, — TR RL D M ar de » 127 » » 
MyilussLANNE. 5e 20 2 LU, CNRS ere » 137 » » 
—  Flœnianus, de Ryckholt . 7 132 | P. 2 
—  Lefebvreanus, — 7 134 P. 2 
—  ampelitæcola, _ D cb Roi Al 8 145 | P. 5 
—  apicicrassus, —— 8 438:|: P. 5 


TABLE ALPHABÉTIQUE. 175 


pcancues.| races, |renuains.| éracus. 
Mytilus cestinotus, de Ryckholt 8 143 | P. 5 
—  Cordolianus, —— 7 434 | P. 3 
—  fabalis, — 1 A7: 3 
—  Fontenoyanus, — 7 156 |  P. 3 
—  ligonula, — 7 136 | P. 3 
— Marie, —— 8 442 | P. 3 
—  Mosensis, — 7 135 | P. 5 
—  Omaliusiana, —— 8 4144 | P. 3 
—  palmatus, — 8 140 | P. 3 
— _ præpes, = 7 498'|1"P. 3 
—  pernella, — 8 144 | P. 3 
—  retrocessus , — 8 439: |: :P, 5 
—  Toilliezianus, — 8 141 P, 3 
—  Wezemaelianus,  — 8 140 | P. 5 
—  psilinotus, — 9 445 | J. 1 
—  Terquemianus, — 9 446 | J. 1 
—  actininotus, — 9 155 | C. 4 
—  Aquisgranensis,  — » 451 |: :C.- 4 
— : Benedenianus, — 9 447 | C. 4 
—  clatratus, d'Archiae . . . . . . . . . . . » 151 €: 4 
— concenirious, Münster.. - : . .… … . 24 … : » 449 | C. 4 
= CONS AROMEr ETES PS D RD Enr » 447 | C. 4 
—  inflatus, Müller. V. Mytilus pileopsis. . . . . . » 151 » » 
=) see Ryekholl.: 0 2 LS » 150 » » 
PO AC OrbIgay : … … . : . . . : à » 151 » » 
—  Tornacensis, d'Archiae. : . . . . . . . . . » 150 » » 
—  undulatus, Reuss. V. Mytilus Cottæ . » 147 » » 
—  Ciplyanus, de Ryckholt . 9 152 | C. 6 
—  Morrenianus, — 9 455 | C. 6 
—  nudus, — 9 452! | "C. 6 
Queteletianus, — 9 154 | C. 6 

N. 

Natica globosa, Hoen. V. Naticodon . . . . . . . . .| » 79 | » us 
—  plicistria, Phill. V..  — | , | non Le rT | Ce 


Toue XXIV. SR DR 93 


174 TABLE ALPHABÉTIQUE. 


Natica semistriata, Münster. sr 
—  spirata, Phillips. V. Naticodon. . 
— variata, —  N. — 

—  nodoso-costata, Reuss. V. Nerita cestophora 

Naticidæ, d'Orbigny . 

Naticodon, de Ryckholt . : 

—  pyrula, de Ryckholt . 
— otarioïde, — 
— brevispira , — 
— globosum , — 
—- spiratum , — 
— variatum , — 

Narica, d'Orbigny . 

—  spinescens, de Ryckholt 

Nerita, Linné . 


—  plicistria, de Koninck. V. Naticodon globosum . 


—  spirata, Sowerby. V.  — 
—  variata, de Koninck. V.  — 
—  cestophora, de Ryckholt 

—  glebosa, — 


Orbicula, Lamarck SHARE 
Orbicella psammophora, de Ryckholt. 
Orbiculoïdea Cantraineana, -— 
— Cimacensis , — 
…_— Namona , — , 
— Davreuxiana, de Koninck . 
— _: Dumontiana, de Ryckholt . 
— gibbosa , — 
— hieroglyphica, — 
— mesocæla, — 
== nitida, Phillips. . 
— obtusa , de Ryckholt . 


— _tortuosa, —— 


» 


rs 
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çà à à D OC à 


PLANCHES. 


TERRAINS. 


C2 


> 


m5 0 0% © © © 5» % 


ÉTAGES. 


» 


© 9 O1 > 


QU O1 O1 OI OI O1 O1 ©1 19 


TABLE ALPHABÉTIQUE. 


Orbiculoïdea Archiaciana, — ; 
Orthoceras dentalioïdeum , Phillips. V. Dentalium . 


P, 


Panopea qurgitis, Reuss. V. Mya lœviuscula . 


—  lœviuscula, d'Orbigny. V. Mya lœviuscula . 


Patella, Linné, V. Capulus. 
— —  V. Emarginula 
— —  V. Helcion. 
Patelloïdea, Quoy et Gaimard. V. Helcion. 
Pachymia gigas, Sowerby. V. Pholadomya . 
Pharetrium, Koenig. V. Ditrupa . 
Pholadidæ , d'Orbigny. 
Pholas, Linné . . ORDRE 
—  Kickriana, de Ryckholt. 
—  Nystiana, = 
—  suprâcrelacea,  — 
Pholadomya, Sowerby. . 
— transversa, de Ryckhol . 
— Tornacensis , _ 
— Visetensis, — 
— æquivalvis, — 


— caudata, Rœmer. V. Phot. dl 


— gigas, d'Orbigny. . . . . . . 
— Esmarkii, Goldfuss. : 
_ Koninckii, Nyst. V. Phol. Esmarkii 


— oblitterata , Potiez et Michaud. V. PA. PAT 


— Puschii, Goldfuss . 
Pileopsis, Lamarck. V. Capulus + 
Pyrgopolon Mosæ, Montfort. V. Ditrupa clava. 


S. 


Scaldia Kickæriana, de Ryckholt. 
—  Lambotteana, _— 


PLANCHES, 


» 


» 


10 
10 


PAGES, 


91 


TERRAINS. 


175 


ÉT:0SS. 


6 


» 


176 TABLE ALPHABÉTIQUE. 


Septaria, Lamarck. V. Teredo . 


Serpula septemsulcata, Geïnitz. V. Ditrupa deformis . 


—  socialis, Müller. V. Filigrana filiformis . 


—  sulcataria, d'Archiac. V. Ditrupa deformis . 


Serpulidæ , de Ryckholt . 
Sinemuria, de Christol. V. Cardinia . 
Solemya devonica, de Ryckholt 
Solenella orbitosa, — 

—  scalpellus, — CAPE 
Spirifer pseudo-cheiropterix, de Ryckholt 


Tellinites Schlotheim. V. Cardinia . 
Teredo ; Linné duhse, 1e 
—  Mosensis, de Ryckholt.. 
—  Burtini, Deshayes . 
—  divisa, de Ryckholt. 
—  frugicola, — 
Thalassites, Zieten. V. Cardinia 


Unio, Sowerby. V. Cardinia. 
—  tellinaria, V. Cardinia tellinaria . 
— _ utratus, Goldfuss. V. Cardinia utrata 


Xylophaga, Turton. V. Pholas . 


PLANCHES. 


» 


FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE. 


99 
a 
112 
115 
115 
112 

99 


100 
100 


TERRAINS. 


HS RS 


» 


ÉTAGES. 


> 


19 19 © © à» 


Mem.cour.et Mém.des sav. étrané. Tom.XXIV, 


Mém.de M.de Rvekholt, PEL. 


24 bis 


a. Capulus Dumoutianus , de Rvck. 


3.4, 


ad roceras, mn 


rectus, amet 


tubifer , 


euomphalordes, SE 


corpuratus, 


Pa. 113. Capulus htuus, de Ryck. C.4.123-24 his. Emarginmula loculata, de Ryck.C.4. 
K 2 - 

PS. 1415. > flexicostatus, BF + 4 25-27. 2 semimula, C4. 
P.3. 16-18. riynchoiïdes, — (.6./28-2g bis. flexuosa, = (4 
P3 19. 20. Emarginula carbomfera,__ P. 3. 30-32. _  stenosoma, -_ (.4 
PS3. lai.ss. ____ ___ nuda, AMEN, He I. LE, 7 À CEE puncticephala , EEE 
P3 

À à 


À 
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4 
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I d' Rs hs jus” dis SM his. ne mn D, 


Mém.cour, et Mem.des sav. et rand . Tom.XXIV. 


Mem. de M. de Ryckholt . PI. IL. 


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44 


+- 

LA) 

& 
1 


_ . . | « . : 
4.5.1 galericulus, C.4./21.  Helcion loxogonoides, 


Has. Emarginula impressa, de Ryck.C.4./19.20. Fissurella Nystiana,de Ryck.C.4135.36.Chiton Sluseanus, de Ryck. P.3. 
pa 37.38. Chitonellas Barrandeanus, ___ P,3. 


LR Sibbosula, C4. 122,23. Metoptoma heptacdralis, P.3.,39. 40. Dentahum perarmatum, —— P.3 
D. — gravida, —— C.4./2425.Helcion discrepans, me MUSÉE inœquale, P3 
MAS, supracretacea, —_— C.6 2627. infraliasina, — J.1| 43 44. bicostale, C6 
> cellolosa, :___ C 4.128.209. humihs, ——— 134546. -___ _ alternans, C4 
1516. Fissurella Cantraineana, __ C4. 131.32. Normandiana, _ C4. 47. 48. Michauxianum, ___ C4. 


D —— Recqiana, C.4.133.34. Koninckiana, 


Mem.de M. de Ryckholt , PL. HI, 


Mem.cour, et Mém.des sav. etrang . Tom.XXIV. 


10 bis 


1-3. Narica spinescens, de Ryck.  P.3./12.  Naticodon élobosum, de Ryck.P.3.|20-22 Bellerophon phalena,de Ryek. P.3 
4.5. Naticodon pyrula, A RNA as spires ton, 2 #P3la5.. plicatus, =. P9 
6.7. P. 2.) 15.16. Nerita élebosa, se Cl} 26: 7 hyalinus, PS. 
8.9. brevispira, P.3. | 17. C4.128. = papyraceus, — P.3 
18.19. Bellerophon mulcus ? Sow. P.3. 29-32. — subdiscoides,__ P.3 


— otarioide, 


cestophora ù 


 vantatum,. P3 


Mem,cour.et Mem.des sav.ctrang, Tom. XXI\ Mém. de M. de Ryckholt, PI 


1.2. Orbiculoïdea Cantraineana, de Ryck . P. 2. ! 12-20. Orbiculoïdea hieroélyphica, de Rvek. P. 3 
* QI : 

D4, = (Cimacnaé: ARE P,».! 1-24 - &ibbosa NES 

Mo. : muüda. d'Orb, P. 3.1! 25.26 Ps: mesocoela EUR 3 


7-u.Orbicella psammophora, de Rvyck. P,3.| 27 29 — Davreuxiana, d'Orb. P3 


PNA VE ST 
SRE ru La 
RE Dee THEN 


Mem.cour.et Mém.des sav. étrang. Tom. XXIV. Meém. de M, de Ryckholt, PI. V. 


; à Z ad rat à 
1.2, Orbiculoïidea obtusa, de Ryek. P. 3, | 14:16. Pholas supracretacea, de Ryck. C.6. 
hs. tortnosa, P. 3. | 17.18. Nystiana, C.4. 
5.6. —_______ Dumontiana, P.3. | 19-22. Gastrochœna amphisbæna , C.4 
10, > indéterminées, Mo: la sh 12 "Torsaécenns, = C.A4 
u.12. Teredo Burtini, Desh. T2, 25.26, Mya Tongrorum, Es, T 
13. divisa, deRyek. T. 2. | P 


Men. cour, et Mem. des sav. étrang. Tom, XXIV. Mem. de M.de Ryekholt. PI, VI. 


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23 
1-3. Cardinia colliculus, de Ryck. P.3. | 16 17. Cardinia macilenta, de Ryck. QE À 
4:95: Toillieziana, P. 3. | 18.10. Hulloziana, P. 3 
6. TL — hians, Sn Ps l'a muculanns, — P. 3 
8. 9. —____ uncinata, me EX | 22,28, __ Comes, ER là 
10. 11, —_ angulata, De Pl sd, Ditrupa devomica, _______ P,2 
: VTRESEREN Scherpenzeeliana, _______ P.3. 25. carbonifera, —___  P.3. 
14.15, salebrosa, NL 000 Cv Hang, © C.6. 


Mem.cour.et Mem.des sav. étrané . Tom XXIV. Mem. de M. de Ryckholt, PL. V 


Le. : dr 


hotes 


1.2. Lithodomus Ciplyanus, de Ryck. C. 6.! 12.18. Mytilus cordolianus, de Ryck. PS: 
Did. | simihs. C:6:| da. : Mosensis, Pa 
6, D ———— Hannoniæ,  ______ C.4. 16.17. —— Fontenoyanus, P 9: 
8.9. Mvtilus- Floenianus, — P.2.| 18.19. ligonula, a Po: 
10. 11, le Febvreanus, _____ P.2,| 20 21. fabalis, EE) A 


Mém cour. et Mem.des sav. étrang. Tom.XXIV Mem. de Mde Ryekholt, PL.VIIL. 


1.2. Mytüilus præpes, de Ryck. P53. | 13.14. Mytilus Toilliezianus , de Ryck. LP. 3; 
DU | apicicrassus, CR 3 l'25.10. ==: Nane, OURS, LE à 
5.6. retrocessus, Gens ES. | 29 _——— ampelitæcola, ____ P,3. 
7: 8. palmatus, 1h94 | 1819. == cestnotus, PR, Ji 
9-10. ; amphatus, Fes 73. | 20.91. - pernella, ES 
11,12. Wesemaelianus. -— P.3.) 22.23. ___ Omaliusiana, ______ P.35. 


Mém.. cour, et Mem.des sav. etrang. Tom.XXIV. Mém. de M. de Ryekholt . PL. EX. 


> 0 nee lien inde tr lé fit 


. 


1.2. Mytilus psilinotus, de Ryek. J. 1. | 10. 11. Mytilus actinmotus, de Ryck. C. 4. 
3.4. Terquemianus, 2; | 22 13 Ciplyanus, C0 
5.6. _______ Benedenianus, C. 4. | 14.15. _______ Queteletianus, _____ C.6. 
+ ARS RE Tornacensis, d'Arch. €. 4.1 16. 17- Morrenianus, _______ C.6, 
8.9 - nudus, deRvek. C, 6.1 18. 19. Pholadomya transversa, _— P.3. 


Mem. cour. et Mem. des sav.étrang, Tom.XXIV, 
= 


Mem.de M. de Ryckholt, PI, 


1,2. Pholadonya Visetensis, de Ryck. P. 3. | 10. 11. Fissurella Leodica, de Ryck.C. 


6.118.19. Solenella scalpellus, de Rvek. P 3 


9 4. _____ Tornacensis, P.3.l .  Dentalium Navicanum,____ P. 2.| 20. Dorsomya dorsata, 22 
2. Capulus hecticus, _—— P.2.| 135.0rbiculoïdea Namona, — P, 2.}21-23. Anomianella Proteus, 
6. Infundibulum Tornacense, C.4.! 16. Solemya devonica,  — P. 2.,24-26. Scaldia Lambotteana, 
8.9. Helcion Ciplyanus, Des aù 4 17. Solenella orbitosa, —— P.3.| 27.28. — Kickxiana, E 


DESCRIPTION 


DES 


ENTOMOSTRACÉS FOSSILES 


DES 


TERRAINS TERTIAIRES DE LA FRANCE 


ET DE LA BELGIQUE; 


PAR 


J. BOSQUET, y +7: 
LR NE 
PHARMACIEN, MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DES SCIENCES DE LIÉGE ET DE LA SOCIÉTÉ 


Toue XXIV. 1 


Le MANS Ed 
et 


+ 


AVANT-PROPOS. 


La famille des Exromosrracés osrnacones se compose des genres Cy- 
pris, Candona, Estheria, Cytherella, Bairdia, Cytheridea, Cythere, Cypridina , 
Cypridea, Lynceus et Cyprella. Parmi ces genres, les Cyprella et les Cypridea 
sont les seuls qui n’aient pas de représentants vivants. Les Cypris, les Lyn- 
ceus et les Estheria ne vivent que dans les eaux douces ; les Candona dans 
les eaux douces et les eaux saumâtres; les Cytherella, les Bairdia, les Cy- 
theridea, les Cythere et les Cypridina ne se trouvent que dans les eaux de 
la mer; les Cypridea n’ont été trouvées que dans des dépôts d’eau douce, 
et les Cyprella uniquement dans des terrains d’origine marine. 

Il est bien digne de remarque que chaque dépôt fossilifère, chaque 
bassin tertiaire, et même presque chaque localité, paraisse renfermer des 
formes et des espèces d’Ostracodes fossiles qui lui sont particulières. 11 
est donc très-probable que les Entomostracés ostracodes (quelque petits 
qu'ils soient et quelque insignifiants qu’ils puissent paraître), tout aussi 
bien que les restes d'animaux fossiles plus grands, pourront bientôt servir 
de caractère paléontologique important aux diverses couches qui com- 
posent l'écorce solide de notre globe. 

Les terrains tertiaires de la France et de la Belgique renferment quatre- 
vingt-trois espèces d'Ostracodes, dont une seule du genre Cypris, quatre du 
genre Cytherella , treize du genre Bairdia, trois du genre Cytheridea, soïxante 


et une du genre Cythere et une du genre Cyprella. Aucune Estheria, ni Can- 


AVANT-PROPOS. 


CSS 


dona , ni Cypridea, n’a encore été découverte dans les terrains tertiaires de 
ces deux pays. 

De ces quatre-vingt-trois Ostracodes fossiles, quarante-sept appartiennent 
exclusivement au terrain éocène, ces espèces sont : Cytherella compressa, Y. 
Münst. spec., Cytherella hieroglyphica, B., Cyth. Jonesiana,B., Bairdia foveolata, B., 
B. subradiosa, Roemer spec., B. perforata, Roemer spec., B. punctatella, B., B. He- 
bertiana, B., B. marginata, B., Cytheridea Williamsoniana, B., Cythere faboïdes, B., 
C. costellata, Roemer spec., C. multicostata, B., C. Haimeana,B., C. striato-punctata, 
Roemer, C. Jonesiana, B., C. angulatopora, Reuss spec., C. Lamarckiana, B., 
C. incrassata, B., C. limbata, B., C. ventricosa, B., C. tessellata, B., C. Orbi- 
gnyana, B., C. approximata, B., C. Cornueliana, B., C. vermiculata, B., C. an- 
gusticostata, B., C. Hebertiana, B., C. macropora, B., C. Thierensiana, B., 
C. arachnoïdea, B., C. Lyelliana, B., C. nebulosa, B., C. aculeata, B., C. formosa, 
B., C. Reussiana, B., C. ceratoptera, B., C. cornuta, Roemer spec., C. horres- 
cens, B., C. Dumontiana, B., C. Deshayesiana, B., C. lichenophora, B., C. Hai- 
dingeri, Reuss spec., C. gradata, B., C. Forbesiana, B., et Cyprella Edwardsiana, B. 
Parmi ces quarante-huit espèces, six sont propres à l'étage des sables 
de Fontainebleau; ce sont : Cytherella Jonesiana, B., Bairdia punctatella; B., 
Cythere Nystiana, B., C. Hebertiana, B., C. Lyelliana, B., et C. ceratopiera, B.; 
ciuq à l'étage des sables moyens; ce sont: Bairdia foveolata, B., B. Heber- 
tiana, B., Cythere Orbignyana, B., C. arachnoïdea, B. et C. Dumontiana, B.; dix 
au calcaire grossier, qui sont: Bairdia subradiosa, Roemer spec., C. faboïdes, B., 
C. Haimeana, B., C. approximata, B., C. vermiculata, B., C. angusticostata, B:, 
C. nebulosa, B., C. formosa, B., C. Deshayesiana, B., et C. lichenophora, B. et 
une seule à l'étage des sables inférieurs, la Cythere Cornuelana, B. Toutes 
les autres sont répandues dans deux, dans trois ou dans les quatre étages 
du terrain éocène. 

Vingt-deux espèces appartiennent exclusivement au terrain miocène; 


ces espèces sont : Bairdia strigulosa, Reuss spec., B. linearis, Roemer spec. , 


de — … 


AVANT-PROPOS. 5 


Cypris faba, Desmar.., Cythere inornata, B., C. favosa, Roemer, C. bidentata, B., 
C. punctatella, Reuss spec., C. cicatricosa, Reuss spec., C. galeata, Reuss spec., 
C. Grateloupiana, B., GC. deformis, Reuss spec., C. sagittula, Reuss spec., C. pu- 
silla, B.,C. plicatula, Reuss spec., C. truncata, Reuss spec., C. scabra, Von Münst., 
C. monilifera, B., C. Micheliniana, B., C. Francqana, B., C. pectinata, B., C. 
calcarata B. et C. pygmæa, Reuss spec. 

Dans le terrain pliocène, je n’ai trouvé jusqu’à présent que trois espèces, 
Bairdia curvata, B., Cytheridea Mulleri, Von Münst., spec. et Cythere Edwardsi, 
Roemer, dont la première et la dernière se rencontrent aussi dans l'étage 
miocène et dont la deuxième, la Cytheridea Mulleri, se trouve simultané- 
ment dans les dépôts pliocène, miocène et éocène, et encore vivante dans 
nos mers actuelles. 

Le terrain miocène renferme en commun avec le terrain éocène les 
espèces suivantes : Cytherella Munsteri, B., Bairdia subglobosa, B., B. subdel- 
toïidea, V. Münst. spec., B. arcuata, V. Münst. spec., B. lithodomoïdes, B., Cy- 
theridea Mulleri, V. Münst. spec., C. papillosa , B., Cythere Jurinei, Roemer, 
C. plicata, V. Münst. et C. scrobiculata, V. Münst. 

Enfin la Cytherella Munsteri, B. et la Bairdia subglobosa, B. se trouvent 
en même temps dans le terrain miocène et éocène, et dans la craie supé- 
rieure de Maestricht; la Cythere punctatula, Roemer, se rencontre dans le 
système éocène et en même temps dans le système supérieur du terrain 
crétacé, et dans l'étage néocomien; la Bairdia lithodomoïdes a été trouvée à 
l’état vivant et dans les deux systèmes inférieurs de la formation tertiaire 
et la Bairdia subdeltoïdea, N. Münst. spec., a été rencontrée non-seulement 
dans les eaux des mers tropicales et dans celles qui baignent les parties 
centrales et méridionales de l'Europe, et dans les trois systèmes du terrain 
tertiaire, mais encore dans les diverses assises du terrain crétacé, depuis 
la craie chloritée de Lemfærde, jusque dans l'étage supérieur de la craie 
de Maestricht et dans les couches identiques de Faxhoé en Danemark. 


6 AVANT-PROPOS. 


Si nous cherchons maintenant parmi les quatre-vingt-trois espèces d'En- 
tomostracés tertiaires de la France et de la Belgique, combien il y en a 
qui se retrouvent dans d’autres pays de l’Europe, nous remarquons que 
trois espèces (les Bairdia strigulosa , B. linearis et Cythere Edwardsi) se ren- 
contrent aussi dans les couches pliocènes de la Sicile; que sept espèces 
(les Cytherella compressa, Bairdia subdeltoïdea, B. arcuata, Cytheridea Mulleri, 
Cythere plicata, C. scrobiculata et GC. scabra) existent également dans les 
couches de la formation subapennine du nord-ouest de l'Allemagne; qu’un 
nombre égal d'espèces (les Bairdia subradiosa, B. subdeltoïdea, B. arcuata, 
Cythere scrobiculata, C. favosa, C. punctatella et C. cicatricosa) se trouvent 
pareillement dans le sable subapennin jaune de Castell’ Arquato, en Italie; 
que deux espèces (la Cytherella Munsteri et la Bairdia subdeltoïdea) se ren- 
contrent aussi dans le terrain tertiaire de l'Amérique septentrionale, la 
première dans le dépôt éocène de l'Alabama et la seconde dans le dépôt 
miocène de la Virginie; qu’une seule espèce (la Cypris faba) se trouve dans 
le terrain lacustre miocène de la Suisse et de l'Allemagne; que trois 
espèces (la Cytherella Munsteri, la Bairdia subdeltoïdea et la B. arcuata) exis- 
tent aussi dans le terrain crétacé de l'Angleterre; que la première de ces 
trois espèces se trouve, en outre, dans le système éocène, et la dernière 
dans les étages éocène et pliocène du même pays, et qu’enfin seize espèces 
(1 Cytherella : Cytherella compressa ; 3 Bairdia : Bairdia strigulosa, B. subdel- 
toïdea et B. arcuata; 1 Cytheridea : Cytheridea Mülleri, et 11 Cythere : Cy- 
there plicata, C. punctatella, CG. cicatricosa, C. galeata, C. deformis , C. sagitula , 
C. plicatula, C. Edwardsi, GC. truncata, C. pygmæa et C. Haidingeri) se trou- 
vent simultanément dans le grand bassin tertiaire autrichien. 

D’après ces observations, on peut conclure que des quatre-vingt-trois 
espèces d’Ostracodes qui ont été trouvées dans les trois grands systèmes 
tertiaires de la Belgique et de la France, il n’y a qu’un nombre assez 


restreint d'espèces qui passent d’un système dans un autre (onze seule- 


Ge her" Éd 0 à à 


ce Ps “rt 


AVANT-PROPOS. 7 


ment sont dans ce cas) et qu’en revanche, il y en a un très-grand nombre 
qui sont caractéristiques pour l'étage dans lequel ils se rencontrent, puis- 
que quarante-neuf espèces appartiennent uniquement au terrain éocène et 
vingt-deux exclusivement au terrain miocène. 

Parmi les personnes qui ont eu l’obligeance de me fournir une partie 
des matériaux nécessaires à la confection de ce mémoire, je citerai parti- 
culièrement M. le professeur Éd. Hebert et M. le comte F. De Francgq, de 
Paris, M. Nouel, de Pontlevoy, en Touraine, M. le professeur De Koninck 
de Liége, et MM. F.-F. Thierens, Ch. Laurent et A.-W.-G. Van Riemsdyk 
de Maestricht, ainsi que M. Roemer et le docteur Aug.-Ém. Reuss, de 
Bilin, en Bohême. Ce dernier savant a bien voulu me communiquer un 
grand nombre d'Entomostracés tertiaires de l'Autriche, qui m'ont été d’un 
grand secours dans la détermination des espèces que je décris. C’est donc 
avec le plus grand plaisir que je saisis cette occasion d’offrir à toutes les 


personnes que je viens de nommer, mes bien sincères remerciments. 


Maestricht, le 4* octobre 1850. 


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DESCRIPTION 


DES 


ENTOMOSTRACÉS FOSSILES 


TERRAINS TERTIAIRES DE LA FRANCE 


ET DE LA BELGIQUE. 


[. Genre CYTHERELLA, Bosq., 1850 (subgenus Jones, 1849). 


Cvraëres sp. Von Münster, 1830. Jahrbuch für Mineral., etc., von Leonhard und Bronn, 
p. 65 et suivantes. 
Cyrnerina spec. Roemer, 1858. Ibidem, p. 516, 517. 
— — — 1840. Die Versteinerungen des norddeutschen Kreidegebirges , 
p. 104, 105. 
_ —  Reuss, 1845-46. Die Versteinerungen der bôhmischen Kreideformation , 
4 Abth., p. 16, und 2° Abtheïlung, p. 104, 
105. 
Cyrmeres? spec. Cornuel, 1846. Descript. des Entomostr. fossil. du département de la 
Haute-Marne (Mém. DE LA SOC. GÉOLOG. DE FRANCE, 
9me série, t. I, 2° partie, p. 195-205). 
Cyraeres spec. Bosquet , 1847. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, t. IV, 
p. 556-558. 
er Re — 1847. Description des Entomostracés fossiles de la craie de 
Maestricht, p. 6-8. 
— — Bronn, 1848. Index Palæontologicus. — Uebersicht der bis jetzt be- 
kannten fossilen Organismen, p. 595, 396. 


Tour XXIV. 


10 DESCRIPTION 


Cyrneres? spec. Cornuel, 1849. Description de nouveaux fossiles microscopiques du terr. 
crét. infér. du départ. de la Haute-Marne (MÉx. 
DE LA SOC. GÉOL. DE FRANCE, 2° série, t. III. 
p. 241-246). 

Cyrmere (subgenus Cytherella) Jones, 1849. À Monograph of the Entomostraca of the 
crelaceous formation of England., p. 28-55. 

CyraerNÆ spec. Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des ôsterreichischen Tertiär- 
beckens, p. 7 et suivantes. (Aus den Naturwissen- 
schäftlichen Abhandlungen, von Wilhelm Haïdin- 
ger, IL Band, I Abth.) 


Carapace de consistance cornée ou cornéo-crétacée, composée de deux 
valves mobiles , inégales, réniformes, oblongues, ovales ou ellipsoïdales, 
et plus ou moins déprimées. 

A l'extérieur, ces valves sont le plus souvent lisses, ou creusées de 
points, ou granuleuses ou tuberculeuses; assez souvent, elles sont ornées de 
bourrelets, et jamais elles n’offrent des côtes concentriques ou des épines. 

La valve droite est constamment plus grande que la valve gauche !, et 
embrasse un tant soit peu toute la circonférence du bord de celle-ci, 
quand la carapace est fermée. Son bord interne ; qui est toujours plus large 
que celui de la valve gauche, offre, le long de toute sa partie interne, un 
sillon abaissé et assez profond. Sur la valve gauche; on observe la même 
chose en sens inverse, mais avec cette différence toutefois, que la partie 
externe abaissée n’est sensible que le long des bords postérieur, supérieur 
et inférieur. La partie interne, plus haute du bord de cette dernière valve, 
est aussi plus large que la partie abaissée externe, le long des bords su- 
périeur et inférieur ; tandis qu’elle est d’une largeur à peu près égale à 
cette partie, le long du bord postérieur. 

Sur cette même valve, la partie interne, plus haute du bord , est plus 
large que la partie interne abaïssée (sillon) du bord de la grande valve, et 
ne peut, par conséquent, lors de la réunion de deux valves, s’insérer dans 


ce sillon que partiellement et seulement par son côté aigu. (Voyez pl. 1, 
fig. 1,:bretc,) 


! Cette disposition des valves des Cytherella est justement l'inverse de ce qu'elle est dans tous 
les autres genres de la famille des Ostracodes. 


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DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 11 


Les valves des Cytherella présentent à l'intérieur, entre le centre et le 
bord supérieur, un tubercule arrondi-oblong et dont la direction est con- 
stamment oblique à leur axe longitudinal. Ce petit tubercule, quoique assez 
nettement limité, est très-peu proéminent; il serait le plus souvent presque 
imperceptible et échapperait, par conséquent, facilement à l'observateur, 
si sa coloration blanchâtre et sa texture matte ne contribuaient pas à le 
faire distinguer de la partie restante de la paroi interne. 

Ce petit tubercule interne répond à une très-petite fossette externe, 
peu marquée chez la plupart des espèces, mais devenant très-apparente 
chez quelques-unes, comme, par exemple, chez ma Cytherella hieroglyphica , 
qui présente, au fond de cette fossette, un tubercule oblong très-appa- 
rent. 

On connaît actuellement dix à onze espèces de Cytherella dans les sys- 
tèmes moyen et supérieur du terrain crétacé, six dans la formation ter- 
tiaire (dont trois ont leurs identiques dans le dépôt crétacé), et une espèce 
vivante , encore inédite, dans la Méditerranée. De sorte que, jusqu'ici, on 
ne connaît que seize espèces de ce genre. 


1. Cvrnerezza compressa, Bosq., 1850. 


PL I, fig.1,a,b,c,d,e,f. 


Cvruere compressa, von Münster, 1830. Jahrbuch für Mineralogie und Geologie von Leonhard und 
Bronn , p. 64. 
— — — 1835. Jbidem , p. 445. 
Cvyruerina  — Roemer, 1838. Jbidem, p. 517, pl. VE, fig. 14. (Icon mala.) 
—  accurara, Roemer, 1838. Jbidem, p. 517, pl. VI, fig. 21. 
—  cowrressA, Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiär- 
beckens, p. 14, pl. VUE, fig. 415, a, b. 


Valves déprimées, assez larges, à contour subtétragone-ellipsoïdal. Ces 
valves sont largement arrondies aux deux extrémités et leur bord dorsal 
ou supérieur est arqué, tandis que le pectoral ou inférieur est droit. Le 
bord dorsal de la valve droite est toujours plus fortement arqué que 
celui de la valve gauche. La voûte dorsale des valves, qui est lisse et lui- 
sante, et qui est le plus convexe à proximité de l'extrémité postérieure et 


12 DESCRIPTION 


le long du côté inférieur, se rattache aux bords antérieur et supérieur, 
par une pente douce, au bord inférieur par une pente très-rapide, et re- 
tombe perpendiculairement sur le bord postérieur. La carapace présente 
une section transverse à contour oval-oblong et une section longitudi- 
nale à contour cunéiforme. 

La fossette extérieure , correspondante au tubercule interne de chaque 
valve, est rarement bien prononcée, quoique le tubercule soit assez gros. 

Rapports et différences. — La Cytherella (Cytherina) complanata, Reuss 
du Plänerkalk de Kosstitz et de Kutschlin, et du Plänermergel de Priesen et 
d’Aannay, que, d’après des échantillons de l’auteur allemand, j'ai reconnue 
pour la même espèce que celle de la craie de Maestricht, décrite par 
moi sous le nom de Cythere reniformis ?, a beaucoup de rapports avec la 
Cytherella compressa. La Cytherella complanata est néanmoins facile à distin- 
guer de l'espèce tertiaire, par ses valves à contour réniforme, beaucoup 
plus étroites aux deux extrémités et le plus convexes au milieu. 

La Cytherina aciculata, Roemer, de Castell’ Arquato , d’après l'échantillon 
même qui a servi à la description donnée dans le Jahrbuch, par M. Fr.-Ad. 
Rocmer, et que M. Hermann Roemer (frère de l’auteur de la Description 
des Entomostracés tertiaires), a bien voulu me prêter pour quelque temps, 
me paraît n'être qu'une variété d'âge de la Cytherella compressa. 

Dimensions. — Elle à une longueur de 0,9 de millimètre, une hauteur 
de 0,6 de millimètre et une épaisseur de 0,4 de millimètre. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette Cytherella très-rarement dans 
l'argile de Basele, près de Rupelmonde (système Rupelien Dumont) et 
dans la couche argilo-sableuse à Nucules, appartenant au même système 
de M. Dumont, de Bergh, près Klein-Spauwen en Belgique. Suivant 
M. Reuss, elle se trouve, en Autriche, en abondance dans le tegel de Mül- 
lersdorf, près de Baden; rarement dans le Leithakalk de Nussdorf, près 


! Reuss, 1845. Die Versteinerungen der bôhmischen Kreideformation, 1** Abtheilung , p. 16, 
pl. V, fig. 54. (Icon mala.) 


2 Bosquet, 1847, Descrip. des Entomostr. fossiles de la craie de Maestricht, p. 6,7, pl. HI, 
fig. 4, a-f. . 
— — Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, p. 336, 357, pl. I, fig. 1, 
a-f. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 15 


Vienne, et de Wurzing, en Styrie; dans le tegel de Grinzing, près Vienne, 
et de Rudelsdorf, en Bohême. D'après M. Roemer, elle se trouve aussi 
dans le terrain tertiaire à Osnabrück en Westphalie, et à Castell’ Arquato 
en Italie. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI, 1, fig. 1, a. Valve gauche de l'argile éocène de Basele, près Rupelmonde, vue en dessus, De ma collection. 
1, b. Valve droite, provenant de la même localité, vue en dedans. De ma collection. 
1, c. Valve gauche de la même localité, vue du même côté. 
1, d. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal, De ma collection. 
1, 6. La même, vue du côté pectoral. 
1, f. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


2. Cvruerezze Münsrent, Bosq., 1851. 


PL 1, fig. 2,a,b,c,d. 


Cyrnerna Muxsrent, Roemer, 1838. Neues Jahrbuch für Mineralogie, etc, von Leonhard und 
Bronn, p. 516, pl. VI, fig. 13. 
—  PARALLELA, Reuss, 1845. Die Versteinerungen der bühmischen Kreideformation. Erste 
Abtheilung , p. 16, pl. V, fig. 35. 
Cyruere rruncara, Bosquet, 1847. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, t. IV, 
p. 557, pl. I, fig. 2, a-e. 
— — — 1847. Description des Entomostracés fossiles de la craie de Mues- 
tricht, p. 7, pl. 1, fig. 2, a-e. 
CYTHERELLA  — Jones, 1849. À Monograph of the Entomostraca of the cretaceous forma- 
tion of England, p. 30, pl. VIE, fig. 55, a-e. 


Les valves de cette Cytherella sont oblongues; elles sont arrondies en 
avant; leurs bords supérieur et inférieur sont droits et parallèles dans 
leur moitié antérieure; un peu en arrière de la moitié de la longueur to- 
tale des valves, le bord supérieur se dirige obliquement vers le bord posté- 
rieur, qui est lui-même obliquement tronqué. Toute la surface est lisse 
et n'offre que 8-10 séries longitudinales de points creux excessivement 
petits. La voûte dorsale des deux valves, qui est le plus bombée dans la 
moitié postérieure de sa longueur, se rattache aux bords supérieur et 
inférieur par une pente assez rapide, rejoint le bord antérieur par une 
pente assez douce et retombe perpendiculairement sur le bord postérieur. 


14 DESCRIPTION 


La plupart des échantillons du calcaire grossier sont transparents et 
présentent, à la loupe, un grand nombre de petites taches blanchâtres qui, 
vues au microscope par transparence, apparaissent sous forme de cercles 
opaques. À l’endroit qui répond au tubercule interne, les valves offrent 
à l'extérieur une fossette arrondie, au fond de laquelle on observe, chez 
certains individus, 7-8 taches transparentes (lucid spots de M. Jones), dont 
les 4-5 supérieures sont très-rapprochées les unes des autres. 

La carapace, vue en dessus, présente un aspect pentagonal-oblong; elle 
offre dans sa moitié postérieure une section transverse à contour ovale, 
obscurément hexagonal. 

Par l'examen que je viens de faire des échatalions qui ont servi à 
M. Roemer pour établir la Cytherina Munsteri, je viens de m’apercevoir 
que c’est la même espèce que celle que M. Reuss a décrite sous le nom de 
Cytherina parallela * et que j'ai décrite moi-même sous le nom de Cythere 
truncata. Si je n’eusse pu juger que d’après les figures et la description don- 
nées dans le Jahrbuch für Mineralogie, etc., je n'aurais bien certainement 
pas pu faire ces rapprochements. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre, hauteur 0,45 de milli- 
mètre et épaisseur 0,25 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Cytherella, qui existe, suivant M. Jones, dans 
le terrain miocène de Bordeaux, se trouve assez rarement dans le terrain 
tertiaire éocène (sables moyens) de Pisseloup (Aisne), de Ver (Oise), de 
Guépesle (Seine-et-Oise) et de Tancrou (Seine-et-Marne); dans le calcaire 
grossier de Chaumont, du Vivray et de S'-Félix (Oise), de la ferme de 
l'Orme et de Grignon (Seine-et-Oise), de Chamery et d'Hermonville 
(Marne), de Montmirail (Aisne), ainsi que dans les sables glauconifères 
de Ménilmontant (Seine). Elle se rencontre assez rarement dans le terrain 
crétacé supérieur de la montagne de S'-Pierre près Maestricht. Sui- 
vant M. Reuss, elle se trouve dans le Plänerkalk de Kautschlin et de Koss- 
titz, et dans le Plänermergel de Priesen, en Bohème. D’après M. Jones, 
elle se rencontre, en outre, dans le terrain éocène de Barton (Hants) et de 


1 D'après les échantillons du terrain crétacé de la Bohême, que je dois à l'obligeance du paléon- 
tologiste de Bilin. 


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DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 15 


Colwell Bay (île de Wight), en Angleterre; et dans celui d’Alabama (Amé- 
rique septentrionale). Selon le même paléontologiste, elle existe aussi 
dans la craie blanche du sud-est de l'Angleterre, dans le detritus de Cha- 
ring, dans le chalk-mart de Douvres et dans le gault de Folkstone et de 
Leacon-Hill, ainsi que dans le terrain crétacé de Balsberg , en Suède. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. 1, fig. 2, à. Valve gauche des sables moyens de Pisseloup , vue en dessus. De ma collection. 
2, b. Carapace entière de la même localité , vue du côté dorsal. De ma collection. 
2, c. La même, vue du côté pectoral. 
2, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


3. CYTHERELLA HIEROGLYPHICA, nova species, 1850. 


PL 1, fig. 5,a,b,c, d. 


Valves à contour oblong-subtétragone, marginées en avant d’un limbe 
comprimé, arrondi, assez large et garni de plusieurs dentelures margi- 
nales très-courtes. Leur bord supérieur est presque droit, faiblement ar- 
qué et offre un léger sinus en avant, tandis que le bord inférieur offre au 
milieu un sinus très-profond. La partie voûtée est assez fortement dépri- 
mée ; elle est garnie de quatre bourrelets longitudinaux, qui sont réunis 
en deux faisceaux bien distincts. Le faisceau inférieur est formé de bour- 
relets droits en avant et faiblement géniculés vers le tiers postérieur de leur 
longueur; l’un de ces bourrelets, plus long et plus large que l’autre, forme 
la limite marginale de la partie voûtée et se rattache à la partie compri- 
mée qui borde les valves le long du côté pectoral par une pente très- 
rapide; l’autre faisceau est formé de deux bourrelets d’une forme moins 
régulière; l’un de ces derniers est élargi en avant et interrompu, vers la 
moitié de sa longueur, par un tubercule arrondi-oblong et placé au fond 
de la fossette qui correspond à la place des taches transparentes que 
l'on remarque chez d’autres espèces de Cytherella. Entre l'extrémité posté- 
rieure des deux faisceaux de bourrelets, la partie voûtée des valves est 
concave. 


16 DESCRIPTION 


La carapace offre une section longitudinale à contour subpentagonal- 
cunéiforme et une section transverse à contour allongé-subtrigone. 

Rapports et différences. — Elle a des rapports avec ma Cytherella (Cypri- 
dina) auricularis ! de la craie de Maestricht, de laquelle elle se distingue ce- 
pendant facilement, par la forme des bourrelets qui ornent sa surface, 
par son bord pectoral fortement sinué et par ses dentelures antérieures. 

Dimensions. — Longueur 0,7 de millimètre, hauteur 0,35 de millimètre 
et épaisseur 0,25 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est rare dans le calcaire grossier de Parnes 
(Oise), de Montmirail (Aisne) et de Grignon (Seine-et-Oise), ainsi que 
dans les sables glauconifères de Ménilmontant (Seine), en France; elle est 
très-rare aussi dans le grès calcarifère éocène de S'-Josse-ten-Noode ?, près 
Bruxelles. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI I, fig. 5, a. Valve gauche d’un individu des sables inférieurs de Ménilmontant , vue en dessus. De ma collection. 
3, b. Carapace eñtière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
5, c. La même, vue du côté pectoral. 
5, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


À. CvrnereLLa Jonesrana nov. spec., 1850. 
PL 1, fig. 4,a,b,c,d. 


Les valves de cette Cytherella présentent un contour allongé-subtétragonal ; 
elles sont arrondies en avant, obliquement tronquées en arrière, et leurs 
bords supérieur et inférieur sont presque parallèles et faiblement sinués 
au milieu. Leur voûte dorsale est aplatie, faiblement convexe au milieu et 
parsemée d’un grand nombre de points creux arrondis et peu profonds ; 
à une petite distance des côtés antérieur, inférieur et postérieur, elle pré- 


1 Bosquet, 1847, Description des Entomostracés fossiles de la craie de Maestricht, p. 16, pl. HN, 
fig. 2, a,b, ce, d. Comme je n'avais trouvé alors que des individus bivalves de la Cytherella auri- 
cularis, je l'avais rapportée, par analogie seulement, au genre Cypridina. Depuis ce temps, j'ai 
trouvé plusieurs valves séparées, et j'ai ainsi eu occasion de pouvoir reconnaître une erreur que 
je m'empresse de relever ici. 

2 Je dois à l'obligeance de M. Ch. Laurent, de Maestricht, la communication d'échantillons du 
grès calcarifère de cette localité de Belgique. 


PORTES 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 17 


sente une partie relevée en forme de bourrelet, sur laquelle disparaissent 
les points creux et dont les bords extérieurs retombent presque verticale- 
ment sur la partie marginale, qui est fortement comprimée. La cavité 
interne des valves est peu profonde et le tubercule interne très-petit. La 
fossette externe, qui répond au tubercule interne, est si petite que le plus 
souvent elle est presque imperceptible. 

La carapace, vue du côté dorsal ou du côté pectoral, présente un aspect 
cunéiforme; vue par l'extrémité antérieure, elle offre un aspect ovale- 
subhexagonal. 

Rapports et différences. — Elle se rapproche de la Cytherella William- 
soniana Jones 1, du système crétacé supérieur de l'Angleterre; elle s’en 
distingue néanmoins facilement par la surface de ses valves creusée de 
points arrondis, par la section longitudinale de sa carapace en forme de 
coin et par le contour transversal de sa carapace ovale-subhexagonale. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre, hauteur 0,4 de millimètre 
et épaisseur 0,32 de millimètre. 

Je dédie cette espèce à M. Jones, de Londres, qui s’est occupé avec 
talent des Entomostracés fossiles des terrains crétacés de l'Angleterre. 

Gisement et localités. — Elle est assez rare dans le terrain éocène supé- 
rieur (sables de Fontainebleau ou couche à Ostrea cyathula), de Jeurre et 


d'Étrechy, près d’Étampes (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL 1, fig. 4, a. Valve gauche de la couche à Ostrea cyathula de Jeurre, vue en dessus. De ma collection. 

b. Carapace entière provenant de la même couche d'Étrechy, vue du côté supérieur. De ma collection. 
c. La même, vue du côté inférieur. 

d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


1 Jones, 4849. À monograph of the Entomostraca of the cretaceous formation of England, 
pag. 31 , pl: VIE, fig. 26, a-1. 


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Toue XXIV. 


18 DESCRIPTION 


IL. Gexre BAIRDIA. M'Coy, 1844. 


Cyraeres  spec. Von Münster, 1850. Jahrbuch für Mineralogie, etc., von Leonhard 

| und Bronn, p. 62 et suivantes. 

CYTRERINæ —  Roemer, 1838. Ibidem , pp. 514-519. 

— — — 1840. Die Versteinerungen des norddeutschen Kreidegebirges, 
p. 104-105. 

Bairpra Mc Cox, 41844. Syn. of the charact. of the: carbonif. limestone foss. 
of Ireland. 

CyrHerwz spec.  Philippi, 1844. Tertiärversteinerungen des nordwestlich.  Deutsch- 
lands, p. 65. 

— —  Reuss, 1845-46. Die Versteinerungen der bôühmischen Kreideforma- 
tion, 1** Abth., p. 16, und 2° Abth., pp. 104-105. 

CYTHERES —  Bosquet, 1847. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, 
t. IV, pp. 556-558. 

ES — — 4847. Description des Entomostracés fossiles de la craie de 
Maestricht, pp. 6-8. 

— —  Bronn, 1848. Index Palæontologicus. — Uebersicht der bis jetzt be- 
kannten fossilen Organismen, pp. 395-596. 

— — . .Cornuel, 1849. Descript. de nouv. foss. microscopiques du terrain 
crétacé inférieur du départ. de la Haute-Marne. 
(MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE, 
2e série, t: IL, p. 241-246.) 

CYTHERINZÆ — Reuss. 1849. Die Fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Ter- 
tiärbeckens, pp. 7 et suiv. (aus den Naturwissen- 
schäftlichen Abhandlungen, von Wilhelm Haïdinger, 
III Band, 1° Abtheil.). 

Cyraere (sub-genus) Bairpia, Jones, 1849. À Monograph of the Entomostraca of the 
cretaceous formation of England, p. 22-27. 


Carapace cornée ou cornéo-calcaire, formée de deux valves inégales, 
trigones, ovales, ellipsoïdales, réniformes ou mytiliformes et plus ou 
moins convexes. La surface extérieure de ces valves est lisse ou creusée 
de points plus ou moins nombreux, ou garnie d’épines, le plus souvent 
extrêmement minces, piliformes ou aciculaires. Il arrive fréquemment que 
les bords sont transparents et qu’ils montrent alors dans leur épaisseur 
des stries blanchâtres, dirigées du centre vers la circonférence. 


COPINE, 


Le te 


» 
À 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 19 


La valve gauche est constamment plus grande que la valve droite ! et 
embrasse fortement les bords supérieur et inférieur de cette dernière. 
La charnière dorsale est formée sur la valve gauche, d’un sillon longitu- 
dinal qui, vers le milieu de ce bord, devient ordinairement si étroit, qu'il 
paraît presque totalement effacé en cet endroit. Le bord dorsal de la 
valve droite est plus étroit que celui de la valve gauche et s’insère nette- 
ment dans le sillon du bord correspondant de cette dernière. 

Les bords antérieur , inférieur et postérieur de la valve droite des Bairdia 
sont convexes, tandis que les bords correspondants de la valve gauche 
sont concaves et obliquement inclinés vers le centre. Lors de la réunion 
des deux valves, les bords convexes de la première viennent se placer 
contre les bords concaves de la dernière. 

L’arête interne du bord valvaire est garnie le long des côtés antérieur, 
inférieur et postérieur , d’une lame qui est toujours très-mince et le plus 
souvent très-étroite, mais qui, chez certaines espèces, par exemple chez 
les Bairdia linearis, B. arcuata, etc., acquiert un tel développement et fait 
une saillie si forte vers l’intérieur, aux deux extrémités des valves, que 
des cavités profondes se produisent entre elles et la surface interne. 

Ces deux cloisons internes, aux deux extrémités des valves, existent 
aussi chez les Candona. 

Le bord inférieur des deux valves des Bairdia est ordinairement infléchi 
un peu en avant du milieu, comme chez les Cythere et les Cytheridea; il 
est en même temps un peu plus étroit que partout ailleurs ; de sorte que 
la partie interne concave, ou bien devient très-étroite en cet endroit, ou 
bien s’efface totalement. Il est souvent un peu saillant en cet endroit: il 
résulte de cette disposition que, quand les deux valves sont réunies, leur 
ligne de jonction m'est pas droite, mais offre un petit prolongement ou 
lobe saillant sur la valve droite. Cette lamelle aiguë, qui a été désignée 
par M. Cornuel sous le nom de lame pectorale, est plus ou moins déve- 


! Suivant M. Jones, la Bairdia siliqua ferait exception, et chez elle la valve droite serait plus 
grande, ce que cependant j'ai cherché en vain à vérifier sur mes échantillons : j'ai trouvé, au 
contraire, que tous les individus bivalves de la Bairdia siliqua ( Bairdia areuata Roemer , spec.) 
que je possède, ont, comme tous ceux de ses congénères, la valve gauche plus grande que la valve 
droite. 


20 DESCRIPTION 


loppée suivant les espèces, et sert à fermer plus complétement les deux 
valves, parce que celle de la valve droite s’engage sous celle de la valve 
gauche. 

La paroi intérieure de chaque valve des Bairdia présente constamment 
une petite fossette arrondie, très-peu profonde et située, non pas sur la 
ligne longitudinale médiane, mais entre cette ligne et le côté pectoral, 
vers le tiers antérieur de la longueur totale dés valves. 

Cette petite fossette interne, qui est assez souvent imperceptible, ne 
correspond que très-rarement à une partie saillante externe chez les 
Bairdia ; mais, dans les espèces vivantes et dans les échantillons fossiles 
qui ont conservé leur transparence, on remarque au microscope, dans 
l'épaisseur même des valves, à l’endroit où se trouve cette petite fossette 
interne, un assemblage de taches arrondies ou anguleuses, plus transpa- 
rentes que la partie restante. Le nombre de ces taches transparentes, leur 
forme et leur disposition paraissent varier dans les diverses espèces ; elles 
ont une analogie parfaite avec l'assemblage de taches que l’on observe 
constamment sur les deux valves des Cypris et des Candona. Cet assemblage 
de taches, dont jusqu’à présent, on ne connaît pas encore la nature et 
l'usage, répond sans doute à quelque organe important de l’animal et est 
remplacé par un tubercule interne chez les Cytherella, et par une fossette 
interne, ordinairement assez profonde et répondant très-souvent à un tu- 
bercule externe, chez les Cythere. 

J'ai cru devoir décrire comme genres les Bairdia et les Cytherella, que 
M. Jones propose seulement comme sous-genres, parce que je ne puis 
pas douter que des différences aussi importantes et aussi constantes dans 
l'articulation dorsale, jointes à des différences constantes dans les formes 
générales de leurs carapaces, d’avec celles des vraies Cythere, et cela 
chez des êtres d’une aussi petite taille, ne soient aussi en rapport avec 
des différences dans les animaux, qui, jusqu’à présent, n’ont pas été suffi- 
samment étudiés. 

Le nombre des Bairdia fossiles connues est plus considérable que 
celui des Cytherella. Ces deux genres étaient confondus par la plupart 
des auteurs avec les Cythere. Le genre Bairdia n’est représenté, dans les 


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DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 21 


terrains paléozoïques, que par un nombre très-limité d'espèces; on ne 
peut en signaler que sept à huit dans la formation crétacée; il atteint un 
assez grand développement spécifique dans les diverses systèmes du dépôt 
tertiaire et paraît avoir encore actuellement un assez grand nombre de 
représentants vivants. — J'ai trouvé treize espèces qui se rapportent au 
genre Bairdia, dans les dépôts tertiaires de la France et de la Belgique. 
Ces espèces sont : 


1. Barmpra FOvEoLATA, nov. spec. 1850. 


PL 1, fig. 5, a, b,c,d. 


Valves convexes, ovales-elliptiques, arrondies aux deux extrémités et 
terminées en arrière par une partie comprimée assez étroite. Leur bord 
dorsal est arqué, tandis que le pectoral est presque droit. Toute leur 
surface est ornée d’un grand nombre de points creux arrondis, peu pro- 
fonds , assez rapprochés les uns des autres, disposés en lignes flexueuses, 
dont quelques-unes sont parallèles aux bords pectoral, antérieur, et 
dorsal, tandis que d’autres qui se trouvent sur la moitié postérieure de 
la longueur des valves, sont dirigées transversalement. La voûte dorsale 
des deux valves rejoint la partie comprimée postérieure par une pente 
très-rapide, se rattache au bord antérieur par une pente assez douce et 
retombe perpendiculairement sur le bord pectoral. 

La carapace présente une section transversale à contour ovale. 

Rapports et différences. — Cette espèce est parfaitement distincte et ne 
peut être confondue avec aucune de ses congénères connues. 

Dimensions. — Longueur 0,6 de millimètre, hauteur 0,55 de milli- 
mètre , épaisseur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette Bairdia, qui est fort rare, dans 
le terrain éocène (sables moyens) d’Auvert (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. 1, fig. 5, a. Valve gauche des sables moyens d’Auvert, vue en dessus. De ma collection. 


5, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
5, c. La même, vue du côté inférieur. 
5, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


22 DESCRIPTION 


2. Barmpia supraniosa, Bosq., 1850. 


PL I, fig. 6,a,b,c.4, 


CvrueriNa suBraniosA. Roemer, 1838. Jahruch für Mineralogie und Geologie, von Leonhard und 
Bronn, p. 517, pl. VI, fig. 20 (/con mala). 


Valves ovales-oblongues, obliquement arrondies en avant et marginées 
d’un rebord transparent, offrant, dans son épaisseur, un grand nombre de 
stries blanchätres et rayonnantes. Elles sont subanguleuses en arrière et 
terminées par une partie comprimée très-étroite et tournée vers le côté 
pectoral. Leur bord dorsal est arqué et le pectoral droit. Leur voûte 
dorsale est luisante, quoiqu’elle soit parsemée d’un grand nombre de 
points creux excessivement petits. Elle est assez fortement bombée vers 
son tiers postérieur, d’où elle se raccorde au bord antérieur par une 
pente assez lente et d’où elle se rattache aux bords dorsal et pectoral, 
ainsi qu’à la partie comprimée postérieure par une pente très-rapide. 

La carapace présente une section transversale à contour ovale-subor- 
biculaire. 

Quelques-uns de mes échantillons ont conservé des restes de leur cou- 
leur et sont d’un brun jaunâtre avec une tache opaque blanchâtre au 
milieu du dos de chaque valve. 

Rapports et différences. — Cette Bairdia est bien distincte de toutes ses 
congénères connues, et ne peut être confondue avec aucune d'elles. 

Dimensions. — Longueur 0,8 de millimètre, hauteur et épaisseur 0,45 
de millimètre. 

Gisement et localités. — Très-rare à Parnes, à Courtagnon et à la ferme 
de l’Orme, dans le calcaire grossier, en France. Suivant M. Roemer, elle 
se trouve encore à Castell’ Arquato, près de Parme, en Italie. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL I, fig. 6, a. Valve gauche du calcaire grossier de Parnes, vue en dessus. De ma collection. 
6, b. Carapace entière d’un individu de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
6, c. La même, vue du côté pectoral. 
6, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


er dd à = an ne ation ul" ae Li dt Ci it rt SE éd tn SES SE 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 25 


3. Barmpia suBGLoBosa, nov. spec., 1850. 


PL 1, fig. 7,a,b,c,d. 


Valves lisses, très-fortement enflées, présentant un contour oblique- 
ment ovale. Elles sont arrondies aux deux extrémités et leurs bords supé- 
rieur et inférieur sont fortement arqués. Leur voûte dorsale, qui offre un 
grand nombre de points creux très-petits, dans lesquels ont été probable- 
ment insérés des poils ou des épines aciculaires, se rattache au bord 
antérieur par une pente assez rapide et, aux bords postérieur et inférieur . 
par une pente très-rapide. 

Le bouclier présente une section transversale à contour circulaire. 

Les valves ont parfois conservé des restes de leur couleur et sont alors 
d'un beau rouge, excepté vers la partie médiane, où elles offrent une 
grande tache opaque et blanchâtre. 

Rapports et différences. — Cette Bairdia se distingue nettement de toutes 
les autres par ses valves raccourcies et excessivement enflées. 

Dimensions. — Longueur 0,6 de millimètre, hauteur 0,4 de millimètre 
et épaisseur 0,45 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est peu commune en France, dans le 
terrain tertiaire miocène de Perpignan (Pyrénées-Orientales ); très-rare 
dans le terrain éocène (étage des sables moyens) de Pisseloup (Aisne) et 
de Guépesle (Seine-et-Oise); dans le calcaire grossier de Courtagnan 
(Aisne), de Parnes, de Châteaurouge, de Chaumont, du Vivray, de 
S'-Félix (Oise), de Chamery (Marne), de Grignon et de la ferme de 
l'Orme (Seine-et-Oise); ainsi que dans les sables glauconifères de Ménil- 
montant (Seine). Elle est, au contraire, assez commune dans le terrain 
crétacé supérieur de Maestricht et de Fauquemont. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. 1, fig. 7, a. Valve gauche provenant du calcaire grossier de Châteaurouge, vue en-dessus. De ma collection. 
7, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
7,c. La même, vue du côté pectoral. 
7, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


24 DESCRIPTION 


4. Barnnia PErForATA, Bosq., 1850. 


PL I, fig. 8, a,b, c, d. 


CyrmeriNa PERFORATA. Roemer, 1838. Neues Jahrbuch für Mineralogie, elc., von Leonhard und 
Bronn , p. 516, pl. VI, fig. 41. 


Les valves de cette espèce présentent un contour obliquement ovale, 
subtrigone. Elles sont arrondies aux deux extrémités et un peu plus 
larges en avant qu’en arrière. Leurs bords inférieur et, supérieur sont 
arqués, mais ce dernier plus fortement que le premier. Elles sont très- 
bombées et leur voûte dorsale se rattache au bord antérieur par une pente 
assez douce et, au bord postérieur, par une pente très-rapide. Leur surface 
luisante est ornée d’un grand nombre de points creux, dans lesquels sont 
insérées des épines filiformes courtes, extrêmement. minces, inclinées 
vers les bords et visibles seulement à l’aide d’un instrument fortement 
grossissant. 

La carapace présente une section transversale à contour arrondi sub- 
pentagonal. 

Rapports et différences. — Elle se distingue facilement de la Bairdia 
(Cytherina) setigera Reuss !, du tegel d’Oedenburg, en Hongrie et de 
Brunn, près de Vienne, par ses valves à contour ovale-subtrigone, 
n'offrant point de sinus au côté pectoral et surtout par les épines piliformes 
de sa surface beaucoup plus nombreuses, plus rapprochées les unes des 
autres et plus courtes. 

Dimensions. — Longueur 0,65 de millimètre, hauteur 0,45 de milli- 
mètre et épaisseur 0, de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Bairdia est très-rare dans le terrain ter- 
tiaire éocène (sables moyens), à Tancrou (Seine-et-Marne) et est peu com- 
mune aussi dans le calcaire grossier à Damery (Marne) et à Montmirail 


(Aisne). 


1 Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbeckens (extrait de la 
‘première partie du tome IT Der naturwissenschaftliche Abhandlungen, von prof. Wilhelm Hai- 
dinger), p.18, pl. VUE, fig. 55, a, b, et pl. IX, fig. 1. 


Don à RÉ M UT ee dd tnt 


ri Cris 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 25 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. 1, fig. 8, a. Valve gauche du calcaire grossier de Montmirail, vue en dessus, De ma collection. 
8, b. Carapace entière provenant de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
8, c. La même, vue du côté inférieur. 
8, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


D. Barmpia srriGucosa, Bosq., 1850. 
PL 1, fig. 9,4a,b,c,d. 


CyrueriNa srriGuLosa. Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbec- 
kens, p. 18, pl. VI, fig. 32, a, b, et pl. X, fig. 29, a, b. 


Cette Bairdia a des valves oblongues-elliptiques, convexes, presque 
également bombées dans toute leur longueur et arrondies aux deux 
extrémités. Leur bord dorsal est arqué, tandis que le pectoral est faible- 
ment infléchi vers le milieu. Leur surface luisante est ornée d’un grand 
nombre d’épines piliformes fort minces et plus longues que celles qui 
recouvrent la surface de l'espèce précédente. Ces petites épines, que l’on 
n'aperçoit qu'à l’aide d’un fort grossissement, sont assez distantes les 
unes des autres et insérées dans de petits creux. 

La carapace offre une section transversale à contour suborbiculaire et 
une section longitudinale à contour allongé-elliptique. 

Rapports et différences. — Elle a des rapports avec les Bairdia (Cytherina), 
glabrescens, Reuss !, du tegel de Rudelsdorf, en Bohême, et setigera du 
même auteur ? du tegel d'Oedenburg, en Hongrie. Elle diffère de la pre- 
mière, par la forme plus allongée de ses valves, dont la voûte dorsale, 
qui est beaucoup moins bombée vers le milieu, se rattache aux deux 
extrémités par une pente beaucoup plus rapide ; elle diffère, au contraire, 
de la seconde, par ses dimensions plus grandes , ainsi que par ses valves 
moins bombées, non marginées et par les épines piliformes de sa surface 
plus nombreuses. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre, hauteur 0,45 de mil- 
limètre et épaisseur 0,35 de millimètre. 


1 Reuss, 1849. Die fossilen Entomostr. des üsterreich. Tertiärbeck., p. 19, pl. X, fig. 27, a, b. 
3 — Ibid. p- 18, pl. VIT, fig. 55, a, b. 
Towe XXIV. 4 


26 DESCRIPTION 


Gisement et localités. — J'ai trouvé cette Bairdia assez fréquemment dans 
le terrain miocène supérieur de Dax, de Mérignac, de Léognan et de 
S'-Avit en France. D’après M. Reuss, elle se trouve aussi en Autriche, 
dans le sable tertiaire de Heiïligenberg, et en Italie, dans la marne sub- 
apennine de la Sicile. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL I, fig. 9, a. Valve gauche du terrain tertiaire miocène de Dax, vue en dessus. De ma collection. 
9, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
9, c. La même, vue du côté pectoral. 
9, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


6. BarmpiA PUNCTATELLA, nova species, 1850. 


PL 1, fig. 10,a,b, ce, d. 


Valves ovales-oblongues, arrondies aux deux extrémités, obliques en 
avant, ayant le bord inférieur droit et le supérieur arqué. Leur surface 
garnie de nombreux points creux assez distants et semblables à des pi- 
qûres d’épingle. Leur voûte dorsale, qui est le plus bombée vers le 
tiers postérieur de leur longueur, se rattache par une pente assez douce 
au bord antérieur, par une pente rapide au bord supérieur et par une 
pente très-rapide aux bords postérieur et inférieur. 

La carapace présente une section transversale à contour arrondi et une 
section longitudinale à contour ovale allongé. 

Rapports et différences. — Elle se distingue de la Bairdia (Cytherina) in- 
termedia, Reuss ! du London-clay de Barton-Cliff, en Angleterre, par ses 
valves plus larges, plus arrondies en arrière et à points creux non angu- 
leux. 

Dimensions. — Longueur 0,65 de millimètre, hauteur 0,4 de millimètre 
et épaisseur égale à la hauteur. 

Gisement et localités. — Assez commune à Etrechy et à Jeurre (Seine-et- 
Oise), en France, et, au contraire, très-rare dans l'argile sableuse à Nucules 


1 Reuss, 4849. Die fossilen Entomostr. des üsterreich. Tertiärbeckens. Anhang., p. 16, pl. XI, 
fig. 12, a, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 97 


de Bergh, près Klein-Spauwen, en Belgique. Elle paraît donc être propre 
à l’étage supérieur du terrain tertiaire éocène. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. 1, fig. 10, a. Valve gauche du sable éocène de Jeurre, vue en dessus. De ma collection. 
10, b. Carapace entière provenant de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
10, e. La même, vue du côté pectoral. 
10, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


7. Bampra Heserriana, nova species, 1850. 


PL 1, fig. 11, a, b, ©, d. 


Les valves de cette Bairdia sont subsemicirculaires-oblongues et sont 
marginées d’un bord demi-transparent très-étroit. Elles sont obliquement 
arrondies aux deux extrémités ; leur bord dorsal est arqué et le pectoral 
droit, faiblement sinué en avant et subanguleux en arrière. Leur surface 
luisante est garnie d’un grand nombre de points creux, semblables à des 
piqûres d’épingle, assez rapprochés les uns des autres, disposés en lignes 
flexueuses et en quinconce. Dans les échantillons bien conservés, ces points 
creux sont blancs. La voûte dorsale des deux valves, qui est très-convexe 
dans les deux tiers postérieurs de sa longueur, se rattache aux bords anté- 
rieur et dorsal par une pente assez rapide, au bord postérieur par une 
pente très-rapide et retombe presque perpendiculairement sur le bord 
pectoral. 

La carapace présente une section transversale à contour suborbicu- 
laire. 

Rapports et différences. — Elle se distingue nettement de l'espèce précé- 
dente, avec laquelle elle a certains rapports, par la forme subsemicircu- 
laire de ses valves, qui sont marginées d’un rebord transparent très- 
étroit, et surtout par les points creux de sa surface, beaucoup plus 
nombreux , plus rapprochés les uns des autres et blancs. 

Dimensions — Longueur 0,7 de millimètre, hauteur et épaisseur 0,4 
de millimètre. 

Je la dédie à M. Hebert, professeur à l'École normale de Paris, à 


28 DESCRIPTION 


qui je dois la communication de sables tertiaires d’un grand nombre 
de localités de France. 

Gisement et localités. — Le terrain tertiaire éocène (sables moyens ou de 
Beauchamp) à Pisseloup (Aisne) et à Guépesle (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL I, fig. 11, a. Valve gauche des sables moyens de Guépesle, vue en dessus. De ma collection. 
11, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
11, c. La même, vue du côté inférieur. 
11, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


8. BarrDiA marGiNaTA, nova species, 1850. 


PL '1g "4,4, 0,0, à 


Valves ordinairement transparentes, marginées dans toute leur péri- 
phérie d’un rebord lisse et très-large, mais qui cependant, quand on 
examine les valves en dessus, n’est visible qu’en avant; ce rebord est 
marqué d’une seule série de points creux arrondis, et quand il est transpa- 
rent, il offre dans son épaisseur des lignes rayonnantes vers les bords et 
assez souvent bifurquées. Les valves présentent un contour ovale-ellip- 
tique, subréniforme. Elles sont largement arrondies aux deux extrémités ; 
leur bord supérieur est arqué et l’inférieur presque droit dans la valve 
gauche; ce dernier bord est assez fortement sinué dans la valve droite, 
qui est toujours plus étroite et, par conséquent, aussi plus allongée que la 
valve gauche. La voûte dorsale des deux valves est convexe, subdéprimée, 
et sa plus grande convexité est vers son tiers postérieur; elle se rattache 
aux bords antérieur et supérieur par une pente très-rapide, et retombe 
perpendiculairement sur les bords inférieur et postérieur. Toute sa sur- 
face est ornée d’un grand nombre de points creux arrondis, assez pro- 
fonds, très-rapprochés les uns des autres et disposés en rangées concen- 
triques. 

La carapace présente un aspect transversal à contour ovale-arrondi, 
subtétragone. 


Rapports et différences. — Quoique cette espèce soit marquée de points 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 29 


creux, pareils de forme et de grandeur à ceux qui garnissent la surface de 
la Bairdia foveolata, elle se distingue très-nettement de cette dernière, par 
son large rebord marginal et par ses valves non comprimées en arrière. 

Dimensions. — Longueur 0,6 de millimètre, hauteur 0,35 de millimètre 
et épaisseur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Bairdia n’est pas rare dans l'argile sableuse 
à nucules (système Rupélien de M. Dumont) du terrain tertiaire éocène , à 
Bergh, près Klein-Spauwen, en Belgique. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL 1, fig. 12, a. Valve gauche de la couche argilo-sableuse à nucules de Bergh, près Klein-Spauwen, vue en 
dessus. De ma collection. 
12, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
12, c. La même, vue du côté inférieur. 
12, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


9. Bampra supperroïnea, Jones, 1849. 
PL I, fig. 15, a, b, c, d. 


Cvruere suserroïivea, von Münster, 1830. Jahrb. für Mineralogie und Geologie, von Leonhard 
und Bronn, p. 64. 
+ — — 1835. Ibidem, p. 446. 
Cvraenia  — Roemer, 1833. Ibidem, p. 517, pl. VI, fig. 16. 
— — von Hauer, 1839. Jbidem, p. 429. 
DS — Roemer, 1840. Die Versteinerungen des norddeutschen Kreidege- 
birges, p. 105, pl. XVI, fig. 22. 
Tr — Geinitz, 1842. Charakteristik der Schichten und Petrefakten der 
sächsisch-bühmischen Kreidegebirges, 3° partie, 
p-. 64. 
ra Fr: Reuss, 1845. Die Versteinerungen der bühmischen Kreideforma- 
tion. Erste Abtheilung, p. 16, pl. V, fig. 38. 
—_ — Geinitz, 1845. Grundriss der Versteinerungskunde, p. 244, pl. VHH, 
fig. 21. 
CYTHERE TRIGONA , Bosquet, 4847. Description des Entomostracés fossiles de la craie 
de Maestricht, p. 8, pl. L, fig. 3, a-e. 
— 1847. Mémoire de la Société royale des sciences de Liége, 
p. 558, pl. I, fig. 3, ae. 


BatRDIA SUBDELTOÏDEA, Jones, 1849. À Monograph of the Entomostraca of the cretaceous 
formation of England, p.25 , pl. V, fig. 15, a-f. 
Cvrnerina  — Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen 


Tertiärbeckens, p. 9, pl. VI, fig. 1, a, b. 


30 DESCRIPTION 


Valves fortement bombées , ovales-subtrigones , arrondies en avant et 
pointues en forme de bec en arrière. Leur bord supérieur est très-for- 
tement arqué; l’inférieur est arqué-ellipsoïdal et infléchi vers le milieu, 
principalement sur la valve droite, qui offre souvent un sinus très-sensible. 
Dans cette dernière, qui est toujours plus petite que la valve gauche, le bord 
dorsal est tronqué de telle manière, qu'il présente un contour semblable 
à trois côtés d’une figure hexagone régulière. La surface des deux valves 
est luisante ; elle est recouverte d’un très-grand nombre de longs poils, 
qui manquent constamment sur les échantillons fossiles. Ces poils sont 
insérés dans des points creux excessivement petits et qui s’observent à 
l’aide du microscope, tout aussi bien sur les échantillons des couches 
crétacées que sur ceux des terrains tertiaires. Très-rarement les deux 
valves offrent, à chacune de leurs extrémités, 4-5 épines longues et 
droites !, et, selon M. Jones, certains individus présentent, à la surface 
de leurs deux valves, plusieurs épines espacées et assez fortes. 

Les valves sont tellement bombées au milieu , que la carapace présente 
en cet endroit une section transversale à contour suborbiculaire. 

Sur plusieurs d’entre mes échantillons récents de la Méditerranée, 
qui ont en général une couleur rose-purpurine, on remarque, vers le 
milieu du dos des valves, un espace opaque de forme et de grandeur 
irrégulières. Dans la partie inférieure de cette opacité et en dessous du 
centre de chaque valve, on voit bien distinctement, à l’aide du micros- 
cope, la rosette transparente dont parle M. Jones ?. Cette rosette est for- 
mée de 5-6 taches transparentes et arrondies-oblongues, placées autour 
d’une tache centrale transparente, plus petite et arrondie. La place occu- 
pée par chacune de ces taches transparentes est concave à l'extérieur et 
faiblement proéminente à l’intérieur des valves, et les petites proéminences 
internes sont placées au fond d’un espace concave plus grand que la 


1 Ces épines ont été observées par M. Jones, sur des individus fossiles de sa collection et sur 
des individus vivants, recueillis à Manille et à Ténédos, qui se trouvent dans la collection de 
M. Williamson de Manchester. J'ai trouvé quelques échantillons pareils dans le terrain miocène 
de Perpignan et dans le terrain crétacé de Maestricht. 

2 Jones, 1849. À Monagraph of the Entomostraca of the cretaceous formation of England, 
p. 24. 


(Er ct. ‘ot le ÉÉTUTS S  d 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 31 


rosette elle-même. Cet espace concave s’observe plus facilement sur les 
échantillons fossiles que sur la plupart des échantillons récents. 

Rapports et différences. — Elle présente une forme si bien caractérisée, 
qu’elle ne peut être confondue avec aucune de ses congénères connues. 

Dimensions. — Longueur 1,4 de millimètre, hauteur 0,9 de millimètre 
et épaisseur 0,7 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Bairdia est, sous le rapport de sa distribu- 
tion géographique, une des plus intéressantes espèces parmi tous les 
Ostracodes vivants et fossiles connus. En effet, je viens de la découvrir 
entre les fucus recueillis sur les côtes de l'Italie et de l’île de Corse; d’a- 
près M. Jones, elle se trouve, en outre, à l’état vivant, sur les côtes de la 
Nouvelle-Hollande, près Sydney, sur celles de Providence et de Furk's 
Island (Bahama), de l’île Maurice, de Manille ! et du nord de l’Angle- 
terre. 

Elle existe à l’état fossile en France, dans le terrain subapennin supé- 
rieur de Perpignan (Pyrénées-Orientales); dans les faluns de Dax, de 
Mérignac et de Léognan (Gironde); dans le terrain tertiaire éocène (sables 
de Fontainebleau); de Jeurre et d’'Etrechy (Seine-et-Oise); dans les sables 
moyens de Pisseloup (Aisne), de Ver (Oise) et de Guépesle (Seine-et-Oise) ; 
dans le calcaire grossier de Montmirail (Aisne), de Parnes, de Château- 
Rouge, du mont Ganelon, près Compiègne, de Chaumont, de S'-Félix, 
de Chambord et du Vivray (Oise), de Houdan, de la ferme de l'Orme et 
de Grignon (Seine-et-Oise) et de Chamery (Marne); dans les sables infé- 
rieurs de Cuise-la-Mothe (Oise), de Soissons (Aisne), de Ménilmontant 
(Seine) et d'Épernay (Marne). — Elle a été trouvée par le docteur Reuss, 
en Autriche, dans le {eithakalk de Nussdorf et de Steinabrunn; de S'-Ni- 
colaï, de Wurzing et de Freibubl , en Styrie; de Kostel, en Moravie; dans 
la marne du leithakalk de Rust, en Hongrie, et dans le tegel de Rudelsdorf, 
en Bohème. Elle a été observée par le même paléontologiste dans les 
couches tertiaires du nord-ouest de l'Allemagne et de Castel” Arquato, 
près de Parme, en Italie, et enfin, dans la craie moyenne de la Bohème 


1 Dans la collection de M. Williamson. 


32 DESCRIPTION 


(d’où il a eu l’obligeance de me la communiquer). Le docteur Geinitz 
m'en a envoyé des échantillons du plänerkalk de Strelen, près Dresde. 
D'après Roemer, elle se rencontre dans la craie marneuse inférieure (craie 
chloritée? inférieure) de Lemforde; selon M. von Hagenow, dans la craie 
blanche de l’île de Rügen; suivant M. Jones, elle se trouve dans le terrain 
pliocène (coralline crag) de Sutton et de Walton, en Angleterre, dans le 
terrain miocène de la Virginie, aux États-Unis, dans le terrain tertiaire 
de Valparaiso (?), Amérique méridionale, dans le terrain éocène de l’île 
de Wight, dans la craie blanche du sud-est de l'Angleterre, dans le detritus 
de Charing, dans le chalk-marl de Douvres et dans le greensand de War- 
minster. Enfin, je viens encore de la découvrir dans le dépôt tertiaire 
éocène de Weinheim, près de Mayence, en Allemagne, ainsi que dans la 
craie blanche de Heure-le-Romain, en Belgique. Elle existe, en outre, en 
assez grande abondance dans le terrain crétacé supérieur des environs de 
Maestricht, dans celui de Ciply, près Mons, en Belgique , et dans celui de 
Faxoé, en Danemark. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL. I, fig. 15, a. Valve gauche provenant du calcaire grossier de Grignon, vue en dessus. De ma collection. 
15, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
15, c. La même, vue du côté pectoral. 
15, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


10. Barmpra arcuara, Bosq., 1850. 


PL I, fig. 14, a, b, c, d. 


Cyraere  arcuara, von Münster, 1830. Jahrbuch für Mineralogie und Geologie, von Leonhard 
und Bronn, p. 63. 
— — — 1835. Ibidem, p. 446. 


CyrmErINa  —  Roemer, 1838. Ibidem, p. 517, pl. VI, fig. A7. 
— —  Philippi, 1844. Beiträge zur Kentniss der Versteinerungen des nordwest- 
lichen Deutschlands, p. 63. 
— —  Roemer, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiär- 
beckens , p. 11, pl. VIT, fig. 7, &, b. 
BaïnpiA siLiQuA , var. «, Jones, 1849. À Monograph of the Entomostraca of the cretaceous for- 


mation of England , p. %5, pl. V, fig. 16, e, f, g. 


"PRE PS bobos dr 0 de din ttes 
> + a 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 35 


Bunota rriquerra ? Jones, 1849. À Monograph, ete, p. 27, pl. VI, fig. 19, ae. 
Var. A, acummara, mihi. Valvis gracilioribus, extremitatibus compressis, postice 
angustioribus et acutioribus. 


Cvriemna Lævicara? Roemer, 1840. Die Versteinerungen des norddeutschen Kreidegebirges, 
p. 104, pl. XVE, fig. 20, &, b. 
BalRbIA SILIQUA , Jones, 1849. À Monograph of the Entomostraca of the crelaceous for- 


mation of England, p.25, pl. V, fig. 16, a,b, ec, d. 


Valves allongées , subtriangulaires, presque 2 ‘/2 fois aussi longues que 
larges, convexes, arrondies en avant et plus ou moins pointues en arrière. 
Leur bord dorsal est assez fortement arqué, subanguleux vers le milieu ; 
le pectoral est faiblement arqué, presque droit et légèrement infléchi au 
milieu. Leur surface luisante offre, au microscope, plusieurs points creux 
très-petits et qui paraissent être les points d'insertion des très-petites 
épines aciculaires ou des poils que M. Jones a observés sur les échan- 
tillons récents. Chez certains individus fossiles de Bordeaux et du calcaire 
grossier, chacun des points creux qui se trouvent vers le centre des valves, 
est entouré d’une petite tache brune. Suivant M. Jones, il y a des indi- 
vidus qui offrent à la surface des épines rares et assez fortes. 

La carapace présente une section transversale à contour ovale-subor- 
biculaire. 

La variété À a des valves plus grêles, moins convexes aux extrémités, 
plus rétrécies dans leur moitié postérieure, plus allongées, et terminées en 
arrière en une pointe plus aiguë que celle que présentent les valves du type 
de l'espèce. — Cette variété paraît propre au système crétacé supérieur; elle 
a été observée par M. Jones dans la craie de l'Angleterre, et a été trouvée 
par moi dans la craie blanche avec silex, aux environs de Maestricht. 

Rapports et différences. — Elle ne paraît différer de la Bairdia (Cythere) 
angusta, von Münster, que je ne connais que par la figure donnée par 
M. Jones et par la description insuffisante de von Münster, que par ses 
valves plus étroites et à bord dorsal un peu moins arqué. 

Dimensions. — Longueur 1,1 millimètre, hauteur 0,6 de millimètre 
et épaisseur 0,45 de millimètre. La variété À a ordinairement une lon- 
gueur de 1,15 millimètre. 


Gisement et localités. — Cette Bairdia se trouve dans le terrain tertiaire 
Tower XXIV. 5 


34 DESCRIPTION 


miocène de Mérignac, de Léognan et de Dax, près Bordeaux; dans le 
terrain éocène (sables de Fontainebleau) de Jeurre et d’Étrechy, près 
d’'Étampes, dans le calcaire grossier de Chaumont (Oise), de la ferme de 
l’'Orme et de Grignon (Seine-et-Oise) et dans les sables inférieurs de Cuise- 
la-Mothe (Oise) en France. En Belgique, elle se rencontre dans le système 
éocène (sable à grès calcarifère) de S'-Josse-ten-Noode (Brabant méridio- 
nal). Le docteur Reuss l’a trouvée en Autriche, dans le leithakalk de Nuss- 
dorf et de Kostel, en Moravie; dans le tegel de Rudelsdorf, en Bohême, et 
de Grinzing, près Vienne, dans le sel gemme des salines de Wieliczka, en 
Gallicie, et rarement dans le tegel de Môllersdorf, près de Baden. Suivant 
le même naturaliste, elle se trouve dans le terrain subapennin de Castel] 
Arquato, près Parme, en Italie; d’après M. Roemer, dans le terrain ter- 
tiaire d'Osnabruck,en Westphalie, et, suivant M. Philippi, près de Freden, 
dans le nord-ouest de l’Allemagne. Ma variété À se trouve rarement dans 
la craie blanche avec silex aux environs de Maestricht, et, selon M. Jones, 
cette même variété se trouve dans la craie blanche du sud-est de l'Angle- 
terre et dans le detritus de Charing. Suivant le même paléontologiste, une 
autre variété a été recueillie à l’état vivant, près de Ténédos 1 et près de 
Turks Island (Bahama). 
EXPLICATION DES FIGURES. 
PI. 1, fig. 14, a. Valve gauche du terrain miocène de Dax, près de Bordeaux, vue en dessus, De ma collection. 
14, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 


14, c. La même, vue du côté inférieur. 
14, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


11. Barmpia cinearis, Bosq., 1850. 


PI. Il, fig. 1, a, b,c, d. 


CvrneriNa LiNeARIS, Roemer, 1838. Jahrbuch für Mineralogie, etc., von Leonhard und Bronn, 
p. 317, p. VE, fig. 49. (Jcon mala.) 


Les valves de cette Bairdia sont convexes, très-allongées, plus de 
3 1/2 fois aussi longues que larges, à surface lisse, mais non luisante. 


1 Dans la collection de M. Williamson. 


PTT. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 55 


Elles sont terminées en pointe oblique en avant et sont obliquement tron- 
quées en arrière. Leur bord supérieur est droit dans sa moitié postérieure 
et arqué en avant, tandis que l’inférieur est droit dans sa moitié antérieure 
et arqué dans sa moitié postérieure. 

Un peu en avant de la moitié de la longueur totale des valves, cette 
espèce présente un tubercule, situé entre la ligne médiane et le côté dorsal. 

La carapace offre une section transversale à contour suborbiculaire et 
une section longitudinale à contour ovale très-allongé. 

Rapports et différences. — Cette très-petite Bairdia se rapproche un peu 
de la précédente, mais elle s’en distingue très-facilement et, au premier 
abord , par ses dimensions et par ses valves beaucoup plus étroites et ter- 
minées en pointe en avant. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre , hauteur 0,3 de millimètre 
et épaisseur 0,25 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est peu commune dans le terrain tertiaire 
miocène supérieur de Dax, de Léognan et de Mérignac (Gironde), en 
France. D'après Roemer , elle se trouve dans le terrain pliocène de Pa- 
lerme, en Sicile. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL LI, fig. 1, a. Valve gauche du dépôt miocène supérieur de Léognan, vue en dessus. De ma collection. 
1, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
1, ©. La même, vue du côté inférieur. 
1, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


12. Bampia cunvara, nov. spec., 1850. 


PL II, fig. 2,a,b,c, d. 


Valves très-bombées, allongées , falsiformes, arrondies en avant et ob- 
tuses en arrière. Leur bord dorsal est arqué et le pectoral assez forte- 
ment sinué. Toute leur surface est lisse sans être luisante. Leur voûte 
dorsale, qui est presque également bombée dans toute sa longueur, est 
rattachée aux bords antérieur, postérieur et supérieur, par une pente 
très-rapide, et retombe presque perpendiculairement sur le bord inférieur. 

Le bouclier offre une section transversale à contour subcirculaire. 


36 DESCRIPTION 


Rapports et différences. — Elle se rapproche de la Bairdia (Cythere), ar- 
cuata, von Münst., mais s’en distingue bien facilement par ses valves plus 
allongées, plus étroites, par le sinus du bord pectoral beaucoup plus pro- 
fond et par le bord supérieur non anguleux vers le milieu. 

Dimensions. — Longueur 0,7 de millimètre, hauteur 0,3 de millimètre 
et épaisseur 0,27 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Bairdia se rencontre assez fréquemment avec 
l’espèce précédente, dans le même terrain et dans les mêmes localités. Je 
viens de la trouver, en outre, dans le crag rouge d'Anvers, en Belgique, 
qui appartient au terrain pliocène. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL 11, fig. 2, a. Valve gauche du sable miocène supérieur de Mérignac, vue de dessus. De ma collection. 
2, b. Carapace entière du même terrain de Dax, vue du côté supérieur. De ma collection. 
2, c. La même, vue du côté inférieur. 
2, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


15. BarrpiA LiTrHoDomoIDEs, nov. spec., 1850. 


PL Il, fig. 5,a,b,c,d. 


Cette Bairdia, dont la forme rappelle assez bien celle de certaines espèces 
du genre Lithodomus (Mollusques acéphalés), a des valves marginées, dans 
toute leur périphérie, d’un rebord transparent. Ces valves sont assez for- 
tement bombées dans leurs deux tiers postérieurs, falciformes, très-allon- 
gées et plus de 2 1/2 fois aussi longues que hautes. Elles sont rétrécies, 
obtuses en avant et arrondies en arrière; leur bord inférieur est assez 
fortement sinué, tandis que le supérieur est arqué. Leur surface lui- 
sante est ornée dans sa moitié antérieure de quelques sillons arqués , qui 
prennent naissance sur le bord pectoral et qui s’effacent près du bord 
dorsal. Outre ces sillons, toute la surface des valves est garnie d’épines pili- 
formes extrêmement minces , assez courtes et assez éloignées les unes des 
autres. 

La carapace présente une section transversale à contour circulaire. 

Rapports et différences. — Elle se rapproche, par la forme de ses valves, 


dti à ect dine où ‘ar 7 ele 4. du dès ste D 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 37 


de la Bairdia (Cytherina) falcata, Revss , du tegel de Rudelsdorf, en Bohême. 
Elle s’en distingue cependant facilement, par ses valves plus bombées, 
n’offrant à leur surface aucune trace de tubercules, mais présentant, au 
contraire, sur leur moitié antérieure, des sillons arqués, et sur toute leur 
surface de très-petites épines aciculaires. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre , hauteur et épaisseur 0,3 
de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se trouve en Belgique dans le dépôt tertiaire 
éocène (système rupélien de M. Dumont), à Bergh, près de Klein-Spauwen, 
et en France, dans le terrain miocène (faluns), à Dax, près Bordeaux, et 
à S'-Avit (Gironde), et dans le terrain éocène (sables de Fontainebleau), 
à Jeurre et à Étrechy, près d'Étampes, ainsi que dans le calcaire grossier 
de la ferme de l'Orme. Je viens de découvrir, en outre, un échantillon 
vivant de cette espèce entre les fucus, recueillis sur les côtes de la Hol- 
lande, à Scheveningen, près La Haye. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL 11, fig. 3, a. Valve gauche de la couche argilo-sableuse rupélienne à Mucules ? de Bergh, près Klein-Spauwen, 
vue en dessus. De ma collection. 
5, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal, De ma collection. 
5, c. La même, vue du côté pectoral. 
3, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


HI. Gexre CYTHERIDEA, Bosquet, 1850. 


Cyrueres sp. von Münster, 1850. Jahrbuch für Mineralogie und Geologie, von Leonard 
und Bronn, pp. 62 et suivantes. 

CYrnERINæ spec. Roemer, 1858. Ibidem, pp. 514, 519. 

Cvrneres spec. Bronn, 1848. Index Palæontologicus. — Uebersicht der bis jetzt be- 
kannten fossilen Organismen, p. 396. 

CYTHERINÆ spec. Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Ter- 
tiärbeckens, pp. 7 et suiv. (Aus den Naturwissen- 


! Reuss, 1849, Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbeckens , p. 17, pl. VIN, 
fig. 27, a, b. 
? Nucula Lyelliana, Bosq., 1854. 


38 DESCRIPTION 


schaftlichen Abhandlungen , von Wilhelm Haïdin- 
ger, LIL Band , 1**° Abtheilung.) 

Cyrneres  spec. Jones, 1849. À Monograph of the Entomostraca of the cretaceous 
formation of England, p. 8-15 (Memoirs of the 
Palæontographical Society). 


Les espèces que j'ai rangées dans ce nouveau genre offrent, dans leur 
forme générale et leurs caractères extérieurs, une ressemblance très- 
grande avec celles du genre précédent, mais leur bord cardinal interne 
les en distingue parfaitement. 

La charnière des Cytheridea (à peu près semblable à celle des Nucules 
et des Petoncles) est formée, sur la valve droite, de deux séries de 6-8 pe- 
tites dents, égales en grandeur, insérées sur deux parties un tant soit peu 
saillantes des deux extrémités de létroit bord dorsal, ou plutôt de la 
barre cardinale de cette valve, et correspondant à deux séries de petites 
fossettes, placées sur une partie abaissée, du côté interne du bord car- 
dinal de la valve opposée. ( Voyez pl. IL, fig. #4, b etc.) 

Chez certaines espèces de ce genre, comme, par exemple, chez les Cy- 
theridea incrassata Bosq., C. Jonesiana Bosq., etc., on remarque sur chaque 
valve, près de l'extrémité antérieure du bord supérieur, un petit tubercule 
circulaire, luisant comme du verre, et analogue à celui qu’on observe à 
peu près au même endroit, sur chaque valve des Cythere. 

Le genre Cytheridea n’a qu’un seul représentant dans les couches cré- 
tacées , la Cytheridea Jonesiana, Bosq. ! (Cythere Hilseana, Jones non Cytherina 
Hilseana , Roemer). Le terrain tertiaire en renferme une dizaine d'espèces, 
dont six ont été décrites par M. Reuss, et rapportées par cet auteur au 
genre Cytherina; ces espèces sont : Cytheridea heterostigma B., C. obesa B., 
C. trichospora B., C. seminulum B., C. tribullata B., et C. expansa B., et dont 
les quatre autres se trouvent décrites dans ce mémoire. Ces quatre espèces 
sont : Cytheridea Mulleri B., C. papillosa B., C. Williamsoniana B. et incras- 


1 J'ai en ce moment, sous les yeux, les échantillons du Hülsthon, du His, qui ont servi à 
M. Roemer pour l'établissement de l'espèce. — Ces échantillons n'offrent point, au bord cardinal, 
les deux séries de petites dentelures que présente l'espèce crétacée décrite par l’auteur anglais , et 
n’appartiennent, par conséquent, pas au genre Cytheridea. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 59 


sata, B. Parmi ces dernières, une seule, la Cytheridea Mulleri, vit encore 
dans nos mers actuelles. 


1. Cyruenmea Muuerr, Bosq., 1850. 


PL II, fig. 4,a,b,c,d,e, f. 


Cvrusne Mouuem, von Münster, 1830. Jahrbuch für Mineralogie und Geologie, von Leonhard 

und Bronn, p. 62. 
— —— — 1835. Ibidem, p. 446. 
Cvruentna — Roemer, 1838. Zbidem, p. 516, pl. VI, fig. 6 (Icon mala.). 
Var. B. acommara, Mihi. — Valvis infra acuminatis, superficie foveolis majoribus, spinis pili- 
formibus plerumque nullis. 

Cvragrina Muzzent, Reuss, 4849. Die Fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiür- 

beckens, p.15, pl. VIE, fig. 21, a, b. 


Les valves de cette Cytheridea sont ovales-allongées, plus larges en avant 
qu’en arrière, et présentent une forme ressemblant à celle du Mytilus 
edulis. Elles sont arrondies en avant et munies de plusieurs dents courtes, 
larges à la base, pointues au sommet et assez caduques, tandis qu’en ar- 
rière , elles sont rétrécies, obtuses, plus ou moins pointues dans le jeune 
àge et munies de 2-3 dents semblables à celles du bord antérieur. Leur 
bord inférieur est presque droit, légèrement sinué au milieu, tandis que 
le supérieur est arqué. Leur surface est ornée d’un grand nombre de 
points creux , au fond desquels sont insérées des épines piliformes cadu- 
ques. Ces points creux (qui sont un peu plus nombreux et plus grands 
dans la variété) sont disposés par rangées et se trouvent au fond de quatre 
à cinq sillons, à peu près parallèles au bord, sur la partie antérieure et 
sur la région pectorale des deux valves. Sur toute la partie restante de la 
surface des valves, les points creux sont disposés ou sans aucun ordre, 
ou parfois en rangées transversales. La voûte dorsale des deux valves 
offre, vers sa partie médiane, un large sillon transversal qui la fait pa- 
raître comme étranglée en cet endroit, qui part de la partie moyenne du 
bord dorsal et qui dessine, vers le milieu du dos des valves, la place de la 


. rosette composée de taches transparentes. Le dos des valves est le plus bombé 


vers le tiers postérieur de leur longueur totale; il est rattaché aux bords 


40 DESCRIPTION 


antérieur et postérieur par une pente assez douce, au bord supérieur par 
une pente rapide et au bord inférieur par une pente très-rapide. 

Les valves de cette espèce sont le plus souvent transparentes et offrent 
le long du bord antérieur, dans leur épaisseur même, les rayons blan- 
châtres que j'ai exprimés dans ma fig. a. Entre ces rayons, on observe, 
par transparence au microscope, des lignes noirâtres , allant aboutir aux 
interstices que laissent entre elles les dents qui garnissent le bord anté- 
rieur. Un assez grand nombre de mes échantillons sont d’un brun foncé 
ou parfois même d’un brun noirâtre. 

Les échantillons transparents offrent tous, comme ceux de la Bairdia 
subdeltoïdea, une rosette ou un assemblage de taches transparentes, au 
même endroit où l’on observe, à l’intérieur des valves, la petite fossette 
oblongue. Ces taches transparentes, qui sont le plus souvent au nombre 
de 6 ou 7, présentent des formes assez variables; mais en général il y en 
a 3 ou 4 qui sont très-rapprochées les unes des autres et qui occupent la 
partie postérieure de la rosette, tandis qu’une d’entre elles, qui est con- 
stamment plus allongée que toutes les autres et qui est ordinairement 
2 ou 5 fois aussi longue que large, occupe la partie inféro-antérieure de la 
rosette. 

La carapace offre une section transversale à contour arrondi, subpen- 
tagonal. 

Observations. — Je regarde comme une variété de cette espèce, celle 
qui a été figurée par le docteur Reuss et qui m'a été communiquée par ce 
paléontologiste, du leithakalk de Nussdorf, en Autriche. J'ai retrouvé cette 
variété dans le terrain tertiaire de la Belgique et de la France. La forme 
que j'ai figurée me semble être le type de l'espèce et est, sans doute, aussi 
celle qui a été assez mal représentée par M. Roemer, dans le Jahrbuch 
für Mineralogie. 

Rapports et différences. — La Cytheridea Mulleri se distingue essentielle- 
ment de l'espèce dont la description va suivre, par sa taille, par ses den- 
telures antérieures et par sa surface ornée de sillons, d’épines piliformes 
et de points creux très-nombreux. 

Dimensions. — Longueur, 1 millimètre, hauteur, 0,5 de millimètre et 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 41 


épaisseur, 0,4 de millimètre. La variété n’a que 0,75 de millimètre de 
longueur. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette belle espèce assez rarement dans 
le terrain tertiaire pliocène (crag rouge d'Anvers), à Anvers, en Belgique ; 
dans l'étage supérieur du dépôt tertiaire miocène de Pontlevoy (Touraine), 
en France; dans le terrain tertiaire éocène (système tongrien de M. Dumont), 
à Klein-Spauwen, au Vieux-Jonc, à Herderen, à Neerrepen, à Lethen, à 
Tongres et à Looz; dans le duché de Limbourg, à Klimmen, entre Fau- 
quemont et Heerlen ; très-abondamment dans les marnes supérieures au 
gypse, des buttes de Chaumont et de Montmartre (Seine), en France; je l'ai 
trouvée plus rarement dans le terrain éocène (sables de Fontainebleau), 
de Jeurre et d'Étrechy (Seine-et-Oise), et très-rarement dans le calcaire 
grossier de Chaumont (Oise) et de la ferme de l’Orme (Seine-et-Oise); 
enfin, je viens de la trouver aussi dans le terrain tertiaire d’Astrupp, près 
d'Osnabrück, en Westphalie, et dans le terrain éocène supérieur de 
Weinheim, près Mayence. M. Reuss l’a rencontrée rarement dans le 
leithakalk de Nussdorf et dans la marne de Gainfahrn, en Autriche, en 
abondance dans le tegel de Rudelsdorf, en Bohême, et de Grinzing, près 
Vienne. Selon de Münster, elle se trouve aussi dans le terrain éocène 
près Cassel, dans la Hesse électorale. Enfin, je viens encore de la dé- 
couvrir à l’état vivant dans les sables et entre les Ulva recueillis sur les 
côtes de l’Y, bras du Zuiderzee , en Hollande. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. II, fig. 4, a. Valve gauche du terrain éocène (système tongrien de M. Dumont), du Vieux-Jonc, en Belgique, 
vue en dessus. De ma collection. 

4, b. Valve droite, vue en dedans. 

4, c. Valve gauche, vue du même côté. 

4, d. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal De ma collection. 

4, e. La même, vue du côté pectoral. 

4, f. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


Tome XXIV. 6 


42 DESCRIPTION 


2. CYTHERIDEA PAPILLOSA, nov. spec., 1850. 
PL Il, fig. 5, a, b, c, d. 


Valves allongées, d’une forme qui rappelle assez bien celle de plusieurs 
Mytilus, presque également larges dans toute leur longueur et arrondies 
en avant. Leur bord inférieur est droit, et le supérieur, qui est droit en 
avant, rejoint l’extrémité postérieure, en décrivant une courbe assez brus- 
que. Le bord postérieur, en se rattachant au bord inférieur, donne nais- 
sance à un angle droit ou même obtus dans quelques individus. La voûte 
dorsale est assez régulièrement bombée et souvent luisante ; elle est garnie 
de petites proéminences papiliformes très-courtes, espacées, assez caduques 
et tout au plus au nombre de 25-50 sur chaque valve. 

La carapace offre une section transversale à contour suborbiculaire. 

Rapports et différences. — La Cytheridea papillosa se rapproche un peu 
de la (Cytheridea ?) Cytherina abscissa, Reuss!, du tegel d’Atzgersdorf, en 
Autriche; celle-ci s’en distingue cependant facilement par sa taille beau- 
coup plus grande, par ses valves toujours lisses et terminées postérieure- 
ment en un angle très-aigu. 

Dimensions. — Longueur , 0,8 de millimètre, hauteur et épaisseur, 0,4 
de millimètre. 

Gisement et localités. — Se trouve dans le sable miocène supérieur de 
Mérignac, de Dax et de Léognan (Gironde), en France; dans la couche 
argilo-sableuse à Nucules du terrain tertiaire éocène (système rupélien de 
M. Dumont) à Bergh, près de Klein-Spauwen, en Belgique ; dans le calcaire 
grossier de Parnes, de Châteaurouge, de Chaumont, de S'-Félix, de Cour- 
tagnon, de Grignon, de Damery et de Chamery, ainsi que dans les sables 
inférieurs de Cuise-la-Mothe, de Ménilmontant et de Rétheuil, en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PI. I, fig. 5, a. Valve gauche du sable miocène de Léognan, près Bordeaux, vue en dessus. De ma collection. 
5, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
5, c. La même, vue du côté pectoral. 
5, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


! Reuss, 1849. Die fossilen Entomostr. des üsterreich. Tertiärbeck., p. 10, pl. VIE, fig. 2, @, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 45 


3. Cyrnenibea WiLLiamsONIANA, nova species, 1850. 
PL II, fig.6,a,b,c, d. 


Valves ordinairement transparentes, convexes-déprimées, assez larges, 
ellipsoïdales, largement arrondies aux deux extrémités, présentant, dans 
l'épaisseur de leur bord antérieur, qui est transparent, des stries blan- 
châtres et rayonnantes. Leurs bords supérieur et inférieur sont droits et 
parallèles. Leur voûte dorsale est le plus convexe vers le tiers postérieur 
de leur longueur ; elle rejoint le bord antérieur par une pente assez douce, 
se rattache au bord supérieur par une pente assez rapide et aux bords 
postérieur et inférieur par une pente très-rapide. Leur surface, qui est 
constamment d’un luisant très-remarquable, est ornée de plusieurs pa- 
pilles, assez caduques (au nombre de 40-50 sur chaque valve), insérées 
dans des points creux assez profonds et assez distants, dans les interstices 
desquels on remarque un très-grand nombre d’autres points creux exces- 
sivement petits, semblables à des piqûres d’épingle et très-rapprochés les 
uns des autres. 

Un peu en avant de la moitié de leur longueur, les valves de la Cythe- 
ridea Williamsoniana offrent une rosette de taches transparentes, disposées 
à peu près comme celles de la Cytheridea Mulleri. Ces taches sont ordinai- 
rement au nombre de 6-8, et trois ou plus souvent quatre de ces taches 
sont placées sur une seule ligne et sont beaucoup plus rapprochées que 
les autres ; cette série de points plus rapprochés occupe la partie posté- 
rieure de la rosette. 

Rapports et différences. — Quoique cette espèce ait de très-grands rap- 
ports avec les Cytheridea (Cyrmerta) heterostigma ! et obesa, Reuss ?, elle en est 
cependant encore bien distincte. Elle diffère essentiellement de la pre- 
mière par les dimensions de ses valves, qui sont toujours plus larges et 
moins convexes, qui sont marginées antérieurement d’un rebord transpa- 


! Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbeckens, p. 16, pl. VIII, 
fig. 23, a, b, et 24, a, b. 

? Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des ôüsterreichischen Tertiärbeckens, p. 16, 17, 
pl. VII, fig. 26, à, b. 


44 DESCRIPTION 


rent à stries blanchâtres et rayonnantes, qui n’offrent aucune trace de 
dentelures et ne présentent point de lignes longitudinales creuses sur la 
région pectorale. Elle s'éloigne de la seconde (dont je dois à M. Reuss 
des échantillons du tegel de Gaya, en Moravie, et à M. De Koninck de la 
couche à Congeria de Brunn, près de Vienne) par sa taille moins grande, 
par ses valves moins allongées, sans dentelures aux deux extrémités, ayant 
le bord dorsal presque droit et n’offrant point le faible étranglement mé- 
dian que présentent constamment celles de la Cytheridea (Cyrmerina) obesa. 

Dimensions. — Elle a une longueur de 0,9 de millimètre, une hauteur 
de 0,5 de millimètre et une épaisseur de 0,45 de millimètre. 

J'ai dédié cette espèce à M. Williamson, de Manchester, qui s’occupe 
avec zèle et succès des Entomostracés ostracodes vivants et fossiles. 

Gisement et localités. — Cette belle Cytheridea se trouve assez rarement 
en Belgique dans le terrain tertiaire éocène (système tongrien, étage su- 
périeur de M. Dumont) de Klein-Spauwen, du Vieux-Jonc, de Herderen, 
de Tongres_et de Looz ; très-rarement dans le duché de Limbourg, dans 
une couche du même étage tertiaire, à Klimmen, entre Fauquemont et 
Heerlen, et en France dans le calcaire grossier de Saint-Félix (Oise) et de 
Hermonville (Marne). 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. 11, fig. 6, a. Valve gauche du sable de Bergh, près de Klein-Spauwen, vue en dessus. De ma collection. 
6, b. Carapace entière provenant de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
6, c. La même, vue du côté pectoral. 
6, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


4. CyTuErIDEA INcRAssATA, nov, spec., 1850. 


PL II, fig. 11,a,b, c, d. 


Valves ovales, assez épaisses, larges, convexes, arrondies en avant, ré- 
trécies et obtuses en arrière. Leurs bords inférieur et supérieur sont 
droits et assez fortement divergents en avant. Leur voûte dorsale, qui est 
le plus convexe un peu en arrière de la moitié de la longueur et qui se 
rattache aux deux extrémités et au bord supérieur par une pente assez 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 45 


douce, rejoint le bord inférieur par une pente très-rapide. Toute la sur- 
face est creusée de points très-petits, ressemblant à des piqûres d’épingle 
et visibles seulement à l’aide d’une forte loupe. Ces petits points creux 
sont probablement les points d'insertion d'épines aciculaires caduques. 

La carapace présente une section transversale à contour oval-subtrigone. 

Rapports et différences. — Elle se rapproche un peu de la Cythere (Cyrni- 
pina) similis !, Reuss, du tegel de Rudelsdorf, en Bohême. Elle en diffère 
par ses valves moins allongées, beaucoup plus larges en avant, par son ex- 
trémité postérieure obtuse et par sa surface dépourvue d’épines piliformes. 

Dimensions. — Longueur, 0,75 de millimètre, hauteur, 0,5 de milli- 
mètre et épaisseur, 0,4 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se trouve dans les sables moyens de Tan- 
crou, de Ver, de Guépesle et de Pisseloup, ainsi que dans le calcaire 
grossier de Chaumont, de Hermonville, de Grignon, de la ferme de l'Orme 
et de Chamery. Elle est assez rare dans ces diverses localités. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL UT, fig. 11, a. Valve gauche provenant du calcaire grossier de Hermonville, vue en dessus. De ma collection. 
11, b. Carapace entière du calcaire grossier de Grignon, vue du côté dorsal. De ma collection. 
11,c. La même, vue du côté pectoral. 
11, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


IV. Gexre CYPRIS, Müller, 1785. 


Cvrris, Müller, 1785. Entomostraca seu insecta testacea, p. 48 et suivantes. 

MoxocuLus, Fabricius, 1792. Syst. Entomolog. 

Cvrnis, Lamarck, 1818. Histoire naturelle des animaux sans vertébres, lom. V, 
p. 125-195. 


— Milne Edwards apud Lamarck, 1838. Histoire naturelle des animaux sans 
vertèbres. Nouvelle édition, t. V, p. 174-177. 

—- R. Jones. Description of the Entomostraca of the pleistocene beds o/ 
Newburg, Copford, Clacton and Grays (ANN. ET Mac. 
Nar. Hisr., s. 2, vol. 6, pl. II]). 


1 Reuss, 1849. Die fossilen Entomost. des üsterr. Tertiärbeckens, p.32, 35, pl. X, fig. 1, a, b. 


46 DESCRIPTION 


La carapace des Cypris est formée de deux valves assez minces, cornéo- 
calcaires, mobiles, inégales, plus ou moins elliptiques, ovales, réniformes 
ou oblongues, assez semblables à celles des Mollusques acéphalés et d’où 
sortent seulement les antennes et en partie les pattes, quand l'animal 
nage. La charnière dorsale du test bivalve des Cypris est beaucoup plus 
simple que celle des Cythere et des Cytheridea et n’est jamais garnie de 
dents. 

L'animal des Cypris, qui ne présente aucune trace de segments, a la 
tête confondue avec le corps; il a deux paires d'antennes plumeuses, c’est- 
à-dire terminées au sommet par un faisceau de poils assez longs ; un gros 
œil noir et sphérique; deux paires de pattes, dont la première seulement 
paraît au dehors du test et est dirigée en arrière; celles de la paire posté- 
rieure sont grèles, relevées de chaque côté du corps sous le test et sont 
terminées par deux crochets ; une queue molle, reployée et garnie de deux 
soies à son extrémité, termine le corps. 

Les Cypris habitent les eaux douces, principalement les eaux stagnantes 
et nagent avec vitesse au moyen de leurs antennes, ou grimpent avec fa- 
cilité sur les plantes aquatiques submergées. 

Les espèces du genre Candona, Baird *, qui ne peuvent pas nager et qui 
vivent avec les Cypris dans les eaux douces des étangs, ont été pendant très- 
longtemps confondues avec elles, malgré les caractères importants qui les 
en distinguent. — Les Candona sont ordinairement d’une taille plus grande 
que les Cypris; elles ont deux paires d’antennes, la paire supérieure seule 
garnie de longues soies, et deux paires de pattes. Les antennes inférieures 
sont seulement crochues, non plumeuses et sont impropres à la natation. 
Les Candona vivent principalement sur et sous la surface de la vase et 
leurs mouvements sont lents. 

Les espèces du genre Estheria, établi par Rüppel en 1838, sur une 
espèce vivante des eaux douces de l’île de Dahalac (Afrique), se distin- 
guent des Cypris et des Candona fossiles, non-seulement par leur taille 
beaucoup plus grande, mais encore par les stries ou les plis concentriques 


1 Baird, 1845. Trans. Berw. Natur. Hist. Club., vol. I, p. 452. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 47 


aux crochets de leurs valves membraneuses. Les crochets saillants, que 
ces valves présentent un peu en avant de la partie médiane de leur côté 
dorsal, sont exactement semblables à ceux de la plupart des Mollusques 
acéphalés. 

Le nombre des espèces fossiles connues du genre Cypris est assez res- 
treint; on n’en connaît qu’une seule dans le terrain tertiaire de la France 
et de la Suisse, à laquelle M. Reuss vient de joindre trois espèces de la 
formation d’eau douce du nord de la Bohème, et M. Jones quatre autres 
des couches pleistocènes de Nexpnry, de Copford, de Clackton et de Grays, 
en Angleterre. 

La carapace des petits Entomostracés ostracodes, si abondants dans 
les dépôts wealdéens de l’Allemagne et de l'Angleterre, dont MM. Sowerby, 
Roemer et Dunker ont décrit 8 ou 9 espèces, et qu'ils ont rapportées au 
genre Cypris, me paraissent différer d’une manière très-notable des vraies 
Cypris actuellement vivantes. Les valves de toutes les espèces weal- 
déennes que j'ai ou occasion d'examiner, ainsi que toutes les figures 
que les trois naturalistes distingués que je viens de nommer, donnent des 
espèces qu'ils décrivent, présentent constamment à l'extrémité antérieure 
de leur bord inférieur, ou plutôt à l’endroit où le bord antérieur vient 
rejoindre le bord pectoral, un petit crochet ou prolongement en forme 
de bec, plus ou moins développé dans les diverses espèces et que l’on 
n’observe jamais chez les vraies Cypris. Cette différence me semble être 
d’une importance suffisante pour l'établissement d’un nouveau genre , et je 
propose de donner à ce genre le nom de Cypridea *. Ce petit crochet ou bec 
chez les Cypridea, occupe une tout autre place que chez les Cyprella et les 
Lynceus, et a sans doute servi à loger la tête de l'animal, comme chez 
les espèces de ce dernier genre actuellement vivantes. 


1 Dans le wealdelay de l'Angleterre, on vient de découvrir un nombre considérable d'espèces 
nouvelles appartenant probablement aussi pour la plupart et peut-être toutes au genre Cypridea. 
— Chaque étage du wealdelay anglais paraît renfermer une assez grande quantité d'espèces qui 
lui sont particulières et qui seront bientôt décrites par M. le professeur E. Forbes, de Londres. 


48 DESCRIPTION 


1. Cypnis raBa, Desmarest, 1815. 


PI. 11, fig. 7, a, b, c, d. 


Cyrris raga, Desmarest, 1813. Nouveau bulletin des sciences, de la Société philomatique, p. 259, 

pl. IV, n°8. 

ART C 5-0 1822. Histoire naturelle des Crustacés fossiles, p. 141, pl. X, Gg. 8. 

——  —  Audouin, 1824. Dictionnaire classique d'histoire naturelle, t. V, p. 285. 

— — Charles d'Orbigny. Dictionnaire universel d'histoire naturelle, t. IV, 2% partie, 
p. 5b2. 

—  —  Milne Edwards apud Lamarck. Histoire naturelle des animaux sans vertèbres. Nou- 
velle édition, t. V, p. 177. 


Carapace formée de deux valves oblongues, réniformes, arrondies en 
avant, obliquement tronquées en arrière, ayant le bord supérieur forte- 
ment arqué et l’inférieur excavé. Toute leur surface est lisse. Leur voûte 
dorsale est le plus fortement bombée un peu en arrière de la moitié de la 
longueur, d’où elle se rattache aux deux extrémités par une pente assez 
douce et assez régulière. 

Dimensions. — Longueur, 1,3 de millimètre, hauteur, 0,75 de milli- 
mètre, et épaisseur , 0,65 de millimètre. 

Gisement et localités. — La Cypris faba se trouve en très-grande abon- 
dance en France, d’après M. Desmarest !, dans un calcaire lacustre de la 
montagne de Gergovia (Puy-de-Dôme); selon MM. Croizet et Jobert ?, dans 
la montagne de Perrier , au nord-ouest de la ville d’Issoire (Puy-de-Dôme) ; 
d’après M. De Drée, en quantité innombrable dans un calcaire de forma- 
tion d’eau douce de la Balme de l'Allier, entre Vichy-les-Bains et Cusset ; 
suivant Cuvier et Brongniart 5, elle se trouve, en Suisse, dans le terrain 
lacustre du Locle, canton de Neufchâtel, et, selon AL. Brongniart # en 
Allemagne, entre Mayence et le Weïisenau; enfin, j'ai reçu de M. A.- 
W.-G. Van Riemsdyk, à Maestricht, amateur zélé de minéralogie et de 
géologie, un échantillon d’un calcaire d’eau douce, provenant d’Oeningen, 


1 Desmarest, 1822. Histoire naturelle des Crustacés fossiles, p.141. 

2 De la Bèche, 1857. Manuel de géologie, seconde édition, p. 214. 

5 Cuvier et Brongniart, 1822. Description géologique des environs de Paris, p. 306. 

# Al Brongniart, 1823. Mémoire sur les terrains calcaréo-trappéens du Vicentin , p. 37. 


heret le cé nn, is mot atiiinitt innl, 


ae. at dat nent ace ca us non (À 


D 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 49 


en Suisse, et qui est formé presque en entier, de carapaces et de valves 
agglutinées de cette Cypris. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. 1, fig. 7, a. Valve gauche du terrain lacustre d'Oeningen, en Suisse, vue en dessus. De ma collection. 
7, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
7, ce. La même, vue du côté inférieur. 
7, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


V. Genre CYTHERE, Müller, 1785. 


CYTHERINA , Lamarck, 1818. Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, 1" édi- 
tion, t. V, pp. 125. 
Cvrneninæ spec. Roemer, 1841. Die Versteinerungen des norddeutschen Kreidegebir- 
ges, pp. 104, 105. 
CypriniÆ — DeKoninck, 1841. Crustacés fossiles de Belgique, pp. 17, 18. 
— — — 1842-44. Description des animaux fossiles du terrain car- 
bonifère de Belgique, pp. 586-588. 


CyTHERINÆ — Philippi, 1844. Beiträge zur kentniss der Tertiärversteinerungen des 
nord-westlichen Deutslands, pp. 62, 65. 
Cvrmeres — M’Coy, 1844. Synops. of the char. of the carbon. limest. foss. of 
Ireland. 
CyTRERE, Müller, 1785. Entomostraca seu insecta testacea , etc., pp. 63-65. 


Cyrueres spec. Cornuel, 1846. Descript. des Entom. foss. du départ. de la Haute- 
Marne (MÉx. DE LA Soc. GÉOL. DE FRANCE, 2° série, 
t. I*, 2% partie, pp. 195-205.) 
— —  Reuss, 1846. Die Versteinerungen der bühmischen Kreideformation , 
2% partie, pp. 104, 105. 
CyPripina, Bosquet, 1847. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, 
t. IV, pp. 259 et suivantes. 
— — 1847. Description des Entomostracés fossiles de la craie de 
Maestricht, pp. 9 et suivantes. 
Cyr et Cyrueres, spec. Bronn, 4848. Index Palæontologicus, oder Uebersicht der bis 
Jjetzt bekannten fossilen Organismen, pp. 587, 395 
et 396. 
CxPRIDINA , Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des ôsterreichischen Ter- 
tiärbeckens, pp. 21-47. 
Cyraeres, spec. Cornuel, 1849. Description de nouveaux fossiles microscopiques du 


Tower XXIV. 7 


50 DESCRIPTION 


terrain crétacé inférieur du. département de la 
Haute-Marne (MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE 
DE France, 2%° série, t. III, pp. 241, 246). 
CyTHerE et subgenus Cyraereis, Jones, 1849. À Monograph of the Entomostraca of the 
cretaceous formation of England, pp. 8-22. 


La carapace des Cythere est formée de deux valves inégales, à contour 
oblong, ellipsoïdal, ovale ou subtétragone, de consistance cornéo-calcaire, 
réunies sur leur bord dorsal ou supérieur par une charnière garnie de 
dents plus ou moins fortes, suivant les espèces, mais constamment en 
nombre défini. Ces valves peuvent s’entr’ouvrir librement du côté pectoral, 
et présentent, vers le milieu et un peu en avant de la moitié de leur lon- 
gueur , un tubercule plus ou moins apparent, selon les espèces, et dont la 
place est accusée à l’intérieur de chaque valve par une fossette ovale ou 
arrondie. La valve gauche est constamment un peu plus grande que la 
valve droite, et embrasse un tant soit peu toute la circonférence du bord de 
celle-ci. 

Le bord dorsal interne de chaque valve présente une partie élevée ou 
barre longitudinale, à côté de laquelle on remarque un sillon ou partie 
déprimée. Sur la valve droite, c’est la partie externe du bord qui est plus 
haute, tandis que l’interne est plus basse; sur la valve gauche, au contraire, 
c’est la partie interne ou barre qui est plus haute, tandis que l’externe est 
plus basse. La barre longitudinale, surtout dans la valve gauche, est 
étroite, arrondie et polie. Lors de la réunion des deux valves, la partie 
externe, plus haute du bord dorsal de la valve droite, vient se placer au- 
dessus de la partie externe plus déprimée du bord de la valve gauche, 
tandis que la partie interne plus basse du bord de la valve droite, reçoit 
la partie interne plus haute, ou plutôt la barre cardinale de la valve 
gauche. 

Sur la valve droite, la charnière est formée de deux dents, l’une anté- 
rieure et l’autre postérieure, qui sont insérées sur la partie interne déprimée 
du bord et qui sont reçues dans deux fossettes de la valve opposée. Sur la 
valve gauche, il y a constamment deux dents antérieures et quelquefois 
une très-petite dent postérieure rudimentaire et le plus souvent presque 


ns ME ee ma A à mn Dit til de né, ei fe à à ee tt AE 


Ada À, 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 51 


nulle; des deux dents antérieures de cette valve, l’une est placée en avant 
de la grande fossette et l’autre immédiatement en arrière de cette fossette 
sur l’extrémité antérieure de la barre cardinale; tandis que la petite dent 
cardinale postérieure, quand elle existe, est située sur l'extrémité posté- 
rieure de la barre, immédiatement en avant de la fossette postérieure. La 
dent cardinale antérieure de la valve droite est plus ou moins comprimée 
ou plus ou moins conoïdale , suivant les espèces, et est toujours plus grande 
que la dent cardinale postérieure; elle est passablement épaisse à la base 
et plus ou moins pointue à son extrémité libre. Les deux dents cardinales 
de la valve droite sont constamment inclinées en dehors, tandis que les 
dents de la valve gauche sont droites ou faiblement inclinées vers le centre 
des valves. 

Les deux fossettes cardinales de la valve gauche sont plus ou moins 
profondes, suivant que les dents qu’elles servent à recevoir sont plus ou 
moins longues. Sur la valve droite, les fossettes sont très-peu sensibles, et 
ce n’est en général que celle qui est située immédiatement en arrière de 
la dent cardinale antérieure , qui soit passablement bien prononcée. 

Le bord pectoral de chaque valve offre ordinairement, vers le milieu, 
une petite partie infléchie, plus ou moins prononcée, selon les espèces, et 
qui, sur les carapaces fermées, se fait déjà remarquer au dehors, par une 
sorte de petit sinus, ou une autre sorte de petite lunule. Chez les espèces qui 
présentent un rebord marginal externe, cette lunule devient le plus sou- 
vent très-apparente, parce que le rebord forme alors une saillie semilu- 
naire mince, qui est assez sensiblement projetée en dehors de ce rebord 
et qui est formée par un accroissement local de la partie externe ou libre 
de celui-ci. C’est à la partie infléchie que je viens de mentionner, à côté de 
laquelle le bord valvaire est le plus mince et le plus aigu, que M. Cornuel 
a donné le nom de lame pectorale. Lors de la réunion des deux valves, 
la lame pectorale de la valve droite vient se placer en dedans sur celle 
de la valve gauche, dans une cavité peu apparente, qui est destinée à sa 
réception. 

Sur le bord interne de la valve droite, on remarque deux sillons étroits, 
qui ont leur origine à chaque extrémité de cette partie infléchie; l'un de 


52 DESCRIPTION 


ces sillons se dirige en avant et, en devenant de plus en plus étroit sur 
le large bord antérieur, il va se terminer à côté de la dent cardinale an- 
térieure; l’autre sillon, au contraire, se dirige en arrière jusqu’à l’extré- 
mité postérieure, où il disparaît, après être devenu plus étroit et moins 
profond. Ces deux sillons correspondent à une partie saïllante du bord 
interne de la valve gauche. 

Quand on examine les valves des Cythere en dehors, on remarque 
qu’elles sont ordinairement arrondies en avant et plus larges dans leur 
moitié antérieure; tandis qu’en arrière, elles sont ordinairement plus 
étroites et qu’elles se terminent assez souvent par une partie comprimée, 
ou par une pointe plus ou moins aiguë, qui s’écarte ordinairement de 
leur axe longitudinal, en se portant le plus souvent vers le côté pectoral 
ou, ce qui n'arrive que très-rarement, vers le côté dorsal. 

Les bords extérieurs des valves de la plupart des Cythere sont épaissis, 
principalement le long du bord antérieur. Il arrive assez souvent aussi 
que le bord supérieur, et même tout le bord des valves, est épaissi, ou 
plutôt marginé d’un rebord, comme, par exemple, chez mes Cythere Ko- 
ninckiana, ornata, formosa et lichenophora, ainsi que chez les Cythere Edwardsi, 
Rœmer, Haidingeri et tricostata, Reuss. Les deux extrémités, principale- 
ment la postérieure, sont le plus souvent assez fortement comprimées, et 
c’est ordinairement près de l’extrémité postérieure , ou immédiatement en 
avant de la partie comprimée, postérieure, que se trouve la partie la plus 
haute de la voûte dorsale des deux valves. De ce point, le dos des valves 
descend vers le bord antérieur, ou la partie comprimée antérieure , par 
une pente plus ou moins douce; il se rattache le plus souvent également 
au bord supérieur par une pente plus ou moins lente, tandis qu’il rejoint 
le bord pectoral par une pente très-rapide ou même, qu’il y retombe verti- 
calement. Dans le dernier cas, la région pectorale des deux valves réunies 
présente assez souvent une surface passablement large, plane, ou même 
un peu excavée, dont le contour est fréquemment cordiforme, triangu- 
laire ou sagittiforme, qui est divisée longitudinalement en deux parties 
égales par le rebord plus ou moins saillant du bord valvaire pectoral, et 
qui est séparée de la voûte dorsale des valves par une arête ou une ca- 
rène plus ou moins aiguë. 


D OP ee 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 53 


Aux angles antérieur et postérieur du bord dorsal, le bord valvaire 
est plus ou moins fortement projeté en dehors, suivant les espèces, et le 
plus souvent en raison directe du développement des dents cardinales. La 
projection de l'extrémité antérieure du bord dorsal est toujours la plus 
forte; elle forme assez souvent une proéminence semicirculaire ou un 
appendice en forme d’oreillette, sur lequel on observe constamment un 
très-petit tubercule arrondi, luisant comme du verre et dont la place 
correspond exactement à celle qu’occupe, à l’intérieur, la dent cardinale 
antérieure. Autour de ce petit tubercule, le bord valvaire est plus ou 
moins épaissi, sans doute pour donner à la pression des dents, propor- 
tionnellement grandes et fortes, un point d'appui aussi solide que cela 
était possible, eu égard au peu d’épaisseur des valves. Je désignerai cette 
partie des valves sous le nom d'oreillette cardinale antérieure. L’angle 
cardinal postérieur produit aussi, chez la plupart des espèces, une saillie 
marginale semicirculaire, en forme d’oreillet, constamment plus petite que 
l’antérieure, mais très-sensible en cet endroit, parce qu'immédiatement 
en arrière de la place qu’elle occupe, il y a une partie du bord valvaire 
qui est fort mince. 

Ces deux oreillettes cardinales, ainsi que les tubercules cardinaux 
extérieurs, manquent totalement à toutes les espèces des genres Cythe- 
rella, Bairdia, Candona et Cypris, et fournissent, par conséquent, comme 
je l’ai déjà fait observer ailleurs !, un caractère certain pour reconnaître 
le genre Cythere, même dans les cas où il n’est pas possible d'examiner 
l’intérieur de la carapace ou la charnière. Je désignerai sous le nom de 
région dorsale, l’espace compris, quand on examine la carapace du côté 
supérieur, entre les deux oreillettes cardinales. Je pense qu’il est néces- 
saire d'appliquer à cet espace un nom particulier, parce qu'il offre assez 
souvent des caractères qui ne sont pas sans importance pour la distinc- 
tion des très-nombreuses espèces fossiles qui viennent se ranger dans le 
genre Cythere. 

Un peu en avant de la partie moyenne de chaque valve des Cythere, 


1 Bosquet, 1847. Description des Entomostracés fossiles de la craie de Maestricht, p. 10. 


54 DESCRIPTION 


et constamment dans leur axe longitudinal, on observe un autre tubercule 
de forme et de grandeur assez variés. Ce tubercule, qui est bien prononcé 
et très-proéminent chez quelques espèces, est peu apparent, presque con- 
fondu avec le reste de la surface, et alors presque imperceptible dans 
d’autres. À l'intérieur des valves, au contraire, la place de ce tubercule 
est toujours indiquée par un enfoncement ovale ou arrondi. Je désignerai 
ce tubercule, dans mes descriptions, sous le nom de tubercule sub-cen- 
tral, afin de le distinguer du tubercule oculaire des Cypridina. 

J'ai conservé le nom générique de Cythere aux Ostracodes fossiles dont 
la carapace présente les caractères que je viens de mentionner, parce que 
je pense, avec M. Jones, que quatre des cinq espèces , les deux premières 
et les deux dernières, qui ont été décrites et figurées par Muller ! et qui 
ont servi à l'établissement de ce genre, appartiennent aussi à cette coupe 
générique. Je crois cependant ne pas pouvoir maintenir le sous-genre 
Cythereis, qui a été proposé par M. Jones; parce que, non-seulement, 
tous les caractères généraux de la carapace me paraissent les mêmes que 
dans les vraies Cythere, mais qu’en outre, en examinant et en comparant 
soigneusement les diverses espèces qui, d’après la caractéristique qu’en 
donne l’auteur anglais, devraient être rapportées à l’une et à l’autre de 
ces coupes, on trouve des passages insensibles et des formes intermé- 
diaires si nombreuses, qu’il devient absolument impossible de leur trouver 
des limites un tant soit peu tranchées. 

La Cythere Hilseana de M. Jones, qui a une charnière dorsale entière- 
ment différente de celle des vraies Cythere, appartient évidemment à mon 
genre Cytheridea. L'espèce anglaise se rapproche beaucoup de la Cytheridea 
Mülleri. 

En 1850, M. Milne Edwards créa le genre Cypridina, pour y placer 
un Ostracode vivant de l'Océan indien, dont la carapace offre, un peu 
en avant du milieu de chacune de ses deux valves, un tubercule répon- 
dant à la place des yeux de l'animal. C’est par l'existence d’un tubercule 
pareil sur chaque valve de la carapace des espèces fossiles qui présentent 


1 Müller, 1785. Entomostraca seu insecta testacea quae in aquis Daniae et Norwegiae re- 
perit, ete., pp. 63-67. 


fm. cé 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. bp) 


les caractères ci-dessus énoncés, que j'avais été conduit, en 18471, à 
considérer le tubercule subcentral dans ces dernières, comme répondant 
aussi à la place des organes de la vue de l’animal, et par suite à les ranger 
dans le genre qui a été établi par le célèbre naturaliste français. Toutes 
ces espèces , ainsi que les Cytherella, les Bairdia et les Cytheridea étaient 
encore confondues alors par les auteurs, sous la dénomination générique 
de Cythere, donnée, en 1785, à quelques espèces vivantes des côtes du 
Danemark et de la Norwége, par Müller, et que Lamarck s’avisa de 
changer sans motifs, en 1818, en celui de Cytherina. 

L'animal des Cythere n’a qu'un seul œil conique; il a deux antennes 
cylindriques, composées de cinq articles sétifères , et deux antennes pédi- 
formes qui, au lieu d’être pourvues d’un paquet de soies, comme celles 
des Cypris, possèdent un filament articulé fort; il a trois paires de pattes 
grêles et cylindriques, qui paraissent toutes au dehors de la carapace, et 
dont la paire postérieure est plus longue que les deux autres paires. Les 
Cythere sont marines, grimpent sur le fond de la mer ou‘sur les fucus et 
les flustres, et ne sont probablement que littorales. 

Le genre Cythere, dont les naturalistes n’ont fait connaître jusqu’à pré- 
sent qu'un nombre très-restreint d'espèces vivantes, a de nombreux re- 
présentants fossiles. Les terrains paléozoïques paraissent n’en renfermer 
que très-peu d'espèces ; suivant M. Jones, il n’en existe que quatre à cinq 
dans le lias et dans les terrains oolitiques; j’en connais trente dans les sys- 
tèmes moyen et- supérieur du terrain crétacé et environ soixante et dix 
dans les divers étages du terrain tertiaire, auxquelles viennent se joindre 
quarante nouvelles, que je viens de découvrir dans les trois systèmes du 
dépôt tertiaire de la France et de la Belgique. Parmi ces dernières es- 
pèces , deux ont leurs identiques vivants dans nos mers actuelles. 


! Bosquet, 1847. Description des Entomostracés fossiles de la craie de Maestricht, pp. 9 et 
suivantes. 


56 DESCRIPTION 


1. Cyrnere rapoïpes, nov. spec., 1850. 
PI. Il, fig. 8, a, b, c, d. 


Valves réniformes, arrondies en avant et obliquement tronquées en 
arrière. Leur bord supérieur est arqué et l’inférieur assez fortement sinué. 
Leur voûte dorsale, qui est fortement bombée, se rattache, par une pente 
assez douce, au bord antérieur et par une pente très-rapide aux bords su- 
périeur, inférieur et postérieur. Toute la surface est ornée de points creux 
arrondis, peu profonds et disposés par séries concentriques. La carapace 
présente une section transversale à contour subcirculaire. 

Rapports et différences. — Cette Cythere, qui a presque la même forme 
que la Cypris faba, mais qui est beaucoup plus petite, se distingue faci- 
lement de toutes ses congénères, par le contour réniforme de ses valves. 

Dimensions. — Longueur 0,55 de millimètre, hauteur 0,55 de milli- 
mètre et épaisseur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette Cythere dans le calcaire grossier 
de Grignon et de la ferme de l'Orme (Seine-et-Oise), en France; et dans 
le sable à grès calcarifère de S'-Josse-ten-Noode (Brabant méridional), en 
Belgique. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. 11, fig. 8, a. Valve gauche du sable à grès calcarifère de S'-Josse-ten-Noode, vue en dessus. De ma collection. 
8, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
8, c. La même, vue du côté pectoral. 
8, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


2. Cyruere Jurner, v. Münst., 1830. 
PL IL, fig. 9, a,b,c, d. 


Cyrnere sure, von Münster, 4830. Jahrbuch für Mineralogie, etc., von Leonhard und Bronn, 
p. 62. 
— — 1835. Ibidem, p. 445. 
_— —  Rœmer, 1838. Ibidem, p. 516, pl. VI, fig. 12. 
— — Var. B. renuruncrara, mihi. Valvis extremitatibus latioribus, totaque superficie 
punctis minimis ornata. 
— Mihi, pl. Il, fig. 40, a, b, c, d. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 57 


Valves ovales-oblongues, ou subtétragones , obliquement arrondies aux 
deux extrémités, faiblement comprimées en arrière ; leur bord supérieur 
est presque droit, l’inférieur est arqué et légèrement sinué vers son tiers 
antérieur. Leur surface lisse et luisante est ornée de quelques sillons lon- 
gitudinaux courts, inégaux, au fond desquels on remarque quelques 
points creux. | 

Dans la variété B, les sillons sont très-peu sensibles, et toute la surface 
des valves (qui sont ordinairement plus larges aux extrémités) est creusée 
de points très-petits, presque superficiels et disposés par séries longitu- 
dinales. 

Observations. — Ayant pu comparer mes échantillons avec ceux du nord- 
ouest de l'Allemagne !, d’après lesquels ont été faites les figures et les 
descriptions publiées dans le Jahrbuch für Mineralogie, etc., pour 1838, 
j'ai pu me convaincre de leur identité parfaite. — Jusque-là, je n'avais 
pas encore pu décider cette question, parce que les figures du Jahrbuch 
présentent une différence notable d’avec les échantillons. 

Dimensions. — Longueur 0,95 de millimètre, hauteur 0,5 de millimètre 
et épaisseur 0,4 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Cythere est assez rare dans le terrain ter- 
tiaire Miocène (faluns), à Pontlevoy (Touraine) ; très-abondante dans celui 
de Dax, de Léognan et de Mérignac (Gironde), ainsi que dans la couche 
à. Ostrea cyathula, d'Étrechy et de Jeurre (Seine-et-Oise), en France; elle 
est au contraire très-rare dans le calcaire grossier à Chäteaurouge, à 
S'-Félix , à Parnes, à Marguérie, au Vivray, à Chambord et à Chaumont 
(Oise), à Grignon et à la ferme de l’Orme (Seine-et-Oise) , ainsi que dans 
les sables inférieurs à Ménilmontant (Seine). La variété à points creux 
très-petils est rare et se trouve à Dax, en France et à Bergh, au Vieux 
Jonc et à Looz, en Belgique. D’après M. Roemer, la Cythere Jurinei se 
trouve à Osnabrück et à Cassel, dans le nord-ouest de l'Allemagne. 


! Grâce à l'obligeance de M. Herm. Roemer de Hildesheim, qui a bien voulu me prêter pour 
quelque temps les échantillons de la collection de M. Fr. Ad. Roemer, son frère. 


Tome XXIV. 8 


58 DESCRIPTION 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. II, fig. 9, a. Valve gauche du terrain miocène supérieur de Dax, près Bordeaux, vue en dessus. De ma col- 
lection. 

. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 

La même, vue du côté inférieur. 

. La même, vue par l'extrémité antérieure. 

. Valve gauche de la var. B de Bergh, près Klein-Spauwen, vue en dessus. De ma collection. 

. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 

La même, vue du côté pectoral. 

. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


PI. II, fig. 10, 


RS œ 8 &R 9 © 


3. Cyruere cosrecLaTA, Bosq. 1850. 


PL I, fig. 11, a, b, c, d. 


CyrueriNa cosrecrata, Roemer, 4838. Neues Jahrbuch für Mineralogie, etc., von Leonhard und 
Bronn, p. 517, pl. VI, fig. 24. 


Valves ovales, obliquement arrondies en avant, comprimées et triden- 
tées en arrière, ayant le bord inférieur faiblement arqué et le supérieur 
presque droit, divergent en avant. Leur surface, lisse et le plus souvent 
luisante, est ornée de 7 ou 8 côtes, qui se réunissent en arrière et qui sont 
presque effacées vers l'extrémité antérieure. Les deux tubercules cardi- 
naux sont bien exprimés et très-luisants. 

La carapace présente une section longitudinale à contour ovale et une 
section transversale à contour subcordiforme-arrondi. 

Rapports et différences. — Cette Cythere est facile à distinguer de la sui- 
vante, qui en est voisine, par le nombre des côtes qui parcourent sa sur- 
face et par ses valves plus convexes et beaucoup moins larges. 

Dimensions. — Longueur 0,9 de millimètre, hauteur 0,5 de millimètre 
et épaisseur 0,45 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se trouve en France (dans les sables 
moyens), à Auvert (Seine-et-Oise); dans le calcaire grossier à Nauteuil, à 
Damery, à Chamery et à Hermonville (Marne), à Courtagnon et à Mont- 
mirail (Aisne), à Parnes, à S'-Félix, à Marguérie, à Chaumont, à Cham- 
bord, au Vivray (Oise), à Grignon et à la ferme de l’Orme (Seine-et-Oise), 
et dans les sables inférieurs à Ménilmontant (Seine). 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 59 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI, 11, fig. 11, a. Valve gauche du calcaire grossier de Nauteuil, vue en dessus. De ma collection. 
b. Carapace entière provenant de la même localité, vue du côté supérieur, De ma collection. 
c. La même, vue du côté inférieur. 
d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


4. Cyrnere muuricosrara, nov. spec., 1850. 


PL Il, fg. 19, a, b, c, d. 


Les valves de cette Cythere sont larges, ovales-subtétragones, arrondies 
en avant, obliquement tronquées en arrière et terminées par un lobe com- 
primé obtus et très-étroit. Leur côté inférieur est arqué et sinué vers son 
tiers antérieur, tandis que le supérieur est droit et divergent en avant. 
Toute la surface est ornée de côtes flexueuses anastomosées, concentri- 
ques vers les bords et longitudinales vers la partie médiane. Les tuber- 
cules subcentraux sont arrondis et assez bien prononcés. La voûte dorsale 
des deux valves est rattachée aux bords antérieur, inférieur et postérieur 
par une pente assez douce et retombe perpendiculairement sur le bord 
supérieur. 

La carapace offre une section transversale à contour subpentagonal. 

: Rapports et différences. — Cette espèce, quoique voisine de la précé- 
dente, s’en distingue cependant facilement, par ses valves plus déprimées, 
plus larges, d’une forme différente, et par ses côtes flexueuses et plus 
nombreuses; le nombre de celles-ci étant toujours de 10-12, tandis qu’il 
n'est que de 7 ou 8 sur chaque valve de la Cythere costellata. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre, hauteur 0,45 de milli- 
mètre et épaisseur 0,4 de millimètre. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette Cythere dans le terrain tertiaire 
éocène (sables de Beauchamps), de Mortefontaine, de Ver et d’Acy (Oise), 
de Pisseloup (Aisne), de Guépesle (Seine-et-Oise) et de Tancrou (Seine-et- 
Marne) ; ainsi que dans le calcaire grossier de Chaumont (Oise) et de la 
ferme de l'Orme (Seiïne-et-Oise). Elle est rare dans toutes ces localités. 


60 DESCRIPTION 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. II, fig. 12, a. Valve gauche des sables moyens de Mortefontaine, vue en dessus. De ma collection. 
b. Carapace entière provenant de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
c. La même, vue du côté inférieur. 
d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


5. Cvruere puicara, v. Münst., 1830. 
PI. II, fig. 15, a,b, c, d. 
Cyruere  pLicata, von Münster, 1830. Jahrb. für Mineralogie, etc., p. 63. 
— — — 1835. Ibidem, p. 446. 
CyTnERINA — Roemer, 1838. Ibidem, p. 518, pl. VI, fig. 26 (Icon mala). 


Cvrripia  — Reuss, 1849. Die fossilen Entomostr. des üsterreich. Tertiärbeckens , 
p- 45, pl. X, fig. 21, a, b. 


Cette Cythere a des valves oblongues, arrondies en avant, fortement 
rétrécies en arrière et terminées par un lobe comprimé arrondi, tridenté 
et tourné vers le côté supérieur. Le dos des valves, qui se rattache au 
bord antérieur par une pente très-douce et au lobe comprimé postérieur 
par une pente assez rapide , est formé de trois côtes longitudinales lisses, 
séparées par deux sillons assez larges. Ces derniers sont parsemés d’un 
grand nombre de points creux anguleux et peu profonds. La côte qui borde 
le côté inférieur est plus élevée que les deux autres. La région pectorale est 
presque plane. La valve droite est constamment plus étroite que la valve 
gauche, et les sillons ponctués de la première sont toujours plus larges, et 
les côtes, par conséquent, plus étroites et plus aiguës que celles de la der- 
nière. La carapace présente une section transversale à contour subtrigone. 

Rapports et différences. — Cette espèce, quoique voisine de mes Cythere 
(Cyrrmdina) Foersteriana , pulchella et elegans ! de la craie blanchâtre des en- 
virons de Maestricht, est néanmoins facile à distinguer de ces trois espèces. 

Dimensions. — Longueur 0,7 de millimètre, hauteur 0,4 de millimètre 
et épaisseur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette Cythere très-rarement dans le 


! Bosquet, 1847. Descript. des Entomostr. foss. de la craie de Maestricht, pp. 14 et suivantes. 
== — Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, t. IV, pp. 364 et suiv. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 61 


terrain tertiaire miocène de Dax (Gironde) et dans le terrain éocène de 
Jeurre et d'Étrechy, près d'Étampes, ainsi que dans l’argile sableuse à 
Nucules, à Bergh, près Klein-Spauwen , en Belgique. Le docteur Reuss l’a 
découverte dans le tegel de Rudelsdorf, en Bohême, dans le leithakalk de 
Nussdorf, près Vienne et de Kostel, en Moravie. Suivant M. Roemer, elle 
se trouve aussi dans le terrain tertiaire du nord-ouest de l'Allemagne. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. 11, fig. 15, a. Valve gauche du terrain éocène de Bergh, près Klein-Spauwen, vue en dessus. De ma collection. 
b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal, De ma collection. 
c. La même , vue du côté pectoral. 
d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


6. Cvrnere Harmeana, nov. spec., 1850. 
PL. IL, fig. 14,a, b, c, d. 


Valves ellipsoïdes, subtétragones, arrondies et comprimées en avant et 
terminées en arrière par une partie comprimée obliquement arrondie et 
munie de trois dents très-courtes, mais assez larges à leur base. Leurs bords 
inférieur et supérieur sont presque droits et parallèles; le dernier est fai- 
blement sinué. La partie comprimée antérieure est garnie de trois tuber- 
cules assez gros. Toute la surface de la voûte dorsale des valves , qui se 
rattache à la partie comprimée postérieure par une pente rapide, au limbe 
antérieur par une pente douce et qui retombe presque perpendiculaire- 
ment sur le bord inférieur, est élégamment ornée de 9-10 côtes longitu- 
dinales étroites et flexueuses. Parmi ces côtes, il y en a trois qui sont plus 
épaisses que les autres; la première de celles-ci prend naissance tout près 
du tubercule qui se trouve sur la partie médiane du limbe antérieur, et va 
se terminer sur la partie saillante et arrondie en arrière qui borde le côté 
pectoral; la deuxième a son origine tout près du même tubercule, tra- 
verse la partie médiane du tubercule subcentral, va se terminer vers le 
milieu de la partie comprimée postérieure et présente une forme sigmoï- 
dale; la troisième, enfin, présente à peu près la même forme que celle-ci; 
elle a son origine sur la partie comprimée antérieure, passe à côté du 


62 DESCRIPTION 


tubercule subcentral, borde le côté supérieur et va également s’effacer sur 
la partie comprimée postérieure. Dans les interstices, de largeur assez iné- 
gale, qui séparent les côtes, on remarque un grand nombre de points creux 
anguleux et peu profonds. Les tubercules subcentraux sont assez gros, 
arrondis en arrière et sont traversés par trois côtes. La région pectorale est 
ornée de quelques sillons longitudinaux et présente un contour cunéi- 
forme, tandis que la région dorsale est élargie en avant, assez fortement 
rétrécie en arrière et ornée de quelques tubercules obsolètes. 

La carapace présente une section transversale à contour trigone-subcor- 
diforme. 

Rapports et différences. Elle se rapproche de la Cythere (Cypridina) plicatula 
Reuss!, mais s’en distingne facilement par sa forme moins allongée, par l’ab- 
sence de dentelures au bord antérieur et par ses côtes plus nombreuses. 

Dimensions. Longueur 0,65 de millimètre, hauteur 0,55 de millimètre, 
épaisseur 0,3 de millimètre. 

Je dédie cette Cythere à M. Jules Haime, collaborateur actif de lun 
des naturalistes les plus distingués de notre époque, M. Milne Edwards. 

Gisement et localités. Le calcaire grossier de Grignon (Seine-et-Oise), en 
France. Elle est très-rare. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. IL, fig. 14, a. Valve gauche du calcaire grossier de Grignon, vue en dessus. De ma collection. 
b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
c. La même, vue du côté pectoral. 
d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


7. Cyrnere srriAro-puxcrata, Bosq., 1850. 
PL. IL, fig. 1,a,b,c, d. 
CYTHERINA PERTUSA, Roemer, 1858. Neues Jahrb. für Mineral., etc., von Leonhard und 


Bronn, p. 515, pl. VI, fig. 2. 
—  srmaro-puncraTa, Roemer, 1838. Zbidem, p. 515, pl. VIT, fig. 3. 


Valves souvent transparentes, fortement bombées, ovales, obliquement 


1 Reuss, 4849. Die fossilen Entomostraceen des oesterreichischen Tertiärbeckens , p. 44, pl. X, 
fig. 25, a, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 63 


arrondies aux deux extrémités, comprimées en arrière et terminées par 
trois petites dents aiguës. Leur bord supérieur est droit et l'inférieur 
arqué. Toute leur surface est ornée de nombreux points creux anguleux, 
placés au fond de sillons, qui séparent des côtes concentriques peu sail- 
lantes. Le dos des valves, qui se rattache au bord antérieur par une pente 
douce, et à la partie comprimée postérieure et au bord supérieur par une 
pente assez rapide, est tellement enflé au côté pectoral, qu’il dépasse de 
beaucoup le bord, et que ce côté paraît fortement arqué. La carapace offre 
une section transversale à contour arrondi-subcordiforme et une section 
longitudinale à contour ovale-rhomboïdal. 

Quelques-uns de mes échantillons, que j'ai trouvés dans le calcaire 
grossier qui a été retiré d’un Cerithium giganteum , recueilli par le profes- 
seur Hebert à Montmirail (Aisne), ont conservé des restes de leur couleur 
et sont d’un brun rougeûtre assez vif. 

Ayant pu examiner l’échantillon de M. Fr.-Ad. Roemer, sur lequel a 
été établie la Cytherina pertusa, j'ai pu me convaincre et je puis affirmer que 
ce n’est qu’un jeune individu de la Cythere striato-punctata. 

Rapports et différences. — Elle diffère essentiellement de la Cythere scro- 
biculata par sa taille plus grande, par ses valves beaucoup plus convexes 
vers leur tiers postérieur et par ses côtes concentriques plus nombreuses. 

Dimensions. — Longueur 1,2 millimètre, hauteur 0,65 de millimètre, 
épaisseur égale à la hauteur. 

Gisement et localités. — Elle n’est pas rare dans le terrain tertiaire éocène 
(sables moyens) de Tancrou (Seine-et-Marne), dans le calcaire grossier de 
Nauteuil, de Hermonville, de Damery et de Chamery (Marne), de Chà- 
teaurouge, de Parnes, de Chaumont, de St-Félix, du Vivray et de Mar- 
guérie (Oise), de Courtagnon et de Montmirail (Aisne), de Houdan, de la 
ferme de l'Orme et de Grignon (Seine-et-Oise) et dans les sables inférieurs 
de Cuise-la-Mothe (Oise) et de Ménilmontant (Seine), en France. Elle est, 
au contraire, assez rare dans le sable à grès calcarifère de S'-Josse-ten- 
Noode (Brabant méridional) et très-rare dans les couches à Ostrea ventila- 
brum du système tongrien inférieur de Lethen et de Grimittingen (Lim- 
bourg), en Belgique. 


64 DESCRIPTION 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. I, fig. 1, a. Valve gauche provenant du calcaire grossier de S'-Félix , vue en dessus. De ma collection. 
b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
c. La même, vue du côté inférieur. 
d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


8. Cyrnere scroBicurara, v. Münst., 1838. 


PI. II, fig. 2,a,b,c,d. 


Cvrnere  scrogicuzaTa, von Münster, 1830. Jahrb. für Mineralogie, etc., p. 63. 
CYTHERINA — Roemer, 1838. Ibidem, p. 515, pl. VI, fig. 1. 
— _ Philippi, 1844. Beiträge zur Kenniniss der Tertiärversteinerungen 
des nordwestlichen Deutschlands, pp. 62, 63. 


Valves ovales-oblongues , élargies et arrondies-subanguleuses en avant, 
et terminées en arrière par une partie comprimée obtuse, très-étroite, 
sans dentelures ou très-rarement munie de 2 ou 3 dents fort petites. Leurs 
bords supérieur et inférieur sont presque droits et divergents en avant. 
Toute leur surface est ornée de côtes concentriques beaucoup plus sail- 
lantes dans le tiers antérieur de leur longueur et sur la région pectorale, 
que dans les autres parties de la surface. Dans les sillons qui séparent 
les côtes, on remarque des points creux arrondis ou anguleux et plus ou 
moins grands. La voûte dorsale des deux valves est rattachée au bord 
antérieur et au lobe comprimé postérieur par une pente assez rapide, et au 
bord pectoral par une pente très-rapide. 

La carapace présente une section longitudinale à contour ellipsoïdal 
et une section transversale à contour subcirculaire. 

A la plupart des échantillons de la Belgique et de la France manquent 
les trois dentelures de la partie comprimée postérieure. D’après la figure 
que donne M. Roemer de ceux du nord-ouest de l'Allemagne, ces dents 
paraissent être plus fortes et plus longues que dans les rares échantillons 
belges et français sur lesquels elles existent. 

Rapports et différences. — Elle se distingue facilement de l'espèce précé- 
dente par une taille moins grande, par les côtes concentriques de sa sur- 


= à net, à PE LE y 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 65 


face moins nombreuses, et surtout par le dos de ses valves, presque égale- 
ment bombé dans toute sa longueur. 

Dimensions. — Longueur 1,1 millimètre, hauteur 0,55 de millimètre et 
épaisseur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se rencontre assez fréquemment dans le 
dépôt tertiaire éocène de Jeurre et d’Étrechy (Seine-et-Oise), en France; 
très-rarement dans la couche argilo-sableuse à Nucules (système rupélien 
de M. Dumont) de Bergh, près Klein-Spauwen, et dans le sable argileux 
(système tongrien, étage inférieur de M. Dumont) de Lethen et de Grimit- 
tingen, en Belgique !. Suivant MM. Roemer et Philippi, elle se trouve aussi 
en abondance dans le terrain tertiaire, près Freden, dans le nord-ouest 
de l'Allemagne et, d’après von Münster, dans celui de Dax, en France, et 
de Castell Arquato, près Parme, en Italie. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. IE, fig. 2, a. Valve gauche du sable éocène de Jeurre, en France , vue en dessus. De ma collection. 
2, b. Partie de la surface, très-fortement grossie, de la valve gauche d’un autre échantillon parfaitement 
adulte, provenant de la même localité. 
2, c. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
2, d. La même, vue du côté pectoral. 
2, e. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


9. Cyruere Nysriana, nov. spec., 1850. 


PL IL, fig. 5,4,6,c, d. 


Les valves de cette Cythere sont beaucoup plus larges que celles des 
deux espèces précédentes. Elles sont ovales-subtétragones, arrondies et 
élargies en avant et terminées en arrière par un lobe comprimé obli- 
quement arrondi. Ce lobe est beaucoup moins arrondi, et parfois même 
pointu en arrière dans les valves des jeunes individus. La voûte dorsale 


! J'ai trouvé dans les marnes supérieures au gypse, à Montmartre, un très-grand nombre d'in- 
dividus, qui me paraissent aussi appartenir à cette espèce, mais de la détermination desquels je 
ne suis pas certain, plutôt à cause des nombreuses formes anomales qu'ils présentent , qu'à cause 
de leur état de conservation. 


Toue XXIV. 9 


66 DESCRIPTION 


des deux valves est assez convexe et est le plus fortement bombée dans sa 
moitié postérieure. Toute la surface est ornée d’un grand nombre de 
points creux arrondis et disposés par séries concentriques. Ces points 
creux sont tellement profonds qu’ils se traduisent en tubercules assez 
gros à l’intérieur des valves. Les tubercules subcentraux sont arrondis, 
peu proéminents, mais limités en arrière par un sillon assez profond. Les 
tubercules cardinaux antérieur et postérieur sont bien prononcés et lui- 
sants. La région pectorale, qui est presque plane, présente un contour 
ovale-elliptique. 

La carapace offre une section transversale à contour ovale-arrondi. 

Rapports et différences. — Cette Cythere a des rapports avec la précé- 
dente, dont elle se distingue cependant par des valves plus larges , d’une 
forme subtétragone, terminées en arrière par un lobe comprimé plus large 
et plus grand, ainsi que par ses tubercules subcentraux limités en arrière 
par un sillon profond. Elle se distingue de la Cythere (Cypridina) Koste- 
lensis, Reuss, ! par ses valves beaucoup plus larges , assez fortement com- 
primées en arrière et dont la voûte dorsale se rattache aux deux extré- 
mités par une pente beaucoup plus rapide. 

Dimensions. — Longueur 0,85 de millimètre, hauteur 0,5 de millimètre 
et épaisseur 0,45 de millimètre. 

Je dédie cette espèce à M. H. Nyst, de Louvain, auteur de travaux 
importants sur les fossiles des terrains tertiaires de la Belgique. 

Gisement et localités. — Elle n’est pas rare dans la couche argilo-sableuse à 
Nucules (système rupélien de M. Dumont) du terrain tertiaire éocène à Bergh, 
près Klein-Spauwen, en Belgique ; elle est, au contraire, très-rare dans 
la couche à Ostrea cyathula de Jeurre et d'Étrechy (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL. Il, fig. 5, a. Valve gauche provenant de l'argile-sableuse à Mucules de Bergh, près Klein-Spauwen, vue en 
dessus, De ma collection. 
3, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur, De ma collection. 
3, c. La même, vue du côté inférieur. 
5, d. La même, vue par l'extrémité antérieur. 


3 Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbeckens, p.28, pl. IX, 
fig. 22, a, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 67 


10. Cyruene JonestANA, nova species, 1850. 


PL NL, fig. 4, a, b, c, d. 


Cette Cythere a des valves ovales-allongées, arrondies et élargies en 
avant et terminées en arrière par une partie comprimée étroite, arrondie 
et munie, du côté pectoral, de 2-3 dents redressées. Les bords supérieur 
et inférieur offrent deux sinus, dont l’un vers le tiers antérieur et l’autre 
vers le quart postérieur de la longueur totale des valves. Toute la surface 
est ornée d’un grand nombre de points creux anguleux, de forme assez 
variable, disposés par séries concentriques et donnant l’idée d’un réseau 
étendu sur la surface. Le long du bord antérieur, ces points creux sont 
placés au fond de quatre sillons parallèles au bord et qui vont se termi- 
ner vers la partie postérieure de la région pectorale. La voûte dorsale des 
deux valves, qui est très-convexe, retombe perpendiculairement sur les 
bords supérieur et inférieur. Elle se rattache au bord antérieur par une 
pente assez douce et à la partie comprimée postérieure par une pente 
très-rapide. 

La carapace offre une section transversale à contour sub-cordiforme- 
arrondi. 

Rapports et différences. — Cette espèce diffère essentiellement de la 
Cythère (Cypridina) Kostelensis, Reuss, du leithakalk de Kostel en Moravie, 
avec laquelle elle a certains rapports, par ses dimensions plus petites, 
par la forme des points creux de sa surface, et surtout par sa partie com- 
primée postérieure, qui est munie de trois dents. 

Dimensions. — Longueur 0,8 de millimètre, hauteur 0,45 de milli- 
mètre et épaisseur, 0,4 de millimètre. 

J'ai dédié cette espèce à M. R. Jones, de Londres, auteur de la belle 
et intéressante Monographie des Entomostracés fossiles de la formation 
crétacée de l'Angleterre. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette Cythere dans les sables de 
Beauchamp, recueillis à Ver (Oise), à Pisseloup (Aisne), à Guépesle (Seine- 
et-Oise) et à Tancrou (Seine-et-Marne), ainsi que dans le calcaire grossier 
de Montmirail et de Courtagnon (Aisne), de Grignon. de Houdan et de 


68 DESCRIPTION 


la ferme de l’'Orme (Seine-et-Oise), de Chaumont, de Parnes, de Cham- 
bord, de S'-Félix , de Marguérie, du Vivray et de Chateaurouge (Oise), de 
Damery, de Nauteuil et de Chamery (Marne). 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI HI, fig. 4, a. Valve gauche provenant du calcaire grossier de Chaumont, vue en dessus. De ma collection. 
4, b. Carapace entière du calcaire grossier de Montmirail, vue du côté dorsal. 
4, c. La même, vue du côté pectoral. 
4, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


11, Cyruere AnGuraropora, Bosq., 1850. 


PI. I, fig. 5, a, b, c, 4. 


CYTHERINA PUSTULOSA , Roemer, 1838. Neues Jahrbuch für Mineralogie, ete., von Leonhard und 
Bronn, p. 516, pl. VI, fig. 8. 

CypripiNa ANGuLAToPoRA, Reuss, 1849. Die fossilen Entomost. des üsterreich. Tertiärbeckens , 
p. 46, pl. X, fig. 32, a, b. 


Les valves de cette espèce présentent un contour ellipsoïdal et sont 
comprimées, larges et arrondies aux deux extrémités. Leur partie com- 
primée antérieure offre à sa surface deux sillons parsemés de points creux 
anguleux et limités par deux côtes assez élevées, mais très-étroites et 
parallèles au bord antérieur; la partie comprimée postérieure est garnie 
à son bord de trois petites dentelures !. Les bords supérieur et inférieur 
sont faiblement arqués. Le premier offre, vers son tiers antérieur, un 
sinus assez profond. La voûte dorsale est assez fortement bombée, se 
rattache à la partie comprimée postérieure par une pente très-rapide et 
retombe presque perpendiculairement sur le bord inférieur; elle est ornée 
d’un grand nombre de points creux assez grands, irrégulièrement tétra- 
gones, disposés par séries plus ou moins régulières et ne laissant entre 
eux que des espaces très-étroits, sur lesquels il m’a été impossible d’aper- 
cevoir des sillons, même à l’aide d’un très-bon microscope (chez quel- 
ques individus, les points creux sont très-étroits, trigones, ou quelquefois 


1 Dans les individus adultes que je possède, je ne remarque constamment que trois petites 
dents en arrière, tandis que, dans la figure qu'en donne M. Reuss, on en voit distinctement sept. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 69 


en forme de croix, et la surface paraît alors être recouverte d’une Celle- 
pore). Les tubercules subcentraux sont assez proéminents, sans être net- 
tement détachés du reste de la surface. 

La carapace offre une section transversale à contour tétragonal. 

Rapports et différences. — Elle a d'assez grands rapports avec ma Cythere 
(Cypnmina) Koninckiana ‘ de la craie supérieure de Maestricht; elle s’en 
distingue cependant facilement par ses valves elliptiques, largement arron- 
dies aux deux extrémités, par les points creux de la surface beaucoup 
plus grands et plus rapprochés les uns des autres, et surtout par l’ab- 
sence complète de la carène. 

Je pense que la Cythere (CyrneriNa) pustulosa ?, Roemer, a été établie 
sur de jeunes individus de la Cythere angulatopora. Les trois échantillons 
de la collection de M. Fr.-Ad. Roemer, que M. Herm. Roemer a bien 
voulu mettre, pour quelque temps, à ma disposition, n’offrent point à leur 
surface de pustules , mais bien des points creux anguleux. Ces trois valves 
sont d’ailleurs minces et demi-transparentes, comme le sont d'ordinaire 
les jeunes individus de toutes les autres Cythere. 

Dimensions. — Longueur 1 millimètre, hauteur 0,5 de millimètre et 
épaisseur 0,6 de millimètre. 

Gisement et localités. — Dans le calcaire grossier de Chamery, de Parnes, 
de Damery, de Montmirail, de la ferme de l'Orme, de S'-Félix, de Nau- 
teuil, de Tancrou, de Houdan et de Grignon, ainsi que dans les sables 
moyens de Ver, de Pisseloup et de Guépesle en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. I, fig. 5, a. Valve gauche du calcaire grossier de Damery, vue en dessus. De ma collection. 
5, b. Carapace entière, de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
5, c. La même, vue du côté inférieur. 
5, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


1 Bosquet, 4847. Descript. des Entomostr. foss. de la craie de Maestricht, pp. 18-19, pl. WI, 
fol. 5, a, f. 


? Roemer, 1838. Neues Jahrb. für Mineral, ete., p. 516, pl. VI, fig. 8. 


70 DESCRIPTION 


12. Cvruere ravosa, Bosq., 1850. 
PI. IH, fig. 6 a, b, c, d. 


Cyrnerina FAvosa, Roemer, 1838. Die Cytherinen des Molassengebirges. — 1m Jahrb. für Mine- 
ralogie, ete., p. 516, pl. VE, fig. 7. 


Valves ovales-allongées, à bords supérieur et inférieur droits, le der- 
nier faiblement excavé. Elles sont comprimées, obliquement arrondies et 
finement denticulées en avant, et sont terminées, en arrière, par un lobe 
comprimé, qui est fortement tourné vers le côté pectoral. La voûte dorsale 
des deux valves est peu convexe et se rattache à la partie comprimée des 
deux extrémités par une pente assez rapide et au bord pectoral par une 
pente très-rapide; toute sa surface est ornée d’un grand nombre de fos- 
settes allongées ou arrondies, inégales et plus ou moins anguleuses, et 
dont les plus grandes se trouvent vers les deux extrémités. 

La carapace présente une section transversale à contour arrondi sub- 
pyriforme. 

Les échantillons les mieux conservés sont d’une couleur gris noirâtre. 

Rapports et différences. — Quoique cette espèce se rapproche beaucoup 
de la Cythere (Cypridina) angulatopora, Reuss, elle s’en distingue cependant 
très-nettement par la grande inégalité de forme et de grandeur des fossettes 
profondes dont la surface du dos de ses valves est creusée, et parce que 
ces dernières n’ont ni sinus au bord dorsal, ni dentelures à la partie 
comprimée postérieure. 

Dimensions. — Long. 1 millim., hauteur et épaisseur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette belle Cythere n’est pas rare dans le terrain 
subapennin (miocène supérieur) de Perpignan (Pyrénées-Orientales), en 
France. Je l'ai rencontrée aussi à l’état vivant, sur les côtes de la Bel- 
gique, à Ostende. Elle a été trouvée par Rœmer dans le terrain subapen- 
nin de Castell Arquato, près Parme, en Italie. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. II, fig. 6, a. Valve gauche provenant du terrain subapennin de Perpignan, vue en dessus. De ma collection. 
6, b. Individu entier de la même localité, vu du côté dorsal. De ma collection. 
6, c. Le même, vu du côté pectoral. 
6, d. Le même, vu par l'extrémité antérieure. 


PA 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 74 


13. Cvrnere mNonNnATA, nova species, 1850. 


PI. II, fig. 7, 4, b, c, d. 


Valves à contour subovale, comprimées aux deux extrémités, forte- 
ment rétrécies en arrière et terminées en une pointe émoussée, Leur bord 
supérieur est faiblement arqué, presque droit, tandis que l’inférieur est 
fortement arqué dans sa moitié postérieure. Le dos des valves, dont toute 
la surface est lisse, et qui est assez convexe, se rattache à la partie com- 
primée des deux extrémités par une pente assez lente. Le long du côté 
pectoral, vers le tiers postérieur de sa longueur, il offre une protubé- 
rance ou bosse, qui est sa partie la plus élevée et d’où il retombe presque 
perpendiculairement sur le bord pectoral. 

La carapace présente une section transversale à contour trigone-arrondi. 

Dimensions. — Longueur 0,65 de millimètre et hauteur 0,4 de milli- 
mètre. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette Cythere, dont je ne possède que 
trois valves gauches, dans les faluns de Léognan (Gironde), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PI III, fig. 7, a. Valve gauche du sable miocène supérieur de Léognan, vue en dessus. De ma collection. 
7, b. La même, vue du côté dorsal. 
7, c. La même, vue du côté pectoral. 
7, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


? 
? 


14. Cyrnene Lamarckiana, nova species, 1850. 


PI. I, fig. 8, a, b, c, d. 


Les valves de cette espèce sont ovales-subtétragones, comprimées , obli- 
quement arrondies et élargies en avant; terminées en arrière par un lobe 
comprimé assez long, subtétragone et dirigé vers le côté pectoral. Leur bord 
supérieur est sinué, tandis que l’inférieur est légèrement arqué. Leur voûte 
dorsale est subcarénée, et la carène se termine en arrière par un gros ren- 
flement obtus. Un renflement à peu près pareil se remarque à l'extrémité 
postérieure du bord dorsal, à côté du tubercule cardinal postérieur. Le 


72 DESCRIPTION 


tubercule subcentral est arrondi et lisse. Sur la partie comprimée anté- 
rieure , on remarque une série de à-6 points creux arrondis, parallèle au 
bord. Les points creux qui ornent le reste de la surface de la voûte dorsale 
sont épars et oblongs. La région pectorale est concave vers le milieu, et 
présente un contour trigone-subcordiforme. 

La carapace offre une section transversale à contour subtriangulaire. 

Rapports et différences. — Elle a des rapports de forme avec la Cythere 
(Cypridina) transsylvanica , Reuss !, de l'argile tertiaire de Fe Fels-Lapugy, 
en Transylvanie. L'espèce autrichienne se distingue de la nôtre par son 
lobe postérieur plus petit, par sa surface marquée de points creux, moins 
grands et plus nombreux, et surtout par son limbe antérieur orné de 
sillons rayonnants. 

Dimensions. — Longueur 0,55 de millimètre, hauteur 0,35 de milli- 
mètre et épaisseur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — Dans le calcaire grossier de Parnes, de Cour- 
tagnon, de Chaumont, de St-Félix et de Grignon , ainsi que dans les sables 
inférieurs de Cuise-la-Mothe, en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL II, fig. 8, a. Valve gauche provenant du calcaire grossier de Parnes, vue en dessus. De ma collection. 
8, b. Carapace entière du calcaire grossier de Courtagnon, vue du côté dorsal. De ma collection. 
8, c. La même, vue du côté pectoral. 
8, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


15. CyTmere BIDENTATA, nova species, 1850. 
PI. I, fig. 9, a, b, c, d. 


Valves déprimées, oblongues-subtétragones, élargies en avant et mar- 
ginées d’un rebord obliquement arrondi et lisse, terminées en arrière 
par un lobe comprimé fortement tourné vers le côté pectoral et formé de 
deux parties, dont l’une, assez large, est obliquement arrondie, tandis que 
l’autre, plus étroite, est composée de deux dents rapprochées. Leur bord 


1 Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbeckens, p. 58, pl. XI, 
fig. 9,a, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 73 


supérieur est droit et l’inférieur bisinué. Toute leur surface est ornée 
de sillons concentriques très-faibles, que l’on n’aperçoit que vers la par- 
tie antérieure et sur la région pectorale, et de points creux oblongs, 
disposés très-régulièrement par rangées, en partie concentriques et en 
partie longitudinales. Les tubercules subcentraux sont arrondis et peu 
proéminents. En avant du lobe comprimé postérieur, vers l'extrémité 
postérieure du bord pectoral , on remarque un tubercule saillant et obtus, 
et vers l'extrémité du bord dorsal, à côté du tubercule cardinal posté- 
rieur , se trouve une saillie à peu près semblable, qui est produite par 
la troncature de la région dorsale. 

D’après le contour de la valve gauche, la carapace doit présenter un 
contour transverse pentagonal. 

Rapports et Différences. — Elle a, comme la précédente, quelques rap- 
ports avec la Cythere [Cyrrmina] Transylvanica; elle s'en distingue néan- 
moins facilement par ses valves plus courtes; n’offrant point de sillons 
rayonnants sur la partie comprimée antérieure, ainsi que par le lobe com- 
primé postérieur , beaucoup plus court et bidenté du côté pectoral. 

Dimensions. — Longueur 0,8 de millimètre et hauteur 0,4 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est très-rare et se trouve à Dax (Gironde), 
en France. Je n’en ai trouvé jusqu’à présent que deux valves. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI III, fig. 9, a. Valve gauche des faluns de Dax, près Bordeaux, vue en dessus. De ma collection 


9, b. La même, vue du côté dorsal. 
9, c. La même, vue du côté pectoral. 
9, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


16. Cvrnere puncratura, Jones, 1849. 
PL IL, fig. 10, a, b, c, d. 


CyrneriNa PUNCTATULA, Roemer, 1840. Die Versteinerungen des norddeutschen Kreidegebir- 
à ges, p. 104, pl. XVI, fig. 18, a, b (Icon mala.). 


—  ConcEnTRICA, Reuss, 1846. Die Versteinerungen der bühmischen Kreideformation, 
2% Abtheilung, p. 105, pl. XXIV, fig. 22, a,b, c. 
Cvruere scuLeTA , Cornuel, 1846. Mémoires de la Société géologique de France, 2"* série, 


Tome XXIV. 10 


74 DESCRIPTION 


t. le, 2e partie, p. 201, pl. VIII, fig. 20-25. 
CyrueriNA concenTrica, Williamson, 1847. Transaction of the Manchester literary and philoso- 
phical Society. Vol. VIN. Memoir on some, etc. , 
p. 82, pl. IV, fig. 77. 
CypripiNa Roemeriana, Bosquet, 1847. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, 
t. IV, pp. 562, 565, pl. IL, fig. 2, a-f. 


— — Bosquet, 1847. Description des Entomostracés fossiles de la craie de 
Maestricht, pp. 12-13, pl. IL, fig. 2, a-f. 
CYTHERE  PUNCTATULA, Jones, 1849. À Monograph of the Entomostraca of the cretaceous 


formation of England, p. 11, pl. I, fig. 2, a-n. 
— Var. vmemea, Jones. Valvis sublævibus. vel plicis seu foveolis concentricis 
obsoletis..Mihi, pl. HE, fig. 10, a-d. 


Valves ovales, subrhomboïdales, arrondies aux deux extrémités et 
marginées d’un rebord comprimé très-étroit ; leur bord supérieur est for- 
tement arqué, et l’inférieur est comprimé et presque droit. Ces valves sont 
tellement enflées au côté pectoral, que leur voûte dorsale dépasse de 
beaucoup le bord et que ce côté paraît très-fortement arqué. La surface, 
qui est le plus souvent recouverte de bourrelets ou de plis concentriques 
et vers le milieu de granulations, est parfois réticulée dans les jeunes 
individus, et les réticulations sont alors arrangées concentriquement. Selon 
M. Jones, les plis ou les parties élevées du réseau sont alors armées de 
petites épines, et, dans les individus adultes, ces plis perdent les épines 
et deviennent épais en recouvrant le réseau, jusqu’à ce qu’apparaissent, 
plus tard, les points creux, très-petits et plus ou moins concentriques. Dans 
les individus adultes, on ne voit plus que les côtes ou gros plis, qui sont 
fortement marqués et réguliers sur la partie pectorale des valves, qui 
deviennent plus fins vers la partie supérieure et qui, vers la partie cen- 
trale des valves, sont divisés en des corrugations et granulations irrégu- 
lières. La partie comprimée postérieure est garnie, dans les échantillons 
parfaitement adultes, de trois petites dents, qui paraissent toujours man- 
quer dans la variété que j'ai figurée. 

Cette variété, à laquelle M. Jones a donné le nom de virginea, que je 
lui ai conservé, a des valves à surface sans plis concentriques , sans points 
creux et non réticulée; mais, chez certains individus, ces valves présen- 
tent encore des traces de la structure réticulée et des plis concentriques. 


mn à die te dl it à dt nn a bé 


LÉ RU DR ds DE à 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 75 


Un seul de mes échantillons a conservé des couleurs; il est d’un rouge 
pâle vers le côté supérieur , d’un rouge foncé le long des bords antérieur, 
inférieur et postérieur, et blanc vers le centre des valves. 

Dimensions. — Longueur 0,8 de millimètre, hauteur 0,5 de millimètre 
et épaisseur 0,55 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Cythere est assez rare dans la couche à 
Ostrea cyathula de Jeurre (Seine-et-Oise) et dans le calcaire grossier de 
Chamery (Marne), en France. Elle est, au contraire, assez commune dans 
le calcaire de Maestricht. Suivant M. Rœmer , elle se trouve dans le histhon 
du nord de l'Allemagne; d’après M. Reuss, dans le plänermergel de Lüschitz 
et de Rannay en Bohême; selon M. Cornuel, dans le greensand inférieur de 
Wassy (Haute-Marne), en France, et, d’après M. Jones, dans la craie 
blanche du sud-est de l'Angleterre, dans le detritus de Charing, dans la 
craie marneuse de Douvres, dans le gault de Folkstone et de Leacon- 
Hill, et dans le greensand de Warminster. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI, III, fig. 10, a. Valve gauche du calcaire grossier de Chamery , vue en-dessus. De ma collection. 
10, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
10, c. La même, vue du côté inférieur. 
10, d. La même vue par l'extrémité antérieure. 


17. Cvrnere puncraTeLLa, Bosq., 1850. 


PL Il, fig. 12, a,b,c, d. 


Cypripina PuncrateLLa, Reuss, 1849. Die fossilen Entomostr. des üsterreich. Tertiärbeckens, 
pp. 25, 26, pl. IX, fig. 45, a, b. 


Valves minces, et fragiles, elliptiques, convexes, arrondies aux deux 
extrémités. Les bords supérieur et inférieur sont arqués; le dernier et 
l’antérieur sont marginés d’un rebord étroit et mince. Toute la surface est 
couverte de points creux très-petits, rapprochés les uns des autres, qui 
sont tous de même grandeur, et qui, vers la périphérie, sont rangés en 
séries concentriques. 


Observation. — Je doute beaucoup que cette espèce, qui a été établie 


76 DESCRIPTION 


par M. Reuss, puisse être conservée. Ses valves, minces et fragiles, ainsi 
que ses dents cardinales, très-imparfaitement développées, me font penser 
que ce ne doit être que le jeune âge de quelque espèce voisine , telle que 
des Cythere cicatricosa ou punctata. 

Dimensions. — Longueur 0,7 de millimètre , hauteur et épaisseur 0,4 de 
millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est assez abondante dans le terrain sub- 
apennin supérieur de Perpignan (Pyrénées-Orientales), et se rencontre 
très-rarement, d’après M. Reuss , dans le terrain tertiaire des environs de 
Bordeaux !, en France. Elle se trouve très-rarement aussi , suivant le même 
paléontologiste, en Autriche, dans le leithakalk de Nussdorf, près de 
Vienne, de Wurzing et de Freibühl, en Styrie, et dans le tegel de Grinzing, 
près de Vienne, moins rarement dans le tegel de Felsô-Lapugy en Tran- 
sylvanie. D’après M. Reuss, elle existe aussi abondamment en Italie, dans 
le sable jaune subapennin de Castell Arquato, près Parme. 


EXPLICATION DES FICURES. 


PI. IN, fig. 12, a. Valve gauche provenant du terrain subapennin de Perpignan, vue en dessus. De ma collection. 
12, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
12, c. La même, vue du côté pectoral. 
12, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


18. Cyruere cicarricosa, Bosq., 1850. 
PI. II, fig. 15, a, b, c, d. 


Cvpriina cicaTricosa, Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des ôsterreich. Tertiärbekens, 
pp. 27, 28, pl. IX, fig. 21, a, b. 


Valves ovales, régulièrement bombées, anguleuses et obtuses en ar- 
rière, arrondies en avant , faiblement comprimées aux deux extrémités et 
munies d’une série de fossettes semblables à des cicatrices et rayonnant 
vers les bords. Leur bord supérieur est fortement arqué, l’'inférieur, qui 


1 Je pense que c'est par erreur que M. Reuss cite diverses espèces du calcaire grossier (grob- 
kalk) de Bordeaux. Il me paraît probable que ce paléontologiste n’a eu à sa disposition que du 
sable tertiaire miocène supérieur de Dax, Léognan, etc., qui est très-développé aux environs de la 
capitale du département de la Gironde. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 77 


est très-faiblement courbé, offre un léger sinus en avant de sa partie mé- 
diane. Toute la surface est garnie de points creux, assez grands et assez 
espacés vers le milieu du dos, et beaucoup plus petits, beaucoup plus 
rapprochés les uns des autres, et disposés très-régulièrement par séries 
concentriques vers la périphérie. 

Rapports et différences. — Elle ressemble fortement à la Cythere (Cx- 
PRIDINA ) punctata, v. Munst. !, avec laquelle elle pourrait facilement être con- 
fondue. Elle s’en distingue essentiellement, et au premier abord, par les 
points creux de sa surface qui , vers la périphérie, sont beaucoup plus petits, 
plus rapprochés les uns des autres et disposés en rangées concentriques 
plus nombreuses, et surtout par les fossettes rayonnantes, semblables à 
des cicatrices, qui ornent la partie comprimée des deux extrémités et 
dont on ne trouve aucune trace chez la Cythere punctata. 

Dimensions. — Longueur 0,85 de millimètre, hauteur 0,55 de milli- 
mètre et épaisseur 0,45 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette espèce, qui vit encore actuellement sur 
les côtes de l'Italie, dans la Méditerranée, se rencontre assez fréquemment 
dans le terrain subapennin supérieur de Perpignan (Pyrénées-Orientales). 
Suivant M. Reuss, elle se trouve très-rarement dans le terrain tertiaire des 
environs de Bordeaux. Elle a été recueillie en Autriche par le même pa- 
léontologiste, en assez grande abondance dans le tegel de Rudelsdorf en 
Bohême , rarement dans le tegel de Grinzing, près de Vienne, et en Italie, 
dans le sable subapennin jaune de Castell’Arquato , près de Parmes. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. I, fig. 15, a. Valve gauche du terrain subapennin de Perpignan, vue en dessus. De ma collection. 
15, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma callection. 
15, c. La même, vue du côté pectoral. 
15, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


1 Reuss, 1849, Die fossil. Entomostr. des ôsterr. Tertiärb., pp. 28, 29, pl. IX, fig. 24, a, b. 


78 DESCRIPTION 


19. Cvrnere cazeara, Bosq., 1850. 


PI. II, fig. 14, @, b. 


CypripiNa GALEATA, Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbec- 
kens, p. 27, pl. IX, fig. 20, a, b. 


Valves larges , ovales, peu convexes, obliquement arrondies et élargies 
en avant et terminées en arrière par un lobe comprimé subanguleux et 
denticulé. Leur bord inférieur est excavé et le supérieur fortement arqué. 
Leur surface est couverte de points creux assez grands, oblongs, et qui 
sont rangés par séries concentriques vers la partie antérieure. Sur la 
région pectorale, on remarque deux plis longitudinaux faibles. Le limbe 
antérieur est orné de sillons rayonnants très-fins et très-nombreux. 

Rapports et différences. — Elle se distingue facilement de la Cythere (Cx- 
PRIDINA) cicatricosa, par ses valves plus convexes, assez fortement com- 
primées aux deux extrémités, et surtout par son limbe antérieur, beau- 
coup plus large et orné, à sa surface, d’un très-grand nombre de sillons 
rayonnants très-étroits. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre. 

Gisement et localités. — Selon M. Reuss, on trouve une variété plus 
petite de cette espèce dans le terrain tertiaire de Bordeaux. Elle doit y 
être très-rare, car je n'ai pas encore été assez heureux pour l'y découvrir. 
Elle a été trouvée en Autriche, aussi par M. Reuss, dans le tegel de Ru- 
delsdorf, en Bohême, et dans le leithakalk de Wurzing, de Freibühl et de 
S'-Nicolaï, en Styrie; elle est très-rare dans le sel gemme des salines de 
Wieliczka, en Gallicie, et dans le tegel de Grinzing, près Vienne. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. II, fig. 14, a. Valve droite du tegel de Rudelsdorf, d’après M. Reuss, vue en-dessus. Collection de M. Reuss. 
14, b. Carapace entière, vue du côté inférieur, d’après le même. 


20. CyrnERE LIMBATA, nov. spec., 1850. 


PI. IV, fig. 1,4a,b,c,d. 


Les valves de cette Cythere sont larges, ovales, convexes. Elles sont 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 79 


marginées en avant d’un limbe obliquement arrondi, élargi et orné à sa 
surface de 8-9 fossettes allongées et rayonnantes. Elles sont terminées en 
arrière par un lobe comprimé bi- ou tri-sillonné et tourné vers le côté 
pectoral. Leur bord inférieur est faiblement arqué, tandis que le supé- 
rieur l’est assez fortement. Le premier offre deux sinus peu profonds, 
dont l’un vers le tiers antérieur et l’autre vers le quart postérieur de sa 
longueur. La voûte dorsale des deux valves est parsemée d’un grand 
nombre de points creux assez petits, concentriques vers le bord antérieur 
et sur la région pectorale, beaucoup plus espacés vers le centre et dis- 
posés, sur la moitié postérieure, en lignes obliques, dirigées vers le lobe 
comprimé. Les deux tubercules cardinaux sont assez bien prononcés. 
L’antérieur est situé en avant d’une protubérance assez épaisse, et, à côté 
du postérieur, on remarque un tubercule qui termine l’arête obtuse qui 
forme la limite marginale de la région dorsale. 

La carapace présente une section transversale à contour ovale-arrondi. 

Rapports et différences. — Cette espèce a presque la même forme que la 
précédente; elle s’en distingue néanmoins par ses valves plus bombées, 
ornées de points creux plus petits, et surtout par le lobe comprimé pos- 
térieur sans dentelures et par le rebord comprimé antérieur, garni seule- 
ment de 8-9 fossettes assez grandes. 

Dimensions. — Longueur 0,65 de millimètre, hauteur 0,4 de millimètre 
et épaisseur 0,35 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Cythere se trouve dans le sable tertiaire 
éocène d'Étrechy et de Jeurre (Seine-et-Oise), ainsi que dans les sables 
moyens, à Acy (Oise), et à Guépesle (Seine-et-Oise). Elle est plus rare 
dans les deux dernières, que dans les deux premières localités. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL IV, fig. 1, a. Valve gauche du terrain éocène de Jeurre, vue en dessus. De ma collection. 
1, b. Carapace entière, provenant de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
1, c. La même, vue du côté inférieur. 
1, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


80 DESCRIPTION 


21. Cvraere venrricosa, nov. spec., 1850. 
PL IV, fig. 2,a,b,c, d. 


Les valves de cette espèce sont ovales, fortement ventrues; elles sont 
comprimées, marginées et arrondies en avant, et sont terminées en arrière 
par un lobe comprimé subanguleux. Leur bord inférieur est arqué, tandis 
que le supérieur est presque droit. Leur surface est ornée d’un grand 
nombre de points creux arrondis, assez profonds, oblongs, et disposés 
très-régulièrement au fond de sillons flexueux, concentriques vers les 
bords et longitudinaux vers le milieu du dos des valves. La surface du 
limbe comprimé antérieur présente 8-9 fossettes rayonnantes. Tout le bord 
supérieur, antérieur et inférieur, est marginé d’un rebord assez étroit, 
élargi vers le milieu de la région pectorale, à côté de la lame pectorale 
qui, dans quelques-uns de mes échantillons, est remplacée par une fente. 

La carapace offre une section transversale à contour subtrigone-cordi- 
forme. 

Rapports et différences. — Elle diffère essentiellement de la Cythere 
punctata, v. Münst. !, qui a été trouvée dans le terrain tertiaire, en Italie et 
en Autriche, par ses valves beaucoup plus bombées, par sa partie com- 
primée antérieure, garnie de fossettes rayonnantes et par son lobe com- 
primé postérieur, dépourvu de dentelures. 

Dimensions. — Longueur 0,8 de millimètre, hauteur 0,5 de millimètre 
et épaisseur 0,45 de millimètre. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette espèce dans le calcaire grossier 
de Parnes et de Chaumont (Oise) et dans celui de Grignon et de la ferme 
de l’'Orme (Seine-et-Oise); dans les sables inférieurs de Cuise-la-Mothe et 
dans ceux de Soissons (Aisne) et d'Épernay (Marne). 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. IV, fig. 2, a. Valve gauche des sables inférieurs de Cuise-la-Mothe, vue en dessus. De ma collection. 
2, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
2, c. La même, vue du côté pectoral. 
2, d. La même , vue par l’extrémité antérieure. 


1 Von Münster et Roemer, 1838. Jahrb. für Mineralogie, etc., p. 515, pl. VE, fig. 7. Reuss, 
1849. Die fossil. Entom. der ôsterr. Tertiärb., pp. 28, 29, pl. IX, fig. 24, a, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 81 


22. Cvrnere GRATELOUPIANA, nov. spec., 1850, 


PL IV, fig. 5,a,b,c, d. 


Valves très-convexes , obliquement subtétragones , ellipsoidales , arron- 
dies en avant et marginées d’un rebord lisse et très-étroit ; terminées en 
arrière par un lobe comprimé arrondi, qui est fortement tourné vers le 
côté supérieur et dont la surface est onduleuse. Leur bord supérieur est 
presque droit, tandis que l’inférieur est assez fortement arqué. Leur sur- 
face, qui a un aspect réticulé, est garnie de côtes concentriques nom- 
breuses, très-rapprochées les unes des autres, très-faibles, disparaissant 
entièrement vers le milieu du dos et séparées par des sillons, au fond 
desquels on remarque des points creux anguleux, assez nombreux et de- 
venant un peu plus grands à proximité du côté pectoral. La région pecto- 
rale, qui est aplatie et assez fortement excavée à côté du lobe comprimé 
postérieur, présente un contour ovale-oblong subhexagonal. 

La carapace offre une section transversale à contour trigone subcor- 
diforme. 

Rapports et différences. — Cette Cythere, qui doit être rangée parmi le 
petit nombre de celles qui ont le lobe comprimé postérieur tourné vers le 
côté dorsal, a de grands rapports avec la Cythere (Cyprmina) hastata, Reuss!, 
que ce paléontologiste distingué a bien voulu me communiquer du leitha- 
kalk de Kostel, en Moravie. Elle s’en distingue néanmoins facilement par 
sa surface garnie de points creux plus nombreux et disposés au fond de 
sillons , qui deviennent assez sensibles sur la région pectorale et vers les 
bords; par son lobe comprimé postérieur non anguleux, mais arrondi, 
très-fortement tourné vers le côté dorsal et à surface plissée, et enfin par 
l'absence de la carène et du gros tubercule qui termine celle-ci en arrière. 

Dimensions. — Longueur 0,6 de millimètre, hauteur 0,35 de millimètre 
et épaisseur 0,3 de millimètre. 

Je dédie cette espèce au paléontologiste distingué qui a fait connaître 
un grand nombre de nouveaux fossiles du bassin tertiaire de l’Adour. 


1 Reuss, 1849. Die fossilen Entom. der ôsterr. Tertiärbeckens, p. 29, pl. IX, fig. 26, a, b. 


Toue XXIV. 11 


82 DESCRIPTION 


Gisement et localités. — Elle se trouve dans le terrain miocène supérieur 
(faluns) de Léognan , de Dax et de Mérignac (Gironde), en France. Elle 
n'est pas très-rare. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. IV, fig. 3, a. Valve gauche du terrain miocène de Léognan, près Bordeaux , vue en dessus. De ma collection. 
5, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
5, c. La même, vue du côté pectoral. 
5, d. La même, vue par l’extrémité antérieure. 


25. Cyruere perormis, Bosq., 1850. 
PL IV, fig. 4,a,b,c, d. 


Cvyrrimina perormis Reuss, 4849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbeckens, 
p. 29, pl. IX, fig. 25, a, b. 


Valves ovales, marginées en avant d’un rebord comprimé dont la 
surface est ornée de 7-8 fossettes, et terminées en arrière par un lobe 
comprimé arrondi, obscurément dentelé et dont la surface est unie ou bi- 
sillonné. Leur bord inférieur est faiblement, tandis que le supérieur est 
assez fortement arqué. Leur voûte dorsale, qui est gibbeuse, se rattache 
au lobe comprimé postérieur par une pente très-rapide et au bord anté- 
rieur par une pente assez douce; vers le côté pectoral, elle est limitée par 
une carène obsolète qui se termine brusquement en arrière en un tuber- 
cule pointu. Un deuxième tubercule plus petit se remarque vis-à-vis du 
précédent, près du bord dorsal, à côté du tubercule cardinal postérieur ; 
il est principalement saillant chez les individus adultes, qui sont plus 
bombés. La carène sépare le dos des valves de la région pectorale, qui 
est cordiforme et qui est excavée des deux côtés du rebord marginal pos- 
térieur. Toute Ia surface est garnie de points creux assez grands, qui 
sont concentriques vers les bords et longitudinaux sur la moitié posté- 
rieure de la voûte dorsale des valves. Sur la région pectorale ces points 
creux sont disposés par rangées longitudinales régulières. 

Rapports et différences. — Par les ornements de sa surface, elle se rap- 
proche beaucoup de la Cythere (Cypriina) ventricosa; elle s’en distingue 
cependant au premier abord, par sa taille plus grande et par le dos de ses 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 83 


valves, qui présente, le long des côtés supérieur et inférieur, une arête ob- 
tuse, terminée brusquement en arrière par un tubercule. 

Dimensions. — Longueur 0,9 de millimètre, hauteur 0,6 de millimètre 
et épaisseur 0,55 de millimètre. 

Gisement et localités. — Se trouve, suivant M. Reuss, très-rarement, en 
France, dans le terrain tertiaire de Bordeaux, et en Autriche abondam- 
ment dans le leithakalk de Kostel, en Moravie; de S'-Nicolaï, de Wurzing 
et de Freibühl, en Styrie ; rarement dans les mêmes couches de Nussdorf, 
près Vienne, et de Steinabrunn, en Autriche; très-rarement dans le tegel 
de Rudelsdorf, en Bohème, et de Felsô-Lapugy, en Transylvanie. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL IV. fig. 4, a. Valve gauche, recueillie par M. Reuss, dans le leithakalk de Kostel, en Moravie, vue en dessus. De 
ma collection. 
4, b. Carapace entière recueillie dans la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
4, c. La même, vue du côté pectoral. 
4, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


24. CYTHERE SAGITTULA , Bosq., 1850. 


PL IV, fig. 5, a, b. 


Crerumna sacrrruza, Reuss, 4849. Die fossilen Entomostr. des üsterreichischen Tertiärbeckens, 
p- 50, pl. XE, fig. 8, a, b. 


Valves ovales-allongées, ellipsoïdales, élargies et arrondies en avant et 
marginées d’un rebord comprimé crénelé, à crénelures peu nombreuses 
et écartées. Elles sont terminées en arrière par un lobe comprimé ar- 
rondi , finement denticulé à son bord. Leurs bords supérieur et inférieur 
sont droits et parallèles. Leur voûte dorsale est le plus convexe le long du 
côté pectoral , le long duquel elle paraît subcarénée ; la carène est obtuse 
et se termine brusquement en arrière en un tubercule passablement 
pointu. La voûte dorsale des valves se rattache aux bords supérieur et 
antérieur par une pente assez douce. La région pectorale présente un 
contour sagittiforme étroit. Toute la surface du dos des valves est couverte 
de points creux très-petits. 


84 DESCRIPTION 


La carapace offre une section transversale à contour trigone. 

Rapports et différences. — Par la forme générale, elle ressemble à la 
Cythere (Cyrriina) hastata, Reuss 1; elle se distingue néanmoins faci- 
lement de celle-ci par ses valves plus grêles, plus déprimées, ornées de 
points creux beaucoup plus petits, et munies en avant de crénelures et en 
arrière de petites dents. 

Dimensions. — Longueur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — Suivant M. Reuss, cette espèce se trouve très- 
rarement dans le terrain tertiaire de Bordeaux, en France, et assez rare- 
ment aussi dans l'argile des salines de Wieliczka, en Gallicie. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL. IV, fig. 5, a. Valve droite provenant des salines de Wieliczka, en Gallicie, vue en dessus. D'après M. Reuss. 
5, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté pectoral. D'après le même. 


25. CYTHERE TESSELLATA, nov. spec., 1850. 
PL IV, fig. 6,a,b,c,d. 


Cette espèce a des valves larges , ovales et assez fortement ventrues. Ces 
valves sont arrondies en avant et marginées d’un rebord comprimé lisse; 
elles sont terminées en arrière par un lobe comprimé obtus, subtrigone, 
et orné à sa surface de deux plis arqués et transversaux. Leur bord dorsal 
est presque droit, tandis que le pectoral est arqué. Leur surface est ornée 
de 7-8 côtes longitudinales larges et rayonnant vers les bords supérieur 
et postérieur. Ces côtes deviennent plus grosses vers le côté pectoral. 
Celle qui borde la région pectorale est plus forte que les autres et se 
termine brusquement, vers le quart postérieur de la longueur totale des 
valves, par un tubercule aigu et triangulaire. Toutes ces côtes sont inter- 
rompues de distance en distance, par des sillons transversaux arqués, 
dont le nombre est à peu près égal au leur. À l'endroit où les sillons trans- 
versaux viennent couper les sillons longitudinaux, qui se trouvent entre 
les côtes, on remarque des points creux assez profonds, qui ne contri- 


! Reuss, 1849. Die fossilen Enlomostr. der üsterreisch. Tertiärb., p.29, pl. IX, fig. 26, a, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 85 


buent pas peu à faire ressortir l'aspect treillissé que présentent les valves 
de cette très-petite Cythere. La région pectorale est aplatie et tronquée en 
arrière. 

Le bouclier présente une section transversale à contour sensiblement 
hexagonal. 

Rapports et différences. — Cette espèce offre des caractères bien saillants 
et ne peut être confondue avec aucune autre. 

Dimensions. — Longueur 0,6 de millimètre, hauteur 0,4 de millimètre 
et épaisseur 0,3 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Cythere se trouve, en France, dans les sables 
moyens de Guépesle et de Ver (Oise), de Pisseloup (Aisne) et d’Auvert 
(Seine-et-Oise); dans le calcaire grossier de S'-Félix, de Parnes, de Chau- 
mont, de Châteaurouge, de Chambord et du Vivray (Oise), de Courta- 
gnon et de Montmirail (Aisne), de Damery et de Chamery (Marne), de 
Houdan , de la ferme de l'Orme et de Grignon (Seine-et-Oise) et dans les 
sables inférieurs de Ménilmontant (Seine). En Belgique, elle se trouve 
dans le sable à grès calcarifère de S'-Josse-ten-Noode, Brabant méridional. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. IV, fig. 6, a. Valve gauche du calcaire grossier du Vivray , vue en dessus. De ma collection. 
6, b. Carapace entière du calcaire grossier de Houdan, vue du côté dorsal. De ma collection. 
6, c. La même, vue du côté pectoral. 
6, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


26. Cyrnere PusiLza, nov. spec., 1850. 
PL IV, fig. 7,4a,b,c, d. 


Les valves de cette très-petite Cythere présentent un contour oblong- 
subpentagonal. Leur bord antérieur est largement arrondi, l’inférieur 
droit et le supérieur excavé. Elles sont marginées en avant d’un rebord 
comprimé lisse, et sont terminées en arrière par un lobe comprimé obtus 
d’une forme subtrigone. Elles sont carénées, et leur carène, qui est tran- 
chante et sinueuse, prend naissance sur une petite côte qui limite le 
rebord comprimé antérieur, Entre cette carène, qui est obliquement tron- 


86 DESCRIPTION 


‘ 


quée en arrière, et le bord pectoral, on remarque une deuxième carène 
plus petite qui va se terminer sur la région pectorale. Ces deux carènes: 
sont séparées par un sillon large et profond. Une petite côte, à peu près 
droite, oblique, assez étroite et interrompue au milieu par le tubercule 
subcentral , qui est lisse et assez grand, sépare la voûte dorsale des valves 
en deux parties inégales. Entre cette côte et la carène, on remarque une 
série de tubercules oblongs, parallèles aux bords de la grande carène et 
réunis entre eux par des étranglements très-étroits. Vers le quart posté- 
rieur du bord supérieur, l’arête qui limite la région dorsale, produit une 
saillie assez prononcée. Entre cette arête et la côte médiane, on aperçoit 
encore une autre petite côte obsolète. La région pectorale, qui présente 
un contour subovale, et qui est presque plane, est excavée à proximité 
du lobe comprimé postérieur. 

La carapace offre une section transversale à contour deltoïde-tétragone. 

Rapports et différences. — Elle présente des caractères tellement tran- 
chés, qu’elle ne peut être confondue avec aucune deses congénères connues. 

Dimensions. — Longueur 0,46 de millimètre , hauteur et épaisseur 0,25 
de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est très-rare et n’a été trouvée que dans le 
- terrain miocène (faluns) de Dax (Gironde), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. IV, fig. 7, a. Valve gauche des sables de Dax, près Bordeaux, vue en dessus. De ma collection. 
7, b. Carapaceentière de la même localité , vue du côté supérieur. De ma collection. 
7, c. La même, vue du côté inférieur. 
7, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


27. — Cvyruere OnBienyana, nov. spec., 1850. 
PI. IV, fig. 8, a, b, c, d. 


Valves assez larges, convexes, oblongues-subtétragones ; largement ar- 
rondies. en avant et marginées d’un bourrelet lisse; terminées en arrière 
par un. lobe, comprimé arrondi, tourné vers le côté pectoral et muni de 
trois dentelures très-petites. Leurs côtés supérieur et inférieur sont légè- 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 87 


rement arqués. Ce dernier porte, vers le milieu, trois petites dents, qui sont 
obliquement dirigées en arrière, et vers sa partie antérieure, il offre un 
sinus très-profond , en avant duquel le bourrelet antérieur fait une saillie 
en forme d’oreillette, sur laquelle est placé le tubercule cardinal anté- 
rieur. Le long du côté pectoral, on remarque un bourrelet arrondi, qui 
sépare le dos des valves de la région pectorale et qui est brusquement 
tronqué en arrière. Toute la surface de la voûte dorsale des valves est 
ornée d’un grand nombre de points creux, disposés par séries longitudi- 
nales et obliques, presque imperceptibles en avant, mais très-bien pro- 
noncées en arrière des tubercules subcentraux. Ceux-ci sont grands et 
lisses. Le long du bourrelet marginal antérieur, on remarque une série de 
7-8 points creux, disposés parallèlement au bord antérieur, 

La région pectorale est pourvue de quatre bourrelets obliques à l'axe 
longitudinal de la carapace, dont deux de chaque côté de la ligne de jonc- 
tion des deux valves; les deux bourrelets extérieurs sont seuls visibles 
quand on examine les valves en dessus; ils remplacent la carène que l’on 
remarque chez un grand nombre d’autres espèces. Le bouclier offre une 
section transversale à contour subpentagonal. 

Rapports et différences. — Cette espèce est bien distincte et très-facile à 
distinguer de toutes les autres Cythere. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre , hauteur 0,45 de milli- 
mètre et épaisseur 0,35 de millimètre. 

Je l'ai dédiée au naturaliste distingué , M. Alcide d’Orbigny ; qui a en- 
richi la science de nombreux et d'importants travaux paléontologiques. 

Gisement et localités. — Elle se trouve rarement dans les sables moyens 
de Ver et d’Acy (Oise), de Pisseloup (Aisne) d’Auvert, et de Guépesle 
(Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL 1V, fig. 8, a. Valve gauche recueillie dans les sables moyens de Ver (Oise), vue en dessus. De ma collection. 


8; b. Carapace entière des sables moyens de Guépesle , vue du côté dorsal. De ma collection. 
8, c. La même, vue du côté pectoral. 


8, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


88 DESCRIPTION 


28. CYTHERE APPROXIMATA , nov. spec., 1850. 
PL IX, fig. 9, a, b, ce, d. , 


Cette espèce a des valves oblongues-subtétragones, arrondies en avant 
et marginées d’une partie comprimée lisse, assez large et garnie de 5-6 
dents fort petites; ces valves sont terminées en arrière par un lobe com- 
primé assez fortement tourné vers le côté pectoral et muni de quatre dents 
aiguës, plus grandes que celles du bord antérieur. Le bord supérieur est 
légèrement arqué, l’inférieur, au contraire, est excavé; ces deux bords sont 
faiblement divergents en avant. Une carène arquée et peu saillante sépare 
le dos des valves de la région pectorale; une carène ou arête analogue, 
mais beaucoup moins aiguë, limite la région dorsale et se termine en ar- 
rière par une petite pointe. La voûte dorsale des valves, qui est passable- 
ment convexe , est ornée d’un très-grand nombre de points creux, irrégu- 
lièrement anguleux. Quoique les tubercules subcentraux ne soient pas 
nettement détachés du reste de la surface, ils sont cependant encore assez 
bien prononcés. 

La région pectorale, qui est aplatie et qui présente un contour ovale- 
subcordiforme, montre sur chacune des deux valves, de deux à trois sé- 
ries longitudinales de points creux anguleux, à peu près pareils à ceux 
qui décorent la voûte dorsale. 

Le bouclier offre une section transversale à contour subpentagonal. 

Rapports et différences. — Cette espèce, quoique très-rapprochée de ma 
Cythere (Cxprmiva) Koninckiana ?, de la craie de Maestricht, s’en distingue 
facilement par son bord antérieur beaucoup moins oblique, garni de 5-6 
dents, par son bord inférieur excavé, par la voûte dorsale de ses valves beau- 
coup moins haute et creusée de points d’une forme tout à fait différente. 

Dimensions. — Longueur 1,02 de millimètre, hauteur 0,6 de millimè- 
tre et épaisseur 0,56 de millimètre. 


‘ Bosquet, 1847. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, t. IV, pp. 568, 269, 
pl. HE, fig. 5, a-f. 

Ib. Description des Entomostr. fossiles de la craie de Maestricht, pp. 18, 19, pl. I, 
fig. 5, a-f. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 89 


Gisement et localités. — Cette Cythere est très-rare dans le terrain ter- 
tiaire éocène (calcaire grossier) de Chaumont (Oise), et dans celui de Gri- 
gnon et de la ferme de l'Orme (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL IV, fig. 9, a. Valve gauche du calcaire grossier de la ferme de l'Orme, vue en dessus. De ma collection. 
9, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
9, ec. La même, vue du côté inférieur. 
9, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


29. Cvrnere ConNuezrana, nov. spec., 1850. 


PI 17, 08 10, a,4D,e, & 


Valves à contour allongé subtétragone, à bords supérieur et inférieur 
droits et faiblement divergents en avant. Elles sont arrondies en avant et 
marginées d’un rebord lisse très-étroit et muni de plusieurs dentelures 
extrêmement petites et très-rapprochées les unes des autres. Elles sont 
terminées en arrière par un lobe comprimé arrondi, fortement tourné 
vers le côté pectoral et muni de 7 ou 8 dentelures obtuses et inégales en 
grandeur. Toute la surface est ornée de points creux oblongs anguleux, 
la plupart tétragones, disposés par séries concentriques en avant et longi- 
tudinales en arrière des tubercules subcentraux. Ceux-ci sont arrondis, 
peu proéminents et se confondent insensiblement avec le reste de la sur- 
face. Une carène obtuse, légèrement onduleuse et bordée de deux séries 
de points creux qui lui sont parallèles, sépare la voûte dorsale des valves 
de la région pectorale. L'une de ces séries est formée de points creux très- 
petits, tandis que l’autre est composée de points beaucoup plus grands, 
subtétragones et ordinairement au nombre de huit. À côté et en arrière 
du tubercule cardinal antérieur, on remarque une dépression triangulaire 
oblique. La région dorsale est très-étroite et sa surface est onduleuse. La 
région pectorale est plane, ovale-oblongue, et sa surface offre quelques 
points creux. 

La carapace présente une section transversale à contour subpentagonal. 


Rapports et différences. — Elle se distingue facilement de l'espèce précé- 
Tome XXIV. 12 


90 DESCRIPTION 


dente, avec laquelle elle a des rapports, par ses valves plus allongées, 
beaucoup plus étroites en arrière et à carène onduleuse, et surtout par 
sa partie comprimée antérieure, garnie de dentelures beaucoup plus nom- 
breuses et par sa partie comprimée postérieure, munie de 7 ou 8 dents ob- 
tuses et inégales. 

Je la dédie à M. Cornuel, de Wassy, qui a décrit avec talent les Ento- 
mostracés fossiles du terrain crétacé inférieur du département de la Haute- 
Marne. 

Dimensions. — Longueur 1 millimètre, hauteur 0,54 de millimètre et 
épaisseur 0,55 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est très-rare dans les sables glauconifères 
de Cuise-la-Mothe (Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. IV, fig. 10, a. Valve gauche des sables inférieurs de Cuise-la-Mothe, vue en dessus, De ma collection. 


10, b. Carapace entière provenant de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
10, c. La même, vue du côté pectoral. 
10, d. La même, vue par l’extrémité antérieure. 


50. Cyrnere vermicucara, nov. spec., 1850. 


PL IV, fig. 11, a, 6, c, d 


Cette Cythere a des valves oblongues-subcarénées , à contour subpenta- 
gonal , à bords inférieur et supérieur presque droits et parallèles. Elles 
sont marginées en avant d’un rebord obliquement arrondi et sont termi- 
nées en arrière par un lobe comprimé anguleux, subtrigone et tourné 
vers le côté pectoral. Leur surface est ornée de plusieurs bourrelets tor- 
tueux, séparés par des sillons assez profonds. Cinq de ces bourrelets 
prennent naissance à côté du rebord comprimé antérieur : de ces cinq 
bourrelets, il y en a deux qui sont réunis par leur extrémité sur le tuber- 
cule subcentral, de manière qu’ils ne paraissent en former qu'un seul; 
deux autres, qui ont leur origine entre ceux-ci et le tubercule cardinal 
antérieur, se dirigent vers l’extrémité postérieure du bord supérieur ; le 
cinquième, qui est très-court et très-faible, est situé entre les deux pre- 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 94 


miers et l'extrémité antérieure de la carène. Tous les autres bourrelets, 
enfin, ont leur origine autour des tubercules subcentraux et se dirigent 
vers la carène et vers lelobe comprimé postérieur ; un seul de ces derniers 
est bifurqué. La région dorsale, qui est tronquée en arrière, présente à sa 
surface, de chaque côté de la ligne de jonction des deux valves, trois sil- 
lons obliques à l’axe longitudinal de la carapace. La région pectorale est 
aplatie, et garnie, dans sa moitié postérieure , à chaque côté du rebord 
marginal des valves, de trois sillons transversaux, qui sont contigus à 
ceux qui séparent entre eux les bourrelets de la voûte dorsale. 

La carapace présente une section transversale à contour pentagonal. 

Rapports et différences. — Cette singulière espèce est très-facile à distin- 
guer et ne saurait être confondue avec aucune de ses nombreuses congé- 
nères. 

Dimensions. — Longueur 0,65 de millimètre, hauteur 0,4 de millimètre 
et épaisseur 0,35 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est très-rare dans le terrain éocène de Par- 
nes (Oise) et dans celui de Grignon (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. IV, fig. 11, a. Valve gauche du calcaire grossier de Grignon, vue en dessus. De ma collection. 
11, 6. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
11, c. La même, vue du côté pectoral. 
11, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


31. CyTuerE AnGusricosrara, nov. spec., 1850. 


PL IV, fig. 12, a, 6, c, d. 


Valves oblongues, à contour subtétragonal, à bords supérieur et infé- 
rieur droits et divergents en avant. Elles sont marginées en avant d’un 
rebord comprimé assez large, dont la surface est lisse et dont le bord est 
garni d’une série de dentelures très-petites ; elles sont terminées en arrière 
par un lobe comprimé qui est muni de cinq dents pointues. Une carène 


_ aiguë et faiblement arquée sépare la région pectorale du dos des valves. 


La surface de celui-ci est ornée de plusieurs côtes étroites, assez rappro- 


92 DESCRIPTION 


chées les unes des autres, rayonnant vers les bords et séparées par des 
sillons profonds, au fond desquels on remarque de nombreux points creux 
arrondis. Quelques-unes de ces côtes vont se terminer sur la région pec- 
torale. Celle-ci est aplatie, assez large, subcordiforme et limitée par les 
deux carènes. Les tubercules subcentraux sont gros, obtus et arrondis en 
arrière. 

Le bouclier présente une section transversale à contour pentagonal. 

Rapports et différences. — Lia Cythere (Cypridina) omphalodes *, que M. Reuss 
a eu l’obligeance de me communiquer, et qui provient du sable tertiaire de 
Mauer, près Vienne, est assez rapprochée de celle-ci. L'espèce autrichienne 
s’en distingue cependant bien facilement, par ses valves d’une taille plus 
grande, plus grêles, moins convexes, sans dentelures aux deux extrémités, 
ainsi que par leur côté inférieur excavé et par leur région pectorale étroite 
et sans côtes. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre, hauteur et épaisseur 0,45 
de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle paraît être fort rare : je ne l'ai trouvée jus- 
qu'à présent que dans le calcaire grossier de Parnes (Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL IV, fig. 12, a. Valve gauche du calcaire grossier de Parnes, vue en dessus. De ma collection. 
12, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
12, c. La même, vue du côté pectoral. 
12, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


32. Cvruere pricarura, Bosq., 1850. 
PI. IV, fig. 15, a, 0, c, d. 


Cypripina PuicATuLA, Reuss, 1849. Die fossilen Entomostr. des ôsterreich. Tertiärbeckens, p. 44, 
pl. X, fig. 23, a, b. 


Valves ovales-subtétragones, très-allongées, plus de deux fois aussi 
longues que larges. Leurs bords supérieur et inférieur sont droits et 


! Reuss, 1849. Die fossil. Entomostr. des üsterreich. Tertiärbeckens, p. 35, pl. X, fig. 7, à, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 93 


presque parallèles ; le dernier est sinué au milieu. Elles sont obliquement 
arrondies en avant et marginées d’un rebord assez large, pourvu de plu- 
sieurs dentelures extrêmement petites et orné, à sa surface, de deux séries 
de points creux parallèles au bord. Elles sont terminées en arrière par 
une partie comprimée obliquement arrondie et munie de trois dents très- 
courtes, à côté desquelles se trouve une épine assez longue, droite et 
linéaire. Leur surface est traversée par quatre côtes longitudinales, dont 
la première , à partir du bord dorsal, et la troisième, sont constamment 
plus faibles que les deux autres, et s’évanouissent ordinairement, du moins 
sur la valve droite, avant d’avoir atteint la moitié antérieure de la lon- 
gueur des valves. Les intervalles qui séparent ces quatre côtes sont par- 
semées , de même que les régions dorsale et pectorale, de points creux 
anguleux. Les tubercules subcentraux sont peu proéminents et lisses. Sur 
la région pectorale, qui est presque plane, les points creux sont disposés, 
sur chaque valve, en trois séries longitudinales. 

La carapace présente une section transversale à contour sinueux sensi- 
blement pentagonal et une section longitudinale à contour ovale-oblong. 

Rapports et différences. — Quoique cette espèce ait quelque ressemblance, 
par les ornements de la surface, avec ma Cythere Haimeana, elle s’en éloi- 
gne cependant beaucoup, par ses valves plus allongées, à côtes moins 
nombreuses , marginées dans toute leur périphérie, dentelées antérieure- 
ment, et par la région pectorale limitée par une côte. 

Dimensions. —: Longueur 0,8 de millimètre, hauteur 0,43 de millimètre 
et épaisseur 0,4 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Cythere est assez rare dans le terrain sub- 
apennin supérieur de Perpignan (Pyrénées-Orientales) et dans le dépôt 
tertiaire miocène (faluns) de Dax et de Léognan (Gironde), en France. Sui- 
vant le docteur Reuss, elle est très-rare aussi en Autriche, dans le leitha- 
kalk de Nussdorf, près Vienne, et de Kostel en Moravie, dans la marne 
de Gainfahren, en Autriche, et dans le tegel de Rudelsdorf, en Bohême, 
et de Grinzing, près Vienne , ainsi que dans l'argile des salines de Wie- 
liczka, en Gallicie. 


94 DESCRIPTION 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. IV, fig. 13, a. Valve gauche du terrain miocène supérieur de Dax, vue en dessus. De ma collection. 
15, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
15, c. La même, vue du côté pectoral. 
15, d. La même, vue par l’extrémité antérieure. 


33. Cvracre Enwarpsi, Bosq., 1850. 


PL IV, fig. 14,a,b,c,d. 


Cyraerwna Enwarpsi, Roemer, 1858. Jahrb. für Mineral. und Geolog., von Leonhard und Bronn, 
p. 518, pl. VIL, fig. 27 (mala). 
—  rmeriaTa, Roemer, 1838. Ibidem, p. 518, pl. VI, fig. 29. 
Cvprmixa Enrwarosr, Reuss, 1849. Die fossil. Entomostr. des ôsterreich. Tertiärbeckens, p. 44, 
pl. X, fig. 24, a, b. 


Valves à contour oblong-subtétragone, à bords supérieur et inférieur 
droits et presque parallèles. Ces valves sont élargies et marginées en avant 
d’un rebord comprimé assez large, orné à sa surface d’une seule série de 
points creux arrondis et garni à son bord d’un assez grand nombre de 
dentelures inégales en grandeur qui le font paraître comme frangé. Elles 
sont terminées en arrière par un lobe comprimé obliquement tronqué, 
tourné vers le côté pectoral et muni seulement de 5 ou 6 dentelures sem- 
blables à celles du bord antérieur. La voûte dorsale des deux valves, qui se 
rattache au bord supérieur par une pente assez rapide et à la partie com- 
primée des deux extrémités par une pente très-rapide, est garnie de deux 
carènes ou crêtes longitudinales, quelquefois lisses, mais plus souvent 
crénelées ou ondulées. L’une sépare la voûte dorsale en deux parties iné- 
gales et l’autre limite la région pectorale. La dermère est constamment 
moins proéminente que la première. Le bord supérieur est limité, dans 
les échantillons parfaits et adultes, par une crête ou arête semblable à 
celles qui surmontent les deux carènes susmentionnées ; mais celle-ci est 
toujours plus étroite et plus fortement ondulée. La surface de la voûte 
dorsale est ornée de points creux arrondis ou anguleux, peu profonds, 
disposés par séries, entre lesquelles on remarque, surtout à côté des ca- 
rènes, des rides transversales qui donnent à la surface un aspect réticulé. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 93 


La région pectorale est aplatie et présente un contour subsagittiforme. 
La carapace offre une section transversale à contour hexagonal. 

Rapports et différences, — La Cythere Edwardsi se distingue essentielle- 
ment de la Cythere (Gypridina), tricostata *, dont le docteur Reuss a eu l’obli- 
geance de me communiquer un échantillon du leithakalk de Nussdorf, près 
de Vienne, par sa partie comprimée antérieure beaucoup moins large, et 
surtout par la section longitudinale dé sa carapace à contour tétragono- 
ellipsoïdale et non cunéiforme, 

La Cythere fimbriata me paraît n'avoir été établie que sur un échantillon 
bien adulte de la Cythere Edwards. 

Dimensions. — Longueur 0,9 de millimètre, hauteur 0,45 de millimètre 
et épaisseur 0,4 de millimètre. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette belle Cythere très-rarement dans 
le terrain tertiaire pliocène (crag rouge d’Anvers), recueilli à Anvers , en 
Belgique, par mon ami M. Ch. Laurent ; assez fréquemment dans le ter- 
rain subapennin supérieur de Perpignan (P yrénées-Orientales) et assez ra- 
rement dans le terrain miocène de Léognan, de Mérignac et de Dax, en 
France. Elle a été recueillie très-rarement par le docteur Reuss, en Au- 
triche, dans le leithakalk de Nussdorf et dans le tegel de Grinzing, près 
Vienne, et de Rudelsdorf, en Bohême, ainsi que dans le sel gemme des sa- 
lines de Wieliczka, en Gallicie. Suivant M. Roemer, elle se trouve aussi 
dans le dépôt tertiaire de Palerme, en Sicile , et dans celui du nord-ouest 
de l’Allemagne , à Osnabrück. 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PI. IV, fig. 14, a. Valve gauche provenant du terrain miocène de Léognan, vue en dessus. De ma collection. 
14, b. Carapace entière de la même localité , vue du côté supérieur. De ma collection. 


14, c. La même, vue du côté inférieur. 
14, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


34. Cvyrnere Heperriana , nov. spec., 1850. 
PL V,fig.1,a,b,c,d. 


Cette espèce a des valves à contour ovale-allongé , subtétragone. Ces 


1 Reuss, 1849. Die foss. Entomostr. des üsterreich. Tertiärbeckens, p. 44, pl. X, fig. 25, a, b. 


96 DESCRIPTION 


valves sont arrondies en avant et marginées d’un rebord lisse, muni de 
12-14 dents aiguës et assez distantes. Elles sont terminées en arrière 
par un lobe comprimé étroit, fortement tourné vers le côté pectoral et 
pourvu à son bord de trois petites dents. Leurs bords supérieur et inférieur 
sont presque droits et faiblement divergents en avant. La surface de la 
voûte dorsale des valves est ornée de côtes réunies en deux faisceaux, dont 
l'un en avant et l’autre en arrière des tubercules subcentraux. Le faisceau 
qui se trouve en avant du tubercule subcentral de chaque valve est com- 
posé de six côtes élargies en avant et-rayonnant vers le bord antérieur ; 
l’autre faisceau est formé d’un nombre égal de côtes, qui prennent nais- 
sance en arrière du tubercule subcentral et qui sont dirigées en partie 
vers le lobe comprimé postérieur et en partie vers le côté dorsal. Une ca- 
rène peu élevée, droite, obtuse et brusquement tronquée en arrière , sé- 
pare la voûte dorsale des valves de la région pectorale. Les. tubercules 
subcentraux sont très-gros et arrondis en arrière. La surface de ceux-ci, 
ainsi que les sillons qui séparent les côtes, sont garnis de nombreux points 
creux arrondis. L'espace compris entre les faisceaux de côtes et la carène, 
présente encore trois à quatre rangées longitudinales de points creux 
oblongs. La région dorsale est creusée de quelques sillons, qui sont obli- 
ques à la ligne de jonction des valves et dont quatre sont opposés en 
croix. Ces sillons paraissent être la continuation de ceux qui se trouvent 
entre les côtes qui composent le faisceau postérieur. La région pectorale, 
qui est plane, présente un contour subsagittiforme et est ornée, à proxi- 
mité de chacune des deux carènes , d’une côte en forme des. 

La carapace offre une section transversale à contour subhexagonal. 

Rapports et différences. — Cette belle espèce se rapproche un peu de la 
Cythere angusticostata, mais elle s’en distingue facilement par ses valves plus 
étroites, par son lobe comprimé postérieur , par son bord antérieur garni 
de dentelures beaucoup moins nombreuses, et surtout par la disposition 
des côtes qui parcourent sa surface. 

Dimensions. — Longueur 0,85 de millimètre, hauteur 0,47 de milli- 
mètre et épaisseur 0,45 de millimètre. 

Je me fais un véritable plaisir de dédier cette élégante Cythere à M. Éd. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 97 


Hebert, paléontologiste et géologue distingué, professeur à l’école nor- 
male de Paris, à qui je dois la communication du sable tertiaire d’un grand 
nombre de localités de la France. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé la Cythere Hebertiana dans le terrain 
éocène (sables de Fontainebleau) de Jeurre et d’Étrechy, près d'Étampes 
{Seine-et-Oise), en France. Elle y est assez rare. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL V, fig. 1, a. Valve gauche du sable éocène de Jeurre, vue en dessus. De ma collection. 
1, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
1, c. La même, vue du côté pectoral. 
1, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


3. CYTHERE macropora, nov. spec., 1850. 
ÿ PI. V, fig. 2, a, b, c, d. 


Valves oblongues, subtétragones , élargies et marginées en avant d’un 
rebord comprimé, obliquement arrondi et terminées en arrière par un 
lobe comprimé subtrigone, muni de deux dents et dirigé vers le côté pec- 
toral. Leurs bords inférieur et supérieur sont droits et faiblement diver- 
gents en avant. Leur surface est ornée d’un grand nombre de points 
creux anguleux, assez profonds et de grandeur variée; les plus petits se 
trouvent sur le lobe comprimé postérieur et sur les tubercules subcentraux; 
des points creux, de grandeur à peu près pareille, forment une rangée 
qui longe le bord supérieur et qui borde la partie antérieure des tuber- 
cules subcentraux. Entre ces derniers et le lobe comprimé postérieur , il 
s'en trouve qui sont presque deux fois aussi grands, qui sont très-profonds 
et subtétragones. À côté de la partie comprimée antérieure se trouve une 
série de 7 fossettes, rayonnant vers le bord antérieur et d’une forme 
oblongue tétragone. Une carène peu saillante et presque droite sépare la 
voûte dorsale des valves de la région pectorale. Les tubercules subcen- 
traux sont grands et arrondis. La région pectorale, qui est aplatie, offre 
un contour subsagittiforme, et à côté de chacune des deux carènes, une 


série de 7 ou 8 fossettes obliques et transversales. 
Tome XXIV. 13 


98 DESCRIPTION 


La carapace, vue par l'extrémité antérieure, présente un aspect hexagonal. 

Rapports et différences. — Elle diffère essentiellement de l’espèce sui- 
vante, par les fossettes de la surface beaucoup plus grandes, par son bord 
antérieur sans aucune trace de dentelures, et surtout par ses régions dor- 
sale et pectorale. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre, hauteur 0,45 de milli- 
mètre et épaisseur 0,4 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est très-rare dans le terrain tertiaire éocène 
(sables de Fontainebleau), à Jeurre et à Étrechy (Seine-et-Oise), et dans 
les sables moyens, à Guépesle et à Auvert (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL V, fig. 2, a. Valve gauche de la couche à Ostrea cyathula de Jeurre, vue en dessus. De ma collection. 
2, b, Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
2, c. La même, vue du côté inférieur. 
2, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


56. Cvraere Taierensrana, nov. spec., 1850. 


PL V, fig. 5,a,b,c,d. 


Valves à contour ovale-tétragone, obliquement arrondies en avant et 
munies d’un grand nombre de très-petites dentelures; terminées en arrière 
par un lobe comprimé subtétragone, garni de quatre dents seulement et 
dirigé vers le côté pectoral. Leur bord inférieur est faiblement arqué au 
milieu, tandis que le supérieur est droit et onduleux. Ces deux bords sont 
beaucoup plus divergents en avant que chez l'espèce précédente. Une ca- 
rène, légèrement courbée et onduleuse, sépare la voûte dorsale des valves de 
la région pectorale. Toute la surface du dos des valves est ornée d’un grand 
nombre de points creux anguleux, disposés à peu près concentriquement 
autour des tubercules subcentraux. Ceux-ci sont subcireulaires et assez 
grands. Le long du bord antérieur comprimé, on remarque une série de 
Gou 7 fossettes oblongues-tétragones et rayonnantes. La région dorsale com- 
prise entre les deux tubercules cardinaux , est quinquelobée à chacun de 
ses deux bords latéraux. La région pectorale, qui est aplatie et qui pré- 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 99 


sente un contour ovale-cordiforme, est pourvue, sur chaque valve, de 
trois bourrelets, séparés par des sillons arqués , au fond desquels se trou- 
vent des points creux. 

Rapports et différences. — Cette Cythere, quoique rapprochée de la précé- 
dente, s’en distingue fort bien par les points creux de sa surface plus 
nombreux et plus petits, par son lobe comprimé postérieur muni de quatre 
dents, par son bord antérieur garni de nombreuses dentelures , et surtout 
par ses régions dorsale et pectorale, qui présentent une forme et des or- 
nements tout à fait différents. 

Dimensions. — Longueur 0,7 de millimètre, hauteur 0,45 de millimètre 
et épaisseur 0,4 de millimètre. 

J'ai dédié cette espèce à M. F.-F. Thierens d'Amsterdam, amateur zélé 
de paléontologie, demeurant à Maestricht. 

Gisement et localités. — Elle est très-rare dans les sables d’Étrechy, près 
Étampes (Seine-et-Oise), dans le calcaire grossier de Parnes (Oise) et 
dans celui de Nauteuil (Marne), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. V, fig. 5, a. Valve gauche du calcaire grossier de Nauteuil, vue en dessus. De ma collection 
5, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
5, c. La même, vue du côté pectoral. 
5, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


37. CYTHERE ARACHNOIDEA, nov. spec , 1850. 


PL V, fig. 4,a,b,c,d. 


Cette singulière Cythere, dont je n'ai rencontré jusqu’à présent qu’une 
seule valve droite, est d’une forme ovale-oblongue , à bords supérieur et 
inférieur presque droits et divergents en avant. Cette valve est arrondie en 
arrière et marginée antérieurement d’un rebord comprimé obliquement 
arrondi , dont la surface aplatie est ornée de 6 ou 7 tubercules et dont le 
bord est garni d’un grand nombre de dentelures obtuses et très-courtes. 
Le renflement cardinal antérieur est très-gros et produit, à l'extrémité an- 
térieure du bord dorsal, un angle obtus. La voûte dorsale de cette valve, 


100 DESCRIPTION 


qui est très-bombée vers son tiers postérieur, se rattache aux bords anté- 
rieur et supérieur par une pente assez douce, au bord postérieur, par une 
pente rapide, et retombe perpendiculairement sur le bord inférieur. Le 
long de ce dernier bord, on remarque une carène, qui est surmontée d’une 
série de 7 tubercules assez gros, réunis entre eux en forme de chapelet. 
Toute la voûte dorsale de la valve est couverte de points creux, tétragones 
vers la partie antérieure , irrégulièrement anguleux sur le reste de la sur- 
face, très-grands , ne laissant entre eux que des intervalles très-étroits et 
entre-croisés en forme de réseau. Sur ces intervalles élevés, aux endroits 
où ils se coupent, on remarque de petits tubercules arrondis, dont les 
plus grands se trouvent le long des bords supérieur et postérieur. Trois ou 
quatre de ces tubercules occupent la place du tubercule central. D’après le 
contour de cette valve , la carapace doit présenter une section transversale 
à contour pentagonal. 

Rapports et différences. — Quoique cette espèce offre à sa surface des 
fossettes anguleuses, séparées par des espaces étroits en forme de réseau, 
absolument pareils à ceux qui ornent le dos des valves de la Cythere (Cx- 
pRIDINA), loricata, Reuss !, du tegel d'OEdenbourg, en Hongrie, elle s'éloigne 
cependant beaucoup de cette dernière, parce qu’elle n’a point de lobe 
comprimé en arrière, et surtout par sa région pectorale aplatie et par sa 
carène tuberculeuse. 


Dimensions. — Longueur 0,9 de millimètre et hauteur 0,55 de milli- 
mètre. 
Gisement et localités. — Guépesle (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. V, fig. 4, a. Valve droite des sables moyens de Guépesle , vue en dessus. De ma collection. 
4, b. La même valve, vue du côté supérieur. 
4, c. La même, vue du côté inférieur. 
4, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


1 Reuss, 1849. Die fossilen Entomostr. des üsterreich. Tertiärb., p. 32, pl. IX, fig. 32, a, b. 


. DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 104 


58. Cvrnere rruncara, Bosq., 1850. 


PL V, fig. 5,a,b,c,d. 


Cypripina rRuncaTA, Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbec- 
kens, pp. 39, 40, pl. X, fig. 15, a, b. 


Valves ovales-subtétragones , assez larges, marginées en avant d’un re- 
bord comprimé concave, obliquement arrondi et orné à sa surface de 
quelques points creux. Elles sont terminées en arrière par un lobe com- 
primé subanguleux et tourné vers le côté pectoral. Les bords supérieur et 
inférieur sont presque droits, faiblement sinueux et peu divergents en 
avant. La voûte dorsale se rattache à la partie comprimée des deux extré- 
mités par une pente assez rapide; elle est chargée de cinq rides longitudi- 
nales aiguës et irrégulières, séparées par des sillons larges et profonds, 
au fond desquels on remarque un assez grand nombre d’autres rides, qui 
sont transversales (prises probablement pour des points creux arrondis 
par M. Reuss). La ride longitudinale aiguë qui sépare le dos des valves 
de la région pectorale est droite, faiblement sinueuse et comme tronquée 
en arrière. Parmi les quatre autres grandes rides qui garnissent le dos des 
valves, les trois supérieures sont obliquement dirigées en arrière et vont se 
réunir à l’arête aiguë qui limite la région dorsale; tandis que la qua- 
trième, qui est en forme de zigzag, se termine sur le lobe comprimé 
postérieur. La région pectorale est aplatie et présente un contour subcor- 
diforme-elliptique. 

La carapace offre une section transversale à contour pentagonal sinueux. 

Rapports et différences. — Cette espèce, quoique assez rapprochée de la 
Cythere (Cyprmina) corrugata, Reuss!, du tegel de Rudelsdorf, en Bohême, 
s’en distingue cependant facilement , par l'absence du gros tubercule sub- 
central, par ses rides en zigzag et par son lobe comprimé postérieur large 
et non bidenté. 

Dimensions. — Longueur 0,7 de millimètre, hauteur 0,45 de millimètre 
et épaisseur 0,55 de millimètre. 


1 Reuss, 1849. Die fossilen Entomostrac. des ôsterreich. Tertiarbeckens, p. 39, pl. X, fig. 14, a, b. 


102 DESCRIPTION 


Gisement et localités. — Elle est très-rare dans le terrain tertiaire sub- 
apennin de Perpignan (Pyrénées-Orientales), en France. D’après le doc- 
teur Reuss, elle est très-rare aussi dans le {eithakalk de Kostel, en Mo- 
ravie, et dans le tegel de Grinzing, près Vienne, en Autriche. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. V, fig. 5, a. Valve gauche du terrain tertiaire de Perpignan, vue en dessus. De ma collection. 
5, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
5, c. La même, vue du côté inférieur. 
5, d. La même, vue par l’extrémité antérieure. 


39. Cvruere LyELLrana, nova species, 1850. 


PL V, fig. 6, a, b, c, d. 


Cette belle Cythere, dont je n’ai pu trouver jusqu'ici qu’une seule valve 
gauche, présente un contour allongé-ellipsoïdal subtétragone. Son bord 
antérieur est largement arrondi, le postérieur arrondi-subanguleux et les 
bords supérieur et inférieur sont droits et faiblement divergents en avant. 
Elle est marginée le long du bord inférieur et aux deux extrémités d’un 
limbe comprimé, muni en avant et en arrière d’un grand nombre de 
dentelures fort petites, et orné à sa surface de deux séries de petits tu- 
bercules arrondis, très-rapprochés les uns des autres et parallèles au 
bord. Sa voûte dorsale, qui est le plus bombée un peu en arrière de la 
moitié de sa longueur, se rattache à la partie comprimée des deux extré- 
mités par une pente assez douce et retombe perpendiculairement sur la 
partie comprimée qui borde le côté inférieur. Cette voûte est divisée en 
deux parties distinctes par un étranglement transversal assez profond; la 
partie qui se trouve en avant de cet étranglement et qui est formée pres- 
que en entier par le tubercule subcentral, est recouverte, dans l’unique 
échantillon que j'ai pu me procurer, d’une croûte mince d’un corps étran- 
ger, qui m'empêche de la décrire 1; la partie qui se trouve en arrière de 


1 Cette partie est probablement garnie de petits tubercules pareils à ceux qui ornent la partie 
comprimée des deux extrémités, car j'observe distinetement , dans mon échantillon, une série de 
ces tubercules, le long du bord antérieur. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 103 


cet étranglement, est divisée à son tour par deux sillons longitudinaux 
en trois lobes, dont le médian et l’inférieur forment deux côtes très-éle- 
vées et dont toute la surface est couverte de tubercules plus gros que 
ceux des deux extrémités comprimées, et disposés, sur chacun de ces 
lobes, en trois séries longitudinales et en plusieurs séries transversales 
assez irrégulières. La région dorsale est également large dans toute sa 
longueur et est garnie de tubercules exactement pareils à ceux que l’on 
remarque sur les trois lobes que je viens de décrire. 

D'après le contour de ma valve gauche, la carapace doit présenter 
une section transversale à contour subtrigone-sexlobé. 

Rapports et différences. -— Cette espèce est très-distincte et ne peut être 
confondue avec aucune de ses congénères. 

Dimensions. — Longueur 0,8 de millimètre et hauteur 0,45 de milli- 
mètre. 

Je l'ai dédiée au savant président de la Société géologique de Londres, 
à qui la science est redevable de travaux géologiques fort importants. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette élégante Cythere dans le terrain 
tertiaire éocène (système rupélien de M. Dumont) de Basele , près Rupel- 
monde, en Belgique. Elle paraît y être très-rare. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL V, fig. 6, a. Valve gauche de l'argile éocène de Basele, en Belgique, vue en dessus. De ma collection. 
6, b, La même valve, vue du côté dorsal, 
6, c. La même, vue du côté pectoral. 
6, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


40. Cvrmere scagra, von Münster, 1830. 
PI. V, fig. 7, a, b, co, d. 


Cvruere  scasra, von Münster, 1830. Jahrbuch für Mineralogie, ete., p. 63. 
— — = 1835. Ibidem, p. 445. 
Cvrmenis  — Roemer, 1838. Ibidem, p. 516, pl. VI, fig. 9. (Icon mala.) 


Valves ovales subtétragones, obliquement arrondies, élargies et très- 
finement denticulées en avant et terminées en arrière, par un lobe com- 


104 DESCRIPTION 


primé arrondi et muni de 5 ou 6 dents semblables à celles du bord anté- 
rieur; leur côté inférieur est arqué, tandis que le supérieur est droit. 
La voûte dorsale des deux valves est ornée de lames concentriques, dont 
les bords paraissent frangés par les nombreuses dentelures inégales dont 
elles sont munies. Ces lames sont subimbriquées, surtout vers la partie 
antérieure et dans les interstices qu’elles laissent entre elles, se trouvent 
de nombreuses varices courtes, rapprochées et parfois confluentes. Les 
tubercules subcentraux sont assez grands, mais peu proéminents. Le ren- 
flement cardinal antérieur est ovale-arrondi et le tubercule qu’il supporte 
est très-luisant. La région dorsale est couverte de tubercules petits, tandis 
que la région pectorale, qui présente un contour ovale, est garnie de 
tubercules très-gros et en grande partie disposés parallèlement aux bords 
du limbe marginal, qui est assez large. 

La carapace offre une section transversale à contour pentagonal. 

Rapports et différences. — Cette espèce a des caractères tellement pronon- 
cés qu’elle ne pourrait être confondue avec aucune de ses congénères con- 
nues. 

Dimensions. — Longueur 1 millimètre, hauteur 0,6 de millimètre et 
épaisseur 0,55 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se trouve très-rarement dans le terrain sub- 
apennin supérieur de Perpignan (Pyrénées-Orientales) et dans le terrain 
miocène, faluns de Léognan et de Dax (Gironde), en France. Selon 
von Münster et M. Roemer, elle se trouve aussi dans le terrain tertiaire 
du nord-ouest de l'Allemagne (à Osnabrück, d’après la collection de 
M. Fr.-Ad. Roemer). 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL V, fig. 7, a. Valve gauche du sable de Léognan, près Bordeaux, vue en dessus. De ma collection. 
7, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
7, c. La même, vue du côté inférieur. 
7, d. La même, vue par l'extrémité antérieure, 


17 2 MORE 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 105 


41. CyruerE NEBuLosA, nova species, 1850. 
PL V, fig. 8, a, b,c, d. 


Cette Cythere a des valves oblongues à contour subpentagonal, à bords 
supérieur et inférieur droits et subparallèles. Elles sont marginées en 
avant d’un rebord comprimé lisse, obliquement arrondi, et terminées 
en arrière par un lobe comprimé subtétragone, tourné vers le côté 
pectoral. Elles sont carénées et leur carène est surmontée d’une crête 
arquée, formée de cinq nœuds , nettement séparés les uns des autres par 
des étranglements très-étroits. Toute la surface de la voûte dorsale des 
valves est couverte de plusieurs rangées de tubercules de grandeur et de 
forme différentes. Cinq de ces rangées sont formées de tubercules déprimés, 
peu saillants et arrondis. De ces cinq rangées, il y en a trois qui prennent 
naissance vers le milieu du limbe antérieur et qui vont se terminer sur le 
ibercule subcentral. Celui-ci est assez gros, obliquement conoïdal et 


_ pointu. Les deux autres rangées ont leur origine à côté de l'extrémité an- 


térieure de la crête qui surmonte la carène, se dirigent en arrière, font le 
tour du tubercule subcentral et vont aboutir à la protubérance cardinale 
antérieure. La sixième rangée, enfin, se trouve à côté et en arrière des 
deux précédentes et est composée de tubercules plus grands, d’une forme 
subsemi-lunaire. En arrière de ceux-ci, l’on en remarque encore plusieurs 
d'une forme à peu près pareille, mais parmi lesquels il s’en trouve un qui 
est triangulaire et qui fait une saillie très-forte vers l'extrémité postérieure 
du côté supérieur. Ces derniers tubercules sont tous comme imbriqués. 
Sur la région pectorale, qui est plane, on remarque encore , entre la crête 
et le large rebord de chaque valve, deux rangées de tubercules assez 
grands, mais peu proéminents. 

Le bouclier présente une section transversale à contour subhexagonal. 

Rapports et différences. — Elle se rapproche de l'espèce suivante, dont 
elle se distingue cependant très-facilement, par la voûte dorsale de ses 


. valves très-convexe , par les tubercules subcentraux très-saillants et par la 


disposition des autres tubercules qui ornent sa surface. 
Tome XXIV. 14 


106 DESCRIPTION 


Dimensions. — Longueur 0,6 de millimètre, hauteur 0,55 de millimètre 
et épaisseur égale à la hauteur. 

Gisement et localités. — Cette belle espèce est très-rare et n’a été trouvée 
jusqu’à présent que dans le calcaire grossier de Courtagnon (Aisne), en 
France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. V, fig. 8, a. Valve gauche du calcaire grossier de Courtagnon, vue en dessus. De ma collection. 
8, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
8, c. La même, vue du côté pectoral. 
8, d. La même, vue par l’extrémité antérieure. 


42. Cyrnere MontiIFERA , nov. spec., 1850. 
PI V, fig. 9, a, b, c, d. 


Valves à contour ovale-subtétragone, marginées dans toute leur péri- 
phérie, à bords supérieur et inférieur droits et divergents en avant. Ces 
valves sont élargies et marginées antérieurement d’un rebord lisse, obli- 
quement arrondi, et terminées en arrière par une partie comprimée angu- 
leuse, obtuse et garnie à sa surface de 5 ou 6 tubercules arrondis. Leur 
voûte dorsale, qui est peu convexe, se rattache à la partie comprimée des 
deux extrémités par une pente assez rapide, et retombe perpendiculairement 
sur les bords supérieur et inférieur. Toute la surface est recouverte d’un 
grand nombre de tubercules arrondis, assez gros, très-rapprochés les uns des 
autres , disposés sur quatre rangées moniliformes, dont les deux médianes 
prennent naissance en arrière des tubercules subcentraux et dont les deux 
autres contournent ces derniers en avant. Toutes ces rangées moniliformes 
se terminent brusquement vers le quart postérieur de la longueur totale 
des valves. Les tubercules subcentraux, bien que peu proéminents, sont 
cependant très-bien prononcés. Ils sont arrondis et lisses. La région pec- 
torale présente un contour ellipsoïdal. 

La carapace offre une section transversale à contour oblong-tétragone. 

Rapports et différences. — Cette espèce se distingue au premier coup 
d'œil de la précédente par ses valves déprimées, par la disposition des 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 107 


tubercules qui ornent sa surface, et surtout par ses tubercules subcen- 
traux peu saillants. 

Dimensions. — Longueur 0,7 de millimètre , hauteur 0,42 de milli- 
mètre et épaisseur 0,3 de millimètre. 

Gisement et localités. — Cette charmante petite Cythere, qui est très-rare, 
se trouve dans le sable miocène supérieur de Dax, près Bordeaux, en 
France. 

EXPLICATION DES FIGURES. 
PL V, fig. 9, a. Valve gauche recueillie dans les faluns de Dax, près Bordeaux, vue en dessus. De ma collection 
9, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 


9, c. La même, vue du côté pectoral. 
9, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


45. Cvruere acuLearTA, nov. spec., 1850. 
PI. V, fig. 10, a, b,c, d. 


Les valves de cette belle Cythere sont oblongues-tétragones. Elles sont 
marginées en avant d’un rebord comprimé obliquement arrondi, orné à sa 
surface de 5 ou 6 tubercules assez gros et garni à son bord de nombreuses 
dentelures très-petites et inégales. Elles sont terminées en arrière par une 
partie comprimée subtrigone, munie seulement de 3 ou 4 dents un peu plus 
grandes que celles du bord antérieur. Les bords supérieur et inférieur 
sont presque droits et divergents en avant. Sur la voûte dorsale de chaque 
valve s'élèvent 14-16 grosses varices aculéiformes, entre lesquelles on re- 
marque un très-grand nombre d’épines piliformes extrêmement minces et 
des points creux peu profonds , et en général disposés assez régulièrement 
en quinconce. Trois de ces grosses épines se trouvent le long du bord 
supérieur et donnent à la région dorsale l'apparence d’être trilobée sur 
ses deux bords latéraux. Une carène surmontée de 7 ou 8 tubercules aplatis 
en dessus et réunis entre eux par des étranglements très-étroits en forme 
de chapelet, sépare la voûte dorsale des valves de la région pectorale. Les 
tubercules subcentraux sont peu proéminents, mais sont surmontés en ar- 
rière par un tubercule en forme d’aiguillon très-fort et courbé en arrière. 
comme tous ceux qui garnissent le dos des valves. La région pectorale, 


108 DESCRIPTION 


qui est aplatie, présente un contour cordiforme et est ornée de petits 
bourrelets et de points creux. 

La carapace offre une section transversale à contour hexagonal. 

Quelques-uns de mes échantillons ont conservé leur couleur et sont 
d’un rouge incarnat. 

Rapports et différences. — Cette Cythere est bien distincte de toutes ses 
congénères et facile à reconnaître aux grosses varices , ayant exactement 
la forme d’aiguillons, dont sa surface est hérissée. 

Dimensions. — Longueur 0,9 de millimètre, hauteur 0,55 de millimè- 
tre et épaisseur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — Les sables de Ver (Oise), de Guépesle (Seine-et- 
Oise) et de Tancrou (Seine-et-Marne), le calcaire grossier de Parnes, de 
Chaumont, de S'-Félix (Oise) et de Grignon (Seine-et-Oise), ainsi que les 
sables inférieurs de Soissons (Aisne) et d’Épernay (Marne). 


EXPLICATION DES FIGURES, 


PI. V, fig. 10, a. Valve gauche du calcaire grossier de Chaumont, vue en dessus. De ma collection. 
10, b. Carapace entière des sables inférieurs de Soissons , vue du côté dorsal. De ma collection. 
10, c. La même, vue du côté pectoral. 
10, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


44. Cyrnere ForMosA , nov. spec., 1850. 


PL V, fig. 11, 4,6, c, d. 


Valves oblongues subtétragones, marginées en avant d’un rebord com- 
primé obliquement arrondi, finement denticulé, comme frangé, dont la 
surface est ornée de 8-10 varices. Elles sont terminées en arrière par une 
partie comprimée arrondie-oblique , munie de 4 ou 5 dents assez courtes et 
dont la surface est plissée et verruqueuse. Les bords inférieur et supérieur 
sont droits et divergents en avant. Toute la surface de la voûte dorsale 
des valves est chargée d’un grand nombre de varices disposées en six ran- 
gées. Trois de ces rangées prennent naissance près du bord supérieur, se 
dirigent en avant et vont se terminer près de la partie antérieure de la 
carène. Les trois autres se trouvent en arrière des tubercules subcentraux 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 109 


et dans l’une de ces dernières , dans celle qui se trouve à proximité de la 
carène, les varices sont plus distantes que dans les cinq autres rangées. 
Une carène, surmontée d’une crête peu saillante, faiblement arquée en 
avant et obliquement plissée à sa surface, sépare le dos des valves de la 
région pectorale. Les plis de la crête sont au nombre de 7 ou 8. Les tuber- 
cules subcentraux sont anguleux en arrière. Les bords extérieurs de la ré- 
gion dorsale sont trilobés, et les lobes sont tuberculeux. La région pecto- 
rale, qui est presque plane, présente un contour ovale-subcordiforme et 
offre , le long de chacune des deux carènes, une série de sept petites proé- 
minences, correspondant aux plis de la crête qui surmonte la carène. 

La carapace présente une section transversale à contour sensiblement 
hexagonal. 

Rapports et différences. — Cette belle Cythere est si bien caractérisée 
qu’elle ne peut être confondue avec aucune autre. 

Dimensions. — Longueur 0,9 de millimètre, hauteur et épaisseur 0,5 
de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se trouve dans le calcaire grossier à Parnes, 
à Grignon, à Chaumont et à S'-Félix, en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL V, fig. 11, a. Valve gauche du calcaire grossier de S'-Félix, vue en dessus. De ma collection. 
11, b. Carapace entière de la même localité , vue du côté dorsal. De ma collection. 
11, c, La même, vue du côté pectoral. 
11, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


45. Cyruere Reussrana , nov. spec., 1850. 


PL V, fig. 12, a, b, c, d. 


Valves à contour ovale-subtétragone, marginées en avant d’un rebord 
comprimé assez large, obliquement arrondi, garni à son bord d’un grand 
nombre de dentelures très-courtes et orné à sa surface d’une série de tu- 
bercules peu proéminents. Ces valves sont terminées en arrière par une 
partie comprimée obliquement arrondie, bilobée, faiblement crénelée et 
dont la surface est garnie de quelques tubercules. La voûte dorsale des 


110 DESCRIPTION 


deux valves est couverte d’un grand nombre de petits tubercules papilli- 
formes, assez proéminents et assez distants les uns des autres. Elle offre, 
vers le milieu, deux côtes longitudinales obliques et sinueuses, qui pren- 
nent naissance sur le tubercule subcentral et qui se terminent un peu en 
avant du lobe comprimé postérieur. Une carène droite, surmontée d’une 
lame très-peu proéminente, sépare la voûte dorsale des deux valves de la 
région pectorale. À côté de cette lame se trouve une série de 4 ou 5 tuber- 
cules oblongs et réunis entre eux par des étranglements très-étroits. L’arête 
qui limite la région dorsale est tranchante, lamelleuse, bilobée et subcré- 
nelée, comme le lobe comprimé postérieur, ce qui donne à ce côté l'as- 
pect d’une feuille. Les tubercules subcentraux sont très-saillants et très- 
gros. La région pectorale, qui présente un contour subsagittiforme, est 
garnie de papilles exactement pareilles à celles qui ornent la voûte dor- 
sale des valves. 

La carapace offre une section transversale à contour pentagonal. 

Rapports et différences. — Cette espèce, quoique voisine de la Cythere 
(Cveriina) verrucosa 1, que M. Reuss a eu l’obligeance de me communi- 
quer , et qui provient du tegel de Rudelsdorf, en Bohême, s’en distingue 
cependant facilement par sa taille beaucoup plus petite, par sa carène non 
dentelée, par son lobe comprimé postérieur non anguleux, ainsi que par 
la voûte dorsale de ses valves, garnie de deux côtes flexueuses obliques et 
de tubercules plus petits et plus nombreux. 

Dimensions. — Longueur 0,6 de millimètre, hauteur 0,35 de millimètre 
et épaisseur 0,4 de millimètre. 

Je me fais un véritable plaisir de dédier cette Cythere, qui est une des 
plus belles du genre, au paléontologiste distingué de Bilin, qui a décrit 
avec talent les Entomostracés fossiles du bassin tertiaire autrichien. 

Gisement et localités. — Cette belle Cythere est extrêmement rare dans la 
couche argilo-sableuse à Nucules (système Rupélien de M. Dumont) de 
Bergh , près Klein-Spauwen, en Belgique. 


1 Reuss, 1849. Die fossil. Entomostr. des ôsterr. Tertiärbeckens, p. 40, pl. X, fig. 16, a, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 111 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL. V, fig. 12, a. Valve gauche recueillie dans l'argile sableuse à Nucules, de Bergh, vue en dessus. De ma eol- 
lection. 
12, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
12, c. La même, vue du côté pectoral, 
12, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


46. Cyrnere Micueziniana , nov. spec., 1850. 
PL V, fig. 13, a, b, c, d. 


Les valves de cette Cythere présentent un contour oblong, obliquement 
tétragone; elles sont marginées en avant d’un rebord comprimé arrondi 
très-oblique , dont la surface est lisse et qui est garni de 6-8 dents inégales 
en longueur ; elles sont terminées en arrière par un lobe comprimé très- 
petit, d’une forme subtétragone et tourné vers le côté pectoral ; leur bord 
inférieur est arqué, tandis que le supérieur est droit; celui-ci se termine 
postérieurement par une protubérance subtriangulaire qui supporte le tu- 
bercule cardinal postérieur ; le tubercule cardinal antérieur est placé sur 
une protubérance assez grosse, qui produit une saillie arrondie vers l’ex- 
_trémité antérieure du bord supérieur. La voûte dorsale des deux valves, 
dont toute la surface est lisse, est séparée de la région pectorale par une 
carène arquée, arrondie, légèrement sinuée vers son tiers antérieur et ter- 
minée en arrière par une pointe acuminée. Le long de cette carène, on re- 
marque une série de points creux peu profonds. La région pectorale, qui 
est presque plane, offre un contour cordiforme oblong, et est ornée, le 
long de chacune des deux carènes, d’une série de points creux, à côté de 
laquelle se trouve une lame arquée, presque parallèle aux bords de la 
carène. 

La carapace présente une section transversale à contour subtriangulaire. 

Rapports et différences. — Elle a des rapports avec la Cythere (Cyrribrna) 
rostrata, Reuss !, du tegel de Grinzing, près Vienne. Elle se distingue 
cependant facilement de l'espèce autrichienne, par sa forme moins carrée, 


1 Reuss, 1849. Die fossil. Entomostr. des üsterr. Tertiärb., pp. 37, 38, pl. X, fig. 12, a, b. 


112 DESCRIPTION 


par sa carène arquée plus longue , obtuse, terminée par une seule pointe ; 
par la série de points creux qui borde cette carène , par les dentelures de 
son bord antérieur, et surtout par son lobe comprimé postérieur plus petit 
et tourné vers le côté pectoral. 

Dimensions. — Longueur 0,85 de millimètre , hauteur 0,5 de millimètre 
et épaisseur 0,45 de millimètre. 

J'ai dédié cette Cythere à l’auteur de l’Iconographie z0ophytologique. 

Gisement et localités. — Elle se rencontre très-rarement dans le terrain 
miocène de Dax, près Bordeaux, en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. V, fig. 15, a. Valve gauche du sable miocène de Dax, vue en dessus. De ma collection. 
15, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
15, c. La même, vue du côté pectoral. 
15, d. La même, vue par l’extrémité antérieure. 


AT. Cyruere Francoana, nov. spec., 1850. 


PI. V, fig. 14, a; b, c, d. 


Valves ovales-oblongues, comprimées aux deux extrémités, arrondies et 
élargies en avant et munies, vers le milieu du bord antérieur, de trois pe- 
tites dentelures obtuses et très-courtes. Elles sont obliquement tronquées 
en arrière et terminées par à dents exactement semblables à celles du 
bord antérieur et très-rapprochées les unes des autres. Les bords supérieur 
et inférieur sont droits et divergents en avant. Le premier offre, en avant, 
une oreillette tridentée, sur laquelle est placé le tubercule cardinal anté- 
rieur, et vers son milieu, il présente 3 ou 4 dents un peu plus grandes que 
celles qui garnissent les bords antérieur et postérieur. Leur voûte dorsale, 
qui se rattache à la partie comprimée des deux extrémités par une pente 
assez douce et assez régulière, et qui retombe perpendiculairement sur le 
bord pectoral, n’offre aucun ornement. Elle est séparée de la région pec- 
torale par une carène surmontée de quatre dents, ou plutôt de quatre 
cornes inégales en grandeur, assez épaisses et tronquées au sommet : 


OR T VIS. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 115 


l’avant-dernière est plus grande que les autres et présente, en avant, une 
petite échancrure. 

La région pectorale, qui est aplatie, présente un contour subrhomboi- 
dal. Elle est garnie, de chaque côté de la ligne de jonction des valves, d’une 
lame longitudinale et en arrière de celle-ci, d’une petite dent, qui est 
tronquée comme celles qui surmontent la carène. 

La carapace présente une section transversale à contour triangulaire 
deltoïde. 

Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre , hauteur 0,4 de millime- 
tre et épaisseur 0,5 de millimètre. 

Je me fais un plaisir de dédier cette espèce à M. le comte F. de Francq 
de Paris, amateur de géologie et de paléontologie, qui a eu l’obligeance 
de me communiquer des échantillons des terrains tertiaires de plusieurs 
localités de la France. 

Gisement et localités. — Elle se trouve dans le terrain miocène de Dax 
et de Léognan (Gironde), en France. Elle est très-rare. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. V, fig. 14, a. Valve gauche des faluns de Dax, vue en dessus. De ma collection. 
14, 6. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
14, c. La même, vue du côté inférieur. 
14, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


48. Cyrnere PECTINATA, nov. spec., 1850. 
PLV ET. 4, 0, 00. 


Cette Cythere, qui est une des plus grandes parmi les espèces tertiaires, 
a des valves dont le contour est ovale subpentagonal. Leurs bords supé- 
rieur et inférieur sont droits et assez fortement divergents en avant. Elles 
sont marginées antérieurement d’un rebord saillant très-étroit, compri- 
mées aux deux extrémités et munies, en avant, de 7 ou 8 et, en arrière, 
de 2 ou 5 épines linéaires, équidistantes et assez longues. Leur voûte dor- 
sale est lisse et luisante; elle est séparée de la région pectorale par une 


carène surmontée d’une crête faiblement arquée, qui est lisse dans sa 
Towe XXIV. 15 


114 DESCRIPTION 


moitié antérieure et qui porte, dans sa moitié postérieure, 3 ou 4 épines exac- 
tement semblables à celles qui garnissent les deux extrémités. La région 
pectorale, qui présente un contour rhomboïdal, est convexe au milieu. 

La carapace offre une section transversale à contour deltoïdal. 

Quelques-uns de mes échantillons ont conservé des restes de leur cou- 
leur, et sont noirâtres, avec une grande tache blanche au milieu du dos 
de chaque valve. 

Rapports et différences. — Elle a quelques rapports avec les Cythere 
(Cvrneria) spinosa ! du plänermergel de Luschitz et spinulosa, Reuss ?, du 
tegel de Grinzing, près Vienne. Elle se distingue essentiellement de l’es- 
pèce crétacée de la Bohême, par ses dimensions plus grandes, par ses 
valves beaucoup plus étroites en arrière et par les épines qui hérissent la 
partie postérieure de sa carène; elle s'éloigne de l'espèce tertiaire autri- 
chienne, par ses dimensions, par ses épines antérieures moins nombreuses 
et plus distantes, et surtout par ses valves carénées et sans points creux. 

Dimensions. — Longueur 1,2 de millimètre, hauteur 0,6 de millimètre 
et épaisseur 0,5 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se trouve dans le terrain tertiaire subapen- 
nin de Perpignan (Pyrénées-Orientales), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 1, a. Valve gauche provenant du terrain miocène supérieur de Perpignan, vue en dessus. De ma col- 
lection. 
1, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
1, c. La même, vue du côté pectoral. 
1, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


49. CyYTHERE cERATOPTERA, nov. spec., 1850. 


PI. VI, fig. 2,a,b,ce,d. 


Les valves de cette belle Cythere, qui sont marginées dans toute leur 
périphérie, sont ordinairement transparentes. Elles sont allongées, obli- 


1 Reuss, 1846. Die Versteinerungen der bôhmischen Kreideformation. Zweite Abtheilung, p. 105, 
pl. XXIV, fig. 2, a, b. 


? Reuss, 1849. Die fossil. Entomostr. des üsterreich. Tertiärbeckens, p. 33, pl. XE, fig. 7, a, b. 


) 
{ 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 115 


quement tétragonales , arrondies en avant et munies de quatre dents spini- 
formes assez longues; elles sont terminées en arrière par un lobe comprimé 
subtétragone-oblique , tourné vers le côté pectoral et garni de 5 ou 6 dents 
inégales et pointues; leur bord supérieur est droit et offre plusieurs dente- 
lures spiniformes pointues et de grandeur inégale; leur bord inférieur est 
crénelé et faiblement arqué. La voûte dorsale des deux valves, qui est peu 
bombée, se rattache au lobe comprimé postérieur par une pente rapide 
et, à l'extrémité comprimée antérieure, par une pente assez douce. Elle est 
séparée de la région pectorale par une carène, surmontée d’une crête ou 
aile très-large. Cette crête est composée d’une série d’épines assez longues, 
épaisses, aplaties, bifides au sommet , ressemblant à des cornes et pareilles 
à celles qui hérissent toute la surface des valves de la superbe Cythere du 
tegel de Rudelsdorf, en Bohême, et de Felsô-Lapugy, en Transylvanie, qui 
a été décrite par M. Reuss, sous le nom de Cypridina hystrix *. Parmi ces 
épines, la plus grande et la plus forte est la postérieure, les autres dimi- 
nuent sensiblement en grandeur jusqu’à l'extrémité antérieure de la carène. 
Le tubercule cardinal antérieur est placé sur une petite oreillette trigone. 
A côté du tubercule cardinal postérieur, on remarque une épine aplatie plus 
longue que toutes celles qui hérissent l'arête marginale de la région dor- 
sale. Toute la surface des deux valves est d’un poli semblable à celui 
du verre. 

La région pectorale est aplatie et sagittiforme. La carapace présente une 
section transversale à contour triangulaire, dont les deux côtés latéraux 
sont concaves et dont les angles latéraux sont très-aigus. 

Rapports et différences. — Cette espèce, quoique voisine de la Cythere co- 
ronata?, Rœmer, de Castell’Arquato, en ltalie, s'en distingue cependant 
bien nettement, par ses valves beaucoup plus étroites en arrière, plus al- 
longées, et surtout par la voûte dorsale de ses valves beaucoup plus haute 
et garnie d’une crête formée de longues épines aplaties et bifides au 
sommet. 


! Reuss , 1849. Die fossilen Entomostr. des ôsterreich. Tertiärb. pp. 34, 35, pl. X, fig. 6, a, b. 
? Rœmer, 1838. Neues Jahrbuch für Mineralogie, ete., p. 318, pl. VL, fig. 30. 


116 DESCRIPTION 


Dimensions. — Longueur 0,9 de millimètre , hauteur 0,5 de millimètre 
et épaisseur 0,6 de millimètre. 

Gisement et localités. — La Cythere ceratoptera est assez rare dans l'argile 
de Basele, près Rupelmonde et dans la couche argilo-sableuse à Nucules 
(système Rupélien de M. Dumont) à Bergh, près Klein-Spauwen, en Bel- 
gique, et très-rare dans les sables de Jeurre et d’Étrechy, près d'Étampes, 
en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 2, a. Valve gauche de l’argile sableuse rupélienne de Bergh, près Klein-Spauwen, vue en dessus. De 
ma collection. 
2, b. Carapace entière de la même localité , vue du côté supérieur. De ma collection. 
2, c. La même, vue du côté inférieur. 
2, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


50. Cyrnere caLcaraTA, Bosq., 1850. 
PL. VI, fig. 5, a, b. 


Cyprinina connura. Reuss, 1859. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbeckens, 
p. #1, pl. X, fig. 18, a, b. 


D’après M. Reuss, cette espèce a des valves ovales-tétragones, peu ré- 
trécies en arrière, marginées et munies de dentelures spiniformes aux 
deux extrémités et le long du bord supérieur. Leur bord inférieur est 
droit. Leur voûte dorsale se rattache, à la partie comprimée antérieure, 
par une pente assez douce et régulière et, à la partie comprimée posté- 
rieure, par une pente très-rapide. Elle est garnie d’une carène assez haute, 
aiguë et crénelée, qui diminue lentement et régulièrement en hauteur 
jusqu’à la partie comprimée antérieure, et qui se termine brusquement en 
arrière par une corne longue et courbe. La région pectorale des deux 
valves réunies présente une surface plane, sagittiforme, qui est ornée, des 
deux côtés de la ligne de jonction, d’un petit tubercule et, en avant de 
celui-ci, d’un pli longitudinal fin. La surface des valves est lisse et luisante 
comme du verre. 

Rapports et différences. — La Cythere calcarata diffère de l'espèce précé- 
dente (d’après la description de M. Reuss), par ses valves plus larges, par 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 117 


ses dimensions , par ses bords supérieur , antérieur et postérieur garnis de 
dentelures spiniformes à peu près égales en grandeur , et surtout par sa 
carène tout simplement crénelée. 

Dimensions. — Longueur 1,05 de millimètre. 

Gisement et localités. — J'ai été obligé de changer le nom de cette es- 
pèce, parce que j'ai pu m'assurer, par l'inspection des échantillons de la 
C. cornuta, dont je suis redevable à l’obligeance de M. Rœmer, qu’elle 
est toute différente de celle que M. Reuss a identifiée avec elle. Cette espèce 
ne se trouve donc pas en France, comme je l’avais cru d’abord; mais je 
n'ai pas pu la supprimer, parce que la planche sur laquelle elle est re- 
présentée était déjà achevée lorsque je me suis aperçu de cette erreur. 

Suivant le D' Reuss, elle est rare en Autriche et se trouve dans le 
leithakalk de Nussdorf et dans le tegel de Grinzing, près Vienne. Suivant 
le même paléontologiste , elle se trouve aussi dans la craie moyenne de la 
Bohème. (A en juger d’après la figure que donne M. Reuss des échantillons 
de la craie, qu’il cite sous le nom de Cytherina cornuta!, je doute beau- 
coup de leur identité avec l'espèce tertiaire.) 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 5, a. Valve droite du leithakalk de Nussdorf, vue en dessus. D'après M. Reuss. 
5, b. Carapace entière de la même localité, vue en dessous. D'après le méme. 


D1. Cyruere connura, Bosq., 1850. 


PL VI, fig. 4, a,b,c, d. 


Cvrnenina connura. Rœmer, 1838. Neues Jahrb. f. Miner., p. 18, pl. VE, fig. 51, non Reuss. 


Valves marginées dans toute leur périphérie , allongées-subtétragones, 
à bords supérieur et inférieur droits et parallèles. Elles sont obliquement 
arrondies en avant et garnies de 8-10 dents tronquées; elles sont termi- 
nées, en arrière, par un lobe comprimé tétragone , tourné vers le côté 


1 Reuss, 1845-46. Die Versteinerungen der bühmischen Kreideformation , 5" partie, p. 105, 
pl. XXIV, fig. 20, a, b, c. 


118 DESCRIPTION 


pectoral et muni de 5 ou 6 dents rapprochées, crochues, parfois contour: 
nées en dehors sur elles-mêmes (elles sont assez souvent tronquées comme 
celles du bord antérieur, ce qui paraît cependant ne devoir être attribué 
qu’à leur fragilité). La voûte dorsale des deux valves, qui est lisse et lui- 
sante comme du verre, est séparée de la région pectorale par une carène 
surmontée d’une crête assez élevée, aiguë, presque droite, qui diminue 
lentement et très-régulièrement en hauteur jusqu’à la partie comprimée 
antérieure et qui se termine brusquement en arrière par une pointe aiguë. 

La région pectorale est plane et offre un contour exactement sagitti- 
forme. La région dorsale, qui est très-étroite, est égale en largeur au 
rebord valvaire inférieur. La carapace présente une section transversale 
à contour triangulaire. 

Rapports et différences. — Elle diffère de l’espèce précédente, par ses 
dimensions, par ses valves presque également larges dans toute leur lon- 
gueur , et surtout par le manque absolu et constant d’épines ou de dente- 
lures sur la carène et sur le bord supérieur de ses valves. 

Dimensions. — Longueur 0,9 de millimètre, hauteur et épaisseur 0,5 de 
millimètre. 

Gisement et localités. — Cette Cythere se trouve dans le terrain éocène 
(sables moyens) de Ver et d’Acy (Oise) et de Guépesle (Seine-et-Oise), 
dans le calcaire grossier de S'-Félix, de Parnes, de Chaumont et de Chà- 
teaurouge (Oise), de Houdan , de la ferme de lOrme et de Grignon (Seine- 
et-Oise), de Montmirail (Aisne), de Nauteuil, de Damery et de Chamery 
(Marne), ainsi que dans les sables inférieurs (étage suessonien de M. d’Or- 
bigny) de Ménilmontant (Seine), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 4, a. Valve gauche recueillie dans le calcaire grossier de Châteaurouge, vue en dessus. De ma collection. 
4, b. Carapace entière du calcaire grossier de Chambord, vue du côté dorsal. De ma collection. 
4, c. La même, vue du côté pectoral. 
4, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


TN 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 119 


D2. CYTHERE HORRESCENS, nov. spec., 1850. 


PI VI, fig. 5,4, b,c, d. 


Var. B. Spinulis crebrioribus, gracilioribus. 
Var. C. Spinulis creberrimis, crassis; limbo antico tuberculato. 


Valves ventrues, oblongues-tétragones, élargies en avant, et marginées 
d’un limbe comprimé assez large, dont la surface est ornée de 7 ou 8 fossettes 
oblongues et rayonnantes, et dont le bord, finement denticulé, parait 
frangé. Elles sont terminées en arrière par un lobe comprimé muni de 
quatre dents assez grandes et acuminées. La voûte dorsale des deux valves 
est convexe et hérissée d’épines. Ces épines, qui sont au nombre de 28-30 
(sur chaque valve) dans le type de l'espèce, et qui sont en général assez 
courtes et assez régulièrement espacées, sont plus nombreuses dans les 
deux variétés, et sont toujours plus ou moins inclinées vers les bords, 
surtout vers l'extrémité postérieure. 11 y en a parmi elles à ou 6 qui sont 
plus longues que les autres, à savoir : deux ou trois le long du bord supé- 
rieur, deux près du lobe comprimé postérieur , et la cinquième ou sixième, 
qui est ordinairement la plus grande de toutes, sur le tubercule subcen- 
tral. Près de l'extrémité postérieure du bord dorsal, à côté du tubercule 
cardinal postérieur, on remarque une lame quadrangulaire, couchée 
presque horizontalement. Une crête lamelleuse assez large, faiblement 
arquée, dont la surface est plissée et dont le bord est dentelé, sépare le 
dos des valves de la région pectorale et se termine postérieurement en 
pointe. Les tubercules subcentraux sont grands et arrondis en arrière. 

La région pectorale est presque plane, sagittiforme et entièrement dé- 
pourvue d’épines. 

Dans la variété B, qui se trouve à Nauteuil et à Chamery, la surface 
est recouverte d’épines plus nombreuses et plus grèles; tandis que, dans 
la variété C , que l’on trouve à Houdan et à Montmirail, le limbe antérieur 
offre des tubercules , et la surface est recouverte d’épines plus épaisses et 
. plus nombreuses. 

Rapports et différences. — Cette espèce, qui se rapproche un peu des 


120 DESCRIPTION 


deux précédentes , s’en éloigne néanmoins beaucoup par les épines de sa 
voûte dorsale, par sa carène lamelleuse plissée, et par son bord antérieur 
garni d’un très-grand nombre de très-petites dentelures. 

Dimensions. — Elle a une longueur de 0,65 de millimètre, une hauteur 
de 0,55 de millimètre et une épaisseur de 0,45 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se trouve très-rarement dans les sables 
moyens à Ver (Oise), ainsi qu’à Guépesle et à Auvert (Seine-et-Oise); dans 
le calcaire grossier à Parnes, à Châteaurouge, à Chaumont, au Vivray, 
à S'-Félix et à Chambord (Oise); à Courtagnon et à Montmirail (Aisne) ; 
à Nauteuil, à Chamery et à Damery (Marne); à la ferme de l'Orme, à Gri- 
gnon et à Houdan (Seine-et-Oise); ainsi que dans les sables glauconifères 
à Cuise-la-Mothe (Oise) et à Ménilmontant (Seine), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 5, a. Valve gauche du calcaire grossier de Montmirail , vue en dessus. De ma collection. 
5, b. Carapace entière du calcaire grossier de Chamery, vue du côté dorsal. De ma collection. 
5, c. La même, vue du côté pectoral. 
5, d. La même, vue par l’extrémité antérieure. 


DS. Cvrnere Dumoxriana, nov. spec., 1850. 


PL VI, fig. 6,a,b,c, d. 


Valves ovales-subtétragones, arrondies en avant, fortement élargies et 
marginées d’un rebord saillant ; terminées en arrière par un lobe comprimé 
arrondi, muni de 5 ou 6 dents étroites, assez longues et pointues. Leurs 
bords inférieur et supérieur sont droits et divergents en avant. Le dernier 
est garni de trois épines inégales en longueur. Leur voûte dorsale est ornée 
de quelques petites épines très-courtes et assez éloignées les unes des 
autres. Elle est séparée de la région pectorale par une carène, surmontée 
d’une crête lamelleuse, terminée postérieurement en pointe et chargée de 
7 ou 8 plis, partant d’un nombre égal de points creux et donnant à cette 
surface un aspect tuberculeux. Près du tubercule cardinal postérieur, qui 
est à peine perceptible, et à la même hauteur où se termine la crête caré- 
nale, on remarque une épine assez forte. Le tubercule subcentral est lisse, 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 124 


gros et pointu. La région pectorale est lisse, plane et triangulaire-subsa- 
gittiforme ; à côté de l'extrémité postérieure de chacune des deux carènes, 
elle présente une petite protubérance. 

La carapace offre une section transversale à contour triangulaire. 

Rapports et différences. — Cette espèce, quoique voisine de la précé- 
dente, en est cependant très-distincte et ne saurait être confondue avec 
elle. 

Dimensions. — Longueur 0,6 de millimètre, hauteur et épaisseur 0,35 
de millimètre. 

Jai dédié cette belle espèce au savant professeur de l'Université de 
Liége, auteur de la carte géologique de la Belgique. 

Gisement et localités. — Elle a été trouvée dans les sables moyens de 
Guépesle (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 6, a. Valve gauche des sables moyens de Guépesle, vue en dessus. De ma collection. 
6, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté supérieur. De ma collection. 
6, c. La même, vue du côté inférieur. 
6, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


D4. Cvrnere Desnayesiana , nov. spec., 1850. 


PL VI, fig. 7,a,b,c, d. 


Les valves de cette Cythere sont carénées, oblongues-subtétragones, 
marginées en avant d’une partie comprimée, obliquement arrondie et ornée, 
à sa surface, de 5 grandes fossettes ovales-oblongues. Elles sont terminées en 
arrière par un lobe comprimé subtrigone, marginé et muni de 5 ou 6 dents 
obtuses. Les bords supérieur et inférieur sont droits et faiblement diver- 
gents en avant. Les deux tubercules cardinaux sont bien prononcés. La 
voûte dorsale est marquée, en avant des tubercules subcentraux et sur 
ces mêmes tubercules, de plusieurs points creux arrondis. L'espace com- 
pris entre ces tubercules et la partie comprimée postérieure, est partagé 
en deux lobes bien distincts par un sillon médian. L’un de ces lobes, 


compris entre le sillon médian et le bord supérieur, est crénelé à son côté 
Tome XXIV. 16 


122 DESCRIPTION 


interne et terminé en arrière, à côté du tubercule cardinal postérieur, 
par une dent assez grosse. Entre ce lobe et la protubérance cardinale 
antérieure, on remarque deux petites côtes obliques, qui prennent nais- 
sance à côté du tubercule subcentral, séparées par deux sillons ponctués 
et qui se terminent, vers le milieu du bord supérieur, par deux dents 
aiguës et assez grosses. La surface de ce lobe est creusée de plusieurs 
points anguleux et inégaux. L'autre lobe est limité du côté pectoral par 
la carène. Celle-ci est aiguë, droite, légèrement arquée en avant et se 
termine en arrière par une pointe émoussée. Le long de cette carène, on 
remarque une série de points creux subsemi-lunaires, ou plutôt en forme 
de virgule, rayonnants et au nombre de 8 ou 9. Les tubercules subcentraux 
sont assez gros et assez pointus en arrière. La région pectorale, qui est 
plane et dont le contour est sagittiforme, est ornée, le long des deux 
carènes, de quelques points creux anguleux assez grands et, le long du 
large rebord de chacune des deux valves, d’une série de tubercules allongés 
et très-rapprochés les uns des autres. 

La carapace offre une section transversale à contour ‘tétragono-del- 
toïdal. 


Rapports et différences. — Cette Cythere est si bien caractérisée et si 
distincte, qu’elle ne saurait être confondue avec aucune de ses nombreuses 
congénères. 


Dimensions. — Longueur 0,75 de millimètre, hauteur 0,45 de milli- 
mètre et épaisseur 0,55 de millimètre. 

J'ai dédié cette élégante Cythere à l'auteur du beau travail sur les fos- 
siles tertiaires des environs de Paris. 

Gisement et localités. — J'ai trouvé cette espèce, qui est très-rare, dans 
le calcaire grossier du Vivray (Oise) et dans celui de Grignon (Seine-et- 
Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 7, a. Valve gauche du calcaire grossier du Vivray, vue en dessus. De ma collection. 
7, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
7, c. La même, vue du côté pectoral. 
7, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 193 


55. Cyrnere LIcHENOPHORA, nov. spec., 1850. 
PI. VI, fig. 8,a,b,c, d. 


Cette Cythere a des valves allongées, marginées en avant d’un rebord 
comprimé obliquement arrondi, dont la surface aplatie est tuberculeuse 
et dont le bord est garni d’un grand nombre de dentelures inégales en 
longueur et très-rapprochées les unes des autres. Les plus grandes de ces 
dentelures se trouvent vers le milieu du bord antérieur et sont au nombre 
de 9 ou 10. Les valves sont terminées en arrière par un lobe comprimé sub- 
trigone , muni , vers le côté pectoral, de trois dents assez longues. Les bords 
supérieur et inférieur sont droits et divergents en avant. La voûte dorsale 
des valves est ornée de quelques petits tubercules arrondis et épars, et 
. de plusieurs points creux de forme et de grandeur très-irrégulières, dans 
les intervalles desquels on remarque des lames entre-croisées, qui devien- 
nent très-apparentes et comme foliacées sur l’arête qui limite le côté su- 
périeur. Entre tous ces ornements sont implantées , sur la moitié posté- 
rieure des deux valves, un grand nombre d’épines piliformes extrêmement 
fines. Les tubercules subcentraux sont assez gros et pointus. Une carène, 
surmontée d’une crête lamelleuse, légèrement sinueuse et se terminant 
postérieurement en pointe , sépare le dos des valves de la région pectorale. 
Vers la base de cette lame, on remarque une série de 8 ou 9 tubercules, 
entre lesquels se trouvent un nombre à peu près égal de fossettes, qui lui 
donnent un aspect plissé. Le tubercule cardinal antérieur, qui est très- 
petit, arrondi et luisant, est placé sur une oreillette crénelée, tout près et 
en arrière de laquelle se trouve une longue épine. 

La région pectorale, qui présente un contour subsagittiforme, est ornée 
le long et sur chacune des deux lames qui surmontent les deux carènes, 
d’une série de 7 ou 8 fossettes. 

La carapace présente une section transversale à contour deltoide hexa- 
gonal. 

Rapports et différences. — Quoique cette espèce ait des rapports de forme 
avec ma Cythere formosa, elle s’en distingue cependant très-nettement par 
ses dimensions et par les ornements de sa surface. 


124 DESCRIPTION 


Dimensions. — Longueur 0,95 de millimètre, hauteur 0,5 de millimètre 
et épaisseur 0,6 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se trouve très-rarement dans le calcaire 
grossier à Chambord, à S'-Félix et à Châteaurouge (Oise), à Chamery 
(Marne) et à la ferme de l’Orme (Seine-et-Oise), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 8, a. Valve gauche provenant du calcaire grossier de S'-Félix, vue en dessus. De ma collection. 
8, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
8, c. La même, vue du côté pectoral. 
8, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


56. Cyrnere PyemÆA, Bosq., 1850. 


PI. VI, fig. 10, a, b. 


Cyrrinina pyemæa, Reuss, 4849. Die fossilen Entomostraceen des üsterreichischen Tertiärbeckens, 
p. 42, pl. X, fig. 20, a, b. 


Cette Cythere qui, d’après M. Reuss, est la plus petite de celles du 
bassin tertiaire autrichien, a des valves dont le contour est allongé-hexa- 
gonal, qui sont fortement comprimées en arrière, dont le dos est passa- 
blement bombé, et qui présentent aux deux extrémités un angle obtus. 
Leur bord supérieur est faiblement arqué, tandis que l’inférieur est droit. 
Vers le milieu du dos des valves, on remarque une carène étroite, aiguë, 
faiblement onduleuse. À partir de cette carène, la voûte descend en forme 
de toit vers le bord supérieur, tandis que, de l’autre côté, elle est faible- 
ment creusée en gouttière , puis relevée en une seconde carène plus courte 
et plus aiguë; celle-ci se termine brusquement en arrière par un tubercule 
aigu , et sépare la région pectorale aplatie du dos des valves. Toute la 
surface est recouverte de points creux anguleux , très-rapprochés les uns 
des autres, et réunis entre eux par des sillons flexueux, ce qui donne à 
cette surface un aspect rugueux. 

Dimensions. — Longueur 0,3 de millimètre. 

Gisement et localités. — La Cythere pygmæa a été trouvée par le docteur 
Reuss, dans le terrain tertiaire de Bordeaux, en France. Elle est indiquée 


cf ji cl SENTE 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 125 


par le même paléontologiste dans le tegel du leithakalk d’un endroit inconnu 
du bassin tertiaire de Vienne. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 9, a. Valve droite du tegel du leithakalk d'un endroit inconnu du bassin tertiaire de Vienne, vue en 
dessus. D'après M. Reuss. 
9, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté pectoral. D’après le même. 


57. Cvrnere Hammwoent, Bosq., 1850. 


PL VI, fig. 10, a, b,c, d, e. 


Cveninina Hamincent, Reuss, 1849. Die fossilen Entomostraceen des ôsterreichischen Tertiar- 
beckens, p. 38, pl. X, fig. 13, a, b. 


Valves allongées-subtétragones, à bords supérieur et inférieur droits et 
faiblement divergents en avant. Ces valves sont marginées antérieurement 
d'un limbe arrondi, finement denticulé et terminées en arrière par un 
lobe comprimé subtétragone, tourné vers le côté pectoral et muni de à ou 6 
dents très-rapprochées les unes des autres. Leur surface est ornée de 
nombreux points creux peu profonds, anguleux, le plus souvent tétragones, 
et rayonnant du centre vers les bords. En arrière du rebord comprimé 
antérieur, on en remarque une série de 6 ou 7, qui sont arrondis et plus 
grands que les autres. Les tubercules subcentraux, quoique peu proémi- 
nents, sont assez bien prononcés. La voûte dorsale des valves est passa- 
blement convexe; elle est séparée de la région pectorale par une carène 
presque droite, qui se termine brusquement vers le quart postérieur de la 
longueur totale des valves en une pointe émoussée et qui rejoint le bord 
comprimé antérieur par une pente lente et régulière. Au côté supérieur 
elle est limitée, par une arête aiguë, qui se termine brusquement à côté 
du tubercule cardinal postérieur, en produisant, en cet endroit, une 
proéminence assez élevée. La région dorsale, qui est assez large, est ré- 
trécie vers le milieu, tronquée en arrière, et sa surface est creusée de quel- 
ques points oblongs, transversaux et obliques à l’axe longitudinal de la 


carapace. La région pectorale, qui est plane, offre un contour subsagitti- 


126 DESCRIPTION 


forme et montre, le long de chaque carène, une série de 7 ou 8 petites 
fossettes. 

La carapace présente une section transversale à contour subtriangulaire. 

Rapports et différences. — Elle a des rapports avec les Cythere (Cypriina) 
ornata !, Bosq., de la craie de Maestricht, et Transylvanica ?, Reuss, du 
tegel de Felsô-Lapugy, en Transylvanie. Elle se distingue essentiellement 
de l’espèce crétacée, par sa carène et son arête dorsale non dentelées , par 
son lobe comprimé postérieur, muni seulement de 5 dents rapprochées et 
par ses tubercules subcentraux non pointus. Elle diffère, au contraire, de 
la Transylvanica, par les dentelures de ses deux extrémités, par son lobe 
comprimé postérieur plus large, par sa carène aiguë, ainsi que par l’ab- 
sence de sillons rayonnants à proximité du bord antérieur de ses valves. 

Dimensions. — Longueur 0,7 de millimètre, hauteur 0,4 de millimètre 
et épaisseur 0,55 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle se trouve, en France, très-rarement dans le 
terrain tertiaire éocène, à Jeurre (Seine-et-Oise), assez rarement dans les 
sables moyens à Guépesle (Seine-et-Oise), beaucoup moins rarement dans 
le calcaire grossier, à Parnes, à Chaumont, à S'-Félix, à Chambord et à 
Châteaurouge (Oise) ; à Courtagnon (Aisne), à Nauteuil (Marne), à la ferme 
de l’'Orme et à Grignon (Seine-et-Oise); ainsi que dans les sables inférieurs 
(étage suessonien B, d'Orbig.), à Cuise-la-Mothe (Oise) et à Ménilmontant 
(Seine). Suivant M. Reuss, elle est très-rare dans le leithakalk de Nussdorf, 
près Vienne, de Freibuhl et de S'-Nicolaï, en Styrie, et de Kostel, en 
Moravie; dans le tegel de Rudelfsdorf, en Bohême, et de Grinzing, près 
Vienne. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 10, a. Valve gauche du calcaire grossier de Chaumont, vue en dessus. De ma collection. 
10, b. Partie de la surface en arrière du tubereule subcentral de la même valve, plus fortement grossie. 
10, c. Carapace entière du calcaire grossier de Grignon, vue du côté supérieur. De ma collection. 
10, d. La même, vue du côté inférieur. 
10, e. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


! Bosquet, 1847. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, t. IV, p. 371, pl. IV, fig. 3, 
a-f. — Descript. des Entomostr. foss. de la craie de Maestricht, p. 24, pl. IV, fig. 3, a-f. 
2? Reuss, 1849. Die foss. Entomostr. des üsterreich. Tertiärbeckens, p. 38, pl. XI, fig. 9, a, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 127 


58. Cyrnere crapara, nov. spec., 1850. 


PL VI, fig. 11,a,b,0, d. 


Valves allongées, à contour subpentagonal , obliquement arrondies en 
avant et terminées en arrière par un lobe comprimé triangulaire et pointu. 
Leurs bords supérieur et inférieur sont presque droits et faiblement di- 
vergents en avant. À l'extrémité antérieure du bord supérieur, on remarque 
la protubérance cardinale antérieure, qui donne naissance à une saillie 
arrondie en forme d’oreillette. La voûte dorsale des deux valves, qui est 
fortement bombée, se rattache aux deux extrémités par une pente assez 
rapide et retombe perpendiculairement sur les bords supérieur et inférieur. 
Une carène très-élevée, aiguë, droite et terminée brusquement en arrière 
en une pointe émoussée, sépare la voûte dorsale de la région pectorale. 
Les tubercules subcentraux sont lisses, assez gros et obtus en arrière. 
Toute la moitié postérieure du dos des valves est ornée de plusieurs ran- 
gées longitudinales de points creux très-petits et assez rapprochés les uns 
des autres. Vers la partie médiane du lobe comprimé postérieur, se trouve 
un angle très-remarquable en forme d’escalier et produisant, au côté pec- 
toral, une saillie triangulaire assez forte. La région pectorale est plane et 
présente un contour hasté. 

La carapace offre une section transversale à contour trigone en avant 
et tétragone vers le milieu. 

Rapports et différences. — Elle a des caractères tellement tranchés qu’elle 
ne saurait être confondue avec aucune de celles qui ont été décrites jusqu’à 
présent. 

Dimensions. — Longueur 0,55 de millimètre, hauteur 0,25 de milli- 
mètre et épaisseur 0,45 de millimètre. 

Gisement et localités. — Je l'ai trouvée très-rarement dans le terrain 
éocène (sables de Fontainebleau), recueilli à Étrechy, près d’Étampes, 
en France; dans le sable à grès calcarifère de S'-Josse-ten-Noode (Bra- 


 bant), en Belgique, dans lequel elle paraît ne pas être rare. Elle se 
_ trouve très-rarement en France, dans les sables moyens à Guépesle (Seine- 


128 .. DESCRIPTION 


et-Oise), ainsi que dans le calcaire grossier, à Parnes, à Chambord, au 
Vivray et à S'-Félix (Oise), et à Grignon (Seine-et-Oise). 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 11, a. Valve gauche du terrain éocène de Chambord, vue en dessus. De ma collection. 
11, b. Carapace entière du calcaire grossier du Vivray , vue du côté supérieur. De ma collection. 
11, c. La même, vue du côté inférieur. 
11, d. La même, vue par l’extrémité antérieure. 


59. CyrHeRE FENESTRATA, nov. spec., 1850. 


PI. VI, fig. 12, a, b,c, d. 


Cette espèce a des valves oblongues-subpentagonales, à bord antérieur 
obliquement arrondi et à bords supérieur et inférieur presque droits et 
divergents en avant. Ces valves sont élargies antérieurement et marginées 
d’un rebord comprimé lisse, et sont terminées, en arrière, par un lobe for- 
tement comprimé, triangulaire et pointu. Elles sont fortement carénées, 
et leur carène, qui est tranchante et très-élevée, prend naissance sur une 
côte saïllante qui limite la partie comprimée antérieure et se termine brus- 
quement en pointe vers le tiers postérieur de la longueur totale des 
valves. À côté et en arrière de l'extrémité postérieure de la carène, on 
remarque une grosse dent, ou plutôt un lobe saillant triangulaire. La voûte 
dorsale des deux valves est garnie de deux gros plis longitudinaux et de 
trois plis transversaux anastomosés en forme de réseau. 

La région pectorale est lisse, concave en arrière et présente un contour 
hasté. La carapace offre une section transversale à contour subtétragone, 
dont les deux angles inférieurs sont aigus et dont les deux côtés latéraux 
sont concaves. 

Rapports et différences. — Elle se rapproche de la Cythere (Cypripina) tri- 
quetra 1, Reuss, de l'argile des salines de Wieliczka, en Gallicie; elle s’en 
distingue cependant facilement, par ses valves plus larges, garnies de plis 


disposés en forme de réseau et par le manque total de points creux à sa 
surface. 


1 Reuss, 4894. Die fossil. Entomostr. des üsterreich. Tertiärb., p. 49, pl. X, fig. 19, a, b, c. 


A eo D Sd Sd à 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 129 


Dimensions. — Longueur 0,65 de millimètre, hauteur 0,4 de millimètre 
et épaisseur 0,47 de millimètre. 

Gisement et localités. — Elle est très-rare dans le sable tertiaire miocène 
de Léognan et de Mérignac (Gironde), en France. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PL. VI, fig. 12, a. Valve gauche des faluns de Mérignac, près Bordeaux, vue en dessus. De ma collection. 
12, b. Carapace entière de la même localité, vue du côté dorsal. De ma collection. 
12, c. La même, vue du côté pectoral. 
12. d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


60. Cyrnene Fonrbesiana, nova species, 1850. 
PI. VI, fig. 15, a, b, c, d. 


Valves ovales-subpentagonales, comprimées et obliquement arrondies 
en avant, terminées en arrière par une partie comprimée subtrigone et 
fortement tournées vers le côté pectoral. Leurs bords supérieur et infé- 
rieur sont presque droits et parallèles. Leur voûte dorsale est séparée de 
la région pectorale, par une carène surmontée d’une crête très-élevée , 
dont le bord est aigu et qui se termine brusquement en arrière en une 
pointe émoussée. Le long de cette crête se trouvent 7 ou 8 fossettes qui 
s'étendent presque jusqu’à ses bords. Sur la partie comprimée antérieure, 
on remarque deux sillons ponctués et parallèles au bord. Toute la surface 
de la voûte dorsale des valves est ornée de points creux superficiels, 
assez distants, disposés par séries qui prennent naissance vers l'extrémité 
antérieure de la carène, se dirigent vers le côté supérieur, et descendent 
ensuite longitudinalement , pour aller se terminer sur la partie comprimée 
postérieure. Les tubercules subcentraux sont peu proéminents. Sur la 
région dorsale, on remarque, sur chaque valve, une série de points creux, 
parallèle à l’arête qui forme la limite marginale de cette région. La région 
pectorale, qui est plane, et qui présente un contour subcordiforme-hasté. 
est marquée de plusieurs points creux pareils à ceux qui recouvrent le 
dos des valves, et la crête carénale offre à sa base 7 ou 8 fossettes d’où 


partent des sillons rayonnants vers le bord. 
Towe XXIV. 17 


130 DESCRIPTION 


Le bouclier présente une section transversale à contour deltoïdal. 

Rapports et différences. — Elle a des rapports avec la Cythere (Cxpridra) 
truncata, Reuss !, du leithakalk, de Kostel, en Moravie. Elle s’en distingue 
cependant bien nettement par sa crête arquée, ornée de fossettes, par 
les deux sillons parallèles à son bord antérieur , ainsi que par la surface 
de la voûte dorsale de ses valves, qui n'offre aucune trace de plis lon- 
gitudinaux. 

Dimensions. — Elle a une longueur de 0,7 de millimètre, une hauteur 
de 0,55 de millimètre et une épaisseur 0,5 de millimètre. 

Je dédie cette Cythere à M. le professeur E. Forbes de Londres, qui 
s'occupe en ce moment de la description des nombreuses espèces du genre 
Cypridea (Gypris), que l’on vient de découvrir dans la formation wealdéenne 
de l'Angleterre. 

Gisement et localités. — Cette Cythere se trouve, en France, dans le cal- 
caire grossier, à la ferme de l’Orme et à Grignon (Seine-et-Oise), à S'-Félix, 
à Parnes et à Chaumont (Oise), à Montmirail (Aisne) et à Nauteuil (Marne), 
et dans les sables inférieurs à Ménilmontant (Seine). Elle est rare dans 
toutes ces localités. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI VI, fig. 15, a. Valve gauche provenant du calcaire grossier de S'-Félix, vue en dessus. De ma collection. 
15, b. Carapace entière des sables inférieurs de Ménilmontant, vue du côté dorsal. De ma collection. 
15, c. La même, vue du côté pectoral. 
15, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


VI. Gexre CYPRELLA, De Koninck, 1851. 


Lyxceus? Müller, 1785. Entomostraca seu insecta testacea, etc., pp. 67-68. 
CyPrezLa, De Koninck, 1841. Mémoire sur les Crustacés fossiles de Belgique, p. 19. 
Fe T 1844. Description des animaux fossiles du terrain carbonifère 
de Belgique , pp. 589, 590. 


‘ Reuss, 1849. Die fossil. Entomostr. des ôsterreich. Tertiärb., pp. 39-40, pl. X, fig. 15 a, b. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 151 


Dapunia,  M'Coy, 1844. Synops. of the charact, of the carbonif. limest. fossils of 1re- 
land. 
CyrrecLa, Bosquet, 1847. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, t&. IV, 
pp. 572, 575. 
— — 1847. Description des Entomostracés [fossiles de la craie de Maes- 
tricht, pp. 22, 25. 
— Bronn, 1848. Zndex Palæontologicus, oder Uebersicht der bis jetzt bekannten 
fossilen Organismen, p. 385. 


Carapace bivalve, acuminée en arrière et munie en avant d’un prolon- 
gement en forme de bec, présentant une ouverture triangulaire, qui est 
tournée vers le côté pectoral. Deux tubercules subcentraux, ou du moins 
deux grandes fossettes internes, arrondies et situées un peu en avant de 
la partie moyenne de chaque valve 1. 

Le bord supérieur interne est élargi et muni d’une charnière dorsale, 
formée sur la valve droite de deux dents, l’une triangulaire oblique , située 
au milieu de ce bord, l’autre tout à fait postérieure et quadrangulaire. 
Ces deux dents sont reçues dans deux fossettes de la valve opposée. Le 
bord supérieur de la valve gauche est atténué et s'engage sous le bord 
supérieur de la valve correspondante; inférieurement, le bord de la valve 
gauche s'engage, au contraire, dans un sillon du bord élargi de l’autre 
valve. 

Le genre Cyprella a de si grands rapports avec le genre Lynceus de 
Müller ?, que je suis disposé à croire que l’on sera obligé de réunir ces 
deux genres par la suite, quoique les espèces appartenant au premier 
n'aient été trouvées que dans des dépôts marins, tandis que celles du 
dernier n’ont été signalées que dans les eaux douces 5. 

On ne connaissait jusqu’à présent que quatre espèces de Cyprella. Deux 
de ces quatre espèces ont été rencontrées dans le terrain carbonifère et 
les deux autres dans le terrain crétacé. Des deux premières, l’une, la 


1 Ces deux fossettes internes diffèrent de celles des Cythere, des Cytheridea et des Bairdia, par 
les nombreux points creux, disposés par séries flexueuses, dont elles sont parsemées. 

? Müller, 1785. Entomostraca seu insecta testacea quæ in aquis Daniæ et Norwegiæ reperit, 
p. 69 et suiv. 

% Müller doute cependant que son Lynceus socors ait été trouvé dans l'eau dé la mer. 


152 DESCRIPTION 


Cyprella chrysalidea, a été trouvée, par M. De Koninck, dans le terrain car- 
bonifère de la Belgique, et l’autre, la Cyprella primaeva 1 a été signalée 
par M. M'Coy, dans le calcaire carbonifère de l'Irlande; les deux autres 
espèces, les Cyprella ovulata et Koninchiana , ont été trouvées par moi dans 
la craie supérieure de Maestricht. Je viens d’en découvrir une cinquième, 
qui a beaucoup d’analogie avec les deux espèces du terrain crétacé supé- 
rieur, dans le dépôt tertiaire éocène de la France. Cette espèce est la : 


1. Cyprezza Enwarpsiana, nov. spec., 1850. 


PI. VI, fig. 14, a, b, c, d. 


Les valves de cette Cyprella sont ovales, fortement bombées; leur prolon- 
gement antérieur est assez saillant et la pointe qui les termine en arrière 
est très-courte. Leur voûte dorsale se rattache aux deux extrémités par une 
pente rapide etretombe presque perpendiculairement sur les bords superieur 
et inférieur ; elle est ornée de nombreux points creux profonds, très-petits, 
ressemblant à des piqûres d’épingle, diminuant sensiblement en grandeur 
vers les bords valvaires, et disposés assez grossièrement en quinconce. 

Rapports et différences. — Elle a des rapports avec mes Cyprella ovulata ? 
et Koninckiana 5 de la craie supérieure de Maestricht. Elle se distingue 
essentiellement de la première par sa taille plus petite, par les points 
creux de sa surface plus nombreux, plus petits et plus profonds, ainsi 
que par son rostre plus long et par ses valves plus larges en avant qu’en 
arrière ; elle diffère de la seconde, dont elle a à peu près la taille, par 
la voûte dorsale de ses valves, recouverte, aussi bien en avant qu’en 
arrière, de points creux beaucoup plus espacés et non allongés. 

Dimensions. — Longueur 1,2 millimètre, hauteur 0,75 de millimètre et 
épaisseur 0,7 de millimètre. 


1 Cette espèce a été décrite par l’auteur irlandais, sous le nom de Daphnia primaeva. 

? Bosquet, 1847. Mémoire de la Société royale des sciences de Liége, t. IV, p. 375, pl. IV, fig. 4, 
a, b, c. — Descript. des Entomostr. foss. de la craie de Maestricht, p. 25, pl. IV, fig. 4, a-c. 

5 Bosquet, 1847. Mémoires de la Société royale des sciences de Liége, t. IV, pp. 373,374, pl. IV, 
fig. 5, a, b, c.— Descript. des Entom. foss. de la craie de Maestricht, pp. 25, 24, pl. IV, fig. 5. a-c. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 155 


J'ai dédié cette espèce à l’un des plus savants naturalistes de notre 
époque, qui a enrichi la science d’un grand nombre de travaux impor- 
tants. 

Gisement et localités — J'ai recueilli cette Cyprella dans les sables moyens 
de Ver (Oise) et de Tancrou (Seine-et-Marne), ainsi que dans le calcaire 
grossier de Chateaurouge, de Parnes et de Chaumont (Oise), et dans celui 
de la ferme de l'Orme et de Grignon (Seine-et-Oise). Elle est assez rare 
et le plus souvent d’une conservation qui laisse beaucoup à désirer. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PI. VI, fig. 14, a. Valve gauche des sables moyens de Ver, vue en dessus. De ma collection. 
14, b. Carapace entière recueillie dans le calcaire grossier de Châteaurouge, vue du côté dorsal. De 
ma collection. 
14, c. La même, vue du côté pectoral. 
14, d. La même, vue par l'extrémité antérieure. 


154 


TABLEAU de la distribution géologique et géographique des Ento 


DESCRIPTION 


DÉPÔT TERTIAIRE 


DÉPÔT TERTIAIRE 


ÉTAGES 


DÉPÔT CRÉTACÉ 


de de DU TERRAIN ÉOCÈNE des } 
Ne . LA BELGIQUE. LA FRANCE. de la France. DIFFÉRENTS PAY! 
ESPÈCES. SYSTÈMES. SYSTÈMES. Sables Sables SYSTÈMES. 
D'ORD. NANTES] ——. " — |) Sobles | Cale. |, A à] es me 
Fontai- ou 
Supér, | Moyen. | Infér. À Supér. | Moyen. | Infér. MISE À moyens |grossier. DE 4 Supér. | Moyen. 
4 [2 
È Cytherella compressa . . . .. _ 2 Fa HE 1 Se 4 
2 — Munsteri . . . . .. — — _ _ Fee À 2 Es Es av + pre 
3 —  hieroglyphica. . . . | — = = + Le es re dE &È de Era 
4 —  Jonesiania . . ... — — — — = = + - 
5 | Bairdia  foveolata . . . . . . _— — _— — do Vu LE st £.. + È 
6 — subradiosa . . , . . | — — => — Les Le 14 Lu Le + 
7 —  subglobosa . . . .. — — a EP ee en ne L Fa + + + 
8 —  perforata. . .... — + La je = + ee ets + E 
9 —  strigulosa. . . . . . _ — 2e _ dé dB 5 i 
10 —  punctatella . . . .. — — + + ms 2 Ke a 
11 — Hebertiana . . . .. — — = ide 2: gas ra ji. fi : 
12 —  marginalu : . . .. _ — D ME ; 
13 ee subdeltoïdea. . . . . + — en = ut Es 4 + F1 + en + + 
14 - arcuala. :... se + ne de ny pe ra ie Ces En El ES te 
45 _— UMR 5 _— — SR cn pal Æ 3, 
16 re curvala. + + me En …— = " 
17 — lithodomoïdes . + bed _ + — + + + — + F 
18 | Cytheridea Mülleri . . . . .. + + — + tu pi di [rs _— 17 
| 
| 49 —  papillosa . — — ce Er Es + dre 2e ps + ne 
20 — Williamsoniana . — 25. — + _ — + — — + * 
| 
| 
21 | — incrassata. — de = = + x ie G £ 
22 | Cypris faba. se R — RE — +? . 
|. 
Û L 


LE 
(1 
È 


ent TESTS 


_ 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 


—— ———— 


cés fossiles des terrains tertiaires de la Belgique et de la France. 


155 


IDENTIQUES FOSSILES 


IDENTIQUES 
E RRE. ALLEMAGNE. AUTRICHE. ITALIE. dans 
vivants. 
différents pays. 
DT... « | Osnabrück . . . . . . | Müllersdorf, Nussdorf, | Castell' Arquato. 
Wäürzing, Rudelsdorf 
et Grinzing. 
Mn ds oies à l'ntaatas cude r à Alabama (Amér. sept.) 
» Folkstone, et Balsberg, en Suede. 
, Leacon Hill, 
CRE CE de... 4... del. 5... | Gastoll Arquato. 
CRE 1 RP SES Heiligenberg. . . . .. La Sicile. 
Walton, île de athée, près May- | Nussdorf,. Würzing, | Castel! Arquato . . . | Le territoire miocène | Les côtes de l'Italie, 
Charing, War. | ence, le N.-0. de | St-Nicolaï, Freibubl, de la Virginie (Amé- | de la Nouvelle-Hol- 
É l'Allemagne, Streblen | Kostel, Rust, Rudels- rique septent.) et | lande, près de Syd- 
et Lemforde. dorf. Valparaiso® (Amér. ney, de Providence, 
méridion.) de Turks’Island (Ba- 
hama), de l'ile Mau- 
rice, de Manille et 
du nord de l’Angle- 
terre. 
et sud-est de | Osnabrück, en West- | Nussdorf, Kostel, Grin- | Castel! Arquato. . . . |. ........... Les côtes de Tenedos 
[ È phalie, et Freden. zing, Wieliczka, Môl- et de Turk's Island 
lersdorf, Rudelsdorf. (Bahama). 

CO SP ET 6 ed OS RE TE Palerme en Sicile. 

CC MMS RE ET EC LORS COR PE ES FRIC d'éditer os ie LG: Q aTe se Les côtes de la Hol- 
lande, à Schevenin - 
gen. 

D. . | Cassel (Hesse Électo- | Nussdorf, Gainfahren, | . ........... Klimmen (duché de 


rale), Astrupp. prè 
Osnabrück, el Wein- 
heim, près Mayence. 


Rudelsdorf et Grin- 
zing. 


Limbourg). 


Klimmen (duché de | 
Limbourg.) 


Les côtes de l'Y, bras 
du Zuiderzee,en Hol- 
lande. 


Le Locle (canton de 
Neufchâtel) et OEnin- 
gen , en Suisse. 


156 


DESCRIPTION 


DÉPÔT TERTIAIRE 


de 


DÉPÔT TERTIAIRE 


de 


ÉTAGES 
DU TERRAIN ÉOCÈNE 


DÉPÔT CRÉTACÉ 


des 


i 
#: 


Ne 2 LA BELGIQUE. LA FRANCE. de la France. DIFFÉRENTS PAYS. 
ESPÈCES. svsriues. SYSTÈMES. Sables Sables SYSTÈMES. 
D ORD. VASTES, — À) je Sables | Calc. Fee à — 2 
= ou 

Supér. | Moyen. | Infér. | Supér. | Moyen. | Infér. Les 48 moyens.|grossier.| glau- | Supér. | Moyen. 
23 | Gythere faboïdes . . — — — + — — + — — + she es 
24 —  Jurina . . _— — — + _ + + + _ + Tree Fret 
25 —  costellata . — _ _ — — _ + De à + + +... |... 
26 —  multicostala . . — — — — — - + — Æ: DÉT  PRRL EN TR 
27 —  plicata. . . . _ as _ + = re ere) SE VAE T A PASS PONS D PU à LT 
28 —  Haimeana . . — — — — — _ + | — — HT RSS | 
29 —  striatopunclala . — _ VI — _ + — + ER ES POS ER 
30 —  scrobiculata . _! 25 er Le Ans + hd losvotlses Pets. 
31 —  Nystiana . ‘ — = ne + _ = + PA POI DORE PPS PE ES 
32 —  Jonesiana. . _ = es se a + — + + |. SE... 00m 
35 —  angulatopora . — — —_ _ — — + — Lu + ls hsss ls. 
54 —  favosa. . . + _— _ _— — mes ee love ss CRT TR E 
35 —  inornala . : — — 1e _ dé PPT NE Sn Loos irons Flers ST S SUR 
56 —  Lamarckiana res — — — _— _— + — — + CE PPPVA REN. 
37 —  bidentata. _ _ _ _ _— + CCS PROS DOCS ECS PES ES 0 
58 —  punctatula . _ = LE = #s Se + 3 me 4 LA nt ES. 
39 —  punctatella . — _ _ _— _ ER PO. LUN annoté SES ENS 
40 —  cicatricosa + _— _ _ _ CNE ENPERA ER PPS 1... re 
M1 —  galeata . _ _ = = _ CC CE. |. 4 |, 0 a PRES 
42 —  dimbata . _ — _ _— _ _ + + EE ES ENTER CA En 
45 —  ventricosa. = _ + e = _ + — — + ils let 
44 —  Grateloupiana . — — _ — FEU EN PSE © PP PONO DPPTS O0 
45 —  deformis . — — — — — + |... |. ee, Pise je [lee Rare ... 
46 —  sagittula . _ de — pe Ta hou Est CRAN MENT SE MEN MPNS 
47 —  tessellata . _ _— _ + — — + _— + + MUR er 2 To 
48 —  pusilla . . — — — — + |...) CAPES EPP ESC T0 PRES M 
49 —  Orbignyana . — -- — _— — — + — + |... he... | 
50 —  approzimala. . _ = _— — = _— he _ — REC Pratt PT Es 
51 —  Cornueliana. _— _ _ _ — _ + — — _ + |... 
52 —  vermiculata . . _ _ _ = _ _ + _— — + APT PAS LU 
53 —  angusticostata — — _ — — + — — + |... + | +110 


pen on in 6 G rént M Et PV 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 


ALLEMAGNE. 


AUTRICHE. 


MR RETENUE NL A LUT ANSE 


ITALIE. 


“IDENTIQUES PFOSSILES 


dans 


différents pays. 


137 


IDENTIQUES 


vivants. 


CE 


Osnabrück et Cassel, 
dans le nord-ouest de 
l'Allemagne. 


Nord-Ouest de l'Alle- 
magne. 


Le nord de l’Allema- 
gne. 


Rudelsdorf, Kostel et 
Nussdorf. 


Luschitz et Rannay,en 
Bohéme. 


Nussdorf, Würzing, 
Freibubl, Grinzing 
et Felsü-Lapugy. 

Rudelsdorf, Grinzing. 


Rudelsdorf , Grinzin 
et Würzing, Freibuhl, 
StNicolaï, Wieliezka. 


Kostel, St- Nicolaï, 
Wäürzing, Freibulh, 
Nussdf, Steinabrunn, 
Rudelsdorf , Felsô - 
Lapugy. 

Wieliczka en Gallicie. 


Tome XXIV. 


Castell’ Arquato. 


Castell' Arquato . . . 


Castell' Arquato. 


Castell Arquato., , , 


Les côtes de la Bel- 
gique, à Ostende, 


Côtes d'Italie. 


18 


158 


DESCRIPTION 


DÉPÔT TERTIAIRE DÉPÔT TERTIAIRE ÉTAGES DÉPÔT CRÉTACÉ 
de de DU TERRAIN ÉOCÈNE des 
Ne ie. LA PAR. LA Le dolls France. PIRE PAYS 
; ESPÈCES. SYSTÈMES. SYSTÈMES. Sables Sables SYSTÈMES. 
D ORD. NANTES, À Sables | Calc. # Ka : =. 
Supér, | Moyen. | Infér. | Supér. | Moyen. | Infér. NEA moyens | grossier. a Supér. | Moyen. | Infén 
54 | Cythere plicatula . — — — — — + 2) VE se so. FA - 2 ; 
55 —  Edwardsi. — + — — — + À VOrep DR POEUA 1 PRE À Æ 
56 —  Hebertiana 7 Ca Ê = x ox + dr . sole TE 
57 — macropora ag EE PE — — — + + + PRESS PECRAT se site FLE 
58 —  Thierensiana = — Lape — — us es à + DE Hits ses Leur Tree 
59 —  arachnoïdea . — — — — Le - + ag Eu mi ES CE RAS De PT 
60 —  truncala . — — — _ — + CAS SEA SU .% # À PR ses Le a 
61 —  Lyelliana. — — — + - AT SSP TER 4 
62 —  scabra. ce Fe a — es + 5 Pa Me Are 6% LORRANT. 
63 —  nebulosa . — — on — — ræ + — ES + |: AR QE LA ES De 
64 —  monilifera — — + — — + |. sé A En + à Pr rs 4 
65 —  aculeata . — _ — — — = + — + + SU ROIS MT D 
66 —  formosa QE re # Dr: 7 Fa Dur D: a in 2 . AS a 1 
67 —  Reussiana — — — + Le: Fe oi CE: Je LEE D EE RDS On de 
68 —  Micheliniana —— — es — _ + |. PR TES DORE RE DRE RER “# 
69 —  Francqana — — ur — — + FE ES POULE: SRE D LA CRAN 
70 —  pectinata . — — = — — + CS: . RD ER D PER 
71 —  ceraloptera — _ — + — —_ + + . OS RL NICE PTE Ce 
72 —  calcarata. ds Lei . PS LE act PATES CA RS PRS | CAPE EE Le 
75 —  cornula — + Re ee os + Sn Eu + + PEN CNRS Fe 
74 —  horrescens — — — — r+ a + — + + DR PO AN DEC 
75 —  Dumontiana. — — — — — — + — + PR % ss Vote. LR 
76 —  Deshayesiana — — — — F— "= + nt + less hocsclesss pe 
77 —  lichenophora. — — — — — — + _— — + rss tes + US 
78 —  pygmæea . Fe 7 MS Ga Le 3.5 . . ol... |...sh.... |. -. 
79 —  Haidingeri . — — _— ce — A + + + + + |. Fe 1 
80 —  gradata — — A + — — + + | + + A 4 
81 —  fenestrata. — — — — _— 2 Ah SANTE iso heicte s UE 2010 0 ER 
82 —  Forbesiana : — — _ — — — + — — + + ss Ut 
83 | Cyprella Edwardsiana . — "= ee — — — + — + + |... 1" 
F: 
à 
1 
g 
£ 


ANGLETERRE. 


DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 


ALLEMAGNE. 


AUTRICHE. 


ITALIE. 


159 


IDENTIQUES FOSSILES 
dans 


différents pays. 


IDENTIQUES 


vivants. 


Bal ete o à à 


Der cote. 


Nord-Ouest de l'Alle- 
magne. 


Nord-Ouest de l'Alle- 
magne. 


CRORNECIOE RCA LCA 


Nussdorf, Kostel, Gain- 


Nussdorf, Grinzing, 


fahren, Rudelsdorf, 
Grinzing, Wieliczka. 


Rudelsdorf, Wieliez- 
ka. 


Kostel, Grinzing. 


Nussdorf, Grinzing. 


Une localité inconnue 
du bassin autrichien. 
Nussdorf, Freibuhl, 
StNicolaï, Kostel, 
Rudelsdorf, Grinzing. 


Palerme, en Sicile. 


PETITES ETES 


CRE LE 


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en) 


Bairdia arcuata. . 


— Curvata 
—  foveolata . 
—  Hebertiana . 
—  linearis. . . 
— lithodomoïdes 
—  marginata. . 
— perforata . 
— punctatella . 
—  strigulosa. . 
—  subdeltoïdea . 
—  subglobosa . 
—  subradiosa 
Cyprella Edwardsiana. 
Cypris faba . . 
Cythere aculeata . . 
—  angulatopora 
—  angusticostata . 
—  approximata. 
— arachnoïdea . 
— bidentata . 
— calcarata . 
—  ceratoptera . 
— cicatricosa. . 
— Cornueliana . 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES. 


ct 
19 


1 


VSELSSSENNEMeELNNgUNES 


gYE 


4 


ET 11 
Planch.| Fig. ||. 

L | 14 || Cythere cornuta 

tb. | 6b. —  costellata . 

| À Sy A —  deformis . 

L | 5 —  Deshayesiana 

; 34 M À —  Dumontiana. 

Il. 1 —  Edwardsi. 

IL | 5 —  faboïdes . 

| AA de à: —  favosa. 

| Lg 2 —  fenestrata. 

1 | 10 —  Forbesiana 

1,179 —  formosa . 

L | 15 —  Francqana 

| EP à —  galeata 

E 6 —  gradata . 

VI | 14 —  Grateloupiana . 
F0 —  Haïdingeri 

V. | 10 —  Haïimeana. . 

HN. | 5 —  Hebertiana . 

IV: 18 —  horrescens . . . 

À 6 — — Var. B. 

a LÉ 4 — — Var. C. 

Hi. 9 — _ inornata . 

VL 5 —  Jonesiana. 

VL 2 —  Jurinei. Ars 
UT. | 15 — — V.Btenuipunctata. 
IV. | 10 —  Lamarckiana. . 


112 


127 


142 


Cythere lichenophora. 


— limbata 
—  Lyelliana. 
—  macropora 


— Micheliniana. 


— monilifera. 


— multicostata . 


— nebulosa . 
— Nystiana . 


— Orbignyana . 


—_ pectinata . 
-— plicata. 
— plicatula . 


— punctatella . 


— punctatula 
— pusilla . 


ne pygmæa . 
— Reussiana. 


Pages. 


125 
78 
102 
97 


Planch. 
VL. 
AA 

V: 
NV: 


“ 


Cythere  sagittula . 

— scabra . 

— scrobiculata- . 

— striato-punctata . 

— tessellata . 

e Thierensiana . 

De) truncata . 

1: : ventricosa . 

— vermiculata . 
Cytherella compressa . 

= hieroglyphica. 

— Jonesiana . 

_ Munsteri . 
Cytheridea incrassata . 

— .  Mulkeri. 

— papillosa . 

— Williamsoniana . 


FIN. 


var. B acuminata, 


DESCRIPTION DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES. 


Pages, 


85 


Planch. 


KO x où @ mm 9 NN Gt À 


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à O1 = 


11 


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Mein. cour. et Mem.des sav. etrano. Tom, XXIV Mem.de M Josquet PLE 


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3 o, 75 mme 4 CYAN 777 
: E 4 € 4 
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9 0,65 mm 10 0,65 mm 
Le 
a ô c Pal 
er il 0,07 mm 12 0,06 mm J 
« b a © a é * C à 
19 1,40 mm 14 1,10 mm 


1. Cytherella compressa . V. Munst.sp; 4. Cytherella Jonesiana . Bosq.; 8. Bairdia perforata. Bosq. 12. Bairdia marginala. Bosq 


2, Münsteri. Roem. sp. | 5. Bairdia foveolata id. 9. strigulosa. id. 13. ____ subdeltoidea. Jones 
* HAS hieroglyphica . Bosq. | 6. subradiosa. id. 10. punctatella. id. }14. _______ arcuata. Bosq 
à 7: subélobosa. id. :u. Hebertiann. id. 


jé 


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Mem.cour. et Mem.des sav. étrang. Tom XXIV. Mem. de M. Bosquet . PL:1L 


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11. #,40 mn. 12 0,7: > mm - 
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13. 0, 7e mm 14 0, 65 mme. 
À rique F œ 
1. Baurdia lineans. Bosq. | 4.Cytheridea. Müller: . Bosq.18. Cythere Faboides. Bosq. :12.C vthere multicostata. Bosq. 
2. curvata. id. Lo. ———— papillosa. id. Jurinei Münst 13. phcata.  Münst 
3. lithodomoïdes. id. |6. > Wilhiamsoniana.id. 10. id. id. var. 14. ______ Haimeana. Bosq. 


7: C pris Faba Desmar. |11. costellata. Bosq. 


Mem. cour. et Mem.des sav. 


étrang. Tom. XXIV. Mem. de M Bosquet PI. 


1,2 mm 


n] 1 mnt 


‘ 


0,72 mm 12 ( 
7 2 
4 / 
13 0, 85 mm 0,7) mm 
‘ 


,] purt à 


8 Cythere Lamarckinna.Bosq. | 12 Cythere punctatella Reuss sp. 


1. Cvthere striato punctata Roemer sp. | 4.Cythere Jonesiana. Bosq. 

a. scrobiculata . v.Münster. | 5. angulatopora.Reuss. sp, 9. bidentata. 1. |13. —_ ccatmcosa. id. 

3. —___ Nystiann Bosq.  |6. favosa.  Roemer, sp. 10. punctulata Roemer sp} 14. galeata.  Bosq. 
7.——— imornata.  Bosq. 1. Cvtheridea mcrassata.Bosq à 


d' 


c d 
1. 0,65 mm 12. 0,75 mm 
c d 
13. 0,8 mm 14 0,q m.m 
1, Cythere limbata Bosq. | 4. Cytheresydeformis . Reuss.sp. 8. Cythere Orbiguyana. Bosq. | 12. Cythere angusticostata.Bosq 
. Fa ventricosa. id. |5. — Sadittula. id. 
à. Grateloupiana . 1d 6. 


Mem. cour. et Mem.des sav étraé. Tom XXIV 


Mem. de M. Bosquet PI. 


0 © 


l.0,67 mm 


3 0,6 mm 


, 
4. 0,9 mnt 


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5 0,8 nmi.m 


6. 


0,06 mnt 


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o, 75 min 


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9 1,02 mm 
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10. 4,0 mm 


2 C 


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À 
8 
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0 


9: 
tessell ata. Bosq. 


id. 


- approxinata id, 
10. ('ornueliana. id 


7 — pusilla. 


(MERE pheatul a. Reuss sp. 
14. Edwardsi. Roemersp 
NM. vermiculata, id, 


ET UE 


Mém.cour.et Mem.des sa étrange XXIV 


Mem. de M Bosquet PIY. 


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1 0,85 mm 0,7 MM 

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3 og tm o,9 mm 
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> oo, m.nt 0,68 m.Mm 


11 0,09 mm 
a 4 | a.) 
13 0,85 m.Mm: 


, TO MM 
/ 


1, Cythere Hebertiana. Bosd. 


» 


2 


3. 


macropora ‘ 


id. 


: Tlnerensiana. id. 


). 
). 
/° 


truncata.Reuss.sp. 9. 
Lyelliana.  Bosq. 10. 
scabra. v. Münst. 


1. _____ formosa. 


monmilifera. id 
aculeata. id. 


id. 


13. 


4. Cythere arachnoïdea. Bosq. 8. Cythere nebulosa. Bosq. 12. Cythere Reussiana.Bosq 
( 


= Nicheliniana. id 
FN Francqana 


id 


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trans. Tom. XXIV. " Mein. de M. Bosquet  PLINT 


Mem.cour.et Mem. des sav. étrang . 


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0,75 mm 
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0, 3 MM. 10 0,7 TH. NL. 
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à LL) L 
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12 0,67 mm 


1, Cythere pectinata. 
— ceraptlora. 


2. 
calcarata . 


3 


Bosq. 
id. 
id. 


4. Cythere cornuta.Roemer sp; 8. Cythere lichenophora. Bosq. 12. Cythere fenestrata . Bosq 
# __ Forbesiana. 1d 


prémeæa. Reuss. sp.| 13 
14. Cxprella Edwardsiana. id. 


8: 


bia 


horresc ens 


e Bosq. 
Dumontiana. id. 
Deshayesiana . id. 


10. 


9 — 


Haïdinger 1 
gradata 


id. 
Bosq. 


MÉMOIRE 


EN RÉPONSE À LA QUESTION SUIVANTE : 


FAIRE UN TRAVAIL SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE, CONSIDÉRÉ COMME ORATEUR, 
HOMME D'ÉTAT, ÉRUDIT ET PHILOSOPHE; 


PAR 


S.-J. LEGRAND, 


CANDIDAT EN PHILOSOPHIE, ÉLÈVE DE L'UNIVERSITÉ DE LIÉGE, 


et 


F. TYCHON, pe nompourc, 


DOCTEUR EN PHILOSOPHIE. 


Post a Theophrasto Phalereus ille Demetrius.… mirabiliter 
doctrinam ex umbraculis eruditorum otioque non modo in solem 
alque pulverem, sed in ipsum discrimen aciemque produril. 

(Ciceno, De legg., lib. HE, cap. 6, $ 14.) 


"Yraye by, xai A MÉEaydpoy, xa) biMrroy, xal Aw- 
phrpioy Tèy Dadypéa oi Aéye. "Ovoyraæ, ei Eldoy Ti 
# xoivÿ pÜois YSEAE xad Éaurods Éroidaydyyoay* ei dè 
étpaywdyoay, oùd'el; me xaTaxéxpixe muméioSai. ‘A- 
rhoby Écti xal œidÿuey +ù giocopias Epyov* M ME 
draye Êm) cEuvoTupixy. 

(Manc. Anroxx., lib. IX, cap. 29. 


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À 


DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE, 


CONSIDÉRÉ COMME ORATEUR, HOMME D'ÉTAT, ÉRUDIT ET PHILOSOPHE. 


INTRODUCTION. 


Dans cette vaste communauté d'intérêts que l’on appelle société hu- 
maine, le vulgaire, esclave soumis de ses penchants et des idées do- 
minantes du siècle, suit obscurément et sans but déterminé la loi qui 
l'entraîne vers sa destinée : un petit nombre d'hommes seulement laissent, 
à divers titres, une place dans les annales du monde. Entre ces êtres pri- 
vilégiés , auxquels le genre humain a voué, pour leurs bienfaits ou pour 
leurs crimes, son amour ou sa haine, les uns, instruments passifs de la 
Providence, parcourent la carrière qu’ils voient ouverte devant eux, sans 
avoir la conscience des moyens à employer pour l’achèvement de leurs 
desseins ; les autres, au contraire, êtres à l'esprit méditatif, exécutent, 
pour arriver à leurs fins, un plan qu’ils se sont tracé d’avance. 

La Grèce est, dans les temps anciens, le pays qui vit fleurir la plupart 
de ces derniers : elle nous présente à cet égard un contraste frappant 
avec l'Asie, sa voisine. Ici les peuples sont aveuglément soumis à la force 
brutale de leurs despotes ; et les chasseurs d’hommes , à leur tour, plient 
sous cette pression divine qu'ils sentent peser sur eux sans se rendre 
compte de son action. Le gouvernement n’y revêt, pour ainsi dire, qu'une 
forme unique et invariable, imposée par des êtres qui se disent envoyés 
de Dieu, ou par d’autres êtres, qui, dans leur sauvage audace, se sub- 


4 MÉMOIRE 


stituent eux-mêmes à la divinité. La philosophie s’y enveloppe de mys- 
tères, et recule devant la mission qui lui fut donnée d’éclairer la foule. 
L'histoire, écrite uniquement pour plaire à la puissance souveraine, et 
presque toujours sans aucun souci de la vérité, y pousse bien souvent le 
mensonge jusqu’à l'impudence. La poésie, sa sœur aïnée, y témoigne 
assez, par sa teinte uniforme, d’une influence extérieure à laquelle l’ima- 
gination du chantre tente vainement de se soustraire. La voix de la vérité 
n'osa presque jamais réveiller que sous le voile de la craintive allégorie 
les idées assoupies dans ce vaste tombeau de l'intelligence. 

Les Grecs, au contraire, furent un peuple éminemment réfléchi, qui 
dans la littérature, et surtout en politique, rendit un éclatant hommage à 
la liberté de la pensée humaine. Les monuments les plus anciens du génie 
hellénique nous fournissent des preuves convaincantes de cette noble 
indépendance. Dans l’Iliade, Thersite s’oppose à l'autorité absolue du 
puissant Agamemnon ; et si le chantre de la royauté héroïque couvre de 
ridicule l’ignoble plébéien , il n’en témoigne pas moins l’existence de cet 
esprit démocratique qui recherche avidement la source et la raison du 
pouvoir. Hésiode fait, dans ses vers, la satire des puissants de son époque. 
Nous pourrions puiser facilement dans les débris des anciens chants 
de la Grèce des preuves nombreuses à l'appui de notre assertion : mais 
nous nous bornerons à citer les noms d’Alcée, de Solon et de Théognis, 
dont la poésie fut presque exclusivement politique. L'histoire même vient 
à notre secours dans la personne de son représentant le plus ancien : qui 
n'a lu, dans Hérodote, cette admirable délibération où il représente les 
sept seigneurs persans conjurés discutant, après avoir tué Smerdis, le 
mage usurpateur, sur les avantages divers que présentent la démocratie, 
l'oligarchie et la royauté? Cette tendance aux considérations politiques se 
fait remarquer à un plus haut degré encore chez son heureux rival Thu- 
cydide, et la Cyropédie de Xénophon n’est qu’un traité sur la monarchie. 
Plus tard encore, à mesure que les luttes intestines prennent un caractère 
plus violent, l’histoire grecque s’avance de plus en plus dans cette direc- 
tion : Théopompe, Duris et bien d’autres que nous pourrions citer, don- 
nent à leurs écrits la tournure pamphlétaire. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 5 


Mais il n'appartient ni à la poésie ni à l’histoire de donner d’une ma- 
nière complète une théorie gouvernementale : c’est au produit le plus 
noble et le plus élevé de l'esprit humain, à la philosophie, que revient 
une semblable tâche. Toutefois, avant d'arriver à une théorie sociale vrai- 
ment digne de ce nom, la science hellénique dut passer par des tàtonne- 
ments nombreux et des erreurs inévitables, erreurs dont elle ne put jamais 
se débarrasser tout à fait. Nous trouvons déjà quelques faibles essais en 
ce genre dans les sentences attribuées aux sept Sages, à ces hommes qui, 
ayant pris une part très-active dans les affaires publiques les plus impor- 
tantes , se firent une philosophie toute pratique. Les efforts des premiers 
philosophes grecs proprement dits furent surtout consacrés à l'étude de 
la nature extérieure; néanmoins, Héraclite met déjà la destinée de la 
société humaine eh rapport avec sa doctrine panthéistique, et l'institut 
pythagoricien eut une influence politique qui se fait clairement remarquer 
dans l'histoire. 

Mais ces essais sur l’idée sociale et d’autres encore étaient isolés et, 
par conséquent, ne pouvaient avoir qu'une influence très-circonscrite et 
pour les temps et pour les lieux. Pour qu’une théorie politique, bonne 
ou mauvaise d’ailleurs, pût produire des résultats généraux et durables, 
elle devait être professée dans une cité vers laquelle toutes les branches 
de la civilisation auraient convergé comme vers un centre commun. Or, 
c'est là précisément le rôle que nous voyons rempli par Athènes après 
la guerre Persique. Cette ville devint, à cette époque, le rendez-vous de ces 
hommes qui ont reçu le nom de sophistes, hommes qui firent servir à 
leur intérèt privé les différents systèmes de philosophie éclos jusqu'alors. 
Leur doctrine gouvernementale peut se résumer en deux mots : égoïsme 
et arbitraire; ils enseignaient effrontément que l’individu est la mesure 
de toutes choses, et que les notions de juste et d’injuste ne sont pas 
fondées sur la nature, mais sur la convention. La vogue immense dont ils 
jouirent donna à leur enseignement une influence désastreuse. Cette vogue 
prenait sa source dans l’état de la société contemporaine : comme Athènes 
était devenue l'arbitre des destinées helléniques, et que les hommes qui 
commandaient dans Athènes commandaient par là même au reste de la 


6 MÉMOIRE 


Grèce, la jeunesse, éblouie par les brillants succès qu’obtinrent dans 
leur carrière politique Thémistocle et après lui Périclès, aspirait à une 
domination qu’elle s’efforçait d'obtenir par la voie la plus courte. Or, le 
moyen le plus efficace pour atteindre un tel but était, dans Athènes, le 
talent de la parole; et comme ces sophistes se vantaient d’être à même 
de former des orateurs, les jeunes gens se rendaient en foule à leurs 
écoles, où ils apprenaient à faire de la raison la plus faible la raison la 
plus forte. 

Ce fut pour s'opposer à cet envahissement menaçant de la corrup- 
tion sociale que Socrate quitta les ciseaux du sculpteur et se livra à 
l'étude d’une branche alors presque toute nouvelle dans la philosophie, 
nous voulons dire la morale. [1 mit en œuvre tous les moyens pour arra- 
cher la jeunesse aux mains des sophistes, qu’il ne cessa de poursuivre 
avec un zèle que peut seul donner l’amour du bien. Croyant déjà beau- 
coup faire en coupant le mal dans sa racine, il ne formula pas de sys- 
tème politique qui lui fût propre; mais quand il eut succombé dans sa 
tâche ardue, le plus brillant de ses disciples se chargea d’achever l’œuvre 
qu’il avait ébauchée. 

Du haut de la sphère des idées, cette antique patrie de la race hu- 
maine où l’avait ramené l’essor de son sublime génie, Platon jeta sur 
le monde terrestre un regard profond de sagesse et d'amour. Trouvant 
dans l'univers entier l'unité régnant sous le nom de justice divine, il 
voulut aussi faire un tout de l'État, qu'il voyait tiraillé en sens divers 
par les intérêts multiples de légoïsme. Le moyen qu’il proposa pour 
régénérer le monde social fut la philosophie, fin dernière du citoyen de 
sa république. La cité ne pourra être allégée de ses maux et arriver à 
l'unité, source du bonheur, que quand la philosophie, connaissance du 
bien absolu, et la royauté, formule du principe unitaire, se trouveront 
réunies dans la même personne. C’est de ce point de vue élevé que dé- 
coulent tous les beaux aperçus, mais aussi toutes les déplorables erreurs 
du système politique de Platon. Le monde, ébloui d’abord, l’accueillit 
avec allégresse ; mais bientôt revenu de son premier transport, et le trou- 
vant choquant en plusieurs points, impraticable en d’autres, il le laissa 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 7 


passer, comme un de ces météores brillants qui aveuglent plutôt qu'ils 
n’éclairent dans leur marche rapide, et s’en tint éloigné, rempli d’admi- 
ration et de découragement. 

Ce dédain forcé de la faible humanité pour une théorie qui, néan- 
moins, lui promettait audacieusement l’accomplissement de ses rêves les 
plus caressés, fut parfaitement exprimé par le disciple le plus digne de 
celui même qui l’avait exposée. Trouvant l’idée dans la chose, au lieu de 
la poser, comme Platon, avant la chose, et pour ce motif prenant dans 
l'expérience son point de départ pour arriver à une théorie sociale, tandis 
que Platon reconstruit l'État d’après la vue de son intelligence, Aristote 
ne contribua pas peu à paralyser le mouvement que les hardies concep- 
tions politiques de son maître auraient pu imprimer à la civilisation hellé- 
nique. Aussi voyons-nous que, tout en accordant la préférence au régime 
monarchique, il ne rejette absolument aucune forme de constitution : il 
est même porté pour le maintien à tout prix de l’ordre actuel des choses; 
et, dans ce but, il va jusqu’à donner des conseils aux tyrans, aux oligar- 
ques et aux démocrates les plus effrénés sur la manière dont ils peuvent 
se conserver par des artifices qui ont servi de modèle à Machiavel !. On 
peut dire en quelque sorte que le philosophe de Stagire n’a pas énoncé 
de doctrine politique qui lui soit particulière, tant il accorde une large 
part aux institutions existantes. Esprit froid, réfléchi et incapable de se 
laisser égarer, même un instant, par une illusion généreuse, il à fait l’'aveu 
le plus complet et le plus formel de l'impuissance où se trouvait la philo- 
sophie ancienne de régénérer l'humanité. Au lieu de placer avec Platon 
la sagesse sur le trône, afin de ramener le monde social à sa destinée 
primitive, il donne à l’homme idéal, au philosophe, le conseil de s’éloi- 
gner des affaires publiques et de chercher, dans la retraite et la médita- 
tion, à se rendre semblable à la divinité. Ainsi la philosophie, que Platon 
désignait comme le moyen d'améliorer la société humaine tout entière, 
n’est plus pour Aristote qu’un moyen de perfectionnement pour l'individu. 

Cette séparation de la philosophie d’avec la vie active fut établie d’une 
manière plus tranchée encore par son disciple Théophraste, comme le 


‘ H. Ritter, Hist. de la phil. ane., vol. III, p. 299, éd. Tissot. 


8 MÉMOIRE 


montre l’idée qu’il se fait du sage. « Jamais, disait-il dans son Traité sur 
le mariage !, jamais le philosophe ne peut être solitaire. Il renferme en 
soi tous les gens de bien qui ont jamais existé et transporte partout où il 
lui plaît son esprit affranchi des préjugés. Ce qu’il ne peut atteindre par 
son corps, il embrasse dans son intelligence; et quand les hommes lui 
font défaut, il s’entretient avec Dieu. Jamais il n’est moins isolé que dans 
la solitude. Ainsi, épouser une femme pour en avoir des enfants qui per- 
pétuent notre nom ou qui soient les soutiens et les héritiers de notre 
vieillesse, c’est commettre la plus grande des stupidités. » 

Nous avons dû nécessairement prendre pour point de départ, dans cet 
essai sur le plus illustre des disciples de Théophraste, la distinction qui 
se dessine si fortement dans toute la philosophie péripatéticienne entre 
la vie pratique et la vie théorétique. Notre marche était d’ailleurs tracée 
en quelque sorte par la manière même dont la classe des lettres et des 
sciences morales et politiques de l’Académie royale de Belgique avait posé 
la question qui nous occupe : Faire un travail sur Démétrius de Phalère, 
considéré comme orateur, homme d’État, érudit et philosophe. 

De ces quatre aspects sous lesquels nous apparaît l’homme dont les 
destinées et les travaux font le sujet de ce mémoire; les deux premiers 
nous représentent sa carrière active, les deux autres sa carrière spécula- 
tive. Comme, sans la biographie de Démétrius, nous n’aurions pu donner 
de cet homme que des aperçus incomplets, nous avons résolu de la traiter 
d’une manière aussi étendue que possible. Mais ici se présentait un doute 
qui d’abord nous a beaucoup embarrassés : devions-nous la traiter sépa- 
rément en forme d'introduction? fallait-il la fondre dans l’ensemble de la 
question? ou suffisait-il de la combiner avec les deux premières parties ? 
Toutes réflexions faites, la dernière manière de disposer notre travail nous 
a semblé la plus convenable, et nous nous y sommes arrêtés. En effet, 
dans le premier cas, nous aurions eu, jusqu’à un certain point, deux mé- 
moires distincts sur le même sujet : l'unité de notre travail aurait disparu 
presque complétement, et nous n’aurions pu éviter des redites conti- 


1 Apud Div. Hieronym. adv. Jovinian., 1, p. 189, ed. Bened. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 9 


nuelles; dans le second, nous serions tombés dans un inconvénient tout 
aussi considérable , l'incohérence qui ne pouvait manquer de résulter des 
efforts nécessaires pour coordonner des données aussi diverses. Nous 
avons donc été conduits à procéder de la manière que nous avons indi- 
quée, pour deux motifs : d’abord nous devions mettre, dans ce mémoire, 
un ensemble et un ordre convenables; et ensuite, en écrivant la vie d’un 
péripatéticien, il fallait tenir compte du point de vue d’après lequel son 
école envisageait les faces différentes de la vie humaine. 

Par conséquent, dans le premier chapitre de cet ouvrage, nous pre- 
nons la vie de Démétrius à son début, et nous la conduisons jusqu’à son 
arrivée anx affaires : nous y rendons compte de sa naissance, de sa con- 
dition, de ses études et de ses talents oratoires. Le second renferme sa 
carrière politique : nous y traitons de son avénement, de son autorité, 
de la faveur dont il jouit d’abord et des causes de cette faveur, des diffé- 
rents actes de son administration, de sa chute et des causes qui l’ame- 
nèrent, de son séjour à Thèbes, de son influence en Égypte, de sa disgrâce 
et de sa mort. C’est surtout dans ce chapitre que nous verrons se vérifier 
tristement les justes prévisions d’Aristote et de Théophraste à l'égard du 
sort qui attendait le philosophe assez téméraire pour quitter le calme de 
la retraite et se livrer au soin dificile de gouverner les hommes. Augurant 
trop de ses propres forces et faisant plus de fond sur la théorie péripaté- 
ticienne que ceux-là même qui l'avaient formulée, Démétrius ne suivit 
point leurs sages conseils; et, comme le dit Cicéron dans le passage que 
nous avons choisi pour épigraphe, il fit avancer la philosophie, non- 
seulement dans le soleil et la poussière de l’agora, mais encore sur le 
champ de bataille de la politique. Que l'administration de Démétrius de 
Phalère ait été l’époque où les doctrines philosophiques ont le plus pesé 
dans la balance des destinées d'Athènes, c’est ce que nous tàcherons de 
prouver par le peu de documents que nous avons sur cette période si in- 
téressante. Quant à son talent oratoire, d’après le témoignage unanime 
des critiques anciens, il se développa sous la direction de Théophraste, 
qui, dans sa rhétorique, ne fit guère que continuer l’enseignement de 
son maître. 


Tour XXIV. » 


10 MÉMOIRE 


On voit, par ce qui précède, que la partie active de la carrière de Dé- 
métrius se rattache intimement aux théories de son école. Il en est de 
même de la partie spéculative. Dans l’érudition, qui est, avec l’éloquence, 
le côté par lequel il se recommande le plus à notre estime, nous le trou- 
vons presque toujours dans le sentier battu par Aristote et Théophraste. 
Aussi avons-nous mis le plus grand soin à constater cette filiation; nous 
n'avons pas non plus négligé de signaler les autres écrivains qui ont pu 
lui fournir des secours pour ses travaux, parce que, dans l’histoire litté- 
raire comme dans l’histoire politique, les faits s’enchaînent les uns aux 
autres. Pour le même motif, nous avons dû examiner jusqu’à quel point 
les ouvrages de Démétrius ont eu de l'influence sur la science postérieure. 
Comme la notion d’érudit est très-peu précise, et que d’ailleurs nous voulions 
être aussi complets que possible, nous avons, dans la troisième section 
de notre travail, parlé de quelques-uns de ses livres que nous n’aurions 
pu mentionner aussi convenablement dans une autre. La partie la plus 
difficile et la plus ingrate de ce mémoire était, sans contredit, d'exposer 
la doctrine philosophique de Démétrius, qui nous est presque totalement 
inconnue, par suite de la perte de ses écrits. Nous avons donc été forcés 
de nous contenter de donner et d’éclaircir les titres de ceux de ses livres 
qui se rapportaient à ce sujet, et de déterminer, au moyen de deux ou 
trois passages peu étendus qui nous en restent, l'importance et le rang 
que l’on doit assigner à Démétrius dans l’histoire de la sagesse antique. 

Nous n’avons pas toutefois prétendu isoler complétement ces deux par- 
ties de notre travail. Au contraire, on verra que nous nous sommes efforcés 
de les rattacher autant que possible l’une à l’autre. Ainsi, dans le troi- 
sième chapitre, nous avons souvent, à propos de divers écrits de Démé- 
trius, rappelé différents faits de sa vie, et dans le quatrième nous avons 
eu soin de mettre sa doctrine philosophique en rapport avec sa carrière 
politique. En procédant ainsi, nous avons tâché de joindre à la clarté qui 
résulte de la division que nous avons adoptée, l’unité qui doit nécessaire- 
ment pénétrer l’ensemble d’un travail analogue à celui que nous avons 
entrepris. 

Tel est le cadre que nous nous sommes tracé et que nous avons essayé 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 11 


de remplir autant qu’il était en nous. Les difficultés que nous avons ren- 
contrées prenaient leur source et dans la faiblesse de nos moyens, et 
dans la nature même des renseignements qui nous ont été transmis sur 
l’homme que nous avons tâché de faire connaître. En effet, les documents 
pour l’histoire de Démétrius de Phalère sont en grande partie de se- 
conde et même de troisième main; et c’est là déjà un motif plus que suf- 
fisant pour procéder avec circonspection dans un travail dont le mérite 
principal doit être l'exactitude des faits. En outre, les renseignements que 
nous possédons sur notre sujet sont tantôt contradictoires, et il était alors, 
pour nous, d’une obligation indispensable de chercher à les concilier le 
mieux possible ; tantôtinsuffisants , et, dans ce cas, nous devions nécessaire- 
ment chercher à les compléter par des inductions plausibles et des hypo- 
thèses probables. 

C'est pour ces motifs que nous avons tâché de mettre autant de critique 
que nous pouvions dans ce travail, dont le style doit immanquablement se 
ressentir de cette intention. Quand les données sont abondantes et peu 
ou point sujettes à controverse, il est facile de prendre un ton dogma- 
tique et de s'élever à des considérations générales; quand, au contraire, 
elles sont rares et ambiguës, le parti le plus sage est de se borner à en 
faire un tout aussi bien coordonné que leur nature le permet. En procé- 
dant autrement, on s’exposerait à donner souvent ses imaginations pour 
des réalités ; et, comme on l’a remarqué depuis longtemps déjà, il est des 
sujets qui se refusent à être traités d’une manière brillante : 


Ornari res ipsa negat, contenta doceri. 


Après avoir exposé la manière dont nous avons conçu ce mémoire, il 
nous reste, pour en faciliter la complète intelligence, à dire de quels 
matériaux nous y avons fait usage. Ils se divisent nécessairement en deux 
classes : ceux que nous avons trouvés dans les auteurs anciens et ceux que 
nous a fournis la critique moderne. Les premiers sont naturellement ceux 
qui, à nos yeux, avaient la plus grande valeur : aussi nous y avons eu 
recours de préférence, sans que nous ayons, pour ce motif, négligé les se- 
conds, dont l'emploi subsidiaire est souvent une nécessité dans un sem- 


12 MÉMOIRE 


blable travail. Toutefois, en accordant la priorité aux sources anciennes, 
nous n'avons nullement prétendu, pas plus que pour les sources mo- 
dernes, leur assigner à toutes le même rang : évidemment il faut encore 
ici distinguer entre les auteurs qui se sont occupés de Démétrius d’une 
manière spéciale, ceux qui en ont traité assez longuement dans leurs écrits, 
et ceux qui n’en ont parlé que d’une manière incidente. Nous avons dû 
également avoir plus de confiance dans les écrivains les plus rapprochés 
du temps de Démétrius que dans ceux qu’en séparait un intervalle de 
plusieurs siècles. 

« L'étude des textes ne peut jamais être assez recommandée, dit La 
Bruyère ! : c’est le chemin le plus court, le plus sûr et le plus agréable 
pour tout genre d’érudition. Ayez les choses de la première main, puisez 
à la source; maniez, remaniez le texte, apprenez-le de mémoire, citez-le 
dans les occasions, songez surtout à en pénétrer le sens dans toute son 
étendue et dans ses circonstances, conciliez un auteur original, ajustez 
ses principes, tirez vous-même les conclusions. Les premiers commen- 
tateurs se sont trouvés dans le cas où je désire que vous soyez : n’em- 
pruntez leurs lumières et ne suivez leurs vues qu’où les vôtres seraient 
trop courtes; leurs explications ne sont pas à vous, et peuvent aisément 
vous échapper : vos observations, au contraire, naissent de votre esprit, 
et y demeurent; vous les retrouvez plus ordinairement dans la conversation, 
dans la consultation et dans la dispute. Ayez le plaisir de voir que vous 
n'êtes arrêté dans la lecture que par les difficultés qui sont invincibles, où 
les commentateurs et les scoliastes eux-mêmes demeurent court, si fertiles 
d’ailleurs , si abondants et si chargés d’une vaine et fastueuse érudition 
dans les endroits clairs, et qui ne font de peine ni à eux ni aux autres : 
achevez ainsi de vous convaincre, par cette méthode d'étudier, que c’est 
la paresse des hommes qui a encouragé le pédantisme à grossir plutôt qu’à 
enrichir les bibliothèques, à faire périr le texte sous le poids des com- 
mentaires, et qu’elle a en cela agi contre soi-même et contre ses plus 
chers intérêts, en multipliant les lectures, les recherches et le travail 
qu’elle cherchait à éviter. » 


1 Caractères, chap. XIV, p. 361, éd. Didot, in-&. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 13 


Nous avons suivi, dans la composition de ce travail, le salutaire con- 
seil que donne, pour la lecture des auteurs anciens, l’un de leurs admira- 
teurs les plus éclairés. Toutefois, nous n’avons ni l'intention ni le droit 
d’être aussi sévères que lui pour les travaux des savants modernes. Par 
exemple, ce serait, de notre part, un acte d’ingratitude, si nous ne faisions 
pas mention du travail publié récemment sur Démétrius de Phalère par 
le docteur Christian Ostermann!, travail qui nous a été très-utile pour 
les deux premiers chapitres de cet essai. L'auteur y a exposé la carrière de 
Démétrius jusqu’à son départ pour l'Égypte, laissant son séjour, dans ce 
dernier pays, pour une seconde partie, où il doit également traiter de ses 
écrits et qui, au moment où nous écrivons , n’a pas encore été publiée. 

Les deux chapitres où nous considérons Démétrius comme érudit et 
comme philosophe sont donc presque entièrement nouveaux, et appel- 
lent sur eux, à ce titre, l’indulgence de l’Académie, que nous devons aussi 
réclamer pour le reste du mémoire. 


1 Commentationis de Demetrii Phalerei vita, rebus gestis et scriptorum reliquiis Part. IL Scripsit 
D° Christianus Ostermannus. Hersfeld, Druck und papier von W.-L. Happichs Wittwe; 1847. 
(64 pp. in-4°). 


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MÉMOIRE SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 15 


CHAPITRE PREMIER. 


DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE CONSIDÉRÉ COMME ORATEUR. 


Démétrius de Phalère, quelquefois désigné par la simple épithète de 
Phalérien !, était fils de Phanostrate ?. Il naquit dans ce dème de la tribu 
Æantis dont il porte le nom 5. 

Sa condition , l’année de sa naissance, ainsi que la première partie de 
sa vie, nous sont peu connues. 

D’après Favorinus# et Élien®, il serait né esclave domestique (verna) 
dans la maison de Timothée et de Conon. Mais quand on jette un coup 
d'œil sur la personne de Démétrius, quand on considère le rôle impor- 
tant qu’il joua sur la scène politique, on est tenté de révoquer en doute 


1 Plut., Demet., 9. Pollux, VIN, 402. Cicer., Brut., 9; de Leg. lib. I, cap. 25. 

2 Diog. Laert., V, 75. Paus., [, 25. Cicer., de Fin., V, 19, 54. Suidas, voc. Aymrps. 

5 Phalère était un dème et un port célèbre de l’Attique; comme dème, il faisait partie d'abord de 
la tribu Antiochis (Harpocr.), ensuite de la tribu Æantis (Schol. ad symp. Plat., t. VII, p. 298, 
ed. Tauchn.). Le port de Phalère était le plus ancien port de l’Attique (Paus., liv. I, chap. 1 et 2; 
Hérod. VI, 116). I n'était éloigné d'Athènes que de 20 stades (Pline, Hist. nat., liv. IV, chap. 2. 
Paus., {. L.). Ce port perdit son importance depuis que Thémistocle eut fait bâtir le Pirée (Corn. 
Nep., Thém., 6). Cf. Meursius, De pop. Attic. dans le Thes. Graec. anti. de Gronovius, t. IV, 
p- 804. Voir aussi le tableau des dèmes et tribus de l’Attique, par Grotefend, dans Müller, Frag. 
hist. Graec., t, W, p. 357. C'est à Phalère même que Démétrius passa les premières années de sa 
vie; au moins connaissait-il cette localité dans toutes ses parties, comme on peut le conclure d'un 
passage de son traité intitulé Socrate, où , pour prouver qu'Aristide n'avait pas été pauvre comme 
on le prétendait, il dit connaître à Phalère une terre portant le nom d'Aristide et renfermant 
son tombeau (Plut., Arist., ce. 1). 

+ Ap. Diog. Laert., V, 76. 

5 Var. Hist., XI, 45. 


16 MÉMOIRE 


l’assertion de ces auteurs et de dire que, pour s’élever si haut, Démétrius 
de Phalère devait avoir des appuis qu’une aussi basse extraction lui aurait 
toujours refusés. Son nom seul semble justifier ce doute; car aurait-il 
été désigné d’après le dème où il naquit, si, comme esclave, il n’avait 
pas été inscrit au nombre des citoyens de ce dème? Et puis, un esclave 
ou un affranchi aurait-il pu usurper les droits attachés au nom de citoyen 
au point de devenir archonte d’Athènes? Ce fait semble inexplicable 
quand on voit Dinarque rappeler une loi qui n’admettait pour orateur 
que des citoyens ayant des enfants légitimes et possédant des biens dans 
le territoire de l’Attique!. Il est vrai que cette loi ne s’appliquait que dans 
le cas où un orateur voulait proposer un décret au peuple?; il est vrai 
encore qu’Athènes était dégénérée, et que Démosthène reproche à ses con- 
temporains de prostituer la liberté de la parole et le nom de citoyen à 
des hommes perdus, à des esclaves et à des étrangers; mais ces re- 
proches de Démosthène, on ne peut pas, semble-t-il, les invoquer ici. En 
effet, Diodore de Sicile, Strabon, Plutarqueet Cicéron, qui insistent sur 
l'étendue du savoir et la sagesse de l'administration de Démétrius de 
Phalère, n’auraient pas oublié de mentionner la bassesse de son origine 
et de faire ressortir le contraste qu’eussent présenté une naissance si ob- 
scure et une vie si brillante. Si ces auteurs devaient révéler la condition 
peu noble de Démétrius pour élever ce dernier, d’autres devraient ne pas 
la passer sous silence pour l’abaisser. Cette proposition paraît paradoxale, 
cependant elle est pleine de justesse. Duris et Carystius, en ennemis 
acharnés de Démétrius de Phalère, n’auraient-ils pas hautement proclamé 
qu’il était né dans une maison d’esclave celui dont ils décrivaient le luxe 
effréné? D'ailleurs, la famille de Démétrius de Phalère compte d’autres 
membres encore qui prirent une part active aux affaires publiques. À côté 
de lui, mais dans un autre parti politique, nous trouvons son frère Hi- 
mérée, qui fut mis à mort par ordre d’Antipater, après la bataille de 


1 Disc. cont. Demosth., chap. 71. 

? Hermann, Griech. Staatsalterth., $ 129. 

5 Du gouv. de la rép., p. 196. Contre Aristog., p. 757; Phil. HI. Cf. Isocrate, de Pace, p. 469. 
Andoc., de redit., chap. 23; Cic., pro Balbo, $ 12; Hermann, ibid. , $ 117, 9. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 17 


Cranon !; nous voyons ensuite que ce fut Télesphore, cousin germain de 
Démétrius de Phalère, qui prévint la sentence dont allait être frappé Mé- 
nandre, par suite de sa liaison avec ce dernier ?. Enfin , nous pouvons citer 
encore un descendant de Démétrius de Phalère portant aussi le nom de 
Démétrius, homme adonné au luxe et à la débauche, qui fut créé thesmo- 
thète par le roi Antigone 5. 

Une autre circonstance qui doit nous engager à ne pas admettre sans 
réserve l’assertion de Favorinus, c’est que, pendant les fêtes de Bacchus 
(OI. 117, 4), où Démétrius, en sa qualité d’archonte, conduisait la pompe 
des Bacchanales, le chœur chantait en son honneur des vers où l’on célé- 
brait sa naissance illustre #. Nous savons qu’à cette époque la flatterie la 
plus basse était à l’ordre du jour; mais celle-ci, semble-t-il, eût été par 
trop insolente ÿ. 

Le doute que nous venons d'exprimer est d'autant plus légitime que 
les auteurs qui rapportent le fait auquel il s'attaque, ne jouissent pas d’une 
bien grande considération, et pouvaient facilement se laisser induire en 
erreur. Un des contemporains de Favorinus, Hermippe de Béryte, avait 
écrit un traité repè rüv dempehavruy y rudkia doluy (sur les esclaves qui ont 
brillé par le savoir) 5. Comme l'ouvrage de Favorinus indique par son 
titre même (irowmpayeduara) un recueil d'extraits plutôt qu’une histoire écrite 
avec critique, l’on peut supposer qu’il a tiré du traité d'Hermippe le fait 
dont il s’agit. Reste à savoir quelle foi mérite ce dernier : esclave lui- 
même, il devait être porté à admettre sans examen la tradition qui fai- 
sait naître dans la même condition un personnage aussi illustre que 
Démétrius de Phalère. Quant à l'autorité d'Élien dans ses Histoires Diver- 
ses, « qui ne sont autre chose qu’un recueil d’autres livres, dans lequel le 
» manque de goût, de jugement et de critique se fait souvent sentir”, » 

‘ Plut., Demosth., 28; Vita X Orat., p. 846. Cf. Dionys. Halic., de Din., 9; Caryst., ap. Ath, 
XII, p. 542. 

? Diog. Laert., V, 89. Suidas, vol. Il, p. 492. Chrysipp., ap. Ath., XIV, p. 616. 

5 Heges., ap. Ath., IV, p. 167. 

# Duris, ap. Ath., XII, 542. 

5 Cf. Bonamy, Vie de Dém. de Phal., Méx. pe L'Acan. roy. nes iNscRIPT., t. VIII, p. 171. 

6 C. Müller, ad fragm. Hist. Græc., 1. WE, pp. 51, 52. Suidas, v. daBesrs::. 


7 Roulez, Hist. de la lit. grecq., s. LE, p. 223. 


Toue XXIV. 5 


18 MÉMOIRE 


tout le monde conviendra avec nous qu’elle doit être fort secondaire. 
Comme il vivait au commencement du III: siècle, il a pu connaître l’ou- 
vrage d'Hermippe ou celui de Favorinus; l’on peut même affirmer qu’il 
n’a fait pour ainsi dire que copier ce dernier mot pour mot. Remarquons 
qu’il entre assez dans la coutume de cet écrivain de retenir les paroles 
mêmes des auteurs qu’il consulte. De là la bigarrure de style qu'on re- 
marque dans sa compilation. 

Nous ajouterons ici une observation, à laquelle nous devrons en ap- 
peler encore dans le cours de ce travail, c’est que les auteurs contem- 
porains qui traitèrent la période macédonienne de l’histoire de la Grèce, 
étaient singulièrement propres à faire tomber leurs successeurs dans des 
écarts de tout genre. À mesure que l'esprit de rhétorique, grâce surtout 
à l’école d’Isocrate, s’introduisait dans l’histoire, celle-ci devenait de plus 
en plus superficielle; l'on cherchait à plaire bien plus qu’à instruire, à 
flétrir un parti ou un peuple bien plus qu’à donner une exposition im- 
partiale des faits. Trop souvent les historiographes postérieurs puisèrent 
leurs renseignements dans les écrivains non pas les plus judicieux, mais 
les plus intéressants ?. 

De tout ce qui précède, nous ne prétendons pas conclure formellement 
à la fausseté de l’assertion de Favorinus; cette assertion nous a paru 
douteuse; nous avons exposé les motifs de notre doute : libre à chacun 
d'apprécier ces motifs et de conclure. 

C’est sans doute à cause de considérations semblables à celles que nous 
venons d'exposer que Périzonius 5 introduit une correction dans le texte 
d'Élien : au lieu de cixérpBx, il lit cxérBos; en sorte que ce ne serait pas 
Démétrius lui-même, mais son père Phanostrate qui aurait été verna 
dans la maison de Timothée et de Conon‘. On peut donc soutenir que 


1 Fav. :’Hy yap êx ve Kévovos cixias. Elien: êx +ÿc oixlag TruoSéou ai Kéyavoc. 

2? Cf. Grauert, Æist. und philolog. anal., t. X, p. 210 suiv. Heeren, de fontibus. Plut., passim. 
G.-G. Pluygers, de Demade Orat. Hag., 1836, p. 16. Cantu, Hist. univ., Brux., 4845 , t. Il, p. 110. 
C. Müller, Fragm. Hist. Grœæc., V. IN, p. 469 et passim. 

5 Periz., ad Æl. V.H. XII, 45. 

4 Ce qui justifie encorela correction de Périzonius, c’est que Démétrius, comme nous le verrons, 
ne naquit que quelques années après la mort de Timothée. On peut interpréter aussi en sa faveur 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 19 


Démétrius était le fils d’un affranchi; mais la difficulté que soulève l’as- 
sertion de Favorinus n’en subsiste pas moins. Pour l’éluder, il faudrait 
admettre les conjectures suivantes proposées par Ostermann ! : 

Phanostrate, après avoir été affranchi par son maître, se serait enrichi 
par le commerce, aurait épousé une femme athénienne et donné le jour à 
Démétrius et à Himérée. Les enfants, après que leur père eut été natu- 
ralisé, purent acquérir les droits qui manquaient encore à celui-ci, en se 
faisant inscrire dans la phratrie de leur aïeul maternel; c’est ainsi qu’ils 
devinrent yemirus Anéaves marpuo nai As éousiw et eurent accès au sacerdoce 
et à l’archontat ?. Quant à la loi qui fut portée après la guerre du Pélo- 
ponèse, et qui exigeait que, pour jouir des droits de citoyen, l’on fût né de 
père et de mère libres 5 , elle ne fut pas toujours observée, comme le prouve 
l'exemple d’Eschine; d’ailleurs, pour l’éluder, pour s'élever jusqu’à lar- 
chontat, Démétrius avait la puissante protection de la Macédoine. 

Ces suppositions, quoique enchaînées avec beaucoup d’art, ne dissi- 
pent pas les doutes qui existent sur la condition première de Démétrius ; 


un passage de Suidas, sur lequel Ostermann (De Demetr. Phal. vita spec. 1, p. 4) s'exprime ainsi: 
Eam autem difficultatem, quam Suidae verba objiciunt , si ita, ut vulgo, leguntur, Ayu#ros, Da- 
vorrpérou, Dañypedc  DéAypor dè Auÿy Th; Arrimÿs, Os Tù pro Dayds EkaXËrTo, quia porlum Phale- 
reum antea Phani nomen gessisse nusquam alibi invenitur, facile expediemus eundem locum ita 
interpungendo, ut legamus : Aymyrpus, Dayoarpérou, DaAypeds , — Péhypoy JÈ Mpÿy The 'ATTIMS — De 
rd æpürey Dayà éxaeïro. [la legentes Demetrium prius Phanum appellatum esse concludemus. 
Mais, si l'on ne trouve nulle part que le port de Phalère ait porté le nom de Phanos, nous n'a- 
vons non plus aucune indication sur ce premier nom que Démétrius aurait porté. C'est pourquoi 
nous aimons mieux, tout en conservant la ponctuation proposée par Ostermaun , donner au texte 
une interprétation différente et dire que ce fut Phanostrate qui s'appela d'abord Phanos. Telle 
était, eroyons-nous, la pensée de Suidas, dont les expressions peuvent s'être altérées. Nous sa- 
vons, en effet, qu'il était d'usage que l'affranchi allongeät le nom qu'il avait porté d'abord et qui 
désignait d'ordinaire le genre de travail auquel il s'était livré comme esclave. C'est ainsi que 
Tromète, le père d'Eschine, s'appela dans la suite Atromète (Apoll. proæm., Æsch. oper., ed. 
Tauchn., p. 13); de même Phanos prit, après son affranchissement, le nom de Phanostrate. 

! De Demet. Phal. vita, pp. 6-7. 

? Hermann, Griech. Staatsalt., e. v, $ 110. C'est alors aussi, dit Ostermann, que le fils de 
Phanostrate prit le nom de Démétrius. 

5 Schol. ad Æsch. Tim., $ 65. Cf. Hermann, ibid., $ 118, n° 9. Une loi semblable avait été 
portée par Périclès; mais elle tomba en désuétude pendant la guerre du Péloponèse. Plut., Pericl., 
e. 57. Æl., V. H., VI, 10; XHI, 25. Suidas, v. 2yworoiyre:. W. Tromp., de Pericle dissert. Lugd. Bat. 
1837, pp. 37, 156. 


2() MÉMOIRE 


elles ne diminuent en rien non plus la valeur des considérations que nous 
venons de présenter. 

Belin de Ballu !, pour trancher la question, traduit le mot cixécop par 
le mot français pédagogue, interprétation qui ne peut être admise : s’il 
est vrai que les mots oxorpiBns, oirorpapis, oixoyemie @t Sperrés désignent particu- 
lièrement des esclaves qui l'emportaient sur les autres par le savoir, et 
étaient comme tels plus considérés par leur maître ?, il y a cependant 
une différence essentielle entre oxéra) et rudrouÿ, deux mots que Belin de 
Ballu semble avoir confondus. 

L'année de la naissance de Démétrius de Phalère nous présente la 
même incertitude; pour déterminer cette date avec quelque précision, 
nous ne pouvons mieux faire que de suivre le procédé qu'emploie Denys 
d'Halicarnasse dans une recherche analogue 5. 

Comme point de départ de nos raisonnements, nous prendrons le passage 
suivant que Diogène de Laërte rapporte, d’après Démétrius de Magnésie : 
apEasSo d'adrèy This routelus née puy "AéÉaydper eg AOnvas mrev "Aproos 4, Démétrius 
de Phalère commença donc sa carrière politique comme orateur ? sous 
l’archontat d’Anticlès, O1. 113, 4, 525 avant J.-C. 6. Or, tout citoyen 
qui avait atteint l’âge de 20 ans, c’est-à-dire celui qui avait fait son 
service comme repérokx 7, pouvait prendre la parole dans les assemblées. 
Nous savons cependant que les Athéniens n’aimaient pas d'entendre d’aussi 
jeunes orateurs que l'expérience n'avait pas encore müris $; c’est pour- 
quoi l'on ne se hasarda que rarement à aborder la tribune publique avant 
’âge de 25 ans. Démosthène même ne commença ses discours au peuple 


1 Hist. crit. de l'élog. gr. Paris, 1813; t. Il, p. 47, note 2. 

2 Bekker. Anecd., p. 286. 

5 Dionys. Halic., de Din. jud., 4. 

# Demet. Magn. apud Diog. Laert., V, 75. 

5 Les expressions doyeoSas tÿs roMrelas, roMredecSai, To; HolVOÏs M POTÉpLET SA, TOd dépou TpoiGTÉya, 
rà rpéyuara es, 9 Tôle mpéy mao Eva, Tù nowà rpérrew, etc. sans désigner aucune magistra- 
ture particulière, s’emploient pour tout orateur qui aïde le peuple de ses conseils. Cf. G.-G. Pluy- 
gers, de Demade Orat., $ 7, p. 47. 

6 Hermann, Griech. Staatsalt., c. VI, $ 125; Wachsmuth, Hell. Alt, e. V, $ 64, n° 45. 

1 Clinton, F. H., ed. Krueger, p. 1x. 

8 Clinton, 1. c.; G.-G. Pluygers, $ 9, p. 19. Cf. Dionys. Halie., de Din. jud., 4. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. A 


qu’à l’âge de 27 ans'. Nous pouvons donc, sans crainte de nous écarter 
trop du vrai, donner à Démétrius de Phalère 25 ans au moment où il prit 
pour la première fois la parole devant le peuple. En sorte que l’année de 
sa naissance doit coïncider à peu près avec OI. 107 , 3, 350 avant J.-C. ?. 

Cette date s'accorde d’ailleurs avec ce que nous pouvons conclure des 
indications que nous fournissent Cicéron et Plutarque sur le même sujet. 
Voici les paroles du premier : Phalereus enim successit eis (sc. Demosth., 
Hyper., Demad., Lycurg.) senibus adolescens… 5. 

Lycurgue était mort avant la fin de la guerre Lamiaque # ; Démosthène 
et Hypéride furent condamnés à la fin de cette même guerre; Démade 
fut tué l'année de la mort d’Antipater 6. Mais, pour que Démétrius püût 
leur succéder dans l’éloquence, il devait déjà avoir fait ses premiers pas 
dans la carrière politique, et quoique le passage de Plutarque, Dem. , 
chap. 10, ASmvaro dù éroaBévres Tv d'nuaxpation ste reytexud end to , Toy È uéGoy 4pévey 
dm toy Aaqueudy vai tie nepi Kpaväva péyns Léye uèv Gkyapyoñs Epyo Où povapywñs 
tatarräceux yevauévns dx Tv Toù Panpéws Jivapu… ne doive pas se prendre à la lettre, 
il nous prouve cependant qu’alors déjà Démétrius avait une grande part 
dans l'administration de la cité; nous savons aussi qu’il avait fréquenté les 
grands orateurs d'Athènes et s'était familièrement entretenu avec eux sur 
les secrets de l’art 7. Or, la bataille de Cranon fut livrée l'an 5322 avant 
J.-C. époque à laquelle, d’après nos calculs, Démétrius avait atteint l’âge 
de 28 ans. Tout porte donc à croire qu'avant la bataille de Cranon , Démé- 
trius de Phalère s'était déjà, pendant trois ans, occupé d’affaires politiques. 


‘ Dionys. Hal., ad Amm., p. 724. Cf. Plut., Demosth., 42; Clinton, F. H., ed. Krueger, p. 137. 

? Si cette date est véritablement celle de la naissance de Démétrius de Phalère, il ne pou- 
vait pas, comme le prétend Élien (V. H., XII, 45), être né esclave dans la maison de Timothée, 
qui mourut l'an 354 avant J.-C. Cf. Clinton, ed. Krueg., p. 138. 

5 Cicer., Brut., 9. 

* Vit. X Orat., p. 842, d. e.; Demosth., ep. 11, p- 1479. R. Cf. Boeckh., Sth., IL, p. 244; Clinton, 
F. H., p. 175. 

5 Plut., Demosth., e. 28, 30; Phoc.; 29, V. X Or., p. 846 et 849. Strabon, VII, p. 574. Cf. 
Clinton, F. H., p. 174. 

$ Plut. Phoc., c. 30; Dem. 31. Diod., XVIII, 48. Arrian. ap. Phot., cod. 92, p. 217. Cf. Clinton, 
F. H., p. 477. 

1 Cf. Plut., Demosth., 9, 11, 14. Q. Cic., de pet. cons., c. 1. 


29 MÉMOIRE 


La date que nous avons fixée s’accorde de même avec ce que nous sa- 
vons de l’âge de Ménandre, qui fut disciple de Théophraste en même 
temps que Démétrius !. Ménandre naquit O1. 109, 3, 542 avant J.-C. ?. 

Après ces recherches sur la condition et l’année de la naissance de 
Démétrius de Phalère, disons quelle fut son éducation et en quoi se dis- 
tinguèrent les premières années de sa vie politique. 

Démétrius eut pour maître 5 et pour ami # le célèbre Théophraste, 
philosophe aussi distingué par l'étendue de ses connaissances que par 
l’exquise beauté du langage dans lequel il les transmettait à ses disciples . 
C’est formé par les leçons de ce maître habile que Démétrius se dis- 
tingua parmi ses contemporains tout à la fois comme philosophe et homme 
d’État, comme orateur et comme érudit 6. 

S'il était vrai que Théophraste n’eût commencé ses leçons que l’année 
où il prit la place d’Aristote, année qui correspond à la mort de Démo- 
sthène et d'Hypéride, auxquels, selon Cicéron, Démétrius succéda dans 
l’éloquence*, l’on ne devrait attribuer à Théophraste ni la direction que 
Démétrius prit dans la carrière politique, ni le développement entier des 
facultés que la nature lui avait prodiguées d’une main si libérale. En effet, 
Démétrius, comme il résulte du passage de Plutarque que nous avons 
transcrit, était déjà alors à la tête de la cité, c’est-à-dire à côté de Phocion. 
C'était donc le moment d’appliquer les études qu'il avait faites sur la 
politique et sur l’art oratoire, plutôt que d’entreprendre des études de ce 
genre. Aussi devons-nous admettre qu'avant la mort d’Aristote, Théo- 
phraste avait cherché déjà à former quelques disciples de prédilection. 
C’est ce qui ressort du passage suivant sur Dinarque : Agméusves sie A Srivas 


4 ! re , 1 : pit ir. Ft , ’ » _, » « " 
ete véoç, xa® ov ypévoy AléËavdpos énne ty Aciav, xatomioacs atér, dnpouthe Uèv Eyéveto 


1 Diog., |. V, 80. 
2 Clinton, F. H., ed. Krueg., p. 455. Meincke, Men. et Philem. reliquiae, p. 24. 
5 Diog., 1. V, 75. Cicer., de Off, 1. I, c. 1; de Fin., V, 19, 54; Brutus, 9, 37. 
Diog., |. V, 39. 
Diog., 1. V, 38. Strab., 1. XIE, e. 2, $ 4. Cic., Orat., e. 19; 4e. post., Y, 9. Quint., Inst. or., 
X,1, 58. Cf. Menag., ad Diog. L. V, 58. 
6 Cf. Cicer., de Leg., HI, 36; de Of. I, 1. 
7 Cicer., Brut., c. 9. 


x à 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 93 


Osogpiatos — pins dè vai Anumrpéo to Danps *. Ces leçons de Théophraste 
étaient sans doute d’un caractère autre que celles d’Aristote; si celui-ci 
s'adonnait principalement aux spéculations philosophiques, celui-là devait 
avoir plutôt pour but, eomme Isocrate, de former des orateurs et des 
hommes d'État; si l’un brillait par l'étendue du savoir, l’autre l’emportait 
par les charmes de la diction. Ce caractère particulier de l’enseignement 
de Théophraste nous explique aussi pourquoi des hommes comme Démé- 
trius et Ménandre le suivaient de préférence à celui d’Aristote. 

C’est donc à l’école de Théophraste que Démétrius acquit l'harmonie et 
le charme de style qui le caractérisaient ?. C’est dans cette école encore 
qu’il acquit cette grande étendue de connaissances qui l’a fait surnommer 
le plus savant des orateurs d’Athènes. L'école péripatéticienne eut sur 
lui encore une autre influence qu’il importe surtout de signaler. La philo- 
sophie des Grecs était plus qu’une simple spéculation; elle avait un but 
essentiellement pratique. Les premiers hommes d’État de la Grèce furent 
en même temps ses premiers philosophes. De même leurs successeurs 
s’efforcèrent sans cesse d'appliquer au gouvernement des États les fruits 
de leurs méditations5. À l’appui de cette assertion, il n’est besoin que de 
citer les noms de Pythagore, de Platon et d’Aristote. Les tendances 
politiques de l'institut de Pythagore sont connues ; Platon et Aristote sui- 
virent ces mêmes tendances. Athénée nous a conservé une liste des tyrans 
qui sortirent de l’école de Platon #. A toutes les autres constitutions, ce 
philosophe préférait la royauté, et même la royauté illimitée; à ses yeux, 
hors de cette forme de gouvernement, il n’y a pas d’autre qui mérite ce 
nom; il n'y a que des manières de vivre 5. Quelquefois cependant il 
semble admettre que les formes mixtes sont les meilleures 5. Quoi qu’il en 
soit, un point clairement établi par Platon, c’est que l'aristocratie l’em- 


‘ Vi. X Or., p. 850, b. c. Cf. Dionys., Din., e. 2. 
Cf. Cicer., Brut., 9. 

Cf. Æl., V. H., 1. HE, ec. 17. 

Athénée, XI, p. 508. 


Plat., de Legg., IV, 711; Pol., p. 300; de Rep., VI, init. Cf. Ritter, Hist. de la phil., |. VI, 


GX Où > 1 


c. 


6 De Legg., I, 695. 


24 MÉMOIRE 


porte infiniment sur la démocratie ; exclusion des classes inférieures, stabi- 
lité des institutions , telles sont les garanties qu’il réclame avanttout d’un 
bon gouvernement !. Aristote suivit ici les traces de Platon; pas plus que 
ce dernier, il ne cachait ses sympathies pour la monarchie et l’aristo- 
cratie ?, ainsi que pour la routsia 5, forme de gouvernement qui tient le 
juste milieu entre l'aristocratie et la démocratie #. Comme Platon, il exi- 
geait pour l’État cette stabilité que la démocratie ne peut lui donner 5. 
Combattre la démocratie, tel était donc un des buts que se proposaient 
les philosophes d'Athènes ; aussi les voyons-nous se jeter tous dans le parti 
aristocratique. On connaît les sentiments que les philosophes en général et 
en particulier ceux de l’école péripatéticienne avaient pour les vainqueurs 
macédoniens 6. Aussi furent-ils souvent en butte aux persécutions du parti 
populaire, qui, auparavant déjà, avait dispersé l'institut pythagorique 7. 
C'est à ses tendances politiques qu’Aristote dut l'exil qu’il subit après la 
mort d'Alexandre; c’est pour ces mêmes motifs que Théophraste fut ac- 
cusé du crime d’impiété (doefeixs), comme l'avait été son maître°. Enfin, 
la loi proposée par Sophocle, loi dont nous parlerons plus tard, nous ap- 
paraît encore comme une réaction puissante du parti populaire contre la 
domination des philosophes 1°. Démocharès, le digne neveu de Démos- 
thène, se chargea de la défense de cette loi qui devait bannir les philoso- 


1 De Rep., 424; de Legg., H, 656; Pol. 300. Cf. Ritter, 1. I. 
2 Eth. Nic, VII, 12. Pol.,. V, 2. 

SPOUIN 0, 12 

4 Pol:3AN 1022. 

5 Eth. Nic., VW; Pol. HI, 46. Cf. Ritter et Preller, Hist. phil. eæ font. cont., p. 311 sq. Ritter, 
Hist. de la phil., 1. IX, ce. 5. 

6 V. Cantu, Hist. univ., Brux., 1845, t. I, p. 389; t. Il, pp. 124-126. Grauert, Hist. und phil. 
anal., t. 1, p. 554. 

1 V. Hermann, Staatsalt., $ 90. 

8 Diog. Laert., V, 5. Athen., XV, p. 697. 

9 Diog. Laert., V, 37. 

10 Cf. Diog. Laert., V, 58. Athen., XIII, p. 610. La condamnation de Socrate ne s'explique de 
même que pour autant qu'on tienne compte des circonstances politiques qui l'accompagnèrent. On 
sait que deux de ses accusateurs, Mélitus et Anytus, ainsi que la plupart de ses juges, avaient aidé 
Thrasybule dans son entreprise généreuse, et que, d'un autre côté, plusieurs disciples de Socrate 
s'étaient déclarés pour les trente tyrans. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 25 


phes d'Athènes, ou mettre leur enseignement sous la surveillance de 
l'État. Le discours qu’il prononça en cette occasion n’était, comme on le 
voit par les fragments qui nous en sont conservés !, qu’une longue énu- 
mération des crimes dont les philosophes s'étaient rendus coupables; c’est 
sur ces philosophes qu’il faisait retomber toute la tyrannie, tous les maux 
qui avaient pesé sur la patrie. Si, dans cette condamnation générale, il 
faisait une exception, ce ne pouvait être qu’en faveur des stoïciens, dont 
il avait lui-même suivi les leçons ?. Le panthéisme de ces derniers, comme 
tout panthéisme en général, devait aboutir à la démocratie, au commu- 
nisme , à l'égalité parfaite, à ce qu’Aristote appelle 2 15 du. 

Les idées politiques d’Aristote et de Théophraste devaient donc natu- 
rellement devenir celles de Démétrius de Phalère; aussi se montre-t-il 
fidèle disciple de l’école aristotélicienne. Ce n’est pas seulement dans la 
vie politique qu’il suivit les principes de son maître en s’attachant au parti 
aristocratique; ces principes réagirent même sur sa vie privée, où, con- 
formément à la morale peu sévère de son école, il donna des exemples 
nombreux de luxe effréné et de mœurs dissolues #. 

Théophraste forma donc Démétrius de Phalère et comme homme poli- 
tique et comme orateur. Quant aux actes que Démétrius posa dans les pre- 
mières années de sa carrière politique, nous n’en connaissons que quelques 
détails, qui trouveront naturellement leur place dans ce que nous dirons 
de l’époque qui précéda son administration; mais comme, d’un autre côté, 
nous savons qu'avant cette époque il brilla par son éloquence*, c’est ici 
le lieu de parler de ses talents oratoires. 

De même que la démocratie, avec ses factions et ses combats, avait été 
favorable au développement de l’art oratoire chez les Grecs, de même cet 
art devait décliner à mesure que la domination étrangère se consolidait chez 
eux. La vraie éloquence athénienne s’était inspirée des grandes scènes de 


! Ap. Ath., XI, p. 508, et Euseb., Præp. Ev., XV, 2. 
? Voyez sur Démocharès Müller, Fragm. hist. Græc., t. 11, p. 445 suiv. Grauert, ibid., p. 215. 
3 For dè dirrèy +à iocy * rè pèy yo auSug, rà dè xur GEixy Ecri. Pol. V, 1, 7. Cf. ibid., p. 1, 6. 
# V. Ostermann , ibid., p. 17. 
5 Diog. Laert., V, 75. Cic., de Leg., I, c. 6; de Fin., N, 19. 

Towe XXIV. 4 


26 MÉMOIRE 


la vie publique; elle était née de la lutte des partis, du choc des opinions 
contraires; elle avait atteint son apogée dans ces combats magnanimes 
qu’elle soutint contre les envahisseurs de la patrie. Mais quand la Grèce 
fut vaincue par Philippe et de plus en plus asservie par Alexandre et ses 
successeurs, quand ses passions politiques se furent calmées, quand ses 
orateurs n’eurent plus ce grand intérêt de la nationalité qui avait échauffé 
leurs âmes et en avait fait jaillir de si brillantes étincelles, alors l’élo- 
quence aussi, si elle ne voulait disparaître, dut chercher d’autres inspira- 
tions ou se frayer des routes nouvelles. C’est ce qui arriva !. Malgré les efforts 
d’Antipater ?, ce changement, il est vrai, ne pouvait se faire d’une manière 
subite5. Athènes, par moment encore, se ressouvenait de son ancienne 
splendeur ; le culte qu’elle avait toujours voué à la liberté devait donner 
lieu encore quelquefois à des luttes de partis, à des scènes tumultueuses #. 
Dans ce sens, l’ancienne démagogie subsistait toujours et subsista même 
sous la domination romaine. Mais aucun exemple d’éloquence ne s’est 
attaché à ces luttes momentanées. Avec l'indépendance et la grandeur 
d'Athènes avait disparu pour toujours l'esprit de son ancienne éloquence. 
Libre, elle avait eu des orateurs; asservie, elle ne produisit plus que des 
rhéteurs. La tribune d’où la grande voix de Démosthène avait fait en- 
tendre tant de nobles accents, d’où elle n’avait pas craint de flétrir hau- 
tement les vices d'Athènes dégénérée, cette même tribune ne retentit 
bientôt plus que de discours adulateurs , de phrases pompeuses et sonores 
où le charme de l’expression, l'harmonie de la période suppléaient à l’ab- 
sence de pensées vraies et profondes. 

Si, dans cette décadence générale, il y avait une exception à faire, ce 
serait sans doute en faveur de Démétrius de Phalère, que Quintilien ap- 


1 Roulez, Hist. de La lit. grecq., sect. XX, XXXVIHI. 

2 Suid., v. Ayuédys * ('Avtirarpos) xaréhuce Tà duuothpix al vods pyropinods dyGvas. Cf. Wester- 
mann, Gesch. der Gr. Bereds. Leips., 1833; t. 1, $ 74, p. 155, not. 

5 Westermann, |. 1. Cicer., de Orat., II, 23. 

4 Plut., Phoc., 53-534. Wachsmuth., Hell. Al., c. XI, $ 80, 1. 

5 Nec unquam ibi desunt linguae promptae ad plebem concitandam : quod genus, quum in om- 
nibus liberis civitatibus, tum praecipuè Athenis, ubi oralio plurimum pollet, favore multitudinis 
alitur. Tit.-Liv., 1. XXXI, c. 44. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 97 


pelle le dernier des orateurs attiques’. Démétrius avait eu Théophraste 
pour maître; il avait entendu et jugé les grands orateurs d'Athènes; il 
avait familièrement conversé avec eux sur les ressources de l’éloquence ?; 
il devait même avoir pris une part dans la grande lutte que ces derniers 
se livrèrent, lorsque, rangés comme en deux camps ennemis, ils com- 
battirent les uns pour la Macédoine, les autres contre elle5. Mais, soit 
que le parti politique qu'il suivait ne se prêtàt pas aux inspirations du 
génie, soit que la nature lui eût refusé ce qui est le propre de l’éloquence, 
il n'avait pas, comme nous le verrons, cette énergie, ces mouvements 
rapides, ces élans sublimes qui naissent d’une conviction profonde, d’un 
sentiment vif et noble. 

Le seul des auteurs anciens qui nous parle avec quelque étendue des 
talents oratoires de Démétrius de Phalère, c’est Cicéron, auquel Quinti- 
lien emprunte les renseignements qu’il nous fournit sur le même sujet. 
Cicéron avait appris à connaître et à estimer l’éloquence de Démétrius 
par un de ses contemporains, Gorgias, rhéteur grec. Celui-ci avait écrit 
un traité sur les figures de pensées et de style, traité dont nous avons un 
abrégé latin dû à Rutilius Lupus, qui nous cite Démétrius de Phalère en 
deux endroits #. 

Ayant à juger Démétrius de Phalère comme orateur, nous ne pouvons 
mieux faire que de nous en tenir aux idées mêmes de Cicéron. 

Chaque àge eut un genre d’éloquence propre, un modèle de prédilec- 
tion, un type auquel, dans ses tentatives diverses, il s’efforça toujours d’at- 
teindre. Les premiers orateurs brillaient par la pensée bien ‘plus que par 
l'expression ; leur diction était simple, concise , énergique. Le second âge de 
l'éloquence athénienne retint quelque chose encore de l'esprit des pre- 


i Quint., Inst. orat., X, 1, 80. 

? Plut., Demosth., 9, 41, 14. Cf. Quint. Cicer., de pet. cons., e. 1; Phot., Bibl., ed. Berol., 
1824 , p. 495. 

5 On peut supposer avec raison qu'au début de sa carrière politique Démétrius fut l'un de 
ceux qui accusèrent Démosthène de s'être laissé corrompre par l'or du roi de Perse; au moins 
voyons-nous que, plus tard, il soutint cette accusation dans ses écrits. Cf. Plut. Demosth., 14. 

# Cf. Ruhnk., pref. ad Rutil. Lup. de fig. sent., pp. XI sq. 


28 MÉMOIRE 


miers orateurs; mais ceux qui le représentent, Critias , Théramène , Ly- 
sias, etc., tendent sans cesse à s'éloigner de plus en plus de la concision 
sévère qui caractérisait Périclès. Vint ensuite Isocrate, dont les nombreux 
disciples, quoique d’un mérite bien différent, ont cependant tous un point 
par lequel ils se touchent et rappellent la grandeur et la magnificence du 
style de leur maître. L’éloquence sublime à laquelle se sont surtout attachés 
les noms de Démosthène et d’Eschine, fut remplacée par une autre qui 
n'avait ni la même force ni la même élévation, mais qui recherchait avant 
tout le charme et l'élégance. C’est dans ce genre que brillèrent, au-dessus 
de tous les autres, Démocharès et Démétrius de Phalère, le plus poli des 
orateurs de la Grèce. 

C'était donc au genre tempéré que Démétrius de Phalère donnait la 
préférence; ce genre, mitoyen entre le genre simple qu’avaient cultivé 
le plus grand nombre des orateurs attiques, et le genre sublime qui fit 
la gloire de Démosthène, admet plus d’ornements que le premier, moins 
de mouvements que le second; il a peu de nerf, mais beaucoup de douceur. 
Comme tel, il convenait parfaitement au caractère efféminé, aux manières 
élégantes de Démétrius. Ses discours, écrits dans toute la pureté du style 
attique, n'avaient guère de mouvements rapides; mais calmes et relevés 
de temps en temps par des figures heureuses, des métaphores, des synec- 
doques, des allégories placées à propos, ils ressemblaient à un ruisseau 
paisible qu'embellissent les étoiles qu’il reflète dans son sein : cujus oratio 
quum sedate placideque labitur, tum illustrant eam quasi stellæ quædam trans- 
lata verba aut immutata ?. 

Si Démétrius de Phalère était le plus harmonieux et le plus élégant 
des orateurs d’Athènes, il en était aussi le plus savant. Les nombreux 
ouvrages qu’il avait composés, et dont Diogène de Laërte énumère les ti- 
tres , nous prouvent suffisamment qu’il possédait toute la science de l’école 
aristotélicienne5. L'on peut remarquer encore avec Cicéron‘ que, seul 


1 Cicer., de Orat., 1. II, ec. 22-95. 

2 Cicer., Orat., 26, 27; Brut., 82. 

5 Diog. Laert., V, 80. Cic., Brut., 9; de Off., 1, c. 4; de Leg., WE, e. 14; de Fin., V, 19, 54. 
#:De OfS ll. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 29 


parmi les Grecs, il était également distingué comme philosophe et comme 
orateur, titres qu’on voit rarement ambitionnés par un même homme, sans 
que les efforts qu’il fait pour obtenir le premier l'éloignent davantage du 
chemin qui conduit au second. 

Cette grande étendue de savoir que possédait Démétrius aurait donc 
dû, semble-t-il, lui rendre singulièrement glorieuse la carrière qu’il allait 
parcourir. En effet, pour briller à la tribune, il faut plus qu’un langage 
facile; à Athènes, particulièrement, l’on exigeait d’un orateur toutes les 
qualités d’un publiciste !. Quelles ressources Démétrius n’aurait-il donc 
pas pu trouver dans ses connaissances en histoire, en politique, etc., et 
la science de l’homme, qu’il possédait comme philosophe, ne pouvait-elle 
pas lui fournir de puissants moyens pour émouvoir et ouvrir à la per- 
suasion l’âme de ses auditeurs? 

Nous ne voyons pourtant pas que Démétrius de Phalère ait tiré un 
parti aussi beau des diverses ressources qu’il avait à sa disposition. Il 
nous apparaît, au contraire, comme un de ces orateurs dont le peuple 
d'Athènes aimait à entendre les harangues soignées, mais à qui il ne de- 
mandait pas autre chose que ce délassement agréable qu’il trouvait aux 
représentations scéniques, aux luttes des sophistes, partout enfin où on 
lui parlait sa belle langue avec toute la richesse dont elle était susceptible ©. 

Démétrius de Phalère avait tout pour satisfaire le penchant de ses 
concitoyens : le caractère doux, insinuant, flatteur de ses discours 5, son 
expression élégante et fleurie # sans trop d'affectation Ÿ, un esprit brillant, 
une voix sonore, une élocution facile, un débit très-soigné6, une phy- 
sionomie des plus belles 7. Celui à qui la nature avait donné tant de 
grâces et de talents, pouvait à juste titre prétendre aux applaudissements 


1 Cf. Cicer., de Orat., 1. I, c. 6; Cantu, Hist. univ., t. 1, p. MS. 

2 Cf. Plut., Phoc., 8. 

5 Cic., Brut., 9; de Off, 1, 1. 

4 Cic., Brut., IX, 37-38, LXXIT, 285; de Orat., 1. Il, ec. 23; Orat., 27. Quint., Inst. orat., X, 
4, 33. 

5 Cic., Orat., 27; Brut., IX, 59. 

6 Quint., Inst. orat., X, 4, 80. 

* Cf. Diog. Laert., V, 76. Didym., ap. Athen., XII, p. 595. 


50 MÉMOIRE 


des Athéniens. Enlever ces applaudissements, tel était aussi, semble-t-il, 
le but principal que Démétrius cherchait à atteindre dans ses discours. 
C'était d’ailleurs le seul qu’il pût se proposer; toute autre tentative eût 
été au-dessus de ses forces. 

Il plaisait aux Athéniens; il charmait les oreilles de ce peuple toujours 
avide de phrases sonores; mais, entièrement étranger aux grands effets 
de l’éloquence, il ne savait ni entraîner la volonté ni échauffer les cœurs. 
Ses discours ne se ressentaient en rien des mouvements convulsifs qui 
bouleversaient l’État ; ils rappelaient bien plus les retraites silencieuses, les 
arbustes fleuris, l’air embaumé des jardins de Théophraste. C'était à l’om- 
brage de ces jardins que Démétrius semblait devoir ses inspirations, et non 
pas aux scènes tumultueuses qui agitaient la place publique. Diogène de 
Laërte ! ne peut en rien infirmer ce jugement, qui est celui de Cicéron?. 

Le caractère mou et efféminé de Démétrius de Phalère ne pouvait 
s’allier qu’à un genre d’éloquence pareil à celui que nous venons de dé- 
crire. Le parti politique qu’il suivait devait être aussi un puissant obstacle 
à toute inspiration généreuse. L’éloquence ne demande pas seulement un 
style harmonieux et fleuri; elle exige aussi, et avant tout, des convictions 
profondes, une cause noble et grande. Elle avait pu jaillir de l'âme de 
Lysias, quand il s’élançait à la tribune pour accuser celui qui avait tué 
son frère et opprimé sa patrie; de celle de Démosthène et d'Hypéride, 
quand ils voyaient leurs concitoyens persister dans une lâche inaction et 
Philippe de Macédoine fouler le sol de la Grèce. Elle avait pu trouver des 
accents dignes d’elle chez Phocion, quand il voyait que sa patrie allait, 
par des tentatives qui lui paraissaient insensées , user le peu de forces qui 
lui restaient encore. Mais Démétrius de Phalère n’avait aucune de ces 
grandes passions qui échauffaient l’âme de ceux qui l’avaient précédé dans 
la carrière d’orateur 5. Athènes était asservie, et lui-même avait travaillé 


1 Diog. Laert., V. 82. 

2? Cicer., Brut., IX, 37... Non tam armis institutus quam palæstra : itaque delectabat magis 
Athenienses quam inflammabat. Processerat enim in solem et pulverem, non ut e militart taberna- 
eulo, sed ut e Theophrasti, doctissimi hominis, umbraculis…. Cf. de Off, 1.T, e. 1. 

5 Avec Phocion, dit Belin de Ballu (Hist. de l'élog. gr, t. Y, p. 548), disparurent les vertus, les 
talents politiques, la liberté et la véritable éloquence. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 31 


à resserrer les fers qui la retenaient captive. Ajoutons encore que l’es- 
pèce de fatalisme qui planait sur sa philosophie, devait de même être fu- 
neste à ses talents oratoires !. 

Privé des grandes sources d'inspiration qui seules font l’orateur, il 
ouvrit à l’éloquence des voies nouvelles, et s’efforça de remplacer par les 
charmes du style ce qu’elle avait perdu en grandeur, en force et en di- 
gnité. Aussi Quintilien, tout en l'appelant le dernier des orateurs attiques, 
date-t-il de lui la décadence de l’art oratoire chez les Grecs ?. Cet art de- 
vint de plus en plus artificiel; et sous Démétrius de Phalère déjà , si l'on 
en croit l’auteur que nous venons de citer, s’introduisait l'usage de dé- 
clamer sur des sujets imaginaires. Quintilien avait même, dans un de ses 
écrits, cité Démétrius comme auteur de cette innovation, assertion qu'il 
rétracta ensuite. Voici comment il s'exprime à cet égard : Fictas ad imita- 
tionem fori consiliorumque materias apud Græcos dicere, circa Demetrium Pha- 
lerea institutum fere constat. An ab ipso hoc genus exercitationis sit inventum, ut 
alio quoque libro sum confessus, parum comperi… 5. 

Que Démétrius traitàt des sujets imaginaires, c’est ce que nous voyons 
par le catalogue de ses écrits que Diogène de Laërte nous a conservé. 
D’après cet auteur, les écrits oratoires proprement dits de Démétrius se 
divisaient en deux classes, dont la première se composait de harangues au 
peuple ; la seconde, de discours d’ambassade #. Outre cette indication gé- 
nérale, il nous cite, d’une manière expresse, certains discours, soit à cause 
de leur genre particulier, soit à cause d’une plus grande célébrité dont 
ils pouvaient jouir. Tels sont les discours suivants : celui sur Chalcis 


! Voyez Ch. IV. 

? Inst. orat., X, 1 80. Quamquam is (Demetr.) primus inclinasse eloquentiam dicitur, multum 
ingenii habuisse et facundiæ fateor, vel ob hoc memoria dignum , quod ultimus est fere ex Atticis, 
qui dici possit orator. Cf. Cic., Brut., IX. Hic primus inflexit orationem et eam mollem teneramque 
reddidit, et suavis, sicut fuit, videri maluit quam gravis. 

5 Jnst. orat., W, 4, A1, 42. Ce passage peut cependant aussi se traduire de la manière suivante: 
comme je l'ai déjà dit dans un autre endroit, j'ignore si Démétrius de Phalère fat l'auteur de cette 
innovation. Quant à l'écrit auquel Quintilien fait allusion et qui déterminerait le sens qu'il faut 
adopter ici, nous ne le possédons plus. V. Quint., éd. Lemaire, Paris, 4823, t. 1, p. 285, not. 6. 
Cf. Cantu, Hist. univ., t. II, p. 410. 

4 Diog. Laert., V., 80: +4 8 fyropè, dyuyyopüs re nai mpeoBeiü. 


32 MÉMOIRE 


(Xaudmé), celui sur Homère (Ourai:), celui sur les devoirs des ambas- 
sadeurs (IlpeoBeureé), un discours d’exhortation (Ilsorgertæée), un sur la paix 
(repi épivns), un sur l'amour ('Epurmés). Ce dernier sujet était souvent traité 
dans l'antiquité; Aristote et Théophraste s’étaient exercés sur la même ma- 
tière, et nous possédons encore l’Érotique de Lysias et celui de Démo- 
sthène. Parmi les discours de Démétrius qu'énumère Diogène de Laërte, 
il en est aussi qui ne purent être prononcés à Athènes ; tel est le discours 
d’invectives contre les Athéniens (‘ASmaiov atedpou), qui fut sans doute pro- 
noncé à Thèbes ou en Égypte. L’écrit sur la constitution (rip rñs roreiac), 
pouvait encore n'être qu’un discours où il défendait contre ses ennemis 
le régime politique qu’il avait imposé à Athènes. 

Toutes ces harangues de Démétrius de Phalère, comme celles des autres 
orateurs qui ne figuraient pas dans le canon des Alexandrins, furent 
négligées et oubliées peu à peu. Les fragments qui nous en restent se ré- 
duisent à trois citations, dont l’une se trouve dans le traité resp éppmveias 1, 
faussement attribué au Phalérien, et les deux autres dans le traité de Ru- 
tilius Lupus? dont nous avons parlé. Un style fleuri, des périodes pleines 
et harmonieuses, une grande symétrie de pensées et d'expressions, voilà 
ce qui distingue ces fragments5. Ils sont, par conséquent, de nature à 


justifier le jugement que nous avons porté sur l’auteur. 
F. T. 


CHAPITRE II. 


DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE CONSIDÉRÉ COMME HOMME D'ÉTAT. 


Afin de mieux apprécier les faits qui se rattachent à l'administration 
politique de Démétrius de Phalère, nous devons nécessairement jeter un 


1 nep? épuy., sect. CCLXXXIX. Rhet. græc., ed. Walz, t. IX, p. 118. 
2 De Fig. sent., 1. X, s. 1; L II, s. 46. 
5 Voir ces fragments à la fin du Mémoire. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 35 


coup d’œil sur les événements qui précédèrent immédiatement cette admi- 
nistration. Cette revue seule pourra nous mettre à même de juger saine- 
ment des causes qui contribuèrent à l'élévation de Démétrius, des sympa- 
thies qu’il rencontra d’abord, des disgrâces qu'il eut à essuyer ensuite. 
Elle nous montrera qu’Athènes, quoique déchue de ses antiques vertus, 
se laissait dominer encore, aveugler même, si l’on veut, par les mêmes 
idées , les mêmes principes qui avaient animé l’âäme de tous ses grands 
hommes, depuis Solon jusqu’à Démosthène. Nous voulons parler de cet 
immense besoin d'indépendance et de grandeur, de cette haine invétérée 
contre toute domination étrangère , qui avait donné la victoire aux héros 
de Marathon, et qui , à l'époque qui nous occupe, se traduisait au dehors 
par les tentatives continuelles que faisaient les Athéniens pour rentrer en 
jouissance de la constitution de leurs pères. Si ces nobles efforts ne furent 
pas couronnés du succès qu’ils méritaient, s’ils nous paraissent parfois 
insensés, nuisibles même au bien-être d'Athènes, la grande idée qui les 
inspirait doit cependant arrêter le blâäme sur nos lèvres et exciter en notre 
âme quelque pitié pour un peuple qui se montra grand et généreux jusque 
dans sa chute. 

La période de l’histoire d'Athènes qu’on désigne communément sous 
le nom de période macédonienne, peut se résumer en quelques mots : 
insurrection continuelle contre la domination étrangère, souvent sans 
autre motif que l'espoir de ressaisir la liberté perdue !. 

Philippe de Macédoine, doux et clément de nature, chercha surtout 
à ménager Athènes ?; mais celle-ci dut envoyer ses députés à l'assemblée 
de Corinthe et ranger ses soldats sous les enseignes de Philippe 5. Sen- 
tant alors qu’elle allait perdre son indépendance, elle n’attendait plus 
qu'une occasion favorable pour repousser la main qui la lui enlevait. La 
mort de Philippe amena ce moment. Athènes se souleva , mais ses soldats 
durent reculer devant Alexandre. L’épée de ce jeune héros s’appesantit sur 


! Cf. Heeren, deen, ete. (Gôtt. 4812), t. IV, p. 414 suiv. 
2 Plut., Dem., 42. Polyb., 1. V, e. 3. Cf. Poirson et Cayx, ist. anc., Brux., 1839, c. XXXIT, 
p. 527. 
5 Diod. Sic., XVI, 89. Plut., Phoc., 16. 
Towe XXIV. 


4 


54 MÉMOIRE 


Thèbes; la patrie de Phocion fut épargnée ; elle reçut même du vainqueur 
macédonien des preuves d’une prédilection toute particulière !. Athènes 
n'aurait donc pas eu à se plaindre de Philippe et d'Alexandre, si elle avait 
pu oublier son passé; mais ce passé, elle ne l’oublia pas. Aussi le mécon- 
tentement qu'avait provoqué l’édit par lequel Alexandre rappelait les bannis 
des cités grecques ?, éclata-t-il ouvertement à la mort de ce grand capi- 
taine. Le moment semblait singulièrement propice pour Athènes ; l’armée 
macédonienne, disait Léosthène, ressemblait au Cyclope privé de son œil, 
tâtant de ses mains les objets qui l'entourent et ne sachant où porter ses 
pas 5. Mais malgré les douze années de paix et de prospérité dont elle avait 
joui sous Alexandre , elle ne put réunir assez de forces pour résister à 
Antipater. Sparte la regardait encore d’un œil jaloux ; Argos était épuisée ; 
Thèbes, détruite, et sept peuples de la Grèce se rangeaient parmi ses enne- 
mis. Athènes, d’ailleurs, quoiqu’elle eût encore de grands citoyens, tels 
que Démosthène, Lycurgue, Démocharès, Léosthène, etc., était cepen- 
dant bien abaissée pour oser tenter de si grandes choses. Il n’entre pas 
_ dans notre but de faire ici le triste tableau de cette dégénération inté- 
rieure, qui avait fait de si effrayants progrès depuis la guerre du Pélopo- 
nèse. On peut le voir dans Wachsmuth, Hermann, Schlosser, Grauert, etc., #. 
Isocrate et Démosthène nous dépeignent aussi, dans les termes les plus 
frappants, le contraste existant entre l’époque où ils vivaient et les beaux 
jours de la République 5. Nous dirons seulement un mot des partis qui 
la divisaient alors. 

Les anciens partis, l'aristocratie et la démocratie, ne pouvaient plus 
avoir leur signification première depuis que l'égalité des droits avait 


1 Plut., Phoc., 16; Demosth., 15; Alex., 13. Diod. Sic., XVI, 4, 45. Arr., I, 46; II, 46; VII, 19. 
Just., IX, 5; XI, 4. Cf. Poirson et Cayx, ibid., ch. XXXIT, $ 2, p. 327; ch. XXXIV, $ 1, p. 541; 
Mannert, Gesch. der Nachf. Alex. Leips., 1787 ; 1. 1, e. I, p. 55. 

2 Diod. Sic., XVIN, 8. Just., XII, 5. Q. Curt., X, 7. 

5 Plut., De fort. Alex. or. 1, 4. Cf. Odyss. IX, sub fin. 

# Wachsmuth, c.X, $ 76, 77. Hermann, Staatsalt., c. NE, $ 72. Grauert, Hist. und philos. Anal., 
1. Schlosser, Univ. Ub., 1, 2, p. 218. Cantu, Hist. univ. (ed. Brux.), t. 1, p. 363; t. II, p. 7. 
Demortier, De statu græc. civ. Alex. morient.; Annales de l'univ. de Liége, 4824-23, p. 141 sq. 
Heeren, {deen, elc., t. Il, p. 518 sq. 

5 Isocrate, De la paix, Aréopagite, etc. Démosth., passim. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 55 


été proclamée pour tous les citoyens; quant au parti des Laconistes, il 
existait encore !; mais jamais il n’avait eu de portée sérieuse ?. La lutte 
était autre part. Elle avait lieu entre les amis de l’ordre, d’un côté, les 
fauteurs de l'anarchie, de l’autre; de même entre les amis de la Macédoine 
et les amis de la liberté. C’est au nombre de ces derniers qu’on doit ran- 
ger ceux qui redoutaient surtout l'influence des Macédoniens, de même 
qu'auparavant l'on devait compter parmi eux ceux qui, comme Isocrate, 
croyaient que le plus grand danger était celui dont les menaçait le roi 
de Perse. C’est la crainte qu’inspirait à ce parti la domination macédo- 
nienne, qui explique les rapports qu’il avait eus précédemment avec le 
grand roi. 

Le parti macédonien, dont nous devons principalement nous occuper, 
était une des grandes plaies d'Athènes. Cette malheureuse cité renfermait 
dans son sein une foule de misérables qui n’avaient pas honte de sacrifier 
au plus vil égoïsme le bonheur et la liberté de leur patrie. Déjà, avant que 
Philippe se fût rendu maître de la Grèce, son or, grâce à l'influence du 
parti dont nous parlons, inspirait la plupart des décisions prises par les États 
grecs 5. Si Athènes ne saisit pas l’occasion que lui offraient les trésors 
d'Harpalus pour se soulever contre Alexandre, si, contrairement aux con- 
seils de Démosthène et d'Hypéride, elle envoya des vaisseaux à ce prince #, 
si elle ne profita pas du soulèvement du Péloponèse sous Agis Il, roi de 
Lacédémone Ÿ, c’est aux intrigues de ce parti qu’on doit l’attribuer. La 
lenteur avec laquelle on conduisit la guerre Lamiaque est due encore à 
ces mêmes intrigues (. 

Ce parti ne comptait pas seulement pour chefs des orateurs vendus à la 
Macédoine, comme Démade, Eschine, Aristodème, Hégémon, Pythéas, 


 Plut., Phoc., 10. 

? Wachsmuth, Hell. Alterth., e. IX, $ 71, n° 71. 

5 Diod., XVI, 54. Demosth., de Corona, p. 245, 14; 120 sq. Cf. Hermann, Staatsalt., c. I, 
$ 72. 

# Plut., Præc. reip. ger., c. 25; Phoc., 21. 

5 Diod., XVII, 62. Arr., Exp. Alex., I, 17, 4. Cf. Hermann, c. VII, $ 174. 

5 G. Grauert, Hist. und phil. Anal., Münster, 1833, t. 1, p. 242 (Geschichte Athen's seit dem 
Tode Alexanders.…….). 


56 MÉMOIRE 


Eubule , Callistrate, Stratoclès !, qui poussèrent le cynisme jusqu’à pro- 
poser au peuple l’apothéose d'Alexandre ? ; mais il y avait aussi dans ses 
rangs des hommes guidés par des sentiments plus nobles, Phocion 5, par 
exemple, qui, dominé par sa prévoyante timidité, comme dit Plutarque, 
craignait qu'Athènes n’accéléràt sa ruine en s’engageant dans une lutte 
inégale. Démétrius de Phalère, quoique ayant des sentiments moins nobles 
peut-être que Phocion, ne peut cependant non plus être mis au rang 
des démagogues que nous venons de citer. Phocion , Démade et Démétrius 
de Phalère, voilà trois hommes célèbres dans le parti macédonien. Tous 
trois cependant s’y attachèrent pour des motifs bien différents : Démade 
sacrifiait sa patrie à l’égoisme #; Phocion la sacrifiait à sa timidité pré- 
voyante; Démétrius la sacrifiait à ses principes de philosophe. Aucun de 
ces trois noms n’est sans reproche peut-être; mais il n’est pas difficile de 
voir lequel mérite le moins de bläme. Phocion , malgré le parti qu’il sui- 
vit, nous apparaît comme le dernier des Athéniens ; mais, comme dit Plu- 
tarque, sa vertu se trouvant en face d’un adversaire aussi terrible que le 
temps, les malheurs de la Grèce furent cause qu’elle demeura obscurcie et 
ne jeta pas l’éclat qui seul forme la gloire. Phocion pouvait dire, bien mieux 
que Démade, qu’il était digne d’excuse, parce qu’il ne gouvernait plus que 
les débris d’un vaisseau 5. Si, avec ces débris, il n’osait pas se hasarder sur 
la haute mer, c’est qu’il craignait de voir l’aquilon en faire son jouet. Si le 
navire avait été ferme encore, Phocion aurait navigué à pleines voiles; il 
aurait bravé les écueils et la tempête. Je conseillerai la guerre , répondit-il 
à Hypéride, quand je verrai les jeunes gens résolus à garder leur poste, 
quand les riches y contribueront selon leur pouvoir, quand les orateurs 
s’abstiendront de voler les deniers publics 6. Il n’en était pas de même de 


1 Demortier, De statu gruec. civit. Alex. morient.; Annales de l'univ. de Liége, 1824-25, pp. 143, 
144. Wachsmuth, Hell. Alt., e. X, $ 77, n° 437, ete. Westermann , Gesch. der Gr. Bereds., Leips., 
1833, t. I, p. 154. 

? Plut., Vit. X Or., p. 842. Æl, V. H., L. V, c. 12. Ath., VI, p. 251. Cf. Demortier, I. L. 

5 Corn. Nep., Phoc., 3. Plut., Phoc., 3, 23. 

4 Paus., VII, 10 , 1. 

5 Plut., Phoc., init. 

6 Plut., ibid., 23. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 37 


Démétrius de Phalère. Athènes eût-elle été puissante, il aurait encore cher- 
ché à lui imposer une constitution oligarchique. II suivait le parti macédo- 
nien, non par égoïsme, comme Démade, ni par cet amour sincère, mais 
trop vite alarmé, que Phocion portait à sa patrie, mais par attachement aux 
principes qu’il avait puisés chez Théophraste; il obéissait à ses convictions 
et à ses penchants, mais ces convictions et ces penchants étaient d’un 
philosophe, d’un disciple fidèle d’Aristote et de Théophraste plutôt que 
d’un vrai Athénien. 

C’est donc à tort, nous semble-t-il, qu'Ostermann ! le met sur la même 
ligne que Phocion. Ce dernier, il est vrai, avait aussi, jeune encore, suivi 
les leçons de Platon et de Xénocrate ?; mais, en cela, il ne faisait que 
marcher sur les traces de tous ceux qui ambitionnaient une éducation 
soignée ; un petit nombre seulement cherchaient à appliquer aux affaires 
les idées politiques des philosophes dont ils étaient les disciples. Le but 
que se proposaient Phocion et Démétrius était le même, mais leurs inten- 
tions étaient différentes. L’un voulait asservir sa patrie pour la sauver de 
maux plus grands encore; l’autre voulait lasservir sans autre but. On 
peut reprocher à l’un et à l’autre d’avoir souffert une garnison macédo- 
nienne dans Munychie; mais ici encore Phocion mérite moins de blâme 
que Démétrius de Phalère : il avait supplié Antipater de ne pas donner à 
Athènes un spectacle si odieux et si humiliant 5; s’il dut céder, la pureté 
de ses intentions peut jusqu’à certain point excuser sa conduite. Il n’en 
est pas de même de Démétrius de Phalère; s’il conservait cette garnison 
contrairement au traité conclu avec Cassandre, c’est qu’il avait en vue la 
domination d’un parti plutôt que le bien-être du peuple. Aussi peut-on 
lui appliquer plusieurs points du caractère que Théophraste trace de loli- 
garque *, tandis qu'aucun de ces points ne se retrouve chez Phocion. 
D'ailleurs, combien ne différaient-ils pas sous d’autres rapports? Le pre- 
mier est semblable à un contemporain d’Aristide ou de Périclès : son ex- 


1 De Demetr. Phal. vita, c. WI, p. 22. 

2? Plut., Phoc., 4. 

S Plut., Phoc., 27. 

# Charact., VIT (XXVI), p. 15, ed. Tauchn. 


38 MÉMOIRE 


térieur rude, sévère !, digne en tout d’un général ou d’un conseiller du 
peuple, contraste singulièrement avec les mœurs relàchées, les manières 
polies du second, qui, comme Ménandre, nous offre le type de la jeunesse 
élégante et corrompue de son temps. De même que Périclès, Phocion ne 
souriait jamais à la tribune ?; s’il méditait ses discours, c'était pour les 
abréger autant que possible 5. Démétrius, au contraire, s’eflorçait de 
plaire; il travaillait avec soin ses harangues mielleuses, qui semblaient 
n'avoir pour but que de détourner les yeux de ses concitoyens du specta- 
cle de leur servitude. Tous deux ils encoururent la vengeance d’un peuple 
inconstant; mais l’un mourut en approuvant pour ainsi dire la sentence 
qui le frappait, et ne demandant grâce que pour ses amis #; l’autre se dé- 
roba par la fuite au sort qui l’attendait, et offrit toujours ses services et 
son amitié à ceux qui avaient tué son frère 5. Enfin la conduite des Athé- 
niens paraît confirmer notre jugement; ce peuple généreux, qui guérissait 
souvent les plaies qu’il avait faites, fut unanime pour élever une statue à 
Phocion, et pour condamner ceux qui avaient provoqué la mort de ce 
grand citoyen 5. Nous ne croyons pas qu’il ait jamais regretté la chute de 
Démétrius de Phalère. 

À ces deux classes de personnes que nous avons rangées dans le parti 
macédonien, nous devons en ajouter une troisième, c’est-à-dire les riches, 
xrauarwaT. Contents de jouir dans une lâche inaction des biens que le sort 
leur avait donnés, ils avaient horreur d’une guerre qui allait leur en- 
lever une partie des richesses qu’ils possédaient. 

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, les lenteurs que ce parti ap- 
portait dans les opérations de l’armée, contribua sans doute à la funeste 
issue de la guerre Lamiaque. C’est ainsi qu’à la bataille d’Ægos-Potamos 
les oligarques avaient livré la patrie à Sparte $. 


Plut., Phoc., 4, 5. 

Plut., ibid., 4. 

Plut., ibid., 5. 

Plut., 1bid., 34. 

Caryst., ap. Ath., XI, p. 542. Plut., Demosth., 98. 

Plut., Phoc., 38. 

T Diod. Sic., XVII, 40. Cf. Hermann, Griech. Staatsalt., c. VIE, $ 474. 
$ Hermann, ibid., e. VII, $ 167. 


D À à et & » 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 39 


Athènes, abandonnée de ses alliés et vaincue à la bataille de Cranon, 
députa vers Antipater et Cratère une ambassade pour invoquer la clémence 
du vainqueur. Nous pouvons conclure d’un passage du traité repi épumeias ! 
que Démétrius de Phalère faisait partie de cette ambassade. Plutarque ne 
nomme que Phocion, Démade et Xénocrate; mais il est permis d’induire 
de ses paroles qu'ils étaient accompagnés d’autres députés ?. Diodore de 
Sicile s'exprime dans le même sens 5. Rien ne s'oppose donc à ce que 
nous admettions le fait, surtout quand on pense qu’à cette époque déjà 
Démétrius de Phalère pouvait avoir acquis assez de réputation * et donné 
assez de preuves de son attachement au parti d’Antipater, pour que les 
Athéniens le choisissent, avec Démade et Phocion, comme l’un des citoyens 
les plus propres à fléchir le courroux du vainqueur ÿ. Démétrius de Pha- 
lère, ainsi que Phocion, devait s'être opposé à la guerre Lamiaque. Quant 
à la part qu’il avait prise à cette guerre même, nous l’ignorons entièrement. 
D’après Ostermann 5, il doit y avoir concouru activement, puisqu'il blâme 
Démosthène d’avoir jeté son bouclier à la bataille de Chéronée 7. Cette 
conclusion manque de justesse, et il est facile de voir que les deux faits 
n’ont aucun rapport entre eux, d'autant plus que la position de Démos- 
thène était toute différente de celle de Démétrius. Tout ce que nous pouvons 
induire par rapport à celui-ci, tant de la guerre Lamiaque que de l’am- 
bassade dont nous venons de parler, c’est que l’influence dont il jouissait 
à Athènes dut diminuer peu à peu pendant cette guerre, pour s’accroître 
ensuite, lorsque les prévisions du parti macédonien se furent réalisées : 
aussi Plutarque $ le met-il dès lors à côté de Phocion. Son invective 


! Sect. LCCXXXIX, Rhet. Graec., ed. Walz, t. IX, p.118. Démétrius, dans ce fragment, ne s'a- 
dresse qu’à Cratère ; mais on sait que Cratère était venu au secours d'Antipater et se montra plus 
irrité contre Athènes que ce dernier. Plut., Phoc., 26. Diod. Sic., XVII, 18. Cf. Mannert, I. |. 
p. 44; Champollion, Ann. des Lagides, Paris, 1819, t. I, p. 260. 

2 ASI els OfBas EBddite (Doxiwy) era Ty & AY rpéoBewv. Phoc., 27. 

5 L. XVII, 18. (Ayuddyc) tÉeréuo9y rpocoBeuris per Doniwyos xal rivwy Érépor. 

+ C'est de la bataille de Cranon que Plut., Demetr., e. 10, compte les années de l'administration 
du Phalérien. 

5 Cf. Cantu, Aist. univ., t. I, p. 8. 

5 De Demetr. Phal. vita, e. UE, p. 25. 

7 Plut., Demosth., 14. 

8 Plut., Demetr., 10. 


40 | MÉMOIRE 


contre Cratère nous prouve encore que, s’il était oligarque, il l'était par 
conviction et non par suite d’inspirations macédoniennes. 

Les députés obtinrent la paix, mais à des conditions humiliantes 1. On 
dut livrer les orateurs qui avaient conseillé la guerre ?, recevoir une 
garnison macédonienne dans le port de Munychie, payer une amende et 
les frais de la guerre 5, et enfin remplacer la démocratie par une oligarchie 
ou plutôt par une plutocratie #, à la tête de laquelle était Phocion*. En 
vertu de cette constitution nouvelle, des 21000 citoyens d'Athènes, 
12000, dont le cens ne s'élevait pas à 20 mines, somme fixée par Anti- 
pater, perdirent leurs droits et furent en grande partie transportés dans la 
Thrace 6. Hypéride fut mis à mort, Démosthène s’empoisonna 7. Xéno- 
crate, refusant d'accepter le droit de cité, parce qu'il ne voulait avoir 
aucune part à un gouvernement qu’il avait toujours désapprouvé 8, fut 
vendu comme esclave, n’ayant pu acquitter la taxe qui lui était imposée 
comme métèque. Si nous devons en croire Diogène de Laërte ? , Xéno- 
. crate fut racheté par Démétrius de Phalère, qui, dès lors, intervint large- 
ment dans l'administration de la cité. Himérée, frère de Démétrius, mais 
allié à un autre parti politique que ce dernier, fut aussi mis à mort, ainsi 
que plusieurs défenseurs de la cause populaire 1°. 

La bataille de Cranon avait donc consommé l’asservissement de la 
Grèce. Athènes cependant ne laissa pas s’éteindre l’idée qui l'avait tou- 
jours dominée; mais, dès lors, elle dut attendre des secours étrangers 
pour suivre ses inspirations. 

Antipater mourut quatre ans après la bataille de Cranon (318); Cas- 


1 Diod, Sic., XVIII, 143, 47. Polyb., IX, 29. Paus., VII, 10. 

? Plut., Phoc., 27, 28; Demosth., 28. 

5 Diod. Sic., XVIII, 18. 

# DePastoret, Hist. de la législ., Paris, 1824, t. VI, p. 230 suiv. 

5 Diod. Sic., XVIIL, 65. Es os ÿv na) Doxkwy, 6 êx ’Avrirérpou Thy Toy CAuy Gpyÿy Écyyuts. 

6 Plut., Phoc., 28. Wessel., ad Diod., XVII, 18. Cf. Bonamy, Mém. de l'Acad. des Inscript., 
. VI, p. 170. 

1 Plut., Demosth., sub fin. 

8 Plut., Phoc., 29. 

9 Diog. Laert., IV, 14. 

10 Plut., Demosth., 28. Caryst., ap. Athen., XII, p. 542. 


æ 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 4 


sandre eut à se plaindre du choix du régent et tuteur qu’Antipater avait 
fait dans la personne de Polysperchon !. La lutte qu’il ne tarda pas à en- 
gager avec ce dernier apporta quelque répit aux souffrances d'Athènes. Ces 
deux généraux comprenaient l'avantage qu’ils pouvaient tirer des secours 
de cette cité ?; mais, pour se les assurer, ils suivirent des voies diffé- 
rentes. Cassandre, sans perdre un moment, envoya Nicanor, un de ses 
amis, pour succéder à Ményllus dans le commandement de Munychie; 
en sorte qu'avant que les Athéniens eussent appris la mort d’Antipater, 
Nicanor, de connivence avec Phocion et les autres oligarques, était déjà 
maître du Pirée 5. Le système politique d’Antipater domina donc quel- 
que temps encore dans Athènes !. 

De son côté, Polysperchon, pour nuire à son ennemi et préparer la 
conquête de la Grèce, désavoua hautement les mesures tyranniques d’An- 
tipater et de Cassandre; c’est pourquoi il publia, au nom d’Arrhidée, un 
édit où il proscrivait les administrateurs imposés par Antipater, rappe- 
lait les exilés, rétablissait les anciennes constitutions ÿ. De plus, il en- 
voya aux ÂAthéniens des lettres particulières par lesquelles il leur rendit 
le gouvernement démocratique. Bientôt après, son fils Alexandre entra 
dans Athènes, où il favorisa une insurrection du parti populaire. C’est ainsi 
que le parti macédonien tomba devant le parti populaire et que ses chefs 
furent ou tués ou exilés 5. On regrette de voir le peuple s’attaquer jus- 
qu’au sage Phocion, qui perdit le commandement des armées et fut ensuite 
condamné à boire la ciguë 7. Phocion ne fut pas le seul qui paya de sa 
vie les sympathies qu’il avait montrées pour la Macédoine ; Nicoclès , Thu- 
dippe, Hégémon , Pythoclès moururent avec lui. Démétrius de Phalère, 
Callimédon, Chariclès et quelques autres du même parti se dérobèrent par 


Diod. Sie., XVHI, 48. Plut., Phoc., 51. Mannert., 1. Il, e. V, p. 140. 

Les chefs macédoniens faisaient le plus grand cas d'Athènes; v. Plut., Alex., 13; Demetr., 8. 
Corn. Nepos, Phoc., 3. Plut., Phoc., 1. 1. Diod. Sic., XVI, 6. 

* Wachsmuth, el. Alterth., e. X1, $ 75, n° 33. 

5 Diod. Sic., XVIIE, 56. 

5 Jbid., 55 sq. Corn. Nep., Phoc., 3. Plut., Phoc., 32. 

7 Ibid. 


Tome XXIV. 6 


A 16 » 


42 MÉMOIRE 


la fuite à la sentence qui allait les frapper !. Démétrius de Phalère se re- 
tira près de Nicanor, dans le fort de Munychie, où il resta pendant près 
d’un an; c’est ce qui semble résulter d’un passage, au reste très-obscur, 
de Carystius de Pergame. C’est ce passage, conservé par Athénée ?, que 
nous devons examiner maintenant. 

Nous transcrirons d’abord les paroles de Carystius et les remarques qu'y 
joint Casaubon. Anpritpss à Dalnpeds, ‘Tuspaico Toù GdEApoD dvaupedéyTes ùr Avtimätecv, 
adrèe per Noxévopos GiétpuBev, aitiav Eyuv ds Ta Emipévaa To ddeloo5 Sümv Kardvdpe 0 
YEVÔUEOS pélo péyo toy. 

Cas. Impietatis crimen est, quod Demetrio hic impingitur , quasi ille fratrem 
suum in deorum numerum retulerit et ut cœteros deos statuis , sacrificis festisque 
colere instituerit, consecrato honori ejus die quem epiphania appellabat. GrϾci 
émeuvelazs deorum vocabant eorum præsentiam in terris, quando vel oculis spec- 
tandos se exhiberent, vel aliquo modo præsentiam suam testatam facerent. 

- Bonamy, rapportant l’exil dont parle Carystius, non pas au temps où 
Alexandre, fils de Polysperchon, était à Athènes, maïs à une époque anté- 
rieure, C'est-à-dire à celle qui suit immédiatement la bataille de Cranon, 
croit que Démétrius dut quitter Athènes presque au même moment où 
Himérée, son frère, fut mis à mort par ordre d’Antipater. Quant à l’accu- 
sation d’avoir fait des sacrifices en l'honneur de son frère, il la regarde 
comme un prétexte dont se seraient servis les Athéniens pour bannir celui 
qui leur avait déplu. 

C’est là une interprétation qui répugne à tout ce que nous savons de la 
vie politique de Démétrius de Phalère. En effet, la victoire d'Antipater, à 
laquelle on fait immédiatement succéder cet exil, était la victoire du parti 
aristocratique ; c'était celle de Démétrius de Phalère lui-même, qui, d’après 
Plutarque, eut une très-grande influence à Athènes dès la bataille de Cra- 
non. Il aurait donc été exilé par les siens, vu que le bas peuple avait 
perdu le droit de suffrage. Et si un exil si extraordinaire avait été décrété 
contre Démétrius, comment celui-ci se serait-il retiré près de Nicanor? 


1 Plut., Phoc., 35. 
2 XII, p. 542. 
5 Vie de Démétr., Mév. pe L'Acan. Des INsCRIPT., t. VII, p. 164. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 45 


Comment les autres historiens n’en parleraient-ils pas? La phrase de 
Carystius même n'indique pas qu’il y ait corrélation entre la mort d'Hi- 
mérée et le séjour de son frère près de Nicanor. Il nous semble aussi que 
Carystius ne veut ici parler de Démétrius de Phalère qu’à partir de l’exil 
que celui-ci subit sous Polysperchon. L’historien oppose cet exil de Démé- 
trius à la faveur dont celui-ci jouit ensuite sous Cassandre, de même qu’il 
oppose la mort de son frère à l'amitié qu'il témoignait à Nicanor. Nous 
pouvons donc traduire ce passage de la manière suivante : Quoique son 
frère eût été tué par ordre d’Antipater, il vivait familièrement avec Nica- 
nor : de là il s’attira le reproche de sacrifier son frère à l’esprit de parti. 

Comme on le voit, nous donnons encore au second membre de la phrase 
une interprétation différente de celle de Bonamy et de Casaubon !. Comme 
Henri Étienne lui-même ? confesse ignorer complétement ce que Carystius 
veut indiquer ici par les mots rà érepavex Su, les conjectures nous sont per- 
mises. D'ailleurs, si Carystius avait voulu exprimer la pensée que lui prêtent 
Casaubon, Bonamy et Ostermann, n’aurait-il pas écrit re 49? Peut-être 
ce passage a-t-il été corrompu, et, en ce cas, on pourrait lire aussi rèy aiçè, 
ce qui formerait une construction un peu étrange, il est vrai, mais qui 
donnerait de la difficulté une explication satisfaisante. En effet, le mot 5 
peut avoir les deux sens du français sacrifier, en sorte que nous arriverions 
à l’interprétation donnée plus haut : il sacrifiait son frère en épiphanie au 
parti macédonien. Ce même sens pourrait d’ailleurs se retrouver d’une 
manière plus simple encore dans le texte, tel qu'Athénée nous l’a con- 
servé, si l’on donne au mot érigévax Sa signification propre d'apparition : il 
sacrifiait les apparitions de son frère, négligeait son souvenir, ne faisait 


* Ostermann, de Demetr. Phal. vita, c. IV, p. 29, dit que si Démétrius fut réellement accusé 
du crime d'impiété, ce dont il doute, cette accusation ne pouvait former que les prémices d'une 
accusation plus grave. Il admet donc l'interprétation de Casaubon, tout en croyant que Carystius 
s'est trompé sur le véritable motif de l'exil de Démétrius. 

Si l’on admet l'interprétation de Casaubon , l'on doit admettre aussi l'opinion d'Ostermann , car 
si Démétrius, par suite de ses opinions politiques, ne devait pas être porté à instituer des fêtes 
en l'honneur de son frère, le peuple d'Athènes, qui avait prononcé contre Phocion la sentence de 
mort, n'avait pas besoin de recourir à de vains prétextes pour exiler Démétrius. 

2 Thes. ling. Gr.. v. éripéveua. 


44 MÉMOIRE 


rien pour venger sa mémoire. C'était là une accusation que le parti popu- 
laire, qu'avait défendu Himérée, devait nécessairement intenter à Démé- 
trius de Phalère 1. 

Quoi qu’il en soit de ces conjectures, le passage qui les a fait naître 
restera toujours obscur, pour ne pas dire inexplicable. Revenons à l’his- 
toire d'Athènes. 

En vain cette cité voulait-elle résister au torrent qui l’entraînait; à 
peine avait-elle goûté de la liberté que Polysperchon lui avait rendue, 
qu'elle vit approcher Cassandre avec la puissante flotte d’Antigone. La 
résistance était inutile; aussi accepta-t-elle les conditions que Cassandre 
lui proposait. Voici en quoi elles consistaient : Les Athéniens conserveront 
leur ville, leurs champs, leurs vaisseaux et toutes leurs possessions ; ils 
seront les amis et les alliés de Cassandre. Le fort de Munychie sera occupé 
par une garnison macédonienne, tant que durera la guerre contre Polys- 
perchon. La république sera gouvernée d’après les lois anciennes; auront 
part à l’administration tous ceux dont le cens est de mille drachmes. Enfin, 
au lieu d’une magistrature annuelle, Cassandre choisira un épimélète 
(érusnens) pour un temps indéterminé ?. 

Cette charge d’épimélète fut donnée à Démétrius de Phalère, qui était 
rentré à Athènes avec Cassandre. 

D’après tout ce que nous avons dit de la vie antérieure de Démétrius, 
personne mieux que lui ne méritait la confiance de Cassandre. Depuis 
près de cinq ans déjà, il avait eu dans l'administration de la cité la 
première place après Phocion. C’est dans ce sens qu’il faut entendre le 
passage de Plutarque 5 dont nous avons parlé plus haut. Nous savons 
d’ailleurs que, pendant le temps qui s’écoula depuis la bataille de Cranon 
jusqu’à la mort d’Antipater, ce fut Phocion qui eut en main la puissance 
suprême #. Or, Plutarque comprend cet intervalle parmi les 15 années de 


1 Si le passage est corrompu , comme tout semble l'indiquer, les mots êr/ et gé: qui, par leur 
analogie avec éripéyeix, ont pu introduire ce mot dans le texte, pourraient mener à de nouvelles 
conjectures. Nous abandonnons l'énigme à des hommes plus exercés dans ces sortes de questions. 

2 Diod. Sic., XVII, 74. Cf. Strab., 1. IX, ec. 1, t. I, p. 245, ed. Tauchn. 

5 Demetr., 10. 

4 Diod. Sic., XVIII, 65 : &> o7c #y al Doulor, 6 êx 'Ayrirérpou Ty Toy CAoy dpyÿv ÉTAAÉE. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 45 


gouvernement qu’il donne à Démétrius de Phalère. L'administration de ce 
dernier, qui dura dix ans ‘, ne commença donc que OI. 115, 4 (317 
avant Jésus-Christ) et finit, comme nous le verrons, OI. 118, 2 (317 avant 
Jésus-Christ). + 

Avant de parler de l'administration de Démétrius de Phalère, disons 
un mot du titre qu’il porta et des attributions attachées à ce titre. 

Les auteurs ne s'accordent pas sur la dignité qui fut conférée à Démé- 
trius de Phalère ?; la seule chose que nous puissions conclure des titres 
divers qu’ils lui donnent, c’est qu’il n’exerça son pouvoir que comme 
mandataire de Cassandre. Ce point d’ailleurs ressort clairement des ordres 
qu’il reçut de ce dernier. L'an 314 avant Jésus-Christ , Cassandre expédia 
à Démétrius de Phalère et à Denys, commandant de la garnison de Muny- 
chie, des lettres datées de la Macédoine pour leur ordonner d’envoyer vingt 
vaisseaux à Lemnos, afin de le soutenir dans sa lutte contre Antigone 5. 
Plus tard, nous voyons encore dans le même but des vaisseaux sortis 
d'Athènes #. C’est ainsi que Démétrius devait obéir aux ordres de Cassan- 
dre, et Athènes, offrir à un tyran le peu de forces qui lui restait encore. 

Quant à l'étendue du pouvoir dont jouissait Démétrius de Phalère, nous 
ne pouvons pas non plus la renfermer dans des limites bien déterminées. 
Tous les citoyens qui possédaient le cens fixé avaient le droit de concourir 
à l'administration publique; sous ce rapport, la démocratie mitigée subsis- 
tait encore, mais sous un autre, elle ne subsistait plus, car l'État avait un 
maître : Ayo pèv kyapyoñs , épyo À uovapyuhs ratastäsens yeyouéme, à Ty te5 Panpéec 


1 Diog. Laert., V, 75. Strab., 1. 1. J. Scaliger, Anim. in Eus. chron., p. 129, se trompe en fixant 
à l'an 507 le commencement de l'administration de Démétrius de Phalère ; l'an 307, c'est l'époque 
de sa chute. Cf. Bonamy, Mém. de l'Acad. des inscript., t. VU, p- 164. 

? Duris (ap. Athen., XII, p. 542) et Plutarque (Demetr., 8) semblent lui donner le titre de 
d'euxyrhs, qui correspond assez bien à l'expression de Cicéron (pro Rab., e. IX): Remp. quam optimé 
digesserat. Diog. de Laërte (V, 75) et Elien (V. H., IE, 47), en parlant de son administration, se 
servent du mot générique roureéew. Strabon (1. 1.), mentionnant le pouvoir dont Cassandre re- 
vêtit Démétrius, s'exprime de la manière suivante : éréoryce yèp rév moMrüy Aymyrpwr. Démocha- 
rès de même (ap. Polyb., XW, 43) l'appelle +pooréry; +% rapides. Enfin, Diod. de Sicile, 1. 1. et 
XX, 45, le désigne sous le nom de érmeayrse. 

5 Diod. Sic., XIX, 68. 

4 Jbid., XIX, 75. 


46 MÉMOIRE 


diwapw 1. [] est donc difficile de dire avec Strabon : o pésoy ad xaréluas tn dy 
uoupariay, da rai émnvopOuse ?, à moins qu'on ne fasse plus d'attention aux 
formes extérieures qu’à la chose en elle-même 5, Or, à quoi pouvaient ser- 
vir ces formes extérieures ? Les forces dont disposait Démétrius ne devaient- 
elles pas les rendre illusoires #? Qui aurait osé l’accuser ou le juger? Le 
peuple tenait encore ses comices; mais là aussi son pouvoir était nul, si l’on 
excepte les temps de crise, où, excité par une idée généreuse, il oubliait 
la crainte que lui inspirait la garnison macédonienne. Dans ces moments, 
Démétrius devait céder devant la multitude. Diodore de Sicile 5 nous en 
fournit un exemple frappant : Lorsque Antigone, pour affaiblir la puis- 
sance de Cassandre, eut déclaré la Grèce indépendante, et que Ptolémée, 
un de ses généraux, après avoir soumis la Béotie et plusieurs îles, s’a- 
vança vers l’Attique, les Athéniens forcèrent Démétrius à envoyer des 
députés à Antigone pour conclure avec lui un traité de paix. Ces négocia- 
tions furent arrêtées par la révolte de Télesphore, qui rappela Ptolémée 6. 

À part ses rapports avec Cassandre, on pourrait comparer peut-être 
le pouvoir de Démétrius à l’ascendant qu’avaient acquis sur leurs conci- 
toyens Périclès et Thémistocle 7. Mais ceux-ci ne devaient qu'àseux- 
mêmes et au peuple l'autorité dont ils jouissaient #; ils étaient soutenus, 
non par la force armée, mais par l'affection du peuple et leur mérite 
personnel. Enfin, leur administration, loin de se laisser guider par 


1 Plut., Dem., 10. Cf. Suidas : ayxhrpios 6 DaAypeds Tà 'ASpvyoi nyev és OMYapxiar. 

? Strabon, L. IX, c. I, t. II, p. 243, ed. Tauchn. 

5 Cf. Schômann, Antiq. jur. publ., Gryph., 1858, $ XCIV, p. 359. 

# Que Démétrius eût des soldats à sa disposition, cela ressort du texte de Plutarque que nous 
venons de citer, du passage de Duris ( ap. Ath., XII, p. 542), où il est dit que le Phalérien dépen- 
sait peu d'argent pour les soldats, enfin de celui où Diod. de Sicile (XX, e. 45, t. V, p. 346, ed. 
Tauchn.) nous présente Démétrius de Phalère et Denys combattant le fils d’Antigone du haut des 
murs 7oAoÛÇ Eyoyrus GTPATIÔTAE. 

5 L. XIX, 78. 

6 Diod. Sic., XIX, 87. Grauert, 1. L., p. 347. 

* Ce que Plutarque dit du gouvernement de Démétrius, Thucydide le dit de celui de Périclès : 
éyiyvero ve Xéyo pèy dyuorpatix, Epyo dE Ürd rod æporou dydpà dpy. L. II, c. 65, t. I, p. 145, ed. 
Tauchn. Cf. Plut., Pericl., 9 et 15. 

# Sur le pouvoir dont jouissait Périclès, ef. W. Tromp., Diss. de Pericl. Lugd. Batav., 1837, 
pp. 36 sq., 108 sq. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 47 


une puissance étrangère, n'avait en vue que la grandeur de la patrie. On 
pourrait donc mieux assimiler ce pouvoir à la tyrannie, telle qu'elle 
se produisit dans la plupart des États grecs, du VII: au V: siècle avant 
notre ère. De même que celle-ci sortit de la lutte de deux partis et favo- 
risa l’un au détriment de l’autre ‘, de même les gouverneurs imposés 
par Antipater et Cassandre marquèrent le plein triomphe du parti macé- 
donien. De même que les tyrans étaient soutenus par des mercenaires , 
de même ces gouverneurs l’étaient par des garnisons macédoniennes. La ty- 
rannie, non plus, n’abolissait pas toujours ni les magistrats ni la consti- 
tution existante ?. Ces magistrats devenaient les agents du tyran, qui fai- 
sait exécuter la constitution par lui seul. Enfin, l’égoisme qu’'Aristote 5 
signale comme un des points caractéristiques de la tyrannie, domine éga- 
lement chez Démétrius de Phalère, comme nous le verrons plus tard. Si 
nous voulions comparer ce dernier avec Pisistrate, nous trouverions d’au- 
tres points de ressemblance encore ; tous deux cherchaient dans la libéra- 
lité et l'éloquence de puissants auxiliaires pour se gagner le peuple #. Tous 
deux enfin se distinguèrent par leur amour pour les lettres et les beaux- 
arts # Le pouvoir de Démétrius était donc celui des Harmostes 5 que 
Sparte imposait aux cités vaincues pour y faire prévaloir ses idées. 
Aussi Plutarque , frappé sans doute de cette analogie, regarde-t-il comme 
synonymes les mots d’épimélète et d’harmoste; c’est ainsi qu'en parlant 
de la victoire que Démétrius Poliorcète remporta sur Thèbes, il ajoute : 
tai vatalmiv abris émuéinriy rai àpuooriv Tecvouo…..T. Aussi Pausanias donne-t-il 
à Démétrius le nom de tyran : Kasavdpos…… Tpauvéy te "ASmalos EnpaËs YEVÉG ou 
Anpritpuoy tèv Davostpateu…. toïroy uèv dn Tupayrids énavoe Anprirpucs à ‘Avreyéveu 8. Et 
cette dénomination est exacte, car le pouvoir dont il jouissait, quel que 


‘ Hermann, Griech. Staatsalt., $ 63. Wachsmuth, Æell. Alt., VI, & 50. 

? Herod., I, 59. Plut., Solon., 65. Diog. Laert., II, 53. 

3 Pol., IV, 8. 

4 Æl., IX, 25. Ath., XII, pp. 532, 535. Valer. Max., VIIE, c. IX, $ 4. 

5 Cic., Or., II, 54. Æl., V. H., XIII, 44, sub fin. Aul. Gell., L. VI, c. 17. 
6 Plut., Lys., 15. Cf. Hermann, Griech. Staatsalt., $ 59, 46. 

1 Dem., 39. 

SR CXXVES:ES. 


48 MÉMOIRE 


soit l’usage qu’il en ait fait, il ne le tenait pas du peuple, mais d’une puis- 
sance étrangère. C'était lui seul qui gouvernait à Athènes; il portait des 
lois, créait des magistrats , disposait à son gré des finances et de l’armée. 
Les louanges que Strabon ‘, Diodore de Sicile ?, Élien 5, Diogène de 
Laërte #, et Cicéron donnent à son administration, ne peuvent en rien 
effacer le caractère de violence, de tyrannie, dans le sens primitif du mot, 
qui la marquera toujours. ; 

Nous croyons donc que les mots de tyrannus et bopiht imperio, dont se 
sert Phèdre dans une de ses fables 6, conviendraient parfaitement à Démé- 
trius de Phalère; mais d’autres motifs nous font admettre que le fabuliste, 
en ce passage, parle, non pas du Phalérien, mais du Poliorcète. Quoiqu'il 
n’entre pas dans notre sujet de discuter ces motifs, nous allons cepen- 
dant les indiquer en deux mots. Le titre que cette fable porte dans plu- 
sieurs manuscrits suffit pour justifier notre opinion; ce titre, Demetrius 
rex et Menander poeta, ne peut s'entendre que de Démétrius Poliorcète. En 
second lieu, pourrait-on admettre que Démétrius de Phalère ne connais- 


= 


L. IX, ce. I, t. Il, p. 245, ed. Tauchn. ns 
L. XVII, ce. 74, t. V, p. 115, ed. Tauchn. 

V. H., UE, 47, p. 57, ed. Tauchn. 

Vs75. 

De Leg., 1, c. 44; I, 26; de Rep., H, 1, 2; de Fin.,.N, 19, pro Rab., c. IX. 

L. V, fab. I. 


@ © à Qt 1 


Demetrius, qui dictus est Phalereus, 

Athenas occupavit imperio improbo. 

Ut mos est vulgi, passim et certatim ruunt : 
Feliciter ! subclamant. Ipsi principes 

Illam osculantur , qua sunt oppressi, manum , 
Tacitè gementes tristem fortunæ vicem. 

Quin etiam resides, et sequentes otium, 

Ne defuisse noceat, repunt ultimi; 

In queis Menander, nobilis comædiis, 

Quas, ipsum ignorans , legerat Demetrius , 

Et admiratus fuerat ingenium viri, & 
Unguento delibutus, vestitu adfluens , 
Veniebat gressu delicato et languido. 

Hunc ubi tyrannus vidit extremo agmine : 
Quisnam cinædus ille in conspectu meo 

Audet ventre ? Responderunt proximi : 

Hic est Menander scriptor. Mutatus statim : 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 49 


sait pas de vue le célèbre Ménandre, qui avait été son condisciple chez 
Théophraste et qui fut son ami 1? Les vers 4 et 5 : ipsi principes….., ne peu- 
vent pas non plus s'appliquer au gouvernement du Phalérien, dont nous 
connaissons les tendances oligarchiques; mais l’un et l’autre de ces pas- 
sages s'expliquent facilement, si l’on admet que Phèdre parle du Polior- 
cète ?, Il en est de même du vers 15% : quinam cinaedus.….., qui sonne bien 
mieux dans a bouche du Macédonien que dans celle du citoyen d’Athè- 
nes. Nous croyons donc que, dans cette fable, Phèdre a confondu les 
deux Démétrius, ou bien qu’il faut admettre la correction proposée par 
De Rhoer, et lire de la manière suivante le premier vers de cette fable : 


Demetrius , non qui dictus Phalereus… 5 


Mais nous pensons aussi que cette conclusion ne peut nullement se tirer 
des vers 4 et 14, comme le prétendent Schefler et Desbillons . D'après 
ce que nous avons dit de Démétrius de Phalère, Phèdre aurait pu, avec 
la plus grande justesse, donner à ce magistrat le titre de tyrannus et ap- 
peler son administration un improbum imperium ÿ. 

Quoique la position qui fut faite à Démétrius de Phalère après la 
bataille de Mégalopolis, ne fût pas de nature à lui concilier l'affection 
d’une grande partie du peuple, les malheurs d’Athènes, qui ne pouvait 
plus prétendre à la liberté, mais seulement à la servitude la plus légère, 
devaient rendre moins odieuse, douce même, l'administration de celui 
qu'avait choisi Cassandre. 

Nous avons vu quel était le triste sort des Athéniens sous Antipater ; 
tout cependant leur annonçait un avenir plus funeste encore, lorsque 
Cassandre s’empara de la cité. En effet, le parti qu’ils avaient embrassé, 
la cruauté dont ils avaient fait preuve envers les amis de la maison d'An- 

! Diog. Laert., V, 36, 80. 

? Cf. De Wit, de Demetr. Poliorc. diss. Traj. ad Rh., 1840, p. 11. 

5 Cette seconde opinion est d'autant plus légitime, qu'il serait étonnant qu'un auteur aussi 
cultivé que Phèdre eût confondu deux personnages bien distincts. Voir une expression analogue 
à la conjecture de De Rhoer, dans Cic., Ep. ad div., XVI, 22. 

4 Cf. Phæd. Fab., ed. Lemaire. Paris, 4826, t. II, exc. XXVII, p. 357. 

5 Grauert, Aist. und phil. Anal., 1, p. 321, invoque contre Démétrius de Phalère les mots de 


Phèdre dont nous parlons; de même Schômann, Antig. juris publ., $ CXIV, p. 559. 
Tour XXIV. 7 


50 MÉMOIRE 


tipater, tout cela semblait devoir influer sur les conditions que le nouveau 
vainqueur allait leur imposer. Cependant il n’en fut rien; les procédés 
dont Antipater avait usé envers Athènes étaient tyranniques, quoi qu’en 
dise Diodore de Sicile; ceux de Cassandre, au contraire, respiraient plus 
d'humanité : il ne parlait ni de frais de guerre ni d’amende à payer; il 
promettait de retirer la garnison macédonienne, dès que son rival serait 
vaincu; enfin, il diminuait de moitié le cens fixé par son père. La recon- 
naissance du peuple pour Cassandre devait donc être grande, et par là 
même son représentant, Démétrius de Phalère, acquit déjà un titre 
puissant à l'amour des Athéniens. 

Ce n’était pas le seul avantage qu’eût Démétrius sur son prédécesseur 
Phocion. Autant le caractère de ce dernier, caractère sérieux, austère, 
antique, si nous pouvons nous exprimer ainsi, était en désaccord avec 
les mœurs légères des Athéniens d’alors, autant les manières affables , élé- 
gantes, polies, l'extérieur prévenant, l’éloquence insinuante de Démé- 
trius devaient plaire à ses concitoyens, prompts à se créer des idoles 
comme à les briser !. 

Démétrius, d’ailleurs, mérita bien du peuple d’Athènes sous plusieurs 
rapports. Ce sont les différents actes de son administration que nous 
devons examiner maintenant. 

Nous dirons d’abord quelques mots des lois qu’il donna à Athènes. 

Il avait composé un traité sur la législation d'Athènes, et pendant son 
séjour en Égypte il rédigea encore des lois pour ce dernier pays *. Nous 
pouvons en conclure qu'il fut législateur distingué : aussi l’a-t-on appelé 
le troisième législateur d'Athènes, à cpfros vouoSérne "ASmæcs 5. C’est pour- 
quoi nous devons regretter beaucoup de n’avoir que peu de renseigne- 
ments sur les changements qu’il introduisit dans la législation existante. 
Ces changements étaient-ils inspirés par la pensée qui le guidait lors- 
qu’il donnait des lois à l'Égypte; voulait-il donner aussi à la législation 
athénienne une teinte plus monarchique ? Nous pouvons le soupçonner, 


* Grauert, Hist. und phil. Anal., t. 1, p. 54. 
2 Æl., V. H., IE, 47. 
5 Syncell., pp. 273-274. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 51 


mais nous ne saurions le conclure des renseignements que les auteurs 
anciens nous ont légués sur ce sujet. Tout ce que nous pouvons dire, c’est 
qu'il partait de la constitution de Solon; dans son Traité sur les lois, il 
en expliquait plusieurs articles, en critiquait beaucoup d’autres. Il ne 
serait donc pas étonnant qu’il eût modifié une législation qui paraissait 
absurde en plusieurs points !. 

Quant aux lois nouvelles qu'il établit, les unes avaient pour but de 
réprimer le luxe, les autres avaient trait à l'administration de la justice. 
Cicéron ? mentionne une de ces premières lois. Nous voyons, d’après cet 
auteur, qu’une loi proscrivait à Athènes la magnificence des funérailles 5, 
mais que peu à peu elle tomba en oubli, jusqu’à ce qu’elle fût remise en 
vigueur par Démétrius de Phalère. D’après les ordres de ce dernier, la 
sépulture devait se faire avant le jour; on n’osait élever sur la tombe 
qu'une colonne de trois coudées ou quelque autre ornement de même 
simplicité (mensam aut labellum). Cicéron ajoute que Démétrius préposa 
un magistrat particulier pour veiller à l'exécution de cette loi. 

C’est à ces dispositions contre le luxe qu'Ostermann # rattache le chan- 
gement que Démétrius introduisit dans la manière de réciter les poésies 
d'Homère, d'Hésiode, d’Archiloque, etc. Le premier, dit-on, il introduisit 
les homéristes sur le théâtre 5. Pisistrate et Solon, que Démétrius aimait 
souvent à prendre pour modèles, avaient fait réciter les poésies d'Homère 
aux Panathénées; mais jamais, avant l’époque qui nous occupe, ces poé- 
sies n'avaient été récitées au théâtre par des rapsodes ou des homéris- 
tes. Cette innovation, selon Ostermann , s’expliquerait par l’état même 
d'Athènes; Démétrius, la voyant trop pauvre pour pourvoir aux frais des 
représentations dramatiques, aurait remplacé les acteurs par des homé- 
ristes. Mais il s'était lui-même occupé des poésies d'Homère; il savait 
assez apprécier la haute poésie du chantre d'Achille pour lui accorder les 


1 Plut., Solon., c. 23. 

2 De Leg., NH, 26. 

5 Cf. Plat., Leg., XII, p. 959. 

4 Ostermann, 1. c., ec. V, p. 435. 

5 Athen., XIV, p. 620. Eustath., ad Jliad., p. 1479. 


52 MÉMOIRE 


plus grands honneurs. Athènes, d’ailleurs, n'était pas si pauvre, comme 
nous le verrons; elle avait encore ses poëtes dramatiques, Timoclès, Mé- 
nandre, Alexis, etc. !; et les représentations de leurs pièces n’entraînaient 
plus les mêmes dépenses, depuis que les chœurs avaient disparu de la 
scène ?. 

Nous n’en connaissons pas davantage touchant ses lois judiciaires. On lui 
attribue une disposition en vertu de laquelle la cause dite isæyyeia © devait 
se décider par 1500 juges au lieu de 1000, nombre fixé par Solon #. Que 
cette disposition soit réellement de Démétrius de Phalère, c'est ce que 
prouve le témoignage de Pollux 5 : yéor d uarax pèv roy Séluva Ts elsayyéhias 
ExpuvoY xata Où toy Dadnpéa, nai Tpès Tevraxéau. L'importance des causes dont il 
s’agit ici justifie pleinement ces mesures prises par Démétrius de Phalère. 
Les accusations par éoæyyka étaient rares d’abord ; elles n'étaient em- 
ployées que pour les délits qui touchaient aux intérêts de l'État et qui 
n'étaient pas prévus par la loi 5. Mais comme l’accusateur y courait moins 
de danger que dans les autres dénonciations T, elles se multiplièrent et 
s’étendirent à tout délit qui se présentait accompagné de quelque circon- 
stance aggravante. Il était donc de la plus haute importance que ces causes 
fussent examinées avec une entière impartialité, surtout à l’époque où 
vivait Démétrius de Phalère $. 


1 Cf. Clinton, F. H., ed. Krueg., pp. 179 sq. 

2 Cf. Roulez, Hist. de la litt. grecq., sect. XIV, p. 75; sect. XXVHII, p. 159. 

5 Cf. Hermann, c. VI, $ 135. 

4 Cf. Schômann, Antiq. jur publ., $ XCIV, p. 358, 

5 VIII, 55. 

6 Lex. rhet., v. eiouyyeAic. 

7 Pollux, VII, 52. Cf. Hermann, I. 1. 

8 Meyer (ad lexic. Rhet., v. eisayyelix) comparant le passage de Pollux que nous venons de 
citer avec le passage suivant du Lexic. Rhet. : 1. L., £ors d'ôre EuBéAnoyres rod; ouxopayrouméyous 
eivhyyeer , à: pèy Dihfoopos, œiioy nabeouéyer , &s dE Ayuhrpioc 6 Pahypeds, œiAlGY TevTaxociey.…., croit 
pouvoir conclure de cette comparaison que Pollux parle ici, non pas d'une loi de Démétrius, mais 
d'un passage de son Traité sur la législation, où il serait dit que 1500 juges étaient requis pour 
les causes par eisayyeMx, sans que nous puissions tirer de ces paroles aucune indication précise 
sur l'époque où fut augmenté le nombre de ces juges. 

Sans suivre ici Meyer dans sa discussion longue et obscure, nous dirons seulement que toute 
contradiction entre les deux passages disparait, si nous admettons que Démétrius de Phalère, dans 
son Traité sur la législation, exposait ses propres lois après avoir examiné celles de Solon; en 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 53 


D'autres institutions judiciaires avaient encore attiré l'attention de Démé- 
trius ; c’est ainsi qu’on peut lui attribuer avec quelque vraisemblance l’ac- 
croissement que reçurent à son époque les attributions des arbitres (àæ- 
rca). Dans le principe, ces juges n’avaient aucune attribution propre; ils 
prononçaient sur tous les débats privés qui s’élevaient entre citoyens; on 
pouvait en appeler de leur jugement à celui des héliastes; on pouvait 
aussi s'adresser directement à ces derniers. Ce fut probablement Démé- 
trius de Phalère qui changea cet état de choses. Dès lors les citoyens 
durent s'adresser aux arbitres, si la chose en litige ne dépassait pas en 
valeur la somme de 10 drachmes; quant aux causes d’une importance 
majeure, il n’y avait pas la même obligation !. Si cette conclusion est 
vraisemblable , il n’en est pas de même de celle qu’on a prétendu tirer 
du passage suivant d'Harpocration, v. rapisrans : ëote  dpayuñ varaSaouéyn 
ümà rüv xafouévuv Täs (ias Ÿras (suit un fragment d’Aristote)... Amuirpus dù à 
DPalnpeds € rois nepl vouoesias Tods duurnrés once AauBivey Tàs dpayuàs, piay pèy ànè 
this Anéeux, nv Tapäatanw éxähouv, étépay dÈ uatà Ünouoaiay Éxdotmy. Il suffit, nous 
semble-t-il, de lire ce passage pour se convaincre que Démétrius ne 
parle pas ici d’une de ses institutions, mais qu'il ne fait que rappeler des 
formalités qui existaient avant lui ?. 

Nous possédons des indications d’autres passages encore où Démétrius 
de Phalère traitait des questions judiciaires ; mais, comme celle que nous 
venons de citer, elles ont rapport à des lois antérieures 5. 

Une troisième catégorie des lois de Démétrius, qui a une grande analogie 
avec la première, ce sont celles qui avaient pour but de régler les mœurs 
des citoyens. Nous ne possédons aucun détail sur ces lois; tout ce que 
nous en savons se réduit aux deux indications suivantes, dont l’une nous 
est fournie par Duris, l’autre par Diogène de Laërte : à ro% ados riSéuevse 


sorte que, dans le passage cité, Philochore parle de la législation de Solon, et Démétrius de Phalère 
de la sienne propre. 

1 Lexic. Rhet., v. (H) we} oùcx dixy, avec les notes de Meyer. 

? Suidas, v. ræpéoraois. Pollux, VII, 39. Cf. Hermann, c. VI, $ 140, 13; $ 145, 12; Oster- 
mann, 1. c., c. V, p. 45. 

% Harpocr., v. oxeyypépur. Plut., Sol., 23. Schol. Aristoph. Nub., 37. Pollux, VIII, 102, ete. 
Quant au passage de Plut., Aristid., 27, nous en parlerons plus tard. 


S4 MÉMOIRE 


Seopods Anunrpus nai tods (Blous Térruv…. — Todc véous £on dev mi puèy The cixias Todc 
yovEis atdetaleu , ey Où vais odbic vos drayr@vtas, éy CE Tais épnuieus éauroùc 2, Cette der- 
nière sentence, pas plus que les autres rapportées par Diogène de Laérte, 
ne nous paraît mériter l'importance qu'y attachent Bonamy 5, Oster- 
mann # et De Wit 5. Nous avons déjà dit combien les auteurs contem- 
porains de l’époque qui nous occupe s’attachaient au côté intéressant de 
l’histoire, combien ils cherchaient à embellir les faits qu’ils racontaient. 
De là ce grand nombre de sentences reproduites par Diogène de Laërte; 
de là aussi le peu de valeur qu’on doit leur accorder, surtout quand 
elles sont en désaccord avec des témoignages irrécusables. 

Ces lois nouvelles demandaient aussi de nouveaux magistrats pour les 
exécuter. Nous voyons, en effet, que Démétrius confia à un magistrat par- 
ticulier la surveillance des funérailles 5; qu’il institua des ywveuxevéue, qui 
avaient pour attribution propre la surveillance des mœurs des femmes et 
exerçaient, conjointement avec les aréopagites , la surveillance des fes- 
tins, et en général de tous les cas de la vie où le luxe pouvait se produire7. 

Si cette magistrature existait avant Démétrius de Phalère, ce qui n’est 
guère probable 8, au moins celui-ci étendit-il ses attributions. Enfin, il 
créa des voupilaes, qu’on ne doit pas confondre avec les &y%x2. ?. Les nomo- 
phylaques avaient la haute surveillance sur les autres magistrats; en 
même temps ils veillaient, avec les prytanes dans les comices, à ce que 


1 Duris, ap. Ath., XIL, p. 542. De la nature des lois dont parle Duris, nous pouvons conclure 
l'époque où. elles furent portées. Sans doute que Démétrius les proposa pendant les premières an- 
nées de son administration, c’est-à-dire, avant que lui-même n’eût donné l'exemple des vices. 

2 Diog. Laert., V, 82. 

5 Bonamy, L.c., p. 165. 

4 Ostermann, L. c., p. 41. 

5 De Wit, L. c., p. 64. 

6 Cicer., de Leg., I, 26, sub fin. : et huic procurationi cerrun magistratum præfecerat. Ces ex- 
pressions nous paraissent trop positives pour croire avec Ostermann (ibid., p. 45) que ce ma- 
gistrat ne doit pas être distingué des yuyaxoyépor. 

7 Boeckh, de Philoch., pp. 25-24. Philoch., ap. Athen., VI, p. 245. Cf. Hermann, cap. VI, 
$ 150, 5. 

8 Boeckh, 1. 1. Schômann, Antiq. jur. publ., $ XIV , p. 348. 

9 De Pastoret, Æist. de la législ., t. VI, p. 276. Lexic. Rhet., v. vouopüraxes. Ostermann , ibid. , 
p. 47. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 53 


rien ne s’y fit contrairement aux lois ou au bien-être de l’État . Ce n’était 
pas là une magistrature nouvelle; car, d’après Philochore ?, Éphialte donna 
aux nomophylaques la haute surveillance qu’il avait enlevée à l’aréopage. 
Cette magistrature cependant ne lui survécut pas longtemps ; elle disparut 
probablement sous l’archontat d'Euclide, lorsque l’aréopage rentra dans 
ses droits 5. Aussi n’en trouve-t-on aucune mention depuis cette époque 
jusqu’à celle d'Alexandre #. Ce n’est que vers ce dernier temps que Di- 
narque en parle dans son discours contre Himérée et Pythéas Ÿ. Il faut 
donc admettre qu’ils furent rétablis dès lors, qu’ils disparurent de nou- 
veau pendant la guerre Lamiaque, pour reparaître au moment où Démé- 
trius de Phalère prit en main l'administration de la cité. 

Après ce court aperçu des services que Démétrius de Phalère rendit à 
la législation athénienne, disons quelques mots de son administration 
financière. 

Diogène de Laërte 5 nous dit que Démétrius augmenta les revenus 
publics, sans ajouter d’autres détails; s’il en faut croire Duris ?, les reve- 
nus de l’État se seraient, dans ce temps de décadence, élevés jusqu’à 
1200 talents, c'est-à-dire qu'ils seraient remontés au niveau qu’ils avaient 
atteint sous Lycurgue #; on connaît la gloire que ce dernier s’acquit 
par son administration financière. 

Cette somme paraît excessive, quand on songe que, dans les beaux 
jours d'Athènes, Xénophon parle avec orgueil de 1000 talents de revenu 
annuel °, somme dans laquelle il comprend les 600 talents que payaient 


! Harpocr., Suidas et Lexic. Rhet., v. vouogéaaxes. Pollux, 1. VIH, 94. Cic., de Leg., I, 20. 
Boeckh, 1. 1., 25-27. Cf. Hermann, c. VI, $ 129. 

2 Leæic. Rhet., |. 1. 

5 Andoc., de Myst., c. 83. 

# Boeckh, 1. 1. Schômann, I. c., $ LXVI, p. 299, note a. Dans cette même note, Schômann 
réfute l'opinion de Boeckh, qui n'admet pas que ces magistrats furent institués par Éphialte. 

5 Harpocr., v. vouopÜaaxes. 

Le EE Li? 

7 Duris, ap. Ath., XI, 542. Inutile de réfuter ici Bonamy, I. 1., pp. 166, 467, qui considère 
ces 1200 talents comme revenu particulier de Démétrius. 

$ Vi. Xorat., p. 854. Boeckh, Staath. der Athen., t. 1, p. 468. 

2 Cyr, VIR:1;:27. 


56 MÉMOIRE 


les alliés. Il est vrai qu’Aristophane ! fixe un chiffre double de celui de 
Xénophon; mais, à part l’exagération du poëte, l’on doit admettre que 
les tributs des alliés s'étaient prodigieusement augmentés. Quoi qu’il en 
soit, il fut aussi des temps (OI. 105-106) où Athènes avait à peine de quoi 
pourvoir à sa subsistance ?. Dans la quatrième philippique 5, il est même 
parlé d’une époque où elle n’avait pas 130 talents de revenu; peut-être 
ce dernier passage ne doit-il s'entendre que du tribut des alliés; mais il 
n’en reste pas moins vrai que jamais les finances d'Athènes n'avaient été 
aussi florissantes que sous Lycurgue “. Elle ne jouissait plus du tribut des 
alliés, qui avait jusqu'alors rempli les caisses de l’État, et néanmoins ses 
revenus atteignaient le chiffre de 1200 talents. 

L’assertion de Duris pourrait donc paraître exagérée ; Athènes n'avait, 
pour ainsi dire, plus de sujets *; elle avait perdu ses colonies (x1npoyiæ) 
sous Antipater ou sous Cassandre ; ce dernier lui enleva encore Salamine. 
Ses revenus devaient donc consister dans les droits de douane et dans les 
contributions indirectes. D’un autre côté, cependant, elle jouissait d’une 
paix profonde, pendant que la guerre dévastait l'Asie et la Macédoine; 
nonobstant ces guerres, ses navires de commerce traversaient les mers 
sans être inquiétés par aucune des parties belligérantes ; la ruine de Tyr 
n'avait fait qu'accroître son commerce, et Alexandrie ne pouvait pas lutter 
avec elle encore 5. Aussi les étrangers affluaient-ils dans ses murs; la ville 
de Périclès continuait d’être le rendez-vous des savants et des philosophes, 
aussi bien que des courtisanes; elle n’avait renoncé ni à la pompe de ses 
fêtes, ni à ses concours poétiques, ni à ses rêves de grandeur. 

Le commerce florissant d'Athènes, la grande quantité de marchandises 
qui y arrivaient par terre et par mer, les droits d’entrée et de sortie, la 
taxe des esclaves, celle que payaient les nombreux métèques, les mines du 


Vesp., v. 657 sq. 


1 

? Isocr., Suuuay., XVI. 

3 par 

4 Cf. Boeckh, ibid., pp. 465 suiv. 
5 Paus., 1,25, 


5 Cf. Grauert, tbid., p. 314. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 37 


mont Laurium, etc., tout cela devait répandre l'abondance dans la ville et 
donner à Démétrius de Phalère le moyen d'élever les revenus publics 
jusqu’au chiffre fixé par Duris. Nous n’avons donc pas besoin, pour 
admettre ce chiffre, d’insinuer avec Belin de Ballu ! que cet accroiïsse- 
ment de revenus fut le résultat d’un accroissement d'impôts ; cette asser- 
tion, d’ailleurs, ne s'appuie sur aucun témoignage; nous voyons, au con- 
traire, par Démocharès lui-même ? qu'une grande abondance régnait à 
Athènes et que les vivres y étaient à bas prix. C'est de ce résultat, ajoute 
Démocharès, que se glorifiait Démétrius : #9 ds 29 vai reims oeuder 7 Gaves 
5%, mots entièrement d'accord avec ce que nous venons de dire des causes 
qui produisirent l'augmentation des revenus publics. 

C’est sans doute dans le même sens qu’on doit entendre Cicéron, quand 
il dit que le Phalérien embellit les derniers jours d'Athènes : … exsanguem 
jam et jacentem doctus vir Phalereus sustentasset Demetrius 5. 

Ce qui prouve encore combien Athènes était dans un état prospère, ce 
sont les secours qu’elle envoya aux princes étrangers #, et la générosité 
dont elle fit preuve envers Thèbes, lorsque Cassandre permit de rebâtir 
cette cité Ÿ; enfin, ce qui nous le prouve mieux encore, c’est la population 
même qu'elle renfermait dans son sein. 

Démétrius de Phalère entreprit le grand recensement d’Athènes ; la date 
de ce recensement est difficile à établir; le passage mutilé de Ctésiclès 5 
ne peut donner lieu qu'à de vaines conjectures. De là la diversité des 
opinions émises sur ce sujet. Sans parler de celles qui sont évidemment 
erronées, nous dirons un mot de l'hypothèse de Wesseling ? et de Clinton 8, 
qui fixent cette opération à la première année de l'administration de Démé- 
trius, c’est-à-dire à l’an 317 avant Jésus-Christ. Cette conjecture est natu- 


! Hist. de l'éloq. gr., t. W, p. 30. 

? Demochar., ap. Polyb., XII, 13, 9. Les bons mots de Timoclès, poëte comique (ap. Ath. VI, 
245), ne diminuent en rien l'autorité du témoignage de Démocharès. 

5 De Rep., IL, 1. 

+ Diod. Sic., XIX, 68 et 75. 

5 Paus., IX, 7. 

8 Ctesicles, ap. Ath., VI, p. 272 

T Ad Diod. Sic., XVII, 74. 

$ F.H., ed. Kr., p. 178. 


Tome XXIV. 8 


58 MÉMOIRE 


relle, parce que le recensément dont il s’agit devait aider à répartir les 
droits des citoyens d’après le nouveau cens qu’on venait d'établir. Mais 
d’autres considérations s'opposent à ce que nous l’admettions. En effet, 
ce qui ressort des chiffres de Ctésiclès, c'est un accroissement excessif 
de la population. On trouva, dit-il, 21000 citoyens, 10000 métèques, 
400000 esclaves. Sans doute ces chiffres paraissent bien élevés, quand 
on pense que pour la jouissance des droits civiques Cassandre exigeait 
encore la moitié du cens fixé par Antipater, et qu’en outre ce dernier avait 
exclu du droit de cité 12000 citoyens, qui se retirèrent en grande partie 
dans la Thrace 1, Nous devons donc attribuer au calme et à la prospérité 
dont jouissait Athènes pendant l'administration de Démétrius de Phalère, 
le grand accroissement de population que constate ce recensement, et 
ne fixer celui-ci qu’à l’une des dernières années de cette administration. 
De cette manière aussi l’on peut admettre que les exilés, qui n'étaient pas 
tous rentrés avec Polysperchon , revinrent peu à peu et figurèrent dans 
le recensement. Ce qui nous explique encore ce grand nombre de citoyens 
athéniens, ce sont les naturalisations fréquentes qui se firent à cette épo- 
que; c'était même là un puissant moyen dont se servaient les vainqueurs 
pour subjuguer de plus en plus le peuple d'Athènes ?. Quant aux métèques 
et aux esclaves, nous pourrons en admettre le nombre d'autant plus faci- 
lement qu'Athènes florissait par son commerce, et que des particuliers , 
enrichis par la Macédoine, nous offrent l’exemple d’un luxe inoui 5. 
Nous croyons donc qu’Athènes avait besoin de quelques années de repos 
pour se raffermir, après tant de commotions, pour guérir les plaies qu’elle 
avait reçues dans les luttes politiques, enfin, pour présenter le calme né- 
cessaire à ce grand dénombrement. C’ést pourquoi nous suivrons ici l’opi- 
nion de Se-Croix#, de Bôckhÿ, de Wachsmuth, de Grauert”, etc., qui fixent 


1 Diod., XVIIF, 18, avec les notes de Wesseling. Plut., Phoc., 98. 
2 Wachsmuth, Hell. Al., XI, $ 80, 1. 

5 Cf. Bôckh, Staatsh. der Ath., t. IN, p. 40. 

4 SE-Croix, Mém. de l'Acad. des inscript., 1. XLVIHIL, p. 164. 

5 Bôckh, Staatsh., t. 1, p. 48. 

6 Wachsmuth., I. 1. 

7 Grauert, Hist. und phil. Anal., p. 312 suiv. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 59 


comme année de ce recensement l’archontat même de Démétrius de Phalère, 
l'an 309 avant Jésus-Christ. « Il est assez naturel, dit S'-Croix, d'imaginer 
». que cet homme célèbre voulait signaler par cette opération le temps où 
» il fut magistrat éponyme de sa patrie; d’ailleurs, on ne donne aucune 
+ raison pour placer son archontat avant ou après ce dénombrement, 
» dont il avait sans doute rendu un compte exact et détaillé dans les deux 
» livres qu’il publia sur les citoyens d'Athènes. » 

Afin de mieux voir combien était forte la population de l’Attique à l’épo- 
que qui nous occupe, disons en quelques mots quelle était cette popula- 
tion avant cette époque. 

Le nombre des citoyens d'Athènes ne surpassa que rarement le chiffre 
de 21000; jamais il ne s’éleva au-dessus de 30000. C’est ce dernier chif- 
fre qu’il atteignit à peu près depuis les guerres Médiques jusqu’à la fin 
de la guerre du Péloponèse. Cependant, de temps en temps, il subit quel- 
ques variations; quand, par suite de guerres ou d’autres désastres, la di- 
minution devenait trop forte, on y remédiait par les naturalisations. 
Depuis la guerre du Péloponèse, le nombre des citoyens ne surpassa 
guère le chiffre de 20000. C'est ainsi que dans le discours contre Aris- 
togiton ! il est parlé de 20000 citoyens fréquentant la place publique. 
C’est ce même nombre que nous retrouvons sous Lycurgue ?. Nous avons 
vu qu'à l’époque d’Antipater ce nombre était de 21000, dont 12000 fu- 
rent privés du droit de cité et en partie relégués en Thrace. Ces derniers 
furent rappelés l'an 318, à la mort d’Antipater 5. 

D'après les principes d’arithmétique politique qu'on suit d'ordinaire en 
pareilles questions #, c’est-à-dire, en prenant les 21000 citoyens et les 
10000 métèques comme autant de chefs de famille et en comptant quatre 
personnes dans chaque famille, nous arriverons à un total de 124000 
personnes libres. Si nous ajoutons à ce nombre les 400000 esclaves, nous 


1 Dem., adv. Arist., p. 482, ed. Reisk. 

2? Vita X Or., Lyc., sub fin. 

5 Cf. Bôckh, Staatsh., t. 1, p. 35 suiv.; S'-Croix, 1. L., p. 162 suiv.; Meursius, Lectt. Au, I, 
e. 1.3 voy. d'Anacharsis, t. IE, €. VI; Alban de Villeneuve, Hist. de l'économie polit., Bruxelles, 
1839, p. 92. 

4 Cf. Bückh, ibid., p. 39. 


60 MÉMOIRE 


aurons la forte population de 524000 âmes, pour un espace de 80 lieues 
carrées. 

Aussi Montesquieu dit-il, avec quelque exagération, il est vrai, 
qu’Athènes eut dans son sein les mêmes forces pendant qu’elle domina 
avec tant de gloire et pendant qu’elle servit avec tant de honte. Qu'elle 
avait 20000 citoyens lorsqu'elle défendit les Grecs contre les Perses, 
qu’elle disputa l'empire à Lacédémone et qu'elle attaqua la Sicile. Qu'elle 
en avait 20000 lorsque Démétrius de Phalère les dénombra comme au 
marché l’on compte des esclaves f. 

La population de l’Attique était donc entièrement en rapport ‘avec les 
revenus de l’État. Voyons maintenant quel usage Démétrius de Phalère 
faisait des deniers publics. 

S'il est vrai, comme le dit Duris, qu’il en dépensât une partie pour ses 
plaisirs privés, il savait aussi en user autrement. Ainsi nous savons qu'il 
embellit Athènes de nombreux monuments : saromneuais moênse ri né 2. 
Cependant nous ne possédons sur ces constructions aucune indication 
particulière. On peut toutefois supposer que Démétrius de Phalère ne fit 
ici que marcher sur les traces de Cimon, de Périclès et de Conon, et qu'il 
s’efforça, comme eux, de rendre à Athènes quelques-uns des monuments 
qu’avaient détruits la guerre des Perses et celle du Péloponèse. Si telle fut 
l'entreprise qu’il tenta, elle était grande et difficile. Athènes, qui avait 
été, sous le rapport des édifices publics, la plus brillante des villes que Jupiter 
contemplait du haut des cieux 5 avait, pour ainsi dire, perdu toute sa splen- 
deur, Un étranger, disait Dicéarque, aurait peine à croire que c’est là la 
ville si célèbre d'Athènes #. 

Ces constructions, du reste, ne se bornaïent pas à Athènes proprement 
dite ; c’est du moins ce que nous pouvons conclure d’un passage de Vi- 
truve ?, où il est dit qu'Ictinus avait construit à Éleusis, en l'honneur de 
Cérès et de Proserpine, en style dorien, sans colonnes extérieures, un sanc- 


1 Esprit des lois, 1. IT, c. 5. 

2 Diog. de Laërt., V. 75. 

5 Athen., L I, p. 20: 7} Auurporér/s réAcuy roc, Grdou; 6 Leds dyagaiver... 

4 De stat. Græc., p. 8. Cf. S'e-Croix, L. L., p. 171. 

5 De Archit., 1. VI, præf., 16, 17; sur Éleusis, ef. Meursius, dans le Thes. Gronov:, t. IV, p. 711. 


SUR DÉMÉTRIUS' DE PHALÈRE. 61 


tuaire d’une grandeur immense; que du temps de Démétrius de Phalère 
Philon orna de colonnes la façade de ce temple et en fit un temple prostylon. 

Ce Philon dont parle ici Vitruve est sans doute le même que celui qui 
construisit à Athènes un arsenal pour mille vaisseaux !. On est d'autant 
plus porté à conclure que cet arsenal fut construit pendant l'administration 
de Démétrius de Phalère, qu'Athènes était alors une des principales sta- 
tions pour les forces maritimes de Cassandre ?. 

Afin d’être aussi complets que possible, nous ajouterons, d’après Oster- 
mann 5, la conjecture suivante. Nous voyons par Bôckh # que le vaisseau 
sacré, nommé Oempis Ÿ OÙ Amias, qui était principalement destiné aux am- 
bassades sacrées qu’on envoyait à Délos, subsista non-seulement depuis 
Thésée jusqu'à Platon, mais encore jusqu’à Démétrius de Phalère. Ce vais- 
seau, si souvent avarié et si souvent radoubé 5, ne pouvait plus rien contenir 
des matériaux qui avaient servi à sa construction première. Démétrius de 
Phalère le fit réparer ou remettre à neuf, comme le dit Bückh dans son 
livre über das seewesen der Athener 7. 

Malgré ce que nous venons de dire du temple d’'Éleusis, Démétrius ré- 
prouvait les dépenses excessives qu’Athènes avait faites pour les monu- 
ments d'art. C’est ainsi qu’il blämait hautement Périclès des sommes im- 
menses qu’il avait consacrées aux portiques du temple de Pallas 8. Il aimait 
mieux qu'on employàt cet argent aux amusements du peuple dans les fêtes 
antiques et religieuses, où il ne mettait aucun obstacle à la dépense ?. Lui- 


1 Cic., de Or., 1. 1, 14: Neque enim si Philonem illum architectum, qui Atheniensibus arma- 
mentarium fecit, ete. Plin., Hist. nat., 1. VIE, c. 58: Laudatus est... Philon Athenis armamen- 
tario mille navium. Cf, Val. Max., L. VIII, ec. XH, ext. 2; Turneb., Adv., 1, XI, c. 2, 

? Cf. Grauert, |. 1, p. 318. 

5 Osterm., 1. 1, e. V, p. 48. 

4 Staatsh., t. I, p. 247. 

5 Cf. Herod., VI, 87; Plut., Thes., 7; Demosth., Phil. I, $ 50; Stallbaum, ad Plat. Phaed. 1, B; 
Polyb., XXXI, 20. 

6 Cf. Plut., An seni ger. sit Resp. c. 6, 

7 Cf. Ostermann, L. 1. 

8 Cic., de Off., 11, 1...., et Phalereus Demetrius, qui Periclem, principem Græciæ, vituperat 
quod tantam pecuniam in præclara illa propylæa conjecerit, etc. 

9 Cf. Cic., 1. L.; Plut., Reip. bene ger. præc., c. 24, 


62 | MÉMOIRE 


même donna l'exemple de spectacles nouveaux qui, par leur singularité, 
font honte au magistrat qui les introduisait etau peuple qui les applaudis- 
sait. Démocharès, digne neveu de Démosthène et ennemi implacable du 
Phalérien, nous offre un exemple des jeux que ce dernier donnait au 
peuple. D’après cet écrivain, l’on vit, dans la pompe des bacchanales , s’a- 
vancer devant l’archonte Démétrius ! un reptile mû par un mécanisme 
intérieur et jetant de la salive par la bouche ?. Nous ne devons pas nous 
étonner que ces folles dépenses, dont l'unique but était d’amuser la popu- 
lace, eussent l’assentiment de Démétrius de Phalère. Ces mêmes dépenses, 
nous les voyons recommandées par Théophraste, son maître. Voici ce que 
Cicéron dit à ce sujet : Liaque miror quid in mente venerit Theophrastorin eo 
libro quem de divitiis scripsit : in quo multa præclare, illud absurde. Est enim 
multus in laudanda magnificentia et apparatione popularium munerum, taliumque 
sumptuum facultatem fructum divitiarum putat 5. 

D'ailleurs, ces spectacles populaires étaient entièrement en rapport 
avec le but que Démétrius voulait atteindre. C'était un puissant moyen 
pour gagner de plus en plus l'affection du peuple, et détourner ses: yeux 
des affaires politiques et de l’état où se trouvait la cité. 

À côté de la construction des monuments d’art et de la célébration des 
fêtes populaires ou religieuses, les indigents eurent aussi leur part aux 
libéralités de Démétrius. Voici quelques détails que Plutarque nous rap- 
porte sur ce sujet, et qu'il puise dans les écrits mêmes du Phalérien. 
Celui-ci, dans son traité intitulé Socrate, disait qu’il avait connu un des- 
cendant d’Aristide, nommé Lysimaque, tellement pauvre qu’il devait 
pourvoir à son existence en expliquant les songes d’après certaines tables 
dressées pour cet usage; que lui-même, par un décret, fit donner à sa 
mère et à la sœur de cette dernière trois oboles par jour; que dans la 
suite, travaillant à réformer les lois d’Athènes, il assura une drachme 
par jour à chacune de ces femmes #. 


1 Démétrius fut nommé archonte, OI. 417, 4, 309 av. J.-C. Diod., XX, 27. Dion. Hal., Din., 
c. 9, p. 650. , 

2 Demochares, apud Polyb., XI, 15, 9. 

5 De Off, 1. HE, c. 16. 

+ Plut. Arist., e. 27. On voit facilement qu'il ne faut pas ici prendre dans sa signification 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 63 


Si l'on veut remonter plus haut dans la vie de Démétrius de Phalère, on 
peut citer encore, comme un exemple de sa libéralité, sa conduite généreuse 
envers Xénocrate, que nous ayons déjà signalée. Ce dernier trait se ratta- 
che aussi à la protection qu’il accorda aux philosophes de toutes les sectes. 
C’est de cette protection que nous allons maintenant dire quelques mots. 

Nous avons vu les services qu'il rendit à Théophraste, son maître. 
Théodore, surnommé l’Athée, eut encore plus à se féliciter de l'amitié 
du Phalérien. Exilé par les Cyrénéens à cause de l’infamie de sa doc- 
trine, il vint à Athènes, où l’attendait un sort aussi funeste. [l allait être 
condamné à mort par l’Aréopage, lorsque l’archonte Démétrius détourna 
de lui la sentence qui le menaçait !. Nous savons aussi que Cratès, phi- 
losophe cynique, qui florissait vers l'an 328 avant Jésus-Christ, vivait 
encore à Athènes sous l’administration de Démétrius, et reçut de lui des 
secours en pain et en vin ?. C’est ce même Cratès que l'épimélète déchu 
retrouva à Thèbes, et qu'il regretta alors de n’avoir pas mieux connu 5. 

Nous voyons donc que Démétrius accorda sa protection à tous les phi- 
losophes sans distinction de sectes; ce qui s'explique par l'éducation qu’il 
avait reçue et par la tendance politique de la plupart de ces philosophes #. 
Ces considérations suffisent pour établir que la loi contre les philosophes, 
qui fut proposée par Sophocle 5 et défendue contre Philon par Démo- 
charès 6, ne peut pas avoir été portée sous son administration. D'ailleurs, 
Démocharès, qui se portait naturellement défenseur de cette loi, s'était, 
pendant loligarchie, entièrement retiré de la vie politique. Comme cette 
loi fut rendue sous un Démétrius 7, et que Démocharès fut exilé l'an 302 
avant Jésus-Christ 5, la date de sa publication doit tomber entre l’an 307 


propre, le mot de Suyarmè:, qu'emploie Plutarque en parlant de Lysimaque; dans ce passage , 
ce mot ne peut évidemment s'entendre que d'un descendant quelconque, même assez éloigné. 

‘ Diog. Laert., 11, 104, 403.Cf. Brucker, Hist. érit. phil., P. M, LU, e. UE, $ XI. 

? Diog. Laert., VI, 85, 87, 90. Athen., X, p. 422. 

5 Plut., de Adulatore et amico, c. 28. 

# Voir le chap. I. 

5 Diog. Laert., V, 38. Pollux, IX, 42. 

5 Athen., XIII, p. 610; XI, p. 508. 

T Alexis, apud Athen., 1.1. 

$ Cf. Clinton, F. H., ed. Kr., p. 187. 


64 MÉMOIRE 


et 502. Nous admettons donc la deuxième date que propose Krueger, 
c'est-à-dire OI. 118. 

Si cette date est exacte, la loi se justifie par des raisons politiques. La 
plupart des philosophes étaient étrangers et préféraient la domination 
étrangère; de là la protection dont ils jouissaient sous Démétrius de Pha- 
lère. Mais lorsque la cause nationale eut repris le dessus, il se fit contre 
eux une réaction puissante. Les philosophes furent persécutés; Dinarque, 
ami de Théophraste et de Démétrius, et dont l’influence avait été si grande 
sous l'administration de ce dernier, fut expulsé d'Athènes ; Lycurgue, 
au contraire, l'ami de Démosthène, fut honoré d’une statue ?. 

Cette loi, cependant, ne resta pas longtemps en vigueur; elle fut abolie 
lorsque le parti macédonien eut ressaisi le pouvoir : Démocharès fut exilé, 
et Sophocle, qui avait proposé la loi, condamné à l'amende 5. 

Les nombreuses statues qu’on éleva à Démétrius de Phalère nous mon- 
trent, d’un côté, combien son administration et les largesses # dont nous 
venons de parler lui avaient gagné l'affection du peuple; d’un autre, 
combien les arts étaient cultivés sous son gouvernement. Diogène de 
Laërte fixe le nombre de ces statues à 360 5; les unes, dit-il, le repré- 
sentaient à cheval, d’autres, porté sur un char, et toutes furent ache- 
vées en moins de 500 jours. 

Les auteurs anciens ne sont pourtant pas d'accord sur le nombre de 
ces statues : Cornélius Népos et Plutarquef ne l’élèvent pas au delà de 
300; selon Strabon 7, il dépassa ce chiffre. Dion Chrysostôme, par une 
exagération évidente, le porte jusqu'à 1500 8. Mais Pline ? s'arrête comme 


1 Dion. Hal., Dinarch., p. 634. Vit. X Or., pp. 850, 850. 
2 Vit. X Orat., p. 845. 
5 Diog. Laërt, V, 58. Grauert, 1. L., pp. 354, 355. Clint., F. H., ed. Kr., p. 187. 
4 Corn. Nep., Miltiad., c. 6. Idem ille populus, posteaquam majus imperium est nactus et lar- 
gilione magistratuum corruptus est, trecentas statuas Demetrio Phalereo decrevit. 
5 V, 75. 
Corn. Nep., 1. 1. Plut., Reip. bene ger. prϾc., c. 27. 
Strab., 1. IX, ec. 1, €. IE, p. 245, ed. Tauchn. 
Orat. XXXVIE, p. 465, ed. Reisk. 
Hist. nat., XXXIV, 6. 


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æ À 4 © 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 65 


Diogène de Laërte, au nombre de 360, qu’on croyait être celui des jours 
de l’année. De là ces vers de Varron : 


Hic Demetrius æneas tot aptu'st 
Quot luces habet annus absolutus *. 


Ce nombre presque fabuleux de statues nous montre aussi, s’il n’est 
pas exagéré, jusqu’à quelles indignes flatteries descendait le peuple d’A- 
thènes. Il est vrai cependant que rien alors n’était plus fréquent que 
l'érection d’une statue; cet honneur, on le décernait à des hommes perdus, 
à des courtisanes ?. De même donc que Démétrius s’étudiait à donner au 
peuple des spectacles nouveaux, de même ce peuple cherchait à lui dé- 
cerner des honneurs nouveaux; et, certes, c'était quelque chose d’extraor- 
dinaire que de voir dresser à un seul homme des statues qui, par leur 
nombre, égalaient celui des jours de l’année, ou plutôt dont chacune rap- 
pelait un des jours de l’archontat de celui qu’elles représentaient. 

Ces statues néanmoins ne restèrent pas longtemps debout. Le change- 
ment qui se fit dans la conduite de Démétrius bâta la révolution qui se 
préparait contre lui. Ayant d’abord administré la république à la satis- 
faction de tous5 et mené une vie simple et frugale, il ne mit plus de 
bornes à son luxe et à ses débauches, lorsque sa puissance et celle de 
Cassandre se furent consolidées. Nous indiquerons quelques traits de 
cette vie dissolue, d’après Duris de Samos et Carystius de Pergame#. 

Maître des revenus de l’Attique, qui s’élevaient à 1200 talents, il n’en 
dépensait que peu pour l'administration de la cité et la solde des troupes; 
le reste était absorbé par son luxe et ses débauches. Tous les jours il 


1 C'est ainsi que ce fragment de Varron a été rétabli par les commentateurs. Cf. T. Varro- 
nis opp., ed. Bipont., t. F, p. 259 et t. I, p. 317. 

? Cf. Grauert, 1. L., p. 312; Matter, Essai hist. sur l'école d'Alex., 1, e. VI, sect. 3, $ 3, not. 5. 
On connaît d'ailleurs la basse adulation dont Athènes se rendit coupable envers Démétrius Polior- 
cète. Cf. De Wit, 1. 1., p. 43 sq. 

5 Strabon, |. 1. Cic., de Leg., H, 25; I, 6; pro Rab., 23. Diod. Sic., XVIE, 74. Æl.; V. H., HI, 
47. Diog. Laert., V, 75. Cf. Grauert, I. 1., p. 319. 

4 Duris, ap. Athen., XII, sect. 60, p. 542, Carystius, ibid. 


Tome XXIV. 9 


66 = MÉMOIRE 


donnait à grand nombre de convives! des festins qui surpassaient en 
magnificence ceux de Macédoine et en élégance ceux dé Chypre et de 
Phénicie. Lui qui, auparavant, s'était contenté d’une table frugale, loua le 
plus célèbre des cuisiniers, Moschion; et ce dernier, au bout de deux ans 
de service, acheta, des restes seuls de la table de son maître, trois métai- 
ries considérables. Le plancher des salles de l’archonte était parsemé de 
fleurs , arrosé de parfums et peint par les artistes les plus renommés. 

Les jours se passaient dans des débauches secrètes avec des femmes; 
pendant la nuit il se livrait à des orgies plus infâmes encore. Il allait jus- 
qu’à outrager les enfants libres, et les femmes les plus distinguées n’étaient 
pas à l'abri de ses attaques. Quand il se promenait dans la rue des Trépieds?, 
les jeunes garçons qui faisaient trafic d’infamie accouraient en foule au 
devant de lui : tous étaient jaloux du bonheur de Théognis, son favori. 

C’est ainsi que celui qui avait porté des lois pour réprimer le luxe et 
régler la vie des autres, n’en reconnaissait plus aucune pour lui-même. 

Démétrius était fort amoureux de sa figure; il se teignait les cheveux 
en blond, se fardait le visage et s’imbibait des parfums les plus précieux , 
tant il désirait être trouvé beau et plaire à tout le monde. Épris d'amour 
pour la courtisane Lampéto, il aimait d’être appelé du nom de Lampéto ; 
ses maîtresses l’appelaient encore yapro@égases, C'est-à-dire dont le regard 
est plein de gràces5. Lorsque en sa qualité d’archonte il conduisit la 
pompe des bacchanales, le chœur chantait des vers où l'on exaltait sa 
beauté semblable à celle du soleil #. 

1 Peut-être qu'alors déjà les banquets étaient un moyen de se faire des partisans. 

2 "Ecrs d8 ds dd rod Ulpuraveiou xalouuéyy Tpirodës * dy où Où ma hobo1 Tà papisy , vai SeGy Es Todrs 
mey doi, noi ogisiy égeorixaot Thirodts, van èy, myuys dE dix mélirra mepléyotes Elpyxcuéa. 
Pausaxas, Att., L. I, e. XX, $ 1. 

5 Diyllus, ap. Ath., XII, p. 593. Casaubon, ad Ath., Ménage, ad Diog. Laert., et Meursius, ad 
Hesych., veulent dans ce passage lire Aiduwos au lieu de AivAo:, parce que c’est d’après Didyme 
que Diog. Laert., V, 76, rapporte le même fait. Mais cette correction, comme le remarque Oster- 
mann (1. 1., VI, 58), n’est pas nécessaire. Diyllus, qui continua l'histoire d'Éphore et qui était 
contemporain de Démétrius de Phalère, aura rapporté le fait dont il s'agit. Si Didyme rapporte 
ce même fait, c'est que probablement il se sera servi de l'autorité de Diyllus, en sorte qu'Athénée 
et Diogène de Laërte puisèrent à la même source, avec la différence que l'un cite Didyme et l'au- 


tre Diyllus, dont Didyme ne faisait que reproduire un passage. 
# Duris, ap. Ath., XII, p. 542. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 67 


A ce tableau, si chargé déjà, Diogène de Laërte ! ajoute que Démétrius, 
jeune encore, s'était prostitué à Cléon, et qu'il voyait souvent la belle 
Lamia, l’une des plus célèbres courtisanes de cette époque ?. 

Si les paroles de Duris et de Carystius respirent jusqu’à certain point 
l'esprit de parti, comme tout ce qu’on écrivait à cette époque, le fond n’en 
reste pas moins exact. Îl est vrai que Diodore, Strabon et Cicéron ne 
parlent pas des mœurs dissolues de Démétrius; mais ils ne nous four- 
nissent non plus aucune donnée d’où nous puissions induire la fausseté 
des assertions de Duris, de Carystius et de Démocharès. Le peu de ren- 
seignements que Diogène de Laërte et Suidas nous fournissent sur le 
même sujet, s'accordent entièrement avec les données de ces derniers. 
ÎIlLen est de même de la seule phrase qui nous soit parvenue du livre 
d’Asclépiade sur Démétrius de Phalère. Quoiqu’elle ne contienne aucune 
indication précise, nous pouvons cependant en conclure, jusqu’à certain 
point, quelle était la société qu’il fréquentait. 

Quant au passage d’Élien # qui est en tout conforme à ceux de Duris 
et de Carystius que nous venons de transcrire, Périzonius a prouvé que 
c’est par une simple erreur de mémoire que ce compilateur a confondu 
les deux Démétrius et attribué au Poliorcète ce qu’il avait lu chez Duris 
sur le Phalérien ®. 


1 V. 76. Cf. Suidas : ro dE #y coddpa eûrperds Gore xai diaBohÿs AaBéiy, Sri y'éyovey Épôueves vé0c. 

? Demochares, apud Plut., Demet., 27. Voy. sur Lamia, Æl., V. H., XII, 17; XIII, 9; Ath., 
XUE, p. 577; XIV, 615; I, 401 ; IV, 128; VI, 255, etc.; Plut., Dem. Pol., 24, 27, 46.— C'est 
à tort, nous semble-t-il, qu'Ostermann (p. 8) conjecture que cette Lamia dont parle Diogène de 
Laërte, fut l'épouse du Phalérien, Tout s'oppose à ce que nous admettions cette opinion; d'ail- 
leurs, si nous examinons de plus près le passage de Diogen. ap. Bekker, Aneed. WI, p. 1395, 
sur lequel elle s'appuie : Aoupua (Aäuux) Gvoua xbpoy* yéyove À ÿ yuvÿ Ayuyrpiou Tod da>ypés, ON 
voit que la construction (4 v»}) ne permet pas de l'interpréter comme Ostermann ; il signifie 
simplement que cette femme était la maîtresse du Phalérien. 

3. KAcgüdpx* oro dx Af9y aûry # Éraioa Éreidÿ rpèc x AY Üd bay... Ge ‘'AcxAyriddYc Eipyxey 6 rod 
Apeiou &y ro repi Ayuyrpiou rod Dañypéos cuy y péuuati, Tà xÜpey aÙrs évoux pécxoy Eivar Myriyw. 

4 V. H., IX, c. 9. 

5 Habet et hoc caput auctor ex Athenæo, XII, 14, sed ita ut quem ille ex Duride, antiquo 
scriptore, Demetr. Phalereum, noster Demetrium Poliorceten dicit. Insigni errore, cujus ego non 
aliam iterum esse reor causam, quam quod in adversariis suis illud notaverit nomine Demetrii et 
dein ad Poliorceten potius retulerit, quam Phalereum, quia hune norat philosophum et legumlato- 


68 MÉMOIRE 


C’est sur ce passage cependant que Bonamy, qui fait ici preuve de peu 
de critique, se base pour soutenir que les faits révélés par Duris et Ca- 
rystius doivent aussi s'entendre du Poliorcète!. La preuve qu'il tire des 
1200 talents, revenu trop fort pour un particulier, est moins admis- 
sible encore, comme nous l’avons déjà fait remarquer. Ces considérations 
jointes à ce que nous avons rapporté d’après Diogène de Laërte, Démo- 
charès , Suidas, Asclépiade , sont plus que suffisantes pour réfuter l'opinion 
à la défense de laquelle Bonamy consacre son mémoire. 

Comme nous l’avons déjà remarqué, Démétrius de Phalère, condamné 
avec Phocion, violemment rétabli par Cassandre, ne rougissait pas de 
voir sa patrie livrée aux insultes de ce dernier ?. Néanmoins, grâce aux 
circonstances malheureuses où se trouvait Athènes, grâce encore aux qua- 
lités qu’il tenait de la nature, à la modération et à la sagesse dont il fit 
preuve pendant les premières années de son administration, il avait con- 
juré la haine de ses concitoyens, et même, jusqu’à certain point, gagné 
l'affection du peuple. Son luxe effréné, sa vie débauchée devaient contri- 
buer puissamment à faire succéder à cette affection momentanée une haine 
générale. Athènes était elle-même un foyer de corruption, mais elle ne 
voulait pas qu’on montràt au dehors la lèpre qui la dévorait intérieure- 
ment; c’est ce que nous prouve le décret remarquable par lequel elle dé- 
fendit à tout citoyen de présenter au peuple des lettres de recommandation 
de la part de Démétrius Poliorcète 5. 


rem, quem prϾcipuis ornat laudibus supra, II, A7, illum vero etiam alibi, XIT, 17, describit ut 
lascivum et luxuriosum, quod revera fuit Poliorcetes ille etiam ex aliorum testimonio. Kuhnius 
putat auctorem hic de utroque Demetrio locutum, sed excidisse, quæ de Poliorcete dixerit, el que 
de Phaléreo cœperit dicere; librarios dein neglecta lacuna, quam statuit post fps rä: réhe:, con- 
traxisse omnia in unam Poliorcetæ historiam. Ratio illius sententiæ est, quod reliqua hujus ca- 
pütis ab Athenæo ad Phalereum referantur, et in eum magis quam Poliorceten, auctoris nostra 
verba convenire, indubium putet. Perizon., ad Æl., V.H., IX, 9, ed. Lugd. Bat., in-49, v. I, p. 585. 
Périz. prouve encore qu'Élien ne consulte souvent ses sources que d’une manière superficielle , 
ad Æl., V.H., VI, 17. 

1 Mém. de l'Acad. des inscript., t. VI, p. 157. Cette même opinion est admise par De Wit, I. L., 
p. 65, et Matter, Hist. de l'école d'Alex., 1" partie, e. HI, sect. [, not. 6, qui d’ailleurs, ne par- 
lent pas de la note de Périzonius. 

2 Demochares, ap. Polyb., XII, 13. Paus., I, 25. 

5 Plut., Dem., 24. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 69 


A part ces griefs, à part cette inconstance si naturelle aux Athéniens, 
qui fait dire à Démosthène qu’elle était comme l'onde de la mer qui va et 
vient sans cesse{, il y avait encore d’autres motifs qui poussaient Athènes 
à s'élever contre le pouvoir représenté par Démétrius de Phalère. D’après 
une des clauses du traité conclu avec Cassandre, celui-ci devait retirer la 
garnison macédonienne dès qu'il ne serait plus en guerre avec Poly- 
sperchon ; mais Démétrius avait besoin de soldats pour contenir le peuple, 
et la garnison ne partit pas. De plus, la Grèce avait été déclarée libre lors 
de la paix générale qui suivit les guerres de Syrie et de Babylonie?. 
Mais ni Antigone ni Cassandre ne retirèrent leurs garnisons des cités 
grecques. De là cette lutte singulière où l'on vit les chefs macédoniens 
se combattre l’un l’autre, sous prétexte de rendre à la Grèce la liberté 
qu’eux-mêmes lui avaient enlevée. Cette guerre commença OI. 118, 1 , et 
amena la chute de Démétrius de Phalère 5. 

Athènes cependant n'avait pas attendu ce moment pour tenter sa dé- 
livrance. Déjà, en 312, elle avait invoqué le secours des étrangers ; elle 
avait forcé Démétrius à envoyer des députés à Antigone, lorsque Ptolémée 
était aux portes de la ville #; mais toutes ces tentatives restèrent sans succès, 
jusqu’à ce qu’enfin, l'an 307 avant Jésus-Christ, une flotte de 200 vais- 
seaux apparut à l’improviste dans le Pirée. Démétrius de Phalère n'avait 
pris aucune mesure pour empêcher cette flotte d'approcher, trompé qu’il 
était par la sage prévoyance du fils d’Antigone. Celui-ci, ayant laissé la 
plus grande partie de ses vaisseaux derrière le promontoire de Sunium, 
donna des instructions particulières à ceux qui dirigeaient 20 navires, 
les meilleurs de la flotte. Ces 20 navires semblaient s’avancer directe- 
ment vers Salamine; Démétrius de Phalère les vit du haut des rem- 
parts d'Athènes, mais il ne s'en émut pas, croyant qu'ils naviguaient vers 
Corinthe. Soudain ces navires changèrent de direction et entrèrent dans 
le Pirée; ils furent aussitôt suivis du reste de la flotte, en sorte que 


1 Cf. Cantu, Æist. univ., ed. Brux., t. 1, p. 386. 

2 Diod. Sic., XIX, 105, OI., CXVIF, 2. 

5 Diod. Sic., XX, 37. Cf. Mannert, 1. IE, c. IX, p. 210. 

4 Diod. Sic., XIX, 78. Cf, Mannert, 1. IH, e. VE, p. 471 suiv. 


70 MÉMOIRE 


Démétrius Poliorcète fut maître du port avant que ses ennemis eussent 
pu réunir leurs forces 1. Quand la flotte se fut approchée, le fils d’An- 
tigone se montra aux Athéniens, et leur-fit annoncer par la voix d’un 
héraut, qu’il venait, les armes à la main, exiger l’exécution des traités 
et rendre à Athènes sa liberté, ses lois, son ancien gouvernement. L’en- 
thousiasme des Athéniens fut à son comble; ils jettent les armes, pous- 
sent des cris de joie, invitent Démétrius Poliorcète à mettre pied à terre 
et lui donnent les noms de sauveur et de bienfaiteur. Démétrius de Pha- 
lère, qui, secondé par les siens et par Denys, le commandant du fort 
de Munychie, s'était d’abord efforcé de repousser les ennemis, vit alors 
que toute résistance était inutile. Il rentra donc dans Athènes, et comme 
tous se déclaraient contre lui, il envoya des ambassadeurs au fils d’An- 
tigone et se rendit à lui. Le jeune vainqueur ne démentit pas son ca- 
ractère généreux; il se montra plein de bienveillance envers celui qu'il 
venait de vaincre et lui accorda toutes ses demandes. Une escorte sûre 
mit le Phalérien à l'abri des dangers qui le menaçaient de la part 
des Athéniens et le conduisit à Thèbes, comme il l'avait demandé lui- 
même. 

Démétrius Poliorcète n’entra dans Athènes que lorsqu'il eut chassé la 
garnison macédonienne et rasé le fort. Son premier soin fut d’assembler le 
peuple et de proclamer à la face de tous l’affranchissement d'Athènes. I] 
fit plus : il conclut avec les Athéniens un traité d’amitié et leur promit les 
matériaux nécessaires pour la construction de 500 vaisseaux. Cette pro- 
messe reçut son exécution bientôt après ?. 

Ce fut par cette guerre, la plus juste et la plus honorable qui fût jamais 
entreprise5, que les Athéniens, après quinze ans d’esclavage *, recou- 


1 Polyæn., 1. IV, 76. Cf. De Wit, pp. 41-12. Plutarque ( Dem., 8) dit que Démétrius de Phalère 
croyait que c'était la flotte de Ptolémée avec lequel il s'était allié par un traité de paix (Diod. , 
XX, 37). 

2? Plut., Dem., 8, 9,10. Dion. Hal., Din., 2. Paus., L, 25. Polyæn., IV, 7, 8. Diod. Sie., XX, 
15-46, diffère du récit de Plutarque, en ce qu'il néglige la succession des faits; c'est ainsi qu'il 
pose la prise de Mégare après celle du fort de Munychie. 

5 Toûrou rékeuoy oddkie Éroïéuyce roy BaciAéoy x2dAio ai dixœuérepor, Plut., Dem., 8, 


+ Plut,, Dem., 10. Diod. Sic., XX, 46, t. V, p. 348, ed. Tauchn. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 71 


vrèrent la liberté au commencement de l’archontat d’Anaxicrate (OI. 118, 
2, 307 avant Jésus-Christ !). 

Devenus libres, les Athéniens eurent honte d’une si longue servitude, 
et renversèrent les statues qu’ils avaient élevées à Démétrius de Phalère. 
On vendit les unes, on en brisa d’autres, plusieurs furent jetées à la mer ; 
il y en eut qui eurent un sort moins honorable encore : z3: d sararépavres 
ci; aulx; ?, Plutarque ne rapporte ce dernier outrage qu’en parlant des 
statues de Démade; quant à celles de Démétrius, il dit simplement qu'’el- 
les n’eurent pas le temps de se rouiller 5. Une seule échappa à cette des- 
truction générale et fut conservée dans la citadelle. Ce qui se fit, ajoute 
Diogène de Laërte d’après Favorinus, par les ordres du prince Démé- 
trius #, Ce dernier passage ne doit pas , nous semble-t-il, s'entendre , avec 
Grauert, etc. Ÿ, des statues que les Athéniens renversèrent , mais de celle 
qui fut conservée. Interprété de cette manière, il s'accorde entièrement, 
d’un côté, avec les sentiments d’un peuple exaspéré, tels qu'ils se pro- 
duisent dans les révolutions, de l’autre, avec le caractère généreux dont 
Démétrius Poliorcète donna de si nombreux exemples 6. 

Les Athéniens ne s’arrêtèrent pas là : les ordonnances de Démétrius 
furent abolies, et toute son administration déclarée contraire aux lois 7. 


1 Cf. Clinton, F. H., ed. Kr., p. 184. Voir aussi sur cette date Champollion, Ann. des Lagides, 
t. I, pp. 351, 332, 333. 

2 Diog. Laert., V, 76. Cf. Strab., IX, c. I, t. 11, p. 245, ed. Tauchn. 

3 Reip. bene ger. præc., c. 27. 

4 Diog. Laert., V, 77 : DaBopivo; dé quo êy ravrodarÿ ivropia roro roijoæ rod; 'ASyvaicu;, Ayuy- 
roiou xeAsboayros To BaoiAéax. 

5 Grauert., 1. 1., p. 325, not. 2. 

6 Cf. De Wit, p. 57 sq. 

T'AAA Kai Tà ri rfç Gpyfs adrod Eréypabay avouixs. Diog. Laert., V, 77. Nous devons mention- 
ner ici quelques variantes et interprétations : 

F. Hermann con). : dAAë où rà Ery +7: dpyÿ; aÿroù. Empirius : Intellige 3x, nota ellipsi. Nam 
Demetrius Phalereus etiam archon fuerat, quo anno censum egit, ut ex Athenæo discitur. Athe- 
nienses, cum Demetrius Poliorceta Athenas occupasset, annum illum archontis Demetrii üuiz: 
appellarunt , ut sæpè ëro; dvapyix:; in fastis Atheniensium reperitur. Cf. Diog. Laert., ed. Huebner, 
App. critic., vol. UE, p. 753. Dans la nouvelle édition de Diog. Laëree, Didot, Paris, 4850, on 
lit: GRAS wat ro Ever rs dpyÿs aûroë.. Sed eliam annum quo archon fuit, éruix; (illegitimi impe- 
rit), nomine appellarunt. Mais pourquoi n'eût-on pas déclarée illégale toute son administration ? 
Nous aimerions done mieux admettre la conjecture de Hermann. 


72 MÉMOIRE 


Quoiqu'il fût absent, on lui intenta, ainsi qu'aux autres oligarques, une 
accusation capitale. Ménandre, comme nous l'avons dit, fut du nombre 
des accusés ; mais il fut acquitté, de même que tous ceux qui comparurent 
au tribunal. Ceux, au contraire, qui s’étaient enfuis, comme Démétrius de 
Phalère , furent condamnés par contumace f. 

La conduite des Athéniens fut donc pleine de modération; aucun des parti- 
sans de Démétrius ne fut exécuté; il resta lui-même à Athènes encore un jour 
après l’arrivée du fils d’Antigone ?, et quitta la ville sans avoir rien souffert. 

Il nous reste à dire un mot sur cette révolution en elle-même. 

Si nous avions ici à examiner quelle eût été, à cette époque, la consti- 
tution la plus favorable pour Athènes, nous dirions que c'était celle que 
préféraient Platon et Aristote, celle qui se rapprochait le plus de la mo- 
narchie, ou, à son défaut, celle qui tenait un milieu entre l’aristocratie 
et la démocratie; en un mot, nous dirions que c'était celle de Démétrius 
de Phalère, qui, philosophe lui-même, ne faisait qu’appliquer à l'État les 
théories de l’école péripatéticienne. Athènes florissait sous son adminis- 
tration, et oubliait peu à peu les maux que lui avaient causés les guerres 

précédentes; centre du commerce et de la civilisation, une population 
nombreuse trouvait dans ses murs le calme et l'abondance. Aussi, si lon 
ne juge cette administration que sous le rapport du bien-être matériel 
dont jouissait Athènes, nous dirons, avec Strabon, Élien, Diogène de 
Laërte, Diodore de Sicile et Cicéron 5, que jamais Athènes ne fut mieux 


eo 


Philoch., ap. Dionys., de Dinarcho jud., c. WI. 
Diod. Sic., XX, 45. 

5 Strabon., IX, c. I, t. Il, p. 243, ed. Tauchn. : ëvos Œ quow, oi Bénricra rére aürod; roMrei- 
cacdau dexaerÿ ppévor, dr ppye Maxedëyoy Kéoayôpos. 


1# 


OÙ pévoy où xaTÉAUIE Ty dymoxpariay, GAÂX Hal ÉTYYORIUE. 

Élien, V. H., I, 47, p. 57, ed. Tauchn. : Ayufrpios D 6 Paayped, nai ‘ASyyyoiy ÉTIpayÉCTaTa 
ÉTOMTEUTUTO. 

Diod. Sic., XVII, 74, t. Il, p. 114, ed. Tauchn. : #pxe eipyrinüe #at mpès rods mokiras gihaySpéros. 

Diog. Laert., V, 75 : roanà dE xal xéAMora vf marpidi émourebsaro. 

Cic., pro Rab., 25 : Demetrium, qui Phalereus vocitatus est, video et ex republica Atheniensi 
quam optimè digesserat et ex doctrina nobilem et clarum. 

De Leg., WE, 6: …... Nam et mediocriter doctos magnos in republica viros et doctissimos homi- 
nes non nimis in republica versatos multos commemorare possumus ; qui vero utraque re excelleret, 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 75 


gouvernée que par le disciple de Théophraste. Mais les peuples ne se con- 
tentent pas de vivres abondants; ils ne se laissent pas non plus conduire 
par des théories puisées dans les écoles et imposées par la force. Athènes 
surtout ne pouvait pas le faire sans mériter le mépris de la postérité, 
sans rompre avec son passé, sans cesser d’être elle-même. Nous ne pou- 
vons donc souscrire au jugement des auteurs que nous venons de citer et 
de ceux qui marchent sur leurs traces, quand ils cherchent à flétrir ce 
qu'ils appellent l'ingratitude des Athéniens. Quand ils exaltent la bonté 
des gouverneurs macédoniens , nous pourrons toujours leur répondre avec 
Hypéride : soit, mais Athènes ne veut pas de maître, qu'ils soient bons ou 
mauvais !. Ou bien avec Sophocle ? : 


élus yap oÙx 50% , ris dydpôs ÉdS Évés. Le 


Nous aimerions mieux donner dans l'excès opposé et dire avec Mon- 
tesquieu 5 que c'était une honte pour Athènes de ne pas s'être réveillée plus 
tôt. Mais ce reproche aussi est injuste. Athènes avait toujours lutté con- 
tre le torrent; elle avait dû céder , il est vrai; mais sa défaite, on doit 
autant l’attribuer aux ennemis qu’elle nourrissait dans son sein qu’à ceux 
qui venaient la combattre des pays étrangers. Démétrius de Phalère ne 
put l’habituer à un genre de gouvernement qui n’était d'accord, ni avec 
ses mœurs, ni avec son passé. Aussi se souleva-t-elle contre lui, comme 
elle s'était soulevée contre Philippe, contre Alexandre, contre Antipater , 
comme elle se souleva encore dans la suite contre tous ceux qui, pro- 
mettant la liberté, ne donnaient que l'esclavage. Un tel peuple a bien 
plus de titres à notre pitié, à notre admiration même, qu'à un mépris 
injuste et insultant. Aussi aimons-nous à le comparer , avec Grauert #, à 
un génie accablé par l’âge, auquel il échappe parfois une sottise, mais qui 
conserve jusqu'à la mort son âme noble et son esprit divin. 


ut et doctrinæ studiis et regenda civitate princeps esset, quis facile prœæter hunc invenire potest ? 
De Rep., I, 1, 2. Doctus vir, Atheniensium rempublicam exsanguem jam et jacentem sustentavit. 
1 Cf. Cantu, Hist. univ., t. 1, p. MS. 
? Antig., v. 751. 
SL 
LL ;:p. 250. 
Toue XXIV. 10 


74 MÉMOIRE 


Démétrius de Phalère ne perdit pourtant pas tout espoir de rentrer dans 
Athènes, où Cassandre s’efforçait, de son côté, de faire renaître la tyrannie‘. 
Aussi ne se retira-t-il d’abord qu’à Thèbes ?. D’autres motifs encore de- 
vaient l’engager à choisir Thèbes pour refuge. Cette cité restait soumise à 
Cassandre; c'était Cassandre qui l'avait fait rebâtir, tant à cause de la 
haine qu’il portait à Alexandre, dont il aurait voulu effacer tous les actes”, 
que parce qu’il cherchait à s’attacher Athènes, qui avait pleuré le sort de 
Thèbes et donné un asile aux habitants de cette malheureuse cité 4. Toutes 
les villes helléniques rivalisèrent de zèle pour redresser ces murs qui 
étaient tombés sous les coups d'Alexandre; Athènes, surtout, se montra 
pleine d’ardeur et donna des preuves d’une générosité sans bornes 5. Elle 
institua même une fête publique pour consacrer le souvenir de ces beaux 
jours où elle avait relevé les remparts d’une cité qui avait été sa rivale 
dans la prospérité, mais qui, dans son malheur, trouvait en elle une amie 
sincère. 

Or, Thèbes avait été rebâtie sous l'administration de Démétrius de Pha- 
lère, vingt ans après qu’elle eut été détruite par Alexandre 6. Il était 
donc naturel qu’il s’y retiràt d’abord. 

Il séjourna dans cette ville jusqu’à la mort de Cassandre”, l'an 296 avant 
Jésus-Christ $. Mais nous ne savons rien de cette partie de sa vie, si ce 
n’est qu’il passait ses jours dans la tristesse et l'isolement, qu’il se lia plus 
intimement avec Cratès, dont la haute philosophie contribua à lui faire 


1 Paus., LI, c. XXV, 5. 

2 Plut., Dem., 8. Diod. Sic., XX, 45. 

5 Paus., L IX, c. VIL 

4 Diod. Sie., XVIE, 45. Plut. Aleæ., 13. 

5 Diod. Sic., L. XIX, 54 : ‘ASwvoño uèy yäp Tù rond mépos Tod rtiyous ayéoryour, xt. Paus., 
L IX, ec. 1: Es dè roy OyBy rèy oxiouèy rpoSuuéraro qèy éyévoyre ASyvoïu. Plut., Præc. reip. ger., 
p. 814: ('ASwoïtu) OfBa; Kacäydpou xriboyros écreeayypépyoa». 

6 Diod. Sie., 1. 1. : éixoors d'êrer dorepoy.…….; donc OI. 116, 2 (315 av. J.-C.). Polémon, ap. Ath., 
1, p. 19, compte 30 années d'intervalle entre ces deux événements ; mais les passages indiqués 
plus haut nous prouvent que Thèbes était rebâtie lors de l'exil de Démétrius de Phalère. On doit 
donc admettre que Polémon ne parle ici que du complet achèvement de la ville et de la rentrée 
de tous ses habitants. Cf. Casaub., in Addend. ad animadv. in Athen. 

7 Clinton, F. H., ed. Kr., pp. 190, 251. 

$ Hermipp., apud Dioqg. Laert., V, 78 : merä rèy Kaocdydpou Séyaror. 


. 5 ko “sslatt 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 75 


supporter avec modération le malheur qui venait de fondre sur lui !. 

La mort de Cassandre lui ôta tout espoir de rentrer dans sa patrie. 
Loin de trouver un protecteur dans le fils de son ancien ami, il eut à re- 
douter la colère du jeune Antipater ?. Après la mort de Philippe, son frère 
aîné, ce prince cruel fit assassiner sa mère Thessalonice, qui n'avait pas 
caché sa prédilection pour Alexandre, le troisième de ses fils. Quelques 
auteurs disent même qu’elle avait formé le projet de donner tout son 
royaume à ce dernier prince. Quoi qu’il en soit, une haine profonde 
séparait les deux frères et Démétrius, lequel ayant sans doute pris le 
parti de Thessalonice et d'Alexandre, ne pouvait s'attendre qu’au sort le 
plus cruel, lorsque l’impie Antipater se fut souillé du sang de sa mère 5. 
Aussi se réfugia-t-il alors près de Ptolémée, fils de Lagus #. 

Ptolémée était un prince accompli; son règne fut des plus heureux. 
Pendant que la Grèce et l'Asie retentissaient du bruit des armes , Ptolémée 
conservait la paix dans la riche province qui lui était échue. Peu soucieux 
de faire des conquêtes lointaines, il consacra tous ses soins à l’adminis- 
tration intérieure, et s'efforça surtout de se concilier la population sou- 
mise. Dans ce but, il maintint l’ancienne division de l'Égypte, et garda de 
sa constitution tout ce qui pouvait s'adapter au despotisme royal. La reli- 
gion même conserva son culte et ses idoles, mais elle dut servir aussi à 
relever les princes aux yeux du vulgaire. 


‘ Plut., de Adul. et amico, c. 42. (Mor., 1. 1, p. 159, ed. Tauchn.). 

? Hermipp., ap. Diog. Laert., V, T5 : s0BySéyræ "Ayriyen»…. Antigone, père de Démétrius Polior- 
cète, était mort avant Cassandre : il ne peut donc s'agir ici que d’Antipater, fils de Cassandre. 
Ce prince est appelé Antigone par Dexippe, Eusèbe, ete. Le passage d'Hermippe n’est donc pas 
contradictoire, comme l'ont prétendu Scaliger, Riccioli, etc. Cf. Humfr. Hody, Contra hist. Arist. 
diss., ©. V,$ 6; Bonamy, I. c., p. 174; Wessel, ad Diod., XX, 45. 

5 Justin., 1. XVI, e. 1. Cf. Humfr. Hody, 1. 1.; Champollion, Ann. des Lagides, t. 1, p. 374. Ce 
dernier se trompe quand il fait arriver Démétrius à la cour des Lagides la deuxième année après 
la prise d'Athènes par le fils d'Antigone, t. I, p. 333. Bonamy ( Mém. de l'Acad. des inscript., t. VIN, 
p. 174) se trompe de même sur l'époque de la mort de Cassandre. 

* Diog. Laert., V, 78. Strab., IX, e. 1, t. I, p.243, ed. Tauchn. Polyæn., III, 15, raconte qu'un 
roi thrace dressa des embüûches à Démétrius de Phalère, et que ce ne fut qu'avec peine que celui-ci 
parvint à s'enfuir dans un pays voisin. Si le fait est exact, il ne peut s'être passé que lorsque Démé- 
trius se rendit de Thèbes en Égypte; mais il est plus probable qu'il y a ici confusion de noms, 
et qu'il s'agit, non pas du Phalérien, mais d'un autre Démétrius. 


76 MÉMOIRE 


Ptolémée prenait de sages mesures pour consolider son pouvoir; il 
cherchait surtout à l’asseoir sur la base la plus solide, l'affection du 
peuple. Il ne négligea donc aucun des intérêts de la nation. Le commerce 
florissait sous son règne et répandait sur ce pays l'abondance et les 
richesses. L'État jouissait de vastes revenus, dont Ptolémée faisait l’usage 
le plus noble. Les ouvrages d'utilité publique, aussi bien que les monu- 
ments d'art, se multipliaient sur le sol de l'Égypte. Outre ses temples 
magnifiques, Alexandrie avait ses théâtres, ses musées, ses gymnases et 
enfin son Phare, qui bientôt allait s'achever. Aussi Ptolémée semblait-il 
faire revivre la vieille Égypte de Rhamsès ou de Sésostris. IL consacrait 
encore des sommes immenses aux fêtes populaires et religieuses. Ces fêtes, 
qui se célébraient avec une pompe inouïe, attiraient à Alexandrie une 
foule immense , et avec elle de grandes richesses. 

Mais le point caractéristique du règne de Ptolémée, c’est l'asile que 
trouvaient à l'ombre de son trône les lettres, que les révolutions chassaient 
loin du sol de la Grèce. Lui-même s’exerçait dans l’art d'écrire, et composa 
sur les exploits d'Alexandre une relation très-estimée !. Sa cour était le 
rendez-vous de tous les savants; comme Alexandre, il aimait surtout à 
s’entourer de philosophes ?. Aussi, pendant son séjour en Grèce, enga- 
geait-il tous les sages de ce pays à le suivre en Égypte; et ceux-là même 
qu'il ne put y attirer, eurent à se louer de ses libéralités. Théophraste, 
avant tous, jouissait de son estime particulière. 

Tels sont les traits principaux que les historiens nous ont tracés du 
règne de Ptolémée Lagus 5 ; ces traits, à part la différence des peuples et 
des constitutions, ne sont-ils pas ceux de l'administration de Démétrius de 
Phalère? Cette analogie des deux règnes, cette identité de caractères et de 
vues, nous expliquent le bienveillant accueil que Démétrius reçut à la 
cour d'Alexandrie ; ils nous expliquent aussi la grande influence que ses 
conseils exercèrent sur les actes du roi. Si Ptolémée aimait à s’entourer 


! Arrian., PrϾf. Exp. Alex. 
2 Cf. Humfred Hody, c. IX, $ 6. 


5 Cf. Matter, Ess. hist. sur l'école d'Alex., 4"° partie, ch. I. Cantu, Hist. univ., 1. HI, p. 22, ed. 
Brux. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 77 


de tous les savants, de philosophes même médiocres, s’il les recevait à sa 
table, s’il les logeait dans ses palais, combien ne devait-il pas se féliciter 
de recevoir dans son intimité Démétrius de Phalère, qui aux titres de 
savant, de philosophe et d’orateur réunissait celui d'homme d’État dis- 
tingué? Enfin, de quelle utilité les conseils de Démétrius ne pouvaient-ils 
pas être au roi Ptolémée, dont il partageait les goûts et les idées? 

Aussi Démétrius de Phalère devint-il le favori du prince et fit-il de l'É- 
gypte sa seconde patrie. Il passait sa vie dans l'abondance, et envoyait 
de nombreux présents à ses amis d'Athènes 1. On peut supposer que ce 
fut à la cour des Lagides qu’il composa une grande partie de ses ouvra- 
ges ?. Il ne renonça pourtant pas entièrement à la vie publique; car, selon 
Hermippe ®, Ptolémée en faisait son conseiller habituel, et Élien # ajoute 
qu'il le préposa à la législation, ce qui veut dire sans doute qu’il le 
chargea de faire la révision des anciennes lois 5. 

D'après ce que nous avons dit de la carrière de Démétrius de Phalère, 
de ses connaissances variées, de ses idées politiques, il est évident que 
Ptolémée, eu égard au but qu’il voulait atteindre, ne pouvait pas confier 
la révision des lois à un législateur plus habile. 

Personne mieux que Démétrius ne pouvait donner à l'Égypte des lois 
qui, tout en consolidant le bien-être du peuple, en rapprochant de plus 
en plus le vainqueur et le vaincu, devaient sanctionner l'autorité royale 
et affermir sur le trône la dynastie qui venait d’y monter. 

L'influence que Démétrius de Phalère exerçait à la cour de Ptolémée, 
devait donc être grande; mais nous ne connaissons qu'une circonstance 
où elle se manifesta surtout : nous voulons parler de la part qui revient 
au Phalérien dans la création de la bibliothèque d’Alexandrie. 

‘ Plut., de Exil., c. 7 (Moral, t. IV, p. 124, ed. Tauchn.). Les paroles de Cicéron, de Fin., 


LV, c. 19, $ 54: Multa præclara in illo cauawrroso otio seripsit, ne contredisent pas l'assertion 


de Plutarque. Cicéron veut dire simplement que les loisirs de Démétrius étaient l'effet de l'exil. 
Diog. Laert., V, 78. 


2 Cf. Cicer., I. 1. 

3 Hermipp., ap. Diog. Laert., V, T8: xaxet ypérey inavèy diarpiBoyra ouulovActes rw Tirokeuzis 7pù 
rôle AK xai… 

+ Var. Hist., IN, 17 : xai éy Aiyôrro dÙ, ouvèy +@ Nrokcuaio, vouoSeoixs ypËe. 

5 Cf. Matter, Ess. sur l'école d'Alex., 1'* partie, ch. I, sec. I, $ 2, note. 


78 MÉMOIRE 


Sans entrer dans tous les détails que demanderait cette question, nous 
nous bornerons à examiner brièvement les deux points suivants : La 
création de cette bibliothèque remonte-t-elle au règne de Ptolémée 1? 
L’honneur de cette création revient-il entièrement à Démétrius de Pha- 
lère? 

Tous les auteurs qui croient au témoignage d’Aristée (hist. LXX interpr.), 
rapportent à Ptolémée Philadelphe l'érection de cette bibliothèque !. 
Mais, quoi qu’il en soit de l'autorité d’Aristée, dont nous dirons un mot 
plus tard, cet écrivain ne renferme aucune donnée positive sur laquelle 
ils puissent se fonder. Il semble même, en plusieurs passages, se pro- 
noncer pour l'opinion contraire. C’est ainsi qu’il dit que Démétrius, ayant 
été nommé inspecteur de la bibliothèque, s’efforça de rassembler les ou- 
vrages répandus sur tous les points du globe ; c’est ainsi encore qu’il fait 
dire à Démétrius que le roi lui a donné l’ordre de compléter la bibliothèque 
par l'achat de livres nouveaux et de réparer les dommages que pouvaient 
avoir soufferts les livres déjà achetés ?. Ces passages ne semblent-ils pas 
indiquer que la bibliothèque existait bien avant le moment où Démétrius 
en fut nommé intendant, avant le règne de Philadelphe, sous lequel se 
seraient passés les faits rapportés par Aristée? 

Cette thèse a d’ailleurs pour elle des preuves plus puissantes. Nous 
n’en citerons que quelques-unes. Suidas nous dit positivement que Zé- 
nodote d’Éphèse vivait sous Ptolémée [, qu’il fit la première recension 
des poésies d’'Homère et fut inspecteur de la bibliothèque d’Alexandrie 5. 
Ce témoignage n’est nullement contredit par celui de Callixène de Rhodes, 
cité par Athénée *; Ptolémée Philadelphe admet les savants au Musée et 


1 Inutile de réfuter ici les erreurs commises par Vitruve et Scaliger relativement à l'époque 
de la fondation de cette bibliothèque. Cf. Matter, Ess. hist. sur l'école d'Alex., t. X, p. 42, Bonamy, 
Mém. de l'Acad. des inscript., t. IX, p. 398. 

2 Cf. Humf. Hody, Contra hist. Arist., e. IX, $ 7. 

3 Zyvédoros , 'Egéoios…… êri TiroAcuaiou yeyovdç Tod rpérou, à ai rporo Toy ‘Ohpou dopwrÿs Éyé- 
vero nai roy &y AAcEavdpeia BB Syxdy æpouory nai Toûs raïdas Troïeuaiou éraideucey. Cf. Roulez, Hist. 
de la litt. grecq., sect. IV, p. 18; sect. XXXV, p. 156; Matter, Ess. sur l'école d'Alex., t. 1, p. 81; 
Periz., ad Æl. V. H., UE, 17. 

4 L. V, p. 205 : Hepi dè BiBliwy rAfSous, xai BiBloSyxüy naTuoxeuñc, nai Tic sis Tà Mouogloy ouva- 
voyis, vi dE ka Aéyew, räoi rouruy Grey narà myhuy; Le mot xaraoxeiy, qu'on a traduit par 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 79 


ajoute des livres à la bibliothèque, voilà la pensée de cet écrivain. La seule 
conclusion que nous puissions en tirer, c’est que le fils marcha sur les 
traces du père, qu’il acheva l’œuvre que celui-ci avait si glorieusement 
commencée. 

Une seconde autorité que nous pouvons invoquer, c’est celle de Plu- 
tarque, qui semble aussi se prononcer en faveur de notre opinion !. Enfin, 
d’après ce que nous avons dit des goûts relevés de Ptolémée Soter, des 
connaissances littéraires qu’il possédait lui-même, on ne peut douter qu’il 
n'ait fondé la bibliothèque aussi bien que le musée, et qu’il ne s’efforçt 
d’attirer à Alexandrie les livres, comme il y avait attiré les savants. 

Nous ajouterons un dernier passage de Plutarque, qui confirme ce que 
nous venons de dire, et nous indique en même temps quelle fut la part 
que prit Démétrius à l'œuvre dont il s’agit : Démétrius de Phalère, dit- 
il, donna au roi Ptolémée le conseil de s’entourer d'ouvrages de poli- 
tique et d'histoire, pour y apprendre des vérités que ne lui diraient pas 
les courtisans ?. Ce passage ne peut s'entendre que de Ptolémée Lagus ; 
car, s’il est un fait bien établi, c’est que Démétrius fut le conseiller du 
premier des Lagides et qu'il fut exilé par le second 5. Il est vrai que 
Ptolémée Lagus abdiqua vers la fin de l’année 284, et qu’il ne mou- 
rut qu’au commencement de l’année 281 avant Jésus-Christ . Comme 
ce ne fut qu’à cette dernière époque que Démétrius de Phalère fut exilé 
et que les deux Ptolémées se partagèrent le pouvoir pendant deux ans, 
on a invoqué cette circonstance pour concilier le témoignage d’Her- 
mippe avec celui d’Aristée 5. On sait que ce dernier place sous Ptolémée 


fondation, ne signifie ici qu'acquisition. Cf. Matter, Ess. hist. sur l'école d'Alex., t. 1, p. 45. 
Callixène ne fait done ici que confirmer ce qu'Aristée, Philon le juif, Josèphe et une foule d'écri- 
vains chrétiens, ainsi que Vitruve et Ammonius, nous rapportent du règne du Philadelphe. Cf. 
Humfr. Hody, L c., e. IX, $ 7. 

! Non posse suav. viv. sec. Epic. ( Mor.., t. VI, p. 196, ed. Tauchn) : & d Troxcuæios 5 para, 
ouvæy ayày à Movcsks, ».r.3, Sur la ponctuation de ce passage, v. Périzon., L. 1. 

? Plut., Apophth. reg. et imp. (Moral. t. I, p. 48, ed. Tauchn.). 

5 Hermipp., ap. Diog. Laert., V, 78. 

* Champoll., Ann. des Lagides, t. 1, p. 40. Porphyr., in fragm. ap. Scal., Euseb., ec. 95. 

5 Ger. Vossius, de Hist. Græec., |. 1, c. XW. Isaac Vossius, de LXX interpr., c. Il. Petau, Chron. 


80 MÉMOIRE 


Philadelphe la grande influence que Démétrius de Phalère exerçait à la 
cour des Lagides. Mais, à part l’invraisemblance qu’il y aurait à supposer 
qu’un prince qui donna un asile aux lettres dès les premiers jours de 
son règne, aurait reculé la création de la bibliothèque jusqu’à la 41° 
année de ce même règne, il nous semble qu’Aristée lui-même veut réfuter 
d'avance l'opinion dont nous venons de parler. Aristée ne mentionne pres- 
que jamais Ptolémée I ; ce prince ne joue aucun rôle dans les faits qu'il 
rapporte. Quand il parle des premières années du règne de Philadelphe, 
il les place dans un passé déjà éloigné 1. Enfin, si l’érection de la biblio- 
thèque et la version des Septante tombaient sous le règne commun des 
deux Ptolémées, comment concilier Aristée avec Suidas? Comment le grand 
prêtre Éléazar, dans sa lettre au roi Philadelphe?, pourrait-il parler de l’é- 
pouse et des enfants de ce prince, lorsque nous savons que Zénodote d’'É- 
phèse fut bibliothécaire d'Alexandrie et précepteur des fils de Ptolémée 5? 

L'opinion que nous combattons ne peut donc nullement se concilier 
avec l'ouvrage d’Aristée, et c’est pourtant pour justifier cet ouvrage qu'on 
l'a émise. 

C’est donc à Ptolémée I que la bibliothèque d'Alexandrie doit son ori- 
gine. L'idée de cette bibliothèque devait venir naturellement à ce prince 
ami des lettres, et le conseil de Démétrius ne pouvait que hâter l’exé- 
cution d’un projet qu’il avait déjà conçu; ce conseil , d’ailleurs, ne portait 
que sur une certaine classe d’écrits. Ce qui nous fait croire encore que 
tout l’honneur de cette création ne revient pas à Démétrius de Phalère, 
c'est que l'Égypte, qui avait toujours brillé dans les sciences, pouvait 
fournir au Lagide des exemples d’établissements du même genre ‘. Nico- 


reform. I, 441. Just. Lips., de Biblioth., I. D. Petav., Animadw. in Epiph. de mens. et pond., p. 378. 
Cf. Bonamy , Mém. de l'Acad. des inscript., t. IX, p. 399. 

1 Voir d’autres preuves dans Humfr. Hody, Contra hist. Arist., c. VII. 

2 Humfr. Hody, ibid., c. VII, 5. 

5 Suidas, Lexic., v. Zyvédbroc. 

4 Diod. Sie. I. IE, e. 47. Eustath., ProϾm. in Odyss. Just. Lips., Synt. de biblioth., e. I. Cf, Matter, 
Ess. sur l'école d'Alexæ., Paris, 1820, t. 1, p. 49. Bonamy, Mém. de l'Acad. des inseript., & WX, 
p. 400. Humfr. Hody, c. IX, $ 6. D'après Strabon (Geogr., XIE, cap. I, t. IE, p. 124, ed. Tauchn.), 
c'est Aristote qui aurait enseigné aux Lagides l’art d'établir des bibliothèques. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 81 


crate de Chypre, à l'exemple de plusieurs autres tyrans, avait aussi ras- 
semblé une bibliothèque ?. Il ne serait donc pas étonnant que Ptolé- 
mée I, après avoir fait la conquête de l’île de Chypre ?, se fût emparé 
de cette collection et l’eût fait transporter à Alexandrie. 

Si Démétrius de Phalère n’eût pas la première idée du projet, du moins 
il contribua puissamment à l’exécuter. Ce fut lui qui présida au choix et 
à l'acquisition des livres %: ér, il avait toutes les connaissances nécessaires 
pour s'acquitter dignement de la tâche qu’on venait de lui confier. Les pre- 
miers ouvrages sur lesquels tomba son choix furent sans doute ceux des 
anciens poëtes et philosophes de la Grèce. Démétrius ne s’en tint pas là : 
à son invitation, tous les peuples de la terre contribuèrent à enrichir la 
nouvelle bibliothèque #. Si l’on en croit Aristée , il aurait même fait tra- 
duire en grec les livres sacrés des Hébreux. 

Cette assertion d’Aristée a soulevé d’interminables discussions et enfanté 
des volumes; nous ne pouvons donc pas l’examiner sous toutes ses faces : 
qu’il nous suffise d’en dire quelques mots. 

La plupart des critiques modernes rejettent absolument l'histoire de 
la version des Septante, telle que nous la rapportent, avec quelque diversité, 
Aristée, Josèphe, Philon, saint Justin, saint Irénée, saint Épiphane, etc.; 
d’autres admettent le fond du récit, qu’ils distinguent soigneusement des 
fables qui l'entourent. On n’est pas d’accord non plus sur le temps où 
cette version a été faite; les uns la font remonter jusqu’au règne de Pto- 
lémée Lagus 5, d’autres la placent sous le règne de Ptolémée Philadel- 
phe 5; selon quelques-uns même, elle serait moins ancienne encore 7. 
Enfin, le père Petau, Riccioli, Gérard et Isaac Vossius, Bonamy, etc., 


‘ Athen., L. F, sect. IV. 

? Diod. Sie. , 1. XIX, 79. Plut., Dem., 5. Paus., Att., VII, 8. 

5 Matter, 1. 1. Humfr, Hody, 1. 1. 

+ Matter, ibid.. p. 52. Bonamy, I. L., p. 401. 

5 Iren., Adv. haer., 1. HE, €. 25. Clem. Alex., Stromat., 1. I. 

6 Joseph., Antig. jud., 1. XI, e. 2; Contr. Apion., e. 2. Arist., |. 1. Philon., de Vit. Mos., 1. IL. 
Div. Epiphan., de Pond. et mens. Div. Aug., de Civit. Dei, 1. XVHI, c. 42. Tertull. Apol., e. XVIII, 
XIX. Euseb., Hist. eccles., 1. VI, ce. 26; PrϾp. ev., 1. VI, e. 1, etc. 

7 Bochart, de Anim. sacr., 1. I, e. 18. Usser., Synt. de LXX interpr. 

Tome XXIV. 11 


82 MÉMOIRE 


cherchent à concilier les deux premières opinions de la manière que nous 
avons indiquée f, 

Quoi qu’il en soit, l'ouvrage d’Aristée, qui a donné naissance à tant de 
conjectures, est une fiction manifeste, Tous les personnages qu'il met en 
scène, Ptolémée, Démétrius, Sosibius, André, parlent et agissent en juifs. 
Ptolémée Philadelphe et Démétrius, dont les mœurs nous sont assez con- 
nues, il nous les représente pleins de sentiments religieux, pleins de zèle 
pour la loi de Dieu, et donnant l'exemple de toutes les vertus. Le dernier 
a surtout tant de respect pour les livres sacrés des Hébreux, qu'il appelle 
les malédictions du Ciel sur limpie qui oserait y faire le moindre change- 
ment; il n'hésite pas à dire que la loi des Juifs est toute divine, et que c’est 
à cause de ce caractère divin que ni les poëtes ni les historiens profanes 
n’en ont osé rien insérer dans leurs écrits ?. Quant au roi Philadelphe, à 
la vue des livres sacrés, il demeure immobile, saisi d’un saint respect; 
revenu de sa première émotion, il les adore sept fois et les arrose de ses 
larmes 5. 

11 en est de même du caractère littéraire de ces personnages. Dans les 
lettres qu’Aristée nous présente comme authentiques, Ptolémée, Démétrius 
et Éléazar se servent du même style, et celle de Démétrius de Phalère n'a 
rien de cette pureté et de cette élégance qui distinguaient les écrits du 
disciple de Théophraste. 

Enfin le caractère sous lequel Aristée lui-même nous apparaît dans 
cette histoire, nous fournit une nouvelle preuve contre elle. Prétendu 
garde du corps du roi, gentil de naissance et de religion, il se trahit sans 
cesse; à chaque page, il nous prouve qu’il est juif zélé, qu'il fut élevé parmi 
les Hébreux, qu'il est plein d’ardeur pour propager le culte du vrai Dieu. 

Cette origine d’Aristée nous explique le caractère de son ouvrage; on 
sait combien les Juifs, depuis la captivité de Babylone, donnaient dans les 


4 Petau, Chron., ann. 284, et dans les notes sur le livre de saint Épiphane. Gérard Vossius, 
de Hist. Græc., 1. 1, e. XIL Isaac Vossius, de LXX int., ce. I et I. Riccioli, Chron. reform., t. I, 
1.111, ce. VE. Bonamy, |. L. 

2 Cf. Humfred Hody, e. XVI, 1; XVII, 5. Suffridi Petri Oration. quinque, Basil. (sans date), 
pp. 125, 126, 312. 

5 Cf. Humfr. Hody, c. XVIIL, 6. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 83 


romans religieux ! : c'est cette tendance générale de sa nation qu’il repro- 
duit fidèlement. De là le merveilleux qui plane sur le fait qu’il rapporte; 
de là les invraisemblances et les anachronismes qui fourmillent dans son 
ouvrage. 

Le nombre des volumes que Démétrius aurait amassés, les sommes 
immenses que Philadelphe aurait dépensées pour faire traduire les livres 
des Juifs, la fête qu’il aurait instituée pour célébrer le jour où il reçut ces 
livres, la victoire navale qu’il aurait, le même jour, remporté sur Anti- 
gone ?, tous ces faits, ainsi qu’une foule d’autres que mentionne Aristée, 
tiennent visiblement de la fable. Inutile d’énumérer toutes ces invraisem- 
blances : Dupin, Louis Vivès, Alph. Salméron, Scaliger, Henri de Valois, 
Humfr. Hody, Bellarmin et d’autres se sont assez étendus sur ce sujet 5. 

Si la tradition sur la version des Septante est entourée de circonstances 
fabuleuses, d'exagérations orientales, rien cependant ne prouve la fausseté 
du fait en lui-même. Il restera toujours vrai qu’il se fit une traduction 
grecque des livres sacrés du temps des Ptolémées #, et que nous la possé- 
dons encore, puisque c’est elle que citent les apôtres et les Pères. On ne 
peut pas douter non plus que cette version ne fût aussitôt mise dans la 
bibliothèque d'Alexandrie, vu la passion des Ptolémées pour enrichir de 
plus en plus cette bibliothèque. Ces faits sont certains; mais quelle est 
l'époque précise où cette version fut faite? Démétrius de Phalère y con- 
tribua-t-il? Ce sont là des questions auxquelles on tenterait en vain de 
donner une solution positive. Si les livres des Hébreux furent traduits 
sous Ptolémée Philadelphe, comme on le croit généralement, Démétrius 
ne pouvait nullement y contribuer, à moins qu’on ne suive l'opinion de 
Vossius Ÿ dont nous avons déjà parlé. Cette opinion nous a paru inad- 
missible, pour ce qui regarde l'érection de la bibliothèque Alexandrine ; 


1 Cf. Prideaux, Hist. des Juifs, t. III, p. 35 suiv. 

2 Cf. Humfr. Hody, e. XI. 

5 Dupin, Dissert. prél. sur la Bible, ch. HI. Louis Vivès, än libr. 18 de Civit. Dei, e. IV. Salméron, 
Prol. 6 in libr. novi Test. Scaliger, in notis ad Eus. chron. Henri de Valois, Anim. in Eccl. hist., 
1. V,c. 8. Humfr. Hody, |. 1. 

4 Cf. Matter, Essai hist., ete., t. 1, p. 74 et suiv. 

3 Cf. Vossius, de Hist. Græc., 1. 1, e. XII. 


84 MÉMOIRE 


mais rien n'empêche de l’admettre ici. Si elle n’est pas appuyée sur des 
preuves décisives, rien non plus n’en démontre la fausseté. Nous ne vou- 
lons pas la baser sur l'autorité d’Aristée 1; mais nous invoquerons en sa 
faveur un passage d’Eusèbe, où Anatole, parlant d’Aristobule, s'exprime 
ainsi : 6 & Taie édaunroyta aTeeyuéyos TO Ts iepas nai Deus Efcaæicy ÉphnVEVGaTt 
papas re To Pod rai TO TaÜTOY ratpi, nai (B:Bous éEmynruis Tod Muséws véuou 
Tois auTcis R poeme Bañeïsw ?, Quoi qu'il en soit d'Aristobule, de sa patrie, 
de son âge, de ses actes 5, ce passage prouve cependant que, suivant Ana- 
tole, la version des Septante a été faite du temps où Ptolémée Philadelphe 
partageait le trône avec son père. Ce qui rend probable encore la conjec- 
ture de Vossius, c'est qu’elle seule peut concilier le plus grand nombre 
des écrivains chrétiens avec saint Irénée et saint Clément d’Alexandrie. 
Ces deux derniers puisent toujours aux bonnes sources, et ne peuvent pas 
avoir affirmé, sans motifs concluants, que la version des-Septante fut faite 
sous Ptolémée Soter. 

Si l’on admet l'opinion dont nous venons de parler, Démétrius de 
Phalère, intendant de la bibliothèque d'Alexandrie, doit nécessairement 
avoir participé au mémorable travail des Septante; il peut avoir conseillé la 
traduction des livres sacrés; il peut avoir présidé à cette traduction; en 
un mot, ce qu'Aristée et d’autres écrivains nous disent sur ce sujet, peut 
renfermer autre chose que des fictions. Mais, au milieu de tant d’invrai- 
semblances, au milieu de tant de contradictions, il est impossible de dé- 
mêler le vrai du faux. Nous dirons donc, avec Matter, qu’on aurait tort 
d'affirmer des faits que l’histoire littéraire a laissés indécis. 

Cette même indécision règne sur le nombre des volumes que Démétrius 
aurait réunis dans la nouvelle bibliothèque. Selon Josèphe, le roi Phila- 
delphe ayant demandé à Démétrius de combien de volumes se composait 
la bibliothèque, celui-ci lui aurait répondu que le nombre des volumes 


1 Nous venons de voir que, dans plusieurs passages , Aristée se prononce contre l'opinion de 
Vossius, et que pourtant cette dernière opinion n’a été mise en avant que pour concilier les asser- 
Lions d'Aristée avec celles d'Hermippe. 

2? Euseb., Hist. eccles., 1. VIE, c. 26. Cf. G. Vossius, 1. 1. 

5 Humfr. Hody, c. X. 

+ LL p: 85. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 85 


s'élevait à 200000 et qu'il espérait le porter bientôt à 500000. Saint 
Épiphane !, qui rapporte la même demande du roi Philadelphe, ne men- 
tionne que 54800 volumes. Cédrénus ? croit même que Philadelphe 
possédait 100000 volumes d'ouvrages traduits. Eusèbe5, d’un autre côté, 
dit que la bibliothèque comprenait 100000 volumes à la mort de Phila- 
delphe. D’autres auteurs donnent d’autres chiffres encore #. 

Tout ce que nous pouvons conclure de ces citations, c’est que le nom- 
bre des volumes n'était pas connu, mais qu’il était considérable. C’est 
sans doute au zèle dont Démétrius fit preuve dans la tâche qu'il s’était 
imposée , qu’on doit attribuer ce rapide accroissement de la bibliothèque 
d'Alexandrie. 

C'est au séjour que Démétrius fit en Égypte que se rattache une autre 
fable. On dit qu'ayant perdu la vue, Sérapis la lui rendit. Il chanta cette 
guérison miraculeuse dans des péans très-renommés ©. Du reste, il rap- 
portait des prodiges du même genre dans son Traité sur les songes 5. 

Ce fait nous prouve combien Démétrius savait entrer dans les vues de 
Ptolémée I. Comme ce dernier, il s’efforçait de conserver vivace dans 
l'âme des Égyptiens le sentiment religieux qui faisait le fond de leur 
caractère. Alors, comme aujourd'hui, la religion seule pouvait élever un 
peuple et le maintenir dans ses devoirs. Ptolémée et Démétrius de Phalère 
avaient compris cette grande vérité. Tous deux, ils favorisaient la religion 
populaire. Ce fut Ptolémée I qui envoya chercher dans le Pont la statue 
de Jupiter , statue qui devint si célèbre sous le nom de Sérapis. Un temple 
magnifique, le Sérapéon, fut élevé à ce dieu nouveau, dont le culte l’em- 


* De mens. et pond., $ 9. 

2 L. XXI. 

5 In chron., p. 66. 

+ Cf. Matter, ibid., p. 52 suiv. Bonamy, Mém. de l'Acad. des inseript., t. IX, p. 401. 

Il est facile de voir combien tous ces chiffres sont exagérés, quand Aulu -Gelle (1. VI, €. 17) 
ne compte que 700000 vol. dans cette même bibliothèque, lorsqu'elle fut brûlée sous Jules-César. 
Si Sénèque (de Trang. animi, e. 9) ne semble y mettre que 400000 vol., c'est qu'il ne parle que 
de l'ancienne bibliothèque du quartier Bruchion, tandis qu'Aulu-Gelle comprend aussi dans le 
chiffre qu'il indique, les 300000 vol. du Sérapéon. 

5 Diog. Laert., V, 76. 

6 Artemidor., l. If, c. 44, p. 298, ed. Reiff. 


86 MÉMOIRE 


porta bientôt sur celui des anciennes divinités. Démétrius exalta dans ses 
péans les bienfaits qu’il avait reçus de Sérapis, et édifia le peuple par le 
récit des prodiges qu'avait opérés ce dieu, dont la statue était pour 
l'Égypte un gage de gloire et de prospérité !. 

C'est ainsi que Démétrius consacrait au bien-être de r Égypte et au culte 
des Muses les loisirs qu’il devait à l'exil. De nouveaux malheurs ne tar- 
dèrent pas à fondre sur lui. Ptolémée I, son ami et son protecteur, abdiqua 
l'an 284 avant Jésus-Christ *. Déjà avancé en âge et voulant assurer à sa 
dynastie le trône qu’il avait conquis par les armes et affermi par la sagesse, ce 
prince, qui disait qu’il était plus glorieux d’être père d’un roi que de régner 
soi-même Ÿ, résolut de céder la couronne à l’un de ses enfants. Il avait 
trois fils : l'aîné, Céraunus, était né de la reine Eurydice, fille d’Antipater ; 
les deux autres, Philadelphe et Argæus, devaient le jour à Bérénice, qui, 
simple Macédonienne et suivante de la reine, avait remplacé celle-ci dans 
l'amour du roi # De même que Ptolémée avait préféré cette seconde femme 
à la première, de même il préférait Philadelphe à Céraunus. C'était un de 
ces deux princes qu’il devait désigner pour son successeur. Comprenant la 
gravité de la circonstance, il demanda conseil à ses amis. Démétrius de 
Phalère s’efforça en vain de faire désister le roi de son projet. Voyant que 
la résistance était inutile, il se prononça pour Céraunus ÿ. Ge conseil était 
sage; il était conforme à la naissance du jeune prince aussi bien qu'à 
l'usage des peuples 5, et devait garantir le pays des maux que pouvait lui 
attirer le choix de Philadelphe 7. Ptolémée cependant ne se rendit pas à 
ce conseil. Portant une affection particulière au premier-né des enfants de 


1 Tacite, Hist., 1. IV, c. 83 et 84, raconte avec détail ce qui engagea Ptolémée à faire deman- 
der cette statue aux habitants de Sinope, et comment, après le refus de ces derniers, elle s'em- 
barqua d'elle-même et aborda en Égypte. 

2 Champollion, Ann. des Lagid., 1.1, p. 384. 

5 Cantu, Hist. univ., ed. Brux., t. Il, p. 24. 

4 Paus., LE, c. VI, $ 8. 

5 Hermipp. et Heraclid., ap. Diog. Laert., V, 78 et 80. 

6 Justin., l. XVI, c. 2, dit que le choix de Philadelphe était contra jus gentium. 

7 Céraunus se retira auprès de Lysimaque, roi de Thrace, espérant que celui-ci le rétablirait sur 
le trône où l’appelait l'ordre de primogéniture. Cf. Mannert, Gesch. der unmitt. Nachf. Alex. 1. WI, 
e. V, p. 297. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 87 


Bérénice, il le préféra à Céraunus. Le désir de faire réussir cette succes- 
sion irrégulière était sans doute le principal motif de son abdication. Ce 
choix décida de la perte de Démétrius , et l'événement qui devait la hâter 
ne tarda pas à s’accomplir. Ptolémée Lagus mourut vers la fin de l’année 
282 avant Jésus-Christ !; et Philadelphe, qui n’attendait que ce moment 
pour se venger du conseil que le Phalérien avait donné à son père, le 
relégua dans une province éloignée, en attendant qu’on eût statué sur son 
sort. Ce fut dans ce lieu d’exil, dans le nome de Busiris, près de Diospolis, 
qu’il traîna quelque temps encore une vie languissante, jusqu’à ce que la 
morsure d’un aspic mît fin à ses malheurs. Il fut enterré dans ce même 
nome de Busiris ?. 

Cette mort fut-elle le résultat d'un ordre du roi, d’un suicide ou d’une 
circonstance fortuite? Le passage d'Hermippe : perà vw exe rer 5£u5Sy 
npèç toûtou napaguhitren do & tn jupe péype te déËe mepi «drob, xrà. 5, et les mots de 
Cicéron : aspide ad corpus admota, vita esse privatum *, me s'opposent pas 
à ce qu’on l’attribue à une sentence royale; d’un autre côté, le lieu de 
son exil et la triste vie qu’il y mena Ÿ, feraient penser à un suicide .6 
Mais si les auteurs que nous venons de nommer avaient voulu parler 
d’un ordre du roi ou d’un suicide, ne se seraient-ils pas exprimés plus 
clairement? Nous admettons donc l'interprétation la plus simple et la plus 
naturelle : la mort de Démétrius fut l'effet d’un de ces accidents qui de- 


1 Champ, tbid., t. Il, p. 12. 

? Diog. Laert., v. 78. Suidas se trompe en plaçant cet événement sous le règne de Soter; pour 
le reste , il se sert des expressions mêmes de Diog. de Laërte, avec cette différence qu’il détermine 
mieux la ville de Diospolis par ces mots : ayoiy +2 awoæéneux +ÿ; ê» vols &hem. Ce n’est done pas 
la grande Diospolis, mais une autre ville du même nom près de Léontopolis et de Busiris. Cette 
ville était arrosée par le Nil et entourée de lacs et de marais. Cf. Ptolem., 1. IV, c. 5, $ 52; Strab., 
1. XVIE, e. 1 (t. HE, p. 440, ed. Tauchn.); Pline, 1. V, e. IX et X. 

5 Diog. Laert., L |. 

+ Pro Rabir., 9. 

5 Suidas : & +@ Boucipiry vouÿ, rAyrioy AnoréAeux, th; € vois hear. Diog. Laert., 1. 1. : é&rxù9x 
dSuuérepor dijye. 

& Pour admettre cette idée, Bonamy, Mém. de l'Acad. des inscript., t. VI, p. 177, s'appuie 
sur le passage de Cicéron (pro Rab., 9) que nous venons de citer; mais ce passage ne dit pas ce 
qu'on lui fait dire. D'ailleurs, comment pourrait-il concilier avec cette opinion les mots de Diog. 
de Laërte, 1. 1. : xaf max drvérrar dr doridos……? 


88 MÉMOIRE 


vaient se présenter souvent dans les endroits marécageux où il passa ses 
derniers jours. 

Telle fut la triste fin de Démétrius de Phalère. L'Égypte cependant 
avait semblé lui réserver le plus bel avenir. Un monarque, protecteur des 
lettres, qui aimait et recherchait les poëtes, qui discutait avec les philo- 
sophes , qui ne cherchait qu’à s’entourer de livres et de littérateurs, voilà 
l'ami qu'il fallait à Démétrius de Phalère. La monarchie, et près d’elle le 
musée et la bibliothèque, les savants et les livres, voilà l'atmosphère du 
disciple de Théophraste, bien plutôt qu’Athènes avec ses idées de démo- 
cratie, de liberté et d'indépendance. Mais le malheur l'avait suivi dans ce 
nouveau séjour; courtisan d’un roi, il succomba aux dangers qui s’atta- 
chent à ce métier, où la disgrâce est si près de la faveur. Un mot suffit 
pour perdre Démétrius. Exilé de la Grèce , voyant son nom flétri dans le 
pays qui lui avait donné le jour et élevé 360 statues, il fut encore exilé 
par une cour ingrate, à laquelle il n’avait rendu que des services, et mourut 
dans l'isolement, loin d'Athènes, loin d'Alexandrie, dans un lieu désert, 
sous la garde de quelques soldats barbares. 

Dès les premiers pas de la vie, il se fourvoya dans la route. À peine 
sorti de l’école de Théophraste, il se lança: dans la carrière politique, 
imbu des principes de l’école péripatéticienne : À Theophrasto doctus , mira- 
biliter doctrinam ex umbraculis eruditorum otioque non modo in solem atque 
pulverem, sed in ipsum discrimen aciemque produæit 1. Mais alors, pas plus 
qu'aujourd'hui, les peuples ne se laissaient gouverner ni par les spéculations 
des philosophes, ni par les rêves des poëtes ; aussi Démétrius prouve-t-il 
par son exemple que ces derniers ne peuvent prendre en main le timon 
des affaires sans renverser le char de l’État, ou sans être eux-mêmes 
écrasés par lui. En faveur de cette assertion, nous invoquerons le témoignage 
du prince philosophe, qui doit être ici d’un si grand poids. « Que je 
» fais peu de cas, dit Marc-Aurèle, de ces petits politiques qui prétendent 
» qu’on peut faire mener à tout un peuple une vie de philosophe! Ce ne 
» sont que des enfants. O homme! quelle est ton entreprise? Fais de ta 


1 Cicer., de Leg., 1. IT, c. VI, 44. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 89 


» part ce que la raison demande. Tâche même, dans les occasions, d’y 
» ramener les autres, pourvu que ce soit sans ostentation. Mais ne compte 
» pas pouvoir jamais établir la république de Platon. Sois content, si tu 
» parviens à rendre les hommes tant soit peu meilleurs : ce ne sera pas 
» peu de chose. Quelqu'un pourrait-il changer ainsi les opinions de tout 
» un peuple? Mais, sans ce changement, que feras-tu? Des esclaves qui 
» gémiront de la contrainte où tu les tiendras, des hypocrites qui feront 
» semblant d’être persuadés? 

» Va donc et me parle maintenant du pouvoir absolu d'Alexandre , de 
» Philippe, de Démétrius de Phalère !. Je ne sais s’ils ont cultivé leurs 
» propres mœurs; mais, s'ils n’ont fait que du bruit sur la scène du 
» monde, je ne suis pas condamné à les imiter. 

» La philosophie agit d’une manière simple et modeste. N’espère pas 
» réussir à me jeter dans une gravité aflectée ?. » 


CHAPITRE III. 


DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE CONSIDÉRÉ COMME ÉRUDIT. 


Nous avons exposé dans les deux chapitres précédents, suivant le plan 
que nous avons développé et d’après le peu de renseignements que nous 
possédons , la carrière politique et oratoire de Démétrius de Phalère, ou 
ce qu’on peut appeler le côté pratique de sa vie. Nous allons maintenant 
l'étudier comme érudit et comme philosophe, c’est-à-dire sous le rapport 
théorétique. C’est sous le point de vue de l’érudition que nous commen- 


! La traduction de Joly (Moralist. anciens, Paris, 1841, ed. Charpent., p. 295), que nous 
transcrivons ici porte: et des leçons de Démétrius ; mais le mot leçons n’est pas dans le texte grec, 
qui dit simplement : ÿraye vùv, xai ‘AAEaydhoy, tai Déurroy, xai Ayurpur rèy dalypéx moi DÉe. 

? Marc. Ant., Comm., 1. IX, $ 29, p. 104, ed. Tauch. 

Tome XXIV. 12 


90 MÉMOIRE 


cerons par l’envisager, parce qu'il est beaucoup plus remarquable comme 
savant que comme philosophe. 

La notion d’érudit est une de ces notions qui doivent nécessairement 
rester dans le vague, à cause du grand nombre d'idées qu’elle renferme. 
Toutefois, comme il importe pour le sujet qui nous occupe de la déter- 
miner avec quelque précision, nous dirons qu'à nos yeux érudition 
signifie une grande variété de connaissances qui s'appliquent surtout au 
passé. 

Cela posé, on peut dire que, dans la Grèce, l’érudition a pris naissance 
en même temps que la poésie, ce premier produit de la littérature hellé- 
nique. Les anciens chantres, Homère surtout, étaient les encyclopédistes 
de leur époque : il est vrai que leur savoir se fondait uniquement sur 
des traditions perpétuées d'âge en âge; mais il n’en est pas moins certain 
que le chantre d'Achille, particulièrement, est considéré par les Grecs 
comme la source d’où découle toute leur civilisation. Ceci est tellement 
vrai que les philosophes mêmes voulaient retrouver leurs systèmes dans 
ses vers : on nous le représente tantôt comme épicurien !, tantôt comme 
sceptique ?. Le poëte dont la réputation approche le plus de celle d’'Ho- 
mère, Hésiode, est expressément rangé par le philosophe Héraclite au 
nombre des érudits 5. On peut donc distinguer dans la marche de l’éru- 
dition chez les Grecs une période poétique, période dont le cycle épique 
fut l’expression principale. 

Mais l'enthousiasme primitif une fois passé, l’homme sent que sa des- 
tinée n’est pas de chanter sans cesse : il se met aussi à réfléchir sur son 
origine et sur ses rapports avec les autres êtres. Néanmoins, le passage de 
la poésie à la philosophie, à l’histoire et aux autres branches positives de 
la culture humaine, ne s’opéra pas chez les Grecs d’une manière brusque. 
Les premiers tàtonnements du savoir hellénique se rattachent d’une ma- 
nière évidente aux chants nationaux, où chaque sage prenant ce qui était 


1 Athen., lib. XII, p. 513 b. 

? Diog. Laert., lib. IX, cap. V, $$ 71 et 75. 

5 LouAumaIyiy véoy où didärue ‘Hoiodr yap ay édidaËe, 2.7.2. Heracl., apud D. L., lib. IX, cap. 1, 
p. 227, 1. 5, ed. Didot; Paris, 1850. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 91 
le plus à sa convenance donnait par là même à sa doctrine un caractère 
exclusif. Mais lorsque Athènes, qui s'était élevée à la considération et à la 
puissance par la guerre persique, fut devenue la capitale de la Grèce civi- 
lisée, on y vit affluer de toutes parts des hommes qui, dans un but tout 
à fait personnel, il est vrai, donnèrent à la science une tendance plus 
générale. « Quoique nous ne soyons en aucune manière obligés, dit Ritter”, 
de regarder les sophistes comme des hommes d’un talent supérieur, 
malgré leur célébrité; quand nous pensons que leur renommée passagère 
semble avoir eu sa raison dans leur habileté à flatter les goûts de leur 
temps, nous trouvons cependant qu'ils étaient autre chose que des par- 
leurs sans talent; qu’au contraire, les plus distingués d’entre eux avaient 
des connaissances variées ; et comme ils se donnaient pour des politiques, 
ils devaient au moins posséder de grandes connaissances historiques; ils 
devaient surtout connaître les constitutions des États. À la vérité, Proto- 
goras dédaignait l’enseignement des différentes connaissances spéciales 
qui servent aux fins particulières de la vie; mais il se flattait de pouvoir 
donner des règles de l’art de savoir administrer une maison et un État 
par les actions et la parole. Nous savons de plusieurs sophistes qu'ils 
avaient la prétention de connaître les poëtes anciens et l’art de l’interpré- 
tation, connaissance qu'ils regardaient comme caractéristique d’un homme 
bien élevé. Gorgias s’occupait aussi de la physique; et Hippias d'Élée 
était non-seulement versé dans une foule d’arts inférieurs, mais il ensei- 
gnait aussi les sciences et les arts supérieurs, comme l’arithmétique, la 
géométrie , l'astronomie et la musique; il inventa une mnémotechnie, afin 
qu’on ne doutàt pas que sa science se rapportait surtout aux choses de 
l'expérience ?. En comptant Démocrite parmi les sophistes, c’est assez 
dire que le plus savant des Grecs, jusqu’au temps d’Aristote, prit part aux 
travaux sophistiques de son temps. » 

Nous pouvons, en effet, très-bien assimiler l'impulsion que les sophis- 
tes donnèrent aux lettres, aux sciences et aux arts de leur époque, à l'effet 


‘ Hist. de la phil. ane., vol. 1, p. 469 sq.; trad. Tissot. 
? Voyez, dans le Rheinisches Museum (neue Folge, zweiter Jahrgang), p. 495 sqq., la curieuse 
dissertation de F. Osann, intitulée : der Sophist Hippias als Archäolog. 


92 MÉMOIRE 


que produisit, dans le siècle dernier, la philosophie française par la publi- 
cation de l'Encyclopédie : seulement, il n’y eut pas d'ensemble dans leurs 
efforts pour résumer les connaissances humaines. Que Platon se moque 
à son aise de celui d’entre eux qui composa un livre sur l'utilité du sel !, 
ce trait ne nous en montre pas moins l’ardeur de savoir dont brüûlait cette 
génération. Mais comme cette polymathie n'avait d'autre fin que le désir 
de briller, il s'ensuit qu’elle devait manquer de base scientifique et qu’elle 
présentait en définitive plutôt une apparence brillante qu’une utilité réelle. 
Telle fut la période sophistique de l’érudition grecque. 

L’éternel adversaire des sophistes, Platon, bien que possédant lui- 
même à fond certaines sciences expérimentales, était cependant porté de 
préférence vers la spéculation par l’essor de son sublime génie : il se 
borna, dans son système, à jeter les bases d’une classification des branches 
du savoir humain. Ce n’est qu'avec le plus célèbre de ses disciples, Aris- 
tote, qu’un caractère positif entraînait davantage vers l’investigation des 
faits, que prit naissance , à proprement parler, l’érudition philosophique. 
Non-seulement il embrassa dans ses ouvrages presque toutes les sciences 
contemporaines, mais encore il légua à ses disciples l'esprit de recherche 
qui le caractérise surtout, lui qui avait, jeune encore, dévoré tout ce que 
la littérature de sa nation offrait à son époque d’intéressant et de curieux. 
Il avait résumé ses travaux d’érudition dans un grand nombre d'ouvrages 
perdus maintenant, mais les fragments qui nous en restent suffisent pour 
justifier la réputation immense d’érudit dont il jouit constamment dans 
l'antiquité. 

Son vaste ouvrage qui renfermait les constitutions de 158 États ? au- 
rait seul suffi pour la lui mériter. Il ne se borna pourtant pas à ce recueil : 
il y ajouta, en forme de supplément, les coutumes qui existaient chez les 
peuples étrangers 5. Il réunit aussi les éléments du droit public des Grecs 


LAN Eyoye #04 tivi Évéruyor BiBAio dydpès cogod, êy à évjoay GA; Éravoy Sauuériy Eyoytes Th: 
dpéxery, Conviv., p. 216, tom. VII, ed. Tauchn. 
2 D. L., lib. V, cap. I, $ 27; Anon. Menag., p. 404, in Bwypés. Westermann. 
Néuiua BzpBapxé. Anon. Menag., loc. cit.; Varro, de L. L., lib. VIT, $ 70; Athen., L. f, p.25 d; 
Apollon., Hist. mir., cap. 14, p. 107, in HapadbËoypépos West. 


CR 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 95 


dans un ouvrage intitulé Droits des États, ouvrage dans lequel , comme il 
est facile de le voir par les quelques passages qui en subsistent, il appuyait 
sur des bases historiques les règles qui devaient servir à décider les diffé- 
rends qui pouvaient s'élever entre les républiques de la Grèce ?. Il ne nous 
reste absolument rien d’un quatrième ouvrage qu'il avait publié sous le 
titre d'Alexandre ou des coloniesé; mais nous avons encore d’assez nombreux 
fragments des traités qu'il avait écrits sur les vainqueurs aux jeux Olym- 
piques, Pythiques et Dionysiaques #, et qui se rapportaient à la chronolo- 
gie, de même que celui où il avait consigné les annales de l’art dramatique 
grec 5. Il ne s’est conservé que peu de chose de son intéressant ouvrage 
en trois livres sur les Poëtes$, dans lequel il retraçait dès son origine l’his- 
toire de la poésie nationale 7. Il n'avait pas même dédaigné de recueillir 
et d'expliquer les proverbes et dictons populaires qui avaient cours de son 
temps $. Il avait encore publié, sous le titre de Péplos, un ouvrage d’érudi- 
tion variée, où il avait recueilli les diverses traditions de la Grèce sur son 
histoire la plus reculée ?. Enfin, selon Clément d'Alexandrie 1°, Aristote 
aurait aussi composé un traité des Inventions, traité qui, du reste, n’est pas 
mentionné dans la liste que Diogène de Laërte nous donne des ouvrages de 
ce philosophe, mais dont l'existence nous semble suffisamment attestée par 
les nombreuses citations que l’on trouve d’Aristote sur ce sujet 11. 

Les disciples d’Aristote, soit immédiats, soit médiats, obéirent fidèle- 


1 Awaduara réker. D. L., ibid., $ 26; Harpocrat., v. apuué;; Ammon., de Diff. voc., v. Nÿes. 
? Et scriptas ab eo justificationes Græcarum civitatum , quibus lites Græcorum determinabat. 
Arist. Vit. lat., ap. Menag. ad D. L., vol. I Comm., p. 598, ed. Huebner. 
5 D. L., ibid., $ 26; Anonym. Menag., p. 609. 
+ D. L., $ 22; Anon. Menag., p. 610. 
5 D. L., ut supra. 
6 D. L., ibid. 
7 Cf. Cic., de Nat. Deor., lib. 1, cap. 58. 
$ D. L., loc. laud. Cf. Cephisodorus, apud Athen., lib. 1, p.60 e; Synesius, Encom. Cal. 
p. 59, ed. Turn.; Schneidewin., Præfat. ad Paræmiograph., p. WI. 
* Schneidewin., Philolog., 4846, faseic. 1, p. 10. 
10 Strom., lib. 1, p. 133, ed. Sylburg. Cf. Euseb., Præpar. Evang., p. 476. 
1 Plin., Hist, Nat., lib. VIE, cap. 57, pp. 47, 48 et 50, t. II, ed. Tauchn.; Bekker, An. Gr., 
pp. 451, 51 et 783, 1; Schol., ad Pind. Pyth. Il, v. 127; Serv., ad Virg. Georg. lib. 1, v. 19; 
Procl., Chrestom., apud Phot., cod. 239, p. 320 a, 1. 32, ed. Bekker. 


94 MÉMOIRE 


ment à l'impulsion que ce grand philosophe avait donnée aux recherches 
historiques et littéraires. Il nous suffira de citer les noms de Théophraste, 
de Dicéarque, d’Aristoxène, de Phanias, de Léon de Byzance, de Clytus 
de Milet, de Paléphate d’Abydos, et de renvoyer aux listes de leurs ou- 
vrages que l’on trouvera, soit dans Diogène de Laërte, soit dans les frag- 
ments des historiens grecs, publiés par Müller 1. C’est à ces dernières 
sources que nous puiserons de préférence pour ce qui concerne les tra- 
vaux érudits de Démétrius de Phalère. 

« Démétrius, nous dit Diogène ?, surpassa par la multitude des livres 
et le nombre des lignes 5, tous les Péripatéticiens de son temps. De ses 
écrits , les uns se rapportent à l’histoire, les autres à la politique, d’autres 
à la poésie, d’autres enfin à l’éloquence. Il a laissé, de plus, des collections 
de fables Ésopiques et bien d’autres ouvrages encore. » Ces derniers mots 
font voir que Diogène n’a pas donné la liste complète des œuvres de Dé- 
métrius, et que celles qu’il énumère ne sont que les principales. On a 
d’ailleurs la preuve de ce fait en comparant cette liste avec celle que le 
même auteur nous donne des écrits de Théophraste, dont Démétrius fut 
le contemporain. De plus, Diogène lui-même, dans les Vies de Thalès et 
d’Anaxagore #, nous cite de Démétrius de Phalère un ouvrage important 
sous le titre de Catalogue des archontes, ouvrage auquel il n’a pas donné 
place dans cette liste. De même, Artémidoreÿ nous rapporte que Démé- 
trius avait composé sur les songes un traité en cinq livres, et ce traité 
ne se trouve pas non plus mentionné dans Diogène. 

On est assez embarrassé pour déterminer le caractère et le nombre des 
ouvrages de Démétrius qui se rapportent à l'histoire, car, outre qu'il ne 
nous reste des fragments (et encore sont-ils en très-petit nombre) que de 

1 Tom. I, p. 225 sqq. 

2 Lib. V, cap. V, $ 80. 

5 Cette dernière indication a trait à la coutume qu’avaient les anciens de marquer à la fin de 
chaque volume ou rouleau le nombre de lignes qu’il renfermait. Ils donnaient même, dans leurs 
ouvrages bibliographiques, la somme totale des lignes que formaient les œuvres complètes d'un 
auteur. Nous en trouvons un exemple dans Diogène de Laërte, à la fin de ses catalogues des écrits 
d'Aristote et de Théophraste. Il est à regretter qu'il n'ait pas pris cette peine pour Démétrius. 


4 Lib. I, cap. 1, $ 22, et lib. IE, cap. I, $ 7. 
5 Onirocrit., lib. 11, cap. 44, p. 142, ed. Rigalt. (P, 228, ed. Reïff.). 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 95 


deux ou trois d’entre eux seulement, les titres des autres peuvent aussi 
bien convenir à des ouvrages d’un genre différent. Toutefois on peut ad- 
mettre, avec M. Ch. Müller !, une distinction entre les écrits purement 
historiques de Démétrius, tels que le Catalogue des archontes, l’ouvrage 
sur les loniens, et ceux qui tenaient le milieu entre l’histoire et la théorie 
politique. À cette seconde clâsse nous pouvons rapporter un traité en 
cinq livres sur la législation athénienne, et un ouvrage en deux livres sur 
les constitutions successives de la ville d'Athènes. 

IL est à remarquer qu’à l'époque où vécut Démétrius les écrivains grecs 
firent de grands efforts pour constituer exactement la chronologie de 
l’histoire nationale. Il est vrai que déjà dès la naissance de l’histoire en 
Grèce on avait composé des travaux de ce genre : tels sont, par exemple, 
les Prytanes ou rois de Lacédémone, ouvrage de Charon de Lampsaque ? ; 
les Prêtresses de Junon, chronique dans laquelle Hellanicus avait résumé, 
suivant l’ordre de leur succession, l’histoire de la Grèce, depuis la plus 
haute antiquité jusqu’à la guerre du Péloponèse 5; les Carnéoniques du 
même auteur, livre qui renfermait le catalogue des vainqueurs aux jeux 
Carnéens, à partir de la 26° olympiade #; une liste sicyonienne des poëtes 
et des musiciens, dont Plutarque fait mention dans son Traité sur la mu- 
sique ©. Mais personne, avant Démétrius de Phalère, n’avait pris la série 
des archontes athéniens pour base d’une chronologie. Les plus anciens 
auteurs d’Atthides mêmes, Amélésagoras, Phérécyde, Hellanicus, Clidème, 
Phanodème et Démon ne paraissent pas en avoir fait usage dans leurs 
écrits : du moins ne trouve-t-on rien qui nous l'indique dans les nombreux 
passages qui nous en restent. La chose n’est certaine que pour Andro- 
tion et Philochore 6, et ces deux historiens ont écrit après Démétrius. 

Les Archontes de Démétrius ne nous sont cités que par deux écri- 
vains, Diogène de Laërte, comme nous l'avons dit plus haut, et Mar- 


! Fragm. hist. Græc., t. W, p. 362. 

* Tlpuraveis Ÿ dpyovres To roy Aaxedomoyiny, Suidas, v. Xépoy Aaupbzxwvés. 

$ Cf. Müller, de Hellanico, t. 1, p. XXVII sq., Hist. Gr. Fr. 

* Müller, ibid., p. XXIX. 

5 Cap. 8,t. VI, p. 285, Moral., edit. Tauchn. 

Cf. Müller, de Atthid. seript., vol. | Fragm. hist. Græc., pp. LXXXVI et LXXX VIII. 


96 MÉMOIRE 


cellin, dans la Vie de Thucydide. Nous voyons, par les deux passages que 
Diogène nous en rapporte, que Démétrius ne s'était pas borné à traiter 
dans cet ouvrage l’histoire seule d'Athènes, mais qu’il y touchait aussi 
les faits qui intéressaient les autres États de la Grèce. C’est ce qu’on peut 
du moins conclure de la mention qu’il y faisait de Thalès de Milet, dont 
l'histoire ne concernait en rien celle d'Athènes. Ka mpûtos aopès vouiaSn 
(o Ocie) apyovtos "ASrynat Aapasior , xaŸ Cv nai oi éntà gopoi éxkrmaav, 6 on0t Anuhtpucs 
à Dadmpeds & +7 roy ‘Apyévruv évaæypagn. 1. « Thalès fut le premier qui reçut le 
» surnom de Sage, Damasias étant archonte à Athènes ?, et ce fut aussi 
» sous cet archonte que les sept Sages furent ainsi nommés, comme le 
» dit Démétrius de Phalère dans la liste des Archontes. » On voit par ce 
fragment que ce n’était pas seulement l'histoire civile et politique qui 
était traitée dans cet ouvrage, mais que la philosophie et probablement 
aussi la littérature y trouvaient leur place. C’est ce qui nous apparaît en- 
core par le passage suivant : "Hpéaro dè (o Avaéayépac) poocogeiy "ASnvnow éri 
Kodudo éTôv étxoaw av, de Anprirpuos à Dalnpeds év % Tv ’Apyévrur dvaypagn. 5, « Anaxa- 
» gore commença l'étude de la philosophie dans Athènes, à l’âge de vingt 
» ans, sous l’archontat de Calliadès, comme le dit Démétrius de Phalère 
» dans le catalogue des Archontes. » On y voit aussi que Démétrius se 
piquait d’exactitude même dans les faits étrangers à l’histoire politique. 

Le passage qui nous est rapporté de ce livre par le biographe de Thu- 
cydide concerne la permission que les Athéniens, après leur défaite en 
Sicile, accordèrent aux exilés de rentrer dans leur cité 4. Ce fait arriva 
la première année de la 92° Olympiade, ou lan 412 avant notre ère. On 
doit croire que Démétrius ne s’arrêla pas à cette époque, mais qu'il con- 


1 Dem. Phal., Fragm. 1, vol. W Fr. hist. Gr., p. 562. 

? Il y a eu deux archontes de ce nom, l'un en 639 av. J.-C. (Boeckh, ad Pindar., p.207); 
mais ce ne peut être celui dont il est question ici, puisque, selon Clinton (Fast. Hell., p. 3, ed. 
Krüger) , Thalès naquit précisément en 639. Ce doit être le second, dont la magistrature tombe 
en 586 avant notre ère. (Clinton, F. H., p. 195, not. s, ed. Kr.) 

5 Dem. Phal., Fr. IL, ibid. 

4 Aÿ2oy ri naSodos EdSy vols gelyouir, Ge mal DiAdyopos AVE Kai Awymrpios Ë) Tôls |'Apyouni. 
Marcell., Vit. Thuc., $ 50 ; Dem. Phal., Fr. IIL, ibid. Cf. Müller, ad Cratippi Fr. HE, p. 77, vol. Il, 
Fr. hist. Gr. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 97 


tinua cet ouvrage jusqu'à son temps. Peut-être même le conduisit-il jus- 
qu'à son propre archontat, qui tombe en l'an 509 avant J.-C. 1, 

Il nous semble qu'un pareil travail n’a pu être publié que dans Athènes : 
du moins il va de soi que les matériaux nécessaires pour son exécution 
n’ont pu être amassés que dans cette ville. Il est bien vrai que, d’après 
Cicéron ?, ce fut pendant son exil en Égypte que Démétrius composa un 
grand nombre de ses ouvrages ; mais on voit, d’après le texte même de cet 
auteur, qu'il avait surtout en vue les écrits philosophiques de Démétrius. 
D'ailleurs il résulte d’un passage de Polybe5 que Démétrius avait com- 
posé son traité sur la Fortune vers l'an 317 avant notre ère, lorsqu'il était 
déjà gouverneur d'Athènes. Rien ne nous empêche de croire qu’il ait cul- 
tivé l’histoire en même temps que la philosophie, surtout lorsque nous 
voyons, par les morceaux que Plutarque nous a conservés de son livre sur 
Socrate, que Démétrius aimait beaucoup à fondre ensemble ces deux 
sciences. 

Comme nous l'avons déjà dit, ce fut Démétrius qui, le premier, se servit 
de la série des archontes athéniens pour fixer la chronologie de l’histoire 
de la Grèce en général et de l’histoire d'Athènes en particulier. Cet usage, 
qu’il eut l’heureuse idée d'introduire, devint commun après lui. Nous le 
voyons immédiatement adopté par Androtion et Philochore, dans leurs 
Atthides ou histoires d'Athènes. Timée, dans son grand ouvrage, employa 
également la série des archontes Athéniens, en la mettant toutefois en 
rapport avec les listes des prêtresses du temple de Junon à Argos et des 
vainqueurs aux jeux Olympiques, ainsi qu'avec celle des éphores et des 
rois de Lacédémone 5. Il n’est pas douteux que ces écrivains ont profité 
du travail de Démétrius de Phalère : nous pouvons du moins l’affirmer 
pour deux d’entre eux, Timée et Philochore. En effet, Timée composa sa 


! Clinton, F. H., p. 482, ed. Krüger. 

? De Fin., lib. V, cap. 49, $ 54. 

5 Polyb., Exc. Vatic., lib. XXX, cap. 5, t. IV, p. 410, ed. Tauchn. Dem. Phal., Fragm. XIX. 
Cf. Müller, ad h. 1. 

# Plut., Arist., capp. 1, et 27. 

5 Polyb., lib. XII, cap. XII, $ 4. Cf. idem, ibid., cap. XI, $ 4, et Müller, de Timæo, p. LI, 
t. 1 Fragm. hist. Græc. 


Tome XXIV. 15 


98 MÉMOIRE 


grande œuvre historique pendant les cinquante ans qu’il passa dans l'exil 
à Athènes, de 310 à 260 avant l’ère chrétienne !, n’ayant d’autre occu- 
pation que de parcourir les écrits des historiens antérieurs pour se pro- 
curer des matériaux. Or, cet historien, qui poussait la diligence jusqu’au 
point de fureter dans les sanctuaires des temples afin d'y chercher des 
documents ?, ne peut avoir négligé de consulter l'ouvrage de Démétrius. 
Quant à Philochore, qui termina son Histoire athénienne à l’avénement 
du roi de Syrie Antiochus Théos 5, c’est-à-dire à l’année 262 avant notre 
ère, ou 21 ans après la mort de Démétrius, il est également certain qu'il 
a dû tenir compte des travaux de ce dernier. Nous avons, en quelque 
sorte, une preuve matérielle de cette assertion dans le passage des Ar- 
chontes de Démétrius cité par le biographe de Thucydide, puisque le 
témoignage de Philochore y est également invoqué pour le même fait : 
xai Duhéyopos héyez vai Anuñrpos &y tic "Apyovot. Il est même probable que ce der- 
nier, dans son Histoire d'Athènes, n’a fait que développer et rectifier le 
travail de Démétrius, ce qui nous explique pourquoi celui-ci n’est cité 
que trois fois, tandis que nous avons de nombreux morceaux de l’œuvre 
de Philochore, 

Il ne nous est pas permis de passer sous silence l'opinion de quelques 
savants qui veulent que la fameuse table chronologique, connue sous le 
nom de Marbre de Paros, soit tirée surtout de la liste des Archontes de 
Démétrius #. En effet, cette inscription renferme un résumé des annales 
de la Grèce depuis Cécrops jusqu’à l’archontat de Diognète, c’est-à-dire 
jusqu’en 264 avant notre ère, et il est à croire qu’elle fut exécutée cette 
même année, Or, il n’existait à cette époque que l'ouvrage de Démétrius 
où l’on pût puiser pour rédiger cette inscription : Philochore et Timée 
n'avaient pas encore publié leurs travaux, et l'Atthide d’Androtion n’a pré- 
cédé celle de Philochore que de peu de temps Ÿ. On peut donc, avec 

1 Müller, ibid., p. L. 

2 Polyb., lib. XIE, cap. XII, $ 2, t. HE, p. 205, ed. Tauchn. 


5 Suidas, v. DAd%0p0s. Cf. Müller, p. LXXXIV, t. I Fragm. hist. Græc. 


4 V. Müller, Marm. Par. introduct., p. 556, t. 1 Fragm. hist. Græc. Cf. G. E. Groddeck, /nit. 
hist. GrϾc. litt., P. IX, p. 95. 


5 Müller, de Atth. seriptt., p. LXXXIV, t. I Fr. hist. Græc. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 99 


M. Ch. Müller, tenir pour certain que l’auteur de cette inscription avait 
sous les yeux, pour la composer, le travail de Démétrius, puisque, dans 
les ouvrages chronologiques antérieurs à ce dernier, on ne faisait aucun 
usage de la série des archontes athéniens. 

Mais si cette conjecture nous paraît réunir les plus grandes chances 
de probabilité, nous ne pouvons pas du tout approuver celle de l'éditeur 
de la traduction grecque du prophète Daniel, qui a trouvé moyen d’attri- 
buer cette inscription à Démétrius lui-même, et cela, en remplissant à sa 
guise les lacunes qui s’y trouvent au commencement. Le texte, tel que 
nous le possédons maintenant, se présente de la façon suivante : 


sie. NIIAN...… NO... NONANETPAYA, 


ce dont ce savant a fait : Anpritpuos à Davoatpätou Dainpeds éx Tüv auuravTuy ÜrapyéyTur 
évéypahæ. I] faudrait convenir que ce serait là se créer un peu trop facile- 
ment des autorités, si même cette hypothèse ne se trouvait pas renversée 
par la simple observation que Démétrius, étant mort en 2853 avant notre 
ère, ne peut être l’auteur de cette inscription 1. 

Les travaux chronologiques de Démétrius furent encore mis à profit 
par le littérateur athénien Apollodore, qui vivait dans le milieu du se- 
cond siècle avant notre ère ?. Ce savant écrivain avait composé en vers 
iambiques quatre livres de chroniques, qui embrassaient, dans une période 
de 1040 ans, l’histoire de la Grèce et des peuples barbares, depuis la 
prise de Troie jusqu’à l’an 144 avant l'ère chrétienne 5. Pour composer 
un ouvrage aussi important, il lui fallut nécessairement consulter les anna- 
listes qui l'avaient précédé dans cette carrière épineuse, et, comme athé- 
nien , il a dû connaître et employer la liste des Archontes de Démétrius. 

Nous avons vu plus haut que, selon Diogène de Laërte, notre auteur don- 
nait l’âge de vingt ans à Anaxagore, lorsque celui-ci commença l'étude de 
la philosophie à Athènes, sous l’archontat de Calliadès, c’est-à-dire en 480 


! Cf. Müller, Annot. ad Marm. Par, t. 1, p. 556, Fr. hist. Græc. 
? Müller, Fr. hist. Græc., 1. 1, p. XLII. 
5 Müller, ibid., p. XL. 


100 MÉMOIRE 


avant J.-C. !. Or, immédiatement avant d’invoquer le témoignage de Dé- 
métrius, Diogène cite un passage d’Apollodore ainsi conçu : dy) d''Aro- 
Aédtopos év vois Xpcvmois yeyeynaSer arèv (SCIL. rèv ‘Avabayépas) th éBdoumroatr Ouriid 
redvmévar À To mpotu Ete The Cydomroothe éydéne 2. Nous avons lu avec Meursius 5 
Sydmrostis éydéns, au lieu de éGdoumeotis à. , que portent à tort les éditions de 
Diogène dans ce passage qui se traduit comme suit : Apollodore place 
dans ses Chroniques la naissance d’Anaxagore à la 70° Olympiade, et sa 
mort à la première année de la 88° (428 avant J.-C.). Or, selon Diogène, 
toujours au même endroit #, Anaxagore, âgé de 20 ans lors de l’expédition 
de Xerxès contre les Grecs, atteignit sa soixante et douzième année. Donc 
Apollodore plaçait la naissance de ce philosophe en l’an 500 (428 + 72) 
avant notre ère, en sorte que son témoignage vient confirmer celui de 
Démétrius , suivant qui Anaxagore, comme on l’a vu, avait 20 ans sous 
l’'archontat de Calliadès (480 — 500 — 20). Un pareil accord ne peut s’ex- 
pliquer, selon toute probabilité, que dans l'hypothèse, assez plausible 
d’ailleurs , qu'Apollodore avait sous les yeux les Archontes de Démétrius 
pour composer son propre ouvrage 5. 

Cette supposition, à notre avis, paraîtra encore mieux fondée, si l’on 
remarque que sur les trois seuls fragments qui nous restent de ce livre 
du Phalérien, il en est deux où se trouvent mentionnés des hommes dont 
il est également parlé dans les quelques passages qui nous restent de la 
chronique d’Apollodore. Nous venons de voir que ce dernier s’était appuyé, 
pour fixer l’époque d’un philosophe, sur l’autorité de Démétrius. Nous 
pensons qu’il avait encore consulté l’ouvrage de ce dernier pour établir 
l’âge où vivait Thalès de Milet, l’un des sept Sages de la Grèce. En effet, 


1 Clinton, Fast. Hell., p. 30, ed. Krüger. Cet archonte est appelé Callias par le biographe 
d'Euripide et par Diogène de Laërte (lib. II, sect. 7); mais Denys d'Halicarnasse, Hérodote, le 
marbre de Paros et Diogène lui-même (lib. Il, sect. 45), l'appellent Calliadès. Nous nous sommes 
conformé à l'autorité du plus grand nombre. Cf. Meurs., de arch. Att., I, 8, vol. IV, p. 1186 D, 
Ant. Gr., ed. Gron. 

2 Apollod., Fr. 81, p. 446, t. I Fragm. hist. GrϾc. 

3 Lectt. Att., NI, 27. 

+ Aéyerou OÈ nur Tv SépËou OiéBuow eikoow ërüy eivx BeBwonéya O8 éBdou#royra do. Lib. II 
cap. I, $ 7. 

5 Cf. H. Ritter, Geschichte der Ion. philos., p. 205; et Schaubach., Anaæag. Fragm., p. 2, sqq. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 104 


d'après Démétrius !, Thalès reçut le surnom de sage sous l’archontat de 
Damasias, ou l'an 586 avant notre ère ?. Nous ne savons pas précisément 
quel âge il avait quand on lui fit cet honneur; mais comme sa jeunesse 
paraît s'être passée en voyages, on doit croire qu'il n’acquit sa grande 
réputation qu'à un âge assez avancé, vers Sa cinquantième année, par 
exemple. Or, Apollodore, dans'Ses chroniques, donnait l’an 639 avant J.-C. 
pour la date de la naissance de Thalès 5, en sorte que celui-ci fut sur- 
nommé sage à l’âge de 53 ans. Nous trouvons donc ici cet historien encore 
une fois sur les traces de Démétrius, ce qui ne peut bien s’expliquer, ce 
nous semble, que si lon compte Démétrius au nombre des sources aux- 
quelles Apollodore a puisé pour la rédaction de son ouvrage chronologi- 
que, puisque l’époque à laquelle a vécu Thalès est placée, par quelques 
auteurs, avant, et par d’autres, après celle qu’assignait Apollodore #. 

Les Archontes de Démétrius, si succinct qu’en puisse avoir été le style, 
devaient former un ouvrage assez volumineux. En effet, l’archontat fut 
institué lan 1068 avant notre ère 5; et si, comme nous l'avons dit, il est 
très-vraisemblable que Démétrius termina cet ouvrage à l’année où il fut 
lui-même archonte (308 avant J.-C.), il en résulte qu’une période de 760 
ans y était embrassée. En outre , nous avons encore vu que ce n’était pas 
seulement l’histoire d'Athènes qui y était traitée, mais encore celle des 
autres États de la Grèce, et qu’il ne se bornait pas aux faits politiques, 
mais comprenait aussi la philosophie et peut-être la littérature; cependant 
il résulte du titre même de cet ouvrage de Démétrius que l’histoire de sa 
patrie y occupait la place la plus importante. Du reste, les Histoires attiques 
des écrivains qui lui sont postérieurs et que nous avons mentionnés plus 
haut, étaient également d’une étendue respectable : celle d’Androtion se 
composait de douze livres, celle de Philochore de dix-sept et celle d’Ister 
de seize $. ‘ 


‘ Apud Diog. Laert., lib. I, cap. F, $ 22. 

? Clinton, Fast. Hell., p. 451, ed. Krüg. 

5 Apollodor., apud D. L., lib. E, cap. 1, $ 37. Cf. Clinton, F. H., p. 3, ed. Krüger. 
+ Cf. H. Ritter, Hist. de la phil. ane., vol. 1, p. 175, trad. Tissot. 

5 Heeren, Man. de l'hist. anc., Sect. III, Pér. Il, $ 13. 

8 Müller, p. LXXXVIII sqq., vol. 1 Fragm. hist. Gr. 


102 MÉMOIRE 


Ces derniers ouvrages paraissent avoir eu plus de mérite que celui de 
Démétrius, car nous en possédons encore de nombreux fragments, ce qui 
témoigne assez de l'estime qu’on en faisait. Il n’y a rien d’étonnant en 
cela, puisque, dans les ouvrages du genre historique , la forme étant mise 
à part, les premiers en date servent toujours de base aux suivants et leur 
sont, pour ce motif même, généralement inférieurs. La liste des Archontes 
de Démétrius, bien que, selon toute probabilité, elle ait trouvé place 
dans la bibliothèque d'Alexandrie, paraît donc s’être perdue de bonne 
heure : il ne faut pas conclure, selon nous, de la mention qu’en fait Dio- 
gène de Laërte qu’elle existàt encore au temps de cet auteur, car il peut 
fort bien avoir emprunté ces citations aux nombreux écrivains qui avaient 
traité avant lui l’histoire de la philosophie. Nous croyons même qu’elle 
n'existait déjà plus du temps de Plutarque, qui s’est servi de différents 
écrits de notre auteur, et qui n’aurait pas manqué de citer un livre dans 
lequel il devait trouver tant de renseignements sur l’histoire de la Grèce. 
Athénée, cette mine si riche et si précieuse de littérature, ne nous cite 
déjà plus aucun ouvrage de Démétrius. 

Un autre livre de ce dernier, qui a laissé encore moins de traces de son 
existence, c’est le traité Sur les Ioniens. Le seul auteur qui en fasse men- 
tion est Diogène, dans la liste tronquée qu’il nous donne des œuvres du 
Phalérien !. Sans aucun doute, dans ses recherches sur l’histoire ancienne 
des Athéniens, Démétrius a dû s’occuper beaucoup d’un peuple dont les 
destinées se trouvèrent primitivement liées à celles de sa patrie, et aura 
résumé séparément, dans ce traité, le résultat de ses investigations. 

L'ouvrage de Démétrius intitulé : repi ris Aexastelxs, Ou Histoire de dix ans, 
est assurément un de ceux dont nous devons le plus regretter la perte. 
Ménage, dans son docte et volumineux commentaire sur Diogène de Laërte, 
s’est trompé en donnant pour sujet de ce livre l’histoire du siége de Troie. 
Hübner, éditeur de Diogène, a redressé cette erreur, en faisant observer 
que l’Histoire de dix ans doit, sans aucun doute, s'entendre &e l'ouvrage où 
Démétrius rendit compte des dix années pendant lesquelles il gouverna la 


1 Lib. V, cap. V, $ 81. 
2 Acripio de Trojanæ obsidionis decennro. Tom. 1, p. 656, Comment., ed. Huebner. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 105 


ville d'Athènes !, En effet, Strabon nous fait mention de ce livre dans un 
passage que le même Ménage a encore, par une erreur évidente, rapporté 
aux traités de Démétrius sur la législation et les citoyens d'Athènes ?. Le 
savant géographe y retrace comme suit en peu de mots l’histoire de la 
constitution athénienne 5 : 

« Les Athéniens furent d'ab6rd soumis au gouvernement monarchique 
et passèrent ensuite sous le régime démocratique. Pisistrate et ses enfants 
s’imposèrent à eux comme tyrans. Plus tard encore arriva l’oligarchie des 
Quatre-Cents, et puis celle des Trente qu’établirent les Lacédémoniens. 
Mais ils s’en débarrassèrent facilement, et conservèrent leur démocratie 
jusqu’à l’époque de la domination romaine. En effet, s'ils furent inquiétés 
par les rois de Macédoine au point d’être forcés de leur obéir, ils n’en 
maintinrent pas moins dans son intégrité la même forme de gouvernement. 
Quelques auteurs disent que ce fut même lorsque Cassandre régnait sur 
les Macédoniens que les Athéniens jouirent, pendant dix ans, du meil- 
leur régime politique 4. Ce prince, qui semble s'être comporté comme un 
tyran en toute autre circonstance, fut cependant équitable envers les 
Athéniens, lorsqu'il réduisit leur ville sous sa domination : il mit à leur 
tête un disciple de Théophraste, Démétrius de Phalère, qui non-seule- 
ment ne détruisit pas la démocratie, mais lui donna, au contraire, une 
direction meilleure. On a la preuve de ce que j'avance dans les mémoires 
qu’il composa au sujet de son administration. » 


1 Patet librum intelligi quo Demetrius rationem reddidit decem annorum, quibus ipse quberna- 
cula reipublicæ obtinuerat. Hübner, ibid., p. 657. Cf. Ruhnken, #ist. erit. orat. Græc. Rut. 
Lupo præmiss., p. LXXII. | 

3 L.1., p. 656. 

5 Strab., lib. IX, cap. 1, t. Il, p. 242 sq., ed. Tauchn. 

+ Ce dernier endroit est ainsi conçu dans toutes les éditions de Strabon que nous avons con- 
sultées, "Eysr É pacs xai BéAriora vôre aûrods moMrebozodoi déxxéry vpévey, Ov ppye Maxedévey Kés- 
savdpo:. Mais tous les chronographes anciens s'accordent pour dire (Fr. hist. Gr., vol. II, p. 705) 
que Cassandre régna 19 ans en Macédoine, tandis que ces derniers mots en portent seulement 10. 
Au moyen d'une légère correction que nous introduisons dans ce texte et que nous suivons dans 
notre traduction, nous mettons Strabon d'accord avec eux. Nous lisons done au lieu de : "ON pye 
Max. Kaso., ‘OT Ypye Max. Koss. Rien n'est plus fréquent que cette construction corrélative des 
adverbes rére et ôre. 


104 MÉMOIRE 


Nous pensons, avec M. Müller !, que ces mémoires désignent l'Histoire de 
dix ans que nous mentionne Diogène de Laërte. Ménage, dans la traduction 
latine qu’il donne des quatre ou cinq dernières lignes de ce passage ?, n’a 
pas remarqué qu’un ouvrage sur la démocratie n’est pas la même chose 
qu’un traité sur la législation ou sur les citoyens d'Athènes. I s’est encore 
trompé en prenant le mot de reurca, dans le sens de forme de gouverne- 
ment : ce mot signifie aussi administration, et c’est ici le sens qu'il reçoit 
du contexte. 

Après ces quelques mots de critique, venons-en à la portée de cet 
ouvrage de Démétrius. 11 résulte des paroles mêmes de Strabon qu’il 
offrait un exposé apologétique en même temps qu'historique de la car- 
rière gouvernementale de son auteur, et que celui-ci y montrait les droits 
qu’il croyait avoir acquis à la reconnaissance des Athéniens. On y voyait 
également quelles raisons apportait Démétrius pour se défendre du re- 
proche qu’on lui faisait d’avoir aboli la démocratie, dont, au contraire, 
il se flattait d’avoir rétabli le caractère. primitif. Nous croyons que l’histo- 
rien Démocharès avait en vue cet ouvrage, lorsqu'il représente Démétrius 
se vantant d’avoir fait régner l'abondance dans la ville d'Athènes 5. Ces 
mémoires, par suite de la position de leur auteur, devaient être d’un 
haut intérêt, et auraient mérité de survivre, pour faire, sous le rapport 
civil, un digne pendant à l’Anabase de Xénophon et aux Commentaires de 
César, ouvrages plus militaires que politiques. 

On ne peut guère décider si le livre dont nous venons de rendre 
compte, fut composé en Égypte, où Démétrius écrivit la plupart de ses 
ouvrages #, ou s’il le fut à Thèbes, ville dans laquelle il paraît avoir fait 
un séjour de onze ou douze ans 5. Il nous semble que cette dernière opi- 


1! Fragm. hist. Græc., vol. II, p. 562. 

2 Urbi præfecit Demetrium Phalereun, Theophrasti discipulum, qui non modo non destruxit 
sed instauravit potius popularem reipublicæ statum : quod ejus de hoc reipublicæ genere script 
Commentarii declarant. Observ. in D. L., p. 656, Comment., vol. 1, ed. Hübner. 

5 Er yäp To moAMX moi Auorre modloSoi warà rè moy noi doudiAÿ Ta mpès rè Boy Srépyew 
räow, mi robros gyol me ahavonty adrcy (SCil. 6 Aymoyäpy: rèv Aymrpuv). Polyb., lib. XII, cap. 15, 
$ 9; Demochar., Fragm. N, p. 448, vol. IT Fr. hist. Gr. 

+ Cic., loco suprà laud. 

5 Cf. Clinton, Fast. Hell., pp. 184 et 191, ed. Krüg, 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 105 


nion est la plus probable, d’après la nature même du sujet, qui était la 
justification des actes politiques de l’auteur pendant les dix années de son 
administration. En effet, il n’est guère croyable que Démétrius ait attendu 
onze ou douze ans pour se laver aux yeux de ses concitoyens du reproche 
qu’on lui adressait alors, et qu’on lui adressa plus tard encore, d’avoir 
exercé la tyrannie !. Ajoutez à cela que la proximité de cette ville lui 
fournissait les moyens de donner, dans Athènes, à son compte rendu une 
publicité qu'il lui eût été difficile d’obtenir pendant son séjour en Égypte. 
Quoi qu'il en soit, cet écrit était très-connu dans Athènes, puisque Démo- 
charès, l'adversaire constant de Démétrius, crut nécessaire d'y répondre 
dans son histoire, qu'il composa vers le commencement du Il: siècle 
avant l’ère chrétienne ?. 11 en fut probablement de même d’un ouvrage de 
polémique que Démétrius publia sous le titre d’Invectives contre les Athé- 
niens 5 et dont nous ne connaissons que le titre. 

Les deux livres dont nous venons de parler n’appartiennent pas pro- 
prement à l’érudition, puisqu'ils concernaient l’histoire contemporaine ; 
mais, comme œuvres historiques , ils se rattachent naturellement à la Liste 
des Archontes, dont ils formaient comme un complément. 

Aux ouvrages historiques de Démétrius se rapportent aussi ses écrits 
sur la législation, le gouvernement et les institutions de sa patrie, écrits 
qui tenaient le milieu entre ses travaux historiques proprement dits et 
ses travaux théoriques, tels que ses livres sur les lois et sur la politique, 
dont nous parlerons dans la quatrième partie de ce travail. 

Nous trouvons d’abord mentionné un traité en cinq livres sur la légis- 
lation d'Athènes 5 ; mais il reste à savoir s’il concernait la législation athé- 
nienne en général, ou seulement celle dont l’auteur avait doté sa patrie. 
Nous croyons que si l’on consulte les fragments qui nous restent encore 
de Démétrius en matière législative, on ne doutera pas qu’il n’ait, dans 


! Pausanias, Attic., cap. XXV, $ 5. 
? Cf. Demochar. fragm. V, p. 449, vol. Il Fr. hist. Gr. 
5 'ASyaiuy Karadpou#. D. L., lib. V, cap. V, $ 81. 
* Cf. Müller, ad Fragm. hist. Græe., vol. WE, p. 362. 
5 D.L., lib. V, cap. V, $ 81. 
Tome XXIV. 14 


106 MÉMOIRE 


l'ouvrage mentionné, passé en revue les lois de sa patrie depuis la plus 
haute antiquité jusqu’à celles que lui-même lui donna. C’est ce que prouve 
entre autres le passage suivant de Cicéron, qui est évidemment tiré du 
traité susdit : 

« Cette coutume d’enterrer les cadavres sans délai, dit ce philosophe 
dans son traité des Lois !, existait à Athènes depuis Cécrops; c’étaient les 
parents qui se chargeaient de ce soin; et quand on avait comblé la fosse, 
on l’ensemençait de blé, afin que le mort reposät comme dans le sein de 
sa mère, et que les vivants rentrassent en possession du sol, purifié par 
les semailles. Venait ensuite un festin, auquel prenaient part les parents, 
couronnés de fleurs, et par lequel, après qu’on avait rendu à la mémoire 
du défunt un hommage véridique, les obsèques étaient terminées. Plus 
tard, comme l'écrit Démétrius de Phalère, lorsque les funérailles com- 
mencèrent à devenir un sujet de dépenses et de lamentations, elles furent 
supprimées par une loi de Solon.... Quant aux sépulcres, Solon se con- 
tenta de défendre de les détruire ou d'y placer un mort étranger; et il 
établit une peine contre celui qui profanerait, renverserait ou briserait 
une tombe, un cippe ou une colonne funéraire. Mais peu après, à cause 
de ces immenses tombeaux que l’on voit dans le Céramique, il fut défendu 
par une loi de construire des sépulcres que dix hommes ne pourraient 
achever en trois jours. Il ne fut plus permis ni de les crépir ni de les 
orner d’hermès, ni de faire l’éloge du mort, si ce n’est dans les funé- 
railles solennelles, et encore ce devait être par celui que le peuple avait 
nommé à cet effet. On supprima aussi les rassemblements d’hommes et de 
femmes, pour ôter aux funérailles l'apparence lamentable que leur donne 
la foule. C’est pour cette raison que Pittacus défendait à chacun d'assister 
aux obsèques d’une personne étrangère à sa famille. Mais, ajoute Démé- 
trius, de nouveau la magnificence devint générale dans les tombeaux et 
les funérailles, coutume que lui-même restreignit par une loi. Cet homme, 
comme on le sait, ne fut pas seulement un très-grand érudit, mais encore 
un excellent patriote. Il ordonna d’enterrer avant le jour, pour diminuer 


1 Lib. I, capp., 25-26. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALERE. 107 


non-seulement la dépense d’argent, mais encore la dépense de temps !. 
Il établit aussi une limite pour la construction de sépulcres nouveaux. Il 
défendit d'élever sur la tombe autre chose qu’une petite colonne, haute 
tout au plus de trois coudées, ou une tablette ou une urne; et il créa un 
magistrat particulier pour faire observer ces lois. » 

Nous voyons par ces lignes que Démétrius , après avoir traité des insti- 
tutions des législateurs précédents, finissait par exposer les siennes, dont 
il donnait les motifs et dont il appuyait la nécessité sur des faits préexi- 
stants. Le livre dont nous parlons ici nous semble avoir été, sous le rapport 
législatif, ce que ses Mémoires décennaux furent sous le rapport politique. 
En effet, les lois de Solon furent toujours pour les Athéniens l'idéal de la 
législation, et c’est pour obéir à cette tendance de l'esprit public que 
Démétrius les prit pour base de ses propres lois?. Mais comme par suite 
de la marche des événements, elles étaient devenues insuffisantes, Démé- 
trius s’efforça de les compléter, comme il le dit lui-même dans le passage 
que nous venons de transcrire. Tout en rendant justice à plusieurs des 
institutions de Solon, par exemple à celle qui établissait un magistrat 
dans chaque canton pour rendre la justice 5, il ne pouvait néanmoins s’em- 
pêcher de trouver que ses lois sur les femmes présentaient beaucoup 
d’absurditéf. C’est pour remédier à ce défaut qu'il institua des gynéco- 
nomes, dont le principal office était de surveiller les mœurs du sexe’; et 
l’on ne peut douter que la critique qu’il adressait à Solon sous ce rapport, 
ne servit de considérant au compte qu’il rendait dans cet ouvrage de l’éta- 
blissement de ces magistrats. 


1 Iste igitur sumptum minuit non solum pœna sed etiam tempore : ante lucem enim jussit efferri. 
Au lieu de pœna, qui ne présente pas ici de sens, nous lisons pecunia, mot auquel les copistes ont 
souvent substitué le premier. Cf. Beier, ad Cic. fragm., p. 95 b. Pecunia rappelle la funerum se- 
pulcrorumque magnificentia, dont il est question quatre lignes plus haut, tandis que pœna est 
une répétition malencontreuse de ce qui avait été dit précédemment de Solon : pœnaque est, etc. 

? Cf. Ostermann, pp. 39, 42 et 44. 

5 Ayu#rpios 6 Daaypeds yo" ka) d'ymépyous si rep) Schwva xaiotayto Éy moXAÿ omoudy iva oi Kara 
duo dudisst ext AxuBéywoi r& dix. Schol. Arist. Nub., v. 37; Dem. Phaler. fragm. IX, p. 365, 
vol. Il Fragm. hist. Grec. 

* Plut., Sol., cap. 23. Cf. Müller, ad Fragm. hist. Græec., vol. I, p. 363. 

5 Boeckh, de Philochoro, p. 23 sq. 


108 MÉMOIRE 


Le but de l'ouvrage de Démétrius sur la législation d'Athènes, comme 
celui de son Histoire de dix ans, nous paraît donc avoir été l’apologie de sa 
conduite. Du reste, il faut qu’il ait senti un grand besoin de justifier ses 
actes, puisqu'il saisissait toutes les occasions de citer celles de ses lois 
qui pouvaient lui faire de l'honneur. Dans son Socrate !, par exemple, il 
rappelait avec complaisance son décret en faveur des descendants d’Aris- 
tide. À plus forte raison, combien ne devait-il pas s’étendre sur ses lois 
dans un livre qui traitait exclusivement de la législation athénienne? On 
doit voir, en effet, dans le morceau de Cicéron cité plus haut, un exemple 
de la manière dont était conçu ce livre de Démétrius. Il prenait chaque 
catégorie d'institutions à son origine, poursuivait leurs développements 
suivant l’ordre historique, et arrivait enfin à ses propres lois, dont l'ex- 
cellence et la nécessité se trouvaient ainsi démontrées a priori. De cette 
manière, l’auteur atteignait facilement la fin principale qu'il s'était pro- 
posée en écrivant ce livre, la justification de sa carrière législative, à la- 
quelle l’histoire des lois d’Athènes ne faisait que servir de démonstration. 

Cette induction, relativement à la marche observée par Démétrius dans 
cet ouvrage, nous est en quelque sorte confirmée par les deux seuls 
fragments qui nous en sont cités avec renvoi détaillé du livre auquel ils 
appartenaient. Nous voyons, par exemple, que dans le second livre de 
cet écrit Démétrius traitait des attributions de la première assemblée ?, 
tandis que dans le troisième il parlait des servitudes auxquelles étaient 
soumis les métèques 5. On peut donc croire que Démétrius examinait 
séparément chaque catégorie de lois et de coutumes pour montrer celles 
qu’il avait dû retenir et celles qu'il avait dû abroger. C’est ce que paraît 
avoir mal compris l’auteur du Lexique des orateurs imprimé à la suite de 
celui de Photius, lorsque, parlant des pouvoirs de la première assemblée, 
tels qu’ils avaient été déterminés par Démétrius , il dit qu’on ferait mieux 
de s’en rapporter au sentiment d’Aristote #. Il n’a pas considéré que Dé- 


P. 367, vol. I Fr. hist. Gr. 

Lex Rhet., v. Kupix éxxhyois, p. 672, ad cale. Phot. lex. 

Harpocrat., v. Sxagyycpor. 

"Apeoy oùy ‘Apiorotéae relgeoz. Arist., de Pol. fragm. 32, p. 116, vol. H Fr. hist. Gr. 


5 Où © = 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 109 


métrius parlait de son époque, où les assemblées du peuple se virent 
enlever beaucoup d’affaires qui leur étaient soumises du temps où écrivait 
Aristote. Nous ne trouvons guère possible d'expliquer autrement cette 
contradiction apparente, sur un fait aussi palpable, entre deux publicistes 
pour ainsi dire contemporains. 

Il est à croire que Démétrius, pour la composition de cet ouvrage, 
dut profiter des travaux d’Aristote pour les périodes antérieures à sa 
propre administration. En effet, ce philosophe s'était occupé très-lon- 
guement d'Athènes dans son grand recueil de constitutions, puisque 
le tiers environ des fragments qui nous en restent concernent cette 
dernière ville. Il fit aussi usage des travaux de son précepteur Théo- 
phraste, puisque l’Abrégé des lois de ce dernier est cité avec cet écrit de 
Démétrius sur le même fait . L'ouvrage en trois livres que ce philosophe 
composa sur les législateurs ?, doit avoir été particulièrement utile à Dé- 
métrius. 

Un ouvrage qui se rapprochait beaucoup du précédent par son titre et 
son sujet, c’est celui que Démétrius avait écrit en deux livres sur les con- 
stitutions qui avaient successivement régi le peuple athénien (rspi rüv "A Srmo 
nokraüv B, de rerum publicarum formis apud Athenienses, libri duo). C’est de 
cette manière que le titre est indiqué dans la nouvelle édition de Dio- 
gène 5, qui vient d'être donnée d’après d'excellents manuscrits d'Italie. 
Dans les éditions antérieures, ce livre était intitulé : Sur Les citoyens d’A- 
thènes (repi rôv AS#mar mur), ce qui en change tout à fait la portée. La 
première leçon'est évidemment préférable à celle-ci. On peut cependant 
expliquer cette dernière en supposant qu'il s'agissait dans ce livre du 
recensement de l’Attique que Démétrius fit pendant son administration *: 
mais comme tout ce que nous savons de cet écrit se borne à la simple 
indication qu'en donne Diogène de Laërte, force nous sera bien de donner 
. cette hypothèse pour ce qu’elle vaut. 


‘ Harpocrat., loc. laud. 

2 D. L., lib. V, cap. Il, $ 45. 

5 Pag. 129, 1. 47; Paris, Didot, 4850. 

4 Ctesicles, apud Athen., lib. VI, p. 272 c. . 


4110 MÉMOIRE 


L'ouvrage en deux livres sur la Démagogie ‘, que M. Ch. Müller ? rap- 
porte, avec les traités sur les lois et la politique, aux écrits spéculatifs de 
Démétrius, est mieux placé, selon nous, à côté des deux œuvres précé- 
dentes. En effet, s’il était dans la Grèce un État populaire où cet ulcère de 
la démocratie exerçàt le plus ses ravages désastreux, c'était sans con- 
tredit l’Attique : dès lors, on conçoit comment Démétrius fut amené à 
s'occuper d’un fléau qu’il avait combattu pendant sa carrière d'homme 
d'État, et pour lequel la doctrine philosophique qu’il professait devait 
d’ailleurs lui inspirer beaucoup d’éloignement. Déjà, dans sa Politique 5, 
Aristote avait assigné aux démagogues près du peuple le rôle que jouent 
les flatteurs chez les tyrans : il leur reprochait d’affaiblir le crédit des lois 
et de détruire le principe d’autorité en rapportant tout à la foule, leur 
idole. Théophraste ne porta pas sur eux un jugement plus favorable. 
Quant à Démétrius, à qui les luttes politiques avaient donné plus de mo- 
tifs encore de les haïr, il fut pour eux inexorable. On peut prendre une 
idée de la manière dont était conçu cet écrit de Démétrius, par le juge- 
ment qu’il porte sur Démosthène (alors, sans aucun doute, le plus esti- 
mable défenseur de la cause populaire), jugement que Plutarque nous a 
conservé dans la biographie de cet orateur #, et qu’il a probablement tiré 
de l'ouvrage susdit. Il disait que Démosthène, qui n’était pas homme 
bien digne de confiance à la guerre, ni assez muni et fortifié contre les 
présents, et qui, dans le temps qu’il se montrait inaccessible à tout l'or de 
Philippe et de la Macédoine, se laissait captiver par celui de Suse et d’Ec- 
batane, était bien plus capable de louer que d’imiter les grandes actions 
des ancêtres. La partialité qui perce dans cette appréciation, nous permet 
de juger quel fut le ton général du livre de Démétrius sur la démagogie. 
Toutefois, il n’en est pas moins à regretter comme un document qui au- 
rait pu jeter un grand jour sur l’histoire intérieure d'Athènes à cette époque. 


1 D. L., lib. V, cap. V, $ 80. 

2 Ad Fr. hist. Gr., vol. I, p. 362. 

5 Lib. IV, cap. 4, $ 5. V., sur la démagogie grecque, Walkenaer, Diatr. in Eur. fragm., p.253 sqq.; 
Wyttenbach, ad Plut. Moral., p. 251 sqq.; Wachsmuth, Hellen. Alterth., vol. H, p. 24 sqq. 

+ Demosthen., cap. 14, p. 215, t. VII, trad. Dacier. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 111 


Démétrius jugea aussi à propos d'exposer une institution de sa patrie 
dans un livre spécial intitulé l’Assemblée assermentée *. Ce livre concernait 
le serment que l'on faisait prêter aux juges et par lequel ils s'engageaient 
à voter selon les lois ou selon leur conscience, quand les lois faisaient dé- 
faut ?, Quel fut maintenant le motif qui engagea Démétrius à composer 
ce livre? c’est ce que nous ne pouvons déterminer , puisque nous n’en pos- 
sédons que le titre. 

Notre auteur avait aussi écrit sur les lois un traité en un livre, et un 
autre en deux livres sur la politique ; mais, comme nous l'avons dit, nous 
aurons à parler de ces ouvrages, qui étaient purement spéculatifs 5, dans 
la quatrième partie de ce travail. Il est toutefois bon de remarquer que 
nous trouvons ici Démétrius dans la route tracée par Aristote et fidèlement 
suivie par Théophraste. Avant le philosophe de Stagire, les écrits sur la 
science du gouvernement étaient presque entièrement spéculatifs ; la poli- 
tique n’était guère traitée que par des sophistes et des rhéteurs #. Aristote 
s’éleva avec force contre cette prétention insoutenable et n’épargna pas 
même, dans ses attaques, son maître Platon 5. Pour lui, prenant une 
marche tout opposée, il rassembla une suite abondante d'observations dont 
il déduisit ses maximes politiques 6. C’est la tendance qu’on voit se révéler 
à chaque page de ses Politiques, ouvrage théorique pour la forme, pratique 
pour le fond. Théophraste continua et compléta dans cette direction les 
travaux de son maître 7. L’impulsion que ces deux publicistes donnèrent 
à leur siècle en cette matière , fut telle qu'après eux on abandonna presque 
complétementla théorie gouvernementale pour se borner à l'examen des 
faits 5, C’est ce qui, entre autres, nous apparaît clairement pour Démétrius; 
car, à part les deux œuvres qui viennent d’être mentionnées, ses autres 


1 'ExxAyoix évopxos æ', Concio jurata, liber unus. Diog. Laert., p. 130, 1. 7, ed. Didot. 
? Pollux, Onomast., üb. VIN, sect. 122, p. 350 sq., ed. Bekker. 

5 Cf. Müller, ad Fragm. hist. Græc., vol. Il, p. 362. 

* Aristot., Polit., lib. Il, capp. 4 et 5, p. 44-52, t. XI opp., ed. Tauchn. 

5 Cf. Heyne, Opuse., t. 11, p. 281. 

$ Heyne, loc. laud. 

1 Heyne, ibid., p. 282. 

$ Heyne (p. 282 sqq.) énumère un grand nombre de traités écrits dans cet esprit. 


112 MÉMOIRE 


ouvrages en ce genre sont des ouvrages de politique appliquée. C'est ce 
caractère empirique qui nous engage à mentionner ici, plutôt que dans 
le chapitre suivant, son livre sur les Droits !, livre qui, par son titre, nous 
rappelle celui dans lequel Aristote établissait des règles pour décider les 
différends qui surgissaient entre les États grecs ?. 

Après avoir traité dans les écrits que nous avons précédemment énu- 
mérés, des moyens d'établir l’ordre intérieur dans l'État, Démétrius ne 
négligea pas non plus les moyens de défense extérieure. Le commande- 
ment militaire dont il fut revêtu pendant son administration , comme nous 
l’avons vu dans la seconde partie de ce travail, et la nécessité où il se vit 
de payer de sa personne lors de l'assaut que Démétrius Poliorcète livra 
au fort de Munychie, lui suggérèrent sans doute l’idée d'écrire l'ouvrage 
qu’on nous mentionne de lui sur l’Art de la guerre, en deux livres 5. Tou- 
tefois, comme il ne nous est guère connu comme guerrier, il est hors de 
doute que son expérience ne lui a pas fourni les ressources nécessaires 
pour composer un tel ouvrage, et qu’il a dû puiser ses documents dans les 
écrits antérieurs #. Xénophon et Thucydide pouvaient déjà lui être d’un 
grand secours; mais c’est surtout, croyons-nous, dans les historiens 
d'Alexandre contemporains de Démétrius, que celui-ci à recueilli la 
plus grande partie des éléments de ce travail. Nous ne doutons pas non 
plus qu’il n’ait beaucoup profité de l’ouvrage publié sur la même matière 
par Énée le Tacticien, qui paraît avoir vécu dans le milieu du IV: siècle 
avant notre ère 5. Ce livre d’Énée paraît du reste avoir été très-répandu 
du temps de Démétrius de Phalère, puisque Cinéas, disciple de Démos- 
thène et ami de Pyrrhus, ne dédaïgna pas d’en faire un abrégé 5. Démé- 
trius ne fut pas d’ailleurs le premier philosophe qui eût écrit sur un tel 


1 Aéro, Jura. D. L., p. 130, 1. 8, ed. Didot. 

2 Axauara réxeuv. D. L., lib. V, cap. 1, $ 26. Cf. Aristot. Vit. lat., p. 58 sq., vol. L opp. ed. 
Buhl. 

5 Srparyy môy « B, de Re militari libri duo. D. L., p. 129, 1. 49, ed. Didot. 

+ Ce qui le rattache par conséquent aux travaux d’érudition. 

5 Cf. Groddeck., Init. hist. Græc. litt., P. 1, p. 211. 

6 Aiveius te dix rAspyoy xa) otparyyinà BiBlix lnayas cuyraËduavos, dy érirouyy à @errandc Kivéa: 


éroiyce. Ælian., Tact., cap. 1. Cf. Cic., Epist. ad div., IX, 25. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 115 


sujet, puisque nous trouvons dans le catalogue des œuvres de Démocrite , 
en supposant toutefois qu’il ne contienne pas d’écrits supposés ?, un traité 
sur la tactique et un autre sur les armes propres à la guerre. Du reste, 
ce livre de Démétrius fut un des premiers essais qui furent faits dans 
l'antiquité pour réduire en principes l’art militaire, et, pour ce motif, il 
mérite d’être signalé. 

Mais si, d’après le titre seul, il est facile de se faire une idée de cet 
écrit, nous n’en pouvons pas dire autant de celui que Diogène intitule 
Introduction historique 5. Tout ce que l’on peut supposer, c’est qu’il servait 
d’avant-propos à un ouvrage qui n'appartenait pas proprement au genre 
historique; mais quel était cet ouvrage? c’est ce que le manque absolu de 
renseignements rend impossible à déterminer. 

Nous trouvons encore dans la liste des écrits de Démétrius # plusieurs 
livres dont il ne nous reste plus guère que les titres. Ce sont : Ptolémée, 
Phædondas, Mædon, Cléon, Socrate, Aristomaque, Artaxerxès, Aristide, 
Dionysius et un traité sur Antiphane. Belin de Ballu ÿ suppose que ce 
sont là des dialogues ou des discours philosophiques. Nous avons de la 
peine à adopter la première partie de son hypothèse, parce que le dia- 
logue est un genre d’écrits qui ne fut jamais en grande faveur chez les 
Péripatéticiens. Le génie sévère de leur: philosophie ne s’accommodait 
pas bien de cette forme dramatique, qui souriait davantage à l’imagina- 
tion brillante de Platon. Aussi saint Basile nous dit-il qu’Aristote et Théo- 
phraste, ayant voulu s'exercer dans ce genre de compositions, durent 
bientôt y renoncer, parce qu'ils avaient la conscience de leur infériorité 
sous le rapport de la grâce, qualité que Platon y a si bien déployée f. 
On peut, ce nous semble, conclure de ce témoignage que si Démétrius 
eût également écrit des dialogues, son nom devait se placer tout naturel- 
lement sous la plume de l'écrivain à la suite de ceux de ses maîtres. Mais 


1 D. L., lib. IX, p. 239, 1. 43, ed. Didot. 

? H. Ritter, Hist. de la phil. anc., vol. I, p. 476, trad. Tissot. 

Upcofuwr ioropxéy. D, L., lib. V, cap. V, $ 81. 

D. L., lib. V, cap. V, $ 81. 

Hist. crit. de l'élog. chez les Grecs, t. 11, p. 57. 

Auè rè ouvedévou Éaurols rüv Uaaromxy pires rh ivday. Bas. Magn., ep. 167. 


Toue XXIV. 15 


So + 1 


4114 MÉMOIRE 


il est plus probable qu’averti par leur exemple, il renonça à lutter avec 
le sublime disciple de Socrate. 

Nous aimons mieux, avec M. Matter !, voir dans ces ouvrages autant 
d’éloges historiques, qui, selon le mérite de chacun des personnages qu’ils 
célébraient, étaient également importants et pour l’histoire et pour la phi- 
losophie. Cependant, quand l’estimable auteur de l’Essai historique sur l’école 
d'Alexandrie compte un Chalcidius parmi ceux dont Démétrius a fait la 
biographie, et nous prie de ne pas confondre cet homme avec Chalcidius, 
platonicien du II: siècle ?, on pourrait le prier, à son tour, de consulter 
avec plus de soin le texte de l’auteur auquel il renvoie. Le catalogue des 
ouvrages de Démétrius dans Diogène de Laërte, que cite M. Matter, porte 
Xaudwés, Sans aucune variante signalée. De même que Oumprés, Eparmés, etc, 
signifient discours sur Homère, discours sur l'Amour, de même Xawmdmés veut 
dire discours sur Chalcis; en sorte que ce savant est bien près d’avoir pris 
un nom de port pour un nom d'homme. Il résulte du titre même de cet 
écrit qu'il n'appartient pas au sujet que nous traitons présentement, et 
qu’il concerne plutôt Démétrius considéré comme orateur. 

Quant aux ouvrages dont nous avons cité les titres précédemment et 
qui formaient chacun seulement un livre 5, ce qui nous détermine à les 
prendre pour des écrits du genre historique, ce sont les deux passages 
que Plutarque nous cite de l’un d’eux, du Socrate, et dont nous allons 
donner la traduction, parce qu’ils nous fourniront également les moyens 
d'apprécier le degré de critique que possédait Démétrius. Voici le premier 
et le plus long : il est tiré du commencement même de la vie d’Aristide # : 

« Aristide, fils de Lysimachus, était de la tribu Antiochide et du 
bourg d’Alopèce. Les opinions sont partagées sur sa fortune. Les uns 
disent qu'il vécut toujours dans une extrême pauvreté, et qu'après sa 
mort, il laissa deux filles, que leur indigence empêcha longtemps de se 
marier. Cette tradition, presque générale, est démentie par Démétrius de 


1 Essai hist. sur l'école d'Aleæ., t. I, p. 64. 
2 Jbid., note 2. 

5 Diog. Laert., ut suprà. 

# Trad. Ricard, vol. EV, p. 162 sqq. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 115 


Phalère, qui dit, dans son Socrate, qu'il connaissait à Phalère un bien 
appelé la terre d’Aristide : il donne pour preuve de la richesse de sa 
maison, premièrement la charge d’archonte éponyme qui lui échut par le 
sort et qui ne se donnait qu'aux citoyens qui, dans l'estimation des biens, 
étaient de la première classe et s’appelaient Pentacosiomédimnes; en 
second lieu, l’ostracisme auquel il fut condamné, et qui n’était jamais 
employé contre les citoyens pauvres, mais seulement contre ceux des 
plus grandes maisons qui, par leur élévation, s'étaient attiré l’envie pu- 
blique; une troisième et dernière preuve rapportée par Démétrius, c’est 
la consécration que fit Aristide, dans le temple de Bacchus, des trépieds 
des jeux publics, comme un monument de sa victoire, et qu’on montre 
encore de nos jours avec cette inscription : La tribu Antiochide remporta la 
victoire, Aristide fournit aux frais et Archestrate fit jouer ses pièces. » 

Il est curieux de voir, tant les anciens étaient peu avancés dans la cri- 
tique, les raisons dont Plutarque se sert pour réfuter les arguments de 
Démétrius. Nous tâcherons de montrer plus tard quel motif avait conduit 
ce dernier aux erreurs que Plutarque veut lui reprocher : pour le mo- 
ment, laissons parler celui-ci, qui continue immédiatement en ces termes : 

« Cette preuve (de l'inscription), qui paraît la plus forte, est cepen- 
dant la plus faible : car Épaminondas, que tout le monde sait être né et 
avoir vécu pauvre, et Platon le philosophe, firent les frais de jeux dont 
la dépense était considérable. Le premier défraya les joueurs de flûte à 
Thèbes, et le second, les enfants qui dansaient dans les chœurs à Athènes ; 
mais Dion avait donné à Platon l'argent nécessaire, et Épaminondas l'avait 
reçu de Pélopidas. » 

Certes, si Plutarque eût borné là sa réfutation des arguments de Dé- 
métrius, il aurait lui-même fait preuve de peu de jugement; car, comme 
le remarque Ricard , les exemples que cite Plutarque ne sauraient 
affaiblir la preuve qu'il attaque ici : Épaminondas et Platon peuvent 
avoir reçu de leurs amis l'argent nécessaire pour fournir aux frais des 
jeux, sans qu'on puisse en inférer que les amis d’Aristide aient aussi 


1 Note 5 sur la vie d'Aristide, p. 214. 


116 MÉMOIRE 


fait pour lui cette dépense. Plutarque n’a pas beaucoup mieux rencontré 
en recourant à l'autorité de Panétius de Rhodes, auteur d’un ouvrage 
sur les sectes philosophiques qui est cité par Diogène de Laërte!, et dont 
est probablement tiré le passage rapporté par Plutarque en ces termes ? : 

« Quant aux trépieds, Panétius a fait voir clairement que Démétrius 
avait été trompé par la ressemblance des noms. Depuis la guerre des Perses 
jusqu’à la fin de celle du Péloponèse, on ne trouve dans les actes pu- 
blics que deux Aristide qui aient remporté la victoire dans des jeux dont 
ils fournissaient les frais, et ils ne sont ni l’un ni l’autre fils de Lysima- 
chus. Le premier était fils de Xénophile, et le second ne vécut que long- 
temps après notre Aristide, comme le prouvent les caractères d'écriture qui 
commencèrent à être en usage après Euclide, et le nom même du poëte 
Archestrate, qu’on ne trouve joint à celui d’Aristide dans aucun monu- 
ment du temps des guerres Médiques, au lieu qu’on le voit souvent cité 
comme ayant fait jouer ses pièces pendant la guerre du Péloponèse. » 

Nous avons dit plus haut que le passage de Panétius est probablement 
extrait de son ouvrage sur l’histoire de la philosophie. On nous deman- 
dera peut-être ce qui pouvait engager Panétius à s'occuper, dans un ou- 
vrage de ce genre, d’Aristide, dont le nom semble ne pas devoir y entrer. 
Nous répondrons que, comme Panétius voulait réfuter ce qu'avait dit 
Démétrius dans son ouvrage sur Socrate, ce doit être au sujet de Socrate 
que cette divergence d'opinions s’est manifestée. C’est ce que vient plei- 
nement confirmer un curieux passage d’Athénée 5 où il s’agit des deux 
femmes que plusieurs écrivains donnaient à ce sage Athénien : 

« Si l’on s'appuie sur les lois de Cécrops, dit cet auteur, après avoir 
rapporté un extrait de l'historien Cléarque dans lequel il est question de 
l'établissement de mariage par ce roi d’Athènes , on peut blämer ceux qui 
attribuent à Socrate deux femmes, Xanthippe et Myrto, fille d’Aristide. 
Ces auteurs sont Callisthène, Démétrius de Phalère, le péripatéticien Sa- 


* Lib. IE, cap. VIE, $ 87. KaSé gyoi rai Hlavairios à ro repi r@ œipéceæv. Cf. Van Lynden, de Pan. 
Rhod., p. 114 sqq. 


? Pag. 164, trad. Ricard. 
5 Lib. XIII, p. 555-556. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 117 


tyrus et Aristoxène , auxquels Aristote a servi d'autorité, puisqu'il rap- 
porte également ce fait dans son livre sur la noblesse. On peut croire 
qu'il fut alors permis, à qui voudrait, d’avoir deux femmes par un décret 
motivé sur la dépopulation. C’est par là que nous devons expliquer com- 
ment les poëtes comiques, qui parlent si souvent de Socrate, passent cette 
chose sous silence. Hiéronyme de Rhodes ! a rapporté, dans l’un. de ses 
écrits, un semblable décret sur les femmes. Mais Panétius de Rhodes con- 
tredit les auteurs qui donnent deux femmes à Socrate. » 

Athénée a du reste copié dans cet endroit, sans toutefois le citer et 
en ajoutant quelques remarques de son cru ?, Plutarque, qui à la fin 
de sa Vie d’Aristide 5 s'exprime en ces termes : « Démétrius de Phalère, 
Hiéronyme de Rhodes, Aristoxène le musicien et Aristote (si le traité de 
la noblesse est véritablement de lui) racontent que Myrto, petite-fille d’A- 
ristide, cohabitait avec le sage Socrate (quoique celui-ci eût déjà une 
autre femme), parce que son extrême pauvreté l'empêchait de se remarier. 
Mais Panétius les a suffisamment réfutés en traitant de Socrate #. » 

La mention expresse que nous trouvons dans ce dernier endroit, ne 
nous permet pas de douter que ce ne soit dans l’ouvrage dont nous par- 
lons que Panétius s’est ainsi mis en opposition avec Démétrius et d’autres 
auteurs qui avaient représenté Socrate comme bigame. Mais comme Plu- 
tarque, encore une fois, ne s’est pas donné la peine, comme il devait le 
faire, de rapporter les preuves par lesquelles, selon lui, Panétius les avait 
suffisamment réfutés, nous nous permettrons de préférer à son autorité 


‘ Auteur d’une histoire de la philosophie et de la littérature. Cf. Fragm. hist. Gr. vol.IL, p. 450. 

? Il a même mis, par erreur, Callisthène au nombre des historiens qui parlaient des deux fem- 
mes de Socrate. Cf. Mahne, ad Aristox. Fragm. 30, t. H, p. 284, Fragm. hist. Græc., et Luzac, 
de digamia Socratis, p. 26. 

3 Pag. 213, trad. Ricard. 

4'Ey +k rep} Swwpérous. Ces mots que Ricard rend par : dans la vie de Socrate, et la traduc- 
tion latine de Plutarque par : in libris quos de Socrate scripsit, nous paraissent avoir tout sim- 
plement le sens que nous leur avons donné, et désigner la partie de l'ouvrage de Panétius sur les 
sectes philosophiques, où il était traité de Socrate, tout comme Tà æepi Aishou xai Aourrouy és 
xai Kigxws, désigne le chant de l'Odyssée où il est parlé d'Éole, des Lestrygons et de Circé. On s'est 
bien souvent fondé sur cette manière de parler, fréquente chez les auteurs grecs, pour donner 
comme ouvrages séparés des parties d’un ouvrage. Cf. Van Lynden, loc. cit. 


118 MÉMOIRE 


celle de Démétrius, d’Aristoxène, d’Hiéronyme de Rhodes et de Satyrus, 
qui, plus anciens que lui, étaient mieux à même de décider sur ce point. 
Ajoutez à cette raison que Panétius semble avoir aimé les paradoxes en 
histoire : il soutenait, par exemple, contre le sentiment unanime de tous 
les autres écrivains que c’était un Socrate autre que le philosophe, qu’A- 
ristophane aurait mis sur la scène dans sa comédie des Nuées 1. 

Nous ne pouvons pas non plus admettre avec Plutarque que, par 
rapport aux trépieds, Panétius ait fait voir clairement que Démétrius 
aurait été trompé par la ressemblance des noms. La première preuve 
‘qu’il en donnait est incomplète ; car il se pouvait fort bien que depuis 
la guerre des Perses jusqu’à la fin de celle du Péloponèse, on ne trou- 
vàt dans les actes publics que deux Aristide qui eussent remporté la 
victoire dans les jeux, et qui ne fussent, ni l’un ni l’autre, fils de Lysi- 
machus; mais faut-il nécessairement qu’Aristide ait été chorége seule- 
ment pendant ou depuis la guerre Médique, et ne pouvait-on pas trouver, 
dans les actes publics antérieurs à cette époque, une date pour l'inscrip- 
tion rapportée ici ? 

La preuve que Panétius veut tirer des caractères employés dans l’'in- 
scription ne nous semble pas non plus très-valable. Il est bien vrai que 
l'alphabet ionien , dont il veut parler ici , ne fut adopté dans l’Attique, pour 
les actes publics, qu'après la guerre du Péloponèse, sous l’archontat 
d'Euclide, 403 ans avant notre ère; mais il s’agit ici d’un monument 
privé pour lequel on était libre de se servir des caractères que l'on vou- 
lait, et il faut croire qu'avant d’être employé dans les pièces officielles, 


1 Schweighhäuser, Animadv. ad Athen., t. NII, p. 7, ed. Bip. Luzac a écrit, pour réfuter la ver- 
sion de ce double mariage de Socrate, une longue et savante dissertation (de Aryawia Socratis diss., 
Lugd. Bat., 1809), dans laquelle il s'attache surtout à déprimer l'autorité d’Aristoxène, d'Hiéro- 
nyme et de Satyrus dans ce fait si sujet à controverse. Quant au témoignage de Démétrius de 
Phalère, il se contente de jeter un doute sur son existence (si hujus aliquod fuit in illa causa 
testimonium, sect. I, $ 4, p.25), sans le prendre davantage en considération. C’est là le côté faible 
de ce chef-d'œuvre d’érudition ; car il fallait réfuter également ce que dit de la bigamie de Socrate 
notre auteur, dont cependant Luzac (sect. II, $ 44, p. 465) reconnaît la bonne foi à l'égard de 
ce philosophe. Il ne nous semble done pas avoir dit le dernier mot sur cette question intéressante ; 
mais on sent qu'il nous est impossible dans ce travail de répondre, pour un point tout parti- 
culier, à un in-quarto de 318 pages. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 119 


l'alphabet de vingt-quatre lettres s'était depuis longtemps introduit dans 
l'usage particulier. 

La troisième preuve donnée par Panétius n’est guère plus forte, lors- 
qu’il dit qu’on ne trouve le nom du poëte Archestrate joint à celui d’Ari- 
stide dans aucun monument du temps des guerres Médiques, tandis 
qu'on le voit souvent cité comme ayant fait jouer ses pièces pendant la 
guerre du Péloponèse. En effet , il ne serait pas du tout impossible que le 
même poëte qui aurait fait représenter des pièces de théâtre pendant les 
premières années de la guerre du Péloponèse, en eût fait jouer aupara- 
vant dans les dernières années des guerres Médiques, puisqu'il n’y a pas 
plus de cinquante ans de l’une à l’autre époque 1. Plutarque a senti lui- 
même que les raisons de Panétius n'étaient pas irréfragables , puisqu'il 
ajoute que, du reste, cet argument de Panétius demandait une discussion 
plus approfondie ?. 

Plutarque ne nous semble pas avoir réfuté plus solidement la preuve 
que Démétrius tirait de l’ostracisme auquel fut condamné Aristide. « Pour 
l'ostracisme, dit-il, il tombait indifféremment sur tous ceux que leur 
réputation, leur naissance ou le talent de la parole élevaient au-dessus 
des autres. Damon lui-même, le précepteur de Périclès, fut soumis à ce 
ban, parce que sa prudence le distinguait de tous ses concitoyens 5. » Cet 
historien s’est exprimé d’une manière trop générale, à notre avis, et n’a 
pas établi de distinction entre des différentes époques de cette institution 
démocratique, qui ne tomba en désuétude que lorsqu'on l’eut appliquée 
à des hommes aussi méprisables qu'Hyperbolus. Barthélémy, dans son 
Voyage d’Anacharsis *, en a marqué ainsi , d’après Aristote, la destination 
primitive : « Dans toute république, un citoyen se rend coupable dès qu'il 
devient trop puissant. Si vos lois ne peuvent empêcher que des particu- 
liers n’acquièrent trop de richesses et par là ne rassemblent autour d'eux 
une assez grande quantité de partisans pour se faire redouter, vous aurez 


1 Ricard, Notes sur la vie d'Aristide, vol. IV, p. 217. 
% Plut., Aristid., 1. 1., p. 164. 

5 Plut., loc. cit., pp. 164 et 165. 

# Chap. LXU, p. 54 sq., t. VI, éd. Paris, in-8°. 


\ 


120 MÉMOIRE 


recours à l’ostracisme ou à l’exil, et vous les tiendrez éloignés pendant un 
certain nombre d’années. » 

Voyons à présent de quelle manière Plutarque s’y prend pour détruire 
l'argument de Démétrius fondé sur la charge d’archonte éponyme, charge 
qui ne se donnait, dans l’origine, qu'aux citoyens possédant un revenu de 
500 médimnes. Il invoque encore une fois, à cet effet, le témoignage d’un 
historien, Idoménée de Lampsaque, qui fut à peu près contemporain 
de Démétrius, et paraît avoir écrit un livre sur les démagogues 1. Cet 
auteur dit, selon Plutarque ?, qu'Aristide ne fut pas nommé archonte 
par le sort, mais par le choix des Athéniens. Nous avouons que s’il fal- 
lait choisir entre ces deux témoignages opposés, nous préférerions de toute 
nécessité celui de Démétrius à celui d’Idoménée, puisque le premier, par 
suite des travaux auxquelsil s’était livré pour rédiger sa Liste des archontes, 
doit inspirer, sur le point en question, plus de confiance que l’autre, qui 
ne peut s’en être occupé d’une manière aussi consciencieuse. Mais il 
n’est pas même nécessaire d’accuser Idoménée d’une erreur que l’on doit 
plutôt mettre sur le compte de Plutarque, parce qu’il a mal compris l’auteur 
même qu’il citait. En effet, il lui est arrivé, comme à beaucoup d’autres, de 
prendre pour archonte éponyme un simple archonte 5, car ce dernier mot 
n'avait souvent, chez les Athéniens, que le sens de magistrat. C’est ainsi 
qu’on doit l'entendre dans le passage suivant d’Idoménée, qui est cité par 
Plutarque même dans un autre endroit, et qui paraît l'avoir induit en 
erreur : « Aristide, dit cet historien #, ayant été choisi pour intendant 
des revenus publics, mit au jour les nombreuses malversations, tant des 
archontes de son époque que de ceux qui l'avaient précédé dans cette 
charge. Il dévoila surtout les rapines de Thémistocle. Aussi celui-ci, 
ayant suscité de nombreux adversaires à son rival dans la reddition des 
comptes, voulut le faire condamner pour crime de péculat. Les notables 


1 Cf. Müller, Fragm. hist. Græc., vol. II, p. 489. 
? Vie d'Aristide, p. 165, trad. Ricard. 


5 Bæœckh, de Archont. pseudeponym., p. 5 sq. Cf. Müller, ad Fr. hist. Græc., vol. 1, pp. 267 
et 492. 


# Jdomen., apud Plut., Aristid., cap. 4; fragm. 10, vol. I, p. 492, Fr. hist. Gr. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 121 


d'Athènes s’indignèrent de cet attentat, et non-seulement Aristide ne fut 
pas condamné à l'amende, mais encore il fut nommé de nouveau au même 
emploi. Alors Aristide, feignant de se repentir de son premier procédé et 
se montrant plus complaisant, fut bien vu de ceux qui volaient le trésor 
public, en sorte que, s'étant enrichis de l'argent du peuple, ils se mirent 
à porter Aristide jusqu'aux nues et à engager le peuple à le choisir archonte 
encore une fois. » 

Il est probable qu'ayant lu avec précipitation ce passage d’Idoménée, 
Plutarque aura cru qu’il s'agissait ici de la dignité d’archonte éponyme !. 
Il a commis la même erreur encore dans un autre passage, qu’il rapporte 
de Démétrius, sans toutefois citer le livre dont il l’a tiré ?, et dont voici la 
traduction : « Aristide fut archonte éponyme immédiatement après la 
bataille de Marathon. Cependant Démétrius de Phalère le fait archonte 
après la bataille de Platée, un peu avant sa mort. Mais après Xanthippide, 
sous l’archontat duquel Mardonius fut défait à Platée, on ne trouve dans 
les actes publics, parmi tant d’archontes, aucun qui porte le nom d’Aris- 
tide, tandis qu'après l'archonte Phanippe, sous lequel les Athéniens 
vainquirent à Marathon, on y voit qu'Aristide lui succéda immédiate- 
ment. » 

Encore une fois, Plutarque a pris pour la dignité d’archonte éponyme 
une magistrature ordinaire dont Aristide fut revêtu 5. L'endroit de Dé- 
métrius auquel Plutarque renvoie ici, peut, du reste, avoir aussi bien 
appartenu à son livre des Archontes, dont il a été rendu compte précé- 
demment, qu'à son ouvrage sur Socrate dont nous nous occupons main- 
tenant. 

Après avoir dit que, selon Idoménée de Lampsaque, Aristide ne fut pas 
nommé archonte par le sort, mais par le choix des Athéniens, Plutarque 
poursuit en ces termes : « Si Aristide fut archonte éponyme après la 
bataille de Platée, comme l’écrit Démétrius, il est très-probable qu'après 


! Müller, ad Fragm. hist. Græc., vol. H, p. 492. 
? Aristid., cap. V. 
5 Omnino sæpius factum est ut ii, qui aliam quamcumque àpxy exercuerant, eponymi nume- 
rati sint. Müller, ad Hist. Gr. fragm., vol. WE, p. 367; cf. ibid., p. 492. 
Toue XXIV. 16 


122 MÉMOIRE 


une si grande gloire et tant d’exploits, il dut à sa vertu une élection que 
les autres obtenaient par leurs richesses. » Cette manière de raisonner est 
d'elle-même déjà très-sujette à caution, et ensuite elle est en contradiction 
avec le peu de faveur dont Aristide, à cause de ses opinions aristocrati- 
ques, jouit constamment auprès du peuple athénien. 

Nous croyons avoir suffisamment, par cette discussion, défendu l'au- 
torité historique de Démétrius contre les attaques de Panétius et de Plu- 
tarque. En nous y livrant, notre but était encore de démontrer le soin 
qu'avait apporté notre auteur à la composition de ses ouvrages, soit his- 
toriques, soit historico-philosophiques. Nous voyons, en effet, qu’il s’ap- 
puyait principalement sur les monuments et sur les inscriptions, et qu’il 
savait aussi tirer des usages politiques d’Athènes des arguments en faveur 
de la thèse qu’il se proposait de défendre. Dans l’état d'enfance où la 
critique se trouva continuellement chez les anciens, de pareils efforts 
méritent certainement d’être signalés, et nous font voir dans Démétrius 
un écrivain qui, contrairement à l'usage de presque tous les historiens 
grecs, n'accepte pas les traditions comme des faits avérés, mais les exa- 
mine scrupuleusement, et les rejette quand ils se trouvent opposés à des 
monuments dont l'autorité lui semble avec raison préférable. Nous ne pou- 
vons nous empêcher de penser avec lui que la pauvreté d’Aristide est un 
fait qu’on peut révoquer en doute. On ne nous opposera pas certainement 
le témoignage de Cornélius Népos 1, dont l’autorité est des plus secon- 
daires auprès des noms que nous avons invoqués. Nous ne pouvons nous 
empêcher de reconnaître, dans cette prétendue indigence d’Aristide, la 
trace des éloges sophistiques par lesquels les Grecs commencèrent de 
bonne heure à orner l’histoire de leurs grands hommes aux dépens de la 
vérité. 

Mais si nous sommes obligés de rendre hommage aux recherches con- 
sciencieuses de Démétrius, est-ce à dire pour cela que l'esprit de parti, 
soit politique, soit philosophique, ne l’ait pas porté à dénaturer les faits, 
comme cela se voit dans tous les temps et dans tous les lieux? Nous nous 


1 Aristid., cap. IF, $ 2. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 195 


voyons ici forcés d’avouer que, sous ce rapport, il pourrait paraître, à la 
première vue, mériter les reproches que lui adresse Plutarque. « Il est 
évident, dit cet historien !, que Démétrius veut à tout prix éloigner 
d’Aristide, et même de Socrate, le soupçon de pauvreté, comme si c'était 
un grand mal : il dit que ce dernier était propriétaire d’une maison, et 
qu’il avait encore soixante et dix mines d'argent que Criton lui faisait 
valoir. » 

Nous voici arrivés sur la trace du motif qui avait conduit Démétrius à 
s'occuper d’Aristide dans son ouvrage sur Socrate. La réputation de pau- 
vreté leur étant commune de son temps, il aura cru qu’en la réfutant à 
l'égard du premier elle tomberait également par rapport au second. Mais, 
quant à Socrate, les assertions de Démétrius seraient des plus suspectes, 
si l’on s’en rapportait uniquement à l'autorité de Platon. Le philosophe 
fait déclarer à Socrate, dans son Apologie? que, vu son indigence, il n’au- 
rait pu se condamner qu’à une mine d'amende, et que s’il se condamne à 
trente mines, c’est parce que Platon, Critobule, Apollodore et Criton 
veulent bien répondre pour lui. On trouve encore dans les dialogues de 
Platon d’autres témoignages sur la pauvreté de son maître; mais nous 
nous bornerons à citer le précédent, comme le plus significatif. D’après 
cela , auquel des deux, de Platon ou de Démétrius, devons-nous accorder 
notre confiance sur le point en litige? Nous n’hésitons pas à répondre que 
c’est au dernier. On n’ignore pas, en effet, que Platon a manqué plus 
d’une fois à la vérité historique dans les éloges qu’il accorde à Socrate. 
Voyez, par exemple, dans Athénée 5, la réfutation curieuse par laquelle 
cet auteur réduit à néant les trois campagnes dans lesquelles Platon fait 
jouer à Socrate un rôle si glorieux. D'un autre côté, nous ne voyons dans 
les Dits et faits mémorables de Socrate par Xénophon, qui sont de tous les 
écrits sur Socrate ceux qui ont le plus de valeur historique #, aucun in- 
dice de cette extrême pauvreté dont on fait généralement honneur à ce 


1 Vie d'Aristide, p. 165, t. IV, trad. Ricard. 

2 Cap. XXVI, t. 1, p. 78, ed. Tauchn. 

5 Lib. V, cap. 55, pp. 215-216. 

4 H. Ritter, Hist. de la phil. anc., vol. Il, p. 35, trad. Tissot. 


124 MÉMOIRE 


sage. On y trouve au contraire, la preuve que Socrate était dans une posi- 
tion qui le mettait à l’abri du besoin : nous y lisons que, malgré l'usage 
généralement reçu de son temps, il n’acceptait aucun salaire de ses nom- 
breux disciples !, et même qu’il blämait sévèrement ceux qui prenaient de 
l'argent pour donner des leçons de vertu ?, Comme, d’autre part, il paraît 
avoir abandonné de bonne heure son état de statuaire pour se livrer en- 
tièrement à l'étude et à l’enseignement de la philosophie, et que, si grande 
qu’ait été sa frugalité, il devait néanmoins pourvoir à ses besoins et à 
ceux de sa famille, nous ne pouvons nous empêcher de croire, avec Démé- 
trius, que Socrate avait les moyens de vivre dans une certaine aisance. 

Voyons maintenant le motif qui avait engagé Démétrius à rechercher 
quelle pouvait être la fortune de Socrate. Nous le trouvons dans la doc- 
trine d’Aristote sur les biens extérieurs, que ce philosophe regardait 
comme nécessaires pour arriver au bonheur 5. C’est ce que ne pouvait ad- 
mettre le stoïcien Panétius, dont la secte méprisait les biens extérieurs 
et regardait la vertu comme suffisante pour la félicité. C’est ce dernier 
point de vue qui conduisit celui-ci, dans ses recherches sur Socrate, à des 
résultats opposés à ceux qu'avait obtenus Démétrius, dont l’autorité, nous 
croyons l'avoir établi, semble devoir l'emporter sur la sienne. 

On peut donc regarder comme constant que le Socrate de Démétrius 
avait, sous la forme historique, une portée philosophique. Démétrius semble 
avoir eu pour but dans cet ouvrage de dégager la personnalité du sage 
athénien des ornements brillants, mais faux, dont le génie oratoire de 
Platon l’avait entourée au point de la rendre méconnaissable. Il a voulu 
présenter au point de vue péripatéticien la vie de cet homme, auquel tous 
les philosophes de son temps rattachaient leurs systèmes. Il est probable 
encore qu'il y repoussait les accusations de différents genres qui avaient 
causé la mort de Socrate et qui trouvaient encore de son temps du crédit 
chez les Athéniens. Ménage *, en effet, nous paraît avoir raison de croire 

1 Lib. I, cap. IE, $ 60. 

2 Jbid., $$ 5, 6 et 7. 
5 H. Ritter, Hist. de la phil. anc., vol. HE, pp. 268 sq., 310 et 325 sq. 


* Obss. in D. L., p. 656, t. I Comment, ed. Hübn. Cf. Luzac, de dyawia Soer., sect. Il, $ 11, 
p. 465, not. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 195 


que l’ouvrage cité par Diogène de Laërte en trois endroits!, sous le titre 
d’Apologie de Socrate, est identique avec le livre dont nous parlons ici. 
Nous voyons, par le premier de ces passages, que Démétrius faisait mention 
d'Héraclite dans cette apologie de Socrate : d’où nous induisons qu'il y 
traitait de l'étude que ce dernier avait faite des divers systèmes de philo- 
sophie. On sait, en effet, qu’interrogé sur ce qu’il pensait du livre d’'Héra- 
clite, Socrate répondit : Ce que j'en ai compris est fort bon, et je pense 
qu’il en est de même du reste; mais ce livre demande un interprète ha- 
bile?. C’est aussi aux rapports de Socrate avec les autres philosophes que 
nous paraît devoir se rattacher la mention que, dans le second de ces 
fragments, Démétrius fait de Démocrite pour rejeter la tradition suivant 
laquelle il serait venu à Athènes du temps de Socrate. Enfin, dans le troi- 
sième, Démétrius rapporte que Diogène d’Apollonie, étant arrivé dans cette 
ville, y vit ses jours en danger à cause de la grande envie qu’il excita. Ce 
trait se rapporte évidemment aux raisons que donnait Démétrius pour 
expliquer la mort injuste de Socrate; ce qui nous fait voir comment 
cet ouvrage biographique a pu facilement être pris pour une apolo- 
gie 5. 

On ne peut guère douter que Diogène de Laërte n’ait tiré grand parti du 
Socrate de Démétrius, dans la partie de son ouvrage où il traite de ce 
philosophe. Il ne le cite pas pourtant, quoiqu'il ait eu cet ouvrage à sa 
disposition, comme on vient de le voir. Mais il rapporte, d’après un ou- 
vrage de Démétrius et la chronique d’Apollodore, les dates de la naissance 
et de la mort de Socrate, sans ajouter néanmoins dans quel écrit du pre- 
mier il a puisé ces renseignements. Cet écrit pourrait aussi bien être la 
liste des archontes que la vie de Socrate. Quoi qu’il en soit, le passage 
rapporté par Diogène de Laërte peut servir à nous prouver encore une fois 
ce que nous avons démontré plus haut, à savoir que Démétrius est la 
principale source à laquelle a puisé Apollodore pour la chronologie athé- 
nienne. Ce passage est conçu en ces termes. « Socrate naquit, comme le 


{ Lib. IX, cap. I, $ 15; cap. VI, $ 37; cap. IX, $ 57. 
* D. L., lib. II, cap. V, $ 22. 
5 Cf. Luzac, loc. laud., et sect. 11, $ 8, p. 143. 


196 MÉMOIRE 


dit Apollodore dans ses chroniques !, sous l’archontat d’Aphepsion, dans la 
quatrième année de la 77° olympiade, le sixième jour du mois de Thargé- 
lion, jour où les Athéniens purifient leur ville et auquel les Déliens 
fixent la naissance de Diane. Démétrius de Phalère dit aussi les mêmes choses. » 

On ne peut s'empêcher, en lisant ces lignes, de penser à la négligence 
avec laquelle Diogène fait usage des auteurs qu’il a consultés pour la com- 
position de ses biographies. Il est clair qu’au lieu de citer Apollodore 
avant Démétrius, c'était l’autorité de ce dernier qu’il fallait invoquer de 
prime abord. Toutefois, nous devons lui savoir gré d’avoir conservé un 
fragment qui nous prouve que Démétrius marquait avec la plus grande 
précision possible les dates des événements remarquables , qu’il traitait de 
l'époque à laquelle s’accomplissaient les diverses cérémonies publiques , 
et qu’il ne négligeait pas les traditions mythiques qui avaient cours dans la 
Grèce. Telles sont les inductions que nous croyons devoir tirer du passage 
cité ci-dessus. 

Quant aux ouvrages de Démétrius que nous avons énumérés avec le So- 
crate, et qui portent pour titres des noms propres d'hommes, nous en sommes 
réduits, pour leur contenu, à de pures hypothèses, puisqu'ils ne se trou- 
vent mentionnés que par Diogène. Nous ne pouvons pas même affirmer 
avec certitude quels étaient les personnages dont ils traitaient. Toutefois 
nous croyons, avec M. Matter ?, que le Ptolémée renfermait l'éloge et la vie 
du prince qui avait fait à Démétrius un accueil si généreux , et que cet écrit 
fut sans doute composé à la mort du prince et dans l'exil de Démétrius. 

Le Phédondas, dont le titre suit dans Diogène 5 celui du Ptolémée, fut 
probablement écrit en l'honneur d’un des nombreux amis que la grande 
réputation et le caractère aimable de Démétrius n’ont pas manqué de lui 
faire pendant son séjour à Thèbes : c’est ce qu’on peut du moins supposer 
d’après la forme de ce nom, qui est exclusivement béotienne. 

Nous trouvons à la suite du Phédondas un écrit mentionné sous le 
titre de Médon, nom qui nous est totalement inconnu. Après vient le 


Apollod., fragm. 82, p. 446, vol. 1 Fragm. hist. Græc. 
Essai hist. sur l'école d'Alexandrie, vol. 1, p. 64, note 2. 
Lib. V, cap. V, $ 81. 


1 
2 
5 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 127 


Cléon, qui était très-probablement consacré à la mémoire de cet ami avec 
lequel on accusait Démétrius d’avoir eu, dans sa jeunesse, des rapports 
trop intimes !. En cherchant parmi les contemporains de Démetrius, nous 
ne trouvons que deux hommes qui aient porté ce nom. Le premier est un 
de ces flatteurs qu'Alexandre traînait à sa suite et qui fut le principal 
instrument de la perte de Callisthène ?; le second est un orateur qui nous 
est cité comme adversaire de Démosthène5. Il est probable, à cause de la 
communauté des sentiments politiques, que ce fut ce dernier avec lequel 
Démétrius fut lié et en l'honneur duquel il composa le livre dont nous 
parlons. 

L'écrit qui se trouve mentionné après le Cléon, c’est le Socrate, que 
nous avons examiné précédemment et dont nous avons tâché d'établir la 
portée par les fragments qui nous en restent. Mais quant à l’Aristomaque, 
qui nous est cité à la suite du Socrate, il nous est impossible même de 
dire de quel individu il traitait. 

L’Artaxerxès concernait très-probablement un des deux rois de Perse 
qui ont porté ce nom, et dont le plus ancien est surnommé Longuemain 
et le second Mnémon #. Comme Plutarque , qui a écrit la vie de ce dernier, 
ne cite pas le livre de Démétrius, on pourrait peut-être croire que ce livre 
concernait le premier de ces princes. Mais nous ferons observer qu'il n’est 
pas sûr que Plutarque, bien qu’il connaisse, comme nous l’avons vu, des 
ouvrages de Démétrius, ait eu à sa disposition le recueil complet de ses 
œuvres. On sait, en effet, combien les livres étaient rares et chers dans 
l'antiquité : Martial, qui vivait moins d’un siècle après Tite-Live, se plai- 
gnait de n'avoir pas cet auteur en entier dans sa bibliothèque 5. 

Nous trouvons ensuite, dans la liste des œuvres de Démétrius, un livre 
qui porte le titre d’Aristide, et dans lequel il s’agissait probablement du 


1 Diog. Laert., tbid., $ 76. 

? Quint.-Curt., lib. VIE, cap. V, $ 8 sqq. 

5 Syrian., Tract. causs., p. 400, vol. VIII Rhet. Græc., edit. Walz. 
4 Plut., Artax., cap. 1. 


AE EE AU MEN à Livius ingens , 
Quem mea non totum bibliotheca capit. 
Lis. XIV, ep. 190. 


198 MÉMOIRE 


contemporain de Thémistocle. Nous avons vu que, dans son Socrate, Démé- 
trius s'était beaucoup occupé de cet homme célèbre : nous pouvons in- 
férer de là que son attention avait été attirée sur lui et qu'il en avait fait 
le sujet d’un livre particulier. Il devait être d'autant plus porté à s'occuper 
d’Aristide dans ses écrits, que leur sort et leurs vues politiques étaient à 
peu près les mêmes, et qu’il pouvait avoir ainsi l’occasion de s’emporter 
contre le peuple qui l'avait banni, comme il le fit vraisemblablement dans 
son apologie de Socrate et dans son invective contre les Athéniens. Plu- 
tarque , dans sa biographie d’Aristide, n’a fait, paraît-il, aucun usage de 
ce livre de Démétrius ; mais la remarque que nous avons faite à propos de 
l’Artaxerxès trouve encore ici son application. 

Après avoir indiqué presque sans interruption les œuvres dont nous 
venons de parler, Diogène énumère une suite d’écrits d’un genre différent, 
après lesquels il nous cite encore une biographie intitulée Dionysius. Nous 
ne pensons pas qu’elle concernât l’un des deux tyrans de Sicile qui ont 
porté ce nom; nous aimons mieux croire, avec M. Matter !, qu’elle se rap- 
portait au dialecticien ainsi nommé. Ceci est d'autant plus probable que 
Démétrius a dû connaître ce philosophe par Théodore l'Athée, son dis- 
ciple?, avec qui Démétrius paraît avoir été très-lié, puisqu'il le préserva 
des poursuites de l’aréopage 5. 

Ici se termine la liste des biographies écrites par Démétrius. En les 
composant, il ne fit que suivre l'exemple donné par son maître Théo- 
phraste, dont on nous cite trois livres de biographies #, un traité sur les 
Sages, et d’autres encore sur Empédocle, Anaxagore, Anaximène et Ar- 
chélaüs 5. Ce genre de compositions était d’ailleurs en telle faveur dans 
cette école qu’on ne trouve presque aucun disciple d’Aristote qui ne s’y 
soit exercé. 


1 Essai hist. sur l'éc. d'Aleæ., vol. I, p. 64, note 2. 

2 D. L., lib. II, cap. VIN, $ 98. 

5 Idem, ibid., $ 101. 

# D. L., p. 420, 1. 47, ed. Didot. Cf. Menag., ad D. L., p. 620, t. 1 Comm., ed. Hübn.; Luzac, 
de dryauia Socr., sect. IT, $ 8, p. 142. 

5 Cf. Luzac, tbid. 

5 Luzac, p. 143. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 129 


Quant au livre de Démétrius sur Antiphane, qu'on pourrait ranger aussi 
parmi ses biographies , il vaut mieux le rapporter à la troisième classe de 
ses écrits, qui, selon Diogène de Laërte!, embrassait des traités sur les 
poëtes. Nous ne doutons pas, en effet, qué ce ne soit du poëte comique 
Antiphane que Démétrius s’occupait dans l'écrit susmentionné?, puisque 
nous ne connaissons pas d'autre homme qui ait illustré ce nom, et que 
d’ailleurs Démétrius peut avoir connu personnellement ce poëte, mort 
seulement en 333 avant notre ère 5. Ajoutez à ces motifs qu'Antiphane 
paraît avoir été du même parti que Démétrius, puisqu'il se moquait de 
Démosthène dans ses pièces #. 

C'est aussi à la même classe d’écrits qu'appartient l’'Homérique, dis- 
cours dans lequel il recommandait, sans doute, l'étude du prince des 
poëtes grecs. L'époque à laquelle vécut Démétrius, et qui vit s’accomplir 
tant de grandes et admirables choses, est remarquable aussi par l’ex- 
trême ardeur avec laquelle princes, philosophes et guerriers se livraient 
à la lecture des poëmes d’Homère. Démétrius fut l’un de ceux qui contri- 
buèrent le plus à leur donner une vogue qu'ils n’avaient pas encore eue à 
un si haut degré. Pour remplacer les représentations théâtrales, devenues 
très-rares à cause des frais qu’elles entraînaient et que peu de citoyens 
pouvaient ou voulaient supporter , Démétrius eut, comme nous l'avons vu 
dans la seconde partie de ce travail, l’heureuse idée de familiariser da- 
vantage le peuple d'Athènes avec le chantre favori des Grecs. Il est vrai 
qu’on fait remonter jusqu’à Solon ou Pisistrate l’usage de réciter les vers 
d'Homère aux Panathénées; mais Démétrius fut le premier qui fit entrer 
sur le théâtre les rapsodes qui les déclamaient 5. C’est aussi lui peut-être 
qui inspira à Cassandre, roi de Macédoine, dont il fut lintime amif, 
l'estime que ce prince professait pour Homère, dont il savait une grande 


L'Eors ta pay (œdroù BiBMx), ioropxé” rè dè, roMrimé và Où, mepi momrü ta Où, from. Lib. V, 
cap. V, $ 80. 

? Cf. Belin de Ballu, Hist. erit. de l'élog., vol. IL, p. 58. 

5 Clinton, Fast. Hellen., p. 165, ed. Krüger. 

4 V. Athen., lib. VI, p. 223 e. 

% Athen., lib. XIV, p. 620 6. Cf. Ostermann, p. 43 sq. 

® Carystius Pergamenus, apud Athen., lib. XIE, p. 42 c. 

Tome XXIV. (À 


150 MÉMOIRE 


partie par cœur et qu’il avait copié tout entier de sa propre main‘. Gette 
hypothèse est d'autant plus plausible que Carystius de Pergame, qui 
rapportait ce dernier fait dans ses Commentaires historiques, avait traité, 
dans le même ouvrage, des rapports qui existaient entre Cassandre et 
Démétrius de Phalère. 

Il est possible que ce dernier ait fait pour ce monarque ce qu’Aristote 
avait fait auparavant pour Alexandre. On sait qu’Aristote avait entrepris 
pour ce prince une édition de l’Iliade, qu’Alexandre portait avec lui du- 
rant son expédition en Asie?, qu’il lisait avec Anaxarque et Callisthène 
et qu’il annota même de sa main. Cette édition, le philosophe l’avait 
complétée en écrivant des traités sur l'explication et la critique du texte 
des poëmes homériques. C’étaient les Difficultés que présente Homère, en six 
livres, suivant Diogène de Laërte #, en sept, suivant le biographe anonyme 
d’Aristoteÿ, dix livres de problèmes sur le même poëte, un ouvrage spé- 
cial pour traiter la question si les troupeaux du soleil étaient une fiction 
d'Homère 6. Il avait aussi, dans plusieurs dialogues, témoigné de lad- 
miration que lui inspirait ce grand poëte7. « Si le célèbre exemplaire 
d'Alexandre, dit M. Egger, dans son histoire de la critique chez les Grecs, 
ne portait pas les corrections d’Aristote lui-même, il est certain que le 
livre des problèmes contenait tous les éléments d’une recension et d’une 


1 Carystius Pergamenus, ap. Athen., lib. XIV, p. 620 b. 

2 Onesicrit., ap. Plut., Alex., cap. 8. (Fragm. I, p. 48, Fr. hist. Al., ad calc. Arriani , ed. Didot.) 

5 Strab., lib. XIII, cap. I, p. 401, t. II, ed. Tauchn. Cf. Wolf., Prolegg. ad Hom., p. cLxxxiv. 
M. Egger (His. de la crit. chez les Grecs, p. 124, Paris, 1849) se trompe en attribuant égale- 
ment à Aristote une révision de l'Odyssée. Voyez Wolf, p. czxxxur. Le même savant a encore le 
tort de nommer tradition répandue chez les anciens un fait rapporté par Onésicrite, historien et 
compagnon d'Alexandre. 

4 Lib. V, cap. I, $ 26. 

5 Pag. 13, 1. 52, ad cale. Diog. Laert., ed. Didot. 

6 Anonym., ap. Menag., p. 610, vol. IL. Comm. D. L., ed. Hübner : &i d# rore "Owypos éroiye 
rs Yhiov Be, an solis boves Homerus finxerit. Mais il se peut aussi qu’on doive entendre ce titre 
en ce sens qu'Aristote recherchait dans ce livre si le morceau de l'Odyssée (lib. XIT, v. 260 sqq.), 
ainsi intitulé, est véritablement d'Homère, car il présente des différences frappantes avec le 
reste du poëme. 

7 Dio Chrysostom., Orat. LINE, p. 726 ed. Reiske. 

8 Pag. 124. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 151 


interprétation historique et littéraire des poëmes homériques. Non-seule- 
ment Aristote s’efforçait de constituer le texte, mais il expliquait les mots 
difficiles ; puis il montrait les intentions du poëte et cherchait à concilier 
les passages en apparence contradictoires. » 

Il est à croire que c’est un travail du même genre qu'entreprit Démé- 
trius dans ses ouvrages sur l’Iliade et l'Odyssée‘, Nous ne pensons pas 
pourtant que Belin de Ballu ? ait eu raison de prendre ces ouvrages pour 
des commentaires : leur peu d’étendue ne permet de les prendre que pour 
des dissertations, puisque le traité sur l'Iliade comprenait seulement deux 
livres , et celui sur l'Odyssée, quatre 5. 

Ces deux écrits de Démétrius , ainsi que son discours sur Homère, ne 
nous sont cités d’une manière expresse par aucun écrivain. Mais il nous 
reste encore deux passages de Démétrius qui ne peuvent avoir appartenu 
qu’à ces deux ouvrages, et qui viennent pleinement confirmer l'hypothèse 
que nous avons émise plus haut sur leur portée. 

Le premier nous a été conservé par Athénée, qui l’a tiré sans aucun 
doute du traité sur l’Iliade, 11 s’agit du vers de ce poëme où il est dit que 
Ménélas vint de lui-même au festin que préparait son frère Agamemnon #. 
Quelques critiques, pour rendre raison de ce vers, qui semblait faire de 
Ménélas un parasite, ajoutaient un autre vers qui justifiait sa venue en mar- 
quant que Ménélas savait son frère occupé 5. Athénée blàme cette insertion 
pour diverses raisons qu'il est inutile de rapporter ici, et invoque finalement 
l'autorité de notre auteur. « Démétrius de Phalère, dit-il, déclarant l’asser- 
tion de ce vers inepte et incompatible avec la poésie d'Homère, accuse de 
mesquinerie ceux qui l'ont ajouté, 11 disait qu’à son avis les hommes d’une 
classe supérieure avaient chacun un ami intime chez lequel ils pouvaient 
venir sans attendre l'invitation, quand cet ami offrait un sacrifice. » 


1 Diog. Laert., lib. V, cap. V, $ 84. 

? Hist. crit. de l'éloq. chez les Grecs, vol. I, p. 57. 

5 D. L., loc. laud. 

4 Aÿréuaros dé oi #Ae Boÿy àyaSès Mevéauos. Il., B, v. 408. 

8 "Hôee yap xara Suuèy ddtAgedr, ds érovétro. Ibid., v. 409. 

5 Lib. V, p.177 f; t.1, p. 335, ed. Tauchn. Nous avons suivi, pour ce passage, l'interpréta- 
tion de Schweighaeuser, Animadv. in Athen., t. WE, p. 23. 


152 MÉMOIRE 


Nous concluons de ce passage que Démétrius, dans :ses travaux sur 
Homère, avait, à l'exemple d’Aristote, traité de la critique du texte, cri- 
tique à laquelle il donnait pour base, comme on le voit, l’ensemble de la 
poésie d’Homère et les usages des temps héroïques. Nous pensons que 
Heyne, dans ses Observations sur l’Iliadet, doit être accusé de légèreté lors- 
qu’il traite d’arguties les raisonnements par lesquels Athénée rejette le 
vers en question. Il nous semble qu’il valait la peine d’en examiner l’au- 
thenticité avant de le recevoir dans le texte, puisqu'elle se trouvait déjà 
attaquée par Démétrius, c’est-à-dire avant les recensions de Zénodote, 
d’Aristophane, d’Aristarque et de Cratès. Si Démétrius rejetait ce vers, 
c’est, pensons-nous, qu’il ne l'avait pas trouvé dans toutes les éditions 
d'Homère qui circulaient déjà de son temps ?. 

Stobée, dans son Anthologie 5, nous a conservé un extrait d’un ou- 
vrage intitulé Sentences remarquables d’Homère, d'un écrivain nommé Her- 
mippe. Cet Hermippe n’est pas, probablement, le disciple de Callimaque : 
le caractère même de l’ouvrage cité semble trahir un auteur plus mo- 
derne * : ce serait alors cet Hermippe de Béryte qui vivait sous Adrien et 
qui avait écrit de nombreux ouvrages sur divers sujets; du moins l’ou- 
vrage susdit convient très-bien par sa nature à ce dernier écrivain, qu’on 
ne peut guère regarder que comme un compilateur. Le passage qui en 
est rapporté par Stobée consiste uniquement dans une citation de Démé- 
trius de Phalère. Notre auteur, sans aucun doute dans son ouvrage sur 
l'Odyssée, disait qu'Homère, pour recommander la sagesse, avait peint, 
dans ce poëme, Ulysse et Pénélope, après leur reconnaissance, s’approchant 
avec joie de leur ancienne couche6. Nous pouvons conclure de là que, 
dans ses écrits sur Homère, Démétrius, outre le point de vue critique, 
avait encore un but esthétique ét moral. 


4 Vol. IV, p. 271. 

2 Wolf, Prolegg. ad Hom., p. cuxxiv sqq. 

5 Tit. V, n° 59, p. 68, ed. Gesner. 

4 C. Müller, ad Fr. hist. Græc., t. NI, p. 35. 

5 Id., dbid,, p. 32. 

$ ’Aoréor Méxrpoo madob Seouèy Ixoyro. Odyss., XXIII, v. 296. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 135 


Nous avons dit, d’après Diogène de Laërte, que l'ouvrage de Démétrius 
sur l'Odyssée comportait une étendue double de son ouvrage sur l'Iliade. 
Il semblerait de prime abord qu’il y avait plus à dire sur ce dernier 
poëme, en général plus intéressant. Mais on peut rendre raison, par le 
caractère même de Démétrius, de cette préférence qu’il paraît avoir ac- 
cordée à l'Odyssée sur l’Iliade. Homère, en effet, dans les héros de ces 
deux poëmes, a représenté les deux côtés opposés de la race hellénique. 
Achille, c’est la force brutale, qui ne connaît point de frein et qui va 
droit à son but en brisant tous les obstacles qu’elle rencontre. Ulysse, 
au contraire , est caractérisé comme la persévérance insinuante, qui par- 
vient à ses fins par des détours sans nombre et qui fait tourner à son 
avantage les accidents mêmes qui semblaient devoir lui nuire. Démétrius, 
qui par ses actes peut être regardé comme un Ulysse politique, devait 
avoir naturellement plus d’inclination pour le poëme qui renfermait les 
aventures de ce dernier héros. En outre, l'Odyssée a, par son sujet, 
beaucoup plus d'application à la vie ordinaire que FIliade, dont l’'hé- 
roïsme grandiose nous étonne, mais nous instruit peu. Or, Démétrius 
était ce que notre siècle appelle un homme positif et devait aimer en lit- 
térature ce qui se rapportait davantage à son caractère. 

Il est à remarquer que Wolf, dans ses fameux prolégomènes sur 
Homère, a complétement passé Démétrius sous silence en rendant compte 
des travaux dont ce poëte fut l’objet dans l'antiquité. Cette omission est 
d'autant plus regrettable que les écrits de Démétrius sur l'[liade et lO- 
dyssée forment, pour ainsi dire, la transition de la critique homérique 
qui s’était formée dans la Grèce proprement dite, à la critique homérique 
des Alexandrins, plus importante peut-être que la première, mais qui n’en 
tira pas moins de celle-ci sa source et ses principaux documents. Nous 
croyons, pour notre part, que l’'Homérique de Démétrius, ainsi que ses 
deux dissertations sur l’Iliade et l'Odyssée, ne contribuèrent pas peu à 
faire naître dans Alexandrie cette littérature spéciale dont Homère fut 
l'objet exclusif dans cette ville, où les travaux de notre auteur en ce 
genre durent être connus et appréciés. Il est vrai qu’il n’en existe plus 
que les deux traces assez obscures que nous avons signalées ; mais ce fait 


134 . MÉMOIRE 


n'offre rien d'étonnant à ceux qui connaissent le peu de renseignements 
que nous avons sur les travaux mêmes des grammairiens d'Alexandrie . 

Nous ne savons pas positivement si Démétrius composa des ouvrages 
sur d’autres poëtes qu'Homère ; mais la chose semble très-vraisemblable 
quand on considère que, comme on l’a vu plus haut, les traités sur les 
poëtes formaient une des quatre classes dans lesquelles on avait distribué 
ses écrits. D'ailleurs Aristote, sur les traces duquel nous trouvons pres- 
que constamment Démétrius, peut, par les livres qu’il composa sur Hé- 
siode, Archiloque, Chérile et Euripide ?, avoir donné à ce dernier l’idée 
d'étendre ses travaux à d’autres poëtes. Du moins trouvons-nous que Dé- 
métrius avait rapporté, en les commentant, des vers d’Euripide dans un 
ouvrage qui peut-être traitait spécialement de ce poëte 5. On peut même 
croire qu’à l'exemple du chef de l’école péripatéticienne , Démétrius avait 
traité l’histoire générale de la poésie grecque. Nous trouvons dans Eusta- 
the #, en effet, un assez long passage d’un écrit de notre auteur dans le- 
quel il parlait des poëtes helléniques antérieurs à Homère. Comme ce 
passage curieux peut, par son contenu, servir à confirmer l'hypothèse 
que nous émettons ici d’après Welcker ®, nous allons en donner la tra- 
duction : 

« Démétrius de Phalère raconte que Ménélas étant allé à Delphes 
avec Ulysse, consulta l’oracle sur l'expédition contre Troie, lorsque Créon 
donna les jeux novennaux des Pythiques, jeux dans lesquels fut vainqueur 
le Laconien Démodocus, disciple du Mycénien Automède, qui écrivit deux 
épopées, l’une sur la guerre d’Amphitryon contre les Téléboëns, l’autre 
sur la querelle des héros Hélicon et Cithéron. Démodocus était lui-même, 
ajoute Démétrius, élève de l’Argien Périmède, qui enseigna également le 
chant à cet Automède dont nous parlons, à Lycimnius, à Pharidas et à 
Péribolus. Agamemnon, ayant engagé Démodocus à le suivre à Mycènes, 


1 Cf Wolf, Prolegg. ad Hom., p. cxc sqq. 

2 Anonym., apud Menag., t. 1, p. 610 Comment., ed. Hübner. 

5 Plut., Consol. ad Apoll., cap. VI, t. E, p. 241 Mor., ed. Tauchn. 

4 In Odyss., I, v. 267, p. 126, 1. 18 sq., ed. Froben. Cf, Schol. ad h. L., et Tzetzes, proleggq. 
ad Lycophr., p. 259 (p. vur, ed. Potter). 

5 Der epische Cyclus, p. 191, vol. L. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 135 


lui confia la garde de Clytemnestre : car, ajoute Démétrius, ce prince 
honorait beaucoup les chantres, qu'il considérait comme les interprètes 
des choses divines et humaines. Le même auteur dit encore que Clytem- 
nestre même montra son respect pour Démodocus, puisqu'elle ne permit 
pas de le mettre à mort, mais seulement de l’exiler. » 

Nous voyons à la seule lecture de ce passage, qui devait être beaucoup 
plus étendu dans le texte original comme le marquent les répétitions du 
nom de Démétrius, que notre auteur plaçait dans la ville d’Argos une école 
de poëtes épiques antérieurs à Homère. Nous n'avons pas à examiner dans 
ce travail si cette assertion est vraie ou fausse; nous aimons mieux ren- 
voyer au savant auteur du Cycle épique ! ceux qui désireraient connaître 
comment est née la tradition que Démétrius suit ici : il nous suffira de 
conclure que, dans l’ouvrage dont nous parlons (et nous ne voyons pas à 
quel autre pourrait se rapporter le fragment cité plus haut), Démétrius 
traitait l’histoire de la poésie de sa nation en remontant à la plus haute 
antiquité, et ne voulait pas plus qu’Aristote, pour le genre satirique? , re- 
connaître Homère sans prédécesseur dans l'épopée. Les notions que cet 
écrit devait contenir sur la poésie primitive des Grecs auraient pu fournir 
à la critique moderne des secours dont elle doit malheureusement se 
passer. 

Nous avons dit, en parlant du traité de Démétrius sur l'Odyssée, qu’ou- 
tre le point de vue critique, il semble s’être proposé un but moral dans 
ses travaux sur Homère. C’est ce qui l’a probablement engagé encore à 
composer le recueil des Apophthegmes des sept Sages, qui nous a été con- 
servé par Stobée dans son Anthologie5. Orelli, qui a inséré ce recueil dans 
sa collection des opuscules sententieux des anciens Grecs, doute qu’il soit 
véritablement de Démétrius 4. Mais auparavant déjà on avait formé de ces 
collections, qui semblent même avoir été en prédilection dans l’école pé- 
ripatéticienne. Le fondateur de cette école, nous l'avons dit, n’avait pas 


1 Welcker, p. 188-192, vol. I. 

? Poetic., cap. IV, p. 5, vol. XI Opp., ed. Tauch. 
5 Tit. HI, n° 79, t. 1, p. 88 sqq., ed. Tauchn. 

4 Prœfat. ad opusc. Græc. vet. sent., p. XII. 


156 MÉMOIRE 


dédaigné de recueillir et d'expliquer dans un livre spécial 1 les pro- 
verbes, qu’il appelait les débris d’une philosophie antique qui avait péri 
dans les désastres de l’humanité ?. Théophraste, disciple d’Aristote et 
maître de Démétrius , avait aussi composé un ouvrage sur le même sujet 5; 
et nous trouvons encore, dans la liste que Diogène de Laërte nous donne 
de ses écrits, deux livres qui sont tout à fait dans le genre de celui de 
Démétrius dont nous traitons présentement : c’est d’abord une collection 
des bons mots de Diogène, et ensuite une autre collection des dits de Xé- 
nocrate #. La même liste nous mentionne de plus un ouvrage de ce philo- 
sophe sur les Sages de la Grèce 5. Ainsi nous voyons que Démétrius a pu 
puiser dans les travaux de ses devanciers les moyens de composer l’opus- 
cule que nous a conservé Stobée. Nous ne craignons donc pas de recon- 
naître l’authenticité de cette collection, puisque d’ailleurs nous trouvons 
dans Diogène 5 un ouvrage de Démétrius indiqué sous le titre de Livre de 
sentences, ouvrage que l’on peut, sans être trop hardi, identifier avec les 
Apophthegmes des sept Sages. Du reste, Démétrius avait fait des recherches 
sur l’époque et la vie de ces hommes, comme le prouve la mention qu'il 
faisait de Thalès dans son ouvrage chronologique 7. 

Ce recueil est de peu d’étendue : c’est tout au plus s’il forme quatre 
pages ordinaires. Il n’entre pas dans notre sujet, et d’ailleurs il serait trop 
long de discuter à fond jusqu’à quel point l'autorité dé Démétrius est 
suffisante pour que nous regardions les sentences qu'il attribue à chacun 
de ces hommes comme étant véritablement de lui. « Les sept Sages, dit 
Ritter $, ont pu se faire une sorte de philosophie pratique tirée des rela- 


1 D. L., lib: V, cap. 1, $ 26. Cf. Menag., ad D. L., p. 599, t. 1 Comm., ed. Hübner; Schnei- 
dewin, Præf. ad Paræmiogr., p. M; Müller, ad Aristot. fragm., t. U, p. 188, Fr. hist. Gr. 

? Synes., Encom. Calvit., 59, ed. Turn. 

5 D.L., Bb. V, cap. I, $ 45; Harpocrat. et Suidas, v. ‘Apy &vdpa Deixyu; Mich. Apost., Cent. 4, 
prov. 2; Cent. 6, prov. 36. 

4 Diog. Laert., loc. cit., $ 43 et 47. 

5 Jbid., $ A8, repi rüy Sopér; peut-être faut-il lire : zepi rüv &' Sopéy, des sept Sages; la lettre 
numérale Z pouvant avoir été facilement omise à cause de sa ressemblance avec le 5. 

6 Lib. V, cap. V, $ 81. Xp «, que la traduction latine rend par Sententiarum liber unus. 

T Fragm. hist. Græc., vol. II, p. 362. 

8 Hist. de la phil. anc., p. 132 sq., vol. E, trad. Tissot. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 137 


tions sociales avec les autres hommes, et la livrer à la tradition sous forme 
de sentences.... Mais ce recueil de sentences présente peu d’authenticité, 
et la réunion des sept Sages en société, sur les noms desquels on n’est 
d’ailleurs pas d'accord, appartient à la tradition et non à l’histoire. » 

En effet, nous pouvons hardiment regarder comme une fable ce que 
Pausanias nous en raconte dans ses Phociques. D’après cet auteur, les sept 
Sages se seraient réunis à Delphes et auraient écrit de leur propre main, 
dans le portique du temple d’Apollon, leurs célèbres maximes pour en 
faire hommage à ce Dieu !. Mais plusieurs écrivains cités par Diogène de 
Laërte ? placent leur assemblée, les uns chez Crésus, les autres dans le 
Panionion; d’autres enfin, chez Cypsélus, à Corinthe. Le même auteur 
remarque qu’il y a une grande divergence d'opinions relativement à leurs 
sentences, dont on faisait honneur tantôt à l’un, tantôt à l’autre 5. Nous 
trouvons effectivement dans Clément d'Alexandrie un passage qui vient 
confirmer pleinement cette assertion de Diogène : « La maxime Connais-toi 
toi-même , dit ce Père dans ses Stromates # , est attribuée par quelques-uns à 
Chilon, tandis que Chaméléon, dans son livre sur les Dieux, l'accorde à 
Thalès, et Aristote, à la Pythie. D’un autre côté, on fait honneur à Chilon 
de la sentence Rien de trop; mais Straton, dans son Traité des inventions, 
la rapporte à Stratodème de Tégée, et Didyme, à Solon. Quant à la maxime 
qui dit que la perte accompagne le crédit, Cléomène, dans son ouvrage sur 
Hésiode, veut la retrouver dans Homère, et Aristote croit qu’elle est de 
Chilon, tandis que Didyme la dit de Thalès. » 

Ces lignes nous font voir combien d'écrivains avaient, dans l'antiquité, 
fait des recherches sur les auteurs de ces sentences et à quels résultats 
différents ils étaient parvenus. Elles nous montrent en même temps 
qu’Aristote s’en était déjà occupé avant Démétrius, et que celui-ci n’avait 
pas accepté l’autorité du chef de son école comme décisive en cette ma- 


1'Avédeouy T@ ‘AréAdon ta gdéueyx, Paus., lib. X, cap. XXIV, $ 1. Cf. Plin., A. AN., lib. VII, 
cap. 52. 
2 Lib. I, cap. EI, $ 40. 
3 Auxpoyobyrou JE xoi dropdaeis adrüy ka GAou GA gaoiy elvæi. D. L., loc. cit., $ 41. 
4 Lib. I, cap. XIV, $ 60-61, p. 44 sq., 1. IE, ed. Klotz. 
Tome XXIV. 18 


138 MÉMOIRE 


tière, puisqu'il fait honneur à Pittacus ! d’une sentence qu’Aristote disait 
ètre de Chilon, et à Chilon ? de celle qu’Aristote attribuait à la Pythie. 
Toutefois, le recueil que, pour les raisons que nous avons déduites, nous 
regardons comme étant véritablement de lui, n’en doit pas être moins re- 
gardé comme une preuve du soin que mirent les Grecs, dès les temps an- 
ciens, à rassembler les débris dispersés et incertains de la sagesse pri- 
mitive. 

Puisque nous devons regarder Démétrius comme le principal anneau 
de la chaîne qui relie la littérature alexandrine à la littérature grecque 
proprement dite, nous n’hésiterons pas à avancer que cette collection de 
Démétrius a donné l’idée à Hermippe, disciple de Callimaque , de com- 
poser ses vies des sept Sages. Cet écrivain vivait, en effet, à la fin du siè- 
cle où mourut Démétrius 5 ; il appartenait à la même secte philosophique #, 
et avait écrit la vie de ce dernier 5. Il devait donc connaître cet opuscule 
de notre auteur; et comme celui-ci fut le premier qui recueillit les sen- 
tences des sept Sages, on ne peut pas douter que l’un n’ait montré le che- 
min à l’autre. 

Si, après ce que nous avons dit, on doutait encore que Démétrius eût 
effectivement composé un semblable recueil, qui semble, à la première vue, 
au-dessous d’un littérateur aussi distingué, nous ferons observer que ces 
collections étaient assez du goût de notre auteur, puisque Diogène de Laërte 
nous mentionne encore de lui un travail semblable sur les fables d’Ésope, 
ou, pour parler plus exactement, sur les fables ésopiques 6. Mais on doit 
encore ici remarquer l’incurie de cet écrivain. Après avoir parlé de la divi- 
sion des livres de Démétrius en quatre classes, il ajoute qu’il avait fait 


Dem. Phal., 4p. VI Sap., apud Stob., tit. HF, n° 79, t. [, p. 99, ed. Tauchn.; p. 142, t. 1, 
Opusc. vet. Grec. sent., ed. J.-C. Orelli, où les maximes de Thalès sont attribuées à Pittacus et 
vice versû. 

2 P. 89, ap. Stob.; p. 140, ed. Orelli. 

5 C. Müller, ad Fr. hist. Græc., vol. WE, p. 35. 

# D. Hieronymus, de Scriptt. eccles., cap. 1. 

5 C. Müller, ibid., pp. 35, 41 et 47. 

6 Bentley, Diss. de fab. Æsop., p.96, ad cale. Phalaridis, ed. Lennep.; Grauert, de Æsopo et 
fab. Æs., NI, p. 39 sqq. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 139 


aussi des collections de fables ésopiques !, tandis qu’en donnant la liste 
détaillée de ses ouvrages, il ne cite qu’un seul livre de ce recueil ?. 

Pour trouver le motif qui a pu engager Démétrius à entreprendre ce 
travail, nous n’avons qu’à considérer la grande faveur dont Ésope jouit 
constamment chez les Athéniens. Dans les Oiseaux d’Aristophane, Pisthé- 
térus reproche au chœur d’être un ignorant qui ne connaît pas Ésopeÿ. 
Plus tard, le poëte comique Alexis composa une comédie intitulée Ésope, 
où ce fabuliste jouait le rôle principal #. Enfin, nous trouvons dans Phèdre 
un témoignage des plus frappants de l'admiration qu’avaient les Athé- 
niens pour celui qui savait si bien instruire les hommes sous une forme 
agréable et riante. « Les Athéniens, dit ce poëte, élevèrent une statue 
au génie d’Ésope, et placèrent cet esclave sur un piédestal immortel, afin 
qu'on sût que le chemin de l'honneur est ouvert à tous, et que la gloire 
est le partage du mérite et non de la naissance. » 

Une épigramme d’Agathias $ nous apprend quel fut l'artiste qui fit cette 
statue, et pour quelle raison les Athéniens rendirent cet hommage à Ésope 
préférablement à d’autres. En voici la traduction : 

« Vieux Lysippe, c’est à juste titre que tu plaças le simulacre du Sa- 
mien Ésope avant ceux des sept Sages, puisque ceux-ci ont mis dans leurs 
sentences , non la persuasion, mais la nécessité. Pour lui, tenant dans ses 
ingénieuses fictions un langage opportun, il nous donne, par un sérieux 
badinage, des leçons de sagesse. Un conseil rigoureux révolte; mais la 
douceur de l’apologue samien renferme un appt attrayant. » 

Tout semble dans cette pièce s'appliquer au caractère des Athéniens, et 


TAXE my xd Myuy Airureicy ouvæywyai, quin et fabularum Æsopiarum collectiones. Lib. V, 
cap. V, $ 80. 

? Aicwreiy & , Æsopiarum fabularum Liber unus. Ibid., $ 81. 

5 'Auodÿe yap Éque koÙ rohvrpéyur où Aïcwrcy reréryxas. V. 471, ed, Brunck. 

* Athen., lib. X, p. 431 d. Cf. Grauert, L. 1., IV, p. 28 sq. 


* Æsopi ingenio statuam posuere Attici, 
Servumque collocarunt æterna in basi, 
Patere honoris scirent ut cunctis viam , 

Mec generi tribui, sed virtuti gloriam. 
Lib. IL, Epilog., v. 1 sqq. 


5 Epigr. 35, in Brunckii Analect., vol. WI, p.45. Cf. Schæfer., Melelem. crit., pp. 33, 97 et 100. 


140 MÉMOIRE 


particulièrement à celui de Démétrius. On est même tenté de croire que 
ce fut sous l'administration et par les soins de ce dernier que fut élevée 
cette statue d’'Ésope. Cette hypothèse, en effet, peut être appuyée par des 
raisons très-plausibles. En premier lieu, Lysippe florissait vers l'an 320 
avant notre ère{, c’est-à-dire à la même époque que Démétrius, et fit en- 
core d’autres ouvrages pour la ville d'Athènes ?; ensuite, si l’on pense aux 
troubles qui agitèrent cette ville jusqu’à la régence de Démétrius, on ne 
voit pas comment, avant cette époque, les Athéniens auraient eu une telle 
pensée. De plus, Démétrius est renommé pour les monuments dont il dé- 
cora la ville d'Athènes 5; et l’on sait qu’il ne s’oublia pas, témoin les trois 
cent soixante statues que les Athéniens lui dressèrent. Enfin, si l’on songe 
à cette tradition qui représente Démétrius comme étant d'extraction ser- 
vile et que nous ne pouvons pas rejeter absolument, on est porté à croire 
que la communauté de sort qui l’unissait à Ésope, devait l’engager à per- 
pétuer par le métal la gloire d’un homme à la renommée duquel il avait 
voulu s'associer par ses travaux littéraires. 

On ne saurait non plus douter, d’après ce que nous avons dit, que 
Démétrius n’ait formé sa collection de fables Ésopiques au milieu d’une 
population si bien disposée à accueillir un semblable travail. Bien qu'il 
nous soit représenté comme ayant composé un grand nombre de ses écrits 
durant son exil en Égypte #, il faut croire qu’il avait déjà publié quelques 
ouvrages même avant son élévation, puisque Pausanias® nous marque 
qu’alors il était déjà illustre par son savoir. 

« Démétrius de Phalère, dit Bentley dans sa dissertation sur les fables 
d'Ésopef, fut peut-être le premier qui publia les fables d’Ésope dans un 
recueil complet et régulier. Il est vrai qu'avant lui, Socrate, voulant 
mettre à profit les quelques jours de répit qui précédèrent sa mort, et 
obéir en même temps à l'apparition qui lui ordonnait de s’adonner à la 


Plin., Hist. nat., lib. XXXIV, cap. 19, tom. IV, p. 400, ed. Tauchn. 

Plin., ibid., p. 403. 

Koracneudl, Ëyoe Th mé, nairep oùx edyevÿs @v. D. L., lib. V, cap. V, $ 75. 
Cicer., de Fin., lib. V, cap. 19, $ 54. 

Ta æpès ay siAygéra ëri oopia. Allic., cap. XXV, $ 5. 

Pag. 98, ad calc. Phalar., ed. Lennep. 


=] œ à a L2 »- 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 141 


poésie, mit en vers les premières fables qui vinrent s'offrir à sa mémoire ; 
mais on a lieu de douter que ses apologues, qui devaient être en fort 
petit nombre, du reste, aient été couchés par écrit et livrés à la publicité? 
Ce recueil de Démétrius paraît avoir été écrit en prose, continue le savant 
anglais, et l’on pourrait croire peut-être que c’est celui que nous possé- 
dons maintenant. Je le souhaiterais volontiers, car alors ces fables seraient 
écrites dans un style gracieux et piquant. » 

Les éloges que les anciens ont accordés à l'élégance oratoire de Démé- 
twius, nous font souscrire bien volontiers à ce dernier jugement du cé- 
lèbre critique; mais nous ne pensons pas comme lui que Démétrius ait 
écrit en prose ses apologues. Socrate lui avait déjà donné l'exemple du 
contraire; et nous voyons qu'après Socrate les fabulistes les plus re- 
nommés, Babrias et l’'anonyme de Suidas 5 chez les Grecs, Phèdre et 
Avianus chez les Latins, employèrent la forme poétique. Ce ne fut qu’à 
l’époque de la décadence générale des lettres chez ces deux peuples, que 
l'on habilla l’apologue sous le costume plus modeste de la prose #. Nous 
pensons donc, avec Schwabeÿ, que Démétrius écrivit ses fables en vers 
pour se conformer à l'usage que nous voyons généralement reçu à la 
bonne époque 6; et d’ailleurs le talent poétique ne peut être refusé 
à l’auteur des fameux péans en l’honneur de Sérapis 7. Nous ne pou- 
vons dire si Démétrius, à l'exemple de Socrate $, employa dans ses 
fables la forme élégiaque; mais à coup sûr il ne s’est pas servi du 
vers choliambique, puisque Babrias, qui vint après lui, fut le premier, 


1 Plat., PhϾdon., cap. IV, t. I, p. 106, ed. Tauchn. Cf. Plutarch., de Aud. poet., cap. I, p. 36, 
t. 1 Moral., ed. Tauchn.; D. L., lib. IF, cap. V, $ 22; Suidas, v. Soxpéryc; D. Augustin., de Con- 
sens. Evang., 1, 42, p. 5 D, t. II, P. n1 opp.; Avian., Præfat., p. 147, ed. Bip. 

? Grauert, de Æsopo, cap. VIII, p. 54. 

5 Bentley, loc. laud., p. 99. 

4 Cf. J.-B.-G. Roulez, Man. de l'hist. litt. grecque, p. 45; Jacobs, Griech. Fab., in Characterist. 
der vornehmsten Dichter aller Nationen, t. V, P. IL, p. 296 sq. ; Schwabe, de Script. PhϾdr. illustr. 
pp. 225 et 2352, vol. I, ed. Lem. 

5 Excurs. ad Prolog. lib. 1; Phædr., Tom. 1, p. 490 sq., ed. Lem. 

6 Cf. Quint., lib. I, cap. 9, $ 3. 

7 D. L., lib. V, cap. V, $ 76. 

8 D. L., lib. IE, cap. V, $ 42. 


142 ( MÉMOIRE 


suivant son propre témoignage !, qui appliqua ce mètre à l’apologue. 

Un critique a prétendu que cette collection de Démétrius fut publiée en 
faveur de ceux qui se destinaient à l’étude de l’éloquence ?. Nous n’exa- 
minerons pas ce que ce sentiment peut avoir de hasardé; mais nous trou- 
vons une trace peu équivoque de l'influence qu’exerça ce travail dans 
le style du fabuliste Babrias. Dans le siècle passé, un critique fameux, 
jugeant de ce poëte par les débris de ses membres dispersés , déclara que 
si son recueil existait encore , on pourrait, sinon le préférer , du moins 
l’opposer à Phèdre5. La découverte inespérée que Minoïdès Ménas a, de 
nos jours, faite, dans un monastère de l’Athos, de 123 fables de cet au- 
teur, est venue rendre un témoignage éclatant à la sagacité prophétique de 
Bentley. 11 y règne un goût si exquis, une si grande délicatesse d’expres- 
sion, qu’on ne peut s'empêcher de croire que Babrias a eu sous les yeux un 
modèle dont il s’efforçait d’imiter ou même de surpasser l'élégance; et ce 
modèle , d’après toute probabilité, n’est autre que Démétrius de Phalère. 


Puisque nous avons fait mention des talents poétiques de Démétrius de 
Phalère, il ne sera pas hors de propos d’en traiter ici. Il est vrai que la 
poésie n’est du ressort de l’érudition que sous le point de vue critique et 
historique; mais, comme tout en nous renfermant dans le cadre tracé par 
l'Académie, nous devons en même temps tàcher d’être aussi complets 
que possible, il nous semble que c’est ici la partie de notre travail où l’on 
peut le plus convenablement aborder ce sujet. D’après Diogène de Laërte #, 


ans dde A "AAN Ed véy mobcy 
Aid, x03apo xpuoiw yaMÉous , 
Tèy muSiauBoy, oorep Irroy 6riryy. 
Ta éuod dE rpérou rfc SÜpas Go DEiTYs, 
EiaÿAÿoy æAdor...… 
Proæm. Il, v. 6 sqq., p. 208, ed. Boisson. 


? Jacobs, Griech. Fab., loc. laud., p. 278. 

5 Nostri Babrii longe alia ratio est; cujus liber, si nunc exstaret, merito opponi Latino Phœdro, 
si non præferri, possel. Bentley, Dissert. de fab. Æsop., p. 100. 

4 Aéyeru d'aroBahéyre adrèy ras Cuers é 'AMËayd ER rouisacdai «Si mapè rod Sapéris. Lib. V, 
cap. V, $ 76. Au lieu de Aéyerx dè, on doit peut-être lire Aéye: dÈ x, en rapportant ces mots à 
Didyme, d'après lequel, dans le passage qui précède immédiatement celui-ci, Diogène fait men- 
tion du regard gracieux de Démétrius. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 145 


on disait qu'ayant perdu la vue pendant son séjour à Alexandrie, il l'avait 
recouvrée par le secours du dieu Sérapis, dont Ptolémée Soter avait fait 
tout récemment apporter la statue en Égypte !. Cette divinité, que le plus 
grand nombre regardait comme identique à l'Esculape des Grecs, parce 
qu’elle avait pour apanage de rendre la santé aux malades ?, était spécia- 
lement invoquée contre la cécité 5. Reconnaissant envers le Dieu d’une 
faveur si importante pour un érudit, Démétrius composa des péans en 
son honneur #. Cette espèce de chant était originairement adressé à Apol- 
lon, mais, par la suite, il le fut également à d’autres dieux ; on en 
composa même plusieurs fois en l'honneur d'hommes célèbres ou puis- 
sants 6. 

Les péans de Démétrius eurent tant de succès, au rapport de Diogène 7, 
qu’on les chantait encore de son temps, c’est-à-dire cinq siècles environ 
après qu'ils eurent été composés. C’est là certainement une preuve suff- 
sante du mérite de Démétrius comme poëte; mais il y a lieu de douter 
qu'il faille prendre à la lettre le témoignage de Diogène. Comme sa né- 
gligence est très-grande, il peut avoir copié sans discernement les paroles 
d'un auteur qui vivait avant lui et qui avait entendu chanter les vers de 
Démétrius %. En effet, si l’on chantait encore de son temps les péans de 
Démétrius, comment n’aurait-il pas songé à les mentionner dans la liste 
qu'il donne des œuvres de ce dernier ? 

Le talent poétique ne fit, du reste, pas défaut à beaucoup de philosophes 
grecs. Aristote même, qui par la sécheresse de son génie paraîtrait devoir 
y rester étranger, peut passer néanmoins pour un bon poëte, d’après les 


1 Tacit., Hist., lib. IV, cap. 83 sqq. 

2 Tacit., ibid., cap. 84, sub fin. 

5 Tacit., ibid., cap. 84. Cf. Casaub., not. ad D. L., p. 91 Comm., ed. Hübner, où, au lieu de 
Annalium lib. IV, il faut Historiarum lib. IV. 

4 D. L., loc. laud. 

5 Roulez, Hist. de la litt. grecque, p. 40. 

5 Athen., lib. VI, p. 253 a; lib. XV, p. 696 e. 

T'OSey rai rod; raies room roùs péype vüy adouéyous. D. L., ut supra. 

$ En adoptant la correction que nous avons proposée ci-dessus, la contradiction qui est ici 
signalée, disparaît en grande partie : un tel témoignage, en effet, est très-bien placé dans la bou- 
che du fameux grammairien d'Alexandrie. 


4144 MÉMOIRE 


deux ou trois morceaux qui nous sont restés de lui !. Démétrius, d’un 
caractère moins rebelle aux tendres sentiments, devait encore mieux 
réussir en poésie que le chef de son école; mais la perte totale de ses 
hymnes ne nous permet pas d’en rien dire davantage. 

La partie des écrits de Démétrius qui aurait pu exciter notre curiosité 
à un plus haut point encore, c’est à coup sûr sa correspondance, qui avait 
été rassemblée et publiée en un livre ?. Nous ne pouvons dire si cette pu- 
blication fut le fait de l’auteur lui-même, ou si ce ne fut pas plutôt celui 
du littérateur qui recueillit et classifia tous les écrits de Démétrius. Nous 
voyons effectivement qu'Andronicus de Rhodes, qui du temps de Sylla 
donna le premier une édition soignée d’Aristote 5, avait joint les lettres 
de ce philosophe au recueil de ses œuvres #. On fait également mention 
de la correspondance de Théophraste, maître de Démétrius 5. Les lettres 
de ce dernier devaient offrir beaucoup d'intérêt, tant sous le rapport po- 
litique que sous le rapport littéraire; mais tout ce que nous en savons se 
borne à la simple indication qu’en donne Diogène. 

Le même auteur 5 nous mentionne également un traité de Démétrius 
en deux livres sur l’art oratoire. Cet écrit ne nous est cité sous son titre 
par aucun écrivain, mais il existe pourtant plusieurs fragments de Dé- 
métrius qui en sont tirés, selon toute probabilité. Les ouvrages de rhé- 
torique étaient déjà très-anciens en Grèce du temps de Démétrius : il nous 
suffira de citer les noms de Corax, de Tisias et de Gorgias $. Ces rhéteurs 
de profession voulaient considérer leur art comme une science indépen- 
dante ; et leur opinion, malgré les attaques que Platon lui livra, domina 
jusqu’au temps d’Isocrate, qu’on peut regarder comme le dernier et le 


1 V. Athen., lib. XV, p. 696 b; D. L., lib. V, cap. I, sect. 7, $ 7 sq.; sect. 12, $ 27; Olympio- 
dor., Comm. in Plat. Gorg., apud Menag. ad D. L., p. 602, t. I Comm., ed Hübn. Cf. J.-C. Scaliger, 
Poet., lib. I, cap. 44. 

2 D. L., lib. V, cap. V, $ 81. 

5 Buhle, præfat. ad Aristot. opp., p. xvmi, vol. I, ed. Bip. 

4 Aul. Gell., lib. XX, cap. V, $ 40. Cf. Menag., ad D. L., p. 600, t. I Comm., ed. Hübner. 

5 D. L., lib. V, cap. II, $ 50. Cf. Menag,, I. L., p. 635. 

6 Lib. V, cap. V, $ 80. 

7 Cf. Müller, ad Fr. hist. Græc., 1. NI, p. 367. 

8 V. Belin de Ballu, Hist. crit. de l'élog. chez les Grecs, L. 1, p. 82 sqq.; p. 100 sq. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 145 


plus capable des représentants de cette école. Mais Aristote vint et démontra 
que la rhétorique n’est qu’une science secondaire, subordonnée à la phi- 
losophie, et dont le but le plus important est de former des hommes 
d’État : dès lors, elle resta le domaine presque exclusif des philosophes. 
Les règles de la rhétorique restèrent telles qu’elles avaient été fixées par 
Aristote 1; et si les péripatéticiens subséquents composèrent encore des 
traités sur ce sujet, ce fut presque toujours dans le sens de leur maître. 
La chose est du moins certaine pour Théophraste, d'après des témoi- 
gnages irrécusables ? : on trouve seulement qu’il développa des points 
qu’Aristote n’avait fait qu’indiquer : par exemple, la théorie de l'action 
oratoire, sur laquelle il écrivit un livre particulier 5. 

Nous devons croire que Démétrius, dans son ouvrage sur la rhétorique, 
profita des travaux de Théophraste et d’Aristote à la fois : nous le trou- 
vons du moins sur les traces de ce dernier dans le jugement qu’il portait 
sur le style de Platon #. Selon lui, ce philosophe se plaît mal à propos et 
d’une manière enfantine à employer des figures poétiques à la Gorgias, 
qui font éprouver le plus grand déplaisir. C’est là un jugement bien sé- 
vère, où l'on reconnaît facilement l'esprit de secte philosophique. Mais 
Démétrius ne semble pas avoir été en littérature un juge bien impartial : 
témoin son appréciation de Démosthène, où perce de même l’esprit de parti 
politique. Le débit oratoire de Démosthène , dit Plutarque 5, plaisait mer- 
veilleusement à la multitude; mais les hommes polis, et parmi eux Démé- 
trius de Phalère, le trouvaient mou, bas et ignoble. On voit par ces lignes 
que Démétrius , suivant l'exemple donné par Théophraste, avait aussi tenu 
compte de l'action dans sa théorie de l’éloquence, en supposant que ce 
passage soit tiré de son ouvrage sur la rhétorique. C’est probablement 


* Westermann, Geschichte der Griech. Beredsamk., $ 78, p. 169. 

* Aristoteles atque eum secutus Theophrastus. Quint., lib. HE, cap. 7, $ 4. Theophrastus. 
secutus in hoc auctoritatem præceptoris sui. W., ibid., cap. VII, $ 62. 

5 Lep? droxplocuxs. D. L., lib. V, cap. IE, $ 48. Cf. Westermann, loc. cit. 

4 Dionys. Hal., Ep. ad Cn. Pomp. de Platone, cap. , tom. VI, p. 28, ed. Tauchn. Cf. ibid., 
cap. Il, p. 58, et de Adm. vi dic. in Dem, cap. V, p. 152. 

5 Tor pèy oÙy moAT:; Üronpivéévos Ypeoxe Sauuasréx" oi d'È vaœpieyres raewèy Yyobvro ai @yEvvè; 
adrod +à rAdoux vai mahaxdy, Gy fv ai Awmhtpos 6 Dœypeüs. Demosth., cap. 11. 


Tous XXIV. 19 


146 4112100 MÉMOIRE 


aussi à cet écrit que sont empruntés les curieux détails que Plutarque 
donne, d’après Démétrius, sur les exercices auxquels Démosthène.se livra 
pour corriger en soi les défauts de la nature , détails d’autant plus précieux 
qu'ils avaient été recueillis par lui de la bouche même du grand orateur !. 
C’est là ce que nous savons de principal sur la manière dont Démétrius 
appréciait l’éloquence de Démosthène. Quant à son caractère politique, il 
le jugeait d’une manière plus sévère encore, comme nous l'avons dit en 
parlant du traité de notre auteur sur la démagogie, 

C'est probablement aussi dans sa rhétorique qu’il traitait de l’adver- 
saire de Démosthène, de l’orateur Eschine, qu'il disait avoir été disciple 
de Socrate et ensuite de Platon ?. Cette assertion est démentie ouverte- 
ment par le biographe d'Eschine 5; mais tout le monde conviendra, comme 
nous, que le témoignage de Démétrius a ici plus de poids que celui de ce 
grammairien. Si notre supposition est exacte, il s'ensuit que Démétrius 
avait traité, dans sa rhétorique, des écoles des philosophes, et des orateurs 
qui en étaient sortis. Nous ne doutons pas non plus qué ce ne soit dans le 
même écrit qu’il faisait mention de cet Archias , le chasseur aux bannis, qui 
avait été le principal auteur de la mort de son frère Himérée. Démétrius en 
faisait un disciple de l’orateur Anaximène #, Il serait important pour nous 
de posséder le jugement de Démétrius sur cet homme : nous saurions jus- 
qu’à quel point la communauté des sentiments politiques l'emportait en lui 
sur l'amour fraternel. Ainsi, nous pouvons croire que la rhétorique de Dé- 
métrius traitait de la vie et des qualités des orateurs, de leurs disciples, des 
différents styles propres à l’éloquence, et du débit oratoire Ÿ. Ce n’est donc 
pas sans raison que Tertullien l'appelle le plus estimé des littérateurs 6, 

La rhétorique de Démétrius est le seul ouvrage qu’on nous mentionne 


1 Plut., tbid. Cf. Quint. Cic., de Petitione consul., cap. LE 

2 Schol. ad Æschin, de falsa leg., init. 

3 Dao péyror Tivès adrèy dxovarhy) yevéaaar MlAdrové: re «ai Soxpérous, peudouevu. Vit. Æschin., 
p. 15, ed. Tauchn. 

4 Plut., Demosth., cap. 98. 

5 Cf. Belin de Ballu, Hist. crit. de l'élog., vol. , p. 54. 

5 Apologet., cap. XVI, p. 17e, ed. Prior. Cf. Mar, Victorin., de Arte gramm., 1, p. 2468, 
ed. Putsch. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 147 


de lui sur la théorie de l’art de bien dire. On lui a longtemps attribué un 
traité sur l’élocution qui subsiste encore; mais le monde savant est à peu 
près d'accord aujourd’hui pour reconnaître qu'il n’est pas de lui, bien que, 
dans tous les manuscrits et dans toutes les éditions antérieures à celle de 
Schneider !, cet ouvrage porte en tête le nom de Démétrius. Nous ne vou- 
lons pas cependant, pour rejeter l'authenticité de cet écrit, nous appuyer, 
avec Walz ?, sur ce motif que Diogène ne le cite pas dans la liste des œu- 
vres de Démétrius : nous avons vu combien cette liste présente peu d’exac- 
titude, quoi qu’en dise le savant éditeur. Nous avons, à cet eflet, des rai- 
sons mieux fondées et plus décisives, que Walz lui-même et bien d’autres 
savants avant Jui 5 ont données en détail et que nous allons présenter 
d’après eux. j 
Nous ferons d’abord observer que cet écrit ne nous est cité par aucun 
ancien comme étant de Démétrius de Phalère. Seulement P. Victorius #, 
sentant l'élégance péripatéticienne qui respire dans tout cet ouvrage, se 
fondait, pour en faire honneur au Phalérien, sur une lettre inédite de 
Théophylacte, que Guillaume Sirlet lui avait communiquée et dans la- 
quelle le livre dont nous parlons est expressément attribué à notre auteur 5. 
Mais cette lettre ne se trouve ni dans l'édition que Meursius a donnée 
des lettres de Théophylacte, ni dans le manuscrit qui en existe dans la 
bibliothèque des Médicis à Florence 5, D'ailleurs, l'autorité de cet écrivain, 
qui fut évêque d’Achris, en Bulgarie, vers l'an 1070 7, n'est pas d’un bien 
grand poids dans la question présente. 
La preuve la plus décisive que ce livre n’est pas du disciple de Théo- 
phraste , c’est que son auteur cite un mot par lequel Démétrius de Phalère 
1 Altemb., 1779, in-8°. 
? Denique nec illud prætereundum , a Diogene Laertio 1x Accurata izA qua Demetrii Phalerei 


libros enumerat, tabula, nostri libelli nullam mentionem fieri. Prolegg. ad vol. IX Rhet. Græc., 
PP. VI-vil. 

5 Cf. Fabric., Bibl. Græc., t. VI, p. 63 sqq., ed. Harless. 

# Præfat. edit. MDI. Cf. ejusd. Var. Lectt., lib. XXIV, cap. 12. 

5 ‘O dé Daaypede xoi repi Éguyveles Méyou auvraywirey oroudaley éÉveyxes. In Meursii opp. , t. VII, 
p.981. CF, Fabr., Bibl. gr., t. VI, p.64; et Walz., doc. laud., p. HI. 

6 Walz, loc. laud. 

7 Roulez, Hist. lit. grecque, p. 324. 


148 f MÉMOIRE 


rabaissa l'insolence de Cratère . Il est très-difficile, sinon impossible , de 
croire que Démétrius ait poussé l’impudence jusqu’à se citer comme mo- 
dèle. Nous voyons encore que, dans ce traité, les anciens orateurs, et 
parmi ceux-ci Démosthène, sont continuellement opposés aux orateurs 
nouveaux, tout comme le font Denys d'Halicarnasse et les rhéteurs subsé- 
quents, tandis que Démétrius doit lui-même être mis au nombre des an- 
ciens ?. On y fait aussi mention de la nouvelle comédie 5; mais cette dé- 
nomination ne prit naissance que bien longtemps après Démétrius, lors 
des travaux que les grammairiens d'Alexandrie exécutèrent sur les anciens 
écrivains. Ce n’est pas non plus un contemporain de Ménandre et de 
Philémon qui peut avoir dit que les pièces du premier étaient représen- 
tées, tandis qu’on se contentait de lire celles du second #. Dans cet opus- 
cule, on trouve encore cité un rhéteur de Gadare 5, qui ne peut-être. que 
Théodore de Gadare, contemporain d’Auguste, ou Apsinès, dont on place 
l’époque sous le règne de Maximien : en tout cas, il est difficile de croire 
que, dans cette ville de Syrie, l'étude de la littérature grecque fleurit déjà 
du temps de Démétrius de Phalère 6. L'auteur de ce traité parle des poé- 
sies de Sotade 7, qui vivait du temps de Ptolémée Philadelphe , auquel il 
avait, dans ses vers, reproché son mariage avec sa sœur Arsinoé 5, et l’on 
peut fortement douter que ce poëte fût connu de notre Démétrius. Il cite 
aussi Artémon, écrivain d’un âge incertain , qui aurait récueilli en 8 livres 
les lettres d’Aristote ; mais qu’une telle collection existàt déjà du temps de 
Démétrius de Phalère, c’est ce qui est contraire à tout ce que l'antiquité 
nous enseigne; d’ailleurs ce recueil prétendu ne peut avoir été que l’œuvre 
d'un sophiste plus récent ?. À toutes ces preuves matérielles, qu'il nous 


1 $ 289, p. 118, vol. IX Rhet. Græc., ed. Walz. 

2 Walz, LL, p.11; Fabric.; p.64. 

5 Dem., de Eloc:, $ 204, p. 89. 

# Mévaydpoy Üronpivcytou. Drguova JÈ dyayiéorouci, $ 193, p. 86. Cf. Fabr., loc. cit. 

5 $ 237, p. 100. 

6 Walz, loc. laud. 

1 $ 189, p. 84. 

$# Athen., lib. XIV, p. 621 a. Cf. Capellmann, Alex. Ætoli fragmm., pp. 28 et 34, et Fabric., 
Bibl. Gr., vol. I, p. 495. 

9 Walz, Prolegg., pag. v. 


SUR DÉMÉTRIUS' DE PHALÈRE. 149 


serait facile de multiplier éncore, vient se joindre la diction qui trahit 
un âge postérieur à celui du Phalérien !, | 

On sent bien qu’il n'entre pas dans notre sujet de rechercher quel est le 
véritable auteur de ce traité : il doit nous suffire d’avoir démontré qu’il 
ne peut être sorti de la plume de l'écrivain dont nous nous occupons. 
Nous dirons toutefois que nous ne pouvons partager le sentiment de ceux 
qui en font honneur à Denys d'Halicarnasse ?. En effet, ce dernier critique 
ne reconnaît que trois genres de style, le simple, le modéré et le fort 5, 
tandis que l’auteur du traité de l’élocution en distingue quatre, le simple, 
le magnifique, le poli et l'énergique #, On est à peu près aujourd’hui d’ac- 
cord pour l’attribuer à un sophiste du nom de Démétrius, qui vivait à 
Alexandrie du temps des Antonins ét qui écrivit des traités de rhétori- 
que 5. Cette opinion se fonde principalement sur un passage du philoso- 
phe alexandrin Ammonius ; qui, citant ce traité 6, appelle tout simplement 
Démétrius son auteur, au nom duquel il n'aurait pas manqué d'ajouter 
une épithète distinetive, s’il n’eût pas voulu désigner un compatriote 7. 

Du reste, l'erreur de ces savants qui ont reconnu Démétrius de Phalère 
pour l’auteur de cet opuscule, est d'autant plus excusable, que, dans 
l'antiquité même, on lui attribuait par inadvertance des ouvrages qui n'é- 
taient pas davantage sortis de sa plume. Ainsi l'historien Josèphe, dans 
son écrit contre Apion 8, et, d’après lui, Tertullien, dans son Apologétique ?, 
parlent d’une Histoire des Juifs que Démétrius de Phalère aurait com- 
posée; mais il y a tout lieu de croire que Josèphe a confondu le Phalérien 

Belin de Ballu, Æist. crit. de l'élog., vol. I, p. 84 sq.; Walz., loc. laud., p. vi. 

? Henr. Vales., Not. ad Exce. Peirese., p.65 sq., et de Critica, lib. 1, cap. 8, p. 156; Is. Voss., 


ad Catull., p.155, et de Poem. cantu, p. 91; Menag., ad D. L., pp. 280 et 657; Comm., t. L, ed. 
Hübn., et Anti-Baillet, cap. D2. 

5 Syrian., Prolegg. ad Hermogen. de Ideis., p. 93, t. VI Rhet, Gr., ed. Walz. 

5 $ 56, p. 21, vol. IX Rhet, Gr., ed. Walz; Prolegg., p. vin; et Harless., ad Fabric. bibl. Gr., 
t. VI, p. 64, not. 

5 D. L., lib. V, cap. V, $ 84. Cf. J.-G. Voss., Inst. orat., lib. VI, cap. 2, et de Rhetorie. Nat., 
cap. 9; Ant. Muret, Orat. V1, et ad Xenoph. Anab., p. 770. 

5 Prolegg. ad Aristot., de Interpret., p. 2. 

7 Walz, Prolegg., p. IX. Cf. Belin de Bellu, Hist. crit. de l'élog., vol. IL, p. 36. 

8 Lib. 1, cap. 23, t. Il, p. 458, ed. Havercamp. 

® Cap. XIX, pag. 18 b, ed Prior. 


150 | MÉMOIRE 


avec un autre Démétrius dont parle Clément d'Alexandrie 4 et qui vivait 
sous le quatrième Ptolémée, c’est-à-dire un demi-siècle environ après 
notre auteur. | 

Stéphane de Byzance, dans son Dictionnaire géographique, fait aussi 
mention de Démétrius de Phalère parmi les commentateurs du poëte Nican- 
dre ?. En supposant même que le surnom de Phalérien ne se soit pas glissé 
là par une erreur quelconque, ce qui est très-possible 3, il est évident 
qu'il ne peut s'agir de l'écrivain qui fait le sujet de ce travail, puisque 
Nicandre vivait au milieu du second siècle avant notre ère #, et que, d’ail- 
leurs, Stéphane ne cite ce Démétrius qu'après Plutarque et Théon. 

Il se pourrait toutefois que ces deux Démétrius dont nous venons de 
parler, fussent des descendants du Phalérien. Nous trouvons, en effet, l'un 
de ces derniers mentionné par Athénée à cause de sa vie dissolue et de 
son luxe effréné. Il fut nommé thesmothète par le roi Antigone ©; singu- 
lière ressemblance que son sort présente avec celui de son aïeul! Cet Anti- 
gone est le roi de Macédoine surnommé Doson , qui régna sur la fin du 
HE siècle avant notre ère. Or, le quatrième Ptolémée vivait à peu près 
vers la même époque 5, en sorte que ce Démétrius de Phalère pourrait 
bien être l'historien des Juifs que mentionne Josèphe, dont la bonne foi 
serait ainsi mise à couvert. Mais quand Belin de Ballu 7 avance qu'un 
poëte comique du nom de Démétrius de Phalère est cité par Athénée; il 
doit être taxé de négligence, car dans aucun des trois endroits d’Athénée # 
où il est parlé de ce poëte, on ne le trouve que sous le simple nom de 
Démétrius. C’est le traducteur latin d’Athénée qui a induit ce sayant en 
erreur, en ajoutant de son chef le surnom de Phalérien *. 


1 Stromat., lib. I, cap. 21, $ 141, p. 94, vol. IF, ed. Klotz. Cf. Humfred Hody, contra hist. Arist,, 
cap. X, p. 193; Huet, Dem. Evang., 1. I, chap. 23-et 29; Müller, ad Fragm. hist. Grœæc., t. 1, p. 369. 

2 Of d'ürouryuaricayres aûrèy | Oécy' xoù EAcÜTAphos Hat Aylptpios 6 Panypeds) #7. Voce Ksocry. 

5 Cf. Menag., ad D. L., t. 1, p. 656, ed. Hübn., et Humfred Hody, Loc. laud. 

+ Groddeck, Init. hist. Græe. litt., P. I, p. 19. 

5 Athen., lib. IV, p. 167 d—f. 

6 Cf. Heeren, Man. de l'hist. anc., sect. HE, pér. IT, $14)et pér. IF, S'14. 

T Hist. crit. de l'élog., vol: M, p. 56. 

8 Lib. IT, p. 56 «; lib. HI, p. 108 f; lib. XIX , p: 408 e. 

9 Cf. Humfred Hody, Loc. cit., p. 196. 


SUR DÉMÉTRIUS: DE PHALÈRE. 151 


Un Démétrius nous est encore indiqué par Pline ! comme auteur d’un 
livre sur les propriétés du nombre quaternaire. Mais, comme lobserve 
Ménage ?, il n’est pas du tout sûr que Pline ait voulu parler de Démé- 
twius de Phalère. Il est même probable qu'au lieu de Démétrius il faut 
lire Démocrite, sous le nom duquel circulaient dans l'antiquité plusieurs 
ouvrages de ce genre 5. 

Enfin, on trouve dans Athénée mention faite d’un ouvrage composé 
sur les affaires d'Égypte par un auteur qu'il nomme Démétrius # sans 
indiquer celui qu’il entend par là entre les nombreux écrivains :qui ont 
porté ce nom ©. Comme Démétrius de Phalère est connu pour avoir sé- 
journé longtemps en Égypte, un savant 6 soupçonne que le livre en ques- 
tion pourrait lui être rapporté; mais, comme le remarque lui-même ce 
commentateur, nulle part un tel écrit.ne lui est attribué d’une manière 
expresse. 

D'ailleurs ; à quoi bon vouloir augmenter, par des hypothèses plus ou 
moins hasardées, le nombre des écrits qui sont assignés à notre auteur par 
des autorités certaines? Il est évident que nous lui avons trouvé déjà assez 
de titres à la réputation d’érudit que toute l'antiquité semble unanime à 
lui accorder. On a vu, en eflet, qu’il est en littérature peu de genres dans 
lesquels il ne se soit exercé : la liste des archontes nous montre en lui le 
chronologiste; il représente l’autobiographie, pour nous servir d’un néo- 
logisme assez nécessaire , par ses mémoires sur les dix ans pendant les- 
quels il gouverna sa patrie; son traité sur les Toniens nous fait voir en lui 
l’'antiquairé; l'écrivain politique nous apparaît dans son invective contre 
les Athéniens, dans son ouvrage sur la démagogie et dans son traité de 


1 Hist. nat., lib: XXVHT, cap, 17, p. 167, V: IV, ed. Tauchn. 

? Ad D. L.,t.1 Comm., p. 657, ed. Hübn. 

5 Cf. D. L., lib. IX, cap. VIN, $ 46-48; et Müller, ad ist. Græc. fragm., vol. I, p. 25 sq. 
C'est aussi à Démocrite que cet écrit est rapporté dans l'index de Pline, vol. V, p. 211, ed. 
Tauchn. 

+ Lib. XV, p. 680 b, 

5 Cf. Ménag., ad D. L., t. 1, Comm., p. 658 sqq, ed. Hübn. 

8 Schweighäuser, Animadvers. in Athen., vol. IX, p. 88. Poteras etiam suspicari Phalereum 
Demetrium, cum in Ægypto versaretur, nonnihil xepi rüy xar 'Aiyurræ scriplo mandasse, sed 
talis seripti ab eo editi nusquam mentio facta reperitur. 


152 MÉMOIRE 


politique; c'était peu de donner une nouvelle législation à sa patrie : il la 
décrit et la défend dans un ouvrage spécial, et fait, de plus, l’histoire des 
constitutions qui ont successivement régi les Athéniens; ses écrits sur 
Socrate, Ptolémée, etc., témoignent que la biographie et l’histoire de la 
philosophie ont aussi occupé sa plume; son livre sur Antiphane, son his- 
toire de la poésie, ses écrits sur l’Iliade et l'Odyssée, prouvent également 
que la critique littéraire attira son attention. Tous ces travaux et d’autres 
que l’on pourrait citer encore, doivent être regardés comme le produit de 
cette: ardeur encyclopédique qui embrasait la science grecque depuis 
Aristote et dont Platon nous représente la première étincelle. 


SJ. L. 
CHAPITRE IV. 


DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE CONSIDÉRÉ COMME PHILOSOPHE, 


À cause du manque de données suffisantes pour établir d’une manière 
bien certaine le caractère de la doctrine philosophique de Démétrius, 
nous serons nécessairement, dans ce chapitre, brefs et incomplets. Stanley 
et Brucker, dans leurs laborieux ouvrages sur l’histoire de la philoso- 
phie, se bornent à donner, d’une manière plus ou moins.exacte, la bio- 
graphie de ce disciple de Théophraste, et ne disent rien de ses théories ; 
Ritter lui-même, dont les travaux consciencieux ont jeté tant de jour sur 
l’histoire de la pensée humaine, le passe entièrement sous silence. Nous 
sommes donc appelés à remplir, dans cette partie de notre travail, une 
lacune que deux motifs, il faut bien l'avouer, contribuent à rendre moins 
importante qu'on ne se l’imaginerait au premier abord, si l’on prenait 
trop à la lettre le passage où Cicéron! rend un témoignage éclatant au 


‘ Phalereus Demetrius, quum patria pulsus esset injuria, ad Ptolemœum se reem Alexan- 
driam contulit ; qui, quam 1x mac 1PSA PHiLOsoPnia, ad quam te hortamur, exceLLerer Theophrasti- 
que esset auditor , multa præclara in calamitoso illo otio scripsit, non ad usum aliquem suum , 
quo erat orbatus, sed animi cultus ille erat ei quasi quidam humanitatis cibus. Cic., de Fin., 
lib. V, cap. 19, $ 54. C'est le péripatéticien Pison qui parle dans cet endroït. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 155 


mérite philosophique de Démétrius. En premier lieu , il suit de la liste 
même de ses ouvrages qu'il n'avait embrassé que le côté pratique de la 
science, et en laissait complétement de côté la partie spéculative. Ensuite. 
il résulte du peu de données que nous avons sur ses théories morales, 
qu’il ne modifia pas du tout, ou du moins fort peu, celles d’Aristote et de 
Théophraste. 

Ce dernier fait s'explique facilement, si l’on considère que Démétrius 
fut surtout un homme d’action, et ne goûtait guère cette vie contempla- 
tive dont Aristote avait fait le partage de son philosophe modèlet, Son 
caractère tout pratique le tenait éloigné des recherches qui auraient eu 
pour but d'étendre ou de modifier les résultats des investigations de ses 
prédécesseurs et de ses contemporains dans les sciences physiques et in- 
tellectuelles. Il devait accepter leurs travaux comme suffisants et se con- 
tenter de les revêtir d’une forme plus élégante. En ce dernier point, nous 
le trouvons d’accord avec la tendance générale que suivit le péripatétisme 
après Théophraste. En effet, ce dernier ayant légué à Nélée de Scepsis sa 
bibliothèque, où se trouvaient aussi compris les ouvrages d’Aristote, et 
Nélée l'ayant transportée dans sa patrie, où, à son tour, il la laissa à des 
particuliers qui la tinrent sous clef, il s’ensuivit que les successeurs de 
Théophraste furent privés des moyens de donner pour base à leur ensei- 
gnement les écrits du fondateur de leur école ?. Ajoutez à cela que les 
troubles violents qui bouleversèrent tant de fois la Grèce à la fin du 
IVe siècle et au commencement du III: siècle avant notre ère, rendaient 
les circonstances peu favorables au développement des recherches spécu- 
latives. L’élan calme et raisonné qui avait produit les immenses travaux 
d’Aristote et de Théophraste, s'était arrêté devant ce besoin déréglé de 
jouissances dont cette époque se ressentit à un si haut degré. Déjà le suc- 
cesseur immédiat de Théophraste, Straton de Lampsaque, nous offre une 
preuve de cette déviation de la carrière immense que le philosophe de 
Stagire avait ouverte à l’activité humaine. Abandonnant l'exemple que lui 
avaient donné les disciples immédiats d’Aristote, tels que Théophraste, 


! Cf. H. Ritter, Hist. de la phil. ane., t. W, p- 260, trad. Tissot. 
2 Strabo, lib. XHT, cap. LE, t. Il, p. 124, ed. Tauchn. 
Tome XXIV. 20 


154 MÉMOIRE 


son maître, Aristoxène de Tarente, Dicéarque de Messène, il ne s’occupa 
que peu de la politique et négligea en général les connaissances histori- 
ques !. Mais sous ses successeurs Lycon, Ariston de Géos, Critolaüs et 
autres, l’école péripatéticienne semble s’être fourvoyée encore davantage. 
Comme ils n’avaient entre les mains qu’un très-petit nombre d’écrits de 
leurs maîtres, et encore ces écrits étaient-ils du genre exotérique pour la 
plupart, dépourvus d’ailleurs du zèle nécessaire pour jeter les bases d’un 
nouveau système, ils ne purent donner à leur enseignement un caractère 
positif, et durent se borner à revêtir certains lieux communs des orne- 
ments de la rhétorique ?. 

Si ces hommes, qui s'étaient donné pour mission de propager par leurs 
leçons orales la doctrine d’Aristote et de Théophraste, ne purent le faire 
que d’une manière incomplète et même infidèle5, que doit-on attendre de 
Démétrius, dont le but principal ne fut jamais la spéculation philoso- 
phique? Car, bien qu’il résulte du témoignage de Polybe que Démétrius 
avait écrit son traité de la Fortune pendant qu’il tenait dans Athènes le 
timon des affaires #, et qu’il soit vraisemblable, comme nous l'avons dit, 
que son ouvrage historique sur les archontes fut rédigé dans cette ville, il 
résulte du peu de loisir que devaient lui laisser les soins du gouverne- 
ment, et aussi du grand nombre d'ouvrages qu’il avait composés, que ce 
fut en Égypte Ÿ, pendant ses quatorze ans d’exil, qu’il s’adonna surtout aux 
occupations littéraires. Ce fut dans ce calamiteux loisir, pour parler le 
langage de Cicéron 6, qu’il mit au jour ces écrits nombreux et brillants qui 
faisaient reconnaître un excellent péripatéticien dans ce disciple de Théo- 
phraste; et cette culture intellectuelle n'avait pas pour but un avantage 


1 Ritter, tbid., p. 342. C'est sans doute par erreur que la traduction porte ici physique, puis- 
que Straton était surnommé le Physicien ; ibid., p. 358. 

2 Myoèy Eye gihocove rpay marins, SAM Séceg AyxuSitew. Strabo, loc. laud. Ménage (ad D. L., 
p.640, Comm., t. I, ed. Hubner) a fort mal entendu cette dernière expression , lorsqu'il la tra- 
duit par quæstiones studiosius tractare. 

5 Jia degenerarunt ut ipsi ex se nati videantur. Cic., de Fin., lib. V, cap. V, $ 15. 

* Müller, ad Fragm. Hist. Græc., tom. I, p. 368. 

5 296-283 av. J.-C. Cf. Clinton, F. H., pp. 191 et 195, ed. Krüger. 

6 Cic., loc. suprà laud. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 155 


personnel, mais elle était à ses yeux le véritable aliment de l’homme. 
Nous croyons que Goerenz, dans sa note! sur cet endroit de Cicéron, n’en 
a pas bien saisi le sens lorsqu'il avance que l’orateur romain entendait 
ici parler des écrits politiques de Démétrius. Selon nous , Cicéron avait en 
vue, dans ce passage, non-seulement ce dernier genre d'ouvrages, mais 
encore et surtout ceux dont la portée était purement philosophique. C’est 
ce qui nous paraît ressortir clairement du texte même de cet auteur. 

Or, comme Théophraste, qui mourut dix ans après la fuite de Démé- 
trius en Égypte 2, avait laissé à Nélée ses ouvrages et ceux de son maître, 
il s’ensuit que Démétrius se trouvait dans le même cas que Lycon, Ari- 
ston et Critolaüs, c’est-à-dire qu’il était privé des secours nécessaires pour 
écrire un cours complet de philosophie, quand bien même les disposi- 
tions de son génie, plus oratoire que spéculatif, ne l’auraient pas détourné 
d’une tâche aussi ardue. Mais il avait sur les philosophes que nous ve- 
nons de citer , un avantage qui lui permettait de ne s’écarter que fort peu 
de la vraie morale péripatéticienne : c’est qu'ayant suivi les leçons de 
Théophraste même, qui ne leur arrivèrent que par l'intermédiaire et avec 
les modifications de Straton, et de plus, vivant avant ces philosophes, à 
une époque où les doctrines d’Épicure et de Zénon n'avaient pas encore 
acquis l'influence qu’elles obtinrent depuis, il lui fut plus facile qu’à eux 
de mettre son éthique à l'abri de toute influence étrangère. 

« Les péripatéticiens, dit Cicéron 5, divisent leur doctrine en trois 
parties, comme presque toutes les autres écoles : la physique, la logique 
et la morale. Ils ont porté dans l'étude de la nature un tel esprit d’inves- 
tigation, qu’à parler poétiquement, il n’y a rien ni dans le ciel, ni dans 
la mer, ni sur la terre dont ils n’aient écrit. De plus, après avoir parlé 
du commencement des choses et de tout l'univers, en donnant quelque- 
fois, non-seulement des raisons très-probables de leurs opinions, mais 
encore des démonstrations mathématiques , ils nous ont encore facilité, 


1 Hæc ad ea Demetrii scripta pertinere videntur , quæ politici essent argumenti, qualia plura 
composuil. Vol. HE, p. 600, Cic. Opp. phil. Lips., 1803. 

? Clinton, loc. laud. 

5 De Finibus, lib. V, capp. IV et V, t. XXV, p. 404 sqq., ed. Leclerc. 


156 MÉMOIRE 


par leurs recherches, la connaissance des choses mystérieuses. Aristote a 
traité de la naissance de tous les animaux, de leur manière de vivre, de 
leur conformation ; Théophraste a écrit sur la nature des plantes et sur 
presque toutes les productions de la terre; il en a examiné les causes et 
les effets ; et par là il a rendu aussi la recherche des choses secrètes beau- 
coup plus facile. Nous apprenons des mêmes philosophes à nous exprimer 
non-seulement en logiciens, mais encore en orateurs; et Aristote, leur 
chef, nous à enseigné à parler pour et contre sur chaque chose, non pas 
comme Arcésilas, qui disputait contre quelque proposition que ce fût, mais 
en faisant voir tout ce qui peut se dire de part et d’autre sur toutes sortes 
de matières. Quant à l’art de vivre, ils en ont donné des règles, et pour 
la vie privée et pour l'administration des États. Les mœurs, les coutumes, 
les institutions, tant de la plupart des villes grecques que de la plupart 
des villes barbares, ont été décrites par Aristote ; Théophraste nous en a 
fait connaître aussi les lois; et l’un et l’autre ayant enseigné quel devait 
être le chef d’un État, et développé dans de longs ouvrages la meilleure 
forme de gouvernement, Théophraste s’est attaché de plus à nous faire 
connaître les diverses révolutions des corps politiques, et l’art de les di- 
riger selon les besoins des temps et des peuples. Le genre de vie qui leur 
a plu davantage a été une vie tranquille, éclairée, contemplative; ils ont 
senti qu'une pareille manière de vivre approchait le plus de la vie des 
dieux, et qu’ainsi elle était la plus digne du sage : ils ont exprimé toutes 
ces idées avec force et noblesse. 

» Comme ils ont composé sur le souverain bien des ouvrages de deux 
sortes, les uns faits pour le peuple et appelés exotériques, les autres plus 
profonds et destinés seulement à leurs disciples, ils paraissent quelquefois 
se contredire ; mais pour le fond, ceux du moins que j'ai nommés, s’ac- 
cordent toujours entre eux et avec eux-mêmes. Dans cette question du 
bonheur , où la philosophie recherche surtout s’il ne dépend que du sage, 
ou si l’adversité peut l’ébranler et le détruire, leurs opinions semblent 
d’abord incertaines et chancelantes. On peut le dire en particulier du 
livre de Théophraste sur la vie heureuse, où il accorde beaucoup à la for- 
tune. Si elle avait tant de pouvoir, la sagesse ne suffirait pas pour le 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 157 


bonheur : opinion qui me paraît plus faible et plus molle que la nature 
de la vertu ne le comporte. Il faut donc s’en tenir à Aristote et à Nico- 
maque, son fils : je sais bien que ces précieux livres de morale sont 
attribués à Aristote; mais je ne vois pas pourquoi le fils n'aurait pu res- 
sembler au père. Admettons même plusieurs des opinions de Théophraste, 
pourvu que nous ayons sur la vertu des sentiments plus fermes et plus 
robustes que lui. Contentons-nous d’Aristote et de Théophraste. Ceux qui 
sont venus après eux méritent, à mon avis, la préférence sur tous les 
philosophes des autres sectes; mais ils ont tellement dégénéré de leurs 
maîtres qu’ils ne semblent être nés que d'eux-mêmes. Straton, disciple 
de Théophraste, s’est adonné à la physique; il a eu des idées remarqua- 
bles, mais presque toutes nouvelles; et, du reste, il a peu écrit sur les 
mœurs. Lycon, son élève, a un style riche, mais peu d'idées. Le disciple 
de celui-ci, Ariston, est agréable et élégant; mais il n’a pas toute la gra- 
vité requise dans un grand philosophe; et, quoiqu'il ait beaucoup écrit, 
et même avec goût, je ne sais comment il n’a aucune autorité. Je passe 
sous silence bien d’autres péripatéticiens ; et parmi ceux-ci un homme 
savant et aimable, Hiéronyme, qui est à peine de cette école, car il met 
le souverain bien dans l'absence de la douleur; et c’est être d’un senti- 
ment différent sur toute la philosophie que de l’être sur le souverain bien. 
Critolaüs a voulu imiter les anciens : il en approche du côté de la gravité, 
et son style a de l'abondance. Il reste du moins fidèle à l’ancienne doc- 
trine, tandis que son disciple Diodore joint à l'honnêteté l'absence de la 
douleur. Il fait donc secte à part; et, avec une telle opinion, il ne peut 
être regardé comme un vrai péripatéticien. » 

Nous pouvons conclure de l’omission de Démétrius dans la liste que 
Cicéron, en ce passage, donne des péripatéticiens qui méconnurent la 
doctrine morale de leur maître en la voulant concilier, soit avec l’éthi- 
que d’Épicure, soit avec celle de Zénon, et de l'éloge qu’il lui accorde, 
comme on l’a vu, d’avoir excellé dans la philosophie aristotélicienne, 
nous pouvons conclure, disons-nous, qu'aux yeux de Cicéron Démétrius 
était, dans ses écrits, un représentant fidèle dela morale d’Aristote et de 
Théophraste. D'un autre côté, comme Démétrius n’a guère traité, en cette 


158 MÉMOIRE 


matière, que des sujets sur lesquels Aristote et Théophraste avaient déjà 
composé des ouvrages, il faut que ses écrits moraux aient été simple- 
ment destinés à développer d’une manière plus ornée et plus élégante les 
principes de l'éthique de ses maîtres. C’est ce qui résultera clairement de 
la traduction que nous donnerons plus bas des deux morceaux les plus 
importants qui nous soient restés de ses œuvres philosophiques, et dans 
lesquels on voit clairement apparaître cette couleur oratoire que prit 
après Théophraste la philosophie péripatéticienne. Maintenant nous allons 
présenter d’une manière aussi exacte et aussi raisonnée que le peu de docu- 
ments qui nous restent et nos faibles lumières nous le permettront, la 
liste des écrits de Démétrius qui se rapportent ou paraissent se rapporter 
à la philosophie. 

Nous mentionnerons d’abord un traité intitulé re +5 uw, sur la 
portée duquel les savants ne sont pas tous d'accord. Dans les anciennes 
éditions de Diogène de Laërte, le mot dx a l'accent sur la dernière syllabe, 
et alors le titre grec de cet ouvrage signifie de la poutre, de trabe, aïnsi 
que l'ont rendu les traductions latines. Comme on n’y trouvait pas de sens, 
le savant Allemand Lucas Holstein proposa de lire repi +05 ré, c’est-à-dire 
de l'usure. Ménage, qui rapporte cette correction assez plausible ?, préfère 
cependant avec raison de lire repi +5 dé, où de l'opinion, en prenant le mot 
xs Comme paroxyton : il ajoute que dans ce sens le mot He sé trouve sou- 
vent dans Sextus Empiricus 5. Cette dernière remarque est vraie; cependant 
on doit observer que ce mot n’est pas employé par cet auteur lui-même, 
mais bien par le poëte philosophe Xénophane qu'il cite fréquemment # : 
d’où l’on voit que ce mot, d’un usage très-rare d’ailleurs, est presque 
exclusivement poétique. C’est probablement ce qui a engagé Belin de Ballu, 
dans son Histoire critique de l'éloquence chez les GrecsŸ, à proposer un autre 
changement, à savoir #ep} ro duogvres. Le R. P. Rossi, qui a publié à Rome 


1 Diog. Laert., lib. V, sect. 9, $ 81. 

? Obss. in D. L., t. 1, p. 657 Comm., ed. Hübn. 

5 Cf. Fabric., ad Sext. Emp., p.71; et Bentley, ad Callimachi fragmm., vol. 1, p. 464, ed. Ern. 
4 Pagg. 60, 20; 200, 14 et 24; 219, 29; 215, 1, ed. Bekker. 

5 Vol. IF, p. 57, not. 1. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 159 


des commentaires sur Diogène, veut maintenir l’ancienne leçon, qu'il 
explique en faisant remarquer que d4 en grec, comme trabs en latin, si- 
gnifie quelquefois un météore lumineux en forme de poutre. Bien que 
cette interprétation soit approuvée par quelques érudits?, il nous est ce- 
pendant très-difficile de l’'admettre, parce qu’elle se trouve en contradic- 
tion avec tout ce que nous savons des études de Démétrius. Nous nous en 
tiendrons donc, avec la nouvelle édition de Diogène de Laërte 5, au sens et 
au changement adoptés par Ménage, en observant que l'ouvrage d’Aris- 
tote ! ei déêns a, par son titre, beaucoup de rapport avec celui dont nous 
parlons. 

. Nous trouvons autant de difficulté à déterminer le sujet du traité 7e: 
rirreme Ÿ, Car le titre , à cause du sens large et équivoque du mot grec riste, 
peut se rendre en français par ceux de traité sur la foi, traité sur la fidélité, 
traité sur la confiance S. I] ne nous reste rien absolument de ce traité, ainsi 
que du précédent. 

Nous ne connaissons non plus que par la mention qu’en fait Diogène, 
l'ouvrage de Démétrius intitulé z:p} gares, qui peut encore avoir eu pour 
matière la grâce ou bien la reconnaissance $#. Quant à celui que Diogène 
nous mentionne immédiatement après celui-là, et qui est intitulé de a 
Fortune (repi rüyns), 1] nous en reste un passage assez considérable, cité 
par Polybe dans les fragments de cet écrivain découverts et publiés par 
Angelo Mai°. Comme ce morceau est de la plus grande importance pour 
le sujet que nous traitons dans ce chapitre, et qu’il est à peu près le seul 

1 4oxë.... de quo Laertius, est ignis in speciem trabis emicans, a qua nomen accipit, pertinens 
ad genus rüv peredpoy sive r& perapoiwv. Jgnat, Ross., Comment. Laert., $ XXX , p. 88. 

2 Schaefer, ad Schol. Paris. Apoll. Rhod., lib. 11, v. 1088, p. 206; Hübner ad Diog. Laert., 
vol. IE, p. 778. 

5 Pag. 150, 1. 3, ed. Didot. 

+ Anonymi Vit. Aristot., p. 14, 1. 24, ad cale. D. L., ed. Didot. Cf. Sezt. Empir., p. 200, |. 24, 
ed. Bekk, déxoy J'8 rÿy d'éxyors xai rèy Ex. 

5 Diog., loc. cit., 1. 2 

5 Belin de Ballu, Loc. laud. 

7 D. L., ut supra. 


8 Théophraste avait aussi composé un livre sous le même titre. Voy. D. L., p. 122, 1. 13, ed. 
Didot. 


% Polyb. opp., t. IV, p. 409 sq., ed. Tauchn. 


160 MÉMOIRE 


qui nous fasse connaître la philosophie de Démétrius, nous allons en 
donner ici la traduction, nous réservant de revenir plus tard aux consé- 
quences qu’on doit en tirer. Il nous montrera combien le style des œuvres 
philosophiques de Démétrius était éloigné de l'exposition sèche et aride 
d’Aristote et de Théophraste. 

« Si l’on considère, non pas une période immense, ni même plusieurs 
générations, mais seulement les cinquante ans qui viennent de s’écouler, 
on reconnaîtra combien la fortune est intraitable. En effet, pensez-vous 
que les Perses ou le roi des Perses, que les Macédoniens ou le roi des 
Macédoniens, eussent cru il y a un demi-siècle, si quelque divinité leur 
eût dévoilé l'avenir, qu’à l'instant où j'écris les Perses auraient perdu 
jusqu’à leur nom, eux qui commandaient à presque tout l'univers, et que 
les Macédoniens, à cette époque totalement inconnus, seraient les maîtres 
du monde entier ? Mais la fortune, toujours perfide à notre égard, inno- 
vant toutes choses contre l'attente de notre raison, et montrant sa puis- 
sance dans les événements imprévus, maintenant encore, à mon avis, 
témoigne à tous les hommes, en transportant aux Macédoniens le bonheur 
des Perses, qu’elle abandonne à ceux-là l’usage de ses biens jusqu’à ce 
qu’il lui plaise de changer de résolution à leur égard. » 

A la suite du traité sur la Fortune, Diogène nous mentionne un livre 
sur la Grandeur d'âme (repi ueydohvyias) et puis un autre sur le Mariage (xp 
yäpæ), qui sont tous deux entièrement perdus, en sorte que nous ne con- 
naissons pas le sens dans lequel ils étaient écrits. Cependant, quant au 
livre sur le Mariage, on peut croire que Démétrius n’était pas plus favo- 
rable à cette institution que son maître Théophraste, d’après ce qu'on 
nous raconte de ses liaisons avec les courtisanes et de ses autres goûts 
plus infâmes encore. Dans un livre sur le Mariage, que Diogène omet dans 
sa liste des œuvres de Théophraste, mais qui nous est cité par saint Jérôme", 
Théophraste s'élevait avec force contre la vie conjugale, qu'il qualifiait de 
stupidité?. Cette manière de considérer un point sur lequel Aristote avait 


1 Fertur aureolus Theophrasti liber de Nuptiis, in quo quærit an vir sapiens ducat uxorem. 
Advers. Jovinian., lib. 1, p. 189, ed. Bened. 
2? Porro liberorum causa... uxorem ducere….. stolidissimum est. Div. Hieronym., ibid. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 161 


eu des idées beaucoup plus saines !, nous fournit un triste exemple de 
l'impulsion fàächeuse qu’une philosophie fourvoyée donnait à la corrup- 
tion qui, à cette époque, éclatait déjà d’une manière si remarquable dans 
les mœurs helléniques. 

Viennent ensuite les ouvrages ? sur l'Opinion, sur la Paix et sur les 
Lois (mepi r00 duos, nepi elprvme, mepi véuuv). Nous avons indiqué un peu plus 
haut dans quel sens nous entendions le titre du premier. Quant au sui- 
vant, d’après ce que nous avons dit dans le premier chapitre de ce travail, 
il nous paraît avoir été une harangue plutôt qu’un traité philosophique. 
L'ouvrage sur les Lois est mentionné deux fois5 dans la liste des œuvres 
de Démétrius : reste à savoir si c’est là une de ces négligences si ordinaires 
à Diogène, ou une erreur de ses copistes {. Nous croyons avec M. Müller 
que c'était un traité purement spéculatif 5. 

Les titres de ces trois ouvrages indiquent clairement les sujets qui s’y 
trouvaient traités; mais il n’en est pas de même de l'écrit rex émrmeuairer, 
à cause du sens lâche du mot érrua. La traduction latine de Diogène © 
rend ce titre par les mots de studüs, ce qui ne présente pas une significa- 
tion plus déterminée. Belin de Ballu? l'interprète d’une manière plus 
précise en disant un livre sur les différentes professions; mais il nous semble 
que c'était là un sujet trop vulgaire pour la plume de Démétrius. Nous 
préférons donner à l'ouvrage mentionné un but plus relevé en traduisant 
son titre par Traité des caractères. Nous nous fondons, pour cette manière de 
voir, sur un passage de Théophraste dans la préface de ses Caractères, où, 
en parlant du sujet de son livre, il se sert précisément du mot émrmdrien $. 
Pour composer un tel écrit, Démétrius avait devant les yeux l'exemple 


‘ Cf. H. Ritter, Hist. de la phil. ance., t. UE, p. 296, trad. Tissot. 
2 D. L., lib. V, cap. V, $ 81. 
5 D. L., p. 129, L 48 et p. 130, 1. 4, ed. Didot. 
+ Cf. Belin de Ballu, Hist. erit. de l'élog. chez les Grecs, vol. I, p. 57, note 2. 
5 Müller, ad Fragm. hist. Græc., vol. I, p. 362. 
6 Tom. I, p. 370, L. pen., ed. Hübner; p. 430, 1. 4, éd. Didot. 
7 Hist. crit. de l'élog., vol. IE, p. 57, à la fin. 
8 Tréaabey dy cuyy pate, à Éxärepor adr@r érrydkbour à» ro Biw. Il semble que j'ai dû mar- 
quer les caractères des uns et des autres. (La Bruyère.) 


Towe XXIV. 21 


(2 


162 MÉMOIRE 


de son maître, et pouvait, à meilleur droit encore que ce dernier, invo- 
quer son expérience des hommes. 

IL est encore plusieurs sujets sur lesquels Théophraste et son illustre 
disciple se sont également exercés. Le premier avait écrit, en quatre livres, 
un traité particulier de Politique d'après les occasions ! , dans lequel il en- 
seignait quels sont dans l’État les vicissitudes d'événements et les change- 
ments de circonstances qu’il faut diriger comme l'exige l'intérêt du mo- 
ment ?. Le même philosophe avait aussi composé, en deux livres, un 
ouvrage sur les circonstances favorables 5. Les bouleversements qu'éprou- 
vait à cette époque le monde social devaient donner du prix à ces sortes 
d’écrits. C'est ce que sentit Démétrius, puisqu'on nous mentionne un 
livre de Jui sur la même matière 4. L'un et l’autre avaient aussi composé 
des ouvrages sur la politique, en deux livres chacun ÿ. Enfin tous deux 
nous sont encore indiqués comme auteurs de traités sur la vieillesse 6; il 
ne nous reste de celui de Démétrius que deux passages sans impor- 
tance 7. 

Ce sont là tous les écrits philosophiques de Démétrius indiqués par 
Diogène de Laërte ; mais il est très-probable que sa liste n’est pas plus 
complète sous ce rapport que sous les autres. En effet, nous trouvons 
dans un écrivain que nous pouvons regarder sur ce sujet comme une 
autorité compétente, Artémidore, que Démétrius de Phalère avait écrit 
sur les songes un ouvrage en cinq livres, où il rapportait surtout les 
ordonnances et guérisons qui avaient Sérapis pour auteur $. Nous avons 
déjà dit que, selon une tradition, il avait lui-même recouvré la vue par 
un bienfait de ce dieu, en l'honneur duquel il composa des péans pour 

1 Tlourwèy æpèe vods xoupods d'. D. L., lib. V, cap. IF, $ 45. 

? Cic., de Fin., lib. V, cap. 4, $ 41. Cf. Menag., ad D. L., Comm., t. 1, p. 626, ed. Hübn. 
5 Heat xuçoy 8. D. L. ibid., $ 50. Cf. Menag., L e., p. 655. 
# Dept xaupod «. D. L., p. 150, 1. 5, ed. Didot. 
5 D. L., p. 122, 1. 38, et p. 129, 1. 48, ed. Didot. 
6 Apud D. L,. lib. , cap. HE, $ 43, et lib. IX, cap. If, & 20. 
7 D. L., lib. V, cap. II, $ 45, et cap. V, $ 81. 
Oudé por riSayà Édéue radra; Kairor L'euuvod rod Tuplou xai Ayuytpiou rod DaAypées noi "Aprépuoÿos Tod 


Muyoiou, vob mèy &y tploi BiBhois rod O8 y mévre vod O8 y eixooiduo ro Mods dveipous Gay pohauéyoy koi 
HäMora ouyrayas tai Separeias vas dmrd Sapéridos doSeicas. Lib. Il, cap. 44, p.228, ed. Reïff. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 165 


lui marquer sa reconnaissance. Cette persuasion qu’on peut découvrir 
l'avenir au moyen des rèves, était du reste commune dans l’école péripa- 
téticienne, puisque nous avons de son fondateur un petit traité sur la divi- 
nation au moyen des songes !. Théophraste donna dans la même super- 
stition que son maître, et écrivit également un traité sur cette matière ?. 

Nous voyons donc que Diogène ne nous a pas indiqué complétement 
les écrits philosophiques de notre auteur. Par exemple, nous trouvons 
encore de lui dans Strabon 5 (qui le cite d’après Posidonius) un passage 
qui paraît être tiré d’un traité sur la Richesse, que Démétrius aurait com- 
posé à l'exemple de son maître Théophraste #. Il dit, dans ce fragment, 
que les Athéniens travaillaient à leurs mines avec autant d’ardeur que 
s'ils eussent espéré arracher Pluton lui-même du fond de sa demeure. On 
peut même croire que, comme Théophraste , dont Diogène de Laërte nous 
cite trois écrits sur ce sujet Ÿ, Démétrius avait aussi publié un livre sur les 
vertus. C’est du moins à un pareil ouvrage que semble devoir appartenir 
un morceau que Stobée, dans son Anthologie 6, nous cite sous le nom d’un 
Démétrius et dans lequel respirent les idées aristotéliciennes. En voici la 
traduction : 

« Supposez, par exemple, que le Courage et la Lâcheté viennent se 
placer à côté d’un guerrier combattant dans les rangs d’une armée, com- 
bien ne serait pas différent, croyez-vous, le langage que lui tiendraient 
ces deux êtres? Le Courage ne lui ordonnerait-il pas de rester pour garder 
son poste? — Mais l'ennemi lance des traits. — Tiens ferme.— Mais je re- 
cevrai des blessures. — Supporte-les. — Mais je trouverai la mort. — 
Meurs plutôt que de quitter ton rang.— Voilà son langage inflexible et 
sévère; mais celui de la Làcheté est, par Jupiter, bien plus aimable et 
plus flatteur : elle conseille, en effet, la retraite au soldat saisi de crainte. 
— Mais mon bouclier m'embarrasse. — Jette-le. — Mais ma cuirasse aussi. 


1 Up rfç xd Üxvoy payrxÿs. Vol. 7, Arist. opp., pp. 152-8, ed. Tauchn. 

* D. L., p. 121, 1. 51, ed. Didot; Cf. Menag., ad D. L., p. 628, Comm. vol. 1, ed. Hübner. 
% Lib. II, p. 147; Posid. Reliq., p. 126, ed. Bake; fr. 48, p. 273, vol. II Fr. hist. Gr. 

# D. L., lib. V, cap. IH, $ 47. Cf. Menag., loc. laud., p. 632 sq. 

5 Pag. 120, 1. 46; p. 424, 1. 40; p. 122, L. 35, ed. Didot. 

5 Tit. VIE, n° 20, t. 1, p. 486 sq., ed. Tauchn. 


164 MÉMOIRE 


— Quitte-la. — Sans doute, ces dernières paroles sont de toute manière 
plus affables que les précédentes. Il en est de même des autres qualités. 
Ne cherche pas de profits illicites, dit la Modération; ne mange pas, ne 
bois pas outre mesure; souffre, supporte; enfin, expire avant de manquer 
à ton devoir. — Mais l’Intempérance nous crie, au contraire : bois quand 
il te plait, mange ce que bon te semble; la femme du voisin est-elle à 
ton goût? viens-en à tes fins; as-tu besoin d'argent? emprunte; après 
avoir emprunté, es-tu insolvable? ne rembourse pas; on ne veut plus te 
prêter? vole. — Nous entendons encore ici des langages bien différents. 
Mais qui ne sait que la complaisance du Vice devient fatale à ceux qui 
l’éprouvent, tandis que la bienveillance de la Vertu nous sauve du dan- 
ger? » 

IL est bien vrai que Stobée, en rapportant ce beau passage, en nomme 
l'auteur par le simple nom de Démétrius, sans ajouter si c’est le Phalé- 
rien. Mais on ne peut douter qu’il ne soit de ce dernier, qui est le plus 
célèbre des auteurs qui ont porté ce nom; car les Grecs ont la coutume 
presque invariable de distinguer les écrivains moins connus par une épi- 
thète, tirée le plus souvent du lieu de leur naissance. En outre, des 
philosophes que Diogène cite comme homonymes de notre auteur, nous 
ne voyons aucunement à qui l’on puisse, avec quelque certitude, attri- 
buer ce morceau. Diogène! nous mentionne d’abord un péripatéticien 
byzantin de ce nom; mais comme il est peu connu, et que, dans le frag- 
ment en question, on trouve des traces du dialecte attique, il n’est pas pro- 
bable qu’il en soit l’auteur. Nous connaissons encore, par le même ?, un 
philosophe bithynien, nommé également Démétrius , qui était fils du stoi- 
cien Diphile et disciple du stoïcien Panétius, et qui, par ces deux motifs, 
devait aussi appartenir à la secte du Portique. On serait assez tenté de 
croire que le morceau cité est de ce dernier, à cause de la sévérité du 
style et des idées qu'on y remarque : toutefois, comme Stobée ne cite, 
parmi les prosateurs du nom de Démétrius, que celui qui fait le sujet de 


! Lib. V, cap. V, $ 83. Cf. Menag., ad D. L., p. 658 sq., Comm., tom. I, ed. Hübn.; Müller, 
ad Hist. gr. fragm., vol. IL, p. 624. 
? Loc. cit., $ 84; cf. Menag., ibid., et Van Lynden, de Panætio, p. 57. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 165 


cet essai, nous aimons mieux, avec Gaisford ‘, reconnaître ce morceau 
comme sorti de sa plume. 

Si l’on ajoute l'endroit où Plutarque témoigne que Démétrius voulait 
à toute force éloigner non-seulement d'Aristide, mais encore de Socrate, 
le soupçon de pauvreté, comme si c'était un grand mal, on aura tous les 
documents d’après lesquels on doit apprécier la philosophie de Démétrius. 
Il est inutile de démontrer qu’ils sont des plus insuffisants ; car s’il est déjà 
difficile, quand on manque de renseignements désirables, d'exposer les 
faits extérieurs qu'embrasse la vie d’un homme, il devient presque impos- 
sible, dans le même cas, de traiter de ses opinions, sujet bien plus délicat 
encore. Néanmoins, si Démétrius , comme nous l’avons vu au commence- 
ment de ce chapitre, n’a fait que se conformer à l'éthique de ses maîtres , 
l'ignorance où nous sommes de son système de morale ne forme pas une 
lacune bien importante dans l’histoire de la pensée humaine. Nous devrons 
donc nous borner à confronter sa doctrine avec celle de son précepteur 
Théophraste, pour laquelle nous allons emprunter l'exposition de l’élo- 
quent interprète de la philosophie ancienne. 

« De la même manière, dit Ritter ?, qu'Aristote combattit le faux 
élan des premiers Académiciens, et s’éleva même contre la tendance de son 
maître à l'idéal; de la même manière qu’il se forma une opinion un peu 
froide, et qui inclinait même au mépris, de l'existence humaine et de ce 
qui s’y rattache, de même il dut être éloigné d’élever ses disciples au ton 
de l'inspiration, sans laquelle pourtant on ne fait rien de grand ni dans 
la science, ni dans la vie, sans laquelle l'homme ne peut s'élever à la 
conscience du divin. Sans doute qu’à force d’application les Péripatéti- 
ciens purent bien faire plusieurs choses et des choses dignes de réflexion ; 
mais ils se montrèrent petits dans la vie et dans l'opinion qu'ils s’en 
firent. C’est ce qui se remarque très-clairement dans la morale de Théo- 
phraste. N'estimant pas peu, ainsi que son maître, l'influence des biens 
extérieurs sur la félicité humaine, il dut conseiller de chercher à les 


1 V. dans le Stobæi Florilegium de l'édition Tauchnitz, qui reproduit celle de Gaisford, l'Index 
lemmatum, vol. TI, p. 522. 
? Hist. de la phil. anc., L WE, p. 314, trad. Tissot. 


4166 MÉMOIRE 


acquérir ; mais il affaiblit par là le prix de la vertu, et ne craignit pas de 
dire que la vie de l'homme est réglée par la fortune et non par la sagesse. 
Combien il est éloigné de la force platonique qui salue la mort avec joie, 
dans l'espérance d’une science plus parfaite, lorsqu'il accuse la nature 
d’avoir donné à l’homme une vie trop courte pour qu’il puisse achever 
les sciences qu’il a commencées! Au fait, il ne faut pas s’étonner qu’un 
homme qui s'attache si fort à la vie actuelle et aux biens extérieurs qu’elle 
présente, soit si indifférent aux exigences morales de notre sens naturel 
que d'engager le sage, sous je ne sais quel vain prétexte, à se retrancher 
en égoïste de la société des autres hommes, à mépriser le mariage et les 
rapports paternels dans la plupart des positions de la vie. On ne peut 
méconnaître que la connaissance que Théophraste a de l'homme, se fonde 
plus sur l'observation des faiblesses et de la perversité qui se remarquent 
dans la société humaine , que sur la conscience du divin en nous. Ce n’est 
que dans la méditation solitaire du sage qu’il semble avoir trouvé quelque 
chose de plus élevé, et s’il était encore susceptible d'inspiration, c'était 
pour la vie théorétique. » 

Nous trouvons, quant à la morale individuelle, que Démétrius abonde 
tout à fait dans le sens de son maître. Par exemple, pour ce qui concerne 
les biens extérieurs, il est évident, par le passage de son Socrate que 
nous avons rapporté plus haut, qu’il ne leur accordait pas moins d’im- 
portance, et qu’il les regardait même comme nécessaires en quelque sorte 
pour le bonheur du sage. Cette manière de voir nous apparaît également 
dans sa vie privée, comme le prouvent les détails qu’on nous à transmis 
sur son luxe exorbitant ! ; et il résulte encore du reproche que lui adres- 
sait Démocharès ? de n'avoir songé qu’au bien-être matériel des Athé- 
niens, qu'il ne s’en départit pas non plus en politique. 

Le morceau de son Traité sur la fortune que nous a conservé Polybe 
et dont nous avons donné ci-dessus la traduction, nous montre également 


‘ Duris et Caryst., ap. Athen., lib. XII, pp. 542-453. 
2 'Eri ydp To mot nai AuoiTE AG roAOS Lara Ty TOM, ai dadiAÿ Ta æpès rèy Boy drapyew ri- 


ci, émi roûros gyot (scil. 6 Ayucydpyc) meyahavyeiy aÿréy. Demochar. Leucon. fr. II, p. 448, vol. Il, 
Fr. hist. Gr. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 167 


que Démétrius avait accepté dans toute son étendue la maxime dont son 
maître faisait tant d’éloges : Vitam regit Fortuna , non Sapientia, éloges pour 
lesquels il eut à soutenir les attaques de tous les philosophes !. La raison 
humaine est pour Démétrius impuissante à maîtriser l’inconstance de cette 
déesse ?, Ce point de vue nous explique pourquoi, et dans sa conduite 
particulière, et dans sa carrière politique, il sut si bien se plier aux exi- 
gences du moment. Il mettait ainsi en pratique ce que son maître avait 
enseigné dans son traité de Politique d'occasion. 

Nous trouvons donc que, pour la morale individuelle, Démétrius non-seu- 
lement professait les sentiments égoïstes de son maître, mais encore leur 
donnait une application funeste et pour lui-même et pour ses concitoyens. 
Si nous avions quelque chose de son livre sur le mariage, nous pourrions 
savoir avec une certitude entière quelle était sa doctrine sur la famille; mais, 
nous en avons déjà fait la remarque, sa conduite, plus que licentieuse, té- 
moigne suffisamment qu'à l'exemple de Théophraste il méprisait une insti- 
tution sans laquelle cependant aucune morale publique ne peut subsister. 

Nous ne connaissons pas d’une manière bien exacte et bien sûre la 
théorie politique de Démétrius, non plus que celle de Théophraste, vu la 
perte complète de leurs écrits sur ce sujet. Mais nous avons néanmoins, 
quant à Démétrius, une ressource qui nous fait défaut pour l’autre : ses 
actes nous fournissent des preuves presque certaines que, dans cette ma- 
tière, il donnait complétement dans les idées d’Aristote. 

En effet, suivant le philosophe de Stagire, la politique, comme il 
nomme plus volontiers toute sa morale, embrasse toutes les recherches 
qui ont pour but le bonheur de l’homme considéré et dans son individua- 
lité et dans la famille et dans l’État 5. C’est sur cette considération qu'il se 
base pour diviser cette science en trois parties, l'éthique, l’économique et 


! Cic., Tuscul., lib. V, cap. 9, $ 25. Vexatur idem Theophrastus et libris et scholis omnium phi- 
losophorum, quod in Callisthene suo laudarit illam sententiam: Vitam regit, etc., Le vers grec ori- 
ginal nous a été conservé par Plutarque, au commencement de son livre ze Téxys (t. 1, Mor., 
p. 225, ed. Tauchn.) : Téyys rà Syyrüv æpéymar', oùx esdBoyXixs. Stobée ( Eclog., t. 1, p. 196, ed. 
Heeren) l’attribue à Chérémon. 

2 Névre rapi vèv Aoyisuèy rèy yuérepey xaorowdoa. Demetr. fr. 49, t. II, p. 368, Fr. hist. Gr. 

5 Ethic. Nicomach., Gb. 1 , cap. 1; Magn. Moral., lib. 1, cap. 1; Rhetor., lib. I, cap. 2. 


168 MÉMOIRE 


la politique, dans le sens restreint de ce terme. L’éthique, qui a pour 
fin le bien moral de l'homme individuel, est pour lui le fondement des 
autres parties de la politique, parce que la condition nécessaire du bien 
dans l’État est la bonté des mœurs 1. En second lieu vient économique, 
qui traite de la conduite d’une maison, et qui doit précéder la politique, 
parce que la famille est le fondement de l’État ?. 

Quant à cette dernière partie, l’idée la plus saillante du système 
d’Aristote est, comme on sait, sa préférence pour le régime monarchique : 
l'aristocratie tient à ses yeux la seconde place, et il regarde comme le 
moins bon des trois le gouvernement populaire 5. C’est là entièrement 
la manière de penser que nous voyons dominer dans toute la carrière 
politique de Démétrius. Ennemi de la démocratie au point de sacrifier à 
l'esprit de parti ses affections fraternelles , s’il s’attache à l'aristocratie, ce 
n’est que pour la dominer et lui donner une tendance monarchique #. 
Aussi, comme l’a remarqué Périzonius 5 avec sa pénétration ordinaire , 
Ptolémée ne pouvait-il choisir de législateur plus convenable pour donner 
à l'Égypte des institutions en rapport avec la royauté absolue qu'il voulait 
y établir. C’est à l’égoïisme qui pénètre intimement la morale de son 
maître et la sienne, qu’il faut, pensons-nous, attribuer ses malversations 
dans l'emploi des revenus de l'État, dont il consacrait la plus grande 
partie à ses dépenses personnelles. On ne peut s'empêcher de louer sa 
sollicitude à procurer aux Athéniens, en abondance et à bas prix, les choses 
les plus nécessaires à la vie; mais en se faisant l’humble commis de la do- 
mination étrangère, en s'appuyant sur une force armée venue du dehors, 
il montre assez qu’il méconnaissait entièrement cette dignité morale qui 
constitue foncièrement la nationalité d’un peuple, et qui renverse tôt ou 
tard ceux qui, comme lui, n’en tiennent aucun compte. 

Ainsi, autant que nous en pouvons juger d’après le peu de documents 
Magn. Moral., ibid. 
Polit., lib. F, cap. 5. 
Cf. Ritter, Hist. de la phil. anc., vol. IL, p. 264 sqq. 
4 Ayo pèy Ouyapyins, Épyo dE povapyinfs xaracräcecxs vevouérys dia Ty ToD Dañypéos d'évaur. 
Plut., Dem., cap. 10. 
5 Ad Æl. Var. Hist., lib. HI, cap. 17, t. [, p. 238, ed. Gronov. 


LI 19 = 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 169 


qui nous sont parvenus sur la doctrine philosophique du Phalérien, les 
trois parties de sa morale sont d'accord et entre elles et dans leurs con- 
séquences désastreuses ; le sensualisme que nous remarquons dans son 
éthique individuelle produit légoisme dans ses vues sur la vie de famille, 
et aboutit à la tyrannie dans sa doctrine gouvernementale. Pour l’excuser, 
nous ne nous rejetterons pas, comme on le fait en pareil cas, sur les cir- 
constances malheureuses où se trouvait sa patrie : s’il ne se sentait pas 
la force de dominer les événements, il devait se retirer des affaires pour 
se livrer à cette vie douce et tranquille, consacrée à l'étude et à l’observa- 
tion de la nature, vie dont Aristote et Théophraste avaient fait l'apanage 
du vrai philosophe, parce qu’elle ressemblait davantage à celle des 
dieux. 

Voilà donc tout ce que nous connaissons du fond des théories morales 
de Démétrius. Quant à la forme didactique dont il fit usage, on voit, par 
le morceau que nous avons rapporté d’après Stobée, qu'il avait adopté 
la classification des vertus et des vices telle qu’elle avait été établie par 
Aristote ! : il y oppose le courage (3e) à le lâcheté (42) et la modéra- 
tion (éyxpérsa) à l’intempérance (éxpasia). Sa méthode d'exposition nous est 
suffisamment connue par les deux morceaux que nous avons traduits : 
ce n’est plus cette logique serrée qui se fait remarquer dans les déduc- 
tions d’Aristote, mais on y retrouve cette manière de moraliser fleurie et 
populaire dont Théophraste a fait usage dans ses Caractères moraux. Ce 
qui nous prouve aussi qu'il n'avait pas mis un enchaînement rigoureux 
entre les différentes parties de son éthique, c’est que, tandis qu'il repré- 
sente la raison humaine comme impuissante à se diriger au milieu des 
bouleversements de ce monde, il nous montre cependant le libre arbitre 
de l’homme sollicité en sens divers par les vertus et les vices opposés : 
il reconnaît donc par là l'autonomie de notre nature intelligente, et nous 
le trouvons en ce point d'accord avec Aristote. 

Il résulte de ce que nous venons de dire que Démétrius suivait, en mo- 


1 Cf. Aristot., Eth. Nie., lib. WE, capp. 6-9; lib. VIE, capp. 1-4; Magn. Mor., lib. I, cap. 20; 
Ub. 1, capp. 4 et 6; Ethic. Eud., lib. I, cap. 1; lib. VI, capp. 1-4. 
Tome XXIV. 22 


170 MÉMOIRE SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 


rale, deux directions que l’on ne peut pas dire tout à fait opposées, mais 
qui sont néanmoins assez différentes. Quand il adopte la théorie d’Aris- 
tote, sa philosophie devient sévère et même assez âpre, comme le témoigne 
le second morceau que nous avons traduit et qu’on croirait une page 
arrachée au Manuel d’Epictète. Mais vient-il à s’inspirer des idées plus 
relâchées de Théophraste, alors il se fait moins rigoureux et compose avec 
les faiblesses de la nature humaine. 

Pour résumer notre opinion sur le mérite de Démétrius considéré 
comme philosophe, nous dirons donc qu’insignifiante dans son ensemble, 
incohérente dans la liaison de ses parties et funeste dans ses résultats, 
sa doctrine morale ne lui vaut pas, dans l’histoire de la pensée humaine, 
une place bien distinguée et bien brillante. On peut douter fortement que 
ses essais d'éthique aient été exécutés d’une manière bien consciencieuse, 
et avancer sans crainte que la renommée d’habile écrivain lui souriait 
plus que celle de sage moraliste. Nous répondrons donc à ses vœux en 
reconnaissant, avec les critiques anciens, la supériorité de son style; 
mais nous refuserons de le ranger au nombre de ceux qui ont fait servir 
au bien de l’homme leur intelligence, l’attribut le plus noble et le plus 
élevé de notre nature. 


S.-J. L. 


ét À tem 


FRAGMENTS 


DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 


me 


Comme nous avons dû traduire dans ce travail plusieurs morceaux de 
Démétrius, nous avons cru faire chose utile en donnant ici le texte des frag- 
ments peu nombreux que nous possédons encore de ses œuvres. Nous ne 
présentons pas cette collection comme complète; mais elle contient pourtant, 
entre autres, plusieurs passages historiques que M. Ch. Müller a négligé de 
faire entrer dans les fragments de Démétrius qu'il a insérés dans le second 
volume des Fragmenta historicorum græcorum. Quelques notes sans pré- 
tention ont été ajoutées lorsque nous l'avons cru nécessaire. 


S.-J. L. 


APXONTON ANATPA®H. 


4: 
Diog. Laert., lib. 1, cap. 3, sect. 1, $ 22, de Thalete : 
Kai rpûtes copès vous, apyovres ‘ASimar Aauasio , xaŸ Cv vai ci ira cogai Exd- 
Inca, Ge quart Anpirpus à Donges év 7 tüv ‘Apyérru àvæypagr. 
2. 
Idem, lib. IT, cap. 5, sect. 5, $ 7, de Anaxagora : 
"Hpkato dè poocopety "ASrynor éni Kakädw, étüv etroow Gv, Ampoitpus © Par- 
peès év tn Tv ‘Apyéveuv évaypayn, Sa vai paauy avtèv étay datpile Teuixevte. 


Au lieu de ér@y dirige rpiéxoyræ, il vaudrait mieux de lire ëry d. +p. comme dans la nouvelle édition de 
Diogène de Laërte, p. 55, L 5. 


172 MÉMOIRE 
5. 
Marcellin. Vit. Thucyd., $ 50, p. 5 : 
Afoy ot ndSodns din vois qebyoomi, © va Diéyacos héya rai Anuñtpioc Ev toi 


g: 
À APCE 


Cf. Philochor. Fragm. 114, p. 402, tom. 1 Fragm. ist. Græc., et Cratipp. Fr. 3, tom. Il, p. 77 sq. 


IIEPI THZ AGHNHÈI NOMOBEZIAZ. 
4. 


Lex. Rhet., p. 672, 2, ad calc. Photi lex. : 


Kopia h éxnoiu' Anpitpos à Dampeds à ro dvrépo mepi The "A Snaioy vouoSéciac * 
[Kupia éxdmoia, oùx à n] mhecta éppnuititor n pére Tüv ruvüv, àÂN y À Tas Tüv 
Onuesouévey | émoypagas dveyiymoncs vai Ta puoSéua éuioSouw |" eiréroc d'.. émTeuriaus * 
Ti yap ay otre rupias éxxdnaias [rodéaeu ] Toùs "ASmvaioss VOHLIGELEY [év aie Ta pus Soauua | 
pus Souy [roi]. 


Nous avons suivi, pour ce passage très-corrompu, la restitution tentée par Meier (ad Lez. Rhet. fragm., Hal,, 
1844, p. 21.) V. Aristotel. Polit. fragm. 32, p. 116, vol. II Fr. H. Gr. 


5. 
Harpocratio, voc. Zxagncépor : 


Apres vor év y NoucSenias onoiv cru Mpogétarte à vues Tois Etouos EV Tac Tou- 
Taïs adtodç pèy oxiqas pépeu, Ta (à Suydtepas aTüv Vdpeiu ai oudda. 
Cf. Phot. et Suid. sub v.; Poll., HIT, 55, p. 119, ed. Bekker; Ælian., Var. Aist., lib. VI, cap. 1; Suid., et 


Etymol. magn., voc. ‘Acxogopéty ; Ammonius, v. ‘IooréAy:; Hermann., Gott. Alt., 54, 27. 


6. 


Harpocratio, voc. "Epeos Zebs : 


Or D roirous pethy the moureius, die en Zeds EphELC , dure ka Yrepidne Ev To Ürép 
dnporomtou , ei yriaus, xai Anpritouc y vois mepi This "A Sat VOUODET LAS. 


Cf. Phot. et Suid., s. v. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 175 
1: 
Harpocratio, voc. Ilapésranie : 


Anpntpros dé à Dalnpeds év toës nepi vouoQesias tods duurntäs œnse DaufBüvey tas dcay- 
Vas, ia uèy &nd tn Méems, nv napaotanr évälouy, étépay dù xatà Ünwoaiay éxdoryy. 
Cf. Aristot. Fragm. 51, p. 115, vol. II Fr. Hist. Gr.; Hudtwalcker, de Diætetis, p. 134; Schoemann, Aist. 
jur. publ,, 284, 207. 


8. 


Plutarch., Solon., cap. 25 : 


"Ole D rhsiorn Eyew atomiæ où nepè Ty yuramäv véuar to élue debat. Mocyèy ès 
Jap dudey to Zafévee durer” Env À apré is Oedépay ya vai Puicnre, Enuiæ 
éxarèy dpayquas EtaËe* xav Tpoxyuyein, Jayuès Etnogt, Tliv Oo Tepasuévas mwdoïvres , léyuv 
dh tas étaipas atout Yap Eupayds qurôat rpè Toùs dudéyras. "Ere doùre Suyarepas Tohety 
oùr àdelque diduar, rl 7 ph Adfôn rapTéve évdot auyyeyenuéme. To d' adrd mpäyua norè 
Ey Tapis nai dTapauT To 20h dEE , TotÈ d'enxêlus vai raltovta Trpéctiuoy Énuion Tv Tuycbaæ 
épibovta aheyéy at" Tv € onaitoytos tôre Toÿ vouiguates ëv T9 née ueydlas éroier 
räs dpyopuag Enuias To duonépuotov. Eis péy ye Tà tiufuata Tüv Suaüi doylbete mpéBator 
tai dpayuñy àvri peduvo, ro d'‘Iouux voisavre dpayuès éraËey Etarèy didbaSæ, r® à ‘O- 
ldurux neytaosias, Xüuoy dE ro opiartt ré dpayuas Edxs, Auudéa Où uiæ, a pra 
ô Donpes Anpritpuos To ëy [Boès etveu, Tè dé mpofateu tuurv. 


Bien que Démétrius ne soit cité qu'à la fin de ce passage, il résulte pourtant de la suite des idées qu’il lui ap- 
partient en entier : c’est pourquoi, à l'exemple de Müller, nous n'avons pas hésité à le transcrire dans toute son 
étendue. 


9. 


Schol. ad Arist. Nub. v. 57: 


Anpitpus à Dalnpeës nor Kai dnuapyous oi nepi Séluva xaSistavro & mon onoudr, 
ba oi nat Juoy dddar rai laufBavoor Ta dira map ‘AN. 
C£ Aristot. Fragm. 18, p. 111, vol. II Fr. hist. Gr., lequel attribue la création de ces magistrats à Clisthène. 


V. aussi Meier, de bonis damnat., pp. 80, 202 et 204; Boekh, Staatshaushalt. der Ath., V. 1, p. 275 sq.; V. ll, 
p. 47; Hermann, Ÿ 99, 5, $ 111, 4. 


174 MÉMOIRE 


10. 
Cicero, de Legg., lib. IT, capp. 25 et 26: 


Athenis jam ille mos a Cecrope, ut aiunt, permansit, ocius terra humandi : quam 
quum proximi injecerant obductaque terra erat, frugibus obserebatur, ut sinus et gre- 
mium quasi matris mortuo tribueretur, solum autem frugibus expiatum ut vivis redde- 
retur, Sequebantur epulæ, quas inibant propinqui coronati : apud quas de mortui laude, 
quum, quid veri, erat prædicatum (nam mentiri nefas habebatur), justa confecta erant. 
Postea, quum, ut scribit Phalereus, sumptuosa fieri funera et lamentabilia cœpissent, 
Solonis lege sublata sunt. Quam legem, etc. 

De sepulcris autem nihil est apud Solonem amplius quam nequis ea deleat, neve alie- 
num inferat : pœnaque est, siquis bustum (nam id puto appellari rüuBov), aut monu- 
mentum, inquit, aut columnam violarit, dejecerit, fregerit. Sed post aliquanto, propter 
has amplitudines sepulcrorum, quas in Ceramico videmus, lege sanctum est, nequis 
sepulerum faceret operosius quam quod decem homines effecerint triduo. Neque id opere 
tectorio exornari : nec Hermas hos, quos vocant, licebat imponi : nec de mortui laude, 
nisi in publicis sepulturis, nec ab alio, nisi si qui publice ad eam rem constitutus esset, 
dici licebat. Sublata etiam erat celebritas virorum ac mulierum, quo lamentatio mi- 
nueretur. Habet enim luctum concursus hominum. Quocirea Pittacus omnino accedere 
quemquam vetat in funus aliorum. Sed ait rursus idem Demetrius increbuisse eam fune- 
rum sepulcrorumque magnificentiam, quæ nunc fere Romæ est. Quam consuetudinem 
lege minuit ipse. Fuit enim hic vir, ut scitis, non solum eruditissimus, sed etiam civis 
e republica maxime, tuendæque civitatis peritissimus. Iste igitur sumptum minuit non 
solum pecunia, sed etiam tempore : ante lucem enim jussit efferri. Sepulcris autem novis 
finivit modum. Nam super terræ tumulum noluit quid statui, nisi columellam, tribus - 
cubitis ne altiorem, aut mensam, aut labellum : et huic procurationi certum magis- 
tratum præfecerat. 


14; 
Cicero, de Offic., lib. LE, cap. 17: 


Theatra, porticus, nova templa verecundius reprehendo propter Pompeium. Sed doc- 
tissimi non probant, ut et hic ipse Panætius.., et Phalereus Demetrius, qui Periclem, 
principem Græciæ, vituperat, quod tantam pecuniam in præclara illa propylæa con- 
jecerit. 

42. 


Lex. Rhet. ad cale. Photii, p. 667, v. Eicæyyeha : 
L'Exprvor dù ràs eicayyckias], üs pv Daéyor, xiov xaSebouévor , wg Où Anpoirpuos 


Panpeds, xhiwY Tevtauociwr. 


I. Meier (ad Lex. Rhet., v. Eivæyy.) veut prendre dans le texte de Pollux les mots de xara Tèy Daaypéx 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 175 


dans le sens de selon Démétrius de Phalère. Son explication est en partie vraie, en partie fausse : car, de même 
que Philochore parlait d'une loi de Solon, de même, dans ce passage, Démétrius rapportait une de celles qu'il avait 
établies. C£. Ostermann, p. 44, not. 1. 


IL. Les mots entre crochets sont un supplément de Meier, D'autres lisent à leur place : "Eos d'êre éuf4a- 


Aovres rod, cuxopayrouuévous eioyy y easy. Cf. Osterm., loc. laud., et Philochor. Fr. 155, p. 410, vol. I Fragm. 
hist. Gr. 


Pollux, lib. VIII, segm. 55, pp. 334-5, ed. Bekker : 
XOuor dé xarx pèy Zélava tas eisayyslas Expuvoy, nat Où tèv Dahnpéa, nai npèç revra- 
nôqcL. 
45. 


Lex. Rhet., p. 675, v. ['H] ph ox dém : 


Anpitpuog à Danpeds évias Méyer Tv pryouéyoy ranoreyyety vois due vrikæyyavortas 
tv ph coca" de yap todc [un] Ünèp déxx Dayuisv dunoBnrovtas dartntas dx Etc kqu- 
Bveuy” dd nai enarto vôuos un ciadyes Sox dun et po npérepoy éÉerandein rap ‘abrois td npäyua" 
évious dè do evèç Tè dixauoy Eyovras na Edembtas Tv taradioutes , ypévous EufBéley nai ox- 
dx, oiag oxsty etvar edléyouc" val Tà pèy npôtoy Tapaypägesdæ, rè [0 dtérepo] inéu- 
va Ja véacr n arodmuias , ai télerävras éni Tv mpioy atis | ris] dans nuépar où éra- 
rôvtas, | éravravras À] Hlicu Cvevros, avrdayyäves tv ph aa to Ehovre, wnte €Ë drapyñ 
dxépousy Tai xAdIGTAIIa Tèy &yGVa. 


14. 
Pollux, lib. VIII, segm. 102, p. 545, ed. Bekker : 
Où svdeux, eïs &p ÉLAITNS puis ÉYÉETO, LA YEAUUATEDS AUTOS GUMAIUETO * vou) æ- 


26ç Où rara tèv Dalnpéa petuvouxo nca. 


Ostermann (p. 47, not. 2) conjecture qu'il faut lire ici deogopÜaxes au lieu de owopÜhuxes. V. cependant 
Müller, loc. laud., p. 365. 


15. 
ZOKPATHS. 


Diog. Laert., lib. Il, cap. V, sect. 25, $ 44: 


EyenniSn à (xd pro ‘Anoédpes éy tag Xpoumaï), Eni Agniuve , & to TETApru Etes 


176 MÉMOIRE 


rc ÉBdoumosris éBdbune Oloumuädes, Oapyihvos Ext, 07e nadaipoust Ti né ASrvata, 
xai TN "Apreuy yoés deu Aloi qaauv. "Erseürne dù to PTE) 2er The Énemmeonths TÉURTNS 
Oburidte, yeyovos étôv Édouinoyra. Kai Tävti qnot xx Anprirpuos à Dadnpebs. 


I. Bien que le titre de l'ouvrage dont est tiré le fragment, ne soit pas indiqué par Diogène nous n'avons pour- 
tant point hésité à le mettre en tête des autres fragments du Socrate. 


IL. Nous lisons ’Agyicyos avec Clinton (Fast. Hell., p. 58, ed. Krüger ) et Müller (ad Apollodori fragm. 82, 
p. 446, vol. I Fr. Hist. Gr.), au lieu de ‘Agepéoyos, que portent les éditions ordinaires de Diogène. 


16. 


Plutarch., Aristid., cap. I. 


‘Aproreidne è Avomyou quAñs pèv 7 Avruyidse, Tôv À dia "Aorerf Se. Tlepi d cûsias 
aûrob Aéyor ddpopor yeyévaau, ol pèv, ds év Tevix ouvréve xatafcoavros rai HET Thy Tehev- 
Th amolimévros Suydrepas dbo mod péver dvexdéroue À ämopien yeyemmuévas” (2) mpès dè voÿ- 
roy Toy. }éyoy dnd_ ro ÀGY ebpnpévoy dyTutagodpevos à Panpeds Anpirpus &v To Zorpater ywpioy 
re Dalnpa qnoi ywwoxew ‘Aproteido Aeypever , éy ® Tédanta, nai Tenuripie The TEpi Toy oÙnoÿ 
EURopIas , Ey pèv MyEÏTAL TV ÉROYUULOY APN ; v npée To xd Âoyy Ex TOY VEVY TOY TH 
HÉVIOTA TUNUATA HEMTHUÉVOY ; ous Ileyranoriouediuveus Tpocmyégeuer, Etepoy Où toy ÉbcoTpaus- 
pv" oùdEvi yap Toy remtuy, &A& Tois E otxoy Eyähoy rai à 2) ETIpIÉVOY DoTpanoy ETI- 
pépes Su * (3) Tpétey Où nai TeleuTaioy, ot vÉens dYaSuaTa opmyEoùs TpÉTOAE ey Auoyvaey, 
tatémev, où vai xaŸ MuAs ÉCYUVTO ToaiTry értypaghv dardbovres, ‘Ayrwoyis va, ‘Au 


tels Éyopriye, ’Apyéatparos edidurxe. 


11: 


Plut., ibid., $$ 8-9: 


Kai pv apêe ye rèv 'Aprrrelôny à Tdoueveds où xuaueurèy, 0 Eouévy ‘ASmaiwy qu. 
Et Œ nai pera thy à Iaroucs udynv LCR ü abrèç © Anphtpros yéypage, rai névo WuŸa- 
véy éatw ni En Tooadtn nai naTopSduaar Trmodrols déve d% apeThv ne dix mobroy 
écüyyavor cd Dayyévevres. (9) "AM yap à pèv Ampmzpuos où péver ’Aproreidny , là nai Zw- 
XPÉTNY déc éatr Th nevias ébe)é Son puoripouuevos WG MEydhou xaxoÿ' nai yap LED ENT 
où pévey Thv oniav drapyew, dx rai uväs ÉBdournorra Toubcuévas ürè KpiTuvos. 


Y. Idomen. Lampsac. fragmm. 9 et 10, et la note de Müller sur le fragm. 9 (Fr. Hist. Gr., vol. IL, p. 491 sq.), 
où il montre l’origine de l’erreur que Plutarque a commise en lisant ce passage d’Idoménée. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 17 


«1 


18. 


Plut., Arist., cap. V, $ 10: 


Aperreëdne dù ry éruvuuoy elSÙs 4 pynv npe. Kairor onsiv à Donoss Anurirpuos ap£a Tèv 
2vûpa pumpèy Eumposdey toù Savérou uera Th é IDatuais uéynv. 


19. 


Plut., Aristid., cap. XXVII, $ 4: 


Amoirpuos do Danpes rai ‘Tepovuuss à ‘Pédios rai ‘Aprrtééevos à pouarmèç nai Apuare- 
rélns (ei dn To nepi Evyeveias BiBioy éy rois ymaius "Apurtotélous Setéoy) ioropoüar Muers 
Suyarpd tv ‘Aproreidn Suxparer to coq ouvondises , yuvairæ èy Étécay Eyorte, Taërny Ÿ évaa- 
Bévre ynpeicuacs dia nevios nai Tüv dvaynaloy éydtouémy. [lès uëv oùv toëtous ixavos à Ilavairuoc 
éy Toiç Tepi Zuxpatous avteipnesv. ‘O di Danpeds év To Zompate nai pompoveey ‘Apuoreidr) 
Suyarpdbty ed péla némra Avaiuaæyor, 06 éauTèy x Toi Twè Gvaporprimeÿ api Tè 
Laxcysoy Deyéuever EBoaus. Tr Où poitpi nai tn Taurne Gdlon Vriquoua ypédas dupeav Ereure 
roy duo dudéveu Tpud/Boloy Exotne huépas. Aürè pévror à Anpritpuos vouoSerüv éfnpisato dbay- 
pv Énatépa Tabou Ty yuyuxûv. 

Il faut sans aucun doute prendre dans ce passage le mot Suyærps%ü; dans le sens général de descendant par 
les femmes, bien qu'il signifie ordinairement fils par la fille, car il est absolument impossible qu'Aristide, mort 


en 468 avant Jésus-Christ, ait eu encore une fille vivante du temps de Démétrius. On pourrait peut-être soupçon- 
ner qu'il y a ici une de ces inadvertances si familières à Plutarque. 


20. 
Diog. Laert., lib. IX, cap. [, sect. 10, $ 15, de Heraclito : 
Mépynte œroÿ xai o Dolnpeès Anpitpus év Tn Zompitox ‘Ardoyia. 
4 E 


Idem, ibid., cap. IX, sect. 1, $ 57, de Diogene Apollon. : 


Teüréy qnow à Danpeds Anwitws à tn Zumpiroxs Anooyix dix uéyay oSévs pump 
xtvduveDTou AS. 
Tour XXIV. 25 


178 MÉMOIRE 


22. 


Idem, ibid., cap. VIT, sect. 5, $ 37, de Democrito : 


Anpntpuos d Danpeds € tn Zonpitous "Anooyia end EÂDey now avrèy els "ASrvaz. 


Ce que dit ici Démétrius de Phalère est en opposition avec le témoignage de Démocrite lui-même, rapporté par 
Diogène quelques lignes plus haut : HASoy y&o &g "ASfvos nai oÙris me Eyvwey. Mais il est possible que Dé- 
métrius ait regardé comme supposé l'ouvrage d'où sont tirées ces paroles de Démocrite. 


25. 


Plutarch., Demosthen., cap. IX : 


Tu ye val Süpros ci lex Sévres ÜR oroÿ Méya Toy ypagévrev Allo elyov, et Te dt 
TITTEUELY Eparor déve ra Anpntpéo To Danpet na TOis HOHXOIS. “Ov "EparooSévne péy onsw 
adTèy Ey Tois Aéyis moæyod yeyovéver TapdfBoxyov" à OÈ Dodnpeds rèv Epyuer pay ÉnEïyoy opxoy 
dudgou motè mpès tv Ou, Wonep ÉSouoravre. 

Ma yÿv, md kphvaç, MA moTamods, HA vÉUaTE. 
24. 
Plut., ibid., cap. XI: 


To dù GULATEOL ÉAaTTOuat TOLTNY ÉTAYEY ATANGW , wc © Palnpeds Anpitpuos iote- 
PE, Aéyuv œûtoù AnuosSéyous dnobey mpeo(irou yeyovéros Thu pèv dodqeuay val Tpavléryta th 
7hotens énfidbesSeu nai diappoby els Tà otéua Yripous laufBävota, vai pions aux Aéyorta 
mi À quyny & rois péuas yuuvdtes Sa mpès Ta ouuà TposfBaseat, dudeyémevoy, xai Aéyous 
todc, n GTX, œua TO TYEUUATL TUHVOUUÉVE TPOPELUEVOU * civer À aÙTO péya AÉTORTPE Cixo, 
ai TPOS TOTO TAG pelétas &ë évavtias iotépevoy EPA VE. 


Cicéron semble avoir eu ce passage en vue, lorsqu'il dit (Brut., cap. IX, $ 15) : Phalereus enim successit eis 
(scil. Demostheni, Hyperidi, aliis) senibus adolescens. Son frère Quintus ÿ fait une allusion tout à fait directe 


dans son livre de Petitione consulatus, cap. : Sœæpe, quæ de Demosthenis studio et exercitatione scripsit De- 
metrius , recordare. 


25. 


Plut., ibid., sub fin. : 


#, * » C4 . . al . 2 \ 
Toïc pèy oùv molÂoïc Üroxpiéueves npesre Sonpastäc” oi dè yapieytes Tamewèy yobvro rat 


dysvvËs arob To ThïGuo xai ualemëy , cv ai Apirpros à Dalnpeës Ecru. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 179 


26. 


Idem, tbid., cap. XXVIII : 


"Epunros dÈù roy ‘Apyiar éy vois Acopiro roù propos LadnTn dvæypäge” Anmirpus di 
Ts "AvaËquéyous duarpuBns ueresynréves gnoiy aitév. 


27. 
Schol. ad Æschin. de Fals. Leg., init. : 

"Ore padnrns éyévero (Aicyéms à pérup), üs pèy Anurtpus à Danpeds, Zumpatous To 
pdocépe , &S darepoy roù IAdruvs, ds dè Kamiuos vai Idouevrds nai" Eppurnes, oùx nuouse 
Tv dvdp@y pans Hdpey. 

28. 


Dionys. Hal., Epist. ad Cn. Pomp. de Platone, etc., tom. VI, p. 30, ed. Tauchn. , et 
de admir. vi dic. in Demosth., tom. VI, p. 152: 


Zyiuasi te nomteois écydrnv mpoaBällaow dndiav, xl paélusta vois l'opysios, éraipux 
ai uepoumsSs dvafBpovetor” nai noluréled TG éctiy y toi Touÿrois rap are, os rai Ar 
poirpuos à Danpeds Etpmé mon vai ao auyvoi mpétepor. 

Le même rhéteur dit encore, dans le premier des deux ouvrages cités (p. 82) : Kai y&p à déyuara d'iéfxhoy 
aÿrod (scil., roù IlAdravos) rives wa vob Aéyous Euéuypayro, mpôroy mèvy 6 yyyoiéraros arod aSyrÿs 
‘Apiororédye, êrerra oi rep} Kygicédwpéy te xai Oeérouroy xai Zoihoy xai ‘Irredamayra nai Ayuhrpiy xai 


æXao œuyyoi. Il n'est pas douteux que le déyuara d'ixfl&Añey ne se rapporte plus particulièrement à Aristote, 
et le Adyous méupeodu, aux autres. 


29. 
Athen., lib. V, p.177 f(t. 1, p. 555, ed. Tauchn.) : 
Anpritpeos à Dalnpeds, énapiotepoy Tv Tob otiyou Trapilnbw énemüv, xai This Tomas 
alétpu , Toù 
"Hides YXp var Supèy ade)qeër, dx éroveito, 


porpohoyia éufBañe vois noeaw. Oluæ ya, gai, EXATTOY TGV AaRé/TuY avSpémuy Ever 
vai olneiov xai qécv, mpèç ov av ED, Suaias con, tèv xadoüvta ph Teptusivas. 


180 MÉMOIRE 


50. 


Stob. Florileg., tit. V, n° 59, p. 67, ed. Gesner : 


Ex vie Eppirro vayoyñs TOY LAÂG GVAPHVNIEVTEY é£ Oups. — Anpirpus à Dair- 


x ,» , 3, LA ee 
fes Es FOPPITUVTY g eye TAUTA TOLELY 


x , , = e 
Aonäauor héxtpow naked Desuèy rrovto. 


51. 


Eustath., ad Odyss. III, v. 267, p. 126, 1. 18-28, ed. Froben, Basil., 1559 : 


Tèy godèv rèv maça Kivrauvisrpa ci pèv Xapuidm oidast xadeioSou , oi dè Amuédonoy, oi Où 
Dhaëxor. O dë Panpeds Anurtpus iatoper otre Mevédac aqua "Odboos Div els Achqodc npete 
Ep The Es "Duoy sTpareias, dysvoÿerobvtos Kpéoytoc Toy éneernpwrèy dyüva Tay [uSiwy, € 
o éytra Anuédoncs Adxwv, paSnths Muxmvaiou Aürouidoue Tod de érûv ypédavros Tv ‘Apqr- + 
todmvés te uéyny npès TnieBéas, nai Tv Epey KiSoupévos nai Elus, äp cv ta é Bow- 
Tia opn énSnev. Hy à, not, rai to ANT Teprridrus "Apysioo dudxËaros aÙtéy te 
xa Toy pnSévra Mrmvatoy Adrourôm, nai Aubpvuey tèv Bourpariéa, nai Dapiday roy Axa, 
rai IIpéBohcy rèv Zrapridtnv. Tére dn Mevélass pèv 7 TpayOix "Ava roy Tic Elémc Gppov 
dVÉINREY Ev Aëgois” Ayauéuvoy d roy Amuédruor els Muxrvas duolouSño meicas EtoËe Tv 
Kbrapist pay TIRE. Exipa yap Mia, onoi, Toëc doudods àe Oidusnadlous Tv Te SJelwy nai 
dSporivuy mot dë, qnot, za Kivræauvistpa Thv els atèv Tufv' où yap poveuer , ax äpc- 
piçer auto dqine. 

Cf. Tzetz., Prolegg. ad Lycophr., p. 259 : ‘Acuaroypépuy dÈ, rüy ei Gadüv, yrapisuura, à douar 
voi Ge ypéver rpès povoucÿy , ai gépeuy ya nai BépBiroy roi niSapay ad rüy Gpyany moucinis ddéuerer, 
choi rep fouy mouyrai, ©: à baXypeds Ayurpos y péper, Adroufoye «ul Aymôdonoc ai Xapis oi Kepwupaïor, 
oi 5 'ISaxyoios Déuuos, #où of Aro, cùs 6 Danypeds Aymhrpios Vpaper" oùdè y&p aùrè dyvoë. Les scolies 
sur le même passage de l'Odyssée donnent le passage de Démétrius d’une manière plus complète qu'Eustathe 


(v. Welcker, der Epische Cyclus, p.345, not. 555); mais, à notre grand regret, nous n'avons pu nous les pro- 
curer. 


32. 


Plutarch., Consol. ad Apollon., cap. VI, p. 241, t. I. Moral., ed. Tauchn. : 
OpSüs > Danpeds Anurtpus, elnévros Eüprido, 


O 9° ciBos où BéBouce ax épipepes 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 181 


4 A 
Ka ot 


Mepérara ta opéra, nai pi hpépa 
Ta pèy vaSeiley uboQes, Ta d'np av, 


Ta pèy aa xd iqn déyew aùréy" (Béhrio D av etyer, el uh pie Auépor dla oteyuny 
aire XPéor. 


35, 


Plut., de gloria Athen., cap. VI, tom. IT, p. 456, Mor. : 


Où Où yopmyi vois yopeutais éypyélua vai Spidima nai oushdus nai puelay napatiSévrec, 
edwyouv éni nody xpévoy, quuamouuévous vai toupüvtas. Kai roëruy rois pèy Mende TE puñy 
nposuyBpiao vai yeyovéver ratayeläatous, vois dE vomioauy où Tpérouc UTMPYE, oÙùx dvi nua 
the voms, dc Anpitptés onov, ad énioneuoua Toy éxxeyuuévoy (Biwy, rai Tüy érelarétuy 
xevoräquey cdxuv” ToaËta yap TX RomTuñs TÉÂN, ai oùdèy laurpérepoy € aira. 

On a suivi pour ce passage la correction de Reiske, dont voici la note (t. VII, p. 37 sq.) : Est autem £ricreicur 
effusio vel libatio quæ confecto convivio, compotatione, sacrificio postrema libatur. Significat postremum 
conatum choragi suas facultates publice monstrandi et in usus reipublicæ impendendi, post quem editori 


ludorum integrum non sit aliud periculum facere, fundo exhausto et fortunis in ludiera prolusis. Le texte 


ordinaire portait : &AX' ri reicuäroy éxxexuméyoy Bioy ad rüy ExAeloréToy xevoréquy cixey, ce qui ne pré- 
sente ni sens ni construction supportable. 


54. 


et apud. Strab., lib. IF, p. 147 (Posidon. Rhod. reliq., p. 126, ed. Bake: 
Fragm. 48, p. 275, vol. III Fragm. hist. GrϾc.) : 


Th d'éruéleu prit Th Tüv peralevérr rapatinar to Teù Dalncéux 07: gra 
éneivos ent Tv Array apyopeiov oTU avyTÉéu éprrey Toùs &vDpanouc , de a por 
tas adtoy vibes Tèv IDocdrove. 

Posidonius a vraisemblablement emprunté ce passage à un traité de Démétrius, æepi rAcdrou. Athénée (lib. VI, 
p. 255 d), copiant aussi cet endroit de Posidonius, rapporte de la manière suivante, les paroles de notre auteur : 
Tà peéyroi yE æoAD Toûrou Badelois xai xuxomaQoi meraMdeiais edpioxera xara rèy Paypéz Ayuhtpiry , ëATI- 
bodays Th mheoveËies avaËer Ex Tüy puyüy The y%ç adroy rèv lAoÜTaye. 


182 MÉMOIRE 


35. 
ITEPI T'HPOS. 
Diog. Laërt., lib. IX, cap. IL, sect. 4, $ 20, de Xenophane : 


Pyot dù Anpritpus à Dadmpeds év To ITepi yrpos, rai Ilovaitios à otuixèc év To Tlepi 
0 dupias tas das XEpoè Dobou Toùs duets ar, XAŸÜTEP nai ’AvaËayépar. 


Voyez sur cet ouvrage de Panétius F.-G. Van Lynden, Disput. historico-critica de Panætio Rhodio, p. 115 sq. 


56. 


Idem, lib. IF, cap. IE, sect. 9, $ 5, de Anaxagora : 


Toûroy dù vai Saez tais idlœus yepaiv airodc (SC. troùs vieïc) Anprirpués quo Dan- 
peds év to Ilepi yrpuc. 
Voyez le fragment précédent. 
37. 


ITEPI TYXHS. 


Polyb., Exc. Vatican., XXIX, b, c. (1. XXX, cap. 5, p. 409 sq., t. IV, ed. Tauchn.), 
après avoir parlé de la destruction de l'empire macédonien, continue en ces termes : 


“Outre roues rai Ma ponpovelew tic Amuntpios to Dadlnpéus quyñs éxemos yap à To 
[épi tñe Trône drouviuate Boutéuevos évapyôs imodemvive rois éOpémos T Tabtns eduera- 
Bohoy, ématas Eni rod var "AXéEavdpoy xapodc , ote xatéluae Tüv Ilepoüv àpyñv, yet tata” 

E yap Xifois ph xpéver amapoy, undè yeveès moàc, dÂà Tevtinevra uévoy Ern Tauri Tà 
TPÔ UV, yvoins av dc Tà The Tüyns Xahendv évraiSa TEVTHROT TE y ete RpÉTEOY des 
æ n Tépous % Basiéx rüv Tepoëv n Mausdivas n Basdéa tv Money, & is Dev abroïs 
rpoïheye tà uéÂoy, moteboai mor a, à eg Tobroy à xupèv Ilepoür uèv oÙd” cvoua Rp 
SéTa TO Rapäray, C néons cyedèy Th oinouuévne Edéonoker , Maxedéves OÙ Téonc xparraouaw, 
av où) ovoux mpérepoy nv; "AN Guus h mpèc tèv Bloy muy asbySetos TÜyn rai mévra Tapà 
Toy Aoyouèv Toy ApÉTEpOY xouvonowoboa , vai Tv adths Juvauy Ev trois Trapadbéous Evdemvouévr , 


voi vby, üç éuol dover, deéxuvar mäaw &vSpnmoc, Mamedévas elc tv Ilepaüv elduuoviav eioo- 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 185 


aigata , ôTL ua TOUTOIS TOÏTA TAYAIÏX HÉAPNLEY ëu a ao te Boseipre Tepi atüv. 
"O vüv yéyovs xara Ilepaéa. Taÿta pèy à Anuitpus doavel Sein tu atépare nepi roÿ uéd- 
davtos nepoi/Boer. 


Diodore (Exec. Vat.), XXXI, 10, qui, dans cet endroit de son ouvrage, copiait Polybe, en a aussi tiré le passage 
de Démétrius, qu'il rapporte avec quelques variantes que nous allons signaler : 

Après ei yäp AäBois, Diod. ajoute : æpè The évvoixs. 

Au lieu de : évoux æpôrepor #r, il y a dans Diod. : ôvouæ #y yv@pmuer. 

Au lieu de: doûySeros rÜyy, Diod. dit: dyxhoyix Ts TOM. 

Au lieu de: rœpadbËcis, éydoËois. 

Au lieu de : xx) vDy, ds doi dbxét, dir.d., on trouve dans Diod. xai yDy ôoisws éydeixyuta. 

Au lieu de : eüdaumoyiuy , Diod. dit: 4yemoviæy. 

Enfin, au lieu de : roûrois radræ, Diod. a : roûrors 4 TÜyy. 


58. 


Stob. Florileg., tit. VIII, n° 20, t. I, p. 186 sq., ed. Tauchn. 


Anuntpioo. — Adténa yap el to noeuoüvte rai napatetayuéve Tapartatey n Te Avdpia rai 
ñ Aix, mécoy av tend Oiagépous cineiv éyouc; ap oùx à uèy ‘Avdpéx péver neheëat rai tiv 
téËe dagularrev. "ANG Balevow" iréueve. ANG TpuStaoue * raprépu. "AIX éroSavooue * 
améave u4)oy n Mn Tv tab. ’Arevhs odtos à Xéyos nai oudnpés GX à Ts Aedias, vh 
A, qévSpunes rai palanés* Ünéyes yap dfra nedede Tèv poloumever. "ANX à dons ve 
ei plhov. "AN rai à SwpaË* rapähuocv. Ilavri dérou mparepa tait éxcwv. Ouoius dE nai 
éri tv ado. Mh AiBne , pnoù À Eyxpétex , 0Jev où di En qAyns ; UN TN, AVÉAOU, va- 
téper” à teeutato, dnéSove mpérepor , n npéëne Onsp où de. H d''Axpañia, iQ, ote Boïde, 
PAYE» o7L av mdiota piyoo h TOÿ yeitovos pÉGIE GO YU; TÉPAVE" YPNUATOY GTOpELS ; di- 
vecu" duesdueses dduvaueis; un dmodux* où muoredouo ete delta; apmanoy. Rod ye xàv- 
taba To petaët. "Ada tiç ax où dt, ote à pèv Touaitn Xapus GéSpuos yiveteu Trois TpodtËa- 
pévos , à 'én Tüv éavriov dOThELOS ; 


La forme BoëAei, au lieu de BobAy, fait assez voir que ce morceau est d'un écrivain attique. 
39. 


Plutarch., Demosthen., cap. XIV. 


Anpo0éms d'où iv Ey Toïs Emo aEtérestes, cx qnoey à Anpmitpuos , oùdè npèc To hau(Bävers 


* ,» , A ka “ U * 0 » , 4) = ÈS 
TAYTATATW ÉRAUPouÉyOs, aa to pèy Trapx Duiuérrou rai Monsdorias avalutes 6y to À avw- 


184 MÉMOIRE 


Sey x Eosmy nai ExfBaravur émfBarès ypuain yeyovus aa natonexlusuéves, énouvéout es 
: ’ 5 Ü _ , 4 ’ PAPE 7 NES 
xavotaros nv Ta TOY Tooyévoy xaÂX, puuroas ou À oÙy éuoiux. 


Ce passage est sans aucun doute tiré du traité de Démétrius sur la Démagogie. Cf. C. Müller, ad Fragm. hist. 
Græc., vol. II, p. 367. 


40. 


Plut., Zycurg., cap. XXII. 


O dé Danpeds Anpritpuos (onsi) oidmuäs abauevw (SCil. rèv Auxoüpyo) noue rpû- 
Éeuc, & elpnvn xataotioasS Tv ToMTeiav. Eoue Où na The Oprionñe éxExeupias M ETéyoux 
pau vai Tpès Elpivny EXoVTeG oir£ios àvopès eivou. 


C. Müller croit cet endroit emprunté au traité sur la Politique ou au traité des Lois. Voy. Fragm. hist. Grec. 5 
vol. Il, p. 365. 


41. 


Demetr., de Eloc., $ 289, p. 118, t. IX Rhet. Græc., ed. Walz. 


Amprrpuos à Dalnpeds mpèc Kpatepèv Tèv Maxedéva éni 4pooñs xlivns xaSebéuevoy uetéw- 
po, vai év Tpugepa Jai, ai Ürepnpävus drodeyéuevey très mpesfeias Tüv Elvev, oyn- 
paricas ere évadoremüs cru YmedéaueSa note mpes(evovtas hueïe Tous rai Kpatepèv roÿrer. 
Ev Jap To daxTuw To Tobtoy éupaivereu h Unrepnpavix Toy Kpatepoy mâca, dvadouém y 
CANHATL. 

Ce fragment paraît appartenir à un discours d’ambassade (rpeoBeix). Grégoire de Corinthe (ad xepi meSodou 
dewcrytos Hermog., vol. VIE, p. 1180, Rhet. Græc.), a dans ce passage peoBebcyra voydE au lieu de xp. robode. 


Mais ces mots, sans aucun doute, se rapportent à Antipater, dont Démétrius voulait opposer la conduite à celle de 
Cratère. 


42. 


P. Rutil. Lup., de Fig. sent. et eloc., lib. 1, cap. 1, de Prosapodosi (p. 4 sq., ed. Ruhnken). 


Demetrii Phalerei. Nam quod beneficium tempore, et cupienti datur, gratum est. 
Utilitas enim, ac voluntas accipiendi, honorem dantis facit ampliorem. At quod sero, 
et non desideranti, datur, ingratum est. Amisso enim tempore utilitatis, cadit accipiendi 
cupiditas. 

I. La figure appelée Prosapodose, peut se faire de deux manières, ou en rendant raison de chaque proposition 
immédiatement après , ou bien médiatement de toutes ensemble. Rutilius ou plutôt Gorgias donne ici un exemple de 


la première manière. 
IT. Rubnken lit : voluntas accipientis au lieu de vol. accipiendi, a ceux des mots honorem dantis. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 185 


45. 
P. Ratil. Lup., lib. IT, cap. XVI, de Antitheto (p. 128 sq., ed. Ruhnk..) : 


Aliud est item, quod superiori infert, sed consequenter, ila uti fecit Demetrius Pha- 
lereus : Nobis primum dii immortales fruges dederunt : nos, quod soli accepimus, per 
omnes terras distribuimus. Nobis majores nostri rempublicam reliquerunt : nos etiam 
socios nostros de servitute eripuimus. Itaque et amplissimus nobis honos ab omnibus 
habetur, et propter hujus honoris dignitatem, superbiæ nostræ nemo vestigium ex- 
peritur. 


Quintil., Znstit. Orat., lib. IX, cap. 5, Ÿ 84, citant, d’après Rutilius, la première phrase de ce passage, sans tou- 
tefois en nommer l’auteur, a primis au lieu de primum. 

IL. Le sujet que traitait Démétrius dans cet endroit, était un des thèmes favoris des orateurs athéniens. On sait, 
en effet, par le mythe de Triptolème, que l’Attique passait pour être le berceau de l’agriculture. 


AHMHTPIOY ŒAAHPEOZ 


TON EINTA ZODON ATNODOETMATA. 


(Apud Stob. Florileg., titul. III, n° 79). 
À. KcéBoudos Eïxyéo Aivdios ëgn. 


Mérpoy apestev. 
Tlatépa dei aidsis So. 
ES rà cûua Eyes rai To duytr. 
Dobixcov xai ph Tourne, TouUaI , ph ua. 
Pôcoay pue XEXTHQOL, dpeths oxsioy rai raxiag d))oT peer. 
Adeciay puosiy. 
EvcéGey cdsoev. 
Hokiros ra Bélrista auufBcuheterr. 
Pôtrns xparei. 
Béx undèy rpétrav. 
Téxva roudrier. 
Tin 47 Qu. 
"ExSpxs da) ver. 
Towe XXIV. 24 


186 MÉMOIRE 


Toy Toû déuou éySpèy rolémuoy vouiberw. \ 

Tue ph payesSe, and ayay oops da, SNRorpéuy Rapéyruv’ Tà uÈv yép ÉGTL XÉPNO , 
d paviay dvata Tapéyer. 

Oéxétas ueSüovras un xokdbew ei dE un, déc nai autos pedüew. 

Tape: y En TOY duoioy' Éky ap Ex TOY HPEUTTÉRY, Oesnétas , OÙ GuyyEvElS, KTNON. 

MA ériuaives dau To GHWMTOUTL" ATELINS VAR £on TOÏs OXWMTOMEVOIS. 


Eüropoüvra uñ Ünegipavey eat, émopobvta uh Tanewvoïo Se. 


B. Xéwv Eëmesoridu ‘ASrnvaios ëqn. 


Mnodèv aya. d 

Korn un ndOnso' e d ph, To Mnpdévte Expos £on. 
Harry bye * tn yap my Tixte. 

Düdasae Tpéro xakoxdyadi Opuou TuIToté par. 
Zppayibe Tods ue Méyous ctyn » Tv À ouyv x po. 

Mh Wed, dX dlmoeue. 

Ta onoudaix us)éte. 

Tév yovéwr un déye drxouétepe. 

Dos un Tayd xtS' oùc day XTMON, Un Tayxd arodripabs. 
"Apec da padoy ape émoThon. 

Ein étépous dy Oidéver nai abrès UTEYE. 
ZouBouheiou ph Ta note, aNa ta Bériota vois roTous. 
Mn Spooivo. 

Mi ronoïs oile. 

XpS toïs Seoïs. 

Daouc soé/Bee. 

Toveis aid. 

Noëy fyeuéva rouoë. 

"0 à & ‘dns, un Aéye. 

Edo oiya. 

Tois oeautod Tpass to. 


Ta dpavñ toïs qavepoic Texuaipou. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 187 


F. Xôuv viès Aauayitou Aaneduuévios ion. 


Trot cœuréy. 

vo ph no lle œuapriaus yap. 

Mn äneile vois éleuSépos * où yèp av. 

M xmohéyer rods nnai” ei d ph, dxovm ëp dis umo. 

Ent ra dima rôv puy Bpad%ws ropeiou, émi d ras dTUyias Tayéu. 
Fapous eûreleïis mor. 

Tôv rereleurmréta prend pie. 

pesBorepoy aéfo. 

Tèv rù SMérpur repupyatôusy use. 

Zpien aipoÿ pa))or n xépdrs aisypér. 

To duatuyobvts ph értyéla. 

Tpayds av NTUYeY GEQUTÈY TAPEYE, TU GE aiTyuvavta A} oy ñ pote. 
This idias oixias npootüre. 

H ylôooé cv ph RpoTpEyÉTw Tob vod. 

Ouuoë parer. 

Mi énddpe àdivata. 

Ev do pu omedt rpoiyes, prŸ Tv XEpA eve Lady yip. 
Nôpors mac. 

Adtoïueves daMioam ÿBotéueves d THuwpob. 


A. Tletronès à Mirudrvaicc £qn. 


Kaupoy yo. 

"O pla mob, pr déye* droruyuy yxp ratayélas Iron. 

Toïs émis ypi. 

"Ocx veucsas TO Tiny, airèc HA Troie. 

Apayoïvra un évediée" ni Yèp Toûtous véueous Jeëv xéSnreu. 
TaporataSinas àmédos. 

Avéyos Ünd Tüv lnaiov papa. 

Ayéta tv Tnioy poupx édattoduevos. 


188 MÉMOIRE 


Tv oûor tauise ui Méye, und & vo ÉySpér ésvléyuror up Tà tacite. 

Au To omduy ro uéAlo* dapalès Tà yeréuever, drapès To péhor. 

Iliorèv yñ, amuotay Dédarne. 

’Amhnoter xépdrs. 

Kricu xo)ondyadter. 

Ocoaneioy Eire. 

De Th raie, wpporivmy, opénon, AAMde, TITTY, ÉUTELGiAY, énvXEtérnta, Étor- 


prior , éruéheræ , oinovouior | Téyvnv , euréBeuar. 


“ 


E. 62% » Moriass con. 


Eyyoa: Tapù d'arn. 

Dowy rapéyruy nat droyTuY LÉUYNTS. 

Mh 7m oÿiv xaMwTiGv , a éy vois émetndduaTw TQt kAGG. 
Mh rhovte xandc. 

My ce daBaléte Aéyos els Tods MIOTENS LENONEUMNÉT AG. 
Koleneuew yoveis M CXVEL. 

MA mpos%yo) Tè qaihov. 

Ofous av épavous évéyuns Tois yavsbae, robtous atès ëv ro yhoa Tapà TOY Téxviv Tpocdéyou. 
Xaemèy rè © yväve. 

Hôoroy rà émIvuias Tuyei. 

Avtapèr apyie. 

Kouy énparie. 

Baod arædtuaia. 

Aldure nai pivQave To auErvoy. 

Apyèc un to, und av mloutns. 

Tv eutuyio mpnte o9évou yapur. 

MA oixteipou. 

Merpo XPS- 

Mh näx nioteue. 


"Apyuv néque oavtér. 


SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 189 


c. Béus Tevrauidns Mpoveès ton. 


Oi reïgra av9puma rad. 

Xen roûroy atoy éuBébata rpdTtev" el juëv ad quin, xadx mouiv' et dE aisypès, 
rè the qÜaeus EAMmès dopIobr dou. 

"Acer xodondya dia. 

Bpaduc eyyxeipet” 6 day apn, ae Bacs. 

Mése rà ray let, ph œuipns" uerivan yép anohor de. 

Mh eins toQr poire xaxoions. 

Apporum ph TposË yo. 

Dev œyira. 

Ilavrore Déye, ax ea Seoi. 

Née ro rpartôuever. 

“Axes Trodx. 

Ada naipua. 

Dés av rhovclas ph éritipa, 79 Uh uéya pers. 

"AvaËroy avdpa ph énaiver dix mhobto. 

Ileisas Dife, un Brasapevos. 

"Oray dyaQèv npisamns, Seodç, h aœutov, aitu. 

Krñou éy pèv veéryre empaËiav, y d to yhpa copier. 

"Elas épyo priunv, xupo elAdBev, tpérw yerneérnra, névo Eyupitew, géo evsé- 
Ba, rloëro qix, yo rad, cn xéqua, yroun Jrxmoobmy , téun àvôpelay, npäëe 
dnasteior, dEn Myeucvio, pas euyévear. 


Z. Tlepivdpos Kudélou KopivSus ton. 
Maéta vo näv. 
Kay ravie. 
Envooadès mponétex. 
Képd aisypèr qaens varmyopia. 
Anporpatio wpeirrey Tupavide. 
Ai pèv tua Suntai, ai d'éperai &Süvare. 


190 MÉMOIRE SUR DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE. 


Eïruy@y pèy pétpuos to, atuy@y À prévues. 
Dedéuevoy mpsirtoy drodavey, n Covra évdeis ou. 
Zeavrèy «roy TADATAEUALE TüY yoyÉu. 

Züv uèy éravod, éroSavy d pomapitou. 

Dao etruychar nai dtuyoat à aœrès 124. 

"O> av éxi ouolomons romnpèr , Tapx(Bouve. 

Aéyur éroppituv éxpopès ph Tor. 

Aodéper, ds Tayd pos écépuevos. 

Toic pv épars rodoucis yp@, Tois dE cou TPOTAT OI. 
MA pévor rod duaprävorras nélabe, à rai toùs pédloytas #üAuE. 
Augruyév xpünte, ‘va ph Tobs ExSpods Edppayne. 


Nous avons suivi, pour cette collection, le texte donné par J.-C. Orelli, dans ses Opuscula veterum Græcorum 
sententiosa, vol. 1, p. 158 sqq. Ce savant a fait quelques changements dans le texte de Stobée, et a mis, sous le nom 
de Pittacus, les sentences qui, dans Stobée, se trouvaient attribuées à Thalès, et réciproquement. Voici la raison qu’il 
donne de cette transmutation : Præcepta, quæ Pittaco auctori tribuuntur in editionibus Stobæi, equidem 
secutus Laertium în vita Thaletis , lib. I, À 57, Codicem Stobæi C a Schowio collatum, Lycium et Stan- 
leium, huc traduxi (Orell., p. 533). 

IL. — M: Wagener, agrégé à l’université de Gand, a eu l’obligeance, pendant son séjour à Paris, de collationner 
pour nous deux manuscrits de la bibliothèque royale, et d'ajouter à ce travail quelques observations; nous transcri- 
vons le tout textuellement : 

« Voici les variantes des sentences des sept Sages, tirées en partie du manuscrit 2885, en partie du manuscrit 
1774. 

N° 2885. MS. en papier, XVI: siècle. A la fin des sentences de Cléobule, j'y trouve : yuyzw? puÿ qiaoppoyéioSai 
pydè uéyeoa, ce qui n’est qu’une répétition, — et räç meraBonds The TÜyys yevvalus péper. 

Pour les sentences de Solon, il s’y trouve après Spaoüyou : dpyov, mporoy muy dpyeoSai, encore une ré- 
pétition. Après eboéBes, le MS. ajoute : ioyber (?) æpèç roïemious—rpèc oixeious aivobyy (?). 

Sentences de Chilon. — Après dixAAäaoov , le MS. a les additamenta suivants : ëx (sic) MSyais axovais 0 
xpuods éÉcraberou , didodc Bicayoy guyepdy. éy dÈ œpuoo dvdp@y dyadoy Te naxy Te vos EdWEY EEY Yo. 
— à ériSûue Gduyéroy — vopos melgou — Epyuia spé — àdixoluevos daBdAñou — ouyyvÉuY Tmopids 
xpeloocy — yalerèy uÿ aioS)dy (sic) puermi — dvdyxy oùdÈ Sec mayo — àpyy àydpa déixyuor — 
druyiay my épeidièe, % (sic) véueoiy œidôpeyoy — edoeBluy (sic) dcxétr. 

Thalès. Après xaSÿrou : orAëty dc muoiocyras (fort. gucyooyras)* Todg y'àp mheictous Eivæs xaxobs. 

Bias. Au lieu de : ypÿ æporoy aûrèy EuBépayra mpartew, je trouve ici : els xéromtpoy EuBAËbas Secpel. 

MS. 1774, en papier, XVI: siècle. 

Thalès. Après oudéiy rà mé} nor, il ajoute : oxéret rù yevomevoey. Au lieu de : xxAoxäyaSiuy, il porte dix. 

Après les sentences des sept Sages, le manuscrit contient aussi leurs arogSéyuara repi rolMrelas. Mais ce 
ne sont que ceux qui se trouvent dans le Symposion de Plutarque, et que Stobée a copiés. 


[ FIN. 


HISTOIRE 


DES 


COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR, 


PAR 


M. Juzes BORGNET, 


ARCHIVISTE DE L'ÉTAT À NAMUR. 


Tous XXIV. I 


HISTOIRE 


DES 


COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 


L'époque de l'établissement des serments ou compagnies militaires en 
Belgique n’est pas bien connue. Il en existait déjà, paraît-il, au XII: siècle; 
mais on ne trouve des renseignements bien précis à leur égard que dans 
les dernières années du siècle suivant. 

Le but de leur création a été évidemment de former, parmi les bour- 
geois, des corps aguerris, prêts en tout temps à servir le souverain et la 
commune. En effet, « à côté du service militaire imposé aux bourgeois 
» comme membres de l'agrégation communale, il y avait le service mili- 
» taire dû au seigneur, prestation féodale destinée à payer le bienfait de 
» l’affranchissement !. » 

Les nombreux priviléges dont jouissaient les serments et l'honneur qui 
rejaillissait sur ceux qui en faisaient partie, ont dû principalement porter 
la bourgeoisie à s’enrôler dans ces corps d'élite. 

A Namur, et sans doute aussi dans d’autres villes de Belgique, il exis- 


tait deux espèces de compagnies militaires, les grands serments et les petits 
serments. 


1 Rapport de M. A. Borgnet, Bulletin de l'Académie, t. XIV. 


4 HISTOIRE 


Les premiers étaient de véritables corps privilégiés, établis ou recon- 
nus par le souverain. Les membres étaient astreints à un service militaire 
plus onéreux que celui qui était dû par les autres bourgeois; mais en 
revanche, ils recevaient une solde. Pour pouvoir y être admis, il fallait 
préalablement faire partie de la bourgeoisie. 

Comme le nombre des compagnons des grands serments était limité, 
l’'émulation donna bientôt naissance à des espèces de sociétés libres qui 
ne jouissaient d'aucun privilége et qui prirent le nom de petits serments. 
On peut admettre que le désir d’être reçu un jour dans les corps privilé- 
giés entra pour beaucoup dans l'établissement de ces sociétés libres, et 
que les grands serments se recrutèrent souvent dans les petites compa- 
gnies. 

J'ai publié, en 1847, le résultat de mes recherches sur deux serments 
namurois, pour l’époque antérieure à la domination bourguignonne !. 
C'était là un premier essai que je complète aujourd’hui. 


I. 


GRAND SERMENT DES ARBALÉTRIERS, 


Par un diplôme du mois d’avril 1266, le comte Guy de Dampierre, de 
l'avis et du consentement de l’échevinage et de la bourgeoisie, établit à 
Namur une compagnie de cent arbalétriers ?. C’est une des plus anciennes 
chartes de serments que l’on connaisse. Comme certains passages de cet 
acte pourraient paraître obscurs à quelques lecteurs, j'en donnerai le 
résumé en langage vulgaire. 


1 Messager des sciences historiques, année 1847. 

? On trouvera cette charte aux Annexes, n° 1. — La copie du Répertoire des causes et questions, 
qui est la plus ancienne, mais qui n’est pas authentique, porte septuante et six. Sur toutes les 
autres copies on lit : secante et six. Croonendael donne également à cette charte la date de 
1266. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 5 


« Les arbalétriers doivent être bourgeois de Namur !. Si un ou plu- 
sieurs d’entre eux meurent, l’échevinage les remplace jusqu'à concurrence 
du nombre de cent. Il choisit également parmi les compagnons quatre 
maîtres qui ont la direction et la police du serment. » 

« Le comte les exempte des tailles, des corvées et du guet; ils ne sont 
tenus qu’au payement annuel de deux deniers lovignis pour leur droit de 
bourgeoisie. » 

« En temps de guerre, lorsque les gens de la commune se mettent en 
campagne pour le service du comte, tous les arbalétriers, ou une partie 
d’entre eux, selon le besoin, doivent sortir de la ville les premiers, en 
armes et en bon équipage; ils y rentrent les derniers. Chaque compagnon 
reçoit du comte une solde de douze deniers lovignis par jour de service, 
aussi longtemps qu’il est hors de chez lui. Lorsque le mayeur veut con- 
duire les arbalétriers hors de la ville pour servir le souverain, ils doivent 
marcher aux mêmes conditions. Le comte leur fournit, pour transporter 
leurs bagages, un cheval et un chariot s’ils vont par terre, un bateau si 
le voyage se fait par eau. Les arbalétriers ne peuvent rien déposer sur le 
bateau ou sur le chariot, sans la permission des quatre maîtres. Si l'un 
d'eux, pendant l'expédition, commet un délit ou trouble l'ordre, les 
maîtres en portent plainte à l’'échevinage; le coupable est passible d’une 
amende qui se partage par moitié entre le comte et la frairie ?. En cas de 
refus de payement, le boutillier du prince peut, sans porter atteinte aux 
franchises de la ville, panner le délinquant en sa maison, c’est-à-dire 
saisir un meuble pour sûreté du payement de l'amende encourue. » 

Un privilége non spécifié dans cette charte, et dont les arbalétriers 
jouirent dès les plus anciens temps, ainsi que les monnayeurs et plus tard 
les archers, était d’être exempts du droit de peisnage. En vertu d'un usage 
immémorial, les bourgeois de Namur pouvaient, à partir de la St-Remi 


1 C'était là une condition essentielle; voyez les Transports de la haute cour de Namur, aux 
arch. com. ; reg. de 4399 à 4419, fol. 148, 149 et 203; reg. de 4413 à 1418, fol. 23. Les maîtres 
du serment présentaient le candidat à l'échevinage; si ce candidat était bourgeois, il pouvait être 
admis; dans le cas contraire, il devait d'abord acquérir le droit de bourgeoisie. 

2 Le mot frairie, dont je me servirai quelquefois, désigne, à Namur, un serment, un corps de 
métier, une confrérie quelconque. 


6 HISTOIRE 


(4e octobre), mettre leurs porcs dans la forêt de Marlagne et les y faire hi- 
verner, moyennant le payement du dixième pourceau, ou du dixième de- 
nier de leur valeur. Seuls, les trois serments dont je viens de parler 
étaient affranchis de cette dîme, à la condition expresse de ne faire hiver- 
ner que la quantité de bêtes nécessaires pour la provision du ménage !. 

La fin du XIII: siècle et la première moitié du siècle suivant ne nous 
fournissent aucune donnée sur le grand serment des arbalétriers; maïs à 
partir de cette époque, nos archives civiles deviennent plus nombreuses 
et les faits abondent. C’est ainsi qu’en 1356, dix arbalétriers de Namur 
furent envoyés à Poillevache pour la garde du château, et reçurent une 
solde de 51 livres 10 sols ?. Quelques années plus tard, vers 1364, on 
les voit chargés de garder les portes de Namur, lors de la S‘-George, et 
à cette occasion, la ville supporte les frais de chauffage et de lumière 5. 

Il existe, sous la date du 4 avril 1575, une charte octroyée par l’éche- 
vinage à la compagnie des arbalétriers bourgeois de la ville de Namur. Le 
diplôme inséré plus haut crée la compagnie et spécifie ses priviléges et ses 
obligations; celui-ci, au contraire, est une espèce de règlement intérieur. 
Il porte en substance : « 1° que pour mieux apprendre le tir de larba- 
lète, les compagnons devront s’exercer ensemble de quinzaine en quin- 
zaine; 2° qu’ils seront obligés d’assister aux enterrements et aux noces des 
confrères, ainsi qu'aux autres réunions qui seront fixées par les maîtres; 
3° que chaque compagnon devra être convenablement équipé, ainsi qu’il 
appartient à un arbalétrier, afin de pouvoir faire son service envers le 
comte et la commune; 4° que ceux qui seront désignés par le maître 
pour porter en terre le corps d’un confrère décédé, ne pourront s’en ex- 


1 Reg. aux couvertes rouges, fol. 25 aux arch. du royaume. On y lit que les archers n'avaient 
que deux porcs francs du droit de peisnage ; maïs on ne voit pas ce qu'il en était des monnayeurs 
et des arbalétriers. 

? «.…. Délivreit aus arbalestriers envoyés adont dairainement à Poillevache.... pour penseir et 
» aidier wardeir le castiel dudit lieu 28 escus johannes moyens, qui valent... 31 livres 40 sols. » 
Compte du domaine de 1355 à 1356, fol. 73; idem, fol. 82 v°. — C'est le plus ancien compte du 
domaine; il se trouve aux arch. com. de Namur. 

5 « Item as arbalestriers qui wardont les portes dele ville ale S'-George, par jours et par nuyt, 
» pour chandeilles et pour cherbon.…. 12 heames. » Compte de ville, de 1362-1364, fol. 12 v°, 
arch. com.— Il n'existe pas de compte de ville antérieur. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 7 


cuser; ° que le compagnon qui insultera les maîtres ou le valet de la 
frairie dans l'exercice de leurs fonctions, sera passible d’une amende. » 

Bien que cette charte ne contienne aucune indication précise à cet égard, 
il est certain qu’on ne peut l'appliquer qu’au grand serment; c’est ce qui 
me paraît ressortir de certains passages du texte même reproduit aux 
Annexes sous le n° II !. 

Les priviléges accordés au grand serment des arbalétriers durent y 
attirer de bonne heure les principaux bourgeois; ils ne tardèrent pas à 
former un corps d'élite qui subsista plusieurs siècles dans toute sa vigueur 
et qui se rendit également utile dans les expéditions militaires ou dans la 
défense de la cité. Il ne faut donc pas s’étonner de voir, dès le principe, 
le souverain et la commune encourager les compagnons dans leurs exer- 
cices et chercher sans cesse à exciter leur émulation. 

Un des plus puissants moyens employés pour obtenir ce résultat con- 
sistait dans les trairies ou concours d’adresse auxquels les serments mili- 
taires invitaient leurs confrères des villes voisines, et qui étaient comme 
un reflet de ces tournois, luttes plus dangereuses, où les barons venaient 
rompre une lance sous les yeux de leurs maîtresses. 

Dans ces occasions, soit que le concours eût lieu à Namur, soit qu'il 
fût donné par une des bonnes villes du pays, l’échevinage ne manquait 
jamais d'intervenir, par quelque subside, dans les dépenses que ces fêtes 
occasionnaient à la compagnie. À ma connaissance, le plus ancien concours 
donné par le serment des arbalétriers fut celui de 1390, qui, durant huit 
jours, attira à Namur une multitude d'étrangers. Entre autres dépenses, le 
compte communal de cette année mentionne une somme de vingt moutons 
accordée en courtoisie aux compagnons, pour faire honneur à la ville ©. 
Quelques années après, le grand serment assista au célèbre concours 


‘ Je n'ai rencontré jusqu'ici qu'une seule copie de eette charte, et elle est évidemment fautive. 

? « Item, est assavoir que pour cause des jeus des arbalestriés et pour le ville à wardeir et 
» tenir em pays pour le grant multitude d’arbalestriers et de gens estraingniers qui demoront et 
» habitont en ledite ville l'espasse de huit jours, fut despendiet par le maieur, les eskevins, 
» sergans et les siies esleus qui alle prière doudit maieur furent apparilhiés à faire l'onneur delle 
» ville et par plusieurs autres varlés que lidis maires avoit appeleis avoiques ly, et ausi pour 
» craisses en torches et en autres manires distribuéez par les dessus nommeis en alant toute nuyt de 


8 HISTOIRE 


de Tournay et reçut de la commune un nouveau subside de dix moutons !. 

Parmi ces fêtes, il en est une sur laquelle on possède plus de rensei- 
gnements. Le programme du concours n’a pas été conservé, et nul chro- 
niqueur n’a songé à nous en transmettre le souvenir; mais du moins il 
existe un compte particulier dont les détails, quoique incomplets, peuvent 
donner une idée de la splendeur de ces exercices 2. 

La fête à laquelle je fais allusion eut lieu à Namur en 1510; ce fut 
une trairie d'arbalète de bois, d’arbalète d’acier et d’arquebuse 5. La per- 
mission d'ouvrir ce concours ayant été octroyée par la gouvernante des 
Pays-Bas, la ville en prit les frais à sa charge, et confia aux deux élus de 
l’année le soin des recettes et des dépenses #. L’échevinage rédigea son 
programme d’après les instructions qu’il avait demandées aux serments 
de l’arbalète de Malines et de Louvain, prit la mesure des diestres 5 près 
de messieurs les arbalétriers de Bruxelles, et fit confectionner deux mil- 
liers d'empreintes 5 de papier dans cette dernière ville. Bientôt après, il 


» l'un coron delle ville à l'autre et pour livreir elareteit et lumire au wait à S'-Remy et aus autrez 
» portes delle ville, et pour les frais et les journéez dez porteurs dez crassez..….. 51 frans et demy 
»_ (21 et demi payés par le comte, 30 par la ville) vaut 52 moutons et9 hiaumes. » Compte communal, 
» 1390, fol. 11.—Item, rendut lequel fut donneit en cortoisie aus arbalestriés de Namur pour eaus 
» aidier en accomplissant leur fait à le prière d’eaus, et pour faire honneuralle dite ville, 20 mou- 
» tons. » 1b., fol. 44. 

1 « Item rendut et liqueil fut doneit en cortoisie az arbalestriers de Naïñur qui furent à Tournay 
» aweques plusieurs arbalestriers d’atres bones villes... 10 moutons. » Compte communal, 1394, 
fol. 8 v°.— M. Gachard a inséré le programme de ce concours dans sa Collection de documents 
inédits concernant l'histoire de la Belgique, I, 118. I faut ajouter Namur aux villes qui y envoyèrent 
leurs serments et dont il donne les noms dans une note. 

? Assiettes, comptes et acquits de l'aide de ville; reg. de 4451 à 1559 , aux arch. com. Ce compte 
est intitulé : Compte particulier que rendent... esleux de la ville de Namur des deniers procédans 
des subsides et aides qui ont esté fais et données pour le fait dele trairie de l'arbalestre de bois, dele 
late d'achier et dele hacquebute..., commenchant icellé trairie le 9° jour de juing et finant le T° de 
juillet aprez enssuivant l'an mil cineq cens dix. Voy. aussi le Compte communal de 1510, passim. 

5 Bien que le compte de la trairie ne fasse guère mention du tir de l’arquebuse, il est certain 
qu'il eut lieu; voir, notamment, fol. 30 vw. 

4 Les recettes consistent dans certains droits extraordinaires perçus sur le bétail, le grain, le 
vin, etc., dans le fermage des berceaux, ete. 

5 Diestre, ou destre, mesure de 3 pieds de Douai, selon Roquefort. Dans un programme de 
concours d’archers, qui eut lieu à Béthune, en 1450, la diestre est évaluée à 5 pieds. 

5 Faut-il entendre par ces mots que la ville avait fait imprimer le programme du concours? 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 9 


expédia ses messagers à cheval dans toutes les villes de l’obéissance de 
notre gracieux souverain. Ceux-ci se mirent en route, revêtus de robes, 
chausses et chaperons rouges et noirs, et portant sur leur poitrine les 
deux afflitches ! de la ville, auxquelles étaient appendues deux petites ar- 
balètes d'argent. Ils devaient annoncer partout le concours qui allait avoir 
lieu dans la ville de Namur, prier les serments d’y assister et leur porter 
les empreintes, ainsi que les quartes et mesures de Ja trairie. Comme on le 
pense bien, bon nombre de compagnies étrangères acceptèrent l'invitation. 
Le beau mois de juin les vit arriver à Namur sous la conduite de leurs 
rois. Inutile de dire qu’ils furent reçus avec enthousiasme, au son des 
clairons et à la lumière des torches et des feux de joie. On les conduisit 
ainsi aux logements que l’échevinage leur avait fait préparer chez tous les 
notables. 

Une fois les serments installés, on se mit à l'œuvre. On commença, 
comme on commençait alors toute besogne importante, par entendre la 
messe aux Frères Mineurs. Les bons moines avaient tapissé élégamment 
leur église; l'abbé de Floreffe célébra l'office divin, et les chantres de 
S'Aubain lui prêtèrent le secours de leurs voix solennelles. La messe ter- 
minée, on se rendit en cérémonie à l'endroit où les compagnons allaient 
déployer leur adresse, et, sans doute, les organisateurs de la fête reçurent 
de leurs hôtes les félicitations d’usage; nous allons voir qu'ils les méri- 
taient. 

Deux berceaux © en planches, couverts de drap rouge et noir, peints 
aux armes de l’empereur et de l’archiduc, avaient été établis sur le Mar- 
ché 5, pour le tir de l’arbalète de bois. Deux berceaux semblables, pour 
le tir de l’arbalète d'acier, s’élevaient dans le jardin des arbalétriers de 
l'Étoile, près de la porte S'-Nicolas. D'un berceau à l’autre s’étendaient 


! L'aflitche était un large médaillon en métal que l'on suspendait sur la poitrine. Chaque corps 
de métier avait la sienne. Plusieurs de ces médaillons existent encore de nos jours; ils représentent 
le patron ou la patrone du métier. 

* De nos jours, on appelle encore berceaux les deux buts qui se trouvent placés à l'opposite l'un 
de l’autre dans un tir à l'arc ou à l'arbalète. 

5 La rue de l'Ange actuelle. 


Tour XXIV. 2 


10 HISTOIRE 


des allées appelées stampeaux; constructions également en planches, cou- 
vertes d’ardoises, garnies de bandes de drap rouge et noir, et sur les- 
quelles les mesures étaient écrites. Des bailles, ou balustrades en bois, 
défendaient l'approche des berceaux et garantissaient des accidents que 
pouvait causer une vire s’écartant du but. Entre les deux berceaux du 
Marché, on voyait une élégante tenelle, autre construction légère couverte 
d’étoffes sur le dessus et garnie, sur les côtés, de drap brun et d’écussons; 
c'était, semble-t-il, une espèce de buffet !, où les trompettes saluaient de 
leurs joyeuses fanfares l’entrée de chaque compagnie. Là se trouvaient 
aussi l'arbre de lotage ou delle loterie et la chambre de la loterie. Cette dernière 
était tendue d’une belle tapisserie; une table supportait un jardin de cire 
pour faire le lotissement de la trairie; sur un dressoir élégamment peint étaient 
étalés les nombreux prix en argenterie destinés aux vainqueurs, et parmi 
lesquels je me contenterai de signaler un pot pesant douze marcs et quinze 
esterlins, un autre pesant neuf marcs et cinq esterlins, une coupe d’un 
marc et deux esterlins, une petite arquebuse d’un marc, etc. ?. 

Les compagnons s'étant rendus dans la chambre de la loterie, on régla, 
par le sort, l’ordre suivant lequel devaient tirer les divers serments. La 
fonction d'enseigner les lots avait été confiée à la fille de la femme François 
Lardennois, et certes ce n’était pas là le moindre ornement de la fête. Il est 
permis de le croire en voyant le soin avec lequel nos graves magistrats 
ornèrent la jolie descendante d’Eve. Elle portait une robe de taffetas blanc 
doublée de drap de la même couleur ; les bordures et les retroussis des 
manches étaient fourrés de velours et de satin cramoisis 5. 

Si je comprends bien le compte qui me fournit ces renseignements, la 


! On lit, en effet, au fol. 30 du compte : « Acheté en pommes pour faire les bancquetz tant à le 
» tenelle comme autrepart, 7 sols. » 

? Le chap. II du compte de la trairie est consacré à l'achat, fait à Anvers, de la vaisselle d'argent. 
En voici le résumé : 2 pots, 32 tasses, 40 gobelets, 4 coupe, 2 broches, 2 salières, 2 machires, 
{ arquebuse , 1 palme; le tout pesant 33 mares, 5 onces et 6 esterlins, et d’une valeur de 665 livres, 
8 sols, 6 deniers. Là dedans ne sont pas compris les joyaux dont je parlerai tout à l'heure. Quant 
à la palme dont il est fait mention ici, elle pourrait bien avoir été un prix décerné au vainqueur du 
jeu de paume, qui eut lieu dans la rue St-Aubain, et dont parle le Compte communal, fol. 89 v°. 

5 « .…. 5 aulnes de blancq taftaf pour faire une robe à la fille dele femme François Lardennois 
» pour enseigner les lotz de ceulx qui ont tiré à ladite trairie.. 6 livres, 7 sols, 6 deniers. » — 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 11 


messe et la loterie eurent lieu le 21 juin; puis les exercices commencèrent 
et durèrent jusqu’au 7 juillet. 

Dix compagnons de notre grand serment avaient été désignés par l’éche- 
vinage pour tirer et défendre le vin contre tous allans et venans qui loteroient et tire- 
roient à l'arbalestre de bois. À en juger par les récompenses en vins et en 
argent qu’ils reçurent de la commune, ils s’acquittèrent de cette tâche 
avec honneur. Du reste, le compte ne nous l’apprend pas; mais, en re- 
vanche, on y trouve des détails qui pourront intéresser les autres villes. 

Les entrées des compagnies commencèrent le 15 juin. Les premiers en- 
trants furent messieurs du grand serment de Diest; les seconds, ceux du 
grand serment de Malines. Vinrent ensuite les grands serments de Louvain, 
d'Anvers et de Berghes, le petit serment de Nivelles, les grands serments 
de Gembloux, de Courtray, de Mons et de Binche, enfin, le petit serment 
de Bouvignes!. Toutes ces compagnies furent reçues, à leur arrivée, par les 
autorités au son des trompettes, et on leur présenta, pour leur bienvenue, 
force bons vins d'Auxerre et de Beaune. Vingt-quatre canettes de vin furent 
également offertes au roi de la compagnie de Malines, comme celuy qui avoit 
esté mieulx acompaignié à le messe le jour delle lottrie pour le principal pris; je 
suppose que l’on entend dire par là que c'était la compagnie la plus 
nombreuse. Le second prix fut remporté par mons. d’Émeries, roi des 
arbalétriers de Mons, et le troisième par le roi du grand serment d’An- 
vers. Quant aux beaux joyaux en argent dont j'ai donné le détail, le 
compte n'indique pas les compagnons qui les obtinrent. J’y vois seulement 
qu'un lion d'argent fut délivré à la plus lointaine mesure devens le blan; que 
trois douzaines et demie d’anneaux furent offertes à ceulx qui ont tiré franc 
en l'anneau des bersaulx; que la compagnie de Bergues gagna deux broches 
d'argent; enfin, que le serment de Louvain obtint trois tasses du même 
métal. Tous ces prix furent décernés aux vainqueurs au son des tam- 
bourins et à la lueur des torches. 


« 2 aulnes ung quart de blaneq drap pour fourrer ladite robe... 32 sols. » — « Une aulne et 
» demie de satin eramoisy, et une demie aune et demi quartier de velours pour fourrer les man- 
» ches de ladite robe et pour border, 4 livres, 10 sols. » Compte de la trairie, fol. 11. 

‘ Le compte n'indique pas si ce sont là tous serments d'arbalétriers. 


12 HISTOIRE 


Le résultat de toutes ces fêtes fut que les élus constatèrent, dans leur 
compte particulier, un déficit d’un millier de livres, c'est-à-dire, de plus 
de quatre mille moutons, somme énorme pour l’époque !. Mais qu’impor- 
tait la dépense. Lorsque l’échevinage pouvait procurer quelque honnête 
distraction à ses administrés, il n’y regardait pas de si près. On imputa 
donc cette somme sur le grand compte de ville; la commune paya, et tout 
fut dit. Comme chacun s'était amusé, il n’y eut, à ma connaissance, au- 
cune réclamation ni des députés du souverain, ni des quatre des métiers, 
ni des bonnes gens. 

Outre ces concours extraordinaires, il y avait encore la fête annuelle 
du serment, qui se célébrait le jour de la S'-Georges (25 avril). Le souve- 
rain y concourait au moyen d’un subside annuel de dix oboles et deux 
tiers. L’échevinage, afin de lui donner plus de relief, y assistait en corps, 
et l’on terminait la trairie par un banquet ?. J'ai dit plus haut qu’à cette 
époque on ne traitait une affaire importante qu'après avoir entendu la 
messe, j'aurais dû ajouter qu’on la finissait toujours par un repas. Un 
second jour de fête qui se représentait chaque année, était celui de la 
grande dédicase de la ville, qui avait lieu le 2 juillet; le serment se rendait 
en corps à la procession 5. On sait aussi que nos souverains aimaient à 
prendre part aux exercices des serments, et que ceux-ci énuméraient avec 
complaisance les noms des princes, des gouverneurs et des grands per- 
sonnages auxquels leur adresse avait fait décerner le titre de roi. L'histoire 
des villes de Belgique en fournit de nombreux exemples, et sans doute, 
on en trouverait également pour Namur, si nos arbalétriers avaient été plus 
soucieux de nous transmettre leurs titres de gloire. J’ignore donc quels 
furent à cette époque les rois illustres de notre serment; tout ce que je 
sais, c'est que lors du tir de la S-Georges de 1490, les arbalétriers reçu- 
rent la visite du jeune archiduc Philippe : celui-ci « tira d’une arbaleste 
» d’axier en personne, après le papegay estant mis sur la porte Saint- 


! Voici le résultat du compte particulier de la trairie : recette : 282 livres, 5 sols, 9 deniers; 
dépense : 1339 livres, 12 sols, 1 denier; déficit : 4057 livres, 6 sols, 5 deniers. 

? Compte de la mairie de Namur, de 4429, Archives du royaume. 

5 Voy. les Comptes de ville, passim. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 15 


» Nicolay, comme l’on a d’usaige, et fist très-bien son debvoir !. » 

Enfin, je rangerai encore , parmi leurs jours de réjouissances, ceux où 
ils assistaient à l'inauguration d’un souverain. [ls formaient alors une 
espèce de garde d'honneur qui accompagnait le prince, lors de sa pres- 
tation de serment et de son installation en qualité de comte de Namur. 
« À telle réception, dit un vieux chroniqueur, appartient aux arbalestriers 

de Namur, le cheval sur lequel est monté le comte, ou la valeur au 
» choix du prince ?. » On les voit, notamment, figurer avec les autres 
serments, à l'inauguration de Philippe le Beau (1495), tous « très-bien et 
» honestement vestus de robes et palletos des parures et couleurs de 
» mondit très-redoubté seigneur, bien armez et en point... démenans 
» grant joye de la venue et entrée de leur prince et seigneur, criant à 
» haulte voix, qu’il feust le très-bien venu, vive Bourgoigne! vive Bour- 
» goigne! de grande amour, ayant grant nombre de torses 5. » 

L'histoire ne dit pas si ces preuves de grand amour leur valurent le 
destrier auquel prétendaient leurs ancêtres. Le jeune prince ayant prèté 
serment à Namur, se rendit dans le même but à Bouvignes, et il y fut 
escorté par les compagnies militaires 1. 

Nous avons vu quelles étaient les fêtes du serment: nous allons assister 
maintenant à des travaux plus sérieux. 

Les services que les compagnons arbalétriers rendaient à la chose pu- 
blique étaient de deux espèces : service dans l’intérieur de la commune; 
expéditions au dehors. 

Quant au premier point, leur charte de 1266 porte qu'ils sont exempts 
de tous waitages de bourgeoisie. Bien que ces termes soient assez explicites, 
il est possible que l’exemption ne s’entende que du guet ordinaire et non 
des grands wais, lesquels avaient lieu dans les occasions critiques où tous 


! Jugemens, rencharges et conseillez de la haulte court du Feix, MS. de 1440, fol. 100, archives 
de l'État à Namur. 

? Histoire du comté de Namur, p. 147 (Biblioth. nation.) — Croonendael. 

5 Reg. aux plaids du château de Namur, de 1486 à 1511, arch, de l'État. 

+ Compte communal de 1495. — « Ces gildes ou confrairies, dit Croonendael, souloient servir 
» au convoy des princes allant d'une ville à une autre, comme à présent font leurs archers ordi- 
» naires qu'ils ont à gage. » 


14 HISTOIRE 


les hommes valides de la commune étaient forcés de veiller au salut 
public. On les voit aussi, mais assez rarement !, faire un service tout par- 
ticulier. C’est à l’occasion de quelque trouble intérieur, du passage d’une 
armée sur le territoire de la commune ou aux environs, du raccommo- 
dage d’une porte de l'enceinte urbaine, ou enfin, lors d’une fête qui atti- 
rait à Namur un grand nombre d'étrangers. Dans la plupart de ces cas, 
les arbalétriers sont préposés à la garde des portes de la cité; ils reçoi- 
vent, outre le chauffage et la lumière, une solde qui leur est payée, soit 
par la ville seule, soit par la commune, de concert avec le comte ?. 

On possède moins de renseignements sur le service militaire des arba- 
létriers hors de la commune. Néanmoins, il n’est pas douteux qu'ils pri- 
rent part aux expéditions lointaines de nos souverains. Pour s’en assurer, 
il faudrait examiner les comptes du domaine, puisque, dans ces occasions, 
la solde était à la charge du prince. Or, ces comptes ne sont pas à ma 
disposition, et ceux de la ville ne peuvent guère servir. Toutefois ces 


1 Les Comptes de ville de 1362 à 1519, que j'ai tous compulsés, sauf une quinzaine, ne men- 
tionnent que huit ou neuf occasions où les arbalétriers firent un service semblable; cela ne veut pas 
dire que ce furent les seules fois que l'on eut recours à eux, mais seulement que, hormis ces cas, 
la commune n’intervint pas dans la dépense. 

ECTS Item as arbalestriers qui wardont les portes dele ville à le S'-George par jours et par 
» nuyt, pour chandeilles et pour cherbons. 12 heaumes. » (Compte 1364, fol. 12 v°.) — « Item, 
» rendut à 4 compaignons arbalestriers qui ont estet ordenés aus portes dele ville de Namur par 
» jours, dou commandement de mondit signeur, à l'encontre de 4 altres que mondit signeur paie; 
» se commancharent le merkedy 8° jour de juing et y ont estet jusques au 22° jour dou mois d’aoust 
» après ensuivant qu'il furent rostés. C’est à cascun compaignon 75 journées, cascune journée au 
» pris de 4 estrelins et les 4 estrelins au pris de 4 heaumes 1/2... 90 moutons.» (Compte de 4419, 
fol. 23 v°.) — « Item, rendut à 2 compaignons arbalestriers qui ont estet par 4 nuis à le porte de 
» Bordiaul partant que li vies porte de Bordial estoit rostée et que on en refaisoit une noeve, à 
» Cascun compaignon 4 vies estrelins le nuit, 26 heaumes. » (/bid.)— « Rendut pour 8 arbales- 
» trés mis aus portes dele ville de Namur, de l'ordinanche messieur le bailliu, maieur, esquie- 
» vins et pluseurs bonnes gens de ladite ville, qui y furent l'espasse de 8 jours entiers finant le 
» jour S'-Jaquème et S'-Christofle, à caseun arbalestriés 3 vies estrelins le jour qui valent 
» 3 heaumes.... 21 moutons 5 heaumes. » (Compte de AMT, fol. 25.) — « Rendut à 14 arbales- 
» triers qui ont estet mis.et ordenés aux portes dele ville de Namur, de l’ordinance des bonnes 
» gens nouvellement esleus au gouvernement de ladite ville, en le fieste Herbatte daraine passée, 
» par l'espasse de 11 jours entiers au pris de 4 vies estrelins le jour cascun.…… 51 moutons, 
» 5 heaumes. » (Jbid.) — Compte de 1466, fol. 39. — « Aux devantdis arbalestriers de Namur 
» que on leur a donné par l'ordonnance et commandement de mesdits seigneurs les lieutenant, 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 15 


derniers mentionnent, par exception, trois faits précis que je rapporterai 
à défaut d’autres preuves. 

Le premier de ces faits se rapporte à l’année 1473. Le duc Charles de 
Bourgogne, allant se mettre en possession du duché de Gueldres et du 
comté de Zutphen que lui avait cédés le vieux duc Arnould, convoqua son 
armée et entra en campagne au commencement de juin‘. Le 3 juillet, les 
compagnies militaires et les milices de la ville de Namur partirent pour 
la Guéldre, sous le commandement du mayeur., On ÿ comptait trente-deux 
arbalétriers revêtus de hoquetons et jaquettes de drap rouge et noir sur 
lesquels se détachaient, en blanc, les croix de S'-André. Un bateau les con- 
duisit jusqu'à Nimègue ?. 

Deux ans après cette expédition, ils s’apprétaient à en faire une autre 
qui fut beaucoup plus longue, car ils avaient reçu l'ordre de se rendre, 
ainsi que les archers, au fameux siége de Nuys (1475). Heureusement le 
seigneur d’Humbercourt, alors souverain-bailli du comité, fit tant d’in- 


» gens du conseil, mayeur et eschevins de Namur, pour avoir fait le guet de nuit en icelle ville 
» Je jour du débat de ceulx de Bruxelles. 4 moutons. » (Compte 1476, fol. 67 v°.) — « Aux grans 
» arbalestriers et aux archiers du grant serment commis et ordonnez par mess. maieur et 
» eschevins de Namur... de faire le guet de nuyt sur le maison de la ville, assavoir chaeune nuyt 
» trois d'un et trois d'aultre pour prendre garde aux mavais garsons et pour aller chacune nuyt 
» l'un aprèz l'autre alentour de la ville et de rue en rue pour prendre garde aux lères et comba- 
» teurs le temps de la peste durant ; pour ce leur a esté païé..... pour leur gaiges de 13 sepmaines 
» éscheues le samedi 22° jour d'octobre, à chacun 2 patars chacune nuyt. 54 livres 12 sols. » 
(Compte de 1519, fol. 143.) — Pour connaître le motif de ce service extraordinaire, il faut quelque- 
fois se reporter à d'autres passages des comptes cités. 

1 Barante, édit. Marchal, t. VI, p. 94. 

RL ES pour 22 alnes et demie de drap vermeïlle et 41 alnes de drap brunette... achettez de 
» l'ordonnance de monsieur le lieutenant de la gouvernance de ladite conté de Namur, monsieur 
» le lieutenant baïllieu, mess. du conseil ét mess. les mayeur et eschevins de Namur, au 
pris de 8 aidans l'alne, qui ont esté données et délivrées à 32 arbalestriers de ladite ville de 
Namur pour faire hocquetons et jacquettes et aler ou service de nostredit très-redoubté seigneur 
monsieur le duc au lieu de Sennes (?) et es pays de Guelles, eulx partans le 3° jour du mois de 
juillet 53 moutons. » (Compte de 1475, fol. 55.) — Ibid. , fol. 35 w° et 56. — « … Pour quatre 
alnes de blancque carsées.... pour faire et assir les crois S'-Andrieu ausdites jacquettes et hoc- 
» quetons, audit pris de 8 aïdans l'alne. » — « …. Au devant dit Wato le navyeur..... pour sa voi- 
» ture de mener en son ponthon par yaué ale forse de ses chevaulx et harnas lesdits arbalestriers 
» de ladite ville... 24 moutons. » (Jbid., fol. 56.) — Selon Roquefort, la brunette était une étoffe 
fine de couleur presque noire. 


L 2 


C2 5 …% La 


16 HISTOIRE 


stances auprès du duc, que les arbalétriers et les archers furent dispensés 
de prendre part à cette campagne, et la commune, en reconnaissance de 
ce service signalé, fit don à d’Humbercourt d’une somme de 120 livres 1. 

Enfin, en 1476, après sa défaite à Granson, Charles le Téméraire ayant 
rassemblé une nouvelle armée, les arbalétriers fournirent leur contingent 
à cette campagne désastreuse qui devait finir par la catastrophe de Morat, 
où, peut-être, nombre d’entre eux succombèrent. Partis de Namur au 
nombre de seize, sous le commandement de Jehan Laurent, conducteur 
et capitaine des arbalétriers et des archers, ils se dirigèrent vers Zutphen 
et furent conduits en bateau jusques à Grave. Cette fois-ci encore, comme 
en 1475, la commune leur accorda une indemnité pour leurs hoquetons, 
et chaque compagnon reçut, en outre, un florin du Rhin. Ce qui prouve 
que c'était là une faveur extraordinaire, c’est que les auditeurs du 
compte de ville où je puise ces détails, ont mis en marge des allocations : 
« Ceste dépense a esté faicte par l'ordonnance et commandement de 
» monsieur le gouverneur et de messieurs du conseil, et pour ce tran- 
» seat ?. » 

À l’époque où nous sommes parvenus, les arbalétriers possédaient 
déjà, depuis longues années, un local où ils s’exerçaient au tir de l’ar- 
balète. Vers 1460, ils avaient pris en accense héritable de la ville l’Anglée 
des febvres sur la motte (les Quatre-Coins) qu’ils occupaient encore en 
1571. Leur jardin, qui se trouvait à côté, comprenait un vaste terrain 


‘ « À mons. de Humbercourt..... en recongnoissance des grans faveurs et amistés qu'il a en 
» ceste dite ville... et meismes qu'il a fait tant de sa noble grâce envers nostredit très-redoubté 
» seigneur que les arballestriers et archiers de icelle ville n’ont point esté ou service de nostredit 
» _très-redoubté seigneur devant Nuys... 120 libres. » (Compte de 1475, fol. 111.) 

? « Aux compaingnons arbalestriers de ceste dite ville de Namur qui leur fut délivré et donné 
» par l'ordonnance de mondit seigneur de Humbercourt, pour aler en ensievant son commande- 
» ment au lieu de Zutphen, jusques au nombre de 16 compaingnons, à chacun ung flourin de Rin, 
» et 5 flourins de Rin pour leurs hocquetons. 84 moutons. » (Compte de 1476, fol. 66 v°.) — « A 
» Jehan Leurent, conduicteur et capitaine desdits arbalestriers et archiers et à son varlet, qui leur 
» fu délivré par l'ordonnance de mesdits seigneurs, 4 flourins de Rin et 6 alnes de drap pour faire 
» leurs robbes, au pris de 9 aïdans l’alne..….. 26 moutons, 12 heaumes. » — « À Noel Toppart le 
» navyeur de marchiet fait à lui de mener par yaue, en son ponthon, lesdits arbalestriers et archiers 
» au lieu de le Grave pour aller oudit service. 40 moutons. » (Jbid., fol. 67.) — Il est probable que 
Zutphen avait été indiqué comme point de réunion à divers corps de milices. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 17 


dans une partie duquel les Observantins s’établirent momentanément en 
1490, et qui fut incorporé, au XVII: siècle, dans le couvent des Capucins. 
Dès 1508, ils possédaient également un courtil près de la grosse tour sur 
Meuse, où ils se trouvaient encore en 1571 !. 

Comme on a pu le voir par ce qui précède, le grand serment des arba- 
létriers était dans toute sa force au XV: siècle. L'année même de son avé- 
nement au comté de Namur (1429), Philippe le Bon, probablement dans 
le but de s'attacher la bourgeoisie, avait accordé aux confrères la confir- 
mation de leur charte de 1266. Celle-ci avait été également renouvelée par 
Marie de Bourgogne, lors des troubles qui suivirent la mort de son père, 
et plus tard par Charles-Quint ?. D'un autre côté, comme à cette époque 
le serment rendait d’incontestables services, l’'échevinage le favorisait de 
tout son pouvoir. 

Vers le milieu du XVE: siècle, les choses changent entièrement de face : 
le magistrat commence à faire la guerre aux antiques priviléges des arba- 
létriers. Mais, c'est là une guerre sourde qui dure deux siècles et qu’on 
voit se reproduire dans l’histoire de chacune des compagnies militaires. 
D'un côté, les serments ne tenant aucun compte des circonstances, veu- 
lent conserver en leur entier et même augmenter les priviléges qu’ils ont 
obtenus à une époque où leur utilité ne pouvait être révoquée en doute ; 
de l’autre côté, l’échevinage tend sans cesse à restreindre ces priviléges en 
se basant sur l’inutilité actuelle des compagnies militaires et sur les charges 
que leurs exemptions d'impôts font retomber injustement sur le restant 
de la bourgeoisie. 

C'est en 1556 que je rencontre les premières traces de cette lutte 
intestine. Dans le courant de l’année, les arbalétriers s'étaient plaints au 
Roi de ce que, contrairement à leurs priviléges, le magistrat voulait les 
forcer à contribuer au payement des aides sur le même pied que les autres 
bourgeois. Leur requête ayant été renvoyée à l’avis de l’échevinage, celui-ci 


1 Comptes de 4456, fol. 42 v°.— 1461, fol. 10, 11. — 1495. — 1508, fol. 6 v°.— 1509 et 
1510, fol. 6 et 6 w°. — 1571, fol. 5. — Galliot, t. III, pp. 251 et 258. 

? Annexes, n° I. Les confirmations de Marie de Bourgogne et de Charles-Quint, ne se trouvant 
dans aucune des copies que j'ai eues en main, j'en ignore les dates. 


Toue XXIV. 5 


18 HISTOIRE 


y répliqua par deux lettres en date des 22 juin et 1° août 1556. Il y disait 
en substance : « L’exemption d'aide que réclament les arbalétriers est 
aussi réclamée par les arquebusiers et les monnayeurs. Ces trois serments 
jouissant des mêmes prérogatives, ce que l’on accordera à l’un d'eux, 
devra être accordé aux autres. Il y aura donc ainsi trois cents exemptions, 
d'autant plus injustes que les serments étant composés des plus riches 
bourgeois, ces trois cents cotes retomberont sur les bourgeois pauvres 
qui, à leur tour, se refuseront à payer. Que Sa Majesté décide; mais on 
la prévient que si elle a égard à la requête des arbalétriers , il sera impos- 
sible d'obtenir le payement de l’aide . » 

Si maintenant nous nous reportons au texte d’une confirmation de pri- 
viléges octroyée par Philippe IF, le 8 octobre 1556 ?, nous voyons que, 
contre tout droit et nonobstant les services réels que rendaient les arba- 
létriers, le magistrat voulait les forcer à contribuer ; comme le reste de 
la bourgeoisie, au payement des aides, sous prétexte que, depuis vingt ou 
trente ans, quelques-uns d’entre eux s'étaient laissé cotiser. Dans cette 
occurrence, le Roï se plut à faire l'éloge du désintéressement dont la com- 
pagnie avait donné maintes preuves; il réprimanda assez vertement le 
magistrat, et lui prescrivit pour l’avenir la stricte exécution des priviléges 
qu'il confirmait de nouveau. 

Bien que ce diplôme de 1556 traitât assez rudement le mayeur et les 
échevins, en réalité il leur donnait cependant raison Sur un point impor- 
tant : il statuait, en effet, que les arbalétriers contribueraient dorénavant 
au payement des aides extraordinaires. Cette innovation, contraire au privilége 
de 1266, fut un premier pas fait dans la voie des réformes, et une demi- 
victoire pour le magistrat. Ce dernier paraît l'avoir compris ainsi, car il 
se hâta de revenir à la charge à propos d’une autre exemption. Il remontra 
au Roi qu'il y avait une diminution notable dans le produit de la gabelle 
sur les bières, et que cette diminution provenait de ce que les arbalétriers, 
s’étayant des priviléges octroyés par Guy de Dampierre et ses successeurs, 
prétendaient être entièrement exempts de ce droit. Quoique ce privilége 


1 Liasse civile des arbalétriers et escrimeurs, ete., aux archives de la ville. 
? Annexes, n°1. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 19 


de gabelle ne soit pas, comme celui d’aides, spécifié dans l'ordonnance 
de 1266, il est certain que le serment en jouissait du consentement du 
magistrat, puisque ce dernier terminait sa requête en disant « que cet 
» octroy des arbalétriers devoit cesser à présent, point seulement à raison 
que Sa Majesté ne recevoit aucun service d’iceux, mais aussy en vue 
qu’à succès et changement de temps semblable chose étoit de soy-même 
» inutile et superflue 1. » Quel fut le résultat de cette requête? Je l’ignore, 
et je me contente de la mentionner ici comme une preuve du mauvais 
vouloir que le magistrat commençait à témoigner au grand serment. 

Mais si l’échevinage manifestait assez ouvertement ses intentions hos- 
iles, de leur côté, les arbalétriers adressaient sans cesse au gouvernement 
des requêtes qui venaient contre-balancer les eflorts de leur antagoniste. 
Telle fut celle qu’ils transmirent aux archiducs, dans le courant de l'année 
1607. Ils suppliaient le gouvernement de déclarer : 1° qu'ils continue- 
raient, selon l’ancien usage, à jouir de l’exemption de gabelles sur la 
bière et le vin qu’ils buvaient, dans leur lieu de réunion, les jours des- 
tinés aux exercices; 2° que le roi, c’est-à-dire, celui d’entre eux qui avait 
abattu l'oiseau à la fête annuelle, jouirait de ce privilége, ainsi que de 
l'exemption de guet, pendant toute la durée de l’année de sa royauté; 
5° que le magistrat serait obligé de faire dresser l'oiseau, comme cela se 
pratiquait dans les autres villes du pays. À l'appui de cette demande, ils 
faisaient valoir qu’en vertu de leurs chartes, ils étaient obligés, au besoin, 
d'aller en campagne au péril de leur vie, ce qu'ils avaient fait naguère 
encore en poursuivant l'ennemi, lorsqu'il avait brûlé le bourg de Fleurus *. 
Par leur diplôme du 14 janvier 1607, Albert et Isabelle confirmèrent 
de nouveau les priviléges du serment, et lui accordèrent les trois points 
spécifiés dans sa requête 5. 

Malgré ces confirmations successives, il est aisé de s’apercevoir que 
bien des changements s'étaient opérés depuis l'époque de la création du 


L2 


T 


1 Liasse civile des arbalétriers, etc. 
? Il s'agit peut-être ici des ravages que les confédérés exercèrent dans la province de Namur, 


en 1595, après qu'ils se furent emparés de la ville de Huy. Voy. Galliot, t. V, p. 76. 
5 Annexes, n°]. 


20 HISTOIRE 


serment. Dans le principe, les arbalétriers prennent part aux expéditions 
lointaines du souverain ; maïs, en revanche, ils reçoivent une solde; ils 
sont affranchis du guet ordinaire; ils sont libérés de toutes tailles et im- 
positions, de quelque nature que ce soit. Au XVII: siècle, tout leur service 
consiste à faire le guet et à aider la justice, c’est-à-dire arrêter les cri- 
minels et les conduire au supplice !. Ils contribuent au payement des aides 
extraordinaires, qui furent nombreuses à partir du XVI: siècle, et ils ne 
jouissent de l’exemption de gabelles que pour le vin et la bière bus pendant 
leurs exercices. 

A partir du renouvellement de 1607, le XVII: siècle ne me fournit sur 
le serment des arbalétriers que des détails assez insignifiants. Je me con- 
tenterai de dire que le magistrat, conformément au diplôme des archiducs, 
continua à lui accorder la franchise de gabelle sur un certain nombre de 
tonnes de bière consommées dans les réunions du corps, exemption qu’il 
remplaça, à la fin du siècle, par un don de 20 à 22 florins; cette dernière 
somme alla en diminuant jusqu’à l'extinction de la compagnie ?. Parfois 
aussi, il octroyait au roi de l’année une exemption de gabelles sur dix-huit 
tonnes de bière 5. Si l’on y ajoute une gratification donnée au serment 
le jour de la grande procession de la Ducasse, c'était là tout ce que celui-ci 
recevait de la commune à cette époque #. Quant au souverain, son bon 
vouloir ne se manifestait plus que par des renouvellements de priviléges 
qui ne lui coûtaient rien . 

Parvenus au XVIIE siècle, nous allons voir le serment succomber enfin 
sous les attaques réitérées du magistrat. À cette époque, on n’allègue plus 
seulement contre les arbalétriers, et leur inutilité qui devient plus mani- 
feste de jour en jour , et les charges que les exemptions dont ils jouissent 
font peser sur le reste de la bourgeoisie; le principal grief articulé par le 


1 Art. 44 de l'édit de Philippe JH, du 5 juillet 1570. 

? Résolutions du magistrat de Namur, reg. I, fol. 4, année 1611, aux arch. comm. — Résolu- 
tions, t. HE, fol. 99 ; t. V, fol. 197 v°; t. VIL, fol. 86 et 232. 

5 Résolutions, t.1, fol. 74. € 

+ Compte de 1624, fol. 152 et 168 v°. 

5 Il n’est plus fait mention des arbalétriers dans les comptes du domaine de la fin du XVII: siècle, 
notamment dans celui de 4672-1675; arch. de l'État. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 21 


magistrat est la mauvaise composition du corps; et c'est en effet ce qui 
distingue nos compagnies militaires de celles des autres villes où elles 
subsistèrent jusqu’à l'invasion française. 

Cette mauvaise composition du serment n'empêcha pas qu’en 1712, 
son tir annuel, qui se faisait alors hors de la porte de Bordial, ne reçût 
un éclat inaccoutumé. C’était le 22 mai; quelques jours auparavant, l’élec- 
teur de Bavière avait été inauguré comte de Namur. Prince amateur de 
fêtes et visant assez à se rendre populaire, Maximilien-Emmanuel se rendit 
à l'endroit où avait lieu le tir de l’arbalète; il abattit l'oiseau et rentra en 
ville portant en main son pacifique trophée !. 

Cependant le magistrat continuait à faire tous ses efforts pour obtenir 
la dissolution des serments d’arbalétriers, d’arquebusiers et d’escrimeurs. 
Il semble que la crainte de déplaire au grand nombre de ses administrés 
qui faisaient partie de ces corps, l’'empêchait seule de demander une bonne 
fois leur entière suppression. Il s’y prit d’abord d’une manière détournée. 
Par une requête adressée à Sa Majesté et renvoyée à l'avis du conseil pro- 
vincial, le 15 janvier 1726, il proposait de renouveler les chartes des 
trois serments, ou, ce qui vaudrait mieux, de déclarer, par forme d’inter- 
prétation, que, pour pouvoir y être admis, on devrait au préalable se 
faire recevoir bourgeois. Il faisait observer que, par ce moyen, on pour- 
rait rendre aux serments leur ancien lustre, et les composer, comme ils 
l’étaient autrefois, des « premiers et meilleurs bourgeois. » Le magistrat 
hasardait un autre expédient, qui consistait à abolir les compagnies, soit 
tout d’un coup, soit insensiblement, en ne remplissant point les vides 
laissés par le décès des membres. Enfin, dans le cas où ce moyen ne serait 
pas du goût de l'Empereur, il en restait un troisième : c'était de réduire 
les trois serments à cent compagnons tous bourgeois ©. 

Heureusement pour la compagnie, il paraît que, dans ces diverses re- 
quêtes, le conseil provincial donnait un avis tout opposé, car cette fois-ci 
encore les efforts de l’échevinage n’aboutirent à rien. Il y eut plus : par 
son diplôme du 6 août 1730, Charles VI confirma derechef les priviléges 


! Galliot,t. V, p. 124. 
? Inventaire des pièces et liasses civiles du XVIIT siècle, aux archives de la ville. 


22 HISTOIRE 


des arbalétriers et les augmenta même de quatre nouvelles dispositions, 
dont la première allait directement à l’encontre de ce que proposaient les 
mayeur et échevins. Il statuait en effet : 1° que, par le seul fait de leur ad- 
mission dans le serment, les compagnons devaient être réputés bourgeois 
et jouir des priviléges attachés à cette qualité; et, en outre, que leur droit 
de bourgeoisie serait transmissible à leurs veuves et à leurs enfants, 
moyennant le relief usité en semblable cas; 2° que les empereurs, c’est-à- 
dire ceux qui, pendant trois années consécutives, auraient abattu l'oiseau, 
seraient exemptés, à toujours, des tailles et subsides pour la maison de 
leur résidence, au cas que celle-ci leur appartint; 3° que ces mêmes em- 
pereurs seraient également affranchis, pendant toute leur vie, du guet, de 
la garde, ainsi que du logement des gens de guerre, sauf dans le cas de 
surcharge ; 4° que les rois jouiraient des mêmes exemptions, mais seule- 
ment durant l’année de leur royauté !. 

Je suis entré à dessein dans tous ces détails, afin de ne plus avoir à y 
revenir lorsque je parlerai des autres serments, qui tous eurent à peu près 
la même fin. Il me reste à raconter les dernières vicissitudes du grand 
serment des arbalétriers. 

En 1732, l’empereur Charles VI, cédant aux sollicitations du magis- 
trat, avait fini par dissoudre la compagnie des escrimeurs. Vingt ans plus 
tard, l’'échevinage, s’étayant de ce fait, réclama ouvertement la suppression 
des corps d’arbalétriers et d’arquebusiers. Et, il faut en convenir, les 
motifs qu’il allégua étaient péremptoires. 

Sa requête, datée du 9 février 1752, portait enssubstance : que plusieurs 
siècles auparavant, les comtes de Namur, étant sans cesse en guerre avec 
les princes voisins, avaient établi les trois serments d’arbalétriers, d’ar- 
quebusiers et d’escrimeurs, afin d’avoir constamment à leur disposition 
des bourgeois aguerris au métier des armes et prêts à leur rendre service 
en tout temps; — que l'Empereur, considérant l’inutilité du serment des 
escrimeurs, l’avait aboli en 1732; — que les deux autres compagnies n’é- 
taient pas moins inutiles, puisque le but qui avait présidé à leur établis- 


1 Annexes, n° I. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 25 


sement avait cessé d'exister et qu’elles ne remplissaient plus leurs ancien- 
nes fonctions ; — enfin, que les compagnons des serments retiraient seuls 
quelque profit de l'institution; car, au moyen de leur admission dans ces 
corps, ils jouissaient des prérogatives attribuées aux bourgeois, sans payer 
le droit de bourgeoisie. « En effect, ajoutait le magistrat, nonobstant les 
» précautions que l’on prend avant de les y admettre en leurs faisant 
» donner des attestations de bonne vie et de bonnes mœurs, il ne laisse 
» pas que de s’introduire dans lesdits serments pas seulement des non 
» bourgeois de la province de Namur, mais aussi gens des provinces 
» étrangers, et la chose est même aujourd’huy poussée à un tel point de 
» décadence que lesdits sermens se trouvent actuellement composez de 
» touttes sortes de personnes de la lie du peuple et la pluspart étrangers 
» qui viennent s'établir audit Namur et s’enroller dans lesdits serments, 
» dans l'unique vue de proffiter des priviléges et émoluments y attachés 
» et tels que jouissent les bourgeois, sans cependant se faire bourgeois, 
» en vue qu'étant aggrégez esdittes confrairies et en cette qualité prêté le 
» serment afférant, ils auroïent par là aquis la qualité de bourgeois, et 
» même au point que de transmettre et perpétuer cette qualité dans leurs 
» descendans et veuves, qui, au moien d’un simple relief, acquièrent effec- 
» tivement cette qualité, nonobstant qu’à titre d'étrangers, ils ne pouroiïent 
» acquérir ni transmettre ces avantages à leurs familles, sans payer un 
» droit considérable au profit de Votre Majesté ! qui s’en trouve par là 
» frustrée de même que du droit de formoture, conformément à l'art. 82 
» de la coutume de Namur ?, outre que, d’ailleurs, ces personnes ne font 


!_ Voici, d'après l'ordonnance de Philippe IV, du mois d'octobre 1640, les droits exigés pour être 
admis à la bourgeoisie de Namur. L'étranger né dans un pays qui n'est pas sous l'obéissance du 
souverain , paye 16 florins ou livres; celui qui est né dans une province obéissante, 40 florins; celui 
qui est natif du comté de Namur, 6 florins. La moitié de ces sommes appartient au roi; l'autre 
moitié se partage entre les membres de l'échevinage. — Les veuves et enfants de bourgeois payent, 
pour relever la bourgeoisie, 18 sols à répartir de la même manière. — La reconnaissance annuelle 
due par chaque bourgeoïs est de 4 sols, 6 deniers au profit du souverain. 

Au compte du domaine, de 1672, je trouve 39 admissions à la bourgeoisie, ce qui fait, suivant les 
bases établies ci-dessus, 62 livres pour la part du Roi. 

? Cet art. 82 est ainsi conçu : « Item, si quelqu'un demeurant en la ville ou banlieue de Namur, 
» non marié, ni bourgeois, termine vie par mort, tous ses meubles appartiendront au comte de 


24 HISTOIRE 


que charger la bourgeoisie, en profitant et négociant à leur détriment, 
qu’ils ne font aucun honneur à la ville et occasionnent néanmoins, 
comme dit est, l’interception desdits droits dus à Votre Majesté. » 

« Cette facilité d’avoir ainsi accès dans l’un ou l’autre desdits serments 
n’est pas seulement une porte ouverte au rebut de touttes les nations 
qui, à la faveur des places vacantes dans cette milice inutile, trouvent 
un accès aisé pour s’introduire dans la ville, mais peut encore occa- 
sioner que quelqu’uns de ces étrangers introduiroient en cette ville 
des mœurs différentes, dangereuses et contraires aux maximes des 
nationez et fidels sujets de Votre Majesté, outre qu’il est à craindre 
qu’il ne se glissät aussi par là des idées de certaine religion étrangère 
qui causeroit des maux funestes parmi le peuple. » 

« Ce sont, Madame, toutes ces considérations qui ont porté les expo- 
sans d’en faire leures très-humbles représentations à Votre Majesté 
Impériale et Roïale, la suppliant en très-profond respect (attendu l’inu- 
tilité desdits deux serments d’arquebusiers et arbalétriers) d’être servie 
de décretter la réforme d’iceux et de faire cesser les rétributions qu’ils 
lèvent annuellement des revenus ordinairs de la ville de Namur qu'ils 
emploient en festins, parmi que ceux qui seront desdits serments au 
jour de la réforme seront admis gratis au nombre des bourgeois de 
ladite ville; et au cas que l'intention de Votre Majesté soit de laisser 
subsister lesdits deux serments, d’ordonner qu'aucune personne n'y 
puisse être admise au futur, ne soit qu’au préalable elle ait acquit les 
droits de bourgeoisie et en prêté le serment afférant f. » 

La requête du magistrat fut renvoyée le 3 mars à l’avis du conseil pro- 


vincial ; il est probable qu’elle y fut vivement appuyée, car peu de temps 
après intervint le décret suivant, qui abolissait les deux dernières compa- 
gnies militaires : 


» 


» 


» 


« Vu l'avis, Sa Majesté prenant en considération les raisons ci-dé- 
duittes, a trouvé convenir d’abolir et réformer, comme elle abolit et 


Namur, pour le droit de formorture; mais s’il est marié, une moitié de sesdits meubles écherront 
au comte, et l’autre moitié au survivant, ou leurs enfants. » 
1 Résolutions, t. IX, fol. 458. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 25 


réforme par cette les deux compaignies d’arbalestriers et arquebusiers 
établies en la ville de Namur, permettant cependant aux membres qui 
composent actuellement lesdittes deux compagnies de se présenter à 
ceux du magistrat pour y être reçus et admis gratis au nombre des 
bourgeois de laditte ville et jouir eux, leurs veuves et descendans des 
droits de bourgeoisie, comme les autres bourgeois; voulant aussi que 
les empereurs et rois desdittes compagnies ou serment continuent pen- 
dant leur vie de jouir des exemptions et priviléges dont ils jouissoient 
en vertu de leurs anciennes chartres, parmi quoi les rétributions que 
ceux desdites compagnies ou serments levoient annuellement des 
revenus ordinairs de ladite ville viendront à cesser, dont il sera écrit 
lettres d’avertances à ceux du conseil de Namur. Fait à Bruxelles, le 
18 avril 1752. Paraphé Sreenn”. Par ordonnance de Sa Majesté, signé 
A. Bouzarrr 1. » 


Ainsi fut dissout le grand serment des arbalétriers, après une existence 


non interrompue de près de cinq siècles. 


Le 22 juin 1752, le magistrat étant en séance, mit en délibération la 


destination future des drapeaux et des étendards des deux compagnies qui 
venaient d’être déposés à l'hôtel de ville. Il fut décidé « que l’on feroit 


présent de celui des arquebusiers à l’église paroissiale de S'-Jean 
l'Évangéliste, pour faire un ornement à l’autel de l’Immaculée Concep- 
tion de la S'-Vierge, et que, quant aux autres drapeaux et étendards, 
qu'on les garderoit pour s’en servir aux occasions des réjouissances, 
sauf cependant qu’on les prêteroit à l’église de S'-Jean-Baptiste, lors- 
qu'on les demanderoit pour orner le maître-autel pendant l’octave de 
la feste Dieu... ?, » 


4 Résolutions, 1. IX, fol. 458. 
2 Résolutions, t. IX, fol. 165 vw. 


Toue XXIV. 4 


26 HISTOIRE 


IL. 


ARBALÉTRIERS DU CROISSANT. 


J'ai dit qu'il y avait des grands et des petits serments; la compagnie 
des arbalétriers du Croissant appartient évidemment à la seconde catégo- 
rie. 

Les renseignements que j'ai pu recueillir sur ce corps servent seule- 
ment à constater son existence dans les années 1426 à 1431. Les comptes 
communaux de cette époque apprennent que les compagnons du Crois- 
sant payaient alors à la ville une rente de trois muids d’épeautre pour 
une pièce de terrain dont la situation n’est pas indiquée !. Pendant les 
années 1430 et 1451, l’échevinage les dispensa du payement de cette 
rente, pour le motif que ce terrain était resté vague et avait été dévasté 
par suite de la guerre que le pays avait eu à soutenir contre les Lié- 
geois ?. 

Comme je ne trouve aucune autre mention de cette compagnie, je serais 
assez tenté de croire qu’elle ne subsista pas longtemps, du moins sous 
cette dénomination. Fut-elle supprimée? fut-elle annexée au grand ser- 
ment? Les deux suppositions sont admissibles; l’histoire de la ville de 
Bruxelles fournit plusieurs exemples de ces variations, qui prenaient 
ordinairement leur source dans la jalousie qui existait entre les grands 
serments et les petites gildes qui s’établissaient à côté d’eux 5. 


1 « A Colart dou Sart le fèvre, Jehan d’Amée le bolengier et à leurs compaignons arbalestriers 
» de la compagnie dou Cressant, pour le pièce de terre qui fut Stevenotte le braquenier dont il est 
» 4 journal et 16 petitez vergez à yaus censiés hiretablement..... parmy 3 muis d'espeaulte de 
» rente par an. » (Compte de 1498, fol. 4 w°.) — Voyez aussi les comptes de 1426 jusque 1430, 
» fol. 4 et 4 v°; on y lit indifféremment creissant, cressant et cresan. 

2 « A Colart do Sart..... riens rechut de ceste présente année ne de l’autre en devant, jasoich 
» que on l'aist comptée en recepte, pour les guerres qui ont esté l’année passée et ceste présente 
» et partant que le place de terre est et a esté toute waghe et desclouse... » (Compte de 1431, 
fol. 4.) 

5 Henne et Wauters, Histoire de la ville de Bruxelles, t. V, p. 171. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 27 


IL. 


ARBALÉTRIERS DE L'ÉTOILE. 


Cette compagnie doit être aussi rangée dans la catégorie des petits 
serments. J'en trouve la première mention au compte communal de 1450 : 
ces arbalétriers devaient alors à la ville un cens héritable de dix vieux 
gros pour un jardin situé entre la porte S'-Nicolas et la grosse tour sur 
Meuse !; une petite tour qui s'élevait entre ces deux points portait même 
le nom de tourette des arbalétriers?. C'était dans ce jardin qu’avaient lieu 
leurs exercices 5. En 1431, on les exempta de payer le cens dû à la 
commune, à cause des améliorations qu'ils avaient faites dans ce ter- 
rain #; ils abandonnèrent celui-ci dix ans après, et s’établirent aux mêmes 
conditions sur le Hoyoul, au-dessus du moulin à écorces et près de la 
petite Herbatte 5. 

Au mois de mai 1490, notre jeune archiduc Philippe se trouvant à 
Namur, voulut prendre part au tir annuel de la compagnie, qui avait lieu 
à la porte S'-Nicolas, et malgré son jeune âge, il abattit l'oiseau qui ser- 
vait de but. Un contemporain nous a transmis en ces termes le récit de 
cette journée, dont les arbalétriers conservèrent longtemps le souvenir : 
« Item le jour de may oudit an estant la compaignie des arbalestriers del 
» Estoille assemblé pour tireir leur papegay à ladite porte de S'-Nicolay, 
» comme il est d’usance, nostredit très-redoubté seigneur envoiia com- 
mendeir que l’on l’atendist, car il voloit tireir avoec eulx; dont iceulx 


2 


! « De 10 vies gros de cens héritable, du pris de 5 hiames 2 wihos le pièce, que les com- 
»_paingnons arbalestriers de l'Estoile doient cheseun an pour ung courtil et place de terre scituée 
» emprès le grosse tour sur Meuse... En l'année précédente... fu illee graciiet et accordeit ausdits 
» compaingnons.. de néant payer lesdits 10 vies gros de cens, veu que grandement ilsavoient fait 
> ouvrer oudit courtil. » (Compte de 1482, fol. 11 v°.) 

? Compte de 1508, fol. 82. 

5 Compte de la trairie, de 1510, fol. 20 v°, cité précédemment. 

+ Compte de 1452, fol. 11 vw. 

5 Compte de 1564, fol. 5. 


28 HISTOIRE 


» arbalestrier furent fort joieux, et attendirent jusque à 3 heures après 
» disneir, et à celle heure nostredit très-redoubté seigneur monseigneur 
» l'évesque de Liége (?)}, monseigneur de Walhain et tous les gentilz 
» hommes de la courte en alarte à la porte et lez arbalestriers amprès 
» eulx; et eulx illec venus, nostredit très-redouté seigneur tira le premier 
» et seconde cope et tira fort bien. En après tira monseigneur de Wal- 
» hain, monseigneur le meir de Namur et tous les arbalestriers après, 
» chacun ung cop, et sur un movement, y eult plus de cent cop tireit, et 
» nostredit très-redoubté seigneur demanda avoir ung maka nomeit ung 
» macquei en ceste ville, et tirasy bien que il abaty ledit papegay sans ce 
» qu'il fûs fait non plus davantaige que li homme qui fuis et alors le 
» mair de Namur, qui estoit roy de l’an passeit, luy mist en mains le colier 
» de la compagnie où le papegay pendoit et luy fu mis ou col emprès la 
» toison quy portoit, et de là passa parmy la ville et s’en alla au chasteau 
» fort joieux et fut fait grand feste; et estoit alors notredit très-redoubté 
» seigneur en l’eage de 11 à 12 ans et non plus, parquoy sembloit à 
» plusieurs gens que c’estoit droit miracle f. » 

À partir de cette époque, il est assez fréquemment fait mention des 
arbalétriers de l'Étoile. En 1495, ils assistèrent, avec les grands arba- 
létriers, à l’inauguration de Philippe le Beau, vêtus comme eux de robes 
et de paletots aux couleurs du souverain. Ils ‘prirent part à la grande 
trairie de 1510, et nous avons vu que le tir de l’arbalète d’acier se fit dans 
leur jardin ?. Enfin, ils figurent également dans le récit des fêtes qui eurent 
lieu en 1515, à l’occasion de l'inauguration de Charles-Quint comme 
comte de Namur 5. 


1 Jugements…... de la haute cour du Feix, fol. 100, déjà cité. — « Aux roi, mayeur, jurés et 
» autres de la confrérie du grand et petit serment des arbalétriers de la ville de Namur, tant en 
» considération de ce que Monseigneur a été roi de cette confrérie et y a abattu le papegay, que 
» pour employer à la réfection et augmentation du collier du roi dudit papegay, 102 livres. » 
Rapport sur les archives de l'ancienne chambre des comptes à Lille, par M. Gachard, fol. 287. I] 
semblerait, d’après cette note, que le grand et le petit serment ne formaient qu'une seule confrérie; 
cependant tous les dceuments que j'ai consultés les considèrent comme deux corps distincts. Peut- 
être se réunissaient-ils le jour du tir annuel. 

? Voyez les notes au chapitre des Grands arbalétriers. 

5 Plaids du château, reg. de 1511 à 1526, fol. 126, arch. de l'État. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 29 


La plus ancienne charte des arbalétriers de l'Étoile date du 1‘ octo- 
bre 1512. L’échevinage, considérant que parmi eux se trouvaient alors les 
« plus nobles personnes de la ville, » accorda aux connétables, maîtres 
et généralité de cette compagnie, l'autorisation « de tenir une frairie, » 
en se conformant à certaines dispositions, qu’il se réservait de modifier au 
besoin et qui paraissent être la reproduction d’un règlement particulier, 
fait antérieurement par les compagnons eux-mêmes. Cette charte ne con- 
tient aucun privilége ou exemption; elle ne parle point non plus du service 
militaire; c'est donc ce qu’on appellerait, de nos jours, un règlement 
d'ordre intérieur; En voici les principaux points ! : 

« Le droit d’entrée est fixé à 16 patars, un demi setier de vin, une 
livre d’étain fin, plus un esterlin d’argent que perçoit le valet de la frairie. 
— Le compagnon qui se marie doit payer, le jour de ses noces , une dressée 
à son bon plaisir, honnêtement, selon sa qualité; en d’autres termes, il doit 
régaler ses confrères. — S'il vient à mourir, ses héritiers payent, pour le 
droit du linceul qu’on pose sur la bière, 20 patars, dont une partie sert 
à faire les frais d’une messe basse de requiem. — On ne peut sortir du 
corps que moyennant le payement de 20 patars. » 

« Chaque année, le jour S'-Georges (23 avril), les maîtres font célé- 
brer une messe dans l’ermitage de ce saint 2. — Le même jour, après 
avoir pris l'avis de la compagnie, ils choisissent quatre nouveaux maîtres 
pour gouverner la frairie pendant l’année suivante, et ils rendent leur 
compte. 

» Le deuxième dimanche de mai, les compagnons doivent tirer leur 
papegay et élire un connétable; le même jour, ils font célébrer une messe 
haute à diacre et sous-diacre, en l’église de S'-Jean-Baptiste, devant l’image 
de S'-Georges. » 

« Le compagnon qui devient roi de la frairie, paye 3 florins de 20 pa- 
tars pièce, ou davantage, s’il le veut; cette somme sert à couvrir les frais 
des deux soupers qui se font le jour de la trairie du deuxième dimanche 


1 Annexes, n° HI. 
? Cet ermitage, situé sur la montagne du château, fut démoli au XVIIe siècle et remplacé par 
le petit fort nommé la Cassotte. 


30 HISTOIRE 


de mai et le lendemain, — Ceux qui sont élus connétable ou maître payent 
chacun une livre d’étain fin. » 

« A partir du premier dimanche de mai et durant six quinzaines, les 
compagnons doivent aller, pendant quinze jours, au jardin de l'Étoile, 
s'exercer à tirer l’arbalète 1. Le roi de la quinzaine, c’est-à-dire le plus 
adroit, est tenu de payer, la première fois qu’il obtient ce titre, une livre 
d’étain fin et une jambe de pourceau salé. S'il est encore roi les années 
suivantes, il ne doit plus qu’une jambe de porc et ne paye pas son écot 
au souper. — Le prévôt de quinzaine, pour la première fois, paye un patar, 
et le garçon également un patar. » 

« L’étain fin dont il est fait mention ci-dessus, doit être converti en 
ustensiles de cuisine à l’usage de la frairie. » , 

« Lorsque la compagnie est appelée à prendre part à quelque trairie, 
les confrères s’assemblent, élisent ceux qui doivent s’y rendre, .et tous 
ensemble contribuent aux frais. — Ceux qui sont désignés pour assister 
à la grande procession de Notre-Dame (2 juillet), doivent s’y rendre armés 
et habillés convenablement, etc. » 

« Des amendes sont comminées contre les compagnons qui n’assistent 
pas aux messes, soupers et réunions du corps, aux noces des confrères, 
à la procession de Notre-Dame, aux exercices de la quinzaine, etc. » 

« Toutes les amendes et dettes doivent se payer dans l’année en mains 
des maîtres. En cas de refus, ces derniers peuvent requérir l'assistance 
de l’échevinage, et celui-ci leur baille un sergent qui, conjointement avec 
le valet de la frairie, va panner et exécuter les défaillants. Si un débiteur 
injurie les maîtres , le sergent ou le valet, il encourt une amende de douze 
patars, qui se partage, par tiers, entre le souverain, la ville et le serment. » 

Le 25 novembre 1515, l’archiduc Charles fut inauguré comte de Namur. 
La compagnie de l'Étoile qui, la veille, avait escorté la députation chargée 
de recevoir le souverain à la limite de la commune ?, profita sans doute 


1 C'est du moins ainsi que j'interprète le texte (voy. Annexe IIT). Je suppose que les compagnons 
se partageaient en six bandes et que chacune de ces bandes s’exerçait pendant quinze jours consé- 
eutifs. (Comp. avec une note de l'analyse de la charte des Æscrimeurs.) 

2? Plaids du château de Namur, reg. de 1514 à 1526, fol. 126, aux archives de l'État. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 51 


de sa présence dans nos murs pour demander la ratification de la charte 
qu’elle venait d'obtenir du magistrat, et l'affranchissement du jardin où elle 
s’exerçait. En effet, l’archiduc, prenant égard à ce que cette confrérie, 
composée « de la plus part des gens de bien, » était établie pour la sûreté 
et la défense de la ville, accorda ce qu’on lui demandait, par des lettres 
patentes du 6 décembre 1515. Il y statuait, notamment, que si, durant les 
exercices qui se faisaient au jardin de l'Étoile , une personne était blessée 
ou tuée par quelque carreau d’arbalète , l'auteur ne serait point poursuivi 
et n'encourrait aucune espèce de peine ou d'amende, pourvu qu'il fût 
bien prouvé que le malheur était advenu nonobstant toutes les précautions 
accoutumées en semblable cas !. 

Très-florissante dans les commencements du règne de Charles-Quint, 
la compagnie de l'Étoile s’affaiblit bientôt par suite des guerres qui dé- 
solèrent notre pays vers le milieu du XVI: siècle. Elle menaçait même de 
s'éteindre tout à fait, lorsque Philippe II lui accorda une confirmation 
qui porte la date du 8 avril 1562. 

Cette nouvelle confirmation ne fait guère qu’élever les droits d'entrée 
et de sortie, ainsi que les amendes et autres mises de fonds. Le seul 
changement apporté à l'organisation de la confrérie consiste en ceci : 
au lieu de choisir, comme autrefois, quatre nouveaux maîtres à la 
S'-Georges, on n’en élira plus que deux, lesquels, conjointement avec les 
deux anciens, gouverneront pendant l’année suivante ?. 

Le serment de l'Étoile, ne jouissant d'aucune exemption, n'eut jamais 
à lutter contre le magistrat. Il s’éteignit de lui-même, malgré la confir- 
mation de 162, et sans qu’on puisse préciser l’époque de cette extinc- 
tion. 


‘ Annexes, n° HI. 
* Annexes, n° III. 


52 HISTOIRE 


2 


GRAND SERMENT DES ARCHERS. 


On lit dans Gramaye : Lectior autem pars civium (Namurcensium) nomina dare 
solet aut collegio sagittariorum per Guidonem comitem instituto , anno 1266 1... 
Par sagittarü , le vieux annaliste entend parler seulement des arbalétriers. 
Galliot, qui n’a pas recouru aux sources manuscrites , traduit ce mot par 
arbalétriers et archers. Sous le rapport grammatical, sa traduction est bonne; 
elle ne l’est pas au point de vue historique ?. La faute en est à Gramaye, 
qui a eu la malencontreuse idée d'écrire en latin une histoire moderne. 
Comment, par exemple, reconnaître les escrimeurs dans ses gladiatores et 
les arquebusiers dans ses bombardarü ou rheti (reitres?), si l’on ne sait 
déjà que de semblables compagnies existaient autrefois à Namur ? 

C’est cependant sur ce seul passage que Galliot s'appuie pour avancer, 
ce que d’autres ont répété après lui, que le grand serment des archers 
avait été établi par Guy de Dampierre en 1276. Comme on va le ste 
cette création ne remonte pas au delà de l’année 1418. 

Il y a, du reste, dans l’histoire de toutes ces anciennes gildes , un fait 
qui me paraît bien constaté : c’est qu’elles s’organisèrent presque toujours 
d’une manière insensible. Tout bourgeois était soldat, appelé, par consé- 
quent, à repousser un assaut du haut des murailles de la cité ou à com- 
battre en rase campagne des chevaliers bardés de fer. Il y allait donc de 
sa propre conservation de s'exercer au maniement des armes. Pour ces 
exercices, on se réunissait; ces réunions donnaient naturellement nais- 
sance à de petites sociétés particulières; la plus puissante en absorbait 


1 Gramaye, Ant. urbis Nam., cap. XIX. Il est à remarquer que toutes les éditions de cet ouvrage 
portent 1266 et non 1276, comme disent Galliot et ceux qui l'ont suivi. 

2? L'auteur de l'Essai de l'histoire de Namur par un Namurois , manuscrit de 4740, qui, pour 
la partie ancienne, suit constamment Gramaye, a été aussi induit en erreur par le mot sagiüttari ; 
il le traduit par archers. 1] me paraît certain que Galliot n’a eu connaissance d'aucune charte de 
serment. Quant à Cronendael, il ne parle pas du serment de l'arc, mais seulement, et en passant, 
de celui de l’arbalète. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 35 


d’autres, et lorsqu'elle se sentait assez nombreuse, elle sollicitait du sou- 
verain la faveur de former un corps privilégié. 

Or l'arc, vieille arme s’il en fût jamais, avait reçu un nouveau lustre 
dans ces derniers temps. N’avait-on pas vu, dans le milieu du XIV: siècle, 
les archers anglais rendre les plus éminents services aux journées de 
Crécy et de Poitiers? Leur renommée, répandue au loin, eut sans doute 
quelque influence sur l'établissement des gildes de l'arc dans plusieurs 
communes de notre pays !. Et qui sait si le résultat de la bataille d’Azin- 
court (1415), où les archers anglais venaient d’abattre de nouveau la fleur 
de la chevalerie française, ne doit pas être compté pour quelque chose 
dans la détermination que prirent les archers de Namur, jusqu'alors épars, 
de se réunir et de s'organiser en frairie? En effet, trois ans après cette 
célèbre journée, le comte Jean IIT leur accorda la faculté de former, à 
l'avenir , une connétablie semblable à celles qui existaient déjà dans d’autres 
villes de la Belgique. Voici une analyse des principales dispositions de 
cette charte, qui porte la date du 15 août 1418 ? : 

« Les confrères élisent annuellement un connétable, qui est chargé de 
la police de la compagnie : il apaise les contestations et les querelles sur- 
venues entre les archers, à l'exception toutefois des cas de violence. Lors- 
qu'un confrère refuse d’obéir à la sentence portée par le connétable, ou 
de payer les amendes auxquelles il a été condamné , le mayeur de Namur, 
à la requête du connétable, doit envoyer un sergent à l'effet de saisir la 
personne ou les biens du délinquant. Le connétable et les compagnons 
choisissent, de commun accord, un valet, qui convoque les archers pour 
les noces, les enterrements et les autres réunions du corps. 

» Le nombre des confrères est fixé à soixante ; tous doivent être bour- 
geois, notables, de bonne renommée, bien armés et équipés. Ils ne sont 
admis dans le serment que du consentement mutuel de l’échevinage et de 
leur connétable, Celui d’entre eux qui se marie paye 2 vieux gros pour le 


‘ Dans son Histoire de l'organisation militaire, p. 94, M. Guillaume attribue à la supériorité 
que les Anglais avaient acquise dans l'emploi de l'arc, l'adoption presque exclusive de cette arme 
par les combattants à pied des armées des dues de Bourgogne. 

? Annexes, n° IV. 


Tome XXIV. ÿ 


34 HISTOIRE 


vin de ses noces. Si un de ses enfants meurt avant l’âge de sept ans, il 
doit également 2 vieux gros pour le droit du linceul; on ne paye rien pour 
ceux qui ont dépassé cet âge. 

Le 1% mai, les compagnons s’assemblent , armés et équipés , et vont 
tirer le papegay. Chaque fois qu’ils en sont requis par le souverain ou 
l’échevinage, ils doivent aller en campagne pour le service du comte ou 
celui de la ville. Ils sont également tenus de garder les portes de la cité 
et les autres endroits dont on leur confie la défense. Un archer recoit, 
pour un jour et une nuit de service semblable, un vieux gros; lorsqu'il 
sert, sa femme et sa maison ne sont point astreintes au waitage !. Toute- 
fois, dans les occasions où les milices bourgeoises sont également en 
campagne, ou concourent à la garde de la ville, les archers, pas plus pa 
les autres bourgeois , ne reçoivent de solde. 

» Les diverses amendes comminées par la charte appartiennent, sui- 
vant Le cas, soit, par moitié, au comte et à la commune, soit à cette der- 
nière seule. 

» En retour de ces obligations, les confrères de l’arc jouissent des 
mêmes exemptions et prérogatives que les monnayeurs et les arbalétriers. 
Ils sont exemptés du payement du droit de bourgeoisie, moyennant une 
redevance annuelle de 2 deniers lovignis. Chacun d’eux peut, sans être 
soumis au droit de peisnage, faire hiverner, chaque année, deux porcs dans 
la forêt de Marlagne, pour les besoins de son ménage. Enfin, chaque année, 
la compagnie reçoit du comte un subside de 10 florins ?/3 mailles de 
Hollande, pour subvenir à ses frais d'équipement et à ses autres néces- 
sités; elle reçoit également de la ville une somme de 4 florins, pour 
couvrir les frais de la fête du 1° mai. » 

Si maintenant nous recourons aux documents des XVe et XVI: siècles, 
nous pourrons nous convaincre que les clauses de la charte de 1418 
furent fidèlement exécutées. On voit, par les registres aux transports, que 
ceux qui désiraient faire partie du serment, devaient préalablement être 


1 Waitage s'entend également du guet et de l'impôt qui se prélevait par foyer pour les frais de 
garde. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 35 


reçus bourgeois par l’échevinage, et que seulement alors, ce dernier les 
admettait au nombre des compagnons de l'arc 1, De même, le comte et 
la commune, qui voyaient dans ce serment un corps utile à leur défense 
et une pépinière de soldats exercés, continuèrent de lui allouer les sub- 
sides annuels promis par l'acte dont je viens de donner le résumé ?. 

Quand on parle serments, on doit s'attendre aussi à parler fêtes; car 
c'était là un stimulant des plus nécessaires. J'ai dit les trairies des arbalé- 
triers; nous allons voir que les archers avaient également les leurs. 

La plus ancienne fête à laquelle assistèrent nos compagnons fut très- 
probablement le grand concours qui eut lieu à Gand, en 1428; malheu- 
reusement je ne trouve aucun détail sur leurs exploits. Il est probable 
cependant, que, quoique formés d’assez fraîche date, ils firent honneur au 
nom namurois, puisque la commune, du gré et consentement du sou- 
verain et des bonnes gens de Namur, leur accorda un subside de vingt 
moutons 5. En 1450, le serment reçut également une invitation pour se 
rendre à une trairie d'arc qui devait avoir lieu dans la petite ville de Bé- 
thune. Je regrette que la longueur du programme de ce concours ne me 
permette pas de l’insérer ici en entier; je me contenterai donc d’en 
donner quelques extraits, car les détails qu’on y trouve sont applicables 
à toutes les fêtes du même genre. 

Voici d’abord le préambule de ce programme, qui est une invitation 
adressée aux archers de Namur, sous la date du 20 mars 1450 #. 

« À tous ceulx qui ces présentes verront ou orront, espécialment à 
» tous empereurs, roys, connestables, prévostz, doyens, jurés, provi- 
» seurs, disigniers, gouverneurs et honnorés seigneurs, hommes et 
» compaingnons dele confrairie de monseigneur saint Sébastien, fré- 


1 Transports de la haute cour de Namur , reg. de 41418 à 1425, fol. 70. 

? Compte de ville, 1420; 1498, fol. 20; 1476, fol. 43; 1515, fol. 85. — Compte de la mairie 
de Namur , de 1429, arch. du roy. 

5 Compte de 1451, fol. 46. 

+ Ce programme, comme beaucoup d’autres pièces fort curieuses, est inséré dans le Registre 
aux transports, de 4455 à 1456, fol. 138 vw°. Une partie de ce préambule est pour ainsi dire calquée 
sur le programme du concours d’arbalète, donné à Tournai, en 1394. Voy. Col. de doc. inédits 
concernant l'histoire de la Belgique, par M. Gachard, t. 1, p. 118. 


56 


HISTOIRE 


quentans le très-noble, plaisant, virtueux, droiturier et recommandé 
jeu de l'arc à main du grant serment; estans dedens touttes bonnes 
villes, chasteaulx et aultres lieux et places ou franchises previlégiés 
l'an l’en a accoustumé icelles confrairies, compaingnies et confraternité 
entretenir, nous roy, connestables , disigniers et tous les compaingnons 
confrères dele confrairie de monseigneur saint Sebastien estans en le 
ville de Béthune, humble recommandacion:en lieu de fraternelle dillec- 
tion premise, salut. Honnourables seigneurs, frères et amis, pour ce 
que nature enseingne humaine créature à amour en quoy sont toutte 
joye, solas et plaisance et que finablement le souverain bien, paix, 
transquillité et joye inextimable si est de tenir et souvent convenir con- 
frères et compaingnons par bonne amour ensamble, en considération 
desquelles choses, meismement pour le dessire que avons de faire 
chose qui soit à l’onneur de Dieu, de la glorieuse vierge Marie et de 
monseigneur saint Sébastien, et qui vous et nous puist tousiours en tel 
estat maintenir dont honneur et science puist ensievir et aussy esbaudir 
et réveillier en soulas et en lyesse les vrais amans habilles et renommés 
en l’art dudit très-noble, amoureux, déduisant, gracieux, plaisant et 
très-recommandable jeu et esbattement de l'arc à main, lÿ quelz puelt 
et doibt par raison estre dis et appellez roys sur tous autres jeulx, 
comme celui duquel tous seigneurs temporelz soient grans et moyen, 
dequel estat et condicion qu’ilz soient, sy poevent courtoisement oublier, 
comme auquel jeu ne doye avoir orgueil, envye ne hayne, presche, 
convoitise, ne autre tresche de péchié mortel, et pour iceluy porter 
honneur et révérence à nostre povoir, et adfin aussy, en eschievant 
huiseuse qui est mère de tous vices, puissons veir et oyr recorder les 
amoureux, plaisans et notables virtus et bonnes adventures qui à tous 
les fréquentans ledit noble jeu sont pluisseurs foys advenues et les- 
quelles, par record faire, doibvent souverainement inciter tous les vrais 
cuers des confrères et compaingnons dudit arc à main à icelui joyeuse- 
ment honnourer, nettement fréquenter et virtueusement soustenir, nous 
roy, connéstable, disegniers et confrères de ladite ville de Béthune 
dessusdite, soubz la grâce de Nostre Seigneur Jhésu-Chripst, par le 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 37 


» moyen et grâce de la bénoite vierge Marie, sa chire mère, et à l'ayde 
» de monseigneur saint Sébastien, et meismement par le noble plaisir, 
» sceu et accord de nostre très-grande et très-redoubtée damme, ma- 
» damme la contesse de Namur, danme de ladite ville de Béthune !, et 
» du conscentement de noble et puissant et nostre très-redoubté seingneur 
» monseigneur le gouverneur dudit Béthune et aussy de mess. de la loy 
» d'icelle ville, et par le commun accord de nous tous avons mis sups 
» et ordonné une joyeuse et adunable feste et trairie dudit arc à main 
» et icelle tenir donner certains pris et joyauls d'argent en la fourme et 
» manière que s'ensuit. » 

Passons maintenant aux détails du programme. 

D'abord le serment de Béthune fait connaître aux compagnies étran- 
gères que le concours aura lieu entre deux berceaux placés à 260 pieds 
l'un de l’autre ?, et il charge le porteur de cette invitation de leur remettre 
la mesure exacte du pied de Béthune. Celles d’entre elles qui voudront 
prendre part au concours devront être rendues à Béthune le samedi 
29° jour de mai, et se présenter à la compagnie d’archers de cette ville 
avant le coucher du soleil, afin qu’on puisse mettre par écrit les noms et 
surnoms des concurrents. Le lendemain, les serments s’assembleront, et 
le sort décidera l’ordre suivant lequel ils devront tirer. Le concours sera 
ensuite ouvert. Chaque compagnie ne pourra fournir plus de dix tireurs 
ni moins de huit; chacun d'eux tirera seize coups. Chaque jour « trairont 
» quatre lotz, est assavoir deux devant disner et deux après, excepté que 
» les jours du saint dimence et aussy les jours du lundy, qui est jour 
» de marchié de ladite ville, on ne traira que deux lotz. » Chaque com- 
pagnie ne pourra remporter qu'un seul prix « et ce par ung homme 
» ayant autant de mesures que ad ce servent et appartiennent, et se deb- 
» vera chacun homme tenir à quatre ses plus courtes mesures ét ses 
» autres jeter en voye s’il lui plaist. » £ 


1 Jeanne d'Abcoude, veuve de Jean HI, comte de Namur et seigneur de Béthune; elle mourut 
en 1455. 

? « Deux bersaux dele longueur de 52 destres, chacune destre de 5 piés de long », porte le 
programme, 


38 HISTOIRE 


Vient ensuite l’énumération des récompenses et des lots. 

Le premier compagnon qui gagnera quatre coups, gagnera aussi le 
vin, « c’est assavoir à chacun à homme trayant deux gros de Flandres de 
» toutes vires gaignant, sauf que nulles vires courans ne porront gaignier 
» ne pour vin ne pour pris. » On promet en outre : « à la compagnie la 
» plus nombreuse, et vêtue la plus honourablement et la plus archière- 
» ment !, » une tasse d'argent pesant un marc de Flandre, à bords 
dorés, émaillée et armoriée des armes de la ville de Béthune; — à la 
compagnie venant de plus loin, un faucon d’argent perché sur un bâton 
vert d'argent et pesant un marc; — à l’archer qui tirera, « francq dedens 
» l'anel ens ouquel sera le vraye broque pour chacun cop, » un anneau 
d'argent doré; — à celui qui fera la « plus belle lumière, » une tasse 
d'argent pesant six onces, dorée et armoriée, « moyennant que icelle 
» alumée ou lumière ne soit parée ne embelie senon de feu et lumière 
» honnourable; » —à ceux qui tireront les derniers, « deux broques de 
» mesures » pesant ensemble une once et demie, ainsi que les deux draps 
dont les berceaux sont couverts. 

Quant aux trois joyaux qui formaient les prix principaux, ils devaient 
être distribués de la manière suivante : « Quiconques de dehors dedens 
» XVI COpz traira quatre, les plus courtes mesurez au plus près de le 
» vraye broque assambléez en une, à icelui sera donné comme premier 
» joyau et souverain pris, deux pos d'argent pesans vin marcs armoyez 
» et dorés comme dessus. Item, à iceluy de dehors qui dedens ses xw 
»_ COpZ aura ensuivant quatre les plus courtes mesures , sera donné second 
» joyel et deuzime pris, deus autres pos d'argent pesans cinq marcs ar- 
» moyés et dorés comme dessus. Item, quiconques en ses xvi cops comme 
» dessus aura quatre les plus courtes mesures ensuivant à icelui sera 
». donné comme pour le tierch joyel et m° pris, deux autres pos d'argent 
» pesant trois marcs comme dessus. » 

Le serment de Béthune adressait, en finissant, un dernier et chaleureux 
appel à tous les confrères étrangers : « Si prions, disait-il, très-amiable- 


! Il faut avouer que la langue de nos pères était riche en adverbes. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 39 


» ment et à grant instance de vray et adunable cuer à toutes confrairies, 
» compaingnies ou confraternités de Saint-Sébastien, à qui ou auxquelx 
» ces présentes noz lettrez par cestui nostre message seront monstrées, 
» à chacun d'eulx, veu et considéré que droit amour, fraternité et faveur 
» nous fait et a esmeu ad ce faire qu’il leur plaise, en l’onneur de Dieu 
» de paradis, de la glorieuse vierge Marie et de monseigneur saint Sé- 
» bastien, et par droit amour dudit arc de venir et estre audit lieu de 
» Béthune audit jour, pour lotter et traire comme dit est. Et aveuc ce 
» vous prions et très-amiablement requérons que nostredit message vous 
» plaise bien délivrer adfin de parfurnir le charge par nous à lui baillié, 
» et que en approuvant qu'il ait bien fait son debvoir, mettre voz seaulx 
» telz qu'il vous plaira à ces présentes. » 

On ne pouvait raisonnablement résister à une invitation conçue en 
termes si pressants; aussi nos archers s’empressèrent-ils de s'y rendre. 
Malheureusement je ne trouve aucun détail sur la part qu’ils prirent à ce 
concours. Je vois seulement, par le compte de ville contemporain , que la 
commune de Namur accorda aux archers du grand serment la somme, 
assez forte pour l’époque, de soixante moutons, en allégeance des frais 
qu’ils avaient faits « en allant à Béthune traère à une joieuse feste de l'arc 
» à main !. » 

Un anonyme dont j'ai déjà invoqué le témoignage en parlant des arba- 
létriers, nous a également transmis le souvenir d’une fête célèbre dans 
les annales du serment de l'arc, et qui eut lieu en 1490. Comme je lai 
dit, notre jeune et gentil archiduc Philippe, qui, au dire de ce contempo- 
rain, mérita si bien le surnom de beau, se trouvait alors à Namur. Or on 
était au 1° mai, jour du tir annuel de la compagnie, et le jeune prince, 
bien qu’il n’eût pas encore accompli sa douzième année, voulut y prendre 
part. Il s’y rendit donc vêtu « d’une cuyras blanc avoec les ganteleits et 
» flencars et une manteline de drap d’or dessus, et estoit, ajoute le nar- 
» rateur, chose impossible de veoir plus biaux prince de son eage que 


{ Compte de 1451, fol. 46. 


40 HISTOIRE 


» luy, et fut la premier fois que jamais avoit monteit à cheval armeit de 
» cuirasse {, » . , 

Lorsque, en 1495, le même Philippe le Beau vint se faire inaugurer à 
Namur, les archers figurèrent dans le cortége, avec les compagnons des 
autres serments, vêtus, comme eux, de robes et de paletots aux couleurs 
de l’archiduc ; puis, ils accompagnèrent ce dernier à Bouvignes ?. 

Voyons maintenant les services que les archers rendaient à la chose 
publique, soit en faisant le guet dans l’intérieur de la commune, soit en 
suivant le souverain dans ses expéditions au dehors. 

Il est un fait qui résulte clairement de l'examen des comptes commu- 
naux, c'est que les confrères de l'arc formaient, comme les arbalétriers , 
une compagnie d'élite à laquelle on avait recours dans les oceasions cri- 
tiques. J’en citerai quelques exemples. Durant la fête de Herbatte, en 1424, 
le souverain-bailli du comté se trouvant alors dans la prévôté de Poil- 
vache, et l’échevinage redoutant une attaque de l'ennemi, les archers fu- 
rent chargés de faire le guet, jour et nuit; pour ce service, qui dura une 
semaine, chacun d’eux reçut une solde de quatre heaumes par jour 5: Aux 
mois de septembre et d'octobre 1476, le magistrat, craignant que les gens 
de guerre dont la ville était en ce moment encombrée , n’en vinssent à des 
querelles et à des voies de fait, préposa les archers du grand serment au 
maintien de l’ordre; ceux-ci demeurèrent de nouveau sous les armes nuit 
et jour, et chacun d’eux reçut une solde quotidienne de dix heaumes #. 
En 1488, lors des troubles qui éclatèrent à Namur pendant la minorité 
de Philippe le Beau, on voit douze archers payés, chacun à raison de 3 sols 


1 Jugements de la haulte cour du Feix, MS. cité, fol. 100. 

2 Reg. aux plaids du château de Namur , de 1486 à 1514.— Compte de 1495. 

5 « Aux compaignons archiers qui ont voiliet de nuit et de jour, en le fieste Herbate quant le 
» baïlliu fu en le provosté de Poillevace, et que on disoit que lez anemis estoyent sur le pays, 
pour l'espasse de 8 jours, au pris de 4 heaumes le jour chacun. » (Compte de 1424, fol. 30 v°.) 
4 « Aux devant dis archiers du grant serment, lesquelz ont vacquié.et séjourné armez et abas- 
» tonnez par pluiseurs journées et nuities pour résister aux inconvéniens, noises et débat que l'en 
» doubtoit qui ne se fesissent par les gens de guerre qui ont passé par ceste dicte ville et conté de 
» Namur, ou mois de septembre et ou mois d'octobre derrain passé... à cascun desdis archiers 10 
» heaumes par jour... » (Compte de 1476, fol. 68.) 


3 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. H 


par jour, pour avoir été au service de la ville sous le commandement du 
mayeur. La même année, ils servirent d’escorte à ce dernier, lorsqu'il se 
rendit aux états assemblés à Fleurus; mais il est à remarquer que, dans 
cette circonstance, la commune ne leur alloua qu’une indemnité pour 
subvenir à leurs dépenses !. Enfin, la dernière occasion où je les vois ap- 
paraître pour des services de cette nature, se rapporte à l’année 1519. 
La peste régnait alors à Namur, et les vagabonds, profitant du trouble et 
de la terreur que causaient les ravages de la maladie, se livraient ouver- 
tement au vol et au meurtre. L’échevinage s’avisa alors de charger les 
deux grands serments du maintien de la police. Chaque nuit trois archers 
et trois arbalétriers faisaient le guet à l'hôtel de ville et parcouraient 
tour à tour les rues de la cité; ce service dura treize semaines, et la solde 
de chaque compagnon fut de deux patards par nuit ?. 

La mémoire de ces faits ne nous a été transmise que par quelques arti- 
cles des comptes de ville; mais combien d’autres services du même genre, 
dont on n’a gardé aucune souvenance, furent rendus par les archers? 
Comme on le voit, il n’y avait pas que des fêtes dans la vie des confrères 
de l’arc. Et cependant, qu'était-ce que le service dans l’intérieur de la 
commune, auprès de ces expéditions lointaines, dans lesquelles nos com- 
pagnons militaires allaient répandre leur sang pour le bon plaisir du sou- 
verain ? 

On possède peu de renseignements sur la part que les archers prirent 
à ces expéditions, et notamment aux guerres désastreuses qui signalèrent 
les dernières années du règne de Charles le Téméraire. Sur ce point en- 
core, les comptes de ville fournissent quelques données d'autant plus pré- 
cieuses qu'on les chercherait vainement ailleurs. 

En parlant des arbalétriers du grand serment, j'ai dit qu'en 1475, les 
compagnies militaires et les milices de Namur, commandées par le mayeur, 
avaient accompagné le duc de Bourgogne dans sa prise de possession de 
la Gueldre. Le nombre des archers qui prirent part à cette campagne 


1 Compte de 1488, fol. 1467, 157 vw. 
? Compte de 1519, fol. 145. Voyezla note au chapitre des Arbalétriers du grand serment. 


Towe XXIV. 6 


42 HISTOIRE 


n’est pas indiqué dans le compte communal; mais, si l’on en juge par la 
quantité de drap fournie pour l'habillement des compagnons des serments 
d’arbalétriers et d’archers, ceux-ci devaient être environ quarante. Leurs 
vêtements consistaient en hoquetons et jaquettes rouges et noirs, sur les- 
quels étaient appliquées les croix de S'-André. Ils furent conduits à leur 
destination en bateau, bien que leur charte ne leur conférât pas ce privi- 
lége. Ils ne reçurent point de solde proprement dite, puisque les autres 
milices bourgeoises marchaient avec eux; mais, par exception, la ville 
leur fournit une partie de leurs vêtements 1. On connaît l'issue de cette 
courte expédition, où Charles le Téméraire rencontra peu de résistance. 
La ville de Nimègue soutint seule un siége de trois semaines ; l’épisode le 
plus marquant de ce siége fut la mort glorieuse de 600 archers anglais 
auxiliaires, qui périrent dans un assaut ?. Qui nous dit que nos archers 
ne partagèrent pas cette funeste gloire? 

Deux ans après, grâce aux instances du gouverneur d’Humbercourt, 
ils furent dispensés, comme les arbalétriers, de prendre part au siége 
de Nuys 5. 

Enfin, en 1476, ils partirent pour Zutphen, au nombre de vingt, et la 
commune, par exception, accorda à chaque archer un florin du Rhin, 
ainsi qu’une somme de huit florins à toute la compagnie, pour renouveler 
ses hoquetons. À cet égard, je renvoie à ce que j'ai dit plus haut en par- 
lant des grands arbalétriers # Je me contenterai de faire remarquer que, 
dans toutes ces expéditions, et bien que leur serment ne se composät que 


1 Voyez les notes au chapitre des arbalétriers. — «.. Pour autres vingt et 5 alnes de drap rouge 
» et 25 alnes de drap brunette, audit pris de 8 aidans l'alne, délivrées et données aux archiers du 
» grant serment de ladite ville de Namur, allans en grant nombre au service de mondit seigneur 
» le duc aux lieux dessusdis. » (Compte de 4473, fol. 55 w°.) — « Au navyeur desdis archiers de 
» Namur, qui mena en son ponthon iceulx archiers.., pour sa voiture et pour aller audit 
» service, 6 flour. de Rin. » ({dem, fol. 56.) 

? Barante, 1. VII, p. 95. 

5 Voyez ci-dessus au chapitre des Grands arbalétriers. 

4 « Aux archiers de Namur, jusques au nombre de vingt, qui fu délivré et donné par l'ordon- 
» nance de mondit seigneur de Humbercourt, pour aller en ensievant son commandement oudit 
voiaige à cascun ung tel flourin de Rin et 8 flour. de Rin pour leursdis hocquetons..., 112 mou- 
» tons. » (Compte de 1476, fol. 66 v°.) — Voyez aussi les notes au chapitre des Arbalétriers. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 45 


de soixante compagnons, les archers sont toujours en plus grand nombre 
que leurs confrères de l’arbalète. Ce fait, que M. Guillaume a aussi signalé 
à propos de revues d'armée au XV° siècle, provient sans doute de ce que 
l'arc, quoique portant moins loin et frappant moins juste que l’arbalète, 
était employé plus utilement en campagne . 

Je n'ai pu découvrir l'endroit où se faisaient les exercices du grand ser- 
ment des archers; mais comme les arquebusiers qui leur succédèrent 
avaient, au XVII: siècle, leur jardin à l'entrée du pont Chevolet, près de 
la porte Saineau, il est possible que c'était là aussi l'emplacement destiné 
au « très-noble, amoureux, déduisant, gracieux, plaisant et très-recom- 
» mandable jeu et esbattement de l'arc à main. » 

En 1551, les archers furent convertis, sur leur demande, en une com- 
pagnie de 100 arquebusiers. 


V. 


ARCHERS DU PETIT SERMENT. 


De même que des compagnies non privilégiées s'étaient établies à 
l'instar des grands arbalétriers, il se forma une petite confrérie d’archers 
à côté du grand serment de l'arc. 

En 1454, Jehan de Marche, au nom des compagnons du serment des 
petits archers, acquit de la ville de Namur, en accense héritable, la 
ruelle des Wendes, laquelle avait issue, d’un côté, dans la rue du Puits- 
Conette et, de l’autre côté, dans la rue S'-Aubain. Les comptes commu- 


1 Voy. AHist. de l'organisation militaire, par M. Guillaume, p. 94 et 95. « L’arbalète était, 
» dit-il, sous plusieurs rapports, une arme bien inférieure à l'arc; d’un mécanisme compliqué... 
» elle était longue à bander et facilement hors d'usage. Les carreaux qu'elle lançait étaient plus 
lourds que les flèches ordinaires, et d’un transport plus difficile; enfin, on ne pouvait se servir 
de l'arbalète en rangs serrés, parce qu'elle devait toujours être tenue dans le sens horizontal, 
tandis que l'arc, outre sa simplicité, ne présentait aucun de ces inconvénients. » 


/ 


44 HISTOIRE 


naux de cette époque mentionnent le payement du cens annuel, qui était 
de trois florins d’or !. 

Tels sont les seuls renseignements que je rencontre sur ces petits 
archers; ils eurent sans doute une assez courte existence. Cependant le 
compte de ville de 1493 m’apprend que six lots de vin furent présentés 
cette année « au roy des archiers de la bonne ville de Treit (Maestricht), 
» qui vinrent en ceste ville de Namur avec les archiers du grant serment 
» dudit Namur et avec ceulx de la compagnie du S'-Esperit 2. » On peut, 
semble-t-il, inférer de ce texte que cette compagnie du S'-Esprit était un 
serment d'archers. Peut-être désignait-on de cette manière notre petit ser- 
ment de l'arc. 


TE 


COULEUVRINIERS. 


La couleuvrine était une pièce d'artillerie assez longue et d’un petit 
calibre. À Namur, à partir de la seconde moitié du XV: siècle, on donna 
surtout ce nom aux premiers canons portatifs que les comptes de ville de 
cette époque appellent indifféremment culeverynes, culleuvrines à queue de 
bois, hacquebus et plus tard arquebuses 5. De là vient la dénomination de cou- 
leuvriniers appliquée à une milice du XV: siècle, qui était armée de ces 
canons à main #. C'était ce qu’on appela d’abord chez nous les cule- 
benners, culbrenniers, culvriniers ou culevreniers, plus tard les hacquebuttiers, 
et enfin les arquebusiers. 


1 Transports, reg. de 1455 à 1456, fol. 313.— Compte de 1455, fol. 8 v°. 

2 Compte de 1493. 

5 Voy.les Comptes de ville de la fin du XV° siècle. Je me contenterai de citer quelques extraits 
des fol. 124 à 126 du compte de 1475 : « … Pour une couleuvrine de fer à queue de bos. 7 aidans; 
» qui valent un mouton 6 heaumes. » — Achetté 6 bastons que l'on dist hacquebus ou culleu- 
» vrines.. au pris le 26 aidans le pièce — « pour trois aultres culleuvrines moyennes que l'on 
» dist hacquebus.... le pris de 26 aidans le pièce, qui vallent 15 moutons 9 heaumes. » 

+ Roquefort. — Guillaume, Mém. cité, p. 95. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 45 


Les serments de couleuvriniers pourraient fort bien remonter à la 
première moitié du XV: siècle. Je lis en effet, au compte communal de 
1452, que, cette année, la commune de Namur fit présent de huit lots de 
vin de Beaune « à aulcuns compagnons culebenners de la ville de Va- 
» lenciennes qui s’esbatirent à Namur 1. » Évidemment il ne peut être 
ici question d’une compagnie de bombardiers ou canonniers, comme il en 
existait dans quelques villes ?; mais bien de véritables arquebusiers venus 
de Valenciennes à Namur pour déployer leur adresse dans quelque trairie. 
Il ne serait donc pas impossible qu’il y eût dès lors, dans notre ville, 
une confrérie du même genre, bien que je n’en trouve de trace qu'un 
demi-siècle plus tard; mais comme, à cette dernière époque, on les voit 
entièrement organisés, il faut bien admettre qu’ils existaient déjà depuis 
quelques années 5. 

A partir de 1508 jusqu'en 1519, l’échevinage accorda chaque année 
un subside à la compagnie des couleuvriniers, pour l’aider à faire sa fête 
annuelle et pour l’indemniser des frais qu’elle supportait , en l'honneur de 
la ville, lors de la grande dédicace du 2 juillet #. En 1509, il lui alloua 
une somme de 6 florins destinée à l’achat d’un étendard 5. Vers la même 
époque, il concédait aux compagnons la jouissance d’un terrain vague 
qui se trouvait à côté de la porte Saineau. C'était là qu’avaient lieu leur 
trairie et leurs esbattements 5. 

Bien que le compte de la grande trairie de 1510, dont j'ai parlé plus 


! Compte de 1452, fol. 50. 

? Notamment à Mons, où ils avaient été établis en 1417. Guillaume, Mém. cité, p. 47. 

3 Je dois faire remarquer que je n'ai examiné que d’une manière assez superficielle les comptes 
de ville de 1489 à 1508 ; il est donc possible qu'il s'y trouve quelque mention des couleuvriniers. 

# « Aux culvriniers qu'il leur a esté ordonné par Mess., pour avoir esté à la veille et faire leur 
» feste. 10 moutons. (Compte de 1508, fol. 143.) Voy. aussi les Comptes de 1517, fol. 206; 
1519, fol. 139 vw°. 

5 « Qui a esté ordonné par mesdits seigneurs ausdis esleux paier aux culvriniers de ceste ville 
» six florins, et ce pour faire ung ghidon.. 24 moutons. » (Compte de 1309, fol. 121.) 

% « Soit mémoire d'une fourière que soloit tenir Jehan du Monceau..., joindant à le porte Sai- 
» neal, tirant jusques à le premire tour des murailles devers S'-Aubain, a esté rendue par l'or- 
» donnance de Mess. et par souffrance aux culvriniers, sans riens rendre, pour faire leur trairie et 
» esbatement. » (Compte de 1508, fol. 47 v°.) Voy. aussi les Comptes de 1309, fol. 17, et 1510, 
fol. 45 v°. 


46 HISTOIRE 


haut, ne parle point de nos couleuvriniers ou arquebusiers, il est fort 
probable qu'ils y prirent une certaine part. 

Après 1519, je ne trouve plus aucune mention des couleuvriniers. Je 
serais assez tenté de croire que lorsque la compagnie des 60 archers fut 
convertie en un serment de 100 arquebusiers, on y incorpora les couleu- 
vriniers pour parfaire le nombre de compagnons déterminé par la charte ; 
cette hypothèse s'étaye aussi de cette circonstance que les couleuvriniers 
possédaient, pour faire leurs exercices, un jardin que, plus tard, nous 
trouvons occupé par les arquebusiers. 


VIL. 


GRAND SERMENT DES ARQUEBUSIERS. 


L'introduction de l'artillerie sur les champs de bataille avait diminué 
l'importance des armes anciennes; l'invention de la couleuvrine à queue 
de bois, ou arquebuse, porta le dernier coup à Parc et à l’arbalète. 

C’est ce que comprirent fort bien nos archers. De concert avec l’éche- 
vinage , ils demandèrent à Charles-Quint d’être convertis en un corps 
d’arquebusiers, alléguant, pour motif de cette transformation, qu’une com- 
pagnie semblable serait employée, bien plus utilement que des archers, à 
la défense de la ville et du comté de Namur !. 

Par son diplôme du 2 octobre 1531, l'Empereur, accédant à cette de- 
mande, transforma les archers en un serment de 100 arquebusiers , y 
compris le connétable et les trois maîtres. J’analyserai rapidement ce 
diplôme. 

Après avoir confirmé la charte du 15 août 1418, et ratifié en faveur 
des arquebusiers les priviléges et exemptions autrefois accordés à la 
grande gilde de l’arc, il statue les points suivants : 

« Nul ne peut faire partie du serment, ni en sortir, que du consen- 


1 Annexes, n° V. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 47 


tement de l'échevinage de Namur, du connétable et des trois maîtres. 

» Tout compagnon doit posséder une arquebuse avec ses ustensiles ; 
s’il meurt, ces objets appartiennent à la compagnie. — Les droits de noce 
et de linceul pour les enfants ainsi que les diverses amendes, sont aug- 
mentés. — Tous les compagnons doivent assister en armes à la proces- 
sion du S'-Sacrement. 

» Le connétable est le supérieur de la compagnie ; il remplit les fonc- 
tions de contrôleur, et les joyaux du serment sont confiés à sa garde. Le 
reste de l'administration appartient aux trois maîtres. 

» Le jardin dans lequel se font les exercices est franc : ainsi, s’il arrive 
qu'un confrère, s’exerçant aux heures indiquées et après avoir pris toutes 
les précautions requises, blesse ou tue quelqu'un, il n’encourt aucune 
peine et n’est tenu à aucune réparation, pourvu qu’il soit suffisamment 
prouvé que le fait est arrivé par mésaventure. 

» Les arquebusiers qui, dans une querelle, déchargent leurs armes les 
uns contre les autres , sont bannis de la confrérie à perpétuité. 

» L’échevinage alloue annuellement à la compagnie 12 livres de 40 gros 
{monnaie de Flandre); plus, à chaque confrère, 1 livre de poudre et 
2 livres de plomb. 

» Les arquebusiers doivent servir le souverain en ses guerres et armées 
et ailleurs, là et ainsy que bon lui semblera, le tout aux conditions reprises 
dans la charte des archers. À cette fin, ils sont tenus de prêter le serment 
accoutumé en mains de l’échevinage 1, » 

La commune acquitta loyalement les subsides que les chartes de 1418 
et de 1551 avaient mis à sa charge; souvent même il y eut, de sa part, 
une bienveillance extraordinaire qui prenait probablement sa source dans 
les services réels que pouvait rendre, aux XVI: et XVII: siècles, un corps 
d’arquebusiers. Il est bon de faire observer d’ailleurs que ce n’était pas 
l'institution des serments en elle-même qui déplaisait à l’échevinage . 
mais seulement leurs priviléges qui tournaient au préjudice de ses autres 
administrés. Aussi, à part la question des exemptions, il n’était rien moins 


{ Annexes, n° V. 


48 HISTOIRE 


qu'hostile aux confréries militaires. On peut s’en convaincre par l’exa- 
men des comptes communaux. Je prends au hasard celui de 1571, et j'y 
trouve une somme de 5 livres 6 sols, payée aux arquebusiers du grand 
serment , en allégeance des frais de leur fête qui se célèbre le 4° mai; 
une autre somme de 7 livres pour les récompenser d’avoir assisté en 
armes , avec les autres compagnies, à la procession de Notre-Dame; enfin, 
20 livres dépensées en achat de la poudre et du plomb qu’on leur devait 
chaque année pour tirer le papegai, le 1% mai !. Ces dépenses, loin de 
diminuer, augmentèrent même dans les premières années du siècle sui- 
vant; car, à cette époque, la somme totale payée à ces divers titres aux 
confrères de l’arquebuse montait ordinairement à 41 livres 4 sols ?. 

Le compte communal de 1624, qui me fournit ce dernier renseigne- 
ment, ainsi que d’autres documents de l’époque, mentionnent la tour des 
Arquebusiers, laquelle faisait corps avec cette partie de l'enceinte urbaine 
qui longeait la rue de la Marcelle. On y voit que le lieu de réunion du 
serment se trouvait à côté de la porte Saineau et joignait au pont Chevolet; 
il occupait, par conséquent, un espace de terrain compris entre les Qua- 
tre-Coins actuels et l’entrée de la rue de la Marcelle, et il s’étendait jus- 
qu’à la première tour de l'enceinte du côté vers S'-Aubain 5. 

Aux libéralités du magistrat que je viens de signaler, s’en joignait, au 
XVII: siècle, une autre non moins agréable de tout temps à nos compa- 
gnons des serments. C’était l’exemption de toute gabelle sur 20 à 25 ton- 
nes de bière consommées dans leurs exercices et qui fut remplacée, vers 


1 « Aux compaignons harquebouziers du grand serment de la ville de Namur . . . accordé an- 
» nuellement en alligeances de leurs frais qui se font le 1° demay . . . 64 sols. » (Compte de 1571, 
fol. 64.) — « Aux harquebouziers de ceste ville de Namur, qui deu est chacun an pour thirer leur 
» papeghaie le 4 de may, estant en nombre de cent, à chacun une libre de fine pouldre et deux 
» libres de plombs, leur a esté paié ceste année en argent . . . vingt libvres. » (Idem, fol. 74.) — 
« À la compaignie des harquebuziers de ceste ville, pour avoir le jour et le lendemain de la 
» N.-D. . . esté en armes avecq les aultres compagnies à ladite procession . . . 7 livres. » (Idem, 
fol. 97 w°.) 

2 Compte de 1624, fol. 90 et 132. 

5 Compte de 1624, fol. 18 et 26. Le compte de A571, fol. 74, mentionne une somme payée à 
des ouvriers « aïant ouvrez sur le thoïd du jeu des harquebousiers; » il s’agit probablement du même 
local, dont l'entretien incombait, paraît-il, à la ville, du moins en partie. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 49 


la fin du même siècle, par le don d’une vingtaine de florins !. Parfois aussi, 
notamment en 1641 , on voit le magistrat accorder une semblable exemp- 
tion, pour seize tonnes de bière, en faveur du compagnon qui, par son 
adresse, avait obtenu le titre de roi du serment ?. Pour en finir avec ces 
détails, je dirai, qu’en 1644, un certain Maurice Evrard prèta serment 
en mains de l’échevinage, comme sergent de la compagnie et serment des 
arquebusiers %; ce titre correspondait sans doute alors à celui de conné- 
table. 

Mais si le magistrat se montrait bienveillant sous ce rapport, il y avait 
un point sur lequel il n’entendait pas raison : c'était l’exemption de tailles 
accordée autrefois aux arquebusiers, de même qu’à leurs prédécesseurs. 
La guerre sourde qu’il avait déclarée aux serments, continuait toujours. 
Maintes fois on l'avait vu, profitant des malheurs du temps, forcer les 
compagnons au payement de la taille ordinaire. Ces derniers réclamaient ; 
parfois le souverain, s’en tenant à la lettre des priviléges, leur donnait 
raison. Mais le magistrat qui voyait en eux trois cents bourgeois privilé- 
giés au détriment des autres, et n’en recevait aucun secours, ne tardait 
pas à recommencer de plus belle. De là, une lutte incessante qui devait 
tôt ou tard aboutir à l'extinction des compagnies militaires, maisnon sans 
que celles-ci ne fissent des efforts désespérés et souvent heureux en résul- 
tats. 

On était au mois de mai 1712. Maximilien-Emmanuel, électeur de Ba- 
vière, venait d’être inauguré comte de Namur, et il avait établi dans notre 
ville son gouvernement, c’est-à-dire ses conseils d’État et de finances, sa 
chancellerie, son hôtel des monnaies, etc. Bref, de simple chef-lieu de 
province, Namur était devenu , tout à coup, siége d’une cour souveraine. 
Maximilien-Emmanuel, très-amateur de fêtes, y menait grand train, ce 
qui le rendait cher aux commerçants; c'était d’ailleurs un prince assez 
populaire et qui ne dédaignait pas, comme on l’a vu, de se mêler aux jeux 


1 Résolutions du magistrat, 1. 1, fol. 4 (année 1611) et passim ; t. U, fol. 97; t. VI, fol. 191; 
t. VII, fol. 21 ve. 

2 Résolutions, t. 1, fol. 71 v°, 

3 Résolutions, t. 1, fol. 81. 


Tower XXIV. 7 


50 HISTOIRE 


des serments. Les arquebusiers , fatigués des vexations du magistrat, ju- 
gèrent que le moment était propice pour y mettre fin. Ils se hâtèrent 
d'adresser une requête par laquelle ils informaient le prince que le mayeur 
et les échevins ne cessaient de les troubler dans la jouissance de leurs 
priviléges. Ils le priaient, en conséquence, de renouveler leurs chartes et 
d'en ordonner la stricte observation au magistrat. La requête eut un plein 
succès; par son décret du 2 juin 1712, Maximilien-Emmanuel confirma 
les statuts accordés par Jean IIT et Charles-Quint, et déclara que les ar- 
quebusiers jouiraient de leurs anciennes prérogatives, sauf néanmoins 
qu’ils contribueraient, comme le reste de la bourgeoisie, au payement des 
aides extraordinaires 1, 

À la suite de ce décret, une trêve eut lieu forcément entre les deux 
parties; elle ne dura guère. Après quelques années de répit, le magistrat 
recommença sans doute la lutte, puisque le serment sentit la nécessité de 
demander une nouvelle confirmation de ses priviléges. La requête qu'il 
adressa à l’empereur Charles VI ayant été transmise au conseil provincial 
de Namur, le procureur général, contrairement à l'usage ordinaire, la 
renvoya avec son avis, sans l’avoir préalablement communiquée au ma- 
gistrat. Celui-ci se plaignit vivement à l'Empereur de ce manque d’égards 
(1: juin 1728), et bien qu'on ne le lui demandât pas, il profita de cette 
occasion pour faire connaître son sentiment sur l'opportunité de la me- 
sure. « Nous avons cru, Sire, disait-il, qu’il estoit de notre obligation 
» d'informer Votre Auguste Majesté que ses illustres prédécesseurs ont 
»_spéciallement confiez la direction dudit serment à ceux dudit magistrat, 
» tant au regard de leurs chartres qu’au regard de leur compte qu'ils 
» rendent annuellement par-devant le mayeur dudit Namur, comme chef 
» des quattre serments y establis ?. Nous avons tout sujet de croire, Sire, 
» que ceux dudit serment veuillent surprendre la religion de Votre Ma- 
»+ jesté et que leurs intentions sont très-préjudiciables à son service et 
» aux intérêts de cette ville. Nous en avons d’autant plus de sujet qu'ils 


1 Liasse civile des arbalétriers, eserimeurs, ete., aux archives de la ville. 


? Les quatre serments étaient, à cette époque, les arbalétriers, les monnayeurs, les arquebusiers 
et les escrimeurs. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 51 


» ont prétendu nous obliger à entendre leurs priviléges au delà des 
» intentions des illustres comtes de Namur, qui les leurs ont accordez 
» dans un temps où lesdits serments estoient de quelque utilité pour 
» leur service, et remplacez par d’honnestes bourgeois de cette ville, 
» qui sont cependant aujourd’huy absolument inutils, à charge au sou- 
» verain et au publicq, et qui ne sont composez que de quantité d’es- 
» trangers de différentes nations, souvent déchassez de leur pays pour 
» crimes ou pour la déroute de leurs affaires. Ce pourquoy, nous sup- 
» plions avec tout respect possible Votre Auguste Majesté de ne vou- 
» loir disposer sur laditte requette sans, au préalable, avoir entendu les 
» raisons convaincantes que nous avons tant pour la conservation des 
» droits de Votre Majesté, que ceux de la bourgeoisie de votre ville de 
» Namur 1. » 

Cependant les arquebusiers poursuivaient leurs démarches auprès du 
gouvernement, et non contents de réclamer la ratification pure et simple 
de leurs priviléges, ils demandaient encore : 1° d’être réputés bourgeois 
par le seul fait de leur admission dans le serment , et par suite, de jouir 
de tous les droits inhérents à la bourgeoisie; 2° que leurs empereurs, 
c'est-à-dire ceux d’entre eux qui avaient été rois pendant trois années 
consécutives, fussent exempts à toujours des tailles et subsides du chef de 
leur maison de résidence, pourvu qu’elle leur appartint; 5° que ces mêmes 
empereurs fussent également affranchis, pour leur vie, des tailles des 
meubles, des guets et des gardes, ainsi que du logement des gens de 
guerre, lorsqu'il n’y aurait pas de surcharge; 4° que leurs rois, c’est-à- 
dire les compagnons qui avaient abattu l'oiseau une fois, jouissent des 
mêmes exemptions pendant l’année de leur royauté. 

Cette fois encore, le gouvernement n'eut aucun égard à l'opposition du 
magistrat, et les arquebusiers obtinrent gain de cause. Par son diplôme 
du 1° juin 1729, Charles VI accéda à toutes leurs demandes, à la con- 
dition expresse que les compagnons se conformeraient aux prescriptions 
de l’art. 44 de l'édit du 5 juillet 1570, lequel oblige les serments à 


4 Résolutions, t. VI, ol. 203 v. 


52 HISTOIRE 


assister la justice lorsqu'ils en sont requis, sous peine de privation de 
leurs priviléges. 

La requête du magistrat que j'ai insérée plus haut nous montre com- 
bien la composition de la compagnie était mauvaise à cette époque. Aussi, 
malgré ces nouveaux priviléges, elle ne servait plus guère, au XVIII: siè- 
cle, qu’à escorter les criminels qu’on conduisait au supplice. C’est ce que 
nous apprend un auteur presque contemporain, et il ajoute que, dans les 
dernières années de son existence, le serment d’arquebusiers était réduit 
à un petit nombre de compagnons qui, tous les dimanches, s’amusaient à 
tirer l'oiseau hors de la porte de Salzinnes 1. 

On prévoit que nous approchons du dénoûment. En effet, le 9 février 
1752, le magistrat adressa à l’Impératrice une longue et foudroyante re- 
quête, par laquelle il démontrait l’inutilité des serments d’arbalétriers et 
d’arquebusiers, la mauvaise composition de ces corps et les dangers qui 
pouvaient en résulter sous le triple rapport des mœurs, de la politique 
et de la religion. Je renvoie le lecteur à ce que j'ai dit à ce propos au 
chapitre des Arbalétriers, me contentant de rappeler ici que les deux com- 
pagnies furent abolies par un décret du 18 avril 1752. 


VIIL. : 


PETITS ARQUEBUSIERS. 


Le compte communal de 1551 cite les « petitz haghebutiers de ceste 
» ville ?, » dont je ne trouve aucune autre mention. Il s’agit, sans doute 
ici, d’un petit serment de l’arquebuse qui se sera formé à côté de la grande 
compagnie. 


1 Galliot, t. I, p. 57. Un fait qui prouve que les arquebusiers étaient peu nombreux vers 
l'époque de la dissolution du serment, c'est la permission que les arbalétriers et les arquebusiers 
obtinrent, en 4714, de considérer comme ne faisant plus partie du serment les confrères qui ne 
s'étaient point rendus sous les drapeaux depuis trois à quatre ans. Voy. plus loin au chap. des 
ÆEscrimeurs. 

? Compte de 1551, fol. 103 v°, 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 55 


IX. 


GRAND SERMENT DES ESCRIMEURS. 


La compagnie des escrimeurs fut érigée la dernière; c’est cependant 
celle dont l’origine est la plus obscure. Quoique sa charte de confirma- 
tion, octroyée en 1610, porte que ce serment se trouvait alors « advoué 
» passé si longtemps qu’il n’est mémoire du contraire par les gouverneurs 
» et magistrat successivement, » je pense bien que cette espèce de pos- 
session immémoriale ne remontait guère au delà de la première moitié 
du XVI: siècle. 

Mais avant d’éclaircir ce point, il ne sera peut-être pas hors de propos 
de dire quelques mots du divertissement connu à Namur sous le nom de 
danse macabrée, que notre historien Galliot appelle la danse des sept Macha- 
bées et qu'il définit en ces termes : « Sept jeunes hommes alertes, dispos et 
» bien découplés, représentant les sept frères Maccabées, forment entr’eux 
» une danse au son d’un tambour... Ils sont vêtus d’une simple che- 
» mise blanche, liée aux bras avec des rubans rouges, des culottes, bas, 
» souliers et bonnets blans garnis de rubans de la même couleur. Ils por- 
» tent à la main droite une épée émoussée et tenant chacun de la gauche, 
» la pointe de celle de leur compagnon, sans jamais l’abandonner, ils 
» font mille mouvements et figures différentes par l’entrelacessement de 
» toutes ces épées, qui dénottent en même temps et la vigueur de leur 
» tempéramment et la souplesse et l'agilité de leur corps 1. » 

Évidemment, c'est encore là un reste de quelque coutume germaine ?, 
non pas que je veuille assurer que l'introduction de ce jeu à Namur soit 
fort ancienne , car je n’en trouve aucune mention dans nos fêtes publiques 
avant le XVI: siècle. Mais à dater de cette époque, les comptes de ville 


1 Galliot, t. I, p. 70. 
2 Schayes, Les Pays-Bas avant et durant la domination romaine , 1. 1, p. 221. — Dewez, Nouv. 
mém. de l'Acad., VII, p. 9 et 10. 


54 HISTOIRE 


manquent rarement de signaler la danse macabrée au nombre des divertis- 
sements qui avaient lieu le 2 juillet, jour de la dédicasse de la ville. C’est 
ainsi, notamment, qu'elle fut jouée par neuf compagnons en 1551 !, et 
qu’en 1556, la commune accorda une gratification de 4 carolus « à unze 
»_compaignops aians le nuict et jour de la procession de ceste ville, joué 
». et danssé par la ville, pour la récréation du comung, la dansse maca- 
» brée ?. » 

Je crois la description de Galliot exacte en ce sens , qu’il rapporte fidè- 
lement ce qu’il a vu ; c'était là d’ailleurs un jeu également en usage, encore 
au siècle dernier, dans certaines localités de la Flandre, et notamment à 
Hornebeck 5. Mais si l’on rapproche du récit de notre historien les détails 
plus anciens qui se trouvent dans les comptes communaux, on se con- 
vaincra qu’à l’époque où écrivait Galliot, la danse macabrée était bien 
différente de ce qu’elle avait été à son origine #. En effet , au XVI: siècle, 
elle s’exécutait par neuf, onze ou un nombre indéterminé de joueurs 5. 
En second lieu, le véritable nom de ce divertissement est danse macabrée. 
Que, par la suite, on l’ait appelé danse des sept Machabées, je n’y vois rien 
d'étonnant. C’est là une de ces corruptions de mots si fréquentes dans 
notre ville et dont je pourrais, au besoin, citer plus d’un exemple; celle-ci 
provient, sans doute, de la similitude des noms et de cette circonstance 
que, dans le dernier temps, les danseurs étaient au nombre de sept; si la 
dénomination de danse des sept Machabées était exacte, on devrait lui assigner 
une tout autre origine que celle indiquée plus haut; or, il est difficile 
de voir dans ce jeu une réminiscence des livres saints. Il faut également 
se garder de confondre, comme l’a fait Dewez, la danse macabrée avec la 
danse Macabre où danse des morts; cette dernière se composait « de scènes 


‘ « A Franchois Gilles et ses compagnons en nombre de noef ayans à ladite veille et jour de 
» Jadite procession fait esbattemens d’espées-en dansant... 4 karolus. » (Compte de 1551, fol. 103.) 

2 Compte de 1556, fol. 99. 

5 Schayes, t. 1, p. 221. C’est probablement la même chose que le jeu des Matachins dont parle 
Raepsaet (t. IT, p. 462). Selon Roquefort, les Matachins où Matassins était le nom qu’on donnait, 
au XVI siècle, à la danse armée ou pyrrhique. 

4 Voy. outre les comptes déjà cités, ceux de 4574, fol. 115 v°; 1576, fol. 124. 

5 Ils étaient 8 ou 10 à Hornebeck. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 55 


» entre gens de tout état et de toute profession, où , par grande moralité, 
» la mort faisait toujours le personnage principal !, » 

On me demandera peut-être quel rapport il peut y avoir entre ce jeu 
populaire et le serment des escrimeurs. Le voici : la danse Macabrée exi- 
geait beaucoup d'adresse et d’agilité ; mériter les applaudissements d’un 
nombreux publie et les gratifications que le magistrat accordait d’ordi- 
paire à ceux qui se chargeaient de fêter dignement la grande fête de Namur, 
n’était pas chose facile. Il fallait donc se réunir, s'exercer longuement, et 
comme l’émulation s’en mélait, les concurrents étaient nombreux. Or, ne 
peut-on pas assez raisonnablement supposer que ces réunions entre gens 
habitués à se servir de l'épée, leur donnèrent l’idée de former une société 
d’escrimeurs semblable à celles qui existaient dans d’autres villes ? Je ne 
voudrais l’affirmer, mais la supposition me paraît d'autant plus admissible, 
que la première mention de la Compagnie des joueurs d'épée est postérieure 
à l'apparition de la danse Macabrée dans nos fêtes publiques. 

J'imagine qu’il en fut des escrimeurs comme des autres confréries mili- 
taires et des corps de métiers : la charte n’intervenait d'ordinaire que 
lorsque les compagnons et les artisans étaient déjà assez nombreux et 
qu’on sentait la nécessité de leur donner une existence légale. C’est dans 
ce sens sans doute que les escrimeurs pouvaient, au commencement du 
XVIL siècle, dire qu'ils étaient établis depuis un temps immémorial. 

En effet, je ne trouve aucune trace de cette compagnie , dans les comptes 
communaux de 1551 à 1557; d'où je conclus que, si elle existait déjà à 
cette époque, elle ne comptait du moins encore que fort peu d’adhérents. 
Il est à croire qu’elle augmenta bientôt après, car le compte de 1571 
nous apprend que Jehan de Henus était alors le maître de la Compaignie 
des jouwères d’espée ; en cette qualité, il recevait annuellement de la com- 
mune, une somme de douze livres « pour le louaige d’une chambre com- 
» modieuse pour le jeu d’espée en recréation de la compaignie ; » et une 
autre somme de dix livres « pour subvenir à l’entretènement du jeu d’es- 
» pée. » Une circonstance qui prouve que le serment avait déjà alors 
acquis de l’importance, c'est que, la même année, la commune lui alloua, 


 Barante, t. IV, p. 95. 


>6 HISTOIRE 


comme aux arbalétriers et aux arquebusiers, une somme de sept livres 
« pour avoir esté en armes et en bon équipaige à la procession de la 
» ville !. » À dater de cette époque, nos comptes de ville manquent rare- 
ment de signaler quelque allocation semblable; celui de 1574 mentionne, 
notamment, dix-huit livres accordées « à ceulx de la compaignie du ser- 
» ment de l’espée, pour faire achapt d’une neuve enseingne, à charge 
» que la ville s’en pora servir toutes et quantes fois que l’on en aura 
» affaire ?. » 

De ce que le compte se sert, pour désigner les escrimeurs, de la qua- 
lification de compagnie du serment de l'épée, il ne faut pas conclure qu’ils 
formaient alors un grand serment, une confrérie privilégiée. Leur pre- 
mière charte fut octroyée, sans que je puisse en dire la date précise, par 
Florent, comte de Berlaymont, lequel remplit les fonctions de gouver- 
neur et de souverain-bailli, depuis 1579 jusqu’en 1599. Elle fut con- 
firmée vers l'an 1600 par son successeur, le comte d’Egmont. En 1604, 
les prévôt, doyen et maîtres du serment, réclamèrent auprès des archi- 
ducs la ratification des chartes qu’ils avaient obtenues de ces deux gou- 
verneurs , et leur demandèrent de jouir des mêmes exemptions et priviléges 
que les autres compagnies militaires. L'information de cette requête fut assez 
longue, mais enfin elle eut un terme. Après avoir reçu des avis favorables 
du gouverneur, du conseil provincial et du magistrat, les archiducs, sous 
la date du 4 mai 1610, accordèrent aux escrimeurs des lettres patentes 
qui les constituaient définitivement en un corps de cinquante compagnons. 
Sauf quelques dispositions nouvelles, ces lettres ne font que reproduire 
la teneur des chartes octroyées antérieurement par les comtes de Berlay- 
mont et d'Egmont. J'en consignerai ici les principaux points 5. 


3 Compte de 1571, fol. 88, 88 v° et 97 v°. 

2 Compte de 1574, fol. 116. 

5 Voy. la charte des escrimeurs aux Annexes, n° VI, et un avis du magistrat, en date du 
18 mai 1606, dont voici l'analyse : « Ceux du magistrat de la ville de Namur, ayans veu la requeste 
» présentée à Leurs Altèzes par les prévost, doien et maistres de l'escrime ou jeu d’espée dudit 
» Namur, apostillée du 28 de juillet 1604, ensemble les lettres d’érection de ladite compagnie du 
» feu comte de Berlaymont, gouverneur du pays et conté, et les confirmations ensuivies..., dient 
» lesdits du magistrat que... ilz seroient et sont bien d’advis que Leurs Altèzes accordassent aux 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 57 


« Le serment se compose de 50 hommes de bien, de bonne fàme et 
renommée , enfants légitimes et bourgeois de la ville de Namur. — Le droit 
d'entrée est fixé à 2 florins, dont 5 sols applicables à la chapelle où les 
compagnons font chanter la messe en l'honneur de monsieur S'-Michel, leur 
patron, À patard au serviteur qui enregistre l'admission, et le restant à la 
confrérie. —On n’est admis qu’à condition d'apprendre l'escrime de l'épée 
à deux mains, et de toute autre arme qui paraît la plus convenable pour 
servir à la défense de la cité. — Tout confrère doit donc posséder, à son 
entrée dans le serment, une bonne épée à deux mains, ou une rondelle 
(bouclier), un stradiot ! et un mourillon (heaume), ou enfin telles armes à 
déterminer par les chefs de la compagnie. 

» Le lieu des exercices est franc. Ainsi , lorsque des confrères ou d’au- 

tres compagnons non sermentés, viennent escrimer et que l’un d’eux en 
blesse mortellement un autre par hasard, cette mort ne lui est pas imputée 
à crime, pourvu qu'il soit suffisamment prouvé qu’il n’y a pas mis de 
mauvaise intention. De même si un escrimeur blesse son adversaire, tou- 
jours par cas fortuit, il n’est tenu qu’à payer le chirurgien. — Si quelque 
débat survient pendant les exercices, l’agresseur est passible d’une amende 
de deux livres de cire au profit de la chapelle ; les chefs, doyens, jurés et 
confrères jugent le différend ; s'ils ne le font pas, la connaissance en ap- 
partient à l’échevinage. — Il est défendu de blasphémer dans le local des 
réunions, d'y jouer aux dés, aux cartes et aux autres jeux de hasard, sous 
peine d’une amende d’une livre de cire au profit de la chapelle. — Tout 
confrère convaincu d’avoir commis cas digne de répréhension, est expulsé du 
serment. — Le jugement des délits commis par les escrimeurs appartient 
en première instance au magistrat. 
» supplians les lettres d'authorisation et confirmation requises tant de l'érection et institution de 
» ladite compaignie, que aussi des ratifications des comtes de Berlaymont et d'Egmont, gouver- 
» neurs dudit pays et conté... » Liasse civile des arbalétriers, eserimeurs, etc., aux arch. com. — 
Il y eut trois Berlaymont successivement gouverneurs, de 1555 à 1399; mais il est à remarquer 
que le premier (1553 à 1578) portait le titre de baron. En comparant cet avis avec le passage de 
l'octroi de 4610, où il est dit qu'une charte antérieure avait été accordée par les gouverneurs pré- 
cédents et moderne, on conelura que le Berlaymont dont il s'agit ici, est le comte Florent. 


1 Je ne connais pas la signification du mot stradiot. 1] faut peut-être entendre par là une cuirasse 
légère, telle que portaient les estradiots, anciens cavaliers armés à la légère. 


Towe XXIV. 8 


58 HISTOIRE 


»_ Lorsqu'un confrère se marie, il paye 16 patards au profit du serment 
et de ceux qui lui ont fait la conduite à l’autel. — S'il meurt, ses héritiers 
payent 12 patards et les compagnons assistent à son enterrement et à son 
service. 

« Chaque année, le dimanche avant la Visitation de Notre-Dame, les 
confrères sont tenus de s’assembler dans le local des réunions. Celui qui, 
de son épée à deux mains, touche le plus haut et le plus près du point 
du bonnet est nommé Roi de la confrérie {. 

» À dater du dimanche qui suit la création du Roi, les compagnons 
doivent aller jouer la quinzaine ?. | 

» Nul maître ou prévôt, habitant la ville ou étranger, ne peut tenir 
école d'escrime qu'après avoir payé 2 florins à la compagnie, plus 10 
patards pour chaque apprenti qu’il reçoit. — Tout compagnon, étranger ou 
non, qui vient apprendre lescrime, paye 2 patards au profit de la cha- 
pelle. — Tout maître ou prévôt qui reçoit des écoliers doit prendre cau- 
tion d'eux, pour s'assurer du payement des honoraires. — Lorsqu'un maître 
ou prévôt reçoit un écolier en secret et que celui-ci s'échappe sans payer, 
le maître ou prévôt paye 50 patards au profit de la confrérie, plus 10 pa- 
tards pour la réception de l’écolier. — Un prévôt qui devient maître et qui 
tient école d'escrime, doit 2 florins à la compagnie. 

» Les chefs, doyens, maîtres et jurés sont élus chaque année, le jour 
de la conversion de S'-Paul, à la pluralité des voix ; ils ne peuvent refuser 
fonctions. Ils perçoivent les droits et amendes, et ils en rendent compte 
huit ou quinze jours après leur sortie de charge. Le prévôt, en qualité de 
maistre et enseigneur des autres, est le premier et principal de la confrérie ; 1 
marche en tête du serment dans les cérémonies publiques. 

» Le magistrat accordera aux escrimeurs une honnête diminution des 


1 A cet égard, voyez le texte aux Annexes, n° VI. 

? Nous avons déjà vu cette expression tirer ou jouer la quinzaine, au chapitre des arbalétriers 
de l'Étoile. Le texte n’est pas bien clair; il me semble cependant qu'on peut l'entendre de la ma- 
nière suivante : Le dimanche après que le Roi aura été élu, cinq confrères se rendront dans la 
chambre du serment et s’y exerceront pendant quinze jours, depuis 9 heures du matin jusqu’à midi. 
Ils seront remplacés par cinq autres, qui s'exerceront également pendant quinze jours consécutifs ; 
et ainsi de suite. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 59 


droits de gabelles sur la bière qu’ils boiront en s'exerçant dans la chambre 
du serment, le jour de S'-Paul et les jours de quinzaine. Les compagnons 
jouiront , du reste, des mêmes immunités et priviléges que ceux des autres 
serments; c’est ainsi que chaque année deux compagnons entrant dans la 
confrérie seront reçus bourgeois de Namur sans payer les droits ordi- 
naires. » 

La charte porte, en outre, que les escrimeurs sont obligés de se faire pa- 
roistre lorsque l'occasion se présente, ce qui signifie, me semble-t-il, qu'ils 
sont tenus du service militaire. 

A partir de 1610, les escrimeurs formèrent un grand serment, dans le 
sens que j'ai attaché à ces mots en commençant ce travail. En effet, on 
voit, d’après l'analyse insérée ci-dessus, qu’ils sont assimilés aux arbalé- 
triers et aux arquebusiers, sous le rapport du service militaire et des 
exemptions. 

Je n’ai pas à parler ici du service militaire auquel étaient astreints les 
escrimeurs ; fort heureusement pour eux, ils arrivaient à une époque où 
les serments ne faisaient plus guère d’expéditions lointaines. Tout au plus 
furent-ils quelquefois chargés de veiller à la tranquillité publique dans 
l'intérieur de la commune; encore n’ai-je trouvé aucune trace d’un service 
semblable. 

Quant à leurs priviléges, ils étaient les mêmes que ceux des deux autres 
compagnies militaires, c’est assez dire qu’ils eurent à lutter plus d’une 
fois contre le mayeur et les échevins. J'en trouve la preuve dans une re- 
quête qu'ils adressèrent au gouvernement, le 24 octobre 1711, et par 
laquelle ils se plaignaient de ce que ke magistrat les troublait dans la 
jouissance de leurs exemptions. L’échevinage consulté, répondit, il est 
vrai, que les plaintes de la compagnie n’avaient aucun fondement, et il pro- 
posa même au gouvernement de renouveler ses chartes !; mais, malgré 
cette assertion, on a peine à croire que la réclamation des escrimeurs ne 
fût pas quelque peu fondée; ils se trouvaient, en effet, vis-à-vis de la com- 
mune, dans la même position que les autres serments, et on ne voit pas 


1 Inventaire des pièces et liasses civiles du XVII!" siècle, aux archives de la ville. 


60 HISTOIRE 


pourquoi ils auraient été traités d’une manière plus favorable. A cet 
égard, je citerai quelques faits qui confirment mon doute. C’est d’abord 
une sentence du conseil provincial, en date du 19 mai 1725, laquelle 
ordonne au magistrat d'admettre au relief de la bourgeoisie, moyennant 
le payement des droits ordinaires, les veuves et les enfants des compa- 
gnons escrimeurs, et cela contrairement aux prétentions du magistrat, qui 
‘*soutenait le principe de la non-transmission du droit de bourgeoisie aux 
veuves et enfants des confrères décédés 1. Le serment obtint également 
gain de cause dans une autre occasion : une sentence du conseil provin- 
cial de 1728, confirmée par le grand conseil de Malines, et basée proba- 
blement sur la teneur de la charte des archiducs, ordonne au magistrat 
d'admettre annuellement dans la bourgeoisie, sans le payement des droits 
accoutumés, deux aspirants au titre de compagnon escrimeur ?. 

A part ces résistances du magistrat, l'examen des registres qui contien- 
nent ses résolutions, prouve qu’il ne négligea rien pour encourager les 
escrimeurs; de leur côté, ceux-ci, paraît-il, y allaient de tout cœur, puis- 
qu'en l’année 1612, la commune leur accorda exemption de gabelle pour 
trente tonnes de bières bues dans leurs exercices 5; c'était plus qu’elle 
n'avait jamais fait pour les autres serments. Comme pour ces derniers, 
l’exemption de gabelle fut remplacée, vers 1690, par un don annuel d’une 
vingtaine de florins #. En 1619, le magistrat accorda aux escrimeurs un 
subside pour lachat d’un nouvel étendard, comme il l'avait déjà fait 
en 1574 5. Il continua, du reste, pendant longtemps, à leur allouer un 
subside annuel de 22 livres, pour subvenir aux divers besoins du serment, 
et notamment à la location d’une chambre destinée à leurs exercices 6. En- 


* Registre aux sentences du conseil provincial, aux archives de l'État. A l'égard de ces droits 
de bourgeoisie, voyez plus haut une note du chapitre des Grands arbalétriers. 

? Inventaire des pièces et liasses civiles, déjà cité. 

5 Résolutions, t. F, fol. 7 v°. 

# Jbid., t. ME, fol. 99, t. V, fol. 200. 

5 Jbid., 1.1, fol, 21 vw. 

5 « Aux maistres et généralité du jeu de l'escrime de ceste ville, ausquelz est accordé chacun an 
» jusques au rappel pour le louwaige d'une chambre comodieuse pour l'exercice de leur jeu, at esté 
» payé. 12 livres. ». Compte de 4624, fol. 450. — « À Lambert Hock, maïstre de ladicte com- 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 61 


fin, ils recevaient, de même que les autres compagnies , une certaine quan- 
tité de poudre pour tirer lors de la grande procession de Notre-Dame !. 

Le serment des escrimeurs resta probablement dans toute sa force 
durant le XVII: siècle, et je ne serais pas étonné qu’il eût obtenu un renou- 
vellement de priviléges vers 1711. Ce qui me porte à le croire, c’est 
d’abord l'avis émané cette année du magistrat et dont j'ai parlé plus haut, 
et en second lieu, ce fait bien certain que les escrimeurs avaient, comme 
les arquebusiers , des empereurs qui jouissaient de l’exemption des tailles, 
du guet, des logements des gens de guerre, etc. ?; toutes choses dont on 
ne trouve aucune mention dans la charte de 1610 et qui ont dû leur 
être accordées, soit par une confirmation de priviléges, soit par un décret 
spécial. Quoi qu’il en soit, le serment déclina comme les autres, par suite 
de son inutilité et des abus résultant de sa mauvaise composition. Une 
requête que les escrimeurs adressèrent au gouvernement en 1750, prouve 
que-leurs rangs s’éclaircissaient de jour en jour : ils demandaient de pou- 
voir considérer comme ne faisant plus partie du serment, les compagnons 
qui, depuis trois ou quatre ans , ne s'étaient pas rendus sous les drapeaux, 
de les priver, par conséquent, des priviléges dont ils avaient joui jusqu'’a- 
lors, et de pourvoir à leur remplacement. Ils s’étayaient à ce propos d’une 
permission semblable accordée aux deux autres compagnies, par décret de 
l'électeur de Bavière , le 7 novembre 1714. Cette requête ayant été ren- 
voyée à l'avis du magistrat, celui-ci répondit qu’il conviendrait plutôt de 
révoquer la permission accordée aux arbalétriers et aux arquebusiers, et 
d'interdire aux trois serments de remplacer les confrères absents, à moins 
qu'il ne fût bien prouvé que ces derniers étaient morts 5. J'ignore ce qu'il 
advint de cette requête; toujours est-il que deux ans après, la compagnie 
fut abolie. 

Outre les causes générales de dissolution des serments que j'ai déjà 


» pagnie, at esté payé pour l'entretènement dudit jeu, jusques au rappel de messieurs..., 10 livres. » 
Ibid., fol. 150 ve. 

* Résolutions, t. 1, fol. 30. Les arquebusiers ont 50 livres de poudre, les arbalétriers 40, et 
les juwer d'escrime, 35. 

? Inventaire des pièces et liasses , etc., déjà cité, au mot escrimeur. 

5 Ibid. 


62 HISTOIRE 


signalées, il semble qu’il y en eût une autre, toute particulière à cette 
compagnie : c'est le mauvais état de ses finances. Le magistrat sut en pro- 
fiter. 11 demanda aux compagnons de consentir que le serment fût dis- 
sous, moyennant que leurs dettes resteraient à la charge de la commune. 
L'offre ayant été acceptée par un certain nombre d’entre eux , l'échevinage 
en écrivit aussitôt à l’empereur Charles VI, qui abolit la compagnie des 
escrimeurs par acte du 14 mai 17321. 

Malgré cette abolition, la ville continua, pendant plusieurs années encore, 
à entretenir un maître d'armes assermenté. Le 24 juillet 1741, le magistrat 
admettait en cette qualité François Grenier dit Macdenelle, et lui accordait, 
pour l’exercice de sa profession, l'usage de deux places à l'hôpital St-Jac- 
ques, aux charges et obligations ordinaires, lesquelles me sont incon- 
nues ?. Mais, à cette époque, l’art de l'escrime perdait chaque jour du terrain, 
et l'ordonnance de Marie-Élisabeth, du 7 novembre 1757, qui renouvelait 
les édits sur le port de l'épée, lui avait porté un coup funeste. Certes, c’étaient 
là de sages défenses, qui durent diminuer la fréquence des rixes et des 
meurtres , mais elles eurent aussi pour résultat l’anéantissement du noble 
jeu de l'escrime dans la classe moyenne. Et puis, il faut bien le dire , notre 
bourgeoisie , en cessant de paraître sur les champs de bataille, avait totale- 
ment perdu ses goûts guerriers. Les échevins, ainsi que quelques fonction- 
naires, les seuls qui, parmi elle, portassent encore l'épée, ne voyaient plus 
guère là-dedans qu’une prérogative bonne tout au plus à les relever aux 
yeux du commun. La vieille et pesante rapière d'autrefois avait été rem- 
placée par l'épée de cour, qui ne quittait plus le fourreau. En vérité, je 
m'étonne qu’il y eût encore à cette époque des maîtres d'armes à Namur. 
Aussi ils ne paraissent pas y avoir fait fortune. Jean Melicant , qui remplaça 
Grenier en 1747, fut obligé, quelques années après , de recourir à la géné- 
rosité de la commune. Il reçut une pension annuelle de 70 florins « pour 
» rester en ville, d'autant qu’à faute de ce, il ne pourroit s’y soutenir tant 
» pour le peu d’écoliers que pour sa nombreuse famille 5. » Qu'on juge 


1 Résolutions, t. IX, fol. 138. — Inventaire des pièces, etc. 
2 Jbid., t. VII, fol. 162 ve. 
5 Jbid., t. IX, fol. 281. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 65 


d’après cela, si notre gracieux souverain n'avait pas eu grandement rai- 
son d’abolir le serment des escrimeurs. 

Il existe encore dans la rue du Bas de la place, à côté de l'emplacement 
où fut la vieille porte Hoyoul, une maison dans la façade de laquelle sont 
enchâssés trois cartouches en pierre. Les deux plus élevés portent : Anno 
1714. Sur le troisième, on voit une main sortant d’un nuage et tenant 
une épée nue ; on lit en dessous : À la première espée. Serait-ce là l’ancien 
lieu de réunion du serment des escrimeurs ? 


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ANNEXES. 


Charte des arbalétriers du grand serment de Namur, octroyée par Guy de Dampierre en 
avril 1266, confirmée par Philippe le Bon le T mars 1429, par Philippe II le 8 oc- 
tobre 1556, par Albert et Isabelle le 11 janvier 1607, et amplifiée par Charles VI le 6 
août 1750. 


CuarLes, par la grâce de Dieu, empereur des Romains, etc. A tous ceux qui ces pré- 
sentes verront, salut. Reçeu avons l’humble supplication et requette des maîtres et ceux 
du serment des arbalestriers en nostre ville de Namur, contenant que nos augustes prédé- 
cesseurs leur auroient accordez les chartres, priviléges, droits, franchises et exemptions 
reprises dans la pièce sur ce exhibée en copie collationnée et dont la teneur s'ensuit de 
mot à mot : — ALBERT et ISABELLE CLARA-EUGENIA , infante d'Espagne, par la grâce de 
Dieu, archiducqs d'Autriche, etc. À tous présents et advenir, savoir faisons nous avoir 
reçeu l’humble supplication et requette des roy, maistres et connestable du grand ser- 
ment des arbalestriers en nostre ville de Namur , contenant qu'il auroit plu à feu de bonne 
mémoire le comte Guy de Flandres, lors marquis de Namur, leurs accorder plusieurs 
immunitez et privilégez, iceux ratifiez et confirmez par le bon duc Philippe de Bour- 
gogne, et par après de feu l'empereur Charles-Quint et le roy Philippe, second de ce nom, 

que Dieu ayt en gloire, apparant par les copies jointes à leur ditte requette dont la 
teneur s'ensuit, de mot après autres : — PniLipres, par la grâce de Dieu, roy de Cas- 
tille, etc. A tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Sçavoir faisons nous avoir 
reçeu l’humble supplication des roy, conestable, maistre et confrères de la compagnie 
du grand serment des arbalestriers en nostre ville de Namur , contenant comme feu de 
bonne mémoire le comte Guy de Flandres, marquis de Namur, par avis et consentement 
des mayeur et eschevins de laditte ville, institua cent arbalestriers perpétuellement bour- 
geois en icelle ville, à la charge que toutes et quantes fois laditte ville sortirat hors pour 
servir le prince, ayant besoin desdits cent arbalestriers ou tant qu’il en seroit mestier, 
sortiroient premiers équipez de bonnes armes, et seroient les derniers à rentrer dedens, 


Tome XXIV. 9 


66 HISTOIRE 


moyennant xu deniers louvigny que le prince payeroit à chacun et par chacun jour, pour 
leur dépens et vacation, tant et si longtemps qu’ils seront hors, jusqu’à ce qu’ils retour- 
neroient; leur donnant, avec ce, exemption et franchise de touttes tailles, quotes, cor- 
vées et waitage de bourgeoisie non plus de 11 deniers louvigniz que chacun d’eux paieroit 
chacun an, ensemble autres immunitez, exemptions, franchises et priviléges contenus 
en la chartre dudit comte Guy, laquelle a esté depuis insérée en certaines lettres de feu 
le bon duc Philippe de Bourgogne, par manière de confirmation, et depuis par l’impératrice 
Marie de Bourgogne, fille audit Charles, dont la teneur s’ensuit de mot à autres :—Pui- 
LiPPE, duc de Bourgogne, etc. Sçavoir faisons à tous présens et à venir, nous, par aucuns 
de nostre conseil, avoir fait voir et visitter les lettres patentes de feu Guy, jadis cuens 
de Flandres et marquis de Namur, scellées de son seel en double queue et cire jaune, et 
aussy seellée du seel de nostre ville de Namur, aussy en queue double et cire verde des- 
quelles de mot à autre la teneur s'ensuit : — Nous Guy, cuens de Flandres et marchis 
de Namur. A tous ceulx qui ces présentes lettres verront et orront, salut et congnissance 
de vérité. Sçachent tuit que nous avons mis et estably en nostre vilhe de Namur, cent 
arbalestriers perpétuellement bourgeois de Namur, par ly conseil et l’ottroy nostre maire, 
nos eschevins et nos bourgeois de Namur, nostre vilhe desseurdite, en telle manière 
que toutes les fois que nostre vilhe de Namur isserat dehors pour nos besoingne, et elle 
aurat mestier de tos les cent arbalestriers ou d’une des partie, trèstout ly cent arbales- 
triers, ou tant que besoingne y ert à la vilhe, doyent premiers issir hors de Namur, à 
bonnes armes, à tout lor harnat appareilliés , ét doyent estre à repairier ens en la vilhe 
l’y derrain ; et nos devons, por lor dépens, et payerons à chacun xu deniers lovingniz tos 
les jours qu’ilh seront hors jusques à tant qu'ilh seront ens en la vilhe repairiet. Et s’ilh 
avenoit que nos maires les volsist mener hors de Namur en no besoingne, doyent aller 
avec luy por telle pris que desseur est deviseit. En après, nous lor clamons quittes toutes 
tailles, toutes creneyes , tous waitaiges de borgesie, saulfz ce que * chacun d’eulx payerat, 
pour sa borgoisie, 1 deniers lovingnis par an. Et nos lor devons livrer cheval et char 
pour menner lor harnaz, s’ilh vont par terre, et neïfz s’ilh vont par yawe, à nos despens. 
En après, nous voulons que nous maires et noz eschevins desseurdis enliesent quatre des 
arbalestriers devantdis qui soyent warde de par yaulx et souverains de tous les autres, 
en telle manière : s'ilh y a nulz des arbalestriers ki nous meffache ne destourbier ? la 
compaingnie, tant qu’ils seront sor chemin, et li quatres souverains s’en plaindist à nostre 
mayeur et à noz eschevins devantdis, que cilz dont ilh seront plains soit à deux solz lo- 
vingnis d'amende, sans nul respit; s’en aurons le moitié et la compaingnie des arba- 
lestriers l'autre. Et s’ilh estoit rebelle de payer ces deux solz, nous boutillons en poroit 
pan prendre en sa maison de ces deux solz, sans riens meffaire à la franchise de Namur. 
Et s’ilh avenoït que nulz des arbalestriers morist, nos maires et nos eschevins desseurdis 
y doient autres mettre en lieux de chiaulx jusques à la somme desseurdite. En après , 


© Var., totes corvées, tot wartaige et bourgeoisie sans que. 
© Var., que riens mefface ne destinwlet. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 67 


nulz ne puelt, ne ne doit mettre nulle riens sor le char ne en la neifz desseurdis, se ce 
n’est par l'ottroy et la volenté des quattres wardes devant mises. Et por ce que ce soit 
ferme chose et mielx tenues de nos et de nos successors, nos avons fait sayeller ces pré- 
sentes lettres de nostre propre seal et del sayelle nostre vilhe de Namur desseurdite, Ce 
fut fait et ordonneit l’an delle incarnation Nostre-Seingneur mil deus cent secante et six, 
es mois d'apvril. — Lesquelles lettres ey-desseur transeriptes et tout leur contenu, à 
l’humble supplication desdits cent arbalestriers d’icelle nostre ville de Namur, ayans agréa- 
bles icelles pour eux, pour leurs successeurs arbalestriers audit nombre, avons loez, 
gréez, ratiliez et approuvez, louons, gréons, ratifions et approuvons de grâce spécial sy 
et en tant que deuement en ont jouy et usé à toujour perpétuellement , confirmons par 
ces présentes; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours mais, nous, en tes- 
moin de ce, avons fait mettre nostre seel de secret ordonné en l'absence du grand à 
ces présentes, saufves en autre chose nostre droit et l’autruy. Donné en nostre ville de 
Lille, le vu jour du mois de mars l'an de grâce mil quatre cent vingt-neuf. Ainsy 
escript, par monseigneur le duc, signé : ne Gama. — Et combien ce considéré les 
mayeur et eschevins dudit Namur, suivant le train de leurs prédécesseurs qui ont à ce 
consenty, deussent estre contens que lesdits du serment jouissent et usassent desdits 
priviléges, exemptions, franchises de tailles et corvées, ainsy qu'ils ont fait passé si 
long temps qu'il n’y at mémoire du contraire, sans les molester en icelles ou en partie 
d'icelles, attendu les grandes charges de guets et gardes que les suppliants sont tenus 
faire et font tant parmy laditte ville que dehors et au chasteau d’icelle pour la seureté 
et tuition du commun bien, ce touttes fois, nonobstant, ils se sont depuis peu de 
temps ença, contre tout droit, raison et équité, avancez de vouloir tauxer et cottiser 
lesdits suppliants au rang des autres bourgeois de laditte ville, voir si avant et jusques 
à vouloir constraindre par voye de fait et par exécution réelle sous umbre (comme 
ils disent) que aucuns particuliers et confrères dudit serment, depuis vingt ou trente 
ans ença, et depuis que l'Empereur, monseigneur et père, a régné, auroient contribué 
à laditte quotte et corvée de tailles; ce qu’estant ainsy, comme les suppliants ne le 
veuillent ignorer, ne doit partant préjudicier au corps dudit serment, qui, pour les 
troubles et urgentes aflaires du pays, ont plustost voulu caler le voile de dissimuler par 
modestie, afin que les deniers fussent tant plus aisément trouvez, que de donner occa- 
sion à mutinerie, pour laquelle ils eussent tous peu tomber en indignation ou peut-estre 
causé hardiesse à l’ennemy d'empiéter sur le pays qui est maintenant frontier; chose en 
quoy l’on ne doit avoir moindre regard à leur modestie, prudence et obéissance que à 
l’employ de leurs corps et de leurs vies, s’il eust venu à point, comme grand force que 
c'est de se vaincre soy-mesme pour obéir, de sorte que telle modestie ne leur doit tourner 
à mauvaise conséquence, ains plustost en devroient estre plus gracieusement traittez, 
tant par lesdits mayeur et eschevins, comme par nous; ce néanmoins, iceux mayeur et 
eschevins n’y veuillent entendre et taschent plustost à l'abolition et assopissement desdits 
priviléges, font assiettes de tailles et quotissent les suppliants à leur grand regret; préju- 
dice et intérest, et encore plus seroit si par nous ne leur estoit sur ce pourveu de remède 


a! 


68 HISTOIRE 


convenable, supplians partant en toute humilité que, attendu l'institution dudit comte 
Guy, la confirmation desdits duc Philippe, dame Marie de Bourgogne et certaine clause 
que l'Empereur, mondit seigneur et père, mist en l'institution des harquebusiers dudit 
Namur, où ils leurs donne tous les priviléges que ont ceux du grant serment des arbales- 
tiers et les francqs monnayers de Namur, et en considération de la promesse qu’avons 
fait de conserver nos pays et sujets en leurs priviléges, nostre plaisir soit leur accorder 
lettrez de confirmation desdits priviléges en forme deue. Pour ce est-il, que nous, les 
choses susdittes considérées et sur icelles eu l'avis, premiers de nos chers et bien amez 
les mayeur, eschevins, jurez et esleuz de nostreditte ville de Namur, et en après de noz 
amez et féaux les président et gens de nostre conseil illecq, auxdits suppliants (inclinans 
à leur supplication et requette) avons les priviléges cy-dessus insérez, ensemble tous les 
points y contenus loez, gréez, ratifié, approuvé et confirmé, louons, gréons, ratifions, 
approuvons et confirmons, et en tant que de besoin soit, octroyons et accordons de nouvel 
par ces présentes, si avant toutes fois qu'ils en auroient deuement jouy, sauf aussy que 
ledit privilége n’aurat lieu ès aides extraordinaires esquels lesdits suppliants seront tenus 
de contribuer comme autres bourgeois de laditte ville de Namur. Si donnons en mande- 
ment à nostre très-chier et féal gouverneur dudit Namur, président et gens de nostre con- 
seil illeeq, grand baïlly, mayeur, eschevins, jurez et esleuz de nostreditte ville de Namur 
et à tous autres nos justiciers et officiers qui ce peut et pourat toucher et regarder, ou 
leurs lieutenans et chacun d’eux en droit soy et si comme à luy appartiendrat, qu'ils 
fassent, souffrent et laissent lesdits suppliants et leurs successeurs des susdits priviléges 
et points y insérez, ensemble de cette nostreditte confirmation, selon et par la manière 
que dit est, pleinement, enthièrement et perpétuellement jouir et user sans leur faire, 
mettre ou donner ny souffrir estre fait, mis ou donné ores ne au tems avenir, aucun des- 
tourbier ou empeschement au contraire ; car ainsi nous plaist-il. En tesmoing de ce, 
nous avons fait mettre nostre seel à ces présentes, données en nostre ville de Bruxelles, 
le huitiesme jour d'octobre l’an de gràce mil cinque cent cinquante six et de nos règnes, 
assavoir des Espagnes et Secilles le premier, et d'Angleterre, France et Naples le troi- 
sième. Sur le replis estoit escrit : Par le Roy en son conseil ; sousigné : Y DE LA ToRRE ; 
et est scellé d’un grand seel en cire vermeille y pendant à double queue. — Lesquelles 
priviléges ils désirent et nous ont humblement supplié de vouloir rafréchir, agréer et 
confirmer, ensemble , selon que de toute anchienneté a esté observé combien que non 
inséré esdits priviléges, que ladite compagnie puist jouir d’exemption de gabelle, 
tant de vin que de cervoises, lorsqu'ils sont ensemble eux recréans en leur jardin aux 
jours accoutuméz, comme aussy que celluy ayant abbatu l’oyseau puist toute l’année en- 
tière jouir des mesmes exemptions, ensemble de garde qu’est peu de chose pour une 
personne, d'avantage d’ordonner à ceux du magistrat de nostreditte ville de Namur, qu'ils 
ayent à faire dresser l’oyseau comme se pratique en toutes villes si comme Bruxelles, 
Malines, Louvain et autres, considéré qu’en vertu de leurs priviléges ils sont obligez aller 
en compagnie, lorsque l'affaire le requiert et comme ils ont fait dernièrement, lorsqu'ils 
poursuivirent l’ennemy quand ils brûlèrent le bourg de Fleuruz et autres villages aux 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 69 


environs, où le mayeur dudit Namur les conduisoit, et ce au grand hazart de leur vie, 
leurs faisant sur ce dépescher nos lettres patentes de confirmation et agréation en tel cas 
pertinentes. Pour ce est-il, que nous, ce que dessus considéré et eut sur ce l’avis de nos 
améz et féaulx les président et gens de nostre conseil à Namur, inclinant favorablement 
à la supplication et requette desdits suppliants, avons les priviléges cy-dessus insérez, 
ensemble tous les points y contenus confirmé, ratifié et approuvé, confirmons, ratifions 
et approuvons de grâce espéciale par ces présentes, si avant toutesfois que lesdits supplians 
en ayent deuement joy jusques à présent, et le tout sous les restrictions reprises par le 
dispositif desdites lettres, et de nostre plus ample grâce, avons accordé et accordons par 
cette au roy de l’oyseau exemption de guet et garde durant son année tant seulement. Si 
donnons en mandement à nos très-chiers et féaulx les chef, président et gens de nos 
privé et grand consaulx, gouverneur, président et gens de nostre conseil à Namur et à 
tous autres nos justiciers, officiers et sujets à qui ce peut et pourrat toucher et regarder, 
leurs lieutenans et à chacun d'eux en droit soy et si comme à luy appartiendrat, qu'ils 
fassent, souffrent et laissent lesdits supplians et leurs successeurs des susdits priviléges 
et points y insérez, ensemble de nostredite confirmation , selon et par la manière que dit 
est, pleinement, entièrement et perpétuellement joyr et user, sans leur faire, mettre ou 
donner ny souffrir leurs estre faits, mis ou donnez, ors ny au tems avenir, aucun des- 
tourbiers ou empeschement au contraire; car ainsy nous plaist-il. Et afin que ce soit chose 
ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre nostre seel à ces présentes sauf en 
autre chose nostre droit et l’autruy en touttes. Donné en nostre ville de Bruxelles, le on- 
zieme de janvier l’an de grâce mille six cents et sept. Embas est escrit : Par les archiducs 
en leur conseil, et signé : d’Enghien, avec paraphe; y pendant ledit seel en cire rouge sur 
un cordon de soye. — Et comme les remonstrants souhaiteroïent d’avoir nostre confir- 
mation royale des susdites chartres, ils nous ont supplié très-humblement de les confir- 
mer, ratifier et renouveller selon leur forme et teneur, ayans ensuitte lesdits suppliants 
particularisé par devant nos chers et féaux ceux de nostre conseil provincial à Namur les 
points et articles suivans desdites chartres : 4° d'estre censez et réputez bourgeois par leure 
admission audit serment ou confrérie d’arbalestriers, de jouir des mesmes priviléges, 
exemptions et franchises dont les autres bourgeois jouissent, et de transmettre leur qua- 
lité ou droit de bourgeoisie à leures veuves et enfans parmy payant les droits de reliefs, 
comme les veuves et enfans des autres bourgeois. 2° Que leurs empereurs , ainsy nommez 
pour avoir, pendant trois années consécutives, abatu l'oiseau , soyent exempts leur vie 
durante des tailles et subsides pour la maison de leur résidence, au cas qu’elle leur ap- 
partienne, et à proportion de ce qu’elle se trouveroit libre des rentes comme les autres 
maisons des exempts. 5° Que lesdits empereurs soient aussy, pendant leur vie, affranchis de 
tailles des meubles et de guets et gardes, lorsque les autres bourgeois sont obligez de les 
faire, et du logement des gens de guerre, quand il n'y a pas de surcharge. 4° Que leur 
roy, ainsy nommé pour avoir une fois abattu l'oiseau, jouissent des mêmes franchises et 
exemptions, mais seulement pendant l’année de leur royauté. Pour ce est-il, que nous, 
ces choses considérées, ayant faits examiner lesdites chartres et priviléges accordez et 


70 HISTOIRE 


confirmez par Guy comte de Flandre et marquis de Namur, par Philippe duc de Bourgo- 
gne, par l’impératrice Marie de Bourgogne, par l'empereur Charles-le-Quint, par le roy 
Philippe second et par les sérénissimes archidues Albert et Isabelle, de glorieuse mémoire, 
et eu sur ce l’avis desdits de nostredit conseil provincial à Namur, ouy nostre conseiller 
procureur général et ceux de nostre magistrat de nostredite ville et particulièrement, sur 
les quatre points et articles desdits priviléges et exemptions cy-dessus spécifiez, inclinans 
favorablement à l’humble supplication et requête desdits maîtres et ceux du serment des 
arbalestriers audit Namur suppliants, avons, par avis de nostre conseil privé, octroyé, 
ratifié, approuvé et confirmé, octroyons, ratifions, approuvons et confirmons de grâce 
spéciale par ces présentes, pour autant que de besoin, les quatre points et articles parti- 
cularisez ey-dessus spécifiez, approuvons et confirmons aussy les autres droits, priviléges, 
franchises et exemptions reprises ès chartres cy-dessus insérez pour en jouir, par lesdits 
suppliants, selon leur forme et teneur, en bonne et paisible possession jusque à présent 
aux charges et devoirs repris esdittes chartres. Si donnons en mandement à nos très-chers 
et féaux les chef, président et gens de nos privé et grand conseils, président et gens de 
nostredit conseil à Namur et à tous autres nos justiciers, officiers et sujets auxquels ce 
peut ou pourat toucher et regarder, que de nostre présente grâce et octroy ils fassent, souf- 
frent et laissent lesdits suppliants, ensemble ceux qui leur succéderont audit serment, 
pleinement, paisiblement et perpétuellement jouir et user, selon et en la forme et ma- 
nière que dit est, sans leur faire, mettre ou donner, ny souffrir estre fait, mis ou donné ores 
ny en tems avenir aucuns trouble, destourbier ou empeschement au contraire; car ainsy 
nous plait-il. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujour, nous avons fait mettre 
nostre grand seel à ces dittes présentes, données en nostre ville de Bruxelles le sixième 
jour du mois d’aoust l’an de grâce mil sept cent trente et de nos règnes sçavoir : de l'Em- 
pire romain le xx", d’Espaigne le xxvn”*, de Hongrie et de Bohême aussy le xx"°. Plus 
bas estoit paraphé : De Buzz. v‘; et plus bas : Par l'Empereur et Roy en son conseil, 
signé: J. J. Le Roy ; y estant appendu le grand seel de sadite Majesté en cire rouge. Con- 
corde à son original paraphé et signé comme dessus, tesm. , etc. J.-F. BoRGE, notaire. 


Recueil de chartes et placards, MS. du XVII: siècle, p. 551, et 
deux copies du siècle dernier, aux archives de l'État à Namur; — 
Reg. aux chartres des mestiers de la ville de Namur, MS. de 
1676, fol. 201, et Répertoire des causes et questions, MS. du 
XV: siècle, fol. 88, aux archives de la ville. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 71 


IL. 


Charte des arbalétiers du grand serment , octroyée par l'échevinage de Namur, 
le 4 avril 1375. 


À tous ceux qui ces présentes lettres verront ou oirront, ly maire et ly eschevins de 
la ville de Namur, salut en Notre-Seigneur avec connoissance de vérité, etc., savoir fai- 
sons, que nous, à la supplication , prière et requette de la compagnie des arbalétiers bour- 
geois de la ville de Namur, et pour le profit et utilité de nostre très-redouté seigneur 
monseigneur le comte de Namur, jusqu’à la volonté et rapel de nostredit seigneur, avons à 
ladite compagnie octroié et octroions à tenir entre eux manière de frairie, telle ordonnan- 
ces que ci-après sont devisées, à savoir : Premièrement, afin que lesdits arbalétiers soient 
mieux usez dé traie et pour mieux en apprendre, que des quinzaines à autres, chacun 
an, viennent ensemble à la semonse et requette des maîtres de laditte compagnie pour 
traier et user ledit métier, et qui des votres défaudrat, il paiera d'amende à ladite frairie , 
pour chacune quinzaine qu’il défaudra, un vieux sterlin de bon argent, s’yl n’étoit dont 
qu'il en eût loyal songne et bien prouvé; non contrestant ledit songne devrat icelui 
défaillant paier à ladite frairie ses faitures et amandes demy-sterlin d'argent selon la 
coutume qu'ils ont accoutumé user du temps passé. — Item, nous leur avons octroié 
et octroions que quiconque de ladite compagnie des arbalétriers défaudra à tous com- 
mandemens de corps, de noces et généralement à tous ce entièrement qui comman- 
der leur sera par lés maitres de ladite compagnie, ou qui leur soit laissé savoir par le 
valet d'ycelle, pour l’honneur, besogne, nécessité et entretient d'ycelle compagnie, il 
paiera pour chacun command fouront, tant de fois qu'il désobeyroit, un vieux sterlin 
d'argent d'amande; et est à savoir que chacun desdits arbalétiers doit avoir son harnat 
d'armes bon et suflisant, selon qu'il appartient à arbalétrier, pour servir nostre très- 
redouté seigneur ou la ville de Namur, toutes fois que métiers serat sans malangien , et 
pour remontrer aussi leurs armes ès maîtres de ladite compagnie, toutes fois qu’yceux en 
seront semonsé et requis par les maîtres de ladite compagnie; et quiconque de ladite 
compagnie sera trouvé sans sondit harnat avoir, pour chacune fois que trouvé sera, il 
paiera trois vieux gros tournois d'argent du roy et toutes sans malengien. — Item, nous 
leur avons octroié et octroions que quiconque d’yceux trépassera de ce siècle, et le maître 
de ladite compagnie commande à aucun d’yceux de porter ledit mort en terre, tous ceux 
cui cedit command sera fait qui le refuseront, paieront, pour tant de fois qu’il auront 
refusé, deux vieux sterlins d'amande. — Item, quiconque de ladite compagnie dira 
vilaines paroles ès maîtres et valet de ladite compagnie en faisant les besognes d’ycelle, 
ou l’un compagnon à l’autre, et ce ledit bien prouvé par deux gens dignes de foi, celui 
ou ceux qui ce feront ou feroit paieront ou paiera d'amande, pour chacune fois qu'ils le 
feroient, trois vieux gros tournois d'argent de roy; pour toutes lesquelles amandes avoir 


72 HISTOIRE 


le valet de ladite compagnie , paieront ceux qui les devront, lui donnons plain pouvoir 
que s’il fût sergeant de Namur, et seront toutes ces amandes à ladite compagnie desdits 
arbalétiers, exepté les amandes qui montent à trois vieux gros, esquelles seulement 
nostredit très-redouté seigneur aura la moitié et ladite compagnie l’autre. En témoin de 
ce, nous, ly maire et ly eschevins desusdit, avons fait mettre et appendre notre grand 
seel de la ville de Namur; qui furent faites et données quatre jours du mois d'avril l'an 
de gràce mil trois cens sexante treize. 


Copie non authentique du siècle dernier, aux archives 
de la ville de Namur. 


HIL. 


Charte des arbalétriers de l'Étoile, octroyée par l'échevinage de Namur le 1* octobre 1512, 
confirmée par Charles-Quint le 6 décembre 1515, et par Philippe II le 8 avril 1562. 


Puiziepe, par la grâce de Dieu, roy de Castille, de Léon, etc. A tous ceux qui ces pré- 
sentes verront, salut. De la part de noz bien-amez, les roy, connestable, maistres et 
généralité de la confrairie du serement de l’arbalestre de l'Estoille en nostre ville de 
Namur, nous a esté remonstré comme pour le bien, augmentation, honneur, prouffict 
et utilité de nostredicte ville et dudit serement, ilz ont cy-devant obtenu de feu l’'Empe- 
reur, monseigneur et père (que Dieu absoilve), certaines lettres d’ottroy et previlége 
pour eslever et tenir ladite confrérie de l’Estoille, avec les conditions, libertez, fran- 
chises et exemptions plus amplement mentionnées esdites lettres desquelles la teneur 
s'ensuit : — CHarLes, par la grâce de Dieu, prince des Espaignes, de Deux-Céciles , etc. 
À tous ceulx quy ces présentes lettres verront, salut. De la part de noz bien-amez, le 
roy, connestable, maistres et généralité de la confrérie du serement d'arbalestre de l’Es- 
toille en nostre ville de Namur , nous at esté exposé et remonstré comment, puis certain 
temps ença, ilz aient, du gré et consentement des mayeur et eschevins de nostredite 
ville, mis sus ladite confreirie de l’arbalestre, et pour l’entretènement et augmentation 
d’icelle leur ayent, par lesdits mayeur et eschevins, esté accordez plusieurs pointz et ar- 
ticles'au long contenuz et déclairez en leurs lettres sur ce faictes et expédiées , desquelles 
la teneur s'ensuit : — A tous ceulx qui ces présentes lettres verront et orront, Mayeur 
et escHEviINs de Namur, salut. Comme le roy, connestable, maistres et généralité de la 
compaignie et frérie du serement d’arbalestre de l’Estoille de la ville de Namur, par cer- 
taine leur requeste, nous ayent remonstré que jasoit de pieçà ilz et leurs prédécesseurs 
eussent eslevez ledit serement et compaignie, en eussent usé le plus honnestement qu’il 
leur avoit esté possible, touteffois à cause que ladite ville de Namur augmente et aussy 
peult et pourra faire ledit serement et compaignie , doubtant que aucuns qui sont devenu 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 75 


ou deviendront ci-après d’icelle compaignie ne vouldront entretenir les ordonnances sur 
ce, par eulx et leurs prédécesseurs, faictes sur le faict dudit serement et arbalestre, 
nous aient requis de, en contynuant lesdites ordonnances, leur accorder, consentir et 
ottroier une frérie, serement et compaignie dudit arbalestre de l'Estoille, selon et en- 
suyvant certains pointz et articles qu’ilz nous ont donné par escript; sur laquelle re- 
queste, mesmement sur lesdits pointz et articles, nous soyons bien et deuement informez, 
conseillez et advisez. Savoir faisons que, après information faicte, ayant regard que en 
ladite frairie et compaignie dudit serement sont de présent les plus nobles personnes de 
ladite ville, et que se nous leur accordons ce qu’ilz nous ont requis, icelle se augmen- 
tera plus grandement, avons pour le bien, augmentation, honneur, prouflit et utilité de 
ladite ville et dudit serement, ottroyé et accordé, ottroyons et accordons ausdits roy, 
connestable et généralité de ladite frérie et compaignie, de avoir et tenir une frérie et 
compaignie par eulx et leurs successeurs, selon les pointz et articles, ordonnances et 
conditions que cy-après s’ensuyvent, en retenant povoir pour nous et noz successeurs de 
povoir par nous et noz successeurs, corriger, augmenter et dyminuer iceulx pointz et 
articles selon que l’on verroit au cas appartenir, ce que faire se devroit par raison. Pre- 
mièrement , leur avons accordé que chacun an, le jour monsieur Saint-George, les maistres 
de ladite frérie, pour ledit an, seront tenuz faire dire et célébrer messe en l’hermitaige de 
monsieur Saint-George desseur le chesteau de Namur, et que audit jour esliront quattre 
nouveaulx maistres par l’advis de la plus saine partie de ceulx de ladite frérie, pour 
par iceulx maistres gouverner ladite compaignie l'année ensuyvante, aussi par l’advis 
du roy, quatre anciens maistres et compaignie; et seront tenuz lesdits anciens mais- 
tres rendre leurs comptes ledit jour par-devant ladite compaignie, et quy sera deffaillans 
d’estre à la messe ledit jour Saint-George , sera à l'amende de demy gros. Item, commen- 
ceront lesdits compaignons à tirer leur quinzaine, le premier dimenche de may, et per- 
séveront de quinzaine en quinzaine jusques à six quinzaines, et se tireront lesdites quin- 
zaines à une heure après nonne au roy blanc, sans anneau , et quy sera défaillant d'estre 
ausdites quinzaines au jardin de l'Estoille, au premier cop que la quinzaine sera gai- 
gnée, il escherra à l'amende, et pour chacune fois qu'il sera défaillant, de demy patart. 
Item, seront tenuz de tirer leur papegay chacun an, le second dymanche de may. Et 
après que ledit papegay sera tiré, feront ung connestable par élection; et seront les com- 
paignons de ladite compaignie et chacun d’eulx tenuz de payer pour les communs frais 
dudit papegay ung patart, aussy bien ceulx quy ne seront point armé de ladite compai- 
gaie que ceulx quy y seront ; et fera ledit jour la compaignie chanter une haulte messe à 
diacre et soub diacre devant S'-George en l'église S'-Jehan-Baptiste, et celluy de ladite 
compaignie quy ne sera à ladite messe et ne yra à l’offrande d'’icelle, escherra à l'amende 
de demy gros au prouffict de ladite compaignie. Item, et quiconcque de ladite compai- 
gnie ne sera le jour de la trairie et le lendemain au souper avecq le roy et compaignons de 
la frérie, il sera tenu payer pour chacun souper ung patart, et dedans huit jours au plus 
tard, pour convertir au payement des communs frais. Item, celluy quy sera roy de ladite 
compaignie sera tenu de payer trois florins de vingt patars pièce du moins, pour estre 


Toue XXIV. 10 


74 HISTOIRE 


convertiz aux communs frais desdits deux soupez; mais s’il plait audit roy plus payer, 
faire le pourra. Item, ceulx qui seront esleuz connestables et maistres pour l’année, se- 
ront tenuz payer chacun une livre de fin stain, pour une fois et non plus, quy sera con- 
verty en nature d’estain pour la cuisine de ladite compaignie et non en argent. Item, ceulx 
qui deviendront dudit serement de ladite compaignie, payeront pour leur entrée seize 
patars et demy stier de vin, et ung estrelin d’argent au varlet, et si paieront une livre de 
fin estain à convertir comme dessus. Item, que celluy de ladite compaignie quy se ma- 
rira sera tenu de payer, le jour de ses nopces, à ladite compagnie, une dressée à son bon 
plaisir honnestement selon sa qualité. Item, et celluy de ladite compaignie quy sera déf- 
faillant de servir et porter honneur à celluy de ladite compaignie qui se marira, et aussi 
de accompaigner les autres compaignies et fréries de ladite ville, pourquoy faire seront 
sommez et requis par leur varlet, ilz escherront en amende et pour chacune fois de demy 
gros au prouffict de ladite compaignie. Item , s'il y a aucun ou aucuns qui vueillent wy- 
der et ysser de ladite compaignie , ilz seront tenuz chacun payer vingt patars au prouffit 
de ladite compaignie, ensemble tout ce qu'ilz pourroient devoir d’arriéraiges à ladite 
compaignie. Item, celluy qui de ladite compaignie terminera vie par trespas, ses héritiers 
seront tenuz sur ses biens paier, pour son linceul, vingt patars hors desquelz vingt patars 
les maistres seront tenuz prendre argent et faire dire pour les trespassez une basse messe 
de requiem. Item , qui sera le roy de la quinzaine pour la première fois devra une livre de 
fin estain et une gambe de pourceau sallé, et les autres années ensuyvant, s’il estoit en- 
coires roy de ladite quinzaine, ung telle gambe sallé, et moiennant ce aura à chacune 
fois son escot quitte. Item, sera tenu le prévost de ladite quinzaine payer, pour la pre- 
mière fois, ung patart, et le garson pareillement ung patart. Item , s’il advenoit que l'on 
feisse quelque trairie là les compaignons feussent mandez, l’on fera adjourner toute la- 
dite compaignie pour eslire ceulx que l’on vouldra avoir pour aller à ladite trairie, et sera 
chacun tenu de contribuer aux frais et despens que pour ceste cause se feront. Et s’il adve- 
noit que aucuns compaignons arbalestriers venissent en ladite ville de Namur, pour tirer 
ou jardin de l'Estoille pour le vin, et les convenist accompaigner au souper ou disner, 
les despens que se feront à ceste cause se prendroient sur les communs frais à la disposi- 
tion du roy et maistres de ladite compaignie. Item , et pour mieux s’entretenir les poinetz 
et articles cy-dessus, aussi de payer les amendes et debtes sur ce ordonnées ès mains des- 
dits maistres ou de l’un d’eulx dans ung an, lesdits maistres, ou l’un d’eulx, pourront ve- 
nir par-devers mayeur et eschevins de Namur requérir assistence pour panner et exécuter 
les défaillans et debteurs, ausquelz sera baillé l’un des sergens dudit Namur pour, avec 
le varlet de ladite compaignie, aller panner et exécuter telz déffaillans ou debteurs. Et s’il 
advenoit que iceulx, ou l’un d’eulx, fist ou dist aucunes villaines parolles ausdits maistres, 
sergent ou serviteur , pour ceste cause il escherra en l'amende, pour chacune fois , de douze 
patars à applicquer ung tiers à Monseigneur, ung tiers à la ville et l’autre tiers à la compai- 
gnie. Îtem, que tous ceulx qui seront semons de ladite compaignie, par ledit varlet, pour 
estre à la veille de la procession Nostre-Dame, seront tenuz eulx armer bien et honneste- 
ment et estre à ladite veille en procession , à paine de deux patars d'amende au prouffit de la- 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 75 


ditecompaignie, voire en tout ce que dessus ou en partie s’ilz ne monstroient léal ensoigne, 
Et afin que ce soit chose ferme et estable, nous, mayeur et eschevins de Namur, avons 
mis et appendu à ces présentes le grant seel de ladite ville en signe de vérité, qui furent 
faictes et données le premier jour du mois d'octobre l'an mil cineq cens et douze. — En 
nous requérant par lesdits exposans que, attendu que ladite confrérie est mise sus pour 
le bien, seurté et deffence de nostredite ville de Namur et que à ceste fin la pluspart des 
gens de bien d'icelle ville se sont mis en ladite confrérie et est apparant que feront en- 
coires de plus en plus, nostre plaisir soit leur vouloir confirmer, ratiflier et approuver 
lesdites lettres, pointz et articles, et avec ce affranchir et exempter leur place et jardin 
où ilz exercent ledit jeu d’arbalestre, tellement que s’aucun y estoit, par eulx ou aucun 
d’eulx , blessié ou affoulé ou mis à mort en exerceant icelluy jeu, après qu'ilz auront fait 
le cry accoustumé, que celuy ou ceulx qui l’auront faict n’en puissent estre aucunement 
attaintz en justice ou autrement poursuyz, ne pour ce encourrir en aucune paine ou 
amende corporelle, creminelle ou civille, etsur ce leur faire expédier noz lettres patentes 
en forme deue et à ce pertinentes. Pour ce est-il que nous, les choses desssus dites con- 
sidérées, ausdits supplians, inclinans favorablement à leurdite supplication et requeste, 
avons lesdites lettres dessus incorporées et tous les pointz, articles contenuz en icelles 
confirmez, ratifiez et approuvez, confirmons, ratiffions et approuvons de grâce espéciale 
par ces présentes, et, en tant que mestier est, leur avons de nouvel ottroyé et accordé, 
ottroyons et accordons lesdits pointz et articles et chacun d’iceulx, voulans et ordonnans 
qu’ilz en puissent doresenavant joyr et user selon, par la forme, manière et soubz les 
conditions contenues et déclairées esdites lettres, et en oultre, afin que lesdits supliants 
et autres qui de cy en avant vouldront entrer en ladite confrérie soyent de tant plus 
enclins audit jeu et qu'ilz puissent seurement hanter iceluy jeu, avons affranchy et 
affranchissons par cesdites présentes leurdit jardin, ordonnant et déclairant que sl 
advenoit, quant lesdits suppliants ou leurs successeurs exerceront ledit jeu de l’arbalestre 
en leurdit jardin, que aucun s’avanchast de courrir au trait entre deulx berseaulx et que 
l'arbalestre ou la corde se rompist par mésaventure ou autre inconvénient et non de fait 
appense ou par hayne ou envye, après avoir cryé : hors ou autre cry accoustumé, sy hault 
que ceulx estant aulx autres bersaulx le puissent avoir oy, et de ce fust attaint, navré et 
terminast vie par mort ou non, telz facteurs ou facteur seront et demourront au cas des- 
susdit quittes et paisibles, sans que pour cause ou occasion de ladite mort ou navrure, 
ilz soient ou puissent estre poursuyviz ne attraitz en justice, ni escheoir envers nous en 
aucune paine ou amende corporelle, criminelle ou civille, ne qu'ilz soyent aucunement 
tenuz en faire satisfaction ou réparation à partie, pourveu touteflois que après ledit cry 
fait celuy qui seroit ainsy blesié, navré ou mort ayt eu temps et intervalle souflisant pour 
se povoir retraire et mettre hors du cop. Si donnons en mandement à noz amez et féaulx, 
les gouverneur, souverain-bailly, président et gens de nostre conseil audit Namur, 
mayeur et eschevins illecq et à tous aultres noz justiciers et officiers cui ce peult et pourra 
toucher et regarder, leurs lieutenans et chacun d’eulx en droit soy et si comme à luy 
appartiendra, que de noz présente grâce, confifmation , approbation, affranchissement 


76 HISTOIRE 


et ottroy et de tout le contenu en cesdites présentes, selon et par la forme et manière que 
dit est ilz facent, seuffrent et laissent lesdits supliants et leurs successeurs plainement et 
paisiblement joyr et user, sans leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou 
donné aucun destourbier ou empeschement au contraire; car ainsy nous plaist-il. En 
tesmoing de ce, nous avons fait mettre nostre seel à ces présentes, donné en nostre ville 
de Bruxelles le vi° jour de décembre l’an de grâce mil cincq cens et quinze. Et sur le 
reply estoit escript : Par monseigneur le prince en son conseil , et signé : VERDERUE; scellé 
d’un grant seau en cire vermeil pendant à double queue. 

Et pour ce que puis certain temps ladite confrérie s’est grandement détériorée et 
quasi aninchillée au moyen des guerres qui ont régné pardeçà et autrement pour la 
diversité du temps régnant, de sorte que l’abolition et extinction seroit assez apparante 
de brief advenir, que touteflois ne pourroit convenir à nostre service, utilité de nostre- 
dite ville de Namur, ny, par conséquent, au bien de noz pays, et partant ont lesdits 
remonstrans suplié qu'il nous pleust, en tant que besoing est, confirmer ladite confrérie, 
et, au meilleur entretènement et augmentacion d’icelle, dyminuer et ampliflier aucuns 
pointz dudit ottroy, selon et ainsy que pour le mieulx congnoistrions convenir et d’en 
faire expédier nos lettres patentes pertinentes; sçavoir faisons que nous, les choses sus- 
dites considérées, et sur icelles eu l’advis des mayeur et eschevins de nostreditte ville de 
Namur, désirans la susdite confrérie de l'Estoille estre entretenue, et donner occasion 
que la compaignie puist estre cy-après de plus augmentée et redressée de bien en mieulx, 
inclinans favorablement à la suplication desdits remonstrans, avons icelle confrérie ra- 
tiffié, en tant que besoing, et de nostre certaine science et auctorité spéciale pour aucuns 
regardz à ce nous mouvans, voulu, ordonné et déclairé, voulons, ordonnons et déclai- 
rons par ces présentes que l’ampliation et modération sur aucuns pointz dudit ottroy 
sera doresenavant gardée, entretenue et observée en la manière que s’ensuyt : Assavoir 
que, au lieu par le passé se devoient le jour S'-George eslire quattre nouveaulx maistres 
en la manière cy-dessus mentionnée, seront tant seullement esleuz chacun an deux nou- 
veaux, qui, avec les deux anciens maistres, gouverneront ladite compaignie et confrérie 
l’année suyvante, à charge par lesdits anciens maistres rendre compte et reliqua, ledit 
jour de leur administration, ainsy qu’il est accoustumé de faire. Item, celuy ou ceulx 
de ladite compaignie qui seront cy-après treuvez déffaillans de comparoir à la messe 
dudit jour S'-George et élection desdits deux nouveaux maistres, escherront chacun 
desdits déffaillans en l'amende de deux patars au lieu de deux gros contenu audit ottroy. 
Item, celuy ou ceulx d’icelle confrérie qui ne se trouveront et comparistront au jardin 
de l’Estoile, pour tirer durant les six quinzaines à l’accoustumé, chacun desdits con- 
frères défaillans payera l'amende de deux patars pour chacune faulte, au lieu du demy 
patart qui se levoit pour telles faultes. Item, et à cause que les frais communs de ladite 
compagnie sont de présent trop plus grans et excessifz que du passé, lorsque l’on tiroit 
le papegaye, dont chacun desdits confrères estoit tenu de seullement payer ung patart, 
au lieu duquel voulons et ordonnons que pour l’advenir, ilz seront tenuz payer deux 
patars pour lesdits frais communs et tant les absens que présens, indifféranment. Item, 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 77 


celuy ou ceulx quy ne se trouveront à la haulte messe de S'-George, que se faict chacun 
an en l'église S'-Jehan-Baptiste, le jour de la solemnité, après que ledit papegay aura 
esté tiré, payera chacun desdits confrères défaillant l'amende de deux patars au prouffit 
de ladite compaignie. Item, celuy ou ceulx desdits confrères qui ne comparistront au 
jour de la trairie chacun an, et le lendemain au souppé, le déffaillant payera pour cha- 
cune fois six solz six deniers Artois, en dedens huit jours après au plus tard, pour estre 
convertiz au soubstènement des communs frais. Îtem, en lieu que le roy d'icelle com- 
paignye soloit payer trois florins, il sera doresenavant tenu à cincq florins, de vingt 
patars chaseun florin, qui seront employez aux communs frais, ainsi que l’on a cy-devant 
accoustumé de faire. Item, ceulx qui vouldront venir en ladite compaignye, chacun 
d’eulx seront tenuz payer, pour leur entrée, deux florins du pris que dessus, oultre les 
drois accoustumez. Et celuy qui se vouldra retirer d'icelle compaignye, avant sortir payera 
quatre florins du mesme pris, et après sera royé. Si donnons en mandement à noz amez 
et féaulx, les gouverneur, souverain-bailly, président et gens de nostre conseil à Namur, 
mayeur et eschevins illec, et à tous autres noz justiciers, ofliciers et subgectz, cui ce 
peult et pourra toucher et regarder, leurs lieutenans et à chacun d’eulx en droit soy et 
si comme à luy appartiendra, que de nos présentes grâce, confirmation, déclaration , 
ampliation, modération, et tout le contenu en cesdites présentes, selon et par la forme 
et manière que dit est, ilz seuffrent et laissent lesdits supplians et leurs successeurs plai- 
nement et paisiblement joyr et user, sans leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre 
fait, mis ou donné, oires ny au temps advenir, aucun destourbier ny empeschement 
au contraire. Car ainsy nous plaît-il. En tesmoing de ce nous avons fait mettre nostre 
seel à ces présentes. Donné en nostre ville de Bruxelles, le huitiesme jour du mois 
d'avril, l'an de grâce mil cincq cens soixante-deux, après Pasques, de noz règnes, assa- 
voir des Espagnes et Cécille, le vn°, et de Naples le 1x°. Et sur le reply estoit escript : 
Par le roy en son conseil, et soubsigné : Bourceois; et scellé d’un grant seaul de eyre 
vermeille y pendant à double queue. — Collationné à son originelle et trouvé de mot à 
autre concordant par moy Jacques Zutman , notaire admis, 1605. 


Belle copie aux archives de la ville de Namur. 


IV. 


Charte du grand serment des archers de Namur , octroyée par le comte Jean HI, 
le 15 août 1418. 


Jenan DE FLANDRES conte de Namur et seingneur de Bethune, à tous ceulx qui ces 
présentes lettres verront ou orront, salut et dilection en Nostre-Seingneur aveuc cognois- 
sance de vériteit. Sachent tous, que comme nos bien ameis les compaignons archiers de 


78 HISTOIRE 


nostre ville de Namur nous eussent, ung jour nouvellement passeit, suppliiet et requis 
d’avoir entre yaulx serryment, confrairie et conestablie ensy que les autres archiers ont 
ens es bonnes villes des pays marchissans autour de nous, et que concéder, donner et 
accorder leur volsissiem certaines graces et deubs pour l’augmentacion et avanchement 
de leur confrairie et conestablie, affin que mieux appareilliées et ordonnées fuissent quant 
mestier ariens, nous ou nostre ville de Namur, de leur service en quele manière que ce 
fuist, et pourtant que nous considérans leurdicte supplication estre raisonable et agréau- 
ble tant à nous comme à nostre dicte ville, avons concédeit et accordeit, et par ces pré- 
sentes concédons et accordons aux dessusdis compaignons archiers que de ce jour en 
avant ils ayent entre yaulx serryment, confrairie et connestablie et qu’il en soyt par yaulx 
uzet, faict et maintenu en la forme et manière que chy après s’ensieut : C’est assavoir que 
pour le bon service que les devantdis compaignons faire porront à nous et à nostredicte 
ville, se li cas s'offre, nous leur avons concédet et accordet, concédons et accordons que 
il soient en nombre de ce serryment, confrairie et connestablie jusques à soixante com- 
paignons et non plus, lesquels devront estre bonnes gens dignes de foy, borgois de nos- 
tre ville de Namur, bien armeis et appareillez, ensy que à yaulx appartenra; desquels 
soixante compaignons, ou ce qu'il en y arat, ils, d’accort ensamble, devront prendre et 
eslire chascun an une personne pour estre maistre connestable de laditte confrairie celli 
année, et ce renouveller d’an en an, et que nuls, quel qu’il soit, ne puist estre receu en 
laditte confrairie et connestablie, si ce n’est par le gré et conseil * de nos maieur et esche- 
vins de Namur et du connestable qui pour le tems le seroit. Item, avons ordonnet et or- 
donnons que chascun des compaignons devantdis soyent armeis et appareïllez chacun an 
le jour de may, et voisent au bos traire le papegay, sur escheir chacun défallant en deux 
vies gros d'amende, se dont n’est qu’il ayent loyal soigne de maladie ou d’estre hors de le 
ville et que ce appert souffisamment; desquels deux vies gros nostre maieur de Namur, 
pour eux contraindre, arat pour nous le moictiet, et ladicte confrairie l’autre. Item , 
avons ordonnet et accordet, ordonnons et accordons que se de ce jour en avant aucuns 
de leur connestablie estoient en dissention ensemble, que pour eulx apointier et mettre 
en paix il en soit du tout sour leur connestable, sy ainsy * n’est que cop y ayt feru ou main 
mise, par yre faitte, et s’il ne voloient obéyr ne tenir ce que ledit connestable en ordon- 
neroit, li rebelle seroit à deux vies gros tant de fois quanteffois qu’il en rebelleroit; les- 
quels deux vies gros nous ariens le moitié et laditte confrairie l’autre; et là parmi, nostre 
maieur de Namur devroit constraindre le partie rebelle de tenir le dit et ordonnance du- 
dit connestable, fuist par prison ou autrement. Item, ordonnons et accordons que chas- 
cun de laditte confrairie et connestablie qui se mariera, soit pour le vin de ses noches à 
deux vies gros et nient plus, yaulx estre au boire as compaignons de laditte confrairie ; et 
aussi que chascun d’iaulx qui trespasserat en dessoubz sept ans il sera pour chascung 
lincheu à deux tels vies gros au proufict de ladite confrairie et connestablie, et des en- 


1 Var. conscent. 
? Var, fuist. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 79 


fans en deseure sept ans on n'en paiera riens; et avec ce que le connestable et les compai- 
gnons de ladite confrairie ordonnent et establissent ung valet à le semonce duquel chas- 
cun d’iaulx soit tenus de venir et estre as noches de ceulx qui se marieront, as corps de 
ceulx qui trespasseront en ladite confrairie et à touttes autres besoignes qui escheir y 
porroient, sur l'amende d’un vies gros au proufict de ladicte confrairie et connestablie 
et au rapport du varlet semoneux qui en devrat estre creus par son loyal serment; et de- 
vrat ledit varlet avoir pour chascune noche ou corps qu’il commandera un vies esterlin; 
et pour ces amendes devantdites faire avoir et venir ens, devra nostre mayeur de Namur, 
par son sergant , faire constraindre de corps et de biens à le poursieute et requeste dudit 
connestable, cellui ou ceulx desdits compaignons qui rebelles et en défaut seroient de 
cesdites amendes entretenir, paier et accomplir ; et que nulz d’iceulx ne puist avoir fran- 
chise nulle, prise ou à prendre, qui les puist acquitter ne excuser de choses nulles qui 
soit ne puist estre à l'encontre desdites ordonnances ne partie d’icelles. Et parmi toutes 
les choses dessusdites ainsy tenues , wardées et remplies, nous avons donnet, ottroyet et 
concédet, donnons, ottroyons et concédons à le devantdite connestablie et à chascune 
des personnes d’icelle les franchises, libertez, grasces et deubz qui chi après s'ensievent : 
Premiers, donnons et accordons à la devantdite confrairie et connestablie, pour yaulx 
pourveoir de ce que nécessitet leur sera ou service de nous et de nostredite ville que mes- 
tier en auront, chacun an, une grosse amende montant diiz florins mailles de Hollande 
et deux tiers en tel valeur que nostre mayeur de Namur les rechoit pour nous, pour icelle 
convertir ès besoignes, nécessités et pourvoiances de ladite confrairie et connestablie. 
Item, donnons, concédons et accordons que tous ceux de ladite confrairie et connestablie 
soient quittes et leur quittons leur borgesie, parmi payant chascun an chascun d'yaulx 
deux deniers lovignies * , tout ensy et en la manière que les monnoyers et arbalestriers 
le paient ad présent et ont payet du temps passeit; et là parmi volons et ordonnons que 
tous ceulx de ladite confrairie et connestablie soient tenus d'aller hors, pour nos besoi- 
gnes ou la besoigne de nostreditte ville, touttes les fois et quanteffois que requis en seront 
de par nous ou nostreditte ville, et aussi de waitier as portes de nostredite ville ou allieurs 
où on les mettera, parmi payant à chascun, pour chaseun jour et nuict que ensi waite- 
roient ou iroient hors, ung viel gros tel que on le paie communément as cens et as rentes 
en nostredite ville de Namur, se dont n’estoit que li borgeois de nostreditte ville waitais- 
sent ou allaissent hors; car là où lesdis borgois de nostredite ville waiteroient ou iroient 
hors, lesdis archiers et compaignons deveroient et seroient tenus de waitier ou aller hors 
sans prétendre * point de sallairs ne de journées; mais là où lesdis compaignons archiers 
waiteroient à le cause que dit est dessus, ou en besoignes et hors seroient pour nos besoi- 
gnes ou les besoignes de nostredite ville, leurs femmes et maisons ne devroient point 
estre presseiz ne constraints de waitier, tant seulement c’est à entendre ceulx desdis 
compaignons archiers qui auroient l'emblavement devant dit. Encore avons donnet, oc- 


1! Var. demy. 
? Var. prendre. 
S Var. feumes ne maisonés. 


80 HISTOIRE 


troyet et concédet à laditte frairie et connestablie que chascun d’iaulx puist, s’il li plaist, 
mettre une paire de pourchialx chaseun an à la paisson en nostre bos de Marlaigne, pour 
le provision de leur hostel , sans payer point de painage; et aveuc ce leur devra et sera 
tenue nostre ville de Namur de donner chascun an , le jour de may, en alligance des frais 
et despens delle feste que ladite confrairie et connestablie ferat chascun an ledit jour , 
quattre florins de Hollande tels que dis sont chi-dessus. Touttes lesquelles concessions, 
donnations et ordonnances chi-dessus contenues, déclarées et escriptes, nous, Jehan de 
Flandres conte de Namur et seigneur de Bethunes dessus nommé, par grande et meure 
délibération , avons loet, gréet, confermet et approuvet, gréons, loons, confermons et 
approuvons et les promettons et avons en convent pour nous, nos hoirs et successeurs 
contes de Namur à tenir à tousjours et inviolablement observer sans enbrisier. Et pour- 
tant que ce soit ferme chose et estable, avons fait mectre et appendre nostre saiel à ces 
lettres, qui furent faictes et données le jour de l’Assumption Nostre-Dame, quinzièsme jour 
du mois d’aoust, l'an mil quattre cens et dix wiit. Et nous aussi, les maieur, eschevins 
et les bonnes gens esleus et ordonnez novellement au gouvernement de le ville et franchise 
de Namur et as affaires et nécessités d’icelle par nostredit très-redoubté seigneur et sa- 
dite ville, pourtant que toutes les choses dessusdites ont esté faictes, fermées et accordées 
par nostredit très-redoubté seigneur, de nostre gré, consentement et octroy pour le plus 
grand proufit, utilitet et nécessitet de lui et de sadite ville et franchise, les promettons et 
avons en covent, pour nous et pour toutte ladite ville et franchise, de tenir et enthière- 
ment accomplir en le manière que dit est; et en plus grant séghureté de tout ce, nos en 
avons faict mettre et appendre à ces présentes lettres, aveuc le saiel de nostredit très-re- 
doubté seigneur , le grand saiel de laditte ville de Namur, en signe de véritet. Faitte et 
donnée l’an et les jours dessus escript. 


Registre aux chartres des mestiers de la ville de Namur, fol. 81 
v° (MS. de 1676), et copie authentique de 1711, aux arch. com. — 
Copie du siècle dernier, aux arch, de l’État à Namur. 


Q és 


Charte du grand serment des arquebusiers de Namur, octroyée par Charles-Quint, le 2 oc- 
tobre 1531, et amplifiée par Charles VI, le 1% juin 1729. 


CHARLES, par la grâce de Dieu, empereur des Romains, etc. À tous ceux qui ces pré- 
sentes verront, salut. Receu avons l’humble supplication et requette des maîtres, connes- 
table et serment des arquebusiers en nostre ville de Namur, contenant que nos augustes 
prédécesseurs leurs ayant accordé des chartes, priviléges, droits, franchises et exemp- 
tions, ainsi qu'il en constoit par la pièce sur ce exhibée en copie autentique dont la teneur 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 81 


s'ensuit de mot à mot : — CnarLes, par la divine clémence, empereur des Romains, etc. 
À tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. De la parte de nos bien-amez les 
mayeur , eschevins et esleus de nostre ville de Namur, au nom du corps et communauté 
d'icelle, ensemble des connestable et archiers de l'arc à main en laditte ville, nous at 
esté exposé et remonstré comme feu Jehan de Flandre, comte de Namur et seigneur de 
Béthune, que Dieu absolve, au mois d’aoust lan mil quattre cent et dix-huit, eust par 
ses lettres patentes , octroyé et accordé aux archiers de nostreditte ville qu’ils pourroient 
mettre sus et entretenir laditte confrérie jusques au nombre de soixante compaignons, 
soubs les formes, manière et conditions déclarées esdites lettres desquelles la teneur 
s'ensuit ! : ... Or est que lesdits suppliants treuvent que si en lieu desdits archiers y 
avoit une compaignie de cent haquebutiers en ladite ville, ce seroit le plus grand bien, 
“utilité et défense d'icelle, et conséquenment de nostre pays et comté de Namur, que d’avoir 
lesdits archiers; mais ils ne les oseroient mettre sus sans avoir nostre octroy et consen- 
tement dont ils nous ont très-humblement supplié et requis, et mesmement qu’il nous 
plaise confirmer et approuver lesdites lettres de priviléges et affranchir leur place et 
jardin où ils exerceront le jeu de la harquebutte, tellement que si aucun y estoit par 
eulx ou aueuns d’eulx blesché, affolé ou mis à morte en exerceant iceluy jeu après qu'il 
auroit fait le cry accoustumé en ce cas, celluy ou ceulx qui l’auroient fait n’en puissent 
estre attraitz en justice ou autrement poursuys, ne pour ce encourir en aucunne peine 
ou amende corporelle, criminelle ou civile, et sur tout impartir leur grâce et faire expé- 
dier noz lettres patentes à ce pertinentes. Pour ce est-il que nous, les choses dessusdittes 
considérées, et sur icelles eu l’advis, premier de nostre amé et féal conseiller et rece- 
veur général de Namur, Jehan Stierche, et en après des chief et trésorier général, commis 
sur le fait de noz domaines et finances , inclinans favorablement à la supplication et re- 
queste desdits exposans, avons par bon avis et meure délibération de conseil, commué 
et convertis, commuons et couvertissons de grâce espéciale, par ces présentes, laditte 
confrairie de soixante archiers de l’are à main en une autre confrairie en nombre de cent 
personnes harquebuttiers, y comprins leur connestable et trois maistres d’icelle, con- 
sentans et accordans auxdits exposans qu’ils pourront mettre sus, instituer et entretenir 
doresnavant laditte confrairie de harquebuttiers, selon, par la forme, manière et aux 
charges, conditions et servitudes contenues en leursdites lettres de priviléges cy-dessus 
incorporées, lesquelles de nostreditte grâce avons loué, gréé, confirmé et approuvé, 
louons, gréons, confirmons et approuvons par cesdites présentes sy avant que lesdits 
archiers en ayent jusques ors duement joy et usez, et de notre plus ample grâce avons 
affranchis et affranchissons, par cesdittes présentes, leur place et jardin où ils exerce- 
ront le jeu de la harquebutte et leur ottroyé et accordé, octroyons et accordons pour eulx 
et leurs successeurs en icelle confrairie que si doresnavant il advenoit que aucun d’eulx 
en tirant dudit traict à poudre à heure compétante, audit jardin, après avoir fait le cry 


? Ici vient la charte des archers du grand serment, #nnexes, n° IV. 


Toue XXIV. 11 


82 HISTOIRE 


accoustumé si hault que on le puist bonnement avoir 0y, par meschief et non par haine 
ou propos délibéré, bleschast aucun dont morte, affolure ou autre inconvénient s’ensuyt, 
que en ce cas celluy quy aura tiré le cop ne lesdits confrères ne mesprendront pour ce 
aucunement envers nous et justice, et ne encoureront en quelques peine ou amende cor- 
porelle , criminelle ou civille, et ne seront tenus faire satisfaction à partie poursuyable ou 
molestable, en corps ne en biens, en aucune manière; pourveu toutesvoyes que ledit 
jardin soit scitué hors de chemin publicque et où l’on n’est accoustumé guaires hanter et 
converser, et que celuy qui seroit ainsy blesché, navré, ou mort après ledit ery fait, ayt 
eu tems et intervalle suffissant pour se pouvoir retraire et mettre hors du cop. Voulons et 
ordonnons en outre que lesdits harquebuttiers qui se entreprendront et dévalleront leurs 
harquébuttes chargées les ungs contre les autres, pour quelque différent, débat ou noise 
qu’ils ayent, soyent banny à tousjours de laditte confrairie par les mayeur et eschevins de 
nostreditte ville de Namur à la poursuitte des connestable et maistres d’icelle confrairie ; 
et en les bannissant s'ils estoient redevables à laditte confrairie en aucunne chose dé- 
pendant des droits et amendes fourfais à cause d’icelle confrairie, et non autrement, ils 
seront poursuyables et ne seront excusez à cause dudit bannissement ‘. Item, que tous 
confrères qui se marieront seront tenus payer dix pattars pour la dressée des nopces, et 
celuy desdits compaignons qui trespasserat sera tenu de laisser ? sa haquebutte avec ses 
appartenances à laditte compaignie sans changer d'autre que® la sienne, et pour chacun 
enfant desdits compaignons qui yra de vie à trespas estant en l’eage de sept ans ou en 
dessous, payeront pour le linceul et le droit du varlet seize * patars seulement, et les 
enfans surmontans ledit eage de sept ans ne seront tenus d’en payer aucune chose. Item, 
que tous lesdits confrères seront tenus de comparoir le jour du S'-Sacrement à la 
procession, armezet embastonnez , comme il est de coustume, sur peine d’encourir, par 
les défaillans, chacun en l’amende de quattre patars, parmi toutesvoyes que ledit défail- 
lant n'ayt$ cause légitime de son absence. Item, le jour de may, au disner et souper et le 
lendemain au souper, chacun desdits compaignons payerat demy escot, soit qu'il y 
viengne ou non, n’est que ledit compaignon n’ayt cause légitime au contraire. Item, que 
le connestable soit supérieur intendant par dessus les trois maistres et tiengne lieu de 
controlleur sans soy mesler d'autre chose et qu’il ayt seul la garde des joyaulx de laditte 
confrairie et non plus avant, et quant à la reste, lesdits trois maistres en auront l’admi- 
nistration et gouvernement; en oultre s'il y at aucun de laditte confrairie qui soit trouvé 
redevable à icelle confrairie pour droits ou amendes, comme ey-devant est déclaré, en ce 
cas les mayeur et eschevins de nostreditte ville de Namur en feront la condemnation et 
exécution après ung seul adjournement fait. Item, que chacun desdits compaignons et 


1 Var., et recherchables pour et à cause dudit ban. 
? Var., donner. 

5 Var., à autre qu’à. 

# Var., quattre. 

5 Var., arrangés. 

$ Var., si avant touttefois sans. 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 85 


confrères serat tenu avoir une haquebutte et utensilles y appartenans , sans l'emprunter, 
sur l'amende de douze pattars à appliquer moitié à nostre profit et l’autre moitié à la- 
ditte compagnie. Item, que nul ne pourat entrer ne yssir de laditte confrairie, mesme 
les compaignons d’icelle ne pouront recevoir aucun pour y entrer ou en partir, n’est du 
congé et consentement desdits mayeur, eschevins, connestable et maistres de laditte 
confrairie par ensemble, Et afin que lesdits confrères soyent de tant plus enclins et as- 
traints de hanter et exercer ledit jeu de la haquebutte, leurs avons aussy octroyé et ac- 
cordé , octroyons et accordons par cesdittes présentes que par lesdits mayeur et eschevins 
soient baillez et délivrez auxdits compaignons la somme de douze livres du prix de 
xL gros de nostre monoye de Flandres la livre, et par dessus ce à chacun d’eulx une livre 
de poudre et deux livres de plomb chacun an, et qu’ils ne pourront vendre ne distribuer 
laditte livre de poudre et plomb sinon en exerceant le jeu de la harquebutte, à peine 
qui feroit le contraire d’estre privé de laditte confrairie à toujours, et avec ce d’encourir 
en l'amende de trente pattars à applicquer en trois parties, assavoir un tiers à nostre 
profit, l’autre tiers à laditte confrairie, et le IIl"° tiers à l’accusateur, laquelle con- 
demnation sera faite par lesdits mayeur et eschevins de nostreditte ville de Namur, 
pourveu toutesfois que lesdits conestable , maïstres et confrères de laditte confrairie se- 
ront tenus servir nous et nos successeurs en nos guerres et armées et ailleurs là et ainsy 
que bon nous semblera, le tout selon et ensuivant le contenu de leursdits anchiens 
priviléges, et à ceste fin faire le serment à ce pertinent ès mains des mayeur et esche- 
vins de nostreditte ville de Namur que commettons à ce. Si donnons en mandement à 
nostre gouverneur et bailly, président et gens de nostre conseil, mayeur et eschevins 
de nostreditte ville de Namur, et à tous autres noz justiciers et officiers cui ce peut et 
pourra toucher et regarder, leurs lieutenants et à chacun d’eulx en droit soy et sy comme 
à luy appartiendrat, que ledit serément fait comme dit est, ils facent, seuffrent et lais- 
sent lesdits suppliants et lesdits connestable, maistres et confrères de laditte con- 
frairie, ensemble leurs successeurs, de nostre présente grâce, confirmation, octroy, 
accord et affranchissement et de tout le contenu en cesdittes présentes, selon et par 
la manière que dit est, plainement et paisiblement joyr et user, sans leur faire, mettre 
ou donner ny souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement 
au contrair, Car ainsy nous plaist-il. En tesmoing de ce, nous avons fait mettre 
nostre seel à ces présentes, données en nostre ville de Bruxelles, le second jour d’oc- 
tobre l’an de grâce mil chineq cent trente et ung, de nostre empire le second, et de nos 
règnes de Castille, ete., le XVI°. Sur le repli est escrit : Par l'Empereur en son conseil, 
signé : De Zogre, avec paraphe, y estant appendue une double queue de parchemin.— Et 
comme les remontrans souhaiteroient d’avoir notre confirmation royale des susdites 
chartes , ils nous ont supplié très-respectueusement de les confirmer, ratifier et renou- 
veller selon leur forme et teneur, ayans ensuitte lesdits supplians, à la demande de 
notre conseiller procureur général au conseil de Namur, particularisé quelques points 
et articles desdits chartes et priviléges, et entre autres : 4° d'estre censez et réputez bour- 
geois par leur admission audit serment ou confrérie d'arquebusiers , de jouir des mêmes 


84 HISTOIRE 


priviléges, exemptions et franchises dont les autres bourgeois jouissent et de transmettre 
leur qualité ou droit de bourgeoisie à leurs veuves et enfans parmy payant les droits de 
relief, comme les veuves et enfans des autres bourgeois : 2° que leurs empereurs, ainsy 
nommez pour avoir pendant trois années consécutives abatu l'oiseau, soyent exempts 
pendant leur vie des tailles et subsides pour la maison de leur résidence, au cas qu’elle 
leur appartienne et à proportion de ce qu’elle se trouveroit libre de rentes, comme les 
autres maisons des exempts : 5° que les empereurs soyent aussy, pendant leur vie, affran- 
chies des tailles des meubles et des guets et gardes, lorsque les autres bourgeois sont 
obligez de les faire, et du logement de gens de guerre, quand il n’y a pas de surcharge: 
4° que leurs roys, ainsy nommez pour avoir une fois abatu l'oiseau , jouissent des mêmes 
franchises et exemptions, mais seulement pendant l’année de leur royauté. Pour ce est-il 
que nous ces choses considérées, ayans fait examiner lesdites chartres et priviléges 
accordez par Jean de Flandres, comte de Namur, seigneur de Béthune, le quinzième 
d’aoust mil quattre cent dix-huit, et confirmez par l’empereur Charles-Quint de glorieuse 
mémoire, le deuxième d'octobre mil cinq cent trente-un, et eu sur ce les avis de nos 
chers et féaux les président et gens de notre conseil provincial à Namur, ouy notredit 
conseiller procureur général et ceux du magistrat de notreditte ville et particulièrement 
sur les quattres points et articles desdits priviléges et exemptions cy-dessus spécifiez, incli- 
nans favorablement à l'humble supplication et requette desdits maîtres, connestable et 
serment des arquebusiers audit Namur supplians , avons, par avis de notre conseil privé, 
ratifié, approuvé et confirmé, ratifions, approuvons et octroyons de grâce especiale par 
ces présentes, pour autant que de besoin, lesdits quattres points et articles particularisez 
cy-dessus spécifiés; approuvons aussy et confirmons les autres droits, priviléges, fran- 
chises et exemptions reprises ès chartres cy-dessus insérez, pour en jouir selon leur forme 
et teneur par les susdits suppliants, si avant qu’ils en sont demeurez en bonne et paisible 
possession jusques à présent, aux charges et devoirs repris esdites chartres, et qu'ils se 
conformeront au dispositif de l’article quarante-quattre de l’édit du feu roy Philippe 
second de glorieuse mémoire, émané le cinquième de juillet mil eincq cent septante, pour 
l'assistance qu'ils doivent prêter à l’exécution de la justice. Si donnons en mandement à 
nos très-chers et féaux les chefs, président et gens de nos privé et grand conseil, gouver- 
neur, président et gens de notre conseil à Namur, et tous autres nos justiciers , officiers 
et sujets auxquels ce peut et pourra toucher et regarder que de cette notre présente grâce 
et octroy ils fassent, souffrent et laissent lesdits suppliants, ensemble leurs successeurs 
audit serment, pleinement, paisiblement et perpétuellement jouir et user selon et en la 
forme et manière que dit est, sans leur faire, mettre ou donner, ny souffrir estre fait, mis 
ou donné aucun trouble, detourbier ou empêchement au contraire, car ainsy nous plaist- 
il; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre 
grand scel à cesdittes présentes, données en nostre ville de Bruxelles, le premier jour du 
mois de juin, l'an de grâce mil sept cent vingt-neuf et de nos règnes, scavoir de lempire 
romain le dix-septième, d'Espagne le vingt-quatrième, de Hongrie et de Bohème aussy 
le XVIL; paraphé : De Baizc"'., et plus bas: Par l'Empereur et roy en son conseil, signé : 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 85 


J.-J. Le Roy; y estant appendu le grand scel de Sa Majesté en cire rouge. — Concorde à 
l'originale chartre, signée comme dessus; tesmoins, etc., signé : G.-J. Pier, greflier. 
Registre aux chartres des mestiers de la ville de Namur, 
fol. 61, déjà cité. — Deux copies du siècle dernier, archiv. 
prov. et com. 


VI. 


Charte du grand serment des escrimeurs de la ville de Namur, octroyée par Albert et 
Isabelle, le 4 mai 1610. 


ALserr et IsaBez CLara-EUGENIA, infante d’Espaigne, par la grâce de Dieu, archiduc- 
ques d’Austrice, ducques de Bourgogne, de Lothier, de Brabant, de Lembourg, de 
Luxembourg et de Geldres, contes de Hasbourg, de Flandres, d'Artois, de Bourgogne, 
de Tirol, Palatins et de Haynault, de Hollande, de Zélande, de Namur et de Zutphen, 
marquis du S'-Empire de Rome, S' et dame de Frize, de Salins, de Malines, des cité, 
villes et pays d'Outrecht, d'Overyssel et de Groeninghe. Sçavoir faisons à tous présens 
et advenir, nous avoir receu l'humble supplication et requette des prévost, doyen et 
maistres du serment des escrimeurs en nostre ville de Namur, contenant comme ainsy 
soit qu’ès villes les mieulx policiées de pardeçà les feuz princes noz prédécesseurs y ont 
estably quelques compaignies et serment d’harquebouziers, arbalestriers, des escrimeurs 
et aultres , ausquels ilz ont accordé plusieurs priviléges, à raison de lobligation qu'ilz 
ont de se faire paroistre lorsque l’occasion se présente, ce que nous aurions confirmé 
encore depuis nostre entrée ès pais de pardeçà et entre aultres, audit Namur, au regard 
des aultres sermens ; or trouvant les tremonstrants que leur serment n’estoit authorisé 
d’aulcun princes souverains ou comtes de Namur , mais advoué passé sy longtemps qu'il 
n'est mémoire du contraire par les gouverneurs et magistrats successivement, ont jugé 
convenir, pour le respect que nous est deu comme leurs souverains princes, de faire par 
nous ratiflier et confirmer leurdit serment avecques leurs chartres et priviléges dont ilz 
nous ont fait exhibition, nous suppliants partant très-humblement qu’il nous pleust sur 
ce leur faire dépescher noz lettres patentes, et en tel cas requises et semblables que peu- 
vent avoir ceulx des aultres serments audit Namur, et avecques jouissance des mêmes 
priviléges et immunitez, estants lesdits chartres, statutz et ordonnances par cy-devant 
accordez auxdits remonstrants, tels que s'ensuivent : — Primes, lesdits maistres et con- 
frères sermentez auront leur chambre franche, et les lieux où les assemblées et congré- 
gation se feront pour visiter ledit jeu, comme ont accoustumé avoir les confrères d'icelluy 
jeu à ce sermentez en plusieurs bonnes villes, à sçavoir que quant lesdits maistres et 
confrères sermentez ou aultres compaignons non sermentez viendront jouer, soit pour 


86 HISTOIRE 


plaisir ou pour quelques joyaulx ou pris, s'il advient, par cas de fortune (que jà n’ad- 
vienne), qu'il y eust quelcun blessé par se mal contregarder et que mort s’ensuivist, fuist 
du coup ou de quelque espée ou bastons rompus, que en ce cas celuy ou ceulx qui au- 
roient ce faict, ne fuist attendt de crimes, moyennant toutesfois le cas souffisammént 
monstré et apparu; comme aussy s'il y survenoit que quelcung fuist affollé du bras, 
jambes, doibts ou quelques membres empeschez à icelluy jeu, en ce cas, celluy par mes- 
adventure l'ayant faict, n’en soit en rien, voires aussy le cas souffisamment monstré, 
mais bien celluy l'ayant faict sera tenu de payer le chirurgien et non plus, à fin qu'un 
chacun soit d'autant plus sur sa garde. — Item, que un chacun qui vouldra entrer en la 
confrérie et serment d’icelluy jeu sera tenu de payer pour son entrée deux florins une 
fois à les applicquer, assçavoir, cineq sols à la chappelle où lesdits confrères feront dire 
ou chanter la messe de monsieur S'-Michiel, au serviteur ung pattart pour enregistrer 
le compaignon entrant, et le résidu à ladite confrérie et pour l'augmentation d'icelle. 
— Item, que tous compagnons qui viendront ou vouldront apprendre ledit jeu, fuist 
estrangiers ou aultres, sera tenu de payer au proufit de la chappelle desdits confrères, 
deux pattars pour chacun serment.— Item, que quant lesdits compaignons ou confrères 
dudit serment seront mandez pour venir parlez au roy, chiefs, doyens et jurez sur la 
chambre, ou au lieu que lesdits doyens auront besoigne d’eulx , ou pour aller à quelque 
enterrement ou fiansaige , les défaillans seront à chacune fois à l'amende d’un pattart au 
prouffit de ladite confrérie, ne fuist qu’il y euist excuse ou cas légitime, ou doncques ilz 
n’euissent congé desdits doyens et jurez. En oultre, s’ilz estoient mandez sur paine de 
l'amende et serment sans comparoir, en ce cas, les deffaillans seront tenuz payer pour 
chacune fois , au prouflit que dessus, deux pattars. — Item , que tous veuillans entrer 
audit serment et confrairie, seront tenuz d’avoir pour leurs armes et à eulx appartenant, 
une espée à deux mains de bonne valeur, ou rondel, stradiot et mourillon, ou telz bas- 
tons qu'il plaira au roy, chiefz, doyens et maistres d’en ordonner, le tout aux despens 
desdits entrans; et en faulte de telles armes, ne seront receu à ladite confrairie. — Item, 
que quant aulcun, ou auleuns desdits confrères sermentez iront de vie à trespas, les héri- 
tiers ou héritier de telz trespassez ou terminez, seront tenu de payer au prouffit dudit 
serment douze pattars, et seront lesdits confrères pour ce tenuz d’accompaigner l’enter- 
rement et services desdicts défunctz, à peine de payer par les deffaillants un pattart, ne 
fuist cause légittime au contraire. — Item, quant il y aura quelcung dudit serment qui 
se mariera, sera tenu de payer, pour le vin de ses nopces, seize pattarts au prouffit de 
ladite confrérie et de ceulx qui seront présents à la conduicte à l’église, à condition aussy 
que ceulx de ladite confrérie qui seront semonds de comparoir et qu'ilz n’y compareront 
seront à l'amende d’un pattart, ne soit, comme dessus, cause légitime au contraire. — 
Que tous de ladite confrairie et serment seront tenuz, chacun an, d’eulx congréger et 
assembler à la chambre ou lieux et heure qui leur sera limitez, le dimenche avant la 
Visitation Nostre-Dame; auquel jour de dimenche se fera ung roy de ladite confrairie 
au coulp d’espée à deux mains, et le plus hault touché et plus près du poinet du bonnet, 
le tout sans fraulde ny malengin, à paine que tous ceux qui seront défaillans audit jour 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 87 


et heure aussy limitez, seront tenuz de payer dix pattarts au prouflit de la confrairie , et 
de payer pour leur disner plain escot, aussy avant que les comparans, et lendemain au 
souper demy escot, ne fuist toutesfois qu’ilz eussent causes ou excuses légitimes dont il 
en seront tenu auparavant advertir ladite confrérie. — Item, que nul ne pourra estre de 
ladite confrairie et serment, s'ilz ne sont fils légitime et bourgeois de ladite ville de Na- 
mur, Et s'il advenoit que celluy qui en vouldra estre, ou dist qu'il fuist bourgeois et 
ainsy ne fuist, en ce cas, il sera à l’amende de douz pattars au prouflit de ladite confrai- 
rie et tenu d'acquérir incontinent ladite bourgeoisie et aultrement non. — Item, que 
cincq de ladite confrairie (qui à ce seront esleuz) , seront tenuz se transporter sur la 
chambre le dimenche après que le roy de ladite confrérie sera faict, à l'heure de nœuf 
heures du matin jusques au midy, pour illecq faire et jouer la quinzaine et la continuer 
jusques que chacun desdits confrères aura faict la sienne, assçavoir de quinze jours en 
quinze jours sans excuses, à paine que les déffaillans seront tenuz payer, pour chacune 
sa quinzaine, quattre pattars au prouflit de ceulx qui seront présents. — Item, que nulz 
entrans de ladite confrairie ne pourra et ne sera receu audit serment n’est qu'ilz appren- 
dent à jouer de l’espée à deux mains, et d'autres armes et bastons qui luy semblera le plus 
commode, pour icelle visiter à la deffence de ladite ville avecq les aultres, le cas survenant. 
— Item, que s’il advenoit que aulcun ou auleuns dudit serment fuist trouvé avoir com- 
mis cas digne de répréhention, icelluy cas bien et suffisamment apparu , celluy qui ainsy 
sera trouvé sera incontinent desmis et expulsé deladite confrérie et serment, et aultre- 
ment non.— Item, que les chiefs, maistres, doyens et jurez, qui seront esleuz par lesdits 
confrères, seront tenuz de lever et cueillier tous les droictz, amendes et fourfaictures 
qui adviendront durant le temps de leurs entremises , et d'icelles rendre bon et léal 
compte à ladite confrérie en dedens huict ou quinze jours après qu'ilz seront desmis, à 
peine d'encourir l'amende de six florins, à les applicquer, assçavoir au mayeur de Namur 
deux florins, ung florin au prouffit de la chapelle et trois florins à ladite confrairie; et en 
oultre, d’estre constrainct par exécution à la reddition desdits comptes , et ainsy d’an en 
an à tousjours. Item, que les nouveaulx chiefs, doyens, maistres et jurez de ladite confrérie 
se feront et eslieront chacun an, le jour de la conversion de monsieur S'-Paul, au plus de 
voix, et à ce faire seront lesdits confrères tenuz de comparoir sur l'amende de quattre pat- 
tars, et qui ne comparera au disner ledit jour à deux pattars, n’est, comme dessus, excuse 
légittime. — Item, que ceulx qui seront ainsy esleuz ne pourront refuser ne s’excuser, 
ains s'employer du tout durant l’année sans contredicts. — Item, que chacun maistre ou 
prévost sera tenu, en recepvant aulcun ou auleuns escolliers, pour soy asseurer pour son 
payement, de prendre d’eulx caution à son contentement, dont il sera tenu respondre. — 
Item, le cas advenant que aulcun maistre ou prévost eust receu auleun escollier tacite- 
ment, pensant le celler, et qu'icelluy escollier eschappoit de son maistre sans payer, et 
que après on sceuist la vérité, en ce cas icelluy maistre ou prévost fourfera à chacune fois 
trente pattars au prouflict de ladite confrairie; et, par dessus ce, sera tenu de payer dix 
pattars pour la réception d'icelluy escollier. — Item, sçavant qu'il y euist aulcun prévost 
qui devinst maistre sera tenu de payer à ladite confrairie comme maistre, deux florins une 


88 HISTOIRE 


fois, voire et en cas qu'il tiengne escolle. En oultre, s’il advenoit d'entre lesdits confrères, 
sur la chambre ou en lieu là où la congrégation se fera, quelque débat, soit de parler 
injurieux ou main mise, l’aggresseur ou esmoteur de la querelle sera tenu et, dès main- 
tenant pour alors, condempné à l’amende de deux livres de cyre au prouffict de la cha- 
pelle. Et quant au résidu d’icelle querelle, en sera diet et déterminé par lesdits chiefs, 
doyens, jurez et confrères, et point d’aultres; voire si doncques faulte de correction ou 
punition n’y avoit, auquel cas, le mayeur de Namur et messeigneurs de la justice en 
auront la congnoissance et en feront faire les exploicts et exécutions. Davantage, quant 
il y aura auleun ou plusieurs desdits confrères qui seront redebvables à l’occasion dudit 
jeu et ce qui en dépend, soit de quelque amende ou d’escot, quant ce adviendra, iceulx 
sont sans figure de procès dès maintenant pour alors condempnez et seront réellement 
exécutez. Si iceulx debteurs venoient à injurier, frapper ou semblant faire par menasses 
ou aultrement lesdits chiefs et commis aux devantdictes amendes et fourfaictures, tels 
transgresseurs encoureront à l'amende de deux livres de cyre au prouffict de la chapelle 
et, oultre les amendes et escotz, de payer au prouffit de ladite confrérie, vingt pattars; 
et ne pourra-on jurer sur ledit jeu et chambre, ne hazeter, soit aulx dez, cartes, ny 
aultres, pour ny argent, sur l'amende d’une livre de cyre, au prouflict de ladite chapelle 
et à la détermination desdits chiefs et jurez. — Item, que tous maistres et prévosts, tant 
de ceste ville que estrangiers, ne pourront tenir escolle dudit jeu ne soit qu’ilz payent 
pour une fois deux florins au prouffict de ladite confrairie et serment, et pour chacun 
apprentis dix pattars.— Lesquels chartres, statutz et ordonnances, ensemble l'érection 
de ladicte compaignie, lesdits remonstrants, comme dict est, nous ont supplié et requis 
vouloir approuver et confirmer, moyennant correction toutesfois ou augmentation, 
comme sera dict et déclaré cy-après. Pour ce est-il que nous, ce que dessus considéré et 
eu sur ce l’advis de noz très-chiers et féaulx les gouverneur, président et gens de nostre 
conseil provincial de Namur , ayans préallablement communicqué le tout tant à nostre 
procureur général illecq que à ceulx du magistrat audit Namur, inclinants favorablement 
à la supplication et requeste desdicts prévost, doyen et maistres de l’escrime de ladite 
ville suppliants, avons , de nostre certaine science et authorité absolute, la susdicte com- 
paignie et érection du jeu d’espée avec les statuz, poincts et ordonnances sur ce dressez et 
advisez soubz la correction toutesfois et augmentation ensuivante, authorisé, confirmé, 
loué, ratifié et approuvé, authorisons, confirmons, louons, ratifions et approuvons de 
grâce espéciale par cesdictes présentes en la mesme manière que le tout at esté par cy- 
devant accordé, statué et aggréé par les gouverneurs précédents et moderne de nostredit 
pays et conté de Namur respectivement, et signamment au regard des augmentations des 
amendes par eulx faites, lesquelles, pour bonnes considérations, tenons pour bien et deue- 
ment ordonnées; estant au surplus nostre volonté et intention, quant aux poincts repré- 
sentez par lesdits suppliants dont ilz requéroient leursdictes chartres estre augmentez, 
que doresenavant aussy seront bien et punctuellement gardez, observez et entretenuz par 
ceulx dudit serment les ordonnances et articles que s’ensuivent, assçavoir : que tous 
déffaillans de comparoir aux enterrements des confrères ou leur services, conduictes des 


DES COMPAGNIES MILITAIRES DE NAMUR. 89 


nopces, ou aultres occurrences, mandez par les prévost, roy, doyen ou jurez pour com- 
paroir sur la chambre de ladite confrérie, apparoissant qu’ilz auroient esté deuement 
appellez, tomberont en l'amende de six pattars; et déffaillants, comme dict est, de com- 
paroir aux processions solemnelles et ordinaires, quinze sols promptement exécutables, 
non obstant opposition ou appellation et sans préjudice d’icelles, ne soit toutesfois cause 
d'exeuse légittime au jugement et arbitraige desdits prévost, roy et jurez conjoinctement, 
auquel prévost présent et futur, comme maistre et enseigneur des aultres, appartiendra, 
comme jusques ores at esté observé, d’estre le premier et principal de ladicte confrairie 
et compaignie, et comme tel luy sera et debvera estre porté, par iceulx confrères, l'obéis- 
sance et respect et honneur qu’il appertient, marchant et tenant le premier rang d’entre 
eulx aux processions publicques et autres semblables actz. Laquelle dicte compaignie 
sera formée, composée et réduicte au nombre de cinquante hommes de bien, de bonne 
fâme ét renommée, sans plus, etsoubz le mot de pouvoir par lesdits du jeu d’espée jouyr 
et user des mesmes priviléges et exemptions, comme font les aultres des compaignies 
d’arbalestriers et arquebousiers, leur sera par ceulx dudict magistrat de Namur, d’an en 
an, passé et receu deux bourgeois de leur entrans, sans payer les droicts ordinaires, et 
aussy leur accordé honneste diminution de gabelles de la cervoise qu'ilz pourront boire en 
eulx récréant en leur chambre, le jour sainet Michiel et ès jours des quinzaines, comme 
l'on trouvera convenir, en apportant par iceulx ledict jour S'-Michiel, par forme de 
recognoissance audit magistrat, la dressée, comme font lesdites deux aultres compaignies. 
Et finalement, au regard des délictz et mesuz que pourroient commettre ceulx de ladicte 
compagnie, tant pour déclarer les personnes coulpables ou incoulpables, quietz ou non 
de cas fortuitz ou infortuitz, de blessures dont mort ou affolures s’ensuyvront, qui pour- 
roient advenir en leur chambre au jeu, ou d’aultres excès et insolences méritantes chastoy, 
la cognoissance et judicature en première instance compétera ausdits du magistrat. Si 
donnons en mandement à nos très-chiers et féaulx, le chief, président et gens de noz 
privé et grand conseilz, gouverneur, président et gens de nostredit conseil de Namur 
et tous aultres noz justiciers , officiers ou leurs lieutenans et chacun d’eulx en droict soy 
etsi comme à luy appartiendra, que de cette nostre présente authorisation, aggréation , 
confirmation et ratification selon, en la forme et manière que dict est cy-dessus, ilz fa- 
cent, seuffrent et laissent lesdits du serment et leurs successeurs plainement, paisiblement 
et perpétuellement joyr et user, sans aulcun obstacle ou empeschement au contraire; car 
ainsy nous plaist-il. Et a fin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons 
faiet mettre nostre grand seel à cesdictes présentes. Donné en nostre ville de Bruxelles le 
quatriesme jour du mois de may, l’an de grâce mil six cens et dix. Et plus bas : Par les 
archiducques en leur conseil. Et, signé F. De Berr.—Il est ainsy à l'originele escrite en 
parchemin et trouvé concorder par moy tesmoin, signé : J. De S'-Hugerr, notaire admis, 
1651. 


Belle copie authentique du XVII: siècle, aux arch. 
com. de Namur 


FIN 


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