'
MÉMOIRES
DE L’ACADÉMIE ROYALE
DES
SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS
DE BELGIQUE.
MÉMOIRES
1)15
L’ACADÉMIE ROYALE
SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS
DE BELGIQUE.
TOME XXXV.
BRUXELLES,
M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE ROYALE.
1865
LISTE DES MEMBRES,
DES
CORRESPONDANTS ET DES ASSOCIÉS DE L’ACADÉMIE.
(Ier octobre 1865.) ,
LE ROI, Protecteur.
Mi L. Alvin, président pour 1865.
» Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel.
COMMISSION ADMINISTRATIVE.
Le directeur de la classe des Sciences, M. Nerenburger.
» » des Lettres, M. J. Grandgagnage.
» » des Beaux-Arts, M. L. Alvin.
Le Secrétaire perpétuel, M. Ad. Quetelet.
Le délégué de la classe des Sciences, M. J. S. Stas, trésorier.
„ » des Lettres, M. M. N. J. Leclercq.
» >. des Beaux-Arts, M. De Busscher.
Tome XXXV.
1
— 2 —
CLASSE DES SCIENCES.
M. Nerenburger, directeur pour 1865.
» Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel.
30 MEMBRES.
Section des sciences mathématiques et physiques (15 membres).
M. Quetelet, A. J. L.; à Bruxelles.
» Plateau , J. A. F.; à Gand
» Stas , J. S. ; à Bruxelles.
» De Koninck, L. G.; à Liège.
» De Vaux, Ad. J. J.; à Bruxelles
» Nerenburger, G. A.; à Bruxelles
» Melsens, H. L. F.; à Bruxelles.
» Schaar, M. ; à Gand .
» Liagre , J. B. J.; à Bruxelles .
» Duprez, F. J.; à Gand
n Brasseur, J. B.; à Liège.
» Houzeau, J. C.; à Bruxelles .
» Quetelet, Ernest; à Bruxelles .
» Maus, M. H. J. ; à Mons.
» Gloesener, Michel; à Liège.
. Élu le 1er février 1820.
— 15 décemb. 1836.
— 14 décemb. 1841.
— 15 décemb. 1842.
— 16 décemb. 1846.
— 15 décemb. 1849.
— 15 décemb. 1850.
— 15 décemb. 1851.
— 15 décemb. 1853.
— 16 décemb. 1854.
— 14 décemb. 1855.
— 15 décemb. 1856.
— 15 décemb. 1863.
— 15 décemb. 1864.
— 15 décemb. 1864.
Section des sciences naturelles (15 membres).
M.
))
)J
))
»
))
»
D’Omalius d’Halloy , J. B. J.; à Ilalloy . . . Nommé le 3 juillet 1816.
Vander Maelen , P. M. G.; à Bruxelles. . . . Élu le 10 janvier 1829.
Du Mortier, B. C.; à Tournai . — 2 mai 1829.
Wesmael, C. ; à Bruxelles . — 15 décemb. 1835.
Van Beneden, P. J.; à Louvain . — 15 décemb. 1842.
le baron de Selys-Longchaiups , Edm.; à Liège. — 16 décemb. 1846.
le vicomte Du Bus, B. A. L.; à Bruxelles. . — 16 décemb. 1846
— 3
M. Nyst, Henri P.; à Bruxelles . Élu le 17 décemb. 1847.
» Gluge, Théophile; à Bruxelles . — 15 décemb. 1849.
» Poelman, Charles: à Gand . — 18 decemb. 1857.
» Dewalque, G.; à Liège . — 18 decemb. 1859.
». Candèze, E.; à Liège . — 15 décemb. 1864.
» String , Anl. F.; à Liège . — 15 décemb. 1864.
» Coemans, Eugène; à Gand . — 15 décemb. 1864.
» N .
CORRESPONDANTS (10 au plus).
M. Donny, F. M. L.; à Gand ...... . Élu le 15 décemb. 1850.
»» Montigny, Charles; à Anvers . — 16 décemb. 1857.
» Chapuis, F.; à Verviers . — 15 décemb. 1858.
» Morren, Édouard; à Liège . — 15 décemb. 1861.
» Steichen, M.; à Bruxelles . — 15 décemb. 1861.
50 ASSOCIÉS.
Section des sciences mathématiques et physiques (25 associés).
M. Vène, A.; à Paris . Élu le 2 février 1824.
. » Babbage , Ch.; à Londres . — 7 octobre 1826.
» FIerschel, John F. W.; à Londres . — 7 octobre 1826.
» South, James; à Londres . — 10 novemb. 1827.
» Sabine, Ed. ; à Londres . — -2 février 1828.
» Chasles, M.; à Paris . — 4 février 1829.
» Van Rees, R.; à Utrecht . — 6 mars 1830.
» Brewster, David; à Édimbourg . — 5 avril 1834.
» Màtteucci , Ch. ; à Pise . — 8 novemb. 1834.
« Bâche, Alex. D.; à Washington . — 9 mai 1842.
» De la Rive, Aug.; à Genève . — 9 mai 1842.
» Dumas, J. B.; à Paris . — 17 décemb. 1843.
» Faraday, Michel; à Woolwich . — 17 décemb. 1847.
» Lamarle, Ern.; à Gand . — 17 décemb. 1847.
» Wheatstone, Ch.; à Londres . — 15 décemb. 1849.
» le baron Von Liebig, Juste; à Munich. ... — 15 décemb. 1851.
» Airy, G. B.; à Greenwich . — 15 décemb. 1853.
» Maury, M.; à Washington . — 16 décemb. 1854.
M. Hansteen , Ch.; à Christiania . Élu le 14 clécemb. 1855.
» Argelander, F. G. A.; à Bonn . — 15 décemb. 1856.
» Lamont ; à Munich . — 16 décemb. 1859.
» Hansen, P. A.; à Gotha . — 15 décemb. 1864.
)> Kekulé , E. ; à Gand . — 15 décemb 1864.
» N .
» N . ' .
Section des sciences naturelles (25 associés).
M. Moreau de Jonnès , Alex.; à Paris . Élu le 21 mai 1825.
» Bertoloni, Ant.; à Bologne . — 6 octobre 1827.
» Granville, A. B.; à Londres . — 6 octobre 1827.
» Barrat, John; à Grassinton-Moor . — 1er mars 1828.
» Taylor, John; à Londres . — 1er mars 1828.
» De Macedo; à Lisbonne . — 15 décemb. 1836.
» Decaisne ; Jos.; à Paris . — 15 décemb. 1836.
» Schwann, Th.; à Liège . — 14 décemb. 1841.
» De Martius, Ch. Fr. Ph.; à Munich .... — 9 mai 1842.
» Lacordaire, Th. J.; à Liège . — 15 décemb. 1842.
» Owen, Richard; à Londres . — 17 décemb 1847.
» Élie De Beaumont, J. B.; à Paris . — 17 décemb. 1847.
» Edwards, Henri Milne; à Paris . — 15 décemb. 1850.
» Flourens, M. J. P.; à Paris . — 15 décemb. 1853.
» Murchison, sir Roderick ; à Londres .... — 14 décemb. 1855.
» Schlegel; à Leide . — 16 décemb. 1857.
» Agassiz, Louis; à Boston . — 15 décemb 1858.
» Haidinger, Guillaume; à Vienne . — 15 décemb. 1858.
» Von Baer, Ch. E.; à Saint-Pétersbourg ... — 16 décemb. 1839.
» Lyell , Charles; à Londres . — 16 décemb. 1859.
» Valentin; à Berne . — 15 décemb. 1861.
» Gervais, P ; à Montpellier . — 15 décemb. 1862.
» Dana , James D. ; à New-Haven . — 15 décemb. 1864.
» Rrongniart, Adolphe T.; à Paris . — 15 décemb. 1864.
» N .
CLASSE DES LETTRES.
M. Grandgagnage, directeur pour 1865.
» Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel.
30 MEMBRES.
Section des lettres et Section des sciences morales et politiques réunies.
M.
Steur , Ch.; à Gand .
. . Élu le
5
décemb.
1829.
>ï
le baron de Gerlache, E. C.; à Bruxelles
—
12
octobre
1833.
).i
Grandgagnage, F. C. J. ; à Liege
—
7
mars
1835.
»
De S met , J. J.; à Gand .
—
6
juin
1835.
)>
Roulez, J. E. G. ; à Gand .
—
15
décemb.
1837.
))
le baron Notuomb, J. B.; à Berlin .
7
mai
1840.
»
Van de Weyer, Sylvain; à Londres
—
7
mai
1840,
))
Gachard, L. P. ; à Bruxelles . . . .
—
9
mai
1842.
))
Quetelet, A. J. L.; à Bruxelles.
. Nommé le 1er déc.
1845.
))
Van Praet, Jules; à Bruxelles ....
. . Elu le 10
janvier
1846.
»
Borgnet, A. C. J.; à Liège .
—
10
janvier
1846.
))
le baron de Saint-Génois , Jides; à Gand
—
10
janvier
1846.
))
David, J. B. ; à Louvain .
—
10
janvier
1846.
))
Devaux, P. L. L; à Bruxelles ....
—
10
janvier
1846.
»
De Decker, P. J. F.; à Bruxelles . . .
—
10
janvier
1846.
))
Snellaert , F. A.; à Gand .
—
11
janvier
1847.
))
Haus, J. J.; à Gand .
—
11
janvier
1847.
))
Bormans, J. H.; à Liège .
—
11
janvier
1847.
))
Leclercq, M. N. J.; à Bruxelles . . .
7^''
17
mai
1847.
))
Polain , M. L.; à Liège .
—
7
mai
1849.
))
Baguet, F. N. J. G.; à Louvain .
6
mai
1850
)•)
le baron de Witte, J. J. A. iVL; à Anvers
—
6
mai
1851.
j >
Faider, Ch.; à Bruxelles .
—
7
mai
1855.
i)
Ducpétiaux , Ed. ; à Bruxelles .
—
4
mai
1859.
))
le baron Kervyn de Lettenhove, J. M. B. C.;
à Bruges. —
4
mai
1859.
))
Chalon, R.; à Bruxelles .
4
mai
1859
— 6 —
M. Mathieu, Adolphe C. G.:, à Bruxelles . Élu le 19 mai 1863.
» Thonissen, J. J.; à Louvain . — 9 mai 1864.
.» N . , .
» N .
CORRESPONDANTS (10 au plus).
M. Ghuyer , Louis: à Bruxelles . Élu le 10 janvier 1846.
» Serrure, C. P. ; à Gand . — 11 janvier 1847.
» Juste , Théodore ; à Bruxelles . — 26 mai 1856.
» Defacqz , E.; à Bruxelles . — 26 mai 1856.
» Guillaume, H. L. G.; à Bruxelles . — 9 mai 1860.
» Wauters, Alphonse; à Bruxelles . — 9 mai 1860.
» Nève, Félix; à Louvain . — 9 mai 1860.
» Blohimaert , Philippe; à Gand . — 9 mai 1860.
50 ASSOCIÉS.
M.
De Moléon , J. G. V.; à Paris .
. . .Elu le 14
octobre
1820.
))
Lenormand, L. Séb.; à Paris
... — 14
octobre
1820.
»
De la Fontaine ; à Luxembourg
... — 23
décemb.
1822.
Cousin. Yiclor; à Paris .
... — 6
octobre
1827.
))
Cooper, C. P.; à Londres .
... — 5
avril
1834.
»
Mone, F. J.: à Carlsruhe ....
... — 7
mai
1840.
»
Groen van Prinsterer; à La Haye .
... — 15
décemb.
1840
))
Phillips, G.; à Vienne .
... — 15
décemb.
1842.
»
Ellis, Henry; à Londres ....
... — 9
février
1846.
))
Guizot, F. P. G.; à Paris ....
... — 9
février
1846.
))
Mignet, F. A. A.; à Paris ....
... — 9
février
1846.
))
De la Sagra , Bamon; à Madrid
... — 9
février
1846.
»
Ranke, Léopold; à Berlin ....
... — 9
février
1846.
))
Salva , Miguel ; à Madrid . . . .
... — 9
février
1846.
))
Warnkoenig, L. A.; à Stuttgart
... — 9
février
1846.
))
le baron Dupin, Charles; à Paris .
... — 11
janvier
1847.
»
Leemans . C. : à Leide .
... — 11
janvier
1847.
/
— 7 —
M.
))
»
))
))
))
))
)>
)>
))
))
))
))
»
))
»
))
))
))
))
»
»
))
»
))
))
»
»
»
))
))
))
Mittermaier, C. J. A.; à Heidelberg •
Pertz, G. H.; à Berlin .
le comte Manzoni, A.; à Milan • •
Nolet deBrauwere van Steeland, J.; à Bruxelles
De Bonnechose, Em.; à Paris .
Whewell, W. ; à Cambridge .
le duc de Caraiuan , V. A. C.; à Beaumont
le comte de Laborde, Léon; à Paris .
Le Clerc, Victor; à Paris .
le comte de Montalembert, C.; a Pans
le chevalier de Rossi, J. B.; à Rome.
Rau, C. H.; à Heidelberg .
Paris, A. Paulin; à Paris .
De Longférier, Adrien ; à Paris • • • •
De Reumont, Alfred ; à Borne •
le baron de Barante ; à Paris .
Bogaers , A.; à Rotterdam .
le baron de Czoernig, Ch.; à Vienne .
Minervini ; à Naples .
Laeuente , Modeste; à Madrid .... »
Grote , Georges; à Londres .
Theiner, Augustin , à Rome .
De Kohne, Bernard; a Saint-Pétersbourg
Cantù, César; à Milan .
Lohek , à Munich .
De Vries, Mathieu; à Leide .
le chevalier d’ARNETH , à Vienne ....
Disraeli, Benjamin ; à Londres •
Wolowski, Louis; à Paris .
Renier, Léon; à Paris .
Thiers, Adolphe, à Paris .
Élu le 1 1 janvier
1847.
— 11 janvier
1847.
— 17 mai
1847.
— 7 mai
1849.
— 7 mai
1849.
— 7 mai
1849.
— 7 mai
1849.
— 6 mai
1851.
— 7 mai
1855.
— 7 mai
1855.
— 7 mai
1855.
, — 7 mai
1855.
— 26 mai
1856.
— 26 mai
1856.
— 26 mai
1856.
— 4 mai
1859.
— 4 mai
1859.
— 4 mai
1859.
— 4 mai
1859.
— 4 mai
1859.
9 mai
1860.
— 9 mai
1860.
— 13 mai
1861.
— 13 mai
1861.
— 13 mai
1862.
— 19 mai
1863.
— 9 mai
1864.
— 9 mai
1864.
— 10 mai
1865.
— 10 mai
1865.
— 10 mai
1865.
— 8 —
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
M. L. Alvin, directeur pour 1865.
» Ad. Quetelet-, secrétaire perpétuel.
50 MEMBRES.
Section de Peinture:
M. De Këyzer, N.; à Anvers .
» Gallait, Louis; à Bruxelles
» le baron Leys, H.; à Anvers .
» Madou , Jean ; à Bruxelles .
» N avez, F. J.; à Bruxelles .
» Verboeckhoven , Eugène; à Bruxelles
» le baron Wappers, G. ; à Anvers .
» De Braekelf.er, F.; à Anvers .
» Portaels , Jean ; à Bruxelles
Nommé le 1er décernb. 1845.
— lerdécemb. 1845.
— Ier décernb. 1845.
— 1er décernb. 1845.
— 1er décernb. 1845.
— 1er décernb. 1845.
— 1er décernb. 1845.
Élu le 8 janvier 1847.
— 4 janvier 1855.
Section de Sculpture :
M. Geefs, Guillaume; à Bruxelles.
» Siïuonis, Eugène; à Bruxelles .
» Geefs, Joseph; à Anvers .
» Fraikin, C. A. ; à Bruxelles.
. Nommé le 1er décernb. 1845.
— 1er décernb. 1845.
Élu le 9 janvier 1846.
— 8 janvier 1847.
Section de Gravure :
M. Franck , Joseph ; à Bruxelles . Élu le 7 janvier 1864.
» N . .
Section d’Archltecture :
M. Partoes, H. L. F.; à Bruxelles
Élu le 8 janvier 1847.
— 9 —
M. Balat, Alph .; à Bruxelles.
» Payen , A.; à Bruxelles.
» Deman , G. ; à Bruxelles.
Section de Musique :
M. De Bériot, Ch.; à Bruxelles .
» Fétis, Fr. Jos.; à Bruxelles .
» Hanssens, Ch. L.; à Bruxelles.
» Vieuxtemps, H.; à Bruxelles .
M. Alvin, Louis J.; à Bruxelles . .
» Quetelet, A. J. L.; à Bruxelles .
» Van Hasselt, André; à Bruxelles.
» Fétis, Ed. ; à Bruxelles.
» De Busscher, Edm. ; à Gand .
» N .
CORRESPONDANTS (10 au plus.)
Pour la Peinture
M. De Biefve, Édouard; à Bruxelles.
» Dyckmans, J. L.; à Anvers .
Pour la Sculpture :
S\I . Jehotte , Louis ; à Bruxelles
Pour la Gravure :
M. Jouvenel, A.; à Bruxelles ....
» Verswyvel, Michel C. A. ; à Anvers.
Élu le
9 janvier
1862.
—
9 janvier
1862.
“
12 janvier
1865.
Nommé
le 1er décemb.
1845.
—
1er décemb.
1845.
_
1er décemb.
1845.
_
1er décemb.
1845.
Élu le
9 janvier
1862.
ipports avec les Beaux-Arts :
Nommé le 1er décemb.
1845.
—
1er décemb.
1845.
—
1er décemb.
1845.
Élu le
8 janvier
1847.
—
5 janvier
1854.
1 plus.)
Élu le
9 janvier
1846.
, -
8 janvier
1847.
. Élu le
9 janvier
1846.
. Élu le
8 janvier
1847.
—
22 septemb. 1852.
Pour la Musique:
. Élu le 22 septemb. 1852.
2
M. Bosselet, C. F.; à Bruxelles .
Tome XXXV.
— 10 —
Pour les Sciences et les lettres dans leurs rapports avec les Beaux-Arts :
M. Siret, Adolphe; à S^Nicolas .
. Élu le 4 janvier 1855.
50 ASSOCIÉS.
Pour la Peinture .
M. De Cornélius, P.; à Berlin .
» Landseer, E.; à Londres .
» Kaulbach, W.; à Munich .
» Ingres, J. A. D.; à Paris .
» Becker, J.; à Francfort .
» Haghe, L.; à Londres .
» Schnetz, J. V.; à Paris .
» Picot, François; à Paris .
» Robert-Fleury , à Paris .
» Gérome ; à Paris .
» N .
Élu le 6 février 1846.
— 6 février 1846.
— 6 février 1846.
— 8 janvier 1847.
— 8 janvier 1847.
— 8 janvier 1847.
— 22 septemb. 1852.
— 7 janvier 1858.
— 7 janvier 1864.
— 12 janvier 1865.
Pour la Sculpture :
M. Tenerani, Pierre; à Rome .
» Dumont, A. A. ; à Paris . . . .
» le comte de Nieuwerkerke , Alf.; à Paris
» Royer, L.; à Amsterdam .
» Kiss , A. C. ; à Berlin .
» Foley, T. H. R. A.; à Londres .
» Cavelier, P. J.; à Paris .
Élu le
» JN
8 janvier 1847.
22 septemb. 1852.
22 septemb. 1852.
22 septemb. 1852.
8 janvier 1863.
8 janvier 1863.
7 janvier 1846.
Pour la Gravure :
M.
Forster, François; à Paris.
. Élu le 6
février
1846.
»
Henriquel-Dupont, L. P.; à Paris.
... — 8
janvier
1847.
»
Calamatta, L. A. J.; à Milan .
... — 8
janvier
1847.
))
Bovy, Ant. ; à Paris .
... — 8
janvier
1847.
))
Mercuri , Paul; à Rome ....
... — 8
janvier
1857.
))
Oudiné, E. A.; à Paris .
... — 8
janvier
1857.
))
Martinet, Achille; à Paris.
... — 7
janvier
1858.
))
Mandel, Éd.; à Berlin .
. . . — 12
janvier
1865.
11
Pour l’Architecture :
M. Donaldson, Thom.; à Londres
» Forster, Louis; à Vienne .
» Viollet-le-duc , E. E.; à Paris
» Leins; à Stuttgart •
» Hittorf, J. I.; à Paris .
» Daly , César ; à Paris .
»> N .
M
M.
Pour la Musique
Rossini, J.; à Paris ....
Auber, D. F. E.; à Paris
Dàussoigne-Méhul, J. ; à Liège
Lachner, Fr.; à Munich
Mercadante, S.; à Naples
Thomas, Ambroise; à Paris .
David, Félicien; à Paris .
Verdi , Giuseppe ; à Busetto .
Bock, C. P.; à Fribourg en Breisgau
Waagen, Gust.; à Berlin .
De Coussemaker, Ed.; à Lille .
Gerhard, Éd.; à Berlin,
le comte de Cauihont , A.; à Caen
Quaranta, Bernard; à Naples.
Ravaisson, F.; à Paris .
N .
Élu le
6 février
1846.
—
5 janvier
1854.
—
8 janvier
1863.
—
7 janvier
1864.
—
7 janvier
1864.
12 janvier
1865.
Élu le
6 février
1846.
—
6 février
1846.
—
6 février
1846.
—
8 janvier
1847.
—
22 septemb. 1852.
—
8 janvier
1863
—
8 janvier
1863
—
12 janvier
1865
ts avec les Beaux-Arts
Élu le
6 février
1846
—
8 janvier
1847
—
8 janvier
1847
—
8 janvier
1847
—
22 septemb. 1848
—
5 janvier
1854
—
10 janvier
1856
NECROLOGIE
CLASSE DES SCIENCES.
M. Cantraine, F.; membre, décédé le 22 décembre 1865.
» Timmermans, A.; membre, décédé le 51 août 1864.
» Kickx, J.; membre, décédé le 1er septembre 1864.
» d’Udekem, J.; membre, décédé le 10 décembre 1864.
» Struve, G.; associé, décédé le 11 novembre 1864.
» Encre , J. F.,- associé, décédé le 26 août 1865.
CLASSE DES LETTRES.
M. de Ram, P. F. X.; membre, décédé le 14 mai 1865.
» Arendt, G. A.; membre, décédé le . . . août 1865.
» Rafn, C. C. ; associé, décédé le 20 octobre 1864.
» Backhuyzen Vanden Brinck; associé, décédé le 15 juillet 1865.
» de Hurter, Frédéric; associé, décédé le 27 août 1865.
» Senior, G. Nassau; associé, décédé le . . . juin 1864.
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
M. Braemt, J. P.; membre, décédé le 1er décembre 1864.
» Demanet, A.; membre, décédé le 28 mai 1865.
» Stüler, A.; associé, décédé le 18 mars 1865.
» Duret, F. J.; associé, décédé le 25 mai 1865.
TABLE
DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME XXXV.
CLASSE DES SCIENCES.
Nouvelles recherches sur les lois des proportions chimiques, sur les poids atomiques et leuis
rapports mutuels; par M. J. S. Stas.
Sur la stabilité des systèmes liquides en lames minces; par M. Ernest Lamarle.
Recherches sur les ossements provenant du crag d’Anvers : Les Squalodons ; par M. P. J. Van
Beneden.
Recherches sur les Bdellodes ( Hirudinèes ) et les Trématodes marins; troisième et quatrième
appendices; par MM. P. J. Van Beneden et C. E. Hesse.
Mémoire sur les Lombricins; par M. d’Udekem.
Observations des phénomènes périodiques des plantes et des animaux, pendant les années
1861 et 1862.
CLASSE DES LETTRES.
Mémoire historique sur la guerre de Maximilien, roi des Romains, contre les villes de Flandie
(U82-1488); par M. J. J. De Smet.
Mémoire sur l’organisation judiciaire, les lois pénales et la procedure criminelle de 1 Egypte
ancienne; par M. J. J. Thonissen.
0
H
.
■ >
■
.
H
.
■
NOUVELLES RECHERCHES
SUR
LES LOIS DES PROPORTIONS
SUR
LES POIDS ATOMIQUES
LEURS RAPPORTS MUTUELS;
PAR
N. J.-S. ST AS,
MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE, PROFESSEUR A L'ÉCOLE MILITAIRE.
! Présenté à l’Académie, le 14 janvier 1865.)
Tome XXXV.
NOUVELLES RECHERCHES
SUR
LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES,
SUR
LES POIDS ATOMIQUES
LEURS RAPPORTS MUTUELS.
INTRODUCTION.
J’ai l’honneur de présenter à l’Académie trois Mémoires renfermant l’ex¬
posé détaillé des travaux que j’ai entrepris au sujet des lois des proportions
chimiques, des poids atomiques et de leurs rapports mutuels. J’ai exécuté
ces travaux dans le hut de soumettre à un nouveau contrôle les résultats que
j’ai fait connaître en 1860 dans mes Recherches sur les rapports réciproques
des poids atomiques *, et de répondre en même temps à des objections faites
contre les conclusions si radicales, je l’avoue volontiers, par lesquelles j’ai
cru, après mûre réflexion, devoir terminer ce Mémoire. Autant qu’il m’a été
1 Quoique les chimistes n’attachent jamais à l’expression rapports réciproques la significa¬
tion de rapports inverses qu’elle a en arithmétique, je l’ai cependant remplacée dans le titre
actuel par les mots rapports mutuels , afin de rendre la confusion impossible.
4
NOUVELLES RECHERCHES
possible de le faire, j’ai résumé dans celte introduction les différentes ques¬
tions que j’ai traitées, les résultats auxquels je suis arrivé et les conséquences
qui en découlent. J’ai agi ainsi afin de donner à ceux qui ne s’intéressent
point aux détails analytiques une idée de l’ensemble de mes travaux, et de
dégager les faits de la pensée qui m’a dirigé.
Prout a posé en principe que les. poids atomiques de tous les corps simples
sont des multiples en nombres entiers de celui de l’hydrogène. Je l’ai déjà dit
dans mon précédent travail , l’unité admise par Prout fut bientôt reconnue
inexacte; mais l’idée qu’il avait introduite dans la science fut regardée par
un grand nombre de chimistes comme parfaitement fondée en fait. M. Dumas
notamment, profondément convaincu de l’exactitude du principe de Prout,
admit que tous les poids atomiques sont des multiples de celui de l’hydrogène,
par 1,00, ou par 0,50, ou par 0,25. Mes recherches sur l’azote, le chlore,
le soufre, le potassium, le sodium, le plomb et l’argent, publiées en 1860,
m’ont conduit, au contraire, à cette conclusion « qu’il n’existe point de commun
» diviseur entre les poids des corps simples qui s’unissent pour former toutes
» les combinaisons définies. » J’ai considéré, en conséquence, l’hypothèse de
Prout comme une pure illusion , et j’ai regardé tous les corps réputés indé¬
composables comme des êtres distincts n’ayant aucun rapport simple de poids
entre eux.
En m’en rapportant aux témoignages publics et privés, ces conclusions,
quelque absolues qu’elles semblent, ont été acceptées par un grand nombre
de chimistes en Allemagne, en Angleterre et en Italie. 11 n’en a pas été de
même en France. Le motif de cette différence d’appréciation réside dans la
conviction profonde qu’ont produite, dans l’esprit d’un grand nombre de chi¬
mistes français, les travaux de mon illustre maître sur le même sujet.
Quelque délicate que soit ma position dans celte question, je vais recher¬
cher le fondement de cette conviction. A cet effet, je me propose d’examiner
les observations faites contre les conclusions de mon travail. J’examinerai
ensuite le principe qui a inspiré Prout lorsqu’il a émis son hypothèse; je
donnerai enfin un résumé des différents travaux que j’ai entrepris soit pour
répondre aux objections, soit pour contrôler mes recherches, soit pour en
faire de nouvelles.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
»
A peine mon Mémoire avail-il paru que M. Marignac s’est empressé d’en
donner une analyse dans la Bibliothèque universelle de Genève ', en la faisant
suivre de quelques objections contre les conclusions que j’ai déduites de mes
expériences j conclusions qu’il trouve trop absolues. Qu’il me soit permis
de passer sous silence l’appréciation que le célèbre chimiste génevois a
faite de mon travail, pour arriver directement à ses observations. Je les cite
pour la plupart in extenso, afin de mettre chacun à même de les apprécier.
« Si j’ai rappelé, dit M. Marignac1 2, à côté des nombres de M. Stas,
» ceux que j’avais obtenus autrefois, ce n’est point dans le but unique
» d’en signaler le grand rapprochement; il me semble que l’on peut en
» tirer une conséquence importante. Je puis bien reconnaître, après avoir
» étudié le beau travail de ce savant, qu’il a apporté dans ses expériences des
» soins infiniment plus minutieux que ceux que j’avais cru devoir prendre,
» soit pour la purification des corps soumis à ses recherches, soit pour
» l’exactitude des pesées, soit pour toutes les précautions qui pouvaient être
» imaginées dans le but d’écarter toute cause d’erreur. Ses résultats offrent
» donc beaucoup plus de garanties d’exactitude que les miens, et cependant
» on voit combien peu ils en diffèrent, et l’on remarquera surtout qu’ils ne
» sont point en moyenne plus rapprochés que les miens des chiffres calculés
» d’après la loi de Proul. Il me semble qu’il est permis de conclure de là que,
» si après de nouveaux perfectionnements apportés soit dans les moyens de
» purification des corps, soit dans les méthodes expérimentales, quelque
» chimiste vient plus tard à reprendre la même série d’expériences avec de
» plus grandes garanties encore d’exactitude, la différence qui pourra se
» manifester entre ses résultats et ceux de M. Stas sera très-probablement du
» môme ordre que celle qui existe entre ceux-ci et les miens, et qu’il n’en
» ressortira pas un accord plus grand avec la loi de Proul.
» 31on opinion sur ce point étant énoncée, on s’étonnera peut-être que je
» ne me range pas entièrement aux conclusions admises par M. Stas, savoir
» qu’on doit considérer la loi de Prout comme une pure illusion, et regarder
1 Archives dés sciences physiques et naturelles (nouvelle période), t IX, année 1800. p. 97.
2 Idem, page 105.
6
NOUVELLES RECHERCHES
» les corps indécomposables de notre globe comme des êtres distincts n’ayant
» aucun rapport simple de poids entre eux. Qu’on me permette, ajoute
» M. Marignac, quelques observations sur ces conséquences, qui me parais-
» sent trop absolues ; elles porteront sur deux points distincts.
» Et d’abord, j’avoue que je ne serai convaincu de l’exactitude d’un poids
» atomique , ou plutôt que je ne me ferai une idée nette du degré de confiance
» qu’elle mérite que lorsque ce poids aura été obtenu par plusieurs méthodes
» absolument indépendantes les unes des autres , reposant sur l’analyse de
» plusieurs composés tout à fait distincts. »
Je partage entièrement l’opinion de M. Marignac sur ce point, et ce qui
le prouve, c’est que, dans mes Recherches sur les rapports réciproques des
poids atomiques , j’ai donné des éléments absolument indépendants pour cal¬
culer le poids atomique de l’argent, quoique cependant mes expériences
eussent pour but principal la détermination des rapports des poids atomiques
et non pas les poids atomiques eux-mêmes. Du reste, on le verra plus loin,
j’ai essayé de satisfaire au désir exprimé par M. Marignac.
« J’ajoute expressément, continue M. Marignac, que j’entends par des
» méthodes différentes celles qui reposent sur l’analyse ou la synthèse de
» composés absolument distincts, et non pas seulement celles qui ne diffè-
» rent que par la manière de faire réagir les mêmes composés. Ainsi lorsque,
» dans mon premier travail, j’ai invoqué comme preuve d’exactitude la coïn-
» cidence du rapport observé entre l’argent et le chlorure de potassium avec
» celui que l’on aurait calculé d’après d’autres expériences, donnant le rap-
» port direct entre le chlore et l’argent, ou lorsque 31. Stas invoque comme
» un contrôle de la synthèse de l’azotate d’argent, les expériences par
» lesquelles il a déterminé le rapport proportionnel entre cet azotate et le
» chlorure de potassium relié lui-même directement à l’argent, je ne vois
» là qu’une confirmation de l’exactitude avec laquelle ont été faites les expé-
» riences, mais nullement celle de la méthode expérimentale elle-même. »
Je ne puis partager sur ce point l’opinion de mon célèbre contradicteur.
La concordance des résultats obtenus à l’aide de ce contrôle prouve non-seu¬
lement que les expériences ont été faites avec exactitude, mais encore que la
synthèse de l’azotate d’argent, de même que la composition normale de ce
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 7
sel, ne se concilient pas avec la loi de Prout. En effet, pour échapper à cette
conséquence nécessaire, M. Marignac est obligé de faire une hypothèse qui est
la négation du principe sur lequel repose la détermination des poids ato¬
miques.
« Si, par une cause quelconque, dit-il, l’azotate d’argent dans les condi-
» lions les plus normales de sa préparation ne renferme pas ses éléments dans
» les proportions rigoureuses de leurs poids atomiques, toutes les méthodes
» les plus exactes appliquées à son analyse ou à sa synthèse donneront avec
» la même inexactitude le rapport de ces poids.
» C’est là en effet la cause principale du doute qui règne encore dans mon
» esprit. Il ne m’est pas absolument démontré que bien des corps composés
» ne renferment pas constamment et normalement un excès, très-faible sans
» doute, mais sensible dans des expériences très-délicates, de l’un de leurs
» éléments. »
L’objection de M. Marignac signifie qu’il n’est pas démontré que, dans
les combinaisons chimiques stables ( et j’admets que l’azotate et le sulfure
d’argent sont dans ce cas), les éléments qui les constituent sont exacte¬
ment et d’une manière invariable dans le rapport de leurs poids atomiques.
Il me semble que cette opinion, si elle est fondée en fait, conduit au ren¬
versement de toutes les notions fondamentales ; la loi des proportions définies ,
la loi des proportions multiples, cessent d’être des lois mathématiques, elles
deviennent forcément des lois limites. L’hypothèse de l’existence d’atomes n’a
plus de raison scientifique d’être; en effet, elle n’a d’autre fondement solide
que la constance réelle et non point virtuelle des combinaisons, et Y invaria¬
bilité réelle et non point virtuelle des rapports en poids des éléments qui les
forment.
Je ne me dissimule pas que parmi les notions fondamentales de la chimie il
en existe une foule, comme dans toutes les autres sciences, que l’on a admises
comme étant démontrées, et qui sont bien loin de l’être. Examinons donc ce
qui en est pour la loi des proportions définies. Elle repose sur les analyses et
les synthèses exécutées depuis un siècle bientôt. Ces deux données ne me
semblent laisser aucun doute, même pour l’esprit le plus exigeant, sur l’exac¬
titude du fait généralement admis de la constance de toute combinaison;
8
NOUVELLES RECHERCHES
mais la constance de composition de toute combinaison ne prouve pas que les
rapports en poids, que leurs éléments observent, doivent se maintenir d une
«
manière absolue dans des combinaisons avec d’autres corps. Ainsi la compo¬
sition du sulfure et du sulfate de baryum peut être constante, sans que pour
cela le rapport en poids du soufre au baryum dans le sulfure soit absolument
identique au rapport que ces mêmes corps présentent entre eux dans le sul¬
fate de baryum. Le caractère fondamental que l’on observe dans certaines
doubles décompositions, c’est-à-dire le maintien de la neutralité du liquide au
sein duquel ce phénomène s’est accompli, et qui a porté Wenzel, il y a un
siècle bientôt, à supposer l’existence d’une loi, ne démontre pas rigoureu¬
sement que les rapports relatifs des métaux alcalins et terreux qui se rempla¬
cent dans une quantité donnée d’un même acide sont les mêmes pour tous
les acides, pas plus que V altération de cette neutralité ne démontre que ces
rapports relatifs ne sont pas les mêmes.
Les travaux de Wollaston et de Gay-Lussac, sur lesquels on s’est appuyé
au commencement de ce siècle, n’offrent point le degré de précision voulu pour
en déduire avec certitude que l’hypothèse de Dalton, connue sous le nom de
loi des proportions multiples, est l’expression d’une loi mathématique ou
simplement d’une loi limite.
Lorsqu’on pèse bien toutes les raisons qui ont guidé les chimistes pour
considérer la loi de Wenzel et l’hypothèse de Dalton comme des vérités démon¬
trées, on reste convaincu qu’ils se sont plutôt basés sur la constance de com¬
position des combinaisons que sur une démonstration expérimentale rigou¬
reuse de ces lois. En se plaçant au point de vue strict des principes, on peut
donc révoquer en doute qu’il soit prouvé que les corps composés, produits
dans les conditions normales de leur formation, renferment leurs éléments
dans les proportions rigoureuses des poids de leurs atomes. Du moment que
les lois des proportions chimiques peuvent être envisagées comme des lois
limites, quelque improbable que cela soit, les partisans de l’hypothèse de Prout
peuvent supposer, comme le fait M. Marignac, que si les poids atomiques
déterminés à l’aide de l’expérience ne coïncident pas exactement avec l’hy¬
pothèse du chimiste anglais, cet écart provient de ce que les combinaisons ne
renferment pas leurs éléments dans les rapports exacts de leurs poids ato-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
9
iniques. Dans ce cas, tout moyen de soumettre la loi de Prout à une vérifica¬
tion expérimentale échappe à nos investigations. La détermination des poids
atomiques perd également de l’importance qu’on a attribuée jusqu’ici à ces
poids comme constantes de la nature , parce qu’on a la certitude a priori que
l’expérience la plus exacte ne peut fournir que des poids atomiques moyens
ou limites y et non plus les vrais rapports des poids des atomes.
Mais si, à mon tour, j’examine la base sur laquelle repose l’hypothèse de
Prout et la probabilité de son exactitude, avec la rigueur que j’ai mise à cher¬
cher à me convaincre si les lois des proportions chimiques sont démontrées
comme lois mathématiques, j’arrive à d’autres incertitudes que celles que la
méthode scientifique stricte laisse au sujet des lois fondamentales des com¬
binaisons chimiques. M. Marignac l’a rappelé, le principe qui a porté Proul
à émettre son hypothèse est celui de l’unité de la matière. Le chimiste
anglais a cru voir cette unité dans l’hydrogène. Je l’ai déjà dit, les travaux
de M. Penny, de Glasgow, et de M. Marignac, ont prouvé qu’elle est de
moitié au moins trop grande en ce qui concerne le chlore. M. Marignac
et M. Dumas ont démontré le même fait pour le baryum; de plus, leurs
recherches ont établi qu’elle est quatre fois trop grande pour le strontium ;
enfin, je crois avoir démontré qu’elle est huit fois trop grande pour le
potassium, et au moins seize fois trop grande pour l’azote.
Je le sais, de l’inexactitude du choix de l’unité admise par Prout ne
résulte pas nécessairement le renversement de son hypothèse, car l’idée de
Prout est indépendante de la grandeur de l’unité, comme M. Marignac l’a fait
observer le premier. En effet , l’hypothèse subsiste, soit qu’elle s’applique à
des corps existants, connus ou non, soit même à une matière première
n ayant plus d’existence actuelle. En admettant ces considérations comme
fondées, je suis naturellement conduit à examiner en principe la légitimité
des conclusions des chimistes qui s’appuient sur l’expérience pour considérer
l’hypothèse comme l’expression d’une loi naturelle probable.
Lorsqu on remonte à l’origine de l’hypothèse, on s’aperçoit immédiate¬
ment qu’elle doit sa source à un préjugé, ou, si l’on veut, à une opinion pré¬
conçue concernant la simplicité des lois de la nature. Pendant longtemps les
chimistes comme les physiciens, dès l’instant qu’ils ont vu certains faits se
Tome XXXV.' 9
iO
NOUVELLES RECHERCHES
reproduire avec une apparence de régularité, ont cru à l’existence d’une loi
naturelle susceptible d’être exprimée par une relation mathématique simple ;
de plus ils ont contracté l’habitude de considérer la loi comme démontrée du
moment qu’ils avaient exécuté ou des pesées ou des mesures qui ne s’en
écartaient pas trop. La confiance dans le préjugé était telle, qu’ils attribuaient
invariablement, soit à la méthode d’observation, soit à l’erreur inévitable
dans l’expérience, les différences qu’ils observaient. Cette tendance de l’esprit,
et je dirai volontiers des plus grands esprits, a fait considérer comme lois
mathématiques rigoureusement démontrées , la loi de Boyle ou de Mariotte ,
la loi de Gay-Lussac concernant la dilatation des gaz par la chaleur, la loi de
Dulong et Petit relative aux chaleurs spécifiques des corps : on sait cepen¬
dant aujourd’hui à ne pas en douter que ce sont des lois limites, si tant est
même qu’on puisse maintenir comme telle la relation établie par Dulong et
Petit entre les poids atomiques et les chaleurs spécifiques.
C’est à cette même tendance, d’ailleurs très-naturelle, qu’on doit l’hypo¬
thèse de Prout. Il me serait par trop aisé de prouver que le chimiste anglais
s’est contenté d 'à peu près, autorisés peut-être à son époque, pour conclure
que les faits se conciliaient avec son opinion. Je rendrai plutôt hommage au
but élevé qu’il s’est proposé en l’émettant; mais aujourd’hui nous avons le
droit et le devoir même d’être plus exigeants envers les partisans de son
hypothèse. Quoique cet exposé serve de réponse aux objections de M. Mari-
gnac, je n’examinerai pas non plus si ses admirables travaux nous autorisent
à admettre la probabilité de l’exactitude de la loi de Prout. J’aurais mauvaise
grâce à le faire, puisque le célèbre chimiste génevois ne croit pas plus que
moi qu’on parvienne à concilier l’expérience avec l’hypothèse de Prout. Il ne
me reste donc pour cet examen que les recherches publiées par M. Dumas;
c’est d’ailleurs sur elles que tous les partisans de l’hypothèse de l’unité de la
matière se fondent pour la considérer comme l’expression d’une loi naturelle.
Je vais examiner avec une réserve que les chimistes voudront bien apprécier,
je l’espère, si les résultats consignés dans son Mémoire sur les équivalents
des corps simples démontrent la loi ou la rendent probable.
Si l’on en excepte une ou deux, toutes les déterminations consignées par
M. Dumas dans ce travail reposent sur les poids atomiques de l’argent et du
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
11
chlore représentés respectivement par 108 et par 35,5. Aucune de ces
deux valeurs n’a été fixée expérimentalement par lui. II les a déduites des
travaux de M. Marignac , qui , reliant l’argent au chlore directement par la
synthèse du chlorure et l’analyse du chlorate d’argent, et indirectement par
le chlorure et le chlorate de potassium, a trouvé de 107,91 à 107,92 poul¬
ie poids atomique de l’argent, et 35,455 pour le poids atomique du chlore.
A la vérité, mon illustre maître a cherché si la composition du chlorure d’ar¬
gent peut se représenter par le rapport de 108 à 35,50, et il a trouvé en
effet qu’il en est ainsi ; mais en admettant môme ce fait , du reste fort contes¬
table, en résulte-t-il que les poids atomiques de l’argent et du chlore sont
respectivement 108 et 35,5? Évidemment non; car tous poids atomiques de
ces deux corps, qui sont entre eux rigoureusement dans le même rapport,
satisfont à la condition de la composition.
Pour que les conséquences que l’on déduit du rapport de 108 à 35,50
soient légitimes , il faut donc avoir démontré a priori que ces chiffres repré¬
sentent les véritables poids atomiques de l’argent et du chlore. Or, les travaux
de M. Marignac et les recherches publiées postérieurement par d’autres chi¬
mistes ne permettent point de considérer ce fait comme prouvé. Des détermi¬
nations qui méritent le plus de confiance, il ne résulte même pas qu’il soit
probable.
Lorsque M. Marignac a tenté la synthèse du chlorure et l’analyse du chlo¬
rate d’argent, pour déduire de ces deux données le poids atomique de leurs
éléments en fonction de l’oxygène , il a signalé dans l’analyse du chlorate une
cause d’erreur dont l’effet est plutôt d’augmenter le poids atomique que de le
diminuer. J’ai constaté la même cause d’erreur, comme je l’expose plus loin.
Et cependant le résultat est en sens inverse de celui que la cause d’erreur
devrait produire; au lieu de conduire à un chiffre supérieur à 108, il a
donné 107,91. Les travaux de M. Marignac, interprétés dans le sens de ses
propres observations, ne nous autorisent donc point à admettre comme
démontré, ni même comme probable, que le poids atomique de l’argent est
108 et celui du chlore 35,50. Mais je vais supposer pour un moment que
je m’abuse dans mes appréciations : la base sur laquelle M. Dumas a fondé
ses déterminations étant donc admise, ses recherches prouvent-eïïes que les
NOUVELLES RECHERCHES
12
poids atomiques des corps sur lesquels mon illustre maître a opéré sont bien
réellement multiples par 1,00 , par 0,50 ou par 0,25? Je ne le pense pas. En
effet, quelles que soient son habileté et sa pénétration bien connues pour
découvrir et éviter les causes d’erreur dans l’expérience, les quantités de
matières employées n’ont jamais été assez grandes pour que les résultats
obtenus puissent renfermer en eux les éléments d’une démonstration. Mon
opinion, mûrement réfléchie, n’a jamais varié à ce sujet. Lorsqu’on veut
démontrer que les poids atomiques sont multiples par 1,00, ou. par 0,50,
ou par 0,25, il me semble évident que dans ce cas les résultats d’où l’on
déduit ces conséquences doivent rester constants dans la décimale de chacun
de ces facteurs. Ainsi, pour rendre ma pensée plus claire, je dirai : pour
qu’on puisse considérer comme prouvé que certains poids atomiques sont
multiples de 0,25, il faut que dans l’expérience la deuxième décimale de la
valeur du poids atomique reste constante. En agissant autrement, on déduit
la loi de l’hypothèse et non pas de l’expérience.
Or, en examinant à ce point de vue les déterminations faites parM. Dumas,
on reste convaincu que, quelque admirable que soit leur degré de précision,
elles ne satisfont point suffisamment à ces conditions. A mon avis, elles ne
peuvent même pas y satisfaire; car, en supposant absolument pures les
matières sur lesquelles il a opéré, comment faire la part du fait naturel ou de
la loi, et de l’erreur dé l’observation, lorsque cette erreur est aussi grande
dans la majeure partie des cas que la différence qu’il s’agit de constater?
On ne peut donc pas se baser sur ces déterminations pour considérer l’hy¬
pothèse de Prout comme étant l’expression d’une loi naturelle probable, et
moins encore d’une loi démontrée, pour les corps auxquels ces déterminations
s’appliquent.
Si les observations que je viens de présenter sont exactes , la démonstra¬
tion de l’hypothèse, qui incombe à celui qui la proclame une vérité naturelle,
sera d’autant plus difficile à faire qu’on diminuera davantage l’unité. Les
chimistes qui abaissent cette unité, à mesure que l’expérience rigoureuse
démontre le peu de fondement de l’unité proposée, se méprennent donc étran¬
gement sur les conséquences des principes qu’ils posent.
Mais, je le reconnais, tout ce que l’on peut objecter contre la loi de Prout
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
13
ne peut remplacer la démonstration rigoureuse de la loi des proportions
définies, démonstration qui incombe à ceux qui se basent sur elle pour
déclarer non fondée l’hypothèse du chimiste anglais. L’objection de M. Mari-
gnac, qui doute que les corps composés renferment leurs éléments dans les
proportions rigoureuses de leurs poids atomiques, subsiste donc dans toute sa
force, et conserve la valeur que lui donne l’autorité de son nom. Il résulte de
tout ce qui précède , que le problème que j’ai essayé de résoudre n’est pas
susceptible d’une solution rigoureuse, tant que je n’aurai pas prouvé par de
nouvelles expériences que la loi des proportions définies est l’expression d’une
relation mathématique.
Ces considérations m’ont porté à tenter une démonstration rigoureuse de
cette loi, quelque difficile, inabordable même que m’ait paru d’abord le pro¬
blème. Telle qu’elle est généralement entendue, elle se compose de deux
vérités naturelles distinctes, quoique l’une, à proprement parler, ne soit que la
conséquence de l’autre. Ces vérités sont la constance de composition de toute
combinaison et l’invariabilité des rapports en poids des éléments formant
toutes les combinaisons. Quoique, à mon sens, il ne reste aucun doute sur
la constance de composition des combinaisons chimiques , j’ai cherché néan¬
moins si la composition des corps dits stables n’est point fonction , clans une
limite très-étroite , des conditions dans lesquelles les combinaisons se forment,
telles que la température et la pression. J’ai abordé ensuite le problème de
la loi dans toute sa généralité. En y réfléchissant, on s’aperçoit qu’on peut
arriver à sa solution par deux moyens différents : par la voie directe, et par
la voie indirecte qui résout à la fois la question de la loi des proportions
définies et celle de l’hypothèse de Prout. J’entends par voie directe celle par
laquelle on démontre que le rapport de poids que tous les corps observent en
s’unissant entre eux , un à un , un à deux , etc., reste invariable.
Dans le premier Mémoire ci-joint intitulé : Recherches nouvelles sur les
lois des proportions chimic/ues , sont consignées les expériences que j’ai
tentées pour résoudre ces problèmes importants. Ce Mémoire se compose de
deux parties : la première a pour titre : De la constance de composition des
combinaisons dites stables. Dans le but de résoudre la question de savoir si,
lors de la formation des corps composés, la pression ou la température exer-
14
NOUVELLES RECHERCHES
cent une influence sur les rapports qu’observent entre eux les éléments qui
les constituent, j’ai repris la détermination du rapport proportionnel entre
l’argent et le chlorure d’ammonium , qui a déjà fait de ma part l’objet de si .
longues investigations. J’ai choisi ce moyen, parce qu’il permet de faire
intervenir comme condition de formation tantôt la température, tantôt la
pression , et ensuite parce que l’opération peut être exécutée avec une préci¬
sion qui touche à l’exactitude mathématique.
Les résultats auxquels je suis arrivé prouvent que, dans la limite dans
laquelle j’ai dû me renfermer pour rendre l’expérience possible, la tempéra¬
ture n exerce aucune influence sur la composition clu chlorure d’ammonium
et sur la composition du chlorure d’argent ; ils démontrent que la pression
est sans influence aucune sur la composition du chlorure d’ammonium. En
effet, le rapport proportionnel entre le chlorure d’ammonium et l’argent est
représenté par une constante, quel que soit le mode de formation du chlorure
ammonique ou du chlorure argentique.
La deuxième partie de ce Mémoire est intitulée : De l’invariabilité des rap¬
ports en poids des éléments formant les combinaisons chimiques. Pour
résoudre ce problème, j’ai recherché si, dans les corps binaires et dans les
corps ternaires, ayant chacun deux éléments communs , les éléments communs
existent invariablement dans les mêmes rapports en poids; autrement dit, si
dans deux corps AB et ABC, les rapports en poids de A à B sont exactement
les mêmes dans AB que dans ABC. Dans cette intention , j’ai institué trois séries
de recherches; les résultats auxquels elles m’ont conduit sont consignés dans
trois notices intitulées : 1° Recherches sur la transformation de l’iodate d’ar¬
gent en iodure , sous l’influence de l’acide sulfureux, faites dans le but de con¬
stater si le rapport en poids de l’iode à l’argent est le même dans ces deux
corps ; 2° Recherches sur la transformation du bromate d’argent en bromure,
sous l’influence de l’acide sulfureux, faites dans le but de constater si le rap¬
port du brome êi l’argent est le même dans les deux corps ; 3° Recherches sur
la transformation du chlorate d’argent en chloruré, sous l’influence de l'acide
sulfureux , faites dans le but de constater si le rapport en poids du chlore à
l’argent est le même dans ces deux corps. Il résulte de ces trois séries de tra¬
vaux que, sous l’influence de l’acide sulfureux, l’iodate, le bromate, le chlo-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
15
raie d’argent produits clans les conditions normales de leur formation, peu¬
vent être ramenés à l’état d’iodure, de bromure, de chlorure, sans qu'une
fraction, quelque minime quelle soit, d’iocle, de brome, de chlore ou d’argent
devienne libre. L’invariabilité des rapports en poids des éléments qui consti¬
tuent ces composés est donc démontrée.
De la combinaison des deux ordres de faits que je viens d’essayer de
prouver découle nécessairement que les corps s’unissent dans des rapports
absolument fixes et invariables, que ces rapports sont de véritables con¬
stantes , et que les lois des proportions chimiques qui ont servi de base expé¬
rimentale à l’ hypothèse atomique , sont des lois mathématiques, comme les
chimistes l’ont admis depuis bientôt un demi-siècle. La conséquence légitime
que je puis en déduire est donc que les composés produits dans les conditions -
normales de leur formation, doivent nécessairement renfermer leurs éléments
simples dans les proportions rigoureuses de ces constantes. Ces recherches,
qui ont été d’une exécution très-laborieuse et très-délicate, m’autorisent à
dire : le doute soulevé par M. Marignac au sujet de la synthèse de l’azotate
et du sulfure d’argent n’est point fondé en -principe, et les objections que le
célèbre chimiste génevois en a déduites ne sont pas plus fondées que le doute
lui-même.
J’ai dit plus haut qu’on peut essayer une démonstration de la loi des pro¬
portions définies par une voie indirecte. J’entends, par voie indirecte, le moyen
qui consiste à rechercher si le poids atomique d’un même corps reste inva¬
riable lorsqu’il est déterminé, non-seulement à l’aide de méthodes indépen¬
dantes, mais à l’aide de corps différents. En effet, les poids atomiques fixés
dans ces conditions ne peuvent être identiques, qu’autant qu’il y ait inva¬
riabilité dans le rapport en poids des éléments des combinaisons, c’est-à-
dire qu’autanl que la loi des proportions chimiques ne soit pas une loi
limite. Quoiqu’on puisse prouver a priori que la voie indirecte ne peut con¬
duire à une démonstration rigoureuse, je l’ai tentée néanmoins, parce qu’elle
renferme en elle-même la solution de l’hypothèse de Prout, qui a été le but
de mon travail.
Afin de rendre la preuve aussi rigoureuse que les conditions le permettent,
j’ai cru indispensable de changer radicalement le système de synthèse et
16
NOUVELLES RECHERCHES
d'analyse employé par tous les chimistes. Jusqu’à ce moment les synthèses,
comme les analyses, ont été faites par différence . Cette méthode pour la syu-
thèse présuppose que le poids de l’élément employé se trouve intégralement
dans le composé dans lequel on l’engage, et de plus que le composé produit
et qu’on pèse ne renferme absolument que le corps simple ou complexe que
l’on a combiné au premier. De même, pour l’analyse, elle présuppose que
la différence représente absolument le poids de l’autre élément simple ou
complexe combiné. Dans ce système, l’opération d’analyse ou de synthèse
ne renferme point en elle-même le moyen de bien préciser l’erreur qu’elle
comporte. Elle ne permet de se faire une idée de l’exactitude du résultat que
par la répétition faite un grand nombre de fois de la même opération; encore,
. dans ce cas, est-il impossible de faire la part de l’erreur constante. La mé¬
thode par différence présente également l’inconvénient de ne pas fournir,
par l’opération même, une idée de la pureté de la matière ou des matières
mises en expérience. Pour tous ces motifs, j’ai pensé que dans les syn¬
thèses et les analyses qui ont pour but la détermination des poids atomiques,
il faut employer une méthode dans laquelle on fixe, par l’expérience même,
outre le poids de chaque élément séparé, le poids des éléments réunis.
Ainsi, pour une synthèse de deux corps A et B, défaut qu’on détermine le
poids de A, le poids de B, et qu’après leur union on pèse AB produit; et de
la même manière, dans l’analyse d’un composé ABC, lorsqu’on veut connaître
le rapport de AB à C, on doit déterminer séparément le poids de ABC, le
poids de AB et le poids de C qui en dérivent. Ce n’est qu’en tant qu’on réalise
ces conditions, qu’on peut mesurer exactement la limite d’erreur que com¬
portent toutes les opérations.
J’ai appliqué rigoureusement ce système à la synthèse de l’iodure et du
bromure d’argent et à l’analyse de l’iodate de ce métal ; pour des motifs que
j’indique dans mon travail, j’ai échoué dans l’application complète que j’ai
essayé d’en faire à l’analyse du bromate et du chlorate d’argent. On conçoit
du reste que ce ne sera que très-exceptionnellement qu’on pourra réaliser ces
principes dans toute leur rigueur à la synthèse et à l’analyse des corps. Les
résultats auxquels je suis arrivé sont consignés dans le deuxième Mémoire
intitulé : Recherches nouvelles sur les poids atomiques de l’argent, de l’iode ,
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
17
du brome et du chlore, faites dans le but de constater si le poids atomique de
l’argent, déterminé à l’aide de ces trois corps, est le même et si ces poids
atomiques sont conformes à l’hypothèse de Prout. Ce Mémoire se compose
des neuf notices suivantes :
1° Des systèmes employés pour faire des synthèses et des analyses;
2° Synthèses par différence de l’iodure d’argent ;
3° Synthèses par somme et synthèses complètes, de l’iodure d’argent ;
fc° Synthèse par différence du bromure d’argent ;
5° Synthèses par somme et synthèses complètes du bromure d’argent ;
6° Analyses complètes de l’iodale d’argent;
1° Analyse par différence de l’iodale d’argent ;
8° A nalyses par différence du bromate d’argent ;
9° Analyses par différence du chlorate d’argent.
Les conséquencés qui découlent de ces longs et pénibles travaux sont que
la composition de Piodure, du bromure et du chlorate d’argent déterminée, il
y a vingt années déjà, par M. Marignac, est rigoureusement exacte; que la
composition de Piodure d’argent est absolument inconciliable avec l’hypo¬
thèse de Prout; que la composition de Piodale, du bromate et du chlorate ne
se concilie pas davantage avec cette hypothèse ; que le poids atomique de
l’argent, déduit de ces trois données indépendantes entre elles , est presque
absolument le même, et se confond avec le poids atomique déduit de la syn¬
thèse du chlorure et de l’analyse du chlorate, faites par M. Marignac, de la
synthèse du sulfure et de l’analyse du sulfate exécutées par moi.
En effet, le poids atomique de l’argent est en moyenne :
1" D'après les synthèses du chlorure et les analyses du chlorate faites
par M. Marignac . 1 07.9 1 5
2° D’après mes synthèses du sulfure et mes analyses du sulfate. . . 107,920
5° — — de l’iodurc et mes analyses de l’iodate. . . 107,928
4° — — du bromure et mes analyses du bromate. . 107,921
5° — — du chlorure et mes analyses du chlorate. . 107,957
Si le doute que Mc Marignac a soulevé au sujet des synthèses du sulfure et
de Pazotate d’argent n’avait reçu de solution satisfaisante par les essais directs
auxquels j’ai soumis la loi des proportions chimiques, la concordance que
Tome XXXV. . 3
18
NOUVELLES RECHERCHES
présente le poids atomique de l’argent déterminé à l’aide, de quatre données
absolument indépendantes entre elles, suffirait , me semble-t-il, pour le dissiper
à jamais.
Enfin j’avais à cœur de soumettre Tes autres résultats, consignés dans mes
Recherches sur les rapports réciproques des poids atomiques , à une nouvelle
vérification, en me servant de méthodes différentes et indépendantes, surtout
après avoir été accusé de tourner le dos à la vérité et au progrès i. Parmi les
corps qui ont fait l’objet de mes investigations, l’azote est celui dont le poids
atomique s’écarte le plus de la loi de Prout, en considérant, bien entendu, la
valeur relativement faible de son poids. D’après celte hypothèse, son poids
atomique est représenté par 14,00. Or, j’ai trouvé qu’il est égal à 14,06 en
le déduisant du chlorure d’ammonium, supposant , bien entendu, par hypo¬
thèse toute gratuite, que le rapport de l’hydrogène à l’oxvgène est comme
1 : 1 6,00 ; et j’ai trouvé qu’il est au maximum 1 4,046 et en moyenne 1 4,04 1
en le déduisant de la synthèse de l’azotate d’argent. J’aurais désiré soumettre
ces résultats à un contrôle direct par l'analyse de l’oxyde azoteux exécutée
d’après le système exposé plus haut, c’est-à-dire en pesant le composé et
chacun de ses éléments isolés. Malheureusement jusqu’ici je n’ai trouvé
aucun mécanicien qui ait osé entreprendre la construction de l’appareil dans
les conditions que je crois indispensables pour la réussite de l’expérience.
Ce moyen me faisant défaut, j’ai eu recours à une voie indirecte qui fournit
des résultats extraordinairement concordants et certains, lorsqu’on se donne
la peine de l’appliquer à des composés dans lesquels entrent des éléments
variables à côté d’éléments constants. J’ai cru trouver ce moven dans la Iran s-
«/
formation des chlorures en azotates. Celle méthode a d’ailleurs été pratiquée
par M. Penny, de Glasgow. Les chlorures sur lesquels j’ai opéré sont ceux de
potassium , de sodium et de lithium. J’ai refait également de nouvelles synthèses
de l’azotate d’argent, afin de pouvoir contrôler mes anciennes expériences,
et déduire avec certitude le poids atomique de l’azote du rapport des poids
de chlorure et d’azotate produits par une unité de poids d’argent. Pour le
lithium , j’ai vérifié à l’aide de recherches nouvelles son poids atomique, déter-
> Cosmos, 1860, t. XVII, p. 656.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
49
miné il y a trois années par M. Car! Diehl, et confirmé plus tard par les tra¬
vaux de M. Troost.
On conçoit en effet que par la transformation d’un chlorure en azotate,
ou par la détermination du rapport des»poids de chlorure et d’azotate obtenu
à l’aide d’une unité de poids de métal, on doit pouvoir vérifier l’exactitude
d’un poids atomique donné de l’azote, si le poids atomique des éléments
composant le chlorure est suffisamment déterminé.
D’après la loi des proportions chimiques, et d’après la composition des
azotates, la différence entre le poids d’une molécule d’un chlorure et celui
d’une molécule de l’azotate correspondant doit être égale à une constante
représentée par la différence existant entre le poids atomique du chlore et la
somme des poids d’un atome d’azote et de trois atomes d’oxygène. En prenant,
conformément à l’hypothèse de Prout, le chlore = 35,50, l’azote = IL, 00
et l’oxygène = 16,00, la constante doit être égale à 26,50.
Dans le troisième Mémoire intitulé : Recherches faites dans le bat de
déterminer et de contrôler les poids atomiques de l’azote , du brome , du
chlore, de l’argent , du lithium , du potassium et du sodium, sont consignés
tous les travaux auxquels je me suis livré pour résoudre ces différentes ques¬
tions. Ce Mémoire se compose de quinze notices; il est sans intérêt de les
citer toutes ici. Les principales sont intitulées : 5° Du chlorure de potassium
employé dans les déterminations , et détermination du rapport proportionnel'
entre le chlorure et l’azotate de potassium ; 7° du chlorure de sodium employé
clans les déterminations , et détermination du rapport proportionnel entre ce
chlorure et l’azotate de sodium ; 9° du chlorure de lithium employé dans les
déterminations ; 11° du moyen employé pour la détermination du rapport
proportionnel entre le chlorure de lithium et l’argent ; 13° du moyen employé
pour la détermination du rapport proportionnel entre le chlorure et l’azotate
de lithium; IL0 nouvelles synthèses de l’azotate d’argent.
Les résultats remarquablement concordants auxquels me conduisent les
travaux exposés dans ces notices démontrent que, prenant le potassium =
39,00, ou 39,125 ou 39,250, Se sodium = 23,00, le lithium = 7/10,
l’argent = 108,00, la différence entre le poids d’une molécule de chlorure
d’un de ces métaux et l’azotate qui lui correspond n’est pas une constante ,
20
NOUVELLES RECHERCHES
comme elie doit l’être d’après la loi des proportions chimiques, et de plus
qu’elle n’est pas égale à 26,50.
En effet, pour le potassium , suivant qu'.on prend K — à 39,000,
ou 39,125. ou 39,250, cette différence est comprise entre 26,555 et 26,640
Pour le sodium, cette différence est de . 26,591
Pour le lithium, cette différence est de . 26,605
Pour l’argent, cette différence est de . 26,607
Au lieu de . 26,500
Ces travaux établissent au contraire que la différence devient une con¬
stante du moment que, pour calculer les résultats, on prend pour poids ato¬
miques non les chiffres de l’hypothèse, mais ceux déduits directement de
l’expérience. Dans ce cas, le chlore étant 35,457 ,
et R = 59,130, la différence est égale à . 2^5,586
et Xa = 25,043, — est égale à . 26,591
et L i = 7,022, — est égale a . 26,389
et A g — 107,950, — est égale à . 26,387
Cette constante est donc égale en moyenne à . . . 26,588
Jl y a donc une différence de sur P°*ds total de la constante, ou de
près d’un dixième d’atome d’hydrogène, qui sert d’unité, entre le calcul et le
résultat des expériences concordantes, dans lesquelles néanmoins sont inter¬
venus quatre métaux distincts, dont trois sont les mieux connus parmi tous
les éléments existants. Cette différence constitue une erreur seize fois plus
grande que l’écart moyen que j’ai observé dans mes expériences sur le chlo¬
rure de potassium; elle est douze fois plus grande que i’ écart moyen constaté
dans les expériences sur le chlorure de sodium, dont une détermination a été
faite en collaboration avec M. Ivekulé; elle représente une erreur quarante
fois plus grande que l’écart moyen qu’offrent entre elles mes déterminations
du rapport proportionne! entre le chlorure et l’azotate de lithium; enfin,
celle différence constitue une erreur quarante fois plus grande que l'écart
moyen qu’offrent entre elles mes nouvelles synthèses de l'azotate d'argent.
La grandeur de la différence entre le calcul d’après l'hypothèse de Prout
et l’expérience provient de ce que, dans cette méthode de contrôle, l’écart
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
-21
trouvé entre les poids atomiques du chlore et de 1 azote calculés d après 1 hy¬
pothèse, et les poids atomiques déduits des déterminations expérimentales, et
qui est en sens opposé , vient s’ajouter, au lieu de se retrancher, comme cest
souvent le cas pour d’autres moyens d investigation. De relativement faihle
qu’est la différence pour chacun de ces deux corps, additionnée elle devient
tellement forte qu’il est absolument impossible de l’attribuer à une erreur
constante de l’observation. La somme de l’écart moyen qui existe, pour le
chlore et l’azote, entre les chiffres de l’hypothèse et ceux qui dérivent des
expériences consignées dans mes Recherches sur les rapports réciproques des
poids atomiques est de 0,084 à 0,086, ou à peu près un dixième d’atome
d’hydrogène, somme qui, dans la limite d’exactitude de l’expérience, est
égale à l’excédant observé dans la transformation des chlorures en azotates.
C’est même, je l’avoue, ce motif qui m’a déterminé à entreprendre ces quatre
séries de recherches dans lesquelles, je le savais d’avance, j’allais me
heurter à des difficultés de toute nature tellement considérables, qu’à plusieurs
reprises j’ai été sur le point de devoir les abandonner. Je m'explique du reste
tout au long à ce sujet dans l’exposé de ces recherches.
Le poids atomique de l’azote qui dérive de ces travaux est, d’après le
rapport de poids :
Du chlorure de potassium à l’azotate . = 1 4,045
Du chlorure de sodium à l’azotate . = 14,048
Du chlorure de lithium à l’azotate . = ! 4,046
Du chlorure d’argent à l’azotate . = 14,044
Moyenne. . . . 14,043
Il y a donc un écart moyen qui ne dépasse pas de la valeur.
Mes nouvelles synthèses de l’azotate d’argent conduisent à. . . . 14,042
Mes anciennes synthèses , consignées dans mes recherches sur les rap¬
ports réciproques des poids atomiques ont donné, en moyenne. . 14,041
Moyenne générale. . . . 14,044
Ces travaux conlirment donc complètement la conclusion que j’ai tirée de
la synthèse de l’azolate d’argent; ils établissent à suffisance de preuve que le
22
NOUVELLES RECHERCHES
poids atomique de l’azote n’est point représenté par 14,00, l’oxygène étant
16,00, et que V hypothèse sur laquelle on a basé ce nombre n est point fondée
en expérience.
Ces travaux prouvent également que :
4° Le poids atomique du potassium est compris entre
2“ Le poids atomique du sodium est compris entre .
5° Le poids atomique du lithium est compris entre .
4° Le poids atomique de l'argent est compris entre .
5° Le poids atomique du chlore est compris entre .
59,150 et 59.155
25,042 et 25,045
7,020 et 7,024
407,925 et 107,950
55,455 et 55,460
Avant la publication de mes Recherches sur les rapports réciproques des
poids atomiques, j’avais déterminé un grand nombre de fois le rapport pro¬
portionnel entre le bromure de potassium et l'argent. Les travaux que j’ai
exécutés pour obtenir le brome pur destiné à la synthèse du bromure d’ar¬
gent, et ceux que j’ai entrepris pour constater la pureté du brome produit,
m’ont forcément amené à me procurer des quantités très-considérables de
bromale et de bromure de potassium. J’ai profité de cette circonstance pour
contrôler les poids atomiques du potassium et du brome. L’ensemble des
recherches que j’ai faites à ce sujet est consigné clans la notice qui termine
le troisième Mémoire et qui est intitulée : 15° Détermination du rapport pro¬
portionnel entre le bromure de potassium et l’argent.
Des relations constatées entre le brome, le potassium et l'ar¬
gent, il résulte que, l’argent étant . 407,95
Le poids atomique du potassium est compris entre .... 59, 1 50 et 59,144
I^e poids atomique du brome est compris entre . 79,945 et 79,965
Les recherches faites par M. Marignac, en 1843, conduisent exactement
aux mêmes rapports de nombres.
Telle est l’indication sommaire des nouvelles recherches que j’ai entre¬
prises ou complétées dans ces cinq dernières années, pour m’assurer par
l’expérience s’il existe oui ou non un rapport simple entre les poids des corps
qui s’unissent pour former les combinaisons chimiques.
Dans le but de satisfaire au désir exprimé par la plupart des chimistes
qui ont eu l’occasion d’examiner mes moyens d’investigation, j’ai joint à
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
23
chacun de ces Mémoires des figures destinées à l’intelligence des opérations
et des appareils qui y sont décrits. J’ai exposé également mes recherches
avec un développement qui, j’espère, sera trouvé suffisant. Je ne me dissi¬
mule point que la rédaction de ces Mémoires laisse beaucoup à désirer au
point de vue de l’unité; j’avoue même qu’elle pourrait être singulièrement
simplifiée. Les défauts qu’ils présentent proviennent de ce qu’ils ont été
écrits à des époques très-différentes, en ayant seulement en vue les faits qui
sont relatés dans chacun d’eux, sans me préoccuper de ce qui précède ou de
ce qui peut suivre; mais toute réflexion faite, j’ai pensé que dans leur révi¬
sion je devais respecter ces imperfections, parce qu’elles expriment rigou¬
reusement les faits observés et les conclusions qui découlent isolément de
chacun d’eux.
Pour terminer, je dois me résumer et conclure : j’ai cherché si la loi
des proportions chimiques est une loi limite ou une loi absolument exacte;
je pense avoir prouvé qu’elle est l’expression d’une relation mathématique.
Je crois avoir également démontré que le poids atomique d’un même corps,
déterminé à l’aide de différents éléments et de méthodes indépendantes entre
elles, poids atomique qui doit être identique, l’est effectivement dans la
limite d’exactitude à laquelle il est possible d’atteindre par nos moyens
a ctuels d ’i n vest i ga lion .
Les valeurs des poids atomiques qui découlent de toutes ces recherches
sont les suivantes :
L’oxygène étant pris par hypothèse . — -J 6,000
L’argent est . 107,930
L’azote itl . 14,044
Le brome id . 79,933
Le chlore id . 33,437
L’iode id . * . 126,830
Le lithium id . 7,022
Le potassium id . 39,137
Le sodium id . 23,045
Ces poids atomiques sont nécessairement des moyennes; mais comme les
valeurs résultent de déterminations qui ont subi, pour la plupart, des contrôles
24
NOUVELLES RECHERCHES
nombreux, obtenus à l’aide de méthodes indépendantes entre elles, je pense
qu’on peut considérer comme certaine la première décimale, et comme très-
probable la deuxième décimale de presque tous, sinon de tous ces poids
atomiques.
Lorsqu’on veut se renfermer dans une unité dont l’expérience peut
répondre, on constate aisément qu’il n’existe point de rapport simple entre
ces différents poids atomiques. J’ai dit expressément que toutes ces valeurs
sont déterminées en fonction de l’oxygène pris hypothétiquement égal à IG.
Si on les rapporte à l’hydrogène pris pour unité, on doit nécessairement les
corriger, du fait de la différence qui existe entre le poids atomique de l’oxy¬
gène déduit de l’expérience et le poids atomique admis par hypothèse. Or, le
rapport de l’hydrogène à l’oxygène n’est pas connu avec certitude. De l'en¬
semble de tous les travaux exécutés sur la composition de l’eau, sur la
pesanteur spécifique de l’hydrogène et de l’oxygène, sur le rapport propor¬
tionnel entre le chlorure d’ammonium et l’argent , je suis porté à croire que
l’hydrogène étant 4, le poids atomique de l’oxygène ne peut guère dépasser
4 5,96. Si je réduis proportionnellement toutes les valeurs inscrites ci-dessus
de la différence existant entre 15,96 et 16,00, c’est-à-dire de j’arrive
aux résultats suivants :
L'hydrogène ctant . 1.
L’oxygène est. . .' . 15;960
L’argent id . 107,660
L’azote id . 14,000
Le brome id . 79,750
Le ehlore. id . 35.56S
L’iode id . 126,555
Le lithium id . ... 7,004
Le potassium id . 59,040
Le sodium id. . . 22,980
Dans ce cas, les poids atomiques de l’azote et du lithium sont sensiblement
représentés par des nombres entiers; mais les poids atomiques de l’oxygène,
de l’argent, du chlore, de l’iode, du potassium s’éloignent tellement des
nombres entiers ou de fractions simples, qu’il me semble difficile, sinon
impossible, d’y découvrir une relation simple.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
Tô
De tout ce qui précède il résulte que je n’ai rien à changer aux conclusions
par lesquelles j’ai terminé mes recherches sur les rapports réciproques des poids
atomiques. La simplicité de rapport de poids que présuppose l’hypothèse de
Prout entre les masses qui interviennent dans l’action chimique, ne s’observe
donc point dans l’expérience; elle n existe point dans la réalité des choses. En
effet, ces rapports tels qu’ils se présentent à nous, sont incommensurables.
Du reste M. Dumas, sur les travaux duquel se fondent les partisans de l’hy¬
pothèse de Prout, admet aujourd’hui que les chiffres déduits de l’expérience
offrent avec ceux que présuppose l’hypothèse du chimiste anglais, un écart
plus considérable que celui qu’on peut légitimement attribuer à l’erreur iné¬
vitable de 1 observation. Cependant, convaincu qu’il est que cette hypothèse
est l’expression d’une vérité philosophique , il considère la loi de Prout comme
une loi limite à l’égal des lois de Mariotte et de Gay-Lussac. Réduite à ces
termes, l’hypothèse du chimiste anglais échappe aux investigations de ceux
qui croient devoir se baser uniquement sur l’expérience pour rechercher et
établir les lois qui régissent la matière; elle rentre dans le domaine de la spé¬
culation pure, qui n’a et ne peut avoir rien de commun avec les procédés, les
exigences et les principes des sciences exactes.
Encore un mot et j’ai fini. La loi de Prout n’étant pas vérifiée par l’expé¬
rience, est-il conforme aux vrais principes de la science d’inscrire, dans les
ouvrages, des poids atomiques représentés par des nombres entiers ou suivis
de fractions simples, en prenant l’hydrogène pour unité, comme le font
aujourd’hui grand nombre de chimistes? Dans l’usage ordinaire, peut-on,
sans inconvénient, se servir de nombres entiers ou suivis de fractions sim¬
ples? La plupart des poids atomiques déterminés avec soin se rapprochent
tellement des chiffres calculés, qu’il a fallu recourir à tous les artifices, à tous
les raffinements de l’analyse pour démontrer qu’ils ne sont pas absolument
exacts; il est évident d’après cela que, dans les calculs ordinaires, on peut
s’en servir, certain que l’on est que l’erreur commise ainsi sera toujours aussi
petite au moins que celle qui résulte, dans la majeure partie des cas, de l’opé¬
ration que l’on se propose de vérifier par le calcul. Du.reste, il va de soi que,
dans les calculs, l’emploi de poids atomiques plus ou moins rapprochés de la
vérité est corrélatif du degré d’exactitude auquel on veut atteindre. 11 doit en
Tome XXXV. 4
NOUVELLES RECHERCHES, etc.
2C>
cire de l’usage des poids atomiques comme des pesées et des mesures elles-
mêmes; quoiqu’il faille des poids et des mètres étalons, il n’y a aucune utilité
et surtout aucune nécessité de s’en servir pour les pesées ou les mesures qui
n’exigent pas ou ne comportent pas le degré d’exactitude que présuppose
l’emploi d'étalons. Si je suis d’accord sur ce point avec la plupart des chi¬
mistes, je ne le suis plus en ce qui concerne l’inscription dans des ouvrages
de’ poids atomiques calculés ou approximatifs en remplacement de poids
atomiques déterminés par l’expérience. Lorsqu’on a pour but d’instruire ou
d’exposer ce qui est dans la réalité des phénomènes de la nature, il n'est pas
plus permis de substituer l’erreur à la vérité qu’il n’est possible de transiger
n\ec un principe qu’on sait ne pas être vrai.
PREMIER MÉMOIRE.
RECHERCHES NOUVELLES SUR LES LOIS DES PROPORTIO NS
CHIMIQUES.
PREMIÈRE PARTIE.
DE LA CONSTANCE DE COMPOSITION DES COMBINAISONS
DITES STABLES.
PRÉLIMINAIRES.
Des composés, qui généralement ont été considérés comme stables, ont été
reconnus, dans ces derniers temps, comme essentiellement instables. M. Mari-
gnac a constaté dès 1853 que Sa composition de l’acide sulfurique normal
n’est définie qu’à la limite. M. Roscoe a trouvé depuis que la composition
d’un grand nombre d’acides aqueux est fonction de la pression que la vapeur
de ces acides supporte lorsqu’on les soumet à la distillation. J’ai constaté de
mon côté que le chlorure d’ammonium, suivant les circonstances dans les¬
quelles on le produit, peut condenser soit de l’âcide chlorhydrique, soit de
l’ammoniaque; mais j’ai attribué ce fait aune cause physique, étrangère par
conséquent à l’action chimique qui détermine la formation du chlorure d’am¬
monium. M. Marignac s’est basé sur le fait qu’il a observé lui-même, pour se
demander si le sulfur.e et l’azotate d’argent dont j’ai donné de nouvelles >\ n-
thèses ne renferment pas, l’un un excès de soufre, l’autre un excès d’acide
28
NOUVELLES RECHERCHES
azotique. Le sulfure et l’azotate d’argent étant des corps essentiellement
stables, ils peuvent être soumis à des causes capables d’en éliminer le soufre
et l’acide azotique qui y seraient accidentellement retenus. En examinant les
détails contenus dans mon travail, quelque insuffisants qu’ils paraissent aux
yeux de certains chimistes, il est facile de se convaincre que j’ai fait tous les
efforts imaginables pour me mettre à l’abri de celle cause d’erreur; et cepen¬
dant les résultats ne s’accordent point avec la composition que ces corps
devraient présenter d’après les poids atomiques de leurs éléments déduits
de l’hypothèse de Prout. « 11 se peut » dit M. Marignac « que la composi¬
tion de ces corps n’est définie qu’à la limite, ou même qu’ils ne renferment
point leurs éléments dans les rapports rigoureux de leurs poids atomiques. »
Ce doute atteint à la fois le fait généralement admis de la constance de compo¬
sition des combinaisons stables, et l’invariabilité des rapports en poids des
éléments formant les combinaisons.
Quoique, parmi les faits bien établis, je n’aie pu en rencontrer un seul qui
soit de nature à faire partager la manière de voir du célèbre chimiste géne-
vois, je ne m’en suis pas moins cru obligé, ne fût-ce que par déférence pour
son opinion, de soumettre cette question à un nouvel examen.
Parmi les conditions qui pourraient concourir à rendre inconstante la com¬
position des combinaisons stables, se trouvent la température et la pression.
Lorsqu’on examine les synthèses du chlorure d’argent, consignées dans
mon travail publié en 1860, on voit que ce corps, quoiqu’il ait été produit
dans des circonstances très-différentes, présente une composition que je crois
devoir considérer comme constante. Je n’oserais en effet attribuer l'insigni¬
fiante différence qu’offrent les résultats à d’autres causes qu’à l’erreur inévitable
d’observation. Cependant, dans certains cas, le chlorure d’argent a été pro¬
duit au rouge par la combustion de l’argent dans le chlore, et dans d’autres
cas, à la température ordinaire par la précipitation à Laide de l’acide chlorhy¬
drique, de l’argent dissous dans de l’acide azotique. L’influence de la chaleur
me semble donc ici tout à fait nulle.
Peut-on attribuer une action perturbatrice à l’intervention de la pression ?
Les faits connus ne me semblent pas non plus justifier cette supposition. En
effet, dans mes synthèses de l’azotate d’argent , je me suis assuré que ce sel
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
29
fondu dans le vide ne perd rien de son poids, que d’ailleurs il est sans tension
appréciable. De plus, je crois avoir démontré que l’azotate de plomb, sel qui
certainement est à l’extrême limite des corps qu’on peut considérer comme
stables, peut être abandonné dans le vide, pendant toute une journée, à une
température différant seulement de 55° de celle à laquelle il se décompose à
la pression ordinaire, sans qu’il perde sensiblement de poids.
Dans le but de résoudre par des recherches nouvelles la question de savoir
si, lors de la formation des corps composés, la pression et la température
exercent une influence sur les rapports qu’observent entre eux les éléments
qui les constituent, j’ai repris la détermination du rapport proportionnel
entre l’argent et Je chlorure d’ammonium, qui a déjà fait de ma part l’objet
de si longues investigations. J’ai choisi ce moyen pour deux motifs : d’abord,
parce qu’il permet de faire intervenir comme condition de formation tantôt
la température, tantôt la pression, et ensuite parce que l’opération peut être
exécutée avec une précision qui touche à l’exactitude mathématique.
Le rapport proportionnel entre l’argent et le chlorure d’ammonium, constaté
par l’expérience, dépend à la fois de la pureté de l’argent, de la composition
du chlorure de ce métal et du chlorure d’ammonium, et la composition de
ce dernier dépend de sa pureté. Or, la détermination peut être faite à la tem¬
pérature ordinaire ou à 100°; on peut donc s’assurer avec une grande exac¬
titude si, entre ces limites de température, la composition du chlorure d’argent
peut éprouver quelque changement.
On peut produire, d’un autre côté, le chlorure d’ammonium à la tempéra¬
ture ordinaire, ou à une température élevée; dans ce dernier cas, on peut le
volatiliser à la pression ordinaire, ou dans le vide.
Enfin, l’ammoniaque destiné à la production du chlorure peut être em¬
prunté à des sources différentes, ce qui permet de contrôler les résultats
les uns par les autres.
Les recherches que j’ai déjà fait connaître ont prouvé que 100,000 d’ar¬
gent équivalent en moyenne à 49,594 de chlorure d’ammonium produit à
la température ou sublimé à la pression ordinaire , en déterminant le rapport
proportionnel à la température de 10° à 15° centigrades. J’ai recherché quels
seraient les résultats en variant les conditions comme je viens de l’indiquer. A
50
NOUVELLES RECHERCHES
cet effet j’ai produit du chlorure d’ammonium par trois moyens différents, à
savoir :
1° Par l’ammoniaque du chlorure d’ammonium du commerce convenable¬
ment purifié;
2° Par l’ammoniaque du sulfate d’ammonium purifié;
3° Par l’ammoniaque provenant de la réduction de l’azolite de potassium.
J’ai cherché d’abord si, dans des conditions égales, les résultats sont iden¬
tiques entre eux pour les différents chlorures, et les mêmes que ceux que j’ai
observés autrefois. Afin de permettre à chacun de juger des soins que j’ai mis
à faire ces nouvelles déterminations, je vais entrer dans tous les détails néces¬
saires tant au sujet de la préparation de l’argent pur, que de la préparation
du chlorure d’ammonium. Je dirai d’abord les moyens que j’ai employés
pour me procurer l’argent pur, et les précautions que j’ai prises pour m’as¬
surer du degré de pureté de ce métal. Quelque fastidieux que soit cet exposé,
je m’y crois obligé, parce que ce même métal est intervenu dans la synthèse
du bromure, de l’iodure et de l’azotate d’argent, dont j’ai à rendre compte
dans les notices consacrées à ces sujets.
1. — De l’argent.
J’ai eu recours à deux méthodes distinctes pour me procurer l’argent pur
nécessaire aux différents travaux consignés dans ces notices.
Première méthode. — Pour exécuter la première méthode, j’ai fait dis¬
soudre à l’ébullition 3500 grammes d’argent monnayé français dans l’acide
azotique très-dilué. L’azotate d’argent produit, après avoir été évaporé jusqu’à
siccité et fondu, a été maintenu à son point de fusion tant qu’il s’est dégagé
des composés oxydés de l’azote. L’azotate mêlé d’azolile a été dissous, après le
refroidissement, dans la plus petite quantité possible d’eau froide, et la solu¬
tion, après quarante-huit heures de repos, a été filtrée au travers d’un double
filtre pour séparer toutes les matières qui auraient pu rester en suspension.
La solution limpide, diluée de trente fois son volume d’eau de pluie filtrée, a
été précipitée par un excès d’acide chlorhydrique pur. Le chlorure d’argent
formé a été lavé par décantation après le dépôt, d’abord avec de l’eau acidulée
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
3l
à l’acide chlorhydrique, et ensuite avec de l’eau pure. Ce lavage a été exé¬
cuté en agitant fortement chaque fois le chlorure dans de grands flacons
bouchés, avec la quantité de liquide nécessaire.
Recueilli sur une toile lavée à l’acide chlorhydrique, il a été fortement
exprimé et abandonné à la dessiccation spontanée. Lorsqu’il a été complète¬
ment séché, il a été finement pulvérisé et mis en digestion pendant plusieurs
jours avec de l’eau régale. Il a été soumis ensuite à un nouveau lavage à l’eau
distillée.
Comme la réduction à chaud du chlorure d’argent par le carbonate de
sodium est une opération des plus délicates à conduire, lorsqu’elle se pratique
sur de grandes quantités, j’ai procédé à celle réduction, à une basse tem¬
pérature, sous l’influence d’une solution de potasse caustique et de sucre de
lait, comme Levol l’a proposé lé premier.
Pour me procurer la potasse et le sucre de lait sans métaux, j’ai ajouté à
une solution concentrée d’hydrate de potassium, qui avait bouilli, une solu¬
tion de sulfhydrate de potassium en très-léger excès, pour précipiter les
traces des métaux dissous. Après le dépôt des sulfures métalliques, j’ai
décanté la solution alcaline, et je l’ai mise en contact avec de l’oxyde d’argent
récemment précipité, pour la dépouiller du sulfhydrate de potassium. Après
une digestion et un repos suflisants , j’ai séparé l’oxyde d’argent en excès et
le sulfure d’argent produit.
J’ai éliminé par le même moyen les métaux contenus dans une solution
aqueuse saturée de sucre de lait.
Le chlorure d’argent, réparti dans trois grands vases de porcelaine, a été
maintenu en digestion à la température de 70° à 80°, avec le mélange de
solutions d’hydrate de potassium et de sucre de lait, jusqu’à ce que tout le
chlore fut séparé de l’argent. L’argent métallique, qui était gris, a été lavé
à l’eau jusqu’à disparition de l’excès d’alcali, puis mis en digestion d’abord
avec l’acide sulfurique dilué et pur, et enfin lavé à l’eau ammoniacale. Après
sa dessiccation il a été additionné de cinq pour cent de son poids de borate
de sodium calciné, contenant dix pour cent de nitrate de sodium, et soumis
ainsi, avec les précautions nécessaires , à la fusion dans un creuset de terre,
dit creuset de Paris.
32
NOUVELLES RECHERCHES
Le métal fondu a été coulé ensuite dans une lingotière enduite d'une bouillie
faite de kaolin calciné et de kaolin non calciné. Les barreaux d’argent, net¬
toyés d’abord au sable rugueux, ont été rougis ensuite avec de la potasse
caustique du tartre. Le kaolin adhérent ayant été dissous, les barreaux sont
lavés à l’eau pure.
Ils ont été débités en petits blocs à l’aide d’un ciseau d’acier trempé. Comme
le ciseau le plus dur laisse des traces de fer à la surface de l’argent, les petits
blocs ont été mis en digestion à chaud avec de l’acide chlorhydrique concentré
et pur. L’argent a été lavé à l’eau ammoniacale et enfin à l'eau , et chauffé
à son point de fusion avant d’être introduit dans un flacon bouché à l’émeri.
J’ai eu, d'une seule coulée, 2875 grammes d’argent d’une blancheur ex¬
traordinaire.
Je dirai plus loin comment je me suis assuré de son état de pureté; je
veux d’abord exposer le deuxième moyen auquel j’ai eu recours pour me
procurer de grandes quantités d'argent pur.
Deuxième méthode. — Cette méthode le fournit facilement et plus promp¬
tement que n’importe quel moyen connu; elle a surtout l’avantage de le donner
dans un étal de pureté rare. Je vais la décrire en détail, convaincu qu’elle
pourra servir dans les laboratoires et dans les ateliers de monnaies, pour la
préparation du métal d’essai , ou argent type.
Elle repose sur la réduction complète qu’éprouvent les solutions ammonia¬
cales des composés d’argent par le sulfite cuivreux ammoniacal ', ou bien par
un mélange de sulfite d’ammonium et d’un sel de cuivre ammoniacal quel¬
conque.
A la température ordinaire, cette réduction s’opère lentement avec dépôt
d’argent noir , bleu ou gris, suivant la dilution des liquides. Au delèi de la
température de 60° la réduction est presque instantanée, et l’argent se pré¬
cipite dans un état de division en rapport avec la dilution du liquide; sa cou¬
leur varie du gris au blanc pur.
Voici comment j’ai exécuté la préparation de l’argent par cette méthode.
De l’argent monnayé est dissous dans de l’acide azotique dilué et bouil-
1 Voir note n° 2 à la fin do premier Mémoire.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
33
lant; la solution d’azotate d’argent et de cuivre est évaporée jusqu’à siccité, et la
masse saline est amenée en fusion. Cette fusion est nécessaire pour détruire le
nitrate de platine, qui se forme souvent par la dissolution de V argent monnayé 1 .
Après le refroidissement, les azotates sont repris par de l’eau ammoniacale
en excès. La solution ammoniacale est abandonnée pendant quarante-huit
heures au repos. Le liquide limpide est filtré au travers d’un double filtre de
papier, et dilué ensuite d’eau distillée au point de ne plus contenir au delà de
deux pour cent de son poids d’argent.
Je me suis procuré du sulfite neutre d’ammonium par la saturation de
l’ammoniaque à l’aide de l’acide sulfureux. Pour connaître la quantité de sul¬
fite nécessaire à la précipitation complète de l’argent, de la solution ammonia¬
cale d’azotate d’argent et de cuivre, j’ai chauffé jusqu’au point d’ébullition
un volume déterminé de solution ammoniacale de sulfite d’ammonium, et j’ai
cherché le volume de solution d’argent et de cuivre capable d’être décoloré
par ce sel. L’expérience m’a démontré, en effet, que tant que le sulfite d’am¬
monium, chauffé suffisamment , ne se colore point en bleu par de l’oxyde
cuivrique dissout dans l’ammoniaque, il ne reste aucune trace d’argent en
dissolution dans le liquide, parce que dans ce cas tout le cuivre existe à l’état
cuivreux, dont la présence est incompatible avec celle d’un composé d’argent
quel qu’il soit, dissous dans l’ammoniaque.
La quantité de sulfite d’ammonium indispensable à la précipitation du
liquide étant déterminée, je l’ai ajoutée à la solution argentifère, et le
mélange ayant été bien fait, a été abandonné pendant quarante-huit heures
à lui-même dans une bonbonne de verre fermée, pour exclure le contact de
l’air. Au bout de ce temps, le tiers environ de l’argent a été réduit à la tem¬
pérature ordinaire , par la réduction du composé cuivrique à l’état de composé-
cuivreux, et s’était précipité sous la forme d’une pluie d’argent cristallisé,
blanc grisâtre, très-brillant.
J’ai exposé ensuite dans un bain d’eau la liqueur bleue décantée, et par
une quantité de dix litres à la fois, à une température de 60° à 70°. Le temps
1 Je me suis assuré à plusieurs reprises que l’argent français contient du fer, du nickel, des
traces de cobalt, de platine et d'or.
Tome XXXV. 3
34
NOUVELLES RECHERCHES
nécessaire pour déterminer l’élévation de la température a été parfaitement
suffisant pour la réduction complète de l’argent existant en solution, et pour
la réduction du sulfite cuivrique à l’état de sulfite cuivreux , surtout que j’avais
eu soin de prendre un excès suffisant de solution de sulfite d’ammonium L
L’élimination de l’argent étant effectuée, j’ai décanté le liquide après le
refroidissement , et j’ai procédé séparément au lavage de l’argent précipité à
froid et à chaud. Ce lavage a eu lieu par décantation et à l’aide de l’eau ammo¬
niacale; il a été continué tant que les eaux de lavage se sont colorées sensi¬
blement en bleu par leur exposition à l’air, ou qu’elles ont précipité le chlorure
de baryum. J’ai abandonné ensuite l’argent pendant plusieurs jours avec de
l’ammoniaque concentrée et je l’ai enfin lavé à l’eau pure.
St la solution dont on a précipité l’argent a été diluée au point de ne pas
renfermer au délit de deux pour cent d’argent , V ammoniaque laissée en con¬
tact de ce métal ne se colore point, même après plusieurs jours de digestion:
1 ammoniaque ne dissous donc aucune trace de cuivre; en revanche elle a dis¬
sous de l’argent , parce que ce métal est faiblement attaqué par cette base sous
l’influence de l’air, comme il est du reste facile de le constater en évaporant
le liquide ammoniacal qui a séjourné pendant plusieurs jours avec de la gre¬
naille ou de la tournure d’argent pur. Ce liquide laisse toujours un miroir noir
brillant d’azoture d’argent par son évaporation spontanée.
J’ai préparé à quatre reprises différentes de l’argent par cette méthode, et
en dernier lieu j’ai opéré sur 2500 grammes d’argent à la fois. J’ai constaté
qu’en se plaçant dans toutes les conditions que je viens de décrire, et notam¬
ment en portant la dilution de la dissolution ammoniacale des azotates d’ar¬
gent et de cuivre à deux pour cent d’argent, on obtient de l’argent d’une rare
pureté. Lorsqu il a fallu ramener à l’état de barreaux l’argent précipité, je
1 ai fondu avec cinq pour cent de son poids de borate de sodium calciné, con¬
tenant dix pour cent de nitrate de sodium, comme je l’ai dit pour l’argent
réduit du chlorure par la potasse et le sucre de lait. J’en ai fondu également
de très -grandes quantités au chalumeau aérhydrique dans un creuset de
1 Le liquide, au sein duquel la réaction s’est établie, devient tout à fait incolore si le cuivre
ne contient ni nickel ni cobalt. S’il renferme du nickel, il se colore légèrement en vert; il prend
au contraire une teinte rosée ou rouge s’il existe du cobalt dans le métal dissous.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
35
porcelaine pure, ou au gaz tonnant dans des creusets de chaux du marbre,
par le moyen que je vais exposer.
Des moyens employés pour m’assurer du degré de pureté de l’argent.
Dans mes Recherches sur les rapports réciproques des poids atomiques ,
j’ai posé en fait que l’argent pur se fond et se maintient fondu dans l’air à
une température assez élevée pour se volatiliser , sans se couvrir de taches ou
de coloration quelconque, et sans donner de vapeur colorée. Je me suis basé
sur ce fait pour aller à la recherche de la pureté de l’argent préparé par la
réduction du chlorure à l’aide de la potasse et du sucre de lait, ou par la
réduction de l’azotate d’argent ammoniacal à l’aide du sulfite d’ammonium
et du sulfite cuivreux ammoniacal. Dans ce but, 400 grammes environ d’ar¬
gent du chlorure, placés dans un creuset de chaux du marbre blanc contenu
lui-même dans un creuset réfractaire, ont été soumis à la flamme sifflante
produite par la combustion du gaz éclairant dans l’oxygène pur. 'L’argent
s’est fondu sans se couvrir de la moindre tache. Je l’ai chauffé ensuite au
point de le faire entrer en une vive ébullition. L’argent a communiqué d’abord
à la flamme le caractère sodique; mais au bout de peu d’instants la couleur
jaune a disparu, et tant que l’argent n’a point bouilli, il n’a point apparu de
coloration, quoique cependant le métal émît des vapeurs en quantités très-
considérables. Dès que l’argent est entré en ébullition, il a produit une
vapeur d'un bleu pâle 1, laquelle , à plusieurs reprises, a viré légèrement au
pourpre 2. Cette vapeur colorait en jaune foncé la chaux vive, coloration qui
disparaissait par l’application de la chaleur. Lorsque , par cette espèce d’affi¬
nage, l’argent devait avoir perdu toutes les matières volatiles, et lorsque les
matières fixes, mais oxydables, qu’il pouvait contenir, devaient être unies
à la chaux, je l’ai laissé tomber d’une assez grande hauteur, et par un petit
filet, dans de l’eau distillée où il s’est transformé en grenaille presque sphé-
1 Quelques chimistes assignent à la vapeur de l’argent une coloration verte. La couleur verte
observée provenait indubitablement du cuivre contenu dans l’argent soumis à l’expérimentation.
2 J’attribue la coloration pourpre à l’existence du strontium ou du lithium dans le marbre
qui a servi à la préparation du creuset de chaux vive.
56
NOUVELLES RECHERCHES
rique d’un blanc pur. Le creuset n’a présenté aucun vestige d’oxyde métal¬
lique ni de silicate métallique quelconque.
Le même traitement a été appliqué à l’argent pulvérulent préparé par le
sulfite ammoniacal cuivreux , et des phénomènes identiques se sont présentés ,
sauf toutefois l’absence de la coloration jaune intense de la flamme du gaz
tonnant, qui s’était produite lorsque l’argent provenant de la réduction du
chlorure a été chauffé près de son point d’ébullition.
Avant de soumettre l’argent que je voulais éprouver à l’action de la flamme
du gaz tonnant, j’avais eu soin d’exposer préalablement l’intérieur du creuset de
chaux du marbre à l’action de la chaleur du même gaz tonnant, pour éliminer
de cette chaux, autant que possible, les matières volatilisables, qui impri¬
ment une coloration propre à la flamme. J’ai observé à cette occasion qu’indis-
tinctement tous les marbres renferment notablement du sodium; que beau¬
coup contiennent du strontium et du lithium . A l’aide de la méthode que
j’indique plus loin, j’ai procédé à la comparaison des argents affinés avec
ceux dont ils sont provenus, et avec l’argent type préparé par l’électrolyse du
cyanure d’argent et d’ammonium. Ayant été frappé de la facilité avec laquelle
on peut faire bouillir vivement et distiller l’argent dans la flamme du gaz ton¬
nant , fait du reste que MM. Henri Sainte-Claire Deville et De Bray 1 avaient
déjà remarqué, j’ai voulu en profiter dans le double but de me procurer de
l’argent distillé, et de m’assurer en même temps si l’argent affiné, comme je
viens de le dire, retient encore quelques traces de matières fixes capables
de s’unir à la chaux.
Dans ce but, j’ai fait creuser dans un bloc de chaux cerclé, préparé à l’aide
du marbre blanc, de vingt-cinq à trente centimètres de longueur sur dix
centimètres de largeur et de hauteur, une cavité circulaire de trois centi¬
mètres de diamètre et de deux centimètres de profondeur, en communication
avec un plan incliné également de trois centimètres de largeur sur un demi-
centimètre de profondeur au plus, et servant de condensateur à la vapeur
d’argent. Ce plan incliné était terminé par un réservoir faisant office de réci¬
pient au métal liquéfié, comme le montre la figure.
1 Ann. de chimie et de physique , t. LVI, p. 41 3.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
Fig. I .
57
J’ai placé 50 grammes environ d’argent affiné dans la cavité préala¬
blement roogie au blanc par l’application d’un jet de gaz éclairant brûlant
dans un excès convenable d’air comprimé, et j’ai couvert le bloc avec une
plaque de chaux du marbre blanc, de cinq centimètres d’épaisseur, percée
de deux ouvertures circulaires inclinées, correspondant l’une à la cavité
circulaire qui y est pratiquée , l’autre au petit réservoir terminant le plan
incliné. Par l’une des ouvertures de la plaque, j’ai fait passer un chalumeau
à gaz tonnant de MM. Henri Sainte-Claire Deville et De Bray. Ce chalumeau
avait des bouts très-épais en platine, pour éviter leur fusion et ensuite l’en¬
traînement du métal. Lorsque l’intérieur de la cavité eut été chauffé au point
de l’ébullition de l’argent , il fallut dix à quinze minutes au plus pour faire
passer tout l’argent à la distillation. Les 50 grammes se sont volatilisés sans
laisser dans la cavité de chaux , servant de cornue de distillation , le moindre
résidu appréciable d l’œil armé d’une loupe.
J’ai versé dans de l’eau distillée l’argent que je suis parvenu a recueillir
ainsi dans le récipient. La distillation de l’argent est une opération si facile a
38
NOUVELLES RECHERCHES
pratiquer, que je l’ai répétée trois fois. Rien ne serait plus aisé que de se pro¬
curer un kilogramme d’argent, si l’outillage était approprié à cette masse. Je
dois avouer toutefois que, dans les opérations que je viens de décrire, la moitié
au moins de l’argent employé a été perdu. En effet, il a été entraîné à l’état
de vapeur bleu pâle avec le courant de gaz tonnant , quoiqu’il fut cependant
modéré, et sans excès trop grand d’oxygène; il a été répandu dans l'air
ambiant dont il a troublé la transparence, et auquel il a communiqué une
saveur métallique très-sensible. Mon outillage d’ailleurs était très-imparfait;
de la vapeur d’argent s’échappait en quantité par l’ouverture destinée au
dégagement des produits de la combustion, et tout autour entre le bloc et la
plaque épaisse qui servait de voûte à celui-ci ; leurs surfaces en effet n’étaient
pas assez bien dressées pour se superposer très-exactement.
Partout où la vapeur d’argent avait passé, elle a laissé un enduit jaune
pâle ou jaune foncé, analogue à celui que laisse la vapeur de la Iitharge.
Du reste, le plan incliné destiné à la liquéfaction de la vapeur d’argent
n’a été convenable ni dans sa forme, ni dans ses dimensions, pour amener
la condensation de toute la vapeur métallique entraînée par le courant de
gaz tonnant plus ou moins comprimé.
Quoi qu’il en soit de ce détail insignifiant, puisqu’il se résout en une
question de dépense négligeable dans des recherches de cette nature, si un
chimiste voulait un jour reprendre avec l’argent la série de déterminations
des poids atomiques , c’est à la volatilisation du métal, préalablement affiné,
que je l engagerais ci avoir recours pour se procurer l’argent absolument pur.
Avant de terminer, je dois ajouter que j’ai remarqué que la condensation
de la vapeur d’argent se fait d’autant mieux, que le gaz tonnant renferme
moins d’oxygène en excès.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
39
Détermination du titre de l'argent de différentes provenances.
La méthode d’essai par la voie humide, pratiquée dans les ateliers des
hôtels des monnaies, m’a servi pour la comparaison de l’argent produit et
affiné de différentes manières. J’ai eu soin de décupler la quantité de ma¬
tière soumise à l’essai.
Fig. 2.
40
NOUVELLES RECHERCHES
Pour exécuter celte méthode dans toutes les conditions possibles d’exacti¬
tude, j’ai pris des dispositions particulières que j’ai fait connaître brièvement
dans mon précédent travail, et que je vais décrire avec les détails convena¬
bles, en accompagnant la description de figures, pour me conformer au désir
qui m’en a été exprimé par plusieurs chimistes qui ont examiné l’appareil.
Le système destiné à l’essai se compose de trois parties distinctes : un
réservoir, contenant une solution titrée de chlorure de sodium; un mesureur;
un appareil où se fait la titration.
Le volume du réservoir a été déterminé à l’aide de la pesée du flacon
plein d’air sec et plein d’eau. Ce volume, à 10°, est 6328cc3o *.
Le mesureur se compose d’une grande pipette, surmontée d’un long tube
presque capillaire, subdivisé en soixante-dix capacités égaies; il est muni,
par le bas, d’un tube effilé, dont l’ouverture présente 0m,0(M5 de diamètre.
La capacité du mesureur, rempli jusqu’au 0°, a été fixée par la perte de
poids qu’il éprouve par l’écoulement de l’eau. Cette capacité a été trouvée
de 504CO,922, à 10° centésimaux2.
Le mesureur est fixé à demeure dans un manchon de verre rempli d’eau
maintenue à une température constante; il se remplit par le bas à l’aide du
liquide du réservoir, conduit par un siphon muni d’un robinet de verre et
terminé par un tuyau en caoutchouc, qui vient s’adapter à la partie effilée
du tube delà pipette. Le mesureur est pourvu, à sa partie supérieure, d’un
robinet, dont on ouvre la clef lorsqu’on veut le remplir de liquide jusqu’à 0°,
et qu’on tient fermé pendant tout le temps qu’on veut laisser séjourner le
liquide salin dans le vase pour lui faire prendre la température du bain d’eau
qui l’entoure5. Du reste, afin de me mettre à l’abri des variations de tem¬
pérature du liquide, j’ai attendu, pour faire les déterminations, que la
r
1 Voir aux notes pour les éléments qui ont servi à la détermination de ce volume. Note n° 3.
2 Voir aux notes pour les éléments qui ont servi à la détermination de la capacité totale du
mesureur, et de la capacité de la tige subdivisée en soixante-dix parties égales. Note n° 4.
3 Grâce au système de distribution d’eau de la ville de Bruxelles, rien ne m est plus facile
que d’avoir, pendant huit à dix jours consécutifs, un courant d’eau à température constante.
La plus grande différence qu’il y ait dans toute l'année, dans la température de l'eau, n'atteint
même pas 4° centésimaux. Pendant plus de deux mois, cette température est de 10° centési¬
maux très-exactement.
41
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
température de 1 air de la chambre obscure et de l’eau fut sensiblement
la même K
Pour préparer la solution saline titrée, j’ai introduit dans le réservoir
33s ,9653 de sel marin pur. Ce poids représente 5gr,420 de chlorure pur
par 1009cc, 844, volume double de la capacité du mesureur à 10° centé¬
simaux. D’après mes expériences antérieures, 5gr, 42078 de sel marin pur
doivent précipiter exactement 10gr,G00 d’argent de l’électrolyse de cyanure
d’argent et d’ammonium. Il me restait donc une latitude de près de 0g',001
pour faire 1 essai, quantité plus que suffisante, eu égard à la rare perfection
de la méthode de Gay-Lussac, lorsqu’elle est convenablement appliquée.
La pesée d une quantité déterminée a priori de chlorure de sodium est
une opération excessivement délicate, impossible même à exécuter avec
exactitude si l’on n’a pas recours à un artifice. Voici celui que j’ai employé
et auquel, du reste, j’ai eu toujours recours dans des circonstances analo¬
gues. Après avoir calculé le poids dans l’air 2 de 33gr,9653 de chlorure de
sodium supposé pesé dans le vide, poids qui est égal à 33gr,9475; j’ai pesé,
dans un creuset de platine, cette quantité concassée en petits fragments, et
j ai ensuite soumis le creuset, renfermé dans un second, à une température
rouge sombre. Pendant que le sel marin était encore très-chaud, je l’ai
introduit, à l’aide d’une main de platine, dans un tube bouché à l’éméril ,
également chauffé, et dont le poids était déterminé. Le refroidissement du
tube étant complet , j ai constaté son poids et j’ai suppléé les quelques milli¬
grammes manquants , en pesant à la balance d’essai , et aussi rapidement que
possible , la quantité de chlorure nécessaire pour parfaire le poids total du
chlorure calculé.
Dans la notice ° intitulée : Du chlorure de sodium employé dans les déter¬
minations , et détermination du rapport proportionnel entre le chlorure et
La figure représente le réservoir et le mesureur en double tel que l’appareil est réellement
installé dans mon laboratoire. Un des mesureurs est fixé à demeure dans un manchon de verre,
l’empli d eau maintenue à température constante; l’autre mesureur est à l’air libre. Le premier
système m’a fourni seul des résultats constants.
2 J’ai trouvé la densité du chlorure employé =2,145. D’où il résulte que, pesé dans l’air
ordinaire, à l’aide de poids de platine, il perd 0^,0005566 de son poids par gramme.
3 Voir le troisième Mémoire.
Tome XXXV.
6
42
NOUVELLES RECHERCHES
l’azotate de sodium, j’indique la méthode que j’ai employée pour me pro¬
curer le chlorure sodique qui a servi; du reste, j’ai mis tous les soins ima¬
ginables pour garantir, autant que possible, sa pureté. Je fais connaître
également le moyen auquel j’ai eu recours pour m’assurer de la quantité de
matières étrangères qu’il contenait, quantité dont le poids s’élevait de ~
Après avoir chauffé jusqu’au rouge sombre une certaine quantité de chaque
échantillon d’argent que je voulais comparer , j’en ai pesé dans l’air et à
l’aide de poids de platine 9er, 99943 représentant dans le vide 10sr,0000 de
ce métal. J’ai dissous chaque essai dans l’acide azotique pur à \ ,24 de densité.
La dissolution a été effectuée en plaçant le flacon dans un bain d’air chaud.
Pour empêcher l’entraînement de l’argent par les gaz produits, j’ai incliné le
flacon vers 40 à 45 degrés, et à l’aide d’un bouchon de caoutchouc volcanisé,
mais désulfuré par le moyen d’une solution bouillante d'hydrate de sodium,
j’ai adapté un tube recourbé dont la branche descendante est munie d’une
houle. L’extrémité du tube plongeait dans de l’eau contenue dans un petit
matras. La boule est suffisamment spacieuse pour contenir le liquide destiné
au lavage du gaz. J’ai maintenu la température assez basse pour que la dis¬
solution s’opérât lentement, condition absolument indispensable lorsqu’on
veut éviter l’entraînement de la solution d’argent par l’oxyde azotique dé¬
gagé.
La dissolution de l’argent étant effectuée, et le flacon étant refroidi,
j’ai retourné le tube afin de faire couler dans l’intérieur du flacon l’eau de
lavage qui était, remontée dans la boule, et j’ai lavé ensuite à l’eau pure
le malras et le tube, en ayant soin d’ajouter le liquide au contenu du
flacon.
Tous les flacons ont été portés ensuite à la chambre obscure, où l’appareil
d’essai était installé. Toutes les surfaces de celte chambre obscure sont
couvertes de trois couches de noir de fumée délayé dans une solution de
1 En purifiant, autant que possible, ce chlorure de sodium, et en déterminant en outre avec
soin la quantité de matières étrangères retenues malgré ces purifications, j’avais pour but de
(aire servir ces nouvelles expériences à la détermination du rapport proportionnel entre
l'argent et le chlorure de sodium, afin de déduire de cette donnée le poids atomique de l’argent
et le poids moléculaire du chlorure sodique.
43
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
gélatine. La chambie élait éclairée au gaz, et un écran en verre jaune était
interposé entre la flamme et les objets qu’il s’agissait d’éclairer et qui sont
altérables par la lumière blanche L
Les flacons étant entourés d’une enveloppe de caoutchouc , j’ai laissé couler
dans chacun deux, et absolument dans la même condition de température,
le liquide provenant de la vidange deux fois répétée du mesureur rempli de
solution saline jusqu’à 0 division.
Pour être certain que la température du liquide contenu dans le mesureur
était exactement celle du bain qui l’entourait, j’ai eu soin d’attendre que le
niveau dans le tube capillaire restât constant, comme c’est le cas du liquide
dans un thermomètre placé dans un milieu à température constante; c’est
même dans ce but que le tube capillaire calibré a été soudé à la pipette.
Apiès avoir bouché hermétiquement les flacons et agité vivement le liquide
qui y est renfermé, pour 1 éclaircir, je les ai portés successivement dans l 'ap¬
pui eil à filiation figuré ci-dessous, où j’ai procédé à la recherche de l’argent
ou du sel marin en excès.
Fig. 5.
Dans les monnaies, comme dans les laboratoires de chimie, l'essai du titre de l’argent se fait
a la lumière diffuse. J'ose affirmer qu'aucune détermination exacte n’est possible dans cette con¬
dition. Les essais comparatifs que j'ai faits ne me laissent aucun doute à ce sujet; toutefois l’er¬
reur que Ion peut commettre ainsi n’influe point sensiblement sur le résultat, eu égard à la
limite assez large dans laquelle on se renferme.
44
NOUVELLES RECHERCHES
Cet appareil se compose d’un parallélipipède de bois, long de 70 centi¬
mètres, large de 22 centimètres et haut de 45 centimètres, couvert en haut
de planches mobiles, dont deux trouées au centre. Son intérieur est tout à fait
noirci, et séparé en deux compartiments par un écran mobile, muni d’une
ouverture circulaire de trois centimètres de diamètre. Cette ouverture donne
passage à un cône de lumière jaune émané d’un ballon parfaitement sphé¬
rique, et contenant une solution de chromate neutre de sodium. Vis-à-vis de
la sphère est disposée, à une distance convenable, une lampe à gaz ou à pétrole
(je me suis servi de l’un et de l’autre), dont la flamme est réglée de manière
à ce que la partie la plus éclairante du cône lumineux corresponde au centre
du ballon.
De l’autre côté de l’écran troué est placé, également à une distance conve¬
nable, le flacon contenant l’essai. J’ai soin d’élever ou d’abaisser le flacon de
telle sorte, que la surface du liquide qui y est contenu coïncide exactement
avec le milieu de l’ouverture.
En examinant le liquide, soit par les petites portes à coulisse ménagées
sur le devant de l’appareil, soit par les petites portes ménagées sur le côté,
on s’aperçoit qu’une section de quelques centimètres seulement du liquide est
vivement éclairée, tandis que le restant ainsi que le chlorure au fond du flacon
sont dans l’obscurité complète. Du reste, la hauteur de la section du liquide
éclairée dépend du faisceau lumineux, et le faisceau lumineux dépend simul-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. Ab
tanémenl du diamètre de la sphère et de la position relative de la lampe et
du flacon par rapport à la sphère.
Tout trouble, quelque minime qu’il soit, produit dans la partie supérieure
du liquide par la formation du chlorure d’argent, se fait apercevoir; en effet,
les corps en suspension y deviennent à l’instant lumineux. J’ai fait connaître
déjà, dans mon Mémoire de 1860, l’aspect que prend le précipité de chlo¬
rure d’argent suivant la richesse du liquide en argent; je n’y reviendrai pas.
Je me permettrai seulement de répéter que , à l’aide de cet artifice, on constate,
au bout de peu d’instants, un vingtième de milligramme d’argent dans un litre
d’eau distillée et que, en attendant suffisamment (quinze minutes), on peut
reconnaître et doser un cinquantième et même un centième de milligramme
dans un litre de liquide, après avoir laissé tomber à sa surface une solution de
chloi ure contenant une quantité équivalente de chlore. La minime quantité de
chlorure d argent produite se transforme en une espèce de voile , qui augmente
d épaisseur et d éclat à mesure que s’effectue le mélange du liquide ajouté
avec celui qui existe dans le flacon.
Pour déterminer la quantité d’argent ou de chlorure de sodium non préci¬
pitée, je me suis servi de liqueurs normales de sel marin et d’argent. Le comp¬
teur que j’ai employé à cet effet débitait exactement vingt gouttes par cen¬
timètre cube de liquide. Un cent millième d’argent était ainsi représenté par
deux gouttes. Or, ceux qui se sont suffisamment familiarisés avec la méthode
de la voie humide savent qu'une goutte de liqueur normale suffit pour s’as¬
surer de la présence ou de l’absence de l’argent dissous.
Voici le résultat des essais de l’argent de différentes provenances. J’y ai
ajouté trois essais de l’argent préparé par le procédé de Gay-Lussac, afin de
montrer combien cette méthode est impuissante pour fournir du métal pur;
j ai du reste insisté assez sur le fait de cette impureté dans mon précédent
travail.
16
NOUVELLES RECHERCHES
TITRE DE L’ARGENT DE DIFFÉRENTES PROVENANCES.
(10sr,000 d'argent précipités par 5sr,420 de chlorure de sodium.
PROCÉDÉ
DË PRÉPARATION DE L’ARGENT.
POIDS
De chlorure necessaire
pour la précipitation
de l'argent reste dis¬
sous*
POIDS
De l’argent nécessaire
pour la précipitation
du chlorure non dé¬
composé.
TITRE
De l’argeut, le métal
distillé
étant (00,000.
S
Prêt
Ëlectrolyse de cyanure d'argent et d'ammonium; métal
fondu au gaz tonnant dans un creuset de chaux et
coulé dans l’eau.
nière série.
•1° 0sr,ü0065
2» Os--, 00060
Osr, 0000
Osr, 0000
99,998
Réduction de l'azotate d'argent ammoniacal par le sucre
de lait et l'hydrate de potassium purs (procédé de
M. Von Liebig); fusion avec borate et azotate de so¬
dium.
1° Os r, 00045
2° 0sr, 00040
0§r, 0000
Osr, 0000
99,994
Réduction du chlorure pur par le carbonate de sodium
et le nitre purs.
Osr, 00045
Osr, 0000
99,995
Deua
Ëlectrolyse de cyanure d'argent et d'ammonium; métal
fondu au gaz 'tonnant dans un creuset de chaux et
coulé dans l’eau.
; terne série.
Osr, 00065
Osr, 0000
99.999
Réduction du chlorure pur par l'hydrate de potassium
et le sucre de lait purs; fusion avec borate et azotate
de sodium.
Osr, 00045
Osr, 0000
' 99,995
i
Réduction du chlorure pur par l’hydrate de potassium
et le sucre de lait purs; fusion avec borate et azotate
de sodium; affinage au gaz tonnant; coulage dans de
l'eau.
Osr, 00065
Os r, 0000
99,999
Distillation de l’argent affiné produit par la réduction
du chlorure pur à l'aide de ! hydrate de potassium et
du sucre de lait.
-1° Oer, 00075
2° Osr, 00070
Osr, 0000
Osr, 0000
100,000
Trois
Ëlectrolyse de cyanure d'argent et d'ammonium; métal
fondu au gaz tonnant dans un creuset de chaux et
coulé dans l’eau.
ième série.
Osr, 00060
Osr, 0000
99,997
suit LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 47
PROCÉDÉ
DE PRÉPARATION DE L’ARGENT.
POIDS
De chlorure nécessaire
pour la précipitation
de l’argent resté dis¬
sous.
POIDS
De l’argent nécessaire
pour la précipitation
du chlorure non dé¬
composé.
T1TIIE
De l’argent, le métal
distillé
étant 100,000.
Réduction de l’azotate d’argent ammoniacal par les sul-
lites cuivreux et d’ammonium; métal fondu dans un
creuset de chaux et coulé dans l’eau.
0sr, 00035
0er,0000
99,997
Réduction du chlorure à l'aide du charbon et de la craie
(procédé de Gay-Lussac); un traitement *.
Osr, 00000
0sr,0025
99,975
Réduction du chlorure à l’aide du charbon et de la craie;
deux traitements.
0s-’, 00000
0s%0016
99,98 i
Réduction du chlorure à l’aide du charbon et de la craie ;
trois traitements.
05% 00000
0ê%0009
99,991
i L’areent soumis à l'expérience est une partie de celui que j'avais essayé en 1837, et dans lequel j’avais trouvé directement
vingt-trois. cent-millièmes de matières étrangères, au lieu de vingt- cinq cent-millièmes, comme je le trouve maintenant.
Si l’on en excepte la méthode de Gay-Lussac, on peut donc admettre que
tous les procédés indiqués dans mon précédent travail et ceux que j’ai dé¬
crits dans celui-ci , bien exécutés, peuvent fournir de l’argent absolument
pur, pourvu qu’on se donne la peine de faire subir au métal une espèce d’affi¬
nage, en le chauffant jusqu’à l’ébullition dans un creuset de chaux, dans la
flamme du gaz tonnant.
En jetant les yeux sur les chiffres inscrits dans le tableau qui précède,
on remarquera la constance des résultats obtenus à l’aide d’un même métal.
Pour les trois séries de déterminations, j’ai dû renouveler chaque fois le
liquide salin, à cause de l’insuffisance de capacité du réservoir; mais à
chaque série c’est le même chlorure et c’est le même argent, celui de l’élec-
trolyse, qui ont servi de type de comparaison. Or, les résultats ont été identi¬
ques. On peut donc affirmer qu’en se plaçant dans les conditions convenables,
et que j’ai suffisamment indiquées, il est possible de saisir le moment précis
ou l 'élimination complète de l’argent dissous est effectuée; il n’y a aucun doute
que la méthode de la voie humide pour la comparaison des différents argents
entre eux ne puisse donner des résultats presque mathématiquement exacts.
Lorsque } pour les déterminations consignées dans ce travail, f ai dû doser
48
NOUVELLES RECHERCHES
la quantité d'argent ou de chlore , de brome ou d’iode existant dans un liquide
au sein duquel j’avais formé soit du chlorure, soit du bromure, soit de
l’iodure d’argent, j’ai exécuté ce dosage en me mettant dans les conditions
identiques à celles que je viens de décrire au sujet de la détermination du
titre de l’argent, et en y consacrant les mêmes soins. Les résultats méritent
donc la même confiance.
Après avoir exposé les méthodes employées pour me procurer l’argent
pur, je vais faire connaître maintenant les moyens auxquels j’ai eu recours
pour la préparation du chlorure d’ammonium destiné à la détermination du
rapport proportionnel de ce métal avec le chlorure.
II. — Du CHLORURE D’AMMONIUM.
1° Chlorure d’ammonium obtenu par l’ ammoniaque extraite du sel ammoniac
purifié à l’eau régale.
Dix litres de solution bouillante et saturée de sel ammoniac ont été addi¬
tionnés d’un litre d’acide azotique de 1,4 de densité. Le liquide a été tenu
en ébullition tant qu’il s’est dégagé du chlore. Le sel ammoniac, qui s’est
séparé du liquide par le refroidissement, a été dissous dans de l’eau pure et
bouillante, et la solution a été mise en ébullition avec un vingtième de son
volume d’acide azotique tant qu’il s’est produit du chlore. La liqueur diluée
d’eau pure, au point de ne plus abandonner du chlorure par le refroidissement,
a été versée sur de l’hydrate de calcium renfermé dans une grande cornue,
pour mettre l’ammoniaque en liberté. Celle-ci, lavée d’abord à l’eau, a été
reçue ensuite dans de l’eau pure. La solution ammoniacale produite a été à son
tour saturée à peu près par un courant d’acide chlorhydrique pur.
Le chlorure d’ammonium , qui s’est déposé du liquide après sa concentra¬
tion et son refroidissement, a été séché à 100° en faisant passer d’une manière
continue un courant de gaz ammoniac pur dans le ballon à long col où
s’opérait sa dessiccation. Celle-ci étant complète, j’ai sublimé le sel ammo¬
niac en élevant le moins possible la température, et en maintenant également
autant que possible le col du ballon rempli de gaz ammoniac sec.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
49
Le chlorure s’est volatilisé sans laisser la moindre trace charbonneuse,
preuve cpie le sel ammoniac ne contenait aucune ammoniaque composée. Seu¬
lement il était facile de s’apercevoir que le fond du ballon , qui était de verre
ordinaire, était très-légèrement attaqué. En le cassant pour en détacher le
chlorure sublimé, j’ai constaté en effet qu’il s’y était formé des traces de
chlorures de sodium et de calcium aux dépens de la substance du verre, et
que de la silice était devenue libre. A l’aide de l’analyse spectrale, j’ai pu
reconnaître que le sel ammoniac sublimé, qui était absolument incolore et
d’une remarquable transparence , contenait des traces de sodium, mais qu’il
était absolument dépourvu de calcium.
Dans le but d’éliminer les traces de chlorure sodique qui ont été entraî¬
nées avec les vapeurs du sel ammoniac, je l’ai sublimé encore deux fois,
dans une atmosphère d’ammoniaque, à la plus basse température possible, et
en sacrifiant à cette opération des vases en verre dur, que j’ai fait fabriquer
expressément pour la transformation des chlorures alcalins en azotates de ces
métaux. A la température à laquelle s’accomplit la sublimation du chlorure
d’ammonium, ces vases résistent indéfiniment à la vapeur de ce corps. Dans
la notice De la transformation des chlorures en azotates, j’indique la com¬
position du verre de ces vases.
J’ai fait, à l’aide de ce chlorure, deux déterminations, l’une à la tempéra¬
ture ordinaire, l’autre à 100°; le n° I du tableau indique toutes les données
et le résultat fourni par la double décomposition opérée à la température
ordinaire; le n" H du tableau donne les résultats obtenus à 100°.
Le chlorure d’ammonium, avant d’être employé à la détermination, a été
chauffé, dans le vase même où il a été pesé, jusqu’au point d’émettre des
vapeurs, afin d’éliminer l’ammoniaque condensée.
2° Chlorure d’ammonium produit à l’aide de l’ammoniaque extraite
du sulfate du commerce.
s
Pour préparer le chlorure d’ammonium à l’aide de l’ammoniaque du sul¬
fate du commerce, j’ai préalablement soumis ce dernier composé au traite¬
ment suivant : Deux kilogrammes de sulfate ont été chauffés avec un kilo-
Tome XXXV. 7
50
NOUVELLES RECHERCHES
gramme el demi d’acide sulfurique concentré, jusqu’à la température à laquelle
le sulfate commence à se décomposer avec effervescence. Arrivé à ce moment,
j’ai introduit de l’acide azotique petit à petit dans le mélange jusqu’à ce que
le liquide, qui s’était plus ou moins fortement coloré en brun noirâtre, fût
devenu complètement incolore. Les ammoniaques composées et les matières
organiques contenues dans ce sulfate sont ainsi complètement détruites avec
dégagement d’anhydride carbonique.
Le sulfate acide convenablement refroidi est versé dans environ dix fois
son volume d’eau froide, et l’excédant d’acide est saturé à peu près par un
lait de chaux. Le liquide qui surnage le dépôt de sulfate de calcium est mêlé
avec un excès suffisant de chaux éteinte contenue dans un très-grand ballon,
et celui-ci est chauffé dans un bain de solution saturée de sel marin, afin
d’éliminer l’ammoniaque qu’il renferme. Celle-ci , après un lavage à l’eau , est
reçue dans de l’eau pure.
L’ammoniaque dissoute est saturée ensuite à l’aide d’un courant d’acide
chlorhydrique pur. JLa solution de sel ammoniac produite est évaporée jusqu’à
siccité dans un ballon de verre dur, elle résidu est sublimé dans une atmo¬
sphère d’ammoniaque extraite d’une partie du même chlorure.
Le sel ammoniac s’est volatilisé sans laisser de trace de résidu. Le produit
sublimé était absolument incolore, il exhalait une odeur ammoniacale. Avant
d’être employé à la détermination du rapport proportionnel, il a été chauffé
jusqu’au point d’émettre des vapeurs, afin d’éliminer l’ammoniaque condensée.
Les n0h 111 et IV du tableau indiquent les résultats qu’il a fournis, la double
décomposition étant faite à la température ordinaire pour le n° 111 , et à la
température de 100° pour le n° IV.
3° Chlorure d’ ammonium obtenu à l’aide de ï ammoniaque produite
par la réduction de l’azoti te de potassium.
Pour me procurer l’azotile de potassium, j’ai eu recours au procédé de
Stromeyer. A cet effet, j’ai fait chauffer au rouge bien décidé, dans une petite
chaudière de fonte, un kilogramme de nitre avec quatre kilogrammes de
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
.51
plomb. La vive incandescence qui se produisit étant passée, et le mélange suffi¬
samment refroidi, je l’ai lessivé à Peau bouillante. J’ai éliminé ensuite, à l’aide
d’une solution de sulfhyclrate de potassium, le plomb contenu dans la solution
d’azolite. Au liquide débarrassé du sulfure de plomb, et préalablement con¬
centré, j’ai ajouté quinze litres de solution de potasse caustique à 1,250 de
densité. Ce mélange a été versé dans un ballon de vingt-cinq litres placé dans
un bain de sable, et qui contenait un mélange de trois kilogrammes et demi
de zinc gren.aiilé, dépouillé de carbone par sa fusion avec un mélange de car¬
bonate de sodium et de nitre ', et d’un kilogramme et demi de fil de fer, qui,
après avoir été oxydé par sa calcination au contact de l’air, a été réduit par
de l’hydrogène.
Le ballon était mis en communication, à l’aide d’un large tube recourbé,
avec un système de lavage et de condensation de l’ammoniaque qui devait
prendre naissance. Le système se composait : 1° d’une grande cornue tubulée
placée sur un fourneau, et renfermant une certaine quantité d’eau pure dans
laquelle le tube à dégagement plongeait; 2° d’un grand flacon de Woulf à
trois tubulures contenant un demi-litre d’eau pure; 3° d’un flacon de Woulf
renfermant de l’eau acidulée à l’aide de l’acide chlorhydrique, destinée à
retenir l’ammoniaque entraînée par le courant d’hydrogène, qui se produit
très-abondamment lorsque la réduction de l’azotite est opérée, et que le
liquide du ballon est porté à l’ébullition.
Avant de procéder à la distillation du liquide contenu dans le ballon , j’ai
eu soin de laisser réagir les matières pendant soixante-douze heures, afin de
réduire préalablement, et aussi complètement que possible, l’azotite de potas¬
sium en ammoniaque et en oxyde de potassium et de zinc. Ce temps écoulé,
j’ai fait porter le liquide à une douce ébullition, dans laquelle je l’ai maintenu
pendant deux heures, en ayant soin de tenir à son point d’ébullition l’eau
contenue dans la cornue, et de refroidir, autant que possible, l’eau renfermée
dans le grand flacon de Woulf et destinée à la condensation de l’ammoniaque.
1 On peut obtenir du zinc dépouillé de carbone en le fondant avec cinq pour cent de son poids
de litharge. L’alliage de zinc et de plomb, qui se produit ainsi, réduit tout aussi bien l’azotite de
potassium en présence du fer que le zinc pur. En présence des acides chlorhydrique et sulfu¬
rique dilués, il dégage de l’hydrogène avec une facilité extrême.
NOUVELLES RECHERCHES
il es! absolument indispensable de maintenir le liquide contenu dans le
ballon dans une très-douce ébullition, parce qu’il mousse très-fortement par
le dégagement d’hydrogène qui s’effectue à une température élevée. J’engage
les chimistes qui désireraient se procurer par ce moyen de l'ammoniaque
absolument pure, à soumettre à la distillation le liquide décanté du mélange
de zinc et de fer. Comme je m’en suis assuré dans un essai subséquent, la
réduction de l’azotite en ammoniaque étant accomplie, on peut distiller sans
la moindre difficulté le liquide décanté.
La solution ammoniacale produite présentait absolument la même odeur
que celle offerte par l’ammoniaque extraite du chlorure d’ammonium traité
à l’eau régale, ou du sulfate d’ammonium traité à chaud par un mélange
d’acide sulfurique et d’acide azotique. Ces trois ammoniaques identiques entre
elles, diffèrent néanmoins très-sensiblement, quant à l’odeur, de l'ammo¬
niaque pure qu’on retire du chlorure ou du sulfate d’ammonium du commerce,
contenant l’un et l’autre des ammoniaques composées qui lui communiquent
une odeur désagréable , tandis que l’odeur de l’ammoniaque pure est sim¬
plement piquante. J’ai déjà eu l’occasion de constater ces faits, et je les avais
consignés dans mon travail précédent sur le même sujet.
Pour transformer en chlorure l’ammoniaque dissoute, j’ai fait passer au
travers de la solution un courant d’acide chlorhydrique pur, jusqu’à ce que
le liquide fût presque complètement saturé. J’ai évaporé ensuite la liqueur
saline au bain-marie, et j’ai achevé sa dessiccation à l’étuve. Ce chlorure
d’ammonium était d’une blancheur éblouissante. J’ai procédé à sa sublima¬
tion dans une grande cornue de platine purifiée au rouge au chlorure d’ammo¬
nium. Afin d’exclure l’air de la cornue, j’y ai maintenu, pendant tout le temps
qu’a duré la volatilisation, un très-léger courant d’annnoniaque sèche. Cette
précaution est absolument indispensable, parce que, en présence de l’air et
du platine chauffé, la vapeur de sel ammoniac produit très- facilement de
l’acide azotique et ensuite du chlore.
Le chlorure d’ammonium volatilisé tapissait le tiers supérieur de la cucur-
bite de la cornue, sous la forme d’un anneau très-compact cristallisé, incolore,
transparent , d’un demi-centimètre d’épaisseur ; tandis que le chapiteau et son
col étaient remplis de chlorure d’ammonium en poussière fine, d’une blan-
o5
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
chef éblouissante. L’un et l’autre exhalaient une forte odeur ammoniacale.
Avant de servir à la détermination du rapport proportionnel, le chlorure
compact et le chlorure en poussière ont été chauffés, dans l’appareil même
où leurs poids étaient fixés , jusqu’à émettre des vapeurs de sel ammoniac,
afin d’en éliminer la dernière trace d’ammoniaque condensée.
Le n° Y du tableau présente le rapport proportionnel fourni par le chlorure
d’ammonium en masse cristalline; le n° VI celui du chlorure d’ammonium en
poussière impalpable; la détermination ayant été faite pour l’un et 1 autre a
la température ordinaire.
Le n° VH donne le résultat offert par le chlorure d’ammonium en masse,
mais la double décomposition ayant été accomplie à 100°.
k° Chlorure d’ ammonium volatilisé dans le eide.
J’ai opéré la volatilisation du sel ammoniac dans le vide, à l’aide de
pareil figuré et décrit ci-dessous
Fig. 5.
54
NOUVELLES RECHERCHES
Quarante grammes de chlorure d’ammonium, provenant de la combinaison
directe de l’acide chlorhydrique et de l’ammoniaque produite par la réduc¬
tion de I azotite de potassium, ont été introduits dans un tube de verre, long
de quatre-vingt-quinze centimètres, large de trois centimètres, fermé par un
bout et ouvert par l’autre. Le chlorure, préalablement bien séché, étant
amené vers le bout fermé, j’ai placé le tube, dans une position horizontale,
sur le support métallique d’une grille à gaz; j’ai appliqué le bout ouvert
contre un deuxième tube ouvert, de même diamètre, et j’ai passé au-dessus
des deux parties juxtaposées une tubulure en verre, de dix centimètres de
longueur, que j’ai fixée à l’aide d’un mastic à la gomme-laque, en ayant la
précaution de laisser pénétrer une partie du mastic entre la tubulure et les
deux parties juxtaposées. Au deuxième tube était soudé un tube en T, dont la
très-courte branche, presque capillaire, s’engage dans une branche d’un
robinet d’acier, et dans laquelle je l’ai luté hermétiquement avec un mastic
résineux. La branche verticale du tube en T, longue de 90 centimètres,
plongeait dans une éprouvette contenant du mercure. Dans l’autre branche
du robinet, j’ai mastiqué un tube capillaire qui est mis en communication
avec une machine pneumatique pouvant faire le vide dans cet appareil à
0'",0QQ5. Afin d’éviter que le sel ammoniac qui, dans le vide, se condense
sous la forme de poussière impalpable, ne pénètre dans le tube presque
capillaire et ne l’obstrue, j’ai rempli le large tube, auquel le tube en T
est soudé, d’une bourre de fils fins de platine précédée d’une très-grande
quantité d’asbeste feutré, calciné et encore chaud. Avant de commencer la
sublimation du sel ammoniac, je me suis assuré que le système tenait le
vide pendant vingt-quatre heures. J’ai procédé alors à la volatilisation. A cet
effet , j’ai chauffé directement à la flamme du gaz la partie du tube conte¬
nant le sel ammoniac, en prenant la précaution de maintenir la température
aussi basse que possible. Pendant tout le temps de la sublimation , le mercure
a été dans un mouvement continuel de va-et-vient dans la branche verticale
du tube en T, et le chlorure s’est condensé, partie en poussière, partie sous
forme d un anneau épais incolore. Ayant laissé refroidir assez le tube pour
enlever toute tension au sel ammoniac, le mercure s’est élevé dans le tube
au même niveau qu’il avait avant l’opération; preuve qu’aucune trace de
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
55
gaz n’avait pris naissance, pendant la sublimation, qui ne se tût combinée
ensuite. J’ai opéré une deuxième et ensuite une troisième volatilisation du sel
ammoniac, en faisant toujours avancer le chlorure sublimé. Pendant tout le
temps employé à ces deux volatilisations, j’ai eu soin de faire fonctionner
continuellement la pompe pneumatique, afin d’entraîner le gaz qui aurait pu
devenir libre.
Après le refroidissement complet du tube, le sel ammoniac sublimé en
anneau compact s’est détaché avec bruit du tube, en devenant en même
temps opaque , de transparent et très-réfringent qu’il était à chaud.
J’ai déterminé séparément, et tels qu’ils sont sortis du tube, le rapport pro¬
portionnel du sel ammoniac en masse compacte et en poussière impalpable.
Le n° VUS du tableau indique le résultat fourni par le sel ammoniac en masse,
et le n° IX donne celui du chlorure en poussière. L’un et l’autre contenaient
des traces de sodium, mais sensibles seulement à l’analyse spectrale, métal
qu’ils avaient probablement enlevé au tube en verre blanc ordinaire, dans
lequel la triple volatilisation a été effectuée.
Mode de détermination du rapport proportionnel entre l’argent et le chlorure
d’ ammonium.
Le mode de détermination que j’ai suivi est celui indiqué dans mon pré¬
cédent travail. Afin d’éviter la perle d’acide chlorhydrique qui aurait pu
devenir libre par l’introduction du chlorure d’ammonimn dans la solution
d’azotate acide d’argent très-chaude, j’ai neutralisé par de l’ammoniaque
pure l’excès d’acide azotique destiné à la dissolution de l’argent. Voici com¬
ment j’ai procédé à cet égard. Après avoir ajouté à la dissolution de l’argent
dans l’acide azotique 1ÜO centimètres cubes d’eau par gramme de métal dis¬
sous, j’ai instillé goutte à goutte de l’ammoniaque dissoute et pure. Lorsque
le liquide exhalait une odeur ammoniacale sensible, j’ai fait disparaître cette
odeur par une addition ménagée (Vacille acétique pur.
Pour que la double décomposition se fît absolument dans des conditions
identiques, j’ai neutralisé par l’ammoniaque aussi bien la solution argentique
NOUVELLES RECHERCHES
m
qui devait être précipitée à froid que celle qui était destinée à l’être à 100°.
Afin que la solution eut environ 100° au moment de la double décomposition,
j’ai maintenu dans l’eau bouillante, pendant deux heures, le flacon ou le
ballon dans lequel l’essai se faisait, et, sans le sortir du bain, j’v ai introduit
le chlorure d’ammonium. La précipitation s’accomplissant à une température
élevée, l’éclaircissement du liquide se produit au moment même où le mé¬
lange exact des matières réagissantes est effectué.
J’ai pesé dans l’air 1 le chlorure d’ammonium et l’argent employés, en sup¬
posant, d’après l’hypothèse de Prout, le poids de la molécule de chlorure
d’ammonium 53, 50, et le poids atomique de l’argent 108,00. L’excédant du
métal existant dans le liquide après la double décomposition a été déterminé
tout en maintenant le flacon ou le ballon dans le bain. J’ai fait passer à cet
effet un faisceau de lumière jaune à la surface du liquide dans lequel j’avais
à doser l’argent. L’essai comparatif fait à la température ordinaire a été
exécuté à l’aide de l’appareil à titration que j’ai décrit page 43.
Le tableau suivant renferme toutes les données qui sont intervenues dans
ces trois séries d’expériences. J’y ai joint trois déterminations empruntées à
mon précédent travail ; elles sont relatives à du chlorure d’ammonium produit
à la température ordinaire, en combinant directement l’ammoniaque et l’acide
chlorhydrique dissous.
1 Pour ramener au vide le chlorure d’ammonium pesé dans l’air, j’ai pesé dans l’air et dans
le vide une partie du sel ammoniac sur lequel je me proposais d'opérer. Ces essais m’ont con¬
vaincu , comme M. Marignac d’ailleurs l’avait déjà constaté, que l’augmentation de poids, obtenue
en pesantdireelement dans le vide le chlorure pulvérulent, était toujours moindre que celle qu’on
eut calculée en partant de la densité. J’ai trouvé que 100,000 de chlorure pulvérulent pesés
dans Pair représentent de 100,077 à 100,084 du même composé pesé dans le vide. JI. Marignac
donne le chiffre 100,080 comme moyenne des extrêmes. Ces pesées m’ont permis également
d’observer que la densité du sel ammoniac compact diffère sensiblement, suivant qu’il est trans¬
parent et vitreux, ou opaque et amorphe.
Les pesées dans le vide ont été faites par le moyen que j’indique dans le troisième Mémoire à
l’occasion du chlorure de lithium.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 57
RAPPORT ‘PROPORTIONNEL ENTRE L’ARGENT ET LE CHLORURE D’AMMONIUM.
NUMÉROS D’ORDRE.
POIDS
du sel ammoniac
dans l’air.
POIDS
du sel ammoniac
réduit
au vide.
POIDS
de
l’argent dans l’air.
POIDS
de
l’argent réduit
au vide.
POIDS
de l’excédant de
l’argent après la
doubledécompo-
silion.
100,000
d’argent équivalent
à chlorure
d’ammonium.
PREMIERE SERIE.
Chlorure produit à la température ordinaire en combinant T acide chlorhydrique à l’ ammoniaque dissoute.
— Détermination faite à la température ordinaire.
49,600
49,599
49,598
IX » .
11*0004
IL 0088
&r<
22,2220
22,2236
6*0300
X* .
10,92155
10,92896
22,0660
22,06134
0,0280
XI 1 .
12,25095
12,26038
24,14838
24,14991
0,0305
DEUXIÈME SERIE.
Chlorure sublimé à la pression ordinaire. — Détermination faite à la température ordinaire.
I .
11/1810
lî, 19643
2§*8118
2§*8133
0*0290
III .
11,1990
11,80844
23,8360
23,8316
0,0290
V .
6,2413
6,25216
12,6204
12,62116
0,0140
VI .
10,1090
10,11156
21,63416
21,6355
0,0262
49,598
49,591
49,593
49,591
TROISIÈME SERIE.
Chlorure sublimé à la pression ordinaire. — Détermination faite à 100° centésimaux.
II .
39*5896
O
CO
GM
CO
1^91816
19*98313
6*0910
IV .
13,3956
13,40631
21,06150
21,06320
0,0355
VII .
1,5950
1,60101
15,34325
15,3442
0,0181
49,5914
49,602
49,591
QUATRIÈME SÉRIE.
Chlorure sublimé dans le vide. — Détermination faite à la température ordinaire.
VIII .
IX .
13*5025
13,3129
gr-
21,2161
21/2184
6*0355
49,598
6,2198
6,2250
12,5655
12,5663
0,0140
49,592
Ces expériences sont empruntées à mon précédent travail; j'ai conservé les numéros d'ordre du tableau.
Tome XXXV
8
58
NOUVELLES RECHERCHES
Les résultats inscrits dans le tableau précédent prouvent (;ue, dans la
limite dans laquelle j’ai dû me renfermer pour rendre l’expérience possible,
la température n’exerce aucune influence sur la composition du chlorure
d’ammonium et sur la composition du chlorure d argent ; ils prouvent de
plus que la pression est sans influence aucune sur la composition du chlorure
d! ammonium. En effet, quels que soient le mode de préparation du composé
d’ammonium et la température à laquelle la double décomposition s accom¬
plit, son rapport proportionnel avec l’argent est constant. Si tant est que la
constance admise des combinaisons chimiques stables avait encore besoin
d’être démontrée, il me semble que l’identité presque absolue des résultats des
quatre séries de déterminations la démontre à suffisance de preuve. Cette
constance est ici d’autant plus remarquable , que le sel ammoniac peut, comme
je l’ai observé, condenser du gaz ammoniac ou de l’acide chlorhydrique,
au même litre qu'une foule de corps condensent des gaz et des vapeurs com¬
plètement étrangers à leurs éléments constitutifs.
Parmi les douze déterminations consignées dans le tableau , il s’en trouve
une, le n° Il , qui a été faite sur une telle quantité de matière que jamais, dans
aucune expérience de ce genre, on n’a pris une pareille masse. En opérant
sur des proportions si considérables , j’avais un double but : je voulais rendre
sensible l’influence de la température sur la composition du chlorure d ar¬
gent, si tant est que la température eût une influence; ensuite, comme j avais
affaire à du chlorure d’ammonium qui avait été sublimé à trois reprises
différentes, et deux fois dans des vases de verre dur, inattaquable a la
vapeur du chlorure, il devait donc être d’une rare pureté, et je devais pou¬
voir déduire une conséquence significative au point de vue de la vérification
de l’hypothèse de Prout. Or, après la double décomposition opérée sur des
poids calculés d’après l’hypothèse de Prout , il est resté dissous dans le liquide,
0sr,09 7 d’argent, représentant une quantité cent fois plus grande que celle
que je pouvais constater dans la masse de liquide, et certainement cinquante
fois plus grande que celle qu’il est possible de doser en s’en donnant la peine.
J’invite ceux qui croient pouvoir attribuer « à des erreurs d’observation »
ou « à l’impureté des matières 1 » les différences observées entre l’expé-
* Cosmos, t. XVII, p. 655.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
59
rience et l’hypothèse de Prout, à bien vouloir se donner la peine de répéter,
dans les conditions nécessaires d’exactitude, la détermination du rapport
proportionnel entre le chlorure d’ammonium et l’argent, et j’attends avec
une confiance entière le résultat de leur contrôle.
»
En m’exprimant ainsi, je ne prétends point que les chiffres auxquels je suis
arrivé soient absolument exacts, c’est-à-dire qu’ils ne soient pas affectés d’une
erreur constante. Je suis même certain du contraire, et dans les conditions
dans lesquelles je me suis placé, l’erreur constante doit être portée à la limite
maxima. En effet, l’opération d’où l’on déduit le rapport proportionnel entre
le chlorure et l’argent comporte une incertitude sur laquelle j’ai déjà attiré
l’attention des chimistes dans mes Recherches sur les rapports réciproques des
poids atomiques. Cette incertitude consiste dans ce fait, qu’un liquide argen¬
tifère, et dont on a précipité à peu près tout le métal par une solution de chlo¬
rure de potassium, ou de sodium, ou d’ammonium, mais contenant encore
un à deux milligrammes d’argent par litre, précipite également par l’addition
d’une solution normale d’argent et de chlorure alcalin. J’ai reconnu que ce
phénomène est d’autant plus prononcé que le liquide est moins acide et qu’il
renferme plus d’azotate alcalin. Or, dans les doubles décompositions opérées
entre l’azotate d’argent et le chlorure d’ammonium, j’ai été obligé, pour le
motil que j’ai exposé plus haut, de neutraliser l’excès d’acide azotique par
l’ammoniaque, et, pour le même motif, je n’ai ajouté qu’un faible excès d’acide
acétique. Les conditions qui sont la cause première de l’incertitude existent
donc toutes les deux , et elles doivent , comme je l’ai dit plus haut, porter l’er¬
reur constante au maximum. Mais en tenant très-largement compte de cette
erreur constante, i! reste une différence tellement grande entre les résultats
calculés et les résultats observés, qu’il est matériellement impossible de l’attri¬
buer à une cause autre que l’inexactitude de l'hypothèse de Prout.
60
NOUVELLES RECHERCHES
* DEUXIÈME PARTIE.
DE L’INVARIABILITÉ DES RAPPORTS EN POIDS DES ÉLÉMENTS FORMANT
LES COMBINAISONS CHIMIQUES.
PRÉLIMINAIRES.
Dans l’introduction de ce travail , j’ai dit que les lois des proportions chi¬
miques ne sont point démontrées comme lois mathématiques. En„ effet,
l’examen attentif de tous les faits que possède la science, au sujet de l’inva¬
riabilité des rapports en poids des éléments qui forment les combinaisons
chimiques, m’a convaincu que les chimistes se sont plutôt fondés sur la con¬
stance de composition des combinaisons que sur la démonstration rigoureuse
de la loi de Wenzel et de l’hypothèse de Dalton, connue sous le nom de loi
des proportions multiples.
Je n’examinerai pas ici le célèbre Mémoire de Gay-Lussac sur les combi¬
naisons des substances gazeuses les unes avec les autres *, ni le Mémoire de
Wollaston sur les carbonates et les oxalates 2 qui, depuis le commencement
de ce siècle, ont servi de base expérimentale à l’hypothèse de Dalton. Aujour¬
d’hui i! est permis d’affirmer a priori que Gay-Lussac n’a pas pu démontrer
sa loi des volumes comme loi mathématique; car elle ne peut être en fait ,
qu’une loi limite, puisque la loi de la compressibilité des fluides élastiques
et la loi de la dilatation des gaz par la chaleur ne sont elles-mêmes que des
lois limites. Les expériences de Wollaston sur les rapports de l’acide oxalique
1 Mémoires de 'physique et de chimie de la Société d’Arcueil , t. II, p. 207.
2 Philosophical transactions of the Royal Society ; année 1808, lre partie, p. 9G.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
61
et de la potasse dans les oxalates neutres et acides ont été exécutées sur une
échelle tellement restreinte, qu’il est impossible d’en déduire que la loi des
proportions multiples est une loi mathématique ou une loi limite. Du reste, en
admettant même que les quantités ont été suffisantes, le principe sur lequel
le célèbre chimiste anglais s’est appuyé, la neutralité mesurée à l’aide de
matières colorantes, n’est qu’une hypothèse dont le fondement avait besoin
d’être prouvé a priori.
Toutes les analyses et les synthèses exécutées depuis un siècle sont égale¬
ment impuissantes pour la démonstration de la loi des proportions définies
comme loi mathématique. En effet, quelle que soit l’habileté d’un chimiste,
il lui est impossible d’exécuter une opération d’analyse ou de synthèse sans
commettre une erreur dans l’observation. Or, jusqu’ici rien ne prouve que
les différences constatées dans certaines analyses entre l’expérience et le calcul ,
d’après une hypothèse donnée, doivent être attribuées en entier à l’erreur
commise darts l’opération matérielle; rien ne démontre qu’une certaine part
n’en revient pas à l’inexactitude de la loi des proportions définies, considérée
comme loi mathématique. Du reste, si les analyses et les synthèses existantes
renfermaient en elles-mêmes les éléments de la solution rigoureuse de ce
problème, tous les chimistes seraient d’accord sur les poids atomiques d’un
grand nombre de corps, et l’hypothèse de Prout serait définitivement jugée.
Le désaccord qui règne depuis longtemps au sujet de certains poids atomi¬
ques prouve donc mieux que tous les raisonnements possibles que la démon¬
stration rigoureuse de la loi des proportions définies reste à faire.
La constance de composition des combinaisons stables étant admise, que
faut-il pour résoudre ce problème? Il faut prouver que, dans les corps bi¬
naires et dans les corps ternaires, par exemple, ayant chacun deux éléments
communs , les éléments communs y existent invariablement dans les mêmes
rapports en poids. Ainsi dans deux corps AB et ABC, les rapports en poids
de A à B doivent être exactement les mêmes dans AB et dans ABC.
On conçoit que la solution du problème ainsi posé peut devenir indépen¬
dante de l’analyse proprement dite ; en effet, pour résoudre le problème, il
s’agit seulement de rechercher si les corps ternaires peuvent être ramenés à
l’état de corps binaires, sans qu’une fraction, quelque minime qu’elle soit,
G2
NOUVELLES RECHERCHES
d’un des éléments communs devienne libre, ou inversement, si des corps
binaires peuvent être transformés en corps ternaires sans qu’une fraction dun
des éléments du composé binaire reste en dehors du composé ternaire produit.
Parmi les faits dont se compose la science chimique, on en cherche vaine¬
ment un seul satisfaisant entièrement à ces conditions. La transformation du
chlorate et du bromate de potassium en chlorure et en bromure sous 1 in¬
fluence de la chaleur s’en rapproche le plus. En effet, les chimistes qui ont
étudié de près cette décomposition du chlorate ont observé des traces de
chlore seulement dans l’oxygène dégagé. Dans l’analyse que M. Marignac a
faite de ce dernier sel, il a essayé de doser ces traces de chlore '. De mon côté,
j’ai fait tous mes efforts pour fixer sur l’argent chauffé au rouge le chlore
entraîné 1 2. Dans l’espoir de trouver dans la transformation du chlorate et du
bromate de potassium en chlorure et bromure une solution du problème en
question, j’ai fait de nouvelles et longues tentatives, mais elles sont lestées
toutes infructueuses. J’ai eu constamment des traces de chlore Ou de brome,
quoique j’eusse pris toutes les précautions imaginables pour dépouiller le
chlorate et le bromate employés des quantités infiniment petites de silice ou
de métaux étrangers qu’ils retiennent avec une désespérante ténacité. Je n ai
pas été plus heureux avec le perchlorate de potassium; quelle que soit la
lenteur avec laquelle je l’ai décomposé par la chaleur, et qucis qu aient été
les soins que j’ai pris pour le purifier, l’oxygène qu’il a fourni par l’action
de la chaleur a toujours été vers la fin souillé par des traces de chlore.
Ayant échoué dans ces tentatives, j’ai porté mes recherches vers une autre
direction. On sait que l’anhydride sulfureux transforme en iodure d’argent
l’iodale de ce métal suspendu dans l’eau, en se convertissant en acide sulfu-
rique. J’ai constaté que, sous la même influence, le bromate passe à l’état de
bromure et le chlorate à l’état de chlorure d’argent. L’insolubilité absolue de
l’iodure, du bromure et du chlorure d’argent dans l’eau acidulée par l’acide
sulfurique, et la possibilité de trouver au sein d’un liquide un dix millionième
d’argent, d’iode, de brome ou de chlore, constituent donc des conditions
1 Bibliothèque universelle de Genève, t. XL, p. 148.
2 Recherches sur les rapports réciproques des poids atomiques : Analyse du chlorate de
POTASSE.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
63
exceptionnellement favorables pour soumettre la loi des proportions définies
à une épreuve décisive. C’est dans ce but que j'ai entrepris les recherches qui
font l’objet de la deuxième partie de ce Mémoire.
Ces travaux ont été d’une extrême difficulté d’exécution. En effet, j’ai eu à
lutter contre deux obstacles : l’un, facile à prévoir, réside dans la difficulté
immense qu’il y a de se procurer des sels d’argent dans un degré de pureté
suffisant pour être soumis à une épreuve d’une si redoutable rigueur; l’autre,
tout à fait imprévu, est dû à la propriété présentée par l’acide sulfureux de
s’altérer sous l’influence de causes encore obscures, ou plutôt complètement
inconnues, et d’offrir, à l’étal altéré, des caractères opposés à ceux qu’il avait
avant d’avoir subi ce changement.
On conçoit qu’il m’est impossible de donner ici une idée des difficultés que
j’ai rencontrées pour la préparation de Yiodale, du bromate et du chlorate
d’argent pur ; elles ont été naturellement différentes pour chacun de ces sels.
Comme les tâtonnements par lesquels j’ai dû passer présentent un véritable
enseignement pour ceux qui, dans la suite, voudraient répéter l’une ou
l’autre de ces recherches, je rendrai compte très-exactement, dans des notices
détaillées, des moyens auxquels j’ai eu recours pour obtenir ces sels et pour
m’assurer de leur degré de pureté.
Je me bornerai à exposer ici, d’une manière générale, les observations que
j’ai faites sur l’action qu’exerce l’acide sulfureux sur les composés d’argent,
suivant que cet acide est intact ou qu’il a éprouvé une décomposition.
Un courant d’anhydride sulfureux , préparé à l’aide de la combustion du
soufre dans l’air sec, ou par la décomposition de l’acide sulfurique par le
cuivre, le mercure, le charbon, le bois, produit un précipité blanc de sulfite
d’argent dans une solution aqueuse d’azotate et de sulfate d’argent; le liquide
- reste incolore. Une solution d’acide sulfureux tout récemment obtenue par le
passage de l’anhydride au travers de l’eau bouillie et soustraite à V action de
la lumière se conduit comme l’anhydride sulfureux lui -même. Le sulfite
d’argent produit, soustrait à l’action de la lumière, m’a semblé se conserver
indéfiniment à la température ordinaire; mais, sous l’influence de la lumière
et d’un excès d’acide sulfureux, il se transforme en un mélange de sulfate
d’argent et d’argent métallique.
U
NOUVELLES RECHERCHES
Un courant d’anhydride sulfureux et une solution aqueuse saturée et
récente de cet anhydride ne précipitent point de sulfite d’argent d’une solution
d’azotate ou de sulfate d’argent dissous dans l’eau acidulée par une quantité
suffisante d’acide sulfurique ou d’acide azotique ; le liquide reste incolore. Dans
l’obscurité complète on peut même porter et maintenir longtemps vers 100°
l’anhydride sulfureux en contact de l’azotate et du sulfate d’argent dissous
dans l’acide sulfurique dilué, sans qu’il y ait la moindre coloration du liquide
ou une précipitation quelconque.
Une solution d’acide sulfureux dans l’eau pure bouillie ou non bouillie,
après avoir été abandonnée pendant un temps plus ou moins long à la lumière
même diffuse, précipite en gris l’azotate et le sulfate d’argent dissous; au bout
de quelques instants le liquide, au sein duquel le précipité gris s’est formé,
se colore en jaune, en brun, en noir et finit par déposer du sulfure d’argent.
J’ai vu une pareille solution d’acide sulfureux altéré précipiter, dans 1 ob¬
scurité, de l’argent métallique d’une solution d’azotate ou de sulfate d’argent
dans l’acide sulfurique dilué , et même dans l’acide azotique dilué.
On voit donc que, dans certains cas, la solution d’acide sulfureux agit sur
l’azotate et le sulfate d’argent comme le font la plupart des acides polylhioniques,
qui précipitent lentement du sulfure d’argent des solutions de ces sels. H. Rose
avait déjà remarqué que l’anhydride sulfureux, obtenu par l’action du soufre
sur le bioxyde de manganèse, se comporte à l’égard des sels solubles d’ar¬
gent autrement que l’acide produit par la réduction de l’acide sulfurique par
le mercure et le cuivre, même après avoir déposé par un repos suffisant le
soufre qu’il entraîne. J’ai reconnu le même fait, mais à un degré moindre,
pour l’anhydride sulfureux obtenu à l’aide de l’action du soufre sur l'acide
sulfurique. En solution récente, l’un et l’autre se conduisent comme des solu¬
tions très-diluées d’acide pentathionique; ils précipitent de l’azotate d’argent
un mélange de sulfite, de sulfate et de sulfure d’argent.
La différence que je viens de signaler dans l’action de l’acide sulfureux
intact et de l’acide sulfureux altéré sur l’azotate et le sulfate d’argent, en
solution dans l’eau pure ou dans l’eau acidulée par l’acide sulfurique ou azo¬
tique, je l’ai observée dans l’action réductrice que ces acides intacts ou altérés
exercent sur l’iodate, le bromate et le chlorate d’argent A une basse tempe -
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
G5
rature et dans l’obscurité complète , l’anhydride sulfureux et la solution de cet
anhydride faite à l’instant même à l’abri de la lumière, réduisent à l’état
d’iodure, de bromure, de chlorure, l’iodate, le bromate et le chlorate d’ar¬
gent suspendus dans l’eau pure ou dans l’eau acidulée par l’acide sulfurique.
Quel que soit l’excès d’anhydride sulfureux ou de la solution d’acide sulfu¬
reux, l’iodure jaune pâle, le bromure jaune pâle d’abord, jaune foncé ver¬
dâtre ensuite, le chlorure blanc restent absolument intacts, et tous leurs
éléments restent indéfiniment indissous, si ces composés sont absolument
soustraits à la radiation solaire directe ou indirecte; on peut même porter
à 100° et maintenir fort longtemps à cette température les liquides au sein
desquels se trouvent ainsi del’iodure, du bromure et du chlorure d’argent à
côté de l’acide sulfureux, sans leur faire subir la moindre altération.
Le liquide qui surnage l’iodure, le bromure et le chlorure d’argent ne
contient aucune trace d’acide iod hydrique , d’acide bromhydrique ou d'acide
chlorhydrique. Au contraire, sous l’influence de la lumière et de l’acide sulfu¬
reux, l’iodure d’argent devient lentement grisâtre , le bromure devient très-
rapidement noirâtre et le chlorure très-rapidement noir bleuâtre. Dans ce
cas, les liquides renferment respectivement de l’acide iodhydrique, de l’acide
bromhydrique et de l’acide chlorhydrique. Lorsque, par suite de la présence
de l’air, l’acide sulfureux est passé à l’état d’acide sulfurique, l’iodure d’argent
devenu gris redevient jaune , par suite de l’acide iodhydrique qui retourne
à l’état d’iode, etl’iodure se maintient jaune, parce qu’il est inaltérable par la
lumière seule , tandis que le bromure noirâtre et le chlorure noir bleuâtre
se conservent dans leur état d’altération. En effet, les acides bromhydrique
et chlorhydrique ne peuvent point passer sous l’influence de l’oxygène de l’air
à l’état de brome et de chlore.
L’acide sulfureux altéré spontanément se conduit tout différemment avec
l’iodate, le bromate et le chlorate d’argent. Ainsi, dans Y obscurité la plus
complète, il transforme l’iodate d’argent suspendu dans l’eau pure ou dans
l’eau acidulée par l’acide sulfurique en iodure orange, et l’iodure, après
avoir été lavé à l’eau et traité par le cyanure d’ammonium mêlé d’acide
cyanhydrique, se dissous en abandonnant des flocons de soufre et même du
sulfure d’argent, si l’altération de l’acide sulfureux est très-avancée. Dans
Tome XXXV. 9
GG
NOUVELLES RECHERCHES
l 'obscurité la plus complète , le bromate cl argent suspendu dans 1 eau puic
ou dans l’eau acidulée par l’acide sulfurique passe instantanément à 1 état de
bromure jaune, sous l’influence de 1 acide sulfureux altéré. Le liquide au >ein
duquel la réaction s’est effectuée se colore en jaune foncé, en biun, en noii ,
et, après s’être décoloré par le repos, il renferme une quantité notable d acide
brom hydrique. Le précipité insoluble, lavé d abord à leau, et liailé ensuite
au cyanure d’ammonium mêlé d’acide cyanhydrique, laisse beaucoup de sul¬
fure d’argent pour résidu.
Enfin, dans Y obscurité la plus complète, le chlorate d’argent, dissous dans
l’eau pure ou dans l’eau acidulée par l’acide sulfurique, est ramené, par 1 acide
sulfureux altéré, à l’étal de chlorure mêlé de beaucoup de sulfure d’argent;
le liquide surnageant le dépôt contient beaucoup d’acide chlorhydrique.
Ainsi donc l’acide sulfureux intact exerce sur l’iodate, le bromate et le
chlorate d’argent une simple action de réduction, tandis quel acide sulfureux
altéré exerce à la fois une action de réduction et de sulfuration , comme le font
du reste la plupart des acides polythioniques.
Lorsque j‘ai exécuté les recherches qui sont consignées dans ce Mémoire,
j’ignorais complètement que l’acide sulfureux pût. éprouver une altéi ation capa¬
ble de communiquer aux produits de sa transformation les propriétés des acides
polythioniques; je n’ai connu la possibilité de cette altération que lorsque mes
travaux étaient entièrement terminés, sans cela il y aurait eu, je la^oue,
presque de la témérité de les avoir entrepris. Je dirai même que le basai d
m’a servi à merveille et que, dans plusieurs circonstances, ma chance a été plus
grande que ma prévoyance. Dans ce long travail je nai eu, en réalité, que
deux accidents notables, dont l’un, à la vérité, m’a été fort sensible, puisqu d
a entraîné la perte de plus de quatre-vingts grammes de bromate d argent pur.
On verra, par l’exposé de mes recherches , que j’ai échappé aux accidents
uniquement parce que j’ai employé pour la réduction des sels amplifiiez a
l’état de sels haloïdes un courant d’anhydride sulfureux, ou bien une solution
d’acide sulfureux que je venais de préparer, dans la chambre obscure même,
pour l’utiliser immédiatement. L’acide sulfureux, passant ainsi instantanément
à l’état d'acide sulfurique, n’a pas eu le temps de s’altérer. Les seulcz Précau¬
tions auxquelfes'j’ai eu recours, lorsque je me suis servi de la solution d acide
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
67
sulfureux, ont été de prendre de l'eau bouillie très-froide, souvent même
glacée, et d’exclure l’air des vases dans lesquels j’opérais la transformation de
I iodate, du bromate et du chlorate d'argent en iodure, bromure et chlorure
de ce métal.
J’ai remplacé cet air par de l’anhydride carbonique. En agissant ainsi,
j’avais pour but de conserver intact le titre de l’acide sulfureux dont je ne
voulais pas exagérer la quantité, uniquement pour ne pas faire intervenir une
trop grande quantité d’acide sulfurique. Ce dernier acide en effet est indis¬
pensable pour empêcher la précipitation de l’argent à l’état de sulfite, lorsqu’il
reste de l’argent libre après la transformation des sels amphides en sels
haloides. Du reste, toutes les opérations de réduction de l iodate , du bromate
et du chlorate d argent à lélat d iodure , de bromure et de chlorure, ont été
faites dans la chambre obscure, et, par surcroît de précaution , les vases ren¬
fermant les matières étaient entourés d’une double toile noire ; il y avait en
outre des écrans en verre jaune entre la flamme du gaz et les objets qu’il
s’agissait d’éclairer.
Ces explications données, je vais maintenant rendre compte de tous les
essais tels qu’ils ont été faits. La rédaction de la plupart de ces notices date
de 1 époque à laquelle les travaux ont été exécutés. Les recherches sur la
transformation de I iodate et du bromate d’argent en iodure et bromure ont
été commencées vers la fin de 1 860 et terminées au commencement de 1 862 ,
et celles sur la transformation du chlorate en chlorure ont été accomplies à la
fin de 1863 et terminées dans les premiers mois de 1864.
68
NOUVELLES RECHERCHES
I. _ Recherches sur la transformation de l’iodate d’argent en iodure, s»ou&
l’influence de l’acide sulfureux, faites dans le but de constater
si le rapport en poids de l’iode a l’argent est le même dans ces
DEUX CORPS.
1° Ioclate d’argent préparé par l’iodale de potasisum
et l’azotate d’argent.
Six cents centimètres cubes de solution froide d azotate d argent contenant
cinq pour cent de ce sel ont été versés, petit à petit, dans un litre de solution
froide d’iodale de potassium 1 renfermant également cinq pour cent de ce sel
pur. L’iodate d’argent déposé a été lavé à froid par décantation jusqu a la dis¬
parition complète du potassium dans l’eau de lavage 2. Arrivé a ce moment,
l’iodate, qui était tout à fait blanc, a été délayé dans de 1 eau bouillante, et le
mélange a été maintenu pendant quelque temps a 100n. Le sel a été la\é.de
nouveau à chaud ; il est devenu d’un blanc très-légèrement jaunâtre. A 1 aide
de l’analyse spectrale, il m’a été impossible d’y constater la moindre trace
de potassium.
a. 19Br ,8035 de cet iodate séché à 100° ont été introduits dans un flacon
d’un demi-litre de capacité, et additionnés de deux cents centimètres cubes
d’eau pure qui avaient reçu dix centimètres cubes d acide sulfurique pin.
Après avoir porté le flacon dans la chambre obscure, je l’ai enveloppé d’une
double toile noire, et j’v ai fait passer un courant lent d’anhydride sulfu¬
reux 5, jusqu’à ce (pie le liquide qui y était contenu exhalât une odeur
sensible de cet acide. Pendant le passage du gaz, j avais soin dagitei conti¬
nuellement le flacon et de laisser couler sur la toile un filet d’eau à 10°.
La transformation de l’iodale en iodure étant accomplie, j'ai ajoute encore
dix centimètres cubes d’acide sulfurique, dans le but de rendre soluble 1 argent
1 Voir à la (in du premier Mémoire la note n° 5: Prépcirution de l’iodate de potassium.
2 Voir à la fin du premier Mémoire la note n» 6 : Sur le lavage et la dessiccation de l iodate
5 Voir à la fin du premier Mémoire la note n« 7 : Sur la préparation de l anhydride sulfu¬
reux employé pour la réduction de l’iodate, du bromate et du chlorate d’argent.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
69
qui aurait pu avoir été précipité à l’état de sulfite ou de sulfate. J’ai placé
ensuite le flacon dans un bain , dont j’ai élevé la température jusqu’à 60° en¬
viron, dans le but de déterminer l’éclaircissement du liquide. En effet, une
liqueur au sein de laquelle il s’est formé de 1 iodure d’argent en présence de
l’acide sulfureux ne s’éclaircit point par la simple agitation; il faut de toute
nécessité l’intervention d’une température s’élevant entre 55 et 65°, suivant
l’état de concentration du liquide acide, ou bien un repos prolongé pendant
quinze à vingt jours.
A l’aide d’une solution normale de sulfate d’argent dans l’acide sulfurique,
et d’une solution normale d’iode dans l’acide sulfureux , j’ai procédé à la
recherche de l’iode ou de l’argent dans le liquide éclairci. A cet effet , j’ai placé
le flacon au bain-marie, j’ai fait traverser la surface du liquide par un faisceau
de lumière jaune, et j’ai constaté qu’il précipitait abondamment la solution
normale d’iode. Il a fallu 7 à 7,2 centimètres cubes de celte solution pour éli¬
miner tout l’argent libre, ce qui porte l’excès d’argent à 0,036 pour 100,000.
b. 20er,605 du même iodale, également séché à 100°, ont été introduits
dans un flacon rempli d’anhydride carbonique dégagé du carbonate monoso-
dique à l’aide de la chaleur seule. Le flacon étant entouré d’une toile noire et
placé dans de l’eau à 10°, j’y ai laissé pénétrer petit à petit, tout en l’agitant
continuellement, 575 centimètres cubes d’une solution d’anhydride sulfureux
tout récemment préparée et contenant une quantité d’anhydride supérieure de
cinq pour cent seulement à celle nécessaire pour la transformation de l’iodate
en iodure d’argent. La réduction étant effectuée , j’ai ajouté vingt centimètres
cubes d’acide sulfurique au contenu du flacon, et, après avoir fait agiter vive¬
ment le tout pendant une dizaine de minutes, j’ai placé le vase dans un bain
d’eau dont j’ai élevé la température jusqu'à ce que le liquide se fût complè¬
tement éclairci, ce qui a eu lieu à 65°. Il a exigé de 7,5 à 7,6 centimètres
cubes de solution normale d'iode dans l’acide sulfureux, pour se dépouiller de
l’argent qu’il renfermait à l’étal de sulfate , ce qui constitue un excès de 0,037
d’argent dans 100,000 d’iodate , quantité identique à celle obtenue dans
l’essai précédent.
70
NOUVELLES RECHERCHES
2° lodah d’argent préparé par l’iodale de potassium
et le sulfate d’argent.
Vingt grammes d’iodate de potassium pur, dissous dans un litre d eau
bouillante, ont été précipités par seize grammes de sulfate d’argent dissous
dans un litre et demi d’eau bouillante. L’iodate d’argent a été maintenu
quelques minutes dans l’eau mère en ébullition. Après le dépôt, 1 iodate
d’argent a été lavé à froid par décantation et le lavage a été continué jusqu à
la disparition complète du potassium dans l’eau de lavage. Le sel était d’un
blanc très-légèrement jaunâtre, inaltérable à la lumière solaire directe. A
l’aide de l’analyse spectrale, je ne suis pas parvenu à y déceler la moindre
trace de potassium.
28sr,540 de cet iodate séché à 100° ont été introduits dans un flacon con¬
tenant deux cent cinquante centimètres cubes d’eau et vingt centimètres cubes
d’acide sulfurique pur. L’iodale a été transformé en iodure à 1 aide d un cou¬
rant d’anhydride sulfureux amené au travers du liquide acide, en prenant du
reste toutes les précautions indiquées dans la première expérience faite sur
l’iodate préparé à l’aide de l’azotate d’argent. Après la réduction et une "\ive
agitation , le vase a été porté dans un bain et chauffé jusqu’à 55°, tempéra¬
ture à laquelle le liquide s’est complètement éclairci. J ai divisé en deux
parties la liqueur limpide surnageant l’iodure, et j’ai procédé sur chacune
d’elles à la recherche de l’argent et de l’iode. Une moitié n’a produit abso¬
lument aucun trouble par l’addition d’une solution normale d’iode dans l'acide
sulfureux, elle était donc complètement privée d’argent dissous à létal de
sulfate; l’autre a laissé apparaître un nuage excessivement faible, au bout
d’un quart d’heure, par l’addition d’une solution normale d’argent. 11 y avait
donc des traces d’acide iodhydrique dans le liquide ; mais mes eliorls ont été
impuissants pour en déterminer le poids.
L’iodure produit a été mis en digestion à chaud, pendant une heure, avec
de l’eau acidulée par vingt pour cent de son poids d’acide azotique pur. Au
bout de ce temps, le liquide n’a produit aucun trouble par 1 addition d une
solution normale de sel marin. L’iodure ne renfermait donc aucune trace
d’argent libre, ou de sulfite, ou de sulfate de ce métal.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
71
3° loclate d’argent préparé par l’acide iodique et le sulfate d’argent.
J’ai dissous cinquante grammes d’anhydride iodique 1 dans un litre d’eau
froide, et j’ai ajouté au liquide cinq litres d’une solution aqueuse froide de sul¬
fate d’argent, que j’avais maintenue en solution à l’aide de l’acide sulfurique
pur que j’y avais ajouté en quantité suffisante. Le mélange, après avoir été
longtemps soumis à une vive agitation, a été abandonné au repos. Lorsque le
volume du précipité ne diminuait plus par le repos, le liquide limpide, con¬
tenant encore de l’acide iodique libre , a été décanté, et l’iodate a été lavé par
décantation à froid et ensuite à chaud, tant que l’eau de lavage, convenable¬
ment concentrée , a contenu une trace d’acide sulfurique appréciable au tour¬
nesol. Il était d’un blanc très-légèrement jaunâtre. A l’aide du spectroscope,
il m’a été impossible d’y découvrir la présence d’un métal autre que l’argent.
a. 32?r,819 de cet iodate, chauffé à 130°, ont été suspendus dans cent cen¬
timètres cubes d’eau bouillie, additionnés de quinze centimètres cubes d’acide
sulfurique. L’atmosphère du vase contenant le mélange étant remplacée par
de l’anhydride carbonique pur, j’y ai laissé pénétrer lentement quatre cents
centimètres cubes de solution d’anhydride sulfureux préparé à l’instant même,
et contenant un pour cent seulement d’anhydride sulfureux de plus que la
quantité nécessaire pour la transformation de Tiodate en iodure. Pendant
la réduction, le flacon était plongé dans un mélange d’eau et de glace et
entretenu dans une agitation continuelle. L’opération terminée, j’ai soustrait
une moitié du liquide surnageant, et après l’avoir renfermé dans un flacon
bouché à l’émeri, je l’ai abandonné dans l’obscurité la plus complète à X éclair¬
cissement spontané. Il a fallu onze jours pour réaliser cette condition.
Le flacon contenant l’autre moitié du liquide, avec l’iodure produit, a été
placé immédiatement au bain-marie et chauffé tout en agitant jusqu’à ce que
l’éclaircissement du liquide se fût produit; il a eu lieu à 53°. Le liquide lim¬
pide a été divisé en deux parties : l’une, essayée à la liqueur normale d’iode,
s est montrée absolument dépourvue d’argent; l’autre, essayée à la liqueur
normale de sulfate acide d’argent, a été reconnue complètement privée d’iode.
1 Voir' à la fin du premier Mémoire la note n" 8 : Sur la préparation de l’acide iodique.
72
NOUVELLES RECHERCHES
L’iodure d’argent formé a été lavé trois fois à l’eau distillée et mis ensuite
en digestion à 60° avec de l’acide azotique pur mêlé de cinq fois son volume
d’eau. Après toute une journée de digestion, le liquide était absolument dé¬
pourvu d’argent, preuve qu aucune trace ue sulfite ou de sultalc d aident
n’avait été précipitée.
Enfin l’iodure d’argent a été lavé à l’eau pure et bouillante pour enlever
aussi complètement que possible 1 acide azotique, et, après le lefioidissement,
arrosé par une solution de cyanure d’ammonium mêlé d'acide cyanhydrique.
Il s’v est entièrement dissous en produisant un liquide limpide incolore. Le
liquide dont j’ai parlé plus haut , qui a été abandonné à l’éclaircissement spon¬
tané, s’est montré complètement privé d’argent ou d’acide iodhydrique.
b. Msr,523 du même iodale séché à 130° ont été suspendus dans cinq
cents centimètres cubes d’eau, contenant vingt-cinq centimètres cubes d’acide
sulfurique pur. Le mélange, entouré de glace, a été soumis à un courant d an¬
hydride sulfureux, jusqu’à ce qu’il y eût sensiblement de l’acide sulfureux libre
dans le liquide. J’ai déterminé l’éclaircissement du liquide par 1 intervention
de l'agitation et de la chaleur, et j’ai été impuissant pour découvrir dans le
liquide, devenu limpide, la moindre trace d’iode à l’état d’acide iodhydrique,
ou d’argent à l’état de sulfate d’argent.
4° lodate d’argent préparé par l’iodate -de potassium
et le dilhionate d’argent.
Ne pouvant me rendre compte de la différence des résultats fournis a 1 aide
des iodates obtenus par l’azotate et par le sulfate d argent, que par 1 entiaîne-
ment de l’azotale de ce métal par l’iodate produit, j ai pris le parti de con¬
trôler les résultats en ayant recours à un troisième sel d argent soluble. Le
moins difficile à préparer que j’ai pu découvrir a été le dilhionate.
Je me suis procuré une quantité assez considérable de ce composé, en ratu¬
rant l’oxyde et le carbonate d’argent à l’aide de l’acide dithionique 1 obtenu
i Voir à la fin du premier Mémoire la note n° t) : Sur le dilhionate de baryum et l'acide
dithionique.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
73
par la décomposition du dilhionate de baryum pur, au moyen de l’acide
sulfurique dilué. Le dilhionate d’argent avait cristallisé trois fois; il ma
paru très-stable à froid, lorsqu’il est tout à lait neutre, mais fort altérable
au contraire à chaud et même à l’état dissous, surtout s’il a une réaction
acide.
a. Vingt grammes d’iodale de potassium ont été dissous dans un litre d’eau
glacée, et j’ai ajouté petit à petit un litre de solution, également refroidie à 0U,
de dilhionate d’argent tout à fait neutre et renfermant deux et demi pour cent
de ce sel. Le mélange a été vivement agité pendant quelques minutes, et
l’iodate déposé par le repos a été lavé à froid par agitation vive et par décan¬
tation , jusqu’à la disparition complète du potassium dans les eaux de lavage
évaporées jusqu’à siccité. J’ai délayé le sel dans de 1 eau bouillante, et j ai
maintenu le tout au moins une demi-heure à 100°; j’ai procédé ensuite à un
nouveau lavage par agitation et par décantation. Liodale précipité à froid
était absolument blanc, mais il a sensiblement jauni sous l’influence de l’eau
bouillante. Il ne contenait pas de trace de potassium sensible à l’analyse spec¬
trale.
1 7sr,l 1 8 de ce sel, séché à 130°, ont été réduits à l’état d’iodure, à l’aide
d’une quantité convenable de solution récemment faite et titrée d’acide sulfu¬
reux, en prenant les dispositions que j’ai indiquées page 71 à 1 occasion de la
transformation de l iodale préparé par l’acide iodique et le sulfate d argent. Le
liquide de la réaction s’est éclairci à 60°; il a été séparé en deux parties :
une moitié a été consacrée à la recherche de l’argent , l’autre à la recherche
de l’iode. Or, l’une est restée absolument limpide après l’addition d’une solu¬
tion normale de sulfate d’argent, et l’autre n’a produit absolument aucun
trouble par son mélange avec une solution normale d’iode dans 1 acide sulfu¬
reux.
b. Je me suis procuré environ trois cents grammes d iodate d argent en
opérant comme je l’ai indiqué ci-dessus. Une partie de celte gsande quantité
était destinée à l’analyse de ce sel , par sa transformation en iodure à l’aide de
l’acide sulfureux ; une autre partie devait être analysée par l’action de la cha¬
leur, comme je l’exposerai dans la notice consacrée à ce sujet.
En réduisant une quantité très-considérable d’iodate par 1 acide sulfureux,
Tome XXXV. 10
74-
NOLJVELLES RECHERCHES
j’avais un triple but : je désirais m’assurer du degré de pureté du composé
destiné à être analysé par une autre méthode, et je voulais en même' temps
rechercher si l’iodate peut être transformé en iodure, sans qu’une fraction
quelconque d’argent ou d’iode devienne libre, et enfin si la quantité d’iodure
produit de cette manière concorde avec celle qu’on obtient par l’action directe
de la chaleur sur l’iodale.
Dans la notice consacrée à l’analyse par différence de l’iodate d’argent,
j’expose tous les détails numériques de l’expérience dont je vais donner les
résultats à un autre point de vue. Je me borne à renseigner ici le poids de
l’iodate employé, et quelques-unes des recherches effectuées sur le liquide au
sein duquel la transformation en iodure a été accomplie.
768“,556 d’iodate, ne renfermant aucune trace de potassium appréciable à
l’analyse spectrale, ont été pesés dans le vide après avoir été séchés à 180°;
ils ont été fondus dans un ballon à deux cols où la pesée avait été effectuée.
Après le refroidissement, l’iodate fondu était d’un blanc laiteux; il a été dis¬
sous dans la plus petite quantité possible d’eau ammoniacale pure. Cette
solution, dans laquelle nageaient quelques flocons d’iodure ammoniacal d’ar¬
gent blanc, après avoir été refroidie jusqu’à 0°, a été versée petit à petit
dans un litre d’eau glacée contenant dix pour cent de son poids d’acide sulfu¬
rique pur.
Le grand vase à précipiter, renfermant l’eau acide, était entouré d’une
double toile noire et placé dans de la glace. Les eaux de lavage du ballon à
deux cols étant jointes au liquide du vase à précipiter, j’ai introduit lente¬
ment une solution récente d’acide sulfureux saturée à 0°, jusqu’à ce que la
liqueur acide au sein de laquelle l’iodure d’argent s’est formé répandit, d’une
manière permanente, une odeur sensible d’anhydride sulfureux. La trans¬
formation de l’iodate étant accomplie, j’ai introduit dans un bain d’eau le
vase à précipiter; tout en agitant continuellement l’iodure dans le liquide,
il m’a fallu élever la température jusqu’à 70° pour en obtenir l’éclaircis¬
sement.
Après le repos complet, j’ai décanté à l’aide d’un siphon le plus de liquide
possible, et j’ai procédé à la recherche soit de l’argent, soit de l’iode dissous.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
75
Or, en opérant sur des fractions de deux cents centimètres cubes du liquide,
il m’a été impossible d’y découvrir la moindre trace soit d’acide iodhydrique,
soit de sulfate d’argent, même après un eontact de plusieurs heures avec les
solutions normales d’argent et d iode.
Les résultats fournis par la transformation de l’iodate préparé à l’aide du
sulfate et du dithionale d’argent me semblent prouver que l’azotate d’argent
est, entraîné par l’iodate, lorsque celui-ci est obtenu à l’aide de cet azotate. Ce
fait, du reste, n’a rien de surprenant : M. Maumené a constaté que loxalate
d’argent, préparé à l’aide de l’azotate de ce métal, renferme également une
partie de ce sel. D’ailleurs l’entraînement des azotates métalliques, tels que
les azotates de baryum, de plomb, de ferricum, etc., est assez généralement
connu.
Pour rendre évident l’entraînement de l’azotate d'argent par l’ioilate, j'ai
mêlé dans le rapport de leurs poids moléculaires des solutions d’iodate de
potassium et d’azotate d’argent diluées à deux et demi pour cent. J’ai pris pour
poids moléculaire de l’iodate de potassium 213,99 ', et pour poids molécu¬
laire de l’azotate d’argent 169,99 '. Les deux pesées ont été réduites au vide
en admettant que 100,000 d’iodale de potassium pesé dans l’air représen¬
tent 100,030 dans le vide, et que la densité de l’azotate d’argent fondu est
5,380 d’après M. Marignac.
J’ai fait agiter pendant près d’une demi-heure le liquide avec l’iodate d’ar¬
gent produit. Après le repos, j’ai décanté la liqueur limpide; l’acide sulfureux
en a instantanément précipité une quantité sensible d iode qui , redissous dans
un excès d’acide sulfureux, a produit de l’iodure d’argent en présence des
sels solubles de ce métal.
L’iodale formé a été lavé par décantation; après le lavage complet, une
moitié environ a été séchée à 100°, et Vautre moitié a été délayée dans de l’eau
bouillante renfermant un pour cent d’iodate de potassium. Le mélange a été
* D'après les poids atomiques inscrits dans le deuxième Mémoire, le poids moléculaire de
l’iodate de potassium est égal à 215,987, et celui de l'azotate d’argent est 169,974. D'après cela,
il y a eu un léger excès d’azotate d’argent employé. Il est resté cependant de l’iodale de potas¬
sium non précipité.
NOUVELLES RECHERCHES
67
tenu pendant deux heures dans une douce ébullition. Au bout de ce temps,
Piodale, qui était devenu d’un blanc légèrement jaunâtre, de blanc pur qu'il
était, a été lavé par décantation jusqu’à la disparition complète de l'iode et
du potassium dans l’eau de lavage, et séché ensuite à 100°.
Ces deux iodates d’argent ne renfermaient pas de traces de potassium appré¬
ciables à l’analyse spectrale.
La première moitié de l’iodate, pesant 3 1er, 827, a été suspendue dans
cinq cents centimètres cubes d’eau additionnés de trente centimètres cubes
d’acide sulfurique pur.
Le mélange, placé dans un bain d’eau et de glace, a été soumis à un cou¬
rant d’anhydride sulfureux, jusqu’à ce que le liquide eût répandu dune
manière permanente une odeur sensible d’anhydride sulfureux. 11 a fourni un
liquide laiteux qui, sous l’inlluence de l’agitation et d’une température de
65°, s’est complètement éclairci ; il a exigé de 14 à 14,25 centimètres cubes
de solution normale d’iode, pour se dépouiller de l’argent qu’il contenait à
l’état de sulfate; ce qui porte la quantité d’argent non combiné à 1 iode à
0,0d39 sur 100,000 d’iodate.
La seconde moitié d’iodate d’argent qui a bouilli après le lavage avec
l’iodate de potassium pesait 29sr,236; elle a été également suspendue dans
cinq cents centimètres cubes d’eau acidulée par trente centimètres cubes
d’acide sulfurique; le mélange, placé dans le même bain d’eau et de glace, a été
soumis, dans des conditions absolument identiques, au courant d’anhydride
sulfureux. La transformation en iodure étant accomplie, j’ai déterminé l’éclair¬
cissement du liquide par l’agitation et par une élévation de température
de 60°. Une partie du liquide limpide n’a point fourni le moindre trouble par
l’addition de la solution normale d'iode dans l’acide sulfureux; une autre partie
du liquide a perdu légèrement sa parfaite transparence par son contact avec
la solution normale d’argent, preuve qu’elle contenait des traces d’acide iodhy-
drique.
Ce double contrôle démontre donc que l’azotate d’argent est entraîné avec
de l’iodate de ce métal, lorsqu’on emploie une solution même diluée du pre¬
mier sel pour produire le second. Les conditions de formation de l’iodate d’ar-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
77
geni à l’aide de l’azotale de ce métal ne peuvent donc pas être considérées
comme normales.
Les traces impondérables d’iode que j’ai découvertes dans le liquide de
deux essais proviennent probablement de l’iodate de potassium, qui a été
retenu par l’iodate d’argent malgré les lavages répétés et soigneux auxquels
je les avais soumis, et dont je donne les détails dans une note séparée.
Les recherches minutieuses que je viens d’exposer ne me semblent laisser
aucun doute sur le fait que 1 iodale d’argent, produit dans les conditions noi-
males de sa formation , peut être ramené à l’état d’iodure sans qu’une frac¬
tion, quelque minime qu’elle soit, de l’argent ou de l’iode, reste libre après
sa transformation. Il en résulte donc que le rapport en poids de l argent à
l’iode , dans l’iodate et dans l’iodure, est invariablement le même.
IL — Recherches sur la transformation du bromate d’argent en bromure,
sous l’influence de l’acide sulfureux , FAITES dans le but de con¬
stater SI LE RAPPORT DU BROME A L’ARGENT EST LE MÊME DANS CES DEUX
CORPS-
Un courant d’anhydride sulfureux, ou une solution d’acide sulfureux , trans¬
forme le bromate d’argent suspendu dans l’eau en bromure jaune pâle
d’abord, et jaune foncé verdâtre ensuite. Dans des essais préliminaires, j ai
constaté que du brome peut devenir libre par une réaction secondaire. On
conçoit, en effet, que l’acide sulfurique provenant de l’oxydation de l’acide
sulfureux décompose du bromate d’argent, et que l’acide bromique, en pré¬
sence de l’acide sulfureux, donne naissance à du brome, comme 1 acide
iodique produit de l’iode sous la même influence. La possibilité de la mise
en liberté du brome m’a déterminé à prendre des dispositions particulières
lors de la réduction du bromate d’argent en bromure. Ces dispositions ont
été différentes, suivant que j’ai opéré à l’aide d’un courant d anhydride sultu-
reux, ou d’une solution d’ackft sulfureux, mais le principe a été le même.
Il consiste à faire arriver l’anhvdride sulfureux, ou la solution d’acide sul-
78
NOUVELLES RECHERCHES
fureux, à la surface du liquide tenant le bromate en suspension, de manière
à rendre sulfureuse l’atmosphère du vase dans lequel la réduction S'effec¬
tuait. En prenant cette précaution, je ne suis pas parvenu à découvrir une
trace d’acide bromhydrique dans une solution d’acide sulfureux contenue
dans un appareil de Liebig, adapté à l’appareil à réduction, et par lequel
les gaz émanés de celui-ci devaient passer avant de se perdre dans l’air.
Lorsque j’ai eu recours au courant d’anhydride sulfureux , j’ai employé
l’appareil dessiné ci-dessous.
Fig. 6.
11 consiste dans un ballon à deux pointes opposées. L’une de ces pointes,
d’un diamètre étroit, redressée près de l’origine de la sphère, monte le long
de celle-ci et se recourbe ensuite à angle droit, de manière à figurer un S. Au
col du ballon j’adapte, à l’aide d’un bouchon en caoutchouc naturel, un tube
recourbé en communication, par un tube de caoutchouc long et très-flexible,
avec un appareil de Liebig contenant une solution d’acide sulfureux. A la
partie recourbée à angle droit du tube en S, j’adapte un tube bien flexible de
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
79
caoutchouc, long de près d’un mètre, et dont, l’autre bout communicpie avec
un appareil destiné à fournir de l’anhydride sulfureux L L’appareil à boule
est suspendu par de longues cordes dans une position inclinée à 45 degrés;
de celte manière, je puis lui faire subir un mouvement lent d’oscillation,
pendant que l’anhydride sulfureux pénètre à la surface du liquide qui y est
contenu. La boule de l’appareil est entourée d’une double toile noire, sur
laquelle coule de l’eau glacée pendant tout le temps de la réduction. La réfri¬
gération est indispensable, parce qu’il se développe notablement de chaleur
par la réduction du bromate.
Tant qu’il y a du bromate non transformé en bromure, le courant d'anhy¬
dride sulfureux, qui afflue lentement, produit un nouveau trouble dans le
liquide, qui s’éclaircit constamment sous l'influence de l’agitation, lorsqu’il
reste de l’argent à l’étal de bromate.
La cessation de la production de ce trouble est le signe certain (pie la réduc¬
tion complète du bromate d’argent a eu lieu. Comme la toile noire n’enveloppe
que le corps du ballon, et qu’une partie du liquide, continuellement en mou¬
vement par l’agitation, se montre dans la courbure du tube en S, qui amène
l’anhydride sulfureux, j’ai pu saisir exactement l’instant où l’opération était
terminée pour interrompre le courant. L’excès d’anhydride sulfureux ne pré¬
sente aucun inconvénient au point de vue du maintien de l’intégrité du bro¬
mure produit; mais comme cet anhydride jouit de la propriété de précipiter
le sulfate d’argent au sein d'un liquide faiblement acidulé par l’acide sulfu¬
rique, le bromure retient du sulfite, si le bromate renferme de l’argent en
dehors de celui qui peut former du bromure. Pour détruire ce sulfite et
rendre l’argent soluble , il est nécessaire d’aciduler très-fortement le liquide
à l'aide de l’acide sulfurique concentré, car les trois molécules de cet acide,
qui ont pris naissance par l’oxydation de l’anhydride sulfureux, ne suffisent
pas pour produire cet effet, à cause du grand volume d’eau que j’ai été
obligé de prendre pour ne pas détruire l’acide bromique avec dégagement
de brome.
1 Voir à la fin du premier Mémoire la note n° 7 : Sur la préparation de V anhydride sulfu¬
reux employé pour la réduction de Viodate, du bromate et du chlorate d argent.
80
NOUVELLES RECHERCHES
Lorsque je me suis servi d’une solution titrée d’acide sulfureux, j’ai pris
l’appareil figuré ci-dessous.
Fig. 7.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
81
Il est formé par un flacon de Woulf à trois tubulures : sur l’une des tubu¬
lures est rodé un bouchon de verre percé, dans lequel s’engage à frottement un
tube de verre à angle droit; ce tube communique , à l’aide d’un tube de caout¬
chouc long et flexible, avec un appareil de Liebig contenant une solution
d’acide sulfureux. Sur la tubulure du milieu est également rodé un bouchon
en verre percé; celui-ci livre passage à un tube dont le bout effilé pénètre de
quelques centimètres dans un flacon de Woulf. La partie supérieure du tube,
munie d’un robinet, est mise en communication, à l'aide d’un tube en caout¬
chouc, avec un réservoir destiné à contenir et à débiter lentement la solution
titrée d’acide sulfureux. Ce réservoir se compose d’un ballon à deux pointes
terminé en haut par un robinet. Enfin , la troisième tubulure du flacon est
fermée par un bouchon troué livrant passage à un tube recourbé destiné à
l’introduction de l’anhydride carbonique remplaçant l’air, afin de maintenir
l’acide sulfureux intact.
Le flacon de Woulf est placé dans un vase de bois plein de glace con¬
cassée. Tout le système est fixé dans un étrier de bois librement suspendu,
comme le montre la figure. Pendant tout le temps de l’écoulement de l’acide
sulfureux, le système a été maintenu dans une oscillation permanente.
J’ai reconnu qu’en employant un centième environ d’acide sulfureux de plus
qu’il n’est nécessaire pour la transformation complète du bromate en bromure,
il faut, à la température 0°, de vingt à trente minutes d’agitation continue pour
réduire de 20 à 25 grammes de bromate cristallisé suspendu dans un volume
de liquide s’élevant de trois cents à cinq cents centimètres cubes.
Malgré l’agitation, le liquide n’est limpide qu’autant qu’il y ait encore
du bromate non réduit. Lorsqu’il y a un excès d’acicle sulfureux , quelque
faible qu’il soit, la liqueur ne devient jamais complètement limpide à 0°. Pour
l’éclaircir, il faut de toute nécessité élever la température, comme c’est le
cas pour un liquide au sein duquel il s’est formé de l’iodure d’argent en pré¬
sence de l’acide sulfureux.
On reconnaît du reste que la réduction du bromate en bromure est com¬
plète lorsque quelques (jouîtes de solution d’acide sulfureux ne produisent
plus de trouble d’un blanc jaunâtre dans le liquide qui surnage le bromure
formé.
Tome XXXV.
Il
82
NOUVELLES RECHERCHES
1° Bromale cl’ 'argent préparé par le bromale de potassium et l’azotate
d’argent '.
Soixante-quinze grammes de bromate de potassium pur ont été dissous
dans deux litres et demi d’eau distillée, et la solution a été précipitée à froid
par soixante-dix grammes d’azotate d’argent fondu et dissous également dans
deux litres et demi d’eau pure. Le bromate formé a été longtemps entretenu
en suspension dans le liquide, puis abandonné au repos. Le sel a été lavé par
décantation jusqu’à ce que le résidu de l’évaporation de i’eau de lavage ne
contint plus de potassium sensible à l’analyse spectrale.
a. 23Kr,711 de bromate d’argent produit, préalablement séché à 100°, ont
été introduits dans l’appareil figuré page 78, avec trois cents centimètres
cubes d’eau. Lorsque le tout a été refroidi à 0U, j’ai fait arriver un courant
lent d’anhydride sulfureux jusqu’à ce que le liquide cessât de se troubler.
Quand la transformation du bromate en bromure a été effectuée, j’ai ajouté
quinze centimètres cubes d’acide sulfurique au liquide, je l’ai maintenu
encore pendant une dizaine de minutes en agitation , j’ai plongé alors l’gppa-
reil dans un bain d’eau, dont j’ai élevé la température jusqu’à ce que le
liquide fût complètement éclairci. Ce phénomène s’est produit à 55°.
J’ai recherché ensuite la présence de l’argent ou du brome dans le liquide
éclairci, et j’ai trouvé qu’il contenait de 0s',0il2 à 0"r,0115 d’argent; il
m’a fallu en effet un volume de solution normale de brome dans l’acide sul¬
fureux correspondant à ce poids d’argent, pour précipiter tout le métal qui y
existait à l’état de sulfate.
!1 y avait donc 0,0478 d’argent sur 100,000 de bromale qui n’ont point
formé de bromure. La solution d’acide sulfureux dans l’appareil de Liebig ne
contenait cependant aucune trace d’acide bromhydrique.
b. Une partie du bromale d’argent précédent a été dissoute dans de l’eau
bouillante. La solution a été très-rapidement refroidie, afin d’obtenir du bro¬
mate en poussière cristalline impalpable.
1 Ce bromate a été préparé avant que j’eusse connaissance de l'entrainement de l’azotate cl ar¬
gent par liodate de ce métal, sans cela je n'aurais pas perdu mon temps à ces essais.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
83
26er,0775 de ce bromale cristallisé, lavé et préalablement séché à 100°,
après avoir été additionnés de trois cent cinquante centimètres cubes d’eau ,
ont été transformés en bromure par un courant d’anhydride sulfureux, dans
l’appareil figuré page 78, en mettant à l’opération tous les soins que je viens
de décrire. Après la réduction du bromate, j’ai introduit dans l’appareil vingt
centimètres cubes d’acide sulfurique pur, et j’ai soumis le mélange à une vive
agitation pendant dix minutes. Au bout de ce temps, j ai déterminé I éclaii-
cissement du liquide en le portant à 60'. Le liquide, devenu limpide, a
exigé de 5,8 à 6,00 centimètres cubes de solution normale de brome dans
l’acide sulfureux, pour se dépouiller complètement de l’argent qu’il contenait
à l’état de sulfate ; soit 0,0225 d’argent pour 100,000 de bromate au delà
de ce qui est nécessaire pour faire du bromure. Cette quantité est la moitié de
celle trouvée dans le sel avant d’être soumis à la cristallisation.
c. Le restant du bromale d’argent a été dissous dans de l’eau renfermant un
millième de son poids de bromale de potassium. La solution a été très-rapi-
dement refroidie pour obtenir le bromate sous forme de poussière impalpable,
se prêtant ainsi convenablement à un lavage. Je lai lavé par décantation tant
que j’ai pu découvrir, à l’aide du spectroscope , des (races de potassium dans
le produit de l’évaporation des eaux de lavage jusqu à siccilé.
24sr,7475 de ce bromate, séché à 100°, absolument blanc et inaltérable
à la lumière, ont été introduits, avec trois cents centimètres cubes d’eau,
dans l’appareil figuré page 78, et transformés en bromure d argent par un
courant d’anhydride sulfureux. Après la réduction, j’ai ajouté vingt centimè¬
tres cubes d’acide sulfurique dans l’appareil, et j’ai soumis le tout à une vive
agitation pendant une dizaine de minutes. Au bout de ce temps, j ai déter¬
miné l’éclaircissement du liquide par une élévation convenable de tempéra¬
ture. Essayé, il s’est trouvé absolument dépourvu d’argent dissous; il conte¬
nait, au contraire, des traces évidentes de brome, mais insuffisantes pour
que la quantité pût en être déterminée *.
Il en est donc du bromale d’argent comme de l’iodale de ce métal ; il entraîne
1 Je suis porté à croire que ce brome provenait du bromate de potassium retenu par les cris¬
taux de bromate d’argent. Ce fait résulte de l’absence de brome dans le bromate d argent, qu on
avait fait cristalliser deux fois, comme on le verra plus loin.
84
NOUVELLES RECHERCHES
des quantités sensibles d’azotate d’argent, lorsqu’on le produit par double
décomposition à l’aide de ce sel.
~° Bromate d'argent par le bromate de potassium et le sulfate d’argent.
Trente-cinq grammes de bromate de potassium dissous dans onze cenls
centimètres cubes d’eau bouillante ont été mêlés avec trente grammes de sul¬
fate d’argent dissous dans trois litres d’eau bouillante. Le mélange a été
refroidi le plus rapidement possible. Après le refroidissement, le bromate
d’argent, en poussière cristalline impalpable, a été lavé à l’eau par décanta¬
tion jusqu’à disparition du potassium dans le résidu des eaux de lavage éva¬
porées.
a. 17e', 537 de bromate, sécbé à 100", ont été introduits avec cent cen¬
timètres cubes d’eau dans l’appareil figuré page 80. L’air du flacon étant
remplacé par de l’anhydride carbonique, le bromate a été réduit à l'aide
d’une quantité convenable de solution titrée d’acide sulfureux. Après la trans¬
formation, j’ai ajouté lentement quinze centimètres cubes d’acide sulfurique
au contenu du flacon, et j’ai imprimé une vive agitation au mélange pendant
un quart d’heure. L’éclaircissement du liquide étant déterminé à l’aide d’une
élévation de température, il a été reconnu absolument privé d’argent dissous;
il renfermait en revanche entre 0er,0005 et 0cr,()0d de brome à l’état d’acide
bromhydrique.
b. Le restant du bromate produit a été dissous dans de l’eau bouillante, et
la solution a été refroidie le plus rapidement possible. Le sel déposé a été lavé
convenablement par décantation. L’eau dans laquelle le bromate a été dissous
et les eaux de lavage du sel cristallisé, ayant été évaporées, ont laissé un ré¬
sidu dans lequel l’analyse spectrale a fait connaître la présence de traces de
potassium; preuve évidente que le bromate, en cristallisant sous forme de
poussière, a emprisonné de l’eau mère renfermant du potassium que les
lavages n ont pas été capables d’enlever. La présence de ce potassium m’a
déterminé à redissoudre dans l’eau bouillante, et à deux reprises différentes,
le bromate sur lequel j’ai opéré par la suite.
16R',8025 de ce bromate recristallisé ont été réduits à l’état de bromure,
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
85-
par la solution titrée d’acide sulfureux, dans l’appareil destiné à cet effet, en
prenant tous les soins nécessaires. Après l’addition de l’acide sulfurique, l’agi¬
tation et l’éclaircissement opéré par la chaleur, le liquide, devenu limpide,
ne renfermait aucune trace de sulfate d’argent ou d’acide bromhydrique
capable d’être appréciée à l’aide de liqueurs normales.
c. Je n’ai considéré les expériences qui précèdent que comme des essais
préliminaires aux recherches que je voulais entreprendre dans le but de
m’assurer si le bromate, préparé dans les conditions normales de sa for¬
mation, peut être réduit à l’état de bromure sans mettre du brome ou de
l’argent en liberté. Dans cette intention , j’ai tenté trois expériences sur une
grande échelle, en les combinant de manière à les faire servir en même
temps à l’analyse du bromate d’argent. De ces trois expériences, une a
échoué pour un motif que je n’ai pas pu découvrir 1 ; il s’était formé sensi¬
blement du sulfure d’argent et de l’acide bromhydrique libre après la réduc¬
tion. Des deux analyses restantes, l’une a été effectuée sur du bromate préparé
à l’aide du sulfate d’argent, l’autre l’a été à l’aide du dithionate de ce métal.
Pour obtenir en grand le bromate d’argent à l’aide du sulfate, j’ai ajouté,
à un excès de solution bouillante de bromate de potassium au dixième, une
solution bouillante et saturée de sulfate d’argent produit par double décom¬
position 2.
Le bromate précipité, après avoir été lavé par décantation jusqu’à ce que
les eaux de lavage, évaporées jusqu’à siccité , ne continssent plus de traces
de potassium appréciables au spectroscope , a été dissous à deux reprises dif¬
férentes dans de l’eau pure. A chaque cristallisation, j’ai déterminé le refroi¬
dissement rapide de la solution. L’eau mère de la première cristallisation a
laissé, par l’évaporation, un résidu de bromate dans lequel le spectroscope
a fait reconnaître la présence du potassium. L’évaporation de l’eau mère de la
deuxième cristallisation a laissé un bromate dans lequel l’analyse spectrale a
été impuissante pour constater l’existence de la moindre trace de potassium.
1 Depuis l’exécution de ces travaux et ta rédaction de cette notice, j’ai trouvé la cause de cet
insuccès; elle réside dans l’altération de la solution d’acide sulfureux employée pour la ré¬
duction,
2 Voir à la fin du premier Mémoire la note n" 10 : Sur le sulfate et le hromate d’argent.
8(>
NOUVELLES RECHERCHES
86s,',6107 de bromate cristallisé deux fois et séché à 150 ont été fondus
dans un grand ballon , dans lequel son poids a été vérifié. Dans la notice
consacrée à l’analyse du bromate, j’exposerai le motif pour lequel j’ai été
obligé de fondre ce sel. Après le refroidissement complet du ballon, j’ai
repris le bromate, qui s’était transformé en un verre cristallin tout à fait
incolore, par la plus petite quantité possible de solation titrée d’ammoniaque
pure, capable de le dissoudre complètement. J’ai enveloppé le ballon d’une
double toile noire, et je l’ai fixé à demeure dans une position de 45 degrés,
au milieu de la glace concassée contenue dans un vase de bois placé sur la
planchette d’un étrier oscillant identique à celui que j’ai figuré page 80,
avec l’appareil à réduction du bromate à l’aide de la solution titrée d’acide
sulfureux. J’ai muni le ballon incliné d’un bouchon de verre percé de deux
trous; par l’un des trous passait un tube rodé et recourbé en communication
avec un appareil de Liebig, contenant une solution de sulfite ammoniacal
d’ammonium; l’autre trou était traversé par un tube à cylindre en S. Le bout
du tube en S, qui pénétrait dans le ballon, était effilé et touchait le col de
celui-ci, afin que le liquide qu’il devait laisser passer dût nécessairement
couler le long de sa paroi et se répandre, par le mouvement d’oscillation,
sur la surface interne du ballon. La partie du tube en S restée en dehors était
mise, à l’aide d’un tube en caoutchouc, en communication avec un réser¬
voir placé par dessus , et terminé par un robinet et un tube effilé. Ce réser¬
voir était destiné à contenir et à débiter d’abord de l’acide sulfurique dilué
et titré, et ensuite une solution titrée d’acide sulfureux. En somme, l'appa¬
reil employé pour la réduction du bromate était analogue à celui que j’ai
figuré page 80. La seule différence qu’il présentât était le remplacement du
flacon de Woulf, placé verticalement, par un ballon incliné à 45 degrés, et
le remplacement du simple tube droit effilé, engagé dans la tubulure du
milieu du flacon, par un tube en S.
Lorsque j’ai eu lieu de croire que la solution de bromate ammoniacal d’ar¬
gent était à 0°, j’ai ouvert le robinet du réservoir supérieur et j’ai laissé
couler, petit à petit, de l’acide sulfurique dilué au dixième et refroidi à 0°, en
quantité exactement suffisante pour transformer l’ammoniaque titrée en sul¬
fate biammonique.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
87
Pendant l’écoulement de l’acide sulfurique dilué, j’ai fait imprimer un
mouvement continu d’oscillation circulaire à tout le système. Lorsque tout
le bromate dissous a été complètement précipité par la saturation de l’am¬
moniaque, j’ai introduit dans le réservoir un volume de solution d’acide
sulfureux saturée à 0°, et en quantité supérieure d’un pour cent à celle né¬
cessaire pour la réduction complète du bromate en bromuie.
Pour maintenir l’acide sulfureux à 0°, le réservoir qui le contenait était
entouré de glace.
L’appareil étant mis de nouveau en oscillation , j ai laissé écoulei la so¬
lution d’acide sulfureux ; l’écoulement a duré soixante-quinze minutes en¬
viron. Au bout de ce temps, m’étant assuré, par l’introduction d’une petite
quantité de solution diluée d’acide sulfureux, si tout le bromate était réduit,
j’ai trouvé que le liquide glacé précipitait encore. J’ai donc été obligé de
laisser pénétrer une nouvelle quantité de solution saturée à 0° d acide sulfu¬
reux. La quantité totale que j’ai employée excède de cinq pour cent la quan¬
tité théoriquement nécessaire.
Je me suis assuré, par un essai fait avec les plus grands soins, qu en
opérant avec une solution diluée d’acide sulfureux, où les pertes en anhydride
ne sont pas possibles, la réaction de cet acide sur le bromate d argent se fait
exactement dans les rapports moléculaires des deux corps, et est représentée
par la formule
AgfBrO3 -t- 3 (H2S03) = A</Br 5(H2SO'‘)
On s’explique du reste qué, dans le maniement d’une solution saturée
à 0° d’anhydride sulfureux, il doit nécessairement y avoir des pertes no¬
tables.
La réduction étant opérée, j’ai versé dans le réservoir un demi-litre d’eau
distillée, additionnée de soixante-dix centimètres cubes d acide sulfurique ,
et préalablement ramenée à 0° environ. Ayant ouvert convenablement le ro¬
binet, j’ai laissé écouler le liquide pendant qu’on imprimait un mouvement
d’oscillation circulaire à l’étrier suspendu. L’écoulement de l’acide sulfurique
dilué a duré un quart d’heure, et on a continué ensuite l’oscillation du système
pendant trente minutes environ. Au bout de ce temps, on a enlevé autour
88
NOUVELLES RECHERCHES
du. ballon la glace qui n’avait pas été fondue, et on a remplacé l'eau à 0° par
de 1 eau à la température ordinaire, qu’on a laissée couler pendant une heure
au moins, et enfin, pour déterminer l’éclaircissement complet du liquide, on
a plongé le ballon , avec sa double enveloppe, dans un bain dont on a élevé
lentement la température. A 68°, le liquide est devenu d’une limpidité ab¬
solue. Après avoir laissé reposer le liquide pendant six heures dans ce bain
chaud, j’ai enlevé le bouchon du ballon, et j’ai procédé à la recherche
du brome dans la solution de sulfite ammoniacal d’ammonium contenue
dans l’appareil de Liebig, et du brome ou de l’argent dans le liquide du
ballon.
A cet effet, le contenu de l’appareil de Liebig a été versé dans cinq fois
son volume d’acide sulfurique dilué au cinquième. Une quantité de solution
normale de sulfate d’argent, variant depuis un jusqu’à dix centimètres cubes,
ayant été successivement ajoutée au mélange, n’y a produit absolument aucun
trouble, même après une heure de contact. Il ne s’est donc dégagé du ballon
aucune trace de brome, ni avant, ni pendant, ni après la réduction du bro-
male.
Cinq cents centimètres cubes du liquide acide du ballon, qui exhalait une
odeur à peine sensible d’anhydride sulfureux, ont été additionnés successi¬
vement de un jusqu’à cinq centimètres cubes de solution normale de sul¬
fate d’argent, et il ne s’est pas produit le moindre trouble de bromure
d’argent.
Cinq cents centimètres cubes du liquide acide du ballon ont reçu succes¬
sivement depuis un jusqu’à cinq centimètres cubes de solution normale de
brome dans l’acide sulfureux; au bout d’un quart d'heure, le liquide a
perdu sa limpidité absolue, mais le trouble qui s’est produit a été trop faible
pour qu’il m’ait été possible de déterminer la quantité d’argent qu’il repré¬
sentait. J’ose affirmer que celle quantité ne correspondait pas à un centième
de milligramme d’argent.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
89
3° Bromale d’argent préparé par le bromate de potassium
et le dithionate d’argent.
Un excès de solution refroidie à 0° de bromate de potassium, renfermant
cinq pour cent de ce sel, a été précipité par une solution également refroidie
à 0° de dithionate d’argent, contenant cinq pour cent de ce sel. Après vingt-
quatre heures de dépôt, le liquide a été transvasé, et le bromate d’argent,
tout à fait blanc, a été lavé à froid par décantation , jusqu’à ce que la pré¬
sence du potassium ne fût plus reconnaissable, à l’analyse spectrale, dans le
produit de l’évaporation à siccité des eaux de lavage.
Quatorze litres d’eau bouillante et pure ont été saturés ensuite par le sel
lavé. Le bromate tout à fait blanc qui s’est déposé par le refroidissement
lent du liquide limpide et incolore, après avoir été lavé de nouveau, a été
dissous une deuxième fois dans de l’eau bouillante. Cette fois-ci , j’ai déter¬
miné le refroidissement rapide du liquide, resté absolument incolore et lim¬
pide, pour obtenir le sel à l’état de poussière cristalline impalpable, retenant
par conséquent le moins possible d’eau mère.
L’eau mère de la première cristallisation, évaporée jusqu’à siccité, a laissé
un bromate contenant du potassium sensible à l’analyse spectrale. L’eau mère
de la deuxième cristallisation, évaporée jusqu’à siccité, a fourni un bromate
dans lequel l’analyse spectrale a été impuissante à déceler la présence du
potassium.
102sr,0265 de ce bromate cristallisé deux fois, et préalablement chauffé
à 150°, ont été fondus dans le ballon employé pour la précédente expérience.
Après le refroidissement du ballon, le bromate, qui était en masse cristal¬
line blanche et rayonnée , a été dissous dans la plus petite quantité possible
d’ammoniaque liquide pure et titrée, après que le ballon eut été enveloppé
d’une double toile noire. La solution ammoniacale qui y était contenue a
été saturée à 0°par de l’acide sulfurique dilué et titré, et le bromate repro¬
duit a été transformé en bromure par les moyens que j’ai assez longuement
exposés dans la relation que j’ai donnée de la précédente expérience. J’ai
pris à cet effet toutes les dispositions indiquées, et j’y ai mis absolument les
mêmes soins.
Tome XXXV.
12
90
NOUVELLES RECHERCHES
La réduction opérée, le mélange a reçu lentement un demi-litre d’eau
acidulée par cent centimètres cubes d’acide sulfurique pur; il a été soumis
ensuite à une agitation continue pendant une heure et demie. Enfin j'ai dé¬
terminé l’éclaircissement du liquide en élevant suffisamment sa température,
comme je l’ai expliqué déjà.
La liqueur acide au sein de laquelle la transformation du bromate en bro¬
mure a été effectuée, et dont le volume était de près de cinq litres, essayée
avec toutes les précautions imaginables, a été reconnue absolument exempte
de brome ou d’argent dissous.
La solution de sulfite ammoniacal d’ammonium , contenue dans l’appareil
de Liebig, au travers de laquelle ont passé tous les gaz émanés du ballon
pendant la neutralisation de l’ammoniaque par l’acide sulfurique dilué, pen¬
dant la réduction du bromate en bromure par l’acide sulfureux, et enfin
pendant l’acidulation du liquide par l’acide sulfurique, essayée également, a
été reconnue complètement exempte de brome.
I! est donc établi que le bromate d’argent, préparé dans les conditions
normales de sa formation. , peut être ramené à l’état de bromure sans qu’une
fraction quelconque de brome ou d’argent devienne libre. Le rapport en
poids du brome à [argent , dans le bromate et dans le bromure, est donc
absolument le même.
HL — Recherches sur la transformation du chlorate d’argent en chlo¬
rure, sous l’influence de l’acide sulfureux, faites dans le but
de constater si le rapport en poids du chlore a l’argent est
le même dans ces deux corps.
J’ai entrepris ces recherches dans le double but de soumettre à 1 expé¬
rience la loi des proportions définies, et de faire l’analyse du chlorate d ar¬
gent pour pouvoir déduire le poids atomique de ses éléments.
J’ai fait deux séries de recherches : l’une avec le chlorate préparé à 1 aide
de l’action du chlore sur le carbonate d’argent, et l’autre à l’aide de l’action
du chlore sur l’oxyde d’argent. Je vais exposer dans cette notice tous les
faits relatifs à la préparation du chlorate, à sa transformation en chlorure, et
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
91
les résultats obtenus quant à la loi des proportions définies, réservant pour
la notice consacrée à l’analyse du chlorate d’argent toutes les données nu¬
mériques qui se rapportent exclusivement à ce dernier sujet.
On a pu se convaincre, par la lecture de ce travail, des obstacles contre
lesquels j’ai eu à lutter pour me procurer de l’iodate et du bromate d’argent
purs ; mais ils ne sont rien en comparaison de ceux que j’ai rencontrés pour
la préparation du chlorate pur de ce métal. J’ajouterai que , pour s’en faire
une idée, il faut avoir été soi-même aux prises avec ces difficultés.
Des insuccès réitérés, dont il est inutile de rendre compte ici, m’ont donné
la certitude que le moyen de la cristallisation répétée du chlorate, obtenue à
l’aide de l’oxyde ou du carbonate d’argent lavé à l’eau, et de l’acide chlorique
retiré du chlorate de baryum pur par l’acide sulfurique dilué, est impuissant
pour obtenir un sel susceptible de se prêter à une épreuve aussi rigoureuse
que celle qu’il était destiné à subir. Il n’y a qu’une méthode excluant la pos¬
sibilité de l’existence de matières étrangères aux éléments du sel qui soit
capable de le fournir, et je n’ai pu trouver ce moyen que dans l’action du
chlore sur le carbonate et l’oxyde d’argent dépouillés, à l’aide du chlore lui-
même, de V alcali qu’ils ne cèdent jamais au lavage à l’eau seule.
On conçoit, en effet, qu’en faisant réagir, sous l’influence de l’eau, le
chlore sur l’oxyde ou le carbonate d’argent lavé aussi bien que possible , le
corps halogène doit se porter à la fois sur l’argent et sur le métal alcalin re¬
tenu, de manière à produire un sel haloïde d’argent et un mélange de sel
amphide du métal alcalin et d’argent. Du moment qu’il existe un sel amphide
d’argent en solution, il n’y a plus de raison pour que le sel amphide du métal
alcalin contenu dans l’oxyde soit retenu par ce dernier; un lavage à l’eau
peut donc l’enlever. En répétant successivement l’action ménagée du chlore
et les lavages, il faut de toute nécessité qu’il arrive un instant où il n’existe
plus de trace de l’alcali dans le composé argentifère soumis à la purification.
L’expérience a complètement confirmé ces prévisions. Restaient mainte¬
nant à étudier les conditions de la formation du chlorate d’argent à l’exclusion
absolue de la production du perchlorate. M. Marignac a préparé une grande
quantité de ce sel , mais il n’a donné aucun détail sur les conditions dans les¬
quelles il s’est placé.
92
NOUVELLES RECHERCHES
Pour résoudre ce problème, j’ai examiné avec beaucoup de soin l’action
du chlore sur l’oxyde et sur le carbonate d’argent suspendu dans de l’eau,
et voici les observations que j’ai été à même de faire :
De l’action du chlore sur l’oxyde et sur le carbonate d’argent.
Si l’on vient à délayer, dans un excès d’eau de chlore saturée , de I oxyde
et du carbonate d’argent suspendu dans de l’eau , l’argent se transforme com¬
plètement en chlorure, comme c’est le cas pour l’oxyde et le carbonate de
mercure, et l’eau ne renferme, outre l’excès de chlore, que de 1 acide hypo¬
chloreux pur, sans trace d’acide chlorique ou d’acide perchlorique. Le titre
chlorométrique du liquide, après la réaction du chlore sur l’oxyde ou le carbo¬
nate, est à peu de chose près identique à celui de l’eau de chlore employée.
En faisant arriver, sous l’influence d’une agitation continue, un courant
lent de chlore dans de l’eau renfermant un excès d’oxyde ou de carbonate
d’argent en suspension, l’action première est identique; il se produit encore
du chlorure d’argent et de l’acide hypochloreux; mais cet acide hypochloreux
ne reste que momentanément libre; il transforme lentement une partie de
l’oxyde ou du carbonate en hypochlorite de ce métal. En effet, au bout de
peu de temps, si l’on interrompt le courant de chlore, tout en maintenant
l’agitation, le liquide perd l’odeur caractéristique de l’acide hypochloreux;
mais il en conserve le pouvoir décolorant énergique, parce que l'hypochlo-
rite d’argent formé est très-soluble dans l’eau.
Cet hypochlorite d’argent, dont à ma connaissance aucun chimiste n’a
encore signalé l’existence, est un corps assez stable en présence d’un excès
d’oxyde ou de carbonate d’argent, pour se conserver pendant plusieurs jours;
il est au contraire d’une instabilité extrême en l’absence de cet oxyde ou car¬
bonate métallique. En effet, il m’a semblé que tant qu’on maintient en mou¬
vement la solution d’hypochlorile d’argent avec l’oxyde, le liquide conserve
sa transparence et son pouvoir décolorant ; si, au contraire, on vient à 1 aban¬
donner au repos, à peine l’oxyde d’argent s’esl-il déposé, que la liqueur si
limpide devient à l’instant même opaline, se trouble fortement et finit par
déposer de gros flocons de chlorure d’argent , qui couvrent d’un lapis blanc
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 93
l’oxycle d’argent primitivement déposé. Le liquide perd en même temps son
pouvoir décolorant, et ne renferme que du chlorate d’argent en solution,
rendu alcalin par un petit excès d’oxyde dissous.
D’après ce que je viens d’exposer, on voit donc que la formation du chlo¬
rate d’argent par l’action du chlore sur 1 oxyde ou le carbonate est due a
une réaction secondaire de l’hy pochlorile de ce métal, qui prend naissance
préalablement. 11 paraît, du reste, qu’il en est ainsi de la formation de tous
les autres chlorates; mais ce n’est pas ici le lieu d examiner cette question.
Les réactions qui se passent successivement peuvent se représenter par les
équations suivantes :
12 (C h) + 5 {Ac/O) + 5 (H20) = 6 (XgCli) + G (HC/iO).
G (IIC/*0) -4- 5 (A<;20) = 3 (II20) G IXcjChO).
G (AgChO) = 4 {AgCh) 2 ( AgCliO 3).
Je viens de dire que i’hypochlorite argentique est très-soluble dans l’eau;
en effet, le liquide limpide contenant l’oxyde ou le carbonate d argent en sus¬
pension, et qu’un courant lent de chlore a traversé pendant quelques heures,
renferme considérablement d’hypochlorite qui se maintient intact tant quil
est en contact avec l’oxyde ou le carbonate; mais 1 excès d oxvde ou de cai-
bonate employé, et surtout l excès d oxyde d argent, fixent sui eux une
grande quantité de cet hypochlorite , ou du * moins les éléments de ce sel. La
fixation de cet hypochlorite sur ces composés d’argent à 1 état de corps exces¬
sivement peu solubles, résulte de deux faits que j ai obseivés les quaüo lois
que j’ai produit du chlorate par faction du chlore sur le carbonate et 1 oxyde
d’argent. Le premier de ces faits est l’impossibilité d opérer un lavage de ces
corps sur lesquels on a fait agir du chlore pendant un certain temps. Quel¬
ques soins qu’on y mette, de quelque manière qu’on s’y prenne, 1 eau enlève,
outre l’oxyde ou le carbonate, un sel d’argent renfermant du chlore et de
l’oxygène; le second fait est que l’oxyde ou le carbonate sur lequel le chlore a
agi longtemps déjà en produisant de fhypochlorite dissous et qu on a enlevé,
fournit par l’action du chlore une nouvelle quantité d’hypochlorite beaucoup
plus considérable que celle qui peut résulter du chlore que 1 on a lait îéagii
en dernier lieu. L’observation m’a même prouvé que la plus grande pioduc-
94
NOUVELLES RECHERCHES
lion d’hypochlorile à l’état soluble arrive lorsque les deux tiers de l’oxyde ou
du carbonate ont déjà subi Faction décomposante du chlore.
L’hypochlorile d’argent est le seul sel d’argent qui prenne naissance sous
l’influence du chlore sur l’oxyde ou le carbonate d’argent en excès suspendu
dans un liquide entretenu dans un mouvement continu. La décomposition
spontanée, ou la décomposition opérée à l’aide de l’intervention de la cha¬
leur, n’a jamais produit la moindre trace de perchlorate, en opérant, bien
entendu, sur un hypochlorite rendu légèrement alcalin par un excès d’oxyde
dissous. Pendant l’afflux du chlore, l’hypochlorite qui s’est formé peut être
détruit de nouveau avec formation de chlorure d’argent; mais c’est encore
de l’acide hypochloreux qui prend naissance dans cette circonstance : en
réagissant sur une nouvelle quantité d’oxyde d’argent, il reproduit un poids
double d’hypochlorile de ce métal.
Les conditions de préparation du chlorate d’argent, résultant des obser¬
vations précédentes, sont donc : un courant lent de chlore sur l’oxyde ou le
carbonate (traité préalablement au chlore pour lui enlever l’alcali qu’il re¬
tient) suspendu dans de l’eau maintenue en mouvement , d’une manière per¬
manente , jusqu’à ce que le chlore ait attaqué la majeure partie du composé
argentifère employé; maintien de ce mouvement après l’interruption du cou¬
rant de chlore, afin de transformer en hypochlorite l’acide hypochloreux
existant libre dans le liquide-; séparation de la solution de l’hypochlorite d'ar¬
gent d’avec l’excès du composé argentifère employé, pour que Fhypochlorite
puisse spontanément se transformer en chlorure et en chlorate.
Voici les dispositions que j’ai prises pour réaliser, autant que la prévoyance
le permet , les conditions que je viens d’indiquer.
1° Chlorate d’argent préparé par l’action du chlore sur le carbonate d’argent
suspendu dans l’eau.
Trois kilogrammes neuf cent trente-cinq grammes d’azotate d’argent, sans
métaux étrangers, ont été dissous dans vingt litres d’eau distillée; la solu¬
tion a été versée petit à petit dans un volume égal de solution de carbonate
de potassium préparé à l’aide de la crème de tartre pure. Le carbonate d’ar-
SU K LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
9 D
gent, très-volumineux et d’un blanc légèrement jaunâtre, après avoir été
tenu longtemps en suspension dans la solution de carbonate de potassium en
excès, a été lavé à froid par décantation, jusqu’à la disparition complète du
potassium, dans le produit de l’évaporation, jusqu’à siccité, des eaux de la¬
vage. Pour arriver à ce résultat, j’ai été obligé chaque fois de faire secouer,
dans un vase fermé, le carbonate avec de l’eau, comme s’il s’agissait de pro¬
duire l’éclaircissement d’un essai d’argent. En prenant ces précautions, les
lavages ont duré quinze jours, en les répétant plusieurs fois dans une journée.
La bouillie assez liquide de carbonate d’argent qui, de blanc jaunâtre
quelle était primitivement, était devenue d’un beau jaune , a été introduite
dans un ballon de 45 litres de capacité, qui était entouré d’une toile noire.
Ce ballon a été fixé solidement dans un panier placé sur le plancher d’une
espèce d’étrier suspendu au-dessus du sol à l’aide de longues cordes. À chaque
côté et au bas de cet étrier était attachée une corde; en exerçant alternati¬
vement une traction à l’aide de ces cordes, on pouvait imprimer au ballon
un mouvement oscillatoire aussi prononcé qu’on le voulait. Au col du ballon
était adapté un verre percé de deux trous et servant de bouchon. Ces deux
trous donnaient passage , l’un à un tube de verre recourbé à angle droit,
amenant du chlore dans le liquide; l’autre à un tube de verre, également
recourbé, servant au dégagement de l’anhydride carbonique mis en liberté
par la décomposition du carbonate d’argent. Le tube destiné à amener le
chlore dans le liquide du ballon a été mis en communication avec un appareil
à chlore, à l’aide d’un tube en caoutchouc 1 assez long pour permettre l’oscil¬
lation facile du système sans exercer une traction sur l’appareil à chlore.
Le système étant ainsi disposé, j’ai laissé pénétrer pendant cinq quarts
d’heure un courant très-lent de chlore 2 dans le ballon, en lui faisant im¬
primer pendant ce temps un mouvement continu. J’ai alors intercepté le
courant de chlore, et j’ai fait continuer l’agitation du liquide tant qu’il a
1 Le tube en caoutchouc vulcanisé avait bouilli pendant une heure avec une solution au
dixième d’hydrate de sodium pour le désulfurer, et avait été lavé ensuite à l’eau pure.
2 Le bioxyde de manganèse, employé à la préparation du chlore, après avoir été finement
pulvérisé, a été traité à l’acide sulfurique dilué et bouillant, afin de le dépouiller complètement
des composés azotés qu’il renferme toujours; il a été lavé ensuite à l’eau pure. Ce'trailement
est indispensable lorsqu’on veut obtenir du chlore absolument privé de chlorure d'azotyle.
96
NOUVELLES RECHERCHES
exhalé la moindre odeur d’acide hypochloreux. Ce résultat atteint, j’ai aban¬
donné le système au repos, et j’ai décanté tout le liquide surnageant, qui
était fortement décolorant. On a soumis à un nouveau lavage par décanta¬
tion le carbonate d’argent, en ajoutant le premier liquide de décantation à
la solution d’hypochlorite séparée déjà. On a lavé le carbonate d’argent tant
qu’il a été possible de découvrir, à l’aide de l’analyse spectrale, des traces de
potassium dans le produit de l’évaporation, jusqu’à siccité, des eaux de lavage.
La solution d’hypochlorite d’argent , après avoir été conservée à l’abri de
la lumière jusqu’à ce qu’elle eût cessé de déposer du chlorure d’argent, a été
évaporée jusqu’à siccité; elle a laissé 3 1 gr, 819 de résidu blanc salin.
Le carbonate d’argent lavé, et en bouillie assez liquide, a été introduit
avec quatre litres d’eau dans le ballon, et soumis pendant deux heures à un
courant de chlore sous l’influence d’une agitation incessante; après avoir
intercepté le courant de chlore, on a continué l’agitation tant que le mélange
a exhalé une odeur d’acide hypochloreux. Il a fourni par décantation cinq
litres de solution fortement décolorante, qui a été abandonnée dans l’obscu¬
rité à la décomposition spontanée. Le liquide, après avoir cessé de déposer
du chlorure, a laissé par l’évaporation 58gl',237 de chlorate d’argent.
Le carbonate d’argent a été lavé une troisième fois. Déjà, dans la pre¬
mière eau du lavage, il m’avait été impossible de découvrir la moindre trace
de potassium, à l’aide de l’analyse spectrale, en opérant sur le résidu de
l’évaporation de tout un litre de liquide.
J’ai délayé le carbonate d’argent dans un volume d’eau égal à celui du
liquide décanté, et j’ai soumis pendant trois heures le mélange à un courant
non interrompu de chlore, sous l’influence d’une agitation continuelle. Après
l’interruption du courant , le mélange a été maintenu en mouvement une
demi-heure; décanté ensuite, le liquide limpide et incolore ne répandait pas
la moindre odeur d’acide hypochloreux, mais il était très-fortement décolo¬
rant. Par le repos, il a déposé considérablement de chlorure d’argent; il a
fourni par son évaporation 72er,000 de chlorate d’argent.
Enfin, le carbonate d’argent, mêlé déjà d’une quantité considérable de
chlorure d’argent, a été lavé une quatrième fois. Délayé dans six litres d’eau
pure, il a été soumis pendant cinq heures, dans le ballon oscillant, à un cou-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
97
rant continu de chlore. L'acide hypochloreux produit, étant transformé. en
hypochlorite d’argent par l’agitation du liquide avec l’excès de carbonate
d’argent restant, j’ai abandonné le mélange à lui-même jusqu’à ce que tout
l’hypochlorite fût converti en chlorate et chlorure. L’évaporation du liquide
retiré du ballon par décantation et lavage méthodique a produit cent vingt-
trois grammes de chlorate d’argent.
J’ai arrêté là l’action du chlore sur le carbonate d’argent, parce que ce
composé avait tellement blanchi par son mélange avec le chlorure, qu’il
m’était impossible à la vue d’y distinguer la présence de ce corps. Du reste,
au moment où j’ai interrompu l’opération, l’évaporation de tous les liquides
décantés n’était pas achevée, de manière que je 11e pouvais connaître le poids
du chlorate formé. En supposant que j’eusse épuisé l’action du chlore, j’au¬
rais dû obtenir sept cents grammes de chlorate, et la somme des poids des
sels résultant de l’évaporation des quatre liquides successivement décantés ne
représente que deux cent quatre-vingt-cinq grammes. Je n’ai en réalité pro¬
duit que les deux cinquièmes de ce que je pouvais préparer; je suis donc
resté dans les conditions nécessaires pour ne produire aucune trace de per-
chlorate d’argent. Les chlorates obtenus dans les opérations que je viens de
décrire ont été soumis aux traitements suivants :
Une partie des 31er, 81 9 de chlorate résultant de la première opération,
ayant été examinée au speclroscope, a été reconnue mêlée de beaucoup de
chlorate de potassium. Je me suis donc abstenu de le purifier pour le sou¬
mettre à la réduction par l’acide sulfureux.
Les 58sr,237 de chlorate, dans la deuxième opération, ont été repris par
de l’eau froide. La solution en était très-légèrement alcaline. J’y ai ajouté de
l’eau de chlore diluée, de manière à faire disparaître la réaction alcaline,
et j’ai porté le liquide à l’ébullition, afin de déterminer la précipitation des
traces de chlorure d’argent qui s’étaient produites. Le liquide décanté , par¬
faitement neutre , a été évaporé et ramené par des cristallisations successives
en trois parties; chacune d’elles a été réduite séparément par l’acide sulfureux
à l’état de chlorure.
J’ai dû absolument opérer celle réduction à l’aide d’une solution d acide
sulfureux. En effet, un courant d’anhydride sulfureux précipite du sulfite
Tome XXXV. 13
98
NOUVELLES RECHERCHES
d’argent d’une solution de chlorate de ce métal ; de l’acide chlorique se dis¬
sout dans le liquide. Ce sulfite d’argent ne passe à l’état de chlorure que par
l’action consécutive de l’anhydride sulfureux sur l’acide chlorique. Or, pen¬
dant le passage du gaz, il n’y a aucun moyen de s’assurer si la réduction de
l’acide chlorique est partielle ou totale, s’il y a défaut ou excès d’acide sul¬
fureux, et quel est cet excès. Une autre difficulté réside dans la lenteur rela¬
tive avec laquelle l’acide sulfureux réduit à Ou l’acide chlorique très-dilué, et
cependant une basse température et une dilution assez forte du liquide sont
des conditions indispensables pour la réussite de l’opération. A 1 exception
d’une opération qui m’a donné beaucoup de peine, j’ai donc pratiqué toutes
les réductions du chlorate d’argent décrites dans cette notice à l’aide d’une
solution titrée d’acide sulfureux. J’ai employé à cet effet l’appareil que j’ai
figuré et décrit pages 80 et suivantes. Seulement, comme la réduction exige
plus de temps à s’accomplir, l’appareil a toujours été maintenu au moins une
heure en mouvement.
Je reviens maintenant aux trois portions de chlorate extraites des 58", 237
du sel obtenu dans la deuxième opération. La première partie, contenant
les sels les moins solubles, renfermait encore sensiblement de potassium; je
suis parvenu à le reconnaître au spectroscope. J’ai perdu la deuxième partie
en essayant d’en faire la réduction à l’aide d’un courant d’anhydride sulfu¬
reux; la troisième partie, pesant 23îr,932, réduite par une solution titrée
d’acide sulfureux à 0°, n’a plus exigé que 0 r,003 d’argent à l’état de sulfate,
pour précipiter l’acide chlorhydrique que contenait le liquide éclairci par
simple agitation.
Les 725r,000 de chlorate d’argent produit dans la troisième opération ont
été repris par de l’eau froide. La solution en était opaline et sensiblement
alcaline. J’y ai ajouté, avec les plus grandes précautions, de l’eau de chlore
diluée, jusqu’à la disparition complète de la réaction alcaline. J’ai chauffé le
liquide pour l’éclaircir par la précipitation du chlorure d’argent formé, et j’ai
évaporé au bain-marie jusqu’à pellicule le liquide limpide décanté. Afin
d’obtenir le chlorate sous forme de très-petits cristaux, j’ai provoqué un
refroidissement brusque du liquide. L’eau mère a été séparée par aspiration.
Le chlorate a été lavé à trois reprises par de l’eau glacée. La dessiccation sur
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES
99
l’acide sulfurique du sel lavé a produit L0sr,336 de chlorate blanc et inallé-
rahle à la lumière. Les eaux de lavage et l’eau mère ont fourni 27sr,581 de
sel également blanc, inaltérable à la lumière, mais extraordinairement alté¬
rable par son exposition à l’air.
a. J’ai introduit les 27sr,581 de chlorate dans l’appareil à réduction par
l’acide sulfureux liquide, avec cent centimètres cubes d’eau distillée, et
lorsque la solution était à 0°, je l’ai transformée en chlorure à l’aide d’une
quantité convenable de solution d’acide sulfureux , également à 0°. Lorsque
tout l’acide sulfureux eut coulé dans le flacon, et qu’on eut maintenu
l’appareil une heure en oscillation, je me suis assuré, par l’addition d’une
petite quantité d’acide sulfureux, si la réduction de l’acide chlorique était
complète. A la fin de l’opération, l’acide sulfurique produit amène à l’état de
solution une partie du sulfite d’argent, s’il en existe encore, et une addition
d’acide sulfureux, dans ce cas, produit instantanément un trouble blanc, s’il
y a encore en même temps de l’acide chlorique. Ayant reconnu l’achèvement
de la réduction , je suis allé à la recherche du chlore ou de l’argent dans le
liquide qui s’était éclairci par le simple mouvement. Or, une partie du
liquide ne s’est point troublée par une solution normale de sulfate d’argent ,
et une autre partie ne s’est point troublée par une solution normale d’iode
dans l’acide sulfureux. Décanté et évaporé jusqu’à la volatilisation de l’acide
sulfurique, le liquide restant n’a laissé aucune trace de potassium sensible à
l’analyse spectrale.
Le chlorure d’argent a été mis en digestion à 100° avec de l’acide azotique
dilué au cinquième; il n’a cédé absolument aucune trace d’argent appréciable
à la liqueur normale de chlorure de sodium. Le chlorate d’argent s’est donc
transformé en chlorure sans que la moindre trace de chlore ou d’argent soit
devenue libre.
b. Enfin, les L0gr,336 de chlorate non employé ont été ajoutés au sel que
j’ai retiré des 123§r,500 de chlorate obtenu dans la quatrième opération.
Dans le but de le priver du perchlorate que, contre toute attente, il aurait
pu contenir, je l’ai soumis au traitement suivant :
Il a été repris par de l’eau froide, et la solution a été additionnée d’eau de
chlore diluée, jusqu’à ce que la très-légère réaction alcaline qu’elle présentait
100
NOUVELLES RECHERCHES
eût complètement disparu. Le liquide a été porté q 100° pour déterminer la
précipitation des traces de chlorure d’argent qui avaient pris naissance; après
un repos convenable, il a été décanté et évaporé au bain-marie jusqu à pel¬
licule. Par un refroidissement brusque, j’ai déterminé la cristallisation rapide
du sel, et après avoir enlevé par aspiration l’eau mère, je l’ai lavé par de
l’eau glacée, et également par aspiration. L’eau mère et la première eau de
lavage ont été écartées. Toutes les autres eaux de lavage ont été évaporées
à leur tour jusqu’à pellicule, et la solution brusquement refroidie. L’eau mère
a été séparée de nouveau par aspiration, et le sel lavé à l’eau glacée. En
répétant ainsi les cristallisations, les lavages et les évaporations, je suis par¬
venu à retirer des 123gl',500 de sel, 99gr,000 environ de chlorate, que je
pouvais considérer comme aussi pur qu’il m’était possible de le préparer.
Les eaux mères, que j’avais éloignées avec le plus grand soin , ont donné
jusqu’à la dernière trace du chlorate pur. Du reste, lors de la production de
l’hypochlorite qui, par sa décomposition, m’a fourni ce chlorate, l’action
du chlore a été très-lente et, comme on l’a vu, l’excès de carbonate d’argent
fort grand. Je considère, du reste, la préparation du chlorate d’argent par
celle voie comme l’opération la plus laborieuse et la plus délicate qu’on
puisse exécuter dans des recherches analytiques.
J’ai employé à la fois les 99sr,000 et les L(F',336, provenant de l’opé¬
ration précédente, pour faire l’analyse de ce sel , et pour rechercher en même
temps si le chlore et l’argent sont dans le chlorate et dans le chlorure abso¬
lument dans le même rapport. Je vais indiquer ici les données relatives à
cette dernière recherche.
J’ai introduit dans un grand ballon le chlorate d’argent séché préalable¬
ment à 150° dans de l’air sec, privé de matières organiques par son passage
sur de l’oxyde de cuivre chauffé au rouge. Ce ballon de verre dur était muni
d’un flacon de verre bouché à l’émeri dont le fond était percé ; ce flacon était
rodé sur le col du ballon; le système a été pesé exactement, ayant pour
contre-poids un ballon de même verre, de même dimension et de même
poids. J’ai fondu le sel en prenant toutes les précautions imaginables pour
éviter sa décomposition par la chaleur. Je m’expliquerai sur le motif de celte
fusion dans la notice consacrée à Yanalyse du chlorate, avec toutes les don-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
101
nées numériques qui s’y rapportent. On le verra plus loin, le ballon contenait
un poids invariable de 138^749 de chlorate fondu et pesé dans l’air sec.
Après le refroidissement du ballon, j’y ai introduit deux litres deau pure. Le
chlorate, en s’y dissolvant, a rendu l’eau très-opaline; un litre deau , ajouté
à la solution , n’a point augmente le trouble du liquide. J ai chauffé la solu¬
tion jiisqu’à 80°, température à laquelle elle est devenue limpide en laissant
déposer quelques flocons violacés de chlorure d’argent. J’ai imprimé un mou¬
vement de rotation au ballon, afin d’amener vers son centre et vers le fond
tout le chlorure, et je lai abandonné de nouveau au refroidissement, qui
na plus déterminé le moindre trouble dans le liquide.
Après un repos de trois jours dans la chambre obscure, j ai fait passer
dans un ballon de quinze litres tout le liquide surnageant les flocons de chlo¬
rure d’argent. Je me suis servi, à cet effet, d’un siphon dont la courbure,
d’un diamètre plus considérable que les branches, était munie d’un tube
soudé, terminé par un robinet de verre soudé également a son extrémité
supérieure. Pour enlever la solution de chlorate existant dans la courbure
et les branches du siphon, j’ai fait pénétrer de l’eau pure par l’ouverture du
robinet, et j’ai incliné le siphon, soit vers le ballon qui venait de recevoir
le liquide, soit vers le ballon qui avait fourni celui-ci, suivant que je voulais
faire couler l’eau de lavage dans l’un ou l’autre ballon. Après avoir conve¬
nablement lavé le siphon à ^intérieur et à \ extérieur , pour ne pas perdre
la moindre trace de la solution , je 1 ai retiré des ballons.
J’ai lavé ensuite par décantation et repos, et avec toutes les précautions
imaginables, le ballTTn et le chlorure d’argent, pour ne pas entraîner une
trace de ce composé. Les eaux de lavage, après avoir suffisamment îeposé
dans un vase à précipité, ont été ajoutées à la solution du chlorate qui était
restée d’une limpidité absolue. Les traces de chlorure entraîné par les eaux
de lavage dans le vase à précipité, ont été de nouveau introduites dans le
ballon d’où elles étaient sorties. Le grand ballon, entouré préalablement d une
double toile noire, a été placé cà demeure, et dans une position aussi inclinée
que possible, dans un grand vase de bois au milieu de la glace concassée.
Ce grand vase de bois était posé sur la tablette d’un étrier oscillant. J ai
adapté à son col un bouchon de caoutchouc percé de deux ouvertures; par
102
NOUVELLES RECHERCHES
l’une d’elles passait un tube recourbé, en communication avec un appareil de
Liebig contenant une solution d’acide sulfureux, et par l’autre passait un
tube en S. Le bout du tube en S, qui pénétrait dans le ballon, était effilé et
reposait sur son col, afin de forcer le liquide qu’il laissait échapper à couler
le long de sa paroi, et à se répandre pendant le mouvement d’oscillation.
La partie du tube en S, restée dehors, était mise, à l’aide d’un tube en
caoutchouc, en communication avec un réservoir placé par-dessus, sur une
planchette trouée, et terminé par un robinet et un tube effilé. En un mot,
l’appareil était identique à celui que j’ai employé pour la réduction du bro-
mate, sauf les dimensions qui étaient nécessairement beaucoup plus grandes.
Lorsque tout le système était monté, et que la température du réservoir des¬
tiné à débiter la solution d’acide sulfureux était abaissée à 0° par l’application
de la glace concassée, j’ai introduit dans celui-ci une quantité de solution
d’acide sulfureux saturée à 0°, dépassant de cinq pour cent celle nécessaire
pour réduire à l’état de chlorure le chlorate employé. J’ai pris cet excès de
cinq pour cent pour compenser celui qui se perd pendant l’introduction de la
solution dans le réservoir. J’ai ouvert ensuite le robinet de celui-ci, de manière
à produire un écoulement complet de la solution sulfureuse dans l’espace de
soixante à soixante-dix minutes, et, au même moment, j’ai fait imprimer à tout
le système un mouvement d’oscillation perpendiculaire au plan d’inclinaison
du ballon. Lorsque la solution sulfureuse eut pénétré dans le ballon, j’ai fait
continuer encore, pendant une heure, l’agitation lente du liquide. Au bout
de ce temps le liquide, convenablement reposé, et éclairé à l’aide d’un faisceau
de lumière jaune, s’est montré d’une limpidité absoluè. Pour m’assurer s’il
y avait encore les éléments du chlorate d’argent en solution, j’ai laissé tom¬
ber à la surface cinq centimètres cubes d’une solution diluée d’acide sulfureux.
Celte solution n’y a produit aucun trouble, même au bout de quinze minutes
d’attente. J’ai procédé alors à l’examen du liquide surnageant.
Deux cents centimètres cubes du liquide décanté, additionnés successive¬
ment de un jusqu’à cinq centimètres cubes de solution normale de chlo¬
rure d’ammonium, n’ont produit aucun trouble au bout de toute une journée
d’attente.
Deux cents centimètres cubes de ce liquide décanté, additionnés successi-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 103
vement de un à cinq centimètres cubes de solution normale de sulfate d’ar¬
gent, n’ont éprouvé aucun trouble après toute une journée de contact.
La solution d’acide sulfureux contenue dans l’appareil de Liebig, et au
travers de laquelle avaient passé les gaz émanés du ballon pendant la réduc¬
tion , ne contenait également aucune trace de chlore.
Dans la notice consacrée à l’analyse du chlorate, je donnerai le détail des
opérations faites pour recueillir, sécher et peser le chlorure produit, et pour
rechercher si le liquide au sein duquel le chlorure s était formé 1 enfermait
autre chose que de l’acide sulfurique dilué.
2° Chlorate d’argent préparé par l’action du chlore sur l’oxyde d’argent
suspendu dans de l’eau.
J’ai versé, sous l’influence d’une agitation continuelle, dans vingt lities de
solution diluée d’hydrate de potassium provenant du tartre pur, un volume
égal d’une solution d’azotate d’argent pur, contenant trois kilogrammes et demi
de ce sel. L’oxyde d’argent a été lavé par décantation , jusqu’à ce que le résidu
de l’évaporation des eaux de lavage ne contint plus de trace de potassium
reconnaissable au spectroscope. L opération du lavage de 1 oxyde daigent
s’exécute avec infiniment plus de facilité que celle du carbonate de ce métal ,
parce qu’il se dépose plus facilement; en revanche, il retient , avec une opi¬
niâtreté désespérante , de l’hydrate de potassium ; de sorte que le lavage
complet de l’oxyde est encore beaucoup plus long et plus délicat à exécuter
que celui du carbonate.
L’oxyde délayé dans trois litres d’eau a été mêlé petit à petit avec six
litres d’eau de chlore saturée de 8 à 10°. Le tout a été laissé en digestion pen¬
dant douze heures, en ayant la précaution de remuer très-souvent ce mé¬
lange. Au bout de ce temps, le liquide opalin a été séparé; chauffé, il s’est,
éclairci , et le résidu obtenu à l’aide de son évaporation contenait plus de
potassium que d’argent.
J’ai procédé de nouveau au lavage de l’oxyde, par décantation, jusqu’à la
disparition complète du potassium dans le résidu provenant de lévapoiation
de cinq litres de liquide.
404
NOUVELLES RECHERCHES
Délayé préalablement dans trois litres d’eau, l’oxyde a été traité une
deuxième fois par trois litres d’eau de chlore saturée, et il a été laissé pen¬
dant cinq heures en digestion sous l’influence d’une agitation incessante.
Tout le liquide qui a surnagé par le repos a été décanté et évaporé jusqu’à
siccilé. Le sel d argent, mêlé de I oxyde dissous par leau, a été décomposé
à l’aide d’un excès d’acide chlorhydrique, et la liqueur ainsi séparée du
chlorure d’argent, ayant été évaporée jusqu’à siccité, a laissé un résidu de
quelques milligrammes seulement et contenant une quantité assez minime
de potassium.
L’oxyde a été lavé une troisième fois. L’analyse spectrale a été impuis¬
sante pour constater la présence du potassium dans le résidu de l’évaporation
des eaux de lavage. Après ce lavage, le composé d’argent a reçu encore trois
litres d’eau de chlore saturée, et le mélange a été agité pendant cinq heures.
L’évaporation du liquide décanté a produit un résidu noirâtre d’oxyde d’ar¬
gent, renfermant à peine un décigramme de sel soluble d’argent; presque
tout le chlore employé avait été retenu dans la grande masse d’oxyde. J’ai
séparé, à l’aide d’un léger excès d’acide chlorhydrique, l’argent existant dans
le sel soluble produit; le liquide acide d’où l’argent avait été éliminé ayant
été ramené à siccilé, n’a laissé aucune trace pondérable de résidu.
Dès ce moment, je pouvais donc considérer l’oxyde d’argent comme com¬
plètement dépouillé de potassium.
Après les trois traitements successifs à l’eau de chlore, et les trois lavages
complets qui ont suivi chacun d’eux, j’ai délayé la bouillie d’oxyde dans
quatre litres d’eau pure, et j’ai introduit le tout dans le grand ballon sus¬
pendu que j’ai décrit à l’occasion de la préparation du chlorate d’argent à
1 aide du carbonate de ce métal. Tout en maintenant le liquide dans une
agitation continue, on y a fait passer un courant lent de chlore pendant huit
heures consécutives. Au bout de ce temps, le courant de chlore a été inter¬
rompu, et le mélange a été maintenu en agitation tant qu’a persisté l’odeur
d’acide hypochloreux qu’exhalait assez fortement le liquide. La saturation de
cet acide hypochloreux étant effectuée, j’ai décanté tout le liquide surna¬
geant dans des vases fermés et couverts de papier noir , et je l’ai abandonné
dans l’obscurité complète à la décomposition spontanée.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 105
J’ai remplacé le liquide décanté par un volume d’eau égal, et le mélange,
entretenu dans une agitation continuelle, a été soumis encore pendant trois
heures à un courant de chlore. Après l’interruption du courant de chlore, le
mélange a été maintenu en agitation jusqu’à la disparition de l’acide hypo¬
chloreux libre.
La solution d’hypochlorite d’argent produite a été décantée et remplacée
par un volume égal d’eau. On a fait passer encore pendant trois heures un
courant de chlore au travers du liquide en l’agitant constamment. Le cou¬
rant de chlore étant suspendu, on a fait osciller le système tant que l’odeur
d’anhydride hypochloreux a persisté dans le mélange. Après la dernière
action du chlore, la saturation de cet acide par l’oxyde mêlé de beaucoup
de chlorure a été lente et difficile ; il a fallu presque une heure d’agitation
pour atteindre ce résultat.
Dans le but de savoir si je pouvais traiter le sel provenant du dernier
traitement avec celui obtenu par les deux précédents , j’ai soumis moi-même
le mélange d’oxyde et de chlorure, dont le liquide avait été séparé, à un
nouveau courant de chlore, pendant deux heures, après y avoir ajouté
quatre litres d’eau. Après l’interruption du courant de chlore, on a été obligé
d’entretenir en mouvement le liquide avec le composé insoluble, pendant
quatre heures, pour faire disparaître complètement l’odeur de l’anhydride
hypochloreux.
J’ai enlevé par décantation et par lavage tout l’hypochlorite produit. Ce
liquide, ayant été abandonné pendant deux heures dans l’obscurité, a déposé
considérablement de chlorure d’argent. Comme il renfermait néanmoins
encore de l’hypochlorite non décomposé, je l’ai porté à 60°, température à
laquelle il s’est complètement éclairci en formant un nouveau dépôt de chlo¬
rure. Le liquide limpide a été évaporé au bain-marie, et il a fourni jusqu’à la
dernière trace de chlorate d’argent sans perchlorate de ce mêlai. Le chlorate
d’argent, évaporé jusqu’à siccité, est un sel aussi inaltérable dans l’air pur et
humide, que le chlorate ou le sulfate de potassium. Pour peu qu’il renferme
du perchlorate qui est fort hygrométrique, il attire l’eau de l’air. Ayant toute
garantie sur la pureté de l’hypochlorite d’argent produit dans les trois opé-
îations successives, j ai pu réunir les trois liquides, et les soumettre à un seul
Tome XXXV. u
106
NOUVELLES RECHERCHES
et même traitement, après qu'ils eurent déposé par décomposition spontanée
la majeure partie du chlorure qu’ils doivent produire par la transformation
de l’hypochlorite en chlorate; j’ai chauffé le liquide pour rendre la transfor¬
mation totale. Comme il était sensiblement alcalin, j’y ai ajouté, après son
refroidissement complet, de l’eau de chlore diluée jusqu’à neutralité com¬
plète. Cette saturation est une opération fort délicate, parce que l’eau de
chlore produit encore de l’hypochlorile avec l’oxyde dissous, et ce n’est
qu’après la transformation de cet hypochlorile qu’il est possible de s’assurer
s’il n’existe plus d’oxyde dissous. Quoi qu’il en soit de cette difficulté, le résul¬
tat étant atteint, le liquide est chauffé de nouveau pour amener la précipita¬
tion du chlorure d’argent formé et son éclaircissement. Je l’ai évaporé ensuite
jusqu’à siccité pour connaître le poids du chlorate produit; ce poids a été égal
à quatre cent dix-sept grammes.
J’ai ramené par un grand nombre de cristallisations successives, et par
des lavages à l’eau glacée, celte masse considérable en deux parties : j’ai
retiré trois cents grammes environ de sel que je considère comme absolu¬
ment pur, et cent seize grammes sont restés dans les eaux mères et de lavage.
a. 398r,862 de ce chlorate pur, séché à 130°, ont été introduits dans 1 appa¬
reil à réduction figuré et décrit pages 80 et suivantes; ils ont été dissous
dans deux cents centimètres cubes d’eau; la solution n’en était pas absolu¬
ment limpide. Je m’expliquerai ailleurs sur la cause de ce trouble. Loisque la
solution a dû être ramenée près de 0° par la glace qui entourait le flacon qui
la contenait , j’y ai laissé couler la solution titrée d’acide sulfureux refroidie
également à O1’. L écoulement a été assez lent pour durer une demi-heuie.
J’ai fait entretenir ensuite le liquide en agitation encore pendant environ une
heure. Après avoir constaté qu’il ne se troublait pas par une solution diluée
d’acide sulfureux, j’ai introduit dans le réservoir deux cents centimètres
cubes d’eau acidulée par quarante centimètres cubes d’acide sulfurique pur.
Pendant que cet acide a coulé, petit à petit dans le flacon , on a entretenu le
tout en agitation continue. Comme, après l’opération, le liquide surnageant
n’était pas d’une limpidité complète, j’ai retiré de la glace le flacon avec sa
double enveloppe de toile, et je l’ai placé dans un bain dont j ai él ex é la tem¬
pérature au point où l’éclaircissement a été absolu; ce point a été 72'.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
107
L’essai du liquide a été fait dans l’appareil à titration décrit dans la pre¬
mière partie de ce Mémoire (Sur la constance de composition des combinai¬
sons dites stables).
Cent centimètres cubes n’éprouvent aucun trouble , même au bout d’une
heure, par l’addition de un centimètre cube de solution normale de sulfate
d’argent.
Cent centimètres cubes n’éprouvent aucun trouble par l’addition de un cen¬
timètre cube de solution normale de chlorure d’ammonium.
Le liquide est donc absolument dépourvu de chlore à l’état d’acide chlor¬
hydrique, et d’argent à l’état de sulfate.
b. 259sr,4535 du même chlorate séché à 150° dans un courant d’air sec,
et dépouillé de matières organiques par son passage sur l’oxyde de cuivre
chauffé au rouge, ont été fondus à la plus basse température possible, dans
un grand ballon de verre dur. Après le refroidissement du ballon, le chlo¬
rate a été repris par un volume d’eau suffisant pour que l’addition d’une
nouvelle quantité d’eau ne troublât plus la solution produite.
J’ai déterminé l’éclaircissement de ce liquide, son transvasement de ce
ballon dans un autre de quinze litres de capacité , et le lavage complet du
ballon, avec tous les soins que j’ai exposés pages 101 et suivantes, à l’occa¬
sion de l’analyse effectuée sur les I38sr,7^9 de chlorate.
La réduction de la solution a été opérée à l’aide d’une solution saturée à
0° d’acide sulfureux, dans l’appareil môme que j’ai employé pour la trans¬
formation en chlorure des 138gr,749 de chlorate. L’opération de la réduction
a duré toute une journée. J’ai déterminé, par une élévation de température,
l’éclaircissement complet du liquide, et j’ai abandonné jusqu’au lendemain le
tout au repos et au refroidissement lent. Le liquide acide surnageant était
d’une limpidité absolue ; il exhalait une odeur à peine sensible d’anhydride
sulfureux; décanté, il mesurait cinq litres et huit cents centimètres cubes.
Deux litres ont été distraits du volume total.
Une moitié du liquide soustrait a été additionnée dans l’appareil à titra¬
tion, successivement de un jusqu’à sept centimètres cubes de solution nor¬
male de sulfate d’argent, sans se troubler au bout d’une heure; l’autre moitié
du liquide soustrait a reçu successivement, depuis un jusqu’à six centimètres
m
NOUVELLES RECHERCHES
cubes de solution normale de chlorure d'ammonium, sans éprouver de trouble
quelconque au bout d’une heure de contact.
Les 259er,4535 de ce sel ont donc été transformés en chlorure sans
qu’une trace d’argent ou de. chlore soit devenue libre.
Dans l’exposé de l’analyse de ce sel, j’indique les recherches que j’ai faites
sur le restant du liquide : elles ont démontré que celte masse si considérable
de sel ne renfermait de trace quelconque de matière étrangère à la compo¬
sition du chlorate d’argent.
Les faits qui précèdent établissent donc à suffisance de preuve que , dans
le chlorate d’argent préparé dans les. conditions normales de sa formation ,
le rapport en poids du chlore à l’argent est absolument le même.
CONCLUSIONS.
Sous l’inlluenee de l’acide sulfureux , 5 l’iodale , le bromate, le chlorate
d’argent peuvent donc être ramenés à l’état d’iodure, de bromure et de
chlorure, sans qu’une fraction, quelque minime qu’elle soit, d iode, de brome,
de chlore ou d’argent devienne libre. La conformité des résultats observés
dans la transformation de ces trois composés ternaires à l’état de composés
binaires, démontre l’invariabilité des rapports en poids des éléments qui les
constituent. J’âi prouvé également, et pour autant que celte preuve avait
encore besoin d’être faite, la constance de composition de l’un de ces corps
binaires : il découle nécessairement de la combinaison de ces deux ordres
de faits, que les corps s’unissent dans des rapports absolument fixes et inva¬
riables, que ces rapports sont de véritables constantes, et que les lois des
proportions chimiques, qui ont servi de base expérimentale à 1 hypothèse
atomique, sont des lois mathématiques, comme les chimistes 1 ont admis
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 109
depuis bientôt un demi-siècle. La conséquence légitime, qu’il m’est également
permis d’en déduire, est donc que les composés, produits dans les conditions
normales de leur formation , doivent nécessairement renfermer leurs éléments
simples dans les proportions rigoureuses de ces constantes.
Enfin, venant aux motifs qui ont déterminé ces recherches si laborieuses
et si délicates , je me crois autorisé à dire : Le doute soulevé par M. Marignac
au sujet de la synthèse du sulfure et de l’azotate d’argent n est point fondé
en principe , et les objections que le célèbre chimiste genevois en a déduites
ne sont pas plus fondées que ce doute lui-même.
NOTES.
N° 1.
SUR LA PRÉPARATION DE l’eAU DISTILLÉE PURE.
Dans mes Recherches sur tes rapports réciproques des poids atomiques , j ai tait connaître
les moyens auxquels j’ai été obligé d’avoir recours pour me procurer l’eau distillée pure
destinée à mes travaux. Le moyen le plus efficace pour arriver à la destruction des matièies
organiques volatiles susceptibles de devenir fixes spontanément ou sous 1 influence des
acides minéraux, consiste, comme je l’ai dit, à faire passer lentement la vapeur d eau au
travers d’un long tube de cuivre rouge, Iuté extérieurement à l’argile et au sable, rempli com¬
plètement de tournures de cuivre grillées, recourbé en zig-zag et chauffé au rouge décidé
dans un foyer, et à distiller une seconde fois l’eau provenant de la condensation de cette
vapeur, en se servant à cet effet d’un réfrigérant de platine. Cette méthode, irréprochable
quant à la pureté du produit qu’elle fournit, laisse cependant à désirer lorsqu’on a besoin
de très-grandes quantités d’eau pure, comme cela a été le cas pour mes recherches actuelles.
En effet, le passage de la vapeur au travers du tube de cuivre chauffé au rouge produit un
110
NOUVELLES RECHERCHES
abaissement de température suffisant pour empêcher l’action de l’oxyde de cuivre sur les
matières organiques, si le courant de vapeur est un peu trop rapide. On est donc absolu¬
ment obligé de procéder à une distillation très-lente. Cet inconvénient m’a déterminé à
chercher une méthode plus expéditive. J’ai cru la trouver dans l’emploi d’un mélange de
manganate et de permanganate de potassium pour détruire les matières organiques. Voici
comment je m’y suis pris pour obtenir, à l’aide de ce moyen , les quantités très-considérables
d’eau pure qu’il m’a fallu pour les recherches consignées dans ces notices. On a préparé du
manganate de potassium à l’aide de l’action de l’hydrate et du chlorate de potassium sur
le bioxyde de manganèse. On a délayé le produit pulvérisé dans la plus petite quantité
d’eau capable de dissoudre tout le manganate formé, et on a abandonné le mélange au
repos dans un vase fermé. On a ajouté de quatre à cinq pour cent de la solution, devenue
limpide et colorée en vert très-foncée, à l’eau de source qu’on voulait distiller, et on a laissé
réagir le mélange pendant vingt-quatre heures. D’un autre côté, on a introduit dans
l’alambic distillaloire un litre ou deux de solution concentrée de manganate de potassium,
additionnée préalablement d’un volume égal de solution d’hydrate de potassium assez con¬
centrée pour donner de la stabilité à ce sel, et permettre à sa solution diluée de résister
plus longtemps à l’action de la chaleur sans se décomposer. On a rempli ensuite, aux huit
dixièmes environ, l’alambic avec l’eau sur laquelle a réagi le manganate de potassium, et on
a procédé à la distillation comme à l’ordinaire.
Lorsque l’ébullition s’établit, on modère le feu afin d’empêcher le débordement du
liquide qui, pendant quelques instants, produit une mousse assez abondante. Quand ce
moment est passé, on peut entretenir l’eau dans une vive ébullition sans le moindre incon¬
vénient. Après le passage à l’état de vapeur dit premier vingtième environ de l’eau em¬
ployée, la vapeur produite est tout à fait dépouillée de matières organiques et même de
matières minérales, si le chapiteau est muni de diaphragmes capables d’arrêter les goutte¬
lettes infiniment petites de liquide entraînées toujours par une vive ébullition. C'est à tel
point qu’une personne, qui a l’habitude de la conduite de cette distillation, produit du pre¬
mier coup de l’eau dans laquelle il est absolument impossible de découvrir les moindres
traces de matières organiques ou des matières fixes existant dans l'alambic.
Néanmoins, lorsque j’ai eu besoin d’eau complètement dépouillée de matières fixes ou
capables de le devenir, j’ai eu soin de soumettre l’eau à une nouvelle distillation, en ayant
la précaution de me servir comme réfrigérant d’un long tube en platine soudé à l’or; le
plus souvent même l’eau, à mesure qu’elle était condensée, était directement utilisée pour
le lavage auquel elle était destinée.
Je crois devoir ajouter que, m’étant servi quelquefois d'eau de pluie au lieu d’eau de
source, pour me procurer de l’eau distillée pure, à l’aide du manganate de potassium, j’ai
trouvé des quantités sensibles d’ammoniaque dans l’eau condensée, preuve que le mr.nga-
nale ne détruit point cette base. 11 est donc indispensable de soumettre l’eau condensée à
une nouvelle distillation avec quelques millièmes de sulfate monosodique ou monopotas¬
sique.
Je ne reviendrai pas ici sur les propriétés que doit offrir l’eau pure et sur les moyens de
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
111
constater sa purçlé. Je me suis suffisamment expliqué sur ces sujets dans le travail rappelé
au commencemeht de cette note, travail auquel je renvoie ceux qui désirent plus de détails
à cet égard.
N° 2.
SDK LA RÉDUCTION DES SELS DARGENT AMMONIACAUX SOUS LINFLUENCE DES COMPOSÉS
CUIVREUX AMMONIACAUX.
On sait que les solutions des sels d’argent bouillis avec un excès de sulfite alcalin lais¬
sent précipiter de l’argent métallique sous forme d’une poussière blanche. Le métal mis en
liberté est très-pur; mais on n’obtient jamais ainsi au delà de la moitié de l’argent existant
dans le liquide; l’autre moitié résiste indéfiniment à la réduction. Il suffit d’ajouter au
liquide bouillant de l’ammoniaque en excès et un sel soluble de cuivre quelconque, pour qu’à
l’instant l’argent soit complètement précipité. En effet, sous l’influence de l’ammoniaque , les
sulfites solubles ramènent à chaud les sels cuivriques à l’état de sels cuivreux, et les sels
cuivreux ammoniacaux réduisent immédiatement tous les composés d argent ammoniacaux,
avec précipitation d’argent pur.
J’ai constaté en 1861 les faits qui précèdent : en 1865, MM. Millon et Commaille ont
proposé de séparer l’argent du cuivre et de se procurer l’argent divisé et pur, en précipi¬
tant une solution d’azotate d’argent et de cuivre ammoniacal par le chlorure cuivreux
ammoniacal. En effet, l’élimination de l’argent est instantanée et complète, et l'argent obtenu
est tout à fait pur, lorsqu’on se sert d’une solution cuivreuse ne renfermant aucune trace de
fer. Malheureusement, en employant de la tournure de cuivre du commerce pour réduire
le chlorure cuivrique à l’état de chlorure cuivreux, la solution ammoniacale de ce dernier
chlorure renferme du fer à l’état d’hydrate ferreux. Or, une solution ammoniacale d’hydrate
ferreux précipite les composés d’argent ammoniacaux avec dépôt d’argent et d’hydrate
ferrique. J’ai trouvé en effet du fer dans l’argent précipité, fer que je ne suis pas parvenu
à en séparer complètement, même après une longue digestion dans l’acide chlorhydrique
concentré. Je le répète, je considère comme irréprochable la méthode indiquée par
MM. Millon et Commaille, lorsqu’on a du cuivre dépouillé de fer pour préparer les chlo¬
rures cuivrique et cuivreux ; mais lorsqu’on n’a que le cuivre du commerce à sa disposition,
il me semble de beaucoup préférable de recourir au sulfite d’ammonium ou à tout autre
sulfite alcalin, pour déterminer la précipitation de l’argent.
MM. Millon et Commaille ont proposé de doser l’argent, à l’aide de la solution ammonia¬
cale de chlorure cuivreux. Cette solution, en effet, précipite l’argent, d’une manière absolue,
de toutes ses solutions ammoniacales, et pendant les lavages, aucune trace d argent ne se
dissout tant que le liquide renferme du chlorure cuivreux; mais dès que ce chlorure est
NOUVELLES RECHERCHES
m
enlevé,, ou bien dès qu’il est transformé en chlorure cuivrique, l’argent est sensiblement
dissous par l’ammoniaque, sous l’influence de l’air. Je ne puis donc pas considérer comme
un moyen de dosage absolument exact la précipitation de l’argent par le chlorure cuivreux
ammoniacal, ou par le sulfite d’ammonium ammoniacal, ce qui revient au même quant aux
conséquences pour l’inexactitude relative du dosage.
N° 5.
SUR LA CAPACITÉ DU RÉSERVOIR DE L’APPAREIL DESTINÉ A LA DÉTERMINATION
DU TITRE DE L’ARGENT.
Cette capacité est déduite des données suivantes :
1° Poids du flacon plein d’air sec. . . à 11°,2 et à 0m,7566 = lkiL, 74b, 688
2° Poids du flacon plein d’air sec. . . à 11°, 0 et à 0m,7518 = 1 kil-,743,690
3° Poids du flacon plein d’eau pure . . à 10°, t, = 8kil-,065,150
N° 4.
SUR LA CAPACITÉ DU MESUREUR DE l’.APPAREIL DESTINÉ A LA DÉTERMINATION
DU TITRE DE l’.\RGENT.
Cette capacité est déduite des données suivantes :
I. Différence entre le poids de la pipette pleine d’eau distillée et le poids de la pipette
vidée dans la position verticale par l’écoulement naturel de l’eau :
1° Température de l’eau
2 » — - —
3° — —
4° — —
5° — — •
6» — —
gram.
1 6°90 — 304,030
16“90 — 304,031
17°00 — 304,043
17» 10 — 304,040
17» 10 — 304,033
17°10 — 30.4,033
Moyenne
17»01
304,044
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
413
II. La capacité de la partie divisée du tube capillaire a été déterminée en remplissant à
plusieurs reprises cette partie de mercure et en pesant le métal écoulé. Le poids du mei-
cure remplissant les 70 divisions a été trouvé égal a S‘%041, d’où son volume=0co,3703;
chaque division présente donc 0CC, 00529 de capacité.
N° 5.
SUR LA PRÉPARATION DE l’iODATE DE POTASSIUM.
Comme j’ai eu besoin d’assez grandes quantités de ce sel, j’ai essayé plusieurs méthodes
pour me le procurer. Il n’y en a que deux qui mont fourni un produit inaltéi cible à lai).
L’une consiste à transformer l’hydrate de potassium dissous dans l’eau en iodure et iodate de
ce métal, en faisant réagir sur lui de l’iode purifié; l’autre repose sur la formation de 1 iodate
par l’action de la chaleur sur un mélange en poids moléculaires égaux d iodure et de chlo¬
rate de potassium. Voici comment j’ai exécuté la préparation de 1 iodate par ce dernier
moyen. J’ai mêlé intimement l’iodure et le chlorate, dépouillés l’un et 1 autre de métaux étran¬
gers à l’aide d’une solution de sulfhydrate de potassium. Le mélange bien séché a été intro¬
duit dans des cornues , qui en ont été remplies aux deux tiers. J’ai placé ces cornues dans
un bain de sable. Dans le même bain, j’ai plongé assez profondément une petite cornue
contenant du chlorate de potassium pur. A chacune de ces différentes cornues était adapté
un tube recourbé plongeant dans de l’eau. J’ai élevé la température du bain au point de
fondre le chlorate contenu dans la petite cornue et de provoquer ensuite un dégagement
contiau d’oxygène. Lorsque j’ai réussi à bien graduer la température, et que je n’ai pas dé¬
passé le point de décomposition de l’iodate par la chaleur, degré qui est sensiblement plus
élevé pour ce sel que pour le chlorate, j’ai ramené complètement l’iodure en iodate et le
chlorate en chlorure, sans qu’il se soit dégagé de l’oxygène.
Pour séparer l’iodate du chlorure, j’ai ajouté à la masse refroidie de l’eau froide en
quantité suffisante pour désagréger le mélange. J’ai fait ensuite porphyriser la masse saline,
et après l’avoir introduite dans un appareil à déplacement, on l’a lessivée à 1 eau froide jus¬
qu’à ce que presque tout le chlorure fût enlevé. On a soumis ensuite l’iodate à trois cris¬
tallisations successives. Après chaque cristallisation opérée brusquement, on a fait subir au
sel un lavage méthodique. Après la première cristallisation, je ne suis plus parvenu à dé¬
couvrir une trace de chlorure ou d’iodure.
L’iodate ainsi préparé se conserve indéfiniment sans jaunir en présence de l’air. Il n’en
est pas de même de celui que l’on obtient en attaquant le chlorate de potassium à 1 aide
de l’iode. Lors même qu’on décompose par du carbonate de potassium le trichlorure d iode
qui se forme toujours en même temps que l’iodate de potassium , le sel ainsi produit jaunit
Tome XXXV. ^
114
NOUVELLES RECHERCHES
très-sensiblement à l’air, même après qu’il a subi cinq cristallisations successives , suivies
chacune d’un lavage méthodique. Je n’ai pas pu découvrir quelle est la matière qui com¬
munique à cet iodale de potassium la propriété de jaunir, mais le fait a été parfaitement
constant.
N" 6.
SIR LE LAVAGE ET LA DESSICCATION DE l’iODATE d’aRGEN'T.
Le lavage et la dessiccation de l’iodate d’argent, qui semblent être des opérations des
plus simples, sont au contraire d’une exécution des plus délicates lorsqu’on veut dé¬
pouiller absolument ce sel de toute matière étrangère, et qu’on veut le garantir contre
toute altération.
Dans celte note, je vais exposer comment j’ai été obligé de procéder à ce lavage et à
cette dessiccation.
D’abord, j’ai constaté que les solutions employées ne peuvent contenir au delà de deux à
deux et demi pour cent de matières réagissantes, pour donner naissance à un iodate dans
un état de division convenable pour se prêter à un lavage relativement facile.
L’iodate déposé par un repos suffisant, pour être ramené au minimum de volume qu'il
peut prendre à froid, est délayé dans deux à trois fois son volume d’eau froide. Le mélange
est introduit dans un flacon bouché à l’émeri et agité lentement pendant une demi-heure
au moins : cette longue agitation produit la désagrégation de l’iodate; il est abandonné
ensuite au repos pendant vingt-quatre heures. Au bout de ce temps, tout le liquide lim¬
pide est décanté et remplacé par un volume d’eau égal à celui qui a été décanté. Ge mé¬
lange est secoué de nouveau pendant une demi-heure, et abandonné encore au repos jusqu’à
ce que l’iodate soit suffisamment déposé.
En supposant que , par suite de l’agitation, la solution saline interposée dans le précipité
se mêle à l’eau ajoutée, le calcul indique qu’en répétant neuf ou dix fois ces différentes opé¬
rations, la quantité qui reste dans biodate est devenue à peu près impondérable. Cependant
l’expérience m’a démontré qu’il n’en est pas ainsi en réalité. Il m’a fallu renouveler ces ope¬
rations de douze à quinze fois, pour ne plus trouver dans les eaux de décantation , évaporées
à siccité , des traces d’iode ou de potassium , preuve évidente que le sel d’argent ne cède
qu’avec une lenteur extrême les dernières portions des matières salines à l’aide desquelles il
a été produit, ou qui ont pris naissance en même temps que lui. Encore m’est-il arrivé de
trouver du potassium dans l’iodate, lorsque le résidu de l’évaporation de beau de décanta¬
tion n’en renfermait plus de trace appréciable à l’analyse spectrale : c’est pour ce motif que,
dans toutes les préparations de l’iodatc d’argent, après les lavages à beau froide, j’ai soumis
les précipités au sein de beau à une température de 100°, et que je les ai fait agiter vivement
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
115
pour obtenir, après leur contraction , une nouvelle désagrégation. J’ai procédé ensuite à un
nouveau lavage à chaud.
Tous les lavages par décantation dont il est question dans le présent Mémoire, et no¬
tamment les lavages de l’iodate, de l’oxyde et du carbonate d^argent, ont été effectués en
recourant à l'agitation des précipités à laver clans des flacons bouchés à l’émeri. La simple
agitation opérée à l’aide d’une tige dans des vases à précipité, telle qu’elle est générale¬
ment pratiquée dans les laboratoires, est absolument insuffisante pour produire un dépouil¬
lement complet, surtout lorsqu’on opère sur des quantités très-considérables de matière.
L’expérience m’a prouvé également que, dans les lavages par décantation, la longue agi¬
tation des précipités avec une quantité d’eau relativement faible, et la répétition des opéra¬
tions faite un grand nombre de fois, sont des moyens beaucoup plus infaillibles pour
atteindre le but qu’on se propose, que l’emploi de quantités d’eau incomparablement plus
grandes, combiné avec une agitation moins prolongée et un nombre de décantations moins
considérable. On perd ainsi en pureté de matière ce que l’on gagne en temps et en peine.
Pour enlever à l’iodate, lavé à froid et à chaud , la presque totalité de l’eau dans laquelle
il est délayé, je verse la bouillie dans un grand entonnoir, ou dans un cylindre large et ter¬
miné par une douille longue et relativement étroite. Le bec de l’entonnoir ou la douille du
cylindre renferme d’abord une bourre de fds d’argent fortement serrée et servant de sup¬
port à un tampon de toile de lin purifiée, destiné à faire l’office de filtre pour 1 iodate. A
l’aide d’un tube convenable de caoutchouc, je fixe l’entonnoir ou le cylindre sur une des
deux tubulures d’un grand flacon sphérique de Woulf; l’autre tubulure est mise en rapport
avec une petite pompe pneumatique à main. Lorsque tout le liquide susceptible de s écouler
spontanément est descendu dans le flacon , je donne lentement quelques coups de pompe,
et la pression atmosphérique qui s’exerce sur la surface de l’iodate élimine de celui-ci la
presque totalité de l’eau interposée. On obtient ainsi une masse pulvérulente se détachant
en bloc. Cette masse, séchée dans une étuve traversée par un courant d’air dépouillé de
matières organiques , ne perd guère au delà de cinq à six pour cent de son poids. Je dis dans
une étuve et non pas dans le vide, parce que l’expérience m’a démontré qu’une enceinte
dans laquelle la tension ne dépasse pas un demi-millimètre renferme assez de matières
organiques provenant des corps gras employés à fixer la cloche sur le plateau, pour que
l’iodate en soit altéré.
En effet, dans l’obscurité la plus complète, l’iodate exposé vingt-quatre heures au vide,
au-dessus de l’acide sulfurique le plus pur, devient violet et même noirâtre, tandis qu’il se
conserve intact dans un air dépouillé de matières organiques. J’ai remarqué, du reste,
qu’un grand nombre de sels d’argent s’altèrent ainsi dans le vide pneumatique, par suite des
émanations des corps gras employés; le bromate, le chlorate, l’azotate lui-mème sont dans
ce cas.
H 6
NOUVELLES RECHERCHES
N° 7.
PRÉPARATION DE L’ANHYDRIDE SULFUREUX EMPLOYÉ POUR LA RÉDUCTION DE L’iODATE ,
DU BROMATE ET DU CHLORATE D’ARGENT.
Le courant d’anhydride sulfureux a été obtenu en attaquant, à l’aide du cuivre, l'acide
sulfurique purifié et dilué de la moitié aux deux cinquièmes de son volume d’eau. Pour
garantir la pureté de l’anhydride sulfureux, j’ai fait passer le courant, d’abord au travers
de l’eau contenue dans un grand flacon laveur, ensuite au travers de deux flacons de Woulf
complètement remplis de pierre-ponce concassée en petits fragments et humectée. La pierre-
ponce humectée, introduite dans les flacons , avait été calcinée à deux reprises avec de l’acide
sulfurique, pour la dépouiller des chlorures et fluorures qu’elle contient souvent.
Le courant d’anhydride sulfureux, avant de pénétrer dans l’appareil contenant liodate
ou le bromate, traversait un tube en T, engagé à l’aide d’un bouchon dans une des tubu¬
lures d’un flacon de Woulf, contenant de l’acide sulfurique; l’autre tubulure était surmontée
d’un tube terminé par un robinet, comme l’indique la figure de l’appareil destiné à la réduc¬
tion du bromate d’argent, par un courant d’anhydride sulfureux.
A l’aide de cette disposition, on peut régler le courant comme on le désire; on peut
même ne laisser entrer dans l’appareil à réduction que le volume d’anhydride sulfureux
capable d’être absorbé ou utilisé pour la réduction de l’iodale ou du bromate.
Le même appareil a servi pour toutes les réductions du bromate et du chlorate d’argent
dont il est question dans ce Mémoire. Les grandes quantités d’acide sulfureux titré que j'ai
employées pour l’analyse de l’iodate, du bromate et du chlorate d’argent, et pour la syn¬
thèse de l’iodure et du bromure de ce même métal, ont été préparées à l’aide du même
appareil.
N° 8.
SUR LA PRÉPARATION DE L’ACIDE IODIQUE.
J’ai préparé l’acide iodique par l’action de l'iode pur sur l’acide azotique normal. A cet
effet, j’ai opéré à la fois sur quatre litres d’acide azotique pur, auquel j’ai ajouté le dixième
de son poids d’iode. On a beaucoup exagéré le rendement de l’acide iodique par cette mé¬
thode. Le poids de l’acide pur produit ne représente pas le quart du poids de l'iode em¬
ployé. Pour éliminer avec certitude l’acide azotique que l’acide iodique retient toujours ,
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
417
j’ai repris, par de l’eau, le résidu solide jaunâtre qu’on obtient en évaporant jusqu à sic-
cité le liquide provenant de l’attaque de l’iode par 1 acide azotique fumant. La solution de
cet acide brut, introduite dans un vase de verre inattaquable aux acides, a été é\apoiée
jusqu’à siccifé; le résidu blanc a été chauffé jusqu’à 200° maintenu à cette tempéiatuic
pour le ramener à l’état d’anhydride iodique et en séparer, avec l’eau , la dernière trace
d’acide azotique contenu.
Comme l’attaque de l’iode par l’acide azotique a été accomplie dans une grande cornue
de verre ordinaire, l’acide iodique obtenu contenait des traces d iodate de sodium et de cal¬
cium, que je ne suis pas parvenu à en éloigner.
J’avais espéré faire servir l’anhydride iodique à la détermination du poids atomique de
l’iode : dans ce but, j’ai préparé au delà de deux kilogrammes d’acide iodique cristallisé, par
l’action de l’acide sulfurique dilué et bouillant sur l’iodate de baryum ; mais quels qu’aient
été les soins que j’ai pris, il m’a été impossible d’obtenir ainsi soit de l’acide iodique, soit
de l’anhydride iodique privé de baryum, dont la majeure partie existait à l’état de sulfate.
D’après les efforts que j’ai faits pour éliminer le baryum , je crois pouvoir affirmer que, par
cette méthode, il est tout à fait impossible de se procurer de l’acide iodique pur.
N° 9.
SUR LE DITHIONATE DE BARYUM ET L’ACIDE DITHIONIQUE.
Le dithionate de baryum a été produit par l’action du monosulfure de baryum sur le mé¬
lange de sulfate et de dithionate de manganèse , que 1 on obtient en faisant î éagii un coui ant
d’anhydride sulfureux sur du bioxyde de manganèse suspendu dans de l’eau maintenue
à 0°. Le bioxyde de manganèse avait préalablement été traité à 1 acide sulfurique dilué et
bouillant. La solution de dithionate de baryum, séparée du sulfate de baryum et du sulfure
de manganèse, a été évaporée jusqu’à siccile. La masse saline a été reprise pai de 1 eau
froide; le sel obtenu par l’évaporation de cette solution filtrée a été soumis à trois cristal¬
lisations successives. Le dithionate produit ainsi, décomposé par 1 acide sulfurique dilué,
fournit une solution d’acide dilhionique qui, immédiatement après sa préparation, dissout
intégralement le carbonate et l’oxyde d’argent, en se transformant en une solution de dithio¬
nate d’argent absolument incolore et neutre. Si l’on abandonne , au contraire , la solution
d’acide dithionique à elle-même, au bout de quelques jours il s’y développe de l’acide sul¬
fureux, surtout si la lumière intervient. Cet acide, en effet, ne possède point la stabilité
qu’on lui attribue généralement. L’acide dithionique altéré ainsi, en dissolvant 1 oxyde ou le
carbonate d’argent, produit un liquide incolore d’abord, mais qui ne tarde pas à jaunir, à
418
NOUVELLES RECHERCHES, etc.
passer ensuite au brun, au noir; il dépose enfin du sulfure d’argent. L’acide dilhionique
altéré agit donc comme le font les acides tri, tétra et pentathionique L
N° 10.
SLR LE SULFATE ET LE BROMATE D ARGENT.
Le sulfate d’argent, destiné à la préparation du bromale d’argent, doit être absolument
neutre au tournesol. S’il renferme la moindre trace d’acide, le bromate d’argent produit
contient du bromure de ce métal. On constate aisément le fait en dissolvant ce sel dans de
l’eau bouillante; dans ce cas, la solution n’est point limpide, et de plus elle devient vio¬
lette ou pourprée sous l’influence de la lumière. Pour parvenir à me procurer du bromate
d’argent susceptible de se dissoudre dans l’eau sans que sa solution devienne violette à la
lumière, j’ai été obligé de préparer le sulfate d’argent par double décomposition. A cet effet ,
j’ai versé petit à petit une solution d’azotate d’argent fondu dans un excès de solution bouil¬
lante de sulfate bi-polassique pur. Le précipité cristallin , lavé d’abord convenablement à
l’eau froide, a été mis, à trois reprises différentes, à bouillir avec de l’eau pure. Une solu¬
tion bouillante de ce sulfate peut être ajoutée à une solution également bouillante de bromate
de potassium, sans que le mélange se trouble ou se colore sous l’influence de la lumière.
Le bromate d’argent qui s’en dépose par le refroidissement est inaltérable à la lumière
seule, et, dissous dans l’eau bouillante, il produit un liquide incolore qu'on peut maintenir
incolore en le laissant bouillir à la radiation solaire directe. Dans l’air renfermant des ma¬
tières organiques en suspension , ou dans le vide pneumatique où il se répand des pro¬
duits émanés des corps gras employés pour lubréfier les pistons, le bromate d’argent le
plus pur devient rapidement violet ou pourpré.
L’eau qui m’a servi à dissoudre le bromate d’argent a été distillée deux fois sur du man-
ganate de potassium, pour la dépouiller absolument de matières organiques. Cette précau¬
tion est tout à fait indispensable.
1 Depuis l’exécution de ces travaux et la rédaction de cette note , j’ai reconnu l’altérabilité de l’acide sulfureux.
Je crois donc que les phénomènes produits par l’acide dilhionique altéré sont dus aux modifications qu’éprouve
l’acide sulfureux qui prend naissance lors de la décomposition spontanée de l’acide dilhionique.
DEUXIÈME MÉMOIRE.
RECHERCHES NOUVELLES SUR LES POIDS ATOMIQUES DE L’ARGENT, DE L'IODE, DU
BROME ET DU CHLORE, FAITES DANS LE BUT DE CONSTATER SI LE POIDS ATOMIQUE
DE L’ARGENT, DÉTERMINÉ A L’AIDE DE CES TROIS CORPS, EST LE MÊME ET SI CES
POIDS ATOMIQUES SONT CONFORMES A L’HYPOTHÈSE DE PROUT.
PRÉLIMINAIRES.
Le titre de ce travail indique suffisamment le but que je me suis proposé
en l’entreprenant. Dans mes Recherches sur les rapports réciproques des
pouls atomiques, j’ai donné déjà de nouvelles synthèses du chlorure d’ar¬
gent; pour résoudre le problème complexe que je me suis posé, il me restait
à refaire :
1° De nouvelles synthèses de l’iodure d’argent ;
2° De nouvelles synthèses du bromure d’argent ;
3° De nouvelles analyses de l’iodate d’argent ;
i° De nouvelles analyses du bromate d’argent ;
3° De nouvelles analyses du chlorate d’argent.
Ce Mémoire contient l’exposé de ces différentes recherches, réparti dans
une série de notices séparées. Ces notices sont précédées d’un aperçu sur les
systèmes de synthèse et d’analyse employés actuellement par les chimistes, et
d’un exposé des motifs des changements que j’ai cru nécessaire d’apporter à ces
systèmes, afin de donner aux résultats une plus grande garantie d’exactitùde.
120
NOUVELLES RECHERCHES
I. — Des systèmes employés pour faire des synthèses et des analyses.
Les synthèses et les analyses que j’ai fait connaître dans le travail publié
en 1860 ont provoqué cette question : « Qui pourrait nier que les différences
de M. Stas ne sont pas dans les limites des erreurs d’observation i? » J'avoue
que j’ai dû nécessairement être d’un avis contraire, sans cela je ne me serais
pas cru autorisé à tirer de ces travaux les conclusions contre lesquelles se
récrie M. Moi gno. Cependant, après avoir fait de celte critique l’objet de mes
réflexions, je me suis demandé si, en principe, le système d’analyse et de
synthèse employé par tous les chimistes présente les garanties que l’on est
en droit d’exiger des recherches dont on veut déduire des conséquences im¬
portantes.
On le sait, les synthèses et les analyses se font aujourd’hui par différence.
Cette méthode présuppose, pour la synthèse, que le poids de l’élément em¬
ployé se trouve intégralement dans le composé dans lequel on l’engage; elle
exige, de plus, que l’on admette que le composé produit, et qu’on pèse, ne
renferme absolument que le corps simple ou complexe que l’on a combiné
au premier2. Celte méthode présuppose de même, pour l’analyse, que la dif¬
férence représente absolument le poids de l’autre élément simple ou complexe
combiné. Dans ce système, l’opération de synthèse ou d’analyse ne renferme
point en elle-même le moyen de bien préciser l’erreur qu’elle comporte; elle
ne permet de se faire une idée de l’exactitude du résultat, que par la répéti¬
tion un grand nombre de fois faite de la même opération, exécutée dans des
1 Cosmos, t. XVII, p. G53.
2 En examinant les données que possède la science, on est bientôt convaincu que le système
de synthèse par différence, appliqué par les chimistes les plus habiles, a produit des résultats
affectés d’erreurs dues à l’une ou à l’autre de ces causes.
Ainsi Berzelius n’a jamais obtenu de 1006r,000 d’argent au delà de 152sr,790 de chlorure de
ce métal, tandis qu’il est certain qu’il aurait dû en avoir 132Er,850; il a donc perdu du métal.
Gay-Lussac et Rose, dont personne ne s’aviserait de mettre en doute l’extrême habileté analy¬
tique, ont obtenu, le premier, 152er,890, et, le second, !556r,0Ii de chlorure d’argent, quan¬
tités incontestablementsupérieures à celles que I008r,000 d’argent peuvent produire. Le chlorure
formé contenait indubitablement de l’azotate; preuve que le système de synthèse renferme des
causes d’erreurs auxquelles les plus exercés ne sont pas certains de sc soustraire.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
121
conditions qui , on doit bien le reconnaître , ne peuvent varier que dans une
limite très-étroite. Cette méthode exclut, en outre, la possibilité de faire la
part de l’erreur constante qui affecte plus ou moins chaque mode d’opéra¬
tion comme chaque observation. Ce système présente enfin un autre incon¬
vénient : il ne peut donner, par l’opération même, aucune notion sur la
pureté de la matière ou des matières mises en expérience.
Ces considérations m’ont déterminé à chercher un système dans lequel
ces incertitudes sont éliminées. 11 consiste à fixer, par 1 expérience même, le
poids de chaque élément séparé et le poids des éléments réunis : ainsi, pour
une synthèse de deux corps A et B , j’ai déterminé le poids de A et le poids
de B, et après leur union j’ai pesé AB produit.
Dans l’analyse d’un corps ABC, lorsque j’ai voulu connaître le rapport
de AB à C, j’ai cherché à déterminer séparément le poids de ABC, le poids
de AB et le poids de C qui en dérivent. 11 est bien évident qu’on peut me¬
surer exactement la limite d’erreur que comportent les synthèses et les ana¬
lyses faites dans ces conditions.
La mise en pratique de ce système de synthèse , que j’appellerai synthèse
complète , présuppose indubitablement la connaissance préalable des rapports
en poids approximatifs dans lesquels se combinent les deux corps dont on
veut déterminer rigoureusement le rapport proportionnel. Cette connaissance,
on peut l’acquérir par la synthèse par différence , ou bien par la synthèse
par somme. En effet, on conçoit qu’il doit exister trois moyens d’arriver à la
composition d’un corps par la voie de la synthèse. Le premier, la synthèse
par différence, dans laquelle on pèse l’un des éléments et le composé produit,
le poids de l’autre se déduisant par différence; le deuxième, la synthèse par
somme, dans laquelle on pèse les éléments séparés du composé sans peser le
composé produit, et le troisième, la synthèse complète, dans laquelle on pèse
les éléments séparés et, comme contrôle, le composé qui résulte de leur com¬
binaison.
J’ai eu recours à ces trois moyens pour les nouvelles synthèses de l’iodure et
du bromure d’argent, que j’ai tentées dans le but d’en déduire le rapport pro¬
portionnel entre l’iode et l’argent, et le brome et l’argent. Je vais exposer main¬
tenant comment je m’y suis pris pour exécuter matériellement les opérations.
Tome XXXV. ' 16
122
NOUVELLES RECHERCHES
H. — Nouvelle synthèse de l’iodure d’argent.
1° Synthèse par différence de l’iodure d’argent.
J’ai fait deux synthèses par différence de l’iodure d’argent. La première a
été exécutée à une époque déjà loin de nous (1843), en même temps que la
synthèse du chlorure d’argent n° IV, décrite dans mes Recherches sur les
rapports réciproques des poids atomiques , et avec une partie du même
argent. Le métal employé provenait de la décomposition de l’acétate d’argent
cristallisé un grand nombre de fois.
La deuxième a été faite en 1861.
1° Pour la première, j’ai dissous l’argent dans l’acide azotique dilué et
pur, en employant, à cet effet, un appareil analogue à celui que je vais
décrire et figurer plus loin.
J’ai ajouté ensuite, dans le vase contenant la solution d’argent, un litre
d’eau distillée, et j’ai élevé près de l’ébullition tout le liquide, pour en élimi¬
ner les composés azotés dissous. Après le refroidissement du liquide, je l’ai
précipité par de l’acide iodhydrique dilué et en très-léger excès, que j’avais
produit par le moyen suivant : j’indique ce moyen uniquement pour exposer
ce que j’ai fait et non pas pour en conseiller l’emploi, car il renferme un
détour inutile, comme il est facile de s’en convaincre.
De l’iodure de potassium, provenant de la calcination de l’iodate de potas¬
sium, de la cinquième cristallisation, a été précipité par l’azotate d’argent,
en prenant la précaution de laisser un excès d’iodure alcalin non décomposé.
L’iodure d’argent produit a été décomposé par l’acide sulfhvdrique préparé
à l’aide du sulfure de fer fondu et de l’acide sulfurique dilué. La solution
d’acide iodhydrique, après avoir été agitée avec un peu d’iodure d’argent
pour éliminer l’excès d’acide sulfhydrique , a été distillée dans un courant
d’hydrogène. A cette occasion , j’ai remarqué que la solution aqueuse d’acide
iodhydrique ne peut être distillée, même dans un courant d’hydrogène, qu’en
tant qu’on abrite complètement les vapeurs de l’atteinte d’une chaleur supé¬
rieure à celle du point d’ébullition du liquide. J’ai fait, du reste, la même
remarque pour l’acide bromhydrique qu’on distillé.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
123
Après avoir précipité la solution très-diluéc d’azotate d argent par 1 acide
iodhydrique , j’ai vivement agité le tout pour produire 1 éclaircissement du
liquide, et j’ai procédé par décantation au lavage de liodure déposé. Comme
j’ai opéré à froid, ce lavage a été d’une lenteur désespérante, parce que
l’iodure d’argent s’est désagrégé lorsque la majeure partie du liquide acide a
été séparée; il a produit alors un liquide laiteux qui ne s est éclairci que pai
un repos longtemps prolongé ; aussi , le lavage a-t-il duré deux mois.
Toutes les eaux de décantation, qui s’étaient légèrement colorées en jauni
par de l’iode dissous, ont été réunies; elles mesuraient près de cinq litres.
Après un repos convenable, ces eaux ont été évaporées dans un \ase de poi-
celaine et ont laissé un résidu du poids de Ce résidu a été traité
par de l’acide azotique, dans lequel la majeure partie s’est dissoute; la solu¬
tion produite a fourni 0er,0315 d’iodure d’argent, par la précipitation opéiéc
à l’aide d’une solution très-diluée d’un iodure alcalin.
L’iodure d’argent a été séché et pesé dans le ballon même où il avait été
produit. 11 était d’un jaune pâle, sale. J’ai constaté, à celte occasion, que ce
corps, une fois bien desséché à une température de 120° à 150°, ne perd
plus rien de son poids jusqu’à sa fusion , qui peut également s effectuei sans
perle de poids, si on évite d’établir un courant dair dans le vase.
2° L’argent employé pour la deuxième opération est le môme que celui qui
a servi pour la plupart des synthèses de l iodure et du bromure d argent dont
il me reste à parler. Il provenait de la réduction du chlorure pur par le sucie
de lait et l’hydrate de potassium purs et avait été affiné au gaz tonnant. Il
était absolument pur : dans la notice consacrée à la recherche de la constance
de composition des combinaisons stables, je me suis suffisamment expliqué
sur les moyens que j’ai employés pour m’assurer de la pureté de cet argent.
Pour le transformer en iodure , je l’ai d’abord dissous dans 1 acide azo¬
tique dilué; j’ai ramené l’azotate à l’état de sulfate, et la solution de ce sulfate
dans l’eau fortement acidulée par l’acide sulfurique pur a été précipitée pai
l’acide iodhydrique obtenu à l’aide de l’iode dissous dans une solution faible
d’acide sulfureux. Cet iode a été préparé par la décomposition de la diwda-
mine pure. Dans l’exposé de la synthèse complète de 1 iodure d argent, je tais
connaître les motifs qui m’ont déterminé à recourir à la décomposition de
la diiodamine pour me procurer de l’iode dépouillé de chlore et de brome ,
124
NOUVELLES RECHERCHES
et je donne lous les détails nécessaires au sujet de la préparation de cet iode.
Je me borne à indiquer ici les dispositions prises pour dissoudre l'argent
dans l’acide azotique et pour transformer l’azotate en sulfate, sans perdre,
dans ces opérations, une trace de l’argent pesé. J’ai été obligé de recourir à
la transformation de l 'azotate d’argent en sulfate , parce que l’existence de
l’acide iodhydrique et de l’acide sulfureux, que j’avais besoin de faire inter¬
venir, est incompatible avec l’existence de l’acide azotique, même très-dilué;
il se produit du bioxyde azotique, qui fait éclater les vases fermés dans
lesquels on essaie de maintenir le mélange en contact.
Fig. S.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
125
L’appareil qui a servi à la dissolution de l’argent est le même que celui
dont j’ai donné la description dans mon travail de 1860, à 1 occasion de la
synthèse du chlorure et de l’azotate d’argent. J’en donne ici le dessin pour
me conformer au désir qui m’en a été exprimé.
Il se compose d’un ballon ou d’un malras en verre dur, inattaquable aux
acides, de capacité en rapport avec la quantité de métal à dissoudre. Un
flacon à fond percé, de même verre, et soigneusement usé à l’émeri, est
adapté au goulot du ballon. L’ouverture étroite de ce flacon reçoit un tube a
boules, qui y est également usé et la ferme hermétiquement. Les trois houles
du milieu contiennent une quantité d’eau convenable; elles sont disposées dans
une position très-légèrement inclinée, afin que le liquide exerce la plus faible
pression possible sur les gaz qui doivent le traverser. La branche verticale
du tube plonge dans un petit matras en verre inattaquable et contenant un
volume d’eau moindre que celui que peut renfermer la grosse boule soufflée
dans la partie supérieure de ce tube vertical.
Chaque partie de ce système d’appareil est pesée à part : de cette manière
on s’assure du changement qui pourrait être survenu dans le poids de l’une
d’elles pendant l’opération. Du reste, j’ai constaté à plusieurs reprises que
tous les vases en verre dur, une fois qu’ils ont été traités assez longtemps a
l’eau régale, pour dissoudre les matières étrangères susceptibles d’èlre atta¬
quées par les acides, ne cèdent absolument plus rien de leur poids sous 1 in¬
fluence de l’acide azotique ou de l’acide sulfurique bouillants. Comme je 1 ai
dit dans mes Recherches sur les rapports réciproques des poids atomiques,
la légère altération que présentent à la longue les vases, provient unique¬
ment de l’usure inévitable due à la pression qu’on exerce pour adapter her¬
métiquement les parties les unes sur les autres, ou pour les séparer les unes
des autres après l’opération.
Pour effectuer la dissolution de l’argent dans l’acide azotique, je place le
ballon dans une position presque horizontale, ou tout au plus a 45°, dans un
bain d’air dont la température est élevée de 50 à 60° au plus, comme le
montre la figure 8.
426
NOUVELLES RECHERCHES
Fig. 9.
Le bain d’air chaud est produit par la combustion du gaz éclairant dans
un excès d’air; un simple fourneau à couronne, alimenté au gaz, sert de foyer.
Ce fourneau est surmonté d’un tronçon de cylindre de diamètre égal au sien.
A une distance d’une dizaine de centimètres au-dessus des flammes du gaz,
se trouve une série de toiles métalliques circulaires, à fil de fer épais, espacées
de centimètre à centimètre. Ces toiles métalliques ont le diamètre du cylindre:
elles reposent sur des tringles de fer passant par des ouvertures pratiquées
dans les côtés opposés du cylindre. Les produits de la combustion du gaz
sont obligés de traverser les toiles, et la température du mélange gazeux est
ainsi nécessairement égalisée.
o
Le ballon est déposé sur une rondelle de tôle de fer, reposant elle-même sui¬
des tringles de fer qui passent au travers des ouvertures opposées pratiquées
dans le tronçon du cylindre. Celte rondelle présente un diamètre de deux cenli-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
127
mètres de moins que celui du tronçon de cylindre; de celte manière les gaz
chauds, qui traversent les toiles métalliques, passent entre la rondelle et le
cylindre.
Le col du ballon passe par une échancrure qui est pratiquée sur le côté du
cylindre, depuis le haut jusqu’au tiers supérieur environ. Afin de soustraire
cette partie du col du ballon au courant d’air, une pièce de tôle supplémen¬
taire, un peu plus large que le diamètre de l’échancrure, est fixée sur la
rondelle à l’endroit correspondant à celte échancrure.
Le tronçon de cylindre est fermé à l aide d’un couvercle mobile de tôle ,
percé au centre d’une ouverture de cinq centimètres de diamètre, destinée au
dégagement des gaz; je ferme cette ouverture plus ou moins, à l’aide d’obtura¬
teurs de tôles, suivant que je désire un courant gazeux plus ou moins énergique.
Pour régler la température à laquelle peut atteindre le liquide contenu
dans le ballon renfermé dans cette espèce d'étuve , j’introduis un thermo¬
mètre à mercure dans l’étuve même. A cet effet, j’ai fait pratiquer une
petite ouverture sur le côté du cylindre, un peu au-dessous de la partie par
laquelle passent les tringles soutenant la rondelle destinée à recevoir le ballon ;
de cette manière , la boule du thermomètre touche presque la partie du ballon
qui passe au travers de l’ouverture percée dans la rondelle.
Lorsque la pression du gaz reste constante, ce qu’il est facile de réaliser
à l’aide d’un régulateur, on peut obtenir ainsi un bain d’air à température
presque indéfiniment la même. C’est dans l'appareil dont je viens de donner
la description , qu'ont été exécutées toutes les synthèses du chlorure et de
l’azotate d’argent et de l'azotate de plomb que j’ai fait connaître dans mon
travail publié en '1860, et toutes les synthèses d’iodure et de bromure d’ar¬
gent qui me restent èt décrire.
Avant de placer le ballon dans l’étuve, j’y introduis la quantité d’acide
azotique dilué nécessaire pour dissoudre tout l’argent. Cet acide est préparé à
l’aide de l’acide azotique au maximum de concentration et de l’eau pure; car
ce n’est qu’à l’état de maximum de concentration qu’on parvient à avoir l’acide
pur. Je le dilue d’eau de manière à dissoudre lentement l’argent vers la tempé¬
rature de 50 à 60°. L’acide de 1,21 à 1,25 au plus réalise cette condition.
Lorsque tout l’argent est dissous, je retourne sur lui-même le tube à
128
NOUVELLES RECHERCHES
boules, je fais tomber dans le ballon tout le liquide contenu dans les
boules, et je me sers de 1 eau du malras, qui esl devenue acide, pour laver
les boules; cette eau de lavage est également introduite dans le ballon.
Le lavage opéré, j’incline le col assez fortement pour que les vapeurs qui
se condensent ne puissent plus retourner dans le ballon; en même temps,
j’engage le col dans un récipient, et je procède à l’évaporation lente du
liquide, en plaçant tout l’appareil dans une cage de verre comme le montre
la figure 10; j’ai soin de maintenir constamment le liquide au-dessous de son
point d’ébullition, afin d’éviter autant (|ue possible l’entraînement de l’argent.
Fig. 10.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
129
Je décompose l’azotate produit, à l’aide d’une quantité convenable d’acide
sulfurique concentré et pur; j’ai dit dans mon précédent travail comment je
me procure celui-ci. Celte décomposition est également effectuée à une tem¬
pérature inférieure au point d’ébullition de l’acide azotique. Comme l’acide
sulfurique employé en excès retient de l’acide azotique ou des composés azotés,
j’ajoute au sulfate d’argent produit une nouvelle quantité d’acide sulfurique
renfermant dix pour cent de sulfate d’ammonium pur, et je chauffe le tout à
une température supérieure à celle qui est nécessaire pour la destruction des
composés azotés par le sulfate d’ammonium. Cette action s’accomplit sans la
moindre perte de sulfate d’argent.
L’eau acide, provenant de l’évaporation de la solution d’azotate d’argent,
est ajoutée à l’acide azotique résultant de la décomposition subséquente de cet
azotate, et le tout est évaporé une seconde fois dans une capsule de porcelaine.
Les quelques milligrammes de résidu d’azotate d’argent qui en proviennent
sont chauffés avec de l’acide sulfurique , pour, les transformer en sulfate d’ar¬
gent. Ce sulfate, repris par de l’eau, est ajouté à la masse de sel contenu
dans le ballon.
Je dissous enfin le sulfate acide d’argent dans une quantité suffisante
d’eau bouillante acidulée par dix pour cent d’acide sulfurique, et j’abandonne
le tout au refroidissement complet.
Je précipite l’argent à l’aide de l’acide iodhydrique titré, obtenu en versant
à Yinslanl même de Yacide sulfureux très-dilué sur un poids connu d’iode
suspendu dans de l’eau glacée. Si l’on a soin d’opérer avec de l’acide sulfu¬
reux dilué, de maintenir la température très-basse /de prendre de l’acide
sulfureux tout récemment préparé et de ne pas en exagérer la quantité, le
produit de la réaction de l’iode se compose uniquement d’acide iodhydrique
et d’acide sulfurique. Si, au contraire, la température s’élève, ou si l’on prend
de l’acide sulfureux en partie altéré, ou si l’on augmente au delà du néces¬
saire la dose d’acide sulfureux ; dans ces cas , l’acide iodhydrique produit
peut être réduit avec dépôt de soufre et d’iode et formation d’un acide poly-
thionique, qui a la propriété de transformer les sels solubles d’argent en
sulfure de ce métal.
Lorsque j’ai introduit une quantité d’acide iodhydrique suffisante pour la
Tome XXXV. 17
130
NOUVELLES RECHERCHES
précipitation totale de l’argent, je fais agiter pendant une heure au moins le
liquide , afin de décomposer le sulfate d’argent qui a été entraîné avec liodure
de ce métal. Quoique le liquide ne s’éclaircisse pas complètement par l’agita¬
tion, il se dépouille cependant suffisamment pour qu’on puisse s’assurer,
à l’aide de l’addition de l’acide iodhydrique, s’il y a encore de l’argent en
solution. Dans le cas contraire, je place le ballon au bain-marie, et j’élève la
température jusqu’à l’éclaircissement du liquide qui, dans l’expérience que je
décris, s’est effectué vers 60°.
Le dépôt de l’iodure étant accompli, j’ai décanté, dans lin vase à précipité
de cinq litres de capacité, le liquide acide et chaud, répandant sensiblement
l’odeur de l’anhydride sulfureux, et je l’ai remplacé par une quantité conve¬
nable d’eau pure, chauffée à la même température de 60°. J’ai remis le ballon
au bain-marie en lui imprimant, pendant une demi-heure, un mouvement
de rotation pour opérer le mélange intime de l’eau et de l iodure, et je l’y ai
laissé en maintenant constamment sa température entre 60 et 70°, jusqu’à
ce que tout l’iodure fût encore déposé. J’ai décanté alors l’eau de lavage en
la joignant à la première; et l’on a continué de cette manière le lavage par dé¬
cantation à chaud, tant que j’ai pu découvrir, dans l’eau de lavage évaporée,
la moindre trace d’acide. Le lavage a duré cinquante heures environ, et, pen¬
dant tout ce temps, le bain d’eau renfermant le ballon a été porté à une tem¬
pérature croissante, mais inférieure à 90°, ce que fai reconnu absolument
indispensable pour me mettre à l'abri du dèlayement de l’iodure d’argent
et de la formation de liquide laiteux.
Quoique j’eusse pris la précaution d’opérer chaque lavage avec la plus
petite quantité d’eau possible, le volume total de toutes les eaux a atteint
néanmoins quatre mille neuf cent dix-sept centimètres cubes.
Le vase à précipité, contenant les eaux, a été couvert d’un plan de verre
et abandonné à lui-même, dans une chambre obscure, jusqu’à dépôt com-
■HS
plet des traces d’iodure entraîné par les eaux de lavage, ce qui ne s’est pro¬
duit qu’après neuf jours. Lorsque j’ai jugé ce fait suffisamment accompli,
j’ai, par surcroit de précaution, fait passer le liquide limpide par un double
petit libre de papier, et j’ai reçu le liquide filtré dans un grand flacon bien
propre.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
131
Le peu d’iodure d’argent provenant du repos des eaux de décantation a
été lavé également à chaud et par décantation, et tous les liquides qui en sont
provenus ont été pareillement filtrés.
J’ai replacé le ballon contenant l’iodure dans un bain d’eau dont j’ai
élevé la température jusqu’à 100°, pour déterminer une contraction aussi
forte que possible de l’iodure d’argent; après avoir agité convenablement
l’iodure avec l’eau, j’ai versé la bouillie dans un appareil dont je donne
ici le dessin.
Il est confectionné en verre dur, réfractaire. Sa partie infé¬
rieure contient une bourre de fils fins de platine, récemment
rougie. Cette bourre sert de support à 1 iodure. L eau qui passe
d’abord n’est point limpide ; elle est reçue dans un vase à pré¬
cipité, qui est pesé en même temps que l’appareil lui-même.
J’opère le lavage du ballon à l’aide du liquide limpide pro¬
venant de l’iodure lui-même. Enfin, je fais passer toute l’eau
écoulée au travers du petit filtre double de papier qui a servi
pour les eaux de décantation.
Pour m’assurer qu’il n’est point resté d’iodure adhérent au
ballon et au grand vase à précipité dans lequel le dépôt des
eaux de décantation a eu lieu, j’introduis une solution très-
faible de cyanure d’ammonium obtenu à l’aide de l’acide cyanhydrique pur
et dilué , auquel j’ajoute quelques gouttes d’ammoniaque concentrée. Ce liquide
dissout, comme on le sait, avec une rapidité étonnante, les iodure, bromure
et chlorure d’argent, même fondus.
Je verse ensuite les liquides ayant servi à ce lavage sur le filtre, au travers
duquel j’ai fait passer toutes les eaux de décantation, et je les reçois dans
de l’eau acidulée par de l’acide sulfurique pur. L’eau est devenue très-légè¬
rement nuageuse, mais elle n’a point déposé une quantité pondérable d ioduie
d’argent, même après avoir été tenue longtemps à 100°.
L’appareil à boule contenant l’iodure humide, et le vase a précipité ont
été portés dans des étuves séparées et chauffées vers 100°. L étuve dans
laquelle j’ai placé l’appareil à boule, pour la dessiccation de l’iodure, a été
également employée pour la dessiccation du bromure et du chlorure d’argent
Fig. II.
432
NOUVELLES RECHERCHES
dont il est question dans ces Mémoires; comme elle a parfaitement rempli le
but, j’ai cru convenable d’en figurer ici une coupe, et de la décrire.
Vuj. 12.
Elle se compose d’une grande caisse ou parallélipipède de tôle, ouverte par
le haut et le bas. Dans l’ouverture supérieure s’engage, jusqu’à une profon¬
deur voulue, un deuxième parallélipipède de tôle, de dimensions et de forme
appropriées à celles de l’objet qu’il est destiné à recevoir. Cette petite caisse
est fermée du bas par une tôle ou par une toile métallique, et ouverte du haut ;
cette ouverture se ferme à l’aide d’un couvercle de métal , dans lequel se fixe
un thermomètre.
L’intérieur de la grande caisse renferme cinq becs de Bunsen, munis
chacun d’un robinet et adaptés sur un tube de cuivre. Au-dessus, et à une
distance de dix centimètres des becs, est placée une plaque épaisse de tôle,
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
133
de la longueur du tube de cuivre et large des deux tiers de la largeur de la
caisse. Suivant la température que j’ai à développer dans la caisse supérieure,
j’allume un nombre suffisant de becs et j’élève à une hauteur convenable les
becs avec la plaque de tôle qui reçoit et transmet la chaleur.
La caisse supérieure, contenant l’appareil à boule dans la position qu’in¬
dique la figure ', est chauffée à 100° environ et maintenue à ce degré tant
que l’iodure dégage de la vapeur d’eau, ou plutôt jusqu’à ce que le poids de
l’appareil soit devenu constant.
Pendant sa dessiccation, l’iodure, si fortement divisé par la longue agita¬
tion qu’il a subie lors du lavage, éprouve une contraction qui diminue son
volume au moins des deux tiers. Lorsque le poids de l’appareil fut devenu
constant à 100°, j’ai élevé lentement jusqu’à 200° la température de l’en¬
ceinte qui le renferme, et j’y ai laissé d’abord l’appareil pendant six heures et
ensuite pendant douze heures. Finalement, j’ai porté la température du bain
d’air jusqu’au point de fusion de l’iodure d’argent, bien entendu en m’abs¬
tenant d’établir dans l’appareil même le moindre courant, lorsque la tem¬
pérature dépassait sensiblement 100°.
Pendant ce long espace de temps, et malgré la grande variation de tempé¬
rature, le poids de l’appareil à boule, avec l’iodure préalablement séché à
100°, est resté absolument invariable, comme le démontrent les données sui¬
vantes :
grain.
Poids de l’appareil, avec la bourre de fils de platine, et du vase à précipité. '156,122b
Poids des mêmes appareils avec fiodure chauffé à 100° jusqu’à pesée con¬
stante (6 heures de refroidissement) . 250,7970
Poids des mêmes appareils avec fiodure chauffé jusqu’à 200° pendant
6 heures (5 heures de refroidissement) . . 250,7900 .
Poids des mêmes appareils avec fiodure chauffé à 200° pendant 12 heures
(6 heures de refroidissement) . . 250,7960
Poids des mêmes appareils avec fiodure chauffé à son point de fusion
(après 4 heures de refroidissement) . 250,7950
Les mêmes appareils le lendemain . 250,7955
1 Le col et la pointe de l’appareil à boule s’engagent dans des vases pesés , afin d’y condenser
la vapeur d’eau émise par fiodure. J’évapore ensuite cétte eau condensée pour m’assurer si
aucune trace d’iodurc n’a été entraînée.
NOUVELLES RECHERCHES
434
L’iodure d’argent est resté, depuis le moment de sa formation jusqu après
sa pesée , dans l obscurité la plus complète. Sa couleur, à la lumière du jour
était d’un jaune sale très-pâle ; il se dissolvait instantanément dans une solu¬
tion de cyanure d’ammonium, en produisant un liquide limpide et incolore;
il ne renfermait donc aucune trace d’iodure altéré ou d’argent réduit. Il est
inaltérable par l’action de la lumière diffuse, et même par la lumière solaire
directe. Il s altère seulement sous l’ influence combinée delà lumière directe ,
et même diffuse , et d’une solution d’ackle sulfureux, et encore, dans ce der¬
nier cas, sa réduction est excessivement lente; lorsque tout l’acide sulfureux
est transformé en acide sulfurique, l’iodure jaune se reproduit , même en
présence de la lumière Fondu, il est coloré en jaune, ou en rouge, ou en
rouge brun très-foncé, suivant la température; il devient en même temps
visqueux. Par le refroidissement, il se prend en une masse cornée d’un jaune
pâle et sale; il attaque le verre, mais beaucoup moins rapidement que le
bromure et surtout que le chlorure d’argent.
Les eaux de lavage de l’iodure qui mesuraient, comme je l’ai dit plus
haut, quatre mille neuf cent dix-sepl centimètres cubes, ont été toutes éva¬
porées aux trois quarts, dans une grande cornue de verre; le restant a été
introduit dans une cornue de platine, chauffée seulement sur les côtés à l’aide
de jets de gaz enflammé, émanés d’une couronne creuse, dont le cercle inté¬
rieur est percé d’ouvertures.
Ce moyen d’évaporation est extraordinairement favorable pour chauffer
exclusivement les vases sur les côtés. Lorsque la majeure partie des liquides
dont se composaient les eaux de lavage était volatilisée, qu’une grande partie
. 1 J'ai observé ces faits en 1 8 G 1 , époque à laquelle la présente notice a été rédigée. Depuis,
j’ai eu, à plusieurs reprises, l'occasion d’en constater l’exactitude. Les photographes admettent
aujourd’hui que l’iodurc d’argent, produit en présence d’un iodure alcalin en excès, est seul
inaltérable a la lumière. D’apres eux, 1 iodure formé en présence d’un excès d’azotate d’argent
s altère sous l’influence de la radiation solaire. L’altérabilité de l’iodurc dans cette circonstance
dépend de 1 entrainement de l’azotate d argent. En effet, l'iodure, le bromure et le chlorure *
d argent, formés au sein d’un excès d’azotate ou de sulfate d’argent, entraînent toujours une
certaine quantité du sel employé. Lorsque, par des lavages suffisamment prolongés, on enlève
le sel d’argent fixé ou entraîné, on obtient un iodure inaltérable par la lumière seule, quel que
soit le mode de production du sel haloïde d’argent.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
13a
du sulfate d’ammonium était également détruite, et qu’il ne restait plus de
cette énorme masse que quelques grammes de liquide acide, j’ai introduit le
résidu, avec les eaux de lavage de la cornue, dans une petite capsule de pla¬
tine pesée que j’ai rougie ensuite avec précaution. Le poids du résidu a été de
(F, 0074; fondu, il avait un aspect brunâtre ferrugineux. L’eau l’a dissous,
pour la majeure partie, en laissant seulement des traces de sesquioxyde de fer,
sans argent ni iodure d’argent. La solution aqueuse acidulée par l’acide sulfu¬
rique, et précipitée ensuite par une solution très-diluée d’un iodure, a fourni
0Br, 0006 d’iodure d’argent.
Voici le résultat des deux expériences que je viens de décrire :
SYNTHÈSES PAR DIFFÉRENCE DE l’iODURE D’ARGENT.
NU5IÉR0S D’ORDRE.
POIDS
de
l’argent dans l’air.
POIDS
de
l’argent dans le vide.
POIDS
de
l’iodure d’argent
dans l’air.
POIDS
de
l’iodure d’argent
dansle vide.
100,000
d’argent produisent
iodure d’argent :
I .
gram.
97,5955 >
gram.
97,5915
gram.
212,2655
gram.
212,2905
217,529
II .
43,5255 2
43,5281
94,6735
94,6984
217,536
Moyenne. . . .
217,5325
1 Les pesées ont été faites à l’aide de poids de laiton.
2 Les pesées ont été faites à l’aide de poids de platine.
2° Synthèse par somme et synthèse complète de l’iodure d’argent.
La synthèse complète de l’iodure d’argent renferme nécessairement la
synthèse par somme. C’est pour ce motif que je réunis dans cet exposé le
détail des deux opérations. En effet, quel que soit le moyen employé pour
exécuter une synthèse par somme, ce n’est évidemment qu’après avoir préa-
136
NOUVELLES RECHERCHES
Iablement opéré la combinaison d’un poids déterminé d iode avec un poids
déterminé d’argent qu’on peut recueillir, sécher et peser l’iodure d’argënl qui
en résulte. J’ai procédé à ces dernières opérations par les moyens que j’ai
employés pour constater le poids de l'iodure d’argent formé par la synthèse
par différence ; j’ai suffisamment fait connaître ces moyens. Pour exposer les
méthodes que j’ai suivies pour faire des synthèses complètes, il suffit donc
que je dise comment je m’y suis pris pour combiner des poids d’iode et d'ar¬
gent, déterminés a priori, et pour me procurer l’iode pur. Je vais commencer
par ce dernier objet.
De l’iode employé dans les synthèses.
Pour effectuer une synthèse complète d’iodure d’argent , j’ai dû néces¬
sairement me procurer d’abord de l’iode pur. Tous les moyens indiqués pour
arriver à ce résultat ne m’ont point paru présenter des garanties suffisantes.
Aucun de ces moyens, en effet, n’exclut Ja possibilité de la présence du chlore
ni de brome. Après avoir mûrement examiné toutes les conditions dans les¬
quelles on peut probablement parvenir à obtenir de l’iode; je n’ai pu en dé¬
couvrir que deux : l’une consiste dans la précipitation, par l’eau, de l’iode
dissous dans une solution d’iodure de potassium; l’autre réside dans la décom¬
position de la diiodamine par la chaleur. En effet, le chlore et le brome,
contenus dans l’iode employé, doivent rester unis soit au potassium, soit
à l’ammonium. Voici comment je me suis procuré de l’iode par les deux
moyens.
a. Iode préparé à l’aide de la précipitation , par l’eau , d’une solution d’iode
dans une solution saturée d’iodure de potassium. — Un kilogramme d’iodure
de potassium, dissous dans un litre d’eau, a été saturé d’iode du commerce.
Il m’a fallu près de quatre kilogrammes d’iode pour réaliser ce résultat. J’ai
ajouté de l’eau à la liqueur brune jusqu’au moment où j’ai vu apparaître un
précipité permanent d’iode. Le lendemain, j’ai décanté le liquide limpide,
et j’ai déterminé sur une fraction combien il me fallait d’eau pour précipiter
d’une partie donnée de cette solution l’iode qu’on peut en éliminer ainsi.
Afin de laisser de l’iode non précipité , je n’ai pris que les trois quarts de
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
437
cette quantité d’eau, et je les ai versés dans le restant de la solution que j’ai
entretenue pendant ce temps dans une agitation continuelle.
L’iode éliminé a été lavé par décantation jusqu’à disparition du potassium
dans les eaux de lavage. Délayé dans de l’eau, il a été introduit ensuite
dans une grande cornue tubulée, et distillé à la vapeur d’eau pure. Cet iode,
après avoir été égoutté, a été exposé sous une cloche contenant de l’azotate de
chaux desséché. L’azotate de chaux a été renouvelé tant qu’il s’est humecté.
Ce sel de chaux a été la seule matière que j’aie pu découvrir pour sécher
l’iode sans lui communiquer des impuretés.
L’iode, desséché aussi bien que possible, a été mêlé de cinq pour cent de
son poids de protoxyde de baryum pur finement pulvérisé et soumis à la
distillation sèche. Il a été reçu dans une cornue tubulée qui servait de réci¬
pient et qui contenait aussi du protoxyde de baryum pur finement pulvérisé;
il a été rectifié une deuxième fois, en condensant sa vapeur dans une cornue
vide. C’est de cette cornue que je l’ai distillé directement dans les vases où
je l’ai pesé, pour le combiner ensuite à l’argent, après l’avoir dissous, comme
je le dirai plus bas. En distillant l’iode sur du protoxyde de baryum, j’avais
un double but : je voulais le priver de l’eau qu’il retient avec une grande
opiniâtreté , ainsi que de l’acide iodliydrique.
b. Iode préparé par la décomposition de la diiodamine suspendue dans
de l’eau. — Je désigne sous le nom de diiodamine le produit fulminant ob¬
tenu par l’action de l’iode sur l’ammoniaque dissoute et froide , et connu
généralement sous le nom d Hodure d’azote.
J’ai préparé une telle quantité de diiodamine, que j’ai été obligé de sacri¬
fier au delà de dix kilogrammes d’iode à celte opération. J’ai employé à cet
effet de l’iode provenant de trois sources différentes : 1° l’iode du commerce;
2° l’iode obtenu en distillant une solution d’iode dans l’iodure de potassium
dissous; 3° l’iode précipité, par l’eau, d’une solution de ce corps dans l’iodure
de potassium. Le résultat final a été le même.
Pour préparer et décomposer ensuite la diiodamine, j’ai pris les disposi¬
tions suivantes :
Je fais réduire en poudre la quantité d’iode sur laquelle je veux opérer,
et qui, presque toujours, a été de cinq cents grammes à la fois. J’ajoute
Tome XXXV. . 18
1 38
NOUVELLES RECHERCHES
de l’ammoniaque pure, la plus concentrée possible, en agitant continuelle¬
ment l’iode, jusqu’à ce que le liquide, d’abord d’un brun très-foncé, soit
devenu à peu près incolore. Je verse ensuite dans un grand entonnoir effilé
une partie de la solution d’iodure d’ammonium formé, tenant la diiodamine
en suspension, et je filtre le restant du liquide décanté au travers de ce
tampon de diiodamine. Je lave par décantation la diiodamine restée dans
le vase, en employant à cet effet une solution concentrée et froide d’am¬
moniaque. Les liquides de lavage, quelque abondants qu’ils soient, sont
incolores tant qu’on se sert d’ammoniaque concentrée, parce que la diioda¬
mine ne s’altère point à la température ordinaire en présence de cette so¬
lution.
Lorsque la matière eut été suffisamment lavée, par décantation, de fiodure
d’ammonium qu’elle contient, je l’ai versée dans l’entonnoir, et j’ai laissé
écouler le plus possible l’ammoniaque. J’arrose ensuite la matière d’eau
froide; de sensiblement noire qu’elle est, elle devient brunâtre, et l’eau de
lavage se colore d’abord en jaune et finalement en brun orangé. Ce liquide,
dans ce cas, renferme de fiodure ioduré d’ammonium. Dans cet état, la
diiodamine, abandonnée à la dessiccation spontanée, détonne ensuite par le
simple contact; mais, délayée dans une grande quantité d’eau avant sa des¬
siccation, elle se décompose spontanément à la longue, ou bien elle peut être
détruite rapidement par une température convenable , sans que sa décom¬
position présente le moindre danger. Cette dernière affirmation étonnera
peut-être les chimistes; mais, d’après mon expérience, on a singulièrement
exagéré les propriétés fulminantes de la diiodamine humide. Ainsi , quoique
j’en aie manié plusieurs kilogrammes , je n’ai jamais eu le moindre accident
avec cette substance humide, en la broyant à la température ordinaire dans
un mortier avec un pilon de verre.
A la température ordinaire, il faut un mois à six semaines pour obtenir
la décomposition spontanée et à peu près complète de deux cent cinquante
grammes de diiodamine sous l’eau, en faisant même intervenir l’influence de
la lumière, qui l’accélère sensiblement. J’ai effectué rapidement celte décom¬
position de la manière suivante :
Je délaie la diiodamine dans dix fois environ son poids d’eau contenue dans
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
159
un ballon suffisamment spacieux. Je fixe celui-ci dans un grand bain d’eau,
placé à Pair libre, sur un fourneau; j’élève lentement la température de l’eau
au degré auquel commence la décomposition rapide de la diiodamine. J’ai
constaté que ce point est compris entre 50 et 60° du thermomètre centigrade.
A 70°, la décomposition est tumultueuse; à 80°, elle est tellement rapide que
la matière risque de sortir du vase si la capacité de celui-ci n’est pas au moins
triple de celle du mélange. La diiodamine humide et intacte détonne violem¬
ment lorsqu’on la projette dans de l’eau bouillante.
Dans toutes les opérations que j’ai exécutées, j’ai fait tous mes efforts pour
maintenir la température entre 60 et 65°; aussi, en me plaçant dans ces
conditions, je n’ai eu aucune explosion : il se produit une tuméfaction de la
masse par suite du dégagement de gaz qui a lieu. Je dis qu’en observant ces
conditions je n’ai pas eu un seul accident; j’en avais eu, au contraire, un
grand nombre, avant d’être parvenu à régulariser ce mouvement de décom¬
position.
Lorsque, vers la température de 60 à 65°, la tuméfaction est entièrement
passée, j’élève la température du bain jusqu’à 100°, pour détruire une petite
quantité de diiodamine qui échappe constamment à la décomposition, et qui
m’a occasionné des accidents avant que j’eusse connaissance de la possibi¬
lité de ce fait.
Les produits de la décomposition de la diiodamine sont complexes : il se
forme, outre le gaz dégagé, de l’iode cristallisé, une solution d’iode dans
l’iodure d’ammonium, et un autre sel d’ammonium, blanc, explosif, excessi¬
vement peu soluble dans l’eau froide, assez soluble dans l’eau bouillante. Je
crois que ce sel blanc est de ïiodale d’ammonium.
Pour séparer l’iode, j’ai versé dans un entonnoir effilé la bouillie prove¬
nant de la décomposition de la diiodamine. J’ai lavé ensuite à l’eau pure l’iode
mêlé au sel blanc. Après le lavage, j’ai délayé le tout dans une nouvelle
quantité d’eau, et j’ai procédé à la volatilisation de l’iode à l’aide de la vapeur
d’eau. Le sel blanc reste dans la cornue avec une partie de l’eau. Ce sel
se décompose à une température peu supérieure à 100°, en produisant une
légère explosion et en donnant d’abondantes vapeurs d’iode et des gaz per¬
manents.
NOUVELLES RECHERCHES
140
L’iode volatilisé à la vapeur est lavé à l’eau, et, après avoir été égoutté
autant que possible, il est séché sous une cloche avec de l’azotate dé chaux
convenablement renouvelé.
Après sa dessiccation, je l’ai distillé deux fois avec du protoxyde de baryum
pur finement pulvérisé, et je l’ai enfin distillé une troisième fois, seul, et
directement dans le vase où il devait être pesé et employé.
En soumettant à une douce ébullition le liquide d’où fiode s’est déposé
lors de la décomposition de la diiodamine, il se dégage encore une petite
quantité d’iode pur. Il reste enfin une solution d’iodure d’ammonium qu’on
peut obtenir tout à fait incolore, en le chauffant convenablement dans un cou¬
rant d’anhydride carbonique sec.
La quantité d’iode obtenue par la décomposition de la diiodamine a été
toujours de beaucoup inférieure à celle qui correspond à sa composition, en
supposant que la chaleur décompose la diiodamine en iodure d’ammonium,
iode et azote.
L’iode, produit ainsi, diffère notablement, par son aspect, de celui du
commerce. Après avoir été fondu dans un tube de verre, il est absolument
noir à l’état liquide et solide; à la température ordinaire, il n’émet aucune
vapeur visible dans l’air. Sa vapeur saturée est d’un bleu intense, depuis le
point de l’ébullition de l’iode jusqu’à la température la plus élevée à laquelle
j’ai pu l’observer dans des tubes de verre réfractaires étroits; tandis que sa
vapeur non saturée est violette ou violacée, ou d’un rouge très- légèrement
violacé.
On admet généralement que le point de fusion de l’iode est 107°, et que
son point d’ébullition est compris entre 175 et 180°. L’iode de la diiodamine
est encore solide à 113°; mais il est liquide à 115°, et ne bout pas encore
à 200°. Du reste, la crainte d’altérer une matière dont la production m’avait
coûté tant de peine m’a empêché de faire des déterminations exactes des
points de fusion et d’ébullition de l’iode.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
141
Des moyens employés pour effectuer la combinaison d’un poids déterminé
d’iode avec un poids déterminé d’argent.
J’ai procédé, à l’aide de deux méthodes différentes, à la combinaison d’un
poids déterminé d’iode avec un poids déterminé d’argent. Je vais exposer
successivement chacune de ces méthodes.
PREMIÈRE I»IÉTfflO»E.
La première consiste à faire réagir directement, au sein d’une atmosphère
d’anhydride carbonique, l’iode pesé sur l’argent transformé en sulfate, ce sel
étant en partie dissous, en partie suspendu dans de l’eau acidulée de dix pour
cent de son poids d’acide sulfurique, et mélangée ensuite d’une quantité conve¬
nable d’acide sulfureux titré.
L’iode se dissout lentement et passe directement à l’état d’iodure d’argent.
J’ai fait deux synthèses par celte méthode : les nos I et II du tableau en
présentent les résultats. J’ai exécuté ces expériences de la manière suivante :
Ayant soufflé au bout d’un tube une houle assez spacieuse, à parois très-
minces, et après en avoir convenablement séché l’atmosphère, j y ai distillé
directement de l’iode. Par un léger choc, j’ai cassé la boule, j’ai détaché le
culot d’iode, et, à l’aide de quelques coups donnés avec un pilon d’agate, je
l’ai divisé en plusieurs fragments. Ces fragments encore chauds ont été intro¬
duits dans un tube de verre bouché par un bout, et muni à l’autre bout d’un
bouchon usé soigneusement à l’émeri; le poids de ce tube plein d’air sec
était déterminé d’avance. Le tube plein d’iode étant refroidi sous une cloche
contenant de l’air desséché par la présence de l’acide sulfurique, je l’ai
débouché un seul instant pour équilibrer la pression interne avec la pression
externe, et je l’ai pesé de nouveau.
D’après le poids de l’iode constaté, que j’ai réduit au vide, j’ai calculé le
poids de l’argent qui lui correspond en prenant, d’après 1 hypothèse de
Prout, 127 pour le poids atomique de l’iode et 108 pour le poids atomique
de l’argent. D’après les synthèses de M. Marignac et les deux synthèses par
différence que j’ai données plus haut, et d’après le résultat obtenu par M. Dumas
sur la transformation d’un poids donné d’iodure d’argent en chlorure de ce
442
NOUVELLES RECHERCHES
métal, la composition de l’iodure d’argent doit pouvoir se représenter par
ces nombres ou du moins par des nombres qui s’en rapprochent de très-près.
Pour opérer la transformation de l’argent en sulfate, je l’ai dissous d’abord
dans l’acide azotique dilué, j’ai évaporé jusqu’à siccité la solution d’azotate
acide, j’ai converti l’azotate sec en sulfate acide, et celui-ci a été chauffé
avec du sulfate acide d’ammonium, afin d’éliminer tous les composés azotés
qui! pourrait retenir. Ces différentes opérations ont été effectuées dans l'ap¬
pareil que j’ai figuré et décrit p. 124 et suivantes, en prenant absolument les
mêmes précautions pour ne pas perdre la moindre trace de l’argent pesé.
L’inspection des résultats obtenus prouvera d’ailleurs les soins infinis que j’ai
pris pour réaliser scrupuleusement toutes les conditions.
J’ajoute ensuite de l’eau bouillante au mélange de sulfate d’argent, d’acide
sulfurique et de sulfate d’ammonium non décomposé, et je chauffe pour
amener le sel à l’état de solution. Je verse la solution dans un grand flacon
bouché à l’émeri, rempli d’anhydride carbonique dégagé du carbonate mono-
sodique par la chaleur seule, je lave soigneusement le ballon à l’eau chaude ,
et je réunis les eaux de lavage au liquide du flacon. La solution argenti¬
fère étant complètement refroidie , ou plutôt ramenée vers 10°, j’y ajoute de
l’acide sulfurique concentré et pur , jusqu’à ce que le liquide soit assez aci¬
dulé pour ne plus précipiter par une solution saturée d’anhydride sulfureux.
Arrivé à ce moment, j’y verse une quantité de solution titrée d’acide sulfu¬
reux capable de réduire à l’état d’acide iodhydrique tout l’iode que j’ai pesé
pour l’expérience. Ce résultat étant atteint, j’introduis avec les précautions
nécessaires 1 iode dans le flacon. Je lave à l’eau faiblement acidulée par de
l’acide sulfureux le tube dans lequel l’iode a été renfermé; cette eau étant
ajoutée au liquide, je fais passer pendant quelque temps un courant d’anhy¬
dride carbonique pour éliminer complètement l’air du flacon, je bouche
celui-ci hermétiquement en ayant soin de fixer solidement le bouchon , je
l’entoure d’une double toile noire, et je le conserve pendant cinq à six jours
dans la chambre obscure, en ayant la précaution d’agiter légèrement de
temps à autre le mélange. L’iode passe lentement à l’état d’acide iodhydrique,
et celui-ci transforme le sulfate d’argent en iodure. Tout l’iode disparait si la
quantité d’acide sulfureux employée a été suffisante.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
143
La transformation accomplie, le liquide est resté trouble malgré l’agitation
qu’il a subie pendant une heure entière.
Avant d’introduire le flacon dans le bain pour produire l’éclaircissement
du liquide, je l’ai débouché afin de m’assurer si son atmosphère était très-
légèrement sulfureuse. Dans le cas contraire, j’ajoutais de nouveau de la
solution d’acide sulfureux , jusqu’à ce que le liquide répandît une odeur à
peine sensible d’anhydride sulfureux.
®EBJXSÈ»SE MÉIUODE.
La deuxième méthode consiste à opérer la conversion d’un poids donné
d’iode en iodure d'ammonium, à l’aide d’une solution titrée de sulfite d’am¬
monium mélangé d’une quantité d’ammoniaque dissoute, égale à celle qui a
été employée pour produire le sulfate neutre d’ammonium lui-même. L’iode
se dissout dans ce liquide avec développement de chaleur, en transformant le
sulfite neutre en sulfate neutre d’ammonium, et en passant lui-même à l’état
d’iodure d’ammonium. Le liquide reste absolument incolore et se conserve
ainsi indéfiniment, tant qu’il reste la moindre trace de sulfite d’ammonium
en excès l.
21 (H*A zf SO5 + H20 + 2 (II3Az) = (HÇ\z)2 SO4 -+- 2 (H4AzI).
Pour me procurer la solution, je commence par saturer vers 0° de l’ammo¬
niaque dissoute, pure, par de l’anhydride sulfureux pur. Je mêle à la solution
de sulfite acide d’ammonium produit un volume de solution d’ammoniaque
triple de celui que j’ai transformé en sel acide. Afin de connaître la quantité
de cette liqueur nécessaire à la transformation de l’iode pesé pour une expé¬
rience, je détermine exactement son titre à l’aide de l’iode lui-même. En l’ab¬
sence de l’oxygène, le sulfite ammoniacal d’ammonium est stable; il n’en est
1 Quoique les sulfites neutre et acide d’ammonium dissolvent également bien l’iode en le
transformant en acide iodhydrique, on ne peut cependant pas se servir de ces deux sels en rem¬
placement du sulfite ammoniacal d’ammonium. En effet, l’acide iodhydrique réduit avec une
énergie très-grande les sulfites d’ammonium. Il faut donc qu'il y ait toujours de l’ammoniaque
à côté du sulfite, pour que de l’acide iodhydrique ne puisse point devenir libre et déterminer
une précipitation de soufre ou la formation du sulfure d’argent.
144
NOUVELLES RECHERCHES
pas de même du sulfite acide : le titre de celui-ci m’a paru s'altérer très-sen¬
siblement sous l’influence de la lumière.
J’ai fait quatre synthèses à l’aide de cette dernière méthode : pour l'une
d’elles, l’iode a été distillé dans un tube dans lequel j’ai fait ensuite le vide;
pour les trois autres, l’iode a été distillé dans un appareil dont je donne le
dessin ci-après.
Pour peser l’iode dans le vide, j’ai pris les dispositions suivantes :
Fiy. 15.
Dans un tube A (fîg. 1), j’ai distillé de l’iode à l’aide de la cornue C.
Lorsque la quantité d’iode jugée nécessaire était condensée dans le tube À, j'ai
eolevé la cornue B, et j’ai porté le tube devant la lampe à gaz, où je l’ai effilé
et courbé de manière à lui donner la forme indiquée à la fig. 2. J’ai fait
passer ensuite de l’air sec au travers du tube, et je l’ai fermé en a , en fon-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
145
dant le verre. A l’aide d'un tube de caoutchouc, la branche ascendante a été
mise en communication avec une pompe pneumatique, et j’ai fait le vide
aussi exactement que possible. Je l’ai fermé en b en fondant le verre. Après
avoir fait un trait avec un diamant près des deux bouts effilés du tube, j’ai
pesé l’appareil avec l’iode qui y était contenu.
J’ai brisé les extrémités des tubes pour laisser pénétrer l’air sec, et j’ai pesé
une deuxième fois le système. Le tube descendant a été plongé dans un
appareil à boule D (fig. 3), renfermant de l’eau, de l’ammoniaque et du
sulfite d’ammonium, et j’ai adapté, à l’aide d’un tube en caoutchouc, un
entonnoir E sur le tube ascendant, comme le montre la fig. 3, p. 144.
J’ai versé lentement par l’entonnoir la solution ammoniacale de sulfite d’am¬
monium titrée, qui, en pénétrant dans le tube, a déterminé instantanément la
dissolution de l’iode, quoique celui-ci fût sous forme d’un culot fondu. J’avais
fondu l’iode pour Je priver de l’air qu’il aurait pu condenser. Le liquide, qui
était resté incolore tant qu’il a renfermé du sulfite d’ammonium intact , s’est
rapidement coloré par suite de la solution d’iode dans l’iodure d’ammonium
formé. J’ai déplacé cette solution en versant de nouveau , par l’entonnoir, de la
solution ammoniacale de sulfite d’ammonium. L’iodure d’ammonium ioduré,
en pénétrant dans la solution ammoniacale de sulfite d’ammonium contenue
dans l’appareil à boule, s’est transformé en iodure d’ammonium. De cette ma¬
nière, j’ai évité de perdre une trace d’iode. Lorsque tout l’iode contenu dans
le corps du tube a été dissous, j'y ai fait passer de l’eau distillée en quantité
suffisante pour effectuer un lavage parfait. Toutes les eaux de lavage du tube
ont été réunies dans l’appareil à boule D.
Le tube étant bien lavé, je l’ai pesé plein d’eau et plein d’air sec , en
tenant compte des bouts détachés, de la température et de la pression; du
poids de l’appareil vide d’air, mais contenant de l’iode, plein d’air sec et avec
l’iode, plein d’air sec sans iodie, enfin plein d’eau, j’ai déduit le poids de
l’iode pesé dans le vide et pesé dans l’air, et j'ai constaté, qu’a près les cor¬
rections , ces poids sont identiques à 0sr,0004 près.
gram.
La pesée de l’iode, faite dans le vide, a été . 44,7399
Tandis que la pesée de l’iode dans l’air, corrigée de la différence du
poids de l’air déplacé par l’iode et par les poids de platine, a été de 44,7003
Tome XXXV. 19
146
NOUVELLES RECHERCHES
L’identité des résultats m’a déterminé à peser directement dans l’air l’iode
fondu que j’ai employé pour les trois autres synthèses. À cet effet, j'ai dis¬
tillé directement dans l’appareil à boule D, pesé d’avance, la quantité d’iode
que je voulais utiliser dans mes expériences. Après avoir fait passer pendant
quelque temps de l’air sec dans l’appareil, je l’ai fermé avec des bouchons
de verre rodés, comme le montre la fig. 4, et je l’ai pesé une deuxième
fois.
Pour convertir l’iode en iodure d’ammonium, après avoir enlevé les bouts
des tubes qui servent de bouchons, j’ai mis le tube supérieur en communi¬
cation avec un appareil de Liebig contenant une solution ammoniacale de sul¬
fite d’ammonium, et, à l’ouverture du tube ascendant, j’ai adapté un petit
entonnoir à l’aide d’un tube en caoutchouc. J’ai versé par l’entonnoir une
quantité suffisante de solution ammoniacale de sulfite d’ammonium titrée. La
dissolution de l’iode étant ainsi opérée, j’ai versé le liquide dans un grand
flacon bouché à l’émeri, contenant déjà un poids d’argent pesé dans le rapport
de 127 à 108, et dissous à l’état de sulfate très-acide d’argent; après avoir
bouché hermétiquement le flacon, et l’avoir enveloppé d’une double toile noire,
j’ai fait secouer son contenu pendant une heure dans une chambre obscure.
Cette agitation prolongée est indispensable pour transformer en iodure le sul¬
fate d’argent entraîné par l’iodure de ce métal. Malgré cette longue agitation ,
le liquide ne s’éclaircit point : j’ai été obligé de placer le flacon dans un bain
d’eau, dont j’ai élevé lentement la température jusqu’à ce qu’il fût devenu
absolument limpide.
Quelle que soit la méthode employée pour rendre l’iode soluble, la combi¬
naison de ce corps avec l’argent étant effectuée , le restant de l’opération de
la synthèse se réduit à une simple question de détermination du titre d’un
liquide, qui peut renfermer, soit de l’iode, soit de l’argent, et dans des condi¬
tions où la recherche peut se faire avec une rapidité exceptionnelle, à cause
de l’élévation de la température.
Si le rapport proportionnel de l’iode à l'argent est comme 127 à 108,
il est bien évident que tout l’iode et tout l’argent doivent avoir disparu, et
que le titre du liquide doit être 0; le poids de l’iodure formé doit être égal à
la somme des poids de l’iode et de l’argent employés. Si, au contraire, le
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
147
rapport proportionnel de l’iode est plus petit que 127, comme les synthèses
concordantes de M. Marignac et celles que je viens de faire connaître plus
haut semblent l’indiquer, il faut qu’une certaine quantité d’iode soit restée
dans le liquide, et que le poids de l’iodure d’argent qui a pris naissance soit
moindre que la somme des poids de l’iode et de l’argent mis en expérience.
J’ai donc soumis à un essai rigoureux chacun des liquides limpides surna¬
geant l’iodure d’argent. A cet effet, pendant que les flacons étaient encore
dans le bain qui a servi à provoquer l’éclaircissement du liquide, j’ai fait
passer un faisceau de lumière jaune à la surface du liquide, par le moyen
que j’ai exposé en détail pour l’essai de l’argent. J’ai procédé ainsi au dosage
de l’iode par l’addition d’une quantité proportionnelle d’argent. On verra, en
examinant les données inscrites au tableau qui termine cette notice, que j’ai
trouvé, dans chaque liquide, de l’iode à l’état d’acide iodhydrique, et dont le
poids, par rapport à 100,000 d’argent, n’a pas été moindre que cinquante
ni supérieur à soixante-trois.
Pour rendre les synthèses complètes, j’ai lavé par décantation et à chaud
l’iodure d’argent produit dans chaque expérience, sauf une, et je l’ai introduit
ensuite dans un appareil à boule, identique à celui que j’ai figuré page 18.
Après l’avoir soigneusement séché, je l’ai pesé. J’ai mis à chacune de ces opé¬
rations si délicates les soins minutieux qu’elles réclament pour arriver à un
résultat exact. Je ne rappellerai pas ici ces précautions; je suis entré dans
des détails suffisants sur ce sujet, en parlant de la deuxième synthèse par
différence de l’iodure d’argent.
Quoique j’aie retrouvé dans l’iodure d’argent produit la somme des poids
de l’iode et de l’argent employés, j’ai voulu néanmoins isoler l’iodure d’argent
qui prend naissance par l’union directe de ces deux corps, pris dans le rap¬
port de 127 à 108 , et j’ai voulu déterminer directement le poids de l’iodure
de ce métal, que 1 on peut obtenir à l’aide de l’acide iodhydrique qui , dans ce
cas, reste dans le liquide limpide. J’ai fait pour cela une dernière synthèse;
je donnerai tous les détails de cette expérience; ils permettront de juger de
la confiance que méritent les autres résultats.
J’ai distillé de l’iode de la diiodamine , dans l’appareil à houle pesé où
il devait être transformé en iodure d’ammonium.
148
NOUVELLES RECHERCHES
Le poids de cet iode dans l’air élait 96er,7775, représentant 96 r, 7 964
d iode dans le vide. J ai pesé ensuite 82?r,318 d’argent dans l’air, représen¬
tant 82 ',3235 d’argent dans le vide, nombres qui sont entre eux comme
127 : 108.
L’argent ayant été transformé en sulfate, par le moyen que j’ai fait con¬
naître, j’ai versé la solution de ce sulfate, avec les eaux de lavage du ballon, dans
un flacon dont j’avais déterminé la capacité en le pesant plein d’air et plein
d’eau. Sa capacité était de 3156,3 centimètres cubes, à 15°. J’ai précipité la
solution d’argent par l’iodure d’ammonium provenant de l’iode pesé. Les eaux
de lavage de l’appareil à boule étant réunies dans le flacon, je l’ai bouché, et
après l’avoir enveloppé d’une double toile noire, je l’ai fait secouer pendant
trois heures. Au bout de ce temps, je l’ai débouché après avoir ajouté de l’eau
pour le remplir presque complètement, je l’ai placé dans un bain d’eau pour
déterminer l’éclaircissement du liquide opalin et la contraction de l’iodure
d’argent. Il a été ensuite abandonné au refroidissement. Lorsque la tempéra¬
ture du bain fut arrivée à 15°, j’ai achevé de remplir complètement le flacon
d’eau distillée, et, après l’avoir bouché de nouveau, j’ai agité le tout. Lorsque,
par le repos, le liquide se fut éclairci , j’ai soustrait 2019,7 centimètres cubes
du liquide, à l’aide d’un siphon en communication avec un mesureur dont la
capacité était de 504cc,922, et je les ai versés dans un vase à précipité soi¬
gneusement pesé.
L’eau servant au lavage du siphon et du mesureur a été ajoutée au liquide
resté dans le flacon. La capacité totale du flacon étant de 3156,3 centimètres
cubes, et le volume de l’iodure d’argent produit étant de 31,7 centimètres
cubes, il résulte de ces deux données qu’il est resté dans le flacon 1098,9
centimètres cubes du liquide primitif.
Ayant porté de nouveau le flacon dans le bain d’eau pour élever sa tempé¬
rature à 68°, j’ai déterminé, à l’aide d’une solution normale de sulfate d’argent
dissous dans l’acide sulfurique, la quantité d’iode qui y était à l’état d’acide
iodhydrique. J’ai trouvé que les 1098,9CC de liquide exigent de 13 à 15,1 cen¬
timètres cubes de solution d’argent, d’où il résulte qu’ils renferment 0cr,0154
d’iode à l’état d’acide iodhydrique. Le volume total du liquide devait donc con¬
tenir 0e\0434 d’iode non combiné à l’argent. Pour m’assurer de l’exactitude
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
149
de l’essai , il m’a fallu ajouter en plus (F, 001 25 d’argent et üer,0013 d’iode
pour précipiter cet argent, quantités qui sont venues augmenter respective¬
ment le poids de l’argent et de l’iode intervenus dans l’expérience.
J’ai procédé ensuite aux opérations nécessaires pour recueillir et peser
l’iodure d’argent qui a pris naissance, ainsi qu’à la détermination du poids de
l’iodure d’argent que peuvent fournir les 201 9,7 centimètres cubes de liquide
soustraits.
Voici les données de ces deux recherches :
Les 2019,7 centimètres cubes de liquide avaient été reçus dans un vase à
précipité, couvert d’une glace, dont le poids était, de 223sr,1034. J’y ai ajouté
une solution de 0sr,100 de sulfate d’argent, et j’ai élevé le mélange jusqu’à
la température de 55 à 60° vers laquelle il s’est éclairci complètement. Après
deux jours de repos dans l’obscurité, j’ai décanté le liquide limpide et j’ai
procédé au lavage du vase et de l’iodure d’argent.
Après la dissiecation du vase à 110° et son refroidissement, son poids, grani.
équilibré par un vase de même verre et de même dimension, a été de 225,1550
Je l'ai lavé au cyanure de potassium et à l’eau pour dissoudre l’iodure d’ar¬
gent, et, après l’avoir séché sans l’essuyer, j’ai trouvé son poids. . . 225,1058
Et le lendemain . 225,1040
Il contenait donc : ioduré d’argent . 0,0510
Représentant : iode . 0,0275
D’après l’essai fait par la voie humide, il devait être resté : iode. . . . 0,0290
Les poids de l’iodure d’argent qui s’est produit aux dépens de l’argent pesé,
et de celui qui a été ajouté pendant la détermination du titre de la fraction
de liquide restée dans le flacon, ont été déterminés à l’aide des éléments sui¬
vants :
Poids du ballon à deux pointes et du vase à précipité .
Poids des mêmes appareils contenant l'iodurc séché d'abord pendant qua¬
tre heures à 100°, et pendant huit heures à 190°, après trois heures de
refroidissement . •
Poids des mêmes appareils, le lendemain .
Poids des mêmes appareils chauffés de nouveau pendant cinq heures È»
200°, après trois heures de refroidissement .
Poids des mêmes appareils, le lendemain .
D’où il résulte que le poids dans l’air de l’iodure chargent est .
Et que, réduit au vide, il est .
grain.
748,9200
928,0050
928,0040
928,0025
■928,0058
179,0780
179,1080
150
NOUVELLES RECHERCHES
Si je compare ce poids à Ja somme des poids de l’argent et de lïode
employés, j’arrive aux résultats suivants :
gram
Poids réel de l’argent primitivement employé . 82,5251
Poids de l’argent employé pour la précipitation de l’iode con¬
tenu, à l’état d’acide iodhydrique, dans le liquide resté avec
liodure d’argent . 0,0150
Poids de l’argent employé pour m’assurer de l’exactitude de
l’essai . 0,00125 -
Poids total de l’argent . 82,55755
Poids de l’iode pesé . 90,7965
Poids de l'iode ajouté pour la précipitation de l’argent . . . 0,0015
Poids total de l’iode . 90,7977
Somme des poids de l’argent et de l'iode . 179,1550
D’après les données inscrites plus haut, on voit que le poids de l’iodure
recueilli a été de . 179,1080
Il y a donc une différence de . 0,0270
Cette différence représente le poids de l’iode contenu dans le liquide que
j’ai soustrait; or, j’ai trouvé par l’essai de la voie humide que la quan¬
tité d’iode existant dans le volume de liquide soustrait était égale à . 0,0290
Et la détermination des poids de l’iodure d’argent produit par cet iode a
démontré qu’il en renferme réellement . 0,0275
La synthèse a donc été complète. J’ai retrouvé avec une exactitude ines¬
pérée le poids des éléments que j’avais mis en expérience.
Avant de faire connaître les données numériques des six synthèses que j’ai
exécutées, il me reste à m’expliquer sur un point.
En examinant les données inscrites au tableau qui termine cette notice, on
s’aperçoit que, sur six synthèses, j’ai mis deux fois seulement en expérience
des quantités très-considérables d’iode et d’argent ; pour les quatre autres, les
quantités ont été relativement beaucoup moindres. En voici le motif : s'il n’y a
aucune difficulté sérieuse à faire une synthèse par somme en se servant de
quantités considérables de matières, il y en a au contraire d’énormes pour
rendre la synthèse complète. Cette difficulté réside dans ce fait, que l iodure
d’argent produit au sein d’un liquide fortement acidulé par l’acide sulfurique,
retient de cet acide avec une ténacité extrême.
Cependant l’élimination complète de l’acide, par la voie de lavages, est d’une
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
•131
nécessité absolue; sans cela, lors de la dessiccation de l’iodure, de l'iode est
mis en liberté par suite de la réaction de l’acide sulfurique qui se concentre,
et l’opération est perdue, parce que l’expérience m’a démontré qu’il est im¬
possible de ramènera l’état d’iodure, par de l’acide iodhydrique, le sulfate
d’argent qui s’est produit. J’ai donc été obligé d’exécuter le lavage à une tem¬
pérature élevée et dans une chambre obscure, à cause de la présence de traces
d’acide sulfureux qui, sous l’influence de la lumière, altère lentement l’iodure
d’argent. De plus , pour empêcher le délayement de l’iodure et la production
d’un liquide laiteux, dont l’éclaircissement est lent et pénible, j’ai été forcé
de continuer jour et nuit le lavage à une température toujours légèrement
croissante , jusqu’à ce qu’il eut été complètement achevé. Or, quelque célérité
qu’on mette dans cette opération, dès que le poids de l’iodure dépasse une
centaine de grammes, elle exige un travail presque continu de cirrquante-six
à soixante heures, dans une chambre obscure, dont l’air s’échauffe et devient
humide par les vapeurs dégagées du bain-marie qui s’y trouve. On conçoit
qu’un pareil travail dépasse bientôt les forces de l’homme, et qu’il est impos¬
sible de le répéter un grand nombre de fois.
L’iode employé dans les synthèses inscrites sous les nos I, III, IV et VI,
provient de la décomposition de la diiodamine. Pour les nos I et Vf , la diio-
damine employée avait été préparée à l’aide de l’iode du commerce ; pour le
n° III, la diiodamine provenait de l’action de l’ammoniaque sur l’iode obtenu en
distillant une solution de ce corps dans l’iodure de potassium, et enfin pour
le n° IV, la diiodamine avait été préparée avec l’iode précipité, à l’aide de
l’eau , d’une solution de ce corps dans l’iodure de potassium. Les résultats
ont été du reste identiques.
Toutes les pesées ont été faites à l’aide de poids de platine.
152
NOUVELLES RECHERCHES
7)
2
75
75
O
Î5*
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
"T
00
Ces expériences établissent que l’iode et l’argent mis en présence à l’état
dissous, dans les rapports de 127 à 108, ne se combinent pas intégralement
comme ils devraient le faire si les poids atomiques de ces deux corps étaient
respectivement représentés par le rapport de 1 27 et 1 08. Il est resté , en effet ,
une portion de l’iode non combinée à l’argent qui est égale à la deux mille
centième partie de la quantité employée. Cette portion, quelque minime qu’elle
paraisse, est néanmoins aussi constante que la masse qui est entrée en com¬
binaison avec l’argent. Il est impossible d’attribuer l’écart constaté à une
erreur constante dans l’ observation , car j’ai retrouvé , dans le poids de l’iodure
d’argent produit , les poids de l’iode et de l’argent mis en expérience.
Le doute n’est donc pas possible sur la composition de l’iodure d’argent
que j’ai formé de toutes pièces. Pour prétendre que sa composition puisse être
représentée par le rapport de 127 à 108, il faudrait prouver que l’iode que
j’ai uni à l’argent renferme une quantité constante d’un corps halogène in¬
connu, et, de plus, que l’iodure d’argent produit par M. Marignac et par
M. Dumas contenait exactement la même matière étrangère et dans les mêmes
rapports, ce qui revient à dire que l’iode que j’ai obtenu et l’iode contenu dans
l’iodure d’argent ne sont pas des corps indécomposables. En effet, les résul¬
tats des synthèses complètes s’accordent, non-seulement avec les deux syn¬
thèses par différence consignées plus haut, mais ils se confondent absolu¬
ment avec les expériences faites par M. Marignac il y a plus de vingt années,
et que, d’après son expérience personnelle, M. Dumas a considérées avec
raison comme étant d’une perfection absolue.
A cette époque, M. Marignac a trouvé que
Sram* gram.
15,000 d'argent produisent . 52,625 d’iodure d’argent.
14,790 — — 52,170 — —
18,545 — — 40,559 — —
48,555 d argent produisent. ...... 105,154 d’iodure d’argent.
D’où il résulte que 100,000 grammes d’argent produisent 217,5335
d’iodure d’argent réduit au vide.
Or, mes synthèses par différence m’ont donné en moyenne. . 217,5525
Mes synthèses par somme donnent . 217,5571
Tome XXXV. ’ 20
m
NOUVELLES RECHERCHES
Et mes synthèses complètes donnent . 217,5554
Tandis que le rapport de 127 à 108 déduit de l'hypothèse de
Prout conduit à . 217,5950
Résultat qu’il est absolument impossible de concilier avec les expériences
si concordantes , quoique faites à des époques si éloignées et par des mé¬
thodes si différentes.
III. — Nouvelles synthèses du bromure d’argent.
Les détails dans lesquels je suis entré, au sujet des synthèses de l’iodure
d’argent, me permettent d’être bref dans l’exposé des synthèses du bromure
de ce métal. On conçoit, en effet, que les principes que j’ai mis en pratique
pour les unes sont applicables aux autres. J’ai exécuté une synthèse du bro¬
mure par différence et quatre synthèses complètes. Les résultats auxquels je
suis arrivé coïncident absolument avec ceux trouvés, il y a vingt années,
par M. Marignac.
1° Synthèse par différence du bromure d’argent.
Pour faire celte synthèse, j’ai appliqué à la dissolution de l’argent tous
les moyens que j’ai indiqués pour la deuxième synthèse par différence de
l’iodure d’argent, c’est-à-dire que j’ai dissous l’argent dans l’acide azotique
dilué, en me servant de l’appareil décrit et en prenant toutes les précautions
pour ne pas perdre une trace de l’argent pesé.
Après avoir dilué la solution de l’azotate d’argent d’une quantité d’eau
distillée suffisante, je l’ai précipitée dans le ballon même, et à froid, par de
l’acide bromhydrique distillé et titré.
Cet acide bromhydrique, je l’ai préparé de la manière suivante : cinq
cents grammes de bromure de potassium , dépouillé d’iode par le moyen que
j’expose plus loin , ont été dissous dans quatre litres d’eau. La solution a été
précipitée à froid par son poids d’azotate d argent pur, dissous dans deux
litres d’eau. Le bromure d’argent produit a été agité pendant deux heures
avec le liquide qui contenait les deux cinquièmes du bromure de potassium
non décomposé. Après cette agitation, j’ai lavé le précipité jusqu’à dispari-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
d«j o
DD
lion complète du potassium clans les eaux de lavages. J’ai versé ensuite, seu¬
le bromure d’argent, deux cents centimètres cubes de solution saturée de
bromure de potassium dépouillé de toute trace d’iode, et j’ai laissé le tout en
contact pendant vingt-quatre heures, en ayant soin d’agiter le mélange de
temps à autre. J’ai porté alors sa température jusqu’à 100°, et je l’ai main¬
tenue pendant six heures. Il est bien évident que, par suite de ce traitement,
tout le chlorure d’argent que le bromure aurait pu contenir devait être trans¬
formé en bromure d’argent, car M. Fielcl a démontré, et j’ai soigneusement
vérifié le fait, que le bromure de potassium décompose le chlorure d’argent et
le ramène à l’état de bromure. J’ai procédé ensuite à un nouveau lavage du bro¬
mure jusqu’à la disparition complète du potassium, ce qui a été excessivement
long à s’accomplir, quoique j’eusse eu soin d’exécuter le lavage à l’eau chaude.
Après le lavage, j’ai délayé le bromure d’argent clans un litre d’eau dis¬
tillée, et j’ai soumis le tout à un courant lent d’acide sulfhydrique bien lavé,
et produit à l’aide de l’action de l’acide sulfurique purifié sur du sulfure de
fer, qui avait été fondu avec une petite quantité d’oxyde. Lorsque l’argent
eut été transformé en sulfure, j’ai jeté le tout clans un grand entonnoir effilé ,
et j’ai recueilli le liquide limpide qui s’est écoulé. Après avoir agité celui-ci
pendant quelques moments avec du bromure d’argent que j’avais réservé,
pour éliminer l’acide sulfhydrique dissous, je l’ai soumis avec précaution à
la distillation. Il s’est volatilisé d’abord un liquide peu acide; j’ai obtenu en¬
suite de l’acide brombydrique concentré et incolore. En abritant sa vapeur
de l’action de la chaleur, l’acide s’est distillé sans se colorer et sans laisser
la moindre trace de résidu salin. J’ai conservé une partie de cet acide depuis
quatre années sans qu’il se soit coloré, quoique le flacon qui le renferme
n’en soit plus rempli qu’à moitié. Aussi je suis persuadé que l’acide bromby¬
drique concentré des laboratoires, qui se colore souvent par l’air, doit cette
propriété à l’acide iodhydrique qui y est contenu.
Afin de ne pas employer de l’acide brombydrique au delà de ce qui est
nécessaire pour la précipitation de l’argent dissous, j’ai eu soin de déter¬
miner préalablement son titre à l’aide du carbonate de sodium pur et séché.
Un excès notable d’acide brombydrique peut, en effet, déterminer la solution
du bromure d’argent.
156
NOUVELLES RECHERCHES
Le bromure d’argent produit à froid était tout à fait blanc. J’ai déterminé,
par une agitation vive, l’éclaircissement du liquide qui était resté trouble, et
je l’ai abandonné au repos dans la chambre obscure. J’ai procédé ensuite au
lavage par décantation à l’aide de l’eau froide. Tant que le bromure a contenu
une quantité appréciable d’acide, les eaux de lavages sont restées limpides;
mais à mesure que le lavage s’achevait , le délayement du bromure s est
effectué, et il s’est produit un liquide laiteux. Pour terminer rapidement le
lavage, j’ai eu recours à l’artifice suivant, que j’ai du reste été obligé de
mettre en pratique pour toutes les synthèses du bromure et pour 1 analyse
du bromate et du chlorate d’argent, dont je parlerai plus loin. Cet artifice
consiste à faire passer un courant de vapeur d’eau au travers du liquide
devenu laiteux. A cet effet, je place le ballon , contenant ce liquide laiteux avec
le bromure, dans un bain d’eau dont la température est portée à 50°, et j en¬
gage dans le liquide 1 un tube en verre dur de Bohême, qui y conduit de la
vapeur d’eau émanée de l’eau pure en ébullition dans un vase métallique. Par
ce moyen, le liquide le plus laiteux s’éclaircit au bout de quelques minutes;
je continue ainsi le lavage jusqu’à ce que l’eau décantée ne présente plus la
moindre réaction acide. On reconnaît la fin de I opération par la nécessité
dans laquelle on est alors de porter le bain d’eau vers 90°, pour empêcher le
délayement du bromure par l’eau.
J’ai dit plus haut que ce bromure produit était blanc; à mesure qu il s est
contracté sous l’influence de la chaleur, il a pris une teinte jaune très-pro¬
noncée, et lorsque la température a été portée vers 60 à 70°, il a été d un
jaune beaucoup plus foncé que le jaune du soufre ou celui du citron. J ai
reconnu qu’on peut, à la température ordinaire, ramener le bromure de la
modification blanche à la modification jaune foncé, en le mettant en contact
1 On doit éviter de faire passer la vapeur au travers du bromure, pour ne pas en déterminer
la contraction avant que le lavage de ce composé ne soit achevé. L expérience m a démontré en
effet que le bromure, en se contractant dans un liquide contenant des matières étrangères,
acides ou salines, emprisonne ccllcs-ei; dans ce cas, le lavage, quelque prolongé qu il soit, n en¬
lève pas complètement les corps entraînés. Le seul moyen d’arriver au dépouillement des ma¬
tières étrangères au bromure accidentellement contracté consiste a provoquer le délayement de
ce corps dans de Veau froide, en produisant ainsi des liquides laiteux. On éclaircit ensuite
ceux-ci par la vapeur d’eau , comme je l'expose dans le texte.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
Io7
avec une solution d’un bromure alcalin. L’eau froide et pure, en déterminant
le délayement du bromure jaune foncé, le fait revenir à l’état blanc très-légè¬
rement teinté de jaune. La plupart des chimistes attribuent les propriétés phy¬
siques du bromure d’argent à l’iodure de ce métal et réciproquement.
Le lavage du bromure d’argent, pour être complet, exige des quantités
d’eau beaucoup plus considérables encore que celui de l’iodure. Dans l’expé¬
rience que j’ai faite sur 53sr,1958 d’argent, le volume total des eaux de
lavages s’est élevé à 5686 centimètres cubes. Ces eaux, après avoir été long¬
temps maintenues à 100°, ont été abandonnées au repos pendant plusieurs
jours; je les ai évaporées à l’air libre dans une capsule de porcelaine; elles
ont laissé un résidu brun ferrugineux pesant 0sr,0085, renfermant 0sr,00(M
de bromure d’argent.
Tout le bromure d’argent produit a été recueilli dans l’appareil à boule,
décrit page 131 de la notice précédente, et après avoir été séché aussi parfai¬
tement que possible, à 100°, il a été porté successivement de 150° à 180°, et
maintenu à cette température jusqu’à ce que son poids ait été absolument con¬
stant; j’ai reconnu d’ailleurs que le bromure d'argent, une fois bien séché à
100°, peut être chauffé jusqu’à son point de fusion, sans éprouver une perte
de poids; on peut même le fondre sans altérer son poids, pourvu qu’on Réta¬
blisse point de courant de gaz ou de vapeur dans l’appareil.
Le bromure d’argent, depuis le moment de sa formation jusqu’après sa
pesée, a été conservé dans l’obscurité absolue. J’ai dit, au sujet de l’iodure
d’argent, que ce corps n’est pas altéré par la lumière, quoique la plupart des
chimistes admettent cette altération. Il n’en est pas de même du bromure d’ar¬
gent. Ce corps, sous la modification blanche, devient violacé par la lumière,
au bout de quelques secondes; sous la modification jaune , il résiste pendant
plusieurs minutes, mais après avoir été fondu il ne change point de couleur,
même à la radiation solaire la plus intense. Le bromure blanc n’est pas altéré
par la lumière , lorsqu'il se trouve au sein d’un liquide renfermant des traces
de brome libre; on peut ainsi le conserver indéfiniment intact.
Voici maintenant les données de la seule synthèse que j’ai faite par le
moyen que je viens d’indiquer.
158
NOUVELLES RECHERCHES
SYNTHÈSE PAR DIFFÉRENCE DU BROMURE D’ARGENT.
l’Oins
de
l'argent dans l’air.
POIDS
de
l'argent dans le vide.
POIDS
du
bromure d’argent
dans l’air.
POIDS
du
bromure d’argent
dans le vide.
100,000
d’argent produisent
Lromured’argent.
gram.
grain.
grain.
gram.
53,1926 •
53,1958
92,5920
«
92,6042
174,083
1 Les pesées ont
1
été faites à l'aide d
e poids de platine.
2° Synthèses par somme et synthèses complètes du bromure d’argent.
Pour exécuter ces synthèses, j’ai transformé à l’état de sulfate un poids
déterminé d’argent; j’ai employé à cet effet le moyen que j’ai exposé à l’occa¬
sion de la deuxième synthèse par différence de l’iodure d’argent. J’ai dissous
à chaud le sulfate, dans une quantité suffisante d’eau bouillie renfermant dix
pour cent d’acide sulfurique pur, et j’ai introduit la solution avec les eaux de
lavage du ballon dans un flacon de quatre à six litres de capacité. A cette
solution refroidie j’ai ajouté de l’acide bromhydrique, obtenu par la réaction
d’un poids donné de brome sur l’acide sulfureux. Avant de dire comment j’ai
procédé à la transformation du brome à l’état d’acide bromhydrique, sans
perte de brome, je dois exposer les méthodes que j’ai employées pour me
procurer ce corps, et le moyen auquel j’ai eu recours pour m’assurer qu’il ne
renfermait point de quantité sensible de chlore ou d’iode.
Du brome employé dans les synthèses.
J’ai préparé le brome : 1° par l’action de l’acide sulfurique dilué et pur sur
un mélange en poids moléculaires convenables de bromure et de bromate de
potassium; 2° par l’action de l’acide sulfurique dilué et pur sur un mélange
en poids moléculaires convenables de bromure et de bromate de baryum.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
io9
a. Brome du bromure et du bronmte de potassium. — Le bromure de
potassium provenait de la décomposition du bromate de ce métal préparé en
grand, sous ma direction, dans une fabrique de produits chimiques. Après
plusieurs tentatives infructueuses pour me procurer, le plus commodément
possible, du bromate de potassium pur, voici le moyen auquel je me suis
arrêté :
J’ai commencé par éliminer l’iode du bromure de potassium du commerce.
Pour arriver à ce résultat, j’ai dissous ce bromure dans de l’eau et j’ai dilué
la solution au point de lui donner une densité moindre que celle du bisul¬
fure de carbone. J’ai pris ensuite très-exactement un quart du volume de la
solution, jy ai instillé, goutte à goutte, et sous l’influence d’une agitation
continue, de l’eau de brome, pour précipiter l’iode combiné, et j’ai ajouté
de 1 eau bromée jusqu’à ce que tout l’iode précipité fût redissous et que le
liquide, de brun qu il était, fût devenu d'un jaune orangé très-pâle ; j’ai mêlé
les trois quarts du bromure réservé à la solution contenant du tribromure
diode, et j ai mis ainsi en liberté tout l’iode contenu dans le bromure em¬
ployé. J ai ajouté une quantité suffisante de bisulfure de carbone, pour dis¬
soudre cet iode, et j’ai fait agiter le tout. Après avoir enlevé le bisulfure de
carbone chargé d’iode, je l’ai remplacé par une quantité nouvelle, et j’ai
continué ce traitement tant que l’anhydride sulfocarbonique a pris la moindre
teinte rose. A l’aide d’une nouvelle addition d’eau bromée et de bisulfure de
carbone je me suis assuré de l’enlèvement complet de l’iode. Pour être tout
à fait certain de 1 absence de l’iode dans la solution du bromure, j’en ai éva¬
poré une partie jusqu’à siccité et j’ai fondu le résidu. Pendant l’évaporation
et la fusion il ne s’est produit aucune trace de vapeur violacée. J’ai repris le
résidu par de l’eau, et la solution, essayée à l’eau bromée faible et ensuite
au bisulfure de carbone, n’a donné aucun indice de la présence de l’iode.
D’après l’expérience que j’en ai faite, je puis garantir que le bromure ne
renfermait pas un millionième de son poids d’iodure de potassium.
Voulant me procurer du bromate de potassium sans métaux étrangers, j’ai
séparé, à l’aide de quelques gouttes de solution de sulfhydrate de potassium,
les traces de métaux tels que manganèse, fer et cuivre, que le bromure de
potassium du commerce contenait.
4(30
NOUVELLES RECHERCHES
Après avoir chauffé pendant quelque temps à l’air libre la solution de bro¬
mure, pour éliminer le bisulfure carbonique qui y était resté, j’y ai ajouté de
l’hydrate de potassium dissous, et également privé de métaux étrangers, en
quantité telle qu’il y avait, pour un poids moléculaire de bromure de potas¬
sium, un peu moins de six poids moléculaires d’hydrate de ce métal, et j’ai
fait passer jusqu’à refus un courant de chlore au travers du mélange. Pour
éviter l’obstruction du large tube amenant le chlore, j’ai pris la précaution de
maintenir le liquide constamment assez chaud pour conserver à l’état dis¬
sous tout le bromale et le chlorure de potassium formés.
Après la saturation, j’ai fait porter la solution saline à l’ébullition, pour éli¬
miner le chlore dissous ainsi que le chlorure de brome qui s’était produit à
cause de l’insuffisance calculée de l’hydrate de potassium employé. J’ai ajouté
une quantité insuffisante d’hydrate alcalin, afin d’avoir du brome libre, et
d’empêcher autant que possible la formation du chlorate de potassium.
Par le refroidissement, la liqueur saline, qui était convenablement con¬
centrée, a déposé du bromate de potassium. Les eaux mères évaporées à
pellicule en ont fourni une nouvelle quantité. Mais le poids du bromate brut
extrait n’a guère été que la moitié de celui qui avait pris naissance. L’autre
moitié est restée en combinaison avec le chlorure de potassium formé en
même temps. L’expérience m’a prouvé qu’on peut détruire la combinaison
du bromale avec le chlorure alcalin , en ajoutant de l’alcool concentré à la
solution; il se précipite ainsi une quantité considérable de bromale qui
entraîne toutefois avec lui une assez grande quantité de chlorure. Mais au
lieu d’utiliser ce moyen, et pour ne pas perdre le bromate de potassium, j’ai
fait servir les eaux mères à la préparation du bromate de baryum, comme
je le dirai plus loin.
Pour purifier le bromate de potassium, je l’ai soumis à des cristallisations
successives, en prenant chaque fois la précaution de déterminer le relroidis-
sernent rapide de la solution. Les trois premières cristallisations ont été faites
dans la fabrique même; les deux dernières ont été exécutées par moi. A
chaque cristallisation, la bouillie cristalline a été introduite dans un appareil
à déplacement; le sel égoutté a été soumis chaque fois a un lavage métho¬
dique, identique à celui que j’ai décrit dans mon précédent travail, a l’occa-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
J 64
sion de la préparation du chlorate de potassium pur destiné à la production
du chlorure de ce métal. J’ai regardé le bromate comme pur lorsque, à l’étal
dissous, il ne troublait plus la limpidité et Yincolorité d’une solution bouil¬
lante de sulfate d’argent tout à fait neutre. Je dis une solution de sulfate
d’argent tout à fait neutre , parce que le bromate de potassium le plus pur
produit, à l’ébullition, un trouble dans les solutions des sels d’argent ren¬
fermant la moindre trace d’acide sulfurique ou d’acide azotique en excès.
Trois cristallisations successives, suivies de trois lavages méthodiques, per¬
mettent d’obtenir du bromate qui réalise la condition que je viens d’indiquer.
J’ai opéré la transformation du bromate en bromure de potassium en chauf¬
fant le sel, par petites portions à la fois, dans une grande capsule de porce¬
laine; l’opération ne peut pas s’accomplir dans un vase de platine sans
endommager le vase et sans altérer la pureté du bromure produit. En effet,
vers la fin de la décomposition du bromate, le platine est vivement attaqué;
il se forme du bromo-plalinate de potassium qui colore fortement en rouge-
cochenille le bromure de potassium. Si grands qu’aient été les ménagements
que fai pris dans l’application de la chaleur sur le bromate, il s’est toujours
produit, vers la fin de la décomposition, une légère déflagration accompa¬
gnée d’un dégagement de brome ; aussi le bromure de potassium a-t-il été
chaque fois alcalin au tournesol.
Pour extraire le brome de ce bromure, j’ai fait un mélange de cinq poids
moléculaires de bromure avec un poids moléculaire de bromate. J’ai introduit
ce mélange dans une très -grande cornue tubulée, à très-long col effilé et
recourbé. Après y avoir ajouté son poids d’eau distillée, j’ai instillé petit à
petit de l’acide sulfurique dépouillé de tout produit nitreux, dilué de deux
fois son poids d’eau, et en quantité suffisante pour transformer le potassium
du bromure et du bromate en sulfate acide de potassium. Même en refroidis¬
sant le mélange avec de la glace, il produit instantanément du brome. J’ai
laissé les matières en contact pendant deux heures. Pour recueillir le brome
volatilisé, j’ai plongé le col effilé et recourbé de la cornue dans une autre
cornue contenant une solution de bromure et de bromate de potassium. Cette
cornue était entourée de glace. Son col était usé à l’éméri dans un récipient
tubulé, dont la tubulure était munie d’un bouchon de verre troué par lequel
Tome XXXV. 21
162
NOUVELLES RECHERCHES
passait un tube usé à l’émeri , recourbé et plongeant dans de 1 eau pure.
J’ai procédé ainsi à la distillation. Lorsque tout le brome eut passé de la
première cornue dans la deuxième , j’ai enlevé la grande cornue , et après
avoir ajouté au brome produit une quantité de bromate de potassium suffi¬
sante pour réduire l’acide bromhydrique qu’il pouvait contenir, j ai bouché
la cornue dans laquelle il s’était condensé, et j’ai distillé le tout au bain-
marie.
J’ai obtenu ainsi au delà d’un kilogramme de brome pur dans une seule
opération.
Quoique j’eusse reçu le brome dans une solution de bromure de potassium,
j’ai voulu néanmoins le dissoudre dans une solution concentrée de bromure
de calcium et le précipiter ensuite par de l’eau. De celte manière, je devais
arriver à l’élimination complète du chlore, en admettant que le brome pré¬
paré avec tant de soin pût en contenir.
Dans ce but, j’ai transformé une partie du brome en bromure de calcium,
à l’aide d’un lait d’hydrate de calcium pur et additionné d’une quantité con¬
venable d’ammoniaque pure. Le brome, en pénétrant dans ce mélange, passe
directement à l’étal de bromure; il se dégage en même temps de l’azote.
Lorsque toute la chaux eut été transformée en bromure, j’ai concentré forte¬
ment la solution, j’y ai ajouté ensuite autant de brome qu’elle a pu en dis¬
soudre, et, à l’aide d’une addition d’eau, j’ai précipité de nouveau le brome
dissous. îî s’en faut de beaucoup que l’eau élimine ainsi tout le brome em¬
ployé; une assez grande partie reste en solution dans le bromure de calcium.
Pour sécher le brome précipité , je l’ai mis à trois reprises différentes en
digestion avec un mélange de bromure de calcium sec, produit à l’aide d’une
partie du même brome et de l’oxyde de calcium pur réduit en poudre. Ayant
reconnu , par une synthèse complète, que le mélange de bromure et d’oxyde
de calcium est impuissant pour enlever au brome la dernière trace d’eau et
d’acide bromhydrique qu’il peut contenir, j’ai pris le parti de le mettre en
digestion avec de l’anhydride phosphorique volatilisé 1 dans un courant d’air,
1 J’ai volatilisé l’anhydride phosphorique dans un courant d’air, afin d’être certain de 1 ab¬
sence d’anhydride phosphoreux qui aurait pu donner naissance à de l’oxybromurc de phos¬
phore.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. i 63
séché a l’aide de l’anhydride lui-même. Après ce traitement, je l’ai laissé
séjourner pendant douze heures avec de l’oxyde de baryum pur fortement
calciné et réduit en poussière impalpable, et je l’ai distillé enfin, après l’avoir
séparé de 1 oxyde, parce cpie, à une température élevée, le brome réagit for¬
tement sur lui avec production de chaleur et formation de bromure de
baryum.
Il est à peine nécessaire d’ajouter que tous les appareils qui ont servi à
produire et à contenir le brome humide ou sec ont été exclusivement formés
de verre. Les cornues el les récipients étaient rodés les uns dans les autres ,
et les tubes scellés à la lampe.
b. Brome du bromure et du bromate de baryum. ~ Pour me procurer le
bromate de baryum, j’ai utilisé les eaux mères de la préparation du bromate
de potassium et les eaux mères et de lavages provenant de la purification de
ce sel. Ayant reconnu que le bromate de baryum obtenu par précipitation
à froid, à l’aide du bromate de potassium et du chlorure de baryum , renferme
toujours une quantité assez notable de ce dernier composé, que des lavages,
quelque prolongés qu’ils soient, sont incapables d’en séparer, j’ai été forcé
de produire ce sel dans une condition où l’existence d’un composé de baryum
autie que le bromate fût impossible. Voici le moyen que j’ai employé à cet
effet.
Les eaux mères elles eaux de lavages de la préparation et de la purifica¬
tion du bromate de potassium ont été diluées d’environ cinq fois leur volume
deau, et la solution a été introduite dans des ballons de quarante litres de
capacité. Ces ballons étaient placés dans des bains de sable; ils servaient,
dans 1 usine où le bromate de potassium avait été préparé, au blanchiment de
1 acide azotique. Quand la température du liquide salin était portée vers 80°,
on y ajoutait, petit à petit, une solution très-diluée de chlorure de baryum
dépouillé de métaux étrangers, aussi longtemps qu’on voyait se produire un
précipité de sulfate de baryum. Lorsque tout le sulfate de potassium existant
dans la solution de chlorure et de bromate de potassium eut été décomposé,
et que le sulfate de baryum se fut déposé par un repos suffisant, on décanta
à laide d’un siphon le liquide limpide, qui fut introduit dans des ballons
de quarante litres, placés également dans des bains de sable. On a porté en-
164
NOUVELLES RECHERCHES
suite le liquide contenu dans les ballons jusqu’à l’ébullition, et on y a ajouté
du chlorure de baryum pur, aussi longtemps que le précipité de bromate de
baryum, qui se produit d’abord, s’est redissous dans le restant du liquide
bouillant. A l’aide d’un siphon, on a fait arriver les liqueurs saturées de
bromate de baryum dans de grandes capsules de porcelaine entourées d'eau
froide continuellement renouvelée, afin de déterminer le refroidissement
rapide de la liqueur et la cristallisation du bromate de baryum en pous¬
sière cristalline impalpable; car c’est sous cet état seul qu’il cède au lavage
ci l’eau le chlorure alcalin au sein duquel il a été formé. Après son refroi¬
dissement complet, le liquide a été introduit de nouveau dans le ballon,
porté encore à l’ébullition et additionné de chlorure de baryum, tant que
le précipité de bromate qui se forme se redissout. Par un refroidissement
rapide, on a déterminé la cristallisation du bromate à 1 état de poussière
cristalline impalpable; on a continué ainsi le traitement des eaux mères
jusqu’à ce que la majeure partie du bromate de potassium eut été transformée
en bromate de baryum.
On a procédé ensuite au lavage du bromate terreux produit. On l a effectué
par décantation et on l’a poussé jusqu’à ce que le sel se fût dissous dans une
solution diluée, parfaitement neutre et bouillante, d’azotate d’argent, sans y
produire le moindre trouble; ce qui a été fort long, eu égard à la grande
quantité de sel sur laquelle on a opéré.
J’ai redissous moi-même, à trois reprises différentes, ce bromate de ba¬
ryum, en rejetant chaque fois toutes les eaux mères. Le bromate obtenu a
été divisé en deux parties : une moitié a été réservée et l’autre moitié a été
encore redissoute deux fois.
J’ai extrait le brome de ces deux bromates par un moyen analogue à celui
que j’ai employé pour la préparation du brome à l’aide du bromure et du
bromate de potassium. Dans ce but, j’ai pris les cinq sixièmes du bromate
dont je voulais retirer le brome, et je l’ai transformé en bromure par 1 ac¬
tion ménagée de la chaleur. Vers la fin de l’opération, il s’est dégagé une
quantité notable de broipe avec l’oxygène; aussi le bromure a-t-il présenté une
réaction alcaline très-prononcée. J’ai dissous le bromure dans de l’eau pure,
et j’ai introduit la solution dans un appareil distillaloire qui contenait déjà
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
I6d
l’autre sixième de bromate de baryum. J’ai fait arriver dans le mélange,
refroidi à l’aide de la glace, de l’acide sulfurique purifié et dilué de son vo¬
lume d’eau. La production du brome a été instantanée. Pour détruire l’acide
bromhydrique que le brome distillé aurait pu contenir, j’ai recueilli ce corps
dans de l’eau tenant du bromate de baryum en suspension. Après qu’il eut
séjourné pendant vingt-quatre heures sur ce sel, je l’ai distillé une deuxième
fois. Le brome, lavé à plusieurs reprises avec de l’eau, a été séché d’abord en
le faisant digérer deux fois sur un mélange de bromure et d’oxyde de calcium,
ensuite en le mettant en contact avec de l’anhydride phosphorique volatilisé
dans un courant d’air, et enfin en le mettant en digestion sur de l’oxyde
de baryum pur et finement pulvérisé. Pour le dépouiller de toute matière
fixe, je l’ai redistillé et je l’ai enfermé dans des tubes secs, scellés à la
lampe.
Le brome retiré du bromate de potassium et le brome extrait du bro¬
mate de baryum bouillaient l’un et l’autre à 63°, à Om,7597. C’est le point
d’ébullition que M. Isidore Pierre a constaté. Solidifié, il ressemble à l’iode,
sauf qu’il m’a paru plus gris d’acier. Le brome pur présente, du reste, toutes
les propriétés que l’on attribue à ce corps. J’en ai observé une toutefois que
je n’ai trouvée renseignée nulle part : c’est la couleur de la solution aqueuse
non saturée. On sait que l’eau saturée de brome présente une couleur d’un
rouge légèrement orangé, j’ai constaté que la solution non saturée est d’un
jaune pur et intense.
Pour m’assurer si le brome extrait du bromate de potassium ne contient
aucun corps halogène, j’en ai transformé de nouveau une assez grande
quantité en bromure et en bromate de potassium, en employant à cet effet
de l’hydrate de potassium pur. Dans la notice consacrée à la recherche du
rapport proportionnel entre le bromure de potassium et l’argent, on verra
que le bromure de potassium, qui s’est formé en même temps que le bromate,
est identique avec le bromure de potassium qui s’est produit par la décom¬
position de ce bromate lui-même. II est donc démontré delà manière la plus
évidente que le brome obtenu est un corps homogène.
J’ai également transformé en bromure de potassium une partie du bro¬
mate de baryum, afin de me fixer sur la pureté du brome contenu dans ce
m
NOUVELLES RECHERCHES
sel. Dans la notice consacrée au rapport proportionnel de ce bromure avec
l’argent sont consignés les résultats auxquels je suis arrivé; ils prouvent
l’identité de ce brome avec celui du bromate de potassium.
Du moyen employé pour effectuer la combinaison d’un poids déterminé
de brome avec un poids déterminé d’argent.
J’ai commencé par fixer le poids du brome que je voulais combiner à
l’argent. A cet effet, j’ai soudé aux deux bouts d’un tube de verre de un et
demi-centimètre de diamètre, et à longueur suffisante pour contenir la quan¬
tité de brome sur laquelle je voulais opérer, — j’ai soudé, dis-je, deux tubes
de un millimètre environ de diamètre intérieur, et longs, le premier de
20 centimètres, et l’autre de 40 à 45 centimètres. Après avoir bien nettoyé
et séché extérieurement ce tube, j’ai appliqué le dard du chalumeau sur une
partie du tube soudé ayant 20 centimètres de longueur, et je l’ai effilé et scellé.
Après avoir exactement déterminé son poids, je l’ai complètement rempli de
brome, en me servant du moyen employé généralement pour faire pénétrer un
liquide très-volatil dans une capacité terminée par un tube capillaire. Lorsqu’il
fut bien rempli à chaud, je scellai à la lampe le bout ouvert par lequel le
brome avait pénétré. Après son refroidissement complet , je déterminai son
poids; et la pesée fut réduite au vide en prenant, d’après M. Isidore Pierre,
la pesanteur spécifique du brome = 3,187. J’ai pesé ensuite une quantité
. d’argent proportionnelle, en admettant 80 pour le poids atomique du brome.
J’ai dit déjà que le brome était transformé en acide bromhydrique à l’aide
de l’acide sulfureux; pour opérer cette' transformation, j’ai commencé par
refroidir la capacité cylindrique qui contenait le brome, jusqu’à déterminer
sa solidification. Le long tube capillaire a été engagé dans une ouverture
pratiquée dans un bouchon en caoutchouc, et j’ai brisé la pointe scellée qui
le terminait. J’ai fait pénétrer l’ouverture dans une solution titrée et diluée
d’acide sulfureux refroidie à 0°. Cette solution, en quantité un peu plus que
suffisante pour transformer le brome en acide bromhydrique, était contenue
dans l’appareil à boule figuré ci-contre.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
167
Le bouchon de caoutchouc, au travers duquel passait ce tube, était her¬
métiquement adapté sur le col du ballon ; il était traversé par un second
tube en communication avec un appareil de Liébig, contenant également de
I acide sulfureux. L ouverture du tube recourbé de l’appareil à boule était
fermée à 1 aide d’un petit bouchon en caoutchouc.
Dans cet état , j ai abandonné l’appareil à lui -même pour déterminer la
liquéfaction spontanée du brome. Quand la température du cylindre renfer¬
mant le brome se fut équilibrée avec l’air ambiant, j’ai chauffé avec précau-
Fifj. 1 4.
468
NOUVELLES RECHERCHES
lion le brome pour le forcer à sortir du tube et à se rendre au fond de la
solution de l’acide sulfureux, où il s’est transformé en acide bromhydrique.
Pendant ce temps, je faisais couler un filet d’eau glacée sur le ballon, afin
d’empêcher réchauffement du liquide qui y était contenu ; car 1 oxydation
de l’acide sulfureux est accompagnée d’un développement très -considérable
de chaleur. Lorsque tout le brome fut sorti du cylindre, j’ai laissé lentement
refroidir celui-ci. Par suite de son refroidissement, le liquide contenu dans le
ballon y est monté et a fini par le remplir presque complètement. La vapeur
de brome qui remplissait la capacité s’est dissoute dans le liquide, et une
partie est passée à son tour à l’état d’acide bromhydrique à la faveur de l’acide
sulfureux qui y était contenu. A l’aide d’un tube de caoutchouc rempli d’eau,
j’ai mis le tube capillaire, surmontant le cylindre, en communication avec
un réservoir rempli d’eau pure bouillie et refroidie; par un effort, j’ai brisé
la pointe qui terminait le tube capillaire, et le liquide qui était monté dans le
cylindre, étant descendu de nouveau dans le ballon, a été remplacé par de
l’eau arrivant du réservoir placé au-dessus. De celte manière, je suis par¬
venu à déplacer du cylindre tout le brome que j’y avais pesé. Lorsqu’une
quantité suffisante d’eau était déjà passée par le tube cylindrique, j’ai enlevé
le petit bouchon en caoutchouc qui bouchait le tube recourbé du ballon, j’ai
engagé le bec de ce tube recourbé dans le goulot du flacon qui contenait la
solution du sulfate acide d’argent dans une atmosphère d’anhydride carbo¬
nique, et j’ai incliné le ballon, avec les précautions convenables, afin que
le liquide qui y était renfermé se rendit complètement dans le flacon.
J’ai procédé ensuite au lavage du ballon et au lavage de la partie du tube
qui avait plongé dans la solution d’acide sulfureux. Toutes les eaux de lavages
et le liquide contenu dans l’appareil de Liebig furent ajoutés au liquide du
flacon renfermant le bromure d’argent produit ; le flacon était placé dans la
chambre obscure et entouré, par surcroît de précaution, d’une double toile
noire. Après l’avoir fermé j’y ai fixé le bouchon, et je l’ai fait secouer pendant
une heure, afin de ramener à l’état de bromure le sulfate d’argent que le
bromure d’argent entraîne toujours lorsqu’il est formé au sein d’un liquide
contenant de l’acide sulfurique.
J’ai placé le flacon au bain marie, dont j’ai élevé la température pour dé-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
169
terminer l’éclaircissement du liquide. Cet éclaircissement s’est produit, dans
les différentes expériences, entre 50 et 75°, suivant l’acidité du liquide et
suivant que j’ai mis plus ou moins de temps à élever la température du bain.
La plus ou moins grande élévation de la température est assez indifférente au
point de vue de l’éclaircissement du liquide, mais il n’en est pas de même
pour le lavage. Pour que celui-ci puisse s’exécuter convenablement , il faut
que le bromure ait été le moins possible contracté par la chaleur , sans cela
il ne se divise pas facilement et relient de l’acide suif urique emprisonné dans
les grumeaux.
J’ai procédé alors à la recherche du brome ou de l’argent dans le liquide
et à la détermination de la quantité.
Dans les quatre synthèses que j’ai faites par ce moyen , j’ai trouvé de l'ar¬
gent dont la quantité a été très-faible sans doute, mais elle a été invariable¬
ment la même dans les trois dernières synthèses; elle s’est élevée à ‘/oooo du
poids de l’argent mis en expérience. Pour la première opération elle a été un
peu plus considérable, parce que le brome employé renfermait une matière
étrangère, qui probablement était de l’eau.
Pour rendre les synthèses complètes, j’ai lavé par décantation, à chaud ,
le bromure produit. Lorsque, par suite de l’élimination de l’acide, le délaye-
ment a commencé à la température à laquelle l’éclaircissement du liquide
avait été effectué, j’ai introduit de la vapeur d’eau pure dans l’eau de lavage
tenant le bromure en suspension , et j’ai achevé les lavages à l’aide de cet
artifice, en ayant la précaution d’élever de plus en plus la température à me¬
sure que le bromure se dépouillait davantage d’acide. J’ai pris du reste
toutes les précautions nécessaires pour ne pas perdre une trace de bromure,
soit par solution dans les eaux de lavages, soit par adhérence aux vases
employés. A cet effet, j’ai mis en pratique tous les moyens que j’ai indiqués
pour recueillir , sécher et peser l’iodure d’argent. La grande altérabilité du
bromure d’argent par la lumière a rendu ces expériences beaucoup plus déli¬
cates et plus pénibles encore que celles que j’ai faites sur l’iodure de ce
métal.
L’évaporation de toutes les eaux de lavages a été exéeutée deux fois seu¬
lement sur quatre synthèses, elle m’a donné la certitude que l’eau acide ne
Tome XXXV. 22
470
NOUVELLES RECHERCHES
dissout pas au delà d'un dix millionième de son poids de bromure d’argent.
Avant de finir 1 exposé si fastidieux de ces opérations, je vais communi¬
quer deux observations concernant le bromure d’argent. Ce corps, produit à
la température ordinaire, en présence de l’acide sulfureux, n’est jamais blanc
comme celui que l’on obtient par l’action de l’acide bromhydrique dilué sur
une solution d’azotate ou de sulfate d’argent; il est d’un jaune pâle, analogue
à la couleur de l’iodure d’argent, mais par l’action de la chaleur ou par le
contact avec un bromure alcalin, il prend à l’instant la couleur jaune intense
caractéristique. Le bromure d’argent blanc et le bromure d’argent jaune foncé,
réduits à la température ordinaire parle zinc et l’acide sulfurique très-dilué,
fournissent, le premier, de l’argent gris noirâtre, quelquefois pourpré, et le
second de 1 argent tout à fait blanc. Berzelius a déjà fait une observation
analogue sur le chlorure précipité à froid et le chlorure précipité à 100°,
qui, réduits à la température ordinaire, produisent également de l’argent dans
des états physiques tout à fait différents.
La synthèse n° I a été faite avec du brome du bromale de potassium ,
a)ant digéré à trois reprises différentes sur un mélange de bromure de cal¬
cium et d’oxyde de calcium, puis distillé.
•La synthèse n° II a été exécutée avec une partie du même brome, mais qui
avait été mise après en contact : 1° avec de l’anhydride phosphorique sublimé
dans un courant dair sec ; 2° avec de l’oxyde de baryum, puis distillée à
part.
La synthèse n° III a été faite avec du brome du bromate de baryum cris¬
tallisé trois lois, et la synthèse n° SV l’a été avec du brome du bromate de
baryum cristallisé cinq fois. Pour leur enlever la dernière trace d’eau ou d'acide
bromhydrique qu’ils auraient pu retenir, je les ai fait digérer, à trois
repiises différentes, sur un mélange de bromure et d’oxyde de calcium,
ensuite sur de 1 anhydride phosphorique pur, puis sur de l’oxvde de baryum ,
et je les ai enfin distillés. Avant d’avoir exécuté ces expériences je n’avais,
je le reconnais volontiers, aucune idée de la difficulté que l’on éprouve à
enlever aux liquides non miscibles à l’eau, les dernières traces d’humidité
<|u ils retiennent, et je crois que la plupart des chimistes partagent les illu¬
sions que j’avais à ce sujet.
SYNTHÈSES PAR SOMME ET SYNTHÈSES COMPLÈTES DU BROMURE D’ARGENT
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES
Les pesées ont été faites à l'aide de poids de platine.
472
NOUVELLES RECHERCHES
Sauf la première synthèse, dans laquelle j’ai employé du brome qui pro¬
bablement ne devait pas être absolument privé d’eau, les résultats de la
synthèse par somme et de la synthèse complète s’accordent autant qu’on
peut l’espérer dans une expérience si délicate et si compliquée à la fois. Ces
résultats se confondent avec ceux que M. Marignac a obtenus en 1843. 11 a
trouvé en effet, qu’en moyenne, 100,000 d’argent produisent 174,077 de
bromure réduit au vide.
J’ai obtenu pour les synthèses complètes 174,080.
D’après l’hypothèse de Prout ce serait 174,074.
Il est impossible de répondre d’une si faible différence; on est donc en
droit de conclure que le rapport que le brome et l’argent observent entre
eux est conforme à l’hypothèse de Prout.
IV. — Nouvelles analyses de l’iodate d’argent.
1° Analyses complètes de l’iodate d’argent.
J’ai dit ailleurs que j’entends par analyse complète une opération dans
laquelle on fixe par Y expérience même , d’abord, le poids d’un composé, et
ensuite le poids des éléments qui le constituent. On peut considérer l iodate
d’argent comme étant formé d’iodure d’argent et d’oxygène; à ce point de
vue l’analyse de ce sel est complète, du moment qu’on a déterminé par l’ex¬
périence, c’est-à-dire qu’on a pesé le poids de l’oxygène, et le poids de
l’iodure d’argent produits par un poids pesé d’avance d’iodate de ce métal. Ces
éléments permettent de contrôler les résultats les uns par les autres , et de
mesurer la grandeur de l’erreur commise.
Pour faire l’analyse de l’iodate en pesant l’oxygène et l’iodure produits ,
j’ai eu recours à l’action de la chaleur, et j’ai fixé sur le cuivre chauffé au
rouge l’oxygène devenu libre. Comme je ne suis pas parvenu à me procurer
le sel d’argent ne renfermant aucune trace d’eau , j’ai recueilli et pesé l’eau
obtenue par la décomposition de l’iodate analysé. La réduction de l’iodate
par la chaleur se fait avec entraînement de traces de ce sel, d’iodure d’ar-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
173
gent et même d’iode ; dans le but de me mettre à l’abri de ces causes d’er¬
reurs , j’ai pris des précautions particulières. L’oxygène pur détermine une
vive incandescence du cuivre très-divisé et préalablement chauffé au rouge
sombre ; l’oxyde produit dans cette circonstance adhère fortement au tube ,
il peut même, lors du refroidissement de celui-ci, en déterminer la rupture.
Pour éviter cet accident , j’ai opéré la fixation de l’oxygène sur le cuivre
dans une atmosphère d’azote qu’il m’a fallu amener pur et sec. Avant
l’opération de l’analyse, j’ai dû peser les différents appareils vides d’azote;
après la décomposition de l’iodate et la fixation de l’oxygène sur le cuivre,
je me suis trouvé dans la même nécessité.
Toutes ces conditions réunies ont transformé l’analyse de l’iodate en une
opération des plus compliquées et des plus délicates à exécuter , quoique au
premier abord elle semble si simple. Je vais exposer les dispositions aux¬
quelles j’ai eu recours pour pourvoir à ces nécessités multiples. Dans ce but,
j’indiquerai la préparation de l’iodate analysé; je décrirai successivement
l’appareil dans lequel a eu lieu la décomposition du sel, l’appareil contenant
le cuivre servant à condenser l’oxygène , le système destiné à recueillir l’eau
dégagée de l’iodate , l’ensemble des appareils qui m’ont fourni l’azote pur
pendant et après la décomposition de l’iodate; enfin j’expliquerai comment
j’ai exécuté l’opération elle-même, ainsi que les pesées des différentes par¬
ties de ce système d’appareils avant et après l’analyse.
Préparation de l’iodate. — Le sel soumis à la décomposition a été préparé
par double décomposition. J’ai fait deux opérations distinctes : pour l’une
d’elles j’ai employé l’iodate de potassium et le sulfate d’argent, et pour l’autre
j’ai eu recours à l’iodate de potassium et au dithionate d’argent. A cause de
la faible solubilité du sulfate d’argent dans l’eau froide, j’ai été obligé d’opé¬
rer la double décomposition sur des liquides bouillants; dans ce but , j’ai pro¬
duit une solution d’iodate de potassium renfermant deux pour cent de ce sel,
et une solution de sulfate d’argent contenant un pour cent, et j’ai versé un et
demi-volume de la solution du sulfate dans un volume de solution de l’io¬
date. De cette manière, il y avait excès d’iodate alcalin et certitude de ne pas
entraîner un excès d’argent.
Le mélange, après avoir été tenu un quart d’heure en mouvement, a été
174
NOUVELLES RECHERCHES
abandonné au repos; et le surlendemain, le précipité a été lavé par décanta¬
tion jusqu’à ce qu’il m’ait été impossible de découvrir, à l’aide de l’analyse
spectrale, l’indice de l’existence du potassium dans le résidu, à peine appré¬
ciable, laissé par l’évaporation de tout un litre d’eau de lavage. J'ai enlevé
l’eau interposée et j’ai opéré ensuite la dessiccation convenable de l'iodate,
par le moyen que j’ai longuement exposé dans une des notes placées à la
fin du Mémoire sur les lois des proportions chimiques.
Dans le même Mémoire j’ai indiqué la méthode suivie pour obtenir
l’iodate à l’aide du dithionate d’argent; je n’y reviendrai pas ici. Je me
bornerai à dire comment je m’y suis pris pour m’assurer de l’absence de
l’iodure dans les deux parties d’iodale préparées; en effet, d’après le mode de
production pratiqué, ces sels ne pouvaient contenir d’autres matières étran¬
gères que celles résultant de leur propre réduction. J’ai constaté qu’ils se
dissolvaient intégralement dans une solution diluée d’ammoniaque pure, et
dans les acides sulfurique et azotique purs et dilués de deux fois leur volume
d’eau. La dissolution était d’une limpidité complète. On n’obtient un iodate
qui réalise ces conditions qu’en tant qu’on l’ait produit au sein de l’eau privée
de matières organiques par la distillation sur le manganate de potassium, et
qu’on ait opéré sa dessiccation dans un air également dépouillé de toute ma¬
tière organique par son passage sur de l’oxyde de cuivre chauffé au rouge.
L’acide azotique pur ne possède la propriété de dissoudre l’iodate pur, en
produisant un liquide limpide, que lorsqu’il a été distillé, à l’état dilué , sur
du dichromate de potassium, en prenant soin de soustraire sa vapeur à l’ac¬
tion de la chaleur.
Appareil destiné à la décomposition de l’iodate. — Cet appareil, figuré plus
loin avec le tube à cuivre elle système à condensation de l’eau, consiste dans
un sphéroïde de verre dur à deux cols opposés de diamètres inégaux; il est
analogue aux ballons que M. Dumas a employés pour la synthèse de l’eau,
et aux ballons dans lesquels j’ai pratiqué autrefois l’analyse du chlorate de
potassium. A l’ouverture de chaque col, parfaitement dressé, j’ai adapté, à
l’aide d’un mastic résineux peu fusible et complètement dépouillé de matières
volatiles avant 200°, une armature métallique sur laquelle se vissait un petit
robinet de laiton à clé de bronze .
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
175
Entre l’armature et le robinet se trouvait une rondelle, parfaitement dres¬
sée, de cuir desséché dans le vide au-dessus de l’acide sulfurique et dont les
pores ont été ensuite remplis de paraffine pure
Afin de retenir l’iodate et l’iodure d’argent et l’iode entraînés parle déga¬
gement d’oxygéné, j’ai placé dans le col étroit : 1° une bourre de fil épais
d’argent pur et recuit, que j’ai fixée par compression à l’orifice de la sphère;
2° un tampon d’amiante calciné à l’eau régale, et transformé en une espèce
de feutre en le délayant dans de l’eau et en recevant ensuite la pâte sur un
tamis de toile métallique, comme s’il s’agissait de faire du papier à la forme;
3° une colonne, de 15 à 18 centimètres de long, d’une éponge d’argent pul¬
vérulent et pur, provenant de la réduction à basse température d’un mélange
de solution ammoniacale d’azotate d’argent et d’azotate de cuivre, sous l’in¬
fluence du sulfite bi -ammonique. J’ai exposé page 32 et suivantes de mon
Mémoire sur les lois des proportions chimiques, comment je me procure ainsi
de l’argent pur. Cet argent est chauffé au rouge très-sombre et sert à retenir
les traces d’iode entraînées par l’oxygène; 4-° un tampon de 2 à 3 centimètres
d’amiante feutrée servant à empêcher l’entraînement de la poussière d’argent;
5° un tampon de fils très-fins d’argent pur destiné à soutenir le feutre d’amiante;
6° un ressort à boudin, en argent, destiné à maintenir les différentes parties
tendant à se déplacer sous l’influence des courants rapides de gaz qui se pro¬
duisent dans ce col, lorsqu’on vient à faire le vide dans l’appareil.
Ce système, avant de servir à l’expérience, a été chauffé à une tempéra¬
ture élevée, en faisant arriver en môme temps un courant d’air sec. Au même
moment, le col renfermant les différentes matières que je viens de détailler,
1 On parvient à ce résultat en plaçant le cuir séché dans la paraffine fondue et en faisant le
vide, laissant pénétrer l’air sous la cloche , faisant encore le vide et rétablissant la pression.
En répétant ces opérations un assez grand nombre de fois, on finit par obtenir un cuir
d’une imperméabilité absolue pour les gaz à basse température, et fort souple vers 40° à 43°.
L’imprégnation des cuirs parla paraffine m’a rendu les plus grands services lorsqu’il s’est agi de
faire des pesées dans des vases vides d’air. Ces cuirs sont privés d'hygrométricité, et ils conser¬
vent l’intégrité de leur poids jusqu’à une température assez élevée. Fixés par compression entre
des surfaces juxta-posées, ils tiennent indéfiniment le vide. Lorsque la paraffine est bien purifiée,
elle ne provoque point l’oxydation du cuivre ou du laiton , comme c’est toujours le cas pour les
corps gras qui servent à donner de l'imperméabilité aux cuirs destinés à la fabrication des
rondelles employées dans les appareils où l’on doit maintenir le vide.
176 NOUVELLES RECHERCHES
0
était placé dans une gaine de tôle remplie de magnésie fortement calcinée;
celte gaine était chauffée au rouge très-sombre L
1 De V action de l'oxygène sur l’argent en présence du verre.
Ayant remarqué que l’argent, très-divisé, chauffé au contact du verre, à une température
capable d’amener le ramollissement du verre, colore celui-ci en jaune et même en brun, je me
suis demandé si cette coloration n’est point accompagnée d’absorption d’oxygène. Dans le but de
résoudre cette question, j’ai fait un mélange intime de cent grammes de verre très-réfractaire
finement pulvérisé, et de trente grammes d’argent précipité il froid d’une solution ammoniacale
d'azotate d’argent par une solution ammoniacale de sulfite cuivreux. Ce mélange, bien séché, a
été introduit dans un tube de verre très-réfractaire de soixante centimètres de longueur, effilé
d’un bout et muni d’un tampon d’asbeste feutré; l’autre bout de ce tube a été effilé après que
la poudre de verre et d’argent y eut été introduite et convenablement tassée. Le tube ainsi
disposé, après avoir été chauffé vers 350° pendant qu’un courant d’air sec le traversait, a été
pesé après son refroidissement complet. Son poids était 289er,G24o; je l’ai suspendu dans une
gaine de tôle placée sur une grille à gaz; il ne reposait que par ses bouts non chauffés. J’ai
amené la gaine au rouge sombre, et j’ai fait passer pendant une heure et demie de l’air pur et
sec au travers du tube. Au bout de ce temps, j’ai éteint le gaz et j’ai abandonné le tout au refroi¬
dissement. Le mélange de verre et d’argent, qui primitivement était d’un gris très-sale, était
devenu- beaucoup plus blanc.
Le poids du tube, déterminé le lendemain, était de 289sr,G257.
J’ai replacé le tube dans la gaine de tôle et j’ai amené celle-ci à la température rouge la plus
élevée que j’ai pu produire sans déterminer la flexion du tube librement suspendu. Dans cet
état, j’y ai fait passer pendant une heure un courant lent d’air pur et sec. Après le refroidis¬
sement, la couleur du mélange était devenue encore plus blanche, et la surface interne du tube
de verre avait conservé sa couleur.
Le poids du tube , déterminé le lendemain , était 289sr,62S2.
Enfin, j’ai introduit une troisième fois le tube dans la gaine, mais en le faisant reposer par
le milieu sur un lit de magnésie pure, chauffée préalablement au gaz tonnant pour en déter¬
miner la contraction et produire ainsi l’indifférence chimique. J'ai porté ensuite la gaine à une
température aussi élevée que j’ai pu l’obtenir par la combustion du gaz; pendant ce temps, j’ai
fait passer de l’air sec au travers du tube. Quoique ce tube fût très-réfractaire, au bout d’une
vingtaine de minutes il s’est affaissé sur lui-même, tout en se courbant entre les parties suspen¬
dues, et il s’est obstrué au point d’empêcher complètement le courant d’air. Après l’avoir laissé
très-lentement refroidir pour en empêcher la casse, j’ai lavé à l’eau acidulée par l’acide chlorhy¬
drique la portion qui avait reposé sur la magnésie , puis par l’eau pure. Le mélange de verre et
d’argent, fortement contracté et tout à fait adhérent au tube, s’était sensiblement coloré en
jaune, toutes les parties en contact avec le verre avaient également coloré la surface du tube en
jaune légèrement brunâtre.
grain.
Après un refroidissement convenable, je l’ai pesé; son poids constant a été . . . 289,6513
11 y a eu donc une augmentation de poids égal à . 0,0508
Il résulte de ces faits que, par suite de son contact avec le verre même très-réfractaire, l'ar-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
177
Lorsque l’appareil fut tout à fait séché, j’y fis le vide aussi parfaitement
qu’une machine pneumatique neuve le permet. Pour me mettre à l’abri de l’en¬
traînement des matières pulvérulentes par les courants brusques et rapides,
j’eus soin d’interposer entre la machine et l’appareil un tube de verre très-
solide, long de 25 à 30 centimètres, et d’un diamètre intérieur allant du tiers
au quart de millimètre. Cet obstacle rend l’opération beaucoup plus longue ,
mais celte lenteur est indispensable pour ne pas soulever les matières légères
et les entraîner ensuite , hors des appareils, dans la pompe même.
Appareil destiné à fixer l’oxygène. — Cet appareil consiste en un tube de
verre très-réfractaire, de soixante-quinze à quatre-vingts centimètres de long,
sur deux centimètres et demi de diamètre. A chaque bout, parfaitement dressé ,
j’ai luté, à l’aide d’un mastic résineux peu fusible, une armature métallique
sur laquelle vient se visser un petit robinet de laiton muni d’une clef de bronze.
Des cuirs préparés à la paraffine sont interposés entre l’armature et le
robinet. Ce tube contient du cuivre pur sous différents états : d’abord par le
bout destiné à l’entrée de l’oxygène, un tampon de fil de cuivre destiné à
empêcher les matières d’avancer au delà d’un certain point; ensuite une
colonne, de dix à douze centimètres, de tournure très-fine de cuivre pur ;
en troisième lieu, une colonne de dix centimètres de cuivre réduit de l’oxyde
à l’aide de X oxyde carbonique pur (afin de donner beaucoup de cohésion à
cette mousse métallique, la réduction a été opérée à une haute température);
en quatrième lieu, une colonne de vingt centimètres de cuivre, réduit de
l’oxyde par l’oxyde carbonique à basse température, dans le but de l’avoir
le plus divisé et le plus apte à s’emparer de la moindre trace d’oxygène; en
cinquième lieu, de la tournure de cuivre pur légèrement oxydée : cet oxyde
est destiné à ramener à l’état d’eau l’hydrogène qui aurait pu être mis en
liberté par le passage de la vapeur d’eau sur les traces de fer restées dans le
cuivre métallique.
gent peut absorber l’oxygène et produire du silicate de ce métal; mais cette absorption est
absolument nulle au-dessous de la température du ramollissement du verre. Comme, dans l’ana-
Ivse de l’iodate d’argent, l’argent pulvérulent sur lequel l’oxygène a passé a été chauffé seule¬
ment au rouge très-sombre, et par conséquent à une température inférieure à celle du ramollis¬
sement du verre très-réfractaire, je crois être certain qu’il n’y a pas eu absorption d’oxygène >
et que partant il n'y a aucune cause d’erreur de ce chef.
Tome XXXV.
23
d 78
NOUVELLES RECHERCHES
J’ai soutenu la tournure grillée à l’aide d’une bourre de fils fins de cuivre.
Pour éviter l’entrainement des parcelles métalliques par les gaz en mouve¬
ment, j’ai placé une colonne d’amiante feutrée de trois à quatre centimètres de
long; une nouvelle bourre de fils de cuivre maintient celte colonne d’amiante;
enfin un ressort à boudin en cuivre redresse les différentes parties lorsqu’elles
avancent sous le courant produit par la machine pneumatique.
Ce n’est qu’après mûre réflexion, et après de longs tâtonnements, que je
me suis servi du métal cuivre sous ces différents états. J’ai mis à la préparation
du cuivre les soins les plus minutieux : j’ai éliminé notamment le soufre que
ce métal contient presque toujours; dans ce but, après l’avoir transformé en
azotate, à l’aide de l’acide azotique pur, j’ai ramené ce sel à l’état d’oxyde par
une chaleur simplement suffisante pour effectuer sa décomposition. D’un autre
côté, j’ai produit de l’hydrate de potassium pur par l'action de l'eau sur
l’oxyde de potassium, obtenu par la réduction de l’azotate de ce métal au
moyen du cuivre métallique. L’oxyde de cuivre a été chauffé avec une solu¬
tion de cet hydrate de potassium jusqu’au moment où l’analyse ne m’a plus
permis d’y découvrir l’existence du soufre. J’ai été amené à l’élimination du
soufre, parce que j’ai reconnu que l’oxydation du cuivre sulfuré est accom¬
pagnée d’un dégagement d’anhydride sulfureux lorsqu’elle s’effectue à une
température élevée.
L’emploi de l’oxyde carbonique pour la réduction de l’oxyde de cuivre ,
emploi qui a entraîné beaucoup de travail, a été nécessité par le fait reconnu
par M. Melsens , de l’existence de l’hydrogène dans le cuivre réduit à basse
température à l’aide de ce corps. La présence de cet hydrogène eût été une
source d’erreurs d’autant plus grande, que l’iodate lui-même dégage des traces
de vapeur d’eau lorsqu’on le soumet à la fusion. Du reste, abstraction des
peines qu’entraîne l’emploi de l’oxyde carbonique, le cuivre obtenu ainsi ma
semblé plus oxydable que celui fourni par l’hydrogène. Dans son oxydation ,
il ne m’a fourni aucune trace d’anhydride carbonique.
Le tube, avant de servir à l’opération , a été chauffé au rouge très-sombre
dans un courant lent d’azote pur et sec, pour éliminer complètement la vapeur
d’eau que le métal pulvérulent avait enlevée à l’air atmosphérique. J’y ai fait
ensuite le vide, en interposant, entre la machine pneumatique et lui, un
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
179
tube capillaire destiné à empêcher l’entraînement des poussières métalliques.
Du système destiné à la condensation de l’eau. — Le système destiné à la
condensation de l’eau consiste dans trois tubes en U, de quarante centimè¬
tres de longueur sur deux centimètres et demi de diamètre intérieur. Au bout
de ces tubes sont soudés des tubes recourbés à angle droit, de un centimètre
de diamètre intérieur. Ces tubes en U sont remplis de pierre ponce réduite
en grains irréguliers de un à deux millimètres de diamètre. Avant d’intro¬
duire ces grains dans les tubes, je les ai mouillés par de l’acide sulfurique,
et, après vingt-quatre heures de digestion, je les ai chauffés au rouge, afin
de décomposer les chlorures et fluorures que la pierre ponce contient. Pour
plus de sécurité, j’ai renouvelé cette opération une seconde fois; au second
traitement , je n’ai pas vu apparaître la moindre trace d’acide chlorhydrique
ou de tétra-fluorure de silicium. Après le refroidissement de la pierre ponce,
j’en ai rempli les tubes, en me servant à cet effet d’une main de platine.
Lorsqu’ils en furent presque entièrement remplis, je les chauffai jusqu’à
300° environ, tout en y faisant passer un courant d’air sec, et pendant qu’ils
étaient encore fort chauds, j’y ai laissé couler, à l’aide de la pointe d’une
pipette, de l’acide sulfurique normal, chauffé près de son point d’ébullition,
et en quantité suffisante non-seulement pour pénétrer et mouiller tous les
grains, mais encore pour que les tubes, placés dans une position verticale,
continssent, dans leur courbure, une couche d’acide sulfurique d’un centi¬
mètre et demi de hauteur. Afin d’être certain que les pores des grains étaient
complètement remplis d’acide sulfurique et d’éliminer de la sorte l’air qu’ils
renfermaient, j’ai fait, à trois reprises différentes, le vide dans les tubes, après
que l’acide sulfurique y eut été introduit, en laissant pénétrer à chaque fois
de l’air séché par son passage sur l’acide sulfurique lui- même. A chaque
reprise, j’ai retourné les tubes pour répandre sur les grains l’acide déposé
dans la courbure.
Les trois tubes ont été rendus solidaires à l’aide de petits tubes courbés
en U, fixés par des tubes en caoutchouc. Ces tubes de caoutchouc étaient
solidement fixés sur les bouts libres des appareils de verre, à l’aide de lames
minces d’argent faites par le laminage d’un fil épais de ce métal. Je tournais
cette lame métallique en spires tellement rapprochées autour du tube, que la
480
NOUVELLES RECHERCHES
surface du caoutchouc en était entièrement couverte. De cette manière, je me
suis mis, autant que possible, à l’abri de l’augmentation de poids que le caout¬
chouc tend à subir en s’emparant de l’oxygène de l’air.
Des essais nombreux, faits à plusieurs reprises, sur la dessiccation des gaz,
m’ont prouvé que deux tubes , comme ceux que je viens de décrire, suffisent
pour garantir l’absorption totale de l’eau, dans les conditions où ils doivent
fonctionner. Pour plus de certitude, j’y ai joint un troisième tube; celte sur¬
charge était d’ailleurs insignifiante pour la balance qui devait les peser.
J’ai pris en outre le soin d’ajouter un quatrième tube libre devant servir de
témoin. Ce tube témoin a une hauteur moitié moindre que celle des grands
tubes et un diamètre de près de deux centimètres. Je garantissais la conserva¬
tion du témoin contre les atteintes de l’humidité de l’air ambiant, en le mettant
pendant l’expérience en communication avec un long tube en U , identique
aux trois tubes formant le système à condensation de la minime quantité de
vapeur d’eau résultant de la décomposition de l’iodate, et préparé dans les
mêmes conditions qu’eux.
Lorsque ces tubes ne fonctionnaient pas, leurs ouvertures étaient munies
de poches en caoutchouc; et, sauf le moment où ils pendaient à là balance,
ils étaient enfermés dans une espèce de sac en lin fin , pour les soustraire à
l’influence des poussières et de l’attouchement des mains. L’ensemble du
système à condensation de l’eau est figuré à la fin de ce Mémoire sur une
planche séparée , avec tout l’appareil d’analyse.
Du système d’appareil qui a fourni l’azote pur nécessaire à l’opération. —
Ce système se compose d’un gazomètre de Pepys, de 140 litres de capacité,
qui est rempli d’azote préparé par l’action de l’air sur le cuivre chauffé au
rouge. Comme ce gaz devait nécessairement être conservé en contact avec l’eau,
j’ai eu soin de dissoudre dans celle-ci du stannite de potassium, qui a l’avan¬
tage de dissoudre à la fois l’oxygène et l’anhydride carbonique libres. J’ai déjà
eu recours, en 1842 i, au stannite de potassium pour enlever, à l’oxyde car¬
bonique recueilli sur l’eau, l’oxygène et l’acide carbonique qu’elle renfermait.
1 Nouvelles recherches sur le véritable poids atomique du carbone , Bulletins de l’Académie
ROYALE DE BELGIQUE , t. XVI.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
181
Ce stannite de potassium se prépare, au fur et à mesure des besoins, par la
dissolution de l’hydrate de stannosum dans l’hydrate de potassium ; et l’hy¬
drate de stannosum s’obtient par l’action du carbonate bisodique sur une
solution de chlorure de stannosum. On sait qu’une solution concentrée de
stannite de potassium se détruit rapidement avec dépôt d’étain et formation
de stannate de potassium; mais, en solution diluée, le stannite de potassium
se conserve fort longtemps.
A l’aide d’un tube en Z le gazomètre est mis en communication avec un
grand appareil de Liebig, contenant de l’acide sulfurique pur, qui lui-même
est en relation avec deux grands tubes en U reliés entre eux et contenant du
chlorure de calcium fondu. Le second de ces tubes communique, à l’aide
d’un tube conique de caoutchouc, avec un tube en verre blanc réfractaire,
long de un mètre et dix centimètres. Ce tube est placé dans une gaine de
tôle remplie de magnésie et reposant sur une grille à gaz. Il renferme du
cuivre divisé, provenant de la réduction de l’oxyde de cuivre par l’oxyde
carbonique. Pendant le passage de l’azote, ce tube est chauffé au rouge sombre
sur une longueur de 90 centimètres.
Au bout de ce long tube est mastiqué une armature de laiton sur laquelle
se visse, avec interposition d’un cuir, un robinet assez bien construit pour
tenir parfaitement le vide. Ce robinet fait partie d’un système de tube en T
terminé à ses trois bouts par des robinets. L’un de ces robinets est en commu¬
nication avec la machine pneumatique, l’autre s’ajuste à un système de dessic¬
cation formé de cinq grands tubes en U, remplis de pierre ponce concassée,
humectée d’acide sulfurique normal. Ces tubes en U ont été préparés avec
tous les soins que j’ai fait connaître pour le système destiné à recueillir les
traces d’eau dégagées de l’iodate. Ces tubes en U sont reliés les uns aux
autres par des tubes de caoutchouc faits à l’aide de lames épaisses, découpées
dans des blocs de caoutchouc naturel bien séché dans le vide. Il n’y a en effet
que le caoutchouc naturel qui, appliqué sur des surfaces dépolies et sous une
épaisseur suffisante, garde le vide. Le caoutchouc qui a été vulcanisé, et qui
a été désulfuré ensuite, est extraordinairement poreux.
Le bout libre du dernier de ces cinq tubes, reliés entre eux, est terminé
par un robinet. Pour être certain que, par ce robinet, il se dégage de l’azote
182
NOUVELLES RECHERCHES
pur, j’ai pris les dispositions suivantes : après avoir adapté sur le gazomètre
un tube métallique, contenant une colonne de liquide capable d’exercer sur le
gaz azote contenu dans le réservoir une pression de 60 à 80 centimètres
d’eau, j’ai ouvert le robinet du gazomètre, de manière à laisser passer bulle
à bulle l’azote au travers de l’acide sulfurique de l’appareil de Liebig, et j’ai
chauffé au rouge très-sombre le tube contenant le cuivre réduit, placé sur la
grille à gaz. Lorsque cinq litres d’azote eurent traversé tout le système, je
fermai le robinet qui termine le tube à cuivre et le robinet qui clôt le système
à dessiccation; j’ouvris le robinet adapté au tube en T, que j’avais mis en
communication avec la pompe pneumatique, et fis le vide dans les cinq
tubes, à 0n',001 près. Ce résultat atteint, j’ai ouvert lentement le robinet du
tube à cuivre, de manière à laisser pénétrer de l’azote pur dans le système à
dessiccation. Lorsque la pression a été rétablie, j’ai fermé de nouveau le ro¬
binet du tube à cuivre, on a fait de nouveau le vide et j’ai laissé encore
une fois pénétrer de l’azote. J’ai répété un grand nombre de fois ces opéra¬
tions pour être tout à fait certain de l’absence de toute trace d’air dans le
système destiné à sécher l’azote.
Avant de dire comment j’ai procédé à la décomposition de l’iodate d’argent ,
il faut que j’expose les moyens employés pour peser les différents appareils.
Pesées des appareils. — La pesée d’appareils aussi longs que ceux dans
lesquels j’ai été obligé d’exécuter l’analyse est une opération des plus déli¬
cates. Le balancement qu’ils éprouvent, lorsqu’ils ne sont point suspendus
dans une position parfaitement horizontale et dans un équilibre stable, rend
la pesée douteuse. Lorsque j’ai eu à peser les longs tubes où j’ai effectué la
combustion de l’argent dans le chlore et dans le soufre, les ballons à deux
cols dans lesquels j’ai opéré la décomposition du chlorate de potassium, les
cylindres de 90 centimètres de long dans lesquels étaient renfermés les tubes
contenant soit le sulfure soit le sulfate d’argent, j’ai eu à lutter contre ces
difficultés. A cette époque, j’ai imaginé l’artifice suivant, qui réussit au point
que la pesée d’un objet placé dans la position horizontale n’est pas plus diffi¬
cile que celle d’un vase suspendu dans la position verticale. Cet artifice con¬
siste à fixer ces appareils à un support en T renversé, suspendu à la balance
dans un état d’équilibre parfait. La branche verticale du T renversé présente
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
■185
une ouverture allongée dont la partie supérieure est limée en biseau. De chaque
côté de la branche horizontale se meut une coulisse à laquelle est attachée une
lame métallique longue et recourbée. Chaque coulisse est munie d’une vis de
pression qui permet de la fixer sur un point quelconque du bras du T ; les
parties recourbées de la lame servent de support à l’objet à peser.
La figure ci-dessous représente le support dont je me suis servi dans les
pesées des appareils destinés à l’analyse de l’iodate.
Fig. 15.
Comme garantie de l’exactitude de mes pesées, j’ai suspendu en bloc à la
balance, avant et après l’analyse, les trois systèmes d’appareils, dans la
position que montre la figure avec le support. Comme l’oxygène et les traces
de vapeurs d’eau, devenus libres par la décomposition, étaient fixés l’un dans
le tube à cuivre et les autres dans le système à condensation de l’eau, après
l’opération, le poids total devait être le même qu’avant l’expérience , sauf
l’erreur de l’expérience. Pour pouvoir peser en bloc ces trois systèmes d’ap¬
pareils, j’ai attaché des crochets métalliques doublement recourbés sur les
armatures mastiquées au bout de chaque col soudé au sphéroïde; dans la
courbure inférieure de chaque crochet j’ai posé l’armature mastiquée à chaque
bout du tube à cuivre métallique. A l’aide de deux gros fils métalliques j ai
pendu au tube à cuivre le système à condensation de la vapeur d eau , placé
également dans la position horizontale.
184
NOUVELLES RECHERCHES
Le support, sur lequel ces trois systèmes d’appareils étaient fixés, était
suspendu au plateau de la balance; il flottait librement dans une grande
cage au-dessous de celle-ci. L’air de celte cage était aussi sec que possible, et
abrité, à l’aide de cloisons épaisses de bois, de toute cause de mouvement
soit par des courants, soit par la chaleur rayonnante du corps.
Comme contre-poids du système j’ai pendu, à l’aide d’une longue tringle
d’acier, un ballon fermé, des tubes bouchés hermétiquement dont le volume
extérieur était rigoureusement identique à celui des appareils dans lesquels
je faisais le vide. Pour arriver à cette identité de volume, je me suis servi de
la méthode indiquée pour la première fois par M. Régnault , dans son Mé¬
moire sur la pesanteur spécifique des gaz. A ce ballon et à ces tubes bouchés
j’ai ajouté des tubes en U ouverts et contenant de la pierre ponce pour contre¬
balancer exactement le poids du système à eau dans lequel je ne pouvais
pas faire le vide.
Avant que d’exécuter une expérience d’analyse, je me suis assuré d’abord
si les systèmes destinés à se faire contre -poids restaient en équilibre dans
l’air, à différentes températures et à différentes pressions; ensuite, j’ai cherché
quels étaient les changements que les appareils pourraient éprouver sous 1 in¬
fluence de la chaleur, du courant d’azote et des opérations nécessaires pour
y faire le vide.
Après avoir amené la balance à une sensibilité convenable pour la charge
qu’elle était destinée à supporter et avoir garanti l’invariabilité de la longueur
de ses bras, j’ai déterminé le poids stationnaire des appareils vides d'azote
à 0m,001.
grain.
Ce poids a été trouvé égal à . 1075,05525
Ayant rempli ces mêmes appareils d’azote et les ayant vidés de nou¬
veau à Om, 001, j’ai trouvé, après cinq heures de refroidissement 1075,0555
Le lendemain, leur poids était . 1075,0555
Les appareils étant traversés par un courant d'azote pur, j’ai
chauffé au rouge sombre, à l’aide des moyens que j’indiquerai
plus loin, la sphère destinée à contenir l’ioda le et le tube a cuivre
servant à la fixation de l’oxygène; après trois heures de refroi¬
dissement j’y ai fait de nouveau le vide, et j’ai trouvé. . . . 1075,0545
Après cinq heures de refroidissement . 1075,0550
Et le lendemain, le vide étant poussé aussi loin que possible . . 1075,0550
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
185
J’ai laissé le système suspendu à la balance pendant cent vingt heures,
laps de temps durant lequel j’ai fait varier la chaleur de l’appartement de
5° à 28°, sans que le système ait changé sensiblement de poids. Dans cet
intervalle, la pression barométrique a varié de Om,761 à Om,769.
La constance dans le poids des appareils, suspendus pendant un temps si
long au plateau de la balance, ne s’obtient qu’à la condition quon soustraie
son fléau, aussi bien que les objets à peser, au rayonnement et aux courants
d’air chaud. Pour éviter l’influence de la chaleur sur les bras de la balance,
je couvre d’une manière permanente, à l’aide d’une double toile de colon
blanc, les deux tiers supérieurs delà cage qui la renferme, et je ne laisse de
libre que le bas de l’aiguille sur laquelle on observe de loin son mouvement
d’oscillation. Si l’on n’a pas soin de prendre chaque fois celte précaution, et
si l’on se place à droite ou à gauche de la balance, on constate des poids
variant en sens opposés, suivant que l’on a produit l’allongement inégal de
l’un ou l’autre bras du fléau.
Après avoir reconnu que les appareils tenaient bien le vide, et que leur
poids restait intact dans les conditions où l’expérience doit s’accomplir, j’ai
introduit dans le corps du ballon, à l’aide d’un tube assez long, ouvert par
les deux bouts, la quantité d’iodate sur laquelle je voulais opérer; et, après en
avoir déterminé le poids, j’ai procédé à l’analyse même.
De l’ opération de l’analyse de l lodate d argent. J ai placé le ballon dans
un bain de magnésie fortement calcinée et j’ai engagé l’un de ses cols, celui
contenant la colonne d’argent divisé, dans une gaine de tôle remplie de
magnésie fortement calcinée. Ce bain et cette gaine étant solidement fixés à
une hauteur convenable au-dessus d’une lampe a gaz à cinq flammes et d une
grille à gaz, j’ai élevé le tout de manière à mettre le robinet, qui termine son
col vide, à la hauteur du robinet adapté à l’appareil destiné à fournir 1 azote
pur et sec. J’ai relié ces deux robinets l’un à l’autre à l’aide d’un tube de caout¬
chouc. A la branche du robinet, terminant l’autre col du ballon, j’ai relié,
à l’aide d’un tuyau épais de caoutchouc, le tube à cuivre posé dans une gaine
remplie de magnésie qui le couvrait complètement. Cette gaine reposait sur
une grille à gaz qui permettait d’élever sa température au rouge. Enfin, j ai
mis le tube à cuivre en communication avec le système destiné à la conden-
Tome XXXV. 24
186
NOUVELLES RECHERCHES
sation de la vapeur d’eau; ce système était suivi de son témoin, et celui-ci
de son tube en U servant à le garantir des atteintes de l’humidité atmosphé¬
rique.
Ces différents appareils étant disposés comme l’indique la planche annexée
à ce Mémoire, j’ai commencé par ouvrir le robinet du gazomètre contenant
l’azote, et j’ai porté au rouge sombre le grand tube à cuivre destiné à dépouiller
l’azote des traces d’oxygène qu’il pouvait retenir; après avoir placé des
écrans de métal et de carton, en nombre suffisant et convenablement espacés,
pour garantir de la chaleur les mastics résineux qui servent à fixer les arma¬
tures métalliques sur les cols du ballon et du tube à cuivre, j’ai ouvert le
robinet terminant le système à dessiccation de l’azote et j’ai tourné avec les
plus grandes précautions le robinet du ballon pour y laisser pénétrer lente¬
ment le gaz srzote. Ce résultat atteint, j’ai tourné le robinet opposé, puis, avec
les précautions nécessaires, le robinet du tube à cuivre qui lui correspond,
et enfin le robinet qui termine le tube à cuivre. Lorsque quatre à cinq litres
d’azote pur eurent passé par le système entier, tout en maintenant le courant
d’azote , je portai au rouge sombre le tube à cuivre métallique, ensuite la
gaine dans laquelle repose le col contenant l’argent, enfin je chauffai avec
lenteur le bain de magnésie contenant le ballon.
Dès que j’ai vu l’iodate fondu dégager des gaz , j’ai fait tous mes efforts
pour maintenir aussi stationnaire que possible la température du bain. Au
commencement, l’iodate fondu se décompose avec beaucoup de régularité; le
liquide est bien (laide, incolore; mais à mesure que la décomposition s’ac¬
complit, le liquide prend de la viscosité, il se colore en jaune, en rouge, en
brun rougeâtre; le dégagement du gaz devient de plus en plus difficile et la
conduite de l’opération de plus en plus délicate.
Comme j’avais étudié, par une expérience préliminaire faite sur environ
une trentaine de grammes d’iodate, toutes les phases de cette décomposition,
j’ai pu terminer l’opération sans le moindre accident. Seulement, vers la fin
de la décomposition de l’iodate, lorsque la grande quantité d’iodure qui avait
pris naissance fut devenue visqueuse par l’élévation considérable de tempé¬
rature, comme c’est le cas pour le soufre chauffé à 350°, il a fallu redoubler
d’attention dans la conduite du feu, sinon l’iodure soulevé aurait été entraîné
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
187
par le dégagement d’oxygène. J’ai maintenu l’application de la chaleur aussi
longtemps que l’iodure n’est point resté à l’état de fusion tranquille. Le déga¬
gement d’oxygène a duré six heures environ, dans l’analyse que j’ai faite sur
986r,1396 , et il a fallu onze heures de chaleur consécutive et de soins assidus
pour terminer le dégagement de l’oxygène dans la deuxième analyse, où
156^,8649 d’iodate ont été décomposés.
Lorsque l’iodate se maintint en fusion tranquille au fond du ballon, malgré
l’élévation croissante de la température, je couvris la partie libre du ballon
d’une double toile métallique, très-serrée et convenablement recourbée, sur
laquelle je plaçai des charbons incandescents, afin de décomposer les traces
d’iodate projetées par le pétillement contre la voûte du ballon.
La quantité d’iodate et d’iodure, entraînée parle courant de gaz dans le col,
a été très-faible; le tiers au plus de la colonne d’amiante feutré én était légè¬
rement coloré en jaune, le reste avait conservé sa couleur blanche. L’argent
m’a paru avoir conservé également sa blancheur, du moins il m’a été impos¬
sible de découvrir sur une partie quelconque de la colonne la moindre colo¬
ration produite par la formation de l’iodure d’argent. Je n’ai pas constaté non
plus la coloration du verre en contact avec l’argent, preuve qu’il n’y a pas
eu absorption d’oxygène et production de silicate d’argent '.
Lorsque le dégagement d’oxygène eut complètement cessé au sein de la
matière contenue dans le ballon, je laissai lentement refroidir le bain, tout
en maintenant au rouge sombre le tube à cuivre, et en continuant le courant
d’azote pendant une heure au moins, de manière à faire passer de 12 à
15 litres d’azote pur pour déplacer la dernière trace d’oxygène.
Ce résultat obtenu , j’ai laissé refroidir le ballon à deux cols et le tube à
cuivre. Tous les robinets étant fermés, j’ai détaché le système destiné à
recueillir l’eau, qui alors contenait une atmosphère d’azote. Pour élimi¬
ner cette atmosphère et la remplacer par de l’air pur, j’ai fait passer len¬
tement un courant d’air, desséché préalablement par son passage au travers
d’un tube à chlorure de calcium, suivi de quatre grands tubes en U à
ponce sulfurique préparés avec tous les soins nécessaires. Le système à eau
1 Voir Ja note de la page 175.
188
NOUVELLES RECHERCHES
a élé muni de ses poches en caoutchouc et abandonné, dans son enveloppe
de lin, au refroidissement complet.
Le refroidissement du ballon et du tube à cuivre étant accompli , j’ai lavé,
à l’eau acidulée par l’acide chlorhydrique, puis par de l’eau pure, toutes les
surfaces de verre qui avaient subi le contact de la magnésie calcinée, et j’ai
essuyé les appareils avec du linge fin.
L’iodure contenu dans le ballon était d’un jaune légèrement verdâtre.
Toute la surface du ballon qui avait élé en contact avec l’iodate en décompo¬
sition était colorée en jaune ou en jaune brunâtre. Je me suis assuré par un
essai direct que la coloration du verre se fait avec augmentation notable de
poids. De l’argent entre en combinaison avec la substance du verre, et un
iodure alcalin se forme et reste en dissolution dans l’iodure d’argent. L’iodure
d’argent lui-même, chauffé longtemps dans le verre, produit le même eftet;
cette double décomposition s’effectue sans dégagement d’oxygène ou d’iode. J ai
constaté ce fait en chauffant au delà de 100 grammes d’iodure d’argent dans
un ballon de verre réfractaire , à la température la plus élevée que ce verre
est capable de supporter sans s’affaisser sur lui-même; dans cet essai j’ai eu
soin de ne pas établir de courant de gaz dans le vase, pour me mettre à
l’abri de la volatilité de l’iodure.
Le tube à cuivre ne présentait d’oxydation du métal que dans le premier
quart de la longueur de la colonne, quoique les trois quarts restants fussent
également chauffés au rouge. Les chimistes qui ont exécuté des analyses de
l’air par la méthode de MM. Dumas et Boussingault savent, du reste, que
l’oxydation du cuivre dans un semblable appareil se fait graduellement,
lorsque le courant est bien modéré; et, lors de la décomposition de 1 iodate,
il a dû être nécessairement d’une lenteur extrême, pour ne pas avoir d acci¬
dent par l’iodure devenu visqueux sous rinlïuence de la chaleur.
Les appareils étant ramenés dans les conditions premières de leur surface,
j’y ai fait de nouveau le vide avec toutes les précautions possibles, je les ai
déposés sur le support servant à les suspendre, à l’état d’équilibre parlait, au
plateau de la balance, et je les ai abandonnés à eux-mêmes pendant six
heures.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 189
Voici maintenant toutes les données numériques de ces deux opérations
bien laborieuses :
PREMIÈRE ANALYSE.
IODATE l’RÉt'ARÉ PAR LE SULFATE D’ARGENT ET L IODATE DE POTASSIUM.
Avant la décomposition.
1. Poids de l’appareil à boule, après avoir été rempli d’azote pur, gram.
vide fi 0m,001 . 002,3015
2. — du même appareil avec l’iodate séché à 120°, après avoir
été rempli d’azote, vide à 0m,00l . 700.6470
5. — du précédent appareil, le lendemain . 700,6474
4. — du tube à cuivre, vide d’azote à 0m, 001 . 472,7535
5. — du système destiné à recueillir l’eau . 832,5210
6. — en bloc des appareils 3, 4 et 5 2005,9245
7. — du témoin . 103,2068
Après la décomposition.
1. Poids en bloc du 6°, après six heures de refroidissement . . . 2005,9220
2. — en bloc des mêmes appareils, le lendemain . 2005,9230
3. — de l’appareil à boule, vide d’azote à 0m,001 . 683,8940
4. — de l’appareil 5°, le lendemain . 683,8945
5. — du tube à cuivre, vide d’azote à 0m, 004 . 489,4360
6. — du tube à cuivre, le lendemain . 489,4362
7. — du système .à eau , après six heures de refroidissement . . 832,5925
8. — du système précédent, le lendemain . 832,5928
9. — du témoin . 103,2072
D’où il résulte :
1. Poids de l’iodate, dans l’air . 98,3455
2. — de l’iodate, dans le vide . 98,3396
3. — de l’eau dégagée . 0,074 5
4. — de l’iodure d’argent, dans l’air . 81,5930
5. — de l’iodure d’argent, dans le vide . 81,5880
6. — de l’oxygène, dans l’air . 16,6825
7. — de l’oxygène, dans le vide . 46,8815
8. Somme des poids de l’iodure d'argent et de l’oxygène, dans le vide 98,2695
9. Différence entre le poids de l’iodate employé et la somme des
poids des éléments séparés . -+- 0,004 5
190
NOUVELLES RECHERCHES
DEUXIÈME ANALYSE.
I0DATE PRÉPARÉ PAR F.E DITHIONATE EMARGENT ET L’iODATE DE POTASSIEM.
Avant la décomposition.
gram.
1. Poids de l’appareil à boule, vide d’azote à 0ra,001 . 928,5410
2. — du même appareil, le lendemain . 928,5415
5. — de l’appareil avec l’iodate, vide d’azote à 0m, 001 . . . . 1085,4160
4. — du tube à cuivre, vide d’azote à 0m, 001 . 472,8125
5. — du même appareil, le lendemain . 472,8150
G. — du système à condensation de l’eau . 852,5950
7. — du même système, le lendemain . 852,5928
8. — du témoin . 105,2075
#
Après la décomposition.
1. Poids de l’appareil avec l’iodure, vide d’azote à 0m,001 et après
sept heures de refroidissement . 1058,7245
2. — du même appareil, le lendemain . 1058,7248
5. — du tube à cuivre, vide d’azote à 0m,001, après six heures
de refroidissement . 499,4250
4. — du même tube, le lendemain . 499,4250
5. — du système à condensation de l’eau , après six heures de
refroidissement . 852,6720
6. — du système précédent, le lendemain . 852,6725
7. — du témoin . 105,2080
D’où il résulte :
1. Poids de l'iodate, dans l’air . 156,8745
2. — de l’iodate, dans le vide . 156,8649
5. — de l’eau dégagée de l’iodate . 0,0790
4. — de l’iodure, dans l’air . 150,1855
5. — de l’iodure, dans le vide . 150,1755
6. — de l’oxygène, dans l’air . 26,6100
7. — de l’oxygène, dans le vide . 26,6084
8. Somme des poids de l’iodure d’argent et de l’oxygène, dans le vide. 156,7859
9. Différence entre le poids de l’iodate employé et la somme des
poids des éléments recueillis . — 0,0020
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
191
2° Analyse par différence de l’iodate d'argent.
L’iodate employé clans celte analyse a élé préparé à l’aide de l’iodate de
potassium et du dithionate d’argent. Dans mes Recherches sur l’ invariabilité
des rapports en poids des éléments formant les combinaisons chimiques ,
j’ai exposé les moyens auxcjuels j’ai eu recours pour me procurer le sel pur,
et le but que je voulais atteindre en faisant une analyse par différence. Je ne
reviendrai pas sur le premier sujet. Le sel qui a été soumis à l’expérience
est une partie de celui qui m’a servi pour la deuxième analyse complète.
En consacrant une partie de ce même composé à celte recherche , je désirais
contrôler le résultat obtenu par la première méthode, et j’avais également le
dessein de constater l’état de pureté du sel, afin que les conclusions déduites
de ces résultats ne pussent pas être mises en doute.
L’iodate, préalablement séché à 180°, a été pesé dans un ballon à deux
cols. Dans ce but, j’ai adapté à l’un de ces cols un robinet à l’aide d’un tube
épais de caoutchouc naturel , fixé à l’aide d’une lame mince d’argent; l’autre
col, que j’avais effilé, était fermé à l’aide d’une poche de caoutchouc naturel,
fixée également à l’aide d’une lame métallique qui la couvrait complètement.
Pour déterminer une adhérence convenable du caoutchouc sur le verre, sans
dépolir les surfaces qui devaient le supporter, j’ai répandu, sur ces surfaces
préalablement séchées et chauffées, une solution de caoutchouc dans l’anhy¬
dride sulfocarbonique. L’évaporation spontanée de cette solution laisse sur le
verre propre et sec une pellicule de caoutchouc très-mince et fort adhérente.
Cet appareil a été d’abord pesé vide d’air; après avoir enlevé le tube épais en
caoutchouc ainsi que le robinet , j’ai introduit la quantité d’iodate sur laquelle
je voulais opérer et j’ai fixé ensuite le tube de caoutchouc comme il l’était
primitivement. Le vide étant fait de nouveau, j’ai déterminé le poids de l’ap¬
pareil; j’ai été obligé de recourir à la pesée dans le vide à cause de l’état
pulvérulent du sel. Le poids étant connu, j’ai enlevé la poche fermant le col
effilé, et j’ai mis ce col en communication avec le système à eau que j’ai
décrit et figuré à l’occasion de l’analyse complète du même sel. J’ai soumis
alors le sel à l’action d’une chaleur suffisante pour en déterminer la fusion
sans le décomposer. La fusion opérée, j’ai laissé solidifier de nouveau l’iodate;
192
NOUVELLES RECHERCHES
mais pendant que l’appareil avait encore une température supérieure à 100%
j’y ai fait passer un courant d’air sec et pur, afin d’amener le peu de vapeur
d’eau produite par la fusion dans le système destiné à sa condensation.
Lorsque cinq à six litres d’air y eurent passé, à raison d’un litre par sept à
huit minutes, je détachai le système à condensation de leau, et je 1 aban¬
donnai au refroidissement complet, à l’abri de toute altération de poids, pour
en faire ensuite la pesée.
Dans mes Recherches sur ï invariabilité des rapports en poids des éléments
formant les combinaisons chimiques , j’ai exposé avec les détails nécessaires
le traitement auquel j’ai soumis liodate fondu pour le redissoudre et pour le
réduire ensuite à l’état d’iodure. Je ne reviendrai pas ici sur ces détails; je
me bornerai à dire que la dissolution a été opérée à l’aide de l’ammoniaque
pure et diluée, et que la précipitation de 1 iodale dissous a été effectuée à
l’aide de l’acide sulfurique dilué et glacé. La réduction de l’iodate en iodure a
eu lieu à l’aide d’une solution récente et saturée à 0° d’anhydride sulfureux.
La séparation complète de l’iodure suspendu dans ce liquide a été produite
par une élévation convenable de température et un repos suffisant du liquide
éclairci.
J’ai déjà dit que ce liquide ne renfermait aucune trace d’iode à l’état d'acide
iodhydrique, ni aucune trace d’argent à l’état de sulfate de ce métal.
Pour m’assurer si ce liquide ne renfermait pas des matières fixes qui,
contenues dans l iodate, auraient pu augmenter ainsi son poids et fausser le
résultat, j’en ai introduit successivement les quatre cinquièmes dans une grande
cornue de platine, où je l’ai soumis à 1 évaporation en chauffant les paiois
latérales du vase; lorsque toute l’eau se fut volatilisée, et que, par l'action de
la chaleur, la presque totalité du sulfate d’ammonium fut détruite et ramenée
à l’état de vapeurs avec l’excès sulfurique, j’ai retiré de la cornue le faible
résidu acide qui y restait, et je l’ai versé dans une petite capsule de platine
pesée. Par une élévation suffisante de température, j’ai réduit à l’état de vapeur
tout ce qui était susceptible de se volatiliser, et, après le refroidissement, le
résidu laissé pesait (F, 0024. L’analyse spectrale m’a montré que ce résidu
était essentiellement formé de sulfates de sodium, de potassium et de calcium,
enlevés probablement au verre qui avait contenu les liquides alcalin et acide.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
193
J’ai procédé au lavage complet , à la récolte, à la dessiccation et à la pesée
de l’iodure produit à l’aide des moyens que j'ai longuement exposés dans la
première partie de ce Mémoire, en parlant de la synthèse par différence et de
la synthèse complète de l’iodure d’argent; il est sans intérêt de reproduire ces
détails. Je me borne seulement à ajouter que je me suis assuré, après la pesée
de l’iodure, qu’il était soluble, sans le moindre résidu, dans une solution de
cyanure d’ammonium avec excès d’acide cyanhydrique, en donnant nais¬
sance à un liquide complètement limpide et incolore. Il ne contenait donc
aucune trace d’iodure altéré, et il n’avait par conséquent perdu aucune trace
d’iode. Du reste, toutes les opérations ont été exécutées dans la chambre
obscure.
Voici toutes les données numériques de cette analyse et le résultat auquel
elle conduit:
1. Poids du ballon à deux cols, vide d’air à 0m,001 .
2. — du même ballon avec l’iodale, vide d’air à Om, 001 . . . .
3. — du même ballon, le lendemain , le vide étant rétabli . . .
4. — du système à condensation de la vapeur d’eau, avant la
fusion de liodate . . .
5. — du système à condensation de l’eau, après le passage de l’air
humide sorti du ballon .
6. — du tube à boule avec vase à précipité destiné à peser l’iodure
d’argent .
7. — des mêmes appareils contenant l’iodure séché .
8. — des mêmes appareils, le lendemain .
grain.
513,0860
589,6850
589,6860
832,6724
852,7110
489,5165
555,0650
555,0655
D’où je déduis :
1. Poids brut de l’iodate . 76,5995
2. — de l’eau dégagée par la fusion . 0,0585
5. — réel de l iodate, dans l'air . 76,5607
4. — réel de l’iodate, dans le vide . 76,5561
5. — de l’iodure d’argent, dans l’air . 65,5490
6. — de l’iodure d’argent, dans le vide . 65,5600
7. — de l’oxygène par différence, dans le vide . 12,9961
Tome XXXV. 23
194
NOUVELLES RECHERCHES
Les trois analyses de l’iodate d’argent conduisent à
simale suivante :
la composition centé
Par
1/ ANALYSE COMPLÈTE.
Par
l’analyse par différence.
lodure . .
Oxygène .
1.
. 83,024
16,976
II.
83,028
16,972
1 1 1.
83,0259
16,9761
Moyenne.
83,0253
16,9747
1 00,000
100,000
100,0000
100,0000
On déduit de cette composition les poids moléculaires de l’iodure d’argent :
|, ||. III. Moyenne.
234,760 234,820 234,757 234,779
En combinant ces données avec celles résultant des synthèses de l’iodure
d’argent, indiquées dans la notice consacrée à ce sujet, on obtient le poids
atomique :
I. II. III. Moyenne.
De l’argent . 107,918 107,950 107,917 107,928
Et de l’iode . 126,857
Y. — Nouvelles analyses du bromate d’argent.
Analyses par différence du bromate d’argent.
J’avais espéré mener à bonne fin une analyse complète du bromate d'ar¬
gent par la méthode pratiquée pour l’analyse de l’iodate de ce métal; mais
j’ai été déçu dans mon attente. Je fondais cet espoir sur un essai préliminaire
fait sur une trentaine de grammes de bromate que, par l’action de la chaleur
seule, j’étais parvenu à décomposer entièrement, en bromure et en oxygène,
sans déflagration violente. En effet, le bromate maintenu à une température
constante, à quelques degrés seulement au-dessus de son point de fusion, se
décompose lentement, comme le chlorate de potassium , et donne très-réguliè¬
rement un courant d’oxvgène entraînant des traces de bromate, de bromure
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
195
d’argent et de brome. Me basant sur cette donnée, j’avais disposé une analyse
avec quatre-vingt-dix grammes environ de bromale. Le dégagement d’oxygène
avait eu lieu pendant près de huit heures avec une régularité remarquable,
lorsque, sans cause connue, un point de la masse est devenu incandescent;
un développement subit de gaz en a été la conséquence, et la sphère dans
laquelle la décomposition s’opérait a cédé à la pression intérieure, en produi¬
sant une épouvantable explosion qui a entraîné avec elle la destruction com¬
plète du tube à cuivre. Après l’explosion, l’atmosphère répandait une odeur
très-sensible de brome.
Cet accident arrivé, je n’ai plus songé à recommencer l’opération, on le
conçoit de reste. Les deux analyses du bromate que j’ai exécutées ont donc
été faites par différence. Dans la deuxième partie de mon Mémoire sur les
lois des proportions chimiques , j’ai fourni déjà quelques-uns des éléments
de ces expériences. Le principe sur lequel je me suis basé est la réduction du
bromate, à une basse température, par une solution d’acide sulfureux.
Il ÿ a vingt-deux années, M. Marignac a essayé d’exécuter également l’ana¬
lyse du bromate d’argent ; mais il a été arrêté par une difficulté inattendue :
c’est l’existence d’une petite quantité d’eau dans ce sel, lors même qu’il a été
chauffé clans l’air ou dans Je vide à une température comprise entre 150
et 180°. Je suis venu me heurter à la même difficulté, mais je l’ai tournée en
prenant le parti de doser exactement l’eau, comme du reste j’ai été obligé de
le faire dans l’analyse de l’iodate d’argent. Dans ce but, j’ai eu recours à la
fusion du sel dans le ballon même où il devait être transformé en bromure,
en recueillant avec tous les soins nécessaires la vapeur d’eau devenue libre.
Voici les dispositions que j’ai prises :
Dans un tube d’une capacité convenable, muni à ses deux extrémités de
bouchons de verre rodés à l’émeri , j’ai introduit la quantité de bromate sur
laquelle je voulais opérer. J’ai placé ce tube dans une étuve à air chauffé vers
150 à 160°, et j’ai fait passer sur le bromate un courant d’air sec et privé de
matières organiques, jusqu’à ce que son poids fût devenu constant. Le poids
du tube plein de bromate étant déterminé, je l’ai fait pénétrer ensuite jus¬
qu’au fond d’un grand ballon plein d’air sec, également pesé. En inclinant con¬
venablement le tube avec le ballon , j’y ai fait descendre lentement le bromate.
196
NOUVELLES RECHERCHES
.1 ai muni alors le ballon de son bouchon de verre percé de deux trous, au
travers desquels passaient des tubes usés à l’émeri et courbés extérieurement
à angle droit. Chaque branche extérieure de ces tubes courbés avait dix cen¬
timètres de long. Une des branches des tubes qui pénétraient dans le ballon,
au travers du bouchon, était assez longue pour atteindre le milieu de la
sphère.
J’ai cherché le poids du bromate, en déterminant d’un côté la perte de
poids éprouvée par le tube à dessiccation après la sortie du sel, et de l'autre
côté par l’augmentation de poids observée sur le bal!on après y avoir introduit
le bromate. J’ai eu recours à ce contrôle pour m’assurer si je pouvais me fier
assez à l’exactitude de la pesée d’une matière dans un vase aussi spacieux
que le ballon employé. Les poids constatés ont été absolument identiques
lorsque le ballon eut reçu de l’air parfaitement séché et que sa surface eut
repris, par un refroidissement suffisant, la couche d'humidité qu’elle perd
par le maniement. Comme contre-poids du ballon, je me suis servi d’un autre
ballon, de même volume et de même verre, conditions sans lesquelles *on ne
pourrait constater l’équilibre stable dans l’air.
La pesée du bromate étant faite, j’ai mis l’un des tubes, passant au travers
du bouchon adapté au ballon , en communication avec le système à conden¬
sation de l’eau i) et l’autre tube a été mis en rapport avec un appareil four¬
nissant de l’air pur et complètement séché. En prenant toutes les précautions
imaginables, j’ai soumis le bromate à la fusion; quand elle a été opérée, j’ai
laissé faiblement refroidir le ballon pour provoquer la solidification du sel
fondu, et j’ai fait traverser un courant lent d’air sec et pur jusqu’à ce que le
peu de vapeur d’eau provenant de la fusion du bromate se fût rendue dans le
système à condensation de l’eau. Dans ce but, quarante litres d’air environ
ont passé par le ballon.
Après le refroidissement complet du système à eau, j’ai déterminé l’aug¬
mentation de poids qu il avait éprouvée.
J’ai repris alors le bromate, fondu et refroidi, par la plus petite quantité
possible d’ammoniaque pure et titrée, et, après avoir enveloppé le ballon d’une
1 Le système à condensation employé est le même que celui qui m’a scivi pour les analyse-
complètes et les analyses par différence de 1 iodate d'argent.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
197
toile noire, je l’ai fixé à demeure, dans une position de degrés, au milieu
de la glace concassée contenue dans un vase de bois placé sur la planchette
d’un étrier oscillant , comme je l’ai décrit du reste avec les détails convenables
dans mes Recherches sur les lois des proportions chimiques , p. 86 et sui¬
vantes. J’ai neutralisé l’ammoniaque employée par une quantité équivalente
d’acide sulfurique dilué, titré et refroidi à 0°, et enfin j’ai procédé à la ré¬
duction du bromale à l’aide d’une solution titrée d’acide sulfureux refroidi
à 0°. Lorsque la transformation en bromure fut accomplie, je chauffai lente¬
ment le liquide jusqu’à 68°, pour déterminer son éclaircissement et la sépara¬
tion du bromure suspendu. Après un repos de six heures dans le bain maintenu
chaud, j’enlevai à l’aide d’un siphon tout le liquide acide limpide; le volume
total mesurait quatre litres.
Un litre en a été distrait pour chercher, dans une moitié, la présence de
l’acide bromhvdrique, et, dans une autre moitié, la présence du sulfate d’ar¬
gent, comme je l’ai exposé dans mes Recherches sur l’ invariabilité des rap¬
ports en poids du brome à l’argent dans le bromale et le bromure d’argent.
Les trois litres restants ont été successivement introduits dans une grande
cornue de platine et soumis à l’évaporation avec les précautions nécessaires.
La chaleur a été poussée jusqu’à la distillation de l’acide sulfurique et la
destruction complète du sulfate d’ammonium; lorsque tout ce qui était sus¬
ceptible de prendre la forme gazeuse se fut volatilisé, je mouillai les parois
de la cornue par de l’acide azotique pur, et, après avoir chauffé le vase pour
déterminer l’attaque de toutes les matières capables de se dissoudre, je re¬
cueillis l’acide azotique avec les eaux de lavage de la cornue dans une petite
capsule de platine pesée. L’évaporation jusqu’à siccilé du résidu laissé par
ces trois litres de liquide a fourni (F, 001 8 de sulfate, dans lequel l’analyse
spectrale a fait reconnaître la présence du sodium et du potassium. On verra
plus loin que le poids du bromate employé était de 86?r,6i07; il est donc
parfaitement constant que ce sel était convenablement dépouillé du bromate
de potassium qui avait servi à sa préparation. L’eau distillée, l’ammoniaque
liquide, l’acide sulfurique, la solution d’acide sulfureux, qui sont intervenus
dans l’opération, avaient été préparés avec des soins infinis.
J’ai procédé ensuite au lavage du bromure d’argent par les moyens que j’ai
198
NOUVELLES RECHERCHES
longuement décrits dans l’exposé des synthèses de l'iodure et du bromure
d’argent, moyens sur lesquels il est sans utilité de revenir. Le ballon conte¬
nant le bromure étant d’un volume trop considérable et la température trop
élevée pour pouvoir l’agiter avec l’eau en le tenant par les mains, j’ai été
obligé de recourir à un mécanisme pour opérer le lavage. Dans la notice con¬
sacrée à l’analyse du chlorate d’argent, je donne la description et le dessin de
ce mécanisme qui, du reste, m’a servi dans presque toutes mes synthèses de
l’iodure et du bromure d’argent.
Toutes les eaux de lavage ont été conservées pendant plusieurs jours au
repos, dans des vases fermés, afin de les dépouiller du bromure en suspension.
Après ce repos, je les ai filtrées au travers d’un double filtre, qui plus tard
a été repris par une solution de cyanure d’ammonium, pour y rechercher
l’existence du bromure d’argent. Enfin, j’ai évaporé toutes les eaux de lavage
dans une grande capsule de platine, et j’ai achevé dans une grande cornue de
platine la volatilisation de l’acide sulfurique et la destruction du sulfate d’am¬
monium , produits par l’évaporation de ces eaux. Le faible résidu ainsi obtenu
a été repris par de l’acide azotique bouillant; le liquide acide étendu d’eau
est devenu nuageux par l’addition d’une solution normale de brome, mais la
quantité d’argent qu’il renfermait a été trop faible pour que j’aie pu en déter¬
miner le poids.
Le bromure d’argent a été recueilli, séché et pesé dans un appareil à deux
cols, que j’ai figuré dans ma notice sur la synthèse de l’iodure d’argent,
p. 131.
Voici les données numériques des deux analyses que j’ai faites :
Première analyse.
!. Poids clans l’air du bromate, déterminé par différence dans le
grand tube .
2. — constant du grand ballon plein d’air sec .
5. — du même ballon après y avoir renouvelé l'air sec. . . .
4. — du ballon avec le bromate, après y avoir fait passer à 100"
un courant d’air sec; trois heures de refroidissement. .
S- — du ballon précédent, après six heures de refroidissement.
6* — du même ballon, le lendemain pendant toute la journée.
grarw.
86,5929
672,8150
672,8155
759,4055
759,4055'
759,4060
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 199
7. Poids du système à condensation de l’eau, avant le passage de la gram
vapeur résultant de la fusion du bromate . 852,71 15
8. — : du témoin . . 103, 2078
9. — du système à condensation de l'eau , après le passage de
l’air humide provenant du ballon . 832,7738
10. — du système précédent, le lendemain . 832,7764
1 1. — du témoin après le courant . 105,2082
12. — du ballon à deux cols et du vase à précipité . 463,6273
15. — des mêmes appareils, avec le bromure d’argent chauffé à son
point de fusion . 352,5483
14. — des mêmes appareils, le lendemain . 532,5490
De ces données résulte :
1. Poids, dans l’air, du bromate pesé par différence . 86,5929
2. — dans l’air , du bromate pesé dans le ballon . 86,5925
5. — dans le vide, du bromate avec l’eau retenue . 86,6107
4. — de l’eau dégagée par la fusion du bromate . 0,0650
5. — du bromate réel, dans le vide 1 . 86,5457
6. — du bromure d’argent, dans l’air . 86,9215
7. — du bromure d’argent, dans le vide . 68,9510
8. — de l’oxygène (par différence), dans le vide . 17,6147
Deuxième analyse.
1. Poids du ballon plein d’air sec . 672,8135
2. — constant du ballon avec le bromate, dans l’air sec . . . 774,8400
5. — du système à condensation de l’eau avant la fusion du
bromate . 832,7780
4. — du témoin avant la fusion . 105,2110
5. — du témoin après la fusion . 105,2114
6. — - du système à condensation de l’eau, après la fusion du bro¬
mate . 852,8385
7. — d’un ballon à deux cols et d’un vase à précipité. . . . 489,5170
8. — du même ballon, etc., avec le bromure d’argent, chauffé
à son point de fusion . 570,7425
D’où il résulte :
1. Poids du bromate brut dans l’air . 102,0265
2. — du bromate brut dans le vide . 102,0480
1 Pour réduire le bromate brut au vide , j’ai admis que 1000 grammes de ce sel, pesés avec des poids de platine ,
perdent 0sr, 15747 de leur poids par suite de l’air déplacé. Ce fait résulte de pesées directes , opérées dans le vide
et clans l’air sec , dans lesquelles j’ai constaté que 100,000 de bromate, pesés dans l’air, pèsent 100,020a dans le
vide. M. Marignac avait trouvé que 100,000 du sel qu’il a fait cristalliser, pesés dans l’air ordinaire, représentent
100,021 dans le vide. Ces résultats sont identiques.
200
NOUVELLES RECHERCHES
grain.
3. Poids de l’eau dégagée par la fusion . 0,0605
4. — du bromatc réel, dans le vide . 101,9875 -
5. — du bromure d’argent, dans l’air . 81,2255
6. — du bromure d'argent, dans le vide . 81,2561
7. — de l’oxygène (par différence), dans le vide . 20.7514
Les deux analyses du bromate d’argent conduisent à la composition cen¬
tésimale suivante :
Bromure d’argent . 79,649 79,655 79,651
Oxygène . 20,351 20,547 20,549
100,000 100,000 100,000
On déduit de celte composition le poids moléculaire du bromure d’argent :
8* * I • Moyenne.
187,84 187,90 187,87
En combinant ces données avec celles résultant des synthèses de bromure
d’argent, consignées dans la notice consacrée à ce sujet, on arrive aux poids
atomiques suivants :
I - 1 1. Moyenne.
Pour l’argent . . 107,905 107,937 107,921
Pour le brome . 79,940
VI. — Nouvelles analyses du chlorate d’argent.
Analyses par différence du chlorate d’argent.
La propriété que présente le chlorate d’argent de se décomposer avec
déflagration, sous l’influence de la chaleur, nia empêché d’exécuter l’analyse
complète de ce sel. J’ai dû nécessairement recourir à la méthode par diffé¬
rence. J’ai fait deux analyses par ce système, l une sur du chlorate préparé
par l’action du chlore sur le carbonate d’argent, l’autre sur du chlorate d’ar¬
gent préparé par l’action du chlore sur l’oxyde de ce métal. Dans mes
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
201
Recherches sur la transformation du chlorate en chlorure , sous l'influence
de l'acide sulfureux (voir Mémoire sur les fois des proportions chimiques,
page 94*), j’ai exposé longuement les moyens employés pour obtenir les sels
analysés, les précautions que j’ai prises pour opérer leur réduction à l’aide
de l’acide sulfureux et le résultat obtenu quant au but que je poursuivais.
Je ne reviendrai pas ici sur ces détails, je me bornerai à faire connaître, le
plus succinctement possible, les motifs de certaines dispositions auxquelles
j’ai été obligé d’avoir recours pour me mettre à l’abri des causes d’erreurs,
et la méthode que j’ai suivie pour laver, recueillir et peser le chlorure d’ar¬
gent provenant de la réduction du chlorate employé.
La solution la plus limpide de chlorate d'argent, évaporée jusqu’à cristalli¬
sation dans le vide ou au bain marie à Pair libre, fournit un sel qui, étant repris
par un volume d’eau quadruple ou quintuple de celui qui est nécessaire pour
en opérer la solution , produit un liquide opalin. Cette opalinité est due à du
chlorure d’argent. Une élévation de température détermine l’éclaircissement
du liquide, avec dépôt de quelques flocons de chlorure d’argent. On a beau
répéter les dissolutions et les évaporations, le même phénomène se représente
indéfiniment. Dans ses travaux sur le chlorate d’argent, M. Marignac a déjà
signalé cette production du chlorure; elle est une cause d’erreur qui a pour
résultat d’élever le poids moléculaire du chlorure d’argent. D’après mes
observations, la réduction éprouvée par le chlorate d’argent est due à l’action
des matières organiques répandues dans le vide ou dans l’air. Ce qui le
prouve, c’est qu’on peut évaporer à chaud une solution de chlorate sans qu’elle
s’altère, lorsqu’on fait passer sur cette solution un courant d’air dépouillé de
matières organiques par son contact avec de l’oxyde de cuivre chauffé au
rouge; mais je n’ai pas pu employer ce moyen, à cause des grandes quan¬
tités de solution que j’avais à évaporer. J’ai donc dû employer des sels con¬
tenant de très-faibles quantités de chlorure interposé, en déterminant dans
l’expérience même la séparation et la pesée du chlorure mêlé.
Une autre cause d’erreur réside dans l’eau qui est retenue entre les petites
lamelles du chlorate. Je me suis assuré directement, par l’opération même,
que la quantité d’eau, retenue par un sel chauffé jusqu’à 150", varie entre
Tome XXXV'. 2b
202
NOUVELLES RECHERCHES
six et huit cent millièmes. La porphyrisation ou la fusion sont les seuls
moyens d’éliminer ces traces d’eau.
Ces deux faits m’ont amené à procéder, de la manière suivante, à la déter¬
mination du poids réel du chlorate, abstraction faite du chlorure et des traces
d’eau que renfermait le sel soumis à l’expérience.
J’ai pris un grand ballon en verre dur de Bohême, surmonté d’un flacon
bouché à l’émeri et à fond percé; après avoir déterminé son poids plein d’air
sec, j’y ai introduit la quantité de chlorate destinée à l’analyse. Ce chlorate,
en poussière cristalline, avait été préalablement chauffé à ISO0, dans un
courant d’air sec et dépouillé de matières organiques. J’ai placé ce ballon
dans une étuve à air chaud analogue à celle que j’ai figurée et décrite dans
la Notice sur la synthèse de l’iodure d'argent, pages 126 et suivante. J'ai
élevé avec la plus grande lenteur la température du bain d’air. Lorsque le
thermomètre placé au-dessous du ballon atteignit 243° dans une expérience
et 245° dans une autre, les deux tiers du chlorate étaient fondus.
Berzélius indique 230° pour le point de fusion du chlorate d’argent. Ce
sel fondu se présente sous la forme d’un liquide immobile, incolore, huileux
comme l’azotate d’argent fondu. Pendant l’action de la chaleur j’ai fait cir¬
culer de l’air pur et sec au travers du ballon, et en quantité suffisante pour
éliminer la dernière trace d’eau devenue libre. J’ai ensuite laissé refroidir
le ballon dans le meme courant d’air pur.
Le sel solidifié était blanc, rayonné; dans une des deux expériences il
avait une légère teinte violacée par transparence. Après avoir lavé à l’eau
distillée le ballon bien refroidi, je l’ai pesé une deuxième fois plein d’air sec.
Dans mes Recherches sur la transformation du chlorate en chlorure , sous i in¬
fluence de l’acide sulfureux , j’ai dit que le sel, après sa solidification, a été
repris par un volume d’eau pure suffisante pour le dissoudre, et suffisante
en même temps pour que l’addition d’une nouvelle quantité d’eau à la solution
produite n’augmentât plus le trouble occasionné par la dissolution dans le
premier volume d’eau employé.
J’ai chauffé la solution jusqu’à 80°, pour déterminer l'éclaircissement com¬
plet du liquide et la précipitation du chlorure qui, dans une expérience, était
violacé, quoique toutes les opérations eussent été effectuées dans la chambre
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES
203
obscure. J’ai suffisamment exposé, dans ces mêmes recherches, comment j’ai
opéré le transvasement du liquide reposé dans un ballon de quinze litres, et
comment j’ai lavé le ballon et les flocons de chlorure qui y étaient contenus,
pour ne pas perdre une trace de chlorate et de chlorure.
Le ballon renfermant les flocons de chlorure a été séché et chauffé au
même point que lorsqu’il contenait du chlorate en fusion. Après l’avoir
rempli de nouveau d’air pur et sec, je l’ai pesé une troisième fois. Lorsque
son refroidissement a été complet, j’ai pris, pour poids du chlorate dans
l’air, la différence que j’ai trouvée entre le poids du ballon contenant le
chlorate fondu et le poids du ballon renfermant les quelques flocons de
chlorure.
La solution de chlorate , absolument limpide et inaltérable à la lumière ,
devait nécessairement être privée de chlorure en suspension. Je n’ai pu dé¬
couvrir de moyen pour m’assurer si, malgré sa limpidité et son inaltérabilité
à la lumière, le liquide n’en contenait point des traces en solution. La seule
chose que je puisse affirmer, c’est que l’addition de l’eau n’y a produit aucun
trouble. Comme le sel qui a fourni la solution a été fondu, il est certain qu’il
était privé d’eau.
Pour vérifier le poids du chlorure laissé par la dissolution du chloraté,
j’ai repris le chlorure par du cyanure d’ammonium, et, après avoir bien lavé
et séché le ballon, je l’ai pesé une quatrième fois, rempli d’air sec.
J’ai dit également comment j’ai procédé à la réduction du chlorate en
chlorure, sous l’influence de la solution d’acide sulfureux saturée à 0°; je
renvoie pour ces détails au Mémoire sur la transformation du chlorate en
chlorure. Je veux seulement indiquer les opérations auxquelles j’ai soumis
le liquide acide et limpide provenant de la réduction du chlorate, et les
eaux de lavage du chlorure.
Dans la première expérience, j’ai évaporé jusqu’à siccité complète deux
litres et demi du liquide acide abandonné au repos pendant plusieurs jours;
et, dans la seconde expérience, j’ai évaporé jusqu'à siccité complète trois litres
du liquide acide, décanté et parfaitement limpide. J’ai été impuissant pour
découvrir, dans les traces du résidu, les moindres vestiges d’argent. J’y ai
trouvé du sodium et du fer, comme on en découvre dans les résidus de tous
204
NOUVELLES RECHERCHES
les liquides acides qu’on évapore au conJact de l’air. Je n’ai point trouvé non
plus de traces du potassium qui avait servi à préparer le carbonate et l’oxyde
destinés à la production du chlorate.
J’ai évaporé six litres d’eau de lavage du chlorure de la première ana¬
lyse; elle avait séjourné huit jours dans des flacons bouchés, à l’abri de la
poussière de l’air, afin de déposer les traces de chlorure qu’elle avait pu
accidentellement entraîner. Le résidu de celle évaporation renfermait du
sodium et du fer provenant des poussières de l’air; mais toutes mes re¬
cherches n’ont pu y découvrir la moindre trace d’argent.
J’ai voulu m’assurer si le chlorure ne serait pas entraîné avec la vapeur
d’eau. Dans celte intention, j’ai condensé la vapeur provenant de l’évaporation
des eaux de lavage. Le liquide limpide recueilli est resté absolument inco¬
lore par l’addition d’une solution d’acide sulfhydrique. D’ailleurs, les eaux
de lavages elles-mêmes restent parfaitement incolores après le passage d’un
courant d’acide sulfhydrique. Le dépôt de soufre , qui s’y produit au bout
d’un certain temps, étant chauffé suffisamment, ne laisse absolument aucun
résidu. Je crois qu’il n’est pas dans la puissance de l’homme de découvrir
de l’argent dans de l’eau pure ou acidulée par l’acide sulfurique qui a reçu le
contact du chlorure d’argent. Je crois donc pouvoir affirmer que le poids de
chlorure constaté après le lavage est bien celui que le chlorate a fourni , ni
plus ni moins.
L’agitation du chlorure avec l’eau, dans un ballon de quinze litres, capa¬
cité de celui dont je me suis servi pour opérer la réduction du chlorate, est
fort diiïicile, surtout lorsque la température du vase dépasse 50°; pour ce
motif, j’ai procédé à cette opération à l’aide d’un moyen mécanique. Ce
moyen consiste à placer le ballon dans une étuve à air chaud, reposant sur
un système auquel on peut imprimer alternativement un mouvement de
rotation sur lui-même et un mouvement d’oscillation.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 205
■Fig. 16.
L’étuve, figurée ci-dessus, se compose d’un fourneau à gaz muni d’une
plaque et de toiles métalliques pour régulariser le courant; le fourneau est
surmonté d’un cylindre destiné à recevoir le ballon. Ce cylindre est fermé
206
NOUVELLES RECHERCHES
parun couvercle de tôle, percé au centre d'une ouverture circulaire qui laisse
passer le col du ballon; sur le côté du cylindre il y a une rainure par laquelle
s’échappent les produits de la combustion du gaz, et dans laquelle s’engage
le col du ballon lorsqu’on vient à le poser dans une position inclinée.
Le fourneau repose sur un plan de bois recouvert d’une plaque de métal.
Ce plan porte au centre un axe d’acier poli qui traverse librement un deuxième
plan, pour s’engager dans une ouverture pratiquée dans un troisième plan de
bois. Le deuxième plan est muni de trois tronçons de cylindre ou roulettes en
bois de buis, tournant , autour d’axes en acier, dans des cavités équidistantes
pratiquées verticalement dans ce deuxième plan de bois. Ces roulettes ont
deux centimètres de diamètre de plus que la hauteur du plan dans lequel
elles sont engagées; il en résulte que le plan supérieur repose sur ces cylindres,
qui sont susceptibles de tourner sur leurs axes, et que le deuxième plan re¬
pose à son tour, par ces cylindres, sur le troisième. Ces trois plans sont rendus
solidaires par l’axe d’acier fixé au centre du premier. Le plan inférieur porte
trois vis collantes qui s’engagent dans le plancher de l’étfier oscillant , ainsi
que le montre la figure de la page précédente.
Par l’oscillation de l’étrier, on peut donc imprimer à tout le système un
mouvement autour du point de suspension, et, par la rotation du plan qui
supporte l’étuve, on peut à tout moment changer le sens du mouvement.
Avec un peu d’habitude, on parvient à régulariser parfaitement le mou¬
vement des matières contenues dans le ballon, de manière à ne pas pro¬
duire de projection. Le môme appareil a servi pour effectuer à chaud le
lavage de l’iodure, du bromure et du chlorure d’argent , en plaçant dans
l’étuve des ballons ou des flacons.
sur la difficulté que j’ai rencontrée pour enlever à ces corps la dernière trace
d’acide sulfurique au sein duquel ces corps avaient été produits. La difficulté
d’enlever la dernière trace de cet acide au chlorure d’argent est bien plus
grande encore : ce corps est plus caséeux, et il est en outre sujet à se pelo¬
tonner au sein de l’eau, sous l’influence d'un mouvement d’oscillation. Cet
accident m’est arrivé à plusieurs reprises, dans une même expérience , et je
ne suis parvenu à rendre de nouveau ce chlorure pulvérulent qu’en provo-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
207
quant son délayement à l’aide de l’eau froide sous l’influence du mouvement.
Pour rendre au liquide sa limpidité, lorsque le délayement eut été produit,
j’eus recours au moyen que j’avais appliqué déjà à l’iodure et au bromure
d’argent, c’est-à-dire à l’introduction de la vapeur d’eau dans le liquide
laiteux. Cet artifice réussit infailliblement, mais on doit prendre la précau¬
tion de ne pas laisser barboter la vapeur dans le chlorure même , car le
barbotage de la vapeur pelotonne rapidement ce corps, en même temps
qu’elle en détermine la contraction.
Après l’addition de chaque quantité d’eau pure et suffisamment chaude,
on a maintenu le chlorure et le liquide en mouvement, pendant une quin¬
zaine de minutes. Le lavage complet, à des températures croissantes , a duré
sept jours ; pendant la nuit, le ballon était fermé et le bain d’air était main¬
tenu chaud pour empêcher le délayement. Toutes les eaux de lavage ont
reposé plusieurs jours dans des vases fermés. Après ce repos, toutes ont été
passées par un double filtre. Le chlorure a été recherché dans ce filtre à l’aide
d’une solution diluée et récente de cyanure d’ammonium mêlée d’acide cyan¬
hydrique. Les eaux étaient si bien dépouillées de chlorure, qu’il m’a été
impossible de découvrir dans la solution de cyanure la moindre trace d’ar¬
gent.
Indistinctement, tous les vases qui ont contenu du chlorure, ceux qui ont
servi à renfermer les eaux de lavages, ont été traités au cyanure d’ammo¬
nium. La solution, après avoir été légèrement acidulée par l’acide chlorhy¬
drique, a été évaporée jusqu’à siccité, et les quelques milligrammes de
chlorure d’argent, ainsi obtenus, ont été ajoutés à l’énorme masse de chlo¬
rure réuni dans le ballon à deux cols, dans lequel sa dessiccation et sa pesée
été accomplies.
Dans la deuxième analyse, j’ai soumis à la fusion, dans une atmosphère
d’acide chlorhydrique, le chlorure d’argent chauffé à son point de fusion,
et préalablement pesé. En soumettant ce corps à l’action de l’acide chlorhy¬
drique, j’avais pour but de m’assurer s’il ne retenait pas de l’acide sulfu¬
rique. L’opération terminée, j’ai remplacé, à chaud, l’acide chlorhydrique
par de l’air sec. Je n’ai pas vu de trace de vapeurs d’acide sulfurique, et le
poids du chlorure a été le même, à deux milligrammes près.
208
NOUVELLES RECHERCHES
Les opérations que je viens d’exposer brièvement ont été si longues, si
laborieuses et si pénibles, qu aujourd'hui , après une année d'intervalle,
le souvenir de la fatigue que j’en ai éprouvée n’est pas encore effacé
de mon esprit , et j’avoue que le courage me manquerait pour les recom¬
mencer. Du reste, il n’existe, dans les annales des sciences, aucune analyse
faite sur une pareille masse d’un sel si difficile à obtenir pur.
Je vais donner maintenant les chiffres de ces deux analyses.
Première analyse.
grara.
1. Poids du ballon plein d’air sec . 515,3500
2. — du même ballon , l’air étant renouvelé . 315,5505
5. — du ballon avec le chlorure fondu, après quatre heures de
refroidissement . . 652,5210
4. — du même ballon, le lendemain . 652,5225
5. — du même ballon , le surlendemain . 652,5220
6. — du ballon après la dissolution du chlorate, mais contenant
des flocons de chlorure d’argent, après cinq heures de
refroidissement . 515,5725
7. — du même ballon, le lendemain . 515,5750
8. ■ — du même ballon chauffé une deuxième fois, l’air sec étant
renouvelé, après six heures de refroidissement . . . 515,5755
9. — du même ballon , le lendemain . 515,5750
10. — du ballon après la dissolution du chlorure d'argent par le
cyanure d'ammonium, après trois heures de refroidisse¬
ment . 515,5290
11. — du même ballon , le lendemain . 315,5505
12. — du ballon à deux cols, avec bourre de platine et vase à pré¬
cipité, chauffés à 500", et après cinq heures de refroi¬
dissement . 497,8610
13. — des mêmes appareils, le lendemain . 497,8612
14. — des mêmes appareils, avec le chlorure d'argent chauffé à
son point de fusion, et après huit heures de refroidis¬
sement . 601,8295
15. — des mêmes appareils, le lendemain . 601,8297
16. — des mêmes appareils, le surlendemain . 601,8293
D’où il résulte :
1. Poids du chlorate réel, dans l’air . 158,7490
2. — du chlorate réel, dans le vide . 158,7890
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 209
grani.
3. Poids du chlorure , dans l’air . 103,9087
4. — du chlorure, dans le vide . 103,9795
5. — de l’oxygène ( par différence), dans le vide . 34,8095
Deuxième analyse.
1. Poids du ballon plein d’air sec . 513,5500
2. — du ballon avec le chlorate fondu, plein d’air sec, après six
heures de refroidissement . 773,0620
3. — du meme ballon , le lendemain . 773,0625
4. — du ballon, plein d’air sec, avec le chlorure qui était ou
dissous ou suspendu dans le chlorate . 513,6080
5. Même ballon, le lendemain . 515,6090
6. Poids du ballon précédent, chauffé à 150° dans un courant d’air
sec; après six heures de refroidissement . 513,6085
7. — du même ballon, le lendemain . 513,6085
8. — du ballon à deux cols avec bourre de platine et vase à
précipité . 658, '8065
9. — des mêmes appareils contenant le chlorure d’argent chauffé
à son point de fusion; après cinq heures de refroidisse¬
ment . 855,2307
10. — des mêmes appareils, le lendemain . 853,2315
H. — des mêmes appareils, avec le chlorure fondu dans une
atmosphère d’acide chlorhydrique; l’atmosphère a été
remplacée à chaud par de l’air sec; douze heures de
réfroidissement . 855,2290
12. — du même appareil, le lendemain . 855,2292
D’où il résulte :
1. Poids du chlorate réel, dans l’air . 259,4555
2. — du chlorate réel, dans le vide . 259,5287
3. — du chlorure non fondu, dans l’air . 194,4255
4. — du chlorure non fondu, dans le vide . 194,4455
5. — du chlorure fondu, dans l’air . 194,4255
6. — du chlorure fondu, dans le vide . 194,4435
Les deux analyses du chlorate d’argent conduisent à la composition cen¬
tésimale suivante :
*• II. Moyenne.
Chlorure d’argent . 74,919 74,922 74,9205
Oxygène . 25,081 25,078 25,0795
100,000 100,000 100,0000
Tome XXXV. 27
210
NOUVELLES RECHERCHES
On déduit de cette composition le poids moléculaire suivant pour le chlo¬
rure d’argent :
1. 11. Moyenne.
145,585 145,407 145,595
En admettant que 100,000 d’argent produisent 132,850 de chlorure de
ce métal, comme cela résulte des synthèses que j’ai publiées dans mon pré¬
cédent travail , et comme du reste M. Penny et M. Marignac l’ont trouvé avant
moi, et en combinant ces données avec celles fournies par les analyses du
chlorate, j’arrive aux poids atomiques suivants:
1. 11. Moyenne.
Pour l’argent . 107,929 107,947 107,957
Et pour le chlore . 55,458
Conclusions des synthèses de l’iodure, du bromure d’argent, et des analyses
de l’iodate , du bromate et du chlorate d’argent.
Si je récapitule les résultats auxquels conduisent les synthèses et les ana¬
lyses consignées dans ce Mémoire, je trouve, pour poids atomique de l'argent,
les nombres suivants :
D’après la synthèse de l’iodurc et l’ana
lyse de l’iodate .
D’après la synthèse du bromure et l’ana
lyse du bromate .
D’après la synthèse du chlorure et l’ana
lyse du chlorate .
107,918
107,905
107,929
II.
107,950
107,957
107,947
111.
107,917
Moyenne.
107,928
107,921
107,957
Ces sept déterminations de poids atomiques, laites à l’aide de trois corps
différents, et par des procédés indépendants , donnent en moyenne géné¬
rale 107,929.
Les éléments dont j’ai déduit ces moyennes présentent entre eux un écart
qui est à peu près égal pour tous; cet écart est incontestablement dû à l’er¬
reur inévitable dans les expériences; on est surpris qu’il ne soit pas plus con¬
sidérable, lorsque l’on voit trois à quatre cents millièmes de différence, dans
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
2il
la composition centésimale, produire une différence presque égale dans la
valeur du poids atomique lui-même.
Je crois donc qu’au point de vue de l’expérience on doit considérer tous
ces chiffres comme identiques , et qu’on doit envisager le poids atomique de
l’argent, déduit des combinaisons que ce corps contracte avec l’iode, avec le
brome et avec le chlore, comme étant invariablement le même.
Si je compare maintenant le poids atomique moyen et les chiffres extrêmes
aux résultats qui dérivent des déterminations faites antérieurement, soit par
M. Marignac, soit par moi, j'arrive aux conclusions suivantes :
En 1843, M. Marignac a trouvé par la synthèse du chlorure et l’ana¬
lyse du chlorate, en moyenne . 107,913
En rattachant l’argent au chlore par le chlorure et le chlorate de po¬
tassium, il a obtenu en moyenne . 107,920
Deux années plus tard, l’analyse des sels d’argent à acides organiques
l’a conduit à . 107,930
Dont la moyenne est . 107,928
Des recherches consignées dans mon Mémoire publié en 18G0, il résulte
que, reliant l’argent au chlore par le chlorure et le chlorate de potas¬
sium, on obtient . 107,943
Tandis que la synthèse du sulfure et l’analyse du sulfate d'argent m’ont
donné . 107,920
La moyenne de ces deux déterminations est . 107,931
Les trois moyennes
1° 107,928 (Marignac);
2° 107,951 (Stas);
5° 107,929 (Stas);
sont donc identiques. Je conclus de ce qui précède que le poids atomique de
l’argent, déterminé par des méthodes différentes et par des corps différents,
est une véritable constante , et que cette constante est égale à 107,93 , l’oxy¬
gène étant 16,00.
Si je recherche le poids atomique du chlore, du brome et de l’iode à l’aide
des éléments qui ont servi à fixer la constante de l’argent , j’arrive aux résul¬
tats suivants :
242
NOUVELLES RECHERCHES, etc.
En ce qui concerne le chlore :
En 1845, M. Marignac a trouvé par deux méthodes différentes. . .
Des analyses et des synthèses consignées dans mon Mémoire de 1860, on
déduit .
Des analyses du chlorate décrites dans ce Mémoire, combinées avec les
synthèses consignées dans mon précédent travail, je déduis.
Ou , en moyenne .
En ce qui concerne le brome :
Eli 1 845 , M. Marignac a déduit de la synthèse du bromure d’argent. .
En rattachant le bromure de potassium à l’argent , il a obtenu . . .
Des synthèses du bromure d’argent et des analyses du bromate consi¬
gnées clans le présent travail , je déduis .
Ou , en moyenne .
Enfin, en ce qui concerne Y iode :
M. Marignac a obtenu par la synthèse de l’iodure d’argent . 126,840
En rattachant l’argent à l’iodure de potassium, il a trouvé . 126,847
De mes synthèses de l’iodure d’argent et de l’analyse de l’iodate, je
déduis . 126,857
En moyenne . 126,848
Les travaux de M. Marignac, exécutés à l’aide de moyens d’une si grande
simplicité, conduisent donc absolument, pour le poids atomique du chlore,
du brome, de l’iode et de l’argent, au même résultat que mes propres
recherches, dans lesquelles j’ai dû employer des procédés souvent très-com¬
pliqués, pour me mettre à l’abri de causes d’erreur ou pour prévenir des
objections contre les résultats.
79,945
79,968
79,940
79,951
55,455
55,460
55,458
55,457
TROISIÈME MÉMOIRE.
RECHERCHES FAITES DANS LE BUT DE DÉTERMINER ET DE CONTROLER LE POIDS
ATOMIQUE DE L’AZOTE, DU BROME, DU CHLORE, DE L’ARGENT, DU LITHIUM,
DU POTASSIUM ET DU SODIUM.
PRÉLIMINAIRES.
Dans ce travail, je me suis proposé de contrôler les poids atomiques de
l’azote, du brome, du chlore, de l’argent, du potassium, du sodium et du
lithium. Je vais exposer successivement les moyens que j’ai employés dans
cette intention.
Des recherches que j’ai fait connaître en 1860, je me suis cru autorisé à
conclure que le poids atomique de l’azote n’est point représenté par 14,00,
l’oxygène étant 16,00, comme la plupart des chimistes l’admettent aujour¬
d’hui. En effet, mes synthèses de l’azotate d’argent conduisent à un chiffre
compris entre 14,041 et 14,046. Ce nombre se confond avec 14,066 que
l’on déduit des travaux de M. Régnault sur la pesanteur spécifique de l’azote,
en fonction de l’oxygène. Je n’ignore point quelles sont les objections que l’on
peut taire contre le choix du moyen auquel j’ai eu recours pour établir ce
chiffre. Il présuppose, en effet, la connaissance du poids atomique de l’argent,
et il présente surtout le grand inconvénient de déduire une valeur relative¬
ment faible d’un poids atomique très-élevé, comme l’est celui de ce métal;
mais ayant trouvé une valeur plus faible que 108, qui est le nombre admis
°2U
NOUVELLES RECHERCHES
actuellement par la plupart des chimistes, l’erreur que je puis avoir com¬
mise n’a pu que diminuer le poids atomique de l’azote, au lieu de l'augmenter.
Quoi qu’il en soit, j’ai cherché à soumettre mes recherches à un contrôle
sérieux et efficace. Dans ce but, j ai désiré faire 1 analyse de 1 oxxde azoteux,
d’après le système exposé dans mon Mémoire sur les poids atomiques de l ar¬
gent, de l’iode, du brome et du chlore, c’est-à-dire en pesant le composé et
chacun de ses éléments isolés. Je voulais liquéfier de l’oxyde azoteux dans
une sphère métallique creuse, peser le système, iaire passer ensuite le gaz au
travers d’un tube de verre chauffé au rouge et renfermant du cuivre réduit
par l’oxyde carbonique, pour fixer l’oxygène, et recueillir l’azote devenu
libre dans un ballon suffisamment spacieux. Mais jusqu’ici je n’ai trouvé
aucun mécanicien qui ait osé entreprendre la construction de la sphère mé¬
tallique et ses accessoires, dans les conditions que je crois absolument indis¬
pensables pour la réussite de l’expérience.
J’aurais pu tenter l’analyse de l’oxyde azoteux, en pesant seulement l'oxy¬
gène et l’azote provenant d’un poids inconnu de ce gaz, par exemple, et en me
servant du moyen que MM. Dumas et Boussingault ont employé pour déter¬
miner la composition de l’air atmosphérique; mais je n’ai point trouvé, dans
celle méthode, des garanties qui pussent compenser le travail que je devais
entreprendre pour exécuter les expériences.
J’ai donc été obligé d’avoir recours à des moyens de contrôle indirects.
Celui auquel je me suis arrêté consiste dans la transformation en azotates
des chlorures des métaux dits alcalins. Cette méthode a déjà été appliquée
en 1839, par M. Frederick Penny, de Glascow, aux chlorures de potassium
et de sodium L Les chlorures sur lesquels j’ai opéré sont ceux de potassium ,
de sodium et de lithium. J’ai jugé convenable de déterminer préalablement
le poids atomique dé ce dernier métal , afin de pouvoir contrôler mes expé¬
riences avec plus de certitude.
La transformation d’un chlorure en azotate permet de contrôler un poids
atomique de l’azote, donné, du moment que le poids atomique du métal
1 On lhe Application of lhe Conversion of Chlorates and Nitrates into Chlondes and uj
Chlorides into Nitrates to lhe Détermination of several équivalent Numbers; bv Frederick
Penny, esq. Philosopiiical Transactions, 1851), p. 13.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
21 o
contenu dans le chlorure est supposé connu, de même qu’on peut vérifier le
poids atomique du métal, en supposant connus les poids atomiques de l’azote
et du chlore.
En effet, d’après la loi des proportions définies et d’après la composition
des azotates, la différence entre le poids d’une molécule d’un chlorure et celui
d’une molécule d’un azotate correspondant, doit être égale à une constante
représentée par la différence entre le poids atomique du chlore et la somme
des poids d’un atome d’azote et de trois atomes d’oxygène. En prenant,
conformément à l’hypothèse de Prout :
Le chlore . = 55,50
L’azote . = 14,00
L’oxygène . == 10,00
La constante est égale à . 20,50
Si l’on substitue, à ces poids atomiques hypothétiques, ceux qui sont
consignés dans mes Recherches sur les rapports réciproques des poids ato¬
miques 9 on a :
Maximum. Minimum.
Le chlore . = 55,460 à 35,457
L’azote . = 14,040 à 14,041
Et la constante . = 20,580 à 20,584
Ou une différence de 0,086 à 0,084, c’est-à-dire près d \in dixième
d atome d hydrogène. Ce dixième d’atome d’hydrogène représente exac¬
tement la différence qui existe entre la valeur des poids atomiques du chlore
et de 1 azote, calculés d’après l’hypothèse de Prout, et celle déduite de mes
déterminations expérimentales.
On a en effet :
35,500 — 55,40 = ■+- 0,040
14,040 — 14,00 = 0,046
Dont la somme . — 0,080
On voit immédiatement que cette différence est tellement grande, quelle
doit produire un écart beaucoup plus considérable que celui qui peut être
NOUVELLES RECHERCHES
216
légitimement attribué aux erreurs d'observation. Aussi est-ce la grandeur de
cet écart qui m’a déterminé dans le choix de ce moyen de contrôle.
La transformation des chlorures en azotates, si simple en principe, a été
d’une exécution très-délicate. En effet, j’ai eu à lutter contre deux obstacles :
l’altérabilité des vases de verre ordinaire, sous l’influence des acides et des
azotates fondus, et la difficulté que présente la préparation des chlorures alca¬
lins purs, en quantité suffisamment grande pour me permettre de répéter plu¬
sieurs fois chaque opération, j’exposerai en détail , dans des notices séparées,
les moyens employés pour vaincre toutes ces difficultés.
Je donnerai ensuite les nouvelles synthèses de l’azotate d’argent, entre¬
prises dans le but de vérifier l’exactitude de mes anciens résultats et de
déduire, avec certitude, le poids atomique de l’azote du rapport en poids du
chlorure et de l’azolate d’argent produits par une unité de poids d’argent.
Je terminerai ce Mémoire par l exposé des déterminations du Rapport
proportionnel entre le bromure de potassium et l argent, que j ai faites pour
contrôler à la fois le poids atomique du potassium et du brome
1. — De la transformation des chlorures en azotates.
1° Des vases employés dans les opérations.
Dans mes Recherches sur les rapports réciproques des poids atomiques,
j’ai constaté déjà que le verre commun des cornues, des ballons, etc., cède
à la température ordinaire, aux acides chlorhydrique et azotique, des traces
des métaux qu’il renferme. 11 est impossible d’v évaporer jusqu’à siccilé l’acide
le plus pur, sans qu’il laisse un résidu salin. Le verre dur de Bohème, dit
réfractaire, et, en général les verres privés d’alumine et contenant un excès
de silice résistent presque indéfiniment à l’attaque des acides concentrés et
chauds. La fabrication des ballons, des matras, des cornues en verre réfractaire
présente de grandes difficultés; les ouvriers les plus habiles ne parviennent
pas toujours à le travailler lorsqu’il s’agit de donner des dimensions un peu
considérables aux objets. J’ai été à plusieurs reprises témoin de ce fait.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
217
Voulant rechercher dans quelles conditions de composition le verre doit
se trouver, pour être à la fois inattaquable par les acides et assez fusible pour
que le travail n’en devienne pas trop difficile, je me suis décidé à faire,
dans une verrerie même, des essais de fabrication. Ces recherches m’ont
démontré que le verre à base de sodium et de calcium, lorsqu’il renferme
un excès suffisant d’anhydride silicique, résiste à peu près aussi bien aux
acides que le verre réfractaire de Bohême presque exclusivement à base de
potassium et de calcium ; mais on sait qu’un mélange en poids moléculaires
égaux de carbonates de potassium et de sodium est beaucoup plus fusible
que le plus fusible des deux carbonates à l’état isolé. Me basant sur ce fait,
j’ai été conduit à essayer de remplacer dans la composition du verre ré¬
fractaire, inattaquable par les acides, une partie du potassium par une quantité
équivalente de sodium. Le résultat a complètement répondu à mon attente.
Je suis parti de celte donnée, que, pour obtenir un verre, à base de potas¬
sium et de calcium, très-réfractaire et inattaquable par les acides, il faut
qu’il contienne environ :
Anhydride silicique . 75,00
Oxyde de potassium . 15,00
— de calcium . 10,00
100,00
En remplaçant, dans ce verre, la moitié du potassium par son équivalent
de sodium, on a :
Anhydride silicique . 77,00
Oxyde de potassium . 7,70
— de sodium . 5,00
— de calcium . 10,50
100,00
Dans ce verre, les bases sont entre elles dans le rapport de : un atome de
calcium C a" — 4-0 pour un atome de potassium et un atome de sodium.
Sur ces données, j’ai fait exécuter des essais de fabrication, et l’on s’est servi
à cet effet de sable fin et pur, employé dans la fabrication du cristal, de car¬
bonate monopotassique aussi pur que le livrent les fabriques anglaises, de
Tome XXXV. 28
218
NOUVELLES RECHERCHES
carbonate bisodique purifié et de carbonate de calcium à l’état de marbre
blanc, finement pulvérisé et passé au tamis de soie. Ces matières, prises en
proportions convenables, ont été mêlées intimement avec dix à douze pour
cent de leur poids d’anhydride arsénieux, et ont été ensuite soumises, dans un
creuset très-réfractaire, à l’action d’une chaleur capable de les amener à l’état
de fusion assez avancée pour que le verre puisse être travaillé. L’addition de
celte énorme dose d’anhydride arsénieux a été faite par le chef ouvrier de
la verrerie, dans le but de déterminer plus facilement la liquéfaction de la
masse. J’avoue mon incompétence pour apprécier le fondement de cette pra¬
tique; je n’y ai vu, du reste, d’autre inconvénient que celui de répandre dans
l’air des torrents de matières vénéneuses, puisque je me suis assuré, par l’ana¬
lyse, qu’il ne reste dans le verre produit aucune trace de l’arsenic employé.
En opérant avec les soins convenables, on a fait deux fontes sur des pro¬
portions assez considérables. A l’aide du verre obtenu, on a soufflé des bal¬
lons à long col, des matras, de petits flacons, des cylindres, etc., etc. Le
ballon le plus spacieux qu’un excellent ouvrier soit parvenu à confectionner
a mesuré environ quatre litres. La capacité des autres ballons a varié d’un
à trois litres. Les parois de la sphère ont été tenues assez épaisses pour pou¬
voir résister à la traction que subit le verre, lors du retrait qu’éprouvent les
azotates en se solidifiant après leur fusion.
Le verre avait un reflet jaunâtre ; il était excessivement dur, peu élastique,
et aussi dépouillé d’bygromélricité que le meilleur verre réfractaire de Bohême.
J’ai pris la peine de soumettre à l’analyse des fragments de deux ballons
de fabrication différente; ces ballons s’étaient cassés après avoir £ervi aux
expériences L
I. il.
Anhydride silicique . 7(i,4 77,5
Oxyde de potassium . 7,1 0,2
— de sodium . 5,9 0,5
— de calcium . 10,0 10,0
100,0 100,0
1 Dans les analyses, j'ai déterminé directement l’anhydride silicique et les oxydes de potas¬
sium et de calcium. L’oxyde de sodium a été déduit par différence. Le verre contenait également
un peu d’alumine provenant de l’attaque des creusets, je ne l’ai point dosée; le chiffre du sodium
en est donc augmenté d’autant.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
219
2° De l’appareil qui a servi à la transformation des chlorures en azotates.
L’appareil se compose d’un des ballons dont je viens de parler, sur le goulot
duquel j’ai fait user à l’émeri un flacon de même verre; le fond de ce flacon
est enlevé, et par son ouverture étroite passe un tube recourbé, en verre inat¬
taquable par les acides. La branche descendante de ce tube est munie d’une
boule assez spacieuse.
Pour m’assurer si cet appareil conserve l’intégrité de son poids en pré¬
sence des acides et des azotates en fusion momentanée , j’ai fait les essais
suivants : Après avoir fait bouillir pendant un certain temps de l’eau régale
... dans le ballon, pour dissoudre toutes les substances métalli-
ques qu’y amène le travail qu’on est obligé de faire au goulot
du ballon, afin d’y adapter le flacon percé qui lui sert de bou-
chon, je l’ai lavé à l’eau, séché, rempli d'air sec 1, et fermé à
l’aide d’un bouchon de verre présentant une légère rainure.
Son refroidissement complet étant effectué, je l’ai pesé, sus¬
pendu à la balance à l’aide d’une suspension de platine, comme
le montre la figure , j’ai pris comme contre-poids un ballon
de même volume, de même verre, et je me suis servi de verre
pour compenser la différence de poids.
J’ai introduit ensuite dans ce ballon quatre cents centimè¬
tres cubes d’acide azotique normal et pur, que j’y ai évaporé
à une température de beaucoup au-dessous de son point
d’ébullition, afin de faire durer plus longtemps le contact de
l’acide azotique chaud avec le verre. Pendant ce temps, le
col du ballon était engagé très-avant dans un cylindre de
' Dans toutes les pesées dont il est question dans ce travail les ballons ont été remplis à' air sec,
soit que je les eusse pesés vides de matière, soit«qu’ils continssent un chlorure ou un azotate.
La différence entre le poids d’un ballon rempli d’air ordinaire ou d’air séché à l’acide sulfu¬
rique est comprise entre 0sr,005 et 08r,005 , suivant la capacité de la sphère. Lors des pesées
des ballons, j’ai toujours eu soin de renouveler au moins une fois l'air après la constatation du
poids, pour m’assurer si , pendant le long repos, l’air sec n’avait pas été remplacé par l’air
ordinaire. L’observation m’a démontré que cette précaution est indispensable si l’on veut se
mettre à l’abri de cette cause d’erreur.
r
220
NOUVELLES RECHERCHES
verre inattaquable par les acides, pour empêcher, autant que possible, l'entrée
dans le ballon des impuretés de l’air. Après l’évaporation, le fond du ballon
contenait un très-léger anneau jaunâtre; j’y ai fait passer encore de l’air pur
et sec, et son refroidissement étant opéré, je l’ai pesé une deuxième fois.
Après sa pesée, je l’ai lavé à l’intérieur à l’eau acidulée par l’acide azotique,
pour enlever le faible anneau, puis à l’eau pure, cl après l’avoir séché et
rempli d’air sec, je l’ai pesé une troisième fois.
Voici le poids qu’a présenté un ballon traité de celte manière :
grain.
J. Poids constant du ballon rempli d’air sec . 532,5715
2. — du ballon rempli d’air sec et contenant le résidu provenant
de l’évaporation de l'acide azotique . 552,5755
5. — du ballon précédent, le lendemain, l’air étant renouvelé . 552,5758
4. — du ballon rempli d’air scc, après avoir été lavé à l’intérieur
par l’eau acidulée à l’acide azotique, afin d'enlever le ré¬
sidu laissé par l’évaporation de l’acide, puis lavé à l’eau
pure et séché . 552,5700
5. — du ballon précédent, le lendemain . 552,5705
(i. — du ballon précédent, après y avoir renouvelé l’air sec . . 552,5705
Il résulte de ces opérations, que le résidu, laissé par quatre cents
centimètres cubes d’acide azotique normal, a déterminé une
augmentation du poids du ballon qui, au maximum, s’élève à . 0,0025
Et qu’après l’enlèvement de ce résidu , le ballon a perdu de son poids
cette petite quantité . 0,0010
Eu égard à la grande masse de chlorure alcalin que j’ai soumis à l’expé¬
rience, et au poids de l’azotate qui en provenait, je puis considérer le ballon
comme ne changeant point de poids sous l’influence de l’acide azotique.
Pour me renseigner sur sa résistance à l’action des azotates alcalins en
fusion momentanée , j’ai pris la peine de déterminer le poids du ballon , après
que l’azotate y avait été fondu, et que j’eusse ensuite enlevé le sel à l’aide de
l’eau pure.
Voici du reste le poids du ballon précédent, après avoir servi successive¬
ment à deux transformations du chlorure de potassium en azotate; l’une de
ces transformations a été faite en collaboration avec M. Kekulé.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
221
Première transformation.
1.
2.
Poids du ballon rempli d’air sec, avant la fusion de l’azotate.
— — * après la fusion de l’azotate.
grain.
552,3703 (Kckulé et Stas).
^ 552,5695 (Kekulé).
\ 552,3690 (Stas).
Deuxième transformation.
grain.
1. Poids du ballon rempli d’air sec, avant la fusion de l’azotate. 552,56925
2. _ — après la fusion de l’azotate. 552,56850
5. Poids du ballon précédent, le lendemain, l'air sec étant
renouvelé . . 352,5690
On voit donc qu’on peut amener un azotale alcalin en fusion 'momentanée
dans un verre très-réfractaire, sans altérer sensiblement le poids de 1 ap¬
pareil.
II me restait un dernier élément d’appréciation à rechercher, c’était l’in¬
fluence du poids du résidu provenant de l’évaporation de l’acide azotique,
combinée avec la diminution de poids qu’éprouve le ballon par suite de la
fusion de l’azotate. Dans ce but, j’ai introduit dans le ballon pesé un poids
connu d’azotate de potassium pur, préalablement fondu dans le plaline. J ai
versé sur cet azotate trois fois son poids d’acide azotique normal et pur , et
après avoir amené le liquide à siccité, par le moyen que j’indiquerai plus
loin à l’occasion des détails des opérations elles-mêmes , j’ai déterminé la
fusion de l’azotate. J’ai pesé ensuite le ballon rempli d’air sec. J’ai repris
une deuxième fois l’azotate' par quatre fois son poids d’acide azotique pur, et,
après avoir évaporé de nouveau le liquide à siccité, j’ai amené une deuxième
fois l’azotate en fusion.
Pour être certain de ne pas perdre de l’azotate entraîné par la vapeur
d’acide azotique, j’ai eu soin de condenser célle-ci et d’évaporer ensuite le
tout dans la cornue de platine.
Ces opérations ont donné les résultats suivants :
\. Poids moyen du ballon rempli d’air sec .
2. — de l’azotate de potassium fonda dans le platine . . . .
5. — total .
groni.
552,56875
87,02950
459,59823
NOUVELLES RECHERCHES
222
4. Poids du ballon rempli d’air sec, après l’évaporation des trois
cents centimètres cubes d’acide azotique, et de la fusion
de l’azotate de potassium . 459,4005
5. — du ballon précédent, le lendemain . 439,4010
0. — du ballon rempli d’air sec, après l’évaporation de quatre
cents centimètres cubes d’acide azotique et la fusion du
•litre . 459,40175
7. — du ballon après avoir repris le nilre par de l’eau, et l’avoir
lavé et rempli d’air sec . 352,5600
8. — du ballon précédent, le lendemain . 552,3065
Le résidu brun, provenant de l’évaporation de l’acide azotique con¬
densé f, pesait . 0,00175
Ces essais démontrent que, par suite de l'évaporation de sept cents
grammes d’acide azotique normal, le poids de l’azotate de potas¬
sium a augmenté de . . . 0,0055
Et que, par le fait de deux fusions de 87gr,0295 de nilre, le poids du
ballon a diminué de . 0,0025
C’est donc dans cette limite d’erreurs d’observation que doivent être inter¬
prétées les expériences concernant les transformations des chlorures alcalins
en azotates.
3" De l’acide azotique Employé dans la transformation.
Je me suis procuré l’acide azotique convenable pour ces transformations,
en soumettant à une distillation ménagée l’acide du commerce à 1,50 de
densité, chauffé préalablement pour le dépouiller de tout le chlore qu’il ren¬
ferme. Le produit, recueilli dans un ballon de verre inattaquable par les
acides, était soumis cà une rectification, en engageant le col de ce ballon très-
avant, dans un ballon de même verre, et en prenant la précaution de volatiliser
le liquide sans le faire bouillir. L’expérience, répétée un grand nombre de
fois, m’a démontré que ce moyen fournit un acide capable de se réduire eu
vapeur sans laisser de résidu pondérable. Quoique j’aie constamment pris ces
précautions, je me suis néanmoins assuré, par un essai direct, de la pureté
de l’acide employé. Dans ce but, j’ai placé dans la cucurbite d’une grande
cornue de platine un triangle de même métal ; sur ce triangle j’ai posé un
1 A l’analyse spectrale, il m'a été impossible d'v découvrir la présence du potassium.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
grand creuset de porcelaine très-fine de Berlin, rempli d’acide azotique dont
je voulais essayer le degré de pureté. Après avoir couvert la cucurbite du
chapiteau et avoir engagé le col de celui-ci aussi avant que possible dans le
col d’un ballon de verre dur, j’ai chauffé circulairement les parois de la
cornue afin de réduire à l’état de vapeur l’acide azotique contenu dans le
creuset.
Dans chaque expérience , j’ai volatilisé de cette manière plusieurs cen¬
taines de grammes de cet acide, sans jamais pouvoir découvrir la moindre
augmentation dans le poids du creuset.
4° Du moyen employé pour opérer la transformation des
chlorures en azotates.
J’ai employé le même moyen pour opérer la transformation, en azotates,
des trois chlorures sur lesquels ont porté mes investigations. Mais l’hygro-
métricité extrême du chlorure et de l’azotate de lithium m’a forcé de prendre
des précautions spéciales pour la pesée de ces deux corps. Je serai donc
obligé d’entrer dans des détails particuliers à ce sujet; je réserve ces détails
pour la notice consacrée au chlorure de lithium. Je me bornerai donc ici à
exposer comment je m’y suis pris pour peser les chlorures de potassium et
de sodium, pour effectuer leur transformation en azotates, et enfin pour peser
les azotates produits.
La pesée des chlorures de potassium et de sodium a été faite dans un
grand tube en verre, fermé par un bout et bouché à l’autre bout par un
bouchon usé à l’émeri. Les chlorures concassés en fragments de 2 à 5 gram¬
mes , avant d’être introduits dans le tube , avaient été chauffés dans un
double creuset de platine, à une température voisine de celle à laquelle ils
commencent à s’agglutiner, et, pendant qu’ils étaient encore très-chauds, ils
ont été introduits à l’aide d’une main de platine dans le tube préalablement
chauffé vers la même température. Le tube, fermé ensuite, a été abandonné
au refroidissement sous une cloche renfermant de l’air séché à l’aide de la
présence de l’acide sulfurique. Le poids du tube avec le chlorure étant dé¬
terminé, j’ai enlevé le bouchon, et ayant incliné convenablement le ballon
224
NOUVELLES RECHERCHES
<|ue j’avais également pesé plein d’air sec, j'ai fait pénétrer le tube dans son
col aussi avant que possible, et j’ai laissé glisser le chlorure avec précaution
pour ne pas en perdre une trace. Ayant de nouveau fermé le tube à l’aide
de son bouchon, je l’ai remis sur la balance, et j’ai substitué, au chlorure
sorti, des poids de platine de manière à rétablir l’équilibre. La somme de ces
poids représente évidemment le poids du chlorure entré dans le ballon.
Comme vérification, j’ai renouvelé l’air sec du ballon , en y faisant passer
une dizaine de litres d’air sec et froid, et, après l’avoir fermé à l’aide d’un
bouchon percé d’un petit trou, pour mettre l’atmosphère sèche qu’il renfer¬
mait en équilibre de pression avec l’air de la cage dans laquelle il flottait
pendant la pesée, j’ai déterminé une deuxième fois son poids. Quoique le
chlorure de sodium soit incontestablement hygrométrique, dans toutes les
opérations, les poids obtenus par la pesée indirecte ont été identiques, dans
la limite d’erreurs de l’observation, avec ceux constatés par la pesée directe.
Les détails que j’exposerai plus bas le prouveront à toute évidence.
Dans le but de constater la quantité d’acide azotique normal nécessaire
pour opérer la transformation complète d’un poids donné de chlorure , j'ai
fait préalablement quelques essais sur une petite échelle. Il en résulte que
si l’acide réagit lentement sur les chlorures, et à la plus basse température
possible, l’élimination totale du chlore du chlorure de potassium a lieu en
employant, pour un de sel haloïde, trois d’acide normal , pour un de chlo¬
rure de sodium, quatre d’acide, et enfin, pour un de chlorure de lithium,
cinq et demi d’acide.
Pour exécuter la transformation , je versai la quantité convenable d’acide
pur sur le chlorure contenu dans le ballon. Après avoir adapté au col le
flacon qui lui sert de bouchon, et après avoir introduit dans le goulot le
tube en verre dur recourbé, j’ai placé le ballon, incliné vers 45°, dans l’étuve
à air chaud que j’ai figurée et décrite à propos de la synthèse de l iodure
d’argent. La branche descendante du tube recourbé s’engage dans une petite
fiole de verre dur, contenant un volume d’eau pure un peu inférieur à celui
de la capacité de la boule qui est souillée vers le milieu de cette branche des¬
cendante du tube. L’appareil est placé dans une cage de verre, en commu¬
nication avec une bonne cheminée d’appel, comme le montre la fîg. 18.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
225
Fig. 18.
L’appareil étant bien disposé, j’élève lentement la température de l’étuve
vers 40 à 50°; le chlorure, qui se dissout lentement dans l’acide azotique, se
décompose vers ce degré en azotate et en bichlorure d’azotyle, qui se dégage
en passant par l’eau contenue dans le petit ballon laveur. En prenant le soin
de maintenir la température constante , tous les gaz qui prennent naissance
se forment à la surface du liquide même ; au lieu d’une effervescence, qui
est toujours accompagnée de pétillement et d’entraînement de liquide par le
gaz, il se produit de grosses bulles à la surface, bulles qui se défont sans
projection ni entraînement de liquide. C’est pourquoi, lorsque l’opération est
Tome XXXV. 29
226
NOUVELLES RECHERCHES
conduite avec les précautions nécessaires, l’eau de lavage du bichlorure
d’azotyle ne renferme aucune trace d’azotate alcalin entraîné. Lorsque les
gaz cessent de se dégager à la température stationnaire, j’augmente succes¬
sivement la chaleur et je porte à la fin le liquide près de son point d'ébul¬
lition; quand les gaz ont de nouveau cessé de se dégager et que, malgré
l’élévation de température, le liquide dans le ballon ressemble à une matière
fixe en fusion, j’enlève le flacon servant de bouchon, j’engage très-avant
le col du ballon dans un cylindre ou malras en verre inattaquable par les
acides, et j’incline le tout de manière à faire dévier le coi tant soit peu au-
Fig. Il 9.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. *
227
dessous de l’horizontale, afin que les liquides qui s’y condensent ne puissent
retourner dans le ballon. Pour empêcher les matières en suspension dans l’air
de pénétrer dans le cylindre et de là dans le col du ballon, j’applique une
couche circulaire très-épaisse de ouate sur l’ouverture annulaire laissée entre
le cylindre et le col qui y est engagé. Comme l’évaporation du liquide acide,
et par conséquent la condensation des vapeurs acides se font avec une grande
lenteur, la ouate n’est nullement attaquée, et l’air qui peut pénétrer dans
l’appareil est forcé de se tamiser.
L’appareil étant disposé dans la cage de verre, close comme le montre
la fig. 19, j’ai procédé à l’évaporation de tout le liquide acide. Dans ce but,
j’ai élevé la température de l’étuve à un degré voisin , mais toujours au-
dessous, de celui du point d’ébullition du liquide. Le temps nécessaire pour
éliminer, de oü à 80 grammes de chlorure alcalin, le chlore à l’état de bichlo-
rure d’azotyle, et pour évaporer jusqu a siccité la solution d’azotate alcalin
qui en provient, a varié de six à neuf heures.
L’évaporation jusqu’à siccité de la solution d’un azotate alcalin dans l’acide
azotique présente assez de difficultés, lorsqu’on veut empêcher complètement
la perte de sel.
L’azotate en effet, à mesure qu’il se solidifie, présente la propriété de
grimper le long de la surface du ballon et de pénétrer même dans le col,
si on n’y prend garde. Je suis parvenu à empêcher ce phénomène, en ne
chauffant que la partie inférieure du ballon, celle qui est mouillée par le
liquide, et en abritant absolument contre le courant d’air chaud les parois
libres du ballon. Pour cela, dans toutes mes expériences, j’ai fait reposer le
fond du ballon dans l’ouverture d’une rondelle de tôle de fer, entourée d’un
cylindre de tôle. Ce cylindre, portant une échancrure destinée à laisser passer
le col du ballon, était placé au centre de l’étuve. Les produits de la combus¬
tion passaient donc par l’espace annulaire laissé entre le cylindre extérieur
formant l’étuve et le cylindre intérieur, pour s’échapper dans l’air par l’ou¬
verture pratiquée dans le couvercle mobile qui ferme l’étuve.
La dessiccation de l’azotate étant achevée, j’ai extrait de la cage de verre
tout le système d’appareil, j’ai enlevé la couche de ouate qui entourait le col
du ballon et le récipient, ensuite le récipient lui-même, dans lequel les va¬
peurs acides s’étaient condensées.
228
NOUVELLES RECHERCHES
En soulevant légèrement le ballon, j’ai retiré le cylindre de tôle qui l’en¬
tourait, ainsi que la rondelle sur lequel il reposait; je l’ai placé sur les
tringles de fer qui servaient à soutenir la rondelle avec le cylindre métallique,
et j’ai élevé lentement la température de l’étuve pour amener l’azotate con¬
tenu dans le ballon à l’étal de fusion. Pendant ce temps, je faisais passer
un courant d’air sec et pur dans l’intérieur du ballon, afin d’éliminer les
traces d’acide ou d’eau qui étaient restées dans le sel. Quand l’azotate fut
en pleine fusion, j’éteignis brusquement le gaz, afin d’amener une solidifica¬
tion presque instantanée du sel. Ce refroidissement brusque , bien dange¬
reux pour le ballon , est nécessaire pour produire une espèce de trempe de
l’azotate. Il faut que ce sel, après la solidification, soit transparent, presque
vitreux, pour rester adhérent au ballon. En se refroidissant lentement, il
devient cristallin, se fendille, et, dans ce cas, il se détache souvent brus¬
quement de la paroi du ballon, en déterminant la rupture du vase. J’ai perdu
ainsi plusieurs expériences, avec du chlorure qui avait coûté de grandes
peines à préparer, et dont la production m’a entraîné à des dépenses considé¬
rables. Ces accidents ont failli m’empêcher d’achever ces recherches. L’expé¬
rience m’a donc prouvé qu’entre les deux dangers, c’est le premier, le refroi¬
dissement brusque du ballon , qui est le moins à craindre.
La solidification opérée, j’ai continué de faire passer le courant d’air sec
dans le ballon, jusqu’à son refroidissement complet; après l’avoir muni du
flacon qui lui sert de bouchon , j’ai adapté à celui-ci un tube à chlorure de
calcium pour empêcher l’accès de l’air humide, et j’ai procédé au lavage
extérieur du ballon. La dessiccation du verre étant effectuée, à l’aide d’un
linge fin, et le bouchon muni d’une rainure étant placé sur le flacon percé,
j’ai suspendu le ballon au plateau de la balance, pour effectuer sa pesée
comme je l’ai indiqué page 219.
Lorsque le poids constant du ballon eut été déterminé, pour m’assurer que
tout le chlorure avait été transformé en azotate, j’ai repris le sel par une
quantité d’acide azotique normal et pur, capable de le dissoudre à chaud. J'ai
procédé de nouveau à l’évaporation de l’acide, à la dessiccation et à la fusion
du sel avec toutes les précautions que je viens d’indiquer.
J’ai évaporé à part, dans la cage de verre close, l’eau de lavage du bichlo-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 229
rure d’azotyle et l’acide provenant de la condensation des vapeurs émanées
du ballon lors de la dessiccation de la solution d azotate dans 1 excès d acide
azotique. Celte évaporation a été faite dans de petites capsules de porcelaine
fine , dont le poids avait été déterminé d’avance.
Dans la majeure partie des déterminations, les eaux de lavage et 1 acide
condensé n’ont laissé que des quantités réellement négligeables de matières
fixes , et ces matières proviennent incontestablement des corpuscules flottant
dans l’air de la cage, et qui, étant attaqués par les vapeurs acides, se préci¬
pitent dans les vases ouverts, dans lesquels l’évaporation s accomplit. Je dis :
dans des vases ouverts, parce qu’il est impossible d exécuter ces évaporations
dans des creusets de porcelaine vernis, enfermés dans une cornue de platine,
à cause de la présence du chlore dans les liquides employés.
Les opérations, faites avec tous les soins que je viens d’indiquer, condui¬
sent à des résultats d’une concordance aussi grande que celle à laquelle il
est possible d’atteindre dans la synthèse ou dans l’analyse d un corps. Pour
démontrer la vérité de cette assertion , je vais énoncer toutes les données
d’une détermination que j’ai exécutée avec la collaboration de mon ami
et collègue M. Kekulé; elle concerne la transformation du chlorure de sodium
en azotate.
Avant lu transformation du chlorure en azotate.
1. Poids du ballon rempli d’air sec (Kekulé et Stas) .
2. _ du ballon , après avoir renouvelé Pair sec (Kekulé et Stas).
5. — de la fiole en verre dur destinée à contenir l’eau de lavage
du bichlorure d'azotyle (Stas) .
4. — du tube recourbé (Kekulé) .
— du chlorure de sodium du chloroplatinate, pesé par sous¬
traction dans un tube bouché (Stas) .
(5, — du chlorure de sodium, pesé dans le ballon rempli d air sec
renouvelé (Kekulé) .
7 _ du ballon rempli d’air sec avec l’azotate incomplètement
fondu :
gram.
458,5590
458,5585
25,9555
25,1100
52,4857
52,4840
a. Pesé le lendemain (Kekulé)
h. — — (Stas) .
485,0150
485,0155
230
NOUVELLES RECHERCHES
8. Poids du ballon rempli d'air sec avec l’azolate amené à l’état de
fusion complète :
g ram.
«. Pesé le lendemain (Kekulé) . 485.6140
b. — — (Stas) . 485, 6 1574
9. Poids du résidu laissé par l’évaporation des eaux de lavage du gaz
bichlorure d azolyle (Kekulé et Stas) . 0,00025
10. — du résidu laissé par près de 100 centimètres cubes de liquide
acide provenant de la dessiccation de l’azotate (Kekulé et
Stas) . 0,00025
Après la transformation du chlorure en azotate.
1. Poids de la fiole (n° 5 précédent) (Kekulé et Stas) . 25,9555
2. — du tube recourbé (n° 4 précédent) (Kekulé et Stas) . . 25,1100
5. — du ballon , après avoir dissous l’azotate fondu et avoir lavé,
desséché et rempli d’air sec le ballon :
fl. Après cinq heures de refroidissement (Kekulé et Stas). . . 458,5570
b. Poids du ballon, le lendemain . 458.5590
c- — — le surlendemain . 458,5585
(l ■ ~ — le quatrième jour . 458,5585
e- — — apres avoir été chauffé près du rouge et
après deux heures de refroidissement . 458,5870
/. Le même ballon rempli d’air sec, le lendemain . 458.5580
9- — — — — le surlendemain .... 458,5585
#•
De ces différentes données, il résulte que le poids de la fiole qui a servi à
contenir l’eau de lavage du bichlorure d’azotyle, et le poids du tube destiné
à laisser passer ce gaz , ont été conservés absolument intacts; que le ballon n a
diminué que de un cinq cent millième de son poids , quantité égale à fin-
certitude qui existe sur le véritable poids d’un vase rempli d’air sec et pesé
dans un air incomplètement séché et en communication avec le premier. On
peut donc considérer le poids de l’azotate produit comme n’étant affecté
d’aucune erreur bien sensible provenant de l’altération des vases dans les¬
quels il a pris naissance.
Il me reste maintenant à décrire les moyens auxquels j’ai eu recours pour
préparer les chlorures et à fournir les données numériques des expériences;
c’est ce que je vais faire dans les notices suivantes.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.*
231
5° Du chlorure de potassium employé dans les déterminations , et déter¬
mination du rapport proportionnel entre le chlorure et l’azotate de
potassium.
J’ai employé du chlorure de potassium provenant de trois sources diffé¬
rentes. Je vais, aussi succinctement que possible, entrer dans des détails au
sujet de ces divers composés.
a. Chlorure de potassium du nitre. — Le composé que j’ai employé
était une partie de celui que j’ai préparé en 1858, au moyen de l’azotate
de potassium purifié par M. Esselens à l’aide de dix cristallisations succes¬
sives. Dans la notice sur la Détermination du rapport proportionnel entre
l’argent et le chlorure de potassium , j’ai donné la méthode suivie pour
ramener l’azotate à l’état de chlorure; je n’y reviendrai pas. J’ai constaté que
ce chlorure laisse entre cinq et six cents millièmes de son poids de silice,
lorsqu’on le volatilise dans un milieu convenable.
50gl,7165 de ce chlorure ont été transformés en azotate; ils ont produit
68gr,7938 de ce sel, d’où
KC h : KAsO5 : : 100,000 : 1 55,045
%
b. Chlorure de potassium du chlorate. — A l’aide des moyens que j’ai
fait connaître dans mes Recherches sur les rapports réciproques des poids
atomiques, j’ai éliminé toutes les matières étrangères que le chlorate de
potassium du commerce renferme toujours, et je me suis procuré une très-
grande quantité de ce sel, aussi pur qu’il est possible de l’obtenir ainsi. J’ai
décomposé une partie de ce chlorate dans une grande cornue de platine
purifié, en prenant toutes les précautions imaginables pour empêcher la
production du chlore. L’examen minutieux auquel j’ai soumis le chlorure
produit m’a donné la certitude qu’il contenait des traces de platine et de
la silice. Ce chlorure a été soumis à une nouvelle fusion avec une certaine
quantité de chlorure d’ammonium. J’ai repris la masse refroidie par de
232
NOUVELLES RECHERCHES
l’eau froide; après vingt-quatre heures de repos dans un vase de platine, j’ai
évaporé la solution, absolument limpide et neutre au tournesol, dans une
grande cornue de platine, et j’ai fondu de nouveau le chlorure dans un
double creuset de même métal. Il s’est transformé en un liquide, où il m’a
été impossible de découvrir le moindre de ces points brillants que l’on
remarque lorsque le chlorure renferme en suspension des traces d’anhy¬
dride silicique ou d’oxyde aluminique.
La masse coulée s’est transformée, après le refroidissement, en un verre
absolument incolore, limpide. Par la voie de la volatilisation, j’ai trouvé que
ce chlorure laisse entre quatre et cinq cents millièmes de silice, mêlée de
silicate de potassium.
80sr,2610 de ce chlorure ont été transformés en azotate; ils ont produit
108sr,8665 de ce sel, d’où
KC h : KAzO5 : : 100,000 : 155,638.
Dans l’espoir d’éliminer du chlorate la silice qui s’accumule dans le chlo¬
rure , j’ai soumis le sel au traitement suivant :
500 grammes environ du sel qui a fourni le chlorure précédent, après
avoir été bien séchés, ont été maintenus en fusion, pendant presque toute une
journée, dans la grande cornue de platine; le liquide, absolument limpide
d’abord, s’est manifestement troublé au bout de ce temps; il a même pris
une très-légère teinte jaunâtre, probablement par la formation de quel¬
ques traces de chloroplatinale de potassium. J’ai coulé ensuite le sel dans
un grand vase de platine, et, après avoir concassé la masse refroidie, je l’ai
traitée par une quantité d’eau froide insuffisante pour la dissoudre. Toutes
les dissolutions, parfaitement limpides, ont été évaporées dans une chaudière
de platine de cinq litres de capacité, purifiée au rouge à l’aide du chlorure
d’ammonium. Le très-faible résidu laissé par l’action de l’eau consistait en
silice, alumine très-dure et en chloroplatinale de potassium. Le chlorate de
potassium, qui était mêlé d’une petite quantité de chlorure, a été décomposé
lentement dans une grande cornue de platine. Le chlorure produit a été con¬
cassé et mêlé de chlorure d’ammonium pur; le mélange a été fondu dans
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
233
un double creuset de platine, et s’est transformé en un liquide dans lequel il
a été impossible de découvrir la moindre trace de points brillants. Craignant
néanmoins la présence du platine divisé dans le chlorure solidifié, je l’ai
repris par de l’eau pure, après l’avoir concassé, et j’ai évaporé à siccité, dans
la grande cornue de platine, la solution qui avait reposé vingt-quatre heures.
Le résidu a été fondu de nouveau dans un double creuset de platine; le
chlorure produit était absolument incolore, limpide et neutre.
La voie de la volatilisation m’a fait découvrir que ce chlorure, sur lequel
j’ai fait réellement le labor improbus , laisse la même quantité de silice que
le composé provenant directement de la solution du chlorure obtenu par la
calcination du même chlorate. Je dois donc avouer que j’ai été impuissant
pour préparer, à l’aide du chlorate de potassium, un chlorure que je puisse
considérer comme absolument pur.
72sr,1022 de ce chlorureont fourni 99gr,8050 d’azotate de potassium , d'où
KCÆ : KA*03 : : 100,000. : 153,047.
' c. Chlorure de potassium du chloroplatinate de potassium. — J’ai pré¬
paré une grande quantité de chlorure à l’aide du chloroplatinate de potas¬
sium; j’avais cru pouvoir combiner ces recherches avec la détermination
simultanée du poids atomique du platine. J’ai été déçu dans mon attente,
et les explications dans lesquelles je vais entrer feront connaître le motif
de l’insuccès, en ce qui concerne le poids atomique du platine.
Comme il me fallait du platine pur pour le but que je m’étais primitivement
proposé, c’est de celte préparation que je me suis occupé d’abord. Voici les
moyens auxquels on a eu recours : le fond d’une grande chaudière de platine
fabriquée vers 1836 à 1837, et qui était hors de service 1 , a été découpé.
A l’aide de cisailles, on a séparé toutes les parties sur lesquelles il y avait des
soudures renfermant de l’or. Deux kilogrammes et demi de cette tôle de
1 Cette chaudière avait servi pendant ving-cinq années à la concentration de l'acide sulfu¬
rique. Toutes les parties qui avaient eu le contact de l’acide sulfurique bouillant présentaient
une cristallisation analogue à celle qu’offre le fer-blanc décapé, et qui est connu dans le com¬
merce sous le nom de moiré métallique.
Tome XXXV.
30
234
NOUVELLES RECHERCHES
platiné furent découpés en lames étroites, et ces lames furent tournées en
spirales, afin qu’elles offrissent plus de surfaces à l’attaque de l’eau régale.
On a introduit ces spirales dans un ballon de six litres de capacité, contenant
un litre et demi d’acide azotique pur et normal. Au ballon était adapté un
bouchon de verre percé de deux trous; par l’une des ouvertures passait un
tube qui amenait un courant d’acide chlorhydrique gazeux, et dans l’autre
trou s’engageait un tube recourbé, destiné à livrer passage aux vapeurs
ehlorazotiques. Dans la crainte d’accident, ce ballon reposait dans une très-
grande capsule de porcelaine contenant de l’eau. La capsule elle-même était
posée sur un fourneau à gaz. On a condensé, à la température ordinaire ,
autant d’acide chlorhydrique que l’acide azotique a pu en dissoudre. Pendant
que la condensation s’effectuait, le platine était déjà attaqué; on a élevé ensuite
lentement la température du mélange, en se réglant à cet égard sur la décom¬
position de l’eau régale et l’attaque du platine qui, du reste, se fait assez lente¬
ment. A la fin, on a maintenu la température à 100° aussi longtemps que la
dissolution du platine s’opérait. A l’aide d’un siphon , on a décanté toute la
solution de chlorure acide; comme tout le métal n’avait pas été dissous, on
a remplacé la solution par de l’acide azotique pur, dans lequel on a condensé
de nouveau de l’acide chlorhydrique. Lorsque tout le platine eut été transformé
en chlorure, les solutions, introduites dans des capsules de porcelaine, furent
évaporées jusqu’à consistance sirupeuse. Le chlorure brunâtre a été repris
par environ cinq à six fois son poids d’eau, et la solution, répartie en trois
portions, a été versée dans des flacons bouchés à l’émeri. Chacun de ces fla¬
cons, portés dans une chambre obscure, a reçu petit à petit une quantité suffi¬
sante d’hydrate de calcium pur et délayé d’eau, non-seulement pour saturer
l’excès d’acide chlorhydrique, mais encore pour précipiter tous les métaux
étrangers existant dans le platine dissous, tels que l’iridium, le fer, etc.
J’ai fait secouer vivement le mélange pendant un quart d’heure et j'ai filtré
ensuite la solution, qui était devenue alcaline et jaune, de brunâtre qu'elle
était auparavant. Il est resté sur le filtre un précipité brunâtre très-volumi¬
neux, contenant beaucoup d’iridium, de fer et de calcium.
Dans la solution filtrée j’ai ajouté une nouvelle quantité d’hvdrale de
calcium délayé dans de l’eau, et j’ai fait secouer de nouveau les liquides.
9
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
255
L’addition de cette seconde portion d'hydrate de calcium n’a plus produit le
précipité brunâtre, volumineux, qu’il avait déterminé d’abord dans la solu¬
tion de platine. J'ai soumis le liquide à une deuxième filtration. L’emploi de
l’hydrate de calcium pour éliminer, en l’absence de la lumière , l’iridium du
bicblorure de platine, iridium qu’on trouve toujours dans le métal du com¬
merce , a été conseillé pour la première fois par feu Dobereiner.
Après avoir acidulé par l’acide chlorhydrique la solution de platine filtrée,
je l’ai versée petit à petit dans une solution saturée de chlorure de potassium
privé de métaux étrangers, tels que le fer et le manganèse. Le chloroplali-
nate a été lavé par une solution de chlorure de potassium, jusqu’à ce qu’on
ne pût, à l’aide de l’analyse spectrale, découvrir le calcium dans les eaux
de lavage.
Le sel desséché a été mêlé à deux fois son poids d’un mélange à parties"
égales de carbonate de sodium et de carbonate de potassium purs, et soumis
ainsi à la lusion dans un grand vase de platine , à la température la plus basse
possible. J’ai lessivé la masse par de l’eau pure, puis j’ai fait digérer le résidu
à chaud avec de l’acide chlorhydrique dilué, aussi longtemps que cet acide
a pris du sodium et du potassium. Enfin, j’ai dissous le platine dans de l’eau
régale assez étendue pour que l’attaque du métal n’eût lieu que vers 100°.
L’eau régale diluée a dissous la presque totalité de la masse métallique,
preuve que l’hydrate de calcium avait bien éliminé à peu près tout l’iridium
existant dans le platine primitif ; j’ai voulu savoir si la poudre noire très-fine,
qui résistait à l’action de l’eau régale étendue, était composée uniquement
d’oxvde d’iridium, ou bien si elle renfermait encore du platine : l’ayant
traitée par de l’eau régale plus concentrée, j’ai fini par dissoudre à peu près
le tout; il n’est pas resté un millième de la masse métallique. La solution
ainsi produite renfermait incontestablement de l’iridium, mais n’en conte¬
nait guère plus que la quantité que l’on rencontre dans le bichlorure de
platine fait avec le métal que le commerce fournil.
Quoiqu’il y eût toute probabilité que la solution du bichlorure de platine,
obtenue à l’aide de l’eau régale diluée, ne renfermait point d’iridium ni d’au¬
tres métaux, après l’avoir convenablement concentrée pour éliminer l’excès
d’acide, je l’ai néanmoins versée dans une solution saturée de chlorure de
236
NOUVELLES RECHERCHES
potassium privé de fer, etc., et j’ai fondu de nouveau le chloroplatinale de
potassium avec deux fois son poids du mélange très-fusible de parties égales
de carbonate de potassium et de carbonate de sodium. Le platine qui en est
provenu, dépouillé d'abord complètement des sels alcalins par l’eau et par
l’acide chlorhydrique chaud , s’est dissous en entier dans l’eau régale très-
diluée. Ainsi, après l’action de l’hydrate de calcium, clans l’obscurité , un
seul traitement du chloroplatinate a suffi pour éliminer les métaux étran¬
gers. M. Bunsen a dû recourir à cinq traitements successifs du chloroplati¬
nate, en se passant de l’action préalable de l’hydrate de calcium; en 1838,
j’ai dû en instituer trois en me servant de l’hydrate de potassium, et en y
sacrifiant un très-grand creuset de platine.
C’est à l’aide de la solution de platine ainsi purifié (pie j’ai préparé le
chloroplatinate de potassium destiné à l’extraction du chlorure de potassium.
— A cet effet, j’ai évaporé la solution , jusqu’à siccité, dans un ballon inatta¬
quable par les acides , et j’ai dissous ensuite le résidu brunâtre dans dix fois
son poids d’eau. J’ai versé à froid , et sous l’action d’une agitation continuelle,
celte solution, qui était d’un beau jaune foncé, dans un excès de solution de
chlorure de potassium provenant du chlorate, maintenu longtemps en fusion
pour le dépouiller de la silice, avant d’être décomposé, comme je l’ai exposé
du reste plus haut. J’ai lavé ensuite à l’eau froide le chloroplatinate, d’un beau
jaune pur, jusqu’à ce que l’eau de lavage, convenablement évaporée et
refroidie, ne précipitât plus par une solution concentrée de bichlorure de
platine.
Après le lavage, la masse du sel a été introduite dans une grande chau¬
dière de platine, servant à la concentration de l’acide sulfurique. J’ai fait
bouillir doucement pendant une heure le chloroplatinate avec cinq à six litres
d’eau, afin d’enlever autant que possible tous les composés étrangers, plus
solubles, qu’il pouvait contenir. La solution, d’un jaune doré, a été décantée et
remplacée par un volume égal d’eau pure, que j’ai fait bouillir encore pen¬
dant une heure. Au bout de ce temps, la nouvelle solution a été encore dé¬
cantée et écartée.
J’ai introduit alors successivement dans la chaudière des quantités d’eau
pure telles, que la première quantité devait dissoudre à l’ébullition environ
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
237
le tiers du chloroplatinale existant dans le vase, et, la deuxième, la moitié de
ce qui en restait. Ces solutions saturées ont été abandonnées séparément au
refroidissement, dans de grandes capsules de porcelaine placées dans de l'eau
froide renouvelée continuellement , afin d’amener la précipitation du sel sous
forme d’une poudre cristalline impalpable. Toutes les eaux de cristallisation
ont été écartées complètement.
J’ai recueilli et séché à part : 1° le sel provenant de la solution du pre¬
mier tiers du chloroplatinale lavé à l’eau bouillante; 2° le sel provenant de
la solution de la moitié environ de la masse restante ; 3° le sel qui était resté
indissous au fond de la chaudière, et qui était devenu cristallin sous l’in-
tluence de l’eau bouillante.
Les nos 1 et 2, constituant les sels qui avaient cristallisé par solution,
présentaient la même couleur jaune. Cette couleur était sensiblement plus
foncée que celle du sel n° 3, qui n’avait pas été amené k l’état de solution.
Dans le but de faire servir à la détermination du poids atomique du pla¬
tine l’extraction du chlorure de potassium de ces chloroplatinales de potas¬
sium , qui devaient être aussi purs qu’il est possible de les obtenir , j’ai pris
les dispositions suivantes.
Une partie de ces trois quantités de chloroplalinate a été chauffée séparé¬
ment vers 200° dans un dessiccateur de Lîèbig, plongé dans un bain de chlorure
de zinc, en même temps qu’un courant d’air pur le traversait. Le chloropla¬
linate, après celte dessiccation énergique, a été introduit tout chaud dans une
très-grande nacelle de platine pesée; j’ai glissé cette nacelle dans l’appareil^
destiné à peser dans le vide, que je décrirai plus loin, à l occasion de la pesée
du chlorure de lithium. Après avoir déterminé le poids du sel , j’ai engagé
la nacelle dans un large tube de verre réfractaire, contenant une feuille de
platine roulée sur elle-même sous forme de cylindre. Cette feuille était des¬
tinée à empêcher le contact du vase de platine avec le verre du tube. Le
système, placé dans une gaine de tôle remplie de magnésie, a été mis ensuite
en communication avec un appareil à dégagement d’hydrogène, dépouillé
d’oxygène par son passage sur la tournure de cuivre chauffée au rouge, et
parfaitement séché ensuite. Lorsque le courant d’hydrogène eut passé pen¬
dant un quart d’heure environ, je chauffai la gaine à une température con-
238
NOUVELLES RECHERCHES
venable pour opérer la réduction du chloroplatinale; celte réduction com¬
mence vers 180°, et on peut la finir complètement sans atteindre 300°.
Quels qu’aient été les soins que j’ai pris pour dessécher préalablement ces
trois échantillons de chloroplatinale et l’hydrogène, j’ai vu se condenser
dans le tube une certaine quantité d’acide chlorhydrique liquide, preuve
que le sel à l’état cristallisé et celui qui, précipité d’une solution assez con¬
centrée, est maintenu en suspension dans l’eau bouillante, retiennent une
certaine quantité d’eau; il en est de même du bromate d’argent : même en
le desséchant avec les plus grands soins on ne peut, sans le fondre, en éli¬
miner les dernières traces d’eau. Berzélius a déjà constaté la présence de
l’eau dans les chlorosels alcalins des métaux de la famille platinique.
Les longs préparatifs exécutés dans le but de déterminer le poids ato¬
mique du platine, en profitant de la préparation du chlorure de potassium,
ont donc été faits en pure perle '. En effet, le platine iridifère pouvait tout
aussi bien me fournir du chlorure de potassium pur que le métal que j’ai
préparé avec tant de soins et de peines.
L’impossibilité de faire servir ce chloroplatinale à la détermination du
poids atomique du platine étant bien établie, j’ai réduit chacune des trois
parties de ce sel de la manière suivante : après avoir placé la cucurbite de
la grande cornue de platine dans un bain de magnésie, j’y ai descendu une
feuille de platine percée, au centre, d’une ouverture; par cette ouverture pas¬
sait un tube en verre réfractaire, dont les bords étaient évasés en forme
d’entonnoir. Autour du tube j’avais enroulé en spirale une bande de platine
liée à l’aide de fils de ce métal. Le tube étant tenu bien verticalement,
j’ai rempli aux deux tiers la cucurbite de chloroplatinale de potassium, qui,
de celte manière, n’était en contact qu’avec du platine pur, puisque le verre
en était entièrement enveloppé : j’ai couvert la cucurbite d’une capsule de
porcelaine dure et trouée, et j’ai fait passer ensuite, par le tube, de l’hydro-
gèn e, pur et sec; en même temps, j’ai chauffé le bain de magnésie jusqu’au
moment où j’ai vu apparaître l’acide chlorhydrique. Ce point atteint, j’ai fait
' D’après M. Bunsen, on obtient du chloroplatinate absolument dépouillé d’eau, lorsqu’on le
produit dans une solution très-étendue, et qu’on s’abstient de le faire cristalliser. J’ai connu ce
fait trop lard pour pouvoir le mettre à profit dans mes recherches.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
239
ions mes efforts pour maintenir la température constante et produire la ré¬
duction du chlorure de platine, sans fritter le chlorure de potassium, qui,
sans cela, est sujet à retenir du chloroplatinate non décomposé. Lorsque l’hy¬
drogène se fut dégagé pendant une vingtaine de minutes sans développer de
^ l’acide chlorhydrique entre 200 et 250°, j’élevai la température entre 300
et 550°. Dans aucune des trois réductions que j’ai exécutées, je n’ai vu appa¬
raître la moindre trace d’acide chlorhydrique lors de la deuxième élévation
de température.
Après le refroidissement du tout, j’ai épuisé le résidu par le moins d’eau
pure possible, et j’ai filtré la solution au travers de la mousse de platine pure,
assez fortement calcinée et lassée. Le liquide filtré était tout à fait neutre;
il a été abandonné pendant vingt-quatre heures au repos, puis évaporé dans
la cornue de platine, à laquelle j’ai adapté un récipient, pour empêcher autant
que possible l’entrée des matières qui voltigent dans l’air. Le chlorure séché
a été fondu dans un double creuset de platine; il s’est transformé en un
liquide dans lequel il m’a été impossible de découvrir le moindre point bril¬
lant; il n’y avait donc aucun corps étranger en suspension.
L’essai que j’ai fait des chlorures ainsi produits m’a démontré que les
chlorures extraits du chloroplatinate cristallisé par dissolution contenaient
deux cents millièmes de leur poids de silice, et que le chlorure, provenant du
chloroplatinate qui n’a pas été dissous, renfermait cinq cents millièmes de
son poids de silice.
J’ai déterminé le rapport proportionnel entre chacun de ces trois échan¬
tillons de chlorure et l’azotate qui leur correspond, et je suis arrivé au ré¬
sultat suivant :
50gr,2175 de chlorure, provenant du traitement du premier tiers du
chloroplatinate de potassium, ont fourni 68gr,I200 d’azotate fondu, d’où
KC/i : KAzO3 : : 100,000 : 135,649.
A 8gr,9271 de chlorure provenant du traitement du deuxième tiers du
chloroplatinate de potassium ont fourni 63gr,3675 d’azotate fondu, d’où
KC h : KAzO3 : : 100,000 : 135,645.
-240
NOUVELLES RECHERCHES
69gr,8836 de chlorure, provenant du traitement du dernier tiers de chloro-
platinate, celui qui n’a pas été dissous par l’eau, ont fourni 94gr,7900
d’azotate fondu, d’où
KC h : KAzO3 : : 100,000 : 155,040.
I
11 me restait une certaine quantité de chlorure de potassium que j'avais éga¬
lement extrait, en 1858, du chloroplatinate, pour le faire servir à la déter¬
mination du rapport proportionnel entre l’argent et le chlorure alcalin. J’en
ai converti une partie en azotate; voici le résultat auquel je suis arrivé :
14gr,2578 de ce chlorure ont fourni 19gr,3415 d’azotate fondu, d’où
KC h : KAzO5 : : 100,000 : 155,655.
Il me reste maintenant à faire connaître les moyens auxquels j’ai eu recours
pour m’assurer du degré de pureté des chlorures que je viens d’indiquer.
6° Examen des chlorures de potassium employés dans
les déterminations.
J’ai employé l’analyse spectrale pour rechercher la nature des matières
étrangères. Dans ce but, j’ai volatilisé, dans la flamme du gaz et dans une
forte décharge de l’appareil de Rhumkorff, le chlorure que je voulais essayer»
Les résultats ont été les suivants :
1. Le chlorure provenant du nilre cristallisé dix fois a produit la raie
sodique, avec une intensité relativement grande, pendant à peu près le pre¬
mier quart du temps qui a été nécessaire pour opérer la volatilisation inté¬
grale du gros globule soumis à l’essai. Je n’ai aperçu aucune autre raie,
même après avoir mouillé la spire de platine avec de l’acide chlorhydrique.
Dans une décharge électrique, j’ai observé les mêmes résultats, avec cette
différence toutefois, que la raie sodique a conservé la même intensité pen¬
dant tout le temps.
Ayant été frappé de l’intensité de la raie sodique, j’ai voulu m’assurer si
ce chlorure renfermait une quantité de sodium susceptible d’être dosée. A
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
241
cet effet, j’ai dissous quatre grammes de ce composé dans le plus petit
volume d’eau chaude possible, et j’ai ajouté à la solution dix grammes de
bichlorure de platine pur et dissous. Après la précipitation du chloropla-
tinale, j’ai évaporé au bain marie la masse jusqu’à consistance pâteuse, et
j’ai repris le résidu par de l’alcool à 0,83. Lorsque l’alcool eut dissous le
bichlorure de platine en excès et le chloroplatinate de sodium qui pouvaient
y exister, j’ajoutai au liquide un volume d’éther anhydre égal au cin¬
quième du volume de l’alcool employé, pour précipiter les traces de chloro¬
platinate de potassium dissous à la faveur du bichlorure de platine. Après
six heures de reposa l’abri de la lumière, j’ai évaporé jusqu’à siccité la
solution alcoolique, ainsi que l’alcool élhéré dont je m’étais servi pour laver
le chloroplatinate de potassium. Tout le résidu de l’évaporation a été intro¬
duit dans une nacelle de platine pur. Après avoir convenablement séché le
tout, j’ai introduit la nacelle dans un tube de verre dur contenant une feuille
de platine, et j’ai réduit le chlorure de platine à l’aide de l’hydrogène. Après
le refroidissement, j’ai pesé la nacelle, et j’ai repris ensuite le platine par
de l’eau absolument pure. L’eau, après un repos convenable, a été éva¬
porée dans une ?rès-petite capsule de platine dont le poids avait été déter¬
miné, à un centième de milligramme près, à l’aide de la balance d’essai
ramenée à son maximum de sensibilité. Après l’évaporation totale du liquide ,
l’œil ne pouvait apercevoir aucun résidu dans le vase. L’augmentation du
poids de cette capsule a été si faible, qu’en l’évaluant entre un vingtième et
un trentième de milligramme, je suis certain d’en exagérer le poids. Comme
contrôle, j’ai pesé la nacelle de platine après le lavage à l’eau, et je lui
ai trouvé son poids primitif.
L’intensité de la raie sodique dans le chlorure de potassium, jointe à
sa persistance, peut donc induire en erreur sur le poids du sodium qui y
existe.
2. Le chlorure de potassium provenant de la décomposition du chlorate
de ce métal, préparé avec les soins que j’ai indiqués, a présenté, quant à la
raie sodique, la même intensité et la même persistance que celles offertes
par le chlorure obtenu à l’aide du nitre pur.
M. Bunsen avait déjà remarqué que, par la voie de la cristallisation du
Tome XXXV. 31
242
INOUVELLES RECHERCHES
chlorate dans l’eau , il est impossible de séparer le potassium du sodium , au
point de ne plus découvrir ce dernier métal par l’analyse spectrale.
J’ajouterai , d’après mon expérience personnelle , que toute solution qui a
bouilli quelque temps en contact avec l’air, ou qui a été évaporée en contact
avec l’atmosphère, donne des signes certains et persistants de 1 existence du
sodium , lors même que les éléments dont on s’est servi pour préparer cette
solution n’en indiquaient que des traces fugitives à l’analyse spectrale.
Tous les chlorures de potassium qui ont servi aux déterminations consi¬
gnées dans mes Recherches sur les rapports réciproques des poids atomi¬
ques , et auxquels j’ai consacré des soins infinis, essayés au speclroscope ,
ont donné la raie sodique d’une manière plus ou moins intense et persistante.
A celte époque déjà, je me suis assuré que le sodium, s’il pouvait y exister,
était en quantité inférieure à celle qu’on peut y découvrir et en séparer à
l’aide du bichlorure de platine.
3. Le chlorure du chloroplatinale de potassium a présenté la raie so¬
dique, mais avec moins de persistance que celui préparé à l’aide du nitrate
et du chlorate de potassium. Le chloroplalinate qui a fourni le chlorure ne
donnait pas de raie sodique plus intense que celle qu’on observe dans 1 air
d’un laboratoire. C’est donc pendant les opérations nécessaires à l’élimination
du platine que les traces de sodium y ont été apportées évidemment par
l’air, car le chlorure n’a été en contact qu’avec du platine et de l’eau con¬
densée à l’aide d’un tube de platine.
Volatilisé dans une forte décharge de l’appareil de Rhumkorff, ce chlo¬
rure n'a produit d’autres raies que celles qui caractérisent le potassium et lt
sodium.
Pour déterminer la quantité des matières fixes dans les chlorures, j ai eu
recours à la volatilisation d’un poids donné de ces corps. J’ai effectué cette
volatilisation dans une nacelle de platine pur. Pour peseï la nacelle, j avais
amené la balance d’essai à son maximum de sensibilité, qui est le centième
de milligramme pour la charge qu’elle devait supporter.
Voici comment j’ai exécuté celle opération : j ai pesé 1 (V ,000 de chloiuie
dans la nacelle, et je l’ai glissée ensuite dans un tube de porcelaine fort long
et contenant une feuille de platine roulée sous forme de cvlindie. Le tube
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
243
traversait un fourneau rond, muni de son laboratoire, de son dôme, et sur¬
monté d’une cheminée d’un mètre et demi de hauteur; il était chauffé avec
un mélange de petit coke et de charbon de bois. J’ai fait passer sur le chlo¬
rure, ainsi porté au blanc, un courant lent d’azote pur et sec. A la température
de la fusion de la fonte, il ne faut guère qu’une demi-heure à trois quarts
d’heure de courant d’azote pour réduire les 10Br,000 de chlorure de potas¬
sium à l’état de vapeur, ,4’ai retiré alors la nacelle et je l’ai chauffée au blanc
en présence de l’air, pour être certain qu’elle ne contenait plus la moindre
trace de matières volatilisables à cette température. Après le refroidissement
complet, je l’ai pesée et j’ai trouvé ainsi :
1. Que.l0sr,000 de chlorure de potassium du nitre laissent de (F, 00036
à 08r, 00060 de silice mêlée de silicate de potassium, soit : cinq à six cents
millièmes du poids;
2. Que 105r,000 de chlorure de potassium du chlorate laissent de
0sr, 00043 à 0e , 00050 de silice mêlée de silicate de potassium, soit : quatre
à cinq cents millièmes du poids;
3. Que 10sr,000 de chlorure de potassium du chloroplatinate dissous
dans l’eau et cristallisé laissent de 0r, 00020 à 0sr, 00025 de silice, soit :
deux à deux et demi cents millièmes;
4. Que 10sr,000 de chlorure de potassium du chloroplatinate non dissous
par l’eau laissent 0sr, 00048 de silice, soit : cinq cents millièmes du poids.
Ces essais, faits avec tous les soins que j’y puis apporter, prouvent l’im¬
possibilité absolue dans laquelle je me suis trouvé de produire des chlorures
de potassium purs.
L’existence de cet anhydride silicique a pour effet de diminuer la quan¬
tité d’azotate produit par une unité de poids de chlorure. Les résultats obte¬
nus doivent donc être, de ce chef, affectés d'une cause d’erreur en moins.
244
NOUVELLES RECHERCHES
RAPPORT PROPORTIONNEL ENTRE LE CHLORE RE ET L AZOTATE
DE POTASSIUM.
Nos D'ORDRE.
POIDS
du
chlorure dans l’air.
POIDS
de
l’azotate dans l’air.
i 00.000
de
chlorure produisent
azotate :
*
I .
gram.
30,7165
gram.
68,7938
135,643
II .... .
80,2610
108,8665
135,638
111 .
72,1022
99,8050
133,647
IV . . . . .
30,2175
68,1200
135,649
V .
48,9271
63,3675
135,645
VI .
69,8836
94,7900
135,640
VII .
14,2578
19,3415
135,655
Moyenne .
Réduit au vide .
135,6453
135,6423
7° Du chlorure de sodium employé dans les déterminations, et détermination
du rapport proportionnel entre le chlorure et l’azotate de sodium.
J’ai fait cinq déterminations du rapport proportionnel entre le chlorure ef
l’azotate de sodium ; dans ce but j’ai employé du chlorure préparé par deux
voies distinctes :
a. Du chlorure de sodium préparé en saturant, par de l’acide clilorhy-
drique, du carbonate bisodique pur. — Pour me procurer le carbonate biso-
dique pur, j’ai fait lessiver, à l’aide de l’eau distillée, trois kilogrammes de
carbonate monosodique réduit en poudre fine, jusqu’à ce que les eaux de
lavage, neutralisées par l’acide azotique, ne troublassent plus les solutions
bouillantes des sels d’argent et de baryum. Le résidu a été séché et calciné
ensuite légèrement dans un vase de platine. Le carbonate bisodique produit
a été dissous dans de l’eau bouillante, en prenant la précaution de produire
une liqueur saturée. La solution filtrée a été refroidie rapidement et sous
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
245
l’influence d’une agitation continuelle, afin d’obtenir une cristallisation sous
forme d’aiguilles fines. Pour éliminer les eaux- mères, la bouillie cristalline
a été introduite dans un appareil à déplacement , en communication avec un
réservoir duquel on pouvait, à l’aide de quelques coups de pompe, extraire
une partie de l’air. Le sel, après avoir été à deux reprises arrosé d’eau dis¬
tillée, pour déplacer l’eau-mère restante, a été soumis à trois cristallisations
dans de l’eau pure; à la deuxième cristallisation , la présence du fer n’y était
plus reconnaissable : en effet, tant qu’il y existe des traces de ce métal, sa
solution se teinte très- légèrement en vert sous l’influence du sulfhydrate de
sodium incolore.
Le carbonate dissous a été transformé en chlorure par un courant de gaz
acide chlorhydrique pur. La solution de sel marin produite, additionnée de
tant soit peu de chlorure d’ammonium pur, a été évaporée jusqu’à siccité
dans une grande cornue de platine, et le résidu, tout à fait blanc, a été chauffé
assez fortement pour volatiliser tout le chlorure d’ammonium. Après le re¬
froidissement, le chlorure a été repris par de l’eau pure; la solution, ayant
reposé vingt-quatre heures, pour laisser opérer le dépôt de la silice et de
Y alumine , a été additionnée de chloroplatinate d’ammonium, et le mélange
a été de nouveau évaporé dans la cornue de platine, jusqu’à siccité complète.
Le sel, qui était assez fortement coloré en jaune parle chloroplatinate, a été
fondu dans un double creuset de platine. Lorsque tout le platine , provenant
de la décomposition du cbloroplalinate, se fut déposé, en entraînant avec lui
au fond du vase la silice et l’alumine , je décantai dans un vase de platine
tout le chlorure limpide, mais légèrement coloré en violet. Après l’avoir con¬
cassé, je l’ai repris par de l’eau pure, et la solution, après deux jours de
repos, a été évaporée dans la cornue de platine; le résidu, qui était absolu¬
ment blanc, a été additionné de tant soit peu de chlorure d’ammonium pur,
et le mélange a été fondu dans un double creuset de platine, en ayant la
précaution de maintenir la masse assez longtemps en fusion pour éliminer
la dernière trace des produits de la décomposition du chlorure ammonique1.
1 Lorsqu’on fond le sel marin intimement mêlé avec du sel ammoniac sans maintenir le
liquide pendant quelque temps au rouge vif, ce chlorure peut retenir des gaz et même du sel
ammoniac intact. Les chlorures de potassium et de lithium présentent la même propriété.
246 NOUVELLES RECHERCHES
Le chlorure obtenu était incolore, absolument transparent et tout à fait
neutre au tournesol.
11 me semble impossible de mettre plus de soins à la préparation de ce
chlorure, et je pense que les chimistes seront aussi étonnés que je l’ai
été moi-même, lorsqu’ils verront, par les détails que je donnerai plus bas,
que ce composé renferme de 4,7 à 5 cents millièmes de matières étrangères
fixes (silice et traces de calcium). C’est une partie de ce chlorure sodique
qui a servi à la détermination du titre des différents argents que j’ai em¬
ployés pour les recherches consignées dans ces Mémoires; j’ai, du reste,
signalé ce fait dans la notice consacrée à ce sujet \
1. 120er,011 de ce chlorure ont été transformés en azotate fondu, et ils
ont produit 1748 ,559 de ce sel , d’où
NaC h : NaAzO3 : : 100,000 : 145,453.
y. Chlorure de sodium obtenu par la décomposition du chloroplatinate
de sodium. — Pour le préparer, j’ai pesé une partie du chlorure précédent,
que j’ai dissous dans la plus petite quantité possible d’eau. La solution était
absolument limpide; j’y ai ajouté une solution très-concentrée de bichlorure
de platine pur, renfermant un poids de ce corps triple de celui du chlorure
alcalin employé. Le mélange était limpide, d’un jaune doré; abandonné pen¬
dant vingt-quatre heures à lui-même, à une température comprise entre 5 et
9°, il n’a déposé aucune trace d’un chloroplatinate insoluble ou moins solu¬
ble. J’ai évaporé dans une chaudière de platine la liqueur jusqu’à siccilé
complète, et j’ai porté ensuite le résidu à une température à laquelle j’ai com¬
mencé à sentir un léger dégagement de chlore. Après le refroidissement, j’ai
repris la masse par une quantité d’eau pure suffisante* seulement pour en
dissoudre à peu près les neuf dixièmes. Celte solution est restée vingt-quatre
heures dans un vase de platine couvert; elle a été décantée et évaporée en¬
suite jusqu’à pellicule. Le sel, déposé par un refroidissement brusque, a été
lavé à l’eau glacée, et les eaux de lavage avec l’eau-mère ont été évaporées
1 Mémoire sur les lois des proportions chimiques. — Première partie : Détermination du
litre de l’argent de différentes provenances.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
247
à leur tour jusqu’à pellicule. Le nouveau sel produit a été lavé également
à l’eau pure glacée, et les eaux de lavage ont été jointes à Peau-mère dé¬
cantée. Par ces traitements, je me suis arrangé de manière à répartir
en trois portions à peu près égales les neuf dixièmes du chloroplatinate
dissous.
La solution de ces trois quantités de chloroplatinate a été précipitée, sépa¬
rément, par un petit excès de solution saturée de chlorure d’ammonium,
obtenu par l’action de l’acide chlorhydrique gazeux sur une solution d’am¬
moniaque dans l’eau pure. La solution de sel marin produite a été évaporée
dans une cornue de platine, et le résidu, mêlé de cinq pour cent environ de
chloroplatinate d’ammonium , a été chauffé au rouge obscur. J’ai repris par
de l’eau pure le chlorure mêlé de platine, et la solution, après deux jours de
repos, a été évaporée de nouveau dans la cornue de platine, et le sel finale¬
ment fondu dans un double creuset de ce métal.
Les trois parties étaient , à l’état fondu , d’une limpidité remarquable ; j’ai
pu les décanter jusqu’à la dernière goutte sans pouvoir découvrir le moindre
vestige de silice ou de platine déposé. Après le refroidissement , les chlorures
étaient d’une incolorité complète. Les solutions étaient limpides, et neutres
au tournesol.
Ces trois échantillons de sel marin constituent, avec les trois portions cor¬
respondantes du chlorure de potassium, du chloroplatinate de potassium, les
plus beaux produits que j’aie possédés; et cependant leur examen m’a donné
la certitude qu’ils renfermaient à peu près autant de matières fixes (silice) que
le chlorure, si beau déjà, dont ils provenaient.
2. 328r,4837 du premier tiers du chlorure ont été transformés en azo¬
tate; celle transformation a été faite en collaboration avec M. Kekulé. Ils
ont produit 47sr,2bBo d’azotate fondu; d’où
NaC h : NaAzO5 : : 100,000 : 143,408.
3. 68s‘,1295 du deuxième tiers du chlorure ont produit 99s',1045 d’azo¬
tate fondu ; d’où
NaC h : NaArO3 : : 100,000 : 145,465.
248
NOUVELLES RECHERCHES
4. 47gr,922G du troisième tiers du chlorure ont fourni 69gr,7075 d’azotate
fondu; d’où
NaC/t : N«Az03 : : 100,000 : 143,459.
II me restait une certaine quantité de chlorure que j’avais extrait, en
1858, du cldoroplalinate de sodium cristallisé six fois; je l’ai transformé en
azotate, dans une petite cornue de verre qui n’était pas absolument inatta¬
quable par les acides. Voici le résultat fourni par ce chlorure, dans cette
condition :
5. 148r,5380 de ce sel ont produit 21gyi465 d’azotate fondu. (L’azotate
était très-sensiblement alcalin) ; d’où
N«C h : NftAzO3 : : 100,000 : 145,443.
Ces différentes données conduisent aux rapports proportionnels suivants :
RAPPORT PROPORTIONNEL ENTRE LE CHLORURE ET l’âZOTATE
DE SODIUM.
N°s D ORURE.
POIDS
du
chlorure dans l’air.
POIDS
de
l’azolalc dans l’air.
100,000 ;
de
chlorure produisent
azotate :
I .
grain.
120,0110
g ram.
174,3390
1 4oj4oo
11 .... .
32,4837
47,2350
145,468
III ... .
68,1295
99,1045
145T65
IV .
47,9226
69,7075
145,459
V .
14,3380
21,1465
1 43,443
Moyenne. . . .
La réduction au vide ramène cette moyenne it. . . .
145,4576
1 45,4526
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 249
8° Examen des chlorures de sodium employés dans les
déterminations.
A l’aide de la volatilisation des chlorures, chauffés au blanc dans un cou¬
rant d’azote sec, j’ai cherché la quantité de matières fixes contenue dans
chaque partie de sel marin employé. Ces opérations ont été faites de la même
manière que celle que j’ai décrite à l’occasion des recherches sur le chlorure
de potassium ; mais comme le sel marin est très-sensiblement moins volatil
que le composé de potassium correspondant, j’ai eu soin d’élever davantage
encore la température et de prolonger plus longtemps le courant d’azote sec.
Je dis : l’azote sec; car, en se servant d’azote humide, on obtient pour résidu
du silicate de sodium très-alcalin, au lieu d’un mélange de silice et de traces
de silicate de sodium.
Voici les différents résultats obtenus :
1. Chlorure produit à l’aide de l’acide chlorhydrique et du carbonate
bisodique purifié. — a. 108r,000 ont laissé 08r, 0004 7 de silice, mêlée de
traces de silicates de sodium et de calcium;
b. 10"r,000 ont laissé Osr, 00050 de silice, mêlée de traces de silicates de
sodium et de calcium;
2. Chlorure préparé à l’aide du chloroplatinate de sodium. — a. 10sr,000
de chlorure, du premier tiers du chloroplatinate cristallisé, ont laissé 0SI, 00035
de silice, mêlée de traces de silicate de sodium;
b. 10g‘,000 de chlorure, du troisième tiers du chloroplatinate, ont laissé
O81, 00045 de silice, mêlée de silicates de sodium et de calcium.
En voyant de pareils résultats, on est obligé d’avouer son impuissance à
produire une matière pure, lorsqu’il est impossible de la volatiliser.
La moyenne des poids des matières étrangères s’élève à 0,00043, pour dix
grammes; si on corrige de cette quantité la moyenne générale 145,4526,
on obtient de nouveau 145,4570 pour le poids de l’azotate, réduit au vide,
produit par 100,000 de sel marin supposé pur.
Tome XXXV.
52
NOUVELLES RECHERCHES
2M)
9° Du chlorure de lithium employé dans tes déterminations.
J’ai cru devoir déterminer simultanément le rapport proportionnel entre
le chlorure de lithium et l’argent, et entre le chlorure et l’azotate de lithium,
afin d’avoir un moyen certain de contrôler mes résultats.
Dans ce but, j’ai opéré la détermination de ces deux rapports propor¬
tionnels sur une partie d’un même chlorure. On conçoit , en effet , que le
contrôle n’est possible que dans cette seule circonstance.
Je vais exposer successivement les méthodes employées pour me procurer
le chlorure de lithium ; je dirai ensuite comment je me suis assuré de sa
pureté; je ferai connaître enfin comment je m’y suis pris pour déterminer
les différents rapports proportionnels.
Pour obtenir du chlorure de lithium, je suis parti du carbonate de ce
métal. Je dois une partie de ce carbonate a l’amitié de M. le docteur Hugo
Müller, dont les beaux travaux sur les composés du lithium sont connus de
tous les chimistes. J’ai retiré une autre partie, d’environ cinq kilogrammes
de triphy lline de Bodcnmaïs, que feu Léopold Gmelin m’avait généreusement
donnée vers 1848, pour m’aider dans des recherches sur une matière si rare
à cette époque. Enfin, dans ces dernières années, le commerce m’a fourni
un demi-kilogramme de carbonate de lithium, fabriqué en Allemagne pour
l’usage de la médecine.
Le carbonate que je devais à l’obligeance de M. Hugo Müller et celui que
j’avais extrait moi-même de la triphylline étaient déjà assez purs, et ils ne
contenaient que des traces de sodium et de calcium. Celui que j ai acheté
dans le commerce contenait, outre le sodium et le calcium, des quantités
notables de magnésium (de huit à dix pour cent ( s 5
sium). Le poids total du carbonate sur lequel j’ai opéré s’est élevé a douze
cents grammes environ. J’ai réuni le tout, pour le soumettre a un seul et
même traitement préliminaire.
J’ai suspendu le carbonate dans dix lois son poids d’eau, et j ai ajouté,
petit à petit, de l’acide chlorhydrique concentré, jusqu’à ce que tout le pré¬
cipité fût dissous. Au travers du liquide, renfermant un mélange de chlorure
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
251
el de carbonate Ethique, j’ai fait passer un courant d’acide sulfhydrique aussi
longtemps qu’il s’est coloré. J’ai maintenu la solution à la lumière solaire,
dans un vase bouché, jusqu’à ce que le sulfure produit se fût complètement
précipité et que le liquide fût devenu absolument incolore. Après avoir porté
le liquide à l’ébullition, pour précipiter les carbonates de lithium et de magné¬
sium dissous, j’ai éliminé successivement le calcium à l’aide de l’oxalate
d’ammonium, le restant du magnésium au moyen d’une solution d’hydrate
de baryum, et enfin l’excès de baryum employé par une solution de sulfate
d’ammonium. Toute la solution a été évaporée, par parties successives,
jusqu’à siccilé, dans un vase de platine, el le résidu a été fondu pour éliminer
les composés d’ammonium qui y étaient contenus. Le chlorure de lithium
impur, obtenu ainsi, était tout à fait incolore, à réaction très-alcaline; je l’ai
repris par la plus petite quantité possible d’alcool anhydre, et j’ai ajouté à
la solution son volume d’éther. J’ai maintenu cette solution, pendant deux
heures, dans un mélange réfrigérant formé de neige et de sel marin. La solu¬
tion de chlorure de lithium, d’où il s’était précipité du chlorure de sodium
avec tant soit peu de chlorure de potassium, a été évaporée dans une cornue
de platine; elle a laissé un chlorure offrant au speclroscope une réaction
sodique assez énergique, comme, du reste, M. Karl Diehl l’a reconnu dans
son excellent travail sur le poids atomique du lithium.
Dans l’espoir de pouvoir opérer une séparation plus complète du sodium,
j’ai transformé une partie du chlorure de lithium en azotate; j’ai repris
ensuite cet azotate par la plus petite quantité d’alcool anhydre capable
de le dissoudre, et j’ai ajouté à la solution un. volume d’éther anhydre égal
au sien ; il ne s’est fait aucune séparation d’azotate de sodium. J’ai ajouté
peu à peu au liquide de l’éther en quantité suffisante pour rendre une partie
de l’azotate de lithium insoluble dans l’alcool éthéré. L’azotate resté en solu¬
tion a montré au spectroscope la raie sodique, avec la même intensité que
celui qui avait été précipité par l’éther.
L’alcool éthéré ne sépare donc pas plus le sodium de l’azotate de lithium
qu’il ne le sépare du chlorure.
Devant cette impossibilité bien constatée, j’ai eu recours au moyen con¬
seillé par M. Bunsen. Tel que M. Diehl l’a appliqué, il consiste à précipiter
252
NOUVELLES RECHERCHES
la solution concentrée de chlorure de lithium par du carbonate biammo¬
nique, et à exprimer énergiquement le carbonate de lithium obtenu; à
reprendre celui-ci par de l’acide chlorhydrique; à précipiter de nouveau la
solution concentrée par du carbonate biammonique, et à répéter cette opé¬
ration aussi longtemps que le précipité formé donne à l’analyse spectrale
une réaction sodique sensible. Pour arriver à ce résultat, M. Diehl a dû
répéter trente fois les dissolutions et les précipitations. Comme le carbonate
biammonique n’élimine que la moitié du lithium contenu dans le chlorure,
on est obligé, après chaque précipitation , d’évaporer à siccité la solution de
chlorure d’ammonium et de lithium, et de fondre le résidu pour volatiliser
tout le chlorure d’ammonium.
En m’y prenant de la manière suivante, j’ai obtenu, à l’aide de sept dis¬
solutions et autant de précipitations, du carbonate de lithium ne présentant
pas plus de réaction sodique que le sulfate de lithium préparé par M. Bunsen
pour son travail sur le spectre de ce métal; sulfate dont 1 illustre chimiste
m’avait donné une partie destinée à servir de terme de comparaison pour les
produits que je voulais préparer. Le chlorure provenant des douze cents
grammes de carbonate de lithium a été dissous dans un poids d’eau égal. La
solution, incolore et légèrement alcaline, a été versée petit à petit dans un
excès de solution de carbonate biammonique. Ce carbonate biammonique
avait été préparé en dissolvant jusqu’à refus du sesquicarbonale d’ammonium
dans de l’ammoniaque liquide et concentrée. Quel que soit l’excès d’ammo¬
niaque existant à côté du carbonate biammonique, il ne se produit point, à
la température ordinaire, au delà du tiers du carbonate de lithium qui peut
prendre ainsi naissance; de plus, le carbonate produit est plus ou moins géla¬
tineux. Pour déterminer la précipitation de la moitié du carbonate de lithium,
et pour obtenir en môme temps ce sel à l’état grenu, état sous lequel il se
prête aisément à un lavage méthodique, je place le vase renfermant le mé¬
lange dans un bain d’eau, dont j’élève la température au point de provo¬
quer un dégagement d’ammoniaque gazeuse. En même temps, j imprime un
mouvement de rotation au vase, afin de provoquer la précipitation dans un
liquide en mouvement. Je maintiens le vase dans le bain aussi longtemps que
je m’aperçois (pie, sous l’influence de l’élévation de température, il se pro-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
233
(luit du carbonate de lithium insoluble dans le liquide. Arrivé à ce moment,
j’abandonne le tout au repos. Après avoir décanlé tout le liquide limpide,
j’introduis la bouillie de carbonate dans un cylindre à déplacement, muni
d’un tampon de toile fine, lavée à l’acide chlorhydrique dilué et maintenue
à l’aide d’une bourre de gros fils de platine. Ce cy lindre est fixé sur un réser¬
voir sphérique ou cylindrique de verre, en communication avec une petite
pompe pneumatique à main, comme le montre la figure ci-jointe.
Fig. 20.
A l’aide de quelques coups de pompe, j’élimine l’eau-mère , puis j’a rrose
petit à petit le carbonate d’eau distillée additionnée d’ammoniaque, tout en
continuant à faire agir la pompe et en imprimant des chocs au cylindre
pour maintenir en mouvement le carbonate. De cette manière, les fissures qui
se produisent par le liquide descendant sont continuellement détruites, et,
au bout d’une demi-heure de lavage, le sel est suffisamment purifié pour ne
plus contenir au delà du centième de l’eau-mère primitivement interposée.
± U
NOUVELLES RECHERCHES
J’ai évaporé Teau-mère et les eaux de lavages jusqu’à siccité, et j'ai chauffé
le résidu de manière à éliminer la dernière trace de sel ammoniqne qui
avait pris naissance.
Cette calcination, pour être complète, exige une température assez élevée,
mais elle n’est pas accompagnée d’une perte notable de chlorure de lithium,
quoique les flammes du fourneau qui sert de foyer soient fortement colorées
en pourpre par le lithium entraîné par le sel ammoniac. J'ai précipité, par le
moyen que je viens d’indiquer, la moitié du lithium qui était contenu dans
le chlorure produit, et le carbonate obtenu a été introduit dans l’appareil à
déplacement et soumis de nouveau à un lavage méthodique. Le sel bien lavé
a été ajouté à celui qu’on avait obtenu dans la première précipitation. J’ai
séché le tout, dans un vase de platine, à une température suffisamment
élevée pour chasser l’ammoniaque qui y était contenue. J’ai suspendu ce car¬
bonate dans son poids d’eau, j’ai ajouté petit à petit, au mélange, de X acide
azotique pur l, jusqu’à ce que tout le composé de lithium fût dissous, et j’ai
versé la solution d’azotate et de carbonate de lithium dans de l’ammoniaque
concentrée, saturée de sesquicarbonate d’ammonium. J’ai répété à cinq re¬
prises différentes la dissolution dans l’acide azotique, la précipitation par le
carbonate biammonique et les lavages méthodiques, et je suis parvenu à
extraire, des douze cents grammes de carbonate de lithium employés, cin¬
quante-cinq grammes de carbonate sec et dépouillé d’ammoniaque, dans lequel
il m’a été impossible de constater la réaction sodique plus fortement que dans
l’air du laboratoire où je travaillais.
J’indiquerai plus loin l’usage que j’ai fait de ce composé.
J’ai réuni les eaux-mères et de lavages des quatre dernières dissolutions
et précipitations; je les ai évaporées et j’ai chauffé le résidu afin de détruire
l’azotate d’ammonium. Après avoir repris l’azotate par de l’eau, j’ai versé la
solution dans du carbonate biammonique. Le carbonate de lithium, devenu
grenu, a été lavé comme je l’ai dit plus haut. Ce sel présentait naturellement
une réaction sodique très-sensible. J’ai éliminé l’ammoniaque par la chaleur,
1 J’ai remplacé l’acide chlorhydrique par l’acide azotique, parce que l’azotate de lithium est
facile à dépQuiller d’azotate d’ammonium; tandis que le chlorure de lithium ne peut être aussi
aisément privé de chlorure d'ammonium. .
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
2VJJ
o 5
et j’ai introduit tout le carbonate dans un très-grand flacon de Woulf con¬
tenant dix litres d’eau pure. J’ai fait passer au travers du mélange de l’an¬
hydride carbonique pur *, aussi longtemps que le carbonate de lithium a paru
se dissoudre; résultat que l’on n’atteint qu’après sept à huit heures d’action.
Lorsque le liquide se fut parfaitement éclairci par le repos , je décantai la
partie limpide qui fut chauffée fractionnellement, jusqu’à l’ébullition, dans
un grand vase de platine. J’ai maintenu l’ébullition tant qu’il y a eu efferves¬
cence et dépôt de carbonate de lithium. J’ai écarté toutes les eaux-mères ren¬
fermant encore au delà du quart du carbonate primitivement dissous; elles
présentaient le caractère sodique d’une manière assez prononcée. J’ai lavé
dans un appareil à déplacement et à l’aide de l’eau pure et froide le sel pré¬
cipité.
Par une nouvelle quantité d’eau et un nouveau courant d’anhydride car¬
bonique, j’ai dissous le carbonate resté indissous dans la première opération.
En chassant l’anhydride à l’aide de la chaleur, j’ai précipité encore du car¬
bonate de lithium, en écartant également Peau-mère. Cette eau-mère présentait
beaucoup moins le caractère sodique que la première. Après avoir lavé aussi
bien que possible, dans l’appareil à déplacement, le sel produit, je l’ai joint
au premier et j’ai de nouveau introduit le tout dans le grand flacon de Woulf ,
avec une quantité d’eau pure suffisante pour le dissoudre sous 1 influence d’un
courant prolongé d’anhydride carbonique. La dissolution accomplie, ce que
je ne suis parvenu à réaliser qu’au bout de deux jours de passage continu , j’ai
chauffé de nouveau la solution de carbonate monolithique, afin d’en préci¬
piter tout le sel qu’il peut fournir par le simple dégagement de l’anhydride
carbonique. L’eau-mère donnait une réaction sodique excessivement faible.
Le carbonate produit a été lavé dans un appareil à déplacement aussi long-
1 Pour obtenir cet anhydride, j'ai chauffé du carbonate monosodique placé dans un grand
ballon; le gaz, avant de pénétrer dans le flacon contenant le carbonate de lithium, se rendait
d’abord dans un flacon contenant de la pierre-ponce en très-petits fragments cl humectée d’eau
pure; il passait ensuite dans un tube en U rempli d’asbcste feutré. Je me suis assuré qu’en fai¬
sant passer cet anhydride à travers la flamme d’un hcc de Bunsen, il ne lui communiquait
aucun caractère sodique. L’anhvdridc carbonique, dégagé d’un carbonate par un acide, quelque
soin que l’on mette à le laver, communique à la flamme le caractère du métal existant dans ce
carbonate.
256
NOUVELLES RECHERCHES
temps que le résidu et l’eau de lavage ont donné un indice sensible de la raie
sodique. Ainsi, deux dissolutions dans l’anhydride carbonique, et deux pré¬
cipitations suivies de lavages prolongés, ont suffi pour éliminer tout le sodium
d’un carbonate purifié d’ailleurs puissamment par d’autres moyens. D’après
M. Troost, auquel j’ai emprunté cette méthode de purification de ce sel, on
peut obtenir ce résultat à l’aide du carbonate de lithium brut.
J’indique plus loin l’usage que j’ai fait d’une partie du carbonate de
lithium ainsi préparé.
Pour être certain de mes résultats, j’ai voulu pousser plus avant les puri¬
fications. Dans ce but, j’ai répété deux fois encore, sur une partie de carbo¬
nate, la dissolution dans l’anhydride carbonique, la précipitation et le lavage
du précipité; mais je dois l’avouer, il m’a semblé que le carbonate obtenu
après cette quatrième série d’opérations ne différait en rien de celui qui
n’avait pas été soumis à ces nouveaux traitements.
Par suite des éliminations des eaux-mères et des eaux de lavage, je n’ai
retiré des douze cents grammes de carbonate de lithium, dont plus de la
moitié était déjà d’une assez grande pureté, que cent quarante-cinq grammes
de carbonate, qui, répartis en trois portions distinctes, ont été transformés
en chlorure. Je vais exposer maintenant comment j’ai exécuté cette trans¬
formation.
J’ai rempli aux deux tiers , de carbonate de lithium, une petite et une
très-grande nacelle de platine pur. Celle quantité est suffisante pour que le
sel, étant converti en chlorure fondu, remplisse les trois quarts environ de
la capacité de chaque vase. Avant d’introduire le sel dans les nacelles, j’ai
déterminé avec tous les soins possibles la différence de poids qui existe entre
elles lorsqu’on les pèse dans le vide. Je m’expliquerai plus loin sur le motif
qui nécessite celte détermination.
Ces vases étant préparés, je les ai placés bout à bout sur une feuille de
platine assez épaisse, et j’ai fait suivre la grande nacelle d’une très-petite,
non pesée, contenant également une partie du même carbonate de lithium.
Cette dernière nacelle devait me servir de témoin pour me renseigner sur
la nature des chlorures contenus dans les deux premières, auxquelles il ne
m’était plus possible de toucher dans la suite. J’ai glissé cette feuille de platine
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
257
dans un tube de verre très-réfractaire , qui était tapissé, sur les deux tiers de
sa surface interne, d’une gaine de platine destinée à empêcher le contact du
verre avec la feuille supportant les nacelles. Le tube de verre, très-réfrac¬
taire, reposait dans une gaine de tôle remplie de magnésie fortement calcinée,
placée elle-même au-dessus d’une grille à gaz munie sur sa longueur de 26
becs de Bunsen. A l’aide d’un tube en caoutchouc, j’ai adapté à l’un des bouts
du tube réfractaire un tube en T, dont une branche était destinée à amener
de l’acide chlorhydrique pur et sec, pour transformer le carbonate en chlo¬
rure, et dont l’autre branche devait amener, après la transformation, de
l’azote pur et sec pour chasser l’atmosphère d’acide chlorhydrique. L’autre
bout pénétrait dans un ballon tubulé, où devait se condenser l’eau acide pro¬
venant de la réduction du carbonate; ce ballon tubulé portait un tube à
dégagement qui se rendait dans une cheminée.
Pour opérer la transformation, j’ai commencé par chauffer le carbonate
de lithium à une température à laquelle ce corps, dans une atmosphère
d’acide chlorhydrique, passe à l’état de chlorure sans se liquéfier dans l’eau
qui prend naissance. Cette température est comprise entre 160 et 175°. On
î emai que , à ce degré, que le volume du sel augmente, et que le composé se
fritte en devenant plus ou moins transparent, de terreux qu’il était; l’eau
produite est éliminée , à 1 état de vapeur, à mesure qu’elle prend naissance.
Ce degré de chaleur étant atteint, ce dont je me suis assuré à l’aide d’un
theimomètre couché dans la gaine de magnésie, j’ai dégagé lentement du
gaz acide chlorhydrique sec et pur, et j’ai prolongé le courant, à la même
température, aussi longtemps qu’il s’est produit la moindre trace de liquide
par le refroidissement du gaz qui avait traversé le tube. Lorsque, par un
essai préalable, on a étudié convenablement la réaction, on peut opérer la
transformation intégrale du carbonate sans produire la moindre projection
de chlorure. La voûte du tube dans laquelle l’opération se passe est aussi
nette après l’opération qu’avant.
La transformation accomplie, j’ai remplacé le ballon tubulé renfermant
beau acide par un tube long et sec. J’ai diminué alors considérablement le
dégagement d acide chlorhydrique, de manière à maintenir seulement une
atmosphèie de ce gaz, sans courant; et, après avoir enlevé le thermomètre de
Tome XXXV. rz?z
238
NOUVELLES RECHERCHES
la magnésie, j’ai élevé au rouge sombre la gaine de tôle contenant la ma¬
gnésie et le tube. Le chlorure formé dans les trois nacelles s’est lentement
fondu, sans dégager la moindre trace de vapeur d’eau, appréciable par la pro¬
duction d’un liquide sur la partie refroidie du tube. A l’état fondu, le chlo¬
rure était absolument incolore, d’une limpidité complète et d’une mobilité qui
m’a frappé (je ne puis la comparer qu’à celle d’un gaz liquéfié). A la tem¬
pérature de la fusion, le chlorure a émis des vapeurs sensibles, qui, dé¬
placées par le gaz acide chlorhydrique, sont venues se déposer sur la partie
refroidie du tube. M. Troost, qui a fondu également le chlorure de lithium,
dans les conditions que je viens d’indiquer, a trouvé qu’on peut le liquéfier
dans le gaz acide chlorhydrique sans lui faire éprouver une perte de poids.
M. Penny a observé le même fait pour les chlorures de potassium et de
sodium; il m’a été impossible de réaliser ce résultat pour l’un quelconque
de ces chlorures. Je le répète, à une température suffisante pour les amener
en pleine fusion, j’ai constaté l’émission de vapeurs; aussi je doute fort de
l’exactitude des pesées, faites en se basant sur le maintien intégral du poids
dans ces conditions.
Quoi qu’il en soit, lorsque le chlorure fondu eut séjourné une vingtaine
de minutes dans l’atmosphère d’acide chlorhydrique sèche et lentement re¬
nouvelée, je substituai, au tube long et vide qui termine l’appareil, un tube
à chlorure de calcium, je remplaçai lentement le gaz acide par de l’azote
pur et séché au moyen de l’anhydride phosphorique, et je laissai refroidir
les chlorures dans le tube, au sein du courant d’azote.
Le refroidissement accompli, j’ai bouché les deux bouts du tube en verre
réfractaire à l’aide de deux calottes de caoutchouc naturel, solidement appli¬
quées sur le tube à l’aide de ligatures.
1 0° De la pesée du chlorure de lithium dans le vide.
Plusieurs chimistes m’ont exprimé le désir de voir décrire en détail les
moyens dont je me sers pour faire les pesées dans le vide. Je saisis l’occasion
de la pesée du chlorure de lithium, qui a dû nécessairement être faite dans
celle condition, pour satisfaire à leur demande. Ces pesées ont eu lieu dans
259
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
des cylindres de verre dur et épais, de sept centimètres de diamètre sur
trente-cinq centimètres de longueur, fermés par un bout. Le bout ouvert de
ces cylindres est parfaitement dressé et muni d’armatures métalliques, solide¬
ment mastiquées à l’aide d’un mastic résineux peu fusible et fixe sans dé¬
composition.
Sur celte armature se visse une pièce mobile, terminée par un robinet de
laiton dont la clef est de bronze.
Ces cylindres jumeaux ont absolument le même poids et le même volume
extérieur; de manière que, vides ou pleins d’air, ils se font équilibre dans
l’air. Pour leur permettre de tenir le vide, j’interpose, entre l’armature fixée
sur le cylindre et la pièce mobile portant le robinet, un cuir parfaitement
dressé, séché soigneusement, pénétré dans le vide de paraffine fondue 1 ;
le poids des deux cuirs est identique.
Comme j’ai besoin de peser d’abord deux nacelles de platine vides, ayant
des poids inégaux, et ensuite les mêmes nacelles contenant du chlorure de
lithium fondu, et comme je ne dispose que de deux cylindres pour ces
quatre pesées, j’ai dû recourir à un artifice que l’on peut appliquer à un
nombre quelconque de pesées de vases, de poids inégaux. Cet artifice consiste
à déterminer exactement la différence de poids qui existe entre les nacelles,
lorsqu’on les pèse dans le vide. Pour trouver celte différence, j’ai commencé
par introduire la grande nacelle dans un des cylindres, et, après y avoir fait
soigneusement le vide, j’ai suspendu ce cylindre au plateau de la balance par
le moyen que j’indiquerai plus loin. J’ai établi ensuite l’équilibre en oppo¬
sant l’autre cylindre et en suppléant, à l’aide de plomb, la différence de
poids provenant du poids de la nacelle. Ce résultat atteint, je laisse rentrer
de l’air sec dans le cylindre contenant le vase de platine, je l’ouvre ensuite,
j’en extrais la grande nacelle et je la remplace par la petite. Après avoir
fait une seconde fois le vide au même point que dans la première pesée ,
j’attache le cylindre au plateau. Après un repos convenable, je parfais l’équi¬
libre rompu en ajoutant des poids de platine sur le plateau même de la
1 Je prépare ees cuirs par les moyens que j'ai fait connaître dans ma Notice sur l’anahjse
complète de Uiodate d’arc/ent.
260
NOUVELLES RECHERCHES
balance. 11 est bien évident que la somme des poids employés à cet effet
représente la différence, dans le vide, du poids des deux nacelles. Or, il suffit
de connaître cette différence, pour pouvoir employer les mêmes cylindres à
la pesée successive des deux nacelles chargées de chlorure, lorsque les cylin¬
dres contenant l’une ou l’autre nacelle vide ont été préalablement équilibrés.
Cette différence, en effet, constitue une constante qui doit être ajoutée
ou retranchée des poids placés préalablement sur les plateaux de la balance,
suivant qu’on a primitivement équilibré le cylindre, dans le vide, avec la
petite ou avec la grande nacelle de platine L
Dans mes pesées du chlorure de lithium, les cylindres ont été équilibrés
avec la petite nacelle, dans le cylindre droit, vide d’air, comme je vais
essayer de l’exposer.
Lorsque j’exécute des pesées dans des cylindres, je commence par sécher
absolument la capacité de celui que je suspends au plateau droit. Pour attein¬
dre ce résultat, j’y place une nacelle de fer renfermant un mélange d oxydes
de potassium et de cuivre2; cette nacelle est renfermée dans un large tube
ouvert par les deux bouts. Après avoir fait le vide dans le cylindre, je
l’abandonne pendant quelques heures à lui-même, afin de laisser à l’oxyde de
potassium le temps de s’emparer de la dernière trace d’humidité. J’y laisse
alors pénétrer de l’air sec, je dévisse la pièce mobile , j’en extrais rapidement
le tube ouvert contenant la nacelle de fer, et j’introduis dans le cylindre la
petite nacelle de platine qui doit contenir plus tard le chlorure de lithium ;
j’avais déterminé la différence de poids de cette nacelle, dans le vide, avec
1 Ce raisonnement n’est rigoureusement exact qu’autant que les conditions de pression et
de température de l’air ne changent point, d’une pesée à une autre; mais comme le volume
de l.’air déplacé par- les poids de platine est très-petit, et que le poids lui-même n est pas très-
considérable, le changement de poids dans la valeur de la constante, qui résulte de la varia¬
tion de la pression et de la température, tombe au-dessous des différences que 1 on peut
constater à Laide de la balance la plus sensible.
Je raisonne du reste dans l’hypothèse que les bras de levier aient rigoureusement conservé,
d'une pesée à une autre, le même rapport de longueur.
2 J’obtiens une pareille nacelle en chauffant jusqu’au rouge vif, dans un tube de porcelaine,
une nacelle de fer remplie à moitié d’un mélange d’une partie d’azotate de potassium avec deux
parties et demie de cuivre rouge très-divisé. Je conserve continuellement cette nacelle dans des
tubes hermétiquement bouchés. Elle ramène à 0° l’hygromètre de Saussure, plus rapidement
que ne le fait l’anhydride phosphorique.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
261
la grande nacelle qui devait recevoir également du chlorure de lithium. Je
fais ensuite le vide au moyen d'une excellente machine pneumatique. Afin
d’empêcher les émanations de la machine de pénétrer dans le cylindre, j’in¬
terpose entre celui-ci et la pompe un tube de verre de près d’un mètre de
longueur, renfermant de l’hydrate de potassium chauffé au rouge et con¬
cassé. L’air étant soustrait, à l’aide d’un support métallique de forme adaptée
au cylindre, je suspends celui-ci horizontalement au plateau droit de la
grande balance, à laquelle j,’ai donné préalablement le maximum de sensi¬
bilité pour la charge quelle est destinée à supporter. Je place en même
temps, sur les deux plateaux de la balance, des poids de platine supérieurs
à la différence qui existe entre le poids des deux nacelles, et supérieurs en
même temps au poids du chlorure que les nacelles de platine sont destinées
à recevoir. Par un support métallique identique à celui de droite, quant à
la matière et au poids , j’attache au plateau gauche de la balance le cylindre
correspondant au premier, mais dont momentanément la pièce mobile est
dévissée et attachée au support du plateau gauche.
Dans cet état , je ramène les masses suspendues librement à la balance à
l’état d’équilibre, à un décigramme environ, en introduisant du plomb mé¬
tallique dans le cylindre gauche qui est resté ouvert. Ce résultat obtenu, je
visse la pièce mobile sur le cylindre et je la serre suffisamment, avec la clef
destinée à cet usage, pour que l’air n’y puisse entrer, ni en sortir. J’établis
ensuite l’équilibre parfait, en plaçant à cet effet sur le plateau gauche des
fragments de feuille d’étain. Lorsqu’on a manié les cylindres, même avec
interposition de linge, il faut qu’ils soient abandonnés quatre à cinq heures
à eux-mêmes dans un air en repos, pour que leurs surfaces soient dans les
mêmes conditions, et que la pesée reste constante. Une fois l’équilibre
établi, il se conserve des mois entiers, si la pièce vissée est suffisamment
serrée et si le robinet dont elle est munie est assez parfait.
L’équilibre établi, je laisse entrer dans le cylindre droit de l’air séché par
son passage sur de la pierre ponce humectée d’acide sulfurique, je desserre
la pièce vissée, et j’extrais la nacelle, que je remplace par le tube ouvert par
les deux bouts, et contenant le mélange d’oxyde de potassium et de cuivre,
en attendant que ce tube puisse à son tour être remplacé successivement
262
NOUVELLES RECHERCHES
par la petite et par la grande nacelle dans lesquelles j’ai formé le chlorure
de lithium destiné aux expériences.
Pour peser le chlorure de lithium existant dans la petite nacelle, je com¬
mence par chauffer le tube réfractaire dont j’ai parlé plus haut, afin d’aug¬
menter la tension de l’azote qui y est contenu; je retire ensuite du cylindre
la nacelle destinée à maintenir l’espace sec, et, après avoir enlevé une des
calottes de caoutchouc qui bouchent hermétiquement le tube de verre réfrac¬
taire, j’engage jusqu’au fond du cylindre le bout ouvert de ce tube main¬
tenu chaud; j’incline ensuite le tout de manière à faire glisser au fond du
cylindre la première des deux nacelles qui doivent être pesées. Lorsqu’elle
est descendue je relire le tube, j’adapte immédiatement la pièce vissée et je
bouche de nouveau hermétiquement le tube renfermant encore les deux au¬
tres nacelles.
Après avoir serré la pièce vissée à l’aide de sa clef, je fais le vide dans
le cylindre au même point que lors de la première pesée. Il est à peine
nécessaire de dire que, pendant les opérations, je ne touche jamais le cy¬
lindre avec les mains sans l’avoir préalablement enveloppé de linge fin. Je
suspends ensuite de nouveau le système à la balance. Après quatre heures
d’attente, je rétablis l’équilibre. A cet effet, j’enlève du plateau droit des
poids de platine jusqu’à ce que j’aie atteint ce résultat. En supposant que,
pendant le temps écoulé depuis la première pesée jusqu’à la seconde, les
deux bras de la balance aient conservé rigoureusement le même rapport de
longueur, et que la nacelle de platine ail conservé absolument son poids,
il est évident que le poids du chlorure est égal à la différence qui existe
entre le poids placé primitivement et celui qui est nécessaire pour parfaire
l’équilibre; correction faite du poids de l’air perdu par les poids de platine
correspondant à cette différence. La longueur des bras de ma grande balance
est rigoureusement égale; et je garantis les bras de la balance contre toute
inégale dilatation par la chaleur, en couvrant d’une double toile blanche,
pendant les pesées, la cage qui la renferme. Cette précaution réussit parfai¬
tement, comme je m’en suis assuré très-souvent; et sans elle, je ne suis jamais
parvenu à des pesées constantes.
J’ai constaté la conservation du poids de la nacelle, en l’introduisant dans
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
263
le cylindre, après en avoir extrait par l’eau le chlorure qui y était contenu.
J’ai trouvé ainsi que le platine, qui avait été suffisamment dépouillé de fer
par son exposition au rouge dans une atmosphère de chlorure d’ammonium,
conserve rigoureusement son poids, lorsqu’on y fond et même qu’on y vola¬
tilise complètement du chlorure de lithium dans une atmosphère privée d’oxy¬
gène. La différence, s’il s’en présente , tombe toujours dans la limite des varia¬
tions constatées entre deux pesées d’une même nacelle, dans le vide.
Pour déterminer le poids du chlorure contenu dans la grande nacelle, je
chauffe de nouveau le tube réfractaire, afin d’augmenter la tension de l’azote
qui y est contenu ; j’enlève ensuite une des calottes adaptées aux bouts du tube,
et j’introduis le bout ouvert au fond du cylindre; j’incline le tout de manière
à faire glisser le vase de platine. Je ferme immédiatement le cylindre à l’aide
de la pièce vissée, et le tube au moyen de la calotte de caoutchouc. Lorsque
la pièce est suffisamment serrée, je fais soigneusement le vide dans le cylindre
et je le suspends ensuite au plateau droit delà balance. J’ai dit plus haut qu’en
établissant l’équilibre entre le cylindre contenant la petite nacelle et le cylindre
vide, j’ai déposé en même temps sur les deux plateaux de la balance des
poids supérieurs à la différence existant entre le poids des deux nacelles et le
poids du chlorure de lithium qui y est contenu. Pour connaître le poids du
chlorure renfermé dans la grande nacelle, après avoir attendu quatre à cinq
heures, je soustrais du plateau des poids de platine, jusqu’à ce que l’équi¬
libre soit rétabli. La différence entre le poids placé primitivement sur le
plateau droit et celui qui reste lors du rétablissement de l’équilibre, se com¬
pose du poids du chlorure de lithium et de la différence de poids entre les
deux nacelles. En retranchant donc la valeur de cette différence du poids
total, on a le poids apparent du chlorure. Quoique le chlorure de lithium se
trouve dans le vide, je dis que la soustraction ne donne que le poids appa¬
rent, parce que les poids de platine se trouvant dans l’air perdent un poids
égal à celui du poids du volume d’air qu’ils déplacent. Pour obtenir le poids
réel on doit donc retrancher du poids apparent le poids de l’air déplacé
par les poids de platine correspondants.
J’ai fait, de cette manière, trois doubles séries de pesées de chlorure de
lithium dans le vide. Le chlorure contenu dans la petite nacelle était destiné
264
NOUVELLES RECHERCHES
à la détermination du rapport proportionnel de ce corps avec l'argent; le
chlorure formé dans la grande nacelle a servi à la détermination de son rap¬
port proportionnel avec l’azotate de lithium. Je donnerai plus bas, en deux
séries, tous les éléments de ces trois doubles pesées. Ils permettront déjuger
combien ce mode de pesées , appliqué aux corps les plus hygrométriques con¬
nus, fournit des résultats concordants, lorsqu’on dispose de balances suffi¬
samment parfaites et qu’on se donne la peine de consacrer aux différentes
opérations tous les soins nécessaires.
11° Examen des chlorures qui ont servi aux déterminations.
J’ai dit plus haut que j’ai fait suivre la grande nacelle de platine, renfer¬
mant le carbonate de lithium destiné à être transformé en chlorure, d’une
petite nacelle contenant également du même carbonate. J’ai ajouté cette der¬
nière pour servir de témoin, à l’effet de me renseigner sur la nature des chlo¬
rures contenus dans les deux premières nacelles auxquelles il ne m’était pas
possible de toucher pour ne pas les mettre en contact de l’air humide. Je vais
exposer en quelques mots le traitement auquel j’ai soumis les nacelles témoins.
Je rappellerai d’abord que dans les trois séries d’opérations , le chlorure exis¬
tant dans chacune des trois nacelles était absolument incolore et transparent.
Il m’a semblé que, d’après le mode de production employé pour le carbonate
et pour le chlorure , ce dernier corps ne pouvait guère contenir d’autres
matières étrangères que des traces d’oxyde ou d'hydrate de lithium.
Pour m’assurer du fait, j’ai dissous une partie du chlorure de chaque
nacelle témoin, dans une petite quantité d’eau; ce liquide, en le dissolvant, a
conservé toute sa transparence : la solution bleuissait très -lentement, mais
positivement, le papier rouge de tournesol. J’ai observé cette faible alcalinité
sur les trois échantillons de chlorure que j’ai produits. J’ai voulu recher¬
cher si cette alcalinité est due à un défaut de préparation commun à ces
trois chlorures, ou si elle dépend de la nature du composé. Dans ce but j’ai
introduit deux des nacelles témoins, contenant chacune au moins trois
grammes et demi de chlorure , dans un tube de porcelaine renfermant une
feuille de platine, et, après avoir chauffé le tube au rouge presque blanc, j y
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
265
ai fait passer un courant d’acide chlorhydrique sec de manière à volatiliser
au moins la moitié du chlorure contenu dans chaque nacelle. Après avoir
remplacé au rouge l’acide chlorhydrique par de l’azote pur et sec, j’ai laissé
refroidir le tube, et j’ai extrait ensuite les nacelles. Une partie du chlorure resté
dans chacune des nacelles a été dissoute séparément dans une petite quan¬
tité d’eau, et la solution appliquée sur le papier de tournesol rougi l’a lente¬
ment bleui, absolument de la même manière que le faisaient ces composés
avant d’être soumis à ce nouveau courant d’acide. Je conclus donc de ce fait
que le chlorure des deux nacelles qui précèdent la nacelle témoin se trouve
dans la condition normale de formation de ce composé.
Quelque improbable que soit l’existence de matières fixes dans les chlo- .
rares produits , j’ai voulu cependant m’assurer s’ils se volatiliseraient sans
laisser aucune trace de résidu. J’ai réuni à cet effet, dans une seule nacelle
pesée, le chlorure restant des trois témoins, et je l’ai soumise, à une chaleur
blanche, à un courant d’acide chlorhydrique sec. La nacelle qui était en pla¬
tine tout à fait pur, s’est vidée sans laisser de trace visible à la loupe. Le
métal ne présentait absolument aucun changement dans son aspect physique
ou dans son poids.
Je vais exposer maintenant comment j’ai exécuté la détermination des rap¬
ports proportionnels.
12° Du moyen employé pour la détermination du rapport proportionnel
entre le chlorure de lithium et l’argent.
J’ai procédé à cette détermination par la méthode employée pour la recher¬
che du rapport proportionnel entre l’argent et les chlorures de potassium , de
sodium, d’ammonium.
Après avoir pesé dans le vide le chlorure de lithium , j’ai calculé et pesé
ensuite dans l 'air les quantités d’argent correspondant au poids du chlorure
de lithium constaté. Pour établir ce calcul , j’admettais par hypothèse le lithium
= 7,00; le chlore = 33,50, et l’argent = 108,00.
La dissolution de l’argent a été opérée par la méthode décrite dans la pre¬
mière partie de mon Mémoire sur les lois des proportions chimiques , à l’occa-
Tome XXXV. 34
266
NOUVELLES RECHERCHES
sion de la détermination du titre de l’argent de différentes provenances. Après
la dissolution du métal et le refroidissement du flacon, j’ai ajouté au liquide
un volume d’eau quatre fois plus considérable que celui de l’acide azotique
dilué employé pour effectuer la dissolution de l’argent.
Le flacon étant descendu dans la chambre obscure, et, par surcroit de
précaution , étant entouré d’une double toile noire, j’y ai introduit le chlo¬
rure de lithium.
Comme une partie du chlorure reste adhérente à la nacelle dans laquelle
il a été formé , ii faut que je dise comment je m’y suis pris pour que le poids
total du composé pénétrât dans le flacon pour précipiter la solution argenti¬
fère. Le chlorure qui a été fondu dans une nacelle de platine se détache en
bloc , à l’aide d’une très-légère traction exercée sur les bords latéraux de la
nacelle; il reste seulement adhérent, tout autour, un anneau mince, provenant
des bords du ménisque du chlorure fondu. Pour introduire le tout dans le
flacon , je prends le petit bloc à l'aide d’une pince de platine et je le glisse
dans le flacon incliné; après avoir redressé le vase, je le surmonte d’un petit
entonnoir dans lequel je place la nacelle; je lave ensuite celle-ci avec de
l’eau pure, renouvelée assez longtemps pour qu’aucune trace de chlorure
n’échappe à la solution; je bouche enfin solidement le flacon et je le fais
secouer jusqu’à ce que le liquide soit devenu limpide.
Je procède alors, à l’aide de solutions normales de chlorure d’ammo¬
nium et d’azotate d’argent, à la détermination du titre du liquide. Je place
pour cela le flacon dans l’appareil à titration , que j’ai figuré page 43 du
Mémoire sur les lois des proportions définies. Dans les trois expériences que
j’ai faites ainsi , j’ai constaté invariablement un excès d’argent, très-faible
sans doute, mais proportionnel aux quantités employées. L’essai du titre du
liquide s’exécute avec la môme facilité que celui d’une liqueur dont on a
précipité le chlore du chlorure de sodium. L’expérience présente l'incerti¬
tude que j’ai signalée déjà pour les chlorures de potassium, de sodium et
d’ammonium. Dans mes Recherches sur les rapports réciproques des poids
atomiques, j’ai dit en effet qu’un liquide dont on a précipité, à l’aide d’une
liqueur saline, à peu près tout l’argent, mais contenant encore entre un et
deux milligrammes d’argent par litre, précipite également par l’addition
d’une solution normale d’argent et de sel marin. Ce phénomène, du reste,
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
267
est d’autant plus prononcé que le liquide est moins fortement acidulé. Le
chlorure de lithium offre ce phénomène à un degré presque aussi prononcé
que le chlorure d’ammonium; des trois chlorures alcalins, c’est ce dernier
qui le présente avec le plus d’intensité. Je dois donc faire remarquer que,
dans tous mes essais, j’ai ajouté de la liqueur normale de chlorure d’ammo¬
nium jusqu’à la cessation de tout précipité. Si un jour on vient à démontrer,
comme je le crois probable, que ce moyen comporte une erreur, on aura, par
la présente déclaration, les éléments nécessaires pour corriger mes résultats.
Il me reste maintenant à faire connaître toutes les données numériques
de ces trois expériences :
PREMIÈRE EXPÉRIENCE.
Le chlorure de lithium a été préparé au moyen du carbonate obtenu à l’aide de la précipitation
de l’azotcde par le carbonate biammonique ; les opérations étant renouvelées jusqu’à ce que
la raie sodique eût cessé de se montrer dans le spectre du lithium.
1 . Le cylindre droit, contenant la petite nacelle dans le vide à 0'n,0005 ,
a été équilibré avec deux cents grammes de platine sur chaque
plateau 1 .
2. Le cylindre, contenant la petite nacelle avec le chlorure de lithium,
dans le vide à 0m,0005 , est en équilibre avec .
5. Le même cylindre, le lendemain, après avoir constaté que le vide
s’était conservé .
4. Poids de l’air déplacé par les poids de platine soustraits du plateau
pour rétablir l’équilibre .
a. — de l’argent pesé dans l’air .
grain .
200,0000
192,1145
192,1150
0,00048
20,03480
DEUXIÈME EXPÉRIENCE.
Chlorure de lithium provenant de la dissolution du carbonate par l anhydride carbonique ,
de la précipitation par la chaleur, et du lavage du carbonate ; les opérations étant répétées
jusqu’à la disparition de la raie sodique.
1 . Le cylindre droit contenant la petite nacelle de platine dans le vide gram.
à 0m,0Q05, a été équilibré avec. . . . 200,0000
1 L’incertitude en plus ou en moins est égale à 0sr, 00025. La balance pesant la charge complète donne a\ee
constance les deux dixièmes de milligramme.
268
NOUVELLES RECHERCHES
2. Le cylindre droit, contenant la petite nacelle avec le chlorure de _
lithium , dans le vide à 0m,0005, est en équilibre avec. . . . 195.0786
5. Le lendemain, même poids. ' . 195.0786
4. Poids de l'air déplacé par les poids de platine soustraits du plateau
pour rétablir l’équilibre . 0.0004
5. — de l’argent pesé dans l’air . | 7, 5865
TROISIÈME EXPÉRIENCE.
Chlorure de litlnuin préparé avec une partie du carbonate à l aide duquel on a formé le chlo¬
rure précèdent ; ce carbonate ayant subi encore deux traitements supplémentaires.
1 . Le cylindre droit, contenant la petite nacelle dans le vide à 0m,0005,
est équilibré avec .
2. Le cylindre, contenant la petite nacelle avec le chlorure de lithium,
dans le vide à 0,n, 0005 , est en équilibre constant avec . . .
5. Poids de l’air déplacé par les poids de platine soustraits du plateau
droit .
4. Poids de l’argent pesé dans l’air .
Ces trois expériences conduisent aux résultats suivants :
RAPPORT PROPORTIONNEL ENTRE LE CHLORURE DE LITHIUM ET L’ARGENT.
gram.
200,0000
189.0555
0,00066
27,86484
Nos D0RDRE.
POIDS
appar* du chlorure
de
lithium.
POIDS
réel du chlorure
de
lithium.
POIDS
de
l’argent dans
l’air.
POIDS
de
l’argent dans
le vide.
POIDS
de
l’excédant de l’ar¬
gent
après la double
décomposition.
\ 00.000
d’argent équivalent
a
chlorure
de lithium.
gram.
gram.
gram.
gram.
gram.
I .
7,8850
7,88452
20,0348
20,0360
0,0025
39,356
II .
6,0214
6,0210
17,5863
17,5871
0,0028
39,357
III .
1 0,9665
10,96584
27,86481
27,8665
0,0068
39,361
Moye
S NE .
39 35S
Si I on déduit le poids moléculaire du chlorure de lithium de la moyenne
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
269
inscrite dans le tableau précédent, on trouve 42,4-79, bien entendu en ad¬
mettant 107,93 pour le poids de l’argent, valeur qui résulte de l’ensemble
des expériences consignées dans le Mémoire consacré à ce sujet. Ce poids
moléculaire conduit au poids atomique du lithium 7,022 , en admettant pour
le chlore 35,4-57, chiffre qui dérive également des recherches consignées
dans le même Mémoire.
Les travaux exécutés dans ces derniers temps sur le lithium ont donné le
poids atomique suivant :
M Mallet a trouvé . G, 95
M. Dumas a donné 1 . 7,00
M. Karl Diehl a obtenu en moyenne . 7,026
M. Troost a conclu d’expériences dont les résultats ont varié entre
6,99 à 7,06, et dont la moyenne est 7,022, que ce poids est . . 7,00
Enfin, les trois déterminations ci-dessus donnent . 7,022
En me basant seulement sur ces trois déterminations, je suis bien loin
de prétendre que le poids atomique du lithium ne soit pas 7,00. Ce fait, du
reste, est sans importance aucune. Mais je crois que, dans l’état de la science,
c’est violer tous les principes que de choisir arbitrairement un nombre qui
n’est pas celui de la moyenne, comme le fait M. Troost. Un pareil procédé
ne pourra être suivi que lorsqu’on aura démontré d priori quels sont les
rapports entre lesquels les poids atomiques des corps doivent être compris,
et je ne crois pas exagérer en disant (pie nous sommes encore bien éloignés
de cette époque. Forsitan posteris!
13° Du moyen employé pour la détermination du rapport proportionnel
entre le chlorure et l’azotate de lithium.
J’ai effectué la détermination du rapport proportionnel entre le chlorure
et l’azotate de lithium, par le moyen tpie j’ai indiqué à l’occasion de la trans-
1 M. Dumas n’a pas publié les résultats analytiques sur lesquels il a basé ce nombre, du moins
je n'ai pas pu les découvrir dans les publications de mon illustre maître.
270
NOUVELLES RECHERCHES
formation du chlorure de potassium et de sodium. L'appareil dans lequel
j’ai opéré cette transformation a été le même; pour la pesée du ballon, j'ai
adapté, sur le goulot du flacon qui s’engage à frottement sur le col du ballon,
- un tube à chlorure de calcium comme l’indique la figure 21.
Cette précaution m’a paru nécessaire à cause de l’hygro-
métricilé extrême de l’azotate de lithium. Avant et après
l’expérience, j’ai déterminé le poids de ce tube à chlorure;
de celte manière, j’ai pu connaître avec exactitude l’augmen¬
tation de poids du système, provenant de la rentrée de l’air
plus ou moins humide pendant la pesée. Lorsque le tube à
chlorure n’était point adapté au ballon, je l’enfermais dans
un cylindre de verre fermé contenant une nacelle avec du
chlorure de calcium.
Pour détacher de la grande nacelle de platine la dernière
trace de chlorure de lithium qui y est pesé, j’ai eu recours à
l’artifice dont je vais rendre compte. Le poids du ballon avec
son tube à chlorure étant déterminé, j’ai introduit dans le
ballon, à l’aide d’une pince de platine, la masse de chlorure
de lithium qui s’est détachée de la nacelle de platine par une
légère traction exercée sur ses parois latérales; j’ai attaché
ensuite solidement celle-ci au moyen de fils minces de pla¬
tine à l’extrémité d’un long tube de verre ouvert par les
deux bouts, et je l’ai portée de cette manière dans le corps
même du ballon. Après avoir renversé la nacelle dans le
ballon , et avoir incliné le col de celui-ci vers 45°, j’ai mis le
tube en communication avec une cornue renfermant de l’eau
pure que j’ai portée immédiatement à l’ébullition. La vapeur en pénétrant
dans le ballon a dissous le chlorure adhérent au platine, et la solution a dé¬
coulé dans le corps du ballon; lorsque j’eus dégagé une quantité de vapeur
suffisante pour être certain d’avoir opéré un lavage parfait de la nacelle, je la
retirai du ballon avec le tube. J’ai placé alors le ballon dans l’étuve à air
chaud, figurée page 126, j’ai engagé son col dans un cylindre de verre dur,
et j’ai procédé à l’évaporation complète de la solution du chlorure de lithium.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
271
Celte évaporation a été exécutée en maintenant la solution continuellement
au-dessous de son point d’ébullition. Le chlorure étant amené à siccité com¬
plète, je l’ai dissous dans cinq fois et demi son poids d’acide azotique normal
et pur, j’ai adapté le flacon à fond percé qui sert de bouchon au ballon, et .
enfin le tube à dégagement du bichlorure d’azotyle.
J’ai effectué le reste de l’opération d’une manière identique à celle que j’ai
pratiquée pour la transformation des chlorures de potassium et de sodium
en azotates. L’expérience se termine même beaucoup plus facilement, à cause
de l’extrême fusibilité de l’azotate de lithium ; aucun ballon ne s’est brisé
lors de la solidification du sel et je n’ai perdu aucune opération.
J’ai constaté que l’azotate de lithium, fondu et chauffé à une température
suffisante, jouit de la faculté d’attaquer le verre au même titre que les azotates
de potassium et de sodium ; je pense même qu’à température égale l’attaque
se fait plus promptement par l’azotate lithique, mais je crois pouvoir affirmer
que dans chacune des trois déterminations que j’ai faites il a conservé son
poids intégral.
Après que la fusion de l’azotate a été terminée et que j’ai eu éliminé, par
un courant d’air pur et sec, la dernière trace de vapeur d’acide azotique, j’ai
laissé refroidir le ballon en contact avec un tube à chlorure de calcium. Quand
il a été refroidi et nettoyé convenablement, j’y ai adapté le tube à chlorure
avec lequel il doit être pesé, et j’ai suspendu tout le système à la balance.
La pesée terminée , j’ai examiné l’azotate de lithium formé; et, dans les trois
expériences, je l’ai trouvé absolument incolore, mais, à l’état dissous, bleuis¬
sant très-légèrement le papier de tournesol. J’ai observé que l’azotate de
lithium que l’on évapore avec un excès d’acide azotique dans une cornue de
platine laisse un résidu qui, étant fondu, présente également une réaction
très-légèrement alcaline au tournesol. J’ai du reste remarqué le même fait
pour les azotates de potassium et de sodium les plus purs, qu’on fond dans un
vase de platine. Four le constater, il suffit de se servir d’un papier de tour¬
nesol préparé avec les soins convenables, ou de papiers préparés à l’aide
de la matière colorante du dahlia.
Pour être certain de n’avoir perdu aucune trace de chlorure ou d’azotate
de lithium, j’ai évaporé dans une capsule de porcelaine :
m
NOUVELLES RECHERCHES
1. L’eau qui s’esl volatilisée lors de l’évaporation jusqu’à siccité de la
solution de chlorure de lithium; dans aucune des trois expériences, la cap¬
sule ne renfermait de trace pondérable de ce chlorure ;
2. L'eau qui a servi à laver le bichlorure d’azotyle provenant de la trans¬
formation du chlorure en azotate;
3. L’acide azotique dilué provenant de l’évaporation de l’azotate qui a pris
naissance.
Je vais faire connaître, avec toutes les autres données, le poids des résidus
obtenus dans ces circonstances.
PREMIÈRE TRANSFORMATION DU CHLORURE DE LITHIUM EN AZOTATE.
Pesée du chlorure.
1. Le cylindre droit a été équilibré avec deux cents grammes sur
chaque plateau, lorsqu’il renfermait la petite nacelle, dans le vide
à 0"’,0005 . 200,0000
2. Différence de poids, dans le vide, entre la grande et la petite na¬
celle de platine . 09,1280
3. Le cylindre droit, contenant la grande nacelle de platine avec le
chlorure de lithium, dans le vide à 0m,0005 , est en équilibre avec. 107,8143
4. Poids de l’air déplacé par les poids de platine soustraits du plateau
pour rétablir l’équilibre rompu du chef du chlorure de lithium
existant dans la nacelle . 0,0013
Pesée de l’azotate.
grain.
1 . Poids du ballon plein d’air sec . 487,0503
2. — du ballon plein d’air sec et muni du tube à chlorure de cal¬
cium . 548,9195
5. — du tube cà chlorure, avant l’opération . 01,8695
4. — du ballon rempli d’air sec, avec l’azotate de lithium fondu;
après quatre heures de refroidissement . 580,5575
5. — du même ballon , le lendemain . . 580,5590
6. — du ballon Rempli d’air sec, l’azotate ayant été dissous dans
l’acide azotique et le sel fondu une deuxième fois ; après
quatre heures de refroidissement . . 580,5385
7. — du ballon précédent, le lendemain . 380,5400
8. — du tube à chlorure, après l’opération . 01,8705
9. — du résidu brunâtre de l’évaporation de l’acide azotique con¬
densé , lors de la dessiccation de l’azotate . 0,0024
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
273
DEUXIÈME TRANSFORMATION DU CHLORURE EN AZOTATE DE LITHIUM.
Pesée du chlorure.
1. Le cylindre droit, contenant la petite nacelle, a été équilibré gram.
avec une charge de . 200,000
2. La différence, dans le vide, entre la petite et la grande nacelle
est de . 69,1280
5. Le cylindre droit, contenant la grande nacelle avec le chlorure de
lithium, dans le vide, est en équilibre avec . 100,0160
4. Poids de l’air déplacé par les poids de platine soustraits pour réta¬
blir l'équilibre rompu par le chlorure de lithium existant dans
la nacelle . 0,0018
*
Pesée de P azotate.
1 . Poids du ballon plein d’air sec , avec le tube à chlorure de calcium. 548,922b
2. — du tube à chlorure, avant l’expérience . 61,8720
5. — du ballon avec le tube à chlorure et l’azotate de lithium
formé; après quatre heures de refroidissement. . . . 599,0665
4. — du ballon précédent, le lendemain . 599,0675
5. — du tube à chlorure, après l'expérience . 61,8728
6. — du résidu brunâtre de l’évaporation de l’acide azotique con¬
densé, lors de la dessiccation de l’azotate . 0,0045
TROISIÈME TRANSFORMATION DU CHLORURE EN AZOTATE DE LITHIUM.
Pesée du chlorure.
1. Le cylindre droit, contenant la petite nacelle, a été équilibré avec gram
une charge de . 200,0000
2. La différence, dans le vide, entre la petite et la grande nacelle 1
est de . 69,1280
5. Le cylindre droit, contenant la grande nacelle avec le chlorure
de lithium, dans le vide, est en équilibre avec . 96,7002
1 Je me suis assuré, après la fin de la troisième expérience, que la différence est restée constante entre le
poids, dans le vide, des nacelles dans lesquelles j’ai fondu à trois reprises successives du chlorure de lithium
dans une atmosphère d'acide chlorhydrique. Le métal du reste était parfaitement pur.
Tome XXXV. 55
274
NOUVELLES RECHERCHES
4. Poids de l’air déplacé par les poids de platine soustraits pour réta¬
blir l’équilibre rompu par le chlorure de lithium existant dans graro
la nacelle . 0,0020
Pesée de l’azotate.
!. Poids du ballon plein d’air sec, avec le tube à chlorure de calcium.
2. — du tube à chlorure de calcium, avant la pesée du ballon.
5. — du ballon avec l’azotate de lithium dans l'air sec, et avec
le tube à chlorure; après quatre heures de refroidisse¬
ment .
du même ballon, le lendemain .
du tube à chlorure de calcium, après la pesée du ballon avec
l’azotate .
du résidu brunâtre provenant de l’évaporation de l’acide azo¬
tique condensé lors de la dessiccation de l’azotate,
du ballon , après la dernière expérience .......
4. —
5. —
6. —
7. —
548,9250
61,8745
604,4580
604,4595
61,8750
0,0058
487,0490
Les données de ces trois expériences conduisent aux poids et aux résul¬
tats suivants :
RAPPORT PROPORTIONNEL ENTRE LE CHLORURE ET L’AZOTATE DE LITHIUM.
NUMÉROS D'ORDRE.
E*©1BS
apparent du chlorure
de
lithium.
POIDS
réel du chlorure
de
lithium.
POIDS
de
l'azotate dans l’air.
POIDS
de
l’azotate réduit au
vide.
100,000
de
chlorure fournissent
azotate
de lithium.
gram.
gram.
gram.
gram.
1 .
23,0273
23,0260
37,4200
37,43756 (i)
•162,588
II .
30,8360
30,8342
50,1430
30,16833 (>)
•162,600
III .
34,1722
34,1700
55,3343
55,5605 (*)
162,598
Moyenne. .
•162,595
(*) Pour la réduction au vide de l’azolate de lithium j’ai fixé à 2,442 la pesanteur spécifique de ce
sel, déterminée
par M. Troost.
Avant de déduire les conséquences qui découlent de la détermination du
rapport proportionnel trouvé entre les chlorures de potassium , de sodium ,
275
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
de lithium, et les azotates correspondants, je vais exposer les résultats de
deux nouvelles synthèses de l’azotate d’argent, que j’ai faites à l’occasion
de mes synthèses complètes de l’iodure d’argent.
IL — De la transformation de l’argent en azotate.
U° Nouvelles synthèses de l’azotate d’argent.
Parmi les synthèses de l’iodure d’argent consignées dans le Mémoire pré¬
cédent, il y en a deux pour lesquelles j’ai été obligé de dissoudre dans l’acide
azotique pur un poids relativement élevé de ce métal. J’ai cru de mon devoir
de mettre cette nécessité à profit pour refaire de nouvelles synthèses de l’azotaie
d’argent, afin de pouvoir vérifier mes anciens résultats, et de déduire le
poids atomique de l’azote, tant de la synthèse même, que du rapport en
poids de chlorure et d’azotate produits par une unité de poids d’argent.
J’ai employé dans ce but l’argent le plus pur que j’ai pu me procurer en
dehors du métal distillé. Je l’ai soigneusement affiné au gaz tonnant dans un
creuset de chaux (du marbre) , et, après l’affinage, je l’ai versé d’une assez
grande hauteur dans de l’eau pure pour le transformer en grains à peu près
sphériques. Une partie de cet argent a été distillée et le métal s’est volatilisé
sans laisser dans la cavité de chaux la moindre trace de résidu visible à l’œil
armé de la loupe. Son titre, déterminé en fonction de l’argent distillé, a été
trouvé = 99,999; c’est-à-dire, du métal pur.
Avant de servir, il a été chauffé jusqu’au rouge en présence de l’air; on
l’a placé à cet effet dans un creuset d’argent, et on en a laissé opérer le refroi¬
dissement à l’abri de l’air humide. Sa pesée a eu lieu à la balance moyenne ;
je garantis donc l’exactitude du poids total à 0sr,0002 près.
J’ai effectué la dissolution du métal dans un appareil identique à celui que
j’ai décrit pages 124 et suivantes de la notice consacrée à la synthèse de l’io¬
dure d’argent. Je me borne donc à reproduire ici la fîg. 8.
276
NOUVELLES RECHERCHES
Fig. 22.
Chaque partie de l’appareil employé ayant déjà servi à plusieurs reprises,
sans subir d’altération de leur poids sous l’influence de l’acide azotique, j’ai
cru inutile de les peser séparément, comme j’ai l’habitude de le faire lorsque
je me sers d’appareils qui n’ont pas encore subi l’épreuve de l’expérience.
L’acide azotique normal et pur, destiné à l’attaque du métal, a été préparé
avec les plus grands soins; j’ai distillé dans une cornue de platine un volume
double de celui que j’avais à employer. Il s’est volatilisé sans laisser trace do
résidu. Je l’ai dilué d’eau condensée à l’aide d’un tube de platine, au point
de l’amener à 1,200 de densité.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES. 277
L’attaque du mêlai a duré trente heures dans la première synthèse, et vingt-
six heures dans la seconde. Apres la dissolution, 1 eau acide contenue dans
l’appareil à boules a été introduite dans le ballon, en imprimant, dans ce but,
au tube un mouvement de rotation sur lui-même, et je me suis servi de l’eau
de lavage versée dans la petite fiole de verre inattaquable, pour enlever à
l’appareil à boules les traces de liquide argentifère qui auraient pu y être
restées adhérentes; par surcroît de précaution, j ai fait passer eneoie de
l’eau pure par la fiole et l’appareil à boules, et tous ces liquides ont été joints
à celui du ballon.
Fig. 25.
278
NOUVELLES RECHERCHES
J’ai engagé alors très-avant le col du ballon dans un récipient de verre
inattaquable par les acides; et, après avoir placé le corps du ballon sur une
rondelle de tôle entourée d’un cylindre de même métal, placée dans l’étuve
à air chaud, et avoir incliné le tout de manière à ce que le col du ballon fût
tant soit peu au-dessous de l’horizontale, j’ai bien fixé le ballon et le cylindre.
Pour empêcher l’introduction de l’air du laboratoire tenant des corpuscules en
suspension, j’ai couvert de ouate l’espace annulaire laissé entre le col et le
cylindre, que j’ai serré à l’aide de linge. Dans cet état, j’ai placé le svslème
dans la cage de verre, comme le montre la figure 23.
J’ai procédé à l’évaporation de tout le liquide du ballon. Cette évapora¬
tion a été faite avec une lenteur telle, que Veau acide condensée ne contenait
aucune trace d’argent entraînée. Je me suis assuré de ce fait en volatilisant
tout le liquide dans la grande cornue de platine, au chapiteau de laquelle
j’avais adapté un récipient pour empêcher l’air ambiant de pénétrer libre¬
ment dans le vase distillatoire. Lorsque l’azotate a été amené à siccité, j’ai
séparé le cylindre et j’ai adapté au col du ballon le flacon percé et usé à
l’émeri qui lui sert de bouchon ; j’ai engagé dans l’ouverture de ce flacon
un long tube de verre amenant jusqu’au fond du ballon de l’air séché com¬
plètement, après avoir été préalablement dépouillé de matières organiques
par son passage à travers un tube de verre contenant de la tournure de cuivre
grillée et chauffée au rouge.
J’ai élevé en même temps la température de l’azotate au point de produire
un commencement de fusion, et j’ai continué le courant d’air sec jusqu’à ce
que le gaz , en sortant du ballon , eût perdu la propriété de rougir le papier
de tournesol humecté. 11 m’a fallu cinq heures de courant pour réaliser ce
résultat. Après avoir remplacé le long tube par un tube à ponce sulfurique,
j’ai abandonné le tout au refroidissement lent.
L’azotate était parfaitement blanc, cristallin. Le ballon refroidi a été lavé
extérieurement à l’eau , puis séché. Je l’ai surmonté enfin d’un tube à chlo¬
rure de calcium avec lequel je l’avais pesé plein d’air sec, et j’ai procédé à la
détermination du poids du système après une attente, d’abord de six heures,
puis de vingt heures.
J’ai soumis ensuite le sel à une chaleur suffisante pour le fondre, en pre-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
279
liant soin de faire passer en même temps de 1 air pur et sec. Le gaz sortant
du ballon, au moment où la fusion s’est produite, a rougi très-faiblement le
papier de tournesol humecté, mais au bout de quelques minutes ce phéno¬
mène a complètement cessé.
L’azotate fondu était absolument incolore; aucun corps insoluble n’y était
en suspension , et les traces de silice que j’avais remarquées dans mes pré¬
cédentes synthèses faisaient ici complètement, défaut.
J’ai abandonné le sel au refroidissement dans le courant d’air sec et pur,
et, après avoir de nouveau lavé et essuyé le ballon, je l’ai surmonté de son
tube à chlorure, avec lequel je l’ai pesé une deuxième fois, d’abord après
six heures, puis après vingt-quatre heures d’attente. L’azotate solidifié était
blanc et rayonné.
Quoique j’eusse pris toutes les précautions possibles pour exclure l’air pen¬
dant l’évaporation à siccité de la solution acide d’azotate d’argent, j’ai voulu
néanmoins déterminer directement l’influence exercée sur le poids du sel par
les matières que l’air et l’acide peuvent amener. Dans ce but, j’ai repris,
dans la première synthèse, l’azotate par une quantité d’acide azotique égale
à celle que j’avais versée sur l’argent pour le dissoudre, et j’ai procédé à
l’évaporation lente de la solution, dans des conditions absolument identiques
à celles dans lesquelles je me suis placé lors de la première évaporation.
L’acide azotique provenant de la condensation des vapeurs, évaporé jusqu’à
siccité dans la grande cornue de platine , n’a laissé aucun résidu pondérable.
Le sel, dans le ballon, a été chauffé de nouveau jusqu’à son point de fusion,
et soumis à un courant d’air purifié et séché jusqu’à ce que l’air sortant de
l’enceinte n’ait plus rougi le papier de tournesol humide.
Après le refroidissement, le lavage et la dessiccation du ballon, je l’ai
pesé avec son tube à chlorure de calcium.
J’ai amené enfin le sel à l’état de fusion dans un courant lent d’air sec et
pur, qui en a éliminé , comme dans la fusion précédente , des traces de va¬
peurs acides, qui ont cessé de se produire au bout de quelques minutes. Ce
résultat atteint, j’ai abandonné l’azotate au refroidissement hors des atteintes
de l’air humide, et ayant lavé et séché le ballon, je l’ai muni de son tube à
chlorure et je l’ai pesé de nouveau. Le poids final a été le même , dans la
limite d’ exactitude de la pesée d’un ballon de cette dimension.
280
NOUVELLES RECHERCHES
Comme l’azotale était destiné à être transformé en sulfate qui, à son tour,
devait être converti en iodure, je n’ai pas pu en distraire une trace pour
m’assurer si la solution aqueuse était neutre. Mais mes précédentes déter¬
minations répondent suffisamment à cette question, et j’ose affirmer que
l’azotate fondu dans les conditions où je me suis placé est plutôt alcalin
qu 'acide, comme c’est le cas pour les azotates de potassium, de sodium, de
lithium fondus, et probablement pour les azotates de rubidium et de cæsium
fondus.
Par ce qui précède on voit que, pour exécuter ces synthèses, j’ai pris
toutes les précautions possibles, et cependant les résultats auxquels je suis
arrivé sont identiques à ceux que j’ai observés en 1857 et en 1858.
Voici toutes les données de ces deux expériences :
Première synthèse de l’azotate d’argent.
1. Poids de l’argent, dans l'air .
2. — du ballon plein d’air sec, avec le témoin à chlorure de cal¬
cium .
5. — du témoin à chlorure de calcium .
4. — du ballon avec l’azotate chauffé à son point de fusion, dans
un courant d’air pur, jusqu’à ce que l'air ne rougisse
plus le papier de tournesol humide, et avec le témoin à
chlorure .
h. — du même système, le lendemain .
0. — du ballon et du tube à chlorure, avec l’azotate fondu dans
de l’air pur et sec, et maintenu dans le courant jusqu’à
ce que l’air dégagé eût cessé de rougir le tournesol hu¬
mide .
7. — du système précédent, le lendemain .
S. — du ballon et du tube à chlorure, avec l’azotate chauffé à son
point de fusion dans un courant d’air pur, après avoir été
dissous dans de l’acide azotique pur .
!). — du ballon avec le témoin à chlorure et avec l’azotate fondu
dans un courant d’air sec .
10. — du témoin à chlorure de calcium, après la dernière pesée.
gram.
156,2870
550,7547
65,7042
765,5670
765,5674
765,5545
765,5548
765,5665
765,5565
65,7051
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
281
Deuxième synthèse de V azotate i l'argent .
1. Poids de l’argent, dans l’air .
2. — du ballon plein d’air sec, avec le témoin à chlorure de cal¬
cium .
5. — du témoin à chlorure de calcium .
4. — du ballon avec le témoin et l’azotate séché à son point de
fusion, jusqu’à ce que l’air dégagé eût cessé de rougir le
tournesol humide .
5. — du ballon avec le témoin et l’azotate séché et fondu dans
un courant d’air, jusqu’à ce que le gaz sortant ne rougît
plus le papier de tournesol humide .
grain.
82,3181
550,7560
65,7055
680,5850
680,5605
Ces données conduisent aux poids et aux résultats suivants :
SYNTHÈSES DE l\4ZOTAT£ d’ARGENT.
Nos
D’ORDRE.
POIDS
POIDS
POIDS
de l’azotate d’argent desséché
à son point de fusion :
POIDS
de
l’azotate d’argent fondu :
AZOTATE D’ARGENT
produit
par 100,000 de métal :
de
l’argent dans
l’air.
de
l’argent dans
le vide.
A
dans l’air.
B
dans le vide.
A
dans l’air.
B
dans le vide.
A
d’après le poids
du
sel séché
à son point de
fusion.
B
d 'après le poids |
du
sel fondu.
I* . . .
gram.
136,2870
gram.
136,2932
gram.
214,6122
gram.
214,6600
gram.
214,3987
gram.
214,6462
137,4964
137,488
II 1 . . .
82,3181
82,3231
129,6270
129,6555
129,6133
129,6420
157,4940
157,480
Moyennes .
157,4932
157,484
» Les
poids employés étaient en platine.
En comparant le poids de l’azotate d’argent, séché à son point de fusion,
Tome XXXV. 56
282
NOUVELLES RECHERCHES
au poids de l’azotate fondu, on s’aperçoit que le premier est légèrement
supérieur au second. Ces résultats numériques sont d’accord avec l’observa-
vation. J’ai remarqué, en effet, dans mes anciennes synthèses comme dans
mes nouvelles, que le sel en fondant dégage des traces d’acide azotique. Le
poids du composé, chauffé à son point de fusion, est supérieur de à
celui du sel fondu.
On doit donc prendre comme un maximum le poids de l’azotate séché à son
point de fusion; et, eu égard à l’altérabilité extrême de ce sel sous l’influence
des matières en suspension dans l’air, je ne doute aucun instant que le poids
du composé, après sa fusion, ne doive être considéré comme un minimum.
Parmi les synthèses inscrites dans mes Recherches sur les rapports réci¬
proques des poids atomiques, il y en a qui coïncident exactement avec la
moyenne qui résulte de ces expériences. La moyenne elle-même de mes
anciennes synthèses ne diffère que de de ce^e (lu* dérive de mes nou¬
velles déterminations.
C’est contre mes synthèses de l’azotate d’argent qu’ont été dirigées les seules
objections de faits qu’on a trouvé à formuler contre les données numériques
consignées dans mon travail sur les poids atomiques. Je le conçois, parce
que les résultats de ces déterminations sont absolument inconciliables avec
l’hypothèse de Prout. Du reste, je suis pleinement convaincu que les chimistes
qui voudront répéter cette synthèse fondamentale, au point de vue du poids
atomique de l’argent et de l’azote, arriveront aux mêmes résultats, du moment
qu’ils prendront les précautions nécessaires pour empêcher l’altération de
l’azotate d’argent produit.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
283
CONCLUSIONS.
Pour terminer, je vais exposer les conséquences qui découlent des déter¬
minations du rapport proportionnel entre les chlorures de potassium, de
sodium, de lithium et leur azotate correspondant, et entre l’argent et l’azo¬
tate de ce métal. Dans ce but, je vais chercher le poids moléculaire de
chacun des azotates produits dans les expériences, en supposant successive¬
ment , d’après l’hypothèse de Prout :
Le potassium .
Le —
Le —
Le sodium .
Le lithium . .
L’argent . . .
Le chlore . .
L’azote . . .
Et l’oxygène .
= 50,000
= 59,125
= 59,250
= 25,000
= 7,000
= 108,000
= 55,500
= 14,000
= 16,000
Je déduirai des poids moléculaires trouvés la différence qui existe entre
eux et le poids moléculaire des chlorures, calculés d’après l’hypothèse de
Prout. Si cette hypothèse est exacte, cette différence doit être égale à 26,50,
comme je l’ai établi dans l’introduction de ce travail. Je chercherai ensuite
la valeur des poids moléculaires de ces azotates, en combinant le résultat des
transformations des chlorures en azotates, avec le poids moléculaire des chlo¬
rures qui dérivent des déterminations expérimentales, consignées dans mes
Recherches sur les rapports réciproques des poids atomiques et dans le Mé¬
moire actuel.
a. Chlorure et azotate de potassium. — Des sept déterminations du
rapport proportionnel entre le chlorure et l’azotate de potassium, il résulte
284
NOUVELLES RECHERCHES
que 100,000 EC h ont produit en moyenne 135,6423, avec un écart moyen
de 0,0085, en supposant :
K = 59,000; 100,000 KC/i donnent 155,570, différence avec l’expérience. . . 0.0725
K = 59,125; 100,000 KC/t id. 155,510, id. id. . . . 0,1525
K =59,250; 100,000 KC/i id. 155,451, id. id. . . . 0,1915
Si l’on déduit, du poids de l’azotate de potassium produit par l’expérience,
le poids moléculaire de ce sel, et qu’on retranche ensuite de la valeur ob¬
tenue le poids moléculaire du chlorure, on arrive aux résultats suivants:
K = 59,000; KAzO3 = 101,055 — (KC/i) 74,500 = 26,555
K = 59,125; KAcO3 = 101,215 — (KC/i) 74,625 = 26,588
K = 59,250; KAzO3 = 101,591 — (KC/i) 74,750 = 26,644
M. Dumas, qui le premier a porté le poids atomique du potassium à 39,000,
a reconnu plus tard que ce chiffre est trop faible '. D’après lui, il doit être ou
39,125 ou 39,250. Je vais donc écarter le premier chiffre, qui, en effet,
est inconciliable avec mes déterminations du rapport proportionnel entre le
chlorure de ce métal et l’argent, et ne raisonner que sur les deux derniers
poids atomiques.
Si je compare l’excédant d’azotate produit par 100,000 de chlorure, je
trouve que, Sa étant 39,125, la différence entre le calcul et l’expérience
est seize fois plus considérable que l'écart moyen qui existe dans la valeur
de mes déterminations. Si je prends K == 39,25 la différence est vingt-deux
fois et demie plus considérable que l’écart moyen. De plus, dans les deux
cas, la différence excède le chiffre 26,50 de 0,09 à 0,10.
En-admetlant donc, par hypothèse, que les poids atomiques du potassium
et du chlore soient représentés par des sous-multiples de l’hydrogène, il est
absolument impossible que l’azote soit 14,00.
Si je substitue maintenant à ces valeurs hypothétiques les poids atomiques
qui dérivent de mes travaux, je trouve que le poids moléculaire de l’azotate
de potassium doit être égal à 101,176, et que la constante doit être égale
à 26,586.
Correspondance privée .
i
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
285
b. Chlorure et azotate de sodium. — Des cinq déterminations du rapport
proportionnel entre le chlorure et l’azotate de sodium il résulte que :
100,000 NaC/t ont produit en moyenne 143,4570 NaAzO3 avec un écart moyen de 0,0125
N» = 25,00 : 100,000 NaC h donnent 145,2990 NaAzO3, différence . 0,1550
Si l’on déduit, du poids de l’azotate de sodium produit par l’expérience, le
poids moléculaire de ce sel, et qu’on retranche ensuite de la valeur obtenue
le poids moléculaire du chlorure , on obtient le résultat suivant :
Na U 25,00; NaAzO5 == 83,091 — (NaC/i) 58,50 = 26,591
En comparant le poids de l’azotate produit à celui qui aurait dû prendre
naissance, je trouve une différence qui est douze fois plus grande que 1 écail
moyen qui existe entre mes expériences, et je constate que la différence entre
le poids moléculaire de l’azotate et celui du chlorure excède de 0,091 la
constante 26,50.
c. Chlorure et azotate de lithium. — Des trois déterminations du rappoit
proportionnel entre le chlorure et l’azotate de lithium, il résulte que :
100,000 LiCh produisent en moyenne 162,395 LiAzO avec un écart moyen de 0,006
Li = 7,00 : 100,000 LiCh donnent 162,552 LiAzO3, différence .... 0,245
Si l’on déduit, du poids de l’azotate de lithium produit par l’expérience, le
poids moléculaire de ce sel , et qu’on retranche ensuite de la valeui obtenue
le poids moléculaire du chlorure, on arrive au résultat suivant .
U = 7,00; LiAzO3 = 69,105 - {LiCh) 42,500 = 26,605.
La différence entre le poids de l’azotate de lithium produit en réalité et
le poids de l’azotate qui devrait se produire d’après l’hypothèse est quarante
fois plus considérable que l’écart moyen que j’ai observé dans les expériences.
La constante dépasse d’un dixième le chiffre calculé :
En supposant Li = 7,022 comme je Lai trouvé, dans ce cas :
LiAzO3 = 69,068 — [LiCh) = 42,479 = 26,5894.
286
NOUVELLES RECHERCHES
d. Synthèse de l'azotate d'argent. Rapport proportionnel entre le chlorure
de sodium et l’argent. — Les nouvelles synthèses de l'azolate d’argent ont
démontré que :
100,000 A g produisent en moyenne 157,484 A</Az03 avec un écart moyen de 0,004
d’où A g = 108, A^AzO3 = 170,082 et Az = 14,082
A g = 107,93 AgAzO* = 169,972 et Az = 14,042.
Dans mes Recherches sur les rapports réciproques de poids atomiques
j’ai trouvé que :
100,000 A y produisent 132,850 de chlorure,
Si je suppose kg = 108 et C h =35,5 d’après l’hypothèse de Prout;
100,000 kgC.h = 118,542 AgrÂzO3.
d’où l’on déduit que :
AgkzO’’ devient 170,107 — {AgCh) 145,5 = 26,607.
La constante dépasse d’un dixième d’atome le chiffre calculé.
Si je prends kg = 107,93 et C h = 35,457 qui dérivent de l’expérience,
alors :
A</Az03 = 169,974 — [AgCh) 145,387 = 26,587.
Parmi les faits consignés dans le Mémoire sur les lois des proportions
chimiques , il se trouve un très-grand nombre de déterminations nouvelles
du rapport proportionnel entre l’argent et le chlorure de sodium, exécutées
dans le but de rechercher le titre de l’argent de différentes provenances.
Ces expériences ont été effectuées avec un soin et une exactitude qu’il me
serait impossible de dépasser. En prenant l’argent obtenu par l’électrolyse
du cyanure d’argent et d’ammonium pur, et affiné encore au gaz tonnant ,
ou en partant de l’argent distillé, j’ai trouvé que 100,000 d’argent exigent
entre 54,2065 et 54,2075 de chlorure de sodium. La moyenne de mes
anciennes déterminations est 54,2078; mais j’ai constaté par deux essais
directs que le chlorure employé à.la détermination du titre de l’argent ren-
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
287
ferme entre 0,000047 et 0,000050 de silice mêlée de silicate de sodium;
son titre moyen est donc 99,99515. Les 54,2070 sont donc ramenés à
54,204 de chlorure réel.
Du rapport proportionnel entre le chlorure et l’azolale de sodium , il résulte
que le poids moléculaire de ce chlorure ne doit être ni inférieur à 58,500, ni
supérieur à 58,502. Si je déduis le poids atomique de l’argent de cette
valeur et du rapport proportionnel entre ce métal et le chlorure alcalin , je
trouve A g = 107,9256.
Inversement, si je prends kg — 107,93 , valeur qui dérive de l’ensemble
des travaux de M. Marignac et des miens, je trouve pour poids moléculaire
du chlorure sodique : 58,502.
Ce contrôle indirect me donne le droit de fixer le poids moléculaire de
l’azotate d’argent à 1 69,974 , et dans ce cas la différence entre ce poids molé¬
culaire et le poids moléculaire du chlorure de ce métal doit être nécessaire¬
ment égale à 26,587.
Des poids atomiques qui dérivent des précédentes recherches.
En ce qui concerne l’azote :
En récapitulant la valeur de la constante trouvée par I "expérience entre
le poids moléculaire de l’azotate et celui du chlorure des quatre métaux que
je viens d’indiquer, et en déduisant de cette valeur le poids atomique des
éléments qui sont intervenus, j’arrive aux résultats partiels et généraux sui¬
vants :
La différence entre le poids moléculaire du chlorure et de l’azotate
de potassium est .
La différence entre le poids moléculaire du chlorure et de l’azotate
de sodium est .
La différence entre le poids moléculaire du chlorure et de l’azptate
de lithium est .
La différence entre le poids moléculaire du chlorure et de l’azotate
d’argent est .
Moyenne ....
Différence d’après l’hypothèse de Prout .
Différence. . . .
26.586
26,591
26,589
26.587
26,5882
26,5000
0,0882
288
NOUVELLES RECHERCHES
Ce chiffre se compose de la somme des différences existant entre la valeur
expérimentale des poids atomiques du chlore et de l’azote, et la valeur cal¬
culée pour ces deux corps d’après l’hypothèse.
Si je prends CA = 35,457 , la différence entre le poids expérimental et le
poids calculé du chlore est 0,043, le poids atomique de l’azote déduit de ces
quatre différences devient donc :
1°
Du rapport de
KC h à KAzO3,
A z = 14,045
2°
de
N«C/< à NaAzO3,
Az = 14,048
5°
— - de
LiCh à Lt'AzO3,
A z = 14,046
4°
— de
AgCh à At/AzO3,
Az = 14,044
Moyenne . A z = 14,045
Le poids atomique de l’azote, déduit du rapport en poids du chlorure et de
l’azotate déterminé, en faisant intervenir quatre métaux, dont Jmssont les
mieux connus parmi tous les éléments existant, est donc 14,045 avec un
écart moyen qui ne dépasse sa valeur que de 4 010-^.
Mes anciennes synthèses tic lazolate d’argent m’ont conduit au chiffre
moyen de . 14,041
Mes nouvelles synthèses de cet azotate donnent [Ag — 107,95) en
moyenne . 14,042
Moyenne générale. . . . 14,044
En soumettant ces données au calcul des probabilités , on arrive aux résul¬
tats suivants :
La moyenne générale étant . 14,044
La somme des carrés des erreurs est . 0,000054
Ce qui donne :
Erreur moyenne d une observation isolée . 0,002601685
probable — . 0,001758854
— moyenne du résultat moyen . 0,001062154
— probable — 0,0007180485
Mesure de précision du résultat moyen, . H = 665,7425
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
289
La probabilité que la moyenne 14,044 soit en erreur de x sur la valeur
véritable du résultat étant donnée par la formule :
n étant le rapport de la circonférence au diamètre, et e la base des loga¬
rithmes népériens;
D’après cela, la probabilité que cette véritable valeur tombe à
4 4,040 , est . y = 0,51278
Pour 44,050, on a . y — 0,0. ...0(35 zéros) 701
Pour 14,020, on a . y — 0,0. ... 0 (108 zéros) 505
Pour 14,010, on a . y — 0,0. ... 0 (219 zéros) 115
Pour 14,000, on a . y = 0,0. ... 0 (570 zéros) 879
La valeur de 14,040 est donc possible, puisqu’elle a en sa faveur trois
chances sur dix ; mais la valeur 14,030 est déjà excessivement improbable,
et les autres peuvent être considérées comme matériellement impossibles.
Ces recherches établissent à suffisance de preuve que la valeur i 4,00 ,
admise actuellement par presque tous les chimistes comme représentant le
poids atomique de l’azote, l’oxygène étant, par hypothèse = 16,00, est
inexacte; le chiffre 14,00 est en erreur de
En ce qui concerne le chlore :
De l’ensemble des transformations des chlorures en azotates , il découle
que le poids atomique du chlore doit être compris entre 33,455 et 35,460'.
Ces transformations confirment donc la moyenne 35,457 résultant de l’en¬
semble des travaux de M. Penny, de M. Marignac, et de mes propres essais
exposés dans les Recherches sur les rapports réciproques des poids atomi¬
ques et dans mon ti’avail actuel.
En ce qui concerne le potassium, le sodium, le lithium, l’argent :
Ces déterminations prouvent que :
La valeur du potassium est
comprise entre . .
. . . 59,450 et 59,455
La valeur du sodium
id. . .
. . . 25,042 et 25,045
La valeur du lithium
id. . .
. . . 7,020 et 7,024
La valeur de l’argent
id. . .
. . . 407,9250 et 407,930
Tome XXXV.
37
290
NOUVELLES RECHERCHES
Dans nies Recherches sur les rapports réciproques des poids ulo-
miques, j’ai fixé le poids atomique du potassium à . 39,150
Dans le même travail, j’ai trouvé pour le sodium . 25,040
(C’est par erreur que j’ai donné 25,05, comme il est facile de le
constater en vérifiant les calculs.)
Dans le présent Mémoire je suis arrivé, par les déterminations du
rapport proportionnel entre le chlorure de lithium et l’argent, à . Li — 7,022
Enfin, de l’ensemble des travaux sur les composés du chlore, du
brome, de l'iode et du soufre avec l’argent, j’ai déduit. . . . Ag — 107,950
Tous ces chiffres se confondent évidemment avec les précédents, ou plu¬
tôt ils sont complètement identiques. Il ne peut rester de doute sur leur exac¬
titude dans la limite à laquelle il est possible d’atteindre par nos moyens
actuels d’investigation.
Il me reste, pour terminer ce Mémoire , à communiquer des travaux,
faits sur les déterminations du rapport proportionnel entre le bromure de
potassium et l’argent, travaux entrepris déjà avant la publication de mes
Recherches sur les rapports réciproques des poids atomiques , dans le but
de contrôler la valeur que j’ai trouvée pour le potassium.
15° Détermination du rapport proportionnel entre le bromure
de potassium et l’argent.
Avant la publication de mes Recherches sur les rapports réciproques des
poids atomiques , j’avais déterminé à plusieurs reprises le rapport propor¬
tionnel entre le bromure de potassium et l’argent; j’avais entrepris ces re¬
cherches dans le but de contrôler les travaux que je venais d’accomplir sur
le chlorure et le chlorate de potassium. Je n’ai point livré ces déterminations
à la publicité , parce qu’il me manquait encore le poids atomique du brome,
qui en est le complément indispensable. Depuis celte époque, j’ai eu l’occa¬
sion de reprendre un grand nombre de fois ces recherches; je vais réunir
ici tous les résultats auxquels je suis parvenu.
Les différents échantillons de bromure de potassium sur lesquels j’ai opéré,
proviennent tous, sauf un, du bromate de ce métal. Mais le sel employé poul¬
ie produire a été préparé dans des conditions très-variées.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
291
Lorsque j’ai entrepris mes travaux sur le bromure , j’étais sous l’influence
d’illusions que l’expérience est venue détruire plus tard. Je croyais que la
voie de la cristallisation répétée était capable de fournir les sels des métaux
alcalins complètement dépouillés de silice. Je pensais également, avec la plu¬
part des chimistes, que le chlorate et le bromate de potassium purifiés, comme
je l’ai exposé dans mes Recherches sur les rapports réciproques des poids
atomiques , peuvent être ramenés par l’action de la chaleur en chlorure,
bromure et en oxygène , sans qu’une trace de chlore ou de brome devienne
libre. Une minutieuse investigation m’a complètement détrompé à cet égard;
je l’ai dit, du reste, dans l’introduction de mon travail Sur l’invariabilité
des rapports en poids des éléments formant les combinaisons chimiques.
En soumettant le bromate de potassium purifié , autant qu’il a été en mon
pouvoir de le faire, à l’action d’une chaleur capable de provoquer un déga¬
gement très-lent d’oxygène, on parvient, en prolongeant suffisamment l’ex¬
périence, à éliminer les trois quarts environ de la quantité totale de l’oxygène
qu’il peut fournir. L’oxygène, ainsi dégagé, m’a paru absolument dépouillé de
brome; mais, arrivée à ce moment, la décomposition s’arrête, et pour qu’elle
reprenne, il faut de toute nécessité qu’on élève considérablement la tempéra¬
ture. Or, quelque soin que l’on prenne dans l’application de la chaleur,
il survient un moment où certaines parties de la masse saline s’échauffent
spontanément, parviennent parfois jusqu’à l’incandescence; il se produit
alors une légère déflagration avec dégagement très-rapide d’oxygène qui est
mêlé de brome. On constate même ce fait à la simple vue , car alors l’atmos¬
phère du vase dans lequel la réaction s’accomplit est légèrement teintée en
jaune par la vapeur de brome, et l’oxygène en présente l’odeur caractéristique.
Le fait de la déflagration est indiqué par les chimistes qui se sont occupés de
la décomposition du bromate, et notamment par MM. Rammelsberg et Mari-
gnac, mais la production du brome n’est, à ma connaissance, signalée nulle
part.
Ayant eu à ma disposition une grande quantité de bromure de potassium
pur, provenant de la décomposition du bromate , j’ai essayé si, en mélangeant
neuf dixièmes de ce composé avec un dixième de bromate , je ne parvien¬
drais pas à décomposer ce sel sans mettre du brome en liberté. Toutes mes
292
NOUVELLES RECHERCHES
tentatives sont restées vaines. Lorsque la température du méiange eut atteint
le degré auquel j’ai vu l’espèce de déflagration se produire en opérant avec
le bromate seul, ce sel, mêlé intimement de bromure, a fourni de l’oxygène
et du brome à la fois.
Eu égard au poids du bromate soumis à l’expérience, la quantité de brome
qui prend ainsi naissance est extraordinairement petite; mais je le répète,
la constance de sa production est indubitable. La conséquence nécessaire de
ce fait est que le bromure de potassium doit renfermer une quantité propor¬
tionnelle de peroxyde de ce métal.
Lorsqu’on emploie, pour la détermination du rapport moléculaire, du bro¬
mure obtenu par l’action directe de la chaleur sur le bromate , le résultat
peut donc être affecté d’une double cause d’erreur : l’une due à l’existence
de traces de silice, l’autre à la présence de traces de peroxyde de potassium.
Quelques-uns des résultats consignés plus bas sont probablement en défaut
par ces sources d’erreurs. Lorsque j’en ai été prévenu, j’ai tout fait pour m’en
mettre à l’abri. Pour une bonne moitié de mes déterminations, je crois avoir
éliminé l’une d’elles, la présence du peroxyde de potassium; mais j’ai la
certitude de ne pas avoir pu opérer la séparation absolue de la silice d’un
seul des nombreux échantillons de bromure que j’ai soumis à l’expé¬
rience.
Ces explications préliminaires données , il me reste maintenant à exposer
brièvement les moyens employés pour me procurer les différents bromures
qui ont servi aux déterminations.
Bromure du bromate de potassium obtenu par l’action du chlore sur un
mélange de bromure et d’hydrate de potassium.
Dans la notice intitulée : Nouvelles synthèses du bromure d’argent ,
insérée dans le .Mémoire précédent, est exposée la méthode que j’ai suivie
pour me procurer du bromate de potassium par l’action du chlore sur un
mélange d’hydrate de potassium et de bromure, dépouillé préalablement
d’iode. La majeure partie des échantillons de bromure provenait du bromate
préparé par celte voie, soit que j’aie préparé moi-même ce sel en opérant
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
293
à la fois sur un kilogramme de bromure purifié, soit que je me sois servi
du sel, obtenu en fabrique, sous ma direction, en iransformant à deux re¬
prises vingt kilogrammes de bromure en bromate. A l’occasion de la prépa¬
ration du brome pur, je suis entré dans suffisamment de détails, au sujet de
cette transformation et de la purification du bromate, pour que je puisse me
dispenser d’y revenir ici. Je crois pouvoir me borner à indiquer les moyens
auxquels j’ai eu recours pour ramener ce sel à l'état de bromure, aussi pur
que possible.
Du bromate de potassium, produit en présence d’un excès de brome, après
avoir cristallisé quatre fois, pour le dépouiller de la dernière trace de chlo¬
rure, fut ramené dans un vase de porcelaine 1 , à l’état de bromure, à l’aide
d'une chaleur convenablement ménagée. Après le refroidissement , le bromure
fut repris par de l’eau, et la solution fut mêlée de bromure d’ammonium, pré¬
paré à l’aide du brome extrait d’une partie du bromure de potassium. Le
tout fut évaporé jusqu’à siccité, et chauffé jusqu’à ce que le bromure d’am¬
monium fût complètement volatilisé; ce qui ne s’obtient qu’à l aide d’une
température très-élevée et longtemps continuée. Le bromure a été soumis
ensuite à la fusion, dans un double creuset de platine. J’ai enlevé au com¬
posé fondu tous les points brillants qui y nagaient, à l’aide d’une pelotte de
fils très-fins de platine attachée à une tige de ce même métal. Après un re¬
froidissement suffisant pour solidifier le tiers environ de la masse, j’ai dé¬
canté dans une capsule de platine le liquide au travers des cristaux formés.
Le bromure était incolore , transparent et dépourvu de toute propriété hy¬
grométrique. Sa solution était tout à fait neutre au tournesol, mais elle man¬
quait d’une limpidité absolue. Abandonnée pendant quelques jours au repos,
elle a fini par déposer des traces impondérables de silice.
5sr,6286 2 de ce bromure représentant 5 "‘,631 0 supposés pesés dans le
1 Un vase de platine est attaqué avec formation de bromoplatinate de potassium.
- La pesée du bromure a été faite dans un tube bouché par un bout et fermé par l’autre
bout à l’aide d'un bouchon rodé à l'émeri et percé d’un petit trou. Avant la pesée, le bromure
a été chauffé près du rouge sombre. La quantité d'argent pesée a été calculée en prenant
Br = 80,00; K — 31), 00 et A g — 108,00, d’après l’hypothèse de Prout. Le mode de détermination
que j’ai suivi est le même que celui indiqué dans la notice sur le Rapport proportionnel entre
l’argent et les chlorures de potassium , de sodium , d’ammonium, insérée dans mes Recherches
294
NOUVELLES RECHERCHES
vide, ont été introduits dans une solution nitrique de 56‘,1102 d'argent, re¬
présentant 58r,M05 dans le vide. Après la double décomposition et 1 éclair¬
cissement du liquide, il est resté 0sr,0082 d’argent non précipité.
10er,3194 du même bromure, ou 108r,3238 dans le vide, ont été intro¬
duits dans une solution azotique de 9sr,3690 d’argent, représentant 9^,3695
dans le vide. Après la double décomposition, il est resté dans le liquide
0çr,0150 d’argent, d’où
1° A g : KBr :: 100,000 : 110,501;
2° A g : KBr :: 100,000 : 110,500.
Le restant du bromure a été repris par de l’eau; la solution, après avoir
séjourné assez longtemps pour déposer les traces de silice qu’elle contenait,
a été filtrée au travers de la mousse de platine. Après un nouveau repos de
vingt-quatre heures, elle a été décantée. Une partie de cette solution a été
évaporée jusqu’à siccité, et le résidu a été fondu dans une grande nacelle de
platine placée dans un tube de porcelaine chauffé au rouge. Pendant la fusion,
un courant lent d’azote pur et sec traversait le tube.
108r,0712 de ce bromure, représentant 10sr,0755 dans le vide, ont été
introduits dans une solution azotique de 9sr,1436 d’argent, représentant
9sr,1441 de ce métal dans le vide. Après l’éclaircissement il est resté dans
le liquide (F,0Ï45 d’argent, d’où
5° A (j : KBr : : 100,000*: 110,560.
J’ai évaporé jusqu’à pellicule le restant de la solution décantée. Le sel
cristallisé par refroidissement a été redissous à trois reprises différentes ; une
partie de chaque cristallisation a été fondue à part dans une atmosphère
sur les rapports réciproques des poids atomiques. La couleur jaunâtre du bromure d’argent
rend l’opération encore plus facile à exécuter que pour les chlorures. Seulement, à cause de
l’altérabilité extrême du bromure d’argent sous l’influence de la lumière, on doit prendre des
précautions exceptionnelles. Pour ce motif, les vases renfermant l’essai étaient entourés de toiles
ou de drap noir; pendant la titration , il n’y avait de libre que la section du liquide éclairée par
le faisceau de lumière jaune, émané de la sphère contenue dans l’appareil décrit et figuré dans
mon travail : Sur la constance des combinaisons chimiques.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
295
d’azote et dans la grande nacelle de platine. J’ai opéré toutes ces fusions au
sein de l’azote, pour me mettre à l’abri de l’attaque du platine par le bromure
alcalin et l’oxygène de l’air. Je me suis convaincu plus tard que cette pré¬
caution est inutile ; le bromure n attaque le platine qu autant qu il renferme
du bromate de potassium.
10sr,3475 du bromure cristallisé une fois, représentant 108r,3519 pesés
dans le vide, ont été introduits dans une solution nitrique de 9sr,394'5 d’ar¬
gent, représentant 9sr,3950 dans le vide. Après la double décomposition il
est resté d’argent dissous, d’où
4° A g : KB/- : : 100,000 : 110,542.
1 4-er,87 3 9 de bromure cristallisé deux fois, représentant 14sr, 8803 dans le
vide, ont été versés dans une solution nitrique de 13sr,503 l d’argent, repré¬
sentant 13°, 5049 d’argent dans le vide; après la double décomposition, ils
ont laissé 0sr,0199 d’argent dissous, d’où
o° Ag : KBr : : 100,000 : 110,546.
25sr1036 de bromure cristallisé trois fois, représentant 25sr, 114-27 dans
le vide, ont été versés dans une solution azotique de 22sr,7908 d’argent, repré¬
sentant 228r,922 dans le vide; ils ont laissé 0sr,0310 d’argent non précipité,
d’où
6° A g : KBr : : 100,000 : 110,558.
L’influence de la solution et de la cristallisation est manifeste ; il reste dans
l’eau-mère une matière qui élève le rapport proportionnel du bromure.
Les déterminations qui précèdent étaient faites depuis près de deux années,
lorsque j’ai exécuté les expériences dont il me reste à rendre compte.
Du bromate cristallisé cinq fois, et dont la majeure partie a servi à la pré¬
paration du brome destiné aux synthèses complètes du bromure d’argent ,
nos 1 et II, page 170, a été décomposé dans un vase de porcelaine avec
toutes les précautions imaginables pour empêcher autant que possible la perte
du brome. Le bromure produit, complètement incolore, a été fondu en partie
296
NOUVELLES RECHERCHES
dans un creuset de porcelaine vernie de Berlin, et employé tel quel pour la
détermination du rapport proportionnel. Voici le résultat qu’il a fourni :
7sr,4686 de bromure, représentant 78r,4718 dans le vide, ont été intro¬
duits dans une solution azotique de 6sr,78071 d’argent, représentant 6sr,7 81 13
de ce métal dans le vide. Après la double décomposition, ils ont laissé
05r,01075 d’argent dissous, d’où
7° A g : lvB;- : : 100,000 : 110,300.
Le restant a été dissous dans de l’eampure, et la solution additionnée de
bromure d’ammonium a été évaporée à siccité ; le résidu a été calciné jus¬
qu’à volatilisation complète du bromure d’ammonium. Le bromure alcalin a
été repris par de l’eau ; la solution qui manquait de limpidité a été filtrée à
travers un tampon serré de mousse de platine fortement chauffée. Après
vingt-quatre heures de repos, le liquide filtré a été décanté et évaporé jus¬
qu’à pellicule. La solution, brusquement refroidie sous l’influence d’une agi¬
tation continuelle, a fourni un bromure sous forme de poussière cristalline,
qui a été lavé à l’eau glacée. La poudre cristalline, absolument incolore, a été
séchée à l’étuve, puis chauffée à son point de fusion dans un vase de platine.
15sr,039 de ce bromure, représentant 15sr,0454 dans le vide, ont été
introduits dans une solution azotique de 13sr,65376 d’argent, représentant
13srs6546 de ce métal dans le vide. Après la double décomposition, le liquide
contenait 0sr, 01 86 d’argent dissous, d’où
8" A g : KBr : : 100,000 : 1 10,350.
Les eaux-mères et les eaux de lavages du bromure précédent ont été
mêlées et évaporées jusqu’à siccité, sous l’influence d’une agitation incessante.
Une partie du résidu pulvérulent a été introduite dans un tube de verre dur
de Bohême, effilé à un bout, muni d’un bouchon rodé à l’autre bout, et
dont le poids avait été exactement déterminé. Ce tube a été placé dans une
gaine de tôle remplie de magnésie fortement calcinée. Lorsque la gaine a été
chauffée au rouge sombre, j’ai fait passer lentement, sur le bromure, de la
vapeur de brome pur, en volatilisant à cet effet du brome contenu dans une
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
297
ampoule placée dans une autre partie du tube. Tout le brome étant dégagé,
j’ai laissé refroidir la gaine vers 150 à 200°, et j’ai fait passer un courant
d’air sec et pur jusqu’à ce que toute la vapeur de brome fût éliminée.
Le bromure ainsi traité a été pesé dans le tube même. Dans ce but, j’ai
déterminé l’augmentation du poids du tube, après l’avoir lavé extérieure¬
ment à l’eau acidulée par l’acide chlorhydrique , pour en détacher les traces
de magnésie adhérente. L’augmentation de poids a été de 21sr,6876, repré¬
sentant 218r,6969 de bromure supposé pesé dans le vide. J’ai engagé la pointe
effilée du tube dans le goulot d’un flacon bouché à l’émeri , et contenant
déjà une solution azotique de 198r,6902 d’argent, représentant 19er,6914
de ce métal dans le vide. A l’aide de l’eau pure que j’ai successivement versée
dans le tube , j’ai dissous tout le bromure qui y avait été pesé. La double
décomposition étant accomplie, et le liquide éclairci par l’agitation, il s’y
est trouvé 08r,0285 d’argent dissous, d’où
9° A g : KBr :: 100,000 : 110,544.
Comme la quantité de bromure employée dans cette expérience a été rela¬
tivement considérable, j’ai voulu recueillir et peser le bromure d’argent qui
en est provenu. Pour doser l’argent dissous, j’ai ajouté une solution normale
de bromure de potassium dont le poids total s’est élevé à 0er,0332, et pour
être certain du titre, il m’a fallu suppléer 08r,0015 d’argent. Ces quantités sont
venues augmenter respectivement le poids du bromure et de l’argent employés.
Ils ont fourni 34>er,277 de bromure d’argent, représentant 348r,2817 de ce
composé, pesé dans le vide, d’où
Ag : Br : : 100,000 : 74,080;
résultat identique à celui fourni par les synthèses complètes du bromure
d’argent; et il en résulte que 100,000 de bromure de potassium produisent
157,7588 de bromure d’argent.
L’autre partie du bromure , provenant de l’évaporation des eaux-mères , a
été introduite dans le tube de verre réfractaire dont j’ai parlé plus haut, et
celui-ci a été placé dans la gaine de tôle contenant la magnésie. J’ai éliminé
Tome XXXV. 38
298
NOUVELLES RECHERCHES
ensuite le brome à l’aide d’un courant de chlore sec, en opérant d’abord vers
100°, et ensuite à une température voisine du rouge sombre.
Dix grammes du chlorure de potassium, ainsi produits, ont été soumis à la
volatilisation dans une nacelle de platine, placée dans un tube de porcelaine
tapissé d’une feuille de platine roulée sur elle-même de manière à produire
un cylindre, et chauffée au hlanc. La volatilisation a eu lieu dans un courant
d’azote pur et sec, comme je l’ai exposé pour la recherche de la silice dans
les chlorures de potassium et de sodium destinés à la détermination du rap¬
port proportionnel de ces corps avec les azotates correspondants. Ces dix
grammes de chlorure ont laissé de (F, 00085 à 0"r, 0009 de silice mêlée de
traces de silicate de potassium. Il résulte de cet essai que le bromure de po¬
tassium contient cinq cents millièmes environ de silice, ce qui ramène le rap¬
port proportionnel , 110, 344 observé, à 110,339.
Bromures provenant de l’action du brome pur sur l’hydrate
de potassium.
J’ai fait ces déterminations, moins pour rechercher le rapport propor¬
tionnel entre le bromure de potassium et l’argent, que pour me renseigner
sur l’état de pureté ou d’homogénéité du brome employé dans mes synthèses
complètes du bromure d’argent.
Je vais dire, en peu de mots, comment je me suis procuré d’abord de l’hy¬
drate de potassium. J’ai commencé par faire préparer une très-grande quan¬
tité de tartrate monopotassique pur. Dans ce but, après avoir laissé digérer
à chaud la crème de tartre blanche, très-finement pulvérisée, avec de l’eau aci¬
dulée de cinq pour cent de son poids d’acide chlorhydrique, on a lessivé à
l'eau distillée froide, jusqu’à ce que les eaux de lavages fussent complètement
dépouillées de chlorures, de sulfates et de phosphates. La crème de tartre
lavée a été séchée et chauffée aussi fortement que possible sans la décomposer.
Je l’ai fait soumettre à la dessiccation à chaud, afin de rendre insoluble la
silice qui y existait. Le sel a été dissous ensuite et cristallisé un nombre de fois
suffisant pour le séparer de tout le sodium qu’il est possible d’en éliminer de
celte manière, il a fallu sept cristallisations successives pour atteindre ce
résultat.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
299
Le sel, bien séché, a élé carbonisé par parties à la fois dans un grand
creuset d’argent. Le résidu, humecté d'eau, a élé placé dans un grand cornet
fait à l’aide d’une feuille d’argent et abandonné sous une cloche avec de l’eau.
Le carbonate de potassium a été reçu dans une capsule d’argent. Malgré le
traitement à l’acide chlorhydrique, la dessiccation énergique et le nombre
considérable de cristallisations qu’on avait fait subir au tartrate monopotassique,
le carbonate de potassium obtenu renfermait notablement de la silice, de
l’alumine et des traces de fer. Je l’ai transformé en hydrate de potassium en
le dissolvant dans dix-huit à vingt fois son poids d’eau, et en faisant bouillir
la solution dans une chaudière de platine de cinq litres de capacité, avec de
l’hydrate de calcium pur l. Lorsque le mélange eut bouilli assez longtemps
pour ne plus contenir de traces de carbonate de potassium, j’abandonnai
la solution au refroidissement , en maintenant bouché le chapiteau de platine
adapté à la chaudière.
J’ai pris cinquante centimètres cubes du brome pur employé dans les syn¬
thèses complètes du bromure d’argent, nos I et II, que j’ai versés dans un grand
ballon de verre dur, contenant déjà un demi-litre d’eau. J’ai ajouté ensuite,
petit à petit, la solution de l’hydrate de potassium, jusqu’à ce que le brome
eût disparu au point de laisser un liquide coloré en jaune. J’ai porté le liquide
à l’ébullition; après la volatilisation de l’excès de brome, je l’ai évaporé
jusqu’à siccité dans une capsule de porcelaine et j’ai porté la température du
résidu jusqu’à près du point de fusion du bromate formé. J’ai épuisé alors la
masse saline par de l’alcool anhydre et pur, afin d’enlever les traces de bro¬
mure de calcium qui y étaient contenues. L’alcool étant chassé par la chaleur,
j’ai introduit le sel dans un petit appareil à déplacement, et j’ai opéré le lavage
méthodique à l’aide de l’eau glacée, pour séparer autant que possible le bro¬
mure du bromate.
J’ai soumis à des cristallisations répétées le bromate isolé, aussi longtemps
que j’ai pu y découvrir la moindre trace de bromure, et j’ai décomposé
ensuite ce bromate , à l’aide de la température la moins élevée possible.
1 On a préparé cet hydrate par l’action de l’eau sur l'oxyde de calcium. Cet oxvde lui-même
provenait de la calcination au blanc , dans un creuset de platine , du carbonate de calcium préparé
par 1 action du carbonate d’ammonium sur l’azotate de calcium, obtenu en dissolvant un excès
de chaux du marbre dans de l’acide azotique pur.
300
NOUVELLES RECHERCHES
D’un autre côté , toutes les eaux-mères de la cristallisation du bromate ont
été concentrées, pour amener la cristallisation de tout le bromate qui y était
contenu avec une partie du bromure. Le sel ainsi pi oduit a été écai té , les
eaux-mères seules ont été ajoutées à la solution de bromure obtenu par la
lixiviation du mélange primitif, et le tout a été évaporé jusqu’à siccité dans
un vase de porcelaine, et chauffé au delà du point de décomposition du bro¬
mate.
Le bromure provenant de la décomposition du bromate, et le bromure qui
s’est formé en même temps que ce sel , ont été repris séparément par une quan¬
tité d’eau de brome pur suffisante pour les dissoudre. Les solutions ont été
évaporées à siccité et le résidu chauffé au point d agglutiner le bromure. J ai
repris alors une1 dernière fois les composés par de l’eau pure, pour m’assurer
si les solutions étaient absolument limpides, incolores et sans action sur le
tournesol ; ce qui s’est en effet réalisé. Après les avoir laissées séjourner vingt-
quatre heures dans des vases de platine, je les ai décantées et évaporées à
siccité.
Les bromures, essayés au spectroscope, offraient la raie sodique à un degré
d’intensité et de persistance égal. Cette intensité et cette persistance n’étaient
pas sensiblement plus grandes que celles observées sur le bromure provenant
du bromate soumis à cinq cristallisations successives , exécutées sur plusieurs
kilogrammes à la fois.
Une partie de chacun de ces bromures a été introduite dans un tube de
verre dur, effdé par un bout et muni à l’autre bout d’un bouchon de verre
rodé; elle a été chauffée près du rouge sombre, dans un courant d’azote pur
et sec.
9sr,2013 du bromure provenant de la calcination du bromate, représen¬
tant 98', 20326 dans le vide, ont été ajoutés à une solution azotique d’argent
contenant 8sr,3538 de ce métal pesé dans l’air, représentant 8?r, 33433 dans
le vide. Après la double décomposition, ils ont laissé O r,0 113 d’argent en
solution, d’où
10° A g : KB/' :: 100,000 : 110,552.
20sr,1143 du bromure formé en même temps que le bromate qui a fourni
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
501
le composé précédent ont été versés dans une solution azotique de 185r,2617
d’argent pesé dans l’air, et représentant 18sr,2629 dans le vide; ils ont laissé
Osr, 02625 d’argent non précipité, d’où
M° A g : KBr :: 100,000 : 110,543.
Bromure préparé à l’aide du bromate de baryum.
Deux cents grammes de bromate de baryum cristallisé quatre fois, et dont
une partie a servi à l’extraction du brome employé dans la synthèse n° IV,
ont été mis en ébullition avec deux litres d’eau pure. A mesure que la solu¬
tion du sel s’opérait, j’ajoutais, petit à petit, une solution concentrée de car¬
bonate de potassium obtenu à l’aide de la carbonisation en vase clos de la
crème de tartre purifiée, comme je l’ai dit plus haut. Lorsque tout le baryum
a été précipité, j’ai abandonné le tout au repos à chaud, et j’ai décanté ensuite
la liqueur limpide que j’ai évaporée jusqu’à siccité complète. J’ai repris le sel
par une quantité convenable d’eau presque bouillante, pour séparer les traces
de carbonate de baryum qui étaient restées en solution. Le liquide, suffisam¬
ment reposé à chaud pour garantir le dépôt complet du carbonate de baryum ,
a été réduit au point de déposer, par refroidissement brusque, la majeure
partie du bromate de potassium à l’état de poussière cristalline. J’ai versé la
bouillie dans un appareil à déplacement, et je l’ai lessivée à l’aide de l’eau
glacée, pour éliminer l’eau-mère contenant une petite quantité de carbonate
de potassium employé en excès. Lorsque l’eau de lavage eut perdu complè¬
tement la propriété de bleuir le papier rouge de tournesol , je soumis le bro¬
mate à trois cristallisations successives. L’eau-mère de la première cristalli¬
sation était déjà neutre et ne troublait aucunement la limpidité d’une solution
diluée et bouillante d’azotate d’argent.
J’ai décomposé, dans un vase de porcelaine, et à la plus basse température
possible , le bromate de la troisième cristallisation. Le bromure produit était
incolore, la solution en était neutre et limpide.
15sr,8245 de ce bromure, représentant 15sr,8310 dans Te vide, ont été
introduits dans une solution azotique de 146r,3667 d’argent , représentant dans
302
NOUVELLES RECHERCHES
le vide J48r,3676 de ce métal; après la double décomposition, ils ont laissé
08r,0225 d’argent non précipité, d’où
12° A g : Or :: 100,000 : .110.357.
«
Le restant du bromure précédent a été dissous dans de l’eau de brome
préparée à l’aide du brome extrait du bromate de baryum; la solution a été
évaporée jusqu’à siccité et le résidu chauffé jusqu’à près de 400°. Après le
refroidissement, j’ai repris le résidu par de l’eau froide : la solution, sans
être positivement trouble, manquait cependant de la limpidité qui caractérise
les solutions des chlorures et bromures alcalins. Je l’ai filtrée au travers de la
mousse de platine tassée et fortement calcinée; après vingt-quatre heures de
repos, je l’ai décantée et évaporée jusqu’à pellicule dans un vase de platine. Le
bromure, qui s’en est séparé par un refroidissement rapide, a été lavé à l’eau
glacée, séché et chauffé ensuite jusqu’à son point de fusion.
ll5r,0565 de ce bromure, représentant llBr,Q615 dans le vide, ont été
ajoutés à une solution nitrique de 1 0e', 0382 d’argent, représentant 10", 0588
de ce métal dans le vide; après la double décomposition, le liquide limpide
contenait 0sr,0155 d’argent à l’état d’azotate, d’où
15° A (j : KBj- : : i 00,000 : i 10,554.
Les eaux-mères et de lavages du bromure précédent ont été évaporées à
siccité, et le résidu a été fondu dans une grande nacelle de platine placée
dans un tube de porcelaine chauffé au rouge. Le tube de porcelaine était
traversé par un courant d’azote pur et sec.
Le bromure, après sa solidification, était incolore, d’une transparence
parfaite.
16er,2962 de ce bromure, représentant 1 fi61, 5032 dans le vide, ont été
introduits dans une solution azotique de 148r,7952 d’argent, représentant
148',7961 de ce métal dans le vide. Après la double décomposition , le liquide
limpide contenait 08r, 02025 d’argent dissous, d’où
14° kg : KBj- :: 100,000 : 110,335.
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
303
En récapitulant les différents résultats auxquels je suis arrivé, je trouve,
pour rapport proportionnel entre l’argent et le bromure de potassium, les
nombres suivants :
SOURCES DU BROMURE.
1 1-
j 2.
100,000 A g
,
= 110,301.
110,500.
KBr
Le bromure du bromate, qui avait cristal¬
lisé quatre fois, traité au bromure d’am¬
monium et fondu.
ire SÉRIE. . .
i
l
110,360.
Le n° 1 repris par de l’eau , la solution fil¬
trée et évaporée, et le résidu fondu
dans l’azote.
r
—
1 10,542.
—
Le bromure n° 1, redissous et cristallisé
une fois.
5.
—
1 10,546.
—
Le bromure n°4, redissous et cristallisé une
deuxième fois.
i 6-
—
1 i 0,558.
—
Le bromure n° 5, redissous et cristallisé
une troisième fois.
2e SÉRIE. . . (
7.
1 10,500.
Le bromure provenant de la calcination
directe du bromate qui avait cristallisé
cinq fois.
8.
—
1 10,556.
—
Le bromure n° 7, traité au bromure d’am¬
monium, puis cristallisé.
9.
1 10,544.
•
Le bromure des eaux-mères et de lavage
du n" 8; il renfermait cinq cents mil¬
lièmes de silice. m
5' SÉRIE. . . <
10.
110,552.
Le bromure provient de la calcination du
bromate produit par l’action du brome
pur sur l’hydrate de potassium.
11.
110,545.
—
Le bromure a été produit en même temps
que le bromate qui a fourni le n° 10.
j
12.
100,000 kg
= 110,557.
KBr
Le bromure provient de la calcination du
bromate de potassium, obtenu à l’aide
du bromate de baryum pur.
4e SÉRIE. . . /
J 5.
110,554.
Le bromure n° 12, dissous dans de l’eau
de brome, la solution évaporée à siccité
et le résidu redissous, filtré et cristallisé.
1
14.
1 10,555.
—
Le bromure des eaux-mères et de lavages
du composé employé au n° 15.
Moyenne
GÉNÉRALE .
1 10,545 de bromure pour 100,000 d’argent.
Cette moyenne est presque identique avec le résultat auquel est arrivé
304
NOUVELLES RECHERCHES
M. Marignac, en 1843. En effet, en réduisant au vide le nombre 110,306
qu’il a obtenu à l’aide de pesées faites dans l’air, on a 110,543, qui se
confond avec 110,545. Cependant, quelque grande que soit cette concor¬
dance , je ne pense pas que ce nombre représente le véritable rapport propor¬
tionnel du bromure de potassium; car la plupart, sinon tous les échantillons
de ce composé, soumis à l’expérience par M. Marignac ou par moi, devaient
contenir des traces de matières étrangères, et notamment de la silice ou du
peroxyde de potassium , ou ces deux corps à la fois. J’ai constaté, dans le cou¬
rant de ce travail, que le bromure qui a fourni 110,544 pour rapport pro¬
portionnel renfermait cinq cents millièmes de son poids de silice, ce qui
ramène ce chiffre à 110,359. On arrive au même résultat en écartant des
quatorze déterminations les nos 1, 2, 3, 7 et 12 qu’on peut, avec probabilité
sinon avec certitude, considérer comme étant affectés de causes d’erreur;
dans ce cas, on obtient pour moyenne 1 10,558. C’est, d’après mon appré¬
ciation, le chiffre le plus élevé auquel peut atteindre le rapport proportionnel
entre l’argent et le bromure de potassium supposé pur.
Mais, quelque certitude que je puisse avoir de l’erreur qui vicie quelques-
uns des résultats consignés ci-dessus, il est, à mon sens, contraire aux vrais
principes de former une moyenne par voie d' appréciation ; ce serait l’arbi¬
traire érigé en règle. Je pense donc qu’on doit prendre la moyenne brute
1 10,345 , comme représentant le rapport proportionnel entre le bromure
de potassium et l’argent, en considérant toutefois le nombre comme étant la
limite supérieure à laquelle ce rapport puisse atteindre ; car le moyen em¬
ployé pour produire les bromates qui m’ont fourni les différents échantil¬
lons de bromure exclut la possibilité de l’existence du chlore, qui tend à
diminuer le rapport proportionnel.
Si je déduis du chiffre 110,345 le poids moléculaire du bromure, en
admettant 107,93 pour poids atomique de l’argent, je trouve 1 19,095.
En prenant 79,951 pour poids atomique du brome, valeur qui dérive
de l’ensemble des travaux de M. Marignac et des miens, comme je l'ai établi
dans le Mémoire précédent , le poids atomique du potassium devient égal à
39,144; et inversement, si je prends le potassium égal à 39,130, qui dérive
des travaux exposés dans mes Recherches sur les rapports réciproques des
SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
505
poids atomiques y j’arrive à 79,965 pour le poids atomique du brome. En
1843, M. Marignac avait obtenu 79,968, par cette voie.
En déduisant le poids atomique du brome du rapport proportionne) entre
le bromure de potassium et le bromure d’argent, d’après la détermination
n° 9, et du poids du bromure d’argent qui en est résulté, je constate que le
poids moléculaire du bromure d’argent est 187,88, et que le poids atomique
du brome est 79,950. Par la synthèse du bromure d’argent, M. Marignac
était arrivé à 79,945.
Ainsi, des relations entre le brome, le potassium et l’argent, il résulte que
l’argent étant 107,93,
Le potassium est compris entre 39,130 et 39,144 ou 39,137,
Et le brome est compris entre 79,945 et 79,965 ou 79,955.
Dans l’introduction qui précède ces Mémoires, j’ai résumé les résultats
auxquels je suis arrivé dans chacun d’eux, et les conséquences qui, d’après
moi, en découlent. Je crois inutile de reproduire ici de nouveau les résultats
généraux, et je laisse aux chimistes le soin de juger si l’ensemble de ces
travaux justifie les conclusions que j’en ai déduites.
Arrivé au terme de ce long labeur,, je me permets d’émettre un vœu : ce
vœu est qu’un chimiste, dont l’autorité scientifique est suffisamment établie,
veuille bien se donner la peine de contrôler Tune quelconque des données
fondamentales de mes recherches : la synthèse de l’azotate d’argent, par
exemple, et de faire connaître le résultat de ses recherches. Sans réserve
aucune je me soumets à son jugement.
FIN.
«
Tome XXXV,
39
*
■
TABLE ANALYTIQUE.
Pages.
INTRODUCTION . 1
PREMIER MÉMOIRE.
RECHERCHES NOUVELLES SUR LES LOIS DES PROPORTIONS CHIMIQUES.
PREMIÈRE PARTIE.
DE LA CONSTANCE DE COMPOSITION DES COMBINAISONS DITES STABLES.
Préliminaires . 27
I. De l’argent . 50
Des moyens employés pour m’assurer du degré de pureté de l’argent . 55
Détermination du titre de l’argent de différentes provenances . 59
IL Du chlorure d’ammonium . 48
Chlorure d’ammonium obtenu par l'ammoniaque extraite du sel ammoniac purifié à
l’eau régale . ib.
Chlorure d’ammonium produit à l’aide de l’ammoniaque extraite du sulfate du commerce. 49
Chlorure d’ammonium obtenu à l’aide de l’ammoniaque produite par la réduction de
l’azotite de potassium . 50
Chlorure d’ammonium volatilisé dans le vide . 55
Mode de détermination du rapport proportionnel entre l’argent et le chlorure d’am¬
monium . 55
Rapport proportionnel entre l’argent et le chlorure d'ammonium . 57
308 TABLE ANALYTIQUE.
DEUXIÈME PARTIE.
DE L’INVARIABILITÉ DES RAPPORTS EN POIDS DES ÉLÉMENTS FORMANT LES COMBINAISONS CHIMIQUES.
Page».
Préliminaires . 60
I. Recherches sur la transformation de Viodate d’argent en iodure, sous V influence de
l’acùle sulfureux, faites dans le but de constater si le rapport en poids de l’iode à
l’argent est le même dans ces deux corps . 68
lodate d’argent préparé par l’iodate de potassium et l’azotate d’argent . ib.
Iodate d’argent préparé par l’iodate de potassium et le sulfate d'argent . 70
lodate d’argent préparé par l’acide iodique et le sulfate d’argent . 71
lodate d’argent préparé par l’iodate de potassium et le dithionate d’argent .
II. Recherches sur la transformation du bromate d’argent en bromure, sous l’influence
de l’acide sulfureux , faites dans le but de constater si le rapport du brome à l’ar¬
gent est le même dans ces deux corps .
Bromate d’argent préparé par le bromate de potassium et l’azotate d’argent . . • . 82
Bromate d’argent préparé par le bromate de potassium et le sulfate d’argent .... 84
Bromate d’argent préparé par le bromate de potassium et le dithionate d’argent . . . 89
III. Recherches sur la transformation du chlorate d’argent en chlorure, sous l’in¬
fluence de l'acide sulfureux, faites dans le but de constater si le rapport en poids du
chlore à l’argent est le même dans ces deux corps . 90
De l’action du chlore sur l’oxyde et sur le carbonate d’argent . 92
Chlorate d’argent préparé par l’action du chlore sur le carbonate d’argent suspendu
dans de l’eau . 94
Chlorate d’argent préparé par l’action du chlore sur l’oxyde d’argent suspendu dans de
l’eau .
Conclusions . *98
NOTES.
Sur la préparation de l’eau distillée pure . 109
Sur la réduction des sels d’argent ammoniacaux sous l’influence des sels cuivreux am¬
moniacaux . Il*
Sur la capacité du réservoir de l’appareil destiné à la détermination du titre de l’argent. 1 12
Sur la capacité du mesureur de l’appareil destiné à la détermination du titre de l’argent. ib.
Sur la préparation de l’iodate de potassium . .
Sur le lavage et la dessiccation de l’iodate d’argent . 1 1^
Préparation de l’anhydride sulfureux employé pour la réduction de l’iodatc. du bro¬
mate et du chlorate d’argent . 110
Sur la préparation de l’acide iodique .
Sur le dithionate de baryum et l’acide dithionique .
Sur le sulfate et le bromate d’argent . • . . . . 118
TABLE ANALYTIQUE.
309
DEUXIÈME MÉMOIRE.
RECHERCHES NOUVELLES SUR LES POIDS ATOMIQUES DE L'ARGENT, DE L'IODE, DU BROME ET DU CHLORE,
FAITES DANS LE BUT DE CONSTATER SI LE POIDS ATOMIQUE DE L'ARGENT A L'AIDE DE CES TROIS CORPS
EST LE MÊME, ET SI CES POIDS ATOMIQUES SONT CONFORMES A L’HYPOTHÈSE DE PROUT.
Pages.
Préliminaires . 119
I. Des systèmes employés pour faire des synthèses et des analyses . 120
II. Nouvelles synthèses de Viodure d’argent . 122
Synthèses par différence de liodure d’argent . ib.
Résultats de ces synthèses . 153
Synthèses par somme et synthèses complètes de l iodure d’argent . 136
De l’iode employé dans les synthèses . ib.
Des moyens employés pour effectuer la combinaison d’un poids déterminé d’iode avec
un poids déterminé d’argent . 141
Résultats des synthèses par somme et des synthèses complètes de l’iodure d’argent . . 152
III. — Nouvelles synthèses du bromure d’argent . 154
Synthèse par différence du bromure d’argent . ib.
Résultats de cette synthèse . 158
Synthèses par somme et synthèses complètes du bromure d’argent . . . ib.
Du brome employé dans les synthèses . ib.
.Du moyen employé pour effectuer la combinaison d’un poids déterminé de brome avec
un poids déterminé d’argent . . 166
Résultats des synthèses par somme et des synthèses complètes du bromure d’argent . 171
IV. — Nouvelles analyses de l’iodate d’argent. — Analyses complètes de l’iodate d'ar¬
gent . 172
Préparation de l’iodate . 175
Appareil destiné à la décomposition de l'iodate . 174
Appareil destiné à fixer l’oxygène . 177
Du système destiné à la condensation de l’eau . . 179
Du système d’appareil qui a fourni l’azote pur nécessaire à l’opération . 180
Pesées des appareils . : . 182
De l’opération de l’analyse de l'iodate d’argent . 185
Résultats des analyses complètes de l’iodate d’argent . 189
Analyses par différence de l'iodate d’argent . 191
Résultats des analyses par différence de l’iodate d’argent . 195
y. — Nouvelles analyses du bromate d’argent. — Analyses par différence du bromate
d’argent . 194
340
TABLE ANALYTIQUE.
l'agcs.
Résultats des analyses par différence du broraate d’argent . 198
VI. — Nouvelles analyses du chlorate d’argent . 200
Analyses par différence du chlorate d’argent . ib.
Résultats des analyses par différence du chlorate d'argent . 208
Conclusions des synthèses de l’iodure, du bromure d’argent et des analyses de l’iodate,
du bromate et du chlorate d’argent . 210
Poids atomique de l’argent . ib.
Poids atomique du chlore . 212
Poids atomique du brome . ib.
Poids atomique de l’iode . dt
TROISIÈME MÉMOIRE. *
RECHERCHES FAITES DANS LE BUT DE DÉTERMINER ET DE CONTROLER LE POIDS ATOMIQUE DE L’AZOTE,
DU BROME, DU CHLORE, DE L’ARGENT, DU LITHIUM, DU POTASSIUM ET DU SODIUM.
Préliminaires . -la
I. — De la transformation des chlorures en azotates . 210
Des vases employés dans les opérations . . . ib.
De l’appareil qui a servi à la transformation des chlorures en azotates . 219
De l’acide azotique employé dans les transformations . 222
Du moyen employé pour opérer la transformation des chlorures en azotates .... 225
Du chlorure de potassium employé dans les déterminations et détermination du rapport
proportionnel entre le chlorure et l’azotate de potassium . 251
Examen des chlorures de potassium employés dans les déterminations . 240
Rapport proportionnel entre le chlorure et l’azotate de potassium . 244
Du chlorure de sodium employé dans les déterminations et détermination du rapport
proportionnel entre le chlorure et l’azotate de sodium . ib.
Rapport proportionnel entre le chlorure et l'azotate de sodium . 248
Examen des chlorures de sodium employés dans les déterminations . 249
Du chlorure de lithium employé dans les déterminations . 250
De la pesée du chlorure de lithium dans le vide . 258
Examen des chlorures de lithium qui ont servi aux déterminations . 2(i4
Du moyen employé pour la détermination du rapport proportionnel entre le chlorure
de lithium et l’argent . 265
Rapport proportionnel entre le chlorure de lithium et l'argent . 268
Du moyen employé pour la détermination du rapport proportionnel entre le chlorure
et l’azotate de lithium . 269
Rapport proportionnel entre le chlorure et l’azotate de lithium . 274
TABLE ANALYTIQUE.
31 1
< Pages.
*!■ — De la transformation de l'argent en azotate . 975
Nouvelles synthèses de l’azotate d’argent . ^
Résultats des nouvelles synthèses de l’azotate d’argent . ^
Conclusions de la transformation des chlorures en azotates . 285
Poids atomique de l’azote déduit du rapport proportionnel entre les chlorures et les
azotates . ogy
Poids atomique du chlore déduit des transformations des chlorures en azotates . . . 289
Poids atomique du potassium déduit de la transformation du chlorure de potassium en
azotate . .
Poids atomique du sodium déduit de la transformation du chlorure de sodium en azotate. ib.
Poids atomique du lithium déduit de la transformation du chlorure de lithium en azotate. ib.
Poids atomique de l’argent déduit de la synthèse de l’azotate d’argent . ib.
IH- Détermination du rapport proportionnel entre le bromure de potassium et
l’argent . 290
Bromure du bromate de potassium par l’action du chlore sur un mélange de bromure
et d’hydrate de potassium . .
Bromure provenant de l’action du brome pur sur l’hydrate de potassium pur .... 298
Bromure du bromate de baryum . .
Rapport proportionnel entre le bromure de potassium et l’argent . 505
Poids moléculaire du bromure . n
Poids atomique du potassium . ' . 30^
Poids atomique du brome . 3Q3
Table analytique . .
FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE.
■
/
■
.
'
•
■
SHH
APPAREIL Pii K L’AI A LYSE ÇI1PLÈTI il L'IQQATE R’ ARGENT.
A l j o^o me Ive/ Demi ep ip> couletiuufc De ' Z’at^o le/
® ^Xppa/ieoP De t£celu.cj cotileiiaiil De 0 ac/iDe/oul j u-titj ne.
CC 6 /U Reo -©h/U cv cRPot/ii/ee/ De caPci wm/O,
D CjviPPe/a/ ^ j l caoe voec p ai uue- ijauicDe lole- co ni eu aut De/’
la. u taej i ceo Le/ cl i a iL^ee aie ccnccje AaitO PaJ uePPe vepooe uijlul’e
De ooive laj^iuuCle veiupPi/ de cutvte/ Dtoioe/.
E (juBe/ nielaPPicjue/cu T iiumc De/ IvoiO iotuueLv
E il Paleau J une macfvuie/ pueuiiialiijiic/
GG GG & O u P eci en U iempPio 3e piecîe ponce Divioée .et Piuiueclee
D CVClDc Oui | U'clC] Lie I lO V II l LVp-,
H DkPU cv iVux calo aoec P voDate D cwcjeul .dta emplie te cl Peo
CoPo iepooeul DauO de, la uiacpieoie- couleiuve Duuo une c a poule
et Deo cjauieo De lolc/ cPvauj'jeeO cv PaiDcDe la [faimue De Pampeo
De (B luvoece,
i qaL a/eja.^ Uavetoee pav cuve ijal/ue De toPe/ coivlemvu l De Pcv
i mvcpu’Oie Dcuut lacj ue Pie vepooe/ uu. I u Pe e 1 1 oeve© ce| icvclaivc
icujcuiuviit le cuiovc/ Dioioe Dec Lue cv l aPooipliou De l o.vijijeue
DecjcvcjeDe P loDate/D avej eut .
J (D Vjotei'vue' cv couDcuoaliau De- P eaiv ; il oe couipooe De Ivcuo luPco
en U xeuipPio De pouce/ ouPj uvi c] ne/
K G u Pc £>vh U , cv pcmce ouPjaivicjue Deolme a oevotc De letucni).
L GuBa eu U, a pouce ouP|uvic|ue ; Deoliue cv pteoecoev. te lemom K
De- -P liuiuiDilc De/ P a-i'c/.
SUR LA STABILITÉ
DES
SYSTÈMES LIQUIDES EN LAMES MINCES
PAU
Ernest LAMARLE,
INGÉNIEUR EN CHEF DES PONTS ET CHAUSSÉES, PROFESSEUR A L’UNIVERSITÉ DE GAND,
ASSOCIÉ DE L’ACADÉMIE ROYALE.
(Introduction, lre partie et 1re section de la 2e partie.)
(Mémoire présente à l’Académie le 10 mai 1864.)
Tome XXXV.
1
SUR LA STABILITE
DES
SYSTÈMES LIQUIDES EN LAMES MINCES.
INTRODUCTION.
Les lois qui régissent la formation des systèmes liquides en lames minces
se résument toutes en une seule et même loi , dont voici l’énoncé :
Dans tout système liquide en lames minces, a l’état d’équilibre stable,
LA SOMME DES AIRES DES LAMES EST UN MINIMUM.
Suppose-t-on que l’ensemble des lames d’un même système liquide soit
assimilable à une membrane uniformément tendue P la loi du minimum des
aires résulte immédiatement de cette hypothèse. Veut-on procéder avec plus
de rigueur et s’en tenir au principe de l’attraction moléculaire, comme l’ont
fait Laplace et Poisson dans la théorie mathématique de la capillarité? il
suffit de quelques lignes pour démontrer la loi fondamentale énoncée ci-dessus.
Dans tous les cas, d’ailleurs, il est évident qu’elle implique cette première
conséquence :
L’aire de chaque lame est un minimum entre les limites qui la circon¬
scrivent.
4
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
De là découle ensuite cette autre déduction :
La courbure moyenne est constante en chacun des points d’une même hune.
Elle est nulle , lorsque les pressions extérieures sont égales de part et d’autre;
dans le cas contraire, elle est proportionnelle à leur différence.
Jusqu’ici nulle difficulté. Tout s’établit dans les conditions les plus simples
et, pour ainsi dire, à priori. On peut observer, d’ailleurs, que si les lois pré¬
cédentes n’exigent aucun effort de calcul pour être démontrées, elles échap¬
pent en quelque sorte à toute vérification qui serait, en même temps, directe
et purement expérimentale. L’inverse a lieu pour les deux lois suivantes :
Les lames issues d’une même arête liquide sont au nombre de trois ;
Les arêtes issues d’un même sommet liquide sont au nombre de quatre.
L’expérience, toujours conforme à ces lois, les met d’elle-même en évi¬
dence, tandis que pour les établir théoriquement, la seconde surtout , on ren¬
contre des difficultés qui, au premier abord, semblent insurmontables.
Il est une sixième et dernière loi qu’on déduit aisément des deux précé¬
dentes et qui les complète. On peut l’énoncer comme il suit :
Les lames issues d’une même arête liquide se coupent deux à deux sous
des angles égaux. Il en est de même des arêtes issues d’un même sommet liquide:
c’est aussi sous des angles égaux quelles se coupent deux à deux.
Telles sont les lois d’où dépend la stabilité des systèmes liquides en lames
minces. Elles sont toutes susceptibles de démonstration rigoureuse; mais si les
unes sont en partie déjà démontrées, les autres, exclusivement fondées sur
l’expérience , laissent subsister, au point de vue théorique, une énorme lacune.
L’objet principal de ce mémoire est de combler cette lacune, en montrant
comment les limitations numériques observées résultent nécessairement de
la loi du minimum des aires.
Nous avons divisé notre travail en deux parties distinctes. La première est
purement mathématique; la seconde est à la fois théorique et expérimentale.
Nous commençons par quelques pages où, après avoir exposé l’état de la
question, nous démontrons en toute rigueur la loi fondamentale du mini¬
mum des aires. La première partie, intitulée Déductions théoriques, suit
immédiatement. Elle a pour objet d’établir que dans tout système liquide
en lames minces, la somme des aires ne peut être un minimum sans tmpli-
EN LAMES MINCES.
5
quer, comme conséquence, les trois dernières lois formulées ci-dessus :
L’emploi du calcul des variations semblait ici naturellement indiqué. En
l’évitant, nous croyons avoir écarté des complications presque inextricables,
et, d’ailleurs, toutes choses restant égales de part et d’autre, il nous a paru
préférable de nous appuyer exclusivement sur les principes de la géométrie
élémentaire et les premières notions de l’analyse différentielle.
Quelques pages suffisent pour établir un premier théorème, tout à fait
général et qu’on peut énoncer comme il suit, en désignant, sous le nom
d 'arêtes libres, les arêtes dont on dispose librement dans toute leur étendue,
et, sous celui d'arêtes demi-libres , celles dont on ne dispose qu’à la condition
de les faire passer par un point fixe :
Dans tout système de lames, l’aire totale n’est un minimum que si les lames
aboutissant ci une même arête libre ou demi-libre sont au nombre de trois et
se coupent deux à deux sous l’angle de 120°.
Partant de là, nous sommes conduit à poser et résoudre la question suivante :
Étant, donnée la surface d’une sphère , comment et de combien de manières
peut-on la découper en polygones convexes dont les angles soient tous de 1 20°?
Il est entendu , d’ailleurs , que les côtés de ces polygones sont tous des arcs
de grand cercle.
L’équation très-simple fournie par cet énoncé est du premier degré à trois
inconnues. L’indétermination qui résulte de la multiplicité des variables ne
fait point obstacle à ce qu’on distingue immédiatement, parmi toutes les solu¬
tions, celles qui peuvent être admissibles. Elles se réduisent à dix-neuf, et ne
cessent pas pour cela de comprendre encore des solutions étrangères. 11
faut, à leur tour, distinguer celles-ci et les éliminer. On y parvient après
quelques développements de trigonométrie sphérique. Il ne reste plus alors
que sept combinaisons définitives, et telle est la solution cherchée.
Prenons à part et successivement chacune des combinaisons qui résolvent
la question proposée. Prenons en même temps le polyèdre qu on en déduit,
lorsque, à chaque côté des polygones compris dans la combinaison que l’on con¬
sidère, on substitue la corde qui sous-tend ce côté. Nous savons déjà que les
combinaisons définitives sont au nombre de sept. Voici maintenant les
résultats qu’elles donnent.
6
SUR LA STABILITE DES SYSTEMES LIQUIDES
La première combinaison comprend quatre triangles équilatéraux. Le
polyèdre correspondant est le tétraèdre régulier.
La deuxième combinaison se compose de deux triangles équilatéraux ,
comprenant entre eux trois quadrilatères de même grandeur. Le polyèdre qui
lui correspond est le prisme droit, à base triangulaire et équilatérale, dont la
hauteur est au côté de la base comme l imité est au nombre 1/ « = 2,449484.
La troisième combinaison comprend six quadrilatères équilatéraux. Le
polyèdre correspondant est le cube, autrement dit l’hexaèdre régulier.
La quatrième combinaison se compose de deux pentagones équilatéraux,
comprenant entre eux cinq quadrilatères de même grandeur. Le polyèdre qui
lui correspond est le prisme droit à base pentagonale et régulière, dans lequel le
rapport de la hauteur au côté de la base a pour valeur \/Va -+- i,i 1/5 — 2,22707-
La cinquième combinaison comprend douze pentagones équilatéraux. Le
polyèdre correspondant est le dodécaèdre régulier.
La sixième combinaison se compose de deux quadrilatères équilatéraux
opposés l’un à l’autre et comprenant entre eux huit pentagones égaux et sémi-
réguliers. Le polyèdre qui correspond à cette combinaison est le décaèdre qui
résulte de la juxtaposition de deux groupes identiques, dont chacun comprend
quatre pentagones gauches, égaux et semi-réguliers , accolés entre eux et à
un même carré.
Supposons ce décaèdre inscrit dans la sphère qui a l’unité pour rayon. Si
l’on désigne , pour chaque pentagone , par
a le plus grand côté;
b chacun des deux côtés contigus au précédent ;
c chacun des deux derniers côtés;
b' la droite qui joint les deux sommets situés sur une parallèle au côté a ;
T le triangle isocèle formé par la droite b’ et les deux côtés c;
Q le trapèze formé par cette même droite, les côtés égaux b et le côté a ;
h la hauteur du côté a au-dessus du plan du triangle T ;
A là projection sur ce plan de la distance comprise entre le côté a et la
parallèlle b' ;
03 l’angle que ce même plan fait avec celui du trapèze Q;
On a
EN LAMES MINCES.
7
a = - 1/ 5= 1 ,1 54005
5
4 — l/2— 2l/j/2
= 0,37i8134
c = 2 % / f _ IA = 0,8837612
v71
v/1
6' = 2 % / Al = 1,575177
h = 0,076557 , A = 0,546951, w = 12”, 26', 56". *
Ajoutons, pour compléter la définition du décaèdre, que le côté a est le
côté commun au carré et aux pentagones qui lui sont accolés.
La combinaison septième et dernière comprend quatre pentagones et deux
groupes égaux composés chacun de deux quadrilatères accolés l’un à l’autre
par l’un de leurs plus grands côtés. Les pentagones sont égaux et semi-régu¬
liers; les quadrilatères ont tous même grandeur. Le polyèdre qui correspond
à cette combinaison est ï octaèdre non régulier qui résulte de la juxtaposition
de deux groupes égaux comprenant chacun,
1° Deux pentagones gauches égaux et semi-réguliers ;
2° Deux rectangles égaux accolés entre eux par l’un de leurs plus grands
côtés.
Les trois dernières valeurs se déduisent des suivantes :
On a d’abord pour la diagonale e', qui sous-tend les deux côtés b et c,
0' — 2 y/ j 0746847
Il vient ensuite en désignant par p, q , r les plus courtes distances respectivement comprises,
la première ( p ) entre le côté a et la droite b\ la seconde (<7) entre la droite b' et le sommet
opposé au côté a , la troisième (r) entre le côté a et ce même sommet,
p — 0,555297
q = 0,556444
r = 0,906650.
8 SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
On a, d’ailleurs, avec les mêmes notations que dans le cas du décaèdre:
a = 1,335687, 6 = 0,2561055, c = 0.975557, 6' = 1.4729616
h = 9,0686, X = 0,2152, ^0 = 0,5189, w=J7°41'l5".
On complète la définition de l’octaèdre en ajoutant que les côtés des rect¬
angles sont respectivement égaux, le plus grand au côté a, le plus petit au
côté c.
Cela posé, considérons tour à tour chacun des polyèdres précédemment
définis.
Soit n l’un quelconque de ces polyèdres. Ses arêtes étant supposées fixes
et invariables, nous les prenons pour bases d’une suite de triangles accolés
trois à trois autour d’un même rayon et ayant tous leurs sommets au centre de
figure. Les triangles ainsi déterminés constituent, dans leur ensemble, le
système de lames qu’il s’agit d’étudier et que nous appelons système primitif.
Par hypothèse, ces lames sont assujetties à conserver leurs attaches sur les
arêtes du polyèdre n et à se relier entre elles, soit directement, soit avec
interposition d’une ou de plusieurs lames additionnelles, mais, dans tous les
cas, toujours sans déchirure ni solution de continuité. Elles peuvent d'ailleurs
s’étendre ou se contracter librement. De là résulte, pour leur ensemble, une
infinité de déformations possibles. Tout se réduit à démontrer que, parmi
ces déformations, il en est une au moins pour laquelle la somme totale clés
aires présentées par les lames commence par décroître. Cette démonstration
exige d’assez longs développements. Quoi qu’il en soit, elle est possible et nous
la donnons pour tous les polyèdres, à l’exception d’un seul, le tétraèdre régu¬
lier. La conséquence est dès lors évidente. Elle implique le théorème général
dont voici l’énoncé (la désignation de sommets libres s’appliquant aux sommets
dont on dispose et qu’on peut déplacer comme 011 veut) :
Dans tout système de lames , l’aire totale ne peut être un minimum que si
les arêtes issues d’un même sommet libre sont au nombre de quatre et se
coupent deux à deux sous des angles égaux.
Rapprochons cet énoncé de celui qui concerne les lames issues d’une même
arête libre ou demi-libre. En les résumant tous deux, nous pouvons les for¬
muler comme il suit :
EN LAMES MINCES.
9
Dans tout système de lames, deux conditions sont nécessaires pour que la
somme totale des aires puisse être un minimum :
Il faut , -d’abord, que les lames aboutissant à une même arête libre ou demi-
libre soient au nombre de trois et se coupent deux à deux sous l’angle de 120";
Il faut, ensuite, que les arêtes issues d’un même sommet libre soient au nom¬
bre de quatre et se coupent deux à deux sous l’angle dont le cosinus a pour
valeur - i-, soit, approximativement, sous l’angle de 109° 28' 16".
On voit, d’ailleurs, aisément comment les lois qu’il s’agissait d’établir ne
sont qu’un cas particulier de ce dernier théorème.
Passons à la seconde partie du mémoire. Elle se subdivise en trois sections
et a principalement pour objet la vérification expérimentale des déductions
théoriques fournies par tout ce qui précède. Les polyèdres qu’on y désigne
sous le nom de polyèdres types sont les sept polyèdres déterminés ci-dessus ,
les seuls qui puissent donner un système primitif où les lames, concourant
toutes au centre de figure, soient au nombre de trois pour chaque arête issue
de ce centre et se coupent deux à deux sous l’angle de 120°. On passe de ces
polyèdres à leurs dérivés en changeant une ou plusieurs de leurs dimensions.
La première section traite des questions générales qui concernent à la fois
les polyèdres types et leurs dérivés. Nous y donnons quelques détails sur la
construction des carcasses polyédriques et sur leur mise en œuvre. Le reste
est, pour ainsi dire, entièrement nouveau. Nous faisons voir comment on peut
reconnaître à priori, pour chacun des polyèdres types ou de leurs dérivés,
l’une au moins des dispositions générales qui se réalisent dans l’état d’équi¬
libre stable des lames liquides intérieures. Réduit à son expression la plus
simple , voici en quoi consiste le procédé dont il s’agit :
Étant donné le polyèdre sur lequel on veut opérer , on choisit arbitraire¬
ment Vune de ses faces, et, par la pensée, on supprime non-seulement cette
face, mais aussi toutes celles qui lui sont contiguës, les faces, arêtes et som¬
mets NON CONTIGUS A LA FACE CHOISIE ÉTANT SEULS CONSERVÉS. Cela fait, OU UU
plus qu’à considérer les parties restantes. Elles déterminent, par leur nombre,
leur espèce et leur disposition , la disposition, l’espèce et le nombre des par¬
ties libres du système liquide correspondant.
Pour bien comprendre cet énoncé , il suffît de savoir qu’on entend par par¬
ties libres celles qui restent en dehors de toute arête solide ou qui ne s’y rat-
Tome XXXV. 2
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
10
lâchent pas directement. Tels sont les sommets libres déjà définis, les arêtes
comprises entre ces sommets, les lames que ces mêmes arêtes circonscrivent.
Le procédé qui vient d’être décrit va plus loin encore: il permet de déter¬
miner, par rapport à chacune des faces du polyèdre sur lequel on expéri¬
mente , le polyèdre laminaire dont cette même face peut être considérée
comme la base.
Soit, en effet, II le polyèdre donné; F la face à choisir pour satisfaire
aux conditions de la règle qui précède; F, l’une quelconque des faces con¬
tiguës à la face F; F2 l’une quelconque des faces restantes :
La face F se distingue des autres , en ce (pie le polyèdre laminaire, dont
elle est la base, a, pour faces opposées , le groupe entier de toutes les lames
libres. Ce polyèdre laminaire a, d’ailleurs, pour faces latérales une suite de
lames dont chacune est de même espèce que la face ¥{ du polyèdre n qui se
rattache à la face F par la même arête solide.
Tout polyèdre laminaire correspondant à une face F, se réduit à une suite
de lames qui se relient directement entre elles , sans interposition (l’aucune
lame libre, et qui partent respectivement des différents côtés de la face F,.
La lame issue de l’arête commune èi la base F, et ci la face F est de même
espèce que la face F,. Les deux lames, qui sont contiguës et la précédente et
qui la comprennent entre elles, sont triangulaires. Les lames restantes, s’il
y en a, sont quadrangulaires.
Tout polyèdre laminaire correspondant à une face F2 a, pour face opposée
à sa base, une lame de même espèce que cette base et semblablement placée ;
pour faces latérales, des lames qui sont toutes quadrangulaires et dont cha¬
cune relie l’arête solide dont elle part ci l’arête correspondante de la lame
libre opposée à la base F2. *
x\près l’exposé de ces lois si simples viennent quelques considérations
relatives au polyèdre laminaire qu’on peut former à l’intérieur du polyèdre n
en fermant la face F par une lame liquide additionnelle. Ce nouveau po¬
lyèdre, que nous désignons par la lettre n", se dispose comme le polyèdre ft
* On observera, pour les cas du tétraèdre, du prisme triangulaire, du cube et du prisme
pentagonal, que, en vertu de la première règle, les parties libres du système liquide correspon¬
dant se réduisent tantôt à un sommet, tantôt à une arête, tantôt à une lame. A cela près, rien
ne change dans l’application de la deuxième règle.
EN LAMES MINCES.
41
et n’en diffère, au point de vue de la forme, que par la courbure plus ou
moins prononcée de ses faces et de ses arêtes. On peut, d’ailleurs, augmenter
ou diminuer à volonté le volume du polyèdre n". Ces expériences ne sont
pas seulement très-curieuses , elles présentent ici des moyens précieux de
contrôle. Nous citerons, pour exemples, les cas particuliers du tétraèdre,
du cube et du dodécaèdre. Les polyèdres correspondants n" ont toutes leurs
faces de courbure sphérique et de même rayon pour chacun d’eux. Il s’en¬
suit que les arêtes liquides sont les unes à courbure circulaire, les autres
rectilignes. Ces conditions très-simples et très-remarquables se prêtent d’elles-
mêmes à de nombreuses vérifications.
La deuxième section contient pour chacun des polyèdres types le détail
des expériences faites sur ce polyèdre, et, s’il y a lieu, sur ses dérivés. Elle
présente partout la confirmation la plus satisfaisante des données théoriques
et renfermé un grand nombre de résultats nouveaux. Tout, d’ailleurs, y est
absolument neuf, en ce qui concerne les polyèdres types ayant respectivement
pour faces, l’un deux carrés et huit pentagones, l’autre quatre pentagones
et quatre rectangles. Cette dernière circonstance s’explique d’elle-même. Il
était naturel de prendre pour polyèdres d’épreuve les prismes droits à bases
triangulaires, carrées ou pentagonales, le tétraèdre et le dodécaèdre régu¬
liers, c’est-à-dire cinq des sept polyèdres qui satisfont ou peuvent satisfaire
aux conditions du problème posé et résolu dans la première partie. La forme
simple et régulière de ces polyèdres bien connus les désignait d’avance à
l’attention des physiciens. Il en est autrement des deux derniers polyèdres
types. Leur forme irrégulière et complexe ne permettait pas qu’on les dis¬
tinguât à priori de tous les polyèdres possibles, et ce sont exclusivement nos
déductions théoriques qui nous ont conduit à les découvrir. Ils complètent
la série des polyèdres qu’on devrait soumettre à l’expérimentation , dans un
cours où, après avoir établi la loi relative aux lames issues d’une même arête
liquide, ce qui ne présente aucune difficulté, on ne pourrait pas aborder la
démonstration très-longue et assez laborieuse de la loi qui limite à quatre le
nombre des arêtes issues d’un même sommet libre. La marche à suivre est
nettement indiquée pour ce cas. Partant de la première des deux lois que nous
venons de rappeler, on en déduirait la détermination directe de tous les sys¬
tèmes géométriquement possibles, et il suffirait, à cet égard, d’invoquer celui
12
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
de nos théorèmes qui réduit à sept le nombre de manières dont la surface sphé¬
rique peut se découper en polygones convexes ayant tous leurs angles égaux
entre eux et à 120°. Cela fait, on n’aurait plus qu’à prendre successivement
chacun des polyèdres types et à opérer de manière que les lames du système
liquide correspondant vinssent, pour un instant, concourir toutes ensemble au
centre de figure. On constaterait ainsi que, à l’exception du cas du tétraèdre, où
cette disposition des lames se produit d’elle-même et subsiste seule, elle est tou¬
jours instable et ne peut jamais se maintenir pour aucun des autres polyèdres.
Les règles établies dans la première section trouvent leur application dans
les expériences de la seconde. On peut ainsi déterminer à l’avance la forme des
systèmes liquides qui correspondent aux différents polyèdres, et, sans difficulté,
décrire chacun de ces systèmes dans tous ses détails principaux. Il n’est pas un
seul cas où les données fournies par ces règles ne rencontrent leur réalisation
complète, soit avec le polyèdre type que l’on considère, soit avec un de ses dé¬
rivés. Bien plus, telle est la portée de ces règles que, quoi qu’on fasse, elles sont
constamment satisfaites avec le tétraèdre, les trois prismes et le dodécaèdre.
Quant à l’octaèdre et au décaèdre non réguliers, les systèmes que ces règles don¬
nent ne sont pas les seuls qu’on obtienne avec chacun de ces deux polyèdres.
Les systèmes de lames qu’on peut réaliser avec un même polyèdre ad¬
mettent, en général, plusieurs formes ou dispositions différentes. Celle qu’ils
affectent spontanément dépend, en certains cas, de la position qu’on donne au
polyèdre en le retirant du liquide où on l’a plongé; elle dépend aussi quel¬
quefois, pour un même liquide, de la vitesse d’émersion, et, pour une même
vitesse d’émersion, de la viscosité du liquide. Une insufflation bien dirigée
sur certaines parties permet, d’ailleurs, d’opérer à son gré toutes sortes de
transformations, et de passer ainsi successivement par toutes les formes et
dispositions que comportent, pour un même polyèdre, les systèmes de lames
correspondants. Ce dernier procédé, plus simple et plus sùr qu’aucun autre,
nous a constamment réussi. Le parti qu’on en peut tirer est souvent très-
utile, comme on le voit par de nombreux exemples.
Nous avons dit tout à l’heure que les polyèdres types étaient les seuls né¬
cessaires à considérer, soit pour établir par le calcul, soit pour constater
expérimentalement les lois qui régissent la formation des systèmes liquides en
lames minces. Cela fait, on est maître de multipliera son gré les expériences,
EN LAMES MINCES.
13
en choisissant comme on veut les polyèdres que l’on croit les plus pro¬
pres à donner des résultats curieux. Le champ qui s’ouvre alors est illimité.
Nous nous sommes borné, dans la troisième section, à un seul exemple, celui
de l’octaèdre régulier. Il offre, pensons-nous, un intérêt tout exceptionnel.
Quelques détails permettront d’en juger.
Si l’on remarque d’abord que les arêtes solides issues de chacun des som¬
mets de l’octaèdre régulier ne sont plus au nombre de trois, comme dans les
polyèdres types, mais bien au nombre de quatre, on peut en inférer immé¬
diatement que, au lieu d’une seule arête liquide issue de chaque sommet solide,
on doit en avoir deux. Tel est aussi le résultat fourni par l’expérience. 11 s’en¬
suit que les choses se passent comme s’il y avait eu chaque sommet unique
de l’octaèdre deux sommets distincts, respectivement contigus à deux des
quatre arêtes solides correspondantes, et réunis l’un à l’autre par une arête
solide supplémentaire d’une extrême petitesse. Il s’ensuit, en même temps,
que l’octaèdre donné se trouve remplacé virtuellement par un octaèdre dont
les sommets sont au nombre de douze et dont toutes les faces n’ont plus trois
côtés seulement, mais bien de trois à six côtés.
Soit IT l’octaèdre donné et n, celui qui s’y substitue virtuellement d’après
les indications précédentes. Les arêtes solides supplémentaires, qui distinguent
l’octaèdre n, de l’octaèdre n, pouvant se disposer de plusieurs façons diffé¬
rentes, il est visible qu’à chacune de ces dispositions correspond pour n, une
détermination particulière. On conçoit, d’ailleurs, que si l’on forme, à l’inté¬
rieur de l’octaèdre n le polyèdre laminaire correspondant n", et qu’on fasse
abstraction dans celui-ci de la courbure de ses faces et de ses arêtes, on doit
y trouver une représentation naturelle de l’octaèdre n,. L’expérience s’ac-
cordeavec ces déductions, et fournit ainsi d’elle-même le moyen le plus simple
de se figurer l’octaèdre IT, dans chacune des déterminations qu’il comporte.
Parmi les octaèdres qui correspondent aux déterminations diverses et très-
nombreuses du polyèdre 11", il en est trois qu’il convient de signaler dès à
présent. On les distingue des autres en ce qu’ils ont chacun une face hexago¬
nale et qu’à cette face est opposée, pour le premier, une face de même espèce ;
pour le second, une face pentagonale ; pour le dernier, une face quadrangulaire
et trapézoïdale. Ce qui les caractérise plus particulièrement, c’est qu’en choi¬
sissant, pour la supprimer la première, cette même face hexagonale, ils
U
SUR LA STABILITE DES SYSTEMES LIQUIDES.
satisfont aux règles générales formulées dans la première section et rappelées
ci-dessus. De là résultent, en conséquence, trois des systèmes que les lames
fournies par l’octaèdre régulier permettent de réaliser à l’état d’équilibre
stable. Les parties libres de ces trois systèmes sont respectivement, poul¬
ie premier, une lame hexagonale; pour le second, une lame pentagonale et
une arête liquide; pour le troisième, deux arêtes liquides et une lame qua-
drangulaire de forme trapézoïdale.
Indépendamment des trois systèmes dont il vient d’être fait mention, il en
est deux autres qu’on peut aussi réaliser, soit directement, soit en partant
pour chacun de la détermination spéciale qui lui correspond dans le polyèdre
H". L’un de ces systèmes s’obtient toujours très-aisément et peut servir de
point de départ pour arriver successivement à tous les autres. Il a son ana¬
logue dans l’un de ceux qui correspondent à l’octaèdre type de la deuxième
section, les parties libres s’y réduisant à quatre arêtes liquides issues du cen¬
tre de figure. L’autre système, bien qu’il se produise quelquefois spontané¬
ment, exige, en général, plusieurs transformations préalables. Les parties
libres sont deux arêtes liquides et un quadrilatère. Comparées à celles qui
leur correspondent dans le dernier des trois systèmes précédemment décrits,
elles en diffèrent en ce que la lame trapézoïdale est remplacée par un losange
curviligne et que, au lieu de partir des extrémités d’un même côté du trapèze,
les arêtes libres extérieures partent de deux des sommets opposés du losange.
Lorsqu’on voit ce système , il semble , au premier abord , qu’il soit très-
compliqué. Il présente, en réalité, une symétrie remarquable, et telle est
cette symétrie que le losange comporte trois directions comme les faces, de
l’octaèdre, et qu’il suffît de l’action du souffle pour le faire passer successive¬
ment de l’une à chacune des deux autres.
Ce simple aperçu indique suffisamment que le polyèdre n" doit comporter
ici des dispositions très-variées. Les unes s’obtiennent directement, les autres
au moyen d’une ou plusieurs transformations successives. Elles sont, pour la
plupart, extrêmement curieuses. Nous citerons comme une des plus remar¬
quables celle où le polyèdre n" affecte la forme hexaédrique, ses faces rédui¬
tes au nombre de six étant toutes égales, de courbure sphérique et de même
rayon.
STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
EN LAMES MINCES.
NOTIONS PRÉLIMINAIRES.
1. On connaît les expériences si curieuses de M. Plateau * sur les lames
qui se développent à l’intérieur d’une carcasse en fil de fer, lorsque, après
avoir plongé cette carcasse dans de l’eau de savon, ou, mieux encore, dans
un liquide composé d’eau de savon et de glycérine, on l’en retire avec pré¬
caution. Les systèmes formés par ces lames présentent, en général, des
arêtes liquides et des sommets situés sur ces arêtes en leurs points de con¬
cours. Parmi les sommets ainsi déterminés, on doit distinguer ceux qui
restent en dehors de toute arête solide. La liberté qu’ils ont de céder en
tous sens aux actions qui les sollicitent leur assigne évidemment un rôle
considérable. Nous les désignerons sous le nom de sommets libres.
Plusieurs conditions sont nécessaires pour que les systèmes obtenus se
maintiennent et persistent dans la forme qu’ils affectent. C’est ainsi, par
exemple, que, dans le cas de trois lames aboutissant à une même arête liquide ,
et dans celui de quatre arêtes liquides concourant en un même sommet libre,
ces lames et ces arêtes doivent se couper entre elles sous des angles égaux.
* Recherches expérimentales et théoriques sur les figures d’équilibre d’une masse liquide
sans pesanteur, 5mc et 6“e séries. (Mémoires de l’Académie royale de Belgique, tome XXXIII,
année 1861.)
Ifi
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
L’expérience semble indiquer, d’ailleurs, qu’il n'y a point de persistance pos¬
sible, lorsque le nombre des lames partant d’une même arête liquide n'est
pas restreint à trois et que celui des arêtes liquides issues d’un même som¬
met libre n’est pas limité à quatre.
Le principe de l’égalité des angles dans chacun des deux cas mentionné*
ci-dessus ne se déduit pas seulement de l’observation. M. Plateau le démontre
en s’appuyant sur le théorème fondamental exposé par Laplace dans la théo¬
rie mathématique de la capillarité. Il fait remarquer, en outre, qu'on arri¬
verait à la même conclusion, si l’on considérait les lames liquides comme
des membranes tendues. Ce dernier résultat est en quelque sorte évident de
lui-même *. On n’en peut pas dire autant du fait observé quant au nombre
des lames qui aboutissent à une même arête liquide et à celui des arêtes
liquides qui concourent en un même sommet libre. Si ces nombres sont
limités respectivement, le premier à trois, le second à quatre, l’expérience
seule conduit à l’admettre. Rien n’indique à l’avance et l’on n’a pas établi qu'il
n’en saurait être autrement. Nous avons cherché et réussi, pensons-nous, à
combler ici cette lacune.
Le principe sur lequel nous nous appuyons est énoncé par M. Plateau,
dans l’aperçu suivant placé à la fin de son dernier mémoire sur les figures
d’équilibre d’une masse liquide sans pesanteur :
« Je reviendrai de nouveau sur les systèmes laminaires pour en envisager
» la théorie sous un point de vue plus général. En effet, ainsi que je l’ai
» déjà fait remarquer, les lames liquides qui les composent peuvent être
» assimilées à des membranes tendues, et dès lors, on le conçoit, chaque sys-
» tème se disposera de manière que la somme de toutes ses surfaces soit un
» minimum **. »
Ainsi posée, la question se réduit à l’équilibre de trois forces égales situées dans un même
plan. L’équilibre n’étant possible qu’autant que ces forces font entre elles des angles égaux, on
en déduit aisément que, dans le cas de quatre arêtes issues d'un même sommet libre, c’est aussi
sous des angles égaux que ces arêtes doivent se couper deux à deux.
*" Nous avons prié M. Plateau de vouloir bien nous donner quelques explications sur la portée
de ce passage. Voici la réponse qu’il nous a faite, en nous autorisant à la reproduire ici :
« En écrivant ces lignes, mon intention était simplement de donner, comme exemples, les
» systèmes du prisme triangulaire et de l’octaèdre régulier. J’aurais montré, parle calcul,
EN LAMES MINCES.
17
Admettons, comme on le sait d’ailleurs, que l’aire de chaque lame doive être
lin minimum. Il ne s’ensuit pas clairement- que la somme des aires présentées
par l’ensemble des lames soit assujettie à remplir cette même condition. Or,
c’est en cela que consiste le principe introduit par M. Plateau dans le passage
que nous venons de reproduire ; il convient donc qu’avant d’en déduire les
lois qu’il implique, nous le mettions hors de doute, soit par la considération
des membranes tendues, soit, préférablement , par la théorie de l’attraction
moléculaire.
L’assimilation des lames liquides à des membranes tendues semble se prê¬
ter mieux que la théorie de Laplace à démontrer tout d’abord le principe de
l’égalité des angles et celui du minimum des aires. Il suffît, en effet, que la
tension soit partout la même pour que ces deux principes en résultent immé¬
diatement, le premier, dans l’hypothèse des limitations numériques obser¬
vées, le second, d’une façon générale.
Dans cet ordre d’idées tout se réduit à faire voir que la tension des lames
est indépendante de leur courbure et demeure invariable, sinon d’une ma¬
nière absolue, au moins pour tout système de lames communiquant entre elles
librement. Lorsqu’il s’agit d’une seule et même lame, dont chacune des faces
est pressée uniformément, et qui présente, en chacun de ses points même
courbure moyenne *, il est visible que la tension doit être partout la même.
S’agil-il ensuite de plusieurs lames se reliant entre elles par des arêtes liqui¬
des? On conçoit que, avec la liberté de se répartir uniformément partout, les
molécules doivent se disposer comme dans le cas d’une lame unique. On
peut donc admettre que la tension ne varie pas sensiblement d’une lame à
une autre.
» qu'en les prenant tels qu’ils se produisent, ils satisfont à la loi du minimum des aires, en ce
» sens que la somme des surfaces augmente lorsque, toutes choses égales d’ailleurs, on fait varier
» exclusivement, pour le premier, la longueur de la droite qui unit les sommets des deux
» pyramides laminaires; pour le second , la longueur commune aux quatre arêtes issues du
» centre de figure. Néanmoins , tout en admettant qu’il y avait nécessairement dépendance entre
» les lois que j’avais observées et celle du minimum des aires, je n’apercevais aucun moyen
>< d’aborder par l’analyse, et dans toute sa généralité, le problème de cette dépendance. »
L’intervention de la pesanteur peut et doit modifier cet état de choses; elle n’altère pas
sensiblement les conditions générales du phénomène, lorsque l’étendue des lames et leur épais¬
seur ne dépassent pas certaines limites.
Tome XXXV.
3
18
SUR LA STABILITE DES SYSTEMES LIQUIDES
Si nous nous bornions à rappeler que, dans les phénomènes capillaires,
la théorie de Laplace implique, comme conséquence des changements de ni¬
veau, l’existence d’une tension en chacun des points superficiels des différents
ménisques, on objecterait peut-être que le droit d’assimiler les lames liquides
à des membranes tendues n’est pas suffisamment établi. Pour lever celle ob¬
jection, nous essayerons de montrer que, dans le cas d’une masse liquide sou¬
mise exclusivement à l’action de ses propres parties, les phénomènes connus
de l’attraction moléculaire sont nécessairement accompagnés d’une tension
superficielle.
Soit une masse liquide M soustraite à l’action de la gravité, libre d’ailleurs
et affectant, en conséquence, la forme sphérique. Si nous désignons parc le
rayon d’activité de l’attraction moléculaire et par R + c le rayon delà masse
M, on sait qu’en s’en tenant aux circonstances principales du phénomène, on
peut considérer cette masse comme composée de deux parties distinctes, dont
l’une sert d’enveloppe à l’autre et la presse uniformément. On sait, en outre,
que l’épaisseur e de l’enveloppe est négligeable par rapport à R et que la
pression exercée sur la partie enveloppée est représentée, pour l’unité de
surface, par le binôme
B
A -4- - 5
K
A et B étant des constantes qui dépendent de la nature du liquide considéré.
Imaginons qu’on coupe la sphère M par un plan diamétral P et qu’on
supprime l’un des deux hémisphères ainsi obtenus. L’équilibre préexistant
ne sera pas troublé, si l’on solidifie l’hémisphère conservé et qu’on applique
en chacun des points du plan P une force égale à la force élastique que l'hé¬
misphère supprimé exerçait normalement en ce point.
Distinguons dans la section P, d’une part, le cercle au rayon R, d’autre
part, le segment annulaire qui enveloppe ce cercle et s’étend au delà jusqu'à
la distance très-petite e. La force élastique développée, pour l’unité de sur¬
face, en chacun des points du cercle au rayon R a évidemment pour mesure
la pression transmise A + ^-diminuée de l’attraction moléculaire A exercée
par l’hémisphère supprimé sur l’hémisphère conservé. Il s’ensuit que la ré-
EN LAMES MINCES.
19
sultante des forces à appliquer sur la première partie de la section P est une
pression normale ayant pour mesure le produit
B
tt.R2. - = tt.R.B.
R
Mais, d’un autre côté, l’équilibre subsiste. Il faut donc que la résultante
des forces à appliquer sur le segment annulaire soit égale et contraire à la
précédente. Cela revient à dire qu'il y a tension superficielle, puisque autre¬
ment les forces élastiques correspondantes au segment annulaire n’agiraient
point en sens inverse des autres et ne pourraient pas les équilibrer. Soit 9 la
valeur moyenne de la tension dont il s’agit; la tension totale a pour expres¬
sion
2îrRe.0
et, comme elle doit être égale au produit tt.Pv.B, on en déduit
B
e = — = constante.
2e
Concluons que, pour un même liquide, la tension superficielle est indépen¬
dante du rayon R. Ce résultat s’étend de lui-même aux lames sphériques,
tant pour l’enveloppe intérieure que pour l’extérieure, et, quant à ces lames,
il est confirmé par les expériences de M. Plateau * **. Il s’étend aussi sans
difficulté à toute masse liquide limitée par des surfaces quelconques d’équi¬
libre, soit que ces surfaces aient partout une courbure moyenne différente de
zéro, soit que, comme dans le cas des systèmes liquides en lames minces ,
les unes remplissent cette condition et que les autres soient planes ou a
courbure moyenne nulle. On voit ainsi comment les déductions précédentes
peuvent se justifier et servir de base aux développements ultérieurs.
Yeut-on, pour plus de certitude, laisser à l’écart la considération des mem-
* Voir l’ouvrage déjà cité, 5me série, pages 26 et suivantes.
** C’est par des raccordements courbes que les lames liquides se rattachent entre elles et aux
arêtes solides. L’étendue de ces raccordements étant toujours excessivement petite, il s ensuit
que leur courbure moyenne doit être assez grande.
20
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
branes tendues et parvenir directement au principe du minimum des aires?
On peut observer d’abord qu’en restant au point de vue des attractions molé¬
culaires, comme le fait Laplace dans la Théorie de la capillarité, on doit
admettre qu’il existe une corrélation nécessaire entre les faits expérimentaux
rappelés ci-dessus et la condition générale consistant en ce que les surfaces
d’équilibre stable ont une étendue minimum pour un même volume enve¬
loppé. Partant de là, on peut en inférer, par voie d’analogie, que la loi géné¬
rale du phénomène se résout en ce que la somme des aires présentées par les
lames est assujettie à être un minimum. .Mais ce n’est encore là qu’une induc¬
tion qui ne saurait suffire. Il nous faut donc procéder avec plus de rigueur.
Reportons-nous à ce que nous avons dit plus haut d’une masse liquide 31
soustraite à l’action de la gravité et parvenue à l’état d’équilibre. Que cette
masse soit tout à fait libre, ou, comme dans les systèmes en lames minces,
qu’elle reste adhérente à des arêtes solides extérieures, peu importe : si l'on
s’en tient aux circonstances principales du phénomène et qu’on néglige les
détails secondaires, on peut toujours la considérer comme composée de deux
parties distinctes, dont l’une, sur une épaisseur constante et très-petite, sert
d’enveloppe à l’autre et la presse uniformément. On peut, de même, ne
tenir aucun compte de l’effet produit par la courbure de l’enveloppe, soit
pour augmenter, soit pour diminuer les pressions exercées et transmises. Ces
. prémisses impliquent évidemment les déductions suivantes :
1° L’écart moléculaire est constant dans la partie enveloppée;
2° L’écart moyen moléculaire est constant dans l’enveloppe et plus grand
que dans la partie enveloppée;
3° L’écart moyen général est d’autant plus petit que l’enveloppe présente
moins de surface pour une même masse M.
Ces déductions suffisent. En effet, puisque l’attraction moléculaire n'a
d’autre tendance et ne peut avoir d’autre effet que de réduire autant que
possible les écarts moléculaires, il devient manifeste que les surfaces d’équi¬
libre stable sont exclusivement celles qui, pour un même volume enveloppé,
ont une étendue minimum.
On observera qu’en procédant comme nous venons de le faire, on résout
la question pour tous les cas, y compris, bien entendu, celui des systèmes
EN LAMES MINCES.
21
liquides en lames minces. Si minces, en effet, que soient les lames d’un
système liquide, leur épaisseur excédant de beaucoup le rayon d’activité de
l’attraction moléculaire, il est visible que la conclusion précédente s’applique
en même temps à chacune de ces lames et à leur ensemble.
Le principe qu’il s’agissait d’établir se trouvant ainsi démontré, on constate
aisément que, abstraction faite de 1 attraction moléculaire, il subsistei ait de
même duus l hypothèse d’un liquide dont la surface agirait comme une mem¬
brane uniformément tendue. Mais, dans cette hypothèse, si l’on désigne par
p et p' les deux rayons de courbure principaux qui correspondent à un point
quelconque d’une même surface d’étiuilibre , il suffit des notions les plus
simples pour reconnaître que cette surface doit nécessairement satisfaire à
la condition générale
1 t
- 1 - = constante.
P p'
11 s’ensuit évidemment que cette même condition peut être considérée
comme une déduction immédiate du principe énoncé plus haut et qu’en con¬
séquence, tout ici se démontre avec rigueur et simplicité.
Cela posé, voici le double objet que nous nous proposons :
Nous voulons d’abord établir que la somme des surfaces appartenant à
un même système de lames ne peut être un minimum sans impliquer, comme
conséquence, les limitations numériques observées par M. Plateau.
Nous montrerons ensuite comment l’expérience s’accorde avec les déduc¬
tions théoriques et les confirme toutes.
PREMIÈRE PARTIE.
DÉDUCTIONS THÉORIQUES.
Fl9- '■ 2. Commençons par résoudre le problème suivant :
Soient A, B, C, D, etc., des points situés dans un même
plan P et donnés en nombre ainsi qu’en position.
Soient ni, n, o, etc., d’autres points pris dans le plan P
et choisis, comme on veut, quant à leur nombre et a
leur position.
Concevons que les points m, n, o, etc., soient reliés
entre eux et aux points A, B, C, D, etc., par des segments de droite. Con¬
cevons, en outre, que ces segments soient déterminés en nombre de telle
manière qu’il en parte un de chacun des points A, B, C, D, etc., et trois
au moins de chacun des points ni, n, o, etc.
Cela posé , on demande quelles sont les conditions à remplir pour que
la somme des segments ainsi déterminés soit un minimum.
Fig. 2. Prenons un quelconque des points m, n, o, etc., le point m,
m„ par exemple, et supposons que parmi les segments issus de ce
■a point, il y en ait deux dont l’angle soit inférieur à 120'.
Soient mp, mq ces deux segments; pmq l’angle qu’ils font
entre eux; me la bissectrice de cet angle; m' un point pris sur
V me et assez rapproché du point m pour que le plus grand des
P e deux angles pm'e, qm'e soit tout au plus égal à 60°.
EN LAMES MINCES.
25
Prolongeons la droite pm' d’une quantité m'm" égale à m'm, et du point
m abaissons sur m'm" la perpendiculaire ma.
Le triangle m'mm" étant isocèle et l’angle mm'm" ayant tout au plus
60° d’ouverture, on voit immédiatement que chacun des deux angles égaux
m'mm", m'm"m est tout au moins de 60°. Il s’ensuit que l’angle mm"m' est
égal ou supérieur à l’angle mm'm" et que si le point a ne tombe pas au
milieu du segment m'm", il est plus près du point m" que du point m’. On
peut écrire , en conséquence ,
> mm’
m’a - .
— 2
On a, d’ailleurs,
pm' -i- m’a < pm.
De là résulte évidemment
0)
mm'
pm’ h — — - — < pm.
On trouverait de même
mm'
(2) qm' + — — < qm,
et, ajoutant membre à membre les inégalités (1) et (2),
(3) pm’ -i- qm' -+- mm’ < pm h- qm.
i
L’inégalité (3) résout, ainsi qu’on va le voir, la question proposée.
Supposons qu’il y ait plus de trois segments aboutissant
en m, ou s’il y en a trois seulement , qu’ils fassent entre
o eux des angles inégaux. Il suit de là que, parmi ces seg¬
ments, il en est deux au moins qui se coupent sous un
angle inférieur à 120°. Soient mp, mq ces deux segments.
Le point m’ étant déterminé comme tout à l’heure, et aussi
Fig. 3.
Il
24
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
rapproché quon le veut du point m, on peut, sans rien changer au reste de la
figure, substituer aux deux segments pm, qm les trois segments pm', qm', mm'.
De là résulte une diminution de longueur dans la somme des segments à
considérer, et s’il ne reste en m que deux segments, représentés respective¬
ment l’un par rm, l’autre par m'm, on peut les remplacer par le segment
unique rm'. On voit ainsi quelles sont les conditions à remplir pour le mini¬
mum cherché. Elles s’énoncent comme il suit :
Il faut que les segments issus de chacun des points m, n, o, etc., soient
restreints au nombre de trois et qu’ils fassent entre eux des angles de 120°.
?). Le problème que nous nous étions d’abord proposé se trouvant ainsi
résolu, considérons un polyèdre quelconque n dont les arêtes soient solidi¬
fiées et subsistent seules. Par hypothèse, de chacune de ces arêtes part une
lame liquide dirigée vers l’intérieur du polyèdre, et les lames ainsi déter¬
minées se rattachent entre elles, soit directement, soit par l’intermédiaire
d une ou de plusieurs lames additionnelles entièrement dégagées de toute
arête solide. L’équilibre du système formé par toutes ces lames exige évi¬
demment qu elles se coupent au moins trois à trois suivant une même arête
liquide. Uela posé, pour que l’équilibre soit stable, il ne suffît pas que chaque
lame soit un minimum entre les limites qui la circonscrivent, il faut en outre,
avons-nous dit, que la somme totale de leurs aires soit elle-même un mini¬
mum. Partons de cette dernière condition qui comprend la première, et cher¬
chons les lois qui en résultent, en raisonnant d’abord comme si toutes les
Fig. 4.
lames à considérer étaient et restaient planes. Nous verrons ensuite comment
la solution obtenue s’étend d’elle-même au cas général d’un système où chaque
lame prise isolément n’est assujettie qu’à présenter en chacun de ses points
une même courbure moyenne.
Soit B une arête liquide projetée en m sur un plan P per¬
pendiculaire à cette arête. Soient en même temps mp, mq,
mr, etc., les intersections de ce plan avec les lames issues de
l’arête B. Prenons sur l’arête B deux points a, a' équidistants
du point m et joignons-les par des droites à chacun des points
Pf <1> r> elc-> ceux-ci pouvant, comme les points a, a', être aussi
rapprochés qu’on le veut du point m.
EN LAMES MINCES.
25
Fixons par la pensée chacun des segments ap, a'p ; aq, a*q; ar, a'r; efc.,
et, sans rien changer aux lames et parties de lames situées en dehors de ces
segments, modifions par un déplacement du point m dans le plan P la somme
des aires triangulaires amp, a’mp ; amq, a'mq ; amr, a'mr ; etc. S’agit-il en
particulier des deux triangles amp, a’mp? Quelle que soit la vitesse du
point m au sortir du lieu qu’il occupe, elle se décompose en deux autres,
l’une exprimée par la différentielle d(mp) et dirigée suivant mp , l’autre u
normale à la première et située dans le plan P. Si la composante u subsistait
seule, les triangles amp, a'mp devraient être considérés comme sortant des
lieux qu’ils occupent en tournant, le premier autour de la droite pa, le second
autour de la droite pa' . Ce n’est donc qu’en vertu de la composante d[mp)
que la surface de ces triangles augmente ou diminue à l’origine de leur dé¬
placement et de leur déformation simultanés. La vitesse moyenne de circu¬
lation qui résulte pour les droites am et a'm de la composante d(mp) est
évidemment 4* d(pip). On peut et l’on doit écrire, en conséquence,
d[amp -+- a'mp) — am. d(mp).
On trouverait de même
d[amq -+- amq) — am. d(mq)
et ainsi de suite pour chaque couple des triangles à considérer. De là
résulte, pour la différentielle de la somme des aires de tous ces triangles,
(4) d(amp -+- a'mp -+- amq -h a'mq -+- etc.) = am. d[mp -+- mq -4- etc.].
Nous savons déjà que la différentielle dipnp -j- mq -j- etc.) est nécessaire¬
ment négative toutes les fois que les segments issus du point m dans le plan P
ne sont pas restreints au nombre de trois, ou qu’étant restreints à ce nombre,
ils ne font pas entre eux des angles de 120°. L’équation (4-) prouve qu’il en
est de même de la différentielle d{amp + a’mp -f- amq -f- a'mq -]- etc.).
Nous pouvons donc poser immédiatement la déduction suivante :
Dans tout système de lames planes l’aire totale ne peut être un minimum
Tome XXXV. 4
26
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
que si les lames , aboutissant à une même arête liquide , se réduisent à trois
et font entre elles des angles égaux.
Cette déduction ne cesse pas de subsister lorsqu’on rapproche indéfini¬
ment du point m les points a, a1, p, q, r, etc. Cela revient à dire que,
pour l’étendre au cas des lames courbes, il suffit de prendre sur les inter¬
sections à considérer des arcs assez petits pour qu’on puisse y substituer
les tangentes ou les cordes correspondantes. Nous dirons donc plus géné¬
ralement :
Dans tout système de lames l’aire totale n’est un minimum et, par con¬
séquent, l’équilibre ne peut être stable que si les lames aboutissant à une même
arête liquide se réduisent à trois et se coupent deux à deux sous l’angle
de 120°.
k. Revenons au cas des lames planes et cherchons, d’après ce qui pré¬
cède, les lois relatives au nombre et à la disposition des arêtes qui concou¬
rent en un même sommet libre.
Soit O l’un quelconque de ces sommets. On sait que de chaque arête issue
de ce point partent trois lames se coupant deux à deux sous l’angle de 120°.
Cela suffit pour reconnaître immédiatement que les lames se disposent les
unes par rapport aux autres de manière à former autour du sommet O une
suite d’angles solides convexes, accolés deux à deux par une face commune
et trois à trois par une même arête. Les angles solides ainsi formés ont au
moins trois faces : ils peuvent en avoir quatre ou cinq, mais pas davantage.
En effet, A étant l’un de ces angles, si, d’un point pris à son intérieur, on
abaisse une perpendiculaire sur chacune de ses faces, ces perpendiculaires
déterminent un angle solide convexe A', ayant le même nombre de faces
que l’angle A et dont les angles plans sont chacun de 60°. Or dans tout
angle solide convexe la somme des angles plans est nécessairement inférieure
à 360°. L’angle A' ne peut donc avoir que cinq faces au plus, et, par con¬
séquent, tel est aussi le nombre maximum des faces que l’angle A peut pré¬
senter.
Prenons le sommet O pour centre d’une surface sphérique *, et considérons
* On ne perdra pas de vue qu’on dispose du rayon de cette surface et qu’on peut le prendre
aussi petit qu’on veut, sans modifier en rien les déductions ultérieures.
EIN LAMES MINCES.
27
les intersections faites dans celte surface par les lames issues du sommet O.
Ces intersections découpent la sphère en une suite de polygones convexes
dont les angles sont tous de 120°. Il résulte d’ailleurs, des détails précédents,
que chacun de ces polygones est nécessairement un triangle, un quadrilatère
ou un pentagone.
Désignons par z le nombre des triangles ainsi obtenus ; par y celui des
quadrilatères ; par x celui des pentagones.
On sait que tout polygone sphérique convexe a pour mesure de sa surface
la somme de ses angles diminuée d’autant de fois deux droits qu il a de côtés
moins deux. Il en résulte que, en représentant par l’unité la surface totale
de la sphère, celle du triangle trirectangle est donnée par la fraction i-et
fournit ainsi l’équivalent d’un droit. On déduit aisément de là que les sur¬
faces des polygones à considérer sont exprimées respectivement, par A poul¬
ie triangle, par A pour le quadrilatère, par '-£■ pour le pentagone. Mais d’un
autre côté la sphère est découpée par hypothèse, de manière à présenter
x pentagones, y quadrilatères et z triangles. On a donc évidemment
ou, ce qui revient au même,
(5) .x -4- 2 y -+- 3z = 12.
Les inconnues x, y , z n’admettant que des valeurs entières et positives,
l’équation (5) ne comporte, en conséquence, qu’un nombre limité de solu¬
tions. Elle permet ainsi de faire un premier pas vers le but proposé.
5. Les considérations précédentes ne fournissent pas seulement 1 équa¬
tion (5) du n° 4, elles permettent aussi de déterminer en fonction des quan¬
tités x, y el z le nombre des arêtes correspondantes.
Les lames issues du sommet O sont au nombre de trois pour chaque trian¬
gle, de quatre pour chaque quadrilatère, de cinq pour chaque pentagone.
Nous savons, d’ailleurs, que chaque lame détermine un côté commun à deux
de ces polygones. Il suit de là que le nombre total N des lames issues du
sommet O a pour expression générale :
28
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
N == i- [5 1 + + 3 z].
Soit n le nombre des arêtes fournies par les intersections de ces lames.
A chaque arête correspond trois lames et chaque lame comprend-à la fois
les deux arêtes qui la limitent latéralement. On voit par là que l’expression
précédente a pour équivalent le produit II s’ensuit, d’ailleurs, que le
nombre des arêtes liquides issues d’un même sommet libre est nécessaire¬
ment pair, et que l’on a généralement
-4- 4y -t- 5z == 3/i
ou, eu égard à l’équation (5) du n° 4-,
(6) n = 20 — 2?/ — 4 z.
6. Reportons-nous à l’équation (5) du n° 4. Les seules valeurs quelle
permette d’admettre pour z sont évidemment 0, 1, 2, 3, b. Résolvons, pour
chacune de ces valeurs, les équations (5) et (6). On a :
i° pour s
= 4,
+
te
II
O
n — 4 —
2 y,
2° pour z
= a,
x + ‘2y = 3,
n — 8 —
3° pour z
= 2,
x 2 y - - 6,
n — 12 —
4° pour z
= 1,
x -f- 2 y — 9,
n= 16—
2 y,
5° pour z
= 0,
x -t- 2 y = 12,
il
O
1
2 y>
et, dans tous les cas,
Le reste s’achève sans difficulté et conduit aux résultats consignés dans
le tableau suivant.
EN LAMES MINCES.
29
TABLEAU GÉNÉRAL
DE TOUTES LES COMBINAISONS FOURNIES PAR LÉQUATION 5.
U
es
s
"a
c n
NOMBRES
des polygones, sphériques entrant
dans chaque combinaison.
NOMBRES
des arêtes et lames liquides
correspondantes.
POLYÈDRES CORRESPONDANTS.
Ces polyèdres sont déterminés par la con¬
dition d’avoir pour arêtes les cordes des
arcs suivant lesquels les lames liquides
viennent couper la sphère.
CS
•a
3
Z
TRIANGLES.
QUADRILA¬
TÈRES.
PEN¬
TAGONES.
ARÊTES.
LAMES.
1
4
0
0
4
6
Tétraèdre régulier.
2
5
0
3
8
12
5
5
1
i
6
9
% ■
i 4
2
0
6
12
18
i S
2
1
4
10
13
6
2
2
2
8
12
7
2
5
0
6
9
Prisme droit à base triangulaire.
8
i
0
9
16
24
9
i
1
7
14
21
10
i
2
3
12
18
11
i
3
5
10
13
12
i
4
i
8
12
15
0
0
12
20
50
Dodécaèdre régulier.
14
0
1
10
18
27
13
0
2
8
16
24
Polyèdre irrégulier (2 faces planes ,
8 gauches ).
16
0
3
6
14
21
17
0
4
4
12
18
Polyèdre irrégulier (4 faces planes,
4 gauches. )
18
0
3
2
10
13
Prisme droit à base pentagonale.
19
0
6
0
8
12
Cube ou hexaèdre régulier.
Les combinaisons qui figurent dans ce tableau sont les seules à considé¬
rer, puisque seules elles satisfont à l’équation 5. On conçoit d’ailleurs que,
bien qu’elles satisfassent à cette équation, il ne s’ensuit pas qu’elles soient
50
SUR LA STABILITE DES SYSTEMES LIQUIDES
toutes possibles *. En fait, il en est sept seulement qui puissent se réaliser
d’après les conditions du n° L ce sont celles que nous avons distinguées
des autres, en désignant pour elles les polyèdres qui leur correspondent.
Elles portent les numéros d’ordre 1, 7, 13, 15, 17, 18, et 19. -
7. Nous venons de dire que les combinaisons 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10,
11, 12, 14 et 16 étaient toutes impossibles. Celle assertion doit être justi¬
fiée. xAvant de le faire, commençons par établir les théorèmes sur lesquels
nous nous appuyerons.
Pour éviter, dans ce qui suit, des répétitions inutiles, il sera entendu que
la lettre T désigne exclusivement le triangle équilatéral dont les angles sont
de 120°. Quant aux quadrilatères et aux pentagones dont les angles ont
tous cette même valeur, nous affecterons la lettre Q aux premiers, la lettre P
aux seconds. Lors donc que nous désignerons par Q ou par P un polygone
sphérique, nous exprimerons par là qu’il s’agit d’un quadrilatère ou d’un
pentagone dont les angles sont tous de 1 20°.
Soit d’abord ABC le triangle T. Sa surface est expri¬
mée par la fraction ~ ; et si , d’un côté , les arcs bis¬
secteurs DA, DB, DC, le découpent en trois triangles
égaux DAB, DBC, DCA, de l’autre les prolongements
de ces mômes arcs déterminent trois autres triangles
égaux entre eux, et comprenant ensemble le reste de
la surface sphérique. De là découlent immédiatement
les déductions suivantes :
1° La surface du triangle BCD est exprimée par la fraction Elle équi¬
vaut, en conséquence, à celle de chacun des pentagones P;
2° Les triangles formés par les prolongements des arcs bissecteurs Cx\,
CB, CD, sont tous égaux au triangle T;
3° Les arcs CB, CD, sont supplémentaires, et, comme le premier l’emporte
sur le second , on a nécessairement :
L équation (S) comprend les solutions cherchées. Elle comprend, en outre, des solutions
étrangères. Il est clair, en effet, qu’elle ne cesse pas de subsister, lorsque, sans changer leur
somme, on attribue des valeurs inégales aux angles des divers polygones à considérer, et qu'on
maintient d’ailleurs les autres conditions.
Fig. S.
A
EN LAMES MINCES.
51
CD < — .
^ g
Donnons-nous un pentagone P, représenté par A'B'BCC', et supposons
que le côté BC de ce pentagone soit égal à celui du triangle T . Si l’on con¬
sidère isolément les arcs CD, C'A', assujettis tous deux à couper sous un
même angle aigu de 60° l’arc CC'A, et qu’on les prolonge de gauche à droite
jusqu’à leur rencontre, il est aisé de voir que l’arc C'A' ne peut couper l’arc CD
qu’à une distance du point C supérieure à Or l’arc CD est inférieur à cette
même limite : il est donc enveloppé par l’arc C'A'. On verrait de la même
manière que l’arc BD est enveloppé par l’arc B'A'. Il suit de là que le triangle
BCD est compris tout entier dans le pentagone A'B'BCC', ce qui est contra¬
dictoire, puisque, par hypothèse, ce triangle et ce pentagone doivent avoir
i
même surface.
De là résulte un premier théorème énoncé comme il suit :
Théorème Ier. Il n’est aucun pentagone P ayant un côté égal à celui du
triangle T.
Soit maintenant abb'a1 un quelconque des quadrilatères Q. On voit aisé¬
ment que dans ce quadrilatère les côtés opposés sont égaux, et que 1 arc a1 b
le coupe par moitié. On sait, d’ailleurs, que sa surface est exprimée par la
fraction — . II suit de là que la surface du triangle aba' est exprimée par la
fraction ~ et qu’elle équivaut, en conséquence, à celle des pentagones P.
Prenons un pentagone P représenté par abmna' et
supposons que les côtés ab, aa1 de ce pentagone ap¬
partiennent en même temps à l’un des quadrilatères Q.
S’il en est ainsi, les aires aba' , abmna' sont équiva¬
lentes , et il faut nécessairement que l’arc mn coupe
l’arc a' b en deux points compris l’un et l’autre entre les extrémités b et a1.
Mais, dans cette hypothèse, l’arc a' b serait plus grand que n, et la somme
des côtés du quadrilatère abb'a' l’emporterait sur une circonférence de grand
cercle. Cette conséquence étant absurde, on a cet autre théorème :
Théorème IL II n’est aucun pentagone P qui ait pour côtés adjacents les
deux côtés d’un même quadrilatère Q.
Fig. 6.
C<
7\
\/
32
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
8. Sans rien changer à la dernière figure, prolongeons jusqu’à leur
rencontre en c les arcs ab, a' b', et désignons par A l’angle cica' . La formule
connue
(7) cos A = — cos B cos C -+- sin B sin C. cos a
s’applique au triangle aca', en posant
1 1/T"
cos B = cos C = - -, sin B = sin C = -
2 2
et remplaçant « par cia' . On trouve ainsi
4 5
(8) cos A = — — h - cos aa ,
4 4
et l’on voit aisément que l’équation (8) fixe à 60° la limite inférieure de
l’angle A.
Suppose-t-on que l’angle A soit de 120° P L’arc aa' devient le côté du
triangle T et l’on déduit de l’équation (8)
1
(9) cos au = — — •
5
Imaginons que l’on ait en abmna' un pentagone P, construit sur un côté
donné aa' . Pour qu’il en soit ainsi, il faut que l’arc aa' reste inférieur au
côté du triangle T. Eu égard aux équations (8) et (9) , cette condition fixe
à 120° la limite supérieure de l’angle A.
Le côté aa' étant donné, par hypothèse, il en est de même des côtés ac,
a'c et de l’angle A. Désignons par « l’angle bb'a' et par x le côté ab.
La formule (7) s’applique au triangle bcb' en posant B = n — «, C = 60°,
et remplaçant « par bb'. On trouve ainsi,
cos co 1/ 5 . •
cos A - - 1 - sin a. cos bb .
2 2
et, par suite,
EN LAMES MINCES.
53
, 2 cos A — cos u
(10) cos oo = - — -
1/ 5 . sin a.
Si, toutes choses égales d’ailleurs, on permute entre eux les angles A et
7t — ûo, le côté bc = ac — a? se substitue au côté bb', et l’on a
(il)
cos A
cos (k — u) = — - -
' ' 2
1/5 . .
- — — sin A cos
2
(ac — x).
Différenciées par rapport aux variables w etx, les équations (10) et (11)
donnent respectivement, la première
(12)
la seconde
d(bb') — —
1 — 2 cos A cos a
]/ Z . sin 2 « sin bb'
du,
(15)
J/ 5 sin A sin (ac — x)
du = - - ; - dx ,
2 sin u
l'angle A restant compris entre 60° et 120°, ce qui revient à dire que le
produit 2 cos A reste compris entre -j- 1 et — 1 *.
Les équations (12) et (13) montrent, celle-ci que l'angle « croit avec x,
celle-là que l’arc bb’ diminue en même temps que l’angle « augmente. Con¬
cluons que l’arc bb' devient de plus en plus petit à mesure que l’arc ah est pris
de plus en plus grand.
II est visible, d’un autre côté, que l’arc b'm croît avec
l’angle w et, par conséquent, avec l’arc cib. Soit, en effet, mW
l’arc de grand cercle ayant son pôle en b'. Lorsque l’angle <u
croît (les angles b'mn et b'mn conservant chacun la valeur
de 60°) la surface du triangle b'mn augmente de la même
quantité que celle du triangle birectangle b’m'n'. I! faut
donc nécessairement que l’arc b'm croisse en même temps
que l’angle a.
* Si l’on voulait déterminer a priori les limites entre lesquelles l’angle a peut varier, on re¬
connaîtrait aisément que l’une est zéro, l’autre 120°. *
Tome XXXV. 5
Fig. 7.
b
34
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
Nous venons d’établir, pour le cas où l’arc ab change en croissant, qu il
y a, en même temps, diminution de l’arc bb1 et augmentation de l’arc b'm.
Il en résulte évidemment et a fortiori que l’arc ab ne peut augmenter sans
que l’arc bm ne diminue. De là résulte, en conséquence, le théorème suivant :
Théorème III. Étant donnés deux pentagones P ayant un côté commun a
et dont les côtés suivants sont , pour l’un h, c, etc., pour l’autre 1T, c', etc.,
le côté h ne peut être supérieur au côté b' sans que le côté c ne soit inférieur
au côté c' et réciproquement.
9. Les théorèmes I, II, III des numéros 7 et 8 suffisent, ainsi qu'on va
le voir, à l’objet que nous avons actuellement en vue.
Considérons en premier lieu les combinaisons 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10,
41, 12. Chacune de ces combinaisons comprend, au moins, un triangle T
et un pentagone P, c’est-à-dire deux figures qui, d’après le théorème Ier du
n° 7, n’admettent pas de côté commun, et qqi , par conséquent, ne peuvent
point se juxtaposer. Comment passer de ce triangle à ce pentagone? comment
combler, dans tous les sens, l’intervalle qui les sépare nécessairement? Il
faudrait pour cela des polygones qui s’accoleraient entre eux et au triangle T,
de manière à former un ensemble dont le contour extérieur n’aurait aucun
côté qui demeurât égal à celui de ce même triangle. On voit aisément que
les polygones dont on dispose ne permettent en aucun cas de satisfaire à cette
condition. Nous pouvons donc poser dès à présent la conclusion suivante :
Les combinaisons 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, il, 12 sont toutes impossibles.
Considérons, en second lieu et successivement, chacune des deux com¬
binaisons 14 et 16.
La combinaison 14 comprend un quadrilatère Q et dix pentagones P.
Elle exige qu’on accole quatre pentagones P au quadrilatère Q et qu’entre
ces pentagones on en place quatre autres. Le vide restant est un quadrila¬
tère Q qu’il faudrait découper en deux pentagones P, ce qui est évidemment
impossible.
La combinaison 16 comprend trois quadrilatères Q et six pentagones P.
Imaginons d’abord que l’un des quadrilatères Q puisse être isolé des deux
autres, et représentons par abce ce quadrilatère, par aa'mb'b, bb'nc'c, cc'oe'e,
ee'ra'a les quatre pentagones qui lui sont juxtaposés. Il est aisé de voir que
EN LAMES MINCES.
35
le quadrilatère abce doit être régulier. Admettons, en effet, qu’il ne le soit
pas et que l’on ait , en conséquence ,
[ab — ce] < [ae = 6c].
Les pentagones aa're'e, aa'mb'b ont un
côté commun aa' , et dans l’un le côté ad¬
jacent ab est plus petit que n’est dans
l’autre le côté adjacent ae. Il s’ensuit,
conformément au théorème III du n° 8,
que l’on doit avoir
(14) 66' > ee'.
La comparaison des deux pentagones
cc'oe'e, cc'nb'b conduirait de la même
manière à la relation
(lo) . ee' > 66'.
L’incompatibilité qui subsiste entre les inégalités (1-4) et (15) implique la
déduction suivante :
Théorème IV. Lorsque quatre pentagones P sont accolés à un même qua¬
drilatère Q , le quadrilatère est régulier , les pentagones sont égaux et semi-
réguliers *.
Le quadrilatère abce étant régulier, les pentagones qui lui sont juxtaposés
laissent en dehors de l’étendue qu’ils occupent quatre angles ma'r, nb'm ,
oc'n, re'o, dont deux sont à remplir par les quadrilatères restants. Mais ces
pentagones sont semi-réguliers et leurs côtés libres a'm, mb' , b'n, etc., ont
tous même longueur. Il s’ensuivrait donc, contrairement au théorème II
* Les pentagones P se subdivisent en trois classes distinctes : la première n’en admet qu un
seul, le pentagone régulier; la seconde comprend les pentagones qui ont deux côtés égaux; la
troisième ceux dont les côtés sont tous différents. C’est aux pentagones de la deuxième classe que
s'applique la désignation de semi-réguliers. Il est aisé de voir que, dans chacun de ces pentagones,
l’égalité de deux côtés quelconques implique celle de deux autres côtés adjacents aux premiers.
Fig. S.
o
56
SUR LA STABILITE DES SYSTEMES LIQUIDES
du n° 7 (page 31), qu’il existerait un pentagone P admettant pour côtés ad¬
jacents les deux côtés d’un même quadrilatère Q. Concluons qu 'aucun des trois
quadrilatères de la combinaison 16 ne peut être isolé des deux autres. Ces
mêmes quadrilatères peuvent-ils se juxtaposer tous trois autour d’un sommet
commun ou se placer bout à bout, les uns après les autres? Telles sont évi¬
demment les seules dispositions qu’il nous reste à examiner.
Supposons que les quadrilatères Q soient juxtaposés tous trois autour d'un
sommet commun. Chacun d’eux a pour côtés adjacents à ce sommet des côtés
qui, dans les deux autres, sont adjacents à leur côté commun, et qui, par
conséquent, sont égaux entre eux *. Il s’ensuit que ces quadrilatères sont
réguliers, et, comme tout à l’heure, que les pentagones restants ne peuvent
pas se juxtaposer à leur contour extérieur.
Supposons, pour dernière hypothèse, que les trois quadrilatères Q soient
placés bout à bout, les uns après les autres. Si le dernier se rattache au
premier, sans vide intermédiaire y ils laissent en dehors de l’espace qu’ils
occupent deux triangles T qu’il faudrait découper chacun en trois penta¬
gones P, ce qui est évidemment impossible. Si le premier ne se rattache point
au dernier, le vide à remplir exige qu’on accole aux trois quadrilatères jux¬
taposés quatre pentagones P, dont deux réguliers et deux semi-réguliers. On
voit d’ailleurs aisément que ces deux derniers pentagones devraient avoir
pour côtés adjacents les deux côtés d’un même quadrilatère Q. De là résulte,
comme tout à l’heure, une impossibilité absolue.
Les détails qui précèdent impliquent évidemment la conclusion suivante :
Les combinaisons 1 i et 1 6 sont l’une et l’autre impossibles.
10. Nous venons de voir que les dix-neuf solutions fournies par l’équa¬
tion (5) du n° l (page 29), ne donnent tout au plus que sept combinaisons
possibles, celles qui portent les numéros d’ordre 1, 7, 13, 15, 17, 18 et 19.
Restons d’abord au point de vue purement géométrique, et proposons-nous de
déterminer, pour chacune de ces combinaisons, comment elle est réalisable.
Nous chercherons ensuite, parmi les systèmes liquides correspondants, ceux
qu’il faut exclure comme instables, la somme des aires présentées par les
lames dont ils se composent n’étant pas un minimum.
* Deux quadrilatères Q sont égaux lorsqu’ils ont un côté égal.
EN LAMES MINCES.
37
Soit, en premier lieu, la combinaison 1. Elle comprend quatre Iriangles T.
J1 suffit, en conséquence, de se reporter aux premiers paragraphes du n 7
pour reconnaître comment elle se réalise, et donne pour polyèdre correspon¬
dant le tétraèdre régulier.
Soit, en second lieu, la combinaison 7. Elle admet deux triangles T et
trois quadrilatères Q. On voit aisément que les deux triangles ne peuvent pas
être juxtaposés. Il faut donc accoler à l’un deux les trois quadrilatères. Le
vide restant se remplit par le second triangle, et Ton a pour polyèdre corres¬
pondant un prisme droit à base triangulaire.
Soit, en troisième lieu, la combinaison 13. Elle est formée de douze pen¬
tagones P. En supposant que ces pentagones soient tous réguliers, il est visible
qu’ils satisfont aux conditions voulues et donnent pour polyèdre correspon¬
dant le dodécaèdre régulier. Ce système est d’ailleurs le seul que comporte
la combinaison 13, vu qu’aucun des pentagones ne peut être irrégulier ou
semi-régulier *.
* Imaginons qu’on ait à construire un pentagone P irrégulier ou semi-régulier. Si 1 on se
donne, dans le premier cas, deux côtés adjacents, dans le second, un côté quelconque com¬
plètement défini par rapport aux autres, il ne reste plus rien d’arbitraire et le pentagone à
construire n’admet qu'une seule détermination.
Soit P0 l’un des douze pentagones à considérer. Supposons d’abord qu il soit irrégulier et
désignons par Pt, P2, P3, P4, P 5 les pentagones qui lui sont accolés. La détermination des pen¬
tagones P0, Pt impliquant celle du pentagone P2; la détermination des pentagones P0, P* celle
du pentagone P3 et ainsi de suite, de proche en proche, on voit que le pentagone P5 est detei-
miné par les pentagones P0, P4 et qu’il doit satisfaire en outre a la condition de s accoler au
pentagone P5. Il suit de là que, s’il est possible d’accoler à un pentagone quelconque irrégulier
P0 cinq pentagones P„ P.2, P3, P*, P5, on ne le peut que d’une seule manière. Le groupe formé par
ces six pentagones laisse en dehors de l’espace qu’il occupe sur la sphère cinq angles a remplir
par un même nombre de pentagones P, chacun de ceux-ci étant complètement déterminé par
les deux côtés de l’angle qui lui correspond. Mais, d’un autre cote, ces memes pentagones
doivent s’accoler entre eux. De là résultent, en conséquence, cinq conditions nouvelles. Or la
seule chose dont on dispose est le pentagone P0, et deux conditions suffisent a sa détermination.
Il y a donc trois conditions de trop et, par suite, impossibilité.
Supposons maintenant que le pentagone P0 soit semi-régulier. Si 1 on y désigne par a le côte
qui n’a pas d’homologue; par m,m' les côtés adjacents au cote a ; par n, n les deux derniers
côtés; par Pa, Pro, Pm-, P„, P„- les cinq pentagones accolés au pentagone Pu, le premier suivant
le côté a, le second suivant le côté tn , et, ainsi de suite, pour les autres, il est aisé de voir
comment on est conduit successivement aux déductions suivantes :
1° L’égalité des côtés adjacents «, n' implique celle des pentagones P„, P„>;
58
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
Fig. 9. Soit, en quatrième lieu, la combinai¬
son 15. Composée de deux quadrilatères
Q et de huit pentagones P, elle est impos¬
sible par juxtaposition des deux quadrila¬
tères. Soient, en effet, bd le côté supposé
commun aux deux quadrilatères Q et ab,bc
les côtés adjacents de part et d'autre à ce
côté commun. L’égalité qui subsiste néces¬
sairement, d’une part entre les côtés ba, bc,
d’autre part entre les arcs am, en, eq, im¬
plique celle des pentagones accolés abenm,
cnpqe *. On a donc aussi mn = ce, np = cb, ce qui revient à dire que les
arcs mn, np sont les deux côtés d’un même quadrilatère Q. Il suit de là,
conformément au théorème II du n° 7 (page 31), que les arcs mn, np ne
peuvent entrer comme côtés adjacents dans un même pentagone P, et qu’en
conséquence les pentagones restants ne permettent pas de combler avec eux
les vides à remplir.
2° L’égalité qui subsiste, d’une part entre les pentagones P„, P„,, d'autre part entre les
côtés m , m', implique l’égalité des pentagones Pm, Pm, et, par suite, la semi-régularité du pen¬
tagone P„;
5° La semi-régularité des pentagones P„ et P„ implique leur égalité;
4° L’égalité des pentagones P0 et Pa détermine le second, et celui-ci, chacun des quatre autres,
en fonction du premier.
Concluons que tout est déterminé dans le groupe des six pentagones P0, Pa, Pm, Pm>, Pn, P„.,
lorsqu’on se donne le côté a du pentagone P0.
Cela posé, considérons les pentagones Pr, Ps, P„, qui doivent s’intercaler respectivement, le
premier entre les pentagones P„, P,„, le second entre les pentagones Pm, P„, le dernier entre les
pentagones P, ,, P,,.. On voit aisément qu’ils sont déterminés tous trois par les dispositions pré¬
cédentes, et que, néanmoins, le pentagone Ps doit être tel qu’il s'accole à la fois à chacun des
deux pentagones P,, et P„. De là résultent deux conditions auxquelles il faut nécessairement
' satisfaire. Or on ne dispose que d’une seule chose, le côté a du pentagone P„. Ici donc encore
l’impossibilité subsiste.
L’égalité des arcs ba, bc est évidente. Elle implique la semi-régularité du pentagone abenm
et , par conséquent, l’égalité des côtés am, en. On a , d’ailleurs, à raison de la symétrie, eq — en.
Il s’ensuit que le pentagone cnpqe est semi-régulier comme le pentagone abenm, et qu'en
conséquence, ils sont tous deux égaux, puisqu’ils ont en commun un même côté en semblable¬
ment placé.
EN LAMES MINCES.
59
Les quadrilatères Q étant isolés l’un de l’autre, à chacun d’eux se juxta¬
posent quatre pentagones P. La conclusion se déduit immédiatement du théo¬
rème IV du n° 9 (page 35) : les quadrilatères sont réguliers, les pentagones
sont égaux et semi-réguliers, il s’ensuit que la combinaison 15 donne pour
système correspondant un polyèdre à dix faces, dont deux pleines et ccu tees,
huit gauches, pentagonales et semi-régulières . On voit d’ailleurs que les faces
de même nature sont toutes égales entre elles.
Soit, en cinquième lieu, la combinaison 17. Elle comprend quatre qua¬
drilatères Q et quatre pentagones P. Les dispositions que les quadrilatères
peuvent présenter sont au nombre de quatre, savoir :
1° Un quadrilatère isolé des trois autres;
2° Trois quadrilatères accolés autour d’un sommet commun;
3° Quatre quadrilatères posés bout à bout, les uns après les autres;
4,° Deux groupes séparés l’un de l’autre et comprenant chacun deux qua¬
drilatères accolés.
Parmi ces dispositions, les trois premières ont leurs correspondantes dans
la combinaison 16. L’impossibilité, déjà démontrée pour les unes au n° 9
(page 34), s’établit de la même manière .pour les autres. Il ne reste donc
que la quatrième disposition, et celle-ci peut se réaliser dans les conditions
mêmes où la juxtaposition de deux quadrilatères est démontrée impossible
pour le cas de la combinaison 15. Le système correspondant est un polyèdre
irrégulier à huit faces dont quatre planes , égales et rectangulaires, quatre
gauches, égales, pentagonales
Fig. 10.
semi-regulieres.
Soit, en sixième lieu, la combinai¬
son 18. Formée de cinq quadrilatères
Q et de deux pentagones P, elle est
impossible par juxtaposition des deux
pentagones. Soient, en effet, abede,
ab'c'd'e deux pentagones P accolés
suivant l’arc ea. Les quadrilatères qui
se juxtaposent aux côtés libres ab, bc,
cd, etc., ont deux à deux un côté com¬
mun , celui par lequel ils s’accolent
40
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
enlre eux. De là résulte l’égalité des côtés ab, bc , cd, etc., et, par suite,
l’impossibilité absolue de la disposition considérée. En effet, du moment
qu’un pentagone P a trois côtés égaux, il est nécessairement équilatéral et
complètement déterminé. On aurait donc ab' =ab = bc et il s’ensuivrait, con¬
trairement au théorème II du n° 7 (page 34) , qne le pentagone abcde admet¬
trait pour côtés adjacents les deux côtés d’un même quadrilatère Q. Concluons
que les deux pentagones sont isolés l’un de l’autre, et qu’en conséquence
on a pour polyèdre correspondant à la combinaison 18, un prisme droit à
base pentagonale. Il est visible, d’ailleurs, que cette base est nécessairement
régulière.
Soit, en septième et dernier lieu, la combinaison 19. Elle n’admet que
des quadrilatères Q et ils sont au nombre de six. De là résultent évidemment
les déductions suivantes : Les quadrilatères sont tous égaux et réguliers. Ils
donnent le cube pour polyèdre correspondant.
11. Nous venons de voir comment les diverses combinaisons, reconnues
seules possibles, ne comportent, en définitive, que sept polyèdres suscep¬
tibles de réalisation au point de vue géométrique. Il nous reste à exclure
ceux de ces polyèdres pour lesquels les systèmes formés par les lames liquides
correspondantes ne satisfont point aux conditions de stabilité. Ces derniers
sont au nombre de six, savoir :
1° Le prisme droit à base triangulaire, fourni par la combinaison 7;
2° Le cube ou hexaèdre régulier, fourni par la combinaison 19;
3° Le prisme droit à base pentagonale, fourni par la combinaison 18;
4° Le dodécaèdre régulier, fourni par la combinaison 13;
5° Le polyèdre irrégulier à dix faces, fourni par la combinaison 15;
6° Le polyèdre irrégulier à huit faces, fourni par la combinaison 17.
Les détails dans lesquels nous devons entrer pour démontrer l’instabilité
de ces différents systèmes exigent quelques développements. Commençons
par établir les formules générales dont nous aurons besoin, suivant les dif¬
férents cas, les figures à considérer n’étant autres que les polygones désignés
ci-dessus par les lettres T, Q, P, ou, mieux encore, ceux qui s’en déduisent
en substituant aux arcs de grands cercles , qui constituent les côtés de ces
polygones, leurs cordes respectives.
EN LAMES MINCES.
41
On sait qu’en désignant par A, B, C, les angles d’un triangle sphérique
et par «, §, y, les côtés opposés à ces angles, on a généralement les relations
suivantes :
1° Entre lin côté et les trois angles,
(16) cos A = — cos B cos. C -+- sin B. sin C. cos <*.
2° Entre un angle et les trois côtés,
(17) cos a = cos 6. cos y -+- sin 6. sin y. cos A.
3° Entre deux côtés, l’angle qu’ils comprennent, et l’un des deux autres
angles,
(18) cot y. sin g = cot. C sin A -+- cos g cos A.
4° Entre les angles et les côtés opposés ,
(19)
sin. A sin B sin C
sin a. sin g sin y
Si, d’ailleurs, on désigne par a, b, c , les cordes des arcs «, 6, y, il est
visible qu’on peut écrire immédiatement
(20)
a ê .y
« = 2 sin — , 6 = 2 sin — , c == 2 sin — •
2 2 2
Cela posé, occupons-nous successivement du triangle T, des quadrila¬
tères Q et des pentagones P.
Tome XXXV.
6
42
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
CALCUL DU TRIANGLE T.
Fig. 11.
A
12. Considérons le triangle T et représentons-le
par ABC. Chacun des angles A, B, C, étant de 120,
on a
cos A = cos B = cos C - - sin A == sin B = sin C = -
2 ’ 2
Appliquée à ce cas, la formule (16) du n° 11
donne, pour le côté « du triangle T,
(21)
COS a.
On en déduit, à moins d’une seconde,
(2->)
« = 109", 28', 16".
La formule (20) donne d’ailleurs, pour la corde a de l’arc «
Soit AM la hauteur du triangle ABC, autrement dit l’arc de grand cercle
mené du sommet A au milieu M de l’arc BC. L’angle en M étant droit et
l’angle MAC ayant 60° d’ouverture, la formule (21) du n° 11 donne ici
1
cos AM = - .
VT
De là résulte
arc AM = 125°, 15', 52".
EN LAMES MINCES.
45
Soit D le centre du triangle ABC. On voit aisément que l’arc AD est le
supplément de l’arc a , et qu’en le soustrayant du double de la hauteur AM ,
le reste doit être égal à 180°. La première de ces conditions donne
arc AD = 70°, 51', 44".
Le seconde conduit à l’égalité satisfaite
2 [125°, 15', 52"] — 70°, 51', 44" = 180".
CALCUL DES QUADRILATÈRES Q.
Fig. 12.
A
13. Soit un quadrilatère Q représenté par
CDEF et ayant son centre en O à l’intersection
des deux diagonales CE, DF.
Supposons d’abord que le quadrilatère CDEF
soit régulier, et désignons par « son côté EF,
par a la corde de l’arc a. Le triangle FOE étant
rectangle en O, et chacun des angles OFE, OEF
ayant 60° d’ouverture , les formules (16) et (20)
du n° 11 (page 41) donnent successivement, la
première
(24)
la seconde
(25)
1
cos a = - ,
O
Prolongeons les arcs CF et DE, CD et FE, les premiers jusqu’à leur ren¬
contre en A, les derniers jusqu’à leur rencontre en B. L’égalité qui subsiste
entre les angles adjacents aux côtés DE, EF dans les triangles DOE, DBE,
44
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
EOF, EAF, implique l’égalité de ces mêmes triangles. De là résulte évi¬
demment
(26) A = B = 90°.
Supposons maintenant que le quadrilatère CDEF soit irrégulier, et con¬
servons d’ailleurs les données précédentes.
En appliquant au triangle EAF la formule (16) du n° il, on trouve
/07\ a to t A l/ ^ a
cos A — t- — cos a et, par suite, cos — cos
4 4 2 9 9
On a de même, en désignant par g le côté DE du triangle DEB,
cos B — — — - -f- cos 6 et, par suite, cos — =i^JL Cos — •
4 4 2 2 9
Soit x lare AF. On peut écrire immédiatement
et, par suite,
(29)
6
X H - =
2
7T
¥
COS X.
Prenons en M le milieu de l’arc EF et traçons l’arc AM. En appliquant
la formule (16) du n° 11 au triangle AME, rectangle en M, il vient
(50)
1
cos X = -
A
cos —
9
cos A
1 — cos A
La combinaison des équations (27), (29) et (30) donne, d’une part,
cos 6 =
,.„6 . 2 1 -+- cos A o — 5 cos CL
— 2 siu2 — -=1 —
9
(51)
5 1 — cos A 5 — 5 cos a
EN LAMES MINCES.
45
d’autre part,
(32)
6 » / 1 -+- COS a
sin — — \/ -
2 V 5 — 5 cos a
L’équation (31) peut, d’ailleurs, s’écrire, comme il suit,
(33)
5 [cos a -i- cos 6] = 3 ['1 -i- cos a cos 6].
Combinée avec l’équation (28), elle fournit, en outre, la relation générale
(34)
cos A -t- cos B — cos A cos B.
De là résulte , en remplaçant cos A par 1 — 2 sin 2 4- et cos B par
1 — 2 sin2 -f-,
(35)
.A B A — B A -t- B
2 sia — sin — = 1 = cos — - - cos -
2 2 2 2
L’équation (32) donne
tg —
o 1 « / t -t- COS al a.
— — — \/ - = — cot -
2 2 » 1 — cos a 2 2
ou, ce qui revient au même ,
Les équations subsistant entre les angles a et 6 permettent d'établir ces autres relations
cos
t=2V
1 — cos a
5 — 3 cos a
i6=.
A sin a.
S — 3 cos a ’
« 6 / COS a ■
sin — sin — = \ / -
2 2V
■ cos g
a A B g B A
tang — = tg — cos — > tg — = tg — cos — •
On a aussi
46
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
Remarque. On voit par l’équation (27) que l’angle A reste toujours
compris entre 60° et 180°. La première de ces limites correspond à « = 0,
la seconde à a = n. Il en est de même de l’angle B par rapport à l’angle S.
CALCUL DES PENTAGONES P.
44. Le pentagone P peut être régulier, semi-régulier ou irrégulier. Nous
n’avons à considérer ici que chacun des deux premiers cas.
Fig. 13. Supposons d’abord que le pentagone P soit ré-
a gulier et représentons par BC son côté a, par A
/\ son centre. Les angles du triangle sphérique ABC
/ \ sont déterminés comme il suit :
9^
A = — -, B = C = 60°.
5
La formule (16) du n° 11 (page 41) donne, en
conséquence.
"Itt 15
cos - - = - - - 1 - COS oc.
5 4 4
On a, d’ailleurs,
l/T— 1
cos - = - - - -
D 4
De là résulte, en substituant,
1/ 5
(56)
cos a =
5
EN LAMES MINCES.
47
La corde a de l’arc « se déduit de cette valeur d’après la formule (20)
du n° 14. On trouve ainsi
(37) -Vf.T
Supposons maintenant que le pentagone P soit semi-régulier, et repré-
sentons-le par abcb'a'. On a, par hypothèse,
cb — cb' , ab — a'b'.
Prolongeons jusqu’à leur rencontre en m les côtés ba, b' a', et traçons les
arcs bb' et cm. Il est visible que l’arc cm est bissecteur de l’angle bcb' et qu’il
coupe en leurs milieux respectifs i et n, les deux arcs, bb' , aa' .
Le triangle bic étant rectangle en i et l’angle
bci ayant 60° d’ouverture, il vient, d’après la for¬
mule (19) du n° 11,
Fig. 14.
(39)
et, par suite,
(40)
(58)
.66' |/3
sin — — - - sin 6c.
v G)
Désignons par M l’angle ama' . En appliquant la
formule (16) du n° 11 à chacun des deux trian¬
gles mbc, man, on trouve
1 5 cos 6c i/5 aa
cos — = - - - - = - - cos - -
2 4 9 9
aa
cos
1-4-3 cos 6c
2 l/J
On a aussi
cos M =
- : — i — cos aa =
4 4
i 9- ô cos bc) !
8
— 1 .
48
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
La formule (18) du n° 11 s’applique de même à ces deux triangles. En
posant, pour le premier,
A = mbc -- 120°, C = bcm = 60°, y= bm, 6 = 6c,
il vient
cot 6?n sin 6c
1 — cos 6c
~~ 2
6c
sin2
et, par suite,
(41)
. 1 6c
cot bm = — tg -
2 8 2
En posant, pour le second,
aa
A = man — 60°, C = anm = 90", am = y, - = € ,
2 V
on a , d’abord,
aa' 1 aa'
cot am. sin - = — cos - ,
2 2 2
et, par suite,
(42)
tg am — 2 tg -
aa
La combinaison des équations (41) et (42) donne
(43)
tg ab = tg. (bm — am) = 2
6c aà
1 — tg. — tg -
° 2 s 2
tg
6c
& -TT-i- 4
aa
Dans le cas particulier où les côtés bc et aa1 appartiendraient à un même
quadrilatère Q, on aurait, d’après la formule (356iS) du n° 13, page 46,
EN LAMES MINCES.
49
La formule (43) donnerait, en conséquence,
... 6r , aa'
'4o ) cot 06 = tg — h- 4 ig — = 2 (tg am h- cot 6m).
15. Reportons-nous aux numéros 10 et 11 (pages 36 et 40). Dans l’un,
nous avons défini et déterminé chacun des sept polyèdres dont la réalisation
est géométriquement possible. Dans l’autre, nous avons dit que, pour six de
ces polyèdres, les systèmes formés par les lames liquides correspondantes
ne satisfaisaient pas aux conditions de l’équilibre stable. C’est ce dernier
point qu’il s’agit actuellement d’établir. Nous procéderons, à cet effet, de
la façon suivante.
Soit O le sommet libre d’où partent les lames et arêtes liquides à con¬
sidérer.
Prenons le point O pour centre d’une sphère de rayon suffisamment petit,
et représentons-nous les arcs qui résultent de l’intersection de celte sphère
avec les lames issues du point O. Si l’on tire les cordes de ces arcs et qu’on
les solidifie, elles deviennent les arêtes de l’un des six polyèdres désignés au
n° H (page 40) comme correspondants à des systèmes instables. Considé¬
rons le polyèdre ainsi déterminé. Les lames qu’il comprend à son intérieur
ne sont assujetties qu’à conserver leurs attaches sur les arêtes -solides et à
se relier entre elles sans déchirure. Elles peuvent d’ailleurs s’étendre ou
se contracter. De là résulte, pour leur ensemble, une infinité de déforma¬
tions possibles. Supposons que, parmi ces déformations, on en trouve une
pour laquelle la somme totale des surfaces présentées par les lames commence
par diminuer. On peut s’en tenir à ce résultat unique. Il suffit à lui seul pour
établir l’instabilité du système que l’on considère.
16. Donnons-nous en premier lieu le cas général d’un prisme droit à
base polygonale et régulière. Les lames à considérer consistent en une suite
de triangles ayant tous pour sommet le centre du prisme, et chacun pour
base l’une des arêtes de ce polyèdre.
Tome XXXV. 7
50
SUR LA STABILITE DES SYSTEMES LIQUIDES
Fig. 13.
Soit P le plan mené par le centre O parallèlement
1 à la base du prisme. Projetons en ab, sur ce plan,
l’une des arêtes qui lui sont parallèles et tirons les
droites O a, O b. Si nous prenons sur ces droites deux
longueurs égales, continûment croissantes à partir de
zéro et représentées respectivement par O m, O n; si nous
opérons, en môme temps et de la même manière, pour
chaque arête parallèle au plan P, il est visible que nous
a pouvons substituer au centre O les sommets libres m,
n, etc., introduire comme lame additionnelle le polygone central déterminé
par ces sommets et calculer, en conséquence, ce que devient l’étendue totale
des lames à considérer.
Abaissons du point O sur ab la perpendiculaire Oc qui coupe en i le seg¬
ment mn, et représentons par r la longueur O b; par x la longueur Om; par
A l’angle aOb; par 2/i la hauteur du prisme; par B l’angle que font entre
elles les deux lames triangulaires projetées en aOb. On trouve ainsi :
1° Pour la surface du triangle mOn,
a . A A
x2 sin — cos — ;
c> 9
2° Pour la surface du triangle projeté en nb,
h (r — x) = r(r- x) cos — Ig —
3° Pour la surface des deux trapèzes projetés en aimib,
Désignons par p le nombre des côtés de la base du prisme et par Sx 1 éten¬
due totale des lames à considérer. Il est aisé de voir qu’on peut écrire, en
général ,
EN LAMES MINCES.
51
= p j~ x2
A A
sin — cos —
Ç> 2
h (r — x) -+- 2 (x
A *
r) sin— y/ h* (r
A ”1
x)2 cos2 —
On a, d’ailleurs,
(44)
et, par suite,
(45)
/i =
A
r cos — te.
2 s
V
A />
II- -+- r2 cos2 — = -
2 B
sm
2
De là résulte, en général (la variable x restant assez petite pour qu’on
puisse en négliger les puissances supérieures à la seconde, et la quantité S„
représentant la valeur affectée par S* à l'origine de la déformation que l’on
considère) ,
S’agit-il en particulier des combinaisons 7, 18 et 1 9 P Les polyèdres cor¬
respondants sont des prismes droits ayant pour faces latérales des rectangles
dérivés chacun d’un quadrilatère Q. Il s’ensuit que l’on a, conformément à
la formule (35) du n° 13 (page 45) :
A . B
(47) 2 sin — - sin — = 1 .
2 2
Il vient donc aussi
(48) S0 — Sx = — - px2 sin A f~ cos3 - t- cos - 1 .
2 1 L 2 2 J
L”équation (48) met en évidence la condition à remplir pour que la dé¬
formation supposée implique l’instabilité du système. Cette condition consiste
52
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
en ce que l’angle aigu A doit être tout au plus égal à l’angle ■/ déterminé
par l’équation de condition
On déduit de là
On doit donc avoir
ou, ce qui revient au même, en vertu de l’équation (47),
A > 86°, 18', 25".
Rapprochons de ce dernier résultat les données suivantes :
Dans le cas de la combinaison 7, la base du prisme est un triangle équi¬
latéral et l’on a
A = 120°.
Dans le cas de la combinaison 19, la base du prisme est un carré et l'on a
A = 90».
Dans le cas de la combinaison 18, la base du prisme est un pentagone
régulier et l’on a
A = 72°.
Cela posé, voici les conséquences :
Les systèmes fournis par les combinaisons 7 et 19 sont instables. Ils
peuvent se déformer par addition d’une lame centrale parallèle aux bases
des prismes qui leur correspondent et disposée semblablement.
côs3 y — 1 — cos y — 2 sin2 -
y— 46% 58', 27'
B
< 46°, 58', 27"
EN LAMES MINCES.
55
Le système fourni par la combinaison 18 n admet pas le mode de défor¬
mation' indiqué ci-dessus pour les combinaisons 7 et 19.
17. Donnons-nous, en second lieu, le cas général d’un polyèdre quel¬
conque, choisi comme on veut parmi ceux que nous avons à examiner. Les
lames à considérer sont des triangles qui ont pour bases respectives les arêtes
du polyèdre et pour sommet son centre.
Au lieu de procéder, comme tout à l’heure, par addition directe d’une
lame centrale, on peut, dans tous les cas, prendre, à partir du centre, sur
chaque arête liquide, une longueur continûment croissante à partir de zéro,
considérer les extrémités de ces longueurs comme les sommets d’un po¬
lyèdre n' semblable ou non semblable au polyèdre donné n, et substituer les
faces de ce nouveau polyèdre aux portions de lames qu’il intercepte, et qui
sont comprises à son intérieur. On peut, en outre, choisir arbitrairement
l’une de ces faces et la supprimer tout entière. Cette suppression est permise
parce qu’elle n’implique ni déchirure, ni solution de continuité. Il est clair,
en effet, qu’à l’origine commune de toutes les faces du polyèdre n', rien ne
fait obstacle à ce que l’une d’elles se comporte comme si elle était refoulée
vers l’intérieur, de manière à s’appliquer sur les autres.
Imaginons qu’on opère d’après les indications précédentes, et qu’après
avoir supprimé Lune des faces du polyèdre n', on compare les autres aux
portions de lames qu’elles remplacent. Deux cas pourront se présenter selon
que celles-ci l’emporteront sur celles-là en étendue totale ou inversement.
Dans le premier cas, l’on sera certain que le système correspondant au
polyèdre n est instable. Dans le second , on observera que le nombre des
lames et faces liquides, aboutissant à chacun des côtés de la face suppri¬
mée, se trouve réduit à deux. Cet état de choses ne saurait se maintenir. Il
implique à la fois un changement spontané de forme et une diminution de
l’étendue totale des surfaces à considérer. On ne peut donc rien conclure,
à moins d’examiner la déformation subséquente et d’en déterminer l’effet
définitif.
Le moyen le plus simple qui se présente ici consiste à supposer, pour
chaque face contiguë à la face supprimée, qu’elle se retire graduellement
sur elle-même et se réduit aux côtés qui lui sont communs avec les faces
U
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
conservées. Il s’ensuit, d’ailleurs, qu’il faut reporter, en même temps, sur
ces côtés les attaches des lames aboutissant aux côtés disparus *.
Peut-être convient-il d’ajouter ici quelques éclaircissements? Revenons,
à cet effet, au cas général du prisme, et appliquons, dans tous ses détails,
le procédé qui vient d’être décrit. Pour plus de clarté, nous supposerons que
la face, supprimée la première dans le prisme n', est l’une de ses bases.
En conservant les données et les notations du n° 16, on trouve aisément :
1° Pour la somme des faces du prisme n', une base exceptée,
. A r A
pr sin — r cos - h
2 L 2
1 , • A
A r
, B~
1 , a r
B 1
— pr* 2 sin —
cos -
2 L
1 n-4tg— j
| = prh sin —
4 -i- cot —
2 J
2° Pour la somme des portions de lames interceptées par ce prisme ,
a ”
/ - sin —
pr jÿt 2 sin — Y' -+- cos2 = prh j”l 2 - .
sin —
2
3° Pour excès de la première somme sur la seconde,
4 sin 2 - 1
2
L’inégalité
sin
m/
4 sin2— - 1
2
> ( 2 sin —
U
se ramène à la suivante
On ne perdra pas de vue, pour les applications, qu’il y a simultanéité dans les diverses
modifications présentées ci-dessus comme se produisant d’une manière successive. Cela revient
à dire que les faces conservées définitivement sont les seules qui se produisent, en réalité, à
I origine de la déformation.
On sait que les quantités r, h, A et B sont liées entre elles par les équations de condition
qui figurent au n° 16 (page 51), sous les numéros (44) (45) et (47).
EN LAMES MINCES.
»_■ n-
00
A [ . A \ 2 A *
0 sin — - 1 — sin — < I -i- sin2 —
2 \ 2 / ^ 2
et celle-ci ne cesse pas d’être satisfaite pour toute valeur de l’angle A com¬
prise entre zéro et 180°. Il s’ensuit que la première somme l’emporte toujours
sur la seconde, et que, en conséquence, il y a lieu de poursuivre en faisant
évanouir à leur tour chacune des faces contiguës à la base supprimée. On
revient ainsi à la solution du n° 16. En effet, de toutes les faces du prisme n'
il ne reste plus que l’une de ses bases, et la raison de symétrie montre suffi¬
samment qu’il convient de la maintenir au centre.
48. Nous avons dit qu’on était libre de choisir comme on veut la face à
supprimer la première dans le polyèdre n'. Lorsque ce polyèdre est prisma¬
tique, on a, d’après ce qui précède,
l
, . A B
prit sin — cot — ,
pour mesure de la base, et
4 rh sin — ?
2
pour mesure d’une face latérale. Il s’ensuit que celle-ci l’emporte sur celle-là
pour toute valeur de B satisfaisant à la condition
ou, ce qui revient au même, pour toute valeur de A satisfaisant à l’inégalité
(49)
* A te
4 sin2 — < 1 h -
^ a
2
En posant, pour le cas du prisme à base triangulaire,
Le maximum absolu du premier membre de cette inégalité correspond à sin -V — _L. il a
pour valeur -i.
56
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
.A |/ ,3
v ==o, • sin — = sin €0° = - -
2 2
pour le cas du prisme à base carrée,
, A 1
J) = 4, sin — = sin 45°
V 2 ’
pour le cas du prisme à base pentagonale,
p — 5, sin -J = sin 56° = ^ °
A
Y
8
on vérifie aisément que l’inégalité (49) n’est satisfaite que pour le prisme à
base pentagonale. Ce cas est donc le seul où la suppression d’une face laté¬
rale soit tout d’abord plus avantageuse que celle de l’une des bases. Veut-on
déterminer ce que devient, en conséquence, l’excès dont on a l’expression
générale au n° 17 (page 54), il suffît d’ajouter à cet excès la différence
algébrique :
, . a r B
rh sin - — » cot - -
2 2
et de substituer à p et A leurs valeurs respectives. On trouve ainsi pour
résultat une quantité positive. La conséquence est la même qu’au n° 17.
Il faut poursuivre, en faisant évanouir les faces contiguës à la face supprimée
la première, c’est-à-dire les deux bases, et, en outre, deux faces latérales.
11 ne reste ainsi du prisme IL que deux faces contiguës et quadrangulaires,
offrant six côtés libres, et c’est à ces côtés que doivent se rattacher les por¬
tions de lames conservées entre le prisme n et le prisme n'.
Cela posé, voici comment on est conduit à procéder pour le cas qui nous
occupe, celui du prisme à base pentagonale.
EN LAMES MINCES.
57
Soit P un plan mené par le centre 0
parallèlement aux bases. Soient en même
temps a , b, c, b ' , a 1 les projections sur ce
plan des différents sommets du prisme n.
Désignons par P' le plan mené suivant Oc
normalement au plan P. Les constructions
à faire étant symétriques par rapport à
chacun des deux plans P, P', il suffit que
nous les indiquions pour l’iin des quatre
angles dièdres compris entre ces deux
plans.
Le point m est pris sur la droite Oc, à
proximité du centre O, le point n sur la droite mn , à proximité du point m.
La droite mn est parallèle au côté cb *. La droite O q est le prolongement
de cO. Les points p, s , t sont les pieds des perpendiculaires abaissées res¬
pectivement, la première, du point n sur la droite ab; la seconde, du point n
sur la droite cO ; la troisième, du point b sur la droite mn.
Considérons les points m, n, t, comme les projections respectives de trois
points m,, a, , ti} situés au-dessus du plan P, le premier à la distance y, le
second à la distance s, le troisième à la distance h.
Les lames liquides, qui correspondent à cette partie de la figure, et dont
il faut déterminer l’étendue, sont les suivantes :
1° La moitié du trapèze projeté en cm;
2° Le triangle projeté en mcb;
3° Le triangle projeté en bmn ** ;
1° Le trapèze projeté en bn;
5° Le triangle projeté en bna;
6° Le trapèze projeté en an;
7° Le triangle projeté en nms;
La droite mn peut être dirigée, comme on veut, dans le plan P. Le calcul montre qu'il con¬
vient de la diriger parallèlement à cb.
Les deux triangles projetés respectivement, l’un en mcb, l’autre en bmn , sont pris aux lieu
et place du quadrilatère projeté en bcmn.
Tome XXXV.
Fig. 16.
V
8
58
SLR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
8° Le trapèze projeté en ansq *;
9° Le trapèze projeté en mn.
Désignons par x la distance 0 m; par u le segment mn; par r, h, A et B
les mêmes grandeurs qu’au n° 16. On a ici
5
et, par suite,
A
smn
A
mcb =
A
9
Cela posé, on trouve aisément
(50)
A A
sn — u cos — 5 sm ■ u sin —
2 2
; / x A A
bt — (r — x ) cos — 7 mt — (r -4- x ) sin —
2 v ' 9
sq — r cos - 1- x — u sin —
2 2
A
np — r cos — -f- x cos A — u sin A
— y/ sin A — u cos —J -+- cos A -1- w sin — - xJ
nb
na
A
A1
I2 1
r A
A 1
J
— dt cos -
2 J
l H
r cos - r x -
L 2
- u sin —
2 J
Nommons w l’angle que la droite mlnl fait avec sa projection mn et h'
la perpendiculaire abaissée du point ly sur la droite m,»,. On a, d’abord.
(31)
tg w =
— y
* Le triangle et le trapèze projetés respectivement, l’un en mns, l'autre en ansq, sont pris
aux lieu et place de la moitié du pentagone projeté en anmn'a'.
EN LAMES MINCES.
59
et, ensuite.
(82)
h' — (/« — y) cos u — (?•
x) sin — sin u.
9
De là résulte :
1° Pour la moitié du trapèze projeté en cm,
-L(/j + y) (r — x);
2° Pour le triangle projeté en mcb,
r sin
tNA1
3° Pour le triangle projeté en bmn,
yY +• (r — xY cos2 — ;
w
h"2 -t- (r — x ) 2 cos 2 ;
4° Pour le trapèze projeté en bn,
1 / ( • A^\ ^ |~ A -I 2
— (A + z) y/ (r s*n A — « cos -^J -+- I r cos A -+- u sin — - x ;
5° Pour le triangle projeté en bna,
r sin
A \ / r A 1 2
— y/ (/a — zY H- I r cos —p +• x cos A — u sin A ;
6° Pour le trapèze projeté en an,
A
A T2 |
r A
• A 1
sin
— - u cos
2
tJ H
r cos — -+- x -
L 2
- u sin —
2 J
60
SUR LA STABILITÉ DES SYSTEMES LIQUIDES
7° Pour le triangle projeté en nms,
1 A . / A
jUC0SyV sin2 — 2/)2;
8° Pour le trapèze projeté en ansq,
9 \rsinT + “ cos
y) \J ih — + [r cos — -j- x — u sin ;
9° Pour le trapèze projeté en mn,
g
Soit la somme de toutes ces surfaces. Multiplions-Ia par quatre et, après
en avoir pris la dérivée, annulons dans le résultat chacune des quantités
variables x, y , z, u. On trouve ainsi
, G h sin —
A / 2
(h — r sin A) (2 cos - 2 cos A — t) -4- r I 4
y/ /i2 h- r2 cos2 — I
dz
dx
dS
dx
t — -
, A
m. sin —
2
yA
r2 cos2
dy
dx
J
2\A
2 sin A -+- sin
A A
K -¥■ r2 cos2 — - 2 h (sin — -i- sin A) — r2 sin A.
y/ h- -t- r*
cosJ
cfx
„ A « / a A du
2 cos — \/ /t2 •+- r2 cos2 — • —
2 V 2 dx
la quantité /«, étant ce que devient la quantité h' lorsqu’on annule les va¬
riables x, y.
EN LAMES MINCES.
61
4
On a d’ailleurs, ainsi qu’on l’a vu précédemment au n° 16 (page 51,
formules (44) et (47) ),
(53)
AB AB
h = r cos — te — , 2 sin — sin — = 1 ,
2 3 2 2 2
et, eu égard à la valeur Ç de l’angle A,
A 1 i/lT
cos — = -
2 4
(54)
’ cos A =
V 5 — 1
V
-v*
5 -f- V 5 . A
- ; sin - —
si" T “ V"
7 5 — V 5
— V 5
La combinaison des équations (53) et (54) conduit aux relations
B 1 B cos A A
sin — — . . , cos — = - — , tgB = 2 cos —
2 . A
2 sin —
2
2 . A
sin —
2
2.
<35) * _
A « / A A .A A A
/i = 2r cos2 — , \/ /i2 -i- r2 cos2 — =2 h sin — = 4 r sin — cos2 — = 2 r sin A cos —
2 V 2 2 2 2 2
2 cos — -i- 2 cos A — 1 = 0, 2/i sin
2 2
/i2 -+- r2 cos2 —
2
De là résulte, en substituant,
dS / dz di/ \ ( . A
,56) dx“rU-rf-J-2(2,,smT
- V7
A \ du
h] -+- r2 cos2 — —
2 / dx
On a d’ailleurs, d’après l’équation (51),
fi'i SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
et, d'après l’équation (52),
/t, = h cos a — r sin — sin a .
Posons
(■’)8) 2 ^2 h sin — - - y/ h\ -+- r2 cos2 — j > r tg a,
ou, ce qui revient au même,
/ . / A r \ 2 A
P9) 2 A sin— - — tpa > Af -+- r2 cos2 — .
\ 2 2/ 9
Si l’on développe la dernière inégalité et qu’on ait égard à la relation
. . A . , A 1 A 1-4- l/T
4 cos4 — - - sin2 — h - - 2 cos — = -
2 2 4 9 v>
on trouve, après suppression du facteur r2 tg w ,
(CO)
r tg2 a
L’inégalité (60) implique évidemment les déductions successives, formu¬
lées comme il suit.
Parmi les valeurs positives de la quantité il en est une infinité qui
satisfont à l’inégalité (58) et qui donnent, en conséquence,
T)
dy 1 du
~ — r — tga
dx J dx
<0.
L’inégalité (61 ) montre qu’il y a déformation possible avec diminution
de l’étendue totale des lames à considérer. On est donc en droit de poser la
conclusion suivante :
EN LAMES MINCES.
63
Le système fourni par la combinaison 18 est instable. Il peut se défor¬
mer d’après le mode exposé au n° 17 .
19. Passons au système fourni par la combinaison 13. Le polyèdre cor¬
respondant est le dodécaèdre régulier.
Considérons le polyèdre II' comme inscrit dans la sphère qui a l’unilé pour
rayon. Les arêtes de ce polyèdre sont égales à la corde désignée par a au
n° 14 (page 47), et déterminée par la formule (37)
Les faces consistent chacune en un pentagone régulier ayant, pour côté,
la corde a, et, pour surface, le produit
a A 7i
a — eot —
a2 / 3 y 5 5 / 5 — |/~jT 5 /a — J/ g
4 V 5 — i/y s V 5 — i/y 5 V io
Soit a l’arc du grand cercle sous-tendu par la corde a. La formule (36)
du n° 14 (page 46) donne
1/5
cos a. - - ,
0
et, par suite,
2
sin a — — •
5
Il est visible, d’ailleurs, que chacune des lames interceptées par le prisme n'
a, pour surface,
1 1
— sin a — -
2 3
Les faces à prendre dans le prisme n' sont au nombre de onze; les lames
Voir au besoin les valeurs fournies, pour les quantités sin j, cos par les formules (54)
n" t8 (page 61).
64
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
qu’elles remplacent au nombre de 30. Il s’ensuit que leur étendue totale est
exprimée, pour les premières, par le produit
et, pour les secondes, par le nombre 10. Or, on a
Cela revient à dire que l’étendue des lames supprimées à l’intérieur du
prisme IT l’emporte sur celle des faces conservées dans ce même prisme. La
conséquence est évidente; on peut la formuler comme il suit :
Le système fourni par la combinaison 1o est instable. Il peut se déformer
d’après le mode exposé au n° 17 .
Fig ■ /7- 20. Passons au système fourni par la combi-
c
naison 15. Les faces du polyèdre correspondant
se décomposent en deux groupes, comprenant cha¬
cun quatre pentagones semi-réguliers et égaux,
accolés à un même carré.
Considérons le polyèdre II' comme inscrit dans
la sphère qui a l’unité pour rayon. Les arêtes de
ce polyèdre dérivent toutes du pentagone semi-
régulier P, dans lequel le côté aa' est pris égal au
côté du quadrilatère régulier Q.
Soit a la corde de l’arc aa'. La formule (25)
du n° 13 (page 43) donne
« = ~\y 5 •
3
Cette inégalité revient exactement à la suivante :
14641 > 12005.
EN LAMES MINCES.
On arriverait au même résultat en se reportant au n° 14 (page 47), et
observant que la formule (39), où l’on doit remplacer l’angle M par f
donne, en conséquence,
aa a / 2
cos - — = \/ -
2 v 5
On en déduit
(62)
et, par suite,
(63)
aa' 2 ,
a — 2 sin — — = — J/ 5 = 1 ,154005 ,
— < O
2 _
sin aa’ — — J/ 2 — 0,942809.
3
Soient 6 et c les cordes qui sous-tendent respectivement, l’une, l’arc ab
et son égal a1 b’; l’autre, l’arc bc et son égal b’c. On a, d’abord,
, _ . ab bc
o = 2 sin — 5 c = 2 sin — •
2 2
La formule (40) du n° 14 (page 47) donne ici
cos bc —
2^2 — 1
On en déduit
(64)
et, par suite,
(65)
2 /
sin bc = — %/ 17 2 = 0,792805,
„ . 6c / 2 — t/2
c = 2 sin — = 2 W - - - - 0,8857612.
Soit b 1 la corde qui sous-tend l’arc de grand cercle bb1. En appliquant
Voir plus haut la valeur de cos —
Tome XXXV.
«6 SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
les formules (19) du n» 1 4 (page 41) aux triangles bic, bim, mm, tous
trois rectangles, les deux premiers en i, le dernier en n, on trouve
\
De là résulte, en premier lieu,
(66)
Il vient, ensuite,
(67) sin ab = si
et, par conséquent,
(68) b = 2 sin •
S’agit-il maintenant des portions de lames interceptées par le prisme n' P
D api es ce qui piécède, leur étendue totale a, pour expression,
4 (sin aa' sin hc •+■ si» «&] = — [o l/T ■+■ 2 Zl/Y + (/ 2 l/~2 — 2 J = 8,405796.
S agit-il ensuite des faces de ce même prisme? Deux sont carrées et ont
7 / a - /v 2
6 = 2 % / -y- - 1,575177.
/ 1 , V' 2 -h [/ 2/2 — 2
n (6m — am) =- - - - = 0,365535,
ab . /
t=2V -
4 — 1/ 2 — 2 [/V-
= 0,5718154.
EN LAMES MINCES
67
chacune , pour surface,
4
«2 = — = 1,533333.
3
Les autres, au nombre de huit, sont pentagonales et gauches. On peut
substituer à chacune un triangle et un trapèze , le triangle étant déterminé
par les cordes des arcs bc, cb1, b'b; le trapèze, par celles des arcs aa' , a' b',
b' b, ba *. On trouve ainsi, pour la surface du triangle,
7 /■ J I /J) « _ _
— \/c2 - = — V 8 |/T— 10 = 0,382055;
2 V 4,3
pour celle du trapèze ,
\ / 1/2 _ pl±J^l|/7 — 3V/m_ 2 0,449214,
2 ^ V 2 / o
et, par conséquent, pour celle du pentagone,
0,831269.
Supprimons dans le prisme II' l’une de ses faces carrées, et prenons, pour
les neuf autres , la somme de leurs surfaces. Cette somme étant exprimée par
le nombre
7,985485 ,
on voit qu’elle est inférieure à l’étendue des lames interceptées par le
prisme n'. De là résulte, en conséquence, la conclusion suivante :
Le système fourni par la combinaison I 5 est instable. Il peut se défor¬
mer d’après le mode exposé au n° 17 .
Remarque. — Si l’on conservait dans le prisme n' les deux faces carrées
et que l’on supprimât l’une des faces pentagonales, l’étendue totale des faces
à considérer augmenterait de la fraction 0,502064 èt deviendrait ainsi
8,485549.
* Cette substitution ne peut avoir d’autre effet que d’attribuer aux faces pentagonales une
étendue plus grande que leur étendue réelle, celle-ci étant un minimum entre toutes les sur¬
faces inscriptibles dans le même contour.
68
SUR LA STABILITE DES SYSTEMES LIQUIDES
Ce dernier nombre l’emporte sur celui qui correspond aux portions de
lames interceptées par le prisme IT. Néanmoins, comme l’excès est relative¬
ment très-petit, il n’est pas douteux que, en tenant compte de l’évanouisse¬
ment des faces contiguës au pentagone supprimé, on arriverait, pour ce cas,
à la même conclusion que pour l’autre.
21. Il ne nous reste plus à considérer que le système fourni par la com¬
binaison 17. Le polyèdre correspondant est irrégulier. Il a huit faces dont
quatre planes égales et rectangulaires, quatre gauches, égales, pentagonales
et semi-régulières. Les faces rectangulaires y sont disposées suivant deux
groupes distincts, séparés l’un de l’autre par les pentagones et comprenant
chacun deux quadrilatères accolés.
Soit abcb'a' le pentagone P, d’où dérivent les
faces pentagonales du polyèdre IL, inscrit par hy¬
pothèse dans la sphère qui a l’unité pour rayon.
Il est visible que les côtés aa' et bc de ce penta¬
gone sont déterminés par cela seul qu’ils ont cha¬
cun leur égal dans les deux côtés adjacents d’un
même quadrilatère Q. De là résulte, conformé¬
ment à l’équation (33) du n° 13 (page 4-5),
(69) 5(cos bc -+- cos aa) = 3 [I -+- cos bc cos aa'].
On a d’ailleurs, d’après la formule (4-0) du n° 14 (page 4-7),
Fig. 18.
1-4-5 cos bc
2 VT
ou, ce qui revient au même,
ua'
cos - —
9
(70)
cos a a'
( î 9- 5 cos b)- — 6
6
La combinaison des équations (69) et (70) donne
27 cos3 bc — 27 cos“2 bc — 75 cos bc + 45 = 0.
EM LAMES MINCES.
69
Si, d’ailleurs ; on pose
(72) x = 5 eos bc,
il vient , pour transformée de l’équation (71),
(73) x3 — 3x2 — 25x -i- 45 = 0.
L’équation (73) a deux racines numériquement supérieures à 3, l’une
positive, l’autre négative. Ces deux racines devant être rejetées, on trouve
pour solution unique
x — 1,578557.
On en déduit
(74) cos 6c = 0,52611253, cos aa' — 0,107970463.
S’agit-il ensuite du côté ab? On a, d’abord et généralement,
6c - / ! — cos 6c aa' . / 1 — cos aa'
2 V 1 -+- cos 6c D 2 » 1 cos «a'
Il vient, en outre, d’après la formule (h3'ns) du n° (page 4-9),
6c aa'
(75) cot ab — tg — - 4tg — •
2 2
De là et de ce qui précède résulte, en substituant ,
(76)
5 cos 6c
cot ab ■ - - - -
sin 6c
Les valeurs trouvées ci-dessus pour les quantités cos bc, cos aa1 et cot ab,
conduisent aux résultats suivants :
/ 6c = 58°, 1 5', 25", sin bc = 0,850415 , sin — = 0,4867685
(77) < aa,’ — 85°, 48', 6", sin aa'— 0,994154, sin -— = 0,6678435
i j*
ab = 15°, 53', 54", sin ab = 0,2344545, sin = 0,1 1805275
70 SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
Le caïeu! du triangle bcb' donne, en même temps,
(78)
. bh Y 1^5
S*1» — = — — sin bc - 0,7504808.
2 2
Uela posé, considérons d’abord les lames interceptées parle polyèdre IT.
Elles ont, pour expression de leur étendue totale,
(79) 4 sin bc -+- 5 sin aa' -+- 2 sin ab = 6,85051.
t
Considérons ensuite les faces de ce même polyèdre. Les unes sont rectan¬
gulaires, les autres pentagonales. L’étendue des premières est donnée, pour
chacune, par le produit
/QA\ . . . bc
(<su) 4 sin — — Sin — = 1,500541.
f
f.elle des secondes peut se calculer, comme tout à l’heure, en substituant
à chacune, d’une part le triangle défini par les cordes des arcs bb' , bc , cb',
d'autre part le trapèze défini par les cordes des arcs bb', b' a', a' a, ab *.
Le triangle et le trapèze ainsi déterminés ont respectivement pour me¬
sure, le premier,
• bb\ /
sin yV 4 s
bc
sin^ -
sin2 - ~= 2 sin"2 — - -
2 2 oa
cos -
bb'
. bb'
sin -
bc 2
le second
0,468908;
0,517249.
De là résulte, pour l’étendue de chacune des faces pentagonales,
0,786157.
* Même observation qu’à la page 67. (Voir la note.)
EN LAMES MINCES.
71
Prenons ensemble trois des faces rectangulaires et les quatre faces pen¬
tagonales. Leur étendue totale ayant , pour valeur,
7,045651,
on voit qu’elle l’emporte sur celle des lames qu’elles remplacent. 11 suit de là
que, avant de rien conclure, il faut poursuivre, comme on l’a fait au n° 18,
suivant la marche tracée au n° 17.
Ici se présentent deux observations. La première consiste en ce que la
différence entre les deux nombres 7,045651 et 6,85031 est relativement
faible; la seconde, en ce que le mode adopté pour le calcul des aires penta¬
gonales donne nécessairement des valeurs exagérées. Eu égard à ces obser¬
vations, il n’est guère permis de douter que la déformation subséquente doit
avoir pour résultat définitif une diminution de l’étendue totale des lames à
considérer. C’est, en effet, ce qu’on peut reconnaître en considérant les faces
qui restent après l’évanouissement des faces contiguës à celle qu’on a sup¬
primée la première. Elles se réduisent à un pentagone accolé à deux qua¬
drilatères. Le calcul bien conduit réussit, en ce cas, comme dans celui du
prisme à base pentagonale. Toutefois il offre encore plus de complication ,
et nous croyons préférable de suivre une autre marche plus rapide et plus
simple. Nous y trouverons l’avantage d’avoir à considérer un nouveau mode
de déformation, moins général, mais non moins curieux que celui du n° 17.
22. Commençons par déterminer les
divers éléments du polyèdre IL Par hy¬
pothèse, il a son centre en O, et il est
inscrit dans la sphère qui a l’unité pour
rayon.
Soit M,MJ la corde de l’arc suivant
lequel sont accolés deux des quadrila¬
tères Q. Le polyèdre n a deux sommets
situés respectivement l’un en M, , l’autre
en M't dans le plan M,OM|. Les autres
sommets se projettent sur ce plan en
Fig. 19.
c
72 SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
A, A', B, B', C. Désignons par A„ AJ, B„ B;, C„ ceux qui sont d’un même
tôle du plan M,OM,, et par A2, A2, B2, B2, C2, ceux qui sont de 1 autre côté.
Si Ion tire la droite BB', et que du point C l’on abaisse sur la droite AA'
la perpendiculaire CN, qui passe par le centre O et qui coupe en son milieu I
la corde BB', on voit aisément que les longueurs IC, AM, sont égales, que
le centre O est le milieu du segment IN et que l’on a
OC = OB = cos — .
2
Il suit d’ailleurs, des données précédentes, que le plan M,OM' divise le
prisme n en deux parties symétriques, et que tout est déterminé dans ce
prisme par les équations de condition ,
m,m; == aa' = a,a; = a2a; = b,b2 = b.b; = 2 sin — *•
2 ’
A, B, = A2B2 = AjBJ = A2B2 -- 2 sin — •
2 ’
bc = b'c = BjC, = b;c, = b2c2 = b2c2 = m,a, = m,a2 = m;a; = m;a2
EB = 2BI = B,B, = B2B2 = A,A2 = AjA, — 2 sin — •
9
„ . bc *
2 sin — - •
9 ’
On en déduit, d’abord,
(81) IO = ON=\/coS2— -sin^ —
Y 2 2
(82)
(85)
* On observera que les quantités engagées sous les caractéristiques des fonctions circulaires
sont les arcs déjà calculés au n° 21 , pages 69 et 70.
On a, d’après la figure,
T^2 , f . bb' . aœ~\- ab _ *
LS1I“_smT“J =4sin2 ~==A»B1 •
I
EN LAMES MINCES.
75
La formule (35i!S) du n° 13 (page 46)
donne
aa' bc
2 tg — tg. — = I
° c) o ^
, . n b° aa bc aa'
4 sin2 — sin2 - = cos2 — cos2 — ,
2 2 2 2
ou, ce qui revient au même,
(84)
bc aa'
4 sin2 — = cos2 -
2 2
T a 6c "1
4 — o cos2 —
L 2 J
Mais, d’un autre côté, l’on a, d’après la formule (78) du
(85)
. bb' |/ 5 . x — bc bc
sin — — — — — sin bc — V 5 sin — cos —
2 2 2 2
Il en résulte
(1)
et, par suite,
On déduit de là
(2)
— 5 f. bb . aa l2 ab
2 01 -H sin - sin - | = 2 sin2 — ,
2 2 J 2
TT, , „ bb ' aa ab
01 -+- 1 — 2 sin -==: sm - — = 2 sin* — •
2 2 2
bb' aa'
4 sin2 sin2 — = 2012 -h 2 — 4 sin2-^ ,
a&
T
et , ajoutant membre à membre les équations (1) et (2),
tbb' aa "1 2 ab
sin — -i- sin — J =2 cos5 ~
De là résulte
bb'
aa
ab
sm
sin — = |/Xcos— •
La combinaison des valeurs trouvées ci-dessus pour les quantités sin
leurs, au résultat suivant:
aa' bb'
CI. cos — . sin —
2 2 bc
- = V 5 sin5 —
sin bc
Tome XXXV.
n° 21 (page 70),
et CI conduit, d’ail-
10
74
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
Il vient donc aussi
6c 66' 6c
(86) 4 sin2 - sin2 — = sm2 —
2 2 2
et l’on peut écrire, en conséquence,
5 cos2
6c "|
TJ =
• 4 hC
sin4 —
„ aa
cos2 —
(87)
Cl =
2
sin 2
6c
T
Soit 2w l’angle que les deux lames AtOA{, MtOM{ font entre elles. On a,
d’après la formule (28) du n° 13 (page 44),
i
|/T 6c
cos u = - cos - 5
2 2
et, d’après l’inspection du triangle COB, dont l’angle en O est précisément
l’angle 2«,
66' aa'
sin — — cos — . _
BI 2 2 1/ 5 ««' 6c
cot « = — — — - . - = — — cos cot -
CI „ . „ oc 2 2 2
2 sin2 —
2
De là résulte
2 « = 8 I°,41',12",
et , par suite ,
A A \
OCB = OBC = — [ TT — 2 a ] = 49°, 9', 24".
23. Parlant des données qui précèdent, changeons le plan de projec¬
tion, et plaçant l’origine au centre O, prenons pour axes des x et des y
les droites OM, OC, respectivement parallèles, la première, aux arêtes A,AJ,
EN LAMES MINCES.
75
Fig. 20.
MjM,', A2A2 j la seconde, aux arêtes
B,B2, C,C2, b;b;.
Les sommets désignés par ces mêmes
lettres se projettent symétriquement
comme il suit , sur le plan des xy,
les sommets A{ , A\ , Ai} A'.2 en A , A', A", A ";
les sommets B, , Bi , B2 , B'2 en B , B', B ", B'" ;
les sommets M,, M', , Cl5 C2 en M, M', C, C".
On a, d’ailleurs,
, bb’
i 2
pour B, ) . aa
) y = sin ;
f —à
\ z = — 01
aa
x = sin
pour M, / y = o
aa
cos
X — 0
aa
pour C,
y
sin
aa
= — cos¬
et l’on voit aisément comment il suffit de quelques changements de signe
pour passer, soit du sommet A, aux sommets A',, A2, A2, soit du sommet B,
aux sommets B,, B2, B2, soit enfin des sommets M! et C, aux sommets 31 i
et C2 .
Soient, d’une part, a,, a\, a2, a2, et d’autre part, ml} mlr c,, c2, deux
groupes de quatre points distribués symétriquement par rapport aux plans
XOZ, YOZ et projetés respectivement, les premiers en a, a', a", a'", les
derniers en m, m' , c , c1. Posons
i X = xa
pour at ) y = xa ,
[ z — 0
ix - Xm
y — o ,
Z
pour
X = 0
y = «m
Z A.m
76 SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
Eu égard à la symétrie qui subsiste de part et d’autre , on passera , comme
tout à l’heure, par de simples changements de signe, soit du point ax aux
points a„ a2, a2, soit du point mx au point m\, soit enfin du point c, au
point c.2.
Cela posé, voici, par hypothèse, comment la déformation commence :
Des arêtes MjM',, C^ partent deux lames pentagonales, l’une
projetée en MM', l’autre CjcOc'C.2 projetée en CC';
Des arêtes A,Ai, A2A2, BjBg, B',B2 partent quatre lames pentagonales,
AjûqCja'jAi , A2a2c2a2A2, B1a,wi1o2B2, B1a'1m'1a2B2 , projetées en AacdX ,
X'ac'a'X", Bama B , B'am'a'B";
Des arêtes ALB,, AjB, , A2B2, A2Bâ partent quatre lames triangulaires,
AjCqBj, Aia'jB',, A2a2B2, A2a2B2, projetées en AaB, AaB, A a B , A "a B";
Des arêtes A,Mt , M^, A'JMi, MiA2, BjC,, C,B',, B2C2, C2B2 partent huit
lames quadrangulaires AlaxmlMl) M1w?1a2A2, Aia^wiiM', , M^^Aa, B^^C,,
CjCjaiBi, B2a2c2C2, C2c2a2B2, projetées en AamM, Mma "X ", Xam M , M m'a "X"y
BacC, Cca'B', BVc'C', Cc'a’B'";
II se forme en outre quatre lames quadrangulaires O mlalcl) O cxdxm\,'
0m\d2c2, Ocüa.2ml, accolées autour du centre O et projetées respectivement
en O mac, O cam, O ma c, O c'a m.
De là résultent cinq groupes distincts de polygones, tous égaux ou équi¬
valents pour un même groupe, tous différents d’un groupe à un autre.
Observons que les variables xa> xm, zm doivent être considérées comme
croissant à partir de zéro. Cela permet qu’on les prenne aussi petites qu’on
veut et qu’on en néglige les puissances dont l’exposant dépasse l’unité. La
première conséquence à déduire de cette observation, c’est qu’il n’y a pas lieu
de faire entrer en ligne de compte les lames quadrangulaires du groupe
O mla1cl ; la seconde , en ce que les pentagones des groupes M .w.OmiM, et
A^c^Ai peuvent être remplacés chacun des premiers par le trapèze
, chacun des derniers par le trapèze A,a,a'iAi. Procédons d’après
ces indications.
Le trapèze a, pour côtés parallèles,
M,M’, = 2 sin
a a
2
5
w.m, =2 rm,
EN LAMES MINCES.
77
et, pour hauteur,
aa
cos - z*
2
Les deux lames du premier groupe ont ainsi , pour étendue totale ,
/ aa' \ / aa \
2 ( sin — j (cos -g - zm 1 = si
aa \ . r aa . aa
cos - zm = sin aa -t- 2 xm cos - 2 sin -
2 / 2 2
Le trapèze A, a, a, A, a, pour côtés parallèles,
aa
AtAi ~ 2 sin — , a,a| = 2ia,
2
s
et, pour hauteur,
v/01’* [sinT_3c*T”
66'
01 -t- sin2 —
1 —
. 66'
sin - — . x.
2
6t7
01 -+- sin2 —
2
aa
= cos
66'
sin
1 —
a a
cos-*
Les quatre lames du second groupe ont ainsi, pour étendue totale,
f . aa' "1
l_sm T * *"J
66' _
sin
aa
cos -
aa
cos
= 2 sin aa' -t- 4
[aa' 66' aa' “1
cos - sin — te - x,
2 2 0 2 J
Le triangle A^B, est isocèle. Il a , pour base ,
ub
A,B, = 2 sin — ,
2
On a trouvé au n° 22, page 72,
01
\ / . aa' • , 66'
V 2 2
— 2 . 66' , aa'
01 -f- sin1 — = cos- — -
Il en résulte
78
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
et, pour hauteur, la droite qui joint le point a ou a, au milieu du segment
A ,6, . Ce milieu, situé dans le plan des xy, a pour coordonnées
1 r aa' . bb' q
x = y = — sin - 1- sin — — >
* 2 L 2 2 J
ce qui donne pour sa distance au point O
1 r aa' . bb' l
. — sin - h sin — ,
1/ 2 L 2 2 J’
et, pour la hauteur cherchée,
2 x„
r aa'
bb'~
ab
t - 7 — -
sin - — - -+- sin
= cos —
aa
66'
L 2
2 _
1 2
sin - -4- sin
—
2
2 _
9 x
•— "a
aa' . 66'
sin - 1- sin -
2 2
Les quatre lames du troisième groupe ont ainsi , pour étendue totale ,
ab ab
4 sin — cos —
2 2
2 Æq
aa' b b'
sin - h sin —
2 2 J
sin ab — a6
— 2 sin ab — 4 - 7 - rr, xa = 2 sin a6 — 41/ 2 sin —
aa bb 2
sin - h sin —
2 2
• xa
I
Le quadrilatère A^WjM, peut être remplacé par les deux triangles A lalrnlf
. La surface de ces triangles est donnée par la formule générale
1
2
[/ [(a/— x) (z"— z') — {z'-z) ( x"— x')f -b [{if— y) (x"~ x') - {x' - x) (y"— y')] - -i- [(s'— z) (y”~ y') - ( t /— y) (z"~ s')]2
où l’on doit poser, pour le premier (le point al étant son sommet, et le seg-
* On observera que l’on a, d’après une des formules du n° 22 (Voir page 73, en note),
. aa ' . bb ■ ab
sin - 1- sin — — v z. cos —
2 o 2
** Soit D une droite menée par les points (x', y', z'), (x", y ", z"). La perpendiculaire abais¬
sée du point (x, y, z) sur la droite D a, pour expression générale,
'm2 -b n2 -b[a (y' — y) — b [x' — x)]-
a2 -b b2 l
EN LAMES MINCES.
79
ment sa base)
x = xa
x = sin
«• { y = xa , A, ( y'
aa
~Y
bb'
aa
x = sin
sin y, Mt ( y' = o
aa
z" — z = 01 — cos -
2
= — ic,
z — o
- 01
aa
Z = cos
et, pour le second, (le point M, étant son sommet et le segment sa base)
aa
x = sin
x = x,.
Mi ( y = o , at ( y" = xa ,
aa'
z = cos
l
Z =0
x == x„
{ y' = o
Z — Zm
On trouve ainsi, pour la surface S du triangle A^Mj,
ou développant *
o t % / „ 6c „ aa! aa' 66' r. • o ■ aa' n i aa ■
S = — \/ 4 sin2 — - sin2 - h cos2 — sin2 - 2 xa 4 sin2 — sin — -+• CI cos — — sin — .
2 V 22 2 2 L 2 2 22J
les quantités a, b, m, n étant données par les équations de condition
m = x' — x — a(z' — z),
n = y' — y — b(z' — z).
Il s'ensuit que, en désignant par S la surface du triangle dont les trois sommets sont respec¬
tivement en ( x , y, z), ( x ' , y', z'), ( x ", y”, z ") , on a généralement
S = -i y [(x’ - x) (z"—z') - [z' — z) (x" - xyY+ etc.
* On observera que, d’après la formule (82) du n° 22 (page 72), on a
et, par suite,
_* bb'
CI -+- sin2 —
2
bc ï
= 4 sinS: — ?
2
80
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
Or on a
6c . aa' aa' , 66'
4 sin2 — sin2 — -+- cos2 — sin2 — = sin2 6c *.
2 2 2 2
De là résulte, en substituant et réduisant,
S = — sin 6c
2
[aa' bc
sin — tg —
2 & 2
aa' 66'
CI cos — sin —
2 2
2 sin bc
~j 5
ou, plus simplement encore,
**
S = — sin 6c
2
. an' bc 1/3 ,_2 bc
r . aa
sin —
L 2
tg
• sin-1
6c !
TJ*-
La surface S se réduisant à-|-sin bc dans l’hypothèse xa — 0, il s’ensuit qu’on doit avoir
nécessairement
. . , 6c . aa' aa ' bb'
4 sin2 — -, sin2 - 1- cos2 — sin2 — = sin2 bc.
2 2 2 2
On le vérifie d’ailleurs au moyen des formules (84) et (85) du n° 22 (page 75). La première
donne
cos2
bc
Y
o aa bc
H - COS2 — - COS2 - )
4 2 2
et l’on a , d’après la seconde,
bb'
bc bc
sin2 — — = 3 sin2 — cos2
2 2
De là résulte , en premier lieu ,
et, par suite,
, . , 6c bc bc aa’ aa' bc bc
4 sin — — cos2 — — = 4 sm2 — sin2 — -t- o cos2 - sin2 — cos2 — ,
2 2 2 2 2 2 2
. , , , . a bc . „ aa' „ aa’ . „ bb'
sin2 bc — 4 sin2 - — sin2 - - 1- cos2 — sm2 —
2 2 2 2
En se reportant à la dernière des formules établies dans la note du n° 22 (page 75) , on
voit que l’on a
EN LAMES MINCES.
81
On trouve de même, pour la surface S' du triangle
et, après réduction,
r • aa
aa'~ |2
xi +- zm sin — -+- ( xa — x„, )
cos —
2 J
Les huit lames du quatrième groupe ont ainsi , pour étendue totale ,
4 sin 6e —
[
. aa'
8 sin — tg
2 &
— -4- 4 V 5 sin2
2
6c
~2
+ 4 ^ Xl + ^
aa
zmsin
Désignons par 2 la surface que présentent, dans leur ensemble, toutes les
lames à considérer. Si l’on fait la somme des aires partielles déterminées
ci-dessus , et qu’on ait égard à la relation
on trouve
aa' bc
2 sin — tg — — cos
0 3 9
L’indétermination des quantités zm et xm permettant que l’on pose
aa'
zm sin — — xm cos
2
Cette relation se déduit immédiatement de la formule (35bis) du n" 15 (page 46)
2
aa' bc
tgTtgT
i.
Il
Tome XXXY.
82
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
il vient plus simplement
r 66' 6c _ . ab — 6c . / «« 1
4 sia 6c 3 sia aa' -h 2 sia ah — 4ï„ sin — tg — 9- 1/2 sin — -+■ V 3 sia- — - y/ 1 -+- cos- — J-
On a d’ailleurs, en faisant les substitutions numériques,
sia — tg - h V 2 sia - t- V 3. sia2 — I 4,538609 ,
9 a 9 9 9
et
Y7
aa
1 -+- cos2 — = 4,246590.
2
On peut donc écrire, comme dernier résultat,
2 — 4 sin bc -t- 5 sia aa' 9- 2 sia ab — 4,468076. x„
Il en résulte que la déformation supposée implique à l’origine une dimi¬
nution de l’étendue totale des lames à considérer. On peut, en conséquence,
poser la conclusion suivante :
Le système fourni par la combinaison 17 est instable. Il peut se déformer
d’après le mode exposé ci-dessus.
24. Nous avons déterminé au n° 10 les diverses combinaisons géométri¬
quement possibles. Elles se réduisent à sept et portent les numéros d’ordre
1, 7, 13, 15, 17, 18 et 19. L’instabilité des systèmes liquides qui leur
correspondent a été démontrée successivement :
1° Au numéro 16, pour les combinaisons 17 et 19, autrement dit pour
les polyèdres représentés respectivement, l’un par le prisme droit à base
triangulaire, l’autre par le cube;
2° Au numéro 18, pour la combinaison 18, autrement dit pour le cas
du prisme droit à base pentagonale;
3° Au numéro 19, pour la combinaison 13, autrement dit pour le cas
du dodécaèdre régulier;
4° Au numéro 20, pour la combinaison 15, autrement dit pour le cas
EN LAMES MINCES.
85
du polyèdre irrégulier qui présente deux faces planes et carrées, huit faces
gauches, pentagonales et semi-régulières;
5° Aux numéros 21, 22 et 23, pour la combinaison 17, autrement dit
pour le cas du polyèdre irrégulier qui présente quatre faces planes rectan¬
gulaires, quatre faces gauches pentagonales et semi-régulières.
Il suit de là que, s’il existe, en réalité, sept systèmes géométriquement
possibles, il n’en est qu’un cependant qui satisfasse aux conditions de l’équi¬
libre stable, et qui puisse, en conséquence, persister d’une manière per¬
manente. Ce système unique est celui que fournit la combinaison 1 : le po¬
lyèdre qui lui correspond est le tétraèdre régulier. Il n’admet, comme issues
d’un même sommet libre, que quatre arêtes liquides faisant entre elles des
angles égaux *.
Le résultat auquel nous venons de parvenir implique la déduction suivante :
Dans tout système de lames planes , l’aire totale ne peut être un minimum
que si les arêtes issues d’un même sommet libre se réduisent èi quatre, et
font entre elles des angles égaux.
Cette déduction s’étend d’elle-même au cas d’un système quelconque de
lames liquides planes ou courbes. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer
que si l’on restreint suffisamment l’étendue des lames issues d’un même
sommet libre , on peut considérer chacune d’elles comme se confondant avec
la partie correspondante du plan qui la touche en ce même sommet **. On
peut d’ailleurs, sans rien changer aux calculs qui précèdent, réduire, autant
qu’on veut, la longueur prise à la fois pour unité et pour rayon de la sphère
circonscrite aux polyèdres II. Le cas des lames courbes se ramène ainsi très-
simplement à celui des lames planes, et l’on a, plus généralement, ce nouvel
énoncé :
Dans tout système de lames, l’aire totale ne peut être un minimum que si
les arêtes issues d’un même sommet libre se réduisent à quatre, et font entre
elles des angles égaux.
Ces angles sont déterminés rigoureusement par la valeur de leur cosinus, qui est égale
à — t- Leur ouverture est de \ 09°, 18', 16", à moins d’une seconde d’erreur.
Une même lame ne peut avoir en chacun de ses points, au sommet comme ailleurs, qu’un
seul plan tangent. La loi de continuité ne permet pas ici d’autre hypothèse.
84
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES, etc.
Rapprochons cet énoncé de celui que nous avons formulé à la fin du n° 3
(page 26). En les résumant tous deux, nous avons la solution complète du
problème que nous nous étions proposé, et nous pouvons la formuler comme
il suit :
Dans tout système de lames liquides deux conditions sont nécessaires
pour que la somme totale des aires puisse être un minimum, et qu’il y ait,
en conséquence, stabilité d’équilibre :
Il faut, d’abord, que les lames, aboutissant d une même arête liquide,
soient au nombre de trois et se coupent deux à deux sous l’angle de 120 ;
Il faut, ensuite, (pie les arêtes issues d'un même sommet libre soient au
nombre de quatre et se coupent deux d deux sous l’angle de 1 09°, 28' ,1 6" ,
ou, plus exactement, sous l’angle dont le cosinus est - — .
DEUXIÈME PARTIE.
VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTALES.
PREMIÈRE SECTION.
GÉNÉRALITÉS CONCERNANT LES POLYÈDRES TYPES ET LEURS DÉRIVÉS.
A7. B. Nous désignons sous le nom de polyèdres types les sept polyèdres déterminés, dans la première partie,
comme étant les seuls dont la réalisation soit géométriquement possible. Les dérivés s’obtiennent en
modifiant une ou plusieurs dimensions des polyèdres types.
25. La théorie que nous venons de développer n’est pas seulement spé¬
culative : elle a ses moyens de contrôle dans une série d’expériences qui se
coordonnent et se déterminent d’après les données précédentes. Ces expé¬
riences, déjà très-curieuses en elles-mêmes, offrent ici d’autant plus d’in¬
térêt qu’elles confirment et vérifient toutes les déductions du calcul. Sous ce
rapport, il convient que nous entrions dans de nouveaux détails, ne fût-ce
que pour fixer, d’une manière précise, les dimensions des polyèdres à con¬
struire et la façon de les mettre en œuvre.
Un mot d’abord sur la nature des appareils. Tout fil, qui présente une
certaine rigidité et qui contracte adhérence * avec le liquide dont on se sert ,
t
On n’obtient pas toujours une adhérence convenable. Il faut alors oxyder les carcasses
dans toutes leurs parties et particulièrement aux soudures. On y parvient au moyen d’une ou
plusieurs immersions dans un bain légèrement acidulé.
8H
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
peut être employé à la confection des carcasses polyédriques. Le fil de fer
réussit biqn avec une épaisseur d’un demi-millimètre à un millimètre. Le
fil de zinc est moins roide. Si on le substitue au fil de fer, il faut le pren¬
dre un peu plus gros ou diminuer les dimensions des carcasses. Le liquide
peut être tout simplement de l’eau de savon % comme celle dont on se
sert pour souffler des bulles. M. Plateau emploie de préférence un composé
d’eau de savon et de glycérine qu’il désigne sous le nom de liquide gly-
| érique **. Il obtient ainsi des systèmes de lames qui persistent très-long¬
temps dans la forme qu’ils affectent à l’état d’équilibre stable. L’eau simple
de savon ne comporte que de courtes durées : elle peut néanmoins suffire
et se prêter, entre certaines limites, à l’observation des principaux phéno¬
mènes.
La carcasse sur laquelle on expérimente devant être plongée tout entière
dans l’eau de savon , on peut l’en retirer au moyen d’une tige qui fait corps
avec elle, ou bien encore au moyen d’un fil de fer plié en deux et recourbé en
agrafe à chacune de ses extrémités. Le premier moyen a été employé par
Le savon dont nous avons fait usage est celui de Marseille. Il nous a donné de bons ré¬
sultats.
La préparation du liquide glycérique exige certaines précautions. Voici les principales,
suivant les indications que M. Plateau a bien voulu nous donner pour le savon de Marseille et
la glycérine française de Lamoureux, d’après de nouvelles recherches encore inédites:
Prendre, a défaut d eau distillée, de l’eau de pluie. En poids, trente parties d'eau pour une
de savon. Débiter le savon en copeaux minces et le faire dissoudre dans l’eau à une chaleur
modérée. Laisser refroidir la dissolution et, après l’avoir filtrée, la mêler à un volume égal de
glycérine. Ce mélange doit être fait avec soin dans un flacon qu’on agite fortement et longtemps.
Cela posé, achever comme il suit, d’après la saison :
En été, laisser reposer le mélange pendant sept jours; le plonger ensuite dans de l’eau entre¬
tenue à o ou 4 degrés au-dessus de zéro et l’y laisser six heures. Après cette immersion, pen¬
dant laquelle le mélange se trouble fortement, filtrer à travers du papier Prat-Dumas, en
tenant plongé dans le filtre un bocal rempli de morceaux de glace. Le produit de la filtration
donne, après six ou sept jours d'attente, un bon liquide glycérique.
En hiver, déposer le mélange en un lieu dont la température ne s’abaisse pas au-dessous
de zéro et ne s élève point au-dessus de 4° pour la nuit , de 9° pour le jour. Attendre ainsi pen¬
dant sept jours, puis filtrer à travers du papier Prat-Dumas, en ayant soin d opérer à une
température qui s écarte peu de 4°. Le produit de la filtration est le liquide glycérique.
Ainsi préparé, le liquide glycérique peut se conserver très-longtemps; plusieurs mois au
moins, sinon plus d une année. S’il se décompose ou s’altère, on le fait bouillir pendant quel¬
ques minutes. On le filtre ensuite à travers un tissu en coton serré.
EN LAMES MINCES.
87
M. Plateau dans ses expériences; ici j’ai préféré le second. La double agrafe
se prête mieux que la simple tige à disposer les carcasses polyédriques de
manière à ce que leur émersion commence ou finisse par une partie quel¬
conque déterminée d’avance. 11 faut éviter, dans tous les cas, que le fil de
fer servant de lige ou d’agrafes ne contracte avec le liquide des adhérences
qui ne laisseraient point aux lames parlant des arêtes la faculté de se diriger
librement vers l’intérieur, ou qui introduiraient des lames additionnelles.
Les précautions les plus simples suffisent à cet égard.
Nous avons constaté, par expérience, qu’on peut très-bien réussir avec
l’eau de savon lorsqu’on donne aux polyèdres à construire les dimensions qui
correspondent à leur inscription dans une sphère de cinq centimètres de
rayon. Pour ramener à celte échelle les résultats numériques obtenus dans la
première partie , il suffit de les diviser par le nombre deux et de les rap¬
porter au décimètre pris pour unité principale. C’est ainsi que nous procé¬
derons dans les numéros suivants.
26. Considérons les lames qui partent des différentes arêtes d’un polyèdre
donné n, et qui vont concourir en son centre. Elles comportent, en général,
plusieurs modes de déformation compatibles avec une diminution de leur
étendue totale. Lorsque l’on connaît d’avance l’un ou l’autre de ces modes,
on peut se rendre compte des dispositions qui lui correspondent dans le sys¬
tème permanent qui en dérive. On peut aussi déterminer comment l’émer¬
sion doit se faire pour arriver plus vite à la formation du système qu’on
veut réaliser. Le procédé décrit au n° 17, page 53, offre, à cet égard, de
précieuses ressources. Il permet, en effet, de reconnaître, a priori, pour
chacun des polyèdres types, l’une au moins des dispositions générales qui
lui correspondent dans l’état d’équilibre stable des lames intérieures. Réduit
à son expression la plus simple, voici en quoi consiste le procédé dont il
s’agit :
Etant donné le polyèdre sur lequel on veut opérer, on choisit arbitraire¬
ment lune de ses faces, et, par la pensée, on supprime non-seulement cette
face, mais aussi toutes celles qui lui sont contiguës, les faces, arêtes et sommets
non contigus à la face choisie étant seuls conservés. Cela fait , on n'a plus
quà considérer les parties restantes. Elles déterminent , par leur nombre,
88
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
leur espèce el leur disposition , la disposition, l’espèce et le nombre des par¬
ties libres * du système liquide correspondant .
Pour bien faire comprendre ce procédé, nous allons l'appliquer-successi-
vement à chacun des polyèdres types.
27. Commençons par le tétraèdre, et prenons l’une quelconque de ses
faces. Si nous supprimons cette face et ses arêtes, si nous supprimons en
même temps les faces qui lui sont contiguës et les arêtes qu’elles compren¬
nent entre elles , il ne reste que le sommet opposé à la face supprimée la
première. On peut en conclure que le système correspondant des lames in¬
térieures ne présente qu’un seul sommet libre. Il est, d’ailleurs, aisé de voir
que ce sommet doit être au centre et se rattacher par quatre arêtes liquides
aux quatre sommets du tétraèdre. Les faits sont en complet accord avec ces
déductions.
28. Soit, en second lieu, le prisme droit à base triangulaire. Ses faces
sont de deux espèces; les unes ont trois côtés, les autres quatre. Elles sont,
d’ailleurs, au nombre total de cinq.
Supprimons d’abord l’une des bases. Nous devons supprimer ensuite les
trois faces latérales. 11 ne reste, en conséquence, qu’une seule face, la base
non supprimée. Concluons, par rapport au système correspondant des lames
intérieures, qu’il présente une lame libre unique, triangulaire, parallèle aux
bases du prisme et disposée comme elles, à égale distance de l’une et de
l’autre. Cette solution nous ramène au mode de déformation que nous avons
admis et démontré possible au n° 16, pages 49 et suivantes.
Imaginons ensuite que la face supprimée la première soit une face latérale.
Elle est contiguë aux quatre autres et détermine, en conséquence, leur éva¬
nouissement simultané. Il ne reste, ainsi, que l’arête opposée à la face latérale
supprimée la première. Le système qui correspond à ce cas ne comporte
qu’une seule arête libre , évidemment dirigée suivant l’axe du prisme. Nous
dirons plus loin comment il se réalise pour les lames intérieures, lorsqu'on
augmente la hauteur du prisme sans changer sa base.
* On entend par parties libres celles qui restent en dehors de toute arête solide. Tels sont les
sommets libres déjà définis; les arêtes comprises entre ces sommets; les lames que ces mêmes
arêtes circonscrivent.
EN LAMES MINCES.
89
29. Soit, en troisième lieu, le cube, autrement dit l’hexaèdre régulier.
Toutes les faces sont de même espèce, égales et carrées. Elles sont d’ailleurs
au nombre de six. Peu importe celle qu’on supprime d’abord ; elle fait dis¬
paraître avec elle les quatre faces qui lui sont contiguës, et ne laisse ainsi
subsister qu’une face unique, celle qui lui est opposée. Concluons que le
système correspondant des lames intérieures présente une lame quadrangu-
laire, parallèle à deux faces opposées du cube, équidistante de ces faces et'
disposée comme elles. Cette solution nous ramène, comme tout à l’heure, au
mode de déformation que nous avons admis et démontré possible au n° 16.
30. Soit, en quatrième lieu, le prisme droit à base pentagonale. Ses
faces, au nombre de sept, sont de deux espèces, les unes ayant cinq côtés
et les autres quatre.
Supprimons d’abord l’une des bases. L’évanouissement des faces latérales
qui lui sont contiguës ne laisse subsister qu’une face, la base non supprimée.
Concluons, par rapport au système correspondant des lames intérieures,
qu’il présente une lame libre unique, pentagonale, parallèle aux bases et
disposée comme elles, à égale distance de l’une et de l’autre. Nous verrons
plus loin comment ce système peut se produire et persister lorsqu’on diminue
la hauteur du prisme, sans changer sa base.
Au lieu de choisir une des bases du prisme pour la supprimer la première,
prenons une des faces latérales. La suppression de cette face implique celle
des deux faces latérales qui lui sont contiguës et, en outre, celle des deux
bases du prisme. II reste ainsi deux faces latérales accolées l’une à l’autre. On
doit en conclure que le système correspondant des lames intérieures présente
deux lames libres quadrangulaires; réunies par une arête dont le plan con¬
tient l’axe du prisme, et donnant ensemble six sommets libres distincts. Cette
solution nous ramène au mode de déformation que nous avons admis et
démontré possible au n° 18, pages 57 et suivantes.
31 . Soit, en cinquième lieu, le dodécaèdre régulier. Ses faces, au nombre
de douze, sont toutes de même espèce et pentagonales. Quelle que soit celle
que l’on commence par supprimer, elle fait disparaître avec elle les cinq
faces qui lui sont contiguës et laisse ainsi subsister la moitié du dodécaèdre.
Il en résulte, par rapport au système correspondant des lames intérieures,
Tome XXXV. 12
90
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
qu’il doit présenter six faces libres pentagonales, dont cinq sont accolées
entre elles et à la sixième. Ces six faces, disposées comme celles qui leur
correspondent dans le dodécaèdre, portent au nombre de quinze les sommets
libres du système intérieur. Celte solution s’accorde avec le mode de défor¬
mation que nous avons admis et démontré possible au n° 19, pages 63 et 64.
32. Soit, en sixième lieu, le polyèdre semi-régulier fourni parla combi¬
naison 17 et comprenant deux groupes égaux, composés chacun de quatre
pentagones accolés entre eux et à un même carré.
Si nous supprimons d’abord l’un des deux carrés, nous devons supprimer
en même temps les quatre pentagones qui lui sont contigus. 11 teste ain>i
l’un des deux groupes dont le polyèdre se compose, et rien que ce groupe.
Concluons, par rapport au système correspondant des lames intérieures, qu il
présente un groupe de cinq lames libres formé d’un quadrilatère central et
de quatre pentagones accolés. Ce groupe est disposé comme celui qui lui
correspond dans le polyèdre. Les sommets libres qu'il fournit sont au nombre
de douze. Cette solution nous ramène au mode de déformation que nous
avons admis et démontré possible au n° 20, pages 64 et suivantes.
Concevons maintenant que la face supprimée la première soit une des
faces pentagonales. Elle fait disparaître avec elle le quadrilatère et les deux
pentagones qui lui sont contigus dans le groupe auquel elle appartient. Elle
fait disparaître en outre les deux pentagones qui lui sont accolés dans le
second groupe. Il reste ainsi quatre faces dont lune est carrée, les tiois
autres pentagonales. La face carrée est accolée à deux des pentagones. Les
trois pentagones sont accolés entre eux autour d’un même point central. On
doit en conclure que le système correspondant des lames intérieures présente
quatre lames libres , l’une quadrangulaire , les trois autres pentagonales. Le
groupe formé par ces lames est disposé comme celui qui lui correspond dans
le polyèdre après les suppressions indiquées ci-dessus. Les sommets libres
qu’il fournit sont, comme tout à l’heure, au nombre de douze. Cette solution
s’accorde avec le mode de déformation que nous avons signalé comme pos¬
sible dans la remarque placée à la fin du n° 20, page 67.
33. Soit en septième et dernier lieu le polyèdre semi-régulier fourni par
la combinaison 17 et comprenant deux groupes égaux, formés chacun de
EN LAMES MINCES.
91
deux rectangles et de deux pentagones. Dans chacun de ces groupes les
rectangles sont accolés entre eux par l’un de leurs grands côtés. C’est d’ail¬
leurs par leurs petits côtés qu’ils s’accolent aux deux pentagones.
Les faces étant de deux espèces, on peut supprimer d’abord, soit un
rectangle, soit un pentagone.
Dans le premier cas, l’un des deux groupes disparait tout entier et, avec
lui, l’un des pentagones du second groupe. Il ne reste donc que deux rectan¬
gles accolés et comprenant entre eux un pentagone. Dans le second cas, le
pentagone supprimé fait disparaître avec lui trois rectangles et deux penta¬
gones. Il ne reste plus alors qu’un pentagone accolé à un rectangle. Con¬
cluons, par rapport aux systèmes correspondants des lames intérieures, qu’ils
sont au nombre de deux. Le premier présente trois lames libres, dont deux
quadrangulaires et une pentagonale, accolées entre elles autour d’un même
point, disposées comme les faces qui leur correspondent dans le polyèdre et
fournissant huit sommets libres. Le second présente deux lames libres , l’une
quadrangulaire, l’autre pentagonale, accolées l’une à l’autre, disposées comme
les faces qui leur correspondent dans le polyèdre, et déterminant sept som¬
mets libres. La première de ces solutions nous ramène au mode de déforma¬
tion que nous avons indiqué comme possible à la fin du n° 21, page 71; la
seconde exige pour se réaliser, à l’état permanent, que l’on modifie le po¬
lyèdre n. Il suffît, à cet effet, d’opérer exclusivement sur ses quatre plus
petites arêtes, et d’en augmenter un peu la longueur.
34. Lorsqu’on procède, ainsi que nous venons de le faire, à la détermi¬
nation du mode suivant lequel le système des lames intérieures peut se dé¬
former, il est plusieurs points importants qu’il ne faut pas perdre de vue.
On observera, d’abord, que les systèmes primitifs à considérer, d’après
la marche (pie nous avons suivie, consistent essentiellement en une suite de
lames triangulaires ayant toutes leur sommet en un même point central , et
chacun, pour base, l’une des arêtes du polyèdre donné. Lorsqu’on soumet
les résultats du calcul à l’épreuve expérimentale, et que, s’en tenant au pro¬
cédé le plus simple, on se borne à retirer du liquide, où on l’a plongé, le
polyèdre sur lequel on expérimente, on opère dans des conditions mal
choisies pour réaliser, ne fût-ce qu’un instant, les systèmes primitifs qu’il
92
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
s’agirait d’obtenir comme points de départ. On conçoit donc que les faits
expérimentaux pourraient sembler en désaccord avec les indications théo¬
riques et cependant ne pas les infirmer.
On doit observer ensuite que les systèmes résultant d’une déformation
quelconque ne peuvent conserver la disposition qu’on leur prèle pendant leur
développement et s’y arrêter d’une manière définitive, que s'ils satisfont tout
d’abord aux deux lois qui limitent respectivement, l’une à trois le nombre
des lames aboutissant à une même arête liquide, l’autre à quatre le nombre
des arêtes liquides issues d’un même sommet libre. Lors donc qu’on a re¬
connu, pour un mode déterminé de déformation, qu*il correspond à une
diminution de l’étendue totale des aires à considérer, il ne s’ensuit pas que
ce mode soit nécessairement réalisable, ni surtout qu’il implique, comme
résultat final et permanent, un état d’équilibre où se retrouveraient les dis¬
positions générales admises à l’origine de la déformation. Avant de rien
conclure, il faut au moins s’assurer que le mode dont il s’agit remplit les
conditions voulues en ce qui concerne les limitations numériques rappelées
ci-dessus. Celte vérification réussit pour tous les cas mentionnés dans les
sept numéros précédents. Veut-on le démontrer a priori et déterminer d’une
manière plus précise l’état final et permanent qui correspond, en général,
pour chacun des polyèdres types au mode de déformation du n° 17? on peut
procéder comme il suit :
Soit n le polyèdre donné. Représentons-nous un second polyèdre n', situé
à l’intérieur du polyèdre n et déterminé de telle façon que ces deux polyèdres
soient concentriques, semblables et semblablement placés. Le polyèdre n se
réduit, par hypothèse, aux arêtes solides d’une carcasse en fil de fer. Ima¬
ginons que de chacune de ces arêtes parte une lame liquide aboutissant à
l’arête homologue du polyèdre n' et limitée latéralement par les droites qui
joignent l’un à l’autre les sommets correspondants des deux polyèdres. Ima¬
ginons en outre que chacune des faces du polyèdre fl' soit occupée par une
lame liquide. Il est clair que, en opérant ainsi, nous réalisons par la pensée
le système pris pour point de départ des déformations successives indiquées
au n° 17. Il est clair aussi que, dans ce système, les lames issues d’une
même arête liquide sont partout au nombre de trois; les arêtes issues d’un
EN LAMES MINCES.
95
même sommet libre partout au nombre de quatre. Cela résulte nécessaire¬
ment et évidemment de ce que les arêtes solides, issues d’un même sommet
dans le polyèdre n, sont partout au nombre de trois.
Concevons qu’on regarde par une des faces du polyèdre n le système des
lames liquides qui se rattachent aux différentes arêtes de celte face et entré
elles. Ce système constitue une pyramide tronquée, ayant pour base la face
vide par laquelle on regarde; pour face opposée à la base, une lame liquide,
semblable à la base et semblablement placée; pour faces latérales, une suite
de lames liquides qui toutes ont la forme d’un trapèze, et dont chacune relie
l’arête solide dont elle part à l’arête homologue de la lame libre opposée à
la base.
Cela posé, voyons ce qui arrive après la suppression d’une face quelconque
choisie comme on veut dans le polyèdre II'. Pour fixer les idées, nous dé¬
signerons par a', b', c' , cl', c', f' , etc., les sommets du polyèdre II', et par
a, b , c, d, e, f, etc., les sommets homologues du polyèdre n.
Fi9- Soit a' b' l’un des côtés de la face supprimée
dans le polyèdre n'. La face, qui se rattache
à la face supprimée par le côté commun a'b' ,
peut être triangulaire, quadrangulaire ou pen¬
tagonale. Supposons -la pentagonale et repré-
senlons-la par a'b'c'd'e' , en observant qu’elle
^ devient quadrangulaire ou triangulaire, selon
que les trois points c1, d1, e' sont en ligne droite
ou qu’ils se confondent en un point unique.
L’évanouissement de la face a'b'e'd'e1 peut
et doit être considéré comme ayant lieu de la façon suivante :
Le point a' glisse sur a'e' jusqu’à ce qu’il arrive en e'. Entraînée par le
point a1, l’arête aa' tourne autour du point a et vient s’arrêter en ae' . Il en
résulte, par rapport aux arêtes issues du sommet libre e', qu’elles restent
au nombre de quatre, l’arête a'e1 ayant disparu et se trouvant remplacée par
l’arête ae' . On voit aussi que rien n’est changé dans les lames issues de
farête ee', si ce n’est que, au lieu du trapèze aee'a', il ne reste plus que la
partie de ce trapèze représentée par le triangle aee' .
94
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
Le point b' glisse sur l’arête b'c' jusqu’à ce qu’il arrive en c'. Entrainée
par le point b', l’arête bb' tourne autour du point b et vient s’arrêter en bc'.
11 en résulte, par rapport aux arêtes issues du sommet libre c' , qu’elles restent
au nombre de quatre, l’arête c'b1 ayant disparu et se trouvant remplacée par
l’arête c'b. On voit aussi que rien n’est changé dans les lames issues de
l’arête cc' , si ce n’est que, au lieu du trapèze bcc'b', il ne reste plus que la
partie de ce trapèze représentée par le triangle bcc'.
S’agit-il ensuite de l’arête a' b1 et des deux lames abb'a' , a'b'c'd'e '? Lors¬
que les points a' et b' arrivent simultanément, l’un en e', l’autre en c', larète
a'b' s’applique sur le contour e'd'c', et les lames abb'a' , a'b'c'd'e' se con¬
fondent en une lame unique abc'd'e' de même espèce * que la lame éva¬
nouie a'b'c'd'e'. Il en résulte, par rapport aux lames issues de chacune des
arêtes c'd', d'e' , qu’elles restent au nombre de trois, la lame a'b'c'd'e' ayant
disparu et se trouvant remplacée par la lame abc'd'e' .
Arrêtons-nous ici et voyons ce qu’est devenu le polyèdre laminaire cor¬
respondant à la face abcde du polyèdre n.
La lame libre , opposée à la base abcde, a disparu sans laisser aucun vide.
La lame qui pari de l’arête ab a même nombre de côtés que la face abcde.
Elle est limitée latéralement par les arêtes ae', bc', et au delà par le con¬
tour c'd'e'.
Les lames qui parlent des arêtes contiguës à l’arête ab sont triangulaires.
Les lames restantes n'ont pas changé ; elles conservent la forme trapé¬
zoïdale qu’elles affectaient d’abord.
35. Soit F' la face supprimée la première dans le polyèdre n', et F la
face homologue du polyèdre n. Ce qui vient d’être dit de la face abcde, par
rapport au polyèdre laminaire dont elle est la base, s’applique en même temps
et de la même manière à toutes les faces placées dans les mêmes conditions
que la face abcde, c’est-à-dire contiguës comme elles à la face F. II en résulte
que l’étal actuel du système liquide peut être déterminé, comme il suit, en
considérant tour à 10111- chacune des faces du polyèdre n, et la prenant pour
base du polyèdre laminaire qui lui correspond.
Lorsque nous disons de deux lames quelles sont de même espèce ou de même nature,
nous entendons exprimer par là qu’elles ont même nombre de côtés.
EN LAMES MINCES.
95
S’agit-il, en premier lieu, des faces non contiguës à la face F? Les polyè¬
dres laminaires qui correspondent à ces faces n’ont pas changé. Chacun d’eux
a, pour face opposée à sa hase, une lame libre, semblable à cette base et
semblablement placée; pour faces latérales, une suite de lames qui toutes
ont la forme d’un trapèze et dont chacune relie l’arête solide dont elle part
à l’arête homologue de la lame libre opposée à la base.
S’agit-il ensuite de la face F? Le polyèdre laminaire qui lui correspond a,
pour faces opposées à sa base, le groupe complet de toutes les lames libres
mentionnées dans le paragraphe précédent; pour faces latérales, une suite
de lames dont chacune est de même espèce que la face du polyèdre n qu’une
même arête solide rattache, en même temps qu’elle, à la face F.
S’agit-il, en dernier lieu, des faces contiguës à la face F? Les polyèdres
laminaires ayant ces faces pour bases se sont tous modifiés. Chacun d’eux se
réduit à une suite de lames qui se relient directement entre elles sans interpo¬
sition d’aucune lame libre, et qui correspondent, une à une, aux différentes
arêtes de la base. La lame qui part de l’arète solide commune à la base et
à la face F est de même espèce que la face du polyèdre n qui se rattache
à la face F par cette même arête. Les deux lames qui sont contiguës à la
précédente et qui la comprennent entre elles sont triangulaires. Les lames
restantes n’ont pas changé. Elles étaient et sont restées trapézoïdales.
Tout est déterminé, comme on vient de le voir, dans l’état actuel du sys¬
tème liquide. Nous avons établi d’ailleurs que, en passant de l’état primitif
à l’état actuel , le nombre des lames issues d’une même arête liquide et celui
des arêtes liquides issues d’un même sommet libre n’ont pas cessé d’être
respectivement égaux, le premier à trois, le second à quatre.
Supposons maintenant que, sans rien changer , ni au nombre des sommets
libres , ni à celui des lames et de leurs côtés respectifs , l’on déplace ces som¬
mets et l’on modifie les côtés de ces lames de manière à réaliser, en chaque
cas, la déformation qui correspond à ce cas, d’après le procédé du n° 17, et
conformément aux données des numéros suivants. Cela revient à prendre le
polyèdre IF non semblable au polyèdre n, et à n’introduire d’ailleurs aucune
autre modification. 11 est visible, dès lors, que les lois rappelées ci-dessus
en ce qui concerne les limitations numériques des lames et des arêtes liquides
96
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
seront toujours satisfaites. On voit également que, si Ton peut, dans cès mêmes
conditions i3 passer de l’état actuel à un état définitif d’équilibre stable, ce der¬
nier état doit être caractérisé par la permanence des dispositions générales
précédemment décrites.
36. Le résultat auquel nous venons de parvenir est assez important pour
qu’il convienne d’y insister et de le recommander, d’une façon toute particu¬
lière, à l’attention du lecteur. On peut d’ailleurs s’en tenir au résumé suivant :
Le procédé du n° 17 ne permet pas seulement de reconnaître a priori,
comme on l’a vu aux nos 26 et suivants, une ou plusieurs des dispositions
générales affectées par les lames libres dans l’état d’équilibre stable de cha¬
cun des systèmes liquides qui correspondent aux polyèdres types et à leurs
dérivés. II permet aussi de déterminer, par rapport à chacune des faces du
polyèdre sur lequel on expérimente , le polyèdre laminaire dont cette même
face peut être considérée comme la base.
Désignons par F, F,, F2 les différentes faces du polyèdre donné II. Par
hypothèse :
F est la face homologue à celle qu’on doit regarder comme ayant disparu
la première dans le polyèdre II';
F j est l’une quelconque des faces contiguës à la face F ;
F2 est l’une quelconque des faces non contiguës à la face F.
Cela posé, voici comment se déterminent, par rapport à ces faces, les
polyèdres laminaires dont elles sont les bases respectives.
Soit d’abord la face F ;
Elle se distingue des autres en ce que le polyèdre laminaire, qui lui corres¬
pond, a, pour faces opposées à sa base, le groupe entier de toutes les lames
libres. Ce polyèdre laminaire a d’ailleurs, pour faces latérales, une suite de
lames dont chacune est de même espèce que la face F, du polyèdre n qui se
rattache à la face F par la même arête solide.
Soit ensuite une face F,;
Le polyèdre laminaire correspondant se réduit à une suite de lames qui se
relient directement entre elles sans interposition d’aucune lame libre, et qui
partent respectivement des différents côtés de la base F,. La lame issue de
l’arête commune à la base F, et à la face F est (je même espèce que la face F,.
EfS LAMES MINCES.
97
Les deux lames qui sont contiguës à la précédente et qui les comprennent
entre elles sont triangulaires. Les lames restantes sont quadr angulaires.
Soit, en dernier lieu, une face F2;
Le polyèdre laminaire correspondant a , pour face opposée à sa base F2 ,
une lame de même espèce que celte base et semblablement placée ; pour faces
latérales , une suite de lames (pii sont toutes quadr angulaires , et dont chacune
relie l’arête solide dont elle part ci l’arête correspondante de la lame libre
opposée à la base F2.
II suit de là que , les polyèdres laminaires à considérer étant en nombre égal
à celui des faces du polyèdre solide sur lequel on expérimente, ils diffèrent,
en général , par des caractères assez tranchés pour que, en en voyant un, l’on
puisse dire immédiatement si la face vide qui lui sert de base est la face F,
ou Tune de celles que nous avons désignées par F, ou par F2. On voit, en
même temps, combien la description de ces différents polyèdres se trouve sim¬
plifiée, puisqu’on connaît d’avance, pour chacun d’eux, le nombre, l’espèce
et la disposition des lames dont il se compose. Le reste ne constitue plus
qu’un détail tout à fait secondaire.
37. Nous venons de préciser les caractères distinctifs que présente la
face F dans les états d’équilibre stable qui dérivent exclusivement du mode
de déformation décrit au n° 17 ainsi qu’aux nPS 26 et suivants. Il devient
ainsi très-facile de reconnaître cette face à la simple inspection du système
liquide obtenu. On peut dès lors, soit en immergeant de nouveau la face F,
soit en soufflant une bulle ci l’intérieur du polyèdre laminaire dont elle est la
base, déterminer la formation d’une lame supplémentaire qui s’attache en
même temps à toutes les faces latérales de ce polyèdre, et qui remonte vers
le centre en tenant emprisonnée une certaine quantité d’air *. De là résulte
* Le procédé qui consiste à immerger une seconde fois l’aine des faces de la carcasse solide
a été employé , dans quelques cas, par MM. Van Rees et Plateau. Celui que j'indique à la suite
est souvent préférable. Il convient, suivant les circonstances, de recourir, soit à l’un, soit à
l’autre. On peut aussi, comme on le verra plus loin, tirer un grand parti de l’action du souffle
pour opérer certaines transformations. Voici, sur ces deux points, ce qu’on trouve dans les
travaux antérieurs de M. Plateau :
« Dans le système de la charpente cubique, la lame quadrangulaire centrale est parallèle à
» deux faces opposées du cube; mais, à cause de la svmétrie de la charpente, il est évidemment
Tome XXXV. ' 15
98
SUR LA STABILITE DES SYSTEMES LIQUIDES
ainsi qu'on le voit aisément, d’après ce qui précède, la formation spontanée
d’un polyèdre liquide II", disposé à l’intérieur du polyèdre n dans les mêmes
conditions que le polyèdre n' des numéros qui précèdent, et ne. différant
de celui-ci que par la courbure de ses faces et de ses arêtes. Abstraction
faite de cette différence, on peut dire du polyède n”, qu’il offre la réalisation
complète du polyèdre II', considéré en lui-même et dans ses attaches aux
arêtes solides du polyèdre n. Celte circonstance remarquable a ici une im¬
portance toute particulière; elle fournit le moyen de vérifier par voie expéri¬
mentale comment la suppression d’une face du polyèdre n" implique les
» indifférent pour l'équilibre , que ce parallélisme ait lieu par rapport à un couple de faces ou
» par rapport à un autre; la lamelle peut donc occuper également trois positions, et l’on con-
» çoit qu'il suffît d’une cause très-légère pour déterminer son choix. Aussi, quand on retire fa
» charpente du liquide glycérique, trouve -t- on la lamelle en question tantôt parallèle aux
» faces antérieure et postérieure, tantôt parallèle aux faces de droite et de gauche, et il arrive
» même quelquefois qu’elle se place horizontalement (•). De plus, on peut la faire passer, à
» volonté, et plusieurs fois de suite, de l’une de ces trois positions à une autre; il suffît, pour
» cela, de souffler très-légèrement sur l’une de ses arêtes par la face de la charpente du côté
v de laquelle se trouve cette arête. On voit alors la lamelle se rétrécir dans le sens du souffle,
» se réduire à une simple ligne, puis se reproduire dans sa nouvelle position. Ces derniers
» phénomènes m’ont été indiqués par M. Van Rees, qui a bien voulu répéter mes expériences1'
» en Hollande.
» On peut forcer un système liquide à sortir de celle de nos lois d’après laquelle il ne ren-
» fermerait aucune portion d’air emprisonné de tous les côtés par des lames, et alors, dans
» plusieurs charpentes, on obtient, en s’y prenant convenablement, des résultats nouveaux et
» fort jolis. Le procédé, qui m’a également été indiqué par M. Van Rees, consiste à produire
» d'abord le système ordinaire, puis à replonger, de quelques millimètres, la face inférieure
» de la charpente, et enfin à retirer de nouveau celle-ci. On conçoit, en effet, qu'il se forme
» ainsi dans cette face une lame plane qui emprisonne de l’air entre elle et les lames obliques
x partant des côtés de cette même face, et qui, grimpant aussitôt entre ces lames obliques,
» pousse la portion d’air devant elle, en donnant lieu à un système nouveau, lequel se synaé-
» Irise quand la chose est possible. Par exemple, avec la charpente cubique, le nouveau système
» contient, en son milieu, un cube laminaire rattaché par ses arêtes aux lames partant des
» arêtes solides; seulement les arêtes, et conséquemment aussi les faces de ce cube laminaire,
y sont légèrement convexes, ce qu’on s’explique aisément par la loi relative aux angles des arêtes
» liquides entre elles. De même avec la charpente du tétraèdre, le nouveau système contient.
» en son milieu, un tétraèdre laminaire à arêtes et à faces convexes. On obtient encore des
» résultats analogues avec la charpente du prisme pentagonal et avec celle du prisme hexagonal,
t1) Il a échappé à M. Plateau que la lame dont il s’agit se dispose horizontalement ou verticalement, selon
que la vitesse d’émersion est plus ou moins grande pour un même liquide, ou que le liquide est plus ou moins
visqueux pour une même vitesse d’émersion.
EN LAMES MINCES.
99
transformations successives et les dispositions finales décrites aux numéros 26
et suivants. Elle se prête, en outre, à d’autres vérifications très-intéressantes.
Supposons que, après avoir formé le polyèdre Et", on y insère par une de
ses faces un tuyau très-petit préalablement mouillé *. De même que, en
soufflant de l’air par ce tuyau, l’on augmente le polyèdre n", de même on
le fait décroître en aspirant une partie de l’air qu’il tient emprisonné. On
peut ainsi diminuer le polyèdre n", soit jusqu’à une certaine limite, à partir
de laquelle il subit une transformation brusque , soit sans limite et jusqu’à
ce qu’il se concentre en un point situé au centre du polyèdre n **. On voit
comment il est possible, en ce dernier cas, de réaliser avec toute la précision
» mais celle du prisme triangulaire donne une figure non-symétrique (*), Celle de l’octaèdre,
» si l’on replonge une face bien parallèlement à la surface du liquide , et qu’on la relirp de
» même, fournit un résultat symétrique, mais dans lequel l’octaèdre laminaire central a quatre
» faces triangulaires et les quatre autres hexagonales (2).
» Ces systèmes sont évidemment des systèmes mixtes, dans lesquels une partie des lames
» est à courbure moyenne nulle, tandis que l’autre est à courbure moyenne finie et constante.
» Enfin, si après avoir réalisé un de ces systèmes mixtes, on crève une des lames qui com-
» posent le polyèdre central, on voit l'ensemble repasser instantanément, ou en un temps
» très-court, au système ordinaire . C’est là encore une transformation curieuse. Pour »
» crever ces lames, le mieux est de se servir d'une pointe de papier à filtre. » ( Extraits de la
sixième série, pages GO et 61.)
* Il convient de mouiller légèrement la partie du tuyau qu’on insère dans le polyèdre n". Si
l’on ne prenait pas cette précaution, on s’exposerait à briser la face mise en contact avec le
tuyau. C’est ainsi, par exemple, que dans le cas où l'on veut régulariser un système de lames
en supprimant les cellules fermées qu’il peut offrir accidentellement, il suffit , pour rompre ces
cellules, d’en toucher une paroi avec un corps qui ne se laisse pas mouiller immédiatement.
** Lorsque le tuyau a pénétré dans l'intérieur du polyèdre n" et que son orifice est dégagé
de tout obstacle , l’air intérieur s’échappe de lui-même sous la pression qui le sollicite. On facilite
le dégagement de l’orifice, en commençant par souffler de manière à augmenter le volume du
polyèdre II".
C) Le défaut de symétrie, signalé par M. Plateau pour le cas du prisme à base triangulaire, dépend de la hau¬
teur du prisme sur lequel il a expérimenté. Pour une même base, il n’y a défaut de symétrie qu’à partir d’une
certaine hauteur et pour des hauteurs plus grandes. Il en est de même en ce qui concerne le prisme à base
pentagonale. La symétrie, observée par M. Plateau, ne subsiste qu’à partir d’une certaine hauteur et pour des
hauteurs moindres. Nous indiquerons plus loin les conditions de ces différents phénomènes.
(*) Les choses ne se passent pas toujours comme le décrit M. Plateau. Il faut d’abord que la face replongée soit
une des quatre faces pour lesquelles les polyèdres liquides correspondants ont leur sommet commun au centre
de l’octaèdre. Il faut ensuite que l’air emprisonné ait un certain volume. Nous donnerons, à la lin de ce travail,
des détails curieux sur les dispositions variées et les nombreuses transformations que comportent les systèmes
liquides fournis par la carcasse octaédrique. .
100
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
désirable l’état initial pris pour point de départ des calculs théoriques et de
vérifier, en conséquence, certaines déductions de ces mêmes calculs.
L’aspect que présente le polyèdre n" à l’intérieur du polyèdre n.est assez
curieux par lui-même pour qu’il y ait lieu de répéter, en chaque cas, l’expé¬
rience que nous venons d’indiquer. Elle réussit, comme les autres, avec
l’eau simple de savon. Lorsqu’on veut la pousser plus loin, et, par exemple,
réduire, s’il se peut, le polyèdre n" à n’être plus, pour ainsi dire, qu’un
point mathématique situé au centre de la carcasse, mieux vaut recourir au
liquide glycérique. Le temps plus long dont on dispose , avant la destruction
spontanée des systèmes obtenus, facilite l’opération, et permet de la conduire
plus sûrement à bonne fin.
Dans les cas particuliers du tétraèdre type, du cube et du dodécaèdre
régulier, les faces du polyèdre Et" sont toutes sphériques et de même rayon;
c’est, d’ailleurs, par des lames planes que ses arêtes se rattachent aux arêtes
homologues de la carcasse solide. Il s’ensuit que les arêtes liquides sont, les
unes en arc de cercle, les autres rectilignes. Ces conditions très-simples et
très-remarquables permettent de calculer le volume du polyèdre n", sans
“avoir d’autres mesures à prendre que celle de la corde qui sous-tend l’une de
ses arêtes ou celle de l’arête liquide droite, comprise entre un quelconque de
ses sommets et le sommet homologue du polyèdre II. On peut, dès lors, en
augmentant ou diminuant à volonté la quantité d’air emprisonnée, organiser
une série d’expériences qui vérifient, à la fois, les changements de pression
de l’air intérieur, la sphéricité des faces et l’invaria¬
bilité de leur tension.
38. Disons un mot des appareils qui nous ont servi
pour agir à l’intérieur du polyèdre II", soit en y in¬
troduisant de l’air, soit en en retirant.
Ces appareils sont au nombre de deux, l’un très-
^ simple, l’autre un peu plus complexe.
Le premier se compose de deux tubes en verre,
de sept millimètres environ de grosseur, l’un mn
droit et de diamètre constant, l’autre abcd , coudé
vers son milieu et effilé de b en a sur une longueur
71 ^
Fig. 22.
I
EN LAMES MINCES.
101
de trois à quatre centimètres *. Le premier tube a environ douze centimètres
de longueur, le second quinze à dix-huit. Ils sont réunis l’un à l’autre par
un tuyau de caoutchouc qui leur sert de gaine sur un à deux centimètres de
longueur, et qui permet de les écarter l’un de l’autre jusqu’à la distance de
Le second appareil est disposé
comme le précédent, sauf les modi¬
fications suivantes. Une houle sphé¬
rique creuse A, de six à sept centimè¬
tres de grosseur, est interposée entre
le coude c et l’extrémité cl du tube
abccl. Au lieu d’être ouvert à son ex¬
trémité n, le tube mn se termine par
une sphère creuse B de neuf à dix
centimètres de grosseur. La sphère B
présente en O, dans le plan diamétral perpendiculaire à l’axe du tube mn ,
une ouverture très-petite qu’on peut fermer à volonté en y plaçant le doigt.
La mise en œuvre du premier appareil n’exige aucune explication parti¬
culière; celle du second demande quelques détails.
Supposons d’abord qu’il s’agisse de diminuer le polyèdre n". On introduit
dans ce polyèdre l’extrémité et du tube effilé ba, et 1 on dispose les choses
de telle façon que, la sphère A étant remplie de liquide, la sphère B soit vide.
Il suffit alors de soutenir la sphère B à un niveau inférieur à celui de la
sphère A pour que le liquide, en s’écoulant de celle-ci dans 1 autre, déter¬
mine l’aspiration voulue. On peut d’ailleurs modérer cette aspiration jusqu à
la suspendre, soit en relevant le support de la sphère B, soit en fermant
l’orifice O, soit en exerçant une pression plus ou moins forte sur le tuyau en
caoutchouc.
S’agit-il au contraire d’augmenter le polyèdre n"? On procède en sens
inverse, le liquide contenu dans l’appareil étant ramené tout entier dans la
trente à trente-cinq centimètres.
Fig. 23.
A
\
j
Ci/
* La longueur de l’effilement doit être assez grande pour que l’extrémité a puisse arriver
jusqu’au centre du polyèdre n”.
102
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES
sphère B, dont il n’occupe tout au plus que la moitié, et la sphère A étant
vide. Cela fait , il ne reste plus qu’à placer la sphère B à un niveau supé¬
rieur à celui de la sphère A, pour que le liquide passe de la première dans
la seconde, en chassant devant lui l’air qu’on veut refouler à l’intérieur du
polyèdre n".
Les avantages que présente le dernier appareil sont faciles à saisir. On
observera, d’ailleurs, qu’après y avoir introduit la quantité de liquide néces¬
saire pour remplir la sphère A, on peut s’en servir indéfiniment sans qu'on
ait jamais à la renouveler.
39. Revenons au polyèdre n". Lorsque, après l’avoir formé, on le fait
décroître jusqu’à le rendre très-petit, il se présente, en certains cas, une
anomalie singulière. Voici, sous ce rapport, ce qui nous est arrivé:
Nous avions dissous à chaud, dans de l’eau de pluie, du savon de Mar¬
seille, forçant la proportion de savon jusqu’à ce que les systèmes obtenus
pussent se maintenir pendant le temps dont nous avions besoin pour expéri¬
menter. La solution, quoique très-concentrée, ne cessait pas de paraître fluide
à la température de trente à vingt-cinq degrés centigrades, et c’est entre ces
limites qu’elle se maintenait pendant que nous opérions, sans prendre, d'ail¬
leurs, aucune précaution particulière. Le polyèdre n" étant formé dans ces
conditions et grossi, au besoin, par insufflation d’air, nous observâmes, en
le faisant décroître, qu’il ne pouvait parvenir à un certain degré de petitesse,
sans que ses faces et ses arêtes, vues de l’extérieur, ne devinssent concaves
au lieu de rester convexes comme elles l’étaient d’abord, et comme elles ne
cessent pas de l’èlre, soit avec de l’eau de savon bien préparée, soit surtout
et plus sûrement encore avec le liquide glycérique. Nous en conclûmes, pour
ce qui concerne en particulier la carcasse tétraédrique, qu’en s’arrêtant au
point convenable, il devait être possible d’obtenir un tétraèdre laminaire n"
entièrement semblable au tétraèdre régulier II, et ayant, en conséquence-,
toutes ses faces planes , toutes ses arêtes droites. C’est , en effet , ce que nous
parvînmes à réaliser, dans plusieurs séries d’expériences, sur un tétraèdre
solide de huit centimètres environ de côté, le tétraèdre laminaire obtenu étant
régulier, quelquefois très-petit, d’autres fois assez grand pour que ses arêtes
eussent jusqu’à trois centimètres de longueur et même davantage.
EN LAMES MINCES.
105
Au lieu d’aspirer l’air contenu dans le tétraèdre 11" jusqu à ce que les
faces de ce tétraèdre soient planes, on pouvait suspendre l’aspiration, lorsque,
tout en restant convexe, le tétraèdre n" devenait assez petit pour exercer la
pression nécessaire à l’écoulement de l’air intérieur. Cet écoulement s’arrêtait
de lui-même aussitôt que l’équilibre de pression s’établissait du dedans au
dehors et que, en conséquence, le tétraèdre n" n’avait plus que des faces
planes. Tout mouvement cessait alors; le système obtenu demeurait inva¬
riable pendant quelques instants, puis bientôt il se brisait.
En opérant avec le même liquide sur d’autres carcasses que celle du tétra¬
èdre, nous avons obtenu des résultats du même genre. Les faces du polyèdre
n" étaient d’abord convexes, elles devenaient concaves après réduction suf¬
fisante du volume de l’air intérieur. Ces faits anormaux s’expliquent ici très-
simplement : la solution dont nous faisions usage était si concentrée que,
en se refroidissant et descendant à la température du milieu ambiant *, elle
passait à l’état gélatineux. Les mêmes conditions subsistaient pour les sys¬
tèmes liquides obtenus. Les lames commençaient par être fluides, mais bien¬
tôt le refroidissement et l’évaporation les rendaient tout à fait visqueuses.
Elles cessaient alors d’obéir librement aux actions qui les sollicitaient, et ne
pouvaient plus se modifier comme elles l’eussent fait en restant fluides. Le
liquide glycérique ne présente pas, sous ce rapport, les mêmes inconvénients
qu’une eau de savon trop concentrée.
-40. Nous venons de voir comment la viscosité d’un liquide imparfait peut
produire des anomalies apparentes. Nous devons ajouter que, s’il convient,
en général , de conserver au liquide dont on se sert toute la fluidité compatible
avec une persistance suffisante des lames qu’il fournit, c’est, au contraire, en
le rendant visqueux et même très-visqueux, qu’on parvient, en ‘certains cas,
au but qu’on se propose. S’agit-il, par exemple, de reconnaître comment
se forment et se transforment les différents systèmes qui correspondent à un
polyèdre donné? Avec le liquide ordinaire, les modifications qui surviennent
dans le passage d’une forme à une autre sont souvent trop rapides pour ne
pas échapper à l’examen le plus attentif. Il faut alors les ralentir et, à cet
* On observera que nous opérions en hiver.
104
SUR LA STABILITÉ DES SYSTÈMES LIQUIDES, etc
effet, augmenter la viscosité du liquide. Le moyen le plus simple consiste
dans le refroidissement. Ce moyen réussit, en général, très-vite et très-bien
avec l’eau de savon concentrée. Il n’en est pas de même avec le liquide gly-
cérique; le refroidissement doit être longtemps prolongé et, encore, ne par-
vient-on pas toujours à obtenir le degré voulu de viscosité.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE
ET DE LA PREMIÈRE SECTION DE LA SECONDE PARTIE.
RECHERCHES
SUR LES
OSSEMENTS PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
LES SQU J LOUONS.
Par P -J. VAN BENEDEN.
MEMBRE DE L'ACADÉMIE.
f
rMémoire présenté à l’Academie royale de Belgique , le 2 avril 1804.)
Tome XXXV.
i
RECHERCHES
SUR LES
OSSEMENTS PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
LES SQUALODONS.
L
INTRODUCTION.
En 1832, on découvrit, sur les bords de la Wachita, dans la Louisiane,
une vertèbre d’un animal gigantesque qui ne pese pas moins de quarante-
quatre livres; elle appartient à un animal nouveau pour la science, et le
docteur Harlan, croyant devoir ranger ce nouvel être des premières époques
tertiaires dans la classe des reptiles, proposa le nom, malheureusement trop
significatif, de Basilosaure \
Une autre vertèbre, qui ne mesure pas moins de dix-huit pouces de
longueur, sur douze pouces de diamètre et dû poids de soixante-cinq livres
et demie, sans ses apophyses, fut trouvée ensuite dans l’Alabama, par
1 Transact. of’the Americ. philos. Soc., vol. IV .
4
SUR LES OSSEMENTS
M. Couper, de Clairborne, et décrite par le docteur R. W. Gibbes, sous le
même nom de Basilosaure 1 : c’est la même vertèbre qui a été signalée déjà
par M. Buckley 2 3 4.
Parmi les vertèbres que nous possédons à Louvain et qui font partie de
la dernière collection recueillie par le docteur Koch, il s’en trouve une du
poids de vingt-sept kilogrammes.
A peine la découverte de ces débris de basilosaures fut-elle faite en Amé¬
rique, qu’on signala en Europe à l’attention des zoologistes un animal fossile
non moins remarquable. A la vérité, il était loin de lui ressembler par la
taille gigantesque, mais il avait, comme lui, un système dentaire particulier,
construit sur le même plan et tellement semblable que des naturalistes
crurent y voir le même animal , sous le rapport du genre et même de l’es¬
pèce. C’est dans un grès marin, à deux lieues de Bordeaux, qu'on fit cette
découverte. On trouva une belle portion de rostre avec quelques dents en
place, et le docteur Grateloup, qui le décrivit en 1840, proposa pour lui
le nom, également trop significatif, de Squalodon . \ Comme le basilosaure,
le squalodon fut regardé d’abord pour un reptile voisin des Iguanodon et
voisin en même temps des squales, ainsi que l’indique le nom qu’il conserve
encore aujourd’hui.
Nous ne voyons aucun motif plausible pour changer le premier nom qui
lui a été imposé par Grateloup.
En 1839, Harlan soumit à l’examen de R. Owen quelques débris et des
dents du fameux reptile, et le célèbre zoologiste du British Muséum reconnut
aisément, dans la structure des dents surtout, la nature du mammifère;
il n’hésita même pas à rapprocher le basilosaure des lamentins et proposa,
d’accord avec le docteur Harlan, le nom de Zeuglodon , qui lui est resté ‘.
Cette pensée avait, du reste, déjà été exprimée par Dumérii, à l'occasion
du mémoire de Blainville sur le prétendu didelphe de Stonesfield. « I!
1 On the fossil Genus Basilosaurus. (Journal of tue Acad, of nat. sc. of Philadelphia,
1847-1-850, pag. 8.)
2 American Journal of science, for july 1846.
3 De Grateloup, Description d’un fragment de mâchoire fossile. 1840.
4 Annales des sciences naturelles , 2,nc série, vol. XII, pag. 211. — Transact. of the Geol.
Soc. of London , vol. VI.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
5
» faut avouer, dit Duméril, que les vertèbres que l’on croit provenir de ce
» fossile ( Basilosaurus ) semblent plutôt être d’un cétacé que d’un reptile 4. »
En 1840, la même année que le docteur Grateloup publia sa notice,
étant de passage à Bordeaux, je reconnus, à la première inspection du
rostre, que le prétendu reptile de Léognan était un véritable cétacé souffleur,
et j’écrivis dans ce sens une lettre, datée de Bordeaux, à Blainville , qui
m’avait prié, à mon départ de Paris, de lui taire part des observations que
j’aurais l’occasion de faire sur les cétacés. Blainville coordonnait dans ce
moment les matériaux qu’il avait rassemblés sur les cétacés, pour sa grande
Ostéographie , et inséra ma lettre dans ce beau travail quil na malheureu¬
sement pu achever.
Herman von Meyer avait, de son côté, fait la même observation en rece¬
vant du docteur Grateloup la notice qui était accompagnée d’une planche
gravée. Le savant paléontologiste de Francfort reconnut, au mois de juillet
de cette même année, que le squalodon est un cétacé voisin des souffleurs J.
On a découvert depuis de nombreux ossements de basilosaure aux États-
Unis, comme on a trouvé des débris de squalodon dans diverses contrées
de l’Europe. Ainsi, l’année qui suivit celle pendant laquelle se fit la décou¬
verte de la première vertèbre, on trouva dans lAlabama, a trente milles
nord-ouest de Clairborne, des fragments de maxillaire, des vertèbres, des
côtes et des os de membres d’un animal que 1 on reconnut ne pas être sans
analogie avec le basilosaure.
Une grande partie du squelette et des dents molaires fut ensuite trouvée,
dans diverses localités, aux États-Unis, et, en 1843, Buckley écrivit une
notice intéressante, dans Sillimann s American Journal 4, notice qui fut
reproduite dans Leonhard Bronn's Jahrbucli fur Minéralogie 5.
Au printemps de 1845, le docteur Albert Koch découvrit de nombreux
‘ Comptes rendus . 1 838 , pag. 756.
2 Ostéographie . Paris, livraison VII , pag. 44.
5 La lettre de Herman von Meyer, dans laquelle il parle du squalodon de Grateloup, et
regarde ce curieux animal comme un cétacé carnassier ou delphinien, est datée de Francfort-
sur-le-Main, 25 juillet. ( Jalirbuch , 1840, pag. 587.)
4 Vol. XLIV, pag. 409.
5 1844, pag. 657.
6
SUR LES OSSEMENTS
restes de ce même animal, dans la partie sud de I’Àlabaina, non loin de la
rivière Sintabouge.
Ce sont ces ossements que le docteur Albert Ivoch apporta en Europe
pour en faire un squelette gigantesque qui fut exhibé à Dresde , à Berlin , à
Leipzig et à Vienne, sous le nom de Hydrarclius.
Cet Hydrarchus Harlani, comme le docteur Albert Koch l’appelait, avait
une longueur colossale, et son cou, démesurément long, était conformé
d’une manière aussi extraordinaire que le crâne et les extrémités.
Avec des ossements réunis de divers individus et de plusieurs localités,
le docteur Albert Koch avait construit un animal unique, et de ce mélange
était résulté un être gigantesque plus singulier, comme on le pense bien ,
que tout ce qui avait été signalé jusqu’alors. V Hydrarchus du docteur Al¬
bert Koch était une espèce de serpent de mer fossile de plus de cent pieds
de longueur, portant deux paires de courtes pattes ressemblant plus à des
membres de phoque qu’à des nageoires de cétacé '.
Aussi Carus le considère-t-il , contrairement à l’avis de R. Owen et des
autres naturalistes, comme un reptile plus singulier que le Ptérodactyle et
qui doit former, d’après lui, sinon une classe à part, au moins un ordre
distinct dans la classe des reptiles.
La figure qui accompagne le mémoire du docteur Albert Koch a été com¬
muniquée, le 23 novembre 1850, à une réunion de naturalistes à Vienne.
Elle reproduit l’animal sous le nom de Zeuglodon macrospondylus , avec la
forme mi-phoque, mi-sirène ", tel qu’il a été exhibé en dernier lieu à Dresde,
à Breslau et à Vienne.
Au mois d’avril 184-7, J. Müller fit sa première communication, à l’Aca¬
démie de Berlin, sur le fameux Hydrarchus du docteur Albert Koch, et, la
même année , Burmeister exprima de nouveau l’opinion que cet animal
doit être rapporté aux cétacés.
Au mois de juin, dans une seconde communication, J. Müller reconnut
que, non-seulement la colonne vertébrale de X Hydrarchus qui avait été
* Uber das unter den N amen Hydrarchus von Dr A. Koch zuerst nach Europa gebrachle. . . .
(/rosse fossile Skelett . . in-fol. Leipzig, 1847.
2 Albert Koch, Das Slcelel der Zeuglodon macrospondylus.
PROVENANT DU CRAG D ANVERS.
7
exposée aux yeux du public dans plusieurs capitales, était formée de ver¬
tèbres appartenant à plusieurs individus, mais que les restes de plus d’une
espèce avaient concouru à la construction de ce squelette. Il fil en même
temps la remarque qu’on avait formé un cou à l’animal avec des vertèbres
des régions dorsales et lombaires, et que l’on ne connaissait pas les vertèbres
véritables de la région cervicale. J. Millier trouva deux vertèbres du cou
parmi les restes de la collection de Koch , entre autres l’atlas , et reconnut
que le cou était semblable à celui des cétacés proprement dits.
Et pendant que ces basilosaures se découvraient en Amérique, de nouveaux
gîtes de squalodon furent signalés en Europe. Dans la vallée du Danube, aux
environs de Lintz, dans la haute Autriche, M. K. Ehrlich en découvrit plu¬
sieurs restes importants dans la mollasse; mais, comme en Amérique et à
Bordeaux, la nature véritable de ces débris ne fut pas reconnue d’abord.
M. K. Ehrlich a généreusement déposé ces ossements précieux au Valer-
landischen Muséum de Lintz, sa ville natale.
Le premier qui fait mention de ces ossements de Lintz, est M. von Klip-
stein L Après avoir fait la description des débris, il les rapporte tous à un
saurien d’une forme toute particulière. M. K. Ehrlich a décrit plus tard ces
objets avec beaucoup de soin , et il a accompagné son travail de quelques
dessins qui représentent les pièces les plus importantes 1 2 3.
Vers le milieu du siècle dernier, Scilla avait figuré des dents fossiles sin¬
gulières, attribuées à des phoques et provenant de File de Malte. Elles sont
conservées aujourd’hui au musée de Trinily -College , à Cambridge. Agassiz
a créé pour elles le genre de Phocodon. Ces dents de Scilla ont été reconnues
presque en même temps par H. von Meyer et par Paul Gervais, pour des dents
d’un animal qui n’est pas sans avoir de l’affinité avec le squalodon ’.
A ces premières localités en Europe est venu se joindre ensuite un autre
gite, beaucoup plus au nord, et auquel on était loin de s’attendre : je veux
parler delà découverte faite en Gueldre (Pays-Bas).
M. Staring, dans sa description du sol des Pays-Bas, rappelle que, déjà
1 Jahrbuch für Minéralogie, 1843, page 704.
- Ueber die Nordôstlichen Alpen. Lintz , 1850.
3 Jahrbuch, 1841, pages 102, 567 et 850.
8
SUR LES OSSEMENTS
en 1837, on avait trouvé, dans les environs d’Eibergen, des dents et des
vertèbres du même animal que Herman von Meyer avait désignées sous le
nom de Squalodon Graleloupi. M. Staring a figuré (planche III), une dent
molaire et. une dent caniniforme qui ne laissent point de doute à cet égard,
du moins quant au genre. Il n’en est pas de même des vertèbres, que
M. Staring a cru devoir rapporter au même animal. Ces vertèbres appar¬
tiennent plutôt à deux espèces différentes de dauphins, dont l’une est fort
petite et sera bientôt décrite sous le nom de Delphinus Jardinii, tandis
que l’autre est un Ziphioïde qui n’est pas spécifiquement déterminé. Nous
avons été voir ces objets au Pavillon, à Haarlem, où ils sont déposés aujour¬
d’hui '.
Longtemps avant la publication de M. Staring, j’avais été informé, par
le professeur Van Breda, qu’on avait trouvé, dans la province de Gueldre,
des dents que M. R. Owen n’avait pas hésité à rapporter au genre Zeuylodon.
II paraît que ces dents avaient été soumises à l’examen du célèbre zoologiste
du British Muséum.
Enfin, mon ami Paul Gervais a signalé l’existence de ce même animal à
Saint-Jean de Vedas, près de Montpellier 1 2 3.
C’est à cela que se réduisait l’état de nos connaissances sur ces singuliers
mammifères, lorsqu’on commença les travaux de fortification autour de la
ville d’Anvers. Dans le courant de 1860, on trouva au fort n° k , à Vieux-
Dieu, des ossements fort intéressants de cet animal, et, ce qui ajoute surtout
à l’intérêt de cette découverte, c’est qu’on mit précisément la main sur les
parties de la tête qui étaient le moins bien connues. Nous fûmes mis à même
de faire connaître, grâce à l’obligeance de notre savant confrère M. le vicomte
du Bus, tout le bout du rostre avec les diverses sortes de dents 5.
Nous ne devons pas moins de reconnaissance à M. le capitaine Le Hon,
pour l’empressement qu’il a mis à nous communiquer les pièces les plus im¬
portantes de sa collection, parmi lesquelles se trouvent quelques débris
intéressants de ces animaux.
1 Staring, Bodem van Nederland, vol. II, pag. 216, pl. III.
- Annales des sciences naturelles. Zoologie et paléontologie françaises.
3 Bulletins de V Académie royale de Belgique , tome XII, n° 7.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
9
Par un heureux hasard, les sables d’Anvers ont conservé les parties, de la
tête qui n’étaient point encore connues.
Pour rendre ce travail aussi complet que possible, nous avons étudié de
nouveau les squalodons de Léognan, et, peu de temps avant sa mort, le doc¬
teur Grateloup nous a communiqué, avec une obligeance extrême, une ver¬
tèbre-atlas dont J. Müller avait déjà fait mention dans son grand travail.
Nous avons été voir ensuite les squalodons trouvés à Lintz, dans la haute
Autriche, et M. K. Erhlich a bien voulu nous conduire sur les lieux mêmes
où ces ossements ont été découverts.
Nous avons ensuite profité d’une occasion qui s’est offerte en 1860 et
qui nous a été fort utile. La direction du musée de Darmstadt a bien voulu
nous céder la collection d’ossements fossiles que le docteur Albert Koch avait
formée pendant son quatrième et dernier voyage aux États-Unis. On com¬
prend que ces objets nous ont été d’un grand secours pour la comparaison.
Indépendamment de ces derniers ossements de zeuglodon, nous avons pu
étudier avec soin la grande collection de Berlin et la curieuse et intéressante
tête de zeuglodon que le musée Teylérien de Harlem a achetée au docteur
Krantz , de Bonn.
En 1861, j’ai fait part à l’Académie du résultat d’une visite que j’avais
faite à Lintz, pour voir les débris de squalodon découverts dans les environs
de cette ville de la haute Autriche L
Nous avons voulu voir aussi, comme nous l’avons déjà dit, les débris de
ces animaux qui ont été recueillis en Gueldre et qui , sous la direction de
M, Staring, sont déposés au Pavillon à Harlem.
Pendant que je réunissais les matériaux pour la rédaction du travail que
j’ai l’honneur de communiquer aujourd’hui, il s’est fait, dans le midi de la
France, une dernière découverte de la plus haute importance.
Au mois de novembre 1861 1 2, M. Jourdan, directeur du musée de Lyon,
fit part à l’Académie des sciences de la découverte d’une tête presque com¬
plète de squalodon, dont les premiers fragments furent trouvés en 1854,
1 Bulletins de U Académie royale de Belgique , tome XII , nos 9 et 10.
2 Comptes rendus de U Académie des sciences , tome LUI, pag. 959.
Tome XXXV.
2
10
SUR LES OSSEMENTS
dans un calcaire marin de la couche inférieure du miocène supérieur des car¬
rières de Barie près Saint-Paul-Trois-Châteaux (département de la Drôme),
mais dont malheureusement, dit l’auteur, la partie correspondant au museau
avait été hrisée et les débris presque pulvérisés *.
Le savant directeur du musée de Lyon affirme que le premier qui a re¬
connu un cétacé dans le squalodon, est Laureillard. Cela n’est pas exact : le
nom nouveau que le modeste collaborateur de Cuvier a proposé pour rem¬
placer celui de Squalodon figure, pour la première fois, dans le Dictionnaire
de D’Orbigny, et déjà, en 184-0, H. von Meyer et moi nous avons fait con¬
naître, comme nous l’avons dit plus haut, notre api>réciation.
Au mois d’avril dernier, M. Gervais me fit savoir que le bout du rostre
du Squalodon de Barie n’était point, comme le supposait 31. Jourdan, réduit
en poussière, que ce fragment intéressant était, au contraire, entre ses mains,
et ii eut l’obligeance de me le communiquer. La lettre de 31. Gervais a été
insérée dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique “1 2, accompagnée
d’une planche exécutée par notre habile dessinateur de l’Académie , M. Se-
vereyns, et qui représente le bout du rostre avec ses dents en place.
Cette découverte présente pour nous un très-haut intérêt. Ce morceau de
rostre nous montre des fragments de maxillaire supérieur et inférieur, et
presque toutes les dents sont encore en place. Nous avions déjà dit un mot du
bout du rostre de squalodon trouvé à Anvers ; mais la couronne des dents
antérieures étant brisée, nous attendions avec impatience la confirmation de
l’opinion que nous avions émise sur ces défenses, qui en font le système
dentaire le plus extraordinaire des carnassiers anciens et actuels 3.
Comme on vient de le voir, nous avons été assez heureux pour réunir les
principaux matériaux qui ont été trouvés à Anvers et pour les comparer avec
1 Nous devons à l’obligeance de notre ami Paul Gervais le dessin, de grandeur naturelle, de
cette belle tête de squalodon qui est déposée au musée de Lyon.
2 Tome XII , n° 5.
3 Depuis que ce mémoire a été communiqué à l'Académie, nous avons appris, par 31. Ra}
Lankaster, que le squalodon se trouve également dans le crag en Angleterre, et 31. Bosquet
nous a montré, dans son cabinet à 3Iaestricht, une petite dent à une racine, trouvée à Elsloo
dans le bolderien de Dumont, et qui semble également provenir du squalodon. (Louvain, 2 jan¬
vier 1865.)
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
41
les squalodons trouvés dans le midi de la France, dans la haute Autriche
et dans les Pays-Bas.
Comme les squalodons appartiennent au même type que les zeuglodons,
nous donnerons ici la liste des travaux qui ont été publiés sur les uns
et sur les autres.
Nous donnerons ensuite la description des os de squalodon trouvés à
Anvers, et comme nous avons eu l’occasion de voir ceux des autres localités ,
nous en ferons également une courte description. C’est ainsi que nous par¬
lerons des Squalodons de Bordeaux, de Lintz, de la Gueldre et du Barie.
Dans un dernier chapitre, nous apprécierons les affinités qui lient les
squalodons aux zeuglodons et aux autres mammifères, et nous ferons con¬
naître notre avis sur la place qu’ils occupent dans la hiérarchie zoologique.
Nous finirons par l’exposé des espèces que nous croyons devoir admettre
pour le moment.
LITTÉRATURE.
1070. Ag. Scilla, La Vana specutazione disingannata del senso. Napoli, 1670; tab. XII,
%■ >•
1852. Harlan, Transactions of the American philosoph. Society, vol. IV. — Basilosaurus.
1835. Bulletin de la Société géologique de France , vol. IV.
1854. James, Edimbourgh new philosoph. Journal.
1855. Transactions of the geological Society of Pensylvania , tome I.
1858. H. von Meyer (Pachyodon), Jurhb. f. Min.
1858. Dumeril, Remarques à l’occasion du mémoire de Blainville , sur le prétendu Di-
delphe de Stonesfield. (Comptes rendus de l’Académie des sciences, II, page 750. 1858.)
1859. London Edimb. philosoph. Magazine.
1859. Annales des sciences naturelles, 2e série, vol. XII.
1859. Oaven, Transactions of the geological Society of London, vol. VI, page 90. 1859.
1840. Grateloup, Description d’un fragment de mâchoire fossile d’un genre nouveau de
reptile ( Saurien ) de taille gigantesque , voisin de l’Iguanodon, trouvé dans le grès marin, à
Lèognan près Bordeaux [Gironde). (Actes de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts
de Bordeaux, 2me année; 1840.)
1840. Van Beneden, Lettre datée de Bordeaux (1840), dans l’Ostéographie de Blainville.
Paris; livre VII, page 44.
12
SLR LES OSSEMENTS
1840. Herman von Meyer, Jahrbucli f. Min., 1840, page 587.
— — — 1841 , pages 102, 567 et 830.
— — — 1843, page 704.
1841. Agassiz, Poissons fossiles, feuilleton additionnel et Répertoire d’anatomie et de
physiologie de Valentin , page 236.
1842. Klipstein, Karsten’s und v. Dcchen’s Archiv., 1842, XVI, II.
1843. Bückley, Silliman’s ( Zeuglodon celoïdes.) American Journal oe science and arts
vol. XLIV ; avril 1845.
1845. Klipstein, Jahrbuch fur Minéralogie, 1843, page 704.
1844. Laurillard, Art. Dauphin, vol. IV, Dictionnaire universel d’histoire naturelle de
D’Orbigny.
1845. H. D. Roger’s Proceeding ofthe Boston Soc. of'nat. hislory.
1845. Pedroni, Actes de la Société linnéenne de Bordeaux , tome XIV, 1845.
1845. Girbes, Proceedings of the Academy for juny 1845. — Dorudon.
1845-1846. Emmons, Quarterly Journal of agriculture, and science, juin 1845 et avril 1846.
1846. Buckley, Silliman’s American Journal of science and arts july 1846.
1846. Koch, Kurze Beschreibung der Hvdrarchus Harlani; Dresden, 1846.
1846. Gervais, Annales des Sciences naturelles , 1846, page 264.
1846. Van Beneden, Note sur deux cétacés fossiles provenant du bassin d’Anvers. (Bulle¬
tins de l’Acad. roy. de Belg. , tom. XIII, page 261.)
1847. Caiius, Geinitz, Gunlher and Reichenbach , Resuit. geol. anal, and zool. Unter-
suchungen ueber IIydrarciios. Dresden et Leipzig; in-fol.
1847. Herman von Meyer, Jahrb. f. Min. S. 669. Die erloscliene Cetaceen Famille der Zeu-
glodonten mit Zeuglodon und Sgualodon.
1847. Tuomay, Notice ofthe Discovery of a cranium of the Zeuglodon. (Journal of the Acad.
OF NAT. SC. OF PHILADELPHIE, Vol. I, pag. 1.)
1847- 1850. Robert W. Gibbes, On the fossil Genus Basilosaurus Harlani... (Journal of the
Academy of nat. sc. of Philadelphie. Philadelphie, vol. I, page 5.)
1848. A. Wagner, Erichson’s Archiv., page 167.
1848- 1852. P. Gervais, Paléontologie française. Paris, lrc et 2me édition.
1850. Albert Koch , Dus Skelet des Zeuglodon macrospondylus. 25 novembre 1850, in-4°.
1850. Carl Ehrlich, Sgualodon Grateloupii. — Herman von Meyer, Ueber die nordôstlichen
Alpen, page 12, Lintz, 1850. (Avec 5 figures sur bois.)
Carl Ehrlich, Berichten der Freunde der Naturivissenshaften in Wien, Band IV, seite 197.
1855. Carl Ehrlich, Beitrage zur Paléontologie . . Lintz, 1855, page 9.
Staring, Versleeningen uit den tertiairen leem. (Bodem van Nederland, vol. II, page 216.
pl. 111.)
Van Beneden, Un Nouveau Mammifère du crag d’Anvers. (Bull. Acad. roy. de Belg.,
2mc série, toni. XII, n° 7.)
1861 . Jourdan, Description des restes fossiles de deux grands mammifères , constituant deux
genres, l’un le genre Riiizoprion . (Comptes rendus de l’Acad. des sc. de Paris,
tome LII, page 959, 25 novembre 1861). Ann. des sc. natur., tome XVI, page 569.
Paul Gervais, Lettre adressée à M. Van Beneden sur les Sgualodons. (Bull. Acad. roy. de
Belg., 2mc série, tome XIII , n° 5.)
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
15
I
II.
DESCRIPTION
DES DÉBRIS DE SQUALODON TROUVÉS A ANVERS.
Le fragment de rostre décrit par de Grateloup n’est formé que d’une
partie de l’os maxillaire supérieur. Le crâne, comme le bout du maxillaire,
manque complètement. Les débris trouvés à Linlz sont plus nombreux et
plus complets. Non-seulement toute la base du rostre est parfaitement con¬
servée dans la pièce principale , mais on y trouve aussi une grande partie de
la boîte crânienne avec les orifices des évents, l’arcade zygomatique, la
voûte et la fosse temporale. Le crâne plus complet d’un jeune animal a été
trouvé en même temps à côté du précédent. La tête découverte à Barie et
décrite par Jourdan est presque entière. Les diverses pièces sont restées en
place. Mais ici encore , le bout du rostre est brisé à peu près au même en¬
droit, de manière que la disposition des dents antérieures est restée problé¬
matique. Heureusement ce fragment , que l’on croyait réduit en poussière
et perdu , a été retrouvé avec les dents, qui sont conservées dans leur situa¬
tion respective.
Par bonheur nous avons trouvé, à Anvers, les parties qui manquent et qui
sont le moins bien connues , ce qui nous permet de reconstituer la tête en¬
tière dans une intégrité presque aussi complète que si elle venait d’être
séparée de l’animal.
L’animal que nous nous proposons de faire connaître dans ce travail
appartient à un type complètement perdu à l’époque actuelle. Mieux qu’aucun
autre mammifère, le Squalodon nous fait voir, que si les continents ont vu
disparaître leurs Palœotherium et leurs Pterodons , la mer, de son côté, tout
14
SUR LES OSSEMEiNTS ’
en étant un milieu bien moins variable que l’atmosphère, a également
perdu des formes qui n’ont laissé aucune trace parmi les animaux actuels.
Nous ne trouvons plus dans nos mers des êtres qui ressemblent, même de
très-loin, soit aux Squalodons, soit aux Zeuglodons.
11 est assez remarquable que les mammifères aquatiques, les vivants
comme les fossiles, sont beaucoup moins bien connus que les mammifères
terrestres. C’est à peine, on peut le dire, si Cuvier a effleuré ce sujet, et
depuis les belles publications du grand naturaliste du Muséum , l’étude de ces
animaux a fait bien peu de progrès. Il suffit de jeter les yeux sur les travaux
les plus justement estimés pour être frappé de l’incertitude qui règne dans
la science au sujet des espèces et des genres , même dans les familles qui
semblent avoir été le mieux étudiées. Ainsi, le genre Ziphius, établi par
Cuvier sur des ossements d’origine diverse, était généralement regardé par
les naturalistes comme un genre éteint, lorsque M. Gervais révéla, il y a
deux ans, que ces singuliers animaux vivent encore actuellement dans la
Méditerranée. Un individu, long de six à sept mètres, est venu échouer sur
la plage des Aresquiers, dans le département de l’Hérault, entre Villeneuve-
lez-Maguelone et Frontignan.
Nous-même nous avons publié dernièrement une notice ayant pour objet
un Ziphius nouveau vivant dans la mer des Indes.
Nous pourrions citer encore, à l’appui de cette opinion, la manière dont
Carus et d’autres naturalistes se sont fourvoyés, en reconstruisant la tête et
le squelette de leur fameux Hydrarclios 1 , qui de reptile gigantesque est
devenu un mammifère assez voisin de l’ordre des cétacés.
LES OS DE LA TÊTE.
De tous les os de la tête, ceux qui nous paraissent les plus importants
et dont la connaissance a le plus de valeur scientifique sont sans con¬
tredit les maxillaires supérieurs et les intermaxillaires. Ce sont , en effet ,
1 Hydrarclios. Dresde» and Leipzig; in-fol., 1847, pl. IV, fig. XI.
PROVENANT DU GRAG D’ANVERS.
D
eux qui donnent la physionomie propre à l’animal et qui contribuent le
plus à faire apprécier sainement les affinités naturelles.
Nous sommes heureusement en possession de divers fragments qui nous
permettent de reproduire les caractères les plus importants de ces deux os
de la face.
Os inter maxillaire. — L’os intermaxillaire constitue à lui seul presque
toute l’extrémité du rostre; il prend, comme on sait, d’autant plus de part
à sa formation que celui-ci est plus allongé, et le rostre est fort long
dans les squalodons. Sur une longueur d’environ dix centimètres, il forme,
à lui seul, tout le bout du museau. La surface externe en est légèrement
bombée; en dessous il est aplati pour former le palais; une légère dé¬
pression règne sur la ligne médiane; en dessus il s’échancre en une sorte
de gouttière, qui est d’autant moins profonde qu’elle se rapproche de l’extré¬
mité libre. C’est dans cette gouttière que loge l’énorme cordon cartilagineux
qui s’étend, chez les cétacés, du corps de l’ethmoïde au bout du rostre et qui
reste généralement pendant toute la vie de l’animal à l’état de cartilage.
Cet os présente sur le côté deux alvéoles très-profondes qui logent deux
fortes incisives semblables à des canines; puis en avant, dans l’axe même
du rostre, deux autres incisives plus fortes qui ressemblent par leur aspect
et surtout par leur direction à deux défenses.
Ces alvéoles sont très-profondes et se croissent, en partie, avec les autres
alvéoles, comme on peut le voir dans la figure que nous donnons des dents.
Ce sont les dents antérieures qui ont lès racines les plus longues.
Ce qui est important à considérer dans la conformation de cet os, c’est
la largeur extraordinaire de la surface par laquelle il s’articule, sur toute la
ligne médiane, avec l’os du même nom. Au lieu de voir deux bords grêles
se toucher à peine sur leur longueur, comme c’est le cas dans la généralité
des cétacés , chaque os incisif s’unit à son semblable par une surface qui a
jusqu’à trente millimètres de hauteur, et cela sur la plus grande partie de sa
longueur. C’est une suture qui donne une très-grande solidité à la face et
que les énormes racines des dents incisives renforcent encore. Il résulte de
cette disposition que le bout du rostre acquiert une solidité extraordinaire
46
SUR LES OSSEMEINTS
et dont on ne trouve aucun autre exemple dans les animaux vivants.
Les intermaxillaires sont donc unis entre eux par suture harmonique
dans presque toute leur longueur, comme on peut le voir par la jîgure que
nous donnons de la coupe du rostre, prise immédiatement derrière les
dents canines.
Coupe du rostre derrière les dents canines, aa. Os intermaxillaire.
bb. Os maxillaire, ce. Dents.
Mon savant ami Paul Gervais a figuré une coupe du rostre (pl. XLI,
fîg. 6b) de Squalodon Grateloupii ; mais ce n’est pas ainsi que nous avons vu
les os disposés dans le Squalodon d’Anvers. Ces os, après avoir formé toute
la gouttière qui loge le cartilage du rostre, descendent entre les maxillaires
jusqu’au palais, en se soudant par suture harmonique dans toute la hau¬
teur du rostre.
Il serait difficile de se former une idée claire de cette disposition d’après
les autres mammifères. Il est indispensable d’étudier quelques têtes de
cétacé. Le vomer est formé, dans ces animaux, de deux lames écartées l’une
de l’autre et entre lesquelles est couché un long cordon cartilagineux qui
part du corps de l’ethmoïde , s’étend dans toute la longueur de la face et se
termine en avant au bout du rostre.
Ce cartilage représente, pensons-nous, la partie centrale du vomer, et
celui-ci s’unit intimement avec les lames latérales de l’ethmoïde.
PROVENANT DU CRA G D’ANVERS.
17
Dans une première publication *, nous avions exprimé l’opinion que toutes
les dents de squalodon sont implantées dans l’os maxillaire lui-même, comme
on l’observe généralement dans les cétacés. Nous avons eu depuis l’occasion
de voir une nouvelle portion de rostre du plus haut intérêt, dans laquelle
les os maxillaires sont parfaitement distincts des autres et où chaque os
montre , dans toute son évidence , les dents qu'il porte et ses rapports avec
les autres os. Cette pièce nous a permis de rectifier l’opinion que nous avions
exprimée d’abord.
Les delphinides ont généralement leurs dents incisives, quand ils en ont,
logées dans l’épaisseur de la peau , et les os ne portent aucune trace d’al¬
véoles. Nous avons vu toutefois une exception à cette règle, et probablement
on en trouvera plus d’un exemple, lorsqu’on examinera cette disposition de
près. Dans une tête de Delphinus tursio de la Méditerranée, que nous avons
rapportée nous-même de Cette , l’os incisif porte en effet six dents incisives
véritables; il est vrai, ces dents sont moins développées que les autres, mais
elles n’en existent pas moins sur le même rang et dans les alvéoles parfai¬
tement distinctes. Dans le squalodon d’Anvers, l’os incisif porte véritable¬
ment trois paires de dents très-fortes, implantées par de longues racines
recourbées qui renforcent considérablement le bout du rostre.
Jusqu’à présent, c’est le seul exemple que nous connaissions, parmi les
cétacés, de dents véritables, implantées, à l’âge adulte, dans l’os incisif pro¬
prement dit, c’est-à-dire logées dans des alvéoles distinctes.
En arrière , ces intermaxillaires restent visibles du côté du palais, jusqu’à
la hauteur de la troisième ou de la quatrième vraie molaire , où ils occupent
une largeur d’environ cinq millimètres.
En haut et en avant, ces mêmes os forment, dans la longueur du rostre,
comme dans tous les vrais cétacés , la gouttière qui loge le ligament ou plutôt
le cartilage vomérien dont nous avons déjà parlé.
\ la distance de dix centimètres du bout du museau, l’intermaxillaire se
rétrécit et se cache, sur le côté sous-entendu, derrière ou en dedans des
deux maxillaires, comme dans le genre Hyperoodon.
1 Bulletins de V Académie royale de Belgique , 2me série, tome XII , n° 7.
Tome XXXV
5
18
SUR LES OSSEMENTS
En dessus et en arrière, cet os reste parfaitement visible, et il forme, à
lui seul, jusqu’à la hauteur des évents, la paroi latérale et supérieure du
canal vomérien.
Nous ne savons pas, d’après les pièces trouvées à Anvers, comment
ces os se terminent en arrière et se comportent autour des fosses nasales;
mais heureusement le crâne presque complet trouvé à Lintz et la tête in¬
téressante décrite par le directeur du musée de Lyon nous permettent de
comprendre les rapports véritables des os qui constituent cette région impor¬
tante de la tête des squalodons.
En résumé, les intermaxillaires forment à eux seuls, en avant, toute la
surface du palais, tandis que les maxillaires ne se montrent, entre ceux-ci,
qu’à la hauteur des premières molaires; et, à la hauteur des dernières mo¬
laires, les deux os maxillaires se joignent sur la ligne médiane, pendant que
les intermaxillaires se retirent en haut vers les orifices des narines.
En avant, la surface du palais est très-légèrement creuse sur la ligne
médiane; vers le milieu, la dépression augmente, et en arrière le palais,
au contraire , devient excessivement bombé.
Maxillaire supérieur.
Nous sommes en possession de la partie la plus importante du maxillaire
supérieur. Nous en avons eu trois fragments différents provenant de trois
squalodons distincts. Le premier de ces morceaux est le bout antérieur du
rostre, qui montre quatre alvéoles profondes dans lesquelles logent autant
de dents caniniformes; la seconde pièce est un fragment du milieu du rostre
dans laquelle trois fortes dents molaires véritables et à double racine se
trouvent encore en place; la troisième pièce appartient à la partie posté¬
rieure du palais et montre les alvéoles des quatre dernières molaires.
Nous avons ainsi , parmi les débris trouvés à Anvers , tout le palais ,
depuis la première incisive jusqu’à la dernière molaire, et c’est précisément
ce qui manque dans les squalodons trouvés ailleurs.
Nous allons successivement décrire ces fragments.
Le premier morceau auquel adhère encore l’os intermaxillaire est fort
PROVENANT DU CR AG D’ANVERS.
19
allongé et montre que l’os maxillaire ne se termine pas insensiblement en
pointe, comme dans les cétacés ziphioïdes; au contraire, cet os s’élargit
assez brusquement en avant et laisse sur le palais des traces semblables à
celles que nous voyons au palais des mammifères en général. Sa surface
externe est légèrement bombée comme l’intermaxillaire , dont il n’est , pour
ainsi dire, que la continuation. Il montre cinq alvéoles parfaitement dis¬
tinctes et régulièrement espacées : la première pour la dent canine, les
quatre suivantes pour des molaires, qui conservent la même forme que
la canine proprement dite.
Nous admettons ainsi une dent canine, non parce qu’elle est distincte des
autres par la forme, mais parce qu’elle occupe la première place dans l’os
maxillaire.
Les deux maxillaires conservent la même largeur sur une grande partie
de leur étendue, ce qui rend le rostre très-affilé , comme chez quelques dau¬
phins ou comme chez les gavials, parmi les crocodiliens.
Le second fragment appartient à la région moyenne du maxillaire , celle
qui présente le plus de résistance pendant la mastication. Il loge encore trois
des principales molaires. La surface externe en est légèrement bombée
comme dans le premier fragment, mais le corps de l’os a gagné en épais¬
seur. L’espace qui sépare les alvéoles devient de plus en plus étroit, à me¬
sure qu’on approche des molaires postérieures. Les dents que ce fragment
porte sont complètes, tant dans leurs racines doubles que dans leurs cou¬
ronnes crénelées. Quoique ces organes soient encore en place, nous avons
pu nous assurer exactement de la disposition véritable des alvéoles, qui sont
toujours brusquement recourbées en arrière vers la pointe de la racine.
Le troisième fragment porte quatre alvéoles distinctes de dents molaires
didvmes, qui sont d’autant moins séparées les unes des autres, qu’on ap¬
proche davantage de la dernière qui est en même temps la plus petite. Les
alvéoles antérieures se courbent encore assez brusquement vers le milieu
comme les précédentes, de manière que chaque racine forme un coude,
qui la divise en une partie qui s’élève obliquement de bas en haut et d’avant
en arrière, et une autre partie qui se place dans l’axe du rostre. Les racines
des dernières dents sont courtes et légèrement courbées en arrière.
20
SUR LES OSSEMENTS
Ce fragment nous montre en même temps combien le palais est bombé en
arrière et combien aussi est forte la proéminence qu’il forme sur la li^ne
médiane. En dedans , il est doublé par une portion du vomer, qui. est forte¬
ment soudée à lui , mais qui cependant est parfaitement distincte dans toute
sa longueur.
Ce vomer, qui tapisse une partie de la surface interne du maxillaire, est
disposé exactement comme dans les cétacés ordinaires vivants.
DES OS DE LA FACE.
Nous ne pouvons mieux faire pour donner une idée de la disposition des
os de la face, que de renvoyer à la figure que nous avons donnée plus haut
de la coupe du rostre, immédiatement derrière les dents canines. C’est par là
qu’on peut le mieux juger et de la suture des os incisifs, de leur réunion
avec les maxillaires du palais et de la gouttière supérieure qui loge le liga¬
ment vomérien.
Nous ajoutons ici la figure qui représente cette région, pour montrer
surtout comment se comporte le vomer dans le long canal du rostre.
c
Coupe du rostre à la hauteur de la dernière molaire, aa. Maxillaire.
bb. Lames ou vomer. c. Palais, dd. Place delà dernière molaire, c. Canal
longitudinal du rostre qui loge le long cordon cartilagineux.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
21
En comparant les squalodons sous le rapport de la formation du rostre
avec les autres mammifères aquatiques, nous ne voyons chez aucun d’entre
eux un arrangement semblable. Les cétacés ziphioïdes ont aussi le bout du
rostre formé exclusivement par les intermaxillaires, et les maxillaires eux-
mêmes ne semblent les soutenir que comme des attels que l’on emploie dans
les cas de fractures , mais c’est à peine s’ils se réunissent entre eux par
suture, et il ne peut y avoir aucune solidité dans le bout de ce rostre. On
sait qu’il y a du reste absence complète de dents au rostre de ces curieux
cétacés. On n’en trouve qu’à la mâchoire inférieure et encore sont-elles tou¬
jours en fort petit nombre.
Les dauphins proprement dits s’éloignent encore plus des squalodons,
puisque leurs os incisifs sont flanqués des maxillaires jusqu’au bout, et qu’il
n’y a que tout juste la pointe qui est libre.
Les phoques, à cause de l’allongement de leur museau, sont ceux qui se
rapprochent encore le plus sous ce rapport des squalodons. Us ont aussi l’os
incisif assez fort , portant souvent trois alvéoles, mais qui ne sont pas pla¬
cées parallèlement comme dans les carnassiers squalodontes.
Une quatrième portion de la face appartient à la base du rostre ; elle est
reconnaissable à sa surface droite et unie, qui supporte l’os incisif au mo¬
ment où celui-ci remonte pour contourner l’orifice des évents. Cette portion
est reconnaissable aussi aux trous qui livrent passage aux nerfs provenant
du maxillaire supérieur, mais on ne voit aucune trace de dents ni d’alvéoles;
seulement on aperçoit une échancrure qui indique la base du rostre et le
voisinage de la voûte orbitaire.
Le trou principal, qui est dirigé d’arrière en avant, loge sans doute le
nerf le plus volumineux qui se rend aux lèvres (rameau labial ) ; un autre
se voit sur les flancs et se dirige du côté du globe de l’œil ( rameau palpé¬
bral inférieur); un troisième est dirigé en arrière pour livrer passage au
nerf des ailes du nez ou le rameau nasal. Cette pièce indique le passage de
ces filets nerveux.
Une portion moyenne du rostre, du côté droit, a également été conservée.
Il est fâcheux qu’elle ne soit pas restée avec les dents. On distingue, comme
dans la pièce précédente, les traces du canal qui a logé les nerfs dentaires
22
SUR LES OSSEMENTS
et les vaisseaux nourriciers. Celte pièce ne présente de remarquable qu'un
trou pour une partie du nerf sous-orbitaire, un bord uni en dedans, pour
former avec l’os incisif la gouttière vomérienne et, en dehors , un. sillon lon¬
gitudinal , dont on voit également des traces dans le squalodon de Barie. Ce
sillon ne présente qu’une courte étendue et se perd entièrement en avant.
Maxillaire inférieur.
Nous connaissons cet os, dans une grande partie de sa largeur, par divers
fragments.
Nous possédons d’abord le bout du côté gauche , mais il est malheureuse¬
ment trop mutilé pour bien juger de la disposition des dents incisives anté¬
rieures. Nous avons tout lieu de croire cependant, à en juger par le bout
des alvéoles antérieures, que les deux premières dents sont placées, comme
celles de dessus, dans l’axe même de cet os. Les racines que ce fragment a
logées sont placées obliquement. Il n’est pas sans intérêt de faire remarquer
que l’alvéole qui loge la quatrième dent est notablement plus grande que
les autres et, d’après sa situation, c’est elle qui doit représenter la canine
inférieure.
Dans ce fragment que nous avons fait figurer en place du côté droit,
nous découvrons les traces de quatre dents antérieures et les rapports que
montrent les racines entre elles.
Les deux branches du maxillaire inférieur sont soudées sur une grande
partie de leur longueur, de manière que la symphyse est extraordinairement
développée. Elle va jusqu’à la hauteur des vraies molaires.
Nous voyons dans les deux fragments qui forment la partie postérieure de
la symphyse, à gauche , les alvéoles de quatre dents molaires, et à droite,
celles au moins de six. Les racines de quelques-unes de ces dents sont
encore en place, mais toutes les couronnes ont disparu.
Toutes ces dents sont régulièrement espacées, et entre les alvéoles on voit
partout, en haut et en dehors, une excavation comme si un doigt y avait
laissé les traces d’une forte pression.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
23
Les deux branches de l’os maxillaire ne se touchent pas sur toute leur
surface le long de la symphyse : en dessous, entre les deux os, on aperçoit
une profonde échancrure.
Les deux branches de cet os s’écartent faiblement en arrière.
Dans un fragment qui ne montre plus que la moitié externe du maxillaire,
on voit en dessous des alvéoles un très-large canal sur toute la longueur de
l’os, qui s’ouvre à l’extérieur à la distance d’une dizaine de centimètres
du bout du rostre. Jusqu’à présent, nous n’avons pu nous faire une idée
bien claire de cette conformation dont nous ne trouvons pas de traces sur
les autres pièces.
Entre les dents molaires on aperçoit, sur la face externe des os maxil¬
laires, des dépressions produites par la couronne des dents supérieures.
Ces dépressions sont assez profondes, et nous ne nous souvenons pas d’en
avoir vu de semblables sur un animal vivant.
Il est digne de remarque que les rostres ou fragments de tête que l’on
possède sont toujours brisés à peu près dans la même région : d’un côté,
à l’endroit où les prémolaires à une racine se changent en molaires véri¬
tables, de l’autre côté, à l’endroit où l’os incisif est uni au maxillaire. Ainsi,
la tête de Lintz est brisée de manière à montrer les six molaires postérieures,
comme la tête de Léognan , tandis que le rostre de Barie est fracturé là où
les os incisifs se soudent aux maxillaires , absolument comme un des frag¬
ments du rostre d’Anvers.
Ce n’est pas l’effet d’une circonstance fortuite que ces fractures iden¬
tiques dans les têtes de Léognan, de Lintz et d’Anvers. U y a une raison,
et cette raison doit se trouver dans la disposition anatomique des os. En
effet, le bout du rostre est évidemment le plus faible à l’endroit où les
intermaxillaires s’unissent aux maxillaires, et c’est dans cette région que
les os se brisent quand ils sont pendant quelque temps le jouet des
vagues. C’est, en effet, entre les dents incisives et la canine que la
fracture a toujours lieu. C’est pour ainsi dire l’os incisif qui se sépare du
maxillaire.
On comprend également que le rostre se soit brisé au milieu entre les
prémolaires et les molaires véritables , parce que plus en arrière il se ren-
24
SUR LES OSSEMEMS
force insensiblement jusqu’à l’orifice des évents. On voit parfaitement où le
rostre doit se fracturer.
Nous avons soumis les divers os de Squalodon d’Anvers à un examen
rigoureux, pour connaître les proportions de ce singulier animal. Voici le
résultat de ces mesures :
Grateloup accorde vingt-deux à vingt-trois pouces de longueur au museau
du squalodon qui porte son nom; sa longueur réelle est de dix-huit pouces,
et il suppose que la portion qui manque avait de quatre à cinq pouces.
Ainsi , d’après Grateloup , la tête de squalodon de Léognan a environ
soixante centimètres.
Cette longueur diffère considérablement de celle que M. Jourdan attribue
à la tête trouvée à Barie. M. Jourdan lui attribue la longueur d’un mètre
cinq centimètres; mais il y a évidemment exagération. Cette tête a une
vingtaine de centimètres de moins. Nous avons jugé sa longueur en ajou¬
tant le bout du rostre que l’on croyait perdu, et la proportion que l’on
obtient par cette ajoute correspond à la longueur que l’on accorderait par
analogie. La longueur que M. Jourdan accorde au rostre serait en dispro¬
portion avec le volume du crâne.
11 est à remarquer que celte longueur que nous leur accordons est beau¬
coup mieux en rapport aussi avec le nombre de dents caniniformes, dont les
maxillaires sont armés.
La longueur du rostre, depuis les évents jusqu’au bout de l’intermaxil-
laire ou la couronne des dents incisives antérieures , est de soixante-trois à
soixante-quatre centimètres. La longueur du rostre, à partir de la dernière
molaire, est de quarante-huit centimètres.
La longueur totale de la tète est de quatre-vingt-trois centimètres.
La hauteur du crâne, vers le milieu de l’arcade zygomatique, est de vingt
et un à vingt-deux centimètres. L’épaisseur de cette portion du temporal
qui forme celte arcade est de cinq centimètres.
La hauteur du maxillaire inférieure en arrière est de quinze à seize
centimètres.
Ces mesures sont prises sur une tète que nous avons reconstruite d’après
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
25
un fragment de maxillaire inférieur d’un animal de la plus forte taille.
Il y a ainsi une vingtaine de centimètres de différence dans la longueur
des deux têtes de Léognan et de Barie.
La portion de tête de squalodon de Lintz mesure à peu près cinquante
centimètres. Cette tête est plus forte que celle de Barie. La longueur totale
ne devait pas être beaucoup au-dessous d’un mètre.
Voilà donc trois dimensions différentes.
Si nous comparons à ces pièces connues les portions de tête observées à
Anvers, nous trouvons d’abord une bonne portion de maxillaire supérieur
avec les dents qui indique une taille se rapprochant de celle du Squalodon
de Barie , puis une portion de maxillaire inférieur dont la symphyse indi¬
quant un animal ayant la moitié de plus que l’autre en longueur.
A en juger par les débris que nous avons recueillis, et que nous n’avons
aucune raison d’attribuer à des animaux d’âge différent, la mer du crag
nourrissait des squalodons de trois grandeurs différentes. Celui dont nous
possédons le plus de débris devait avoir à peu près une longueur totale de
quatre mètres. Le plus grand, dont nous possédons un fragment de maxillaire
inférieur, pouvait avoir un mètre de plus. Et le plus petit, dont nous avons le
palais et les molaires postérieures, devait avoir à peu près un mètre et demi
de moins que le précédent.
DENTS.
La connaissance des dents est un point extrêmement important de Fhis-
toire des mammifères, et plus particulièrement encore de ceux dont les affi¬
nités ne sont pas positivement établies. Le système dentaire des squalodons
est encore loin d’être bien déterminé, et l’on comprend que nous attachions
de l’importance à bien connaître ces organes de la mastication dans tous leurs
détails. Il ne peut y avoir la moindre modification dans ces corps qui n’ait
une importance réelle et ne se manifeste dans toute l’étendue de l’organisme.
Presque tous les auteurs qui ont parlé de ces animaux leur ont accordé
Tome XXXV. 4
26
SUR LES OSSEMENTS
deux sortes de dents. Nous avons été nous-même du nombre. Il est vrai , il
n’y a à proprement parler que deux formes de dents, en faisant abstraction
des deux antérieures : les unes en forme de crocs et semblables à des canines;
les autres en forme de pyramides crénelées sur leur bord, correspondant ,
par leur place, leurs racines et leurs formes, aux vraies molaires. Mais n'v
a-t-il pour cela que deux sortes de dents, comme on l’a dit? Nous ne le
pensons pas. Il faut évidemment leur accorder les trois sortes comme aux
carnassiers véritables, puisque l’os intermaxillaire, parfaitement distinct au
bout du rostre, loge des dents dans des alvéoles complètement isolées, qj
dont tous les caractères les assimilent aux dents incisives.
Nous avons reçu en communication un bout de rostre avec plusieurs dents
encore en place. Le maxillaire est parfaitement séparé de l’intermaxillaire,
et on voit distinctement que celui-ci porte six dents. Ce sont bien des dents
incisives. La dent suivante, un peu plus forte, surtout au maxillaire inférieur,
est une canine; celle de dessous vient se placer au-devant de la première
dent qui est logée dans le maxillaire supérieur : ce sont évidemment les deux
canines. Les dents suivantes, quelles que soient leurs formes, sont des
molaires que l’on peut fort bien répartir en prémolaires et en molaires véri¬
tables.
Le rostre de ces animaux est formé, ainsi que nous l’avons dit plus haut,
comme celui des crocodiliens parmi les reptiles, c’est-à-dire que les inter¬
maxillaires forment à eux seuls toute la pointe, et que les maxillaires se
terminent en avant à une assez grande distance de l’extrémité libre.
Les os intermaxillaires forment en avant, et sans le concours des maxil¬
laires, les parois de la longue gouttière au milieu de laquelle se loge le
cordon cartilagineux qui termine en avant le corps de l’ethmoïde.
Bénis incisives. — Les dents incisives sont au nombre de six à chaque
mâchoire et, sauf les deux antérieures, elles sont à peu près toutes sem¬
blables tant par leur forme que par leur direction et leur volume.
La couronne est en forme de croc comme une canine ordinaire. Elle est
légèrement comprimée et se divise en face externe et face interne, entre
lesquelles on distingue un repli sur le bord postérieur. Toute la surface
PROVENANT DE CRAG D’ANVERS.
27
de la couronne est entourée d’une même couche d’émail, couverte de sillons
séparés les uns des autres par un même espace (un millimètre), et qui
s’étendent du collet à la pointe. Toute la surface de l’émail a conservé son
brillant. La pointe de toutes ces dents est usée par la mastication.
Toutes ces dents laissent un espace régulier entre elles que l’on peut
évaluer au sommet à trente millimètres.
Une ligne de démarcation assez nettement tranchée sépare la racine de
la couronne.
La racine de toutes les incisives est très-grande et atteint jusqu’à deux
et trois fois la longueur de la couronne. Elles sont insérées obliquement
dans de profondes alvéoles.
Ces dents sont généralement massives ou creusées légèrement au milieu ;
la pointe est sans excavation et se courbe toujours de manière à se placer
dans l’axe même des mandibules.
La dent est toujours plus grosse au haut de la racine qu’au collet et à la
couronne. Elle est légèrement comprimée au collet, mais elle s’arrondit à
mesure qu’on approche du bout.
Au sortir de l’alvéole toutes ces dents se courbent légèrement , et la tronca¬
ture de la couronne est toujours horizontale.
Chaque dent a de neuf à dix centimètres de longueur, dont la racine
occupe les deux tiers.
Les deux incisives de devant sont un peu plus longues et plus fortes que .
les autres, et on peut les considérer, puisque les lèvres ne pouvaient les
couvrir, comme de petites défenses. La racine seule a neuf centimètres de
longueur. Elle est à peu près droite et son alvéole s’étend directement d’avant
en arrière. Ces dents sont très-rapprochées l’une de l’autre, et comme elles
occupent presque toute l’épaisseur de l’os, il ne reste autour de chaque
racine qu’une fort mince couche de tissu osseux. Ce sont les racines des
dents qui donnent la solidité aux mandibules.
Ces dents sont malheureusement brisées dans l’échantillon que nous pos¬
sédons, mais de la racine on peut parfaitement conclure à la couronne, et
nous n'hésitons pas à affirmer que celle-ci est plus forte que la couronne des
autres incisives, en même temps qu’elle est plus régulièrement arrondie. La
28
SUR LES OSSEMENTS
bordure qui se trouve dans les autres incisives, en avant et en arrière de la
couronne, se trouve ici en dedans et en dehors.
Dans la tète trouvée à Barie les dents incisives sont encore en place et
leur disposition confirme l’idée que nous nous étions faite de leur longueur
comme de leur volume et de leur direction. Ce que nous n’avions pu pré¬
voir, c’est que leur couronne est fortement et irrégulièrement usée, et il n'est
pas douteux, comme le fait observer M. Paul Gervais, que cette usure ne
date du vivant de l’animal. Ces dents proéminentes étaient plus exposées
que les autres au bris et à l’usure, comme la défense courbée de l'éléphant
ou la défense droite du narval.
Nous ne sommes pas en possession de dents incisives inférieures de squa-
lodon, mais heureusement nous avons un fragment de maxillaire inférieur,
dont les alvéoles nous font comprendre les dents.
Dans celte pièce nous voyons, au-devant de l’alvéole que nous regar¬
dons comme une alvéole de canine, trois autres alvéoles placées comme dans
l’intermaxillaire, et dont la forme comme la courbure indiquent des dents
semblables aux incisives supérieures, sans même en excepter les défenses.
Le fragment de squalodon décrit par Gervais confirme entièrement cette
supposition.
Nous avons eu sous les yeux trois dents, trouvées également à Anvers
dans le crag noir, et dont les caractères les plus importants les rapprochent
des squalodons.
La racine est comparativement courte, très-renflée vers le milieu, creuse
jusqu’à la couronne et large à sa base. La surface en est aussi unie à l'inté¬
rieur qu’à l’extérieur.
Toute la dent est arrondie, présentant tout au plus une légère compression
vers le sommet de la couronne qui est entière.
PROVENANT DU CRAG D ANVERS.
29
La surface de la couronne n’est pas , à proprement parler, striée comme
les dents connues de squalodon; cette surface est au contraire légèrement
chagrinée , laissant apercevoir au toucher une légère rugosité.
De deux côtés elle porte un léger repli qui aboutit à la pointe et qui divise
la couronne en deux moitiés égales. En arrière, ce repli se perd avant d’at¬
teindre le collet.
Dans les deux autres, dont l’une est au musée Teylerien de Haarlem, le
repli de la couronne est aussi parfaitement distinct et n’occupe, comme dans
celle dont nous venons de parler, qu’une partie de la longueur de la cou¬
ronne. L’émail en est également brillant, mais toute la surface est un peu
plus régulièrement striée.
En considérant le peu de développement de la racine et la forme de sa
cavité, il n’est guère douteux que ces dents ne proviennent d’un jeune
animal; c’est ce que la couronne et les deux replis qui la couvrent font éga¬
lement supposer. Ce sont peut-être de jeunes défenses.
Dents canines. — Si nous attribuons des dents canines à ces animaux ma¬
rins, ce n’est point, comme nous l’avons dit, qu’elles affectent une forme
particulière et qu’elles fonctionnent autrement que les incisives et les pré¬
molaires, mais parce que les premières dents qui suivent les incisives méritent
ce nom.
Ces dents canines sont en tout semblables, par la racine unique comme
par la forme de la couronne, ainsi que les replis et la pointe, à celles qui
les précèdent comme aux premières molaires qui les suivent.
A la mâchoire inférieure, à en juger par l’alvéole du moins, la dent canine
doit être plus forte qu’à la mâchoire supérieure, et la forme ainsi que la di¬
rection pourraient ne pas être entièrement semblables. La direction de l’al¬
véole diffère des autres aussi bien que sa grandeur.
C’est un fragment de maxillaire inférieur dont les alvéoles sont bien con¬
servées, qui nous fait comprendre la disposition de ces premiers organes de
mastication.
Comme ce morceau de maxillaire inférieur ne présente d’autres caractères
que ceux fournis par les alvéoles, nous n’avons eu, pour nous guider dans
la place qu’il devait occuper, que leur arrangement , la disposition des sur-
30
SUR LES OSSEMENTS
faces et le diamètre de l’os. Après lui avoir assigné sa place au-dessous du
rostre, nous avons trouvé que la grande alvéole s’ouvrait au-devant de la
canine supérieure, et que les deux dents prennent leur véritable place .
c’est-à-dire la canine inférieure au-devant de la canine supérieure.
Dents molaires. — Les dents molaires sont de deux sortes : les unes, les
antérieures, sont à une seule racine, et leur couronne est caniniforme, les
autres sont à deux racines, et la couronne est comprimée et à bords crénelés.
Les premières ou les prémolaires ne se trouvent plus en place dans le
Squalodon d’Anvers, mais leurs alvéoles sont parfaitement connues, et on
peut juger par elles de la racine comme de la couronne. En dessus comme
en dessous il existe , pensons-nous, quatre prémolaires de la même forme que
les incisives et les canines, de manière que chaque mâchoire porte en avant
huit dents en crocs, dont trois incisives, une canine, et quatre molaires.
Les dents molaires et prémolaires à une seule racine changent-elles brus¬
quement quant à la forme de la couronne et à la disposition de leurs racines?
Les molaires sont-elles toutes à couronne comprimée étagée et à double
racine? Les prémolaires (M. Jourdan ne parle que de ces deux sortes) sont-
elles toutes semblables entre elles par la couronne et par la racine?
Quand je dis que ces quatre prémolaires sont parfaitement semblables les
unes aux autres, cela n’est pas tout à fait exact. Depuis la première, qui est
en tout pareille par la couronne et la racine à la dent canine, à la dernière,
il existe une transition insensible, de manière que l’on peut assigner sa place
véritable à chacune de ces dents ; il suffît pour cela de consulter sa ressem¬
blance plus ou moins grande avec la canine ou la première molaire.
La couronne des premières dents molaires est simplement bordée d’abord,
elle est finement denticulée dans les suivantes, puis régulièrement crénelée
vers le milieu de la mâchoire; la racine, unique en avant, s’aplatit ensuite,
perd de sa longueur, s’étend en largeur et enfin se bifurque vers le milieu de
l’os maxillaire.
Toute dent franchement crénelée est à double racine ou didyme.
Une molaire libre m’a été communiquée par un de mes amis. Elle a la
couronne assez petite , le collet fort sinueux et la racine singulièrement con-
PROVENANT DU GRAG D’ANVERS.
51
tournée sans être fort longue. L’émail présente en avant et en arrière une
bordure finement crénelée. La dent est creuse à l’intérieur. C’est probable¬
ment l’avant-dernière prémolaire.
J’ai eu entre les mains encore une dent en tout semblable à la précédente.
La dent la plus intéressante est la quatrième molaire, celle qui fait la
transition, par sa couronne comme par sa racine, entre les dents en croc et
les dents crénelées.
Dans les vrais zeuglodons toutes les dents molaires sont crénelées et à
deux racines.
La racine des vraies molaires est, relativement aux autres, courte et fort
large; vers le milieu de la longueur elle s’aplatit considérablement, et une
légère dépression indique l’origine des deux racines qui caractérisent les
vraies molaires. C’est la disposition que l’on trouve dans les molaires des
jeunes phoques. Il n’y a encore qu’une seule cavité dans la racine.
Cette dent a la couronne comprimée, son bord antérieur et postérieur
aminci et un commencement de crénelures apparaît sur les bords. La pointe
est usée comme dans les autres. Des stries fines recouvrent toute la surface
de la couronne.
J’ai vu deux de ces dents de transition, une au musée Teylerien de
Haarlem , une autre entre les mains d’un ami.
Malgré la grande diversité des deux sortes de dents dans les zeuglodons,
on voit cependant une transition des unes aux autres, à en juger par la
figure que J. Müller donne d’une de ces dents L
En comparant les dents de dessus à celles de dessous, nous voyons que
la canine inférieure prend sa place véritable, mais si nous ne nous trom¬
pons , la première vraie molaire inférieure est située derrière la première
molaire supérieure.
Les molaires véritables sont à double racine, et leur aspect diffère telle¬
ment des autres, qu’à moins de les voir réunies, on n’aurait jamais soupçonné
qu’elles vinssent du même animal.
Ces dents molaires sont, si nous ne nous trompons, de chaque côté au
nombre de sept; elles sont toutes zeuglodontes. Les quatre dernières sont
1 Ueber die fossilen Reste der Zeuglodonten von Nord America, pl. XV, fig. 5.
32
SUR LES OSSEMENTS
seules rapprochées de manière à ne pas laisser d’intervalle. L'espace aug¬
mente insensiblement de la cinquième à la sixième, puis à la septième, et la
première molaire est séparée de la dernière prémolaire, comme ces der¬
nières le sont entre elles. Nous figurons ici une molaire complète.
Seconde dent molaire de droite : a. Bord antérieur, b. Bord postérieur.
Les racines ne sont pas séparées jusqu’à la couronne; la postérieure est
un peu plus forte que l’autre, surtout à la base. Ces deux racines s’implantent
obliquement dans une grande alvéole , cloisonnée plus ou moins complète¬
ment; elles s’élèvent jusqu’à la moitié de la hauteur du maxillaire, puis se
recourbent assez brusquement tout en conservant leur distance.
Ces racines sont toutes pleines.
Toutes ces dents, au lieu d’être verticales, sont implantées obliquement
dans le maxillaire, de manière à former avec le palais un angle obtus. Cet
angle semble varier d’un animal à l’autre.
Il a fallu de fortes lèvres pour couvrir des dents aussi fortement proémi¬
nentes.
La couronne de ces dents est aplatie et de forme triangulaire. Si on
faisait la coupe au collet de la dent molaire la présence de deux racines ne
serait que très-faiblement indiquée, contrairement à ce que nous montre
le zeudodon.
PROVENANT DU CRAG D ANVERS.
33
En regardant une molaire en place d’avant en arrière, c’est-à-dire sur son
côté tranchant, c’est à peine si on pourrait la distinguer d’une prémolaire.
Ces dents ont à peu près toutes la même direction et la même courbure.
Il en est encore de même de sa surface interne; si ce n’est qu’elle est
plus large à la base, on ne la distinguerait pas, la surface étant couverte
d’une couche d’émail tout à fait semblable et régulièrement striée comme
dans les prémolaires. La pointe même est aplatie de la même manière.
La face externe offre au contraire un tout autre aspect. Elle montre
d abord l’échancrure au milieu , qui est le commencement de la séparation
des deux racines, mais c’est surtout la surface plutôt ridée que régulière¬
ment striée qui la distingue.
Au fond cependant ces différences entre les deux surfaces ne sont pas
fort importantes : en braquant une loupe sur la couronne, on voit le collet
finement strié des deux côtés, et de ces stries sortent des replis de plus en
plus importants, dont l’aspect rappelle certaines algues marines.
Voici maintenant ce que ces dents offrent de plus caractéristique. Il
existe un bourrelet sur le bord antérieur comme dans les dents caniniformes,
mais, au lieu de s’étendre régulièrement du collet au sommet de la cou¬
ronne , ce bourrelet montre des nœuds tout près du collet surtout, et l’on
voit une partie de la substance osseuse de la dent à nu, comme si les deux
couches n’avaient pu se rejoindre complètement.
Bord anterieur d'une dent molaire.
Le bord postérieur présente non pas précisément des dentelures formant
Tome XXXV. 5
34
SUR LES OSSEMENTS
divers étages, mais des pointes usées comme la pointe principale, autour
desquelles on voit l’émail se conduire exactement de la même manière.
Bord postérieur d'une dent molaire.
Dans une dent parfaitement conservée, le bord antérieur présente tout
près du collet deux éminences très-petites, tandis que le bord postérieur en
a quatre toutes également développées, qui rappellent les ventouses situées
en rang sur le bras des céphalopodes.
Sur trois vraies molaires qui sont conservées avec un fragment de maxil¬
laire supérieur, la première présente sur son bord antérieur, en haut, une
dentelure usée, puis un espace entre les couches d’émail qui restent écartées
comme deux lèvres; le bord postérieur a quatre tubercules usés. La dent
suivante montre les deux couches d’émail écartées sur le bord antérieur et
sur le bord postérieur, mais sur ce dernier bord on voit encore les traces
de trois tubercules. La troisième dent est à peu près comme la seconde.
11 est à remarquer que le sommet de ces trois dents est plus usé que dans
les autres.
L’étude des crénelures offre un intérêt réel. En général, le bord antérieur
des molaires est, comme chez les phoques, moins crénelé que le bord pos¬
térieur. La dent antérieure du Squalodon Grateloupii n’a qu’une dentelure
en avant, mais cinq en arrière; l’antépénultième en a deux en avant et le
même nombre en arrière; puis les deux dernières semblent en conserver
trois en avant, tandis qu’en arrière le nombre diminue. Les deux dernières
en auraient ainsi trois et quatre.
PROVENANT DU GRAG D’ANVERS.
Les deux dernières dents de Lintz, qui sont restées en place, montrent le
même nombre trois sur les deux bords. Nous nous permettrons de faire
observer que nous avons fixé particulièrement notre attention sur ce point,
et cela la loupe à la main.
Une dent molaire isolée d’un individu assez petit, que M. Erdlicher nous
a montrée au moment de quitter Lintz, a le bord antérieur à peine ondulé,
mais le bord postérieur porte, vers le collet, deux œillets extrêmement petits
qui échappent facilement à l’observateur.
Trois dents en place. — Le musée de Bruxelles est en possession d’un
beau fragment de maxillaire supérieur, montrant trois dents molaires com¬
plètes, dont les bords me semblent mériter une attention particulière.
C est sans doute un effet de Page et de l’usure, que la transformation des
dentelures en œillets et de ceux-ci en bords ondulés; mais il n’en est pas
moins vrai que ces modifications permettent de reconnaître la place relative
de chaque molaire.
Dans toutes ces dents les deux bords, antérieur et postérieur, diffèrent
beaucoup entre eux; souvent le caractère propre de squalodon n’apparaît
que sur le bord postérieur.
La première molaire a son bord antérieur sans crénelures ni œillets, mais
la base, ou le voisinage de la couronne, est dépourvue d’émail, et les lèvres
sont ondulées de manière à faire soupçonner qu’il y a eu trois dentelures
complètement usées. /
Bord antérieur de la première molaire conservée en place.
Vers la pointe l’émail est complet. Le bord postérieur de la même dent
36
SUR LES OSSEMENTS
porte quatre œillets complètement séparés, dont le supérieur est le plus petit ,
et les autres diminuent en diamètre de la couronne à la pointe.
Bord postérieur de la première molaire.
La seconde molaire a les lèvres de l’émail écartées dans toute la longueur
sur le bord antérieur
\
Bord antérieur de la seconde molaire.
comme sur le bord postérieur.
Bord postérieur de la seconde molaire.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
57
Les lèvres de ce bord indiquent l’existence de trois œillets ou dentelures.
La troisième molaire,
Bord antérieur de la troisième molaire.
tout en conservant en haut et en avant un tout petit œillet, a les lèvres
d’émail fortement écartées, surtout vers la pointe, tandis que le bord pos¬
térieur ressemble complètement à la dent précédente.
Bord postérieur de la troisième molaire.
Ces dents sont figurées de grandeur naturelle et se suivent dans l’os
maxillaire.
On peut donc distinguer les molaires entre elles; on peut reconnaître le
bord antérieur aux dentelures moins nombreuses , mais nous ne connaissons
pas le moyen de distinguer les molaires supérieures des inférieures. Aussi
nous ne savons si le fameux morceau de maxillaire , figuré par Scilla , est
d’un maxillaire supérieur ou inférieur.
Nous connaissons en tout six dents molaires de squalodon à Anvers , dont
quatre sont encore en place. Nous venons de faire connaître les trois prin¬
cipales , qui appartiennent au côté gauche.
38
SUR LES OSSEMENTS
Une quatrième dent molaire du côté opposé, c’est-à-dire de droite, a la
même dimension et provient peut-être du même individu. C'est une molaire
véritable , mais une des premières en avant.
La racine postérieure est beaucoup plus forte que l’antérieure.
Le bord antérieur, comme on le voit dans la figure ci-dessus, a les deux
lèvres d’émail encore rapprochées, sauf dans le voisinage du collet. En des¬
sous de la commissure, en regardant attentivement, on aperçoit trois petits
œillets assez rapprochés les uns des autres. Le bord postérieur montre égale¬
ment trois œillets, mais tout en étant assez grands, ils sont cependant plus
petits que ceux de la première molaire du côté opposé.
En tout cas ces deux molaires se correspondent.
La cinquième est une des premières molaires de droite enco e en place
dans l’os maxillaire supérieur. Au-devant d’elle on voit l’empreinte d’une
des racines de la molaire précédente, qui est également encore une molaire
véritable.
Cette molaire appartient à un individu un peu moins fort que celui dont
proviennent les quatre dents précédentes.
Le bord antérieur est complet. Les lèvres d’émail ne présentent aucun
écartement. Près du collet on découvre seulement quelque tendance à former
des bosselures , mais elles sont petites et irrégulières.
Le bord postérieur de cette même molaire montre des dentelures ou
œillets encore complets au nombre de quatre. Les deux œillets moyens sont
les plus développés. Le plus rapproché de la pointe se distingue à peine par
sa saillie, et le supérieur a encore moins de proéminence.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
59
La dernière dent molaire dont il nous reste à parler paraît provenir du
même animal que les quatre premières. Elle est fort intéressante par ses
deux bords. En effet, le bord antérieur montre, au milieu, une lésion de
continuité des couches d’émail, qui prend la forme d’une bouche de pla-
giostonie, tandis qu’au collet les deux bords sont de nouveau écartés,
comme on le voit dans la figure ci-dessous.
Le bord postérieur présente dans cette même dent quatre œillets com¬
plètement séparés : les trois inférieurs de grandeur égale, le supérieur un
peu plus petit.
Cette dent semble devoir suivre la dent isolée que nous avons considérée
plus haut comme une quatrième molaire.
Toutes les dents que nous possédons, caniniformes ou sagittiformes , ont
la pointe régulièrement usée par la mastication; c’est sans doute l’indice du
développement adulte des individus dont elles proviennent.
Si l’on compare entre elles ces diverses sortes de dents crénelées, connues
jusqu’à présent, il est évident qu’il existe entre elles des différences très-
grandes, dont il est difficile aujourd’hui de saisir toute l’importance. Les
dents de zeuglodon sont toutes remarquables par le nombre et par la forme
40
SUR LES OSSEMENTS
des crénelures, .et les deux bords se ressemblent toujours plus que dans les
squalodons.
De toutes les dents de ce genre trouvées en Europe, ce sont celles de
Malte, décrites par Scilla, qui se rapprochent le plus des zeuglodons. Ce
sont aussi celles qui nous semblent les plus voisines des phoques.
La dent figurée par Gervais, pl. VIIÏ, fig. 11, est bien différente de celle
de Scilla et de celle qu’il a figurée, même planche, fig. 12 \
11 n’y a généralement qu’une seule sorte de dents dans les cétacés souf¬
fleurs : c’est ce qui diminue l’intérêt de la formule dentaire de ces animaux.
Il n’en est pas de même dans les squalodons, qui ont des incisives véritables,
comme nous venons de le dire, des canines et des molaires.
Grateloup , partant de l’idée que les squalodons sont des reptiles, ne s’est
naturellement pas occupé des diverses sortes de dents de ces carnassiers.
Î1 leur accorde dix molaires crénelées, de chaque côté et à chaque mâchoire,
ce qui est évidemment une erreur. Ces organes ne sont pas non plus aussi
régulièrement placés qu’il le pense. Il y a un certain espace entre eux, mais
cet espace n’est pas partout le même. Les squalodons n’offrent aucunement
cette régularité des squales.
En parlant du Squalodon de Grateloup, M. Fictet se borne à dire que
leurs dents sont au nombre de dix de chaque côté. Il est, du reste, difficile
de dire autre chose d’après le rostre de Léognan.
M. Staring s’est également occupé des diverses sortes de dents, mais
il n’a connu que des dents isolées, les unes des molaires, les autres des
canines. Le savant naturaliste de Haarlem leur accorde cinq bu six canines
ou plutôt caniniformes, et huit ou neuf molaires, ce qui ferait de vingt à
vingt-quatre des premières, de trente-deux ou trente-six des secondes.
M. Staring est bien près de la vérité, et nous sommes surpris de voir qu'il
ait pu s’en approcher de si près sans avoir vu des dents en place.
La tête décrite par M. Jourdan est la pièce la plus complète que l’on con¬
naisse , mais l’absence du bout du maxillaire n’a pas permis à ce savant de
bien apprécier le système dentaire. Nous l’avons déjà dit, M. Jourdan a cru le
1 Loco citato.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
41
rostre de cet animal plus long qu’il n’est réellement, et c’est ce qui lui a fait
élever trop haut le chiffre des dents antérieures.
M. Jourdan ne leur accorde aussi que deux sortes de dents, des molaires
et des prémolaires : les premières, au nombre de six au-dessus et de sept
au-dessous, les autres, au nombre de vingt-quatre ou de vingt-six de chaque
côté et à chaque mâchoire.
Il est évident que ce dernier chiffre est exagéré , quand même on désigne¬
rait sous le même nom de prémolaires, les incisives et les canines. Ce
nombre ne dépasse pas en tout le chiffre de huit, comme nous allons le voir1.
Le bout du maxillaire de la tête décrite par ce savant n’a heureusement
pas été perdu; c’est ce qui nous permet de préciser la largeur du rostre et
de mieux juger du nombre total des dents. Cette tête de Barie vient con¬
firmer le résultat de nos observations sur les diverses sortes de dents du
Sc/aalodon d’Anvers.
Les pièces de Léognan, de Barie, de Linlz et d’Anvers montrent toutes les
dernières dents molaires en place. On en voit six, ou du moins les alvéoles,
dans le maxillaire de Grateloup, de Erdlicher et de Jourdan; et dans les
deux premières pièces , ce maxillaire est brisé également vers le milieu du
rostre, là où commencent les prémolaires. A Anvers, nous avons heureuse¬
ment, comme nous l’avons déjà dit, la moitié antérieure du maxillaire et
tout l’intermaxillaire avec les dents en grande partie en place ; il pourrait y
avoir tout au plus doute sur une seule dent qui serait à ajouter aux pré¬
molaires ou aux molaires.
La mâchoire inférieure ne nous a laissé que des fragments assez incom¬
plets à Anvers ; mais il ne sera cependant pas difficile d’arriver à une déter¬
mination assez exacte des dents inférieures, par le maxillaire de Barie et
celui de Léognan réunis.
Les squalodons ont des défenses plus ou moins droites, des dents crochues
à une seule racine , puis des molaires véritables à double racine, comprimées
1 Nous supposons qu’il y a une erreur typographique dans le chiffre donné pour les prémo¬
laires par M. Jourdan; nous ne comprenons pas comment le savant directeur du musée de Lyon
aurait pu supputer un nombre aussi élevé, vingt-quatre ou vingt-six, au lieu de sept ou
de huit.
Tome XXXV.
6
42
SUR LES OSSEMENTS
et dentelées sur le bord postérieur surtout. Ces dents sont les unes de véri¬
tables incisives, puisqu’elles sont implantées dans l’os de ce nom, les autres
des canines, quoiqu’elles n’aient pas une forme spéciale, comme nous l’avons
dit, et, toutes celles qui suivent sont des molaires, qu’elles soient à racines
doubles ou à racines simples.
Depuis la première dent qui suit la canine , ou depuis la première mo¬
laire jusqu’à la quatrième, on n’observe guère de modifications; elles sont
toutes également caniniformes et régulièrement espacées; mais la suivante,
c’est-à-dire la cinquième, se modifie dans sa couronne comme dans sa racine,
et elle fait réellement la transition aux molaires proprement dites. La racine
tend à se bifurquer; la couronne s’aplatit un peu en même temps qu’elle
prend de la largeur à la base, et les premières traces de crénelures se dé¬
couvrent dans le ruban qui garnit le bord postérieur.
Viennent ensuite les dents didymes ou à double racine, à crénelures plus
ou moins bien marquées sur le bord postérieur, et dont la taille augmente
légèrement jusqu’à la troisième, puis diminue insensiblement. Les quatre
dernières sont aussi moins espacées que les autres, et les racines deviennent
proportionnellement fort courtes.
Nous avons donc, en résumé, les formules suivantes :
D’après Grateloup . . : molaires 4^;
D’après Pictet .... : —
1 10 ’
D>„„ 'Ci ■ • 5 ou 6 . . 8 ou 9
apres Starmar ... : canines - molaires - :
° o ou 6 ’ 8 ou 9 ’
D’après Jourdan : prémolaires molaires -L.
D’après nous, les squalodons possèdent :
Incisives — ; canines — ; prémolaires — ; molaires — = — .
3 1 ’ 1 4 ’ 7 15
Comparons cette formule dentaire avec celle des zeuglodons :
Job. Müller admet de chaque côté, dans les zeuglodons, quatre dents
pointues et cinq dents crénelées à double racine L
Joh. Müller, loc. cit., Nachtrag., p. 31.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
43
Pictel, dans son Traité de paléontologie, donne la formule suivante aux
zeuglodons :
Incisives — ; can. anorm. — ; mol. ~ = — .
Cette formule est donnée d’après la belle tête de Ilaarlem , que J. Müllei
a figurée pl. XXVI.
Il nous paraît évident que cette formule n’est pas exacte; la quatrième
incisive inférieure est plutôt une canine, et, en la considérant ainsi, la foi -
mule devient normale.
Indépendamment du plus petit nombre de dents, ce qui ressort le plus
clairement de cette comparaison des zeuglodons et des squalodons , c est que
ces derniers ont des prémolaires à une racine qui n existent pas chez les
autres.
On a remarqué, dans une pièce surtout, que le nombre de dents ne se
reproduit pas exactement à droite et à gauche , mais il ne faut sans doute
pas attacher une grande importance à celte anomalie , qui est purement indi¬
viduelle.
Il n’est pas à supposer que la symétrie, qui existe partout ailleurs, fasse
défaut dans les dents de ces mammifères.
44
SUR LES OSSEMENTS
III.
DESCRIPTION
DES DÉBRIS DE SQUALODON TROUVÉS DANS LE MIDI DE LA FRANCE,
LA HAUTE AUTRICHE ET LES PAYS-BAS.
Nous allons passer en revue les débris de squalodon connus jusqua
présent. Nous parlerons d’abord de ceux que l’on a trouvés dans le grès
marin de Léognan, près de Bordeaux, dans la molasse d’Uzès (Gard) et
dans le calcaire marin des carrières de Barie ; puis de ceux que l’on a mis
à nu dans la molasse, près de Lintz (haute Autriche) et enfin de ceux que
l’on a observés en Gueldrc (Pays-Bas).
Squalodon de Léognan et de Saint- Jean-de-Vedas .
Le squalodon de Grateloup a été établi sur un beau fragment de rostre,
découvert à Léognan par M. le docteur Lavallée, et dont Grateloup, de
Bordeaux, a donné une description, en 1840, dans les Mémoires de l’Aca¬
démie de Bordeaux.
Ce rostre montre six dents molaires à double racine, comme le rostre
trouvé à Lintz, mais la couronne des dents est bien mieux conservée dans
le rostre de Léognan que dans la tête de la haute Autriche.
Il y a quatre dents encore en place; la troisième molaire est la plus
forte, et les trois dernières, qui vont en diminuant, sont en même temps de
plus en plus rapprochées les unes des autres.
Celte troisième molaire n’a qu’une seule dentelure sur son bord antérieur,
tandis qu’elle en a cinq sur son bord postérieur.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
4d
La cinquième molaire a deux dentelures sur son bord antérieur, quatre
ou cinq sur son bord postérieur.
Les deux dernières montrent trois dentelures en avant et quatre en arrière.
D’après cette pièce, si cette disposition des dentelures est constante, on
devrait pouvoir distinguer les molaires entre elles.
Le rostre offre de la ressemblance avec le rostre des cétacés souffleurs
et nous n’avons pas hésité, quand nous l’avons vu pour la première lois,
en 18i0, à Bordeaux, de dire au docteur Grateloup : Votre squalodon n’est
pas un reptile, mais un dauphin.
Il n’y avait malheureusement à Bordeaux pas un seul crâne de cétacé
quelconque, pour convaincre à l’instant M. Grateloup par la comparaison.
On voit en haut la grande gouttière vomérienne, bordée par l’os incisif qui
remonte jusqu’aux fosses nasales. Le palais forme en arrière une forte saillie,
comme on l’observe dans tous les vrais cétacés en regardant le crâne de profd.
A la hauteur de l’avant-dernière molaire on voit le principal trou sous-
orbitaire, et un peu en arrière ainsi que sur le côté, sont situés, comme
dans les cétacés souffleurs, les autres trous, dont un se dirige vers les pau¬
pières pour loger sans doute un des nerfs palpébraux. Le trou principal
loge les rameaux labiaux, tandis que celui qui se dirige en arrière livre
passage aux rameaux nasaux.
Pendant longtemps on n’a connu que le bout du rostre, mais quand
J. Müller a publié le résultat de ses recherches sur les zeuglodons, Grateloup
était en possession d’un atlas qu’il attribuait à ce même animal. M. Grateloup
a eu l’obligeance de nous le communiquer peu de temps avant sa mort, et
nous allons le faire connaître.
Cet allas 1 provient des faluns de Salles (Miocène) et appartient au musée
de Grateloup. C’est le même dont J. Müller parle dans son beau travail sur
les zeuglodontes de l’Amérique du Nord. Il a été déterré en 1842.
Cette première vertèbre est complètement séparée de l’axis. Son état de
conservation est assez complet.
> pi. ni, fig. 2.
46
SUR LES OSSEMENTS
Cette séparation complète de l’atlas des autres vertèbres n’est pas sans
quelque importance, puisque ce caractère ne s’observe que dans un petit
nombre de cétacés. Les Balénoptères, les Siréniens et quelques Delphinides.
comme les Bélugas et les Narvals, sont les seuls qui aient leur première ver¬
tèbre cervicale non soudée.
La forme en est annulaire; elle est un peu plus large sur le côté, plus
étroite en dessous et plus étroite encore au-dessus. Le diamètre antéro-pos¬
térieur du corps de la vertèbre est assez grand, quoique le corps ne soit
pas distinct, puisqu’il mesure jusqu’à trois centimètres.
Le trou rachidien est proportionnellement petit; son diamètre transversal
ne dépasse guère la largeur d’une des facettes articulaires antérieures. Il a la
forme d’un huit de chiffre. Au milieu, où il est le plus étroit, il mesure trente-
cinq millimètres.
Lare supérieur est fort mince et délicat; il ne présente aucune éminence
pour rappeler l’apophyse épineuse supérieure.
Les surfaces articulaires ou les facettes antérieures sont fort grandes; mais
elles ne se confondent pas en dessous, comme on le voit, par exemple, dans
l’atlas des zeuglodons d’Amérique.
Elles sont séparées l’une de l’autre par une surface d’un centimètre de lar¬
geur dans le point où elles sont le plus rapprochées. Ces facettes sont peu pro¬
fondes ou peu excavées, et les condyles de l’occipital sont donc peu saillants.
La disposition des condyles articulaires de l’atlas de Salles correspond par¬
faitement avec les condyles occipitaux de la tête de Barie, décrite par
M. Jourdan.
Les facettes articulaires postérieures, qui s’articulent avec la face anté¬
rieure de Iaxis, sont plus grandes encore que les précédentes, ou occupent
au moins une plus grande surface, puisque ces facettes se confondent en
dessous sur le corps de la vertèbre.
Les apophyses transverses sont massives, de forme triangulaire, fort
larges à la base et peu proéminentes. Ces apophyses sont bien conservées
dans l’atlas que nous décrivons.
Ces apophyses, pas plus que l’arc supérieur, ne sont percées pour le pas¬
sage de 1 artère vertébrale ; celle-ci est logée dans une gouttière parfaitement
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
47
distincte, immédiatement au-dessus et en avant des facettes articulaires
antérieures.
Sauf quelques caractères d’une importance secondaire, il est évident que cet
atlas offre une grande analogie avec l’atlas de zeuglodon que Joh. Millier a dé¬
crit et figuré dans son grand travail sur les zeuglodontes d’Amérique. L’atlas
de ces derniers est seulement plus large, mais ce qui est important , c’est que
le trou rachidien en dessous est tout à fait semblable dans les deux vertèbres.
Depuis longtemps on a trouvé, à Léognan, des maxillaires inférieurs
remarquables par leurs nombreuses dents et la longueur de leur symphyse;
mais comme les couronnes des dents étaient toutes brisées , on ne songeait
pas à les rapporter au squalodon.
Nous croyons que les deux maxillaires inférieurs, attribués au Delphi nus
macrogenius et au Delphinus borcleae 1 et que Pedroni a rapportés aux squa-
lodons, proviennent réellement de ces singuliers carnassiers. Je regrette
beaucoup de ne pouvoir fouiller les alvéoles, afin de déterminer le nombre
exact de dents. Le moule en plâtre indique bien les incisives, les canines,
les prémolaires , mais il reste du doute sur les molaires véritables. On dirait
que ces dents se répartissent ainsi :
Incisives — ; canines prémolaires — ; molaires — .
Indépendamment des dents molaires, la hauteur des maxillaires en arrière,
surtout de l’apophyse coronoïde , ainsi que la longueur extraordinaire de la
symphyse , parlent en faveur de cette détermination.
Les deux fragments de mâchoire inférieure du musée de Dax , que Cuvier
a figurés dans ses recherches sur les ossements fossiles, comme le fragment
déposé au Muséum de Paris, qu’il a également décrit et figuré, ne sont pas
sans ressemblance avec les squalodons, mais M. Gervais fait remarquer, avec
raison, que les dents n’y étant que d’une seule sorte, ces fragments ne
peuvent provenir de squalodon 2.
1 Gervais, pl. XLI, fig. 7-8.
2 Cuvier, tome V, lre partie, pl. XXIII, fig. 1-5. Idem, fig. 9-1 1. Gervais, Paléontologie ,
pl. XLI, fig. 6.
48
SUR LES OSSEMENTS
Les deux dénis décrites par M. Gervais sont également très-intéressantes.
La première fait partie de la collection de la Faculté des sciences de Mont¬
pellier. Elle était mêlée à des dents de squales, recueillies à Saint-Jean-de-
Vedas, et mon ami Gervais a bien voulu me la communiquer. La seconde '
a été remise par les ouvriers qui exploitent ces carrières.
Cette première molaire diffère notablement de toutes les autres par cette
espèce de contre-fort que l’on voit à sa surface externe , par son bord uni
en avant, la courbure de sa couronne et la disposition en étage de ses cinq
œillets; c’est une molaire antérieure, la deuxième ou la troisième de gauche,
dont la racine est sans doute bilobée seulement vers le bout.
L’autre molaire, plus petite, a son bord antérieur complètement usé,
avec trois œillets sur son bord postérieur; c’est probablement une des der¬
nières molaires 1 2.
Squalodon de Lintz.
La tête de squalodon, trouvée dans la molasse du bassin de Lintz 3, est
assez complète pour juger de ses principaux caractères. Il est vrai , le crâne
a été brisé en divers endroits, mais les fragments ont été recueillis avec
assez de soin pour le reconstruire.
Ce qui frappe d’abord en voyant cette tête, c’est le peu de capacité de la
boite crânienne et la forftie massive de la portion du temporal, qui forme
l’arcade zygomatique.
Le crâne est fort large en arrière, la portion du rostre, qui est con¬
servée, est au contraire assez étroite en avant, de manière que la tête, en
se rétrécissant insensiblement d’arrière en avant, surtout à la hauteur des
orbites, prend la forme d’un triangle isocèle, et diffère, sous ce rapport,
complètement de tous les mammifères aquatiques connus.
1 \nn. sc. nat., 3e série, vol. V, page 268. Paléontologie française, pi. VIII, fig. 1 1 et 12.
2 Nous avons vu à Paris, au mois de septembre dernier, entre les mains de M. Gervais deux
autres fragments de squalodon, rceueillis, si nous ne nous trompons, dans les environs de Mon-
pellicr. L’un de ces fragments est le bout antérieur d’un maxillaire inférieur. (Louvain, 25 fé¬
vrier 1865.)
3 PL II, fig. I et 2.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
49
Le bout du rostre, cjui porte les prémolaires et les incisives, est perdu.
Nous avons déjà fait remarquer que ce rostre est brisé au même endroit
que celui de Léognan.
La gouttière , qui est occupée pendant la vie par une portion du vomer
cartilagineux , est fort large et s’étend dans toute la longueur de la portion
conservée.
Les évents ne sont pas complets. Les parois postérieures et latérales ont
disparu. A en juger par les parois antérieures, qui sont fort bien conservées,
la direction des évents est fort oblique, contrairement à ce que nous montre
le Squalodon de Barie : l’angle formé par l’axe des évents et de la gouttière
vomérienne est fort aigu dans la tete de Lintz, tandis qu il est dioit dans le
Squalodon de Barie.
En effet, l’ethmoïde et le vomer, que l’on distingue fort bien, au lieu
de montrer un passage direct de bas en haut, s’élève obliquement d’arrière
en avant, et sur le trajet on voit même, sur les parois en avant, une
espèce de cul-de-sac qui devrait nécessairement gêner la sortie, si tant
est que c’est une colonne d’eau et non de l’air humide qui sort par les
narines.
U n’existe malheureusement pas de traces des os propres du nez.
Les os maxillaires sont fort larges en arrière et c’est à peine si, à la base
du rostre, on aperçoit une échancrure à la limite antérieure de l’os frontal.
Cette échancrure est cependant bien indiquée dans 1 e. Squalodon de Barie et
même dans les dauphins en général.
Le palais forme en arrière une très-forte voûte ou saillie sur la ligne mé¬
diane et les os palatins sont disposés comme dans les véritables cétacés
souffleurs. Us forment l’entrée des fosses nasales, et tout est disposé de ma¬
nière à permettre au sommet de la pyramide laryngienne de s’engager dans
leur intérieur.
Les deux os temporaux sont conservés , mais un seul était attaché encore
au crâne. Ces os sont fort massifs, surtout la portion qui forme l’arcade zygo¬
matique. La fosse’ temporale est excessivement grande, ce qui est en rap¬
port avec les exigences musculaires. On sait que cette fosse est relativement
faible dans les cétacés vivants. En regardant la tête de haut en bas, on voit
Tome XXXV. 7
50
SUR LES OSSEMENTS
un espace assez grand entre le bord postérieur du frontal et la partie prin¬
cipale du temporal.
Nous avons vu en outre cinq ou six vertèbres, dont une cervicale et une
ou deux dorsales.
Il existe encore au musée de Lintz un crâne presque complet d’un animal
qui est loin d’être adulte, puisqu’une partie de la boîte crânienne, en arrière
et sur la ligne médiane, ne semble pas avoir été ossifiée '.
Ce crâne curieux sort de la même molasse que la tète dont nous venons
de parler.
Les os sont assez minces et délicats ; ils tenaient fort peu ensemble lors¬
qu’ils ont été déterrés, de manière que, pour assurer leur conservation, on
a dû les imprégner de colle. D’où il résulte que Ton n’est pas complètement
rassuré sur la forme réelle de ce crâne, et, en second lieu, certaines dispo¬
sitions pourraient bien être le résultat d’un agencement incorrect. Tous les
os sont couverts d’une couche de grains de sable de la molasse, de manière
que la surface osseuse même n’est pas distincte.
Ce crâne, tel qu’il est, se distingue par sa grande dépression, qui le fait
ressembler plutôt à un crâne de batracien qu’à un mammifère. On voit dis¬
tinctement les deux condyles occipitaux, dont un est fort bien conservé; la
cavité glénoïde est plane, comme dans les souffleurs, et la surface inférieure
du frontal qui forme la voûte de l’orbite semble indiquer nettement que la
fosse orbitaire était ouverte en dessous comme dans tous les vrais cétacés. Ces
deux os frontaux s’allongent obliquement en avant et en dehors, laissant
derrière eux une large fosse temporale, rappelant assez bien la singulière
conformation crânienne des zeuglodons.
Tout bien considéré, ce crâne doit être attribué à un jeune animal, et tout
nous porte à le considérer comme le jeune âge du squalodon.
Les dents du Squalodon de Lintz sont fort instructives. On en connaît six
en place dans le maxillaire, et toutes sont à double racine 1 2. La dent de
transition n’est distincte que par son alvéole. C’est exactement ce que nous
voyons dans le Squalodon de Barie. Seulement, au lieu de cinq dents
1 PI. Il, fig. 4, et pl. III, fig. 1.
2 Ib., fig. 2 et 3.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
51
molaires complètes il n’y en a que deux entières dans la tête de Lintz.
Ces deux dents entières sont les dernières et ont à peu près la même
grandeur. Elles sont même, contrairement à ce que l’on voit chez les autres
squalodons, un peu plus écartées que les précédentes.
Elles ont été figurées par J. Millier dans son travail sur les zeuglodonles ,
pl. XXIII, fig. 7.
Leur pointe est usée et le bord antérieur, comme le bord postérieur, porte
trois dentelures également bien développées. Dans toutes les autres molaires,
le bord postérieur seul est franchement dentelé.
Nous ferons remarquer en même temps que la pointe des dentelures
antérieures est usée dans ces deux dernières dents, tandis que les pointes
des dentelures postérieures ont leurs bords complets.
Ainsi , la symétrie des dentelures sur les deux tranchants et leur usure
en avant seulement distinguent particulièrement le Squalodon de Lintz.
Outre ces deux dents en place et les trois molaires brisées , nous avons
vu encore deux prémolaires caniniformes et une molaire de transition , qui
est fort intéressante. La couronne est entièrement comprimée de dehors en
dedans comme dans les vraies molaires ; elle est en forme de fer de lance ,
mais son bord postérieur seul porte des traces de crénelures. Tout près du
collet, on voit en effet deux petits tubercules qui peuvent aisément échapper
à un examen un peu superficiel , tandis que le bord opposé n’en porte aucune
trace. Toute la surface de la couronne est finement striée et couverte d’une
épaisse couche d’émail. La racine de cette dent est brisée, mais, à en juger par
la couronne, cette racine , sans être double , est également aplatie. C’est une
dent de transition , c’est-à-dire la cinquième molaire ou la neuvième en rang.
SUR LES OSSEMENTS
La couronne est longue de 20 millimètres, large de 16 millimètres.
Les deux autres dents sont des prémolaires : la première, la plus petite,
a également perdu sa racine et la pointe de la couronne est fortement usée.
Toute la surface est de même finement striée. Une faible bordure non cré¬
nelée indique le bord antérieur et postérieur. C’est une des premières dents
d’un animal d’assez petite taille, comme la molaire de transition que nous
décrivons plus haut.
Une prémolaire.
La troisième dent provient d’un animal beaucoup plus fort. Elle est cani-
niforme comme la précédente, à une seule racine par conséquent, à surface
lisse et luisante, sans bourrelets distincts sur ses bords.
Une dent prémolaire.
Ces dents sont également conservées au Vaderlancls Muséum de Lintz,
mais elles n’étaient pas inscrites comme dents de squalodon.
Squalodon de Barie
Une des plus belles découvertes paléontologiques faites dans ces dernières
années est sans contredit celle d’une tête assez complète de squalodon, qui
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
■),)
a pu êlre dégagée d’un bloc de calcaire marin provenant des carrières de
Barie.
Cette découverte nous paraît aussi importante que celle du rostre signalé
en 1840 par le docteur Grateloup, puisqu’elle permet de décider la question
véritablement douteuse de la nature de ces cétacés. Cette tête heureusement
est complète, sauf le bout du rostre que nous avons, par un heureux ha¬
sard, retrouvé.
Cette tête, comparée aux cétacés ordinaires, se fait remarquer surtout par
le peu d’élévation du crâne; il est fortement déprimé, et la base du rostre
est presque aussi élevée que la région frontale. La tête, vue de profd, forme
une ligne très-légèrement courbée , à peine moins élevée à la base du rostre
qu’au sommet du crâne. Elle est ensuite non moins remarquable par la grande
élévation du maxillaire inférieur, surtout de l’apophyse coronoïde, qui est
en rapport avec la grande capacité de la fosse temporale. Nous pouvons faire
remarquer en même temps que la surface du condyle est proportionnellement
plus grande que dans les autres cétacés, en même temps que la cavité glé-
noide est d’une solidité extraordinaire. Toute cette région indique donc une
puissance de mastication beaucoup plus grande que celle que l’on observe ep
général dans les cétacés. C’est, du reste, une disposition que nous avions déjà
remarquée dans la tète de Lintz.
Pour le reste, les os du crâne et de la face se comportent comme dans
les cétacés véritables.
Les os propres du nez sont refoulés en os compactes au-dessus des évents;
les intermaxillaires s’étendent depuis le bout du museau , en formant à eux
seuls toute l’extrémité libre du rostre, jusqu’à la hauteur des os nasaux; les
maxillaires recouvrent en arrière les os frontaux et s’étendent jusqu’au
sommet de la tête. C’est peut-être ce qu’il y a de plus souffleur dans ce crâne.
Les os frontaux sont fort épais au-dessus des orbites, tandis que l’os jugal
est extrêmement délicat. L’occipital, au lieu d’être bombé, comme dans les
cétacés ordinaires, est aplati en arrière, s’élève obliquement jusqu’au sommet
de la tête et forme au-dessus, comme sur le côté, une crête qui limite par¬
faitement la région de l’occiput. Aussi la tête, vue en arrière, est remarquable
par l’étroitesse de l’occipital , qui n’est pas compensée par la hauteur ainsi que
U
SUR LES OSSEMENTS
par l’étendue des fosses temporales qu’on distingue parfaitement de ce côté.
Les caisses du tympan sont en place et, autant que nous pouvons en juger
par le dessin, ces os ressemblent à ceux du zeuglodon.
Il y a cinq dents molaires en place à la mâchoire supérieure et trois à
la mâchoire inférieure. L’antérieure est la plus forte. Elles perdent, du reste,
très-peu en volume d’avant en arrière, et se rapprochent de manière que les
deux dernières se touchent au sortir de leurs alvéoles. Les trois molaires an¬
térieures portent des traces de cette espèce de contre-fort, qui caractérise une
des dents décrite par Gervais.
Les trois molaires inférieures diminuent aussi légèrement en volume
d’avant, en arrière et, entre les deux dernières dents supérieures, il n’en cor¬
respond pas à la mâchoire inférieure.
Outre les molaires encore en place, c’est-à-dire cinq supérieures et trois
inférieures, il y a encore une molaire libre et trois dents caniniformes qui
ne peuvent être que des prémolaires. La molaire est, à en juger par la taille ,
celle qui précède les trois molaires inférieures.
M. Jourdan a cru que le bout du rostre brisé de la tête de Barie avait été
pulvérisé , et que ce fragment important était perdu pour la science. Heureu¬
sement il n’en est pas ainsi. M. Paul Gervais a reçu de M. Matheron, de
Marseille, le fragment de la tête que l’on pouvait croire perdu, et il en a
donné une description dans une lettre qu’il m’a adressée U
Cette pièce intéressante, que M. Paul Gervais a bien voulu me communi¬
quer, comprend le bout libre du maxillaire inférieur et de l’os incisif. Les
dents sont encore dans leur situation respective.
ÏI y en a deux au-dessus et deux en dessous, placées dans l’axe du corps,
qui dépassaient sans doute les lèvres et servaient de défense. La couronne en
est très-irrégulièrement usée, à l’exception de celle de gauche en dessous.
Cette couronne, qui est restée intacte, montre que ces premières dents n’ont
pas la même courbure que les autres.
En haut, de chaque côté, on voit encore une dent incisive en place et
l’alvéole de la troisième dent du même nom. Inférieurement, il existe à droite
deux incisives encore en place , et une à gauche.
' Bulletin de V Académie royale de Belgique , 2e série, t. XIII, n° 5.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
Nous trouvons donc en somme six incisives au-dessus de chaque côlé et
six en dessous, dont les deux antérieures des deux côtés sont droites et à
couronne un peu plus longue.
Le bout du rostre s’est brisé au point de jonction du maxillaire et de
l’intermaxillaire, et la dent libre, qui est jointe à la tête de Barie, est pro¬
bablement une canine supérieure encore en place.
M. Jourdan, parlant des deux gouttières des évents, qui sont en commu¬
nication avec le canal intermaxillaire , se demande si ce canal remplace les
fosses nasales ou si les deux gouttières sont seulement destinées à loger une
membrane pituitaire ou olfactive plus considérable. Ces gouttières et ce canal
intermaxillaire n’existent pas chez l’animal en chair; toutes ces cavités sont
remplies de cartilage et de graisse. Les fosses nasales s’élèvent perpendi¬
culairement ou un peu obliquement, et sur leur trajet on ne voit aucune
anfractuosité qui puisse mettre celte cavité en communication avec le canal
intermaxillaire.
Squatodon de Gueldre.
Déjà, en 1837, on avait trouvé dans les environs de Eibergen (Gueldre,
Pays-Bas) des dents molaires et des vertèbres de squalodons, et une de
ces molaires avait été montrée à R. Owen , qui l’avait reconnue comme pro¬
venant d’un animal représentant les zeuglodons en Europe.
M. Staring a figuré une dent molaire et une dent caniniforme, apparte¬
nant à la collection du pavillon de Haarlem, qui proviennent réellement du
squalodon; il n’en est pas de même des vertèbres qui ont été attribuées au
même animal.
M. Staring fait remarquer, avec beaucoup de raison , qu’il existe une diffé¬
rence notable pour la taille entre l’animal qui a fourni les dents et celui qui a
fourni les vertèbres. Les vertèbres doivent être rapportées à deux espèces de
dauphins, et les phalanges qui sont conservées au môme pavillon sont, si
nous ne nous trompons, des phalanges de phoque.
La dent molaire figurée par M. Staring 1 est une molaire de droite d’un
1 Staring, Bodem van Nederlaud , II, page 216, pl. III, fig. 5 et 4.
56
SUR LES OSSEMENTS
animal de petite taille, et dont les bords sont fort intéressants. Elle provient
de l'argile, près de Svvilbroek (Gueldre). Un de ces bords est complètement
usé dans la longueur, de manière que les deux lèvres d’émail sont écartées,
et ne se joignent ni au collet ni à la pointe. L’autre bord, le postérieur, pré¬
sente au contraire trois dentelures beaucoup plus prononcées que celles qui
s’observent sur nos dents d’Anvers.
Nous avons reconnu encore deux racines de dents de squalodon dans les
dessins que nous devons à l’obligeance extrême de M. le professeur Van Breda.
Le savant directeur a bien voulu, sur notre invitation, faire dessiner les
pièces principales du musée de Haarlem , qui se rapportent aux cétacés. Il
est probable que ces dents ont été également trouvées en Gueldre \
Les trois dents figurées par Scilla, et qui sont heureusement conservées à
Cambridge, sont remarquables sous plusieurs rapports. Elles méritent d’être
comparées avec soin.
La couronne d’abord est comparativement plus large à la base que dans
les squalodons, et les crénelures, généralement différentes sur les bords anté¬
rieurs et postérieurs, sont à peu près semblables. Mais ce qui caractérise
surtout ces dents, ce sont les racines: elles ne sont ni aussi longues ni aussi
inégalement développées, et, au lieu de se replier dans le même sens, elles
ont leur pointe dirigée l’une vers l’autre.
On ne voit non plus aucune trace d’usure aux dentelures.
II est évident que ces dents semblent indiquer un animal plus voisin des
phoques et, à notre avis, le nom de phocodon, proposé par Agassiz, doit leur
rester au moins provisoirement.
1 Nous avons reconnu dans le cabinet de M. Bosquet, à Maestricht, une dent de squalodon à
une racine et un fragment de couronne, d'une dent à deux racines, provenant de Elsloo, à trois
lieues en aval de Maestricht. Avec ces débris de squalodon se trouvaient des dents et un frag¬
ment de maxillaire inférieur de dauphin. (Louvain, 25 février 1865.)
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
37
IV.
SYSTÉMATISATION.
Il y peu d’animaux dont les affinités ont été si diversement appréciées.
D’abord les Squaloclons et les Zeuglodons sont-ils aussi rapprochés les uns
des autres que certains auteurs le prétendent ? Ces animaux ont-ils des na¬
rines ordinaires vers le milieu ou au bout du museau , comme les Siréniens
et les phoques, ou bien ont-ils des évents comme les cétacés véritables?
Ont-ils une ou deux paires de membres? Ces membres ont-ils les doigts sim¬
plement palmés comme les phoques ou ont-ils toutes les parties soudées
comme des nageoires de dauphin? Enfin sont-ils phoques ou cétacés, ou bien
occupent-ils une place à part? Depuis longtemps on sait d’une manière cer¬
taine qu’ils appartiennent à la classe des mammifères.
Voyons les diverses opinions qui ont été exprimées au sujet de leurs
affinités. Quelques-unes des questions posées sont définitivement résolues;
d’autres attendent leur solution.
Le premier qui a reconnu la nature véritable des zeuglodons , R. Owen,
considérait les squalodons comme des zeuglodons européens, et ces deux
animaux étaient, à ses yeux, si voisins les uns des autres, qu ils devaient
même ne former qu’un seul et unique genre. C’est l’opinion que l’illustre na¬
turaliste du British Muséum exprimait encore après avoir vu et examiné en
nature les dents de véritable squalodon. Les squalodons ne sont que des zeu¬
glodons de petite taille; ce sont des mammifères qui forment un groupe à
part entre les Siréniens et les cétacés, disait-il V
Nous verrons plus loin que c’est aussi l’avis de M. Pictet, de Genève , un
des plus savants paléontologues de l’époque.
_ 1 Paléontologie , 2me édit., 1861, page 378.
Tome XXXV.
8
o8
SUR LES OSSEMENTS
C’est en 1847 1 que H. von Meyer exprima la pensée de faire une famille
à part parmi les cétacés, avec les s.qualodons d’Europe et les zeùglodons
d’Amérique :
Die Aehnlichkeit des Zeuglodon mit den Squalodon veranlassl mich nun-
mehr beide Thiere in einer erloschenen Cetaceen-F amilie der Zeuglodonlen
zu vereinigen.
Les affinités des zeùglodons avec les squalodons me portent à réunir ces
animaux perdus dans une seule famille, celle des zeuglodontes. Les zeuglo-
dontes ne sont pas sans affinité, d’après lui , avec les Siréniens ou les cétacés
herbivores. C’est l’étude de la tête du jeune Squalodon de Lintz qui l’avait
conduit à ce résultat.
Dans un travail sur le zeuglodon, un naturaliste américain, M. Gibbes,
va plus loin et admet le squalodon comme spécifiquement identique avec le
zeuglodon : Since i hâve seen Grateloups description of Squalodon and
lus figure , i suspect lhe two mag even prove specificallg identical, dit-il.
Depuis que j’ai vu la description du Squalodon de Grateloup et la figure, je
pense que les deux sont spécifiquement identiques.
Dans un ouvrage général de Paléontologie , M. Giebel exprima, la même
année 1847, une opinion bien différente sur celte affinité 2. Les zeùglodons
iraient prendre place , d’après lui , à côté des Dinothérium et des Toxodon ,
dans une même famille qui occupe le premier rang dans l’ordre des phoques.
Àlb. Koch, après son troisième voyage aux États-Unis, pour y recueil¬
lir des ossements de zeuglodon, place ces animaux entre les cétacés et les
phoques.
Koch admet trois genres dans ce groupe : le Zeuglodon de l’Éocène du
nord de l’Amérique; le Squalodon de la molasse et du Miocène, à Malte, à
Rordeaux et à Lintz, et le Balœnodon du crag de Suffolk et la molasse de
Lintz 3.
Ce dernier genre est imaginaire, et le savant illustre qui a proposé ce
nom de Balœnodon , dont les racines jurent de se trouver ensemble, ne sau-
1 Jakrbuch, page 670.
2 Fauna der Vorwelt, 1847, page 220.
5 Das Skeïet der Zeuglodon macros pondy lus , novembre 1850.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
59
rait guère dire lui-même quel genre d’animal il a entendu désigner sous ce
singulier nom.
Le nom de Balœnodon a été proposé d’abord pour désigner un animal
auquel on rapportait une dent singulière , trouvée dans le crag, qui n’est pas
autre chose qu’une dent de cétacé ziphioïde. Plus tard , ce nom d e Balœnodon
a été transporté à des os lympaniques qui appartiennent à des cétacés à fa¬
nons , et, ce qui a mis ensuite le comble à celte confusion, c’est qu’on a
donné le même nom générique à une tête de cétacé trouvée à Linlz , qui n’a
rien de commun avec les cétacés trouvés en Angleterre.
Joh. Müller, en publiant son grand et beau travail sur les ossements de
zeuglodon , que le roi de Prusse venait d’acheter pour le musée de l’Univer¬
sité de Berlin, va plus loin, et croit devoir réunir, dans un seul et même
genre, les Zeuglodons d’Amérique avec l'es Squalodons d’Europe. Après avoir
fait l’historique et l’énumération des zeuglodons trouvés en Amérique, il
consacre un chapitre à part à ceux d’Europe.
Les évents des zeuglodons ne sont pas disposés, ajoute-t-il, comme dans
les Baleines, et les fosses nasales ne sont aucunement placées dans une di¬
rection verticale.
L’ostéologie de la tête montre des caractères de phoques et de cétacés,
et les dents rappellent les premiers par leur nombre , les derniers par leur
forme.
J. Müller attache une grande importance au caractère lamelleux des os
de zeuglodon; la surface lamelleuse des os est caractéristique des zeuglo¬
dons, ajoute-t-il , et on pourrait prendre aisément pour naturelle, une surface
osseuse qui a perdu toute une série de lamelles. Le caractère fait cependant
défaut dans le squalodon.
J. Müller ne met pas en doute que les dents figurées par Scilla ne soient
des dents de zeuglodon : Ueber die generische Identitàt des Zeuglodon und
der Zâhne bei Scilla, hegte ich keinen Zweifel, dit-il. Sur l’identité géné¬
rique des zeuglodons et les dents figurées par Scilla, je ne fais aucun doute.
A diverses reprises nous avons nous-même émis notre opinion au sujet
de ces affinités, et cette opinion n’a pas toujours été la même. Ne voyant pas
de narines de souffleurs dans les zeuglodons, nous pensions qu il devait en
60
SUR LES OSSEMENTS
être de même dans les squalodons, et les affinités avec les phoques ne me
paraissaient pas douteuses. Les derniers sont bien positivement souffleurs,
et s’ils s’éloignent par les narines, ils restent voisins par la forme des ver¬
tèbres comme par les caractères des dents.
M. Staring est aussi d’avis que le squalodon a de grandes affinités avec
les dauphins, mais qu’il se rapproche des phoques tant par la conformation
de ses pattes que par la disposition de ses fosses nasales : De Squalodon is
een dier , dat met de Dolphynen veel overeenkomst bezit , rimer door zgne
tanden, hel gémis van blaasgal, en de niet als vinnen gevormde voorpooten,
meer met de robben overeenslemt l. Le squalodon est un animal qui a
beaucoup de ressemblance avec les dauphins, mais, par ses dents, l’absence
d’évents et les pattes antérieures qui ne sont pas en nageoires, il se rap¬
proche plus des phoques.
Mon savant ami, Paul Gervais, a toujours partagé l’avis que les squalo¬
dons sont des cétacés plutôt que des phoques. Avant de changer d’avis ,
dit-il dans la lettre qu’il m’adresse au sujet du squalodon, je veux laisser
aux faits le temps de se produire 2 3.
Ce que dit M. Jourdan des évents ou canaux respirateurs el de leur ouver¬
ture supérieure, très-allongée d’arrière en avant, communiquant par une
double gouttière avec le canal intermaxillaire, plus large et plus régulière¬
ment établi que dans les autres dauphins, pourrait induire les zoologistes
en erreur. — Ce canal inlermaxillaire se retrouve dans tous les vrais céta¬
cés, et loge ordinairement un long cordon cartilagineux qui représente en
avant la partie terminale de la colonne vertébrale.
M. Jourdan met les squalodons, malgré cette disposition qu’il semble croire
exceptionnelle, à la tête des Dauphins, et il place les zeuglodons parmi les
phoques. Ainsi tombe cet ordre des zeuglodons, introduit nouvellement dans
la classe des mammifères, ajoute-t-il. M. Pictet avait admis l’ordre des zeu-
glodontes, formé des zeuglodons, des squalodons el des balænodons, entre
les sirénoïdes et les cétacés 5.
1 Loc. citai., p. 3.
2 Bulletins de V Académie royale de Belgique, 2e série, t. XIII.
3 Traité de Paléontologie. Paris, 1833 , vol. I, p. 573.
PROVENANT DU CRAG D ANVERS.
01
La grande question, question qui prime toutes les autres, c’est de savoir
si les zeuglodons et les squalodons ont entre eux autant d’affinités qu’on l’a
cru; ensuite, s’ils sont les uns et les autres, souffleurs, Siréniens, ou phoques,
ou s’il existe des différences essentielles dans leur appareil respiratoire, tout
en montrant une analogie complète dans le système dentaire.
N’y aurait-il pas, conformément au principe naîura non facit salins , une
transition des souffleurs aux cétacés herbivores, et ne se pourrait-il pas que,
dans la nature vivante, en y regardant de près, cette différence ne fût pas
aussi nettement tranchée qu’on le pense généralement? Comparons les zeu¬
glodons avec les squalodons.
Il existe, sans aucun doute, des différences entre eux, et ces différences
portent particulièrement sur la disposition des narines ou des évents, le
nombre et l’arrangement des dents.
Les évents des squalodons sont évidemment ceux des cétacés; ils s’élèvent
aussi perpendiculairement que dans aucun autre souffleur, au point que l'on
voit à travers le rostre quand la tète est en place et qu’on la regarde de
haut en bas. Les os propres du nez sont complètement refoulés en haut.
La tète du zeugîodon, du moins celle qui est aujourd’hui au musée de
Haarlem, comme celle qui a été figurée par Koch en novembre 1850,
montre au contraire les os propres du nez fort allongés, aplatis, formant la
voûte des narines comme dans les phoques ou les mammifères non souffleurs.
Cette disposition éloigne, à notre avis, ces deux genres fort loin l’un de
l’autre, si on voulait les répartir, d’après leurs caractères, dans les ordres
tels qu’ils sont établis.
Les dents ont plus d’analogie et diffèrent principalement par leur nombre;
ils ont les uns et les autres six incisives de chaque côté, mais la paire anté¬
rieure est placée dans l’axe du corps chez les squalodons, tandis que les zeu¬
glodons ont les deux dents antérieures fortement recourbées, et semblables
à des crochets comme les autres incisives.
Les zeuglodons, en prenant, comme on doit le l'aire, la première dent
du maxillaire pour une canine, ont toutes leurs molaires, celles de dessus
comme celles de dessous, à double racine et sont crénelées à leurs couronnes.
Les squalodons ont d’abord trois ou quatre molaires caniniformes et à une
seule racine, semblables pour la forme à la dent canine.
62
SUR LES OSSEMEJNTS
Nous sommes loin de croire que tous les ossements et dents que l'on a
rapportés à trois espèces de zeuglodons appartiennent réellement à ces
espèces. Des différences aussi grandes que celles que l’on voit entre les
vertèbres de la même région nous semblent plutôt indiquer qu’il y a là, aux
États-Unis, un mélange d’ossements comme à Anvers, que des observateurs
patients, et travaillant sur place, pourront seuls déterminer.
Quoi qu’il en soit, à côté de ces dents molaires caniniformes, les squalo-
dons ont jusqu’à sept dents légèrement espacées, didymes et à couronne
crénelée. Ce qui fait, de chaque côté, cinq molaires à couronne crénelée
de moins dans les zeuglodons que dans les squalodons.
Si donc nous voyons des incisives semblables pour le nombre, il faudrait
supprimer d’abord les molaires caniniformes, puis deux molaires véritables,
dans les squalodons, pour rapprocher leur système dentaire de celui des
zeuglodons.
Il y a peut-être lieu de faire remarquer ici que les dernières vertèbres
caudales du squalodon étant très-volumineuses, il n’existe sous ce rapport
pas plus d’affinité avec les phoques qu’avec les Siréniens ou les souffleurs.
Dans tous ces groupes, les dernières vertèbres s’amoindrissent lentement, et
la dernière conserve à peine son cachet propre.
Plusieurs questions surgissent au sujet des affinités de ces genres. Les
zeuglodons, dont les narines sont semblables à celles des Siréniens ou des
phoques, doivent-ils prendre place à côté des squalodons dont les narines
sont des évents de vrais souffleurs? Ne faut-il pas placer les uns parmi les
sirénoïdes ou les phoques, les autres parmi les souffleurs?
Cette question est subordonnée à une autre. La disposition des narines
prime-t-elle les autres caractères, même ceux tirés du système dentaire? Nous
ne le pensons pas. Depuis qu’il est reconnu que les cétacés souffleurs ne
lancent, par les évents, pas plus de colonnes d’eau que les autres mammi¬
fères, que ces prétendues colonnes ne sont que l’air humide expiré, ces dis¬
tinctions ont perdu de leur importance. Le souffleur est un animal péla¬
gique, l’autre un animal littoral; le premier a les narines placées le plus
haut possible à la base du crâne, l’autre vers le bout du museau, au milieu
du chanfrein, ce qui est parfaitement indifférent à l’animal. Les zeuglodons,
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
65
malgré leur taille, seraient donc des carnassiers littoraux, comme les Siré¬
niens des herbivores littoraux, et les squalodons seraient des carnassiers
pélagiques.
Ces animaux, par leur système dentaire, peuvent fort bien former un
ordre distinct dans les thalassothériens, à côté des cétacés proprement dits.
Nous ne suivrons donc pas les errements des zoologistes : au lieu de sépa¬
rer ces carnassiers, en plaçant les uns parmi les phoques et les autres parmi
les souffleurs, nous les réunissons dans un seul groupe parallèle aux Siré¬
niens et aux cétodonîes.
Nous admettons donc les
ZEUGLODONTES
comme groupe à part , caractérisé par un corps semblable à celui des souf¬
fleurs, mais dont les dents molaires, au moins les dernières, sont à double
racine et à couronne crénelée.
Si les déterminations des terrains sont exactes, nous voyons les premiers
apparaître en Amérique, dans l’Eocène, les Squalodons du Midi vivre dans
le Miocène, et ceux du Nord (Anvers, Gueldre) surgir et s’éteindre dans le
Pliocène, c’est-à-dire qu’ils parcourent les trois grandes périodes de l’époque
tertiaire , puis disparaissent de la scène du monde.
Dans l’Éocène, les vertèbres sont encore en partie cartilagineuses et la taille
est démésurément grande; ils ne sont pas souffleurs, et leurs membres se
rapprochent de ceux des phoques et des Siréniens. Dans les, couches Miocène,
ce sont de vrais souffleurs comme plus tard dans le Pliocène, avec les ver¬
tèbres et les membres de vrais cétacés souffleurs.
Si nous ne nous trompons au sujet des affinités des squalodons et des
zeuglodons, ces observations viendraient donc confirmer le principe reconnu
par quelques paléontologistes, que certains animaux des couches paléo¬
zoïques de l’Amérique du Nord ont paru dans le nouveau monde, plutôt que
dans les mêmes couches en Europe.
64
SUR LES OSSEMENTS
Genre SQUALODON, Grateloup.
Synonimie : Crenidelphinus, Laureillard , Dictionnaire universel d'histoire naturelle, vol. IV,
article Dauphin.
Delphinoïdes, Pedroni, Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, t. XIV, 1845.
Phocodon, Agassiz, Répertoire d'anatomie et de physiologie de Valentin, 1853.
Chamsodelpius, Gervais, Zoologie et paléontologie franc., pl. XLI,fig. 6-8.
Rhizoprion, Jourdan, Comptes rendus de V Académie de sciences de Paris , t. LUI.
1861, p. 959.
Quelques auteurs ont pensé, avons-nous vu, que les zeuglodons d’Améri¬
que devaient être réunis génériquement aux squalodons d’Europe. Nous ne le
pensons pas, et nous avons pour cela de fort bons motifs : la conformation du
crâne est si complètement différente, que les premiers sont plutôt des phoques
que des souffleurs, tandis que les squalodons sont des souffleurs véritables.
Ces noms nouveaux ont été successivement substitués aux anciens sous le
prétexte, comme on le pense bien, que le nouveau est plus convenable?
Serait-ce impossible de trouver aujourd’hui un meilleur nom que celui de
Rhizoprion 9
Nous ne trouvons aucun motif pour ne pas lui conserver le premier nom
de Squalodon, qui a été proposé par Grateloup, et qui doit, à notre avis,
être respecté; non pas qu’il faille toujours conserver le nom le pius ancien,
comme on l’a proposé; mais quand aucune pièce n’est conservée et que
l’auteur lui-même serait dans l’embarras sur l’application du nom qu’il a
proposé lui-même, il nous semble, mais dans ce cas seulement, qu’il est
préférable de prendre le nom de celui qui a le premier bien connu l’objet.
Pourquoi, par exemple, conserver les noms spécifiques des baleines proposés
par Linné., lui qui ne les a connues que d’après des renseignements vagues
et souvent erronés. Linné lui-même serait dans l’impossibilité aujourd’hui
de déterminer les espèces de baleines qu’il a admises dans son Systcma
naturae, et Fabricius a eu le grand tort d’adopter les noms de son maître
pour les baleines que lui, le premier, a bien connues. Si le savant pasteur
de Groenland avait imposé des noms nouveaux à ces animaux , ces noms
eussent à tout jamais été respectés.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
65
Les diverses localités où les débris de squalodon ont été découverts, en
Europe, sont par ordre de date :
1° A Malte, dans le miocène. Il paraît que c’est un dépôt du même âge
que ceux de Montpellier et de Bordeaux. On ne connaît que trois dents
molaires, qui sont déposées aujourd’hui au musée du Trinity college, à Cam¬
bridge. Elles ont été étudiées par Owen qui, d’après M. Staring, en fit d’abord
un jeune hippopotame; puis par 31. Agassiz, qui proposa d’établir un nouveau
genre sous le nom de Phococlon. Le livre de Scilla, De corporibiis marinis,
où ces dents sont figurées, est de 4 747.
2° A Léognan (Gironde), près de Bordeaux, le docteur Lavallée a trouvé,
dans les couches inférieures du calcaire marin miocène d’après Graleloup,
une bonne portion de la tête , c’est-à-dire du maxillaire et de l’intermaxil-
laire, avec quatre dents molaires en place et deux alvéoles sans dents; un
maxillaire inférieur presque complet, mais sans dents, et un atlas des faluns
de Salles (miocène) découvert en 184-2, se rapportent sans doute au même
animal. Ces objets ont été décrits en mai 184-0, et sont tous conservés à
Bordeaux.
3° A Linlz, dans le bassin de cette ville, à quelques pas seulement de l’en¬
ceinte, dans les couches inférieures du sable marin miocène, on a découvert
une tête assez complète , c’est-à-dire un crâne avec ses os principaux forte¬
ment fracturés, les deux temporaux, la plus grande partie du frontal, les
maxillaires et intermaxillaires, l’ethmoïde et le vomer. Il n’y a que deux
dents molaires en place, mais on voit sur la même pièce les alvéoles de quatre
autres dents à double racine qui les précèdent. Parmi les objets isolés con¬
servés par 31. Erhlich, se trouve une prémolaire et deux dents caniniformes,
I une beaucoup plus forte que l’autre, et cette dernière seule finement striée
à sa surface. Toutes ont la pointe usée.
En outre, un crâne presque complet d’un jeune individu, qui est ouvert à
sa hase et au milieu de l’os occipital. Il ne laisse pas de doute sur la confor¬
mation de la tête. Ces objets ont été décrits par C. Ehrlich en 1850.
Ces squalodons sont accompagnés, à Lintz, de métaxitherium en grande
abondance, et de prétendus Balœnodons. A Léognan et à Montpellier, à côté
des squaladons il y a également des métaxitherium.
Tome XXXV.
9
66
SUR LES OSSEMENTS
A Darmstadt, il y a des métaxitherium, mais jusqu’à présent pas de squa-
lodons.
A Anvers et en Gueldre il n’y a pas de métaxitherium à côté des squalo-
dons b
Par contre, à Anvers, on trouve avec les squalodons de grandes espèces de
chélonées, comme on en a trouvé en France avec eux dans la mollasse, et
en Amérique avec les zeuglodons.
4-° Dans le crag d’Anvers, le crag noir inférieur sous-entendu, on connaît,
depuis 1862, d’abord deux fragments de maxillaire supérieur, le bout y
compris, portant en avant et encore en place trois dents caniniformes com¬
plètes, indépendamment d’une dent plus ou moins droite, placée en avant
dans l’axe du corps, et un peu plus forte que les autres. Trois de ces dents
sont implantées dans l’os incisif. La canine, qui a la même forme et la même
grandeur, est suivie de trois alvéoles qui ont logé des dents semblables à une
seule racine. Voilà en tout sept dents à une racine.
Un autre fragment de maxillaire supérieur renferme encore une dent
molaire à double racine, et montre en avant comme en arrière l’impression
de deux autres dents semblables. Une dent molaire complète, libre, accom¬
pagne cette dernière pièce. Ces trois portions sont de gauche.
La même portion de maxillaire supérieur de droite, avec trois dents mo¬
laires complètes, mais d’un individu un peu plus fort. Une dent isolée
correspondant à ces dernières, mais de gauche.
On a trouvé en outre la partie postérieure du maxillaire supérieur , mon¬
trant les alvéoles au nombre de quatre, dont la dernière notablement plus
petite que les autres.
Le musée de Bruxelles est également en possession de deux fragments de
maxillaire inférieur, l’un de droite, l’autre de gauche, indiquant la partie
postérieure de la symphyse, et montrant par ses alvéoles que les molaires
à deux racines s’étendent en avant, au delà de la partie postérieure sym-
physée. Dans la pièce à droite nous reconnaissons six dents, dont la dernière,
à en juger par la longueur de ses racines, n’est pas la postérieure. Le frag-
1 Je crois avoir reconnu ce Sirénien à Elsloo, près de Maestricht, dans le Boldérien; des dé¬
bris y sont mêlés avec des dents de Squalodon. Louvain, 29 mars 18<>5.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
67
ment de gauche montre trois alvéoles complètes, une alvéole incomplète d’une
dent en avant et d’une autre en arrière. Ce qui fait que nous connaissons six
dents molaires du maxillaire inférieur.
Un autre fragment du maxillaire inférieur de gauche lorme presque le
bout. Il ne montre que des alvéoles, au nombre de quatre, dont la posté¬
rieure, plus grande, semble correspondre à la canine inférieure. On voit aussi
le bout de la racine de l’incisive antérieure qui, comme celle de dessus,
semble avoir une autre direction et un développement plus considérable.
Comme pièce de moindre importance, nous avons à signaler un fragment
de maxillaire supérieur qui n’est pas loin de l’orifice des fosses nasales et un
fragment de maxillaire inférieur qui a son bord supérieur complet, mais ne
montre plus de traces d’alvéoles.
Une première molaire existe au musée Teylerien à Haarlem et une dent
caniniforme chez M. Gorissen.
5° Une dent molaire a été trouvée dans la mollasse de Saint-Jean-de-Vedas
(Hérault) par Gervais, et dans la mollasse d’Uzès (Gard) une autre dent qui
a été attribuée d’abord à une Otarie.
6° M. Staring nous apprend que, depuis 1837, on a découvert dans les
environs de Eibergen (Gueldre) des dents molaires et des vertèbres que 1 on
avait cru d’abord devoir rapporter au Dugong. On en a même trouvé des
débris qui proviennent de différents sujets, au moins de trois qui consistent
en dents molaires et canines, vertèbres et fragments de membres; mais on en
possède si peu, ajoute M. Staring, qu’il serait difficile de dire quelque chose
de général de l’animal. Des os de Dauphins ont été attribués au Squalodon.
Le genre Pachyodon de H. von Meyer est établi sur des dents trouvées à
Moeskirch dans le duché de Baden. x\gassiz, en citant ce nom, demande si
c’est un pinnipède.
7° Dans la couche inférieure du miocène supérieur ou miocène proprement
dit, une tête presque complète a été découverte, en 1854 , dans les carrières
de M. le comte de Bord, à Barie; heureusement le bout du rostre, que l’on
croyait perdu, a été retrouvé. Cette tête a été décrite par Jourdan sous le nom
générique de Rhizoprion. Elle est déposée au musée de Lyon.
Dans le Bohnerze de la Forêt-Noire, on a également trouvé des dents qui
semblenty indiquer la présence de squalodon, si l’on s’en rapporte à uneexhi-
68
SUR LES OSSEMENTS
bition qui a été faite par M. Alberti, à la réunion des naturalistes à Fribourg.
En comparant ces pièces entre elles, et surtout les dents molaires, nous
trouvons des différences assez notables dans ces divers animaux : le Squalo¬
don de Lintz a toutes ses dents molaires régulièrement espacées; celui de
Bordeaux les a presque toutes rapprochées les unes des autres, tandis que
celui d’Anvers a les trois dernières seules sans intervalle. Dans le Squalodon
de Barie, elles se rapprochent insensiblement d’avant en arrière.
Les couronnes des dernières molaires de l’animal de Lintz sont également
fortes; dans l’animal de Bordeaux les cinq dernières molaires diminuent insen¬
siblement de volume d’avant en arrière comme dans celui d’Anvers, mais il
existe cette différence entre eux que, si celui d’Anvers a la dernière beaucoup
plus petite, celui de Bordeaux, au contraire, a la cinquième notablement plus
grande.
Ce que nous disons de la couronne s’applique également aux racines; on
peut en juger par les alvéoles. La racine de la dernière molaire est à peine
divisée au bout dans le Squalodon d’Anvers.
Une élude approfondie de toutes les pièces recueillies nous porte à ad¬
mettre, indépendamment des fossiles de l’Alabama et des dents molaires de
Malte, quatre espèces.
I. Squalodon de Grateloup. — SQALODON GRATELOUPIL
H. von Meyer.
Synonymie : Squalodon . gr., Art. Acad. sc. de Bordeaux, mai , 1840, t. Il , p. 201 .
— Grateloupii, H. von Meyer, Jarhb., 1845, p. 704.
Delphinoïdes Grateloupi, Pedroni, Act.Soc. Linn. de Bordeaux , t. XIV, p. 105;
1845.
Crenidelphinus, Lau reillard, Di et. univers, d’hist. nat., t. IV, p. C5(i; 184a.
Squalodon Grateloupii, Gervais, A nn. des sc. nat., 5rac série, t. V, p. 205. Paris, 1840.
— — Gervais, Paléont. franc., pl. 8, fig. 12.
Rhizoprion Bariensis, Jourdan, Comptes rendus de l’ Acad, dessc., 25 novembre
1861, p. 959. Ann. des sc. natur., 1801.
Zeuglodon Grateloupi, J. Muller, Ueber die Zeuglod., in— fol. Berlin, 1849.
L’animal singulier trouvé dans les sables de Léognan est généralement
connu aujourd’hui sous le nom spécifique de Squalodon Grateloupii. Il est à
PROVENANT DU GRAG D’ANVERS.
69
remarquer que ce nom lui a été donné presque en même temps en Allemagne
et en France. En 1843, Herman von Meyer rapporte le squalodon trouvé à
Bordeaux et celui que l’on venait de découvrir à Lintz à un seul animal,
pour lequel il propose le nom qui est resté au premier '. En 1846, M. Paul
Gervais propose le même nom pour désigner le fossile de Grateloup 1 2, ignorant
que son confrère de Franckfort l’avait déjà proposé. La priorité appartient
au naturaliste allemand, qui a l’avantage de consigner périodiquement dans
sa correspondance ses observations et ses idées sur chaque découverte.
Le Squalodon de Barie est-il différent de celui de Léognan et la mâchoire
inférieure a-t-elle plus de dents dans le premier que dans le second ?
M. Valenciennes, chargé d’examiner une mâchoire inférieure de dauphin
fossile, trouvée à Montfort, près de Dax (département des Landes), persiste à
penser, dit-il, que sous le nom de Delphinus macrogenius , on a réuni deux
espèces différentes, qu’une troisième espèce sera le Delphinus Bordæ, qui
est un squalodon, et qu’une quatrième espèce doit être formée sous le nom
de Delphinus lophogenius Val. avec la mâchoire inférieure ci-dessus 3.
Quoique nous trouvions des différences dans les dents du squalodon de
Bordeaux et celui de Barie, ces différences ne nous semblent pas assez im¬
portantes pour séparer ces animaux spécifiquement. Dans celui de Bordeaux
les molaires sont un peu plus rapprochées les unes des autres que dans celui
de Barie, mais ce qui semble les éloigner davantage l’un de l’autre, c’est que
les molaires du dernier sont à peine crénelées sur leur bord antérieur, tandis
que dans celui de Bordeaux, comme dans celui de Lintz, les crénelures sont
aussi nombreuses en avant qu’en arrière.
Le Squalodon de Bordeaux a la cinquième dent molaire, à partir de la der¬
nière, notablement plus forte que les autres, tandis que celui de Barie montre
les cinq dernières dents à peu près égales en volume. Sous ce rapport, le Squa¬
lodon de Bordeaux se rapproche plus de celui d’Anvers que de celui du Midi.
Parmi les débris attribués à divers animaux, et qui proviennent du Squa¬
lodon Grateloupii , il faut placer :
1° La belle mâchoire inférieure décrite sous le nom de Delphinus ma -
1 Jahrbnch, 1843, p. 704.
2 Annales des sc. natur., 1846, p. 264.
3 Comptes rendus, 1802, p. 788.
70
SUR LES OSSEMENTS
crogenius ou champsodelphis dans divers auteurs, et que M. Paul Gênais a
figurée pl. 4-1, fig. 7;
2° Le maxillaire inférieur figuré à la même planche 4-1 , fig. 8, et décrite
sous le nom de Delphinus Bordæ;
3° La dent désignée sous le nom de Smilocamptus , pl. 4-1 , fig. 4.
4-° Une dent caniniforme trouvée dans la mollasse d’Uzès (Gard.), pl. 8,
fig. 7 et 8, attribuée à un animal du groupe des Otaries.
On a découvert jusqu’à présent de cette espèce :
1° Le Rostre décrit par Grateloup;
2° Les fragments de rostre et de maxillaire inférieur assez complet, décrits
sous le nom de Delphinus ou Champsodelphis macrogenius ;
3° Le maxillaire droit que l’on a attribué au Delphinus Bordæ;
Ces objets proviennent tous du grès de Léognan.
4-° Un atlas complet, trouvé dans le même grès à Léognan;
3° Une dent attribuée à un phoque, pl. 4*1, fig. 1 ;
6° Les deux fragments de mâchoire inférieure attribuée au Delphinus
brevidens , pl. 9, fig. 6;
7° La tête presque complète décrite par M. Jourdan ;
8° Le bout du rostre du même, décrit par M. Paul Gervais.
Les débris de squalodon trouvés à Anvers se rapportent-ils à la même
espèce que nous venons de signaler dans les sables de Léognan P Nous ne le
pensons pas, et nous proposons pour la désigner le nom de :
IL Squalodon d’Anvers. — SQUALODON ANTVERPIENSIS. N. spéc.
Synonymie : Squalodon Antveupiensis, Van Beneden. Un nouveau mammifère du craq d'An¬
vers. Bull, de l’Acad. royale de Belgique, 2e série, t. XII, n" 7.
Squalodon Grateloupii, Staring, Versteeningen uit den tertiaire n leem van Eiber-
gen.... Dr Staring. Bodem van Nederland, t. II, pag. 210.
Les fragments qui ont été mis au jour à x\nvers proviennent de plusieurs
individus de tailles assez diverses, que l’on pourrait rapporter peut-être à
des espèces différentes. Nous nous bornerons à les signaler sous le même
nom, laissant au temps le soin de confirmer, par la découverte de nouveaux
matériaux, leur diversité d’origine ou leur unité spécifique.
PROVENANT DU CRAG D ANVERS.
71
On a trouvé des os de squalodon au fort n 4, à Vieux-Dieu, à Berchem
ainsi qu’à l’enceinte.
Parmi eux se trouvent plusieurs fragments de rostre qui nous ont permis
de comprendre leur singulier système dentaire. Une de ces pièces montre les
dents terminales en place. Une autre pièce nous fait connaître la disposition
des dernières dents molaires, du palais à la hauteur des dernières dents et la
gouttière du rostre avec la partie terminale du vomer en place.
On a trouvé aussi plusieurs dents molaires véritables, de diverses gran¬
deurs, des prémolaires et des incisives. Nous avons vu deux dents molaires à
racine élargie indiquant la transition des racines simples aux racines doubles.
On observe la même transition pourda couronne.
Nous avons vu aussi des fragments assez grands du maxillaire inférieur
montrant les uns leurs alvéoles vides, les autres les racines des dents en place.
Nous sommes en possession aussi de plusieurs vertèbres que nous sup¬
posons appartenir aux principales régions de la colonne vertébrale, et qui sont
toutes intéressantes, surtout la dernière.
Les canines, décrites par M. Staring, ont été trouvées en 1858 dans l’ar¬
gile, d’où provient aussi probablement la dent molaire. M. Staring cite en
outre un épistrophéus, une lombaire, une caudale, de près de Eibergen,
ainsi que des fragments de côtes, trois vertèbres lombaires, des caudales et
surtout une des dernières caudales, qui ressemble à celle des cétacés, un
fragment de sternum? un os d’oreille (tympanal), enfin une vertèbre cervi¬
cale et une autre dorsale. Nous avons dit, plus haut, ce que nous pensons
de ces dernières pièces.
III. Squalodon de Gervais. — SQUALODON GERVAISII. Sp. nov .
Synonymie : Gervais, Zoolog. et paléonl. franc., pl. VIII , fig. II.
On n’en connaît qu’une seule dent molaire, mais elle diffère de toutes les
autres par sa racine trilobée.
Elle a été trouvée , par M. Paul Gervais , au milieu de dents de squales
recueillies à Saint-Jean-de-Vedas.
72
SUR LES OSSEMENTS
Nous croyons ce caractère de la racine de la dent assez important pour
ne pas hésiter à faire une espèce distincte de cet animal. Nous ne serions
même pas surpris que ces différences fussent plus que des différences spé¬
cifiques.
IV. Squalodon d’Ehrlich. — SOUALODON EHRLICHII. Sp. nov.
Synonymie : Klipstein, Karsten’s und Decken’s Archiv; 1842.
— Jalirbuch fur Minéralogie ; 1843, p. 704.
Carl. Ehrlich, Beitrage zur Paléontologie; Lintz, 1833.
Cette espèce se distingue par la largeur extraordinaire du rostre ainsi que
par sa grande brièveté. Toutes les pièces semblent notablement plus massives.
Les six dernières molaires ont à peu près la même dimension , et les espaces
qui les séparent sont à peu de chose près les mêmes.
Il est assez remarquable que la dernière molaire n’est guère plus petite que
les autres. Les deux bords , antérieur et postérieur, portent le même nombre
de saillies.
On en possède une tête presque complète d’un animal adulte, et le crâne
d’un jeune. Plusieurs dents molaires et caniniformes sont conservées, mais
les premières seules sont encore en place.
Il est assez remarquable que, dans les trois rostres de Bordeaux , d’Anvers
et de Lintz, on trouve, malgré les fractures, le même nombre de dents en
place et le même nombre d’alvéoles vides.
A Lintz, nous avons trouvé, comme à Anvers, des dents caniniformes
isolées de deux grandeurs différentes.
M. Ehrlich a recueilli également, à côté de la tête, une vertèbre du cou,
aplatie et isolée , avec plusieurs vertèbres dorsales et lombaires. Les vertèbres
dorsales sont d’une longueur ordinaire; les lombaires sont un peu plus longues
que les autres.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
75
Genre STENODON U
À côté du squalodon, M. Ehrlich a trouvé, dans la mollasse des environs
de Linlz, plusieurs débris de cétacé d’une taille beaucoup plus considérable
que celle du squalodon.
Le musée de Linlz en possède une portion de crâne assez complet, avec les
deux condyles occipitaux et la plus grande partie des arcades zygomatiques.
Outre ce crâne, il s’y trouve encore un os tympanique assez complet, une
dent caniniforme, un atlas presque entier, et plusieurs vertèbres lombaires
et caudales assez bien conservées.
Herman von Meyer reçut, en 184-7 , de Lintz, un atlas qui venait d’y être
découvert, et reconnut à la dimension de cette vertèbre cervicale qu’un autre
animal que les Metaxylherium et les Squalodons avaient vécu dans le bassin
de Lintz.
En 184-9 on découvrit en effet, dans les mêmes couches de sable, un
crâne assez bien conservé auquel l’atlas trouvé deux ans auparavant s’adap¬
tait parfaitement. Ce- crâné présentait des caractères tout particuliers, comme
nous le verrons à l’instant.
Cet animal était pour Herman von Meyer différent des Wallartigen Thiere,
et, comme on avait trouvé en même temps une dent qui n’offrait pas de ca¬
ractères très-précis, il crut avoir affaire à un animal semblable à celui de
Felixtown, auquel R. Owen avait- donné le nom de Balœnodon.
Le célèbre paléontologiste de Francfort a donné à cet animal le nom de
Balœnodon lintianus, croyant devoir rapporter ces débris à l’animal trouvé
quelques années auparavant dans le crag. Nous avons déjà dit que la dent qui
a été désignée sous ce nom est, selon toute probabilité, une dent de ziphius.
A en juger par la dent unique que Ehrlich a recueillie, ce prétendu Ba-
lænodon appartiendrait à la famille des Zeuglodontes et représenterait sur le
continent européen la plus grande espèce de cette famille.
Il nous semble que ce sont plutôt des caractères négatifs ou secondaires
1 De arEva, angustics.
Tome XXXV.
10
74
SUR LES OSSEMENTS
qui ont guidé H. von Meyer clans cette détermination. Il a trouvé comme Owen
des os d’oreille, ou plutôt des os tympaniques et des dents allongées, et il ne
s’est pas aperçu que le nom de Balænodon avait été appliqué à des animaux
fort différents les uns des autres. Les os tympaniques du crag sont en effet
des Plesiocètes, c’est-à-dire des cétacés à fanons voisins des Ptérobaleines,
tandis que les dents allongées, dont on a fait aussi le genre Hoplocète, sont
d’un cetodonte de la famille des Ziphioïdes.
H. von Meyer avait cependant reconnu que les os tympaniques de Lintz ne
ressemblent aucunement aux os tympaniques des cétacés du crag.
C’est avec raison que M. Ehrlich croit prudent d’attendre de nouvelles
observations avant d’accepter ce rapprochement comme définitif.
Dans une lettre de H. von Meyer à Bronn, le savant paléontologiste de
Francfort trouve que le Balænodon a plus d’affinités (weit mehr Aehnlichkeit )
avec le zeuglodon que le squalodon et, eu égard à la taille, il rapproche
le Balænodon du Zeuglodon macrospondylus. Une complète ressemblance
n’existe toutefois pas, dit-il, et il signale quelque différence dans la forme
de la tête. Il est assez remarquable que la grosse vertèbre, qui avait été dé¬
couverte, était considérée par J. Müller comme vertèbre de zeuglodon. C'était
pour lui une vertèbre antérieure caudale, ce que ne croit pas H. von Meyer.
Du reste, comme le fait fort bien remarquer M. Ehrlich, l’atlas de Lintz ne
correspond aucunement avec celui de zeuglodon , dont il diffère par des ca¬
ractères plus que spécifiques, et la dent est plus différente encore des dents
de zeuglodon.
Herman von Meyer ne peut du reste considérer comme démontré que le
singulier crâne de Lintz se rapporte au genre Balænodon.
Pourrait-on même dire ce que c’est que le Balænodon? L’auteur du genre
pourrait-il nous donner quelques éclaircissements à cet égard? Nous en dou¬
tons, et voici pourquoi : c’est que le nom de Balænodon, comme nous venons
de le dire, a été donné à des restes d’animaux de diverse nature. Dans son der¬
nier ouvrage ’, M. R. Owen cite, sous le nom de Balænodon gibbosus , une
caisse de tympan d’un célacé à fanon (Plésiocète) et reconnaît que le Balæno¬
don appartient à un autre groupe que celui des Delphinides. Cet os tvmpa-
* Palœontology or a systemalic summary of extinct animais. Edimburg, 18GO.
PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
75
nique de Balœnodon gibbosus provient du crag rouge de Suffolk. Les dents
de cet animal, ajoute-t-il, sont déterminées depuis 4 840 les os tympa-
niques depuis 4843 1 2.
Voici le résultat des observations que nous avons faites à Lintz :
Le crâne lui-même, avec tout l’occipital et ses condvles, les os temporaux
ainsi qu’une partie de la base du crâne, sont assez bien conservés, comme
on peut le voir planche IV.
La tête mesure en largeur, d’un temporal à l’autre 0,5, et en longueur des
bords postérieurs des condyles occipitaux au bord antérieur de l’occiput 0,3.
Ce qui donne surtout un caractère particulier à celte boite crânienne, c’est
sa forme triangulaire et la singulière et forte crête qui s’élève sur le bord de
l’occipital. La boîte crânienne elle-même est creusée au milieu, comme le
rostre des Physeters. Cette crête produit une forte dépression dans cette par¬
tie du crâne qui est ordinairement tout aplatie.
Les os temporaux, surtout la portion antérieure qui joint le frontal et re¬
présente l’arcade zygomatique, sont robustes et fortement développés.
On reconnaît fort bien les surfaces glénoïdes.
Os lympanique de Slénodon trouvé à Lintz, de grandeur naturelle.
1 History of British fossil mammals , in-8°, p. 536.
2 Proceed. and quart, jour n. géol. Soc. 1845.
76
SUR LES OSSEMENTS
La caisse du tympan cpie nous représentons ici est plus remarquable encore
que la forme particulière de la boîte crânienne. Elle n’a pas du tout lés carac¬
tères de la caisse des Ptérobaleines. La portion columellaire est plus massive,
le bord qui correspond au péristome ne s’étend pas d’un bout à 1 autre, et
toute la caisse est sensiblement plus large à l’un des pôles qu’à l’autre. La
portion enroulante est assez fortement écartée de la base et produit une
très-large excavation. Celte partie est régulièrement arrondie à sa surface
externe.
La surface opposée à la bouche de la caisse est tout à fait arrondie, légère¬
ment bosselée et ne présente ni les crêtes des Balénoptères ni la surface
aplatie des baleines. Elle se rapproche plutôt des Delphinides, avec des carac¬
tères particuliers toutefois.
Ces caisses de tympan n’ont d’affinité qu’avec celles de zeuglodon, et H. von
Meyer a fait observer avec raison que ces os d’oreille ne ressemblent aucu¬
nement à ceux de Suffolk.
Une autre caisse de tympan, mais d’un tiers plus petite, a été trouvée dans
les mêmes localités. Par l’ensemble des caractères, cet os se rapproche de la
caisse précédente, mais il indique, en tout cas, l’existence d’un animal dictè¬
rent de celui que nous venons de mentionner. C’est, peut-être l’os tympanique
du Sr/ualodon d’Ehrlicli.
Dent de Balænodon , d'après H. von Meyer, réduite de moitié.
Une dent trouvée dans le même endroit, rapportée par H. von Meyer au
même animal, ne présente, au premier abord, aucun des caractères qui
PROVENANT DU CRAG D ANVERS.
n
semblent devoir en faire un Squalodon. Elle est longue de dix centimètres
et mesure, vers le milieu, deux centimètres. Elle est sans racine et creuse à sa
partie inférieure. La couronne occupe à peu près le tiers supérieur. Elle est
pointue, mais irrégulièrement; elle est un peu tronquée à la suite de l’usure,
mais fort obliquement ; sa surface est finement striée, et, sur le côté, on voit
une bordure qui la rapproche des dents caniniformes de squalodon.
Nous avons éprouvé d’abord un grand embarras pour déterminer cette
dent; elle semble devoir se rapporter plutôt à une incisive de sirénoïde qu’à
tout autre cétacé. Mais depuis que nous avons eu l’occasion de voir les dents
antérieures si irrégulièrement usées des Squalodons, nous croyons devoir la
considérer comme une défense de cet animal.
Comme il arrive souvent, cette dent qui nous gênait d’abord, vient ainsi
à l’appui' de la première opinion que nous avions émise au sujet de la tête.
Il existe quelques vertèbres parmi lesquelles nous pouvons citer les deux
■
premières cervicales. Elles ont été trouvées en 1847.
Ces deux vertèbres sont complètement soudées. Elles sont entières, sauf
une partie de l’arc supérieur. Les deux condyles sont intacts. Les apophyses
transverses sont peu développées.
Les premières vertèbres étant réunies, l’animal de Lintz s’éloigne donc
des Plésiocètes pour se rapprocher des Cétodontes.
Ces mêmes vertèbres l’éloignent aussi des Zeuglodons, comme M. Ehr-
lich l’a déjà fait remarquer.
Une autre vertèbre cervicale, dont le corps a environ deux centimètres
d’épaisseur, est complètement isolée. Elle porte encore la base des apophyses
qui vont constituer l’arc néural.
Deux autres vertèbres, dont le corps est assez long puisqu’il mesure jus¬
qu’à dix centimètres, appartiennent à la région lombaire, et sont extrêmement
remarquables par le peu de développement de l’arc néural. Des apophyses
transverses sont conservées et montrent un assez grand développement.
Deux autres vertèbres, beaucoup plus petites, appartiennent à la région
caudale. L’arc néural est, contrairement aux deux autres vertèbres, très-dé-
veloppé.
.1. Müller a cru que ces grandes vertèbres se rapportent au zeuglodon, et
»
78
SUR LES OSSEMENTS
qu’elles présentent tous les caractères d’une vertèbre caudale antérieure de
ces animaux.
Parmi les os recueillis dans le même endroit, il se trouve deux fragments
d’os plats, qui ne nous semblent pas être sans importance. Ils paraissent
n’avoir pas attiré l’attention jusqu’à présent.
L’un de ces os est assez long, fortement aplati, irrégulièrement arrondi à
l’un des bouts, et montrant des traces de fracture à l’autre bout. Il mesure
vingt-quatre centimètres en largeur. Sa hauteur est de dix centimètres , et
il est épais de un à un centimètre et demi. Une de ses surfaces est plane et
même légèrement creuse; l’autre surface est moins régulière, et en avant on
voit même des traces de fracture. Or, nous croyons que cet os plat est le
bout d’un maxillaire inférieur gauche, et, à en juger par les fractures, nous
croyons que les deux branches étaient réunies par une symphyse.
Un autre fragment plus court, mais un peu plus haut, nous semble corres¬
pondre à la portion postérieure du même maxillaire, mais malheureusement
les surfaces articulaires manquent. L’une des surfaces montre une gout¬
tière longitudinale assez large, que nous ne pouvons nous empêcher décon¬
sidérer comme l’orifice postérieur du canal dentaire inférieur.
Il mesure en arrière, en hauteur, environ douze centimètres, en avant, au
contraire , seulement huit centimètres.
Si ces fragments proviennent réellement du maxillaire inférieur de ce cé-
* tacé, leur minceur extrême, ainsique leur hauteur et la. longue symphyse
semblent indiquer que l’animal dont ils proviennent est un célodonte, selon
toute apparence plus voisin des Squalodons que des Cétodontes ordinaires.
Comme cet animal n’a rien de commun avec ceux que l’on a désignés sous
le nom de Balœnoclon, et qu’il ne se rapporte à aucun genre connu , nous
proposons pour lui le nom générique de Stenodon , en conservant le nom
spécifique que IL von Meyer a proposé.
H. von Meyer trouve que le cétacé qu’il regarde comme Balænodon a plus
d’affinité avec les Zeuglodons que n’en a le Squalodon, et qu’il se rapproche
le plus du Zeuglodon macrospondyliis par sa taille; depuis que l’on connaît
la forme véritable de la tête du Zeuglodon, on peut dire que cette appréciation
est erronée.
PROVENANT DU GRAG D ANVERS.
79
STENODON LENTIANUS. H. von Meyer.
Synonymie : Balænodon lentianus, Herman von Meyer. Jalirbuch , 1850, 2e Hefl, p. 201.
— — Cari Ehrlieh. Geognostische Wanderungen im Gebiele der
iVordôstlichen Alpen, in-8°. Lintz, 1856, pag. 81, pl. II.
III et IV.
Trouvé dans la mollasse des environs de Lintz, haute Autriche, avec des
débris de squalodon et de Halitherium.
Genre ZEUGLODON.
Nous connaissons encore bien peu de ces animaux ; des vertèbres longues
et courtes, grandes et petites, ont été trouvées pêle-mêle, mais toutes ces ver¬
tèbres sont-elles de zeuglodon , et doit-on admettre les Zeugloclons macros-
pondylus , bracliyspondylus , etc.? Nous ne le pensons pas. A en juger
d’après les cétacés vivants, deux espèces d’un même genre, nous dirions
presque d’une même famille, ne peuvent offrir des différences aussi notables
dans la structure de leurs vertèbres.
Plus tard surgira même la question de savoir si le nom Zeuglodon se
rapporte à l’animal auquel se rattachent les grandes ou les petites vertèbres.
Le sternum est-il connu ? C’est une pièce de bien grande importance.
J. Müller a figuré, pl. VIII, fig. 8 et pl. IX, fig. 6, le même os, et il semble
être dans le doute si c’est une phalange ou une portion de sternum. Nous ne
doutons pas de sa nature sternale. C’est la portion inférieure de cet os, qui
était divisé non comme dans les Phoques, mais bien comme dans les Dau¬
phins.
Le sternum indique à notre avis un cétacé.
La tête qui a été achetée à Haarlem, a les fosses nasales couvertes de
deux longs os propres du nez, et comme ces fosses sont fort éloignées du bout
du museau, il est à supposer que l’animal avait une trompe, comme le genre
Macrorhin parmi les Phoques.
Les narines ne sont positivement pas disposées comme dans les Cétacés.
80 SUR LES OSSEMENTS PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
Il faudrait fouiller les fosses nasales pour y découvrir les replis ethmoïdaux
des Phoques.
Ils ont une grande caisse de tympan, mais qui n’est ni de phoque ni de
cétacé.
Les os des membres antérieurs sont mobiles comme ceux des Phoques.
Les premières apophyses épineuses dorsales sont les plus longues d’après
J. Müller.
Le zeuglodon a été trouvé dans le sable vert éocène ( eocene green sand) de
la Caroline du sud L
Harlan avait reçu ces grandes vertèbres, from the banks of the Wachiti
river , et plus tard des débris semblables, de Clarck county , Alabama.
Voici comment nous croyons pouvoir répartir les trois genres de celte cu¬
rieuse famille :
ZEUGLODONTES.
Zeuglodon .
Stenodon
Squalodon .
Z. macrospondyhts.
\ — brachyspondylus.
St. lenlianus.
I I. Sq. Grateloupii.
II V. — Ehrlichii.
IL — Antverpiensis.
III. — Gervaisii.
* Joum. of the Acad, of nat. Sciences of Philadelphia. Vol. I, seconde série; 1847-50.
FIN.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE I.
SQUALODON ANTVERPIENSIS.
La tète est vue de profil, de grandeur naturelle. Toute la partie antérieure, qui est ombrée, a
été trouvée a Anvers. Le reste est dessiné d’apres deux crânes de Lintz et surtout d’après celui de
Barie, décrit par Jourdan. On aperçoit en avant, en liant, une grande partie de la défense supé¬
rieure. On v oit aussi distinctement la suture du maxillaire avec l’intermaxillaire, et la première
dent de 1 os maxillaire qui est une canine. Tout le bout du rostre est exclusivement formé par
les os inlermaxillaires.
PLANCHE IL
SQUALODON EHRLICHII.
(Ces dessins sont faits d après des photographies que j’ai fait prendre sur les lieux.)
F ig. 1. Le rostre vu d’en haut, montrant l’orifice des évents.
* 2. Le même vu de profil, montrant deux dents en arrière en place.
» 3. Ces deux dents de grandeur naturelle.
» 4. Le crâne du jeune Squalodon vu d’en haut. Il repose en arrière sur les deux condyles
occipitaux. Tout ce crâne est formé de pièces ou fragments réunis à la colle, et toute
sa surface est couverte de grains de sable.
PLANCHE III.
SQUALODON EHRLICIIII.
Fig. 1. La tète reconstituée, vue de profil, d’après le crâne du jeune individu.
« 2. Atlas de Squalodon Grateloupii. Des faluns de Salles , 1842 (miocène).
Tome XXXV.
II
82 SUR LES OSSEMENTS PROVENANT DU CRAG D’ANVERS.
PLANCHE IV.
STENODON LENTIANUM.
Crâne trouvé dans les environs de Lintz, et déposé au VaterUindisches Muséum de cette ville.
Ce dessin a été envoyé par M. Ehrlich à J. Müller, et la famille de l’illustre défunt a bien voulu
le céder en ma faveur.
FIN DE L’EXPLICATION DES PLANCHES.
TABLE DES MATIÈRES
I. — INTRODUCTION.
Première découverte, en 1832, du Basilosaure, page 5.
Découverte du Zeuglodon à Léognan, page 4.
R. Owen reconnaît le Basilosaure comme un mammifère voisin des Lamantins, page 4.
Van Beneden et H. von Meyer reconnaissent le Squalodon pour un mammifère voisin des
Dauphins, page S.
De nouvelles découvertes aux États-Unis, page .5.
Koch rassemble de nouveaux ossements, page G.
Exposition à Dresde, à Berlin, à Leipzig et à Vienne, page 6.
J. Müller fait sa première communication sur le fameux Hydrarchos, et trouve des vertèbres
du cou, page 7.
Dents figurées parScilla, page 7.
Découverte de Squalodon à Lintz, page 7.
Klipstein la fait connaître le premier, page 7.
Découverte de Squalodon en Gueldre, Pays-Bas, par M. Staring, page 7.
Gervais signale des dents près de Montpellier, page 8.
Découverte des Squalodons à Anvers, page 8.
Visite à Bordeaux et à Lintz, page 9.
Achat d’une collection d’ossements de Zeuglodon, page 9.
Découverte d’un Squalodon à Barie, signalée par M. Jourdan, page 9.
Découverte du bout du rostre du même animal que l’on croyait perdu , page 10.
Matériaux que nous avons eus à notre disposition, page 10.
Division du travail , page 1 1 .
Littérature, page 11.
84
TABLE DES MATIÈRES
II. — SQUALODON D’ANVERS.
* Os de la tète, page 14. — Id. Intermaxillaire, page 15. — Id. Maxillaire, page 18. — /(/. de
la face, page 20. — Id. Maxillaire inférieur, page 22. — Id. Fractures des rostres, page 23.
— Id. Longueur et hauteur, page 24.
** Dents, page 25. — Il y a trois sortes de dents. — Id. Incisives, page 26. — Id. Canines,
page 20. — Id. Molaires, page 50. — Id. Prémolaires, page 30. — Dent de transition , page 51 .
— Id. Molaires véritables, page 32.
*** Formule dentaire, page 42.
III. — SQUALODON GRATELOUPII.
1° Description du rostre, page 44. — 2° Atlas, page 45. — 5° Maxillaire inférieur, fiage 47. —
4° Dent semilocauptus, page 47.
Squalodon de S'-Jean de Vedas (Gard.), page 48.
Deux dents molaires, page 48.
Description des os de Lintz, page 48.
1° Crâne adulte, page 48. — 2° Vertèbres, page 49. — 5° Crâne jeune, page 50. — 4° Denis,
page 51.
Squalodon de Barie, page 52. — Id. de Gueldre, Pays-Bas, page 55. — Id. de Malte, page 56.
IV. — SYSTÉMATISATION.
Peu d'animaux ont été si diversement appréciés, page 57.
Owen regarde les Squalodons comme des Zeuglodons européens, page 57.
H. von Meyer propose une famille à part, page 58.
Gibbes admet l’identité spécifique des Squalodons et des Zeuglodons, page 58.
Giebel place les Zeuglodons parmi les Phoques, et les Squalodons parmi les Delphinoïdcs .
page 58.
Koch les place entre les cétacés et les Phoques, page 58.
Les Balænodons sont à supprimer, page 59.
J. Müller réunit les Zeuglodons et les Squalodons dans un genre, page 59.
Nous avons pensé aussi qu’ils ne sont pas de vrais Souffleurs, page 59.
Staring trouve au Squalodon de grandes affinités avec les Phoques, par les pattes et les fos.-C'
nasales , page 60.
Gervais pense toujours que ce sont des cétacés véritables, page 60.
Jourdan place les Squalodons à la tète des Dauphins, et les Zeuglodons parmi les Phoques,
page 60.
Pictet admet l’ordre des Zeuglodontes, page 60.
Comparaison des Zeuglodons avec les Squalodons, page 61.
TABLE DES MATIERES.
85
ZEUGLODONTES.
Genre Squalodon , page 64. — Synonymie , page 64. — Localités, page 65. — Comparaison,
page 67. — Squalodon Grateloupii, page 68. — Id. Antverpiensis , page 70. — Id. Gervaisii,
page 71. — Id. Ehrlichii, page 72.
Genre Stenodon , page 73.
Genre Zeüglodon, page 79.
Tableau de la famille des Zeuglodontes , page 80.
Explication des planches, page 81.
.
' '•*
Mcm.dc Lkad.Roj.dc Belg. Tom.XXXI Y
Ale ui.de Al! P .J. \an Beneden P1.J1
Mi ni (le LWiul.Kov (le 1Mj> loin XX. V l\
Mém.df Mf P. J. \ari B<*ned>-.'i !' Ili
M eni.de Ldoad .Roy de ftele. Tout XXXIV
«y O
Mem.de Mï P .J. Van Beneden. PI. IV.
IM par âUbvarw/isJttàdrllA. tr. •' , y
RECHERCHES
SUR LES
BDELLODES (HIRUDINÉES)
ET LES
TRÉMATODES MARINS,
PAR
P. -J. VAN BENEDEN,
MEMBRE DE L’ACADÉMIE ROYALE, OFFICIER DE L’ORDRE DE LÉOPOLD, ETC.,
ET PAR
C.-E. HESSE,
OFFICIER DE LA LÉGION b’HONNBüR , NATURALISTE A BREST (FINISTERE),
ET MEMBRE DE PLUSIrURS SOCIÉTÉS SAVANTES.
5e ET 4e APPENDICES
au Mémoire présenté à l'Académie, le 8 novembre 1862.
'fi
J jwr*
I
Tome XXXY.
1
*
.
■
TROISIÈME APPENDICE
o
Nous n’avons ni genre nouveau ni espèce nouvelle à faire connaître dans
ce groupe, disions-nous au sujet des Malacobdellaires, mais l’un de nous
possède, depuis longtemps en portefeuille, quelques observations sur une
malacobdelle vivante de la Mya truncata, et profite de cette occasion pour
faire mention de cette famille intéressante.
Cette famille est formée des Malacobdelles, des Amphyptyches et des Gv-
rocotyles, qui tous vivent sur des mollusques acéphales.
L’un de nous, M. Hesse, vient de découvrir sur un Cardium aculeatum
d’une très-forte dimension, une espèce nouvelle dont la description fait le
sujet de ce troisième Appendice.
La malacobdelle de la Mya que nous avons observée était du sexe mâle,
celle que M. Hesse vient de découvrir sur le Cardium appartient au contraire
au sexe femelle.
Plus d’un naturaliste a cru, en voyant les couleurs unies et tranchées de
la plupart des vers que nous avons figurés dans ce Mémoire, que ces cou¬
leurs sont exagérées.
Dans une visite toute récente que nous venons de faire à Brest, nous avons
pu nous assurer de nouveau que les poissons de la côte de Bretagne sont
tous très-vivement colorés , et qu’ils tiennent bien plus déjà des poissons de
l’Atlantique que de ceux de la Manche et de la mer du Nord. Les parasites
1 Présente à l'Académie, le G août 1864.
4
TROISIÈME APPENDICE.
participent de cette vive coloration : les mêmes espèces diffèrent considéra¬
blement entre elles sous ce rapport. Ainsi, pour n’en citer qu’un exemple :
le congre (. Murœna conger ) , qui a toujours une couleur blafarde dans la
Manche et la mer du Nord, présente dans les parages de Brest une couleur
très-foncée, plus noire même que nos anguilles en général. Il en est de même
de divers autres poissons osseux.
Aussi la Malacobdelle des Bucardes, que nous faisons connaître par la
description suivante, est-elle complètement différente, par divers caractères
aussi bien que par la couleur, de la malacobdelle de nos mollusques bivalves.
Celte description est faite par M. liesse.
MALACOBDELLE DÉ LA BUCARDE A POINTES.
(. Malacobdella cardii nobis).
Planche 1.
Celte remarquable espèce est longue de 0n',05c et large de 0m,02c; son
épaisseur est d’environ 0m,003mm.
Son corps 1, qui est de forme ovale, est divisé en quatre parties bien dis¬
tinctes : la tête, le cou , V abdomen et la ventouse anale.
La peau, qui recouvre le corps, est glabre, elle est assez épaisse sur la
partie antérieure, qui comprend la tête et le cou ; mais elle est, au contraire ,
très-mince sur le reste du corps, dont elle laisse facilement apercevoir- la
disposition des viscères.
La tête 2 , qui est plate et un peu bombée en dessus, présente une échan¬
crure au bord frontal, et à sa base deux petits appendices coniques, d'un
demi-millimètre de hauteur, qui sont probablement des organes de tact. Elle
est circonscrite, comme celle des Phyllonelles, dans une enceinte cordiforme,
bien délimitée, dont le bord supérieur est en pointe arrondie et l’inférieur pré¬
sente une échancrure qui s’adapte à l’articulation occipitale qui la suit, et
dont elle est séparée par une petite distance.
1 PL I, fie. 1.
2 Fig. 4.
TROISIÈME APPENDICE.
L 'ouverture buccale 1 est placée sous la tête, à l’endroit où celle-ci présente
l’échancrure frontale, dont elle fait partie. A l’état de repos, elle a générale¬
ment une forme triangulaire; mais comme elle est essentiellement contractile,
elle peut se fermer hermétiquement en appliquant l’un contre l’autre, comme
des mâchoires, son bord labial, qui forme relief, et qui paraît être d’une
substance très-coriace, ou bien s’ouvrir démesurément et présenter alors un
orilice relativement considérable.
Le bord labial 2 est pourvu, dans tout son circuit, d’une rangée de dents
larges et plates à pointes mousses. Celles-ci sont suivies d’autres plus petites,
placées immédiatement en dessous, et disposées, l’une à côté de l’autre,
comme les pavés d’une rue, imitant en cela ce qui se voit dans certains pois¬
sons du genre Pagrus , et notamment le pagrus vulgaris et centrodontus.
Ces dents sont coniques, à sommet arrondi; elles peuvent, par la con¬
traction de la surface sur laquelle elles sont implantées à la manière des
poils, s’écarter ou se rapprocher à volonté, et former alors des rangées paral¬
lèles séparées par de petites distances, qui forment des stries verticales ou
horizontales.
Le cou qui est un peu plus étroit que la tête, est assez long, il est mince
sur les bords et plus épais dans le milieu ; il se termine en pointe arrondie, à
sa base, laquelle va s’enchâsser entre les deux lobes ovifères de l’abdomen,
dont il paraît être séparé par une délimitation bien accusée et tracée par une
sorte de sillon.
On remarque aussi, à la partie moyenne de cet endroit du corps, une
division semblable, qui sépare le cou en deux tronçons, et facilite ainsi ses
mouvements de contraction ou d’extension.
L’épaisseur de la partie médiane du cou est due à la présence de deux
forts muscles extenseurs juxtaposés, qui parlent de la région occipitale pour
se rendre à l’extrémité inférieure de cette portion du corps. Au milieu de
ces deux muscles, immédiatement au-dessous de l’occiput, on aperçoit un
canal déférent, cylindrique, très-consistant, un peu élargi , en forme de gan-
1 Fig. 3 et S.
3 Fig. 3 et 6.
3 Fig. 4.
6
TROISIEME APPENDICE.
glion cérébral à son origine, et légèrement infléchi à droite, qui descend
perpendiculairement, pour se rendre jusqu’à la base de la ventouse anale, en
coupant, dans son trajet qui est légèrement sinueux, les anses formées par le
canal intestinal \
On voit également, surtout au-dessous, où ils sont plus apparents, partant
des deux tentacules occipitales, qui sont à la base de la tête, deux cordons
nerveux, qui semblent être de la même nature que celui du milieu, mais
d’un plus faible diamètre, et qui, en suivant à peu de distance les bords du
corps, se rendent aussi comme lui à la base de la ventouse anale 1 2 3.
La région abdominale 5 6 7, qui est la plus étendue des quatre parties du
corps, est entièrement occupée latéralement par les ovaires, qui sont telle¬
ment tuméfiés d’œufs qu’ils en sont déformés. Les œufs 4, qui sont extrême¬
ment petits et sphériques, sont renfermés dans des espèces de cæcums, de
diverses grandeurs, ayant généralement la forme de losanges et séparés entre
eux par des dépressions très-profondes, qui cependant n’interdisent pas leur
communication.
Au milieu du corps, et comprimé entre les deux lobes formés par les
ovaires, on aperçoit, par intervalle, le canal digestif 5, qui, après s’ètre re¬
plié quatre fois en travers, se rend de l’œsophage au-dessus de la base de la
ventouse anale, où il se termine par un appendice tubiliforme, très-mince et
très-long, qui est rétractile, et au bout duquel se trouve Youverture anale0.
Lp tube intestinal parait être d’un fort calibre; il est partiellement caché,
en dessus du corps, par l’envahissement latéral des ovaires; mais en dessous,
on suit parfaitement toutes ses circonvolutions. Les bords sont frangés ou
déchiquetés, ce qui tient probablement aux effets de la compression.
La ventouse anale ~ est de moyenne grandeur et assez bombée; elle est
1 Je me suis conformé, en donnant le nom de canal déférent à cet organe, à l'opinion de
mon collaborateur; mais dans la mienne, ces trois cordons seraient nerveux, celui du milieu
serait médullaire. (C.-E. Hesse.)
2 Fig. ! ,2,5,4 et 5.
3 Fig. 1 et 2.
4 Fig. 8,9, 10 et 11.
s Fig. 1 , 2, 4 et 10.
6 Fig. 1 1 et 15.
7 Fig. 1 , 2, 12 et 15.
TROISIÈME APPENDICE.
/
très-mince et a peu de consistance ; elle adhère cependant très-fortement aux
objets sur lesquels elle s’applique. Elle est inerme.
Le dessous du corps est exactement semblable à la surface dorsale , mais
seulement beaucoup moins bombée, et la peau étant aussi plus mince, on
aperçoit plus distinctement la disposition des différents organes qu’elle
renferme.
Je n’ai pas pu constater, d’une manière suffisante pour pouvoir en parler
avec certitude, la présence de 1? appareil sexuel ; il aurait fallu, pour s’en
assurer, soumettre cette malacobdelle, dont je n’ai qu’un exemplaire et que je
crois très-rare, à des explorations qui eussent eu pour résultat de la sacri¬
fier. Il ne m’a pas été possible non plus de savoir si les rangées de dents,
qui garnissent l’orifice supérieur de la bouche, descendaient profondément
dans la cavité oesophagienne.
Le corps de ce ver est entièrement glabre et n’est pas comme celui de la
Malacobdella Grossa , enduit de viscosité ; il est extrêmement flasque , mou
et incapable de rigidité; sa ventouse anale ne lui sert que de point de fixa¬
tion; elle lui est inutile pour la marche, qui s’opère à l’aide de la reptation
sur la surface ventrale, comme le font les planaires, ou les némertes. J’ai vu
quelquefois notre nouvelle Malacobdelle se faire un point d’appui de la tête
et de la partie antérieure du corps, puis attirer vers la région céphalique tout
le reste du corps.
Cette espèce est assez vive dans ses mouvements de locomotion surtout ,
et, chose qui m’a beaucoup surpris, car c’est peut-être la seule exception
que je connaisse à cet égard, loin de fuir la lumière, elle paraît la recher¬
cher.
Le corps est éminemment contractile en tous sens , dans celui de la lon¬
gueur surtout , et il est du reste merveilleusement disposé pour cela , non-seu¬
lement par les séparations ou les sortes d’anneaux qui divisent le cou , mais
encore par l’écartement des cæcums oui fèves qui , laissant entre eux des dis¬
tances assez notables, peuvent se rapprocher sans inconvénient.
Dans son état normal , ce ver affecte une forme ovalaire qui , conséquem¬
ment, est élargie au centre et atténuée à ses deux extrémités , mais lorsque la
privation d’aliments se fait sentir, et que le milieu dans lequel il se trouve agit
8
TROISIEME APPENPICE
sur lui, on le voit inquiet 3 parcourir en tous sens le vase dans lequel il est
emprisonné; alors il s’étend démesurément, et ses deux côtés latéraux se
rapprochent de manière à devenir parallèles; il glisse sur le fond, traînant à
sa suite sa ventouse anale dont, comme je l’ai dit, il ne se sert pas pour s'en
faire un point d’appui et pour progresser à la manière des Calliobdelles.
J’ai été singulièrement frappé de l’analogie de conformation que présentent
la tête et le cou de cette malacobdelle avec ceux des Bulléens, et de la disposi¬
tion de l’orifice buccal, armé, comme dans ceux-ci , de dents qui semblent
plutôt destinées à triturer les objets qu’à les inciser. Cette organisation spé¬
ciale, qui a évidemment pour objet de donner à ces mollusques le moyen de
vivre dans le milieu qu’ils habitent , m’a conduit à chercher dans quel but le
ver dont je m’occupe aurait avec eux certaines ressemblances de forme, et
serait pourvu d’organes à peu près semblables; ces conjectures, que je ne
donne du reste que pour ce qu’elles valent, rendent peut-être compte de quel¬
ques points de conformation.
Les Bulléens vivent, ainsi qu’on le sait, dans le sable, et conséquemment
ont tout ce qui leur est nécessaire pour y trouver les aliments dont ils se nour¬
rissent et pour les triturer; aussi ont-ils non-seulement la bouche armée de
dents, mais encore l’estomac muni d’un appareil très-puissant pour les broyer.
Notre Malacobdelle vit sur une bucarde qui habile aussi le sable, et comme
ce mollusque est obligé d’avoir constamment ses valves béantes pour prendre
sa nourriture, il s’ensuit que le parasite qui est fixé sur lui est, par le fait,
exactement placé dans le même milieu que les Bulléens; d’où il résulte qu’il
pourrait bien, tout en profitant de l’hospitalité, trouver encore, aux dépens
de son hôte, un complément utile dont il bénéficie. J’ai en outre remarqué
que le tube intestinal qui, dans les espèces sanguivores, est rempli de matières
animales agglutinées par le sang ou par d’autres sécrétions, paraissait, dans
cette espèce, contenir des substances terreuses qui sembleraient indiquer un
autre genre d’alimentation que celui qui est habituel à ces vers parasites.
Les œufs sont, comme je l’ai dit, d’une extrême petitesse , et c’est à peine si
on peut les apercevoir à la loupe; ils ne paraissent contenir qu’un seul vitellus;
ils étaient, moins une petite pointe, d’une sphéricité parfaite, et ne présen¬
taient aucun limbe dans leur périphérie. Ils se mouvaient avec une grande
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
9
vélocité, probablement à l’aide de cils vibratils que je n’ai pas aperçus, bien
que je les aie soumis à un fort grossissement.
Celle Malacobdelle est très-vivace, et quoiqu’elle ail été tourmentée assez
fréquemment et assez longtemps, pendant l’examen, et qu’elle lût privée de
nourriture , je l’ai gardée une dizaine de jours, après lesquels je 1 ai plongée
dans de l’alcool, craignant qu’elle ne tombât en décomposition.
Coloration. — Tête, cou, limbe du corps et ventouse d’un jaune sale, par¬
ticulièrement au milieu du -cou. Appendices de la tête formant deux petites
taches plus foncées. Canal déférent et les deux cordons nerveux latéraux
d’un blanc pur. Cæcums ovifères et œufs d’un violet vineux, intestin d’une
couleur terreuse.
Habitat. — Trouvée, le 6 mai 1864-, dans une bucarde à aiguillons,
cardium aculeatum , sous le manteau, où elle était seule. Celte bucarde était
d’une dimension si extraordinaire, que c’est probablement la plus grande que
l’on ait trouvée, et j’en ai, par curiosité, conservé les dimensions : elle avait
10 centimètres de longueur, 9-50 de largeur et 8 centimètres de hauteur.
EXPLICATION DE LA PLANCHE I.
Fig. 1 et 2. Malacobdelle de la bucarde à pointes, vue en dessus et en dessous.
— 5. Tète de la même,très-grossie, vide en dessous, montrant 1 ouverture buccale dans
sa forme ordinaire.
_ 4. Tête de la même, vue en dessus, montrant l’échancrure labiale ou frontale. La cir¬
conscription de la tète, avec ces deux appendices conformes latéraux, desquels
portent les deux cordons nerveux, et au milieu, à la base de 1 occiput, le canal
déférent ou cordon médullaire, que l’on aperçoit au centre du cou , lequel est cu¬
néiforme, proéminent, et séparé en tronçons par deux sortes d’articulations; plus
bas, se voit le tube intestinal formant deux anses, au milieu des cæcums ovifères.
_ 5. Tète de la même, très-grossie, vue en dessous, montrant la bouche ouverte, dans
laquelle on aperçoit la rangée labiale des dents suivies d’autres plus petites, dis¬
posées en forme de pavé. On voit aussi les trois cordons nerveux qui, pour les
latéraux, sont seulement visibles en dessous, dans toute leur étendue L
< La description des organes, aussi bien que leur détermination, est faite par M. Hesse seul, ainsi que nous
l’avons dit plus haut.
Tome XXXV. 2
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
6. Partie supérieure de la bouche, plus grossie, pour montrer les dents.
7. Tête de la Malacobdelle, vue de profil.
8et9. OEufs de la même, très-grossis, dont l’un commence à éprouver les influences de
l’incubation et à quitter sa forme sphérique.
10. Portion antérieure du tube intestinal, très-grossi, montrant sa largeur, ses dente¬
lures et les anses qu’il forme et qui sont traversées par le canal déférent.
1 1. Un cæcum très-grossi, montrant les œufs dont il est rempli.
12. Partie inférieure de la Malacobdelle très-grossie , vue en dessus de la base de la
ventouse anale, montrant le conduit terminant le tube intestinal.
15. Même portion du corps montrant le même conduit invaginé.
QUATRIÈME APPENDICE
Nous avons ajouté déjà deux appendices à notre Mémoire sur les Bdellodes
et les Trématodes marins; le premier comprenant la description d’un nouveau
genre parmi les Hirudinées, le second la description d’une nouvelle espèce de
microcotvle des branchies de la Daurade vulgaire. Dans le supplément que
nous avons l’honneur de communiquer aujourd’hui, nous signalons à l’atten¬
tion des helminthologistes encore deux Eclhelminthes nouveaux, l’un appar¬
tenant au genre si intéressant des Malacobdelles, l’autre faisant partie de la
famille importante des Trislomidés, et qui doit même former un genre nou¬
veau dans ce groupe déjà si riche et si remarquable. La nouvelle Malacobdelle
a été observée, comme nous l’avons dit plus haut, sur un cardium de la côte
de Bretagne; le nouveau genre de la famille des Tristomidés provient du sona¬
tine ange, pêché sur la côte d’Ostende.
PSEUDOCOTYLE DU SQUATINE 2.
( Pseudocolyle Squaiinœ nobis.)
Planche II.
Ce ver ressemble beaucoup par son aspect aux divers genres qui composent
la famille des Tristomidés. 11 est d’un blanc mat, a une forme allongé et vit
collé contre la peau de son hôte. Il est aplati comme une feuille, et, semblable
' Présenté à l’Académie, le 8 octobre 1804.
- De veufo; falsus et %otu)i? f'ovea.
QUATRIEME APPENDICE.
12
aux Epibdelles, il a l’aspect d’une écaille charnue. Il est deux fois aussi long
que large. Tout l’appareil vitellogène est visible à travers l’épaisseur de la peau
et occupe, de chaque côté, la moitié de la largeur dans toute l’étendue du
corps. On ne voit les autres organes que par l’effet de la compression. A un
fort grossissement , on voit que la peau du dos, au lieu d’être lisse, est cou¬
verte de papilles charnues. Nous avons cherché à reproduire ces papilles
dans notre fig. 6.
Quand on détache ce ver de l’hôte qu’il habite, et qu’on le place dans un
bocal contenant de l’eau de mer, il se meut avec beaucoup de vivacité, se
retourne dans tous les sens , s’allonge et se raccourcit , se replie sur lui-même ,
tout en restant fixé aux parois par la ventouse postérieure. Comme tous ses
congénères , la peau est très-consistante et l’on n’a guère à craindre de le
détruire en le saisissant à la pince ou autrement.
Habitat. — Jusqu’à présent , personne n’a encore signalé un ver Trématode
extérieur sur le Squatine ange. Le premier jour de notre visite au marché
d’Ostende, au commencement du mois d’août de cette année, nous avons
trouvé sur un de ces poissons de taille moyenne une douzaine de vers
blancs, aplatis et collés avec une telle intensité contre la peau blanche du
ventre, que nous avons éprouvé quelque peine à les enlever. Ils tiennent avec
une ténacité incroyable par la partie postérieure du corps. A l’aide d’une lame
de couteau, nous sommes toutefois parvenus à en détacher plusieurs encore
en vie, et à les conserver pendant quatre ou cinq jours dans l’eau de mer;
ils s’attachent fortement aux parois du bocal.
Nous avons examiné, depuis le mois d’août, une quinzaine de Squatines
de toutes les dimensions, mais nous n’avons plus observé un seul exemplaire.
Ce sont les vers trouvés les premiers jours qui ont servi aux recherches
que nous consignons dans cette Notice.
Ce ver est long de cinq millimètres et de trois millimètres de large.
DESCRIPTION ANATOMIQUE.
Le tube digestif est remarquable par ses ramifications, qui s’étendent
sur le côté dans toute la longueur. Nous n’oserions assurer qu’en arrière
QUATRIÈME APPENDICE. 15
les deux branches sont unies par anastomose, ou terminées par un cul-
de-sac.
La bouche s’ouvre en avant près du bord libre en dessous, et elle ne se
reconnaît que par les replis de la peau qui constituent une espèce d’enton¬
noir. Il n’y a pas de lèvres proprement dites, et on ne voit autour d'elle
aucune apparence de ventouse.
A quelque distance de l’orifice buccal, on aperçoit le bulbe du même nom
qui se distingue par sa forme ovale comme par l’épaisseur de ses parois. De
sa partie inférieure et médiane naît un œsophage assez court et étroit, sur
lequel est couché une bandelette en forme de V, qui représente peut-être le
centre du système nerveux.
Au bout de l’œsophage, le canal digestif se divise en deux branches qui
s’étendent en arrière en longeant le bord libre du ver. Sur toute la longueur
de son trajet naissent des troncs qui se ramifient diversement et dont les
branches sont au nombre de dix de chaque côté.
Ces cæcums, ramifiés aussi bien que le tube qui les porte, sont transpa¬
rents et du même calibre dans toute la longueur. On ne les découvre qu’en
portant toute son attention sur eux. Les vers sont trop petits pour mettre ces
cavités en évidence par des moyens artificiels. Nous n’avons pas vu de
cæcums en dedans du tube.
Il est possible que ces deux tubes s’unissent en arrière, mais nous n’avons
pu, à cause de la taille, nous en assurer directement par une injection.
L’appareil reproducteur présente , comme dans tous les genres voisins,
une complication assez grande. La division du travail n’est nulle part poussée
aussi loin.
L’organe le plus vaste, et qui s’étend réellement dans toute l’étendue du
corps, c’est le vitellogène. On l’aperçoit sur les lianes, à droite et à gauche,
à travers l’épaisseur de la peau , recouvrant partout les ramifications de 1 appa¬
reil digestif et les accompagnant même, comme s’il en était une dépendance.
Ce sont tous cæcums glandulaires placés le long de fines branches qui se réu¬
nissent comme une grappe à une seule tige, et ces tiges s’insèrent comme
les cæcums du tube digestif, sur la longueur du tronc qui s’étend d’avant en
arrière dans presque toute la longueur de l’animal.
14
QUATRIEME APPENDICE.
En avant, à une courte distance du bulbe buccal et de l'œsophage, on voit
partir de chaque tronc longitudinal et en dedans une branche unique qui va
s’anastomoser avec celle du côté opposé, comme le trait qui unit les deux
jambes de la lettre H. Les grappes vitellogènes pendent pour ainsi dire le long
des jambes de cette lettre. En arrière et un peu sur le côté, on voit du côté
gauche une poche opaque, assez grande, de forme ovale, et à laquelle abou¬
tit une branche très-courte qui naît sur la branche transverse du vitelloducte.
Cette poche est le vitellosac , dans lequel on aperçoit toujours une réserve
de granulations vitellines.
Nous n’avons pu apercevoir le canal qui conduit le produit vilellin sur la
voie du germigène, pour mettre ces produits directement en rapport.
Ce vitellogène avec son vitellosac se comporte dans son ensemble comme
dans plusieurs genres voisins, mais surtout comme dans le genre Epibdella.
Le germigène consiste dans une poche sphérique qui est située à côté du
vitellosac, en dessous, comme ce dernier, de la branche transverse du vitel¬
loducte. Autant le vitellosac se fait remarquer par son opacité, autant le
germigène se distingue par sa transparence. On voit son intérieur tout rempli
de vésicules transparentes, dont la nature n’est guère problématique, et tous
ceux qui atteignent leur maturité se concentrent sur un point donné, pour
servir de noyau à la fabrication des œufs.
Au-dessus et au-devant du germigène, on aperçoit le canal excréteur ou
le germiducte, qui doit aboutir à un canal commun avec le vitelloducte. Nous
n’avons pu apercevoir cette communication.
Immédiatement au-devant du germigène , on aperçoit une vésicule dont
la forme est très- variable dans les divers individus, et dont le contenu opaque
occupe tantôt toute la cavité, tantôt seulement une partie. C’est sans doute
l’ootype.
Nous n’avons d’abord pu découvrir d’œuf complet , et nous n’avons pu
nous assurer d’une manière certaine de la terminaison de cet appareil fe¬
melle. Les œufs sont-ils évacués sur la ligne médiane, sur les lianes ou sur
le bord? c’est ce que nous n’avons pu décider d’abord. Nous avons cependant
tenu ces vers parfaitement en vie, pendant plusieurs jours, dans l’eau de
mer. Nous avons ensuite examiné ceux que nous avions jetés vivants dans
QUATRIÈME APPENDICE.
lu
la liqueur et, pendant ce second examen, nous avon été plus heureux.
Dans un individu, nous avons aperçu, à la hauteur de l’organe que nous
regardons comme ootype, plusieurs œufs encore enfermés ensemble, mais qui
étaient prêts à être pondu?. Nous les avons fait sortir en exerçant une légère
pression et nous en avons vu cinq ou six , les uns n’ayant pas encore leurs
contours bien formés, les autres affectant leur forme régulière et entourés de
leur coque plus ou moins solide. Ce ver a été jeté vivant dans la liqueur, au
moment où les œufs étaient en pleine voie de formation. Quelques-uns d entre
eux n’ont pas eu le temps de se former complètement.
Ces œufs sont comparativement grands, puisqu’ils atteignent à peu près
la moitié de la grandeur du germigène. Us sont oblongs et comme tronqués
aux deux bouts sans aucune apparence de filaments ou d’appendices quel¬
conques. Nous ne voyons qu’une seule enveloppe dont on reconnaît parfaite¬
ment le double contour. Ces œufs sont d’un jaune foncé.
Dans le genre Épibdelle, comme dans plusieurs autres Trématodes voisins
d’eux, l’appareil mâle consiste essentiellement en deux fortes glandes qui
se voient aisément vers le milieu du corps, à côté de la ligne médiane. Il
n’en est pas ainsi dans le genre qui nous occupe. Tout l’espace qui se trouve
libre entre les deux branches du tube digestif, en arrière du germigène et du
vitellosac, est occupé par un organe glandulaire qui a l’aspect d’une vaste
grappe , et dont les diverses vésicules représentent des spermigènes ou des
testicules. On voit chaque vésicule attachée au tronc par un canal étroit et
transparent, et dans chacune d’elles on voit s’élaborer les cellules sperma¬
tiques. Le nombre de ces vésicules est très-grand.
Le spermiducte naît en arrière au milieu d’elles, et à mesure qu’il s’étend
en avant, il s’élargit et devient de plus en plus distinct. Nous n avons toutefois
pas vu de spermatozoïdes se mouvoir dans son intérieur, pas plus que nous
n’avons vu d’œufs dans l’ootype.
Ce spermiducte coupe en avant la branche transverse du vilelloducte,
s’avance sur la ligne médiane et va aboutir à un organe tout particulier, que
nous ne pouvons nous empêcher de considérer comme un pénis.
En effet, au milieu d’une vésicule transparente, on aperçoit un filament
solide, entièrement opaque, enroulé diversement sur lui-même comme un
QUATRIÈME APPENDICE.
16
ressort de montre, et que l’on voit changer de position dans l'intérieur même
de la poche qui l’entoure. Autant nous avons vu d’individus, autant nous
avons vu de formes différentes affectées par cet organe. Les rapports avec
le spermiducle ne nous sont pas connus, et cependant nous sommes persua¬
dés que nous avons là sous les yeux le pénis des pseudocotyles.
On ne doit pas perdre de vue que, dans tous ces vers Trémalodes, on
aperçoit à l’orifice des organes sexuels des plaques chitineuses, des crochets
de formes diverses, qui se rattachent évidemment à l’appareil de reproduc¬
tion. Nous voyons dans ce genre les orifices des deux sexes s’ouvrir sur la
ligne médiane, ce qui éloigne notablement ces vers des Tristomes propre¬
ment dits.
A en juger par la grandeur des œufs, il est hors de doute que le dévelop¬
pement de ces vers ne soit direct et sans métamorphoses.
Il est à remarquer aussi que les œufs, dans les divers genres de cette
famille, sont non-seulement très-volumineux, mais portent de très-longs
filaments et une coque très-solide.
L’appareil excréteur, pour ne pas dire l’appareil urinaire, est très-déve-
loppé dans tous ces vers, mais il manifeste très-diversement sa présence à
cause de la ténuité extrême des parois de ses canaux délicats. Dans la plu¬
part des cas, ce n’est que la présence ou l’accumulation du produit sécrété
qui trahit la disposition de l’appareil.
Dans le genre qui nous occupe, les canaux du milieu sont complètement
invisibles, et ce n’est que sur le côté du corps que l’on aperçoit, à droite et
à gauche, comme dans les Épibdelles, deux grandes poches à parois minces
et contractiles , qui changent constamment de forme et qui représentent la
terminaison de cet appareil. C’est ordinairement sur la ligne médiane, que l’on
aperçoit une vésicule pulsatile; ici, comme dans les autres Trématodes supé¬
rieurs, on aperçoit au contraire en avant des deux côtés une poche lentement
contractile, qui expulse son contenu à des intervalles très-irréguliers.
Nous pouvons caractériser ainsi ce nouveau genre :
Point de ventouses à côté de la bouche, et la ventouse postérieure du corps
très-variable dans sa forme comme dans sa grandeur. Cette ventouse ne
renferme ni rayons ni crochets. Le canal intestinal est ramifié. La vésicule
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
47
contractile de l’appareil excréteur s’ouvre sur le côté, tandis cjue les oiifices
sexuels sont situés sur la ligne médiane. Les œufs sont grands et sans fila¬
ments.
Affinités. — Ce genre appartient évidemment à la famille des Trislomidés
par l’ensemble de son organisation. Il s’éloignerait au contraire considéia-
rablement de cette famille, si l’on n’avait égard cjuaux caractères extérieurs,
tant il est vrai cpie les caractères extérieurs ne reproduisent pas toujours la
structure de l’animal. Au lieu de découvrir trois ventouses comme on en ob¬
serve dans la plupart des genres de cette famille , on n en trouve presque
pas du tout, à tel point que l’on croirait voir un ver mutilé, si on n’avait
été à même d’observer des individus vivants et en place. C’est la peau au
milieu de l’échancrure postérieure du corps qui se prolonge en une espèce
de godet pour servir de ventouse. On ne distingue pas plus cet organe d ad¬
hésion dans les individus conservés dans la liqueur que dans les animaux
vivants. On reconnaît la ventouse parce que c’est par elle que l’adhésion
s’effectue.
Il n’y a pas plus de crochets chilineux que de ventouses.
Malgré ces différences extérieures, c’est encore à côte du genre Tris! orna
que ce nouveau genre doit être placé. C’est un Trislomesans ventouses a la
bouche et sans ventouse rayonnée permanente en arrière.
EXPLICATION DE LA PLANCHE IL
(Pseudocotijle Squatince , nov. gen. et nov. sp.)
Fig. \ . Ver complet, vu par sa face inférieure, amplifie cinq fois. A côté, on voit la grandeui
naturelle. Il est. complètement étendu.
— 2. Le même ver du même côté montrant les mêmes organes en place, avec la partie pos¬
térieure du corps légèrement repliée en dessous. Par là on n’aperçoit pas la ven¬
touse postérieure.
— 5. Le même, amplifié davantage, étendu comme dans le numéro 1 , mais avec les boids
en arrière légèrement repliés. On aperçoit en avant 1 orifice de la bouche, plus bas,
le bulbe buccal, puis l’œsophage et les deux tubes intestinaux, celui de droite mon¬
trant seul les cæcums ramifiés. A gauche, on voit tout l’appareil vitellogène en place,
Tome XXXV. ^
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
48
la commissure et le vitellosac. A gauche du vitellogène opaque est situe le gcrmigène,
qui est précédé de l’ootype. Entre les deux tubes digestifs et les vitelloductçs, on voit
le spermigène, formé d’un grand nombre de vésicules, qui aboutissent à un spermi-
ductc commun, faiblement indiqué dans cette figure. Derrière l'œsophage se trouve
le pénis. A la partie postérieure du corps, la peau forme une ventouse.
Fig. 4. La partie antérieure du meme ver, encore dans la même situation, mais comprimé et
amplifié pour montrer l’arrangement des divers appareils.
a. Orifice buccal.
b. Bulbe du même nom, que l'on a pris quelquefois pour un estomac.
c. OEsophage.
d. Tube digestif.
e. Cæcums ramifiés.
f. Vitellogène sous la forme de grappes.
g. Vitelloducte.
h. Commissure des vitelloductes.
i. Canal aboutissant au vitellosac.
j. Vitellosac.
l. Germigènc.
m. Germiducte.
n. Ootype.
o. Spermigène.
p. Spermiducte.
q. Pénis.
r. Les vésicules contractiles par lesquelles le produit des canaux urinaires est éva¬
cué. Les parois en changent constamment la capacité.
s. Leur orifice.
— 5. La partie postérieure du corps montrant comment la ventouse se forme. En avant, on
distingue une partie du vitellogène et du spermogène en place.
— G. La même partie postérieure du corps montrant la ventouse sous un autre aspect. On
distingue sur le bord les papilles qui recouvrent la peau à sa face supérieure.
— 7. Un œuf isolé.
I
Mém.de I Acad.Rov.de Bel?'. Tom. XXXV.
Aient «le M' K. Hesse cl HJ. Van Reiieden.il. I.
JO,
O
_ . • I ?&r à. $èv*rgpnrjit&. ékl'Acad.Sffy.
Mem.de l’Acad. Rov. de Bek\ Tom.XXXV.
Mém.de Mr E . Hesse et EJ. Tan Beneden.Pl. Il
JA.Jfés'se et T.J.JtkfiAenede/i ad. na.t. del.
Jjztà. par ff. ' Se vereypp litn. de I 'Acad Tbjr.
MÉMOIRE
SUR
LES LOMBRICINS,
PAR
M. D'UDEKEM,
— ^ — x ^ . .
MEMBRE DE L’ACADÉMIE, DOCTEUR EN SCIENCES NATURELLES
ET EN MÉDECINE.
PREMIÈRE PARTIE.
(Mémoire présenté a l’Académie royale de Belgique, le 10 janvier 1863.)
Tome XXXYI.
i
INTRODUCTION.
Le but du mémoire que j’ai l’honneur de présenter à l’Académie est de
tracer l’état actuel de la science des lombricins, tant sous le rapport de l’or¬
ganisation que de la classification et de la description des espèces.
J’ai emprunté à M. Siebold le nom de lombricins pour désigner les ani¬
maux que Cuvier appelait annêlides, sétigères abr anches , et Grube, oligo-
chœtes.
J’ai préféré le nom de lombricins, parce qu’il dérive de lombric, déno¬
mination de l’espèce la plus anciennement connue et à laquelle elle est donnée
dès la haute antiquité.
Il y a quelques années à peine, l’histoire des lombricins contenait beau¬
coup de lacunes. Le lombric seul a été l’objet d’études suivies, comme l’at¬
teste la longue suite des auteurs qui s’en sont occupés. Les autres espèces,
à peine connues, étaient mal déterminées, ce qui rendait leur histoire très-
obscure.
Les nombreuses difficultés que je rencontrai en commençant mes recher¬
ches me firent prendre la résolution de me borner à mes propres obser¬
vations, tout en vérifiant avec soin ce qu’avaient avancé mes devanciers.
Mes observations eurent d’abord pour objet le genre Tubifex. Je crois
avoir démontré le premier dans tous ses détails l’organisation de ce curieux
INTRODUCTION.
animal, et avoir, le premier aussi, déterminé le rôle des organes sécréteurs,
placés par paires dans les anneaux des lombricins et considérés comme des
organes respiratoires. Mes recherches portèrent surtout sur les organes géni¬
taux et sur leur développement, qui n’étaient pas connus jusqu’alors.
Les plus singulières idées régnaient dans la science au sujet de ces organes.
Les erreurs commises par Home, répétées par Montègre et Cuvier et renou¬
velées par Morren, n’avaient jamais été combattues que par Dugès, qui a
entrevu les organes génitaux, mais sans les comprendre; cependant il a con¬
damné les erreurs de ses devanciers.
Dans mon Mémoire sur le développement des lombrics, j’ai démontré les
véritables fonctions des différentes parties des organes génitaux, et j’ai cher¬
ché à faire connaître leur structure intime. L’hermaphrodisme des lombrics,
nié par quelques auteurs, je l’ai prouvé par la découverte des ovaires.
Dans ce travail, j’ai donné, comme terme de comparaison, une description
des organes génitaux des N aïs , des Enchytreus , des Choetogaster , qui
n’étaient pas connus des naturalistes. Dans d’autres publications, j’ai décrit
plusieurs espèces nouvelles de lombricins, et j’ai réuni dans une classifica¬
tion nouvelle les espèces mentionnées par les auteurs. Enfin, dans une notice,
j’ai fait connaître aussi l’organe génital si simple du genre OEolosoma.
Il existait dans mon travail sur les organes génitaux des lombrics une
lacune : M. Hering l’a comblée par la découverte des oviductes.
Depuis mes dernières publications, le célèbre naturaliste suisse, M. Cla¬
parède, a entrepris des études sur quelques genres de lombricins encore
inconnus. Les deux mémoires qu’il a publiés sur ce sujet sont de nature à
éclaircir beaucoup l’histoire des vers qui doivent être réunis aux lombri¬
cins. Scbmarda , dans un magnifique travail où sont contenues d’immenses
richesses, fruit d’un voyage autour du monde, nous a fait connaître des
genres entièrement nouveaux, représentant les lombrics des régions tropi¬
cales.
INTRODUCTION.
5
Je crois donc que le moment est venu de présenter le résultat général de
mes observations sur les lombricins.
Toutes mes observations ont porté jusqu’à présent sur les espèces habi¬
tant la Belgique. Je compte les compléter par la dissection d’espèces tropi¬
cales qu’un ami a bien voulu m’envoyer de Java.
Mon mémoire se composera de plusieurs parties.
Dans la première, je donnerai la description des caractères généraux, de
l’organisation des lombricins, considérés dans leur ensemble; j’y traiterai
ensuite delà place qu’ils doivent occuper dans la série animale ; de leur clas¬
sification, et puis du genre lombrics, dont je donnerai l’anatomie, la physio¬
logie et le développement dans tous ses détails. Dans une seconde partie, je
m’occuperai des genres voisins des lombrics appartenant à la même famille.
Enfin, dans une troisième partie, je ferai l’histoire des familles des tubifé-
cidés, des enchytricidés et des naïcidés.
«
■
.
.. ■ , :
'
■
’
MÉMOIRE
SUR
LES LOMBRICINS.
PREMIÈRE PARTIE.
CLASSIFICATION.
Dans la classification de Linné, les lombricins ne sont représentés d’abord
que par le seul Lumbricus terrestris. Gmelin, en révisant la classification de
son maître ,% y ajouta quelques espèces. Les lombrics étaient réunis aux vers
intestinaux , qui étaient divisés en vers vivant dans l’intérieur des animaux
et en vers qui vivent à l’extérieur des animaux : ils se trouvent naturellement
dans cette dernière division.
Cuvier, dans ses classifications successives, plaça d’abord les lombrics avec
les vers à sang blanc ; mais, reconnaissant bientôt son erreur par la découverte
du système circulatoire et la couleur du sang, il les rangea parmi les vers
auxquels il donna pour caractère une moelle noueuse et point de membres
articulés.
Enfin, dans sa troisième classification, il fit entrer les lombricins dans
la classe des annélides. Les annélides de Cuvier comprennent trois ordres :
les tubicoles, les dorsibranclies et les cibranches.
C’est dans ce dernier ordre que les lombricins étaient placés à côté des
sangsues.
8
MÉMOIRE
Cuvier réunit heureusement les lombrics au nais dans le groupe des
abranches sétigères apodes, en créant les familles des lombrics et des
n aï des.
Lamarck débuta également en réunissant les lombrics aux vers intesti¬
naux ; mais il modifia, dans la suite, ses classifications, et, à l’exemple de
Cuvier, il plaça les lombricins parmi les annélides. Les annélides de Lamarck
renferment trois divisions : les apodes , les antennées et les sédentaires. Le:*
lombrics furent rangés parmi les apodes avec les hirudinées et les échiures.
Mais Lamarck commet une grande erreur en classant les nais et les tubifex
dans la famille des hispidules, qui sont réunis à la classe des vers.
31ilne Edwards et Deshayes, lorsqu’ils publièrent l’ouvrage de Lamarck
sur les animaux sans vertèbres, modifièrent cette classification et réunirent
dans une même division, sous le nom de terricoles , les lombrics, les tubifex
et les nais.
Savigny distribua ses annélides en quatre divisions : les néréides, les ser-
pules, les lombricines et les hirudinées.
C’est ici qu’apparaît pour la première fois le nom de lombricins appliqué
au groupe entier.
Les lombricines de Savigny contenaient les deux familles des échiures et
des lombrics. Pour donner un autre nom au genre, il proposa, pour les lom¬
brics, celui d 'entérion, qui n’a été adopté par personne.
Oken classa les lombrics parmi les vers qui se trouvent à la tête de la
troisième division des animaux intestinaux, dans le groupe des animaux
respiratifs.
Blainville, fidèle à ses principes de classification, rangea les lombrics
d’après leurs caractères extérieurs, prenant pour caractère dominant la pré¬
sence ou l’absence des soies. Il réunit les lombricins aux annélides et les
sépara des hirudinées, qu’il relégua avec raison plus loin parmi les vers.
Ehrenberg classa les lombrics au nombre des articulés, dans la cinquième
division, les Stomatoma.
Tous les classificateurs qui suivirent ceux dont je viens de parler pla¬
cèrent les lombricins parmi les annélides.
Milne Edwards, à l’exemple de Cuvier, laissa réunies les deux familles
SUR LES LOMBRICINS.
9
des naïdes et des lombricins en un ordre, sous le nom d 'annélides séligères
abranches.
Siebold divisa les annélides en deux ordres, les apodes et les chœtopodes.
Le premier ordre comprend les némeftiens et les liirudinées; le second
est divise en trois sous- ordres, les lombricins, les céphalobranches et les
dorsibr anches.
Le sous-ordre des lombricins renferme les genres Lombricus , Nais, Choe-
togaster, Lumbriculus, Euaxes, Soenurus, Enchylreus , Sternopsis.
Siebold est le premier auteur qui ait bien compris le groupe des lombricins.
Grube, dont les nombreux travaux ont tant fait avancer la science des
annélides, classa ces animaux en cinq ordres :
1° Les Appendiculata polychoeta, qui comprennent tous les annélides pro¬
prement' dits;
2° Les Cgmnocarpa, qui ne sont composées que du seul genre Tomopthens ;
3° Les Oxyphora, qui renferment le seul genre Peripalus ;
4° Les Oligoclioeta, qui sont les lombricins de Siebold.
La classification de Grube a le tort d’avoir assigné à ces groupes des noms
barbares qui ne disent rien à l’esprit. En histoire naturelle , beaucoup d’au¬
teurs ont cette triste manie de vouloir inventer des noms nouveaux et de jeter
ainsi de l’obscurité dans la science.
Vanderhoeven réunit les lombricins et les annélides proprement dits pour
former l’ordre des Annulata. Les lombricins sont distingués des annélides par
l’absence des branchies, et des turbellariées par la présence des soies. Les
lombricins sont divisés par Vanderhoeven de la même manière que par
Siebold.
M. de Quatrefages, dans un magnifique travail, démontre clairement que
les lombricins doivent être séparés du groupe des liirudinées ; que ces deux
groupes forment chacun une classe. Il donne le nom d 'érytkrènc aux lom¬
bricins et celui de bdelle aux liirudinées . Il démontre, avec beaucoup de
raison, que ces classes doivent être séparées des annélides proprement dits
et des malacobdelles. Les lombricins et les bdelles ont les sexes réunis ; les
annélides et les malacobdelles les ont séparés.
J’admets entièrement l’opinion de M. de Quatrefages et je crois que la sé-
Tome XXXVI. 2
10
MEMOIRE
paration ou la réunion des sexes est le caractère fondamental qui différencie
les lombricins et les annèlides.
M. Van Beneden, dans son type des vers de l’embranchement des alloco-
lyles, a créé, sous le nom d’ annèlides , une classe séparée cpii renferme les
annèlides proprement dits, les céphyriens et les siponcles. L’ordre des anné-
lides est divisé par M. Van Beneden en trois sous-ordres, les céphalobranches ;
les dorsibranches et les abranches ; ces derniers sont les lombricins. Ce carac¬
tère est inexact ainsi que le nom dabr anche; car plusieurs nais portent de
véritables branchies, comme je l’ai démontré suffisamment. J’admets avec
M. Van Beneden la classe des annèlides telle qu’il l’a établie, seulement je
donne pour caractère à ces annèlides abranches d’avoir les sexes réunis et
aux annèlides dorsibranches et céphalobranches d’avoir un sous-ordre.
J’examinerai comment les lombricins ont été divisés en familles. Je m'abs¬
tiendrai cependant de donner une énumération complète de toutes les clas¬
sifications établies par les auteurs. En général, elles sont fondées sur une
connaissance très-incomplète de l’organisation des principales espèces. Je ne
parlerai donc ici que de la classification de Grube, de la mienne, proposée en
1853 ( Bulletins de ï Acad. roy. de Belgique, t. XX, 1853), et de celle de
Claparède, proposée récemment.
Grube divisa le groupe des oligochœtes (lombricins) en deux familles, le s
lombricinées et les naïdines. Les caractères différentiels des deux familles
sont trop incertains pour servir de base à une bonne classification naturelle :
l’absence ou la présence de coloration du sang, la plus ou moins grande sim¬
plicité du système circulatoire, la fréquence ou l’absence des soies capil¬
laires, la simplicité relative des organes génitaux, tout ces caractères ne
méritent aucune considération; aussi ne les ai-je indiqués que pour montrer
leur peu de valeur.
Après avoir étudié attentivement ces organisations si compliquées sur les
espèces de lombricins qui habitent la Belgique, j’ai démontré, le premier, la
curieuse organisation des lubifex sur laquelle il n’existait qu’erreur et igno¬
rance. Ce travail m’ouvrit le chemin pour découvrir l’organisation des organes
des lombrics, des nais, des ehœtogasters et des œolosomes, ainsi que des en-
chytrées. Ces recherches ont été la base de ma classification. J’en ai donné
SUR LES LOMBRICINS.
1 1
deux, et je déclare ,ici abandonner complètement la seconde, qui a été publiée
dans les Mém. cour . de l’Acad. roy. deBelg., t. XXVI, 1855, pour reprendre,
dans toute son intégrité, la première, que j’ai indiquée dans les Bulletins de
l’ Académie, 1853, et c’est la classification basée sur les caractères les plus
importants à mes yeux, c’est-à-dire les caractères tirés du mode de reproduc¬
tion, les seuls qui ne varient pas.
Je divise d’abord mes lombricins en agemmes et gemmipares. Les pre¬
miers ne se reproduisent que par œufs ; les seconds se reproduisent par œufs
et par bourgeons.
La reproduction par gemmes et par œufs et la reproduction par œufs seule¬
ment établissent entre les deux espèces d’animaux des différences immenses.
Les agemmes vivent presque tous dans la terre humide ou dans la vase; ils
sont dépourvus de la faculté de nager, ne poursuivent pas leur proie, avalent
pour toute nourriture de la terre humide chargée d’infusions végétales et ani¬
males; leurs formes sont lourdes, leur taille grande, leurs téguments solides.
Les gemmipares, au contraire, sont de charmants petits animaux, élégants
et sveltes. Quand on les observe , ils n’inspirent pas le dégoût que la muco¬
sité qui couvre les agemmes suggère à un grand nombre de personnes.
Les gemmipares sont de petite taille, quelquefois microscopiques, formés
d’un petit nombre d’anneaux et vivent dans l’eau stagnante, courante, rarement
marine; ils nagent au moyen des contractions du corps et du mouvement
des soies. Les agemmes rampent; les gemmipares sont voraces, poursuivent
leur proie avec ardeur, et le Choetogaster diaphanus est le plus grand destruc¬
teur d’infusoires et de crustacés microscopiques : ce sont les véritables car¬
nassiers parmi les lombricins. Leur vie est vagabonde.
Une différence très - importante existe encore entre les agemmes et les
gemmipares : les premiers portent constamment leurs organes génitaux, les
derniers les portent seulement à certaines époques.
Je pense donc que ma division des lombricins en agemmes et en gemmi¬
pares est inattaquable. Depuis la publication de ma classification ont paru les
belles et savantes recherches du naturaliste de Genève, M. Claparède. Ce
savant a démontré que la famille des lombricins menace de s’étendre dans de
grandes proportions. Moi-même je viens d’étudier des espèces exotiques dont
12
MEMOIRE
je donnerai bientôt la description. Il en résulte que les caractères des familles
devront changer probablement dans la suite, quand l’organisation des nou¬
velles espèces sera plus connue.
En attendant une nouvelle classification, je conserverai la mienne, d’autant
plus que, dans le nouveau Handbuch der Zoologie, MM. W.-C.-H. Peters,
J.-V. Carus et C.-E.-A. Gerstaecker m’ont fait l’honneur de l’adopter.
Dans ma classification, je divise les agemmes en trois familles dont le nom
est tiré des genres les plus importants : ce sont les lombricidées , les lubife-
cidées et les enchylricidées.
Les caractères de ces familles sont, comme pour la première division,
basés sur les modifications que présentent les œufs.
Les lombricidées possèdent des œufs microscopiques placés, après la ponte,
dans une capsule et entourés d’albumen. Le développement du jeune dans la
capsule se fait aux dépens de l’albumen et non du vitellus.
Les tubificidées ont des œufs très-volumineux, placés, après la ponte, dans
une capsule sans albumen. Le développement de l’embryon se fait entière-
rement aux dépens du vitellus.
Les enchytricidées ont des œufs volumineux; il n’y a jamais qu’un seul
œuf dans chaque capsule, et le développement du jeune se fait aux dépens
du vitellus seulement.
Cette division en famille est certainement naturelle. Les lombricidées, par
leurs mœurs, par leur aspect, par leur grandeur, par le développement
énorme des téguments et du système circulatoire, s’éloignent considérable¬
ment des deux familles tubificidées et des enchytricidées. Ces deux familles
diffèrent essentiellement. Les tubificidées sont élégants dans leur forme,
semi-transparents, rapides dans leur marche, cherchant leur proie et sont
continuellement en mouvement; sous ce rapport, les tubificidées se rap¬
prochent des naïcidées. Les enchylricidées sont, par une exception unique,
des vers de couleur blanche; leurs téguments sont très-solides et non transpa¬
rents; ils ont la marche lourde, la locomotion inactive et vivent des années
à la même place.
Il y a donc entre mes quatre familles des lombricidées — car la famille des
naïcidées compose à elle seule la division des agemmes — , des différences
SUR LES L0MBRIC1NS.
13
caractéristiques très-faciles à constater, et j’ai la conviction que, dans l’état
actuel de la science, il serait difficile de trouver une meilleure classification.
Je ferai un reproche à M. Claparède, quoique cependant je lui doive des
remercîments pour la manière flatteuse avec laquelle il a traité mes travaux
dans son beau travail sur les lombricins. Ce reproche c’est d’avoir admis les
noms barbares de Grubes et d’avoir supprimé ceux que les lombricins et les
nais portaient depuis la naissance de la science naturelle.
Voici les caractères que M. Claparède donne à ces familles :
Première famille. — Oligochètes terricole.
Diagnose : Oligochètes à vaisseau ventral double, munis d’organes seg¬
mentaires qui renferment les oviductes, les canaux déférents et les récep¬
tacles des semences; clitellium placé en arrière des pores génitaux; réseau
vasculaire entourant les organes segmentaires.
Synonymie : Genres lumbricus Lin., hypogeon Sav., criodilus Hoffm.
Deuxième famille. — Oligochètes limicoles.
Diagnose : Oligochètes à vaisseau ventral unique, dépourvus des or¬
ganes segmentaires qui renferment les oviductes et les canaux déférents;
clitellium et ceinture comprenant toujours le segment porteur des organes
mâles. Jamais de réseau ni d’anus vasculaires embrassant les organes seg¬
mentaires.
Les caractères qui divisent mes familles sont certainement plus impor¬
tants et plus simples que ceux qui divisent les familles de M. Claparède.
Toute ma classification du groupe est basée sur deux mêmes caractères : les
modifications du développement et de l’œuf.
Ces caractères ont une importance qu’on ne peut nier, car mon professeur
et ami M. Van Beneden les a employés pour la division générale du règne
animal, et je crois qu’elle sera maintenue par les naturalistes.
14
MEMOIRE
BIBLIOGRAPHIE.
R. Aldovandus, Historia animalium, 1605.
Ray, Historia insectorum, 1628. Edita Lond., 1710.
Johnston, Historié van de natuur der gekorfde dieren, 1660, p. 145.
Willis, De anima brutorum.
Redi, De animalibus vivis qui in corporibus animalium vivorum reperiantur, 1708.
Blasius, Anatome animalium terrestrium variorum, volatilium, aquatilium, etc., 1681 .
Soixante planches.
Francius, Historia animalium, etc., 1688.
Paulini, De lombrico terrestris. Schideanna varias memorabilibus curiositatibus etob-
servationibus illuslratum, 1705.
Vandelli, Die aponi Thermis, de nonnullis insectis terrestribus et zoopliylis terrae
reproductione , atque ténia eanis.
Ott.-Fréd. Muller, 1. Yon Würmern des süssen und salzigen Wassers.
— — 2. Yermium terrestrium et fluviatilium, 1775.
— 3. Zoologiae Danicae prodromus, seu animalium Daniae indige-
narum species nomina, synonymia imprimis popularium.
— — 4. Zoologiae Danicae, seu animalium Daniae et Nowergiae rarius
ac summa notorum icônes, 1788.
Murray, De vermibus in lepro obricis, juncta lepros historia et lumbricorum setis ob-
servationes, 1789.
Bonnet, Traité d’insectologie , 1775.
Réaumur, Mémoires pour servir à l’histoire des insectes.
Farricius, Fauna Groenlandica , 1780. '
Cuvier, 1. Leçons d’anatomie comparée.
^ — 2. Leçons d’anatomie comparée, recueillies et publiées par Dumeril , Duvernoy
et Laurillard, 1856-1844.
— 3. Règne animal.
Lamarck, 1. Système des animaux sans vertèbres.
2. Système des animaux sans vertèbres, revu et augmenté par Desbayes et
Milne Edwards.
Blainville, 1. Dictionnaire des sciences naturelles.
— 2. Principes d’anatomie comparée.
Montègre, Observations sur les lombrics ou vers de terre ( Mémoires du Muséum).
Home, Lectures of anatomy comparative, 1814.
Léo, Dissertation inauguralis de structura lombrici terrestris, 1820.
Léon Dufour, Annales des sciences naturelles, 1825 et 1828.
Sangiovanni, Ueber die Reproduction des Regenwurmes. ( Froriep Notis, 1824.)
SLR LES LOMBRIClfSS.
15
Dugès, 1. Recherches sur la circulation et la respiration desannélides abranches. (Ann.
des sciences naturelles , 1828.)
— 2. Nouvelles observations sur les annélides sétigères abranches.
Morren, Quaesitur descriptio structurae anatomicae et expositio structurae naturalis
lumbrici vulgaris seu terrestris. (Ann. Acad., Gand, 1820.)
Fitzinger, Ueber die Lombrici. (Isis, 1835.)
Trevesinanus, Lumbricus capitatus et lineatus. ( Tied . Zeitscli., 1835.-)
Johnston, Ueber der Zeugung die Erdregen. ( Mag . nat. history .)
Suriray, Notes sur quelques parasites et produits organiques des lombrics terrestres.
Boeck , Artsformer, of lumbrieis terrestris. (Isis, 1845.)
Everman , Lumbricus noctilocus. (Zeitsch. der Acad, zur Remit.)
Hoffmeister, Beitrage zur Kenntniss. der Duchersland Annelides. (Arch. für Natur.
Wiegm.)
D’Udekem, 1. Mémoire sur le Tubifex rivulorum. (Mém. de V Acad, royale de Belgique.)
2. Développement du lombric terrestre. (Ibid.)
3. Classification des annélides sétigères abranches. (Bulletins de V Académie
royale de Belgique.)
4. Classification des annélides sétigères abranches. (Mém. de B Acad, royale
de Belgique.)
5. Notice sur les organes génétaux des Æolosoma et Choetogaster.
E. Hering, Zur Anatomie und Physiologie der generatione Organe der Regenwürmer.
(Zeitschr. f. Wiss. Zool., Bd. IV, 1853.)
Claparède, 1. Recherches anatomiques sur les oligochètes, 1862.
2. Recherches anatomiques sur les annélides, turbellaires, opalines et gré-
garines.
LOMBRICINS.
CARACTÈRES GÉNÉRAUX.
Animaux à corps vermiforme annelé , anneaux séparés les uns des autres
par des cloisons musculaires (muscles diaphragmatiques (dessipement , Clap.).
Plusieurs couches membraneuses forment les téguments externes.
MÉMOIRE
Mi
Trois couches existent chez toutes les espèces , rarement un plus grand
nombre.
Les trois couches sont :
1° La cuticule, membrane sans structure transparente, composée chimi¬
quement de chitine;
2° Le derme, formé de cellules arrondies, transparentes et contenant un
noyau ;
3° La troisième couche musculaire, toujours composée de deux lames, l une
supérieure, à fibres circulaires, l'autre inférieure, à fibres longitudinales.
Il existe chez toutes les espèces des organes locomoteurs : les soies, qui sont
des productions chitineuses solides, de forme simple, composées d’une seule
pièce et naissant dans une glande particulière. Ces soies sont remplacées par
de nouvelles, quand elles tombent, et mises en mouvement par des muscles
dont l’ensemble forme une pyramide. 11 existe aussi dans tous les anneaux du
corps, excepté dans l’anneau céphalique et dans les anneaux qui présentent
l’orifice, des organes génitaux et une ceinture.
Ordinairement , la disposition générale des soies est en lignes longitudi¬
nales, ventrales ou latérales; rarement les soies sont disposées en cercle
autour de chaque anneau. La forme des soies varie : elles sont ou un peu
développées, à extrémité acérée et le milieu renflé, ou bien elles sont capil¬
laires* ou bien encore elles ont l’extrémité externe terminée soit en crochet
simple, soit en crochet double.
Le système nerveux se compose d’un cerveau, d’une chaîne ganglionnaire
abdominale, de nerfs périphériques et d’un grand sympathique.
Le cerveau présente ordinairement deux ganglions plus ou moins unis par
une commissure médiane; toujours il se trouve au-dessus du pharynx et
dans le premier anneau du corps.
La chaîne ganglionnaire se compose de deux bandes nerveuses occupant la
face interne ventrale du corps. Au-dessus du tube digestif, dans chaque an¬
neau, elle présente un double ganglion.
Les nerfs périphériques naissent du cerveau et des ganglions abdominaux ,
rarement des bandes nerveuses abdominales. Ils se terminent principalement,
dans la membrane musculaire des téguments externes, sous forme d’un réseau
SUR LES LOMBRICUNS.
17
serré. Le nerf grand sympathique naît de la face postérieure du cerveau et
du collier nerveux.
L’appareil de la circulation présente constamment un vaisseau dorsal qui
longe la face supérieure du tube digestif, et un vaisseau, rarement deux, qui
longe la face inférieure de ce tube intestinal.
Le vaisseau dorsal est toujours contractile : c’est le principal organe actif
de la circulation ; le mouvement a toujours lieu d’arrière en avant.
Les vaisseaux ventraux ne sont pas contractiles; ils représentent la veine
cave des animaux supérieurs.
La communication entre les vaisseaux dorsaux et ventraux a lieu par des
vaisseaux latéraux qui partent perpendiculairement de tous ou de quelques
anneaux du vaisseau dorsal, pour se jeter en se divisant, ou bien sans divi¬
sion, dans le vaisseau ventral.
Quelques vaisseaux latéraux s’élargissent; des muscles se développent dans
leurs parois; ils deviennent des cœurs et aident le vaisseau ventral dans les
fonctions actives de la circulation.
Le réseau vasculaire n’existe que chez un petit nombre d’espèces.
L’appareil de la sécrétion urinaire existe chez tous les lombricins {seg¬
mentai organs, W.). Il se compose d’une série de glandes en forme de tubes,
placées symétriquement, dans presque tous les anneaux du corps, de chaque
côté du tube digestif.
Ces glandes présentent une ouverture interne s’ouvrant librement dans la
cavité périgastrique en forme d’entonnoir. Une ouverture externe existe à la
face ventrale. La membrane interne de ces glandes est toujours munie de
cils vibratiles très-longs. *
Canal digestif toujours divisé en ligne droite, depuis le premier anneau
du corps jusqu’au dernier.
La bouche s’ouvre sous le premier anneau ou en avant de celui-ci; l’anus
s’ouvre au-dessous ou directement en arrière du dernier anneau. Dans le tube
digestif, on trouve souvent deux divisions; la plus simple est celle en pharynx
et en intestin, organe qui existe toujours. Quelquefois, mais rarement, il se
montre une troisième division, l’estomac, qui présente une structure spéciale
(lombric), ou bien une structure identique à l’intestin (tubifex, nais, euaxes).
Tome XXXVI. 3
18
MÉMOIRE
Le tube digestif est toujours pourvu de glandes solitaires et de glandes
hépatiques; rarement d’autres glandes se trouvent sur le trajet de cet organe.
La fonction respiratoire s’exécute chez la plupart des espèces par les tégu¬
ments externes, excepté chez les nais, où l’extrémité anale du tube digestif
se transforme en branchies.
Les organes génitaux sont toujours composés d’organes mâles, d’organes
femelles et d’organes de copulation et de ponte.
Les organes mâles sont souvent unis aux organes femelles, rarement séparés
(lombric). Les organes accessoires de la reproduction sont représentés par des
vésicules séminales ou par une ceinture (organe de copulation) et quelquefois
par des glandes particulières.
Les organes génitaux existent, pendant toute la vie, dans les familles des
lombricidées, des tubificidées et des enchytricidées; ils fonctionnent con¬
stamment. Chez les naïcidées, leur existence est temporaire. Ces animaux se
reproduisent par gemme. Ce mode de reproduction n’existe pas dans les
autres familles des lombricins.
L’œuf, après la ponte, est toujours placé dans une capsule; sa disposition
et sa taille varient suivant les familles.
Les lombricidées ont des œufs microscopiques; ils sont renfermés à plu¬
sieurs dans une même capsule et entourés d albumen. Chez les auties familles,
les œufs sont très-volumineux, atteignent quelquefois la largeur du corps.
Ils sont renfermés à plusieurs dans une seule capsule chez les tubificidées, et
chaque œuf possède sa capsule chez les enchytricidées et chez les naïcidées».
Il existe deux espèces de mode de reproduction chez les lombricins. Tous
se reproduisent par œufs ; les naïcidées seules par bourgeons.
Les lombricins habitent la terre humide, les eaux douces et les» eaux
salées. Ils sont répandus sur toute la surface de la terre; ils ont été observés
sur tous les continents. Les plus grandes espèces habitent les contrées tro¬
picales.
TÉGUMENTS EXTERNES.
Les téguments externes présentent une épaisseur très-variable, sui\ant le^
SUR LES LOMBRICINS.
19
genres. Très-fragiles et minces chez les Nais, les Choetogaster et les Æolo-
soma , ils deviennent épais chez les lombrics et chez les enchylricidées.
La transparence des téguments présente tous les degrés parfaits chez les
ehœtogasters et chez la plupart des naïcidées; elle devient moins prononcée
chez les tubificidées et entièrement opaque chez les lombricidées et les en¬
chylricidées.
La structure des téguments, varie très-peu. Us se composent toujours au
moins de trois couches. L’externe, ou cuticule, de composition chitineuse, est
plus ou moins épaisse; elle est transparente, se détache très-facilement par la
macération. Chez le lombric, la surface externe de la cuticule est striée dans
deux sens par des lignes formant des losanges.
La cuticule est très-souvent couverte de petits épaississements arrondis,
chez les nais surtout, et ces épaississements sont surmontés d’aspérités minces
et pointues quelquefois très-longues.
Ces productions de la cuticule se rencontrent en grand nombre à la partie
antérieure du corps chez les nais, surtout au premier anneau. Elles existent
aussi sur le dernier anneau chez le Choetogaster limnis ; elles sont développées
au plus haut degré et couvrent presque tout le corps. Les aspérités sont éga¬
lement très-développées ; il est probable qu’elles favorisent les fonctions du
tact. La composition de ces aspérités est la même que celle de la cuticule,
dont elles ne sont que des prolongements.
La deuxième couche de la peau est composée de cellules, c’est pourquoi
je la nommerai couche cellulaire. Ces cellules sont sphériques, transparentes
et contiennent un noyau. Elles ont toutes la même forme dans les différentes
parties de la membrane, excepté chez les lombrics. Du pigment apparaît
souvent dans la membrane cellulaire.
La troisième couche, ou couche musculaire, est le tégument principal,
tant par son volume que par les fonctions qu’il exerce. Cette couche est tou¬
jours formée de deux plans, l’un supérieur, uniquement composé de fibres
circulaires, l’autre inférieur, plus épais, en général, que le premier et à fibres
plus fortes qui se dirigent vers un même anneau : elles peuvent être de même
forme ou de forme différente dans le même faisceau (tubifex).
Considérés dans leur ensemble, les faisceaux de soies forment presque tou-
20
MEMOIRE
jours des lignes longitudinales le long des faces ventrales ou latérales du
corps. Ces lignes varient en nombre : on en voit tantôt deux, tantôt quatre
ou plus. Chez les périchètes, les soies sont très-nombreuses et forment un
cercle complet autour de chaque anneau : j’en ai compté soixante-quatre
dans un seul anneau. Les soies sont placées dans un sac musculaire, au fond
duquel se trouve une glande qui sécrète des cellules longitudinales.
D’après M. Claparède, chez quelques lombrjeins, la couche musculaire ne
serait pas continue; chez le Pacliydrilus , elle forme six grands faisceaux,
séparés les uns des autres par des sillons. Il en est de même chez quelques
genres voisins.
La couche musculaire, par les contractions de ses fibres, constitue le prin¬
cipal organe locomoteur.
Les soies sont symétriquement disposées à la surface du corps; elles se
présentent de la même manière dans chaque anneau. Elles manquent tou¬
jours au premier anneau et quelquefois aux anneaux qui portent les organes
génitaux.
La forme des soies varie, mais peu; elle est toujours formée d’une seule
pièce; elle est allongée en forme de cheveu ( soies capillaires) chez les Nais,
les Tubifex et les Æolosoma. Elle a la forme d’un clou chez Y Enchylreus;
elle est légèrement courbée en S et renflée au milieu, comme aux deux ex¬
trémités, chez les lombricidées et les euaxes. L’extrémité externe est souvent
fourchue.
Les soies sont composées de chitine, comme la cuticule; elles sont isolées
ou réunies à plusieurs et d’un volume considérable; elles présentent une
membrane externe transparente, un noyau avec nucléole et des granulations
très- fines dans l’intérieur. Les soies naissent dans ces cellules et y restent
assez longtemps contenues en distendant les parois de cette cellule. Les
faisceaux de soies sont mus par des muscles particuliers qui prennent
naissance au sommet du sac générateur et s’étendent de là, dans toutes les
directions, vers les téguments. L’action simultanée de ces muscles fait saillir
les soies, et leur mouvement isolé peut faire agir celles-ci dans tous les
sens.
SUR LES LOMBRICIISS.
21
SYSTÈME NERVEUX.
Le système nerveux est tracé sur le même plan chez tous les lombricins.
II se compose d’un cerveau, d’une chaîne ganglionnaire abdominale, de nerfs
périphériques et d’un nerf grand sympathique.
Le cerveau est constamment composé de deux lobes. Ces lobes sont ordi¬
nairement accolés dans une grande partie de leur surface interne, rarement
ils sont complètement séparés : ce fait se présente, par exemple, chez le
Choetogaster. Une commissure unit les deux lobes d’un cerveau.
La chaîne ganglionnaire abdominale naît par deux bandes nerveuses qui
partent des bords externes des ganglions cervicaux , contournent l’œsophage
et se réunissent sur la face supérieure des téguments ventraux du corps. L ac-
colement de ces deux bandes nerveuses se fait le plus souvent dans le second
anneau; rarement elles restent séparées dans quelques autres, comme chez
les Choetogaster ; néanmoins il y a dans chaque anneau une commissure entre
les deux ganglions.
Sur les trajets des bandes nerveuses, dans chaque anneau du corps, se
trouve un ganglion à droite et à gauche de chacun de ces organes.
Les nerfs périphériques naissent du cerveau et des ganglions de la chaîne
abdominale; ils naissent aussi du collier œsophagien et rarement directe¬
ment des bandes nerveuses, comme chez les lombrics.
Les nerfs se divisent en réseaux très-minces et se perdent entre les deux
couches musculaires des téguments et dans les muscles des faisceaux des
soies et des glandes urinaires.
Le grand sympathique existe chez les lombricins, c’est-à-dire chez les es¬
pèces où il a été observé; il naît, par plusieurs racines, de la face postérieure
du cerveau, et de l’anneau œsophagien par un assez grand nombre de racines.
Il forme un plexus serré et parsemé de ganglions sur le pharynx d’abord,
puis s’étend en plexus et en fdets très-minces sur tout le tube digestif.
Quant à la structure, le système nerveux se compose essentiellement de
globules de ganglions, de fibres nerveuses et de tissu cellulaire. Les glo¬
bules des ganglions présentent ordinairement la forme ronde ou allongée; ils
22
MEMOIRE
donnent naissance aux fibres nerveuses; ils contiennent un noyau volumi¬
neux et des granulations. Les globules des ganglions ne se trouvent que dans
le cerveau et dans les ganglions sous-abdominaux.
Les fibres nerveuses sont minces; elles ont la forme ordinaire et sont réu¬
nies entre elles par du tissu cellulaire. Un névrilème, entièrement formé de
tissu cellulaire, entoure étroitement tout le système nerveux d’une gaine so¬
lide et le fixe aux téguments.
ORGANES DES SENS.
Il n’existe chez les lombricins que l’organe du tact.
Toute la peau exerce cette fonction avec une grande énergie. Cependant,
chez plusieurs espèces, l’organe du tact est plus limité et doit être considéré
comme un prolongement qui se trouve à l’extrémité du premier anneau du
corps. Là les téguments sont plus délicats, les nerfs très-nombreux et venant
de la face antérieure du cerveau. Chez plusieurs espèces, il existe en cet en¬
droit un prolongement qui se remarque déjà chez les lombrics et qui devient
plus long chez les euaxes et les tubifex; il atteint une grande longueur chez
plusieurs nais. La Nais proboscidea doit son nom à ce prolongement en forme
de trompe. L’endroit où le tact a lieu est le plus souvent parsemé de ces pe¬
tites aspérités cuticulaires dont j’ai déjà parlé; elles sont visibles surtout chez
les nais.
MUSCLES.
Outre la couche musculaire sous-cutanée et les muscles qui font mouvoir
les faisceaux de soies, il existe encore chez les lombricins des muscles im¬
portants. Ces muscles sont d’abord ceux que j’appellerai diaphragmatiques
et ceux qui font mouvoir quelques parties du tube digestif.
Les muscles diaphragmatiques sont des muscles qui séparent les anneaux
les uns des autres et qui produisent cet aspect annelé propre aux lombricins.
SUR LES LOMBRICINS.
25
Ils sont formés de fibres transverses et de fibres circulaires. Us naissent des
téguments externes dans la couche musculaire et enveloppent exactement
le tube digestif, les vaisseaux longitudinaux et le système nerveux. Us servent
quelquefois de soutien aux organes urinaires.
On pourrait presque les considérer comme des dédoublements de la couche
musculaire sous-cutanée.
Leur fonction consiste surtout à maintenir les organes internes et de pro¬
duire des contractions ondulatoires pour la marche et pour la reptation.
TUBE DIGESTIF.
Le tube digestif s’étend en ligne droite du premier anneau du corps jus¬
qu’au dernier.
L’ouverture antérieure, ou la bouche, est ordinairement transversale et
munie de lèvres solides très-mobiles. Elle est située à l’extrémité du premier
anneau , mais plus souvent à la face inférieure de cet anneau.
Le tube digestif varie peu chez les lombricins. U se compose constamment
de deux parties au moins , le pharynx et l’intestin ; plus rarement on trouve
un estomac et un œsophage. L’estomac présente, mais seulement dans la
famille des lombricidées, une organisation différente des autres parties du
tube digestif.
Certains lombricins ne présentent que des dilatations stomacales de l’in¬
testin. Des glandes sont toujours annexées au tube digestif; les glandes sali¬
vaires et hépatiques le sont chez tous.
Les glandes salivaires ont la forme de grappes et les glandes hépatiques
celle d’utricules. U existe encore quelquefois des glandes œsophagiennes,
chez les lombrics, par exemple; elles sont très-développées dans les péri-
chètes.
La structure histologique du tube digestif est partout la même.
Trois couches membraneuses forment les parois du tube digestif.
La couche glanduleuse est supérieure; elle est formée de glandes salivaires
sur le pharynx et de glandes hépatiques sur le restant du tube digestif.
24
MÉMOIRE
La couche musculaire est moyenne, quant à sa situation; elle est solide
et formée de deux plans de fibres, le supérieur de fibres circulaires, l'infé¬
rieur de fibres longitudinales.
La couche épithéliale est la plus interne; elle est mince, délicate, ordi¬
nairement formée de grandes cellules à cils vibratiles; chez les lombricidées,
elle est privée de cils et l’épithélium est en pavés.
GLANDES.
Les glandes présentent un grand développement chez les lombricins. Elles
se distinguent par la constance de leur présence et par le peu de modifications
de leurs formes.
Les glandes se divisent en glandes urinaires et en glandes annexées au tube
digestif. Ces dernières, dont je viens de donner la description, sont les glandes
salivaires et les glandes œsophagiennes.
Les glandes salivaires seront décrites ici pour la première fois. Je les ai
découvertes chez les lombrics et constatées ensuite chez tous les lombricins
que j’ai examinés en grand nombre. On a parlé vaguement de glandes sali¬
vaires, mais aucun naturaliste n’en a donné une description. Elles sont en
forme de grappes. Les derniers globules contiennent de grandes cellules qui
sont bien caractéristiques pour les personnes qui ont étudié les glandes sali¬
vaires.
Les glandes hépatiques sont ordinairement de couleur brune, ont la forme
d’utricule ou sont arrondies et contiennent des granules fines colorées en brun
ou en noir.
M. Claparède et d’autres naturalistes ont mis en doute les fonctions de ces
organes, en s’appuyant sur ce que ces organes sont souvent annexés aux
vaisseaux sanguins. Quant à moi, je ne doute nullement de la nature de la
fonction de ces glandes, et leur présence sur les vaisseaux sanguins est une
preuve à l’appui de mon opinion. Nous savons tous maintenant que les fonc¬
tions les plus importantes du foie ne sont pas d’aider la digestion, mais de
modifier le sang, d’y introduire du sucre, comme les belles expériences de
SUR LES LOMBRICIJNS.
25
Claude Bernard l’ont suffisamment démontré. Il est certain en outre que le
foie joue un rôle immense dans l’organisation, qu’il existe chez la plupart
des animaux connus et chez tous les animaux supérieurs; pourquoi donc
penser que des animaux aussi compliqués que les lombricins en seraient
privés P
Les glandes œsophagiennes sont très-remarquables ; je ne les ai observées
que chez quelques espèces exotiques de la famille des lombricidés. Elles
prennent un développement extraordinaire; elles sont formées de tubes sim¬
ples ou ramifiés et de cellules contenues dans ces tubes.
Les glandes urinaires ont été déterminées pour la première fois dans mon
mémoire sur le Tubifex rivolorum. Elles existent chez tous les lomhricins.
On leur a donné le nom d’organes segmentaires , parce qu’elles se trouvent
placées par paires dans tous les anneaux du corps. Je préfère le nom qui
indique la fonction.
Les glandes urinaires présentent une forme tubulaire et sont pourvues
d’une ouverture externe et d’une ouverture interne. Cette dernière se dilate
en forme d’entonnoir. L’ouverture externe s’ouvre sur la face ventrale du
corps, au sommet d’une légère élévation.
Les tubes urinaires sont composés histologiquement de trois membranes :
la membrane externe sans structure apparente, la membrane moyenne mus¬
culaire et la membrane interne épithéliale à cils vibratiles, longs et surtout
développés à l’ouverture interne.
La glande entière est soutenue par une espèce de péritoine formé par un
repli4 de la membrane externe.
Les tubes glanduleux présentent le plus souvent la même largeur dans
toute leur étendue. Chez la famille des lombricidés , la partie inférieure du
tube se dilate, sa couche musculaire augmente en cet endroit et l’épithélium
vibratile disparaît : cette partie de la glande est alors transformée en une
vésicule de dépôt ou de vessie urinaire.
Les glandes annexées aux organes génitaux varient suivant les différentes
espèces. La ceinture, qui existe chez tous les lombricins et qui est un or¬
gane de copulation , a une structure glanduleuse : elle est formée d’utricules
à noyaux.
Tome XXXI' V.
4
26
MEMOIRE.
ORGANES DE LA CIRCULATION.
Les organes de la circulation du sang existent constamment dans le groupe
des lombrics. Le sang se meut dans un système de vaisseaux entièrement
fermés.
Les vaisseaux se divisent en vaisseaux dorsaux , ventraux et latéraux;
quelquefois en vaisseaux latéraux pour former des cœurs.
Le vaisseau dorsal , toujours unique, est l’organe actif de la circulation. Il
est situé sur la face dorsale du tube digestif et est presque toujours intime¬
ment uni avec ce dernier. Le vaisseau dorsal présente des contractions éner¬
giques qui dirigent le sang qu’il contient d’arrière en avant.
Il existe ordinairement un vaisseau ventral, rarement deux (lombricidés) ;
il est parallèle au vaisseau dorsal et se trouve placé au-dessous du tube di¬
gestif.
Il y a une communication directe entre les vaisseaux dorsaux et ventraux
par des vaisseaux latéraux, qui peuvent se trouver dans tous les anneaux
du corps ou être limités seulement à quelques-uns. Ces vaisseaux latéraux
restent indivis, ou bien se divisent en branches chez les lombricidés ou en
réseaux capillaires.
Les vaisseaux latéraux se dilatent quelquefois dans certains anneaux; leur
paroi musculaire s’épaissit, et ils deviennent les organes actifs de la circula¬
tion de véritables cœurs.
Les vaisseaux présentent dans leurs parois trois couches : l’une externe
sans structure, transparente; la moyenne musculaire a deux plans de fibres,
l’un, le supérieur, à fibres circulaires, et l’autre, l’inférieur, à fibres longi¬
tudinales.
Les lombricins présentent presque tous les degrés de complication du sys¬
tème circulaire limité au vaisseau dorsal et au vaisseau ventral chez les
Æolosoma et les Pachydrilus . Us se compliquent beaucoup chez les lom¬
bricidés.
Le sang est toujours dépourvu de globules. Il est de couleur variable :
ou rouge vif, orange, jaune, rose ou complètement incolore.
SUR LES L0MBR1CINS.
27
LIQUIDE PÉRIGASTRIQUE.
Le liquide périgastrique joue un rôle très-important dans la nutrition et
doit être comparé au sang des animaux supérieurs; il contient toujours des
globules de forme cellulaire qui varient selon les espèces. Ce liquide est or¬
dinairement transparent, onctueux; chez les lombricidées , il est laiteux et
contient une multitude de petits corps pourvus d’un mouvement amibiforme.
ORGANES RESPIRATOIRES.
En général, les lombricins sont privés d’organes respiratoires; ils existent
seulement dans les genres des naïcidées.
Ces organes sont placés à l’extrémité postérieure, qui est élargie et forme
une espèce d’éventail; l’anus est très-dilalé et se confond avec l’élargissement;
la membrane vibratile de l’intestin s’étend sur la surface interne de cet élargis¬
sement. Sur cette surface se trouvent quatre lobes également couverts de cils;
ces lobes reçoivent des vaisseaux et peuvent se replier sur eux-mêmes ou
s’étendre à la volonté de l’animal.
Chez les nais, en général, l’extrémité inférieure de l’intestin se dilate;
l’eau peut y pénétrer librement, et l’entrée de ce liquide est facilitée par des
contractions alternatives d’avant en arrière et d’arrière en avant. Des cils
vibratiles facilitent également la fonction respiratoire.
Chez les autres lombricins, la respiration s’exécute par la peau, principa¬
lement par celle de l’extrémité postérieure du corps; cela est surtout évident
pour les tubifex, qui sont enfoncés dans le sable par l’extrémité supérieure,
tandis que l’extrémité inférieure se balance constamment dans l’eau.
ORGANES GÉNITAUX.
Les lombricins sont tous hermaphrodites incomplets.
28
MÉMOIRE
Les organes mâles sont, en général, intimement unis aux organes femelles ;
chez les lombricidées, ils sont séparés.
L’organe est composé le plus souvent de plusieurs testicules, disposés pal¬
pa ires.
Les conduits déférents ne communiquent jamais directement avec le tes¬
ticule; ils sont en forme de tubes terminés par un entonnoir. Ils s’ouvrent
à l’extérieur par des ouvertures séparées ou réunies avec celles des organes
femelles.
La membrane interne des canaux déférents est toujours tapissée par des
cils vibratiles. Les canaux déférents manquent chez les Æolosoma.
Les spermatozoïdes diffèrent de forme suivant les espèces; en général, ils
sont grands , se développent par endogénie dans une cellule mère.
Les organes femelles sont constitués par des ovaires en forme de sac et
par des oviducles ne communiquant pas directement avec les ovaires.
Les oviductes sont tubulaires; l’ouverture interne est terminée en enton¬
noir, et les ouvertures externes sont réunies ou séparées de celles des organes
mâles.
Il y a des cils vibratiles sur la membrane interne des oviductes; ceux-ci
manquent rarement.
Il existe chez les lombricins des organes accessoires des organes génitaux.
La vésicule séminale existe presque toujours ; elle a la forme d’un sac.
La ceinture existe constamment; elle est formée par un tissu glandulaire et
entoure le corps circulairement.
Les œufs sont, après la ponte, entourés d’une capsule. Parfois on en trouve
plusieurs dans une même capsule, ou bien il n’y en a qu’un seul. Ils sont
petits chez les lombricidées et entourés d’albumen dans la capsule. Chez tous
les autres lombricins, les œufs sont très- volumineux.
REPRODUCTION.
La reproduction chez les lombricins a lieu de deux manières : la repro¬
duction par bourgeon et la reproduction par œuf. La première ne se présente
SUR LES LOxMBRICIINS.
29
que dans la famille des naïcidées ; elle manque dans toutes les autres. La
seconde existe chez tous.
Les Lumbriculus de la famille des tubificidées ont la faculté de pouvoir se
briser et les fragments redevenir des animaux complets.
DÉVELOPPEMENT.
Le développement est direct chez les lombricins; il se fait aux dépens de
l’albumen chez les lombricidées, et aux dépens du vitellus chez les autres
lombricins. Il n’existe pas de métamorphoses.
Première famille. — LES LOMBRICIDÉES.
CARACTÈRES GÉNÉRAUX.
Corps vermiforme, annelé, cylindrique, quelquefois aplati, surtout à l’ex¬
trémité postérieure ; anneaux nombreux exactement séparés par des cloisons
musculaires solides; quatre rangées de faisceaux de soies ou même un plus
grand nombre, quelquefois circulairement disposés autour de l’anneau.
Tube digestif droit, bouche au-dessous du premier anneau; estomac mus¬
culeux ; intestin présentant un replis et couvert de glandes salivaires et œso¬
phagiennes annexées au tube digestif. Anus terminal.
Appareil circulatoire très- développé, composé d’un vaisseau dorsal con¬
tractile, de deux vaisseaux ventraux, de cœurs latéraux contractiles et d’un
réseau vasculaire dans tous les organes. Sang rouge vif.
Téguments externes faisant fonction d’organes respiratoires, qui manquent.
Organes urinaires très-développés, disposés symétriquement dans presque
tous les anneaux.
50
MEMOIRE
Testicules disposés par paires et deux conduits déférents s’ouvrant sur la
face ventrale du corps, après un assez long trajet.
Deux ovaires très-petits en forme de sac fermé, placés symétriquement et
séparés des testicules.
Les oviducles, en forme d’entonnoir, ne communiquent qu’indirectement
avec les ovaires; ils sont au nombre de deux.
OEufs microscopiques, après la ponte réunis à plusieurs dans une même
capsule.
Il existe plusieurs vésicules séminales et toujours une ceinture, organe
d’accouplement.
L’embryon se développe aux dépens de l’albumen, qui l’entoure dans la
capsule.
Les lombricidées vivent dans la terre humide; on les trouve sur tçus les
continents. Ils sont nocturnes.
CLASSIFICATION.
La classification des lombricidées est plus facile à établir depuis que j'ai
pu étudier les genres des pays étrangers et que le magnifique ouvrage de
Schmarda nous a décrit et dépeint les belles espèces qu’il a rencontrées dans
son voyage autour du monde.
Je puis admettre, en me fondant sur mes propres observations et sur celles
de Schmarda, quatre genres bien caractérisés : les lombrics, les penthosco-
lex, les périchètes et les hypogéons; les voici avec leurs caractères :
Premier genre. — Lombric Lin.
Caractères. — Soies ventrales disposées en deux ou quatre séries. Les vers de ce genre
vivent dans la terre humide.
Deuxième genre. — Penthoscolex Schmarda.
Caractères. — Quatorze séries de soies. Les vers de ce genre vivent sur les hords de
la mer.
SUR LES L0MBR1C1ÏNS.
31
Troisième genre. — Périchète Schmarda.
Caractères. — Soies disposées en anneau autour du corps. Les vers de ce genre vivent
dans la terre humide.
Quatrième genre. — Hypogéon Sav.
Caractères. — Des soies sur le dos, disposées en séries.
Genre LOMBRIC Lin.
LUMBRICUS Lin.
Caractères. — Corps vermiforme, annelé, soies simples, disposées par
paires dans chaque anneau du corps, excepté dans le premier, et formant
deux ou quatre lignes ventrales longitudinales.
Le mot de Lumbricus signifiait, anciennement comme aujourd’hui, ver ;
de là dans l’histoire les mots lombrici forme et vermi forme.
L’extrémité antérieure du corps s’amincit graduellement et se termine par
un petit prolongement (prolongement céphalique). Ce prolongement présente ,
suivant les espèces, de notables différences dont nous tiendrons compte dans
notre classification.
Le corps est ordinairement plus gros dans le tiers antérieur, générale¬
ment cylindrique en avant et aplati en arrière; les anneaux antérieurs sont
plus grands que les anneaux postérieurs : ceux-ci diminuent graduellement à
mesure qu’ils se rapprochent de l’extrémité postérieure.
La longueur du corps varie considérablement suivant les espèces, et dans
la même espèce la taille varie par l’âge , selon les terrains que ces vers habi¬
tent et le degré d’humidité du sol.
La couleur de la peau varie très-peu chez les lombrics, cependant la loca¬
lité influe, dans une certaine limite, sur la même espèce. Plusieurs espèces
présentenl des variétés de couleur qui paraissent subsister comme chez beau-
32
MÉMOIRE
coup d’autres animaux. Quelques-unes présentent des individus qui varient
du brun au vert.
HABITATION ET MOEURS.
Les lombrics habitent une grande étendue de terre, on les trouve pres¬
que partout sur le continent européen et dans l’Amérique du Nord. On n'a
pas encore des données exactes sur les lombrics d’Asie, d’Afrique et d'Aus¬
tralie, mais l’examen des espèces que les voyageurs ont rapportées de ces
pays fait supposer que les lombrics y sont représentés par des genres voisins.
Malgré les nombreux ennemis qui les poursuivent, les lombrics se
reproduisent en grande quantité, surtout quand ils rencontrent des terrains
convenables. Ces vers se plaisent dans un sol humide, ce qui les distingue sur¬
tout des annélides qui habitent la mer ; quelques espèces paraissent aimer les
rivages marins, mais la généralité préfère la terre humectée d’eau douce. Us
recherchent de préférence les terrains bien imprégnés d'humus, de matières
végétales et animales en putréfaction; ils fuient les terres calcaires, ferrugi¬
neuses et sèches.
Les lombrics sont des animaux essentiellement nocturnes ou crépus¬
culaires : ce n’est que pendant la nuit qu’ils ont l’habitude de quitter leurs
sombres demeures, pour venir s’ébattre quand la rosée a humecté la terre.
C’est aussi la nuit que ces animaux se recherchent pour s’accoupler,
depuis le mois de mai jusqu’en novembre.
Les lombrics creusent dans la terre des tubes dans lesquels ils habitent.
Pour construire ces tubes, ils avalent la terre et viennent la rejeter au
dehors sous forme d’excréments. Les petits monticules formés de cylindres
de terre entortillés, que l’on rencontre si fréquemment , sont l’ouvrage des
lombrics et indiquent leur présence.
Ils fortifient leur chemin souterrain par une secrétion cutanée dont ils
cimentent les parois. Dans l'intérieur de ces canaux, les lombrics se meuvent
avec beaucoup de facilité, en se servant de leurs soies comme de leviers.
La nourriture des lombrics se compose probablement des infusoires qui
SUR LES LOMBRICINS.
33
habitent en si gran*d nombre les terres humides et les végétaux en décom¬
position.
Us est probable, d’après la grande variété de taille que l’on trouve dans
les différentes espèces de lombrics, qu’ils croissent très-lentement. La taille
dépend aussi beaucoup des localités : une terre grasse et humide produira
des lombrics d’une taille énorme, lombrics qui seraient restés petits et chétifs
dans une terre aride.
Les lombrics sont poursuivis par un grand nombre d’ennemis, surtout
par des oiseaux de l’ordre des échassiers , qui en font leur nourriture habi¬
tuelle; on voit même ces oiseaux battre de leurs longs doigts la terre humide,
pour forcer les lombrics à en sortir et à se livrer à eux. Plusieurs espèces de
corbeaux leur font aussi une guerre active; enfin les taupes et d’autres
insectivores souterrains en font également un grand carnage.
Mais si les lombrics sont attaqués par beaucoup d’ennemis venant du
dehors, ils en nourrissent beaucoup d’autres encore dans leur sein.
Il est remarquable combien d’animaux parasites habitent ces vers : on
a trouvé chez eux plusieurs espèces de grégarines, qui habitent de préfé¬
rence les organes génitaux; il est bien rare d’ouvrir un testicule de lombric,
sans y trouver une grégarine ou sa progéniture. C’est ce qui a donné lieu à
ces singulières erreurs que j’ai signalées dans mon Mémoire sur le dévelop¬
pement des lombrics.
Plusieurs espèces de nématoïdes habitent la partie inférieure du corps, la
cavité périgastrique , ou même les organes urinaires. Enfin plusieurs espèces
d’infusoires, même une espèce de rotifère, paraissent habiter leur intestin.
Plusieurs auteurs ont indiqué la singulière propriété que possède une
espèce de lombric de devenir phosphorescent dans l’obscurité.
Morren rapporte, dans son bel ouvrage sur les lombrics, que les disciples
d’Hippocrate avaient autrefois mis les lombrics en honneur dans la théra¬
peutique.
DESCRIPTION DES ESPÈCES.
La description des espèces est la question la plus difficile de l’histoire des
Tome XXXIV. ' 5
34
MÉMOIRE
lombrics. Quand on interroge les auteurs qui se sont occupés de ce sujet,
on se trouve dans un véritable dédale; aussi je pense que, pour les faunes
de chaque pays, cette question est loin d’être résolue.
Je suis même persuadé que de nombreuses erreurs se sont glissées dans
les descriptions des espèces, et qu’on s’est généralement basé sur des carac¬
tères dont l’importance n’est pas bien démontrée.
Il existe de grandes difficultés pour établir de bons caractères spéci¬
fiques : la taille, la couleur, le nombre des anneaux ne donnent pas des
caractères certains; l’absence ou la présence de stries transversales sur les
anneaux me parait encore être un caractère bien douteux.
Des caractères d’une valeur plus grande me paraissent devoir exister dans
la disposition des faisceaux de soies, dans le nombre des soies dans chaque
faisceau et surtout dans la forme des soies que j’ai vue varier manifestement
chez des espèces voisines.
La position de la vulve me semble aussi un caractère spécifique de
grande valeur. Le nombre d’anneaux qu’occupent le pharynx et l’œsophage
ainsi que la place qu’occupe l’estomac, sont des caractères qui n’ont pas
encore servi, et qui rendraient probablement des services, puisqu’ils sont
faciles à constater.
La place qu’occupe la ceinture est variable d'une espèce à l’autre, mais
elle varie également dans une même espèce. Le nombre des anneaux compo:
sant la ceinture varie moins, mais il est quelquefois difficile de le détermi¬
ner. Je pense donc que, pour le moment, il est prudent de n’accepter que les
espèces parfaitement bien décrites, et je dois avouer que je n'ai confiance
que dans celles que Hoffmeister a fait connaître dans son remarquable tra¬
vail : Die bis jelzl bekannlen Arien ans der Famille (1er Regenwürmer.
J’ai eu l’occasion de vérifier, sur plusieurs espèces qui habitent la Bel¬
gique, la justesse de ces descriptions; aussi ne sortirai-je pas de son cadre
pour le moment, tout en me réservant pour l’avenir l’élude des espèces que
je pourrai rencontrer, soit dans mon pays, soit dans les pays voisins. J'en¬
gage les naturalistes à s’occuper chacun des espèces qui appartiennent à la
faune de leur pays. C’est seulement par la comparaison des faunes qu’on
arrivera à un résultat positif.
SUR LES L0MBRIC11NS.
La description des espèces est donc basée sur les caractères suivants :
taille, couleur, nombre approximatif et moyen des anneaux, longueur
relative des anneaux, forme du corps, disposition du tubercule céphalique
par rapport au premier anneau , disposition des ouvertures génitales mâles
et femelles, position de la ceinture et nombre de ses anneaux, disposition
des soies dans les faisceaux et dans leur ensemble sur toute la surface du
corps, enfin forme des soies.
1. Lümbricus agricola, Hoffm.
Synonymie. — Lumbiucus terrestris Lin. F. Muller, fdbricins. (Morren.)
Eptenüui Herculeum. Savig.
— Terrestre. Savig.
Lümbricus gigan. Dugès.
Corps de forme cylindrique légèrement aminci antérieurement, aplati pos¬
térieurement; cet aplatissement devient plus manifeste par la contraction.
La longueur varie beaucoup suivant les localités ; j’en ai mesuré qui attei¬
gnaient 26 à 29 centimètres; d’après Hoffmeisler la longueur ordinaire
serait d’un pied à 15 pouces; d’après Morren la longueur ne dépasserait pas
celle d’un pied.
Le nombre des anneaux varie; en moyenne il est de 180. La ceinture,
composée de 6-8 anneaux, s’étend du 29-30me jusqu’au 36-38me anneau. La
vulve, placée au 15me anneau, est très-marquée et entourée d’une auréole
blanchâtre.
Le prolongement céphalique, quand il est étendu, prend la forme dune
massue; il se prolonge en arrière jusqu'à diviser entièrement le premier
anneau.
Cette espèce est la plus grande de toutes celles qui habitent la Belgique et,
d’après Hoffmeister , l’Europe.
La couleur varie assez suivant les localités où l'on trouve le Lombric agri¬
cola et la nature du terrain qu’il habite.
La couleur générale est assez uniforme, surtout à la face ventrale; celte
couleur est de chair claire; la face dorsale et antérieure est foncée, brune,
36
MEMOIRE
bleuâtre; l’épiderme présente manifestement le reflet irisé qui varie du violet
au bleu. La ceinture tranche par sa couleur plus claire sur les téguments; elle
est jaune brunâtre, couleur de cuir.
Hoflmeister indique une variété que je n’ai pas eu l’occasion d’observer :
l’épiderme serait plus irisée, la face ventrale jaune rouge; la ceinture plus
rouge et le corps plus grêle. Celte variété habite les terrains arides. J’ai
trouvé le Lumbricus agricola très- répandu aux environs de Bruxelles et
dans tout le Brabant. On le trouve principalement dans les jardins bien fumés.
C’est l’espèce qui est la plus favorable à la dissection; aussi c’est, elle qui
m’a presque exclusivement servi pour étudier les organes génitaux , le déve¬
loppement, ainsi que l’organisation interne.
2. Lumbricus communis. — Hofïm.
Synonymie. — Lumbricus anatomicus. (Dug.).
Enterion Carneum. Sav.
— Caeiginosum. Sav.
— Cyaneum. Sav.
— icterium. Sav.
Lumbricus Trapezoïdes. Dug.
Corps de forme cylindrique peu atténué antérieurement, très-peu aplati
postérieurement et non rétréci; longueur variant suivant les variétés qu’on
observe. Le nombre d’anneaux atteint en moyenne de 160 à 180.
Les soies sont légèrement courbées en S; l’épaississement est plus près de
l’extrémité supérieure qui est aussi plus courbée que l’extrémité interne.
Ceinture composée de 6 à 8 anneaux, s’étendant du 26,29, 30e au 32e,
Si6 ou 36e anneau. Vulve au 13e anneau, très-marquée et entourée d’une
auréole blanchâtre comme dans l’espèce précédente. Prolongement céphalique
court, plus gros que dans le Lumbricus agricola , et ne s’étendant que sur
la moitié ou le tiers du premier anneau. Au-dessous il est rparqué d’un sillon
longitudinal. Cette espèce est extrêmement commune en Belgique, et elle
mérite véritablement le nom que Hoffmeisler lui a donné. Hoft'meisler indique
le peu de constance des caractères de cette espèce. Je dois avouer que je n‘ai
pas trouvé qu’ils soient aussi variables qu’il le pense.
SUR LES LOMBRICINS.
37
Hoffmeister indique les caractères suivants comme constants chez les
variétés : absence du pigment rouge brun dans la peau du dos, entaille du
prolongement céphalique vu au-dessus, grandeur et endroit occupé par la
ceinture.
Les variétés indiquées par Hoffmeister sont les suivantes :
PREMIÈRE VARIÉTÉ.
Lumbricus çommunis cyaneus.
Synonymie. — Enterion Cyaneum. Sav.
C’est la variété la plus grande: ceinture plus épaisse que chez les autres
variétés, commençant toujours au 30e anneau et comprenant 6 ou 7 anneaux.
Vulve très-apparente, auréole très-blanche; corps cylindrique partout, un
peu plus large à la ceinture. Couleur grise bleuâtre très-marquée , plus intense
postérieurement; antérieurement la couleur rouge dépend du sang. Ceinture
de couleur brune livide, un peu verdâtre, couverte de petits enfoncements.
Bords très- marqués, on en compte facilement les anneaux. Nombre d’an¬
neaux cent soixante à cent soixante et quinze. Prolongement céphalique large,
conique; il divise le premier anneau jusqu’aux trois quarts, la moitié ou le
tiers. Sillon inférieur apparaissant au sommet du prolongement qu’il divise.
Le corps est mou, très-muqueux. Ces animaux semblent préférer l'ha¬
bitation des terres argileuses. Cette variété paraît sortir plus difficilement de
la terre que les autres. L’accouplement paraît se faire sous terre.
DEUXIÈME VARIÉTÉ.
Lumbricus çommunis carneus , Hoffm.
Synonymie. — Enterion carneum. Sav.
— CALIGINOSÜM. SaV.
Lumbricus trapezoïdes. Dugès.
D’après Hoffmeister cette variété, que je n’ai pas observée, serait plus
38
MEMOIRE
grêle et plus mince que la précédente. La couleur est rougeâtre, surtout
dans les anneaux antérieurs. Ceinture moins marquée, commençant et finis¬
sant insensiblement, ordinairement composée de 9 ou 10 anneaux et com¬
mençant au 25me, plus rarement au 23me anneau. Vulve entourée d'une
large auréole. — Prolongement céphalique aigu. Entaille du sommet peu
distincte, s’étendant jusqu’à la moitié du 1er anneau. — Nombre moyen des
anneaux, 150. Longueur moyenne, 2 à 3 pouces.
Cette variété habite de préférence les terres argileuses.
TROISIÈME VARIÉTÉ.
Lumbricus commuais anatomicus, Hofïm.
Synonymie. — Lumrrigus anatomicus. Dugès.
Enterium carneum. Sav.
Enterium icterium. Sav.
Par la taille celle variété se place entre les deux précédentes. Ceinture
commençant au 26me ou au 27me anneau, comprenant 5 ou 6 anneaux de
couleur brunâtre ou rouge jaunâtre quelquefois verdâtre. Couleur du corps
plus grise que rouge, dans les terrains humides, elle est très-pâle et rou¬
geâtre. Longueur du corps 4- à 5 ou 7 pouces. — On compte de 150 à
170 anneaux.
Celle variété change de grandeur suivant les localités.
J’ai trouvé en Belgique cette variété, qui est même assez commune aux
environs de Bruxelles. Comme dit Hoffmeister, on la rencontre plus souvent
dans les champs que dans les villes.
QUATRIÈME VARIÉTÉ.
«
Lumbricus communis luteus, Hoffm.
Cette variété, que j’ai également rencontrée en Belgique, est, comme
l’indique Hoffmeister, teintée en jaune par une sécrétion abondante, sur-
SIR LES LOMBRICINS.
39
tout dans les 30 derniers anneaux; près de l’extrémité postérieure, les an¬
neaux présentent une tache de pigment rougeâtre. La ceinture s’étend
du 29,ne anneau et en comprend sept. Elle est très -marquée et colorée
en jaune. Vulve non visible. — Nombre des anneaux 124. Longueur
moyenne, 2 ‘/s ou 3 pouces.
D’après Hoffmeister, la teinte jaune de celte variété proviendrait du ter¬
rain où on la rencontre, qui est très-imprégné de substances ammoniacales.
Cette couleur disparaît quand on place ces animaux dans une terre argileuse.
3. Lumbricus rubellus, Hoffm.
Synonymie. — Enterion ferlm. Sav.
Corps cylindrique, atténué en avant et légèrement aplati en arrière.
Ceinture s’étendant du 24, 23 et 2 6rae jusqu’au 29, 30 et 31rae anneau.
Deux paires de ventouses visibles à la face inférieure de la ceinture; lobule
céphalique aussi long que le premier anneau, à sillon longitudinal placé
à sa face inférieure. Pas de sillon transversal. Nombre des anneaux s’éle¬
vant à 140. Vulve au 15mc anneau.
Cette espèce se distingue principalement des Lumbricus agricola par
l’absence du sillon transversal sur le lobe céphalique. Il existe deux variétés
dans cette espèce, l’une mesure jusqu’à 8 pouces et possède de 140 à
150 anneaux, tandis que l’autre n’atteint pas la taille de 4 pouces et ne
compte que 120 anneaux. Très-souvent la vulve manque.
La couleur de cette espèce est rouge bleuâtre, également répandue sur
tout le corps. La partie antérieure du corps est plus colorée devant, parfois
violette. *
4. Lumbricus riparius, Hoffm.
Synonymie. — Enterion octooedum. Sav.
— CHI.OROTICÜM.
- VIRESCENS.
Corps anguleux, atténué en avant. — Ceinture solide très-proéminente
commençant au 28me anneau et comprenant 8 ou 9 jusqu’à 10 anneaux.
MÉMOIRE
Trois paires de ventouses à la face inférieure de la ceinture. — Vulve au
45me anneau. Ligne transversale n’existant pas sur les anneaux. Lobule
céphalique court et étroit s’avançant jusqu’aux deux tiers sur le 1er anneau;
un sillon sur la face inférieure. Couleur du corps brune-jaunâtre, souvent
cependant, surtout au printemps, la couleur du corps est verdâtre à cause
d’une secrétion interne abondante. Ceinture rougeâtre orangée.
Ce ver possède la propriété caractéristique de rapprocher la tète de la
queue quand on le touche , et il fait des sauts très-violents.
Hoffmeister indique que ce ver habile l’argile; je l’ai presque toujours
trouvé dans des terrains meubles très-chargés de matières végétales; dans le
tan des serres, ainsi que dans les terres de bruyère servant à la culture.
5. Lumbricus olidus.
Synonymie. — Enteiuon fetidum, Sav.
— TUBiDum, Sav.
Corps cylindrique, un peu aplati en avant, atténué en arrière. Ceinture
molle grosse 24.25-30.34. Compte six anneaux. Pas de ventouses appa¬
rentes. Vulve au 15e anneau, lèvre courte, transparente, à moitié aussi
longue que le premier anneau. Pas de sillon longitudinal inférieur. Prolon¬
gement étroit, s’avançant jusqu’au milieu du premier anneau. — Nombre
des anneaux : 90 à 100.
Comme l’indique très-bien Hoffmeister, cette espèce est extrêmement
reconnaissable à la couleur qui est vraiment caractéristique : sur chaque
anneau on trouve une tache de pigment brun rougeâtre. Les intervalles de>
taches, c’est-à-dire la séparation des anneaux, sont incolores, mais parais¬
sent jaunes par la transparence des parois.
La ceinture est pâle brun rougeâtre ou orangée.
'Vulve sur une auréole très-large, pâle.
Pendant l’accouplement, la ceinture de l’un couvre presque entièrement
le corps de l'autre.
Cette espèce se fait remarquer par une grande quantité de sécrétion bru¬
nâtre, qui se trouve dans la cavité périgastrique.
SUR LES L0MBRIC1NS.
il
Elle est' très-commune en Belgique; on l’y rencontre presque partout aux
environs de Bruxelles; elle diffère beaucoup de taille suivant les terrains
où on la trouve.
6. Lumbricus stagnalis, Hoffm.
Synonymie. — Lumbricus complanatus.
Corps anguleux, atténué en avant. Ceinture épaisse, unie, proéminente
du 26, 27 ou 29e au 3L, 35 et 38e anneau, comprenant de 7 à 10 anneaux.
Deux rangées de ventouses peu apparentes; vulve au 15e anneau. Lobule
céphalique court, épais, prolongé en arrière en un appendice court qua¬
drilatère, qui s’avance jusqu’au milieu du premier anneau. Nombre des
anneaux de 115 à 130.
L’extrémité postérieure du corps, qui est fortement quadrilatère, fait
reconnaître facilement cette espèce. Sa longueur atteint quatre à sept pouces.
Les faisceaux de soies sont très-fortement séparés , de même que les soies
elles-mêmes dans chaque faisceau.
La couleur de ce lombric est rougeâtre, le dos gris de fer brillant, surtout
au-devant de la ceinture ; chez les jeunes individus la couleur est noir
de fer.
t
La ceinture est rouge clair avec un reflet bleuâtre.
Lobule céphalique, large en avant, arrondi en arrière, il divise le pre¬
mier anneau jusqu’au tiers ou jusqu’à la moitié.
Je n’ai pas encore rencontré cette espèce en Belgique; la description en
est entièrement empruntée à M. Hoffmeister, et je la donne avec confiance, car
j’ai pu constater la grande exactitude de ses descriptions.
7. Lumbricus pieter, Hoffm.
Corps cylindrique, en avant et en arrière un peu atténué. — Ceinture unie
proéminente, s’étendant du 25me au 31me anneau, rarement du 26me au 30me,
présentant à sa face inférieure des renflements longitudinaux dans lesquels
une paire de ventouses est visible. Vulve peu apparente entre le 15me et
Tome XXXIV. 6
42
MÉMOIRE SUR LES LOMBR1CINS.
le 16me anneau. Lobule céphalique transparent, obtus en avant avec un large
prolongement en arrière, qui coupe les trois quarts de l’anneau. Un sillon
longitudinal occupe sa face inférieure. — Le nombre des anneaux sélè\e
jusqu’à 86 et 96.
Cette espèce est remarquable par sa petite taille. Chaque anneau porte à
sa surface une marque de pigment brun rouge, la face ventrale est incolore;
la ceinture, blanche-grise ou grise-rouge, contraste fortement sur le dos par
- sa couleur. La vulve est blanchâtre.
Cette espèce se trouve communément en Belgique; je l’ai rencontrée en
assez grande quantité dans les serres du jardin botanique, dans le tan;
usais ces individus sont loin d’être aussi beaux que ceux que l’on trouve
dans les bois.
8. Lumbricus agilis, Hoffm.
Synonymie. — Enterium teiioedrum. Sav.
Lumbricus ampiusboena. Dugès.
Corps anguleux, atténué en avant, mais plus fortement encore en arrière.
Ceinture peu proéminente du 21me au 22me anneau et du 25me au 27me,
comprenant six anneaux et limitée de chaque côté par un sillon longitu¬
dinal. Vulve au 13me anneau. Lobule céphalique transparent, plus court
que le premier anneau. Prolongement postérieur court et étroit. Pas de
sillon inférieur. — Nombre des anneaux : 60 à 80.
Ce ver n’atteint qu’une petite taille: de 2 à 3 pouces. Il se distingue sur¬
tout par la facilité à se mouvoir et par la forme quadrangulaire de son
corps.
La couleur générale du corps est brune-rougeâtre-jaunâtre, également
répandue sur tout le corps. La ceinture est rouge-jaune, rouge-brune ou
orange. La face ventrale est jaune-rouge clair. La couleur chez cette espèce
est très-constante.
Cette espèce, d’après Ilolfmeister, préfère le voisinage des rivières. Je ne
l’ai pas rencontrée en Belgique.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE I.
Fig. 1. Lumbricus agricola , de grande taille.
» 2. Lumbricus agricola, ouvert dans toute sa longueur, pour montrer la disposition du
tube digestif, en avant. On voit le pharynx avec les muscles, l’œsophage, la dilatation
de l’œsophage, la glande œsophagienne, l’estomac musculaire et l’intestin.
» 5. Tube digestif ouvert dans toute sa longueur. On voit les mêmes organes que dans la
figure précédente, et l’organe hépatique.
» 4. Structure de la peau, épiderme, couche musculaire avec pigment et couche mus¬
culaire.
» 5. Morceau d’épiderme.
» (5. Glandes salivaires.
» 7. Glande œsophagienne, ouverte pour montrer la structure.
» 8. Glande œsophagienne vue de profil.
» 9. Cellules qui se trouvent dans les glandes œsophagiennes.
» 10. Coupe de l'intestin, vaisseau dorsal, vaisseau ventral et organe hépatique.
» Tl. Glandes dites hépatiques fortement grandies.
» 12. Coupe des parois de l’œsophage.
» 15. Estomac vu de profil, pour montrer la direction et la disposition des vaisseaux.
» 14. Coupe des parois de l’estomac.
» 15. Fibres musculaires de l’intestin.
» 16. Cellules épithéliales de l’intestin.
PLANCHE IL
Fig. 1. Représente le système circulatoire, dans son ensemble, du Lombricus agricola. On
voit le vaisseau dorsal, le vaisseau ventral supérieur et les cœurs, ainsi que les
vaisseaux latéraux tégumentaires, avec les vaisseaux latéraux viscéraux.
» 2. Organes génitaux femelles : en avant les ovaires, les entonnoirs vibratiles des oviductes,
les oviductes, l’élargissement de l’oviducte glandulaire.
44
EXPLICATION DES PLANCHES.
Fig. 5. Appareil génital, vu dans son ensemble, les testicules, les entonnoirs vibratiles, les canaux
déférents, les vésicules séminales, les ovaires, les oviductes, le système nerveux.
» 4. Fragment de l’oviducte.
» 5. Fragment de la membrane ovarique.
PLANCHE III.
Fig. 1. Système nerveux, vu dans son ensemble, du Lumbricus agricola.
» 2. Portion de la chaîne ganglionnaire abdominale.
» 3. Globules des ganglions.
» 4. Distribution du nerf grand symphalique sur le pharynx.
» 5. Deux anneaux ouverts, pour montrer la disposition des organes urinaires dans 1 inté¬
rieur du corps.
» G. Organes urinaires , vessie , ouverture externe et ouverture interne.
» 7. Un fragment de l’organe urinaire.
PLANCHE IV.
Fig. 1. Lumbricus olidus, Hoffm.
» 2. Tête du L. olidus agrandie, pour montrer le segment céphalique.
» 5. Soie du L. olidus.
» 4. Lumbricus riparius, Hoffm.
» 5. Lobule céphalique du Lumbricus riparius.
» G. Soies du Lumbricus communis , Hoffm.
» 7. Soies du Lumbricus agricola.
» 8. Coupc du corps, pour montrer la disposition de tous les organes internes, c’est-à-dire :
les téguments internes, le système nerveux, le vaisseau dorsal, le vaisseau ventral
supérieur, l’autre vaisseau ventral inférieur, l’intestin, les organes urinaires, et les
soies.
» 9. Entonnoir vibratilc formant l’ouverture interne des organes urinaires.
» 10. Fragment d’un cœur, montrant sa membrane interne, sa membrane musculaire et son
épithélium.
» 11. Epithélium des vaisseaux sanguins.
» 12. Faisceaux desoies renfermés dans le sac générateur, avec les muscles, l'appareil glan¬
dulaire et les soies.
» 13. Une grande cellule productrice des soies.
,\|(*m.(l(‘ LMcad.Rov de loni.XXXV. Mam .de M1. I) I dekem PI I
<./! Js'Cr~*''k&K ::à- KiZC. aW
Zitâ ûar txSarerey/isJiUi ûJjicad.Ttgr.
Mem.dc iLlcad .liov.do Bolfi. Tom XXX Y
•< » O
Mdm.dc M1 1) I clekem PI IL .
• r, * . -V.' ici
Utc! aar ff Severeyns lith deJiAcad.Ry.
yt~y.
>
■jlffi : SUvrey/..' .i?.1 . '?/A-.'âd.l.y.
^ Jÿ 5 ■ rr^-: ?.;i Civr ;■
a.:': crSevereynslith, deJ'Acad. Jdy.
OBSERVATIONS
DES
PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
PLANTES ET DES ANIMAUX
PENDANT LES ANNÉES 1861 ET 1862.
■r
Tome XXXV.
J
OBSERVATIONS
DES
PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
Le tome XXXIV des Mémoires de V Académie contient les tableaux des obser¬
vations météorologiques, faites en Belgique, pendant les années 1861 et 1862:
différentes raisons n’ont pas permis d’y joindre alors les résultats obtenus pour les
phénomènes périodiques des plantes et des animaux. Une nouvelle clôture faite,
en 1862, autour du jardin de l’Observatoire royal et qui en a modifié les dimen¬
sions, a forcé de déraciner la plupart des plantes qui servaient aux observations.
Depuis, mon collègue M. Dewalque a bien voulu obligeamment se charger de
mettre en ordre les observations de 1861 , et je dois regretter que sa complai¬
sance ne lui ait pas permis d’en faire autant pour 1862.
Cependant, les observations botaniques et zoologiques, commencées en Belgique
pendant l’année 1859, étaient continuées avec régularité dans le reste du pays, ainsi
que dans presque toute la partie orientale de l'Europe, en Autriche, en Russie, en
Prusse, où deux observateurs de mérite ont bien voulu, depuis, me transmettre
les résullals de leurs calculs : M. Ch. Fritsch , vice directeur des observations mé¬
téorologiques pour l’Autriche , et M. Charles Linsser, attaché à l’Observatoire im¬
périal de Pulkowa, près de St-Pélersbourg. J’ai présenté à l’Académie (') les com¬
munications intéressantes de ees deux savants sur la comparaison de l'époque
moyenne de la feuillaison et de la floraison. On pourra les joindre à celles que j’ai
données dans l’ouvrage Sur la physique du globe, i vol. in-4°, que j'ai publié en
1861. D’après les lettres de ces deux savants, leurs travaux seront complétés dans
deux ouvrages étendus, et l’on peut espérer que la science alors possédera des
données plus positives sur un des phénomènes les plus intéressants pour les
(J) Voyez la séance de mai 1865, tome XIX de la 2e série des Bulletins de ! Académie royale
de Belgique.
IV
OBSERVATIONS
sciences naturelles : l’influence des jours et des saisons de l'année sur les phéno¬
mènes périodiques de la botanique et de la zoologie.
Nous croyons devoir ajouter aux observations de la Russie quelques résultats
des calculs qui ont servi à déterminer l’époque moyenne de la feuillaison et de la
floraison à Bruxelles. M. Ch. Linsser a bien voulu nous les communiquer comme
un exemple de la marche qu’il suit dans ses tableaux pour déterminei les époques
moyennes des plantes à Bruxelles. Ces résultats, quand ils seront tciminés. don¬
neront avec ceux de M. Fritsch et ceux que nous avons obtenus nous mêmes,
les moyens d apprécier plus convenablement un problème, qui, on peut le diic
d’après ces trois épreuves, n’admet pas de solution a priori, mais on pourra en
approcher d’une manière très -satisfaisante. Voici les résultats que présente
M. Ch. Linsser : à côté de la plante est indiqué le jour de la feuillaison ou de la
floraison, à partir du premier jour de l’an.
Distribution, par groupes, des plantes dont la floraison et la feuillaison ont été observées ,
d Bruxelles, pendant une période de vingt ans ( IS4I-1S60 ).
Jour.
Helleborus niger. . ■ ■
. . 21.9
Corylus avellana ....
. . 35.5
Crocus vernus .
. . 56.0
Galanthus nivalis . . .
. . 57.0
Bellis perennis ....
. . 62.3
A. 40. 5
Narcissus pseudo-narcissus
. . 83.4
Pyrus japonica .
Populus balsamifera. . .
. . 89.2
— fasligiala . . .
. . 89.7
Buxus sempervirens. .
. . 90.6
D. 88.1
Pyrus communis ....
• . 105.2
Iris pumila .
. . 105.6
Corchorus japonica . .
. . 106.3
îberis sempervirens .
. . 107.1
Prunus domestica
. . 107.1
G 106.3
FLORAISON.
Jour.
Cornus mascula . 67.4
Arabis caucasica . 68.2
Daphné mezereum . 70.8
Vinca minor . . . 76. 4
Viola odorata . 76,5
B. 71.9
Cheiranthus cheiri . .
. . . 91.2
Waldsteinia geoïdes.
Ribes grossularia. .
. . . 95.8
— rubrum. .
Betula alba ....
E. 94,5
Prunus cerasus . . .
. . . 107.7
Ribes nigrum. . . •
Anchusa sempervirens .
. . . 108.6
Narcissus jonquilla .
. . . 109.5
Magnolia yulan . . •
. . . 110.4
H. 108.8
Jour
Anemone liepatica . 70.8
Cynoglossum omphalodes . . . 76-9
Ulmus campestris. .... 82.0
Amygdalus persica . 82.1
Hyacinlhus orienlalis ... 82 8
C. 80.1
Leontodon taraxaeum .... 98.9
Saxifraga crassifolia . 101.0
Prunus spinosa . 101.8
Equiselum arvense .... 103.0
Sanguinaria canadensis . 104.9
F. 101.9
Sambucus racemosa
. . . 111.1
Tulipa gesneriana .
. . . 1153
Pulmonaria virginica
. . . 115.9
Mitella grandiOora .
. . . 116.9
Pyrus malus . . . .
l. 115 4
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
y
Pyrus spectabilis . 119.0
Spiræa lævigata . 120.2
Convallaria maialis . 120.4
Narcissus poëticus . 121.2
Syringa vulgaris . 121.4
K. 120.4
Spiræa hippocastanum .
. . . 127.1
Sorbus aucuparia . .
. . . 127.2
Cralægus oxyacantha .
. . . 127.4
Acer eampestre . . .
. . . 127.5
Trollius europæus . .
. . . 127.8
N. 127.4
Tilia platyphylla. . . .
. . 155.5
Viburnum opulus {fl. pl.) .
. . 135.4
Spiræa bella .
Ilex aquifolium ....
. . 155.6
Magnolia Iripelala
. . 155.6
Q. 135.5
Astrantia major .
. 146.9
Lonicera symphoricarpos . .
. 147.0
Papaver bracteatum. . . .
. 147.2
Sambucus nigra .
. 151.0
Rosa centifolia .
. 151.1
T. 148.6
Robinia viscosa . . .
. . . 159.5
Papaver orientale . .
. . . 159.6
Hieracium aurantiacum
. . . 160.6
Spiræa filipendula . .
. . . 160.7
Rubus odorata . . .
. . . 162.1
W. 160.5
Seduni album . 176.9
Lychnis chalcedonica .... 177.5
Vitis vinifera . 177.6
Hydrangea liortensis .... 178 4
llemerocallis fulva . 178.5
Z. 177.8
Tiarella cordifolia. - .
. . . 121.7
Fragaria vesca . . .
. . . 121.7
Slapliylea pinnata .
. . 122.8
Acer pseudo-platanus . .
. . 123.0
Glycine sinensis . . . .
. . 124.1
L. 122.7
Berberis vulgaris. . .
. . . 128.0
Dodecatheon meadia
. . . 128.0
Cylisus laburnum . .
. . . 128.1
Lonicera xylosteum.
. . . 127.2
Coronilla hemerus . .
. . . 129.5
0. 128.6
Iris germanica. . . .
. . 136.0
Evonymus europæus .
. . 136.6
Cralægus coccinea .
. . 137.0
Trifolium pralense . .
. . 139.3
Rubus idæus ....
R. 138.0
Robinia pseudo-acacia .
. . 151.3
Lonicera periclymenum .
. . 151.8
Dictamnus albus ( fl.purp .)
. . 151.9
Tradescantia virginica .
. . 152.7
Dictamnus albus. . . .
. . 155.5
U. 152.2
Papaver rhœas . 164.5
Campanula persicifolia. . . . 165.9
Malva sylvestris . 166.5
Eschchollzia californica . . . 167.3
Lilium flavum . 167.4
X. 166.5
Convelvulus arvensis . . .
. 178.8
Tilia minor .
Hypericum perforatum.
. 181.2
Coreopsis tripteris ....
. 184.2
Lilium candidum .
. 184.9
ZZ. 181.8
Syringa persiea .
. 124.4
Evonymus latifolius. . . ■
. 124.8
Ranunculus acris ....
. 125 !
Rheum undulatum . . ■ .
. 125.4
Æsculus hippocastanum
. 125 4
ai. 125 0
Lonicera tatarica.
. . 129.8
Symphitum officinale .
. . 150-5
Prunus padus. . . .
Staphylea trifolia . .
. . 131.1
Rhododendron ponticum
. . 134.4
P. 131.4
Rhamnus frangula . .
. . 140 9
Colutea arborescens. .
. . 145.1
Philadelphus coronarius
. . 145 9
Géranium pratense . .
. . 146.2
Valeriana rubra . . .
S. 144.9
Aconitum napellus . .
. . 154.0
Antirrhinum majus . .
. . 154 4
Rosa gallica ....
Hemerocallis flava . .
. . 155.4
Digitalis purpurea . .
. . 158.1
V. 155.3
Dianthus caryophyllus .
. . 167.4
Sedum acre ....
Philadelphus latifolius .
. . 168.4
Physalis alkekengi . .
. . 169.1
Gladioluscommunis . .
. . 169.3
Y. 168.4
Hemerocallis cœrulea. .
. . 188.0
Alcea rosea .
Bignonia latifolia. .
. . 191.5
Rhus typhina. . .
Æsculus macrostachys .
. . 195 5
Asclepias vineetoxicum.
. . 196.0
Clethra alnifolia . . .
. . 2088
ZZZ. 194.0
iVB. On n’a compris qu’une ou deux observations.
VI
OBSERVATIONS
r
c
>
*»
05
C
a
Déviation moyenne des groupes de piaules observées, à Bruxelles , pendant les années 1841-1860.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
Vil
FEUILLAISON.
Lonicera periclymenum.
64.8
Daphné mezereum
73.5
Ribes rubrum .
79.8
— tatarica . . .
65.2
Spiræa bella .
Pbiladelpbus coronarius. .
79.9
Ribes grossularia . . .
68.6
Corchorus japonieus . .
75.6
Syringa vulgaris ....
81.5
Spiræa lævigata . . .
Sainbucus racemosa . .
78.9
Lonicera symphoricarpos .
85.7
Pyrus japonica. . . .
71.6
Ribes nigra .
Sambucus nigra ....
85.8
A.
68.1
B.
75.7
C.
82.5
Rubus idæns .
85.9
Syringa rolhomagensis .
88.5
Amygdalus persica . . .
Cratægus oxyacantha
85.9
Viburnum opulus . . .
89.2
Rubus odorata .
94.1
Syringa persica. . . .
87.0
Salix babyloniea . . .
89.3
Evonymus europæus . . .
96.4
Berberis vulgaris . . .
87.4
Pyrus spectabilis . . .
89.3
Philadelphus latifolius . .
97.2
Corylus avellana . . .
88.2
Lonicera xylosteum . .
91.4
Staphylea pinnata. . . .
97.2
D.
86.9
E.
89.5
F.
95.7
Spiræa bypericifolia . .
97.4
Evonymus latifolius . .
99.4
Rosa centifolia .
102.5
Pyrus communis . . .
97.5
Pyrus malus .
99.7
Prunus cerasus .
102.6
Prunus domestica . . .
98.7
Cytisus laburuum . . _.
99.9
Carpinus betulus ....
102.7
Sorbus aucuparia . . .
98.8
Cratægus coceinea. . .
101.1
Staphylæa trifolia. . . .
103.7
Æsculus hippocastanum.
99.2
Populus balsamifera . .
100.4
Betula alba .
104.1
G.
98.3
H.
99.9
1.
103.1
Cornus mascula . . .
104.1
Populus fastigiala. . .
107.8
Acer campestre. ....
113.6
Tilia platyphylla . . .
104.6
— alba .
109.8
Cercis siliquastrum . . .
114.5
Rosa gallica .
105.1
Rh'amnus frangula. . .
111.7
Rhus typhina .
115.6
Prunus padus ....
106.1
Acerpseudo-platanus. .
111.8
Tilia parvifolia .
116.8
Ulmus campestris . . .
106.5
Glycine sinensis . . .
113.3
Robinia pseudo-acacia . .
116.8
K.
105.5
L.
110.9
M.
1 15.5
Robinia viscosa . . .
. . . 118.3
Quercus pedunculata. .
. . . 118.8
Vitis vinifera ....
. . . 118.9
Juglans regia ....
. . . 120.0
Bignonia catalpa . . .
. . . 126.1
Morus alba .
. . . 126.9
iV. 121.5
»
ND. On n'a compris qu’une ou deux observations.
VIII
OBSERVATIONS
Déviation moyenne (les groupes de plantes observées, à Bruxelles , pendant les années 1841-1860.
DES PHENOMENES PERIODIQUES
i\
Nous ajouterons ici quelques mots tirés de nos instructions pour l’observation
des phénomènes périodiques : Nous croyons devoir les recommander instamment
aux personnes qui veulent bien prendre part à nos travaux faits en Belgique.
Sans cette identité d’observation, il devient en effet impossible d’avoir des résul¬
tats valables pour l’objet que nous nous proposons.
« Dans l’ordre des observations, deux modes peuvent être employés, en no¬
tant les plantes d’après leur état sauvage ou bien d’après leur état cultivé. Nous
pensons que le premier n’offre pas assez de ressources et qu’il est sujet à trop
d’incertitude, en ce que l’observateur devrait être astreint à parcourir, chaque
jour, des régions très-différentes, à de grandes distances, et qu’il ne serait jamais
sur de faire une seconde observation sur la plante qui a servi à ses premières an¬
notations. Où citer en Europe deux localités où l’on rencontrerait les mêmes es¬
pèces de plantes vivaces sur un espace assez resserré pour y faire les notations'
quotidiennes? Il est impossible au naturaliste d’observer chaque jour les champs,
les bois, les prairies de sa contrée; il devra donc s’en tenir à des approximations.
Or, l’essentiel est que l’observation quotidienne des plantes, déterminées pour la
comparaison, ait lieu dans une position équivalente. Par cette considération, nous
estimons que ces observations doivent être faites sur des individus plantés dans un
jardin bien aéré. Les plantes ne devront être ni abritées, ni exposées à la muraille
du midi. Pour les arbres sylvestres , ils doivent être pris en plein champ, mais non
dans les bois, qui offrent toujours des abris très-inégaux.
» Quant à l’indication des époques, elle doit se faire, pour la feuillaison, lorsque
les premières feuilles sortent des bourgeons et deviennent visibles; la floraison
commence au moment où l’anthère se montre ; et il en sera de même pour les
fleurs de la famille des composés. L’époque de la notation de la feuillaison peut
offrir des difficultés en ce qu’elle présente diverses phases qui, au printemps sur¬
tout, peuvent amener des différences considérables. Il faut donc une époque con¬
venue et appréciable pour tout le monde. Nous proposons de choisir le moment où.
par le développement de la préfoliation, la face supérieure des premières feuilles
est mise en contact avec l’atmosphère et commence ses fonctions vitales. La fruc¬
tification doit se prendre lors de la déhiscence du péricarpe pour les fruits déhis¬
cents, et c’est le plus grand nombre; les fruits indéhiscents seront notés lorsqu'ils
seront manifestement parvenus à leur maturité. Enfin, la défeuillaison doit être
inscrite lorsque la chute de la majeure partie des feuilles de l’année est opérée, bien
entendu que ce qui concerne les feuilles ne peut s’appliquer qu’aux seuls végétaux
ligneux, en excluant en outre les arbres toujours verts, dont la défeuillaison est
successive. »
Ad. QUETELET.
• '
PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES NATURELS. — Règne végétal. — 1861
NOMS DES PLANTES.
( Feuillaison , 18G1.)
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE.
ANYBRS.
OSTENDE.
JBMEPPE.
NÀMUR.
VENISE.
Acanthus mollis. L .
_
—
—
—
—
—
28 févr.
Acer campestre. L .
15 avril.
50 avril.
15 mai.
—
—
10 avril.
» pseudo-platanus. L .
b saccharinum. L .
15 »
:
6 »
19 »
20 avril.
6 »
Aesculus hippocastanum. L .
2 B
21 mars B.
6 »
26 avril.
24 mars.
4 avril.
b lutea. Pers .
—
25 » B.
—
T-
—
10 B
» pavia. L. . . ■ .
Alnus glutinosa. L. • .
12 B
25 » B.
4 »
Amygdalus persica. L. (j3 mad.) .
25 mars.
22 avril
—
5 mai.
—
22 mars.
Aristolochia sipho. L .
26 b
—
—
—
—
8 avril.
Arum maculatum. L .
—
—
-
—
—
—
17 mars
Betula alba. L .
5 avril.
11 mai.
18 avril.
20 avril.
11 avril.
4 avril.
b alnus. L .
—
18 avril.
—
19 b
—
10 B
Berberis vulgaris. L .
20 mars
25 »
17 avril.
—
14 mars.
24 mars.
26 mars.
Bignonia catalpa. L . - •
17 avril.
9 mai.
—
20 avril.
7 juin.
—
15 avril.
» radicaDs. L .
—
—
—
—
—
2 mai.
Buxus sempervirens. L . ....
■ ^9
—
12 mai.
—
—
1 avril.
17 mars.
Carpinus betulus. L . . .
16 avril.
5 mai.
—
—
17 avril.
6 »
Cercis siliquastrum. L .
27 »
—
—
— •
1 mai.
7 mars.
Colutea arborescens. L . ...
—
—
—
—
—
14 mars.
Convolvulus sepiurn L . .
—
—
—
—
-
—
9 avril.
Corchorus Japonica. L .
20 févr.
27 mars.
18 mai.
—
20 févr.
17 avril.
12 mars.
» sanguinea. L .
—
5 mai.
9 »
24 »
:
50 mars.
50 »
Cratægus coccinea. L .
18 mars.
25 b
19 avril.
15 avril.
15 b
6 avril.
24 mars.
14 b
» oxyacantha. L .
—
15 avril.
10 »
17 avril.
21 mars.
24 mars.
12 avril
6 avril.
29 mars.
—
—
15 avril.
50 »
Dapbne mezereum. L .
10 mars.
27 avril.
20 avril.
6 avril.
—
6 »
20 mars.
—
—
—
—
—
4 »
I B
—
.. —
—
—
—
20 avril.
Evonymus europæus. L .
25 mars.
15 avril.
50 avril.
—
—
25 mars.
8 avril.
» latifolius. Mill .
b verrucosus. L .
28 b
19 avril
5 mai.
1
Tome XXXV
2
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
( Feuillaison , 1801.)
BRUXELLES.
Observât.
VILVOHDE.
1
ANVERS.
OSTENDE.
JEMEPPE. "
i
N AMU R.
VENISE.
]
7 mai.
17 mai.
—
23 mai.
1 mai.
» sylvatiea. L .
—
13 avril.
9 »
—
8 »
27 avril.
Fraxinus excelsior. L .
26 avril.
—
18 »
—
23
5 mai.
» ornus. L . .
-
—
24 ..
—
23 mai.
5 1 »
—
—
6 mai.
Gleditschia horrida. Willd .
28 avril.
5 mai.
27 mai.
23 mai.
—
4 juin.
27 avril.
Gymnocladus canadensis. Lam .
—
—
18 juin.
—
16 mai.
Hibiscus syriacus L . .
—
—
—
—
—
—
14 avril.
Hippophaë rhamnoïdes L .
—
50 avril.
—
—
—
25 mars.
12 »
Hydrangea arborescens. L . .....
4 avril.
5 juin.
—
—
—
6 avril.
—
—
—
—
—
—
18 »>
Ilex aquifolium. L. . ....
—
—
—
—
—
—
5 mars.
3 niai.
1 1 mai.
—
15 mai.
29 mai.
25 avril
3 »
—
28 mai.
—
30 avril.
3 »
—
—
14 mars.
20 mars.
—
20 »
—
—
—
5 avril.
8 mars.
20 »
10 avril.
16 mai.
21 févr.
20 févr.
» symphoricarpos. L . .
12 »
—
30 »
—
10 mars
» tatarica. L .
2 »
7 avril.
26 »
—
18 févr.
» xylosteum. L . •
6 i»
—
15 »
-
10 mars.
Magnolia tripetala. L . .
—
20 mai.
» yulan. Desf. » .
—
21 »
Malva sylveslris. L .
—
—
—
—
—
—
17 avril.
Mespilus germanica. L .
20 mars.
29 mai.
—
—
—
29 mars.
Morus iligra. L . .
28 avril.
—
—
-
30 mai.
19 mai.
16 avril.
Orobus vernus. L . .
-
-
—
—
—
8 »
11 avril.
13 avril.
—
7 mars.
26 févr.
8 B
» lalifolius. Schrad .
—
—
18 mai.
Pinus larix. L . .
—
-
-
—
28 mars.
26 mars.
Plantago major. L. . .
—
—
-
-
—
—
19 avril.
Plalanus occidentalis. L. . .
—
-
22 mai.
-
—
10 avril.
» orienlalis. L. . ... ...
-
—
—
—
—
—
3 mai.
Populus alba. L. . .
5 avril.
3 mai.
23 mai.
-
—
2 mai.
» balsamifera. L . .
5 »
» fastigiata. Foir .
-
8 mai.
10 mai.
—
1 1 avril.
4 avril
» tremula. L. . .
5 avril.
—
—
—
—
4 mai.
1
Prunus armeniaca. L. ( B ubric.) .
29 mars.
19 avril.
—
20 avril
27 mars.
26 mars.
» cerasus. L. [(}■ biçj.noir) .
26 »
14 »
8 avril.
-
—
2 avril.
» domestica. L. [(3. gr. d. v.) .
23 »
27 »
-
—
—
26 mars.
» padus. L . .
26 »
19 B
20 avril.
-
—
24 »
Plelea trifoliata. L . . . .
—
—
29 »
—
—
1 mai.
i
DES PHENOMENES PERIODIQUES
3
NOMS DES PLANTES.
[Feuill'aisotr , 1861.)
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE
ANVERS.
OSTENDE.
JBUEPPE.
KAMI R .
VENISE.
Pyrus communis. L. (/J. Berg.) .
26 mars.
17 avril.
2 mai.
50 avril.
50 mars.
» cydonia. L .
-
—
—
—
—
—
16 avril.
» japonica. L .
5 mars.
—
26 avril.
3 mars.
—
20 févr.
» malus. L. {0 calv. d’ete ) .
28 >
27 avril.
—
—
—
6 avril.
» spectabilis. Ait .
28 »
—
50 avril.
>< sylvestris. L . . .
-
—
—
—
—
—
50 mars.
Quercus pedunculata. Willd . ....
24 avril.
1 mai.
12 juin.
—
—
5 mai.
>. sessiliflora. Smith . ...
—
—
29 mai.
—
—
5 »
Rhamnus catharticus. L .
—
—
—
—
—
27 mars
» frangula. L . .
14 avril.
17 mai.
—
—
—
20 avril.
Rhus cotinus. L .
—
3 »
— lyphina. L .
15 avril.
Ribes alpinum. L .
8 mars.
15 avril.
—
—
1 mars.
20 févr.
•- grossularia. L .
26 févr.
17 mars.
10 avril.
—
24 févr.
6 mars.
» nigrum.L .
22 »
—
16 »
—
10 mars.
12 »
» rubrum.L .
22 »
50 mars.
16 »
—
—
15 »
7 avril.
« uva crispa. L. .
—
—
25 i>
Robinia pseudo-acacia. L .
4 mai.
51 mars.
—
—
21 avril.
1 mai.
17 avril.
» viscosa.Vent .
4 »
—
—
—
25 »
Rosa centifolia." L .
25 mars.
—
1 0 mai.
_
—
24 mars.
5 avril.
« gallica. L .
30 »
—
—
—
—
24 »
Piubia tinctorum. L .
—
—
—
—
—
27 févr.
Rubus idæus. L .
18 »
—
17 avril.
—
50 mars.
14 v
» odoratus. L .
18 »
Ruta graveolens. L .
—
—
—
—
—
—
20 avril.
Salix alba. L .
—
15 avril.
—
—
■-
15 avril.
» babylonica. L .
20 mars.
19 »
5 mai.
—
12 mars.
Salvia officinalis. L .
—
—
—
—
—
—
12 avril.
Sambucus ebulus. L . .
—
25 avril.
17 avril.
» nigra. L .
26 mars.
20 »
15 »
27 avril.
24 févr.
15 févr.
9 mars.
» raeemosa. L . .
26 »
—
51 mars.
—
—
6 mars.
Sorbus aucuparia L . ...
14 avril.
19 avril.
8 avril.
—
—
24 »
Spiræa bella. Sims . ....
—
—
5 mai.
» hypericifolia. L . . . ...
1 mars.
—
15 avril.
1
Staphylea pinnata. L . ...
50 »
—
5 mai.
-
5 avril.
26 mars.
24 mars.
Syringa persica. L .
3 »
—
15 avril.
—
25 mars.
1 »
» rolhomagensis. Hort .
5 »
—
22 »
—
1 »
» vulgaris. L. 1 .
5 »
27 avril.
13 »
28 févr.
28 févr.
24 févr.
2 avril.
Taxus baccala. L .
—
—
18 mai.
12 »
Tilia americana. L .
1 avril.
» europæa. L .
—
2 mai.
» parvifolia. Hoffm .
18 avril.
—
20 avril
—
7 avril.
1
! En boutons, le 5 mars, à Vilvorde
4
OBSERVATIONS
/
NOMS DES PLANTES.
(Feuillaison , 1861.)
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTBNDB.
JEMEPPF.
ISA MUR .
VIENNE.
Tilia plalyphylla. Vent .
31 mars.
_
2 mai.
3 avril.
lilmus campestris. L . .
8 avril.
5 mai
2 »
—
—
8 »
Vaceinium myrtillus. L .
—
—
—
_
_
2 »
Viburnum lantana L. . .
30 mars.
1 mai.
28 avril.
—
26 mars.
4 mars
« opulus. L. (fl.simpl.) .
1 avril.
—
23 »
—
_
12 x
7 avril.
» x L. {fl. plen.) .
1 »
—
—
—
18 mars.
12 »
Vinca major. L .
-
—
—
—
—
_
14 avril.
Vitex incisus. L . ...
—
—
—
—
—
20 mai.
Vitis vinifera. L .
28 mai.
20 mai.
21 avril.
2 mai.
2 »»
23 avril.
NOMS DES PLANTES.
( Floraison , 1801.)
BRUXELLES.
V1LVORDE.
ANVERS.
OSTKNDE.
JE2UEPPB.
NAMÜR.
VENISE.
VIENNE.
Acantbus mollis. L. .
—
—
28 juiu.
Acer campestre L .
—
1 mai.
—
—
—
10 mai.
_
30 avril.
» pseudo plalanus L .
—
—
—
—
_
10 »
Achilleamil lefolium . L. .
—
1 juill.
20 juin.
20 juin.
_
15 juin.
16 juin.
Aconilum napellus. L.
1 juin.
—
16 juill.
2 août.
_
19 mai.
23 »
Æsculus hippocastanum. L. . .
10 mai.
15 mai.
10 mai.
16 mai.
22 mai.
9 »
17 mai.
» macrostacbys. Midi
—
—
28 juill.
—
_
_
14 juill.
» pavia. L. ...
—
—
25 mai.
—
—
16 mai.
_
17 mai.
Ajuga reptans. L .
—
27 avril.
3 »
—
—
1 v
_
13 avril.
Alisma planlago. L . . .
—
7 juill.
10 juill.
3 juill.
—
10 juill.
AUium ursinum. L. .
—
—
9 mai.
—
17 juill.
Alnus glutinosa. L .
20 avril.
1 Althæa officinalis. L. . .
2 mars.
—
10 mai.
—
—
28 août.
—
—
23 juill.
Amygdalus cnmmunis L. . .
—
—
—
- -
—
—
_
17 juill.
» persica. L. (fi.madel.) .
24 mars.
8 avril
—
23 avril.
24 mars.
25 mars.
6 avril.
Ancliusa sempervirens L,.
—
—
9 mai.
Anemone hepatica. L.
—
—
20 mars.
27 févr.
—
15 févr.
_
9 mars.
» nemorosa. L. .
22 mars.
7 avril.
18 avril.
—
_
20 mars.
3 avril.
Antirrhinum majus. L .
10 juin.
—
15 juin.
15 juin.
_
30 mai.
9 juin.
Arabis caucasica. Willd.
2 mars.
—
28 mars.
_
_
20 mars.
Aristolochia clématites. L
7 juin.
—
—
—
—
23 niai.
» sipho. L.
—
—
—
—
_
10 mai.
_
27 »
Arum maculatum. L.
—
20 mai.
3 mai.
_
. -
4 »
27 mai.
17 »
Asarum curopæum. L ....
—
—
—
—
_
15 mars.
Asclepias vincetoxicum. L.
—
—
15 juill.
—
14 mai.
—
21 mai.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
NOMS DES PLANTES.
( Floraison 186 1 ■ )
3RUXELLES.
VILVORDE.
ÀNVBRS.
OSTENDE.
JEMEPPE.
Ni UCR.
VENISE.
VIENNE.
Asperula odorata. L .
—
—
8 mai.
—
8 mai.
-
10 mai.
Astrantia major. L . .
—
—
9 juin.
—
—
14 »
Atropa belladona L .
—
—
17
6 juin. |
—
3 juin.
—
4 juin.
Azalea pontica. L .
—
Il juill.
17 mai.
Bellis perennis. L .
10 mars.
11 mars.
22 mars.
5 févr.
9 févr.
6 mars.
—
1 mars.
Berberis vulgaris. L .
4 mai.
30 mai.
25 mai.
— |
6 mai.
8 mai.
28 avril.
Betula alba. L .
—
30 avril.
8 avril.
30 avril.
7 avril.
8 »
» alnus. L .
—
-
—
9 mars.
Bignonia catalpa. L .
—
—
13 août.
2 juill.
24 mai.
» radicans. L .
-
—
— •
—
—
6 août.
Borrago officinalis. L .
-
20 mai.
Bryonia dioïca. Jacq .
—
-
-
—
—
2 juin
Bupbthalmum cordifolium. L .
-
—
13 juin.
Buxus sempervirens. L .
4 avril.
-
23 avril.
—
27 mars.
2 avril.
21 mars.
6 avril.
Campanula persicifolia. L .
17 juin.
—
13 juin.
— ■
—
7 juin.
—
21 juin.
Cardamine pratensis. L .
—
—
—
10 avril.
—
25 mars.
Carduus marianus. L .
—
19 juill.
17 juill.
Carpinus betulus. L .
—
20 avril.
Centaurea cyanus. L .
—
20 juin.
8 juin
28 juin
Cercis siliquastrum. L .
—
—
—
—
—
—
20 avril.
Cheiranthus Cbeiri. L .
14 avril.
—
22 avril.
—
—
10 avril.
Chelidonium majus. L .
—
27 mai.
17 mai.
-
19 avril.
8 mai.
14 avril.
9 mai.
Chrysanthemum leucantheumum. L .
—
1 juin.
-
~
19 mai.
18 b
—
21 b
Chrysocoma linosyris. L . ■ ■
-
—
12 août.
—
—
6 août.
—
3 sept.
Colchicum autumnale. L .
—
25 sept.
2 sept.
26 sept.
—
—
—
1 B
Colutea arborescens. L .
-
—
6 juin.
—
—
5 juin.
—
1 juin.
Convallaria bifoüa. L .
—
—
—
—
—
19 mai.
>i maïalis. L . .
24 avril.
—
15 mai.
—
10 »
—
Il mai.
Convolvulus arvensis. L. . .
—
27 juin.
—
—
—
11 juin.
» scpium. L .
-
7 juill.
—
—
—
! 18 »
1 juin.
14 juin.
Corchorus japonica. L .
2 avril.
—
25 mai.
—
19 avril.
2 avril.
Cornus mas. L .
27 févr.
12 mars.
20 mars.
—
9 mars.
20 févr.
16 mars.
18 mars.
» sanguinea. L .
—
—
28 mai.
—
—
18 juin.
16 mai.
7 juin.
Corydalis digitala. L .
-
—
—
—
—
2 avril.
Corylus avellana. L .
28 lévr.
3 mars.
1 mars.
17 févr.
10 févr.
6 févr.
—
24 févr.
Cratægus coccinea L .
21 mai.
—
24 mai.
» oxyacanlba L .
7 »
15 mai.
20 »
4 juin.
1 -
2 mai.
—
18 mai.
Crocus mæsiacus . ' .
' ; jü
—
—
—
_
24 févr.
i) vernus. Sw .
17 févr.
1 avril.
28 mars.
12 mars.
2 mars
—
18 mars.
Cynoglossum omphalodes L .
—
—
—
—
—
20 »
Cytisus labumum. L .
14 mai.
20 mai.
28 mai.
—
—
9 mai.
25 avril.
24 mai.
Daphné laureola. L .
■ È3 •
—
“
j 25 févr.
1
5 mars.
6
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
(Floraison, 1861.)
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE.
1
AN Y ERS.
OSTBNDE.
JEMEPPE.
NAYIUR. -
VENISE.
VIENNE.
Daphné mezereum. L .
—
10 mars.
5 mars.
;
15 avril.
—
14 févr.
14 mars.
4 fevr.
Delphinium Ajacis. L. . .
—
27 juin.
28 juin.
Dianlhus caryophyllus. L .
16 juin.
-
_
-
—
—
27 mai.
Dictamnus albus. L .
10 »
—
—
—
-
30 mai.
15 »
51 mai.
Digitalis purpurea. L .
—
5 juill.
8 juin.
18 juin.
—
10 juin.
—
5 juin.
Dodecatheon meadia. L .
15 niai.
Echinops sphærocephalus. L .
—
—
25 juill.
—
—
—
—
10 juill.
Epilobium spicaluin. Lam .
—
—
15 juin.
Equisetum arvense. L .
—
—
-
-
-
—
—
5 avril.
Eriea vulgaris. L . . . ..
—
7 juill.
—
—
—
18 juill.
Eschscholzia californien. Chm. .
—
-
—
-
-
1 juin.
Evonvmus europæus. L .
11 mai.
9 juin.
22 mai.
—
-
20 mai.
-
29 mai.
» latifolius. Mill .
1 1 »
—
1 juin.
—
—
18 »
—
15 »
Fragaria vesca. L. ( (3 horlens.) .
5 »
18 avril
15 mai.
24 mai.
—
20 avril.
—
17 avril.
Fraxinus excelsior. L .
—
—
—
-
—
18 »
—
9 »
Fritillaria imperialis. L . .
—
—
15 avril.
30 avril.
—
8 ..
Galanthus nivalis. L .
16 fevr.
10 mars.
20 févr.
21 févr.
—
15 févr.
Genliana cruciata. L .
—
—
50 mai.
Géranium pratense. L . ....
24 mai.
—
50 »
—
—
24 mai.
>> sanguineum. L. . ...
-
—
—
—
—
6 »
Gladiolus communis. L .
16 juin.
-
8 juin.
—
—
—
Glechoma hederacea. L .
—
7 mai.
18 avril.
—
13 avril.
4 avril.
5 juin.
16 juin.
Glycine sinensis. L . .
22 mai.
—
—
—
—
—
—
1 avril.
Hedysarum onobrychis. L . . .
—
—
-
—
~
—
23 mai.
Helleborus fœtidus. L. . ....
—
—
10 mars.
—
—
22 févr.
» hiemalis. L .
—
21 févr.
1 févr.
—
15 «
« niger. L .
28 févr.
—
16 »
—
—
24 janv.
—
21 févr.
>' viridis. L . ...
-
—
24 mars.
—
—
20 févr.
7 mars.
6 ..
Hemerocallis cœrulea. Andr. . . ....
20 juin.
20 juill.
8 juill.
—
—
10 juill.
)> flava. L. .
6 »
—
18 juin.
—
5 juin.
10 juin.
» fulva. L .
—
25 juill.
6 juill.
_
—
24 »
—
9 juin.
Hibiscus syriacus L.
—
—
28 août.
—
—
22 juill.
—
24 *
Hieracium aurantiacum. L. .
—
—
—
—
—
1 juin.
1 juill.
Hyacinthus bolryoïdes. L .
—
51 mars.
-
—
—
50 mars.
» orientalis. L. .
24 mars.
—
—
12 avril.
16 avril.
1 avril.
—
1 avril.
Hydrangea hortensis. Sm .
—
50 août.
18 août.
» arborescens . .
—
—
—
—
—
10 juin.
Hypericum pcrforalum. L .
—
—
20 juin.
—
—
15 »
27 juin.
14 juin.
Iberis sempervirens L. .
—
—
15 mai.
—
—
1 avril.
—
15 avril.
llex aquifolium. L .
—
20 mai.
51 »
—
—
2 mai.
10 juin.
Iris florentina. L. .
25 mai.
» germanica. L. .
24 »
1
20 mai.
24 mai.
2 mai.
—
19 »
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
7
NOMS DES PLANTES.
( Floraison , i 80 1 . )
BRUXELLES.
Observât.
V1LVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
JEÏUEPPE.
NAMUR.
VENISE.
VIENNE.
Iris pumila. L . • •
10 avril.
—
25 avril.
—
—
2 mai.
27 avril.
Juglans regia. L. , .
—
20 juin.
10 juin.
4 juin.
-
1 b
Lamium album. L .
—
15 mai.
10 mai.
20 avril.
1 1 avril.
16 avril.
Leontodon taraxacum. L. .
29 mars
—
5 »
29 «
9 mars.
20 mars.
—
15 avril.
Liguslrum vulgare. L .
—
—
5 juill.
-
—
15 juin.
7 mai.
12 juin.
Liliuni candidum. L ...
4 juill.
23 juill.
13 juin.
-
—
2 juill.
7 juin.
25 «
» flavum L .
20 juin.
-
5 »
-
-
15 juin.
Linum perenne. L. .
—
—
—
-
— -
10 mai.
Liriodendron tulipifera. L. .
—
29 juin.
28 juin.
Lonicera periclymenum. L .
14 juin.
50 mai.
—
30 mai.
—
15 juin.
—
1 ! juin.
— symphoricarpos. L . .
9 »
15 mai.
—
-
—
1 i)
— tatarica. L . ...
15 mai.
—
-
-
—
10 avril.
—
27 avril.
— xylosteum. L .
J 5 »
-
—
—
—
10 mai.
—
10 mai.
Lychnis cbalcedonica. L .
-
-
20 juin.
—
—
20 juin.
Lysimachia ncmorum. L. .
—
30 mai.
15 mai.
Lylhrum salicaria. L . . . .
-
—
12 juill.
\
—
2 juill.
—
26 juin.
Magnolia graodiflora .
5 avril.
» Iripetala. L .
-
—
1 1 juin.
.. yulan. L .
21 avril.
29 avril.
28 avril.
Malva sylvestris. L .
-
1 1 juill.
20 juin.
7 juill.
—
5 juin.
22 mai.
10 juin.
Melissa officinalis. L .
—
—
8 août.
—
-
10 juill.
—
19 juill.
Mentha pipcrila. L .
—
-
28 »
—
—
8 »
—
25 >.
Mespilus germanica. L .
—
9 mai.
Mitella grandiflora. Pursch .
-
—
7 mai.
Morus nigra. L . . . ..
-
17 juin.
17 juin.
—
—
—
16 mai.
Narcissus pseudo-narcissus. L .
19 mars.
11 avril.
12 mai.
18 mars.
29 mars
1 avril.
25 avril.
8 avril.
» jonquilla. L . ....
—
-
20 avril.
» poëticus. L .
28 avril.
-
—
—
25 avril.
6 mai
—
19 avril.
Nymphéa alba. L .
—
29 juin.
-
—
—
—
—
6 juin.
» lutea. L . .
—
—
—
-
—
6 juill.
10 mai.
Omitbogalum arvense. Pers .
—
51 mars.
» umbellalum. L .
Il mai.
20 mai.
18 mai.
—
— -
18 mai.
—
12 mai.
Orobus vernus. L .
—
—
16 avril.
16 mars.
—
22 mars.
21 avril.
10 avril.
Oxalis aeetosella. L . .
—
—
—
—
—
20 avril.
—
2 »
Pachysandra procumbens .
24 mars.
Papaver bracleatum. L .
—
—
1 juin.
» orientale. L .
12 juin.
—
15 »
-
—
3 juin.
» rliœas. L .
20 juin.
—
—
—
30 mai.
—
24 mai.
Paris quadrifolia. L .
—
20 mai.
—
—
—
2 »
Philadelphus coronarius. L .
5 juin.
3 juin.
30 mai.
—
50 mai.
25 »
12 mai
— latifolius. Schr .
12 v
Physalis Alkekengi. L . ...
—
—
2 juin.
17 juin.
—
20 juin.
-
12 juin.
8
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
[Floraison , 1 8G 1 ) .
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
JBMEPPE.
NAMCR.
VENISE.
VIENNE.
Plantago major. L .
—
17
juill.
5
juin.
—
—
22
juin.
29
mai.
Platanus orientalis. L .
—
—
-
—
—
—
1
juin.
Pœonia officinalis. L .
—
—
28
mai.
—
—
—
—
21
mai. {
Polemonium cœruleum. L . . .
—
—
12
juin.
- •
—
20
mai.
Polygonumbistorta. L .
—
—
15
mai.
—
—
4
”
—
24
mai. i
Populus alba. L .
5
avril.
5
mars.
—
—
—
_
—
27
mars.
» balsamifera. L. .
O
»
» fastigiata. Poir .
—
—
—
—
14
mars.
20
mars.
» tremula. L .
6
avril.
Primula elatior. L .
-
.9
avril.
8
avril.
—
—
25
févr.
» veris. L. ’ .
12
mars.
—
5
»
26
janv.
4
avril.
O
févr.
—
29
mars.
Prunus armeniaca ((3 abric.) .
12
V
27
avril.
—
29
mars.
14
mars.
14
mars.
» cerasus ( (3 big. noir.) .
8
avril.
5
mai.
26
avril.
—
—
2
avril.
—
15
avril.
» domeslica [(3 gr. dam. v.) .
14
»
—
-
—
—
4
»
v padus. L .
1
mai.
—
7
mai.
S |
—
26
»
—
19
avril.
n spinosa. L. . , .
—
25
avril.
-
-
16
avril.
2
V
—
17
9
Ptelea trifoliata. L .
—
—
28
juin.
—
-
-
16
juin.
Pubnonaria officinalis. L .
—
—
22
avril.
8
avril.
—
20
mars.
Pyrus communis {(3 bergam.) .
10
avril.
17
avril
—
10
mai.
—
4
avril.
14
avril.
15
avril.
» cydonia. L .
-
—
10
mai.
—
—
—
22
9
14
mai.
» japonica. L .
50
mars.
—
20
mars.
27
avril.
—
25
mars.
—
10
avril.
u malus. L. [pcalv. d’été.) .
29
V
5
mai.
22
avril.
—
—
25
avril.
a spectabilis. Ait .
i
mai.
—
17
mai.
Quercus sessiliflora. Smith .
-
—
—
—
—
14
mai.
Ranunculus aqualilis .
-
—
—
19
avril.
» acris [fl. plen.) . .
n
mai.
20
mai.
20
mai.
27
mai.
—
2
mai.
—
15
mai.
n ficaria. L .
10
mars.
—
16
avril.
12
avril.
26
févr.
24
mars.
Rhamnus frangula. L .
—
—
—
—
4
juin.
—
29
mai.
Rbeum undulatum. L .
avril.
—
20
mai.
—
—
-
-
12
9
Rhododendron ponticum. L .
22
mai.
-
24
9
—
—
18
mai.
Rhus cotinus. L .
—
—
—
-
—
—
-
5
juin.
Rihes alpinum. L .
—
—
-
-
51
mars.
25
mars.
» aureum. L .
—
8
avril.
.) grossularia. L. [Fr. virid.) .
28
mars.
17
J>
—
6
avril.
51
mars.
1
avril
—
i
avril.
« nigrum. L .
28
»
a rubrum. L .
26
»
- -
—
8
avril.
27
mars.
25
mars.
4
mai.
Robinia pseudo-acacia. L .
51
mai.
-
5
juin.
—
—
—
14
»
Rosa centifolia. L .
10
9
—
8
»
29
mai.
—
12
juin.
20
U
>i gallica. L .
12
»
—
15
»
29
»
—
12
D
Rubia tinctorum. L .
—
—
—
—
—
—
12
juin.
Rubus idæus. L .
18
mai.
—
—
26
juin.
—
—
—
20
mai.
Ruta graveoleus. L .
—
—
25
juin.
1er
»
—
15
juin.
14
mai.
8
juin.
1 Fleurit pour la seconde fois , à Ostende, le 24 décembre.
DES PHENOMENES PERIODIQUES
9
NOMS DES PLANTES.
( Floraison 186 1 . )
BRUXELLES.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
JEMEPPE.
NAMUR.
VENISE.
1
VIENNE.
Salix capræa. L .
—
10
mars.
—
—
—
.
mars.
Salvia officinalis L . • .
—
—
12
juill.
—
—
8
juin.
23
juin.
6
juin.
Sambucus ebulus. L . .
—
29
juin.
—
—
—
—
—
26
D
» nigra. L .
^juin.
2
»
12
juin.
6
juin.
2
juin.
28
mai.
17
mai.
» racemosa L .
8
avril.
—
20
avril.
—
—
28
avril.
Sanguinaria eanadensis. L .
10
»
Satureia montana L . • . .
—
—
—
—
—
22
juill.
Saxifraga crassifolia. L .
10
avril.
—
22
avril.
—
—
21
mars.
—
13
avril.
Scabiosa arvensis. L .
-
—
20
juin.
—
—
8
juin.
» succisa. L .
—
20
D
—
—
10
août.
—
2
août.
Scrophularia Dodosa. L .
—
15
juill.
—
—
4
juin.
—
—
Secale cereale. L. [P hyb.) .
—
—
—
—
—
- -
—
31
mai. „
Sedum acre. L .
—
10
juin.
—
—
1
juin.
» album. L .
—
—
23
»)
—
—
20
»
—
29
juin.
» lelephium. L .
-
—
6
août.
—
—
5
août.
Solanum dulcamara. L .
— ,
12
juin.
5
juin.
19
juin.
—
14
juin.
Sorbus aucuparia. L .
10
mai.
—
12
mai.
-
—
12
mai.
Sparlium scoparium. L .
—
—
—
—
—
10
»
Spiræa bella. Sims .
—
23
juin.
19
juin.
» filipendula. L .
—
29
»
20
i)
—
—
16
juin.
—
16
juin.
» hypericifolia. L .
—
--
—
—
—
—
—
11
mai.
» lævigata.L .
—
—
4
mai.
Staphylea pinnata. L .
5
mai.
—
19
»
—
11
mai.
10
mai.
1
mai.
11
mai.
Statice armeria. L .
— .
—
19
»
—
—
25
avril.
—
12
D
x limonium. L .
—
— .
22
juill.
Symphitum officinale. L .
5
mai.
—
20
juin.
28
niai.
§
1
mai.
—
24
mai.
Syringa persica. L .
10
S
—
25
mai.
—
—
1
»
—
18
» l
n vulgaris. L .
28
avril.
15
mai.
5
»
20
avril.
14
mai.
1
»
18
avril.
9
V
Taxus baccata. L .
—
-
—
—
-
—
2
mai.
Thymus serpillum. L .
—
—
9 1
—
—
14
juin.
Tiarella cordifolia. L .
—
2
juin.
—
—
25
avril.
Tilia micropbylla. Vent .
—
—
-
—
—
—
—
22
juin.
» europæa. L .
‘ri- ■
—
20
juin.
» platyphylla. Vent .
—
—
—
—
18
juin.
Tradescantia virginica. L .
3
Juin.
8
juin.
—
—
4
»
1
mai.
Trifolium pratense. L. . .
—
—
—
18
mai.
—
14
mai.
Trollius europæus. D .
7
mai.
—
10
mai.
—
—
25
avril.
Tulipa gesneriana. L .
10
avril.
— ■
15
—
—
—
25
»
—
12
niai.
Tussilago fragrans. L .
20
mars.
28
janv.
Ulmus campestris. L .
16
mars.
— ■
20
avril.
—
—
27
mars
—
21
mars.
Vaccinium myrtillus. L .
—
—
■ —
—
12
avril.
Valeriana rubra. L .
—
—
16
juin.
10
mai.
—
28
mai.
29
niai.
Tome XXXV.
2
10
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
( Floraison, 1861 ).
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
J EM E PPE .
N AMU B.
VENISE.
VIENNE. !
Veratrum nigrum. L .
_
_
6 juin.
Veronica gentianoïdes. L .
5 juin.
—
lb mai.
—
—
12 mai.
» spicala. L .
2 juill.
—
28 juin.
—
20 juin.
Viburnum lantana. L .
—
—
15 mab
—
9 mai.
2 mai.
—
5 mai.
» opulus. L. [fl. simple.) .
21 mai.
—
—
-
—
15 »
15 mai.
21 «
» » h. (fl. plein.) .
—
—
-
—
15 »
Vinca minor. L .
16 mars.
51 mars.
24 avril.
10 avril.
26 mars.
—
—
4 avril.
» major. L .
—
—
—
—
—
—
25 avril.
Viola odorala. L. ...........
10 mars.
—
8 avril.
10 mars.
26 févr.
18 févr.
19 mars.
25 mars.l
Vitis vinifera. L. (/3 chass. doré) .
25 juin.
—
—
—
—
10 juin
14 juin.
Waldsteinia geoïdes. Kit .
—
—
13 avril.
"
22 mars.
2 avril 1
NOMS DES PLANTES.
(Fructification, 1861.)
BRUXELLES.
Observât.
ANVERS.
OSTENDE.
NAMUR.
VENISE.
Acanthus mollis. L .
_
—
—
9 août.
Acer pseudo-plalanus. L .
—
50 août.
Achillea millefolium. L . . ...
—
16 »
—
—
6 août.
Aconitum napellus. L. .
—
16 »
Æsculus bippocastanum. L .
—
18 oct.
29 oct.
Ajuga replans. L .
—
28 juin
Alcea rosea. L .
—
16 août.
Antirrhinum majus. L. . . . .
—
10 juill.
Arum maculatum. L. . , .
-
—
—
11 sept.
Astrantia major. L .
—
5 août.
Berberis vulgaris. L. .
-
16 »
—
19 août.
Belula alba. L. . . . •
—
15 juin.
19 juin.
Buxus sempervirens. L . .
—
—
—
20 aûot.
Cercis siliquastrum. L. .
—
—
—
29 »
Cbelidonium majus. L .
—
8 juin.
—
5 juin.
20 juin. |
Convallaria maialis. L. .
-
6 août.
Convolvulus sepium. L .
-
—
—
10 juill.
Cornus mascula. L . ...
—
18 août.
—
18 »
20 août
v sanguinea. L .
—
—
—
26 août.
Corylus avellana. L .
—
15 août.
21 août.
Cratægus oxyacanlha. L . .
—
16 sept.
20 »
—
27 août.
Cydonia vulgaris. L .
* —
1 1 sept.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
il
NOMS DES PLANTES.
(Fructification, 1861.)
BRUXELLES
Observât.
ANVERS.
OSTENDE.
N AMU R.
VENISE.
_
8 sept.
7 août.
5 août.
-
8 juin.
2 juill.
16 juill.
14 juin.
-
—
—
13 »
Dianthus caryophyllus. L. . •• • .
—
—
—
17 »
—
16 juill.
17 B
12 juin.
14 juin.
—
—
—
-
8 août.
—
7 août.
29 juill.
—
—
—
22 »
—
—
29 août.
23 août.
—
8 juill.
22 août.
—
20 sept.
15 sept.
17 déc.
—
20 »
—
16 oct.
1 sept.
—
—
—
—
50 juill.
—
29 juill.
- •
50 juin.
—
— ■
—
10 juill.
—
—
—
16 août.
_
17 juill.
10 »
—
21 juin.
4 sept.
—
14 août.
I sept.
—
—
—
29 juill.
—
—
—
27 oct.
17 juin.
—
—
—
29 juin.
25 juin.
5 juill.
15 »
10 sept.
29 juin.
24 août.
20 juin.
15 »
19 juill.
23 juin.
—
—
—
20 sept.
—
—
—
24 août.
24 juin.
20 août.
17 oct.
■ - '
—
—
16 juill.
5 juill.
—
9 juill.
—
17 »
—
12 oct.
—
7 »
12 août.
—
16 sep.
—
12 juill.
—
13 nov.
—
12 sept.
—
12 sept.
—
23 juill.
Taxus baccala. L . • .
”7
—
8 sept.
—
—
1 1 juill.
9 juill. !
~ ;
1
12
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
(Fructification, 1861.)
BRUXELLES.
Observât.
ANVERS.
05TENDE.
N AMU R.
VENISE. |
Viburnum opulus. L (fl. simpl.) . . .
_
—
_
27 oct.
5 août.
Viola odorata. L .
—
8 juin.
—
16 mai.
21 juin. [
Vitis vinifera. L. (Chasselas doré.) .
—
—
28 août.
29 août.
12 sept.
NOMS DES PLANTES.
(Chute des feuilles, 1861.)
BRUXELLES.
Observât.
ANVERS.
OSTENDE.
JEMEPPK.
N AMU R. 1
VENISE.
Acanthus mollis. L .
—
—
—
—
_
23 sept.
Acer campeslre. L .
12 nov.
14 nov.
-
—
17 nov.
» pseudo-platanus. L .
14 »
25 oct.
—
14 nov.
6 »
Aesculus hippocastanum. L .
5 »
28 »
5 nov.
14 »
i »
» lutea. Pers .
—
—
-
—
20 sept.
» pavia. L. . . . • .
—
—
—
—
1 nov.
Amygdalus communis. L . - ■
—
16 nov.
» persiea. L. (j3 mad.) .
18 nov.
—
50 oct.
3 déc.
17 nov.
Aristolochia sipbo. L .
—
—
—
10 nov.
10 oct.
Betula alba. L .
27 oct.
21 nov.
— *
16 nov.
Bcrberis vulgaris. L .
17 »
20 nov.
3 déc.
16 »
29 sept.
Bignonia catalpa. L .
14 ..
18 »
9 oct.
20 nov.
—
20 nov.
» radicans.L . .
—
—
—
—
6 nov.
Carpinus betulus. L . . .
14 nov.
14 nov.
—
14 nov.
15 »
Cercis siliquastrum. L .
14 ))
—
—
—
15 »
7 déc.
Colutea arborescens. L .
—
—
- - '
—
8 d
Convolvulus sepium. L . .
—
—
—
—
—
26 sept.
Corchorus japonicus. L. .
—
—
—
1 déc.
17 nov.
Cornus mascula. L . .
—
25 nov.
—
—
15 »
27 ocl.
» sanguinea. L. . . .
—
—
—
—
15
29 nov.
Corylus avellana. L . . .
14 nov.
7 nov.
29 oct.
14 nov.
2 »
Cralœgus oxyacantha. L .
15 v
4 y
25 »
—
15 v
Cydonia vulgaris. L .
—
—
—
—
—
6 déc.
Cytisus laburnum. L .
28 oct.
10 nov.
_
—
15 nov.
7 »
Daphné mezereum. L. . ...
—
—
_
—
12 »
29 oct.
» laureola. L .
—
—
—
—
—
27 »
Dictamnus fraxinella. Lam .
—
—
—
_
17 sept.
Evonymus europæus. L .
16 nov.
10 nov.
—
15 nov.
» lalifolius. Mill .
—
—
—
—
15 y
DES PHÉNOMÈNES PERIODIQUES
45
NOMS DES PLANTES.
(Chute des feuilles, 1861.)
RUXELLES.
Observât.
ANVERS.
OSTENDE.
J EMFPPE .
NAMUR.
VENISE. ,
14 nov.
—
—
19 nov.
7 nov.
—
26 nov.
—
16 »
17 »
—
—
—
14 »
29 oct.
20 nov.
—
19 »
17 nov.
—
—
—
—
4 >.
24 nov.
3 déc.
—
—
16 3
—
—
—
—
25 oct.
—
—
—
—
—
1 déc.
—
—
—
—
15 nov.
7 »
24 nov.
—
—
—
6 »
—
—
—
4 nov.
19 nov.
4 nov.
17 OCt.
12 »
6 nov.
—
—
—
—
18 »
23 nov.
—
20 nov.
—
1 »
—
—
10 nov.
—
15 »
—
23 nov.
15 »
. -
—
—
—
i »
14 nov.
—
—
—
17 3
—
—
—
—
4 août.
—
—
—
—
17 nov.
—
—
—
—
17 »
20 nov.
22 nov.
—
19 nov.
L4 »
24 nov.
—
—
—
• _
—
28 juill.
16 nov.
5 nov.
—
14 nov.
6 nov.
20 oct.
—
—
—
—
12 »
—
—
—
—
—
27 oct.
14 nov.
12 nov.
—
—
10 nov.
—
—
—
—
—
9 déc.
8 nov.
12 nov.
_
—
v -
14 nov.
10 nov.
_
—
—
—
10 »
17 nov.
—
—
1 déc.
17 »
22 oct.
—
—
14 nov.
4 D
50 r
—
—
15 »
2 3
2 nov.
26 Oct.
—
—
4 »
—
—
—
—
10 »
14 nov.
10 nov.
20 oct.
23 nov.
6 3
5 déc.
14 »
10 »
—
—
2 3
14 »
28 oct.
—
19 nov.
2 3
20 a
—
—
—
15 3
—
15 nov.
—
—
15 »
—
"
—
; io 3
i
Fagus caslanea. L .
» sylvatica. L .
Ficus carica. L .
Fraxinus excelsior. L .
Ginkgo biloba. L .
Glycine sinensis. L .
Gymnocladus eanadensis. Lam. . . .
Hibiscus syriacus .
Hippophae rhamnoides. L.
Hydrangea arborescens. L .
Juglans nigra. L .
» regia. L .
Ligustrum vulgare. L .
Liriodendron tulipifera. L. •
Lonicerapericlyraenum. L. . . .
» sympboricarpos. L. . . .
» tatarica. L .
3 xylosleum. L .
Malva sylvestris. L .
Mespilus germanica. L .
Morus alba. L .
> nigra. L .
Orobus vernus. L .
Philadelphus coronarius. L. ■ •
Pinus larix. L .
Plantago major. L . ■
Platanus occidentalis. L .
» orientais. L .
Populus alba. L .
» fastigiata. Poir .
» tremula. L .
Prunus armeniaca. L. (0 abric.) .
o cerasus. L. (big. noir.) . .
» domestica. L. (0 gr. dam. u.)
» padus. L .
Plelea trifoliata. L .
Pyrus communis. (0 bergam.). . ■
» japonica. h. .... ■
» malus. L. (0 calville d'été). .
Quercus pedunculata. Wild. .
» sessiliflora. L .
Rhamnus catharticus. L .
14
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
( Chute des feuilles, 1861.)
BRUXELLES.
Observât.
ANVERS.
OSTENDE.
JEMEPPB.
NAMCR.
VENISE.
Rhaninus frangula. L . .
—
_
_
_
10 nov.
R luis typhina. L . .
—
15 oct.
Ribes alpinum. L .
27 oct.
—
—
14 nov.
15 nov.
» grossularia. L . .
9 »
-
—
14 r
15 »
» nigrum. L . .
5 »
—
—
50 »
15 »
>/ rubrum. L . .
5 »
—
—
—
8 »
2 nov.
» sanguineum L . .
—
—
—
14 nov.
Robinia pseudo-acacia. L. .
1 nov.
26 oct.
—
19 »
15 nov.
24 nov.
» viscosa. Vent .
—
—
—
19 »
Rosa centifolia. L .
—
16 nov.
2 nov.
—
17 nov.
1 déc.
» gallica. L .
18 nov.
—
—
—
17 x>
Rubia tinctorum. L .
—
—
—
—
—
27 nov.
Rubus idæus. L. .
15 nov.
16 nov.
—
28 nov.
Ruta graveolens. L .
—
—
—
—
—
10 nov.
Salix alba . L .
—
28 oct.
—
—
10 nov.
» babylonien. L .
—
16 nov.
—
28 nov.
Salvia officinalis. L . .
—
—
—
—
—
25 oct.
Sambucus nigra L .
30 oct.
16 nov.
19 oct.
3 déc.
6 nov.
1 oct.
» racemosa L . .
—
—
—
—
6 »
Sorbus aucuparia. L. . . .
12 nov.
21 nov.
—
12 nov.
10 »
Spiræa hypericifolia. L . .
—
10 .»
Slaphylea pinnala. L . .
15 nov.
28 oct.
—
14 nov.
6 nov.
19 oct.
Svringa persica. L . . . .
—
8 nov.
—
13 »
6 v
v rothomagensis. L. . .
—
—
—
15 »
6 »
» vulgaris. L .
14 nov.
8 nov.
—
14 »
6 v
19 nov.
Tilia americana. L .
12 oct.
» parvifolia. Hoffin .
—
17 nov.
» platyphylla Vent .
12 oct.
27 oct.
—
—
17 nov.
Ulmus campeslris L .
12 nov.
10 nov.
—
14 nov.
10 »
Vaccinium myrtillus. L .
—
—
—
—
S »
Viburnum lanlana. I. .
14 nov.
—
, -
—
1 déc.
» cpulus. L. Ifl.simpl.) . .
—
25 nov.
—
18 nov.
15 nov.
17 nov.
Vinca major. L . . . .......
—
—
—
—
—
1 1 sept.
Vitex incisa. L ...
—
—
—
—
20 oct.
Vitis vinifera. L. (@ chass. doré.) .
18 nov.
10 nov.
8 oct.
18 nov.
4 nov.
24 nov.
>» •
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
Janvier
Février
Mars
A vril
iîi
PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES NATURELS.
RÈGNE ANIMAL.
Observations faites dans les environs de Bruxelles , pendan t l année 1861 ,
par MM. J.-B. Vincent et fils.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
27. Anser segetum. Repasse.
16 au 17 (nuit du). Tu rdus musicus. Repasse.
18. Fringilla cœlebs. Chante.
5. Vanellus cristatus. Repasse.
7. Charadrius pluvialis. Repasse.
10. Totanus pugnax. Repasse.
10. Gallinula gallinago. Repasse.
10. Strixaluco. Ponte.
1 9. Molacilla alba. Arrive.
20. Corvus frugilegus. Ponte.
20. Parus caudatus Nidifie.
24. Ruticilla tilhys. Arrive.
24. Phyllopneuste rufa. Arrive.
24. Emberiza miliaria. Arrive.
24. Saxicola rubicola. Arrive.
24. Charadrius minor. Repasse.
25. Motacilla alba. Nidifie.
26. Hirundo ruslica. Arrive.
28. Corvus corone. Nidifie.
29 au 50 (nuit du) Numenius arquata.
Repasse.
31. Saxicola rubetra. Arrive.
1 . Alcedo ispida. Ponte.
1. Pî'ca caudata. Nidifie.
6. Saxicola ænanthe. Arrive.
Avril 7. Motacilla {lava. Arrive.
7. Anthus arboreus. Arrive.
8. Hirundo riparia. Arrive.
10. Ruticilla tithys. Nidifie.
10. Motacilla boarula. Nidifie.
1 2. Hirundo urbica. Arrive.
14. Phyllopneuste trochilus. Arrive.
15. Sturnus vulgaris. Nidifie.
16. Corvus monedula. Nidifie.
18. Ruticilla luscinia. Arrive.
18. Sylvia curruca. Arrive.
18 au 19 (nuit du). Numenius arquata
Repasse.
19. Calamoherpe pragmitis. Arrive.
21. Sylvia atricapilla. Arrive.
21. Cuculus canorus. Arrive.
21. Cypselus apus. Arrive
23. Emberiza hortuluna. Arrive.
26. Upupa epops. Arrive.
28. Muscicapa ficedula. Repasse.
Mai 5. Totanus hypoleucos. Repasse.
8. Emberiza hortulana. Nidifie.
9. Sylvia hortensis. Arrive.
9. Calamoherpe turdoïdes. Arrive.
10. Hypola'is icterina. Arrive.
16
OBSERVATIONS
Mai
.Juillet
Août
Septembre
Mars
15. Lanius rufus. Nidifie.
15. Pieu s viridis. Nidifie.
15. Fringilla coccolhraustes. Nidifie.
15. Emberiza miliaria ■ Nidifie.
15. Sylvia luscinia. Nidifie.
15. Saxicola rubecula. Nidifie.
Mai 15. ffypolais icterina Nidifie.
20. Cypselus apus. Ponte.
20. Fringilla chloris. Nidifie.
25. Sylvia hortensis. Nidifie.
28. Muscicapa ficedula. Nidifie.
Juin 10. Calamoherpe lurdoïdes. Nidifie
PÉRIODE D’AUTOMNE.
26. Totanus hypoleucos. Première arrivée.
27. Cypselus apus. Départ général.
11 au 15. (Nuit du) Totanus hypoleucos.
Passage général.
15. Hirundo urbica. Départ général.
27. Motacilla flava. Émigre.
51 au 1er septembre. (Nuit de) Numenius
arquata. Passe.
5 au C. (Nuit du) Numenius arquata.
Passe encore.
6. Anthus arboreus. Émigre.
17. Totanus hypoleucos Dernier passage.
25. Parus major. Passe.
28. Paras cœruleus. Passe.
29. Emberiza schœniclus. Émigre.
29. Cypselus apus. Dernier passage.
30. Alauda arvensis. Émigre.
30. Fringilla cœlebs. Émigre.
Septembre 50. Fringilla chloris. Émigre.
30. Sturnus vulgaris. Émigre
50. Fringilla montifringilla. Émigre
51. Anthus pratensis. Émigre.
Octobre 2 au 5. (Nuit du) Turdus musicus. Émigre
5. Motacilla boarula. Arrive.
G. Astur nisus. Passe.
6. Buteo commuais. Passe.
8. Corvus cornix. Passe.
8. Corvus frugilegus. Passe.
12. Fringilla linaria. Passe.
17. Regulus ignicapillus. Passe.
18. Fringilla spinus. Passe.
20. Emberiza citrenella. Passe.
20. Anser segetum. Passe en grand nombre.
20. Buteo commuais. Passage général.
20. Avocetta recurverostra. Passe.
INSECTES.
19 Geolrupes stercorarius. Apparition. Mars
25. Fanessa polycliloros. Y oie. Mai
24. Colias rhamni. Vole.
11. Melolontha vulgaris. Apparition.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
17
Observations faites à Wuremme, en 1861 , par MM. de Selys-Longchamps et Michel Ghaye.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
Janvier 5. Auser segelum. Passe.
Mars 26. Ruticilla tilhys. Arrive.
Avril 1. Hirundo rustica. Arrive.
| Avril 16 Cuculus canorus. Arrive.
22. Cypselus œpus. Arrive.
Mai 14 Hypolais icterina. Arrive.
PÉRIODE D’AUTOMNE.
Août
Octobre
10. Upupa epops. Repasse
15 Muscicapa ficedula. Repasse.
27. Turdus musicus. Repasse.
27. Hirundo rustica. )
27. Hirundo urbica.
6, 16 et 20. Grus cinerea. Passage.
Départ principal.
Octobre
7. Acrydium migratorium. Observé.
12. Turdus iliacus. Passe.
12. Corvus cornix. Arrive.
12. Fringilla spinus Arrive.
15. Ruticilla tithys. Passage (rare) à Wa-
remme.
PASSAGES ACCIDENTEES.
Janvier 7. Colymbus septentrionalis. A Liège par une température de — 15" C.
Octobre 8 Nucifraga caryocatactes.
Observations faites à Jemeppe-sur-Mense , en 1861 , par M. Alf. de Borre.
Janvier
Février
29. Parus major. Chante.
8. Vu voler une Chauve-souris.
9. On me rapporte avoir vu voler des papil¬
lons près de Chockier.
16 Sylvia troglodytes. Chante.
25. Aphodius fimetarius.
25 Hélix nemoralis. Vu pour la 1 re fois.
Tome XXXV.
Février
Mars
27. Sturnus vulyaris. Chante.
1. Fringilla cœlebs. Chante.
12. Passer domesticus. Pariade.
14. Volées A' Alouettes. Passent.
17. Emberiza citrinella. Chante.
17. Attagenus pellio.
21. Corvus monedula. Nidifie.
18
OBSERVATIONS
Mars 23 Fourmis.
23. Apis mellifica.
23. Pieris napi.
23. Vanessa polychloros.
24. Sylvia cinerea. Vu pour la l1'1’ fois.
24. Colias rhamni.
24. Harpalus œneus.
24. Silona lincellus.
24. Oxythyrea stictica.
23. Sylvia tithys. Arrivée et premier chant.
25. Carpes. Viennent pour la première fois à
la surface de l’eau.
25. Badister bipustulatus.
26. Amara nitida.
27. Hélix nemoralis. Apparaît en nombre.
Avril 5. Pœcilus cupreus.
11. Hirundo rustica. Arrivée.
16. Carabus auratus.
17. Trachy s minuta.
19. Sylvia luscinia. Arrivée.
19. Hirundo urbica. Arrivée
19. Falgus liemipterus .
20. Chrysomela hœmoptera.
20. Agriotes variabilis.
21. Sylvia alricapilla. Chante.
26. Melolontha vulgaris.
27. Sylvia luscinia. Chante.
27. Zerene grossularia. Chenilles écloses sur
le Ribes alpinum.
Mai 6. Cuculus canorus. Chante.
7. Cypsclus apus. Arrivée.
7. Sylvia hypolaïs. Arrivée.
10. Muscicapa griseola. Arrivée.
11. Anobium tessellatum.
12. Telephorus obscurus.
Mai 12. Otiorhynchus raucus.
12. Cleonus trisulcatus.
1 2. Tricliodes alocarius.
12. Cytilus varius.
21. Polyopsia prœustn.
22. Cerambix cerdo.
23. Alheus leucophæus
26. Catops fuscus.
26. Corymbites latus.
27. Cossonus linearis.
28. Cetonia aurata.
31. Libellula depressa.
31. Elatérides et Téléphorides en abon¬
dance.
31. Crioceris merdigera.
Juin 1. Phyllopertha horticola
3. Pieris cratœgi.
4. Pachyta 10-maculala
4. Corymbites hcematodes.
Juin 4. Pieris car domines.
9. Macroglossa bombyliformis.
16. Lamia textor.
16. Calvia 14-guttata.
16. Zerene grossularia.
24. Gnorimus nobilis.
25. Tricliius gallicus.
25. Oberea pupillata
27. Trichodes apiarius.
Juillet 12. Zabrus gibbus.
12. Armoia moschata
Août 1. Cypselus apus. Départ.
I. Papilio Machaon. (Chenille).
7. Vu deux Cypselus apus.
Novembre 13, 17, 18 et 21. Passage de bandes de cor
beaux.
Observations faites à Vilvorde, près de Bruxelles, en 1861 , par M. Alf. Wesmael.
Février
17.
Mars
25.
28.
Avril
11.
Pinson. Chante.
Alouette. Chante.
Merle. Chante.
Fauvette à tête noire. Arrive.
Avril 11. Rossignol. Chante.
Mai I. Coucou. Chante.
11. (dans la soirée) Hanneton. Apparaît.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
19
Observations faites à Melle , près de Gand, en 1861 , par M. le professeur Bernardin.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
Janvier 2, 4 et 8. A nas boschas. Passe.
4. A nas penelope. Passe.
4 et 8. Anser segetum. Passe.
7. Columba palumbus . Passe.
Février 11. Ardea cinerea. Passe.
14. Fringilla domestica. S’apparie.
1 4. Corvus cornix. Passe.
17. Alauda arvensis. Chante.
19. Turdus pilaris. Passe.
19. Fringilla cœlebs. Chante.
20. Fespertilio pipistrellus. Réveil.
21. Emberiza citrinella. Chante.
23. Corvus corone. Passe.
24. Astur nisus. Passe.
Mars 6. Anas acuta. Passe.
7. Fanellus cristatus. Passe.
7. Corvus cornix. Passe.
11. Numenius phœopus. Passe.
11. Corvus corone. Passe.
11. Anser segetum. Passe.
17. Motacilla alba. Arrive.
18. Fanellus cristatus. Passe.
21. Corvus cornix. Passe.
21. Perdix cinerea. Par couple.
22. Fringilla domestica. Nidifie.
23. Fanessa atalanta. Vole.
Mars 24. Colias rhamni Vole
30. Falco subbuteo. Passe.
Avril 7. Fanessa ulricœ. Vole.
Avril 11. Apis mellifica Vole.
11. Sylvialuscinia. Vu?
13. Hirundo rustica. Arrive.
21. Sylvia atricapilla Arrive.
22. Sylvia luscinia. Chante.
22. Cypselus apus. Arrive.
27. Cuculus canorus. Chante.
28. Bibioater. Vole.
Mai 1. Oriolus galbula. Chante.
2. Hirundo urbica. Arrive.
8. Sylvia hypolaïs. Chante.
10. Ardea minuta. Pris à Landscauter.
11. Saxicola rubetra. Arrive.
Mai 11. Totanus chloropus. Passe.
15. Rallus crex. Arrive.
20. Agrion minium. Vole.
25. Melolontha vulgaris. Vole.
26. Colurnix dactylisonans. Chante.
Juin 10. Staphylins.
12. Sylvialuscinia. Petits volent.
13. Agrion puella. Grande quantité.
14. Aphisribis. Attaque les groseillers.
17. Libellula œnea.S oie.
18. Smerinthus tiliœ. Vole.
21 et 23. Aphis populi. Passe.
23. Staphylins.
26. Agrion puella. V oie (en quantité)
30. Chenilles dévorent toutes les feuilles de
groseillers.
PÉRIODE D’AUTOMNE.
Juillet 4. Agrion puelia. S’accouple.
21. Staphylins. • ~
22. Ciconia alba. Passe.
30. Staphylins.
Août 5. Staphylins.
5. Ciconia alba. Passe.
Août 11 et 14. Staphylins.
19. Cypselus apus. Vu pour la dernière fois.
1 au 19. Guêpes. En quantité.
24. Fanellus cristatus. Passe.
24. Agrion puella. S’accouple.
25. Sylvia luscinia. Vu pour la dernière fois.
20
OBSERVATIONS
Août 27 Staphylins.
Septembre 9. Anser segetum. Passe à Grammont.
1 au 15. Pieris brassicœ. En quantité.
15. Hirundo urbica. Part.
2). Malacüla alba. Part.
28. Hirundo rustica. Départ unique.
Octobre 2, 3 et 4. Anthus pratensis. Passe.
6. Sphinx atropos . Vole.
10. Parus ater. Arrive.
5 au 15. Turdus pilaris. Passe.
16. Anser segetum. Passent en masse.
17. Aslur nisus. Passe.
18. Anser segetum. Passe.
19. Otis tarda. Passe.
Octobre 21.
21.
22.
22.
Novembre 2.
19.
19.
24.
27.
27.
Décembre 10.
20.
A nas boschas. Passe.
Alauda arvensis. Passe.
Vanessa atulanta. Vole.
Noctua nupta. Vole.
Corvus corone. Arrive.
Anser segetum. Passe.
Charadrius pluvialis. Passe.
Anser segetum. Passent en masse.
Alauda arvensis. Passent en grand
nombre.
Sturnus vulgaris. Passent en grand
nombre.
Anser segetum. Passe.
Ardea cinerea. Passe.
Observations faites à Ostende, en 1861, par M. Édouard Laaszweert.
MAMMIFÈRES.
Janvier 5. Talpa europœa. Apparait.
Mars 26. Vespertilio pipistrellus. Réveil.
OISEAUX.
PERIODE DE PRINTEMPS.
Janvier 1 et 4. Numenius arquata. Passe.
2, 4, 10, 18 et 21. Cygnus musicus.
Passe par bandes.
25. Anser segetum. Passe.
Février 28. Atauda arvensis. Chante.
28. Anser segetum. Passe.
Mars 2. Anser segetum. Passe au soir se dirigeant
au NE.
5 Numenius arquata. Passage la nuit.
9. Fanellus cristatus. Vu des bandes nom¬
breuses
Mars 9. Sturnus vulgaris Arrive.
12. Rulicilla pliœnicurus. Arrive.
14. Mutacilla alba. Arrive.
Avril 5. Emberiza citrinella. Accouplement.
15. Hirundo urbica. Arrive.
16. Corvus cornix. Départ.
20. Charadius pluvialis. Vu des bandes
nombreuses.
Mai 8. Cuculus canorus. Chante.
8. Cypselus apus. Arrive.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
Juillet
Août
Septembre
Février
Avril
Mai
21
PÉRIODE D'AUTOMNE.
30. Numenius arquala. Passage la nuil.
7. Anser segelum. Passage toute la journée, j
9. Cypselus apus. Départ.
26. Numenius arquata. Passage, à midi, 1
par bandes allant au NO.
6. Numenius arquata. Passage toute la
journée.
Septembre 23 au 28. Anser segetum. Passage tous les
soirs. ,
27. Ardea cinerea Passe.
24. Hirundo urbica. Départ.
28. H irundourbica.Dépanùes retardataires.
Octobre 9. Corvus cornix.
5, 6, 7 et 10. Sturnus vulgaris Passent
par bandes nombreuses
INSECTES.
10. G eotrupes stercorarius. Vole.
20. Melo'é proscarabeus. Apparaît.
8. Bibio hortulanus. Apparaît.
14. Melolontha vulgaris. Apparaît
Juin du 20 au 22. Des nuées inombrables d ' Agrion
puella se dirigent sans discontinuer de
l’ONO. à PESE.
Juillet 15. Melolontha fullo. Apparaît.
REPTILES.
Février 23. Rana ternporariu. Réveil.
23. Triton pimctatus. Nage.
Juin 3. Lacerta vivipara. Réveil.
POISSONS.
Avril 10. Scomber scombrus. Apparition.
Septembre 7. Clupea harengus. Apparition
22
OBSERVATIONS
Observations faites à Vienne , en 1861 , par M. Charles Fritsch.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
Février
Mars
J vril
21. Alauda arvensis. Chaule.
21. Aphodius pmetarius. Apparition.
2. Apis mellifica. \ oie.
2. Gyrinus meryus. Apparition
1 9. Motacilla alba. Arrive.
24. Cliilocorus quadripustulatus. Appa¬
rition.
24. Triton cristatus. Réveil.
26. Coccinella bipunctala. Apparaît
26. Meloë violaceus. Apparaît.
26. Fanessa urticœ. Vole.
29. Fanessa polychloros. Vole.
50. Fanessa C. album. Vole.
50. Bombus lapidarius. Vava.a.
50. Bombus terrestris. Parait.
50. Colias rhamni. Vole.
1. Hirundo urbica. Arrive.
5. Pieris napi. Vole.
Avril
Mai
4 Ruticilla phœnicurus. Arrive.
4. Triton tœniatus. Réveil.
1". Hyla arborea. Parait.
11. Pieris cardamiues. X oie.
1 1 Meloë proscarabeus. Apparaît
12. Lacerta agilis. Apparaît.
17. Melolontha vulgaris. Apparail.
9. Telephorus rusticus. Apparait.
10. Cetonia aurata. Apparaît.
10. Cuculus canorus. Chante.
11. Bibio hortulanus. Apparition.
14. Lacon muririus.X oie.
15. Byrrhus pilula. Apparaît.
15. Libellula depressa. Sort de chrysalide.
17. Malachius œneus. Apparaît.
1*. Cypselus apus. Arrive.
27. Oxytliyrea stictica. Apparait.
27. Pieris brassicœ. Vole la première fois
PÉRIODE D’AUTOMNE.
Août 15. Œdipoda rnigratoria. Apparait.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
25
OBSERVATIONS FAITES A DES ÉPOQUES DÉTERMINÉES.
Etal de la végétation le 21 mars 1861.
(Pour la Feuillaison , on représente par I , feuillage complet ; 3/4, feuilles aux trois quarts de leur grandeur; Vs, moitié grandeur; V4, quart de grandeur ; Us, bourgeons
ouverts ou très-petites feuilles initiales; par bourgeons , on entend seulement ceux qui sont à moitié ouverts; et par 0 absence de feuillaison)
NOMS DES PLANTES.
BRUXELLES.
(M. A. Quete-
let.)
VILVORDE.
[M.Wesmael.)
ANVERS.
(M. Rigouts.)
OSTENDB
(M. Lans*
zweert.)
LIÈGE.
(M. Dewal-
que.)
'
SPA.
(M. Ilusson.)
JEMEPPE.
(M. deBorre.)
NAMUR.
[M. Bellynck.)
WAREMME.
(M. de Selys.)
MELLE.
(M. Bernar¬
din.)
MUNSTER
(M. Heis.)
VIENNE.
(51. Fritsch.)
Feuillaison.
Æsculushippocastanum. .
Bourgeons.
Bourgeons.
Vs
—
Bourgeons.
—
Bourgeons.
Bourgeons.
—
Bourgeons.
0
Bourgeons.
— pavia .
—
—
— •
—
—
—
—
—
t/S
Alnns giutinosa .
—
—
«/s
—
—
—
—
—
—
—
Vs
0
Araygdalus communis. . .
Bourg.
—
Bourg.
—
—
—
-
| ^
0
Bourg.
Vs
— persica .
—
—
Id.
—
—
—
—
—
Bourgeons.
-
Bourgeons.
Bourg.
Aristolochia sipho .
—
—
—
—
— ' ..
—
—
—
Id.
Arum maculatum .
—
3/4
0/4
Vâ
—
3/4
—
3/4
~
5 4
t/a
Betula alba .
—
—
t/s
—
0
—
0
— ,
Bourg.
—
Bourg.
id.
— alnus .
-
Berberis vulgaris .
*/s
—
'/4
—
Vs
Vs
Bourg.
—
—
Bourg.
t/s
0
Bignonia radicans .
—
—
—
—
—
—
—
—
0
Carpinus betulus .
—
—
Petits hourg.
—
—
—
0
-
0
—
t/s
0
Cerasus avium. Mœncb. .
—
Bourg.
Cercis siliquastrum ....
-TT- .
—
—
—
—
—
—
—
Vs
Colutea arborescens. . . .
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
Bourg.
Corchorus japonica . '. . .
—
t/4
—
Vs
—
Bourg.
-
t/4
Bourg.
0
V-2
Cornus mascula .
—
-
0
B 5
—
—
—
t/8
t/4
—
Bourg.
0
— sanguinea .
— |
—
t/s
—
—
—
—
—
t/8
—
t/S
Corylus avellana .
Bourg.
Bourg.
B. ouverts.
3/4
Petits bourg.
—
Bourg.
Bourg.
— '
t/S
0
Bourg, j
Cratægus oxyacantha. . .
—
Id.
t/4
—
Vs
—
Id.
—
t/s
-
Bourg.
Id.
Cytisus laburnum .
—
Id.
Bourg.
-
—
-
0
-
—
—
m.
Id.
Daphné mezereum ....
t/4
— j
t/a
Bourg.
Va
Va
. 1 B 1
t/4
—
t/4
1/4
Va !
Fragaria vesca .
—
'/a
Ginkgo biloba .
• bb
—
• —
—
—
—
—
-
0
Gleditschia horrida . .
—
—
—
—
—
—
—
—
0
Hydrangea hortensis . . .
—
—
—
—
—
—
—
—
0
-
t/s j
Juglans régi a .
—
—
—
—
—
—
—
0
Larix europoea .
—
—
■ —
—
Vs
—
0
—
—
—
t/s
Liriodendron tulipifera . .
~
—
—
—
—
■ —
—
H
Bourg.
Lonicera periclymenum .
t/a
—
3/4
Bourg.
t/4
V2
Vs
—
0
1/4
• ta
i/a
— symphoricarpos .
t/4
—
t/4
—
t/4
V4
Vs
V4
t/4
Bourg.
J/S
t/4
— xylosteum. . . .
I/2
1
t/a
—
—
—
V4
1
V4
t/s
t/s
t/s
24
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
BRUXELLES.
V1LVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
LIÈGE .
SPA.
JE.MEPPE.
N A M L R .
WAUEMME.
MELLE.
MLNSTER.
- ’
VIENS E
Feuillaison (suite).
Magnolia yulan .
Vs
Mespilus germanica . . . .
—
1/4
—
'/s
—
—
—
0
vs
Philadelpluis coronarius .
*u
V4
Vs
—
—
—
'/s
—
'/4
Vs
Vs
H
Populus halsamifera . . .
-
—
—
-
—
—
-
—
•/S
— fastigiala ....
—
—
Bourgeons.
—
—
—
0
Prunus armeniaca .
—
-
' —
—
-
—
0
—
Bourgeons.
—
—
B.iurgcor
cerasus .
-
—
1/s
-
—
—
Bourgeons
—
ld.
—
Vs
id.
— domeslica .
—
1|— '
—
—
—
—
—
-
—
-
0
— padus .
—
Bourgeons.
1/S
-
—
-
0
Bourgeons.
—
—
Vs
Bourg
Pyrus communis .
-
ld.
1/4
-
—
—
0
-
-
—
0
ld.
— japonica .
Va
—
i/a
0
Va
—
0
—
'/4
1/8
1/S
1 4
Rhus cotinus .
-
-
—
—
—
-
—
—
0
—
Vs
Rihes alpinum .
—
—
—
—
—
—
-
1/4
■ —
—
1/4
’a
— grossularia .
Va
—
Va
S/4
Va
1/4
1/S
1/4
—
*/4
3/4
1 .
— nigrum .
Va
—
1/4
—
1/4
'/S
Vs
1/4
‘/4
Vs
— ruhruni .
Ô/4
V4.
1/4
Petits bourg.
V4
—
Bourg.
—
Vs
V4
—
's
— sanguineum ....
Va
—
—
—
—
-
— '
—
-
1/S
—
's '
— Uva crispa .
—
—
1/8
—
—
—
—
Vs
—
—
—
"4
Rohinia pseudo-acacia . .
—
—
—
—
—
—
0
Rosa centifolia .
—
—
Bourg.
—
—
Vs
— •-
—
—
—
Bourgeons.
— gallica .
—
-
Vs
—
—
Bourgeons.
—
1/s
—
—
1/S
Salix habylonica .
1/4
-
1$. avancés.
—
1/4
Id.
Bourg.
—
Vs
Bourgeoi s.
1/S
Sambucus nigra .
Bourgeons.
V4
i/s
—
1/4
Vs
1/S .
1/4
‘/4
—
>/s
1 O
Sorbus aucuparia .
—
— :
1/s
—
—
Bourg.
—
—
—
Bourg.
—
1 8
Spiræa sorbifolia .
Va
—
‘/4
-
—
Id.
—
—
—
—
1/1
1 -
Stapbylæa pinnata ....
-
-
Commence
—
—
Id.
Bourg.
V'4
-
—
—
Bourg
Syringa persica .
1/4
—
Vs
—
1/8
Id.
ld.
1/4
‘/S
—
's
•s 1
— vulgaris .
'/a
1/4
1/s
—
1/S
Vs
Vs
1/4
1/4
"s
1 s
's 1
Tilia europæa .
- .
-
1/S
—
-
—
0
—
—
Bourg.
lllmus campestris. ...
—
—
Bourg.
—
-
-
Bourg.
—
—
ld.
—
0
Viburnum lantana .
—
—
Vs
-
—
—
—
1/S
—
—
—
's
— opulus .
’/4
—
l/s
—
i/s
-
i/s
Bourg.
—
Bourg.
Bourg.
*s
Vitis vinifera .
—
—
0
—
' —
—
—
—
-
0
Floraison.
Adoxa moscatellina ....
—
Commence.
i Alnus glutinosa .
—
—
Boulons
-
—
Generale.
—
—
Terminée.
-
Générale.
Finie :
Anemone hepatica ....
Commence.
—
—
—
Avancée.
Id.
-
Avancée.
Générale.
Avancée.
Id.
Avancée
— nemorosa ....
—
Partielle.
—
-
_
-
—
Commencée.
ld.
' Amygdalus communis. . .
—
—
0
—
—
Commencée.
—
—
-
—
—
Boulons
— persica ....
—
—
0
Boutons.
—
ld.
—
0
-
0
—
Id.
Arabis albida .
”
—
Commenç1*.
■
DES PHÉNOMÈNES PERIODIQUES
25
noms des plantes.
BRUXELLES.
VILVORDB.
ANVBRS.
oste:*de.
LIEGE.
SPÀ.
JEMEPPB-
NAMUR.
WAREMME.
MELLE.
I
ML N ST EU.
VIENNB.
Floraison (suite).
-
Arabis lilacîna .
—
—
—
—
Commenç10.
-
— caucasica .
—
Arum maculatum .
—
•» H .
En spathe vi¬
sible.
Aubrietia deltoïdea ....
—
—
—
—
—
—
—
Commence.
Berberisvulgaris .
—
—
0
Bellis pcrennis .
Commence.
Commence.
—
y
Générale.
Généralé.
Partielle.
Commence.
—
Commencée
Générale.
Commencée.
Belula alba .
—
—
Commence.
— . .
—
—
—
0
Terminée.
Buxus sempervirens . . .
Boulons.
—
—
—
— '
—
Boutons.
0
Commence.
Commencée.
Boutons.
Cardamine pratensis . .
—
—
—
—
—
—
Id.
Corchorus japonica ....
—
—
0
—
—
—
0
0
—
0
—
0
Cornus mascula .
Commence.
Avancée.
Générale.
—
Générale.
Générale.
Générale.
Avancée.
Presque finie.
0
Commencée.
Commencée.
_
Boutons.
— sanguinea . . . .
■ —
—
Terminée.
Générale.
Corvlus avellana .
Terminée
—
Générale.
Générale.
Terminée.
Finie.
—
Finie.
Commencée
Finie.
Cralægus oxyacantha. . .
—
—
0
Avancée.
Générale.
Crocus vernus .
_
Avancée.
—
—
—
"V
■ ^ ' :
Générale.
Générale.
Commencée.
Daphné mezereum ....
—
—
Générale.
—
Terminée.
Générale.
—
Finie.
Terminée
—
Id.
Générale.
— laureola .
—
—
—
— '
. —
—
—
Générale.
Eranthis hiemalis .
—
—
—
— *
Terminée.
Galanlhus nivalis .
Finie.
• — .
—
• —
Générale.
Générale.
—
Finie.
Terminée.
Générale.
PresquefinieJ
Glechoma hederacea . . .
Commence.
—
—
Commenç1®.
—
0
Finie?
Finie.
—
—
—
—
— ‘ ■.
Finie.
Terminée.
Finie.
Helleborus niger .
Hyacinthus botryoides
—
—
—
—
—
—
Initiale.
Avancée.
Générale.
Lamium purpureum . . .
—
Partielle
—
—
—
Générale.
Partielle.
Générale.
—
—
Leontodon taraxacum. . .
—
Commence.
—
—
—
Commenç*®.
Initiale.
Commencée.
—
■ _
Boutons.
Luzula vernalis .
—
Partielle.
Magnolia yulan .
—
—
Boutons.
Narcissus pseudo-narcissu3.
—
—
—
— .
—
Commencée.
—
0
Boutons.
Philadelphus coronarius .
—
—
—
—
-r ’ g
—
0
Générale.
Primula auricula .
Commence.
—
—
—
—
—
Initiale.
Commence.
—
Commence.
Commence.
elatior .
—
—
—
officinalis .
Commence.
_
—
—
Générale.
—
—
Commence.
—
—
Commence.
— veris .
_
_
—
—
Commenç1®.
—
0
Générale.
Générale.
—
—
Boutons.
Boutons.
_
Boutons.
—
—
Initiale.
Id.
—
—
Commencée.
— cerasus .
—
—
—
0
— spinosa .
-
—
—
—
—
—
0
Pyrus communis .
K
_
Boutons.
—
—
—
Boutons.
Boutons.
— japonica .
—
-
Id.
. p
Boutons.
—
0
0
—
Commencée
—
— malus .
Terminée
—
—
—
0
0
Châtons.
Populus alba .
—
—
— fastigiata. . • . .
—
Commence.
Boutons
—
Pet. châtons
—
Générale.
Pulmonaria officinalis. .
—
1 “
!
Tome XXXV.
26
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
BRUXELLES
VILVORDE.
ANVERS.
OSTBNDB.
LIEGE.
SPA.
JEMBPPE.
!
NAMUR.
WAREMHB.
MELLE.
1 MUNSTER.
- B
vieam
i
- -
Floraison (suite).
Ribes grossularia .
—
—
Boutons.
—
Boutons.
—
0
— nigrum .
—
-
0
—
—
—
0
—
—
Boulons.
— rubrimi .
--
—
0
—
—
—
0
-
—
Id.
— sanguineum .
—
—
0
—
—
Boutons.
—
—
Commence.
— uva crispa .
—
—
0
-
—
—
—
0
Ranunculus ficaria ....
-
Partielle.
—
—
Générale.
Boulons.
Initiale.
Commence.
—
—
Boulon
Salix capræa .
—
—
-
—
—
Commencée.
—
Générale.
Générale
Générale.
Senccio vulgaris .
—
—
—
—
—
—
Initiale.
Id.
Syringa persica .
—
-
—
—
—
—
0
— vulgaris .
—
—
-
—
—
—
0
Tussilago farfara .
—
Partielle.
Ulmus campestris .
-
Terminée.
Petits bout-.
—
—
-
—
0
Viola odorata .
Commence.
Commence.
—
—
—
Commencée.
Générale.
Générale.
Commence.
•
Générale.
Bouton
— tricolor .
—
—
—
—
—
—
— *
Id.
Vinca minor .
Commence.
Boutons.
Commence.
Avancée.
—
Boulon»
État de la végétation le 21 avril 1861.
(Pour la Feuillaison voyez la note
en tète du
premier tableau )
Feuillaison.
Acer pseudo-platanus . . .
—
—
—
—
—
—
—
—
—
Bourgeons.
Æsculus hippocastanuni. .
—
Vi
3/4
—
3/4
Va
t/4
t/4
1/4
I/o
1/2
3/4
— paria .
-
1/2
—
-
—
—
-
—
—
3 4
Alnus glutinosa .
—
—
3/4
—
—
Boutons.
—
*/4
!/s
I/o
t/4
Amygdalus persica .
—
—
3/4
—
—
t/2
—
t/2
—
l/i
—
V*
Aristolochia sipbo .
—
—
—
—
—
—
—
—
—
Vs
Arum maculatum .
—
—
1
—
—
1
‘/a
1
1
1
1 |
Berberis vulgaris .
—
»/*
Va
—
s/4
t/2
5/4
t/2
3/4
3/4
3/4
3 4 ;
Betula alba .
—
— '
«/a
—
Vs
*/8
‘/4
»/4
t/4
I/o
Vs
3,4
Bignonia catalpa .
—
—
—
—
—
—
—
—
Bourgeons.
Carpinus betulus .
—
Bourgeons.
Bourg.
—
—
Bourg.
‘/S
t/4
‘Z®
Vs
‘/4
l 'O |
Cerasus avium .
—
«/4
Corcborus japonica . . . .
—
—
t/2
—
3/4
t/4
*/2
1
—
Gelé.
t/4
t.2 j
Cornus mascula .
—
—
t/s
-
—
Bourgeons.
—
4/4
Vs
Vs
1/4
1 4
— sanguinea .
—
—
3/4
—
—
—
t/4
—
3/4
Corylus avellana .
—
‘/s
0/4
V4
t/2
*/s
*/2
‘/2
»/4
I/o
t/4
i j
Cratægus oxyacantha . . .
—
Va
3/4
‘/s
t/2
3/4
3/4
1
t/2
3/4
s/4
Va
Cytisus laburnum .
—
—
»/4
—
—
‘/4
*/S
t/4
0
Bourgeons.
V4
i/j
Daphné mezereum .
_ 8
3/4
—
—
1
1
1
1
1
—
1
I
1
DES PHÉNOMÈNES
noms des plantes.
BRUXELLES
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENOE.
LIÈGE.
Feuillaison [suite).
îvonymus europæus . . .
_
—
?agus sylvatica .
—
Bourgeons
—
—
T '
Fraxinus ornus .
— excelsior . . .
_
Id.
—
—
Va
Ginkgo biloba .
—
—
—
—
—
Gleditschia horrida ....
—
—
- *
—
—
Hydrangea horlensis . . .
—
—
—
—
'
Juglans regia .
—
—
’T
Larix europæa .
—
—
| "Jf J
0/4
Liriodendron tulipifera . .
—
—
—
—
Lonicera periclymenura. .
—
—
1
4/4
1
— xylosteum ....
—
—
S/4
—
—
alpigena. . . •. .
—
—
—
—
— symphoricarpos .
—
—
3/4
—
i
Magnolia yulan .
Mespilus germanica . . . .
Philadelphus coronarius. .
—
1/2
i/o
5/4
3/4
—
Platanus orientalis ....
—
—
—
—
Populus alba .
—
Bourgeons.
—
—
—
— fastigiata .
—
—
4/4
—
Vs
_
—
—
—
—
Prunus armeniaca. . . .
—
—
—
—
cerasus .
—
—
1
—
— domestica . .'
—
—
—
—
—
padus .
—
—
5/4
—
—
Pyrus commuais .
—
—
I/o
Boutons.
0/4
cydonia .
—
—
. —
—
— japonica .
—
—
1
1
malus .
—
—
—
—
—
Quercus robur .
—
—
—
—
—
Ribesrubrum .
—
—
1 h
—
1
— sanguineum .
—
—
—
—
— nigrum .
—
—
I/o
—
l
grossularia ....
—
—
3,4
1/2
1
— uva crispa .
—
—
*.4
Rhus conaria .
—
—
—
—
—
— cotinus .
—
—
—
—
—
Rosa cenlifolia .
— gallica .
_
:
V-2
1/2
— rubiginosa. . . . .
—
—
—
|
—
| Robinia pseudo acacia . .
-
i.s
| -
—
1 Salix babylonica .
—
1/4
1 4 4
!
i 9
'4
PÉRIODIQUES. 27
SPA.
’
JEMBPPE.
NAMUR.
WÀREMME.
MELLE.
MUNSTER.
YIENNE.
—
—
0
—
Vi
Vs
Vs
_
—
—
—
Petits bourg.
—
—
—
—
‘/2
—
—
—
—
Petits bourg.
1/2
5/4
1/4
3/4
—
Vâ
5/4
—
—
—
—
Vs
3/4
3/4
1
l
‘/2
3/4
1
0/4
1
1
I
—
3/4
1
_
—
—
—
—
3/4
—
—
—
—
3/4
—
—
i
V-4
—
i
Bourgeons.
—
—
1/4
1/2
4/4
1/4
—
1/4
1/4
—
—
1/4
—
—
—
—
1
1/2
1/2
5/4
—
1
4/4
1/4
1/2
1/4
1/4
1
1/4
Vs
Vs
—
1/2
‘/4
—
—
4/4
l/S
Vs
i
1/2
3/4
*/2
1
1/4
1/2
1/2
1/4
1/2
1/4
3/4
—
I/o
—
—
—
i/s
1/4
—
—
i
—
5/4
—
3/4
Bourg.
—
0
_
—
_ —
—
Vs
3/4
3//.
1
t
i
3/4
3/4
3/.
i
1
—
3/4
5/4
3/4
—
l
1
1
1
,
—
S/4
_
—
—
Bourgeons.
—
—
—
—
Id.
_
’ 4/4
0
0
—
i -
Bourg.
Bourgeons.
4/S
1/4
1/2
i
—
| -
4/2
1/2
I/o
28
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
BRUXELLES.
V1LVOBDE.
ANVERS.
OSTENDE.
LIÈGE.
SPA.
JBMEPPE.
»
NAMUR .
Fcuilluison [suite).
Sambucus nigra .
—
1/2
1/2
—
0/4
1/2
1/2
0/4
Spirœa sorbifolia .
—
—
0/4
—
0/4
I/o
_
— bypericifolia ....
—
—
—
-
—
_
_ '
Sorbus aueuparia .
-
—
3/4
—
—
_
—
_
Syringa persica .
—
—
3/4
—
1/2
—
—
— vulgaris .
—
l/->
5/4
1/2
3/4
_
0/4
t
Staphylæa pinnata .
—
—
1/2
—
—
V4
1/4
Tilia europæa. . . .
—
1/4
1/2
-
1/2
bourgeons.
1/2
1/2
Ulmus campestris ....
-
—
1/2
—
—
Vs
1/4
1/4
Viburnum opulus . .
—
—
1/4
—
0/4
1/4
1/2
1
Vilis vinifcra ....
1/.,
\
Floraison
Æsculus hippocaslanum. .
—
—
Petitsbout.
—
Pelitsbout.
— pavia .
—
—
—
—
—
-1-
—
_
Anenione hepatica . . .
—
—
—
—
Terminée.
Terminée.
—
Finie.
— nemorosa .
—
-
—
—
Avancée.
Générale.
—
Id.
Amygdalus persica .
—
—
Totale.
Quelq. fleurs.
—
Presquefinie.
—
_
Alnus glutinosa .
—
—
Commenç,e.
—
—
—
_
Arabis albida .
—
—
—
—
Avancée.
— lilacina .
—
—
—
—
Générale.
Arum maculalum .
—
—
Commença.
—
_
_
_
Belula alba .
-
—
En chatons.
Bellis perennis .
—
—
—
—
Générale.
Générale.
Générale.
Générale.
Berberis vulgaris. . .
—
Petits bout.
-
Petits bout.
—
—
_
Buxus sempervirens ....
-
—
—
—
Terminée.
—
Fleurs.
Générale.
Carpinus betulus. . . .
—
—
—
-
Générale.
Cardamine pralensis. . . .
—
Partielle.
—
—
Générale.
—
Avancée.
_
Caltha palustris .
—
Totale.
-
—
Générale.
Générale.
—
Générale.
Cerasus avium ....
—
Générale.
Cheirantbus cbeiri . . . .
-
—
—
—
Générale.
—
—
Commencée.
Chelidonium majus ....
—
—
—
_
—
_
Convallaria maialis .
—
—
—
—
Petits bout.
Cornus mascula .
-
—
Finie.
—
—
Finie.
—
Finie.
— sanguinea .
—
—
Gros bout.
Corchorus japonica .
—
—
Gros bout.
—
Commenç,c.
Bout, prêts
Initiale.
Générale.
Corylus avellana .
—
—
Terminée.
—
—
Finie.
—
Finie.
Cralægus cotoneaster . . .
—
Commençlc.
— oxyacantha . . .
—
—
Gros bout.
Crocus vernus .
-
—
—
--
—
Finie.
—
Finie.
Cvtisus iaburnum .
—
—
Petits bout.
WAREMME.
MELLE .
MCNSTER.
VIOHFj
1/2
3/4
«/*
|
_
i *
—
1
1
0 '4 .
•*/|
Bourg, ouv.
3/4
1Sa
—
f/5
Vs
's
!/4
1/4
1 s
«/*
1/4
1/2
1/4
3.4
•
Bourgeons.
1/8
_
Boutons.
Terminée.
—
Finie.
Finie.
id.
Terminée.
Presquefinie.
Presque fini
—
Terminée.
Générale.
Boutons.
Generale
Générale.
Générale.
Générale.
Générale.
—
Boutons.
—
Boutons.
Terminée.
Commcnç’*.
Commencée.
Prcsqueûni-
Générale.
—
Générale.
Generale.
Générale.
—
Générale.
Boulons*
—
—
—
Initiale.
—
Commença.
Terminée.
—
Finie.
Finie. 1
—
Gele.
Boutons.
0
Terminée.
Finie.
Finie. 1
Terminée.
Terminée.
Finie.
Finie.
DES PHENOMENES PERIODIQUES.
29
i
NOMS DES PLANTES.
BRUXELLES.
V1LVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
LIEGE.
SPA:
JEMEPPE.
N A MU R.
WAREMMB.
MELLE.
MUNSTER.
VIENNE.
Floraisou (suile).
Dapbnelaureola .
-
—
—
—
—
—
—
Finie.
—
—
—
Finie.
mezereum .
—
—
Sc termine.
—
-
—
—
Id.
—
—
Finie.
Diclylra eximia .
—
—
—
—
Avancée.
Draba cærulea .
—
Avancée.
Epitnedium alpinum . .
—
Partielle.
Eranlhis biemalis .
—
—
—
--
Terminée.
Erica herbacea .
—
—
—
—
—
—
—
Finie.
Fritillaria imperialis. . . .
-
—
- —
—
—
—
—
Id.
Générale.
Generale.
Finie.
Générale.
Galanthusnivalis .
—
—
—
—
■f-.’ '
Finie.
jj —
Id.
—
-
Id.
Finie.
Glechoma bederacea. . . .
-
Totale.
—
—
—
Générale.
Générale.
Générale.
—
—
Avancée.
Presquefinie.
Glycine sinensis .
—
—
—
- —
- —
—
■ — .
-
—
Gelé.
Hyacinthus amethystinus.
-
—
— ■
—
—
—
Initiale.
—
presquefinie.
—
Avancée.
botryoïdes * .
—
—
—
—
Avancée.
Commencée
Avancée.
—
Id.
—
Id.
— . racemosa . . .
—
—
—
—
Générale.
*■
Iris pumila .
—
Commenç,e.
iberis sempervirens ....
—
—
—
—
Générale.
Lamium album .
.
Partielle.
—
—
Commenç".
Commencée.
Commenç10.
Générale.
—
—
Générale.
— purpureum. . . .
—
Totale.
—
—
—
Générale.
Générale.
Id.
Générale.
Générale.
Id.
Générale.
Leontodon laraxacum . . .
—
Générale.
—
—
Générale.
Id.
Partielle.
Id.
—
—
Commencée.
Avancée.
Lonicera alpigena .
' -
-
—
—
—
Boutons.
—
—
—
—
Générale.
— periclymenum . .
—
—
Petits bout.
-
— symphoricarpos .
-
—
id.
— xylosteum ....
—
—
Id.
— biflora .
-
—
—
—
Commenç*8.
Magnolia yulan .
— .
Gros bout.
Très-avancée.
—
Avancée.
* ~
—
Finie.
Mespilus gçrmanica ....
-
Petits bout.
\
Muscari botryoïdes .
—
—
—
— -
| —
—
—
Id.
^arcissuspseudo narcissus.
—
—
—
—
Presquefinie.
-
Id.
-
Terminée.
Avancée.
Orobus vernus .
,. —
—
—
—
— :
Boutons.
—
—
-
Id.
—
Presquefinie.
Philadelphus coronarius. .
—
0
Planlago lanceolata ....
—
Boutons.
Pæonia officinalis .
—
—
—
—
Petits bout.
Populus alba .
—
—
• —
-
Terminée.
Finie.
s
—
Terminée.
—
Finie.
Finie.
— fasligiala ....
—
—
Commenç,c.
—
Id.
Id.
Primula auricula .
—
—
—
—
—
Générale.
—
Générale.
Générale.
—
Générale.
Finie.
— elalior .
—
—
—
—
Id.
—
Id.
Id.
—
Avancée.
— officinalis .
—
—
—
—
—
prcsqucGnic.
—
Id.
Id.
—
Id.
Générale.
— vcris .
—
—
—
—
Générale.
Générale.
Avancée.
Id.
■' — ' ■
—
Générale.
5runus armeniaca .
—
—
—
' —
—
presquefinie.
—
Finie.
—
Terminée.
— cerasus .
a —
—
Petits bout.
—
—
Générale.
Générale.
Générale.
Commencée.
—
Initiale.
— domestica .
—
—
—
—
—
Commencée.
—
Id.
Id.
—
—
Boutons.
— aviuni .
—
Partielle.
30
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
XELLE9.
VIl.VORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
LIÈGE.
SPA.
JE.UEPPE.
N AMI R.
WAREMME.
MELL B.
bi-sster.
VIIME.
0
Commencée.
Générale.
Boutons.
Commencée
Commencée
—
—
■" —
—
—
—
—
PresqueGnic.
Générale.
_
_
A vancee
—
Avancée.
—
—
—
Générale.
—
—
—
—
-
Finie.
—
—
Avancée.
Routons.
—
Commencée.
—
Générale.
—
—
—
—
—
—
—
_
—
Boutons.
—
Commenç1®.
Gros bout.
Qüelq. fleurs.
Générale
—
—
Générale.
_
Générale.
Generale.
Generale
_
—
—
—
—
Commenç'0.
—
Commencée.
_
—
—
—
Avancée.
Générale.
Trcs*avancée.
Finie.
Générale.
Générale.
Finie.
Presque finit
_
—
—
—
—
—
—
—
Terminée.
Id
_
—
Avancée.
—
Générale.
Générale.
Avancée.
Générale.
Générale.
Générale.
Avancée.
_
—
id.
—
Id.
Id.
Id.
Finie.
Id.
Terminée.
commencée.
_
—
—
—
—
Id.
Id.
Id.
Id.
—
Générale.
_
—
0
—
—
Id.
Id.
Id.
Id.
— •
( ommencée.
—
—
Gros bout.
—
Générale.
Id.
—
—
—
—
—
Finie.
_
Chatons peu
visibles.
—
—
—
—
—
Finie.
—
Finie.
Terminée.
—
Finie.
Finie.
—
—
—
—
Générale.
—
—
Petits bout
—
—
—
—
—
Générale.
X —
Générale.
—
—
—
Presque finie
—
—
li. avancés.
—
—
—
—
—
—
Commencée.
—
—
Gros bout.
_
Boutons.
_
_
—
—
—
Boutons.
—
—
Petits bout.
Quelq. fleurs.
Petits bout.
Boutons.
Boulons.
—
—
Commencée.
Boutons.
Boutons.
—
—
id
—
Id.
—
—
—
—
Boulons.
—
-T- .
—
—
Boutons.
—
-
1 —
—
—
—
—
—
—
—
Avancée.
—
—
- Commenç1'’.
_
—
0
—
—
—
—
—
—
Boutons.
_
Boutons.
_
—
—
—
—
Terminée.
—
Finie.
Terminée.
Terminée.
Prvsqueûnie
—
—
—
—
Générale.
Générale.
—
Générale.
Générale.
Id.
ld.
— ■
—
—
—
—
—
—
—
—
Boulons.
Floraisou (suite).
Prunus padus .
— spinosa .
Pulmonaria officinalis . . .
Pyrus communis .
— eydonia .
— japonica .
— ■ malus .
Ranunculus ficaria .
Rhododendron dahuricum.
Rihes nigrum .
— rubrum .
— sanguineum .
— uva-erispa .
— grossularia .
Salix babvlonica .
— capræa .
Saxifraga crassifolia . . .
Sambucus nigra .
Senecio vulgaris .
Sorbus aucuparia .
Spiræa sorbifolia .
Scilla nulans .
Staphylea pinnata . . . .
Svringa vulgaris .
persica .
Tulipa gesneriana . . . .
Tussiiago pelasites .
Ulmus campestris .
Viburnum opulus .
Viola odorata .
Vinca minor .
Vilis vinifera .
OBSERVATIONS.
Malgré le froid excessif qui a régné les 8 et 9 janvier 1861 et qui a fait descendre, à Waremme, le thermomètre à — 2P c., la feuil¬
laison et la floraison sont plus avancées le 21 avril de cette année qu’en 1860, malgré trois semaines de bise qui ont précédé cette daie.
Voici les végétaux qui ont plus ou moins souffert de ce froid :
Taxodium sempervirens. Mort. — Quercus lessoinnei. Mort. — llex aquifolium. Gelc jusqu’au pied.
Vitis vinifera (en espalier). Gelé jusqu’au pied. — La vigne d’Amérique en Ceps n’a pas souffert.
— Quant à YHedera hélix, le Taxus baccata, le Ccdrus libani qui mourra probablement , le P inus
marilima qui mourra aussi probablement, le Buxus sempervirens et le Rhododendrum puncticum , leurs
feuilles et branches ont été en partie gelées.
A cette liste il faut ajouter encore d’autres végétaux qui souffrent souvent d’un froid moindre : Ainsi, le Daphné laureola, I Aucuba
japonica, le Prunus lauro-cerasus , le Jasminium officinale. Divers Castanea vesca et Prunus persica ont eu des pousses gelées, et par
contre les plantes suivantes ont résisté , quoiqu’elles aient péri à Waremme pendant des hivers moins rigoureux : Ginkgo biloba . Paulownia
imperialis, Cryptameria japonica. (Edm- de Selys-Lokochamps.) _ ^
DES PHENOMENES PERIODIQUES.
31
Etat de la végétation le 21 octobre 1861.
(Les chiffres 0, V4, Va, 5/4, 1, indiquent la quantité des feuilles restant sur les arbres.)
NOMS DES PLANTES.
BRUXELLES.
VI LVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
JE MF. PPE.
NV A REMUE.
MF.LLE.
MUNSTER.
VIENNE.
Effeuillalson.
*
Acer campestre .
-
ô/4
—
' .-4 »
—
—
Va
— negundo .
—
—
—
—
—
3/4
-
V4
1 ‘/4
— pseudo-platanus . . .
Va
—
0
—
1
V4
-
3/4
Va
Æseulus hippocastanum. .
‘/4
—
5/4
—
3/4
S/4
S/4
1/2
1/4
— pavia .
—
—
—
—
—
—
3/4
Alnus glulinosa .
—
1
Amygdalus coraraunis . . .
—
-
—
- —
—
—
1/4
— persica .
1/2
—
1
3/4
i
4
S/4
1
Va
Aristolochia sipho .
-
—
0
—
‘/s
S/4
1/4
Va
0/4
Berberis vulgaris .
S/4
—
1
—
1
1
Va *
3/4
Va
Betula alba .
Va
—
‘/a
—
i/â
S/4
V4
i/a
Va
— alnus .
—
-
—
— î
—
3/4
3/4
5/4
1/4
Bignonia catalpa .
—
1
3/4
—
1
t
S/4
S/4
i/a
— radicans .
—
—
—
—
—
3/4
Carpinus betulus .
—
I
1
— |
3/4
1
3/4
4
l/a
Cercis siliquastrum .
—
-
t
—
—
1
Va
1/4
S/4
Corchorus japonica. . • . .
-
-
—
—
„ —
—
S/4
Cornus mascula .
1
—
1
—
—
1
Va
1
4
— sanguinea .
—
1
Va
1
4
S/4
S/4
Va
Corylus avellana .
5/4
—
V*
—
—
—
Va
—
0
Cralægus oxyacantha . . .
3/4
1
1
S/4
3/4
4
S/4
3/4
1/4
Cytisus laburnum .
Va
-
3/4
‘ —
S/4
3/4
S/4
S/4
l
Evonymus europæus. . . .
—
-
3/4
—
3/4
1
S/4
S/4
Va
Fagus castanea .
—
—
Va
—
.S/4
3/4
-
S/4
— sylvatica .
—
-
3/4
—
Va
3/4
-
S/4
3/4
Ficus carica .
'
—
—
—
1
1
-
4
Fraxinus excelsior .
—
î
1
| -
1
1
—
S/4
3/4
Gleditschia horrida .
—
—
—
—
—
—
S/4
triacanthos . .
—
—
—
—
—
‘/S
-
1/8
Glycine sinensis .
1
—
1
1
1
S/4
4
Ginkgo biloba .
—
—
1
—
—
1
1
0
4
Hydrangea hortensis. . . .
—
-
1
—
—
1
4
Va
!
Juglans regia .
3/4
3/4
Va
—
1
Va
1/4
Va
Ligustrum vulgare .
—
—
1
—
1
1
3/4
1
5/4
Liriodendron tulipifera . .
—
t
9 — ' '
—
—
3/4
Va
1/4
Larix europtea .
—
1
—
s/4
i
—
1
4
Lonicera xylosteum ....
—
—
V4
—
—
4
—
Va
0
— symphoricarpos.
—
— |
■
— .
—
—
S/4
Magnolia tripetala .
-
—
—
—
—
i
-
*/a
— yulan .
—
1
52
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
BRUXELLES.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
JEMEPPE.
WABEMME.
MELLE.
MUNSTER.
VIENNE.
Effcuillaison (suite).
Mespilus germanica ....
—
—
_
— ' ■
—
—
3/4
Morus alba .
5/4
—
1
—
—
1
5/4
1/4
l/a
Paulownia imperialis . . .
-
—
1/4
—
—
i
—
1/-J
3/4
Platanus oceidenlalis. . . .
—
—
Va
—
—
-
-
—
I/o
Philadelphus coronarius. .
3/4
i/a
l/a
—
5/4
i
5/4
5/4
1 O
Populus alba .
—
5/4
l/a
—
'
i/a
1 4
i/o
I/O ;
— - balsamifera ....
—
—
—
—
—
—
0
— virginica .
—
—
l/a
—
—
1/4
—
‘/4
Prunus cerasus .
Va
—
i/a
—
. s/4
1
I/o
5/4
5 4
1 domestica .
—
—
—
—
i
1
—
i/o
««
— armeniaca .
—
1
—
l/a
t
1
3/4
i
— padus .
—
0
‘/a
-
‘/4
1/4
—
0
0
Pyrus communis .
5/4
3/4
1
— -
‘/a
1
i/o
I/o
‘/a
— japonica. ......
—
—
1/4
—
—
1
i
i
0
— malus .
Va
—
0/4
—
3/4
1
I/o
1/2
Quercus robur .
5/4
—
î
—
1
1
-
1
Rhus coriaria .
—
—
—
—
—
—
5/4
— cotinus .
—
—
—
—
—
—
3/4
Ribes alpinum .
-
—
0
—
3/4
1
—
3/4
0
| — grossularia .
1/4
—
0
—
1/4
l/a
-
1/4
‘/4
1 — rubrum .
1/4
—
0
—
0
i/a
‘/4
0
— nigrum .
—
—
0
—
3/4
5/4
3/4
0
— sanguincum .
—
—
0
—
l/a
Va
—
ô/4
Rosa gallica .
—
5/4
—
—
3/4
—
1/2
I/o
Robinia pseudo-acacia. . .
l/a
1
i/a
—
1
i
—
i/a
I/o
Rubus idæus .
i/a
—
1/4
—
I
—
—
i/a
Va
i Sambucus nigra .
i/a
1
\
-
5/4
i/o
i/a
t
Salix babylonica .
i/a
—
5/4
. —
1
i
3/4
1
3,4
j , Sorbus aucuparia .
5/4
—
i/a
-
5/4
0
1/4
3/4
Stapbylea pinnata .
—
—
0
—
1/4
i
—
‘/a
0
Syringa vulgaris .
‘/4
1
3/4
—
3/4
3/4
3/4
i/a
>(4
Tilia europæa .
0
—
5/4
—
1/4
i
l/a
Va
3 4
Illmus campestris .
1/4
3/4
1
—
i
i
5/4
I/o
3/4
3/4
1
1/4
—
5/4
i
3/4
i i
Viburnum lantana .
—
—
—
i
opulus .
—
■ ^
I
-
5/4
5/4
5/4
• 4
«
— oxycoccos ....
—
—
—
—
—
—
—
1/4
Floraison.
Aster .
—
—
Générale.
—
-
Générale.
Terminée.
Daldia .
—
—
ld.
—
—
—
Avancée
—
Fleurs gelée*.
Hedera hélix .
—
-
Presque finie.
—
-
Commence.
Helianthus luberosus . . .
_
_
La lige a péri
_
_
ld.
Terminée.
sues !lorui,on.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
53
OBSERVATIONS PARTICULIÈRES.
Waremme. — Les oiseaux d’hiver Parus ater , Fringilla montifringilla ,
Cornus cornix , Grus (passage), sont arrivés au 21 octobre. L’effeuillaison, cette
année, s’est faite très-tardivement, mais moins tard cependant qu’en 1858. La
première gelée blanche bien caractérisée a eu lieu le 21 octobre. Ce n’est que ce
jour-là que les feuilles des Balsamines, des Paulownia, des Dahlias et des Capu¬
cines ont été atteintes.
(Edm. de Selys-Longchamps.)
Melle. — Divers oiseaux d’hiver sont arrivés au 21 octobre. — Les Hiron¬
delles (H. rustica) sont parties le 28 septembre, toutes en une seule fois; après
cette date, on n’en a plus vu une seule.
(Bernardin.)
Anvers. — Par suite des rigueurs de l’hiver 1860-1861 , beaucoup d’arbres et
d’arbust.es ont considérablement souffert, à tel point, qu’une partie importante
de leurs branches s’est desséchée. Ce sont surtout : Salix babylonien , Betula
alba , Liriodendron tulipifera, Paulownia imperialis > Bignonia catalpa ,
Gleditschia inermis et triacanthos , Plalanus occidentalis et orientalis , Guir-
landina bonduc , Fit ex Agnus - castus , Daphné pontica et Cercis sili-
quastrum.
Les Zizgphus volubilis et Ficus carica qui se trouvent depuis vingt ans au
Jardin, et que l’on couvrait habituellement au bas du tronc avec un léger paillas¬
son, ont été gelés jusqu’à la racine : celle-ci a repoussé, mais faiblement.
VUrtica cannabina qui compte quinze années d’existence, est mort totale¬
ment. Sont également perdus : Nandina domeslica, Ligustrum japonicum ,
Spartium junceum , Tamarix gcdlica, Ulex europœus (fl. du pl.), Genista
tinctoria, Jasminum wcdlichianum ainsi que plusieurs plantes herbacées
vivaces.
Les plantes à feuilles persistantes ont été fortement endommagées; à la fin du
printemps elles étaient dépourvues de ces organes. Une nouvelle feuillaison est
arrivée plus tard; nous citerons, dans cette catégorie, les Lauriers cerise et de
Tome XXXV. 5
34
OBSERVATIONS
Portugal , XAucuba japonica , le Magnolia grandiflora , F Yucca flaccida et
différentes espèces de Mahonia.
Les Rhododendron , Azalea et Magnolia, dont les feuilles et les branches ont
été partiellement détruites, n’ont donné que très-peu et de très-faibles bouquets
de fleurs.
Les Juglans cinerea , Glabra et nigra qui, l’année précédente, avaient pro¬
duit des noix par milliers, n’en ont fourni aucune.
Nous avons remarqué en général, que les feuilles des arbres et arbustes n'étaient
pas parvenus au développement ordinaire de leur grandeur naturelle ; c’est ce qui
a amené une influence défavorable sur la maturation des fruits (à pépins et à
noyaux surtout) et, d’un autre côté , a favorisé la production d’un grand nombre
de graines imparfaites.
Au 31 octobre, une seconde floraison a été observée : les plantes suivantes
portaient un certain nombre de fleurs : Archillea puhescens, Alchemilla vul-
garis, Andromeda prolifolia, Arabis caucasica, Armer ia alpina , Astrantia
charinthiacha , Centaurea chrysolapha , Chelone obliqua, Corchorus japo-
nicus (à fleurs simples), Gallardia bicolor , Geumrogli, Hesperis matronalis,
Hyppericum calycinum , Melissa nepeta, Potentilla fragarioïdes (au 13 dé¬
cembre, il était encore couvert de fleurs), Raphanus raphanistrum, Silene
armer ia , Tormentilla erecta , Pinça herbacea et Waldsteinia geoides.
(Rigouts-Verbert.)
Vilvorde. — Le Lamium purpurum , le Papaver rhœas, le Centaurea
cqanus et le Spircea ulmaria étaient encore en fleurs au 21 ocobre.
Voici, en outre, l’état des céréales pendant l’année 1861 :
Le colza était en fleur . le 7 avril.
— coupé. . . le 28 juin.
Le froment était en fleur . . . . le 25 —
coupé . le 5 août.
Le seigle était en fleur . . le 11 juin.
— coupé . le 28 juillet.
L’orge était en fleur. ... le 17 juin.
— coupé ..... le 10 juillet
(Alfred Wesmael.)
PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES NATURELS
Règne végétal. — 1862
NOMS DES PLANTES.
( Feuillaison , 1862.)
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE
ANVERS.
OSTENDE.
JEAIEPPB.
NÀMUR.
Acer campestre. L .
50 mars.
1 mai.
8 avril.
n pseudo-platanus. L .
—
1 »
—
6 avril.
2 »
» saccharinum L .
Aesculus hippoeastanum. L .
28 mars.
—
18 avril.
30 »
10 avril.
26 mars.
2 avril.
» lutea. Pers .
—
' -
28 #
—
- '
4 »
» pavia. L. ... .
—
—
5 mai.
—
—
4 v
Amygdalus persica. L, (j3 mad .) .
16 mars.
—
—
19 avril.
14 mars.
20 mars
Aristolochia sipho. L .
g — i
—
5 mai.
| - j
5 avril.
4 avril.
» clématites. L. . .
Betula alba. L .
—
5 avril.
19 avril.
21 »
16 avril.
51 mars.
2 avril.
o alnus. L .
_
_
_
5 »
_
6 »
Berberis vulgaris. L .
12 mars.
27 mars.
5 avril.
—
16 mars.
25 mars.
Bignonia catalpa. L .
25 avril.
—
15 mai.
1 avril.
1 mai.
» radicans.L .
—
—
15 »
—
—
25 avril.
Buxus sempervirens. L .
• -
—
1 »
—
—
2 »
Carpinus hetulus. L .
—
—
—
—
51 mars.
26 mars.
Cercis siliquastrum. L .
—
—
26 mai.
—
—
20 avril.
Colutea arborescens. L .
-
—
—
—
—
15 mars.
Corchorus japonica. L .
10 mars.
21 mars
1 avril.
—
28 février.
15 février.
Cornus mascula. L .
—
—
20 »
—
—
1 avril.
» sanguinea. L .
-
—
—
—
—
1 ».
Corvlus avellana. L .
16 mars.
28 mars.
10 avril
26 mars.
15 mars.
20 mars.
Cratægus coccinea. L .
—
—
—
—
15 »
» oxyacanlha L .
21 mars.
5 avril.
12 avril
29 mars.
15 »
20 mars.
Cylisus laburnum. L .
20 »
28 mars.
15 »
—
27 »
25 »
Daphné mezereum. L .
16 »
—
18 »
18 mars.
-
20 février.
Evonymus europæus. L .
—
—
19 »
—
1 avril.
22 mars.
» latifolius. Mill .
—
—
—
—
—
22 »
ÿ verrucosus L .
Fagus castanea. L. . . . .
:
—
27 avril.
2 mai.
12 avril.
26 avril.
» sylvatica. L .
-
27 avril.
4 M
—
27 y
20 >»
Fraxinus excelsior. L. . . .
24 avril.
29 »
8 »
—
5 mai.
25 »
» ornus L .
Ginkgo biloba. L. .
■
-
25 »
5 mai.
20 »
18 »
—
—
24 avril.
36
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
( Feuillaison , 1862.)
BRUXELLES.
Observât.
V1LVORDE.
ANVERS.
OSTERDE.
JEMEPPE.
N AMU R.
Gleditschia liorrida. Willd .
1 mai.
Glycine sinensis. L .
21 avril.
—
10
mai.
—
29 avril.
20 avril.
Gymnocladus canadensis. Lam .
—
—
10
juin.
—
—
4 mai. |
Hippophae rhamnoïdes. L .
—
—
—
1 avril.
—
15 mars. J
Hydrangea arborescens. L .
—
—
16
avril.
—
-
2 avril, i
Juglans regia. L .
—
17 avril.
—
29 avril.
51 mars.
26 ..
» nigra. L .
—
—
29
avril.
—
26 avril.
Ligustrum vulgare. L .
—
—
20
»
—
—
16 mars.
Liriodendron tulipifera. L .
—
23 avril.
10
mai.
—
—
12 avril.
Lonicera periclymenum. L .
12 mars.
21 mars.
16
avril.
8 avril.
—
15 février.
» symphoricarpos. L .
15 b
—
6
»
—
15 mars.
12 mars.
» tatarica. L .
12 »
-
12
M
—
5 février.
15 février
» xylosteum. L .
11 »
—
16
»
—
—
24 mars.
» yulan. Dcsf .
—
3 mai.
Mespilus germanica. L . . .
—
—
15
avril.
—
—
20 avril.
Morus alba. L .
—
—
—
—
—
2 a
» nigra. L .
25 mai.
—
1 mai.
1 mai.
4 mai.
Philadelphus coronarius. L .
13 mars.
21 mars.
10
avril.
—
23 février.
7 mars. |
» latifolius. Schrad .
—
—
15
»
Pinus larix. L .
—
—
21
»
—
25 mars.
24 mars, i
Platanus occidentalis. L .
—
—
19
mai.
Populus alba. L .
—
—
16
»
» fastigiata. Poir .
—
—
5
»
—
1 avril.
1 avril.
« tremula. L .
—
29 avril.
—
—
—
20 y
Prunus armeniaca. L. (0 abric.) .
—
—
—
2 mars.
16 mars.
24 mars.
» cerasus. L. (big. noir.) .
—
—
12
avril.
—
—
26 a
» domestica. L. [0 gr. dam. v.) .
—
-
— .
—
29 mars.
24 a
» padus. L .
—
4 avril.
15
avril.
—
21 B
24 a
Plelea trifoliata. L .
—
—
29
»
—
—
27 avril.
Pyrus communis. (j 3 bergam.) .
25 mars.
27 mars.
—
1 avril.
2 avril.
26 mars . |
» cydonia. L .
—
—
-
18 mars.
" japonica. L .
8 mars.
—
10
mai.
10 a
—
15 février.;
» malus. L. (3 calville d’été) .
—
12 avril.
—
21 a
—
15 avril.
» spectabilis. Ait. . . • .
—
—
4
mai.
—
—
io »
Quercus pedunculata. Wild .
—
—
—
—
—
20 »
» robur. L . . .
16 avril.
29 avril.
» sessiliflora. Smith .
—
—
—
—
—
20 avril.
Rhamnus catharticus. L .
—
—
—
—
—
29 mars.
» frangula. L .
13 avril.
—
—
—
—
25 avril .
Rhus coriaria. L .
—
—
—
—
I mai.
» cotinus. L .
—
—
—
—
28 avril.
2S avril.
Ribes alpinum. L .
9 mars.
—
18 avril. |
—
23 février.
l mars.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
37
NOMS DES PLANTES.
( Feuillaison , 1862.)
BRUXELLES
Observât.
VILVORDB.
ANVERS.
OSTENDE.
JEMEPPE.
NAMUR.
Ribes grossularia. L .
8 mars.
—
10 avril.
13 mars.
13 mars.
1 mars.
» nigrum. L .
12 »
—
16 »
—
15 »
12 v
>' rubrum. L .
12 »
■ 21 mars.
16 »
13 mars.
19 »
14 »
Robinia pseudo-acacia. L .
11 avril.
—
—
—
4 avril.
2 avril.
» viscosa.Vent .
20 »
Rosa centifolia. L.
16 mars.
—
10 mai.
—
—
6 mars.
» gallica. L .
17 ..
—
30 avril.
—
—
15 »
Rubus idæus. L. . .
15 »
—
1S mars.
10 mars.
—
10 »
Salix alba . L .
—
—
—
24 avril.
« babylouica.L .
—
21 mars.
26 avril.
—
12 mars.
Sambucus nigra L .
8 mars.
21 »
—
12 avril.
28 février.
14 février.
» racemosa. L .
8 »
—
—
—
—
1 mars.
Sorbus aucuparia. L .
—
28 mars.
31 mars.
—
2 avril.
25 »
Spiræa bella. Sims .
—
—
29 avril.
» hypericifolia. L .
—
—
6 >»
Staphylea pinnata. L . - .
16 mars.
—
S mai.
—
21 mars.
25 mars.
Syringa persica. L .
12 »
—
1 »
—
16 »
7 »
» rothomagensis. Hort .
12 »
—
—
—
10 »
7 »
» yulgaris. L .
10 »
21 mars.
23 avril.
12 avril.
7 »
7 s
Taxus baccata. L .
—
—
15 mai.
—
—
2 avril.
Tilia europæa. L .
20 mars.
28 mars.
28 avril.
» parvifolia. Hoffin .
27 ..
—
1 mai.
—
4 avril.
» platyphylla. Vent .
-
—
—
—
—
25 mars.
Ulmus campestris. L .
—
28 mars.
28 avril.
—
—
2 avril.
Vaccinium myrtillus. L .
—
—
—
—
—
25 mars.
Viburnum lantana. L .
—
- •
25 avril.
—
—
7 »
» opulus. L. (/!. simpl.) .
10 mars.
27 mars.
29 »
- _
—
14 »
» » L. [fl. plen.) .
—
—
—
—
13 mars.
14 »
Vitex incisus. L .
—
—
—
—
—
4 mai.
Vitis vinifera. L. . .
24 avril.
■— :
18 mai.
5 avril.
6 avril. |
15 avril.
38
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
( Floraison 1862. )
BRUXELLES.
Observât-
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
JEMEPPE.
NA111R.
*
MENNE.
Acanthus spinosus. L .
_
—
—
—
_
—
4 juin. |
Acer campeslre L .
—
—
—
-
—
23 avril.
14 avril, j
» pseudo-platanus. L .
—
' —
-
—
5 mai.
25 a
18 »
Achillea millefolium. L .
—
—
20 juin.
10 juillet
—
2 juin.
5 juin.
Aconitum napellus. L .
4 mai.
16 mai.
9 juillet.
5 »
—
6 mai.
5 »
Æsculus liippocaslanura. L .
24 avril
5 mai.
12 mai.
8 mai.
26 av ril.
29 avril.
10 avril.
» macrostachys. Mich .
-
—
25 juillet.
—
—
-
3 juillet. 1
» pavia. L .
—
o mai.
19 mai.
—
—
2 mai.
2t avril.
Ajuga replans. L .
—
—
—
-
—
15 avril.
10 »
Alisma plantago. L .
—
—
8 juillet.
28 juin
—
—
15 juillet.
Allium ursinum. L .
—
—
-
—
—
28 avril.
22 avril.
Alnus glutinosa. L .
-
20 février.
• _
-
—
1 mars.
15 mars.
Allhæa offîcinalis. L .
—
— -
15 août.
—
—
15 juillet.
10 juillet.
Amygdalus communis. L .
—
20 mars.
1 avril.
-
—
—
2 avril.
i> persica. L. (j3. madel.). . .
16 mars.
—
29 mars.
3 avril.
9 mars.
16 mars.
1 »
Anchusa sempervirens L .
20 avril.
—
50 avril.
—
—
—
Anemone hepalica. L .
10 mars.
—
8 mars.
24 janv.
—
22 février.
12 mars.
» nemorosa. L .
—
17 mars.
5 avril.
—
—
14 mars.
27 »
Anlirrhinum inajus. L .
28 mai.
—
—
28 mai.
—
15 mai.
19 mai
Arabis caucasica. Wdld .
12 mars.
— .
4 mars.
—
—
16 mars.
Aristolochia clématites. L .
—
—
50 mai.
—
—
—
24 avril
» siplio. L. ...... .
—
—
—
—
—
1 mai.
28 »
Arum maculatum. L .
—
27 avril.
8 avril.
—
—
15 avril.
, Asarum europæum. L ......
—
—
20 mars.
—
—
10 mars
19 mars.
Asclepias vincetoxicum. L .
—
—
7 juillet.
—
4 mai.
28 avril.
Asperula odorata L .
-
—
20 avril.
—
19 avril.
12 avril
50 mars.
Astran lia major. L .
—
—
29 mai.
—
—
6 mai.
Atropa belladona. L .
Azalea pontica. L .
21 avril.
1 mai.
19 juin.
26 avril.
2 juin
—
15 mai.
12 mai.
Bellis perennis. L. .......
10 mars
-
28 mars.
7 mars.
5 février.
18 février.
7 avril.
Berbcris vulgaris. L .
25 avril.
24 avril.
15 mai.
—
29 avril.
29 avril.
24 o
Betula alba. L .
—
—
21 mars.
18 avril.
1 a
1 mai.
2 »
Bignonia catalpa. L .
—
—
22 juillet.
19 juin.
15 juillet.
—
15 juin.
» radicans. L ...
Boira go officinalis. L .
21 avril.
—
—
—
—
8 août.
Bryonia dioïca. Jacq" . . .
Buphlhalnium cordifolium. L. . . .
5 juillet.
_
10 juin.
—
24 mai.
24 mai.
22 mai. j
Buxus sempervirens L .
Caltha palustris. L .
17 mars.
29 mars.
—
14 mars.
24 mars.
1 avril.
Campanula persieifolia. L .
20 juin.
—
15 juin.
—
—
2 juin.
17 mai
Cardamine pratensis L .
Carduus marianus. L .
—
28 mars.
14 juillet.
17 mars.
24 mars.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
39
NOMS DES PLANTES.
(Floraison , 1862).
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
JBMEPPE.
NAMUR.
VIENNE. 1
Carpinus betulus. L .
_
_
_
_
1 avril.
Centaurea cyanus. L .
-
r ^v"
—
7 juin.
26 mai.
—
Il mai.
Cereis siliquaslrum. L .
-
—
5 mai.
—
-
12 avril.
27 avril.
Cheiranthus Cheiri.L .
IG avril.
—
IG avril.
—
—
24 mars.
Chelidonium majus. L .
-
—
2 mai.
—
10 avril.
6 avril.
1 1 avril.
Chrysanthemum leucantheumum. L.
-
1 ■—
4 juin.
—
28 »
20 «
8 mai. j
Chrysocoma linosyris. L .
-
U'pf-'v
4 août.
—
-
5 août.
5 sept.
Colehieum autumnale. L .
22 août.
31 août.
30 sept.
17 sept.
-
1 sept.
50 août.
Colutea arborescens. L .
—
jj ■ —
20 mai.
—
—
6 mai.
1 mai. :
Convallaria bifolia. L .
—
—
—
—
—
23 avril.
21 avril.
» maïalis. L. . .
5 avril.
—
29 avril.
—
—
1 mai.
Convolvulus arvensis. L .
♦
—
—
—
—
22 »
10 mai.
» sepium. L .
13 juin.
—
—
—
-
8 juin.
27 »
Corchorus japonicus. L .
1 avril.
—
8 avril.
-
50 mars.
26 mars.
20 avril.
Cornus mascula. L .
5 mars.
14 mars.
10 mars.
—
—
17 février.
24 mars.
» sanguinea. L .
—
15 mai.
-
—
22 mai.
14 mai.
Corydalus digitata. L .
' v -
—
— '
-
- 9
16 mars.
Corylus avellana. L .
5 mars.
6 février.
6 février.
—
1 février.
14 février-.
1 1 mars.
Cratægus coccinea. L .
2 mai.
—
8 mai.
—
29 avril.
1 mai.
» oxyacantha. L .
21 avril.
7 mai.
1 »
27 mai.
24 »
8 avril.
28 avril.
Crocus mæsiacus. L .
—
—
—
—
—
19 février.
» vernus. Sw .
3 février.
—
16 mars.
20 février
—
4 mars.
26 mars.
Cynoglossum omphalodes. L . . . .
—
—
— |
—
16 »
20 avril.
Cytisus laburnum. L .
21 avril.
30 avril.
30 avril.
—
2 mai.
24 avril.
23 »
Daphné laureola. L .
—
—
5 »
-
—
15 février.
31 mars.
» mezereum. L .
Delphinium Ajacis. L .
13 mars.
16 mai.
23 fév.
1 mars.
3 avril.
11 juin.
10 janv.
5 février.
Dianthus caryophyllus. L. . . . . .
22 mai.
—
—
—
—
15 juin.
Dictamnus albus. L .
—
—
• —
—
—
2 mai.
24 mai. |
Digitalis purpurea. L .
19 mai.
—
22 mai.
2 juin.
—
1 juin.
16 ..
Echinops sphserocephalus. L .
-
—
28 juill. 4
—
—
4 juillet.
Epilobium spicatum. Lam .
— |
—
9 juin.
—
—
20 mai.
Equisetum arvense. L .
—
—
—
—
6 avril.
7 avril.
Erica vulgaris. L .
—
—
—
—
16 juillet.
25 juillet.
Escbscholzia californica. Chm.
6 juin.
-
22 mai.
—
_ •*
1 juin.
3 juin.
Evonymus europæus. L .
—
—
— .
—
26 avril.
26 avril.
5 mai.
Fragaria vesca. L. ((3 Hoi'lens.). . . .
24 avril.
5 avril.
10 mai.
26 avril.
20 »
27 mars
lu avril.
Fraxinus excelsior. L .
—
30 mars.
—
—
7 »
6 avril.
t V
Fritillaria imperialis. L .
Fumaria offîcinalis. L .
—
—
2 avril.
17 avril.
1 »
—
—
9 »
Galanthus nivalis. L .
Gentiana cruciata. L .
3 février.
23 fév.
21 fév.
10 juin.
17 février.
18 février.
4 mars.
40
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
( Floraison , 1861.)
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
JE3IEPPE.
N AMU R.
VIENNE, j
Géranium pratense. L .
—
_
2G mai.
_
_
18 mai.
[
» sanguineum. L .
—
—
—
—
—
25 avril.
Gladiolus communis. L .
12 juin.
—
—
—
—
—
6 juin.
Glechoma hederacea. L .
—
—
—
—
2G mars.
26 mars.
5 avril.
1 Glycine sinensis. L .
24 avril.
—
21 mai.
—
24 avril.
Hedysarum onobrychis. L .
—
—
—
—
—
12 mai.
Hellcborus fœtidus. L .
—
—
2G mars.
—
19 févr.
20 fév.
» hiemalis. L .
5 févr.
-
24 févr.
2 février.
—
17 »
» niger. L .
—
—
4 janv.
—
—
14 »
6 fév.
» viridis. L .
—
—
16 mars.
—
—
18 i>
Hemerocallis cœrulea. Andr .
20 juillet.
—
8 juillet.
—
-
10 juillet.
» flava. L .
20 mai.
—
10 juin.
—
IG mai.
20 mai.
25 mai.
" fulva. L .
—
—
G juillet.
—
5 juin.
6 juin.
1! juin.
Hibiscus syriacus. L .
-
22 août.
—
—
20 juillet
Hieracium auranliacum, L .
—
—
—
—
—
1 juin.
Hyacinthus orientalis. L .
IG mars.
—
5 avril.
15 mars.
29 mars.
IG mars.
4 avril.
Hydrangea bortensis. Sm .
1 juillet.
—
15 août.
Hypericum perforatum. -L .
2G juin.
—
20 juin.
—
—
10 juin.
9 juin.
Iberis sempervirens. L .
—
—
22 avril.
—
—
25 mars.
14 avril. J
llex aquifolium. L .
—
—
27 »
—
—
20 avril.
Iris ziphium. L .
18 mai.
0 » germanica. L .
28 avril.
—
2 mai.
4 mai.
24 mai.
1 mai.
1 mai.
Iris pseudo-acorus. L .
4 mai.
IG mai.
Iris pumila. L .
8 avril.
—
28 avril.
—
—
12 avril.
9 avril, i
Juglans regia. L .
—
—
—
2 |uin .
—
—
24 »
J Kalmia latifolia. L . . .
—
—
25 mai.
1 Lamium album. L .
—
—
20 avril.
18 avril.
28 mars.
G avril.
| Larix europæa L .
—
28 mars.
| Leontodon taraxacum. L .
—
10 »
15 »
14 »
18 février
7 avril.
9 Ligustrum vulgare. L .
—
2 juin.
8 juillet.
—
—
25 mat.
24 mai.
Lilium candidum. L .
34 juin.
—
15 juin.
—
-
14 juin.
9 juin.
)' croceum. L .
—
IG juin.
» llavum. L .
—
—
15 juin.
—
—
4 juin.
| Linaria vulgaris. L .
—
15 juin.
I Linum perenne. L. .* .
—
—
—
—
—
26 avril.
Liriodendron tulipifera. L .
—
—
20 juin.
Lonicera periclymenum. L. . . • .
10 mai.
—
—
5 mai.
28 avril.
22 mai.
25 mai.
» sympboricarpos. L .
—
—
—
—
15 mai.
10 »
» tatarica. L .
—
—
—
-
7 avril.
1 avril.
25 avril, j
» xylosteum. L .
—
—
—
—
—
25 »
25 »
Lycbnis chalcedonica L .
— ‘
—
15 juin.
—
—
10 juin.
Lysimachia nemorum. L .
—
—
1 mai.
—
—
1 mai.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
41
NOMS DES PLANTES.
[Floraison, 1862.)
BRUXELLES.
Observât.
V1LVORDE.
ANVBRS.
OSTBNDB.
JEMBPPE.
NAMUR.
VIENNE.
j
Lytbrum salicaria. L .
_
12 juin.
—
—
8 juin.
7 juin.
Magnolia grandiflora. L .
25 mars.
|
> tripetala. L .
8 mai.
—
20 mai.
» yulan. L .
25 mars.
27 mars.
16 mars.
—
—
2 avril.
Malva sylvestris. L .
50 mai.
9
20 juin.
29 juin.
25 mai.
Métissa officinalis. L .
••-s*- •
—
2 août.
—
—
12 juillet.
6 juillet.1
Mentha piperita. L .
-
— -
20 e
—
—
8 »
12 B
Mespilus germanica. L. ..... .
—
18 mai.
—
—
—
4 mai.
4 mai.
Mitella grandiflora Purseh .
—
—
26 avril.
Morus nigra. L .
—
—
17 juin.
—
6 mai.
Muscari botryoides. L .
15 mars.
29 mars.
—
—
15 mars.
19 mars.
Myosotis palustris. L .
24 avril.
5 mai.
Narcissus pseudo-narcissus. L. . . .
14 mars.
28 mars.
1 avril.
—
—
12 mars.
21 avril?
» jonquilla. L .
28 avril.
—
—
—
25 mars.
» poëticus. L . . .
24 e
. ||Ë
— ■
—
22 avril.
26 avril.
1 1 avril.
Nymphéa alba. L .
—
16 mai.
—
—
—
—
14 mai.
Ornitbogalum umbellalum. L. . . .
7 mai.
29 avril.
26 avril.
—
1 mai.
20 avril.
Orobus vernus. L .
—
-2
30 mars.
13 mars.
—
8 B
Oxalis acetosella. L .
—
—
—
—
—
4 avril.
2 E
» stricta L .
—
—
—
24 mai.
25 mai.
Pachysandra procumbens. L .
26 mars.
—
—
—
—
Papaver bracteatum. L. . • . . .
—
—
20 mai.
b orientale. L .
12 juin.
—
3 juin.
—
15 juin.
27 mai.
18 mai.
» rhœas. L .
—
• §9!
—
—
4 D
24 e
Paris quadrilolia. L .
—
—
—
—
8 avril.
Philadelphus coronarius. L. . . . .
10 mai.
14 mai.
20 mai.
—
6 mai.
6 mai.
16 mai.
Physalis Alkekenge. L .
—
—
23 »
—
—
8 E
Plantago major. L .
—
—
20 e
Platanus occidentalis. L .
—
■ Jg 6
—
—
—
24 avril.
Pœonia officinalis. L .
1 mai.
—
8 mai.
—
1 mai.
—
6 mai.
Polemonium cœruleum. L. .‘ . . .
—
—
9 juin.
—
—
26 avril.
Polygonum bistorta. L .
—
P? -
2 mai.
‘ —
—
2 mai.
5 mai.
Populus alba. L .
24 mars.
—
—
—
27 mars.
» balsamifera. L .
26 mars.
> canadensis. L .
—
5 avril.
> fastigiata. Poir .
26 mars.
—
21 mars.
— •
10 mars.
18 mars.
Primula elatior. L .
16 »
17 mars.
—
' —
—
10 fév.
e officinalis. L .
—
—
—
—
—
10 mars.
. veris. L .
16 mars.
..
10 mars.
12 fév.
—
—
4 avril.
Prunus armeniaca [Q abric.) ....
—
—
— 1
17 avril.
9 mars.
10 mars.
30 mars.
» cerasus. (0 bigarr. n.). . . .
26 mars.
su
1 avril.
—
1 avril.
6 avril.
e domestica ((3 gr. dam. v.) . .
28 »
5 avril.
4 »
"
29 mars.
4 >
Tome XXXV
6
42
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
(Floraison, 1862.)
BRUXELLES.
Observât.
V1LV0RDE.
ANVERS.
OSTENDE.
JEMBPPE.
NAMCR.
VIENNE. ;
Prunus padus. L .
—
—
27 avril.
_
_
20 avril.
7 avril.
« spinosa. L .
Plelea Irifoliala. L .
—
5 avril.
17 juin.
—
—
29 mars.
3 avril.
Pulnionaria officinalis. L .
» virginica. L .
:
27 mars.
3 avril.
20 mai.
21 mars.
—
7 mars.
37 mars.
Pyrus communis ((3 berg.) .
26 mars.
22 avril.
27 mars.
3 avril.
3 avril.
1 avril.
5 avril.
» cydonia. L .
—
—
1 mai.
—
—
—
25 »
i> japonica. L .
25 mars.
—
28 mars.
20 mars.
—
18 mars.
4 *
» malus L. ((3 calv. d’été.). . . .
2 avril.
12 avril.
15 avril.
—
—
16 avril
i> spectabilis. Ait .
5 »
—
30 »
—
—
10 »
Quercus sessiliflora. Smith .
» robur. L. .
Ranunculus aquatilis. L .
-
29 avril.
5 avril.
39 avril. !
» acris. L. (fl. plen.) . . .
26 avril.
5 mai.
—
8 mai.
—
2 mai.
28 avril.
» ficaria. L .
—
—
30 mars.
3 avril.
7 mars.
15 mars.
1 »
Rhamnus frangula. L. . ....
—
—
—
—
—
10 mai.
1 mai.
Rheum undulatum. L .
16 avril.
—
30 avril.
—
—
20 »
27 avril. !
Rhododendron ponticuni. L .
5 mai.
1 mai.
15 mai.
-
—
10 v
28 »
Rhus coriaria. L .
-
—
—
—
—
4 juin.
Ribes alpinum. L .
» aureum. L .
—
28 mars.
3 avril.
—
27 mars.
20 mars.
» grossularia. L. (Fr. virid.).
» nigrum. L . ■ .
23 mars.
22 »
28 »
1 avril.
3 »
3 avril
29 mars.
4 avril
mars
30 mars. [
» rubrum. L .
a sanguineum. L . . .
» uva-crispa. L .
26 »
20 mars.
28 »
1 »
8 avril.
27 mars.
1 avril.
10 avril. 1
Robinia pseudo-acacia. L .
Il mai.
25 mai.
—
—
—
30 mai.
5 mai.
» viscosa. L .
—
—
—
—
_
—
12 ..
Rosa centifolia. L .
22
—
8 juin.
18 mai.
—
1 juin.
33 »
» gallica. L .
6 juin.
—
10 »
12 juin.
—
1 »
10 juin.
Rubus idæus. L. . .
» fruticosus. L .
. • sa ;
7 mai.
—
—
.18 mai.
—
6 mai.
Ruta graveolens. L .
Salix alba. L .
—
—
20 juin.
28 avril.
—
2 juin.
22 mai.
» capræa. L .
—
14 mars.
21 avril.
—
—
2 mars.
25 mars.
Salvia officinalis. L .
—
14 juillet.
—
—
24 mai.
19 mai.
Sambucus nigra. L .
9 mai.
12 mai
18 mai.
—
2 mai.
20 »
6 »
» racemosa. L .
29 mars.
—
25 avril.
—
—
1 avril.
Satureia montana. L .
—
—
—
—
—
20 juill.
Saxifraga crassifolia. L .
» umbrosa. L. ..... .
30 mars
25 avril.
—
10 mai.
—
—
22 mars.
8 avril.
Scabiosa arvensis. L .
—
—
13 juin.
-
—
10 juin.
15 mal.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES
43
NOMS DES PLANTES.
( Floraison , 1862.)
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTBNDB.
JE31EPPE.
NAMUlt.
VIENNE.
Scabiosa succisa. L .
—
—
13 juin.
_
_
12 août.
4 août.
Serophularia nodosa. L .
-
—
8 juillet
| —
—
10 mai.
23 mai.
Secale cereale. L. (|3 hyb.) .
-
—
—
-
-
10 »
12 D
Sedum acre. L .
—
—
10 juin.
—
29 mai.
20 mai.
29 b
» album. L .
—
-
20 »
—
—
10 juin.
» telephium. L .
Solanum dulcamara. L .
Z
:
8 août.
19 juin.
— •
—
2 août.
7 août.
Sorbus aucuparia. L .
27 avril.
29 avril.
30 avril.
—
—
1 mai.
23 avril.
Spartium scoparium. L. ...
Spiræa bella. Sims .
_
—
17 juin.
—
—
20 avril.
» filipendula. L .
» hypericifolia. L .
» lævigata. L .
23 avril.
-
20 b
2 mai.
10 juin.
13 mai.
Stapbylea pinnata. L .
25 »
I 9
21 avril.
—
6 avril.
10 avril.
21 avril.
Statice armeria. L .
» limonium. L .
j Stellaria holostea. L .
23 avril.
—
12 mai.
19 juill.
18 B
9 mai.
Symphitum officinale. L .
25 »
29 avril.
27 juin.
—
—
20 avril.
30 avril.
Syringa persica. L .
12 »
—
23 avril.
—
26 avril.
10 B
27 ..
» vulgaris. L .
10 »
23 avril.
20 »
29 avril.
9 »
8 »
12 B
Taxus baccata. L. . .
--
—
21 mars.
—
—
—
26 mars.
Thymus serpillum. L .
—
—
—
—
10 juill.
2 mai.
» vulgaris. L .
—
—
-
—
—
—
29 d
Tiarella cordifolia. L .
Tilia microphylla. Vent .
» europæa. L .
28 mai.
12 juin.
29 mai.
—
20 juin.
-
19 juin.
4 avril.
» parvifolia. L .
—
9
—
—
—
• -4 ( .
4 juin.
» platypbylla. Vent .
—
—
—
—
—
4 juin.
Tradescantia virginica. L .
20 mai.
—
28 mai.
—
—
10 mai.
Trifolium pratense. L .
—
—
—
—
—
10 ■»
30 avril.
Triticum sativum. L. (/3 hybern.).
9
—
—
—
—
Épi. 25 mai.
Flor. 4 juin.
5 juin.
Trollius europæus. D .
29 avril.
—
3 mai.
-
—
8 avril.
Tulipa gesneriana. L .
Tussilago fragrans. L .
» farfara. L .
» petasites. L .
12 »
26 mars.
17 mars.
20 »
10 »
13 mars.
12 juin.
20 avril.
24 »
24 avril.
Ulmus campestris. L .
S
—
—
—
15 mars.
20 mars.
24 mars.
Vaccinium myrtillus. L .
7 avril.
—
-
—
1 mai.
Valeriana rubra. L .
Veratrum nigrum. L .
—
—
2 juin.
4 »
—
—
26 avril.
13 mai.
i Veronica gentianoïdes. L .
—
—
20 avril.
—
—
1 mai.
» spicala. L .
—
20 juin.
—
—
6 B
9 juin. |
44
OBSERVATIONS
NÇMS DES PLANTES.
(Floraison , 1862.)
BRUXELLES.
Observât.
VILVORDB.
ANVERS.
OSTBNDB.
JEilEPPE.
NAMUR.
I
VIENNE.
Veronica tencrium. L .
Viburnum lantana. L .
21 avril.
3 mai.
19 avril.
14 avril.
19 avril.
» opulus. L. (fl. simple.) . . .
29 avril.
7 mai.
3 «
—
25 »
1 mai.
15 mai.
Viburnum opulus. L. (fl. plein.) . . .
29 r
—
—
—
—
1 D
Vinca minor. L .
12 mars.
—
18 mars.
—
19 mars.
1 avril.
19 avril.
» major. L .
Viola odorata. L .
8 mars.
12 janv.
10 mars.
5 mars.
10 janv.
25 mars.
Vitis vinifera. L. (/3 cliass. doré) .
6 juin.
10 juin.
1 juin
—
—
20 mai.
20 mai.
Waldsteinia geoïdes. Kit .
28 mars.
—
25 mars.
—
—
20 mars.
1 avril.
NOMS DES PLANTES.
(Fruclijicalion, 1862.)
BRUXELLES.
Observât.
ANVERS.
OSTENDB.
VIBNNE.
Acanthus spinosus. L . .
_
_
_
14 août.
Aeer pscudo-platanus. L . .
—
19 août.
—
13 sept.
>. campeslre. L. . .
—
—
—
30 août.
Achillea millefolium. L . .
—
16 août.
—
30 juill.
Aconitum napellus. L . ...
—
15 n
—
17 »
Æsculus hippocastanum. L . .
-
22 oct.
26 sept.
31 août.
» pavia. L .
-
—
—
1 oct.
Ajuga reptans. L .
—
13 juin.
Alcea rosea. L . ... .
—
10 août.
Alisma plantago. L .
—
—
—
15 août.
Antirrhinum majus. L. .
-
30 juin.
Aristolochia clématites. L. ....
—
—
—
22 août.
Astrantia major. L . ....
—
27 juill.
Berberis vulgaris. L .
—
4 août.
—
14 juill.
Betula allia. L . .
—
—
2 juin.
» alnus. L . .
—
—
29 mai.
Bryonia dioica. L .
—
—
—
14 juill.
Cenlaurea cyanus. L .
—
—
—
13 juin.
! Chelidonium majus. L .
—
8 juin.
—
29 mai.
Chrysanthemum leucanthcmum. L .
—
—
—
13 juin.
Convallaria maialis. L .
—
29 juill.
Oonvolvulus sepium. L . .
—
1
—
15 juill.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
45
NOMS DES PLANTES.
[Fructification , 1862.)
BRUXELLES
Observât.
ANVERS*
OSTENDE.
VIBNNB.
Colchicum autumnale. L .
_
_
_
6 juin.
Cornus mascula. L .
—
15 août.
—
14 août.
" sanguinea. L .
-
—
—
2 »
Corylus avellana. L .
—
6 août.
16 août.
Cralægus oxyacantha. L .
—
10 sept.
9 o
8 août.
; Citysus laburnum. L .
—
8 »
17 juill.
Daphnc mezereum. L . • . .
—
8 juill.
29 juin.
16 mai.
Diclamnus albus. L .
—
—
—
17 juill.
Digitalis purpurea. L .
Fagus sylvatica. L .
Fragaria vesca. L. (/ 3 Hortens.) .
24 mai.
16 juill.
8 octob.
6 juin.
Hypericum perforatum. L .
—
19 août.
. —
19 août.
Jugions regia. L .
—
27 sept.
20 août.
2 sept.
Leontodon laraxacum. L .
—
—
—
19 avril.
Ligustrum vulgare. L .
—
18 sept.
—
19 août.
Lonicera tatarica. L .
—
—
—
15 juin.
» xylosleum. L .
—
—
—
13 K
Malva sylvestris. L .
Melissa offîcinalis. L .
—
18 juill.
8 août.
. Morus nigra. L .
Orobus vernus. L .
Papaver orientale. L .
Philadelphus coronarius. L . • .
Physalis alkekenge. L .
—
27 août.
10 juill.
6 v
4 sept.
22 août.
Prunus armeniaca. L .
—
—
—
14 juillet.
» cerasus. L. [P bigarr. n.) .
26 mai.
—
—
5 juin.
» padus. L .
—
—
-
3 »
Pyrus communis. L. ((3 berg.) .
-
-
18 août.
• cydonia. L .
—
—
—
9 sept.
1 Rhamnus frangula. L .
—
—
—
29 juin.
Rheum undulatum. L .
10 juin.
—
—
1 »
Ribes grossularia. L .
—
28 juin.
8 juin.
> nigrum. L .
» rubrum. L .
~
1 juület.
8 »
1 juillet.
Robinia viscosa. L . .
—
—
—
17 sept.
Rubus idæus. L .
—
15 août.
9 juillet.
9 juin.
Salix capraea. L .
—
—
- —
22 avril.
Salvia offîcinalis. L .
—
9 juillet.
—
21 juin.
Sambucus nigra. L .
—
1 sept.
—
14 juillet.
Scabiosa succisa. L .
—
—
-
2 sept.
Secale cereale. L .
—
—
—
19 juin.
Sedum telephium. L .
1
—
—
15 sept.
46
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
[Fructification , 1862.)
BRUXELLES.
Observât.
ANVERS.
OSTENDE.
VIENNE. |
Sorbus aucuparia. L .
_
16 sept.
_
21 juillet.
Spiraea Clipendula. L. . .
—
— .
—
14 a
Staphylea pinnata. L . . .
—
30 sept.
—
15 »
Syringa vulgaris. L . . . ..
—
15 »»
—
19 août.
Taxus baccala. L . ... ....
—
—
_
22 t,
Ulmus campestris. L .
_ —
—
—
27 avril.
Viburnum lantana. L. ....
—
—
—
19 juillet.
Viburnum opulus. L. (jl. simp.) . .
—
—
—
20 »
Viola odorata. L .
Vitis vinifera. L. (Chasselas doré ) .
-
5 juin.
30 sept.
4 août.
30 août, j
NOMS DES PLANTES.
(Chute des feuilles, 1862.)
BRUXELLES.
Observât.
ANVERS.
OSTENDE.
N AMU R.
Acer campeslre. L .
20 nov.
15 nov.
» pseudo-platanus. L .
—
22 ocl.
—
1 x>
Aesculus hippocastanum. L .
—
10 nov.
18 nov.
27 oct.
» lutea. Pers .
—
—
—
1 »
» pavia. L . • . . . .
—
—
—
27 »
Amygdalus communis L .
» persica. LT (j3 mad.) .
—
20 nov.
20 »
28 sept.
19 nov.
Aristolochia sipho. L .
—
—
- -
2 oct.
Belula alba. L. . . . . ..
—
15 nov.
19 oct.
19 nov.
Berberis vulgaris. L .
—
26 »
—
15 »
Bignonia catalpa. L .
—
20 »
15 sept.
» radicans. L . .
—
—
—
t nov.
Carpinus betulus. L .
—
8 nov.
—
14 »
Cercis siliquastrum. L .
—
—
—
19 »
Colutea arborescens. L .
—
—
—
7 r
Corchorus japonicus L .
—
—
—
19 »
Cornus mascula L .
—
27 nov.
—
14 »
» sanguinea. L . • .
-
—
—
14 v
Corylus avellana. L. . .
—
10 nov.
7 oct.
i b
Cratægus oxyacantha. L .
—
31 oct.
17 »
16 »
Cytisus laburnum. L. . - .
—
10 nov.
—
16 »
Daphné mezereum. L .
—
—
—
2 »
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
47
NOMS DES PLANTES.
(Chûle des feuilles , 1862).
BRUXELLES
—
ANVERS.
OSTENDE.
| N A MUR.
Observât.
—
16 nov.
_
19 »
-
—
—
19 »
—
—
—
6 »
—
30 nov.
—
15 >»
—
27 r
. —
20 »
—
—
1 l>
—
8 déc.
—
20 »
—
-
— .
16 oct.
-
—
19 nov.
—
—
. . —
4 »
—
8 oct.
29 sept.
5 »>
—
. —
20 p
—
15 nov.
—
10 »
—
4 nov.
. — •
20 »
—
15 »
—
— ..
. —
10 oct.
—
—
18 nov.
—
ü ..
—
19 »
—
—
—
20 ».
— ■
28 nov.
— ,
20 ••
— ,
5 »
—
10 »
—
— ’
10 »
-
28 oct.
—
8 »
—
21 nov.
—
21 »
L
2 nov.
—
—
—
4 s
-
—
20 »
—
10 nov.
—
6 »
—
—
5 i>
—
25 Oct.
—
2 »
—
—
—T
6 »
H 1
10 nov.
4 OCt.
7 »
-
10 p
—
3 »
P
3 p
—
4 »
—
-
—
16 »
—
—
—
16 »
—
— '
—
8 »
—
—
-
8 »
—
10 oct.
—
—
—
16 nov.
—
5 nov.
—
16 »
—
5 »
—
16 »
Evonymus europæus. L .
» latifolius. Mill. . . .
Fagus castanea. L. ......
» sylvalica L . . . . . .
Fraxinus exeelsior. L .
Ginkgo biloba L .
Glycine sinensis. L .
Gymnocladus canadensis. Lam. . .
Hippophae rhamnoides. L. .
Hydrangea arborescens. L . .
Juglans regia. L .
Ligustrum vulgare. L. ..... .
Liriodendron tulipifera. L .
Lonicera periclymenum. L. .
» sympboricarpos. L. . . .
» tatarica. L .
» xylosteum. L .
Mespilus germanica. L .
Morus alba. L .
r nigra. L .
Philadelphus coronarius. L. . . .
Pinus larix. L .
Platanus occidentalis. L .
Populus alba. L .
» fastigiata. Poir .
» tremula. L .
Prunus armeniaca. L. (fi abric.). . .
>> cerasus. L. ( big . noir.) . . .
» domeslica. L. (fi gr. dam. v.).
» padus. L .
Ptelea trifoliata. L .
Pyrus communis. ((3 bergam.) . .
» japonica. L .
» malus. L. (3 calville d'été). . ■
Quercus pedunculata. YVild. . . .
» sessiliflora. L .
Rhamnus catharticus. L .
■> frangula. L .
Rhustyphina. L .
Ribes alpinum. L .
» grossularia. L .
» nigrum. L .
48
OBSERVATIONS
BRUXELLES.
noms des plantes.
—
ANVERS.
NA9SUR.
OSTENDE.
[Chute des feuilles, 1862.)
Observai.
—
5 nov.
—
10 nov.
—
28 oct.
—
19
—
3 déc.
—
15 »
—
—
—
15 >
—
22 nov.
—
5 »
—
4 nov.
—
20 »
—
2 v
—
—
—
2 »
Sorbus aucuparia L. . .
—
28 nov.
—
5 »
—
20 »
7 nov.
—
20 oct.
—
—
20 nov.
—
i »>
» rothomagensis. L .
—
—
—
1 »
—
12 nov.
—
i »
—
30 »
1 nov.
—
—
—
22 nov.
—
8 v
—
6 »
—
—
—
20 v
—
28 nov.
—
18 .
—
—
—
22 oct.
7 nov.
19 sept.
3 nov.
DES PHENOMENES PERIODIQUES.
49
PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES NATURELS.
RÈGNE ANIMAL.
Observations faites dans les environs de Bruxelles, pendant Vannée 1862,
par MM. J.-B. Vincent et fils.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
Février
Mars
7. Parus caudatus. Repasse.
9 Parus cœruleus. Repasse.
19. Fringilla cœlebs. Chante.
21. Turdus viscivorus. Repasse.
22. Turdus musicus. Repasse.
22. Corvus cornix. Repasse
26. Ciconia alba. Repasse.
1 . Charadrius pluvialis. Repasse.
1 . Fanellus crislatus. Repasse.
5. Motacilla alba. Arrivée.
5. Ciconia alba. Repasse.
5. Fringilla coccolhraustes. -Revient.
14. Rulicilla tithys. Arrivé.
15 (vers le soir). Turdus musicus. Repasse.
17. Phyllopneuste rufa. Arrive.
20. Turdus torquatus. Repasse.
20. Emberiza scliœniclus. Revient.
24. Totanus calidris. Repasse.
27. Hirundo riparia. Arrivé.
29. Saxicola rubetra. Arrivé.
30. Anlhus arboreus. Arrivé.
Avril
Mai
4. Motacilla f lava . Arrive.
5. Saxicola œnanthe. Repasse.
6. Hirundo rustica. Arrivé.
8. Sylvia curruca. Arrivé.
9. Ruticilla luscinia. Arrivé.
10. Sylvia atricapilla. Arrivé.
21. Oriolus galbula. Arrivé.
21. Cuculus canorus. Arrivé.
22. Cypselus apus. Arrivé.
25. Emberiza hortulana. Arrivé.
24. Totanus hypoleucos. Repasse.
26. Muscicapa grisola. Arrivé.
27. Sylvia hortensis. Arrivé.
28. Sylvia cinerea. Arrive.
28. Totanus ochropus. Repasse.
29. Muscicapa ficedula. Revient.
2. Hypolaïs icterina. Arrive.
6. Calamoherpe arundinacea. Arrive.
7. Calamoherpe turdoïdes. Arrive.
12. Calamoherpe palustris. Arrive.
Tome XXXV.
7
50
OBSERVATIONS
PERIODE D’AUTOMNE.
Juillet 15. Totanus hypoleucos Passe.
28. Cypselus apus. Départ.
Août 10. Saxico la œnanthe Repasse.
16. flegulus ignicapillus. Repasse.
20 au 24 (nuits des). Numenius arquata.
Repasse.
16. Anllius arboreus. Emigre.
24. Moticilla flava. Émigre.
Septembre 4. Totanus ochro pus. Passe.
4. Totanus hypoleucos. Passe encore.
20 au 21 (nuit du) Turdus musicus. Passe
24. Motacilla boarula. Arrive.
Octobre 1. Anlhus pratensis. Émigre.
I. Alanda arvensis Émigre.
1. Frinyilla cœlebs. Émigre.
5. Alauda arborea. Émigre.
a. Emberiz a schœniclus Emigre.
14. Corvus cornix. Arrive.
14. Sturnus vulgaris. Émigre.
22. Corvus cornix Passe.
26. Frinyilla spinus. Émigre.
Novembre 5. Anser segetum Passe en grand nombre
II. Buteo communis. Passe.
1 1. Aslur nisus. Passe
Février 19. Fespertilio pipistrellus. X oie.
Janvier 6. Id. id. Réveil.
Mars 15. Bana temporaria. Réveil.
Mars 15. Colias rhamni. Vole.
Avril 2. Pierisnapi.X oie.
13. Bombyx tau. Vole.
I MS ECTES.
) Avril 22. Melolonlha vulgaris. Apparition.
I 23. Pieris cardamines. Vole.
Observations faites à Vilvorde, près de Bruxelles, en 1S62 , par M. Alf. Wesmael.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
Mars 1. Cigogne. Passe.
12. Pinson. Chante.
27. Fauvette à tête noire. Chante
Avril 5. Merle. Chante.
Avril 8. Hirondelle des fenêtres. Arrivée.
17. Rossignol. Chante.
24. Martinet. Arrivée.
24. Coucou. Chante.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
51
INSECTES.
Avril 24 (dans la soirée). Hanneton. Apparaît.
PLANTES AGRICOLES.
Leseigle était en épis ... le
— en fleurs . le
— coupé . le
24 avril.
16 mai.
9 juillet.
Le Froment était en épis .
— en fleurs
coupé .
le 5 juin,
le 7 —
le 26 juillet.
Observations faites à Melle , près (le Gand , en 1862, par M. le professeur Bernardin.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
Janvier 12. Anser segetum. Passe.
14. Colias rhamni. Paraît.
24. Columba palumbus. Passe.
Février 12. Corvus cornix. Séjourne.
1 3. Turdus pilaris Passe.
14. Fringilla cœlebs. Chante.
14. » domestica. S’apparie.
14. Motacilla alba. Vu.
18. Colias rhamni. Vole.
Mars 3. Vanellus cristatus. Passe.
3. Corvus cornix. Passe.
3. Numenius pheopus. Passe.
6. Anser segetum. Passe.
7. Rana temporaria. Vu en quantité.
8. Corvus corone. Passe.
8. Turdus merula. Chante.
8. Fringilla domestica Nidifie.
8. Culex annulatus . Vole.
9. Corvus cornix Passe.
9. Vanellus cristatus Passe.
12. Emberiza citrinella. Chante.
13. Vespertilio pipislrellus. Vole.
Mars Î4. Anas boschas. Passe.
15 à 18. Corvus cornix. Séjourne.
10. Apis mellifica. Vole.
18. Ardea cinerea. Passe
18. Rana temporaria. Ponte.
19. Corvus corone. Passe.
20. Vanellus cristatus. Passe.
21 à 31. /Félix nemoralis. En quantité.
25. Vanessa urticœ . Vole.
25. Coccinella quadripustulata. Vole.
29. Cyprinus auratus. Fraient.
Avril 2. Criocera merdigera. Paraît.
4. Sylvia atricapilla. Chante.
9. Cyprinus auratus. Fraient.
11. Hirunda rustica. Arrive.
14. Numenius pheopus. Passe.
20. Coccinella bipunctala. Vole.
21. Stapliylins.
22. Sylvia luscinia. Arrive.
22. Alauda arvensis. Petits volent.
25. Sylvia luscinia. Chante.
25. Cuculus canorus. Chante.
Mvril
Mai
Juillet
Moût
Septembre
Octobre
NB. Je
l’hiver ici.
Janvier
Février
OBSERVATIONS
26. Sylvia hypolaïs. Chante.
27. Cypselus apus. Arrive.
28. Melolontha vulgaris. Vole.
30. Oriolus galbula. Chante.
8. Mgr ion puella. Vole.
8. » minium. Vole.
11. Turdus merula. Petits volent.
1 4. Uirundo rustica Nidifie.
Mai
19. Rallus crex. Crie.
21. Meschna mixta. Vole.
Juin
2. Sylvia luscinia. Petits volent.
3. Oriolus galbula. Chante 2®' fois
3. Stapylins.
26. »
28 Limax rufus. Abondant depuis 8j ours.
PÉRIODE D’AUTOMNE.
14. Slaphylius. En quantité.
1 . et 2. Slapliylins.
9. Cypselus apus. Part.
26 Motacilla alba. Se prépare à partir.
9. Mphis populi. Passe.
16. Sylvia luscina. Vu dernière fois.
19. Uirundo urbica. Part.
23. Fanessa atalanta. Vole.
29. Uirundo rustica. Part.
4. » Vu dernière fois.
6. Mphis populi. Passe.
Octobre 6. Motacilla alba. Vu.
7 à 9. Fanessa atalanta. Vole.
8. Mnthus pratensis. Passe.
12. o
23. Corvus cornix. Arrive.
28. Fanessa atalanta. Vole.
31. Mnas boschas. Passe.
Novembre 11 à 15. Mnser segetum. Passe en masse
Décembre 20, 21 et 22. Larus ridibundus Séjourne.
25. Motacilla alba. Vu.
ne mets pas « arrivée ou départ » pour la Motacilla alba , croyant que ces oiseaux passent souvent
Observations faites à'Ostende , en 1862, par M. Édouard Lanszweert.
OISEAUX.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
16 au 21 . Mnas tadorna. Passe par bandes. Février
19 et 20. Cygnus musicus. Passent; 2 indi¬
vidus ont été tués dans le port.
22 et 23. Mnser segetum. Passe dans l’après- Mars
midi, se dirigeant vers le NO.
14. Fringilla cœlebs. Passe.
20. Turdus iliacus Passe par bandes.
22 et 23. Mnser segetum. Passent au-dessus
de la mer par bandes innombrables se
dirigeant vers PENE.
6. Mnser segetum. Passe toute la nuit.
5 et 14. Fanellus cristatus. Passent par
bandes nombreuses.
6. Mlauda arvensis. Chante.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
Mars
Avril
Juillet
Août
Septembre
KJ
DD
25. A user segetum. Passe au soir par une Avril
pluie battante.
24. Ardea cinerea. Passe.
24. Emberiza nivalis. Passe par bandes.
27. Corvus cornix. Départ.
5. Sylvia phœnicurus. Arrive.
10. Hirundo urbica. Arrive. Mai
11. Sylvius hypolais. Vu.
22. Cypselus apus.
25,24 et 25. Falco peregrinus. Plane au-
dessus de la ville.
29. Numenius arquata. Passe.
29. Cuculus canorus. Chante.
1. Coturnix dactylisonans. Arrive.
PÉRIODE D’AUTOMNE.
19. Platalœa leucorhodia. Passe du SE.
vers le NO.
25. Numenius arquata. Passe le matin.
16, 18, 19 et 20. Tringa pugnax. Passe.
50 et 51. Totanus fuscus. Passe.
1. S ter na hirundo. Arrivent.
1 . » nigra. Arrivent.
1 et 2. Totanus fuscus. Passe.
7. Charadrius colloris. Passe.
7. Numenius arquata. Passe.
16. Caprimulgus europœus. Pris un indi¬
vidu.
19. Motacilla œnanthe. Vu un grand
nombre.
Septembre 26 et 27. Slurnus vulgaris. Passent par
troupes nombreuses.
28. Hirundo urbica. Départ.
29. Fringilla carduelis. Arrivent.
Octobre 1 . Corvus cornix. Arrive.
18. Anser segetum. Passe.
19 et 20. Platalœa leucorhodia. Passent par
bandes.
Novembre 12. Fringilla spinus. Arrive.
Décembre 20. Emberiza nivalis. Vu des bandes nom¬
breuses.
22. Sylvia phœnicurus. Vu un individu.
REPTILES.
Février 18. Rana temporaria. Réveil.
Mars 15. Rana temporaria. Vu des œufs.
Mai 11. Lacerta vivipara. Réveil.
POISSONS.
Août 9. Scomber scombrus. Apparition.
Octobre 25. Clupea harengus. Apparition.
Novembre 18. » spraltus. Apparaît.
o4
OBSERVATIONS
INSECTES.
Mars 22. Coccinella sexpunclata. Apparaît.
Avril 5. Meloë proscarabœus Apparaît.
25. Melolontha vulyaris. Vole.
Mai 2. Bibio hortulanus. Vole.
Mai 5. Quantité inombrable d’insectes coléop¬
tères, hyménoptères, dipteres, etc , etc.,
apportée à la plage par la marée mon¬
tante et formant sur le sable une bande
noire d’environ 25 centimètres de lar¬
geur sur une étendue d’environ 2 kilo¬
mètres vers l’ouest d’Ostende.
MAMMIFÈRES.
•5. Vespertilio pipistrellus. Réveil.
17. » mur inus. Réveil.
Talpa europœa a travaille tout l’hiver; jamais il n’a
été en plus grand nombre.
Mars
Avril
Observations faites à Waremme et à Liège, en 1862, par MM. de Selys-Longchamps
et Michel Ghaye.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
Mars 16. Grus cinerea. Passe.
16. Phyllopneuste rufa. Arrivés.
25. Ruticilla tithys. Arrivés.
Avril 1. Alosa. Remonte la Meuse. (Liège.)
1. Sylvia alricapilla. Arrivés.
1 . Hirundo ruslica. Arrivés.
4. Phyllopneuste sibilatrix. Passage.
12. Sylvia curruca. Arrivés.
Avril
Mai
18. Cuculus canorus. Arrivés.
22. Cypselus apus (à Huy). Arrivés.
25. Oriolus galbula. Arrivés.
1 . Muscicapa grisola. Arrivés.
1. Gomphus vulyalissimus. Volent.
7. Libellula depressa Volent.
10. Calopleryx virgo. Volent.
16. fiypoluïs icterina. Arrivée.
PÉRIODE D'AUTOMNE.
Août 20. Upupa epops. Repasse.
Septembre 19. Turdus musicus. Repasse.
28. Hirundo urbica Départ principal.
28. « rustica. Départ principal.
Octobre 6. Grus cinerea. Premier passage.
14. Turdus iliacus. Premier passage
17. Corvuscarnix. Arrive.
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
Janvier
Février
Mars
Avril
55
Observations faites à Jerneppe-sur-Sieiise , en 1862 , par M. Alf. de Borue.
PERIODE DE PRINTEMPS.
16. Pariade des Pies.
24. ■> Moineaux.
25. Etourneaux commencent à siffler.
8. Régulas ignicapillus. Vu pour la der¬
nière fois.
16. Sylvia troglodytes. Chante
18. Alauda arvensis. Chante.
19. Fringilla cœlebs. Chante.
21. Chauve-souris.
21. Fourmis de plusieurs espèces.
7. Pieris brassicœ.
8. Motacilla alba.
10. Vanessa urlicœ.
12. Bombus.
13. Apis mellifica.
1 4. Lacerta muralis.
14. Vanessa polychloros.
14. Colias rhamni.
14. Harpalus aeneus.
14. Aphodius prodromus.
15. Sylvia tilhys. Arrivée et premier chant.
15. Pederus riparius.
26. Sitona lincellus.
27. Carabus auratus.
27. Apion flavipes.
5. Hirundo ruslica. Vu auprès de Liège.
5. Attagenus pellio.
5. Anthrenus scropliulariœ.
7. Phytonomus nigriroslris.
7. Phyllobius argentalus
7. Sylvia atricapilla . Vue pour la lre fois.
8. Zerene grossularia. Éclosion des che¬
nilles.
18. Sylvia atricapilla. Chante.
19. Calvia gultata.
19. Cleonus trisulcatus.
20. Hirundo ruslica. Arrivée.
20. Melolontha vulgaris.
20. Meloe proscarabœus.
20. Malachius œneus.
21. Fespa.
22. Motacilla flava. Jeunes sortant du nid.
22. Trichodes alvearius.
Avril 22. Cytilus varias.
24. Sylvia luscinia. Chante.
24. Hirundo urbica. Arrivée.
25. Feronia cuprea.
25. Falgus liemiplerus.
25. Cypselus apus. Arrivée.
25. Anobium tessellalum.
25. Rhizotrogus aeslionus.
26. Crioceris asparagi.
26. Grammatoptera ruficornis
29. Cerambyx ardo.
29. Corymbites castaneus.
Mai 1. Pieris cardamines.
1. Cicindela campestris.
1 . Antliaxia nitidula.
1 . Pachyta collaris.
1. Telephorus anticus.
2. Oriolus galbula. Chante.
4. Musicapa grisola.
6. Carpes. Fraient.
6. Ayrion puella.
8. Lacon murinus.
8. Anthocomus equestris.
9. Gnorimus nobilis.
9. Telephorus dispar.
1 1 . Sylvia hypolaïs. Chante.
15 Loricera pilicornis.
15. Callidium variabile.
16. Callidium violaceum.
16. Pachyta \0-maculata.
18. Crioceris merdigera.
20. Anaglyptus mysticus.
20. Oberea pupillata.
20. Cetonia aurala.
20. Oxythyrea stictica.
20. Clytus arietis.
20. Tillus elongatus.
20. Phyllopertha horticola.
24. Trichodes apiarius.
24. Rhamnusium salias.
24. Necydalis rufa.
25. Atlious leucophœus.
25. Chlorophanus viridis.
OBSERVATIONS
PÉRIODE D’AUTOMNE.
Août 5. Cypselus apus. Départ
Octobre 8. Grm cinerea. Passage.
Novembre 19. Le malin passage d’oiseaux (oies ou
canards).
Décembre 29. Passage de corbeaux allant vers le sud.
Malgré le degré d’avancement remarquable de la végétation cette année, les oiseaux sont en retard sur les années
précédentes, surtout les hirondelles qui n’ont paru ici, VH. rustica, que le 20 avril et VH. urbica. que le 24. La
Fauvette à tête noire, vue le 8, ne s’est mise à chanter que le 18; le Rossignol n’a commencé à se faire entendre que
le 24. Au contraire, les Martinets sont arrivés le 26 , par un temps très-chaud , en avance d’une semaine sur leur
époque normale.
Jemeppe, 1862. (E.deBorre.)
Observations faites à Namur, en 1862 , par M. A. Bellvnck.
PÉRIODE DE PRINTEMPS.
Février 16. Les alouettes montent eu chantant.
Mars 7. Musca domestica.
16. Vanessa urlicœ.
16. Anguis fragilis.
19. Rana.
19. Viper aberus.
Mars 26. Gonopteryx rhamni
26. Melœ proscarubeus.
26. Lacer ta.
26. Triton.
Avril 14. Melolontha vulyaris
PÉRIODE D’AUTOMNE.
Août 30. Œdipbda migralnria
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
Mars
A vril
Observations faites à Vienne , en 1862, par M. Charles Fritsch.
PERIODE DE PRINTEMPS.
1. Alauda arvensis. Chante.
10. Apis mellifica. Vole.
10. Chilocorus quadripustulatus. Apparaît.
10. Colias rhamni. Vole.
10. Fanessa polychloros. Vole.
10. » urticæ. Vole.
15. Aphodius fimetarius. Apparaît.
15. Gyrinus mergus. Vole.
28. Meloë proscarabeus. Apparaît.
1 . Bombus terrestris. Vole.
6. » lapidarius.Y oie.
6. Cetonia aurata. Apparaît.
7. Pieris cardamines. Vole.
7. Fanessa atalanla. Vole.
8. Pieris napi. Apparaît.
19. Telephorus ruslicus. Apparaît.
Avril 22. Pieris brassicœ. Apparaît.
24. Byrrhus pilula. Apparaît.
24. Coccinellabipunctata Apparaît.
24. C-iculus canorus. Chante.
27. Crioceris 1 H-punctala. Apparaît.
50. Papilio machaon. Vole.
50. Lacon mûrirais. Apparaît.
Mai 2. Coturnix dactylisonans. Chante.
-3. Malachius œneus. Apparaît.
5. Libeliula depressa. Vole.
6. Pœcilus cupreus. Apparaît.
15. Oxythyrea slictica. Apparaît.
17. B ibio hortulanus. Apparaît.
Juin 5. Trichodes apiarius. Apparaît.
3. Clytus mysticus. Apparaît.
21. Crioceris asparagi. Apparaît
PÉRIODE D’AUTOMNE.
Août 2. OEdipodes migratoria. Apparaît.
Tome XXXV.
8
58
OBSERVATIONS
OBSERVATIONS FAITES A DES ÉPOQUES DÉTERMINÉES.
État de la végétation le 21 mars 1862.
(Pour la Feuillaison , on représente par 1, feuillage complet ; 3/4, feuilles aux trois quarts de leur grandeur ; Vi , moitié grandeur .
i/4 , quart de grandeur; '/s, bourgeons ouverts ou très-petites feuilles initiales; par bourgeons, on entend seulement ceux
qui sont à moitié ouverts et par 0, on entend absence de feuillaison.
NOMS DES PLANTES.
VILVORDE.
Al.Wesmael.)
ANVERS.
(M.Rigouts.)
OSTENDE.
( M. Lans-
zweert.)
LIEGE.
(M. Dewal-
que.)
JEMEPPE.
(M. deBorre.)
NAMUR.
M. Bellynck..)
WAREMME.
(M. de Selys.)
MELLE. |
(M Bcrnar-
diu.) |
VIENNE.
(M. Frilsch.)
Feuillaison.
-
Æsculus hippocastanum. .
—
Bourgeons
—
Vs
Bourgeons.
Bourgeons.
Bourgeons.
Bourgeons.
Bourgeons.
id.
— pavia .
Alnus glutinosa .
—
—
—
Bourgeons.
—
Bourg.
—
— _
0
Amygdalus communis. . .
—
0
—
—
—
—
—
0
*-S
— persica ....
—
—
—
—
—
Bourg.
—
Vs
Bourg.
Aristolochia sipho .
—
—
—
—
—
—
—
Bourg.
Arum maculatum .
—
1
—
3/4
—
1/4
3/4
—
*/4
Betula alba .
—
ô
—
—
0
Bourg.
—
Bourg.
0
Berberis vulgaris .
—
Bourg.
- -
l/S
*/8
Id.
—
Vs
Bourg.
Bignonia catalpa .
—
—
—
—
—
—
—
0
— radicans .
—
—
—
—
—
—
—
0
Carpinus betulus . . • •
-
Bourg.
—
—
Bourg.
Bourg.
—
—
Bourg. [
Cercis siliquastrum ...
—
—
—
—
—
—
—
0
Colutea arborescens. . . .
—
—
—
—
—
—
—
—
Vs
Corchorus japonica ....
1/4
■ li
-
*/4
1/4-
1/2
1/4
1/4
Bourg.
Cornus mascula .
—
0
—
l/S
-
Bourg.
l/S
—
0
— sanguinea ....
—
i/s
-
l/s
—
—
—
Bourg.
*'S
Corylus avellana .
—
1/4
l/e
—
‘/S
Bourg.
B. ouverts.
l/S
0
Cratægus oxyacantha . . .
—
‘/S
-
1/8
l/S
Id.
Bourg.
l/S
Bourg.
Cytisus laburnum .
—
1/S
—
—
Bourg.
Id.
—
—
Id.
Daphné laureola .
—
—
—
‘/4
— mezereum .
—
1/4
i/s
1/2
—
1/2
Va
—
Ginkgo biloba .
-
—
—
—
—
—
—
Bourg.
Gleditschia liorrida ....
—
—
—
—
—
—
— —■
0
Glycine sinensis .
-
—
—
—
—
—
0
Hydrangea hortensis . . •
—
Ifi
—
—
—
Vs
Juglans regia .
-
—
-
—
—
—
—
Bourg.
Larix europaea .
—
—
—
1/8
Bourg.
Bourg
1/4
*/•
DES PHENOMENES PERIODIQUES
59
NOMS DES PLANTES.
*
V1LVORDE.
ANVERS.
OSTENDB.
LIEGE.
JEMEPPE.
N AMU R.
WA REMUE.
MELLE.
VIENNE. j
Feuillaison (suite)
Liguslrum vulgare ....
—
—
—
—
—
—
—
1/2
Liriodendron tulipifera . .
—
—
—
—
—
—
—
Bourgeons.
Lonicera periclymenum. .
Va
1/2
1/2
1/2
1/2
1/2
1/2
1/2
1/2
— ■ symphoricarpos.
—
1/2
—
1/4
Vs
Ma
1/4
Vs
Vs
— xylosteon ....
—
Bourgeons.
—
I/o
1/4
Bourgeons.
1/4
—
Vs
Magnolia yulan .
—
0
Mespilus germanica . . . .
—
Bourg.
—
—
-
—
—
Bourg.
1/s
Philadelphus coronarius. .
Bourgeons.
1/4
1/4
1/4
1/4
—
‘/s
‘/S
Populus alba .
—
0
—
—
—
0
—
0
— balsamifera . .
—
—
—
—
—
—
Bourg.
— fastigiata .
—
Bourg.
Prunus armeuiaca .
—
—
—
—
1/S
Bourg.
—
Bourg.
— cerasus .
—
Bourg.
—
—
1/S
—
Bourgeons.
Id.
Vs
— domestica .
—
—
—
—
—
Id.
—
—
0
— padus .
—
1/s
—
— -
Vs
Bourg.
Bourg.
—
1/S
Pvrus communis .
—
i/s
— *
—
v 1/S
—
—
Bourg.
0
— cydonia .
—
—
—
. -
1/S
Bourg.
— japonica .
—
3/4
1/2
3/4
1/2
‘/2
5/4
1/2
1/S
— malus .
—
—
—
—
1/S
Rhus coriaria .
—
—
—
—
—
—
—
Bourg.
— cotinus .
—
—
—
—
—
—
■ 9 .
0
Bourgeons.
Ribes alpinum . .
—
—
—
—
1/S
1/2
*/4
—
1/S
— gTOSsularia .
—
3/4
1
3/4
1/S
1/2
1/2
—
1/2
— nigrum .
—
3/4
—
1/4
, 1/4
—
1/4
1/4
— rubrum .
1/4
1/2
1/4
—
1/S
Vs
—
1/4
— sanguineum .
—
1/4
—
‘/2
Vs
‘/4
1/4
— uva crispa .
—
1/4
—
—
—
. ‘/4
1/2
Robinia pseudo-acacia . .
—
0
Rosa centifolia ......
—
0
—
—
—
—
—
—
Bourg.
— gallica .
—
1/4
—
—
—
—
1/S
—
Id.
Salix babylonica .
1/4
1/4
—
—
1/s
Bourg.
1/S
1/4
‘/s
Sambucus nigra .
1/4
1/4
—
*/2
Vs
1/4
1/S
Vs
l/s
Sorbus aucuparia .
—
Bourg.
—
—
—
—
Bourg.
Bourg.
Spiræa sorbifolia . • . . .
—
3/4
—
3/4
—
V4
3/4
—
1/2
Staphylæa pinnala ....
—
i/s
—
»/s
1/S
Bourg.
—
1/S
Bourg.
Syringa persica ■•....
—
1/4
—
Vs
1/4
Vs
—
Id.
— vulgaris .
1/4
‘/4
Bourgeons.
—
1/S
‘/4
1/4
—
Vs
Tilia europæa
—
Bourg.
Ulmus campestris .
—
0
—
—
—
—
—
—
0
Viburnum lantana .
—
i/s
— ■
—
1/8
Vs
—A
—
1/S
— opulus .
—
1/S
— ^ *
1/s
l'/S
Vs
—
Bourg.
Vs
60
OBSERVATIONS
NOMS DES PLANTES.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENDE.
LIÈGE .
JEMBPPE.
NAMUR .
WAREMME.
|
MELLE.
VIENNE.
Floraison.
Adonis vernalis .
—
—
—
Générale.
•
Adoxa moscatellina ....
Alnos glutinosa .
—
—
—
Terminée
—
Avancée.
Terminée
Anemone liepatica. . . .
—
Terminée
—
Avancée.
-
Id.
Générale.
Avancée.
Avancée.
— nemorosa . . . .
—
Commence.
—
Générale.
—
Commencée.
Id.
Amygdalus communis . . .
Commencée.
Boulons.
—
—
—
Id.
ü
0
— persica . . . .
—
—
Partielle.
Générale.
Générale.
Commencée.
Id.
0
0
Arabis albida .
—
—
—
Id.
— lilacina .
—
—
—
Id.
— caucasica .
—
Générale.
—
_
_
Générale.
Armeniaca vulgaris ....
Commencée.
Arum maculatum .
Aubrietia deltoïdea ....
—
—
—
_
_
Générale.
Berberis vulgaris .
—
—
—
__
—
—
_
0
Bellis pcrennis .
Commencée.
Générale.
—
Générale.
Partielle.
Générale.
_
Partielle.
Belula alba .
—
Id.
—
—
—
0
Chatons.
—
Boutons.
Buxus sempervirens . . .
— S
Boulons
—
Commence.
Terminée.
0
Générale.
Commence.
Id.
Callha paluslris .
Commencée.
Cardamine pratensis . . .
—
—
—
—
Commence.
Cheiranlhus clieiri ....
—
—
—
Boulons.
Corehoi us japonica ....
-
Commence.
—
Petits bout.
Boulons.
0
_
0
Boutons.
Cornus mascula .
Totale.
Continue.
—
Générale.
—
Générale.
Presqueûnic.
—
Commcnç1*.
— sanguinea .
—
—
—
—
—
—
—
Commence.
Corydalis bulbosa .
-
—
—
Commence.
Corylus avellana .
Terminée.
Terminée.
Générale.
Terminée.
Terminée.
Avancée.
Terminée.
Terminée
Terminée.
Crocus vernus. ......
Avancée.
Générale.
—
Id.
—
Terminée.
Presque finie.
Id.
Boulons.
Dapline mezereum. . . .
Id.
Id.
—
Avancée.
—
Id.
Id.
—
Générale.
— laureola .
-
0
—
Générale.
—
Générale.
Id.
Ficaria ranunculoïdes. . .
-
—
—
Commence.
Fritillaria imperialis. . . .
—
—
-
Boutons.
—
—
—
Boutons.
Galanlhus nivalis ....
Terminée.
Terminée.
—
Avancée.
—
Terminée.
Prcsquefinie.
—
Générale.
Helieborus niger .
—
id.
-
Terminée.
—
Id.
Terminée.
—
Avancée.
- — viridis .
—
—
—
Générale.
Hyacinlbus bolryoides . .
-
—
—
—
Commence.
— orienlalis . . .
—
—
—
Générale.
0
Hyoscyamus orienlalis . .
—
—
—
Id.
Iberis sempervirens . . . .
—
—
—
Boulons.
Lamium maculatum. . . .
Commencée.
— purpureum ....
—
—
—
Générale.
Partielle.
Générale.
—
Géhérale.
Avancée.
Leontodon laraxacum. . .
Commencée.
0
—
Id.
—
Commencée.
—
—
Boutons.
Magnolia yulan .
—
Gros bout.
—
Commence.
—
0
Boutons.
Muscari bolryoides ....
—
—
I
Générale.
—
Commencée.
1
DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES, 61
NOMS DES PLANTES.
VILVORDE.
ANVERS.
OSTENDB.
LIÈGE.
JBMEPPE.
NÀMUR.
W AREMMB.
ItlELLB.
VIENNE.
Floraison (suite).
Narcissus pseudo-n*rcissus.
Commencée.
Gros bout.
—
-
Boutons.
Commencée.
Générale.
Générale.
Orobus vernus .
—
—
—
—
-
—
—
Commence.
Philadelphus coronarius- .
Primula auricula .....
—
—
—
_
Générale.
0
— elatior .
—
—
—
—
-
Générale.
commencée.
Générale.
— grandillora. . . .
—
—
—
Générale.
— officinalis .
_
—
—
_
—
Commencée.
Généralé.
— veris .
—
Générale.
—
Commence.
—
—
—
—
Boulons.
Prunus armeniaca .
— .
—
Avancée.
Générale.
Générale.
Générale.
—
Commence.
Pyrus communis .....
—
—
-
—
Commence.
— japonica .
Boutons.
Commence.
—
Commence.
—
0
—
Commence.
Boutons.
— malus .
—
—
—
—
Boutons.
'
Populusalba .
Terminée.
0
—
—
" —
0
Chat. tombés.
*
— fastigiata .
Commencée.
Générale.
—
—
Très-avancée.
Pulmonaria officinalis. . .
—
—
—
—
—
-
—
Commence.
Rhododendron dahurieum.
—
—
-
Générale.
Ribes alpinuip .
—
—
-
—
0
— grossularia .
—
—
—
Commence.
— nigrum .
—
—
—
—
0
—
—
U
— rubrum. ......
—
—
—
—
—
—
—
0
— saoguineum .
—
Très-avancée.
—
Commence.
0
-
Générale.
— uva-crispa .
—
0
—
—
—
0
Ranunculus ficaria ....
Commencée.
Commence.
—
-
Partielle.
Commencée.
Commencée.
Avancée'.
Boutons.
Rhodora canadensis. . . .
—
Terminée.
-
Salix capræa .
Commencée.
0
—
Commence^
-
Générale.
Générale.
— virginalis .....
ld.
Sambucus nigra .
—
—
—
Petits bout.
Senecio vulgaris .
—
—
—
Générale.
Partielle.
Générale.
Slaphylea pinnata ....
—
Boutons.
Syringa persica .
-
—
—
Boutons.
— vulgaris .
—
—
Id.
—
—
—
Boutons.
Taxus baccata .
—
Générale.
-
Générale.
—
Avancée.
Tussilago farfara .
— petasites . .
—
—
-
Générale.
Ulmus campestris .
Commencée.
—
—
Avancée.
Avancée.
Commencée.
Viola odorata .
Id.
Générale.
—
Générale.
Générale.
Avancée.
Générale.
Partielle.
0
— Iricolor .
- —
—
—
-
Commence.
0
Vinca minor .
-
Commence.
—
Générale.
Id.
0
Commencée.
Commence.
0
Remarque. — L’hiver a été excessivement doux
Il n’a point neigé et il n’y a
eu pour ainsi dire de gelées
assez rudes que pendant quelques jours, à la fin de décembre ; quelques autres, presque
isolés, ont eu lieu en janvier.
Tout le mois de mars a été superbe et chaud avec très-peu d’humidité. La végétation est encore plus avancée à cette
époque, qu’au 21 mars 1861.
Waremme, 21 mars 1862.
(Eoa. de Selys-Longchahps)
62
OBSERVATIONS
État de la végétation le 21 avril 1862-
(Pour la Feuillaison voyez la note en tête du premier tableau.)
NOMS DES PLANTES.
ANVERS.
OSTENDE.
LIEGE.
JE. VIE PPE.
NÀMUR.
WA REMUE .
MELLE.
VIENNE.
Feuillaison.
Æsculus hippocastanum .
3/4
—
Va
I
1
‘/4
V8
1
— pavia .
—
—
—
—
—
—
Va
i Alnus glutinosa .
— '
—
*/4
—
Va
0
—
Va
Amygdalus communis .
1 li
—
—
—
—
—
1/8
— persica .
—
V4
Va
—
V*
Va
Va
Aristolochia sipho .
—
—
—
—
—
—
Bourgeons.
Arum maculalum .
t
—
1
—
1
1
—
1
Berberis vulgaris .
t
—
i
i
Va
s/4
t
1
Belula alba .
i
—
Va
1/4
Vit
*/4
1/4
'
j — alnus .
—
—
—
—
—
1/4
Bignonia catalpa .
—
—
-
—
—
—
( Gelé).
— radicans .
—
—
—
—
—
—
Bourg.
ili
—
1/4
1/4
Va
Vs
Va ‘
*4
Cercis siliquastrum .
—
—
—
—
—
—
0
Corcliorus japonica . • •
1
—
1
1
1
1
Va
3/4
3/4
—
Va
—
Va
1/4
—
3,4
— sanguinea .
3/4
—
-
—
Va
—
5/4
Corylus avellana .
3/4
Va
5/4
Va
Va
s/4
3/4
3/4
Cratægus oxyacantha .
1
. 1/4 ■
1
S/4
1
5/4
Va
3/4
Cylisus laburnum .
»/s.
—
1/4
1/4
Va
1/3
—
5 4
Daphné mezereum .
1
—
1
—
i
1
—
I
Evonymus europæus .
—
—
—
—
—
—
3/4
Fagus sylvatica .
—
—
—
—
0
Ginkgo biloba .
—
—
-
—
—
—
Bourg.
Gleditschia horrida .
—
—
—
—
—
—
Id.
Glycine sinensis .
—
—
—
—
—
—
Petits bourg.
Hydrangea hortensis .
Va
—
—
—
—
— .
1/4
Juglans regia .
—
-
—
—
—
—
Vs
Larix europæa .
—
—
1
3/4
‘/2
1
Va
*
Ligustrum vulgare .
—
—
—
—
—
—
Va
Liriodcndron tulipifera .
—
—
—
—
—
—
Vs
Lonicera periclymenum .
1
1
i
i
1
1
3/4
1
— xylosteum .
1
—
i
—
1
1
—
i !
symphoricarpos .
1
—
—
—
—
—
3/4
— tatarica .
V* *
—
—
—
—
—
3/4
i
Mespilus germanica .
3/4
—
—
—
—
—
Va
!
Philadelphus eoronarius .
1
—
—
*
-
i
DES PHENOMENES PERIODIQUES
65
NOMS DES PLANTES.
ANVERS.
OSTENDE.
LIÈGE.
JEMEPPE.
NAMÜR.
WAREMMB.
MELLE.
VIENNE.
Feuillaison (suite).
Populus alba .
1/4
—
V*
—
—
Vs
Vs
3/4
— fastigiata .
5/4
—
V4
3/4
1/2
1/4
Prunus armeniaca .
—
—
3/4
\
Va
3/4
3/4
— cerasus .
3/4
—
Va
5/4
1/2
*/4
1/4
3/4
— domestica .
—
—
*/4
—
Va
*/4
—
3/4
— padus .
1
—
3/4
t
1
5/4
—
1
Pyrus communis .
3/4
Va
Va
i
Va
1/4
Va
1
— cydonia .
—
—
—
—
—
—
—
3/4
— japonica .
i
—
1
—
t
1
1
1
— malus .
—
—
*/*
—
Va
‘/4
Ribes rubrum . ....
1
—
5/4
3/4
1
3/4
i/a
— sanguineum .
1
—
5/4
Va
t
3/4
— nigrum .
1
—
1
1
Va
1
3/4
— grossularia .
1
Va
— uva-crispa .
1
—
—
Va
Rhus coriaria .
—
—
—
—
—
—
Bourgeons.
— cotinus . »...
—
—
—
—
—
—
Petits bourg.
Rosa centifolia .
Va
— gallica .
3/4
Robinia pseudo-acacia .
*/*;
j— •
0
1/8
—
0
—
*/4
Salix babylonica .
3/4
—
5/4
i/a
—
3/4
va
i
Sambucus nigra . .
3/4
—
1
3/4
1
3/4
Va
Spiræa sorbifolia .
1
—
1
—
t
1
—
t
Sorbus aucuparia .
1
-
—
—
—
—
3/4
Syringa persica .
5/4
—
— vulgaris .
1
1
i
1
1
3/4
1
t
Staphylæa pinnata .
Va
—
3/4
1
—
Va
1/2
Va
Tilia europæa . . . • .
3/4
—
3/4
1/4
Va
Va
5/4
i/a
Ulmus campestris .
*/4
—
i/s
Va
i/a
Bourgeons.
V4
3/4
Viburnum opulus .
3/4
—
1/4
3/4
1
1/4
l/a
1
— lantana .
3/4
—
Yitis vinifera .
—
—
VS
i/s
—
Bourg.
Petits bourg.
Va
Floraison.
Anemone hepatica .
Finie.
—
Finie.
—
Finie.
Finie.
Finie.
Finie.
— nemorosa .
Continue.
—
Générale.
—
Presq. flnie.
Générale.
Presquefinie.
Générale.
Amygdalus persica .
—
Générale.
Finie.
—
—
Finie.
Finie.
— communis .
Finie.
Arabis caucasica .
Continue.
Betula alba .
Finie.
Bellis perennis .
Continue.
—
Générale.
Générale.
Générale.
Générale.
Générale.
Générale.
Berberis vulgaris .
—
—
Commencée.
—
—
Boutons.
Commence.
Boutons.
U
OBSERVATIONS
INOMS DES PLAINTES.
ANVERS.
OSTKNDB.
LIÈGE.
JEMEPPK.
ISAHUR.
WÀREMMB.
MELLE.
VIENNE.
Floraison (suite).
Buxus sempervirens .
Generale.
—
Finie.
Finie.
Finie.
Finie.
Finie.
Finie.
Cardamine pratensis .
—
—
Tend à finir.
Très-avancée.
Presquefinie.
Tend à finir.
Caltlia palustris .
—
—
—
—
Générale.
Générale.
Cheiranthus clieiri .
—
Presque finie.
—
Id.
Id.
—
Avancée.
Cornus mascula .
Finie.
—
Commencée.
-
Finie.
Finie.
— ■
Finie.
— sanguinea .
—
—
—
—
—
—
Boulons.
Corchorus japonica .
Générale.
—
Finie.
Avancée.
Générale.
Générale.
0
0
Corylus avellana .
Finie.
—
Commencée.
Finie.
Finie.
Finie.
Finie.
Finie.
Crocus vernus .
Id.
—
ld.
—
Id.
Id.
—
Id.
Dapline laurcola .
Générale.
—
-
• —
Id.
Id.
— raezereum .
Finie.
—
—
—
Id.
Erica herbacea .
—
—
—
—
ld.
Fritillaria imperialis .
—
—
Générale.
Finie.
Id.
Générale.
Finie.
Finie.
Galanlhus nivalis .
Finie.
—
Finie.
—
Id.
Finie.
—
Id.
Glechoma hederacea .
—
—
Générale.
Avancée.
Générale.
Générale.
—
Générale.
Glycine sinensis .
—
—
—
—
—
—
0
Helleborus niger .
F’inie.
Hyacinthus amelhystinus .
—
—
—
Générale.
botryoïdes .
—
—
Finie.
Finie.
—
Finie.
Lainium album .
—
—
Générale.
Générale.
Générale.
Générale.
Generale.
— purpureum .
—
—
ld.
ld.
Id.
Id.
Id.
Leontodon laraxacum .
Continue.
—
—
ld.
Id.
—
—
Generale.
Lonicera alpigena .
—
—
Générale.
. —
—
Commence.
—
ld.
periclymenum .
—
—
— '
—
—
—
Boutons.
Commencée.
Magnolia yulan .
Finie.
—
Finie.
—
Finie.
Finie.
Narcissus pseudo-narcissus .
Continue.
—
—
-
ld.
Finie.
Finie.
Finie.
Orobus vernus .
- *
—
—
—
—
—
Id.
Générale.
Populus alba .
0
-
Finie.
—
—
Finie.
—
Finie.
— fastigiata .
Finie.
Primula auricula .
—
—
—
—
Presquefinie.
—
—
Finie.
— elalior .
—
—
Générale.
—
Id.
Générale.
Presquefinie.
— offîcinalis .
—
—
Finie.
—
Id.
Finie.
— veris .
Continue.
Prunus armeniaca .
—
—
Finie.
—
Finie.
Finie.
Finie.
Finie.
serasus .
—
—
Presquefinie.
—
Générale.
Générale.
Presquefinie.
Presquefinie.
— domeslica .
—
—
Finie.
—
ld.
Presquefinie.
Finie.
— padus .
—
—
Presquefinie
—
Générale.
Commence.
—
Presquefinie.
— spinosa .
—
—
—
—
Presq. finie.
Finie.
—
id.
Pulmonaria offîcinalis .
—
—
—
—
-
—
Presquefinie
Pyrus communis .
—
1^
Générale.
—
Générale.
Générale.
Générale.
Finie.
— cydonia . , . .
—
—
—
—
—
—
—
Boutons.
DES PHENOMENES PERIODIQUES.
65
y
NOMS DES PLANTES.
ANVERS.
OSTENDK.
LIEGE.
JEMEPPE.
NAMUR.
WAREMME.
MELLE.
VIENNE.
Floraison (suite).
Pyrus japonica .
Finie.
Générale.
—
—
Presquefînie.
—
Générale.
Générale.
— malus .
—
—
Générale.
—
Générale.
Générale.
—
Id.
Ranunculus ficaria .
Continue.
—
Id.
Presquefînie.
Finie.
Id.
Presquefînie.
Id.
Ribes Digrum .
—
—
Presquefînie.
Générale.
Générale.
Id.
Générale.
— rubrum .
—
—
Id.
Avancée.
Presquefînie.
Presquefînie.
Id.
— sanguineum .
Continue.
Si
Générale.
Très-avancée
Finie.
Générale.
— uva-crispa .
Finie.
—
Finie.
Générale.
Id.
Finie.
— grossularia .
—
—
Id.
—
-
Id.
—
Finie.
Salix capræa .
Générale.
—
—
Finie.
—
—
Id.
Scilla nutans .
—
—
—
—
0
Senecio vnlgaris .
—
— ' '
Générale.
—
Générale.
Générale.
Staphylea pinnata .
Générale.
—
—
—
—
—
Partielle.
Syringa vulgaris .
Générale.
Générale.
Commence.
—
Commencée.
Commence.
Avancée.
Taxus baccata .
Finie.
—
—
—
—
-
Boulons.
Tulipa gesneriana . .
Tussilago petasites .
—
—
—
Finie.
Ulmus campestris .
Générale.
Viburnum opulus .
—
—
—
—
—
Boutons.
—
Boutons.
Viola odorata .
Continue.
s
Générale.
—
Finie.
Finie.
Presquefînie.
Finie.
Vinca minor .
Id.
—
Id.
—
Générale.
Generale.
1
Générale.
Avancée.
Remarque. — Au commencement d’avril
, il y avait une avance très-notable dans la végétation
; elle a été arrêtée ^
un peu ensuite du 15 au 15 par des gelées qui ont fait descendre le thermomètre à — 1°
C. Cependant, le 21 il y avait
encore une avance d’environ 15 jours sur une
année ordinaire , et le 25 le thermomètre s’est élevé à
+ 25° C. Un pied
de Lilas blanc, qui avait encore des fleurs le 14 mai 1853, a commencé à fleurir dès le 5 avril 1862.
Ayant fait les observations à Liège, sur
’état de la
végétation au 21 avril, en l’absence et
à la demande de
M. Dewalque, il m’a semblé que le retard qu’éprouve Waremme sur Liège,
cette année, peut être évalué de 12 à I
15 jours. L’altitude de Waremme est de 122“
, celle du fond de la vallée de Liège d’environ 60 mètres au-dessus du !
niveau de la mer.
Waremme et Liège, le 21 avril 1862.
(Ed.m. de Selys-Lovgciiamps).
■>*
Tome XXXV
9
66
OBSERVATIONS
A
État de la végétation le 21 octobre 1862.
(Les chiffres O, 1/4 , */a , 3/4, 4, indiquent la quantité des feuilles restant sur les arbres.
1 NOMS DES PLANTES.
V1LVORDE.
ANVERS.
MELLE .
OSTENDE.
WAREMSE.
N AMU R.
VIENNE.
E (Feuillaison.
Acer campeslre .
—
—
—
—
—
i
— negundo .
—
X
—
-
5/4
t
0
— pseudo-platanus .
s/4
0
5/4
—
3/4
5/4
‘/a
Æsculus hippocastanum .
3/4
3U
3/4
—
5/4
i/a
i/o
— pavia .
— ■
—
1
Amygdalus communis .
1
— persica .
‘ /a
t
1
1/4
5/4
1
i/o
Aristolochia sipho .
—
0
i/a
—
3/4
0
I/o
Berberis vulgaris .
—
1/4
3/4
—
i
1
‘/a
Betula alba .
—
1/4
3/4
—
5/4
i
l/2 j
— alnus .
—
—
—
—
s/4
t
0
Bignonia catalpa .
— •
1/4
I
‘/a
—
1/4
— radicans .
' —
—
1
Carpinus belulus .
—
3/4
—
—
3/4
1
1/2
Gastanea vesca .
—
—
—
— •
—
1
Cercis siliquastrum .
—
t
1
—
t
i
®/4
Corchorus japonica . . .
—
—
5/4
Cornus mascula .
—
1
—
—
3/4
1
1
— sanguinea .
—
i/a
5/4
—
i/a
i
S/4
Corylus avellana .
—
1/4
l/a
—
—
1
*/4
Cralægus oxyacantha .
—
i/a
1
‘/a
1
i
1/2
Cytisus laburnum .
—
3/4
‘/a
—
t
1
5/4
Evonymus europæus .
—
*/4
Va
—
1
1
1/2
Fagus castanea .
—
1/4
—
—
i/a
— - sylvatica .
—
i
—
—
1
I
i/o
Ficus carica .
—
—
—
—
t
i
Fraxinus excelsior .
3/4
t
—
—
1
i
3/4
Gleditschia horrida .
—
—
i/a
— triacanthos .
—
—
—
—
0
Glycine sinensis .
—
1
I
—
1
1
Ginkgo biloba .
—
1
1
—
1
l/a
s/4
Hydrangca hortensis .
-
1
1
—
t
1
1
Juglans regia .
—
l/a
«/a
—
5/4
i/o
i/o
Liguslrum vulgare .
—
1
1
—
t
1
5/4
Liriodendron tulipifera .
—
—
‘/4
—
i/o
1
Larix europæa .
—
1
—
—
5/4
t
i
Lonicera xylosteum .
—
‘/4
—
—
—
i
1/2
— symphoricarpos .
-
Va
— periclymcnura .
—
—
i/a
Magnolia tripetala .
—
—
—
—
i
• 1
— yulan .
1/4
Mespilus germanica . "...
—
—
1
DES PHENOMENES PERIODIQUES
67
NOMS DES PLANTES.
V1LVORDB.
ANVERS.
MELLE.
OSTBNDB.
WARBMME.
NAMÜR.
VIENNE.
EfTeuillaison [suite).
Morus alba ....
■— .
1
—
—
—
1
0 :
Paulownia imperialis .
—
*/*
—
—
1
—
t/a I
Philadelphus coronarius .
—
Va
3/4
—
1
1
3/4
Platanus occidentalis .
—
lU
—
—
—
1
3/4
Populus alba .
Va
m
*/a
— ~
t/4
—
3/4
— virginica .
—
Va
—
—
0
i
Prunus armeniaca .
—
V*
3/4
‘/4
S/4
i
— cerasus ....
—
1/2
Va
—
5/4
1
‘/a
■ — domestica .
—
t/4
-
t
Va
t
— padus .
—
*/4
—
—
Va
1
l/a
Pyrus communis .
*/4
1
»/a
—
3/4
1
Va
— japonica .
—
Va
1
—
1
1
l
— malus .
Va
3/4
Va
—
1
1
t/a
Quereus robur .
1
1
1
—
i
1
I
Rhus coriaria .
—
—
3/4
— cotinus .
—
—
5/4
Ribes alpinum .
—
0
■ 9
—
i
1
t/a
— grossularia .
—
t/4
—
—
3/4
i
3/4
— nigruni .
—
Vs
3/4
—
1
1
— ru bruni .
—
1/4
0
—
0
i
1
— sanguineum .
—
i/o
-
—
3/4
1
Robinia pseudo-acacia .
1
‘/4
-
—
1
1
3/4
Rosa gallica .
—
3/4
- ,
—
1
1
Rubus idæus . . .
—
3/4
I S 1
—
3/4
‘/a
3/4
Salix babylonica .
1
3/4
5/4
—
1
— capræa .
—
—
— -•
—
—
1
1
Sambucus nigra . .
I
1
3/4
‘/4
5/4
1
Sorbus aucuparia.
*/4
Va
t/4
—
0
1
3/4
Stapbylea pinnata .
—
0
‘/a
—
3/4
1
i/4
Syringa vulgaris .
Va
3/4
3/4
—
3/4
1
3/4
Tilia europæa .
—
3/4
"t/s
—
1
1
t/a
IJlmus campeslris. . . .
Va
1
1
—
1
1
I
Viburnum lantana .
1
t
—
3/4
1
3/4
— oxycoccos .
—
—
—
—
S/4
Vitis vinifera .
S/4
t/4
Va
—
3/4
1
3/4
Floraison.
Aster .
—
Générale.
Avancée.
—
Générale.
—
Avancée.
Dahlia .
—
Id.
Id.
—
Avancée.
—
Id.
Hedera hélix .
—
Finie.
—
—
Id.
Helianthus tuberosus .
—
La tige a péri
sans florai8oD.
Avancée.
—
Générale.
—
Finie.
Fructification.
Castanea vesca .
—
—
—
Mûrs.
Vitis vinifera .
—
—
—
Id.
68
OBSERVATIONS DES PHÉNOMÈNES PÉRIODIQUES.
REMARQUES.
L’efTeuillaison a été tardive cette année, mais moins cependant qu’en 1860,
où, sur cinquante-neuf plantes observées, cinquante-quatre conservaient tout
ou les trois quarts de leur feuillage. Jusqu’au 3 novembre, aucune véritable gelée
n’est venue flétrir les plantes tendres , comme les Capucines, les Topinambours ,
les Héliotropes, les Balsamines et les Dahlias. Le seul oiseau d’hiver arrivé à
Waremme est la Corneille grise.
Waremme, 21 octobre 1862.
(Edm. de Selys-Longchamps.)
Le 1er octobre de cette année, les plantes suivantes ont eu une seconde floraison
au Jardin botanique d’Anvers : YArabis caucasica,Y Astrantia major, 1 eCuricus
uncinatus, le Chelone obliqua, le Corchorus japonicus , le Cytisus laburnum,
le Üelphinum elatum, le Genistra elatum, YHieracium aurantiacum ,
YHepericum calycinum , le Mélina nepeta, le Papaver pilosum, le Penstemon
atropurpureum , le Potentilla nevadensis et cretica, le Salvia slavea, la Sapo-
naria ofjîcinalis , le Sedum album, le Spirœa Douylasii , et le Zephyranthes
candida.
Les plantes suivantes portaient encore des fleurs au mois de novembre 1862 :
YArabis caucasica, YAlyssum flavum , le Canlendida stillata, le Cephalaria
transylvatica , le Cerinthe minor , YHieracium aurantiacum, Y Hypericum
calycinum , les Potentilla nevadensis et cretica, le Saponaria ofjîcinalis et le
Sedum album.
Anvers, 21 octobre 1862.
(Rigouts-Verbert.)
MÉMOIRE HISTORIQUE
SUR
LA GUERRE DE MAXIMILIEN,
ROI DES ROMAINS,
CONTRE LES VILLES DE FLANDRE
(1482-1488);
M. J. -J. DE S3IET,
CHANOINE DE LA CATHÉDRALE DE SAXNT-BAVON, A GAND.
(Lu à la séance du 6 février 1865.)
Scditione, doits, scelerc , atque libidine el ira,
Iliacos infra muros peccalur el extra.
(Hur., Ép. ad Loll.)
Tome XXXV.
1
MÉMOIRE HISTORIQUE
SUR
LA GUERRE DE MAXIMILIEN,
ROI DES ROMAINS,
CONTRE LES VILLES DE FLANDRE
/ (1482-1488).
Ce fut un événement bien funeste pour les Pays-Bas, et surtout pour le
comté de Flandre, que la mort prématurée et douloureuse de la duchesse Marie
de Bourgogne , non-seulement parce qu’elle était généralement aimée , mais
bien plus parce que, enlevée à la fleur de l’âge, elle ne laissait que de jeunes
enfants et un époux étranger au pays : ce qui devait soulever des questions
dangereuses et amena, en effet, une guerre civile des plus déplorables.
Cet épisode de notre histoire, bien qu’il ne soit pas dénué d’importance,
ne nous semble pas avoir été assez étudié par nos écrivains. Les mémoires
contemporains sont en petit nombre et ne se donnent aucune peine pour voi¬
ler leur partialité en faveur de la cause autrichienne. Pontus de Huyter, qui
écrivait un siècle plus tard, recueillit des matériaux de même genre dans
la Bourgogne et la Franche-Comté , qui auraient dû lui inspirer plus de
défiance L Dans les temps plus modernes, les compilateurs de la grande
Clironyke van Vlaenderen 2 se montrent plus vivement passionnés contre les
1 Rer.Austr., lib. II et III.
2 Par C. Vernimmen, Blootacker et Wydts.
4
MÉMOIRE HISTORIQUE
États de Flandre, et M. Dewez, dont le récit est assez développé, a si peu
examiné les causes de ce regrettable conflit, qu’il n’articule pas même le
mot essentiel de manbournie , et semble tout attribuer au refus de la tutelle \
Il n’a eu apparemment aucune connaissance des traités intervenus que
Dumont nous a conservés dans son Corps diplomatique du droit des gens.
Notre savant confrère, M. le baron Kervyn, a été plus juste. Excepté lui,
tous ces auteurs n’ont trouvé que des paroles de blâme pour les trois membres
de Flandre en cette occasion, et semblent persuadés qu’ils n’avaient aucun
motif plausible pour s’opposer aux prétentions du futur roi des Romains.
Tout en avouant que les villes de Gand et de Bruges eurent des torts dans
ces tristes contestations, nous sommes porté à croire que ce n’était pas sans
raison qu’elles refusaient la manbournie, c’est-à-dire le gouvernement du
pays, au prince allemand. Le président Wielant, à celte époque déjà con¬
seiller au conseil de Flandre, et honoré sous trois règnes de la confiance de
ses souverains, nous paraît avoir ici une autorité hors ligne : or, il est beau¬
coup moins hostile aux villes de Flandre que les auteurs que nous venons de
citer2. Il en est de même de Despars, écrivant à Bruges et racontant les faits
jour par jour, ainsi que de V Excellente Chronycke d’A. Die Smet, imprimée
dans la première moitié du seizième siècle.
De Huyter ou Huterus parle de la haine que les Gantois portaient à Maxi¬
milien, ses conseillers et ses favoris 3, sans aucune cause ou raison; mais cette
accusation ne nous paraît pas bien prouvée, et en tous cas elle est fort exagérée.
Non-seulement les Gantois, mais les États de Flandre étaient mécontents du
duc et de ses courtisans, surtout à cause du meurtre du sire Jean de Dadi-
zeele , souverain bailli de Flandre et grand bailli de Gand , qui avait rendu
d’éminents services à ses princes comme à son pays, et qu’on avait assassiné
par ordre des principaux conseillers de Maximilien 4 : « Très-hault prince,
» dirent à celui-ci les États, vous avez tenu à l’entour de vous ceulx qui ont
1 Hist. gêner., tome V, pp. I 01 et suiv.
2 Corpus chron. Flandr., tome IV, pp. 554 et suiv.
3 Odiurn sine causa ac rationne contra Maximilianum , cjus consiliarios ac familiares , ani-
mis Gandenses ingens conceperant. Rerum Aüstb., lib. II, cap. I.
4 Au mois d’octobre 1481.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
5
» murdri messire Jehan, seigneur de Dadiselle, et encore les tenez et souf-
» frez en votre subjection, contre Dieu et raison, qui est grand pitié qu on
» ne faicl correction de tels cas. » Mais peut-on inférer de là que les Gantois
étaient animés contre le prince d’une haine implacable, odium ingens, et
d’une haine sans cause et sans motif?
Mieux vaut sans doute examiner les causes réelles du conflit.
Personne ne songeait à contester au duc Philippe l’héritage de sa mère;
mais il était mineur et devait l’être encore longtemps \ A qui fallait-il con¬
fier la tutelle et la manbournie de l’enfant? De hautes convenances et la jus¬
tice même commandaient d’investir le duc Maximilien de la tutelle, et les
libertés du pays ne couraient par là aucun risque; mais pouvait-on de même
lui abandonner la manbournie et remettre ainsi entre les mains d’un étranger
tout le gouvernement des Pays-Bas?
La question était pour nos pères aussi nouvelle qu’importante.
Nos constitutions modernes n’ont pas été sans prévoir une telle éventualité
et sans prendre des mesures pour parer aux conséquences fâcheuses qu’elle
peut entraîner. De là vient que dans plusieurs États les femmes sont exclues
de la succession au trône , et qu’en d’autres , où celte exclusion n’est pas éta¬
blie, l’époux de la reine n’a légalement aucun pouvoir politique. Ailleurs
encore , des bornes sont posées à son influence , ou les conventions matri¬
moniales ont des réserves qui garantissent le self-goveniment à la nation.
Ainsi quand, soixante ans après la mort de Marie de Bourgogne, le prince
d’Espagne épousa Marie Tudor, le chancelier d’Angleterre dressa l’acte de
mariage, où il est stipulé entre autres points que des étrangers ne seraient
admissibles à aucun emploi , que les enfants à naître de l’union contractée
ne sortiraient pas du pays sans le consentement des lords, et que, si la
reine venait à mourir avant son mari, Philippe ne pourrait prétendre à
aucun droit de participer au gouvernement du pays 2.
Les Keures de nos provinces et de nos villes n’avaient pas traité cette
1 Le jeune prince n’avait que quatre ans.
2 Foreigners were to be excluded front office... In case of mary s deatli, Philip was not to
daim the right of taking part in the governmeni of the country. Prescott, Hist. of Phil. II,
tom. I, p. 85.
6
MEMOIRE HISTORIQUE
question, et les différentes Joyeuses entrées du Brabant n’en parlent pas
davantage, bien que le cas ne fût pas difficile à prévoir. A la vérité, l'his¬
toire de Flandre présentait un antécédent, mais avec de notables différences
et tout à fait défavorables aux prétentions de Maximilien. Le comte Bau¬
douin de Mons, ne laissant à sa mort que deux fils mineurs, avait nommé
tuteur et manbour de ses enfants son frère, Robert le Frison qui, même
sans cet acte, devait l’être de droit en qualité de plus prochain agnat et de
parent d’épée des jeunes comtes. Mais la comtesse douairière, Richilde,
usurpa la régence et, sans tenir aucun compte de l’antagonisme des races,
elle s’entoura de conseillers wallons, français et anglais, multipliant les
impôts pour rassasier leur cupidité. On sait quelles furent les suites de cette
conduite imprudente autant qu’illégale, dont le souvenir ne fut pas sans
.influence apparemment sur les dispositions des Flamands envers Maximilien.
II ne faut pas croire toutefois qu’on n’avait pris aucune précaution contre
les prétentions que pouvait élever Je duc. Les stipulations matrimoniales
portaient expressément que si l’un des conjoints venait à mourir en laissant
des enfants, ceux-ci succéderaient aux seigneuries, droits et biens tant
meubles qu’immeubles, sans que le survivant pût former aucune préten¬
tion de propriété ou d’usufruit b Les annalistes contemporains ont ignoré,
paraît-il , cette clause essentielle du contrat.
Les provinces de Hollande et de Zélande, de Namur et de Hainaut, accor¬
dèrent toutefois sans hésiter au duc la manbournie comme la tutelle de son
fils. Celle de Brabant fut moins prompte et plusieurs membres de la noblesse
s’y montrèrent fort opposés; quelques-uns même, parmi lesquels on cite le
sire de Heelvekle, bourgmestre extérieur d’Anvers2 et un secrétaire de cette
ville, furent emprisonnés et mis à mort à Vilvorde 3. A Bruxelles et à Lou¬
vain il fallut de môme recourir aux moyens de violence, mais le parti autri¬
chien finit par l’emporter b
Mais c’est en Flandre que l’opposition fut la plus vive et parvint à triom-
1 Dumont, tom. 01, 2me part., p. 10.
2 II se nommait Jean Cocgclsone.
3 Rerum. Austr., lib. II, cap. II.
4 Despars, Citron, van Vlaend., IVde deel, bl. 222.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
7
plier. Le pensionnaire de Gand, Guillaume Rym, que Huterus traite, sans
aucune preuve, d’homme astucieux et d’un mauvais caractère, en lui asso¬
ciant, avec moins de justice encore, de communs artisans1, fit comprendre
à ses concitoyens que si l’on accordait au duc tous les pouvoirs qu’il récla¬
mait, on courait le risque de voir les richesses du pays passer dans l’indigente
Autriche, et les emplois devenir la proie des courtisans étrangers deMaximilien.
Ce langage, qui n’était pas sans fondement, devait faire une impression pro¬
fonde dans une contrée où l’habitant d’une province était inhabile à posséder
un office dans une autre, et où tout le monde était hostile à l’intervention de
l’étranger dans les affaires publiques 2.
Certes, si l’on eût accordé à Maximilien la régence sans condition, on aurait
eu en perspective, comme la suite le prouva, l’entrée d’une foule d elanzknects
et de swartzreiters dans l’armée, et de quelques seigneurs de Rauenstein ou
de Kalzenellenbogen dans les conseils du prince. Mais ne pouvait-on pas
obtenir des garanties contre de pareils empiétements, faire nommer un con¬
seil exclusivement composé de nationaux, et stipuler que les indigènes seraient
seuls admis aux emplois civils et militaires? Maximilien, qui au fond était
bon prince, aurait fini peut-être par accepter ces conditions, mais rien ne
prouve qu’on les lui ait proposées sérieusement. Treize chevaliers delà Toison
d’or se réunirent à Termonde pour aviser aux moyens de conserver la paix,
mais on s’y contenta de déclarer que Maximilien devait renoncer aux titres et
armoiries qu’il portait sans droit. Les députés gantois en revinrent mécon¬
tents 3. On offrit au duc, dit le chroniqueur Despars 4, de lui déférer la régence,
mais provisoirement.
L’éducation politique du pays était encore peu avancée.
Les États de Flandre s’étant assemblés à Garni, Maximilien s’y rendit
pour faire valoir ses droits à une réception solennelle dans la capitale, en
qualité de tuteur et de manbour de son fils (3 mai 1482). On lui répondit
1 II appartenait à une famille patricienne de Gand qui possédait, quelques années plus tard,
la seigneurie de Bellcm et d’autres domaines. Maximilien lui-même lui donne le titre de
chevalier.
2 Basnage, Annal, des Prov.-Unies , tom. I, p. 5.
3 Rerum Austr., lib. II, cap. IV.
t IVde deel, bl. 221.
8
MEMOIRE HISTORIQUE
que l’assemblée était prête à le reconnaître pour tel, mais seulement jusqu’à
révocation et aussi longtemps qu’il paraîtrait bon , utile et convenable aux
États; à condition qu’il prêterait serment de ne rien faire sans leur connais¬
sance et consentement, de révoquer et d’annuler expressément tout ce qu’on
pourrait attenter, de quelque manière que ce fût, contrairement à leurs inten¬
tions. Le duc lui-même était jeune, disait-on, et il prêtait trop l’oreille à des
gens dont sa cour était remplie et qui, au grand déplaisir du pays, n’avaient
à cœur que leurs propres intérêts et s’enrichissaient en levant, sous prétexte
de guerre, des aides et des impôts extraordinaires *. C’était là un refus, qui,
pour la tutelle du moins, était aussi outrageant pour le duc qu’inutile pour
la sauvegarde des libertés publiques. Maximilien s’en montra, et avec raison,
vivement irrité. D’après le conseil du comte de Chimai , il se présenta ensuite
à Bruges, à Ypres et à Lille, pour obtenir de ces villes ce que ne lui avaient
pas accordé les États du comté; mais pouvaient-elles renier leurs manda¬
taires? Cette démarche n’eut donc et ne pouvait avoir d’autre résultat qu’un
nouvel affront pour le duc.
Il crut alors qu’il ne lui restait qu’à dissimuler et consentit à tout ce que
les États de Flandre avait statué à Gand 2, même au traité de paix conclu
avec la France, malgré son opposition, et aux fiançailles dé sa fille Margue¬
rite avec le Dauphin , qui en formaient un article3. Appelé peu après devant
Utrecbt, dont les habitants de la faction des ïloeks avaient chassé leur
évêque, David de Bourgogne, et faisaient une rude guerre à Maximilien, il
confirma ses concessions et permit que la province de Flandre fût gouver^
née, au nom de son fils Philippe, par ceux du sang et par un conseil dont
étaient membres, d’après un historien zélandais 4, Louis de Bourbon, évêque
de Liège, Wolfart de Borselen, seigneur de Tervueren , Philippe de Bour¬
gogne, seigneur de Beveren5, et Philippe de Clèves, seigneur de Ravestein.
1 Despars, lit supra.
2 Wielant, Antiquités de Flandre, dans le Corpus chron. Flandr., tom.IV, p. 528.
5 Cette paix, datée du 25 décembre 1482, a été publiée par Dumont, Corps diplomatique
du cb'oit des gens , tom. III, 2e part., p. 100; et on en trouve le texte flamand dans le Belg.
musaeum , IXslL’ dcel, bl. 28.
4 Regcrsb-, Chronick van Zeeland, IIJc deel, bl. 503.
y Fils du grand bâtard de Bourgogne.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
9
Mais Despars substitue à l’évêque de Liège le comte de Romont , de la maison
de Savoie , et son opinion est la plus sûre. Peut-être avait-on songé à Louis de
Bourbon, uni aux ducs de Bourgogne par les liens du sang, mais le malheu¬
reux prélat venait d’être assassiné par Guillaume de Lamarck, surnommé le
sanglier des Ardennes.
On serait assez tenté, au premier abord, de blâmer la condescendance que
le duc montra dans cette occasion : quel motif pouvait le contraindre à dissi¬
muler ainsi et à jurer cette paix d’Arras, conclue sans lui et malgré lui ‘P
N’était-ce pas là couvrir d’une sorte de légalité les prétentions des Flamands
et les affermir dans leur opposition? Ces inconvénients n’avaient pas échappé
à l’archiduc 2 et à ses conseillers, mais indépendamment des hostilités de la
part d’un parti puissant qui l’appelaient en Hollande , le prince avait sur les
bras une guerre avec le pays de Liège insurgé; il ne pouvait compter que bien
faiblement sur l’assistance du Brabant et des autres provinces , qui s’étaient
soumises à son autorité, mais d’assez mauvaise grâce, et une rupture avec
la France paraissait imminente : la prudence faisait donc un devoir de ne
pas précipiter les choses.
Aussi avait-il limité ses concessions aux ‘États de Flandre jusquà son
retour, espérant bien avoir bon marché de leurs exigences, s’il revenait avec
l’ascendant que donne la victoire. Son expédition réussit parfaitement 3, et
aussitôt qu’il eut rétabli l’évêque, David de Bourgogne, dans sa seigneurie, il
revint dans le Brabant et révoqua tous les pouvoirs qu’il avait accordés à
Gand pour le gouvernement de la Flandre.
Dès le 15 octobre, les conseillers du jeune duc et les trois membres du
comté répondirent à cet acte par une lettre longue et motivée , où ils déniaient,
en vertu des conventions matrimoniales, tout droit de manbournie à Maxi¬
milien, qu’ils accusaient d’avoir usurpé le titre et les armes du comte de
Flandre, d’avoir chargé le pays d’impôts et d’avoir aliéné ou engagé, par les
1 On cédait comme dot de ta princesse l’Artois, le comté de Bourgogne et plusieurs seigneu¬
ries importantes. Maximilien s’opposait avec raison à un tel démembrement du pays.
2 11 ne prit ce titre qu'à cette époque, bien que les lettres patentes portant érection du duché
d’Aulriche en archiduché datent de 1555. Hergott, Geneal. Hasb., tom. I, p. 226.
3 Utrecht capitula le 7 septembre 1483.
Tome XXXV.
2
40
MÉMOIRE HISTORIQUE
conseils de son entourage, les biens meubles et les joyaux de Marie de Bour¬
gogne, qui ne pouvaient appartenir qu’à ses enfants. Ils se défendaient en
même temps avec vivacité contre les reproches que l’archiduc faisait à leur
administration, et terminaient leur manifeste en proposant de soumettre la
cause au jugement du roi de France, suzerain du comté, devant la cour du
parlement ou des pairs.
Huit jours après, Maximilien répliqua par un manifeste daté de Bois-le-
Duc, où des récriminations aigres et peu justifiées tiennent la place de
raisons. Il parle avec arrogance et mépris des trois membres de Flandre, et
dénie à leurs mandataires le droit, qu’on leur avait toujours reconnu, de par¬
ler au nom du pays. II n’est pas besoin, dit-il en terminant, de recourir à
l’arbitrage du roi de France : il saura bien par d’autres voies contraindre les
Flamands à lui rendre justice.
Les conseillers de l’archiduc s’étaient bien trompés, s’ils avaient cru que
ces allégations mensongères et ces menaces resteraient sans réponse. Elle
fut noble, mais pleine d’une juste indignation, et Maximilien, qui en crai¬
gnait l’effet sur le peuple, si on lui donnait quelque publicité, s’efforça d'en
amortir l’effet par une nouvelle' déclaration qui ne fit qu’envenimer la que¬
relle *.
Le gouvernement français y intervint sans succès. L’archiduc comptait
sur un complot qui se tramait à Bruges en sa faveur, mais une circonstance
toute fortuite le fit avorter et ses auteurs, parmi lesquels on comptait plusieurs
magistrats, furent mis à mort ou bannis. Pleins de confiance dans une armée
nombreuse et aguerrie, les conseillers de Maximilien ne s’en montrèrent pas
moins décidés à contraindre par la force les Flamands à se soumettre. Le
succès paraissait d’autant plus assuré qu’on savait que les" Gantois étaient
pour le moment hors d’état de soutenir une guerre à laquelle ils ne s’atten¬
daient pas.
On n’en crut pas moins devoir unir la ruse à la force pour s’emparer des
villes voisines de Gand. Tandis que l’archiduc se tenait de sa personne dans une
embuscade près de Termonde, des soldats éprouvés s’acheminèrent vers cette
1 La plupart de ces lettres se trouvent manuscrites à la bibliothèque de Gand.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
H
ville travestis en moines ou en religieux , et suivis par une autre troupe de
gens d’armes déguisés en marchands 1 2 3. Celte suite atteignit au point du jour
une porte, dont la garde était confiée à des partisans de Maximilien, et qui
s ouvrit aussitôt qu’on vit paraître les premières voitures. On donna le signal
convenu. Les soldats jetèrent leur costume d’emprunt pour sauter sur leurs
•armes, et Maximilien, à la tête de huit cents cavaliers, accourut à toute
bride. Un combat assez vif ensanglanta les rues et beaucoup de bourgeois
y trouvèrent la mort mais l’archiduc n’y perdit qu’un seul homme, le
fils du comte de Hornes, jeune guerrier de beaucoup d’espérance. Après
quelques heures de lutte, la ville se soumit et revint à ses occupations
ordinaires : elle reçut une forte garnison sous le commandement du sire de
Melun.
Il n’était pas moins important, et même plus encore, de s’assurer d’Au-
denarde, où commandait pour les Gantois Pierre Mettenyc, qui paraissait
disposé à se défendre vaillamment; mais Gauthier Van Reckem, son lieute¬
nant , n’était pas doué d’un caractère aussi loyal et se laissa séduire si aisé¬
ment, que l’archiduc lui-même montra peu de confiance dans un si prompt
dévouement. Tout réussit cependant à souhait : le duc fut mis en possession
de la ville, surprit Mettenyc dans son lit et l’envoya comme prisonnier dans
le Hainaut. Yan Reckem obtint pour prix de sa trahison le gouvernement
d’Àudenarde (5 janvier 1485).
En apprenant ces faits étranges , les états de Flandre s’assemblèrent de
nouveau à Gand et, mieux avisés cette fois, ils fondèrent particulièrement
leur opposition sur les dangers réels et graves d’abandonner la manbournie à
l’étranger J. Ils résolurent de repousser la force par la force , et comme les
troupes de Gand, que commandait le comte de Romant, étaient fort infé¬
rieures à celles dont l’archiduc pouvait disposer, ils se décidèrent à accepter le
1 O. De la Marche, liv. II, ch. XI.
2 Les écrivains de Termonde et d'Audenarde se font gloire ordinairement de la résistance
de ces villes à celle de Gand, mais il serait aisé de prouver que leurs bourgeois étaient au con¬
traire favorables à la capitale, et que la résistance n’était due qu’à la garnison étrangère à Ter-
monde et à Audenarde, aux chevaliers leliaerts qui y dominaient. C’est comme si les habitants
de Dantzig et de Hambourg se vantaient d’avoir, en 1813, tenu en échec les armées delà coalition.
3 Wielant, Antiquités de Flandre, p. 529.
MEMOIRE HISTORIQUE
12
secours que Philippe de Crèvecœur, sire des Ouerdes et des Cordes 1 , leur
présentait au nom du nouveau roi Charles VIII, ou plutôt de la danm de
Beaujeu, régente de France pendant sa minorité 2.
Si c’était un tort grave de ne pas avoir recours à tous les moyens de con¬
ciliation, avant de rejeter le pays dans les maux de la guerre civile, c’en
était un autre, bien plus grave encore, de réclamer l’assistance d’un voisin
puissant, toujours hostile aux franchises et aux libertés de la Flandre, jaloux
de sa prospérité et à l’affût du moindre prétexte pour la réunir à sa couronne.
On avait d’ailleurs mauvaise grâce de montrer une crainte si vive de l’étran¬
ger, quand on recherchait avec tant d’empressement l’alliance des Français.
Ici encore le sens politique semblait être en défaut.
Le peuple le sentit mieux que ses chefs, et quand le seigneur de Querdes
vint à Gand avec son corps d’armée, la ville ne cacha pointson mécontentement,
d’autant plus vif, qu’on avait répandu le bruit que le général français n’était
entré dans la ville que pour avoir l’occasion d’enlever le jeune archiduc et de
le conduire en France. Ces sentiments grandirent encore après une escar¬
mouche qui eut lieu sous les murs de Gand, et qui faillit livrer la ville à Maxi¬
milien, parce que les auxiliaires s’y conduisirent mal et laissèrent les bour¬
geois, trop peu nombreux, soutenir tout le poids du combat. Il n’y eut qu’une
voix pour crier à la trahison, et Crèvecœur, qui s’en aperçut, craignit qu’on
ne lui fît un mauvais parti, et, sans dire adieu à personne, il se hâta de
quitter la ville et de conduire ses forces à Tournai 3. Abandonné par les Wal¬
lons, qui depuis longtemps n’avaient reçu aucune solde, l’archiduc dut battre
en retraite à son tour et se contenter de livrer au pillage tout le pays de Waes,
pour satisfaire la rapacité de ses mercenaires allemands.
Pontus Iluterusse bat les flancs dans une amplification dont les détails sont
peu exacts i, pour établir qu’en cette occasion les provinces et les villes prirent
les armes les unes contre les autres, et que le bas peuple se souleva contre la
1 L’auteur de Quentin Durwcird emprunte à sa palette les couleurs les plus brillantes pour
peindre ce transfuge de la cour de Bourgogne, mais
Dans un roman frivole aisément tout s’excuse.
2 Louis XI était mort au Plessis-lès-Tours, le 30 août 1483.
3 De la Marche, liv. II, ch. XI.
4 Rer. Austr., lib. II, cap. III.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
13
noblesse. Cette dernière assertion nous semble bien difficile à justifier. Louis
de Bruges, seigneur de Gruthuuse, se trouvait à la tête du parti opposé aux
prétentions de Maximilien dans sa ville natale, Guillaume Rym, Louis de
Masmines, les sires de Rassegem et de Liedekerke, le seigneur de Ter Vere
et le comte de Romont, dans celle de Gand : ce ne sont pas là d’obscurs plé¬
béiens. Déjà nous avons vu décapiter le seigneur deHeetvelde, qui avait
embrassé le même parti; et quand l’archiduc demanda du secours à Bruxelles
contre un détachement de Gantois qui s’étaient avancés jusqu’à Assehe, il
essuya un refus formel de la part des magistrats, et obtint au contraire l’assen¬
timent du peuple.
Ce serait beaucoup plus s’approcher de la vérité, si l’on affirmait que l’aris¬
tocratie et la haute bourgeoisie poussèrent le peuple flamand à cette guerre.
Elle offrait cependant peu de chances de succès : la Flandre gallicante
paraissait craindre l’intervention des Français bien plus que la régence de
Maximilien; Bruges et Ypres se bornaient à des démonstrations peu efficaces,
et Crèvecœur promettait et intriguait plus qu’il ne combattait. Tout le poids
de la lutte retombait sur les Gantois, qui d’ailleurs n’étaient pas entièrement
unis.Grammont et Ninove, emportées de vive force par les généraux de Maxi¬
milien, souffrirent horriblement, et Tamise, prise d’assaut par l’archiduc
lui-même, subit les traitements les plus barbares1, tandis que des corps
d’armée sortis de Gand étaient battus, mais sans perdre beaucoup de monde,
à Laere 2, à Peteghem et Zele. Les Gantois à leur tour remportèrent quelques
légers avantages; mais le résultat le plus clair de ces tristes hostilités, c’était
la stagnation du commerce, la ruine de l’agriculture et la destruction d’un
nombre de villes et bourgades : Guillaume le Breton avait écrit au douzième
siècle :
Flandria, gens opibus variis et rebus abundans,
Gens intestinis sibimet damnosa ruinis 3.
1 Despars, IVdc deel, bl. 249.
2 L éditeur de Despars voit la le village de Laerne, mais peut-on comprendre que la garni¬
son d Audenarde, qui livra le combat, se soit hasardée à s’éloigner jusqu’à cette commune
située au delà de Gand? Nous pensons qu’il s’agit d 'Edelare.
0 Ce peuple de Flandre, qui jouit en abondance de trésors et de biens de tout genre, se nuit *
à lui-même par ses discordes intestines. Philip., lib. II, v. 154 et 155.
14
MÉMOIRE HISTORIQUE
Ce portrait se trouve vrai encore, et depuis on a pu malheureusement, à
différentes époques, y reconnaître la Belgique entière.
Cependant le commun peuple se dégoûtait d’une guerre sans issue, dont
il n’appréciait pas les motifs, et d’autant plus qu’il était fort mécontent de
l’administration de ceux du sang, comme on appelait les seigneurs qui com¬
posaient le conseil de régence. Ce mécontentement, plus vif et plus général
tous les jours, n’attendait qu’un signal pour éclater, et il fut donné bientôt.
Les nombreux partisans que l’archiduc avait conservés à Bruges s’étaient
entendus avec quelques chefs de ses troupes , pour rétablir son autorité dans
leur ville. Pendant une longue procession ordonnée à leur prière, pour obte¬
nir du ciel la fin des troubles et la paix de l’État, le comte Englebert de
Nassau, les seigneurs de Beveren et de Falkenstein , suivis d’un corps très-
considérable de gens d’armes d’élite, entrèrent dans la ville , sans éprouver
aucune résistance. Ils se mirent en bataille devant l’hôtel de ville cl une
foule immense, accourue de toutes paris, accueillit avec de vifs applaudisse¬
ments la proposition que fit le chancelier de Brabant de reconnaître la tutelle
et la régence de Maximilien pendant la minorité de son fils '.
On lut ensuite les autres conditions de la paix : le consentement de la
ville à un subside suffisant au prince pour solder les dépenses de la guerre,
qui serait réglé plus tard par les trois membres de Flandre et le payement des
arrérages dus à la duchesse Marguerite d’Yorck, veuve de Charles le Témé¬
raire, sur les revenus de son douaire. A ce prix, on obtenait une amnistie
générale , dont cependant étaient exclues dix personnes et à leur tête le sire
de la Gruthuuse, qui fut sur-le-champ conduit à la prison du steen et, sur
le refus du seigneur de Beveren , le seigneur d’Uilkerke le remplaça en qua¬
lité de capitaine de la ville 2.
A ces nouvelles, la ville de l’Écluse ouvrit ses portes à l’archiduc, qui se
trouvait de sa personne avec une flottille dansleZwin. Heureux de ce nouveau
succès, il s’empressa de venir à Bruges, où il fut reçu avec de grandes
démonstrations d’allégresse par le peuple et complimenté par le chancelier
de Brabant, dont l’intervention avait été si efficace.
1 Despars, lVdc deèl, bl. 252.
2 Ibid., bl. 257.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
15
Peu de jours après, les nouveaux chefs de Bruges envoyèrent en secret
à Gand leur pensionnaire Jean Roegiers, pour s’entendre avec Mathias
Speyaert ', sur les moyens à employer pour amener à leur tour les Gantois à
reconnaître le droit que prétendait l’archiduc de gérer la manbournie comme
la tutelle de ses enfants. Leurs mesures réussirent sans peine : le peuple se
souleva à la voix de Speyaert qu’il aimait, le 7 juin 1485, et emprisonna
Adr. Villain, seigneur de Rasseghem, Daniel Onredenc, premier échevin de
la heure , Jacques Heyman, troisième échevin. Le lendemain on incarcéra
encore Euslache Schietecatte, chef doyen, Guillaume Rym, Jean Coppenole
et plusieurs autres. Peu de jours après , Rym et Onredenc furent décapités
sur l’échafaud, mais cette sanglante exécution causa une émeute qui faillit
prendre de vastes proportions, et qu’on ne put apaiser qu’en mettant en liberté
les autres prisonniers.
On crut donc qu’il fallait se hâter de recourir à Maximilien lui-même
pour prévenir de nouveaux troubles. L’abbé de Saint-Pierre au mont Blandin,
Philippe de Bourgogne, seigneur de Beveren, Paul de Baenst, président du
conseil de Flandre, Richard Wtenhove et Adrien de Raveschoot, chevalier
d’un âge avancé, mais doué d’une sagesse peu commune, furent députés à
Bruges pour traiter de la paix avec l’archiduc, conjointement avec les délé¬
gués de Bruges et d’Ypres. Tous étaient animés de sentiments si conciliants,
qu’après quatre jours de conférence, la paix générale fut conclue (le 23 juin)
aux conditions suivantes 2 :
« i. Les membres du comté de Flandre seront tenus de recevoir et d’inau¬
gurer Maximilien en qualité de tuteur et de manbour de son fils mineur, leur
prince naturel, aussitôt que l’archiduc leur aura prêté comme tel le serment
usité.
» ii. Us seront de même tenus de remettre à l’archiduc son fils susdit hors
des portes de Gand, le jour qu’il lui plaira de s’y rendre pour prêter serment
dans cette ville comme tuteur et manbour; et pour la sûreté de sa personne,
il pourra y faire son entrée avec le corps de troupes qu’il jugera convenable à
sa dignité.
1 Selon Wielant, il était tanneur et selon Despars hôtelier et courtier.
2 Dumont, Corps diplomatique du droit des gens, tom. lit, part. 2, p. 145.
46
MÉMOIRE HISTORIQUE
» in. De plus, les trois membres du comté s’obligeront à payer à l’archi¬
duc, pour les armements qu’il a dû faire, telle somme de deniers que lui-
même et son conseil jugeront plus tard nécessaire, la moitié de suite et le
reste par annuités à parties égales.
» Ils auront à payer de même une somme raisonnable à dame Marguerite
d’Yorck, douairière de Bourgogne, pour les arrérages de son douaire.
» iv. Si quelque article de celte paix avait besoin d’une interprétation
plus large, elle ne pourra se faire que par l’archiduc et ceux de son
conseil.
» v. Tous ceux des deux partis qui auront été bannis par suite des
séditions et discordes précédentes pourront rentrer librement dans leurs
foyers.
» vi. L’archiduc confirmera aussi et confirme par cette paix les octrois ,
grâces, pardons, provisions et autres actes de justice, faits et expédiés de
commun accord par ceux du pays de Flandre, pendant les querelles et dis¬
sensions susdites, au nom de son fils mineur, le duc Philippe; sauf toutefois
le droit de chacun *.
» Il confirmera et confirme de même tous les droits et privilèges, toutes
les coutumes et libertés du pays de Flandre, tant en général qu’en particu¬
lier. Ainsi toutes les villes du comté reprendront leur constitution ancienne et
primitive, chacune sous le même ressort qu’avant cette guerre. »
Moyennant ces conditions et conventions, il sera accordé à chacun pardon
et amnistie générale de toutes choses faites pendant ces troubles contre Maxi¬
milien ou son fils., à l’exception de quelques personnes 1 2 3.
Ce traité de réconciliation fut promulgué avec beaucoup de pompe , à
Bruges, le 23 juin ’, mais les fêtes qui eurent lieu à cette occasion furent
1 Saul fie droict de luy et de son fdz et de chascun, dit Wielant.
Louis de Bruges, le comte de Romont et le seigneur de Ter Vere, chevaliers de la Toison
d or; Louis de Masmines, Jean Coppenolle, Gilles Van den Broecke, Eustache Schietccalte, Jean
et Gaspar Heyman, du quartier de Gand; Guil. Morecl, Jean Van Riebeke, Pierre Van den
Ileeke; Ant. Labbé , Solder Van Loo, Jean d’Oostcamp, Louis Stelin, Jean de Kcyt,le vieux, et
François Van Bassevelde, du quartier de Bruges; Nicolas Marteel, du Franc; Gaspar Van Prc-
mesques, Fr. Vanderpoorten et Tristan Van Belle , d’Ypres.
3 Despars , IV, 2G2.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
17
bientôt attristées par l’exécution sanglante de quelques-uns de ceux qu’on
avait exclus de l’amnistie.
Peu de jours après, Maximilien se mit en marche sur Gand à la tête d’un
corps d’armée qu’Olivier de la Marche , qui s’y trouvait, porte à trois mille
hommes *, tandis que P. Huterus y compte cinq mille Allemands, et Des¬
pars, auteur contemporain et instruit, dix-huit mille combattants. Parvenu
au village de Mariakerke, le prince rencontra au milieu des champs la
députation des Étals qui venait lui présenter son jeune fils, qu’il n’avait pas
vu depuis plusieurs années et qu’il tint longtemps embrassé. Après cette tou¬
chante entrevue, les deux archiducs firent avec les troupes leur entrée à
Gand, et le lendemain (8 juillet) , Maximilien prêta le serment ordinaire
comme manbour, d’abord à l’église de l’abbaye de Saint-Pierre et ensuite à
celle de Saint-Jean. Le peuple, à son tour, lui prêta serment au grand mar¬
ché. A peine celte inauguration avait eu lieu que l’archiduc fit appeler Malh.
Speyaert, le remercia amicalement des services qu’il venait de lui rendre et
l’arma chevalier d’un coup de sa botte, à défaut de l’épée qu’on venait de lui
ôter 1 2. Il accorda de plus au nouveau chevalier une pension pour qu’il pût
soutenir son rang, et lui mit autour du cou une lourde chaîne en or qu’il
avait portée lui-même. Ce dernier cadeau embarrassa singulièrement Speyaert
et lui attira autant de moqueries que de regards; «car» dit un chroniqueur,
« cette chaîne lui allait comme une chemise de soie à une vache. »
Mais la vue des troupes nombreuses d’Allemands et de Suisses qui accom¬
pagnaient l’archiduc, et surtout les désordres qu’ils se permirent, donnèrent
heu à de nouveaux troubles. « Chassez vous-même les brigands que vous
» avez amenés, criait-on au prince, ou nous seuls nous saurons bien nous
» en défaire. » Le tumulte s’augmenta beaucoup quand on apprit que trois de
ces soldats étrangers, emprisonnés par ordre du magistrat, pour s’être portés
aux derniers outrages envers la servante de leur hôte, avaient été délivrés par
leurs camarades et qu’ainsi l’attentat était demeuré impuni. Quelques métiers
prirent les armes et Maximilien, qui s’était retiré à la cour du prince, craignit
1 Liv. II , cli. XII.
2 Despars , IV, 268.
Tome XXXV.
5
48
MEMOIRE HISTORIQUE
de nouvelles collisions. Les magistrats parvinrent cependant à rétablir la
tranquillité, et quelques-uns des insurgés payèrent encore de leur tête- celle
courte échauffourée.
NOUVELLE GUERRE.
« A l’avénement du roi Philippe II, dit son historien *, le peuple belge
» sentit avec amertume que le sceptre du pays venait de passer dans les
» mains d’un étranger. » A la vue des excès commis par les soldats alle¬
mands et demeurés impunis , un sentiment semblable s’empara des Gantois
et devint plus vif tous les jours par suite des procès sans cesse renaissants
auxquels donnait lieu la clause réservatrice : sauf en tout nostrc droict , de
noslre fdz et de cliascun , qui ouvrait une large porte à l’arbitraire. On se
rappela les prédictions de Guillaume Rym.
Ce mécontentement se communiqua bientôt à toute la Flandre, où tout le
monde se plaignait, dit Wielant 2 * 4, que la paix publique était incessamment
méconnue, et qui s’étendit bien davantage, quand l’archiduc, qui venait
d’être couronné roi des Romains7’, recommença en Picardie les hostilités
contre la France, d’où devaient résulter de grands dommages pour le com¬
merce des deux pays (1487). La première tentative réussit mal et Maximi¬
lien faillit être livré aux Français par ses soldats mercenaires, gagnés par
l’argent de Crèvecœur. Mais la situation devint beaucoup plus grave, quand
le Petit Salazar, capitaine biscayen au service de l’archiduc, se fut rendu
maître de Térouane. Le roi Charles. VIII montra la plus vive indignation et
l’opposition flamande put compter sur les secours efficaces de la France l.
La commune de Gand, qui avait adhéré de mauvaise grâce au traité de
Bruges, n’était que trop disposée à reprendre les armes, et les conseils du
1 The people of ihe Netherlands fclt with bitterness thaï the sceptre oftheir countnj had
passed into the hands of a foreigner. IIist. of tue reign of Phii.ip. II. Book II, ch. II.
2 Antiq. de Flandre , p. 530.
0 Elu roi des Romains à Francfort, le 10 février 1480, il avait été consacré comme tel le
10 avril suivant à Aix-la-Chapelle.
4 P. Hut., lier. Austr., lib. I.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
19
prince semblaient vouloir une explosion nouvelle. Us n’ignoraient pas com¬
bien une guerre avec la France était impopulaire en Flandre, et n’en suggé¬
rèrent pas moins au roi des Romains de demander aux trois membres du
comté 1 un subside annuel de neuf cent mille couronnes d’or, pendant trois
années consécutives, pour combattre les Français. De plus, ils donnèrent à
une nouvelle monnaie un cours plus élevé- que sa valeur réelle. Une assemblée
des membres eut lieu pour en délibérer, d’abord à Garni, mais sans résultat
aucun, et ensuite à Termonde, où l’on résolut de représenter à Maximilien
que les finances du comté étaient trop épuisées pour qu’on pût accorder l’aide
demandée, et qu’on était d’ailleurs fermement décidé à ne pas rompre la paix
d’Arras 2. Quant au cours de la monnaie, qui regardait toutes les provinces, il
fallait, disait-on, réserver cette question pour leur prochaine assemblée géné¬
rale.
Cependant les Français ne demeuraient pas oisifs : au moyen des intelli¬
gences qu’il avait conservées dans Térouane, Crèvecœur reprit cette ville,
ce que le comte de Nassau, général de Maximilien, ne put apprendre sans en
être vivement affecté. Pour prendre sa revanche, il réunit des forces consi¬
dérables et se porta sur Béthune, dont il espérait bien s’emparer par un coup
de main. Mais son attente fut cruellement trompée. N’ayant pas aperçu, dans
la passion qui l’agitait, les embuscades que les Français lui avaient dressées,
il fut complètement défait, laissa près de neuf cents morts sur le champ de
bataille et se vit lui-même prisonnier avec Charles d’Egmont, le prétendant
au duché de Gueldre 3, et une multitude de chevaliers de marque. Tous
furent remis en liberté, mais en payant une forte rançon.
Au lieu de combattre les ennemis du prince qu’ils servaient, les soldats
allemands et suisses du roi des Romains se livraient partout à la maraude sous
le prétexte, malheureusement fondé, que leur solde était fort arriérée. On
avait à la vérité refusé le subside de guerre demandé par Maximilien , mais il
s’était procuré de l’argent au moyen de quelques impôts et contributions que
ses commis avaient levés avec une rigueur extrême dans les Quatre-Méiiers ,
1 Le Franc n’était pas encore reconnu comme membre.
2 Despars, IVdcdeel, bl. 285.
3 Tkijnl van Ghelderen, comme l’appelle Despars.
20
MÉMOIRE HISTORIQUE
les districts de Bergues, Bailleul et Ypres, ainsi que dans le Franc de Bruges,
ce qui n’avait pas manqué d’exciler les populations à de violents murmures.
Les sommes que produisaient ces exactions, plus imprudentes encore
qu’illégales, n’entraient que pour peu de chose dans les trésors du prince et
ne servaient qu’à satisfaire la cupidité et l’avarice des courtisans, qui n’avaient
d’autre souci que de s’enrichir aux- dépens de tout le monde, quoiqu’il dût en
résulter bien des maux pour le pays '.
Quand on considère ces circonstances et les dispositions connues des Fla¬
mands, y a-t-il lieu de s’étonner d’une nouvelle levée de boucliers de leur
part?
Un soulèvement avait eu lieu à Gand,en I486 , mais le seigneur de Ghis-
tele, grand-bailli de la ville, était parvenu à le réprimer, peut-être parce
que le peuple n’avait pas de chef capable. Il en devait être tout autrement
l’année suivante.
Adrien Vilain, seigneur de Rassegem, avait pris une grande part à la pre¬
mière guerre des Gantois contre Maximilien ; mais comme il était très-aimé
du peuple, on n’avait pas osé l’exclure de l’amnistie et même on lui avait
conféré un emploi. Il s’en fallait cependant qu’il jouît de quelque confiance
près du roi des Romains et, quand l’orage parut calmé, ce prince s’assura de
sa personne et le fit incarcérer dans la forteresse de Vilvorde. Il y attendait
depuis quelque temps qu’on prononçât sur son sort, quand son cousin ger¬
main 1 2, le seigneur de Liedekerke, résolut d’employer la ruse pour le remettre
en liberté. S’étant associé à cet effet vingt-quatre hommes sûrs et d’une
audace à toute épreuve, il en mit le plus grand nombre en embuscade autour
de la forteresse, dont il savait que le gouverneur était absent, tandis que
lui-même, avec trois autres, feignait de se promener sans aucun but dans les
environs. Parvenu à la porte, il exprima au concierge un vif désir de voir
cette citadelle renommée, et parvint à le gagner par de belles paroles. Rasse¬
gem se promenait dans la cour en robe de chambre. Le sire de Liedekerke
l’aborda : Partons ! dit-il , et le prisonnier, qui a reconnu son parent, le suivit
1 Despars, IVdt' deel, bl. 280.
2 « Son oncle » dit à tort M. Dewez.
*
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
21
aussitôt. En vain le concierge jeta de hauts cris, pour empêcher cette fuite,
il fut roué de coups et laissé à demi mort sur la place, tandis que les auteurs
de cet attentat , rejoints par leurs affidés en embuscade, couraient à toute bride
sur la roule de Tournai. Us arrivèrent sans rencontrer d’obstacle dans cette
ville, où ils pouvaient se reposer en toute sécurité sous la protection du roi
de France.
Leur intention n’était pas toutefois de s’y arrêter longtemps, mais ils ne
s’éloignèrent pas si tôt non plus que l’avancent quelques historiens *, car la
situation exigeait beaucoup de prudence. Avant de s’aventurer en Flandre,
les deux cousins sondèrent les Coppenole demeurés à Gand , afin d’apprendre
d’eux si le parti de l’opposition était assez fort pour garantir leur sûreté dans
la ville. Sur la réponse affirmative, ils ne tardèrent pas à rentrer dans la
capitale de la Flandre et à demander des juges, pour statuer sur l’acte de vio¬
lence exercé à Yilvorde et sur leur conduite antérieure. Après quelque temps
d’hésitation, qui s’explique aisément, Maximilien nomma à cet effet Philippe
de Clèves, Antoine, bâtard de Bourgogne, et son fils, le seigneur de Beveren.
Ces commissaires se réunirent à Termonde, où les deux Vilains refusèrent
de se rendre, à moins qu’on n’envoyât à Gand des otages qui répondraient de
leur vie et de leur liberté. Il fut encore fait droit à cette prétention, mais ils
essuyèrent un refus de la part des magistrats, quand ils voulurent les con¬
traindre à promettre formellement de sévir contre les otages, si quelque mal
arrivait aux accusés à Termonde.
Pendant ces pourparlers, quelques métiers s’étaient réunis en collace, à
la prière de Rassegem et de Liedekerke, et quoique le magistrat le vît de mau¬
vais œil , il crut plus prudent d’assembler une collace générale. Mais cette
résolution porta les otages à s’éloigner aussitôt et sans bruit de Gand.
En effet, l’assemblée générale décida , et à l’unanimité, que la paix d’Arras
devait être maintenue; que les seigneurs de Liedekerke et de Rassegem ne
pouvaient être contraints, quel que fût le délit dont on les accusait, de sortir
de la ville, mais avaient à comparaître devant ceux de Gand, leurs juges
compétents et naturels; que la commune reprenait ses privilèges qu’on avait
1 Dewez, Histoire générale, t. V, p. 176.
22
MEMOIRE HISTORIQUE
impudemment violés, en reconnaissant Maximilien comme tuteur et man-
bour de son fils mineur : finalement, qu’il fallait faire une enquête sur les
finances de la ville depuis la mort de Guillaume Rym, et rechercher les
causes de leur situation déplorable \
D’une déclaration aussi hardie à une insurrection ouverte il n’y avait
qu’un pas, et ce pas fut bientôt franchi. Après avoir banni de la ville les
bourgeois notables qui refusaient de souscrire à la déclaration de la collace,
on demanda au roi des Romains de faire changer leur magistral au nom du
jeune archiduc, en imposant aux nouveaux élus l’obligation de jurer la paix
d’Arras. Comme ils l’avaient prévu sans doute, cette requête offensante fut
rejetée avec l’indignation qu’elle méritait, et les bourgeois nommèrent de leur
propre autorité des commissaires et des électeurs. Le seigneur de Rassegem
fut élu premier échevin de la heure et Pierre Ghyselin chef doyen, tandis
que le malheureux Math. Speyaert allait payer de sa tête les faveurs dont
l’avait comblé Maximilien 1 2.
La guerre étant désormais inévitable, il était urgent surtout de trouver
un chef capable de la conduire avec succès, et on crut avoir sous la main
l’homme le plus digne de confiance sous ce rapport dans la personne du sei¬
gneur de Liedekerke , dont la bravoure égalait l’adresse. Il fut donc appelé
au commandement des milices de la ville, avec le litre de colonel, à son
retour d’une expédition dans laquelle il avait repris de vive force son propre
château, que Philippe de Elèves avait conquis en son absence. Il se mit aus¬
sitôt en devoir de rattacher Alosl à la cause de Gand, mais sa tentative réussit
mal et il n’osa point recourir à la violence. D’une autre part, le seigneur de
Gaesbeke, partisan du roi des Romains, avait échoué plus honteusement
dans une entreprise sur Termonde.
C’était une résolution bien téméraire cependant de vouloir combattre
Maximilien, soutenu non-seulement par les guerriers de la Franche-Comté
elles mercenaires allemands, mais, ce qui valait mieux, par un corps nom¬
breux de cavalerie du Ilainaut, plus brave et plus fidèle. On croyait pouvoir
1 Despars, IVdc deel, bl. 294 en volg.
2 Ceux de Gand... prindrent ledict Speyaert cl lui feisrent copper la leste. Wielant, Anliq.
de Flandre, p. 551.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
23
%
compter, il est vrai, sur l’adhésion des autres membres de Flandre et sur le
secours des Français, qui venaient de prendre Bourbourg; et d’ailleurs, on se
souvenait de la lutte longtemps glorieuse que la ville de Gand seule avait
soutenue contre Philippe le Bon, beaucoup plus puissant que ne l’était le roi
des Romains. Ce souvenir fut cause apparemment qu’on rétablit les chaperons
blancs et les compagnons de la verte tente.
Quelles mesures prenait le roi des Romains contre cette insurrection ? Il
se bâta d’abord de lancer un édit de proscription contre ces nouveaux rou¬
tiers, promettant pour chaque tête six couronnes d’or et douze pour chaque
prisonnier. De plus, il décréta la perle de corps et biens pour quiconque ose¬
rait fournir des vivres aux Gantois, et prit au contraire des mesures pour
favoriser le commerce des Brugeois et leur procurer l’abondance de tout ce
qui est nécessaire pour la vie.
Vers le milieu de décembre (1487), ce prince entra à Bruges en grande
pompe et à la tête de deux cent cinquante homme d’armes , tant cavaliers que
fantassins. C’était une troupe aguerrie, mais aimant plus la maraude que les
combats, et qui se mit à piller impitoyablement les campagnes voisines.
Chaque jour se commettaient impunément des déprédations nouvelles qui
exaspéraient une population paisible.
Maximilien en était sans doute indigné lui-même, mais que faire avec un
trésor épuisé? I! envoya d’abord des forces à Ypres , pour défendre celte
ville contre les Français et les Gantois, mais elles furent obligées de s’en
retourner, les habitants ayant déclaré qu’ils voulaient demeurer neutres, ce
qu’en d’autres temps et pays on eût traité de félonie. Rebuté de ce côté, le roi
des Romains indiqua une assemblée générale de ia bourgeoisie à l’hôtel de
ville de Bruges, pour y exposer la situation et les besoins du comté. A sa
demande, on y nomma des députés qui avaient mission de se rendre à Gand
et d’aviser aux moyens d’y rétablir l’autorité de Maximilien, mais ce prince eut
beau démontrer que rien n’était plus urgent que de lui accorder un subside
suffisant pour défendre le comté contre l’invasion française., et, si la députa¬
tion pacifique était sans résullat, que la ville de Bruges avait à lui procurer
un corps d’armée de deux mille gens d’armes, ou l’argent nécessaire à l’en¬
tretien d’une troupe aussi forte, pour combattre les Gantois. On lui répondit
24
MEMOIRE HISTORIQUE
sans hésiter que l’assemblée n’entendait pas rompre la paix d’Arras , qu’elle
ne pouvait voter aucun subside sans le consentement des autres membres
de Flandre, et qu’elle regardait les Gantois comme des alliés et des frères.
C’étaient là des refus bien blessants pour le roi des Romains, mais il fut
plus vivement affecté encore, quand l’assemblée lui représenta qu’elle ne
souffrirait plus la présence dans ses murs des mercenaires pillards qu’il avait
amenés à sa suite, et qu’elle avait pris la résolution formelle de ne confier la
garde des portes de la ville qu’à la bourgeoisie seule b
Ce dernier point lui déplaisait surtout, et il convoqua une seconde assem¬
blée pour obtenir que ses troupes eussent exclusivement la garde des portes;
mais ses belles paroles , comme ses menaces et les raisonnements de ses con¬
seillers échouèrent contre la volonté très-arrêtée des membres de la loi.
Pendant ce lemps-là les Gantois n’étaient pas restés oisifs. Leur nouveau
commandant, le seigneur de Liedekerke, s’était rendu maître, partie par
stratagème partie de vive force, de la ville et de la citadelle de Courlrai, qui
était du ressort de Gand. C’était un exploit digne d’éloge , s’il ne l’avait pas
souillé en tuant de sa main le seigneur de Heule, gouverneur de la place,
grièvement blessé et hors d’état de faire quelque résistance. Il entreprit en¬
suite de se rendre maître de la ville forte de Hulst, dont la possession était
d’une haute importance pour la sûreté de Gand ; mais les habitants , sujets
de la Flandre impériale et partant attachés au parti de Maximilien, avaient
prévu l’attaque de Gantois et s’apprêtaient à les bien recevoir. De Liedekerke
revint sans avoir combattu.
Peu après arriva la députation brugeoise. Elle mit autant de zèle que de
prudence à remplir sa mission pacifique, mais elle ne parvint pas à la mener
à bonne fin. Ceux qui avaient la haute main dans les affaires à Gand lui
répondirent, par l’organe du greffier de la ville, que la commune ne voulait
pas se soustraire à l’autorité de son seigneur légitime et naturel, mais qu’elle
ne saurait se soumettre au gouvernement actuel, aussi longtemps qu’on n’aurait
pas redressé ses justes griefs, dont les principaux étaient : la rupture de la
paix d’Arras, la mauvaise administration des finances, l’usurpation que se
1 Excel. Croît., p. 229 verso.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
permettait Maximilien en faisant battre dans le pays une monnaie qui n’était
pas aux armes de leur comte, l’archiduc Philippe, la nomination d’officiers
étrangers, faite récemment contre les coutumes et privilèges du pays, et
finalement le parti qu’on avait pris de ne rendre aucun compte des contribu¬
tions, impôts, accises, cueillotes et autres aides extraordinaires, dons gra¬
tuits et subventions, qu’on avait accordés depuis quelques années à Maxi¬
milien l.
A ces doléances, qui n’étaient pas sans fondement, les députés répliquèrent
qu’ils n’avaient aucun pouvoir pour discuter des questions si importantes, et
qu’ils allaient repartir pour Bruges, afin d’en faire rapport à leurs manda¬
taires. Mais à peine y furent-ils arrivés, à la nuit tombante, qu’ils s’em¬
pressèrent d’aller trouver en secret le roi des Romains pour lui communiquer
les réclamations des Gantois. Elles émurent vivement les courtisans et conster¬
nèrent le prince. Dans un conseil tenu sur-le-champ , il fut décidé qu’on ne
ferait connaître au public que celle qui regardait la paix d’Arras, et qu’on lui
cacherait les autres, ce qui n’était pas moins déloyal que maladroit. Le roi
des Romains n’ayant pas envoyé les députés à Garni , mais bien l’assemblée de
Bruges, il est évident qu’elle devait avoir communication et communication
entière de tout ce qu’avaient appris ses envoyés; et, d’une autre part, était-il .
possible de cacher longtemps les représentations d’une ville voisine, dont
beaucoup de Brugeois partageaient les sentiments et connaissaient probable¬
ment les prétentions, avant le départ des députés?
Maximilien comptait bien avoir sous peu assez de puissance à Bruges pour
ne devoir rien craindre de la malveillance d’une partie de la population. II fit
ordonner à ses cavaliers hainuyers et allemands, cantonnés aux environs, de
se rapprocher de la ville, et lui-même, avec les hommes d’armes qu’il avait
amenés, se porta aux portes pour introduire ces troupes. A son grand désap¬
pointement, il trouva les portes auxquelles il se rendit successivement, bien
fermées et soigneusement gardées par la milice des métiers, résolue à ne pas
les ouvrir aux soldats étrangers. Cette tentative étant manquée, malgré l’in¬
tervention active de l’un des bourgmestres, du grand bailli et de l’écoutète de
1 Despars, IVdc deel, bl. 512.
Tome XXXV.
4
26
MEMOIRE HISTORIQUE
la ville, il demanda qu’il lui fût permis de sortir lui-même avec ses gens d’armes ,
mais il essuya un nouveau refus. La commune craignait que le roi ne voulût
se retirer dans la place forte de Damme, dont le gouverneur paraissait lui
être dévoué, et d’où la garnison, jointe à celle de l’Écluse, pouvait causer de
grands dommages à la ville de Bruges et la tenir continuellement en échec.
Tous ces faits, que Pontus Huterus a travestis à plaisir *, sont exposés avec
les détails les plus exacts par un témoin presque oculaire, Nicolas Despars ,
qui se montre favorable à la cause de Maximilien, et par Wyds, tout aussi
dévoué au roi, et qui assure 1 2 3 qu’il a consulté les relations contemporaines.
A la vue de l’opposition du peuple à ses projets, le prince retourna à son
hôtel, profondément irrité et bien résolu de parvenir à son but en dépit de
toute résistance. Bientôt il revint au Bourg, à la tête de ses Allemands bien
armés et en ordre de bataille. Il y trouva en grand nombre des gens de la
loi, des nobles, des membres de la magistrature et, en particulier, Pierre
Lanchals, écoutète de la ville et son maître d’hôtel, qui avait convoqué les
doyens des métiers. Ces chefs se présentèrent sans crainte, attendant qu’on
leur fil connaître ce qu’on désirait d’eux, mais l’écoutète se contenta de leur
dire avec rudesse et dédain : « On vous en instruira plus tard. » En ce mo-
mont, les soldats menaçaient le peuple, en brandissant leurs armes, et
criaient sla! sla s/ ce qui causa un grand effroi à la multitude qui comprenait
sla! sla 4/ et donna lieu à un tumulte difficile à peindre. On s’enfuit par
toutes les issues en criant partout : « On tue tout le monde au Bourg! »
Saisi de crainte à ce spectacle et ne voyant pas arriver la troupe des gar¬
çons brasseurs, dont plusieurs hommes de la loi lui avaient promis le secours,
Maximilien se retira avec son escorte dans son palais, afin d’éviter une colli¬
sion qui pouvait devenir funeste. Tous les métiers avaient en effet couru aux
armes et s’étaient réunis au Grand Marché, chacun sous son étendard, en
promenant quelques pièces de grosse artillerie. En même temps, on donna
avis de ce qui se passait aux villes de Gand et d’Ypres, afin d’en obtenir aide
1 Ber. Austr., lib. III.
2 Chron., IIIde voorw.
3 Arrêtez ! arrêtez!
4 Frappez! frappez!
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
27
et secours pour conduire à bonne fin les projets qu’ils avaient formés, à ce
qu’on disait, pour le bien commun du comté.
Bientôt la foule se rua sur la maison de l’écoutète Lanchals , pour s’em¬
parer de ce personnage odieux aux meneurs, mais il avait suivi le roi et sa
demeure était sans défense. Il ne fallut que peu d’instants pour enfoncer la
porte, briser les vitres, détruire les meubles et mettre tout au pillage. Les
armes qu’on trouva furent apportées au Marché et partagées entre les chefs de
la multitude. Apprenant d’heure en heure de nouveaux excès de la popula¬
tion révoltée, Maximilien crut devoir céder, et envoya au Marché quelques-
uns de ses courtisans et des marchands étrangers établis à Bruges , pour prier
les insurgés de se retirer en paix, chacun dans sa maison, et leur promettre
à ce prix un pardon absolu de tous les attentats qu’ils avaient commis contre
leur prince. On ne répondit à ces conseils que par d’amers sarcasmes : le roi
est mille fois plus coupable que nous, criait-on, en écoutant des conseillers
pervers !
Loin de se calmer, l’effervescence populaire reprit avec plus de violence
encore le lendemain , quand il fut connu qu’on avait découvert pendant la
nuit quantité de mâts et de claies destinés à introduire par les murailles les
troupes du roi dans la ville. On doubla la garde aux portes et sur les mu¬
railles, et le peuple réuni en armes sur le Marché nomma colonel de la ville
Charles d’Halewyn, seigneur d’Uilkerke *, et déjà grand bailli, qui dut
prêter serment de fidélité au jeune archiduc Philippe et à la commune de
Bruges.
De plus en plus alarmé des progrès du mal , le roi des Romains députa
aux insurgés le président de Flandre, Paul de Baenst, pour leur demander
quelles étaient leurs vues et leurs prétentions. Il lui fut répondu qu’on vou¬
lait connaître les points et articles que les Gantois avaient proposés aux en¬
voyés de Bruges et d’Ypres pour en faire rapport aux magistrats, et dont on
avait éludé jusqu’ici la communication; qu’on désirait de plus le remplace¬
ment de Lanchals, l’écoutète, et de Jean Van Nieuwenhove, le bourg¬
mestre du cours. La première demande était juste assurément, mais peu
1 Ou de Dynkerke, dit Huterus : il n’exista jamais une commune de ce nom.
28
MEMOIRE HISTORIQUE
agréable à Maximilien. Il fit répondre que ceux de Gand étaient absolument
d’avis qu’on s’en tînt à la paix conclue avec la France à Tournai, en I38o ,
et récemment à Arras, en 1484, et qu’il leur proposait d’en donner copie
à la commune; mais le peuple cria sans hésiter qu’il voulait l’original de
toute la représentation faite par ceux de Gand Le président demanda en¬
suite si l’on consentait à avoir Pierre Metteneye pour écoulète, au lieu de
Lancbals, et Josse de Deckere, au lieu de Van Nieuwenhove. Le peuple
applaudit à ces nominations et reçut le serment des nouveaux élus, prêté
dans la même forme et teneur que celui du colonel de Halewvn; il remplaça
en même temps le lieutenant de l’écoulète et fit publier au son de la cloche,
à la halle, qu’on accorderait cinquante livres de gros à celui qui livrerait
Lanchals ou Van Nieuwenhove entre les mains de la justice.
A peine celte publication avait-elle eu lieu, qu’on décapita deux nègres
de Jean Rans, margrave d’Anvers 1 2, convaincus d’avoir mis le feu aux
quatre coins de la ville, mais sans avoir réussi dans cette criminelle entre¬
prise. Peu après, Van Nieuwenhove fut appréhendé, jeté en prison et mis
au secret.
Le même jour (le 4 février), à un signal donné par la cloche, tous les
métiers au grand complet s’assemblèrent au Marché dans la plus belle tenue
et sous leurs bannières respectives, pour attendre le roi des Romains, dont
on avait annoncé l’arrivée comme très-prochaine. Maximilien parut en effet
bientôt sur la place, monté sur un cheval de prix, avec une suite brillante
de nobles et de hauts fonctionnaires. Il descendit aux halles et, se plaçant à
la fenêtre d’où se faisait d’ordinaire la publication des ordonnances de la loi,
il assura la multitude assemblée qu’il était prêt à lui faire toutes les conces¬
sions raisonnables et désirait savoir ce qu’on réclamait de lui. A l’instant
même, on lui députa quelques bourgeois, et le nouvel amman 3 répondit au
nom de tous qu’on devait se borner aux explications données au président
1 Dat zy l originael van den gheelen verthoeghe, ten tyde als vooren te Ghendt gedaen ,
themlieden waerts hebben wildkn , dit Despars.
2 ^ais pas marquis , comme on l’a nommé ; le jeune archiduc seul pouvait porter le titre de
marquis d’Anvers.
C était un charpentier nommé Vanderbest, qui avait, dit Despars, la voix d’un taureau.
SCR LA GCERRE DE MAXIMILIEN.
29
du conseil de Flandre jusqu’à l’arrivée des députés de Gand et d’Ypres, qui
étaient en roule, et sans lesquels rien ne pouvait se conclure.
Les métiers avaient accueilli Maximilien avec de bruyants témoignages de
respect et d’attachement; mais ils ne tardèrent pas à prouver combien cette
manifestation était peu sincère. Sans aucun égard pour la présence du prince,
ils affectèrent de lire à haute voix des missives de Gand, où, tout en leur
promettant tout le secours possible, on annonçait avec joie la mort du sei¬
gneur de Gaesbeek, tué devant Courlrai en combattant pour la cause royale.
Ce qui était plus grave encore et plus insultant pour le pauvre prince, on
publia qu’une forte récompense serait accordée à ceux qui appréhenderaient
l’écoutète Lanchals, le receveur général le Febure, Thibaud Barradot, con¬
seiller bourguignon , et plusieurs autres fonctionnaires dévoués. Après celle
proclamation , il fut permis à Maximilien de retourner à son hôtel avec le
cortège qu’il avait amené. Sans se faire illusion sur le danger qu’il courait
lui-même au milieu de ce peuple furieux, il avait surtout l’âme navrée à la
vue des tortures et de la mort cruelle qui menaçaient ses plus fidèles servi¬
teurs.
EMPRISONNEMENT DU ROI DES ROMAINS.
Ses craintes ne tardèrent pas à se réaliser. Le lendemain de ce jour néfaste,
une proclamation de la commune autorisa les gens de la campagne à courir
sus aux soldats hainuyers et. allemands qui se permettraient la moindre ini¬
quité ou insolence; lecture fut donnée ensuite de deux lettres de ceux de Gand
adressées, l’une aux colonel et collège échevinal, l’autre aux chefs doyens et
commune, qui conseillaient de bien garderie roi des Romains et de s’assurer
de tous ceux qui, depuis trois ans, avaient eu le maniement des affaires. On
ignorait sans doute que la plupart étaient déjà proscrits par les Brugeois.
Ce sont ces lettres, pensons-nous, qui ont fait dire à Huterus et aux histo¬
riens qui l’ont copié sans examen, que c’est aux conseils des Gantois que
Maximilien a dû son emprisonnement , mais ne serait-il pas permis de con¬
server quelque doute à cet égard? Avant d’avoir reçu aucune insinuation de
la part de leurs voisins , les Brugeois avaient détenu le prince dans leur ville :
30
MEMOIRE HISTORIQUE
les lettres qu’on accuse n’ont-elles pas eu pour but de le faire garder et surveiller
dans celte position, sans vouloir le tenir en charte privée? Il est au moins
très-remarquable que Wielant, conseiller au conseil de Flandre à cette époque,
s’exprime, en traitant ce sujet, bien autrement que l’annaliste hollandais au
dix-septième siècle: « Pendant lequel temps, dit-il ', les diclz communes de
» Bru ges et du Francq feisrent des merveilleuses nouvelletez... ; et ceuls de
» Gand les adhérèrent; ainsi feisrent ceuls d’Ypres, de Courtray, les Quatre
» Mestirs , Wase et plusieurs aultres. »
L 'Excellente Cronycke et Despars n’ont rien non plus qui puisse justifier
l’assertion de Huterus.
Les Gantois conseillaient encore de ne pas se payer de belles paroles et de
ne prendre aucun parti jusqu’à l’arrivée de leurs députés, qu’ils annonçaient
comme très-prochaine. Deux jours, en effet, s’étaient à peine écoulés, quand
la députation gantoise, en grande tenue et accompagnée de deux mille
hommes d’armes qui marchaient enseignes déployées sous le commandement
de Gilles De Brouckere, leur capitaine, se présenta aux portes de la ville. Les
Brugeois avaient, il est vrai, réclamé le secours des seigneurs de Gand, mais
ils n’avaient aucune envie d’introduire dans leurs murs une troupe armée de
celle force. Beaucoup de promesses et de raisonnements d’une part, de plaintes
et môme d’invectives d’une autre, restèrent sans effet, et les auxiliaires sus¬
pects, parce qu’ils étaient trop nombreux, se virent obligés de bivaquer dans
les faubourgs. On leur fournit des vivres en abondance, mais le méconten¬
tement les fit rejeter avec dédain. Charmé de la conduite des Brugeois, Maxi¬
milien vint en personne au Marché pour leur en faire de chaleureux remer-
cîments, espérant sans doute que de cette querelle surgirait un changement
heureux pour sa position. Il se trompait malheureusement. Dès le lendemain,
les députés gantois 2, à la tète de cent chevaux et d’une infanterie aussi belle
que nombreuse , firent leur entrée dans la ville aux applaudissements de tout
le peuple et reçurent des métiers assemblés à la Grande Place l’accueil le plus
gracieux , qui devint une véritable ovation quand ils s’écrièrent : « Désormais
c’est entre nous à la vie et à la mort! »
1 Corpus Chron. Flandr., t. IV, p. 551.
2 On comptait parmi eux Jean Van de Kethulle, Denis et Gaspar Heyman, Guillaume Van-
derburgtet Jean Wtenhove, dont la postérité existe encore.
r
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN. 51
Sur ces entrefaites étaient arrivés à leur tour les envoyés d’Ypres, et on
comprit qu'il était temps de s’occuper d’affaires plus importantes. On demanda
que la commune de Bruges nommât ses représentants pour délibérer en
commun sur les mesures à prendre dans les circonstances critiques où l’on
se trouvait. Ceux de Gand exposèrent d’abord que depuis quelques années
1 administration du pays était mauvaise et ruineuse, au point que les finances
de toutes les villes se trouvaient épuisées, malheur qu’on devait aux conseil¬
lers du roi des Romains plus cupides encore qu’ineptes et uniquement occupés
à s’enrichir aux dépens de la fortune publique. Us reproduisirent ensuite par
l’organe de leur pensionnaire les points principaux du programme qu’ils avaient
déjà présenté dans leur ville aux députés de Bruges *, en ajoutant toutefois
que le jeune archiduc devait, pendant sa minorité, avoir sa résidence à
Gand ou à Bruges, au lieu de demeurer constamment à Malines, et que les
villes de second rang, dites subalternes ( smalle sleden ) , ne pouvaient se sous¬
traire à l’obéissance des chefs-lieux de leur ressort.
Après avoir ouï ce rapport, les députés eurent entre eux de longues et
sérieuses conférences, dont rien ne transpira en public, jusqu’à ce qu’on fût
entièrement d’accord. Il fut résolu, à l’unanimité, que le roi des Romains et
tous les membres de son conseil seraient arrêtés et détenus aussi longtemps
qu’ils n’auraient pas rendu compte de leur administration 2. En conséquence,
quelques-uns des députés furent chargés d’aller à la cour de Maximilien et
de le prier humblement de venir au Marché près des mandataires de Gand,
de Bruges et d’Ypres, qui avaient grand besoin de le voir au milieu d’eux.
Dans ce moment, une telle prière était un ordre et le prince s’empressa de
s’y soumettre. Après des doléances assez vives sur le mauvais gouvernement
du pays et sur la gestion infidèle de ses serviteurs , on supplia Maximilien de
prendre son logement à la maison de Cranenburg 3, située au côté occidental
de la Grande Place et au coin de la rue Saint-Amand. Le roi montra de’ la
répugnance, mais on insista en ajoutant qu’il aurait là sa demeure jusqu’à ce
qu’on eût fait justice des malveillants et des ennemis du pays. Il fallut bien s’y
résigner.
1 Voir page 24 et suiv.
2 Memorieboek der stcicl Gent, Iste cîeel, bl. 5o0.
° Occupée par un joaillier, selon quelques auteurs, et par un apothicaire, selon d’autres.
32
MÉMOIRE HISTORIQUE
On arrêtait en même temps le chancelier de Bourgogne, Jean de Caron-
delet, le seigneur de Pollain avec son fils, le comte de Foren, George et'Wul-
fard de Falkenstein, l’abbé de Saint-Berlin, les seigneurs de Dudzeele, de
Willermont, deMengova! et plusieurs autres '. Quelques amis du prince étaient
parvenus toutefois à sortir de la ville et avaient trouvé un asile à l’Écluse,
d’où l’un d’eux écrivit le même jour qu’il était prêt à rendre compte en per¬
sonne de sa gestion, si l’on garantissait sa liberté par l’envoi de deux otages.
Peu de temps après, quelques délégués des trois membres se présentaient
à Maximilien pour lui faire connaître, et avec une rude franchise, les motifs
de son arrestation et lui déclarer qu’il était par les mêmes raisons déchu jus¬
tement de la manbournie de ses enfants mineurs. L’infortuné eut beau protester
avec autant de dignité que d’énergie contre leurs allégations : à peine dai¬
gna-t-on lui répondre.
Dès le lendemain, les députés de Gand procédèrent au renouvellement de
la loi de Bruges, au nom du jeune archiduc et en vertu d’une commission du
roi de France, suzerain de la Flandre 1 2. Les élus prêtèrent serment aux halles
à Philippe de Bourgogne, comme à leur prince naturel, et on proclama au
son de la cloche que la paix de Tournai, de l’an 1385, et celle d’Arras, de
l’an 1482, seraient de tous points maintenues, d’après la décision des trois
membres de Flandre, mais qu’on soumettait toutefois la question au jugement
du peuple assemblé. La multitude prouva par ses acclamations combien elle
attachait de prix à cette résolution, et ses applaudissements devinrent plus
vifs encore quand on annonça que tous ceux qui avaient été exclus de la paix
du roi des Romains pouvaient librement revenir dans leurs foyers.
Maximilien aurait bien voulu , comme on le comprend sans peine , s’échapper
de sa prison et pensa à plus d’un déguisement pour atteindre ce but , mais une
surveillance active et incessante devait rendre infructueuse toute tentative de
ce genre. Les meneurs jugèrent cependant que la maison de Cranenburg, où
il était détenu, n’était pas assez sûre, parce qu’elle avait vue sur le Marché. On
le pria donc, toujours avec respect, de passer dans la maison qu’un M. Jean
1 Excel. Cron., bl. 250 verso.
2 Parmi les nouveaux magistrats se trouvait le grand-père du chroniqueur Despars : 31 y n
grootherre, dit-il.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
53
de Gros 1 avait bâtie près da Pont-aux-ânes 2. N’ayant pas la liberté du choix,
Je prince fit semblant d’acquiescer volontiers à cette demande, mais avant de
partir pour sa nouvelle prison , il pria à son tour les bourgeois armés, tenant
son bonnet de soie à la main, de laisser auprès de sa personne dix-huit de
ses familiers ou domestiques, de ne pas le livrer aux Gantois-ou aux Fran¬
çais 3, et de ne pas permettre qu’on lui fît essuyer quelque outrage ou vio¬
lence \ On lui accorda ces demandes sans opposition et sans arrière-pensée, et
Maximilien remonta à cheval pour se rendre dans sa nouvelle demeure, dont il
trouva toutes les fenêtres soigneusement garnies de barreaux de fer. La garde
qu’on lui donna était composée de seize Gantois, douze Brugeois et huit Yprois.
Restait dans la ville de Bruges une troupe peu considérable d’Allemands
qui avaient été au service du roi des Romains, et le peuple craignait encore
quelque entreprise de leur part en faveur de ce prince. On leur ordonna de
se rassembler tous au marché de Vendredi , et quelques agitateurs de la popu¬
lace vociféraient contre eux des cris de mort et leur auraient à coup sûr fait
un mauvais parti, s’ils n’étaient parvenus à se sauver par la fuite. Us allèrent
grossir la garnison de Hulst 3 5.
En même temps une troupe armée assez nombreuse conduisait au Sleen, à
Gand, les seigneurs prisonniers. Au village d’Ursel, elle les remit à une
escorte de Gantois, à la condition expresse qu’on ne permettrait aucun attentat
contre leurs personnes et qu’on les rendrait libres à ceux de Bruges, aussitôt
que la demande en serait faite. *
Jacques de Ghistele, seigneur de Dudzeele et ancien bourgmestre, était
retenu à Bruges jusqu’à l’examen des comptes de la ville, dont on attribuait
le mauvais état financier aux dépenses frivoles ou faites dans un but politique
pendant son administration 6. Vainement l’infortuné écrivit au magistrat pour
1 Ou de Groos.
2 Iluterus dit que c était la maison de Philippe de Clèves. Ce seigneur l’avait pcut-.êlre
habitée quelque temps.
3 Ni aux Flamands , dit M. Dewez, par une distraction assez bizarre.
4 Le discours que Huterus prête à cette occasion au roi des Romains n’est qu’une amplifica¬
tion de la façon de cet écrivain.
5 Excell. Cron., p. 251 , verso.
c On trouva pour une seule année un déficit de 20,000 livres.
Tome XXXV.
5
34
MÉMOIRE HISTORIQUE
se justifier, il fut accusé de concussion, et dès lors il comprit qu’on avait juré
sa perle. Sa femme et sa fille, soutenues par quelques prêtres, se rendirent
à la Grande Place pour demander son pardon, tout en rappelant qu'il était
couvert par l’amnistie générale, accordée par le roi dès Romains en 1483;
mais leurs prières et leurs larmes n’émurent pas plus que leur bon droit ces
hommes étrangers à tout sentiment de pitié et de justice. De Ghistele fut
décapité huit jours plus tard.
Beaucoup d’autres bourgeois ou nobles, qui avaient eu des emplois sous
Maximilien, avaient eu le même sort, mais non sans avoir subi auparavant
les plus cruelles tortures , et cependant la fureur du peuple n’était pas assouvie,
parce qu’on n’était pas encore parvenu à arrêter leur maître à tous, l’ancien
écoulète Lanchals. Le magistrat fit publier de nouveau par toute la ville,
qu’indépendamment de la somme déjà promise, on donnerait une rente
annuelle de six livres de gros à celui qui prendrait ou aiderait à prendre le
proscrit, et qu’au contraire tout habitant , quelle que fût sa condition ou
qualité, qui cacherait Lanchals ou connaîtrait son refuge sans en faire rap¬
port au magistrat, serait pendu à la porte de sa maison et sa maison rasée.
Cette publication barbare eut le résultat qu’on s’en était promis. L’écou-
tôte dut quitter le toit qui lui avait donné quelques jours un si sur abri, et,
bientôt reconnu, il fut conduit au Steen, mais peu d’instants après traîné au
Marché, où une population, ivre d’une joie féroce, l’accabla de sanglants
outrages, en proférant des menaces plus horribles encore : « Si j’avais à traiter
avec des hommes raisonnables, dit-il, il me serait aisé de prouver mon inno¬
cence, car j’ai confiance que je ne suis coupable d’aucun méfait. » Ces mots
portèrent à son comble la fureur de la multitude. On le ramena en prison; le
poids de ses fers fut augmenté et une forte garde, qu’on lui donna, le mal¬
traita toute la nuit, au point qu’un chroniqueur affirme qu’il serait plus que
dégoûtant de le raconter en détail L
Le lendemain, sans avoir égard à Sa sainteté du jour 2, on dressa sur la
Grande Place, à côté de l’échafaud ordinaire, un autre échafaud plus large et plus
élevé que d’habitude, où l’on établit l’instrument de torture encore neuf que
1 Despars, IVdc decl, bl. 585.
2 C’était le dimanche, 16 mars.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
5,'i
Lanchals lui-même avait fait construire pendant sa magistrature. Il y fut amené
devant ses juges et longuement interrogé, mais à fous les chefs d’accusation
il opposa une dénégation formelle et constante, jusqu’à ce qu’on l’eût appliqué
à la torture extraordinaire. Vaincu alors par les tourments ’, il avoua quel¬
ques-uns des faits qu’on lui imputait et demanda un répit pour se recueillir
avant de s’expliquer sur les autres, on le lui accorda; mais, reconduit à
l’échafaud le lundi, il déclara qu’il avouerait tout ce qu’on voulait plutôt
que de s’exposer à de nouveaux tourments. Il fut décapité six jours après 1 2 3.
Tandis que Bruges était en proie à ces horreurs, plusieurs faits d’armes
avaient eu lieu en Flandre. La petite ville de Middelbourg avait été prise et
reprise ; les Allemands de la garnison de Termonde ayant chassé les Hainuyers,
les bourgeois à leur tour chassèrent les Allemands pour s’unir à ceux de
Gand et de Bruges; la garnison royale de Hulst, après avoir pillé et saccagé
les bourgs de Caprycke et d’Assenede, avait fait essuyer une défaite san¬
glante aux Gantois, qui avaient tenté de s’emparer de leur ville. D’une autre
part, les trois membres de Flandre avaient conclu un nouveau traité d’al¬
liance 5.
Cependant la captivité du roi des Romains préoccupait les divers pays
soumis à la maison de Bourgogne et même une grande partie de l’Europe.
Par une lettre datée de Malines, l’archiduc Philippe ordonna formellement
aux Brugeois de mettre son père en liberté; mais, comme d’ordinaire en
pareil cas, on nia l'authenticité de cet ordre. Les sept électeurs de l’Empire
s’adressèrent à la même fin aux magistrats et aux chefs doyens de la ville, sans
mieux réussir que le jeune prince. Le pape Innocent VIII lui-même expédia
aux Brugeois, le 22 mars, un bref très-pressant pour leur enjoindre, sous
les peines canoniques les plus graves, d’élargir Maximilien. Le pontife écrivit
en même temps, dit-on, à ceux du Hainaut, pour les porter à faire la guerre
1 Huterus avance que Coppenolle vint en ce moment insulter son ennemi; mais comme ni
A. die Smet, ni Despars, qui écrivaient à Bruges même, .à la fin du quinzième siècle, et avec des
détails très-minutieux, ne disent rien de semblable, il est heureusement permis de révoquer le
fait en doute.
2 Un beau portrait de Lanclials, d’après Holbein, se trouve dans le Messager des sciences
historiques de 1854, p. 455.
3 Excell. Cron., f° 255 verso.
56
MÉMOIRE HISTORIQUE
aux bourgeois révoltés., s’ils n’obéissaient pas à sa voix. En ce cas, Innocent
était mal informé de l’état des choses.
Tout en espérant que la parole vénérée du saint père exercerait une in¬
fluence salutaire à Bruges, les partisans de Maximilien augmentaient leurs
armements pour obtenir sa liberté par la force. Ceux de Malines, de Lille,
de Ilulst et de l’Écluse rassemblèrent à cette fin des troupes nombreuses, sous
le commandement du margrave d’Anvers et du seigneur d’Isselstein , capi¬
taine de la cavalerie. Après avoir ravagé par le fer et le feu le métier d’As-
senede, leur corps d’armée, fort de trois cents chevaux et de trois mille
fantassins , se porta sur Bruges , mais ne fit aucune tentative sérieuse pour y
entrer. D’un autre côté, Philippe de Elèves, qu’on appelait Philippe Monsieur,
parcourait les campagnes de la Flandre orientale, pour les gagner à la cause
du roi des Romains, et Petit Salazar, parvènu à reprendre Termonde, débar¬
quait au Hazegras dans l’intention de s’emparer de Damme, mais sans réussir
dans ce dessein.
On était parvenu à faire déposer les armes aux métiers de Bruges, et eux-
mêmes avaient brûlé les échafauds et les instruments de torture; mais, à la
nouvelle de ces hostilités, ils s’armèrent de nouveau et levèrent une troupe
de mille hommes d’armes d’une valeur éprouvée, pour la défense de la ville.
Toutes les provinces de la Belgique n’en désiraient pas moins la fin de
celte lutte malheureuse, et, au milieu même de ces courses de gens de guerre,
des conférences s’ouvrirent à Gand pour concerter les moyens de parvenir à
l’élargissement du roi des Romains et à la paix. Après bien des pourparlers,
tant à Gand qu’à Bruges, on convint de nommer vingt-quatre prud’hommes
sages et modérés, pour décider, comme arbitres, des conditions de la paix.
Ces plénipotentiaires se mirent d’accord sur tous les articles, le 10 de mai,
et en donnèrent connaissance à Maximilien.
PAIX.
Le prince examina, pendant quelques jours, le projet des arbitres et se
décida à l’accepter. Au milieu du Grand Marché, décoré pour la cérémonie,
on dressa un vaste théâtre, où l’on montait par huit marches et qui portait
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
37
un magnifique reposoir ', orné de riches tentures de drap d’or et de tapisse¬
ries de haute lisse. Le 16 du mois, un nombreux clergé se rendit à la maison
de le Gros et en ramena processionnellement le roi des Romains, au chant
des cantiques et au milieu de mille flambeaux allumés. II monta sur le trône,
et quand le greffier eut donné lecture du traité, il prêta serment sur les
saints Evangiles, sur le canon de la messe, et sur les reliques de la vraie
croix et de saint Donat , d’observer et d’exécuter le traité de paix de point
en point, sans jamais rien faire ni permettre de faire qui en blesserait les
stipulations, se soumettant en ce cas à toutes les censures de l’Eglise, nonob¬
stant les privilèges qu’il pouvait avoir comme roi des Romains. Par son
exprès commandement, le même serment fut prêté par Adolphe de Clèves,
seigneur de Ravestein; Philippe de Clèves, son fils; Philippe de Bourgogne,
seigneur de Beveren et de Ter-Vere , et par tous les députés des provinces
soumises à obéissance des Pays-Bas, tant séculiers qu’ecclésiastiques, qui se
trouvaient réunis autour de l’estrade 2.
Voici les points principaux de cette paix :
Les trois membres de Flandre sont tenus de mettre de suite en liberté le
roi des Romains, afin qu’il puisse se retirer où il lui plaira , mais il laissera
pour otages, à Bruges, les comtes de IIannau3et de Falkestein4; à Gand,
1 Le Saint-Sacrement était porté dans la procession.
2 Voici les noms de ceux de Flandre : Raphaël, évêque de Rossence, abbé de Saint-Ravon;
Philippe, abbé de Saint-Pierre; Gérard, abbé d'Eenaeme; Guillaume, abbé de Raudeloo ; Rasse,
abbé de Dronghcn; Clément, prévôt de Saint-Martin, d’Ypres; Pierre Rogaert, prévôt de Saint-
Donat; Pierre Vandënhoute, prévôt de Renaix; Wautier Vandergracht, chevalier; Jean de Sta-
velc, seigneur d Isenghien; Colard d Halewyn , seigneur de Roesinge; Corn, de la Earre, seigneur
de Mouscron; Adr. Vandergracht, seigneur de Cardou; Jean de Claerbout, seigneur de Pothcm ;
André Vandewoestyne , seigneur de Reselaere; Josse Vanderpoort, seigneur de Moorslcde; Adr.
Vilain, seigneur de Rassegem; Gérard Van Angbereel, Jean Depick, Jacq. Van den Heule, éche-
vins; Pierre Ghyselyns, grand doyen ; Liévin De Moor, doyen des tisserands, députés de Gand;
Josse De Dcekere, bourgmestre; Jean Vanderlinde, Ét. Vangheinst, Jean Eeyts , pensionnaire,
députés de Rruges; Pierre Delanghc, André Palinck, Jean de Coorne, députés d'Ypres; Ilug.
Gantois, Jean de Lattre, Jean François, députés de Lille; Amé Pinch'on et Jean de le Vacquerie,
députés de Douai; Arn. d’Eseornaix, Jean de Wollï, Jean Vandermeire, députés d'Audenarde;
Gérard de Splytere, député d’AIost, et quelques autres de la West-Flandre.
5 Mais non de Hainaut , comme dit M. Dewez.
4 Les auteurs ne sont pas d’accord sur les otages laissés à Rruges : selon Wiclant, c’étaient
les seigneurs de Pothcm et de Scorne, et selon A. die Smet et Despars, le margrave de Rade et
le duc Christophe de Ravière.
38
MEMOIRE HISTORIQUE
Philippe de Elèves, seigneur de Winendale; et si le prince manque à quel¬
que point du traité, de Winendale sera déchargé de tout serment de fidélité
envers le roi, et s’engagera par serment et par lettres à ceux de Flandre, de
combattre pour eux de tout son pouvoir.
Une amnistie entière et générale est accordée pour tous les méfaits et dom¬
mages qui ont eu lieu par la guerre ou autrement, et tous les procès nés des
divisions passées éteints et abolis. Si quelqu’un a mésusé de son office, il sera
tenu d’en répondre devant la justice et non ailleurs.
Les états feront tout ce qui est possible pour obtenir du roi des Romains
qu’il fasse partir sans délai tous les hommes d’armes qui se trouvent dans l'in¬
térieur du pays ou sur ses frontières, afin qu’on puisse se livrer avec sécurité
au commerce et à l’agriculture. La paix de 1482 avec la France sera main¬
tenue, et on en donnera connaissance au sire des Querdes, gouverneur d’Ar¬
tois et de Picardie.
Le gouvernement du pays, pendant la minorité de l’archiduc Philippe,
se fera en son nom : dans le comté de Flandre, par ceux du sang 1 et les con¬
seillers qu’ils nommeront, et, dans les autres, par le roi des Romains, comme
tuteur et manbour, d’après l’avis de ceux du sang et des étals 2. Le jeune
prince tiendra sa résidence en tels lieux que les états désigneront.
On ne fera ni paix ni guerre, si ce n’est de commun accord.
Désormais les états se réuniront de droit tous les ans, dans les premiers
jours d’octobre, en l’une des villes de Flandre, du Brabant ou du Hainaut;
la première assemblée aura lieu à Bruxelles en 1488, la seconde à Gand
en 1489 et la troisième à Mons en Hainaut l’année suivante3.
Après la cérémonie imposante de la prestation du serment, Maximilien se
rendit, avec quelques membres de sa maison, à l’église collégiale de Saint-
Donat, y pria quelque temps et ordonna à son jeune fils de jurer à son tour
le traité de paix sur les reliques du saint patron. Ensuite il prit congé des
1 Du côté maternel, dit le traité.
2 Sans y bouler aulcuns étraingiers , ajoute Wielant.
5 Le texte français du traité a été imprimé par Dumont, Corps diplom., t. III, 2me partie,
p. 201; le texte flamand, plus exact et plus complet, par A. die Smct, Excel. Cron., pp. 24<»
à 2S2. Wielant en a donné une longue analyse, Corp. Cron. Fland., t. IV, pp. 35 1 et suiv.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
39
députés et du peuple 1 avec beaucoup de courtoisie, et partit pour le château
de Male à la tête d’un cortège aussi brillant (pie nombreux. Philippe de Elèves,
qui l’avait accompagné jusqu’à la porte de Sainte-Croix, lui dit alors, dans
une entrevue particulière : « Sire, vous êtes libre maintenant; je vous prie
de me déclarer franchement vos intentions : êtes-vous résolument décidé à
observer les conditions de la paix qu’on vous a imposée? Si ce n’est pas votre
pensée, je prendrai , de mon côté, le parti qui me paraîtra le plus utile et le
plus honorable. » — « Mon cousin , répondit le roi , mon serment et ma
promesse sont sacrés; je les garderai invioîablement. »
Cependant, la ville de Bruges était en fête et les réjouissances se prolon¬
geaient pendant la nuit, quand on s’aperçut que les flammes dévoraient plu¬
sieurs maisons du village de Male. La joie fit place aussitôt à la crainte, et les
chants de triomphe à des cris violents contre le roi des Romains, qu’on accu¬
sait de mauvaise foi et de trahison. Mais il assura le lendemain aux députés
qu’on lui envoya , qu’il était bien résolu à garder ses serments , et que les
auteurs de l’incendie n’étaient autres que des déserteurs de Bruges et du
Franc qui méconnaissaient ses ordres.
Dans ces entrefaites, l’empereur Frédéric III, arrivé à Anvers avec une
armée de quarante mille hommes, écrivit à ceux de Gand qu’il n’était pas
descendu en Flandre uniquement pour délivrer son fils, mais encore pour
recevoir l’hommage qui lui était dû par les Flamands de la rive droite de
l’Escaut. A quoi fut répondu poliment, que jamais ces habitants n’avaient
rendu hommage à l’Empereur, mais au comte de Flandre, son vassal, qui se
trouvait avec lui. Frédéric n’insista point.
Il avait persuadé à Maximilien que son serment ne l’obligeait pas , puisqu’il
l’avait prêté quand il n’était pas libre, ce qui n’était qu’un sophisme 2. Le père
et le fils ayant réuni leurs forces, vinrent camper à Everghem, dans l’espoir
de s’emparer de Gand en un tour de main , d’autant plus que le côté de la
1 On a écrit que « la populace vint, quelques jours après la mort de Lanehals, implorer son
pardon aux pieds de Maximilien et ramper dans la poussière de ses pas dans la môme maison
de Cranenburg. Ce récit est tout à fait imaginaire.
2 N'était-il pas libre au milieu des Etats de tous les pays de par deçà et en parlant à Phi¬
lippe de Clèves à son départ?
40
MEMOIRE HISTORIQUE
ville en face de leur camp n’était guère fortifié. Ils ignoraient qu’on aurait
pu appliquer aussi aux Gantois le mot connu : Civis murus erat. Tons les
bourgeois prirent les armes, levèrent des troupes et obtinrent un secours con¬
sidérable du roi de France, qui lui-même était compromis par la mauvaise
foi du roi des Romains \
Philippe de Clèves, que le roi des Romains avait vainement engagé à
suivre son exemple, était bien résolu à garder le serment qu’il n’avait prêté
que sur l’ordre exprès de ce prince. Nommé chef et capitaine général des Gan¬
tois, au nom du jeune archiduc absent, il déploya pour la défense de leur
ville toute la bravoure et tous les talents dont il avait fait preuve en gardant
l’Ecluse pour Maximilien. En trois jours de temps, il fit élever de beaux
remparts de terre pour protéger les quartiers qui n’étaient pas fortifiés 2, et
prit les plus sages mesures pour repousser les attaques de l’armée impériale.
Plusieurs assauts, qui furent tentés par l’ennemi, coulèrent beaucoup de
sang de part et d’autre, mais les Gantois eurent constamment le dessus, et,
dans un de ces combats, ils tuèrent le duc Édouard de Brandebourg, ami
particulier de l’Empereur. Comme la ville n’était pas entièrement investie,
Philippe de Clèves et Jean de Bruges,, fils du seigneur de Gruuthuse, à la
tête d’une troupe déterminée, attaquèrent sur la route de Termonde un grand
convoi destiné au camp d’Evergem et s’emparèrent de quatre cents voitures de
vivres, après avoir tué les cavaliers et pris les fantassins de l’escorte 5.
Oubliant qu’il ruinait l’héritage de son petit-fils, l’Empereur se vengea de
ces revers par le pillage et l’incendie des villages et des bourgades sans dé¬
fense; mais il abandonna le siège de Gand 4, après cinq à six semaines de tra¬
vaux et d’attaques inutiles, et finit par se retirer en Allemagne.
Bientôt la guerre embrasa toute la Flandre et une grande partie du Bra¬
bant; mais, comme de l’aveu de Maximilien, c’est là une guerre nouvelle,
1 On lit dans le traité que le roi de France sera prié de l’approuver, comme l'héritier le plus
prochain de l’archiduc à cause de la reine, sa fiancée.
Bachlen walle lach ’t plat en daer viel ten besten,
Binnen drij daghen sach men schoon eerde veslen.
( Memorieboek der slad Gent, Istc deel, bl. 352.)
5 Despars, IVl,c deel, hl. 409.
4 La redoute, nommée le Bcibol , a été élevée comme un monument de cette belle défense.
SUR LA GUERRE DE MAXIMILIEN.
41
ayant une autre cause et un autre but, nous pensons devoir terminer ici ce
travail.
Nous avons suivi dans ce Mémoire le récit de trois historiens contemporains
et témoins oculaires des faits : le président Wielant , Nicolas Despars et Fau¬
teur de F Excellente Cronike van Vlaenderen. Le travail des deux premiers
étant resté longtemps inédit, et celui du troisième, écrit en vieux flamand,
on ne doit pas s’étonner que les écrivains modernes 1 aient suivi pas à pas
la narration de Pontus Huterus , mais il n’en est que plus nécessaire de la
rectifier en plusieurs endroits. C’est ce que nous avons essayé de faire. Quant
à la cause de la guerre, le refus de conférer la manbournie sans condition
à Maximilien, nous pensons qu’il y avait de solides raisons pour l’appuyer.
A la vérité, les autres provinces ne partagèrent pas l’opposition de la Flandre,
et c’est là sans doute ce qui a fait écrire qu’elle était insoutenable; mais
aurait-on jugé de même si l’on avait remarqué que ces pays relevaient du
droit public de l’Allemagne, qui était sans autorité pour la Flandre, vassale
de la couronne de France? La cause de la divergence des opinions nous
paraît être là.
Cette guerre eut, en tout cas, les suites les plus funestes pour la Flandre et
pour la ville de Bruges en particulier, qui lui dut la décadence de son com¬
merce, si étendu pendant des siècles. Les marchands étrangers, fatigués de
ces troubles continuels, s’en éloignèrent, et le port fameux du Zwin s’ensabla
peu à peu entièrement. Il en fut autrement de Garni qui, étant dès lors essen¬
tiellement manufacturière, trouvait son compte à expédier ses produits à
l’étranger par le port d’Anvers, heureux rival de celui de Bruges.
1 M. le baron Kervyn, toujours excepté.
FIN.
Tome XXXV.
0
ETUDES HISTORIQUES SUR LA LÉGISLATION CRIMINELLE.
MÉMOIRE
SUR
L’ORGANISATION JUDICIAIRE
LES
LOIS PÉNALES ET LA PROCÉDURE CRIMINELLE
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE ;
PAR
J.-J. THONISSEN ,
membre de l’académie royale de Belgique.
Mémoire présenté le 7 novembre 1864.
Tome XXXV.
1
MÉMOIRE
SUR
L’ORGANISATION JUDICIAIRE,
LES
LOIS PÉNALES ET LA PROCÉDURE CRIMINELLE
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
INTRODUCTION.
\
On trouve dans les traditions primitives de l’Égypte un mythe analogue
à celui que les Brahmanes ont placé près du berceau de la législation civile
et criminelle de l’Inde. Thoth, le Trismégiste des Grecs, l’Hermès céleste,
personnification vivante et vigoureuse de l’intelligence divine, avait écrit,
comme Manou, par l’ordre du Dieu suprême, les lois destinées à présider au
gouvernement des créatures intelligentes. Il apporta ces lois sur la terre et
devint ainsi le premier initiateur de l’humanité, jusque-là plongée dans une
barbarie abjecte. Mais les hommes, au milieu des malheurs amenés par leurs
dissensions, oublièrent bientôt les leçons qu’ils avaient d’abord reçues avec
autant d’admiration que de reconnaissance; leurs instincts corrompus se
réveillèrent avec une violence sans cesse croissante ; un cataclysme renversa
les colonnes de granit où le législateur divin avait gravé ses conseils et ses
préceptes, et l’espèce humaine retomba rapidement dans son premier état
d’ignorance et de dégradation. Alors Isis et Osiris se chargèrent de la noble
tâche de ramener la civilisation sur le sol sacré de l’Egypte , et Thoth , repre-
4
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
liant son premier rôle, s’incarna pour devenir le précepteur, le guide et
l’associé fidèle de ces divinités bienfaisantes, dans toutes leurs tentatives de
régénération. Restaurateur du langage articulé; inventeur de tous les arts
utiles; fondateur et régulateur de toutes les institutions religieuses et sociales
de la vallée du Nil , ce nouveau Thoth , après avoir redressé les colonnes
jadis élevées par son prédécesseur, écrivit à son tour quarante-deux livres
sacrés, qu’il confia à la garde des prêtres et que chacun de ceux-ci devait
posséder à fond, en tout ou en partie, selon la nature de ses fondions et le
rang qu’il occupait dans la hiérarchie sacerdotale. Le deuxième de ces livres
prescrivait aux rois les règles qu’ils étaient obligés de suivre aussi bien dans
leur vie privée que dans l’exercice de l’autorité suprême. Dix autres traitaient
de l’ordre sacerdotal , du gouvernement de l’État et de l’administration de la
cité; ils renfermaient les règles fondamentales des lois civiles et criminelles,
et étaient appelés sacerdotaux par excellence '.
1 Souvent aussi on les appelle Livres des prophètes ; nous en verrons plus loin la raison.
Au milieu des renseignements contradictoires qui nous ont été transmis par les écrivains de
l’antiquité, il n’est pas facile de se former une opinion sur la part d’influence et d’action qui doit
être attribuée à chacun des deux Hermès égyptiens. Jablonski écrivait, au milieu du dernier
siècle : De eo (Thoth) fere nihil dici potest, in quo veteres inter se consentiant omnes, adco
omnia sunt incerta (Panthéon Ægyptiorum, p. m, p. 156, édit, de 1750). Nous avons été
amené à laire la même réflexion au terme de nos recherches. Aujourd’hui encore, on n est
unanime que sur un seul point, l’influence prépondérante attribuée à Thoth dans l’organisation
sociale de l’Égypte. On peut consulter entre autres: Diodore de Sicile, liv. !, e. 15, 15, 17; Platon.
Philèbe, t. II, p. 509; Phœdre, t. VI, p. 121, trad. de M. Cousin; Jambliquc, De mysteriis Ægyp-
tiorum, sect. I, c. 1 et 2; Manethon, dans la Chronographiu de Georges le Syncelle, p. 40, édit,
du P. Goar; Pluttque, Symposiaques, liv. IX, quest. 5; Traité d’isis et d'Osiris, t. V, p.520 de
la trad. de Ricard, édit, de Paris, 1844; Diogène Laercc, Vilœ phil., in proem ; Elien, Var. hist..
liv. XII, c. 4; liv. XIV, c. 54; Cicéron, De nat. deorum, liv. III, c. 22; Pline, Hist. nat., 1. VII,
c. 56; Clément d Alexandrie, Stromales , liv. I, c. 21 ; liv. VI, c. 4; Cohortatio ad gentes, c. 2:
Arnobe, Adv. gentes, liv. IV, c. 14; Eusèbe, Praep. evangplica , 1. 1, c. 9; Lactance, Div. inslit.,
I. I, c. 6; Tertullien, Adv. valentinianos, c. 15; Synesius, De providentia, 1. I, c. II, p. 1254,
édit. Migne; Stohée, Eclogæ physicæ, liv. I, c. 52; t. II, p. 952 et suiv. , édit, de Ilceren, 1792:
Champollion, Lettres écrites cl’ Égypte et de Nubie, p. 149, 528, 564; Champollion-Figeac, Égypte
ancienne, p. 154-157; Jomard, dans la Description de l’Égypte, t. I (Antiq.), e. 5; Creuzer,
Symbolik und Mytholgie (1er allen Volker, t. II, p. 101 et suiv., 5e édit. Au fond de l'enceinte du
temple d’Edfou, Thoth est représenté écrivant sur une colonne d’hiéroglyphes , qui est la qua¬
rante-troisième d’une série de colonnes pareilles (Jomard, toc. cit., p. 551). Nous espérons
trouver la traduction de ces textes dans la grande publication sur les monuments de l’Égypte à
laquelle M. Lepsius travaille depuis plusieurs années.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
a
Par une suite nécessaire de cette origine divine assignée aux lois nationales,
les législateurs et les magistrats de l’Égypte se trouvaient, à l’égard des livres
d’Hermès, absolument dans la même position que les Brahmanes des bords
du Gange à l’égard des lois de Manou. Les préceptes formulés par Thoth
étaient pour eux la règle souveraine de leur conscience , l’ordre inflexible à
suivre dans toutes leurs décisions. Plus d’une fois des despotes osèrent fouler
aux pieds ces maximes immuables, destinées à brider leurs passions avides ou
sanguinaires; mais ces abus étaient passagers, et les croyances vives et pro¬
fondes de la nation finissaient toujours par triompher. Organisateur inspiré de
la société humaine, le précepteur infaillible d’Isis résumait en lui la science
et le droit dans leur expression la plus élevée et la plus complète; il était
l’intelligence divine personnifiée. Sur les murs d’un temple que Ptolémée
Êvergète II lui avait dédié et que le voyageur du dix-neuvième siècle trouve
encore debout au milieu des ruines de Thèbes, il reçoit les titres pompeux
de « Seigneur des divines paroles », de « Secrétaire des dieux grands dans
» la salle de justice et de vérité L » Partout où se réunissaient des juges
égyptiens, les dix livres sacerdotaux d’Hermès étaient déposés devant le pré¬
sident du tribunal 2.
Il en résultait une autre analogie avec les phénomènes juridiques que
nous avons constatés, en procédant à l’examen des institutions de l’Inde
brahmanique 3. Quand la divinité fait entendre sa voix, l’homme doit s’incli¬
ner en silence et exécuter docilement ses ordres. Les Égyptiens, « les plus
religieux des hommes 4 » , n’avaient garde d’oublier cette maxime fondamen¬
tale. Altérer le texte des livres sacrés, substituer aux préceptes divins du
Trismégiste la volonté faillible et essentiellement mobile de l’homme, eût été
à leurs yeux commettre un sacrilège irrémissible. Par cela même qu’ils attri¬
buaient à leurs lois fondamentales une origine divine, ils en proclamaient
nécessairement l’immutabilité. Quand Diodore de Sicile visita le territoire
* Champollion le Jeune, loc. cil.
2 Diodore, liv. I, c. 75. Ce fait cependant peut être révoqué en doute. Nous y reviendrons
plus loin.
3 Dans notre travail intitulé : Le droit criminel dans les livres sacrés de l’Inde, que l'Acadé¬
mie a fait publier dans le t. XVIII de la 2e série de ses Bulletins.
4 Diodore, liv. II, c. 57.
6
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
de Bubaste, l’interprète qui l’accompagnait lui fit admirer une colonne consa¬
crée à Isis, avec cette inscription : « Je suis Isis, reine de tout le pays. Élevée
» par Hermès, j’ai établi des lois que nul ne peut abolir U » C’était la pro¬
clamation solennelle du caractère de permanence et de fixité que les croyances
nationales imprimaient à la législation primitive du pays. Imitant la vénéra¬
tion superstitieuse que les riverains du Gange professaient pour les lois révé¬
lées par Manou, les riverains du Nil, pendant une longue série de siècles,
conservèrent avec un soin religieux le texte intégral des lois prétenduement
révélées par Hermès. Arrivés de bonne heure à un remarquable degré de
civilisation , ils repoussèrent énergiquement l’idée d’un progrès futur, et, pour
mieux assurer l’immobilité de leurs institutions, ils firent de tous les
principes de leurs codes civils et criminels autant de décrets d’un infaillible
oracle 1 2 3.
.Malheureusement, si nous possédons plus de deux mille stances [slokas)
des lois de Manou, il ne nous reste pas une page des livres juridiques d'Her¬
mès; car la saine critique ne saurait accorder une valeur quelconque aux
fragments dénaturés qu’on a cru reconnaître au milieu des rêveries et des
fables consignées dans quelques écrits apocryphes5. Cette législation puissante
et vivace qui, pendant plus de quinze siècles, fit de l’Égypte un objet d’admi¬
ration pour tous les peuples de l’antiquité, ne sera jamais complètement livrée
à l’appréciation des peuples modernes. Et cependant c’est ici surtout que les
Égyptiens pouvaient se croire en règle avec le temps et avec la postérité!
Jamblique porte à plus de vingt mille le nombre des livres où les doctrines
et les préceptes d’Hermès avaient été commentés et développés par les mem¬
bres les plus distingués de la classe sacerdotale 4.
Le sort n’a pas été moins implacable pour les législateurs qui , tout
1 Diodore, liv. I, c. 27.
- En faisant ces rapprochements entre l’Égypte et l'Inde, nous n’entendons pas nous pronon¬
cer ici sur la question, aujourd’hui encore si vivement controversée, des origines de la
civilisation des habitants de la vallée du Nil. Ce problème si vaste n’appartient pas à notre
sujet.
3 Nous voulons parler de ces prétendus livres hermétiques, probablement composés par des
néoplatoniciens de l’école d’Alexandrie , plus ou moins imbus de gnosticisme.
4 Manethon portait leur nombre jusqu’à 55,625 ; voy. Jamblique, De mysteriis Ægyptiorvm ,
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
/
en respectant les traditions religieuses du pays, ajoutèrent aux décrets
d’Hermès un nombre plus ou moins considérable de prescriptions nouvelles.
Le texte des lois de Mnevis, de Sasychès, de Sésostris, de Bocchoris, d’Amasis,
citées par Diodore de Sicile, est à jamais perdu. Ici encore, le malheur et la
barbarie ont déjoué toutes les précautions imaginées par le génie d’un peuple
qui, plus que tout autre, s’était flatté du noble espoir de léguer de glorieux
exemples à l’admiration des races futures '.
Jusqu’à la fin du dernier siècle, on ne connnaissait la législation crimi¬
nelle de l’Égypte que par les règles éparses, et malheureusement trop peu
nombreuses, citées par des écrivains appartenant à tous les âges de la littéra¬
ture du monde ancien. Depuis lors, d’admirables découvertes ont été faites
sous le patronage de plusieurs gouvernements européens; mais, par une
regrettable fatalité, c’est précisément dans la sphère de la législation pénale
que ces découvertes ont été les plus rares et les moins fructueuses. Les in¬
scriptions qui couvrent les vastes monuments de la haute Égypte, les nom¬
breux papyrus trouvés au fond des sarcophages, nous donnent de précieux
renseignements sur la chronologie, l’ethnographie, la mythologie, les céré¬
monies religieuses, les expéditions guerrières et les usages domestiques de
cette époque éloignée; mais des résultats analogues n’ont pas été obtenus pour
l’histoire des institutions judiciaires. Pour le catalogue des délits et des peines,
pour le rôle de l’accusateur, du témoin, du juge et du bourreau, les inscrip¬
tions et les manuscrits sont à peu près muets. Nos connaissances se sont
accrues , sans doute , et des perspectives nouvelles se sont ouvertes ; mais ,
malgré les investigations ingénieuses de la science contemporaine , le mystère
qui entoure cette législation antique est loin d’être dissipé. Les récits incom¬
plets et parfois contradictoires des écrivains de l’antiquité sont, aujourd’hui
encore, la source principale où l’historien du droit criminel doit aller puiser.
Un autre inconvénient se présente. Les historiens et les philosophes qui
sect. I, c. 1 et 2; sect. VIII, c. 1 et 4. Il est certain que les prêtres égyptiens attribuèrent à
Hermès une foule de livres, afin de leur donner plus d’autorité. Hermès était la personnification
de la caste savante, l’idéal du sacerdoce égyptien. Mais il n’est pas moins certain que les qua¬
rante-deux livres primitifs dont nous avons parlé ci-dessus (p. 4) furent toujours 1 objet d une
vénération particulière.
f Nous parlons plus loin de ces recueils de lois égyptiennes.
8
SUR L ORGANISATION JUDICIAIRE.
parlent de la législation de l’Égypte n’indiquent pas toujours l’époque précise
où les règles qu’ils citent dans leurs écrits ont pris naissance. Us ne -tien¬
nent pas assez compte de l’influence exercée sur les lois nationales par la
domination successive des Perses et des Grecs. On se trouve ainsi exposé à
confondre les coutumes antiques des Pharaons avec les usages exotiques,
introduits, beaucoup plus tard, par des conquérants venus de l’Asie et de
l’Europe. Mais heureusement, quand il s’agit de l’Égypte, cette confusion
est moins à craindre que partout ailleurs. La persévérance à marcher dans
les voies tracées, l’obstination à conserver intactes les coutumes et les mœurs
des ancêtres, furent de tout temps les caractères distinctifs de la raêe égyp¬
tienne ’. Ajoutons que la classe sacerdotale survécut au despotisme asiatique
et fut maintenue, avec tous ses privilèges essentiels, par la dynastie euro¬
péenne des Lagides. Or cette classe, on le sait, veilla constamment, avec
un soin superstitieux, au maintien inaltérable des traditions de l’antiquité,
à tel point que si l’un de ses membres s’en écartait , même dans les choses
d’une faible importance, il était à l’instant même dégradé et expulsé du
sanctuaire 2. Grâce à ses efforts opiniâtres, le système religieux de la
nation triompha des dominations successives des Perses, des Grecs et des
Romains, et, depuis Memphis jusqu’aux dernières bourgades du royaume,
les anciens dieux régnaient encore le jour où leurs temples furent fermés par
le christianisme3. Ce fait seul suffirait pour prouver que, jusqu’à l’arrivée
des Romains, la législation criminelle, étroitement unie au culte, ne subit
aucune altération profonde. En Égypte, comme chez les Hébreux, la reli¬
gion était activement mêlée à tous les incidents de la vie publique et privée;
depuis le berceau jusqu’à la tombe, elle réglait tous les actes de l’homme
avec une autorité absolue. Dès la plus haute antiquité, la jurisprudence \
appartint à la catégorie des sciences sacrées, et les prêtres, à peu près seuls
* Ils avaient poussé l’amour de l’immobilité au point de fixer, par des lois immuables, la
peinture, la sculpture, les chants et même la danse. (Voy. Platon, Lois, liv. II, p. 82 et 85;
liv. VII, p. 28; trad. de M. Cousin. ) Ils conservent les coutumes de leurs pères et n’en adoptent
pas de nouvelles, dit Hérodote (liv. II, c. 79) ; et un peu plus loin ( c. 91 ) il ajoute : Ils évitent
d’user de coutumes grecques et, pour tout dire, d’aucune de celles des autres hommes.
- Porphyre , De abstinentia, liv. IV, § 8; édition d ütrecht, 1765.
5 Champollion le jeune, Lettres écrites d’Egypte et de Nubie, p. 151 et 157.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
y
chargés des fonctions de juges, étaient ses dépositaires et ses interprètes natu¬
rels. Sous un tel régime, la conservation du culte et de la classe sacerdotale
devait entraîner, dans une large mesure, la conservation du droit national,
dans toutes les parties où il n’était pas incompatible avec les exigences impé¬
rieuses de la conquête1.
Toutes les nations de l’antiquité sont unanimes à vanter la sagesse des
hommes qui présidaient aux destinées de l’Égypte. Suivant des traditions
communes à ce pays et à la Grèce, Orphée et Homère, Lycurgue et Solon,
Pythagore et Thalès, Hésiode et Platon, étaient allés chercher l’inspiration
et la science dans les sanctuaires de la vallée mystérieuse du Nil. La critique
moderne n’a pas admis tous ces éloges traditionnels ; mais nous n’en devons
pas moins déplorer notre impuissance à reconstituer le tableau complet et
détaillé des institutions pénales qui, depuis les Pharaons jusqu’aux Romains,
existèrent, à peu près sans altération , à l’ombre des temples dont nous
admirons aujourd’hui les ruines majestueuses. Ce tableau formerait incon¬
testablement l’une des pages les plus intéressantes de l’histoire des évolutions
successives de l’esprit humain. Mais cette page ne sera jamais écrite, et, sans
nous livrer à des regrets stériles, nous devons nous contenter de recueillir
et de coordonner les débris échappés au naufrage. C’est ce que nous allons
essayer de faire, en présentant quelques aperçus sur l’organisation judiciaire,
les lois pénales et la procédure criminelle de l’Égypte ancienne.
1 C’est une grande erreur de croire que, lors de l’avénement des Lagides, qui montrèrent
tant de respect pour les coutumes nationales, l’ancienne constitution de l’Egypte avait subi des
altérations profondes. M. Letronne a très-bien prouvé que tout s’y était conservé presque sans
altération, beaux-arts, langue, écriture, administration, religion, lois, usages et arts indus¬
triels. ( Mémoire sur la civilisation égyptienne , depuis U établissement des Grecs sous Psam-
meticus, jusqu'à la conquête d’Alexandre; dans les Mémoires de I’Institut, Académie des
inscriptions et belles-lettres, t. XV1I1, 1re partie.)
Les Lagides, à leur tour, marchèrent sur les traces d’Alexandre. Celui-ci, au témoignage d’Ar-
rien , après avoir établi un satrape égyptien , lui avait ordonné de ne rien changer aux impôts et
de les faire lever par des indigènes appartenant aux familles les plus distinguées. ( Liv. III , c. 5.)
Quinte Curce ajoute qu’ Alexandre laissa subsister toutes les coutumes nationales des Egyptiens.
(Liv. IV, c. 17.)
Tome XXXV.
2
10
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
I.
SOURCE ET EXERCICE DU DROIT DE PUNIR. - ORGANISATION JUDICIAIRE DE
l’égypte ANCIENNE.
Comme toutes les nations primitives, l’Égypte faisait du droit de punir une
délégation de là puissance divine. Thoth, l’Hermès trismégiste, le génie du
droit uni au génie de l’éloquence , « le secrétaire des dieux grands dans la
» salle de justice et de vérité, » descend sur la terre pour donner aux
premiers habitants de la vallée du Nil les règles fondamentales des lois civiles
et criminelles. Deux autres divinités, lsis et Osiris, guidées par Thoth,
deviennent les modèles immortels des législateurs et des juges. Une quatrième
divinité bienfaisante, Thméï, fille du soleil, à la fois déesse de la justice et
déesse de la vérité, vient remplir dans les croyances nationales un rôle
analogue à celui de Thémis dans les mythes de la Grèce. Sur tous les mo¬
numents où il s’agit de l’exercice de la magistrature, la religion se montre
à côté de l’homme investi de la redoutable mission de juger ses semblables L
Deux éléments essentiels entraient dans l’organisation du pouvour judi¬
ciaire de l’Égypte : d’un côté, les privilèges immuables du trône; de l’autre,
les prérogatives traditionnelles de la classe sacerdotale.
On a prétendu que les lois fondamentales du pays plaçaient une barrière
infranchissable entre le pouvoir royal et le pouvoir judiciaire. On a dit que
les prêtres seuls étaient investis du droit de juger et de punir les coupa¬
bles 1 2.
Les témoignages de l’histoire et les nombreuses inscriptions disséminées
1 Les traditions populaires disaient qu'Isis elle-même avait envoyé au roi Bocchoris un ser¬
pent qui, s’entortillant autour de sa tête lorsqu’il montait sur son tribunal, le couvrait de
son ombre, pour l’avertir de ne pas oublier un seul instant les exigences inflexibles de l’équité;
Plutarque, De la fausse honte, t. II, p. 361 de la trad. de Ricard. Voy. aussi Champollion
le jeune, Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens , t. II, p. y, et planche IV,
n° 51.
2 L’opinion émise à ce sujet par De Pauw ( Recherches philosophiques sur les Égyptiens,
sect. IX) est loin d’être complètement abandonnée.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE. j |
sur les monuments de la haute Égypte se réunissent pour contredire ces
assertions.
« Chaque jour, dit Diodore de Sicile, le roi offrait un sacrifice aux
» dieux. Les victimes étant amenées à l’autel, le grand prêtre se tenait,
» selon la coutume, près du roi, et, en présence du peuple égyptien,
» implorait les dieux à haute voix de conserver au roi la santé et tous les
» autres biens.... En même temps, le grand prêtre était obligé d’énumérer
» les vertus du roi, de parler de sa piété envers les dieux et de sa mansué-
» lude envers les hommes. Il le représentait tempérant, juste, magnanime,
» ennemi du mensonge, aimant à faire le bien, entièrement maître de ses
» passions, infligeant aux coupables des peines moindres que celles quils
» méritaient i. »
Ainsi , chaque jour, au pied des autels, l’autorité judiciaire du prince,
loin d être proscrite par la législation nationale, était solennellement pro¬
clamée en présence des dieux et du peuple.
Diodore nous apprend encore que le souvenir de l’équitable et ingénieuse
sagesse des jugements rendus par Bocchoris avait survécu à la conquête
de 1 Égypte par les Romains 2. Il rappelle que le roi Amasis se rendit odieux
à son peuple en infligeant à beaucoup d’hommes des peines contre toute
justice °. Il raconte que l’un des conquérants éthiopiens, Actisanès, ayant
réuni les principaux accusés du royaume, prit une connaissance exacte de
leurs crimes ; qu’il fit couper le nez aux coupables et les relégua , à l’extré¬
mité du royaume, dans une bourgade qui, en souvenir de cette mutilation,
prit le nom de Rhinocolure \ Il ajoute que les rois, en prononçant leurs
' Diodore, liv. I, c. 70. Cet éloge était obligatoire; mais, après s’ètre acquitté de sa tâche,
le grand prêtre terminait par une imprécation contre les fautes commises par ignorance; car,
dit Diodore de Sicile, le roi étant irresponsable , on rejetait toutes les fautes sur ses ministres
et ses conseillers, et on appelait sur eux le châtiment mérité.
On voit que la responsabilité ministérielle ne date pas d’hier.
2 Liv. I, c. 94.
3 Liv. I, c. 60.
De P iv, nez, et de K oloupoç, coupé (liv. I, c. 59). De Pau^ (Rech. plut., sect. IX) conteste
cette étymologie, par une raison passablement étrange. Le terme de Rhinocolure lui paraît
avoir été appliqué à un enfoncement de la côte, où quelque promontoire s’était vraisemblable¬
ment éboulé. Les Orientaux, comme les Arabes, dit-il, nomment en géographie ras ou nez
ce que nous appelons, d’après les Italiens, un cap. (T. II, p. 269, édit, de 1822.)
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
12
jugements, étaient obligés d’agir conformément aux règles établies par les
lois pour chaque cas particulier \
Hérodote nous fournit un témoignage analogue. Des prêtres égyptiens ,
initiés à tous les mystères de leur culte et à tous les secrets de leurs annales,
lui racontèrent que Mycérinus (Menkera), fds de Chéops (Choufou ), s’acquit
l’amour de son peuple par la manière équitable et digne dont il rendait la
justice 1 2 3. Ils lui firent part d’une tradition nationale , suivant laquelle
Alexandre, le ravisseur d’Hélène, jeté par les vents sur la côte de l’Égvpte,
fut jugé par le roi, privé de ses trésors et condamné au bannissement,
« à la suite d’une accusation portée devant les prêtres. » Informé de l’exis¬
tence de cette procédure, le prince avait fait conduire le coupable à Memphis
afin d’y être interrogé et puni par lui-même. Pour nous servir d’une locution
fréquemment employée dans nos lois modernes, il avait évoqué la cause5.
Élevé à la cour des Pharaons, instruit à l’écoie des prêtres d’Héliopolis,
Moïse attribue formellement aux rois de l’Égypte le droit de juger toutes
les classes de la nation. Nous voyons le Pharaon qui eut Joseph pour
ministre (ApôphisP) prononcer, au milieu des joies d’un festin, une sen¬
tence capitale contre l’un des premiers dignitaires du royaume. Joseph lui-
même, pour sortir des fers où l’avait conduit une accusation calomnieuse,
a recours au roi comme à l’arbitre suprême de la justice nationale 4.
Les découvertes de la science moderne sont venues confirmer le langage
des historiens de l’antiquité. Les murs du Rhamesséum de Thèbes étalent
des bas-reliefs et des tableaux, où les plus grandes divinités de l’Égvpte
remettent au roi, avec les insignes du commandement militaire, la houlette,
symbole du gouvernement civil , et le fouet, emblème de l’exercice de la
1 Liv. I , c. 71.
- Liv. II, c. 129. Diodore (liv. I, c. 04) lui adresse les mêmes éloges. Comme Hérodote, il
affirme que Jlycérinus poussait l'équité au point de faire des présents aux hommes honnêtes
qui avaient été injustement condamnés par les tribunaux. Slrabon affirme, de son côté, que
Mycérinus rendait lui-même la justice. Il rapporte qu’un aigle laissa tomber l’un des souliers de
Rhodope sur les genoux du roi, pendant qu’il remplissait les fonctions de juge. (Liv. XVII, c. 1 .
§ 33, édit. Müllerus ; p. 808 de l’édit, de Casaubon.)
3 Liv. II, c. 113-115.
4 Genèse, XL, 14, 22. Josèphe, Antiq.jud., liv. II, c. 3.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
13
justice criminelle. Ammon, le roi des dieux, l’être primordial et suprême,
dit à Rhamsès : « Reçois la faux de bataille pour contenir les nations
» étrangères et trancher la tête des impurs ; prends le fouet et le pédum ,
» pour diriger la terre de Kémé1. » II est vrai que, ni dans les récits des
historiens, ni dans les inscriptions et les peintures qui décorent les monu¬
ments, on ne rencontre les maximes religieuses de l’Inde, qui faisaient de
l’exercice de la justice criminelle le premier et le plus impérieux devoir de
la royauté; mais il n’en résulte pas que les Pharaons et leurs successeurs
fussent privés de ce noble attribut de la souveraineté. Ils avaient le droit,
mais non pas l’obligation de juger eux-mêmes les coupables.
Quand ils se sentaient poussés par l’amour désordonné de la puissance,
les rois de l’Égypte allaient même beaucoup plus loin. Ils condamnaient à
l’emprisonnement, à l’exil, aux travaux publics, au dernier supplice, tous
ceux qui encouraient leur disgrâce, sans observer aucune des formalités
tutélaires dans lesquelles les lois du pays avaient cherché la garantie d’un
jugement équitable; ils se permettaient tous les caprices des despotes asia¬
tiques. Le prédécesseur de Sésostris remplit les prisons d’individus soup¬
çonnés d’avoir murmuré contre sa tyrannie2 *. Un fils de ce conquérant,
appelé Phéron par Hérodote, fait brûler, avec le village où il les a enfer¬
mées , toute une multitude de femmes que son esprit égaré par la super¬
stition soupçonne d’avoir manqué à la foi conjugale0. Chéops condamne
une partie de son peuple aux travaux publics, parce qu’il veut laisser à
la postérité de somptueux témoignages de sa puissance et de ses richesses 4.
Apriès (Uaphrès) fait couper le nez et les oreilles de son ministre Patar-
bémis , parce que celui-ci avait échoué dans une mission dont il l’avait
chargé auprès de ses soldats rebelles5. Amasis II (Aahmès), disposant
/
1 Champollion-Figeac, Égypte ancienne , p. 56. Plutarque dit que les Égyptiens donnaient à
leur pays le nom de Chemia, parce que le terrain en est noir comme la prunelle de l’œil. ( Traité
d’Isis et d’Osiris, t. V, p. 551 de la traduction de Ricard, édit, de 1844.)
2 Diodore, liv. I, c. 54.
5 Hérodote, liv. II, c. 3. Hérodote place cet événement dans la ville d’Erythrébole. Diodore
(liv. I, c. 59) dit, avec plus de probabilité, que le fait eut lieu dans un village.
4 Idem, liv. II, c. 124.
B Idem , liv. II , c. 162.
14
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
arbitrairement des biens et de la vie de ses sujets, menace sa propre femme
de la mort la plus affreuse, parce qu’il la soupçonne d’avoir usé de ma-
léfices1. Un autre roi fait égorger des hommes, pour se procurer le bain de
sang dont il croit avoir besoin pour se guérir d’une maladie qui l’incom¬
mode 2. Un autre ordonne à tous ses sujets de fléchir le genou devant le
ministre qu’il a investi de sa confiance : « Oue tout le peuple, lui dit-il,
» obéisse aux commandements qui tomberont de tes lèvres; que nul ne
» remue le pied ou la main, sans ton assentiment, dans toute la terre
» d’Egypte 5. » Un autre encore ordonne de mettre à mort tous les enfants
mâles dune tribu nombreuse à laquelle ses prédécesseurs avaient donné des
terres et des pâturages 4. Qu’on nie l’authenticité d’une partie de ces mons¬
trueux abus de la force; qu’on range la plupart de ces actes de tyrannie
parmi les fables accueillies par la crédulité populaire : on n’en viendra pas
moins forcément aboutir à la même conclusion. Par cela seul que les prêtres
de Memphis racontaient aux Grecs les tristes exploits de Phéron , de Chéops,
dApriès et d’Amasis, ils avouaient que leurs rois pouvaient disposer en
maîtres absolus de la liberté, des biens et de l’existence de leurs sujets.
Méconnaître la valeur d’un tel aveu, ce serait fouler aux pieds toutes les
règles d’une saine critique historique. Si le pouvoir judiciaire avait été com¬
plètement séparé de la puissance royale, les desservants de l’admirable temple
de Phtah, les pontifes chargés du sacre et de l’intronisation des rois, les
dépositaires de toute la science nationale, n’auraient pas manqué de vanter
ce progrès aux barbares qui venaient leur demander les leçons de la sagesse
antique.
Il entrait dans le génie de l’Égypte d’assimiler ses rois à ses dieux. Depuis
le règne fabuleux de Ménès jusqu’à l’établissement de la domination romaine,
les tableaux et les inscriptions qui décorent les monuments sont pour ainsi
dire l’apothéose permanente de la royauté. Sur les murs des palais et des
temples; sur le granit des obélisques et des colonnes; sur les flancs indes-
1 Hérodote, liv. II, c. 181. Diodore, liv. II, c. CO.
- Pline le naturaliste, liv. XXVI, c. 5.
J Genèse, XLI, 40 et suiv.
* Exode, 1. 16. Josèphe, Antiq.jud., liv. II, e. 5.
DE L’EGYPTE ANCIENNE.
15
tructibles des hypogées destinées à recevoir les dépouilles mortelles des
membres de la dynastie régnante; partout, en un mot, où les princes
s’adressent à la fois à leurs contemporains et à la postérité, les formules
adulatrices inventées par le despotisme théocra tique de l’Orient se trouvent
considérablement dépassées. Modérateur souverain du monde, grand chef
de toutes les parties de l’univers, soleil régulateur de la terre, recteur de
l’Occident, vivificaleur éternel, seigneur des diadèmes, fils du soleil, fds
d’Isis, fils d’Ammon, divin seigneur de l’Égypte, dieu grand, dieu gracieux,
Horus puissant et modéré, Horus resplendissant possesseur des palmes,
grand germe des dieux grands , dieu sauveur, dieu seigneur des trois zones
de l’univers, image vivante d’Ammon : tels sont les titres que les rois de
toutes les dynasties s’attribuent jusque sur les murs des sanctuaires où l’on
adorait les premières divinités du pays. Dans une foule d’inscriptions votives,
on trouve des noms royaux parmi ceux des dieux invoqués par le peuple.
Ailleurs on voit des Pharaons vivants qui s’adorent eux-mêmes ou sont
adorés par d’autres dieux. Les mêmes sy mboles hiéroglyphiques désignaient la
royauté et la divinité. L’assimilation était poussée si loin , l’identification du
dieu et du roi était tellement parfaite que les mêmes règles d’architecture
étaient suivies pour les édifices religieux et les habitations royales. Le trône
prenait la place du sanctuaire! « Les Égyptiens, dit Diodore de Sicile,
» respectent et adorent leurs rois à l’égal des dieux1. »
Ces faits seuls suffiraient au besoin pour dissiper les doutes et mettre un
terme à toutes les controverses.
1 Voy. Champollion le jeune, Lettres écrites d’Égypte et de Nubie, pp. 96, 161, 1 07 , 208,
21 1, 219, 226, 227, 271, 273, 506, 516, 518, 326-529, 531, 585. — Le texte grec de l’inscrip¬
tion de Rosette (ligne 10) donne à Ptolémée Épiphanele titre de dieu né d’un dieu et d’une déesse ,
comme Horus, le fils d’Isis et d’Osiris, ©cos' e* 0f c-j y.oa 0ea; KaOenrcp Cipo; b t y; l aïoç *a; Ua-ipioç..
( Champollion le jeune, Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, 1. 1, pp. 1 84 et
suiv. , 2me édit.). Dans les ruines de Thèbes existe un bas-relief représentant Ptolémée Phila-
delplie, costumé en Osiris, assis sur son trône, à côté de sa femme, la reine Arsinoé, coiffée des
insignes des déesses Moutli et Hathôr. Placé au pied du trône, Evergète II lève les mains en
signe d'adoration et adore «le divin père de ses pères, la divine mère de ses mères. » Champol-
lion-Figeac, Égypte ancienne, p. 58. — Voy. encore Dunkcr, Geschichte des Allherthums, p. 76,
édit, de 1852; Ampère, Voyage en Nubie. (Revue des Deux-Mondes, 1849, I, p. 95 et suiv.)
Éd. Levy, Etudes philosophiques sur l’ architecture , p. 20. (Mém. couronnés de l’Acad. roy. de
Belgique, t. IX, coll. in-8°. )
16
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
Comment des rois assimilés aux dieux, identifiés avec les dieux, n'au¬
raient-ils pas revendiqué le droit de juger, dans un pays où l’exercice de
la juridiction criminelle était envisagé comme une émanation directe de la
divinité? L’histoire ne nous offre pas un seul exemple d’une dynastie royale
abdiquant bénévolement, au profit d’une classe nombreuse de ses sujets,
l’une des attributions les plus importantes et les plus glorieuses de la cou¬
ronne. Les rois de l’Egypte n’eurent jamais la pensée de se résigner à ce
sacrifice, et, sous ce rapport encore, les monuments confirment les asser¬
tions de Moïse, d’Hérodote, de Slrabon et de Diodore de Sicile. Sur les
murs des temples de Louqsor, de Kourna, de Karnac, sur tous les débris
de Thèbes, les souverains du pays revendiquent avec orgueil le rôle supé¬
rieur qui leur était assigné dans l’administration de la justice. Us se nom¬
ment les seigneurs de la justice , les soleils gardiens de la justice, les seigneurs
de la justice et de la vérité Tout ce qui, depuis Bossuet et Montesquieu -,
a été dit des limites que la sagesse antique avait assignées au pouvoir
suprême des Pharaons et de leurs successeurs, doit être attribué à une
étude superficielle des témoignages qui nous ont été transmis par les histo¬
riens et les philosophes de la Grèce. Transporter nos idées modernes dans
l’antique vallée du Nil ; faire des Pharaons une sorte de monarques consti¬
tutionnels acceptant avec déférence la théorie savante de la séparation des
grands pouvoirs de l’Etat, c’est commettre naïvement un anachronisme de
plusieurs milliers d’années. Les rois de l’Égypte étaient en même temps
législateurs, juges , commandants suprêmes de l’armée et chefs du culte
national. Ils étaient des despotes divinisés1 2 3.
1 Cliampollion le jeune, Lettres citées , p. "208, 211, 285.
2 Bossuet, Disc, sur l’hist. universelle, IIIe part., § 5; Montesquieu, Esprit des lois,
liv. XVIII, c. C.
3 Ici, comme on l’a fait si souvent ailleurs, on a confondu la théorie et la pratique. Tous les
instants de la journée des rois étaient minutieusement réglés par des coutumes séculaires, et
leur gouvernement fut presque toujours modéré. Élevés par les prêtres, ceux-ci se trouvaient
sans cesse à leurs côtés, jusque dans les appartements les plus reculés de leurs palais. Mais ces
précautions mêmes, malgré 1 admirable sagacité qu’elles révèlent , étaient sans force et sans
influence réelle à l’égard des princes que des passions violentes poussaient en dehors des voies
ordinaires. L’histoire n’en fournit que trop de preuves.
La science moderne a très-bien prouvé que les Pharaons étaient eux-mêmes les chefs du
DE L’EGYPTE ANCIENNE.
17
J1 n’est donc pas vrai que les rois fussent privés du droit d’exercer par
eux-mêmes la justice criminelle. C’était, au contraire, en leur nom et avec
leur assentiment, au moins tacite, que les prêtres et les autres magistrats
siégeaient dans les tribunaux ordinaires.
La composition de ces tribunaux ne nous est que très- imparfaitement
connue; mais cependant nous en savons assez pour y découvrir les traces
d’une organisation savante , digne de la réputation traditionnelle de sagesse
dont les Égyptiens jouissaient chez toutes les nations de l’antiquité.
L’Egypte possédait une cour suprême, composée de trente et un juges.
Les trois collèges sacerdotaux de Memphis, de Thèbes et d’Héliopolis en
fournissaient chacun dix. Les trois cités où la science antique comptait ses
plus nobles interprètes jouissaient du privilège de fournir les représentants
les plus élevés de la magistrature nationale '.
Selon Diodore de Sicile, les trente membres du tribunal suprême, réunis
à Thèbes, choisissaient eux-mêmes leur président, et la ville à laquelle il
appartenait envoyait aussitôt un autre juge pour le remplacer. Suivant
Elien, les honneurs de la présidence étaient toujours conférés au membre le
plus âgé. Tous étaient entretenus aux frais du roi, et le président recevait
des appointements considérables. Il portait au cou une chaîne d’or , à la¬
quelle était suspendue une statuette en pierre précieuse représentant la
déesse Saté [la Vérité aux yeux fermés ). Au témoignage d’Élien, il était
réputé le plus intègre de tous les hommes. Ses collègues surent, de leur côté ,
se transmettre de siècle en siècle le noble héritage d’une réputation sans
culte national. (Voy. Duncker, Geschichte des Altherthums, t. 1, p. 75 etsuiv., édit, de 1852.)
Nou* connaissons des rois qui, pendant une longue série d'années, firent fermer les temples et
interdirent les sacrifices. (Hérodote, liv. II, c. 124-128.)
Diodore, liv. I, c. 75. Diodore dit que les Égyptiens choisissaient les trente juges parmi les
piemiers habitants des trois villes citées. Il n’est pas possible de prendre ce passage à' la lettre.
Comme, en thèse générale, les prêtres seuls, ainsi que nous le verrons plus loin, remplissaient
les fonctions de juge, il faut admettre, que les Égyptiens désignés par l’historien étaient les
membres des collèges sacerdotaux établis dans les trois capitales du royaume, et non les habi¬
tants en général. La supposition d’une intervention directe des habitants de Thèbes, de Mem¬
phis et d Héliopohs se trouve complètement écartée par l’organisation fondamentale de l’Égypte,
ou la nation était privée de droits politiques, et où, d’autre part, la classe des guerriers et la
classe populaire se livraient à des professions qui n’avaient rien de commun avec l’exercice de
la magistrature.
Tome XXXV.
3
18
, SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
tache, et les Égyptiens, toujours partisans du symbolisme, avaient fait de
l’aile de l’autruche le signe hiéroglyphique de l’impartialité de leurs déci¬
sions L’historien d’Agyre les compare aux membres de l’aréopage
d’Athènes et du sénat de Sparte, et les monuments les montraient privés
de leurs mains, pour attester qu’ils étaient inaccessibles aux présents. Les
statues qui reproduisaient les traits de leur président avaient les yeux baissés,
« parce qu’il ne devait regarder que la vérité1 2. » Les auteurs de la Descrip¬
tion de l’Égypte supposent, non sans raison, qu’ils rendaient leurs décrets
solennels dans cette admirable salle hypostyle du Rhamesseum, dont les
débris épars arrachent encore un cri d’admiration au voyageur qui parcourt
les ruines de la ville aux cent portes 3. Les Égyptiens aimaient à représenter
sur les murs de leurs palais et de leurs temples des scènes analogues à la
destination qui leur était assignée. Or, Diodore nous apprend que, dans
l’immense salle du monument qu’il appelle le tombeau d’Osymandias , et
(jui n’était autre que le somptueux édifice élevé par Rhamsès le Grand, on
avait sculpté les images du président et des trente juges de la cour suprême 4.
A quel degré le roi intervenait-il dans la composition de ce tribunal , la
première et la plus importante de toutes les institutions judiciaires du pays?
1 Horapollinis Hieroglyphica, lib. II, c. 118, édit. Lcemans; Amstelodami , 1855. Horapollon
explique ce signe par l’étrange raison que l’autruche est le seul oiseau dont les ailes pi’ésentent
une égalité parfaite en tous sens. — Le signe hiéroglyphique du juge lui-inèrac était un vêlement
royal placé à côté d’un chien regardant une figure nue ( ibid liv. 1, c. 40). Les juges étant
facilement admis auprès du souverain, surtout dans les temps anciens, le peuple disait qu ils
avaient « le droit de voir le roi nu. »
2 Diodore, liv. 1, c. 48 et 75; Élien, Varice liist., lib. XIV, c. 34; Plutarque, Traité d’Isis et
(ÏOsiris, t. V, p. 528 de la traduction de Ricard.
5 Description de l’Égypte, t. II ( Antiquités-descriptions ), pp. 297-298, 2,uc édit.
4 Hérodote, liv. I, c. 48. — Les érudits ont soulevé, au sujet du tribunal central de Thèbes,
un certain nombre de controverses que nous croyons inutile de discuter. Les uns ont dit qu il
y avait trente juges, parce que, à une certaine époque , il y avait trente nomes en Egypte.
D’autres, sans alléguer aucune preuve à l'appui de leur allégation, ont prétendu que les dix
livres sacerdotaux d’IIermès devaient être particulièrement gravés dans la mémoire de trois
juges appartenant à chacun des trois collèges qui concouraient à la formation de la cour. D’autres
encore ont affirmé que chaque membre était spécialement voué à l’étude d’un seul de ees livres,
de manière que le tribunal des trente renfermait trois magistrats tirés de trois collèges diffé¬
rents et possédant à fond le même livre, etc. (Voy. Pastoret, Histoire de la législation , t. II.
p. 201 et suiv.)
DE L’EGYPTE ANCIENNE.
19
Diodore de Sicile dit expressément que les membres de la cour suprême
étaient élus par « les Egyptiens; » mais d’autres témoignages échappés
aux ravages des siècles tendent à faire croire que, l’élection étant régu¬
lièrement accomplie, les élus devaient être institués par le chef de l’État.
Plutarque rapporte que le roi, avant l’installation des juges, les faisait
jurer de désobéir à ses propres ordres, s’il leur prescrivait quelque chose
d’injuste. Or, si l’on se rappelle que les souverains de l’Égypte exerçaient
un pouvoir despotique , leur droit de repousser l’élu qui se présentait au
pied de leur trône ne saurait pas même être discuté. L’admission au serment
était une véritable agréation de la part du roi. On avait imaginé sur les
bords du Nil un système mixte qu’on retrouve, sous des formes diverses,
dans les lois constitutionnelles de plusieurs États de l’Europe moderne : la
combinaison de l’autorité royale avec le privilège accordé aux grands corps
judicaires d’intervenir dans le choix de leurs membres. Comment des des¬
potes, qui jugeaient eux-mêmes et qui s’intitulaient les « Seigneurs de la
justice, » auraient-ils renoncé à toute part d’influence dans le choix des
premiers magistrats de leur royaume 1 ?
Les renseignements que l’histoire nous a transmis sur l’organisation des
tribunaux inférieurs laissent beaucoup à désirer.
L’Égypte était partagée en un grand nombre de provinces peu étendues ,
appelées nomes ou préfectures. Les nomes étaient divisés en sous-préfectures
ou toparchies 2 3 *, et chacune de celles-ci comprenait un certain nombre de
i
petites circonscriptions administratives que, faute d’une désignation mieux
appropriée, nous appellerons, comme Champollion, des communes rurales5.
Le chef-lieu de chaque nome était la résidence d’un nomarque, dont
1 Vov. Plutarque, Apophthegrnes des rois et des capitaines. (Usage des rois d’Égypte.) Plu¬
tarque semble parler de tous les juges du pays; mais il est peu probable que le roi faisait
comparaître devant lui les membres des juridictions inférieures.
- Ce nom leur est donné par Strabon (To^pj/^, gouvernement d’un lieu).
3 Hérodote, liv. II, c. 164. Pline le naturaliste, liv. V, c. 9, donne aux nomes le nom de
préfectures urbaines (Praefecturae oppidorum.) — Voy. encore Diodore, liv. I, c. 54; Strabon,
liv. XVII, c. 1 ; Champollion le jeune, YÉgypte sous les Pharaons , t. Ier, p. 72 et suiv. — On
n’est pas d’accord sur le nombre des nomes , ou plutôt ce nombre a varié avec les diverses
époques. Diodore et Strabon en admettent trente-six; Pline en compte quarante-huit.
20
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
l’autorité s’étendait sur tout le district, et à qui les inscriptions donnent
souvent les titres de « Président du pays » et de « Seigneur des hommages. »
On lui adjoignait , pour l’aider dans l’administration de la justice, un certain
nombre de scribes et de juges royaux : qualification qui, fréquemment
reproduite sur les monuments, atteste que ces magistrats, à la différence de
ce qui se pratiquait pour la cour suprême, étaient directement nommés par
le roi. De même que les membres du tribunal central de Thèbes, ils appar¬
tenaient à la classe sacerdotale. La jurisprudence, comme toutes les doctrines
morales, faisait partie de la catégorie des sciences sacrées, et celles-ci,
soigneusement conservées à l’ombre du sanctuaire, n’étaient cultivées que
par les ministres de la religion. Les dix livres d’Hermès qui traitaient de
la nature des dieux renfermaient en même temps les lois relatives au gou¬
vernement de l’État et à l’administration de la cité, et ces livres étaient
appelés sacerdotaux. Les chefs des prêtres, que Clément d’Alexandrie désigne
sous le nom de prophètes , devaient les apprendre par cœur, et l’un de
leurs subordonnés, que le même écrivain appelle sloliste (aroWojç) , portait
la coudée, emblème de la justice, dans ces imposantes processions religieuses
auxquelles s’adaptait si bien l’ampleur colossale des temples égyptiens J. Peu
importe que Diodore de Sicile ait gardé le silence sur un point aussi im¬
portant que l’union du sacerdoce et de la magistrature; cette union était
la conséquence directe et presque nécessaire de l’organisation sociale de
l’Egypte, où la classe sacerdotale se livrait seule à l’étude des codes qui
renfermaient les préceptes et les maximes prétenduement révélés par l’Hermès
céleste. Élien affirme que, de toute antiquité, les prêtres égyptiens exer¬
cèrent le pouvoir judiciaire, et Diogène Laërce ajoute que les hommes qui ,
sur les bords du Nil , cultivaient la philosophie et en faisaient la source des lois ,
recevaient les litres de prêtre et de prophète1 2. Conservés dans les temples,
1 Clément d’Alexandrie, Str ornâtes , liv. VI, c. 4, p. 254, édit. Migne. — Comme les livres
juridiques d’Hermès étaient surtout confiés à la garde des prophètes, on les désigne souvent,
ainsi que nous l’avons déjà dit, sous la dénomination de Livres des prophètes.
Les stolistes, qui portaient la coudée, étaient spécialement chargés du soin de vêtir les
idoles et de veiller à la conservation des coutumes liturgiques.
2 Élien, Variae hist., liv. XII, c. 4, et liv. XIV, c. 54. Diogène Laërce, Vit. philosoph., in
proem. — Dans quelques inscriptions, les scribes dont nous venons de parler sont nommés
« scribes de la justice. »
DE L’EGYPTE ANCIENNE.
21
sous la surveillance sévère des pontifes, les livres mystérieux, dépositaires
du savoir et de la loi, restaient éternellement fermés au peuple. On se
contentait de les lui montrer au milieu des pompes sacrées dont nous venons
de faire mention. Les ministres de la religion étaient en même temps les
ministres de la science1.
La généralité des termes employés par les historiens et les philosophes
de l’antiquité doit nous faire admettre que les Iribunaux des nomes, com¬
posés déjugés et de scribes royaux, possédaient simultanément la juri¬
diction civile et la juridiction pénale. Mais étaient-ils compétents pour statuer
sur toutes les infractions en général ? N’y avait-il pas une catégorie de
crimes soustraits à leur appréciation et exclusivement réservés au tribunal
central de Thèbes? Dans quels cas le législateur avait-il autorisé l’appel de
leurs décisions à cette cour suprême? Existait-il, à côté d’eux, du moins
dans les centres de population de quelque importance , un tribunal de police
pour les délits dépourvus de gravité? Toutes ces questions peuvent donner
lieu à des dissertations plus ou moins ingénieuses; mais, à défaut de docu¬
ments précis et dignes de foi, c’est à la raison et non à l’histoire qu’il con¬
vient de demander leur solution.
Les précautions extrêmes qu’on avait prises pour la composition du tri¬
bunal de Thèbes, la solennité de ses séances, la haute réputation d’intégrité
de ses membres, la vénération constante dont il était entouré dans les
diverses classes de la nation, tout atteste que, dans les circonstances les plus
graves, il servait d’égide à l’innocence persécutée, autant que le permettait
la forme despotique du gouvernement du pays. Si son influence avait été
purement locale, on n’aurait eu aucune raison de faire concourir à sa for¬
mation , dans une mesure strictement égale , les collèges sacerdotaux des
chefs-lieux des trois grandes divisions territoriales du royaume. Puisqu’on
1 Pastoret, Histoire de la législation, t. II, p. 200, fait à ce sujet une réflexion très -fondée.
« On pourrait soutenir, dit-il, que Diodore suppose assez l’union du sacerdoce à la magistra-
» ture, quand il rappelle les travaux de ceux qui n’appartenaient pas à la caste des prêtres,
» des marchands, des pasteurs, des artisans, des cultivateurs, des guerriers. Les Égyptiens
» pensaient qu'il existe entre les lois civiles et les lois religieuses une liaison si étroite, qu’elles
» sont toutes mieux observées quand le même citoyen en est le dépositaire et l’interprète. »
Voy. encore Diodore, liv, I, c. 81; Josèphe, Cont. App., liv. II, e. 5.
22
SUR INORGANISATION JUDICIAIRE
éprouvait Je besoin de faire représenter dans son sein , par le même nombre
de délégués, toutes les parties de l’Égypte, il est manifeste qu’on lui avait
assigné, indépendamment de ses autres attributions, une large juridiction
d’appel. Comment d’ailleurs les Égyptiens, dont la sagesse était proverbiale
et qui , au dire de Diodore , avaient apporté un soin extrême à l’organisation
du pouvoir judiciaire, n’auraienl-ils pas aperçu les raisons qui exigent que,
du moins dans un grand nombre de cas, l’appel du juge inférieur au juge
supérieur soit mis à la libre disposition du condamné? Comment explique¬
rait-on l’importance que tous les écrivains de l’antiquité attribuent à la cour .
de Thèbes, si, d’un côté, sa propre compétence avait été réduite à un petit
nombre de crimes, tandis que, d’autre part, les tribunaux des nomes auraient
joui du privilège de statuer toujours en dernier ressort ? Comment les
voyageurs grecs auraient-ils comparé au sénat de Sparte et à l’aréopage
d’Athènes un tribunal réduit à de si minces proportions?
Des motifs analogues nous portent à admettre, à côté du tribunal du
nome , l’existence de tribunaux de police dans toutes les localités d’une
importance tant soit peu considérable. Chaque ville avait son corps de
magistrature ', et la police y était faite avec une habileté, une promptitude
et un esprit de suite auxquels l’antiquité tout entière s’est plu à rendre
hommage. Il n’est pas possible de prétendre que, dans un tel système, les
magistrats locaux fussent obligés de recourir sans cesse au tribunal du
nome, môme pour la répression des simples fautes de discipline. La sépa¬
ration absolue des fonctions administratives et judiciaires date d’une époque
infiniment plus récente. L’antiquité, surtout en Orient, ne connaissait pas
les lenteurs calculées de nos codes modernes. Les contraventions légères
étaient punies, à l’instant même, par le magistrat dont on avait méconnu
Ses ordres.
A notre avis, on peut supposer qu’il y avait en Égypte trois classes de
tribunaux échelonnés dans un ordre hiérarchique très-bien combiné : dans
chaque commune populeuse, un tribunal composé de magistrats locaux,
pour les contraventions légères; au chef-lieu de chaque nome, un tribunal
' Hérodote, liv. III, c. 10.
DE L EGYPTE ANCIENNE.
25
composé de juges royaux, pour les délits d’un caractère plus dangereux;
dans la capitale du royaume , une cour suprême statuant sur les crimes les
plus graves et exerçant la juridiction d’appel à l’égard des sentences rendues
par les juges des nomes. Seulement, le caractère hiérarchique qui se mani-
leste constamment dans toutes les institutions de l’Égypte doit nous faire
supposer que les tribunaux de divers degrés étaient composés de prêtres
de divers ordres 1.
Nous ne croyons pas que l’harmonie de ce vaste plan, où se manifeste
si bien le génie organisateur de l’Égypte, fut altérée par l’établissement d’une
sorte de cour spéciale dans le célèbre labyrinthe du nome arsinoïte. Slrabon
rapporte, il est vrai, une vague tradition suivant laquelle les chefs des
préfectures s’y réunissaient avec les premiers des prêtres , pour offrir des
sacrifices et statuer sur les causes les plus graves2; mais un passage de Pline
le naturaliste prouve que cette tradition était loin d’être généralement
admise. «On ne convient pas, dit ce dernier, de la cause qui fit bâtir le
» labyrinthe. Démotélès prétend que c’était le palais de Mothérudès; Lvcéas
» en fait le tombeau du roi Moeris; plusieurs disent que c’est un monu-
» *ment consacré au soleil, opinion qui est la plus généralement reçue3. »
Hérodote, qui visita l’Égypte dans le cinquième siècle avant l’ère chré¬
tienne, et qui eut de si nombreux rapports avec les dépositaires des archives
nationales , se borne à dire que le labyrinthe a été érigé , comme un
monument de leur puissance et de leur gloire, par les douze rois qu’il
fait succéder à Séthos 4. Quatre siècles plus tard, Diodore de Sicile en fait
le tombeau de ces princes, et lui, qui nous a transmis tant de précieux
détails sur les institutions de l’Égypte, garde un silence absolu sur la des¬
tination judiciaire de cet admirable édifice5. Évidemment, ces notions in-
1 Nous empruntons cette dernière réflexion à Champollion-Figeac, Égypte ancienne, p. 46.
- Liv. XVII, c. 1, § 57, édit. MüIIerus; p. 811 de l edit, de Casaubon.
ù Liv. XXXVI, c. 19. Trad. de Littré.
4 Liv. II, c. 148.
Liv. I, c. 66. - Dans un autre endroit, il attribue cet édifice à Mendès (liv. I , c. 61 et 97 ).
Ailleurs encore, il en fait l’œuvre de Menas ( ibid., c. 89). — Eusèbe ( Chron ., lib. I, c. W
p. 189, édit. Migne) le fait construire par Lamparès, fils de Sésostris, opinion partagée par
Jules Africain. ( Sijticelli chronographia , p. 60, édit, du P. Goar. ) Ces divergences d’opinions
ont fait croire a quelques savants qu’il y avait plusieurs labyrinthes.
M. Lepsius a retrouvé parmi les débris du labyrinthe le nom et le tombeau d’Amenembé III
24
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
complètes et contradictoires ne permettent pas d’affirmer l’existence d’une
haute cour de justice sur les rives du lac Mœris.
Il est toutefois incontestable que les législateurs de l’Égvpte avaient admis,
à côté des tribunaux ordinaires, quelques juridictions investies d’attributions
spéciales.
Nous savions par Diodore 1 , qu’il existait en Égypte une législation parti¬
culière pour l’armée ; mais des découvertes modernes attestent que les
soldats jouissaient, en outre, du privilège d’être jugés par un tribunal
exceptionnel , où l’élément militaire figurait en grande majorité. Un papyrus
grec du musée de Turin fournit à ce sujet de curieux renseignements. Her-
mogène, l’un des commandants de la station militaire d’Ombos, cite en
justice Horus, fds d’Arsiési, et autres colchytes 2, qu’il accuse de s’ètre
frauduleusement emparés d’une maison qu’il possède à Thèbes. Le tribunal
saisi de la contestation est présidé par Héraclide, préfet du nome et l’un
des commandants des gardes du corps du roi. Avec lui siègent deux autres
commandants des gardes, Polémon et Héraclide; Apollonius et Hermogène,
des amis du roi (titre de cour); Pancrate , officier du second ordre; Pa-
niscus, habitant du pays, et plusieurs autres militaires. Le demandeur
expose ses griefs et récapitule, en deux colonnes et demie du manuscrit,
ses droits de propriété sur la maison contestée. Philoclès et Dinon , avocats
des deux parties plaidantes, échangent ensuite les mémoires usités dans la
procédure égyptienne. Le président résume les moyens opposés de part et
d’autre, et le jugement, daté du mois d’athyr de l’an XXIV du règne de
Ptolémée Evergète II, repousse les prétentions du Grec et donne raison aux
colchytes 3.
Si les militaires jouissaient de cette juridiction exceptionnelle dans les
1 Liv. I , c. 178.
- Profession sacerdotale d’un degré inférieur, qui avait pour objet une partie de l'embaume¬
ment des morts.
3 Champollion-Figeac., Égypte ancienne, p. 47. — Il est vrai que ce jugement appartient à
l’époque de la domination des Grecs (an 117 av. J.-C.). Mais n’était-il pas la conséquence de ccs
coutumes antiques que les Ptolémées avaient, en général, respectées avec une grande sollicitude .''
Le papyrus de Turin a été publié par M. Payron. Nous regrettons beaucoup que nous
n’ayons pas pu nous procurer cette œuvre intéressante.
DE LÉGYPTE ANCIENNE.
25
matières civiles , même à l’égard d’individus étrangers à leur classe , il faut,
a plus forte raison, la leur attribuer dans les matières pénales, où l’honneur,
la liberté et la vie même se trouvent directement en cause. L’institution
des conseils de guerre 11’était pas d’ailleurs aussi étrangère aux peuples de
1 antiquité qu’on pourrait être tenté de le croire. Chez les Assyriens, Bélésis,
prêtre guerrier, coupable d’avoir dérobé l’or de Sardanapale après la prise
de Ninive, fut jugé et condamné à mort par ses compagnons d’armes'.
Chez les Perses, un tribunal composé de chefs militaires infligea la peine
capitale à Orontas, coupable de tentative de désertion2. Il n’v a donc rien
détonnant à voir le même phénomène juridique se produire au pied des
pyramides.
Un autre tribunal d’exception existait à Naucratis, en faveur des Grecs
qui venaient faire le commerce dans la vallée du Nil. Après leur avoir assigné
cette résidence , qui fut longtemps le seul point du sol égyptien où les
étrangers pussent établir leurs comptoirs, Amasis, dont le génie s’élevait
au-dessus des préjugés de ses contemporains, leur accorda le droit de bâtir
des temples et de se taire juger par des magistrats de leur propre nation3.
Les Ioniens de Chios, de Téos, de Phocée et de Clazomène, les Doriens
de Rhodes, de Cnide, d’Halicarnasse et de Phasélis, joints aux Éoliens de
Mytilène, y érigèrent un sanctuaire magnifique, l’Hellénion, où des juges,
nommés par toutes ces villes, rendaient la justice à leurs nationaux. On
a cru, en se basant sur une fausse interprétation du texte d’Hérodote, que
ces magistrats ne possédaient qu’une juridiction purement commerciale.
Leur rôle était beaucoup plus étendu. Us statuaient sur toutes les infractions
^commises par les Grecs résidant sur le territoire de Naucratis, et les prêtres
mêmes se trouvaient au nombre de leurs justiciables. Athénée parle
d amendes qu’ils infligèrent à des sacrificateurs qui , dans les fêtes d’Apollon
1 Diodore de Sicile, liv. II, c. 28.
2 Xénophon, Anabase, liv. I, c. 6.
Selon Hérodote, Naucratis était gouvernée par des magistrats ou prostates auxquels l'historien
Hermias, cité par Athénée, donne le nom de Timouques, titre que portaient aussi les premiers
magistrats de Marseille, qui tirait, comme Naucratis, son origine de l’Asie Mineure (Athénée,
Deipnosopliist., liv. IV, § 32; t. II, p. 85, édit, de Schweighhauser , 1802. Letronne, Mémoire
cité, p. 11).
Tome XXXV. 4
26
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
et de Bacchus, avaient irrégulièrement préparé et distribué les portions de
la victime réservées aux assistants1.
Le système se complétait par l’institution de tribunaux domestiques, où
le père de famille, par lui-même ou par son délégué, statuait sur les in¬
fractions légères commises , sur ses terres ou dans sa maison , par des
esclaves ou d’autres individus attachés à son service. Il y a quelques
années, on voyait encore, dans les hypogées de Beni-Hassan , une inté¬
ressante série de tableaux, où cette justice domestique était représentée
dans tous ses détails, depuis la plainte jusqu’à l’exécution de la peine, avec
une évidence d’expression écartant toute controverse sur la nature des scènes
figurées par l’artiste. L’arrestation du prévenu, sa mise en accusation, son
interrogatoire, sa défense, son jugement par les intendants de la maison,
sa condamnation, puis l’exécution, en un mot, tous les incidents de la pour¬
suite s’y trouvaient minutieusement exposés. On y voyait notamment un
employé de la maison exhiber les pièces de conviction et un autre dresser
le procès-verbal de la procédure. Un de ces tableaux, aujourd’hui malheu¬
reusement effacés, attestait que le vol domestique rentrait dans la compé¬
tence de cette juridiction patriarcale. Le chef des bergers dénonçait le
gardien des vaches, qui avait tué un veau. L’accusé se défendait avec
énergie; mais les membres de l’animal étaient produits, les témoins en¬
tendus, et le pasteur infidèle, confondu par ces preuves, recevait, un peu
plus loin, en présence du maître, la peine de son méfait 2. Il en était autre-
1 Hérodote, liv. II, c. 178. Athénée, Deipnosophist., liv. IV, § 32. — Dans une récente tra¬
duction d’Hérodote, M. Higuet, après avoir parlé de l’Hellénion, ajoute : « Le temple appar-
» tient à toutes ces villes, et les préposés aux affaires commerciales y sont institués par elles. »
Larcher traduit le passage de la manière suivante : « l’Hellénion appartient à toutes ces villes :
elles ont droit d’y établir des juges. » Tel est, en effet, le sens réel du texte grec. « Hérodote,
dit Larcher, appelle les magistrats de Naucratis npoerd-ai èympiov, mais leur vrai nom est celui
de Timùques, ainsi que nous l’apprend Athénée. Emporium signifie une place de commerce,
n po'jTOLTy: t eu iunopiou indique le juge de cette ville, et non pas un juge particulier pour le com¬
merce, ce que nous appelons un consul.» (T. II , p. SI 6, édit, de 1780.)
2 La même procédure était figurée, dans un autre tableau, pour un esclave qui avait volé
du raisin pendant la vendange. Voy. Champollion le jeune , Lettres écrites d’Egypte et de Nubie.
(Lettre datée des pyraipides de Gizeh, le 8 octobre 1828.) — Peut-être le père de famille
possédait-il le même pouvoir à l’égard de scs fils. La manière dont l’autorité paternelle était
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
27
ment en cas d’adultère. Dans le dramatique récit de la Genèse, Puliphar
( Poli-Phéra ) ne prononce pas lui-même sur le sort de Joseph1. Mais où
cessait la juridiction domestique? Où commençait celle des juges royaux?
A cet égard encore, les renseignements nous font complètement défaut. On
sait seulement, par l’inspection des tableaux de Beni-Hass'an, que la peine
ne dépassait jamais la bastonnade.
Toutes ces institutions judiciaires avaient pour couronnement le tribunal
sacerdotal des sépultures.
Quand le corps de l’Égyptien, après avoir subi les opérations qui devaient
le préserver de la corruption, était prêt à être déposé dans le sépulcre de
ses pètes, la vie entière du défunt devenait l’objet d’un jugement solennel.
Tout habitant de l’Égypte pouvait se constituer son accusateur, tous ses
concitoyens étaient appelés à dénoncer les iniquités qu’il avait commises.
C était un véiitable procès fait a la mémoire, dans lequel la privation de
la sépulture servait de sanction pénale.
Quai ante piètres au moins, revêtus de leurs insignes religieux, se pla¬
çaient au bord d’un lac creusé dans le territoire du nome auquel appartenait
le défunt. Une barque, dirigée par un pilote de l’ordre sacerdotal, touchait
au i i v âge , prête à recevoir la momie, au premier signal du président. Celui-
ci , au milieu d’un silence religieux , invitait alors tous les assistants à dé¬
noncer les iniquités que le mort avait commises. Si l’un d’eux prouvait que
le défunt avait « mené une mauvaise vie, » les juges rendaient un arrêt
qui privait son corps de la sépulture religieuse, et, s’il avait occupé un
rang élevé, son nom était effacé de toutes les inscriptions des édifices publics
et privés. Si l’accusation était injuste, son auteur était condamné à de
fortes amendes. Si aucun accusateur ne se présentait, ou si l’accusation
était déclarée calomnieuse, le corps était admis « à passer le lac de son
nome natal. » Les parents quittaient aussitôt le deuil, rappelaient les vertus
dii moit, et, au milieu des applaudissements de la foule, suppliaient les
comprise en Égypte ne s’oppose pas à cette supposition. C’est Champollion le jeune qui a le
premier découvert l’existence de ces tribunaux domestiques. — Voy. encore Champollion-Figeac,
Egypte ancienne, p. 186.
1 Genèse, XXXIX, 20.
28
SUR L'ORGANISATION JUDICIAIRE
dieux infernaux de l’admettre dans le séjour réservé aux hommes pieux
Les rois mêmes étaient soumis à ce jugement suprême, et l’Égypte nous
montre encore des monuments où les noms de quelques Pharaons ont été
profondément martelés, tandis que ceux des reines leurs femmes s’y étalent
tels qu’ils ont été peints ou sculptés par la main de l’artiste 2.
Sans doute, ces tribunaux des sépultures n’étaient pas des juridictions
criminelles proprement dites; mais cependant, chez un peuple essentielle¬
ment religieux, où les honneurs funéraires se trouvaient en rapport intime
avec les traditions et les croyances de la nation, ils n’étaient pas complète¬
ment étrangers à la justice répressive. Cette épreuve solennelle était, en
réalité, l’admission de l’action publique contre les morts, et la honte infligée
au cadavre constituait, au fond, une peine légale. On l’appliquait à ceux qui
étaient décédés sans avoir payé leurs dettes, à ceux qui mouraient sous le
poids d’une accusation dont ils ne s’étaient pas justifiés, et en général à
tous ceux qui, suivant les termes généraux employés par Diodore de Sicile,
avaient mené une mauvaise vie. Rien n’échappait à cette juridiction solen¬
nelle, exercée au bord de la tombe. Les vices que le législateur criminel
avait passés sous silence étaient flétris au seuil de l’éternité5.
Une telle coutume, qui remonte à la plus haute antiquité, et dans la¬
quelle il est facile de reconnaître l’une des sources de la mythologie des
Grecs4, dénote une remarquable intelligence des besoins sociaux de l’époque.
L’homme orgueilleux et avide, qui cherchait l’impunité dans sa puissance et
dans ses richesses, était averti que, le jour même où il se trouverait dans
l’impuissance de nuire, toutes les iniquités de sa carrière seraient impitoya¬
blement dénoncées par ses victimes 5.
1 Diodore, liv. I, c. 92.
2 Champollion le jeune, Lettres écrites d’Egypte et de Nubie, pp. 96, 326, 551. Diodore,
liv. I, e. 72. On comprend que, pour les rois, hors du cas d’un changement de dynastie, cette
formalité était purement illusoire, sous un régime despotique où l'identification du roi et du
dieu faisait partie des maximes fondamentales du droit publie.
Diodore rapporte que deux prédécesseurs de Mycérinus, redoutant les accusations de la foule,
ordonnèrent en mourant à leurs serviteurs de les ensevelir clandestinement et dans un lieu
inconnu. (Liv. I, c. 64 et 72.)
3 Liv. 1, c. 92.
4 La barque de Caron, le Styx, le tribunal de Minos, d’OEaque et de Rhadamante, etc.
5 Le tribunal pour les sépultures exerçait à l’égard des corps la juridiction suprême que les
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
29
II.
INSTRUCTION CRIMINELLE.
Comment les tribunaux criminels de l’Égypte étaient-ils saisis de la con¬
naissance des délits qui rentraient dans le cercle de leur compétence? Sui¬
vant quelles règles étaient-ils tenus de procéder à l’instruction et au jugement
des causes qui leur étaient soumises?
Hérodote rapporte que les voleurs, soumis au jugement de l’Oracle 1,
étaient amenés dans le temple par ceux qui les accusaient d’avoir dérobé
une partie de leurs biens.
Suivait-on la même régie devant les tribunaux ordinaires? Ceux-ci pou¬
vaient-ils être directement saisis par la partie lésée ou par tout autre habi¬
tant de l’Égypte? Y avait-il, à côté de chaque juridiction, un magistrat
spécialement chargé de la constatation des délits, de la recherche et de la
poursuite de leurs auteurs? Les juges et les fonctionnaires publics étaient-
ils tous chargés de ce soin ? Le retrait de l’accusation suffisait-il pour
désarmer la justice répressive? De toutes ces questions, si intéressantes au
point de vue de l’histoire de la législation criminelle, les deux premières
sont les seules qui puissent être résolues avec une certitude entière. Tout
habitant de la vallée du Nil, qu’il fût Égyptien ou étranger, libre ou esclave,
avait le droit de prendre le rôle d’accusateur à l’égard des crimes dont il
était le témoin ou la victime.
Alexandre, accusé par ses esclaves, étrangers comme lui, d’avoir ravi
Hélène, méconnu les devoirs de l’hospitalité et volé les trésors de son hôte,
fut conduit à Memphis, où ses accusateurs parurent, en même temps que
quarante-deux jurés de Arnenthi, l’enfer égyptien, exerçaient à legard des âmes, en présence
d’Osiris et de Thméï. Il nous semble inutile de rapporter ici les longues controverses aux¬
quelles ces deux tribunaux ont donné naissance parmi les érudits des deux derniers siècles.
1 Nous parlerons plus loin de cette espèce de Jugement de Dieu.
50
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
lui, au tribunal du roi1. Hérodote, à qui nous devons le récit de cet épisode,
ajoute ailleurs qu’un membre de la corporation des embaumeurs porta' une
accusation contre son compagnon, qu’il avait surpris souillant le corps
encore frais d’une jeune femme appartenant à une famille illustre2. Nous
savons par Diodore que ceux qui faisaient des accusations mensongères
subissaient la peine qu’ils voulaient faire infliger à l’homme injustement
poursuivi3. Parfois même, l’accusation, toujours facultative, devenait obli¬
gatoire. Ceux qui étaient témoins d’un homicide devaient dénoncer les
coupables et les traduire devant les tribunaux, sous peine d’être battus de
verges et privés de toute nourriture pendant trois jours 4. Les annales de
l’Egypte attestaient que, dès la plus haute antiquité, le principe éminem¬
ment civilisateur de la proscription de la vengeance privée avait été pro¬
clamé sur les bords du Nil. Les prêtres de Memphis dirent à Diodore de
Sicile qu’Isis avait donné des lois à leurs ancêtres, afin de substituer l’action
calme et régulière de la justice aux violences désordonnées de l’injure et
de la force 5. La dernière des règles que nous venons de citer était la suite
naturelle de celte pensée salutaire. Les citoyens ne devaient pas seulement
s’ablenir d’avoir recours à la vengeance individuelle; autant qu’il dépendait
d’eux, ils étaient obligés de l’interdire aux autres. Le législateur de l’Égypte,
de même que celui de l’Inde, avait aperçu de bonne heure le caractère
social du délit, et, par une conséquence rationnelle, il exigeait que la ma¬
gistrature, accessible à tous, fût seule chargée de la réparation des outrages6.
Aussi n’y trouve-t-on aucune trace de ces compositions pécuniaires, plus
tard si communes en Europe, qui désarmaient la justice en plaçant l’intérêt
privé au-dessus de l’intérêt général.
1 Hérodote, liv. II, c. 1 15-115.
- Hérodote, liv. II, c. 89.
5 Diodore, liv. I, c. 77.
4 Diodore, ibid. Nous avons déjà dit ci-dessus, p. 27, que l’accusation publique était tou¬
jours admise à l’égard des morts.
5 Diodore , liv. I , c. 14.
(’ Après tous ces témoignages si concordants, on a de la peine à s’expliquer pourquoi Ptolémée
Philadelphe , dans son célèbre édit pour l’affranchissement des Juifs, autorise ses sujets à
dénoncer tous ceux qui contreviendront à ses ordres. C’est probablement une erreur de copiste.
(Vov. Joseph, Ant.jud ., liv. XII, c. 2.)
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
31
La forme de l'instruction suivie devant les tribunaux domestiques se dis¬
tinguait par son extrême simplicité. On interrogeait le prévenu, on enten¬
dait les témoins, on exhibait les pièces de conviction; puis le chef de la
famille ou son intendant prononçait la sentence , et le châtiment suivait
immédiatement la condamnation. C’était, dans toute la force des termes,
une justice expéditive et sommaire; mais la peine, comme nous l’avons déjà
dit, ne pouvait jamais dépasser la bastonnade \
La procédure était plus longue et plus solennelle devant les tribunaux
ordinaires.
Redoutant les séductions et les pièges de l’éloquence, les juges égyptiens
n’admettaient que l’instruction par écrit. « Les Égyptiens, dit Diodore,
» étaient d’opinion que les avocats ne font qu’obscurcir les causes par leurs
» discours, et que l’art de l’orateur, la magie de l’action et les larmes de
» l’accusé entraînent souvent le juge à fermer les yeux sur la loi et la
» vérité. SI n’est pas rare, en effet, de voir les magistrats les plus exercés
» se laisser séduire par la puissance d’une parole trompeuse, visant à l’effet
» et cherchant à exciter la compassion. Ils croyaient mieux juger une cause
» en la faisant mettre par écrit et en la dépouillant des charmes de la
» parole. De cette manière, les esprits prompts n’ont aucun avantage sur
» ceux qui ont l’intelligence plus lente, les hommes expérimentés ne l’em-
» portent pas sur les ignorants, ni les menteurs et les effrontés sur ceux qui
» aiment la vérité et qui sont modestes. Tous jouissent de droits égaux.
» On accorde un délai suffisant aux plaignants pour exposer leurs griefs,
» aux accusés pour se défendre, aux juges pour se former une opinion 2. »
Les prêtres de Memphis, qui tenaient ce langage à l’historien d’Agyre, n’ou¬
bliaient que deux choses : d’un côté, les garanties sérieuses et incontestables
qui résultent de la publicité même; de l’autre, ces lumières soudaines qui
jaillissent si souvent d’un débat oral, habilement conduit sous les yeux de
magistrats savants et expérimentés.
Le demandeur, ou le citoyen qu’il avait chargé de sa défense, rédigeait
* Voy. ci-dessus, p. 27 .
2 Diodore, liv. I, c. 75. Traduction de M. Hoefer. C’est à cette traduction que nous avons eu
recours pour tous les passages de Diodore reproduits dans notre texte.
32
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
une plainte énumérant toutes les circonstances du fait, exposant toutes les
preuves et se terminant par l’indication du dédommagement qu'il réclamait
de la partie adverse et de la justice répressive. Le défendeur, prenant con¬
naissance de cette plainte, répondait également par écrit à chaque chef
d’accusation. Il niait le fait, ou, en l’avouant, il s’efforcait, soit de lui
enlever son caractère criminel, soit de le dépouiller de la gravité que lui
attribuait son adversaire. Le plaignant répondait, le défendeur répliquait à
son tour, et les juges, après avoir ainsi reçu deux fois l’accusation et la
défense écrites, délibéraient et rendaient un arrêt. Celui-ci était signifié par
le président, en imposant l’image de la Vérité sur la tête de l’une des
parties mises en présence. Celle qui recevait cet attouchement sacré obtenait
gain de cause *.
Avec un tel système de procédure, l’audience publique ne pouvait avoir
d’autre but que la notification solennelle du résultat de la délibération préa¬
lable des juges. On y procédait, tout au plus, à la lecture des mémoires
produits par les parties, et peut-être un officier subalterne était-il chargé
de ce rôle 1 2. Mais il faut avouer que la mise en scène imaginée par le
législateur était de nature à produire une impression profonde sur des
plaideurs qu’Hérodote proclamait avec raison « les plus religieux de tous les
hommes3.» Trente prêtres vêtus de robes blanches, assis, les yeux baissés,
au pied des images des dieux de l’Egypte; le président, vieillard vénérable,
descendant lentement les marches du tribunal et s’avançant seul, sans pro¬
férer une parole, vers le lieu où les parties, leurs conseillers et la foule
attendaient, dans un silence religieux, la manifestation de la décision des
juges; l’innocence ou la culpabilité de l’accusé proclamée par la déesse
1 Diodore, liv, I, c. 75.
2 Le contraire semble résulter de la phrase suivante, qu'on rencontre dans le récit de Diodore :
’« Le président portait autour du cou une chaîne d’or à laquelle était suspendue une petite figure
» en pierres précieuses, représentant la Vérité. Les débats commençaient au moment où le
» président se revêtait de cet emblème (liv. I, c. 75). » Mais ce passage s’applique, non aux
débats de l’audience, mais à ceux qui surgissaient entre les juges après la lecture des documents
versés au procès. Toute autre interprétation est incompatible avec les détails circonstanciés que
l’historien nous a transmis sur le système d’instruction judiciaire usité en Égypte.
3 Liv. Il , c. 57.
DE L’EGYPTE ANCIENNE.
33
même de la vérité : tel était l’appareil auguste usité dans l’enceinte de l’aréo¬
page suprême, et cette scène, on n’en saurait douter, se reproduisait, avec
plus ou moins de solennité, dans tous les tribunaux du pays. Comme les
dieux de l’Égypte, la justice nationale s’entourait de silence et de mystère,
et ses décisions prenaient à certains égards la forme de l’oracle. Tout en
présentant des inconvénients de plus d’une espèce, cette publicité muette
avait une incontestable grandeur1.
Mais on comprend sans peine que cette marche rapide de la procédure
n était possible que dans les cas, toujours et partout très-rares, où la vérité
se manifestait à l’évidence, soit par les documents annexés à la plainte,
soit par l’aveu du coupable. Quand la question de l’innocence ou de la cul¬
pabilité était enveloppée de nuages, quand l’accusé repoussait énergique¬
ment les griefs articulés à sa charge, les juges de l’Égypte, comme ceux de
tous les pays civilisés, devaient recourir à des investigations complémentaires.
Mal gré l’incohérence et la rareté des renseignements qui datent de cette
époque éloignée, il est certain que les magistrats égyptiens connaissaient
le serment, les enquêtes, la torture, la détention préventive et même « les
jugements de Dieu. »
Les témoins, et probablement aussi les accusés, du moins dans certains
cas, prêtaient serment de dire la vérité. On jurait en invoquant les dieux
de la nation; on jurait également par la tête ou la vie des rois, par les ani¬
maux sacrés, et même par les plantes qui, dans quelques districts, étaient
vénérées comme des symboles de l’esprit universel dans la manifestation in¬
cessante de sa fécondité. Pour les habitants de la Thébaïde, le serment le
plus redoutable consistait à jurer par le tombeau d’Osiris placé dans l’île
sainte de Philœ. Ordinairement la cérémonie s’accomplissait dans un temple ,
et celui qui jurait se dévouait lui-même à la mort, s’il trahissait la vérité.
Les Egyptiens étaient pénétrés de la sainteté du serment au point de croire
que la divinité se hâtait de frapper elle-même l’auteur du parjure, quand il
réussissait à se soustraire à la justice des hommes. Pour eux, comme poul¬
ies Hindous, les Juifs et tous les peuples de l’Orient en général, la violation
1 Nous avons vu plus haut (p. 27 ) qu’un tout autre système avait été suivi pour le tribunal
des sépultures. La procédure v était publique et orale.
Tome XXXV. a
54
SUR INORGANISATION JUDICIAIRE
du serment était non-seulement un crime, mais un sacrilège. Aux veux
d’une population aussi profondément religieuse que celle de l’Égypte, cette
considération était décisive, et, cqmme nous le verrons bientôt, les lois
nationales n’avaient pas hésité à punir le parjure du dernier supplice
L’emploi de la question préparatoire par les magistrats des bords du Nil
ne saurait être un seul instant révoqué en doute. Racontant l’histoire d’un
vol sacrilège commis dans le temple d’Anubis, Lucien nous apprend que
quelques-uns des voleurs, torturés sur la roue, firent des aveux complets1 2.
Élien , voulant donner une idée fidèle du courage et de la constance iné¬
branlable des Égyptiens, rapporte qu’ils mouraient plutôt dans les tourments
(jue de révéler un secret3. Ammien-Marcellin raconte qu’il n’y a point de
forture qui, dans la vallée du Nil, puisse arracher à un voleur l’aveu de son
méfait 4. Au Rhamesseum majestueux de Thèbes, on voit un tableau mili¬
taire , où des soldats égyptiens donnent la bastonnade à deux prisonniers
ennemis, afin, porte la légende hiéroglyphique, de leur faire révéler ce
(jue font les Scyto-Baclriens 5. Ce dernier fait pourrait seul au besoin fournir
une preuve convaincante de l’existence de la question préparatoire sur les
rives du Nil, avant l’intronisation de la dynastie macédonienne des Lagides.
On ne doit pas être très-versé dans l’histoire de l’antiquité, pour savoir que
les peuples primitifs avaient l’habitude de faire subir aux malfaiteurs les
traitements barbares auxquels ils soumettaient beaucoup trop souvent leurs
prisonniers de guerre6.
1 Genèse, c. XLII, 15 et 16; Diodorc, liv. I, c. 22 et 77; Pline, Hist. nat., liv. XIX, e. 52;
Isocrate, h loge de Busiris. La croyance que la divinité punissait elle-inème le parjure, en frap¬
pant le coupable dans l’une des parties de son corps, passa de l’Égypte en Italie, avec le culte
d’Isis. Voy. Ovide, De Ponlo, lib. I, ép. I, v. 51 et seq.; Ju vénal, XIII, 02 et suiv. Ce dernier
met les paroles suivantes dans la bouche d un plaideur parjure : « Qu’Isis fasse de mon corps ce
» quelle voudra. Dans sa fureur, quelle frappe mes yeux de son cistre, pourvu qu’au prix
» même de mes yeux, je tienne ces écus dont je dénie le dépôt. » (Trad. de M. Coursaud.)
2 Toxaris ou l’amitié, § 27.
3 Vur. hist., liv. VII, c. 18.
4 Hist., liv. XXII , c. 16.
Champoliion le jeune , Lettres écrites d Égypte et de Nubie, p. 265. — Peut-être devrait-on
interpréter dans un sens identique 1 ordre éventuel de Joseph, que l’auteur des Antiquités
judaïques mentionne au c. 3, liv. II.
h ^es prisonniers de guerre étaientemployés dansles mines, confondus avec les malfaiteurs les
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
-f L'
DD
Parfois aussi, quand les autres preuves faisaient défaut, l’accusé était con¬
duit dans un temple, où l’on soumettait le jugement de sa cause à la divinité
du lieu. Cette espèce d’ordalie égyptienne n’était pas, comme les épreuves
usitées dans l’Inde, et, plus tard, dans tous les pays civilisés de l’Europe,
accompagnée de souffrances et de signes extérieurs. On ne connaissait ni
le fer brûlant que le patient devait toucher de sa main nue, ni les chevalets
et les roues qui disloquaient ses membres, ni même le combat singulier où
Dieu était toujours censé se ranger du côté du plus fort ou du plus habile.
Un oracle prononçait entre l’accusé et son adversaire. En réalité, c’était la
classe sacerdotale qui fournissait , ici encore , les arbitres du litige et rendait
la sentence sous une forme mystérieuse '.
Les détails sur le mode et les conditions de l’arrestation préventive sont
très-rares; mais nous savons cependant que les villes égyptiennes renfer¬
maient de nombreuses prisons où les accusés étaient détenus avant de subir
leur jugement 2. On y trouvait même des prisons spéciales pour les prison¬
niers arrêtés par ordre du roi ou des hauts dignitaires de la couronne. La
Genèse nous apprend que Joseph, soupçonné d’avoir voulu séduire la femme
de son maître, fut enfermé parmi les prisonniers royaux, par ordre de Pnti-
phar. Plus tard, Joseph lui-même, parvenu au faîte des grandeurs et de la
puissance , envoie ses frères dans une prison publique , affectant de voir en
eux des espions envoyés par les ennemis de l’Égypte 3. Quelquefois, mais
plus dangereux du pays (Diodore, liv. lit, c. 12). Tel était l’esprit de l’Orient. En Perse, où
la mutilation était prodiguée dans les lois criminelles, on mutilait les prisonniers de guerre.
(Quinte-Curce, H ist. d'Alex., liv. III, c. 8 ; Justin, Hist., liv. XI, c. 14; Diodore, liv. XVII, e. 69.)
Xous pourrions citer une foule d’autres exemples. — Au dernier siècle , De Pauw niait l’existence
de la question en Égypte avant l'établissement de la monarchie grecque. (T. II, p. 282; édit,
citée.) Les découvertes faites au Rhamesseum de Thèbes écartent complètement ses objections.
; Hérodote, liv. II, c. 174. Souvent l’oracle se trompait et le coupable finissait par mépriser le
Dieu qui ne savait pas découvrir la vérité. Amasis, grand voleur avant d’arriver au trône, avait
été, à diverses reprises, soumis à cette épreuve. Plus d’une fois l’oracle le condamna; mais
quelquefois il l’acquitta, quoique coupable. Devenu roi, il ne fit aucune attention aux dieux
qui s’étaient trompés; tandis qu'il honorait grandement ceux qui l’avaient fait châtier comme
il le méritait. C’étaient, à ses yeux, des divinités qui rendaient des oracles dignes de foi. ( Héro¬
dote, ibid. )
2 Hérodote, liv. II, c. 144 et Tl 5.
3 Genèse, XXXIX, 20; XLI, 10; XLII, 4 7.
56
SUR L’ORGAÎNISATION JUDICIAIRE
par exception , les prisonniers élaienl gardés à vue dans une maison parti¬
culière
Les prisons étaient souvent placées dans une citadelle, et, sous le rapport
des souffrances qu’on faisait endurer aux détenus, leur régime intérieur pou¬
vait rivaliser avec celles de l’Inde 1 2 3. La Bible se borne à mentionner que les
prisonniers étaient chargés de chaînes et devaient, comme sur les rives du
Gange, laisser croître leurs cheveux et leur barbe5. Un passage de Josèphe
nous permet d ajouter qu’ils étaient astreints à des travaux généralement
pénibles 4. Mais ces détails incomplets trouvent un triste commentaire dans
le récit des infortunes d’Antiphile, qui nous a été transmis par Lucien. Ici
1 on rencontre des détails qui font frémir l’humanité. «Anliphile, dit Lucien,
» tomba malade; il n’était guère possible qu’il ne le fût pas, gisant à terre et
» n’ayant pas la faculté d’étendre, même la nuit, ses jambes prises dans un
» cep. Le jour, il suffisait d’un carcan et de l’une de ses mains garrottée; la
» nuit, on l’enchaînait tout entier. De plus, la puanteur du cachot, la cha-
» leur étouffante par le nombre des prisonniers qu’on y avait entassés et qui
» pouvaient à peine respirer, le bruit des fers, l’absence de sommeil, tout
» cela était altreux , insupportable à un homme qui n’était ni familiarisé avec
» ces horreurs, ni accoutumé à un genre de vie aussi rude 5. » Les uns ont
fait de ce triste tableau une œuvre de fantaisie; les autres, admettant le récit
du philosophe grec, ont prétendu que cette inflexible rigueur, réservée à ceux
qui, comme Anliphile, étaient accusés de sacrilège, n’existait pas pour les
accusés ordinaires. Les uns et les autres ont oublié que ce déplorable système
de réclusion tormait en quelque sorte, dans ces âges reculés, le droit com¬
mun des nations civilisées. Quand même les lamentables aventures d’Anti¬
phile devraient être rangées parmi les mythes populaires, nous ne serions pas
en droit d affirmer que Lucien a calomnié l’Égypte dans la description du
1 Plutarque, Agis et Cléomène, c. LXVI.
V°y-> Pour les prisons de l’Inde, dans lés Bullet. de U Acad., notre travail sur le Droit
criminel dans les livres sacrés de l'Inde. (T. XVIII, 2csér.)
3 Genèse, X LII, 19; XLI , 14.
Antiq.jud., liv. II, c. 3. Le récit de Josèphe renferme la phrase suivante : « ... Comme dans
les heures où 1 on permet aux prisonniers de prendre quelque repos... »
5 Toxaris ou l'Amitié, § 29 ; t. II , p. 25, trad. de Talbot.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
57
régime intérieur de ses maisons de détention; car, sans en excepter l’Eu¬
rope, on rencontrait encore, au commencement du dernier siècle, une foule
de prisons qui pouvaient entrer en comparaison avec celle dont le philosophe
(Je Samosate nous a révélé les mystères. Il importe cependant d’ajouter que
les membres des classes élevées de la société égyptienne n’étaient pas traités
comme les détenus vulgaires. Les .prisonniers d’État se trouvaient soumis à
un régime beaucoup plus tolérable. Ceux-ci pouvaient se faire servir dans
leurs prisons, et la Bible nous apprend que Joseph fut chargé de remplir cet
office auprès de l’échanson et du pannetier de la cour d’Apophis auxquels il
prédit leur destinée. Mais ces détenus privilégiés formaient nécessairement
une faible exception. Joseph lui-même, quoique placé parmi les prisonniers
royaux, fut d'abord chargé de chaînes et astreint à un rude travail '.
Ces rigueurs exagérées avaient probablement amené en Égypte une insti¬
tution qu’on rencontre au moyen âge chez une foule de peuples chrétiens.
11 y avait sur les bords du Nil des enceintes inaccessibles aux agents de la
puissance publique, de véritables lieux d’asile où les accusés se trouvaient à
l’abri de la justice des hommes. Ceux qui se réfugiaient dans le temple de
Thoth, placé à l’embouchure canopicnne du fleuve, devenaient inviolables,
s’ils se donnaient au Dieu et recevaient des prêtres l’empreinte des stigmates
sacrés1 2 3. Plusieurs siècles après, sous la dynastie grecque des Ptolémées, il
suffisait de se réfugier aux pieds de la statue du roi, pour rendre illusoires
toutes les tentatives de ses persécuteurs r'.
1 Genèse, XXXIX , 20; XL, 4, coinb. avec le récit de Josèphe, Antiq.jud ., liv. II, c. ô. Le mar¬
quis de Pastoret, se fondant sur les mots Princeps carceris du v. 21 du c. XXXIX de la Genèse ,
suppose qu il y avait en Égypte une sorte de surintendant des prisons. L’ensemble du texte
prouve que ce fonctionnaire était tout simplement le geôlier. Une vaste administration des pri¬
sons, organisée dans des vues de régularité administrative, n’apparaît que dans les temps mo¬
dernes. — Dom Cal mit , dans la Dissert, sur les supplices chez les Hébreux, qui précède son
commentaire du Deutéronome, fait de l’olïice de « Maître des prisons » un emploi considérable
chez les Égyptiens. Il attribue cet emploi à Putiphar, le maître de Joseph. Il se trompe comme
le marquis de Pastorèt. En sa qualité de Princeps militum, Putiphar avait une prison rovale
dans l’enceinte de sa résidence, mais cette prison avait un chef particulier. ( Genèse , XXXIX, 21.)
- Telle est du moins la conclusion qu’on peut légitimement déduire du récit d’Hérodote,
liv. II, c. 113.
3 Pline, Hist. nat ., liv. XXII, c. 10.
58
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
Tels sont les renseignements insuffisants que nous possédons sur le sys¬
tème d’instruction criminelle en vigueur dans l’antique vallée du Nil. A défaut
de témoignages explicites et complets , le jurisconsulte doit imiter ici le tra¬
vail de l’archéologue, mis en présence des débris épars des mosaïques somp¬
tueuses qui ornaient les palais et les temples de l’Italie romaine. Réunissant
pieusement les pierres dispersées, il s’efforce de leur rendre la place qu elles
occupaient dans le plan conçu et exécuté par l’artiste, et là où les pierres
mêmes -ont disparu, il en appelle à la raison et à l’imagination pour combler
les lacunes.
On se trouve malheureusement réduit à la même nécessité pour le cata¬
logue des délits et des peines dont nous allons nous occuper.
III.
LES DÉLITS ET LES PEINES.
Parmi les lois pénales proprement dites, on voyait figurer en première
ligne les dix livres sacrés , que Clément d’Alexandrie appelle sacerdotaux,
mais que la plupart des savants modernes désignent sous la dénomination de
Livres des Prophètes, parce qu’ils étaient spécialement confiés à la garde
de ces dignitaires élevés du sacerdoce égyptien. Il est probable que ces livres,
indépendamment des principes fondamentaux de la législation civile et cri¬
minelle, contenaient un catalogue de délits et de peines; mais, en tout
cas, on peut hardiment affirmer que leurs pages, quelque nombreuses qu on
veuille les supposer, ne renfermaient pas toutes les règles que les juges cri¬
minels étaient tenus de suivre dans l’exercice de leurs importantes fonctions.
L’histoire nous a conservé les noms de plusieurs législateurs célèbres, dont
les décrets, accueillis avec une vénération profonde, demeurèrent obligatoires
pendant une longue série de siècles. Mnévis fit comprendre aux Egyptiens
les avantages d’une soumission absolue à des lois écrites qu’il disait avoir
reçues des mains d’Hermès. Sasychès y ajouta de nombreuses prescriptions,
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
39
principalement applicables aux matières religieuses. Sésoosis (Rhamsès II ) ,
auteur d’une législation spéciale pour la classe des guerriers, s’occupa des
exigences de la guerre, de la marche et des subsistances des armées. Boc-
choris (Menephlhah ÎVP), après avoir établi des lois sur l’exercice de la
souveraineté, régla les conditions, la forme et l’exécution des contrats. Amasis
fit des ordonnances sur le gouvernement des nomes et l’administration inté¬
rieure du pays. Darius, le fils de Xercès, qui montra toujours une déférence
extrême pour les croyances et les moeurs des nations soumises à son sceptre,
était lui-même cité parmi les législateurs les plus éclairés et les plus aimés
de l’Égypte '. Ajoutons que les Pharaons et leurs successeurs, investis d’un
pouvoir absolu, usaient fréquemment du droit d’ajouter aux textes existants
des dispositions nouvelles. Dès l’instant qu’ils prenaient, à l’égard des livres
révélés d’Hermès, l’attitude que les despotes de l’Inde brahmanique devaient
conserver à l’égard des livres révélés de Manou; en d’autres termes, aussi
longtemps qu’ils ne s’écartaient pas des bases essentielles du droit national,
aucun reproche ne pouvait leur être adressé. Les rares débris des annales
égyptiennes qui sont parvenus jusqu’à nous fournissent de nombreux exem¬
ples d’ordonnances royales promulguées à toutes les époques. Pour ne citer
qu’un fait, à Silsilis une stèle gravée s’exprime ainsi sur le compte de
Rhamsès V : « Il a rempli les temples des dieux des travaux de son nom. H
» a satisfait les dieux par de bonnes lois. Il a remis dans toutes les condi-
» tions, comme ils étaient auparavant, les grands et les petits, pleins de
» joie, acclamant son nom 2. » Sous la dynastie des Lagides, les lois étaient
devenues tellement nombreuses que Ptolémée Lagus chargea Démétrius de
Phalère d’un vaste travail de codification, ayant probablement plus d’un rap¬
port avec celui qui, huit siècles plus tard, fut ordonné pour les lois romaines
par l’empereur Justinien 5.
1 Diodore, liv. I, c. 94; Bunsen, Ægyptens Stella in lier Weltgeschiclüe r t. 1, p. 188; t. II,
pp. 48, 55, 88, 145, 527; T. V% p. 566. En admettant qu'une partie de ces noms sont mythi¬
ques, on n'en doit pas moins reconnaître l’existence du fait important d’une succession de
législateurs dans la vallée du Nil.
2 De Rougé, Journal asiastique, 5e série, t. XII, p. 258 ( 1858).
3 Élien, Var. hist., liv. XVII, c. 17; Diogène Laerce, Vit. phil., liv. V, segm. 75 et suiv.,
édit. Westrenius.
40
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
Diodore de Sicile rapporte qu’on plaçait devant les juges « huit volumes
contenant toutes les lois de l’Égypte »
L’historien, commettant ici une erreur quant au nombre, a-t-il voulu parler
des dix Livres des Prophètes ? Mieux informé que nous, savait-il que, parmi
ces dix livres sacrés, il y en avait huit spécialement consacrés à la législation
civile et criminelle? Son intention était-elle de désigner huit recueils spé¬
ciaux renfermant, outre les préceptes d’Hermès, toutes les ordonnances sub¬
séquentes des législateurs égyptiens? Ces questions, d’ailleurs dépourvues
d’importance réelle pour les annales du droit , ne seront peut-être jamais
complètement résolues; mais, quelle que soit l’opinion qu’on adopte, il fau¬
drait bien peu connaître l’histoire de l’Égypte, pour ne pas savoir que les
actes incriminés étaient excessivement nombreux sur la terre des Pharaons.
Quand le législateur érige en système inflexible la prétendue nécessité de
régler par la loi tous les actes de la vie publique et de la vie privée des
citoyens ; quand il veut sanctionner par des peines sévères les prescriptions
minutieuses d’un culte qui ne laisse rien en dehors de son influence, depuis
le berceau jusqu a la tombe de l’homme; en un mot, quand il se croit obligé
de tout prévoir et de tout régler, le catalogue des délits et des peines, là sur¬
tout où les masses sont privées de garanties politiques, prend inévitablement
de vastes proportions. Or, cette exagération du patronage administratif de
l’Etat, cette crainte excessive des empiétements et des écarts de la liberté
individuelle, se manifestent, à la dernière évidence, dans toutes les phases
de la civilisation égyptienne. Nous savons par Platon que même la peinture,
la sculpture, les chants et les danses étaient réglés par des lois immuables.
Celui qui voulait introduire des danses ou des chants nouveaux pouvait être
traduit devant les tribunaux comme coupable d’impiété 2 !
Malheureusement, ici encore le temps a largement exercé ses ravages;
tous les recueils des lois égyptiennes ont disparu, et, malgré les investiga¬
tions souvent fructueuses des savants modernes, on doit, presque toujours,
comme nous l’avons déjà dit , se contenter de l’examen d’un certain nombre
1 Liv. I, c. 75.
2 Voy. la note 1 de la p. 8. Il est vrai que les chants usités dans les cérémonies religieuses et
civiles étaient attribués à Isis. (Platon, Lois, liv. II, p. 85; trad. de M. Cousin.)
DE L’EGYPTE ANCIENNE.
41
de faits épars et de règles parfois divergentes, disséminés dans les écrits
d’historiens et de philosophes appartenant à divers âges littéraires de l’anli-
quité. Le peuple dont tous les efforts tendaient à éterniser le souvenir de ses
exploits, en même temps que le tableau majestueux de sa vie religieuse et
politique, est précisément celui dont les institutions et les lois donnent lieu
aux controverses les plus nombreuses et les plus difficiles à résoudre.
De même que chez toutes les nations de l’antiquité, on trouvait, dans
l’échelle pénale admise en Égypte, la distinction de la mort simple et de la
mort rendue plus ou moins affreuse par le mode de son exécution. La pre¬
mière consistait dans la pendaison et la décollation Parmi les exemples de
la seconde, nous rencontrons le bûcher, la mise en croix et le supplice asia¬
tique des cendres. Il est même probable que les rois et les juges avaient
l’habitude d’infliger au condamné toutes les souffrances accessoires qu’ils
çroyaient requises par la nature du crime ou les exigences de l’opinion
publique. Contrarié dans ses passions brutales et soupçonnant la reine d avoir
eu recours à des maléfices, Amasis dit à Laodice : « Femme, tu as usé avec
» moi de sortilèges, et il n’existe aucun moyen de te soustraire à la mort
» la plus affreuse que jamais femme ait subie 2. » Ce n’est pas à ces siècles
lointains qu’il faut demander la proscription absolue des peines arbitraires.
Le supplice du feu existait pour le parricide. On commençait par faire
subir une peine expressive aux membres qui avaient spécialement servi à
l’accomplissement du crime. Le bourreau pratiquait avec des joncs aigus plu¬
sieurs, incisions aux mains du coupable, et son sang répandu au pied du
bûcher constituait une première expiation. On lui liait ensuite les bras et les
jambes, et on le brûlait vif sur un feu d’épines. Ce bois, qui perçait sa chair
en même temps qu’elle était atteinte par les flammes, renfermait un autre
symbolisme. Elle désignait la malveillance et la dureté du cœur de l’homme
assez dénaturé pour porter la main sur les auteurs de ses jours 5. Un système
1 Le chap. XL cle la Genèse nous montre le grand pannetier de la cour d’Aphopliis suspendu
à une potence et son cadavre abandonné aux oiseaux. — On verra plus loin des exemples de
la décollation.
- Hérodote, liv. II, c. 181.
•> Diodore, liv. I, c. 77. Terrasson, dans sa traduction, dit à tort qu’on faisait des incisions
Tome XXXV. 6
4 2
SUR INORGANISATION .JUDICIAIRE
tout différent était suivi à l’égard des parents qui versaient le sang de leurs
fils. Au lieu de leur infliger la peine capitale, on les forçait de tenir embrassés,
pendant trois jours et trois nuits, les corps de leurs enfants, et une garde
nombreuse ne leur permettait pas de se soustraire, un seul instant, à cette
horrible étreinte. « Il ne semblait pas juste, dit Diodore, d’ôter la vie à ceux
» qui l’avaient donnée à leurs descendants, et on croyait leur causer par ce
» châtiment assez de chagrin et de repentir pour les détourner de semblables
» crimes '. » Il serait difficile, en effet, d’imaginer un châtiment â la fois
plus terrible et plus exemplaire. Liés aux cadavres de leurs victimes, chargés
des outrages et des imprécations de la foule, bourrelés de remords et de
honte, flétris à jamais par cette épouvantable exposition, les coupables, sous
le climat brûlant de l’Égypte, voyaient rapidement apparaître, sur les traits
de leurs fds assassinés, les affreux ravages d’une mort qui était leur œuvre!
Dans les mœurs patriarcales d’une grande partie de l’Orient, la mort par
le feu formait la répression de l’adultère de la femme. Nous lisons dans la
Genèse : « Après trois mois, on vint dire à Juda, fils de Jacob : Ta bru
» Thamar a commis un adultère, elle est même enceinte. Et Judas dit : Faites-
» la sortir, et qu’elle soit brûlée 2. » Le même système régnait dans la
législation primitive de l’Égypte. Le fils de Sésostris fit brûler , avec le village
oû il les avait enfermées, une troupe nombreuse de femmes qu'il croyait
avoir manqué à la foi conjugale 3. Nous verrons que plus tard on se montra
moins sévère.
Le supplice de la croix, peut-être introduit sous la domination des Perses,
était surtout infligé aux traîtres et aux rebelles. Inaros, l’un des descendants
des rois nationaux de l’Égypte, fut attaché à trois croix, par ordre d’Ar-
aux doigts du parricide. Miot se trompe à son tour en traduisant : « On leur coupait un mor¬
ceau de chair de la longueur d'un doigt. » Nous préférons suivre la version de M. Ferdinand
Hoefer.
Diodore, liv. I, c. 77. Les Égyptiens n’admettaient pas cette honteuse tolérance de l'inlan-
ticide qui souillait la législation de plusieurs peuples de l’antiquité. « Les parents, dit Diodore,
* sont obligés de nourrir tous leurs enfants, afin d'augmenter la population, qui est regardée
» comme contribuant le plus à la prospérité de l'État. (Liv. I, c. 80.) »
2 Genèse, c. XXXVIII, 24.
3 Hérodote, liv. II, c. 1 11.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
43
taxerxès L La mort même ne faisait pas échapper le coupable à l'infamie de
cette peine. Cléomène, roi de Sparte, réfugié à Alexandrie, étant tombé les
armes à la main, dans une émeute dirigée contre Ptolémée Philopator,
celui-ci ordonna que le cadavre de son hôte fût mis en croix et que sa iamille
entière pérît par le glaive 2. Après le décès prématuré du prince égyptien
que nous venons de citer, on mit en croix sa maîtresse Agatoclie et la mère
de celle-ci , OEnanthe 3.
Nous ne pouvons pas invoquer un texte formel à l’appui de l’existence
en Égypte du supplice asiatique des cendres; mais plusieurs expressions
employées par Hérodote nous permettent de supposer que ce genre de peine
n’v était pas inconnu. Après avoir raconté que la reine Nitocris commit plu¬
sieurs crimes pour venger l’assassinat de son frère, Hérodote ajoute : « Les
» prêtres m’ont raconté qu’elle se jeta dans une'chambre pleine de cendres. »
Cette chambre n’était-elle pas le lieu destiné à l’exécution des individus
condamnés à cette étrange pénalité 4 P
La peine de mort, sans autre désignation, se trouve mentionnée pour le
sacrilège, le meurtre, la violation des lois sur l’art de guérir, le parjure, la dé¬
nonciation calomnieuse, le rapt et même, dans certains cas, pour le mensonge.
Chez un peuple aussi superstitieux que les Égyptiens, le sacrilège ne pou¬
vait manquer d’être rangé au nombre des crimes capitaux. Le dernier sup-
< Fragment de Ctésias reproduit dans la Bibliotheca de Photius, p. 122; édit, d Étienne,
1012. Comp. Thucydide, Guerre du Pèloponèse, liv. I, c. 110. — L’origine persane du sup¬
plice infligé à lnaros est manifeste. Plutarque (Artaxercès , c. XIX) rapporte que Parysatis fit
étendre le corps de Mésabate en travers sur trois croix.
- Plutarque, Agis et Cléomène, c. LXX.
5 Justin, Hist. univ., liv. I, c. 2. C’est du moins dans ce sens que Juste Lipse (De cruce,
liv. I, c. II) entend ces mots de Justin : Mulieres patibulis svffiguntur.
i Hérodote, liv. II, c. 100. Giguet traduit ainsi : « Elle se jeta dans une chambre pleine de
» cendres, afin d’échapper au châtiment.» Larcher, à notre avis, rend mieux la pensée de
l’historien grec, en disant : «Elle se jeta dans une chambre remplie de cendres, afin d échapper
» à la vengeance du peuple. » Évidemment Nitocris redoutait un traitement plus affreux que
celui auquel elle se condamnait elle-même.
Mais si le supplice des cendres existait déjà en Égypte sous le règne de Nitocris, il faut
renoncer à attribuer son invention à Darius II (Ochus.). Nous avons parlé du supplice des
cendres dans notre travail sur le droit criminel de l’Inde. (Bull, de l Acad., 2e série, t. X\ III.)
M. Bunsen fait de Nitocris le dernier personnage de la sixième dynastie. (Ægyptens stelle m
der Weltgeschichte , t. III, p. 242; édit, de 1845.) D’autres en font une reine mythique.
44
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
plice élait infligé à celui qui tuait volontairement un animal consacré à l une
des divinités du pays, ou, même involontairement, un ibis, un chat ou un
épervier. Dans ce dernier cas, l’horreur inspirée par le crime était telle que
le peuple n’attendait pas toujours la condamnation du coupable; il se préci¬
pitait sur lui pour le mettre en pièces La peine de mort atteignait également
le prêtre qui se nourrissait de mets interdits 1 2, l’indiscret qui révélait le lieu
de la sépulture du bœuf Apis 3, l’impie qui osait dire que Sérapis avait été un
homme4 *, l’imprudent qui offrait en sacrifice, soit des vaches ou des génisses,
soit, parmi les autres animaux, ceux que les prêtres n’avaient pas marqués
de l’empreinte du sceau sacré 3. On peut même affirmer sans crainte que tous
ces cas étaient simplement énonciatifs, et que le sacrilège, quelle que fût sa
nature, avait toujours pour expiation la perte de la vie de son auteur. Là où
les habitants de deux districts populeux se firent une guerre terrible pour la
mort d’un chien6; où, même sous la dynastie européenne des Lagides et
malgré la formidable puissance de Rome, les supplications d’un roi ne purent
arracher des mains de la populace un légionnaire coupable d’avoir, peut-être
involontairement, tué un chat 7; là où les prescriptions de la loi religieuse
présidaient souverainement à tous les actes de la vie publique et de la vie
privée, une peine autre que la mort devait paraître insuffisante pour réparer
1 Hérodote, liv. II, c. 65. Diodore, tiv. I, c. 85. Cicéron, Tusculanes, liv. V, c. 27. Parmi les
animaux dont le meurtre involontaire entraînait la peine de mort, Hérodote cite l’ibis et l’éper-
vier; Diodore, l’ibis et le chat; Cicéron, l’ibis, l’aspic, le chat, le chien et le crododile. — Le
marquis de Pastoret ( Hist. de la législ, t. II, p. 270) se trompe en disant que la loi punissait
de mort celui qui tuait, de dessein prémédité, un animal, quel qu’il put être. Les textes cités
prouvent, à la dernière évidence, qu’il ne s’agit ici que des animaux réputés sacrés.
2 Porphyre, De Abstin., lih. II, c. 5.
3 Arnobe, Contra gentes, liv. VI, c. 6, p. 1176; édit. Migne.
4 Àugustinus, De civ. Dei, lib. XVIII, c. 5.
s Hérodote, liv. II, c. 58 et 41. Suivant Castor, ce sceau représentait un homme à genoux,
les mains derrière le dos, avec une épée dont la pointe élait dirigée sur sa gorge. (Plutarque.
Traité d’Isis et d’Osiris, t. V, p. 549 de la traduction de Ricard.) — Hérodote motive la
prohibition de sacrifier les génisses et les vaches en disant que ces animaux étaient consacrés
à Isis. Pastoret ( Histoire de la législation, t. II, p. 265) et De Pauw ( Recherches sur les
Égyptiens, etc., part. I, sect. 5) prouvent que la défense avait pour origine les intérêts de
l'agriculture. C’était déjà l'opinion de Porphyre (De Abstin., lib. II, e. H).
0 Plutarque, Traité d’Isis et d’Osiris, t. V, p. 590, de la trad. de Ricard.
7 Diodore, liv. I, c. 85. L’historien avait été le témoin oculaire du fait.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
45
les atteintes portées à la majesté du culte national. L accusation de saciilége
était redoutée au point que l’homme qui rencontrait le cadavre d un animal
sacré se tenait à distance, en poussant de grandes lamentations et en pio-
testant de son innocence
A côté de la vénération aussi profonde que superstitieuse qu’ils nourris¬
saient à l’égard de leurs dieux, les Égyptiens montrèrent toujours un grand
respect pour la vie de leurs concitoyens. Les cadavres mêmes étaient pro¬
tégés par un sentiment élevé de la dignité de l’homme. Quand le para-
chiste 2, au début des opérations de l’embaumement, avait ouveit le flanc
gauche du mort , il se sauvait en toute hâte , poursuivi par les assistants qui
lui lançaient des pierres et proféraient des imprécations , comme pour attirer
sur lui la vengeance de ce crime,’ « car, dit Diodore, les Égyptiens a\ aient
» en horreur celui qui violait le corps dun des leurs, en le blessant ou en
» exerçant quelque autre violence »
De tels sentiments suffisaient pour indiquer au législateur 1 attitude qu il
avait à prendre à l’égard des meurtriers. Tout homicide \olontaiie était puni
de mort, et même, dans cet ordre d’idées, les Égyptiens devancèrent con¬
sidérablement leurs contemporains. On ne laisait aucune distinction entre le
citoyen et l’étranger , entre l’homme libre et 1 esclave. Non-seulement le
complice subissait, dans tous les cas, la même peine que 1 auteur principal,
mais on regardait comme tel celui qui, voyant un homme aux piises a\ec un
assassin, ne le secourait pas quand il en avait le pouvoir. S’il se trouvait
dans l’impossibilité absolue de venir en aide à la victime, il devait au moins
dénoncer l’agresseur et le traduire devant les tribunaux. S il ne le faisait pas,
il était condamné à recevoir un nombre déterminé de coups de veiges, outie
la privation de toute nourriture pendant trois jours 4. La vie humaine se
trouvait protégée autant que le permettait 1 action de la justice criminelle.
Les citoyens, pour nous servir d’une expression employée par Bossuet,
étaient à la garde les uns des autres , et tout le corps de l’État était uni contre
4 Diodore, ibid., c. 83. D’après les croyances populaires, les dieux mêmes frappaient le
sacrilège quand il échappait à la vindicte des lois humaines. (Hérodote, liv. II , c. 111.)
2 napa<7%t<rnj; , inciseur.
* Diodore, liv. I, c. 91.
4 Diodore, liv. I, c. 77.
46
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
les méchants *. Aussi, frappé de ce spectacle, si rare dans l'antiquité, Dio-
dore fit celte réflexion profonde : «En Égypte, les lois frappent, non d’après
» les différences de fortune, mais d’après l’intention du malfaiteur; en même
» temps, par les ménagements dont on use envers les esclaves, on les en-
» gage à ne jamais porter la main sur un homme libre. » En effet , par le
respect quon professait pour sa propre vie, on apprenait à l’esclave, mieux
que par tout autre moyen, à respecter celle de ses maîtres.
Peut-être devait-on à la même sollicitude l’admission de la peine capitale
pour la violation des lois sur l’art de guérir. Toujours poussés par cet amour
extrême de la réglementation qu’ils manifestaient dans tous les détails de la
vie sociale, les maîtres de l’Égypte n’avaient eu garde d’abandonner l’exercice
de la médecine aux efforts, aux expérimentations et aux convoitises de 1 in¬
térêt privé. Les médecins étaient des fonctionnaires publics entretenus aux
frais du corps social , et chacun d’eux ne pouvait s’occuper que d’une seule
espèce d’infirmités 2. Ils devaient traiter leurs malades d’après des préceptes
écrits, rédigés par d’anciens médecins célèbres et que les prêtres avaient
consignés dans quelques-uns de ces recueils mystérieux attribués à Hermès.
Si , en suivant ces préceptes, ils ne parvenaient pas à sauver le malade, ils
étaient déclarés exempts de tout reproche; si, au contraire, ils avaient agi
contrairement aux indications des livres sacrés, ils pouvaient, en cas d’in¬
succès, être accusés et condamnés à mort. Toujours partisan de l’immobilité,
le législateur avait cru que peu de gens trouveraient une méthode curative
meilleure que celle qui , pendant une longue série d’années , avait obtenu les
suffrages des praticiens les plus distingués 5. N’oublions pas, d’ailleurs, que
la médecine appartenait à la classe des sciences religieuses, et qu’Isis elle-
même était censée avoir contribué à la rédaction des six livres du Trismé-
giste consacrés à l’art de guérir. Le dédain ou l’oubli des remèdes tradition-
1 Discotirs sur l’histoire universelle , 5e part., art. 5.
2 Hérodote dit : «Les médecins foisonnent, les uns pour les yeux, d autres pour la tête,
d'autres pour les dents, d’autres pour le ventre, d’autres pour les maux internes (liv. II, c. S4).
Les accouchements étaient faits par des femmes. (Exode, I, v. 15 et suiv.)
3 Diodore, liv. I, c. 82. — Dans l’Inde brahmanique, le médecin qui exerçait mal son métier
était puni d’amende (Lois de Manou , liv. IX, 284); mais, d’après la loi de Zoroastre, il devait
être coupé par morceaux. ( Vendidad-Sadé , Fargard VII , 98-101.)
DE L ÉGYPTE ANCIENNE.
47
nels participait ainsi, à certains égards, de la nature du sacrilège '. Au
surplus, la règle indiquée par Diodore ne doit pas être exagérée. Le médecin
n’était pas absolument privé du droit de suivre ses inspirations personnelles;
seulement, en procédant de la sorte, il agissait à ses risques et périls et, si
le résultat ne répondait pas à son attente, l’initiative courageuse qu’il avait
prise se transformait en crime. D’un autre côté, les termes employés par
l’historien permettent de supposer que la peine capitale n’était comminée que
dans la seule hypothèse où le malade avait succombé. Aristote nous apprend
que la loi , c’est-à-dire les livres d’Hermès, défendait aux médecins égyptiens
de purger leurs malades avant le quatrième jour du traitement. Si la violation
de cette règle avait été punie de la perte de la vie, le philosophe de Stagyre,
toujours si exact et si complet dans ses allégations, n’eût certainement pas
manqué d’en faire la remarque 2.
Dans une autre catégorie d’infractions, le parjure était puni de mort,
parce qu’on y voyait la réunion de deux crimes énormes , l’un contre les
dieux, l’autre contre les hommes. Le coupable manquait de piété envers les
dieux dont il osait invoquer et braver le témoignage; il portait atteinte à la
bonne foi , qui doit servir de fondement aux relations sociales. Ici encore, la
législation de l’Égypte se trouvait en parfaite harmonie avec les tendances
de l’opinion publique. Nous avons vu que les croyances populaires faisaient
apparaître la divinité elle-même, quand l’auteur du parjure réussissait à se
soustraire à la justice de son pays °.
Celui qui intentait une accusation calomnieuse était également puni de
mort, si cette peine frappait le crime qu’il imputait à son adversaire \ Le
même supplice était comminé contre l’Égyptien qui gagnait sa vie par des
< Diodore, liv. I, c. 2o. Clément d’Alexandrie, Stromales, liv. VI, c. 4. Les livres d'Hermès
consacrés à la médecine étaient au nombre de six, divises de la maniéré suivante . la structure
du corps humain , les maladies en general, les instruments, les remedes, les maladies des jeux,
les maladies des femmes. (Clément d Alexandrie, ibid.)
2 Aristote, Politique, liv. III, c. 10, § 4, p. 180 de la trad. de Barthélemy Saint-Hilaire. A
cette occasion , Aristote fait observer que c’est déraisonner que de vouloir soumettre une science ,
quelle qu’elle soit, à l’empire d’une lettre morte.
5 Diodore, liv. I, c. 77, et ci-dessus, p. 55.
4 Diodore, liv. I, c. 77. C’est le seul cas où l’on trouve l’application du système du talion
dans les fragments de législation égyptienne qui sont parvenus jusqu’à nous.
48
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
moyens illicites, et contre celui qui commettait un mensonge dans la déclara¬
tion de ses moyens d’existence, que tous les habitants, au commencement
de l’année, étaient obligés de déposer entre les mains des magistrats de leur
domicile On procédait de la même manière à l’égard de l’auteur d’un rapt.
Le roi dont le nom traduit en grec correspondait, au dire d’Hérodote, à celui
de Protée, dit au ravisseur d’Hélène : « Parce que je crois qu’il importe
» beaucoup de ne mettre à mort aucun étranger, tu vivras; mais je ne te
» permettrai d’emmener ni cette femme, ni ses trésors. Pour toi et tes com-
» pagnons, je vous ordonne d’aller, sous trois jours, de ce pays en n’im-
» porte quel autre, sinon vous serez traités en ennemis 2. » Un Égyptien,
dans la position d’Alexandre, eût donc été condamné à mort.
A ces diverses espèces nous pouvons ajouter la désobéissance aux ordres
émanés du trône. Les rois d’Égypte, possédant un pouvoir absolu, faisaient
parfois de la mort la sanction des édits qu’ils adressaient à leur peuple. Le
Pharaon qui avait projeté l’anéantissement des Juifs établis sur son territoire
ordonna aux parents, sous peine de la perte de la vie, de déclarer la nais¬
sance de tous leurs enfants mâles 3.
1 Diodore, liv. I, c. 77; Hérodote, liv. II, c. 177. Diodore dit que cette déclaration devait
être faite par écrit entre les mains des magistrats. Hérodote, plus positif, affirme quelle devait
être remise au nomarque lui-même.
Cette obligation, si peu compatible avec la dignité et la liberté du citoyen, avait pour but la
proscription du vagabondage et de la paresse; elle était d’ailleurs nécessaire dès l'instant où
l’on transformait en crime capital le fait de vivre de gains illicites. — Hérodote dit que cette loi
fut apportée à Athènes par Solon; mais d’autres écrivains de l'antiquité l’attribuent à Dracon et
affirment que Solon transforma la peine de mort en déclaration d’infamie, contre ceux qui \
contrevenaient trois fois. Une première contravention n’était punie que d’une amende de cent
drachmes. Voy. Harpocration , aux mots A pria.; S'oty', Plutarque, Vie de Solon ; Larcher, Tra¬
duction d’ Hérodote , notes, t. II, p. SIS. En tous cas, si Solon a eu connaissance de la loi
égyptienne, il est impossible d’attribuer celle-ci à Amasis, successeur d’Apriès, comme le font
Hérodote et Diodore. Amasis régna de 5f>9 à 526 avant J.-C., et, Solon naquit en 038. if faudrait
alors remonter jusqu’à Amasis ou Amôsis, le vainqueur des Hycsos et le chef de la dix-huitième
dynastie (Aahmès). Cette loi daterait donc du dix-septième siècle avant 1ère chrétienne.
2 Hérodote, liv. II, c. 115; traduct. de Higuet. C’est à cette traduction que nous avons em¬
prunté tous les fragments d’Hérodote que nous avons reproduits. — D'après Bunsen, Ægyp-
tens stelle, etc., t. IA , p. 257, Protée était l'un des Rhamsès de la vingtième dynastie.
:> Josèph e, Anliq. jad., liv. II, c. 5. Il n’en était pas toujours ainsi. Dans le célèbre édit rendu
pour l'affranchissement des Juifs, Ptoléméc se borne à commincr la confiscation des biens à
charge des contrevenants. Josèphe, ibid., liv. XII, c. 2, § 2.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
49
Ici doivent se placer deux remarquables fragments de la Bibliothèque his¬
torique de Diodore de Sicile. Parlant du règne du conquérant éthiopien Acti-
sanès, l’historien s’exprime ainsi : « Actisanès se conduisit humainement
» dans la prospérité, il traita ses sujets avec bonté. Il se comporta d’une
» manière singulière à l’égard des brigands; il ne condamna pas les coupa-
» blés à mort, mais il ne les laissa pas non plus entièrement impunis.
» Réunissant tous les accusés du royaume, il prit une exacte connaissance
» de leurs crimes; il fit couper le nez aux coupables, les renvoya à l’extré-
» mité du désert, et les établit dans une ville qui, en souvenir de cette
» mutilation, a pris le nom de Rhinocolure \ » Quelques pages plus loin,
s’occupant du règne de Sabacon (Sevekh I), il ajoute : « On peut citer,
» comme une preuve de l’humanité de ce prince, l’abolition de la plus
» grande des peines, la peine de mort. Il obligeait les condamnés à mort de
» travailler, tout enchaînés, aux ouvrages publics. C’est par ce moyen qu’il
» fit construire de nombreuses digues et creuser beaucoup dé canaux utiles.
» Il réalisait ainsi l’idée de diminuer, à l’égard des coupables, la sévérité
» de la justice, et de faire tourner une peine inutile au profil de la société «
Si Actisanès, en reléguant les coupables dans un lieu désert, parvint à fonder
une ville nouvelle; si Sabacon, en employant aux travaux publics les seuls
condamnés à mort , réussit à faire construire de nombreuses digues et creuser
beaucoup de canaux utiles, il en résulte évidemment que les condamnations
capitales étaient très-fréquentes en Égypte. Peu importe que ces deux traditions
nationales soient ou non dépourvues d’authenticité; par cela seul que l’historien
les accueille, il avoue que les crimes capitaux mentionnés dans son récit ne
sont qu’un petit nombre d’espèces détachées d’une liste infiniment plus longue.
Il constate en outre que , même sous la domination lointaine des Pharaons ,
on trouvait déjà des esprits généreux qui doutaient de l’efficacité de la peine
de mort. A la vérité, le large système de commutation introduit par Saba-
1 Liv. I, c. 60, et ci-dessus, p. H.
2 Liv. I, c. 65. Ce dernier passage trouve sa confirmation dans un récit d'Hérodote. (Liv. II,
c. 137.) On n’y remarque qu’une seule différence. Hérodote affirme que Sabacon faisait travailler
les condamnés à l’exhaussement du sol de leurs villes natales, entreprise éminemment utile
dans un pavs sujet à des inondations périodiques.
Tome XXXV.
7
dO
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
con ', ne fut pas maintenu par ses successeurs, et les exécutions restèrent
fréquentes en Egypte sous toutes les dynasties, jusqu’à lapparilion des aigles
romaines.
Quelques faits rapportés par l’Écriture sainte, par Josèphe, par Plutarque
et par Diodore, nous autorisent à croire que ces exécutions étaient publiques.
Le grand pannetier de la cour d’Apophis fut suspendu à une potence et son
cadavre livré aux oiseaux 2. Les femmes de la famille et de la suite de Cléo-
mène, condamnées à périr par ordre de Plolémée Philopator, furent con¬
duites par des soldats au lieu de l’exécution 5. Ceux qui avaient tué leurs
enfants étaient publiquement gardés pendant les trois jours qu’ils devaient
rester liés aux cadavres de leurs victimes 4. Niais qui était chargé de l’exé¬
cution de la peine capitale? Avait-on recours, comme dans l’Inde brahma¬
nique, aux membres d’une classe dégradée3? Confiait-on cette triste tâche,
comme chez les Juifs , aux témoins à charge ou à des soldats désignés par
leurs supérieurs? Ici de nouveau le champ est ouvert aux conjectures des
jurisconsultes et des érudits. Nous savons seulement que la loi égyptienne ,
proclamant un principe qui fut plus lard admis par tous les peuples civilisés,
exigeait que la femme enceinte, condamnée à mort, ne subît sa peine qu’après
l’accouchement 6. Nous savons aussi qu’on administrait une boisson enivrante
aux condamnés qui allaient subir leur supplice : mesure incontestablement
dictée par un sentiment louable d’humanité, mais qu’on est étonné de trouver
à une époque où la terreur inspirée par le supplice était à peu près le seul
but de la législation criminelle 7.
' C’était, en effet, bien plutôt une commutation de peine que la suppression de la peine de
mort. Diodore dit que Sabacon faisait travailler les « condamnés à mort. »
2 Yoy. ci-dessus , p. 41 , note 4 .
3 Yoy. ci-dessus, p. 45, et Plutarque, Agis et Cléomène, c. LXX.
4 Diodore, liv. I, c. 77.
s Les Égyptiens avaient des classes de cette espèce. ( Yoy. nos Considérations sur la théorie
du progrès indéfini, 2e édit., p.255.) — Miehaelis ( Mosaïsches Redit, § 252) prétend, mais sans
donner des preuves, que le Princeps militum du v. 5 du c. XL de la Genèse était le Praefectvs
carnificum.
6 Diodore, liv. I, c. 77.
7 Un usage analogue existait chez les Juifs. C’était ce breuvage, composé de vin et de myrrhe,
qu’un soldat romain offrit à Jésus qui refusa de le boire. — De Pauw (Recherches sur les Égyp¬
tiens , etc., 1. 11, p. 556; édit, de Paris, 1822) prétend qu’on se bornait en Égypte à faire avaler
au condamné quelques grains d’encens.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
51
Au-dessous de la peine de mort se trouvait celle des travaux publics, et
les condamnés de cette catégorie étaient, eux aussi , très-nombreux en Égypte.
Les uns, tout enchaînés , comme ceux dont Sabacon avait commué les peines,
construisaient des digues ou creusaient des canaux d’irrigation 1 ; les autres,
comme ceux qu’on employait à l’extraction de l’or sur les frontières de
l’Éthiopie, étaient conduits dans les mines. Le sort de ces derniers était
d’autant plus déplorable que, par un absurde préjugé de la solidarité du
sang, leur famille entière était quelquefois condamnée à partager leur cap¬
tivité 2. Diodore a tracé un tableau saisissant de la triste condition à laquelle
ils étaient réduits. C’est une page que nous devons transcrire , ne lût-ce que
pour prouver que, si une pensée de commisération se manifestait au moment
de l’exécution des condamnés à mort, les sentiments d’humanité étaient ce¬
pendant très-loin d’avoir pénétré dans toutes les parties de la législation cri¬
minelle des bords du Nil. « A l’extrémité de l’Égypte, dit-il, se trouve un
» endroit riche en mines d’or , d’où l’on tire ce métal à force de bras , par
» un travail pénible et à grands frais . Ceux qui dirigent les travaux de
» ces mines emploient un très-grand nombre d’ouvriers , qui sont tous des
» criminels condamnés . Ces malheureux, tout enchaînés, travaillent jour
» et nuit sans relâche, privés dé tout espoir de fuir, sous la surveillance de
» soldats étrangers parlant des langues différentes de 1 idiome du pays, afin
» qu’ils ne puissent être gagnés ni par des promesses ni par des prières. La
» roche qui renferme l’or étant très-compacte , on la rend cassante à 1 aide
» d’un grand feu, et on la travaille ensuite des mains; lorsque le minerai,
» devenu ainsi friable, est susceptible de céder à un effort modéré, des mil-
» lier s de ces misérables le brisent avec des outils de fer qui servent à
» tailler les pierres. Celui qui reconnaît la veine d’or se place à la tête des
» ouvriers et leur désigne l’endroit à fouiller. Les plus robustes des malheu-
» reux condamnés sont occupés à briser le silex avec des coins de fer, en
» employant pour ce travail, non les moyens de l’art, mais la force de leurs
» bras . Ils travaillent ainsi sans relâche, sous les yeux d’un surveillant
1 Voy. ci-dessus, p. 49.
2 Nous avons constaté cette solidarité dans la plupart des pays asiatiques. Voy. notre travail
déjà cité Sur la législation criminelle de l'Inde brahmanique.
S2
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
» cruel qui les accable de coups. Des enfants encore impubères pénètrenl ,
» par les galeries souterraines, jusque dans les cavités des rochers, rariias-
» sent péniblement les fragments de minerai détachés et les portent au de-
» hors, à l’entrée de la galerie. D’autres ouvriers, âgés de plus de trente
» ans, prennent une certaine mesure de ces fragments et les broient dans
» des mortiers de pierre avec des pilons de fer, de manière à les réduire à
» la grosseur d’une orobe \ Le minerai ainsi pilé est pris par des femmes
» et des vieillards qui le mettent dans une rangée de meules, et, se plaçant
» deux ou trois à chaque manivelle, ils réduisent par la moulure chaque
» mesure de minerai pilé en une poudre aussi fine que la farine. Tout le
» monde est saisi de commisération à l’aspect de ces malheureux, qui se
» livrent à ces travaux pénibles, sans avoir autour du corps la moindre
» étoffe qui cache leur nudité. On ne fait grâce, ni à l’infirme, ni à les-
» tropié, ni au vieillard débile, ni à la femme malade. On les force tous au
» travail à coups redoublés, jusqu’à ce que, épuisés de fatigues, ils expirent
» à la peine. C’est pourquoi ces infortunés, ployant sous les maux du pré-
» sent, sans espérance de l’avenir, attendent avec joie la mort, qui leur est
» préférable à la vie 1 2. » Ces dernières lignes surtout doivent fixer l’atten¬
tion, parce qu’elles prouvent que la peine était en général perpétuelle.
A la suite des travaux forcés â temps ou â perpétuité, existait probable¬
ment une longue série de peines expressives, qui étaient le résultat d'une
double pensée : faire périr l’instrument de l’infraction et empêcher le coupable
de commettre désormais le même crime. Les faux monnayeurs, ceux qui alté¬
raient. les poids et les mesures ou contrefaisaient les sceaux , ceux qui alté¬
raient les actes publics ou rédigeaient de fausses écritures, étaient condamnés
à avoir les deux mains coupées 3. Le viol commis sur la personne d'une
1 Fruit semblable à une lentille.
2 Liv. III, c. 12 et 13. Traduet. de M. Ferd. Hoefer.
3 Champollion-t igeac critique vivement le passage où Diodore place au nombre des anciennes
lois de 1 Egypte celle qui punissait par la mutilation des deux mains la fabrication de la fausse
monnaie. II se prévaut de ce que, suivant Hérodote, Darius, fils d’Hystaspe, fut le premier
prince qui fit battre de la monnaie de l’or le plus pur {Égypte ancienne, p. 59). Celte critique est
mal fondée. D abord, Hérodote n’aflirme pas que Darius fut le premier qui fit frapper de la mon¬
naie d or; il dit simplement que Darius fit frapper de la monnaie d’or (livre II, c. 1(5(5); en-
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
33
femme libre avait pour peine la perte des parties génitales, parce que ce
crime renfermait en lui-même trois maux très-grands :1 insulte, la corruption
des mœurs et la confusion des enfants '. On coupait le nez de la femme
adultère, afin de la priver des attraits qu’elle avait employés pour la séduc¬
tion, tandis que son complice recevait mille coups de verges 2. On arra¬
chait la langue à l’espion qui avait révélé les secrets de l’État. « Chacun,
» dit Diodore, par la punition de la partie du corps avec laquelle le crime
» avait été commis, portait, jusqu’à la mort, une marque indélébile qui, par
» l’avertissement de ce châtiment, devait empêcher les autres dagii contre
» la loi 3. » Tel était évidemment le but du législateur; mais ce passage,
rapproché de l’ensemble du texte auquel il appartient , prouve aussi , comme
nous l’avons déjà dit, que les cas indiqués par l’historien sont simplement
énonciatifs. Les annales du droit criminel attestent d’ailleurs que , partout où
la mutilation se glisse dans l’échelle pénale, elle se trouve bientôt appliquée
à une foule d’infractions diverses. Diodore lui-même raconte qu’Actisanès fit
couper le nez et les oreilles aux brigands qui infestaient la haute Égypte, et
Hérodote nous a transmis une tradition suivant laquelle oa priva de leurs
mains les femmes du palais qui avaient aidé Mycerinus à satisfaire sa passion
incestueuse pour sa fille 4.
Les Égyptiens connaissaient en outre la servitude pénale, le fouet, le jeûne
forcé , la relégation , l’exil , l’emprisonnement et la déclaration d’infamie.
Sous le Pharaon qui eut Joseph pour ministre, la servitude pénale pouvait
•
suite, quand même on admettrait ce fait, on n’aurait pas encore le droit de reprocher ici une
erreur à Diodore. Champollion lui-même dit que les Égyptiens, avant lepoque de Darius, se
servaient, à l’intérieur, d’une monnaie de convention , et, au dehors, d’anneaux d or ou d argent
d’un poids déterminé ou vérifié. Est-ce que 1 altération ou la contrefaçon de celte monnaie de
convention, de ces unneaux vérifiés, n’était pas, en réalité, un acte de faux monnayeur.'’
1 Diodore, liv. I, c. 78.
- Nous avons vu ci-dessus, p. 42, que, dans la législation primitive de l’Egypte, on était
beaucoup plus sévère. L’adultère de la femme était puni parle bûcher.
3 Diodore, ibid.
4 Liv. II, c. 131. Nous ne voulons pas discuter sérieusement cette assertion du père de 1 his¬
toire; mais il convient cependant de remarquer que, dans l’Inde brahmanique, on mutilait les
mains des femmes qui commettaient des attentats à la pudeur sur des personnes de leur sexe.
( Lois de Manou, liv. VIII, st. 370.)
U
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
devenir la conséquence du vol Mille coups de fouet étaient la peine de
l’homme coupable d’adultère1 2. Celui qui ne poursuivait pas devant les tribu-
naux l’auteur d’un homicide dont il avait été le témoin impuissant, était battu
de verges et privé de toute nourriture pendant trois jours3 4. Actisanès relégua
dans une contrée déserte les brigands auxquels il avait fait grâce de la vie *.
Le roi Protée condamna à l’exil Alexandre et tous ceux qui avaient contribué
au rapt d’Hélène 5. L’emprisonnement est plusieurs fois mentionné par les
historiens, et nous avons déjà vu que le régime des maisons de détention
laissait beaucoup à désirer 6. La déclaration d’infamie était prononcée contre
le soldat qui avait déserté les rangs de l’armée ou qui n’avait point exécuté
l’ordre de ses chefs. Cette peine n’était pas perpétuelle. Si, plus tard, le mili¬
taire effaçait sa honte par des actes de bravoure, il était rétabli dans son état
primitif. « Ainsi, dit l’historien qui nous a transmis ces détails, le législateur
» égyptien faisait du déshonneur une punition plus terrible que la mort, pour
» habituer les guerriers à considérer l’infamie comme le plus grand de tous
» les malheurs; en même temps, ceux qui étaient punis de cette façon pou-
» vaient rendre de grands services pour recouvrer la confiance première,
» tandis que, s’ils avaient été condamnés à mort, ils n’auraient plus été
» d’aucune utilité pour l’État 7. » C’était, en effet, une pensée aussi belle
que salutaire de remplacer, pour la classe des guerriers, les châtiments cor¬
porels par une espèce de dégradation morale, en laissant au soldat flétri le
moyen de se réhabiliter par la valeur et la gloire 8.
1 Nous suivons ici l’opinion émise par le marquis de Pastoret (Hist. de la législ., t. II,
p. 249), tout en avouant qu’elle peut donner lieu à des objections sérieuses. Il invoque l’épisode
de I arrestation de Benjamin ( Genèse , XLIII et XLIV). Après la découverte de la coupe, tous
les fils de Jacol) dirent à Joseph : Nous sommes vos esclaves.
2 Diodore, liv. I , c. 78.
3 Diodore, liv. I, c. 77.
4 Diodore, liv. I, c. 60. Le lieu était digne de sa destination. Une terre couverte de sel; une
eau rare et corrompue; une contrée déserte et dépourvue des choses les plus nécessaires à la
vie, où la chasse était à peu près le seul moyen de subsistance.
3 Voy. ci-dessus, p. 48.
6 Voy. ci-dessus, p. 56.
7 Diodore, liv. I, c. 78.
s Hérodote, liv. II, c. 56, nous apprend que la loi égyptienne déclarait également infâmes
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
A cette liste déjà longue il faut ajouter deux peines pécuniaires, l’amende
et la confiscation des biens.
Une amende fixée par les prêtres était infligée à celui qui tuait involontai¬
rement un animal sacré, autre que l’ibis, le chat et lépervier 1 . Une forte
amende était comminée contre l’artisan qui prenait part aux affaires publiques
ou exerçait une profession autre que le métier qui lui était assigné par les
lois et transmis par ses parents; circonstance qui prouve, parmi beaucoup
d’autres, que la séparation des diverses classes de la nation était maintenue
beaucoup plus rigoureusement que ne le croient quelques savants de notre
époque 2. De « fortes amendes », étaient également infligées à ceux qui
portaient une fausse accusation au tribunal des sépultures J. Quant à la con¬
fiscation générale, elle existait si bien en Égypte que les historiens accusent
Amasis d’en avoir abusé pour s’approprier les richesses de ses sujets 4. Elle
figure du reste en termes formels dans le célèbre édit par lequel Ptolémée
Philadelphe ordonna l’affranchissement des Juifs. Ce prince l’employa comme
sanction de ses ordres 5.
Enfin, au-dessus de ce vaste système de répression, dont nous entrevoyons
à peine les lignes principales, planait en quelque sorte, comme un dernier
avertissement et une garantie suprême, le refus de la sépulture religieuse.
Nous avons déjà dit que, pour être condamné à cette peine flétrissante, il ne
fallait ni avoir commis un crime prévu par les lois nationales, ni même avoir
été mis régulièrement en accusation avant la mort; il suffisait de mener
« une mauvaise vie 6. » C’était une dernière et solennelle proclamation de
ceux qui se nourrissaient de froment et d’orge. Il est difficile de découvrir la laison de c ette
prohibition. — Isocrate, dans Y Éloge de Bussiris, rappelle assez inutilement que les guerriers
égyptiens ne pouvaient s’absenter sans la permission de leur chef. Il aurait mieux fait d indi¬
quer la peine qui frappait l’absence autre que la désertion.
1 Hérodote, liv. II, c. 65. Celui qui tuait, même involontairement, un ibis, un épervier ou
un chat, était puni de mort. Voy. ci-dessus, p. 44.
2 Diodore, liv. I. c. 74.
3 Diodore, liv. I, c. 92. — Les cas que nous venons d’indiquer prouvent combien De Pauw
se trompait dans ses Recherches (t. II, p. 271 ; édit, citée), en disant que les Égyptiens n ad¬
mettaient l’amende que pour le seul cas où l’on tuait involontairement des animaux sacres.
4 Diodore, liv. I, c. 60.
5 Voy. ci-dessus, p. 50, note 6.
6 Voy. , ci-dessus, p. 27.
56
SUR L'ORGANISATION JUDICIAIRE
l’iniquité du vice et de l’excellence de la vertu , et celte haute portée de la
juridiction du tribunal des sépultures n’avait pas échappé aux Grecs qui
venaient admirer les merveilles de la vallée du Nil. « Les Grecs, dit Diodore,
» ont voulu, à l’aide de quelques fictions décriées, faire croire à la récom-
» pense des bons et à la punition des méchants. Mais ces fictions, loin den-
» courager les hommes au bien, ont été tournées en dérision par les méchants
» et grandement discréditées. Chez les Égyptiens, au contraire, le chàti-
» ment du vice et l’honneur rendu à la vertu ne sont pas une fable, mais
» des faits visibles qui rappellent journellement à chacun ses devoirs et
» deviennent ainsi la plus puissante sauvegarde des mœurs ’. »
Mais est-il vrai que, parmi toutes les .peines que nous avons énumérées, il
n’en existât aucune qui fût destinée à la répression du vol? Devons-nous
admettre qu’un acte flétri par toutes les législations anciennes et modernes
fût déclaré licite en Égypte? Diodore de Sicile et quelques autres écrivains de
l’antiquité se permettent cette singulière affirmation 1 2. Diodore raconte grave¬
ment que tous ceux qui voulaient se livrer à l’industrie du vol étaient obligés
de se faire inscrire chez le chef des voleurs et de lui rapporter immédiatement
le produit de leurs larcins. Les victimes du vol devaient, à leur tour, se faire
inscrire chez le même chef, en lui fournissant l'indication exacte des .choses
dérobées, du jour, de l’heure et du lieu de la soustraction. Les objets volés
étaient aussitôt recherchés et rendus à leur propriétaire, à condition de payer
le quart de leur valeur pour les reprendre. Non-seulement Diodore croit à
l’existence de cet étrange système, mais il s’efforce de le justifier. A son avis,
le législateur, ne pouvant empêcher « tout le monde de voler » , avait sage¬
ment imaginé le moyen de faire restituer, pour une modique rançon , tout ce
qui était dérobé aux Égyptiens 3.
Il est évident que l’historien a mal saisi le langage de l’interprète qui le
guidait dans ses courses à travers un pays dont les lois et les mœurs s’éloi¬
gnaient si considérablement des coutumes de sa patrie. Son récit n’est pas
seulement en contradiction avec les exigences de la raison et les traditions
1 Diodore, liv. I , c. 95.
2 Voy. Aulu-Gelle, Noctes atticæ, liv. XI, c. 18.
5 Liv. I, c. 80.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
57
de la morale universelle : il se trouve formellement repoussé par des témoi¬
gnages explicites, dont l’incontestable valeur ne saurait être mise en dis¬
cussion. Dans le récit d’un vol important qu’ils firent à Hérodote, les prêtres
d’Héliopolis mirent les paroles suivantes sur les lèvres d’un voleur pris au
piège tendu par ordre du roi : « Frère, coupe-moi la tête; car, si je suis
» vu et reconnu, je te perds en même temps que moi '. » Les mêmes prê¬
tres lui dirent qu’Amasis, avant de monter au trône, avait été plusieurs fois
puni comme voleur2, et nous avons déjà rappelé que, suivant la Genèse,
le vol, à l’époque où vivait Joseph, était réprimé par la servitude pénale1.
On pourrait objecter, il est vrai, que ces peines ne frappaient que les voleurs
non autorisés et ceux qui, s’étant fait inscrire, ne rendaient pas un compte
fidèle de leurs rapines. Mais, en tenant ce langage, on s’écarterait complète¬
ment de tout ce que nous savons du caractère religieux et social de la civili¬
sation égyptienne. Comment admettre la tolérance du vol, dans un pays où
chaque chef de famille devait faire connaître ses moyens d’existence ; où les
lois prononçaient la peine de mort contre celui qui vivait de « gains illi-
» cites; » où la simple altération d’un poids ou d’une mesure était punie de
la perte des deux mains?
Quand les prêtres chargés de l’embaumement avaient mis les intestins et
les principaux viscères dans les vases destinés à les recevoir, l’un d’eux pro¬
nonçait, au nom du mort, cette prière solennelle : « Soleil, et vous tous,
» dieux éternels, vous qui donnez l’existence à l’homme, recevez-moi dans
» les demeures éternelles que vous habitez ! J’ai suivi religieusement le culte
» de mes pères ; j’ai constamment honoré mes parents; je n’ai jamais souillé
» mes mains du sang de mes semblables; je n’ai jamais été un dépositaire
» infidèle; je n’ai pas fait le mal et me suis soigneusement abstenu de toute
» injustice. Si j’ai commis quelques excès en mangeant ou en buvant, ce
» n’est pas à moi, mais à ceux-ci que vous devez les imputer4. » En pro-
1 Hérodote, liv. II, c. 121. Nous admettons que cette histoire n’est qu’un mythe, mais elle
n’en conserve pas moins toute sa valeur au point de vue de la question qui nous oecupe : la
punition du vol en Égypte.
2 Hérodote, liv. Il, c. 174.
3 Genèse , XLIII, 18, XLIV, 9, 16.
4 Voy. Poi’phyre, De Abstin., 1. IV, c. 10.
Tome XXXV.
8
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
o8
nonçant ces dernières paroles, le prêtre prenait les vases et les jetait dans
le Nil.
Le sens et la portée de cette cérémonie religieuse, répétée chacpie jour
sur tous les points du territoire, fournissent ici un argument décisif. N’est-il
pas évident que, si l’injustice suffisait pour interdire à son auteur l’accès des
demeures éternelles, le vol, qui est l’injustice par essence, ne pouvait être
rangé au nombre des gains licites? Le fait offre d’autant plus d’importance
qu’il est loin d’être isolé. Dans ces rituels funéraires qu’on déposait sur ia
poitrine des momies et dont tous les musées de l’Europe possèdent de nom¬
breux fragments, l’âme du mort paraissant devant le juge infernal fait la
confession suivante : « Je n’ai pas blasphémé. Je n’ai pas trompé. Je triai pas
» volé. Je n’ai pas divisé les hommes par mes machinations. » On sait que
les législateurs de l’Égypte n’avaient pas l’habitude de tolérer les actes pro¬
hibés par le culte national.
Le savant De Pauw propose une explication ingénieuse, qui pourrait très-
bien être conforme à la réalité des faits. Il croit qu’on a pris pour une loi
égyptienne une espèce de traité ou de concordat avec les Arabes nomades,
qui, malgré toutes les précautions qu’on avait prises pour arrêter leurs bri¬
gandages, dépouillaient les caravanes et venaient parfois faire des excur¬
sions dans les cantons voisins des frontières. On sait , en effet, que, dans les
temps modernes, des traités de ce genre ont été conclus avec les Bédouins de
la Syrie, et cet exemple, connu de tous, fournit un argument on ne peut plus
sérieux en faveur de l’hypothèse émise par le célèbre philologue hollandais.
L’inscription du nom des voleurs, les déclarations imposées à leurs victimes,
l’impôt prélevé sur les choses soustraites, en un mot, toutes les formalités
rapportées par Diodore se réduiraient de la sorte à l’intervention officieuse
et intéressée d’un chef de bande du désert
En dernier résultat , nos recherches nous ont prouvé que les Égyptiens
connaissaient les peines suivantes: la mort qualifiée, la mort simple, les tra¬
vaux forcés à temps et à perpétuité, la mutilation du nez, la mutilation des
1 Recherches philosophiques sur les Égyptiens , etc., t. II, p. 26(1; édit, citée. — La même
opinion a été émise par V. Hennequin, Introduction d V étude de la législation française.
t. I, p. 5G7.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
59
deux mains, la mulilalion des parties génitales, la servitude, le fouet, le
jeûne forcé, la relégation, l’exil, l’emprisonnement, la déclaration d’infamie,
la confiscation des biens et l’amende.
Ces peines étaient fréquemment appliquées, et rien n’atteste que les rois du
pays se plaisaient à gracier les condamnés. Princes absolus , chefs de la ma¬
gistrature nationale, despotes divinisés, ils possédaient incontestablement le
droit de grâce et même celui d’accorder des lettres d’abolition; mais les an¬
nales de l’Égypte ne mentionnent qu’un très-petit nombre de ces actes de clé¬
mence. Dans un récit probablement mythique, rapporté par Hérodote, on
voit Rampsinite exempter de toute poursuite et choisir pour gendre un voleur
adroit qui avait fait de larges brèches au trésor royal Sésostris « renvoya
» absous » tous les prisonniers d’État que la tyrannie soupçonneuse de son
prédécesseur avait entassés dans les prisons 3. Ces deux exemples sont à peu
près les seuls faits de ce genre dont l’histoire nous ait conservé le souvenir.
IV.
RÉFLEXIONS GÉNÉRALES.
Les savants modernes qui ont approfondi les annales de l’Égypte se par¬
tagent en deux écoles nettement tranchées.
Les uns ne voient qu’un engouement irréfléchi dans la réputation tradition¬
nelle de sagesse dont les Égyptiens jouissaient chez tous les peuples civilisés
du monde ancien. Les autres, prenant au sérieux les éloges que tant d’histo¬
riens et de philosophes ont prodigués aux riverains du Nil , soutiennent qu’une
science pure et profonde fut constamment cultivée dans les temples de cette
terre privilégiée.
Les fragments de la législation criminelle de l’Égypte parvenus jusqu’à
nous ne sont pas de nature à mettre un terme à cette controverse séculaire.
1 Hérodote, liv. II, c. 121.
2 Diodore, liv. II , c. 34.
60
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
Les partisans des deux opinions y peuvent chercher et trouver des arguments
à l’appui de leurs thèses contradictoires.
Complètement désintéressé dans la querelle , et écartant toute digression
étrangère à notre sujet, nous nous contenterons d’émettre quelques aperçus
sur le caractère réel des institutions répressives qui, pendant plusieurs siècles,
se maintinrent, à peu près sans altération, dans la vallée du Nil, sous la
double égide du sacerdoce et du trône.
Les détails que nous possédons sur l’organisation judiciaire de l’empire des
Pharaons dénotent une étude attentive des besoins et des intérêts du corps
social. Des tribunaux établis sur des bases uniformes, classés dans un ordre
hiérarchique, disséminés dans toutes les parties du pays et se mouvant, pour
ainsi dire, autour d’un tribunal suprême siégeant dans la capitale religieuse
du royaume; le concours du pouvoir royal et du pouvoir judiciaire dans la
nomination des chefs de la magistrature nationale; le droit de saisir la justice
répressive, accordé aux citoyens, aux étrangers et même aux esclaves;
l’obligation imposée à tous les habitants d’aider les juges, autant qu’il dépen¬
dait d’eux, dans la répression des écarts de la vengeance individuelle; les
droits de la société maintenus dans toute leur intégrité, malgré les transac¬
tions intervenues entre le délinquant et ses victimes; la création de tribunaux
particuliers pour les militaires et les commerçants étrangers; l’admission
d’une justice domestique pour les délits légers en eux-mêmes ou envisagés
comme tels par le législateur; l’institution d’un tribunal des sépultures, in¬
vesti du redoutable pouvoir de se prononcer sans recours sur la vie tout
entière de ceux que leurs fonctions ou leurs richesses avaient mis momen¬
tanément à l’abri de la vindicte des lois; l’idée d’une divinité vengeresse,
toujours présente à l’esprit des magistrats et des plaideurs : toutes ces remar¬
quables conceptions, qu’on ne s’attend pas à rencontrer à l’origine des temps
historiques, sont évidemment le produit d’une rare sagacité, jointe à une
longue et fructueuse expérience des affaires judiciaires. Si ce tableau, com¬
paré à celui que présentent les institutions des temps modernes, contient
des lacunes et des ombres, son ensemble est, sans contredit, de nature à
confirmer la réputation de haute sagesse dont les Égyptiens jouissaient dans
tous les pays civilisés du monde ancien. Sous ce rapport, Diodore de Sicile
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
61
n’a point exagéré en disant que les Égyptiens avaient mis un grand soin a
organiser convenablement l’ordre judiciaire *.
Malheureusement la scène change complètement d’aspect lorsque, laissant
de côté l’organisation des tribunaux, on se demande quelles fuient, poui le
bien-être et la dignité des habitants de l’Égypte, les conséquences des lois
pénales proprement dites.
En se plaçant à ce point de vue , on s aperçoit bientôt que le législateur
criminel, peu soucieux de la recherche d’une théorie savante, moins soucieux
encore des exigences de l’equite, avait obéi a des consideiations exclusive-
ment politiques.
Actisanès, en faisant mutiler les auteurs de crimes capitaux qui encom¬
braient les prisons au début de son règne, parvint à fonder une ville nou¬
velle aux limites du désert. Sabacon, remplaçant la peine de mort par celle
des travaux forcés, obtint assez d’ouvriers pour « construire de nombreuses
» digues et creuser beaucoup de canaux utiles. » D’autres récits, empruntés
à l’Écriture sainte, à Hérodote, à Lucien, à Josèpbe, à Diodore de Sicile,
nous montrent les maisons de détention constamment i emplies dune multi¬
tude de prisonniers appartenant à toutes les classes 1 2.
Il est évident que les crimes dont nous avons dressé la liste ne pouvaient
pas seuls produire ces effrayantes agglomérations de coupables ; car, indépen¬
damment des malheureux qui remplissaient les prisons, creusaient les canaux,
raffermissaient les digues ou étalaient sous les yeux de la foule le hideux ta¬
bleau de leurs mutilations, des « milliers de condamnés » 3, hommes, femmes,
vieillards, enfants, travaillaient sans relâche au fond des vastes souterrains
dont l’historien d’Agyre nous a laissé l’effrayante description 4. Dans un pays
de l’étendue de l’Égypte, l’existence de cette multitude de condamnés était
manifestement le produit d’une législation impitoyable, pénétrant jusque dans
1 Liv. I, c. 75. .....
2 II importe de remarquer que Diodore , en parlant des mesures qu’il attribue à Actisanès et
à Sabacon, ne manifeste aucun étonnement du nombre considérable de condamnés dont les
peines furent commuées; il raconte les faits comme des événements qui, au point de vue de
la moralité du pays, ne présentent rien d’extraordinaire.
3 C’est l’expression employée par Diodore. Voy. ci-dessus, p. 51.
4 Voy. ci-dessus, p. 51.
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
62
les derniers détails de la vie, courbant toutes les têtes et maintenant, à tous
les degrés de l’échelle sociale, une sujétion incompatible avec la nature intel¬
ligente, libre et spontanée de l’homme. La race égyptienne ne se distinguait
guère par la turbulence de son humeur ou la violence désordonnée de ses pas¬
sions. Humble et résignée, aveuglément soumise à ses rois et à ses prêtres, on
l’avait de longue main façonnée à subir sans murmure toutes les exigences
d’un despotisme à la fois religieux et politique. Chez un tel peuple, le nombre
excessif des infractions ne s’explique que par une interminable série d’actes
incriminés par la loi pénale. « Cette bonne police de l’Égypte » , tant vantée
par Bossuet, dans son Discours sur l’Histoire universelle , n’était autre chose
que la substitution, aussi complète que possible, de la volonté despotique du
législateur à l’initiative individuelle des citoyens de toutes les classes. L’illustre
évêque de Meaux a commis la même erreur que les voyageurs de l’antiquité,
qui parcouraient rapidement les nomes les plus riches et les plus peuplés.
Voyant partout régner l’abondance et l’ordre, assistant dans toutes les villes
à des fêtes religieuses et nationales, rencontrant à chaque pas des monu¬
ments empreints d’une incontestable grandeur, ils admiraient la puissance
des lois de l’Égypte, et, à leur retour, cette admiration était bientôt partagée
par leurs compatriotes. Us ne disaient pas que l’asservissement impitoyable
de toutes les intelligences et de toutes les volontés servait de base à cette
civilisation si pleine de merveilles!
Ici donc le blâme doit remplacer l’éloge. Au lieu de poursuivre, comme
on l’a dit tant de fois, la réalisation d’un idéal élevé, fourni par une science
profonde et pure conservée à l’ombre du sanctuaire, les maîtres de l’Égypte
n’avaient d’autre but que de perpétuer leur domination à l’aide d’une mul¬
titude de prescriptions minutieuses sanctionnées par des peines terribles.
L’idéal de la législation criminelle était pour eux un catalogue largement
exagéré de délits et de peines. Dans un système de répression étroitement
uni au culte, ils cherchaient le moyen d’imprimer aux coutumes nationales
ce caractère de permanence et d’immobilité qui fut toujours l’objet de leurs
efforts les plus énergiques. La sécurité , la liberté , la dignité du peuple n’ar¬
rivaient qu’en seconde ligne. Que pouvait être la dignité de l’homme, dans
un pays où les pères de famille devaient, sous peine de mort, au début de
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
65
chaque année, remettre aux chefs des nomes l’indication détaillée de leurs
moyens d’existence; où de «fortes» amendes venaient ruiner l’artisan qui
avait l’audace de s’occuper des affaires publiques? Que devenait la liberté et
la sécurité du citoyen, sous le régime d’une législation qui permettait aux
prêtres de condamner au dernier supplice tous ceux qui , à leurs yeux , fai¬
saient des gains illicites? Autant que l’état incomplet de nos connaissances
permet de porter un jugement équitable sur les institutions de l’Égypte , nous
pouvons affirmer que les idées généreuses qui se révèlent dans 1 organisation
judiciaire ne se retrouvaient pas dans la détermination des délits et la dis¬
tribution des peines.
11 en résultait que le législateur, toujours préoccupé d’un but politique,
commettait à chaque pas de déplorables inconséquences dans l’application
des principes.
En voyant frapper de la même peine le meurtre du citoyen et le meurtre
de l’esclave, on s’imagine que le grand principe de l’égalité de tous devant la
loi pénale était solennellement proclamé sur les bords du Nil; tandis que,
quelques pages plus loin, quand il s’agit de la répression des attentats à la
pudeur, on est tout surpris de voir apparaître le principe tout opposé de
l’inégalité des droits suivant l’inégalité des conditions. Celui qui était con¬
vaincu d’avoir violé une femme libre devait avoir les parties génitales cou¬
pées, parce que ce crime, suivant l’expression employée par Diodore de
Sicile, comprenait en lui-même trois maux très-grands, l’insulte, la cor¬
ruption et la confusion des enfants1. Il s’en fallait de beaucoup que la même
protection fût accordée à la femme esclave. Le silence de l’historien permet
de supposer que toutes les conséquences du fait se réduisaient à une action
civile accordée au propriétaire de l’esclave outragée; mais, en tout cas, la
peine était différente, puisque Diodore a soin de faire remarquer qu’il ne
parle que de la femme libre. C’est que le législateur égyptien, en punissant
de la même manière l’assassin de l’esclave et l’assassin du citoyen, n’était
nullement guidé par la pensée de rendre un éclatant hommage à la commu¬
nauté d’origine de l’espèce humaine ; il voulait simplement donner à tous une
1 Voy. ci-dessus, p. 55.
64
SUR L’ORGANISATION JUDICIAIRE
haute idée de l’inviolabilité de la vie, et protéger ainsi indirectement les
maîtres eux-mêmes contre les conséquences éventuelles des haines de leurs
subordonnés '.Il n’avait pas cru que les intérêts des classes libres exigeas¬
sent les mêmes précautions à l’égard des attentats à la pudeur : voilà tout !
On se trompe en disant que la vie de l’esclave jouissait de la protection com¬
mune, parce que le genre humain, plus rapproché de son origine, se sou¬
venait encore de son berceau commun 1 2. C’est attribuer aux Égyptiens des
idées et des sentiments complètement étrangers à leur redoutable système de
répression. Si nous possédions la liste complète des délits et des peines, l'iné¬
galité signalée par Diodore ne serait certainement pas la seule que nous y
découvririons. L’instinct de l’égalité n’existait pas dans un pays où les classes
populaires, elles-mêmes asservies, voyaient au-dessous d’elles de nombreux
troupeaux d’esclaves, lesquels, à leur tour, faisaient envie à la caste abjecte
et dégradée des gardiens de pourceaux, dont la présence seule imprimait
une souillure 3 4.
Un autre exemple, plus remarquable encore, nous est fourni par l’attitude
que le législateur criminel avait prise à l’égard de la famille des condamnés.
Une femme enceinte, condamnée à mort, ne subissait sa peine qu’après
être accouchée. Au témoignage de Diodore de Sicile, les magistrats de
l’Égypte auraient trouvé souverainement injuste d’étendre à un être innocent
la peine méritée par une mère coupable, et de faire ainsi expier par la vie de
deux personnes le crime commis par une seule. Or, dès l’instant qu’il s’agis¬
sait d’un crime politique, ce principe de justice élémentaire, si bien compris
et si bien expliqué, se trouvait complètement écarté, parce qu’on croyait
utile de frapper de terreur tous ceux qui pourraient être tentés d’introduire
des changements dans la constitution du royaume. La mère, les sœurs, les
enfants, la famille entière du conspirateur était livrée au bourreau \ Le
même système d’implacable rigueur était souvent suivi quand le père était
condamné aux travaux forcés à perpétuité. Dans les mines qui se trouvaient
1 Diodore le dit en termes formels. (Liv. I, c. 77.) Voy. ci-dessus, p. 4G.
2 Opinion émise par M. A. Du B^s, Histoire du droit criminel des peuples anciens, p. 22.
5 Voy. nos Considérations sur la théorie du progrès indéfini, 2e édit., p. 253.
4 Plutarque , Vie d’Agis et de Cléomène, c. LXX.
DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
65
aux confins de l’Éthiopie, on voyait des enfants impubères, partageant le
sort affreux de leurs parents coupables, ramasser péniblement et traîner
jusqu’à l’entrée des galeries souterraines les fragments de minerai détachés
des voûtes. Leur travail pouvait servir à l’alimentation du trésor royal 1 !
Sans doute, les sentiments d’humanité n’étaient pas complètement bannis
de la législation criminelle de l’Égypte. On n’y découvre pas , dans l’exécu¬
tion de la peine de mort , ces raffinements de cruauté froide et barbare dont
les annales judiciaires des peuples de l’Orient lournissent de si nombreux
exemples. Le délai accordé aux femmes enceintes condamnées à la peine
capitale, la boisson enivrante administrée aux malheureux qu’on conduisait
au supplice , la pratique rude et primitive du talion réduite au seul cas de la
dénonciation calomnieuse, le meurtre de l’esclave puni à légal de celui de
P homme libre, toutes ces dispositions, quel que lût leur motif, sont assu¬
rément très-remarquables pour l’époque où nous les voyons apparaître dans
le droit égyptien. Mais ici, comme chez tous les peuples de ces âges reculés,
il ne faut pas chercher les idées philanthropiques et les tendances réforma¬
trices de nos lois modernes. Ainsi que nous l’avons déjà dit , le législateur des
bords du Nil voyait dans le catalogue des délits et des peines l’un des moyens
les plus efficaces de maintenir, dans toute leur force et dans toute leur inté¬
grité, les institutions sociales qu’il voulait perpétuer sur le sol de 1 Égypte.
Tel était le but qu’il cherchait à atteindre , la mission qu’il se croyait obligé
de remplir, dans le domaine de la justice répressive comme dans toutes les
autres sphères de la vie sociale. Quand il s’agissait de garantir l’immutabilité
de la constitution religieuse, politique et civile du pays, toute autre considé¬
ration disparaissait devant les exigences de cet intérêt suprême. C’est à cette
conséquence qu’on vient inévitablement aboutir lorsque , tenant compte de
tous les faits et pesant tous les témoignages , on recherche , sans esprit de
système, les causes du nombre immense de délinquants que les voyageurs de
l’antiquité rencontraient sur la terre sacrée de Kémé.
Bien d’autres questions se présentent. Quel était le caractère des peines
temporaires? Étaient-elles fixes et invariables? Laissait-on, quant à leur
y.niodore, liv. III, c. 15.
Tome XXXV.
9
66
SUR L ORGANISATION JUDICIAIRE, etc
durée, une certaine liberté d’appréciation au tribunal chargé de les appli¬
quer? Dans quelle mesure le juge pouvait-il avoir recours au cumul des
peines 1 ? Quelle était la punition du vol , aux diverses époques de la monar¬
chie égyptienne? Dans quelle mesure s’occupait-on des infractions commises
en pays étranger 2 ? Quels étaient les crimes qui entraînaient la condamnation
aux travaux forcés à temps ou à perpétuité? Connaissait-on la prescription
dans les matières criminelles 3? Quelle décision avait-on prise à l’égard de la
tentative et de la récidive? Pour toutes ces demandes et, en général, pour
tous les détails de la législation pénale , les éléments d’une réponse satisfai¬
sante font complètement défaut. Nous devons le répéter ici : la nation qui ,
plus que toutes les autres, se montra constamment préoccupée du jugement
des générations futures, est précisément celle dont les institutions et les lois
donnent lieu aux controverses les plus épineuses. C’est bien le cas de s’écrier
avec le poète :
Lancia trahit secam verlilque volubile tempiis :
Nec patitur cerla currere quemque via!
1 Nous connaissons un exemple de ce cumul. Celui qui ne dénonçait pas les assassins élail
battu de verges et privé de toute nourriture pendant trois jours. (Hérodote, liv. 1, c. 77.)
2 Si l’on devait accepter comme historique le récit du bannissement d’Alexandre (ci-dessus,
p. 48), il en résulterait que les Égyptiens se croyaient obligés de s’occuper même des infrac¬
tions commises en pays étranger par des étrangers.
3 Ils connaissaient, au moins sous les Ptolémées, la prescription en matière civile.
FIN.
TABLE DES MATIÈRES.
INTRODUCTION.— On trouve en Égypte un mythe analogue à celui que les brahmanes
ont placé près du berceau de la législation de 1 Inde. — -Thoth révélateur et législateur
- — Thoth précepteur et guide d’Isis. — Les quarante-deux livres sacrés. Origine di\ine
et, par suite, immutabilité absolue des principes fondamentaux de la législation chile et
criminelle. — Rareté des documents et des témoignages relatifs à l'histoire des institutions
judiciaires de l’Égypte ancienne. — Insuffisance des découvertes modernes dans la sphère
de la législation. — Confusion à éviter. — Objet et but du mémoire . . .
I Source et exercice du droit de punir. — Organisation judiciaire de l Égypte ancienne.
— Le droit de punir était envisagé comme une délégation de la puissance divine. —
Double élément qu’on rencontre dans l’organisation du pouvoir judiciaire de 1 Égvpte .
la royauté et la classe sacerdotale. — Les rois avaient le droit de juger avec une autorité
souveraine : preuves et exemples. — Tribunaux ordinaires. — Cour centrale de Thèbes.
Tribunaux des nomes. — Tribunaux de police. — Composition, compétence et rang
hiérarchique de ces tribunaux. — Privilèges judiciaires des prêtres. — A avait-il un tri¬
bunal d’exception dans le célèbre labyrinthe du nome arsinoïte : Tribunaux mili¬
taires. — Tribunal d’exception pour les Grecs établis sur le territoire de Naucratis ;
sa juridiction réelle. — Tribunal domestique; pouvoir judiciaire du père de famille.
Composition, mode deprocéder et destination du tribunal sacerdotal des sépultures,
IL — Instruction criminelle. — Le droit d’accusation devant les tribunaux criminels de
l’Égypte. — L’action publique pouvait être intentée par tous les habitants du pajs, sans
distinction entre les indigènes et les étrangers : preuves et exemples. Procédure sui\ie
devant les tribunaux domestiques. — Procédure devant les tribunaux proprement dits.
Instruction par écrit. — Double échange de mémoires. Proscription delà plaidoirie
orale. — Solennité de l’audience. — Notification symbolique de la sentence des juges.
Le serment. — Les enquêtes. — La question préparatoire. — Le « jugement de Dieu »
dans la procédure égyptienne. — La détention préventive. Lacunes importantes que
présente cette partie de l’histoire de la législation . .
III. — Les délits et les peines. — Les codes criminels de l’Égypte. Thoth législateur.
68
TABLE DES MATIERES.
_ Autres législateurs énumérés par Diodore de Sicile. — Témoignages fournis par les
inscriptions des monuments. — Catalogue exagéré de délits et de peines résultant de -
l’organisation religieuse , politique et administrative du pays. — Peine capitale. —
Mort simple : la pendaison et la décapitation. — Mort qualifiée : le bûcher, la croix, le
supplice asiatique des cendres. — Énumération des crimes capitaux. — Parricide, tra¬
hison, rébellion, sacrilège, meurtre, parjure, dénonciation calomnieuse, mensonge
dans la déclaration des moyens d’existence, violation des règlements sur Part de guérir,
existence à l’aide de gains illicites, rapt. — Les rois Actisanès et Sabaccon adversaires
de la peine de mort; durée éphémère de leur système. — Peine des travaux publics à temps
et à perpétuité. — Peines expressives; mutilations fréquentes. — Autres peines : servi¬
tude pénale, fouet, jeûne forcé, relégation, exil, emprisonnement, déclaration d’infa¬
mie, confiscation des biens, amende. — Controverse étrange au sujet de la peine du vol.
— Énumération générale des peines usitées en Égypte. — Sévérité exagérée du système. Pas
— Le droit de grâce rarement exercé par les rois de l’Égypte . 38
IV. — Réflexions générales. — Controverse entre les savants modernes au sujet du degré
de culture intellectuelle atteint par la population de l’Égypte. — L’histoire de la législa¬
tion criminelle du pays fournit des arguments aux partisans des deux systèmes. — L'or¬
ganisation judiciaire dénote une étude attentive et une remarquable intelligence des
intérêts sociaux. — La législation pénale proprement dite est loin de mériter les mêmes
éloges. — Le droit, l’équité, la liberté, tous les principes et tous les intérêts sacrifiés
aux exigences de l’organisation politique. — Illusions qui se manifestent dans les écrits
des historiens et des jurisconsultes. — Appréciation erronée des faits et de leurs con¬
séquences. — Nature et portée réelle du système de répression en vigueur dans la vallée
du Nil. — Réflexions générales . -iO
FIN DE LA TABLE DES MATIERES.
V