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Full text of "Mémoires de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique"

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' 


MÉMOIRES 

DE  L’ACADÉMIE  ROYALE 

DES 

SCIENCES,  DES  LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS 


DE  BELGIQUE. 


MÉMOIRES 


1)15 


L’ACADÉMIE  ROYALE 


SCIENCES,  DES  LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS 

DE  BELGIQUE. 


TOME  XXXV. 


BRUXELLES, 

M.  HAYEZ,  IMPRIMEUR  DE  L’ACADÉMIE  ROYALE. 


1865 


LISTE  DES  MEMBRES, 

DES 

CORRESPONDANTS  ET  DES  ASSOCIÉS  DE  L’ACADÉMIE. 

(Ier  octobre  1865.)  , 


LE  ROI,  Protecteur. 


Mi  L.  Alvin,  président  pour  1865. 

»  Ad.  Quetelet,  secrétaire  perpétuel. 


COMMISSION  ADMINISTRATIVE. 


Le  directeur  de  la  classe  des  Sciences,  M.  Nerenburger. 

»  »  des  Lettres,  M.  J.  Grandgagnage. 

»  »  des  Beaux-Arts,  M.  L.  Alvin. 

Le  Secrétaire  perpétuel,  M.  Ad.  Quetelet. 

Le  délégué  de  la  classe  des  Sciences,  M.  J.  S.  Stas,  trésorier. 
„  »  des  Lettres,  M.  M.  N.  J.  Leclercq. 

»  >.  des  Beaux-Arts,  M.  De  Busscher. 


Tome  XXXV. 


1 


—  2  — 

CLASSE  DES  SCIENCES. 


M.  Nerenburger,  directeur  pour  1865. 

»  Ad.  Quetelet,  secrétaire  perpétuel. 


30  MEMBRES. 


Section  des  sciences  mathématiques  et  physiques  (15  membres). 


M.  Quetelet,  A.  J.  L.;  à  Bruxelles. 
»  Plateau  ,  J.  A.  F.;  à  Gand 
»  Stas  ,  J.  S.  ;  à  Bruxelles. 

»  De  Koninck,  L.  G.;  à  Liège. 

»  De  Vaux,  Ad.  J.  J.;  à  Bruxelles 
»  Nerenburger,  G.  A.;  à  Bruxelles 
»  Melsens,  H.  L.  F.;  à  Bruxelles. 
»  Schaar,  M.  ;  à  Gand  . 

»  Liagre  ,  J.  B.  J.;  à  Bruxelles  . 
»  Duprez,  F.  J.;  à  Gand 
n  Brasseur,  J.  B.;  à  Liège. 

»  Houzeau,  J.  C.;  à  Bruxelles  . 

»  Quetelet,  Ernest;  à  Bruxelles  . 
»  Maus,  M.  H.  J.  ;  à  Mons. 

»  Gloesener,  Michel;  à  Liège. 


.  Élu  le  1er  février  1820. 

—  15  décemb.  1836. 

—  14  décemb.  1841. 

—  15  décemb.  1842. 

—  16  décemb.  1846. 

—  15  décemb.  1849. 

—  15  décemb.  1850. 

—  15  décemb.  1851. 

—  15  décemb.  1853. 

—  16  décemb.  1854. 

—  14  décemb.  1855. 

—  15  décemb.  1856. 

—  15  décemb.  1863. 

—  15  décemb.  1864. 

—  15  décemb.  1864. 


Section  des  sciences  naturelles  (15  membres). 


M. 

)) 

)J 

)) 

» 

)) 

» 


D’Omalius  d’Halloy ,  J.  B.  J.;  à  Ilalloy  .  .  .  Nommé  le 3  juillet  1816. 
Vander  Maelen ,  P.  M.  G.;  à  Bruxelles.  .  .  .  Élu  le  10  janvier  1829. 

Du  Mortier,  B.  C.;  à  Tournai . —  2  mai  1829. 

Wesmael,  C.  ;  à  Bruxelles . —  15  décemb.  1835. 

Van  Beneden,  P.  J.;  à  Louvain . —  15  décemb.  1842. 

le  baron  de  Selys-Longchaiups ,  Edm.;  à  Liège.  —  16  décemb.  1846. 

le  vicomte  Du  Bus,  B.  A.  L.;  à  Bruxelles.  .  —  16  décemb.  1846 


—  3 


M.  Nyst,  Henri  P.;  à  Bruxelles . Élu  le  17  décemb.  1847. 

»  Gluge,  Théophile;  à  Bruxelles . —  15  décemb.  1849. 

»  Poelman,  Charles:  à  Gand . —  18  decemb.  1857. 

»  Dewalque,  G.;  à  Liège . —  18  decemb.  1859. 

».  Candèze,  E.;  à  Liège . —  15  décemb.  1864. 

»  String  ,  Anl.  F.;  à  Liège . —  15  décemb.  1864. 

»  Coemans,  Eugène;  à  Gand . —  15  décemb.  1864. 

»  N . 

CORRESPONDANTS  (10  au  plus). 

M.  Donny,  F.  M.  L.;  à  Gand  ......  .  Élu  le  15  décemb.  1850. 

»»  Montigny,  Charles;  à  Anvers . —  16  décemb.  1857. 

»  Chapuis,  F.;  à  Verviers . —  15  décemb.  1858. 

»  Morren,  Édouard;  à  Liège . —  15  décemb.  1861. 

»  Steichen,  M.;  à  Bruxelles . —  15  décemb.  1861. 

50  ASSOCIÉS. 

Section  des  sciences  mathématiques  et  physiques  (25  associés). 

M.  Vène,  A.;  à  Paris . Élu  le  2  février  1824. 

.  »  Babbage  ,  Ch.;  à  Londres . —  7  octobre  1826. 

»  FIerschel,  John  F.  W.;  à  Londres . —  7  octobre  1826. 

»  South,  James;  à  Londres . —  10  novemb.  1827. 

»  Sabine,  Ed.  ;  à  Londres . — -2  février  1828. 

»  Chasles,  M.;  à  Paris . —  4  février  1829. 

»  Van  Rees,  R.;  à  Utrecht . —  6  mars  1830. 

»  Brewster,  David;  à  Édimbourg . —  5  avril  1834. 

»  Màtteucci  ,  Ch.  ;  à  Pise . —  8  novemb.  1834. 

«  Bâche,  Alex.  D.;  à  Washington . —  9  mai  1842. 

»  De  la  Rive,  Aug.;  à  Genève . —  9  mai  1842. 

»  Dumas,  J.  B.;  à  Paris . —  17  décemb.  1843. 

»  Faraday,  Michel;  à  Woolwich . —  17  décemb.  1847. 

»  Lamarle,  Ern.;  à  Gand . —  17  décemb.  1847. 

»  Wheatstone,  Ch.;  à  Londres . —  15  décemb.  1849. 

»  le  baron  Von  Liebig,  Juste;  à  Munich.  ...  —  15  décemb.  1851. 

»  Airy,  G.  B.;  à  Greenwich . —  15  décemb.  1853. 

»  Maury,  M.;  à  Washington . —  16  décemb.  1854. 


M.  Hansteen  ,  Ch.;  à  Christiania . Élu  le  14  clécemb.  1855. 

»  Argelander,  F.  G.  A.;  à  Bonn .  —  15  décemb.  1856. 

»  Lamont ;  à  Munich . —  16  décemb.  1859. 

»  Hansen,  P.  A.;  à  Gotha . —  15  décemb.  1864. 

)>  Kekulé ,  E.  ;  à  Gand . —  15  décemb  1864. 

»  N . 

»  N . ' . 

Section  des  sciences  naturelles  (25  associés). 

M.  Moreau  de  Jonnès  ,  Alex.;  à  Paris . Élu  le  21  mai  1825. 

»  Bertoloni,  Ant.;  à  Bologne . —  6  octobre  1827. 

»  Granville,  A.  B.;  à  Londres . —  6  octobre  1827. 

»  Barrat,  John;  à  Grassinton-Moor . —  1er  mars  1828. 

»  Taylor,  John;  à  Londres . —  1er  mars  1828. 

»  De  Macedo;  à  Lisbonne . —  15  décemb.  1836. 

»  Decaisne  ;  Jos.;  à  Paris . —  15  décemb.  1836. 

»  Schwann,  Th.;  à  Liège . —  14  décemb.  1841. 

»  De  Martius,  Ch.  Fr.  Ph.;  à  Munich  ....  —  9  mai  1842. 

»  Lacordaire,  Th.  J.;  à  Liège . —  15  décemb.  1842. 

»  Owen,  Richard;  à  Londres . —  17  décemb  1847. 

»  Élie  De  Beaumont,  J.  B.;  à  Paris . —  17  décemb.  1847. 

»  Edwards,  Henri  Milne;  à  Paris . —  15  décemb.  1850. 

»  Flourens,  M.  J.  P.;  à  Paris . —  15  décemb.  1853. 

»  Murchison,  sir  Roderick ;  à  Londres  ....  —  14  décemb.  1855. 

»  Schlegel;  à  Leide . —  16  décemb.  1857. 

»  Agassiz,  Louis;  à  Boston . —  15  décemb  1858. 

»  Haidinger,  Guillaume;  à  Vienne . —  15  décemb.  1858. 

»  Von  Baer,  Ch.  E.;  à  Saint-Pétersbourg  ...  —  16  décemb.  1839. 

»  Lyell  ,  Charles;  à  Londres . —  16  décemb.  1859. 

»  Valentin;  à  Berne . —  15  décemb.  1861. 

»  Gervais,  P  ;  à  Montpellier . —  15  décemb.  1862. 

»  Dana ,  James  D.  ;  à  New-Haven . —  15  décemb.  1864. 

»  Rrongniart,  Adolphe  T.;  à  Paris . —  15  décemb.  1864. 

»  N . 


CLASSE  DES  LETTRES. 


M.  Grandgagnage,  directeur  pour  1865. 
»  Ad.  Quetelet,  secrétaire  perpétuel. 


30  MEMBRES. 


Section  des  lettres  et  Section  des  sciences  morales  et  politiques  réunies. 


M. 

Steur  ,  Ch.;  à  Gand . 

.  .  Élu  le 

5 

décemb. 

1829. 

>ï 

le  baron  de  Gerlache,  E.  C.;  à  Bruxelles 

— 

12 

octobre 

1833. 

).i 

Grandgagnage,  F.  C.  J.  ;  à  Liege 

— 

7 

mars 

1835. 

» 

De  S  met  ,  J.  J.;  à  Gand . 

— 

6 

juin 

1835. 

)> 

Roulez,  J.  E.  G.  ;  à  Gand . 

— 

15 

décemb. 

1837. 

)) 

le  baron  Notuomb,  J.  B.;  à  Berlin  . 

7 

mai 

1840. 

» 

Van  de  Weyer,  Sylvain;  à  Londres 

— 

7 

mai 

1840, 

)) 

Gachard,  L.  P.  ;  à  Bruxelles  .  .  .  . 

— 

9 

mai 

1842. 

)) 

Quetelet,  A.  J.  L.;  à  Bruxelles. 

.  Nommé  le  1er  déc. 

1845. 

)) 

Van  Praet,  Jules;  à  Bruxelles  .... 

.  .  Elu  le  10 

janvier 

1846. 

» 

Borgnet,  A.  C.  J.;  à  Liège . 

— 

10 

janvier 

1846. 

)) 

le  baron  de  Saint-Génois  ,  Jides;  à  Gand 

— 

10 

janvier 

1846. 

)) 

David,  J.  B.  ;  à  Louvain . 

— 

10 

janvier 

1846. 

)) 

Devaux,  P.  L.  L;  à  Bruxelles  .... 

— 

10 

janvier 

1846. 

» 

De  Decker,  P.  J.  F.;  à  Bruxelles  .  .  . 

— 

10 

janvier 

1846. 

)) 

Snellaert  ,  F.  A.;  à  Gand . 

— 

11 

janvier 

1847. 

)) 

Haus,  J.  J.;  à  Gand . 

— 

11 

janvier 

1847. 

)) 

Bormans,  J.  H.;  à  Liège . 

— 

11 

janvier 

1847. 

)) 

Leclercq,  M.  N.  J.;  à  Bruxelles  .  .  . 

7^'' 

17 

mai 

1847. 

)) 

Polain ,  M.  L.;  à  Liège . 

— 

7 

mai 

1849. 

)) 

Baguet,  F.  N.  J.  G.;  à  Louvain  . 

6 

mai 

1850 

)•) 

le  baron  de  Witte,  J.  J.  A.  iVL;  à  Anvers 

— 

6 

mai 

1851. 

j  > 

Faider,  Ch.;  à  Bruxelles . 

— 

7 

mai 

1855. 

i) 

Ducpétiaux  ,  Ed.  ;  à  Bruxelles  . 

— 

4 

mai 

1859. 

)) 

le  baron  Kervyn  de  Lettenhove,  J.  M.  B.  C.; 

à  Bruges.  — 

4 

mai 

1859. 

)) 

Chalon,  R.;  à  Bruxelles . 

4 

mai 

1859 

—  6  — 


M.  Mathieu,  Adolphe  C.  G.:,  à  Bruxelles . Élu  le  19  mai  1863. 

»  Thonissen,  J.  J.;  à  Louvain . —  9  mai  1864. 

.»  N . ,  . 

»  N . 


CORRESPONDANTS  (10  au  plus). 


M.  Ghuyer  ,  Louis:  à  Bruxelles . Élu  le  10  janvier  1846. 

»  Serrure,  C.  P.  ;  à  Gand . —  11  janvier  1847. 

»  Juste  ,  Théodore  ;  à  Bruxelles . —  26  mai  1856. 

»  Defacqz  ,  E.;  à  Bruxelles . —  26  mai  1856. 

»  Guillaume,  H.  L.  G.;  à  Bruxelles . —  9  mai  1860. 

»  Wauters,  Alphonse;  à  Bruxelles . —  9  mai  1860. 

»  Nève,  Félix;  à  Louvain . —  9  mai  1860. 

»  Blohimaert  ,  Philippe;  à  Gand . —  9  mai  1860. 


50  ASSOCIÉS. 


M. 

De  Moléon  ,  J.  G.  V.;  à  Paris  . 

.  .  .Elu  le  14 

octobre 

1820. 

)) 

Lenormand,  L.  Séb.;  à  Paris 

...  —  14 

octobre 

1820. 

» 

De  la  Fontaine  ;  à  Luxembourg 

...  —  23 

décemb. 

1822. 

Cousin.  Yiclor;  à  Paris . 

...  —  6 

octobre 

1827. 

)) 

Cooper,  C.  P.;  à  Londres . 

...  —  5 

avril 

1834. 

» 

Mone,  F.  J.:  à  Carlsruhe  .... 

...  —  7 

mai 

1840. 

» 

Groen  van  Prinsterer;  à  La  Haye  . 

...  —  15 

décemb. 

1840 

)) 

Phillips,  G.;  à  Vienne . 

...  —  15 

décemb. 

1842. 

» 

Ellis,  Henry;  à  Londres  .... 

...  —  9 

février 

1846. 

)) 

Guizot,  F.  P.  G.;  à  Paris  .... 

...  —  9 

février 

1846. 

)) 

Mignet,  F.  A.  A.;  à  Paris  .... 

...  —  9 

février 

1846. 

)) 

De  la  Sagra  ,  Bamon;  à  Madrid 

...  —  9 

février 

1846. 

» 

Ranke,  Léopold;  à  Berlin  .... 

...  —  9 

février 

1846. 

)) 

Salva  ,  Miguel  ;  à  Madrid  .  .  .  . 

...  —  9 

février 

1846. 

)) 

Warnkoenig,  L.  A.;  à  Stuttgart 

...  —  9 

février 

1846. 

)) 

le  baron  Dupin,  Charles;  à  Paris  . 

...  —  11 

janvier 

1847. 

» 

Leemans  .  C.  :  à  Leide . 

...  —  11 

janvier 

1847. 

/ 


—  7  — 


M. 

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» 

)) 

» 

)) 

)) 

» 

» 

» 

)) 

)) 

)) 


Mittermaier,  C.  J.  A.;  à  Heidelberg  • 

Pertz,  G.  H.;  à  Berlin . 

le  comte  Manzoni,  A.;  à  Milan  •  • 

Nolet  deBrauwere  van  Steeland,  J.;  à  Bruxelles 

De  Bonnechose,  Em.;  à  Paris . 

Whewell,  W.  ;  à  Cambridge . 

le  duc  de  Caraiuan  ,  V.  A.  C.;  à  Beaumont 
le  comte  de  Laborde,  Léon;  à  Paris  . 

Le  Clerc,  Victor;  à  Paris . 

le  comte  de  Montalembert,  C.;  a  Pans 
le  chevalier  de  Rossi,  J.  B.;  à  Rome. 

Rau,  C.  H.;  à  Heidelberg . 

Paris,  A.  Paulin;  à  Paris . 

De  Longférier,  Adrien  ;  à  Paris  •  •  •  • 

De  Reumont,  Alfred  ;  à  Borne  • 

le  baron  de  Barante  ;  à  Paris . 

Bogaers ,  A.;  à  Rotterdam . 

le  baron  de  Czoernig,  Ch.;  à  Vienne  . 

Minervini  ;  à  Naples . 

Laeuente ,  Modeste;  à  Madrid  ....  » 

Grote  ,  Georges;  à  Londres . 

Theiner,  Augustin  ,  à  Rome . 

De  Kohne,  Bernard;  a  Saint-Pétersbourg 

Cantù,  César;  à  Milan . 

Lohek  ,  à  Munich . 

De  Vries,  Mathieu;  à  Leide . 

le  chevalier  d’ARNETH  ,  à  Vienne  .... 

Disraeli,  Benjamin  ;  à  Londres  • 

Wolowski,  Louis;  à  Paris . 

Renier,  Léon;  à  Paris . 

Thiers,  Adolphe,  à  Paris . 


Élu  le  1 1  janvier 

1847. 

—  11  janvier 

1847. 

—  17  mai 

1847. 

—  7  mai 

1849. 

—  7  mai 

1849. 

—  7  mai 

1849. 

—  7  mai 

1849. 

—  6  mai 

1851. 

—  7  mai 

1855. 

—  7  mai 

1855. 

—  7  mai 

1855. 

, —  7  mai 

1855. 

—  26  mai 

1856. 

—  26  mai 

1856. 

—  26  mai 

1856. 

—  4  mai 

1859. 

—  4  mai 

1859. 

—  4  mai 

1859. 

—  4  mai 

1859. 

—  4  mai 

1859. 

9  mai 

1860. 

—  9  mai 

1860. 

—  13  mai 

1861. 

—  13  mai 

1861. 

—  13  mai 

1862. 

—  19  mai 

1863. 

—  9  mai 

1864. 

—  9  mai 

1864. 

—  10  mai 

1865. 

—  10  mai 

1865. 

—  10  mai 

1865. 

—  8  — 


CLASSE  DES  BEAUX-ARTS. 


M.  L.  Alvin,  directeur  pour  1865. 

»  Ad.  Quetelet-,  secrétaire  perpétuel. 


50  MEMBRES. 


Section  de  Peinture: 


M.  De  Këyzer,  N.;  à  Anvers  . 

»  Gallait,  Louis;  à  Bruxelles 
»  le  baron  Leys,  H.;  à  Anvers  . 

»  Madou  ,  Jean  ;  à  Bruxelles  . 

»  N  avez,  F.  J.;  à  Bruxelles  . 

»  Verboeckhoven  ,  Eugène;  à  Bruxelles 
»  le  baron  Wappers,  G.  ;  à  Anvers  . 

»  De  Braekelf.er,  F.;  à  Anvers  . 

»  Portaels  ,  Jean  ;  à  Bruxelles 


Nommé  le  1er  décernb.  1845. 

—  lerdécemb.  1845. 

—  Ier  décernb.  1845. 

—  1er  décernb.  1845. 

—  1er  décernb.  1845. 

—  1er  décernb.  1845. 

—  1er  décernb.  1845. 
Élu  le  8  janvier  1847. 

—  4  janvier  1855. 


Section  de  Sculpture  : 


M.  Geefs,  Guillaume;  à  Bruxelles. 
»  Siïuonis,  Eugène;  à  Bruxelles  . 
»  Geefs,  Joseph;  à  Anvers  . 

»  Fraikin,  C.  A.  ;  à  Bruxelles. 


.  Nommé  le  1er  décernb.  1845. 

—  1er  décernb.  1845. 
Élu  le  9  janvier  1846. 

—  8  janvier  1847. 


Section  de  Gravure  : 


M.  Franck  ,  Joseph  ;  à  Bruxelles . Élu  le  7  janvier  1864. 

»  N . . 


Section  d’Archltecture  : 


M.  Partoes,  H.  L.  F.;  à  Bruxelles 


Élu  le  8  janvier  1847. 


—  9  — 


M.  Balat,  Alph .;  à  Bruxelles. 
»  Payen ,  A.;  à  Bruxelles. 

»  Deman ,  G.  ;  à  Bruxelles. 


Section  de  Musique  : 


M.  De  Bériot,  Ch.;  à  Bruxelles  . 
»  Fétis,  Fr.  Jos.;  à  Bruxelles  . 
»  Hanssens,  Ch.  L.;  à  Bruxelles. 
»  Vieuxtemps,  H.;  à  Bruxelles  . 


M.  Alvin,  Louis  J.;  à  Bruxelles  .  . 

»  Quetelet,  A.  J.  L.;  à  Bruxelles  . 
»  Van  Hasselt,  André;  à  Bruxelles. 
»  Fétis,  Ed.  ;  à  Bruxelles. 

»  De  Busscher,  Edm.  ;  à  Gand  . 

»  N . 


CORRESPONDANTS  (10  au  plus.) 

Pour  la  Peinture 

M.  De  Biefve,  Édouard;  à  Bruxelles. 

»  Dyckmans,  J.  L.;  à  Anvers . 

Pour  la  Sculpture  : 

S\I .  Jehotte  ,  Louis  ;  à  Bruxelles 

Pour  la  Gravure  : 

M.  Jouvenel,  A.;  à  Bruxelles  .... 

»  Verswyvel,  Michel  C.  A.  ;  à  Anvers. 


Élu  le 

9  janvier 

1862. 

— 

9  janvier 

1862. 

“ 

12  janvier 

1865. 

Nommé 

le  1er  décemb. 

1845. 

— 

1er  décemb. 

1845. 

_ 

1er  décemb. 

1845. 

_ 

1er  décemb. 

1845. 

Élu  le 

9  janvier 

1862. 

ipports  avec  les  Beaux-Arts  : 

Nommé  le  1er  décemb. 

1845. 

— 

1er  décemb. 

1845. 

— 

1er  décemb. 

1845. 

Élu  le 

8  janvier 

1847. 

— 

5  janvier 

1854. 

1  plus.) 

Élu  le 

9  janvier 

1846. 

,  - 

8  janvier 

1847. 

.  Élu  le 

9  janvier 

1846. 

.  Élu  le 

8  janvier 

1847. 

— 

22  septemb.  1852. 

Pour  la  Musique: 

.  Élu  le  22  septemb.  1852. 

2 


M.  Bosselet,  C.  F.;  à  Bruxelles  . 
Tome  XXXV. 


—  10  — 


Pour  les  Sciences  et  les  lettres  dans  leurs  rapports  avec  les  Beaux-Arts  : 


M.  Siret,  Adolphe;  à  S^Nicolas  . 


.  Élu  le  4  janvier  1855. 


50  ASSOCIÉS. 


Pour  la  Peinture  . 

M.  De  Cornélius,  P.;  à  Berlin . 

»  Landseer,  E.;  à  Londres . 

»  Kaulbach,  W.;  à  Munich . 

»  Ingres,  J.  A.  D.;  à  Paris . 

»  Becker,  J.;  à  Francfort . 

»  Haghe,  L.;  à  Londres . 

»  Schnetz,  J.  V.;  à  Paris . 

»  Picot,  François;  à  Paris . 

»  Robert-Fleury  ,  à  Paris . 

»  Gérome  ;  à  Paris . 

»  N . 


Élu  le  6  février  1846. 

—  6  février  1846. 

—  6  février  1846. 

—  8  janvier  1847. 

—  8  janvier  1847. 

—  8  janvier  1847. 

—  22  septemb.  1852. 

—  7  janvier  1858. 

—  7  janvier  1864. 

—  12  janvier  1865. 


Pour  la  Sculpture  : 


M.  Tenerani,  Pierre;  à  Rome . 

»  Dumont,  A.  A.  ;  à  Paris  .  .  .  . 

»  le  comte  de  Nieuwerkerke  ,  Alf.;  à  Paris 

»  Royer,  L.;  à  Amsterdam . 

»  Kiss  ,  A.  C.  ;  à  Berlin . 

»  Foley,  T.  H.  R.  A.;  à  Londres  . 

»  Cavelier,  P.  J.;  à  Paris . 


Élu  le 


»  JN 


8  janvier  1847. 
22  septemb.  1852. 
22  septemb.  1852. 
22  septemb.  1852. 
8  janvier  1863. 
8  janvier  1863. 
7  janvier  1846. 


Pour  la  Gravure  : 


M. 

Forster,  François;  à  Paris. 

.  Élu  le  6 

février 

1846. 

» 

Henriquel-Dupont,  L.  P.;  à  Paris. 

...  —  8 

janvier 

1847. 

» 

Calamatta,  L.  A.  J.;  à  Milan  . 

...  —  8 

janvier 

1847. 

)) 

Bovy,  Ant.  ;  à  Paris . 

...  —  8 

janvier 

1847. 

)) 

Mercuri  ,  Paul;  à  Rome  .... 

...  —  8 

janvier 

1857. 

)) 

Oudiné,  E.  A.;  à  Paris . 

...  —  8 

janvier 

1857. 

)) 

Martinet,  Achille;  à  Paris. 

...  —  7 

janvier 

1858. 

)) 

Mandel,  Éd.;  à  Berlin . 

.  .  .  —  12 

janvier 

1865. 

11 


Pour  l’Architecture  : 


M.  Donaldson,  Thom.;  à  Londres 
»  Forster,  Louis;  à  Vienne  . 

»  Viollet-le-duc  ,  E.  E.;  à  Paris 
»  Leins;  à  Stuttgart  • 

»  Hittorf,  J.  I.;  à  Paris  . 

»  Daly  ,  César  ;  à  Paris  . 

»>  N . 


M 


M. 


Pour  la  Musique 


Rossini,  J.;  à  Paris  .... 
Auber,  D.  F.  E.;  à  Paris 
Dàussoigne-Méhul,  J.  ;  à  Liège 
Lachner,  Fr.;  à  Munich 
Mercadante,  S.;  à  Naples 
Thomas,  Ambroise;  à  Paris  . 
David,  Félicien;  à  Paris  . 
Verdi  ,  Giuseppe  ;  à  Busetto  . 


Bock,  C.  P.;  à  Fribourg  en  Breisgau 
Waagen,  Gust.;  à  Berlin  . 

De  Coussemaker,  Ed.;  à  Lille  . 
Gerhard,  Éd.;  à  Berlin, 
le  comte  de  Cauihont  ,  A.;  à  Caen 
Quaranta,  Bernard;  à  Naples. 
Ravaisson,  F.;  à  Paris  . 

N . 


Élu  le 

6  février 

1846. 

— 

5  janvier 

1854. 

— 

8  janvier 

1863. 

— 

7  janvier 

1864. 

— 

7  janvier 

1864. 

12  janvier 

1865. 

Élu  le 

6  février 

1846. 

— 

6  février 

1846. 

— 

6  février 

1846. 

— 

8  janvier 

1847. 

— 

22  septemb.  1852. 

— 

8  janvier 

1863 

— 

8  janvier 

1863 

— 

12  janvier 

1865 

ts  avec  les  Beaux-Arts 

Élu  le 

6  février 

1846 

— 

8  janvier 

1847 

— 

8  janvier 

1847 

— 

8  janvier 

1847 

— 

22  septemb.  1848 

— 

5  janvier 

1854 

— 

10  janvier 

1856 

NECROLOGIE 


CLASSE  DES  SCIENCES. 

M.  Cantraine,  F.;  membre,  décédé  le  22  décembre  1865. 

»  Timmermans,  A.;  membre,  décédé  le  51  août  1864. 

»  Kickx,  J.;  membre,  décédé  le  1er  septembre  1864. 

»  d’Udekem,  J.;  membre,  décédé  le  10  décembre  1864. 

»  Struve,  G.;  associé,  décédé  le  11  novembre  1864. 

»  Encre ,  J.  F.,-  associé,  décédé  le  26  août  1865. 

CLASSE  DES  LETTRES. 

M.  de  Ram,  P.  F.  X.;  membre,  décédé  le  14  mai  1865. 

»  Arendt,  G.  A.;  membre,  décédé  le  .  .  .  août  1865. 

»  Rafn,  C.  C.  ;  associé,  décédé  le  20  octobre  1864. 

»  Backhuyzen  Vanden  Brinck;  associé,  décédé  le  15  juillet  1865. 
»  de  Hurter,  Frédéric;  associé,  décédé  le  27  août  1865. 

»  Senior,  G.  Nassau;  associé,  décédé  le  .  .  .  juin  1864. 

CLASSE  DES  BEAUX-ARTS. 

M.  Braemt,  J.  P.;  membre,  décédé  le  1er  décembre  1864. 

»  Demanet,  A.;  membre,  décédé  le  28  mai  1865. 

»  Stüler,  A.;  associé,  décédé  le  18  mars  1865. 

»  Duret,  F.  J.;  associé,  décédé  le  25  mai  1865. 


TABLE 


DES  MÉMOIRES  CONTENUS  DANS  LE  TOME  XXXV. 


CLASSE  DES  SCIENCES. 


Nouvelles  recherches  sur  les  lois  des  proportions  chimiques,  sur  les  poids  atomiques  et  leuis 
rapports  mutuels;  par  M.  J.  S.  Stas. 

Sur  la  stabilité  des  systèmes  liquides  en  lames  minces;  par  M.  Ernest  Lamarle. 

Recherches  sur  les  ossements  provenant  du  crag  d’Anvers  :  Les  Squalodons  ;  par  M.  P.  J.  Van 
Beneden. 

Recherches  sur  les  Bdellodes  ( Hirudinèes )  et  les  Trématodes  marins;  troisième  et  quatrième 
appendices;  par  MM.  P.  J.  Van  Beneden  et  C.  E.  Hesse. 

Mémoire  sur  les  Lombricins;  par  M.  d’Udekem. 

Observations  des  phénomènes  périodiques  des  plantes  et  des  animaux,  pendant  les  années 
1861  et  1862. 


CLASSE  DES  LETTRES. 


Mémoire  historique  sur  la  guerre  de  Maximilien,  roi  des  Romains,  contre  les  villes  de  Flandie 
(U82-1488);  par  M.  J.  J.  De  Smet. 

Mémoire  sur  l’organisation  judiciaire,  les  lois  pénales  et  la  procedure  criminelle  de  1  Egypte 
ancienne;  par  M.  J.  J.  Thonissen. 


0 


H 


. 


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■ 


. 


H 


. 


■ 


NOUVELLES  RECHERCHES 


SUR 


LES  LOIS  DES  PROPORTIONS 


SUR 

LES  POIDS  ATOMIQUES 


LEURS  RAPPORTS  MUTUELS; 

PAR 


N.  J.-S.  ST  AS, 


MEMBRE  DE  L'ACADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE,  PROFESSEUR  A  L'ÉCOLE  MILITAIRE. 


!  Présenté  à  l’Académie,  le  14  janvier  1865.) 


Tome  XXXV. 


NOUVELLES  RECHERCHES 


SUR 

LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES, 

SUR 

LES  POIDS  ATOMIQUES 


LEURS  RAPPORTS  MUTUELS. 


INTRODUCTION. 


J’ai  l’honneur  de  présenter  à  l’Académie  trois  Mémoires  renfermant  l’ex¬ 
posé  détaillé  des  travaux  que  j’ai  entrepris  au  sujet  des  lois  des  proportions 
chimiques,  des  poids  atomiques  et  de  leurs  rapports  mutuels.  J’ai  exécuté 
ces  travaux  dans  le  hut  de  soumettre  à  un  nouveau  contrôle  les  résultats  que 
j’ai  fait  connaître  en  1860  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques 
des  poids  atomiques  *,  et  de  répondre  en  même  temps  à  des  objections  faites 
contre  les  conclusions  si  radicales,  je  l’avoue  volontiers,  par  lesquelles  j’ai 
cru,  après  mûre  réflexion,  devoir  terminer  ce  Mémoire.  Autant  qu’il  m’a  été 


1  Quoique  les  chimistes  n’attachent  jamais  à  l’expression  rapports  réciproques  la  significa¬ 
tion  de  rapports  inverses  qu’elle  a  en  arithmétique,  je  l’ai  cependant  remplacée  dans  le  titre 
actuel  par  les  mots  rapports  mutuels  ,  afin  de  rendre  la  confusion  impossible. 


4 


NOUVELLES  RECHERCHES 


possible  de  le  faire,  j’ai  résumé  dans  celte  introduction  les  différentes  ques¬ 
tions  que  j’ai  traitées,  les  résultats  auxquels  je  suis  arrivé  et  les  conséquences 
qui  en  découlent.  J’ai  agi  ainsi  afin  de  donner  à  ceux  qui  ne  s’intéressent 
point  aux  détails  analytiques  une  idée  de  l’ensemble  de  mes  travaux,  et  de 
dégager  les  faits  de  la  pensée  qui  m’a  dirigé. 

Prout  a  posé  en  principe  que  les.  poids  atomiques  de  tous  les  corps  simples 
sont  des  multiples  en  nombres  entiers  de  celui  de  l’hydrogène.  Je  l’ai  déjà  dit 
dans  mon  précédent  travail ,  l’unité  admise  par  Prout  fut  bientôt  reconnue 
inexacte;  mais  l’idée  qu’il  avait  introduite  dans  la  science  fut  regardée  par 
un  grand  nombre  de  chimistes  comme  parfaitement  fondée  en  fait.  M.  Dumas 
notamment,  profondément  convaincu  de  l’exactitude  du  principe  de  Prout, 
admit  que  tous  les  poids  atomiques  sont  des  multiples  de  celui  de  l’hydrogène, 
par  1,00,  ou  par  0,50,  ou  par  0,25.  Mes  recherches  sur  l’azote,  le  chlore, 
le  soufre,  le  potassium,  le  sodium,  le  plomb  et  l’argent,  publiées  en  1860, 
m’ont  conduit,  au  contraire,  à  cette  conclusion  «  qu’il  n’existe  point  de  commun 
»  diviseur  entre  les  poids  des  corps  simples  qui  s’unissent  pour  former  toutes 
»  les  combinaisons  définies.  »  J’ai  considéré,  en  conséquence,  l’hypothèse  de 
Prout  comme  une  pure  illusion ,  et  j’ai  regardé  tous  les  corps  réputés  indé¬ 
composables  comme  des  êtres  distincts  n’ayant  aucun  rapport  simple  de  poids 
entre  eux. 

En  m’en  rapportant  aux  témoignages  publics  et  privés,  ces  conclusions, 
quelque  absolues  qu’elles  semblent,  ont  été  acceptées  par  un  grand  nombre 
de  chimistes  en  Allemagne,  en  Angleterre  et  en  Italie.  11  n’en  a  pas  été  de 
même  en  France.  Le  motif  de  cette  différence  d’appréciation  réside  dans  la 
conviction  profonde  qu’ont  produite,  dans  l’esprit  d’un  grand  nombre  de  chi¬ 
mistes  français,  les  travaux  de  mon  illustre  maître  sur  le  même  sujet. 

Quelque  délicate  que  soit  ma  position  dans  celte  question,  je  vais  recher¬ 
cher  le  fondement  de  cette  conviction.  A  cet  effet,  je  me  propose  d’examiner 
les  observations  faites  contre  les  conclusions  de  mon  travail.  J’examinerai 
ensuite  le  principe  qui  a  inspiré  Prout  lorsqu’il  a  émis  son  hypothèse;  je 
donnerai  enfin  un  résumé  des  différents  travaux  que  j’ai  entrepris  soit  pour 
répondre  aux  objections,  soit  pour  contrôler  mes  recherches,  soit  pour  en 
faire  de  nouvelles. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


» 


A  peine  mon  Mémoire  avail-il  paru  que  M.  Marignac  s’est  empressé  d’en 
donner  une  analyse  dans  la  Bibliothèque  universelle  de  Genève  ',  en  la  faisant 
suivre  de  quelques  objections  contre  les  conclusions  que  j’ai  déduites  de  mes 
expériences  j  conclusions  qu’il  trouve  trop  absolues.  Qu’il  me  soit  permis 
de  passer  sous  silence  l’appréciation  que  le  célèbre  chimiste  génevois  a 
faite  de  mon  travail,  pour  arriver  directement  à  ses  observations.  Je  les  cite 
pour  la  plupart  in  extenso,  afin  de  mettre  chacun  à  même  de  les  apprécier. 

«  Si  j’ai  rappelé,  dit  M.  Marignac1 2,  à  côté  des  nombres  de  M.  Stas, 

»  ceux  que  j’avais  obtenus  autrefois,  ce  n’est  point  dans  le  but  unique 
»  d’en  signaler  le  grand  rapprochement;  il  me  semble  que  l’on  peut  en 
»  tirer  une  conséquence  importante.  Je  puis  bien  reconnaître,  après  avoir 
»  étudié  le  beau  travail  de  ce  savant,  qu’il  a  apporté  dans  ses  expériences  des 
»  soins  infiniment  plus  minutieux  que  ceux  que  j’avais  cru  devoir  prendre, 
»  soit  pour  la  purification  des  corps  soumis  à  ses  recherches,  soit  pour 
»  l’exactitude  des  pesées,  soit  pour  toutes  les  précautions  qui  pouvaient  être 
»  imaginées  dans  le  but  d’écarter  toute  cause  d’erreur.  Ses  résultats  offrent 
»  donc  beaucoup  plus  de  garanties  d’exactitude  que  les  miens,  et  cependant 
»  on  voit  combien  peu  ils  en  diffèrent,  et  l’on  remarquera  surtout  qu’ils  ne 
»  sont  point  en  moyenne  plus  rapprochés  que  les  miens  des  chiffres  calculés 
»  d’après  la  loi  de  Proul.  Il  me  semble  qu’il  est  permis  de  conclure  de  là  que, 
»  si  après  de  nouveaux  perfectionnements  apportés  soit  dans  les  moyens  de 
»  purification  des  corps,  soit  dans  les  méthodes  expérimentales,  quelque 
»  chimiste  vient  plus  tard  à  reprendre  la  même  série  d’expériences  avec  de 
»  plus  grandes  garanties  encore  d’exactitude,  la  différence  qui  pourra  se 
»  manifester  entre  ses  résultats  et  ceux  de  M.  Stas  sera  très-probablement  du 
»  môme  ordre  que  celle  qui  existe  entre  ceux-ci  et  les  miens,  et  qu’il  n’en 
»  ressortira  pas  un  accord  plus  grand  avec  la  loi  de  Proul. 

»  31on  opinion  sur  ce  point  étant  énoncée,  on  s’étonnera  peut-être  que  je 
»  ne  me  range  pas  entièrement  aux  conclusions  admises  par  M.  Stas,  savoir 
»  qu’on  doit  considérer  la  loi  de  Prout  comme  une  pure  illusion,  et  regarder 


1  Archives  dés  sciences  physiques  et  naturelles  (nouvelle  période),  t  IX,  année  1800.  p.  97. 

2  Idem,  page  105. 


6 


NOUVELLES  RECHERCHES 


»  les  corps  indécomposables  de  notre  globe  comme  des  êtres  distincts  n’ayant 
»  aucun  rapport  simple  de  poids  entre  eux.  Qu’on  me  permette,  ajoute 
»  M.  Marignac,  quelques  observations  sur  ces  conséquences,  qui  me  parais- 
»  sent  trop  absolues  ;  elles  porteront  sur  deux  points  distincts. 

»  Et  d’abord,  j’avoue  que  je  ne  serai  convaincu  de  l’exactitude  d’un  poids 
»  atomique ,  ou  plutôt  que  je  ne  me  ferai  une  idée  nette  du  degré  de  confiance 
»  qu’elle  mérite  que  lorsque  ce  poids  aura  été  obtenu  par  plusieurs  méthodes 
»  absolument  indépendantes  les  unes  des  autres ,  reposant  sur  l’analyse  de 
»  plusieurs  composés  tout  à  fait  distincts.  » 

Je  partage  entièrement  l’opinion  de  M.  Marignac  sur  ce  point,  et  ce  qui 
le  prouve,  c’est  que,  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des 
poids  atomiques ,  j’ai  donné  des  éléments  absolument  indépendants  pour  cal¬ 
culer  le  poids  atomique  de  l’argent,  quoique  cependant  mes  expériences 
eussent  pour  but  principal  la  détermination  des  rapports  des  poids  atomiques 
et  non  pas  les  poids  atomiques  eux-mêmes.  Du  reste,  on  le  verra  plus  loin, 
j’ai  essayé  de  satisfaire  au  désir  exprimé  par  M.  Marignac. 

«  J’ajoute  expressément,  continue  M.  Marignac,  que  j’entends  par  des 
»  méthodes  différentes  celles  qui  reposent  sur  l’analyse  ou  la  synthèse  de 
»  composés  absolument  distincts,  et  non  pas  seulement  celles  qui  ne  diffè- 
»  rent  que  par  la  manière  de  faire  réagir  les  mêmes  composés.  Ainsi  lorsque, 
»  dans  mon  premier  travail,  j’ai  invoqué  comme  preuve  d’exactitude  la  coïn- 
»  cidence  du  rapport  observé  entre  l’argent  et  le  chlorure  de  potassium  avec 
»  celui  que  l’on  aurait  calculé  d’après  d’autres  expériences,  donnant  le  rap- 
»  port  direct  entre  le  chlore  et  l’argent,  ou  lorsque  31.  Stas  invoque  comme 
»  un  contrôle  de  la  synthèse  de  l’azotate  d’argent,  les  expériences  par 
»  lesquelles  il  a  déterminé  le  rapport  proportionnel  entre  cet  azotate  et  le 
»  chlorure  de  potassium  relié  lui-même  directement  à  l’argent,  je  ne  vois 
»  là  qu’une  confirmation  de  l’exactitude  avec  laquelle  ont  été  faites  les  expé- 
»  riences,  mais  nullement  celle  de  la  méthode  expérimentale  elle-même.  » 

Je  ne  puis  partager  sur  ce  point  l’opinion  de  mon  célèbre  contradicteur. 
La  concordance  des  résultats  obtenus  à  l’aide  de  ce  contrôle  prouve  non-seu¬ 
lement  que  les  expériences  ont  été  faites  avec  exactitude,  mais  encore  que  la 
synthèse  de  l’azotate  d’argent,  de  même  que  la  composition  normale  de  ce 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  7 

sel,  ne  se  concilient  pas  avec  la  loi  de  Prout.  En  effet,  pour  échapper  à  cette 
conséquence  nécessaire,  M.  Marignac  est  obligé  de  faire  une  hypothèse  qui  est 
la  négation  du  principe  sur  lequel  repose  la  détermination  des  poids  ato¬ 
miques. 

«  Si,  par  une  cause  quelconque,  dit-il,  l’azotate  d’argent  dans  les  condi- 
»  lions  les  plus  normales  de  sa  préparation  ne  renferme  pas  ses  éléments  dans 
»  les  proportions  rigoureuses  de  leurs  poids  atomiques,  toutes  les  méthodes 
»  les  plus  exactes  appliquées  à  son  analyse  ou  à  sa  synthèse  donneront  avec 
»  la  même  inexactitude  le  rapport  de  ces  poids. 

»  C’est  là  en  effet  la  cause  principale  du  doute  qui  règne  encore  dans  mon 
»  esprit.  Il  ne  m’est  pas  absolument  démontré  que  bien  des  corps  composés 
»  ne  renferment  pas  constamment  et  normalement  un  excès,  très-faible  sans 
»  doute,  mais  sensible  dans  des  expériences  très-délicates,  de  l’un  de  leurs 
»  éléments.  » 

L’objection  de  M.  Marignac  signifie  qu’il  n’est  pas  démontré  que,  dans 
les  combinaisons  chimiques  stables  (  et  j’admets  que  l’azotate  et  le  sulfure 
d’argent  sont  dans  ce  cas),  les  éléments  qui  les  constituent  sont  exacte¬ 
ment  et  d’une  manière  invariable  dans  le  rapport  de  leurs  poids  atomiques. 
Il  me  semble  que  cette  opinion,  si  elle  est  fondée  en  fait,  conduit  au  ren¬ 
versement  de  toutes  les  notions  fondamentales  ;  la  loi  des  proportions  définies , 
la  loi  des  proportions  multiples,  cessent  d’être  des  lois  mathématiques,  elles 
deviennent  forcément  des  lois  limites.  L’hypothèse  de  l’existence  d’atomes  n’a 
plus  de  raison  scientifique  d’être;  en  effet,  elle  n’a  d’autre  fondement  solide 
que  la  constance  réelle  et  non  point  virtuelle  des  combinaisons,  et  Y  invaria¬ 
bilité  réelle  et  non  point  virtuelle  des  rapports  en  poids  des  éléments  qui  les 
forment. 

Je  ne  me  dissimule  pas  que  parmi  les  notions  fondamentales  de  la  chimie  il 
en  existe  une  foule,  comme  dans  toutes  les  autres  sciences,  que  l’on  a  admises 
comme  étant  démontrées,  et  qui  sont  bien  loin  de  l’être.  Examinons  donc  ce 
qui  en  est  pour  la  loi  des  proportions  définies.  Elle  repose  sur  les  analyses  et 
les  synthèses  exécutées  depuis  un  siècle  bientôt.  Ces  deux  données  ne  me 
semblent  laisser  aucun  doute,  même  pour  l’esprit  le  plus  exigeant,  sur  l’exac¬ 
titude  du  fait  généralement  admis  de  la  constance  de  toute  combinaison; 


8 


NOUVELLES  RECHERCHES 


mais  la  constance  de  composition  de  toute  combinaison  ne  prouve  pas  que  les 

rapports  en  poids,  que  leurs  éléments  observent,  doivent  se  maintenir  d  une 

« 

manière  absolue  dans  des  combinaisons  avec  d’autres  corps.  Ainsi  la  compo¬ 
sition  du  sulfure  et  du  sulfate  de  baryum  peut  être  constante,  sans  que  pour 
cela  le  rapport  en  poids  du  soufre  au  baryum  dans  le  sulfure  soit  absolument 
identique  au  rapport  que  ces  mêmes  corps  présentent  entre  eux  dans  le  sul¬ 
fate  de  baryum.  Le  caractère  fondamental  que  l’on  observe  dans  certaines 
doubles  décompositions,  c’est-à-dire  le  maintien  de  la  neutralité  du  liquide  au 
sein  duquel  ce  phénomène  s’est  accompli,  et  qui  a  porté  Wenzel,  il  y  a  un 
siècle  bientôt,  à  supposer  l’existence  d’une  loi,  ne  démontre  pas  rigoureu¬ 
sement  que  les  rapports  relatifs  des  métaux  alcalins  et  terreux  qui  se  rempla¬ 
cent  dans  une  quantité  donnée  d’un  même  acide  sont  les  mêmes  pour  tous 
les  acides,  pas  plus  que  V altération  de  cette  neutralité  ne  démontre  que  ces 
rapports  relatifs  ne  sont  pas  les  mêmes. 

Les  travaux  de  Wollaston  et  de  Gay-Lussac,  sur  lesquels  on  s’est  appuyé 
au  commencement  de  ce  siècle,  n’offrent  point  le  degré  de  précision  voulu  pour 
en  déduire  avec  certitude  que  l’hypothèse  de  Dalton,  connue  sous  le  nom  de 
loi  des  proportions  multiples,  est  l’expression  d’une  loi  mathématique  ou 
simplement  d’une  loi  limite. 

Lorsqu’on  pèse  bien  toutes  les  raisons  qui  ont  guidé  les  chimistes  pour 
considérer  la  loi  de  Wenzel  et  l’hypothèse  de  Dalton  comme  des  vérités  démon¬ 
trées,  on  reste  convaincu  qu’ils  se  sont  plutôt  basés  sur  la  constance  de  com¬ 
position  des  combinaisons  que  sur  une  démonstration  expérimentale  rigou¬ 
reuse  de  ces  lois.  En  se  plaçant  au  point  de  vue  strict  des  principes,  on  peut 
donc  révoquer  en  doute  qu’il  soit  prouvé  que  les  corps  composés,  produits 
dans  les  conditions  normales  de  leur  formation,  renferment  leurs  éléments 
dans  les  proportions  rigoureuses  des  poids  de  leurs  atomes.  Du  moment  que 
les  lois  des  proportions  chimiques  peuvent  être  envisagées  comme  des  lois 
limites,  quelque  improbable  que  cela  soit,  les  partisans  de  l’hypothèse  de  Prout 
peuvent  supposer,  comme  le  fait  M.  Marignac,  que  si  les  poids  atomiques 
déterminés  à  l’aide  de  l’expérience  ne  coïncident  pas  exactement  avec  l’hy¬ 
pothèse  du  chimiste  anglais,  cet  écart  provient  de  ce  que  les  combinaisons  ne 
renferment  pas  leurs  éléments  dans  les  rapports  exacts  de  leurs  poids  ato- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


9 


iniques.  Dans  ce  cas,  tout  moyen  de  soumettre  la  loi  de  Prout  à  une  vérifica¬ 
tion  expérimentale  échappe  à  nos  investigations.  La  détermination  des  poids 
atomiques  perd  également  de  l’importance  qu’on  a  attribuée  jusqu’ici  à  ces 
poids  comme  constantes  de  la  nature ,  parce  qu’on  a  la  certitude  a  priori  que 
l’expérience  la  plus  exacte  ne  peut  fournir  que  des  poids  atomiques  moyens 
ou  limites y  et  non  plus  les  vrais  rapports  des  poids  des  atomes. 

Mais  si,  à  mon  tour,  j’examine  la  base  sur  laquelle  repose  l’hypothèse  de 
Prout  et  la  probabilité  de  son  exactitude,  avec  la  rigueur  que  j’ai  mise  à  cher¬ 
cher  à  me  convaincre  si  les  lois  des  proportions  chimiques  sont  démontrées 
comme  lois  mathématiques,  j’arrive  à  d’autres  incertitudes  que  celles  que  la 
méthode  scientifique  stricte  laisse  au  sujet  des  lois  fondamentales  des  com¬ 
binaisons  chimiques.  M.  Marignac  l’a  rappelé,  le  principe  qui  a  porté  Proul 
à  émettre  son  hypothèse  est  celui  de  l’unité  de  la  matière.  Le  chimiste 
anglais  a  cru  voir  cette  unité  dans  l’hydrogène.  Je  l’ai  déjà  dit,  les  travaux 
de  M.  Penny,  de  Glasgow,  et  de  M.  Marignac,  ont  prouvé  qu’elle  est  de 
moitié  au  moins  trop  grande  en  ce  qui  concerne  le  chlore.  M.  Marignac 
et  M.  Dumas  ont  démontré  le  même  fait  pour  le  baryum;  de  plus,  leurs 
recherches  ont  établi  qu’elle  est  quatre  fois  trop  grande  pour  le  strontium  ; 
enfin,  je  crois  avoir  démontré  qu’elle  est  huit  fois  trop  grande  pour  le 
potassium,  et  au  moins  seize  fois  trop  grande  pour  l’azote. 

Je  le  sais,  de  l’inexactitude  du  choix  de  l’unité  admise  par  Prout  ne 
résulte  pas  nécessairement  le  renversement  de  son  hypothèse,  car  l’idée  de 
Prout  est  indépendante  de  la  grandeur  de  l’unité,  comme  M.  Marignac  l’a  fait 
observer  le  premier.  En  effet ,  l’hypothèse  subsiste,  soit  qu’elle  s’applique  à 
des  corps  existants,  connus  ou  non,  soit  même  à  une  matière  première 
n  ayant  plus  d’existence  actuelle.  En  admettant  ces  considérations  comme 
fondées,  je  suis  naturellement  conduit  à  examiner  en  principe  la  légitimité 
des  conclusions  des  chimistes  qui  s’appuient  sur  l’expérience  pour  considérer 
l’hypothèse  comme  l’expression  d’une  loi  naturelle  probable. 

Lorsqu  on  remonte  à  l’origine  de  l’hypothèse,  on  s’aperçoit  immédiate¬ 
ment  qu’elle  doit  sa  source  à  un  préjugé,  ou,  si  l’on  veut,  à  une  opinion  pré¬ 
conçue  concernant  la  simplicité  des  lois  de  la  nature.  Pendant  longtemps  les 

chimistes  comme  les  physiciens,  dès  l’instant  qu’ils  ont  vu  certains  faits  se 
Tome  XXXV.'  9 


iO 


NOUVELLES  RECHERCHES 


reproduire  avec  une  apparence  de  régularité,  ont  cru  à  l’existence  d’une  loi 
naturelle  susceptible  d’être  exprimée  par  une  relation  mathématique  simple ; 
de  plus  ils  ont  contracté  l’habitude  de  considérer  la  loi  comme  démontrée  du 
moment  qu’ils  avaient  exécuté  ou  des  pesées  ou  des  mesures  qui  ne  s’en 
écartaient  pas  trop.  La  confiance  dans  le  préjugé  était  telle,  qu’ils  attribuaient 
invariablement,  soit  à  la  méthode  d’observation,  soit  à  l’erreur  inévitable 
dans  l’expérience,  les  différences  qu’ils  observaient.  Cette  tendance  de  l’esprit, 
et  je  dirai  volontiers  des  plus  grands  esprits,  a  fait  considérer  comme  lois 
mathématiques  rigoureusement  démontrées ,  la  loi  de  Boyle  ou  de  Mariotte , 
la  loi  de  Gay-Lussac  concernant  la  dilatation  des  gaz  par  la  chaleur,  la  loi  de 
Dulong  et  Petit  relative  aux  chaleurs  spécifiques  des  corps  :  on  sait  cepen¬ 
dant  aujourd’hui  à  ne  pas  en  douter  que  ce  sont  des  lois  limites,  si  tant  est 
même  qu’on  puisse  maintenir  comme  telle  la  relation  établie  par  Dulong  et 
Petit  entre  les  poids  atomiques  et  les  chaleurs  spécifiques. 

C’est  à  cette  même  tendance,  d’ailleurs  très-naturelle,  qu’on  doit  l’hypo¬ 
thèse  de  Prout.  Il  me  serait  par  trop  aisé  de  prouver  que  le  chimiste  anglais 
s’est  contenté  d 'à  peu  près,  autorisés  peut-être  à  son  époque,  pour  conclure 
que  les  faits  se  conciliaient  avec  son  opinion.  Je  rendrai  plutôt  hommage  au 
but  élevé  qu’il  s’est  proposé  en  l’émettant;  mais  aujourd’hui  nous  avons  le 
droit  et  le  devoir  même  d’être  plus  exigeants  envers  les  partisans  de  son 
hypothèse.  Quoique  cet  exposé  serve  de  réponse  aux  objections  de  M.  Mari- 
gnac,  je  n’examinerai  pas  non  plus  si  ses  admirables  travaux  nous  autorisent 
à  admettre  la  probabilité  de  l’exactitude  de  la  loi  de  Prout.  J’aurais  mauvaise 
grâce  à  le  faire,  puisque  le  célèbre  chimiste  génevois  ne  croit  pas  plus  que 
moi  qu’on  parvienne  à  concilier  l’expérience  avec  l’hypothèse  de  Prout.  Il  ne 
me  reste  donc  pour  cet  examen  que  les  recherches  publiées  par  M.  Dumas; 
c’est  d’ailleurs  sur  elles  que  tous  les  partisans  de  l’hypothèse  de  l’unité  de  la 
matière  se  fondent  pour  la  considérer  comme  l’expression  d’une  loi  naturelle. 
Je  vais  examiner  avec  une  réserve  que  les  chimistes  voudront  bien  apprécier, 
je  l’espère,  si  les  résultats  consignés  dans  son  Mémoire  sur  les  équivalents 
des  corps  simples  démontrent  la  loi  ou  la  rendent  probable. 

Si  l’on  en  excepte  une  ou  deux,  toutes  les  déterminations  consignées  par 
M.  Dumas  dans  ce  travail  reposent  sur  les  poids  atomiques  de  l’argent  et  du 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


11 


chlore  représentés  respectivement  par  108  et  par  35,5.  Aucune  de  ces 
deux  valeurs  n’a  été  fixée  expérimentalement  par  lui.  II  les  a  déduites  des 
travaux  de  M.  Marignac ,  qui ,  reliant  l’argent  au  chlore  directement  par  la 
synthèse  du  chlorure  et  l’analyse  du  chlorate  d’argent,  et  indirectement  par 
le  chlorure  et  le  chlorate  de  potassium,  a  trouvé  de  107,91  à  107,92  poul¬ 
ie  poids  atomique  de  l’argent,  et  35,455  pour  le  poids  atomique  du  chlore. 
A  la  vérité,  mon  illustre  maître  a  cherché  si  la  composition  du  chlorure  d’ar¬ 
gent  peut  se  représenter  par  le  rapport  de  108  à  35,50,  et  il  a  trouvé  en 
effet  qu’il  en  est  ainsi  ;  mais  en  admettant  môme  ce  fait ,  du  reste  fort  contes¬ 
table,  en  résulte-t-il  que  les  poids  atomiques  de  l’argent  et  du  chlore  sont 
respectivement  108  et  35,5?  Évidemment  non;  car  tous  poids  atomiques  de 
ces  deux  corps,  qui  sont  entre  eux  rigoureusement  dans  le  même  rapport, 
satisfont  à  la  condition  de  la  composition. 

Pour  que  les  conséquences  que  l’on  déduit  du  rapport  de  108  à  35,50 
soient  légitimes ,  il  faut  donc  avoir  démontré  a  priori  que  ces  chiffres  repré¬ 
sentent  les  véritables  poids  atomiques  de  l’argent  et  du  chlore.  Or,  les  travaux 
de  M.  Marignac  et  les  recherches  publiées  postérieurement  par  d’autres  chi¬ 
mistes  ne  permettent  point  de  considérer  ce  fait  comme  prouvé.  Des  détermi¬ 
nations  qui  méritent  le  plus  de  confiance,  il  ne  résulte  même  pas  qu’il  soit 
probable. 

Lorsque  M.  Marignac  a  tenté  la  synthèse  du  chlorure  et  l’analyse  du  chlo¬ 
rate  d’argent,  pour  déduire  de  ces  deux  données  le  poids  atomique  de  leurs 
éléments  en  fonction  de  l’oxygène ,  il  a  signalé  dans  l’analyse  du  chlorate  une 
cause  d’erreur  dont  l’effet  est  plutôt  d’augmenter  le  poids  atomique  que  de  le 
diminuer.  J’ai  constaté  la  même  cause  d’erreur,  comme  je  l’expose  plus  loin. 
Et  cependant  le  résultat  est  en  sens  inverse  de  celui  que  la  cause  d’erreur 
devrait  produire;  au  lieu  de  conduire  à  un  chiffre  supérieur  à  108,  il  a 
donné  107,91.  Les  travaux  de  M.  Marignac,  interprétés  dans  le  sens  de  ses 
propres  observations,  ne  nous  autorisent  donc  point  à  admettre  comme 
démontré,  ni  même  comme  probable,  que  le  poids  atomique  de  l’argent  est 
108  et  celui  du  chlore  35,50.  Mais  je  vais  supposer  pour  un  moment  que 
je  m’abuse  dans  mes  appréciations  :  la  base  sur  laquelle  M.  Dumas  a  fondé 
ses  déterminations  étant  donc  admise,  ses  recherches  prouvent-eïïes  que  les 


NOUVELLES  RECHERCHES 


12 

poids  atomiques  des  corps  sur  lesquels  mon  illustre  maître  a  opéré  sont  bien 
réellement  multiples  par  1,00 ,  par  0,50  ou  par  0,25?  Je  ne  le  pense  pas.  En 
effet,  quelles  que  soient  son  habileté  et  sa  pénétration  bien  connues  pour 
découvrir  et  éviter  les  causes  d’erreur  dans  l’expérience,  les  quantités  de 
matières  employées  n’ont  jamais  été  assez  grandes  pour  que  les  résultats 
obtenus  puissent  renfermer  en  eux  les  éléments  d’une  démonstration.  Mon 
opinion,  mûrement  réfléchie,  n’a  jamais  varié  à  ce  sujet.  Lorsqu’on  veut 
démontrer  que  les  poids  atomiques  sont  multiples  par  1,00,  ou.  par  0,50, 
ou  par  0,25,  il  me  semble  évident  que  dans  ce  cas  les  résultats  d’où  l’on 
déduit  ces  conséquences  doivent  rester  constants  dans  la  décimale  de  chacun 
de  ces  facteurs.  Ainsi,  pour  rendre  ma  pensée  plus  claire,  je  dirai  :  pour 
qu’on  puisse  considérer  comme  prouvé  que  certains  poids  atomiques  sont 
multiples  de  0,25,  il  faut  que  dans  l’expérience  la  deuxième  décimale  de  la 
valeur  du  poids  atomique  reste  constante.  En  agissant  autrement,  on  déduit 
la  loi  de  l’hypothèse  et  non  pas  de  l’expérience. 

Or,  en  examinant  à  ce  point  de  vue  les  déterminations  faites  parM.  Dumas, 
on  reste  convaincu  que,  quelque  admirable  que  soit  leur  degré  de  précision, 
elles  ne  satisfont  point  suffisamment  à  ces  conditions.  A  mon  avis,  elles  ne 
peuvent  même  pas  y  satisfaire;  car,  en  supposant  absolument  pures  les 
matières  sur  lesquelles  il  a  opéré,  comment  faire  la  part  du  fait  naturel  ou  de 
la  loi,  et  de  l’erreur  dé  l’observation,  lorsque  cette  erreur  est  aussi  grande 
dans  la  majeure  partie  des  cas  que  la  différence  qu’il  s’agit  de  constater? 

On  ne  peut  donc  pas  se  baser  sur  ces  déterminations  pour  considérer  l’hy¬ 
pothèse  de  Prout  comme  étant  l’expression  d’une  loi  naturelle  probable,  et 
moins  encore  d’une  loi  démontrée,  pour  les  corps  auxquels  ces  déterminations 
s’appliquent. 

Si  les  observations  que  je  viens  de  présenter  sont  exactes ,  la  démonstra¬ 
tion  de  l’hypothèse,  qui  incombe  à  celui  qui  la  proclame  une  vérité  naturelle, 
sera  d’autant  plus  difficile  à  faire  qu’on  diminuera  davantage  l’unité.  Les 
chimistes  qui  abaissent  cette  unité,  à  mesure  que  l’expérience  rigoureuse 
démontre  le  peu  de  fondement  de  l’unité  proposée,  se  méprennent  donc  étran¬ 
gement  sur  les  conséquences  des  principes  qu’ils  posent. 

Mais,  je  le  reconnais,  tout  ce  que  l’on  peut  objecter  contre  la  loi  de  Prout 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


13 


ne  peut  remplacer  la  démonstration  rigoureuse  de  la  loi  des  proportions 
définies,  démonstration  qui  incombe  à  ceux  qui  se  basent  sur  elle  pour 
déclarer  non  fondée  l’hypothèse  du  chimiste  anglais.  L’objection  de  M.  Mari- 
gnac,  qui  doute  que  les  corps  composés  renferment  leurs  éléments  dans  les 
proportions  rigoureuses  de  leurs  poids  atomiques,  subsiste  donc  dans  toute  sa 
force,  et  conserve  la  valeur  que  lui  donne  l’autorité  de  son  nom.  Il  résulte  de 
tout  ce  qui  précède ,  que  le  problème  que  j’ai  essayé  de  résoudre  n’est  pas 
susceptible  d’une  solution  rigoureuse,  tant  que  je  n’aurai  pas  prouvé  par  de 
nouvelles  expériences  que  la  loi  des  proportions  définies  est  l’expression  d’une 
relation  mathématique. 

Ces  considérations  m’ont  porté  à  tenter  une  démonstration  rigoureuse  de 
cette  loi,  quelque  difficile,  inabordable  même  que  m’ait  paru  d’abord  le  pro¬ 
blème.  Telle  qu’elle  est  généralement  entendue,  elle  se  compose  de  deux 
vérités  naturelles  distinctes,  quoique  l’une,  à  proprement  parler,  ne  soit  que  la 
conséquence  de  l’autre.  Ces  vérités  sont  la  constance  de  composition  de  toute 
combinaison  et  l’invariabilité  des  rapports  en  poids  des  éléments  formant 
toutes  les  combinaisons.  Quoique,  à  mon  sens,  il  ne  reste  aucun  doute  sur 
la  constance  de  composition  des  combinaisons  chimiques ,  j’ai  cherché  néan¬ 
moins  si  la  composition  des  corps  dits  stables  n’est  point  fonction ,  clans  une 
limite  très-étroite ,  des  conditions  dans  lesquelles  les  combinaisons  se  forment, 
telles  que  la  température  et  la  pression.  J’ai  abordé  ensuite  le  problème  de 
la  loi  dans  toute  sa  généralité.  En  y  réfléchissant,  on  s’aperçoit  qu’on  peut 
arriver  à  sa  solution  par  deux  moyens  différents  :  par  la  voie  directe,  et  par 
la  voie  indirecte  qui  résout  à  la  fois  la  question  de  la  loi  des  proportions 
définies  et  celle  de  l’hypothèse  de  Prout.  J’entends  par  voie  directe  celle  par 
laquelle  on  démontre  que  le  rapport  de  poids  que  tous  les  corps  observent  en 
s’unissant  entre  eux ,  un  à  un ,  un  à  deux ,  etc.,  reste  invariable. 

Dans  le  premier  Mémoire  ci-joint  intitulé  :  Recherches  nouvelles  sur  les 
lois  des  proportions  chimic/ues ,  sont  consignées  les  expériences  que  j’ai 
tentées  pour  résoudre  ces  problèmes  importants.  Ce  Mémoire  se  compose  de 
deux  parties  :  la  première  a  pour  titre  :  De  la  constance  de  composition  des 
combinaisons  dites  stables.  Dans  le  but  de  résoudre  la  question  de  savoir  si, 
lors  de  la  formation  des  corps  composés,  la  pression  ou  la  température  exer- 


14 


NOUVELLES  RECHERCHES 


cent  une  influence  sur  les  rapports  qu’observent  entre  eux  les  éléments  qui 
les  constituent,  j’ai  repris  la  détermination  du  rapport  proportionnel  entre 
l’argent  et  le  chlorure  d’ammonium ,  qui  a  déjà  fait  de  ma  part  l’objet  de  si . 
longues  investigations.  J’ai  choisi  ce  moyen,  parce  qu’il  permet  de  faire 
intervenir  comme  condition  de  formation  tantôt  la  température,  tantôt  la 
pression ,  et  ensuite  parce  que  l’opération  peut  être  exécutée  avec  une  préci¬ 
sion  qui  touche  à  l’exactitude  mathématique. 

Les  résultats  auxquels  je  suis  arrivé  prouvent  que,  dans  la  limite  dans 
laquelle  j’ai  dû  me  renfermer  pour  rendre  l’expérience  possible,  la  tempéra¬ 
ture  n  exerce  aucune  influence  sur  la  composition  clu  chlorure  d’ammonium 
et  sur  la  composition  du  chlorure  d’argent ;  ils  démontrent  que  la  pression 
est  sans  influence  aucune  sur  la  composition  du  chlorure  d’ammonium.  En 
effet,  le  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  d’ammonium  et  l’argent  est 
représenté  par  une  constante,  quel  que  soit  le  mode  de  formation  du  chlorure 
ammonique  ou  du  chlorure  argentique. 

La  deuxième  partie  de  ce  Mémoire  est  intitulée  :  De  l’invariabilité  des  rap¬ 
ports  en  poids  des  éléments  formant  les  combinaisons  chimiques.  Pour 
résoudre  ce  problème,  j’ai  recherché  si,  dans  les  corps  binaires  et  dans  les 
corps  ternaires,  ayant  chacun  deux  éléments  communs ,  les  éléments  communs 
existent  invariablement  dans  les  mêmes  rapports  en  poids;  autrement  dit,  si 
dans  deux  corps  AB  et  ABC,  les  rapports  en  poids  de  A  à  B  sont  exactement 
les  mêmes  dans  AB  que  dans  ABC.  Dans  cette  intention ,  j’ai  institué  trois  séries 
de  recherches;  les  résultats  auxquels  elles  m’ont  conduit  sont  consignés  dans 
trois  notices  intitulées  :  1°  Recherches  sur  la  transformation  de  l’iodate  d’ar¬ 
gent  en  iodure ,  sous  l’influence  de  l’acide  sulfureux,  faites  dans  le  but  de  con¬ 
stater  si  le  rapport  en  poids  de  l’iode  à  l’argent  est  le  même  dans  ces  deux 
corps ;  2°  Recherches  sur  la  transformation  du  bromate  d’argent  en  bromure, 
sous  l’influence  de  l’acide  sulfureux,  faites  dans  le  but  de  constater  si  le  rap¬ 
port  du  brome  êi  l’argent  est  le  même  dans  les  deux  corps  ;  3°  Recherches  sur 
la  transformation  du  chlorate  d’argent  en  chloruré,  sous  l’influence  de  l'acide 
sulfureux ,  faites  dans  le  but  de  constater  si  le  rapport  en  poids  du  chlore  à 
l’argent  est  le  même  dans  ces  deux  corps.  Il  résulte  de  ces  trois  séries  de  tra¬ 
vaux  que,  sous  l’influence  de  l’acide  sulfureux,  l’iodate,  le  bromate,  le  chlo- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


15 


raie  d’argent  produits  clans  les  conditions  normales  de  leur  formation,  peu¬ 
vent  être  ramenés  à  l’état  d’iodure,  de  bromure,  de  chlorure,  sans  qu'une 
fraction,  quelque  minime  quelle  soit,  d’iocle,  de  brome,  de  chlore  ou  d’argent 
devienne  libre.  L’invariabilité  des  rapports  en  poids  des  éléments  qui  consti¬ 
tuent  ces  composés  est  donc  démontrée. 

De  la  combinaison  des  deux  ordres  de  faits  que  je  viens  d’essayer  de 
prouver  découle  nécessairement  que  les  corps  s’unissent  dans  des  rapports 
absolument  fixes  et  invariables,  que  ces  rapports  sont  de  véritables  con¬ 
stantes ,  et  que  les  lois  des  proportions  chimiques  qui  ont  servi  de  base  expé¬ 
rimentale  à  l’ hypothèse  atomique ,  sont  des  lois  mathématiques,  comme  les 
chimistes  l’ont  admis  depuis  bientôt  un  demi-siècle.  La  conséquence  légitime 
que  je  puis  en  déduire  est  donc  que  les  composés  produits  dans  les  conditions  - 
normales  de  leur  formation,  doivent  nécessairement  renfermer  leurs  éléments 
simples  dans  les  proportions  rigoureuses  de  ces  constantes.  Ces  recherches, 
qui  ont  été  d’une  exécution  très-laborieuse  et  très-délicate,  m’autorisent  à 
dire  :  le  doute  soulevé  par  M.  Marignac  au  sujet  de  la  synthèse  de  l’azotate 
et  du  sulfure  d’argent  n’est  point  fondé  en -principe,  et  les  objections  que  le 
célèbre  chimiste  génevois  en  a  déduites  ne  sont  pas  plus  fondées  que  le  doute 
lui-même. 

J’ai  dit  plus  haut  qu’on  peut  essayer  une  démonstration  de  la  loi  des  pro¬ 
portions  définies  par  une  voie  indirecte.  J’entends,  par  voie  indirecte,  le  moyen 
qui  consiste  à  rechercher  si  le  poids  atomique  d’un  même  corps  reste  inva¬ 
riable  lorsqu’il  est  déterminé,  non-seulement  à  l’aide  de  méthodes  indépen¬ 
dantes,  mais  à  l’aide  de  corps  différents.  En  effet,  les  poids  atomiques  fixés 
dans  ces  conditions  ne  peuvent  être  identiques,  qu’autant  qu’il  y  ait  inva¬ 
riabilité  dans  le  rapport  en  poids  des  éléments  des  combinaisons,  c’est-à- 
dire  qu’autanl  que  la  loi  des  proportions  chimiques  ne  soit  pas  une  loi 
limite.  Quoiqu’on  puisse  prouver  a  priori  que  la  voie  indirecte  ne  peut  con¬ 
duire  à  une  démonstration  rigoureuse,  je  l’ai  tentée  néanmoins,  parce  qu’elle 
renferme  en  elle-même  la  solution  de  l’hypothèse  de  Prout,  qui  a  été  le  but 
de  mon  travail. 

Afin  de  rendre  la  preuve  aussi  rigoureuse  que  les  conditions  le  permettent, 
j’ai  cru  indispensable  de  changer  radicalement  le  système  de  synthèse  et 


16 


NOUVELLES  RECHERCHES 


d'analyse  employé  par  tous  les  chimistes.  Jusqu’à  ce  moment  les  synthèses, 
comme  les  analyses,  ont  été  faites  par  différence .  Cette  méthode  pour  la  syu- 
thèse  présuppose  que  le  poids  de  l’élément  employé  se  trouve  intégralement 
dans  le  composé  dans  lequel  on  l’engage,  et  de  plus  que  le  composé  produit 
et  qu’on  pèse  ne  renferme  absolument  que  le  corps  simple  ou  complexe  que 
l’on  a  combiné  au  premier.  De  même,  pour  l’analyse,  elle  présuppose  que 
la  différence  représente  absolument  le  poids  de  l’autre  élément  simple  ou 
complexe  combiné.  Dans  ce  système,  l’opération  d’analyse  ou  de  synthèse 
ne  renferme  point  en  elle-même  le  moyen  de  bien  préciser  l’erreur  qu’elle 
comporte.  Elle  ne  permet  de  se  faire  une  idée  de  l’exactitude  du  résultat  que 
par  la  répétition  faite  un  grand  nombre  de  fois  de  la  même  opération;  encore, 
.  dans  ce  cas,  est-il  impossible  de  faire  la  part  de  l’erreur  constante.  La  mé¬ 
thode  par  différence  présente  également  l’inconvénient  de  ne  pas  fournir, 
par  l’opération  même,  une  idée  de  la  pureté  de  la  matière  ou  des  matières 
mises  en  expérience.  Pour  tous  ces  motifs,  j’ai  pensé  que  dans  les  syn¬ 
thèses  et  les  analyses  qui  ont  pour  but  la  détermination  des  poids  atomiques, 
il  faut  employer  une  méthode  dans  laquelle  on  fixe,  par  l’expérience  même, 
outre  le  poids  de  chaque  élément  séparé,  le  poids  des  éléments  réunis. 
Ainsi,  pour  une  synthèse  de  deux  corps  A  et  B,  défaut  qu’on  détermine  le 
poids  de  A,  le  poids  de  B,  et  qu’après  leur  union  on  pèse  AB  produit;  et  de 
la  même  manière,  dans  l’analyse  d’un  composé  ABC,  lorsqu’on  veut  connaître 
le  rapport  de  AB  à  C,  on  doit  déterminer  séparément  le  poids  de  ABC,  le 
poids  de  AB  et  le  poids  de  C  qui  en  dérivent.  Ce  n’est  qu’en  tant  qu’on  réalise 
ces  conditions,  qu’on  peut  mesurer  exactement  la  limite  d’erreur  que  com¬ 
portent  toutes  les  opérations. 

J’ai  appliqué  rigoureusement  ce  système  à  la  synthèse  de  l’iodure  et  du 
bromure  d’argent  et  à  l’analyse  de  l’iodate  de  ce  métal  ;  pour  des  motifs  que 
j’indique  dans  mon  travail,  j’ai  échoué  dans  l’application  complète  que  j’ai 
essayé  d’en  faire  à  l’analyse  du  bromate  et  du  chlorate  d’argent.  On  conçoit 
du  reste  que  ce  ne  sera  que  très-exceptionnellement  qu’on  pourra  réaliser  ces 
principes  dans  toute  leur  rigueur  à  la  synthèse  et  à  l’analyse  des  corps.  Les 
résultats  auxquels  je  suis  arrivé  sont  consignés  dans  le  deuxième  Mémoire 
intitulé  :  Recherches  nouvelles  sur  les  poids  atomiques  de  l’argent,  de  l’iode , 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


17 


du  brome  et  du  chlore,  faites  dans  le  but  de  constater  si  le  poids  atomique  de 
l’argent,  déterminé  à  l’aide  de  ces  trois  corps,  est  le  même  et  si  ces  poids 
atomiques  sont  conformes  à  l’hypothèse  de  Prout.  Ce  Mémoire  se  compose 
des  neuf  notices  suivantes  : 

1°  Des  systèmes  employés  pour  faire  des  synthèses  et  des  analyses; 

2°  Synthèses  par  différence  de  l’iodure  d’argent  ; 

3°  Synthèses  par  somme  et  synthèses  complètes,  de  l’iodure  d’argent  ; 

fc°  Synthèse  par  différence  du  bromure  d’argent  ; 

5°  Synthèses  par  somme  et  synthèses  complètes  du  bromure  d’argent  ; 

6°  Analyses  complètes  de  l’iodale  d’argent; 

1°  Analyse  par  différence  de  l’iodale  d’argent  ; 

8°  A  nalyses  par  différence  du  bromate  d’argent  ; 

9°  Analyses  par  différence  du  chlorate  d’argent. 

Les  conséquencés  qui  découlent  de  ces  longs  et  pénibles  travaux  sont  que 
la  composition  de  Piodure,  du  bromure  et  du  chlorate  d’argent  déterminée,  il 
y  a  vingt  années  déjà,  par  M.  Marignac,  est  rigoureusement  exacte;  que  la 
composition  de  Piodure  d’argent  est  absolument  inconciliable  avec  l’hypo¬ 
thèse  de  Prout;  que  la  composition  de  Piodale,  du  bromate  et  du  chlorate  ne 
se  concilie  pas  davantage  avec  cette  hypothèse  ;  que  le  poids  atomique  de 
l’argent,  déduit  de  ces  trois  données  indépendantes  entre  elles ,  est  presque 
absolument  le  même,  et  se  confond  avec  le  poids  atomique  déduit  de  la  syn¬ 
thèse  du  chlorure  et  de  l’analyse  du  chlorate,  faites  par  M.  Marignac,  de  la 
synthèse  du  sulfure  et  de  l’analyse  du  sulfate  exécutées  par  moi. 

En  effet,  le  poids  atomique  de  l’argent  est  en  moyenne  : 


1"  D'après  les  synthèses  du  chlorure  et  les  analyses  du  chlorate  faites 


par  M.  Marignac . 1 07.9 1 5 

2°  D’après  mes  synthèses  du  sulfure  et  mes  analyses  du  sulfate.  .  .  107,920 

5°  —  —  de  l’iodurc  et  mes  analyses  de  l’iodate.  .  .  107,928 

4°  —  —  du  bromure  et  mes  analyses  du  bromate.  .  107,921 

5°  —  —  du  chlorure  et  mes  analyses  du  chlorate.  .  107,957 


Si  le  doute  que  Mc  Marignac  a  soulevé  au  sujet  des  synthèses  du  sulfure  et 
de  Pazotate  d’argent  n’avait  reçu  de  solution  satisfaisante  par  les  essais  directs 
auxquels  j’ai  soumis  la  loi  des  proportions  chimiques,  la  concordance  que 
Tome  XXXV.  .  3 


18 


NOUVELLES  RECHERCHES 


présente  le  poids  atomique  de  l’argent  déterminé  à  l’aide, de  quatre  données 
absolument  indépendantes  entre  elles,  suffirait ,  me  semble-t-il,  pour  le  dissiper 
à  jamais. 

Enfin  j’avais  à  cœur  de  soumettre  Tes  autres  résultats,  consignés  dans  mes 
Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomiques ,  à  une  nouvelle 
vérification,  en  me  servant  de  méthodes  différentes  et  indépendantes,  surtout 
après  avoir  été  accusé  de  tourner  le  dos  à  la  vérité  et  au  progrès  i.  Parmi  les 
corps  qui  ont  fait  l’objet  de  mes  investigations,  l’azote  est  celui  dont  le  poids 
atomique  s’écarte  le  plus  de  la  loi  de  Prout,  en  considérant,  bien  entendu,  la 
valeur  relativement  faible  de  son  poids.  D’après  celte  hypothèse,  son  poids 
atomique  est  représenté  par  14,00.  Or,  j’ai  trouvé  qu’il  est  égal  à  14,06  en 
le  déduisant  du  chlorure  d’ammonium,  supposant ,  bien  entendu,  par  hypo¬ 
thèse  toute  gratuite,  que  le  rapport  de  l’hydrogène  à  l’oxvgène  est  comme 
1 : 1 6,00  ;  et  j’ai  trouvé  qu’il  est  au  maximum  1 4,046  et  en  moyenne  1 4,04 1 
en  le  déduisant  de  la  synthèse  de  l’azotate  d’argent.  J’aurais  désiré  soumettre 
ces  résultats  à  un  contrôle  direct  par  l'analyse  de  l’oxyde  azoteux  exécutée 
d’après  le  système  exposé  plus  haut,  c’est-à-dire  en  pesant  le  composé  et 
chacun  de  ses  éléments  isolés.  Malheureusement  jusqu’ici  je  n’ai  trouvé 
aucun  mécanicien  qui  ait  osé  entreprendre  la  construction  de  l’appareil  dans 
les  conditions  que  je  crois  indispensables  pour  la  réussite  de  l’expérience. 

Ce  moyen  me  faisant  défaut,  j’ai  eu  recours  à  une  voie  indirecte  qui  fournit 

des  résultats  extraordinairement  concordants  et  certains,  lorsqu’on  se  donne 

la  peine  de  l’appliquer  à  des  composés  dans  lesquels  entrent  des  éléments 

variables  à  côté  d’éléments  constants.  J’ai  cru  trouver  ce  moven  dans  la  Iran  s- 

«/ 

formation  des  chlorures  en  azotates.  Celle  méthode  a  d’ailleurs  été  pratiquée 
par  M.  Penny,  de  Glasgow.  Les  chlorures  sur  lesquels  j’ai  opéré  sont  ceux  de 
potassium ,  de  sodium  et  de  lithium.  J’ai  refait  également  de  nouvelles  synthèses 
de  l’azotate  d’argent,  afin  de  pouvoir  contrôler  mes  anciennes  expériences, 
et  déduire  avec  certitude  le  poids  atomique  de  l’azote  du  rapport  des  poids 
de  chlorure  et  d’azotate  produits  par  une  unité  de  poids  d’argent.  Pour  le 
lithium ,  j’ai  vérifié  à  l’aide  de  recherches  nouvelles  son  poids  atomique,  déter- 


>  Cosmos,  1860,  t.  XVII,  p.  656. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


49 


miné  il  y  a  trois  années  par  M.  Car!  Diehl,  et  confirmé  plus  tard  par  les  tra¬ 
vaux  de  M.  Troost. 

On  conçoit  en  effet  que  par  la  transformation  d’un  chlorure  en  azotate, 
ou  par  la  détermination  du  rapport  des»poids  de  chlorure  et  d’azotate  obtenu 
à  l’aide  d’une  unité  de  poids  de  métal,  on  doit  pouvoir  vérifier  l’exactitude 
d’un  poids  atomique  donné  de  l’azote,  si  le  poids  atomique  des  éléments 
composant  le  chlorure  est  suffisamment  déterminé. 

D’après  la  loi  des  proportions  chimiques,  et  d’après  la  composition  des 
azotates,  la  différence  entre  le  poids  d’une  molécule  d’un  chlorure  et  celui 
d’une  molécule  de  l’azotate  correspondant  doit  être  égale  à  une  constante 
représentée  par  la  différence  existant  entre  le  poids  atomique  du  chlore  et  la 
somme  des  poids  d’un  atome  d’azote  et  de  trois  atomes  d’oxygène.  En  prenant, 
conformément  à  l’hypothèse  de  Prout,  le  chlore  =  35,50,  l’azote  =  IL, 00 
et  l’oxygène  =  16,00,  la  constante  doit  être  égale  à  26,50. 

Dans  le  troisième  Mémoire  intitulé  :  Recherches  faites  dans  le  bat  de 
déterminer  et  de  contrôler  les  poids  atomiques  de  l’azote ,  du  brome ,  du 
chlore,  de  l’argent ,  du  lithium ,  du  potassium  et  du  sodium,  sont  consignés 
tous  les  travaux  auxquels  je  me  suis  livré  pour  résoudre  ces  différentes  ques¬ 
tions.  Ce  Mémoire  se  compose  de  quinze  notices;  il  est  sans  intérêt  de  les 
citer  toutes  ici.  Les  principales  sont  intitulées  :  5°  Du  chlorure  de  potassium 
employé  dans  les  déterminations ,  et  détermination  du  rapport  proportionnel' 
entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  potassium ;  7°  du  chlorure  de  sodium  employé 
clans  les  déterminations ,  et  détermination  du  rapport  proportionnel  entre  ce 
chlorure  et  l’azotate  de  sodium ;  9°  du  chlorure  de  lithium  employé  dans  les 
déterminations  ;  11°  du  moyen  employé  pour  la  détermination  du  rapport 
proportionnel  entre  le  chlorure  de  lithium  et  l’argent  ;  13°  du  moyen  employé 
pour  la  détermination  du  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate 
de  lithium;  IL0  nouvelles  synthèses  de  l’azotate  d’argent. 

Les  résultats  remarquablement  concordants  auxquels  me  conduisent  les 
travaux  exposés  dans  ces  notices  démontrent  que,  prenant  le  potassium  = 
39,00,  ou  39,125  ou  39,250,  Se  sodium  =  23,00,  le  lithium  =  7/10, 
l’argent  =  108,00,  la  différence  entre  le  poids  d’une  molécule  de  chlorure 
d’un  de  ces  métaux  et  l’azotate  qui  lui  correspond  n’est  pas  une  constante , 


20 


NOUVELLES  RECHERCHES 


comme  elie  doit  l’être  d’après  la  loi  des  proportions  chimiques,  et  de  plus 
qu’elle  n’est  pas  égale  à  26,50. 


En  effet,  pour  le  potassium ,  suivant  qu'.on  prend  K  — à  39,000, 

ou  39,125.  ou  39,250,  cette  différence  est  comprise  entre  26,555  et  26,640 


Pour  le  sodium,  cette  différence  est  de .  26,591 

Pour  le  lithium,  cette  différence  est  de .  26,605 

Pour  l’argent,  cette  différence  est  de .  26,607 

Au  lieu  de .  26,500 


Ces  travaux  établissent  au  contraire  que  la  différence  devient  une  con¬ 
stante  du  moment  que,  pour  calculer  les  résultats,  on  prend  pour  poids  ato¬ 
miques  non  les  chiffres  de  l’hypothèse,  mais  ceux  déduits  directement  de 
l’expérience.  Dans  ce  cas,  le  chlore  étant  35,457  , 


et  R  =  59,130,  la  différence  est  égale  à . 2^5,586 

et  Xa  =  25,043,  —  est  égale  à .  26,591 

et  L i  =  7,022,  —  est  égale  a .  26,389 

et  A  g  —  107,950,  —  est  égale  à .  26,387 


Cette  constante  est  donc  égale  en  moyenne  à . .  .  26,588 


Jl  y  a  donc  une  différence  de  sur  P°*ds  total  de  la  constante,  ou  de 
près  d’un  dixième  d’atome  d’hydrogène,  qui  sert  d’unité,  entre  le  calcul  et  le 
résultat  des  expériences  concordantes,  dans  lesquelles  néanmoins  sont  inter¬ 
venus  quatre  métaux  distincts,  dont  trois  sont  les  mieux  connus  parmi  tous 
les  éléments  existants.  Cette  différence  constitue  une  erreur  seize  fois  plus 
grande  que  l’écart  moyen  que  j’ai  observé  dans  mes  expériences  sur  le  chlo¬ 
rure  de  potassium;  elle  est  douze  fois  plus  grande  que i’ écart  moyen  constaté 
dans  les  expériences  sur  le  chlorure  de  sodium,  dont  une  détermination  a  été 
faite  en  collaboration  avec  M.  Ivekulé;  elle  représente  une  erreur  quarante 
fois  plus  grande  que  l’écart  moyen  qu’offrent  entre  elles  mes  déterminations 
du  rapport  proportionne!  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  lithium;  enfin, 
celle  différence  constitue  une  erreur  quarante  fois  plus  grande  que  l'écart 
moyen  qu’offrent  entre  elles  mes  nouvelles  synthèses  de  l'azotate  d'argent. 

La  grandeur  de  la  différence  entre  le  calcul  d’après  l'hypothèse  de  Prout 
et  l’expérience  provient  de  ce  que,  dans  cette  méthode  de  contrôle,  l’écart 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


-21 


trouvé  entre  les  poids  atomiques  du  chlore  et  de  1  azote  calculés  d  après  1  hy¬ 
pothèse,  et  les  poids  atomiques  déduits  des  déterminations  expérimentales,  et 
qui  est  en  sens  opposé ,  vient  s’ajouter,  au  lieu  de  se  retrancher,  comme  cest 
souvent  le  cas  pour  d’autres  moyens  d  investigation.  De  relativement  faihle 
qu’est  la  différence  pour  chacun  de  ces  deux  corps,  additionnée  elle  devient 
tellement  forte  qu’il  est  absolument  impossible  de  l’attribuer  à  une  erreur 
constante  de  l’observation.  La  somme  de  l’écart  moyen  qui  existe,  pour  le 
chlore  et  l’azote,  entre  les  chiffres  de  l’hypothèse  et  ceux  qui  dérivent  des 
expériences  consignées  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des 
poids  atomiques  est  de  0,084  à  0,086,  ou  à  peu  près  un  dixième  d’atome 
d’hydrogène,  somme  qui,  dans  la  limite  d’exactitude  de  l’expérience,  est 
égale  à  l’excédant  observé  dans  la  transformation  des  chlorures  en  azotates. 
C’est  même,  je  l’avoue,  ce  motif  qui  m’a  déterminé  à  entreprendre  ces  quatre 
séries  de  recherches  dans  lesquelles,  je  le  savais  d’avance,  j’allais  me 
heurter  à  des  difficultés  de  toute  nature  tellement  considérables,  qu’à  plusieurs 
reprises  j’ai  été  sur  le  point  de  devoir  les  abandonner.  Je  m'explique  du  reste 
tout  au  long  à  ce  sujet  dans  l’exposé  de  ces  recherches. 

Le  poids  atomique  de  l’azote  qui  dérive  de  ces  travaux  est,  d’après  le 
rapport  de  poids  : 


Du  chlorure  de  potassium  à  l’azotate . =  1 4,045 

Du  chlorure  de  sodium  à  l’azotate . =  14,048 

Du  chlorure  de  lithium  à  l’azotate . =  !  4,046 

Du  chlorure  d’argent  à  l’azotate . =  14,044 


Moyenne.  .  .  .  14,043 

Il  y  a  donc  un  écart  moyen  qui  ne  dépasse  pas  de  la  valeur. 

Mes  nouvelles  synthèses  de  l’azotate  d’argent  conduisent  à.  .  .  .  14,042 

Mes  anciennes  synthèses ,  consignées  dans  mes  recherches  sur  les  rap¬ 
ports  réciproques  des  poids  atomiques  ont  donné,  en  moyenne.  .  14,041 

Moyenne  générale.  .  .  .  14,044 


Ces  travaux  conlirment  donc  complètement  la  conclusion  que  j’ai  tirée  de 
la  synthèse  de  l’azolate  d’argent;  ils  établissent  à  suffisance  de  preuve  que  le 


22 


NOUVELLES  RECHERCHES 


poids  atomique  de  l’azote  n’est  point  représenté  par  14,00,  l’oxygène  étant 
16,00,  et  que  V hypothèse  sur  laquelle  on  a  basé  ce  nombre  n  est  point  fondée 
en  expérience. 

Ces  travaux  prouvent  également  que  : 


4°  Le  poids  atomique  du  potassium  est  compris  entre 
2“  Le  poids  atomique  du  sodium  est  compris  entre  . 

5°  Le  poids  atomique  du  lithium  est  compris  entre  . 

4°  Le  poids  atomique  de  l'argent  est  compris  entre  . 

5°  Le  poids  atomique  du  chlore  est  compris  entre  . 


59,150  et  59.155 
25,042  et  25,045 
7,020  et  7,024 
407,925  et  107,950 
55,455  et  55,460 


Avant  la  publication  de  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des 
poids  atomiques,  j’avais  déterminé  un  grand  nombre  de  fois  le  rapport  pro¬ 
portionnel  entre  le  bromure  de  potassium  et  l'argent.  Les  travaux  que  j’ai 
exécutés  pour  obtenir  le  brome  pur  destiné  à  la  synthèse  du  bromure  d’ar¬ 
gent,  et  ceux  que  j’ai  entrepris  pour  constater  la  pureté  du  brome  produit, 
m’ont  forcément  amené  à  me  procurer  des  quantités  très-considérables  de 
bromale  et  de  bromure  de  potassium.  J’ai  profité  de  cette  circonstance  pour 
contrôler  les  poids  atomiques  du  potassium  et  du  brome.  L’ensemble  des 
recherches  que  j’ai  faites  à  ce  sujet  est  consigné  clans  la  notice  qui  termine 
le  troisième  Mémoire  et  qui  est  intitulée  :  15°  Détermination  du  rapport  pro¬ 
portionnel  entre  le  bromure  de  potassium  et  l’argent. 

Des  relations  constatées  entre  le  brome,  le  potassium  et  l'ar¬ 
gent,  il  résulte  que,  l’argent  étant .  407,95 

Le  poids  atomique  du  potassium  est  compris  entre  ....  59, 1  50  et  59,144 

I^e  poids  atomique  du  brome  est  compris  entre .  79,945  et  79,965 

Les  recherches  faites  par  M.  Marignac,  en  1843,  conduisent  exactement 
aux  mêmes  rapports  de  nombres. 

Telle  est  l’indication  sommaire  des  nouvelles  recherches  que  j’ai  entre¬ 
prises  ou  complétées  dans  ces  cinq  dernières  années,  pour  m’assurer  par 
l’expérience  s’il  existe  oui  ou  non  un  rapport  simple  entre  les  poids  des  corps 
qui  s’unissent  pour  former  les  combinaisons  chimiques. 

Dans  le  but  de  satisfaire  au  désir  exprimé  par  la  plupart  des  chimistes 
qui  ont  eu  l’occasion  d’examiner  mes  moyens  d’investigation,  j’ai  joint  à 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


23 


chacun  de  ces  Mémoires  des  figures  destinées  à  l’intelligence  des  opérations 
et  des  appareils  qui  y  sont  décrits.  J’ai  exposé  également  mes  recherches 
avec  un  développement  qui,  j’espère,  sera  trouvé  suffisant.  Je  ne  me  dissi¬ 
mule  point  que  la  rédaction  de  ces  Mémoires  laisse  beaucoup  à  désirer  au 
point  de  vue  de  l’unité;  j’avoue  même  qu’elle  pourrait  être  singulièrement 
simplifiée.  Les  défauts  qu’ils  présentent  proviennent  de  ce  qu’ils  ont  été 
écrits  à  des  époques  très-différentes,  en  ayant  seulement  en  vue  les  faits  qui 
sont  relatés  dans  chacun  d’eux,  sans  me  préoccuper  de  ce  qui  précède  ou  de 
ce  qui  peut  suivre;  mais  toute  réflexion  faite,  j’ai  pensé  que  dans  leur  révi¬ 
sion  je  devais  respecter  ces  imperfections,  parce  qu’elles  expriment  rigou¬ 
reusement  les  faits  observés  et  les  conclusions  qui  découlent  isolément  de 
chacun  d’eux. 

Pour  terminer,  je  dois  me  résumer  et  conclure  :  j’ai  cherché  si  la  loi 
des  proportions  chimiques  est  une  loi  limite  ou  une  loi  absolument  exacte; 
je  pense  avoir  prouvé  qu’elle  est  l’expression  d’une  relation  mathématique. 
Je  crois  avoir  également  démontré  que  le  poids  atomique  d’un  même  corps, 
déterminé  à  l’aide  de  différents  éléments  et  de  méthodes  indépendantes  entre 
elles,  poids  atomique  qui  doit  être  identique,  l’est  effectivement  dans  la 
limite  d’exactitude  à  laquelle  il  est  possible  d’atteindre  par  nos  moyens 
a ctuels  d ’i n vest i ga lion . 

Les  valeurs  des  poids  atomiques  qui  découlent  de  toutes  ces  recherches 
sont  les  suivantes  : 


L’oxygène  étant  pris  par  hypothèse . —  -J 6,000 

L’argent  est .  107,930 

L’azote  itl .  14,044 

Le  brome  id . 79,933 

Le  chlore  id .  33,437 

L’iode  id . * .  126,830 

Le  lithium  id .  7,022 

Le  potassium  id .  39,137 

Le  sodium  id .  23,045 


Ces  poids  atomiques  sont  nécessairement  des  moyennes;  mais  comme  les 
valeurs  résultent  de  déterminations  qui  ont  subi,  pour  la  plupart,  des  contrôles 


24 


NOUVELLES  RECHERCHES 


nombreux,  obtenus  à  l’aide  de  méthodes  indépendantes  entre  elles,  je  pense 
qu’on  peut  considérer  comme  certaine  la  première  décimale,  et  comme  très- 
probable  la  deuxième  décimale  de  presque  tous,  sinon  de  tous  ces  poids 
atomiques. 

Lorsqu’on  veut  se  renfermer  dans  une  unité  dont  l’expérience  peut 
répondre,  on  constate  aisément  qu’il  n’existe  point  de  rapport  simple  entre 
ces  différents  poids  atomiques.  J’ai  dit  expressément  que  toutes  ces  valeurs 
sont  déterminées  en  fonction  de  l’oxygène  pris  hypothétiquement  égal  à  IG. 
Si  on  les  rapporte  à  l’hydrogène  pris  pour  unité,  on  doit  nécessairement  les 
corriger,  du  fait  de  la  différence  qui  existe  entre  le  poids  atomique  de  l’oxy¬ 
gène  déduit  de  l’expérience  et  le  poids  atomique  admis  par  hypothèse.  Or,  le 
rapport  de  l’hydrogène  à  l’oxygène  n’est  pas  connu  avec  certitude.  De  l'en¬ 
semble  de  tous  les  travaux  exécutés  sur  la  composition  de  l’eau,  sur  la 
pesanteur  spécifique  de  l’hydrogène  et  de  l’oxygène,  sur  le  rapport  propor¬ 
tionnel  entre  le  chlorure  d’ammonium  et  l’argent ,  je  suis  porté  à  croire  que 
l’hydrogène  étant  4,  le  poids  atomique  de  l’oxygène  ne  peut  guère  dépasser 
4  5,96.  Si  je  réduis  proportionnellement  toutes  les  valeurs  inscrites  ci-dessus 
de  la  différence  existant  entre  15,96  et  16,00,  c’est-à-dire  de  j’arrive 
aux  résultats  suivants  : 


L'hydrogène  ctant .  1. 

L’oxygène  est.  .  .' .  15;960 

L’argent  id .  107,660 

L’azote  id . 14,000 

Le  brome  id .  79,750 

Le  ehlore.  id .  35.56S 

L’iode  id . 126,555 

Le  lithium  id .  ...  7,004 

Le  potassium  id .  59,040 

Le  sodium  id.  . .  22,980 


Dans  ce  cas,  les  poids  atomiques  de  l’azote  et  du  lithium  sont  sensiblement 
représentés  par  des  nombres  entiers;  mais  les  poids  atomiques  de  l’oxygène, 
de  l’argent,  du  chlore,  de  l’iode,  du  potassium  s’éloignent  tellement  des 
nombres  entiers  ou  de  fractions  simples,  qu’il  me  semble  difficile,  sinon 
impossible,  d’y  découvrir  une  relation  simple. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


Tô 


De  tout  ce  qui  précède  il  résulte  que  je  n’ai  rien  à  changer  aux  conclusions 
par  lesquelles  j’ai  terminé  mes  recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids 
atomiques.  La  simplicité  de  rapport  de  poids  que  présuppose  l’hypothèse  de 
Prout  entre  les  masses  qui  interviennent  dans  l’action  chimique,  ne  s’observe 
donc  point  dans  l’expérience;  elle  n  existe  point  dans  la  réalité  des  choses.  En 
effet,  ces  rapports  tels  qu’ils  se  présentent  à  nous,  sont  incommensurables. 
Du  reste  M.  Dumas,  sur  les  travaux  duquel  se  fondent  les  partisans  de  l’hy¬ 
pothèse  de  Prout,  admet  aujourd’hui  que  les  chiffres  déduits  de  l’expérience 
offrent  avec  ceux  que  présuppose  l’hypothèse  du  chimiste  anglais,  un  écart 
plus  considérable  que  celui  qu’on  peut  légitimement  attribuer  à  l’erreur  iné¬ 
vitable  de  1  observation.  Cependant,  convaincu  qu’il  est  que  cette  hypothèse 
est  l’expression  d’une  vérité  philosophique ,  il  considère  la  loi  de  Prout  comme 
une  loi  limite  à  l’égal  des  lois  de  Mariotte  et  de  Gay-Lussac.  Réduite  à  ces 
termes,  l’hypothèse  du  chimiste  anglais  échappe  aux  investigations  de  ceux 
qui  croient  devoir  se  baser  uniquement  sur  l’expérience  pour  rechercher  et 
établir  les  lois  qui  régissent  la  matière;  elle  rentre  dans  le  domaine  de  la  spé¬ 
culation  pure,  qui  n’a  et  ne  peut  avoir  rien  de  commun  avec  les  procédés,  les 
exigences  et  les  principes  des  sciences  exactes. 

Encore  un  mot  et  j’ai  fini.  La  loi  de  Prout  n’étant  pas  vérifiée  par  l’expé¬ 
rience,  est-il  conforme  aux  vrais  principes  de  la  science  d’inscrire,  dans  les 
ouvrages,  des  poids  atomiques  représentés  par  des  nombres  entiers  ou  suivis 
de  fractions  simples,  en  prenant  l’hydrogène  pour  unité,  comme  le  font 
aujourd’hui  grand  nombre  de  chimistes?  Dans  l’usage  ordinaire,  peut-on, 
sans  inconvénient,  se  servir  de  nombres  entiers  ou  suivis  de  fractions  sim¬ 
ples?  La  plupart  des  poids  atomiques  déterminés  avec  soin  se  rapprochent 
tellement  des  chiffres  calculés,  qu’il  a  fallu  recourir  à  tous  les  artifices,  à  tous 
les  raffinements  de  l’analyse  pour  démontrer  qu’ils  ne  sont  pas  absolument 
exacts;  il  est  évident  d’après  cela  que,  dans  les  calculs  ordinaires,  on  peut 
s’en  servir,  certain  que  l’on  est  que  l’erreur  commise  ainsi  sera  toujours  aussi 
petite  au  moins  que  celle  qui  résulte,  dans  la  majeure  partie  des  cas,  de  l’opé¬ 
ration  que  l’on  se  propose  de  vérifier  par  le  calcul.  Du.reste,  il  va  de  soi  que, 
dans  les  calculs,  l’emploi  de  poids  atomiques  plus  ou  moins  rapprochés  de  la 
vérité  est  corrélatif  du  degré  d’exactitude  auquel  on  veut  atteindre.  11  doit  en 
Tome  XXXV.  4 


NOUVELLES  RECHERCHES,  etc. 


2C> 


cire  de  l’usage  des  poids  atomiques  comme  des  pesées  et  des  mesures  elles- 
mêmes;  quoiqu’il  faille  des  poids  et  des  mètres  étalons,  il  n’y  a  aucune  utilité 
et  surtout  aucune  nécessité  de  s’en  servir  pour  les  pesées  ou  les  mesures  qui 
n’exigent  pas  ou  ne  comportent  pas  le  degré  d’exactitude  que  présuppose 
l’emploi  d'étalons.  Si  je  suis  d’accord  sur  ce  point  avec  la  plupart  des  chi¬ 
mistes,  je  ne  le  suis  plus  en  ce  qui  concerne  l’inscription  dans  des  ouvrages 
de’  poids  atomiques  calculés  ou  approximatifs  en  remplacement  de  poids 
atomiques  déterminés  par  l’expérience.  Lorsqu’on  a  pour  but  d’instruire  ou 
d’exposer  ce  qui  est  dans  la  réalité  des  phénomènes  de  la  nature,  il  n'est  pas 
plus  permis  de  substituer  l’erreur  à  la  vérité  qu’il  n’est  possible  de  transiger 
n\ec  un  principe  qu’on  sait  ne  pas  être  vrai. 


PREMIER  MÉMOIRE. 


RECHERCHES  NOUVELLES  SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIO  NS 

CHIMIQUES. 


PREMIÈRE  PARTIE. 

DE  LA  CONSTANCE  DE  COMPOSITION  DES  COMBINAISONS 

DITES  STABLES. 


PRÉLIMINAIRES. 


Des  composés,  qui  généralement  ont  été  considérés  comme  stables,  ont  été 
reconnus,  dans  ces  derniers  temps,  comme  essentiellement  instables.  M.  Mari- 
gnac  a  constaté  dès  1853  que  Sa  composition  de  l’acide  sulfurique  normal 
n’est  définie  qu’à  la  limite.  M.  Roscoe  a  trouvé  depuis  que  la  composition 
d’un  grand  nombre  d’acides  aqueux  est  fonction  de  la  pression  que  la  vapeur 
de  ces  acides  supporte  lorsqu’on  les  soumet  à  la  distillation.  J’ai  constaté  de 
mon  côté  que  le  chlorure  d’ammonium,  suivant  les  circonstances  dans  les¬ 
quelles  on  le  produit,  peut  condenser  soit  de  l’âcide  chlorhydrique,  soit  de 
l’ammoniaque;  mais  j’ai  attribué  ce  fait  aune  cause  physique,  étrangère  par 
conséquent  à  l’action  chimique  qui  détermine  la  formation  du  chlorure  d’am¬ 
monium.  M.  Marignac  s’est  basé  sur  le  fait  qu’il  a  observé  lui-même,  pour  se 
demander  si  le  sulfur.e  et  l’azotate  d’argent  dont  j’ai  donné  de  nouvelles  >\  n- 
thèses  ne  renferment  pas,  l’un  un  excès  de  soufre,  l’autre  un  excès  d’acide 


28 


NOUVELLES  RECHERCHES 


azotique.  Le  sulfure  et  l’azotate  d’argent  étant  des  corps  essentiellement 
stables,  ils  peuvent  être  soumis  à  des  causes  capables  d’en  éliminer  le  soufre 
et  l’acide  azotique  qui  y  seraient  accidentellement  retenus.  En  examinant  les 
détails  contenus  dans  mon  travail,  quelque  insuffisants  qu’ils  paraissent  aux 
yeux  de  certains  chimistes,  il  est  facile  de  se  convaincre  que  j’ai  fait  tous  les 
efforts  imaginables  pour  me  mettre  à  l’abri  de  celle  cause  d’erreur;  et  cepen¬ 
dant  les  résultats  ne  s’accordent  point  avec  la  composition  que  ces  corps 
devraient  présenter  d’après  les  poids  atomiques  de  leurs  éléments  déduits 
de  l’hypothèse  de  Prout.  «  11  se  peut  »  dit  M.  Marignac  «  que  la  composi¬ 
tion  de  ces  corps  n’est  définie  qu’à  la  limite,  ou  même  qu’ils  ne  renferment 
point  leurs  éléments  dans  les  rapports  rigoureux  de  leurs  poids  atomiques.  » 
Ce  doute  atteint  à  la  fois  le  fait  généralement  admis  de  la  constance  de  compo¬ 
sition  des  combinaisons  stables,  et  l’invariabilité  des  rapports  en  poids  des 
éléments  formant  les  combinaisons. 

Quoique,  parmi  les  faits  bien  établis,  je  n’aie  pu  en  rencontrer  un  seul  qui 
soit  de  nature  à  faire  partager  la  manière  de  voir  du  célèbre  chimiste  géne- 
vois,  je  ne  m’en  suis  pas  moins  cru  obligé,  ne  fût-ce  que  par  déférence  pour 
son  opinion,  de  soumettre  cette  question  à  un  nouvel  examen. 

Parmi  les  conditions  qui  pourraient  concourir  à  rendre  inconstante  la  com¬ 
position  des  combinaisons  stables,  se  trouvent  la  température  et  la  pression. 

Lorsqu’on  examine  les  synthèses  du  chlorure  d’argent,  consignées  dans 
mon  travail  publié  en  1860,  on  voit  que  ce  corps,  quoiqu’il  ait  été  produit 
dans  des  circonstances  très-différentes,  présente  une  composition  que  je  crois 
devoir  considérer  comme  constante.  Je  n’oserais  en  effet  attribuer  l'insigni¬ 
fiante  différence  qu’offrent  les  résultats  à  d’autres  causes  qu’à  l’erreur  inévitable 
d’observation.  Cependant,  dans  certains  cas,  le  chlorure  d’argent  a  été  pro¬ 
duit  au  rouge  par  la  combustion  de  l’argent  dans  le  chlore,  et  dans  d’autres 
cas,  à  la  température  ordinaire  par  la  précipitation  à  Laide  de  l’acide  chlorhy¬ 
drique,  de  l’argent  dissous  dans  de  l’acide  azotique.  L’influence  de  la  chaleur 
me  semble  donc  ici  tout  à  fait  nulle. 

Peut-on  attribuer  une  action  perturbatrice  à  l’intervention  de  la  pression  ? 
Les  faits  connus  ne  me  semblent  pas  non  plus  justifier  cette  supposition.  En 
effet,  dans  mes  synthèses  de  l’azotate  d’argent ,  je  me  suis  assuré  que  ce  sel 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


29 


fondu  dans  le  vide  ne  perd  rien  de  son  poids,  que  d’ailleurs  il  est  sans  tension 
appréciable.  De  plus,  je  crois  avoir  démontré  que  l’azotate  de  plomb,  sel  qui 
certainement  est  à  l’extrême  limite  des  corps  qu’on  peut  considérer  comme 
stables,  peut  être  abandonné  dans  le  vide,  pendant  toute  une  journée,  à  une 
température  différant  seulement  de  55°  de  celle  à  laquelle  il  se  décompose  à 
la  pression  ordinaire,  sans  qu’il  perde  sensiblement  de  poids. 

Dans  le  but  de  résoudre  par  des  recherches  nouvelles  la  question  de  savoir 
si,  lors  de  la  formation  des  corps  composés,  la  pression  et  la  température 
exercent  une  influence  sur  les  rapports  qu’observent  entre  eux  les  éléments 
qui  les  constituent,  j’ai  repris  la  détermination  du  rapport  proportionnel 
entre  l’argent  et  Je  chlorure  d’ammonium,  qui  a  déjà  fait  de  ma  part  l’objet 
de  si  longues  investigations.  J’ai  choisi  ce  moyen  pour  deux  motifs  :  d’abord, 
parce  qu’il  permet  de  faire  intervenir  comme  condition  de  formation  tantôt 
la  température,  tantôt  la  pression,  et  ensuite  parce  que  l’opération  peut  être 
exécutée  avec  une  précision  qui  touche  à  l’exactitude  mathématique. 

Le  rapport  proportionnel  entre  l’argent  et  le  chlorure  d’ammonium,  constaté 
par  l’expérience,  dépend  à  la  fois  de  la  pureté  de  l’argent,  de  la  composition 
du  chlorure  de  ce  métal  et  du  chlorure  d’ammonium,  et  la  composition  de 
ce  dernier  dépend  de  sa  pureté.  Or,  la  détermination  peut  être  faite  à  la  tem¬ 
pérature  ordinaire  ou  à  100°;  on  peut  donc  s’assurer  avec  une  grande  exac¬ 
titude  si,  entre  ces  limites  de  température,  la  composition  du  chlorure  d’argent 
peut  éprouver  quelque  changement. 

On  peut  produire,  d’un  autre  côté,  le  chlorure  d’ammonium  à  la  tempéra¬ 
ture  ordinaire,  ou  à  une  température  élevée;  dans  ce  dernier  cas,  on  peut  le 
volatiliser  à  la  pression  ordinaire,  ou  dans  le  vide. 

Enfin,  l’ammoniaque  destiné  à  la  production  du  chlorure  peut  être  em¬ 
prunté  à  des  sources  différentes,  ce  qui  permet  de  contrôler  les  résultats 
les  uns  par  les  autres. 

Les  recherches  que  j’ai  déjà  fait  connaître  ont  prouvé  que  100,000  d’ar¬ 
gent  équivalent  en  moyenne  à  49,594  de  chlorure  d’ammonium  produit  à 
la  température  ou  sublimé  à  la  pression  ordinaire ,  en  déterminant  le  rapport 
proportionnel  à  la  température  de  10°  à  15°  centigrades.  J’ai  recherché  quels 
seraient  les  résultats  en  variant  les  conditions  comme  je  viens  de  l’indiquer.  A 


50 


NOUVELLES  RECHERCHES 


cet  effet  j’ai  produit  du  chlorure  d’ammonium  par  trois  moyens  différents,  à 
savoir  : 

1°  Par  l’ammoniaque  du  chlorure  d’ammonium  du  commerce  convenable¬ 
ment  purifié; 

2°  Par  l’ammoniaque  du  sulfate  d’ammonium  purifié; 

3°  Par  l’ammoniaque  provenant  de  la  réduction  de  l’azolite  de  potassium. 

J’ai  cherché  d’abord  si,  dans  des  conditions  égales,  les  résultats  sont  iden¬ 
tiques  entre  eux  pour  les  différents  chlorures,  et  les  mêmes  que  ceux  que  j’ai 
observés  autrefois.  Afin  de  permettre  à  chacun  de  juger  des  soins  que  j’ai  mis 
à  faire  ces  nouvelles  déterminations,  je  vais  entrer  dans  tous  les  détails  néces¬ 
saires  tant  au  sujet  de  la  préparation  de  l’argent  pur,  que  de  la  préparation 
du  chlorure  d’ammonium.  Je  dirai  d’abord  les  moyens  que  j’ai  employés 
pour  me  procurer  l’argent  pur,  et  les  précautions  que  j’ai  prises  pour  m’as¬ 
surer  du  degré  de  pureté  de  ce  métal.  Quelque  fastidieux  que  soit  cet  exposé, 
je  m’y  crois  obligé,  parce  que  ce  même  métal  est  intervenu  dans  la  synthèse 
du  bromure,  de  l’iodure  et  de  l’azotate  d’argent,  dont  j’ai  à  rendre  compte 
dans  les  notices  consacrées  à  ces  sujets. 


1.  —  De  l’argent. 


J’ai  eu  recours  à  deux  méthodes  distinctes  pour  me  procurer  l’argent  pur 
nécessaire  aux  différents  travaux  consignés  dans  ces  notices. 

Première  méthode.  —  Pour  exécuter  la  première  méthode,  j’ai  fait  dis¬ 
soudre  à  l’ébullition  3500  grammes  d’argent  monnayé  français  dans  l’acide 
azotique  très-dilué.  L’azotate  d’argent  produit,  après  avoir  été  évaporé  jusqu’à 
siccité  et  fondu,  a  été  maintenu  à  son  point  de  fusion  tant  qu’il  s’est  dégagé 
des  composés  oxydés  de  l’azote.  L’azotate  mêlé  d’azolile  a  été  dissous,  après  le 
refroidissement,  dans  la  plus  petite  quantité  possible  d’eau  froide,  et  la  solu¬ 
tion,  après  quarante-huit  heures  de  repos,  a  été  filtrée  au  travers  d’un  double 
filtre  pour  séparer  toutes  les  matières  qui  auraient  pu  rester  en  suspension. 
La  solution  limpide,  diluée  de  trente  fois  son  volume  d’eau  de  pluie  filtrée,  a 
été  précipitée  par  un  excès  d’acide  chlorhydrique  pur.  Le  chlorure  d’argent 
formé  a  été  lavé  par  décantation  après  le  dépôt,  d’abord  avec  de  l’eau  acidulée 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


3l 


à  l’acide  chlorhydrique,  et  ensuite  avec  de  l’eau  pure.  Ce  lavage  a  été  exé¬ 
cuté  en  agitant  fortement  chaque  fois  le  chlorure  dans  de  grands  flacons 
bouchés,  avec  la  quantité  de  liquide  nécessaire. 

Recueilli  sur  une  toile  lavée  à  l’acide  chlorhydrique,  il  a  été  fortement 
exprimé  et  abandonné  à  la  dessiccation  spontanée.  Lorsqu’il  a  été  complète¬ 
ment  séché,  il  a  été  finement  pulvérisé  et  mis  en  digestion  pendant  plusieurs 
jours  avec  de  l’eau  régale.  Il  a  été  soumis  ensuite  à  un  nouveau  lavage  à  l’eau 
distillée. 

Comme  la  réduction  à  chaud  du  chlorure  d’argent  par  le  carbonate  de 
sodium  est  une  opération  des  plus  délicates  à  conduire,  lorsqu’elle  se  pratique 
sur  de  grandes  quantités,  j’ai  procédé  à  celle  réduction,  à  une  basse  tem¬ 
pérature,  sous  l’influence  d’une  solution  de  potasse  caustique  et  de  sucre  de 
lait,  comme  Levol  l’a  proposé  lé  premier. 

Pour  me  procurer  la  potasse  et  le  sucre  de  lait  sans  métaux,  j’ai  ajouté  à 
une  solution  concentrée  d’hydrate  de  potassium,  qui  avait  bouilli,  une  solu¬ 
tion  de  sulfhydrate  de  potassium  en  très-léger  excès,  pour  précipiter  les 
traces  des  métaux  dissous.  Après  le  dépôt  des  sulfures  métalliques,  j’ai 
décanté  la  solution  alcaline,  et  je  l’ai  mise  en  contact  avec  de  l’oxyde  d’argent 
récemment  précipité,  pour  la  dépouiller  du  sulfhydrate  de  potassium.  Après 
une  digestion  et  un  repos  suflisants ,  j’ai  séparé  l’oxyde  d’argent  en  excès  et 
le  sulfure  d’argent  produit. 

J’ai  éliminé  par  le  même  moyen  les  métaux  contenus  dans  une  solution 
aqueuse  saturée  de  sucre  de  lait. 

Le  chlorure  d’argent,  réparti  dans  trois  grands  vases  de  porcelaine,  a  été 
maintenu  en  digestion  à  la  température  de  70°  à  80°,  avec  le  mélange  de 
solutions  d’hydrate  de  potassium  et  de  sucre  de  lait,  jusqu’à  ce  que  tout  le 
chlore  fut  séparé  de  l’argent.  L’argent  métallique,  qui  était  gris,  a  été  lavé 
à  l’eau  jusqu’à  disparition  de  l’excès  d’alcali,  puis  mis  en  digestion  d’abord 
avec  l’acide  sulfurique  dilué  et  pur,  et  enfin  lavé  à  l’eau  ammoniacale.  Après 
sa  dessiccation  il  a  été  additionné  de  cinq  pour  cent  de  son  poids  de  borate 
de  sodium  calciné,  contenant  dix  pour  cent  de  nitrate  de  sodium,  et  soumis 
ainsi,  avec  les  précautions  nécessaires ,  à  la  fusion  dans  un  creuset  de  terre, 
dit  creuset  de  Paris. 


32 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Le  métal  fondu  a  été  coulé  ensuite  dans  une  lingotière  enduite  d'une  bouillie 
faite  de  kaolin  calciné  et  de  kaolin  non  calciné.  Les  barreaux  d’argent,  net¬ 
toyés  d’abord  au  sable  rugueux,  ont  été  rougis  ensuite  avec  de  la  potasse 
caustique  du  tartre.  Le  kaolin  adhérent  ayant  été  dissous,  les  barreaux  sont 
lavés  à  l’eau  pure. 

Ils  ont  été  débités  en  petits  blocs  à  l’aide  d’un  ciseau  d’acier  trempé.  Comme 
le  ciseau  le  plus  dur  laisse  des  traces  de  fer  à  la  surface  de  l’argent,  les  petits 
blocs  ont  été  mis  en  digestion  à  chaud  avec  de  l’acide  chlorhydrique  concentré 
et  pur.  L’argent  a  été  lavé  à  l’eau  ammoniacale  et  enfin  à  l'eau ,  et  chauffé 
à  son  point  de  fusion  avant  d’être  introduit  dans  un  flacon  bouché  à  l’émeri. 

J’ai  eu,  d'une  seule  coulée,  2875  grammes  d’argent  d’une  blancheur  ex¬ 
traordinaire. 

Je  dirai  plus  loin  comment  je  me  suis  assuré  de  son  état  de  pureté;  je 
veux  d’abord  exposer  le  deuxième  moyen  auquel  j’ai  eu  recours  pour  me 
procurer  de  grandes  quantités  d'argent  pur. 

Deuxième  méthode.  —  Cette  méthode  le  fournit  facilement  et  plus  promp¬ 
tement  que  n’importe  quel  moyen  connu;  elle  a  surtout  l’avantage  de  le  donner 
dans  un  étal  de  pureté  rare.  Je  vais  la  décrire  en  détail,  convaincu  qu’elle 
pourra  servir  dans  les  laboratoires  et  dans  les  ateliers  de  monnaies,  pour  la 
préparation  du  métal  d’essai ,  ou  argent  type. 

Elle  repose  sur  la  réduction  complète  qu’éprouvent  les  solutions  ammonia¬ 
cales  des  composés  d’argent  par  le  sulfite  cuivreux  ammoniacal  ',  ou  bien  par 
un  mélange  de  sulfite  d’ammonium  et  d’un  sel  de  cuivre  ammoniacal  quel¬ 
conque. 

A  la  température  ordinaire,  cette  réduction  s’opère  lentement  avec  dépôt 
d’argent  noir ,  bleu  ou  gris,  suivant  la  dilution  des  liquides.  Au  delèi  de  la 
température  de  60°  la  réduction  est  presque  instantanée,  et  l’argent  se  pré¬ 
cipite  dans  un  état  de  division  en  rapport  avec  la  dilution  du  liquide;  sa  cou¬ 
leur  varie  du  gris  au  blanc  pur. 

Voici  comment  j’ai  exécuté  la  préparation  de  l’argent  par  cette  méthode. 

De  l’argent  monnayé  est  dissous  dans  de  l’acide  azotique  dilué  et  bouil- 


1  Voir  note  n°  2  à  la  fin  do  premier  Mémoire. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


33 


lant;  la  solution  d’azotate  d’argent  et  de  cuivre  est  évaporée  jusqu’à  siccité,  et  la 
masse  saline  est  amenée  en  fusion.  Cette  fusion  est  nécessaire  pour  détruire  le 
nitrate  de  platine,  qui  se  forme  souvent  par  la  dissolution  de  V argent  monnayé 1 . 

Après  le  refroidissement,  les  azotates  sont  repris  par  de  l’eau  ammoniacale 
en  excès.  La  solution  ammoniacale  est  abandonnée  pendant  quarante-huit 
heures  au  repos.  Le  liquide  limpide  est  filtré  au  travers  d’un  double  filtre  de 
papier,  et  dilué  ensuite  d’eau  distillée  au  point  de  ne  plus  contenir  au  delà  de 
deux  pour  cent  de  son  poids  d’argent. 

Je  me  suis  procuré  du  sulfite  neutre  d’ammonium  par  la  saturation  de 
l’ammoniaque  à  l’aide  de  l’acide  sulfureux.  Pour  connaître  la  quantité  de  sul¬ 
fite  nécessaire  à  la  précipitation  complète  de  l’argent,  de  la  solution  ammonia¬ 
cale  d’azotate  d’argent  et  de  cuivre,  j’ai  chauffé  jusqu’au  point  d’ébullition 
un  volume  déterminé  de  solution  ammoniacale  de  sulfite  d’ammonium,  et  j’ai 
cherché  le  volume  de  solution  d’argent  et  de  cuivre  capable  d’être  décoloré 
par  ce  sel.  L’expérience  m’a  démontré,  en  effet,  que  tant  que  le  sulfite  d’am¬ 
monium,  chauffé  suffisamment ,  ne  se  colore  point  en  bleu  par  de  l’oxyde 
cuivrique  dissout  dans  l’ammoniaque,  il  ne  reste  aucune  trace  d’argent  en 
dissolution  dans  le  liquide,  parce  que  dans  ce  cas  tout  le  cuivre  existe  à  l’état 
cuivreux,  dont  la  présence  est  incompatible  avec  celle  d’un  composé  d’argent 
quel  qu’il  soit,  dissous  dans  l’ammoniaque. 

La  quantité  de  sulfite  d’ammonium  indispensable  à  la  précipitation  du 
liquide  étant  déterminée,  je  l’ai  ajoutée  à  la  solution  argentifère,  et  le 
mélange  ayant  été  bien  fait,  a  été  abandonné  pendant  quarante-huit  heures 
à  lui-même  dans  une  bonbonne  de  verre  fermée,  pour  exclure  le  contact  de 
l’air.  Au  bout  de  ce  temps,  le  tiers  environ  de  l’argent  a  été  réduit  à  la  tem¬ 
pérature  ordinaire ,  par  la  réduction  du  composé  cuivrique  à  l’état  de  composé- 
cuivreux,  et  s’était  précipité  sous  la  forme  d’une  pluie  d’argent  cristallisé, 
blanc  grisâtre,  très-brillant. 

J’ai  exposé  ensuite  dans  un  bain  d’eau  la  liqueur  bleue  décantée,  et  par 
une  quantité  de  dix  litres  à  la  fois,  à  une  température  de  60°  à  70°.  Le  temps 


1  Je  me  suis  assuré  à  plusieurs  reprises  que  l’argent  français  contient  du  fer,  du  nickel,  des 
traces  de  cobalt,  de  platine  et  d'or. 

Tome  XXXV.  3 


34 


NOUVELLES  RECHERCHES 


nécessaire  pour  déterminer  l’élévation  de  la  température  a  été  parfaitement 
suffisant  pour  la  réduction  complète  de  l’argent  existant  en  solution,  et  pour 
la  réduction  du  sulfite  cuivrique  à  l’état  de  sulfite  cuivreux ,  surtout  que  j’avais 
eu  soin  de  prendre  un  excès  suffisant  de  solution  de  sulfite  d’ammonium  L 
L’élimination  de  l’argent  étant  effectuée,  j’ai  décanté  le  liquide  après  le 
refroidissement  ,  et  j’ai  procédé  séparément  au  lavage  de  l’argent  précipité  à 
froid  et  à  chaud.  Ce  lavage  a  eu  lieu  par  décantation  et  à  l’aide  de  l’eau  ammo¬ 
niacale;  il  a  été  continué  tant  que  les  eaux  de  lavage  se  sont  colorées  sensi¬ 
blement  en  bleu  par  leur  exposition  à  l’air,  ou  qu’elles  ont  précipité  le  chlorure 
de  baryum.  J’ai  abandonné  ensuite  l’argent  pendant  plusieurs  jours  avec  de 
l’ammoniaque  concentrée  et  je  l’ai  enfin  lavé  à  l’eau  pure. 

St  la  solution  dont  on  a  précipité  l’argent  a  été  diluée  au  point  de  ne  pas 
renfermer  au  délit  de  deux  pour  cent  d’argent ,  V ammoniaque  laissée  en  con¬ 
tact  de  ce  métal  ne  se  colore  point,  même  après  plusieurs  jours  de  digestion: 

1  ammoniaque  ne  dissous  donc  aucune  trace  de  cuivre;  en  revanche  elle  a  dis¬ 
sous  de  l’argent ,  parce  que  ce  métal  est  faiblement  attaqué  par  cette  base  sous 
l’influence  de  l’air,  comme  il  est  du  reste  facile  de  le  constater  en  évaporant 
le  liquide  ammoniacal  qui  a  séjourné  pendant  plusieurs  jours  avec  de  la  gre¬ 
naille  ou  de  la  tournure  d’argent  pur.  Ce  liquide  laisse  toujours  un  miroir  noir 
brillant  d’azoture  d’argent  par  son  évaporation  spontanée. 

J’ai  préparé  à  quatre  reprises  différentes  de  l’argent  par  cette  méthode,  et 
en  dernier  lieu  j’ai  opéré  sur  2500  grammes  d’argent  à  la  fois.  J’ai  constaté 
qu’en  se  plaçant  dans  toutes  les  conditions  que  je  viens  de  décrire,  et  notam¬ 
ment  en  portant  la  dilution  de  la  dissolution  ammoniacale  des  azotates  d’ar¬ 
gent  et  de  cuivre  à  deux  pour  cent  d’argent,  on  obtient  de  l’argent  d’une  rare 
pureté.  Lorsqu  il  a  fallu  ramener  à  l’état  de  barreaux  l’argent  précipité,  je 
1  ai  fondu  avec  cinq  pour  cent  de  son  poids  de  borate  de  sodium  calciné,  con¬ 
tenant  dix  pour  cent  de  nitrate  de  sodium,  comme  je  l’ai  dit  pour  l’argent 
réduit  du  chlorure  par  la  potasse  et  le  sucre  de  lait.  J’en  ai  fondu  également 
de  très -grandes  quantités  au  chalumeau  aérhydrique  dans  un  creuset  de 

1  Le  liquide,  au  sein  duquel  la  réaction  s’est  établie,  devient  tout  à  fait  incolore  si  le  cuivre 
ne  contient  ni  nickel  ni  cobalt.  S’il  renferme  du  nickel,  il  se  colore  légèrement  en  vert;  il  prend 
au  contraire  une  teinte  rosée  ou  rouge  s’il  existe  du  cobalt  dans  le  métal  dissous. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


35 


porcelaine  pure,  ou  au  gaz  tonnant  dans  des  creusets  de  chaux  du  marbre, 
par  le  moyen  que  je  vais  exposer. 

Des  moyens  employés  pour  m’assurer  du  degré  de  pureté  de  l’argent. 

Dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomiques , 
j’ai  posé  en  fait  que  l’argent  pur  se  fond  et  se  maintient  fondu  dans  l’air  à 
une  température  assez  élevée  pour  se  volatiliser ,  sans  se  couvrir  de  taches  ou 
de  coloration  quelconque,  et  sans  donner  de  vapeur  colorée.  Je  me  suis  basé 
sur  ce  fait  pour  aller  à  la  recherche  de  la  pureté  de  l’argent  préparé  par  la 
réduction  du  chlorure  à  l’aide  de  la  potasse  et  du  sucre  de  lait,  ou  par  la 
réduction  de  l’azotate  d’argent  ammoniacal  à  l’aide  du  sulfite  d’ammonium 
et  du  sulfite  cuivreux  ammoniacal.  Dans  ce  but,  400  grammes  environ  d’ar¬ 
gent  du  chlorure,  placés  dans  un  creuset  de  chaux  du  marbre  blanc  contenu 
lui-même  dans  un  creuset  réfractaire,  ont  été  soumis  à  la  flamme  sifflante 
produite  par  la  combustion  du  gaz  éclairant  dans  l’oxygène  pur.  'L’argent 
s’est  fondu  sans  se  couvrir  de  la  moindre  tache.  Je  l’ai  chauffé  ensuite  au 
point  de  le  faire  entrer  en  une  vive  ébullition.  L’argent  a  communiqué  d’abord 
à  la  flamme  le  caractère  sodique;  mais  au  bout  de  peu  d’instants  la  couleur 
jaune  a  disparu,  et  tant  que  l’argent  n’a  point  bouilli,  il  n’a  point  apparu  de 
coloration,  quoique  cependant  le  métal  émît  des  vapeurs  en  quantités  très- 
considérables.  Dès  que  l’argent  est  entré  en  ébullition,  il  a  produit  une 
vapeur  d'un  bleu  pâle  1,  laquelle ,  à  plusieurs  reprises,  a  viré  légèrement  au 
pourpre  2.  Cette  vapeur  colorait  en  jaune  foncé  la  chaux  vive,  coloration  qui 
disparaissait  par  l’application  de  la  chaleur.  Lorsque ,  par  cette  espèce  d’affi¬ 
nage,  l’argent  devait  avoir  perdu  toutes  les  matières  volatiles,  et  lorsque  les 
matières  fixes,  mais  oxydables,  qu’il  pouvait  contenir,  devaient  être  unies 
à  la  chaux,  je  l’ai  laissé  tomber  d’une  assez  grande  hauteur,  et  par  un  petit 
filet,  dans  de  l’eau  distillée  où  il  s’est  transformé  en  grenaille  presque  sphé- 

1  Quelques  chimistes  assignent  à  la  vapeur  de  l’argent  une  coloration  verte.  La  couleur  verte 
observée  provenait  indubitablement  du  cuivre  contenu  dans  l’argent  soumis  à  l’expérimentation. 

2  J’attribue  la  coloration  pourpre  à  l’existence  du  strontium  ou  du  lithium  dans  le  marbre 
qui  a  servi  à  la  préparation  du  creuset  de  chaux  vive. 


56 


NOUVELLES  RECHERCHES 


rique  d’un  blanc  pur.  Le  creuset  n’a  présenté  aucun  vestige  d’oxyde  métal¬ 
lique  ni  de  silicate  métallique  quelconque. 

Le  même  traitement  a  été  appliqué  à  l’argent  pulvérulent  préparé  par  le 
sulfite  ammoniacal  cuivreux ,  et  des  phénomènes  identiques  se  sont  présentés , 
sauf  toutefois  l’absence  de  la  coloration  jaune  intense  de  la  flamme  du  gaz 
tonnant,  qui  s’était  produite  lorsque  l’argent  provenant  de  la  réduction  du 
chlorure  a  été  chauffé  près  de  son  point  d’ébullition. 

Avant  de  soumettre  l’argent  que  je  voulais  éprouver  à  l’action  de  la  flamme 
du  gaz  tonnant,  j’avais  eu  soin  d’exposer  préalablement  l’intérieur  du  creuset  de 
chaux  du  marbre  à  l’action  de  la  chaleur  du  même  gaz  tonnant,  pour  éliminer 
de  cette  chaux,  autant  que  possible,  les  matières  volatilisables,  qui  impri¬ 
ment  une  coloration  propre  à  la  flamme.  J’ai  observé  à  cette  occasion  qu’indis- 
tinctement  tous  les  marbres  renferment  notablement  du  sodium;  que  beau¬ 
coup  contiennent  du  strontium  et  du  lithium .  A  l’aide  de  la  méthode  que 
j’indique  plus  loin,  j’ai  procédé  à  la  comparaison  des  argents  affinés  avec 
ceux  dont  ils  sont  provenus,  et  avec  l’argent  type  préparé  par  l’électrolyse  du 
cyanure  d’argent  et  d’ammonium.  Ayant  été  frappé  de  la  facilité  avec  laquelle 
on  peut  faire  bouillir  vivement  et  distiller  l’argent  dans  la  flamme  du  gaz  ton¬ 
nant ,  fait  du  reste  que  MM.  Henri  Sainte-Claire  Deville  et  De  Bray  1  avaient 
déjà  remarqué,  j’ai  voulu  en  profiter  dans  le  double  but  de  me  procurer  de 
l’argent  distillé,  et  de  m’assurer  en  même  temps  si  l’argent  affiné,  comme  je 
viens  de  le  dire,  retient  encore  quelques  traces  de  matières  fixes  capables 
de  s’unir  à  la  chaux. 

Dans  ce  but,  j’ai  fait  creuser  dans  un  bloc  de  chaux  cerclé,  préparé  à  l’aide 
du  marbre  blanc,  de  vingt-cinq  à  trente  centimètres  de  longueur  sur  dix 
centimètres  de  largeur  et  de  hauteur,  une  cavité  circulaire  de  trois  centi¬ 
mètres  de  diamètre  et  de  deux  centimètres  de  profondeur,  en  communication 
avec  un  plan  incliné  également  de  trois  centimètres  de  largeur  sur  un  demi- 
centimètre  de  profondeur  au  plus,  et  servant  de  condensateur  à  la  vapeur 
d’argent.  Ce  plan  incliné  était  terminé  par  un  réservoir  faisant  office  de  réci¬ 
pient  au  métal  liquéfié,  comme  le  montre  la  figure. 


1  Ann.  de  chimie  et  de  physique ,  t.  LVI,  p.  41 3. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 

Fig.  I . 


57 


J’ai  placé  50  grammes  environ  d’argent  affiné  dans  la  cavité  préala¬ 
blement  roogie  au  blanc  par  l’application  d’un  jet  de  gaz  éclairant  brûlant 
dans  un  excès  convenable  d’air  comprimé,  et  j’ai  couvert  le  bloc  avec  une 
plaque  de  chaux  du  marbre  blanc,  de  cinq  centimètres  d’épaisseur,  percée 
de  deux  ouvertures  circulaires  inclinées,  correspondant  l’une  à  la  cavité 
circulaire  qui  y  est  pratiquée ,  l’autre  au  petit  réservoir  terminant  le  plan 
incliné.  Par  l’une  des  ouvertures  de  la  plaque,  j’ai  fait  passer  un  chalumeau 
à  gaz  tonnant  de  MM.  Henri  Sainte-Claire  Deville  et  De  Bray.  Ce  chalumeau 
avait  des  bouts  très-épais  en  platine,  pour  éviter  leur  fusion  et  ensuite  l’en¬ 
traînement  du  métal.  Lorsque  l’intérieur  de  la  cavité  eut  été  chauffé  au  point 
de  l’ébullition  de  l’argent ,  il  fallut  dix  à  quinze  minutes  au  plus  pour  faire 
passer  tout  l’argent  à  la  distillation.  Les  50  grammes  se  sont  volatilisés  sans 
laisser  dans  la  cavité  de  chaux ,  servant  de  cornue  de  distillation ,  le  moindre 
résidu  appréciable  d  l’œil  armé  d’une  loupe. 

J’ai  versé  dans  de  l’eau  distillée  l’argent  que  je  suis  parvenu  a  recueillir 
ainsi  dans  le  récipient.  La  distillation  de  l’argent  est  une  opération  si  facile  a 


38 


NOUVELLES  RECHERCHES 


pratiquer,  que  je  l’ai  répétée  trois  fois.  Rien  ne  serait  plus  aisé  que  de  se  pro¬ 
curer  un  kilogramme  d’argent,  si  l’outillage  était  approprié  à  cette  masse.  Je 
dois  avouer  toutefois  que,  dans  les  opérations  que  je  viens  de  décrire,  la  moitié 
au  moins  de  l’argent  employé  a  été  perdu.  En  effet,  il  a  été  entraîné  à  l’état 
de  vapeur  bleu  pâle  avec  le  courant  de  gaz  tonnant ,  quoiqu’il  fut  cependant 
modéré,  et  sans  excès  trop  grand  d’oxygène;  il  a  été  répandu  dans  l'air 
ambiant  dont  il  a  troublé  la  transparence,  et  auquel  il  a  communiqué  une 
saveur  métallique  très-sensible.  Mon  outillage  d’ailleurs  était  très-imparfait; 
de  la  vapeur  d’argent  s’échappait  en  quantité  par  l’ouverture  destinée  au 
dégagement  des  produits  de  la  combustion,  et  tout  autour  entre  le  bloc  et  la 
plaque  épaisse  qui  servait  de  voûte  à  celui-ci  ;  leurs  surfaces  en  effet  n’étaient 
pas  assez  bien  dressées  pour  se  superposer  très-exactement. 

Partout  où  la  vapeur  d’argent  avait  passé,  elle  a  laissé  un  enduit  jaune 
pâle  ou  jaune  foncé,  analogue  à  celui  que  laisse  la  vapeur  de  la  Iitharge. 

Du  reste,  le  plan  incliné  destiné  à  la  liquéfaction  de  la  vapeur  d’argent 
n’a  été  convenable  ni  dans  sa  forme,  ni  dans  ses  dimensions,  pour  amener 
la  condensation  de  toute  la  vapeur  métallique  entraînée  par  le  courant  de 
gaz  tonnant  plus  ou  moins  comprimé. 

Quoi  qu’il  en  soit  de  ce  détail  insignifiant,  puisqu’il  se  résout  en  une 
question  de  dépense  négligeable  dans  des  recherches  de  cette  nature,  si  un 
chimiste  voulait  un  jour  reprendre  avec  l’argent  la  série  de  déterminations 
des  poids  atomiques ,  c’est  à  la  volatilisation  du  métal,  préalablement  affiné, 
que  je  l  engagerais  ci  avoir  recours  pour  se  procurer  l’argent  absolument  pur. 

Avant  de  terminer,  je  dois  ajouter  que  j’ai  remarqué  que  la  condensation 
de  la  vapeur  d’argent  se  fait  d’autant  mieux,  que  le  gaz  tonnant  renferme 
moins  d’oxygène  en  excès. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


39 


Détermination  du  titre  de  l'argent  de  différentes  provenances. 


La  méthode  d’essai  par  la  voie  humide,  pratiquée  dans  les  ateliers  des 
hôtels  des  monnaies,  m’a  servi  pour  la  comparaison  de  l’argent  produit  et 
affiné  de  différentes  manières.  J’ai  eu  soin  de  décupler  la  quantité  de  ma¬ 
tière  soumise  à  l’essai. 

Fig.  2. 


40 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Pour  exécuter  celte  méthode  dans  toutes  les  conditions  possibles  d’exacti¬ 
tude,  j’ai  pris  des  dispositions  particulières  que  j’ai  fait  connaître  brièvement 
dans  mon  précédent  travail,  et  que  je  vais  décrire  avec  les  détails  convena¬ 
bles,  en  accompagnant  la  description  de  figures,  pour  me  conformer  au  désir 
qui  m’en  a  été  exprimé  par  plusieurs  chimistes  qui  ont  examiné  l’appareil. 

Le  système  destiné  à  l’essai  se  compose  de  trois  parties  distinctes  :  un 
réservoir,  contenant  une  solution  titrée  de  chlorure  de  sodium;  un  mesureur; 
un  appareil  où  se  fait  la  titration. 

Le  volume  du  réservoir  a  été  déterminé  à  l’aide  de  la  pesée  du  flacon 
plein  d’air  sec  et  plein  d’eau.  Ce  volume,  à  10°,  est  6328cc3o  *. 

Le  mesureur  se  compose  d’une  grande  pipette,  surmontée  d’un  long  tube 
presque  capillaire,  subdivisé  en  soixante-dix  capacités  égaies;  il  est  muni, 
par  le  bas,  d’un  tube  effilé,  dont  l’ouverture  présente  0m,0(M5  de  diamètre. 

La  capacité  du  mesureur,  rempli  jusqu’au  0°,  a  été  fixée  par  la  perte  de 
poids  qu’il  éprouve  par  l’écoulement  de  l’eau.  Cette  capacité  a  été  trouvée 
de  504CO,922,  à  10°  centésimaux2. 

Le  mesureur  est  fixé  à  demeure  dans  un  manchon  de  verre  rempli  d’eau 
maintenue  à  une  température  constante;  il  se  remplit  par  le  bas  à  l’aide  du 
liquide  du  réservoir,  conduit  par  un  siphon  muni  d’un  robinet  de  verre  et 
terminé  par  un  tuyau  en  caoutchouc,  qui  vient  s’adapter  à  la  partie  effilée 
du  tube  delà  pipette.  Le  mesureur  est  pourvu,  à  sa  partie  supérieure,  d’un 
robinet,  dont  on  ouvre  la  clef  lorsqu’on  veut  le  remplir  de  liquide  jusqu’à  0°, 
et  qu’on  tient  fermé  pendant  tout  le  temps  qu’on  veut  laisser  séjourner  le 
liquide  salin  dans  le  vase  pour  lui  faire  prendre  la  température  du  bain  d’eau 
qui  l’entoure5.  Du  reste,  afin  de  me  mettre  à  l’abri  des  variations  de  tem¬ 
pérature  du  liquide,  j’ai  attendu,  pour  faire  les  déterminations,  que  la 

r 

1  Voir  aux  notes  pour  les  éléments  qui  ont  servi  à  la  détermination  de  ce  volume.  Note  n°  3. 

2  Voir  aux  notes  pour  les  éléments  qui  ont  servi  à  la  détermination  de  la  capacité  totale  du 
mesureur,  et  de  la  capacité  de  la  tige  subdivisée  en  soixante-dix  parties  égales.  Note  n°  4. 

3  Grâce  au  système  de  distribution  d’eau  de  la  ville  de  Bruxelles,  rien  ne  m  est  plus  facile 
que  d’avoir,  pendant  huit  à  dix  jours  consécutifs,  un  courant  d’eau  à  température  constante. 
La  plus  grande  différence  qu’il  y  ait  dans  toute  l'année,  dans  la  température  de  l'eau,  n'atteint 
même  pas  4°  centésimaux.  Pendant  plus  de  deux  mois,  cette  température  est  de  10°  centési¬ 
maux  très-exactement. 


41 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 

température  de  1  air  de  la  chambre  obscure  et  de  l’eau  fut  sensiblement 
la  même  K 

Pour  préparer  la  solution  saline  titrée,  j’ai  introduit  dans  le  réservoir 
33s  ,9653  de  sel  marin  pur.  Ce  poids  représente  5gr,420  de  chlorure  pur 
par  1009cc, 844,  volume  double  de  la  capacité  du  mesureur  à  10°  centé¬ 
simaux.  D’après  mes  expériences  antérieures,  5gr, 42078  de  sel  marin  pur 
doivent  précipiter  exactement  10gr,G00  d’argent  de  l’électrolyse  de  cyanure 
d’argent  et  d’ammonium.  Il  me  restait  donc  une  latitude  de  près  de  0g',001 
pour  faire  1  essai,  quantité  plus  que  suffisante,  eu  égard  à  la  rare  perfection 
de  la  méthode  de  Gay-Lussac,  lorsqu’elle  est  convenablement  appliquée. 

La  pesée  d  une  quantité  déterminée  a  priori  de  chlorure  de  sodium  est 
une  opération  excessivement  délicate,  impossible  même  à  exécuter  avec 
exactitude  si  l’on  n’a  pas  recours  à  un  artifice.  Voici  celui  que  j’ai  employé 
et  auquel,  du  reste,  j’ai  eu  toujours  recours  dans  des  circonstances  analo¬ 
gues.  Après  avoir  calculé  le  poids  dans  l’air  2  de  33gr,9653  de  chlorure  de 
sodium  supposé  pesé  dans  le  vide,  poids  qui  est  égal  à  33gr,9475;  j’ai  pesé, 
dans  un  creuset  de  platine,  cette  quantité  concassée  en  petits  fragments,  et 
j  ai  ensuite  soumis  le  creuset,  renfermé  dans  un  second,  à  une  température 
rouge  sombre.  Pendant  que  le  sel  marin  était  encore  très-chaud,  je  l’ai 
introduit,  à  l’aide  d’une  main  de  platine,  dans  un  tube  bouché  à  l’éméril , 
également  chauffé,  et  dont  le  poids  était  déterminé.  Le  refroidissement  du 
tube  étant  complet ,  j  ai  constaté  son  poids  et  j’ai  suppléé  les  quelques  milli¬ 
grammes  manquants ,  en  pesant  à  la  balance  d’essai ,  et  aussi  rapidement  que 
possible ,  la  quantité  de  chlorure  nécessaire  pour  parfaire  le  poids  total  du 
chlorure  calculé. 

Dans  la  notice  °  intitulée  :  Du  chlorure  de  sodium  employé  dans  les  déter¬ 
minations ,  et  détermination  du  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  et 

La  figure  représente  le  réservoir  et  le  mesureur  en  double  tel  que  l’appareil  est  réellement 
installé  dans  mon  laboratoire.  Un  des  mesureurs  est  fixé  à  demeure  dans  un  manchon  de  verre, 
l’empli  d  eau  maintenue  à  température  constante;  l’autre  mesureur  est  à  l’air  libre.  Le  premier 
système  m’a  fourni  seul  des  résultats  constants. 

2  J’ai  trouvé  la  densité  du  chlorure  employé  =2,145.  D’où  il  résulte  que,  pesé  dans  l’air 
ordinaire,  à  l’aide  de  poids  de  platine,  il  perd  0^,0005566  de  son  poids  par  gramme. 

3  Voir  le  troisième  Mémoire. 

Tome  XXXV. 


6 


42 


NOUVELLES  RECHERCHES 


l’azotate  de  sodium,  j’indique  la  méthode  que  j’ai  employée  pour  me  pro¬ 
curer  le  chlorure  sodique  qui  a  servi;  du  reste,  j’ai  mis  tous  les  soins  ima¬ 
ginables  pour  garantir,  autant  que  possible,  sa  pureté.  Je  fais  connaître 
également  le  moyen  auquel  j’ai  eu  recours  pour  m’assurer  de  la  quantité  de 
matières  étrangères  qu’il  contenait,  quantité  dont  le  poids  s’élevait  de ~ 


Après  avoir  chauffé  jusqu’au  rouge  sombre  une  certaine  quantité  de  chaque 
échantillon  d’argent  que  je  voulais  comparer ,  j’en  ai  pesé  dans  l’air  et  à 
l’aide  de  poids  de  platine  9er, 99943  représentant  dans  le  vide  10sr,0000  de 
ce  métal.  J’ai  dissous  chaque  essai  dans  l’acide  azotique  pur  à  \  ,24  de  densité. 
La  dissolution  a  été  effectuée  en  plaçant  le  flacon  dans  un  bain  d’air  chaud. 
Pour  empêcher  l’entraînement  de  l’argent  par  les  gaz  produits,  j’ai  incliné  le 
flacon  vers  40  à  45  degrés,  et  à  l’aide  d’un  bouchon  de  caoutchouc  volcanisé, 
mais  désulfuré  par  le  moyen  d’une  solution  bouillante  d'hydrate  de  sodium, 
j’ai  adapté  un  tube  recourbé  dont  la  branche  descendante  est  munie  d’une 
houle.  L’extrémité  du  tube  plongeait  dans  de  l’eau  contenue  dans  un  petit 
matras.  La  boule  est  suffisamment  spacieuse  pour  contenir  le  liquide  destiné 
au  lavage  du  gaz.  J’ai  maintenu  la  température  assez  basse  pour  que  la  dis¬ 
solution  s’opérât  lentement,  condition  absolument  indispensable  lorsqu’on 
veut  éviter  l’entraînement  de  la  solution  d’argent  par  l’oxyde  azotique  dé¬ 
gagé. 

La  dissolution  de  l’argent  étant  effectuée,  et  le  flacon  étant  refroidi, 
j’ai  retourné  le  tube  afin  de  faire  couler  dans  l’intérieur  du  flacon  l’eau  de 
lavage  qui  était,  remontée  dans  la  boule,  et  j’ai  lavé  ensuite  à  l’eau  pure 
le  malras  et  le  tube,  en  ayant  soin  d’ajouter  le  liquide  au  contenu  du 
flacon. 

Tous  les  flacons  ont  été  portés  ensuite  à  la  chambre  obscure,  où  l’appareil 
d’essai  était  installé.  Toutes  les  surfaces  de  celte  chambre  obscure  sont 
couvertes  de  trois  couches  de  noir  de  fumée  délayé  dans  une  solution  de 


1  En  purifiant,  autant  que  possible,  ce  chlorure  de  sodium,  et  en  déterminant  en  outre  avec 
soin  la  quantité  de  matières  étrangères  retenues  malgré  ces  purifications,  j’avais  pour  but  de 
(aire  servir  ces  nouvelles  expériences  à  la  détermination  du  rapport  proportionnel  entre 
l'argent  et  le  chlorure  de  sodium,  afin  de  déduire  de  cette  donnée  le  poids  atomique  de  l’argent 
et  le  poids  moléculaire  du  chlorure  sodique. 


43 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


gélatine.  La  chambie  élait  éclairée  au  gaz,  et  un  écran  en  verre  jaune  était 
interposé  entre  la  flamme  et  les  objets  qu’il  s’agissait  d’éclairer  et  qui  sont 
altérables  par  la  lumière  blanche  L 

Les  flacons  étant  entourés  d’une  enveloppe  de  caoutchouc ,  j’ai  laissé  couler 
dans  chacun  deux,  et  absolument  dans  la  même  condition  de  température, 
le  liquide  provenant  de  la  vidange  deux  fois  répétée  du  mesureur  rempli  de 
solution  saline  jusqu’à  0  division. 


Pour  être  certain  que  la  température  du  liquide  contenu  dans  le  mesureur 
était  exactement  celle  du  bain  qui  l’entourait,  j’ai  eu  soin  d’attendre  que  le 
niveau  dans  le  tube  capillaire  restât  constant,  comme  c’est  le  cas  du  liquide 
dans  un  thermomètre  placé  dans  un  milieu  à  température  constante;  c’est 
même  dans  ce  but  que  le  tube  capillaire  calibré  a  été  soudé  à  la  pipette. 

Apiès  avoir  bouché  hermétiquement  les  flacons  et  agité  vivement  le  liquide 
qui  y  est  renfermé,  pour  1  éclaircir,  je  les  ai  portés  successivement  dans  l 'ap¬ 
pui  eil  à  filiation  figuré  ci-dessous,  où  j’ai  procédé  à  la  recherche  de  l’argent 
ou  du  sel  marin  en  excès. 


Fig.  5. 


Dans  les  monnaies,  comme  dans  les  laboratoires  de  chimie,  l'essai  du  titre  de  l’argent  se  fait 
a  la  lumière  diffuse.  J'ose  affirmer  qu'aucune  détermination  exacte  n’est  possible  dans  cette  con¬ 
dition.  Les  essais  comparatifs  que  j'ai  faits  ne  me  laissent  aucun  doute  à  ce  sujet;  toutefois  l’er¬ 
reur  que  Ion  peut  commettre  ainsi  n’influe  point  sensiblement  sur  le  résultat,  eu  égard  à  la 
limite  assez  large  dans  laquelle  on  se  renferme. 


44 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Cet  appareil  se  compose  d’un  parallélipipède  de  bois,  long  de  70  centi¬ 
mètres,  large  de  22  centimètres  et  haut  de  45  centimètres,  couvert  en  haut 
de  planches  mobiles,  dont  deux  trouées  au  centre.  Son  intérieur  est  tout  à  fait 
noirci,  et  séparé  en  deux  compartiments  par  un  écran  mobile,  muni  d’une 
ouverture  circulaire  de  trois  centimètres  de  diamètre.  Cette  ouverture  donne 
passage  à  un  cône  de  lumière  jaune  émané  d’un  ballon  parfaitement  sphé¬ 
rique,  et  contenant  une  solution  de  chromate  neutre  de  sodium.  Vis-à-vis  de 
la  sphère  est  disposée,  à  une  distance  convenable,  une  lampe  à  gaz  ou  à  pétrole 
(je  me  suis  servi  de  l’un  et  de  l’autre),  dont  la  flamme  est  réglée  de  manière 
à  ce  que  la  partie  la  plus  éclairante  du  cône  lumineux  corresponde  au  centre 
du  ballon. 

De  l’autre  côté  de  l’écran  troué  est  placé,  également  à  une  distance  conve¬ 
nable,  le  flacon  contenant  l’essai.  J’ai  soin  d’élever  ou  d’abaisser  le  flacon  de 
telle  sorte,  que  la  surface  du  liquide  qui  y  est  contenu  coïncide  exactement 
avec  le  milieu  de  l’ouverture. 

En  examinant  le  liquide,  soit  par  les  petites  portes  à  coulisse  ménagées 
sur  le  devant  de  l’appareil,  soit  par  les  petites  portes  ménagées  sur  le  côté, 
on  s’aperçoit  qu’une  section  de  quelques  centimètres  seulement  du  liquide  est 
vivement  éclairée,  tandis  que  le  restant  ainsi  que  le  chlorure  au  fond  du  flacon 
sont  dans  l’obscurité  complète.  Du  reste,  la  hauteur  de  la  section  du  liquide 
éclairée  dépend  du  faisceau  lumineux,  et  le  faisceau  lumineux  dépend  simul- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  Ab 

tanémenl  du  diamètre  de  la  sphère  et  de  la  position  relative  de  la  lampe  et 
du  flacon  par  rapport  à  la  sphère. 

Tout  trouble,  quelque  minime  qu’il  soit,  produit  dans  la  partie  supérieure 
du  liquide  par  la  formation  du  chlorure  d’argent,  se  fait  apercevoir;  en  effet, 
les  corps  en  suspension  y  deviennent  à  l’instant  lumineux.  J’ai  fait  connaître 
déjà,  dans  mon  Mémoire  de  1860,  l’aspect  que  prend  le  précipité  de  chlo¬ 
rure  d’argent  suivant  la  richesse  du  liquide  en  argent;  je  n’y  reviendrai  pas. 
Je  me  permettrai  seulement  de  répéter  que ,  à  l’aide  de  cet  artifice,  on  constate, 
au  bout  de  peu  d’instants,  un  vingtième  de  milligramme  d’argent  dans  un  litre 
d’eau  distillée  et  que,  en  attendant  suffisamment  (quinze  minutes),  on  peut 
reconnaître  et  doser  un  cinquantième  et  même  un  centième  de  milligramme 
dans  un  litre  de  liquide,  après  avoir  laissé  tomber  à  sa  surface  une  solution  de 
chloi  ure  contenant  une  quantité  équivalente  de  chlore.  La  minime  quantité  de 
chlorure  d  argent  produite  se  transforme  en  une  espèce  de  voile ,  qui  augmente 
d  épaisseur  et  d  éclat  à  mesure  que  s’effectue  le  mélange  du  liquide  ajouté 
avec  celui  qui  existe  dans  le  flacon. 

Pour  déterminer  la  quantité  d’argent  ou  de  chlorure  de  sodium  non  préci¬ 
pitée,  je  me  suis  servi  de  liqueurs  normales  de  sel  marin  et  d’argent.  Le  comp¬ 
teur  que  j’ai  employé  à  cet  effet  débitait  exactement  vingt  gouttes  par  cen¬ 
timètre  cube  de  liquide.  Un  cent  millième  d’argent  était  ainsi  représenté  par 
deux  gouttes.  Or,  ceux  qui  se  sont  suffisamment  familiarisés  avec  la  méthode 
de  la  voie  humide  savent  qu'une  goutte  de  liqueur  normale  suffit  pour  s’as¬ 
surer  de  la  présence  ou  de  l’absence  de  l’argent  dissous. 

Voici  le  résultat  des  essais  de  l’argent  de  différentes  provenances.  J’y  ai 
ajouté  trois  essais  de  l’argent  préparé  par  le  procédé  de  Gay-Lussac,  afin  de 
montrer  combien  cette  méthode  est  impuissante  pour  fournir  du  métal  pur; 

j  ai  du  reste  insisté  assez  sur  le  fait  de  cette  impureté  dans  mon  précédent 
travail. 


16 


NOUVELLES  RECHERCHES 


TITRE  DE  L’ARGENT  DE  DIFFÉRENTES  PROVENANCES. 

(10sr,000  d'argent  précipités  par  5sr,420  de  chlorure  de  sodium. 


PROCÉDÉ 

DË  PRÉPARATION  DE  L’ARGENT. 

POIDS 

De  chlorure  necessaire 
pour  la  précipitation 
de  l'argent  reste  dis¬ 
sous* 

POIDS 

De  l’argent  nécessaire 
pour  la  précipitation 
du  chlorure  non  dé¬ 
composé. 

TITRE 

De  l’argeut,  le  métal 

distillé 

étant  (00,000. 

S 

Prêt 

Ëlectrolyse  de  cyanure  d'argent  et  d'ammonium;  métal 
fondu  au  gaz  tonnant  dans  un  creuset  de  chaux  et 
coulé  dans  l’eau. 

nière  série. 

•1°  0sr,ü0065 

2»  Os--, 00060 

Osr, 0000 

Osr, 0000 

99,998 

Réduction  de  l'azotate  d'argent  ammoniacal  par  le  sucre 
de  lait  et  l'hydrate  de  potassium  purs  (procédé  de 
M.  Von  Liebig);  fusion  avec  borate  et  azotate  de  so¬ 
dium. 

1°  Os r, 00045 

2°  0sr, 00040 

0§r, 0000 

Osr, 0000 

99,994 

Réduction  du  chlorure  pur  par  le  carbonate  de  sodium 
et  le  nitre  purs. 

Osr, 00045 

Osr, 0000 

99,995 

Deua 

Ëlectrolyse  de  cyanure  d'argent  et  d'ammonium;  métal 
fondu  au  gaz  'tonnant  dans  un  creuset  de  chaux  et 
coulé  dans  l’eau. 

;  terne  série. 

Osr, 00065 

Osr, 0000 

99.999 

Réduction  du  chlorure  pur  par  l'hydrate  de  potassium 
et  le  sucre  de  lait  purs;  fusion  avec  borate  et  azotate 
de  sodium. 

Osr, 00045 

Osr, 0000 

'  99,995 

i 

Réduction  du  chlorure  pur  par  l’hydrate  de  potassium 
et  le  sucre  de  lait  purs;  fusion  avec  borate  et  azotate 
de  sodium;  affinage  au  gaz  tonnant;  coulage  dans  de 
l'eau. 

Osr, 00065 

Os  r, 0000 

99,999 

Distillation  de  l’argent  affiné  produit  par  la  réduction 
du  chlorure  pur  à  l'aide  de  !  hydrate  de  potassium  et 
du  sucre  de  lait. 

-1°  Oer, 00075 

2°  Osr, 00070 

Osr, 0000 

Osr, 0000 

100,000 

Trois 

Ëlectrolyse  de  cyanure  d'argent  et  d'ammonium;  métal 
fondu  au  gaz  tonnant  dans  un  creuset  de  chaux  et 
coulé  dans  l’eau. 

ième  série. 

Osr, 00060 

Osr, 0000 

99,997 

suit  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  47 


PROCÉDÉ 

DE  PRÉPARATION  DE  L’ARGENT. 

POIDS 

De  chlorure  nécessaire 
pour  la  précipitation 
de  l’argent  resté  dis¬ 
sous. 

POIDS 

De  l’argent  nécessaire 
pour  la  précipitation 
du  chlorure  non  dé¬ 
composé. 

T1TIIE 

De  l’argent,  le  métal 

distillé 

étant  100,000. 

Réduction  de  l’azotate  d’argent  ammoniacal  par  les  sul- 
lites  cuivreux  et  d’ammonium;  métal  fondu  dans  un 
creuset  de  chaux  et  coulé  dans  l’eau. 

0sr, 00035 

0er,0000 

99,997 

Réduction  du  chlorure  à  l'aide  du  charbon  et  de  la  craie 
(procédé  de  Gay-Lussac);  un  traitement  *. 

Osr, 00000 

0sr,0025 

99,975 

Réduction  du  chlorure  à  l’aide  du  charbon  et  de  la  craie; 
deux  traitements. 

0s-’, 00000 

0s%0016 

99,98  i 

Réduction  du  chlorure  à  l’aide  du  charbon  et  de  la  craie  ; 
trois  traitements. 

05% 00000 

0ê%0009 

99,991 

i  L’areent  soumis  à  l'expérience  est  une  partie  de  celui  que  j'avais  essayé  en  1837,  et  dans  lequel  j’avais  trouvé  directement 
vingt-trois. cent-millièmes  de  matières  étrangères,  au  lieu  de  vingt- cinq  cent-millièmes,  comme  je  le  trouve  maintenant. 


Si  l’on  en  excepte  la  méthode  de  Gay-Lussac,  on  peut  donc  admettre  que 
tous  les  procédés  indiqués  dans  mon  précédent  travail  et  ceux  que  j’ai  dé¬ 
crits  dans  celui-ci ,  bien  exécutés,  peuvent  fournir  de  l’argent  absolument 
pur,  pourvu  qu’on  se  donne  la  peine  de  faire  subir  au  métal  une  espèce  d’affi¬ 
nage,  en  le  chauffant  jusqu’à  l’ébullition  dans  un  creuset  de  chaux,  dans  la 
flamme  du  gaz  tonnant. 

En  jetant  les  yeux  sur  les  chiffres  inscrits  dans  le  tableau  qui  précède, 
on  remarquera  la  constance  des  résultats  obtenus  à  l’aide  d’un  même  métal. 
Pour  les  trois  séries  de  déterminations,  j’ai  dû  renouveler  chaque  fois  le 
liquide  salin,  à  cause  de  l’insuffisance  de  capacité  du  réservoir;  mais  à 
chaque  série  c’est  le  même  chlorure  et  c’est  le  même  argent,  celui  de  l’élec- 
trolyse,  qui  ont  servi  de  type  de  comparaison.  Or,  les  résultats  ont  été  identi¬ 
ques.  On  peut  donc  affirmer  qu’en  se  plaçant  dans  les  conditions  convenables, 
et  que  j’ai  suffisamment  indiquées,  il  est  possible  de  saisir  le  moment  précis 
ou  l 'élimination  complète  de  l’argent  dissous  est  effectuée;  il  n’y  a  aucun  doute 
que  la  méthode  de  la  voie  humide  pour  la  comparaison  des  différents  argents 
entre  eux  ne  puisse  donner  des  résultats  presque  mathématiquement  exacts. 

Lorsque }  pour  les  déterminations  consignées  dans  ce  travail,  f  ai  dû  doser 


48 


NOUVELLES  RECHERCHES 


la  quantité  d'argent  ou  de  chlore ,  de  brome  ou  d’iode  existant  dans  un  liquide 
au  sein  duquel  j’avais  formé  soit  du  chlorure,  soit  du  bromure,  soit  de 
l’iodure  d’argent,  j’ai  exécuté  ce  dosage  en  me  mettant  dans  les  conditions 
identiques  à  celles  que  je  viens  de  décrire  au  sujet  de  la  détermination  du 
titre  de  l’argent,  et  en  y  consacrant  les  mêmes  soins.  Les  résultats  méritent 
donc  la  même  confiance. 

Après  avoir  exposé  les  méthodes  employées  pour  me  procurer  l’argent 
pur,  je  vais  faire  connaître  maintenant  les  moyens  auxquels  j’ai  eu  recours 
pour  la  préparation  du  chlorure  d’ammonium  destiné  à  la  détermination  du 
rapport  proportionnel  de  ce  métal  avec  le  chlorure. 

II.  —  Du  CHLORURE  D’AMMONIUM. 


1°  Chlorure  d’ammonium  obtenu  par  l’ ammoniaque  extraite  du  sel  ammoniac 

purifié  à  l’eau  régale. 

Dix  litres  de  solution  bouillante  et  saturée  de  sel  ammoniac  ont  été  addi¬ 
tionnés  d’un  litre  d’acide  azotique  de  1,4  de  densité.  Le  liquide  a  été  tenu 
en  ébullition  tant  qu’il  s’est  dégagé  du  chlore.  Le  sel  ammoniac,  qui  s’est 
séparé  du  liquide  par  le  refroidissement,  a  été  dissous  dans  de  l’eau  pure  et 
bouillante,  et  la  solution  a  été  mise  en  ébullition  avec  un  vingtième  de  son 
volume  d’acide  azotique  tant  qu’il  s’est  produit  du  chlore.  La  liqueur  diluée 
d’eau  pure,  au  point  de  ne  plus  abandonner  du  chlorure  par  le  refroidissement, 
a  été  versée  sur  de  l’hydrate  de  calcium  renfermé  dans  une  grande  cornue, 
pour  mettre  l’ammoniaque  en  liberté.  Celle-ci,  lavée  d’abord  à  l’eau,  a  été 
reçue  ensuite  dans  de  l’eau  pure.  La  solution  ammoniacale  produite  a  été  à  son 
tour  saturée  à  peu  près  par  un  courant  d’acide  chlorhydrique  pur. 

Le  chlorure  d’ammonium ,  qui  s’est  déposé  du  liquide  après  sa  concentra¬ 
tion  et  son  refroidissement,  a  été  séché  à  100°  en  faisant  passer  d’une  manière 
continue  un  courant  de  gaz  ammoniac  pur  dans  le  ballon  à  long  col  où 
s’opérait  sa  dessiccation.  Celle-ci  étant  complète,  j’ai  sublimé  le  sel  ammo¬ 
niac  en  élevant  le  moins  possible  la  température,  et  en  maintenant  également 
autant  que  possible  le  col  du  ballon  rempli  de  gaz  ammoniac  sec. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


49 


Le  chlorure  s’est  volatilisé  sans  laisser  la  moindre  trace  charbonneuse, 
preuve  cpie  le  sel  ammoniac  ne  contenait  aucune  ammoniaque  composée.  Seu¬ 
lement  il  était  facile  de  s’apercevoir  que  le  fond  du  ballon  ,  qui  était  de  verre 
ordinaire,  était  très-légèrement  attaqué.  En  le  cassant  pour  en  détacher  le 
chlorure  sublimé,  j’ai  constaté  en  effet  qu’il  s’y  était  formé  des  traces  de 
chlorures  de  sodium  et  de  calcium  aux  dépens  de  la  substance  du  verre,  et 
que  de  la  silice  était  devenue  libre.  A  l’aide  de  l’analyse  spectrale,  j’ai  pu 
reconnaître  que  le  sel  ammoniac  sublimé,  qui  était  absolument  incolore  et 
d’une  remarquable  transparence  ,  contenait  des  traces  de  sodium,  mais  qu’il 
était  absolument  dépourvu  de  calcium. 

Dans  le  but  d’éliminer  les  traces  de  chlorure  sodique  qui  ont  été  entraî¬ 
nées  avec  les  vapeurs  du  sel  ammoniac,  je  l’ai  sublimé  encore  deux  fois, 
dans  une  atmosphère  d’ammoniaque,  à  la  plus  basse  température  possible,  et 
en  sacrifiant  à  cette  opération  des  vases  en  verre  dur,  que  j’ai  fait  fabriquer 
expressément  pour  la  transformation  des  chlorures  alcalins  en  azotates  de  ces 
métaux.  A  la  température  à  laquelle  s’accomplit  la  sublimation  du  chlorure 
d’ammonium,  ces  vases  résistent  indéfiniment  à  la  vapeur  de  ce  corps.  Dans 
la  notice  De  la  transformation  des  chlorures  en  azotates,  j’indique  la  com¬ 
position  du  verre  de  ces  vases. 

J’ai  fait,  à  l’aide  de  ce  chlorure,  deux  déterminations,  l’une  à  la  tempéra¬ 
ture  ordinaire,  l’autre  à  100°;  le  n°  I  du  tableau  indique  toutes  les  données 
et  le  résultat  fourni  par  la  double  décomposition  opérée  à  la  température 
ordinaire;  le  n"  H  du  tableau  donne  les  résultats  obtenus  à  100°. 

Le  chlorure  d’ammonium,  avant  d’être  employé  à  la  détermination,  a  été 
chauffé,  dans  le  vase  même  où  il  a  été  pesé,  jusqu’au  point  d’émettre  des 
vapeurs,  afin  d’éliminer  l’ammoniaque  condensée. 

2°  Chlorure  d’ammonium  produit  à  l’aide  de  l’ammoniaque  extraite 

du  sulfate  du  commerce. 

s 

Pour  préparer  le  chlorure  d’ammonium  à  l’aide  de  l’ammoniaque  du  sul¬ 
fate  du  commerce,  j’ai  préalablement  soumis  ce  dernier  composé  au  traite¬ 
ment  suivant  :  Deux  kilogrammes  de  sulfate  ont  été  chauffés  avec  un  kilo- 
Tome  XXXV.  7 


50 


NOUVELLES  RECHERCHES 


gramme  el  demi  d’acide  sulfurique  concentré,  jusqu’à  la  température  à  laquelle 
le  sulfate  commence  à  se  décomposer  avec  effervescence.  Arrivé  à  ce  moment, 
j’ai  introduit  de  l’acide  azotique  petit  à  petit  dans  le  mélange  jusqu’à  ce  que 
le  liquide,  qui  s’était  plus  ou  moins  fortement  coloré  en  brun  noirâtre,  fût 
devenu  complètement  incolore.  Les  ammoniaques  composées  et  les  matières 
organiques  contenues  dans  ce  sulfate  sont  ainsi  complètement  détruites  avec 
dégagement  d’anhydride  carbonique. 

Le  sulfate  acide  convenablement  refroidi  est  versé  dans  environ  dix  fois 
son  volume  d’eau  froide,  et  l’excédant  d’acide  est  saturé  à  peu  près  par  un 
lait  de  chaux.  Le  liquide  qui  surnage  le  dépôt  de  sulfate  de  calcium  est  mêlé 
avec  un  excès  suffisant  de  chaux  éteinte  contenue  dans  un  très-grand  ballon, 
et  celui-ci  est  chauffé  dans  un  bain  de  solution  saturée  de  sel  marin,  afin 
d’éliminer  l’ammoniaque  qu’il  renferme.  Celle-ci ,  après  un  lavage  à  l’eau ,  est 
reçue  dans  de  l’eau  pure. 

L’ammoniaque  dissoute  est  saturée  ensuite  à  l’aide  d’un  courant  d’acide 
chlorhydrique  pur.  JLa  solution  de  sel  ammoniac  produite  est  évaporée  jusqu’à 
siccité  dans  un  ballon  de  verre  dur,  elle  résidu  est  sublimé  dans  une  atmo¬ 
sphère  d’ammoniaque  extraite  d’une  partie  du  même  chlorure. 

Le  sel  ammoniac  s’est  volatilisé  sans  laisser  de  trace  de  résidu.  Le  produit 
sublimé  était  absolument  incolore,  il  exhalait  une  odeur  ammoniacale.  Avant 
d’être  employé  à  la  détermination  du  rapport  proportionnel,  il  a  été  chauffé 
jusqu’au  point  d’émettre  des  vapeurs,  afin  d’éliminer  l’ammoniaque  condensée. 

Les  n0h  111  et  IV  du  tableau  indiquent  les  résultats  qu’il  a  fournis,  la  double 
décomposition  étant  faite  à  la  température  ordinaire  pour  le  n°  111  ,  et  à  la 
température  de  100°  pour  le  n°  IV. 


3°  Chlorure  d’ ammonium  obtenu  à  l’aide  de  ï ammoniaque  produite 
par  la  réduction  de  l’azoti te  de  potassium. 

Pour  me  procurer  l’azotile  de  potassium,  j’ai  eu  recours  au  procédé  de 
Stromeyer.  A  cet  effet,  j’ai  fait  chauffer  au  rouge  bien  décidé,  dans  une  petite 
chaudière  de  fonte,  un  kilogramme  de  nitre  avec  quatre  kilogrammes  de 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


.51 


plomb.  La  vive  incandescence  qui  se  produisit  étant  passée,  et  le  mélange  suffi¬ 
samment  refroidi,  je  l’ai  lessivé  à  Peau  bouillante.  J’ai  éliminé  ensuite,  à  l’aide 
d’une  solution  de  sulfhyclrate  de  potassium,  le  plomb  contenu  dans  la  solution 
d’azolite.  Au  liquide  débarrassé  du  sulfure  de  plomb,  et  préalablement  con¬ 
centré,  j’ai  ajouté  quinze  litres  de  solution  de  potasse  caustique  à  1,250  de 
densité.  Ce  mélange  a  été  versé  dans  un  ballon  de  vingt-cinq  litres  placé  dans 
un  bain  de  sable,  et  qui  contenait  un  mélange  de  trois  kilogrammes  et  demi 
de  zinc  gren.aiilé,  dépouillé  de  carbone  par  sa  fusion  avec  un  mélange  de  car¬ 
bonate  de  sodium  et  de  nitre  ',  et  d’un  kilogramme  et  demi  de  fil  de  fer,  qui, 
après  avoir  été  oxydé  par  sa  calcination  au  contact  de  l’air,  a  été  réduit  par 
de  l’hydrogène. 

Le  ballon  était  mis  en  communication,  à  l’aide  d’un  large  tube  recourbé, 
avec  un  système  de  lavage  et  de  condensation  de  l’ammoniaque  qui  devait 
prendre  naissance.  Le  système  se  composait  :  1°  d’une  grande  cornue  tubulée 
placée  sur  un  fourneau,  et  renfermant  une  certaine  quantité  d’eau  pure  dans 
laquelle  le  tube  à  dégagement  plongeait;  2°  d’un  grand  flacon  de  Woulf  à 
trois  tubulures  contenant  un  demi-litre  d’eau  pure;  3°  d’un  flacon  de  Woulf 
renfermant  de  l’eau  acidulée  à  l’aide  de  l’acide  chlorhydrique,  destinée  à 
retenir  l’ammoniaque  entraînée  par  le  courant  d’hydrogène,  qui  se  produit 
très-abondamment  lorsque  la  réduction  de  l’azotite  est  opérée,  et  que  le 
liquide  du  ballon  est  porté  à  l’ébullition. 

Avant  de  procéder  à  la  distillation  du  liquide  contenu  dans  le  ballon ,  j’ai 
eu  soin  de  laisser  réagir  les  matières  pendant  soixante-douze  heures,  afin  de 
réduire  préalablement,  et  aussi  complètement  que  possible,  l’azotite  de  potas¬ 
sium  en  ammoniaque  et  en  oxyde  de  potassium  et  de  zinc.  Ce  temps  écoulé, 
j’ai  fait  porter  le  liquide  à  une  douce  ébullition,  dans  laquelle  je  l’ai  maintenu 
pendant  deux  heures,  en  ayant  soin  de  tenir  à  son  point  d’ébullition  l’eau 
contenue  dans  la  cornue,  et  de  refroidir,  autant  que  possible,  l’eau  renfermée 
dans  le  grand  flacon  de  Woulf  et  destinée  à  la  condensation  de  l’ammoniaque. 


1  On  peut  obtenir  du  zinc  dépouillé  de  carbone  en  le  fondant  avec  cinq  pour  cent  de  son  poids 
de  litharge.  L’alliage  de  zinc  et  de  plomb,  qui  se  produit  ainsi,  réduit  tout  aussi  bien  l’azotite  de 
potassium  en  présence  du  fer  que  le  zinc  pur.  En  présence  des  acides  chlorhydrique  et  sulfu¬ 
rique  dilués,  il  dégage  de  l’hydrogène  avec  une  facilité  extrême. 


NOUVELLES  RECHERCHES 


il  es!  absolument  indispensable  de  maintenir  le  liquide  contenu  dans  le 
ballon  dans  une  très-douce  ébullition,  parce  qu’il  mousse  très-fortement  par 
le  dégagement  d’hydrogène  qui  s’effectue  à  une  température  élevée.  J’engage 
les  chimistes  qui  désireraient  se  procurer  par  ce  moyen  de  l'ammoniaque 
absolument  pure,  à  soumettre  à  la  distillation  le  liquide  décanté  du  mélange 
de  zinc  et  de  fer.  Comme  je  m’en  suis  assuré  dans  un  essai  subséquent,  la 
réduction  de  l’azotite  en  ammoniaque  étant  accomplie,  on  peut  distiller  sans 
la  moindre  difficulté  le  liquide  décanté. 

La  solution  ammoniacale  produite  présentait  absolument  la  même  odeur 
que  celle  offerte  par  l’ammoniaque  extraite  du  chlorure  d’ammonium  traité 
à  l’eau  régale,  ou  du  sulfate  d’ammonium  traité  à  chaud  par  un  mélange 
d’acide  sulfurique  et  d’acide  azotique.  Ces  trois  ammoniaques  identiques  entre 
elles,  diffèrent  néanmoins  très-sensiblement,  quant  à  l’odeur,  de  l'ammo¬ 
niaque  pure  qu’on  retire  du  chlorure  ou  du  sulfate  d’ammonium  du  commerce, 
contenant  l’un  et  l’autre  des  ammoniaques  composées  qui  lui  communiquent 
une  odeur  désagréable ,  tandis  que  l’odeur  de  l’ammoniaque  pure  est  sim¬ 
plement  piquante.  J’ai  déjà  eu  l’occasion  de  constater  ces  faits,  et  je  les  avais 
consignés  dans  mon  travail  précédent  sur  le  même  sujet. 

Pour  transformer  en  chlorure  l’ammoniaque  dissoute,  j’ai  fait  passer  au 
travers  de  la  solution  un  courant  d’acide  chlorhydrique  pur,  jusqu’à  ce  que 
le  liquide  fût  presque  complètement  saturé.  J’ai  évaporé  ensuite  la  liqueur 
saline  au  bain-marie,  et  j’ai  achevé  sa  dessiccation  à  l’étuve.  Ce  chlorure 
d’ammonium  était  d’une  blancheur  éblouissante.  J’ai  procédé  à  sa  sublima¬ 
tion  dans  une  grande  cornue  de  platine  purifiée  au  rouge  au  chlorure  d’ammo¬ 
nium.  Afin  d’exclure  l’air  de  la  cornue,  j’y  ai  maintenu,  pendant  tout  le  temps 
qu’a  duré  la  volatilisation,  un  très-léger  courant  d’annnoniaque  sèche.  Cette 
précaution  est  absolument  indispensable,  parce  que,  en  présence  de  l’air  et 
du  platine  chauffé,  la  vapeur  de  sel  ammoniac  produit  très- facilement  de 
l’acide  azotique  et  ensuite  du  chlore. 

Le  chlorure  d’ammonium  volatilisé  tapissait  le  tiers  supérieur  de  la  cucur- 
bite  de  la  cornue,  sous  la  forme  d’un  anneau  très-compact  cristallisé,  incolore, 
transparent  ,  d’un  demi-centimètre  d’épaisseur  ;  tandis  que  le  chapiteau  et  son 
col  étaient  remplis  de  chlorure  d’ammonium  en  poussière  fine,  d’une  blan- 


o5 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 

chef  éblouissante.  L’un  et  l’autre  exhalaient  une  forte  odeur  ammoniacale. 

Avant  de  servir  à  la  détermination  du  rapport  proportionnel,  le  chlorure 
compact  et  le  chlorure  en  poussière  ont  été  chauffés,  dans  l’appareil  même 
où  leurs  poids  étaient  fixés ,  jusqu’à  émettre  des  vapeurs  de  sel  ammoniac, 
afin  d’en  éliminer  la  dernière  trace  d’ammoniaque  condensée. 

Le  n°  Y  du  tableau  présente  le  rapport  proportionnel  fourni  par  le  chlorure 
d’ammonium  en  masse  cristalline;  le  n°  VI  celui  du  chlorure  d’ammonium  en 
poussière  impalpable;  la  détermination  ayant  été  faite  pour  l’un  et  1  autre  a 
la  température  ordinaire. 

Le  n°  VH  donne  le  résultat  offert  par  le  chlorure  d’ammonium  en  masse, 
mais  la  double  décomposition  ayant  été  accomplie  à  100°. 


k°  Chlorure  d’ ammonium  volatilisé  dans  le  eide. 


J’ai  opéré  la  volatilisation  du  sel  ammoniac  dans  le  vide,  à  l’aide  de 
pareil  figuré  et  décrit  ci-dessous 


Fig.  5. 


54 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Quarante  grammes  de  chlorure  d’ammonium,  provenant  de  la  combinaison 
directe  de  l’acide  chlorhydrique  et  de  l’ammoniaque  produite  par  la  réduc¬ 
tion  de  I  azotite  de  potassium,  ont  été  introduits  dans  un  tube  de  verre,  long 
de  quatre-vingt-quinze  centimètres,  large  de  trois  centimètres,  fermé  par  un 
bout  et  ouvert  par  l’autre.  Le  chlorure,  préalablement  bien  séché,  étant 
amené  vers  le  bout  fermé,  j’ai  placé  le  tube,  dans  une  position  horizontale, 
sur  le  support  métallique  d’une  grille  à  gaz;  j’ai  appliqué  le  bout  ouvert 
contre  un  deuxième  tube  ouvert,  de  même  diamètre,  et  j’ai  passé  au-dessus 
des  deux  parties  juxtaposées  une  tubulure  en  verre,  de  dix  centimètres  de 
longueur,  que  j’ai  fixée  à  l’aide  d’un  mastic  à  la  gomme-laque,  en  ayant  la 
précaution  de  laisser  pénétrer  une  partie  du  mastic  entre  la  tubulure  et  les 
deux  parties  juxtaposées.  Au  deuxième  tube  était  soudé  un  tube  en  T,  dont  la 
très-courte  branche,  presque  capillaire,  s’engage  dans  une  branche  d’un 
robinet  d’acier,  et  dans  laquelle  je  l’ai  luté  hermétiquement  avec  un  mastic 
résineux.  La  branche  verticale  du  tube  en  T,  longue  de  90  centimètres, 
plongeait  dans  une  éprouvette  contenant  du  mercure.  Dans  l’autre  branche 
du  robinet,  j’ai  mastiqué  un  tube  capillaire  qui  est  mis  en  communication 
avec  une  machine  pneumatique  pouvant  faire  le  vide  dans  cet  appareil  à 
0'",0QQ5.  Afin  d’éviter  que  le  sel  ammoniac  qui,  dans  le  vide,  se  condense 
sous  la  forme  de  poussière  impalpable,  ne  pénètre  dans  le  tube  presque 
capillaire  et  ne  l’obstrue,  j’ai  rempli  le  large  tube,  auquel  le  tube  en  T 
est  soudé,  d’une  bourre  de  fils  fins  de  platine  précédée  d’une  très-grande 
quantité  d’asbeste  feutré,  calciné  et  encore  chaud.  Avant  de  commencer  la 
sublimation  du  sel  ammoniac,  je  me  suis  assuré  que  le  système  tenait  le 
vide  pendant  vingt-quatre  heures.  J’ai  procédé  alors  à  la  volatilisation.  A  cet 
effet ,  j’ai  chauffé  directement  à  la  flamme  du  gaz  la  partie  du  tube  conte¬ 
nant  le  sel  ammoniac,  en  prenant  la  précaution  de  maintenir  la  température 
aussi  basse  que  possible.  Pendant  tout  le  temps  de  la  sublimation ,  le  mercure 
a  été  dans  un  mouvement  continuel  de  va-et-vient  dans  la  branche  verticale 
du  tube  en  T,  et  le  chlorure  s’est  condensé,  partie  en  poussière,  partie  sous 
forme  d  un  anneau  épais  incolore.  Ayant  laissé  refroidir  assez  le  tube  pour 
enlever  toute  tension  au  sel  ammoniac,  le  mercure  s’est  élevé  dans  le  tube 
au  même  niveau  qu’il  avait  avant  l’opération;  preuve  qu’aucune  trace  de 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


55 


gaz  n’avait  pris  naissance,  pendant  la  sublimation,  qui  ne  se  tût  combinée 
ensuite.  J’ai  opéré  une  deuxième  et  ensuite  une  troisième  volatilisation  du  sel 
ammoniac,  en  faisant  toujours  avancer  le  chlorure  sublimé.  Pendant  tout  le 
temps  employé  à  ces  deux  volatilisations,  j’ai  eu  soin  de  faire  fonctionner 
continuellement  la  pompe  pneumatique,  afin  d’entraîner  le  gaz  qui  aurait  pu 
devenir  libre. 

Après  le  refroidissement  complet  du  tube,  le  sel  ammoniac  sublimé  en 
anneau  compact  s’est  détaché  avec  bruit  du  tube,  en  devenant  en  même 
temps  opaque ,  de  transparent  et  très-réfringent  qu’il  était  à  chaud. 

J’ai  déterminé  séparément,  et  tels  qu’ils  sont  sortis  du  tube,  le  rapport  pro¬ 
portionnel  du  sel  ammoniac  en  masse  compacte  et  en  poussière  impalpable. 
Le  n°  VUS  du  tableau  indique  le  résultat  fourni  par  le  sel  ammoniac  en  masse, 
et  le  n°  IX  donne  celui  du  chlorure  en  poussière.  L’un  et  l’autre  contenaient 
des  traces  de  sodium,  mais  sensibles  seulement  à  l’analyse  spectrale,  métal 
qu’ils  avaient  probablement  enlevé  au  tube  en  verre  blanc  ordinaire,  dans 
lequel  la  triple  volatilisation  a  été  effectuée. 


Mode  de  détermination  du  rapport  proportionnel  entre  l’argent  et  le  chlorure 

d’ ammonium. 

Le  mode  de  détermination  que  j’ai  suivi  est  celui  indiqué  dans  mon  pré¬ 
cédent  travail.  Afin  d’éviter  la  perle  d’acide  chlorhydrique  qui  aurait  pu 
devenir  libre  par  l’introduction  du  chlorure  d’ammonimn  dans  la  solution 
d’azotate  acide  d’argent  très-chaude,  j’ai  neutralisé  par  de  l’ammoniaque 
pure  l’excès  d’acide  azotique  destiné  à  la  dissolution  de  l’argent.  Voici  com¬ 
ment  j’ai  procédé  à  cet  égard.  Après  avoir  ajouté  à  la  dissolution  de  l’argent 
dans  l’acide  azotique  1ÜO  centimètres  cubes  d’eau  par  gramme  de  métal  dis¬ 
sous,  j’ai  instillé  goutte  à  goutte  de  l’ammoniaque  dissoute  et  pure.  Lorsque 
le  liquide  exhalait  une  odeur  ammoniacale  sensible,  j’ai  fait  disparaître  cette 
odeur  par  une  addition  ménagée  (Vacille  acétique  pur. 

Pour  que  la  double  décomposition  se  fît  absolument  dans  des  conditions 
identiques,  j’ai  neutralisé  par  l’ammoniaque  aussi  bien  la  solution  argentique 


NOUVELLES  RECHERCHES 


m 

qui  devait  être  précipitée  à  froid  que  celle  qui  était  destinée  à  l’être  à  100°. 
Afin  que  la  solution  eut  environ  100°  au  moment  de  la  double  décomposition, 
j’ai  maintenu  dans  l’eau  bouillante,  pendant  deux  heures,  le  flacon  ou  le 
ballon  dans  lequel  l’essai  se  faisait,  et,  sans  le  sortir  du  bain,  j’v  ai  introduit 
le  chlorure  d’ammonium.  La  précipitation  s’accomplissant  à  une  température 
élevée,  l’éclaircissement  du  liquide  se  produit  au  moment  même  où  le  mé¬ 
lange  exact  des  matières  réagissantes  est  effectué. 

J’ai  pesé  dans  l’air  1  le  chlorure  d’ammonium  et  l’argent  employés,  en  sup¬ 
posant,  d’après  l’hypothèse  de  Prout,  le  poids  de  la  molécule  de  chlorure 
d’ammonium  53, 50,  et  le  poids  atomique  de  l’argent  108,00.  L’excédant  du 
métal  existant  dans  le  liquide  après  la  double  décomposition  a  été  déterminé 
tout  en  maintenant  le  flacon  ou  le  ballon  dans  le  bain.  J’ai  fait  passer  à  cet 
effet  un  faisceau  de  lumière  jaune  à  la  surface  du  liquide  dans  lequel  j’avais 
à  doser  l’argent.  L’essai  comparatif  fait  à  la  température  ordinaire  a  été 
exécuté  à  l’aide  de  l’appareil  à  titration  que  j’ai  décrit  page  43. 

Le  tableau  suivant  renferme  toutes  les  données  qui  sont  intervenues  dans 
ces  trois  séries  d’expériences.  J’y  ai  joint  trois  déterminations  empruntées  à 
mon  précédent  travail  ;  elles  sont  relatives  à  du  chlorure  d’ammonium  produit 
à  la  température  ordinaire,  en  combinant  directement  l’ammoniaque  et  l’acide 
chlorhydrique  dissous. 

1  Pour  ramener  au  vide  le  chlorure  d’ammonium  pesé  dans  l’air,  j’ai  pesé  dans  l’air  et  dans 
le  vide  une  partie  du  sel  ammoniac  sur  lequel  je  me  proposais  d'opérer.  Ces  essais  m’ont  con¬ 
vaincu  ,  comme  M.  Marignac  d’ailleurs  l’avait  déjà  constaté,  que  l’augmentation  de  poids,  obtenue 
en  pesantdireelement  dans  le  vide  le  chlorure  pulvérulent,  était  toujours  moindre  que  celle  qu’on 
eut  calculée  en  partant  de  la  densité.  J’ai  trouvé  que  100,000  de  chlorure  pulvérulent  pesés 
dans  Pair  représentent  de  100,077  à  100,084  du  même  composé  pesé  dans  le  vide.  JI.  Marignac 
donne  le  chiffre  100,080  comme  moyenne  des  extrêmes.  Ces  pesées  m’ont  permis  également 
d’observer  que  la  densité  du  sel  ammoniac  compact  diffère  sensiblement,  suivant  qu’il  est  trans¬ 
parent  et  vitreux,  ou  opaque  et  amorphe. 

Les  pesées  dans  le  vide  ont  été  faites  par  le  moyen  que  j’indique  dans  le  troisième  Mémoire  à 
l’occasion  du  chlorure  de  lithium. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  57 


RAPPORT ‘PROPORTIONNEL  ENTRE  L’ARGENT  ET  LE  CHLORURE  D’AMMONIUM. 


NUMÉROS  D’ORDRE. 

POIDS 

du  sel  ammoniac 

dans  l’air. 

POIDS 

du  sel  ammoniac 

réduit 

au  vide. 

POIDS 

de 

l’argent  dans  l’air. 

POIDS 

de 

l’argent  réduit 

au  vide. 

POIDS 

de  l’excédant  de 
l’argent  après  la 
doubledécompo- 
silion. 

100,000 

d’argent  équivalent 

à  chlorure 

d’ammonium. 

PREMIERE  SERIE. 

Chlorure  produit  à  la  température  ordinaire  en  combinant  T  acide  chlorhydrique  à  l’ ammoniaque  dissoute. 

—  Détermination  faite  à  la  température  ordinaire. 


49,600 

49,599 

49,598 


IX  » . 

11*0004 

IL 0088 

&r< 

22,2220 

22,2236 

6*0300 

X* . 

10,92155 

10,92896 

22,0660 

22,06134 

0,0280 

XI  1 . 

12,25095 

12,26038 

24,14838 

24,14991 

0,0305 

DEUXIÈME  SERIE. 

Chlorure  sublimé  à  la  pression  ordinaire.  —  Détermination  faite  à  la  température  ordinaire. 


I . 

11/1810 

lî, 19643 

2§*8118 

2§*8133 

0*0290 

III . 

11,1990 

11,80844 

23,8360 

23,8316 

0,0290 

V . 

6,2413 

6,25216 

12,6204 

12,62116 

0,0140 

VI . 

10,1090 

10,11156 

21,63416 

21,6355 

0,0262 

49,598 

49,591 

49,593 

49,591 


TROISIÈME  SERIE. 

Chlorure  sublimé  à  la  pression  ordinaire. —  Détermination  faite  à  100°  centésimaux. 


II . 

39*5896 

O 

CO 

GM 

CO 

1^91816 

19*98313 

6*0910 

IV . 

13,3956 

13,40631 

21,06150 

21,06320 

0,0355 

VII . 

1,5950 

1,60101 

15,34325 

15,3442 

0,0181 

49,5914 

49,602 

49,591 


QUATRIÈME  SÉRIE. 

Chlorure  sublimé  dans  le  vide.  —  Détermination  faite  à  la  température  ordinaire. 


VIII  . 
IX  . 


13*5025 

13,3129 

gr- 

21,2161 

21/2184 

6*0355 

49,598 

6,2198 

6,2250 

12,5655 

12,5663 

0,0140 

49,592 

Ces  expériences  sont  empruntées  à  mon  précédent  travail;  j'ai  conservé  les  numéros  d'ordre  du  tableau. 


Tome  XXXV 


8 


58 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Les  résultats  inscrits  dans  le  tableau  précédent  prouvent  (;ue,  dans  la 
limite  dans  laquelle  j’ai  dû  me  renfermer  pour  rendre  l’expérience  possible, 
la  température  n’exerce  aucune  influence  sur  la  composition  du  chlorure 
d’ammonium  et  sur  la  composition  du  chlorure  d  argent  ;  ils  prouvent  de 
plus  que  la  pression  est  sans  influence  aucune  sur  la  composition  du  chlorure 
d! ammonium.  En  effet,  quels  que  soient  le  mode  de  préparation  du  composé 
d’ammonium  et  la  température  à  laquelle  la  double  décomposition  s  accom¬ 
plit,  son  rapport  proportionnel  avec  l’argent  est  constant.  Si  tant  est  que  la 
constance  admise  des  combinaisons  chimiques  stables  avait  encore  besoin 
d’être  démontrée,  il  me  semble  que  l’identité  presque  absolue  des  résultats  des 
quatre  séries  de  déterminations  la  démontre  à  suffisance  de  preuve.  Cette 
constance  est  ici  d’autant  plus  remarquable ,  que  le  sel  ammoniac  peut,  comme 
je  l’ai  observé,  condenser  du  gaz  ammoniac  ou  de  l’acide  chlorhydrique, 
au  même  litre  qu'une  foule  de  corps  condensent  des  gaz  et  des  vapeurs  com¬ 
plètement  étrangers  à  leurs  éléments  constitutifs. 

Parmi  les  douze  déterminations  consignées  dans  le  tableau ,  il  s’en  trouve 
une,  le  n°  Il ,  qui  a  été  faite  sur  une  telle  quantité  de  matière  que  jamais,  dans 
aucune  expérience  de  ce  genre,  on  n’a  pris  une  pareille  masse.  En  opérant 
sur  des  proportions  si  considérables ,  j’avais  un  double  but  :  je  voulais  rendre 
sensible  l’influence  de  la  température  sur  la  composition  du  chlorure  d  ar¬ 
gent,  si  tant  est  que  la  température  eût  une  influence;  ensuite,  comme  j  avais 
affaire  à  du  chlorure  d’ammonium  qui  avait  été  sublimé  à  trois  reprises 
différentes,  et  deux  fois  dans  des  vases  de  verre  dur,  inattaquable  a  la 
vapeur  du  chlorure,  il  devait  donc  être  d’une  rare  pureté,  et  je  devais  pou¬ 
voir  déduire  une  conséquence  significative  au  point  de  vue  de  la  vérification 
de  l’hypothèse  de  Prout.  Or,  après  la  double  décomposition  opérée  sur  des 
poids  calculés  d’après  l’hypothèse  de  Prout ,  il  est  resté  dissous  dans  le  liquide, 
0sr,09 7  d’argent,  représentant  une  quantité  cent  fois  plus  grande  que  celle 
que  je  pouvais  constater  dans  la  masse  de  liquide,  et  certainement  cinquante 
fois  plus  grande  que  celle  qu’il  est  possible  de  doser  en  s’en  donnant  la  peine. 

J’invite  ceux  qui  croient  pouvoir  attribuer  «  à  des  erreurs  d’observation  » 
ou  «  à  l’impureté  des  matières  1  »  les  différences  observées  entre  l’expé- 


*  Cosmos,  t.  XVII,  p.  655. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


59 


rience  et  l’hypothèse  de  Prout,  à  bien  vouloir  se  donner  la  peine  de  répéter, 
dans  les  conditions  nécessaires  d’exactitude,  la  détermination  du  rapport 
proportionnel  entre  le  chlorure  d’ammonium  et  l’argent,  et  j’attends  avec 
une  confiance  entière  le  résultat  de  leur  contrôle. 

» 

En  m’exprimant  ainsi,  je  ne  prétends  point  que  les  chiffres  auxquels  je  suis 
arrivé  soient  absolument  exacts,  c’est-à-dire  qu’ils  ne  soient  pas  affectés  d’une 
erreur  constante.  Je  suis  même  certain  du  contraire,  et  dans  les  conditions 
dans  lesquelles  je  me  suis  placé,  l’erreur  constante  doit  être  portée  à  la  limite 
maxima.  En  effet,  l’opération  d’où  l’on  déduit  le  rapport  proportionnel  entre 
le  chlorure  et  l’argent  comporte  une  incertitude  sur  laquelle  j’ai  déjà  attiré 
l’attention  des  chimistes  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des 
poids  atomiques.  Cette  incertitude  consiste  dans  ce  fait,  qu’un  liquide  argen¬ 
tifère,  et  dont  on  a  précipité  à  peu  près  tout  le  métal  par  une  solution  de  chlo¬ 
rure  de  potassium,  ou  de  sodium,  ou  d’ammonium,  mais  contenant  encore 
un  à  deux  milligrammes  d’argent  par  litre,  précipite  également  par  l’addition 
d’une  solution  normale  d’argent  et  de  chlorure  alcalin.  J’ai  reconnu  que  ce 
phénomène  est  d’autant  plus  prononcé  que  le  liquide  est  moins  acide  et  qu’il 
renferme  plus  d’azotate  alcalin.  Or,  dans  les  doubles  décompositions  opérées 
entre  l’azotate  d’argent  et  le  chlorure  d’ammonium,  j’ai  été  obligé,  pour  le 
motil  que  j’ai  exposé  plus  haut,  de  neutraliser  l’excès  d’acide  azotique  par 
l’ammoniaque,  et,  pour  le  même  motif,  je  n’ai  ajouté  qu’un  faible  excès  d’acide 
acétique.  Les  conditions  qui  sont  la  cause  première  de  l’incertitude  existent 
donc  toutes  les  deux ,  et  elles  doivent ,  comme  je  l’ai  dit  plus  haut,  porter  l’er¬ 
reur  constante  au  maximum.  Mais  en  tenant  très-largement  compte  de  cette 
erreur  constante,  i!  reste  une  différence  tellement  grande  entre  les  résultats 
calculés  et  les  résultats  observés,  qu’il  est  matériellement  impossible  de  l’attri¬ 
buer  à  une  cause  autre  que  l’inexactitude  de  l'hypothèse  de  Prout. 


60 


NOUVELLES  RECHERCHES 


*  DEUXIÈME  PARTIE. 


DE  L’INVARIABILITÉ  DES  RAPPORTS  EN  POIDS  DES  ÉLÉMENTS  FORMANT 

LES  COMBINAISONS  CHIMIQUES. 


PRÉLIMINAIRES. 


Dans  l’introduction  de  ce  travail ,  j’ai  dit  que  les  lois  des  proportions  chi¬ 
miques  ne  sont  point  démontrées  comme  lois  mathématiques.  En„  effet, 
l’examen  attentif  de  tous  les  faits  que  possède  la  science,  au  sujet  de  l’inva¬ 
riabilité  des  rapports  en  poids  des  éléments  qui  forment  les  combinaisons 
chimiques,  m’a  convaincu  que  les  chimistes  se  sont  plutôt  fondés  sur  la  con¬ 
stance  de  composition  des  combinaisons  que  sur  la  démonstration  rigoureuse 
de  la  loi  de  Wenzel  et  de  l’hypothèse  de  Dalton,  connue  sous  le  nom  de  loi 
des  proportions  multiples. 

Je  n’examinerai  pas  ici  le  célèbre  Mémoire  de  Gay-Lussac  sur  les  combi¬ 
naisons  des  substances  gazeuses  les  unes  avec  les  autres  *,  ni  le  Mémoire  de 
Wollaston  sur  les  carbonates  et  les  oxalates  2  qui,  depuis  le  commencement 
de  ce  siècle,  ont  servi  de  base  expérimentale  à  l’hypothèse  de  Dalton.  Aujour¬ 
d’hui  i!  est  permis  d’affirmer  a  priori  que  Gay-Lussac  n’a  pas  pu  démontrer 
sa  loi  des  volumes  comme  loi  mathématique;  car  elle  ne  peut  être  en  fait , 
qu’une  loi  limite,  puisque  la  loi  de  la  compressibilité  des  fluides  élastiques 
et  la  loi  de  la  dilatation  des  gaz  par  la  chaleur  ne  sont  elles-mêmes  que  des 
lois  limites.  Les  expériences  de  Wollaston  sur  les  rapports  de  l’acide  oxalique 

1  Mémoires  de  'physique  et  de  chimie  de  la  Société  d’Arcueil ,  t.  II,  p.  207. 

2  Philosophical  transactions  of  the  Royal  Society  ;  année  1808,  lre  partie,  p.  9G. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


61 


et  de  la  potasse  dans  les  oxalates  neutres  et  acides  ont  été  exécutées  sur  une 
échelle  tellement  restreinte,  qu’il  est  impossible  d’en  déduire  que  la  loi  des 
proportions  multiples  est  une  loi  mathématique  ou  une  loi  limite.  Du  reste,  en 
admettant  même  que  les  quantités  ont  été  suffisantes,  le  principe  sur  lequel 
le  célèbre  chimiste  anglais  s’est  appuyé,  la  neutralité  mesurée  à  l’aide  de 
matières  colorantes,  n’est  qu’une  hypothèse  dont  le  fondement  avait  besoin 
d’être  prouvé  a  priori. 

Toutes  les  analyses  et  les  synthèses  exécutées  depuis  un  siècle  sont  égale¬ 
ment  impuissantes  pour  la  démonstration  de  la  loi  des  proportions  définies 
comme  loi  mathématique.  En  effet,  quelle  que  soit  l’habileté  d’un  chimiste, 
il  lui  est  impossible  d’exécuter  une  opération  d’analyse  ou  de  synthèse  sans 
commettre  une  erreur  dans  l’observation.  Or,  jusqu’ici  rien  ne  prouve  que 
les  différences  constatées  dans  certaines  analyses  entre  l’expérience  et  le  calcul , 
d’après  une  hypothèse  donnée,  doivent  être  attribuées  en  entier  à  l’erreur 
commise  darts  l’opération  matérielle;  rien  ne  démontre  qu’une  certaine  part 
n’en  revient  pas  à  l’inexactitude  de  la  loi  des  proportions  définies,  considérée 
comme  loi  mathématique.  Du  reste,  si  les  analyses  et  les  synthèses  existantes 
renfermaient  en  elles-mêmes  les  éléments  de  la  solution  rigoureuse  de  ce 
problème,  tous  les  chimistes  seraient  d’accord  sur  les  poids  atomiques  d’un 
grand  nombre  de  corps,  et  l’hypothèse  de  Prout  serait  définitivement  jugée. 
Le  désaccord  qui  règne  depuis  longtemps  au  sujet  de  certains  poids  atomi¬ 
ques  prouve  donc  mieux  que  tous  les  raisonnements  possibles  que  la  démon¬ 
stration  rigoureuse  de  la  loi  des  proportions  définies  reste  à  faire. 

La  constance  de  composition  des  combinaisons  stables  étant  admise,  que 
faut-il  pour  résoudre  ce  problème?  Il  faut  prouver  que,  dans  les  corps  bi¬ 
naires  et  dans  les  corps  ternaires,  par  exemple,  ayant  chacun  deux  éléments 
communs ,  les  éléments  communs  y  existent  invariablement  dans  les  mêmes 
rapports  en  poids.  Ainsi  dans  deux  corps  AB  et  ABC,  les  rapports  en  poids 
de  A  à  B  doivent  être  exactement  les  mêmes  dans  AB  et  dans  ABC. 

On  conçoit  que  la  solution  du  problème  ainsi  posé  peut  devenir  indépen¬ 
dante  de  l’analyse  proprement  dite  ;  en  effet,  pour  résoudre  le  problème,  il 
s’agit  seulement  de  rechercher  si  les  corps  ternaires  peuvent  être  ramenés  à 
l’état  de  corps  binaires,  sans  qu’une  fraction,  quelque  minime  qu’elle  soit, 


G2 


NOUVELLES  RECHERCHES 


d’un  des  éléments  communs  devienne  libre,  ou  inversement,  si  des  corps 
binaires  peuvent  être  transformés  en  corps  ternaires  sans  qu’une  fraction  dun 
des  éléments  du  composé  binaire  reste  en  dehors  du  composé  ternaire  produit. 

Parmi  les  faits  dont  se  compose  la  science  chimique,  on  en  cherche  vaine¬ 
ment  un  seul  satisfaisant  entièrement  à  ces  conditions.  La  transformation  du 
chlorate  et  du  bromate  de  potassium  en  chlorure  et  en  bromure  sous  1  in¬ 
fluence  de  la  chaleur  s’en  rapproche  le  plus.  En  effet,  les  chimistes  qui  ont 
étudié  de  près  cette  décomposition  du  chlorate  ont  observé  des  traces  de 
chlore  seulement  dans  l’oxygène  dégagé.  Dans  l’analyse  que  M.  Marignac  a 


faite  de  ce  dernier  sel,  il  a  essayé  de  doser  ces  traces  de  chlore  '.  De  mon  côté, 


j’ai  fait  tous  mes  efforts  pour  fixer  sur  l’argent  chauffé  au  rouge  le  chlore 
entraîné 1  2.  Dans  l’espoir  de  trouver  dans  la  transformation  du  chlorate  et  du 
bromate  de  potassium  en  chlorure  et  bromure  une  solution  du  problème  en 
question,  j’ai  fait  de  nouvelles  et  longues  tentatives,  mais  elles  sont  lestées 
toutes  infructueuses.  J’ai  eu  constamment  des  traces  de  chlore  Ou  de  brome, 
quoique  j’eusse  pris  toutes  les  précautions  imaginables  pour  dépouiller  le 
chlorate  et  le  bromate  employés  des  quantités  infiniment  petites  de  silice  ou 
de  métaux  étrangers  qu’ils  retiennent  avec  une  désespérante  ténacité.  Je  n  ai 


pas  été  plus  heureux  avec  le  perchlorate  de  potassium;  quelle  que  soit  la 
lenteur  avec  laquelle  je  l’ai  décomposé  par  la  chaleur,  et  qucis  qu  aient  été 
les  soins  que  j’ai  pris  pour  le  purifier,  l’oxygène  qu’il  a  fourni  par  l’action 
de  la  chaleur  a  toujours  été  vers  la  fin  souillé  par  des  traces  de  chlore. 

Ayant  échoué  dans  ces  tentatives,  j’ai  porté  mes  recherches  vers  une  autre 
direction.  On  sait  que  l’anhydride  sulfureux  transforme  en  iodure  d’argent 
l’iodale  de  ce  métal  suspendu  dans  l’eau,  en  se  convertissant  en  acide  sulfu- 
rique.  J’ai  constaté  que,  sous  la  même  influence,  le  bromate  passe  à  l’état  de 
bromure  et  le  chlorate  à  l’état  de  chlorure  d’argent.  L’insolubilité  absolue  de 
l’iodure,  du  bromure  et  du  chlorure  d’argent  dans  l’eau  acidulée  par  l’acide 
sulfurique,  et  la  possibilité  de  trouver  au  sein  d’un  liquide  un  dix  millionième 
d’argent,  d’iode,  de  brome  ou  de  chlore,  constituent  donc  des  conditions 


1  Bibliothèque  universelle  de  Genève,  t.  XL,  p.  148. 

2  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomiques  :  Analyse  du  chlorate  de 


POTASSE. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


63 


exceptionnellement  favorables  pour  soumettre  la  loi  des  proportions  définies 
à  une  épreuve  décisive.  C’est  dans  ce  but  que  j'ai  entrepris  les  recherches  qui 
font  l’objet  de  la  deuxième  partie  de  ce  Mémoire. 

Ces  travaux  ont  été  d’une  extrême  difficulté  d’exécution.  En  effet,  j’ai  eu  à 
lutter  contre  deux  obstacles  :  l’un,  facile  à  prévoir,  réside  dans  la  difficulté 
immense  qu’il  y  a  de  se  procurer  des  sels  d’argent  dans  un  degré  de  pureté 
suffisant  pour  être  soumis  à  une  épreuve  d’une  si  redoutable  rigueur;  l’autre, 
tout  à  fait  imprévu,  est  dû  à  la  propriété  présentée  par  l’acide  sulfureux  de 
s’altérer  sous  l’influence  de  causes  encore  obscures,  ou  plutôt  complètement 
inconnues,  et  d’offrir,  à  l’étal  altéré,  des  caractères  opposés  à  ceux  qu’il  avait 
avant  d’avoir  subi  ce  changement. 

On  conçoit  qu’il  m’est  impossible  de  donner  ici  une  idée  des  difficultés  que 
j’ai  rencontrées  pour  la  préparation  de  Yiodale,  du  bromate  et  du  chlorate 
d’argent  pur  ;  elles  ont  été  naturellement  différentes  pour  chacun  de  ces  sels. 
Comme  les  tâtonnements  par  lesquels  j’ai  dû  passer  présentent  un  véritable 
enseignement  pour  ceux  qui,  dans  la  suite,  voudraient  répéter  l’une  ou 
l’autre  de  ces  recherches,  je  rendrai  compte  très-exactement,  dans  des  notices 
détaillées,  des  moyens  auxquels  j’ai  eu  recours  pour  obtenir  ces  sels  et  pour 
m’assurer  de  leur  degré  de  pureté. 

Je  me  bornerai  à  exposer  ici,  d’une  manière  générale,  les  observations  que 
j’ai  faites  sur  l’action  qu’exerce  l’acide  sulfureux  sur  les  composés  d’argent, 
suivant  que  cet  acide  est  intact  ou  qu’il  a  éprouvé  une  décomposition. 

Un  courant  d’anhydride  sulfureux ,  préparé  à  l’aide  de  la  combustion  du 
soufre  dans  l’air  sec,  ou  par  la  décomposition  de  l’acide  sulfurique  par  le 
cuivre,  le  mercure,  le  charbon,  le  bois,  produit  un  précipité  blanc  de  sulfite 
d’argent  dans  une  solution  aqueuse  d’azotate  et  de  sulfate  d’argent;  le  liquide 
-  reste  incolore.  Une  solution  d’acide  sulfureux  tout  récemment  obtenue  par  le 
passage  de  l’anhydride  au  travers  de  l’eau  bouillie  et  soustraite  à  V action  de 
la  lumière  se  conduit  comme  l’anhydride  sulfureux  lui -même.  Le  sulfite 
d’argent  produit,  soustrait  à  l’action  de  la  lumière,  m’a  semblé  se  conserver 
indéfiniment  à  la  température  ordinaire;  mais,  sous  l’influence  de  la  lumière 
et  d’un  excès  d’acide  sulfureux,  il  se  transforme  en  un  mélange  de  sulfate 
d’argent  et  d’argent  métallique. 


U 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Un  courant  d’anhydride  sulfureux  et  une  solution  aqueuse  saturée  et 
récente  de  cet  anhydride  ne  précipitent  point  de  sulfite  d’argent  d’une  solution 
d’azotate  ou  de  sulfate  d’argent  dissous  dans  l’eau  acidulée  par  une  quantité 
suffisante  d’acide  sulfurique  ou  d’acide  azotique  ;  le  liquide  reste  incolore.  Dans 
l’obscurité  complète  on  peut  même  porter  et  maintenir  longtemps  vers  100° 
l’anhydride  sulfureux  en  contact  de  l’azotate  et  du  sulfate  d’argent  dissous 
dans  l’acide  sulfurique  dilué,  sans  qu’il  y  ait  la  moindre  coloration  du  liquide 
ou  une  précipitation  quelconque. 

Une  solution  d’acide  sulfureux  dans  l’eau  pure  bouillie  ou  non  bouillie, 
après  avoir  été  abandonnée  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long  à  la  lumière 
même  diffuse,  précipite  en  gris  l’azotate  et  le  sulfate  d’argent  dissous;  au  bout 
de  quelques  instants  le  liquide,  au  sein  duquel  le  précipité  gris  s’est  formé, 
se  colore  en  jaune,  en  brun,  en  noir  et  finit  par  déposer  du  sulfure  d’argent. 

J’ai  vu  une  pareille  solution  d’acide  sulfureux  altéré  précipiter,  dans  1  ob¬ 
scurité,  de  l’argent  métallique  d’une  solution  d’azotate  ou  de  sulfate  d’argent 
dans  l’acide  sulfurique  dilué ,  et  même  dans  l’acide  azotique  dilué. 

On  voit  donc  que,  dans  certains  cas,  la  solution  d’acide  sulfureux  agit  sur 
l’azotate  et  le  sulfate  d’argent  comme  le  font  la  plupart  des  acides  polylhioniques, 
qui  précipitent  lentement  du  sulfure  d’argent  des  solutions  de  ces  sels.  H.  Rose 
avait  déjà  remarqué  que  l’anhydride  sulfureux,  obtenu  par  l’action  du  soufre 
sur  le  bioxyde  de  manganèse,  se  comporte  à  l’égard  des  sels  solubles  d’ar¬ 
gent  autrement  que  l’acide  produit  par  la  réduction  de  l’acide  sulfurique  par 
le  mercure  et  le  cuivre,  même  après  avoir  déposé  par  un  repos  suffisant  le 
soufre  qu’il  entraîne.  J’ai  reconnu  le  même  fait,  mais  à  un  degré  moindre, 
pour  l’anhydride  sulfureux  obtenu  à  l’aide  de  l’action  du  soufre  sur  l'acide 
sulfurique.  En  solution  récente,  l’un  et  l’autre  se  conduisent  comme  des  solu¬ 
tions  très-diluées  d’acide  pentathionique;  ils  précipitent  de  l’azotate  d’argent 
un  mélange  de  sulfite,  de  sulfate  et  de  sulfure  d’argent. 

La  différence  que  je  viens  de  signaler  dans  l’action  de  l’acide  sulfureux 
intact  et  de  l’acide  sulfureux  altéré  sur  l’azotate  et  le  sulfate  d’argent,  en 
solution  dans  l’eau  pure  ou  dans  l’eau  acidulée  par  l’acide  sulfurique  ou  azo¬ 
tique,  je  l’ai  observée  dans  l’action  réductrice  que  ces  acides  intacts  ou  altérés 
exercent  sur  l’iodate,  le  bromate  et  le  chlorate  d’argent  A  une  basse  tempe - 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


G5 


rature  et  dans  l’obscurité  complète ,  l’anhydride  sulfureux  et  la  solution  de  cet 
anhydride  faite  à  l’instant  même  à  l’abri  de  la  lumière,  réduisent  à  l’état 
d’iodure,  de  bromure,  de  chlorure,  l’iodate,  le  bromate  et  le  chlorate  d’ar¬ 
gent  suspendus  dans  l’eau  pure  ou  dans  l’eau  acidulée  par  l’acide  sulfurique. 
Quel  que  soit  l’excès  d’anhydride  sulfureux  ou  de  la  solution  d’acide  sulfu¬ 
reux,  l’iodure  jaune  pâle,  le  bromure  jaune  pâle  d’abord,  jaune  foncé  ver¬ 
dâtre  ensuite,  le  chlorure  blanc  restent  absolument  intacts,  et  tous  leurs 
éléments  restent  indéfiniment  indissous,  si  ces  composés  sont  absolument 
soustraits  à  la  radiation  solaire  directe  ou  indirecte;  on  peut  même  porter 
à  100°  et  maintenir  fort  longtemps  à  cette  température  les  liquides  au  sein 
desquels  se  trouvent  ainsi  del’iodure,  du  bromure  et  du  chlorure  d’argent  à 
côté  de  l’acide  sulfureux,  sans  leur  faire  subir  la  moindre  altération. 

Le  liquide  qui  surnage  l’iodure,  le  bromure  et  le  chlorure  d’argent  ne 
contient  aucune  trace  d’acide  iod hydrique ,  d’acide  bromhydrique  ou  d'acide 
chlorhydrique.  Au  contraire,  sous  l’influence  de  la  lumière  et  de  l’acide  sulfu¬ 
reux,  l’iodure  d’argent  devient  lentement  grisâtre ,  le  bromure  devient  très- 
rapidement  noirâtre  et  le  chlorure  très-rapidement  noir  bleuâtre.  Dans  ce 
cas,  les  liquides  renferment  respectivement  de  l’acide  iodhydrique,  de  l’acide 
bromhydrique  et  de  l’acide  chlorhydrique.  Lorsque,  par  suite  de  la  présence 
de  l’air,  l’acide  sulfureux  est  passé  à  l’état  d’acide  sulfurique,  l’iodure  d’argent 
devenu  gris  redevient  jaune ,  par  suite  de  l’acide  iodhydrique  qui  retourne 
à  l’état  d’iode,  etl’iodure  se  maintient  jaune,  parce  qu’il  est  inaltérable  par  la 
lumière  seule ,  tandis  que  le  bromure  noirâtre  et  le  chlorure  noir  bleuâtre 
se  conservent  dans  leur  état  d’altération.  En  effet,  les  acides  bromhydrique 
et  chlorhydrique  ne  peuvent  point  passer  sous  l’influence  de  l’oxygène  de  l’air 
à  l’état  de  brome  et  de  chlore. 

L’acide  sulfureux  altéré  spontanément  se  conduit  tout  différemment  avec 
l’iodate,  le  bromate  et  le  chlorate  d’argent.  Ainsi,  dans  Y obscurité  la  plus 
complète,  il  transforme  l’iodate  d’argent  suspendu  dans  l’eau  pure  ou  dans 
l’eau  acidulée  par  l’acide  sulfurique  en  iodure  orange,  et  l’iodure,  après 
avoir  été  lavé  à  l’eau  et  traité  par  le  cyanure  d’ammonium  mêlé  d’acide 
cyanhydrique,  se  dissous  en  abandonnant  des  flocons  de  soufre  et  même  du 
sulfure  d’argent,  si  l’altération  de  l’acide  sulfureux  est  très-avancée.  Dans 
Tome  XXXV.  9 


GG 


NOUVELLES  RECHERCHES 


l 'obscurité  la  plus  complète ,  le  bromate  cl  argent  suspendu  dans  1  eau  puic 
ou  dans  l’eau  acidulée  par  l’acide  sulfurique  passe  instantanément  à  1  état  de 
bromure  jaune,  sous  l’influence  de  1  acide  sulfureux  altéré.  Le  liquide  au  >ein 
duquel  la  réaction  s’est  effectuée  se  colore  en  jaune  foncé,  en  biun,  en  noii , 
et,  après  s’être  décoloré  par  le  repos,  il  renferme  une  quantité  notable  d  acide 
brom hydrique.  Le  précipité  insoluble,  lavé  d  abord  à  leau,  et  liailé  ensuite 
au  cyanure  d’ammonium  mêlé  d’acide  cyanhydrique,  laisse  beaucoup  de  sul¬ 


fure  d’argent  pour  résidu. 

Enfin,  dans  Y  obscurité  la  plus  complète,  le  chlorate  d’argent,  dissous  dans 
l’eau  pure  ou  dans  l’eau  acidulée  par  l’acide  sulfurique,  est  ramené,  par  1  acide 
sulfureux  altéré,  à  l’étal  de  chlorure  mêlé  de  beaucoup  de  sulfure  d’argent; 
le  liquide  surnageant  le  dépôt  contient  beaucoup  d’acide  chlorhydrique. 

Ainsi  donc  l’acide  sulfureux  intact  exerce  sur  l’iodate,  le  bromate  et  le 
chlorate  d’argent  une  simple  action  de  réduction,  tandis  quel  acide  sulfureux 
altéré  exerce  à  la  fois  une  action  de  réduction  et  de  sulfuration ,  comme  le  font 

du  reste  la  plupart  des  acides  polythioniques. 

Lorsque  j‘ai  exécuté  les  recherches  qui  sont  consignées  dans  ce  Mémoire, 
j’ignorais  complètement  que  l’acide  sulfureux  pût.  éprouver  une  altéi  ation  capa¬ 
ble  de  communiquer  aux  produits  de  sa  transformation  les  propriétés  des  acides 
polythioniques;  je  n’ai  connu  la  possibilité  de  cette  altération  que  lorsque  mes 
travaux  étaient  entièrement  terminés,  sans  cela  il  y  aurait  eu,  je  la^oue, 
presque  de  la  témérité  de  les  avoir  entrepris.  Je  dirai  même  que  le  basai  d 
m’a  servi  à  merveille  et  que,  dans  plusieurs  circonstances,  ma  chance  a  été  plus 
grande  que  ma  prévoyance.  Dans  ce  long  travail  je  nai  eu,  en  réalité,  que 
deux  accidents  notables,  dont  l’un,  à  la  vérité,  m’a  été  fort  sensible,  puisqu  d 
a  entraîné  la  perte  de  plus  de  quatre-vingts  grammes  de  bromate  d  argent  pur. 
On  verra,  par  l’exposé  de  mes  recherches ,  que  j’ai  échappé  aux  accidents 
uniquement  parce  que  j’ai  employé  pour  la  réduction  des  sels  amplifiiez  a 
l’état  de  sels  haloïdes  un  courant  d’anhydride  sulfureux,  ou  bien  une  solution 
d’acide  sulfureux  que  je  venais  de  préparer,  dans  la  chambre  obscure  même, 
pour  l’utiliser  immédiatement.  L’acide  sulfureux,  passant  ainsi  instantanément 
à  l’état  d'acide  sulfurique,  n’a  pas  eu  le  temps  de  s’altérer.  Les  seulcz  Précau¬ 
tions  auxquelfes'j’ai  eu  recours,  lorsque  je  me  suis  servi  de  la  solution  d  acide 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


67 


sulfureux,  ont  été  de  prendre  de  l'eau  bouillie  très-froide,  souvent  même 
glacée,  et  d’exclure  l’air  des  vases  dans  lesquels  j’opérais  la  transformation  de 
I  iodate,  du  bromate  et  du  chlorate  d'argent  en  iodure,  bromure  et  chlorure 
de  ce  métal. 

J’ai  remplacé  cet  air  par  de  l’anhydride  carbonique.  En  agissant  ainsi, 
j’avais  pour  but  de  conserver  intact  le  titre  de  l’acide  sulfureux  dont  je  ne 
voulais  pas  exagérer  la  quantité,  uniquement  pour  ne  pas  faire  intervenir  une 
trop  grande  quantité  d’acide  sulfurique.  Ce  dernier  acide  en  effet  est  indis¬ 
pensable  pour  empêcher  la  précipitation  de  l’argent  à  l’état  de  sulfite,  lorsqu’il 
reste  de  l’argent  libre  après  la  transformation  des  sels  amphides  en  sels 
haloides.  Du  reste,  toutes  les  opérations  de  réduction  de  l  iodate ,  du  bromate 
et  du  chlorate  d  argent  à  lélat  d  iodure ,  de  bromure  et  de  chlorure,  ont  été 
faites  dans  la  chambre  obscure,  et,  par  surcroît  de  précaution ,  les  vases  ren¬ 
fermant  les  matières  étaient  entourés  d’une  double  toile  noire  ;  il  y  avait  en 
outre  des  écrans  en  verre  jaune  entre  la  flamme  du  gaz  et  les  objets  qu’il 
s’agissait  d’éclairer. 

Ces  explications  données,  je  vais  maintenant  rendre  compte  de  tous  les 
essais  tels  qu’ils  ont  été  faits.  La  rédaction  de  la  plupart  de  ces  notices  date 
de  1  époque  à  laquelle  les  travaux  ont  été  exécutés.  Les  recherches  sur  la 
transformation  de  I  iodate  et  du  bromate  d’argent  en  iodure  et  bromure  ont 
été  commencées  vers  la  fin  de  1 860  et  terminées  au  commencement  de  1 862 , 
et  celles  sur  la  transformation  du  chlorate  en  chlorure  ont  été  accomplies  à  la 
fin  de  1863  et  terminées  dans  les  premiers  mois  de  1864. 


68 


NOUVELLES  RECHERCHES 


I. _ Recherches  sur  la  transformation  de  l’iodate  d’argent  en  iodure,  s»ou& 

l’influence  de  l’acide  sulfureux,  faites  dans  le  but  de  constater 
si  le  rapport  en  poids  de  l’iode  a  l’argent  est  le  même  dans  ces 

DEUX  CORPS. 


1°  Ioclate  d’argent  préparé  par  l’iodale  de  potasisum 
et  l’azotate  d’argent. 

Six  cents  centimètres  cubes  de  solution  froide  d  azotate  d  argent  contenant 
cinq  pour  cent  de  ce  sel  ont  été  versés,  petit  à  petit,  dans  un  litre  de  solution 
froide  d’iodale  de  potassium  1  renfermant  également  cinq  pour  cent  de  ce  sel 
pur.  L’iodate  d’argent  déposé  a  été  lavé  à  froid  par  décantation  jusqu  a  la  dis¬ 
parition  complète  du  potassium  dans  l’eau  de  lavage  2.  Arrivé  a  ce  moment, 
l’iodate,  qui  était  tout  à  fait  blanc,  a  été  délayé  dans  de  1  eau  bouillante,  et  le 
mélange  a  été  maintenu  pendant  quelque  temps  a  100n.  Le  sel  a  été  la\é.de 
nouveau  à  chaud  ;  il  est  devenu  d’un  blanc  très-légèrement  jaunâtre.  A  1  aide 
de  l’analyse  spectrale,  il  m’a  été  impossible  d’y  constater  la  moindre  trace 

de  potassium. 

a.  19Br ,8035  de  cet  iodate  séché  à  100°  ont  été  introduits  dans  un  flacon 
d’un  demi-litre  de  capacité,  et  additionnés  de  deux  cents  centimètres  cubes 
d’eau  pure  qui  avaient  reçu  dix  centimètres  cubes  d  acide  sulfurique  pin. 
Après  avoir  porté  le  flacon  dans  la  chambre  obscure,  je  l’ai  enveloppé  d’une 
double  toile  noire,  et  j’v  ai  fait  passer  un  courant  lent  d’anhydride  sulfu¬ 
reux  5,  jusqu’à  ce  (pie  le  liquide  qui  y  était  contenu  exhalât  une  odeur 
sensible  de  cet  acide.  Pendant  le  passage  du  gaz,  j  avais  soin  dagitei  conti¬ 
nuellement  le  flacon  et  de  laisser  couler  sur  la  toile  un  filet  d’eau  à  10°. 

La  transformation  de  l’iodale  en  iodure  étant  accomplie,  j'ai  ajoute  encore 
dix  centimètres  cubes  d’acide  sulfurique,  dans  le  but  de  rendre  soluble  1  argent 

1  Voir  à  la  (in  du  premier  Mémoire  la  note  n°  5:  Prépcirution  de  l’iodate  de  potassium. 

2  Voir  à  la  fin  du  premier  Mémoire  la  note  n»  6  :  Sur  le  lavage  et  la  dessiccation  de  l  iodate 

5  Voir  à  la  fin  du  premier  Mémoire  la  note  n«  7  :  Sur  la  préparation  de  l  anhydride  sulfu¬ 
reux  employé  pour  la  réduction  de  l’iodate,  du  bromate  et  du  chlorate  d’argent. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


69 


qui  aurait  pu  avoir  été  précipité  à  l’état  de  sulfite  ou  de  sulfate.  J’ai  placé 
ensuite  le  flacon  dans  un  bain ,  dont  j’ai  élevé  la  température  jusqu’à  60°  en¬ 
viron,  dans  le  but  de  déterminer  l’éclaircissement  du  liquide.  En  effet,  une 
liqueur  au  sein  de  laquelle  il  s’est  formé  de  1  iodure  d’argent  en  présence  de 
l’acide  sulfureux  ne  s’éclaircit  point  par  la  simple  agitation;  il  faut  de  toute 
nécessité  l’intervention  d’une  température  s’élevant  entre  55  et  65°,  suivant 
l’état  de  concentration  du  liquide  acide,  ou  bien  un  repos  prolongé  pendant 
quinze  à  vingt  jours. 

A  l’aide  d’une  solution  normale  de  sulfate  d’argent  dans  l’acide  sulfurique, 
et  d’une  solution  normale  d’iode  dans  l’acide  sulfureux ,  j’ai  procédé  à  la 
recherche  de  l’iode  ou  de  l’argent  dans  le  liquide  éclairci.  A  cet  effet ,  j’ai  placé 
le  flacon  au  bain-marie,  j’ai  fait  traverser  la  surface  du  liquide  par  un  faisceau 
de  lumière  jaune,  et  j’ai  constaté  qu’il  précipitait  abondamment  la  solution 
normale  d’iode.  Il  a  fallu  7  à  7,2  centimètres  cubes  de  celte  solution  pour  éli¬ 
miner  tout  l’argent  libre,  ce  qui  porte  l’excès  d’argent  à  0,036  pour  100,000. 

b.  20er,605  du  même  iodale,  également  séché  à  100°,  ont  été  introduits 
dans  un  flacon  rempli  d’anhydride  carbonique  dégagé  du  carbonate  monoso- 
dique  à  l’aide  de  la  chaleur  seule.  Le  flacon  étant  entouré  d’une  toile  noire  et 
placé  dans  de  l’eau  à  10°,  j’y  ai  laissé  pénétrer  petit  à  petit,  tout  en  l’agitant 
continuellement,  575  centimètres  cubes  d’une  solution  d’anhydride  sulfureux 
tout  récemment  préparée  et  contenant  une  quantité  d’anhydride  supérieure  de 
cinq  pour  cent  seulement  à  celle  nécessaire  pour  la  transformation  de  l’iodate 
en  iodure  d’argent.  La  réduction  étant  effectuée ,  j’ai  ajouté  vingt  centimètres 
cubes  d’acide  sulfurique  au  contenu  du  flacon,  et,  après  avoir  fait  agiter  vive¬ 
ment  le  tout  pendant  une  dizaine  de  minutes,  j’ai  placé  le  vase  dans  un  bain 
d’eau  dont  j’ai  élevé  la  température  jusqu'à  ce  que  le  liquide  se  fût  complè¬ 
tement  éclairci,  ce  qui  a  eu  lieu  à  65°.  Il  a  exigé  de  7,5  à  7,6  centimètres 
cubes  de  solution  normale  d'iode  dans  l’acide  sulfureux,  pour  se  dépouiller  de 
l’argent  qu’il  renfermait  à  l’étal  de  sulfate  ,  ce  qui  constitue  un  excès  de  0,037 
d’argent  dans  100,000  d’iodate ,  quantité  identique  à  celle  obtenue  dans 
l’essai  précédent. 


70 


NOUVELLES  RECHERCHES 


2°  lodah  d’argent  préparé  par  l’iodale  de  potassium 
et  le  sulfate  d’argent. 

Vingt  grammes  d’iodate  de  potassium  pur,  dissous  dans  un  litre  d  eau 
bouillante,  ont  été  précipités  par  seize  grammes  de  sulfate  d’argent  dissous 
dans  un  litre  et  demi  d’eau  bouillante.  L’iodate  d’argent  a  été  maintenu 
quelques  minutes  dans  l’eau  mère  en  ébullition.  Après  le  dépôt,  1  iodate 
d’argent  a  été  lavé  à  froid  par  décantation  et  le  lavage  a  été  continué  jusqu  à 
la  disparition  complète  du  potassium  dans  l’eau  de  lavage.  Le  sel  était  d’un 
blanc  très-légèrement  jaunâtre,  inaltérable  à  la  lumière  solaire  directe.  A 
l’aide  de  l’analyse  spectrale,  je  ne  suis  pas  parvenu  à  y  déceler  la  moindre 
trace  de  potassium. 

28sr,540  de  cet  iodate  séché  à  100°  ont  été  introduits  dans  un  flacon  con¬ 
tenant  deux  cent  cinquante  centimètres  cubes  d’eau  et  vingt  centimètres  cubes 
d’acide  sulfurique  pur.  L’iodale  a  été  transformé  en  iodure  à  1  aide  d  un  cou¬ 
rant  d’anhydride  sulfureux  amené  au  travers  du  liquide  acide,  en  prenant  du 
reste  toutes  les  précautions  indiquées  dans  la  première  expérience  faite  sur 
l’iodate  préparé  à  l’aide  de  l’azotate  d’argent.  Après  la  réduction  et  une  "\ive 
agitation  ,  le  vase  a  été  porté  dans  un  bain  et  chauffé  jusqu’à  55°,  tempéra¬ 
ture  à  laquelle  le  liquide  s’est  complètement  éclairci.  J  ai  divisé  en  deux 
parties  la  liqueur  limpide  surnageant  l’iodure,  et  j’ai  procédé  sur  chacune 
d’elles  à  la  recherche  de  l’argent  et  de  l’iode.  Une  moitié  n’a  produit  abso¬ 
lument  aucun  trouble  par  l’addition  d’une  solution  normale  d’iode  dans  l'acide 
sulfureux,  elle  était  donc  complètement  privée  d’argent  dissous  à  létal  de 
sulfate;  l’autre  a  laissé  apparaître  un  nuage  excessivement  faible,  au  bout 
d’un  quart  d’heure,  par  l’addition  d’une  solution  normale  d’argent.  11  y  avait 
donc  des  traces  d’acide  iodhydrique  dans  le  liquide  ;  mais  mes  eliorls  ont  été 
impuissants  pour  en  déterminer  le  poids. 

L’iodure  produit  a  été  mis  en  digestion  à  chaud,  pendant  une  heure,  avec 
de  l’eau  acidulée  par  vingt  pour  cent  de  son  poids  d’acide  azotique  pur.  Au 
bout  de  ce  temps,  le  liquide  n’a  produit  aucun  trouble  par  1  addition  d  une 
solution  normale  de  sel  marin.  L’iodure  ne  renfermait  donc  aucune  trace 
d’argent  libre,  ou  de  sulfite,  ou  de  sulfate  de  ce  métal. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


71 


3°  loclate  d’argent  préparé  par  l’acide  iodique  et  le  sulfate  d’argent. 

J’ai  dissous  cinquante  grammes  d’anhydride  iodique  1  dans  un  litre  d’eau 
froide,  et  j’ai  ajouté  au  liquide  cinq  litres  d’une  solution  aqueuse  froide  de  sul¬ 
fate  d’argent,  que  j’avais  maintenue  en  solution  à  l’aide  de  l’acide  sulfurique 
pur  que  j’y  avais  ajouté  en  quantité  suffisante.  Le  mélange,  après  avoir  été 
longtemps  soumis  à  une  vive  agitation,  a  été  abandonné  au  repos.  Lorsque  le 
volume  du  précipité  ne  diminuait  plus  par  le  repos,  le  liquide  limpide,  con¬ 
tenant  encore  de  l’acide  iodique  libre ,  a  été  décanté,  et  l’iodate  a  été  lavé  par 
décantation  à  froid  et  ensuite  à  chaud,  tant  que  l’eau  de  lavage,  convenable¬ 
ment  concentrée ,  a  contenu  une  trace  d’acide  sulfurique  appréciable  au  tour¬ 
nesol.  Il  était  d’un  blanc  très-légèrement  jaunâtre.  A  l’aide  du  spectroscope, 
il  m’a  été  impossible  d’y  découvrir  la  présence  d’un  métal  autre  que  l’argent. 

a.  32?r,819  de  cet  iodate,  chauffé  à  130°,  ont  été  suspendus  dans  cent  cen¬ 
timètres  cubes  d’eau  bouillie,  additionnés  de  quinze  centimètres  cubes  d’acide 
sulfurique.  L’atmosphère  du  vase  contenant  le  mélange  étant  remplacée  par 
de  l’anhydride  carbonique  pur,  j’y  ai  laissé  pénétrer  lentement  quatre  cents 
centimètres  cubes  de  solution  d’anhydride  sulfureux  préparé  à  l’instant  même, 
et  contenant  un  pour  cent  seulement  d’anhydride  sulfureux  de  plus  que  la 
quantité  nécessaire  pour  la  transformation  de  Tiodate  en  iodure.  Pendant 
la  réduction,  le  flacon  était  plongé  dans  un  mélange  d’eau  et  de  glace  et 
entretenu  dans  une  agitation  continuelle.  L’opération  terminée,  j’ai  soustrait 
une  moitié  du  liquide  surnageant,  et  après  l’avoir  renfermé  dans  un  flacon 
bouché  à  l’émeri,  je  l’ai  abandonné  dans  l’obscurité  la  plus  complète  à  X éclair¬ 
cissement  spontané.  Il  a  fallu  onze  jours  pour  réaliser  cette  condition. 

Le  flacon  contenant  l’autre  moitié  du  liquide,  avec  l’iodure  produit,  a  été 
placé  immédiatement  au  bain-marie  et  chauffé  tout  en  agitant  jusqu’à  ce  que 
l’éclaircissement  du  liquide  se  fût  produit;  il  a  eu  lieu  à  53°.  Le  liquide  lim¬ 
pide  a  été  divisé  en  deux  parties  :  l’une,  essayée  à  la  liqueur  normale  d’iode, 
s  est  montrée  absolument  dépourvue  d’argent;  l’autre,  essayée  à  la  liqueur 
normale  de  sulfate  acide  d’argent,  a  été  reconnue  complètement  privée  d’iode. 


1  Voir' à  la  fin  du  premier  Mémoire  la  note  n"  8  :  Sur  la  préparation  de  l’acide  iodique. 


72 


NOUVELLES  RECHERCHES 


L’iodure  d’argent  formé  a  été  lavé  trois  fois  à  l’eau  distillée  et  mis  ensuite 
en  digestion  à  60°  avec  de  l’acide  azotique  pur  mêlé  de  cinq  fois  son  volume 
d’eau.  Après  toute  une  journée  de  digestion,  le  liquide  était  absolument  dé¬ 
pourvu  d’argent,  preuve  qu aucune  trace  ue  sulfite  ou  de  sultalc  d  aident 
n’avait  été  précipitée. 

Enfin  l’iodure  d’argent  a  été  lavé  à  l’eau  pure  et  bouillante  pour  enlever 
aussi  complètement  que  possible  1  acide  azotique,  et,  après  le  lefioidissement, 
arrosé  par  une  solution  de  cyanure  d’ammonium  mêlé  d'acide  cyanhydrique. 
Il  s’v  est  entièrement  dissous  en  produisant  un  liquide  limpide  incolore.  Le 
liquide  dont  j’ai  parlé  plus  haut ,  qui  a  été  abandonné  à  l’éclaircissement  spon¬ 
tané,  s’est  montré  complètement  privé  d’argent  ou  d’acide  iodhydrique. 

b.  Msr,523  du  même  iodale  séché  à  130°  ont  été  suspendus  dans  cinq 
cents  centimètres  cubes  d’eau,  contenant  vingt-cinq  centimètres  cubes  d’acide 
sulfurique  pur.  Le  mélange,  entouré  de  glace,  a  été  soumis  à  un  courant  d  an¬ 
hydride  sulfureux,  jusqu’à  ce  qu’il  y  eût  sensiblement  de  l’acide  sulfureux  libre 
dans  le  liquide.  J’ai  déterminé  l’éclaircissement  du  liquide  par  1  intervention 
de  l'agitation  et  de  la  chaleur,  et  j’ai  été  impuissant  pour  découvrir  dans  le 
liquide,  devenu  limpide,  la  moindre  trace  d’iode  à  l’état  d’acide  iodhydrique, 
ou  d’argent  à  l’état  de  sulfate  d’argent. 


4°  lodate  d’argent  préparé  par  l’iodate -de  potassium 
et  le  dilhionate  d’argent. 


Ne  pouvant  me  rendre  compte  de  la  différence  des  résultats  fournis  a  1  aide 
des  iodates  obtenus  par  l’azotate  et  par  le  sulfate  d  argent,  que  par  1  entiaîne- 
ment  de  l’azotale  de  ce  métal  par  l’iodate  produit,  j  ai  pris  le  parti  de  con¬ 
trôler  les  résultats  en  ayant  recours  à  un  troisième  sel  d  argent  soluble.  Le 
moins  difficile  à  préparer  que  j’ai  pu  découvrir  a  été  le  dilhionate. 

Je  me  suis  procuré  une  quantité  assez  considérable  de  ce  composé,  en  ratu¬ 
rant  l’oxyde  et  le  carbonate  d’argent  à  l’aide  de  l’acide  dithionique  1  obtenu 


i  Voir  à  la  fin  du  premier  Mémoire  la  note  n°  t)  :  Sur  le  dilhionate  de  baryum  et  l'acide 
dithionique. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


73 


par  la  décomposition  du  dilhionate  de  baryum  pur,  au  moyen  de  l’acide 
sulfurique  dilué.  Le  dilhionate  d’argent  avait  cristallisé  trois  fois;  il  ma 
paru  très-stable  à  froid,  lorsqu’il  est  tout  à  lait  neutre,  mais  fort  altérable 
au  contraire  à  chaud  et  même  à  l’état  dissous,  surtout  s’il  a  une  réaction 


acide. 

a.  Vingt  grammes  d’iodale  de  potassium  ont  été  dissous  dans  un  litre  d’eau 
glacée,  et  j’ai  ajouté  petit  à  petit  un  litre  de  solution,  également  refroidie  à  0U, 
de  dilhionate  d’argent  tout  à  fait  neutre  et  renfermant  deux  et  demi  pour  cent 
de  ce  sel.  Le  mélange  a  été  vivement  agité  pendant  quelques  minutes,  et 
l’iodate  déposé  par  le  repos  a  été  lavé  à  froid  par  agitation  vive  et  par  décan¬ 
tation ,  jusqu’à  la  disparition  complète  du  potassium  dans  les  eaux  de  lavage 
évaporées  jusqu’à  siccité.  J’ai  délayé  le  sel  dans  de  1  eau  bouillante,  et  j  ai 
maintenu  le  tout  au  moins  une  demi-heure  à  100°;  j’ai  procédé  ensuite  à  un 
nouveau  lavage  par  agitation  et  par  décantation.  Liodale  précipité  à  froid 
était  absolument  blanc,  mais  il  a  sensiblement  jauni  sous  l’influence  de  l’eau 
bouillante.  Il  ne  contenait  pas  de  trace  de  potassium  sensible  à  l’analyse  spec¬ 
trale. 

1 7sr,l  1 8  de  ce  sel,  séché  à  130°,  ont  été  réduits  à  l’état  d’iodure,  à  l’aide 
d’une  quantité  convenable  de  solution  récemment  faite  et  titrée  d’acide  sulfu¬ 
reux,  en  prenant  les  dispositions  que  j’ai  indiquées  page  71  à  1  occasion  de  la 
transformation  de  l  iodale  préparé  par  l’acide  iodique  et  le  sulfate  d  argent.  Le 
liquide  de  la  réaction  s’est  éclairci  à  60°;  il  a  été  séparé  en  deux  parties  : 
une  moitié  a  été  consacrée  à  la  recherche  de  l’argent ,  l’autre  à  la  recherche 
de  l’iode.  Or,  l’une  est  restée  absolument  limpide  après  l’addition  d’une  solu¬ 
tion  normale  de  sulfate  d’argent,  et  l’autre  n’a  produit  absolument  aucun 
trouble  par  son  mélange  avec  une  solution  normale  d’iode  dans  1  acide  sulfu¬ 
reux. 

b.  Je  me  suis  procuré  environ  trois  cents  grammes  d  iodate  d  argent  en 
opérant  comme  je  l’ai  indiqué  ci-dessus.  Une  partie  de  celte  gsande  quantité 
était  destinée  à  l’analyse  de  ce  sel ,  par  sa  transformation  en  iodure  à  l’aide  de 
l’acide  sulfureux  ;  une  autre  partie  devait  être  analysée  par  l’action  de  la  cha¬ 
leur,  comme  je  l’exposerai  dans  la  notice  consacrée  à  ce  sujet. 

En  réduisant  une  quantité  très-considérable  d’iodate  par  1  acide  sulfureux, 
Tome  XXXV.  10 


74- 


NOLJVELLES  RECHERCHES 


j’avais  un  triple  but  :  je  désirais  m’assurer  du  degré  de  pureté  du  composé 
destiné  à  être  analysé  par  une  autre  méthode,  et  je  voulais  en  même'  temps 
rechercher  si  l’iodate  peut  être  transformé  en  iodure,  sans  qu’une  fraction 
quelconque  d’argent  ou  d’iode  devienne  libre,  et  enfin  si  la  quantité  d’iodure 
produit  de  cette  manière  concorde  avec  celle  qu’on  obtient  par  l’action  directe 
de  la  chaleur  sur  l’iodale. 

Dans  la  notice  consacrée  à  l’analyse  par  différence  de  l’iodate  d’argent, 
j’expose  tous  les  détails  numériques  de  l’expérience  dont  je  vais  donner  les 
résultats  à  un  autre  point  de  vue.  Je  me  borne  à  renseigner  ici  le  poids  de 
l’iodate  employé,  et  quelques-unes  des  recherches  effectuées  sur  le  liquide  au 
sein  duquel  la  transformation  en  iodure  a  été  accomplie. 

768“,556  d’iodate,  ne  renfermant  aucune  trace  de  potassium  appréciable  à 
l’analyse  spectrale,  ont  été  pesés  dans  le  vide  après  avoir  été  séchés  à  180°; 
ils  ont  été  fondus  dans  un  ballon  à  deux  cols  où  la  pesée  avait  été  effectuée. 
Après  le  refroidissement,  l’iodate  fondu  était  d’un  blanc  laiteux;  il  a  été  dis¬ 
sous  dans  la  plus  petite  quantité  possible  d’eau  ammoniacale  pure.  Cette 
solution,  dans  laquelle  nageaient  quelques  flocons  d’iodure  ammoniacal  d’ar¬ 
gent  blanc,  après  avoir  été  refroidie  jusqu’à  0°,  a  été  versée  petit  à  petit 
dans  un  litre  d’eau  glacée  contenant  dix  pour  cent  de  son  poids  d’acide  sulfu¬ 
rique  pur. 

Le  grand  vase  à  précipiter,  renfermant  l’eau  acide,  était  entouré  d’une 
double  toile  noire  et  placé  dans  de  la  glace.  Les  eaux  de  lavage  du  ballon  à 
deux  cols  étant  jointes  au  liquide  du  vase  à  précipiter,  j’ai  introduit  lente¬ 
ment  une  solution  récente  d’acide  sulfureux  saturée  à  0°,  jusqu’à  ce  que  la 
liqueur  acide  au  sein  de  laquelle  l’iodure  d’argent  s’est  formé  répandit,  d’une 
manière  permanente,  une  odeur  sensible  d’anhydride  sulfureux.  La  trans¬ 
formation  de  l’iodate  étant  accomplie,  j’ai  introduit  dans  un  bain  d’eau  le 
vase  à  précipiter;  tout  en  agitant  continuellement  l’iodure  dans  le  liquide, 
il  m’a  fallu  élever  la  température  jusqu’à  70°  pour  en  obtenir  l’éclaircis¬ 
sement. 

Après  le  repos  complet,  j’ai  décanté  à  l’aide  d’un  siphon  le  plus  de  liquide 
possible,  et  j’ai  procédé  à  la  recherche  soit  de  l’argent,  soit  de  l’iode  dissous. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


75 


Or,  en  opérant  sur  des  fractions  de  deux  cents  centimètres  cubes  du  liquide, 
il  m’a  été  impossible  d’y  découvrir  la  moindre  trace  soit  d’acide  iodhydrique, 
soit  de  sulfate  d’argent,  même  après  un  eontact  de  plusieurs  heures  avec  les 
solutions  normales  d’argent  et  d  iode. 

Les  résultats  fournis  par  la  transformation  de  l’iodate  préparé  à  l’aide  du 
sulfate  et  du  dithionale  d’argent  me  semblent  prouver  que  l’azotate  d’argent 
est,  entraîné  par  l’iodate,  lorsque  celui-ci  est  obtenu  à  l’aide  de  cet  azotate.  Ce 
fait,  du  reste,  n’a  rien  de  surprenant  :  M.  Maumené  a  constaté  que  loxalate 
d’argent,  préparé  à  l’aide  de  l’azotate  de  ce  métal,  renferme  également  une 
partie  de  ce  sel.  D’ailleurs  l’entraînement  des  azotates  métalliques,  tels  que 
les  azotates  de  baryum,  de  plomb,  de  ferricum,  etc.,  est  assez  généralement 
connu. 

Pour  rendre  évident  l’entraînement  de  l’azotate  d'argent  par  l’ioilate,  j'ai 
mêlé  dans  le  rapport  de  leurs  poids  moléculaires  des  solutions  d’iodate  de 
potassium  et  d’azotate  d’argent  diluées  à  deux  et  demi  pour  cent.  J’ai  pris  pour 
poids  moléculaire  de  l’iodate  de  potassium  213,99  ',  et  pour  poids  molécu¬ 
laire  de  l’azotate  d’argent  169,99  '.  Les  deux  pesées  ont  été  réduites  au  vide 
en  admettant  que  100,000  d’iodale  de  potassium  pesé  dans  l’air  représen¬ 
tent  100,030  dans  le  vide,  et  que  la  densité  de  l’azotate  d’argent  fondu  est 
5,380  d’après  M.  Marignac. 

J’ai  fait  agiter  pendant  près  d’une  demi-heure  le  liquide  avec  l’iodate  d’ar¬ 
gent  produit.  Après  le  repos,  j’ai  décanté  la  liqueur  limpide;  l’acide  sulfureux 
en  a  instantanément  précipité  une  quantité  sensible  d  iode  qui ,  redissous  dans 
un  excès  d’acide  sulfureux,  a  produit  de  l’iodure  d’argent  en  présence  des 
sels  solubles  de  ce  métal. 

L’iodale  formé  a  été  lavé  par  décantation;  après  le  lavage  complet,  une 
moitié  environ  a  été  séchée  à  100°,  et  Vautre  moitié  a  été  délayée  dans  de  l’eau 
bouillante  renfermant  un  pour  cent  d’iodate  de  potassium.  Le  mélange  a  été 


*  D'après  les  poids  atomiques  inscrits  dans  le  deuxième  Mémoire,  le  poids  moléculaire  de 
l’iodate  de  potassium  est  égal  à  215,987,  et  celui  de  l'azotate  d’argent  est  169,974.  D'après  cela, 
il  y  a  eu  un  léger  excès  d’azotate  d’argent  employé.  Il  est  resté  cependant  de  l’iodale  de  potas¬ 
sium  non  précipité. 


NOUVELLES  RECHERCHES 


67 

tenu  pendant  deux  heures  dans  une  douce  ébullition.  Au  bout  de  ce  temps, 
Piodale,  qui  était  devenu  d’un  blanc  légèrement  jaunâtre,  de  blanc  pur  qu'il 
était,  a  été  lavé  par  décantation  jusqu’à  la  disparition  complète  de  l'iode  et 
du  potassium  dans  l’eau  de  lavage,  et  séché  ensuite  à  100°. 

Ces  deux  iodates  d’argent  ne  renfermaient  pas  de  traces  de  potassium  appré¬ 
ciables  à  l’analyse  spectrale. 

La  première  moitié  de  l’iodate,  pesant  3 1er, 827,  a  été  suspendue  dans 
cinq  cents  centimètres  cubes  d’eau  additionnés  de  trente  centimètres  cubes 
d’acide  sulfurique  pur. 

Le  mélange,  placé  dans  un  bain  d’eau  et  de  glace,  a  été  soumis  à  un  cou¬ 
rant  d’anhydride  sulfureux,  jusqu’à  ce  que  le  liquide  eût  répandu  dune 
manière  permanente  une  odeur  sensible  d’anhydride  sulfureux.  11  a  fourni  un 
liquide  laiteux  qui,  sous  l’inlluence  de  l’agitation  et  d’une  température  de 
65°,  s’est  complètement  éclairci  ;  il  a  exigé  de  14  à  14,25  centimètres  cubes 
de  solution  normale  d’iode,  pour  se  dépouiller  de  l’argent  qu’il  contenait  à 
l’état  de  sulfate;  ce  qui  porte  la  quantité  d’argent  non  combiné  à  1  iode  à 
0,0d39  sur  100,000  d’iodate. 

La  seconde  moitié  d’iodate  d’argent  qui  a  bouilli  après  le  lavage  avec 
l’iodate  de  potassium  pesait  29sr,236;  elle  a  été  également  suspendue  dans 
cinq  cents  centimètres  cubes  d’eau  acidulée  par  trente  centimètres  cubes 
d’acide  sulfurique;  le  mélange,  placé  dans  le  même  bain  d’eau  et  de  glace,  a  été 
soumis,  dans  des  conditions  absolument  identiques,  au  courant  d’anhydride 
sulfureux.  La  transformation  en  iodure  étant  accomplie,  j’ai  déterminé  l’éclair¬ 
cissement  du  liquide  par  l’agitation  et  par  une  élévation  de  température 
de  60°.  Une  partie  du  liquide  limpide  n’a  point  fourni  le  moindre  trouble  par 
l’addition  de  la  solution  normale  d'iode  dans  l’acide  sulfureux;  une  autre  partie 
du  liquide  a  perdu  légèrement  sa  parfaite  transparence  par  son  contact  avec 
la  solution  normale  d’argent,  preuve  qu’elle  contenait  des  traces  d’acide  iodhy- 
drique. 

Ce  double  contrôle  démontre  donc  que  l’azotate  d’argent  est  entraîné  avec 
de  l’iodate  de  ce  métal,  lorsqu’on  emploie  une  solution  même  diluée  du  pre¬ 
mier  sel  pour  produire  le  second.  Les  conditions  de  formation  de  l’iodate  d’ar- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


77 


geni  à  l’aide  de  l’azotale  de  ce  métal  ne  peuvent  donc  pas  être  considérées 
comme  normales. 

Les  traces  impondérables  d’iode  que  j’ai  découvertes  dans  le  liquide  de 
deux  essais  proviennent  probablement  de  l’iodate  de  potassium,  qui  a  été 
retenu  par  l’iodate  d’argent  malgré  les  lavages  répétés  et  soigneux  auxquels 
je  les  avais  soumis,  et  dont  je  donne  les  détails  dans  une  note  séparée. 

Les  recherches  minutieuses  que  je  viens  d’exposer  ne  me  semblent  laisser 
aucun  doute  sur  le  fait  que  1  iodale  d’argent,  produit  dans  les  conditions  noi- 
males  de  sa  formation ,  peut  être  ramené  à  l’état  d’iodure  sans  qu’une  frac¬ 
tion,  quelque  minime  qu’elle  soit,  de  l’argent  ou  de  l’iode,  reste  libre  après 
sa  transformation.  Il  en  résulte  donc  que  le  rapport  en  poids  de  l  argent  à 
l’iode ,  dans  l’iodate  et  dans  l’iodure,  est  invariablement  le  même. 


IL  —  Recherches  sur  la  transformation  du  bromate  d’argent  en  bromure, 
sous  l’influence  de  l’acide  sulfureux  ,  FAITES  dans  le  but  de  con¬ 
stater  SI  LE  RAPPORT  DU  BROME  A  L’ARGENT  EST  LE  MÊME  DANS  CES  DEUX 
CORPS- 

Un  courant  d’anhydride  sulfureux,  ou  une  solution  d’acide  sulfureux ,  trans¬ 
forme  le  bromate  d’argent  suspendu  dans  l’eau  en  bromure  jaune  pâle 
d’abord,  et  jaune  foncé  verdâtre  ensuite.  Dans  des  essais  préliminaires,  j  ai 
constaté  que  du  brome  peut  devenir  libre  par  une  réaction  secondaire.  On 
conçoit,  en  effet,  que  l’acide  sulfurique  provenant  de  l’oxydation  de  l’acide 
sulfureux  décompose  du  bromate  d’argent,  et  que  l’acide  bromique,  en  pré¬ 
sence  de  l’acide  sulfureux,  donne  naissance  à  du  brome,  comme  1  acide 
iodique  produit  de  l’iode  sous  la  même  influence.  La  possibilité  de  la  mise 
en  liberté  du  brome  m’a  déterminé  à  prendre  des  dispositions  particulières 
lors  de  la  réduction  du  bromate  d’argent  en  bromure.  Ces  dispositions  ont 
été  différentes,  suivant  que  j’ai  opéré  à  l’aide  d’un  courant  d  anhydride  sultu- 
reux,  ou  d’une  solution  d’ackft  sulfureux,  mais  le  principe  a  été  le  même. 
Il  consiste  à  faire  arriver  l’anhvdride  sulfureux,  ou  la  solution  d’acide  sul- 


78 


NOUVELLES  RECHERCHES 


fureux,  à  la  surface  du  liquide  tenant  le  bromate  en  suspension,  de  manière 
à  rendre  sulfureuse  l’atmosphère  du  vase  dans  lequel  la  réduction  S'effec¬ 
tuait.  En  prenant  cette  précaution,  je  ne  suis  pas  parvenu  à  découvrir  une 
trace  d’acide  bromhydrique  dans  une  solution  d’acide  sulfureux  contenue 
dans  un  appareil  de  Liebig,  adapté  à  l’appareil  à  réduction,  et  par  lequel 
les  gaz  émanés  de  celui-ci  devaient  passer  avant  de  se  perdre  dans  l’air. 

Lorsque  j’ai  eu  recours  au  courant  d’anhydride  sulfureux  ,  j’ai  employé 
l’appareil  dessiné  ci-dessous. 

Fig.  6. 


11  consiste  dans  un  ballon  à  deux  pointes  opposées.  L’une  de  ces  pointes, 
d’un  diamètre  étroit,  redressée  près  de  l’origine  de  la  sphère,  monte  le  long 
de  celle-ci  et  se  recourbe  ensuite  à  angle  droit,  de  manière  à  figurer  un  S.  Au 
col  du  ballon  j’adapte,  à  l’aide  d’un  bouchon  en  caoutchouc  naturel,  un  tube 
recourbé  en  communication,  par  un  tube  de  caoutchouc  long  et  très-flexible, 
avec  un  appareil  de  Liebig  contenant  une  solution  d’acide  sulfureux.  A  la 
partie  recourbée  à  angle  droit  du  tube  en  S,  j’adapte  un  tube  bien  flexible  de 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


79 


caoutchouc,  long  de  près  d’un  mètre,  et  dont,  l’autre  bout  communicpie  avec 
un  appareil  destiné  à  fournir  de  l’anhydride  sulfureux  L  L’appareil  à  boule 
est  suspendu  par  de  longues  cordes  dans  une  position  inclinée  à  45  degrés; 
de  celte  manière,  je  puis  lui  faire  subir  un  mouvement  lent  d’oscillation, 
pendant  que  l’anhydride  sulfureux  pénètre  à  la  surface  du  liquide  qui  y  est 
contenu.  La  boule  de  l’appareil  est  entourée  d’une  double  toile  noire,  sur 
laquelle  coule  de  l’eau  glacée  pendant  tout  le  temps  de  la  réduction.  La  réfri¬ 
gération  est  indispensable,  parce  qu’il  se  développe  notablement  de  chaleur 
par  la  réduction  du  bromate. 

Tant  qu’il  y  a  du  bromate  non  transformé  en  bromure,  le  courant  d'anhy¬ 
dride  sulfureux,  qui  afflue  lentement,  produit  un  nouveau  trouble  dans  le 
liquide,  qui  s’éclaircit  constamment  sous  l'influence  de  l’agitation,  lorsqu’il 
reste  de  l’argent  à  l’étal  de  bromate. 

La  cessation  de  la  production  de  ce  trouble  est  le  signe  certain  (pie  la  réduc¬ 
tion  complète  du  bromate  d’argent  a  eu  lieu.  Comme  la  toile  noire  n’enveloppe 
que  le  corps  du  ballon,  et  qu’une  partie  du  liquide,  continuellement  en  mou¬ 
vement  par  l’agitation,  se  montre  dans  la  courbure  du  tube  en  S,  qui  amène 
l’anhydride  sulfureux,  j’ai  pu  saisir  exactement  l’instant  où  l’opération  était 
terminée  pour  interrompre  le  courant.  L’excès  d’anhydride  sulfureux  ne  pré¬ 
sente  aucun  inconvénient  au  point  de  vue  du  maintien  de  l’intégrité  du  bro¬ 
mure  produit;  mais  comme  cet  anhydride  jouit  de  la  propriété  de  précipiter 
le  sulfate  d’argent  au  sein  d'un  liquide  faiblement  acidulé  par  l’acide  sulfu¬ 
rique,  le  bromure  retient  du  sulfite,  si  le  bromate  renferme  de  l’argent  en 
dehors  de  celui  qui  peut  former  du  bromure.  Pour  détruire  ce  sulfite  et 
rendre  l’argent  soluble ,  il  est  nécessaire  d’aciduler  très-fortement  le  liquide 
à  l'aide  de  l’acide  sulfurique  concentré,  car  les  trois  molécules  de  cet  acide, 
qui  ont  pris  naissance  par  l’oxydation  de  l’anhydride  sulfureux,  ne  suffisent 
pas  pour  produire  cet  effet,  à  cause  du  grand  volume  d’eau  que  j’ai  été 
obligé  de  prendre  pour  ne  pas  détruire  l’acide  bromique  avec  dégagement 
de  brome. 

1  Voir  à  la  fin  du  premier  Mémoire  la  note  n°  7  :  Sur  la  préparation  de  V anhydride  sulfu¬ 
reux  employé  pour  la  réduction  de  Viodate,  du  bromate  et  du  chlorate  d  argent. 


80 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Lorsque  je  me  suis  servi  d’une  solution  titrée  d’acide  sulfureux,  j’ai  pris 
l’appareil  figuré  ci-dessous. 


Fig.  7. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


81 


Il  est  formé  par  un  flacon  de  Woulf  à  trois  tubulures  :  sur  l’une  des  tubu¬ 
lures  est  rodé  un  bouchon  de  verre  percé,  dans  lequel  s’engage  à  frottement  un 
tube  de  verre  à  angle  droit;  ce  tube  communique ,  à  l’aide  d’un  tube  de  caout¬ 
chouc  long  et  flexible,  avec  un  appareil  de  Liebig  contenant  une  solution 
d’acide  sulfureux.  Sur  la  tubulure  du  milieu  est  également  rodé  un  bouchon 
en  verre  percé;  celui-ci  livre  passage  à  un  tube  dont  le  bout  effilé  pénètre  de 
quelques  centimètres  dans  un  flacon  de  Woulf.  La  partie  supérieure  du  tube, 
munie  d’un  robinet,  est  mise  en  communication,  à  l'aide  d’un  tube  en  caout¬ 
chouc,  avec  un  réservoir  destiné  à  contenir  et  à  débiter  lentement  la  solution 
titrée  d’acide  sulfureux.  Ce  réservoir  se  compose  d’un  ballon  à  deux  pointes 
terminé  en  haut  par  un  robinet.  Enfin ,  la  troisième  tubulure  du  flacon  est 
fermée  par  un  bouchon  troué  livrant  passage  à  un  tube  recourbé  destiné  à 
l’introduction  de  l’anhydride  carbonique  remplaçant  l’air,  afin  de  maintenir 
l’acide  sulfureux  intact. 

Le  flacon  de  Woulf  est  placé  dans  un  vase  de  bois  plein  de  glace  con¬ 
cassée.  Tout  le  système  est  fixé  dans  un  étrier  de  bois  librement  suspendu, 
comme  le  montre  la  figure.  Pendant  tout  le  temps  de  l’écoulement  de  l’acide 
sulfureux,  le  système  a  été  maintenu  dans  une  oscillation  permanente. 

J’ai  reconnu  qu’en  employant  un  centième  environ  d’acide  sulfureux  de  plus 
qu’il  n’est  nécessaire  pour  la  transformation  complète  du  bromate  en  bromure, 
il  faut,  à  la  température  0°,  de  vingt  à  trente  minutes  d’agitation  continue  pour 
réduire  de  20  à  25  grammes  de  bromate  cristallisé  suspendu  dans  un  volume 
de  liquide  s’élevant  de  trois  cents  à  cinq  cents  centimètres  cubes. 

Malgré  l’agitation,  le  liquide  n’est  limpide  qu’autant  qu’il  y  ait  encore 
du  bromate  non  réduit.  Lorsqu’il  y  a  un  excès  d’acicle  sulfureux ,  quelque 
faible  qu’il  soit,  la  liqueur  ne  devient  jamais  complètement  limpide  à  0°.  Pour 
l’éclaircir,  il  faut  de  toute  nécessité  élever  la  température,  comme  c’est  le 
cas  pour  un  liquide  au  sein  duquel  il  s’est  formé  de  l’iodure  d’argent  en  pré¬ 
sence  de  l’acide  sulfureux. 

On  reconnaît  du  reste  que  la  réduction  du  bromate  en  bromure  est  com¬ 
plète  lorsque  quelques  (jouîtes  de  solution  d’acide  sulfureux  ne  produisent 
plus  de  trouble  d’un  blanc  jaunâtre  dans  le  liquide  qui  surnage  le  bromure 
formé. 

Tome  XXXV. 


Il 


82 


NOUVELLES  RECHERCHES 


1°  Bromale  cl’ 'argent  préparé  par  le  bromale  de  potassium  et  l’azotate 

d’argent  '. 

Soixante-quinze  grammes  de  bromate  de  potassium  pur  ont  été  dissous 
dans  deux  litres  et  demi  d’eau  distillée,  et  la  solution  a  été  précipitée  à  froid 
par  soixante-dix  grammes  d’azotate  d’argent  fondu  et  dissous  également  dans 
deux  litres  et  demi  d’eau  pure.  Le  bromate  formé  a  été  longtemps  entretenu 
en  suspension  dans  le  liquide,  puis  abandonné  au  repos.  Le  sel  a  été  lavé  par 
décantation  jusqu’à  ce  que  le  résidu  de  l’évaporation  de  i’eau  de  lavage  ne 
contint  plus  de  potassium  sensible  à  l’analyse  spectrale. 

a.  23Kr,711  de  bromate  d’argent  produit,  préalablement  séché  à  100°,  ont 
été  introduits  dans  l’appareil  figuré  page  78,  avec  trois  cents  centimètres 
cubes  d’eau.  Lorsque  le  tout  a  été  refroidi  à  0U,  j’ai  fait  arriver  un  courant 
lent  d’anhydride  sulfureux  jusqu’à  ce  que  le  liquide  cessât  de  se  troubler. 
Quand  la  transformation  du  bromate  en  bromure  a  été  effectuée,  j’ai  ajouté 
quinze  centimètres  cubes  d’acide  sulfurique  au  liquide,  je  l’ai  maintenu 
encore  pendant  une  dizaine  de  minutes  en  agitation ,  j’ai  plongé  alors  l’gppa- 
reil  dans  un  bain  d’eau,  dont  j’ai  élevé  la  température  jusqu’à  ce  que  le 
liquide  fût  complètement  éclairci.  Ce  phénomène  s’est  produit  à  55°. 

J’ai  recherché  ensuite  la  présence  de  l’argent  ou  du  brome  dans  le  liquide 
éclairci,  et  j’ai  trouvé  qu’il  contenait  de  0s',0il2  à  0"r,0115  d’argent;  il 
m’a  fallu  en  effet  un  volume  de  solution  normale  de  brome  dans  l’acide  sul¬ 
fureux  correspondant  à  ce  poids  d’argent,  pour  précipiter  tout  le  métal  qui  y 
existait  à  l’état  de  sulfate. 

!1  y  avait  donc  0,0478  d’argent  sur  100,000  de  bromale  qui  n’ont  point 
formé  de  bromure.  La  solution  d’acide  sulfureux  dans  l’appareil  de  Liebig  ne 
contenait  cependant  aucune  trace  d’acide  bromhydrique. 

b.  Une  partie  du  bromale  d’argent  précédent  a  été  dissoute  dans  de  l’eau 
bouillante.  La  solution  a  été  très-rapidement  refroidie,  afin  d’obtenir  du  bro¬ 
mate  en  poussière  cristalline  impalpable. 

1  Ce  bromate  a  été  préparé  avant  que  j’eusse  connaissance  de  l'entrainement  de  l’azotate  cl  ar¬ 
gent  par  liodate  de  ce  métal,  sans  cela  je  n'aurais  pas  perdu  mon  temps  à  ces  essais. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


83 


26er,0775  de  ce  bromale  cristallisé,  lavé  et  préalablement  séché  à  100°, 
après  avoir  été  additionnés  de  trois  cent  cinquante  centimètres  cubes  d’eau , 
ont  été  transformés  en  bromure  par  un  courant  d’anhydride  sulfureux,  dans 
l’appareil  figuré  page  78,  en  mettant  à  l’opération  tous  les  soins  que  je  viens 
de  décrire.  Après  la  réduction  du  bromate,  j’ai  introduit  dans  l’appareil  vingt 
centimètres  cubes  d’acide  sulfurique  pur,  et  j’ai  soumis  le  mélange  à  une  vive 
agitation  pendant  dix  minutes.  Au  bout  de  ce  temps,  j  ai  déterminé  I  éclaii- 
cissement  du  liquide  en  le  portant  à  60'.  Le  liquide,  devenu  limpide,  a 
exigé  de  5,8  à  6,00  centimètres  cubes  de  solution  normale  de  brome  dans 
l’acide  sulfureux,  pour  se  dépouiller  complètement  de  l’argent  qu’il  contenait 
à  l’état  de  sulfate  ;  soit  0,0225  d’argent  pour  100,000  de  bromate  au  delà 
de  ce  qui  est  nécessaire  pour  faire  du  bromure.  Cette  quantité  est  la  moitié  de 
celle  trouvée  dans  le  sel  avant  d’être  soumis  à  la  cristallisation. 

c.  Le  restant  du  bromale  d’argent  a  été  dissous  dans  de  l’eau  renfermant  un 
millième  de  son  poids  de  bromale  de  potassium.  La  solution  a  été  très-rapi- 
dement  refroidie  pour  obtenir  le  bromate  sous  forme  de  poussière  impalpable, 
se  prêtant  ainsi  convenablement  à  un  lavage.  Je  lai  lavé  par  décantation  tant 
que  j’ai  pu  découvrir,  à  l’aide  du  spectroscope ,  des  (races  de  potassium  dans 
le  produit  de  l’évaporation  des  eaux  de  lavage  jusqu  à  siccilé. 

24sr,7475  de  ce  bromate,  séché  à  100°,  absolument  blanc  et  inaltérable 
à  la  lumière,  ont  été  introduits,  avec  trois  cents  centimètres  cubes  d’eau, 
dans  l’appareil  figuré  page  78,  et  transformés  en  bromure  d argent  par  un 
courant  d’anhydride  sulfureux.  Après  la  réduction,  j’ai  ajouté  vingt  centimè¬ 
tres  cubes  d’acide  sulfurique  dans  l’appareil,  et  j’ai  soumis  le  tout  à  une  vive 
agitation  pendant  une  dizaine  de  minutes.  Au  bout  de  ce  temps,  j  ai  déter¬ 
miné  l’éclaircissement  du  liquide  par  une  élévation  convenable  de  tempéra¬ 
ture.  Essayé,  il  s’est  trouvé  absolument  dépourvu  d’argent  dissous;  il  conte¬ 
nait,  au  contraire,  des  traces  évidentes  de  brome,  mais  insuffisantes  pour 
que  la  quantité  pût  en  être  déterminée  *. 

Il  en  est  donc  du  bromale  d’argent  comme  de  l’iodale  de  ce  métal  ;  il  entraîne 

1  Je  suis  porté  à  croire  que  ce  brome  provenait  du  bromate  de  potassium  retenu  par  les  cris¬ 
taux  de  bromate  d’argent.  Ce  fait  résulte  de  l’absence  de  brome  dans  le  bromate  d  argent,  qu  on 
avait  fait  cristalliser  deux  fois,  comme  on  le  verra  plus  loin. 


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NOUVELLES  RECHERCHES 


des  quantités  sensibles  d’azotate  d’argent,  lorsqu’on  le  produit  par  double 
décomposition  à  l’aide  de  ce  sel. 

~°  Bromate  d'argent  par  le  bromate  de  potassium  et  le  sulfate  d’argent. 

Trente-cinq  grammes  de  bromate  de  potassium  dissous  dans  onze  cenls 
centimètres  cubes  d’eau  bouillante  ont  été  mêlés  avec  trente  grammes  de  sul¬ 
fate  d’argent  dissous  dans  trois  litres  d’eau  bouillante.  Le  mélange  a  été 
refroidi  le  plus  rapidement  possible.  Après  le  refroidissement,  le  bromate 
d’argent,  en  poussière  cristalline  impalpable,  a  été  lavé  à  l’eau  par  décanta¬ 
tion  jusqu’à  disparition  du  potassium  dans  le  résidu  des  eaux  de  lavage  éva¬ 
porées. 

a.  17e', 537  de  bromate,  sécbé  à  100",  ont  été  introduits  avec  cent  cen¬ 
timètres  cubes  d’eau  dans  l’appareil  figuré  page  80.  L’air  du  flacon  étant 
remplacé  par  de  l’anhydride  carbonique,  le  bromate  a  été  réduit  à  l'aide 
d’une  quantité  convenable  de  solution  titrée  d’acide  sulfureux.  Après  la  trans¬ 
formation,  j’ai  ajouté  lentement  quinze  centimètres  cubes  d’acide  sulfurique 
au  contenu  du  flacon,  et  j’ai  imprimé  une  vive  agitation  au  mélange  pendant 
un  quart  d’heure.  L’éclaircissement  du  liquide  étant  déterminé  à  l’aide  d’une 
élévation  de  température,  il  a  été  reconnu  absolument  privé  d’argent  dissous; 
il  renfermait  en  revanche  entre  0er,0005  et  0cr,()0d  de  brome  à  l’état  d’acide 
bromhydrique. 

b.  Le  restant  du  bromate  produit  a  été  dissous  dans  de  l’eau  bouillante,  et 
la  solution  a  été  refroidie  le  plus  rapidement  possible.  Le  sel  déposé  a  été  lavé 
convenablement  par  décantation.  L’eau  dans  laquelle  le  bromate  a  été  dissous 
et  les  eaux  de  lavage  du  sel  cristallisé,  ayant  été  évaporées,  ont  laissé  un  ré¬ 
sidu  dans  lequel  l’analyse  spectrale  a  fait  connaître  la  présence  de  traces  de 
potassium;  preuve  évidente  que  le  bromate,  en  cristallisant  sous  forme  de 
poussière,  a  emprisonné  de  l’eau  mère  renfermant  du  potassium  que  les 
lavages  n  ont  pas  été  capables  d’enlever.  La  présence  de  ce  potassium  m’a 
déterminé  à  redissoudre  dans  l’eau  bouillante,  et  à  deux  reprises  différentes, 
le  bromate  sur  lequel  j’ai  opéré  par  la  suite. 

16R',8025  de  ce  bromate  recristallisé  ont  été  réduits  à  l’état  de  bromure, 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


85- 


par  la  solution  titrée  d’acide  sulfureux,  dans  l’appareil  destiné  à  cet  effet,  en 
prenant  tous  les  soins  nécessaires.  Après  l’addition  de  l’acide  sulfurique,  l’agi¬ 
tation  et  l’éclaircissement  opéré  par  la  chaleur,  le  liquide,  devenu  limpide, 
ne  renfermait  aucune  trace  de  sulfate  d’argent  ou  d’acide  bromhydrique 
capable  d’être  appréciée  à  l’aide  de  liqueurs  normales. 

c.  Je  n’ai  considéré  les  expériences  qui  précèdent  que  comme  des  essais 
préliminaires  aux  recherches  que  je  voulais  entreprendre  dans  le  but  de 
m’assurer  si  le  bromate,  préparé  dans  les  conditions  normales  de  sa  for¬ 
mation,  peut  être  réduit  à  l’état  de  bromure  sans  mettre  du  brome  ou  de 
l’argent  en  liberté.  Dans  cette  intention ,  j’ai  tenté  trois  expériences  sur  une 
grande  échelle,  en  les  combinant  de  manière  à  les  faire  servir  en  même 
temps  à  l’analyse  du  bromate  d’argent.  De  ces  trois  expériences,  une  a 
échoué  pour  un  motif  que  je  n’ai  pas  pu  découvrir  1  ;  il  s’était  formé  sensi¬ 
blement  du  sulfure  d’argent  et  de  l’acide  bromhydrique  libre  après  la  réduc¬ 
tion.  Des  deux  analyses  restantes,  l’une  a  été  effectuée  sur  du  bromate  préparé 
à  l’aide  du  sulfate  d’argent,  l’autre  l’a  été  à  l’aide  du  dithionate  de  ce  métal. 

Pour  obtenir  en  grand  le  bromate  d’argent  à  l’aide  du  sulfate,  j’ai  ajouté, 
à  un  excès  de  solution  bouillante  de  bromate  de  potassium  au  dixième,  une 
solution  bouillante  et  saturée  de  sulfate  d’argent  produit  par  double  décom¬ 
position  2. 

Le  bromate  précipité,  après  avoir  été  lavé  par  décantation  jusqu’à  ce  que 
les  eaux  de  lavage,  évaporées  jusqu’à  siccité ,  ne  continssent  plus  de  traces 
de  potassium  appréciables  au  spectroscope ,  a  été  dissous  à  deux  reprises  dif¬ 
férentes  dans  de  l’eau  pure.  A  chaque  cristallisation,  j’ai  déterminé  le  refroi¬ 
dissement  rapide  de  la  solution.  L’eau  mère  de  la  première  cristallisation  a 
laissé,  par  l’évaporation,  un  résidu  de  bromate  dans  lequel  le  spectroscope 
a  fait  reconnaître  la  présence  du  potassium.  L’évaporation  de  l’eau  mère  de  la 
deuxième  cristallisation  a  laissé  un  bromate  dans  lequel  l’analyse  spectrale  a 
été  impuissante  pour  constater  l’existence  de  la  moindre  trace  de  potassium. 

1  Depuis  l’exécution  de  ces  travaux  et  ta  rédaction  de  cette  notice,  j’ai  trouvé  la  cause  de  cet 
insuccès;  elle  réside  dans  l’altération  de  la  solution  d’acide  sulfureux  employée  pour  la  ré¬ 
duction, 

2  Voir  à  la  fin  du  premier  Mémoire  la  note  n"  10  :  Sur  le  sulfate  et  le  hromate  d’argent. 


8(> 


NOUVELLES  RECHERCHES 


86s,',6107  de  bromate  cristallisé  deux  fois  et  séché  à  150  ont  été  fondus 
dans  un  grand  ballon ,  dans  lequel  son  poids  a  été  vérifié.  Dans  la  notice 
consacrée  à  l’analyse  du  bromate,  j’exposerai  le  motif  pour  lequel  j’ai  été 
obligé  de  fondre  ce  sel.  Après  le  refroidissement  complet  du  ballon,  j’ai 
repris  le  bromate,  qui  s’était  transformé  en  un  verre  cristallin  tout  à  fait 
incolore,  par  la  plus  petite  quantité  possible  de  solation  titrée  d’ammoniaque 
pure,  capable  de  le  dissoudre  complètement.  J’ai  enveloppé  le  ballon  d’une 
double  toile  noire,  et  je  l’ai  fixé  à  demeure  dans  une  position  de  45  degrés, 
au  milieu  de  la  glace  concassée  contenue  dans  un  vase  de  bois  placé  sur  la 
planchette  d’un  étrier  oscillant  identique  à  celui  que  j’ai  figuré  page  80, 
avec  l’appareil  à  réduction  du  bromate  à  l’aide  de  la  solution  titrée  d’acide 
sulfureux.  J’ai  muni  le  ballon  incliné  d’un  bouchon  de  verre  percé  de  deux 
trous;  par  l’un  des  trous  passait  un  tube  rodé  et  recourbé  en  communication 
avec  un  appareil  de  Liebig,  contenant  une  solution  de  sulfite  ammoniacal 
d’ammonium;  l’autre  trou  était  traversé  par  un  tube  à  cylindre  en  S.  Le  bout 
du  tube  en  S,  qui  pénétrait  dans  le  ballon,  était  effilé  et  touchait  le  col  de 
celui-ci,  afin  que  le  liquide  qu’il  devait  laisser  passer  dût  nécessairement 
couler  le  long  de  sa  paroi  et  se  répandre,  par  le  mouvement  d’oscillation, 
sur  la  surface  interne  du  ballon.  La  partie  du  tube  en  S  restée  en  dehors  était 
mise,  à  l’aide  d’un  tube  en  caoutchouc,  en  communication  avec  un  réser¬ 
voir  placé  par  dessus ,  et  terminé  par  un  robinet  et  un  tube  effilé.  Ce  réser¬ 
voir  était  destiné  à  contenir  et  à  débiter  d’abord  de  l’acide  sulfurique  dilué 
et  titré,  et  ensuite  une  solution  titrée  d’acide  sulfureux.  En  somme,  l'appa¬ 
reil  employé  pour  la  réduction  du  bromate  était  analogue  à  celui  que  j’ai 
figuré  page  80.  La  seule  différence  qu’il  présentât  était  le  remplacement  du 
flacon  de  Woulf,  placé  verticalement,  par  un  ballon  incliné  à  45  degrés,  et 
le  remplacement  du  simple  tube  droit  effilé,  engagé  dans  la  tubulure  du 
milieu  du  flacon,  par  un  tube  en  S. 

Lorsque  j’ai  eu  lieu  de  croire  que  la  solution  de  bromate  ammoniacal  d’ar¬ 
gent  était  à  0°,  j’ai  ouvert  le  robinet  du  réservoir  supérieur  et  j’ai  laissé 
couler,  petit  à  petit,  de  l’acide  sulfurique  dilué  au  dixième  et  refroidi  à  0°,  en 
quantité  exactement  suffisante  pour  transformer  l’ammoniaque  titrée  en  sul¬ 
fate  biammonique. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


87 


Pendant  l’écoulement  de  l’acide  sulfurique  dilué,  j’ai  fait  imprimer  un 
mouvement  continu  d’oscillation  circulaire  à  tout  le  système.  Lorsque  tout 
le  bromate  dissous  a  été  complètement  précipité  par  la  saturation  de  l’am¬ 
moniaque,  j’ai  introduit  dans  le  réservoir  un  volume  de  solution  d’acide 
sulfureux  saturée  à  0°,  et  en  quantité  supérieure  d’un  pour  cent  à  celle  né¬ 
cessaire  pour  la  réduction  complète  du  bromate  en  bromuie. 

Pour  maintenir  l’acide  sulfureux  à  0°,  le  réservoir  qui  le  contenait  était 

entouré  de  glace. 

L’appareil  étant  mis  de  nouveau  en  oscillation ,  j  ai  laissé  écoulei  la  so¬ 
lution  d’acide  sulfureux  ;  l’écoulement  a  duré  soixante-quinze  minutes  en¬ 
viron.  Au  bout  de  ce  temps,  m’étant  assuré,  par  l’introduction  d’une  petite 
quantité  de  solution  diluée  d’acide  sulfureux,  si  tout  le  bromate  était  réduit, 
j’ai  trouvé  que  le  liquide  glacé  précipitait  encore.  J’ai  donc  été  obligé  de 
laisser  pénétrer  une  nouvelle  quantité  de  solution  saturée  à  0°  d  acide  sulfu¬ 
reux.  La  quantité  totale  que  j’ai  employée  excède  de  cinq  pour  cent  la  quan¬ 
tité  théoriquement  nécessaire. 

Je  me  suis  assuré,  par  un  essai  fait  avec  les  plus  grands  soins,  qu  en 
opérant  avec  une  solution  diluée  d’acide  sulfureux,  où  les  pertes  en  anhydride 
ne  sont  pas  possibles,  la  réaction  de  cet  acide  sur  le  bromate  d  argent  se  fait 
exactement  dans  les  rapports  moléculaires  des  deux  corps,  et  est  représentée 
par  la  formule 

AgfBrO3  -t-  3  (H2S03)  =  A</Br  5(H2SO'‘) 

On  s’explique  du  reste  qué,  dans  le  maniement  d’une  solution  saturée 
à  0°  d’anhydride  sulfureux,  il  doit  nécessairement  y  avoir  des  pertes  no¬ 
tables. 

La  réduction  étant  opérée,  j’ai  versé  dans  le  réservoir  un  demi-litre  d’eau 
distillée,  additionnée  de  soixante-dix  centimètres  cubes  d  acide  sulfurique , 
et  préalablement  ramenée  à  0°  environ.  Ayant  ouvert  convenablement  le  ro¬ 
binet,  j’ai  laissé  écouler  le  liquide  pendant  qu’on  imprimait  un  mouvement 
d’oscillation  circulaire  à  l’étrier  suspendu.  L’écoulement  de  l’acide  sulfurique 
dilué  a  duré  un  quart  d’heure,  et  on  a  continué  ensuite  l’oscillation  du  système 
pendant  trente  minutes  environ.  Au  bout  de  ce  temps,  on  a  enlevé  autour 


88 


NOUVELLES  RECHERCHES 


du. ballon  la  glace  qui  n’avait  pas  été  fondue,  et  on  a  remplacé  l'eau  à  0°  par 
de  1  eau  à  la  température  ordinaire,  qu’on  a  laissée  couler  pendant  une  heure 
au  moins,  et  enfin,  pour  déterminer  l’éclaircissement  complet  du  liquide,  on 
a  plongé  le  ballon ,  avec  sa  double  enveloppe,  dans  un  bain  dont  on  a  élevé 
lentement  la  température.  A  68°,  le  liquide  est  devenu  d’une  limpidité  ab¬ 
solue.  Après  avoir  laissé  reposer  le  liquide  pendant  six  heures  dans  ce  bain 
chaud,  j’ai  enlevé  le  bouchon  du  ballon,  et  j’ai  procédé  à  la  recherche 
du  brome  dans  la  solution  de  sulfite  ammoniacal  d’ammonium  contenue 
dans  l’appareil  de  Liebig,  et  du  brome  ou  de  l’argent  dans  le  liquide  du 
ballon. 

A  cet  effet,  le  contenu  de  l’appareil  de  Liebig  a  été  versé  dans  cinq  fois 
son  volume  d’acide  sulfurique  dilué  au  cinquième.  Une  quantité  de  solution 
normale  de  sulfate  d’argent,  variant  depuis  un  jusqu’à  dix  centimètres  cubes, 
ayant  été  successivement  ajoutée  au  mélange,  n’y  a  produit  absolument  aucun 
trouble,  même  après  une  heure  de  contact.  Il  ne  s’est  donc  dégagé  du  ballon 
aucune  trace  de  brome,  ni  avant,  ni  pendant,  ni  après  la  réduction  du  bro- 
male. 

Cinq  cents  centimètres  cubes  du  liquide  acide  du  ballon,  qui  exhalait  une 
odeur  à  peine  sensible  d’anhydride  sulfureux,  ont  été  additionnés  successi¬ 
vement  de  un  jusqu’à  cinq  centimètres  cubes  de  solution  normale  de  sul¬ 
fate  d’argent,  et  il  ne  s’est  pas  produit  le  moindre  trouble  de  bromure 
d’argent. 

Cinq  cents  centimètres  cubes  du  liquide  acide  du  ballon  ont  reçu  succes¬ 
sivement  depuis  un  jusqu’à  cinq  centimètres  cubes  de  solution  normale  de 
brome  dans  l’acide  sulfureux;  au  bout  d’un  quart  d'heure,  le  liquide  a 
perdu  sa  limpidité  absolue,  mais  le  trouble  qui  s’est  produit  a  été  trop  faible 
pour  qu’il  m’ait  été  possible  de  déterminer  la  quantité  d’argent  qu’il  repré¬ 
sentait.  J’ose  affirmer  que  celle  quantité  ne  correspondait  pas  à  un  centième 
de  milligramme  d’argent. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


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3°  Bromale  d’argent  préparé  par  le  bromate  de  potassium 
et  le  dithionate  d’argent. 

Un  excès  de  solution  refroidie  à  0°  de  bromate  de  potassium,  renfermant 
cinq  pour  cent  de  ce  sel,  a  été  précipité  par  une  solution  également  refroidie 
à  0°  de  dithionate  d’argent,  contenant  cinq  pour  cent  de  ce  sel.  Après  vingt- 
quatre  heures  de  dépôt,  le  liquide  a  été  transvasé,  et  le  bromate  d’argent, 
tout  à  fait  blanc,  a  été  lavé  à  froid  par  décantation ,  jusqu’à  ce  que  la  pré¬ 
sence  du  potassium  ne  fût  plus  reconnaissable,  à  l’analyse  spectrale,  dans  le 
produit  de  l’évaporation  à  siccité  des  eaux  de  lavage. 

Quatorze  litres  d’eau  bouillante  et  pure  ont  été  saturés  ensuite  par  le  sel 
lavé.  Le  bromate  tout  à  fait  blanc  qui  s’est  déposé  par  le  refroidissement 
lent  du  liquide  limpide  et  incolore,  après  avoir  été  lavé  de  nouveau,  a  été 
dissous  une  deuxième  fois  dans  de  l’eau  bouillante.  Cette  fois-ci ,  j’ai  déter¬ 
miné  le  refroidissement  rapide  du  liquide,  resté  absolument  incolore  et  lim¬ 
pide,  pour  obtenir  le  sel  à  l’état  de  poussière  cristalline  impalpable,  retenant 
par  conséquent  le  moins  possible  d’eau  mère. 

L’eau  mère  de  la  première  cristallisation,  évaporée  jusqu’à  siccité,  a  laissé 
un  bromate  contenant  du  potassium  sensible  à  l’analyse  spectrale.  L’eau  mère 
de  la  deuxième  cristallisation,  évaporée  jusqu’à  siccité,  a  fourni  un  bromate 
dans  lequel  l’analyse  spectrale  a  été  impuissante  à  déceler  la  présence  du 
potassium. 

102sr,0265  de  ce  bromate  cristallisé  deux  fois,  et  préalablement  chauffé 
à  150°,  ont  été  fondus  dans  le  ballon  employé  pour  la  précédente  expérience. 
Après  le  refroidissement  du  ballon,  le  bromate,  qui  était  en  masse  cristal¬ 
line  blanche  et  rayonnée ,  a  été  dissous  dans  la  plus  petite  quantité  possible 
d’ammoniaque  liquide  pure  et  titrée,  après  que  le  ballon  eut  été  enveloppé 
d’une  double  toile  noire.  La  solution  ammoniacale  qui  y  était  contenue  a 
été  saturée  à  0°par  de  l’acide  sulfurique  dilué  et  titré,  et  le  bromate  repro¬ 
duit  a  été  transformé  en  bromure  par  les  moyens  que  j’ai  assez  longuement 
exposés  dans  la  relation  que  j’ai  donnée  de  la  précédente  expérience.  J’ai 
pris  à  cet  effet  toutes  les  dispositions  indiquées,  et  j’y  ai  mis  absolument  les 
mêmes  soins. 

Tome  XXXV. 


12 


90 


NOUVELLES  RECHERCHES 


La  réduction  opérée,  le  mélange  a  reçu  lentement  un  demi-litre  d’eau 
acidulée  par  cent  centimètres  cubes  d’acide  sulfurique  pur;  il  a  été  soumis 
ensuite  à  une  agitation  continue  pendant  une  heure  et  demie.  Enfin  j'ai  dé¬ 
terminé  l’éclaircissement  du  liquide  en  élevant  suffisamment  sa  température, 
comme  je  l’ai  expliqué  déjà. 

La  liqueur  acide  au  sein  de  laquelle  la  transformation  du  bromate  en  bro¬ 
mure  a  été  effectuée,  et  dont  le  volume  était  de  près  de  cinq  litres,  essayée 
avec  toutes  les  précautions  imaginables,  a  été  reconnue  absolument  exempte 
de  brome  ou  d’argent  dissous. 

La  solution  de  sulfite  ammoniacal  d’ammonium ,  contenue  dans  l’appareil 
de  Liebig,  au  travers  de  laquelle  ont  passé  tous  les  gaz  émanés  du  ballon 
pendant  la  neutralisation  de  l’ammoniaque  par  l’acide  sulfurique  dilué,  pen¬ 
dant  la  réduction  du  bromate  en  bromure  par  l’acide  sulfureux,  et  enfin 
pendant  l’acidulation  du  liquide  par  l’acide  sulfurique,  essayée  également,  a 
été  reconnue  complètement  exempte  de  brome. 

I!  est  donc  établi  que  le  bromate  d’argent,  préparé  dans  les  conditions 
normales  de  sa  formation. ,  peut  être  ramené  à  l’état  de  bromure  sans  qu’une 
fraction  quelconque  de  brome  ou  d’argent  devienne  libre.  Le  rapport  en 
poids  du  brome  à  [argent ,  dans  le  bromate  et  dans  le  bromure,  est  donc 
absolument  le  même. 


HL  —  Recherches  sur  la  transformation  du  chlorate  d’argent  en  chlo¬ 
rure,  sous  l’influence  de  l’acide  sulfureux,  faites  dans  le  but 
de  constater  si  le  rapport  en  poids  du  chlore  a  l’argent  est 
le  même  dans  ces  deux  corps. 


J’ai  entrepris  ces  recherches  dans  le  double  but  de  soumettre  à  1  expé¬ 
rience  la  loi  des  proportions  définies,  et  de  faire  l’analyse  du  chlorate  d  ar¬ 
gent  pour  pouvoir  déduire  le  poids  atomique  de  ses  éléments. 

J’ai  fait  deux  séries  de  recherches  :  l’une  avec  le  chlorate  préparé  à  1  aide 
de  l’action  du  chlore  sur  le  carbonate  d’argent,  et  l’autre  à  l’aide  de  l’action 
du  chlore  sur  l’oxyde  d’argent.  Je  vais  exposer  dans  cette  notice  tous  les 
faits  relatifs  à  la  préparation  du  chlorate,  à  sa  transformation  en  chlorure,  et 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


91 


les  résultats  obtenus  quant  à  la  loi  des  proportions  définies,  réservant  pour 
la  notice  consacrée  à  l’analyse  du  chlorate  d’argent  toutes  les  données  nu¬ 
mériques  qui  se  rapportent  exclusivement  à  ce  dernier  sujet. 

On  a  pu  se  convaincre,  par  la  lecture  de  ce  travail,  des  obstacles  contre 
lesquels  j’ai  eu  à  lutter  pour  me  procurer  de  l’iodate  et  du  bromate  d’argent 
purs  ;  mais  ils  ne  sont  rien  en  comparaison  de  ceux  que  j’ai  rencontrés  pour 
la  préparation  du  chlorate  pur  de  ce  métal.  J’ajouterai  que ,  pour  s’en  faire 
une  idée,  il  faut  avoir  été  soi-même  aux  prises  avec  ces  difficultés. 

Des  insuccès  réitérés,  dont  il  est  inutile  de  rendre  compte  ici,  m’ont  donné 
la  certitude  que  le  moyen  de  la  cristallisation  répétée  du  chlorate,  obtenue  à 
l’aide  de  l’oxyde  ou  du  carbonate  d’argent  lavé  à  l’eau,  et  de  l’acide  chlorique 
retiré  du  chlorate  de  baryum  pur  par  l’acide  sulfurique  dilué,  est  impuissant 
pour  obtenir  un  sel  susceptible  de  se  prêter  à  une  épreuve  aussi  rigoureuse 
que  celle  qu’il  était  destiné  à  subir.  Il  n’y  a  qu’une  méthode  excluant  la  pos¬ 
sibilité  de  l’existence  de  matières  étrangères  aux  éléments  du  sel  qui  soit 
capable  de  le  fournir,  et  je  n’ai  pu  trouver  ce  moyen  que  dans  l’action  du 
chlore  sur  le  carbonate  et  l’oxyde  d’argent  dépouillés,  à  l’aide  du  chlore  lui- 
même,  de  V alcali  qu’ils  ne  cèdent  jamais  au  lavage  à  l’eau  seule. 

On  conçoit,  en  effet,  qu’en  faisant  réagir,  sous  l’influence  de  l’eau,  le 
chlore  sur  l’oxyde  ou  le  carbonate  d’argent  lavé  aussi  bien  que  possible ,  le 
corps  halogène  doit  se  porter  à  la  fois  sur  l’argent  et  sur  le  métal  alcalin  re¬ 
tenu,  de  manière  à  produire  un  sel  haloïde  d’argent  et  un  mélange  de  sel 
amphide  du  métal  alcalin  et  d’argent.  Du  moment  qu’il  existe  un  sel  amphide 
d’argent  en  solution,  il  n’y  a  plus  de  raison  pour  que  le  sel  amphide  du  métal 
alcalin  contenu  dans  l’oxyde  soit  retenu  par  ce  dernier;  un  lavage  à  l’eau 
peut  donc  l’enlever.  En  répétant  successivement  l’action  ménagée  du  chlore 
et  les  lavages,  il  faut  de  toute  nécessité  qu’il  arrive  un  instant  où  il  n’existe 
plus  de  trace  de  l’alcali  dans  le  composé  argentifère  soumis  à  la  purification. 

L’expérience  a  complètement  confirmé  ces  prévisions.  Restaient  mainte¬ 
nant  à  étudier  les  conditions  de  la  formation  du  chlorate  d’argent  à  l’exclusion 
absolue  de  la  production  du  perchlorate.  M.  Marignac  a  préparé  une  grande 
quantité  de  ce  sel ,  mais  il  n’a  donné  aucun  détail  sur  les  conditions  dans  les¬ 
quelles  il  s’est  placé. 


92 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Pour  résoudre  ce  problème,  j’ai  examiné  avec  beaucoup  de  soin  l’action 
du  chlore  sur  l’oxyde  et  sur  le  carbonate  d’argent  suspendu  dans  de  l’eau, 
et  voici  les  observations  que  j’ai  été  à  même  de  faire  : 

De  l’action  du  chlore  sur  l’oxyde  et  sur  le  carbonate  d’argent. 

Si  l’on  vient  à  délayer,  dans  un  excès  d’eau  de  chlore  saturée ,  de  I  oxyde 
et  du  carbonate  d’argent  suspendu  dans  de  l’eau  ,  l’argent  se  transforme  com¬ 
plètement  en  chlorure,  comme  c’est  le  cas  pour  l’oxyde  et  le  carbonate  de 
mercure,  et  l’eau  ne  renferme,  outre  l’excès  de  chlore,  que  de  1  acide  hypo¬ 
chloreux  pur,  sans  trace  d’acide  chlorique  ou  d’acide  perchlorique.  Le  titre 
chlorométrique  du  liquide,  après  la  réaction  du  chlore  sur  l’oxyde  ou  le  carbo¬ 
nate,  est  à  peu  de  chose  près  identique  à  celui  de  l’eau  de  chlore  employée. 

En  faisant  arriver,  sous  l’influence  d’une  agitation  continue,  un  courant 
lent  de  chlore  dans  de  l’eau  renfermant  un  excès  d’oxyde  ou  de  carbonate 
d’argent  en  suspension,  l’action  première  est  identique;  il  se  produit  encore 
du  chlorure  d’argent  et  de  l’acide  hypochloreux;  mais  cet  acide  hypochloreux 
ne  reste  que  momentanément  libre;  il  transforme  lentement  une  partie  de 
l’oxyde  ou  du  carbonate  en  hypochlorite  de  ce  métal.  En  effet,  au  bout  de 
peu  de  temps,  si  l’on  interrompt  le  courant  de  chlore,  tout  en  maintenant 
l’agitation,  le  liquide  perd  l’odeur  caractéristique  de  l’acide  hypochloreux; 
mais  il  en  conserve  le  pouvoir  décolorant  énergique,  parce  que  l'hypochlo- 
rite  d’argent  formé  est  très-soluble  dans  l’eau. 

Cet  hypochlorite  d’argent,  dont  à  ma  connaissance  aucun  chimiste  n’a 
encore  signalé  l’existence,  est  un  corps  assez  stable  en  présence  d’un  excès 
d’oxyde  ou  de  carbonate  d’argent,  pour  se  conserver  pendant  plusieurs  jours; 
il  est  au  contraire  d’une  instabilité  extrême  en  l’absence  de  cet  oxyde  ou  car¬ 
bonate  métallique.  En  effet,  il  m’a  semblé  que  tant  qu’on  maintient  en  mou¬ 
vement  la  solution  d’hypochlorile  d’argent  avec  l’oxyde,  le  liquide  conserve 
sa  transparence  et  son  pouvoir  décolorant  ;  si,  au  contraire,  on  vient  à  1  aban¬ 
donner  au  repos,  à  peine  l’oxyde  d’argent  s’esl-il  déposé,  que  la  liqueur  si 
limpide  devient  à  l’instant  même  opaline,  se  trouble  fortement  et  finit  par 
déposer  de  gros  flocons  de  chlorure  d’argent ,  qui  couvrent  d’un  lapis  blanc 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  93 

l’oxycle  d’argent  primitivement  déposé.  Le  liquide  perd  en  même  temps  son 
pouvoir  décolorant,  et  ne  renferme  que  du  chlorate  d’argent  en  solution, 
rendu  alcalin  par  un  petit  excès  d’oxyde  dissous. 

D’après  ce  que  je  viens  d’exposer,  on  voit  donc  que  la  formation  du  chlo¬ 
rate  d’argent  par  l’action  du  chlore  sur  1  oxyde  ou  le  carbonate  est  due  a 
une  réaction  secondaire  de  l’hy pochlorile  de  ce  métal,  qui  prend  naissance 
préalablement.  11  paraît,  du  reste,  qu’il  en  est  ainsi  de  la  formation  de  tous 
les  autres  chlorates;  mais  ce  n’est  pas  ici  le  lieu  d  examiner  cette  question. 

Les  réactions  qui  se  passent  successivement  peuvent  se  représenter  par  les 
équations  suivantes  : 

12  (C h)  +  5  {Ac/O)  +  5  (H20)  =  6  (XgCli)  +  G  (HC/iO). 

G  (IIC/*0)  -4-  5  (A<;20)  =  3  (II20)  G  IXcjChO). 

G  (AgChO)  =  4  {AgCh)  2  ( AgCliO 3). 

Je  viens  de  dire  que  i’hypochlorite  argentique  est  très-soluble  dans  l’eau; 
en  effet,  le  liquide  limpide  contenant  l’oxyde  ou  le  carbonate  d  argent  en  sus¬ 
pension,  et  qu’un  courant  lent  de  chlore  a  traversé  pendant  quelques  heures, 
renferme  considérablement  d’hypochlorite  qui  se  maintient  intact  tant  quil 
est  en  contact  avec  l’oxyde  ou  le  carbonate;  mais  1  excès  d  oxvde  ou  de  cai- 
bonate  employé,  et  surtout  l excès  d  oxyde  d  argent,  fixent  sui  eux  une 
grande  quantité  de  cet  hypochlorite ,  ou  du *  moins  les  éléments  de  ce  sel.  La 
fixation  de  cet  hypochlorite  sur  ces  composés  d’argent  à  1  état  de  corps  exces¬ 
sivement  peu  solubles,  résulte  de  deux  faits  que  j  ai  obseivés  les  quaüo  lois 
que  j’ai  produit  du  chlorate  par  faction  du  chlore  sur  le  carbonate  et  1  oxyde 
d’argent.  Le  premier  de  ces  faits  est  l’impossibilité  d  opérer  un  lavage  de  ces 
corps  sur  lesquels  on  a  fait  agir  du  chlore  pendant  un  certain  temps.  Quel¬ 
ques  soins  qu’on  y  mette,  de  quelque  manière  qu’on  s’y  prenne,  1  eau  enlève, 
outre  l’oxyde  ou  le  carbonate,  un  sel  d’argent  renfermant  du  chlore  et  de 
l’oxygène;  le  second  fait  est  que  l’oxyde  ou  le  carbonate  sur  lequel  le  chlore  a 
agi  longtemps  déjà  en  produisant  de  fhypochlorite  dissous  et  qu  on  a  enlevé, 
fournit  par  l’action  du  chlore  une  nouvelle  quantité  d’hypochlorite  beaucoup 
plus  considérable  que  celle  qui  peut  résulter  du  chlore  que  1  on  a  lait  îéagii 
en  dernier  lieu.  L’observation  m’a  même  prouvé  que  la  plus  grande  pioduc- 


94 


NOUVELLES  RECHERCHES 


lion  d’hypochlorile  à  l’état  soluble  arrive  lorsque  les  deux  tiers  de  l’oxyde  ou 
du  carbonate  ont  déjà  subi  Faction  décomposante  du  chlore. 

L’hypochlorile  d’argent  est  le  seul  sel  d’argent  qui  prenne  naissance  sous 
l’influence  du  chlore  sur  l’oxyde  ou  le  carbonate  d’argent  en  excès  suspendu 
dans  un  liquide  entretenu  dans  un  mouvement  continu.  La  décomposition 
spontanée,  ou  la  décomposition  opérée  à  l’aide  de  l’intervention  de  la  cha¬ 
leur,  n’a  jamais  produit  la  moindre  trace  de  perchlorate,  en  opérant,  bien 
entendu,  sur  un  hypochlorite  rendu  légèrement  alcalin  par  un  excès  d’oxyde 
dissous.  Pendant  l’afflux  du  chlore,  l’hypochlorite  qui  s’est  formé  peut  être 
détruit  de  nouveau  avec  formation  de  chlorure  d’argent;  mais  c’est  encore 
de  l’acide  hypochloreux  qui  prend  naissance  dans  cette  circonstance  :  en 
réagissant  sur  une  nouvelle  quantité  d’oxyde  d’argent,  il  reproduit  un  poids 
double  d’hypochlorile  de  ce  métal. 

Les  conditions  de  préparation  du  chlorate  d’argent,  résultant  des  obser¬ 
vations  précédentes,  sont  donc  :  un  courant  lent  de  chlore  sur  l’oxyde  ou  le 
carbonate  (traité  préalablement  au  chlore  pour  lui  enlever  l’alcali  qu’il  re¬ 
tient)  suspendu  dans  de  l’eau  maintenue  en  mouvement  ,  d’une  manière  per¬ 
manente  ,  jusqu’à  ce  que  le  chlore  ait  attaqué  la  majeure  partie  du  composé 
argentifère  employé;  maintien  de  ce  mouvement  après  l’interruption  du  cou¬ 
rant  de  chlore,  afin  de  transformer  en  hypochlorite  l’acide  hypochloreux 
existant  libre  dans  le  liquide-;  séparation  de  la  solution  de  l’hypochlorite  d'ar¬ 
gent  d’avec  l’excès  du  composé  argentifère  employé,  pour  que  Fhypochlorite 
puisse  spontanément  se  transformer  en  chlorure  et  en  chlorate. 

Voici  les  dispositions  que  j’ai  prises  pour  réaliser,  autant  que  la  prévoyance 
le  permet  ,  les  conditions  que  je  viens  d’indiquer. 

1°  Chlorate  d’argent  préparé  par  l’action  du  chlore  sur  le  carbonate  d’argent 

suspendu  dans  l’eau. 

Trois  kilogrammes  neuf  cent  trente-cinq  grammes  d’azotate  d’argent,  sans 
métaux  étrangers,  ont  été  dissous  dans  vingt  litres  d’eau  distillée;  la  solu¬ 
tion  a  été  versée  petit  à  petit  dans  un  volume  égal  de  solution  de  carbonate 
de  potassium  préparé  à  l’aide  de  la  crème  de  tartre  pure.  Le  carbonate  d’ar- 


SU  K  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


9  D 


gent,  très-volumineux  et  d’un  blanc  légèrement  jaunâtre,  après  avoir  été 
tenu  longtemps  en  suspension  dans  la  solution  de  carbonate  de  potassium  en 
excès,  a  été  lavé  à  froid  par  décantation,  jusqu’à  la  disparition  complète  du 
potassium,  dans  le  produit  de  l’évaporation,  jusqu’à  siccité,  des  eaux  de  la¬ 
vage.  Pour  arriver  à  ce  résultat,  j’ai  été  obligé  chaque  fois  de  faire  secouer, 
dans  un  vase  fermé,  le  carbonate  avec  de  l’eau,  comme  s’il  s’agissait  de  pro¬ 
duire  l’éclaircissement  d’un  essai  d’argent.  En  prenant  ces  précautions,  les 
lavages  ont  duré  quinze  jours,  en  les  répétant  plusieurs  fois  dans  une  journée. 

La  bouillie  assez  liquide  de  carbonate  d’argent  qui,  de  blanc  jaunâtre 
quelle  était  primitivement,  était  devenue  d’un  beau  jaune ,  a  été  introduite 
dans  un  ballon  de  45  litres  de  capacité,  qui  était  entouré  d’une  toile  noire. 
Ce  ballon  a  été  fixé  solidement  dans  un  panier  placé  sur  le  plancher  d’une 
espèce  d’étrier  suspendu  au-dessus  du  sol  à  l’aide  de  longues  cordes.  À  chaque 
côté  et  au  bas  de  cet  étrier  était  attachée  une  corde;  en  exerçant  alternati¬ 
vement  une  traction  à  l’aide  de  ces  cordes,  on  pouvait  imprimer  au  ballon 
un  mouvement  oscillatoire  aussi  prononcé  qu’on  le  voulait.  Au  col  du  ballon 
était  adapté  un  verre  percé  de  deux  trous  et  servant  de  bouchon.  Ces  deux 
trous  donnaient  passage ,  l’un  à  un  tube  de  verre  recourbé  à  angle  droit, 
amenant  du  chlore  dans  le  liquide;  l’autre  à  un  tube  de  verre,  également 
recourbé,  servant  au  dégagement  de  l’anhydride  carbonique  mis  en  liberté 
par  la  décomposition  du  carbonate  d’argent.  Le  tube  destiné  à  amener  le 
chlore  dans  le  liquide  du  ballon  a  été  mis  en  communication  avec  un  appareil 
à  chlore,  à  l’aide  d’un  tube  en  caoutchouc  1  assez  long  pour  permettre  l’oscil¬ 
lation  facile  du  système  sans  exercer  une  traction  sur  l’appareil  à  chlore. 

Le  système  étant  ainsi  disposé,  j’ai  laissé  pénétrer  pendant  cinq  quarts 
d’heure  un  courant  très-lent  de  chlore  2  dans  le  ballon,  en  lui  faisant  im¬ 
primer  pendant  ce  temps  un  mouvement  continu.  J’ai  alors  intercepté  le 
courant  de  chlore,  et  j’ai  fait  continuer  l’agitation  du  liquide  tant  qu’il  a 

1  Le  tube  en  caoutchouc  vulcanisé  avait  bouilli  pendant  une  heure  avec  une  solution  au 
dixième  d’hydrate  de  sodium  pour  le  désulfurer,  et  avait  été  lavé  ensuite  à  l’eau  pure. 

2  Le  bioxyde  de  manganèse,  employé  à  la  préparation  du  chlore,  après  avoir  été  finement 
pulvérisé,  a  été  traité  à  l’acide  sulfurique  dilué  et  bouillant,  afin  de  le  dépouiller  complètement 
des  composés  azotés  qu’il  renferme  toujours;  il  a  été  lavé  ensuite  à  l’eau  pure.  Ce'trailement 
est  indispensable  lorsqu’on  veut  obtenir  du  chlore  absolument  privé  de  chlorure  d'azotyle. 


96 


NOUVELLES  RECHERCHES 


exhalé  la  moindre  odeur  d’acide  hypochloreux.  Ce  résultat  atteint,  j’ai  aban¬ 
donné  le  système  au  repos,  et  j’ai  décanté  tout  le  liquide  surnageant,  qui 
était  fortement  décolorant.  On  a  soumis  à  un  nouveau  lavage  par  décanta¬ 
tion  le  carbonate  d’argent,  en  ajoutant  le  premier  liquide  de  décantation  à 
la  solution  d’hypochlorite  séparée  déjà.  On  a  lavé  le  carbonate  d’argent  tant 
qu’il  a  été  possible  de  découvrir,  à  l’aide  de  l’analyse  spectrale,  des  traces  de 
potassium  dans  le  produit  de  l’évaporation,  jusqu’à  siccité,  des  eaux  de  lavage. 

La  solution  d’hypochlorite  d’argent ,  après  avoir  été  conservée  à  l’abri  de 
la  lumière  jusqu’à  ce  qu’elle  eût  cessé  de  déposer  du  chlorure  d’argent,  a  été 
évaporée  jusqu’à  siccité;  elle  a  laissé  3 1 gr, 819  de  résidu  blanc  salin. 

Le  carbonate  d’argent  lavé,  et  en  bouillie  assez  liquide,  a  été  introduit 
avec  quatre  litres  d’eau  dans  le  ballon,  et  soumis  pendant  deux  heures  à  un 
courant  de  chlore  sous  l’influence  d’une  agitation  incessante;  après  avoir 
intercepté  le  courant  de  chlore,  on  a  continué  l’agitation  tant  que  le  mélange 
a  exhalé  une  odeur  d’acide  hypochloreux.  Il  a  fourni  par  décantation  cinq 
litres  de  solution  fortement  décolorante,  qui  a  été  abandonnée  dans  l’obscu¬ 
rité  à  la  décomposition  spontanée.  Le  liquide,  après  avoir  cessé  de  déposer 
du  chlorure,  a  laissé  par  l’évaporation  58gl',237  de  chlorate  d’argent. 

Le  carbonate  d’argent  a  été  lavé  une  troisième  fois.  Déjà,  dans  la  pre¬ 
mière  eau  du  lavage,  il  m’avait  été  impossible  de  découvrir  la  moindre  trace 
de  potassium,  à  l’aide  de  l’analyse  spectrale,  en  opérant  sur  le  résidu  de 
l’évaporation  de  tout  un  litre  de  liquide. 

J’ai  délayé  le  carbonate  d’argent  dans  un  volume  d’eau  égal  à  celui  du 
liquide  décanté,  et  j’ai  soumis  pendant  trois  heures  le  mélange  à  un  courant 
non  interrompu  de  chlore,  sous  l’influence  d’une  agitation  continuelle.  Après 
l’interruption  du  courant ,  le  mélange  a  été  maintenu  en  mouvement  une 
demi-heure;  décanté  ensuite,  le  liquide  limpide  et  incolore  ne  répandait  pas 
la  moindre  odeur  d’acide  hypochloreux,  mais  il  était  très-fortement  décolo¬ 
rant.  Par  le  repos,  il  a  déposé  considérablement  de  chlorure  d’argent;  il  a 
fourni  par  son  évaporation  72er,000  de  chlorate  d’argent. 

Enfin,  le  carbonate  d’argent,  mêlé  déjà  d’une  quantité  considérable  de 
chlorure  d’argent,  a  été  lavé  une  quatrième  fois.  Délayé  dans  six  litres  d’eau 
pure,  il  a  été  soumis  pendant  cinq  heures,  dans  le  ballon  oscillant,  à  un  cou- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


97 


rant  continu  de  chlore.  L'acide  hypochloreux  produit,  étant  transformé. en 
hypochlorite  d’argent  par  l’agitation  du  liquide  avec  l’excès  de  carbonate 
d’argent  restant,  j’ai  abandonné  le  mélange  à  lui-même  jusqu’à  ce  que  tout 
l’hypochlorite  fût  converti  en  chlorate  et  chlorure.  L’évaporation  du  liquide 
retiré  du  ballon  par  décantation  et  lavage  méthodique  a  produit  cent  vingt- 
trois  grammes  de  chlorate  d’argent. 

J’ai  arrêté  là  l’action  du  chlore  sur  le  carbonate  d’argent,  parce  que  ce 
composé  avait  tellement  blanchi  par  son  mélange  avec  le  chlorure,  qu’il 
m’était  impossible  à  la  vue  d’y  distinguer  la  présence  de  ce  corps.  Du  reste, 
au  moment  où  j’ai  interrompu  l’opération,  l’évaporation  de  tous  les  liquides 
décantés  n’était  pas  achevée,  de  manière  que  je  11e  pouvais  connaître  le  poids 
du  chlorate  formé.  En  supposant  que  j’eusse  épuisé  l’action  du  chlore,  j’au¬ 
rais  dû  obtenir  sept  cents  grammes  de  chlorate,  et  la  somme  des  poids  des 
sels  résultant  de  l’évaporation  des  quatre  liquides  successivement  décantés  ne 
représente  que  deux  cent  quatre-vingt-cinq  grammes.  Je  n’ai  en  réalité  pro¬ 
duit  que  les  deux  cinquièmes  de  ce  que  je  pouvais  préparer;  je  suis  donc 
resté  dans  les  conditions  nécessaires  pour  ne  produire  aucune  trace  de  per- 
chlorate  d’argent.  Les  chlorates  obtenus  dans  les  opérations  que  je  viens  de 
décrire  ont  été  soumis  aux  traitements  suivants  : 

Une  partie  des  31er, 81 9  de  chlorate  résultant  de  la  première  opération, 
ayant  été  examinée  au  speclroscope,  a  été  reconnue  mêlée  de  beaucoup  de 
chlorate  de  potassium.  Je  me  suis  donc  abstenu  de  le  purifier  pour  le  sou¬ 
mettre  à  la  réduction  par  l’acide  sulfureux. 

Les  58sr,237  de  chlorate,  dans  la  deuxième  opération,  ont  été  repris  par 
de  l’eau  froide.  La  solution  en  était  très-légèrement  alcaline.  J’y  ai  ajouté  de 
l’eau  de  chlore  diluée,  de  manière  à  faire  disparaître  la  réaction  alcaline, 
et  j’ai  porté  le  liquide  à  l’ébullition,  afin  de  déterminer  la  précipitation  des 
traces  de  chlorure  d’argent  qui  s’étaient  produites.  Le  liquide  décanté ,  par¬ 
faitement  neutre ,  a  été  évaporé  et  ramené  par  des  cristallisations  successives 
en  trois  parties;  chacune  d’elles  a  été  réduite  séparément  par  l’acide  sulfureux 
à  l’état  de  chlorure. 

J’ai  dû  absolument  opérer  celle  réduction  à  l’aide  d’une  solution  d  acide 
sulfureux.  En  effet,  un  courant  d’anhydride  sulfureux  précipite  du  sulfite 
Tome  XXXV.  13 


98 


NOUVELLES  RECHERCHES 


d’argent  d’une  solution  de  chlorate  de  ce  métal  ;  de  l’acide  chlorique  se  dis¬ 
sout  dans  le  liquide.  Ce  sulfite  d’argent  ne  passe  à  l’état  de  chlorure  que  par 
l’action  consécutive  de  l’anhydride  sulfureux  sur  l’acide  chlorique.  Or,  pen¬ 
dant  le  passage  du  gaz,  il  n’y  a  aucun  moyen  de  s’assurer  si  la  réduction  de 
l’acide  chlorique  est  partielle  ou  totale,  s’il  y  a  défaut  ou  excès  d’acide  sul¬ 
fureux,  et  quel  est  cet  excès.  Une  autre  difficulté  réside  dans  la  lenteur  rela¬ 
tive  avec  laquelle  l’acide  sulfureux  réduit  à  Ou  l’acide  chlorique  très-dilué,  et 
cependant  une  basse  température  et  une  dilution  assez  forte  du  liquide  sont 
des  conditions  indispensables  pour  la  réussite  de  l’opération.  A  1  exception 
d’une  opération  qui  m’a  donné  beaucoup  de  peine,  j’ai  donc  pratiqué  toutes 


les  réductions  du  chlorate  d’argent  décrites  dans  cette  notice  à  l’aide  d’une 
solution  titrée  d’acide  sulfureux.  J’ai  employé  à  cet  effet  l’appareil  que  j’ai 
figuré  et  décrit  pages  80  et  suivantes.  Seulement,  comme  la  réduction  exige 
plus  de  temps  à  s’accomplir,  l’appareil  a  toujours  été  maintenu  au  moins  une 
heure  en  mouvement. 

Je  reviens  maintenant  aux  trois  portions  de  chlorate  extraites  des  58", 237 
du  sel  obtenu  dans  la  deuxième  opération.  La  première  partie,  contenant 
les  sels  les  moins  solubles,  renfermait  encore  sensiblement  de  potassium;  je 
suis  parvenu  à  le  reconnaître  au  spectroscope.  J’ai  perdu  la  deuxième  partie 
en  essayant  d’en  faire  la  réduction  à  l’aide  d’un  courant  d’anhydride  sulfu¬ 
reux;  la  troisième  partie,  pesant  23îr,932,  réduite  par  une  solution  titrée 
d’acide  sulfureux  à  0°,  n’a  plus  exigé  que  0  r,003  d’argent  à  l’état  de  sulfate, 
pour  précipiter  l’acide  chlorhydrique  que  contenait  le  liquide  éclairci  par 
simple  agitation. 

Les  725r,000  de  chlorate  d’argent  produit  dans  la  troisième  opération  ont 
été  repris  par  de  l’eau  froide.  La  solution  en  était  opaline  et  sensiblement 
alcaline.  J’y  ai  ajouté,  avec  les  plus  grandes  précautions,  de  l’eau  de  chlore 
diluée,  jusqu’à  la  disparition  complète  de  la  réaction  alcaline.  J’ai  chauffé  le 
liquide  pour  l’éclaircir  par  la  précipitation  du  chlorure  d’argent  formé,  et  j’ai 
évaporé  au  bain-marie  jusqu’à  pellicule  le  liquide  limpide  décanté.  Afin 
d’obtenir  le  chlorate  sous  forme  de  très-petits  cristaux,  j’ai  provoqué  un 
refroidissement  brusque  du  liquide.  L’eau  mère  a  été  séparée  par  aspiration. 
Le  chlorate  a  été  lavé  à  trois  reprises  par  de  l’eau  glacée.  La  dessiccation  sur 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES 


99 


l’acide  sulfurique  du  sel  lavé  a  produit  L0sr,336  de  chlorate  blanc  et  inallé- 
rahle  à  la  lumière.  Les  eaux  de  lavage  et  l’eau  mère  ont  fourni  27sr,581  de 
sel  également  blanc,  inaltérable  à  la  lumière,  mais  extraordinairement  alté¬ 
rable  par  son  exposition  à  l’air. 

a.  J’ai  introduit  les  27sr,581  de  chlorate  dans  l’appareil  à  réduction  par 
l’acide  sulfureux  liquide,  avec  cent  centimètres  cubes  d’eau  distillée,  et 
lorsque  la  solution  était  à  0°,  je  l’ai  transformée  en  chlorure  à  l’aide  d’une 
quantité  convenable  de  solution  d’acide  sulfureux ,  également  à  0°.  Lorsque 
tout  l’acide  sulfureux  eut  coulé  dans  le  flacon,  et  qu’on  eut  maintenu 
l’appareil  une  heure  en  oscillation,  je  me  suis  assuré,  par  l’addition  d’une 
petite  quantité  d’acide  sulfureux,  si  la  réduction  de  l’acide  chlorique  était 
complète.  A  la  fin  de  l’opération,  l’acide  sulfurique  produit  amène  à  l’état  de 
solution  une  partie  du  sulfite  d’argent,  s’il  en  existe  encore,  et  une  addition 
d’acide  sulfureux,  dans  ce  cas,  produit  instantanément  un  trouble  blanc,  s’il 
y  a  encore  en  même  temps  de  l’acide  chlorique.  Ayant  reconnu  l’achèvement 
de  la  réduction ,  je  suis  allé  à  la  recherche  du  chlore  ou  de  l’argent  dans  le 
liquide  qui  s’était  éclairci  par  le  simple  mouvement.  Or,  une  partie  du 
liquide  ne  s’est  point  troublée  par  une  solution  normale  de  sulfate  d’argent , 
et  une  autre  partie  ne  s’est  point  troublée  par  une  solution  normale  d’iode 
dans  l’acide  sulfureux.  Décanté  et  évaporé  jusqu’à  la  volatilisation  de  l’acide 
sulfurique,  le  liquide  restant  n’a  laissé  aucune  trace  de  potassium  sensible  à 
l’analyse  spectrale. 

Le  chlorure  d’argent  a  été  mis  en  digestion  à  100°  avec  de  l’acide  azotique 
dilué  au  cinquième;  il  n’a  cédé  absolument  aucune  trace  d’argent  appréciable 
à  la  liqueur  normale  de  chlorure  de  sodium.  Le  chlorate  d’argent  s’est  donc 
transformé  en  chlorure  sans  que  la  moindre  trace  de  chlore  ou  d’argent  soit 
devenue  libre. 

b.  Enfin,  les  L0gr,336  de  chlorate  non  employé  ont  été  ajoutés  au  sel  que 
j’ai  retiré  des  123§r,500  de  chlorate  obtenu  dans  la  quatrième  opération. 
Dans  le  but  de  le  priver  du  perchlorate  que,  contre  toute  attente,  il  aurait 
pu  contenir,  je  l’ai  soumis  au  traitement  suivant  : 

Il  a  été  repris  par  de  l’eau  froide,  et  la  solution  a  été  additionnée  d’eau  de 
chlore  diluée,  jusqu’à  ce  que  la  très-légère  réaction  alcaline  qu’elle  présentait 


100 


NOUVELLES  RECHERCHES 


eût  complètement  disparu.  Le  liquide  a  été  porté  q  100°  pour  déterminer  la 
précipitation  des  traces  de  chlorure  d’argent  qui  avaient  pris  naissance;  après 
un  repos  convenable,  il  a  été  décanté  et  évaporé  au  bain-marie  jusqu  à  pel¬ 
licule.  Par  un  refroidissement  brusque,  j’ai  déterminé  la  cristallisation  rapide 
du  sel,  et  après  avoir  enlevé  par  aspiration  l’eau  mère,  je  l’ai  lavé  par  de 
l’eau  glacée,  et  également  par  aspiration.  L’eau  mère  et  la  première  eau  de 
lavage  ont  été  écartées.  Toutes  les  autres  eaux  de  lavage  ont  été  évaporées 
à  leur  tour  jusqu’à  pellicule,  et  la  solution  brusquement  refroidie.  L’eau  mère 
a  été  séparée  de  nouveau  par  aspiration,  et  le  sel  lavé  à  l’eau  glacée.  En 
répétant  ainsi  les  cristallisations,  les  lavages  et  les  évaporations,  je  suis  par¬ 
venu  à  retirer  des  123gl',500  de  sel,  99gr,000  environ  de  chlorate,  que  je 
pouvais  considérer  comme  aussi  pur  qu’il  m’était  possible  de  le  préparer. 

Les  eaux  mères,  que  j’avais  éloignées  avec  le  plus  grand  soin ,  ont  donné 
jusqu’à  la  dernière  trace  du  chlorate  pur.  Du  reste,  lors  de  la  production  de 
l’hypochlorite  qui,  par  sa  décomposition,  m’a  fourni  ce  chlorate,  l’action 
du  chlore  a  été  très-lente  et,  comme  on  l’a  vu,  l’excès  de  carbonate  d’argent 
fort  grand.  Je  considère,  du  reste,  la  préparation  du  chlorate  d’argent  par 
celle  voie  comme  l’opération  la  plus  laborieuse  et  la  plus  délicate  qu’on 
puisse  exécuter  dans  des  recherches  analytiques. 

J’ai  employé  à  la  fois  les  99sr,000  et  les  L(F',336,  provenant  de  l’opé¬ 
ration  précédente,  pour  faire  l’analyse  de  ce  sel ,  et  pour  rechercher  en  même 
temps  si  le  chlore  et  l’argent  sont  dans  le  chlorate  et  dans  le  chlorure  abso¬ 
lument  dans  le  même  rapport.  Je  vais  indiquer  ici  les  données  relatives  à 
cette  dernière  recherche. 

J’ai  introduit  dans  un  grand  ballon  le  chlorate  d’argent  séché  préalable¬ 
ment  à  150°  dans  de  l’air  sec,  privé  de  matières  organiques  par  son  passage 
sur  de  l’oxyde  de  cuivre  chauffé  au  rouge.  Ce  ballon  de  verre  dur  était  muni 
d’un  flacon  de  verre  bouché  à  l’émeri  dont  le  fond  était  percé  ;  ce  flacon  était 
rodé  sur  le  col  du  ballon;  le  système  a  été  pesé  exactement,  ayant  pour 
contre-poids  un  ballon  de  même  verre,  de  même  dimension  et  de  même 
poids.  J’ai  fondu  le  sel  en  prenant  toutes  les  précautions  imaginables  pour 
éviter  sa  décomposition  par  la  chaleur.  Je  m’expliquerai  sur  le  motif  de  celte 
fusion  dans  la  notice  consacrée  à  Yanalyse  du  chlorate,  avec  toutes  les  don- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


101 


nées  numériques  qui  s’y  rapportent.  On  le  verra  plus  loin,  le  ballon  contenait 
un  poids  invariable  de  138^749  de  chlorate  fondu  et  pesé  dans  l’air  sec. 
Après  le  refroidissement  du  ballon,  j’y  ai  introduit  deux  litres  deau  pure.  Le 
chlorate,  en  s’y  dissolvant,  a  rendu  l’eau  très-opaline;  un  litre  deau ,  ajouté 
à  la  solution ,  n’a  point  augmente  le  trouble  du  liquide.  J  ai  chauffé  la  solu¬ 
tion  jiisqu’à  80°,  température  à  laquelle  elle  est  devenue  limpide  en  laissant 
déposer  quelques  flocons  violacés  de  chlorure  d’argent.  J’ai  imprimé  un  mou¬ 
vement  de  rotation  au  ballon,  afin  d’amener  vers  son  centre  et  vers  le  fond 
tout  le  chlorure,  et  je  lai  abandonné  de  nouveau  au  refroidissement,  qui 
na  plus  déterminé  le  moindre  trouble  dans  le  liquide. 

Après  un  repos  de  trois  jours  dans  la  chambre  obscure,  j  ai  fait  passer 
dans  un  ballon  de  quinze  litres  tout  le  liquide  surnageant  les  flocons  de  chlo¬ 
rure  d’argent.  Je  me  suis  servi,  à  cet  effet,  d’un  siphon  dont  la  courbure, 
d’un  diamètre  plus  considérable  que  les  branches,  était  munie  d’un  tube 
soudé,  terminé  par  un  robinet  de  verre  soudé  également  a  son  extrémité 
supérieure.  Pour  enlever  la  solution  de  chlorate  existant  dans  la  courbure 
et  les  branches  du  siphon,  j’ai  fait  pénétrer  de  l’eau  pure  par  l’ouverture  du 
robinet,  et  j’ai  incliné  le  siphon,  soit  vers  le  ballon  qui  venait  de  recevoir 
le  liquide,  soit  vers  le  ballon  qui  avait  fourni  celui-ci,  suivant  que  je  voulais 
faire  couler  l’eau  de  lavage  dans  l’un  ou  l’autre  ballon.  Après  avoir  conve¬ 
nablement  lavé  le  siphon  à  ^intérieur  et  à  \ extérieur ,  pour  ne  pas  perdre 


la  moindre  trace  de  la  solution ,  je  1  ai  retiré  des  ballons. 

J’ai  lavé  ensuite  par  décantation  et  repos,  et  avec  toutes  les  précautions 
imaginables,  le  ballTTn  et  le  chlorure  d’argent,  pour  ne  pas  entraîner  une 
trace  de  ce  composé.  Les  eaux  de  lavage,  après  avoir  suffisamment  îeposé 
dans  un  vase  à  précipité,  ont  été  ajoutées  à  la  solution  du  chlorate  qui  était 
restée  d’une  limpidité  absolue.  Les  traces  de  chlorure  entraîné  par  les  eaux 
de  lavage  dans  le  vase  à  précipité,  ont  été  de  nouveau  introduites  dans  le 
ballon  d’où  elles  étaient  sorties.  Le  grand  ballon,  entouré  préalablement  d  une 
double  toile  noire,  a  été  placé  cà  demeure,  et  dans  une  position  aussi  inclinée 
que  possible,  dans  un  grand  vase  de  bois  au  milieu  de  la  glace  concassée. 
Ce  grand  vase  de  bois  était  posé  sur  la  tablette  d’un  étrier  oscillant.  J  ai 
adapté  à  son  col  un  bouchon  de  caoutchouc  percé  de  deux  ouvertures;  par 


102 


NOUVELLES  RECHERCHES 


l’une  d’elles  passait  un  tube  recourbé,  en  communication  avec  un  appareil  de 
Liebig  contenant  une  solution  d’acide  sulfureux,  et  par  l’autre  passait  un 
tube  en  S.  Le  bout  du  tube  en  S,  qui  pénétrait  dans  le  ballon,  était  effilé  et 
reposait  sur  son  col,  afin  de  forcer  le  liquide  qu’il  laissait  échapper  à  couler 
le  long  de  sa  paroi,  et  à  se  répandre  pendant  le  mouvement  d’oscillation. 
La  partie  du  tube  en  S,  restée  dehors,  était  mise,  à  l’aide  d’un  tube  en 
caoutchouc,  en  communication  avec  un  réservoir  placé  par-dessus,  sur  une 
planchette  trouée,  et  terminé  par  un  robinet  et  un  tube  effilé.  En  un  mot, 
l’appareil  était  identique  à  celui  que  j’ai  employé  pour  la  réduction  du  bro- 
mate,  sauf  les  dimensions  qui  étaient  nécessairement  beaucoup  plus  grandes. 
Lorsque  tout  le  système  était  monté,  et  que  la  température  du  réservoir  des¬ 
tiné  à  débiter  la  solution  d’acide  sulfureux  était  abaissée  à  0°  par  l’application 
de  la  glace  concassée,  j’ai  introduit  dans  celui-ci  une  quantité  de  solution 
d’acide  sulfureux  saturée  à  0°,  dépassant  de  cinq  pour  cent  celle  nécessaire 
pour  réduire  à  l’état  de  chlorure  le  chlorate  employé.  J’ai  pris  cet  excès  de 
cinq  pour  cent  pour  compenser  celui  qui  se  perd  pendant  l’introduction  de  la 
solution  dans  le  réservoir.  J’ai  ouvert  ensuite  le  robinet  de  celui-ci,  de  manière 
à  produire  un  écoulement  complet  de  la  solution  sulfureuse  dans  l’espace  de 
soixante  à  soixante-dix  minutes,  et,  au  même  moment,  j’ai  fait  imprimer  à  tout 
le  système  un  mouvement  d’oscillation  perpendiculaire  au  plan  d’inclinaison 
du  ballon.  Lorsque  la  solution  sulfureuse  eut  pénétré  dans  le  ballon,  j’ai  fait 
continuer  encore,  pendant  une  heure,  l’agitation  lente  du  liquide.  Au  bout 
de  ce  temps  le  liquide,  convenablement  reposé,  et  éclairé  à  l’aide  d’un  faisceau 
de  lumière  jaune,  s’est  montré  d’une  limpidité  absoluè.  Pour  m’assurer  s’il 
y  avait  encore  les  éléments  du  chlorate  d’argent  en  solution,  j’ai  laissé  tom¬ 
ber  à  la  surface  cinq  centimètres  cubes  d’une  solution  diluée  d’acide  sulfureux. 
Celte  solution  n’y  a  produit  aucun  trouble,  même  au  bout  de  quinze  minutes 
d’attente.  J’ai  procédé  alors  à  l’examen  du  liquide  surnageant. 

Deux  cents  centimètres  cubes  du  liquide  décanté,  additionnés  successive¬ 
ment  de  un  jusqu’à  cinq  centimètres  cubes  de  solution  normale  de  chlo¬ 
rure  d’ammonium,  n’ont  produit  aucun  trouble  au  bout  de  toute  une  journée 
d’attente. 

Deux  cents  centimètres  cubes  de  ce  liquide  décanté,  additionnés  successi- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  103 

vement  de  un  à  cinq  centimètres  cubes  de  solution  normale  de  sulfate  d’ar¬ 
gent,  n’ont  éprouvé  aucun  trouble  après  toute  une  journée  de  contact. 

La  solution  d’acide  sulfureux  contenue  dans  l’appareil  de  Liebig,  et  au 
travers  de  laquelle  avaient  passé  les  gaz  émanés  du  ballon  pendant  la  réduc¬ 
tion  ,  ne  contenait  également  aucune  trace  de  chlore. 

Dans  la  notice  consacrée  à  l’analyse  du  chlorate,  je  donnerai  le  détail  des 
opérations  faites  pour  recueillir,  sécher  et  peser  le  chlorure  produit,  et  pour 
rechercher  si  le  liquide  au  sein  duquel  le  chlorure  s  était  formé  1  enfermait 
autre  chose  que  de  l’acide  sulfurique  dilué. 

2°  Chlorate  d’argent  préparé  par  l’action  du  chlore  sur  l’oxyde  d’argent 

suspendu  dans  de  l’eau. 

J’ai  versé,  sous  l’influence  d’une  agitation  continuelle,  dans  vingt  lities  de 
solution  diluée  d’hydrate  de  potassium  provenant  du  tartre  pur,  un  volume 
égal  d’une  solution  d’azotate  d’argent  pur,  contenant  trois  kilogrammes  et  demi 
de  ce  sel.  L’oxyde  d’argent  a  été  lavé  par  décantation ,  jusqu’à  ce  que  le  résidu 
de  l’évaporation  des  eaux  de  lavage  ne  contint  plus  de  trace  de  potassium 
reconnaissable  au  spectroscope.  L opération  du  lavage  de  1  oxyde  daigent 
s’exécute  avec  infiniment  plus  de  facilité  que  celle  du  carbonate  de  ce  métal , 
parce  qu’il  se  dépose  plus  facilement;  en  revanche,  il  retient ,  avec  une  opi¬ 
niâtreté  désespérante ,  de  l’hydrate  de  potassium  ;  de  sorte  que  le  lavage 
complet  de  l’oxyde  est  encore  beaucoup  plus  long  et  plus  délicat  à  exécuter 
que  celui  du  carbonate. 

L’oxyde  délayé  dans  trois  litres  d’eau  a  été  mêlé  petit  à  petit  avec  six 
litres  d’eau  de  chlore  saturée  de  8  à  10°.  Le  tout  a  été  laissé  en  digestion  pen¬ 
dant  douze  heures,  en  ayant  la  précaution  de  remuer  très-souvent  ce  mé¬ 
lange.  Au  bout  de  ce  temps,  le  liquide  opalin  a  été  séparé;  chauffé,  il  s’est, 
éclairci ,  et  le  résidu  obtenu  à  l’aide  de  son  évaporation  contenait  plus  de 
potassium  que  d’argent. 

J’ai  procédé  de  nouveau  au  lavage  de  l’oxyde,  par  décantation,  jusqu’à  la 
disparition  complète  du  potassium  dans  le  résidu  provenant  de  lévapoiation 
de  cinq  litres  de  liquide. 


404 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Délayé  préalablement  dans  trois  litres  d’eau,  l’oxyde  a  été  traité  une 
deuxième  fois  par  trois  litres  d’eau  de  chlore  saturée,  et  il  a  été  laissé  pen¬ 
dant  cinq  heures  en  digestion  sous  l’influence  d’une  agitation  incessante. 
Tout  le  liquide  qui  a  surnagé  par  le  repos  a  été  décanté  et  évaporé  jusqu’à 
siccilé.  Le  sel  d  argent,  mêlé  de  I  oxyde  dissous  par  leau,  a  été  décomposé 
à  l’aide  d’un  excès  d’acide  chlorhydrique,  et  la  liqueur  ainsi  séparée  du 
chlorure  d’argent,  ayant  été  évaporée  jusqu’à  siccité,  a  laissé  un  résidu  de 
quelques  milligrammes  seulement  et  contenant  une  quantité  assez  minime 
de  potassium. 

L’oxyde  a  été  lavé  une  troisième  fois.  L’analyse  spectrale  a  été  impuis¬ 
sante  pour  constater  la  présence  du  potassium  dans  le  résidu  de  l’évaporation 
des  eaux  de  lavage.  Après  ce  lavage,  le  composé  d’argent  a  reçu  encore  trois 
litres  d’eau  de  chlore  saturée,  et  le  mélange  a  été  agité  pendant  cinq  heures. 
L’évaporation  du  liquide  décanté  a  produit  un  résidu  noirâtre  d’oxyde  d’ar¬ 
gent,  renfermant  à  peine  un  décigramme  de  sel  soluble  d’argent;  presque 
tout  le  chlore  employé  avait  été  retenu  dans  la  grande  masse  d’oxyde.  J’ai 
séparé,  à  l’aide  d’un  léger  excès  d’acide  chlorhydrique,  l’argent  existant  dans 
le  sel  soluble  produit;  le  liquide  acide  d’où  l’argent  avait  été  éliminé  ayant 
été  ramené  à  siccilé,  n’a  laissé  aucune  trace  pondérable  de  résidu. 

Dès  ce  moment,  je  pouvais  donc  considérer  l’oxyde  d’argent  comme  com¬ 
plètement  dépouillé  de  potassium. 


Après  les  trois  traitements  successifs  à  l’eau  de  chlore,  et  les  trois  lavages 
complets  qui  ont  suivi  chacun  d’eux,  j’ai  délayé  la  bouillie  d’oxyde  dans 
quatre  litres  d’eau  pure,  et  j’ai  introduit  le  tout  dans  le  grand  ballon  sus¬ 
pendu  que  j’ai  décrit  à  l’occasion  de  la  préparation  du  chlorate  d’argent  à 
1  aide  du  carbonate  de  ce  métal.  Tout  en  maintenant  le  liquide  dans  une 
agitation  continue,  on  y  a  fait  passer  un  courant  lent  de  chlore  pendant  huit 
heures  consécutives.  Au  bout  de  ce  temps,  le  courant  de  chlore  a  été  inter¬ 
rompu,  et  le  mélange  a  été  maintenu  en  agitation  tant  qu’a  persisté  l’odeur 
d’acide  hypochloreux  qu’exhalait  assez  fortement  le  liquide.  La  saturation  de 
cet  acide  hypochloreux  étant  effectuée,  j’ai  décanté  tout  le  liquide  surna¬ 
geant  dans  des  vases  fermés  et  couverts  de  papier  noir ,  et  je  l’ai  abandonné 
dans  l’obscurité  complète  à  la  décomposition  spontanée. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  105 

J’ai  remplacé  le  liquide  décanté  par  un  volume  d’eau  égal,  et  le  mélange, 
entretenu  dans  une  agitation  continuelle,  a  été  soumis  encore  pendant  trois 
heures  à  un  courant  de  chlore.  Après  l’interruption  du  courant  de  chlore,  le 
mélange  a  été  maintenu  en  agitation  jusqu’à  la  disparition  de  l’acide  hypo¬ 
chloreux  libre. 

La  solution  d’hypochlorite  d’argent  produite  a  été  décantée  et  remplacée 
par  un  volume  égal  d’eau.  On  a  fait  passer  encore  pendant  trois  heures  un 
courant  de  chlore  au  travers  du  liquide  en  l’agitant  constamment.  Le  cou¬ 
rant  de  chlore  étant  suspendu,  on  a  fait  osciller  le  système  tant  que  l’odeur 
d’anhydride  hypochloreux  a  persisté  dans  le  mélange.  Après  la  dernière 
action  du  chlore,  la  saturation  de  cet  acide  par  l’oxyde  mêlé  de  beaucoup 
de  chlorure  a  été  lente  et  difficile  ;  il  a  fallu  presque  une  heure  d’agitation 
pour  atteindre  ce  résultat. 

Dans  le  but  de  savoir  si  je  pouvais  traiter  le  sel  provenant  du  dernier 
traitement  avec  celui  obtenu  par  les  deux  précédents ,  j’ai  soumis  moi-même 
le  mélange  d’oxyde  et  de  chlorure,  dont  le  liquide  avait  été  séparé,  à  un 
nouveau  courant  de  chlore,  pendant  deux  heures,  après  y  avoir  ajouté 
quatre  litres  d’eau.  Après  l’interruption  du  courant  de  chlore,  on  a  été  obligé 
d’entretenir  en  mouvement  le  liquide  avec  le  composé  insoluble,  pendant 
quatre  heures,  pour  faire  disparaître  complètement  l’odeur  de  l’anhydride 
hypochloreux. 

J’ai  enlevé  par  décantation  et  par  lavage  tout  l’hypochlorite  produit.  Ce 
liquide,  ayant  été  abandonné  pendant  deux  heures  dans  l’obscurité,  a  déposé 
considérablement  de  chlorure  d’argent.  Comme  il  renfermait  néanmoins 
encore  de  l’hypochlorite  non  décomposé,  je  l’ai  porté  à  60°,  température  à 
laquelle  il  s’est  complètement  éclairci  en  formant  un  nouveau  dépôt  de  chlo¬ 
rure.  Le  liquide  limpide  a  été  évaporé  au  bain-marie,  et  il  a  fourni  jusqu’à  la 
dernière  trace  de  chlorate  d’argent  sans  perchlorate  de  ce  mêlai.  Le  chlorate 
d’argent,  évaporé  jusqu’à  siccité,  est  un  sel  aussi  inaltérable  dans  l’air  pur  et 
humide,  que  le  chlorate  ou  le  sulfate  de  potassium.  Pour  peu  qu’il  renferme 
du  perchlorate  qui  est  fort  hygrométrique,  il  attire  l’eau  de  l’air.  Ayant  toute 
garantie  sur  la  pureté  de  l’hypochlorite  d’argent  produit  dans  les  trois  opé- 

îations  successives,  j  ai  pu  réunir  les  trois  liquides,  et  les  soumettre  à  un  seul 
Tome  XXXV.  u 


106 


NOUVELLES  RECHERCHES 


et  même  traitement,  après  qu'ils  eurent  déposé  par  décomposition  spontanée 
la  majeure  partie  du  chlorure  qu’ils  doivent  produire  par  la  transformation 
de  l’hypochlorite  en  chlorate;  j’ai  chauffé  le  liquide  pour  rendre  la  transfor¬ 
mation  totale.  Comme  il  était  sensiblement  alcalin,  j’y  ai  ajouté,  après  son 
refroidissement  complet,  de  l’eau  de  chlore  diluée  jusqu’à  neutralité  com¬ 
plète.  Cette  saturation  est  une  opération  fort  délicate,  parce  que  l’eau  de 
chlore  produit  encore  de  l’hypochlorile  avec  l’oxyde  dissous,  et  ce  n’est 
qu’après  la  transformation  de  cet  hypochlorile  qu’il  est  possible  de  s’assurer 
s’il  n’existe  plus  d’oxyde  dissous.  Quoi  qu’il  en  soit  de  cette  difficulté,  le  résul¬ 
tat  étant  atteint,  le  liquide  est  chauffé  de  nouveau  pour  amener  la  précipita¬ 
tion  du  chlorure  d’argent  formé  et  son  éclaircissement.  Je  l’ai  évaporé  ensuite 
jusqu’à  siccité  pour  connaître  le  poids  du  chlorate  produit;  ce  poids  a  été  égal 
à  quatre  cent  dix-sept  grammes. 

J’ai  ramené  par  un  grand  nombre  de  cristallisations  successives,  et  par 
des  lavages  à  l’eau  glacée,  celte  masse  considérable  en  deux  parties  :  j’ai 
retiré  trois  cents  grammes  environ  de  sel  que  je  considère  comme  absolu¬ 
ment  pur,  et  cent  seize  grammes  sont  restés  dans  les  eaux  mères  et  de  lavage. 

a.  398r,862  de  ce  chlorate  pur,  séché  à  130°,  ont  été  introduits  dans  1  appa¬ 
reil  à  réduction  figuré  et  décrit  pages  80  et  suivantes;  ils  ont  été  dissous 
dans  deux  cents  centimètres  cubes  d’eau;  la  solution  n’en  était  pas  absolu¬ 
ment  limpide.  Je  m’expliquerai  ailleurs  sur  la  cause  de  ce  trouble.  Loisque  la 
solution  a  dû  être  ramenée  près  de  0°  par  la  glace  qui  entourait  le  flacon  qui 
la  contenait  ,  j’y  ai  laissé  couler  la  solution  titrée  d’acide  sulfureux  refroidie 
également  à  O1’.  L  écoulement  a  été  assez  lent  pour  durer  une  demi-heuie. 
J’ai  fait  entretenir  ensuite  le  liquide  en  agitation  encore  pendant  environ  une 
heure.  Après  avoir  constaté  qu’il  ne  se  troublait  pas  par  une  solution  diluée 
d’acide  sulfureux,  j’ai  introduit  dans  le  réservoir  deux  cents  centimètres 
cubes  d’eau  acidulée  par  quarante  centimètres  cubes  d’acide  sulfurique  pur. 
Pendant  que  cet  acide  a  coulé,  petit  à  petit  dans  le  flacon ,  on  a  entretenu  le 
tout  en  agitation  continue.  Comme,  après  l’opération,  le  liquide  surnageant 
n’était  pas  d’une  limpidité  complète,  j’ai  retiré  de  la  glace  le  flacon  avec  sa 
double  enveloppe  de  toile,  et  je  l’ai  placé  dans  un  bain  dont  j  ai  él ex  é  la  tem¬ 
pérature  au  point  où  l’éclaircissement  a  été  absolu;  ce  point  a  été  72'. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


107 


L’essai  du  liquide  a  été  fait  dans  l’appareil  à  titration  décrit  dans  la  pre¬ 
mière  partie  de  ce  Mémoire  (Sur  la  constance  de  composition  des  combinai¬ 
sons  dites  stables). 

Cent  centimètres  cubes  n’éprouvent  aucun  trouble ,  même  au  bout  d’une 
heure,  par  l’addition  de  un  centimètre  cube  de  solution  normale  de  sulfate 
d’argent. 

Cent  centimètres  cubes  n’éprouvent  aucun  trouble  par  l’addition  de  un  cen¬ 
timètre  cube  de  solution  normale  de  chlorure  d’ammonium. 

Le  liquide  est  donc  absolument  dépourvu  de  chlore  à  l’état  d’acide  chlor¬ 
hydrique,  et  d’argent  à  l’état  de  sulfate. 

b.  259sr,4535  du  même  chlorate  séché  à  150°  dans  un  courant  d’air  sec, 
et  dépouillé  de  matières  organiques  par  son  passage  sur  l’oxyde  de  cuivre 
chauffé  au  rouge,  ont  été  fondus  à  la  plus  basse  température  possible,  dans 
un  grand  ballon  de  verre  dur.  Après  le  refroidissement  du  ballon,  le  chlo¬ 
rate  a  été  repris  par  un  volume  d’eau  suffisant  pour  que  l’addition  d’une 
nouvelle  quantité  d’eau  ne  troublât  plus  la  solution  produite. 

J’ai  déterminé  l’éclaircissement  de  ce  liquide,  son  transvasement  de  ce 
ballon  dans  un  autre  de  quinze  litres  de  capacité ,  et  le  lavage  complet  du 
ballon,  avec  tous  les  soins  que  j’ai  exposés  pages  101  et  suivantes,  à  l’occa¬ 
sion  de  l’analyse  effectuée  sur  les  I38sr,7^9  de  chlorate. 

La  réduction  de  la  solution  a  été  opérée  à  l’aide  d’une  solution  saturée  à 
0°  d’acide  sulfureux,  dans  l’appareil  môme  que  j’ai  employé  pour  la  trans¬ 
formation  en  chlorure  des  138gr,749  de  chlorate.  L’opération  de  la  réduction 
a  duré  toute  une  journée.  J’ai  déterminé,  par  une  élévation  de  température, 
l’éclaircissement  complet  du  liquide,  et  j’ai  abandonné  jusqu’au  lendemain  le 
tout  au  repos  et  au  refroidissement  lent.  Le  liquide  acide  surnageant  était 
d’une  limpidité  absolue  ;  il  exhalait  une  odeur  à  peine  sensible  d’anhydride 
sulfureux;  décanté,  il  mesurait  cinq  litres  et  huit  cents  centimètres  cubes. 
Deux  litres  ont  été  distraits  du  volume  total. 

Une  moitié  du  liquide  soustrait  a  été  additionnée  dans  l’appareil  à  titra¬ 
tion,  successivement  de  un  jusqu’à  sept  centimètres  cubes  de  solution  nor¬ 
male  de  sulfate  d’argent,  sans  se  troubler  au  bout  d’une  heure;  l’autre  moitié 
du  liquide  soustrait  a  reçu  successivement,  depuis  un  jusqu’à  six  centimètres 


m 


NOUVELLES  RECHERCHES 


cubes  de  solution  normale  de  chlorure  d'ammonium,  sans  éprouver  de  trouble 
quelconque  au  bout  d’une  heure  de  contact. 

Les  259er,4535  de  ce  sel  ont  donc  été  transformés  en  chlorure  sans 
qu’une  trace  d’argent  ou  de.  chlore  soit  devenue  libre. 

Dans  l’exposé  de  l’analyse  de  ce  sel,  j’indique  les  recherches  que  j’ai  faites 
sur  le  restant  du  liquide  :  elles  ont  démontré  que  celte  masse  si  considérable 
de  sel  ne  renfermait  de  trace  quelconque  de  matière  étrangère  à  la  compo¬ 
sition  du  chlorate  d’argent. 

Les  faits  qui  précèdent  établissent  donc  à  suffisance  de  preuve  que ,  dans 
le  chlorate  d’argent  préparé  dans  les.  conditions  normales  de  sa  formation , 
le  rapport  en  poids  du  chlore  à  l’argent  est  absolument  le  même. 


CONCLUSIONS. 


Sous  l’inlluenee  de  l’acide  sulfureux , 5  l’iodale ,  le  bromate,  le  chlorate 
d’argent  peuvent  donc  être  ramenés  à  l’état  d’iodure,  de  bromure  et  de 
chlorure,  sans  qu’une  fraction,  quelque  minime  qu’elle  soit,  d  iode,  de  brome, 
de  chlore  ou  d’argent  devienne  libre.  La  conformité  des  résultats  observés 
dans  la  transformation  de  ces  trois  composés  ternaires  à  l’état  de  composés 
binaires,  démontre  l’invariabilité  des  rapports  en  poids  des  éléments  qui  les 
constituent.  J’âi  prouvé  également,  et  pour  autant  que  celte  preuve  avait 
encore  besoin  d’être  faite,  la  constance  de  composition  de  l’un  de  ces  corps 
binaires  :  il  découle  nécessairement  de  la  combinaison  de  ces  deux  ordres 
de  faits,  que  les  corps  s’unissent  dans  des  rapports  absolument  fixes  et  inva¬ 
riables,  que  ces  rapports  sont  de  véritables  constantes,  et  que  les  lois  des 
proportions  chimiques,  qui  ont  servi  de  base  expérimentale  à  1  hypothèse 
atomique,  sont  des  lois  mathématiques,  comme  les  chimistes  1  ont  admis 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  109 

depuis  bientôt  un  demi-siècle.  La  conséquence  légitime,  qu’il  m’est  également 
permis  d’en  déduire,  est  donc  que  les  composés,  produits  dans  les  conditions 
normales  de  leur  formation ,  doivent  nécessairement  renfermer  leurs  éléments 
simples  dans  les  proportions  rigoureuses  de  ces  constantes. 

Enfin,  venant  aux  motifs  qui  ont  déterminé  ces  recherches  si  laborieuses 
et  si  délicates ,  je  me  crois  autorisé  à  dire  :  Le  doute  soulevé  par  M.  Marignac 
au  sujet  de  la  synthèse  du  sulfure  et  de  l’azotate  d’argent  n  est  point  fondé 
en  principe ,  et  les  objections  que  le  célèbre  chimiste  genevois  en  a  déduites 
ne  sont  pas  plus  fondées  que  ce  doute  lui-même. 


NOTES. 


N°  1. 

SUR  LA  PRÉPARATION  DE  l’eAU  DISTILLÉE  PURE. 


Dans  mes  Recherches  sur  tes  rapports  réciproques  des  poids  atomiques ,  j  ai  tait  connaître 
les  moyens  auxquels  j’ai  été  obligé  d’avoir  recours  pour  me  procurer  l’eau  distillée  pure 
destinée  à  mes  travaux.  Le  moyen  le  plus  efficace  pour  arriver  à  la  destruction  des  matièies 
organiques  volatiles  susceptibles  de  devenir  fixes  spontanément  ou  sous  1  influence  des 
acides  minéraux,  consiste,  comme  je  l’ai  dit,  à  faire  passer  lentement  la  vapeur  d  eau  au 
travers  d’un  long  tube  de  cuivre  rouge,  Iuté  extérieurement  à  l’argile  et  au  sable,  rempli  com¬ 
plètement  de  tournures  de  cuivre  grillées,  recourbé  en  zig-zag  et  chauffé  au  rouge  décidé 
dans  un  foyer,  et  à  distiller  une  seconde  fois  l’eau  provenant  de  la  condensation  de  cette 
vapeur,  en  se  servant  à  cet  effet  d’un  réfrigérant  de  platine.  Cette  méthode,  irréprochable 
quant  à  la  pureté  du  produit  qu’elle  fournit,  laisse  cependant  à  désirer  lorsqu’on  a  besoin 
de  très-grandes  quantités  d’eau  pure,  comme  cela  a  été  le  cas  pour  mes  recherches  actuelles. 
En  effet,  le  passage  de  la  vapeur  au  travers  du  tube  de  cuivre  chauffé  au  rouge  produit  un 


110 


NOUVELLES  RECHERCHES 


abaissement  de  température  suffisant  pour  empêcher  l’action  de  l’oxyde  de  cuivre  sur  les 
matières  organiques,  si  le  courant  de  vapeur  est  un  peu  trop  rapide.  On  est  donc  absolu¬ 
ment  obligé  de  procéder  à  une  distillation  très-lente.  Cet  inconvénient  m’a  déterminé  à 
chercher  une  méthode  plus  expéditive.  J’ai  cru  la  trouver  dans  l’emploi  d’un  mélange  de 
manganate  et  de  permanganate  de  potassium  pour  détruire  les  matières  organiques.  Voici 
comment  je  m’y  suis  pris  pour  obtenir,  à  l’aide  de  ce  moyen ,  les  quantités  très-considérables 
d’eau  pure  qu’il  m’a  fallu  pour  les  recherches  consignées  dans  ces  notices.  On  a  préparé  du 
manganate  de  potassium  à  l’aide  de  l’action  de  l’hydrate  et  du  chlorate  de  potassium  sur 
le  bioxyde  de  manganèse.  On  a  délayé  le  produit  pulvérisé  dans  la  plus  petite  quantité 
d’eau  capable  de  dissoudre  tout  le  manganate  formé,  et  on  a  abandonné  le  mélange  au 
repos  dans  un  vase  fermé.  On  a  ajouté  de  quatre  à  cinq  pour  cent  de  la  solution,  devenue 
limpide  et  colorée  en  vert  très-foncée,  à  l’eau  de  source  qu’on  voulait  distiller,  et  on  a  laissé 
réagir  le  mélange  pendant  vingt-quatre  heures.  D’un  autre  côté,  on  a  introduit  dans 
l’alambic  distillaloire  un  litre  ou  deux  de  solution  concentrée  de  manganate  de  potassium, 
additionnée  préalablement  d’un  volume  égal  de  solution  d’hydrate  de  potassium  assez  con¬ 
centrée  pour  donner  de  la  stabilité  à  ce  sel,  et  permettre  à  sa  solution  diluée  de  résister 
plus  longtemps  à  l’action  de  la  chaleur  sans  se  décomposer.  On  a  rempli  ensuite,  aux  huit 
dixièmes  environ,  l’alambic  avec  l’eau  sur  laquelle  a  réagi  le  manganate  de  potassium,  et  on 
a  procédé  à  la  distillation  comme  à  l’ordinaire. 

Lorsque  l’ébullition  s’établit,  on  modère  le  feu  afin  d’empêcher  le  débordement  du 
liquide  qui,  pendant  quelques  instants,  produit  une  mousse  assez  abondante.  Quand  ce 
moment  est  passé,  on  peut  entretenir  l’eau  dans  une  vive  ébullition  sans  le  moindre  incon¬ 
vénient.  Après  le  passage  à  l’état  de  vapeur  dit  premier  vingtième  environ  de  l’eau  em¬ 
ployée,  la  vapeur  produite  est  tout  à  fait  dépouillée  de  matières  organiques  et  même  de 
matières  minérales,  si  le  chapiteau  est  muni  de  diaphragmes  capables  d’arrêter  les  goutte¬ 
lettes  infiniment  petites  de  liquide  entraînées  toujours  par  une  vive  ébullition.  C'est  à  tel 
point  qu’une  personne,  qui  a  l’habitude  de  la  conduite  de  cette  distillation,  produit  du  pre¬ 
mier  coup  de  l’eau  dans  laquelle  il  est  absolument  impossible  de  découvrir  les  moindres 
traces  de  matières  organiques  ou  des  matières  fixes  existant  dans  l'alambic. 

Néanmoins,  lorsque  j’ai  eu  besoin  d’eau  complètement  dépouillée  de  matières  fixes  ou 
capables  de  le  devenir,  j’ai  eu  soin  de  soumettre  l’eau  à  une  nouvelle  distillation,  en  ayant 
la  précaution  de  me  servir  comme  réfrigérant  d’un  long  tube  en  platine  soudé  à  l’or;  le 
plus  souvent  même  l’eau,  à  mesure  qu’elle  était  condensée,  était  directement  utilisée  pour 
le  lavage  auquel  elle  était  destinée. 

Je  crois  devoir  ajouter  que,  m’étant  servi  quelquefois  d'eau  de  pluie  au  lieu  d’eau  de 
source,  pour  me  procurer  de  l’eau  distillée  pure,  à  l’aide  du  manganate  de  potassium,  j’ai 
trouvé  des  quantités  sensibles  d’ammoniaque  dans  l’eau  condensée,  preuve  que  le  mr.nga- 
nale  ne  détruit  point  cette  base.  11  est  donc  indispensable  de  soumettre  l’eau  condensée  à 
une  nouvelle  distillation  avec  quelques  millièmes  de  sulfate  monosodique  ou  monopotas¬ 
sique. 

Je  ne  reviendrai  pas  ici  sur  les  propriétés  que  doit  offrir  l’eau  pure  et  sur  les  moyens  de 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


111 

constater  sa  purçlé.  Je  me  suis  suffisamment  expliqué  sur  ces  sujets  dans  le  travail  rappelé 
au  commencemeht  de  cette  note,  travail  auquel  je  renvoie  ceux  qui  désirent  plus  de  détails 
à  cet  égard. 


N°  2. 


SDK  LA  RÉDUCTION  DES  SELS  DARGENT  AMMONIACAUX  SOUS  LINFLUENCE  DES  COMPOSÉS 

CUIVREUX  AMMONIACAUX. 


On  sait  que  les  solutions  des  sels  d’argent  bouillis  avec  un  excès  de  sulfite  alcalin  lais¬ 
sent  précipiter  de  l’argent  métallique  sous  forme  d’une  poussière  blanche.  Le  métal  mis  en 
liberté  est  très-pur;  mais  on  n’obtient  jamais  ainsi  au  delà  de  la  moitié  de  l’argent  existant 
dans  le  liquide;  l’autre  moitié  résiste  indéfiniment  à  la  réduction.  Il  suffit  d’ajouter  au 
liquide  bouillant  de  l’ammoniaque  en  excès  et  un  sel  soluble  de  cuivre  quelconque,  pour  qu’à 
l’instant  l’argent  soit  complètement  précipité.  En  effet,  sous  l’influence  de  l’ammoniaque ,  les 
sulfites  solubles  ramènent  à  chaud  les  sels  cuivriques  à  l’état  de  sels  cuivreux,  et  les  sels 
cuivreux  ammoniacaux  réduisent  immédiatement  tous  les  composés  d  argent  ammoniacaux, 
avec  précipitation  d’argent  pur. 

J’ai  constaté  en  1861  les  faits  qui  précèdent  :  en  1865,  MM.  Millon  et  Commaille  ont 
proposé  de  séparer  l’argent  du  cuivre  et  de  se  procurer  l’argent  divisé  et  pur,  en  précipi¬ 
tant  une  solution  d’azotate  d’argent  et  de  cuivre  ammoniacal  par  le  chlorure  cuivreux 
ammoniacal. En  effet,  l’élimination  de  l’argent  est  instantanée  et  complète,  et  l'argent  obtenu 
est  tout  à  fait  pur,  lorsqu’on  se  sert  d’une  solution  cuivreuse  ne  renfermant  aucune  trace  de 
fer.  Malheureusement,  en  employant  de  la  tournure  de  cuivre  du  commerce  pour  réduire 
le  chlorure  cuivrique  à  l’état  de  chlorure  cuivreux,  la  solution  ammoniacale  de  ce  dernier 
chlorure  renferme  du  fer  à  l’état  d’hydrate  ferreux.  Or,  une  solution  ammoniacale  d’hydrate 
ferreux  précipite  les  composés  d’argent  ammoniacaux  avec  dépôt  d’argent  et  d’hydrate 
ferrique.  J’ai  trouvé  en  effet  du  fer  dans  l’argent  précipité,  fer  que  je  ne  suis  pas  parvenu 
à  en  séparer  complètement,  même  après  une  longue  digestion  dans  l’acide  chlorhydrique 
concentré.  Je  le  répète,  je  considère  comme  irréprochable  la  méthode  indiquée  par 
MM.  Millon  et  Commaille,  lorsqu’on  a  du  cuivre  dépouillé  de  fer  pour  préparer  les  chlo¬ 
rures  cuivrique  et  cuivreux  ;  mais  lorsqu’on  n’a  que  le  cuivre  du  commerce  à  sa  disposition, 
il  me  semble  de  beaucoup  préférable  de  recourir  au  sulfite  d’ammonium  ou  à  tout  autre 
sulfite  alcalin,  pour  déterminer  la  précipitation  de  l’argent. 

MM.  Millon  et  Commaille  ont  proposé  de  doser  l’argent,  à  l’aide  de  la  solution  ammonia¬ 
cale  de  chlorure  cuivreux.  Cette  solution,  en  effet,  précipite  l’argent,  d’une  manière  absolue, 
de  toutes  ses  solutions  ammoniacales,  et  pendant  les  lavages,  aucune  trace  d  argent  ne  se 
dissout  tant  que  le  liquide  renferme  du  chlorure  cuivreux;  mais  dès  que  ce  chlorure  est 


NOUVELLES  RECHERCHES 


m 

enlevé,,  ou  bien  dès  qu’il  est  transformé  en  chlorure  cuivrique,  l’argent  est  sensiblement 
dissous  par  l’ammoniaque,  sous  l’influence  de  l’air.  Je  ne  puis  donc  pas  considérer  comme 
un  moyen  de  dosage  absolument  exact  la  précipitation  de  l’argent  par  le  chlorure  cuivreux 
ammoniacal,  ou  par  le  sulfite  d’ammonium  ammoniacal,  ce  qui  revient  au  même  quant  aux 
conséquences  pour  l’inexactitude  relative  du  dosage. 


N°  5. 

SUR  LA  CAPACITÉ  DU  RÉSERVOIR  DE  L’APPAREIL  DESTINÉ  A  LA  DÉTERMINATION 

DU  TITRE  DE  L’ARGENT. 


Cette  capacité  est  déduite  des  données  suivantes  : 

1°  Poids  du  flacon  plein  d’air  sec.  .  .  à  11°,2  et  à  0m,7566  =  lkiL, 74b, 688 

2°  Poids  du  flacon  plein  d’air  sec.  .  .  à  11°, 0  et  à  0m,7518  =  1  kil-,743,690 

3°  Poids  du  flacon  plein  d’eau  pure  .  .  à  10°, t,  =  8kil-,065,150 


N°  4. 

SUR  LA  CAPACITÉ  DU  MESUREUR  DE  l’.APPAREIL  DESTINÉ  A  LA  DÉTERMINATION 

DU  TITRE  DE  l’.\RGENT. 


Cette  capacité  est  déduite  des  données  suivantes  : 

I.  Différence  entre  le  poids  de  la  pipette  pleine  d’eau  distillée  et  le  poids  de  la  pipette 
vidée  dans  la  position  verticale  par  l’écoulement  naturel  de  l’eau  : 


1°  Température  de  l’eau 
2  »  — -  — 

3°  —  — 

4°  —  — 

5°  —  — • 

6»  —  — 


gram. 

1 6°90  —  304,030 
16“90  —  304,031 
17°00  —  304,043 
17»  10  —  304,040 
17»  10  —  304,033 
17°10  —  30.4,033 


Moyenne 


17»01 


304,044 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


413 

II.  La  capacité  de  la  partie  divisée  du  tube  capillaire  a  été  déterminée  en  remplissant  à 
plusieurs  reprises  cette  partie  de  mercure  et  en  pesant  le  métal  écoulé.  Le  poids  du  mei- 
cure  remplissant  les  70  divisions  a  été  trouvé  égal  a  S‘%041,  d’où  son  volume=0co,3703; 
chaque  division  présente  donc  0CC, 00529  de  capacité. 


N°  5. 

SUR  LA  PRÉPARATION  DE  l’iODATE  DE  POTASSIUM. 


Comme  j’ai  eu  besoin  d’assez  grandes  quantités  de  ce  sel,  j’ai  essayé  plusieurs  méthodes 
pour  me  le  procurer.  Il  n’y  en  a  que  deux  qui  mont  fourni  un  produit  inaltéi  cible  à  lai). 
L’une  consiste  à  transformer  l’hydrate  de  potassium  dissous  dans  l’eau  en  iodure  et  iodate  de 
ce  métal,  en  faisant  réagir  sur  lui  de  l’iode  purifié;  l’autre  repose  sur  la  formation  de  1  iodate 
par  l’action  de  la  chaleur  sur  un  mélange  en  poids  moléculaires  égaux  d  iodure  et  de  chlo¬ 
rate  de  potassium.  Voici  comment  j’ai  exécuté  la  préparation  de  1  iodate  par  ce  dernier 
moyen.  J’ai  mêlé  intimement  l’iodure  et  le  chlorate,  dépouillés  l’un  et  1  autre  de  métaux  étran¬ 
gers  à  l’aide  d’une  solution  de  sulfhydrate  de  potassium.  Le  mélange  bien  séché  a  été  intro¬ 
duit  dans  des  cornues ,  qui  en  ont  été  remplies  aux  deux  tiers.  J’ai  placé  ces  cornues  dans 
un  bain  de  sable.  Dans  le  même  bain,  j’ai  plongé  assez  profondément  une  petite  cornue 
contenant  du  chlorate  de  potassium  pur.  A  chacune  de  ces  différentes  cornues  était  adapté 
un  tube  recourbé  plongeant  dans  de  l’eau.  J’ai  élevé  la  température  du  bain  au  point  de 
fondre  le  chlorate  contenu  dans  la  petite  cornue  et  de  provoquer  ensuite  un  dégagement 
contiau  d’oxygène.  Lorsque  j’ai  réussi  à  bien  graduer  la  température,  et  que  je  n’ai  pas  dé¬ 
passé  le  point  de  décomposition  de  l’iodate  par  la  chaleur,  degré  qui  est  sensiblement  plus 
élevé  pour  ce  sel  que  pour  le  chlorate,  j’ai  ramené  complètement  l’iodure  en  iodate  et  le 
chlorate  en  chlorure,  sans  qu’il  se  soit  dégagé  de  l’oxygène. 

Pour  séparer  l’iodate  du  chlorure,  j’ai  ajouté  à  la  masse  refroidie  de  l’eau  froide  en 
quantité  suffisante  pour  désagréger  le  mélange.  J’ai  fait  ensuite  porphyriser  la  masse  saline, 
et  après  l’avoir  introduite  dans  un  appareil  à  déplacement,  on  l’a  lessivée  à  1  eau  froide  jus¬ 
qu’à  ce  que  presque  tout  le  chlorure  fût  enlevé.  On  a  soumis  ensuite  l’iodate  à  trois  cris¬ 
tallisations  successives.  Après  chaque  cristallisation  opérée  brusquement,  on  a  fait  subir  au 
sel  un  lavage  méthodique.  Après  la  première  cristallisation,  je  ne  suis  plus  parvenu  à  dé¬ 
couvrir  une  trace  de  chlorure  ou  d’iodure. 

L’iodate  ainsi  préparé  se  conserve  indéfiniment  sans  jaunir  en  présence  de  l’air.  Il  n’en 
est  pas  de  même  de  celui  que  l’on  obtient  en  attaquant  le  chlorate  de  potassium  à  1  aide 
de  l’iode.  Lors  même  qu’on  décompose  par  du  carbonate  de  potassium  le  trichlorure  d  iode 
qui  se  forme  toujours  en  même  temps  que  l’iodate  de  potassium ,  le  sel  ainsi  produit  jaunit 

Tome  XXXV.  ^ 


114 


NOUVELLES  RECHERCHES 


très-sensiblement  à  l’air,  même  après  qu’il  a  subi  cinq  cristallisations  successives ,  suivies 
chacune  d’un  lavage  méthodique.  Je  n’ai  pas  pu  découvrir  quelle  est  la  matière  qui  com¬ 
munique  à  cet  iodale  de  potassium  la  propriété  de  jaunir,  mais  le  fait  a  été  parfaitement 
constant. 


N"  6. 

SIR  LE  LAVAGE  ET  LA  DESSICCATION  DE  l’iODATE  d’aRGEN'T. 


Le  lavage  et  la  dessiccation  de  l’iodate  d’argent,  qui  semblent  être  des  opérations  des 
plus  simples,  sont  au  contraire  d’une  exécution  des  plus  délicates  lorsqu’on  veut  dé¬ 
pouiller  absolument  ce  sel  de  toute  matière  étrangère,  et  qu’on  veut  le  garantir  contre 
toute  altération. 

Dans  celte  note,  je  vais  exposer  comment  j’ai  été  obligé  de  procéder  à  ce  lavage  et  à 
cette  dessiccation. 

D’abord,  j’ai  constaté  que  les  solutions  employées  ne  peuvent  contenir  au  delà  de  deux  à 
deux  et  demi  pour  cent  de  matières  réagissantes,  pour  donner  naissance  à  un  iodate  dans 
un  état  de  division  convenable  pour  se  prêter  à  un  lavage  relativement  facile. 

L’iodate  déposé  par  un  repos  suffisant,  pour  être  ramené  au  minimum  de  volume  qu'il 
peut  prendre  à  froid,  est  délayé  dans  deux  à  trois  fois  son  volume  d’eau  froide.  Le  mélange 
est  introduit  dans  un  flacon  bouché  à  l’émeri  et  agité  lentement  pendant  une  demi-heure 
au  moins  :  cette  longue  agitation  produit  la  désagrégation  de  l’iodate;  il  est  abandonné 
ensuite  au  repos  pendant  vingt-quatre  heures.  Au  bout  de  ce  temps,  tout  le  liquide  lim¬ 
pide  est  décanté  et  remplacé  par  un  volume  d’eau  égal  à  celui  qui  a  été  décanté.  Ge  mé¬ 
lange  est  secoué  de  nouveau  pendant  une  demi-heure,  et  abandonné  encore  au  repos  jusqu’à 
ce  que  l’iodate  soit  suffisamment  déposé. 

En  supposant  que ,  par  suite  de  l’agitation,  la  solution  saline  interposée  dans  le  précipité 
se  mêle  à  l’eau  ajoutée,  le  calcul  indique  qu’en  répétant  neuf  ou  dix  fois  ces  différentes  opé¬ 
rations,  la  quantité  qui  reste  dans  biodate  est  devenue  à  peu  près  impondérable.  Cependant 
l’expérience  m’a  démontré  qu’il  n’en  est  pas  ainsi  en  réalité.  Il  m’a  fallu  renouveler  ces  ope¬ 
rations  de  douze  à  quinze  fois,  pour  ne  plus  trouver  dans  les  eaux  de  décantation  ,  évaporées 
à  siccité ,  des  traces  d’iode  ou  de  potassium ,  preuve  évidente  que  le  sel  d’argent  ne  cède 
qu’avec  une  lenteur  extrême  les  dernières  portions  des  matières  salines  à  l’aide  desquelles  il 
a  été  produit,  ou  qui  ont  pris  naissance  en  même  temps  que  lui.  Encore  m’est-il  arrivé  de 
trouver  du  potassium  dans  l’iodate,  lorsque  le  résidu  de  l’évaporation  de  beau  de  décanta¬ 
tion  n’en  renfermait  plus  de  trace  appréciable  à  l’analyse  spectrale  :  c’est  pour  ce  motif  que, 
dans  toutes  les  préparations  de  l’iodatc  d’argent,  après  les  lavages  à  beau  froide,  j’ai  soumis 
les  précipités  au  sein  de  beau  à  une  température  de  100°,  et  que  je  les  ai  fait  agiter  vivement 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


115 

pour  obtenir,  après  leur  contraction  ,  une  nouvelle  désagrégation.  J’ai  procédé  ensuite  à  un 
nouveau  lavage  à  chaud. 

Tous  les  lavages  par  décantation  dont  il  est  question  dans  le  présent  Mémoire,  et  no¬ 
tamment  les  lavages  de  l’iodate,  de  l’oxyde  et  du  carbonate  d^argent,  ont  été  effectués  en 
recourant  à  l'agitation  des  précipités  à  laver  clans  des  flacons  bouchés  à  l’émeri.  La  simple 
agitation  opérée  à  l’aide  d’une  tige  dans  des  vases  à  précipité,  telle  qu’elle  est  générale¬ 
ment  pratiquée  dans  les  laboratoires,  est  absolument  insuffisante  pour  produire  un  dépouil¬ 
lement  complet,  surtout  lorsqu’on  opère  sur  des  quantités  très-considérables  de  matière. 

L’expérience  m’a  prouvé  également  que,  dans  les  lavages  par  décantation,  la  longue  agi¬ 
tation  des  précipités  avec  une  quantité  d’eau  relativement  faible,  et  la  répétition  des  opéra¬ 
tions  faite  un  grand  nombre  de  fois,  sont  des  moyens  beaucoup  plus  infaillibles  pour 
atteindre  le  but  qu’on  se  propose,  que  l’emploi  de  quantités  d’eau  incomparablement  plus 
grandes,  combiné  avec  une  agitation  moins  prolongée  et  un  nombre  de  décantations  moins 
considérable.  On  perd  ainsi  en  pureté  de  matière  ce  que  l’on  gagne  en  temps  et  en  peine. 

Pour  enlever  à  l’iodate,  lavé  à  froid  et  à  chaud  ,  la  presque  totalité  de  l’eau  dans  laquelle 
il  est  délayé,  je  verse  la  bouillie  dans  un  grand  entonnoir,  ou  dans  un  cylindre  large  et  ter¬ 
miné  par  une  douille  longue  et  relativement  étroite.  Le  bec  de  l’entonnoir  ou  la  douille  du 
cylindre  renferme  d’abord  une  bourre  de  fds  d’argent  fortement  serrée  et  servant  de  sup¬ 
port  à  un  tampon  de  toile  de  lin  purifiée,  destiné  à  faire  l’office  de  filtre  pour  1  iodate.  A 
l’aide  d’un  tube  convenable  de  caoutchouc,  je  fixe  l’entonnoir  ou  le  cylindre  sur  une  des 
deux  tubulures  d’un  grand  flacon  sphérique  de  Woulf;  l’autre  tubulure  est  mise  en  rapport 
avec  une  petite  pompe  pneumatique  à  main.  Lorsque  tout  le  liquide  susceptible  de  s  écouler 
spontanément  est  descendu  dans  le  flacon  ,  je  donne  lentement  quelques  coups  de  pompe, 
et  la  pression  atmosphérique  qui  s’exerce  sur  la  surface  de  l’iodate  élimine  de  celui-ci  la 
presque  totalité  de  l’eau  interposée.  On  obtient  ainsi  une  masse  pulvérulente  se  détachant 
en  bloc.  Cette  masse,  séchée  dans  une  étuve  traversée  par  un  courant  d’air  dépouillé  de 
matières  organiques ,  ne  perd  guère  au  delà  de  cinq  à  six  pour  cent  de  son  poids.  Je  dis  dans 
une  étuve  et  non  pas  dans  le  vide,  parce  que  l’expérience  m’a  démontré  qu’une  enceinte 
dans  laquelle  la  tension  ne  dépasse  pas  un  demi-millimètre  renferme  assez  de  matières 
organiques  provenant  des  corps  gras  employés  à  fixer  la  cloche  sur  le  plateau,  pour  que 
l’iodate  en  soit  altéré. 

En  effet,  dans  l’obscurité  la  plus  complète,  l’iodate  exposé  vingt-quatre  heures  au  vide, 
au-dessus  de  l’acide  sulfurique  le  plus  pur,  devient  violet  et  même  noirâtre,  tandis  qu’il  se 
conserve  intact  dans  un  air  dépouillé  de  matières  organiques.  J’ai  remarqué,  du  reste, 
qu’un  grand  nombre  de  sels  d’argent  s’altèrent  ainsi  dans  le  vide  pneumatique,  par  suite  des 
émanations  des  corps  gras  employés;  le  bromate,  le  chlorate,  l’azotate  lui-mème  sont  dans 


ce  cas. 


H  6 


NOUVELLES  RECHERCHES 


N°  7. 

PRÉPARATION  DE  L’ANHYDRIDE  SULFUREUX  EMPLOYÉ  POUR  LA  RÉDUCTION  DE  L’iODATE  , 
DU  BROMATE  ET  DU  CHLORATE  D’ARGENT. 


Le  courant  d’anhydride  sulfureux  a  été  obtenu  en  attaquant,  à  l’aide  du  cuivre,  l'acide 
sulfurique  purifié  et  dilué  de  la  moitié  aux  deux  cinquièmes  de  son  volume  d’eau.  Pour 
garantir  la  pureté  de  l’anhydride  sulfureux,  j’ai  fait  passer  le  courant,  d’abord  au  travers 
de  l’eau  contenue  dans  un  grand  flacon  laveur,  ensuite  au  travers  de  deux  flacons  de  Woulf 
complètement  remplis  de  pierre-ponce  concassée  en  petits  fragments  et  humectée.  La  pierre- 
ponce  humectée,  introduite  dans  les  flacons ,  avait  été  calcinée  à  deux  reprises  avec  de  l’acide 
sulfurique,  pour  la  dépouiller  des  chlorures  et  fluorures  qu’elle  contient  souvent. 

Le  courant  d’anhydride  sulfureux,  avant  de  pénétrer  dans  l’appareil  contenant  liodate 
ou  le  bromate,  traversait  un  tube  en  T,  engagé  à  l’aide  d’un  bouchon  dans  une  des  tubu¬ 
lures  d’un  flacon  de  Woulf,  contenant  de  l’acide  sulfurique;  l’autre  tubulure  était  surmontée 
d’un  tube  terminé  par  un  robinet,  comme  l’indique  la  figure  de  l’appareil  destiné  à  la  réduc¬ 
tion  du  bromate  d’argent,  par  un  courant  d’anhydride  sulfureux. 

A  l’aide  de  cette  disposition,  on  peut  régler  le  courant  comme  on  le  désire;  on  peut 
même  ne  laisser  entrer  dans  l’appareil  à  réduction  que  le  volume  d’anhydride  sulfureux 
capable  d’être  absorbé  ou  utilisé  pour  la  réduction  de  l’iodale  ou  du  bromate. 

Le  même  appareil  a  servi  pour  toutes  les  réductions  du  bromate  et  du  chlorate  d’argent 
dont  il  est  question  dans  ce  Mémoire.  Les  grandes  quantités  d’acide  sulfureux  titré  que  j'ai 
employées  pour  l’analyse  de  l’iodate,  du  bromate  et  du  chlorate  d’argent,  et  pour  la  syn¬ 
thèse  de  l’iodure  et  du  bromure  de  ce  même  métal,  ont  été  préparées  à  l’aide  du  même 
appareil. 


N°  8. 

SUR  LA  PRÉPARATION  DE  L’ACIDE  IODIQUE. 


J’ai  préparé  l’acide  iodique  par  l’action  de  l'iode  pur  sur  l’acide  azotique  normal.  A  cet 
effet,  j’ai  opéré  à  la  fois  sur  quatre  litres  d’acide  azotique  pur,  auquel  j’ai  ajouté  le  dixième 
de  son  poids  d’iode.  On  a  beaucoup  exagéré  le  rendement  de  l’acide  iodique  par  cette  mé¬ 
thode.  Le  poids  de  l’acide  pur  produit  ne  représente  pas  le  quart  du  poids  de  l'iode  em¬ 
ployé.  Pour  éliminer  avec  certitude  l’acide  azotique  que  l’acide  iodique  retient  toujours , 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


417 


j’ai  repris,  par  de  l’eau,  le  résidu  solide  jaunâtre  qu’on  obtient  en  évaporant  jusqu  à  sic- 
cité  le  liquide  provenant  de  l’attaque  de  l’iode  par  1  acide  azotique  fumant.  La  solution  de 
cet  acide  brut,  introduite  dans  un  vase  de  verre  inattaquable  aux  acides,  a  été  é\apoiée 
jusqu’à  siccifé;  le  résidu  blanc  a  été  chauffé  jusqu’à  200°  maintenu  à  cette  tempéiatuic 
pour  le  ramener  à  l’état  d’anhydride  iodique  et  en  séparer,  avec  l’eau ,  la  dernière  trace 
d’acide  azotique  contenu. 

Comme  l’attaque  de  l’iode  par  l’acide  azotique  a  été  accomplie  dans  une  grande  cornue 
de  verre  ordinaire,  l’acide  iodique  obtenu  contenait  des  traces  d  iodate  de  sodium  et  de  cal¬ 
cium,  que  je  ne  suis  pas  parvenu  à  en  éloigner. 

J’avais  espéré  faire  servir  l’anhydride  iodique  à  la  détermination  du  poids  atomique  de 
l’iode  :  dans  ce  but,  j’ai  préparé  au  delà  de  deux  kilogrammes  d’acide  iodique  cristallisé,  par 
l’action  de  l’acide  sulfurique  dilué  et  bouillant  sur  l’iodate  de  baryum  ;  mais  quels  qu’aient 
été  les  soins  que  j’ai  pris,  il  m’a  été  impossible  d’obtenir  ainsi  soit  de  l’acide  iodique,  soit 
de  l’anhydride  iodique  privé  de  baryum,  dont  la  majeure  partie  existait  à  l’état  de  sulfate. 
D’après  les  efforts  que  j’ai  faits  pour  éliminer  le  baryum ,  je  crois  pouvoir  affirmer  que,  par 
cette  méthode,  il  est  tout  à  fait  impossible  de  se  procurer  de  l’acide  iodique  pur. 


N°  9. 

SUR  LE  DITHIONATE  DE  BARYUM  ET  L’ACIDE  DITHIONIQUE. 


Le  dithionate  de  baryum  a  été  produit  par  l’action  du  monosulfure  de  baryum  sur  le  mé¬ 
lange  de  sulfate  et  de  dithionate  de  manganèse ,  que  1  on  obtient  en  faisant  î  éagii  un  coui  ant 
d’anhydride  sulfureux  sur  du  bioxyde  de  manganèse  suspendu  dans  de  l’eau  maintenue 
à  0°.  Le  bioxyde  de  manganèse  avait  préalablement  été  traité  à  1  acide  sulfurique  dilué  et 
bouillant.  La  solution  de  dithionate  de  baryum,  séparée  du  sulfate  de  baryum  et  du  sulfure 
de  manganèse,  a  été  évaporée  jusqu’à  siccile.  La  masse  saline  a  été  reprise  pai  de  1  eau 
froide;  le  sel  obtenu  par  l’évaporation  de  cette  solution  filtrée  a  été  soumis  à  trois  cristal¬ 
lisations  successives.  Le  dithionate  produit  ainsi,  décomposé  par  1  acide  sulfurique  dilué, 
fournit  une  solution  d’acide  dilhionique  qui,  immédiatement  après  sa  préparation,  dissout 
intégralement  le  carbonate  et  l’oxyde  d’argent,  en  se  transformant  en  une  solution  de  dithio¬ 
nate  d’argent  absolument  incolore  et  neutre.  Si  l’on  abandonne ,  au  contraire ,  la  solution 
d’acide  dithionique  à  elle-même,  au  bout  de  quelques  jours  il  s’y  développe  de  l’acide  sul¬ 
fureux,  surtout  si  la  lumière  intervient.  Cet  acide,  en  effet,  ne  possède  point  la  stabilité 
qu’on  lui  attribue  généralement. L’acide  dithionique  altéré  ainsi,  en  dissolvant  1  oxyde  ou  le 
carbonate  d’argent,  produit  un  liquide  incolore  d’abord,  mais  qui  ne  tarde  pas  à  jaunir,  à 


418 


NOUVELLES  RECHERCHES,  etc. 


passer  ensuite  au  brun,  au  noir;  il  dépose  enfin  du  sulfure  d’argent.  L’acide  dilhionique 
altéré  agit  donc  comme  le  font  les  acides  tri,  tétra  et  pentathionique  L 


N°  10. 

SLR  LE  SULFATE  ET  LE  BROMATE  D  ARGENT. 


Le  sulfate  d’argent,  destiné  à  la  préparation  du  bromale  d’argent,  doit  être  absolument 
neutre  au  tournesol.  S’il  renferme  la  moindre  trace  d’acide,  le  bromate  d’argent  produit 
contient  du  bromure  de  ce  métal.  On  constate  aisément  le  fait  en  dissolvant  ce  sel  dans  de 
l’eau  bouillante;  dans  ce  cas,  la  solution  n’est  point  limpide,  et  de  plus  elle  devient  vio¬ 
lette  ou  pourprée  sous  l’influence  de  la  lumière.  Pour  parvenir  à  me  procurer  du  bromate 
d’argent  susceptible  de  se  dissoudre  dans  l’eau  sans  que  sa  solution  devienne  violette  à  la 
lumière,  j’ai  été  obligé  de  préparer  le  sulfate  d’argent  par  double  décomposition.  A  cet  effet , 
j’ai  versé  petit  à  petit  une  solution  d’azotate  d’argent  fondu  dans  un  excès  de  solution  bouil¬ 
lante  de  sulfate  bi-polassique  pur.  Le  précipité  cristallin ,  lavé  d’abord  convenablement  à 
l’eau  froide,  a  été  mis,  à  trois  reprises  différentes,  à  bouillir  avec  de  l’eau  pure.  Une  solu¬ 
tion  bouillante  de  ce  sulfate  peut  être  ajoutée  à  une  solution  également  bouillante  de  bromate 
de  potassium,  sans  que  le  mélange  se  trouble  ou  se  colore  sous  l’influence  de  la  lumière. 

Le  bromate  d’argent  qui  s’en  dépose  par  le  refroidissement  est  inaltérable  à  la  lumière 
seule,  et,  dissous  dans  l’eau  bouillante,  il  produit  un  liquide  incolore  qu'on  peut  maintenir 
incolore  en  le  laissant  bouillir  à  la  radiation  solaire  directe.  Dans  l’air  renfermant  des  ma¬ 
tières  organiques  en  suspension ,  ou  dans  le  vide  pneumatique  où  il  se  répand  des  pro¬ 
duits  émanés  des  corps  gras  employés  pour  lubréfier  les  pistons,  le  bromate  d’argent  le 
plus  pur  devient  rapidement  violet  ou  pourpré. 

L’eau  qui  m’a  servi  à  dissoudre  le  bromate  d’argent  a  été  distillée  deux  fois  sur  du  man- 
ganate  de  potassium,  pour  la  dépouiller  absolument  de  matières  organiques.  Cette  précau¬ 
tion  est  tout  à  fait  indispensable. 

1  Depuis  l’exécution  de  ces  travaux  et  la  rédaction  de  cette  note ,  j’ai  reconnu  l’altérabilité  de  l’acide  sulfureux. 
Je  crois  donc  que  les  phénomènes  produits  par  l’acide  dilhionique  altéré  sont  dus  aux  modifications  qu’éprouve 
l’acide  sulfureux  qui  prend  naissance  lors  de  la  décomposition  spontanée  de  l’acide  dilhionique. 


DEUXIÈME  MÉMOIRE. 


RECHERCHES  NOUVELLES  SUR  LES  POIDS  ATOMIQUES  DE  L’ARGENT,  DE  L'IODE,  DU 
BROME  ET  DU  CHLORE,  FAITES  DANS  LE  BUT  DE  CONSTATER  SI  LE  POIDS  ATOMIQUE 
DE  L’ARGENT,  DÉTERMINÉ  A  L’AIDE  DE  CES  TROIS  CORPS,  EST  LE  MÊME  ET  SI  CES 
POIDS  ATOMIQUES  SONT  CONFORMES  A  L’HYPOTHÈSE  DE  PROUT. 


PRÉLIMINAIRES. 


Le  titre  de  ce  travail  indique  suffisamment  le  but  que  je  me  suis  proposé 
en  l’entreprenant.  Dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des 
pouls  atomiques,  j’ai  donné  déjà  de  nouvelles  synthèses  du  chlorure  d’ar¬ 
gent;  pour  résoudre  le  problème  complexe  que  je  me  suis  posé,  il  me  restait 
à  refaire  : 

1°  De  nouvelles  synthèses  de  l’iodure  d’argent  ; 

2°  De  nouvelles  synthèses  du  bromure  d’argent ; 

3°  De  nouvelles  analyses  de  l’iodate  d’argent  ; 

i°  De  nouvelles  analyses  du  bromate  d’argent  ; 

3°  De  nouvelles  analyses  du  chlorate  d’argent. 

Ce  Mémoire  contient  l’exposé  de  ces  différentes  recherches,  réparti  dans 
une  série  de  notices  séparées.  Ces  notices  sont  précédées  d’un  aperçu  sur  les 
systèmes  de  synthèse  et  d’analyse  employés  actuellement  par  les  chimistes,  et 
d’un  exposé  des  motifs  des  changements  que  j’ai  cru  nécessaire  d’apporter  à  ces 
systèmes,  afin  de  donner  aux  résultats  une  plus  grande  garantie  d’exactitùde. 


120 


NOUVELLES  RECHERCHES 


I.  —  Des  systèmes  employés  pour  faire  des  synthèses  et  des  analyses. 

Les  synthèses  et  les  analyses  que  j’ai  fait  connaître  dans  le  travail  publié 
en  1860  ont  provoqué  cette  question  :  «  Qui  pourrait  nier  que  les  différences 
de  M.  Stas  ne  sont  pas  dans  les  limites  des  erreurs  d’observation  i?  »  J'avoue 
que  j’ai  dû  nécessairement  être  d’un  avis  contraire,  sans  cela  je  ne  me  serais 
pas  cru  autorisé  à  tirer  de  ces  travaux  les  conclusions  contre  lesquelles  se 
récrie  M.  Moi  gno.  Cependant,  après  avoir  fait  de  celte  critique  l’objet  de  mes 
réflexions,  je  me  suis  demandé  si,  en  principe,  le  système  d’analyse  et  de 
synthèse  employé  par  tous  les  chimistes  présente  les  garanties  que  l’on  est 
en  droit  d’exiger  des  recherches  dont  on  veut  déduire  des  conséquences  im¬ 
portantes. 

On  le  sait,  les  synthèses  et  les  analyses  se  font  aujourd’hui  par  différence. 
Cette  méthode  présuppose,  pour  la  synthèse,  que  le  poids  de  l’élément  em¬ 
ployé  se  trouve  intégralement  dans  le  composé  dans  lequel  on  l’engage;  elle 
exige,  de  plus,  que  l’on  admette  que  le  composé  produit,  et  qu’on  pèse,  ne 
renferme  absolument  que  le  corps  simple  ou  complexe  que  l’on  a  combiné 
au  premier2.  Celte  méthode  présuppose  de  même,  pour  l’analyse,  que  la  dif¬ 
férence  représente  absolument  le  poids  de  l’autre  élément  simple  ou  complexe 
combiné.  Dans  ce  système,  l’opération  de  synthèse  ou  d’analyse  ne  renferme 
point  en  elle-même  le  moyen  de  bien  préciser  l’erreur  qu’elle  comporte;  elle 
ne  permet  de  se  faire  une  idée  de  l’exactitude  du  résultat,  que  par  la  répéti¬ 
tion  un  grand  nombre  de  fois  faite  de  la  même  opération,  exécutée  dans  des 

1  Cosmos,  t.  XVII,  p.  G53. 

2  En  examinant  les  données  que  possède  la  science,  on  est  bientôt  convaincu  que  le  système 
de  synthèse  par  différence,  appliqué  par  les  chimistes  les  plus  habiles,  a  produit  des  résultats 
affectés  d’erreurs  dues  à  l’une  ou  à  l’autre  de  ces  causes. 

Ainsi  Berzelius  n’a  jamais  obtenu  de  1006r,000  d’argent  au  delà  de  152sr,790  de  chlorure  de 
ce  métal,  tandis  qu’il  est  certain  qu’il  aurait  dû  en  avoir  132Er,850;  il  a  donc  perdu  du  métal. 
Gay-Lussac  et  Rose,  dont  personne  ne  s’aviserait  de  mettre  en  doute  l’extrême  habileté  analy¬ 
tique,  ont  obtenu,  le  premier,  152er,890,  et,  le  second,  !556r,0Ii  de  chlorure  d’argent,  quan¬ 
tités  incontestablementsupérieures  à  celles  que  I008r,000  d’argent  peuvent  produire.  Le  chlorure 
formé  contenait  indubitablement  de  l’azotate;  preuve  que  le  système  de  synthèse  renferme  des 
causes  d’erreurs  auxquelles  les  plus  exercés  ne  sont  pas  certains  de  sc  soustraire. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


121 


conditions  qui ,  on  doit  bien  le  reconnaître ,  ne  peuvent  varier  que  dans  une 
limite  très-étroite.  Cette  méthode  exclut,  en  outre,  la  possibilité  de  faire  la 
part  de  l’erreur  constante  qui  affecte  plus  ou  moins  chaque  mode  d’opéra¬ 
tion  comme  chaque  observation.  Ce  système  présente  enfin  un  autre  incon¬ 
vénient  :  il  ne  peut  donner,  par  l’opération  même,  aucune  notion  sur  la 
pureté  de  la  matière  ou  des  matières  mises  en  expérience. 

Ces  considérations  m’ont  déterminé  à  chercher  un  système  dans  lequel 
ces  incertitudes  sont  éliminées.  11  consiste  à  fixer,  par  1  expérience  même,  le 
poids  de  chaque  élément  séparé  et  le  poids  des  éléments  réunis  :  ainsi,  pour 
une  synthèse  de  deux  corps  A  et  B ,  j’ai  déterminé  le  poids  de  A  et  le  poids 
de  B,  et  après  leur  union  j’ai  pesé  AB  produit. 

Dans  l’analyse  d’un  corps  ABC,  lorsque  j’ai  voulu  connaître  le  rapport 
de  AB  à  C,  j’ai  cherché  à  déterminer  séparément  le  poids  de  ABC,  le  poids 
de  AB  et  le  poids  de  C  qui  en  dérivent.  11  est  bien  évident  qu’on  peut  me¬ 
surer  exactement  la  limite  d’erreur  que  comportent  les  synthèses  et  les  ana¬ 
lyses  faites  dans  ces  conditions. 

La  mise  en  pratique  de  ce  système  de  synthèse  ,  que  j’appellerai  synthèse 
complète ,  présuppose  indubitablement  la  connaissance  préalable  des  rapports 
en  poids  approximatifs  dans  lesquels  se  combinent  les  deux  corps  dont  on 
veut  déterminer  rigoureusement  le  rapport  proportionnel.  Cette  connaissance, 
on  peut  l’acquérir  par  la  synthèse  par  différence ,  ou  bien  par  la  synthèse 
par  somme.  En  effet,  on  conçoit  qu’il  doit  exister  trois  moyens  d’arriver  à  la 
composition  d’un  corps  par  la  voie  de  la  synthèse.  Le  premier,  la  synthèse 
par  différence,  dans  laquelle  on  pèse  l’un  des  éléments  et  le  composé  produit, 
le  poids  de  l’autre  se  déduisant  par  différence;  le  deuxième,  la  synthèse  par 
somme,  dans  laquelle  on  pèse  les  éléments  séparés  du  composé  sans  peser  le 
composé  produit,  et  le  troisième,  la  synthèse  complète,  dans  laquelle  on  pèse 
les  éléments  séparés  et,  comme  contrôle,  le  composé  qui  résulte  de  leur  com¬ 
binaison. 

J’ai  eu  recours  à  ces  trois  moyens  pour  les  nouvelles  synthèses  de  l’iodure  et 
du  bromure  d’argent,  que  j’ai  tentées  dans  le  but  d’en  déduire  le  rapport  pro¬ 
portionnel  entre  l’iode  et  l’argent,  et  le  brome  et  l’argent.  Je  vais  exposer  main¬ 
tenant  comment  je  m’y  suis  pris  pour  exécuter  matériellement  les  opérations. 

Tome  XXXV.  '  16 


122 


NOUVELLES  RECHERCHES 


H.  —  Nouvelle  synthèse  de  l’iodure  d’argent. 

1°  Synthèse  par  différence  de  l’iodure  d’argent. 

J’ai  fait  deux  synthèses  par  différence  de  l’iodure  d’argent.  La  première  a 
été  exécutée  à  une  époque  déjà  loin  de  nous  (1843),  en  même  temps  que  la 
synthèse  du  chlorure  d’argent  n°  IV,  décrite  dans  mes  Recherches  sur  les 
rapports  réciproques  des  poids  atomiques ,  et  avec  une  partie  du  même 
argent.  Le  métal  employé  provenait  de  la  décomposition  de  l’acétate  d’argent 
cristallisé  un  grand  nombre  de  fois. 

La  deuxième  a  été  faite  en  1861. 

1°  Pour  la  première,  j’ai  dissous  l’argent  dans  l’acide  azotique  dilué  et 
pur,  en  employant,  à  cet  effet,  un  appareil  analogue  à  celui  que  je  vais 
décrire  et  figurer  plus  loin. 

J’ai  ajouté  ensuite,  dans  le  vase  contenant  la  solution  d’argent,  un  litre 
d’eau  distillée,  et  j’ai  élevé  près  de  l’ébullition  tout  le  liquide,  pour  en  élimi¬ 
ner  les  composés  azotés  dissous.  Après  le  refroidissement  du  liquide,  je  l’ai 
précipité  par  de  l’acide  iodhydrique  dilué  et  en  très-léger  excès,  que  j’avais 
produit  par  le  moyen  suivant  :  j’indique  ce  moyen  uniquement  pour  exposer 
ce  que  j’ai  fait  et  non  pas  pour  en  conseiller  l’emploi,  car  il  renferme  un 
détour  inutile,  comme  il  est  facile  de  s’en  convaincre. 

De  l’iodure  de  potassium,  provenant  de  la  calcination  de  l’iodate  de  potas¬ 
sium,  de  la  cinquième  cristallisation,  a  été  précipité  par  l’azotate  d’argent, 
en  prenant  la  précaution  de  laisser  un  excès  d’iodure  alcalin  non  décomposé. 
L’iodure  d’argent  produit  a  été  décomposé  par  l’acide  sulfhvdrique  préparé 
à  l’aide  du  sulfure  de  fer  fondu  et  de  l’acide  sulfurique  dilué.  La  solution 
d’acide  iodhydrique,  après  avoir  été  agitée  avec  un  peu  d’iodure  d’argent 
pour  éliminer  l’excès  d’acide  sulfhydrique ,  a  été  distillée  dans  un  courant 
d’hydrogène.  A  cette  occasion ,  j’ai  remarqué  que  la  solution  aqueuse  d’acide 
iodhydrique  ne  peut  être  distillée,  même  dans  un  courant  d’hydrogène,  qu’en 
tant  qu’on  abrite  complètement  les  vapeurs  de  l’atteinte  d’une  chaleur  supé¬ 
rieure  à  celle  du  point  d’ébullition  du  liquide.  J’ai  fait,  du  reste,  la  même 
remarque  pour  l’acide  bromhydrique  qu’on  distillé. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


123 


Après  avoir  précipité  la  solution  très-diluéc  d’azotate  d  argent  par  1  acide 
iodhydrique ,  j’ai  vivement  agité  le  tout  pour  produire  1  éclaircissement  du 
liquide,  et  j’ai  procédé  par  décantation  au  lavage  de  liodure  déposé.  Comme 
j’ai  opéré  à  froid,  ce  lavage  a  été  d’une  lenteur  désespérante,  parce  que 
l’iodure  d’argent  s’est  désagrégé  lorsque  la  majeure  partie  du  liquide  acide  a 


été  séparée;  il  a  produit  alors  un  liquide  laiteux  qui  ne  s  est  éclairci  que  pai 
un  repos  longtemps  prolongé  ;  aussi ,  le  lavage  a-t-il  duré  deux  mois. 

Toutes  les  eaux  de  décantation,  qui  s’étaient  légèrement  colorées  en  jauni 
par  de  l’iode  dissous,  ont  été  réunies;  elles  mesuraient  près  de  cinq  litres. 
Après  un  repos  convenable,  ces  eaux  ont  été  évaporées  dans  un  \ase  de  poi- 
celaine  et  ont  laissé  un  résidu  du  poids  de  Ce  résidu  a  été  traité 

par  de  l’acide  azotique,  dans  lequel  la  majeure  partie  s’est  dissoute;  la  solu¬ 
tion  produite  a  fourni  0er,0315  d’iodure  d’argent,  par  la  précipitation  opéiéc 
à  l’aide  d’une  solution  très-diluée  d’un  iodure  alcalin. 

L’iodure  d’argent  a  été  séché  et  pesé  dans  le  ballon  même  où  il  avait  été 


produit.  11  était  d’un  jaune  pâle,  sale.  J’ai  constaté,  à  celte  occasion,  que  ce 
corps,  une  fois  bien  desséché  à  une  température  de  120°  à  150°,  ne  perd 
plus  rien  de  son  poids  jusqu’à  sa  fusion ,  qui  peut  également  s  effectuei  sans 
perle  de  poids,  si  on  évite  d’établir  un  courant  dair  dans  le  vase. 

2°  L’argent  employé  pour  la  deuxième  opération  est  le  môme  que  celui  qui 
a  servi  pour  la  plupart  des  synthèses  de  l  iodure  et  du  bromure  d  argent  dont 
il  me  reste  à  parler.  Il  provenait  de  la  réduction  du  chlorure  pur  par  le  sucie 
de  lait  et  l’hydrate  de  potassium  purs  et  avait  été  affiné  au  gaz  tonnant.  Il 
était  absolument  pur  :  dans  la  notice  consacrée  à  la  recherche  de  la  constance 
de  composition  des  combinaisons  stables,  je  me  suis  suffisamment  expliqué 
sur  les  moyens  que  j’ai  employés  pour  m’assurer  de  la  pureté  de  cet  argent. 

Pour  le  transformer  en  iodure ,  je  l’ai  d’abord  dissous  dans  1  acide  azo¬ 
tique  dilué;  j’ai  ramené  l’azotate  à  l’état  de  sulfate,  et  la  solution  de  ce  sulfate 
dans  l’eau  fortement  acidulée  par  l’acide  sulfurique  pur  a  été  précipitée  pai 
l’acide  iodhydrique  obtenu  à  l’aide  de  l’iode  dissous  dans  une  solution  faible 
d’acide  sulfureux.  Cet  iode  a  été  préparé  par  la  décomposition  de  la  diwda- 
mine  pure.  Dans  l’exposé  de  la  synthèse  complète  de  1  iodure  d  argent,  je  tais 
connaître  les  motifs  qui  m’ont  déterminé  à  recourir  à  la  décomposition  de 
la  diiodamine  pour  me  procurer  de  l’iode  dépouillé  de  chlore  et  de  brome , 


124 


NOUVELLES  RECHERCHES 


et  je  donne  lous  les  détails  nécessaires  au  sujet  de  la  préparation  de  cet  iode. 

Je  me  borne  à  indiquer  ici  les  dispositions  prises  pour  dissoudre  l'argent 
dans  l’acide  azotique  et  pour  transformer  l’azotate  en  sulfate,  sans  perdre, 
dans  ces  opérations,  une  trace  de  l’argent  pesé.  J’ai  été  obligé  de  recourir  à 
la  transformation  de  l 'azotate  d’argent  en  sulfate ,  parce  que  l’existence  de 
l’acide  iodhydrique  et  de  l’acide  sulfureux,  que  j’avais  besoin  de  faire  inter¬ 
venir,  est  incompatible  avec  l’existence  de  l’acide  azotique,  même  très-dilué; 
il  se  produit  du  bioxyde  azotique,  qui  fait  éclater  les  vases  fermés  dans 
lesquels  on  essaie  de  maintenir  le  mélange  en  contact. 


Fig.  S. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


125 


L’appareil  qui  a  servi  à  la  dissolution  de  l’argent  est  le  même  que  celui 
dont  j’ai  donné  la  description  dans  mon  travail  de  1860,  à  1  occasion  de  la 
synthèse  du  chlorure  et  de  l’azotate  d’argent.  J’en  donne  ici  le  dessin  pour 
me  conformer  au  désir  qui  m’en  a  été  exprimé. 

Il  se  compose  d’un  ballon  ou  d’un  malras  en  verre  dur,  inattaquable  aux 
acides,  de  capacité  en  rapport  avec  la  quantité  de  métal  à  dissoudre.  Un 
flacon  à  fond  percé,  de  même  verre,  et  soigneusement  usé  à  l’émeri,  est 
adapté  au  goulot  du  ballon.  L’ouverture  étroite  de  ce  flacon  reçoit  un  tube  a 
boules,  qui  y  est  également  usé  et  la  ferme  hermétiquement.  Les  trois  houles 
du  milieu  contiennent  une  quantité  d’eau  convenable;  elles  sont  disposées  dans 
une  position  très-légèrement  inclinée,  afin  que  le  liquide  exerce  la  plus  faible 
pression  possible  sur  les  gaz  qui  doivent  le  traverser.  La  branche  verticale 
du  tube  plonge  dans  un  petit  matras  en  verre  inattaquable  et  contenant  un 
volume  d’eau  moindre  que  celui  que  peut  renfermer  la  grosse  boule  soufflée 
dans  la  partie  supérieure  de  ce  tube  vertical. 

Chaque  partie  de  ce  système  d’appareil  est  pesée  à  part  :  de  cette  manière 
on  s’assure  du  changement  qui  pourrait  être  survenu  dans  le  poids  de  l’une 
d’elles  pendant  l’opération.  Du  reste,  j’ai  constaté  à  plusieurs  reprises  que 
tous  les  vases  en  verre  dur,  une  fois  qu’ils  ont  été  traités  assez  longtemps  a 
l’eau  régale,  pour  dissoudre  les  matières  étrangères  susceptibles  d’èlre  atta¬ 
quées  par  les  acides,  ne  cèdent  absolument  plus  rien  de  leur  poids  sous  1  in¬ 
fluence  de  l’acide  azotique  ou  de  l’acide  sulfurique  bouillants.  Comme  je  1  ai 
dit  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomiques, 
la  légère  altération  que  présentent  à  la  longue  les  vases,  provient  unique¬ 
ment  de  l’usure  inévitable  due  à  la  pression  qu’on  exerce  pour  adapter  her¬ 
métiquement  les  parties  les  unes  sur  les  autres,  ou  pour  les  séparer  les  unes 
des  autres  après  l’opération. 

Pour  effectuer  la  dissolution  de  l’argent  dans  l’acide  azotique,  je  place  le 
ballon  dans  une  position  presque  horizontale,  ou  tout  au  plus  a  45°,  dans  un 
bain  d’air  dont  la  température  est  élevée  de  50  à  60°  au  plus,  comme  le 
montre  la  figure  8. 


426 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Fig.  9. 


Le  bain  d’air  chaud  est  produit  par  la  combustion  du  gaz  éclairant  dans 
un  excès  d’air;  un  simple  fourneau  à  couronne,  alimenté  au  gaz,  sert  de  foyer. 
Ce  fourneau  est  surmonté  d’un  tronçon  de  cylindre  de  diamètre  égal  au  sien. 
A  une  distance  d’une  dizaine  de  centimètres  au-dessus  des  flammes  du  gaz, 
se  trouve  une  série  de  toiles  métalliques  circulaires,  à  fil  de  fer  épais,  espacées 
de  centimètre  à  centimètre.  Ces  toiles  métalliques  ont  le  diamètre  du  cylindre: 
elles  reposent  sur  des  tringles  de  fer  passant  par  des  ouvertures  pratiquées 
dans  les  côtés  opposés  du  cylindre.  Les  produits  de  la  combustion  du  gaz 
sont  obligés  de  traverser  les  toiles,  et  la  température  du  mélange  gazeux  est 
ainsi  nécessairement  égalisée. 

o 

Le  ballon  est  déposé  sur  une  rondelle  de  tôle  de  fer,  reposant  elle-même  sui¬ 
des  tringles  de  fer  qui  passent  au  travers  des  ouvertures  opposées  pratiquées 
dans  le  tronçon  du  cylindre.  Celte  rondelle  présente  un  diamètre  de  deux  cenli- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


127 


mètres  de  moins  que  celui  du  tronçon  de  cylindre;  de  celte  manière  les  gaz 
chauds,  qui  traversent  les  toiles  métalliques,  passent  entre  la  rondelle  et  le 
cylindre. 

Le  col  du  ballon  passe  par  une  échancrure  qui  est  pratiquée  sur  le  côté  du 
cylindre,  depuis  le  haut  jusqu’au  tiers  supérieur  environ.  Afin  de  soustraire 
cette  partie  du  col  du  ballon  au  courant  d’air,  une  pièce  de  tôle  supplémen¬ 
taire,  un  peu  plus  large  que  le  diamètre  de  l’échancrure,  est  fixée  sur  la 
rondelle  à  l’endroit  correspondant  à  celte  échancrure. 

Le  tronçon  de  cylindre  est  fermé  à  l  aide  d’un  couvercle  mobile  de  tôle , 
percé  au  centre  d’une  ouverture  de  cinq  centimètres  de  diamètre,  destinée  au 
dégagement  des  gaz;  je  ferme  cette  ouverture  plus  ou  moins,  à  l’aide  d’obtura¬ 
teurs  de  tôles,  suivant  que  je  désire  un  courant  gazeux  plus  ou  moins  énergique. 

Pour  régler  la  température  à  laquelle  peut  atteindre  le  liquide  contenu 
dans  le  ballon  renfermé  dans  cette  espèce  d'étuve ,  j’introduis  un  thermo¬ 
mètre  à  mercure  dans  l’étuve  même.  A  cet  effet,  j’ai  fait  pratiquer  une 
petite  ouverture  sur  le  côté  du  cylindre,  un  peu  au-dessous  de  la  partie  par 
laquelle  passent  les  tringles  soutenant  la  rondelle  destinée  à  recevoir  le  ballon  ; 
de  cette  manière ,  la  boule  du  thermomètre  touche  presque  la  partie  du  ballon 
qui  passe  au  travers  de  l’ouverture  percée  dans  la  rondelle. 

Lorsque  la  pression  du  gaz  reste  constante,  ce  qu’il  est  facile  de  réaliser 
à  l’aide  d’un  régulateur,  on  peut  obtenir  ainsi  un  bain  d’air  à  température 
presque  indéfiniment  la  même.  C’est  dans  l'appareil  dont  je  viens  de  donner 
la  description ,  qu'ont  été  exécutées  toutes  les  synthèses  du  chlorure  et  de 
l’azotate  d’argent  et  de  l'azotate  de  plomb  que  j’ai  fait  connaître  dans  mon 
travail  publié  en  '1860,  et  toutes  les  synthèses  d’iodure  et  de  bromure  d’ar¬ 
gent  qui  me  restent  èt  décrire. 

Avant  de  placer  le  ballon  dans  l’étuve,  j’y  introduis  la  quantité  d’acide 
azotique  dilué  nécessaire  pour  dissoudre  tout  l’argent.  Cet  acide  est  préparé  à 
l’aide  de  l’acide  azotique  au  maximum  de  concentration  et  de  l’eau  pure;  car 
ce  n’est  qu’à  l’état  de  maximum  de  concentration  qu’on  parvient  à  avoir  l’acide 
pur.  Je  le  dilue  d’eau  de  manière  à  dissoudre  lentement  l’argent  vers  la  tempé¬ 
rature  de  50  à  60°.  L’acide  de  1,21  à  1,25  au  plus  réalise  cette  condition. 

Lorsque  tout  l’argent  est  dissous,  je  retourne  sur  lui-même  le  tube  à 


128 


NOUVELLES  RECHERCHES 


boules,  je  fais  tomber  dans  le  ballon  tout  le  liquide  contenu  dans  les 
boules,  et  je  me  sers  de  1  eau  du  malras,  qui  esl  devenue  acide,  pour  laver 
les  boules;  cette  eau  de  lavage  est  également  introduite  dans  le  ballon. 

Le  lavage  opéré,  j’incline  le  col  assez  fortement  pour  que  les  vapeurs  qui 
se  condensent  ne  puissent  plus  retourner  dans  le  ballon;  en  même  temps, 
j’engage  le  col  dans  un  récipient,  et  je  procède  à  l’évaporation  lente  du 
liquide,  en  plaçant  tout  l’appareil  dans  une  cage  de  verre  comme  le  montre 
la  figure  10;  j’ai  soin  de  maintenir  constamment  le  liquide  au-dessous  de  son 
point  d’ébullition,  afin  d’éviter  autant  (|ue  possible  l’entraînement  de  l’argent. 

Fig.  10. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


129 


Je  décompose  l’azotate  produit,  à  l’aide  d’une  quantité  convenable  d’acide 
sulfurique  concentré  et  pur;  j’ai  dit  dans  mon  précédent  travail  comment  je 
me  procure  celui-ci.  Celte  décomposition  est  également  effectuée  à  une  tem¬ 
pérature  inférieure  au  point  d’ébullition  de  l’acide  azotique.  Comme  l’acide 
sulfurique  employé  en  excès  retient  de  l’acide  azotique  ou  des  composés  azotés, 
j’ajoute  au  sulfate  d’argent  produit  une  nouvelle  quantité  d’acide  sulfurique 
renfermant  dix  pour  cent  de  sulfate  d’ammonium  pur,  et  je  chauffe  le  tout  à 
une  température  supérieure  à  celle  qui  est  nécessaire  pour  la  destruction  des 
composés  azotés  par  le  sulfate  d’ammonium.  Cette  action  s’accomplit  sans  la 
moindre  perte  de  sulfate  d’argent. 

L’eau  acide,  provenant  de  l’évaporation  de  la  solution  d’azotate  d’argent, 
est  ajoutée  à  l’acide  azotique  résultant  de  la  décomposition  subséquente  de  cet 
azotate,  et  le  tout  est  évaporé  une  seconde  fois  dans  une  capsule  de  porcelaine. 
Les  quelques  milligrammes  de  résidu  d’azotate  d’argent  qui  en  proviennent 
sont  chauffés  avec  de  l’acide  sulfurique ,  pour,  les  transformer  en  sulfate  d’ar¬ 
gent.  Ce  sulfate,  repris  par  de  l’eau,  est  ajouté  à  la  masse  de  sel  contenu 
dans  le  ballon. 

Je  dissous  enfin  le  sulfate  acide  d’argent  dans  une  quantité  suffisante 
d’eau  bouillante  acidulée  par  dix  pour  cent  d’acide  sulfurique,  et  j’abandonne 
le  tout  au  refroidissement  complet. 

Je  précipite  l’argent  à  l’aide  de  l’acide  iodhydrique  titré,  obtenu  en  versant 
à  Yinslanl  même  de  Yacide  sulfureux  très-dilué  sur  un  poids  connu  d’iode 
suspendu  dans  de  l’eau  glacée.  Si  l’on  a  soin  d’opérer  avec  de  l’acide  sulfu¬ 
reux  dilué,  de  maintenir  la  température  très-basse /de  prendre  de  l’acide 
sulfureux  tout  récemment  préparé  et  de  ne  pas  en  exagérer  la  quantité,  le 
produit  de  la  réaction  de  l’iode  se  compose  uniquement  d’acide  iodhydrique 
et  d’acide  sulfurique.  Si,  au  contraire,  la  température  s’élève,  ou  si  l’on  prend 
de  l’acide  sulfureux  en  partie  altéré,  ou  si  l’on  augmente  au  delà  du  néces¬ 
saire  la  dose  d’acide  sulfureux ;  dans  ces  cas ,  l’acide  iodhydrique  produit 
peut  être  réduit  avec  dépôt  de  soufre  et  d’iode  et  formation  d’un  acide  poly- 
thionique,  qui  a  la  propriété  de  transformer  les  sels  solubles  d’argent  en 
sulfure  de  ce  métal. 

Lorsque  j’ai  introduit  une  quantité  d’acide  iodhydrique  suffisante  pour  la 
Tome  XXXV.  17 


130 


NOUVELLES  RECHERCHES 


précipitation  totale  de  l’argent,  je  fais  agiter  pendant  une  heure  au  moins  le 
liquide ,  afin  de  décomposer  le  sulfate  d’argent  qui  a  été  entraîné  avec  liodure 
de  ce  métal.  Quoique  le  liquide  ne  s’éclaircisse  pas  complètement  par  l’agita¬ 
tion,  il  se  dépouille  cependant  suffisamment  pour  qu’on  puisse  s’assurer, 
à  l’aide  de  l’addition  de  l’acide  iodhydrique,  s’il  y  a  encore  de  l’argent  en 
solution.  Dans  le  cas  contraire,  je  place  le  ballon  au  bain-marie,  et  j’élève  la 
température  jusqu’à  l’éclaircissement  du  liquide  qui,  dans  l’expérience  que  je 
décris,  s’est  effectué  vers  60°. 

Le  dépôt  de  l’iodure  étant  accompli,  j’ai  décanté,  dans  lin  vase  à  précipité 
de  cinq  litres  de  capacité,  le  liquide  acide  et  chaud,  répandant  sensiblement 
l’odeur  de  l’anhydride  sulfureux,  et  je  l’ai  remplacé  par  une  quantité  conve¬ 
nable  d’eau  pure,  chauffée  à  la  même  température  de  60°.  J’ai  remis  le  ballon 
au  bain-marie  en  lui  imprimant,  pendant  une  demi-heure,  un  mouvement 
de  rotation  pour  opérer  le  mélange  intime  de  l’eau  et  de  l  iodure,  et  je  l’y  ai 
laissé  en  maintenant  constamment  sa  température  entre  60  et  70°,  jusqu’à 
ce  que  tout  l’iodure  fût  encore  déposé.  J’ai  décanté  alors  l’eau  de  lavage  en 
la  joignant  à  la  première;  et  l’on  a  continué  de  cette  manière  le  lavage  par  dé¬ 
cantation  à  chaud,  tant  que  j’ai  pu  découvrir,  dans  l’eau  de  lavage  évaporée, 
la  moindre  trace  d’acide.  Le  lavage  a  duré  cinquante  heures  environ,  et,  pen¬ 
dant  tout  ce  temps,  le  bain  d’eau  renfermant  le  ballon  a  été  porté  à  une  tem¬ 
pérature  croissante,  mais  inférieure  à  90°,  ce  que  fai  reconnu  absolument 
indispensable  pour  me  mettre  à  l'abri  du  dèlayement  de  l’iodure  d’argent 
et  de  la  formation  de  liquide  laiteux. 

Quoique  j’eusse  pris  la  précaution  d’opérer  chaque  lavage  avec  la  plus 
petite  quantité  d’eau  possible,  le  volume  total  de  toutes  les  eaux  a  atteint 
néanmoins  quatre  mille  neuf  cent  dix-sept  centimètres  cubes. 

Le  vase  à  précipité,  contenant  les  eaux,  a  été  couvert  d’un  plan  de  verre 
et  abandonné  à  lui-même,  dans  une  chambre  obscure,  jusqu’à  dépôt  com- 

■HS 

plet  des  traces  d’iodure  entraîné  par  les  eaux  de  lavage,  ce  qui  ne  s’est  pro¬ 
duit  qu’après  neuf  jours.  Lorsque  j’ai  jugé  ce  fait  suffisamment  accompli, 
j’ai,  par  surcroit  de  précaution,  fait  passer  le  liquide  limpide  par  un  double 
petit  libre  de  papier,  et  j’ai  reçu  le  liquide  filtré  dans  un  grand  flacon  bien 
propre. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


131 


Le  peu  d’iodure  d’argent  provenant  du  repos  des  eaux  de  décantation  a 
été  lavé  également  à  chaud  et  par  décantation,  et  tous  les  liquides  qui  en  sont 

provenus  ont  été  pareillement  filtrés. 

J’ai  replacé  le  ballon  contenant  l’iodure  dans  un  bain  d’eau  dont  j’ai 
élevé  la  température  jusqu’à  100°,  pour  déterminer  une  contraction  aussi 
forte  que  possible  de  l’iodure  d’argent;  après  avoir  agité  convenablement 
l’iodure  avec  l’eau,  j’ai  versé  la  bouillie  dans  un  appareil  dont  je  donne 

ici  le  dessin. 

Il  est  confectionné  en  verre  dur,  réfractaire.  Sa  partie  infé¬ 
rieure  contient  une  bourre  de  fils  fins  de  platine,  récemment 
rougie.  Cette  bourre  sert  de  support  à  1  iodure.  L  eau  qui  passe 
d’abord  n’est  point  limpide  ;  elle  est  reçue  dans  un  vase  à  pré¬ 
cipité,  qui  est  pesé  en  même  temps  que  l’appareil  lui-même. 
J’opère  le  lavage  du  ballon  à  l’aide  du  liquide  limpide  pro¬ 
venant  de  l’iodure  lui-même.  Enfin,  je  fais  passer  toute  l’eau 
écoulée  au  travers  du  petit  filtre  double  de  papier  qui  a  servi 
pour  les  eaux  de  décantation. 

Pour  m’assurer  qu’il  n’est  point  resté  d’iodure  adhérent  au 
ballon  et  au  grand  vase  à  précipité  dans  lequel  le  dépôt  des 
eaux  de  décantation  a  eu  lieu,  j’introduis  une  solution  très- 
faible  de  cyanure  d’ammonium  obtenu  à  l’aide  de  l’acide  cyanhydrique  pur 
et  dilué ,  auquel  j’ajoute  quelques  gouttes  d’ammoniaque  concentrée.  Ce  liquide 
dissout,  comme  on  le  sait,  avec  une  rapidité  étonnante,  les  iodure,  bromure 
et  chlorure  d’argent,  même  fondus. 

Je  verse  ensuite  les  liquides  ayant  servi  à  ce  lavage  sur  le  filtre,  au  travers 
duquel  j’ai  fait  passer  toutes  les  eaux  de  décantation,  et  je  les  reçois  dans 
de  l’eau  acidulée  par  de  l’acide  sulfurique  pur.  L’eau  est  devenue  très-légè¬ 
rement  nuageuse,  mais  elle  n’a  point  déposé  une  quantité  pondérable  d  ioduie 
d’argent,  même  après  avoir  été  tenue  longtemps  à  100°. 

L’appareil  à  boule  contenant  l’iodure  humide,  et  le  vase  a  précipité  ont 
été  portés  dans  des  étuves  séparées  et  chauffées  vers  100°.  L  étuve  dans 
laquelle  j’ai  placé  l’appareil  à  boule,  pour  la  dessiccation  de  l’iodure,  a  été 
également  employée  pour  la  dessiccation  du  bromure  et  du  chlorure  d’argent 


Fig.  II. 


432 


NOUVELLES  RECHERCHES 


dont  il  est  question  dans  ces  Mémoires;  comme  elle  a  parfaitement  rempli  le 
but,  j’ai  cru  convenable  d’en  figurer  ici  une  coupe,  et  de  la  décrire. 

Vuj.  12. 


Elle  se  compose  d’une  grande  caisse  ou  parallélipipède  de  tôle,  ouverte  par 
le  haut  et  le  bas.  Dans  l’ouverture  supérieure  s’engage,  jusqu’à  une  profon¬ 
deur  voulue,  un  deuxième  parallélipipède  de  tôle,  de  dimensions  et  de  forme 
appropriées  à  celles  de  l’objet  qu’il  est  destiné  à  recevoir.  Cette  petite  caisse 
est  fermée  du  bas  par  une  tôle  ou  par  une  toile  métallique,  et  ouverte  du  haut  ; 
cette  ouverture  se  ferme  à  l’aide  d’un  couvercle  de  métal ,  dans  lequel  se  fixe 
un  thermomètre. 

L’intérieur  de  la  grande  caisse  renferme  cinq  becs  de  Bunsen,  munis 
chacun  d’un  robinet  et  adaptés  sur  un  tube  de  cuivre.  Au-dessus,  et  à  une 
distance  de  dix  centimètres  des  becs,  est  placée  une  plaque  épaisse  de  tôle, 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


133 


de  la  longueur  du  tube  de  cuivre  et  large  des  deux  tiers  de  la  largeur  de  la 
caisse.  Suivant  la  température  que  j’ai  à  développer  dans  la  caisse  supérieure, 
j’allume  un  nombre  suffisant  de  becs  et  j’élève  à  une  hauteur  convenable  les 
becs  avec  la  plaque  de  tôle  qui  reçoit  et  transmet  la  chaleur. 

La  caisse  supérieure,  contenant  l’appareil  à  boule  dans  la  position  qu’in¬ 
dique  la  figure  ',  est  chauffée  à  100°  environ  et  maintenue  à  ce  degré  tant 
que  l’iodure  dégage  de  la  vapeur  d’eau,  ou  plutôt  jusqu’à  ce  que  le  poids  de 
l’appareil  soit  devenu  constant. 

Pendant  sa  dessiccation,  l’iodure,  si  fortement  divisé  par  la  longue  agita¬ 
tion  qu’il  a  subie  lors  du  lavage,  éprouve  une  contraction  qui  diminue  son 
volume  au  moins  des  deux  tiers.  Lorsque  le  poids  de  l’appareil  fut  devenu 
constant  à  100°,  j’ai  élevé  lentement  jusqu’à  200°  la  température  de  l’en¬ 
ceinte  qui  le  renferme,  et  j’y  ai  laissé  d’abord  l’appareil  pendant  six  heures  et 
ensuite  pendant  douze  heures.  Finalement,  j’ai  porté  la  température  du  bain 
d’air  jusqu’au  point  de  fusion  de  l’iodure  d’argent,  bien  entendu  en  m’abs¬ 
tenant  d’établir  dans  l’appareil  même  le  moindre  courant,  lorsque  la  tem¬ 
pérature  dépassait  sensiblement  100°. 

Pendant  ce  long  espace  de  temps,  et  malgré  la  grande  variation  de  tempé¬ 
rature,  le  poids  de  l’appareil  à  boule,  avec  l’iodure  préalablement  séché  à 
100°,  est  resté  absolument  invariable,  comme  le  démontrent  les  données  sui¬ 


vantes  : 

grain. 

Poids  de  l’appareil,  avec  la  bourre  de  fils  de  platine,  et  du  vase  à  précipité.  '156,122b 

Poids  des  mêmes  appareils  avec  fiodure  chauffé  à  100°  jusqu’à  pesée  con¬ 
stante  (6  heures  de  refroidissement) .  250,7970 

Poids  des  mêmes  appareils  avec  fiodure  chauffé  jusqu’à  200°  pendant 

6  heures  (5  heures  de  refroidissement)  . .  250,7900  . 

Poids  des  mêmes  appareils  avec  fiodure  chauffé  à  200°  pendant  12  heures 

(6  heures  de  refroidissement) . .  250,7960 

Poids  des  mêmes  appareils  avec  fiodure  chauffé  à  son  point  de  fusion 

(après  4  heures  de  refroidissement) .  250,7950 

Les  mêmes  appareils  le  lendemain .  250,7955 


1  Le  col  et  la  pointe  de  l’appareil  à  boule  s’engagent  dans  des  vases  pesés ,  afin  d’y  condenser 
la  vapeur  d’eau  émise  par  fiodure.  J’évapore  ensuite  cétte  eau  condensée  pour  m’assurer  si 
aucune  trace  d’iodurc  n’a  été  entraînée. 


NOUVELLES  RECHERCHES 


434 

L’iodure  d’argent  est  resté,  depuis  le  moment  de  sa  formation  jusqu  après 
sa  pesée ,  dans  l  obscurité  la  plus  complète.  Sa  couleur,  à  la  lumière  du  jour 
était  d’un  jaune  sale  très-pâle ;  il  se  dissolvait  instantanément  dans  une  solu¬ 
tion  de  cyanure  d’ammonium,  en  produisant  un  liquide  limpide  et  incolore; 
il  ne  renfermait  donc  aucune  trace  d’iodure  altéré  ou  d’argent  réduit.  Il  est 
inaltérable  par  l’action  de  la  lumière  diffuse,  et  même  par  la  lumière  solaire 
directe.  Il  s  altère  seulement  sous  l’ influence  combinée  delà  lumière  directe , 
et  même  diffuse ,  et  d’une  solution  d’ackle  sulfureux,  et  encore,  dans  ce  der¬ 
nier  cas,  sa  réduction  est  excessivement  lente;  lorsque  tout  l’acide  sulfureux 
est  transformé  en  acide  sulfurique,  l’iodure  jaune  se  reproduit ,  même  en 
présence  de  la  lumière  Fondu,  il  est  coloré  en  jaune,  ou  en  rouge,  ou  en 
rouge  brun  très-foncé,  suivant  la  température;  il  devient  en  même  temps 
visqueux.  Par  le  refroidissement,  il  se  prend  en  une  masse  cornée  d’un  jaune 
pâle  et  sale;  il  attaque  le  verre,  mais  beaucoup  moins  rapidement  que  le 
bromure  et  surtout  que  le  chlorure  d’argent. 

Les  eaux  de  lavage  de  l’iodure  qui  mesuraient,  comme  je  l’ai  dit  plus 
haut,  quatre  mille  neuf  cent  dix-sepl  centimètres  cubes,  ont  été  toutes  éva¬ 
porées  aux  trois  quarts,  dans  une  grande  cornue  de  verre;  le  restant  a  été 
introduit  dans  une  cornue  de  platine,  chauffée  seulement  sur  les  côtés  à  l’aide 
de  jets  de  gaz  enflammé,  émanés  d’une  couronne  creuse,  dont  le  cercle  inté¬ 
rieur  est  percé  d’ouvertures. 

Ce  moyen  d’évaporation  est  extraordinairement  favorable  pour  chauffer 
exclusivement  les  vases  sur  les  côtés.  Lorsque  la  majeure  partie  des  liquides 
dont  se  composaient  les  eaux  de  lavage  était  volatilisée,  qu’une  grande  partie 

.  1  J'ai  observé  ces  faits  en  1 8 G 1  ,  époque  à  laquelle  la  présente  notice  a  été  rédigée.  Depuis, 
j’ai  eu,  à  plusieurs  reprises,  l'occasion  d’en  constater  l’exactitude.  Les  photographes  admettent 
aujourd’hui  que  l’iodurc  d’argent,  produit  en  présence  d’un  iodure  alcalin  en  excès,  est  seul 
inaltérable  a  la  lumière.  D’apres  eux,  1  iodure  formé  en  présence  d’un  excès  d’azotate  d’argent 
s  altère  sous  l’influence  de  la  radiation  solaire.  L’altérabilité  de  l’iodurc  dans  cette  circonstance 
dépend  de  1  entrainement  de  l’azotate  d  argent.  En  effet,  l'iodure,  le  bromure  et  le  chlorure  * 
d  argent,  formés  au  sein  d’un  excès  d’azotate  ou  de  sulfate  d’argent,  entraînent  toujours  une 
certaine  quantité  du  sel  employé.  Lorsque,  par  des  lavages  suffisamment  prolongés,  on  enlève 
le  sel  d’argent  fixé  ou  entraîné,  on  obtient  un  iodure  inaltérable  par  la  lumière  seule,  quel  que 
soit  le  mode  de  production  du  sel  haloïde  d’argent. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


13a 


du  sulfate  d’ammonium  était  également  détruite,  et  qu’il  ne  restait  plus  de 
cette  énorme  masse  que  quelques  grammes  de  liquide  acide,  j’ai  introduit  le 
résidu,  avec  les  eaux  de  lavage  de  la  cornue,  dans  une  petite  capsule  de  pla¬ 
tine  pesée  que  j’ai  rougie  ensuite  avec  précaution.  Le  poids  du  résidu  a  été  de 
(F, 0074;  fondu,  il  avait  un  aspect  brunâtre  ferrugineux.  L’eau  l’a  dissous, 
pour  la  majeure  partie,  en  laissant  seulement  des  traces  de  sesquioxyde  de  fer, 
sans  argent  ni  iodure  d’argent.  La  solution  aqueuse  acidulée  par  l’acide  sulfu¬ 
rique,  et  précipitée  ensuite  par  une  solution  très-diluée  d’un  iodure,  a  fourni 
0Br, 0006  d’iodure  d’argent. 

Voici  le  résultat  des  deux  expériences  que  je  viens  de  décrire  : 

SYNTHÈSES  PAR  DIFFÉRENCE  DE  l’iODURE  D’ARGENT. 


NU5IÉR0S  D’ORDRE. 

POIDS 

de 

l’argent  dans  l’air. 

POIDS 

de 

l’argent  dans  le  vide. 

POIDS 

de 

l’iodure  d’argent 

dans  l’air. 

POIDS 

de 

l’iodure  d’argent 

dansle  vide. 

100,000 

d’argent  produisent 

iodure  d’argent  : 

I . 

gram. 

97,5955  > 

gram. 

97,5915 

gram. 

212,2655 

gram. 

212,2905 

217,529 

II . 

43,5255  2 

43,5281 

94,6735 

94,6984 

217,536 

Moyenne.  .  .  . 

217,5325 

1  Les  pesées  ont  été  faites  à  l’aide  de  poids  de  laiton. 

2  Les  pesées  ont  été  faites  à  l’aide  de  poids  de  platine. 

2°  Synthèse  par  somme  et  synthèse  complète  de  l’iodure  d’argent. 

La  synthèse  complète  de  l’iodure  d’argent  renferme  nécessairement  la 
synthèse  par  somme.  C’est  pour  ce  motif  que  je  réunis  dans  cet  exposé  le 
détail  des  deux  opérations.  En  effet,  quel  que  soit  le  moyen  employé  pour 
exécuter  une  synthèse  par  somme,  ce  n’est  évidemment  qu’après  avoir  préa- 


136 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Iablement  opéré  la  combinaison  d’un  poids  déterminé  d  iode  avec  un  poids 
déterminé  d’argent  qu’on  peut  recueillir,  sécher  et  peser  l’iodure  d’argënl  qui 
en  résulte.  J’ai  procédé  à  ces  dernières  opérations  par  les  moyens  que  j’ai 
employés  pour  constater  le  poids  de  l'iodure  d’argent  formé  par  la  synthèse 
par  différence ;  j’ai  suffisamment  fait  connaître  ces  moyens.  Pour  exposer  les 
méthodes  que  j’ai  suivies  pour  faire  des  synthèses  complètes,  il  suffit  donc 
que  je  dise  comment  je  m’y  suis  pris  pour  combiner  des  poids  d’iode  et  d'ar¬ 
gent,  déterminés  a  priori,  et  pour  me  procurer  l’iode  pur.  Je  vais  commencer 
par  ce  dernier  objet. 

De  l’iode  employé  dans  les  synthèses. 

Pour  effectuer  une  synthèse  complète  d’iodure  d’argent ,  j’ai  dû  néces¬ 
sairement  me  procurer  d’abord  de  l’iode  pur.  Tous  les  moyens  indiqués  pour 
arriver  à  ce  résultat  ne  m’ont  point  paru  présenter  des  garanties  suffisantes. 
Aucun  de  ces  moyens,  en  effet,  n’exclut  Ja  possibilité  de  la  présence  du  chlore 
ni  de  brome.  Après  avoir  mûrement  examiné  toutes  les  conditions  dans  les¬ 
quelles  on  peut  probablement  parvenir  à  obtenir  de  l’iode;  je  n’ai  pu  en  dé¬ 
couvrir  que  deux  :  l’une  consiste  dans  la  précipitation,  par  l’eau,  de  l’iode 
dissous  dans  une  solution  d’iodure  de  potassium;  l’autre  réside  dans  la  décom¬ 
position  de  la  diiodamine  par  la  chaleur.  En  effet,  le  chlore  et  le  brome, 
contenus  dans  l’iode  employé,  doivent  rester  unis  soit  au  potassium,  soit 
à  l’ammonium.  Voici  comment  je  me  suis  procuré  de  l’iode  par  les  deux 
moyens. 

a.  Iode  préparé  à  l’aide  de  la  précipitation ,  par  l’eau ,  d’une  solution  d’iode 
dans  une  solution  saturée  d’iodure  de  potassium.  —  Un  kilogramme  d’iodure 
de  potassium,  dissous  dans  un  litre  d’eau,  a  été  saturé  d’iode  du  commerce. 
Il  m’a  fallu  près  de  quatre  kilogrammes  d’iode  pour  réaliser  ce  résultat.  J’ai 
ajouté  de  l’eau  à  la  liqueur  brune  jusqu’au  moment  où  j’ai  vu  apparaître  un 
précipité  permanent  d’iode.  Le  lendemain,  j’ai  décanté  le  liquide  limpide, 
et  j’ai  déterminé  sur  une  fraction  combien  il  me  fallait  d’eau  pour  précipiter 
d’une  partie  donnée  de  cette  solution  l’iode  qu’on  peut  en  éliminer  ainsi. 
Afin  de  laisser  de  l’iode  non  précipité ,  je  n’ai  pris  que  les  trois  quarts  de 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


437 


cette  quantité  d’eau,  et  je  les  ai  versés  dans  le  restant  de  la  solution  que  j’ai 
entretenue  pendant  ce  temps  dans  une  agitation  continuelle. 

L’iode  éliminé  a  été  lavé  par  décantation  jusqu’à  disparition  du  potassium 
dans  les  eaux  de  lavage.  Délayé  dans  de  l’eau,  il  a  été  introduit  ensuite 
dans  une  grande  cornue  tubulée,  et  distillé  à  la  vapeur  d’eau  pure.  Cet  iode, 
après  avoir  été  égoutté,  a  été  exposé  sous  une  cloche  contenant  de  l’azotate  de 
chaux  desséché.  L’azotate  de  chaux  a  été  renouvelé  tant  qu’il  s’est  humecté. 
Ce  sel  de  chaux  a  été  la  seule  matière  que  j’aie  pu  découvrir  pour  sécher 
l’iode  sans  lui  communiquer  des  impuretés. 

L’iode,  desséché  aussi  bien  que  possible,  a  été  mêlé  de  cinq  pour  cent  de 
son  poids  de  protoxyde  de  baryum  pur  finement  pulvérisé  et  soumis  à  la 
distillation  sèche.  Il  a  été  reçu  dans  une  cornue  tubulée  qui  servait  de  réci¬ 
pient  et  qui  contenait  aussi  du  protoxyde  de  baryum  pur  finement  pulvérisé; 
il  a  été  rectifié  une  deuxième  fois,  en  condensant  sa  vapeur  dans  une  cornue 
vide.  C’est  de  cette  cornue  que  je  l’ai  distillé  directement  dans  les  vases  où 
je  l’ai  pesé,  pour  le  combiner  ensuite  à  l’argent,  après  l’avoir  dissous,  comme 
je  le  dirai  plus  bas.  En  distillant  l’iode  sur  du  protoxyde  de  baryum,  j’avais 
un  double  but  :  je  voulais  le  priver  de  l’eau  qu’il  retient  avec  une  grande 
opiniâtreté ,  ainsi  que  de  l’acide  iodliydrique. 

b.  Iode  préparé  par  la  décomposition  de  la  diiodamine  suspendue  dans 
de  l’eau.  —  Je  désigne  sous  le  nom  de  diiodamine  le  produit  fulminant  ob¬ 
tenu  par  l’action  de  l’iode  sur  l’ammoniaque  dissoute  et  froide ,  et  connu 
généralement  sous  le  nom  d Hodure  d’azote. 

J’ai  préparé  une  telle  quantité  de  diiodamine,  que  j’ai  été  obligé  de  sacri¬ 
fier  au  delà  de  dix  kilogrammes  d’iode  à  celte  opération.  J’ai  employé  à  cet 
effet  de  l’iode  provenant  de  trois  sources  différentes  :  1°  l’iode  du  commerce; 
2°  l’iode  obtenu  en  distillant  une  solution  d’iode  dans  l’iodure  de  potassium 
dissous;  3°  l’iode  précipité,  par  l’eau,  d’une  solution  de  ce  corps  dans  l’iodure 
de  potassium.  Le  résultat  final  a  été  le  même. 

Pour  préparer  et  décomposer  ensuite  la  diiodamine,  j’ai  pris  les  disposi¬ 
tions  suivantes  : 

Je  fais  réduire  en  poudre  la  quantité  d’iode  sur  laquelle  je  veux  opérer, 
et  qui,  presque  toujours,  a  été  de  cinq  cents  grammes  à  la  fois.  J’ajoute 
Tome  XXXV.  .  18 


1 38 


NOUVELLES  RECHERCHES 


de  l’ammoniaque  pure,  la  plus  concentrée  possible,  en  agitant  continuelle¬ 
ment  l’iode,  jusqu’à  ce  que  le  liquide,  d’abord  d’un  brun  très-foncé,  soit 
devenu  à  peu  près  incolore.  Je  verse  ensuite  dans  un  grand  entonnoir  effilé 
une  partie  de  la  solution  d’iodure  d’ammonium  formé,  tenant  la  diiodamine 
en  suspension,  et  je  filtre  le  restant  du  liquide  décanté  au  travers  de  ce 
tampon  de  diiodamine.  Je  lave  par  décantation  la  diiodamine  restée  dans 
le  vase,  en  employant  à  cet  effet  une  solution  concentrée  et  froide  d’am¬ 
moniaque.  Les  liquides  de  lavage,  quelque  abondants  qu’ils  soient,  sont 
incolores  tant  qu’on  se  sert  d’ammoniaque  concentrée,  parce  que  la  diioda¬ 
mine  ne  s’altère  point  à  la  température  ordinaire  en  présence  de  cette  so¬ 
lution. 

Lorsque  la  matière  eut  été  suffisamment  lavée,  par  décantation,  de  fiodure 
d’ammonium  qu’elle  contient,  je  l’ai  versée  dans  l’entonnoir,  et  j’ai  laissé 
écouler  le  plus  possible  l’ammoniaque.  J’arrose  ensuite  la  matière  d’eau 
froide;  de  sensiblement  noire  qu’elle  est,  elle  devient  brunâtre,  et  l’eau  de 
lavage  se  colore  d’abord  en  jaune  et  finalement  en  brun  orangé.  Ce  liquide, 
dans  ce  cas,  renferme  de  fiodure  ioduré  d’ammonium.  Dans  cet  état,  la 
diiodamine,  abandonnée  à  la  dessiccation  spontanée,  détonne  ensuite  par  le 
simple  contact;  mais,  délayée  dans  une  grande  quantité  d’eau  avant  sa  des¬ 
siccation,  elle  se  décompose  spontanément  à  la  longue,  ou  bien  elle  peut  être 
détruite  rapidement  par  une  température  convenable ,  sans  que  sa  décom¬ 
position  présente  le  moindre  danger.  Cette  dernière  affirmation  étonnera 
peut-être  les  chimistes;  mais,  d’après  mon  expérience,  on  a  singulièrement 
exagéré  les  propriétés  fulminantes  de  la  diiodamine  humide.  Ainsi ,  quoique 
j’en  aie  manié  plusieurs  kilogrammes ,  je  n’ai  jamais  eu  le  moindre  accident 
avec  cette  substance  humide,  en  la  broyant  à  la  température  ordinaire  dans 
un  mortier  avec  un  pilon  de  verre. 

A  la  température  ordinaire,  il  faut  un  mois  à  six  semaines  pour  obtenir 
la  décomposition  spontanée  et  à  peu  près  complète  de  deux  cent  cinquante 
grammes  de  diiodamine  sous  l’eau,  en  faisant  même  intervenir  l’influence  de 
la  lumière,  qui  l’accélère  sensiblement.  J’ai  effectué  rapidement  celte  décom¬ 
position  de  la  manière  suivante  : 

Je  délaie  la  diiodamine  dans  dix  fois  environ  son  poids  d’eau  contenue  dans 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


159 


un  ballon  suffisamment  spacieux.  Je  fixe  celui-ci  dans  un  grand  bain  d’eau, 
placé  à  Pair  libre,  sur  un  fourneau;  j’élève  lentement  la  température  de  l’eau 
au  degré  auquel  commence  la  décomposition  rapide  de  la  diiodamine.  J’ai 
constaté  que  ce  point  est  compris  entre  50  et  60°  du  thermomètre  centigrade. 
A  70°,  la  décomposition  est  tumultueuse;  à  80°,  elle  est  tellement  rapide  que 
la  matière  risque  de  sortir  du  vase  si  la  capacité  de  celui-ci  n’est  pas  au  moins 
triple  de  celle  du  mélange.  La  diiodamine  humide  et  intacte  détonne  violem¬ 
ment  lorsqu’on  la  projette  dans  de  l’eau  bouillante. 

Dans  toutes  les  opérations  que  j’ai  exécutées,  j’ai  fait  tous  mes  efforts  pour 
maintenir  la  température  entre  60  et  65°;  aussi,  en  me  plaçant  dans  ces 
conditions,  je  n’ai  eu  aucune  explosion  :  il  se  produit  une  tuméfaction  de  la 
masse  par  suite  du  dégagement  de  gaz  qui  a  lieu.  Je  dis  qu’en  observant  ces 
conditions  je  n’ai  pas  eu  un  seul  accident;  j’en  avais  eu,  au  contraire,  un 
grand  nombre,  avant  d’être  parvenu  à  régulariser  ce  mouvement  de  décom¬ 
position. 

Lorsque,  vers  la  température  de  60  à  65°,  la  tuméfaction  est  entièrement 
passée,  j’élève  la  température  du  bain  jusqu’à  100°,  pour  détruire  une  petite 
quantité  de  diiodamine  qui  échappe  constamment  à  la  décomposition,  et  qui 
m’a  occasionné  des  accidents  avant  que  j’eusse  connaissance  de  la  possibi¬ 
lité  de  ce  fait. 

Les  produits  de  la  décomposition  de  la  diiodamine  sont  complexes  :  il  se 
forme,  outre  le  gaz  dégagé,  de  l’iode  cristallisé,  une  solution  d’iode  dans 
l’iodure  d’ammonium,  et  un  autre  sel  d’ammonium,  blanc,  explosif,  excessi¬ 
vement  peu  soluble  dans  l’eau  froide,  assez  soluble  dans  l’eau  bouillante.  Je 
crois  que  ce  sel  blanc  est  de  ïiodale  d’ammonium. 

Pour  séparer  l’iode,  j’ai  versé  dans  un  entonnoir  effilé  la  bouillie  prove¬ 
nant  de  la  décomposition  de  la  diiodamine.  J’ai  lavé  ensuite  à  l’eau  pure  l’iode 
mêlé  au  sel  blanc.  Après  le  lavage,  j’ai  délayé  le  tout  dans  une  nouvelle 
quantité  d’eau,  et  j’ai  procédé  à  la  volatilisation  de  l’iode  à  l’aide  de  la  vapeur 
d’eau.  Le  sel  blanc  reste  dans  la  cornue  avec  une  partie  de  l’eau.  Ce  sel 
se  décompose  à  une  température  peu  supérieure  à  100°,  en  produisant  une 
légère  explosion  et  en  donnant  d’abondantes  vapeurs  d’iode  et  des  gaz  per¬ 
manents. 


NOUVELLES  RECHERCHES 


140 

L’iode  volatilisé  à  la  vapeur  est  lavé  à  l’eau,  et,  après  avoir  été  égoutté 
autant  que  possible,  il  est  séché  sous  une  cloche  avec  de  l’azotate  dé  chaux 
convenablement  renouvelé. 

Après  sa  dessiccation,  je  l’ai  distillé  deux  fois  avec  du  protoxyde  de  baryum 
pur  finement  pulvérisé,  et  je  l’ai  enfin  distillé  une  troisième  fois,  seul,  et 
directement  dans  le  vase  où  il  devait  être  pesé  et  employé. 

En  soumettant  à  une  douce  ébullition  le  liquide  d’où  fiode  s’est  déposé 
lors  de  la  décomposition  de  la  diiodamine,  il  se  dégage  encore  une  petite 
quantité  d’iode  pur.  Il  reste  enfin  une  solution  d’iodure  d’ammonium  qu’on 
peut  obtenir  tout  à  fait  incolore,  en  le  chauffant  convenablement  dans  un  cou¬ 
rant  d’anhydride  carbonique  sec. 

La  quantité  d’iode  obtenue  par  la  décomposition  de  la  diiodamine  a  été 
toujours  de  beaucoup  inférieure  à  celle  qui  correspond  à  sa  composition,  en 
supposant  que  la  chaleur  décompose  la  diiodamine  en  iodure  d’ammonium, 
iode  et  azote. 

L’iode,  produit  ainsi,  diffère  notablement,  par  son  aspect,  de  celui  du 
commerce.  Après  avoir  été  fondu  dans  un  tube  de  verre,  il  est  absolument 
noir  à  l’état  liquide  et  solide;  à  la  température  ordinaire,  il  n’émet  aucune 
vapeur  visible  dans  l’air.  Sa  vapeur  saturée  est  d’un  bleu  intense,  depuis  le 
point  de  l’ébullition  de  l’iode  jusqu’à  la  température  la  plus  élevée  à  laquelle 
j’ai  pu  l’observer  dans  des  tubes  de  verre  réfractaires  étroits;  tandis  que  sa 
vapeur  non  saturée  est  violette  ou  violacée,  ou  d’un  rouge  très- légèrement 
violacé. 

On  admet  généralement  que  le  point  de  fusion  de  l’iode  est  107°,  et  que 
son  point  d’ébullition  est  compris  entre  175  et  180°.  L’iode  de  la  diiodamine 
est  encore  solide  à  113°;  mais  il  est  liquide  à  115°,  et  ne  bout  pas  encore 
à  200°.  Du  reste,  la  crainte  d’altérer  une  matière  dont  la  production  m’avait 
coûté  tant  de  peine  m’a  empêché  de  faire  des  déterminations  exactes  des 
points  de  fusion  et  d’ébullition  de  l’iode. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


141 


Des  moyens  employés  pour  effectuer  la  combinaison  d’un  poids  déterminé 
d’iode  avec  un  poids  déterminé  d’argent. 

J’ai  procédé,  à  l’aide  de  deux  méthodes  différentes,  à  la  combinaison  d’un 
poids  déterminé  d’iode  avec  un  poids  déterminé  d’argent.  Je  vais  exposer 
successivement  chacune  de  ces  méthodes. 


PREMIÈRE  I»IÉTfflO»E. 

La  première  consiste  à  faire  réagir  directement,  au  sein  d’une  atmosphère 
d’anhydride  carbonique,  l’iode  pesé  sur  l’argent  transformé  en  sulfate,  ce  sel 
étant  en  partie  dissous,  en  partie  suspendu  dans  de  l’eau  acidulée  de  dix  pour 
cent  de  son  poids  d’acide  sulfurique,  et  mélangée  ensuite  d’une  quantité  conve¬ 
nable  d’acide  sulfureux  titré. 

L’iode  se  dissout  lentement  et  passe  directement  à  l’état  d’iodure  d’argent. 

J’ai  fait  deux  synthèses  par  celte  méthode  :  les  nos  I  et  II  du  tableau  en 
présentent  les  résultats.  J’ai  exécuté  ces  expériences  de  la  manière  suivante  : 

Ayant  soufflé  au  bout  d’un  tube  une  houle  assez  spacieuse,  à  parois  très- 
minces,  et  après  en  avoir  convenablement  séché  l’atmosphère,  j  y  ai  distillé 
directement  de  l’iode.  Par  un  léger  choc,  j’ai  cassé  la  boule,  j’ai  détaché  le 
culot  d’iode,  et,  à  l’aide  de  quelques  coups  donnés  avec  un  pilon  d’agate,  je 
l’ai  divisé  en  plusieurs  fragments.  Ces  fragments  encore  chauds  ont  été  intro¬ 
duits  dans  un  tube  de  verre  bouché  par  un  bout,  et  muni  à  l’autre  bout  d’un 
bouchon  usé  soigneusement  à  l’émeri;  le  poids  de  ce  tube  plein  d’air  sec 
était  déterminé  d’avance.  Le  tube  plein  d’iode  étant  refroidi  sous  une  cloche 
contenant  de  l’air  desséché  par  la  présence  de  l’acide  sulfurique,  je  l’ai 
débouché  un  seul  instant  pour  équilibrer  la  pression  interne  avec  la  pression 
externe,  et  je  l’ai  pesé  de  nouveau. 

D’après  le  poids  de  l’iode  constaté,  que  j’ai  réduit  au  vide,  j’ai  calculé  le 
poids  de  l’argent  qui  lui  correspond  en  prenant,  d’après  1  hypothèse  de 
Prout,  127  pour  le  poids  atomique  de  l’iode  et  108  pour  le  poids  atomique 
de  l’argent.  D’après  les  synthèses  de  M.  Marignac  et  les  deux  synthèses  par 
différence  que  j’ai  données  plus  haut,  et  d’après  le  résultat  obtenu  par  M.  Dumas 
sur  la  transformation  d’un  poids  donné  d’iodure  d’argent  en  chlorure  de  ce 


442 


NOUVELLES  RECHERCHES 


métal,  la  composition  de  l’iodure  d’argent  doit  pouvoir  se  représenter  par 
ces  nombres  ou  du  moins  par  des  nombres  qui  s’en  rapprochent  de  très-près. 

Pour  opérer  la  transformation  de  l’argent  en  sulfate,  je  l’ai  dissous  d’abord 
dans  l’acide  azotique  dilué,  j’ai  évaporé  jusqu’à  siccité  la  solution  d’azotate 
acide,  j’ai  converti  l’azotate  sec  en  sulfate  acide,  et  celui-ci  a  été  chauffé 
avec  du  sulfate  acide  d’ammonium,  afin  d’éliminer  tous  les  composés  azotés 
qui!  pourrait  retenir.  Ces  différentes  opérations  ont  été  effectuées  dans  l'ap¬ 
pareil  que  j’ai  figuré  et  décrit  p.  124  et  suivantes,  en  prenant  absolument  les 
mêmes  précautions  pour  ne  pas  perdre  la  moindre  trace  de  l’argent  pesé. 
L’inspection  des  résultats  obtenus  prouvera  d’ailleurs  les  soins  infinis  que  j’ai 
pris  pour  réaliser  scrupuleusement  toutes  les  conditions. 

J’ajoute  ensuite  de  l’eau  bouillante  au  mélange  de  sulfate  d’argent,  d’acide 
sulfurique  et  de  sulfate  d’ammonium  non  décomposé,  et  je  chauffe  pour 
amener  le  sel  à  l’état  de  solution.  Je  verse  la  solution  dans  un  grand  flacon 
bouché  à  l’émeri,  rempli  d’anhydride  carbonique  dégagé  du  carbonate  mono- 
sodique  par  la  chaleur  seule,  je  lave  soigneusement  le  ballon  à  l’eau  chaude , 
et  je  réunis  les  eaux  de  lavage  au  liquide  du  flacon.  La  solution  argenti¬ 
fère  étant  complètement  refroidie ,  ou  plutôt  ramenée  vers  10°,  j’y  ajoute  de 
l’acide  sulfurique  concentré  et  pur ,  jusqu’à  ce  que  le  liquide  soit  assez  aci¬ 
dulé  pour  ne  plus  précipiter  par  une  solution  saturée  d’anhydride  sulfureux. 
Arrivé  à  ce  moment,  j’y  verse  une  quantité  de  solution  titrée  d’acide  sulfu¬ 
reux  capable  de  réduire  à  l’état  d’acide  iodhydrique  tout  l’iode  que  j’ai  pesé 
pour  l’expérience.  Ce  résultat  étant  atteint,  j’introduis  avec  les  précautions 
nécessaires  1  iode  dans  le  flacon.  Je  lave  à  l’eau  faiblement  acidulée  par  de 
l’acide  sulfureux  le  tube  dans  lequel  l’iode  a  été  renfermé;  cette  eau  étant 
ajoutée  au  liquide,  je  fais  passer  pendant  quelque  temps  un  courant  d’anhy¬ 
dride  carbonique  pour  éliminer  complètement  l’air  du  flacon,  je  bouche 
celui-ci  hermétiquement  en  ayant  soin  de  fixer  solidement  le  bouchon ,  je 
l’entoure  d’une  double  toile  noire,  et  je  le  conserve  pendant  cinq  à  six  jours 
dans  la  chambre  obscure,  en  ayant  la  précaution  d’agiter  légèrement  de 
temps  à  autre  le  mélange.  L’iode  passe  lentement  à  l’état  d’acide  iodhydrique, 
et  celui-ci  transforme  le  sulfate  d’argent  en  iodure.  Tout  l’iode  disparait  si  la 
quantité  d’acide  sulfureux  employée  a  été  suffisante. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


143 


La  transformation  accomplie,  le  liquide  est  resté  trouble  malgré  l’agitation 
qu’il  a  subie  pendant  une  heure  entière. 

Avant  d’introduire  le  flacon  dans  le  bain  pour  produire  l’éclaircissement 
du  liquide,  je  l’ai  débouché  afin  de  m’assurer  si  son  atmosphère  était  très- 
légèrement  sulfureuse.  Dans  le  cas  contraire,  j’ajoutais  de  nouveau  de  la 
solution  d’acide  sulfureux ,  jusqu’à  ce  que  le  liquide  répandît  une  odeur  à 
peine  sensible  d’anhydride  sulfureux. 


®EBJXSÈ»SE  MÉIUODE. 

La  deuxième  méthode  consiste  à  opérer  la  conversion  d’un  poids  donné 
d’iode  en  iodure  d'ammonium,  à  l’aide  d’une  solution  titrée  de  sulfite  d’am¬ 
monium  mélangé  d’une  quantité  d’ammoniaque  dissoute,  égale  à  celle  qui  a 
été  employée  pour  produire  le  sulfate  neutre  d’ammonium  lui-même.  L’iode 
se  dissout  dans  ce  liquide  avec  développement  de  chaleur,  en  transformant  le 
sulfite  neutre  en  sulfate  neutre  d’ammonium,  et  en  passant  lui-même  à  l’état 
d’iodure  d’ammonium.  Le  liquide  reste  absolument  incolore  et  se  conserve 
ainsi  indéfiniment,  tant  qu’il  reste  la  moindre  trace  de  sulfite  d’ammonium 
en  excès  l. 


21  (H*A zf  SO5  +  H20  +  2  (II3Az)  =  (HÇ\z)2  SO4  -+-  2  (H4AzI). 

Pour  me  procurer  la  solution,  je  commence  par  saturer  vers  0°  de  l’ammo¬ 
niaque  dissoute,  pure,  par  de  l’anhydride  sulfureux  pur.  Je  mêle  à  la  solution 
de  sulfite  acide  d’ammonium  produit  un  volume  de  solution  d’ammoniaque 
triple  de  celui  que  j’ai  transformé  en  sel  acide.  Afin  de  connaître  la  quantité 
de  cette  liqueur  nécessaire  à  la  transformation  de  l’iode  pesé  pour  une  expé¬ 
rience,  je  détermine  exactement  son  titre  à  l’aide  de  l’iode  lui-même.  En  l’ab¬ 
sence  de  l’oxygène,  le  sulfite  ammoniacal  d’ammonium  est  stable;  il  n’en  est 

1  Quoique  les  sulfites  neutre  et  acide  d’ammonium  dissolvent  également  bien  l’iode  en  le 
transformant  en  acide  iodhydrique,  on  ne  peut  cependant  pas  se  servir  de  ces  deux  sels  en  rem¬ 
placement  du  sulfite  ammoniacal  d’ammonium.  En  effet,  l’acide  iodhydrique  réduit  avec  une 
énergie  très-grande  les  sulfites  d’ammonium.  Il  faut  donc  qu'il  y  ait  toujours  de  l’ammoniaque 
à  côté  du  sulfite,  pour  que  de  l’acide  iodhydrique  ne  puisse  point  devenir  libre  et  déterminer 
une  précipitation  de  soufre  ou  la  formation  du  sulfure  d’argent. 


144 


NOUVELLES  RECHERCHES 


pas  de  même  du  sulfite  acide  :  le  titre  de  celui-ci  m’a  paru  s'altérer  très-sen¬ 
siblement  sous  l’influence  de  la  lumière. 

J’ai  fait  quatre  synthèses  à  l’aide  de  cette  dernière  méthode  :  pour  l'une 
d’elles,  l’iode  a  été  distillé  dans  un  tube  dans  lequel  j’ai  fait  ensuite  le  vide; 
pour  les  trois  autres,  l’iode  a  été  distillé  dans  un  appareil  dont  je  donne  le 
dessin  ci-après. 

Pour  peser  l’iode  dans  le  vide,  j’ai  pris  les  dispositions  suivantes  : 


Fiy.  15. 


Dans  un  tube  A  (fîg.  1),  j’ai  distillé  de  l’iode  à  l’aide  de  la  cornue  C. 
Lorsque  la  quantité  d’iode  jugée  nécessaire  était  condensée  dans  le  tube  À,  j'ai 
eolevé  la  cornue  B,  et  j’ai  porté  le  tube  devant  la  lampe  à  gaz,  où  je  l’ai  effilé 
et  courbé  de  manière  à  lui  donner  la  forme  indiquée  à  la  fig.  2.  J’ai  fait 
passer  ensuite  de  l’air  sec  au  travers  du  tube,  et  je  l’ai  fermé  en  a ,  en  fon- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


145 


dant  le  verre.  A  l’aide  d'un  tube  de  caoutchouc,  la  branche  ascendante  a  été 
mise  en  communication  avec  une  pompe  pneumatique,  et  j’ai  fait  le  vide 
aussi  exactement  que  possible.  Je  l’ai  fermé  en  b  en  fondant  le  verre.  Après 
avoir  fait  un  trait  avec  un  diamant  près  des  deux  bouts  effilés  du  tube,  j’ai 
pesé  l’appareil  avec  l’iode  qui  y  était  contenu. 

J’ai  brisé  les  extrémités  des  tubes  pour  laisser  pénétrer  l’air  sec,  et  j’ai  pesé 
une  deuxième  fois  le  système.  Le  tube  descendant  a  été  plongé  dans  un 
appareil  à  boule  D  (fig.  3),  renfermant  de  l’eau,  de  l’ammoniaque  et  du 
sulfite  d’ammonium,  et  j’ai  adapté,  à  l’aide  d’un  tube  en  caoutchouc,  un 
entonnoir  E  sur  le  tube  ascendant,  comme  le  montre  la  fig.  3,  p.  144. 

J’ai  versé  lentement  par  l’entonnoir  la  solution  ammoniacale  de  sulfite  d’am¬ 
monium  titrée,  qui,  en  pénétrant  dans  le  tube,  a  déterminé  instantanément  la 
dissolution  de  l’iode,  quoique  celui-ci  fût  sous  forme  d’un  culot  fondu.  J’avais 
fondu  l’iode  pour  Je  priver  de  l’air  qu’il  aurait  pu  condenser.  Le  liquide,  qui 
était  resté  incolore  tant  qu’il  a  renfermé  du  sulfite  d’ammonium  intact ,  s’est 
rapidement  coloré  par  suite  de  la  solution  d’iode  dans  l’iodure  d’ammonium 
formé.  J’ai  déplacé  cette  solution  en  versant  de  nouveau ,  par  l’entonnoir,  de  la 
solution  ammoniacale  de  sulfite  d’ammonium.  L’iodure  d’ammonium  ioduré, 
en  pénétrant  dans  la  solution  ammoniacale  de  sulfite  d’ammonium  contenue 
dans  l’appareil  à  boule,  s’est  transformé  en  iodure  d’ammonium.  De  cette  ma¬ 
nière,  j’ai  évité  de  perdre  une  trace  d’iode.  Lorsque  tout  l’iode  contenu  dans 
le  corps  du  tube  a  été  dissous,  j'y  ai  fait  passer  de  l’eau  distillée  en  quantité 
suffisante  pour  effectuer  un  lavage  parfait.  Toutes  les  eaux  de  lavage  du  tube 
ont  été  réunies  dans  l’appareil  à  boule  D. 

Le  tube  étant  bien  lavé,  je  l’ai  pesé  plein  d’eau  et  plein  d’air  sec ,  en 
tenant  compte  des  bouts  détachés,  de  la  température  et  de  la  pression;  du 
poids  de  l’appareil  vide  d’air,  mais  contenant  de  l’iode,  plein  d’air  sec  et  avec 
l’iode,  plein  d’air  sec  sans  iodie,  enfin  plein  d’eau,  j’ai  déduit  le  poids  de 
l’iode  pesé  dans  le  vide  et  pesé  dans  l’air,  et  j'ai  constaté,  qu’a  près  les  cor¬ 
rections  ,  ces  poids  sont  identiques  à  0sr,0004  près. 


gram. 

La  pesée  de  l’iode,  faite  dans  le  vide,  a  été . 44,7399 

Tandis  que  la  pesée  de  l’iode  dans  l’air,  corrigée  de  la  différence  du 
poids  de  l’air  déplacé  par  l’iode  et  par  les  poids  de  platine,  a  été  de  44,7003 
Tome  XXXV.  19 


146 


NOUVELLES  RECHERCHES 

L’identité  des  résultats  m’a  déterminé  à  peser  directement  dans  l’air  l’iode 
fondu  que  j’ai  employé  pour  les  trois  autres  synthèses.  À  cet  effet,  j'ai  dis¬ 
tillé  directement  dans  l’appareil  à  boule  D,  pesé  d’avance,  la  quantité  d’iode 
que  je  voulais  utiliser  dans  mes  expériences.  Après  avoir  fait  passer  pendant 
quelque  temps  de  l’air  sec  dans  l’appareil,  je  l’ai  fermé  avec  des  bouchons 
de  verre  rodés,  comme  le  montre  la  fig.  4,  et  je  l’ai  pesé  une  deuxième 
fois. 

Pour  convertir  l’iode  en  iodure  d’ammonium,  après  avoir  enlevé  les  bouts 
des  tubes  qui  servent  de  bouchons,  j’ai  mis  le  tube  supérieur  en  communi¬ 
cation  avec  un  appareil  de  Liebig  contenant  une  solution  ammoniacale  de  sul¬ 
fite  d’ammonium,  et,  à  l’ouverture  du  tube  ascendant,  j’ai  adapté  un  petit 
entonnoir  à  l’aide  d’un  tube  en  caoutchouc.  J’ai  versé  par  l’entonnoir  une 
quantité  suffisante  de  solution  ammoniacale  de  sulfite  d’ammonium  titrée.  La 
dissolution  de  l’iode  étant  ainsi  opérée,  j’ai  versé  le  liquide  dans  un  grand 
flacon  bouché  à  l’émeri,  contenant  déjà  un  poids  d’argent  pesé  dans  le  rapport 
de  127  à  108,  et  dissous  à  l’état  de  sulfate  très-acide  d’argent;  après  avoir 
bouché  hermétiquement  le  flacon,  et  l’avoir  enveloppé  d’une  double  toile  noire, 
j’ai  fait  secouer  son  contenu  pendant  une  heure  dans  une  chambre  obscure. 
Cette  agitation  prolongée  est  indispensable  pour  transformer  en  iodure  le  sul¬ 
fate  d’argent  entraîné  par  l’iodure  de  ce  métal.  Malgré  cette  longue  agitation , 
le  liquide  ne  s’éclaircit  point  :  j’ai  été  obligé  de  placer  le  flacon  dans  un  bain 
d’eau,  dont  j’ai  élevé  lentement  la  température  jusqu’à  ce  qu’il  fût  devenu 
absolument  limpide. 

Quelle  que  soit  la  méthode  employée  pour  rendre  l’iode  soluble,  la  combi¬ 
naison  de  ce  corps  avec  l’argent  étant  effectuée ,  le  restant  de  l’opération  de 
la  synthèse  se  réduit  à  une  simple  question  de  détermination  du  titre  d’un 
liquide,  qui  peut  renfermer,  soit  de  l’iode,  soit  de  l’argent,  et  dans  des  condi¬ 
tions  où  la  recherche  peut  se  faire  avec  une  rapidité  exceptionnelle,  à  cause 
de  l’élévation  de  la  température. 

Si  le  rapport  proportionnel  de  l’iode  à  l'argent  est  comme  127  à  108, 
il  est  bien  évident  que  tout  l’iode  et  tout  l’argent  doivent  avoir  disparu,  et 
que  le  titre  du  liquide  doit  être  0;  le  poids  de  l’iodure  formé  doit  être  égal  à 
la  somme  des  poids  de  l’iode  et  de  l’argent  employés.  Si,  au  contraire,  le 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


147 


rapport  proportionnel  de  l’iode  est  plus  petit  que  127,  comme  les  synthèses 
concordantes  de  M.  Marignac  et  celles  que  je  viens  de  faire  connaître  plus 
haut  semblent  l’indiquer,  il  faut  qu’une  certaine  quantité  d’iode  soit  restée 
dans  le  liquide,  et  que  le  poids  de  l’iodure  d’argent  qui  a  pris  naissance  soit 
moindre  que  la  somme  des  poids  de  l’iode  et  de  l’argent  mis  en  expérience. 

J’ai  donc  soumis  à  un  essai  rigoureux  chacun  des  liquides  limpides  surna¬ 
geant  l’iodure  d’argent.  A  cet  effet,  pendant  que  les  flacons  étaient  encore 
dans  le  bain  qui  a  servi  à  provoquer  l’éclaircissement  du  liquide,  j’ai  fait 
passer  un  faisceau  de  lumière  jaune  à  la  surface  du  liquide,  par  le  moyen 
que  j’ai  exposé  en  détail  pour  l’essai  de  l’argent.  J’ai  procédé  ainsi  au  dosage 
de  l’iode  par  l’addition  d’une  quantité  proportionnelle  d’argent.  On  verra,  en 
examinant  les  données  inscrites  au  tableau  qui  termine  cette  notice,  que  j’ai 
trouvé,  dans  chaque  liquide,  de  l’iode  à  l’état  d’acide  iodhydrique,  et  dont  le 
poids,  par  rapport  à  100,000  d’argent,  n’a  pas  été  moindre  que  cinquante 
ni  supérieur  à  soixante-trois. 

Pour  rendre  les  synthèses  complètes,  j’ai  lavé  par  décantation  et  à  chaud 
l’iodure  d’argent  produit  dans  chaque  expérience,  sauf  une,  et  je  l’ai  introduit 
ensuite  dans  un  appareil  à  boule,  identique  à  celui  que  j’ai  figuré  page  18. 
Après  l’avoir  soigneusement  séché,  je  l’ai  pesé.  J’ai  mis  à  chacune  de  ces  opé¬ 
rations  si  délicates  les  soins  minutieux  qu’elles  réclament  pour  arriver  à  un 
résultat  exact.  Je  ne  rappellerai  pas  ici  ces  précautions;  je  suis  entré  dans 
des  détails  suffisants  sur  ce  sujet,  en  parlant  de  la  deuxième  synthèse  par 
différence  de  l’iodure  d’argent. 

Quoique  j’aie  retrouvé  dans  l’iodure  d’argent  produit  la  somme  des  poids 
de  l’iode  et  de  l’argent  employés,  j’ai  voulu  néanmoins  isoler  l’iodure  d’argent 
qui  prend  naissance  par  l’union  directe  de  ces  deux  corps,  pris  dans  le  rap¬ 
port  de  127  à  108 ,  et  j’ai  voulu  déterminer  directement  le  poids  de  l’iodure 
de  ce  métal,  que  1  on  peut  obtenir  à  l’aide  de  l’acide  iodhydrique  qui ,  dans  ce 
cas,  reste  dans  le  liquide  limpide.  J’ai  fait  pour  cela  une  dernière  synthèse; 
je  donnerai  tous  les  détails  de  cette  expérience;  ils  permettront  de  juger  de 
la  confiance  que  méritent  les  autres  résultats. 

J’ai  distillé  de  l’iode  de  la  diiodamine ,  dans  l’appareil  à  houle  pesé  où 
il  devait  être  transformé  en  iodure  d’ammonium. 


148 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Le  poids  de  cet  iode  dans  l’air  élait  96er,7775,  représentant  96  r, 7 964 
d  iode  dans  le  vide.  J  ai  pesé  ensuite  82?r,318  d’argent  dans  l’air,  représen¬ 
tant  82 ',3235  d’argent  dans  le  vide,  nombres  qui  sont  entre  eux  comme 
127  :  108. 

L’argent  ayant  été  transformé  en  sulfate,  par  le  moyen  que  j’ai  fait  con¬ 
naître,  j’ai  versé  la  solution  de  ce  sulfate,  avec  les  eaux  de  lavage  du  ballon,  dans 
un  flacon  dont  j’avais  déterminé  la  capacité  en  le  pesant  plein  d’air  et  plein 
d’eau.  Sa  capacité  était  de  3156,3  centimètres  cubes,  à  15°.  J’ai  précipité  la 
solution  d’argent  par  l’iodure  d’ammonium  provenant  de  l’iode  pesé.  Les  eaux 
de  lavage  de  l’appareil  à  boule  étant  réunies  dans  le  flacon,  je  l’ai  bouché,  et 
après  l’avoir  enveloppé  d’une  double  toile  noire,  je  l’ai  fait  secouer  pendant 
trois  heures.  Au  bout  de  ce  temps,  je  l’ai  débouché  après  avoir  ajouté  de  l’eau 
pour  le  remplir  presque  complètement,  je  l’ai  placé  dans  un  bain  d’eau  pour 
déterminer  l’éclaircissement  du  liquide  opalin  et  la  contraction  de  l’iodure 
d’argent.  Il  a  été  ensuite  abandonné  au  refroidissement.  Lorsque  la  tempéra¬ 
ture  du  bain  fut  arrivée  à  15°,  j’ai  achevé  de  remplir  complètement  le  flacon 
d’eau  distillée,  et,  après  l’avoir  bouché  de  nouveau,  j’ai  agité  le  tout.  Lorsque, 
par  le  repos,  le  liquide  se  fut  éclairci ,  j’ai  soustrait  2019,7  centimètres  cubes 
du  liquide,  à  l’aide  d’un  siphon  en  communication  avec  un  mesureur  dont  la 
capacité  était  de  504cc,922,  et  je  les  ai  versés  dans  un  vase  à  précipité  soi¬ 
gneusement  pesé. 

L’eau  servant  au  lavage  du  siphon  et  du  mesureur  a  été  ajoutée  au  liquide 
resté  dans  le  flacon.  La  capacité  totale  du  flacon  étant  de  3156,3  centimètres 
cubes,  et  le  volume  de  l’iodure  d’argent  produit  étant  de  31,7  centimètres 
cubes,  il  résulte  de  ces  deux  données  qu’il  est  resté  dans  le  flacon  1098,9 
centimètres  cubes  du  liquide  primitif. 

Ayant  porté  de  nouveau  le  flacon  dans  le  bain  d’eau  pour  élever  sa  tempé¬ 
rature  à  68°,  j’ai  déterminé,  à  l’aide  d’une  solution  normale  de  sulfate  d’argent 
dissous  dans  l’acide  sulfurique,  la  quantité  d’iode  qui  y  était  à  l’état  d’acide 
iodhydrique.  J’ai  trouvé  que  les  1098,9CC  de  liquide  exigent  de  13  à  15,1  cen¬ 
timètres  cubes  de  solution  d’argent,  d’où  il  résulte  qu’ils  renferment  0cr,0154 
d’iode  à  l’état  d’acide  iodhydrique.  Le  volume  total  du  liquide  devait  donc  con¬ 
tenir  0e\0434  d’iode  non  combiné  à  l’argent.  Pour  m’assurer  de  l’exactitude 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


149 


de  l’essai ,  il  m’a  fallu  ajouter  en  plus  (F, 001 25  d’argent  et  üer,0013  d’iode 
pour  précipiter  cet  argent,  quantités  qui  sont  venues  augmenter  respective¬ 
ment  le  poids  de  l’argent  et  de  l’iode  intervenus  dans  l’expérience. 

J’ai  procédé  ensuite  aux  opérations  nécessaires  pour  recueillir  et  peser 
l’iodure  d’argent  qui  a  pris  naissance,  ainsi  qu’à  la  détermination  du  poids  de 
l’iodure  d’argent  que  peuvent  fournir  les  201 9,7  centimètres  cubes  de  liquide 
soustraits. 

Voici  les  données  de  ces  deux  recherches  : 

Les  2019,7  centimètres  cubes  de  liquide  avaient  été  reçus  dans  un  vase  à 
précipité,  couvert  d’une  glace,  dont  le  poids  était,  de  223sr,1034.  J’y  ai  ajouté 
une  solution  de  0sr,100  de  sulfate  d’argent,  et  j’ai  élevé  le  mélange  jusqu’à 
la  température  de  55  à  60°  vers  laquelle  il  s’est  éclairci  complètement.  Après 
deux  jours  de  repos  dans  l’obscurité,  j’ai  décanté  le  liquide  limpide  et  j’ai 
procédé  au  lavage  du  vase  et  de  l’iodure  d’argent. 


Après  la  dissiecation  du  vase  à  110°  et  son  refroidissement,  son  poids,  grani. 

équilibré  par  un  vase  de  même  verre  et  de  même  dimension,  a  été  de  225,1550 
Je  l'ai  lavé  au  cyanure  de  potassium  et  à  l’eau  pour  dissoudre  l’iodure  d’ar¬ 


gent,  et,  après  l’avoir  séché  sans  l’essuyer,  j’ai  trouvé  son  poids.  .  .  225,1058 

Et  le  lendemain .  225,1040 

Il  contenait  donc  :  ioduré  d’argent . 0,0510 

Représentant  :  iode . 0,0275 

D’après  l’essai  fait  par  la  voie  humide,  il  devait  être  resté  :  iode.  .  .  .  0,0290 


Les  poids  de  l’iodure  d’argent  qui  s’est  produit  aux  dépens  de  l’argent  pesé, 
et  de  celui  qui  a  été  ajouté  pendant  la  détermination  du  titre  de  la  fraction 
de  liquide  restée  dans  le  flacon,  ont  été  déterminés  à  l’aide  des  éléments  sui¬ 


vants  : 

Poids  du  ballon  à  deux  pointes  et  du  vase  à  précipité . 

Poids  des  mêmes  appareils  contenant  l'iodurc  séché  d'abord  pendant  qua¬ 
tre  heures  à  100°,  et  pendant  huit  heures  à  190°,  après  trois  heures  de 

refroidissement . • 

Poids  des  mêmes  appareils,  le  lendemain . 

Poids  des  mêmes  appareils  chauffés  de  nouveau  pendant  cinq  heures  È» 

200°,  après  trois  heures  de  refroidissement . 

Poids  des  mêmes  appareils,  le  lendemain . 

D’où  il  résulte  que  le  poids  dans  l’air  de  l’iodure  chargent  est . 

Et  que,  réduit  au  vide,  il  est . 


grain. 

748,9200 


928,0050 

928,0040 


928,0025 

■928,0058 

179,0780 

179,1080 


150 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Si  je  compare  ce  poids  à  Ja  somme  des  poids  de  l’argent  et  de  lïode 
employés,  j’arrive  aux  résultats  suivants  : 


gram 

Poids  réel  de  l’argent  primitivement  employé . 82,5251 

Poids  de  l’argent  employé  pour  la  précipitation  de  l’iode  con¬ 
tenu,  à  l’état  d’acide  iodhydrique,  dans  le  liquide  resté  avec 

liodure  d’argent . 0,0150 

Poids  de  l’argent  employé  pour  m’assurer  de  l’exactitude  de 

l’essai . 0,00125  - 

Poids  total  de  l’argent .  82,55755 

Poids  de  l’iode  pesé .  90,7965 

Poids  de  l'iode  ajouté  pour  la  précipitation  de  l’argent  .  .  .  0,0015 

Poids  total  de  l’iode .  90,7977 

Somme  des  poids  de  l’argent  et  de  l'iode . 179,1550 

D’après  les  données  inscrites  plus  haut,  on  voit  que  le  poids  de  l’iodure 

recueilli  a  été  de . 179,1080 

Il  y  a  donc  une  différence  de .  0,0270 


Cette  différence  représente  le  poids  de  l’iode  contenu  dans  le  liquide  que 
j’ai  soustrait;  or,  j’ai  trouvé  par  l’essai  de  la  voie  humide  que  la  quan¬ 
tité  d’iode  existant  dans  le  volume  de  liquide  soustrait  était  égale  à  .  0,0290 

Et  la  détermination  des  poids  de  l’iodure  d’argent  produit  par  cet  iode  a 

démontré  qu’il  en  renferme  réellement .  0,0275 

La  synthèse  a  donc  été  complète.  J’ai  retrouvé  avec  une  exactitude  ines¬ 
pérée  le  poids  des  éléments  que  j’avais  mis  en  expérience. 

Avant  de  faire  connaître  les  données  numériques  des  six  synthèses  que  j’ai 
exécutées,  il  me  reste  à  m’expliquer  sur  un  point. 

En  examinant  les  données  inscrites  au  tableau  qui  termine  cette  notice,  on 
s’aperçoit  que,  sur  six  synthèses,  j’ai  mis  deux  fois  seulement  en  expérience 
des  quantités  très-considérables  d’iode  et  d’argent  ;  pour  les  quatre  autres,  les 
quantités  ont  été  relativement  beaucoup  moindres.  En  voici  le  motif  :  s'il  n’y  a 
aucune  difficulté  sérieuse  à  faire  une  synthèse  par  somme  en  se  servant  de 
quantités  considérables  de  matières,  il  y  en  a  au  contraire  d’énormes  pour 
rendre  la  synthèse  complète.  Cette  difficulté  réside  dans  ce  fait,  que  l  iodure 
d’argent  produit  au  sein  d’un  liquide  fortement  acidulé  par  l’acide  sulfurique, 
retient  de  cet  acide  avec  une  ténacité  extrême. 

Cependant  l’élimination  complète  de  l’acide,  par  la  voie  de  lavages,  est  d’une 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


•131 


nécessité  absolue;  sans  cela,  lors  de  la  dessiccation  de  l’iodure,  de  l'iode  est 
mis  en  liberté  par  suite  de  la  réaction  de  l’acide  sulfurique  qui  se  concentre, 
et  l’opération  est  perdue,  parce  que  l’expérience  m’a  démontré  qu’il  est  im¬ 
possible  de  ramènera  l’état  d’iodure,  par  de  l’acide  iodhydrique,  le  sulfate 
d’argent  qui  s’est  produit.  J’ai  donc  été  obligé  d’exécuter  le  lavage  à  une  tem¬ 
pérature  élevée  et  dans  une  chambre  obscure,  à  cause  de  la  présence  de  traces 
d’acide  sulfureux  qui,  sous  l’influence  de  la  lumière,  altère  lentement  l’iodure 
d’argent.  De  plus ,  pour  empêcher  le  délayement  de  l’iodure  et  la  production 
d’un  liquide  laiteux,  dont  l’éclaircissement  est  lent  et  pénible,  j’ai  été  forcé 
de  continuer  jour  et  nuit  le  lavage  à  une  température  toujours  légèrement 
croissante ,  jusqu’à  ce  qu’il  eut  été  complètement  achevé.  Or,  quelque  célérité 
qu’on  mette  dans  cette  opération,  dès  que  le  poids  de  l’iodure  dépasse  une 
centaine  de  grammes,  elle  exige  un  travail  presque  continu  de  cirrquante-six 
à  soixante  heures,  dans  une  chambre  obscure,  dont  l’air  s’échauffe  et  devient 
humide  par  les  vapeurs  dégagées  du  bain-marie  qui  s’y  trouve.  On  conçoit 
qu’un  pareil  travail  dépasse  bientôt  les  forces  de  l’homme,  et  qu’il  est  impos¬ 
sible  de  le  répéter  un  grand  nombre  de  fois. 

L’iode  employé  dans  les  synthèses  inscrites  sous  les  nos  I,  III,  IV  et  VI, 
provient  de  la  décomposition  de  la  diiodamine.  Pour  les  nos  I  et  Vf ,  la  diio- 
damine  employée  avait  été  préparée  à  l’aide  de  l’iode  du  commerce  ;  pour  le 
n°  III,  la  diiodamine  provenait  de  l’action  de  l’ammoniaque  sur  l’iode  obtenu  en 
distillant  une  solution  de  ce  corps  dans  l’iodure  de  potassium,  et  enfin  pour 
le  n°  IV,  la  diiodamine  avait  été  préparée  avec  l’iode  précipité,  à  l’aide  de 
l’eau ,  d’une  solution  de  ce  corps  dans  l’iodure  de  potassium.  Les  résultats 
ont  été  du  reste  identiques. 


Toutes  les  pesées  ont  été  faites  à  l’aide  de  poids  de  platine. 


152 


NOUVELLES  RECHERCHES 


7) 

2 


75 


75 

O 


Î5* 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


"T 

00 

Ces  expériences  établissent  que  l’iode  et  l’argent  mis  en  présence  à  l’état 
dissous,  dans  les  rapports  de  127  à  108,  ne  se  combinent  pas  intégralement 
comme  ils  devraient  le  faire  si  les  poids  atomiques  de  ces  deux  corps  étaient 
respectivement  représentés  par  le  rapport  de  1 27  et  1 08.  Il  est  resté ,  en  effet , 
une  portion  de  l’iode  non  combinée  à  l’argent  qui  est  égale  à  la  deux  mille 
centième  partie  de  la  quantité  employée.  Cette  portion,  quelque  minime  qu’elle 
paraisse,  est  néanmoins  aussi  constante  que  la  masse  qui  est  entrée  en  com¬ 
binaison  avec  l’argent.  Il  est  impossible  d’attribuer  l’écart  constaté  à  une 
erreur  constante  dans  l’ observation ,  car  j’ai  retrouvé ,  dans  le  poids  de  l’iodure 
d’argent  produit ,  les  poids  de  l’iode  et  de  l’argent  mis  en  expérience. 

Le  doute  n’est  donc  pas  possible  sur  la  composition  de  l’iodure  d’argent 
que  j’ai  formé  de  toutes  pièces.  Pour  prétendre  que  sa  composition  puisse  être 
représentée  par  le  rapport  de  127  à  108,  il  faudrait  prouver  que  l’iode  que 
j’ai  uni  à  l’argent  renferme  une  quantité  constante  d’un  corps  halogène  in¬ 
connu,  et,  de  plus,  que  l’iodure  d’argent  produit  par  M.  Marignac  et  par 
M.  Dumas  contenait  exactement  la  même  matière  étrangère  et  dans  les  mêmes 
rapports,  ce  qui  revient  à  dire  que  l’iode  que  j’ai  obtenu  et  l’iode  contenu  dans 
l’iodure  d’argent  ne  sont  pas  des  corps  indécomposables.  En  effet,  les  résul¬ 
tats  des  synthèses  complètes  s’accordent,  non-seulement  avec  les  deux  syn¬ 
thèses  par  différence  consignées  plus  haut,  mais  ils  se  confondent  absolu¬ 
ment  avec  les  expériences  faites  par  M.  Marignac  il  y  a  plus  de  vingt  années, 
et  que,  d’après  son  expérience  personnelle,  M.  Dumas  a  considérées  avec 
raison  comme  étant  d’une  perfection  absolue. 

A  cette  époque,  M.  Marignac  a  trouvé  que 

Sram*  gram. 

15,000  d'argent  produisent . 52,625  d’iodure  d’argent. 

14,790  —  —  52,170  —  — 

18,545  —  —  40,559  —  — 

48,555  d  argent  produisent.  ......  105,154  d’iodure  d’argent. 

D’où  il  résulte  que  100,000  grammes  d’argent  produisent  217,5335 
d’iodure  d’argent  réduit  au  vide. 

Or,  mes  synthèses  par  différence  m’ont  donné  en  moyenne.  .  217,5525 


Mes  synthèses  par  somme  donnent .  217,5571 

Tome  XXXV.  ’  20 


m 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Et  mes  synthèses  complètes  donnent .  217,5554 

Tandis  que  le  rapport  de  127  à  108  déduit  de  l'hypothèse  de 

Prout  conduit  à .  217,5950 


Résultat  qu’il  est  absolument  impossible  de  concilier  avec  les  expériences 
si  concordantes ,  quoique  faites  à  des  époques  si  éloignées  et  par  des  mé¬ 
thodes  si  différentes. 

III.  —  Nouvelles  synthèses  du  bromure  d’argent. 

Les  détails  dans  lesquels  je  suis  entré,  au  sujet  des  synthèses  de  l’iodure 
d’argent,  me  permettent  d’être  bref  dans  l’exposé  des  synthèses  du  bromure 
de  ce  métal.  On  conçoit,  en  effet,  que  les  principes  que  j’ai  mis  en  pratique 
pour  les  unes  sont  applicables  aux  autres.  J’ai  exécuté  une  synthèse  du  bro¬ 
mure  par  différence  et  quatre  synthèses  complètes.  Les  résultats  auxquels  je 
suis  arrivé  coïncident  absolument  avec  ceux  trouvés,  il  y  a  vingt  années, 
par  M.  Marignac. 

1°  Synthèse  par  différence  du  bromure  d’argent. 

Pour  faire  celte  synthèse,  j’ai  appliqué  à  la  dissolution  de  l’argent  tous 
les  moyens  que  j’ai  indiqués  pour  la  deuxième  synthèse  par  différence  de 
l’iodure  d’argent,  c’est-à-dire  que  j’ai  dissous  l’argent  dans  l’acide  azotique 
dilué,  en  me  servant  de  l’appareil  décrit  et  en  prenant  toutes  les  précautions 
pour  ne  pas  perdre  une  trace  de  l’argent  pesé. 

Après  avoir  dilué  la  solution  de  l’azotate  d’argent  d’une  quantité  d’eau 
distillée  suffisante,  je  l’ai  précipitée  dans  le  ballon  même,  et  à  froid,  par  de 
l’acide  bromhydrique  distillé  et  titré. 

Cet  acide  bromhydrique,  je  l’ai  préparé  de  la  manière  suivante  :  cinq 
cents  grammes  de  bromure  de  potassium ,  dépouillé  d’iode  par  le  moyen  que 
j’expose  plus  loin ,  ont  été  dissous  dans  quatre  litres  d’eau.  La  solution  a  été 
précipitée  à  froid  par  son  poids  d’azotate  d  argent  pur,  dissous  dans  deux 
litres  d’eau.  Le  bromure  d’argent  produit  a  été  agité  pendant  deux  heures 
avec  le  liquide  qui  contenait  les  deux  cinquièmes  du  bromure  de  potassium 
non  décomposé.  Après  cette  agitation,  j’ai  lavé  le  précipité  jusqu’à  dispari- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


d«j  o 

DD 

lion  complète  du  potassium  clans  les  eaux  de  lavages.  J’ai  versé  ensuite,  seu¬ 
le  bromure  d’argent,  deux  cents  centimètres  cubes  de  solution  saturée  de 
bromure  de  potassium  dépouillé  de  toute  trace  d’iode,  et  j’ai  laissé  le  tout  en 
contact  pendant  vingt-quatre  heures,  en  ayant  soin  d’agiter  le  mélange  de 
temps  à  autre.  J’ai  porté  alors  sa  température  jusqu’à  100°,  et  je  l’ai  main¬ 
tenue  pendant  six  heures.  Il  est  bien  évident  que,  par  suite  de  ce  traitement, 
tout  le  chlorure  d’argent  que  le  bromure  aurait  pu  contenir  devait  être  trans¬ 
formé  en  bromure  d’argent,  car  M.  Fielcl  a  démontré,  et  j’ai  soigneusement 
vérifié  le  fait,  que  le  bromure  de  potassium  décompose  le  chlorure  d’argent  et 
le  ramène  à  l’état  de  bromure.  J’ai  procédé  ensuite  à  un  nouveau  lavage  du  bro¬ 
mure  jusqu’à  la  disparition  complète  du  potassium,  ce  qui  a  été  excessivement 
long  à  s’accomplir,  quoique  j’eusse  eu  soin  d’exécuter  le  lavage  à  l’eau  chaude. 

Après  le  lavage,  j’ai  délayé  le  bromure  d’argent  clans  un  litre  d’eau  dis¬ 
tillée,  et  j’ai  soumis  le  tout  à  un  courant  lent  d’acide  sulfhydrique  bien  lavé, 
et  produit  à  l’aide  de  l’action  de  l’acide  sulfurique  purifié  sur  du  sulfure  de 
fer,  qui  avait  été  fondu  avec  une  petite  quantité  d’oxyde.  Lorsque  l’argent 
eut  été  transformé  en  sulfure,  j’ai  jeté  le  tout  clans  un  grand  entonnoir  effilé , 
et  j’ai  recueilli  le  liquide  limpide  qui  s’est  écoulé.  Après  avoir  agité  celui-ci 
pendant  quelques  moments  avec  du  bromure  d’argent  que  j’avais  réservé, 
pour  éliminer  l’acide  sulfhydrique  dissous,  je  l’ai  soumis  avec  précaution  à 
la  distillation.  Il  s’est  volatilisé  d’abord  un  liquide  peu  acide;  j’ai  obtenu  en¬ 
suite  de  l’acide  brombydrique  concentré  et  incolore.  En  abritant  sa  vapeur 
de  l’action  de  la  chaleur,  l’acide  s’est  distillé  sans  se  colorer  et  sans  laisser 
la  moindre  trace  de  résidu  salin.  J’ai  conservé  une  partie  de  cet  acide  depuis 
quatre  années  sans  qu’il  se  soit  coloré,  quoique  le  flacon  qui  le  renferme 
n’en  soit  plus  rempli  qu’à  moitié.  Aussi  je  suis  persuadé  que  l’acide  bromby¬ 
drique  concentré  des  laboratoires,  qui  se  colore  souvent  par  l’air,  doit  cette 
propriété  à  l’acide  iodhydrique  qui  y  est  contenu. 

Afin  de  ne  pas  employer  de  l’acide  brombydrique  au  delà  de  ce  qui  est 
nécessaire  pour  la  précipitation  de  l’argent  dissous,  j’ai  eu  soin  de  déter¬ 
miner  préalablement  son  titre  à  l’aide  du  carbonate  de  sodium  pur  et  séché. 
Un  excès  notable  d’acide  brombydrique  peut,  en  effet,  déterminer  la  solution 
du  bromure  d’argent. 


156 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Le  bromure  d’argent  produit  à  froid  était  tout  à  fait  blanc.  J’ai  déterminé, 
par  une  agitation  vive,  l’éclaircissement  du  liquide  qui  était  resté  trouble,  et 
je  l’ai  abandonné  au  repos  dans  la  chambre  obscure.  J’ai  procédé  ensuite  au 
lavage  par  décantation  à  l’aide  de  l’eau  froide.  Tant  que  le  bromure  a  contenu 
une  quantité  appréciable  d’acide,  les  eaux  de  lavages  sont  restées  limpides; 
mais  à  mesure  que  le  lavage  s’achevait ,  le  délayement  du  bromure  s  est 
effectué,  et  il  s’est  produit  un  liquide  laiteux.  Pour  terminer  rapidement  le 
lavage,  j’ai  eu  recours  à  l’artifice  suivant,  que  j’ai  du  reste  été  obligé  de 
mettre  en  pratique  pour  toutes  les  synthèses  du  bromure  et  pour  1  analyse 
du  bromate  et  du  chlorate  d’argent,  dont  je  parlerai  plus  loin.  Cet  artifice 
consiste  à  faire  passer  un  courant  de  vapeur  d’eau  au  travers  du  liquide 
devenu  laiteux.  A  cet  effet,  je  place  le  ballon ,  contenant  ce  liquide  laiteux  avec 
le  bromure,  dans  un  bain  d’eau  dont  la  température  est  portée  à  50°,  et  j  en¬ 
gage  dans  le  liquide 1  un  tube  en  verre  dur  de  Bohême,  qui  y  conduit  de  la 
vapeur  d’eau  émanée  de  l’eau  pure  en  ébullition  dans  un  vase  métallique.  Par 
ce  moyen,  le  liquide  le  plus  laiteux  s’éclaircit  au  bout  de  quelques  minutes; 
je  continue  ainsi  le  lavage  jusqu’à  ce  que  l’eau  décantée  ne  présente  plus  la 
moindre  réaction  acide.  On  reconnaît  la  fin  de  I  opération  par  la  nécessité 
dans  laquelle  on  est  alors  de  porter  le  bain  d’eau  vers  90°,  pour  empêcher  le 
délayement  du  bromure  par  l’eau. 

J’ai  dit  plus  haut  que  ce  bromure  produit  était  blanc;  à  mesure  qu  il  s  est 
contracté  sous  l’influence  de  la  chaleur,  il  a  pris  une  teinte  jaune  très-pro¬ 
noncée,  et  lorsque  la  température  a  été  portée  vers  60  à  70°,  il  a  été  d  un 
jaune  beaucoup  plus  foncé  que  le  jaune  du  soufre  ou  celui  du  citron.  J  ai 
reconnu  qu’on  peut,  à  la  température  ordinaire,  ramener  le  bromure  de  la 
modification  blanche  à  la  modification  jaune  foncé,  en  le  mettant  en  contact 

1  On  doit  éviter  de  faire  passer  la  vapeur  au  travers  du  bromure,  pour  ne  pas  en  déterminer 
la  contraction  avant  que  le  lavage  de  ce  composé  ne  soit  achevé.  L  expérience  m  a  démontré  en 
effet  que  le  bromure,  en  se  contractant  dans  un  liquide  contenant  des  matières  étrangères, 
acides  ou  salines,  emprisonne  ccllcs-ei;  dans  ce  cas,  le  lavage,  quelque  prolongé  qu  il  soit,  n  en¬ 
lève  pas  complètement  les  corps  entraînés.  Le  seul  moyen  d’arriver  au  dépouillement  des  ma¬ 
tières  étrangères  au  bromure  accidentellement  contracté  consiste  a  provoquer  le  délayement  de 
ce  corps  dans  de  Veau  froide,  en  produisant  ainsi  des  liquides  laiteux.  On  éclaircit  ensuite 
ceux-ci  par  la  vapeur  d’eau ,  comme  je  l'expose  dans  le  texte. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


Io7 


avec  une  solution  d’un  bromure  alcalin.  L’eau  froide  et  pure,  en  déterminant 
le  délayement  du  bromure  jaune  foncé,  le  fait  revenir  à  l’état  blanc  très-légè¬ 
rement  teinté  de  jaune.  La  plupart  des  chimistes  attribuent  les  propriétés  phy¬ 
siques  du  bromure  d’argent  à  l’iodure  de  ce  métal  et  réciproquement. 

Le  lavage  du  bromure  d’argent,  pour  être  complet,  exige  des  quantités 
d’eau  beaucoup  plus  considérables  encore  que  celui  de  l’iodure.  Dans  l’expé¬ 
rience  que  j’ai  faite  sur  53sr,1958  d’argent,  le  volume  total  des  eaux  de 
lavages  s’est  élevé  à  5686  centimètres  cubes.  Ces  eaux,  après  avoir  été  long¬ 
temps  maintenues  à  100°,  ont  été  abandonnées  au  repos  pendant  plusieurs 
jours;  je  les  ai  évaporées  à  l’air  libre  dans  une  capsule  de  porcelaine;  elles 
ont  laissé  un  résidu  brun  ferrugineux  pesant  0sr,0085,  renfermant  0sr,00(M 
de  bromure  d’argent. 

Tout  le  bromure  d’argent  produit  a  été  recueilli  dans  l’appareil  à  boule, 
décrit  page  131  de  la  notice  précédente,  et  après  avoir  été  séché  aussi  parfai¬ 
tement  que  possible,  à  100°,  il  a  été  porté  successivement  de  150°  à  180°,  et 
maintenu  à  cette  température  jusqu’à  ce  que  son  poids  ait  été  absolument  con¬ 
stant;  j’ai  reconnu  d’ailleurs  que  le  bromure  d'argent,  une  fois  bien  séché  à 
100°,  peut  être  chauffé  jusqu’à  son  point  de  fusion,  sans  éprouver  une  perte 
de  poids;  on  peut  même  le  fondre  sans  altérer  son  poids,  pourvu  qu’on  Réta¬ 
blisse  point  de  courant  de  gaz  ou  de  vapeur  dans  l’appareil. 

Le  bromure  d’argent,  depuis  le  moment  de  sa  formation  jusqu’après  sa 
pesée,  a  été  conservé  dans  l’obscurité  absolue.  J’ai  dit,  au  sujet  de  l’iodure 
d’argent,  que  ce  corps  n’est  pas  altéré  par  la  lumière,  quoique  la  plupart  des 
chimistes  admettent  cette  altération.  Il  n’en  est  pas  de  même  du  bromure  d’ar¬ 
gent.  Ce  corps,  sous  la  modification  blanche,  devient  violacé  par  la  lumière, 
au  bout  de  quelques  secondes;  sous  la  modification  jaune ,  il  résiste  pendant 
plusieurs  minutes,  mais  après  avoir  été  fondu  il  ne  change  point  de  couleur, 
même  à  la  radiation  solaire  la  plus  intense.  Le  bromure  blanc  n’est  pas  altéré 
par  la  lumière ,  lorsqu'il  se  trouve  au  sein  d’un  liquide  renfermant  des  traces 
de  brome  libre;  on  peut  ainsi  le  conserver  indéfiniment  intact. 

Voici  maintenant  les  données  de  la  seule  synthèse  que  j’ai  faite  par  le 
moyen  que  je  viens  d’indiquer. 


158 


NOUVELLES  RECHERCHES 


SYNTHÈSE  PAR  DIFFÉRENCE  DU  BROMURE  D’ARGENT. 


l’Oins 

de 

l'argent  dans  l’air. 

POIDS 

de 

l'argent  dans  le  vide. 

POIDS 

du 

bromure  d’argent 

dans  l’air. 

POIDS 

du 

bromure  d’argent 

dans  le  vide. 

100,000 

d’argent  produisent 

Lromured’argent. 

gram. 

grain. 

grain. 

gram. 

53,1926  • 

53,1958 

92,5920 

« 

92,6042 

174,083 

1  Les  pesées  ont 

1 

été  faites  à  l'aide  d 

e  poids  de  platine. 

2°  Synthèses  par  somme  et  synthèses  complètes  du  bromure  d’argent. 

Pour  exécuter  ces  synthèses,  j’ai  transformé  à  l’état  de  sulfate  un  poids 
déterminé  d’argent;  j’ai  employé  à  cet  effet  le  moyen  que  j’ai  exposé  à  l’occa¬ 
sion  de  la  deuxième  synthèse  par  différence  de  l’iodure  d’argent.  J’ai  dissous 
à  chaud  le  sulfate,  dans  une  quantité  suffisante  d’eau  bouillie  renfermant  dix 
pour  cent  d’acide  sulfurique  pur,  et  j’ai  introduit  la  solution  avec  les  eaux  de 
lavage  du  ballon  dans  un  flacon  de  quatre  à  six  litres  de  capacité.  A  cette 
solution  refroidie  j’ai  ajouté  de  l’acide  bromhydrique,  obtenu  par  la  réaction 
d’un  poids  donné  de  brome  sur  l’acide  sulfureux.  Avant  de  dire  comment  j’ai 
procédé  à  la  transformation  du  brome  à  l’état  d’acide  bromhydrique,  sans 
perte  de  brome,  je  dois  exposer  les  méthodes  que  j’ai  employées  pour  me 
procurer  ce  corps,  et  le  moyen  auquel  j’ai  eu  recours  pour  m’assurer  qu’il  ne 
renfermait  point  de  quantité  sensible  de  chlore  ou  d’iode. 


Du  brome  employé  dans  les  synthèses. 


J’ai  préparé  le  brome  :  1°  par  l’action  de  l’acide  sulfurique  dilué  et  pur  sur 
un  mélange  en  poids  moléculaires  convenables  de  bromure  et  de  bromate  de 
potassium;  2°  par  l’action  de  l’acide  sulfurique  dilué  et  pur  sur  un  mélange 
en  poids  moléculaires  convenables  de  bromure  et  de  bromate  de  baryum. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


io9 


a.  Brome  du  bromure  et  du  bronmte  de  potassium.  —  Le  bromure  de 
potassium  provenait  de  la  décomposition  du  bromate  de  ce  métal  préparé  en 
grand,  sous  ma  direction,  dans  une  fabrique  de  produits  chimiques.  Après 
plusieurs  tentatives  infructueuses  pour  me  procurer,  le  plus  commodément 
possible,  du  bromate  de  potassium  pur,  voici  le  moyen  auquel  je  me  suis 
arrêté  : 

J’ai  commencé  par  éliminer  l’iode  du  bromure  de  potassium  du  commerce. 


Pour  arriver  à  ce  résultat,  j’ai  dissous  ce  bromure  dans  de  l’eau  et  j’ai  dilué 
la  solution  au  point  de  lui  donner  une  densité  moindre  que  celle  du  bisul¬ 
fure  de  carbone.  J’ai  pris  ensuite  très-exactement  un  quart  du  volume  de  la 
solution,  jy  ai  instillé,  goutte  à  goutte,  et  sous  l’influence  d’une  agitation 
continue,  de  l’eau  de  brome,  pour  précipiter  l’iode  combiné,  et  j’ai  ajouté 
de  1  eau  bromée  jusqu’à  ce  que  tout  l’iode  précipité  fût  redissous  et  que  le 
liquide,  de  brun  qu  il  était,  fût  devenu  d'un  jaune  orangé  très-pâle  ;  j’ai  mêlé 


les  trois  quarts  du  bromure  réservé  à  la  solution  contenant  du  tribromure 
diode,  et  j  ai  mis  ainsi  en  liberté  tout  l’iode  contenu  dans  le  bromure  em¬ 
ployé.  J  ai  ajouté  une  quantité  suffisante  de  bisulfure  de  carbone,  pour  dis¬ 
soudre  cet  iode,  et  j’ai  fait  agiter  le  tout.  Après  avoir  enlevé  le  bisulfure  de 
carbone  chargé  d’iode,  je  l’ai  remplacé  par  une  quantité  nouvelle,  et  j’ai 
continué  ce  traitement  tant  que  l’anhydride  sulfocarbonique  a  pris  la  moindre 
teinte  rose.  A  l’aide  d’une  nouvelle  addition  d’eau  bromée  et  de  bisulfure  de 
carbone  je  me  suis  assuré  de  l’enlèvement  complet  de  l’iode.  Pour  être  tout 
à  fait  certain  de  1  absence  de  l’iode  dans  la  solution  du  bromure,  j’en  ai  éva¬ 


poré  une  partie  jusqu’à  siccité  et  j’ai  fondu  le  résidu.  Pendant  l’évaporation 
et  la  fusion  il  ne  s’est  produit  aucune  trace  de  vapeur  violacée.  J’ai  repris  le 
résidu  par  de  l’eau,  et  la  solution,  essayée  à  l’eau  bromée  faible  et  ensuite 
au  bisulfure  de  carbone,  n’a  donné  aucun  indice  de  la  présence  de  l’iode. 
D’après  l’expérience  que  j’en  ai  faite,  je  puis  garantir  que  le  bromure  ne 
renfermait  pas  un  millionième  de  son  poids  d’iodure  de  potassium. 


Voulant  me  procurer  du  bromate  de  potassium  sans  métaux  étrangers,  j’ai 
séparé,  à  l’aide  de  quelques  gouttes  de  solution  de  sulfhydrate  de  potassium, 
les  traces  de  métaux  tels  que  manganèse,  fer  et  cuivre,  que  le  bromure  de 
potassium  du  commerce  contenait. 


4(30 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Après  avoir  chauffé  pendant  quelque  temps  à  l’air  libre  la  solution  de  bro¬ 
mure,  pour  éliminer  le  bisulfure  carbonique  qui  y  était  resté,  j’y  ai  ajouté  de 
l’hydrate  de  potassium  dissous,  et  également  privé  de  métaux  étrangers,  en 
quantité  telle  qu’il  y  avait,  pour  un  poids  moléculaire  de  bromure  de  potas¬ 
sium,  un  peu  moins  de  six  poids  moléculaires  d’hydrate  de  ce  métal,  et  j’ai 
fait  passer  jusqu’à  refus  un  courant  de  chlore  au  travers  du  mélange.  Pour 
éviter  l’obstruction  du  large  tube  amenant  le  chlore,  j’ai  pris  la  précaution  de 
maintenir  le  liquide  constamment  assez  chaud  pour  conserver  à  l’état  dis¬ 
sous  tout  le  bromale  et  le  chlorure  de  potassium  formés. 

Après  la  saturation,  j’ai  fait  porter  la  solution  saline  à  l’ébullition,  pour  éli¬ 
miner  le  chlore  dissous  ainsi  que  le  chlorure  de  brome  qui  s’était  produit  à 
cause  de  l’insuffisance  calculée  de  l’hydrate  de  potassium  employé.  J’ai  ajouté 
une  quantité  insuffisante  d’hydrate  alcalin,  afin  d’avoir  du  brome  libre,  et 
d’empêcher  autant  que  possible  la  formation  du  chlorate  de  potassium. 

Par  le  refroidissement,  la  liqueur  saline,  qui  était  convenablement  con¬ 
centrée,  a  déposé  du  bromate  de  potassium.  Les  eaux  mères  évaporées  à 
pellicule  en  ont  fourni  une  nouvelle  quantité.  Mais  le  poids  du  bromate  brut 
extrait  n’a  guère  été  que  la  moitié  de  celui  qui  avait  pris  naissance.  L’autre 
moitié  est  restée  en  combinaison  avec  le  chlorure  de  potassium  formé  en 
même  temps.  L’expérience  m’a  prouvé  qu’on  peut  détruire  la  combinaison 
du  bromale  avec  le  chlorure  alcalin ,  en  ajoutant  de  l’alcool  concentré  à  la 
solution;  il  se  précipite  ainsi  une  quantité  considérable  de  bromale  qui 
entraîne  toutefois  avec  lui  une  assez  grande  quantité  de  chlorure.  Mais  au 
lieu  d’utiliser  ce  moyen,  et  pour  ne  pas  perdre  le  bromate  de  potassium,  j’ai 
fait  servir  les  eaux  mères  à  la  préparation  du  bromate  de  baryum,  comme 
je  le  dirai  plus  loin. 

Pour  purifier  le  bromate  de  potassium,  je  l’ai  soumis  à  des  cristallisations 
successives,  en  prenant  chaque  fois  la  précaution  de  déterminer  le  relroidis- 
sernent  rapide  de  la  solution.  Les  trois  premières  cristallisations  ont  été  faites 
dans  la  fabrique  même;  les  deux  dernières  ont  été  exécutées  par  moi.  A 
chaque  cristallisation,  la  bouillie  cristalline  a  été  introduite  dans  un  appareil 
à  déplacement;  le  sel  égoutté  a  été  soumis  chaque  fois  a  un  lavage  métho¬ 
dique,  identique  à  celui  que  j’ai  décrit  dans  mon  précédent  travail,  a  l’occa- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


J  64 


sion  de  la  préparation  du  chlorate  de  potassium  pur  destiné  à  la  production 
du  chlorure  de  ce  métal.  J’ai  regardé  le  bromate  comme  pur  lorsque,  à  l’étal 
dissous,  il  ne  troublait  plus  la  limpidité  et  Yincolorité  d’une  solution  bouil¬ 
lante  de  sulfate  d’argent  tout  à  fait  neutre.  Je  dis  une  solution  de  sulfate 
d’argent  tout  à  fait  neutre ,  parce  que  le  bromate  de  potassium  le  plus  pur 
produit,  à  l’ébullition,  un  trouble  dans  les  solutions  des  sels  d’argent  ren¬ 
fermant  la  moindre  trace  d’acide  sulfurique  ou  d’acide  azotique  en  excès. 

Trois  cristallisations  successives,  suivies  de  trois  lavages  méthodiques,  per¬ 
mettent  d’obtenir  du  bromate  qui  réalise  la  condition  que  je  viens  d’indiquer. 

J’ai  opéré  la  transformation  du  bromate  en  bromure  de  potassium  en  chauf¬ 
fant  le  sel,  par  petites  portions  à  la  fois,  dans  une  grande  capsule  de  porce¬ 
laine;  l’opération  ne  peut  pas  s’accomplir  dans  un  vase  de  platine  sans 
endommager  le  vase  et  sans  altérer  la  pureté  du  bromure  produit.  En  effet, 
vers  la  fin  de  la  décomposition  du  bromate,  le  platine  est  vivement  attaqué; 
il  se  forme  du  bromo-plalinate  de  potassium  qui  colore  fortement  en  rouge- 
cochenille  le  bromure  de  potassium.  Si  grands  qu’aient  été  les  ménagements 
que  fai  pris  dans  l’application  de  la  chaleur  sur  le  bromate,  il  s’est  toujours 
produit,  vers  la  fin  de  la  décomposition,  une  légère  déflagration  accompa¬ 
gnée  d’un  dégagement  de  brome  ;  aussi  le  bromure  de  potassium  a-t-il  été 
chaque  fois  alcalin  au  tournesol. 

Pour  extraire  le  brome  de  ce  bromure,  j’ai  fait  un  mélange  de  cinq  poids 
moléculaires  de  bromure  avec  un  poids  moléculaire  de  bromate.  J’ai  introduit 
ce  mélange  dans  une  très -grande  cornue  tubulée,  à  très-long  col  effilé  et 
recourbé.  Après  y  avoir  ajouté  son  poids  d’eau  distillée,  j’ai  instillé  petit  à 
petit  de  l’acide  sulfurique  dépouillé  de  tout  produit  nitreux,  dilué  de  deux 
fois  son  poids  d’eau,  et  en  quantité  suffisante  pour  transformer  le  potassium 
du  bromure  et  du  bromate  en  sulfate  acide  de  potassium.  Même  en  refroidis¬ 
sant  le  mélange  avec  de  la  glace,  il  produit  instantanément  du  brome.  J’ai 
laissé  les  matières  en  contact  pendant  deux  heures.  Pour  recueillir  le  brome 
volatilisé,  j’ai  plongé  le  col  effilé  et  recourbé  de  la  cornue  dans  une  autre 
cornue  contenant  une  solution  de  bromure  et  de  bromate  de  potassium.  Cette 
cornue  était  entourée  de  glace.  Son  col  était  usé  à  l’éméri  dans  un  récipient 
tubulé,  dont  la  tubulure  était  munie  d’un  bouchon  de  verre  troué  par  lequel 
Tome  XXXV.  21 


162 


NOUVELLES  RECHERCHES 


passait  un  tube  usé  à  l’émeri ,  recourbé  et  plongeant  dans  de  1  eau  pure. 

J’ai  procédé  ainsi  à  la  distillation.  Lorsque  tout  le  brome  eut  passé  de  la 
première  cornue  dans  la  deuxième ,  j’ai  enlevé  la  grande  cornue ,  et  après 
avoir  ajouté  au  brome  produit  une  quantité  de  bromate  de  potassium  suffi¬ 
sante  pour  réduire  l’acide  bromhydrique  qu’il  pouvait  contenir,  j  ai  bouché 
la  cornue  dans  laquelle  il  s’était  condensé,  et  j’ai  distillé  le  tout  au  bain- 
marie. 

J’ai  obtenu  ainsi  au  delà  d’un  kilogramme  de  brome  pur  dans  une  seule 
opération. 

Quoique  j’eusse  reçu  le  brome  dans  une  solution  de  bromure  de  potassium, 
j’ai  voulu  néanmoins  le  dissoudre  dans  une  solution  concentrée  de  bromure 
de  calcium  et  le  précipiter  ensuite  par  de  l’eau.  De  celte  manière,  je  devais 
arriver  à  l’élimination  complète  du  chlore,  en  admettant  que  le  brome  pré¬ 
paré  avec  tant  de  soin  pût  en  contenir. 

Dans  ce  but,  j’ai  transformé  une  partie  du  brome  en  bromure  de  calcium, 
à  l’aide  d’un  lait  d’hydrate  de  calcium  pur  et  additionné  d’une  quantité  con¬ 
venable  d’ammoniaque  pure.  Le  brome,  en  pénétrant  dans  ce  mélange,  passe 
directement  à  l’étal  de  bromure;  il  se  dégage  en  même  temps  de  l’azote. 
Lorsque  toute  la  chaux  eut  été  transformée  en  bromure,  j’ai  concentré  forte¬ 
ment  la  solution,  j’y  ai  ajouté  ensuite  autant  de  brome  qu’elle  a  pu  en  dis¬ 
soudre,  et,  à  l’aide  d’une  addition  d’eau,  j’ai  précipité  de  nouveau  le  brome 
dissous.  îî  s’en  faut  de  beaucoup  que  l’eau  élimine  ainsi  tout  le  brome  em¬ 
ployé;  une  assez  grande  partie  reste  en  solution  dans  le  bromure  de  calcium. 

Pour  sécher  le  brome  précipité ,  je  l’ai  mis  à  trois  reprises  différentes  en 
digestion  avec  un  mélange  de  bromure  de  calcium  sec,  produit  à  l’aide  d’une 
partie  du  même  brome  et  de  l’oxyde  de  calcium  pur  réduit  en  poudre.  Ayant 
reconnu ,  par  une  synthèse  complète,  que  le  mélange  de  bromure  et  d’oxyde 
de  calcium  est  impuissant  pour  enlever  au  brome  la  dernière  trace  d’eau  et 
d’acide  bromhydrique  qu’il  peut  contenir,  j’ai  pris  le  parti  de  le  mettre  en 
digestion  avec  de  l’anhydride  phosphorique  volatilisé 1  dans  un  courant  d’air, 

1  J’ai  volatilisé  l’anhydride  phosphorique  dans  un  courant  d’air,  afin  d’être  certain  de  1  ab¬ 
sence  d’anhydride  phosphoreux  qui  aurait  pu  donner  naissance  à  de  l’oxybromurc  de  phos¬ 
phore. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  i  63 

séché  a  l’aide  de  l’anhydride  lui-même.  Après  ce  traitement,  je  l’ai  laissé 
séjourner  pendant  douze  heures  avec  de  l’oxyde  de  baryum  pur  fortement 
calciné  et  réduit  en  poussière  impalpable,  et  je  l’ai  distillé  enfin,  après  l’avoir 
séparé  de  1  oxyde,  parce  cpie,  à  une  température  élevée,  le  brome  réagit  for¬ 
tement  sur  lui  avec  production  de  chaleur  et  formation  de  bromure  de 
baryum. 

Il  est  à  peine  nécessaire  d’ajouter  que  tous  les  appareils  qui  ont  servi  à 
produire  et  à  contenir  le  brome  humide  ou  sec  ont  été  exclusivement  formés 
de  verre.  Les  cornues  el  les  récipients  étaient  rodés  les  uns  dans  les  autres , 
et  les  tubes  scellés  à  la  lampe. 

b.  Brome  du  bromure  et  du  bromate  de  baryum.  ~  Pour  me  procurer  le 
bromate  de  baryum,  j’ai  utilisé  les  eaux  mères  de  la  préparation  du  bromate 
de  potassium  et  les  eaux  mères  et  de  lavages  provenant  de  la  purification  de 
ce  sel.  Ayant  reconnu  que  le  bromate  de  baryum  obtenu  par  précipitation 
à  froid,  à  l’aide  du  bromate  de  potassium  et  du  chlorure  de  baryum ,  renferme 
toujours  une  quantité  assez  notable  de  ce  dernier  composé,  que  des  lavages, 
quelque  prolongés  qu’ils  soient,  sont  incapables  d’en  séparer,  j’ai  été  forcé 
de  produire  ce  sel  dans  une  condition  où  l’existence  d’un  composé  de  baryum 

autie  que  le  bromate  fût  impossible.  Voici  le  moyen  que  j’ai  employé  à  cet 
effet. 

Les  eaux  mères  elles  eaux  de  lavages  de  la  préparation  et  de  la  purifica¬ 
tion  du  bromate  de  potassium  ont  été  diluées  d’environ  cinq  fois  leur  volume 
deau,  et  la  solution  a  été  introduite  dans  des  ballons  de  quarante  litres  de 
capacité.  Ces  ballons  étaient  placés  dans  des  bains  de  sable;  ils  servaient, 
dans  1  usine  où  le  bromate  de  potassium  avait  été  préparé,  au  blanchiment  de 
1  acide  azotique.  Quand  la  température  du  liquide  salin  était  portée  vers  80°, 
on  y  ajoutait,  petit  à  petit,  une  solution  très-diluée  de  chlorure  de  baryum 
dépouillé  de  métaux  étrangers,  aussi  longtemps  qu’on  voyait  se  produire  un 
précipité  de  sulfate  de  baryum.  Lorsque  tout  le  sulfate  de  potassium  existant 
dans  la  solution  de  chlorure  et  de  bromate  de  potassium  eut  été  décomposé, 
et  que  le  sulfate  de  baryum  se  fut  déposé  par  un  repos  suffisant,  on  décanta 
à  laide  d’un  siphon  le  liquide  limpide,  qui  fut  introduit  dans  des  ballons 
de  quarante  litres,  placés  également  dans  des  bains  de  sable.  On  a  porté  en- 


164 


NOUVELLES  RECHERCHES 


suite  le  liquide  contenu  dans  les  ballons  jusqu’à  l’ébullition,  et  on  y  a  ajouté 
du  chlorure  de  baryum  pur,  aussi  longtemps  que  le  précipité  de  bromate  de 
baryum,  qui  se  produit  d’abord,  s’est  redissous  dans  le  restant  du  liquide 
bouillant.  A  l’aide  d’un  siphon,  on  a  fait  arriver  les  liqueurs  saturées  de 
bromate  de  baryum  dans  de  grandes  capsules  de  porcelaine  entourées  d'eau 
froide  continuellement  renouvelée,  afin  de  déterminer  le  refroidissement 
rapide  de  la  liqueur  et  la  cristallisation  du  bromate  de  baryum  en  pous¬ 
sière  cristalline  impalpable;  car  c’est  sous  cet  état  seul  qu’il  cède  au  lavage 
ci  l’eau  le  chlorure  alcalin  au  sein  duquel  il  a  été  formé.  Après  son  refroi¬ 
dissement  complet,  le  liquide  a  été  introduit  de  nouveau  dans  le  ballon, 
porté  encore  à  l’ébullition  et  additionné  de  chlorure  de  baryum,  tant  que 
le  précipité  de  bromate  qui  se  forme  se  redissout.  Par  un  refroidissement 
rapide,  on  a  déterminé  la  cristallisation  du  bromate  à  1  état  de  poussière 
cristalline  impalpable;  on  a  continué  ainsi  le  traitement  des  eaux  mères 
jusqu’à  ce  que  la  majeure  partie  du  bromate  de  potassium  eut  été  transformée 
en  bromate  de  baryum. 

On  a  procédé  ensuite  au  lavage  du  bromate  terreux  produit.  On  l  a  effectué 
par  décantation  et  on  l’a  poussé  jusqu’à  ce  que  le  sel  se  fût  dissous  dans  une 
solution  diluée,  parfaitement  neutre  et  bouillante,  d’azotate  d’argent,  sans  y 
produire  le  moindre  trouble;  ce  qui  a  été  fort  long,  eu  égard  à  la  grande 
quantité  de  sel  sur  laquelle  on  a  opéré. 

J’ai  redissous  moi-même,  à  trois  reprises  différentes,  ce  bromate  de  ba¬ 
ryum,  en  rejetant  chaque  fois  toutes  les  eaux  mères.  Le  bromate  obtenu  a 
été  divisé  en  deux  parties  :  une  moitié  a  été  réservée  et  l’autre  moitié  a  été 
encore  redissoute  deux  fois. 

J’ai  extrait  le  brome  de  ces  deux  bromates  par  un  moyen  analogue  à  celui 
que  j’ai  employé  pour  la  préparation  du  brome  à  l’aide  du  bromure  et  du 
bromate  de  potassium.  Dans  ce  but,  j’ai  pris  les  cinq  sixièmes  du  bromate 
dont  je  voulais  retirer  le  brome,  et  je  l’ai  transformé  en  bromure  par  1  ac¬ 
tion  ménagée  de  la  chaleur.  Vers  la  fin  de  l’opération,  il  s’est  dégagé  une 
quantité  notable  de  broipe  avec  l’oxygène;  aussi  le  bromure  a-t-il  présenté  une 
réaction  alcaline  très-prononcée.  J’ai  dissous  le  bromure  dans  de  l’eau  pure, 
et  j’ai  introduit  la  solution  dans  un  appareil  distillaloire  qui  contenait  déjà 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


I6d 


l’autre  sixième  de  bromate  de  baryum.  J’ai  fait  arriver  dans  le  mélange, 
refroidi  à  l’aide  de  la  glace,  de  l’acide  sulfurique  purifié  et  dilué  de  son  vo¬ 
lume  d’eau.  La  production  du  brome  a  été  instantanée.  Pour  détruire  l’acide 
bromhydrique  que  le  brome  distillé  aurait  pu  contenir,  j’ai  recueilli  ce  corps 
dans  de  l’eau  tenant  du  bromate  de  baryum  en  suspension.  Après  qu’il  eut 
séjourné  pendant  vingt-quatre  heures  sur  ce  sel,  je  l’ai  distillé  une  deuxième 
fois.  Le  brome,  lavé  à  plusieurs  reprises  avec  de  l’eau,  a  été  séché  d’abord  en 
le  faisant  digérer  deux  fois  sur  un  mélange  de  bromure  et  d’oxyde  de  calcium, 
ensuite  en  le  mettant  en  contact  avec  de  l’anhydride  phosphorique  volatilisé 
dans  un  courant  d’air,  et  enfin  en  le  mettant  en  digestion  sur  de  l’oxyde 
de  baryum  pur  et  finement  pulvérisé.  Pour  le  dépouiller  de  toute  matière 
fixe,  je  l’ai  redistillé  et  je  l’ai  enfermé  dans  des  tubes  secs,  scellés  à  la 
lampe. 

Le  brome  retiré  du  bromate  de  potassium  et  le  brome  extrait  du  bro¬ 
mate  de  baryum  bouillaient  l’un  et  l’autre  à  63°,  à  Om,7597.  C’est  le  point 
d’ébullition  que  M.  Isidore  Pierre  a  constaté.  Solidifié,  il  ressemble  à  l’iode, 
sauf  qu’il  m’a  paru  plus  gris  d’acier.  Le  brome  pur  présente,  du  reste,  toutes 
les  propriétés  que  l’on  attribue  à  ce  corps.  J’en  ai  observé  une  toutefois  que 
je  n’ai  trouvée  renseignée  nulle  part  :  c’est  la  couleur  de  la  solution  aqueuse 
non  saturée.  On  sait  que  l’eau  saturée  de  brome  présente  une  couleur  d’un 
rouge  légèrement  orangé,  j’ai  constaté  que  la  solution  non  saturée  est  d’un 
jaune  pur  et  intense. 

Pour  m’assurer  si  le  brome  extrait  du  bromate  de  potassium  ne  contient 
aucun  corps  halogène,  j’en  ai  transformé  de  nouveau  une  assez  grande 
quantité  en  bromure  et  en  bromate  de  potassium,  en  employant  à  cet  effet 
de  l’hydrate  de  potassium  pur.  Dans  la  notice  consacrée  à  la  recherche  du 
rapport  proportionnel  entre  le  bromure  de  potassium  et  l’argent,  on  verra 
que  le  bromure  de  potassium,  qui  s’est  formé  en  même  temps  que  le  bromate, 
est  identique  avec  le  bromure  de  potassium  qui  s’est  produit  par  la  décom¬ 
position  de  ce  bromate  lui-même.  II  est  donc  démontré  delà  manière  la  plus 
évidente  que  le  brome  obtenu  est  un  corps  homogène. 

J’ai  également  transformé  en  bromure  de  potassium  une  partie  du  bro¬ 
mate  de  baryum,  afin  de  me  fixer  sur  la  pureté  du  brome  contenu  dans  ce 


m 


NOUVELLES  RECHERCHES 


sel.  Dans  la  notice  consacrée  au  rapport  proportionnel  de  ce  bromure  avec 
l’argent  sont  consignés  les  résultats  auxquels  je  suis  arrivé;  ils  prouvent 
l’identité  de  ce  brome  avec  celui  du  bromate  de  potassium. 

Du  moyen  employé  pour  effectuer  la  combinaison  d’un  poids  déterminé 
de  brome  avec  un  poids  déterminé  d’argent. 

J’ai  commencé  par  fixer  le  poids  du  brome  que  je  voulais  combiner  à 
l’argent.  A  cet  effet,  j’ai  soudé  aux  deux  bouts  d’un  tube  de  verre  de  un  et 
demi-centimètre  de  diamètre,  et  à  longueur  suffisante  pour  contenir  la  quan¬ 
tité  de  brome  sur  laquelle  je  voulais  opérer,  — j’ai  soudé,  dis-je,  deux  tubes 
de  un  millimètre  environ  de  diamètre  intérieur,  et  longs,  le  premier  de 
20  centimètres,  et  l’autre  de  40  à  45  centimètres.  Après  avoir  bien  nettoyé 
et  séché  extérieurement  ce  tube,  j’ai  appliqué  le  dard  du  chalumeau  sur  une 
partie  du  tube  soudé  ayant  20  centimètres  de  longueur,  et  je  l’ai  effilé  et  scellé. 
Après  avoir  exactement  déterminé  son  poids,  je  l’ai  complètement  rempli  de 
brome,  en  me  servant  du  moyen  employé  généralement  pour  faire  pénétrer  un 
liquide  très-volatil  dans  une  capacité  terminée  par  un  tube  capillaire.  Lorsqu’il 
fut  bien  rempli  à  chaud,  je  scellai  à  la  lampe  le  bout  ouvert  par  lequel  le 
brome  avait  pénétré.  Après  son  refroidissement  complet  ,  je  déterminai  son 
poids;  et  la  pesée  fut  réduite  au  vide  en  prenant,  d’après  M.  Isidore  Pierre, 
la  pesanteur  spécifique  du  brome  =  3,187.  J’ai  pesé  ensuite  une  quantité 
.  d’argent  proportionnelle,  en  admettant  80  pour  le  poids  atomique  du  brome. 
J’ai  dit  déjà  que  le  brome  était  transformé  en  acide  bromhydrique  à  l’aide 
de  l’acide  sulfureux;  pour  opérer  cette'  transformation,  j’ai  commencé  par 
refroidir  la  capacité  cylindrique  qui  contenait  le  brome,  jusqu’à  déterminer 
sa  solidification.  Le  long  tube  capillaire  a  été  engagé  dans  une  ouverture 
pratiquée  dans  un  bouchon  en  caoutchouc,  et  j’ai  brisé  la  pointe  scellée  qui 
le  terminait.  J’ai  fait  pénétrer  l’ouverture  dans  une  solution  titrée  et  diluée 
d’acide  sulfureux  refroidie  à  0°.  Cette  solution,  en  quantité  un  peu  plus  que 
suffisante  pour  transformer  le  brome  en  acide  bromhydrique,  était  contenue 
dans  l’appareil  à  boule  figuré  ci-contre. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


167 


Le  bouchon  de  caoutchouc,  au  travers  duquel  passait  ce  tube,  était  her¬ 
métiquement  adapté  sur  le  col  du  ballon  ;  il  était  traversé  par  un  second 
tube  en  communication  avec  un  appareil  de  Liébig,  contenant  également  de 
I  acide  sulfureux.  L  ouverture  du  tube  recourbé  de  l’appareil  à  boule  était 
fermée  à  1  aide  d’un  petit  bouchon  en  caoutchouc. 

Dans  cet  état ,  j  ai  abandonné  l’appareil  à  lui -même  pour  déterminer  la 
liquéfaction  spontanée  du  brome.  Quand  la  température  du  cylindre  renfer¬ 
mant  le  brome  se  fut  équilibrée  avec  l’air  ambiant,  j’ai  chauffé  avec  précau- 


Fifj.  1 4. 


468 


NOUVELLES  RECHERCHES 


lion  le  brome  pour  le  forcer  à  sortir  du  tube  et  à  se  rendre  au  fond  de  la 
solution  de  l’acide  sulfureux,  où  il  s’est  transformé  en  acide  bromhydrique. 
Pendant  ce  temps,  je  faisais  couler  un  filet  d’eau  glacée  sur  le  ballon,  afin 
d’empêcher  réchauffement  du  liquide  qui  y  était  contenu  ;  car  1  oxydation 
de  l’acide  sulfureux  est  accompagnée  d’un  développement  très -considérable 
de  chaleur.  Lorsque  tout  le  brome  fut  sorti  du  cylindre,  j’ai  laissé  lentement 
refroidir  celui-ci.  Par  suite  de  son  refroidissement,  le  liquide  contenu  dans  le 
ballon  y  est  monté  et  a  fini  par  le  remplir  presque  complètement.  La  vapeur 
de  brome  qui  remplissait  la  capacité  s’est  dissoute  dans  le  liquide,  et  une 
partie  est  passée  à  son  tour  à  l’état  d’acide  bromhydrique  à  la  faveur  de  l’acide 
sulfureux  qui  y  était  contenu.  A  l’aide  d’un  tube  de  caoutchouc  rempli  d’eau, 
j’ai  mis  le  tube  capillaire,  surmontant  le  cylindre,  en  communication  avec 
un  réservoir  rempli  d’eau  pure  bouillie  et  refroidie;  par  un  effort,  j’ai  brisé 
la  pointe  qui  terminait  le  tube  capillaire,  et  le  liquide  qui  était  monté  dans  le 
cylindre,  étant  descendu  de  nouveau  dans  le  ballon,  a  été  remplacé  par  de 
l’eau  arrivant  du  réservoir  placé  au-dessus.  De  celte  manière,  je  suis  par¬ 
venu  à  déplacer  du  cylindre  tout  le  brome  que  j’y  avais  pesé.  Lorsqu’une 
quantité  suffisante  d’eau  était  déjà  passée  par  le  tube  cylindrique,  j’ai  enlevé 
le  petit  bouchon  en  caoutchouc  qui  bouchait  le  tube  recourbé  du  ballon,  j’ai 
engagé  le  bec  de  ce  tube  recourbé  dans  le  goulot  du  flacon  qui  contenait  la 
solution  du  sulfate  acide  d’argent  dans  une  atmosphère  d’anhydride  carbo¬ 
nique,  et  j’ai  incliné  le  ballon,  avec  les  précautions  convenables,  afin  que 
le  liquide  qui  y  était  renfermé  se  rendit  complètement  dans  le  flacon. 

J’ai  procédé  ensuite  au  lavage  du  ballon  et  au  lavage  de  la  partie  du  tube 
qui  avait  plongé  dans  la  solution  d’acide  sulfureux.  Toutes  les  eaux  de  lavages 
et  le  liquide  contenu  dans  l’appareil  de  Liebig  furent  ajoutés  au  liquide  du 
flacon  renfermant  le  bromure  d’argent  produit  ;  le  flacon  était  placé  dans  la 
chambre  obscure  et  entouré,  par  surcroît  de  précaution,  d’une  double  toile 
noire.  Après  l’avoir  fermé  j’y  ai  fixé  le  bouchon,  et  je  l’ai  fait  secouer  pendant 
une  heure,  afin  de  ramener  à  l’état  de  bromure  le  sulfate  d’argent  que  le 
bromure  d’argent  entraîne  toujours  lorsqu’il  est  formé  au  sein  d’un  liquide 
contenant  de  l’acide  sulfurique. 

J’ai  placé  le  flacon  au  bain  marie,  dont  j’ai  élevé  la  température  pour  dé- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


169 


terminer  l’éclaircissement  du  liquide.  Cet  éclaircissement  s’est  produit,  dans 
les  différentes  expériences,  entre  50  et  75°,  suivant  l’acidité  du  liquide  et 
suivant  que  j’ai  mis  plus  ou  moins  de  temps  à  élever  la  température  du  bain. 
La  plus  ou  moins  grande  élévation  de  la  température  est  assez  indifférente  au 
point  de  vue  de  l’éclaircissement  du  liquide,  mais  il  n’en  est  pas  de  même 
pour  le  lavage.  Pour  que  celui-ci  puisse  s’exécuter  convenablement ,  il  faut 
que  le  bromure  ait  été  le  moins  possible  contracté  par  la  chaleur ,  sans  cela 
il  ne  se  divise  pas  facilement  et  relient  de  l’acide  suif  urique  emprisonné  dans 
les  grumeaux. 

J’ai  procédé  alors  à  la  recherche  du  brome  ou  de  l’argent  dans  le  liquide 
et  à  la  détermination  de  la  quantité. 

Dans  les  quatre  synthèses  que  j’ai  faites  par  ce  moyen ,  j’ai  trouvé  de  l'ar¬ 
gent  dont  la  quantité  a  été  très-faible  sans  doute,  mais  elle  a  été  invariable¬ 
ment  la  même  dans  les  trois  dernières  synthèses;  elle  s’est  élevée  à  ‘/oooo  du 
poids  de  l’argent  mis  en  expérience.  Pour  la  première  opération  elle  a  été  un 
peu  plus  considérable,  parce  que  le  brome  employé  renfermait  une  matière 
étrangère,  qui  probablement  était  de  l’eau. 

Pour  rendre  les  synthèses  complètes,  j’ai  lavé  par  décantation,  à  chaud , 
le  bromure  produit.  Lorsque,  par  suite  de  l’élimination  de  l’acide,  le  délaye- 
ment  a  commencé  à  la  température  à  laquelle  l’éclaircissement  du  liquide 
avait  été  effectué,  j’ai  introduit  de  la  vapeur  d’eau  pure  dans  l’eau  de  lavage 
tenant  le  bromure  en  suspension ,  et  j’ai  achevé  les  lavages  à  l’aide  de  cet 
artifice,  en  ayant  la  précaution  d’élever  de  plus  en  plus  la  température  à  me¬ 
sure  que  le  bromure  se  dépouillait  davantage  d’acide.  J’ai  pris  du  reste 
toutes  les  précautions  nécessaires  pour  ne  pas  perdre  une  trace  de  bromure, 
soit  par  solution  dans  les  eaux  de  lavages,  soit  par  adhérence  aux  vases 
employés.  A  cet  effet,  j’ai  mis  en  pratique  tous  les  moyens  que  j’ai  indiqués 
pour  recueillir ,  sécher  et  peser  l’iodure  d’argent.  La  grande  altérabilité  du 
bromure  d’argent  par  la  lumière  a  rendu  ces  expériences  beaucoup  plus  déli¬ 
cates  et  plus  pénibles  encore  que  celles  que  j’ai  faites  sur  l’iodure  de  ce 
métal. 

L’évaporation  de  toutes  les  eaux  de  lavages  a  été  exéeutée  deux  fois  seu¬ 
lement  sur  quatre  synthèses,  elle  m’a  donné  la  certitude  que  l’eau  acide  ne 
Tome  XXXV.  22 


470 


NOUVELLES  RECHERCHES 


dissout  pas  au  delà  d'un  dix  millionième  de  son  poids  de  bromure  d’argent. 

Avant  de  finir  1  exposé  si  fastidieux  de  ces  opérations,  je  vais  communi¬ 
quer  deux  observations  concernant  le  bromure  d’argent.  Ce  corps,  produit  à 
la  température  ordinaire,  en  présence  de  l’acide  sulfureux,  n’est  jamais  blanc 
comme  celui  que  l’on  obtient  par  l’action  de  l’acide  bromhydrique  dilué  sur 
une  solution  d’azotate  ou  de  sulfate  d’argent;  il  est  d’un  jaune  pâle,  analogue 
à  la  couleur  de  l’iodure  d’argent,  mais  par  l’action  de  la  chaleur  ou  par  le 
contact  avec  un  bromure  alcalin,  il  prend  à  l’instant  la  couleur  jaune  intense 
caractéristique.  Le  bromure  d’argent  blanc  et  le  bromure  d’argent  jaune  foncé, 
réduits  à  la  température  ordinaire  parle  zinc  et  l’acide  sulfurique  très-dilué, 
fournissent,  le  premier,  de  l’argent  gris  noirâtre,  quelquefois  pourpré,  et  le 
second  de  1  argent  tout  à  fait  blanc.  Berzelius  a  déjà  fait  une  observation 
analogue  sur  le  chlorure  précipité  à  froid  et  le  chlorure  précipité  à  100°, 
qui,  réduits  à  la  température  ordinaire,  produisent  également  de  l’argent  dans 
des  états  physiques  tout  à  fait  différents. 

La  synthèse  n°  I  a  été  faite  avec  du  brome  du  bromale  de  potassium , 
a)ant  digéré  à  trois  reprises  différentes  sur  un  mélange  de  bromure  de  cal¬ 
cium  et  d’oxyde  de  calcium,  puis  distillé. 

•La  synthèse  n°  II  a  été  exécutée  avec  une  partie  du  même  brome,  mais  qui 
avait  été  mise  après  en  contact  :  1°  avec  de  l’anhydride  phosphorique  sublimé 

dans  un  courant  dair  sec ;  2°  avec  de  l’oxyde  de  baryum,  puis  distillée  à 
part. 

La  synthèse  n°  III  a  été  faite  avec  du  brome  du  bromate  de  baryum  cris¬ 
tallisé  trois  lois,  et  la  synthèse  n°  SV  l’a  été  avec  du  brome  du  bromate  de 
baryum  cristallisé  cinq  fois.  Pour  leur  enlever  la  dernière  trace  d’eau  ou  d'acide 
bromhydrique  qu’ils  auraient  pu  retenir,  je  les  ai  fait  digérer,  à  trois 
repiises  différentes,  sur  un  mélange  de  bromure  et  d’oxyde  de  calcium, 
ensuite  sur  de  1  anhydride  phosphorique  pur,  puis  sur  de  l’oxvde  de  baryum , 
et  je  les  ai  enfin  distillés.  Avant  d’avoir  exécuté  ces  expériences  je  n’avais, 
je  le  reconnais  volontiers,  aucune  idée  de  la  difficulté  que  l’on  éprouve  à 
enlever  aux  liquides  non  miscibles  à  l’eau,  les  dernières  traces  d’humidité 
<|u  ils  retiennent,  et  je  crois  que  la  plupart  des  chimistes  partagent  les  illu¬ 
sions  que  j’avais  à  ce  sujet. 


SYNTHÈSES  PAR  SOMME  ET  SYNTHÈSES  COMPLÈTES  DU  BROMURE  D’ARGENT 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES 


Les  pesées  ont  été  faites  à  l'aide  de  poids  de  platine. 


472 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Sauf  la  première  synthèse,  dans  laquelle  j’ai  employé  du  brome  qui  pro¬ 
bablement  ne  devait  pas  être  absolument  privé  d’eau,  les  résultats  de  la 
synthèse  par  somme  et  de  la  synthèse  complète  s’accordent  autant  qu’on 
peut  l’espérer  dans  une  expérience  si  délicate  et  si  compliquée  à  la  fois.  Ces 
résultats  se  confondent  avec  ceux  que  M.  Marignac  a  obtenus  en  1843.  11  a 
trouvé  en  effet,  qu’en  moyenne,  100,000  d’argent  produisent  174,077  de 
bromure  réduit  au  vide. 

J’ai  obtenu  pour  les  synthèses  complètes  174,080. 

D’après  l’hypothèse  de  Prout  ce  serait  174,074. 

Il  est  impossible  de  répondre  d’une  si  faible  différence;  on  est  donc  en 
droit  de  conclure  que  le  rapport  que  le  brome  et  l’argent  observent  entre 
eux  est  conforme  à  l’hypothèse  de  Prout. 


IV.  —  Nouvelles  analyses  de  l’iodate  d’argent. 


1°  Analyses  complètes  de  l’iodate  d’argent. 

J’ai  dit  ailleurs  que  j’entends  par  analyse  complète  une  opération  dans 
laquelle  on  fixe  par  Y  expérience  même ,  d’abord,  le  poids  d’un  composé,  et 
ensuite  le  poids  des  éléments  qui  le  constituent.  On  peut  considérer  l  iodate 
d’argent  comme  étant  formé  d’iodure  d’argent  et  d’oxygène;  à  ce  point  de 
vue  l’analyse  de  ce  sel  est  complète,  du  moment  qu’on  a  déterminé  par  l’ex¬ 
périence,  c’est-à-dire  qu’on  a  pesé  le  poids  de  l’oxygène,  et  le  poids  de 
l’iodure  d’argent  produits  par  un  poids  pesé  d’avance  d’iodate  de  ce  métal.  Ces 
éléments  permettent  de  contrôler  les  résultats  les  uns  par  les  autres ,  et  de 
mesurer  la  grandeur  de  l’erreur  commise. 

Pour  faire  l’analyse  de  l’iodate  en  pesant  l’oxygène  et  l’iodure  produits , 
j’ai  eu  recours  à  l’action  de  la  chaleur,  et  j’ai  fixé  sur  le  cuivre  chauffé  au 
rouge  l’oxygène  devenu  libre.  Comme  je  ne  suis  pas  parvenu  à  me  procurer 
le  sel  d’argent  ne  renfermant  aucune  trace  d’eau ,  j’ai  recueilli  et  pesé  l’eau 
obtenue  par  la  décomposition  de  l’iodate  analysé.  La  réduction  de  l’iodate 
par  la  chaleur  se  fait  avec  entraînement  de  traces  de  ce  sel,  d’iodure  d’ar- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


173 


gent  et  même  d’iode  ;  dans  le  but  de  me  mettre  à  l’abri  de  ces  causes  d’er¬ 
reurs  ,  j’ai  pris  des  précautions  particulières.  L’oxygène  pur  détermine  une 
vive  incandescence  du  cuivre  très-divisé  et  préalablement  chauffé  au  rouge 
sombre  ;  l’oxyde  produit  dans  cette  circonstance  adhère  fortement  au  tube , 
il  peut  même,  lors  du  refroidissement  de  celui-ci,  en  déterminer  la  rupture. 
Pour  éviter  cet  accident  ,  j’ai  opéré  la  fixation  de  l’oxygène  sur  le  cuivre 
dans  une  atmosphère  d’azote  qu’il  m’a  fallu  amener  pur  et  sec.  Avant 
l’opération  de  l’analyse,  j’ai  dû  peser  les  différents  appareils  vides  d’azote; 
après  la  décomposition  de  l’iodate  et  la  fixation  de  l’oxygène  sur  le  cuivre, 
je  me  suis  trouvé  dans  la  même  nécessité. 

Toutes  ces  conditions  réunies  ont  transformé  l’analyse  de  l’iodate  en  une 
opération  des  plus  compliquées  et  des  plus  délicates  à  exécuter ,  quoique  au 
premier  abord  elle  semble  si  simple.  Je  vais  exposer  les  dispositions  aux¬ 
quelles  j’ai  eu  recours  pour  pourvoir  à  ces  nécessités  multiples.  Dans  ce  but, 
j’indiquerai  la  préparation  de  l’iodate  analysé;  je  décrirai  successivement 
l’appareil  dans  lequel  a  eu  lieu  la  décomposition  du  sel,  l’appareil  contenant 
le  cuivre  servant  à  condenser  l’oxygène ,  le  système  destiné  à  recueillir  l’eau 
dégagée  de  l’iodate ,  l’ensemble  des  appareils  qui  m’ont  fourni  l’azote  pur 
pendant  et  après  la  décomposition  de  l’iodate;  enfin  j’expliquerai  comment 
j’ai  exécuté  l’opération  elle-même,  ainsi  que  les  pesées  des  différentes  par¬ 
ties  de  ce  système  d’appareils  avant  et  après  l’analyse. 

Préparation  de  l’iodate.  —  Le  sel  soumis  à  la  décomposition  a  été  préparé 
par  double  décomposition.  J’ai  fait  deux  opérations  distinctes  :  pour  l’une 
d’elles  j’ai  employé  l’iodate  de  potassium  et  le  sulfate  d’argent,  et  pour  l’autre 
j’ai  eu  recours  à  l’iodate  de  potassium  et  au  dithionate  d’argent.  A  cause  de 
la  faible  solubilité  du  sulfate  d’argent  dans  l’eau  froide,  j’ai  été  obligé  d’opé¬ 
rer  la  double  décomposition  sur  des  liquides  bouillants;  dans  ce  but ,  j’ai  pro¬ 
duit  une  solution  d’iodate  de  potassium  renfermant  deux  pour  cent  de  ce  sel, 
et  une  solution  de  sulfate  d’argent  contenant  un  pour  cent,  et  j’ai  versé  un  et 
demi-volume  de  la  solution  du  sulfate  dans  un  volume  de  solution  de  l’io¬ 
date.  De  cette  manière,  il  y  avait  excès  d’iodate  alcalin  et  certitude  de  ne  pas 
entraîner  un  excès  d’argent. 

Le  mélange,  après  avoir  été  tenu  un  quart  d’heure  en  mouvement,  a  été 


174 


NOUVELLES  RECHERCHES 


abandonné  au  repos;  et  le  surlendemain,  le  précipité  a  été  lavé  par  décanta¬ 
tion  jusqu’à  ce  qu’il  m’ait  été  impossible  de  découvrir,  à  l’aide  de  l’analyse 
spectrale,  l’indice  de  l’existence  du  potassium  dans  le  résidu,  à  peine  appré¬ 
ciable,  laissé  par  l’évaporation  de  tout  un  litre  d’eau  de  lavage.  J'ai  enlevé 
l’eau  interposée  et  j’ai  opéré  ensuite  la  dessiccation  convenable  de  l'iodate, 
par  le  moyen  que  j’ai  longuement  exposé  dans  une  des  notes  placées  à  la 
fin  du  Mémoire  sur  les  lois  des  proportions  chimiques. 

Dans  le  même  Mémoire  j’ai  indiqué  la  méthode  suivie  pour  obtenir 
l’iodate  à  l’aide  du  dithionate  d’argent;  je  n’y  reviendrai  pas  ici.  Je  me 
bornerai  à  dire  comment  je  m’y  suis  pris  pour  m’assurer  de  l’absence  de 
l’iodure  dans  les  deux  parties  d’iodale  préparées;  en  effet,  d’après  le  mode  de 
production  pratiqué,  ces  sels  ne  pouvaient  contenir  d’autres  matières  étran¬ 
gères  que  celles  résultant  de  leur  propre  réduction.  J’ai  constaté  qu’ils  se 
dissolvaient  intégralement  dans  une  solution  diluée  d’ammoniaque  pure,  et 
dans  les  acides  sulfurique  et  azotique  purs  et  dilués  de  deux  fois  leur  volume 
d’eau.  La  dissolution  était  d’une  limpidité  complète.  On  n’obtient  un  iodate 
qui  réalise  ces  conditions  qu’en  tant  qu’on  l’ait  produit  au  sein  de  l’eau  privée 
de  matières  organiques  par  la  distillation  sur  le  manganate  de  potassium,  et 
qu’on  ait  opéré  sa  dessiccation  dans  un  air  également  dépouillé  de  toute  ma¬ 
tière  organique  par  son  passage  sur  de  l’oxyde  de  cuivre  chauffé  au  rouge. 
L’acide  azotique  pur  ne  possède  la  propriété  de  dissoudre  l’iodate  pur,  en 
produisant  un  liquide  limpide,  que  lorsqu’il  a  été  distillé,  à  l’état  dilué ,  sur 
du  dichromate  de  potassium,  en  prenant  soin  de  soustraire  sa  vapeur  à  l’ac¬ 
tion  de  la  chaleur. 


Appareil  destiné  à  la  décomposition  de  l’iodate.  — Cet  appareil,  figuré  plus 
loin  avec  le  tube  à  cuivre  elle  système  à  condensation  de  l’eau,  consiste  dans 
un  sphéroïde  de  verre  dur  à  deux  cols  opposés  de  diamètres  inégaux;  il  est 
analogue  aux  ballons  que  M.  Dumas  a  employés  pour  la  synthèse  de  l’eau, 
et  aux  ballons  dans  lesquels  j’ai  pratiqué  autrefois  l’analyse  du  chlorate  de 
potassium.  A  l’ouverture  de  chaque  col,  parfaitement  dressé,  j’ai  adapté,  à 
l’aide  d’un  mastic  résineux  peu  fusible  et  complètement  dépouillé  de  matières 
volatiles  avant  200°,  une  armature  métallique  sur  laquelle  se  vissait  un  petit 
robinet  de  laiton  à  clé  de  bronze . 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


175 


Entre  l’armature  et  le  robinet  se  trouvait  une  rondelle,  parfaitement  dres¬ 
sée,  de  cuir  desséché  dans  le  vide  au-dessus  de  l’acide  sulfurique  et  dont  les 
pores  ont  été  ensuite  remplis  de  paraffine  pure 

Afin  de  retenir  l’iodate  et  l’iodure  d’argent  et  l’iode  entraînés  parle  déga¬ 
gement  d’oxygéné,  j’ai  placé  dans  le  col  étroit  :  1°  une  bourre  de  fil  épais 
d’argent  pur  et  recuit,  que  j’ai  fixée  par  compression  à  l’orifice  de  la  sphère; 
2°  un  tampon  d’amiante  calciné  à  l’eau  régale,  et  transformé  en  une  espèce 
de  feutre  en  le  délayant  dans  de  l’eau  et  en  recevant  ensuite  la  pâte  sur  un 
tamis  de  toile  métallique,  comme  s’il  s’agissait  de  faire  du  papier  à  la  forme; 
3°  une  colonne,  de  15  à  18  centimètres  de  long,  d’une  éponge  d’argent  pul¬ 
vérulent  et  pur,  provenant  de  la  réduction  à  basse  température  d’un  mélange 
de  solution  ammoniacale  d’azotate  d’argent  et  d’azotate  de  cuivre,  sous  l’in¬ 
fluence  du  sulfite  bi  -ammonique.  J’ai  exposé  page  32  et  suivantes  de  mon 
Mémoire  sur  les  lois  des  proportions  chimiques,  comment  je  me  procure  ainsi 
de  l’argent  pur.  Cet  argent  est  chauffé  au  rouge  très-sombre  et  sert  à  retenir 
les  traces  d’iode  entraînées  par  l’oxygène;  4-°  un  tampon  de  2  à  3  centimètres 
d’amiante  feutrée  servant  à  empêcher  l’entraînement  de  la  poussière  d’argent; 
5°  un  tampon  de  fils  très-fins  d’argent  pur  destiné  à  soutenir  le  feutre  d’amiante; 
6°  un  ressort  à  boudin,  en  argent,  destiné  à  maintenir  les  différentes  parties 
tendant  à  se  déplacer  sous  l’influence  des  courants  rapides  de  gaz  qui  se  pro¬ 
duisent  dans  ce  col,  lorsqu’on  vient  à  faire  le  vide  dans  l’appareil. 

Ce  système,  avant  de  servir  à  l’expérience,  a  été  chauffé  à  une  tempéra¬ 
ture  élevée,  en  faisant  arriver  en  môme  temps  un  courant  d’air  sec.  Au  même 
moment,  le  col  renfermant  les  différentes  matières  que  je  viens  de  détailler, 

1  On  parvient  à  ce  résultat  en  plaçant  le  cuir  séché  dans  la  paraffine  fondue  et  en  faisant  le 
vide,  laissant  pénétrer  l’air  sous  la  cloche ,  faisant  encore  le  vide  et  rétablissant  la  pression. 
En  répétant  ces  opérations  un  assez  grand  nombre  de  fois,  on  finit  par  obtenir  un  cuir 
d’une  imperméabilité  absolue  pour  les  gaz  à  basse  température,  et  fort  souple  vers  40°  à  43°. 
L’imprégnation  des  cuirs  parla  paraffine  m’a  rendu  les  plus  grands  services  lorsqu’il  s’est  agi  de 
faire  des  pesées  dans  des  vases  vides  d’air.  Ces  cuirs  sont  privés  d'hygrométricité,  et  ils  conser¬ 
vent  l’intégrité  de  leur  poids  jusqu’à  une  température  assez  élevée.  Fixés  par  compression  entre 
des  surfaces  juxta-posées,  ils  tiennent  indéfiniment  le  vide.  Lorsque  la  paraffine  est  bien  purifiée, 
elle  ne  provoque  point  l’oxydation  du  cuivre  ou  du  laiton ,  comme  c’est  toujours  le  cas  pour  les 
corps  gras  qui  servent  à  donner  de  l'imperméabilité  aux  cuirs  destinés  à  la  fabrication  des 
rondelles  employées  dans  les  appareils  où  l’on  doit  maintenir  le  vide. 


176  NOUVELLES  RECHERCHES 

0 

était  placé  dans  une  gaine  de  tôle  remplie  de  magnésie  fortement  calcinée; 
celte  gaine  était  chauffée  au  rouge  très-sombre  L 

1  De  V action  de  l'oxygène  sur  l’argent  en  présence  du  verre. 

Ayant  remarqué  que  l’argent,  très-divisé,  chauffé  au  contact  du  verre,  à  une  température 
capable  d’amener  le  ramollissement  du  verre,  colore  celui-ci  en  jaune  et  même  en  brun,  je  me 
suis  demandé  si  cette  coloration  n’est  point  accompagnée  d’absorption  d’oxygène.  Dans  le  but  de 
résoudre  cette  question,  j’ai  fait  un  mélange  intime  de  cent  grammes  de  verre  très-réfractaire 
finement  pulvérisé,  et  de  trente  grammes  d’argent  précipité  il  froid  d’une  solution  ammoniacale 
d'azotate  d’argent  par  une  solution  ammoniacale  de  sulfite  cuivreux.  Ce  mélange,  bien  séché,  a 
été  introduit  dans  un  tube  de  verre  très-réfractaire  de  soixante  centimètres  de  longueur,  effilé 
d’un  bout  et  muni  d’un  tampon  d’asbeste  feutré;  l’autre  bout  de  ce  tube  a  été  effilé  après  que 
la  poudre  de  verre  et  d’argent  y  eut  été  introduite  et  convenablement  tassée.  Le  tube  ainsi 
disposé,  après  avoir  été  chauffé  vers  350°  pendant  qu’un  courant  d’air  sec  le  traversait,  a  été 
pesé  après  son  refroidissement  complet.  Son  poids  était  289er,G24o;  je  l’ai  suspendu  dans  une 
gaine  de  tôle  placée  sur  une  grille  à  gaz;  il  ne  reposait  que  par  ses  bouts  non  chauffés.  J’ai 
amené  la  gaine  au  rouge  sombre,  et  j’ai  fait  passer  pendant  une  heure  et  demie  de  l’air  pur  et 
sec  au  travers  du  tube.  Au  bout  de  ce  temps,  j’ai  éteint  le  gaz  et  j’ai  abandonné  le  tout  au  refroi¬ 
dissement.  Le  mélange  de  verre  et  d’argent,  qui  primitivement  était  d’un  gris  très-sale,  était 
devenu-  beaucoup  plus  blanc. 

Le  poids  du  tube,  déterminé  le  lendemain,  était  de  289sr,G257. 

J’ai  replacé  le  tube  dans  la  gaine  de  tôle  et  j’ai  amené  celle-ci  à  la  température  rouge  la  plus 
élevée  que  j’ai  pu  produire  sans  déterminer  la  flexion  du  tube  librement  suspendu.  Dans  cet 
état,  j’y  ai  fait  passer  pendant  une  heure  un  courant  lent  d’air  pur  et  sec.  Après  le  refroidis¬ 
sement,  la  couleur  du  mélange  était  devenue  encore  plus  blanche,  et  la  surface  interne  du  tube 
de  verre  avait  conservé  sa  couleur. 

Le  poids  du  tube ,  déterminé  le  lendemain ,  était  289sr,62S2. 

Enfin,  j’ai  introduit  une  troisième  fois  le  tube  dans  la  gaine,  mais  en  le  faisant  reposer  par 
le  milieu  sur  un  lit  de  magnésie  pure,  chauffée  préalablement  au  gaz  tonnant  pour  en  déter¬ 
miner  la  contraction  et  produire  ainsi  l’indifférence  chimique.  J'ai  porté  ensuite  la  gaine  à  une 
température  aussi  élevée  que  j’ai  pu  l’obtenir  par  la  combustion  du  gaz;  pendant  ce  temps,  j’ai 
fait  passer  de  l’air  sec  au  travers  du  tube.  Quoique  ce  tube  fût  très-réfractaire,  au  bout  d’une 
vingtaine  de  minutes  il  s’est  affaissé  sur  lui-même,  tout  en  se  courbant  entre  les  parties  suspen¬ 
dues,  et  il  s’est  obstrué  au  point  d’empêcher  complètement  le  courant  d’air.  Après  l’avoir  laissé 
très-lentement  refroidir  pour  en  empêcher  la  casse,  j’ai  lavé  à  l’eau  acidulée  par  l’acide  chlorhy¬ 
drique  la  portion  qui  avait  reposé  sur  la  magnésie ,  puis  par  l’eau  pure.  Le  mélange  de  verre  et 
d’argent,  fortement  contracté  et  tout  à  fait  adhérent  au  tube,  s’était  sensiblement  coloré  en 
jaune,  toutes  les  parties  en  contact  avec  le  verre  avaient  également  coloré  la  surface  du  tube  en 
jaune  légèrement  brunâtre. 

grain. 

Après  un  refroidissement  convenable,  je  l’ai  pesé;  son  poids  constant  a  été  .  .  .  289,6513 
11  y  a  eu  donc  une  augmentation  de  poids  égal  à .  0,0508 

Il  résulte  de  ces  faits  que,  par  suite  de  son  contact  avec  le  verre  même  très-réfractaire,  l'ar- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


177 


Lorsque  l’appareil  fut  tout  à  fait  séché,  j’y  fis  le  vide  aussi  parfaitement 
qu’une  machine  pneumatique  neuve  le  permet.  Pour  me  mettre  à  l’abri  de  l’en¬ 
traînement  des  matières  pulvérulentes  par  les  courants  brusques  et  rapides, 
j’eus  soin  d’interposer  entre  la  machine  et  l’appareil  un  tube  de  verre  très- 
solide,  long  de  25  à  30  centimètres,  et  d’un  diamètre  intérieur  allant  du  tiers 
au  quart  de  millimètre.  Cet  obstacle  rend  l’opération  beaucoup  plus  longue , 
mais  celte  lenteur  est  indispensable  pour  ne  pas  soulever  les  matières  légères 
et  les  entraîner  ensuite ,  hors  des  appareils,  dans  la  pompe  même. 

Appareil  destiné  à  fixer  l’oxygène.  —  Cet  appareil  consiste  en  un  tube  de 
verre  très-réfractaire,  de  soixante-quinze  à  quatre-vingts  centimètres  de  long, 
sur  deux  centimètres  et  demi  de  diamètre.  A  chaque  bout,  parfaitement  dressé , 
j’ai  luté,  à  l’aide  d’un  mastic  résineux  peu  fusible,  une  armature  métallique 
sur  laquelle  vient  se  visser  un  petit  robinet  de  laiton  muni  d’une  clef  de  bronze. 

Des  cuirs  préparés  à  la  paraffine  sont  interposés  entre  l’armature  et  le 
robinet.  Ce  tube  contient  du  cuivre  pur  sous  différents  états  :  d’abord  par  le 
bout  destiné  à  l’entrée  de  l’oxygène,  un  tampon  de  fil  de  cuivre  destiné  à 
empêcher  les  matières  d’avancer  au  delà  d’un  certain  point;  ensuite  une 
colonne,  de  dix  à  douze  centimètres,  de  tournure  très-fine  de  cuivre  pur  ; 
en  troisième  lieu,  une  colonne  de  dix  centimètres  de  cuivre  réduit  de  l’oxyde 
à  l’aide  de  X oxyde  carbonique  pur  (afin  de  donner  beaucoup  de  cohésion  à 
cette  mousse  métallique,  la  réduction  a  été  opérée  à  une  haute  température); 
en  quatrième  lieu,  une  colonne  de  vingt  centimètres  de  cuivre,  réduit  de 
l’oxyde  par  l’oxyde  carbonique  à  basse  température,  dans  le  but  de  l’avoir 
le  plus  divisé  et  le  plus  apte  à  s’emparer  de  la  moindre  trace  d’oxygène;  en 
cinquième  lieu,  de  la  tournure  de  cuivre  pur  légèrement  oxydée  :  cet  oxyde 
est  destiné  à  ramener  à  l’état  d’eau  l’hydrogène  qui  aurait  pu  être  mis  en 
liberté  par  le  passage  de  la  vapeur  d’eau  sur  les  traces  de  fer  restées  dans  le 
cuivre  métallique. 

gent  peut  absorber  l’oxygène  et  produire  du  silicate  de  ce  métal;  mais  cette  absorption  est 
absolument  nulle  au-dessous  de  la  température  du  ramollissement  du  verre.  Comme, dans  l’ana- 
Ivse  de  l’iodate  d’argent,  l’argent  pulvérulent  sur  lequel  l’oxygène  a  passé  a  été  chauffé  seule¬ 
ment  au  rouge  très-sombre,  et  par  conséquent  à  une  température  inférieure  à  celle  du  ramollis¬ 
sement  du  verre  très-réfractaire,  je  crois  être  certain  qu’il  n’y  a  pas  eu  absorption  d’oxygène  > 
et  que  partant  il  n'y  a  aucune  cause  d’erreur  de  ce  chef. 

Tome  XXXV. 


23 


d  78 


NOUVELLES  RECHERCHES 


J’ai  soutenu  la  tournure  grillée  à  l’aide  d’une  bourre  de  fils  fins  de  cuivre. 
Pour  éviter  l’entrainement  des  parcelles  métalliques  par  les  gaz  en  mouve¬ 
ment,  j’ai  placé  une  colonne  d’amiante  feutrée  de  trois  à  quatre  centimètres  de 
long;  une  nouvelle  bourre  de  fils  de  cuivre  maintient  celte  colonne  d’amiante; 
enfin  un  ressort  à  boudin  en  cuivre  redresse  les  différentes  parties  lorsqu’elles 
avancent  sous  le  courant  produit  par  la  machine  pneumatique. 

Ce  n’est  qu’après  mûre  réflexion,  et  après  de  longs  tâtonnements,  que  je 
me  suis  servi  du  métal  cuivre  sous  ces  différents  états.  J’ai  mis  à  la  préparation 
du  cuivre  les  soins  les  plus  minutieux  :  j’ai  éliminé  notamment  le  soufre  que 
ce  métal  contient  presque  toujours;  dans  ce  but,  après  l’avoir  transformé  en 
azotate,  à  l’aide  de  l’acide  azotique  pur,  j’ai  ramené  ce  sel  à  l’état  d’oxyde  par 
une  chaleur  simplement  suffisante  pour  effectuer  sa  décomposition.  D’un  autre 
côté,  j’ai  produit  de  l’hydrate  de  potassium  pur  par  l'action  de  l'eau  sur 
l’oxyde  de  potassium,  obtenu  par  la  réduction  de  l’azotate  de  ce  métal  au 
moyen  du  cuivre  métallique.  L’oxyde  de  cuivre  a  été  chauffé  avec  une  solu¬ 
tion  de  cet  hydrate  de  potassium  jusqu’au  moment  où  l’analyse  ne  m’a  plus 
permis  d’y  découvrir  l’existence  du  soufre.  J’ai  été  amené  à  l’élimination  du 
soufre,  parce  que  j’ai  reconnu  que  l’oxydation  du  cuivre  sulfuré  est  accom¬ 
pagnée  d’un  dégagement  d’anhydride  sulfureux  lorsqu’elle  s’effectue  à  une 
température  élevée. 

L’emploi  de  l’oxyde  carbonique  pour  la  réduction  de  l’oxyde  de  cuivre , 
emploi  qui  a  entraîné  beaucoup  de  travail,  a  été  nécessité  par  le  fait  reconnu 
par  M.  Melsens ,  de  l’existence  de  l’hydrogène  dans  le  cuivre  réduit  à  basse 
température  à  l’aide  de  ce  corps.  La  présence  de  cet  hydrogène  eût  été  une 
source  d’erreurs  d’autant  plus  grande,  que  l’iodate  lui-même  dégage  des  traces 
de  vapeur  d’eau  lorsqu’on  le  soumet  à  la  fusion.  Du  reste,  abstraction  des 
peines  qu’entraîne  l’emploi  de  l’oxyde  carbonique,  le  cuivre  obtenu  ainsi  ma 
semblé  plus  oxydable  que  celui  fourni  par  l’hydrogène.  Dans  son  oxydation , 
il  ne  m’a  fourni  aucune  trace  d’anhydride  carbonique. 

Le  tube,  avant  de  servir  à  l’opération  ,  a  été  chauffé  au  rouge  très-sombre 
dans  un  courant  lent  d’azote  pur  et  sec,  pour  éliminer  complètement  la  vapeur 
d’eau  que  le  métal  pulvérulent  avait  enlevée  à  l’air  atmosphérique.  J’y  ai  fait 
ensuite  le  vide,  en  interposant,  entre  la  machine  pneumatique  et  lui,  un 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


179 


tube  capillaire  destiné  à  empêcher  l’entraînement  des  poussières  métalliques. 

Du  système  destiné  à  la  condensation  de  l’eau. —  Le  système  destiné  à  la 
condensation  de  l’eau  consiste  dans  trois  tubes  en  U,  de  quarante  centimè¬ 
tres  de  longueur  sur  deux  centimètres  et  demi  de  diamètre  intérieur.  Au  bout 
de  ces  tubes  sont  soudés  des  tubes  recourbés  à  angle  droit,  de  un  centimètre 
de  diamètre  intérieur.  Ces  tubes  en  U  sont  remplis  de  pierre  ponce  réduite 
en  grains  irréguliers  de  un  à  deux  millimètres  de  diamètre.  Avant  d’intro¬ 
duire  ces  grains  dans  les  tubes,  je  les  ai  mouillés  par  de  l’acide  sulfurique, 
et,  après  vingt-quatre  heures  de  digestion,  je  les  ai  chauffés  au  rouge,  afin 
de  décomposer  les  chlorures  et  fluorures  que  la  pierre  ponce  contient.  Pour 
plus  de  sécurité,  j’ai  renouvelé  cette  opération  une  seconde  fois;  au  second 
traitement  ,  je  n’ai  pas  vu  apparaître  la  moindre  trace  d’acide  chlorhydrique 
ou  de  tétra-fluorure  de  silicium.  Après  le  refroidissement  de  la  pierre  ponce, 
j’en  ai  rempli  les  tubes,  en  me  servant  à  cet  effet  d’une  main  de  platine. 
Lorsqu’ils  en  furent  presque  entièrement  remplis,  je  les  chauffai  jusqu’à 
300°  environ,  tout  en  y  faisant  passer  un  courant  d’air  sec,  et  pendant  qu’ils 
étaient  encore  fort  chauds,  j’y  ai  laissé  couler,  à  l’aide  de  la  pointe  d’une 
pipette,  de  l’acide  sulfurique  normal,  chauffé  près  de  son  point  d’ébullition, 
et  en  quantité  suffisante  non-seulement  pour  pénétrer  et  mouiller  tous  les 
grains,  mais  encore  pour  que  les  tubes,  placés  dans  une  position  verticale, 
continssent,  dans  leur  courbure,  une  couche  d’acide  sulfurique  d’un  centi¬ 
mètre  et  demi  de  hauteur.  Afin  d’être  certain  que  les  pores  des  grains  étaient 
complètement  remplis  d’acide  sulfurique  et  d’éliminer  de  la  sorte  l’air  qu’ils 
renfermaient,  j’ai  fait,  à  trois  reprises  différentes,  le  vide  dans  les  tubes,  après 
que  l’acide  sulfurique  y  eut  été  introduit,  en  laissant  pénétrer  à  chaque  fois 
de  l’air  séché  par  son  passage  sur  l’acide  sulfurique  lui- même.  A  chaque 
reprise,  j’ai  retourné  les  tubes  pour  répandre  sur  les  grains  l’acide  déposé 
dans  la  courbure. 

Les  trois  tubes  ont  été  rendus  solidaires  à  l’aide  de  petits  tubes  courbés 
en  U,  fixés  par  des  tubes  en  caoutchouc.  Ces  tubes  de  caoutchouc  étaient 
solidement  fixés  sur  les  bouts  libres  des  appareils  de  verre,  à  l’aide  de  lames 
minces  d’argent  faites  par  le  laminage  d’un  fil  épais  de  ce  métal.  Je  tournais 
cette  lame  métallique  en  spires  tellement  rapprochées  autour  du  tube,  que  la 


480 


NOUVELLES  RECHERCHES 


surface  du  caoutchouc  en  était  entièrement  couverte.  De  cette  manière,  je  me 
suis  mis,  autant  que  possible,  à  l’abri  de  l’augmentation  de  poids  que  le  caout¬ 
chouc  tend  à  subir  en  s’emparant  de  l’oxygène  de  l’air. 

Des  essais  nombreux,  faits  à  plusieurs  reprises,  sur  la  dessiccation  des  gaz, 
m’ont  prouvé  que  deux  tubes ,  comme  ceux  que  je  viens  de  décrire,  suffisent 
pour  garantir  l’absorption  totale  de  l’eau,  dans  les  conditions  où  ils  doivent 
fonctionner.  Pour  plus  de  certitude,  j’y  ai  joint  un  troisième  tube;  celte  sur¬ 
charge  était  d’ailleurs  insignifiante  pour  la  balance  qui  devait  les  peser. 

J’ai  pris  en  outre  le  soin  d’ajouter  un  quatrième  tube  libre  devant  servir  de 
témoin.  Ce  tube  témoin  a  une  hauteur  moitié  moindre  que  celle  des  grands 
tubes  et  un  diamètre  de  près  de  deux  centimètres.  Je  garantissais  la  conserva¬ 
tion  du  témoin  contre  les  atteintes  de  l’humidité  de  l’air  ambiant,  en  le  mettant 
pendant  l’expérience  en  communication  avec  un  long  tube  en  U ,  identique 
aux  trois  tubes  formant  le  système  à  condensation  de  la  minime  quantité  de 
vapeur  d’eau  résultant  de  la  décomposition  de  l’iodate,  et  préparé  dans  les 
mêmes  conditions  qu’eux. 

Lorsque  ces  tubes  ne  fonctionnaient  pas,  leurs  ouvertures  étaient  munies 
de  poches  en  caoutchouc;  et,  sauf  le  moment  où  ils  pendaient  à  là  balance, 
ils  étaient  enfermés  dans  une  espèce  de  sac  en  lin  fin ,  pour  les  soustraire  à 
l’influence  des  poussières  et  de  l’attouchement  des  mains.  L’ensemble  du 
système  à  condensation  de  l’eau  est  figuré  à  la  fin  de  ce  Mémoire  sur  une 
planche  séparée ,  avec  tout  l’appareil  d’analyse. 

Du  système  d’appareil  qui  a  fourni  l’azote  pur  nécessaire  à  l’opération. — 
Ce  système  se  compose  d’un  gazomètre  de  Pepys,  de  140  litres  de  capacité, 
qui  est  rempli  d’azote  préparé  par  l’action  de  l’air  sur  le  cuivre  chauffé  au 
rouge.  Comme  ce  gaz  devait  nécessairement  être  conservé  en  contact  avec  l’eau, 
j’ai  eu  soin  de  dissoudre  dans  celle-ci  du  stannite  de  potassium,  qui  a  l’avan¬ 
tage  de  dissoudre  à  la  fois  l’oxygène  et  l’anhydride  carbonique  libres.  J’ai  déjà 
eu  recours,  en  1842  i,  au  stannite  de  potassium  pour  enlever,  à  l’oxyde  car¬ 
bonique  recueilli  sur  l’eau,  l’oxygène  et  l’acide  carbonique  qu’elle  renfermait. 

1  Nouvelles  recherches  sur  le  véritable  poids  atomique  du  carbone ,  Bulletins  de  l’Académie 
ROYALE  DE  BELGIQUE  ,  t.  XVI. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


181 


Ce  stannite  de  potassium  se  prépare,  au  fur  et  à  mesure  des  besoins,  par  la 
dissolution  de  l’hydrate  de  stannosum  dans  l’hydrate  de  potassium  ;  et  l’hy¬ 
drate  de  stannosum  s’obtient  par  l’action  du  carbonate  bisodique  sur  une 
solution  de  chlorure  de  stannosum.  On  sait  qu’une  solution  concentrée  de 
stannite  de  potassium  se  détruit  rapidement  avec  dépôt  d’étain  et  formation 
de  stannate  de  potassium;  mais,  en  solution  diluée,  le  stannite  de  potassium 
se  conserve  fort  longtemps. 

A  l’aide  d’un  tube  en  Z  le  gazomètre  est  mis  en  communication  avec  un 
grand  appareil  de  Liebig,  contenant  de  l’acide  sulfurique  pur,  qui  lui-même 
est  en  relation  avec  deux  grands  tubes  en  U  reliés  entre  eux  et  contenant  du 
chlorure  de  calcium  fondu.  Le  second  de  ces  tubes  communique,  à  l’aide 
d’un  tube  conique  de  caoutchouc,  avec  un  tube  en  verre  blanc  réfractaire, 
long  de  un  mètre  et  dix  centimètres.  Ce  tube  est  placé  dans  une  gaine  de 
tôle  remplie  de  magnésie  et  reposant  sur  une  grille  à  gaz.  Il  renferme  du 
cuivre  divisé,  provenant  de  la  réduction  de  l’oxyde  de  cuivre  par  l’oxyde 
carbonique.  Pendant  le  passage  de  l’azote,  ce  tube  est  chauffé  au  rouge  sombre 
sur  une  longueur  de  90  centimètres. 

Au  bout  de  ce  long  tube  est  mastiqué  une  armature  de  laiton  sur  laquelle 
se  visse,  avec  interposition  d’un  cuir,  un  robinet  assez  bien  construit  pour 
tenir  parfaitement  le  vide.  Ce  robinet  fait  partie  d’un  système  de  tube  en  T 
terminé  à  ses  trois  bouts  par  des  robinets.  L’un  de  ces  robinets  est  en  commu¬ 
nication  avec  la  machine  pneumatique,  l’autre  s’ajuste  à  un  système  de  dessic¬ 
cation  formé  de  cinq  grands  tubes  en  U,  remplis  de  pierre  ponce  concassée, 
humectée  d’acide  sulfurique  normal.  Ces  tubes  en  U  ont  été  préparés  avec 
tous  les  soins  que  j’ai  fait  connaître  pour  le  système  destiné  à  recueillir  les 
traces  d’eau  dégagées  de  l’iodate.  Ces  tubes  en  U  sont  reliés  les  uns  aux 
autres  par  des  tubes  de  caoutchouc  faits  à  l’aide  de  lames  épaisses,  découpées 
dans  des  blocs  de  caoutchouc  naturel  bien  séché  dans  le  vide.  Il  n’y  a  en  effet 
que  le  caoutchouc  naturel  qui,  appliqué  sur  des  surfaces  dépolies  et  sous  une 
épaisseur  suffisante,  garde  le  vide.  Le  caoutchouc  qui  a  été  vulcanisé,  et  qui 
a  été  désulfuré  ensuite,  est  extraordinairement  poreux. 

Le  bout  libre  du  dernier  de  ces  cinq  tubes,  reliés  entre  eux,  est  terminé 
par  un  robinet.  Pour  être  certain  que,  par  ce  robinet,  il  se  dégage  de  l’azote 


182 


NOUVELLES  RECHERCHES 


pur,  j’ai  pris  les  dispositions  suivantes  :  après  avoir  adapté  sur  le  gazomètre 
un  tube  métallique,  contenant  une  colonne  de  liquide  capable  d’exercer  sur  le 
gaz  azote  contenu  dans  le  réservoir  une  pression  de  60  à  80  centimètres 
d’eau,  j’ai  ouvert  le  robinet  du  gazomètre,  de  manière  à  laisser  passer  bulle 
à  bulle  l’azote  au  travers  de  l’acide  sulfurique  de  l’appareil  de  Liebig,  et  j’ai 
chauffé  au  rouge  très-sombre  le  tube  contenant  le  cuivre  réduit,  placé  sur  la 
grille  à  gaz.  Lorsque  cinq  litres  d’azote  eurent  traversé  tout  le  système,  je 
fermai  le  robinet  qui  termine  le  tube  à  cuivre  et  le  robinet  qui  clôt  le  système 
à  dessiccation;  j’ouvris  le  robinet  adapté  au  tube  en  T,  que  j’avais  mis  en 
communication  avec  la  pompe  pneumatique,  et  fis  le  vide  dans  les  cinq 
tubes,  à  0n',001  près.  Ce  résultat  atteint,  j’ai  ouvert  lentement  le  robinet  du 
tube  à  cuivre,  de  manière  à  laisser  pénétrer  de  l’azote  pur  dans  le  système  à 
dessiccation.  Lorsque  la  pression  a  été  rétablie,  j’ai  fermé  de  nouveau  le  ro¬ 
binet  du  tube  à  cuivre,  on  a  fait  de  nouveau  le  vide  et  j’ai  laissé  encore 
une  fois  pénétrer  de  l’azote.  J’ai  répété  un  grand  nombre  de  fois  ces  opéra¬ 
tions  pour  être  tout  à  fait  certain  de  l’absence  de  toute  trace  d’air  dans  le 
système  destiné  à  sécher  l’azote. 

Avant  de  dire  comment  j’ai  procédé  à  la  décomposition  de  l’iodate  d’argent , 
il  faut  que  j’expose  les  moyens  employés  pour  peser  les  différents  appareils. 

Pesées  des  appareils.  —  La  pesée  d’appareils  aussi  longs  que  ceux  dans 
lesquels  j’ai  été  obligé  d’exécuter  l’analyse  est  une  opération  des  plus  déli¬ 
cates.  Le  balancement  qu’ils  éprouvent,  lorsqu’ils  ne  sont  point  suspendus 
dans  une  position  parfaitement  horizontale  et  dans  un  équilibre  stable,  rend 
la  pesée  douteuse.  Lorsque  j’ai  eu  à  peser  les  longs  tubes  où  j’ai  effectué  la 
combustion  de  l’argent  dans  le  chlore  et  dans  le  soufre,  les  ballons  à  deux 
cols  dans  lesquels  j’ai  opéré  la  décomposition  du  chlorate  de  potassium,  les 
cylindres  de  90  centimètres  de  long  dans  lesquels  étaient  renfermés  les  tubes 
contenant  soit  le  sulfure  soit  le  sulfate  d’argent,  j’ai  eu  à  lutter  contre  ces 
difficultés.  A  cette  époque,  j’ai  imaginé  l’artifice  suivant,  qui  réussit  au  point 
que  la  pesée  d’un  objet  placé  dans  la  position  horizontale  n’est  pas  plus  diffi¬ 
cile  que  celle  d’un  vase  suspendu  dans  la  position  verticale.  Cet  artifice  con¬ 
siste  à  fixer  ces  appareils  à  un  support  en  T  renversé,  suspendu  à  la  balance 
dans  un  état  d’équilibre  parfait.  La  branche  verticale  du  T  renversé  présente 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


■185 


une  ouverture  allongée  dont  la  partie  supérieure  est  limée  en  biseau.  De  chaque 
côté  de  la  branche  horizontale  se  meut  une  coulisse  à  laquelle  est  attachée  une 
lame  métallique  longue  et  recourbée.  Chaque  coulisse  est  munie  d’une  vis  de 
pression  qui  permet  de  la  fixer  sur  un  point  quelconque  du  bras  du  T  ;  les 
parties  recourbées  de  la  lame  servent  de  support  à  l’objet  à  peser. 

La  figure  ci-dessous  représente  le  support  dont  je  me  suis  servi  dans  les 
pesées  des  appareils  destinés  à  l’analyse  de  l’iodate. 

Fig.  15. 


Comme  garantie  de  l’exactitude  de  mes  pesées,  j’ai  suspendu  en  bloc  à  la 
balance,  avant  et  après  l’analyse,  les  trois  systèmes  d’appareils,  dans  la 
position  que  montre  la  figure  avec  le  support.  Comme  l’oxygène  et  les  traces 
de  vapeurs  d’eau,  devenus  libres  par  la  décomposition,  étaient  fixés  l’un  dans 
le  tube  à  cuivre  et  les  autres  dans  le  système  à  condensation  de  l’eau,  après 
l’opération,  le  poids  total  devait  être  le  même  qu’avant  l’expérience ,  sauf 
l’erreur  de  l’expérience.  Pour  pouvoir  peser  en  bloc  ces  trois  systèmes  d’ap¬ 
pareils,  j’ai  attaché  des  crochets  métalliques  doublement  recourbés  sur  les 
armatures  mastiquées  au  bout  de  chaque  col  soudé  au  sphéroïde;  dans  la 
courbure  inférieure  de  chaque  crochet  j’ai  posé  l’armature  mastiquée  à  chaque 
bout  du  tube  à  cuivre  métallique.  A  l’aide  de  deux  gros  fils  métalliques  j  ai 
pendu  au  tube  à  cuivre  le  système  à  condensation  de  la  vapeur  d  eau ,  placé 
également  dans  la  position  horizontale. 


184 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Le  support,  sur  lequel  ces  trois  systèmes  d’appareils  étaient  fixés,  était 
suspendu  au  plateau  de  la  balance;  il  flottait  librement  dans  une  grande 
cage  au-dessous  de  celle-ci.  L’air  de  celte  cage  était  aussi  sec  que  possible,  et 
abrité,  à  l’aide  de  cloisons  épaisses  de  bois,  de  toute  cause  de  mouvement 
soit  par  des  courants,  soit  par  la  chaleur  rayonnante  du  corps. 

Comme  contre-poids  du  système  j’ai  pendu,  à  l’aide  d’une  longue  tringle 
d’acier,  un  ballon  fermé,  des  tubes  bouchés  hermétiquement  dont  le  volume 
extérieur  était  rigoureusement  identique  à  celui  des  appareils  dans  lesquels 
je  faisais  le  vide.  Pour  arriver  à  cette  identité  de  volume,  je  me  suis  servi  de 
la  méthode  indiquée  pour  la  première  fois  par  M.  Régnault ,  dans  son  Mé¬ 
moire  sur  la  pesanteur  spécifique  des  gaz.  A  ce  ballon  et  à  ces  tubes  bouchés 
j’ai  ajouté  des  tubes  en  U  ouverts  et  contenant  de  la  pierre  ponce  pour  contre¬ 
balancer  exactement  le  poids  du  système  à  eau  dans  lequel  je  ne  pouvais 
pas  faire  le  vide. 

Avant  que  d’exécuter  une  expérience  d’analyse,  je  me  suis  assuré  d’abord 
si  les  systèmes  destinés  à  se  faire  contre -poids  restaient  en  équilibre  dans 
l’air,  à  différentes  températures  et  à  différentes  pressions;  ensuite,  j’ai  cherché 
quels  étaient  les  changements  que  les  appareils  pourraient  éprouver  sous  1  in¬ 
fluence  de  la  chaleur,  du  courant  d’azote  et  des  opérations  nécessaires  pour 
y  faire  le  vide. 

Après  avoir  amené  la  balance  à  une  sensibilité  convenable  pour  la  charge 
qu’elle  était  destinée  à  supporter  et  avoir  garanti  l’invariabilité  de  la  longueur 
de  ses  bras,  j’ai  déterminé  le  poids  stationnaire  des  appareils  vides  d'azote 


à  0m,001. 

grain. 

Ce  poids  a  été  trouvé  égal  à . 1075,05525 

Ayant  rempli  ces  mêmes  appareils  d’azote  et  les  ayant  vidés  de  nou¬ 
veau  à  Om, 001,  j’ai  trouvé,  après  cinq  heures  de  refroidissement  1075,0555 

Le  lendemain,  leur  poids  était . 1075,0555 

Les  appareils  étant  traversés  par  un  courant  d'azote  pur,  j’ai 
chauffé  au  rouge  sombre,  à  l’aide  des  moyens  que  j’indiquerai 


plus  loin,  la  sphère  destinée  à  contenir  l’ioda le  et  le  tube  a  cuivre 
servant  à  la  fixation  de  l’oxygène;  après  trois  heures  de  refroi¬ 
dissement  j’y  ai  fait  de  nouveau  le  vide,  et  j’ai  trouvé.  .  .  .  1075,0545 

Après  cinq  heures  de  refroidissement . 1075,0550 

Et  le  lendemain,  le  vide  étant  poussé  aussi  loin  que  possible  .  .  1075,0550 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


185 


J’ai  laissé  le  système  suspendu  à  la  balance  pendant  cent  vingt  heures, 
laps  de  temps  durant  lequel  j’ai  fait  varier  la  chaleur  de  l’appartement  de 
5°  à  28°,  sans  que  le  système  ait  changé  sensiblement  de  poids.  Dans  cet 


intervalle,  la  pression  barométrique  a  varié  de  Om,761  à  Om,769. 

La  constance  dans  le  poids  des  appareils,  suspendus  pendant  un  temps  si 
long  au  plateau  de  la  balance,  ne  s’obtient  qu’à  la  condition  quon  soustraie 
son  fléau,  aussi  bien  que  les  objets  à  peser,  au  rayonnement  et  aux  courants 
d’air  chaud.  Pour  éviter  l’influence  de  la  chaleur  sur  les  bras  de  la  balance, 
je  couvre  d’une  manière  permanente,  à  l’aide  d’une  double  toile  de  colon 
blanc,  les  deux  tiers  supérieurs  delà  cage  qui  la  renferme,  et  je  ne  laisse  de 
libre  que  le  bas  de  l’aiguille  sur  laquelle  on  observe  de  loin  son  mouvement 
d’oscillation.  Si  l’on  n’a  pas  soin  de  prendre  chaque  fois  celte  précaution,  et 


si  l’on  se  place  à  droite  ou  à  gauche  de  la  balance,  on  constate  des  poids 
variant  en  sens  opposés,  suivant  que  l’on  a  produit  l’allongement  inégal  de 
l’un  ou  l’autre  bras  du  fléau. 

Après  avoir  reconnu  que  les  appareils  tenaient  bien  le  vide,  et  que  leur 
poids  restait  intact  dans  les  conditions  où  l’expérience  doit  s’accomplir,  j’ai 
introduit  dans  le  corps  du  ballon,  à  l’aide  d’un  tube  assez  long,  ouvert  par 
les  deux  bouts,  la  quantité  d’iodate  sur  laquelle  je  voulais  opérer;  et,  après  en 
avoir  déterminé  le  poids,  j’ai  procédé  à  l’analyse  même. 

De  l’ opération  de  l’analyse  de  l  lodate  d  argent.  J  ai  placé  le  ballon  dans 
un  bain  de  magnésie  fortement  calcinée  et  j’ai  engagé  l’un  de  ses  cols,  celui 


contenant  la  colonne  d’argent  divisé,  dans  une  gaine  de  tôle  remplie  de 
magnésie  fortement  calcinée.  Ce  bain  et  cette  gaine  étant  solidement  fixés  à 


une  hauteur  convenable  au-dessus  d’une  lampe  a  gaz  à  cinq  flammes  et  d  une 
grille  à  gaz,  j’ai  élevé  le  tout  de  manière  à  mettre  le  robinet,  qui  termine  son 
col  vide,  à  la  hauteur  du  robinet  adapté  à  l’appareil  destiné  à  fournir  1  azote 
pur  et  sec.  J’ai  relié  ces  deux  robinets  l’un  à  l’autre  à  l’aide  d’un  tube  de  caout¬ 
chouc.  A  la  branche  du  robinet,  terminant  l’autre  col  du  ballon,  j’ai  relié, 


à  l’aide  d’un  tuyau  épais  de  caoutchouc,  le  tube  à  cuivre  posé  dans  une  gaine 
remplie  de  magnésie  qui  le  couvrait  complètement.  Cette  gaine  reposait  sur 
une  grille  à  gaz  qui  permettait  d’élever  sa  température  au  rouge.  Enfin,  j  ai 
mis  le  tube  à  cuivre  en  communication  avec  le  système  destiné  à  la  conden- 
Tome  XXXV.  24 


186 


NOUVELLES  RECHERCHES 


sation  de  la  vapeur  d’eau;  ce  système  était  suivi  de  son  témoin,  et  celui-ci 
de  son  tube  en  U  servant  à  le  garantir  des  atteintes  de  l’humidité  atmosphé¬ 
rique. 

Ces  différents  appareils  étant  disposés  comme  l’indique  la  planche  annexée 
à  ce  Mémoire,  j’ai  commencé  par  ouvrir  le  robinet  du  gazomètre  contenant 
l’azote,  et  j’ai  porté  au  rouge  sombre  le  grand  tube  à  cuivre  destiné  à  dépouiller 
l’azote  des  traces  d’oxygène  qu’il  pouvait  retenir;  après  avoir  placé  des 
écrans  de  métal  et  de  carton,  en  nombre  suffisant  et  convenablement  espacés, 
pour  garantir  de  la  chaleur  les  mastics  résineux  qui  servent  à  fixer  les  arma¬ 
tures  métalliques  sur  les  cols  du  ballon  et  du  tube  à  cuivre,  j’ai  ouvert  le 
robinet  terminant  le  système  à  dessiccation  de  l’azote  et  j’ai  tourné  avec  les 
plus  grandes  précautions  le  robinet  du  ballon  pour  y  laisser  pénétrer  lente¬ 
ment  le  gaz  srzote.  Ce  résultat  atteint,  j’ai  tourné  le  robinet  opposé,  puis,  avec 
les  précautions  nécessaires,  le  robinet  du  tube  à  cuivre  qui  lui  correspond, 
et  enfin  le  robinet  qui  termine  le  tube  à  cuivre.  Lorsque  quatre  à  cinq  litres 
d’azote  pur  eurent  passé  par  le  système  entier,  tout  en  maintenant  le  courant 
d’azote ,  je  portai  au  rouge  sombre  le  tube  à  cuivre  métallique,  ensuite  la 
gaine  dans  laquelle  repose  le  col  contenant  l’argent,  enfin  je  chauffai  avec 
lenteur  le  bain  de  magnésie  contenant  le  ballon. 

Dès  que  j’ai  vu  l’iodate  fondu  dégager  des  gaz ,  j’ai  fait  tous  mes  efforts 
pour  maintenir  aussi  stationnaire  que  possible  la  température  du  bain.  Au 
commencement,  l’iodate  fondu  se  décompose  avec  beaucoup  de  régularité;  le 
liquide  est  bien  (laide,  incolore;  mais  à  mesure  que  la  décomposition  s’ac¬ 
complit,  le  liquide  prend  de  la  viscosité,  il  se  colore  en  jaune,  en  rouge,  en 
brun  rougeâtre;  le  dégagement  du  gaz  devient  de  plus  en  plus  difficile  et  la 
conduite  de  l’opération  de  plus  en  plus  délicate. 

Comme  j’avais  étudié,  par  une  expérience  préliminaire  faite  sur  environ 
une  trentaine  de  grammes  d’iodate,  toutes  les  phases  de  cette  décomposition, 
j’ai  pu  terminer  l’opération  sans  le  moindre  accident.  Seulement,  vers  la  fin 
de  la  décomposition  de  l’iodate,  lorsque  la  grande  quantité  d’iodure  qui  avait 
pris  naissance  fut  devenue  visqueuse  par  l’élévation  considérable  de  tempé¬ 
rature,  comme  c’est  le  cas  pour  le  soufre  chauffé  à  350°,  il  a  fallu  redoubler 
d’attention  dans  la  conduite  du  feu,  sinon  l’iodure  soulevé  aurait  été  entraîné 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


187 


par  le  dégagement  d’oxygène.  J’ai  maintenu  l’application  de  la  chaleur  aussi 
longtemps  que  l’iodure  n’est  point  resté  à  l’état  de  fusion  tranquille.  Le  déga¬ 
gement  d’oxygène  a  duré  six  heures  environ,  dans  l’analyse  que  j’ai  faite  sur 
986r,1396 ,  et  il  a  fallu  onze  heures  de  chaleur  consécutive  et  de  soins  assidus 
pour  terminer  le  dégagement  de  l’oxygène  dans  la  deuxième  analyse,  où 
156^,8649  d’iodate  ont  été  décomposés. 

Lorsque  l’iodate  se  maintint  en  fusion  tranquille  au  fond  du  ballon,  malgré 
l’élévation  croissante  de  la  température,  je  couvris  la  partie  libre  du  ballon 
d’une  double  toile  métallique,  très-serrée  et  convenablement  recourbée,  sur 
laquelle  je  plaçai  des  charbons  incandescents,  afin  de  décomposer  les  traces 
d’iodate  projetées  par  le  pétillement  contre  la  voûte  du  ballon. 

La  quantité  d’iodate  et  d’iodure,  entraînée  parle  courant  de  gaz  dans  le  col, 
a  été  très-faible;  le  tiers  au  plus  de  la  colonne  d’amiante  feutré  én  était  légè¬ 
rement  coloré  en  jaune,  le  reste  avait  conservé  sa  couleur  blanche.  L’argent 
m’a  paru  avoir  conservé  également  sa  blancheur,  du  moins  il  m’a  été  impos¬ 
sible  de  découvrir  sur  une  partie  quelconque  de  la  colonne  la  moindre  colo¬ 
ration  produite  par  la  formation  de  l’iodure  d’argent.  Je  n’ai  pas  constaté  non 
plus  la  coloration  du  verre  en  contact  avec  l’argent,  preuve  qu’il  n’y  a  pas 
eu  absorption  d’oxygène  et  production  de  silicate  d’argent  '. 

Lorsque  le  dégagement  d’oxygène  eut  complètement  cessé  au  sein  de  la 
matière  contenue  dans  le  ballon,  je  laissai  lentement  refroidir  le  bain,  tout 
en  maintenant  au  rouge  sombre  le  tube  à  cuivre,  et  en  continuant  le  courant 
d’azote  pendant  une  heure  au  moins,  de  manière  à  faire  passer  de  12  à 
15  litres  d’azote  pur  pour  déplacer  la  dernière  trace  d’oxygène. 

Ce  résultat  obtenu ,  j’ai  laissé  refroidir  le  ballon  à  deux  cols  et  le  tube  à 
cuivre.  Tous  les  robinets  étant  fermés,  j’ai  détaché  le  système  destiné  à 
recueillir  l’eau,  qui  alors  contenait  une  atmosphère  d’azote.  Pour  élimi¬ 
ner  cette  atmosphère  et  la  remplacer  par  de  l’air  pur,  j’ai  fait  passer  len¬ 
tement  un  courant  d’air,  desséché  préalablement  par  son  passage  au  travers 
d’un  tube  à  chlorure  de  calcium,  suivi  de  quatre  grands  tubes  en  U  à 
ponce  sulfurique  préparés  avec  tous  les  soins  nécessaires.  Le  système  à  eau 


1  Voir  Ja  note  de  la  page  175. 


188 


NOUVELLES  RECHERCHES 


a  élé  muni  de  ses  poches  en  caoutchouc  et  abandonné,  dans  son  enveloppe 
de  lin,  au  refroidissement  complet. 

Le  refroidissement  du  ballon  et  du  tube  à  cuivre  étant  accompli ,  j’ai  lavé, 
à  l’eau  acidulée  par  l’acide  chlorhydrique,  puis  par  de  l’eau  pure,  toutes  les 
surfaces  de  verre  qui  avaient  subi  le  contact  de  la  magnésie  calcinée,  et  j’ai 


essuyé  les  appareils  avec  du  linge  fin. 

L’iodure  contenu  dans  le  ballon  était  d’un  jaune  légèrement  verdâtre. 
Toute  la  surface  du  ballon  qui  avait  élé  en  contact  avec  l’iodate  en  décompo¬ 
sition  était  colorée  en  jaune  ou  en  jaune  brunâtre.  Je  me  suis  assuré  par  un 
essai  direct  que  la  coloration  du  verre  se  fait  avec  augmentation  notable  de 
poids.  De  l’argent  entre  en  combinaison  avec  la  substance  du  verre,  et  un 


iodure  alcalin  se  forme  et  reste  en  dissolution  dans  l’iodure  d’argent.  L’iodure 
d’argent  lui-même,  chauffé  longtemps  dans  le  verre,  produit  le  même  eftet; 
cette  double  décomposition  s’effectue  sans  dégagement  d’oxygène  ou  d’iode.  J  ai 
constaté  ce  fait  en  chauffant  au  delà  de  100  grammes  d’iodure  d’argent  dans 
un  ballon  de  verre  réfractaire ,  à  la  température  la  plus  élevée  que  ce  verre 
est  capable  de  supporter  sans  s’affaisser  sur  lui-même;  dans  cet  essai  j’ai  eu 
soin  de  ne  pas  établir  de  courant  de  gaz  dans  le  vase,  pour  me  mettre  à 
l’abri  de  la  volatilité  de  l’iodure. 

Le  tube  à  cuivre  ne  présentait  d’oxydation  du  métal  que  dans  le  premier 
quart  de  la  longueur  de  la  colonne,  quoique  les  trois  quarts  restants  fussent 
également  chauffés  au  rouge.  Les  chimistes  qui  ont  exécuté  des  analyses  de 
l’air  par  la  méthode  de  MM.  Dumas  et  Boussingault  savent,  du  reste,  que 
l’oxydation  du  cuivre  dans  un  semblable  appareil  se  fait  graduellement, 
lorsque  le  courant  est  bien  modéré;  et,  lors  de  la  décomposition  de  1  iodate, 
il  a  dû  être  nécessairement  d’une  lenteur  extrême,  pour  ne  pas  avoir  d  acci¬ 
dent  par  l’iodure  devenu  visqueux  sous  rinlïuence  de  la  chaleur. 

Les  appareils  étant  ramenés  dans  les  conditions  premières  de  leur  surface, 
j’y  ai  fait  de  nouveau  le  vide  avec  toutes  les  précautions  possibles,  je  les  ai 
déposés  sur  le  support  servant  à  les  suspendre,  à  l’état  d’équilibre  parlait,  au 
plateau  de  la  balance,  et  je  les  ai  abandonnés  à  eux-mêmes  pendant  six 
heures. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  189 

Voici  maintenant  toutes  les  données  numériques  de  ces  deux  opérations 
bien  laborieuses  : 

PREMIÈRE  ANALYSE. 

IODATE  l’RÉt'ARÉ  PAR  LE  SULFATE  D’ARGENT  ET  L  IODATE  DE  POTASSIUM. 


Avant  la  décomposition. 

1.  Poids  de  l’appareil  à  boule,  après  avoir  été  rempli  d’azote  pur,  gram. 

vide  fi  0m,001 . 002,3015 

2.  —  du  même  appareil  avec  l’iodate  séché  à  120°,  après  avoir 

été  rempli  d’azote,  vide  à  0m,00l .  700.6470 

5.  —  du  précédent  appareil,  le  lendemain .  700,6474 

4.  —  du  tube  à  cuivre,  vide  d’azote  à  0m, 001 .  472,7535 

5.  —  du  système  destiné  à  recueillir  l’eau .  832,5210 

6.  —  en  bloc  des  appareils  3,  4  et  5  2005,9245 

7.  —  du  témoin .  103,2068 

Après  la  décomposition. 

1.  Poids  en  bloc  du  6°,  après  six  heures  de  refroidissement  .  .  .  2005,9220 

2.  —  en  bloc  des  mêmes  appareils,  le  lendemain .  2005,9230 

3.  —  de  l’appareil  à  boule,  vide  d’azote  à  0m,001 .  683,8940 

4.  —  de  l’appareil  5°,  le  lendemain .  683,8945 

5.  —  du  tube  à  cuivre,  vide  d’azote  à  0m, 004 .  489,4360 

6.  —  du  tube  à  cuivre,  le  lendemain .  489,4362 

7.  —  du  système  .à  eau ,  après  six  heures  de  refroidissement .  .  832,5925 

8.  —  du  système  précédent,  le  lendemain .  832,5928 

9.  —  du  témoin .  103,2072 

D’où  il  résulte  : 

1.  Poids  de  l’iodate,  dans  l’air .  98,3455 

2.  —  de  l’iodate,  dans  le  vide .  98,3396 

3.  —  de  l’eau  dégagée .  0,074  5 

4.  —  de  l’iodure  d’argent,  dans  l’air .  81,5930 

5.  —  de  l’iodure  d’argent,  dans  le  vide .  81,5880 

6.  —  de  l’oxygène,  dans  l’air .  16,6825 

7.  —  de  l’oxygène,  dans  le  vide .  46,8815 

8.  Somme  des  poids  de  l’iodure  d'argent  et  de  l’oxygène,  dans  le  vide  98,2695 

9.  Différence  entre  le  poids  de  l’iodate  employé  et  la  somme  des 

poids  des  éléments  séparés . -+-  0,004  5 


190 


NOUVELLES  RECHERCHES 


DEUXIÈME  ANALYSE. 

I0DATE  PRÉPARÉ  PAR  F.E  DITHIONATE  EMARGENT  ET  L’iODATE  DE  POTASSIEM. 


Avant  la  décomposition. 

gram. 

1.  Poids  de  l’appareil  à  boule,  vide  d’azote  à  0ra,001 . 928,5410 

2.  —  du  même  appareil,  le  lendemain .  928,5415 

5.  —  de  l’appareil  avec  l’iodate,  vide  d’azote  à  0m, 001  .  .  .  .  1085,4160 

4.  —  du  tube  à  cuivre,  vide  d’azote  à  0m, 001 .  472,8125 

5.  —  du  même  appareil,  le  lendemain .  472,8150 

G.  —  du  système  à  condensation  de  l’eau .  852,5950 

7.  —  du  même  système,  le  lendemain .  852,5928 

8.  —  du  témoin .  105,2075 

# 

Après  la  décomposition. 

1.  Poids  de  l’appareil  avec  l’iodure,  vide  d’azote  à  0m,001  et  après 

sept  heures  de  refroidissement . 1058,7245 

2.  —  du  même  appareil,  le  lendemain .  1058,7248 

5.  —  du  tube  à  cuivre,  vide  d’azote  à  0m,001,  après  six  heures 

de  refroidissement .  499,4250 

4.  —  du  même  tube,  le  lendemain .  499,4250 

5.  —  du  système  à  condensation  de  l’eau ,  après  six  heures  de 

refroidissement .  852,6720 

6.  —  du  système  précédent,  le  lendemain .  852,6725 

7.  —  du  témoin .  105,2080 

D’où  il  résulte  : 

1.  Poids  de  l'iodate,  dans  l’air .  156,8745 

2.  —  de  l’iodate,  dans  le  vide .  156,8649 

5.  —  de  l’eau  dégagée  de  l’iodate .  0,0790 

4.  —  de  l’iodure,  dans  l’air .  150,1855 

5.  —  de  l’iodure,  dans  le  vide .  150,1755 

6.  —  de  l’oxygène,  dans  l’air .  26,6100 

7.  —  de  l’oxygène,  dans  le  vide .  26,6084 

8.  Somme  des  poids  de l’iodure  d’argent  et  de  l’oxygène,  dans  le  vide.  156,7859 

9.  Différence  entre  le  poids  de  l’iodate  employé  et  la  somme  des 

poids  des  éléments  recueillis . —  0,0020 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


191 


2°  Analyse  par  différence  de  l’iodate  d'argent. 

L’iodate  employé  clans  celte  analyse  a  élé  préparé  à  l’aide  de  l’iodate  de 
potassium  et  du  dithionate  d’argent.  Dans  mes  Recherches  sur  l’ invariabilité 
des  rapports  en  poids  des  éléments  formant  les  combinaisons  chimiques , 
j’ai  exposé  les  moyens  auxcjuels  j’ai  eu  recours  pour  me  procurer  le  sel  pur, 
et  le  but  que  je  voulais  atteindre  en  faisant  une  analyse  par  différence.  Je  ne 
reviendrai  pas  sur  le  premier  sujet.  Le  sel  qui  a  été  soumis  à  l’expérience 
est  une  partie  de  celui  qui  m’a  servi  pour  la  deuxième  analyse  complète. 
En  consacrant  une  partie  de  ce  même  composé  à  celte  recherche ,  je  désirais 
contrôler  le  résultat  obtenu  par  la  première  méthode,  et  j’avais  également  le 
dessein  de  constater  l’état  de  pureté  du  sel,  afin  que  les  conclusions  déduites 
de  ces  résultats  ne  pussent  pas  être  mises  en  doute. 

L’iodate,  préalablement  séché  à  180°,  a  été  pesé  dans  un  ballon  à  deux 
cols.  Dans  ce  but,  j’ai  adapté  à  l’un  de  ces  cols  un  robinet  à  l’aide  d’un  tube 
épais  de  caoutchouc  naturel ,  fixé  à  l’aide  d’une  lame  mince  d’argent;  l’autre 
col,  que  j’avais  effilé,  était  fermé  à  l’aide  d’une  poche  de  caoutchouc  naturel, 
fixée  également  à  l’aide  d’une  lame  métallique  qui  la  couvrait  complètement. 
Pour  déterminer  une  adhérence  convenable  du  caoutchouc  sur  le  verre,  sans 
dépolir  les  surfaces  qui  devaient  le  supporter,  j’ai  répandu,  sur  ces  surfaces 
préalablement  séchées  et  chauffées,  une  solution  de  caoutchouc  dans  l’anhy¬ 
dride  sulfocarbonique.  L’évaporation  spontanée  de  cette  solution  laisse  sur  le 
verre  propre  et  sec  une  pellicule  de  caoutchouc  très-mince  et  fort  adhérente. 
Cet  appareil  a  été  d’abord  pesé  vide  d’air;  après  avoir  enlevé  le  tube  épais  en 
caoutchouc  ainsi  que  le  robinet  ,  j’ai  introduit  la  quantité  d’iodate  sur  laquelle 
je  voulais  opérer  et  j’ai  fixé  ensuite  le  tube  de  caoutchouc  comme  il  l’était 
primitivement.  Le  vide  étant  fait  de  nouveau,  j’ai  déterminé  le  poids  de  l’ap¬ 
pareil;  j’ai  été  obligé  de  recourir  à  la  pesée  dans  le  vide  à  cause  de  l’état 
pulvérulent  du  sel.  Le  poids  étant  connu,  j’ai  enlevé  la  poche  fermant  le  col 
effilé,  et  j’ai  mis  ce  col  en  communication  avec  le  système  à  eau  que  j’ai 
décrit  et  figuré  à  l’occasion  de  l’analyse  complète  du  même  sel.  J’ai  soumis 
alors  le  sel  à  l’action  d’une  chaleur  suffisante  pour  en  déterminer  la  fusion 
sans  le  décomposer.  La  fusion  opérée,  j’ai  laissé  solidifier  de  nouveau  l’iodate; 


192 


NOUVELLES  RECHERCHES 


mais  pendant  que  l’appareil  avait  encore  une  température  supérieure  à  100% 
j’y  ai  fait  passer  un  courant  d’air  sec  et  pur,  afin  d’amener  le  peu  de  vapeur 
d’eau  produite  par  la  fusion  dans  le  système  destiné  à  sa  condensation. 
Lorsque  cinq  à  six  litres  d’air  y  eurent  passé,  à  raison  d’un  litre  par  sept  à 
huit  minutes,  je  détachai  le  système  à  condensation  de  leau,  et  je  1  aban¬ 


donnai  au  refroidissement  complet,  à  l’abri  de  toute  altération  de  poids,  pour 
en  faire  ensuite  la  pesée. 

Dans  mes  Recherches  sur  ï invariabilité  des  rapports  en  poids  des  éléments 
formant  les  combinaisons  chimiques ,  j’ai  exposé  avec  les  détails  nécessaires 
le  traitement  auquel  j’ai  soumis  liodate  fondu  pour  le  redissoudre  et  pour  le 
réduire  ensuite  à  l’état  d’iodure.  Je  ne  reviendrai  pas  ici  sur  ces  détails;  je 
me  bornerai  à  dire  que  la  dissolution  a  été  opérée  à  l’aide  de  l’ammoniaque 
pure  et  diluée,  et  que  la  précipitation  de  1  iodale  dissous  a  été  effectuée  à 
l’aide  de  l’acide  sulfurique  dilué  et  glacé.  La  réduction  de  l’iodate  en  iodure  a 
eu  lieu  à  l’aide  d’une  solution  récente  et  saturée  à  0°  d’anhydride  sulfureux. 
La  séparation  complète  de  l’iodure  suspendu  dans  ce  liquide  a  été  produite 
par  une  élévation  convenable  de  température  et  un  repos  suffisant  du  liquide 
éclairci. 


J’ai  déjà  dit  que  ce  liquide  ne  renfermait  aucune  trace  d’iode  à  l’état  d'acide 


iodhydrique,  ni  aucune  trace  d’argent  à  l’état  de  sulfate  de  ce  métal. 

Pour  m’assurer  si  ce  liquide  ne  renfermait  pas  des  matières  fixes  qui, 
contenues  dans  l  iodate,  auraient  pu  augmenter  ainsi  son  poids  et  fausser  le 
résultat,  j’en  ai  introduit  successivement  les  quatre  cinquièmes  dans  une  grande 
cornue  de  platine,  où  je  l’ai  soumis  à  1  évaporation  en  chauffant  les  paiois 
latérales  du  vase;  lorsque  toute  l’eau  se  fut  volatilisée,  et  que,  par  l'action  de 
la  chaleur,  la  presque  totalité  du  sulfate  d’ammonium  fut  détruite  et  ramenée 
à  l’état  de  vapeurs  avec  l’excès  sulfurique,  j’ai  retiré  de  la  cornue  le  faible 


résidu  acide  qui  y  restait,  et  je  l’ai  versé  dans  une  petite  capsule  de  platine 


pesée.  Par  une  élévation  suffisante  de  température,  j’ai  réduit  à  l’état  de  vapeur 
tout  ce  qui  était  susceptible  de  se  volatiliser,  et,  après  le  refroidissement,  le 
résidu  laissé  pesait  (F, 0024.  L’analyse  spectrale  m’a  montré  que  ce  résidu 
était  essentiellement  formé  de  sulfates  de  sodium,  de  potassium  et  de  calcium, 
enlevés  probablement  au  verre  qui  avait  contenu  les  liquides  alcalin  et  acide. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


193 


J’ai  procédé  au  lavage  complet ,  à  la  récolte,  à  la  dessiccation  et  à  la  pesée 
de  l’iodure  produit  à  l’aide  des  moyens  que  j'ai  longuement  exposés  dans  la 
première  partie  de  ce  Mémoire,  en  parlant  de  la  synthèse  par  différence  et  de 
la  synthèse  complète  de  l’iodure  d’argent;  il  est  sans  intérêt  de  reproduire  ces 
détails.  Je  me  borne  seulement  à  ajouter  que  je  me  suis  assuré,  après  la  pesée 
de  l’iodure,  qu’il  était  soluble,  sans  le  moindre  résidu,  dans  une  solution  de 
cyanure  d’ammonium  avec  excès  d’acide  cyanhydrique,  en  donnant  nais¬ 
sance  à  un  liquide  complètement  limpide  et  incolore.  Il  ne  contenait  donc 
aucune  trace  d’iodure  altéré,  et  il  n’avait  par  conséquent  perdu  aucune  trace 
d’iode.  Du  reste,  toutes  les  opérations  ont  été  exécutées  dans  la  chambre 
obscure. 

Voici  toutes  les  données  numériques  de  cette  analyse  et  le  résultat  auquel 
elle  conduit: 


1.  Poids  du  ballon  à  deux  cols,  vide  d’air  à  0m,001 . 

2.  —  du  même  ballon  avec  l’iodale,  vide  d’air  à  Om, 001  .  .  .  . 

3.  —  du  même  ballon,  le  lendemain ,  le  vide  étant  rétabli  .  .  . 

4.  —  du  système  à  condensation  de  la  vapeur  d’eau,  avant  la 

fusion  de  liodate . . . 

5.  —  du  système  à  condensation  de  l’eau,  après  le  passage  de  l’air 

humide  sorti  du  ballon . 

6.  —  du  tube  à  boule  avec  vase  à  précipité  destiné  à  peser  l’iodure 

d’argent . 

7.  —  des  mêmes  appareils  contenant  l’iodure  séché . 

8.  —  des  mêmes  appareils,  le  lendemain . 


grain. 

513,0860 

589,6850 

589,6860 


832,6724 


852,7110 

489,5165 

555,0650 

555,0655 


D’où  je  déduis  : 


1.  Poids  brut  de  l’iodate .  76,5995 

2.  —  de  l’eau  dégagée  par  la  fusion .  0,0585 

5.  —  réel  de  l  iodate,  dans  l'air .  76,5607 

4.  —  réel  de  l’iodate,  dans  le  vide .  76,5561 

5.  —  de  l’iodure  d’argent,  dans  l’air .  65,5490 

6.  —  de  l’iodure  d’argent,  dans  le  vide .  65,5600 

7.  —  de  l’oxygène  par  différence,  dans  le  vide .  12,9961 

Tome  XXXV.  23 


194 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Les  trois  analyses  de  l’iodate  d’argent  conduisent  à 
simale  suivante  : 

la  composition  centé 

Par 

1/ ANALYSE  COMPLÈTE. 

Par 

l’analyse  par  différence. 

lodure  .  . 

Oxygène  . 

1. 

.  83,024 

16,976 

II. 

83,028 

16,972 

1 1 1. 

83,0259 

16,9761 

Moyenne. 

83,0253 

16,9747 

1 00,000 

100,000 

100,0000 

100,0000 

On  déduit  de  cette  composition  les  poids  moléculaires  de  l’iodure  d’argent  : 

|,  ||.  III.  Moyenne. 

234,760  234,820  234,757  234,779 

En  combinant  ces  données  avec  celles  résultant  des  synthèses  de  l’iodure 
d’argent,  indiquées  dans  la  notice  consacrée  à  ce  sujet,  on  obtient  le  poids 
atomique  : 


I.  II.  III.  Moyenne. 

De  l’argent  .  107,918  107,950  107,917  107,928 

Et  de  l’iode .  126,857 


Y.  —  Nouvelles  analyses  du  bromate  d’argent. 


Analyses  par  différence  du  bromate  d’argent. 

J’avais  espéré  mener  à  bonne  fin  une  analyse  complète  du  bromate  d'ar¬ 
gent  par  la  méthode  pratiquée  pour  l’analyse  de  l’iodate  de  ce  métal;  mais 
j’ai  été  déçu  dans  mon  attente.  Je  fondais  cet  espoir  sur  un  essai  préliminaire 
fait  sur  une  trentaine  de  grammes  de  bromate  que,  par  l’action  de  la  chaleur 
seule,  j’étais  parvenu  à  décomposer  entièrement,  en  bromure  et  en  oxygène, 
sans  déflagration  violente.  En  effet,  le  bromate  maintenu  à  une  température 
constante,  à  quelques  degrés  seulement  au-dessus  de  son  point  de  fusion,  se 
décompose  lentement,  comme  le  chlorate  de  potassium ,  et  donne  très-réguliè¬ 
rement  un  courant  d’oxvgène  entraînant  des  traces  de  bromate,  de  bromure 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


195 


d’argent  et  de  brome.  Me  basant  sur  cette  donnée,  j’avais  disposé  une  analyse 
avec  quatre-vingt-dix  grammes  environ  de  bromale.  Le  dégagement  d’oxygène 
avait  eu  lieu  pendant  près  de  huit  heures  avec  une  régularité  remarquable, 
lorsque,  sans  cause  connue,  un  point  de  la  masse  est  devenu  incandescent; 
un  développement  subit  de  gaz  en  a  été  la  conséquence,  et  la  sphère  dans 
laquelle  la  décomposition  s’opérait  a  cédé  à  la  pression  intérieure,  en  produi¬ 
sant  une  épouvantable  explosion  qui  a  entraîné  avec  elle  la  destruction  com¬ 
plète  du  tube  à  cuivre.  Après  l’explosion,  l’atmosphère  répandait  une  odeur 
très-sensible  de  brome. 

Cet  accident  arrivé,  je  n’ai  plus  songé  à  recommencer  l’opération,  on  le 
conçoit  de  reste.  Les  deux  analyses  du  bromate  que  j’ai  exécutées  ont  donc 
été  faites  par  différence.  Dans  la  deuxième  partie  de  mon  Mémoire  sur  les 
lois  des  proportions  chimiques ,  j’ai  fourni  déjà  quelques-uns  des  éléments 
de  ces  expériences.  Le  principe  sur  lequel  je  me  suis  basé  est  la  réduction  du 
bromate,  à  une  basse  température,  par  une  solution  d’acide  sulfureux. 

Il  ÿ  a  vingt-deux  années,  M.  Marignac  a  essayé  d’exécuter  également  l’ana¬ 
lyse  du  bromate  d’argent  ;  mais  il  a  été  arrêté  par  une  difficulté  inattendue  : 
c’est  l’existence  d’une  petite  quantité  d’eau  dans  ce  sel,  lors  même  qu’il  a  été 
chauffé  clans  l’air  ou  dans  Je  vide  à  une  température  comprise  entre  150 
et  180°.  Je  suis  venu  me  heurter  à  la  même  difficulté,  mais  je  l’ai  tournée  en 
prenant  le  parti  de  doser  exactement  l’eau,  comme  du  reste  j’ai  été  obligé  de 
le  faire  dans  l’analyse  de  l’iodate  d’argent.  Dans  ce  but,  j’ai  eu  recours  à  la 
fusion  du  sel  dans  le  ballon  même  où  il  devait  être  transformé  en  bromure, 
en  recueillant  avec  tous  les  soins  nécessaires  la  vapeur  d’eau  devenue  libre. 

Voici  les  dispositions  que  j’ai  prises  : 

Dans  un  tube  d’une  capacité  convenable,  muni  à  ses  deux  extrémités  de 
bouchons  de  verre  rodés  à  l’émeri ,  j’ai  introduit  la  quantité  de  bromate  sur 
laquelle  je  voulais  opérer.  J’ai  placé  ce  tube  dans  une  étuve  à  air  chauffé  vers 
150  à  160°,  et  j’ai  fait  passer  sur  le  bromate  un  courant  d’air  sec  et  privé  de 
matières  organiques,  jusqu’à  ce  que  son  poids  fût  devenu  constant.  Le  poids 
du  tube  plein  de  bromate  étant  déterminé,  je  l’ai  fait  pénétrer  ensuite  jus¬ 
qu’au  fond  d’un  grand  ballon  plein  d’air  sec,  également  pesé.  En  inclinant  con¬ 
venablement  le  tube  avec  le  ballon ,  j’y  ai  fait  descendre  lentement  le  bromate. 


196 


NOUVELLES  RECHERCHES 


.1  ai  muni  alors  le  ballon  de  son  bouchon  de  verre  percé  de  deux  trous,  au 
travers  desquels  passaient  des  tubes  usés  à  l’émeri  et  courbés  extérieurement 
à  angle  droit.  Chaque  branche  extérieure  de  ces  tubes  courbés  avait  dix  cen¬ 
timètres  de  long.  Une  des  branches  des  tubes  qui  pénétraient  dans  le  ballon, 
au  travers  du  bouchon,  était  assez  longue  pour  atteindre  le  milieu  de  la 
sphère. 

J’ai  cherché  le  poids  du  bromate,  en  déterminant  d’un  côté  la  perte  de 
poids  éprouvée  par  le  tube  à  dessiccation  après  la  sortie  du  sel,  et  de  l'autre 
côté  par  l’augmentation  de  poids  observée  sur  le  bal!on  après  y  avoir  introduit 
le  bromate.  J’ai  eu  recours  à  ce  contrôle  pour  m’assurer  si  je  pouvais  me  fier 
assez  à  l’exactitude  de  la  pesée  d’une  matière  dans  un  vase  aussi  spacieux 
que  le  ballon  employé.  Les  poids  constatés  ont  été  absolument  identiques 
lorsque  le  ballon  eut  reçu  de  l’air  parfaitement  séché  et  que  sa  surface  eut 
repris,  par  un  refroidissement  suffisant,  la  couche  d'humidité  qu’elle  perd 
par  le  maniement.  Comme  contre-poids  du  ballon,  je  me  suis  servi  d’un  autre 
ballon,  de  même  volume  et  de  même  verre,  conditions  sans  lesquelles  *on  ne 
pourrait  constater  l’équilibre  stable  dans  l’air. 

La  pesée  du  bromate  étant  faite,  j’ai  mis  l’un  des  tubes,  passant  au  travers 
du  bouchon  adapté  au  ballon ,  en  communication  avec  le  système  à  conden¬ 
sation  de  l’eau  i)  et  l’autre  tube  a  été  mis  en  rapport  avec  un  appareil  four¬ 
nissant  de  l’air  pur  et  complètement  séché.  En  prenant  toutes  les  précautions 
imaginables,  j’ai  soumis  le  bromate  à  la  fusion;  quand  elle  a  été  opérée,  j’ai 
laissé  faiblement  refroidir  le  ballon  pour  provoquer  la  solidification  du  sel 
fondu,  et  j’ai  fait  traverser  un  courant  lent  d’air  sec  et  pur  jusqu’à  ce  que  le 
peu  de  vapeur  d’eau  provenant  de  la  fusion  du  bromate  se  fût  rendue  dans  le 
système  à  condensation  de  l’eau.  Dans  ce  but,  quarante  litres  d’air  environ 
ont  passé  par  le  ballon. 

Après  le  refroidissement  complet  du  système  à  eau,  j’ai  déterminé  l’aug¬ 
mentation  de  poids  qu  il  avait  éprouvée. 

J’ai  repris  alors  le  bromate,  fondu  et  refroidi,  par  la  plus  petite  quantité 
possible  d’ammoniaque  pure  et  titrée,  et,  après  avoir  enveloppé  le  ballon  d’une 

1  Le  système  à  condensation  employé  est  le  même  que  celui  qui  m’a  scivi  pour  les  analyse- 
complètes  et  les  analyses  par  différence  de  1  iodate  d'argent. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


197 


toile  noire,  je  l’ai  fixé  à  demeure,  dans  une  position  de  degrés,  au  milieu 
de  la  glace  concassée  contenue  dans  un  vase  de  bois  placé  sur  la  planchette 
d’un  étrier  oscillant ,  comme  je  l’ai  décrit  du  reste  avec  les  détails  convenables 
dans  mes  Recherches  sur  les  lois  des  proportions  chimiques ,  p.  86  et  sui¬ 
vantes.  J’ai  neutralisé  l’ammoniaque  employée  par  une  quantité  équivalente 
d’acide  sulfurique  dilué,  titré  et  refroidi  à  0°,  et  enfin  j’ai  procédé  à  la  ré¬ 
duction  du  bromale  à  l’aide  d’une  solution  titrée  d’acide  sulfureux  refroidi 
à  0°.  Lorsque  la  transformation  en  bromure  fut  accomplie,  je  chauffai  lente¬ 
ment  le  liquide  jusqu’à  68°,  pour  déterminer  son  éclaircissement  et  la  sépara¬ 
tion  du  bromure  suspendu.  Après  un  repos  de  six  heures  dans  le  bain  maintenu 
chaud,  j’enlevai  à  l’aide  d’un  siphon  tout  le  liquide  acide  limpide;  le  volume 
total  mesurait  quatre  litres. 

Un  litre  en  a  été  distrait  pour  chercher,  dans  une  moitié,  la  présence  de 
l’acide  bromhvdrique,  et,  dans  une  autre  moitié,  la  présence  du  sulfate  d’ar¬ 
gent,  comme  je  l’ai  exposé  dans  mes  Recherches  sur  l’ invariabilité  des  rap¬ 
ports  en  poids  du  brome  à  l’argent  dans  le  bromale  et  le  bromure  d’argent. 

Les  trois  litres  restants  ont  été  successivement  introduits  dans  une  grande 
cornue  de  platine  et  soumis  à  l’évaporation  avec  les  précautions  nécessaires. 
La  chaleur  a  été  poussée  jusqu’à  la  distillation  de  l’acide  sulfurique  et  la 
destruction  complète  du  sulfate  d’ammonium;  lorsque  tout  ce  qui  était  sus¬ 
ceptible  de  prendre  la  forme  gazeuse  se  fut  volatilisé,  je  mouillai  les  parois 
de  la  cornue  par  de  l’acide  azotique  pur,  et,  après  avoir  chauffé  le  vase  pour 
déterminer  l’attaque  de  toutes  les  matières  capables  de  se  dissoudre,  je  re¬ 
cueillis  l’acide  azotique  avec  les  eaux  de  lavage  de  la  cornue  dans  une  petite 
capsule  de  platine  pesée.  L’évaporation  jusqu’à  siccilé  du  résidu  laissé  par 
ces  trois  litres  de  liquide  a  fourni  (F, 001 8  de  sulfate,  dans  lequel  l’analyse 
spectrale  a  fait  reconnaître  la  présence  du  sodium  et  du  potassium.  On  verra 
plus  loin  que  le  poids  du  bromate  employé  était  de  86?r,6i07;  il  est  donc 
parfaitement  constant  que  ce  sel  était  convenablement  dépouillé  du  bromate 
de  potassium  qui  avait  servi  à  sa  préparation.  L’eau  distillée,  l’ammoniaque 
liquide,  l’acide  sulfurique,  la  solution  d’acide  sulfureux,  qui  sont  intervenus 
dans  l’opération,  avaient  été  préparés  avec  des  soins  infinis. 

J’ai  procédé  ensuite  au  lavage  du  bromure  d’argent  par  les  moyens  que  j’ai 


198 


NOUVELLES  RECHERCHES 


longuement  décrits  dans  l’exposé  des  synthèses  de  l'iodure  et  du  bromure 
d’argent,  moyens  sur  lesquels  il  est  sans  utilité  de  revenir.  Le  ballon  conte¬ 
nant  le  bromure  étant  d’un  volume  trop  considérable  et  la  température  trop 
élevée  pour  pouvoir  l’agiter  avec  l’eau  en  le  tenant  par  les  mains,  j’ai  été 
obligé  de  recourir  à  un  mécanisme  pour  opérer  le  lavage.  Dans  la  notice  con¬ 
sacrée  à  l’analyse  du  chlorate  d’argent,  je  donne  la  description  et  le  dessin  de 
ce  mécanisme  qui,  du  reste,  m’a  servi  dans  presque  toutes  mes  synthèses  de 
l’iodure  et  du  bromure  d’argent. 

Toutes  les  eaux  de  lavage  ont  été  conservées  pendant  plusieurs  jours  au 
repos,  dans  des  vases  fermés,  afin  de  les  dépouiller  du  bromure  en  suspension. 
Après  ce  repos,  je  les  ai  filtrées  au  travers  d’un  double  filtre,  qui  plus  tard 
a  été  repris  par  une  solution  de  cyanure  d’ammonium,  pour  y  rechercher 
l’existence  du  bromure  d’argent.  Enfin,  j’ai  évaporé  toutes  les  eaux  de  lavage 
dans  une  grande  capsule  de  platine,  et  j’ai  achevé  dans  une  grande  cornue  de 
platine  la  volatilisation  de  l’acide  sulfurique  et  la  destruction  du  sulfate  d’am¬ 
monium  ,  produits  par  l’évaporation  de  ces  eaux.  Le  faible  résidu  ainsi  obtenu 
a  été  repris  par  de  l’acide  azotique  bouillant;  le  liquide  acide  étendu  d’eau 
est  devenu  nuageux  par  l’addition  d’une  solution  normale  de  brome,  mais  la 
quantité  d’argent  qu’il  renfermait  a  été  trop  faible  pour  que  j’aie  pu  en  déter¬ 
miner  le  poids. 

Le  bromure  d’argent  a  été  recueilli,  séché  et  pesé  dans  un  appareil  à  deux 
cols,  que  j’ai  figuré  dans  ma  notice  sur  la  synthèse  de  l’iodure  d’argent, 
p.  131. 

Voici  les  données  numériques  des  deux  analyses  que  j’ai  faites  : 


Première  analyse. 


!.  Poids  clans  l’air  du  bromate,  déterminé  par  différence  dans  le 

grand  tube . 

2.  —  constant  du  grand  ballon  plein  d’air  sec . 

5.  —  du  même  ballon  après  y  avoir  renouvelé  l'air  sec.  .  .  . 

4.  —  du  ballon  avec  le  bromate,  après  y  avoir  fait  passer  à  100" 

un  courant  d’air  sec;  trois  heures  de  refroidissement.  . 
S-  —  du  ballon  précédent,  après  six  heures  de  refroidissement. 

6*  —  du  même  ballon,  le  lendemain  pendant  toute  la  journée. 


grarw. 

86,5929 

672,8150 

672,8155 

759,4055 

759,4055' 

759,4060 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  199 

7.  Poids  du  système  à  condensation  de  l’eau,  avant  le  passage  de  la  gram 

vapeur  résultant  de  la  fusion  du  bromate . 852,71 15 

8.  — :  du  témoin  . .  103, 2078 

9.  —  du  système  à  condensation  de  l'eau ,  après  le  passage  de 

l’air  humide  provenant  du  ballon .  832,7738 

10.  —  du  système  précédent,  le  lendemain .  832,7764 

1  1.  —  du  témoin  après  le  courant .  105,2082 

12.  —  du  ballon  à  deux  cols  et  du  vase  à  précipité .  463,6273 

15.  —  des  mêmes  appareils,  avec  le  bromure  d’argent  chauffé  à  son 

point  de  fusion .  352,5483 

14.  —  des  mêmes  appareils,  le  lendemain .  532,5490 

De  ces  données  résulte  : 

1.  Poids, dans  l’air,  du  bromate  pesé  par  différence .  86,5929 

2.  —  dans  l’air ,  du  bromate  pesé  dans  le  ballon .  86,5925 

5.  —  dans  le  vide,  du  bromate  avec  l’eau  retenue . 86,6107 

4.  —  de  l’eau  dégagée  par  la  fusion  du  bromate .  0,0650 

5.  —  du  bromate  réel,  dans  le  vide  1 .  86,5457 

6.  —  du  bromure  d’argent,  dans  l’air .  86,9215 

7.  —  du  bromure  d’argent,  dans  le  vide .  68,9510 

8.  —  de  l’oxygène  (par  différence),  dans  le  vide . 17,6147 

Deuxième  analyse. 

1.  Poids  du  ballon  plein  d’air  sec .  672,8135 

2.  —  constant  du  ballon  avec  le  bromate,  dans  l’air  sec  .  .  .  774,8400 

5.  —  du  système  à  condensation  de  l’eau  avant  la  fusion  du 

bromate .  832,7780 

4.  —  du  témoin  avant  la  fusion . 105,2110 

5.  —  du  témoin  après  la  fusion .  105,2114 

6.  — -  du  système  à  condensation  de  l’eau,  après  la  fusion  du  bro¬ 

mate  .  852,8385 

7.  —  d’un  ballon  à  deux  cols  et  d’un  vase  à  précipité.  .  .  .  489,5170 

8.  —  du  même  ballon,  etc.,  avec  le  bromure  d’argent,  chauffé 

à  son  point  de  fusion .  570,7425 

D’où  il  résulte  : 

1.  Poids  du  bromate  brut  dans  l’air .  102,0265 

2.  —  du  bromate  brut  dans  le  vide .  102,0480 

1  Pour  réduire  le  bromate  brut  au  vide ,  j’ai  admis  que  1000  grammes  de  ce  sel,  pesés  avec  des  poids  de  platine , 
perdent  0sr,  15747  de  leur  poids  par  suite  de  l’air  déplacé.  Ce  fait  résulte  de  pesées  directes ,  opérées  dans  le  vide 
et  clans  l’air  sec ,  dans  lesquelles  j’ai  constaté  que  100,000  de  bromate,  pesés  dans  l’air,  pèsent  100,020a  dans  le 
vide.  M.  Marignac  avait  trouvé  que  100,000  du  sel  qu’il  a  fait  cristalliser,  pesés  dans  l’air  ordinaire,  représentent 
100,021  dans  le  vide.  Ces  résultats  sont  identiques. 


200 


NOUVELLES  RECHERCHES 


grain. 

3.  Poids  de  l’eau  dégagée  par  la  fusion .  0,0605 

4.  —  du  bromatc  réel,  dans  le  vide .  101,9875  - 

5.  —  du  bromure  d’argent,  dans  l’air . 81,2255 

6.  —  du  bromure  d'argent,  dans  le  vide .  81,2561 

7.  —  de  l’oxygène  (par  différence),  dans  le  vide .  20.7514 


Les  deux  analyses  du  bromate  d’argent  conduisent  à  la  composition  cen¬ 
tésimale  suivante  : 


Bromure  d’argent  .  79,649  79,655  79,651 

Oxygène .  20,351  20,547  20,549 

100,000  100,000  100,000 

On  déduit  de  celte  composition  le  poids  moléculaire  du  bromure  d’argent  : 

8*  *  I •  Moyenne. 

187,84  187,90  187,87 

En  combinant  ces  données  avec  celles  résultant  des  synthèses  de  bromure 
d’argent,  consignées  dans  la  notice  consacrée  à  ce  sujet,  on  arrive  aux  poids 
atomiques  suivants  : 


I  -  1  1.  Moyenne. 

Pour  l’argent  .  .  107,905  107,937  107,921 

Pour  le  brome .  79,940 


VI.  —  Nouvelles  analyses  du  chlorate  d’argent. 


Analyses  par  différence  du  chlorate  d’argent. 

La  propriété  que  présente  le  chlorate  d’argent  de  se  décomposer  avec 
déflagration,  sous  l’influence  de  la  chaleur,  nia  empêché  d’exécuter  l’analyse 
complète  de  ce  sel.  J’ai  dû  nécessairement  recourir  à  la  méthode  par  diffé¬ 
rence.  J’ai  fait  deux  analyses  par  ce  système,  l  une  sur  du  chlorate  préparé 
par  l’action  du  chlore  sur  le  carbonate  d’argent,  l’autre  sur  du  chlorate  d’ar¬ 
gent  préparé  par  l’action  du  chlore  sur  l’oxyde  de  ce  métal.  Dans  mes 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


201 


Recherches  sur  la  transformation  du  chlorate  en  chlorure ,  sous  l'influence 
de  l'acide  sulfureux  (voir  Mémoire  sur  les  fois  des  proportions  chimiques, 
page  94*),  j’ai  exposé  longuement  les  moyens  employés  pour  obtenir  les  sels 
analysés,  les  précautions  que  j’ai  prises  pour  opérer  leur  réduction  à  l’aide 
de  l’acide  sulfureux  et  le  résultat  obtenu  quant  au  but  que  je  poursuivais. 
Je  ne  reviendrai  pas  ici  sur  ces  détails,  je  me  bornerai  à  faire  connaître,  le 
plus  succinctement  possible,  les  motifs  de  certaines  dispositions  auxquelles 
j’ai  été  obligé  d’avoir  recours  pour  me  mettre  à  l’abri  des  causes  d’erreurs, 
et  la  méthode  que  j’ai  suivie  pour  laver,  recueillir  et  peser  le  chlorure  d’ar¬ 
gent  provenant  de  la  réduction  du  chlorate  employé. 

La  solution  la  plus  limpide  de  chlorate  d'argent,  évaporée  jusqu’à  cristalli¬ 
sation  dans  le  vide  ou  au  bain  marie  à  Pair  libre,  fournit  un  sel  qui,  étant  repris 
par  un  volume  d’eau  quadruple  ou  quintuple  de  celui  qui  est  nécessaire  pour 
en  opérer  la  solution ,  produit  un  liquide  opalin.  Cette  opalinité  est  due  à  du 
chlorure  d’argent.  Une  élévation  de  température  détermine  l’éclaircissement 
du  liquide,  avec  dépôt  de  quelques  flocons  de  chlorure  d’argent.  On  a  beau 
répéter  les  dissolutions  et  les  évaporations,  le  même  phénomène  se  représente 
indéfiniment.  Dans  ses  travaux  sur  le  chlorate  d’argent,  M.  Marignac  a  déjà 
signalé  cette  production  du  chlorure;  elle  est  une  cause  d’erreur  qui  a  pour 
résultat  d’élever  le  poids  moléculaire  du  chlorure  d’argent.  D’après  mes 
observations,  la  réduction  éprouvée  par  le  chlorate  d’argent  est  due  à  l’action 
des  matières  organiques  répandues  dans  le  vide  ou  dans  l’air.  Ce  qui  le 
prouve,  c’est  qu’on  peut  évaporer  à  chaud  une  solution  de  chlorate  sans  qu’elle 
s’altère,  lorsqu’on  fait  passer  sur  cette  solution  un  courant  d’air  dépouillé  de 
matières  organiques  par  son  contact  avec  de  l’oxyde  de  cuivre  chauffé  au 
rouge;  mais  je  n’ai  pas  pu  employer  ce  moyen,  à  cause  des  grandes  quan¬ 
tités  de  solution  que  j’avais  à  évaporer.  J’ai  donc  dû  employer  des  sels  con¬ 
tenant  de  très-faibles  quantités  de  chlorure  interposé,  en  déterminant  dans 
l’expérience  même  la  séparation  et  la  pesée  du  chlorure  mêlé. 

Une  autre  cause  d’erreur  réside  dans  l’eau  qui  est  retenue  entre  les  petites 
lamelles  du  chlorate.  Je  me  suis  assuré  directement,  par  l’opération  même, 
que  la  quantité  d’eau,  retenue  par  un  sel  chauffé  jusqu’à  150",  varie  entre 
Tome  XXXV'.  2b 


202 


NOUVELLES  RECHERCHES 


six  et  huit  cent  millièmes.  La  porphyrisation  ou  la  fusion  sont  les  seuls 
moyens  d’éliminer  ces  traces  d’eau. 

Ces  deux  faits  m’ont  amené  à  procéder,  de  la  manière  suivante,  à  la  déter¬ 
mination  du  poids  réel  du  chlorate,  abstraction  faite  du  chlorure  et  des  traces 
d’eau  que  renfermait  le  sel  soumis  à  l’expérience. 

J’ai  pris  un  grand  ballon  en  verre  dur  de  Bohême,  surmonté  d’un  flacon 
bouché  à  l’émeri  et  à  fond  percé;  après  avoir  déterminé  son  poids  plein  d’air 
sec,  j’y  ai  introduit  la  quantité  de  chlorate  destinée  à  l’analyse.  Ce  chlorate, 
en  poussière  cristalline,  avait  été  préalablement  chauffé  à  ISO0,  dans  un 
courant  d’air  sec  et  dépouillé  de  matières  organiques.  J’ai  placé  ce  ballon 
dans  une  étuve  à  air  chaud  analogue  à  celle  que  j’ai  figurée  et  décrite  dans 
la  Notice  sur  la  synthèse  de  l’iodure  d'argent,  pages  126  et  suivante.  J'ai 
élevé  avec  la  plus  grande  lenteur  la  température  du  bain  d’air.  Lorsque  le 
thermomètre  placé  au-dessous  du  ballon  atteignit  243°  dans  une  expérience 
et  245°  dans  une  autre,  les  deux  tiers  du  chlorate  étaient  fondus. 

Berzélius  indique  230°  pour  le  point  de  fusion  du  chlorate  d’argent.  Ce 
sel  fondu  se  présente  sous  la  forme  d’un  liquide  immobile,  incolore,  huileux 
comme  l’azotate  d’argent  fondu.  Pendant  l’action  de  la  chaleur  j’ai  fait  cir¬ 
culer  de  l’air  pur  et  sec  au  travers  du  ballon,  et  en  quantité  suffisante  pour 
éliminer  la  dernière  trace  d’eau  devenue  libre.  J’ai  ensuite  laissé  refroidir 
le  ballon  dans  le  meme  courant  d’air  pur. 

Le  sel  solidifié  était  blanc,  rayonné;  dans  une  des  deux  expériences  il 
avait  une  légère  teinte  violacée  par  transparence.  Après  avoir  lavé  à  l’eau 
distillée  le  ballon  bien  refroidi,  je  l’ai  pesé  une  deuxième  fois  plein  d’air  sec. 
Dans  mes  Recherches  sur  la  transformation  du  chlorate  en  chlorure ,  sous  i in¬ 
fluence  de  l’acide  sulfureux ,  j’ai  dit  que  le  sel,  après  sa  solidification,  a  été 
repris  par  un  volume  d’eau  pure  suffisante  pour  le  dissoudre,  et  suffisante 
en  même  temps  pour  que  l’addition  d’une  nouvelle  quantité  d’eau  à  la  solution 
produite  n’augmentât  plus  le  trouble  occasionné  par  la  dissolution  dans  le 
premier  volume  d’eau  employé. 

J’ai  chauffé  la  solution  jusqu’à  80°,  pour  déterminer  l'éclaircissement  com¬ 
plet  du  liquide  et  la  précipitation  du  chlorure  qui,  dans  une  expérience,  était 
violacé,  quoique  toutes  les  opérations  eussent  été  effectuées  dans  la  chambre 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES 


203 


obscure.  J’ai  suffisamment  exposé,  dans  ces  mêmes  recherches,  comment  j’ai 
opéré  le  transvasement  du  liquide  reposé  dans  un  ballon  de  quinze  litres,  et 
comment  j’ai  lavé  le  ballon  et  les  flocons  de  chlorure  qui  y  étaient  contenus, 
pour  ne  pas  perdre  une  trace  de  chlorate  et  de  chlorure. 

Le  ballon  renfermant  les  flocons  de  chlorure  a  été  séché  et  chauffé  au 
même  point  que  lorsqu’il  contenait  du  chlorate  en  fusion.  Après  l’avoir 
rempli  de  nouveau  d’air  pur  et  sec,  je  l’ai  pesé  une  troisième  fois.  Lorsque 
son  refroidissement  a  été  complet,  j’ai  pris,  pour  poids  du  chlorate  dans 
l’air,  la  différence  que  j’ai  trouvée  entre  le  poids  du  ballon  contenant  le 
chlorate  fondu  et  le  poids  du  ballon  renfermant  les  quelques  flocons  de 
chlorure. 

La  solution  de  chlorate ,  absolument  limpide  et  inaltérable  à  la  lumière , 
devait  nécessairement  être  privée  de  chlorure  en  suspension.  Je  n’ai  pu  dé¬ 
couvrir  de  moyen  pour  m’assurer  si,  malgré  sa  limpidité  et  son  inaltérabilité 
à  la  lumière,  le  liquide  n’en  contenait  point  des  traces  en  solution.  La  seule 
chose  que  je  puisse  affirmer,  c’est  que  l’addition  de  l’eau  n’y  a  produit  aucun 
trouble.  Comme  le  sel  qui  a  fourni  la  solution  a  été  fondu,  il  est  certain  qu’il 
était  privé  d’eau. 

Pour  vérifier  le  poids  du  chlorure  laissé  par  la  dissolution  du  chloraté, 
j’ai  repris  le  chlorure  par  du  cyanure  d’ammonium,  et,  après  avoir  bien  lavé 
et  séché  le  ballon,  je  l’ai  pesé  une  quatrième  fois,  rempli  d’air  sec. 

J’ai  dit  également  comment  j’ai  procédé  à  la  réduction  du  chlorate  en 
chlorure,  sous  l’influence  de  la  solution  d’acide  sulfureux  saturée  à  0°;  je 
renvoie  pour  ces  détails  au  Mémoire  sur  la  transformation  du  chlorate  en 
chlorure.  Je  veux  seulement  indiquer  les  opérations  auxquelles  j’ai  soumis 
le  liquide  acide  et  limpide  provenant  de  la  réduction  du  chlorate,  et  les 
eaux  de  lavage  du  chlorure. 

Dans  la  première  expérience,  j’ai  évaporé  jusqu’à  siccité  complète  deux 
litres  et  demi  du  liquide  acide  abandonné  au  repos  pendant  plusieurs  jours; 
et,  dans  la  seconde  expérience,  j’ai  évaporé  jusqu'à  siccité  complète  trois  litres 
du  liquide  acide,  décanté  et  parfaitement  limpide.  J’ai  été  impuissant  pour 
découvrir,  dans  les  traces  du  résidu,  les  moindres  vestiges  d’argent.  J’y  ai 
trouvé  du  sodium  et  du  fer,  comme  on  en  découvre  dans  les  résidus  de  tous 


204 


NOUVELLES  RECHERCHES 


les  liquides  acides  qu’on  évapore  au  conJact  de  l’air.  Je  n’ai  point  trouvé  non 
plus  de  traces  du  potassium  qui  avait  servi  à  préparer  le  carbonate  et  l’oxyde 
destinés  à  la  production  du  chlorate. 

J’ai  évaporé  six  litres  d’eau  de  lavage  du  chlorure  de  la  première  ana¬ 
lyse;  elle  avait  séjourné  huit  jours  dans  des  flacons  bouchés,  à  l’abri  de  la 
poussière  de  l’air,  afin  de  déposer  les  traces  de  chlorure  qu’elle  avait  pu 
accidentellement  entraîner.  Le  résidu  de  celle  évaporation  renfermait  du 
sodium  et  du  fer  provenant  des  poussières  de  l’air;  mais  toutes  mes  re¬ 
cherches  n’ont  pu  y  découvrir  la  moindre  trace  d’argent. 

J’ai  voulu  m’assurer  si  le  chlorure  ne  serait  pas  entraîné  avec  la  vapeur 
d’eau.  Dans  celte  intention,  j’ai  condensé  la  vapeur  provenant  de  l’évaporation 
des  eaux  de  lavage.  Le  liquide  limpide  recueilli  est  resté  absolument  inco¬ 
lore  par  l’addition  d’une  solution  d’acide  sulfhydrique.  D’ailleurs,  les  eaux 
de  lavages  elles-mêmes  restent  parfaitement  incolores  après  le  passage  d’un 
courant  d’acide  sulfhydrique.  Le  dépôt  de  soufre ,  qui  s’y  produit  au  bout 
d’un  certain  temps,  étant  chauffé  suffisamment,  ne  laisse  absolument  aucun 
résidu.  Je  crois  qu’il  n’est  pas  dans  la  puissance  de  l’homme  de  découvrir 
de  l’argent  dans  de  l’eau  pure  ou  acidulée  par  l’acide  sulfurique  qui  a  reçu  le 
contact  du  chlorure  d’argent.  Je  crois  donc  pouvoir  affirmer  que  le  poids  de 
chlorure  constaté  après  le  lavage  est  bien  celui  que  le  chlorate  a  fourni ,  ni 
plus  ni  moins. 

L’agitation  du  chlorure  avec  l’eau,  dans  un  ballon  de  quinze  litres,  capa¬ 
cité  de  celui  dont  je  me  suis  servi  pour  opérer  la  réduction  du  chlorate,  est 
fort  diiïicile,  surtout  lorsque  la  température  du  vase  dépasse  50°;  pour  ce 
motif,  j’ai  procédé  à  cette  opération  à  l’aide  d’un  moyen  mécanique.  Ce 
moyen  consiste  à  placer  le  ballon  dans  une  étuve  à  air  chaud,  reposant  sur 
un  système  auquel  on  peut  imprimer  alternativement  un  mouvement  de 
rotation  sur  lui-même  et  un  mouvement  d’oscillation. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  205 

■Fig.  16. 


L’étuve,  figurée  ci-dessus,  se  compose  d’un  fourneau  à  gaz  muni  d’une 
plaque  et  de  toiles  métalliques  pour  régulariser  le  courant;  le  fourneau  est 
surmonté  d’un  cylindre  destiné  à  recevoir  le  ballon.  Ce  cylindre  est  fermé 


206 


NOUVELLES  RECHERCHES 


parun  couvercle  de  tôle,  percé  au  centre  d'une  ouverture  circulaire  qui  laisse 
passer  le  col  du  ballon;  sur  le  côté  du  cylindre  il  y  a  une  rainure  par  laquelle 
s’échappent  les  produits  de  la  combustion  du  gaz,  et  dans  laquelle  s’engage 
le  col  du  ballon  lorsqu’on  vient  à  le  poser  dans  une  position  inclinée. 

Le  fourneau  repose  sur  un  plan  de  bois  recouvert  d’une  plaque  de  métal. 
Ce  plan  porte  au  centre  un  axe  d’acier  poli  qui  traverse  librement  un  deuxième 
plan,  pour  s’engager  dans  une  ouverture  pratiquée  dans  un  troisième  plan  de 
bois.  Le  deuxième  plan  est  muni  de  trois  tronçons  de  cylindre  ou  roulettes  en 
bois  de  buis,  tournant  ,  autour  d’axes  en  acier,  dans  des  cavités  équidistantes 
pratiquées  verticalement  dans  ce  deuxième  plan  de  bois.  Ces  roulettes  ont 
deux  centimètres  de  diamètre  de  plus  que  la  hauteur  du  plan  dans  lequel 
elles  sont  engagées;  il  en  résulte  que  le  plan  supérieur  repose  sur  ces  cylindres, 
qui  sont  susceptibles  de  tourner  sur  leurs  axes,  et  que  le  deuxième  plan  re¬ 
pose  à  son  tour,  par  ces  cylindres,  sur  le  troisième.  Ces  trois  plans  sont  rendus 
solidaires  par  l’axe  d’acier  fixé  au  centre  du  premier.  Le  plan  inférieur  porte 
trois  vis  collantes  qui  s’engagent  dans  le  plancher  de  l’étfier  oscillant ,  ainsi 
que  le  montre  la  figure  de  la  page  précédente. 

Par  l’oscillation  de  l’étrier,  on  peut  donc  imprimer  à  tout  le  système  un 
mouvement  autour  du  point  de  suspension,  et,  par  la  rotation  du  plan  qui 
supporte  l’étuve,  on  peut  à  tout  moment  changer  le  sens  du  mouvement. 
Avec  un  peu  d’habitude,  on  parvient  à  régulariser  parfaitement  le  mou¬ 
vement  des  matières  contenues  dans  le  ballon,  de  manière  à  ne  pas  pro¬ 
duire  de  projection.  Le  môme  appareil  a  servi  pour  effectuer  à  chaud  le 
lavage  de  l’iodure,  du  bromure  et  du  chlorure  d’argent ,  en  plaçant  dans 
l’étuve  des  ballons  ou  des  flacons. 


sur  la  difficulté  que  j’ai  rencontrée  pour  enlever  à  ces  corps  la  dernière  trace 
d’acide  sulfurique  au  sein  duquel  ces  corps  avaient  été  produits.  La  difficulté 
d’enlever  la  dernière  trace  de  cet  acide  au  chlorure  d’argent  est  bien  plus 
grande  encore  :  ce  corps  est  plus  caséeux,  et  il  est  en  outre  sujet  à  se  pelo¬ 
tonner  au  sein  de  l’eau,  sous  l’influence  d'un  mouvement  d’oscillation.  Cet 
accident  m’est  arrivé  à  plusieurs  reprises,  dans  une  même  expérience ,  et  je 
ne  suis  parvenu  à  rendre  de  nouveau  ce  chlorure  pulvérulent  qu’en  provo- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


207 


quant  son  délayement  à  l’aide  de  l’eau  froide  sous  l’influence  du  mouvement. 

Pour  rendre  au  liquide  sa  limpidité,  lorsque  le  délayement  eut  été  produit, 
j’eus  recours  au  moyen  que  j’avais  appliqué  déjà  à  l’iodure  et  au  bromure 
d’argent,  c’est-à-dire  à  l’introduction  de  la  vapeur  d’eau  dans  le  liquide 
laiteux.  Cet  artifice  réussit  infailliblement,  mais  on  doit  prendre  la  précau¬ 
tion  de  ne  pas  laisser  barboter  la  vapeur  dans  le  chlorure  même ,  car  le 
barbotage  de  la  vapeur  pelotonne  rapidement  ce  corps,  en  même  temps 
qu’elle  en  détermine  la  contraction. 

Après  l’addition  de  chaque  quantité  d’eau  pure  et  suffisamment  chaude, 
on  a  maintenu  le  chlorure  et  le  liquide  en  mouvement,  pendant  une  quin¬ 
zaine  de  minutes.  Le  lavage  complet,  à  des  températures  croissantes ,  a  duré 
sept  jours  ;  pendant  la  nuit,  le  ballon  était  fermé  et  le  bain  d’air  était  main¬ 
tenu  chaud  pour  empêcher  le  délayement.  Toutes  les  eaux  de  lavage  ont 
reposé  plusieurs  jours  dans  des  vases  fermés.  Après  ce  repos,  toutes  ont  été 
passées  par  un  double  filtre.  Le  chlorure  a  été  recherché  dans  ce  filtre  à  l’aide 
d’une  solution  diluée  et  récente  de  cyanure  d’ammonium  mêlée  d’acide  cyan¬ 
hydrique.  Les  eaux  étaient  si  bien  dépouillées  de  chlorure,  qu’il  m’a  été 
impossible  de  découvrir  dans  la  solution  de  cyanure  la  moindre  trace  d’ar¬ 
gent. 

Indistinctement,  tous  les  vases  qui  ont  contenu  du  chlorure,  ceux  qui  ont 
servi  à  renfermer  les  eaux  de  lavages,  ont  été  traités  au  cyanure  d’ammo¬ 
nium.  La  solution,  après  avoir  été  légèrement  acidulée  par  l’acide  chlorhy¬ 
drique,  a  été  évaporée  jusqu’à  siccité,  et  les  quelques  milligrammes  de 
chlorure  d’argent,  ainsi  obtenus,  ont  été  ajoutés  à  l’énorme  masse  de  chlo¬ 
rure  réuni  dans  le  ballon  à  deux  cols,  dans  lequel  sa  dessiccation  et  sa  pesée 
été  accomplies. 

Dans  la  deuxième  analyse,  j’ai  soumis  à  la  fusion,  dans  une  atmosphère 
d’acide  chlorhydrique,  le  chlorure  d’argent  chauffé  à  son  point  de  fusion, 
et  préalablement  pesé.  En  soumettant  ce  corps  à  l’action  de  l’acide  chlorhy¬ 
drique,  j’avais  pour  but  de  m’assurer  s’il  ne  retenait  pas  de  l’acide  sulfu¬ 
rique.  L’opération  terminée,  j’ai  remplacé,  à  chaud,  l’acide  chlorhydrique 
par  de  l’air  sec.  Je  n’ai  pas  vu  de  trace  de  vapeurs  d’acide  sulfurique,  et  le 
poids  du  chlorure  a  été  le  même,  à  deux  milligrammes  près. 


208 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Les  opérations  que  je  viens  d’exposer  brièvement  ont  été  si  longues,  si 
laborieuses  et  si  pénibles,  qu  aujourd'hui ,  après  une  année  d'intervalle, 
le  souvenir  de  la  fatigue  que  j’en  ai  éprouvée  n’est  pas  encore  effacé 
de  mon  esprit ,  et  j’avoue  que  le  courage  me  manquerait  pour  les  recom¬ 
mencer.  Du  reste,  il  n’existe,  dans  les  annales  des  sciences,  aucune  analyse 
faite  sur  une  pareille  masse  d’un  sel  si  difficile  à  obtenir  pur. 

Je  vais  donner  maintenant  les  chiffres  de  ces  deux  analyses. 

Première  analyse. 

grara. 

1.  Poids  du  ballon  plein  d’air  sec . 515,3500 

2.  —  du  même  ballon ,  l’air  étant  renouvelé .  315,5505 

5.  —  du  ballon  avec  le  chlorure  fondu,  après  quatre  heures  de 

refroidissement . .  652,5210 

4.  —  du  même  ballon,  le  lendemain .  652,5225 

5.  —  du  même  ballon ,  le  surlendemain .  652,5220 

6.  —  du  ballon  après  la  dissolution  du  chlorate,  mais  contenant 

des  flocons  de  chlorure  d’argent,  après  cinq  heures  de 
refroidissement .  515,5725 

7.  —  du  même  ballon,  le  lendemain .  515,5750 

8.  ■ —  du  même  ballon  chauffé  une  deuxième  fois,  l’air  sec  étant 

renouvelé,  après  six  heures  de  refroidissement  .  .  .  515,5755 

9.  —  du  même  ballon ,  le  lendemain .  515,5750 

10.  —  du  ballon  après  la  dissolution  du  chlorure  d'argent  par  le 

cyanure  d'ammonium,  après  trois  heures  de  refroidisse¬ 
ment  .  515,5290 

11.  —  du  même  ballon ,  le  lendemain .  315,5505 

12.  —  du  ballon  à  deux  cols,  avec  bourre  de  platine  et  vase  à  pré¬ 

cipité,  chauffés  à  500",  et  après  cinq  heures  de  refroi¬ 
dissement  .  497,8610 

13.  —  des  mêmes  appareils,  le  lendemain .  497,8612 

14.  —  des  mêmes  appareils,  avec  le  chlorure  d'argent  chauffé  à 

son  point  de  fusion,  et  après  huit  heures  de  refroidis¬ 
sement  .  601,8295 

15.  —  des  mêmes  appareils,  le  lendemain .  601,8297 

16.  —  des  mêmes  appareils,  le  surlendemain .  601,8293 

D’où  il  résulte  : 

1.  Poids  du  chlorate  réel,  dans  l’air .  158,7490 

2.  —  du  chlorate  réel,  dans  le  vide . 158,7890 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  209 

grani. 

3.  Poids  du  chlorure ,  dans  l’air . 103,9087 

4.  —  du  chlorure,  dans  le  vide .  103,9795 

5.  —  de  l’oxygène  (  par  différence),  dans  le  vide .  34,8095 

Deuxième  analyse. 

1.  Poids  du  ballon  plein  d’air  sec .  513,5500 

2.  —  du  ballon  avec  le  chlorate  fondu,  plein  d’air  sec,  après  six 

heures  de  refroidissement .  773,0620 

3.  —  du  meme  ballon ,  le  lendemain .  773,0625 

4.  —  du  ballon,  plein  d’air  sec,  avec  le  chlorure  qui  était  ou 

dissous  ou  suspendu  dans  le  chlorate .  513,6080 

5.  Même  ballon,  le  lendemain .  515,6090 

6.  Poids  du  ballon  précédent,  chauffé  à  150°  dans  un  courant  d’air 

sec;  après  six  heures  de  refroidissement .  513,6085 

7.  —  du  même  ballon,  le  lendemain .  513,6085 

8.  —  du  ballon  à  deux  cols  avec  bourre  de  platine  et  vase  à 

précipité .  658, '8065 

9.  —  des  mêmes  appareils  contenant  le  chlorure  d’argent  chauffé 

à  son  point  de  fusion;  après  cinq  heures  de  refroidisse¬ 
ment  .  855,2307 

10.  —  des  mêmes  appareils,  le  lendemain .  853,2315 

H.  —  des  mêmes  appareils,  avec  le  chlorure  fondu  dans  une 

atmosphère  d’acide  chlorhydrique;  l’atmosphère  a  été 
remplacée  à  chaud  par  de  l’air  sec;  douze  heures  de 

réfroidissement .  855,2290 

12.  —  du  même  appareil,  le  lendemain .  855,2292 

D’où  il  résulte  : 

1.  Poids  du  chlorate  réel,  dans  l’air .  259,4555 

2.  —  du  chlorate  réel,  dans  le  vide .  259,5287 

3.  —  du  chlorure  non  fondu,  dans  l’air .  194,4255 

4.  —  du  chlorure  non  fondu,  dans  le  vide .  194,4455 

5.  —  du  chlorure  fondu,  dans  l’air .  194,4255 

6.  —  du  chlorure  fondu,  dans  le  vide . 194,4435 

Les  deux  analyses  du  chlorate  d’argent  conduisent  à  la  composition  cen¬ 
tésimale  suivante  : 

*•  II.  Moyenne. 

Chlorure  d’argent .  74,919  74,922  74,9205 

Oxygène .  25,081  25,078  25,0795 

100,000  100,000  100,0000 

Tome  XXXV.  27 


210 


NOUVELLES  RECHERCHES 


On  déduit  de  cette  composition  le  poids  moléculaire  suivant  pour  le  chlo¬ 
rure  d’argent  : 

1.  11.  Moyenne. 

145,585  145,407  145,595 

En  admettant  que  100,000  d’argent  produisent  132,850  de  chlorure  de 
ce  métal,  comme  cela  résulte  des  synthèses  que  j’ai  publiées  dans  mon  pré¬ 
cédent  travail ,  et  comme  du  reste  M.  Penny  et  M.  Marignac  l’ont  trouvé  avant 
moi,  et  en  combinant  ces  données  avec  celles  fournies  par  les  analyses  du 
chlorate,  j’arrive  aux  poids  atomiques  suivants: 


1.  11.  Moyenne. 

Pour  l’argent .  107,929  107,947  107,957 

Et  pour  le  chlore .  55,458 


Conclusions  des  synthèses  de  l’iodure,  du  bromure  d’argent,  et  des  analyses 
de  l’iodate ,  du  bromate  et  du  chlorate  d’argent. 

Si  je  récapitule  les  résultats  auxquels  conduisent  les  synthèses  et  les  ana¬ 
lyses  consignées  dans  ce  Mémoire,  je  trouve,  pour  poids  atomique  de  l'argent, 
les  nombres  suivants  : 

D’après  la  synthèse  de  l’iodurc  et  l’ana 

lyse  de  l’iodate . 

D’après  la  synthèse  du  bromure  et  l’ana 

lyse  du  bromate . 

D’après  la  synthèse  du  chlorure  et  l’ana 
lyse  du  chlorate . 


107,918 

107,905 

107,929 


II. 

107,950 

107,957 

107,947 


111. 

107,917 


Moyenne. 

107,928 

107,921 

107,957 


Ces  sept  déterminations  de  poids  atomiques,  laites  à  l’aide  de  trois  corps 
différents,  et  par  des  procédés  indépendants ,  donnent  en  moyenne  géné¬ 
rale  107,929. 

Les  éléments  dont  j’ai  déduit  ces  moyennes  présentent  entre  eux  un  écart 
qui  est  à  peu  près  égal  pour  tous;  cet  écart  est  incontestablement  dû  à  l’er¬ 
reur  inévitable  dans  les  expériences;  on  est  surpris  qu’il  ne  soit  pas  plus  con¬ 
sidérable,  lorsque  l’on  voit  trois  à  quatre  cents  millièmes  de  différence,  dans 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


2il 


la  composition  centésimale,  produire  une  différence  presque  égale  dans  la 
valeur  du  poids  atomique  lui-même. 

Je  crois  donc  qu’au  point  de  vue  de  l’expérience  on  doit  considérer  tous 
ces  chiffres  comme  identiques ,  et  qu’on  doit  envisager  le  poids  atomique  de 
l’argent,  déduit  des  combinaisons  que  ce  corps  contracte  avec  l’iode,  avec  le 
brome  et  avec  le  chlore,  comme  étant  invariablement  le  même. 

Si  je  compare  maintenant  le  poids  atomique  moyen  et  les  chiffres  extrêmes 
aux  résultats  qui  dérivent  des  déterminations  faites  antérieurement,  soit  par 
M.  Marignac,  soit  par  moi,  j'arrive  aux  conclusions  suivantes  : 


En  1843,  M.  Marignac  a  trouvé  par  la  synthèse  du  chlorure  et  l’ana¬ 


lyse  du  chlorate,  en  moyenne . 107,913 

En  rattachant  l’argent  au  chlore  par  le  chlorure  et  le  chlorate  de  po¬ 
tassium,  il  a  obtenu  en  moyenne .  107,920 

Deux  années  plus  tard,  l’analyse  des  sels  d’argent  à  acides  organiques 
l’a  conduit  à .  107,930 

Dont  la  moyenne  est .  107,928 

Des  recherches  consignées  dans  mon  Mémoire  publié  en  18G0,  il  résulte 
que,  reliant  l’argent  au  chlore  par  le  chlorure  et  le  chlorate  de  potas¬ 
sium,  on  obtient . 107,943 

Tandis  que  la  synthèse  du  sulfure  et  l’analyse  du  sulfate  d'argent  m’ont 

donné .  107,920 

La  moyenne  de  ces  deux  déterminations  est .  107,931 


Les  trois  moyennes 

1°  107,928  (Marignac); 

2°  107,951  (Stas); 

5°  107,929  (Stas); 

sont  donc  identiques.  Je  conclus  de  ce  qui  précède  que  le  poids  atomique  de 
l’argent,  déterminé  par  des  méthodes  différentes  et  par  des  corps  différents, 
est  une  véritable  constante ,  et  que  cette  constante  est  égale  à  107,93 ,  l’oxy¬ 
gène  étant  16,00. 

Si  je  recherche  le  poids  atomique  du  chlore,  du  brome  et  de  l’iode  à  l’aide 
des  éléments  qui  ont  servi  à  fixer  la  constante  de  l’argent ,  j’arrive  aux  résul¬ 
tats  suivants  : 


242 


NOUVELLES  RECHERCHES,  etc. 


En  ce  qui  concerne  le  chlore  : 

En  1845,  M.  Marignac  a  trouvé  par  deux  méthodes  différentes.  .  . 

Des  analyses  et  des  synthèses  consignées  dans  mon  Mémoire  de  1860,  on 

déduit . 

Des  analyses  du  chlorate  décrites  dans  ce  Mémoire,  combinées  avec  les 
synthèses  consignées  dans  mon  précédent  travail,  je  déduis. 

Ou ,  en  moyenne . 

En  ce  qui  concerne  le  brome  : 

Eli  1 845 ,  M.  Marignac  a  déduit  de  la  synthèse  du  bromure  d’argent.  . 
En  rattachant  le  bromure  de  potassium  à  l’argent ,  il  a  obtenu  .  .  . 

Des  synthèses  du  bromure  d’argent  et  des  analyses  du  bromate  consi¬ 
gnées  clans  le  présent  travail ,  je  déduis . 

Ou  ,  en  moyenne . 

Enfin,  en  ce  qui  concerne  Y  iode  : 


M.  Marignac  a  obtenu  par  la  synthèse  de  l’iodure  d’argent .  126,840 

En  rattachant  l’argent  à  l’iodure  de  potassium,  il  a  trouvé .  126,847 

De  mes  synthèses  de  l’iodure  d’argent  et  de  l’analyse  de  l’iodate,  je 

déduis .  126,857 

En  moyenne .  126,848 


Les  travaux  de  M.  Marignac,  exécutés  à  l’aide  de  moyens  d’une  si  grande 
simplicité,  conduisent  donc  absolument,  pour  le  poids  atomique  du  chlore, 
du  brome,  de  l’iode  et  de  l’argent,  au  même  résultat  que  mes  propres 
recherches,  dans  lesquelles  j’ai  dû  employer  des  procédés  souvent  très-com¬ 
pliqués,  pour  me  mettre  à  l’abri  de  causes  d’erreur  ou  pour  prévenir  des 
objections  contre  les  résultats. 


79,945 

79,968 

79,940 

79,951 


55,455 

55,460 

55,458 

55,457 


TROISIÈME  MÉMOIRE. 


RECHERCHES  FAITES  DANS  LE  BUT  DE  DÉTERMINER  ET  DE  CONTROLER  LE  POIDS 
ATOMIQUE  DE  L’AZOTE,  DU  BROME,  DU  CHLORE,  DE  L’ARGENT,  DU  LITHIUM, 
DU  POTASSIUM  ET  DU  SODIUM. 


PRÉLIMINAIRES. 


Dans  ce  travail,  je  me  suis  proposé  de  contrôler  les  poids  atomiques  de 
l’azote,  du  brome,  du  chlore,  de  l’argent,  du  potassium,  du  sodium  et  du 
lithium.  Je  vais  exposer  successivement  les  moyens  que  j’ai  employés  dans 
cette  intention. 

Des  recherches  que  j’ai  fait  connaître  en  1860,  je  me  suis  cru  autorisé  à 
conclure  que  le  poids  atomique  de  l’azote  n’est  point  représenté  par  14,00, 
l’oxygène  étant  16,00,  comme  la  plupart  des  chimistes  l’admettent  aujour¬ 
d’hui.  En  effet,  mes  synthèses  de  l’azotate  d’argent  conduisent  à  un  chiffre 
compris  entre  14,041  et  14,046.  Ce  nombre  se  confond  avec  14,066  que 
l’on  déduit  des  travaux  de  M.  Régnault  sur  la  pesanteur  spécifique  de  l’azote, 
en  fonction  de  l’oxygène.  Je  n’ignore  point  quelles  sont  les  objections  que  l’on 
peut  taire  contre  le  choix  du  moyen  auquel  j’ai  eu  recours  pour  établir  ce 
chiffre.  Il  présuppose,  en  effet,  la  connaissance  du  poids  atomique  de  l’argent, 
et  il  présente  surtout  le  grand  inconvénient  de  déduire  une  valeur  relative¬ 
ment  faible  d’un  poids  atomique  très-élevé,  comme  l’est  celui  de  ce  métal; 
mais  ayant  trouvé  une  valeur  plus  faible  que  108,  qui  est  le  nombre  admis 


°2U 


NOUVELLES  RECHERCHES 


actuellement  par  la  plupart  des  chimistes,  l’erreur  que  je  puis  avoir  com¬ 
mise  n’a  pu  que  diminuer  le  poids  atomique  de  l’azote,  au  lieu  de  l'augmenter. 

Quoi  qu’il  en  soit,  j’ai  cherché  à  soumettre  mes  recherches  à  un  contrôle 
sérieux  et  efficace.  Dans  ce  but,  j  ai  désiré  faire  1  analyse  de  1  oxxde  azoteux, 
d’après  le  système  exposé  dans  mon  Mémoire  sur  les  poids  atomiques  de  l  ar¬ 
gent,  de  l’iode,  du  brome  et  du  chlore,  c’est-à-dire  en  pesant  le  composé  et 
chacun  de  ses  éléments  isolés.  Je  voulais  liquéfier  de  l’oxyde  azoteux  dans 
une  sphère  métallique  creuse,  peser  le  système,  iaire  passer  ensuite  le  gaz  au 
travers  d’un  tube  de  verre  chauffé  au  rouge  et  renfermant  du  cuivre  réduit 
par  l’oxyde  carbonique,  pour  fixer  l’oxygène,  et  recueillir  l’azote  devenu 
libre  dans  un  ballon  suffisamment  spacieux.  Mais  jusqu’ici  je  n’ai  trouvé 
aucun  mécanicien  qui  ait  osé  entreprendre  la  construction  de  la  sphère  mé¬ 
tallique  et  ses  accessoires,  dans  les  conditions  que  je  crois  absolument  indis¬ 
pensables  pour  la  réussite  de  l’expérience. 

J’aurais  pu  tenter  l’analyse  de  l’oxyde  azoteux,  en  pesant  seulement  l'oxy¬ 
gène  et  l’azote  provenant  d’un  poids  inconnu  de  ce  gaz,  par  exemple,  et  en  me 
servant  du  moyen  que  MM.  Dumas  et  Boussingault  ont  employé  pour  déter¬ 
miner  la  composition  de  l’air  atmosphérique;  mais  je  n’ai  point  trouvé,  dans 
celle  méthode,  des  garanties  qui  pussent  compenser  le  travail  que  je  devais 
entreprendre  pour  exécuter  les  expériences. 

J’ai  donc  été  obligé  d’avoir  recours  à  des  moyens  de  contrôle  indirects. 
Celui  auquel  je  me  suis  arrêté  consiste  dans  la  transformation  en  azotates 
des  chlorures  des  métaux  dits  alcalins.  Cette  méthode  a  déjà  été  appliquée 
en  1839,  par  M.  Frederick  Penny,  de  Glascow,  aux  chlorures  de  potassium 
et  de  sodium  L  Les  chlorures  sur  lesquels  j’ai  opéré  sont  ceux  de  potassium  , 
de  sodium  et  de  lithium.  J’ai  jugé  convenable  de  déterminer  préalablement 
le  poids  atomique  dé  ce  dernier  métal ,  afin  de  pouvoir  contrôler  mes  expé¬ 
riences  avec  plus  de  certitude. 

La  transformation  d’un  chlorure  en  azotate  permet  de  contrôler  un  poids 
atomique  de  l’azote,  donné,  du  moment  que  le  poids  atomique  du  métal 

1  On  lhe  Application  of  lhe  Conversion  of  Chlorates  and  Nitrates  into  Chlondes  and  uj 
Chlorides  into  Nitrates  to  lhe  Détermination  of  several  équivalent  Numbers;  bv  Frederick 
Penny,  esq.  Philosopiiical  Transactions,  1851),  p.  13. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


21  o 

contenu  dans  le  chlorure  est  supposé  connu,  de  même  qu’on  peut  vérifier  le 
poids  atomique  du  métal,  en  supposant  connus  les  poids  atomiques  de  l’azote 
et  du  chlore. 

En  effet,  d’après  la  loi  des  proportions  définies  et  d’après  la  composition 
des  azotates,  la  différence  entre  le  poids  d’une  molécule  d’un  chlorure  et  celui 
d’une  molécule  d’un  azotate  correspondant,  doit  être  égale  à  une  constante 
représentée  par  la  différence  entre  le  poids  atomique  du  chlore  et  la  somme 
des  poids  d’un  atome  d’azote  et  de  trois  atomes  d’oxygène.  En  prenant, 
conformément  à  l’hypothèse  de  Prout  : 


Le  chlore . =  55,50 

L’azote . =  14,00 

L’oxygène . ==  10,00 

La  constante  est  égale  à .  20,50 


Si  l’on  substitue,  à  ces  poids  atomiques  hypothétiques,  ceux  qui  sont 
consignés  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  ato¬ 
miques 9  on  a  : 


Maximum.  Minimum. 

Le  chlore . =  55,460  à  35,457 

L’azote . =  14,040  à  14,041 

Et  la  constante . =  20,580  à  20,584 

Ou  une  différence  de  0,086  à  0,084,  c’est-à-dire  près  d \in  dixième 

d  atome  d  hydrogène.  Ce  dixième  d’atome  d’hydrogène  représente  exac¬ 

tement  la  différence  qui  existe  entre  la  valeur  des  poids  atomiques  du  chlore 
et  de  1  azote,  calculés  d’après  l’hypothèse  de  Prout,  et  celle  déduite  de  mes 
déterminations  expérimentales. 

On  a  en  effet  : 

35,500  —  55,40  =  ■+-  0,040 

14,040  —  14,00  =  0,046 

Dont  la  somme . —  0,080 

On  voit  immédiatement  que  cette  différence  est  tellement  grande,  quelle 
doit  produire  un  écart  beaucoup  plus  considérable  que  celui  qui  peut  être 


NOUVELLES  RECHERCHES 


216 

légitimement  attribué  aux  erreurs  d'observation.  Aussi  est-ce  la  grandeur  de 
cet  écart  qui  m’a  déterminé  dans  le  choix  de  ce  moyen  de  contrôle. 

La  transformation  des  chlorures  en  azotates,  si  simple  en  principe,  a  été 
d’une  exécution  très-délicate.  En  effet,  j’ai  eu  à  lutter  contre  deux  obstacles  : 
l’altérabilité  des  vases  de  verre  ordinaire,  sous  l’influence  des  acides  et  des 
azotates  fondus,  et  la  difficulté  que  présente  la  préparation  des  chlorures  alca¬ 
lins  purs,  en  quantité  suffisamment  grande  pour  me  permettre  de  répéter  plu¬ 
sieurs  fois  chaque  opération,  j’exposerai  en  détail ,  dans  des  notices  séparées, 
les  moyens  employés  pour  vaincre  toutes  ces  difficultés. 

Je  donnerai  ensuite  les  nouvelles  synthèses  de  l’azotate  d’argent,  entre¬ 
prises  dans  le  but  de  vérifier  l’exactitude  de  mes  anciens  résultats  et  de 
déduire,  avec  certitude,  le  poids  atomique  de  l’azote  du  rapport  en  poids  du 
chlorure  et  de  l’azolate  d’argent  produits  par  une  unité  de  poids  d’argent. 

Je  terminerai  ce  Mémoire  par  l  exposé  des  déterminations  du  Rapport 
proportionnel  entre  le  bromure  de  potassium  et  l  argent,  que  j  ai  faites  pour 
contrôler  à  la  fois  le  poids  atomique  du  potassium  et  du  brome 


1.  —  De  la  transformation  des  chlorures  en  azotates. 


1°  Des  vases  employés  dans  les  opérations. 

Dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomiques, 
j’ai  constaté  déjà  que  le  verre  commun  des  cornues,  des  ballons,  etc.,  cède 
à  la  température  ordinaire,  aux  acides  chlorhydrique  et  azotique,  des  traces 
des  métaux  qu’il  renferme.  11  est  impossible  d’v  évaporer  jusqu’à  siccilé  l’acide 
le  plus  pur,  sans  qu’il  laisse  un  résidu  salin.  Le  verre  dur  de  Bohème,  dit 
réfractaire,  et,  en  général  les  verres  privés  d’alumine  et  contenant  un  excès 
de  silice  résistent  presque  indéfiniment  à  l’attaque  des  acides  concentrés  et 
chauds.  La  fabrication  des  ballons,  des  matras,  des  cornues  en  verre  réfractaire 
présente  de  grandes  difficultés;  les  ouvriers  les  plus  habiles  ne  parviennent 
pas  toujours  à  le  travailler  lorsqu’il  s’agit  de  donner  des  dimensions  un  peu 
considérables  aux  objets.  J’ai  été  à  plusieurs  reprises  témoin  de  ce  fait. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


217 


Voulant  rechercher  dans  quelles  conditions  de  composition  le  verre  doit 
se  trouver,  pour  être  à  la  fois  inattaquable  par  les  acides  et  assez  fusible  pour 
que  le  travail  n’en  devienne  pas  trop  difficile,  je  me  suis  décidé  à  faire, 
dans  une  verrerie  même,  des  essais  de  fabrication.  Ces  recherches  m’ont 
démontré  que  le  verre  à  base  de  sodium  et  de  calcium,  lorsqu’il  renferme 
un  excès  suffisant  d’anhydride  silicique,  résiste  à  peu  près  aussi  bien  aux 
acides  que  le  verre  réfractaire  de  Bohême  presque  exclusivement  à  base  de 
potassium  et  de  calcium  ;  mais  on  sait  qu’un  mélange  en  poids  moléculaires 
égaux  de  carbonates  de  potassium  et  de  sodium  est  beaucoup  plus  fusible 
que  le  plus  fusible  des  deux  carbonates  à  l’état  isolé.  Me  basant  sur  ce  fait, 
j’ai  été  conduit  à  essayer  de  remplacer  dans  la  composition  du  verre  ré¬ 
fractaire,  inattaquable  par  les  acides,  une  partie  du  potassium  par  une  quantité 
équivalente  de  sodium.  Le  résultat  a  complètement  répondu  à  mon  attente. 

Je  suis  parti  de  celte  donnée,  que,  pour  obtenir  un  verre,  à  base  de  potas¬ 
sium  et  de  calcium,  très-réfractaire  et  inattaquable  par  les  acides,  il  faut 
qu’il  contienne  environ  : 


Anhydride  silicique . 75,00 

Oxyde  de  potassium . 15,00 

—  de  calcium . 10,00 


100,00 

En  remplaçant,  dans  ce  verre,  la  moitié  du  potassium  par  son  équivalent 
de  sodium,  on  a  : 


Anhydride  silicique . 77,00 

Oxyde  de  potassium . 7,70 

—  de  sodium . 5,00 

—  de  calcium . 10,50 


100,00 

Dans  ce  verre,  les  bases  sont  entre  elles  dans  le  rapport  de  :  un  atome  de 
calcium  C a"  —  4-0  pour  un  atome  de  potassium  et  un  atome  de  sodium. 

Sur  ces  données,  j’ai  fait  exécuter  des  essais  de  fabrication,  et  l’on  s’est  servi 
à  cet  effet  de  sable  fin  et  pur,  employé  dans  la  fabrication  du  cristal,  de  car¬ 
bonate  monopotassique  aussi  pur  que  le  livrent  les  fabriques  anglaises,  de 
Tome  XXXV.  28 


218 


NOUVELLES  RECHERCHES 


carbonate  bisodique  purifié  et  de  carbonate  de  calcium  à  l’état  de  marbre 
blanc,  finement  pulvérisé  et  passé  au  tamis  de  soie.  Ces  matières,  prises  en 
proportions  convenables,  ont  été  mêlées  intimement  avec  dix  à  douze  pour 
cent  de  leur  poids  d’anhydride  arsénieux,  et  ont  été  ensuite  soumises,  dans  un 
creuset  très-réfractaire,  à  l’action  d’une  chaleur  capable  de  les  amener  à  l’état 
de  fusion  assez  avancée  pour  que  le  verre  puisse  être  travaillé.  L’addition  de 
celte  énorme  dose  d’anhydride  arsénieux  a  été  faite  par  le  chef  ouvrier  de 
la  verrerie,  dans  le  but  de  déterminer  plus  facilement  la  liquéfaction  de  la 
masse.  J’avoue  mon  incompétence  pour  apprécier  le  fondement  de  cette  pra¬ 
tique;  je  n’y  ai  vu,  du  reste,  d’autre  inconvénient  que  celui  de  répandre  dans 
l’air  des  torrents  de  matières  vénéneuses,  puisque  je  me  suis  assuré,  par  l’ana¬ 
lyse,  qu’il  ne  reste  dans  le  verre  produit  aucune  trace  de  l’arsenic  employé. 

En  opérant  avec  les  soins  convenables,  on  a  fait  deux  fontes  sur  des  pro¬ 
portions  assez  considérables.  A  l’aide  du  verre  obtenu,  on  a  soufflé  des  bal¬ 
lons  à  long  col,  des  matras,  de  petits  flacons,  des  cylindres,  etc.,  etc.  Le 
ballon  le  plus  spacieux  qu’un  excellent  ouvrier  soit  parvenu  à  confectionner 
a  mesuré  environ  quatre  litres.  La  capacité  des  autres  ballons  a  varié  d’un 
à  trois  litres.  Les  parois  de  la  sphère  ont  été  tenues  assez  épaisses  pour  pou¬ 
voir  résister  à  la  traction  que  subit  le  verre,  lors  du  retrait  qu’éprouvent  les 
azotates  en  se  solidifiant  après  leur  fusion. 

Le  verre  avait  un  reflet  jaunâtre  ;  il  était  excessivement  dur,  peu  élastique, 
et  aussi  dépouillé  d’bygromélricité  que  le  meilleur  verre  réfractaire  de  Bohême. 

J’ai  pris  la  peine  de  soumettre  à  l’analyse  des  fragments  de  deux  ballons 
de  fabrication  différente;  ces  ballons  s’étaient  cassés  après  avoir  £ervi  aux 
expériences  L 

I.  il. 

Anhydride  silicique . 7(i,4  77,5 

Oxyde  de  potassium  .  7,1  0,2 

—  de  sodium .  5,9  0,5 

—  de  calcium .  10,0  10,0 

100,0  100,0 

1  Dans  les  analyses,  j'ai  déterminé  directement  l’anhydride  silicique  et  les  oxydes  de  potas¬ 
sium  et  de  calcium.  L’oxyde  de  sodium  a  été  déduit  par  différence.  Le  verre  contenait  également 
un  peu  d’alumine  provenant  de  l’attaque  des  creusets,  je  ne  l’ai  point  dosée;  le  chiffre  du  sodium 
en  est  donc  augmenté  d’autant. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


219 


2°  De  l’appareil  qui  a  servi  à  la  transformation  des  chlorures  en  azotates. 

L’appareil  se  compose  d’un  des  ballons  dont  je  viens  de  parler,  sur  le  goulot 
duquel  j’ai  fait  user  à  l’émeri  un  flacon  de  même  verre;  le  fond  de  ce  flacon 
est  enlevé,  et  par  son  ouverture  étroite  passe  un  tube  recourbé,  en  verre  inat¬ 
taquable  par  les  acides.  La  branche  descendante  de  ce  tube  est  munie  d’une 
boule  assez  spacieuse. 

Pour  m’assurer  si  cet  appareil  conserve  l’intégrité  de  son  poids  en  pré¬ 
sence  des  acides  et  des  azotates  en  fusion  momentanée ,  j’ai  fait  les  essais 
suivants  :  Après  avoir  fait  bouillir  pendant  un  certain  temps  de  l’eau  régale 
...  dans  le  ballon,  pour  dissoudre  toutes  les  substances  métalli- 

ques  qu’y  amène  le  travail  qu’on  est  obligé  de  faire  au  goulot 
du  ballon,  afin  d’y  adapter  le  flacon  percé  qui  lui  sert  de  bou- 
chon,  je  l’ai  lavé  à  l’eau,  séché,  rempli  d'air  sec 1,  et  fermé  à 
l’aide  d’un  bouchon  de  verre  présentant  une  légère  rainure. 
Son  refroidissement  complet  étant  effectué,  je  l’ai  pesé,  sus¬ 
pendu  à  la  balance  à  l’aide  d’une  suspension  de  platine,  comme 
le  montre  la  figure ,  j’ai  pris  comme  contre-poids  un  ballon 
de  même  volume,  de  même  verre,  et  je  me  suis  servi  de  verre 
pour  compenser  la  différence  de  poids. 

J’ai  introduit  ensuite  dans  ce  ballon  quatre  cents  centimè¬ 
tres  cubes  d’acide  azotique  normal  et  pur,  que  j’y  ai  évaporé 
à  une  température  de  beaucoup  au-dessous  de  son  point 
d’ébullition,  afin  de  faire  durer  plus  longtemps  le  contact  de 
l’acide  azotique  chaud  avec  le  verre.  Pendant  ce  temps,  le 
col  du  ballon  était  engagé  très-avant  dans  un  cylindre  de 

'  Dans  toutes  les  pesées  dont  il  est  question  dans  ce  travail  les  ballons  ont  été  remplis  à' air  sec, 
soit  que  je  les  eusse  pesés  vides  de  matière,  soit«qu’ils  continssent  un  chlorure  ou  un  azotate. 
La  différence  entre  le  poids  d’un  ballon  rempli  d’air  ordinaire  ou  d’air  séché  à  l’acide  sulfu¬ 
rique  est  comprise  entre  0sr,005  et  08r,005  ,  suivant  la  capacité  de  la  sphère.  Lors  des  pesées 
des  ballons,  j’ai  toujours  eu  soin  de  renouveler  au  moins  une  fois  l'air  après  la  constatation  du 
poids,  pour  m’assurer  si ,  pendant  le  long  repos,  l’air  sec  n’avait  pas  été  remplacé  par  l’air 
ordinaire.  L’observation  m’a  démontré  que  cette  précaution  est  indispensable  si  l’on  veut  se 
mettre  à  l’abri  de  cette  cause  d’erreur. 


r 


220 


NOUVELLES  RECHERCHES 


verre  inattaquable  par  les  acides,  pour  empêcher,  autant  que  possible,  l'entrée 
dans  le  ballon  des  impuretés  de  l’air.  Après  l’évaporation,  le  fond  du  ballon 
contenait  un  très-léger  anneau  jaunâtre;  j’y  ai  fait  passer  encore  de  l’air  pur 
et  sec,  et  son  refroidissement  étant  opéré,  je  l’ai  pesé  une  deuxième  fois. 
Après  sa  pesée,  je  l’ai  lavé  à  l’intérieur  à  l’eau  acidulée  par  l’acide  azotique, 
pour  enlever  le  faible  anneau,  puis  à  l’eau  pure,  cl  après  l’avoir  séché  et 
rempli  d’air  sec,  je  l’ai  pesé  une  troisième  fois. 

Voici  le  poids  qu’a  présenté  un  ballon  traité  de  celte  manière  : 


grain. 

J.  Poids  constant  du  ballon  rempli  d’air  sec . 532,5715 

2.  —  du  ballon  rempli  d’air  sec  et  contenant  le  résidu  provenant 

de  l’évaporation  de  l'acide  azotique .  552,5755 

5.  —  du  ballon  précédent,  le  lendemain,  l’air  étant  renouvelé  .  552,5758 
4.  —  du  ballon  rempli  d’air  scc,  après  avoir  été  lavé  à  l’intérieur 


par  l’eau  acidulée  à  l’acide  azotique,  afin  d'enlever  le  ré¬ 
sidu  laissé  par  l’évaporation  de  l’acide,  puis  lavé  à  l’eau 


pure  et  séché .  552,5700 

5.  —  du  ballon  précédent,  le  lendemain .  552,5705 


(i.  —  du  ballon  précédent,  après  y  avoir  renouvelé  l’air  sec  .  .  552,5705 

Il  résulte  de  ces  opérations,  que  le  résidu,  laissé  par  quatre  cents 
centimètres  cubes  d’acide  azotique  normal,  a  déterminé  une 


augmentation  du  poids  du  ballon  qui,  au  maximum,  s’élève  à  .  0,0025 

Et  qu’après  l’enlèvement  de  ce  résidu ,  le  ballon  a  perdu  de  son  poids 

cette  petite  quantité .  0,0010 


Eu  égard  à  la  grande  masse  de  chlorure  alcalin  que  j’ai  soumis  à  l’expé¬ 
rience,  et  au  poids  de  l’azotate  qui  en  provenait,  je  puis  considérer  le  ballon 
comme  ne  changeant  point  de  poids  sous  l’influence  de  l’acide  azotique. 

Pour  me  renseigner  sur  sa  résistance  à  l’action  des  azotates  alcalins  en 
fusion  momentanée ,  j’ai  pris  la  peine  de  déterminer  le  poids  du  ballon ,  après 
que  l’azotate  y  avait  été  fondu,  et  que  j’eusse  ensuite  enlevé  le  sel  à  l’aide  de 
l’eau  pure. 

Voici  du  reste  le  poids  du  ballon  précédent,  après  avoir  servi  successive¬ 
ment  à  deux  transformations  du  chlorure  de  potassium  en  azotate;  l’une  de 
ces  transformations  a  été  faite  en  collaboration  avec  M.  Kekulé. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


221 


Première  transformation. 


1. 

2. 


Poids  du  ballon  rempli  d’air  sec,  avant  la  fusion  de  l’azotate. 
—  —  *  après  la  fusion  de  l’azotate. 


grain. 

552,3703  (Kckulé  et  Stas). 
^  552,5695  (Kekulé). 

\  552,3690  (Stas). 


Deuxième  transformation. 

grain. 

1.  Poids  du  ballon  rempli  d’air  sec,  avant  la  fusion  de  l’azotate.  552,56925 

2.  _  —  après  la  fusion  de  l’azotate.  552,56850 

5.  Poids  du  ballon  précédent,  le  lendemain,  l'air  sec  étant 

renouvelé  . .  352,5690 


On  voit  donc  qu’on  peut  amener  un  azotale  alcalin  en  fusion 'momentanée 
dans  un  verre  très-réfractaire,  sans  altérer  sensiblement  le  poids  de  1  ap¬ 
pareil. 

II  me  restait  un  dernier  élément  d’appréciation  à  rechercher,  c’était  l’in¬ 
fluence  du  poids  du  résidu  provenant  de  l’évaporation  de  l’acide  azotique, 
combinée  avec  la  diminution  de  poids  qu’éprouve  le  ballon  par  suite  de  la 
fusion  de  l’azotate.  Dans  ce  but,  j’ai  introduit  dans  le  ballon  pesé  un  poids 
connu  d’azotate  de  potassium  pur,  préalablement  fondu  dans  le  plaline.  J  ai 
versé  sur  cet  azotate  trois  fois  son  poids  d’acide  azotique  normal  et  pur ,  et 
après  avoir  amené  le  liquide  à  siccité,  par  le  moyen  que  j’indiquerai  plus 
loin  à  l’occasion  des  détails  des  opérations  elles-mêmes ,  j’ai  déterminé  la 
fusion  de  l’azotate.  J’ai  pesé  ensuite  le  ballon  rempli  d’air  sec.  J’ai  repris 
une  deuxième  fois  l’azotate'  par  quatre  fois  son  poids  d’acide  azotique  pur,  et, 
après  avoir  évaporé  de  nouveau  le  liquide  à  siccité,  j’ai  amené  une  deuxième 
fois  l’azotate  en  fusion. 

Pour  être  certain  de  ne  pas  perdre  de  l’azotate  entraîné  par  la  vapeur 
d’acide  azotique,  j’ai  eu  soin  de  condenser  célle-ci  et  d’évaporer  ensuite  le 
tout  dans  la  cornue  de  platine. 

Ces  opérations  ont  donné  les  résultats  suivants  : 


\.  Poids  moyen  du  ballon  rempli  d’air  sec . 

2.  —  de  l’azotate  de  potassium  fonda  dans  le  platine  .  .  .  . 

5.  —  total . 


groni. 

552,56875 

87,02950 

459,59823 


NOUVELLES  RECHERCHES 


222 


4.  Poids  du  ballon  rempli  d’air  sec,  après  l’évaporation  des  trois 

cents  centimètres  cubes  d’acide  azotique,  et  de  la  fusion 
de  l’azotate  de  potassium . 459,4005 

5.  —  du  ballon  précédent,  le  lendemain .  439,4010 

0.  —  du  ballon  rempli  d’air  sec,  après  l’évaporation  de  quatre 

cents  centimètres  cubes  d’acide  azotique  et  la  fusion  du 

•litre .  459,40175 

7.  —  du  ballon  après  avoir  repris  le  nilre  par  de  l’eau,  et  l’avoir 

lavé  et  rempli  d’air  sec .  352,5600 

8.  —  du  ballon  précédent,  le  lendemain .  552,3065 

Le  résidu  brun,  provenant  de  l’évaporation  de  l’acide  azotique  con¬ 
densé  f,  pesait .  0,00175 

Ces  essais  démontrent  que,  par  suite  de  l'évaporation  de  sept  cents 
grammes  d’acide  azotique  normal,  le  poids  de  l’azotate  de  potas¬ 
sium  a  augmenté  de  .  . .  0,0055 

Et  que,  par  le  fait  de  deux  fusions  de  87gr,0295  de  nilre,  le  poids  du 

ballon  a  diminué  de .  0,0025 


C’est  donc  dans  cette  limite  d’erreurs  d’observation  que  doivent  être  inter¬ 
prétées  les  expériences  concernant  les  transformations  des  chlorures  alcalins 
en  azotates. 

3"  De  l’acide  azotique  Employé  dans  la  transformation. 

Je  me  suis  procuré  l’acide  azotique  convenable  pour  ces  transformations, 
en  soumettant  à  une  distillation  ménagée  l’acide  du  commerce  à  1,50  de 
densité,  chauffé  préalablement  pour  le  dépouiller  de  tout  le  chlore  qu’il  ren¬ 
ferme.  Le  produit,  recueilli  dans  un  ballon  de  verre  inattaquable  par  les 
acides,  était  soumis  cà  une  rectification,  en  engageant  le  col  de  ce  ballon  très- 
avant,  dans  un  ballon  de  même  verre,  et  en  prenant  la  précaution  de  volatiliser 
le  liquide  sans  le  faire  bouillir.  L’expérience,  répétée  un  grand  nombre  de 
fois,  m’a  démontré  que  ce  moyen  fournit  un  acide  capable  de  se  réduire  eu 
vapeur  sans  laisser  de  résidu  pondérable.  Quoique  j’aie  constamment  pris  ces 
précautions,  je  me  suis  néanmoins  assuré,  par  un  essai  direct,  de  la  pureté 
de  l’acide  employé.  Dans  ce  but,  j’ai  placé  dans  la  cucurbite  d’une  grande 
cornue  de  platine  un  triangle  de  même  métal  ;  sur  ce  triangle  j’ai  posé  un 

1  A  l’analyse  spectrale,  il  m'a  été  impossible  d'v  découvrir  la  présence  du  potassium. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


grand  creuset  de  porcelaine  très-fine  de  Berlin,  rempli  d’acide  azotique  dont 
je  voulais  essayer  le  degré  de  pureté.  Après  avoir  couvert  la  cucurbite  du 
chapiteau  et  avoir  engagé  le  col  de  celui-ci  aussi  avant  que  possible  dans  le 
col  d’un  ballon  de  verre  dur,  j’ai  chauffé  circulairement  les  parois  de  la 
cornue  afin  de  réduire  à  l’état  de  vapeur  l’acide  azotique  contenu  dans  le 
creuset. 

Dans  chaque  expérience ,  j’ai  volatilisé  de  cette  manière  plusieurs  cen¬ 
taines  de  grammes  de  cet  acide,  sans  jamais  pouvoir  découvrir  la  moindre 
augmentation  dans  le  poids  du  creuset. 

4°  Du  moyen  employé  pour  opérer  la  transformation  des 
chlorures  en  azotates. 

J’ai  employé  le  même  moyen  pour  opérer  la  transformation,  en  azotates, 
des  trois  chlorures  sur  lesquels  ont  porté  mes  investigations.  Mais  l’hygro- 
métricité  extrême  du  chlorure  et  de  l’azotate  de  lithium  m’a  forcé  de  prendre 
des  précautions  spéciales  pour  la  pesée  de  ces  deux  corps.  Je  serai  donc 
obligé  d’entrer  dans  des  détails  particuliers  à  ce  sujet;  je  réserve  ces  détails 
pour  la  notice  consacrée  au  chlorure  de  lithium.  Je  me  bornerai  donc  ici  à 
exposer  comment  je  m’y  suis  pris  pour  peser  les  chlorures  de  potassium  et 
de  sodium,  pour  effectuer  leur  transformation  en  azotates,  et  enfin  pour  peser 
les  azotates  produits. 

La  pesée  des  chlorures  de  potassium  et  de  sodium  a  été  faite  dans  un 
grand  tube  en  verre,  fermé  par  un  bout  et  bouché  à  l’autre  bout  par  un 
bouchon  usé  à  l’émeri.  Les  chlorures  concassés  en  fragments  de  2  à  5  gram¬ 
mes  ,  avant  d’être  introduits  dans  le  tube ,  avaient  été  chauffés  dans  un 
double  creuset  de  platine,  à  une  température  voisine  de  celle  à  laquelle  ils 
commencent  à  s’agglutiner,  et,  pendant  qu’ils  étaient  encore  très-chauds,  ils 
ont  été  introduits  à  l’aide  d’une  main  de  platine  dans  le  tube  préalablement 
chauffé  vers  la  même  température.  Le  tube,  fermé  ensuite,  a  été  abandonné 
au  refroidissement  sous  une  cloche  renfermant  de  l’air  séché  à  l’aide  de  la 
présence  de  l’acide  sulfurique.  Le  poids  du  tube  avec  le  chlorure  étant  dé¬ 
terminé,  j’ai  enlevé  le  bouchon,  et  ayant  incliné  convenablement  le  ballon 


224 


NOUVELLES  RECHERCHES 


<|ue  j’avais  également  pesé  plein  d’air  sec,  j'ai  fait  pénétrer  le  tube  dans  son 
col  aussi  avant  que  possible,  et  j’ai  laissé  glisser  le  chlorure  avec  précaution 
pour  ne  pas  en  perdre  une  trace.  Ayant  de  nouveau  fermé  le  tube  à  l’aide 
de  son  bouchon,  je  l’ai  remis  sur  la  balance,  et  j’ai  substitué,  au  chlorure 
sorti,  des  poids  de  platine  de  manière  à  rétablir  l’équilibre.  La  somme  de  ces 
poids  représente  évidemment  le  poids  du  chlorure  entré  dans  le  ballon. 
Comme  vérification,  j’ai  renouvelé  l’air  sec  du  ballon ,  en  y  faisant  passer 
une  dizaine  de  litres  d’air  sec  et  froid,  et,  après  l’avoir  fermé  à  l’aide  d’un 
bouchon  percé  d’un  petit  trou,  pour  mettre  l’atmosphère  sèche  qu’il  renfer¬ 
mait  en  équilibre  de  pression  avec  l’air  de  la  cage  dans  laquelle  il  flottait 
pendant  la  pesée,  j’ai  déterminé  une  deuxième  fois  son  poids.  Quoique  le 
chlorure  de  sodium  soit  incontestablement  hygrométrique,  dans  toutes  les 
opérations,  les  poids  obtenus  par  la  pesée  indirecte  ont  été  identiques,  dans 
la  limite  d’erreurs  de  l’observation,  avec  ceux  constatés  par  la  pesée  directe. 
Les  détails  que  j’exposerai  plus  bas  le  prouveront  à  toute  évidence. 

Dans  le  but  de  constater  la  quantité  d’acide  azotique  normal  nécessaire 
pour  opérer  la  transformation  complète  d’un  poids  donné  de  chlorure ,  j'ai 
fait  préalablement  quelques  essais  sur  une  petite  échelle.  Il  en  résulte  que 
si  l’acide  réagit  lentement  sur  les  chlorures,  et  à  la  plus  basse  température 
possible,  l’élimination  totale  du  chlore  du  chlorure  de  potassium  a  lieu  en 
employant,  pour  un  de  sel  haloïde,  trois  d’acide  normal ,  pour  un  de  chlo¬ 
rure  de  sodium,  quatre  d’acide,  et  enfin,  pour  un  de  chlorure  de  lithium, 
cinq  et  demi  d’acide. 

Pour  exécuter  la  transformation ,  je  versai  la  quantité  convenable  d’acide 
pur  sur  le  chlorure  contenu  dans  le  ballon.  Après  avoir  adapté  au  col  le 
flacon  qui  lui  sert  de  bouchon,  et  après  avoir  introduit  dans  le  goulot  le 
tube  en  verre  dur  recourbé,  j’ai  placé  le  ballon,  incliné  vers  45°,  dans  l’étuve 
à  air  chaud  que  j’ai  figurée  et  décrite  à  propos  de  la  synthèse  de  l  iodure 
d’argent.  La  branche  descendante  du  tube  recourbé  s’engage  dans  une  petite 
fiole  de  verre  dur,  contenant  un  volume  d’eau  pure  un  peu  inférieur  à  celui 
de  la  capacité  de  la  boule  qui  est  souillée  vers  le  milieu  de  cette  branche  des¬ 
cendante  du  tube.  L’appareil  est  placé  dans  une  cage  de  verre,  en  commu¬ 
nication  avec  une  bonne  cheminée  d’appel,  comme  le  montre  la  fîg.  18. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


225 


Fig.  18. 


L’appareil  étant  bien  disposé,  j’élève  lentement  la  température  de  l’étuve 
vers  40  à  50°;  le  chlorure,  qui  se  dissout  lentement  dans  l’acide  azotique,  se 
décompose  vers  ce  degré  en  azotate  et  en  bichlorure  d’azotyle,  qui  se  dégage 
en  passant  par  l’eau  contenue  dans  le  petit  ballon  laveur.  En  prenant  le  soin 
de  maintenir  la  température  constante ,  tous  les  gaz  qui  prennent  naissance 
se  forment  à  la  surface  du  liquide  même  ;  au  lieu  d’une  effervescence,  qui 
est  toujours  accompagnée  de  pétillement  et  d’entraînement  de  liquide  par  le 
gaz,  il  se  produit  de  grosses  bulles  à  la  surface,  bulles  qui  se  défont  sans 
projection  ni  entraînement  de  liquide.  C’est  pourquoi,  lorsque  l’opération  est 
Tome  XXXV.  29 


226 


NOUVELLES  RECHERCHES 


conduite  avec  les  précautions  nécessaires,  l’eau  de  lavage  du  bichlorure 
d’azotyle  ne  renferme  aucune  trace  d’azotate  alcalin  entraîné.  Lorsque  les 
gaz  cessent  de  se  dégager  à  la  température  stationnaire,  j’augmente  succes¬ 
sivement  la  chaleur  et  je  porte  à  la  fin  le  liquide  près  de  son  point  d'ébul¬ 
lition;  quand  les  gaz  ont  de  nouveau  cessé  de  se  dégager  et  que,  malgré 
l’élévation  de  température,  le  liquide  dans  le  ballon  ressemble  à  une  matière 
fixe  en  fusion,  j’enlève  le  flacon  servant  de  bouchon,  j’engage  très-avant 
le  col  du  ballon  dans  un  cylindre  ou  malras  en  verre  inattaquable  par  les 
acides,  et  j’incline  le  tout  de  manière  à  faire  dévier  le  coi  tant  soit  peu  au- 


Fig.  Il 9. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  * 


227 


dessous  de  l’horizontale,  afin  que  les  liquides  qui  s’y  condensent  ne  puissent 
retourner  dans  le  ballon.  Pour  empêcher  les  matières  en  suspension  dans  l’air 
de  pénétrer  dans  le  cylindre  et  de  là  dans  le  col  du  ballon,  j’applique  une 
couche  circulaire  très-épaisse  de  ouate  sur  l’ouverture  annulaire  laissée  entre 
le  cylindre  et  le  col  qui  y  est  engagé.  Comme  l’évaporation  du  liquide  acide, 
et  par  conséquent  la  condensation  des  vapeurs  acides  se  font  avec  une  grande 
lenteur,  la  ouate  n’est  nullement  attaquée,  et  l’air  qui  peut  pénétrer  dans 
l’appareil  est  forcé  de  se  tamiser. 

L’appareil  étant  disposé  dans  la  cage  de  verre,  close  comme  le  montre 
la  fig.  19,  j’ai  procédé  à  l’évaporation  de  tout  le  liquide  acide.  Dans  ce  but, 
j’ai  élevé  la  température  de  l’étuve  à  un  degré  voisin ,  mais  toujours  au- 
dessous,  de  celui  du  point  d’ébullition  du  liquide.  Le  temps  nécessaire  pour 
éliminer,  de  oü  à  80  grammes  de  chlorure  alcalin,  le  chlore  à  l’état  de  bichlo- 
rure  d’azotyle,  et  pour  évaporer  jusqu  a  siccité  la  solution  d’azotate  alcalin 
qui  en  provient,  a  varié  de  six  à  neuf  heures. 

L’évaporation  jusqu’à  siccité  de  la  solution  d’un  azotate  alcalin  dans  l’acide 
azotique  présente  assez  de  difficultés,  lorsqu’on  veut  empêcher  complètement 
la  perte  de  sel. 

L’azotate  en  effet,  à  mesure  qu’il  se  solidifie,  présente  la  propriété  de 
grimper  le  long  de  la  surface  du  ballon  et  de  pénétrer  même  dans  le  col, 
si  on  n’y  prend  garde.  Je  suis  parvenu  à  empêcher  ce  phénomène,  en  ne 
chauffant  que  la  partie  inférieure  du  ballon,  celle  qui  est  mouillée  par  le 
liquide,  et  en  abritant  absolument  contre  le  courant  d’air  chaud  les  parois 
libres  du  ballon.  Pour  cela,  dans  toutes  mes  expériences,  j’ai  fait  reposer  le 
fond  du  ballon  dans  l’ouverture  d’une  rondelle  de  tôle  de  fer,  entourée  d’un 
cylindre  de  tôle.  Ce  cylindre,  portant  une  échancrure  destinée  à  laisser  passer 
le  col  du  ballon,  était  placé  au  centre  de  l’étuve.  Les  produits  de  la  combus¬ 
tion  passaient  donc  par  l’espace  annulaire  laissé  entre  le  cylindre  extérieur 
formant  l’étuve  et  le  cylindre  intérieur,  pour  s’échapper  dans  l’air  par  l’ou¬ 
verture  pratiquée  dans  le  couvercle  mobile  qui  ferme  l’étuve. 

La  dessiccation  de  l’azotate  étant  achevée,  j’ai  extrait  de  la  cage  de  verre 
tout  le  système  d’appareil,  j’ai  enlevé  la  couche  de  ouate  qui  entourait  le  col 
du  ballon  et  le  récipient,  ensuite  le  récipient  lui-même,  dans  lequel  les  va¬ 
peurs  acides  s’étaient  condensées. 


228 


NOUVELLES  RECHERCHES 


En  soulevant  légèrement  le  ballon,  j’ai  retiré  le  cylindre  de  tôle  qui  l’en¬ 
tourait,  ainsi  que  la  rondelle  sur  lequel  il  reposait;  je  l’ai  placé  sur  les 
tringles  de  fer  qui  servaient  à  soutenir  la  rondelle  avec  le  cylindre  métallique, 
et  j’ai  élevé  lentement  la  température  de  l’étuve  pour  amener  l’azotate  con¬ 
tenu  dans  le  ballon  à  l’étal  de  fusion.  Pendant  ce  temps,  je  faisais  passer 
un  courant  d’air  sec  et  pur  dans  l’intérieur  du  ballon,  afin  d’éliminer  les 
traces  d’acide  ou  d’eau  qui  étaient  restées  dans  le  sel.  Quand  l’azotate  fut 
en  pleine  fusion,  j’éteignis  brusquement  le  gaz,  afin  d’amener  une  solidifica¬ 
tion  presque  instantanée  du  sel.  Ce  refroidissement  brusque ,  bien  dange¬ 
reux  pour  le  ballon ,  est  nécessaire  pour  produire  une  espèce  de  trempe  de 
l’azotate.  Il  faut  que  ce  sel,  après  la  solidification,  soit  transparent,  presque 
vitreux,  pour  rester  adhérent  au  ballon.  En  se  refroidissant  lentement,  il 
devient  cristallin,  se  fendille,  et,  dans  ce  cas,  il  se  détache  souvent  brus¬ 
quement  de  la  paroi  du  ballon,  en  déterminant  la  rupture  du  vase.  J’ai  perdu 
ainsi  plusieurs  expériences,  avec  du  chlorure  qui  avait  coûté  de  grandes 
peines  à  préparer,  et  dont  la  production  m’a  entraîné  à  des  dépenses  considé¬ 
rables.  Ces  accidents  ont  failli  m’empêcher  d’achever  ces  recherches.  L’expé¬ 
rience  m’a  donc  prouvé  qu’entre  les  deux  dangers,  c’est  le  premier,  le  refroi¬ 
dissement  brusque  du  ballon ,  qui  est  le  moins  à  craindre. 

La  solidification  opérée,  j’ai  continué  de  faire  passer  le  courant  d’air  sec 
dans  le  ballon,  jusqu’à  son  refroidissement  complet;  après  l’avoir  muni  du 
flacon  qui  lui  sert  de  bouchon ,  j’ai  adapté  à  celui-ci  un  tube  à  chlorure  de 
calcium  pour  empêcher  l’accès  de  l’air  humide,  et  j’ai  procédé  au  lavage 
extérieur  du  ballon.  La  dessiccation  du  verre  étant  effectuée,  à  l’aide  d’un 
linge  fin,  et  le  bouchon  muni  d’une  rainure  étant  placé  sur  le  flacon  percé, 
j’ai  suspendu  le  ballon  au  plateau  de  la  balance,  pour  effectuer  sa  pesée 
comme  je  l’ai  indiqué  page  219. 

Lorsque  le  poids  constant  du  ballon  eut  été  déterminé,  pour  m’assurer  que 
tout  le  chlorure  avait  été  transformé  en  azotate,  j’ai  repris  le  sel  par  une 
quantité  d’acide  azotique  normal  et  pur,  capable  de  le  dissoudre  à  chaud.  J'ai 
procédé  de  nouveau  à  l’évaporation  de  l’acide,  à  la  dessiccation  et  à  la  fusion 
du  sel  avec  toutes  les  précautions  que  je  viens  d’indiquer. 

J’ai  évaporé  à  part,  dans  la  cage  de  verre  close,  l’eau  de  lavage  du  bichlo- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  229 

rure  d’azotyle  et  l’acide  provenant  de  la  condensation  des  vapeurs  émanées 
du  ballon  lors  de  la  dessiccation  de  la  solution  d  azotate  dans  1  excès  d  acide 
azotique.  Celte  évaporation  a  été  faite  dans  de  petites  capsules  de  porcelaine 
fine ,  dont  le  poids  avait  été  déterminé  d’avance. 

Dans  la  majeure  partie  des  déterminations,  les  eaux  de  lavage  et  1  acide 
condensé  n’ont  laissé  que  des  quantités  réellement  négligeables  de  matières 
fixes ,  et  ces  matières  proviennent  incontestablement  des  corpuscules  flottant 
dans  l’air  de  la  cage,  et  qui,  étant  attaqués  par  les  vapeurs  acides,  se  préci¬ 
pitent  dans  les  vases  ouverts,  dans  lesquels  l’évaporation  s  accomplit.  Je  dis  : 
dans  des  vases  ouverts,  parce  qu’il  est  impossible  d  exécuter  ces  évaporations 
dans  des  creusets  de  porcelaine  vernis,  enfermés  dans  une  cornue  de  platine, 
à  cause  de  la  présence  du  chlore  dans  les  liquides  employés. 

Les  opérations,  faites  avec  tous  les  soins  que  je  viens  d’indiquer,  condui¬ 
sent  à  des  résultats  d’une  concordance  aussi  grande  que  celle  à  laquelle  il 
est  possible  d’atteindre  dans  la  synthèse  ou  dans  l’analyse  d  un  corps.  Pour 
démontrer  la  vérité  de  cette  assertion ,  je  vais  énoncer  toutes  les  données 
d’une  détermination  que  j’ai  exécutée  avec  la  collaboration  de  mon  ami 
et  collègue  M.  Kekulé;  elle  concerne  la  transformation  du  chlorure  de  sodium 

en  azotate. 


Avant  lu  transformation  du  chlorure  en  azotate. 


1.  Poids  du  ballon  rempli  d’air  sec  (Kekulé  et  Stas) . 

2.  _  du  ballon ,  après  avoir  renouvelé  Pair  sec  (Kekulé  et  Stas). 

5.  —  de  la  fiole  en  verre  dur  destinée  à  contenir  l’eau  de  lavage 

du  bichlorure  d'azotyle  (Stas) . 

4.  —  du  tube  recourbé  (Kekulé) . 

—  du  chlorure  de  sodium  du  chloroplatinate,  pesé  par  sous¬ 
traction  dans  un  tube  bouché  (Stas) . 

(5,  —  du  chlorure  de  sodium,  pesé  dans  le  ballon  rempli  d  air  sec 

renouvelé  (Kekulé) . 

7  _  du  ballon  rempli  d’air  sec  avec  l’azotate  incomplètement 

fondu  : 


gram. 

458,5590 

458,5585 

25,9555 

25,1100 

52,4857 


52,4840 


a.  Pesé  le  lendemain  (Kekulé) 
h.  —  —  (Stas)  . 


485,0150 

485,0155 


230 


NOUVELLES  RECHERCHES 


8.  Poids  du  ballon  rempli  d'air  sec  avec  l’azolate  amené  à  l’état  de 

fusion  complète  : 

g  ram. 

«.  Pesé  le  lendemain  (Kekulé) . 485.6140 

b.  —  —  (Stas) .  485, 6 1574 

9.  Poids  du  résidu  laissé  par  l’évaporation  des  eaux  de  lavage  du  gaz 

bichlorure  d  azolyle  (Kekulé  et  Stas) .  0,00025 

10.  —  du  résidu  laissé  par  près  de  100  centimètres  cubes  de  liquide 

acide  provenant  de  la  dessiccation  de  l’azotate  (Kekulé  et 
Stas) .  0,00025 


Après  la  transformation  du  chlorure  en  azotate. 

1.  Poids  de  la  fiole  (n°  5  précédent)  (Kekulé  et  Stas) .  25,9555 

2.  —  du  tube  recourbé  (n°  4  précédent)  (Kekulé  et  Stas)  .  .  25,1100 

5.  —  du  ballon ,  après  avoir  dissous  l’azotate  fondu  et  avoir  lavé, 


desséché  et  rempli  d’air  sec  le  ballon  : 

fl.  Après  cinq  heures  de  refroidissement  (Kekulé  et  Stas).  .  .  458,5570 

b.  Poids  du  ballon,  le  lendemain .  458.5590 

c-  —  —  le  surlendemain .  458,5585 

(l ■  ~  —  le  quatrième  jour .  458,5585 


e-  —  —  apres  avoir  été  chauffé  près  du  rouge  et 

après  deux  heures  de  refroidissement  .  458,5870 

/.  Le  même  ballon  rempli  d’air  sec,  le  lendemain .  458.5580 

9-  —  —  —  —  le  surlendemain  ....  458,5585 

#• 

De  ces  différentes  données,  il  résulte  que  le  poids  de  la  fiole  qui  a  servi  à 
contenir  l’eau  de  lavage  du  bichlorure  d’azotyle,  et  le  poids  du  tube  destiné 
à  laisser  passer  ce  gaz ,  ont  été  conservés  absolument  intacts;  que  le  ballon  n  a 
diminué  que  de  un  cinq  cent  millième  de  son  poids ,  quantité  égale  à  fin- 
certitude  qui  existe  sur  le  véritable  poids  d’un  vase  rempli  d’air  sec  et  pesé 
dans  un  air  incomplètement  séché  et  en  communication  avec  le  premier.  On 
peut  donc  considérer  le  poids  de  l’azotate  produit  comme  n’étant  affecté 
d’aucune  erreur  bien  sensible  provenant  de  l’altération  des  vases  dans  les¬ 
quels  il  a  pris  naissance. 

Il  me  reste  maintenant  à  décrire  les  moyens  auxquels  j’ai  eu  recours  pour 
préparer  les  chlorures  et  à  fournir  les  données  numériques  des  expériences; 
c’est  ce  que  je  vais  faire  dans  les  notices  suivantes. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.* 


231 


5°  Du  chlorure  de  potassium  employé  dans  les  déterminations ,  et  déter¬ 
mination  du  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de 
potassium. 

J’ai  employé  du  chlorure  de  potassium  provenant  de  trois  sources  diffé¬ 
rentes.  Je  vais,  aussi  succinctement  que  possible,  entrer  dans  des  détails  au 
sujet  de  ces  divers  composés. 

a.  Chlorure  de  potassium  du  nitre.  —  Le  composé  que  j’ai  employé 
était  une  partie  de  celui  que  j’ai  préparé  en  1858,  au  moyen  de  l’azotate 
de  potassium  purifié  par  M.  Esselens  à  l’aide  de  dix  cristallisations  succes¬ 
sives.  Dans  la  notice  sur  la  Détermination  du  rapport  proportionnel  entre 
l’argent  et  le  chlorure  de  potassium ,  j’ai  donné  la  méthode  suivie  pour 
ramener  l’azotate  à  l’état  de  chlorure;  je  n’y  reviendrai  pas.  J’ai  constaté  que 
ce  chlorure  laisse  entre  cinq  et  six  cents  millièmes  de  son  poids  de  silice, 
lorsqu’on  le  volatilise  dans  un  milieu  convenable. 

50gl,7165  de  ce  chlorure  ont  été  transformés  en  azotate;  ils  ont  produit 
68gr,7938  de  ce  sel,  d’où 

KC h  :  KAsO5  :  :  100,000  :  1 55,045 

% 

b.  Chlorure  de  potassium  du  chlorate.  —  A  l’aide  des  moyens  que  j’ai 
fait  connaître  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids 
atomiques,  j’ai  éliminé  toutes  les  matières  étrangères  que  le  chlorate  de 
potassium  du  commerce  renferme  toujours,  et  je  me  suis  procuré  une  très- 
grande  quantité  de  ce  sel,  aussi  pur  qu’il  est  possible  de  l’obtenir  ainsi.  J’ai 
décomposé  une  partie  de  ce  chlorate  dans  une  grande  cornue  de  platine 
purifié,  en  prenant  toutes  les  précautions  imaginables  pour  empêcher  la 
production  du  chlore.  L’examen  minutieux  auquel  j’ai  soumis  le  chlorure 
produit  m’a  donné  la  certitude  qu’il  contenait  des  traces  de  platine  et  de 
la  silice.  Ce  chlorure  a  été  soumis  à  une  nouvelle  fusion  avec  une  certaine 
quantité  de  chlorure  d’ammonium.  J’ai  repris  la  masse  refroidie  par  de 


232 


NOUVELLES  RECHERCHES 


l’eau  froide;  après  vingt-quatre  heures  de  repos  dans  un  vase  de  platine,  j’ai 
évaporé  la  solution,  absolument  limpide  et  neutre  au  tournesol,  dans  une 
grande  cornue  de  platine,  et  j’ai  fondu  de  nouveau  le  chlorure  dans  un 
double  creuset  de  même  métal.  Il  s’est  transformé  en  un  liquide,  où  il  m’a 
été  impossible  de  découvrir  le  moindre  de  ces  points  brillants  que  l’on 
remarque  lorsque  le  chlorure  renferme  en  suspension  des  traces  d’anhy¬ 
dride  silicique  ou  d’oxyde  aluminique. 

La  masse  coulée  s’est  transformée,  après  le  refroidissement,  en  un  verre 
absolument  incolore,  limpide.  Par  la  voie  de  la  volatilisation,  j’ai  trouvé  que 
ce  chlorure  laisse  entre  quatre  et  cinq  cents  millièmes  de  silice,  mêlée  de 
silicate  de  potassium. 

80sr,2610  de  ce  chlorure  ont  été  transformés  en  azotate;  ils  ont  produit 
108sr,8665  de  ce  sel,  d’où 

KC h  :  KAzO5  :  :  100,000  :  155,638. 

Dans  l’espoir  d’éliminer  du  chlorate  la  silice  qui  s’accumule  dans  le  chlo¬ 
rure  ,  j’ai  soumis  le  sel  au  traitement  suivant  : 

500  grammes  environ  du  sel  qui  a  fourni  le  chlorure  précédent,  après 
avoir  été  bien  séchés,  ont  été  maintenus  en  fusion,  pendant  presque  toute  une 
journée,  dans  la  grande  cornue  de  platine;  le  liquide,  absolument  limpide 
d’abord,  s’est  manifestement  troublé  au  bout  de  ce  temps;  il  a  même  pris 
une  très-légère  teinte  jaunâtre,  probablement  par  la  formation  de  quel¬ 
ques  traces  de  chloroplatinale  de  potassium.  J’ai  coulé  ensuite  le  sel  dans 
un  grand  vase  de  platine,  et,  après  avoir  concassé  la  masse  refroidie,  je  l’ai 
traitée  par  une  quantité  d’eau  froide  insuffisante  pour  la  dissoudre.  Toutes 
les  dissolutions,  parfaitement  limpides,  ont  été  évaporées  dans  une  chaudière 
de  platine  de  cinq  litres  de  capacité,  purifiée  au  rouge  à  l’aide  du  chlorure 
d’ammonium.  Le  très-faible  résidu  laissé  par  l’action  de  l’eau  consistait  en 
silice,  alumine  très-dure  et  en  chloroplatinale  de  potassium.  Le  chlorate  de 
potassium,  qui  était  mêlé  d’une  petite  quantité  de  chlorure,  a  été  décomposé 
lentement  dans  une  grande  cornue  de  platine.  Le  chlorure  produit  a  été  con¬ 
cassé  et  mêlé  de  chlorure  d’ammonium  pur;  le  mélange  a  été  fondu  dans 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


233 


un  double  creuset  de  platine,  et  s’est  transformé  en  un  liquide  dans  lequel  il 
a  été  impossible  de  découvrir  la  moindre  trace  de  points  brillants.  Craignant 
néanmoins  la  présence  du  platine  divisé  dans  le  chlorure  solidifié,  je  l’ai 
repris  par  de  l’eau  pure,  après  l’avoir  concassé,  et  j’ai  évaporé  à  siccité,  dans 
la  grande  cornue  de  platine,  la  solution  qui  avait  reposé  vingt-quatre  heures. 
Le  résidu  a  été  fondu  de  nouveau  dans  un  double  creuset  de  platine;  le 
chlorure  produit  était  absolument  incolore,  limpide  et  neutre. 

La  voie  de  la  volatilisation  m’a  fait  découvrir  que  ce  chlorure,  sur  lequel 
j’ai  fait  réellement  le  labor  improbus ,  laisse  la  même  quantité  de  silice  que 
le  composé  provenant  directement  de  la  solution  du  chlorure  obtenu  par  la 
calcination  du  même  chlorate.  Je  dois  donc  avouer  que  j’ai  été  impuissant 
pour  préparer,  à  l’aide  du  chlorate  de  potassium,  un  chlorure  que  je  puisse 
considérer  comme  absolument  pur. 

72sr,1022  de  ce  chlorureont  fourni  99gr,8050  d’azotate  de  potassium ,  d'où 

KCÆ  :  KA*03  :  :  100,000.  :  153,047. 

'  c.  Chlorure  de  potassium  du  chloroplatinate  de  potassium.  —  J’ai  pré¬ 
paré  une  grande  quantité  de  chlorure  à  l’aide  du  chloroplatinate  de  potas¬ 
sium;  j’avais  cru  pouvoir  combiner  ces  recherches  avec  la  détermination 
simultanée  du  poids  atomique  du  platine.  J’ai  été  déçu  dans  mon  attente, 
et  les  explications  dans  lesquelles  je  vais  entrer  feront  connaître  le  motif 
de  l’insuccès,  en  ce  qui  concerne  le  poids  atomique  du  platine. 

Comme  il  me  fallait  du  platine  pur  pour  le  but  que  je  m’étais  primitivement 
proposé,  c’est  de  celte  préparation  que  je  me  suis  occupé  d’abord.  Voici  les 
moyens  auxquels  on  a  eu  recours  :  le  fond  d’une  grande  chaudière  de  platine 
fabriquée  vers  1836  à  1837,  et  qui  était  hors  de  service  1 ,  a  été  découpé. 
A  l’aide  de  cisailles,  on  a  séparé  toutes  les  parties  sur  lesquelles  il  y  avait  des 
soudures  renfermant  de  l’or.  Deux  kilogrammes  et  demi  de  cette  tôle  de 

1  Cette  chaudière  avait  servi  pendant  ving-cinq  années  à  la  concentration  de  l'acide  sulfu¬ 
rique.  Toutes  les  parties  qui  avaient  eu  le  contact  de  l’acide  sulfurique  bouillant  présentaient 
une  cristallisation  analogue  à  celle  qu’offre  le  fer-blanc  décapé,  et  qui  est  connu  dans  le  com¬ 
merce  sous  le  nom  de  moiré  métallique. 

Tome  XXXV. 


30 


234 


NOUVELLES  RECHERCHES 


platiné  furent  découpés  en  lames  étroites,  et  ces  lames  furent  tournées  en 
spirales,  afin  qu’elles  offrissent  plus  de  surfaces  à  l’attaque  de  l’eau  régale. 
On  a  introduit  ces  spirales  dans  un  ballon  de  six  litres  de  capacité,  contenant 
un  litre  et  demi  d’acide  azotique  pur  et  normal.  Au  ballon  était  adapté  un 
bouchon  de  verre  percé  de  deux  trous;  par  l’une  des  ouvertures  passait  un 
tube  qui  amenait  un  courant  d’acide  chlorhydrique  gazeux,  et  dans  l’autre 
trou  s’engageait  un  tube  recourbé,  destiné  à  livrer  passage  aux  vapeurs 
ehlorazotiques.  Dans  la  crainte  d’accident,  ce  ballon  reposait  dans  une  très- 
grande  capsule  de  porcelaine  contenant  de  l’eau.  La  capsule  elle-même  était 
posée  sur  un  fourneau  à  gaz.  On  a  condensé,  à  la  température  ordinaire , 
autant  d’acide  chlorhydrique  que  l’acide  azotique  a  pu  en  dissoudre.  Pendant 
que  la  condensation  s’effectuait,  le  platine  était  déjà  attaqué;  on  a  élevé  ensuite 
lentement  la  température  du  mélange,  en  se  réglant  à  cet  égard  sur  la  décom¬ 
position  de  l’eau  régale  et  l’attaque  du  platine  qui,  du  reste,  se  fait  assez  lente¬ 
ment.  A  la  fin,  on  a  maintenu  la  température  à  100°  aussi  longtemps  que  la 
dissolution  du  platine  s’opérait.  A  l’aide  d’un  siphon ,  on  a  décanté  toute  la 
solution  de  chlorure  acide;  comme  tout  le  métal  n’avait  pas  été  dissous,  on 
a  remplacé  la  solution  par  de  l’acide  azotique  pur,  dans  lequel  on  a  condensé 
de  nouveau  de  l’acide  chlorhydrique.  Lorsque  tout  le  platine  eut  été  transformé 
en  chlorure,  les  solutions,  introduites  dans  des  capsules  de  porcelaine,  furent 
évaporées  jusqu’à  consistance  sirupeuse.  Le  chlorure  brunâtre  a  été  repris 
par  environ  cinq  à  six  fois  son  poids  d’eau,  et  la  solution,  répartie  en  trois 
portions,  a  été  versée  dans  des  flacons  bouchés  à  l’émeri.  Chacun  de  ces  fla¬ 
cons,  portés  dans  une  chambre  obscure,  a  reçu  petit  à  petit  une  quantité  suffi¬ 
sante  d’hydrate  de  calcium  pur  et  délayé  d’eau,  non-seulement  pour  saturer 
l’excès  d’acide  chlorhydrique,  mais  encore  pour  précipiter  tous  les  métaux 
étrangers  existant  dans  le  platine  dissous,  tels  que  l’iridium,  le  fer,  etc. 
J’ai  fait  secouer  vivement  le  mélange  pendant  un  quart  d’heure  et  j'ai  filtré 
ensuite  la  solution,  qui  était  devenue  alcaline  et  jaune,  de  brunâtre  qu'elle 
était  auparavant.  Il  est  resté  sur  le  filtre  un  précipité  brunâtre  très-volumi¬ 
neux,  contenant  beaucoup  d’iridium,  de  fer  et  de  calcium. 

Dans  la  solution  filtrée  j’ai  ajouté  une  nouvelle  quantité  d’hvdrale  de 
calcium  délayé  dans  de  l’eau,  et  j’ai  fait  secouer  de  nouveau  les  liquides. 


9 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


255 


L’addition  de  cette  seconde  portion  d'hydrate  de  calcium  n’a  plus  produit  le 
précipité  brunâtre,  volumineux,  qu’il  avait  déterminé  d’abord  dans  la  solu¬ 
tion  de  platine.  J'ai  soumis  le  liquide  à  une  deuxième  filtration.  L’emploi  de 
l’hydrate  de  calcium  pour  éliminer,  en  l’absence  de  la  lumière ,  l’iridium  du 
bicblorure  de  platine,  iridium  qu’on  trouve  toujours  dans  le  métal  du  com¬ 
merce  ,  a  été  conseillé  pour  la  première  fois  par  feu  Dobereiner. 

Après  avoir  acidulé  par  l’acide  chlorhydrique  la  solution  de  platine  filtrée, 
je  l’ai  versée  petit  à  petit  dans  une  solution  saturée  de  chlorure  de  potassium 
privé  de  métaux  étrangers,  tels  que  le  fer  et  le  manganèse.  Le  chloroplali- 
nate  a  été  lavé  par  une  solution  de  chlorure  de  potassium,  jusqu’à  ce  qu’on 
ne  pût,  à  l’aide  de  l’analyse  spectrale,  découvrir  le  calcium  dans  les  eaux 
de  lavage. 

Le  sel  desséché  a  été  mêlé  à  deux  fois  son  poids  d’un  mélange  à  parties" 
égales  de  carbonate  de  sodium  et  de  carbonate  de  potassium  purs,  et  soumis 
ainsi  à  la  lusion  dans  un  grand  vase  de  platine ,  à  la  température  la  plus  basse 
possible.  J’ai  lessivé  la  masse  par  de  l’eau  pure,  puis  j’ai  fait  digérer  le  résidu 
à  chaud  avec  de  l’acide  chlorhydrique  dilué,  aussi  longtemps  que  cet  acide 
a  pris  du  sodium  et  du  potassium.  Enfin,  j’ai  dissous  le  platine  dans  de  l’eau 
régale  assez  étendue  pour  que  l’attaque  du  métal  n’eût  lieu  que  vers  100°. 
L’eau  régale  diluée  a  dissous  la  presque  totalité  de  la  masse  métallique, 
preuve  que  l’hydrate  de  calcium  avait  bien  éliminé  à  peu  près  tout  l’iridium 
existant  dans  le  platine  primitif  ;  j’ai  voulu  savoir  si  la  poudre  noire  très-fine, 
qui  résistait  à  l’action  de  l’eau  régale  étendue,  était  composée  uniquement 
d’oxvde  d’iridium,  ou  bien  si  elle  renfermait  encore  du  platine  :  l’ayant 
traitée  par  de  l’eau  régale  plus  concentrée,  j’ai  fini  par  dissoudre  à  peu  près 
le  tout;  il  n’est  pas  resté  un  millième  de  la  masse  métallique.  La  solution 
ainsi  produite  renfermait  incontestablement  de  l’iridium,  mais  n’en  conte¬ 
nait  guère  plus  que  la  quantité  que  l’on  rencontre  dans  le  bichlorure  de 
platine  fait  avec  le  métal  que  le  commerce  fournil. 

Quoiqu’il  y  eût  toute  probabilité  que  la  solution  du  bichlorure  de  platine, 
obtenue  à  l’aide  de  l’eau  régale  diluée,  ne  renfermait  point  d’iridium  ni  d’au¬ 
tres  métaux,  après  l’avoir  convenablement  concentrée  pour  éliminer  l’excès 
d’acide,  je  l’ai  néanmoins  versée  dans  une  solution  saturée  de  chlorure  de 


236 


NOUVELLES  RECHERCHES 


potassium  privé  de  fer,  etc.,  et  j’ai  fondu  de  nouveau  le  chloroplatinale  de 
potassium  avec  deux  fois  son  poids  du  mélange  très-fusible  de  parties  égales 
de  carbonate  de  potassium  et  de  carbonate  de  sodium.  Le  platine  qui  en  est 
provenu,  dépouillé  d'abord  complètement  des  sels  alcalins  par  l’eau  et  par 
l’acide  chlorhydrique  chaud ,  s’est  dissous  en  entier  dans  l’eau  régale  très- 
diluée.  Ainsi,  après  l’action  de  l’hydrate  de  calcium,  clans  l’obscurité ,  un 
seul  traitement  du  chloroplatinate  a  suffi  pour  éliminer  les  métaux  étran¬ 
gers.  M.  Bunsen  a  dû  recourir  à  cinq  traitements  successifs  du  chloroplati¬ 
nate,  en  se  passant  de  l’action  préalable  de  l’hydrate  de  calcium;  en  1838, 
j’ai  dû  en  instituer  trois  en  me  servant  de  l’hydrate  de  potassium,  et  en  y 
sacrifiant  un  très-grand  creuset  de  platine. 

C’est  à  l’aide  de  la  solution  de  platine  ainsi  purifié  (pie  j’ai  préparé  le 
chloroplatinate  de  potassium  destiné  à  l’extraction  du  chlorure  de  potassium. 
—  A  cet  effet,  j’ai  évaporé  la  solution  ,  jusqu’à  siccité,  dans  un  ballon  inatta¬ 
quable  par  les  acides ,  et  j’ai  dissous  ensuite  le  résidu  brunâtre  dans  dix  fois 
son  poids  d’eau.  J’ai  versé  à  froid ,  et  sous  l’action  d’une  agitation  continuelle, 
celte  solution,  qui  était  d’un  beau  jaune  foncé,  dans  un  excès  de  solution  de 
chlorure  de  potassium  provenant  du  chlorate,  maintenu  longtemps  en  fusion 
pour  le  dépouiller  de  la  silice,  avant  d’être  décomposé,  comme  je  l’ai  exposé 
du  reste  plus  haut.  J’ai  lavé  ensuite  à  l’eau  froide  le  chloroplatinate,  d’un  beau 
jaune  pur,  jusqu’à  ce  que  l’eau  de  lavage,  convenablement  évaporée  et 
refroidie,  ne  précipitât  plus  par  une  solution  concentrée  de  bichlorure  de 
platine. 

Après  le  lavage,  la  masse  du  sel  a  été  introduite  dans  une  grande  chau¬ 
dière  de  platine,  servant  à  la  concentration  de  l’acide  sulfurique.  J’ai  fait 
bouillir  doucement  pendant  une  heure  le  chloroplatinate  avec  cinq  à  six  litres 
d’eau,  afin  d’enlever  autant  que  possible  tous  les  composés  étrangers,  plus 
solubles,  qu’il  pouvait  contenir.  La  solution,  d’un  jaune  doré,  a  été  décantée  et 
remplacée  par  un  volume  égal  d’eau  pure,  que  j’ai  fait  bouillir  encore  pen¬ 
dant  une  heure.  Au  bout  de  ce  temps,  la  nouvelle  solution  a  été  encore  dé¬ 
cantée  et  écartée. 

J’ai  introduit  alors  successivement  dans  la  chaudière  des  quantités  d’eau 
pure  telles,  que  la  première  quantité  devait  dissoudre  à  l’ébullition  environ 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


237 


le  tiers  du  chloroplatinale  existant  dans  le  vase,  et,  la  deuxième,  la  moitié  de 
ce  qui  en  restait.  Ces  solutions  saturées  ont  été  abandonnées  séparément  au 
refroidissement,  dans  de  grandes  capsules  de  porcelaine  placées  dans  de  l'eau 
froide  renouvelée  continuellement  ,  afin  d’amener  la  précipitation  du  sel  sous 
forme  d’une  poudre  cristalline  impalpable.  Toutes  les  eaux  de  cristallisation 
ont  été  écartées  complètement. 

J’ai  recueilli  et  séché  à  part  :  1°  le  sel  provenant  de  la  solution  du  pre¬ 
mier  tiers  du  chloroplatinale  lavé  à  l’eau  bouillante;  2°  le  sel  provenant  de 
la  solution  de  la  moitié  environ  de  la  masse  restante  ;  3°  le  sel  qui  était  resté 
indissous  au  fond  de  la  chaudière,  et  qui  était  devenu  cristallin  sous  l’in- 
tluence  de  l’eau  bouillante. 

Les  nos  1  et  2,  constituant  les  sels  qui  avaient  cristallisé  par  solution, 
présentaient  la  même  couleur  jaune.  Cette  couleur  était  sensiblement  plus 
foncée  que  celle  du  sel  n°  3,  qui  n’avait  pas  été  amené  k  l’état  de  solution. 
Dans  le  but  de  faire  servir  à  la  détermination  du  poids  atomique  du  pla¬ 
tine  l’extraction  du  chlorure  de  potassium  de  ces  chloroplatinales  de  potas¬ 
sium  ,  qui  devaient  être  aussi  purs  qu’il  est  possible  de  les  obtenir ,  j’ai  pris 
les  dispositions  suivantes. 

Une  partie  de  ces  trois  quantités  de  chloroplalinate  a  été  chauffée  séparé¬ 
ment  vers  200°  dans  un  dessiccateur  de  Lîèbig,  plongé  dans  un  bain  de  chlorure 
de  zinc,  en  même  temps  qu’un  courant  d’air  pur  le  traversait.  Le  chloropla¬ 
linate,  après  celte  dessiccation  énergique,  a  été  introduit  tout  chaud  dans  une 
très-grande  nacelle  de  platine  pesée;  j’ai  glissé  cette  nacelle  dans  l’appareil^ 
destiné  à  peser  dans  le  vide,  que  je  décrirai  plus  loin,  à  l  occasion  de  la  pesée 
du  chlorure  de  lithium.  Après  avoir  déterminé  le  poids  du  sel ,  j’ai  engagé 
la  nacelle  dans  un  large  tube  de  verre  réfractaire,  contenant  une  feuille  de 
platine  roulée  sur  elle-même  sous  forme  de  cylindre.  Cette  feuille  était  des¬ 
tinée  à  empêcher  le  contact  du  vase  de  platine  avec  le  verre  du  tube.  Le 
système,  placé  dans  une  gaine  de  tôle  remplie  de  magnésie,  a  été  mis  ensuite 
en  communication  avec  un  appareil  à  dégagement  d’hydrogène,  dépouillé 
d’oxygène  par  son  passage  sur  la  tournure  de  cuivre  chauffée  au  rouge,  et 
parfaitement  séché  ensuite.  Lorsque  le  courant  d’hydrogène  eut  passé  pen¬ 
dant  un  quart  d’heure  environ,  je  chauffai  la  gaine  à  une  température  con- 


238 


NOUVELLES  RECHERCHES 


venable  pour  opérer  la  réduction  du  chloroplatinale;  celte  réduction  com¬ 
mence  vers  180°,  et  on  peut  la  finir  complètement  sans  atteindre  300°. 
Quels  qu’aient  été  les  soins  que  j’ai  pris  pour  dessécher  préalablement  ces 
trois  échantillons  de  chloroplatinale  et  l’hydrogène,  j’ai  vu  se  condenser 
dans  le  tube  une  certaine  quantité  d’acide  chlorhydrique  liquide,  preuve 
que  le  sel  à  l’état  cristallisé  et  celui  qui,  précipité  d’une  solution  assez  con¬ 
centrée,  est  maintenu  en  suspension  dans  l’eau  bouillante,  retiennent  une 
certaine  quantité  d’eau;  il  en  est  de  même  du  bromate  d’argent  :  même  en 
le  desséchant  avec  les  plus  grands  soins  on  ne  peut,  sans  le  fondre,  en  éli¬ 
miner  les  dernières  traces  d’eau.  Berzélius  a  déjà  constaté  la  présence  de 
l’eau  dans  les  chlorosels  alcalins  des  métaux  de  la  famille  platinique. 

Les  longs  préparatifs  exécutés  dans  le  but  de  déterminer  le  poids  ato¬ 
mique  du  platine,  en  profitant  de  la  préparation  du  chlorure  de  potassium, 
ont  donc  été  faits  en  pure  perle  '.  En  effet,  le  platine  iridifère  pouvait  tout 
aussi  bien  me  fournir  du  chlorure  de  potassium  pur  que  le  métal  que  j’ai 
préparé  avec  tant  de  soins  et  de  peines. 

L’impossibilité  de  faire  servir  ce  chloroplatinale  à  la  détermination  du 
poids  atomique  du  platine  étant  bien  établie,  j’ai  réduit  chacune  des  trois 
parties  de  ce  sel  de  la  manière  suivante  :  après  avoir  placé  la  cucurbite  de 
la  grande  cornue  de  platine  dans  un  bain  de  magnésie,  j’y  ai  descendu  une 
feuille  de  platine  percée,  au  centre,  d’une  ouverture;  par  cette  ouverture  pas¬ 
sait  un  tube  en  verre  réfractaire,  dont  les  bords  étaient  évasés  en  forme 
d’entonnoir.  Autour  du  tube  j’avais  enroulé  en  spirale  une  bande  de  platine 
liée  à  l’aide  de  fils  de  ce  métal.  Le  tube  étant  tenu  bien  verticalement, 
j’ai  rempli  aux  deux  tiers  la  cucurbite  de  chloroplatinale  de  potassium,  qui, 
de  celte  manière,  n’était  en  contact  qu’avec  du  platine  pur,  puisque  le  verre 
en  était  entièrement  enveloppé  :  j’ai  couvert  la  cucurbite  d’une  capsule  de 
porcelaine  dure  et  trouée,  et  j’ai  fait  passer  ensuite,  par  le  tube,  de  l’hydro- 
gèn e,  pur  et  sec;  en  même  temps,  j’ai  chauffé  le  bain  de  magnésie  jusqu’au 
moment  où  j’ai  vu  apparaître  l’acide  chlorhydrique.  Ce  point  atteint,  j’ai  fait 

'  D’après  M.  Bunsen,  on  obtient  du  chloroplatinate  absolument  dépouillé  d’eau,  lorsqu’on  le 
produit  dans  une  solution  très-étendue,  et  qu’on  s’abstient  de  le  faire  cristalliser.  J’ai  connu  ce 
fait  trop  lard  pour  pouvoir  le  mettre  à  profit  dans  mes  recherches. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


239 


ions  mes  efforts  pour  maintenir  la  température  constante  et  produire  la  ré¬ 
duction  du  chlorure  de  platine,  sans  fritter  le  chlorure  de  potassium,  qui, 
sans  cela,  est  sujet  à  retenir  du  chloroplatinate  non  décomposé.  Lorsque  l’hy¬ 
drogène  se  fut  dégagé  pendant  une  vingtaine  de  minutes  sans  développer  de 
^  l’acide  chlorhydrique  entre  200  et  250°,  j’élevai  la  température  entre  300 
et  550°.  Dans  aucune  des  trois  réductions  que  j’ai  exécutées,  je  n’ai  vu  appa¬ 
raître  la  moindre  trace  d’acide  chlorhydrique  lors  de  la  deuxième  élévation 
de  température. 

Après  le  refroidissement  du  tout,  j’ai  épuisé  le  résidu  par  le  moins  d’eau 
pure  possible,  et  j’ai  filtré  la  solution  au  travers  de  la  mousse  de  platine  pure, 
assez  fortement  calcinée  et  lassée.  Le  liquide  filtré  était  tout  à  fait  neutre; 
il  a  été  abandonné  pendant  vingt-quatre  heures  au  repos,  puis  évaporé  dans 
la  cornue  de  platine,  à  laquelle  j’ai  adapté  un  récipient,  pour  empêcher  autant 
que  possible  l’entrée  des  matières  qui  voltigent  dans  l’air.  Le  chlorure  séché 
a  été  fondu  dans  un  double  creuset  de  platine;  il  s’est  transformé  en  un 
liquide  dans  lequel  il  m’a  été  impossible  de  découvrir  le  moindre  point  bril¬ 
lant;  il  n’y  avait  donc  aucun  corps  étranger  en  suspension. 

L’essai  que  j’ai  fait  des  chlorures  ainsi  produits  m’a  démontré  que  les 
chlorures  extraits  du  chloroplatinate  cristallisé  par  dissolution  contenaient 
deux  cents  millièmes  de  leur  poids  de  silice,  et  que  le  chlorure,  provenant  du 
chloroplatinate  qui  n’a  pas  été  dissous,  renfermait  cinq  cents  millièmes  de 
son  poids  de  silice. 

J’ai  déterminé  le  rapport  proportionnel  entre  chacun  de  ces  trois  échan¬ 
tillons  de  chlorure  et  l’azotate  qui  leur  correspond,  et  je  suis  arrivé  au  ré¬ 
sultat  suivant  : 

50gr,2175  de  chlorure,  provenant  du  traitement  du  premier  tiers  du 
chloroplatinate  de  potassium,  ont  fourni  68gr,I200  d’azotate  fondu,  d’où 

KC/i  :  KAzO3  :  :  100,000  :  135,649. 

A 8gr,9271  de  chlorure  provenant  du  traitement  du  deuxième  tiers  du 
chloroplatinate  de  potassium  ont  fourni  63gr,3675  d’azotate  fondu,  d’où 


KC h  :  KAzO3  :  :  100,000  :  135,645. 


-240 


NOUVELLES  RECHERCHES 


69gr,8836  de  chlorure,  provenant  du  traitement  du  dernier  tiers  de  chloro- 
platinate,  celui  qui  n’a  pas  été  dissous  par  l’eau,  ont  fourni  94gr,7900 
d’azotate  fondu,  d’où 

KC h  :  KAzO3  :  :  100,000  :  155,040. 

I 

11  me  restait  une  certaine  quantité  de  chlorure  de  potassium  que  j'avais  éga¬ 
lement  extrait,  en  1858,  du  chloroplatinate,  pour  le  faire  servir  à  la  déter¬ 
mination  du  rapport  proportionnel  entre  l’argent  et  le  chlorure  alcalin.  J’en 
ai  converti  une  partie  en  azotate;  voici  le  résultat  auquel  je  suis  arrivé  : 

14gr,2578  de  ce  chlorure  ont  fourni  19gr,3415  d’azotate  fondu,  d’où 

KC  h  :  KAzO5  :  :  100,000  :  155,655. 

Il  me  reste  maintenant  à  faire  connaître  les  moyens  auxquels  j’ai  eu  recours 
pour  m’assurer  du  degré  de  pureté  des  chlorures  que  je  viens  d’indiquer. 


6°  Examen  des  chlorures  de  potassium  employés  dans 

les  déterminations. 

J’ai  employé  l’analyse  spectrale  pour  rechercher  la  nature  des  matières 
étrangères.  Dans  ce  but,  j’ai  volatilisé,  dans  la  flamme  du  gaz  et  dans  une 
forte  décharge  de  l’appareil  de  Rhumkorff,  le  chlorure  que  je  voulais  essayer» 
Les  résultats  ont  été  les  suivants  : 

1.  Le  chlorure  provenant  du  nilre  cristallisé  dix  fois  a  produit  la  raie 
sodique,  avec  une  intensité  relativement  grande,  pendant  à  peu  près  le  pre¬ 
mier  quart  du  temps  qui  a  été  nécessaire  pour  opérer  la  volatilisation  inté¬ 
grale  du  gros  globule  soumis  à  l’essai.  Je  n’ai  aperçu  aucune  autre  raie, 
même  après  avoir  mouillé  la  spire  de  platine  avec  de  l’acide  chlorhydrique. 

Dans  une  décharge  électrique,  j’ai  observé  les  mêmes  résultats,  avec  cette 
différence  toutefois,  que  la  raie  sodique  a  conservé  la  même  intensité  pen¬ 
dant  tout  le  temps. 

Ayant  été  frappé  de  l’intensité  de  la  raie  sodique,  j’ai  voulu  m’assurer  si 
ce  chlorure  renfermait  une  quantité  de  sodium  susceptible  d’être  dosée.  A 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


241 


cet  effet,  j’ai  dissous  quatre  grammes  de  ce  composé  dans  le  plus  petit 
volume  d’eau  chaude  possible,  et  j’ai  ajouté  à  la  solution  dix  grammes  de 
bichlorure  de  platine  pur  et  dissous.  Après  la  précipitation  du  chloropla- 
tinale,  j’ai  évaporé  au  bain  marie  la  masse  jusqu’à  consistance  pâteuse,  et 
j’ai  repris  le  résidu  par  de  l’alcool  à  0,83.  Lorsque  l’alcool  eut  dissous  le 
bichlorure  de  platine  en  excès  et  le  chloroplatinate  de  sodium  qui  pouvaient 
y  exister,  j’ajoutai  au  liquide  un  volume  d’éther  anhydre  égal  au  cin¬ 
quième  du  volume  de  l’alcool  employé,  pour  précipiter  les  traces  de  chloro¬ 
platinate  de  potassium  dissous  à  la  faveur  du  bichlorure  de  platine.  Après 
six  heures  de  reposa  l’abri  de  la  lumière,  j’ai  évaporé  jusqu’à  siccité  la 
solution  alcoolique,  ainsi  que  l’alcool  élhéré  dont  je  m’étais  servi  pour  laver 
le  chloroplatinate  de  potassium.  Tout  le  résidu  de  l’évaporation  a  été  intro¬ 
duit  dans  une  nacelle  de  platine  pur.  Après  avoir  convenablement  séché  le 
tout,  j’ai  introduit  la  nacelle  dans  un  tube  de  verre  dur  contenant  une  feuille 
de  platine,  et  j’ai  réduit  le  chlorure  de  platine  à  l’aide  de  l’hydrogène.  Après 
le  refroidissement,  j’ai  pesé  la  nacelle,  et  j’ai  repris  ensuite  le  platine  par 
de  l’eau  absolument  pure.  L’eau,  après  un  repos  convenable,  a  été  éva¬ 
porée  dans  une  ?rès-petite  capsule  de  platine  dont  le  poids  avait  été  déter¬ 
miné,  à  un  centième  de  milligramme  près,  à  l’aide  de  la  balance  d’essai 
ramenée  à  son  maximum  de  sensibilité.  Après  l’évaporation  totale  du  liquide , 
l’œil  ne  pouvait  apercevoir  aucun  résidu  dans  le  vase.  L’augmentation  du 
poids  de  cette  capsule  a  été  si  faible,  qu’en  l’évaluant  entre  un  vingtième  et 
un  trentième  de  milligramme,  je  suis  certain  d’en  exagérer  le  poids.  Comme 
contrôle,  j’ai  pesé  la  nacelle  de  platine  après  le  lavage  à  l’eau,  et  je  lui 
ai  trouvé  son  poids  primitif. 

L’intensité  de  la  raie  sodique  dans  le  chlorure  de  potassium,  jointe  à 
sa  persistance,  peut  donc  induire  en  erreur  sur  le  poids  du  sodium  qui  y 
existe. 

2.  Le  chlorure  de  potassium  provenant  de  la  décomposition  du  chlorate 
de  ce  métal,  préparé  avec  les  soins  que  j’ai  indiqués,  a  présenté,  quant  à  la 
raie  sodique,  la  même  intensité  et  la  même  persistance  que  celles  offertes 
par  le  chlorure  obtenu  à  l’aide  du  nitre  pur. 

M.  Bunsen  avait  déjà  remarqué  que,  par  la  voie  de  la  cristallisation  du 
Tome  XXXV.  31 


242 


INOUVELLES  RECHERCHES 


chlorate  dans  l’eau ,  il  est  impossible  de  séparer  le  potassium  du  sodium ,  au 
point  de  ne  plus  découvrir  ce  dernier  métal  par  l’analyse  spectrale. 

J’ajouterai ,  d’après  mon  expérience  personnelle ,  que  toute  solution  qui  a 
bouilli  quelque  temps  en  contact  avec  l’air,  ou  qui  a  été  évaporée  en  contact 
avec  l’atmosphère,  donne  des  signes  certains  et  persistants  de  1  existence  du 
sodium ,  lors  même  que  les  éléments  dont  on  s’est  servi  pour  préparer  cette 
solution  n’en  indiquaient  que  des  traces  fugitives  à  l’analyse  spectrale. 

Tous  les  chlorures  de  potassium  qui  ont  servi  aux  déterminations  consi¬ 
gnées  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomi¬ 
ques ,  et  auxquels  j’ai  consacré  des  soins  infinis,  essayés  au  speclroscope , 
ont  donné  la  raie  sodique  d’une  manière  plus  ou  moins  intense  et  persistante. 
A  celte  époque  déjà,  je  me  suis  assuré  que  le  sodium,  s’il  pouvait  y  exister, 
était  en  quantité  inférieure  à  celle  qu’on  peut  y  découvrir  et  en  séparer  à 
l’aide  du  bichlorure  de  platine. 

3.  Le  chlorure  du  chloroplatinale  de  potassium  a  présenté  la  raie  so¬ 
dique,  mais  avec  moins  de  persistance  que  celui  préparé  à  l’aide  du  nitrate 
et  du  chlorate  de  potassium.  Le  chloroplalinate  qui  a  fourni  le  chlorure  ne 
donnait  pas  de  raie  sodique  plus  intense  que  celle  qu’on  observe  dans  1  air 
d’un  laboratoire.  C’est  donc  pendant  les  opérations  nécessaires  à  l’élimination 
du  platine  que  les  traces  de  sodium  y  ont  été  apportées  évidemment  par 
l’air,  car  le  chlorure  n’a  été  en  contact  qu’avec  du  platine  et  de  l’eau  con¬ 
densée  à  l’aide  d’un  tube  de  platine. 

Volatilisé  dans  une  forte  décharge  de  l’appareil  de  Rhumkorff,  ce  chlo¬ 
rure  n'a  produit  d’autres  raies  que  celles  qui  caractérisent  le  potassium  et  lt 

sodium. 

Pour  déterminer  la  quantité  des  matières  fixes  dans  les  chlorures,  j  ai  eu 
recours  à  la  volatilisation  d’un  poids  donné  de  ces  corps.  J’ai  effectué  cette 
volatilisation  dans  une  nacelle  de  platine  pur.  Pour  peseï  la  nacelle,  j  avais 
amené  la  balance  d’essai  à  son  maximum  de  sensibilité,  qui  est  le  centième 


de  milligramme  pour  la  charge  qu’elle  devait  supporter. 

Voici  comment  j’ai  exécuté  celle  opération  :  j  ai  pesé  1  (V  ,000  de  chloiuie 
dans  la  nacelle,  et  je  l’ai  glissée  ensuite  dans  un  tube  de  porcelaine  fort  long 
et  contenant  une  feuille  de  platine  roulée  sous  forme  de  cvlindie.  Le  tube 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


243 


traversait  un  fourneau  rond,  muni  de  son  laboratoire,  de  son  dôme,  et  sur¬ 
monté  d’une  cheminée  d’un  mètre  et  demi  de  hauteur;  il  était  chauffé  avec 
un  mélange  de  petit  coke  et  de  charbon  de  bois.  J’ai  fait  passer  sur  le  chlo¬ 
rure,  ainsi  porté  au  blanc,  un  courant  lent  d’azote  pur  et  sec.  A  la  température 
de  la  fusion  de  la  fonte,  il  ne  faut  guère  qu’une  demi-heure  à  trois  quarts 
d’heure  de  courant  d’azote  pour  réduire  les  10Br,000  de  chlorure  de  potas¬ 
sium  à  l’état  de  vapeur,  ,4’ai  retiré  alors  la  nacelle  et  je  l’ai  chauffée  au  blanc 
en  présence  de  l’air,  pour  être  certain  qu’elle  ne  contenait  plus  la  moindre 
trace  de  matières  volatilisables  à  cette  température.  Après  le  refroidissement 
complet,  je  l’ai  pesée  et  j’ai  trouvé  ainsi  : 

1.  Que.l0sr,000  de  chlorure  de  potassium  du  nitre  laissent  de  (F, 00036 
à  08r, 00060  de  silice  mêlée  de  silicate  de  potassium,  soit  :  cinq  à  six  cents 
millièmes  du  poids; 

2.  Que  105r,000  de  chlorure  de  potassium  du  chlorate  laissent  de 
0sr, 00043  à  0e  , 00050  de  silice  mêlée  de  silicate  de  potassium,  soit  :  quatre 
à  cinq  cents  millièmes  du  poids; 

3.  Que  10sr,000  de  chlorure  de  potassium  du  chloroplatinate  dissous 
dans  l’eau  et  cristallisé  laissent  de  0r, 00020  à  0sr, 00025  de  silice,  soit  : 
deux  à  deux  et  demi  cents  millièmes; 

4.  Que  10sr,000  de  chlorure  de  potassium  du  chloroplatinate  non  dissous 
par  l’eau  laissent  0sr, 00048  de  silice,  soit  :  cinq  cents  millièmes  du  poids. 

Ces  essais,  faits  avec  tous  les  soins  que  j’y  puis  apporter,  prouvent  l’im¬ 
possibilité  absolue  dans  laquelle  je  me  suis  trouvé  de  produire  des  chlorures 
de  potassium  purs. 

L’existence  de  cet  anhydride  silicique  a  pour  effet  de  diminuer  la  quan¬ 
tité  d’azotate  produit  par  une  unité  de  poids  de  chlorure.  Les  résultats  obte¬ 
nus  doivent  donc  être,  de  ce  chef,  affectés  d'une  cause  d’erreur  en  moins. 


244 


NOUVELLES  RECHERCHES 


RAPPORT  PROPORTIONNEL  ENTRE  LE  CHLORE  RE  ET  L  AZOTATE 

DE  POTASSIUM. 


Nos  D'ORDRE. 

POIDS 

du 

chlorure  dans  l’air. 

POIDS 

de 

l’azotate  dans  l’air. 

i  00.000 

de 

chlorure  produisent 

azotate  : 

* 

I . 

gram. 

30,7165 

gram. 

68,7938 

135,643 

II  ....  . 

80,2610 

108,8665 

135,638 

111 . 

72,1022 

99,8050 

133,647 

IV  .  .  .  .  . 

30,2175 

68,1200 

135,649 

V . 

48,9271 

63,3675 

135,645 

VI . 

69,8836 

94,7900 

135,640 

VII . 

14,2578 

19,3415 

135,655 

Moyenne . 

Réduit  au  vide . 

135,6453 

135,6423 

7°  Du  chlorure  de  sodium  employé  dans  les  déterminations,  et  détermination 
du  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  sodium. 

J’ai  fait  cinq  déterminations  du  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  ef 
l’azotate  de  sodium  ;  dans  ce  but  j’ai  employé  du  chlorure  préparé  par  deux 
voies  distinctes  : 

a.  Du  chlorure  de  sodium  préparé  en  saturant,  par  de  l’acide  clilorhy- 
drique,  du  carbonate  bisodique  pur. —  Pour  me  procurer  le  carbonate  biso- 
dique  pur,  j’ai  fait  lessiver,  à  l’aide  de  l’eau  distillée,  trois  kilogrammes  de 
carbonate  monosodique  réduit  en  poudre  fine,  jusqu’à  ce  que  les  eaux  de 
lavage,  neutralisées  par  l’acide  azotique,  ne  troublassent  plus  les  solutions 
bouillantes  des  sels  d’argent  et  de  baryum.  Le  résidu  a  été  séché  et  calciné 
ensuite  légèrement  dans  un  vase  de  platine.  Le  carbonate  bisodique  produit 
a  été  dissous  dans  de  l’eau  bouillante,  en  prenant  la  précaution  de  produire 
une  liqueur  saturée.  La  solution  filtrée  a  été  refroidie  rapidement  et  sous 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


245 


l’influence  d’une  agitation  continuelle,  afin  d’obtenir  une  cristallisation  sous 
forme  d’aiguilles  fines.  Pour  éliminer  les  eaux- mères,  la  bouillie  cristalline 
a  été  introduite  dans  un  appareil  à  déplacement  ,  en  communication  avec  un 
réservoir  duquel  on  pouvait,  à  l’aide  de  quelques  coups  de  pompe,  extraire 
une  partie  de  l’air.  Le  sel,  après  avoir  été  à  deux  reprises  arrosé  d’eau  dis¬ 
tillée,  pour  déplacer  l’eau-mère  restante,  a  été  soumis  à  trois  cristallisations 
dans  de  l’eau  pure;  à  la  deuxième  cristallisation ,  la  présence  du  fer  n’y  était 
plus  reconnaissable  :  en  effet,  tant  qu’il  y  existe  des  traces  de  ce  métal,  sa 
solution  se  teinte  très- légèrement  en  vert  sous  l’influence  du  sulfhydrate  de 
sodium  incolore. 

Le  carbonate  dissous  a  été  transformé  en  chlorure  par  un  courant  de  gaz 
acide  chlorhydrique  pur.  La  solution  de  sel  marin  produite,  additionnée  de 
tant  soit  peu  de  chlorure  d’ammonium  pur,  a  été  évaporée  jusqu’à  siccité 
dans  une  grande  cornue  de  platine,  et  le  résidu,  tout  à  fait  blanc,  a  été  chauffé 
assez  fortement  pour  volatiliser  tout  le  chlorure  d’ammonium.  Après  le  re¬ 
froidissement,  le  chlorure  a  été  repris  par  de  l’eau  pure;  la  solution,  ayant 
reposé  vingt-quatre  heures,  pour  laisser  opérer  le  dépôt  de  la  silice  et  de 
Y  alumine ,  a  été  additionnée  de  chloroplatinate  d’ammonium,  et  le  mélange 
a  été  de  nouveau  évaporé  dans  la  cornue  de  platine,  jusqu’à  siccité  complète. 
Le  sel,  qui  était  assez  fortement  coloré  en  jaune  parle  chloroplatinate,  a  été 
fondu  dans  un  double  creuset  de  platine.  Lorsque  tout  le  platine ,  provenant 
de  la  décomposition  du  cbloroplalinate,  se  fut  déposé,  en  entraînant  avec  lui 
au  fond  du  vase  la  silice  et  l’alumine ,  je  décantai  dans  un  vase  de  platine 
tout  le  chlorure  limpide,  mais  légèrement  coloré  en  violet.  Après  l’avoir  con¬ 
cassé,  je  l’ai  repris  par  de  l’eau  pure,  et  la  solution,  après  deux  jours  de 
repos,  a  été  évaporée  dans  la  cornue  de  platine;  le  résidu,  qui  était  absolu¬ 
ment  blanc,  a  été  additionné  de  tant  soit  peu  de  chlorure  d’ammonium  pur, 
et  le  mélange  a  été  fondu  dans  un  double  creuset  de  platine,  en  ayant  la 
précaution  de  maintenir  la  masse  assez  longtemps  en  fusion  pour  éliminer 
la  dernière  trace  des  produits  de  la  décomposition  du  chlorure  ammonique1. 

1  Lorsqu’on  fond  le  sel  marin  intimement  mêlé  avec  du  sel  ammoniac  sans  maintenir  le 
liquide  pendant  quelque  temps  au  rouge  vif,  ce  chlorure  peut  retenir  des  gaz  et  même  du  sel 
ammoniac  intact.  Les  chlorures  de  potassium  et  de  lithium  présentent  la  même  propriété. 


246  NOUVELLES  RECHERCHES 

Le  chlorure  obtenu  était  incolore,  absolument  transparent  et  tout  à  fait 
neutre  au  tournesol. 

11  me  semble  impossible  de  mettre  plus  de  soins  à  la  préparation  de  ce 
chlorure,  et  je  pense  que  les  chimistes  seront  aussi  étonnés  que  je  l’ai 
été  moi-même,  lorsqu’ils  verront,  par  les  détails  que  je  donnerai  plus  bas, 
que  ce  composé  renferme  de  4,7  à  5  cents  millièmes  de  matières  étrangères 
fixes  (silice  et  traces  de  calcium).  C’est  une  partie  de  ce  chlorure  sodique 
qui  a  servi  à  la  détermination  du  titre  des  différents  argents  que  j’ai  em¬ 
ployés  pour  les  recherches  consignées  dans  ces  Mémoires;  j’ai,  du  reste, 
signalé  ce  fait  dans  la  notice  consacrée  à  ce  sujet  \ 

1.  120er,011  de  ce  chlorure  ont  été  transformés  en  azotate  fondu,  et  ils 
ont  produit  1748  ,559  de  ce  sel ,  d’où 

NaC h  :  NaAzO3  :  :  100,000  :  145,453. 

y.  Chlorure  de  sodium  obtenu  par  la  décomposition  du  chloroplatinate 
de  sodium.  —  Pour  le  préparer,  j’ai  pesé  une  partie  du  chlorure  précédent, 
que  j’ai  dissous  dans  la  plus  petite  quantité  possible  d’eau.  La  solution  était 
absolument  limpide;  j’y  ai  ajouté  une  solution  très-concentrée  de  bichlorure 
de  platine  pur,  renfermant  un  poids  de  ce  corps  triple  de  celui  du  chlorure 
alcalin  employé.  Le  mélange  était  limpide,  d’un  jaune  doré;  abandonné  pen¬ 
dant  vingt-quatre  heures  à  lui-même,  à  une  température  comprise  entre  5  et 
9°,  il  n’a  déposé  aucune  trace  d’un  chloroplatinate  insoluble  ou  moins  solu¬ 
ble.  J’ai  évaporé  dans  une  chaudière  de  platine  la  liqueur  jusqu’à  siccilé 
complète,  et  j’ai  porté  ensuite  le  résidu  à  une  température  à  laquelle  j’ai  com¬ 
mencé  à  sentir  un  léger  dégagement  de  chlore.  Après  le  refroidissement,  j’ai 
repris  la  masse  par  une  quantité  d’eau  pure  suffisante*  seulement  pour  en 
dissoudre  à  peu  près  les  neuf  dixièmes.  Celte  solution  est  restée  vingt-quatre 
heures  dans  un  vase  de  platine  couvert;  elle  a  été  décantée  et  évaporée  en¬ 
suite  jusqu’à  pellicule.  Le  sel,  déposé  par  un  refroidissement  brusque,  a  été 
lavé  à  l’eau  glacée,  et  les  eaux  de  lavage  avec  l’eau-mère  ont  été  évaporées 

1  Mémoire  sur  les  lois  des  proportions  chimiques.  —  Première  partie  :  Détermination  du 
litre  de  l’argent  de  différentes  provenances. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


247 


à  leur  tour  jusqu’à  pellicule.  Le  nouveau  sel  produit  a  été  lavé  également 
à  l’eau  pure  glacée,  et  les  eaux  de  lavage  ont  été  jointes  à  Peau-mère  dé¬ 
cantée.  Par  ces  traitements,  je  me  suis  arrangé  de  manière  à  répartir 
en  trois  portions  à  peu  près  égales  les  neuf  dixièmes  du  chloroplatinate 
dissous. 

La  solution  de  ces  trois  quantités  de  chloroplatinate  a  été  précipitée,  sépa¬ 
rément,  par  un  petit  excès  de  solution  saturée  de  chlorure  d’ammonium, 
obtenu  par  l’action  de  l’acide  chlorhydrique  gazeux  sur  une  solution  d’am¬ 
moniaque  dans  l’eau  pure.  La  solution  de  sel  marin  produite  a  été  évaporée 
dans  une  cornue  de  platine,  et  le  résidu,  mêlé  de  cinq  pour  cent  environ  de 
chloroplatinate  d’ammonium ,  a  été  chauffé  au  rouge  obscur.  J’ai  repris  par 
de  l’eau  pure  le  chlorure  mêlé  de  platine,  et  la  solution,  après  deux  jours  de 
repos,  a  été  évaporée  de  nouveau  dans  la  cornue  de  platine,  et  le  sel  finale¬ 
ment  fondu  dans  un  double  creuset  de  ce  métal. 

Les  trois  parties  étaient ,  à  l’état  fondu ,  d’une  limpidité  remarquable  ;  j’ai 
pu  les  décanter  jusqu’à  la  dernière  goutte  sans  pouvoir  découvrir  le  moindre 
vestige  de  silice  ou  de  platine  déposé.  Après  le  refroidissement  ,  les  chlorures 
étaient  d’une  incolorité  complète.  Les  solutions  étaient  limpides,  et  neutres 
au  tournesol. 

Ces  trois  échantillons  de  sel  marin  constituent,  avec  les  trois  portions  cor¬ 
respondantes  du  chlorure  de  potassium,  du  chloroplatinate  de  potassium,  les 
plus  beaux  produits  que  j’aie  possédés;  et  cependant  leur  examen  m’a  donné 
la  certitude  qu’ils  renfermaient  à  peu  près  autant  de  matières  fixes  (silice)  que 
le  chlorure,  si  beau  déjà,  dont  ils  provenaient. 

2.  328r,4837  du  premier  tiers  du  chlorure  ont  été  transformés  en  azo¬ 
tate;  celle  transformation  a  été  faite  en  collaboration  avec  M.  Kekulé.  Ils 
ont  produit  47sr,2bBo  d’azotate  fondu;  d’où 

NaC h  :  NaAzO5  :  :  100,000  :  143,408. 

3.  68s‘,1295  du  deuxième  tiers  du  chlorure  ont  produit  99s',1045  d’azo¬ 
tate  fondu  ;  d’où 


NaC  h  :  NaArO3  :  :  100,000  :  145,465. 


248 


NOUVELLES  RECHERCHES 


4.  47gr,922G  du  troisième  tiers  du  chlorure  ont  fourni  69gr,7075  d’azotate 
fondu;  d’où 

NaC/t  :  N«Az03  :  :  100,000  :  143,459. 

II  me  restait  une  certaine  quantité  de  chlorure  que  j’avais  extrait,  en 
1858,  du  cldoroplalinate  de  sodium  cristallisé  six  fois;  je  l’ai  transformé  en 
azotate,  dans  une  petite  cornue  de  verre  qui  n’était  pas  absolument  inatta¬ 
quable  par  les  acides.  Voici  le  résultat  fourni  par  ce  chlorure,  dans  cette 
condition  : 

5.  148r,5380  de  ce  sel  ont  produit  21gyi465  d’azotate  fondu.  (L’azotate 
était  très-sensiblement  alcalin)  ;  d’où 

N«C h  :  NftAzO3  :  :  100,000  :  145,443. 

Ces  différentes  données  conduisent  aux  rapports  proportionnels  suivants  : 


RAPPORT  PROPORTIONNEL  ENTRE  LE  CHLORURE  ET  l’âZOTATE 

DE  SODIUM. 


N°s  D  ORURE. 

POIDS 

du 

chlorure  dans  l’air. 

POIDS 

de 

l’azolalc  dans  l’air. 

100,000  ; 

de 

chlorure  produisent 

azotate  : 

I . 

grain. 

120,0110 

g  ram. 

174,3390 

1 4oj4oo 

11  ....  . 

32,4837 

47,2350 

145,468 

III  ...  . 

68,1295 

99,1045 

145T65 

IV . 

47,9226 

69,7075 

145,459 

V . 

14,3380 

21,1465 

1 43,443 

Moyenne.  .  .  . 

La  réduction  au  vide  ramène  cette  moyenne  it.  .  .  . 

145,4576 

1 45,4526 

SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  249 


8°  Examen  des  chlorures  de  sodium  employés  dans  les 

déterminations. 

A  l’aide  de  la  volatilisation  des  chlorures,  chauffés  au  blanc  dans  un  cou¬ 
rant  d’azote  sec,  j’ai  cherché  la  quantité  de  matières  fixes  contenue  dans 
chaque  partie  de  sel  marin  employé.  Ces  opérations  ont  été  faites  de  la  même 
manière  que  celle  que  j’ai  décrite  à  l’occasion  des  recherches  sur  le  chlorure 
de  potassium  ;  mais  comme  le  sel  marin  est  très-sensiblement  moins  volatil 
que  le  composé  de  potassium  correspondant,  j’ai  eu  soin  d’élever  davantage 
encore  la  température  et  de  prolonger  plus  longtemps  le  courant  d’azote  sec. 
Je  dis  :  l’azote  sec;  car,  en  se  servant  d’azote  humide,  on  obtient  pour  résidu 
du  silicate  de  sodium  très-alcalin,  au  lieu  d’un  mélange  de  silice  et  de  traces 
de  silicate  de  sodium. 

Voici  les  différents  résultats  obtenus  : 

1.  Chlorure  produit  à  l’aide  de  l’acide  chlorhydrique  et  du  carbonate 
bisodique  purifié.  —  a.  108r,000  ont  laissé  08r, 0004 7  de  silice,  mêlée  de 
traces  de  silicates  de  sodium  et  de  calcium; 

b.  10"r,000  ont  laissé  Osr, 00050  de  silice,  mêlée  de  traces  de  silicates  de 
sodium  et  de  calcium; 

2.  Chlorure  préparé  à  l’aide  du  chloroplatinate  de  sodium.  —  a.  10sr,000 
de  chlorure,  du  premier  tiers  du  chloroplatinate  cristallisé,  ont  laissé  0SI, 00035 
de  silice,  mêlée  de  traces  de  silicate  de  sodium; 

b.  10g‘,000  de  chlorure,  du  troisième  tiers  du  chloroplatinate,  ont  laissé 
O81, 00045  de  silice,  mêlée  de  silicates  de  sodium  et  de  calcium. 

En  voyant  de  pareils  résultats,  on  est  obligé  d’avouer  son  impuissance  à 
produire  une  matière  pure,  lorsqu’il  est  impossible  de  la  volatiliser. 

La  moyenne  des  poids  des  matières  étrangères  s’élève  à  0,00043,  pour  dix 
grammes;  si  on  corrige  de  cette  quantité  la  moyenne  générale  145,4526, 
on  obtient  de  nouveau  145,4570  pour  le  poids  de  l’azotate,  réduit  au  vide, 
produit  par  100,000  de  sel  marin  supposé  pur. 


Tome  XXXV. 


52 


NOUVELLES  RECHERCHES 


2M) 


9°  Du  chlorure  de  lithium  employé  dans  tes  déterminations. 

J’ai  cru  devoir  déterminer  simultanément  le  rapport  proportionnel  entre 
le  chlorure  de  lithium  et  l’argent,  et  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  lithium, 
afin  d’avoir  un  moyen  certain  de  contrôler  mes  résultats. 

Dans  ce  but,  j’ai  opéré  la  détermination  de  ces  deux  rapports  propor¬ 
tionnels  sur  une  partie  d’un  même  chlorure.  On  conçoit ,  en  effet ,  que  le 
contrôle  n’est  possible  que  dans  cette  seule  circonstance. 

Je  vais  exposer  successivement  les  méthodes  employées  pour  me  procurer 
le  chlorure  de  lithium  ;  je  dirai  ensuite  comment  je  me  suis  assuré  de  sa 
pureté;  je  ferai  connaître  enfin  comment  je  m’y  suis  pris  pour  déterminer 
les  différents  rapports  proportionnels. 

Pour  obtenir  du  chlorure  de  lithium,  je  suis  parti  du  carbonate  de  ce 
métal.  Je  dois  une  partie  de  ce  carbonate  a  l’amitié  de  M.  le  docteur  Hugo 
Müller,  dont  les  beaux  travaux  sur  les  composés  du  lithium  sont  connus  de 
tous  les  chimistes.  J’ai  retiré  une  autre  partie,  d’environ  cinq  kilogrammes 
de  triphy lline  de  Bodcnmaïs,  que  feu  Léopold  Gmelin  m’avait  généreusement 
donnée  vers  1848,  pour  m’aider  dans  des  recherches  sur  une  matière  si  rare 
à  cette  époque.  Enfin,  dans  ces  dernières  années,  le  commerce  m’a  fourni 
un  demi-kilogramme  de  carbonate  de  lithium,  fabriqué  en  Allemagne  pour 
l’usage  de  la  médecine. 

Le  carbonate  que  je  devais  à  l’obligeance  de  M.  Hugo  Müller  et  celui  que 
j’avais  extrait  moi-même  de  la  triphylline  étaient  déjà  assez  purs,  et  ils  ne 
contenaient  que  des  traces  de  sodium  et  de  calcium.  Celui  que  j  ai  acheté 
dans  le  commerce  contenait,  outre  le  sodium  et  le  calcium,  des  quantités 
notables  de  magnésium  (de  huit  à  dix  pour  cent  (  s  5 

sium).  Le  poids  total  du  carbonate  sur  lequel  j’ai  opéré  s’est  élevé  a  douze 
cents  grammes  environ.  J’ai  réuni  le  tout,  pour  le  soumettre  a  un  seul  et 
même  traitement  préliminaire. 

J’ai  suspendu  le  carbonate  dans  dix  lois  son  poids  d’eau,  et  j  ai  ajouté, 
petit  à  petit,  de  l’acide  chlorhydrique  concentré,  jusqu’à  ce  que  tout  le  pré¬ 
cipité  fût  dissous.  Au  travers  du  liquide,  renfermant  un  mélange  de  chlorure 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


251 


el  de  carbonate  Ethique,  j’ai  fait  passer  un  courant  d’acide  sulfhydrique  aussi 
longtemps  qu’il  s’est  coloré.  J’ai  maintenu  la  solution  à  la  lumière  solaire, 
dans  un  vase  bouché,  jusqu’à  ce  que  le  sulfure  produit  se  fût  complètement 
précipité  et  que  le  liquide  fût  devenu  absolument  incolore.  Après  avoir  porté 
le  liquide  à  l’ébullition,  pour  précipiter  les  carbonates  de  lithium  et  de  magné¬ 
sium  dissous,  j’ai  éliminé  successivement  le  calcium  à  l’aide  de  l’oxalate 
d’ammonium,  le  restant  du  magnésium  au  moyen  d’une  solution  d’hydrate 
de  baryum,  et  enfin  l’excès  de  baryum  employé  par  une  solution  de  sulfate 
d’ammonium.  Toute  la  solution  a  été  évaporée,  par  parties  successives, 
jusqu’à  siccilé,  dans  un  vase  de  platine,  el  le  résidu  a  été  fondu  pour  éliminer 
les  composés  d’ammonium  qui  y  étaient  contenus.  Le  chlorure  de  lithium 
impur,  obtenu  ainsi,  était  tout  à  fait  incolore,  à  réaction  très-alcaline;  je  l’ai 
repris  par  la  plus  petite  quantité  possible  d’alcool  anhydre,  et  j’ai  ajouté  à 
la  solution  son  volume  d’éther.  J’ai  maintenu  cette  solution,  pendant  deux 
heures,  dans  un  mélange  réfrigérant  formé  de  neige  et  de  sel  marin.  La  solu¬ 
tion  de  chlorure  de  lithium,  d’où  il  s’était  précipité  du  chlorure  de  sodium 
avec  tant  soit  peu  de  chlorure  de  potassium,  a  été  évaporée  dans  une  cornue 
de  platine;  elle  a  laissé  un  chlorure  offrant  au  speclroscope  une  réaction 
sodique  assez  énergique,  comme,  du  reste,  M.  Karl  Diehl  l’a  reconnu  dans 
son  excellent  travail  sur  le  poids  atomique  du  lithium. 

Dans  l’espoir  de  pouvoir  opérer  une  séparation  plus  complète  du  sodium, 
j’ai  transformé  une  partie  du  chlorure  de  lithium  en  azotate;  j’ai  repris 
ensuite  cet  azotate  par  la  plus  petite  quantité  d’alcool  anhydre  capable 
de  le  dissoudre,  et  j’ai  ajouté  à  la  solution  un. volume  d’éther  anhydre  égal 
au  sien  ;  il  ne  s’est  fait  aucune  séparation  d’azotate  de  sodium.  J’ai  ajouté 
peu  à  peu  au  liquide  de  l’éther  en  quantité  suffisante  pour  rendre  une  partie 
de  l’azotate  de  lithium  insoluble  dans  l’alcool  éthéré.  L’azotate  resté  en  solu¬ 
tion  a  montré  au  spectroscope  la  raie  sodique,  avec  la  même  intensité  que 
celui  qui  avait  été  précipité  par  l’éther. 

L’alcool  éthéré  ne  sépare  donc  pas  plus  le  sodium  de  l’azotate  de  lithium 
qu’il  ne  le  sépare  du  chlorure. 

Devant  cette  impossibilité  bien  constatée,  j’ai  eu  recours  au  moyen  con¬ 
seillé  par  M.  Bunsen.  Tel  que  M.  Diehl  l’a  appliqué,  il  consiste  à  précipiter 


252 


NOUVELLES  RECHERCHES 


la  solution  concentrée  de  chlorure  de  lithium  par  du  carbonate  biammo¬ 
nique,  et  à  exprimer  énergiquement  le  carbonate  de  lithium  obtenu;  à 
reprendre  celui-ci  par  de  l’acide  chlorhydrique;  à  précipiter  de  nouveau  la 
solution  concentrée  par  du  carbonate  biammonique,  et  à  répéter  cette  opé¬ 
ration  aussi  longtemps  que  le  précipité  formé  donne  à  l’analyse  spectrale 
une  réaction  sodique  sensible.  Pour  arriver  à  ce  résultat,  M.  Diehl  a  dû 
répéter  trente  fois  les  dissolutions  et  les  précipitations.  Comme  le  carbonate 
biammonique  n’élimine  que  la  moitié  du  lithium  contenu  dans  le  chlorure, 
on  est  obligé,  après  chaque  précipitation ,  d’évaporer  à  siccité  la  solution  de 
chlorure  d’ammonium  et  de  lithium,  et  de  fondre  le  résidu  pour  volatiliser 
tout  le  chlorure  d’ammonium. 

En  m’y  prenant  de  la  manière  suivante,  j’ai  obtenu,  à  l’aide  de  sept  dis¬ 
solutions  et  autant  de  précipitations,  du  carbonate  de  lithium  ne  présentant 
pas  plus  de  réaction  sodique  que  le  sulfate  de  lithium  préparé  par  M.  Bunsen 
pour  son  travail  sur  le  spectre  de  ce  métal;  sulfate  dont  1  illustre  chimiste 
m’avait  donné  une  partie  destinée  à  servir  de  terme  de  comparaison  pour  les 
produits  que  je  voulais  préparer.  Le  chlorure  provenant  des  douze  cents 
grammes  de  carbonate  de  lithium  a  été  dissous  dans  un  poids  d’eau  égal.  La 
solution,  incolore  et  légèrement  alcaline,  a  été  versée  petit  à  petit  dans  un 
excès  de  solution  de  carbonate  biammonique.  Ce  carbonate  biammonique 
avait  été  préparé  en  dissolvant  jusqu’à  refus  du  sesquicarbonale  d’ammonium 
dans  de  l’ammoniaque  liquide  et  concentrée.  Quel  que  soit  l’excès  d’ammo¬ 
niaque  existant  à  côté  du  carbonate  biammonique,  il  ne  se  produit  point,  à 
la  température  ordinaire,  au  delà  du  tiers  du  carbonate  de  lithium  qui  peut 
prendre  ainsi  naissance;  de  plus,  le  carbonate  produit  est  plus  ou  moins  géla¬ 
tineux.  Pour  déterminer  la  précipitation  de  la  moitié  du  carbonate  de  lithium, 
et  pour  obtenir  en  môme  temps  ce  sel  à  l’état  grenu,  état  sous  lequel  il  se 
prête  aisément  à  un  lavage  méthodique,  je  place  le  vase  renfermant  le  mé¬ 
lange  dans  un  bain  d’eau,  dont  j’élève  la  température  au  point  de  provo¬ 
quer  un  dégagement  d’ammoniaque  gazeuse.  En  même  temps,  j  imprime  un 
mouvement  de  rotation  au  vase,  afin  de  provoquer  la  précipitation  dans  un 
liquide  en  mouvement.  Je  maintiens  le  vase  dans  le  bain  aussi  longtemps  que 
je  m’aperçois  (pie,  sous  l’influence  de  l’élévation  de  température,  il  se  pro- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


233 


(luit  du  carbonate  de  lithium  insoluble  dans  le  liquide.  Arrivé  à  ce  moment, 
j’abandonne  le  tout  au  repos.  Après  avoir  décanlé  tout  le  liquide  limpide, 
j’introduis  la  bouillie  de  carbonate  dans  un  cylindre  à  déplacement,  muni 
d’un  tampon  de  toile  fine,  lavée  à  l’acide  chlorhydrique  dilué  et  maintenue 
à  l’aide  d’une  bourre  de  gros  fils  de  platine.  Ce  cy  lindre  est  fixé  sur  un  réser¬ 
voir  sphérique  ou  cylindrique  de  verre,  en  communication  avec  une  petite 
pompe  pneumatique  à  main,  comme  le  montre  la  figure  ci-jointe. 


Fig.  20. 


A  l’aide  de  quelques  coups  de  pompe,  j’élimine  l’eau-mère ,  puis  j’a rrose 
petit  à  petit  le  carbonate  d’eau  distillée  additionnée  d’ammoniaque,  tout  en 
continuant  à  faire  agir  la  pompe  et  en  imprimant  des  chocs  au  cylindre 
pour  maintenir  en  mouvement  le  carbonate.  De  cette  manière,  les  fissures  qui 
se  produisent  par  le  liquide  descendant  sont  continuellement  détruites,  et, 
au  bout  d’une  demi-heure  de  lavage,  le  sel  est  suffisamment  purifié  pour  ne 
plus  contenir  au  delà  du  centième  de  l’eau-mère  primitivement  interposée. 


±  U 


NOUVELLES  RECHERCHES 


J’ai  évaporé  Teau-mère  et  les  eaux  de  lavages  jusqu’à  siccité,  et  j'ai  chauffé 
le  résidu  de  manière  à  éliminer  la  dernière  trace  de  sel  ammoniqne  qui 
avait  pris  naissance. 

Cette  calcination,  pour  être  complète,  exige  une  température  assez  élevée, 
mais  elle  n’est  pas  accompagnée  d’une  perte  notable  de  chlorure  de  lithium, 
quoique  les  flammes  du  fourneau  qui  sert  de  foyer  soient  fortement  colorées 
en  pourpre  par  le  lithium  entraîné  par  le  sel  ammoniac.  J'ai  précipité,  par  le 
moyen  que  je  viens  d’indiquer,  la  moitié  du  lithium  qui  était  contenu  dans 
le  chlorure  produit,  et  le  carbonate  obtenu  a  été  introduit  dans  l’appareil  à 
déplacement  et  soumis  de  nouveau  à  un  lavage  méthodique.  Le  sel  bien  lavé 
a  été  ajouté  à  celui  qu’on  avait  obtenu  dans  la  première  précipitation.  J’ai 
séché  le  tout,  dans  un  vase  de  platine,  à  une  température  suffisamment 
élevée  pour  chasser  l’ammoniaque  qui  y  était  contenue.  J’ai  suspendu  ce  car¬ 
bonate  dans  son  poids  d’eau,  j’ai  ajouté  petit  à  petit,  au  mélange,  de  X acide 
azotique  pur  l,  jusqu’à  ce  que  tout  le  composé  de  lithium  fût  dissous,  et  j’ai 
versé  la  solution  d’azotate  et  de  carbonate  de  lithium  dans  de  l’ammoniaque 
concentrée,  saturée  de  sesquicarbonate  d’ammonium.  J’ai  répété  à  cinq  re¬ 
prises  différentes  la  dissolution  dans  l’acide  azotique,  la  précipitation  par  le 
carbonate  biammonique  et  les  lavages  méthodiques,  et  je  suis  parvenu  à 
extraire,  des  douze  cents  grammes  de  carbonate  de  lithium  employés,  cin¬ 
quante-cinq  grammes  de  carbonate  sec  et  dépouillé  d’ammoniaque,  dans  lequel 
il  m’a  été  impossible  de  constater  la  réaction  sodique  plus  fortement  que  dans 
l’air  du  laboratoire  où  je  travaillais. 

J’indiquerai  plus  loin  l’usage  que  j’ai  fait  de  ce  composé. 

J’ai  réuni  les  eaux-mères  et  de  lavages  des  quatre  dernières  dissolutions 
et  précipitations;  je  les  ai  évaporées  et  j’ai  chauffé  le  résidu  afin  de  détruire 
l’azotate  d’ammonium.  Après  avoir  repris  l’azotate  par  de  l’eau,  j’ai  versé  la 
solution  dans  du  carbonate  biammonique.  Le  carbonate  de  lithium,  devenu 
grenu,  a  été  lavé  comme  je  l’ai  dit  plus  haut.  Ce  sel  présentait  naturellement 
une  réaction  sodique  très-sensible.  J’ai  éliminé  l’ammoniaque  par  la  chaleur, 


1  J’ai  remplacé  l’acide  chlorhydrique  par  l’acide  azotique,  parce  que  l’azotate  de  lithium  est 
facile  à  dépQuiller  d’azotate  d’ammonium;  tandis  que  le  chlorure  de  lithium  ne  peut  être  aussi 
aisément  privé  de  chlorure  d'ammonium.  . 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


2VJJ 

o  5 

et  j’ai  introduit  tout  le  carbonate  dans  un  très-grand  flacon  de  Woulf  con¬ 
tenant  dix  litres  d’eau  pure.  J’ai  fait  passer  au  travers  du  mélange  de  l’an¬ 
hydride  carbonique  pur  *,  aussi  longtemps  que  le  carbonate  de  lithium  a  paru 
se  dissoudre;  résultat  que  l’on  n’atteint  qu’après  sept  à  huit  heures  d’action. 
Lorsque  le  liquide  se  fut  parfaitement  éclairci  par  le  repos ,  je  décantai  la 
partie  limpide  qui  fut  chauffée  fractionnellement,  jusqu’à  l’ébullition,  dans 
un  grand  vase  de  platine.  J’ai  maintenu  l’ébullition  tant  qu’il  y  a  eu  efferves¬ 
cence  et  dépôt  de  carbonate  de  lithium.  J’ai  écarté  toutes  les  eaux-mères  ren¬ 
fermant  encore  au  delà  du  quart  du  carbonate  primitivement  dissous;  elles 
présentaient  le  caractère  sodique  d’une  manière  assez  prononcée.  J’ai  lavé 
dans  un  appareil  à  déplacement  et  à  l’aide  de  l’eau  pure  et  froide  le  sel  pré¬ 
cipité. 

Par  une  nouvelle  quantité  d’eau  et  un  nouveau  courant  d’anhydride  car¬ 
bonique,  j’ai  dissous  le  carbonate  resté  indissous  dans  la  première  opération. 
En  chassant  l’anhydride  à  l’aide  de  la  chaleur,  j’ai  précipité  encore  du  car¬ 
bonate  de  lithium,  en  écartant  également  Peau-mère.  Cette  eau-mère  présentait 
beaucoup  moins  le  caractère  sodique  que  la  première.  Après  avoir  lavé  aussi 
bien  que  possible,  dans  l’appareil  à  déplacement,  le  sel  produit,  je  l’ai  joint 
au  premier  et  j’ai  de  nouveau  introduit  le  tout  dans  le  grand  flacon  de  Woulf , 
avec  une  quantité  d’eau  pure  suffisante  pour  le  dissoudre  sous  1  influence  d’un 
courant  prolongé  d’anhydride  carbonique.  La  dissolution  accomplie,  ce  que 
je  ne  suis  parvenu  à  réaliser  qu’au  bout  de  deux  jours  de  passage  continu ,  j’ai 
chauffé  de  nouveau  la  solution  de  carbonate  monolithique,  afin  d’en  préci¬ 
piter  tout  le  sel  qu’il  peut  fournir  par  le  simple  dégagement  de  l’anhydride 
carbonique.  L’eau-mère  donnait  une  réaction  sodique  excessivement  faible. 
Le  carbonate  produit  a  été  lavé  dans  un  appareil  à  déplacement  aussi  long- 

1  Pour  obtenir  cet  anhydride,  j'ai  chauffé  du  carbonate  monosodique  placé  dans  un  grand 
ballon;  le  gaz,  avant  de  pénétrer  dans  le  flacon  contenant  le  carbonate  de  lithium,  se  rendait 
d’abord  dans  un  flacon  contenant  de  la  pierre-ponce  en  très-petits  fragments  cl  humectée  d’eau 
pure;  il  passait  ensuite  dans  un  tube  en  U  rempli  d’asbcste  feutré.  Je  me  suis  assuré  qu’en  fai¬ 
sant  passer  cet  anhydride  à  travers  la  flamme  d’un  hcc  de  Bunsen,  il  ne  lui  communiquait 
aucun  caractère  sodique.  L’anhvdridc  carbonique,  dégagé  d’un  carbonate  par  un  acide,  quelque 
soin  que  l’on  mette  à  le  laver,  communique  à  la  flamme  le  caractère  du  métal  existant  dans  ce 
carbonate. 


256 


NOUVELLES  RECHERCHES 


temps  que  le  résidu  et  l’eau  de  lavage  ont  donné  un  indice  sensible  de  la  raie 
sodique.  Ainsi,  deux  dissolutions  dans  l’anhydride  carbonique,  et  deux  pré¬ 
cipitations  suivies  de  lavages  prolongés,  ont  suffi  pour  éliminer  tout  le  sodium 
d’un  carbonate  purifié  d’ailleurs  puissamment  par  d’autres  moyens.  D’après 
M.  Troost,  auquel  j’ai  emprunté  cette  méthode  de  purification  de  ce  sel,  on 
peut  obtenir  ce  résultat  à  l’aide  du  carbonate  de  lithium  brut. 

J’indique  plus  loin  l’usage  que  j’ai  fait  d’une  partie  du  carbonate  de 
lithium  ainsi  préparé. 

Pour  être  certain  de  mes  résultats,  j’ai  voulu  pousser  plus  avant  les  puri¬ 
fications.  Dans  ce  but,  j’ai  répété  deux  fois  encore,  sur  une  partie  de  carbo¬ 
nate,  la  dissolution  dans  l’anhydride  carbonique,  la  précipitation  et  le  lavage 
du  précipité;  mais  je  dois  l’avouer,  il  m’a  semblé  que  le  carbonate  obtenu 
après  cette  quatrième  série  d’opérations  ne  différait  en  rien  de  celui  qui 
n’avait  pas  été  soumis  à  ces  nouveaux  traitements. 

Par  suite  des  éliminations  des  eaux-mères  et  des  eaux  de  lavage,  je  n’ai 
retiré  des  douze  cents  grammes  de  carbonate  de  lithium,  dont  plus  de  la 
moitié  était  déjà  d’une  assez  grande  pureté,  que  cent  quarante-cinq  grammes 
de  carbonate,  qui,  répartis  en  trois  portions  distinctes,  ont  été  transformés 
en  chlorure.  Je  vais  exposer  maintenant  comment  j’ai  exécuté  cette  trans¬ 
formation. 

J’ai  rempli  aux  deux  tiers ,  de  carbonate  de  lithium,  une  petite  et  une 
très-grande  nacelle  de  platine  pur.  Celle  quantité  est  suffisante  pour  que  le 
sel,  étant  converti  en  chlorure  fondu,  remplisse  les  trois  quarts  environ  de 
la  capacité  de  chaque  vase.  Avant  d’introduire  le  sel  dans  les  nacelles,  j’ai 
déterminé  avec  tous  les  soins  possibles  la  différence  de  poids  qui  existe  entre 
elles  lorsqu’on  les  pèse  dans  le  vide.  Je  m’expliquerai  plus  loin  sur  le  motif 
qui  nécessite  celte  détermination. 

Ces  vases  étant  préparés,  je  les  ai  placés  bout  à  bout  sur  une  feuille  de 
platine  assez  épaisse,  et  j’ai  fait  suivre  la  grande  nacelle  d’une  très-petite, 
non  pesée,  contenant  également  une  partie  du  même  carbonate  de  lithium. 
Cette  dernière  nacelle  devait  me  servir  de  témoin  pour  me  renseigner  sur 
la  nature  des  chlorures  contenus  dans  les  deux  premières,  auxquelles  il  ne 
m’était  plus  possible  de  toucher  dans  la  suite.  J’ai  glissé  cette  feuille  de  platine 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


257 


dans  un  tube  de  verre  très-réfractaire ,  qui  était  tapissé,  sur  les  deux  tiers  de 
sa  surface  interne,  d’une  gaine  de  platine  destinée  à  empêcher  le  contact  du 
verre  avec  la  feuille  supportant  les  nacelles.  Le  tube  de  verre,  très-réfrac¬ 
taire,  reposait  dans  une  gaine  de  tôle  remplie  de  magnésie  fortement  calcinée, 
placée  elle-même  au-dessus  d’une  grille  à  gaz  munie  sur  sa  longueur  de  26 
becs  de  Bunsen.  A  l’aide  d’un  tube  en  caoutchouc,  j’ai  adapté  à  l’un  des  bouts 
du  tube  réfractaire  un  tube  en  T,  dont  une  branche  était  destinée  à  amener 
de  l’acide  chlorhydrique  pur  et  sec,  pour  transformer  le  carbonate  en  chlo¬ 
rure,  et  dont  l’autre  branche  devait  amener,  après  la  transformation,  de 
l’azote  pur  et  sec  pour  chasser  l’atmosphère  d’acide  chlorhydrique.  L’autre 
bout  pénétrait  dans  un  ballon  tubulé,  où  devait  se  condenser  l’eau  acide  pro¬ 
venant  de  la  réduction  du  carbonate;  ce  ballon  tubulé  portait  un  tube  à 
dégagement  qui  se  rendait  dans  une  cheminée. 

Pour  opérer  la  transformation,  j’ai  commencé  par  chauffer  le  carbonate 
de  lithium  à  une  température  à  laquelle  ce  corps,  dans  une  atmosphère 
d’acide  chlorhydrique,  passe  à  l’état  de  chlorure  sans  se  liquéfier  dans  l’eau 
qui  prend  naissance.  Cette  température  est  comprise  entre  160  et  175°.  On 
î emai que ,  à  ce  degré,  que  le  volume  du  sel  augmente,  et  que  le  composé  se 
fritte  en  devenant  plus  ou  moins  transparent,  de  terreux  qu’il  était;  l’eau 
produite  est  éliminée ,  à  1  état  de  vapeur,  à  mesure  qu’elle  prend  naissance. 
Ce  degré  de  chaleur  étant  atteint,  ce  dont  je  me  suis  assuré  à  l’aide  d’un 
theimomètre  couché  dans  la  gaine  de  magnésie,  j’ai  dégagé  lentement  du 
gaz  acide  chlorhydrique  sec  et  pur,  et  j’ai  prolongé  le  courant,  à  la  même 
température,  aussi  longtemps  qu’il  s’est  produit  la  moindre  trace  de  liquide 
par  le  refroidissement  du  gaz  qui  avait  traversé  le  tube.  Lorsque,  par  un 
essai  préalable,  on  a  étudié  convenablement  la  réaction,  on  peut  opérer  la 
transformation  intégrale  du  carbonate  sans  produire  la  moindre  projection 
de  chlorure.  La  voûte  du  tube  dans  laquelle  l’opération  se  passe  est  aussi 
nette  après  l’opération  qu’avant. 

La  transformation  accomplie,  j’ai  remplacé  le  ballon  tubulé  renfermant 
beau  acide  par  un  tube  long  et  sec.  J’ai  diminué  alors  considérablement  le 
dégagement  d  acide  chlorhydrique,  de  manière  à  maintenir  seulement  une 

atmosphèie  de  ce  gaz,  sans  courant;  et,  après  avoir  enlevé  le  thermomètre  de 
Tome  XXXV.  rz?z 


238 


NOUVELLES  RECHERCHES 


la  magnésie,  j’ai  élevé  au  rouge  sombre  la  gaine  de  tôle  contenant  la  ma¬ 
gnésie  et  le  tube.  Le  chlorure  formé  dans  les  trois  nacelles  s’est  lentement 
fondu,  sans  dégager  la  moindre  trace  de  vapeur  d’eau,  appréciable  par  la  pro¬ 
duction  d’un  liquide  sur  la  partie  refroidie  du  tube.  A  l’état  fondu,  le  chlo¬ 
rure  était  absolument  incolore,  d’une  limpidité  complète  et  d’une  mobilité  qui 
m’a  frappé  (je  ne  puis  la  comparer  qu’à  celle  d’un  gaz  liquéfié).  A  la  tem¬ 
pérature  de  la  fusion,  le  chlorure  a  émis  des  vapeurs  sensibles,  qui,  dé¬ 
placées  par  le  gaz  acide  chlorhydrique,  sont  venues  se  déposer  sur  la  partie 
refroidie  du  tube.  M.  Troost,  qui  a  fondu  également  le  chlorure  de  lithium, 
dans  les  conditions  que  je  viens  d’indiquer,  a  trouvé  qu’on  peut  le  liquéfier 
dans  le  gaz  acide  chlorhydrique  sans  lui  faire  éprouver  une  perte  de  poids. 
M.  Penny  a  observé  le  même  fait  pour  les  chlorures  de  potassium  et  de 
sodium;  il  m’a  été  impossible  de  réaliser  ce  résultat  pour  l’un  quelconque 
de  ces  chlorures.  Je  le  répète,  à  une  température  suffisante  pour  les  amener 
en  pleine  fusion,  j’ai  constaté  l’émission  de  vapeurs;  aussi  je  doute  fort  de 
l’exactitude  des  pesées,  faites  en  se  basant  sur  le  maintien  intégral  du  poids 
dans  ces  conditions. 

Quoi  qu’il  en  soit,  lorsque  le  chlorure  fondu  eut  séjourné  une  vingtaine 
de  minutes  dans  l’atmosphère  d’acide  chlorhydrique  sèche  et  lentement  re¬ 
nouvelée,  je  substituai,  au  tube  long  et  vide  qui  termine  l’appareil,  un  tube 
à  chlorure  de  calcium,  je  remplaçai  lentement  le  gaz  acide  par  de  l’azote 
pur  et  séché  au  moyen  de  l’anhydride  phosphorique,  et  je  laissai  refroidir 
les  chlorures  dans  le  tube,  au  sein  du  courant  d’azote. 

Le  refroidissement  accompli,  j’ai  bouché  les  deux  bouts  du  tube  en  verre 
réfractaire  à  l’aide  de  deux  calottes  de  caoutchouc  naturel,  solidement  appli¬ 
quées  sur  le  tube  à  l’aide  de  ligatures. 

1 0°  De  la  pesée  du  chlorure  de  lithium  dans  le  vide. 

Plusieurs  chimistes  m’ont  exprimé  le  désir  de  voir  décrire  en  détail  les 
moyens  dont  je  me  sers  pour  faire  les  pesées  dans  le  vide.  Je  saisis  l’occasion 
de  la  pesée  du  chlorure  de  lithium,  qui  a  dû  nécessairement  être  faite  dans 
celle  condition,  pour  satisfaire  à  leur  demande.  Ces  pesées  ont  eu  lieu  dans 


259 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 

des  cylindres  de  verre  dur  et  épais,  de  sept  centimètres  de  diamètre  sur 
trente-cinq  centimètres  de  longueur,  fermés  par  un  bout.  Le  bout  ouvert  de 
ces  cylindres  est  parfaitement  dressé  et  muni  d’armatures  métalliques,  solide¬ 
ment  mastiquées  à  l’aide  d’un  mastic  résineux  peu  fusible  et  fixe  sans  dé¬ 
composition. 

Sur  celte  armature  se  visse  une  pièce  mobile,  terminée  par  un  robinet  de 
laiton  dont  la  clef  est  de  bronze. 

Ces  cylindres  jumeaux  ont  absolument  le  même  poids  et  le  même  volume 
extérieur;  de  manière  que,  vides  ou  pleins  d’air,  ils  se  font  équilibre  dans 
l’air.  Pour  leur  permettre  de  tenir  le  vide,  j’interpose,  entre  l’armature  fixée 
sur  le  cylindre  et  la  pièce  mobile  portant  le  robinet,  un  cuir  parfaitement 
dressé,  séché  soigneusement,  pénétré  dans  le  vide  de  paraffine  fondue  1  ; 
le  poids  des  deux  cuirs  est  identique. 

Comme  j’ai  besoin  de  peser  d’abord  deux  nacelles  de  platine  vides,  ayant 
des  poids  inégaux,  et  ensuite  les  mêmes  nacelles  contenant  du  chlorure  de 
lithium  fondu,  et  comme  je  ne  dispose  que  de  deux  cylindres  pour  ces 
quatre  pesées,  j’ai  dû  recourir  à  un  artifice  que  l’on  peut  appliquer  à  un 
nombre  quelconque  de  pesées  de  vases,  de  poids  inégaux.  Cet  artifice  consiste 
à  déterminer  exactement  la  différence  de  poids  qui  existe  entre  les  nacelles, 
lorsqu’on  les  pèse  dans  le  vide.  Pour  trouver  celte  différence,  j’ai  commencé 
par  introduire  la  grande  nacelle  dans  un  des  cylindres,  et,  après  y  avoir  fait 
soigneusement  le  vide,  j’ai  suspendu  ce  cylindre  au  plateau  de  la  balance  par 
le  moyen  que  j’indiquerai  plus  loin.  J’ai  établi  ensuite  l’équilibre  en  oppo¬ 
sant  l’autre  cylindre  et  en  suppléant,  à  l’aide  de  plomb,  la  différence  de 
poids  provenant  du  poids  de  la  nacelle.  Ce  résultat  atteint,  je  laisse  rentrer 
de  l’air  sec  dans  le  cylindre  contenant  le  vase  de  platine,  je  l’ouvre  ensuite, 
j’en  extrais  la  grande  nacelle  et  je  la  remplace  par  la  petite.  Après  avoir 
fait  une  seconde  fois  le  vide  au  même  point  que  dans  la  première  pesée , 
j’attache  le  cylindre  au  plateau.  Après  un  repos  convenable,  je  parfais  l’équi¬ 
libre  rompu  en  ajoutant  des  poids  de  platine  sur  le  plateau  même  de  la 


1  Je  prépare  ees  cuirs  par  les  moyens  que  j'ai  fait  connaître  dans  ma  Notice  sur  l’anahjse 
complète  de  Uiodate  d’arc/ent. 


260 


NOUVELLES  RECHERCHES 


balance.  11  est  bien  évident  que  la  somme  des  poids  employés  à  cet  effet 
représente  la  différence,  dans  le  vide,  du  poids  des  deux  nacelles.  Or,  il  suffit 
de  connaître  cette  différence,  pour  pouvoir  employer  les  mêmes  cylindres  à 
la  pesée  successive  des  deux  nacelles  chargées  de  chlorure,  lorsque  les  cylin¬ 
dres  contenant  l’une  ou  l’autre  nacelle  vide  ont  été  préalablement  équilibrés. 

Cette  différence,  en  effet,  constitue  une  constante  qui  doit  être  ajoutée 
ou  retranchée  des  poids  placés  préalablement  sur  les  plateaux  de  la  balance, 
suivant  qu’on  a  primitivement  équilibré  le  cylindre,  dans  le  vide,  avec  la 
petite  ou  avec  la  grande  nacelle  de  platine  L 

Dans  mes  pesées  du  chlorure  de  lithium,  les  cylindres  ont  été  équilibrés 
avec  la  petite  nacelle,  dans  le  cylindre  droit,  vide  d’air,  comme  je  vais 
essayer  de  l’exposer. 

Lorsque  j’exécute  des  pesées  dans  des  cylindres,  je  commence  par  sécher 
absolument  la  capacité  de  celui  que  je  suspends  au  plateau  droit.  Pour  attein¬ 
dre  ce  résultat,  j’y  place  une  nacelle  de  fer  renfermant  un  mélange  d  oxydes 
de  potassium  et  de  cuivre2;  cette  nacelle  est  renfermée  dans  un  large  tube 
ouvert  par  les  deux  bouts.  Après  avoir  fait  le  vide  dans  le  cylindre,  je 
l’abandonne  pendant  quelques  heures  à  lui-même,  afin  de  laisser  à  l’oxyde  de 
potassium  le  temps  de  s’emparer  de  la  dernière  trace  d’humidité.  J’y  laisse 
alors  pénétrer  de  l’air  sec,  je  dévisse  la  pièce  mobile ,  j’en  extrais  rapidement 
le  tube  ouvert  contenant  la  nacelle  de  fer,  et  j’introduis  dans  le  cylindre  la 
petite  nacelle  de  platine  qui  doit  contenir  plus  tard  le  chlorure  de  lithium  ; 
j’avais  déterminé  la  différence  de  poids  de  cette  nacelle,  dans  le  vide,  avec 

1  Ce  raisonnement  n’est  rigoureusement  exact  qu’autant  que  les  conditions  de  pression  et 
de  température  de  l’air  ne  changent  point,  d’une  pesée  à  une  autre;  mais  comme  le  volume 
de  l.’air  déplacé  par- les  poids  de  platine  est  très-petit,  et  que  le  poids  lui-même  n  est  pas  très- 
considérable,  le  changement  de  poids  dans  la  valeur  de  la  constante,  qui  résulte  de  la  varia¬ 
tion  de  la  pression  et  de  la  température,  tombe  au-dessous  des  différences  que  1  on  peut 
constater  à  Laide  de  la  balance  la  plus  sensible. 

Je  raisonne  du  reste  dans  l’hypothèse  que  les  bras  de  levier  aient  rigoureusement  conservé, 
d'une  pesée  à  une  autre,  le  même  rapport  de  longueur. 

2  J’obtiens  une  pareille  nacelle  en  chauffant  jusqu’au  rouge  vif,  dans  un  tube  de  porcelaine, 
une  nacelle  de  fer  remplie  à  moitié  d’un  mélange  d’une  partie  d’azotate  de  potassium  avec  deux 
parties  et  demie  de  cuivre  rouge  très-divisé.  Je  conserve  continuellement  cette  nacelle  dans  des 
tubes  hermétiquement  bouchés.  Elle  ramène  à  0°  l’hygromètre  de  Saussure,  plus  rapidement 
que  ne  le  fait  l’anhydride  phosphorique. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


261 


la  grande  nacelle  qui  devait  recevoir  également  du  chlorure  de  lithium.  Je 
fais  ensuite  le  vide  au  moyen  d'une  excellente  machine  pneumatique.  Afin 
d’empêcher  les  émanations  de  la  machine  de  pénétrer  dans  le  cylindre,  j’in¬ 
terpose  entre  celui-ci  et  la  pompe  un  tube  de  verre  de  près  d’un  mètre  de 
longueur,  renfermant  de  l’hydrate  de  potassium  chauffé  au  rouge  et  con¬ 
cassé.  L’air  étant  soustrait,  à  l’aide  d’un  support  métallique  de  forme  adaptée 
au  cylindre,  je  suspends  celui-ci  horizontalement  au  plateau  droit  de  la 
grande  balance,  à  laquelle  j,’ai  donné  préalablement  le  maximum  de  sensi¬ 
bilité  pour  la  charge  quelle  est  destinée  à  supporter.  Je  place  en  même 
temps,  sur  les  deux  plateaux  de  la  balance,  des  poids  de  platine  supérieurs 
à  la  différence  qui  existe  entre  le  poids  des  deux  nacelles,  et  supérieurs  en 
même  temps  au  poids  du  chlorure  que  les  nacelles  de  platine  sont  destinées 
à  recevoir.  Par  un  support  métallique  identique  à  celui  de  droite,  quant  à 
la  matière  et  au  poids ,  j’attache  au  plateau  gauche  de  la  balance  le  cylindre 
correspondant  au  premier,  mais  dont  momentanément  la  pièce  mobile  est 
dévissée  et  attachée  au  support  du  plateau  gauche. 

Dans  cet  état ,  je  ramène  les  masses  suspendues  librement  à  la  balance  à 
l’état  d’équilibre,  à  un  décigramme  environ,  en  introduisant  du  plomb  mé¬ 
tallique  dans  le  cylindre  gauche  qui  est  resté  ouvert.  Ce  résultat  obtenu,  je 
visse  la  pièce  mobile  sur  le  cylindre  et  je  la  serre  suffisamment,  avec  la  clef 
destinée  à  cet  usage,  pour  que  l’air  n’y  puisse  entrer,  ni  en  sortir.  J’établis 
ensuite  l’équilibre  parfait,  en  plaçant  à  cet  effet  sur  le  plateau  gauche  des 
fragments  de  feuille  d’étain.  Lorsqu’on  a  manié  les  cylindres,  même  avec 
interposition  de  linge,  il  faut  qu’ils  soient  abandonnés  quatre  à  cinq  heures 
à  eux-mêmes  dans  un  air  en  repos,  pour  que  leurs  surfaces  soient  dans  les 
mêmes  conditions,  et  que  la  pesée  reste  constante.  Une  fois  l’équilibre 
établi,  il  se  conserve  des  mois  entiers,  si  la  pièce  vissée  est  suffisamment 
serrée  et  si  le  robinet  dont  elle  est  munie  est  assez  parfait. 

L’équilibre  établi,  je  laisse  entrer  dans  le  cylindre  droit  de  l’air  séché  par 
son  passage  sur  de  la  pierre  ponce  humectée  d’acide  sulfurique,  je  desserre 
la  pièce  vissée,  et  j’extrais  la  nacelle,  que  je  remplace  par  le  tube  ouvert  par 
les  deux  bouts,  et  contenant  le  mélange  d’oxyde  de  potassium  et  de  cuivre, 
en  attendant  que  ce  tube  puisse  à  son  tour  être  remplacé  successivement 


262 


NOUVELLES  RECHERCHES 


par  la  petite  et  par  la  grande  nacelle  dans  lesquelles  j’ai  formé  le  chlorure 
de  lithium  destiné  aux  expériences. 

Pour  peser  le  chlorure  de  lithium  existant  dans  la  petite  nacelle,  je  com¬ 
mence  par  chauffer  le  tube  réfractaire  dont  j’ai  parlé  plus  haut,  afin  d’aug¬ 
menter  la  tension  de  l’azote  qui  y  est  contenu;  je  retire  ensuite  du  cylindre 
la  nacelle  destinée  à  maintenir  l’espace  sec,  et,  après  avoir  enlevé  une  des 
calottes  de  caoutchouc  qui  bouchent  hermétiquement  le  tube  de  verre  réfrac¬ 
taire,  j’engage  jusqu’au  fond  du  cylindre  le  bout  ouvert  de  ce  tube  main¬ 
tenu  chaud;  j’incline  ensuite  le  tout  de  manière  à  faire  glisser  au  fond  du 
cylindre  la  première  des  deux  nacelles  qui  doivent  être  pesées.  Lorsqu’elle 
est  descendue  je  relire  le  tube,  j’adapte  immédiatement  la  pièce  vissée  et  je 
bouche  de  nouveau  hermétiquement  le  tube  renfermant  encore  les  deux  au¬ 
tres  nacelles. 

Après  avoir  serré  la  pièce  vissée  à  l’aide  de  sa  clef,  je  fais  le  vide  dans 
le  cylindre  au  même  point  que  lors  de  la  première  pesée.  Il  est  à  peine 
nécessaire  de  dire  que,  pendant  les  opérations,  je  ne  touche  jamais  le  cy¬ 
lindre  avec  les  mains  sans  l’avoir  préalablement  enveloppé  de  linge  fin.  Je 
suspends  ensuite  de  nouveau  le  système  à  la  balance.  Après  quatre  heures 
d’attente,  je  rétablis  l’équilibre.  A  cet  effet,  j’enlève  du  plateau  droit  des 
poids  de  platine  jusqu’à  ce  que  j’aie  atteint  ce  résultat.  En  supposant  que, 
pendant  le  temps  écoulé  depuis  la  première  pesée  jusqu’à  la  seconde,  les 
deux  bras  de  la  balance  aient  conservé  rigoureusement  le  même  rapport  de 
longueur,  et  que  la  nacelle  de  platine  ail  conservé  absolument  son  poids, 
il  est  évident  que  le  poids  du  chlorure  est  égal  à  la  différence  qui  existe 
entre  le  poids  placé  primitivement  et  celui  qui  est  nécessaire  pour  parfaire 
l’équilibre;  correction  faite  du  poids  de  l’air  perdu  par  les  poids  de  platine 
correspondant  à  cette  différence.  La  longueur  des  bras  de  ma  grande  balance 
est  rigoureusement  égale;  et  je  garantis  les  bras  de  la  balance  contre  toute 
inégale  dilatation  par  la  chaleur,  en  couvrant  d’une  double  toile  blanche, 
pendant  les  pesées,  la  cage  qui  la  renferme.  Cette  précaution  réussit  parfai¬ 
tement,  comme  je  m’en  suis  assuré  très-souvent;  et  sans  elle,  je  ne  suis  jamais 
parvenu  à  des  pesées  constantes. 

J’ai  constaté  la  conservation  du  poids  de  la  nacelle,  en  l’introduisant  dans 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


263 


le  cylindre,  après  en  avoir  extrait  par  l’eau  le  chlorure  qui  y  était  contenu. 
J’ai  trouvé  ainsi  que  le  platine,  qui  avait  été  suffisamment  dépouillé  de  fer 
par  son  exposition  au  rouge  dans  une  atmosphère  de  chlorure  d’ammonium, 
conserve  rigoureusement  son  poids,  lorsqu’on  y  fond  et  même  qu’on  y  vola¬ 
tilise  complètement  du  chlorure  de  lithium  dans  une  atmosphère  privée  d’oxy¬ 
gène.  La  différence,  s’il  s’en  présente ,  tombe  toujours  dans  la  limite  des  varia¬ 
tions  constatées  entre  deux  pesées  d’une  même  nacelle,  dans  le  vide. 

Pour  déterminer  le  poids  du  chlorure  contenu  dans  la  grande  nacelle,  je 
chauffe  de  nouveau  le  tube  réfractaire,  afin  d’augmenter  la  tension  de  l’azote 
qui  y  est  contenu  ;  j’enlève  ensuite  une  des  calottes  adaptées  aux  bouts  du  tube, 
et  j’introduis  le  bout  ouvert  au  fond  du  cylindre;  j’incline  le  tout  de  manière 
à  faire  glisser  le  vase  de  platine.  Je  ferme  immédiatement  le  cylindre  à  l’aide 
de  la  pièce  vissée,  et  le  tube  au  moyen  de  la  calotte  de  caoutchouc.  Lorsque 
la  pièce  est  suffisamment  serrée,  je  fais  soigneusement  le  vide  dans  le  cylindre 
et  je  le  suspends  ensuite  au  plateau  droit  delà  balance.  J’ai  dit  plus  haut  qu’en 
établissant  l’équilibre  entre  le  cylindre  contenant  la  petite  nacelle  et  le  cylindre 
vide,  j’ai  déposé  en  même  temps  sur  les  deux  plateaux  de  la  balance  des 
poids  supérieurs  à  la  différence  existant  entre  le  poids  des  deux  nacelles  et  le 
poids  du  chlorure  de  lithium  qui  y  est  contenu.  Pour  connaître  le  poids  du 
chlorure  renfermé  dans  la  grande  nacelle,  après  avoir  attendu  quatre  à  cinq 
heures,  je  soustrais  du  plateau  des  poids  de  platine,  jusqu’à  ce  que  l’équi¬ 
libre  soit  rétabli.  La  différence  entre  le  poids  placé  primitivement  sur  le 
plateau  droit  et  celui  qui  reste  lors  du  rétablissement  de  l’équilibre,  se  com¬ 
pose  du  poids  du  chlorure  de  lithium  et  de  la  différence  de  poids  entre  les 
deux  nacelles.  En  retranchant  donc  la  valeur  de  cette  différence  du  poids 
total,  on  a  le  poids  apparent  du  chlorure.  Quoique  le  chlorure  de  lithium  se 
trouve  dans  le  vide,  je  dis  que  la  soustraction  ne  donne  que  le  poids  appa¬ 
rent,  parce  que  les  poids  de  platine  se  trouvant  dans  l’air  perdent  un  poids 
égal  à  celui  du  poids  du  volume  d’air  qu’ils  déplacent.  Pour  obtenir  le  poids 
réel  on  doit  donc  retrancher  du  poids  apparent  le  poids  de  l’air  déplacé 
par  les  poids  de  platine  correspondants. 

J’ai  fait,  de  cette  manière,  trois  doubles  séries  de  pesées  de  chlorure  de 
lithium  dans  le  vide.  Le  chlorure  contenu  dans  la  petite  nacelle  était  destiné 


264 


NOUVELLES  RECHERCHES 


à  la  détermination  du  rapport  proportionnel  de  ce  corps  avec  l'argent;  le 
chlorure  formé  dans  la  grande  nacelle  a  servi  à  la  détermination  de  son  rap¬ 
port  proportionnel  avec  l’azotate  de  lithium.  Je  donnerai  plus  bas,  en  deux 
séries,  tous  les  éléments  de  ces  trois  doubles  pesées.  Ils  permettront  déjuger 
combien  ce  mode  de  pesées ,  appliqué  aux  corps  les  plus  hygrométriques  con¬ 
nus,  fournit  des  résultats  concordants,  lorsqu’on  dispose  de  balances  suffi¬ 
samment  parfaites  et  qu’on  se  donne  la  peine  de  consacrer  aux  différentes 
opérations  tous  les  soins  nécessaires. 

11°  Examen  des  chlorures  qui  ont  servi  aux  déterminations. 

J’ai  dit  plus  haut  que  j’ai  fait  suivre  la  grande  nacelle  de  platine,  renfer¬ 
mant  le  carbonate  de  lithium  destiné  à  être  transformé  en  chlorure,  d’une 
petite  nacelle  contenant  également  du  même  carbonate.  J’ai  ajouté  cette  der¬ 
nière  pour  servir  de  témoin,  à  l’effet  de  me  renseigner  sur  la  nature  des  chlo¬ 
rures  contenus  dans  les  deux  premières  nacelles  auxquelles  il  ne  m’était  pas 
possible  de  toucher  pour  ne  pas  les  mettre  en  contact  de  l’air  humide.  Je  vais 
exposer  en  quelques  mots  le  traitement  auquel  j’ai  soumis  les  nacelles  témoins. 
Je  rappellerai  d’abord  que  dans  les  trois  séries  d’opérations ,  le  chlorure  exis¬ 
tant  dans  chacune  des  trois  nacelles  était  absolument  incolore  et  transparent. 
Il  m’a  semblé  que,  d’après  le  mode  de  production  employé  pour  le  carbonate 
et  pour  le  chlorure ,  ce  dernier  corps  ne  pouvait  guère  contenir  d’autres 
matières  étrangères  que  des  traces  d’oxyde  ou  d'hydrate  de  lithium. 

Pour  m’assurer  du  fait,  j’ai  dissous  une  partie  du  chlorure  de  chaque 
nacelle  témoin,  dans  une  petite  quantité  d’eau;  ce  liquide,  en  le  dissolvant,  a 
conservé  toute  sa  transparence  :  la  solution  bleuissait  très -lentement,  mais 
positivement,  le  papier  rouge  de  tournesol.  J’ai  observé  cette  faible  alcalinité 
sur  les  trois  échantillons  de  chlorure  que  j’ai  produits.  J’ai  voulu  recher¬ 
cher  si  cette  alcalinité  est  due  à  un  défaut  de  préparation  commun  à  ces 
trois  chlorures,  ou  si  elle  dépend  de  la  nature  du  composé.  Dans  ce  but  j’ai 
introduit  deux  des  nacelles  témoins,  contenant  chacune  au  moins  trois 
grammes  et  demi  de  chlorure ,  dans  un  tube  de  porcelaine  renfermant  une 
feuille  de  platine,  et,  après  avoir  chauffé  le  tube  au  rouge  presque  blanc,  j  y 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


265 


ai  fait  passer  un  courant  d’acide  chlorhydrique  sec  de  manière  à  volatiliser 
au  moins  la  moitié  du  chlorure  contenu  dans  chaque  nacelle.  Après  avoir 
remplacé  au  rouge  l’acide  chlorhydrique  par  de  l’azote  pur  et  sec,  j’ai  laissé 
refroidir  le  tube,  et  j’ai  extrait  ensuite  les  nacelles.  Une  partie  du  chlorure  resté 
dans  chacune  des  nacelles  a  été  dissoute  séparément  dans  une  petite  quan¬ 
tité  d’eau,  et  la  solution  appliquée  sur  le  papier  de  tournesol  rougi  l’a  lente¬ 
ment  bleui,  absolument  de  la  même  manière  que  le  faisaient  ces  composés 
avant  d’être  soumis  à  ce  nouveau  courant  d’acide.  Je  conclus  donc  de  ce  fait 
que  le  chlorure  des  deux  nacelles  qui  précèdent  la  nacelle  témoin  se  trouve 
dans  la  condition  normale  de  formation  de  ce  composé. 

Quelque  improbable  que  soit  l’existence  de  matières  fixes  dans  les  chlo-  . 
rares  produits ,  j’ai  voulu  cependant  m’assurer  s’ils  se  volatiliseraient  sans 
laisser  aucune  trace  de  résidu.  J’ai  réuni  à  cet  effet,  dans  une  seule  nacelle 
pesée,  le  chlorure  restant  des  trois  témoins,  et  je  l’ai  soumise,  à  une  chaleur 
blanche,  à  un  courant  d’acide  chlorhydrique  sec.  La  nacelle  qui  était  en  pla¬ 
tine  tout  à  fait  pur,  s’est  vidée  sans  laisser  de  trace  visible  à  la  loupe.  Le 
métal  ne  présentait  absolument  aucun  changement  dans  son  aspect  physique 
ou  dans  son  poids. 

Je  vais  exposer  maintenant  comment  j’ai  exécuté  la  détermination  des  rap¬ 
ports  proportionnels. 

12°  Du  moyen  employé  pour  la  détermination  du  rapport  proportionnel 
entre  le  chlorure  de  lithium  et  l’argent. 

J’ai  procédé  à  cette  détermination  par  la  méthode  employée  pour  la  recher¬ 
che  du  rapport  proportionnel  entre  l’argent  et  les  chlorures  de  potassium ,  de 
sodium,  d’ammonium. 

Après  avoir  pesé  dans  le  vide  le  chlorure  de  lithium ,  j’ai  calculé  et  pesé 
ensuite  dans  l 'air  les  quantités  d’argent  correspondant  au  poids  du  chlorure 
de  lithium  constaté.  Pour  établir  ce  calcul ,  j’admettais  par  hypothèse  le  lithium 
=  7,00;  le  chlore  =  33,50,  et  l’argent  =  108,00. 

La  dissolution  de  l’argent  a  été  opérée  par  la  méthode  décrite  dans  la  pre¬ 
mière  partie  de  mon  Mémoire  sur  les  lois  des  proportions  chimiques ,  à  l’occa- 
Tome  XXXV.  34 


266 


NOUVELLES  RECHERCHES 


sion  de  la  détermination  du  titre  de  l’argent  de  différentes  provenances.  Après 
la  dissolution  du  métal  et  le  refroidissement  du  flacon,  j’ai  ajouté  au  liquide 
un  volume  d’eau  quatre  fois  plus  considérable  que  celui  de  l’acide  azotique 
dilué  employé  pour  effectuer  la  dissolution  de  l’argent. 

Le  flacon  étant  descendu  dans  la  chambre  obscure,  et,  par  surcroit  de 
précaution ,  étant  entouré  d’une  double  toile  noire,  j’y  ai  introduit  le  chlo¬ 
rure  de  lithium. 

Comme  une  partie  du  chlorure  reste  adhérente  à  la  nacelle  dans  laquelle 
il  a  été  formé ,  ii  faut  que  je  dise  comment  je  m’y  suis  pris  pour  que  le  poids 
total  du  composé  pénétrât  dans  le  flacon  pour  précipiter  la  solution  argenti¬ 
fère.  Le  chlorure  qui  a  été  fondu  dans  une  nacelle  de  platine  se  détache  en 
bloc ,  à  l’aide  d’une  très-légère  traction  exercée  sur  les  bords  latéraux  de  la 
nacelle;  il  reste  seulement  adhérent,  tout  autour,  un  anneau  mince,  provenant 
des  bords  du  ménisque  du  chlorure  fondu.  Pour  introduire  le  tout  dans  le 
flacon ,  je  prends  le  petit  bloc  à  l'aide  d’une  pince  de  platine  et  je  le  glisse 
dans  le  flacon  incliné;  après  avoir  redressé  le  vase,  je  le  surmonte  d’un  petit 
entonnoir  dans  lequel  je  place  la  nacelle;  je  lave  ensuite  celle-ci  avec  de 
l’eau  pure,  renouvelée  assez  longtemps  pour  qu’aucune  trace  de  chlorure 
n’échappe  à  la  solution;  je  bouche  enfin  solidement  le  flacon  et  je  le  fais 
secouer  jusqu’à  ce  que  le  liquide  soit  devenu  limpide. 

Je  procède  alors,  à  l’aide  de  solutions  normales  de  chlorure  d’ammo¬ 
nium  et  d’azotate  d’argent,  à  la  détermination  du  titre  du  liquide.  Je  place 
pour  cela  le  flacon  dans  l’appareil  à  titration ,  que  j’ai  figuré  page  43  du 
Mémoire  sur  les  lois  des  proportions  définies.  Dans  les  trois  expériences  que 
j’ai  faites  ainsi ,  j’ai  constaté  invariablement  un  excès  d’argent,  très-faible 
sans  doute,  mais  proportionnel  aux  quantités  employées.  L’essai  du  titre  du 
liquide  s’exécute  avec  la  môme  facilité  que  celui  d’une  liqueur  dont  on  a 
précipité  le  chlore  du  chlorure  de  sodium.  L’expérience  présente  l'incerti¬ 
tude  que  j’ai  signalée  déjà  pour  les  chlorures  de  potassium,  de  sodium  et 
d’ammonium.  Dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids 
atomiques,  j’ai  dit  en  effet  qu’un  liquide  dont  on  a  précipité,  à  l’aide  d’une 
liqueur  saline,  à  peu  près  tout  l’argent,  mais  contenant  encore  entre  un  et 
deux  milligrammes  d’argent  par  litre,  précipite  également  par  l’addition 
d’une  solution  normale  d’argent  et  de  sel  marin.  Ce  phénomène,  du  reste, 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


267 


est  d’autant  plus  prononcé  que  le  liquide  est  moins  fortement  acidulé.  Le 
chlorure  de  lithium  offre  ce  phénomène  à  un  degré  presque  aussi  prononcé 
que  le  chlorure  d’ammonium;  des  trois  chlorures  alcalins,  c’est  ce  dernier 
qui  le  présente  avec  le  plus  d’intensité.  Je  dois  donc  faire  remarquer  que, 
dans  tous  mes  essais,  j’ai  ajouté  de  la  liqueur  normale  de  chlorure  d’ammo¬ 
nium  jusqu’à  la  cessation  de  tout  précipité.  Si  un  jour  on  vient  à  démontrer, 
comme  je  le  crois  probable,  que  ce  moyen  comporte  une  erreur,  on  aura,  par 
la  présente  déclaration,  les  éléments  nécessaires  pour  corriger  mes  résultats. 

Il  me  reste  maintenant  à  faire  connaître  toutes  les  données  numériques 
de  ces  trois  expériences  : 


PREMIÈRE  EXPÉRIENCE. 


Le  chlorure  de  lithium  a  été  préparé  au  moyen  du  carbonate  obtenu  à  l’aide  de  la  précipitation 
de  l’azotcde  par  le  carbonate  biammonique ;  les  opérations  étant  renouvelées  jusqu’à  ce  que 
la  raie  sodique  eût  cessé  de  se  montrer  dans  le  spectre  du  lithium. 


1 .  Le  cylindre  droit,  contenant  la  petite  nacelle  dans  le  vide  à  0'n,0005 , 

a  été  équilibré  avec  deux  cents  grammes  de  platine  sur  chaque 
plateau  1 . 

2.  Le  cylindre,  contenant  la  petite  nacelle  avec  le  chlorure  de  lithium, 

dans  le  vide  à  0m,0005 ,  est  en  équilibre  avec . 

5.  Le  même  cylindre,  le  lendemain,  après  avoir  constaté  que  le  vide 

s’était  conservé . 

4.  Poids  de  l’air  déplacé  par  les  poids  de  platine  soustraits  du  plateau 

pour  rétablir  l’équilibre . 

a.  —  de  l’argent  pesé  dans  l’air . 


grain . 

200,0000 

192,1145 

192,1150 

0,00048 

20,03480 


DEUXIÈME  EXPÉRIENCE. 


Chlorure  de  lithium  provenant  de  la  dissolution  du  carbonate  par  l  anhydride  carbonique , 
de  la  précipitation  par  la  chaleur,  et  du  lavage  du  carbonate  ;  les  opérations  étant  répétées 
jusqu’à  la  disparition  de  la  raie  sodique. 

1 .  Le  cylindre  droit  contenant  la  petite  nacelle  de  platine  dans  le  vide  gram. 
à  0m,0Q05,  a  été  équilibré  avec.  .  . .  200,0000 

1  L’incertitude  en  plus  ou  en  moins  est  égale  à  0sr, 00025.  La  balance  pesant  la  charge  complète  donne  a\ee 
constance  les  deux  dixièmes  de  milligramme. 


268 


NOUVELLES  RECHERCHES 


2.  Le  cylindre  droit,  contenant  la  petite  nacelle  avec  le  chlorure  de  _ 

lithium  ,  dans  le  vide  à  0m,0005,  est  en  équilibre  avec.  .  .  .  195.0786 

5.  Le  lendemain,  même  poids.  ' . 195.0786 

4.  Poids  de  l'air  déplacé  par  les  poids  de  platine  soustraits  du  plateau 

pour  rétablir  l’équilibre .  0.0004 

5.  —  de  l’argent  pesé  dans  l’air .  |  7, 5865 


TROISIÈME  EXPÉRIENCE. 


Chlorure  de  litlnuin  préparé  avec  une  partie  du  carbonate  à  l  aide  duquel  on  a  formé  le  chlo¬ 
rure  précèdent ;  ce  carbonate  ayant  subi  encore  deux  traitements  supplémentaires. 

1 .  Le  cylindre  droit,  contenant  la  petite  nacelle  dans  le  vide  à  0m,0005, 

est  équilibré  avec . 

2.  Le  cylindre,  contenant  la  petite  nacelle  avec  le  chlorure  de  lithium, 

dans  le  vide  à  0,n, 0005 ,  est  en  équilibre  constant  avec  .  .  . 

5.  Poids  de  l’air  déplacé  par  les  poids  de  platine  soustraits  du  plateau 

droit . 

4.  Poids  de  l’argent  pesé  dans  l’air . 

Ces  trois  expériences  conduisent  aux  résultats  suivants  : 

RAPPORT  PROPORTIONNEL  ENTRE  LE  CHLORURE  DE  LITHIUM  ET  L’ARGENT. 


gram. 

200,0000 

189.0555 

0,00066 

27,86484 


Nos  D0RDRE. 

POIDS 

appar*  du  chlorure 

de 

lithium. 

POIDS 

réel  du  chlorure 

de 

lithium. 

POIDS 

de 

l’argent  dans 

l’air. 

POIDS 

de 

l’argent  dans 

le  vide. 

POIDS 

de 

l’excédant  de  l’ar¬ 
gent 

après  la  double 
décomposition. 

\  00.000 

d’argent  équivalent 

a 

chlorure 

de  lithium. 

gram. 

gram. 

gram. 

gram. 

gram. 

I . 

7,8850 

7,88452 

20,0348 

20,0360 

0,0025 

39,356 

II . 

6,0214 

6,0210 

17,5863 

17,5871 

0,0028 

39,357 

III . 

1 0,9665 

10,96584 

27,86481 

27,8665 

0,0068 

39,361 

Moye 

S  NE . 

39  35S 

Si  I  on  déduit  le  poids  moléculaire  du  chlorure  de  lithium  de  la  moyenne 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


269 


inscrite  dans  le  tableau  précédent,  on  trouve  42,4-79,  bien  entendu  en  ad¬ 
mettant  107,93  pour  le  poids  de  l’argent,  valeur  qui  résulte  de  l’ensemble 
des  expériences  consignées  dans  le  Mémoire  consacré  à  ce  sujet.  Ce  poids 
moléculaire  conduit  au  poids  atomique  du  lithium  7,022  ,  en  admettant  pour 
le  chlore  35,4-57,  chiffre  qui  dérive  également  des  recherches  consignées 
dans  le  même  Mémoire. 

Les  travaux  exécutés  dans  ces  derniers  temps  sur  le  lithium  ont  donné  le 
poids  atomique  suivant  : 


M  Mallet  a  trouvé . G, 95 

M.  Dumas  a  donné  1 .  7,00 

M.  Karl  Diehl  a  obtenu  en  moyenne . 7,026 

M.  Troost  a  conclu  d’expériences  dont  les  résultats  ont  varié  entre 

6,99  à  7,06,  et  dont  la  moyenne  est  7,022,  que  ce  poids  est  .  .  7,00 

Enfin,  les  trois  déterminations  ci-dessus  donnent . 7,022 


En  me  basant  seulement  sur  ces  trois  déterminations,  je  suis  bien  loin 
de  prétendre  que  le  poids  atomique  du  lithium  ne  soit  pas  7,00.  Ce  fait,  du 
reste,  est  sans  importance  aucune.  Mais  je  crois  que,  dans  l’état  de  la  science, 
c’est  violer  tous  les  principes  que  de  choisir  arbitrairement  un  nombre  qui 
n’est  pas  celui  de  la  moyenne,  comme  le  fait  M.  Troost.  Un  pareil  procédé 
ne  pourra  être  suivi  que  lorsqu’on  aura  démontré  d  priori  quels  sont  les 
rapports  entre  lesquels  les  poids  atomiques  des  corps  doivent  être  compris, 
et  je  ne  crois  pas  exagérer  en  disant  (pie  nous  sommes  encore  bien  éloignés 
de  cette  époque.  Forsitan  posteris! 

13°  Du  moyen  employé  pour  la  détermination  du  rapport  proportionnel 
entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  lithium. 

J’ai  effectué  la  détermination  du  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure 
et  l’azotate  de  lithium,  par  le  moyen  tpie  j’ai  indiqué  à  l’occasion  de  la  trans- 

1  M.  Dumas  n’a  pas  publié  les  résultats  analytiques  sur  lesquels  il  a  basé  ce  nombre,  du  moins 
je  n'ai  pas  pu  les  découvrir  dans  les  publications  de  mon  illustre  maître. 


270 


NOUVELLES  RECHERCHES 


formation  du  chlorure  de  potassium  et  de  sodium.  L'appareil  dans  lequel 
j’ai  opéré  cette  transformation  a  été  le  même;  pour  la  pesée  du  ballon,  j'ai 
adapté,  sur  le  goulot  du  flacon  qui  s’engage  à  frottement  sur  le  col  du  ballon, 

-  un  tube  à  chlorure  de  calcium  comme  l’indique  la  figure  21. 

Cette  précaution  m’a  paru  nécessaire  à  cause  de  l’hygro- 
métricilé  extrême  de  l’azotate  de  lithium.  Avant  et  après 
l’expérience,  j’ai  déterminé  le  poids  de  ce  tube  à  chlorure; 
de  celte  manière,  j’ai  pu  connaître  avec  exactitude  l’augmen¬ 
tation  de  poids  du  système,  provenant  de  la  rentrée  de  l’air 
plus  ou  moins  humide  pendant  la  pesée.  Lorsque  le  tube  à 
chlorure  n’était  point  adapté  au  ballon,  je  l’enfermais  dans 
un  cylindre  de  verre  fermé  contenant  une  nacelle  avec  du 
chlorure  de  calcium. 

Pour  détacher  de  la  grande  nacelle  de  platine  la  dernière 
trace  de  chlorure  de  lithium  qui  y  est  pesé,  j’ai  eu  recours  à 
l’artifice  dont  je  vais  rendre  compte.  Le  poids  du  ballon  avec 
son  tube  à  chlorure  étant  déterminé,  j’ai  introduit  dans  le 
ballon,  à  l’aide  d’une  pince  de  platine,  la  masse  de  chlorure 
de  lithium  qui  s’est  détachée  de  la  nacelle  de  platine  par  une 
légère  traction  exercée  sur  ses  parois  latérales;  j’ai  attaché 
ensuite  solidement  celle-ci  au  moyen  de  fils  minces  de  pla¬ 
tine  à  l’extrémité  d’un  long  tube  de  verre  ouvert  par  les 
deux  bouts,  et  je  l’ai  portée  de  cette  manière  dans  le  corps 
même  du  ballon.  Après  avoir  renversé  la  nacelle  dans  le 
ballon ,  et  avoir  incliné  le  col  de  celui-ci  vers  45°,  j’ai  mis  le 
tube  en  communication  avec  une  cornue  renfermant  de  l’eau 
pure  que  j’ai  portée  immédiatement  à  l’ébullition.  La  vapeur  en  pénétrant 
dans  le  ballon  a  dissous  le  chlorure  adhérent  au  platine,  et  la  solution  a  dé¬ 
coulé  dans  le  corps  du  ballon;  lorsque  j’eus  dégagé  une  quantité  de  vapeur 
suffisante  pour  être  certain  d’avoir  opéré  un  lavage  parfait  de  la  nacelle,  je  la 
retirai  du  ballon  avec  le  tube.  J’ai  placé  alors  le  ballon  dans  l’étuve  à  air 
chaud,  figurée  page  126,  j’ai  engagé  son  col  dans  un  cylindre  de  verre  dur, 
et  j’ai  procédé  à  l’évaporation  complète  de  la  solution  du  chlorure  de  lithium. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


271 


Celte  évaporation  a  été  exécutée  en  maintenant  la  solution  continuellement 
au-dessous  de  son  point  d’ébullition.  Le  chlorure  étant  amené  à  siccité  com¬ 
plète,  je  l’ai  dissous  dans  cinq  fois  et  demi  son  poids  d’acide  azotique  normal 
et  pur,  j’ai  adapté  le  flacon  à  fond  percé  qui  sert  de  bouchon  au  ballon,  et  . 
enfin  le  tube  à  dégagement  du  bichlorure  d’azotyle. 

J’ai  effectué  le  reste  de  l’opération  d’une  manière  identique  à  celle  que  j’ai 
pratiquée  pour  la  transformation  des  chlorures  de  potassium  et  de  sodium 
en  azotates.  L’expérience  se  termine  même  beaucoup  plus  facilement,  à  cause 
de  l’extrême  fusibilité  de  l’azotate  de  lithium  ;  aucun  ballon  ne  s’est  brisé 
lors  de  la  solidification  du  sel  et  je  n’ai  perdu  aucune  opération. 

J’ai  constaté  que  l’azotate  de  lithium,  fondu  et  chauffé  à  une  température 
suffisante,  jouit  de  la  faculté  d’attaquer  le  verre  au  même  titre  que  les  azotates 
de  potassium  et  de  sodium  ;  je  pense  même  qu’à  température  égale  l’attaque 
se  fait  plus  promptement  par  l’azotate  lithique,  mais  je  crois  pouvoir  affirmer 
que  dans  chacune  des  trois  déterminations  que  j’ai  faites  il  a  conservé  son 
poids  intégral. 

Après  que  la  fusion  de  l’azotate  a  été  terminée  et  que  j’ai  eu  éliminé,  par 
un  courant  d’air  pur  et  sec,  la  dernière  trace  de  vapeur  d’acide  azotique,  j’ai 
laissé  refroidir  le  ballon  en  contact  avec  un  tube  à  chlorure  de  calcium.  Quand 
il  a  été  refroidi  et  nettoyé  convenablement,  j’y  ai  adapté  le  tube  à  chlorure 
avec  lequel  il  doit  être  pesé,  et  j’ai  suspendu  tout  le  système  à  la  balance. 

La  pesée  terminée ,  j’ai  examiné  l’azotate  de  lithium  formé;  et,  dans  les  trois 
expériences,  je  l’ai  trouvé  absolument  incolore,  mais,  à  l’état  dissous,  bleuis¬ 
sant  très-légèrement  le  papier  de  tournesol.  J’ai  observé  que  l’azotate  de 
lithium  que  l’on  évapore  avec  un  excès  d’acide  azotique  dans  une  cornue  de 
platine  laisse  un  résidu  qui,  étant  fondu,  présente  également  une  réaction 
très-légèrement  alcaline  au  tournesol.  J’ai  du  reste  remarqué  le  même  fait 
pour  les  azotates  de  potassium  et  de  sodium  les  plus  purs,  qu’on  fond  dans  un 
vase  de  platine.  Four  le  constater,  il  suffit  de  se  servir  d’un  papier  de  tour¬ 
nesol  préparé  avec  les  soins  convenables,  ou  de  papiers  préparés  à  l’aide 
de  la  matière  colorante  du  dahlia. 

Pour  être  certain  de  n’avoir  perdu  aucune  trace  de  chlorure  ou  d’azotate 
de  lithium,  j’ai  évaporé  dans  une  capsule  de  porcelaine  : 


m 


NOUVELLES  RECHERCHES 


1.  L’eau  qui  s’esl  volatilisée  lors  de  l’évaporation  jusqu’à  siccité  de  la 
solution  de  chlorure  de  lithium;  dans  aucune  des  trois  expériences,  la  cap¬ 
sule  ne  renfermait  de  trace  pondérable  de  ce  chlorure  ; 

2.  L'eau  qui  a  servi  à  laver  le  bichlorure  d’azotyle  provenant  de  la  trans¬ 
formation  du  chlorure  en  azotate; 

3.  L’acide  azotique  dilué  provenant  de  l’évaporation  de  l’azotate  qui  a  pris 
naissance. 

Je  vais  faire  connaître,  avec  toutes  les  autres  données,  le  poids  des  résidus 
obtenus  dans  ces  circonstances. 


PREMIÈRE  TRANSFORMATION  DU  CHLORURE  DE  LITHIUM  EN  AZOTATE. 


Pesée  du  chlorure. 

1.  Le  cylindre  droit  a  été  équilibré  avec  deux  cents  grammes  sur 
chaque  plateau,  lorsqu’il  renfermait  la  petite  nacelle,  dans  le  vide 


à  0"’,0005 . 200,0000 

2.  Différence  de  poids,  dans  le  vide,  entre  la  grande  et  la  petite  na¬ 

celle  de  platine .  09,1280 

3.  Le  cylindre  droit,  contenant  la  grande  nacelle  de  platine  avec  le 

chlorure  de  lithium,  dans  le  vide  à  0m,0005 ,  est  en  équilibre  avec.  107,8143 


4.  Poids  de  l’air  déplacé  par  les  poids  de  platine  soustraits  du  plateau 
pour  rétablir  l’équilibre  rompu  du  chef  du  chlorure  de  lithium 


existant  dans  la  nacelle .  0,0013 

Pesée  de  l’azotate. 

grain. 

1 .  Poids  du  ballon  plein  d’air  sec .  487,0503 

2.  —  du  ballon  plein  d’air  sec  et  muni  du  tube  à  chlorure  de  cal¬ 

cium  .  548,9195 

5.  —  du  tube  cà  chlorure,  avant  l’opération .  01,8695 

4.  —  du  ballon  rempli  d’air  sec,  avec  l’azotate  de  lithium  fondu; 

après  quatre  heures  de  refroidissement .  580,5575 

5.  —  du  même  ballon ,  le  lendemain  . .  580,5590 

6.  —  du  ballon  Rempli  d’air  sec,  l’azotate  ayant  été  dissous  dans 

l’acide  azotique  et  le  sel  fondu  une  deuxième  fois  ;  après 

quatre  heures  de  refroidissement  . .  580,5385 

7.  —  du  ballon  précédent,  le  lendemain .  380,5400 

8.  —  du  tube  à  chlorure,  après  l’opération .  01,8705 

9.  —  du  résidu  brunâtre  de  l’évaporation  de  l’acide  azotique  con¬ 

densé  ,  lors  de  la  dessiccation  de  l’azotate .  0,0024 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


273 


DEUXIÈME  TRANSFORMATION  DU  CHLORURE  EN  AZOTATE  DE  LITHIUM. 


Pesée  du  chlorure. 

1.  Le  cylindre  droit,  contenant  la  petite  nacelle,  a  été  équilibré  gram. 

avec  une  charge  de . 200,000 

2.  La  différence,  dans  le  vide,  entre  la  petite  et  la  grande  nacelle 

est  de .  69,1280 

5.  Le  cylindre  droit,  contenant  la  grande  nacelle  avec  le  chlorure  de 

lithium,  dans  le  vide,  est  en  équilibre  avec . 100,0160 

4.  Poids  de  l’air  déplacé  par  les  poids  de  platine  soustraits  pour  réta¬ 

blir  l'équilibre  rompu  par  le  chlorure  de  lithium  existant  dans 

la  nacelle .  0,0018 

* 

Pesée  de  P  azotate. 

1 .  Poids  du  ballon  plein  d’air  sec ,  avec  le  tube  à  chlorure  de  calcium.  548,922b 

2.  —  du  tube  à  chlorure,  avant  l’expérience .  61,8720 

5.  —  du  ballon  avec  le  tube  à  chlorure  et  l’azotate  de  lithium 

formé;  après  quatre  heures  de  refroidissement.  .  .  .  599,0665 

4.  —  du  ballon  précédent,  le  lendemain .  599,0675 

5.  —  du  tube  à  chlorure,  après  l'expérience .  61,8728 

6.  —  du  résidu  brunâtre  de  l’évaporation  de  l’acide  azotique  con¬ 

densé,  lors  de  la  dessiccation  de  l’azotate .  0,0045 

TROISIÈME  TRANSFORMATION  DU  CHLORURE  EN  AZOTATE  DE  LITHIUM. 

Pesée  du  chlorure. 

1.  Le  cylindre  droit,  contenant  la  petite  nacelle,  a  été  équilibré  avec  gram 

une  charge  de .  200,0000 

2.  La  différence,  dans  le  vide,  entre  la  petite  et  la  grande  nacelle  1 

est  de .  69,1280 

5.  Le  cylindre  droit,  contenant  la  grande  nacelle  avec  le  chlorure 

de  lithium,  dans  le  vide,  est  en  équilibre  avec .  96,7002 

1  Je  me  suis  assuré,  après  la  fin  de  la  troisième  expérience,  que  la  différence  est  restée  constante  entre  le 
poids,  dans  le  vide,  des  nacelles  dans  lesquelles  j’ai  fondu  à  trois  reprises  successives  du  chlorure  de  lithium 
dans  une  atmosphère  d'acide  chlorhydrique.  Le  métal  du  reste  était  parfaitement  pur. 

Tome  XXXV.  55 


274 


NOUVELLES  RECHERCHES 


4.  Poids  de  l’air  déplacé  par  les  poids  de  platine  soustraits  pour  réta¬ 
blir  l’équilibre  rompu  par  le  chlorure  de  lithium  existant  dans  graro 
la  nacelle .  0,0020 


Pesée  de  l’azotate. 


!.  Poids  du  ballon  plein  d’air  sec,  avec  le  tube  à  chlorure  de  calcium. 
2.  —  du  tube  à  chlorure  de  calcium,  avant  la  pesée  du  ballon. 

5.  —  du  ballon  avec  l’azotate  de  lithium  dans  l'air  sec,  et  avec 

le  tube  à  chlorure;  après  quatre  heures  de  refroidisse¬ 
ment  . 

du  même  ballon,  le  lendemain . 

du  tube  à  chlorure  de  calcium,  après  la  pesée  du  ballon  avec 

l’azotate . 

du  résidu  brunâtre  provenant  de  l’évaporation  de  l’acide  azo¬ 
tique  condensé  lors  de  la  dessiccation  de  l’azotate, 
du  ballon ,  après  la  dernière  expérience  ....... 


4.  — 

5.  — 

6.  — 

7.  — 


548,9250 

61,8745 


604,4580 

604,4595 

61,8750 

0,0058 

487,0490 


Les  données  de  ces  trois  expériences  conduisent  aux  poids  et  aux  résul¬ 
tats  suivants  : 


RAPPORT  PROPORTIONNEL  ENTRE  LE  CHLORURE  ET  L’AZOTATE  DE  LITHIUM. 


NUMÉROS  D'ORDRE. 

E*©1BS 

apparent  du  chlorure 

de 

lithium. 

POIDS 

réel  du  chlorure 

de 

lithium. 

POIDS 

de 

l'azotate  dans  l’air. 

POIDS 

de 

l’azotate  réduit  au 

vide. 

100,000 

de 

chlorure  fournissent 

azotate 

de  lithium. 

gram. 

gram. 

gram. 

gram. 

1 . 

23,0273 

23,0260 

37,4200 

37,43756  (i) 

•162,588 

II . 

30,8360 

30,8342 

50,1430 

30,16833  (>) 

•162,600 

III . 

34,1722 

34,1700 

55,3343 

55,5605  (*) 

162,598 

Moyenne.  . 

•162,595 

(*)  Pour  la  réduction  au  vide  de  l’azolate  de  lithium  j’ai  fixé  à  2,442  la  pesanteur  spécifique  de  ce 

sel,  déterminée 

par  M.  Troost. 

Avant  de  déduire  les  conséquences  qui  découlent  de  la  détermination  du 
rapport  proportionnel  trouvé  entre  les  chlorures  de  potassium ,  de  sodium , 


275 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 

de  lithium,  et  les  azotates  correspondants,  je  vais  exposer  les  résultats  de 
deux  nouvelles  synthèses  de  l’azotate  d’argent,  que  j’ai  faites  à  l’occasion 
de  mes  synthèses  complètes  de  l’iodure  d’argent. 

IL  —  De  la  transformation  de  l’argent  en  azotate. 


U°  Nouvelles  synthèses  de  l’azotate  d’argent. 

Parmi  les  synthèses  de  l’iodure  d’argent  consignées  dans  le  Mémoire  pré¬ 
cédent,  il  y  en  a  deux  pour  lesquelles  j’ai  été  obligé  de  dissoudre  dans  l’acide 
azotique  pur  un  poids  relativement  élevé  de  ce  métal.  J’ai  cru  de  mon  devoir 
de  mettre  cette  nécessité  à  profit  pour  refaire  de  nouvelles  synthèses  de  l’azotaie 
d’argent,  afin  de  pouvoir  vérifier  mes  anciens  résultats,  et  de  déduire  le 
poids  atomique  de  l’azote,  tant  de  la  synthèse  même,  que  du  rapport  en 
poids  de  chlorure  et  d’azotate  produits  par  une  unité  de  poids  d’argent. 

J’ai  employé  dans  ce  but  l’argent  le  plus  pur  que  j’ai  pu  me  procurer  en 
dehors  du  métal  distillé.  Je  l’ai  soigneusement  affiné  au  gaz  tonnant  dans  un 
creuset  de  chaux  (du  marbre) ,  et,  après  l’affinage,  je  l’ai  versé  d’une  assez 
grande  hauteur  dans  de  l’eau  pure  pour  le  transformer  en  grains  à  peu  près 
sphériques.  Une  partie  de  cet  argent  a  été  distillée  et  le  métal  s’est  volatilisé 
sans  laisser  dans  la  cavité  de  chaux  la  moindre  trace  de  résidu  visible  à  l’œil 
armé  de  la  loupe.  Son  titre,  déterminé  en  fonction  de  l’argent  distillé,  a  été 
trouvé  =  99,999;  c’est-à-dire,  du  métal  pur. 

Avant  de  servir,  il  a  été  chauffé  jusqu’au  rouge  en  présence  de  l’air;  on 
l’a  placé  à  cet  effet  dans  un  creuset  d’argent,  et  on  en  a  laissé  opérer  le  refroi¬ 
dissement  à  l’abri  de  l’air  humide.  Sa  pesée  a  eu  lieu  à  la  balance  moyenne  ; 
je  garantis  donc  l’exactitude  du  poids  total  à  0sr,0002  près. 

J’ai  effectué  la  dissolution  du  métal  dans  un  appareil  identique  à  celui  que 
j’ai  décrit  pages  124  et  suivantes  de  la  notice  consacrée  à  la  synthèse  de  l’io¬ 
dure  d’argent.  Je  me  borne  donc  à  reproduire  ici  la  fîg.  8. 


276 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Fig.  22. 


Chaque  partie  de  l’appareil  employé  ayant  déjà  servi  à  plusieurs  reprises, 
sans  subir  d’altération  de  leur  poids  sous  l’influence  de  l’acide  azotique,  j’ai 
cru  inutile  de  les  peser  séparément,  comme  j’ai  l’habitude  de  le  faire  lorsque 
je  me  sers  d’appareils  qui  n’ont  pas  encore  subi  l’épreuve  de  l’expérience. 

L’acide  azotique  normal  et  pur,  destiné  à  l’attaque  du  métal,  a  été  préparé 
avec  les  plus  grands  soins;  j’ai  distillé  dans  une  cornue  de  platine  un  volume 
double  de  celui  que  j’avais  à  employer.  Il  s’est  volatilisé  sans  laisser  trace  do 
résidu.  Je  l’ai  dilué  d’eau  condensée  à  l’aide  d’un  tube  de  platine,  au  point 
de  l’amener  à  1,200  de  densité. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES.  277 

L’attaque  du  mêlai  a  duré  trente  heures  dans  la  première  synthèse,  et  vingt- 
six  heures  dans  la  seconde.  Apres  la  dissolution,  1  eau  acide  contenue  dans 
l’appareil  à  boules  a  été  introduite  dans  le  ballon,  en  imprimant,  dans  ce  but, 
au  tube  un  mouvement  de  rotation  sur  lui-même,  et  je  me  suis  servi  de  l’eau 
de  lavage  versée  dans  la  petite  fiole  de  verre  inattaquable,  pour  enlever  à 
l’appareil  à  boules  les  traces  de  liquide  argentifère  qui  auraient  pu  y  être 
restées  adhérentes;  par  surcroît  de  précaution,  j  ai  fait  passer  eneoie  de 
l’eau  pure  par  la  fiole  et  l’appareil  à  boules,  et  tous  ces  liquides  ont  été  joints 

à  celui  du  ballon. 


Fig.  25. 


278 


NOUVELLES  RECHERCHES 


J’ai  engagé  alors  très-avant  le  col  du  ballon  dans  un  récipient  de  verre 
inattaquable  par  les  acides;  et,  après  avoir  placé  le  corps  du  ballon  sur  une 
rondelle  de  tôle  entourée  d’un  cylindre  de  même  métal,  placée  dans  l’étuve 
à  air  chaud,  et  avoir  incliné  le  tout  de  manière  à  ce  que  le  col  du  ballon  fût 
tant  soit  peu  au-dessous  de  l’horizontale,  j’ai  bien  fixé  le  ballon  et  le  cylindre. 
Pour  empêcher  l’introduction  de  l’air  du  laboratoire  tenant  des  corpuscules  en 
suspension,  j’ai  couvert  de  ouate  l’espace  annulaire  laissé  entre  le  col  et  le 
cylindre,  que  j’ai  serré  à  l’aide  de  linge.  Dans  cet  état,  j’ai  placé  le  svslème 
dans  la  cage  de  verre,  comme  le  montre  la  figure  23. 

J’ai  procédé  à  l’évaporation  de  tout  le  liquide  du  ballon.  Cette  évapora¬ 
tion  a  été  faite  avec  une  lenteur  telle,  que  Veau  acide  condensée  ne  contenait 
aucune  trace  d’argent  entraînée.  Je  me  suis  assuré  de  ce  fait  en  volatilisant 
tout  le  liquide  dans  la  grande  cornue  de  platine,  au  chapiteau  de  laquelle 
j’avais  adapté  un  récipient  pour  empêcher  l’air  ambiant  de  pénétrer  libre¬ 
ment  dans  le  vase  distillatoire.  Lorsque  l’azotate  a  été  amené  à  siccité,  j’ai 
séparé  le  cylindre  et  j’ai  adapté  au  col  du  ballon  le  flacon  percé  et  usé  à 
l’émeri  qui  lui  sert  de  bouchon  ;  j’ai  engagé  dans  l’ouverture  de  ce  flacon 
un  long  tube  de  verre  amenant  jusqu’au  fond  du  ballon  de  l’air  séché  com¬ 
plètement,  après  avoir  été  préalablement  dépouillé  de  matières  organiques 
par  son  passage  à  travers  un  tube  de  verre  contenant  de  la  tournure  de  cuivre 
grillée  et  chauffée  au  rouge. 

J’ai  élevé  en  même  temps  la  température  de  l’azotate  au  point  de  produire 
un  commencement  de  fusion,  et  j’ai  continué  le  courant  d’air  sec  jusqu’à  ce 
que  le  gaz ,  en  sortant  du  ballon ,  eût  perdu  la  propriété  de  rougir  le  papier 
de  tournesol  humecté.  11  m’a  fallu  cinq  heures  de  courant  pour  réaliser  ce 
résultat.  Après  avoir  remplacé  le  long  tube  par  un  tube  à  ponce  sulfurique, 
j’ai  abandonné  le  tout  au  refroidissement  lent. 

L’azotate  était  parfaitement  blanc,  cristallin.  Le  ballon  refroidi  a  été  lavé 
extérieurement  à  l’eau ,  puis  séché.  Je  l’ai  surmonté  enfin  d’un  tube  à  chlo¬ 
rure  de  calcium  avec  lequel  je  l’avais  pesé  plein  d’air  sec,  et  j’ai  procédé  à  la 
détermination  du  poids  du  système  après  une  attente,  d’abord  de  six  heures, 
puis  de  vingt  heures. 

J’ai  soumis  ensuite  le  sel  à  une  chaleur  suffisante  pour  le  fondre,  en  pre- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


279 


liant  soin  de  faire  passer  en  même  temps  de  1  air  pur  et  sec.  Le  gaz  sortant 
du  ballon,  au  moment  où  la  fusion  s’est  produite,  a  rougi  très-faiblement  le 
papier  de  tournesol  humecté,  mais  au  bout  de  quelques  minutes  ce  phéno¬ 
mène  a  complètement  cessé. 

L’azotate  fondu  était  absolument  incolore;  aucun  corps  insoluble  n’y  était 
en  suspension ,  et  les  traces  de  silice  que  j’avais  remarquées  dans  mes  pré¬ 
cédentes  synthèses  faisaient  ici  complètement,  défaut. 

J’ai  abandonné  le  sel  au  refroidissement  dans  le  courant  d’air  sec  et  pur, 
et,  après  avoir  de  nouveau  lavé  et  essuyé  le  ballon,  je  l’ai  surmonté  de  son 
tube  à  chlorure,  avec  lequel  je  l’ai  pesé  une  deuxième  fois,  d’abord  après 
six  heures,  puis  après  vingt-quatre  heures  d’attente.  L’azotate  solidifié  était 
blanc  et  rayonné. 

Quoique  j’eusse  pris  toutes  les  précautions  possibles  pour  exclure  l’air  pen¬ 
dant  l’évaporation  à  siccité  de  la  solution  acide  d’azotate  d’argent,  j’ai  voulu 
néanmoins  déterminer  directement  l’influence  exercée  sur  le  poids  du  sel  par 
les  matières  que  l’air  et  l’acide  peuvent  amener.  Dans  ce  but,  j’ai  repris, 
dans  la  première  synthèse,  l’azotate  par  une  quantité  d’acide  azotique  égale 
à  celle  que  j’avais  versée  sur  l’argent  pour  le  dissoudre,  et  j’ai  procédé  à 
l’évaporation  lente  de  la  solution,  dans  des  conditions  absolument  identiques 
à  celles  dans  lesquelles  je  me  suis  placé  lors  de  la  première  évaporation. 
L’acide  azotique  provenant  de  la  condensation  des  vapeurs,  évaporé  jusqu’à 
siccité  dans  la  grande  cornue  de  platine  ,  n’a  laissé  aucun  résidu  pondérable. 
Le  sel,  dans  le  ballon,  a  été  chauffé  de  nouveau  jusqu’à  son  point  de  fusion, 
et  soumis  à  un  courant  d’air  purifié  et  séché  jusqu’à  ce  que  l’air  sortant  de 
l’enceinte  n’ait  plus  rougi  le  papier  de  tournesol  humide. 

Après  le  refroidissement,  le  lavage  et  la  dessiccation  du  ballon,  je  l’ai 
pesé  avec  son  tube  à  chlorure  de  calcium. 

J’ai  amené  enfin  le  sel  à  l’état  de  fusion  dans  un  courant  lent  d’air  sec  et 
pur,  qui  en  a  éliminé ,  comme  dans  la  fusion  précédente ,  des  traces  de  va¬ 
peurs  acides,  qui  ont  cessé  de  se  produire  au  bout  de  quelques  minutes.  Ce 
résultat  atteint,  j’ai  abandonné  l’azotate  au  refroidissement  hors  des  atteintes 
de  l’air  humide,  et  ayant  lavé  et  séché  le  ballon,  je  l’ai  muni  de  son  tube  à 
chlorure  et  je  l’ai  pesé  de  nouveau.  Le  poids  final  a  été  le  même ,  dans  la 
limite  d’ exactitude  de  la  pesée  d’un  ballon  de  cette  dimension. 


280 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Comme  l’azotale  était  destiné  à  être  transformé  en  sulfate  qui,  à  son  tour, 
devait  être  converti  en  iodure,  je  n’ai  pas  pu  en  distraire  une  trace  pour 
m’assurer  si  la  solution  aqueuse  était  neutre.  Mais  mes  précédentes  déter¬ 
minations  répondent  suffisamment  à  cette  question,  et  j’ose  affirmer  que 
l’azotate  fondu  dans  les  conditions  où  je  me  suis  placé  est  plutôt  alcalin 
qu 'acide,  comme  c’est  le  cas  pour  les  azotates  de  potassium,  de  sodium,  de 
lithium  fondus,  et  probablement  pour  les  azotates  de  rubidium  et  de  cæsium 
fondus. 

Par  ce  qui  précède  on  voit  que,  pour  exécuter  ces  synthèses,  j’ai  pris 
toutes  les  précautions  possibles,  et  cependant  les  résultats  auxquels  je  suis 
arrivé  sont  identiques  à  ceux  que  j’ai  observés  en  1857  et  en  1858. 

Voici  toutes  les  données  de  ces  deux  expériences  : 


Première  synthèse  de  l’azotate  d’argent. 


1.  Poids  de  l’argent,  dans  l'air . 

2.  —  du  ballon  plein  d’air  sec,  avec  le  témoin  à  chlorure  de  cal¬ 

cium  . 

5.  —  du  témoin  à  chlorure  de  calcium . 

4.  —  du  ballon  avec  l’azotate  chauffé  à  son  point  de  fusion,  dans 

un  courant  d’air  pur,  jusqu’à  ce  que  l'air  ne  rougisse 
plus  le  papier  de  tournesol  humide,  et  avec  le  témoin  à 

chlorure  . 

h.  —  du  même  système,  le  lendemain . 

0.  —  du  ballon  et  du  tube  à  chlorure,  avec  l’azotate  fondu  dans 
de  l’air  pur  et  sec,  et  maintenu  dans  le  courant  jusqu’à 
ce  que  l’air  dégagé  eût  cessé  de  rougir  le  tournesol  hu¬ 
mide . 

7.  —  du  système  précédent,  le  lendemain . 


S.  —  du  ballon  et  du  tube  à  chlorure,  avec  l’azotate  chauffé  à  son 
point  de  fusion  dans  un  courant  d’air  pur,  après  avoir  été 

dissous  dans  de  l’acide  azotique  pur . 

!).  —  du  ballon  avec  le  témoin  à  chlorure  et  avec  l’azotate  fondu 

dans  un  courant  d’air  sec . 

10.  —  du  témoin  à  chlorure  de  calcium,  après  la  dernière  pesée. 


gram. 

156,2870 

550,7547 

65,7042 


765,5670 

765,5674 


765,5545 

765,5548 


765,5665 

765,5565 

65,7051 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


281 


Deuxième  synthèse  de  V azotate  i l'argent . 


1.  Poids  de  l’argent,  dans  l’air . 

2.  —  du  ballon  plein  d’air  sec,  avec  le  témoin  à  chlorure  de  cal¬ 

cium  . 

5.  —  du  témoin  à  chlorure  de  calcium . 

4.  —  du  ballon  avec  le  témoin  et  l’azotate  séché  à  son  point  de 

fusion,  jusqu’à  ce  que  l’air  dégagé  eût  cessé  de  rougir  le 
tournesol  humide . 

5.  —  du  ballon  avec  le  témoin  et  l’azotate  séché  et  fondu  dans 

un  courant  d’air,  jusqu’à  ce  que  le  gaz  sortant  ne  rougît 
plus  le  papier  de  tournesol  humide . 


grain. 

82,3181 


550,7560 

65,7055 


680,5850 


680,5605 


Ces  données  conduisent  aux  poids  et  aux  résultats  suivants  : 


SYNTHÈSES  DE  l\4ZOTAT£  d’ARGENT. 


Nos 

D’ORDRE. 

POIDS 

POIDS 

POIDS 

de  l’azotate  d’argent  desséché 
à  son  point  de  fusion  : 

POIDS 

de 

l’azotate  d’argent  fondu  : 

AZOTATE  D’ARGENT 

produit 

par  100,000  de  métal  : 

de 

l’argent  dans 

l’air. 

de 

l’argent  dans 

le  vide. 

A 

dans  l’air. 

B 

dans  le  vide. 

A 

dans  l’air. 

B 

dans  le  vide. 

A 

d’après  le  poids 
du 

sel  séché 
à  son  point  de 
fusion. 

B 

d  'après  le  poids  | 
du 

sel  fondu. 

I*  . . . 

gram. 

136,2870 

gram. 

136,2932 

gram. 

214,6122 

gram. 

214,6600 

gram. 

214,3987 

gram. 

214,6462 

137,4964 

137,488 

II  1  .  .  . 

82,3181 

82,3231 

129,6270 

129,6555 

129,6133 

129,6420 

157,4940 

157,480 

Moyennes . 

157,4932 

157,484 

»  Les 

poids  employés  étaient  en  platine. 

En  comparant  le  poids  de  l’azotate  d’argent,  séché  à  son  point  de  fusion, 
Tome  XXXV.  56 


282 


NOUVELLES  RECHERCHES 


au  poids  de  l’azotate  fondu,  on  s’aperçoit  que  le  premier  est  légèrement 
supérieur  au  second.  Ces  résultats  numériques  sont  d’accord  avec  l’observa- 
vation.  J’ai  remarqué,  en  effet,  dans  mes  anciennes  synthèses  comme  dans 
mes  nouvelles,  que  le  sel  en  fondant  dégage  des  traces  d’acide  azotique.  Le 
poids  du  composé,  chauffé  à  son  point  de  fusion,  est  supérieur  de  à 

celui  du  sel  fondu. 

On  doit  donc  prendre  comme  un  maximum  le  poids  de  l’azotate  séché  à  son 
point  de  fusion;  et,  eu  égard  à  l’altérabilité  extrême  de  ce  sel  sous  l’influence 
des  matières  en  suspension  dans  l’air,  je  ne  doute  aucun  instant  que  le  poids 
du  composé,  après  sa  fusion,  ne  doive  être  considéré  comme  un  minimum. 

Parmi  les  synthèses  inscrites  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réci¬ 
proques  des  poids  atomiques,  il  y  en  a  qui  coïncident  exactement  avec  la 
moyenne  qui  résulte  de  ces  expériences.  La  moyenne  elle-même  de  mes 
anciennes  synthèses  ne  diffère  que  de  de  ce^e  (lu*  dérive  de  mes  nou¬ 
velles  déterminations. 

C’est  contre  mes  synthèses  de  l’azotate  d’argent  qu’ont  été  dirigées  les  seules 
objections  de  faits  qu’on  a  trouvé  à  formuler  contre  les  données  numériques 
consignées  dans  mon  travail  sur  les  poids  atomiques.  Je  le  conçois,  parce 
que  les  résultats  de  ces  déterminations  sont  absolument  inconciliables  avec 
l’hypothèse  de  Prout.  Du  reste,  je  suis  pleinement  convaincu  que  les  chimistes 
qui  voudront  répéter  cette  synthèse  fondamentale,  au  point  de  vue  du  poids 
atomique  de  l’argent  et  de  l’azote,  arriveront  aux  mêmes  résultats,  du  moment 
qu’ils  prendront  les  précautions  nécessaires  pour  empêcher  l’altération  de 
l’azotate  d’argent  produit. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


283 


CONCLUSIONS. 


Pour  terminer,  je  vais  exposer  les  conséquences  qui  découlent  des  déter¬ 
minations  du  rapport  proportionnel  entre  les  chlorures  de  potassium,  de 
sodium,  de  lithium  et  leur  azotate  correspondant,  et  entre  l’argent  et  l’azo¬ 
tate  de  ce  métal.  Dans  ce  but,  je  vais  chercher  le  poids  moléculaire  de 
chacun  des  azotates  produits  dans  les  expériences,  en  supposant  successive¬ 
ment  ,  d’après  l’hypothèse  de  Prout  : 


Le  potassium  . 
Le  — 

Le  — 

Le  sodium  . 

Le  lithium  .  . 

L’argent .  .  . 

Le  chlore  .  . 

L’azote  .  .  . 

Et  l’oxygène  . 


=  50,000 
=  59,125 
=  59,250 
=  25,000 
=  7,000 

=  108,000 
=  55,500 
=  14,000 
=  16,000 


Je  déduirai  des  poids  moléculaires  trouvés  la  différence  qui  existe  entre 
eux  et  le  poids  moléculaire  des  chlorures,  calculés  d’après  l’hypothèse  de 
Prout.  Si  cette  hypothèse  est  exacte,  cette  différence  doit  être  égale  à  26,50, 
comme  je  l’ai  établi  dans  l’introduction  de  ce  travail.  Je  chercherai  ensuite 
la  valeur  des  poids  moléculaires  de  ces  azotates,  en  combinant  le  résultat  des 
transformations  des  chlorures  en  azotates,  avec  le  poids  moléculaire  des  chlo¬ 
rures  qui  dérivent  des  déterminations  expérimentales,  consignées  dans  mes 
Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomiques  et  dans  le  Mé¬ 
moire  actuel. 

a.  Chlorure  et  azotate  de  potassium.  —  Des  sept  déterminations  du 
rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  potassium,  il  résulte 


284 


NOUVELLES  RECHERCHES 


que  100,000  EC h  ont  produit  en  moyenne  135,6423,  avec  un  écart  moyen 
de  0,0085,  en  supposant  : 

K  =  59,000;  100,000  KC/i  donnent  155,570,  différence  avec  l’expérience.  .  .  0.0725 

K  =  59,125;  100,000  KC/t  id.  155,510,  id.  id.  .  .  .  0,1525 

K  =59,250;  100,000  KC/i  id.  155,451,  id.  id.  .  .  .  0,1915 

Si  l’on  déduit,  du  poids  de  l’azotate  de  potassium  produit  par  l’expérience, 
le  poids  moléculaire  de  ce  sel,  et  qu’on  retranche  ensuite  de  la  valeur  ob¬ 
tenue  le  poids  moléculaire  du  chlorure,  on  arrive  aux  résultats  suivants: 

K  =  59,000;  KAzO3  =  101,055  —  (KC/i)  74,500  =  26,555 

K  =  59,125;  KAcO3  =  101,215  —  (KC/i)  74,625  =  26,588 

K  =  59,250;  KAzO3  =  101,591  —  (KC/i)  74,750  =  26,644 

M.  Dumas,  qui  le  premier  a  porté  le  poids  atomique  du  potassium  à  39,000, 

a  reconnu  plus  tard  que  ce  chiffre  est  trop  faible  '.  D’après  lui,  il  doit  être  ou 
39,125  ou  39,250.  Je  vais  donc  écarter  le  premier  chiffre,  qui,  en  effet, 
est  inconciliable  avec  mes  déterminations  du  rapport  proportionnel  entre  le 
chlorure  de  ce  métal  et  l’argent,  et  ne  raisonner  que  sur  les  deux  derniers 
poids  atomiques. 

Si  je  compare  l’excédant  d’azotate  produit  par  100,000  de  chlorure,  je 
trouve  que,  Sa  étant  39,125,  la  différence  entre  le  calcul  et  l’expérience 
est  seize  fois  plus  considérable  que  l'écart  moyen  qui  existe  dans  la  valeur 
de  mes  déterminations.  Si  je  prends  K  ==  39,25  la  différence  est  vingt-deux 
fois  et  demie  plus  considérable  que  l’écart  moyen.  De  plus,  dans  les  deux 
cas,  la  différence  excède  le  chiffre  26,50  de  0,09  à  0,10. 

En-admetlant  donc,  par  hypothèse,  que  les  poids  atomiques  du  potassium 
et  du  chlore  soient  représentés  par  des  sous-multiples  de  l’hydrogène,  il  est 
absolument  impossible  que  l’azote  soit  14,00. 

Si  je  substitue  maintenant  à  ces  valeurs  hypothétiques  les  poids  atomiques 
qui  dérivent  de  mes  travaux,  je  trouve  que  le  poids  moléculaire  de  l’azotate 
de  potassium  doit  être  égal  à  101,176,  et  que  la  constante  doit  être  égale 
à  26,586. 

Correspondance  privée . 


i 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


285 


b.  Chlorure  et  azotate  de  sodium.  —  Des  cinq  déterminations  du  rapport 
proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  sodium  il  résulte  que  : 

100,000  NaC/t  ont  produit  en  moyenne  143,4570  NaAzO3  avec  un  écart  moyen  de  0,0125 
N»  =  25,00  :  100,000  NaC h  donnent  145,2990  NaAzO3,  différence . 0,1550 

Si  l’on  déduit,  du  poids  de  l’azotate  de  sodium  produit  par  l’expérience,  le 
poids  moléculaire  de  ce  sel,  et  qu’on  retranche  ensuite  de  la  valeur  obtenue 
le  poids  moléculaire  du  chlorure ,  on  obtient  le  résultat  suivant  : 

Na  U  25,00;  NaAzO5  ==  83,091  —  (NaC/i)  58,50  =  26,591 

En  comparant  le  poids  de  l’azotate  produit  à  celui  qui  aurait  dû  prendre 
naissance,  je  trouve  une  différence  qui  est  douze  fois  plus  grande  que  1  écail 
moyen  qui  existe  entre  mes  expériences,  et  je  constate  que  la  différence  entre 
le  poids  moléculaire  de  l’azotate  et  celui  du  chlorure  excède  de  0,091  la 
constante  26,50. 

c.  Chlorure  et  azotate  de  lithium.  — Des  trois  déterminations  du  rappoit 
proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  lithium,  il  résulte  que  : 

100,000  LiCh  produisent  en  moyenne  162,395  LiAzO  avec  un  écart  moyen  de  0,006 
Li  =  7,00  : 100,000  LiCh  donnent  162,552  LiAzO3,  différence  ....  0,245 

Si  l’on  déduit,  du  poids  de  l’azotate  de  lithium  produit  par  l’expérience,  le 
poids  moléculaire  de  ce  sel ,  et  qu’on  retranche  ensuite  de  la  valeui  obtenue 
le  poids  moléculaire  du  chlorure,  on  arrive  au  résultat  suivant  . 

U  =  7,00;  LiAzO3  =  69,105  -  {LiCh)  42,500  =  26,605. 

La  différence  entre  le  poids  de  l’azotate  de  lithium  produit  en  réalité  et 
le  poids  de  l’azotate  qui  devrait  se  produire  d’après  l’hypothèse  est  quarante 
fois  plus  considérable  que  l’écart  moyen  que  j’ai  observé  dans  les  expériences. 
La  constante  dépasse  d’un  dixième  le  chiffre  calculé  : 

En  supposant  Li  =  7,022  comme  je  Lai  trouvé,  dans  ce  cas  : 

LiAzO3  =  69,068  —  [LiCh)  =  42,479  =  26,5894. 


286 


NOUVELLES  RECHERCHES 


d.  Synthèse  de  l'azotate  d'argent.  Rapport  proportionnel  entre  le  chlorure 
de  sodium  et  l’argent.  —  Les  nouvelles  synthèses  de  l'azolate  d’argent  ont 
démontré  que  : 

100,000  A  g  produisent  en  moyenne  157,484  A</Az03  avec  un  écart  moyen  de  0,004 
d’où  A  g  =  108,  A^AzO3  =  170,082  et  Az  =  14,082 
A  g  =  107,93  AgAzO*  =  169,972  et  Az  =  14,042. 

Dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  de  poids  atomiques 
j’ai  trouvé  que  : 

100,000  A  y  produisent  132,850  de  chlorure, 

Si  je  suppose  kg  =  108  et  C h  =35,5  d’après  l’hypothèse  de  Prout; 

100,000  kgC.h  =  118,542  AgrÂzO3. 

d’où  l’on  déduit  que  : 

AgkzO’’  devient  170,107  —  {AgCh)  145,5  =  26,607. 

La  constante  dépasse  d’un  dixième  d’atome  le  chiffre  calculé. 

Si  je  prends  kg  =  107,93  et  C  h  =  35,457  qui  dérivent  de  l’expérience, 
alors  : 

A</Az03  =  169,974  —  [AgCh)  145,387  =  26,587. 


Parmi  les  faits  consignés  dans  le  Mémoire  sur  les  lois  des  proportions 
chimiques ,  il  se  trouve  un  très-grand  nombre  de  déterminations  nouvelles 
du  rapport  proportionnel  entre  l’argent  et  le  chlorure  de  sodium,  exécutées 
dans  le  but  de  rechercher  le  titre  de  l’argent  de  différentes  provenances. 
Ces  expériences  ont  été  effectuées  avec  un  soin  et  une  exactitude  qu’il  me 
serait  impossible  de  dépasser.  En  prenant  l’argent  obtenu  par  l’électrolyse 
du  cyanure  d’argent  et  d’ammonium  pur,  et  affiné  encore  au  gaz  tonnant , 
ou  en  partant  de  l’argent  distillé,  j’ai  trouvé  que  100,000  d’argent  exigent 
entre  54,2065  et  54,2075  de  chlorure  de  sodium.  La  moyenne  de  mes 
anciennes  déterminations  est  54,2078;  mais  j’ai  constaté  par  deux  essais 
directs  que  le  chlorure  employé  à.la  détermination  du  titre  de  l’argent  ren- 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


287 


ferme  entre  0,000047  et  0,000050  de  silice  mêlée  de  silicate  de  sodium; 
son  titre  moyen  est  donc  99,99515.  Les  54,2070  sont  donc  ramenés  à 
54,204  de  chlorure  réel. 

Du  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azolale  de  sodium ,  il  résulte 
que  le  poids  moléculaire  de  ce  chlorure  ne  doit  être  ni  inférieur  à  58,500,  ni 
supérieur  à  58,502.  Si  je  déduis  le  poids  atomique  de  l’argent  de  cette 
valeur  et  du  rapport  proportionnel  entre  ce  métal  et  le  chlorure  alcalin ,  je 
trouve  A  g  =  107,9256. 

Inversement,  si  je  prends  kg  —  107,93  ,  valeur  qui  dérive  de  l’ensemble 
des  travaux  de  M.  Marignac  et  des  miens,  je  trouve  pour  poids  moléculaire 
du  chlorure  sodique  :  58,502. 

Ce  contrôle  indirect  me  donne  le  droit  de  fixer  le  poids  moléculaire  de 
l’azotate  d’argent  à  1 69,974 ,  et  dans  ce  cas  la  différence  entre  ce  poids  molé¬ 
culaire  et  le  poids  moléculaire  du  chlorure  de  ce  métal  doit  être  nécessaire¬ 
ment  égale  à  26,587. 

Des  poids  atomiques  qui  dérivent  des  précédentes  recherches. 

En  ce  qui  concerne  l’azote  : 

En  récapitulant  la  valeur  de  la  constante  trouvée  par  I "expérience  entre 
le  poids  moléculaire  de  l’azotate  et  celui  du  chlorure  des  quatre  métaux  que 
je  viens  d’indiquer,  et  en  déduisant  de  cette  valeur  le  poids  atomique  des 
éléments  qui  sont  intervenus,  j’arrive  aux  résultats  partiels  et  généraux  sui¬ 
vants  : 

La  différence  entre  le  poids  moléculaire  du  chlorure  et  de  l’azotate 

de  potassium  est . 

La  différence  entre  le  poids  moléculaire  du  chlorure  et  de  l’azotate 

de  sodium  est . 

La  différence  entre  le  poids  moléculaire  du  chlorure  et  de  l’azptate 

de  lithium  est . 

La  différence  entre  le  poids  moléculaire  du  chlorure  et  de  l’azotate 

d’argent  est . 

Moyenne  .... 

Différence  d’après  l’hypothèse  de  Prout . 

Différence.  .  .  . 


26.586 
26,591 
26,589 

26.587 

26,5882 

26,5000 

0,0882 


288 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Ce  chiffre  se  compose  de  la  somme  des  différences  existant  entre  la  valeur 
expérimentale  des  poids  atomiques  du  chlore  et  de  l’azote,  et  la  valeur  cal¬ 
culée  pour  ces  deux  corps  d’après  l’hypothèse. 

Si  je  prends  CA  =  35,457  ,  la  différence  entre  le  poids  expérimental  et  le 
poids  calculé  du  chlore  est  0,043,  le  poids  atomique  de  l’azote  déduit  de  ces 
quatre  différences  devient  donc  : 


1° 

Du  rapport  de 

KC h  à  KAzO3, 

A  z  =  14,045 

2° 

de 

N«C/<  à  NaAzO3, 

Az  =  14,048 

5° 

— -  de 

LiCh  à  Lt'AzO3, 

A  z  =  14,046 

4° 

—  de 

AgCh  à  At/AzO3, 

Az  =  14,044 

Moyenne . A  z  =  14,045 


Le  poids  atomique  de  l’azote,  déduit  du  rapport  en  poids  du  chlorure  et  de 
l’azotate  déterminé,  en  faisant  intervenir  quatre  métaux,  dont  Jmssont  les 
mieux  connus  parmi  tous  les  éléments  existant,  est  donc  14,045  avec  un 
écart  moyen  qui  ne  dépasse  sa  valeur  que  de  4  010-^. 

Mes  anciennes  synthèses  tic  lazolate  d’argent  m’ont  conduit  au  chiffre 


moyen  de .  14,041 

Mes  nouvelles  synthèses  de  cet  azotate  donnent  [Ag  —  107,95)  en 

moyenne .  14,042 

Moyenne  générale.  .  .  .  14,044 


En  soumettant  ces  données  au  calcul  des  probabilités ,  on  arrive  aux  résul¬ 
tats  suivants  : 


La  moyenne  générale  étant .  14,044 

La  somme  des  carrés  des  erreurs  est .  0,000054 


Ce  qui  donne  : 


Erreur  moyenne  d  une  observation  isolée .  0,002601685 

probable  —  .  0,001758854 

—  moyenne  du  résultat  moyen .  0,001062154 

—  probable  —  0,0007180485 

Mesure  de  précision  du  résultat  moyen, . H  =  665,7425 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


289 


La  probabilité  que  la  moyenne  14,044  soit  en  erreur  de  x  sur  la  valeur 
véritable  du  résultat  étant  donnée  par  la  formule  : 


n  étant  le  rapport  de  la  circonférence  au  diamètre,  et  e  la  base  des  loga¬ 
rithmes  népériens; 

D’après  cela,  la  probabilité  que  cette  véritable  valeur  tombe  à 


4  4,040 ,  est . y  =  0,51278 

Pour  44,050,  on  a . y  —  0,0.  ...0(35  zéros)  701 

Pour  14,020,  on  a . y  —  0,0.  ...  0  (108  zéros)  505 

Pour  14,010,  on  a . y  —  0,0.  ...  0  (219  zéros)  115 

Pour  14,000,  on  a . y  =  0,0.  ...  0  (570  zéros)  879 


La  valeur  de  14,040  est  donc  possible,  puisqu’elle  a  en  sa  faveur  trois 
chances  sur  dix  ;  mais  la  valeur  14,030  est  déjà  excessivement  improbable, 
et  les  autres  peuvent  être  considérées  comme  matériellement  impossibles. 

Ces  recherches  établissent  à  suffisance  de  preuve  que  la  valeur  i  4,00  , 
admise  actuellement  par  presque  tous  les  chimistes  comme  représentant  le 
poids  atomique  de  l’azote,  l’oxygène  étant,  par  hypothèse  =  16,00,  est 
inexacte;  le  chiffre  14,00  est  en  erreur  de 

En  ce  qui  concerne  le  chlore  : 

De  l’ensemble  des  transformations  des  chlorures  en  azotates ,  il  découle 
que  le  poids  atomique  du  chlore  doit  être  compris  entre  33,455  et  35,460'. 
Ces  transformations  confirment  donc  la  moyenne  35,457  résultant  de  l’en¬ 
semble  des  travaux  de  M.  Penny,  de  M.  Marignac,  et  de  mes  propres  essais 
exposés  dans  les  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomi¬ 
ques  et  dans  mon  ti’avail  actuel. 

En  ce  qui  concerne  le  potassium,  le  sodium,  le  lithium,  l’argent  : 

Ces  déterminations  prouvent  que  : 


La  valeur  du  potassium  est 

comprise  entre  .  . 

.  .  .  59,450  et  59,455 

La  valeur  du  sodium 

id.  .  . 

.  .  .  25,042  et  25,045 

La  valeur  du  lithium 

id.  .  . 

.  .  .  7,020  et  7,024 

La  valeur  de  l’argent 

id.  .  . 

.  .  .  407,9250  et  407,930 

Tome  XXXV. 


37 


290 


NOUVELLES  RECHERCHES 


Dans  nies  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  ulo- 


miques,  j’ai  fixé  le  poids  atomique  du  potassium  à .  39,150 

Dans  le  même  travail,  j’ai  trouvé  pour  le  sodium .  25,040 


(C’est  par  erreur  que  j’ai  donné  25,05,  comme  il  est  facile  de  le 
constater  en  vérifiant  les  calculs.) 

Dans  le  présent  Mémoire  je  suis  arrivé,  par  les  déterminations  du 

rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  de  lithium  et  l’argent,  à  .  Li  —  7,022 

Enfin,  de  l’ensemble  des  travaux  sur  les  composés  du  chlore,  du 

brome,  de  l'iode  et  du  soufre  avec  l’argent,  j’ai  déduit.  .  .  .  Ag  —  107,950 


Tous  ces  chiffres  se  confondent  évidemment  avec  les  précédents,  ou  plu¬ 
tôt  ils  sont  complètement  identiques.  Il  ne  peut  rester  de  doute  sur  leur  exac¬ 
titude  dans  la  limite  à  laquelle  il  est  possible  d’atteindre  par  nos  moyens 
actuels  d’investigation. 

Il  me  reste,  pour  terminer  ce  Mémoire ,  à  communiquer  des  travaux, 
faits  sur  les  déterminations  du  rapport  proportionnel  entre  le  bromure  de 
potassium  et  l’argent,  travaux  entrepris  déjà  avant  la  publication  de  mes 
Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomiques ,  dans  le  but 
de  contrôler  la  valeur  que  j’ai  trouvée  pour  le  potassium. 

15°  Détermination  du  rapport  proportionnel  entre  le  bromure 

de  potassium  et  l’argent. 

Avant  la  publication  de  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des 
poids  atomiques ,  j’avais  déterminé  à  plusieurs  reprises  le  rapport  propor¬ 
tionnel  entre  le  bromure  de  potassium  et  l’argent;  j’avais  entrepris  ces  re¬ 
cherches  dans  le  but  de  contrôler  les  travaux  que  je  venais  d’accomplir  sur 
le  chlorure  et  le  chlorate  de  potassium.  Je  n’ai  point  livré  ces  déterminations 
à  la  publicité ,  parce  qu’il  me  manquait  encore  le  poids  atomique  du  brome, 
qui  en  est  le  complément  indispensable.  Depuis  celte  époque,  j’ai  eu  l’occa¬ 
sion  de  reprendre  un  grand  nombre  de  fois  ces  recherches;  je  vais  réunir 
ici  tous  les  résultats  auxquels  je  suis  parvenu. 

Les  différents  échantillons  de  bromure  de  potassium  sur  lesquels  j’ai  opéré, 
proviennent  tous,  sauf  un,  du  bromate  de  ce  métal.  Mais  le  sel  employé  poul¬ 
ie  produire  a  été  préparé  dans  des  conditions  très-variées. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


291 


Lorsque  j’ai  entrepris  mes  travaux  sur  le  bromure ,  j’étais  sous  l’influence 
d’illusions  que  l’expérience  est  venue  détruire  plus  tard.  Je  croyais  que  la 
voie  de  la  cristallisation  répétée  était  capable  de  fournir  les  sels  des  métaux 
alcalins  complètement  dépouillés  de  silice.  Je  pensais  également,  avec  la  plu¬ 
part  des  chimistes,  que  le  chlorate  et  le  bromate  de  potassium  purifiés,  comme 
je  l’ai  exposé  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des  poids 
atomiques ,  peuvent  être  ramenés  par  l’action  de  la  chaleur  en  chlorure, 
bromure  et  en  oxygène ,  sans  qu’une  trace  de  chlore  ou  de  brome  devienne 
libre.  Une  minutieuse  investigation  m’a  complètement  détrompé  à  cet  égard; 
je  l’ai  dit,  du  reste,  dans  l’introduction  de  mon  travail  Sur  l’invariabilité 
des  rapports  en  poids  des  éléments  formant  les  combinaisons  chimiques. 

En  soumettant  le  bromate  de  potassium  purifié ,  autant  qu’il  a  été  en  mon 
pouvoir  de  le  faire,  à  l’action  d’une  chaleur  capable  de  provoquer  un  déga¬ 
gement  très-lent  d’oxygène,  on  parvient,  en  prolongeant  suffisamment  l’ex¬ 
périence,  à  éliminer  les  trois  quarts  environ  de  la  quantité  totale  de  l’oxygène 
qu’il  peut  fournir.  L’oxygène,  ainsi  dégagé,  m’a  paru  absolument  dépouillé  de 
brome;  mais,  arrivée  à  ce  moment,  la  décomposition  s’arrête,  et  pour  qu’elle 
reprenne,  il  faut  de  toute  nécessité  qu’on  élève  considérablement  la  tempéra¬ 
ture.  Or,  quelque  soin  que  l’on  prenne  dans  l’application  de  la  chaleur, 
il  survient  un  moment  où  certaines  parties  de  la  masse  saline  s’échauffent 
spontanément,  parviennent  parfois  jusqu’à  l’incandescence;  il  se  produit 
alors  une  légère  déflagration  avec  dégagement  très-rapide  d’oxygène  qui  est 
mêlé  de  brome.  On  constate  même  ce  fait  à  la  simple  vue ,  car  alors  l’atmos¬ 
phère  du  vase  dans  lequel  la  réaction  s’accomplit  est  légèrement  teintée  en 
jaune  par  la  vapeur  de  brome,  et  l’oxygène  en  présente  l’odeur  caractéristique. 
Le  fait  de  la  déflagration  est  indiqué  par  les  chimistes  qui  se  sont  occupés  de 
la  décomposition  du  bromate,  et  notamment  par  MM.  Rammelsberg  et  Mari- 
gnac,  mais  la  production  du  brome  n’est,  à  ma  connaissance,  signalée  nulle 
part. 

Ayant  eu  à  ma  disposition  une  grande  quantité  de  bromure  de  potassium 
pur,  provenant  de  la  décomposition  du  bromate ,  j’ai  essayé  si,  en  mélangeant 
neuf  dixièmes  de  ce  composé  avec  un  dixième  de  bromate ,  je  ne  parvien¬ 
drais  pas  à  décomposer  ce  sel  sans  mettre  du  brome  en  liberté.  Toutes  mes 


292 


NOUVELLES  RECHERCHES 


tentatives  sont  restées  vaines.  Lorsque  la  température  du  méiange  eut  atteint 
le  degré  auquel  j’ai  vu  l’espèce  de  déflagration  se  produire  en  opérant  avec 
le  bromate  seul,  ce  sel,  mêlé  intimement  de  bromure,  a  fourni  de  l’oxygène 
et  du  brome  à  la  fois. 

Eu  égard  au  poids  du  bromate  soumis  à  l’expérience,  la  quantité  de  brome 
qui  prend  ainsi  naissance  est  extraordinairement  petite;  mais  je  le  répète, 
la  constance  de  sa  production  est  indubitable.  La  conséquence  nécessaire  de 
ce  fait  est  que  le  bromure  de  potassium  doit  renfermer  une  quantité  propor¬ 
tionnelle  de  peroxyde  de  ce  métal. 

Lorsqu’on  emploie,  pour  la  détermination  du  rapport  moléculaire,  du  bro¬ 
mure  obtenu  par  l’action  directe  de  la  chaleur  sur  le  bromate ,  le  résultat 
peut  donc  être  affecté  d’une  double  cause  d’erreur  :  l’une  due  à  l’existence 
de  traces  de  silice,  l’autre  à  la  présence  de  traces  de  peroxyde  de  potassium. 
Quelques-uns  des  résultats  consignés  plus  bas  sont  probablement  en  défaut 
par  ces  sources  d’erreurs.  Lorsque  j’en  ai  été  prévenu,  j’ai  tout  fait  pour  m’en 
mettre  à  l’abri.  Pour  une  bonne  moitié  de  mes  déterminations,  je  crois  avoir 
éliminé  l’une  d’elles,  la  présence  du  peroxyde  de  potassium;  mais  j’ai  la 
certitude  de  ne  pas  avoir  pu  opérer  la  séparation  absolue  de  la  silice  d’un 
seul  des  nombreux  échantillons  de  bromure  que  j’ai  soumis  à  l’expé¬ 
rience. 

Ces  explications  préliminaires  données ,  il  me  reste  maintenant  à  exposer 
brièvement  les  moyens  employés  pour  me  procurer  les  différents  bromures 
qui  ont  servi  aux  déterminations. 

Bromure  du  bromate  de  potassium  obtenu  par  l’action  du  chlore  sur  un 
mélange  de  bromure  et  d’hydrate  de  potassium. 

Dans  la  notice  intitulée  :  Nouvelles  synthèses  du  bromure  d’argent , 
insérée  dans  le  .Mémoire  précédent,  est  exposée  la  méthode  que  j’ai  suivie 
pour  me  procurer  du  bromate  de  potassium  par  l’action  du  chlore  sur  un 
mélange  d’hydrate  de  potassium  et  de  bromure,  dépouillé  préalablement 
d’iode.  La  majeure  partie  des  échantillons  de  bromure  provenait  du  bromate 
préparé  par  celte  voie,  soit  que  j’aie  préparé  moi-même  ce  sel  en  opérant 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


293 


à  la  fois  sur  un  kilogramme  de  bromure  purifié,  soit  que  je  me  sois  servi 
du  sel,  obtenu  en  fabrique,  sous  ma  direction,  en  iransformant  à  deux  re¬ 
prises  vingt  kilogrammes  de  bromure  en  bromate.  A  l’occasion  de  la  prépa¬ 
ration  du  brome  pur,  je  suis  entré  dans  suffisamment  de  détails,  au  sujet  de 
cette  transformation  et  de  la  purification  du  bromate,  pour  que  je  puisse  me 
dispenser  d’y  revenir  ici.  Je  crois  pouvoir  me  borner  à  indiquer  les  moyens 
auxquels  j’ai  eu  recours  pour  ramener  ce  sel  à  l'état  de  bromure,  aussi  pur 
que  possible. 

Du  bromate  de  potassium,  produit  en  présence  d’un  excès  de  brome,  après 
avoir  cristallisé  quatre  fois,  pour  le  dépouiller  de  la  dernière  trace  de  chlo¬ 
rure,  fut  ramené  dans  un  vase  de  porcelaine  1 ,  à  l’état  de  bromure,  à  l’aide 
d'une  chaleur  convenablement  ménagée.  Après  le  refroidissement  ,  le  bromure 
fut  repris  par  de  l’eau,  et  la  solution  fut  mêlée  de  bromure  d’ammonium,  pré¬ 
paré  à  l’aide  du  brome  extrait  d’une  partie  du  bromure  de  potassium.  Le 
tout  fut  évaporé  jusqu’à  siccité,  et  chauffé  jusqu’à  ce  que  le  bromure  d’am¬ 
monium  fût  complètement  volatilisé;  ce  qui  ne  s’obtient  qu’à  l  aide  d’une 
température  très-élevée  et  longtemps  continuée.  Le  bromure  a  été  soumis 
ensuite  à  la  fusion,  dans  un  double  creuset  de  platine.  J’ai  enlevé  au  com¬ 
posé  fondu  tous  les  points  brillants  qui  y  nagaient,  à  l’aide  d’une  pelotte  de 
fils  très-fins  de  platine  attachée  à  une  tige  de  ce  même  métal.  Après  un  re¬ 
froidissement  suffisant  pour  solidifier  le  tiers  environ  de  la  masse,  j’ai  dé¬ 
canté  dans  une  capsule  de  platine  le  liquide  au  travers  des  cristaux  formés. 

Le  bromure  était  incolore ,  transparent  et  dépourvu  de  toute  propriété  hy¬ 
grométrique.  Sa  solution  était  tout  à  fait  neutre  au  tournesol,  mais  elle  man¬ 
quait  d’une  limpidité  absolue.  Abandonnée  pendant  quelques  jours  au  repos, 
elle  a  fini  par  déposer  des  traces  impondérables  de  silice. 

5sr,6286  2  de  ce  bromure  représentant  5  "‘,631 0  supposés  pesés  dans  le 

1  Un  vase  de  platine  est  attaqué  avec  formation  de  bromoplatinate  de  potassium. 

-  La  pesée  du  bromure  a  été  faite  dans  un  tube  bouché  par  un  bout  et  fermé  par  l’autre 
bout  à  l’aide  d'un  bouchon  rodé  à  l'émeri  et  percé  d’un  petit  trou.  Avant  la  pesée,  le  bromure 
a  été  chauffé  près  du  rouge  sombre.  La  quantité  d'argent  pesée  a  été  calculée  en  prenant 
Br  =  80,00; K  —  31), 00  et  A g  —  108,00,  d’après  l’hypothèse  de  Prout.  Le  mode  de  détermination 
que  j’ai  suivi  est  le  même  que  celui  indiqué  dans  la  notice  sur  le  Rapport  proportionnel  entre 
l’argent  et  les  chlorures  de  potassium ,  de  sodium  ,  d’ammonium,  insérée  dans  mes  Recherches 


294 


NOUVELLES  RECHERCHES 


vide,  ont  été  introduits  dans  une  solution  nitrique  de  56‘,1102  d'argent,  re¬ 
présentant  58r,M05  dans  le  vide.  Après  la  double  décomposition  et  1  éclair¬ 
cissement  du  liquide,  il  est  resté  0sr,0082  d’argent  non  précipité. 

10er,3194  du  même  bromure,  ou  108r,3238  dans  le  vide,  ont  été  intro¬ 
duits  dans  une  solution  azotique  de  9sr,3690  d’argent,  représentant  9^,3695 
dans  le  vide.  Après  la  double  décomposition,  il  est  resté  dans  le  liquide 
0çr,0150  d’argent,  d’où 

1°  A  g  :  KBr  ::  100,000  :  110,501; 

2°  A  g  :  KBr  ::  100,000  :  110,500. 

Le  restant  du  bromure  a  été  repris  par  de  l’eau;  la  solution,  après  avoir 
séjourné  assez  longtemps  pour  déposer  les  traces  de  silice  qu’elle  contenait, 
a  été  filtrée  au  travers  de  la  mousse  de  platine.  Après  un  nouveau  repos  de 
vingt-quatre  heures,  elle  a  été  décantée.  Une  partie  de  cette  solution  a  été 
évaporée  jusqu’à  siccité,  et  le  résidu  a  été  fondu  dans  une  grande  nacelle  de 
platine  placée  dans  un  tube  de  porcelaine  chauffé  au  rouge.  Pendant  la  fusion, 
un  courant  lent  d’azote  pur  et  sec  traversait  le  tube. 

108r,0712  de  ce  bromure,  représentant  10sr,0755  dans  le  vide,  ont  été 
introduits  dans  une  solution  azotique  de  9sr,1436  d’argent,  représentant 
9sr,1441  de  ce  métal  dans  le  vide.  Après  l’éclaircissement  il  est  resté  dans 
le  liquide  (F,0Ï45  d’argent,  d’où 

5°  A (j  :  KBr  :  :  100,000*:  110,560. 

J’ai  évaporé  jusqu’à  pellicule  le  restant  de  la  solution  décantée.  Le  sel 
cristallisé  par  refroidissement  a  été  redissous  à  trois  reprises  différentes  ;  une 
partie  de  chaque  cristallisation  a  été  fondue  à  part  dans  une  atmosphère 

sur  les  rapports  réciproques  des  poids  atomiques.  La  couleur  jaunâtre  du  bromure  d’argent 
rend  l’opération  encore  plus  facile  à  exécuter  que  pour  les  chlorures.  Seulement,  à  cause  de 
l’altérabilité  extrême  du  bromure  d’argent  sous  l’influence  de  la  lumière,  on  doit  prendre  des 
précautions  exceptionnelles.  Pour  ce  motif,  les  vases  renfermant  l’essai  étaient  entourés  de  toiles 
ou  de  drap  noir;  pendant  la  titration ,  il  n’y  avait  de  libre  que  la  section  du  liquide  éclairée  par 
le  faisceau  de  lumière  jaune,  émané  de  la  sphère  contenue  dans  l’appareil  décrit  et  figuré  dans 
mon  travail  :  Sur  la  constance  des  combinaisons  chimiques. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


295 


d’azote  et  dans  la  grande  nacelle  de  platine.  J’ai  opéré  toutes  ces  fusions  au 
sein  de  l’azote,  pour  me  mettre  à  l’abri  de  l’attaque  du  platine  par  le  bromure 
alcalin  et  l’oxygène  de  l’air.  Je  me  suis  convaincu  plus  tard  que  cette  pré¬ 
caution  est  inutile  ;  le  bromure  n  attaque  le  platine  qu  autant  qu  il  renferme 
du  bromate  de  potassium. 

10sr,3475  du  bromure  cristallisé  une  fois,  représentant  108r,3519  pesés 
dans  le  vide,  ont  été  introduits  dans  une  solution  nitrique  de  9sr,394'5  d’ar¬ 
gent,  représentant  9sr,3950  dans  le  vide.  Après  la  double  décomposition  il 
est  resté  d’argent  dissous,  d’où 

4°  A  g  :  KB/-  :  :  100,000  :  110,542. 

1 4-er,87 3 9  de  bromure  cristallisé  deux  fois,  représentant  14sr, 8803  dans  le 
vide,  ont  été  versés  dans  une  solution  nitrique  de  13sr,503  l  d’argent,  repré¬ 
sentant  13°, 5049  d’argent  dans  le  vide;  après  la  double  décomposition,  ils 
ont  laissé  0sr,0199  d’argent  dissous,  d’où 

o°  Ag  :  KBr  :  :  100,000  :  110,546. 

25sr1036  de  bromure  cristallisé  trois  fois,  représentant  25sr,  114-27  dans 
le  vide,  ont  été  versés  dans  une  solution  azotique  de  22sr,7908  d’argent,  repré¬ 
sentant  228r,922  dans  le  vide;  ils  ont  laissé  0sr,0310  d’argent  non  précipité, 
d’où 

6°  A  g  :  KBr  :  :  100,000  :  110,558. 

L’influence  de  la  solution  et  de  la  cristallisation  est  manifeste  ;  il  reste  dans 
l’eau-mère  une  matière  qui  élève  le  rapport  proportionnel  du  bromure. 

Les  déterminations  qui  précèdent  étaient  faites  depuis  près  de  deux  années, 
lorsque  j’ai  exécuté  les  expériences  dont  il  me  reste  à  rendre  compte. 

Du  bromate  cristallisé  cinq  fois,  et  dont  la  majeure  partie  a  servi  à  la  pré¬ 
paration  du  brome  destiné  aux  synthèses  complètes  du  bromure  d’argent , 
nos  1  et  II,  page  170,  a  été  décomposé  dans  un  vase  de  porcelaine  avec 
toutes  les  précautions  imaginables  pour  empêcher  autant  que  possible  la  perte 
du  brome.  Le  bromure  produit,  complètement  incolore,  a  été  fondu  en  partie 


296 


NOUVELLES  RECHERCHES 


dans  un  creuset  de  porcelaine  vernie  de  Berlin,  et  employé  tel  quel  pour  la 
détermination  du  rapport  proportionnel.  Voici  le  résultat  qu’il  a  fourni  : 

7sr,4686  de  bromure,  représentant  78r,4718  dans  le  vide,  ont  été  intro¬ 
duits  dans  une  solution  azotique  de  6sr,78071  d’argent,  représentant  6sr,7 81 13 
de  ce  métal  dans  le  vide.  Après  la  double  décomposition,  ils  ont  laissé 
05r,01075  d’argent  dissous,  d’où 

7°  A  g  :  lvB;-  :  :  100,000  :  110,300. 

Le  restant  a  été  dissous  dans  de  l’eampure,  et  la  solution  additionnée  de 
bromure  d’ammonium  a  été  évaporée  à  siccité  ;  le  résidu  a  été  calciné  jus¬ 
qu’à  volatilisation  complète  du  bromure  d’ammonium.  Le  bromure  alcalin  a 
été  repris  par  de  l’eau  ;  la  solution  qui  manquait  de  limpidité  a  été  filtrée  à 
travers  un  tampon  serré  de  mousse  de  platine  fortement  chauffée.  Après 
vingt-quatre  heures  de  repos,  le  liquide  filtré  a  été  décanté  et  évaporé  jus¬ 
qu’à  pellicule.  La  solution,  brusquement  refroidie  sous  l’influence  d’une  agi¬ 
tation  continuelle,  a  fourni  un  bromure  sous  forme  de  poussière  cristalline, 
qui  a  été  lavé  à  l’eau  glacée.  La  poudre  cristalline,  absolument  incolore,  a  été 
séchée  à  l’étuve,  puis  chauffée  à  son  point  de  fusion  dans  un  vase  de  platine. 

15sr,039  de  ce  bromure,  représentant  15sr,0454  dans  le  vide,  ont  été 
introduits  dans  une  solution  azotique  de  13sr,65376  d’argent,  représentant 
13srs6546  de  ce  métal  dans  le  vide.  Après  la  double  décomposition,  le  liquide 
contenait  0sr, 01 86  d’argent  dissous,  d’où 

8"  A  g  :  KBr  :  :  100,000  :  1  10,350. 

Les  eaux-mères  et  les  eaux  de  lavages  du  bromure  précédent  ont  été 
mêlées  et  évaporées  jusqu’à  siccité,  sous  l’influence  d’une  agitation  incessante. 
Une  partie  du  résidu  pulvérulent  a  été  introduite  dans  un  tube  de  verre  dur 
de  Bohême,  effilé  à  un  bout,  muni  d’un  bouchon  rodé  à  l’autre  bout,  et 
dont  le  poids  avait  été  exactement  déterminé.  Ce  tube  a  été  placé  dans  une 
gaine  de  tôle  remplie  de  magnésie  fortement  calcinée.  Lorsque  la  gaine  a  été 
chauffée  au  rouge  sombre,  j’ai  fait  passer  lentement,  sur  le  bromure,  de  la 
vapeur  de  brome  pur,  en  volatilisant  à  cet  effet  du  brome  contenu  dans  une 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


297 


ampoule  placée  dans  une  autre  partie  du  tube.  Tout  le  brome  étant  dégagé, 
j’ai  laissé  refroidir  la  gaine  vers  150  à  200°,  et  j’ai  fait  passer  un  courant 
d’air  sec  et  pur  jusqu’à  ce  que  toute  la  vapeur  de  brome  fût  éliminée. 

Le  bromure  ainsi  traité  a  été  pesé  dans  le  tube  même.  Dans  ce  but,  j’ai 
déterminé  l’augmentation  du  poids  du  tube,  après  l’avoir  lavé  extérieure¬ 
ment  à  l’eau  acidulée  par  l’acide  chlorhydrique ,  pour  en  détacher  les  traces 
de  magnésie  adhérente.  L’augmentation  de  poids  a  été  de  21sr,6876,  repré¬ 
sentant  218r,6969  de  bromure  supposé  pesé  dans  le  vide.  J’ai  engagé  la  pointe 
effilée  du  tube  dans  le  goulot  d’un  flacon  bouché  à  l’émeri ,  et  contenant 
déjà  une  solution  azotique  de  198r,6902  d’argent,  représentant  19er,6914 
de  ce  métal  dans  le  vide.  A  l’aide  de  l’eau  pure  que  j’ai  successivement  versée 
dans  le  tube ,  j’ai  dissous  tout  le  bromure  qui  y  avait  été  pesé.  La  double 
décomposition  étant  accomplie,  et  le  liquide  éclairci  par  l’agitation,  il  s’y 
est  trouvé  08r,0285  d’argent  dissous,  d’où 

9°  A  g  :  KBr  ::  100,000  :  110,544. 

Comme  la  quantité  de  bromure  employée  dans  cette  expérience  a  été  rela¬ 
tivement  considérable,  j’ai  voulu  recueillir  et  peser  le  bromure  d’argent  qui 
en  est  provenu.  Pour  doser  l’argent  dissous,  j’ai  ajouté  une  solution  normale 
de  bromure  de  potassium  dont  le  poids  total  s’est  élevé  à  0er,0332,  et  pour 
être  certain  du  titre,  il  m’a  fallu  suppléer  08r,0015  d’argent.  Ces  quantités  sont 
venues  augmenter  respectivement  le  poids  du  bromure  et  de  l’argent  employés. 
Ils  ont  fourni  34>er,277  de  bromure  d’argent,  représentant  348r,2817  de  ce 
composé,  pesé  dans  le  vide,  d’où 

Ag  :  Br  :  :  100,000  :  74,080; 

résultat  identique  à  celui  fourni  par  les  synthèses  complètes  du  bromure 
d’argent;  et  il  en  résulte  que  100,000  de  bromure  de  potassium  produisent 
157,7588  de  bromure  d’argent. 

L’autre  partie  du  bromure ,  provenant  de  l’évaporation  des  eaux-mères ,  a 
été  introduite  dans  le  tube  de  verre  réfractaire  dont  j’ai  parlé  plus  haut,  et 
celui-ci  a  été  placé  dans  la  gaine  de  tôle  contenant  la  magnésie.  J’ai  éliminé 
Tome  XXXV.  38 


298 


NOUVELLES  RECHERCHES 


ensuite  le  brome  à  l’aide  d’un  courant  de  chlore  sec,  en  opérant  d’abord  vers 
100°,  et  ensuite  à  une  température  voisine  du  rouge  sombre. 

Dix  grammes  du  chlorure  de  potassium,  ainsi  produits,  ont  été  soumis  à  la 
volatilisation  dans  une  nacelle  de  platine,  placée  dans  un  tube  de  porcelaine 
tapissé  d’une  feuille  de  platine  roulée  sur  elle-même  de  manière  à  produire 
un  cylindre,  et  chauffée  au  hlanc.  La  volatilisation  a  eu  lieu  dans  un  courant 
d’azote  pur  et  sec,  comme  je  l’ai  exposé  pour  la  recherche  de  la  silice  dans 
les  chlorures  de  potassium  et  de  sodium  destinés  à  la  détermination  du  rap¬ 
port  proportionnel  de  ces  corps  avec  les  azotates  correspondants.  Ces  dix 
grammes  de  chlorure  ont  laissé  de  (F, 00085  à  0"r, 0009  de  silice  mêlée  de 
traces  de  silicate  de  potassium.  Il  résulte  de  cet  essai  que  le  bromure  de  po¬ 
tassium  contient  cinq  cents  millièmes  environ  de  silice,  ce  qui  ramène  le  rap¬ 
port  proportionnel ,  110, 344  observé,  à  110,339. 

Bromures  provenant  de  l’action  du  brome  pur  sur  l’hydrate 

de  potassium. 

J’ai  fait  ces  déterminations,  moins  pour  rechercher  le  rapport  propor¬ 
tionnel  entre  le  bromure  de  potassium  et  l’argent,  que  pour  me  renseigner 
sur  l’état  de  pureté  ou  d’homogénéité  du  brome  employé  dans  mes  synthèses 
complètes  du  bromure  d’argent. 

Je  vais  dire,  en  peu  de  mots,  comment  je  me  suis  procuré  d’abord  de  l’hy¬ 
drate  de  potassium.  J’ai  commencé  par  faire  préparer  une  très-grande  quan¬ 
tité  de  tartrate  monopotassique  pur.  Dans  ce  but,  après  avoir  laissé  digérer 
à  chaud  la  crème  de  tartre  blanche,  très-finement  pulvérisée,  avec  de  l’eau  aci¬ 
dulée  de  cinq  pour  cent  de  son  poids  d’acide  chlorhydrique,  on  a  lessivé  à 
l'eau  distillée  froide,  jusqu’à  ce  que  les  eaux  de  lavages  fussent  complètement 
dépouillées  de  chlorures,  de  sulfates  et  de  phosphates.  La  crème  de  tartre 
lavée  a  été  séchée  et  chauffée  aussi  fortement  que  possible  sans  la  décomposer. 
Je  l’ai  fait  soumettre  à  la  dessiccation  à  chaud,  afin  de  rendre  insoluble  la 
silice  qui  y  existait.  Le  sel  a  été  dissous  ensuite  et  cristallisé  un  nombre  de  fois 
suffisant  pour  le  séparer  de  tout  le  sodium  qu’il  est  possible  d’en  éliminer  de 
celte  manière,  il  a  fallu  sept  cristallisations  successives  pour  atteindre  ce 
résultat. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


299 


Le  sel,  bien  séché,  a  élé  carbonisé  par  parties  à  la  fois  dans  un  grand 
creuset  d’argent.  Le  résidu,  humecté  d'eau,  a  élé  placé  dans  un  grand  cornet 
fait  à  l’aide  d’une  feuille  d’argent  et  abandonné  sous  une  cloche  avec  de  l’eau. 
Le  carbonate  de  potassium  a  été  reçu  dans  une  capsule  d’argent.  Malgré  le 
traitement  à  l’acide  chlorhydrique,  la  dessiccation  énergique  et  le  nombre 
considérable  de  cristallisations  qu’on  avait  fait  subir  au  tartrate  monopotassique, 
le  carbonate  de  potassium  obtenu  renfermait  notablement  de  la  silice,  de 
l’alumine  et  des  traces  de  fer.  Je  l’ai  transformé  en  hydrate  de  potassium  en 
le  dissolvant  dans  dix-huit  à  vingt  fois  son  poids  d’eau,  et  en  faisant  bouillir 
la  solution  dans  une  chaudière  de  platine  de  cinq  litres  de  capacité,  avec  de 
l’hydrate  de  calcium  pur  l.  Lorsque  le  mélange  eut  bouilli  assez  longtemps 
pour  ne  plus  contenir  de  traces  de  carbonate  de  potassium,  j’abandonnai 
la  solution  au  refroidissement  ,  en  maintenant  bouché  le  chapiteau  de  platine 
adapté  à  la  chaudière. 

J’ai  pris  cinquante  centimètres  cubes  du  brome  pur  employé  dans  les  syn¬ 
thèses  complètes  du  bromure  d’argent,  nos  I  et  II,  que  j’ai  versés  dans  un  grand 
ballon  de  verre  dur,  contenant  déjà  un  demi-litre  d’eau.  J’ai  ajouté  ensuite, 
petit  à  petit,  la  solution  de  l’hydrate  de  potassium,  jusqu’à  ce  que  le  brome 
eût  disparu  au  point  de  laisser  un  liquide  coloré  en  jaune.  J’ai  porté  le  liquide 
à  l’ébullition;  après  la  volatilisation  de  l’excès  de  brome,  je  l’ai  évaporé 
jusqu’à  siccité  dans  une  capsule  de  porcelaine  et  j’ai  porté  la  température  du 
résidu  jusqu’à  près  du  point  de  fusion  du  bromate  formé.  J’ai  épuisé  alors  la 
masse  saline  par  de  l’alcool  anhydre  et  pur,  afin  d’enlever  les  traces  de  bro¬ 
mure  de  calcium  qui  y  étaient  contenues.  L’alcool  étant  chassé  par  la  chaleur, 
j’ai  introduit  le  sel  dans  un  petit  appareil  à  déplacement,  et  j’ai  opéré  le  lavage 
méthodique  à  l’aide  de  l’eau  glacée,  pour  séparer  autant  que  possible  le  bro¬ 
mure  du  bromate. 

J’ai  soumis  à  des  cristallisations  répétées  le  bromate  isolé,  aussi  longtemps 
que  j’ai  pu  y  découvrir  la  moindre  trace  de  bromure,  et  j’ai  décomposé 
ensuite  ce  bromate ,  à  l’aide  de  la  température  la  moins  élevée  possible. 

1  On  a  préparé  cet  hydrate  par  l’action  de  l’eau  sur  l'oxyde  de  calcium.  Cet  oxvde  lui-même 
provenait  de  la  calcination  au  blanc ,  dans  un  creuset  de  platine ,  du  carbonate  de  calcium  préparé 
par  1  action  du  carbonate  d’ammonium  sur  l’azotate  de  calcium,  obtenu  en  dissolvant  un  excès 
de  chaux  du  marbre  dans  de  l’acide  azotique  pur. 


300 


NOUVELLES  RECHERCHES 


D’un  autre  côté ,  toutes  les  eaux-mères  de  la  cristallisation  du  bromate  ont 
été  concentrées,  pour  amener  la  cristallisation  de  tout  le  bromate  qui  y  était 
contenu  avec  une  partie  du  bromure.  Le  sel  ainsi  pi  oduit  a  été  écai  té ,  les 
eaux-mères  seules  ont  été  ajoutées  à  la  solution  de  bromure  obtenu  par  la 
lixiviation  du  mélange  primitif,  et  le  tout  a  été  évaporé  jusqu’à  siccité  dans 
un  vase  de  porcelaine,  et  chauffé  au  delà  du  point  de  décomposition  du  bro¬ 
mate. 

Le  bromure  provenant  de  la  décomposition  du  bromate,  et  le  bromure  qui 
s’est  formé  en  même  temps  que  ce  sel ,  ont  été  repris  séparément  par  une  quan¬ 
tité  d’eau  de  brome  pur  suffisante  pour  les  dissoudre.  Les  solutions  ont  été 
évaporées  à  siccité  et  le  résidu  chauffé  au  point  d  agglutiner  le  bromure.  J  ai 
repris  alors  une1  dernière  fois  les  composés  par  de  l’eau  pure,  pour  m’assurer 
si  les  solutions  étaient  absolument  limpides,  incolores  et  sans  action  sur  le 
tournesol  ;  ce  qui  s’est  en  effet  réalisé.  Après  les  avoir  laissées  séjourner  vingt- 
quatre  heures  dans  des  vases  de  platine,  je  les  ai  décantées  et  évaporées  à 
siccité. 

Les  bromures,  essayés  au  spectroscope,  offraient  la  raie  sodique  à  un  degré 
d’intensité  et  de  persistance  égal.  Cette  intensité  et  cette  persistance  n’étaient 
pas  sensiblement  plus  grandes  que  celles  observées  sur  le  bromure  provenant 
du  bromate  soumis  à  cinq  cristallisations  successives ,  exécutées  sur  plusieurs 
kilogrammes  à  la  fois. 

Une  partie  de  chacun  de  ces  bromures  a  été  introduite  dans  un  tube  de 
verre  dur,  effdé  par  un  bout  et  muni  à  l’autre  bout  d’un  bouchon  de  verre 
rodé;  elle  a  été  chauffée  près  du  rouge  sombre,  dans  un  courant  d’azote  pur 
et  sec. 

9sr,2013  du  bromure  provenant  de  la  calcination  du  bromate,  représen¬ 
tant  98', 20326  dans  le  vide,  ont  été  ajoutés  à  une  solution  azotique  d’argent 
contenant  8sr,3538  de  ce  métal  pesé  dans  l’air,  représentant  8?r, 33433  dans 
le  vide.  Après  la  double  décomposition,  ils  ont  laissé  O  r,0 113  d’argent  en 
solution,  d’où 

10°  A  g  :  KB/'  ::  100,000  :  110,552. 

20sr,1143  du  bromure  formé  en  même  temps  que  le  bromate  qui  a  fourni 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


501 


le  composé  précédent  ont  été  versés  dans  une  solution  azotique  de  185r,2617 
d’argent  pesé  dans  l’air,  et  représentant  18sr,2629  dans  le  vide;  ils  ont  laissé 
Osr, 02625  d’argent  non  précipité,  d’où 

M°  A  g  :  KBr  ::  100,000  :  110,543. 

Bromure  préparé  à  l’aide  du  bromate  de  baryum. 

Deux  cents  grammes  de  bromate  de  baryum  cristallisé  quatre  fois,  et  dont 
une  partie  a  servi  à  l’extraction  du  brome  employé  dans  la  synthèse  n°  IV, 
ont  été  mis  en  ébullition  avec  deux  litres  d’eau  pure.  A  mesure  que  la  solu¬ 
tion  du  sel  s’opérait,  j’ajoutais,  petit  à  petit,  une  solution  concentrée  de  car¬ 
bonate  de  potassium  obtenu  à  l’aide  de  la  carbonisation  en  vase  clos  de  la 
crème  de  tartre  purifiée,  comme  je  l’ai  dit  plus  haut.  Lorsque  tout  le  baryum 
a  été  précipité,  j’ai  abandonné  le  tout  au  repos  à  chaud,  et  j’ai  décanté  ensuite 
la  liqueur  limpide  que  j’ai  évaporée  jusqu’à  siccité  complète.  J’ai  repris  le  sel 
par  une  quantité  convenable  d’eau  presque  bouillante,  pour  séparer  les  traces 
de  carbonate  de  baryum  qui  étaient  restées  en  solution.  Le  liquide,  suffisam¬ 
ment  reposé  à  chaud  pour  garantir  le  dépôt  complet  du  carbonate  de  baryum  , 
a  été  réduit  au  point  de  déposer,  par  refroidissement  brusque,  la  majeure 
partie  du  bromate  de  potassium  à  l’état  de  poussière  cristalline.  J’ai  versé  la 
bouillie  dans  un  appareil  à  déplacement,  et  je  l’ai  lessivée  à  l’aide  de  l’eau 
glacée,  pour  éliminer  l’eau-mère  contenant  une  petite  quantité  de  carbonate 
de  potassium  employé  en  excès.  Lorsque  l’eau  de  lavage  eut  perdu  complè¬ 
tement  la  propriété  de  bleuir  le  papier  rouge  de  tournesol ,  je  soumis  le  bro¬ 
mate  à  trois  cristallisations  successives.  L’eau-mère  de  la  première  cristalli¬ 
sation  était  déjà  neutre  et  ne  troublait  aucunement  la  limpidité  d’une  solution 
diluée  et  bouillante  d’azotate  d’argent. 

J’ai  décomposé,  dans  un  vase  de  porcelaine,  et  à  la  plus  basse  température 
possible ,  le  bromate  de  la  troisième  cristallisation.  Le  bromure  produit  était 
incolore,  la  solution  en  était  neutre  et  limpide. 

15sr,8245  de  ce  bromure,  représentant  15sr,8310  dans  Te  vide,  ont  été 
introduits  dans  une  solution  azotique  de  146r,3667  d’argent  ,  représentant  dans 


302 


NOUVELLES  RECHERCHES 


le  vide  J48r,3676  de  ce  métal;  après  la  double  décomposition,  ils  ont  laissé 
08r,0225  d’argent  non  précipité,  d’où 

12°  A  g  :  Or  ::  100,000  :  .110.357. 

« 

Le  restant  du  bromure  précédent  a  été  dissous  dans  de  l’eau  de  brome 
préparée  à  l’aide  du  brome  extrait  du  bromate  de  baryum;  la  solution  a  été 
évaporée  jusqu’à  siccité  et  le  résidu  chauffé  jusqu’à  près  de  400°.  Après  le 
refroidissement,  j’ai  repris  le  résidu  par  de  l’eau  froide  :  la  solution,  sans 
être  positivement  trouble,  manquait  cependant  de  la  limpidité  qui  caractérise 
les  solutions  des  chlorures  et  bromures  alcalins.  Je  l’ai  filtrée  au  travers  de  la 
mousse  de  platine  tassée  et  fortement  calcinée;  après  vingt-quatre  heures  de 
repos,  je  l’ai  décantée  et  évaporée  jusqu’à  pellicule  dans  un  vase  de  platine.  Le 
bromure,  qui  s’en  est  séparé  par  un  refroidissement  rapide,  a  été  lavé  à  l’eau 
glacée,  séché  et  chauffé  ensuite  jusqu’à  son  point  de  fusion. 

ll5r,0565  de  ce  bromure,  représentant  llBr,Q615  dans  le  vide,  ont  été 
ajoutés  à  une  solution  nitrique  de  1 0e', 0382  d’argent,  représentant  10", 0588 
de  ce  métal  dans  le  vide;  après  la  double  décomposition,  le  liquide  limpide 
contenait  0sr,0155  d’argent  à  l’état  d’azotate,  d’où 

15°  A (j  :  KBj-  :  :  i 00,000  :  i  10,554. 

Les  eaux-mères  et  de  lavages  du  bromure  précédent  ont  été  évaporées  à 
siccité,  et  le  résidu  a  été  fondu  dans  une  grande  nacelle  de  platine  placée 
dans  un  tube  de  porcelaine  chauffé  au  rouge.  Le  tube  de  porcelaine  était 
traversé  par  un  courant  d’azote  pur  et  sec. 

Le  bromure,  après  sa  solidification,  était  incolore,  d’une  transparence 
parfaite. 

16er,2962  de  ce  bromure,  représentant  1  fi61, 5032  dans  le  vide,  ont  été 
introduits  dans  une  solution  azotique  de  148r,7952  d’argent,  représentant 
148',7961  de  ce  métal  dans  le  vide.  Après  la  double  décomposition  ,  le  liquide 
limpide  contenait  08r, 02025  d’argent  dissous,  d’où 

14°  kg  :  KBj-  ::  100,000  :  110,335. 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


303 


En  récapitulant  les  différents  résultats  auxquels  je  suis  arrivé,  je  trouve, 
pour  rapport  proportionnel  entre  l’argent  et  le  bromure  de  potassium,  les 
nombres  suivants  : 


SOURCES  DU  BROMURE. 


1  1- 

j  2. 

100,000  A  g 

, 

=  110,301. 
110,500. 

KBr 

Le  bromure  du  bromate,  qui  avait  cristal¬ 
lisé  quatre  fois,  traité  au  bromure  d’am¬ 
monium  et  fondu. 

ire  SÉRIE.  .  . 

i 

l 

110,360. 

Le  n°  1  repris  par  de  l’eau ,  la  solution  fil¬ 
trée  et  évaporée,  et  le  résidu  fondu 
dans  l’azote. 

r 

— 

1 10,542. 

— 

Le  bromure  n°  1,  redissous  et  cristallisé 
une  fois. 

5. 

— 

1 10,546. 

— 

Le  bromure  n°4,  redissous  et  cristallisé  une 
deuxième  fois. 

i  6- 

— 

1  i 0,558. 

— 

Le  bromure  n°  5,  redissous  et  cristallisé 
une  troisième  fois. 

2e  SÉRIE.  .  .  ( 

7. 

1 10,500. 

Le  bromure  provenant  de  la  calcination 
directe  du  bromate  qui  avait  cristallisé 
cinq  fois. 

8. 

— 

1 10,556. 

— 

Le  bromure  n°  7,  traité  au  bromure  d’am¬ 
monium,  puis  cristallisé. 

9. 

1 10,544. 

• 

Le  bromure  des  eaux-mères  et  de  lavage 
du  n"  8;  il  renfermait  cinq  cents  mil¬ 
lièmes  de  silice.  m 

5'  SÉRIE.  .  .  < 

10. 

110,552. 

Le  bromure  provient  de  la  calcination  du 
bromate  produit  par  l’action  du  brome 
pur  sur  l’hydrate  de  potassium. 

11. 

110,545. 

— 

Le  bromure  a  été  produit  en  même  temps 
que  le  bromate  qui  a  fourni  le  n°  10. 

j 

12. 

100,000  kg 

=  110,557. 

KBr 

Le  bromure  provient  de  la  calcination  du 
bromate  de  potassium,  obtenu  à  l’aide 
du  bromate  de  baryum  pur. 

4e  SÉRIE.  .  .  / 

J  5. 

110,554. 

Le  bromure  n°  12,  dissous  dans  de  l’eau 
de  brome,  la  solution  évaporée  à  siccité 
et  le  résidu  redissous,  filtré  et  cristallisé. 

1 

14. 

1  10,555. 

— 

Le  bromure  des  eaux-mères  et  de  lavages 
du  composé  employé  au  n°  15. 

Moyenne 

GÉNÉRALE  . 

1 10,545  de  bromure  pour  100,000  d’argent. 

Cette  moyenne  est  presque  identique  avec  le  résultat  auquel  est  arrivé 


304 


NOUVELLES  RECHERCHES 


M.  Marignac,  en  1843.  En  effet,  en  réduisant  au  vide  le  nombre  110,306 
qu’il  a  obtenu  à  l’aide  de  pesées  faites  dans  l’air,  on  a  110,543,  qui  se 
confond  avec  110,545.  Cependant,  quelque  grande  que  soit  cette  concor¬ 
dance  ,  je  ne  pense  pas  que  ce  nombre  représente  le  véritable  rapport  propor¬ 
tionnel  du  bromure  de  potassium;  car  la  plupart,  sinon  tous  les  échantillons 
de  ce  composé,  soumis  à  l’expérience  par  M.  Marignac  ou  par  moi,  devaient 
contenir  des  traces  de  matières  étrangères,  et  notamment  de  la  silice  ou  du 
peroxyde  de  potassium ,  ou  ces  deux  corps  à  la  fois.  J’ai  constaté,  dans  le  cou¬ 
rant  de  ce  travail,  que  le  bromure  qui  a  fourni  110,544  pour  rapport  pro¬ 
portionnel  renfermait  cinq  cents  millièmes  de  son  poids  de  silice,  ce  qui 
ramène  ce  chiffre  à  110,359.  On  arrive  au  même  résultat  en  écartant  des 
quatorze  déterminations  les  nos  1,  2,  3,  7  et  12  qu’on  peut,  avec  probabilité 
sinon  avec  certitude,  considérer  comme  étant  affectés  de  causes  d’erreur; 
dans  ce  cas,  on  obtient  pour  moyenne  1 10,558.  C’est,  d’après  mon  appré¬ 
ciation,  le  chiffre  le  plus  élevé  auquel  peut  atteindre  le  rapport  proportionnel 
entre  l’argent  et  le  bromure  de  potassium  supposé  pur. 

Mais,  quelque  certitude  que  je  puisse  avoir  de  l’erreur  qui  vicie  quelques- 
uns  des  résultats  consignés  ci-dessus,  il  est,  à  mon  sens,  contraire  aux  vrais 
principes  de  former  une  moyenne  par  voie  d' appréciation  ;  ce  serait  l’arbi¬ 
traire  érigé  en  règle.  Je  pense  donc  qu’on  doit  prendre  la  moyenne  brute 
1 10,345 ,  comme  représentant  le  rapport  proportionnel  entre  le  bromure 
de  potassium  et  l’argent,  en  considérant  toutefois  le  nombre  comme  étant  la 
limite  supérieure  à  laquelle  ce  rapport  puisse  atteindre  ;  car  le  moyen  em¬ 
ployé  pour  produire  les  bromates  qui  m’ont  fourni  les  différents  échantil¬ 
lons  de  bromure  exclut  la  possibilité  de  l’existence  du  chlore,  qui  tend  à 
diminuer  le  rapport  proportionnel. 

Si  je  déduis  du  chiffre  110,345  le  poids  moléculaire  du  bromure,  en 
admettant  107,93  pour  poids  atomique  de  l’argent,  je  trouve  1 19,095. 

En  prenant  79,951  pour  poids  atomique  du  brome,  valeur  qui  dérive 
de  l’ensemble  des  travaux  de  M.  Marignac  et  des  miens,  comme  je  l'ai  établi 
dans  le  Mémoire  précédent ,  le  poids  atomique  du  potassium  devient  égal  à 
39,144;  et  inversement,  si  je  prends  le  potassium  égal  à  39,130,  qui  dérive 
des  travaux  exposés  dans  mes  Recherches  sur  les  rapports  réciproques  des 


SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


505 


poids  atomiques y  j’arrive  à  79,965  pour  le  poids  atomique  du  brome.  En 
1843,  M.  Marignac  avait  obtenu  79,968,  par  cette  voie. 

En  déduisant  le  poids  atomique  du  brome  du  rapport  proportionne)  entre 
le  bromure  de  potassium  et  le  bromure  d’argent,  d’après  la  détermination 
n°  9,  et  du  poids  du  bromure  d’argent  qui  en  est  résulté,  je  constate  que  le 

poids  moléculaire  du  bromure  d’argent  est  187,88,  et  que  le  poids  atomique 

du  brome  est  79,950.  Par  la  synthèse  du  bromure  d’argent,  M.  Marignac 
était  arrivé  à  79,945. 

Ainsi,  des  relations  entre  le  brome,  le  potassium  et  l’argent,  il  résulte  que 
l’argent  étant  107,93, 

Le  potassium  est  compris  entre  39,130  et  39,144  ou  39,137, 

Et  le  brome  est  compris  entre  79,945  et  79,965  ou  79,955. 


Dans  l’introduction  qui  précède  ces  Mémoires,  j’ai  résumé  les  résultats 
auxquels  je  suis  arrivé  dans  chacun  d’eux,  et  les  conséquences  qui,  d’après 
moi,  en  découlent.  Je  crois  inutile  de  reproduire  ici  de  nouveau  les  résultats 
généraux,  et  je  laisse  aux  chimistes  le  soin  de  juger  si  l’ensemble  de  ces 
travaux  justifie  les  conclusions  que  j’en  ai  déduites. 

Arrivé  au  terme  de  ce  long  labeur,,  je  me  permets  d’émettre  un  vœu  :  ce 
vœu  est  qu’un  chimiste,  dont  l’autorité  scientifique  est  suffisamment  établie, 
veuille  bien  se  donner  la  peine  de  contrôler  Tune  quelconque  des  données 
fondamentales  de  mes  recherches  :  la  synthèse  de  l’azotate  d’argent,  par 
exemple,  et  de  faire  connaître  le  résultat  de  ses  recherches.  Sans  réserve 
aucune  je  me  soumets  à  son  jugement. 


FIN. 


« 


Tome  XXXV, 


39 


* 


■ 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Pages. 

INTRODUCTION .  1 

PREMIER  MÉMOIRE. 

RECHERCHES  NOUVELLES  SUR  LES  LOIS  DES  PROPORTIONS  CHIMIQUES. 


PREMIÈRE  PARTIE. 

DE  LA  CONSTANCE  DE  COMPOSITION  DES  COMBINAISONS  DITES  STABLES. 

Préliminaires . 27 

I.  De  l’argent .  50 

Des  moyens  employés  pour  m’assurer  du  degré  de  pureté  de  l’argent .  55 

Détermination  du  titre  de  l’argent  de  différentes  provenances .  59 

IL  Du  chlorure  d’ammonium .  48 

Chlorure  d’ammonium  obtenu  par  l'ammoniaque  extraite  du  sel  ammoniac  purifié  à 

l’eau  régale .  ib. 

Chlorure  d’ammonium  produit  à  l’aide  de  l’ammoniaque  extraite  du  sulfate  du  commerce.  49 
Chlorure  d’ammonium  obtenu  à  l’aide  de  l’ammoniaque  produite  par  la  réduction  de 

l’azotite  de  potassium .  50 

Chlorure  d’ammonium  volatilisé  dans  le  vide .  55 

Mode  de  détermination  du  rapport  proportionnel  entre  l’argent  et  le  chlorure  d’am¬ 
monium .  55 

Rapport  proportionnel  entre  l’argent  et  le  chlorure  d'ammonium .  57 


308  TABLE  ANALYTIQUE. 

DEUXIÈME  PARTIE. 

DE  L’INVARIABILITÉ  DES  RAPPORTS  EN  POIDS  DES  ÉLÉMENTS  FORMANT  LES  COMBINAISONS  CHIMIQUES. 


Page». 

Préliminaires .  60 

I.  Recherches  sur  la  transformation  de  Viodate  d’argent  en  iodure,  sous  V influence  de 

l’acùle  sulfureux,  faites  dans  le  but  de  constater  si  le  rapport  en  poids  de  l’iode  à 
l’argent  est  le  même  dans  ces  deux  corps .  68 

lodate  d’argent  préparé  par  l’iodate  de  potassium  et  l’azotate  d’argent .  ib. 

Iodate  d’argent  préparé  par  l’iodate  de  potassium  et  le  sulfate  d'argent .  70 

lodate  d’argent  préparé  par  l’acide  iodique  et  le  sulfate  d’argent .  71 

lodate  d’argent  préparé  par  l’iodate  de  potassium  et  le  dithionate  d’argent . 

II.  Recherches  sur  la  transformation  du  bromate  d’argent  en  bromure,  sous  l’influence 

de  l’acide  sulfureux ,  faites  dans  le  but  de  constater  si  le  rapport  du  brome  à  l’ar¬ 
gent  est  le  même  dans  ces  deux  corps . 

Bromate  d’argent  préparé  par  le  bromate  de  potassium  et  l’azotate  d’argent  .  .  •  .  82 

Bromate  d’argent  préparé  par  le  bromate  de  potassium  et  le  sulfate  d’argent  ....  84 

Bromate  d’argent  préparé  par  le  bromate  de  potassium  et  le  dithionate  d’argent  .  .  .  89 

III.  Recherches  sur  la  transformation  du  chlorate  d’argent  en  chlorure,  sous  l’in¬ 

fluence  de  l'acide  sulfureux,  faites  dans  le  but  de  constater  si  le  rapport  en  poids  du 
chlore  à  l’argent  est  le  même  dans  ces  deux  corps .  90 

De  l’action  du  chlore  sur  l’oxyde  et  sur  le  carbonate  d’argent .  92 

Chlorate  d’argent  préparé  par  l’action  du  chlore  sur  le  carbonate  d’argent  suspendu 

dans  de  l’eau .  94 

Chlorate  d’argent  préparé  par  l’action  du  chlore  sur  l’oxyde  d’argent  suspendu  dans  de 

l’eau . 

Conclusions .  *98 

NOTES. 

Sur  la  préparation  de  l’eau  distillée  pure .  109 

Sur  la  réduction  des  sels  d’argent  ammoniacaux  sous  l’influence  des  sels  cuivreux  am¬ 
moniacaux . Il* 

Sur  la  capacité  du  réservoir  de  l’appareil  destiné  à  la  détermination  du  titre  de  l’argent.  1 12 

Sur  la  capacité  du  mesureur  de  l’appareil  destiné  à  la  détermination  du  titre  de  l’argent.  ib. 

Sur  la  préparation  de  l’iodate  de  potassium  . . 

Sur  le  lavage  et  la  dessiccation  de  l’iodate  d’argent .  1 1^ 

Préparation  de  l’anhydride  sulfureux  employé  pour  la  réduction  de  l’iodatc.  du  bro¬ 
mate  et  du  chlorate  d’argent .  110 

Sur  la  préparation  de  l’acide  iodique . 

Sur  le  dithionate  de  baryum  et  l’acide  dithionique . 

Sur  le  sulfate  et  le  bromate  d’argent . •  .  .  .  .  118 


TABLE  ANALYTIQUE. 


309 


DEUXIÈME  MÉMOIRE. 

RECHERCHES  NOUVELLES  SUR  LES  POIDS  ATOMIQUES  DE  L'ARGENT,  DE  L'IODE,  DU  BROME  ET  DU  CHLORE, 
FAITES  DANS  LE  BUT  DE  CONSTATER  SI  LE  POIDS  ATOMIQUE  DE  L'ARGENT  A  L'AIDE  DE  CES  TROIS  CORPS 
EST  LE  MÊME,  ET  SI  CES  POIDS  ATOMIQUES  SONT  CONFORMES  A  L’HYPOTHÈSE  DE  PROUT. 


Pages. 

Préliminaires . 119 

I.  Des  systèmes  employés  pour  faire  des  synthèses  et  des  analyses .  120 

II.  Nouvelles  synthèses  de  Viodure  d’argent . 122 

Synthèses  par  différence  de  liodure  d’argent .  ib. 

Résultats  de  ces  synthèses .  153 

Synthèses  par  somme  et  synthèses  complètes  de  l  iodure  d’argent . 136 

De  l’iode  employé  dans  les  synthèses .  ib. 

Des  moyens  employés  pour  effectuer  la  combinaison  d’un  poids  déterminé  d’iode  avec 

un  poids  déterminé  d’argent .  141 

Résultats  des  synthèses  par  somme  et  des  synthèses  complètes  de  l’iodure  d’argent .  .  152 

III.  —  Nouvelles  synthèses  du  bromure  d’argent . 154 

Synthèse  par  différence  du  bromure  d’argent .  ib. 

Résultats  de  cette  synthèse .  158 

Synthèses  par  somme  et  synthèses  complètes  du  bromure  d’argent  .  . .  ib. 

Du  brome  employé  dans  les  synthèses .  ib. 

.Du  moyen  employé  pour  effectuer  la  combinaison  d’un  poids  déterminé  de  brome  avec 

un  poids  déterminé  d’argent  . .  166 

Résultats  des  synthèses  par  somme  et  des  synthèses  complètes  du  bromure  d’argent  .  171 

IV.  —  Nouvelles  analyses  de  l’iodate  d’argent.  —  Analyses  complètes  de  l’iodate  d'ar¬ 
gent  . 172 

Préparation  de  l’iodate .  175 

Appareil  destiné  à  la  décomposition  de  l'iodate . 174 

Appareil  destiné  à  fixer  l’oxygène . 177 

Du  système  destiné  à  la  condensation  de  l’eau . . 179 

Du  système  d’appareil  qui  a  fourni  l’azote  pur  nécessaire  à  l’opération .  180 

Pesées  des  appareils . : . 182 

De  l’opération  de  l’analyse  de  l'iodate  d’argent .  185 

Résultats  des  analyses  complètes  de  l’iodate  d’argent .  189 

Analyses  par  différence  de  l'iodate  d’argent .  191 

Résultats  des  analyses  par  différence  de  l’iodate  d’argent . 195 

y.  —  Nouvelles  analyses  du  bromate  d’argent.  —  Analyses  par  différence  du  bromate 

d’argent . 194 


340 


TABLE  ANALYTIQUE. 


l'agcs. 

Résultats  des  analyses  par  différence  du  broraate  d’argent .  198 

VI.  —  Nouvelles  analyses  du  chlorate  d’argent . 200 

Analyses  par  différence  du  chlorate  d’argent .  ib. 

Résultats  des  analyses  par  différence  du  chlorate  d'argent . 208 

Conclusions  des  synthèses  de  l’iodure,  du  bromure  d’argent  et  des  analyses  de  l’iodate, 

du  bromate  et  du  chlorate  d’argent . 210 

Poids  atomique  de  l’argent .  ib. 

Poids  atomique  du  chlore . 212 

Poids  atomique  du  brome .  ib. 

Poids  atomique  de  l’iode .  dt 

TROISIÈME  MÉMOIRE.  * 

RECHERCHES  FAITES  DANS  LE  BUT  DE  DÉTERMINER  ET  DE  CONTROLER  LE  POIDS  ATOMIQUE  DE  L’AZOTE, 
DU  BROME,  DU  CHLORE,  DE  L’ARGENT,  DU  LITHIUM,  DU  POTASSIUM  ET  DU  SODIUM. 


Préliminaires . -la 

I.  —  De  la  transformation  des  chlorures  en  azotates . 210 

Des  vases  employés  dans  les  opérations . . .  ib. 

De  l’appareil  qui  a  servi  à  la  transformation  des  chlorures  en  azotates . 219 

De  l’acide  azotique  employé  dans  les  transformations . 222 

Du  moyen  employé  pour  opérer  la  transformation  des  chlorures  en  azotates  ....  225 

Du  chlorure  de  potassium  employé  dans  les  déterminations  et  détermination  du  rapport 

proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  potassium . 251 

Examen  des  chlorures  de  potassium  employés  dans  les  déterminations . 240 

Rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  potassium . 244 

Du  chlorure  de  sodium  employé  dans  les  déterminations  et  détermination  du  rapport 

proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  sodium .  ib. 

Rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  et  l'azotate  de  sodium . 248 

Examen  des  chlorures  de  sodium  employés  dans  les  déterminations . 249 

Du  chlorure  de  lithium  employé  dans  les  déterminations . 250 

De  la  pesée  du  chlorure  de  lithium  dans  le  vide . 258 

Examen  des  chlorures  de  lithium  qui  ont  servi  aux  déterminations . 2(i4 

Du  moyen  employé  pour  la  détermination  du  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure 

de  lithium  et  l’argent . 265 

Rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  de  lithium  et  l'argent . 268 

Du  moyen  employé  pour  la  détermination  du  rapport  proportionnel  entre  le  chlorure 

et  l’azotate  de  lithium . 269 

Rapport  proportionnel  entre  le  chlorure  et  l’azotate  de  lithium . 274 


TABLE  ANALYTIQUE. 


31 1 

<  Pages. 

*!■  —  De  la  transformation  de  l'argent  en  azotate .  975 

Nouvelles  synthèses  de  l’azotate  d’argent .  ^ 

Résultats  des  nouvelles  synthèses  de  l’azotate  d’argent .  ^ 

Conclusions  de  la  transformation  des  chlorures  en  azotates . 285 

Poids  atomique  de  l’azote  déduit  du  rapport  proportionnel  entre  les  chlorures  et  les 
azotates .  ogy 

Poids  atomique  du  chlore  déduit  des  transformations  des  chlorures  en  azotates  .  .  .  289 

Poids  atomique  du  potassium  déduit  de  la  transformation  du  chlorure  de  potassium  en 
azotate . . 

Poids  atomique  du  sodium  déduit  de  la  transformation  du  chlorure  de  sodium  en  azotate.  ib. 

Poids  atomique  du  lithium  déduit  de  la  transformation  du  chlorure  de  lithium  en  azotate.  ib. 

Poids  atomique  de  l’argent  déduit  de  la  synthèse  de  l’azotate  d’argent .  ib. 

IH-  Détermination  du  rapport  proportionnel  entre  le  bromure  de  potassium  et 
l’argent .  290 

Bromure  du  bromate  de  potassium  par  l’action  du  chlore  sur  un  mélange  de  bromure 

et  d’hydrate  de  potassium . . 

Bromure  provenant  de  l’action  du  brome  pur  sur  l’hydrate  de  potassium  pur  ....  298 

Bromure  du  bromate  de  baryum . . 

Rapport  proportionnel  entre  le  bromure  de  potassium  et  l’argent . 505 

Poids  moléculaire  du  bromure .  n 

Poids  atomique  du  potassium . ' .  30^ 

Poids  atomique  du  brome .  3Q3 

Table  analytique . . 


FIN  DE  LA  TABLE  ANALYTIQUE. 


■ 


/ 

■ 

. 

' 

• 

■ 

SHH 


APPAREIL  Pii  K  L’AI  A  LYSE  ÇI1PLÈTI  il  L'IQQATE  R’ ARGENT. 


A  l  j o^o me Ive/  Demi ep ip>  couletiuufc  De  '  Z’at^o le/ 

®  ^Xppa/ieoP  De  t£celu.cj  cotileiiaiil  De  0  ac/iDe/oul  j  u-titj  ne. 

CC  6  /U  Reo  -©h/U  cv  cRPot/ii/ee/  De  caPci  wm/O, 

D  CjviPPe/a/  ^  j  l caoe voec  p  ai  uue-  ijauicDe  lole-  co  ni  eu  aut  De/’ 
la.  u taej i ceo Le/  cl i a iL^ee  aie  ccnccje  AaitO  PaJ  uePPe  vepooe  uijlul’e 
De  ooive  laj^iuuCle  veiupPi/  de  cutvte/  Dtoioe/. 

E  (juBe/  nielaPPicjue/cu T  iiumc  De/  IvoiO  iotuueLv 
E  il  Paleau  J  une  macfvuie/  pueuiiialiijiic/ 

GG  GG  &  O  u  P  eci  en  U  iempPio  3e  piecîe  ponce  Divioée  .et  Piuiueclee 
D  CVClDc  Oui  |  U'clC]  Lie  I lO  V  II l LVp-, 


H  DkPU  cv  iVux  calo  aoec  P  voDate  D  cwcjeul  .dta  emplie  te  cl  Peo 
CoPo  iepooeul  DauO  de,  la  uiacpieoie- couleiuve  Duuo  une  c  a  poule 
et  Deo  cjauieo  De  lolc/  cPvauj'jeeO  cv  PaiDcDe  la  [faimue  De  Pampeo 
De  (B  luvoece, 

i  qaL  a/eja.^  Uavetoee  pav  cuve  ijal/ue  De  toPe/  coivlemvu  l  De  Pcv 
i  mvcpu’Oie  Dcuut  lacj  ue  Pie  vepooe/  uu.  I  u Pe  e 1 1  oeve©  ce|  icvclaivc 
icujcuiuviit  le  cuiovc/ Dioioe  Dec  Lue  cv  l  aPooipliou  De  l  o.vijijeue 
DecjcvcjeDe  P  loDate/D  avej  eut  . 

J  (D  Vjotei'vue'  cv  couDcuoaliau  De-  P  eaiv  ;  il  oe  couipooe  De  Ivcuo  luPco 
en  U  xeuipPio  De  pouce/  ouPj  uvi c] ne/ 

K  G  u  Pc  £>vh  U , cv  pcmce  ouPjaivicjue  Deolme  a  oevotc  De  letucni). 

L  GuBa  eu  U, a  pouce  ouP|uvic|ue  ;  Deoliue  cv  pteoecoev.  te  lemom  K 
De- -P  liuiuiDilc  De/  P  a-i'c/. 


SUR  LA  STABILITÉ 


DES 

SYSTÈMES  LIQUIDES  EN  LAMES  MINCES 


PAU 


Ernest  LAMARLE, 

INGÉNIEUR  EN  CHEF  DES  PONTS  ET  CHAUSSÉES,  PROFESSEUR  A  L’UNIVERSITÉ  DE  GAND, 
ASSOCIÉ  DE  L’ACADÉMIE  ROYALE. 


(Introduction,  lre  partie  et  1re  section  de  la  2e  partie.) 


(Mémoire  présente  à  l’Académie  le  10  mai  1864.) 


Tome  XXXV. 


1 


SUR  LA  STABILITE 


DES 

SYSTÈMES  LIQUIDES  EN  LAMES  MINCES. 


INTRODUCTION. 


Les  lois  qui  régissent  la  formation  des  systèmes  liquides  en  lames  minces 
se  résument  toutes  en  une  seule  et  même  loi ,  dont  voici  l’énoncé  : 

Dans  tout  système  liquide  en  lames  minces,  a  l’état  d’équilibre  stable, 

LA  SOMME  DES  AIRES  DES  LAMES  EST  UN  MINIMUM. 

Suppose-t-on  que  l’ensemble  des  lames  d’un  même  système  liquide  soit 
assimilable  à  une  membrane  uniformément  tendue  P  la  loi  du  minimum  des 
aires  résulte  immédiatement  de  cette  hypothèse.  Veut-on  procéder  avec  plus 
de  rigueur  et  s’en  tenir  au  principe  de  l’attraction  moléculaire,  comme  l’ont 
fait  Laplace  et  Poisson  dans  la  théorie  mathématique  de  la  capillarité?  il 
suffit  de  quelques  lignes  pour  démontrer  la  loi  fondamentale  énoncée  ci-dessus. 
Dans  tous  les  cas,  d’ailleurs,  il  est  évident  qu’elle  implique  cette  première 
conséquence  : 

L’aire  de  chaque  lame  est  un  minimum  entre  les  limites  qui  la  circon¬ 
scrivent. 


4 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


De  là  découle  ensuite  cette  autre  déduction  : 

La  courbure  moyenne  est  constante  en  chacun  des  points  d’une  même  hune. 
Elle  est  nulle ,  lorsque  les  pressions  extérieures  sont  égales  de  part  et  d’autre; 
dans  le  cas  contraire,  elle  est  proportionnelle  à  leur  différence. 

Jusqu’ici  nulle  difficulté.  Tout  s’établit  dans  les  conditions  les  plus  simples 
et,  pour  ainsi  dire,  à  priori.  On  peut  observer,  d’ailleurs,  que  si  les  lois  pré¬ 
cédentes  n’exigent  aucun  effort  de  calcul  pour  être  démontrées,  elles  échap¬ 
pent  en  quelque  sorte  à  toute  vérification  qui  serait,  en  même  temps,  directe 
et  purement  expérimentale.  L’inverse  a  lieu  pour  les  deux  lois  suivantes  : 

Les  lames  issues  d’une  même  arête  liquide  sont  au  nombre  de  trois  ; 

Les  arêtes  issues  d’un  même  sommet  liquide  sont  au  nombre  de  quatre. 

L’expérience,  toujours  conforme  à  ces  lois,  les  met  d’elle-même  en  évi¬ 
dence,  tandis  que  pour  les  établir  théoriquement,  la  seconde  surtout ,  on  ren¬ 
contre  des  difficultés  qui,  au  premier  abord,  semblent  insurmontables. 

Il  est  une  sixième  et  dernière  loi  qu’on  déduit  aisément  des  deux  précé¬ 
dentes  et  qui  les  complète.  On  peut  l’énoncer  comme  il  suit  : 

Les  lames  issues  d’une  même  arête  liquide  se  coupent  deux  à  deux  sous 
des  angles  égaux.  Il  en  est  de  même  des  arêtes  issues  d’un  même  sommet  liquide: 
c’est  aussi  sous  des  angles  égaux  quelles  se  coupent  deux  à  deux. 

Telles  sont  les  lois  d’où  dépend  la  stabilité  des  systèmes  liquides  en  lames 
minces.  Elles  sont  toutes  susceptibles  de  démonstration  rigoureuse;  mais  si  les 
unes  sont  en  partie  déjà  démontrées,  les  autres,  exclusivement  fondées  sur 
l’expérience ,  laissent  subsister,  au  point  de  vue  théorique,  une  énorme  lacune. 
L’objet  principal  de  ce  mémoire  est  de  combler  cette  lacune,  en  montrant 
comment  les  limitations  numériques  observées  résultent  nécessairement  de 
la  loi  du  minimum  des  aires. 

Nous  avons  divisé  notre  travail  en  deux  parties  distinctes.  La  première  est 
purement  mathématique;  la  seconde  est  à  la  fois  théorique  et  expérimentale. 

Nous  commençons  par  quelques  pages  où,  après  avoir  exposé  l’état  de  la 
question,  nous  démontrons  en  toute  rigueur  la  loi  fondamentale  du  mini¬ 
mum  des  aires.  La  première  partie,  intitulée  Déductions  théoriques,  suit 
immédiatement.  Elle  a  pour  objet  d’établir  que  dans  tout  système  liquide 
en  lames  minces,  la  somme  des  aires  ne  peut  être  un  minimum  sans  tmpli- 


EN  LAMES  MINCES. 


5 


quer,  comme  conséquence,  les  trois  dernières  lois  formulées  ci-dessus  : 

L’emploi  du  calcul  des  variations  semblait  ici  naturellement  indiqué.  En 
l’évitant,  nous  croyons  avoir  écarté  des  complications  presque  inextricables, 
et,  d’ailleurs,  toutes  choses  restant  égales  de  part  et  d’autre,  il  nous  a  paru 
préférable  de  nous  appuyer  exclusivement  sur  les  principes  de  la  géométrie 
élémentaire  et  les  premières  notions  de  l’analyse  différentielle. 

Quelques  pages  suffisent  pour  établir  un  premier  théorème,  tout  à  fait 
général  et  qu’on  peut  énoncer  comme  il  suit,  en  désignant,  sous  le  nom 
d 'arêtes  libres,  les  arêtes  dont  on  dispose  librement  dans  toute  leur  étendue, 
et,  sous  celui  d'arêtes  demi-libres ,  celles  dont  on  ne  dispose  qu’à  la  condition 
de  les  faire  passer  par  un  point  fixe  : 

Dans  tout  système  de  lames,  l’aire  totale  n’est  un  minimum  que  si  les  lames 
aboutissant  ci  une  même  arête  libre  ou  demi-libre  sont  au  nombre  de  trois  et 
se  coupent  deux  à  deux  sous  l’angle  de  120°. 

Partant  de  là,  nous  sommes  conduit  à  poser  et  résoudre  la  question  suivante  : 

Étant,  donnée  la  surface  d’une  sphère ,  comment  et  de  combien  de  manières 
peut-on  la  découper  en  polygones  convexes  dont  les  angles  soient  tous  de  1 20°? 

Il  est  entendu ,  d’ailleurs ,  que  les  côtés  de  ces  polygones  sont  tous  des  arcs 
de  grand  cercle. 

L’équation  très-simple  fournie  par  cet  énoncé  est  du  premier  degré  à  trois 
inconnues.  L’indétermination  qui  résulte  de  la  multiplicité  des  variables  ne 
fait  point  obstacle  à  ce  qu’on  distingue  immédiatement,  parmi  toutes  les  solu¬ 
tions,  celles  qui  peuvent  être  admissibles.  Elles  se  réduisent  à  dix-neuf,  et  ne 
cessent  pas  pour  cela  de  comprendre  encore  des  solutions  étrangères.  11 
faut,  à  leur  tour,  distinguer  celles-ci  et  les  éliminer.  On  y  parvient  après 
quelques  développements  de  trigonométrie  sphérique.  Il  ne  reste  plus  alors 
que  sept  combinaisons  définitives,  et  telle  est  la  solution  cherchée. 

Prenons  à  part  et  successivement  chacune  des  combinaisons  qui  résolvent 
la  question  proposée.  Prenons  en  même  temps  le  polyèdre  qu  on  en  déduit, 
lorsque,  à  chaque  côté  des  polygones  compris  dans  la  combinaison  que  l’on  con¬ 
sidère,  on  substitue  la  corde  qui  sous-tend  ce  côté.  Nous  savons  déjà  que  les 
combinaisons  définitives  sont  au  nombre  de  sept.  Voici  maintenant  les 
résultats  qu’elles  donnent. 


6 


SUR  LA  STABILITE  DES  SYSTEMES  LIQUIDES 


La  première  combinaison  comprend  quatre  triangles  équilatéraux.  Le 
polyèdre  correspondant  est  le  tétraèdre  régulier. 

La  deuxième  combinaison  se  compose  de  deux  triangles  équilatéraux , 
comprenant  entre  eux  trois  quadrilatères  de  même  grandeur.  Le  polyèdre  qui 
lui  correspond  est  le  prisme  droit,  à  base  triangulaire  et  équilatérale, dont  la 
hauteur  est  au  côté  de  la  base  comme  l  imité  est  au  nombre  1/  «  =  2,449484. 

La  troisième  combinaison  comprend  six  quadrilatères  équilatéraux.  Le 
polyèdre  correspondant  est  le  cube,  autrement  dit  l’hexaèdre  régulier. 

La  quatrième  combinaison  se  compose  de  deux  pentagones  équilatéraux, 
comprenant  entre  eux  cinq  quadrilatères  de  même  grandeur.  Le  polyèdre  qui 
lui  correspond  est  le  prisme  droit  à  base  pentagonale  et  régulière,  dans  lequel  le 
rapport  de  la  hauteur  au  côté  de  la  base  a  pour  valeur  \/Va  -+-  i,i  1/5  —  2,22707- 

La  cinquième  combinaison  comprend  douze  pentagones  équilatéraux.  Le 
polyèdre  correspondant  est  le  dodécaèdre  régulier. 

La  sixième  combinaison  se  compose  de  deux  quadrilatères  équilatéraux 
opposés  l’un  à  l’autre  et  comprenant  entre  eux  huit  pentagones  égaux  et  sémi- 
réguliers.  Le  polyèdre  qui  correspond  à  cette  combinaison  est  le  décaèdre  qui 
résulte  de  la  juxtaposition  de  deux  groupes  identiques,  dont  chacun  comprend 
quatre  pentagones  gauches,  égaux  et  semi-réguliers ,  accolés  entre  eux  et  à 
un  même  carré. 

Supposons  ce  décaèdre  inscrit  dans  la  sphère  qui  a  l’unité  pour  rayon.  Si 
l’on  désigne ,  pour  chaque  pentagone ,  par 

a  le  plus  grand  côté; 

b  chacun  des  deux  côtés  contigus  au  précédent  ; 

c  chacun  des  deux  derniers  côtés; 

b'  la  droite  qui  joint  les  deux  sommets  situés  sur  une  parallèle  au  côté  a  ; 

T  le  triangle  isocèle  formé  par  la  droite  b’  et  les  deux  côtés  c; 

Q  le  trapèze  formé  par  cette  même  droite,  les  côtés  égaux  b  et  le  côté  a  ; 

h  la  hauteur  du  côté  a  au-dessus  du  plan  du  triangle  T  ; 

A  là  projection  sur  ce  plan  de  la  distance  comprise  entre  le  côté  a  et  la 
parallèlle  b'  ; 

03  l’angle  que  ce  même  plan  fait  avec  celui  du  trapèze  Q; 

On  a 


EN  LAMES  MINCES. 


7 


a  =  -  1/  5=  1 ,1 54005 
5 


4  —  l/2— 2l/j/2 


=  0,37i8134 


c  =  2  %  /  f _ IA  =  0,8837612 


v71 

v/1 


6'  =  2  %  /  Al  =  1,575177 


h  =  0,076557  ,  A  =  0,546951,  w  =  12”, 26', 56".  * 


Ajoutons,  pour  compléter  la  définition  du  décaèdre,  que  le  côté  a  est  le 
côté  commun  au  carré  et  aux  pentagones  qui  lui  sont  accolés. 

La  combinaison  septième  et  dernière  comprend  quatre  pentagones  et  deux 
groupes  égaux  composés  chacun  de  deux  quadrilatères  accolés  l’un  à  l’autre 
par  l’un  de  leurs  plus  grands  côtés.  Les  pentagones  sont  égaux  et  semi-régu¬ 
liers;  les  quadrilatères  ont  tous  même  grandeur.  Le  polyèdre  qui  correspond 
à  cette  combinaison  est  ï octaèdre  non  régulier  qui  résulte  de  la  juxtaposition 
de  deux  groupes  égaux  comprenant  chacun, 

1°  Deux  pentagones  gauches  égaux  et  semi-réguliers  ; 

2°  Deux  rectangles  égaux  accolés  entre  eux  par  l’un  de  leurs  plus  grands 
côtés. 


Les  trois  dernières  valeurs  se  déduisent  des  suivantes  : 

On  a  d’abord  pour  la  diagonale  e',  qui  sous-tend  les  deux  côtés  b  et  c, 


0'  —  2  y/  j  0746847 

Il  vient  ensuite  en  désignant  par  p,  q ,  r  les  plus  courtes  distances  respectivement  comprises, 
la  première  ( p )  entre  le  côté  a  et  la  droite  b\  la  seconde  (<7)  entre  la  droite  b'  et  le  sommet 
opposé  au  côté  a ,  la  troisième  (r)  entre  le  côté  a  et  ce  même  sommet, 

p  —  0,555297 
q  =  0,556444 
r  =  0,906650. 


8  SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 

On  a,  d’ailleurs,  avec  les  mêmes  notations  que  dans  le  cas  du  décaèdre: 

a  =  1,335687,  6  =  0,2561055,  c  =  0.975557,  6'  =  1.4729616 
h  =  9,0686,  X  =  0,2152,  ^0  =  0,5189,  w=J7°41'l5". 

On  complète  la  définition  de  l’octaèdre  en  ajoutant  que  les  côtés  des  rect¬ 
angles  sont  respectivement  égaux,  le  plus  grand  au  côté  a,  le  plus  petit  au 
côté  c. 

Cela  posé,  considérons  tour  à  tour  chacun  des  polyèdres  précédemment 
définis. 

Soit  n  l’un  quelconque  de  ces  polyèdres.  Ses  arêtes  étant  supposées  fixes 
et  invariables,  nous  les  prenons  pour  bases  d’une  suite  de  triangles  accolés 
trois  à  trois  autour  d’un  même  rayon  et  ayant  tous  leurs  sommets  au  centre  de 
figure.  Les  triangles  ainsi  déterminés  constituent,  dans  leur  ensemble,  le 
système  de  lames  qu’il  s’agit  d’étudier  et  que  nous  appelons  système  primitif. 
Par  hypothèse,  ces  lames  sont  assujetties  à  conserver  leurs  attaches  sur  les 
arêtes  du  polyèdre  n  et  à  se  relier  entre  elles,  soit  directement,  soit  avec 
interposition  d’une  ou  de  plusieurs  lames  additionnelles,  mais,  dans  tous  les 
cas,  toujours  sans  déchirure  ni  solution  de  continuité.  Elles  peuvent  d'ailleurs 
s’étendre  ou  se  contracter  librement.  De  là  résulte,  pour  leur  ensemble,  une 
infinité  de  déformations  possibles.  Tout  se  réduit  à  démontrer  que,  parmi 
ces  déformations,  il  en  est  une  au  moins  pour  laquelle  la  somme  totale  clés 
aires  présentées  par  les  lames  commence  par  décroître.  Cette  démonstration 
exige  d’assez  longs  développements.  Quoi  qu’il  en  soit,  elle  est  possible  et  nous 
la  donnons  pour  tous  les  polyèdres,  à  l’exception  d’un  seul,  le  tétraèdre  régu¬ 
lier.  La  conséquence  est  dès  lors  évidente.  Elle  implique  le  théorème  général 
dont  voici  l’énoncé  (la  désignation  de  sommets  libres  s’appliquant  aux  sommets 
dont  on  dispose  et  qu’on  peut  déplacer  comme  011  veut)  : 

Dans  tout  système  de  lames ,  l’aire  totale  ne  peut  être  un  minimum  que  si 
les  arêtes  issues  d’un  même  sommet  libre  sont  au  nombre  de  quatre  et  se 
coupent  deux  à  deux  sous  des  angles  égaux. 

Rapprochons  cet  énoncé  de  celui  qui  concerne  les  lames  issues  d’une  même 
arête  libre  ou  demi-libre.  En  les  résumant  tous  deux,  nous  pouvons  les  for¬ 
muler  comme  il  suit  : 


EN  LAMES  MINCES. 


9 


Dans  tout  système  de  lames,  deux  conditions  sont  nécessaires  pour  que  la 
somme  totale  des  aires  puisse  être  un  minimum  : 

Il  faut , -d’abord,  que  les  lames  aboutissant  à  une  même  arête  libre  ou  demi- 
libre  soient  au  nombre  de  trois  et  se  coupent  deux  à  deux  sous  l’angle  de  120"; 

Il  faut,  ensuite,  que  les  arêtes  issues  d’un  même  sommet  libre  soient  au  nom¬ 
bre  de  quatre  et  se  coupent  deux  à  deux  sous  l’angle  dont  le  cosinus  a  pour 
valeur - i-,  soit,  approximativement,  sous  l’angle  de  109°  28'  16". 

On  voit,  d’ailleurs,  aisément  comment  les  lois  qu’il  s’agissait  d’établir  ne 
sont  qu’un  cas  particulier  de  ce  dernier  théorème. 

Passons  à  la  seconde  partie  du  mémoire.  Elle  se  subdivise  en  trois  sections 
et  a  principalement  pour  objet  la  vérification  expérimentale  des  déductions 
théoriques  fournies  par  tout  ce  qui  précède.  Les  polyèdres  qu’on  y  désigne 
sous  le  nom  de  polyèdres  types  sont  les  sept  polyèdres  déterminés  ci-dessus , 
les  seuls  qui  puissent  donner  un  système  primitif  où  les  lames,  concourant 
toutes  au  centre  de  figure,  soient  au  nombre  de  trois  pour  chaque  arête  issue 
de  ce  centre  et  se  coupent  deux  à  deux  sous  l’angle  de  120°.  On  passe  de  ces 
polyèdres  à  leurs  dérivés  en  changeant  une  ou  plusieurs  de  leurs  dimensions. 

La  première  section  traite  des  questions  générales  qui  concernent  à  la  fois 
les  polyèdres  types  et  leurs  dérivés.  Nous  y  donnons  quelques  détails  sur  la 
construction  des  carcasses  polyédriques  et  sur  leur  mise  en  œuvre.  Le  reste 
est,  pour  ainsi  dire,  entièrement  nouveau.  Nous  faisons  voir  comment  on  peut 
reconnaître  à  priori,  pour  chacun  des  polyèdres  types  ou  de  leurs  dérivés, 
l’une  au  moins  des  dispositions  générales  qui  se  réalisent  dans  l’état  d’équi¬ 
libre  stable  des  lames  liquides  intérieures.  Réduit  à  son  expression  la  plus 
simple ,  voici  en  quoi  consiste  le  procédé  dont  il  s’agit  : 

Étant  donné  le  polyèdre  sur  lequel  on  veut  opérer ,  on  choisit  arbitraire¬ 
ment  Vune  de  ses  faces,  et,  par  la  pensée,  on  supprime  non-seulement  cette 
face,  mais  aussi  toutes  celles  qui  lui  sont  contiguës,  les  faces,  arêtes  et  som¬ 
mets  NON  CONTIGUS  A  LA  FACE  CHOISIE  ÉTANT  SEULS  CONSERVÉS.  Cela  fait,  OU  UU 
plus  qu’à  considérer  les  parties  restantes.  Elles  déterminent,  par  leur  nombre, 
leur  espèce  et  leur  disposition ,  la  disposition,  l’espèce  et  le  nombre  des  par¬ 
ties  libres  du  système  liquide  correspondant. 

Pour  bien  comprendre  cet  énoncé  ,  il  suffît  de  savoir  qu’on  entend  par  par¬ 
ties  libres  celles  qui  restent  en  dehors  de  toute  arête  solide  ou  qui  ne  s’y  rat- 
Tome  XXXV.  2 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


10 

lâchent  pas  directement.  Tels  sont  les  sommets  libres  déjà  définis,  les  arêtes 
comprises  entre  ces  sommets,  les  lames  que  ces  mêmes  arêtes  circonscrivent. 

Le  procédé  qui  vient  d’être  décrit  va  plus  loin  encore:  il  permet  de  déter¬ 
miner,  par  rapport  à  chacune  des  faces  du  polyèdre  sur  lequel  on  expéri¬ 
mente ,  le  polyèdre  laminaire  dont  cette  même  face  peut  être  considérée 
comme  la  base. 

Soit,  en  effet,  II  le  polyèdre  donné;  F  la  face  à  choisir  pour  satisfaire 
aux  conditions  de  la  règle  qui  précède;  F,  l’une  quelconque  des  faces  con¬ 
tiguës  à  la  face  F;  F2  l’une  quelconque  des  faces  restantes  : 

La  face  F  se  distingue  des  autres ,  en  ce  (pie  le  polyèdre  laminaire,  dont 
elle  est  la  base,  a,  pour  faces  opposées ,  le  groupe  entier  de  toutes  les  lames 
libres.  Ce  polyèdre  laminaire  a,  d’ailleurs,  pour  faces  latérales  une  suite  de 
lames  dont  chacune  est  de  même  espèce  que  la  face  ¥{  du  polyèdre  n  qui  se 
rattache  à  la  face  F  par  la  même  arête  solide. 

Tout  polyèdre  laminaire  correspondant  à  une  face  F,  se  réduit  à  une  suite 
de  lames  qui  se  relient  directement  entre  elles ,  sans  interposition  (l’aucune 
lame  libre,  et  qui  partent  respectivement  des  différents  côtés  de  la  face  F,. 
La  lame  issue  de  l’arête  commune  èi  la  base  F,  et  ci  la  face  F  est  de  même 
espèce  que  la  face  F,.  Les  deux  lames,  qui  sont  contiguës  et  la  précédente  et 
qui  la  comprennent  entre  elles,  sont  triangulaires.  Les  lames  restantes,  s’il 
y  en  a,  sont  quadrangulaires. 

Tout  polyèdre  laminaire  correspondant  à  une  face  F2  a,  pour  face  opposée 
à  sa  base,  une  lame  de  même  espèce  que  cette  base  et  semblablement  placée  ; 
pour  faces  latérales,  des  lames  qui  sont  toutes  quadrangulaires  et  dont  cha¬ 
cune  relie  l’arête  solide  dont  elle  part  ci  l’arête  correspondante  de  la  lame 
libre  opposée  à  la  base  F2.  * 

x\près  l’exposé  de  ces  lois  si  simples  viennent  quelques  considérations 
relatives  au  polyèdre  laminaire  qu’on  peut  former  à  l’intérieur  du  polyèdre  n 
en  fermant  la  face  F  par  une  lame  liquide  additionnelle.  Ce  nouveau  po¬ 
lyèdre,  que  nous  désignons  par  la  lettre  n",  se  dispose  comme  le  polyèdre  ft 


*  On  observera,  pour  les  cas  du  tétraèdre,  du  prisme  triangulaire, du  cube  et  du  prisme 
pentagonal,  que,  en  vertu  de  la  première  règle,  les  parties  libres  du  système  liquide  correspon¬ 
dant  se  réduisent  tantôt  à  un  sommet,  tantôt  à  une  arête,  tantôt  à  une  lame.  A  cela  près,  rien 
ne  change  dans  l’application  de  la  deuxième  règle. 


EN  LAMES  MINCES. 


41 


et  n’en  diffère,  au  point  de  vue  de  la  forme,  que  par  la  courbure  plus  ou 
moins  prononcée  de  ses  faces  et  de  ses  arêtes.  On  peut,  d’ailleurs,  augmenter 
ou  diminuer  à  volonté  le  volume  du  polyèdre  n".  Ces  expériences  ne  sont 
pas  seulement  très-curieuses ,  elles  présentent  ici  des  moyens  précieux  de 
contrôle.  Nous  citerons,  pour  exemples,  les  cas  particuliers  du  tétraèdre, 
du  cube  et  du  dodécaèdre.  Les  polyèdres  correspondants  n"  ont  toutes  leurs 
faces  de  courbure  sphérique  et  de  même  rayon  pour  chacun  d’eux.  Il  s’en¬ 
suit  que  les  arêtes  liquides  sont  les  unes  à  courbure  circulaire,  les  autres 
rectilignes.  Ces  conditions  très-simples  et  très-remarquables  se  prêtent  d’elles- 
mêmes  à  de  nombreuses  vérifications. 

La  deuxième  section  contient  pour  chacun  des  polyèdres  types  le  détail 
des  expériences  faites  sur  ce  polyèdre,  et,  s’il  y  a  lieu,  sur  ses  dérivés.  Elle 
présente  partout  la  confirmation  la  plus  satisfaisante  des  données  théoriques 
et  renfermé  un  grand  nombre  de  résultats  nouveaux.  Tout,  d’ailleurs,  y  est 
absolument  neuf,  en  ce  qui  concerne  les  polyèdres  types  ayant  respectivement 
pour  faces,  l’un  deux  carrés  et  huit  pentagones,  l’autre  quatre  pentagones 
et  quatre  rectangles.  Cette  dernière  circonstance  s’explique  d’elle-même.  Il 
était  naturel  de  prendre  pour  polyèdres  d’épreuve  les  prismes  droits  à  bases 
triangulaires,  carrées  ou  pentagonales,  le  tétraèdre  et  le  dodécaèdre  régu¬ 
liers,  c’est-à-dire  cinq  des  sept  polyèdres  qui  satisfont  ou  peuvent  satisfaire 
aux  conditions  du  problème  posé  et  résolu  dans  la  première  partie.  La  forme 
simple  et  régulière  de  ces  polyèdres  bien  connus  les  désignait  d’avance  à 
l’attention  des  physiciens.  Il  en  est  autrement  des  deux  derniers  polyèdres 
types.  Leur  forme  irrégulière  et  complexe  ne  permettait  pas  qu’on  les  dis¬ 
tinguât  à  priori  de  tous  les  polyèdres  possibles,  et  ce  sont  exclusivement  nos 
déductions  théoriques  qui  nous  ont  conduit  à  les  découvrir.  Ils  complètent 
la  série  des  polyèdres  qu’on  devrait  soumettre  à  l’expérimentation ,  dans  un 
cours  où,  après  avoir  établi  la  loi  relative  aux  lames  issues  d’une  même  arête 
liquide,  ce  qui  ne  présente  aucune  difficulté,  on  ne  pourrait  pas  aborder  la 
démonstration  très-longue  et  assez  laborieuse  de  la  loi  qui  limite  à  quatre  le 
nombre  des  arêtes  issues  d’un  même  sommet  libre.  La  marche  à  suivre  est 
nettement  indiquée  pour  ce  cas.  Partant  de  la  première  des  deux  lois  que  nous 
venons  de  rappeler,  on  en  déduirait  la  détermination  directe  de  tous  les  sys¬ 
tèmes  géométriquement  possibles,  et  il  suffirait,  à  cet  égard,  d’invoquer  celui 


12 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


de  nos  théorèmes  qui  réduit  à  sept  le  nombre  de  manières  dont  la  surface  sphé¬ 
rique  peut  se  découper  en  polygones  convexes  ayant  tous  leurs  angles  égaux 
entre  eux  et  à  120°.  Cela  fait,  on  n’aurait  plus  qu’à  prendre  successivement 
chacun  des  polyèdres  types  et  à  opérer  de  manière  que  les  lames  du  système 
liquide  correspondant  vinssent,  pour  un  instant,  concourir  toutes  ensemble  au 
centre  de  figure.  On  constaterait  ainsi  que,  à  l’exception  du  cas  du  tétraèdre,  où 
cette  disposition  des  lames  se  produit  d’elle-même  et  subsiste  seule,  elle  est  tou¬ 
jours  instable  et  ne  peut  jamais  se  maintenir  pour  aucun  des  autres  polyèdres. 

Les  règles  établies  dans  la  première  section  trouvent  leur  application  dans 
les  expériences  de  la  seconde.  On  peut  ainsi  déterminer  à  l’avance  la  forme  des 
systèmes  liquides  qui  correspondent  aux  différents  polyèdres,  et,  sans  difficulté, 
décrire  chacun  de  ces  systèmes  dans  tous  ses  détails  principaux.  Il  n’est  pas  un 
seul  cas  où  les  données  fournies  par  ces  règles  ne  rencontrent  leur  réalisation 
complète,  soit  avec  le  polyèdre  type  que  l’on  considère,  soit  avec  un  de  ses  dé¬ 
rivés.  Bien  plus,  telle  est  la  portée  de  ces  règles  que,  quoi  qu’on  fasse,  elles  sont 
constamment  satisfaites  avec  le  tétraèdre,  les  trois  prismes  et  le  dodécaèdre. 
Quant  à  l’octaèdre  et  au  décaèdre  non  réguliers,  les  systèmes  que  ces  règles  don¬ 
nent  ne  sont  pas  les  seuls  qu’on  obtienne  avec  chacun  de  ces  deux  polyèdres. 

Les  systèmes  de  lames  qu’on  peut  réaliser  avec  un  même  polyèdre  ad¬ 
mettent,  en  général,  plusieurs  formes  ou  dispositions  différentes.  Celle  qu’ils 
affectent  spontanément  dépend,  en  certains  cas,  de  la  position  qu’on  donne  au 
polyèdre  en  le  retirant  du  liquide  où  on  l’a  plongé;  elle  dépend  aussi  quel¬ 
quefois,  pour  un  même  liquide,  de  la  vitesse  d’émersion,  et,  pour  une  même 
vitesse  d’émersion,  de  la  viscosité  du  liquide.  Une  insufflation  bien  dirigée 
sur  certaines  parties  permet,  d’ailleurs,  d’opérer  à  son  gré  toutes  sortes  de 
transformations,  et  de  passer  ainsi  successivement  par  toutes  les  formes  et 
dispositions  que  comportent,  pour  un  même  polyèdre,  les  systèmes  de  lames 
correspondants.  Ce  dernier  procédé,  plus  simple  et  plus  sùr  qu’aucun  autre, 
nous  a  constamment  réussi.  Le  parti  qu’on  en  peut  tirer  est  souvent  très- 
utile,  comme  on  le  voit  par  de  nombreux  exemples. 

Nous  avons  dit  tout  à  l’heure  que  les  polyèdres  types  étaient  les  seuls  né¬ 
cessaires  à  considérer,  soit  pour  établir  par  le  calcul,  soit  pour  constater 
expérimentalement  les  lois  qui  régissent  la  formation  des  systèmes  liquides  en 
lames  minces.  Cela  fait,  on  est  maître  de  multipliera  son  gré  les  expériences, 


EN  LAMES  MINCES. 


13 


en  choisissant  comme  on  veut  les  polyèdres  que  l’on  croit  les  plus  pro¬ 
pres  à  donner  des  résultats  curieux.  Le  champ  qui  s’ouvre  alors  est  illimité. 
Nous  nous  sommes  borné,  dans  la  troisième  section,  à  un  seul  exemple,  celui 
de  l’octaèdre  régulier.  Il  offre,  pensons-nous,  un  intérêt  tout  exceptionnel. 
Quelques  détails  permettront  d’en  juger. 

Si  l’on  remarque  d’abord  que  les  arêtes  solides  issues  de  chacun  des  som¬ 
mets  de  l’octaèdre  régulier  ne  sont  plus  au  nombre  de  trois,  comme  dans  les 
polyèdres  types,  mais  bien  au  nombre  de  quatre,  on  peut  en  inférer  immé¬ 
diatement  que,  au  lieu  d’une  seule  arête  liquide  issue  de  chaque  sommet  solide, 
on  doit  en  avoir  deux.  Tel  est  aussi  le  résultat  fourni  par  l’expérience.  11  s’en¬ 
suit  que  les  choses  se  passent  comme  s’il  y  avait  eu  chaque  sommet  unique 
de  l’octaèdre  deux  sommets  distincts,  respectivement  contigus  à  deux  des 
quatre  arêtes  solides  correspondantes,  et  réunis  l’un  à  l’autre  par  une  arête 
solide  supplémentaire  d’une  extrême  petitesse.  Il  s’ensuit,  en  même  temps, 
que  l’octaèdre  donné  se  trouve  remplacé  virtuellement  par  un  octaèdre  dont 
les  sommets  sont  au  nombre  de  douze  et  dont  toutes  les  faces  n’ont  plus  trois 
côtés  seulement,  mais  bien  de  trois  à  six  côtés. 

Soit  IT  l’octaèdre  donné  et  n,  celui  qui  s’y  substitue  virtuellement  d’après 
les  indications  précédentes.  Les  arêtes  solides  supplémentaires,  qui  distinguent 
l’octaèdre  n,  de  l’octaèdre  n,  pouvant  se  disposer  de  plusieurs  façons  diffé¬ 
rentes,  il  est  visible  qu’à  chacune  de  ces  dispositions  correspond  pour  n,  une 
détermination  particulière.  On  conçoit,  d’ailleurs,  que  si  l’on  forme,  à  l’inté¬ 
rieur  de  l’octaèdre  n  le  polyèdre  laminaire  correspondant  n",  et  qu’on  fasse 
abstraction  dans  celui-ci  de  la  courbure  de  ses  faces  et  de  ses  arêtes,  on  doit 
y  trouver  une  représentation  naturelle  de  l’octaèdre  n,.  L’expérience  s’ac- 
cordeavec  ces  déductions,  et  fournit  ainsi  d’elle-même  le  moyen  le  plus  simple 
de  se  figurer  l’octaèdre  IT,  dans  chacune  des  déterminations  qu’il  comporte. 

Parmi  les  octaèdres  qui  correspondent  aux  déterminations  diverses  et  très- 
nombreuses  du  polyèdre  11",  il  en  est  trois  qu’il  convient  de  signaler  dès  à 
présent.  On  les  distingue  des  autres  en  ce  qu’ils  ont  chacun  une  face  hexago¬ 
nale  et  qu’à  cette  face  est  opposée,  pour  le  premier,  une  face  de  même  espèce  ; 
pour  le  second,  une  face  pentagonale  ;  pour  le  dernier,  une  face  quadrangulaire 
et  trapézoïdale.  Ce  qui  les  caractérise  plus  particulièrement,  c’est  qu’en  choi¬ 
sissant,  pour  la  supprimer  la  première,  cette  même  face  hexagonale,  ils 


U 


SUR  LA  STABILITE  DES  SYSTEMES  LIQUIDES. 


satisfont  aux  règles  générales  formulées  dans  la  première  section  et  rappelées 
ci-dessus.  De  là  résultent,  en  conséquence,  trois  des  systèmes  que  les  lames 
fournies  par  l’octaèdre  régulier  permettent  de  réaliser  à  l’état  d’équilibre 
stable.  Les  parties  libres  de  ces  trois  systèmes  sont  respectivement,  poul¬ 
ie  premier,  une  lame  hexagonale;  pour  le  second,  une  lame  pentagonale  et 
une  arête  liquide;  pour  le  troisième,  deux  arêtes  liquides  et  une  lame  qua- 
drangulaire  de  forme  trapézoïdale. 

Indépendamment  des  trois  systèmes  dont  il  vient  d’être  fait  mention,  il  en 
est  deux  autres  qu’on  peut  aussi  réaliser,  soit  directement,  soit  en  partant 
pour  chacun  de  la  détermination  spéciale  qui  lui  correspond  dans  le  polyèdre 
H".  L’un  de  ces  systèmes  s’obtient  toujours  très-aisément  et  peut  servir  de 
point  de  départ  pour  arriver  successivement  à  tous  les  autres.  Il  a  son  ana¬ 
logue  dans  l’un  de  ceux  qui  correspondent  à  l’octaèdre  type  de  la  deuxième 
section,  les  parties  libres  s’y  réduisant  à  quatre  arêtes  liquides  issues  du  cen¬ 
tre  de  figure.  L’autre  système,  bien  qu’il  se  produise  quelquefois  spontané¬ 
ment,  exige,  en  général,  plusieurs  transformations  préalables.  Les  parties 
libres  sont  deux  arêtes  liquides  et  un  quadrilatère.  Comparées  à  celles  qui 
leur  correspondent  dans  le  dernier  des  trois  systèmes  précédemment  décrits, 
elles  en  diffèrent  en  ce  que  la  lame  trapézoïdale  est  remplacée  par  un  losange 
curviligne  et  que,  au  lieu  de  partir  des  extrémités  d’un  même  côté  du  trapèze, 
les  arêtes  libres  extérieures  partent  de  deux  des  sommets  opposés  du  losange. 
Lorsqu’on  voit  ce  système ,  il  semble ,  au  premier  abord ,  qu’il  soit  très- 
compliqué.  Il  présente,  en  réalité,  une  symétrie  remarquable,  et  telle  est 
cette  symétrie  que  le  losange  comporte  trois  directions  comme  les  faces,  de 
l’octaèdre,  et  qu’il  suffît  de  l’action  du  souffle  pour  le  faire  passer  successive¬ 
ment  de  l’une  à  chacune  des  deux  autres. 

Ce  simple  aperçu  indique  suffisamment  que  le  polyèdre  n"  doit  comporter 
ici  des  dispositions  très-variées.  Les  unes  s’obtiennent  directement,  les  autres 
au  moyen  d’une  ou  plusieurs  transformations  successives.  Elles  sont,  pour  la 
plupart,  extrêmement  curieuses.  Nous  citerons  comme  une  des  plus  remar¬ 
quables  celle  où  le  polyèdre  n"  affecte  la  forme  hexaédrique,  ses  faces  rédui¬ 
tes  au  nombre  de  six  étant  toutes  égales,  de  courbure  sphérique  et  de  même 
rayon. 


STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


EN  LAMES  MINCES. 


NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 


1.  On  connaît  les  expériences  si  curieuses  de  M.  Plateau  *  sur  les  lames 
qui  se  développent  à  l’intérieur  d’une  carcasse  en  fil  de  fer,  lorsque,  après 
avoir  plongé  cette  carcasse  dans  de  l’eau  de  savon,  ou,  mieux  encore,  dans 
un  liquide  composé  d’eau  de  savon  et  de  glycérine,  on  l’en  retire  avec  pré¬ 
caution.  Les  systèmes  formés  par  ces  lames  présentent,  en  général,  des 
arêtes  liquides  et  des  sommets  situés  sur  ces  arêtes  en  leurs  points  de  con¬ 
cours.  Parmi  les  sommets  ainsi  déterminés,  on  doit  distinguer  ceux  qui 
restent  en  dehors  de  toute  arête  solide.  La  liberté  qu’ils  ont  de  céder  en 
tous  sens  aux  actions  qui  les  sollicitent  leur  assigne  évidemment  un  rôle 
considérable.  Nous  les  désignerons  sous  le  nom  de  sommets  libres. 

Plusieurs  conditions  sont  nécessaires  pour  que  les  systèmes  obtenus  se 
maintiennent  et  persistent  dans  la  forme  qu’ils  affectent.  C’est  ainsi,  par 
exemple,  que,  dans  le  cas  de  trois  lames  aboutissant  à  une  même  arête  liquide , 
et  dans  celui  de  quatre  arêtes  liquides  concourant  en  un  même  sommet  libre, 
ces  lames  et  ces  arêtes  doivent  se  couper  entre  elles  sous  des  angles  égaux. 


*  Recherches  expérimentales  et  théoriques  sur  les  figures  d’équilibre  d’une  masse  liquide 
sans  pesanteur,  5mc  et  6“e  séries.  (Mémoires  de  l’Académie  royale  de  Belgique,  tome  XXXIII, 
année  1861.) 


Ifi 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


L’expérience  semble  indiquer,  d’ailleurs,  qu’il  n'y  a  point  de  persistance  pos¬ 
sible,  lorsque  le  nombre  des  lames  partant  d’une  même  arête  liquide  n'est 
pas  restreint  à  trois  et  que  celui  des  arêtes  liquides  issues  d’un  même  som¬ 
met  libre  n’est  pas  limité  à  quatre. 

Le  principe  de  l’égalité  des  angles  dans  chacun  des  deux  cas  mentionné* 
ci-dessus  ne  se  déduit  pas  seulement  de  l’observation.  M.  Plateau  le  démontre 
en  s’appuyant  sur  le  théorème  fondamental  exposé  par  Laplace  dans  la  théo¬ 
rie  mathématique  de  la  capillarité.  Il  fait  remarquer,  en  outre,  qu'on  arri¬ 
verait  à  la  même  conclusion,  si  l’on  considérait  les  lames  liquides  comme 
des  membranes  tendues.  Ce  dernier  résultat  est  en  quelque  sorte  évident  de 
lui-même  *.  On  n’en  peut  pas  dire  autant  du  fait  observé  quant  au  nombre 
des  lames  qui  aboutissent  à  une  même  arête  liquide  et  à  celui  des  arêtes 
liquides  qui  concourent  en  un  même  sommet  libre.  Si  ces  nombres  sont 
limités  respectivement,  le  premier  à  trois,  le  second  à  quatre,  l’expérience 
seule  conduit  à  l’admettre.  Rien  n’indique  à  l’avance  et  l’on  n’a  pas  établi  qu'il 
n’en  saurait  être  autrement.  Nous  avons  cherché  et  réussi,  pensons-nous,  à 
combler  ici  cette  lacune. 

Le  principe  sur  lequel  nous  nous  appuyons  est  énoncé  par  M.  Plateau, 
dans  l’aperçu  suivant  placé  à  la  fin  de  son  dernier  mémoire  sur  les  figures 
d’équilibre  d’une  masse  liquide  sans  pesanteur  : 

«  Je  reviendrai  de  nouveau  sur  les  systèmes  laminaires  pour  en  envisager 
»  la  théorie  sous  un  point  de  vue  plus  général.  En  effet,  ainsi  que  je  l’ai 
»  déjà  fait  remarquer,  les  lames  liquides  qui  les  composent  peuvent  être 
»  assimilées  à  des  membranes  tendues,  et  dès  lors,  on  le  conçoit,  chaque  sys- 
»  tème  se  disposera  de  manière  que  la  somme  de  toutes  ses  surfaces  soit  un 
»  minimum  **.  » 


Ainsi  posée,  la  question  se  réduit  à  l’équilibre  de  trois  forces  égales  situées  dans  un  même 
plan.  L’équilibre  n’étant  possible  qu’autant  que  ces  forces  font  entre  elles  des  angles  égaux,  on 
en  déduit  aisément  que,  dans  le  cas  de  quatre  arêtes  issues  d'un  même  sommet  libre,  c’est  aussi 
sous  des  angles  égaux  que  ces  arêtes  doivent  se  couper  deux  à  deux. 

*"  Nous  avons  prié  M.  Plateau  de  vouloir  bien  nous  donner  quelques  explications  sur  la  portée 
de  ce  passage.  Voici  la  réponse  qu’il  nous  a  faite,  en  nous  autorisant  à  la  reproduire  ici  : 

«  En  écrivant  ces  lignes,  mon  intention  était  simplement  de  donner,  comme  exemples,  les 
»  systèmes  du  prisme  triangulaire  et  de  l’octaèdre  régulier.  J’aurais  montré,  parle  calcul, 


EN  LAMES  MINCES. 


17 


Admettons,  comme  on  le  sait  d’ailleurs,  que  l’aire  de  chaque  lame  doive  être 
lin  minimum.  Il  ne  s’ensuit  pas  clairement- que  la  somme  des  aires  présentées 
par  l’ensemble  des  lames  soit  assujettie  à  remplir  cette  même  condition.  Or, 
c’est  en  cela  que  consiste  le  principe  introduit  par  M.  Plateau  dans  le  passage 
que  nous  venons  de  reproduire  ;  il  convient  donc  qu’avant  d’en  déduire  les 
lois  qu’il  implique,  nous  le  mettions  hors  de  doute,  soit  par  la  considération 
des  membranes  tendues,  soit,  préférablement  ,  par  la  théorie  de  l’attraction 
moléculaire. 

L’assimilation  des  lames  liquides  à  des  membranes  tendues  semble  se  prê¬ 
ter  mieux  que  la  théorie  de  Laplace  à  démontrer  tout  d’abord  le  principe  de 
l’égalité  des  angles  et  celui  du  minimum  des  aires.  Il  suffît,  en  effet,  que  la 
tension  soit  partout  la  même  pour  que  ces  deux  principes  en  résultent  immé¬ 
diatement,  le  premier,  dans  l’hypothèse  des  limitations  numériques  obser¬ 
vées,  le  second,  d’une  façon  générale. 

Dans  cet  ordre  d’idées  tout  se  réduit  à  faire  voir  que  la  tension  des  lames 
est  indépendante  de  leur  courbure  et  demeure  invariable,  sinon  d’une  ma¬ 
nière  absolue,  au  moins  pour  tout  système  de  lames  communiquant  entre  elles 
librement.  Lorsqu’il  s’agit  d’une  seule  et  même  lame,  dont  chacune  des  faces 
est  pressée  uniformément,  et  qui  présente,  en  chacun  de  ses  points  même 
courbure  moyenne  *,  il  est  visible  que  la  tension  doit  être  partout  la  même. 
S’agil-il  ensuite  de  plusieurs  lames  se  reliant  entre  elles  par  des  arêtes  liqui¬ 
des?  On  conçoit  que,  avec  la  liberté  de  se  répartir  uniformément  partout,  les 
molécules  doivent  se  disposer  comme  dans  le  cas  d’une  lame  unique.  On 
peut  donc  admettre  que  la  tension  ne  varie  pas  sensiblement  d’une  lame  à 
une  autre. 

»  qu'en  les  prenant  tels  qu’ils  se  produisent,  ils  satisfont  à  la  loi  du  minimum  des  aires,  en  ce 
»  sens  que  la  somme  des  surfaces  augmente  lorsque,  toutes  choses  égales  d’ailleurs,  on  fait  varier 
»  exclusivement,  pour  le  premier,  la  longueur  de  la  droite  qui  unit  les  sommets  des  deux 
»  pyramides  laminaires;  pour  le  second ,  la  longueur  commune  aux  quatre  arêtes  issues  du 
»  centre  de  figure.  Néanmoins ,  tout  en  admettant  qu’il  y  avait  nécessairement  dépendance  entre 
»  les  lois  que  j’avais  observées  et  celle  du  minimum  des  aires,  je  n’apercevais  aucun  moyen 
><  d’aborder  par  l’analyse,  et  dans  toute  sa  généralité,  le  problème  de  cette  dépendance.  » 
L’intervention  de  la  pesanteur  peut  et  doit  modifier  cet  état  de  choses;  elle  n’altère  pas 
sensiblement  les  conditions  générales  du  phénomène,  lorsque  l’étendue  des  lames  et  leur  épais¬ 
seur  ne  dépassent  pas  certaines  limites. 

Tome  XXXV. 


3 


18 


SUR  LA  STABILITE  DES  SYSTEMES  LIQUIDES 


Si  nous  nous  bornions  à  rappeler  que,  dans  les  phénomènes  capillaires, 
la  théorie  de  Laplace  implique,  comme  conséquence  des  changements  de  ni¬ 
veau,  l’existence  d’une  tension  en  chacun  des  points  superficiels  des  différents 
ménisques,  on  objecterait  peut-être  que  le  droit  d’assimiler  les  lames  liquides 
à  des  membranes  tendues  n’est  pas  suffisamment  établi.  Pour  lever  celle  ob¬ 
jection,  nous  essayerons  de  montrer  que,  dans  le  cas  d’une  masse  liquide  sou¬ 
mise  exclusivement  à  l’action  de  ses  propres  parties,  les  phénomènes  connus 
de  l’attraction  moléculaire  sont  nécessairement  accompagnés  d’une  tension 
superficielle. 

Soit  une  masse  liquide  M  soustraite  à  l’action  de  la  gravité,  libre  d’ailleurs 
et  affectant,  en  conséquence,  la  forme  sphérique.  Si  nous  désignons  parc  le 
rayon  d’activité  de  l’attraction  moléculaire  et  par  R  +  c  le  rayon  delà  masse 
M,  on  sait  qu’en  s’en  tenant  aux  circonstances  principales  du  phénomène,  on 
peut  considérer  cette  masse  comme  composée  de  deux  parties  distinctes,  dont 
l’une  sert  d’enveloppe  à  l’autre  et  la  presse  uniformément.  On  sait,  en  outre, 
que  l’épaisseur  e  de  l’enveloppe  est  négligeable  par  rapport  à  R  et  que  la 
pression  exercée  sur  la  partie  enveloppée  est  représentée,  pour  l’unité  de 
surface,  par  le  binôme 

B 

A  -4-  - 5 

K 

A  et  B  étant  des  constantes  qui  dépendent  de  la  nature  du  liquide  considéré. 

Imaginons  qu’on  coupe  la  sphère  M  par  un  plan  diamétral  P  et  qu’on 
supprime  l’un  des  deux  hémisphères  ainsi  obtenus.  L’équilibre  préexistant 
ne  sera  pas  troublé,  si  l’on  solidifie  l’hémisphère  conservé  et  qu’on  applique 
en  chacun  des  points  du  plan  P  une  force  égale  à  la  force  élastique  que  l'hé¬ 
misphère  supprimé  exerçait  normalement  en  ce  point. 

Distinguons  dans  la  section  P,  d’une  part,  le  cercle  au  rayon  R,  d’autre 
part,  le  segment  annulaire  qui  enveloppe  ce  cercle  et  s’étend  au  delà  jusqu'à 
la  distance  très-petite  e.  La  force  élastique  développée,  pour  l’unité  de  sur¬ 
face,  en  chacun  des  points  du  cercle  au  rayon  R  a  évidemment  pour  mesure 
la  pression  transmise  A  +  ^-diminuée  de  l’attraction  moléculaire  A  exercée 
par  l’hémisphère  supprimé  sur  l’hémisphère  conservé.  Il  s’ensuit  que  la  ré- 


EN  LAMES  MINCES. 


19 


sultante  des  forces  à  appliquer  sur  la  première  partie  de  la  section  P  est  une 
pression  normale  ayant  pour  mesure  le  produit 

B 

tt.R2.  -  =  tt.R.B. 

R 

Mais,  d’un  autre  côté,  l’équilibre  subsiste.  Il  faut  donc  que  la  résultante 
des  forces  à  appliquer  sur  le  segment  annulaire  soit  égale  et  contraire  à  la 
précédente.  Cela  revient  à  dire  qu'il  y  a  tension  superficielle,  puisque  autre¬ 
ment  les  forces  élastiques  correspondantes  au  segment  annulaire  n’agiraient 
point  en  sens  inverse  des  autres  et  ne  pourraient  pas  les  équilibrer.  Soit  9  la 
valeur  moyenne  de  la  tension  dont  il  s’agit;  la  tension  totale  a  pour  expres¬ 
sion 

2îrRe.0 

et,  comme  elle  doit  être  égale  au  produit  tt.Pv.B,  on  en  déduit 

B 

e  =  —  =  constante. 

2e 

Concluons  que,  pour  un  même  liquide,  la  tension  superficielle  est  indépen¬ 
dante  du  rayon  R.  Ce  résultat  s’étend  de  lui-même  aux  lames  sphériques, 
tant  pour  l’enveloppe  intérieure  que  pour  l’extérieure,  et,  quant  à  ces  lames, 
il  est  confirmé  par  les  expériences  de  M.  Plateau  * **.  Il  s’étend  aussi  sans 
difficulté  à  toute  masse  liquide  limitée  par  des  surfaces  quelconques  d’équi¬ 
libre,  soit  que  ces  surfaces  aient  partout  une  courbure  moyenne  différente  de 
zéro,  soit  que,  comme  dans  le  cas  des  systèmes  liquides  en  lames  minces  , 
les  unes  remplissent  cette  condition  et  que  les  autres  soient  planes  ou  a 
courbure  moyenne  nulle.  On  voit  ainsi  comment  les  déductions  précédentes 
peuvent  se  justifier  et  servir  de  base  aux  développements  ultérieurs. 

Yeut-on,  pour  plus  de  certitude,  laisser  à  l’écart  la  considération  des  mem- 

*  Voir  l’ouvrage  déjà  cité,  5me  série,  pages  26  et  suivantes. 

**  C’est  par  des  raccordements  courbes  que  les  lames  liquides  se  rattachent  entre  elles  et  aux 
arêtes  solides.  L’étendue  de  ces  raccordements  étant  toujours  excessivement  petite,  il  s  ensuit 
que  leur  courbure  moyenne  doit  être  assez  grande. 


20 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


branes  tendues  et  parvenir  directement  au  principe  du  minimum  des  aires? 
On  peut  observer  d’abord  qu’en  restant  au  point  de  vue  des  attractions  molé¬ 
culaires,  comme  le  fait  Laplace  dans  la  Théorie  de  la  capillarité,  on  doit 
admettre  qu’il  existe  une  corrélation  nécessaire  entre  les  faits  expérimentaux 
rappelés  ci-dessus  et  la  condition  générale  consistant  en  ce  que  les  surfaces 
d’équilibre  stable  ont  une  étendue  minimum  pour  un  même  volume  enve¬ 
loppé.  Partant  de  là,  on  peut  en  inférer,  par  voie  d’analogie,  que  la  loi  géné¬ 
rale  du  phénomène  se  résout  en  ce  que  la  somme  des  aires  présentées  par  les 
lames  est  assujettie  à  être  un  minimum.  .Mais  ce  n’est  encore  là  qu’une  induc¬ 
tion  qui  ne  saurait  suffire.  Il  nous  faut  donc  procéder  avec  plus  de  rigueur. 

Reportons-nous  à  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  d’une  masse  liquide  31 
soustraite  à  l’action  de  la  gravité  et  parvenue  à  l’état  d’équilibre.  Que  cette 
masse  soit  tout  à  fait  libre,  ou,  comme  dans  les  systèmes  en  lames  minces, 
qu’elle  reste  adhérente  à  des  arêtes  solides  extérieures,  peu  importe  :  si  l'on 
s’en  tient  aux  circonstances  principales  du  phénomène  et  qu’on  néglige  les 
détails  secondaires,  on  peut  toujours  la  considérer  comme  composée  de  deux 
parties  distinctes,  dont  l’une,  sur  une  épaisseur  constante  et  très-petite,  sert 
d’enveloppe  à  l’autre  et  la  presse  uniformément.  On  peut,  de  même,  ne 
tenir  aucun  compte  de  l’effet  produit  par  la  courbure  de  l’enveloppe,  soit 
pour  augmenter,  soit  pour  diminuer  les  pressions  exercées  et  transmises.  Ces 
.  prémisses  impliquent  évidemment  les  déductions  suivantes  : 

1°  L’écart  moléculaire  est  constant  dans  la  partie  enveloppée; 

2°  L’écart  moyen  moléculaire  est  constant  dans  l’enveloppe  et  plus  grand 
que  dans  la  partie  enveloppée; 

3°  L’écart  moyen  général  est  d’autant  plus  petit  que  l’enveloppe  présente 
moins  de  surface  pour  une  même  masse  M. 

Ces  déductions  suffisent.  En  effet,  puisque  l’attraction  moléculaire  n'a 
d’autre  tendance  et  ne  peut  avoir  d’autre  effet  que  de  réduire  autant  que 
possible  les  écarts  moléculaires,  il  devient  manifeste  que  les  surfaces  d’équi¬ 
libre  stable  sont  exclusivement  celles  qui,  pour  un  même  volume  enveloppé, 
ont  une  étendue  minimum. 

On  observera  qu’en  procédant  comme  nous  venons  de  le  faire,  on  résout 
la  question  pour  tous  les  cas,  y  compris,  bien  entendu,  celui  des  systèmes 


EN  LAMES  MINCES. 


21 


liquides  en  lames  minces.  Si  minces,  en  effet,  que  soient  les  lames  d’un 
système  liquide,  leur  épaisseur  excédant  de  beaucoup  le  rayon  d’activité  de 
l’attraction  moléculaire,  il  est  visible  que  la  conclusion  précédente  s’applique 
en  même  temps  à  chacune  de  ces  lames  et  à  leur  ensemble. 

Le  principe  qu’il  s’agissait  d’établir  se  trouvant  ainsi  démontré,  on  constate 
aisément  que,  abstraction  faite  de  1  attraction  moléculaire,  il  subsistei ait  de 
même  duus  l  hypothèse  d’un  liquide  dont  la  surface  agirait  comme  une  mem¬ 
brane  uniformément  tendue.  Mais,  dans  cette  hypothèse,  si  l’on  désigne  par 
p  et  p'  les  deux  rayons  de  courbure  principaux  qui  correspondent  à  un  point 
quelconque  d’une  même  surface  d’étiuilibre ,  il  suffit  des  notions  les  plus 
simples  pour  reconnaître  que  cette  surface  doit  nécessairement  satisfaire  à 
la  condition  générale 

1  t 

- 1 - =  constante. 

P  p' 

11  s’ensuit  évidemment  que  cette  même  condition  peut  être  considérée 
comme  une  déduction  immédiate  du  principe  énoncé  plus  haut  et  qu’en  con¬ 
séquence,  tout  ici  se  démontre  avec  rigueur  et  simplicité. 

Cela  posé,  voici  le  double  objet  que  nous  nous  proposons  : 

Nous  voulons  d’abord  établir  que  la  somme  des  surfaces  appartenant  à 
un  même  système  de  lames  ne  peut  être  un  minimum  sans  impliquer,  comme 
conséquence,  les  limitations  numériques  observées  par  M.  Plateau. 

Nous  montrerons  ensuite  comment  l’expérience  s’accorde  avec  les  déduc¬ 
tions  théoriques  et  les  confirme  toutes. 


PREMIÈRE  PARTIE. 


DÉDUCTIONS  THÉORIQUES. 


Fl9-  '■  2.  Commençons  par  résoudre  le  problème  suivant  : 

Soient  A,  B,  C,  D,  etc.,  des  points  situés  dans  un  même 
plan  P  et  donnés  en  nombre  ainsi  qu’en  position. 

Soient  ni,  n,  o,  etc.,  d’autres  points  pris  dans  le  plan  P 
et  choisis,  comme  on  veut,  quant  à  leur  nombre  et  a 
leur  position. 

Concevons  que  les  points  m,  n,  o,  etc.,  soient  reliés 
entre  eux  et  aux  points  A,  B,  C,  D,  etc.,  par  des  segments  de  droite.  Con¬ 
cevons,  en  outre,  que  ces  segments  soient  déterminés  en  nombre  de  telle 
manière  qu’il  en  parte  un  de  chacun  des  points  A,  B,  C,  D,  etc.,  et  trois 
au  moins  de  chacun  des  points  ni,  n,  o,  etc. 

Cela  posé ,  on  demande  quelles  sont  les  conditions  à  remplir  pour  que 
la  somme  des  segments  ainsi  déterminés  soit  un  minimum. 

Fig.  2.  Prenons  un  quelconque  des  points  m,  n,  o,  etc.,  le  point  m, 

m„  par  exemple,  et  supposons  que  parmi  les  segments  issus  de  ce 
■a  point,  il  y  en  ait  deux  dont  l’angle  soit  inférieur  à  120'. 

Soient  mp,  mq  ces  deux  segments;  pmq  l’angle  qu’ils  font 
entre  eux;  me  la  bissectrice  de  cet  angle;  m'  un  point  pris  sur 
V  me  et  assez  rapproché  du  point  m  pour  que  le  plus  grand  des 
P  e  deux  angles  pm'e,  qm'e  soit  tout  au  plus  égal  à  60°. 


EN  LAMES  MINCES. 


25 


Prolongeons  la  droite  pm'  d’une  quantité  m'm"  égale  à  m'm,  et  du  point 
m  abaissons  sur  m'm"  la  perpendiculaire  ma. 

Le  triangle  m'mm"  étant  isocèle  et  l’angle  mm'm"  ayant  tout  au  plus 
60°  d’ouverture,  on  voit  immédiatement  que  chacun  des  deux  angles  égaux 
m'mm",  m'm"m  est  tout  au  moins  de  60°.  Il  s’ensuit  que  l’angle  mm"m'  est 
égal  ou  supérieur  à  l’angle  mm'm"  et  que  si  le  point  a  ne  tombe  pas  au 
milieu  du  segment  m'm",  il  est  plus  près  du  point  m"  que  du  point  m’.  On 
peut  écrire ,  en  conséquence , 

>  mm’ 
m’a  - . 

—  2 

On  a,  d’ailleurs, 


pm'  -i-  m’a  <  pm. 

De  là  résulte  évidemment 


0) 


mm' 

pm’  h — — - —  <  pm. 


On  trouverait  de  même 

mm' 

(2)  qm'  +  — —  <  qm, 

et,  ajoutant  membre  à  membre  les  inégalités  (1)  et  (2), 

(3)  pm’  -i-  qm'  -+-  mm’  <  pm  h-  qm. 

i 

L’inégalité  (3)  résout,  ainsi  qu’on  va  le  voir,  la  question  proposée. 

Supposons  qu’il  y  ait  plus  de  trois  segments  aboutissant 
en  m,  ou  s’il  y  en  a  trois  seulement ,  qu’ils  fassent  entre 
o  eux  des  angles  inégaux.  Il  suit  de  là  que,  parmi  ces  seg¬ 
ments,  il  en  est  deux  au  moins  qui  se  coupent  sous  un 
angle  inférieur  à  120°.  Soient  mp,  mq  ces  deux  segments. 
Le  point  m’  étant  déterminé  comme  tout  à  l’heure,  et  aussi 


Fig.  3. 

Il 


24 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


rapproché  quon  le  veut  du  point  m,  on  peut,  sans  rien  changer  au  reste  de  la 
figure,  substituer  aux  deux  segments pm,  qm  les  trois  segments pm',  qm',  mm'. 
De  là  résulte  une  diminution  de  longueur  dans  la  somme  des  segments  à 
considérer,  et  s’il  ne  reste  en  m  que  deux  segments,  représentés  respective¬ 
ment  l’un  par  rm,  l’autre  par  m'm,  on  peut  les  remplacer  par  le  segment 
unique  rm'.  On  voit  ainsi  quelles  sont  les  conditions  à  remplir  pour  le  mini¬ 
mum  cherché.  Elles  s’énoncent  comme  il  suit  : 

Il  faut  que  les  segments  issus  de  chacun  des  points  m,  n,  o,  etc.,  soient 
restreints  au  nombre  de  trois  et  qu’ils  fassent  entre  eux  des  angles  de  120°. 

?).  Le  problème  que  nous  nous  étions  d’abord  proposé  se  trouvant  ainsi 
résolu,  considérons  un  polyèdre  quelconque  n  dont  les  arêtes  soient  solidi¬ 
fiées  et  subsistent  seules.  Par  hypothèse,  de  chacune  de  ces  arêtes  part  une 
lame  liquide  dirigée  vers  l’intérieur  du  polyèdre,  et  les  lames  ainsi  déter¬ 
minées  se  rattachent  entre  elles,  soit  directement,  soit  par  l’intermédiaire 
d  une  ou  de  plusieurs  lames  additionnelles  entièrement  dégagées  de  toute 
arête  solide.  L’équilibre  du  système  formé  par  toutes  ces  lames  exige  évi¬ 
demment  qu  elles  se  coupent  au  moins  trois  à  trois  suivant  une  même  arête 
liquide.  Uela  posé,  pour  que  l’équilibre  soit  stable,  il  ne  suffît  pas  que  chaque 
lame  soit  un  minimum  entre  les  limites  qui  la  circonscrivent,  il  faut  en  outre, 
avons-nous  dit,  que  la  somme  totale  de  leurs  aires  soit  elle-même  un  mini¬ 


mum.  Partons  de  cette  dernière  condition  qui  comprend  la  première,  et  cher¬ 
chons  les  lois  qui  en  résultent,  en  raisonnant  d’abord  comme  si  toutes  les 


Fig.  4. 


lames  à  considérer  étaient  et  restaient  planes.  Nous  verrons  ensuite  comment 
la  solution  obtenue  s’étend  d’elle-même  au  cas  général  d’un  système  où  chaque 
lame  prise  isolément  n’est  assujettie  qu’à  présenter  en  chacun  de  ses  points 
une  même  courbure  moyenne. 

Soit  B  une  arête  liquide  projetée  en  m  sur  un  plan  P  per¬ 
pendiculaire  à  cette  arête.  Soient  en  même  temps  mp,  mq, 
mr,  etc.,  les  intersections  de  ce  plan  avec  les  lames  issues  de 
l’arête  B.  Prenons  sur  l’arête  B  deux  points  a,  a'  équidistants 
du  point  m  et  joignons-les  par  des  droites  à  chacun  des  points 
Pf  <1>  r>  elc->  ceux-ci  pouvant,  comme  les  points  a,  a',  être  aussi 
rapprochés  qu’on  le  veut  du  point  m. 


EN  LAMES  MINCES. 


25 


Fixons  par  la  pensée  chacun  des  segments  ap,  a'p ;  aq,  a*q;  ar,  a'r;  efc., 
et,  sans  rien  changer  aux  lames  et  parties  de  lames  situées  en  dehors  de  ces 
segments,  modifions  par  un  déplacement  du  point  m  dans  le  plan  P  la  somme 
des  aires  triangulaires  amp,  a’mp ;  amq,  a'mq ;  amr,  a'mr ;  etc.  S’agit-il  en 
particulier  des  deux  triangles  amp,  a’mp?  Quelle  que  soit  la  vitesse  du 
point  m  au  sortir  du  lieu  qu’il  occupe,  elle  se  décompose  en  deux  autres, 
l’une  exprimée  par  la  différentielle  d(mp)  et  dirigée  suivant  mp ,  l’autre  u 
normale  à  la  première  et  située  dans  le  plan  P.  Si  la  composante  u  subsistait 
seule,  les  triangles  amp,  a'mp  devraient  être  considérés  comme  sortant  des 
lieux  qu’ils  occupent  en  tournant,  le  premier  autour  de  la  droite  pa,  le  second 
autour  de  la  droite  pa' .  Ce  n’est  donc  qu’en  vertu  de  la  composante  d[mp) 
que  la  surface  de  ces  triangles  augmente  ou  diminue  à  l’origine  de  leur  dé¬ 
placement  et  de  leur  déformation  simultanés.  La  vitesse  moyenne  de  circu¬ 
lation  qui  résulte  pour  les  droites  am  et  a'm  de  la  composante  d(mp)  est 
évidemment  4*  d(pip).  On  peut  et  l’on  doit  écrire,  en  conséquence, 


d[amp  -+-  a'mp)  —  am.  d(mp). 


On  trouverait  de  même 


d[amq  -+-  amq)  —  am.  d(mq) 


et  ainsi  de  suite  pour  chaque  couple  des  triangles  à  considérer.  De  là 
résulte,  pour  la  différentielle  de  la  somme  des  aires  de  tous  ces  triangles, 

(4)  d(amp  -+-  a'mp  -+-  amq  -h  a'mq  -+-  etc.)  =  am.  d[mp  -+-  mq  -4-  etc.]. 


Nous  savons  déjà  que  la  différentielle  dipnp  -j-  mq  -j-  etc.)  est  nécessaire¬ 
ment  négative  toutes  les  fois  que  les  segments  issus  du  point  m  dans  le  plan  P 
ne  sont  pas  restreints  au  nombre  de  trois,  ou  qu’étant  restreints  à  ce  nombre, 
ils  ne  font  pas  entre  eux  des  angles  de  120°.  L’équation  (4-)  prouve  qu’il  en 
est  de  même  de  la  différentielle  d{amp  +  a’mp  -f-  amq  -f-  a'mq  -]-  etc.). 
Nous  pouvons  donc  poser  immédiatement  la  déduction  suivante  : 

Dans  tout  système  de  lames  planes  l’aire  totale  ne  peut  être  un  minimum 
Tome  XXXV.  4 


26 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


que  si  les  lames ,  aboutissant  à  une  même  arête  liquide ,  se  réduisent  à  trois 
et  font  entre  elles  des  angles  égaux. 

Cette  déduction  ne  cesse  pas  de  subsister  lorsqu’on  rapproche  indéfini¬ 
ment  du  point  m  les  points  a,  a1,  p,  q,  r,  etc.  Cela  revient  à  dire  que, 
pour  l’étendre  au  cas  des  lames  courbes,  il  suffit  de  prendre  sur  les  inter¬ 
sections  à  considérer  des  arcs  assez  petits  pour  qu’on  puisse  y  substituer 
les  tangentes  ou  les  cordes  correspondantes.  Nous  dirons  donc  plus  géné¬ 
ralement  : 

Dans  tout  système  de  lames  l’aire  totale  n’est  un  minimum  et,  par  con¬ 
séquent,  l’équilibre  ne  peut  être  stable  que  si  les  lames  aboutissant  à  une  même 
arête  liquide  se  réduisent  à  trois  et  se  coupent  deux  à  deux  sous  l’angle 
de  120°. 

k.  Revenons  au  cas  des  lames  planes  et  cherchons,  d’après  ce  qui  pré¬ 
cède,  les  lois  relatives  au  nombre  et  à  la  disposition  des  arêtes  qui  concou¬ 
rent  en  un  même  sommet  libre. 

Soit  O  l’un  quelconque  de  ces  sommets.  On  sait  que  de  chaque  arête  issue 
de  ce  point  partent  trois  lames  se  coupant  deux  à  deux  sous  l’angle  de  120°. 
Cela  suffit  pour  reconnaître  immédiatement  que  les  lames  se  disposent  les 
unes  par  rapport  aux  autres  de  manière  à  former  autour  du  sommet  O  une 
suite  d’angles  solides  convexes,  accolés  deux  à  deux  par  une  face  commune 
et  trois  à  trois  par  une  même  arête.  Les  angles  solides  ainsi  formés  ont  au 
moins  trois  faces  :  ils  peuvent  en  avoir  quatre  ou  cinq,  mais  pas  davantage. 
En  effet,  A  étant  l’un  de  ces  angles,  si,  d’un  point  pris  à  son  intérieur,  on 
abaisse  une  perpendiculaire  sur  chacune  de  ses  faces,  ces  perpendiculaires 
déterminent  un  angle  solide  convexe  A',  ayant  le  même  nombre  de  faces 
que  l’angle  A  et  dont  les  angles  plans  sont  chacun  de  60°.  Or  dans  tout 
angle  solide  convexe  la  somme  des  angles  plans  est  nécessairement  inférieure 
à  360°.  L’angle  A'  ne  peut  donc  avoir  que  cinq  faces  au  plus,  et,  par  con¬ 
séquent,  tel  est  aussi  le  nombre  maximum  des  faces  que  l’angle  A  peut  pré¬ 
senter. 

Prenons  le  sommet  O  pour  centre  d’une  surface  sphérique  *,  et  considérons 

*  On  ne  perdra  pas  de  vue  qu’on  dispose  du  rayon  de  cette  surface  et  qu’on  peut  le  prendre 
aussi  petit  qu’on  veut,  sans  modifier  en  rien  les  déductions  ultérieures. 


EIN  LAMES  MINCES. 


27 


les  intersections  faites  dans  celte  surface  par  les  lames  issues  du  sommet  O. 
Ces  intersections  découpent  la  sphère  en  une  suite  de  polygones  convexes 
dont  les  angles  sont  tous  de  120°.  Il  résulte  d’ailleurs,  des  détails  précédents, 
que  chacun  de  ces  polygones  est  nécessairement  un  triangle,  un  quadrilatère 
ou  un  pentagone. 

Désignons  par  z  le  nombre  des  triangles  ainsi  obtenus  ;  par  y  celui  des 

quadrilatères  ;  par  x  celui  des  pentagones. 

On  sait  que  tout  polygone  sphérique  convexe  a  pour  mesure  de  sa  surface 
la  somme  de  ses  angles  diminuée  d’autant  de  fois  deux  droits  qu  il  a  de  côtés 
moins  deux.  Il  en  résulte  que,  en  représentant  par  l’unité  la  surface  totale 
de  la  sphère,  celle  du  triangle  trirectangle  est  donnée  par  la  fraction  i-et 
fournit  ainsi  l’équivalent  d’un  droit.  On  déduit  aisément  de  là  que  les  sur¬ 
faces  des  polygones  à  considérer  sont  exprimées  respectivement,  par  A  poul¬ 
ie  triangle,  par  A  pour  le  quadrilatère,  par  '-£■  pour  le  pentagone.  Mais  d’un 
autre  côté  la  sphère  est  découpée  par  hypothèse,  de  manière  à  présenter 
x  pentagones,  y  quadrilatères  et  z  triangles.  On  a  donc  évidemment 


ou,  ce  qui  revient  au  même, 

(5)  .x  -4-  2 y  -+-  3z  =  12. 

Les  inconnues  x,  y ,  z  n’admettant  que  des  valeurs  entières  et  positives, 
l’équation  (5)  ne  comporte,  en  conséquence,  qu’un  nombre  limité  de  solu¬ 
tions.  Elle  permet  ainsi  de  faire  un  premier  pas  vers  le  but  proposé. 

5.  Les  considérations  précédentes  ne  fournissent  pas  seulement  1  équa¬ 
tion  (5)  du  n°  4,  elles  permettent  aussi  de  déterminer  en  fonction  des  quan¬ 
tités  x,  y  el  z  le  nombre  des  arêtes  correspondantes. 

Les  lames  issues  du  sommet  O  sont  au  nombre  de  trois  pour  chaque  trian¬ 
gle,  de  quatre  pour  chaque  quadrilatère,  de  cinq  pour  chaque  pentagone. 
Nous  savons,  d’ailleurs,  que  chaque  lame  détermine  un  côté  commun  à  deux 
de  ces  polygones.  Il  suit  de  là  que  le  nombre  total  N  des  lames  issues  du 
sommet  O  a  pour  expression  générale  : 


28 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


N  ==  i-  [5 1  +  +  3 z]. 

Soit  n  le  nombre  des  arêtes  fournies  par  les  intersections  de  ces  lames. 
A  chaque  arête  correspond  trois  lames  et  chaque  lame  comprend-à  la  fois 
les  deux  arêtes  qui  la  limitent  latéralement.  On  voit  par  là  que  l’expression 
précédente  a  pour  équivalent  le  produit  II  s’ensuit,  d’ailleurs,  que  le 
nombre  des  arêtes  liquides  issues  d’un  même  sommet  libre  est  nécessaire¬ 
ment  pair,  et  que  l’on  a  généralement 


-4-  4y  -t-  5z  ==  3/i 

ou,  eu  égard  à  l’équation  (5)  du  n°  4-, 

(6)  n  =  20  —  2?/  —  4  z. 

6.  Reportons-nous  à  l’équation  (5)  du  n°  4.  Les  seules  valeurs  quelle 
permette  d’admettre  pour  z  sont  évidemment  0,  1,  2,  3,  b.  Résolvons,  pour 
chacune  de  ces  valeurs,  les  équations  (5)  et  (6).  On  a  : 


i°  pour  s 

=  4, 

+ 

te 

II 

O 

n  —  4  — 

2  y, 

2°  pour  z 

=  a, 

x  +  ‘2y  =  3, 

n  —  8  — 

3°  pour  z 

=  2, 

x  2 y  -  -  6, 

n  —  12  — 

4°  pour  z 

=  1, 

x  -f-  2 y  —  9, 

n=  16— 

2  y, 

5°  pour  z 

=  0, 

x  -t-  2 y  =  12, 

il 

O 

1 

2 y> 

et,  dans  tous  les  cas, 


Le  reste  s’achève  sans  difficulté  et  conduit  aux  résultats  consignés  dans 
le  tableau  suivant. 


EN  LAMES  MINCES. 


29 


TABLEAU  GÉNÉRAL 

DE  TOUTES  LES  COMBINAISONS  FOURNIES  PAR  LÉQUATION  5. 


U 

es 

s 

"a 

c n 

NOMBRES 

des  polygones,  sphériques  entrant 
dans  chaque  combinaison. 

NOMBRES 

des  arêtes  et  lames  liquides 
correspondantes. 

POLYÈDRES  CORRESPONDANTS. 

Ces  polyèdres  sont  déterminés  par  la  con¬ 
dition  d’avoir  pour  arêtes  les  cordes  des 
arcs  suivant  lesquels  les  lames  liquides 
viennent  couper  la  sphère. 

CS 

•a 

3 

Z 

TRIANGLES. 

QUADRILA¬ 

TÈRES. 

PEN¬ 

TAGONES. 

ARÊTES. 

LAMES. 

1 

4 

0 

0 

4 

6 

Tétraèdre  régulier. 

2 

5 

0 

3 

8 

12 

5 

5 

1 

i 

6 

9 

%  ■ 

i  4 

2 

0 

6 

12 

18 

i  S 

2 

1 

4 

10 

13 

6 

2 

2 

2 

8 

12 

7 

2 

5 

0 

6 

9 

Prisme  droit  à  base  triangulaire. 

8 

i 

0 

9 

16 

24 

9 

i 

1 

7 

14 

21 

10 

i 

2 

3 

12 

18 

11 

i 

3 

5 

10 

13 

12 

i 

4 

i 

8 

12 

15 

0 

0 

12 

20 

50 

Dodécaèdre  régulier. 

14 

0 

1 

10 

18 

27 

13 

0 

2 

8 

16 

24 

Polyèdre  irrégulier  (2  faces  planes  , 

8  gauches  ). 

16 

0 

3 

6 

14 

21 

17 

0 

4 

4 

12 

18 

Polyèdre  irrégulier  (4  faces  planes, 

4  gauches.  ) 

18 

0 

3 

2 

10 

13 

Prisme  droit  à  base  pentagonale. 

19 

0 

6 

0 

8 

12 

Cube  ou  hexaèdre  régulier. 

Les  combinaisons  qui  figurent  dans  ce  tableau  sont  les  seules  à  considé¬ 
rer,  puisque  seules  elles  satisfont  à  l’équation  5.  On  conçoit  d’ailleurs  que, 
bien  qu’elles  satisfassent  à  cette  équation,  il  ne  s’ensuit  pas  qu’elles  soient 


50 


SUR  LA  STABILITE  DES  SYSTEMES  LIQUIDES 


toutes  possibles  *.  En  fait,  il  en  est  sept  seulement  qui  puissent  se  réaliser 
d’après  les  conditions  du  n°  L  ce  sont  celles  que  nous  avons  distinguées 
des  autres,  en  désignant  pour  elles  les  polyèdres  qui  leur  correspondent. 
Elles  portent  les  numéros  d’ordre  1,  7,  13,  15,  17,  18,  et  19.  - 

7.  Nous  venons  de  dire  que  les  combinaisons  2,  3,  4,  5,  6,  8,  9,  10, 
11,  12,  14  et  16  étaient  toutes  impossibles.  Celle  assertion  doit  être  justi¬ 
fiée.  xAvant  de  le  faire,  commençons  par  établir  les  théorèmes  sur  lesquels 
nous  nous  appuyerons. 

Pour  éviter,  dans  ce  qui  suit,  des  répétitions  inutiles,  il  sera  entendu  que 
la  lettre  T  désigne  exclusivement  le  triangle  équilatéral  dont  les  angles  sont 
de  120°.  Quant  aux  quadrilatères  et  aux  pentagones  dont  les  angles  ont 
tous  cette  même  valeur,  nous  affecterons  la  lettre  Q  aux  premiers,  la  lettre  P 
aux  seconds.  Lors  donc  que  nous  désignerons  par  Q  ou  par  P  un  polygone 
sphérique,  nous  exprimerons  par  là  qu’il  s’agit  d’un  quadrilatère  ou  d’un 
pentagone  dont  les  angles  sont  tous  de  1 20°. 

Soit  d’abord  ABC  le  triangle  T.  Sa  surface  est  expri¬ 
mée  par  la  fraction  ~  ;  et  si ,  d’un  côté ,  les  arcs  bis¬ 
secteurs  DA,  DB,  DC,  le  découpent  en  trois  triangles 
égaux  DAB,  DBC,  DCA,  de  l’autre  les  prolongements 
de  ces  mômes  arcs  déterminent  trois  autres  triangles 
égaux  entre  eux,  et  comprenant  ensemble  le  reste  de 
la  surface  sphérique.  De  là  découlent  immédiatement 
les  déductions  suivantes  : 

1°  La  surface  du  triangle  BCD  est  exprimée  par  la  fraction  Elle  équi¬ 
vaut,  en  conséquence,  à  celle  de  chacun  des  pentagones  P; 

2°  Les  triangles  formés  par  les  prolongements  des  arcs  bissecteurs  Cx\, 
CB,  CD,  sont  tous  égaux  au  triangle  T; 

3°  Les  arcs  CB,  CD,  sont  supplémentaires,  et,  comme  le  premier  l’emporte 
sur  le  second ,  on  a  nécessairement  : 

L  équation  (S)  comprend  les  solutions  cherchées.  Elle  comprend,  en  outre,  des  solutions 
étrangères.  Il  est  clair,  en  effet,  qu’elle  ne  cesse  pas  de  subsister,  lorsque,  sans  changer  leur 
somme,  on  attribue  des  valeurs  inégales  aux  angles  des  divers  polygones  à  considérer,  et  qu'on 
maintient  d’ailleurs  les  autres  conditions. 


Fig.  S. 
A 


EN  LAMES  MINCES. 


51 


CD  <  — . 

^  g 


Donnons-nous  un  pentagone  P,  représenté  par  A'B'BCC',  et  supposons 
que  le  côté  BC  de  ce  pentagone  soit  égal  à  celui  du  triangle  T .  Si  l’on  con¬ 
sidère  isolément  les  arcs  CD,  C'A',  assujettis  tous  deux  à  couper  sous  un 
même  angle  aigu  de  60°  l’arc  CC'A,  et  qu’on  les  prolonge  de  gauche  à  droite 
jusqu’à  leur  rencontre,  il  est  aisé  de  voir  que  l’arc  C'A'  ne  peut  couper  l’arc  CD 
qu’à  une  distance  du  point  C  supérieure  à  Or  l’arc  CD  est  inférieur  à  cette 
même  limite  :  il  est  donc  enveloppé  par  l’arc  C'A'.  On  verrait  de  la  même 
manière  que  l’arc  BD  est  enveloppé  par  l’arc  B'A'.  Il  suit  de  là  que  le  triangle 
BCD  est  compris  tout  entier  dans  le  pentagone  A'B'BCC',  ce  qui  est  contra¬ 
dictoire,  puisque,  par  hypothèse,  ce  triangle  et  ce  pentagone  doivent  avoir 

i 

même  surface. 

De  là  résulte  un  premier  théorème  énoncé  comme  il  suit  : 

Théorème  Ier.  Il  n’est  aucun  pentagone  P  ayant  un  côté  égal  à  celui  du 
triangle  T. 

Soit  maintenant  abb'a1  un  quelconque  des  quadrilatères  Q.  On  voit  aisé¬ 
ment  que  dans  ce  quadrilatère  les  côtés  opposés  sont  égaux,  et  que  1  arc  a1  b 
le  coupe  par  moitié.  On  sait,  d’ailleurs,  que  sa  surface  est  exprimée  par  la 
fraction  — .  II  suit  de  là  que  la  surface  du  triangle  aba'  est  exprimée  par  la 
fraction  ~  et  qu’elle  équivaut,  en  conséquence,  à  celle  des  pentagones  P. 

Prenons  un  pentagone  P  représenté  par  abmna'  et 
supposons  que  les  côtés  ab,  aa1  de  ce  pentagone  ap¬ 
partiennent  en  même  temps  à  l’un  des  quadrilatères  Q. 
S’il  en  est  ainsi,  les  aires  aba' ,  abmna'  sont  équiva¬ 
lentes  ,  et  il  faut  nécessairement  que  l’arc  mn  coupe 
l’arc  a' b  en  deux  points  compris  l’un  et  l’autre  entre  les  extrémités  b  et  a1. 
Mais,  dans  cette  hypothèse,  l’arc  a' b  serait  plus  grand  que  n,  et  la  somme 
des  côtés  du  quadrilatère  abb'a'  l’emporterait  sur  une  circonférence  de  grand 
cercle.  Cette  conséquence  étant  absurde,  on  a  cet  autre  théorème  : 

Théorème  IL  II  n’est  aucun  pentagone  P  qui  ait  pour  côtés  adjacents  les 
deux  côtés  d’un  même  quadrilatère  Q. 


Fig.  6. 


C< 


7\ 


\/ 


32 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


8.  Sans  rien  changer  à  la  dernière  figure,  prolongeons  jusqu’à  leur 
rencontre  en  c  les  arcs  ab,  a' b',  et  désignons  par  A  l’angle  cica' .  La  formule 
connue 

(7)  cos  A  =  —  cos  B  cos  C  -+-  sin  B  sin  C.  cos  a 

s’applique  au  triangle  aca',  en  posant 

1  1/T" 

cos  B  =  cos  C  = - -,  sin  B  =  sin  C  =  - 

2  2 

et  remplaçant  «  par  cia' .  On  trouve  ainsi 


4  5 

(8)  cos  A  =  —  —  h - cos  aa  , 

4  4 

et  l’on  voit  aisément  que  l’équation  (8)  fixe  à  60°  la  limite  inférieure  de 
l’angle  A. 

Suppose-t-on  que  l’angle  A  soit  de  120° P  L’arc  aa'  devient  le  côté  du 
triangle  T  et  l’on  déduit  de  l’équation  (8) 


1 

(9)  cos  au  =  —  —  • 

5 


Imaginons  que  l’on  ait  en  abmna'  un  pentagone  P,  construit  sur  un  côté 
donné  aa' .  Pour  qu’il  en  soit  ainsi,  il  faut  que  l’arc  aa'  reste  inférieur  au 
côté  du  triangle  T.  Eu  égard  aux  équations  (8)  et  (9) ,  cette  condition  fixe 
à  120°  la  limite  supérieure  de  l’angle  A. 

Le  côté  aa'  étant  donné,  par  hypothèse,  il  en  est  de  même  des  côtés  ac, 
a'c  et  de  l’angle  A.  Désignons  par  «  l’angle  bb'a'  et  par  x  le  côté  ab. 

La  formule  (7)  s’applique  au  triangle  bcb'  en  posant  B  =  n  —  «,  C  =  60°, 
et  remplaçant  «  par  bb'.  On  trouve  ainsi, 


cos  co  1/  5  .  • 

cos  A  - - 1 - sin  a.  cos  bb  . 

2  2 

et,  par  suite, 


EN  LAMES  MINCES. 


53 


,  2  cos  A  —  cos  u 

(10)  cos  oo  = - — - 

1/  5  .  sin  a. 


Si,  toutes  choses  égales  d’ailleurs,  on  permute  entre  eux  les  angles  A  et 
7t  —  ûo,  le  côté  bc  =  ac —  a?  se  substitue  au  côté  bb',  et  l’on  a 


(il) 


cos  A 

cos  (k  —  u)  =  —  - - 

'  '  2 


1/5  .  . 

- — —  sin  A  cos 
2 


(ac  —  x). 


Différenciées  par  rapport  aux  variables  w  etx,  les  équations  (10)  et  (11) 
donnent  respectivement,  la  première 


(12) 

la  seconde 


d(bb')  —  — 


1  —  2  cos  A  cos  a 
]/ Z  .  sin  2  «  sin  bb' 


du, 


(15) 


J/  5  sin  A  sin  (ac  —  x) 

du  = - - ; -  dx , 

2  sin  u 


l'angle  A  restant  compris  entre  60°  et  120°,  ce  qui  revient  à  dire  que  le 
produit  2  cos  A  reste  compris  entre  -j-  1  et  —  1  *. 

Les  équations  (12)  et  (13)  montrent,  celle-ci  que  l'angle  «  croit  avec  x, 
celle-là  que  l’arc  bb’  diminue  en  même  temps  que  l’angle  «  augmente.  Con¬ 
cluons  que  l’arc  bb'  devient  de  plus  en  plus  petit  à  mesure  que  l’arc  ah  est  pris 
de  plus  en  plus  grand. 

II  est  visible,  d’un  autre  côté,  que  l’arc  b'm  croît  avec 
l’angle  w  et,  par  conséquent,  avec  l’arc  cib.  Soit,  en  effet,  mW 
l’arc  de  grand  cercle  ayant  son  pôle  en  b'.  Lorsque  l’angle  <u 
croît  (les  angles  b'mn  et  b'mn  conservant  chacun  la  valeur 
de  60°)  la  surface  du  triangle  b'mn  augmente  de  la  même 
quantité  que  celle  du  triangle  birectangle  b’m'n'.  I!  faut 
donc  nécessairement  que  l’arc  b'm  croisse  en  même  temps 
que  l’angle  a. 

*  Si  l’on  voulait  déterminer  a  priori  les  limites  entre  lesquelles  l’angle  a  peut  varier,  on  re¬ 
connaîtrait  aisément  que  l’une  est  zéro,  l’autre  120°.  * 

Tome  XXXV.  5 


Fig.  7. 

b 


34 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


Nous  venons  d’établir,  pour  le  cas  où  l’arc  ab  change  en  croissant,  qu  il 
y  a,  en  même  temps,  diminution  de  l’arc  bb1  et  augmentation  de  l’arc  b'm. 
Il  en  résulte  évidemment  et  a  fortiori  que  l’arc  ab  ne  peut  augmenter  sans 
que  l’arc  bm  ne  diminue.  De  là  résulte,  en  conséquence,  le  théorème  suivant  : 

Théorème  III.  Étant  donnés  deux  pentagones  P  ayant  un  côté  commun  a 
et  dont  les  côtés  suivants  sont ,  pour  l’un  h,  c,  etc.,  pour  l’autre  1T,  c',  etc., 
le  côté  h  ne  peut  être  supérieur  au  côté  b'  sans  que  le  côté  c  ne  soit  inférieur 
au  côté  c'  et  réciproquement. 

9.  Les  théorèmes  I,  II,  III  des  numéros  7  et  8  suffisent,  ainsi  qu'on  va 
le  voir,  à  l’objet  que  nous  avons  actuellement  en  vue. 

Considérons  en  premier  lieu  les  combinaisons  2,  3,  4,  5,  6,  8,  9,  10, 
41,  12.  Chacune  de  ces  combinaisons  comprend,  au  moins,  un  triangle  T 
et  un  pentagone  P,  c’est-à-dire  deux  figures  qui,  d’après  le  théorème  Ier  du 
n°  7,  n’admettent  pas  de  côté  commun,  et  qqi ,  par  conséquent,  ne  peuvent 
point  se  juxtaposer.  Comment  passer  de  ce  triangle  à  ce  pentagone?  comment 
combler,  dans  tous  les  sens,  l’intervalle  qui  les  sépare  nécessairement?  Il 
faudrait  pour  cela  des  polygones  qui  s’accoleraient  entre  eux  et  au  triangle  T, 
de  manière  à  former  un  ensemble  dont  le  contour  extérieur  n’aurait  aucun 
côté  qui  demeurât  égal  à  celui  de  ce  même  triangle.  On  voit  aisément  que 
les  polygones  dont  on  dispose  ne  permettent  en  aucun  cas  de  satisfaire  à  cette 
condition.  Nous  pouvons  donc  poser  dès  à  présent  la  conclusion  suivante  : 

Les  combinaisons  2,  3,  4,  5,  6,  8,  9,  10,  il,  12  sont  toutes  impossibles. 

Considérons,  en  second  lieu  et  successivement,  chacune  des  deux  com¬ 
binaisons  14  et  16. 

La  combinaison  14  comprend  un  quadrilatère  Q  et  dix  pentagones  P. 
Elle  exige  qu’on  accole  quatre  pentagones  P  au  quadrilatère  Q  et  qu’entre 
ces  pentagones  on  en  place  quatre  autres.  Le  vide  restant  est  un  quadrila¬ 
tère  Q  qu’il  faudrait  découper  en  deux  pentagones  P,  ce  qui  est  évidemment 
impossible. 

La  combinaison  16  comprend  trois  quadrilatères  Q  et  six  pentagones  P. 

Imaginons  d’abord  que  l’un  des  quadrilatères  Q  puisse  être  isolé  des  deux 
autres,  et  représentons  par  abce  ce  quadrilatère,  par  aa'mb'b,  bb'nc'c,  cc'oe'e, 
ee'ra'a  les  quatre  pentagones  qui  lui  sont  juxtaposés.  Il  est  aisé  de  voir  que 


EN  LAMES  MINCES. 


35 


le  quadrilatère  abce  doit  être  régulier.  Admettons,  en  effet,  qu’il  ne  le  soit 
pas  et  que  l’on  ait ,  en  conséquence , 


[ab  —  ce]  <  [ae  =  6c]. 

Les  pentagones  aa're'e,  aa'mb'b  ont  un 
côté  commun  aa' ,  et  dans  l’un  le  côté  ad¬ 
jacent  ab  est  plus  petit  que  n’est  dans 
l’autre  le  côté  adjacent  ae.  Il  s’ensuit, 
conformément  au  théorème  III  du  n°  8, 
que  l’on  doit  avoir 

(14)  66'  >  ee'. 

La  comparaison  des  deux  pentagones 
cc'oe'e,  cc'nb'b  conduirait  de  la  même 
manière  à  la  relation 

(lo)  .  ee'  >  66'. 

L’incompatibilité  qui  subsiste  entre  les  inégalités  (1-4)  et  (15)  implique  la 
déduction  suivante  : 

Théorème  IV.  Lorsque  quatre  pentagones  P  sont  accolés  à  un  même  qua¬ 
drilatère  Q ,  le  quadrilatère  est  régulier ,  les  pentagones  sont  égaux  et  semi- 
réguliers  *. 

Le  quadrilatère  abce  étant  régulier,  les  pentagones  qui  lui  sont  juxtaposés 
laissent  en  dehors  de  l’étendue  qu’ils  occupent  quatre  angles  ma'r,  nb'm , 
oc'n,  re'o,  dont  deux  sont  à  remplir  par  les  quadrilatères  restants.  Mais  ces 
pentagones  sont  semi-réguliers  et  leurs  côtés  libres  a'm,  mb' ,  b'n,  etc.,  ont 
tous  même  longueur.  Il  s’ensuivrait  donc,  contrairement  au  théorème  II 

*  Les  pentagones  P  se  subdivisent  en  trois  classes  distinctes  :  la  première  n’en  admet  qu  un 
seul,  le  pentagone  régulier;  la  seconde  comprend  les  pentagones  qui  ont  deux  côtés  égaux;  la 
troisième  ceux  dont  les  côtés  sont  tous  différents.  C’est  aux  pentagones  de  la  deuxième  classe  que 
s'applique  la  désignation  de  semi-réguliers.  Il  est  aisé  de  voir  que,  dans  chacun  de  ces  pentagones, 
l’égalité  de  deux  côtés  quelconques  implique  celle  de  deux  autres  côtés  adjacents  aux  premiers. 


Fig.  S. 


o 


56 


SUR  LA  STABILITE  DES  SYSTEMES  LIQUIDES 


du  n°  7  (page  31),  qu’il  existerait  un  pentagone  P  admettant  pour  côtés  ad¬ 
jacents  les  deux  côtés  d’un  même  quadrilatère  Q.  Concluons  qu 'aucun  des  trois 
quadrilatères  de  la  combinaison  16  ne  peut  être  isolé  des  deux  autres.  Ces 
mêmes  quadrilatères  peuvent-ils  se  juxtaposer  tous  trois  autour  d’un  sommet 
commun  ou  se  placer  bout  à  bout,  les  uns  après  les  autres?  Telles  sont  évi¬ 
demment  les  seules  dispositions  qu’il  nous  reste  à  examiner. 

Supposons  que  les  quadrilatères  Q  soient  juxtaposés  tous  trois  autour  d'un 
sommet  commun.  Chacun  d’eux  a  pour  côtés  adjacents  à  ce  sommet  des  côtés 
qui,  dans  les  deux  autres,  sont  adjacents  à  leur  côté  commun,  et  qui,  par 
conséquent,  sont  égaux  entre  eux  *.  Il  s’ensuit  que  ces  quadrilatères  sont 
réguliers,  et,  comme  tout  à  l’heure,  que  les  pentagones  restants  ne  peuvent 
pas  se  juxtaposer  à  leur  contour  extérieur. 

Supposons,  pour  dernière  hypothèse,  que  les  trois  quadrilatères  Q  soient 
placés  bout  à  bout,  les  uns  après  les  autres.  Si  le  dernier  se  rattache  au 
premier,  sans  vide  intermédiaire  y  ils  laissent  en  dehors  de  l’espace  qu’ils 
occupent  deux  triangles  T  qu’il  faudrait  découper  chacun  en  trois  penta¬ 
gones  P,  ce  qui  est  évidemment  impossible.  Si  le  premier  ne  se  rattache  point 
au  dernier,  le  vide  à  remplir  exige  qu’on  accole  aux  trois  quadrilatères  jux¬ 
taposés  quatre  pentagones  P,  dont  deux  réguliers  et  deux  semi-réguliers.  On 
voit  d’ailleurs  aisément  que  ces  deux  derniers  pentagones  devraient  avoir 
pour  côtés  adjacents  les  deux  côtés  d’un  même  quadrilatère  Q.  De  là  résulte, 
comme  tout  à  l’heure,  une  impossibilité  absolue. 

Les  détails  qui  précèdent  impliquent  évidemment  la  conclusion  suivante  : 

Les  combinaisons  1  i  et  1  6  sont  l’une  et  l’autre  impossibles. 

10.  Nous  venons  de  voir  que  les  dix-neuf  solutions  fournies  par  l’équa¬ 
tion  (5)  du  n°  l  (page  29),  ne  donnent  tout  au  plus  que  sept  combinaisons 
possibles,  celles  qui  portent  les  numéros  d’ordre  1,  7,  13,  15,  17,  18  et  19. 
Restons  d’abord  au  point  de  vue  purement  géométrique,  et  proposons-nous  de 
déterminer,  pour  chacune  de  ces  combinaisons,  comment  elle  est  réalisable. 
Nous  chercherons  ensuite,  parmi  les  systèmes  liquides  correspondants,  ceux 
qu’il  faut  exclure  comme  instables,  la  somme  des  aires  présentées  par  les 
lames  dont  ils  se  composent  n’étant  pas  un  minimum. 


*  Deux  quadrilatères  Q  sont  égaux  lorsqu’ils  ont  un  côté  égal. 


EN  LAMES  MINCES. 


37 


Soit,  en  premier  lieu,  la  combinaison  1.  Elle  comprend  quatre  Iriangles  T. 
J1  suffit,  en  conséquence,  de  se  reporter  aux  premiers  paragraphes  du  n  7 
pour  reconnaître  comment  elle  se  réalise,  et  donne  pour  polyèdre  correspon¬ 
dant  le  tétraèdre  régulier. 

Soit,  en  second  lieu,  la  combinaison  7.  Elle  admet  deux  triangles  T  et 
trois  quadrilatères  Q.  On  voit  aisément  que  les  deux  triangles  ne  peuvent  pas 
être  juxtaposés.  Il  faut  donc  accoler  à  l’un  deux  les  trois  quadrilatères.  Le 
vide  restant  se  remplit  par  le  second  triangle,  et  Ton  a  pour  polyèdre  corres¬ 
pondant  un  prisme  droit  à  base  triangulaire. 

Soit,  en  troisième  lieu,  la  combinaison  13.  Elle  est  formée  de  douze  pen¬ 
tagones  P.  En  supposant  que  ces  pentagones  soient  tous  réguliers,  il  est  visible 
qu’ils  satisfont  aux  conditions  voulues  et  donnent  pour  polyèdre  correspon¬ 
dant  le  dodécaèdre  régulier.  Ce  système  est  d’ailleurs  le  seul  que  comporte 
la  combinaison  13,  vu  qu’aucun  des  pentagones  ne  peut  être  irrégulier  ou 
semi-régulier  *. 

*  Imaginons  qu’on  ait  à  construire  un  pentagone  P  irrégulier  ou  semi-régulier.  Si  1  on  se 
donne,  dans  le  premier  cas,  deux  côtés  adjacents,  dans  le  second,  un  côté  quelconque  com¬ 
plètement  défini  par  rapport  aux  autres,  il  ne  reste  plus  rien  d’arbitraire  et  le  pentagone  à 
construire  n’admet  qu'une  seule  détermination. 

Soit  P0  l’un  des  douze  pentagones  à  considérer.  Supposons  d’abord  qu  il  soit  irrégulier  et 
désignons  par  Pt,  P2,  P3,  P4,  P  5  les  pentagones  qui  lui  sont  accolés.  La  détermination  des  pen¬ 
tagones  P0,  Pt  impliquant  celle  du  pentagone  P2;  la  détermination  des  pentagones  P0,  P*  celle 
du  pentagone  P3  et  ainsi  de  suite,  de  proche  en  proche,  on  voit  que  le  pentagone  P5  est  detei- 
miné  par  les  pentagones  P0,  P4  et  qu’il  doit  satisfaire  en  outre  a  la  condition  de  s  accoler  au 
pentagone  P5.  Il  suit  de  là  que,  s’il  est  possible  d’accoler  à  un  pentagone  quelconque  irrégulier 
P0  cinq  pentagones  P„  P.2,  P3,  P*,  P5,  on  ne  le  peut  que  d’une  seule  manière.  Le  groupe  formé  par 
ces  six  pentagones  laisse  en  dehors  de  l’espace  qu’il  occupe  sur  la  sphère  cinq  angles  a  remplir 
par  un  même  nombre  de  pentagones  P,  chacun  de  ceux-ci  étant  complètement  déterminé  par 
les  deux  côtés  de  l’angle  qui  lui  correspond.  Mais,  d’un  autre  cote,  ces  memes  pentagones 
doivent  s’accoler  entre  eux.  De  là  résultent,  en  conséquence,  cinq  conditions  nouvelles.  Or  la 
seule  chose  dont  on  dispose  est  le  pentagone  P0,  et  deux  conditions  suffisent  a  sa  détermination. 
Il  y  a  donc  trois  conditions  de  trop  et,  par  suite,  impossibilité. 

Supposons  maintenant  que  le  pentagone  P0  soit  semi-régulier.  Si  1  on  y  désigne  par  a  le  côte 
qui  n’a  pas  d’homologue;  par  m,m'  les  côtés  adjacents  au  cote  a  ;  par  n,  n  les  deux  derniers 
côtés;  par  Pa,  Pro,  Pm-,  P„,  P„-  les  cinq  pentagones  accolés  au  pentagone  Pu,  le  premier  suivant 
le  côté  a,  le  second  suivant  le  côté  tn ,  et,  ainsi  de  suite,  pour  les  autres,  il  est  aisé  de  voir 
comment  on  est  conduit  successivement  aux  déductions  suivantes  : 

1°  L’égalité  des  côtés  adjacents  «,  n'  implique  celle  des  pentagones  P„,  P„>; 


58 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


Fig.  9.  Soit,  en  quatrième  lieu,  la  combinai¬ 

son  15.  Composée  de  deux  quadrilatères 
Q  et  de  huit  pentagones  P,  elle  est  impos¬ 
sible  par  juxtaposition  des  deux  quadrila¬ 
tères.  Soient,  en  effet,  bd  le  côté  supposé 
commun  aux  deux  quadrilatères  Q  et  ab,bc 
les  côtés  adjacents  de  part  et  d'autre  à  ce 
côté  commun.  L’égalité  qui  subsiste  néces¬ 
sairement,  d’une  part  entre  les  côtés  ba,  bc, 
d’autre  part  entre  les  arcs  am,  en,  eq,  im¬ 
plique  celle  des  pentagones  accolés  abenm, 
cnpqe  *.  On  a  donc  aussi  mn  =  ce,  np  =  cb,  ce  qui  revient  à  dire  que  les 
arcs  mn,  np  sont  les  deux  côtés  d’un  même  quadrilatère  Q.  Il  suit  de  là, 
conformément  au  théorème  II  du  n°  7  (page  31),  que  les  arcs  mn,  np  ne 
peuvent  entrer  comme  côtés  adjacents  dans  un  même  pentagone  P,  et  qu’en 
conséquence  les  pentagones  restants  ne  permettent  pas  de  combler  avec  eux 
les  vides  à  remplir. 


2°  L’égalité  qui  subsiste,  d’une  part  entre  les  pentagones  P„,  P„,,  d'autre  part  entre  les 
côtés  m ,  m',  implique  l’égalité  des  pentagones  Pm,  Pm,  et,  par  suite,  la  semi-régularité  du  pen¬ 
tagone  P„; 

5°  La  semi-régularité  des  pentagones  P„  et  P„  implique  leur  égalité; 

4°  L’égalité  des  pentagones  P0  et  Pa  détermine  le  second,  et  celui-ci,  chacun  des  quatre  autres, 
en  fonction  du  premier. 

Concluons  que  tout  est  déterminé  dans  le  groupe  des  six  pentagones  P0,  Pa,  Pm,  Pm>,  Pn,  P„., 
lorsqu’on  se  donne  le  côté  a  du  pentagone  P0. 

Cela  posé,  considérons  les  pentagones  Pr,  Ps,  P„,  qui  doivent  s’intercaler  respectivement, le 
premier  entre  les  pentagones  P„,  P,„,  le  second  entre  les  pentagones  Pm,  P„,  le  dernier  entre  les 
pentagones  P, ,,  P,,..  On  voit  aisément  qu’ils  sont  déterminés  tous  trois  par  les  dispositions  pré¬ 
cédentes,  et  que,  néanmoins,  le  pentagone  Ps  doit  être  tel  qu’il  s'accole  à  la  fois  à  chacun  des 
deux  pentagones  P,,  et  P„.  De  là  résultent  deux  conditions  auxquelles  il  faut  nécessairement 
'  satisfaire.  Or  on  ne  dispose  que  d’une  seule  chose,  le  côté  a  du  pentagone  P„.  Ici  donc  encore 
l’impossibilité  subsiste. 

L’égalité  des  arcs  ba,  bc  est  évidente.  Elle  implique  la  semi-régularité  du  pentagone  abenm 
et ,  par  conséquent,  l’égalité  des  côtés  am,  en.  On  a ,  d’ailleurs,  à  raison  de  la  symétrie,  eq  —  en. 
Il  s’ensuit  que  le  pentagone  cnpqe  est  semi-régulier  comme  le  pentagone  abenm,  et  qu'en 
conséquence,  ils  sont  tous  deux  égaux,  puisqu’ils  ont  en  commun  un  même  côté  en  semblable¬ 
ment  placé. 


EN  LAMES  MINCES. 


59 


Les  quadrilatères  Q  étant  isolés  l’un  de  l’autre,  à  chacun  d’eux  se  juxta¬ 
posent  quatre  pentagones  P.  La  conclusion  se  déduit  immédiatement  du  théo¬ 
rème  IV  du  n°  9  (page  35)  :  les  quadrilatères  sont  réguliers,  les  pentagones 
sont  égaux  et  semi-réguliers,  il  s’ensuit  que  la  combinaison  15  donne  pour 
système  correspondant  un  polyèdre  à  dix  faces,  dont  deux  pleines  et  ccu  tees, 
huit  gauches,  pentagonales  et  semi-régulières .  On  voit  d’ailleurs  que  les  faces 
de  même  nature  sont  toutes  égales  entre  elles. 

Soit,  en  cinquième  lieu,  la  combinaison  17.  Elle  comprend  quatre  qua¬ 
drilatères  Q  et  quatre  pentagones  P.  Les  dispositions  que  les  quadrilatères 
peuvent  présenter  sont  au  nombre  de  quatre,  savoir  : 

1°  Un  quadrilatère  isolé  des  trois  autres; 

2°  Trois  quadrilatères  accolés  autour  d’un  sommet  commun; 

3°  Quatre  quadrilatères  posés  bout  à  bout,  les  uns  après  les  autres; 

4,°  Deux  groupes  séparés  l’un  de  l’autre  et  comprenant  chacun  deux  qua¬ 
drilatères  accolés. 

Parmi  ces  dispositions,  les  trois  premières  ont  leurs  correspondantes  dans 
la  combinaison  16.  L’impossibilité,  déjà  démontrée  pour  les  unes  au  n°  9 


(page  34),  s’établit  de  la  même  manière  .pour  les  autres.  Il  ne  reste  donc 
que  la  quatrième  disposition,  et  celle-ci  peut  se  réaliser  dans  les  conditions 
mêmes  où  la  juxtaposition  de  deux  quadrilatères  est  démontrée  impossible 
pour  le  cas  de  la  combinaison  15.  Le  système  correspondant  est  un  polyèdre 
irrégulier  à  huit  faces  dont  quatre  planes ,  égales  et  rectangulaires,  quatre 


gauches,  égales,  pentagonales 

Fig.  10. 


semi-regulieres. 

Soit,  en  sixième  lieu,  la  combinai¬ 
son  18.  Formée  de  cinq  quadrilatères 
Q  et  de  deux  pentagones  P,  elle  est 
impossible  par  juxtaposition  des  deux 
pentagones.  Soient,  en  effet,  abede, 
ab'c'd'e  deux  pentagones  P  accolés 
suivant  l’arc  ea.  Les  quadrilatères  qui 
se  juxtaposent  aux  côtés  libres  ab,  bc, 
cd,  etc.,  ont  deux  à  deux  un  côté  com¬ 
mun  ,  celui  par  lequel  ils  s’accolent 


40 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


enlre  eux.  De  là  résulte  l’égalité  des  côtés  ab,  bc ,  cd,  etc.,  et,  par  suite, 
l’impossibilité  absolue  de  la  disposition  considérée.  En  effet,  du  moment 
qu’un  pentagone  P  a  trois  côtés  égaux,  il  est  nécessairement  équilatéral  et 
complètement  déterminé.  On  aurait  donc  ab'  =ab  =  bc  et  il  s’ensuivrait,  con¬ 
trairement  au  théorème  II  du  n°  7  (page  34) ,  qne  le  pentagone  abcde  admet¬ 
trait  pour  côtés  adjacents  les  deux  côtés  d’un  même  quadrilatère  Q.  Concluons 
que  les  deux  pentagones  sont  isolés  l’un  de  l’autre,  et  qu’en  conséquence 
on  a  pour  polyèdre  correspondant  à  la  combinaison  18,  un  prisme  droit  à 
base  pentagonale.  Il  est  visible,  d’ailleurs,  que  cette  base  est  nécessairement 
régulière. 

Soit,  en  septième  et  dernier  lieu,  la  combinaison  19.  Elle  n’admet  que 
des  quadrilatères  Q  et  ils  sont  au  nombre  de  six.  De  là  résultent  évidemment 
les  déductions  suivantes  :  Les  quadrilatères  sont  tous  égaux  et  réguliers.  Ils 
donnent  le  cube  pour  polyèdre  correspondant. 

11.  Nous  venons  de  voir  comment  les  diverses  combinaisons,  reconnues 
seules  possibles,  ne  comportent,  en  définitive,  que  sept  polyèdres  suscep¬ 
tibles  de  réalisation  au  point  de  vue  géométrique.  Il  nous  reste  à  exclure 
ceux  de  ces  polyèdres  pour  lesquels  les  systèmes  formés  par  les  lames  liquides 
correspondantes  ne  satisfont  point  aux  conditions  de  stabilité.  Ces  derniers 
sont  au  nombre  de  six,  savoir  : 

1°  Le  prisme  droit  à  base  triangulaire,  fourni  par  la  combinaison  7; 

2°  Le  cube  ou  hexaèdre  régulier,  fourni  par  la  combinaison  19; 

3°  Le  prisme  droit  à  base  pentagonale,  fourni  par  la  combinaison  18; 

4°  Le  dodécaèdre  régulier,  fourni  par  la  combinaison  13; 

5°  Le  polyèdre  irrégulier  à  dix  faces,  fourni  par  la  combinaison  15; 

6°  Le  polyèdre  irrégulier  à  huit  faces,  fourni  par  la  combinaison  17. 

Les  détails  dans  lesquels  nous  devons  entrer  pour  démontrer  l’instabilité 
de  ces  différents  systèmes  exigent  quelques  développements.  Commençons 
par  établir  les  formules  générales  dont  nous  aurons  besoin,  suivant  les  dif¬ 
férents  cas,  les  figures  à  considérer  n’étant  autres  que  les  polygones  désignés 
ci-dessus  par  les  lettres  T,  Q,  P,  ou,  mieux  encore,  ceux  qui  s’en  déduisent 
en  substituant  aux  arcs  de  grands  cercles ,  qui  constituent  les  côtés  de  ces 
polygones,  leurs  cordes  respectives. 


EN  LAMES  MINCES. 


41 


On  sait  qu’en  désignant  par  A,  B,  C,  les  angles  d’un  triangle  sphérique 
et  par  «,  §,  y,  les  côtés  opposés  à  ces  angles,  on  a  généralement  les  relations 
suivantes  : 

1°  Entre  lin  côté  et  les  trois  angles, 

(16)  cos  A  =  —  cos  B  cos.  C  -+-  sin  B.  sin  C.  cos  <*. 


2°  Entre  un  angle  et  les  trois  côtés, 


(17)  cos  a  =  cos  6.  cos  y  -+-  sin  6.  sin  y.  cos  A. 

3°  Entre  deux  côtés,  l’angle  qu’ils  comprennent,  et  l’un  des  deux  autres 
angles, 

(18)  cot  y.  sin  g  =  cot.  C  sin  A  -+-  cos  g  cos  A. 


4°  Entre  les  angles  et  les  côtés  opposés , 


(19) 


sin.  A  sin  B  sin  C 

sin  a.  sin  g  sin  y 


Si,  d’ailleurs,  on  désigne  par  a,  b,  c ,  les  cordes  des  arcs  «,  6,  y,  il  est 
visible  qu’on  peut  écrire  immédiatement 


(20) 


a  ê  .y 

«  =  2  sin — ,  6  =  2  sin — ,  c  ==  2  sin  —  • 

2  2  2 


Cela  posé,  occupons-nous  successivement  du  triangle  T,  des  quadrila¬ 
tères  Q  et  des  pentagones  P. 


Tome  XXXV. 


6 


42 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


CALCUL  DU  TRIANGLE  T. 


Fig.  11. 

A 


12.  Considérons  le  triangle  T  et  représentons-le 
par  ABC.  Chacun  des  angles  A,  B,  C,  étant  de  120, 
on  a 


cos  A  =  cos  B  =  cos  C  - - sin  A  ==  sin  B  =  sin  C  =  - 

2  ’  2 

Appliquée  à  ce  cas,  la  formule  (16)  du  n°  11 
donne,  pour  le  côté  «  du  triangle  T, 


(21) 


COS  a. 


On  en  déduit,  à  moins  d’une  seconde, 


(2->) 


«  =  109",  28',  16". 


La  formule  (20)  donne  d’ailleurs,  pour  la  corde  a  de  l’arc  « 


Soit  AM  la  hauteur  du  triangle  ABC,  autrement  dit  l’arc  de  grand  cercle 
mené  du  sommet  A  au  milieu  M  de  l’arc  BC.  L’angle  en  M  étant  droit  et 
l’angle  MAC  ayant  60°  d’ouverture,  la  formule  (21)  du  n°  11  donne  ici 

1 

cos  AM  = - . 

VT 

De  là  résulte 


arc  AM  =  125°,  15',  52". 


EN  LAMES  MINCES. 


45 


Soit  D  le  centre  du  triangle  ABC.  On  voit  aisément  que  l’arc  AD  est  le 
supplément  de  l’arc  a ,  et  qu’en  le  soustrayant  du  double  de  la  hauteur  AM , 
le  reste  doit  être  égal  à  180°.  La  première  de  ces  conditions  donne 

arc  AD  =  70°,  51',  44". 

Le  seconde  conduit  à  l’égalité  satisfaite 

2  [125°,  15',  52"]  —  70°,  51',  44"  =  180". 


CALCUL  DES  QUADRILATÈRES  Q. 


Fig.  12. 
A 


13.  Soit  un  quadrilatère  Q  représenté  par 
CDEF  et  ayant  son  centre  en  O  à  l’intersection 
des  deux  diagonales  CE,  DF. 

Supposons  d’abord  que  le  quadrilatère  CDEF 
soit  régulier,  et  désignons  par  «  son  côté  EF, 
par  a  la  corde  de  l’arc  a.  Le  triangle  FOE  étant 
rectangle  en  O,  et  chacun  des  angles  OFE,  OEF 
ayant  60°  d’ouverture ,  les  formules  (16)  et  (20) 
du  n°  11  (page  41)  donnent  successivement,  la 
première 


(24) 

la  seconde 


(25) 


1 


cos  a  = - , 

O 


Prolongeons  les  arcs  CF  et  DE,  CD  et  FE,  les  premiers  jusqu’à  leur  ren¬ 
contre  en  A,  les  derniers  jusqu’à  leur  rencontre  en  B.  L’égalité  qui  subsiste 
entre  les  angles  adjacents  aux  côtés  DE,  EF  dans  les  triangles  DOE,  DBE, 


44 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 

EOF,  EAF,  implique  l’égalité  de  ces  mêmes  triangles.  De  là  résulte  évi¬ 
demment 

(26)  A  =  B  =  90°. 

Supposons  maintenant  que  le  quadrilatère  CDEF  soit  irrégulier,  et  con¬ 
servons  d’ailleurs  les  données  précédentes. 

En  appliquant  au  triangle  EAF  la  formule  (16)  du  n°  il,  on  trouve 

/07\  a  to  t  A  l/  ^  a 

cos  A  — t- —  cos  a  et,  par  suite,  cos  —  cos 

4  4  2  9  9 

On  a  de  même,  en  désignant  par  g  le  côté  DE  du  triangle  DEB, 

cos  B  —  —  — -  -f-  cos  6  et,  par  suite,  cos  — =i^JL Cos  — • 

4  4  2  2  9 

Soit  x  lare  AF.  On  peut  écrire  immédiatement 


et,  par  suite, 
(29) 


6 

X  H - = 

2 


7T 

¥ 


COS  X. 


Prenons  en  M  le  milieu  de  l’arc  EF  et  traçons  l’arc  AM.  En  appliquant 
la  formule  (16)  du  n°  11  au  triangle  AME,  rectangle  en  M,  il  vient 


(50) 


1 

cos  X  = - 


A 


cos  — 
9 


cos  A 


1  —  cos  A 


La  combinaison  des  équations  (27),  (29)  et  (30)  donne,  d’une  part, 


cos  6  = 


,.„6  .  2  1  -+-  cos  A  o  —  5  cos  CL 

—  2  siu2  — -=1  — 

9 


(51) 


5  1  —  cos  A  5  —  5  cos  a 


EN  LAMES  MINCES. 


45 


d’autre  part, 

(32) 


6  »  /  1  -+-  COS  a 

sin — —  \/ - 

2  V  5  —  5  cos  a 


L’équation  (31)  peut,  d’ailleurs,  s’écrire,  comme  il  suit, 


(33) 


5  [cos  a  -i-  cos  6]  =  3  ['1  -i-  cos  a  cos  6]. 


Combinée  avec  l’équation  (28),  elle  fournit,  en  outre,  la  relation  générale 


(34) 


cos  A  -t-  cos  B  —  cos  A  cos  B. 


De  là  résulte ,  en  remplaçant  cos  A  par  1  —  2  sin 2  4-  et  cos  B  par 


1  —  2  sin2  -f-, 


(35) 


.A  B  A  —  B  A  -t-  B 

2  sia  —  sin  —  =  1  =  cos  — - -  cos - 

2  2  2  2 


L’équation  (32)  donne 


tg  — 


o  1  «  /  t  -t-  COS  al  a. 

—  —  —  \/  - =  — cot - 

2  2  »  1  —  cos  a  2  2 


ou,  ce  qui  revient  au  même , 


Les  équations  subsistant  entre  les  angles  a  et  6  permettent  d'établir  ces  autres  relations 


cos 


t=2V 


1  —  cos  a 
5  —  3  cos  a 


i6=. 


A  sin  a. 


S  —  3  cos  a  ’ 


«  6  /  COS  a  ■ 

sin  —  sin  —  =  \  /  - 

2  2V 


■  cos  g 


a  A  B  g  B  A 

tang  —  =  tg  —  cos  —  >  tg  —  =  tg  —  cos  —  • 


On  a  aussi 


46 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


Remarque.  On  voit  par  l’équation  (27)  que  l’angle  A  reste  toujours 
compris  entre  60°  et  180°.  La  première  de  ces  limites  correspond  à  «  =  0, 
la  seconde  à  a  =  n.  Il  en  est  de  même  de  l’angle  B  par  rapport  à  l’angle  S. 


CALCUL  DES  PENTAGONES  P. 


44.  Le  pentagone  P  peut  être  régulier,  semi-régulier  ou  irrégulier.  Nous 
n’avons  à  considérer  ici  que  chacun  des  deux  premiers  cas. 

Fig.  13.  Supposons  d’abord  que  le  pentagone  P  soit  ré- 

a  gulier  et  représentons  par  BC  son  côté  a,  par  A 

/\  son  centre.  Les  angles  du  triangle  sphérique  ABC 

/  \  sont  déterminés  comme  il  suit  : 

9^ 

A  = — -,  B  =  C  =  60°. 

5 

La  formule  (16)  du  n°  11  (page  41)  donne,  en 


conséquence. 


"Itt  15 

cos  - - = - - - 1 - COS  oc. 

5  4  4 


On  a,  d’ailleurs, 

l/T—  1 

cos - =  - - - - 

D  4 


De  là  résulte,  en  substituant, 


1/  5 


(56) 


cos  a  = 


5 


EN  LAMES  MINCES. 


47 


La  corde  a  de  l’arc  «  se  déduit  de  cette  valeur  d’après  la  formule  (20) 
du  n°  14.  On  trouve  ainsi 

(37)  -Vf.T 

Supposons  maintenant  que  le  pentagone  P  soit  semi-régulier,  et  repré- 
sentons-le  par  abcb'a'.  On  a,  par  hypothèse, 

cb  —  cb' ,  ab  —  a'b'. 


Prolongeons  jusqu’à  leur  rencontre  en  m  les  côtés  ba,  b' a',  et  traçons  les 
arcs  bb'  et  cm.  Il  est  visible  que  l’arc  cm  est  bissecteur  de  l’angle  bcb'  et  qu’il 
coupe  en  leurs  milieux  respectifs  i  et  n,  les  deux  arcs,  bb' ,  aa' . 

Le  triangle  bic  étant  rectangle  en  i  et  l’angle 
bci  ayant  60°  d’ouverture,  il  vient,  d’après  la  for¬ 
mule  (19)  du  n°  11, 


Fig.  14. 


(39) 

et,  par  suite, 

(40) 


(58) 


.66'  |/3 

sin  — —  -  - sin  6c. 

v  G) 


Désignons  par  M  l’angle  ama' .  En  appliquant  la 
formule  (16)  du  n°  11  à  chacun  des  deux  trian¬ 
gles  mbc,  man,  on  trouve 


1  5  cos  6c  i/5  aa 

cos  —  =  - - - - =  - - cos - - 

2  4  9  9 


aa 


cos 


1-4-3  cos  6c 

2  l/J 


On  a  aussi 


cos  M  = 


- : — i — cos  aa  = 

4  4 


i  9-  ô  cos  bc) ! 
8 


—  1 . 


48 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


La  formule  (18)  du  n°  11  s’applique  de  même  à  ces  deux  triangles.  En 
posant,  pour  le  premier, 


A  =  mbc  --  120°,  C  =  bcm  =  60°,  y=  bm,  6  =  6c, 


il  vient 


cot  6?n  sin  6c 


1  —  cos  6c 
~~ 2 


6c 


sin2 


et,  par  suite, 


(41) 


.  1  6c 

cot  bm  =  —  tg - 

2  8  2 


En  posant,  pour  le  second, 


aa 


A  =  man  —  60°,  C  =  anm  =  90",  am  =  y,  - =  € , 

2  V 


on  a ,  d’abord, 


aa'  1  aa' 

cot  am.  sin - =  — cos  - , 

2  2  2 


et,  par  suite, 


(42) 


tg  am  —  2  tg  - 


aa 


La  combinaison  des  équations  (41)  et  (42)  donne 


(43) 


tg  ab  =  tg.  (bm  —  am)  =  2 


6c  aà 

1  —  tg. —  tg - 

°  2  s  2 


tg 


6c 


&  -TT-i-  4 


aa 


Dans  le  cas  particulier  où  les  côtés  bc  et  aa1  appartiendraient  à  un  même 
quadrilatère  Q,  on  aurait,  d’après  la  formule  (356iS)  du  n°  13,  page  46, 


EN  LAMES  MINCES. 


49 


La  formule  (43)  donnerait,  en  conséquence, 

...  6r  ,  aa' 

'4o  )  cot  06  =  tg  —  h-  4  ig  —  =  2  (tg  am  h-  cot  6m). 

15.  Reportons-nous  aux  numéros  10  et  11  (pages  36  et  40).  Dans  l’un, 
nous  avons  défini  et  déterminé  chacun  des  sept  polyèdres  dont  la  réalisation 
est  géométriquement  possible.  Dans  l’autre,  nous  avons  dit  que,  pour  six  de 
ces  polyèdres,  les  systèmes  formés  par  les  lames  liquides  correspondantes 
ne  satisfaisaient  pas  aux  conditions  de  l’équilibre  stable.  C’est  ce  dernier 
point  qu’il  s’agit  actuellement  d’établir.  Nous  procéderons,  à  cet  effet,  de 
la  façon  suivante. 

Soit  O  le  sommet  libre  d’où  partent  les  lames  et  arêtes  liquides  à  con¬ 
sidérer. 

Prenons  le  point  O  pour  centre  d’une  sphère  de  rayon  suffisamment  petit, 
et  représentons-nous  les  arcs  qui  résultent  de  l’intersection  de  celte  sphère 
avec  les  lames  issues  du  point  O.  Si  l’on  tire  les  cordes  de  ces  arcs  et  qu’on 
les  solidifie,  elles  deviennent  les  arêtes  de  l’un  des  six  polyèdres  désignés  au 
n°  H  (page  40)  comme  correspondants  à  des  systèmes  instables.  Considé¬ 
rons  le  polyèdre  ainsi  déterminé.  Les  lames  qu’il  comprend  à  son  intérieur 
ne  sont  assujetties  qu’à  conserver  leurs  attaches  sur  les  arêtes  -solides  et  à 
se  relier  entre  elles  sans  déchirure.  Elles  peuvent  d’ailleurs  s’étendre  ou 
se  contracter.  De  là  résulte,  pour  leur  ensemble,  une  infinité  de  déforma¬ 
tions  possibles.  Supposons  que,  parmi  ces  déformations,  on  en  trouve  une 
pour  laquelle  la  somme  totale  des  surfaces  présentées  par  les  lames  commence 
par  diminuer.  On  peut  s’en  tenir  à  ce  résultat  unique.  Il  suffit  à  lui  seul  pour 
établir  l’instabilité  du  système  que  l’on  considère. 

16.  Donnons-nous  en  premier  lieu  le  cas  général  d’un  prisme  droit  à 
base  polygonale  et  régulière.  Les  lames  à  considérer  consistent  en  une  suite 
de  triangles  ayant  tous  pour  sommet  le  centre  du  prisme,  et  chacun  pour 
base  l’une  des  arêtes  de  ce  polyèdre. 

Tome  XXXV.  7 


50 


SUR  LA  STABILITE  DES  SYSTEMES  LIQUIDES 


Fig.  13. 


Soit  P  le  plan  mené  par  le  centre  O  parallèlement 


1  à  la  base  du  prisme.  Projetons  en  ab,  sur  ce  plan, 
l’une  des  arêtes  qui  lui  sont  parallèles  et  tirons  les 
droites  O  a,  O  b.  Si  nous  prenons  sur  ces  droites  deux 
longueurs  égales,  continûment  croissantes  à  partir  de 
zéro  et  représentées  respectivement  par  O m,  O n;  si  nous 
opérons,  en  môme  temps  et  de  la  même  manière,  pour 
chaque  arête  parallèle  au  plan  P,  il  est  visible  que  nous 


a  pouvons  substituer  au  centre  O  les  sommets  libres  m, 
n,  etc.,  introduire  comme  lame  additionnelle  le  polygone  central  déterminé 
par  ces  sommets  et  calculer,  en  conséquence,  ce  que  devient  l’étendue  totale 
des  lames  à  considérer. 

Abaissons  du  point  O  sur  ab  la  perpendiculaire  Oc  qui  coupe  en  i  le  seg¬ 
ment  mn,  et  représentons  par  r  la  longueur  O  b;  par  x  la  longueur  Om;  par 
A  l’angle  aOb;  par  2/i  la  hauteur  du  prisme;  par  B  l’angle  que  font  entre 
elles  les  deux  lames  triangulaires  projetées  en  aOb.  On  trouve  ainsi  : 

1°  Pour  la  surface  du  triangle  mOn, 


a  .  A  A 

x2  sin  —  cos  —  ; 
c>  9 


2°  Pour  la  surface  du  triangle  projeté  en  nb, 


h  (r  —  x)  =  r(r-  x)  cos  —  Ig  — 


3°  Pour  la  surface  des  deux  trapèzes  projetés  en  aimib, 


Désignons  par  p  le  nombre  des  côtés  de  la  base  du  prisme  et  par  Sx  1  éten¬ 
due  totale  des  lames  à  considérer.  Il  est  aisé  de  voir  qu’on  peut  écrire,  en 
général , 


EN  LAMES  MINCES. 


51 


=  p  j~  x2 


A  A 

sin  —  cos  — 
Ç>  2 


h  (r  —  x)  -+-  2  (x 


A  * 

r)  sin— y/  h* (r 


A  ”1 

x)2  cos2  — 


On  a,  d’ailleurs, 

(44) 

et,  par  suite, 

(45) 


/i  = 


A 

r  cos  —  te. 
2  s 


V 


A  /> 

II-  -+-  r2  cos2  —  = - 

2  B 


sm 


2 


De  là  résulte,  en  général  (la  variable  x  restant  assez  petite  pour  qu’on 
puisse  en  négliger  les  puissances  supérieures  à  la  seconde,  et  la  quantité  S„ 
représentant  la  valeur  affectée  par  S*  à  l'origine  de  la  déformation  que  l’on 
considère) , 


S’agit-il  en  particulier  des  combinaisons  7,  18  et  1 9  P  Les  polyèdres  cor¬ 
respondants  sont  des  prismes  droits  ayant  pour  faces  latérales  des  rectangles 
dérivés  chacun  d’un  quadrilatère  Q.  Il  s’ensuit  que  l’on  a,  conformément  à 
la  formule  (35)  du  n°  13  (page  45)  : 

A  .  B 

(47)  2  sin  — -  sin  —  =  1 . 

2  2 

Il  vient  donc  aussi 

(48)  S0  —  Sx  =  — -  px2  sin  A  f~ cos3 - t-  cos - 1  . 

2  1  L  2  2  J 

L”équation  (48)  met  en  évidence  la  condition  à  remplir  pour  que  la  dé¬ 
formation  supposée  implique  l’instabilité  du  système.  Cette  condition  consiste 


52 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


en  ce  que  l’angle  aigu  A  doit  être  tout  au  plus  égal  à  l’angle  ■/  déterminé 
par  l’équation  de  condition 


On  déduit  de  là 

On  doit  donc  avoir 


ou,  ce  qui  revient  au  même,  en  vertu  de  l’équation  (47), 

A  >  86°,  18',  25". 

Rapprochons  de  ce  dernier  résultat  les  données  suivantes  : 

Dans  le  cas  de  la  combinaison  7,  la  base  du  prisme  est  un  triangle  équi¬ 
latéral  et  l’on  a 

A  =  120°. 

Dans  le  cas  de  la  combinaison  19,  la  base  du  prisme  est  un  carré  et  l'on  a 

A  =  90». 

Dans  le  cas  de  la  combinaison  18,  la  base  du  prisme  est  un  pentagone 
régulier  et  l’on  a 

A  =  72°. 

Cela  posé,  voici  les  conséquences  : 

Les  systèmes  fournis  par  les  combinaisons  7  et  19  sont  instables.  Ils 
peuvent  se  déformer  par  addition  d’une  lame  centrale  parallèle  aux  bases 
des  prismes  qui  leur  correspondent  et  disposée  semblablement. 


côs3  y  —  1  —  cos  y  —  2  sin2  - 


y—  46%  58',  27' 


B 


<  46°,  58',  27" 


EN  LAMES  MINCES. 


55 

Le  système  fourni  par  la  combinaison  18  n  admet  pas  le  mode  de  défor¬ 
mation' indiqué  ci-dessus  pour  les  combinaisons  7  et  19. 

17.  Donnons-nous,  en  second  lieu,  le  cas  général  d’un  polyèdre  quel¬ 
conque,  choisi  comme  on  veut  parmi  ceux  que  nous  avons  à  examiner.  Les 
lames  à  considérer  sont  des  triangles  qui  ont  pour  bases  respectives  les  arêtes 
du  polyèdre  et  pour  sommet  son  centre. 

Au  lieu  de  procéder,  comme  tout  à  l’heure,  par  addition  directe  d’une 
lame  centrale,  on  peut,  dans  tous  les  cas,  prendre,  à  partir  du  centre,  sur 
chaque  arête  liquide,  une  longueur  continûment  croissante  à  partir  de  zéro, 
considérer  les  extrémités  de  ces  longueurs  comme  les  sommets  d’un  po¬ 
lyèdre  n'  semblable  ou  non  semblable  au  polyèdre  donné  n,  et  substituer  les 
faces  de  ce  nouveau  polyèdre  aux  portions  de  lames  qu’il  intercepte,  et  qui 
sont  comprises  à  son  intérieur.  On  peut,  en  outre,  choisir  arbitrairement 
l’une  de  ces  faces  et  la  supprimer  tout  entière.  Cette  suppression  est  permise 
parce  qu’elle  n’implique  ni  déchirure,  ni  solution  de  continuité.  Il  est  clair, 
en  effet,  qu’à  l’origine  commune  de  toutes  les  faces  du  polyèdre  n',  rien  ne 
fait  obstacle  à  ce  que  l’une  d’elles  se  comporte  comme  si  elle  était  refoulée 
vers  l’intérieur,  de  manière  à  s’appliquer  sur  les  autres. 

Imaginons  qu’on  opère  d’après  les  indications  précédentes,  et  qu’après 
avoir  supprimé  Lune  des  faces  du  polyèdre  n',  on  compare  les  autres  aux 
portions  de  lames  qu’elles  remplacent.  Deux  cas  pourront  se  présenter  selon 
que  celles-ci  l’emporteront  sur  celles-là  en  étendue  totale  ou  inversement. 
Dans  le  premier  cas,  l’on  sera  certain  que  le  système  correspondant  au 
polyèdre  n  est  instable.  Dans  le  second ,  on  observera  que  le  nombre  des 
lames  et  faces  liquides,  aboutissant  à  chacun  des  côtés  de  la  face  suppri¬ 
mée,  se  trouve  réduit  à  deux.  Cet  état  de  choses  ne  saurait  se  maintenir.  Il 
implique  à  la  fois  un  changement  spontané  de  forme  et  une  diminution  de 
l’étendue  totale  des  surfaces  à  considérer.  On  ne  peut  donc  rien  conclure, 
à  moins  d’examiner  la  déformation  subséquente  et  d’en  déterminer  l’effet 
définitif. 

Le  moyen  le  plus  simple  qui  se  présente  ici  consiste  à  supposer,  pour 
chaque  face  contiguë  à  la  face  supprimée,  qu’elle  se  retire  graduellement 
sur  elle-même  et  se  réduit  aux  côtés  qui  lui  sont  communs  avec  les  faces 


U 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


conservées.  Il  s’ensuit,  d’ailleurs,  qu’il  faut  reporter,  en  même  temps,  sur 
ces  côtés  les  attaches  des  lames  aboutissant  aux  côtés  disparus  *. 

Peut-être  convient-il  d’ajouter  ici  quelques  éclaircissements?  Revenons, 
à  cet  effet,  au  cas  général  du  prisme,  et  appliquons,  dans  tous  ses  détails, 
le  procédé  qui  vient  d’être  décrit.  Pour  plus  de  clarté,  nous  supposerons  que 
la  face,  supprimée  la  première  dans  le  prisme  n',  est  l’une  de  ses  bases. 

En  conservant  les  données  et  les  notations  du  n°  16,  on  trouve  aisément  : 

1°  Pour  la  somme  des  faces  du  prisme  n',  une  base  exceptée, 


.  A  r  A 

pr  sin  —  r  cos - h 

2  L  2 


1  ,  •  A 

A  r 

,  B~ 

1  ,  a  r 

B  1 

—  pr*  2  sin  — 

cos - 

2  L 

1  n-4tg—  j 

|  =  prh  sin  — 

4  -i-  cot  — 

2  J 

2°  Pour  la  somme  des  portions  de  lames  interceptées  par  ce  prisme , 

a  ” 

/ -  sin  — 

pr  jÿt  2  sin  —  Y'  -+-  cos2  =  prh  j”l  2 - . 

sin  — 

2 

3°  Pour  excès  de  la  première  somme  sur  la  seconde, 


4  sin  2 - 1 

2 


L’inégalité 


sin 


m/ 


4  sin2— - 1 

2 


>  (  2  sin  — 


U 


se  ramène  à  la  suivante 


On  ne  perdra  pas  de  vue,  pour  les  applications,  qu’il  y  a  simultanéité  dans  les  diverses 
modifications  présentées  ci-dessus  comme  se  produisant  d’une  manière  successive.  Cela  revient 
à  dire  que  les  faces  conservées  définitivement  sont  les  seules  qui  se  produisent,  en  réalité,  à 
I  origine  de  la  déformation. 

On  sait  que  les  quantités  r,  h,  A  et  B  sont  liées  entre  elles  par  les  équations  de  condition 
qui  figurent  au  n°  16  (page  51),  sous  les  numéros  (44)  (45)  et  (47). 


EN  LAMES  MINCES. 


»_■  n- 
00 


A  [  .  A  \ 2  A  * 

0  sin  — -  1  —  sin  —  <  I  -i-  sin2  — 

2  \  2  /  ^  2 

et  celle-ci  ne  cesse  pas  d’être  satisfaite  pour  toute  valeur  de  l’angle  A  com¬ 
prise  entre  zéro  et  180°.  Il  s’ensuit  que  la  première  somme  l’emporte  toujours 
sur  la  seconde,  et  que,  en  conséquence,  il  y  a  lieu  de  poursuivre  en  faisant 
évanouir  à  leur  tour  chacune  des  faces  contiguës  à  la  base  supprimée.  On 
revient  ainsi  à  la  solution  du  n°  16.  En  effet,  de  toutes  les  faces  du  prisme  n' 
il  ne  reste  plus  que  l’une  de  ses  bases,  et  la  raison  de  symétrie  montre  suffi¬ 
samment  qu’il  convient  de  la  maintenir  au  centre. 

48.  Nous  avons  dit  qu’on  était  libre  de  choisir  comme  on  veut  la  face  à 
supprimer  la  première  dans  le  polyèdre  n'.  Lorsque  ce  polyèdre  est  prisma¬ 
tique,  on  a,  d’après  ce  qui  précède, 

l 

,  .  A  B 
prit  sin  —  cot  —  , 


pour  mesure  de  la  base,  et 


4  rh  sin  —  ? 

2 

pour  mesure  d’une  face  latérale.  Il  s’ensuit  que  celle-ci  l’emporte  sur  celle-là 
pour  toute  valeur  de  B  satisfaisant  à  la  condition 


ou,  ce  qui  revient  au  même,  pour  toute  valeur  de  A  satisfaisant  à  l’inégalité 


(49) 


*  A  te 

4  sin2  —  <  1  h - 

^  a 


2 


En  posant,  pour  le  cas  du  prisme  à  base  triangulaire, 

Le  maximum  absolu  du  premier  membre  de  cette  inégalité  correspond  à  sin  -V  —  _L.  il  a 
pour  valeur  -i. 


56 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


.A  |/  ,3 

v  ==o,  •  sin —  =  sin  €0°  =  - - 

2  2 


pour  le  cas  du  prisme  à  base  carrée, 


,  A  1 

J)  =  4,  sin  —  =  sin  45° 


V  2  ’ 


pour  le  cas  du  prisme  à  base  pentagonale, 


p  —  5,  sin  -J  =  sin  56°  =  ^  ° 


A 

Y 


8 


on  vérifie  aisément  que  l’inégalité  (49)  n’est  satisfaite  que  pour  le  prisme  à 
base  pentagonale.  Ce  cas  est  donc  le  seul  où  la  suppression  d’une  face  laté¬ 
rale  soit  tout  d’abord  plus  avantageuse  que  celle  de  l’une  des  bases.  Veut-on 
déterminer  ce  que  devient,  en  conséquence,  l’excès  dont  on  a  l’expression 
générale  au  n°  17  (page  54),  il  suffît  d’ajouter  à  cet  excès  la  différence 
algébrique  : 


,  .  a  r  B 

rh  sin  - —  »  cot - - 

2  2 


et  de  substituer  à  p  et  A  leurs  valeurs  respectives.  On  trouve  ainsi  pour 
résultat  une  quantité  positive.  La  conséquence  est  la  même  qu’au  n°  17. 
Il  faut  poursuivre,  en  faisant  évanouir  les  faces  contiguës  à  la  face  supprimée 
la  première,  c’est-à-dire  les  deux  bases,  et,  en  outre,  deux  faces  latérales. 
11  ne  reste  ainsi  du  prisme  IL  que  deux  faces  contiguës  et  quadrangulaires, 
offrant  six  côtés  libres,  et  c’est  à  ces  côtés  que  doivent  se  rattacher  les  por¬ 
tions  de  lames  conservées  entre  le  prisme  n  et  le  prisme  n'. 

Cela  posé,  voici  comment  on  est  conduit  à  procéder  pour  le  cas  qui  nous 
occupe,  celui  du  prisme  à  base  pentagonale. 


EN  LAMES  MINCES. 


57 


Soit  P  un  plan  mené  par  le  centre  0 
parallèlement  aux  bases.  Soient  en  même 
temps  a ,  b,  c,  b ' ,  a 1  les  projections  sur  ce 
plan  des  différents  sommets  du  prisme  n. 
Désignons  par  P'  le  plan  mené  suivant  Oc 
normalement  au  plan  P.  Les  constructions 
à  faire  étant  symétriques  par  rapport  à 
chacun  des  deux  plans  P,  P',  il  suffit  que 
nous  les  indiquions  pour  l’iin  des  quatre 
angles  dièdres  compris  entre  ces  deux 
plans. 

Le  point  m  est  pris  sur  la  droite  Oc,  à 
proximité  du  centre  O,  le  point  n  sur  la  droite  mn ,  à  proximité  du  point  m. 
La  droite  mn  est  parallèle  au  côté  cb  *.  La  droite  O q  est  le  prolongement 
de  cO.  Les  points  p,  s ,  t  sont  les  pieds  des  perpendiculaires  abaissées  res¬ 
pectivement,  la  première,  du  point  n  sur  la  droite  ab;  la  seconde,  du  point  n 
sur  la  droite  cO  ;  la  troisième,  du  point  b  sur  la  droite  mn. 

Considérons  les  points  m,  n,  t,  comme  les  projections  respectives  de  trois 
points  m,,  a, ,  ti}  situés  au-dessus  du  plan  P,  le  premier  à  la  distance  y,  le 
second  à  la  distance  s,  le  troisième  à  la  distance  h. 

Les  lames  liquides,  qui  correspondent  à  cette  partie  de  la  figure,  et  dont 
il  faut  déterminer  l’étendue,  sont  les  suivantes  : 

1°  La  moitié  du  trapèze  projeté  en  cm; 

2°  Le  triangle  projeté  en  mcb; 

3°  Le  triangle  projeté  en  bmn  **  ; 

1°  Le  trapèze  projeté  en  bn; 

5°  Le  triangle  projeté  en  bna; 

6°  Le  trapèze  projeté  en  an; 

7°  Le  triangle  projeté  en  nms; 

La  droite  mn  peut  être  dirigée,  comme  on  veut,  dans  le  plan  P.  Le  calcul  montre  qu'il  con¬ 
vient  de  la  diriger  parallèlement  à  cb. 

Les  deux  triangles  projetés  respectivement,  l’un  en  mcb,  l’autre  en  bmn ,  sont  pris  aux  lieu 
et  place  du  quadrilatère  projeté  en  bcmn. 

Tome  XXXV. 


Fig.  16. 

V 


8 


58 


SLR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


8°  Le  trapèze  projeté  en  ansq  *; 

9°  Le  trapèze  projeté  en  mn. 

Désignons  par  x  la  distance  0 m;  par  u  le  segment  mn;  par  r,  h,  A  et  B 
les  mêmes  grandeurs  qu’au  n°  16.  On  a  ici 


5 


et,  par  suite, 


A 

smn 


A 

mcb  = 


A 

9 


Cela  posé,  on  trouve  aisément 


(50) 


A  A 

sn  —  u  cos  —  5  sm  ■  u  sin  — 
2  2 


;  /  x  A  A 

bt  —  (r  —  x )  cos  —  7  mt  —  (r  -4-  x )  sin  — 
2  v  '  9 


sq  —  r  cos - 1-  x  —  u  sin  — 

2  2 


A 

np  —  r  cos  —  -f-  x  cos  A  —  u  sin  A 

—  y/  sin  A  —  u  cos  —J  -+-  cos  A  -1-  w  sin  — - xJ 


nb 


na 


A 

A1 

I2  1 

r  A 

A  1 

J 

—  dt  cos - 

2  J 

l  H 

r  cos - r  x  - 

L  2 

-  u  sin  — 

2  J 

Nommons  w  l’angle  que  la  droite  mlnl  fait  avec  sa  projection  mn  et  h' 
la  perpendiculaire  abaissée  du  point  ly  sur  la  droite  m,»,.  On  a,  d’abord. 


(31) 


tg  w  = 


—  y 


*  Le  triangle  et  le  trapèze  projetés  respectivement,  l’un  en  mns,  l'autre  en  ansq,  sont  pris 
aux  lieu  et  place  de  la  moitié  du  pentagone  projeté  en  anmn'a'. 


EN  LAMES  MINCES. 


59 


et,  ensuite. 


(82) 


h'  —  (/«  —  y)  cos  u  —  (?• 


x)  sin  —  sin  u. 

9 


De  là  résulte  : 

1°  Pour  la  moitié  du  trapèze  projeté  en  cm, 

-L(/j  +  y)  (r  —  x); 

2°  Pour  le  triangle  projeté  en  mcb, 


r  sin 


tNA1 

3°  Pour  le  triangle  projeté  en  bmn, 


yY  +•  (r  —  xY  cos2  —  ; 


w 


h"2  -t-  (r  —  x  ) 2  cos  2  ; 


4°  Pour  le  trapèze  projeté  en  bn, 

1  /  (  •  A^\  ^  |~  A  -I  2 

—  (A  +  z)  y/  (r  s*n  A  —  «  cos  -^J  -+-  I  r  cos  A  -+-  u  sin  — - x  ; 

5°  Pour  le  triangle  projeté  en  bna, 


r  sin 


A  \  /  r  A  1  2 

—  y/  (/a  —  zY  H-  I  r  cos  —p  +•  x  cos  A  —  u  sin  A  ; 

6°  Pour  le  trapèze  projeté  en  an, 


A 

A  T2  | 

r  A 

•  A 1 

sin 

— - u  cos 

2 

tJ  H 

r  cos  —  -+-  x  - 

L  2 

-  u  sin  — 

2  J 

60 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTEMES  LIQUIDES 


7°  Pour  le  triangle  projeté  en  nms, 


1  A  .  /  A 

jUC0SyV  sin2  —  2/)2; 


8°  Pour  le  trapèze  projeté  en  ansq, 


9  \rsinT  +  “  cos 


y)  \J  ih  —  +  [r  cos  —  -j-  x  —  u  sin  ; 


9°  Pour  le  trapèze  projeté  en  mn, 


g 

Soit la  somme  de  toutes  ces  surfaces.  Multiplions-Ia  par  quatre  et,  après 
en  avoir  pris  la  dérivée,  annulons  dans  le  résultat  chacune  des  quantités 
variables  x,  y ,  z,  u.  On  trouve  ainsi 


,  G h  sin  — 

A  /  2 

(h  —  r  sin  A)  (2  cos - 2  cos  A  —  t)  -4-  r  I  4 


y/ /i2  h-  r2  cos2  —  I 


dz 

dx 


dS 

dx 


t  — - 


,  A 
m.  sin  — 
2 


yA 


r2  cos2 


dy 


dx 


J 


2\A 


2  sin  A  -+-  sin 


A  A 

K  -¥■  r2  cos2  — - 2 h  (sin  —  -i-  sin  A)  —  r2  sin  A. 


y/ h-  -t-  r* 


cosJ 


cfx 


„  A  «  /  a  A  du 
2  cos  — \/  /t2  •+-  r2  cos2 — •  — 
2  V  2  dx 


la  quantité  /«,  étant  ce  que  devient  la  quantité  h'  lorsqu’on  annule  les  va¬ 
riables  x,  y. 


EN  LAMES  MINCES. 


61 


4 

On  a  d’ailleurs,  ainsi  qu’on  l’a  vu  précédemment  au  n°  16  (page  51, 
formules  (44)  et  (47)  ), 


(53) 


AB  AB 

h  =  r  cos  —  te  — ,  2  sin  —  sin  —  =  1 , 

2  3  2  2  2 


et,  eu  égard  à  la  valeur  Ç  de  l’angle  A, 


A  1  i/lT 

cos  —  = - 

2  4 


(54) 


’  cos  A  = 


V  5  —  1 


V 

-v* 


5  -f-  V  5  .  A 

-  ;  sin  -  — 


si"  T  “  V" 


7  5  —  V  5 


—  V  5 


La  combinaison  des  équations  (53)  et  (54)  conduit  aux  relations 


B  1  B  cos  A  A 

sin  —  —  . .  ,  cos  —  = - — ,  tgB  =  2  cos  — 


2  .  A 

2  sin  — 
2 


2  .  A 

sin  — 
2 


2. 


<35)  *  _ 


A  «  /  A  A  .A  A  A 

/i  =  2r  cos2  — ,  \/  /i2  -i-  r2  cos2  —  =2 h  sin  —  =  4  r  sin  —  cos2  —  =  2 r  sin  A  cos  — 

2  V  2  2  2  2  2 


2  cos  —  -i-  2  cos  A  —  1  =  0,  2/i  sin 

2  2 


/i2  -+-  r2  cos2  — 
2 


De  là  résulte,  en  substituant, 


dS  /  dz  di/  \  (  .  A 

,56)  dx“rU-rf-J-2(2,,smT 


-  V7 


A  \  du 
h]  -+-  r2  cos2  —  — 

2  /  dx 


On  a  d’ailleurs,  d’après  l’équation  (51), 


fi'i  SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 

et,  d'après  l’équation  (52), 

/t,  =  h  cos  a  —  r  sin  —  sin  a . 

Posons 

(■’)8)  2  ^2  h  sin  — - -  y/  h\  -+-  r2  cos2  —  j  >  r  tg  a, 

ou,  ce  qui  revient  au  même, 

/ .  /  A  r  \ 2  A 

P9)  2  A  sin— - —  tpa  >  Af  -+-  r2  cos2  —  . 

\  2  2/  9 


Si  l’on  développe  la  dernière  inégalité  et  qu’on  ait  égard  à  la  relation 


.  .  A  .  ,  A  1  A  1-4-  l/T 

4  cos4  — - - sin2  —  h - -  2  cos  —  = - 

2  2  4  9  v> 


on  trouve,  après  suppression  du  facteur  r2  tg  w , 


(CO) 


r  tg2  a 


L’inégalité  (60)  implique  évidemment  les  déductions  successives,  formu¬ 
lées  comme  il  suit. 

Parmi  les  valeurs  positives  de  la  quantité  il  en  est  une  infinité  qui 
satisfont  à  l’inégalité  (58)  et  qui  donnent,  en  conséquence, 


T) 


dy  1  du 

~  —  r  —  tga 

dx  J  dx 


<0. 


L’inégalité  (61  )  montre  qu’il  y  a  déformation  possible  avec  diminution 
de  l’étendue  totale  des  lames  à  considérer.  On  est  donc  en  droit  de  poser  la 
conclusion  suivante  : 


EN  LAMES  MINCES. 


63 

Le  système  fourni  par  la  combinaison  18  est  instable.  Il  peut  se  défor¬ 
mer  d’après  le  mode  exposé  au  n°  17 . 

19.  Passons  au  système  fourni  par  la  combinaison  13.  Le  polyèdre  cor¬ 
respondant  est  le  dodécaèdre  régulier. 

Considérons  le  polyèdre  II'  comme  inscrit  dans  la  sphère  qui  a  l’unilé  pour 
rayon.  Les  arêtes  de  ce  polyèdre  sont  égales  à  la  corde  désignée  par  a  au 
n°  14  (page  47),  et  déterminée  par  la  formule  (37) 


Les  faces  consistent  chacune  en  un  pentagone  régulier  ayant,  pour  côté, 
la  corde  a,  et,  pour  surface,  le  produit 


a A  7i 

a  —  eot  — 


a2  /  3  y 5  5  / 5  —  |/~jT  5  /a  —  J/  g 

4  V  5  — i/y  s  V  5 — i/y  5  V  io 


Soit  a  l’arc  du  grand  cercle  sous-tendu  par  la  corde  a.  La  formule  (36) 
du  n°  14  (page  46)  donne 


1/5 

cos  a.  -  - , 

0 

et,  par  suite, 

2 

sin  a  —  —  • 

5 


Il  est  visible,  d’ailleurs,  que  chacune  des  lames  interceptées  par  le  prisme  n' 
a,  pour  surface, 

1  1 

—  sin  a  — - 

2  3 

Les  faces  à  prendre  dans  le  prisme  n'  sont  au  nombre  de  onze;  les  lames 


Voir  au  besoin  les  valeurs  fournies,  pour  les  quantités  sin  j,  cos  par  les  formules  (54) 
n"  t8  (page  61). 


64 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


qu’elles  remplacent  au  nombre  de  30.  Il  s’ensuit  que  leur  étendue  totale  est 
exprimée,  pour  les  premières,  par  le  produit 


et,  pour  les  secondes,  par  le  nombre  10.  Or,  on  a 


Cela  revient  à  dire  que  l’étendue  des  lames  supprimées  à  l’intérieur  du 
prisme  IT  l’emporte  sur  celle  des  faces  conservées  dans  ce  même  prisme.  La 
conséquence  est  évidente;  on  peut  la  formuler  comme  il  suit  : 

Le  système  fourni  par  la  combinaison  1o  est  instable.  Il  peut  se  déformer 
d’après  le  mode  exposé  au  n°  17 . 

Fig ■  /7-  20.  Passons  au  système  fourni  par  la  combi- 


c 


naison  15.  Les  faces  du  polyèdre  correspondant 
se  décomposent  en  deux  groupes,  comprenant  cha¬ 
cun  quatre  pentagones  semi-réguliers  et  égaux, 
accolés  à  un  même  carré. 


Considérons  le  polyèdre  II'  comme  inscrit  dans 
la  sphère  qui  a  l’unité  pour  rayon.  Les  arêtes  de 
ce  polyèdre  dérivent  toutes  du  pentagone  semi- 
régulier  P,  dans  lequel  le  côté  aa'  est  pris  égal  au 
côté  du  quadrilatère  régulier  Q. 


Soit  a  la  corde  de  l’arc  aa'.  La  formule  (25) 


du  n°  13  (page  43)  donne 


«  =  ~\y  5  • 


3 


Cette  inégalité  revient  exactement  à  la  suivante  : 


14641  >  12005. 


EN  LAMES  MINCES. 


On  arriverait  au  même  résultat  en  se  reportant  au  n°  14  (page  47),  et 
observant  que  la  formule  (39),  où  l’on  doit  remplacer  l’angle  M  par  f 
donne,  en  conséquence, 


aa  a  /  2 

cos  - —  =  \/ - 

2  v  5 


On  en  déduit 

(62) 

et,  par  suite, 

(63) 


aa'  2  , 

a  —  2  sin  — —  =  —  J/  5  =  1 ,154005 , 

— <  O 


2  _ 

sin  aa’  —  —  J/  2  —  0,942809. 
3 


Soient  6  et  c  les  cordes  qui  sous-tendent  respectivement,  l’une,  l’arc  ab 
et  son  égal  a1  b’;  l’autre,  l’arc  bc  et  son  égal  b’c.  On  a,  d’abord, 


,  _  .  ab  bc 

o  =  2  sin  —  5  c  =  2  sin  —  • 
2  2 


La  formule  (40)  du  n°  14  (page  47)  donne  ici 


cos  bc  — 


2^2  —  1 


On  en  déduit 

(64) 

et,  par  suite, 

(65) 


2  / 

sin  bc  =  —  %/ 17  2  =  0,792805, 


„  .  6c  /  2  —  t/2 

c  =  2  sin  —  =  2  W  - - - -  0,8857612. 


Soit  b 1  la  corde  qui  sous-tend  l’arc  de  grand  cercle  bb1.  En  appliquant 


Voir  plus  haut  la  valeur  de  cos  — 

Tome  XXXV. 


«6  SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 

les  formules  (19)  du  n»  1 4  (page  41)  aux  triangles  bic,  bim,  mm,  tous 
trois  rectangles,  les  deux  premiers  en  i,  le  dernier  en  n,  on  trouve 


\ 


De  là  résulte,  en  premier  lieu, 

(66) 

Il  vient,  ensuite, 

(67)  sin  ab  =  si 

et,  par  conséquent, 

(68)  b  =  2  sin  • 

S’agit-il  maintenant  des  portions  de  lames  interceptées  par  le  prisme  n' P 
D  api  es  ce  qui  piécède,  leur  étendue  totale  a,  pour  expression, 

4  (sin  aa'  sin  hc  •+■  si»  «&]  =  — [o  l/T  ■+■  2  Zl/Y  +  (/  2  l/~2  —  2  J  =  8,405796. 

S  agit-il  ensuite  des  faces  de  ce  même  prisme?  Deux  sont  carrées  et  ont 


7  /  a  -  /v  2 

6  =  2  %  /  -y-  -  1,575177. 


/ 1  ,  V'  2  -h  [/  2/2  —  2 

n  (6m  —  am)  =- - - -  =  0,365535, 


ab  .  / 

t=2V  - 


4  —  1/  2  —  2  [/V- 


=  0,5718154. 


EN  LAMES  MINCES 


67 


chacune ,  pour  surface, 

4 

«2  =  —  =  1,533333. 

3 

Les  autres,  au  nombre  de  huit,  sont  pentagonales  et  gauches.  On  peut 
substituer  à  chacune  un  triangle  et  un  trapèze ,  le  triangle  étant  déterminé 
par  les  cordes  des  arcs  bc,  cb1,  b'b;  le  trapèze,  par  celles  des  arcs  aa' ,  a' b', 
b' b,  ba  *.  On  trouve  ainsi,  pour  la  surface  du  triangle, 

7  /■  J  I  /J)  «  _ _ 

—  \/c2 - =  —  V  8  |/T—  10  =  0,382055; 

2  V  4,3 

pour  celle  du  trapèze , 

\  / 1/2  _  pl±J^l|/7  —  3V/m_  2  0,449214, 

2  ^  V  2  /  o 

et,  par  conséquent,  pour  celle  du  pentagone, 

0,831269. 

Supprimons  dans  le  prisme  II'  l’une  de  ses  faces  carrées,  et  prenons,  pour 
les  neuf  autres ,  la  somme  de  leurs  surfaces.  Cette  somme  étant  exprimée  par 
le  nombre 

7,985485 , 

on  voit  qu’elle  est  inférieure  à  l’étendue  des  lames  interceptées  par  le 
prisme  n'.  De  là  résulte,  en  conséquence,  la  conclusion  suivante  : 

Le  système  fourni  par  la  combinaison  I 5  est  instable.  Il  peut  se  défor¬ 
mer  d’après  le  mode  exposé  au  n°  17 . 

Remarque.  —  Si  l’on  conservait  dans  le  prisme  n'  les  deux  faces  carrées 
et  que  l’on  supprimât  l’une  des  faces  pentagonales,  l’étendue  totale  des  faces 
à  considérer  augmenterait  de  la  fraction  0,502064  èt  deviendrait  ainsi 

8,485549. 

*  Cette  substitution  ne  peut  avoir  d’autre  effet  que  d’attribuer  aux  faces  pentagonales  une 
étendue  plus  grande  que  leur  étendue  réelle,  celle-ci  étant  un  minimum  entre  toutes  les  sur¬ 
faces  inscriptibles  dans  le  même  contour. 


68 


SUR  LA  STABILITE  DES  SYSTEMES  LIQUIDES 


Ce  dernier  nombre  l’emporte  sur  celui  qui  correspond  aux  portions  de 
lames  interceptées  par  le  prisme  IT.  Néanmoins,  comme  l’excès  est  relative¬ 
ment  très-petit,  il  n’est  pas  douteux  que,  en  tenant  compte  de  l’évanouisse¬ 
ment  des  faces  contiguës  au  pentagone  supprimé,  on  arriverait,  pour  ce  cas, 
à  la  même  conclusion  que  pour  l’autre. 

21.  Il  ne  nous  reste  plus  à  considérer  que  le  système  fourni  par  la  com¬ 
binaison  17.  Le  polyèdre  correspondant  est  irrégulier.  Il  a  huit  faces  dont 
quatre  planes  égales  et  rectangulaires,  quatre  gauches,  égales,  pentagonales 
et  semi-régulières.  Les  faces  rectangulaires  y  sont  disposées  suivant  deux 
groupes  distincts,  séparés  l’un  de  l’autre  par  les  pentagones  et  comprenant 
chacun  deux  quadrilatères  accolés. 

Soit  abcb'a'  le  pentagone  P,  d’où  dérivent  les 
faces  pentagonales  du  polyèdre  IL,  inscrit  par  hy¬ 
pothèse  dans  la  sphère  qui  a  l’unité  pour  rayon. 
Il  est  visible  que  les  côtés  aa'  et  bc  de  ce  penta¬ 
gone  sont  déterminés  par  cela  seul  qu’ils  ont  cha¬ 
cun  leur  égal  dans  les  deux  côtés  adjacents  d’un 
même  quadrilatère  Q.  De  là  résulte,  conformé¬ 
ment  à  l’équation  (33)  du  n°  13  (page  4-5), 

(69)  5(cos  bc  -+-  cos  aa)  =  3  [I  -+-  cos  bc  cos  aa']. 

On  a  d’ailleurs,  d’après  la  formule  (4-0)  du  n°  14  (page  4-7), 


Fig.  18. 


1-4-5  cos  bc 

2  VT 

ou,  ce  qui  revient  au  même, 


ua' 

cos - — 

9 


(70) 


cos  a  a' 


(  î  9-  5  cos  b)-  —  6 
6 


La  combinaison  des  équations  (69)  et  (70)  donne 


27  cos3  bc  —  27  cos“2  bc  —  75  cos  bc  +  45  =  0. 


EM  LAMES  MINCES. 


69 


Si,  d’ailleurs ;  on  pose 

(72)  x  =  5  eos  bc, 

il  vient ,  pour  transformée  de  l’équation  (71), 

(73)  x3  —  3x2  —  25x  -i-  45  =  0. 

L’équation  (73)  a  deux  racines  numériquement  supérieures  à  3,  l’une 
positive,  l’autre  négative.  Ces  deux  racines  devant  être  rejetées,  on  trouve 
pour  solution  unique 

x  —  1,578557. 

On  en  déduit 

(74)  cos  6c  =  0,52611253,  cos  aa'  —  0,107970463. 


S’agit-il  ensuite  du  côté  ab?  On  a,  d’abord  et  généralement, 

6c  -  /  !  —  cos  6c  aa'  .  /  1  —  cos  aa' 

2  V  1  -+-  cos  6c  D  2  »  1  cos  «a' 

Il  vient,  en  outre,  d’après  la  formule  (h3'ns)  du  n°  (page  4-9), 

6c  aa' 

(75)  cot  ab  —  tg  — -  4tg  —  • 

2  2 

De  là  et  de  ce  qui  précède  résulte,  en  substituant  , 


(76) 


5  cos  6c 

cot  ab  ■  - - - - 

sin  6c 


Les  valeurs  trouvées  ci-dessus  pour  les  quantités  cos  bc,  cos  aa1  et  cot  ab, 
conduisent  aux  résultats  suivants  : 


/  6c  =  58°,  1 5',  25",  sin  bc  =  0,850415 ,  sin  —  =  0,4867685 

(77)  <  aa,’  —  85°,  48',  6",  sin  aa'—  0,994154,  sin  -— =  0,6678435 

i  j* 

ab  =  15°,  53',  54",  sin  ab  =  0,2344545,  sin  =  0,1 1805275 


70  SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


Le  caïeu!  du  triangle  bcb'  donne,  en  même  temps, 


(78) 


.  bh Y  1^5 

S*1»  —  =  — —  sin  bc  -  0,7504808. 

2  2 


Uela  posé,  considérons  d’abord  les  lames  interceptées  parle  polyèdre  IT. 
Elles  ont,  pour  expression  de  leur  étendue  totale, 


(79)  4  sin  bc  -+-  5  sin  aa'  -+-  2  sin  ab  =  6,85051. 

t 

Considérons  ensuite  les  faces  de  ce  même  polyèdre.  Les  unes  sont  rectan¬ 
gulaires,  les  autres  pentagonales.  L’étendue  des  premières  est  donnée,  pour 
chacune,  par  le  produit 


/QA\  .  .  .  bc 

(<su)  4  sin  — —  Sin  —  =  1,500541. 

f 

f.elle  des  secondes  peut  se  calculer,  comme  tout  à  l’heure,  en  substituant 
à  chacune,  d’une  part  le  triangle  défini  par  les  cordes  des  arcs  bb' ,  bc ,  cb', 
d'autre  part  le  trapèze  défini  par  les  cordes  des  arcs  bb',  b' a',  a' a,  ab  *. 

Le  triangle  et  le  trapèze  ainsi  déterminés  ont  respectivement  pour  me¬ 
sure,  le  premier, 


•  bb\  / 

sin  yV  4  s 


bc 


sin^ - 


sin2 -  ~=  2  sin"2  — - - 

2  2  oa 

cos - 


bb' 


.  bb' 

sin - 

bc  2 


le  second 


0,468908; 


0,517249. 


De  là  résulte,  pour  l’étendue  de  chacune  des  faces  pentagonales, 

0,786157. 


*  Même  observation  qu’à  la  page  67.  (Voir  la  note.) 


EN  LAMES  MINCES. 


71 


Prenons  ensemble  trois  des  faces  rectangulaires  et  les  quatre  faces  pen¬ 
tagonales.  Leur  étendue  totale  ayant ,  pour  valeur, 

7,045651, 

on  voit  qu’elle  l’emporte  sur  celle  des  lames  qu’elles  remplacent.  11  suit  de  là 
que,  avant  de  rien  conclure,  il  faut  poursuivre,  comme  on  l’a  fait  au  n°  18, 
suivant  la  marche  tracée  au  n°  17. 

Ici  se  présentent  deux  observations.  La  première  consiste  en  ce  que  la 
différence  entre  les  deux  nombres  7,045651  et  6,85031  est  relativement 
faible;  la  seconde,  en  ce  que  le  mode  adopté  pour  le  calcul  des  aires  penta¬ 
gonales  donne  nécessairement  des  valeurs  exagérées.  Eu  égard  à  ces  obser¬ 
vations,  il  n’est  guère  permis  de  douter  que  la  déformation  subséquente  doit 
avoir  pour  résultat  définitif  une  diminution  de  l’étendue  totale  des  lames  à 
considérer.  C’est,  en  effet,  ce  qu’on  peut  reconnaître  en  considérant  les  faces 
qui  restent  après  l’évanouissement  des  faces  contiguës  à  celle  qu’on  a  sup¬ 
primée  la  première.  Elles  se  réduisent  à  un  pentagone  accolé  à  deux  qua¬ 
drilatères.  Le  calcul  bien  conduit  réussit,  en  ce  cas,  comme  dans  celui  du 
prisme  à  base  pentagonale.  Toutefois  il  offre  encore  plus  de  complication , 
et  nous  croyons  préférable  de  suivre  une  autre  marche  plus  rapide  et  plus 
simple.  Nous  y  trouverons  l’avantage  d’avoir  à  considérer  un  nouveau  mode 
de  déformation,  moins  général,  mais  non  moins  curieux  que  celui  du  n°  17. 

22.  Commençons  par  déterminer  les 
divers  éléments  du  polyèdre  IL  Par  hy¬ 
pothèse,  il  a  son  centre  en  O,  et  il  est 
inscrit  dans  la  sphère  qui  a  l’unité  pour 
rayon. 

Soit  M,MJ  la  corde  de  l’arc  suivant 
lequel  sont  accolés  deux  des  quadrila¬ 
tères  Q.  Le  polyèdre  n  a  deux  sommets 
situés  respectivement  l’un  en  M, ,  l’autre 
en  M't  dans  le  plan  M,OM|.  Les  autres 
sommets  se  projettent  sur  ce  plan  en 


Fig.  19. 

c 


72  SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 

A,  A',  B,  B',  C.  Désignons  par  A„  AJ,  B„  B;,  C„  ceux  qui  sont  d’un  même 
tôle  du  plan  M,OM,,  et  par  A2,  A2,  B2,  B2,  C2,  ceux  qui  sont  de  1  autre  côté. 

Si  Ion  tire  la  droite  BB',  et  que  du  point  C  l’on  abaisse  sur  la  droite  AA' 
la  perpendiculaire  CN,  qui  passe  par  le  centre  O  et  qui  coupe  en  son  milieu  I 
la  corde  BB',  on  voit  aisément  que  les  longueurs  IC,  AM,  sont  égales,  que 
le  centre  O  est  le  milieu  du  segment  IN  et  que  l’on  a 

OC  =  OB  =  cos  —  . 

2 

Il  suit  d’ailleurs,  des  données  précédentes,  que  le  plan  M,OM'  divise  le 
prisme  n  en  deux  parties  symétriques,  et  que  tout  est  déterminé  dans  ce 
prisme  par  les  équations  de  condition , 


m,m;  ==  aa'  =  a,a;  =  a2a;  =  b,b2  =  b.b; = 2  sin  —  *• 

2  ’ 

A, B,  =  A2B2  =  AjBJ  =  A2B2  --  2  sin  —  • 

2  ’ 

bc  =  b'c  =  BjC,  =  b;c,  =  b2c2  =  b2c2  =  m,a, = m,a2  =  m;a; = m;a2 

EB  =  2BI  =  B,B,  =  B2B2  =  A,A2  =  AjA,  —  2  sin  —  • 

9 


„  .  bc  * 
2  sin — -  • 

9  ’ 


On  en  déduit,  d’abord, 


(81)  IO  =  ON=\/coS2—  -sin^  — 

Y  2  2 

(82) 

(85) 

*  On  observera  que  les  quantités  engagées  sous  les  caractéristiques  des  fonctions  circulaires 
sont  les  arcs  déjà  calculés  au  n°  21 ,  pages  69  et  70. 

On  a,  d’après  la  figure, 

T^2  ,  f  .  bb'  .  aœ~\-  ab  _ * 

LS1I“_smT“J  =4sin2  ~==A»B1  • 


I 


EN  LAMES  MINCES. 


75 


La  formule  (35i!S)  du  n°  13  (page  46) 


donne 


aa'  bc 

2  tg  —  tg.  —  =  I 
°  c)  o  ^ 


,  .  n  b°  aa  bc  aa' 

4  sin2  —  sin2 - =  cos2  —  cos2  —  , 

2  2  2  2 


ou,  ce  qui  revient  au  même, 

(84) 


bc  aa' 

4  sin2  —  =  cos2  - 

2  2 


T  a  6c  "1 

4  —  o  cos2  — 

L  2  J 


Mais,  d’un  autre  côté,  l’on  a,  d’après  la  formule  (78)  du 


(85) 


.  bb'  |/  5  .  x —  bc  bc 

sin  — —  —  — —  sin  bc  —  V  5  sin  —  cos  — 
2  2  2  2 


Il  en  résulte 
(1) 

et,  par  suite, 

On  déduit  de  là 

(2) 


— 5  f.  bb  .  aa  l2  ab 

2  01  -H  sin - sin -  |  =  2  sin2  — , 

2  2  J  2 


TT,  ,  „  bb  '  aa  ab 

01  -+- 1  —  2  sin  -==:  sm  - —  =  2  sin*  —  • 
2  2  2 


bb'  aa' 

4  sin2  sin2  —  =  2012  -h  2  —  4  sin2-^  , 


a& 

T 


et ,  ajoutant  membre  à  membre  les  équations  (1)  et  (2), 

tbb'  aa  "1 2  ab 

sin  —  -i-  sin  —  J  =2  cos5  ~ 


De  là  résulte 


bb' 


aa 


ab 


sm 


sin  — =  |/Xcos—  • 


La  combinaison  des  valeurs  trouvées  ci-dessus  pour  les  quantités  sin 
leurs,  au  résultat  suivant: 


aa'  bb' 

CI.  cos  —  .  sin  — 

2  2  bc 

-  =  V  5  sin5  — 


sin  bc 


Tome  XXXV. 


n°  21  (page  70), 


et  CI  conduit,  d’ail- 


10 


74 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


Il  vient  donc  aussi 

6c  66'  6c 

(86)  4  sin2 - sin2  —  =  sm2  — 

2  2  2 

et  l’on  peut  écrire,  en  conséquence, 


5  cos2 


6c  "| 

TJ  = 


•  4  hC 

sin4  — 


„  aa 
cos2  — 


(87) 


Cl  = 


2 


sin  2 


6c 

T 


Soit  2w  l’angle  que  les  deux  lames  AtOA{,  MtOM{  font  entre  elles.  On  a, 
d’après  la  formule  (28)  du  n°  13  (page  44), 

i 

|/T  6c 

cos  u  = - cos - 5 

2  2 


et,  d’après  l’inspection  du  triangle  COB,  dont  l’angle  en  O  est  précisément 
l’angle  2«, 


66'  aa' 

sin  — —  cos  —  . _ 

BI  2  2  1/  5  ««'  6c 

cot  «  =  — —  — - . - =  — —  cos cot - 

CI  „  .  „  oc  2  2  2 

2  sin2  — 

2 

De  là  résulte 

2  «  =  8  I°,41',12", 

et ,  par  suite , 

A  A  \ 

OCB  =  OBC  =  —  [  TT  —  2  a  ]  =  49°, 9', 24". 

23.  Parlant  des  données  qui  précèdent,  changeons  le  plan  de  projec¬ 
tion,  et  plaçant  l’origine  au  centre  O,  prenons  pour  axes  des  x  et  des  y 
les  droites  OM,  OC,  respectivement  parallèles,  la  première,  aux  arêtes  A,AJ, 


EN  LAMES  MINCES. 


75 


Fig.  20. 


MjM,',  A2A2 j  la  seconde,  aux  arêtes 

B,B2,  C,C2,  b;b;. 

Les  sommets  désignés  par  ces  mêmes 
lettres  se  projettent  symétriquement 
comme  il  suit ,  sur  le  plan  des  xy, 

les  sommets  A{ ,  A\ ,  Ai}  A'.2  en  A ,  A',  A",  A  "; 
les  sommets  B, ,  Bi ,  B2 ,  B'2  en  B ,  B',  B  ",  B'"  ; 
les  sommets  M,,  M', ,  Cl5  C2  en  M,  M',  C,  C". 

On  a,  d’ailleurs, 

,  bb’ 

i  2 

pour  B,  )  .  aa 

)  y  = sin  ; 

f  —à 

\  z  =  —  01 


aa 


x  =  sin 


pour  M,  /  y  =  o 


aa 


cos 


X  —  0 


aa 


pour  C, 


y 


sin 


aa 


=  —  cos¬ 


et  l’on  voit  aisément  comment  il  suffit  de  quelques  changements  de  signe 
pour  passer,  soit  du  sommet  A,  aux  sommets  A',,  A2,  A2,  soit  du  sommet  B, 
aux  sommets  B,,  B2,  B2,  soit  enfin  des  sommets  M!  et  C,  aux  sommets  31  i 
et  C2 . 

Soient,  d’une  part,  a,,  a\,  a2,  a2,  et  d’autre  part,  ml}  mlr  c,,  c2,  deux 
groupes  de  quatre  points  distribués  symétriquement  par  rapport  aux  plans 
XOZ,  YOZ  et  projetés  respectivement,  les  premiers  en  a,  a',  a",  a'",  les 
derniers  en  m,  m' ,  c ,  c1.  Posons 


i  X  =  xa 

pour  at  )  y  =  xa  , 
[  z  —  0 


ix - Xm 

y  —  o  , 
Z 


pour 


X  =  0 

y  =  «m 

Z  A.m 


76  SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


Eu  égard  à  la  symétrie  qui  subsiste  de  part  et  d’autre ,  on  passera ,  comme 
tout  à  l’heure,  par  de  simples  changements  de  signe,  soit  du  point  ax  aux 
points  a„  a2,  a2,  soit  du  point  mx  au  point  m\,  soit  enfin  du  point  c,  au 
point  c.2. 

Cela  posé,  voici,  par  hypothèse,  comment  la  déformation  commence  : 

Des  arêtes  MjM',,  C^  partent  deux  lames  pentagonales,  l’une 
projetée  en  MM',  l’autre  CjcOc'C.2  projetée  en  CC'; 

Des  arêtes  A,Ai,  A2A2,  BjBg,  B',B2  partent  quatre  lames  pentagonales, 
AjûqCja'jAi ,  A2a2c2a2A2,  B1a,wi1o2B2,  B1a'1m'1a2B2 ,  projetées  en  AacdX , 
X'ac'a'X",  Bama  B  ,  B'am'a'B"; 

Des  arêtes  ALB,,  AjB, ,  A2B2,  A2Bâ  partent  quatre  lames  triangulaires, 
AjCqBj,  Aia'jB',,  A2a2B2,  A2a2B2,  projetées  en  AaB,  AaB,  A  a  B  ,  A  "a  B"; 

Des  arêtes  A,Mt ,  M^,  A'JMi,  MiA2,  BjC,,  C,B',,  B2C2,  C2B2  partent  huit 
lames  quadrangulaires  AlaxmlMl)  M1w?1a2A2,  Aia^wiiM', ,  M^^Aa,  B^^C,, 
CjCjaiBi,  B2a2c2C2,  C2c2a2B2,  projetées  en  AamM,  Mma "X ",  Xam  M ,  M  m'a "X"y 


BacC,  Cca'B',  BVc'C',  Cc'a’B'"; 

II  se  forme  en  outre  quatre  lames  quadrangulaires  O mlalcl)  O cxdxm\,' 
0m\d2c2,  Ocüa.2ml,  accolées  autour  du  centre  O  et  projetées  respectivement 
en  O  mac,  O  cam,  O  ma  c,  O  c'a  m. 

De  là  résultent  cinq  groupes  distincts  de  polygones,  tous  égaux  ou  équi¬ 
valents  pour  un  même  groupe,  tous  différents  d’un  groupe  à  un  autre. 

Observons  que  les  variables  xa>  xm,  zm  doivent  être  considérées  comme 
croissant  à  partir  de  zéro.  Cela  permet  qu’on  les  prenne  aussi  petites  qu’on 
veut  et  qu’on  en  néglige  les  puissances  dont  l’exposant  dépasse  l’unité.  La 
première  conséquence  à  déduire  de  cette  observation,  c’est  qu’il  n’y  a  pas  lieu 
de  faire  entrer  en  ligne  de  compte  les  lames  quadrangulaires  du  groupe 
O mla1cl  ;  la  seconde ,  en  ce  que  les  pentagones  des  groupes  M  .w.OmiM,  et 
A^c^Ai  peuvent  être  remplacés  chacun  des  premiers  par  le  trapèze 
,  chacun  des  derniers  par  le  trapèze  A,a,a'iAi.  Procédons  d’après 
ces  indications. 

Le  trapèze  a,  pour  côtés  parallèles, 


M,M’,  =  2  sin 


a  a 


2 


5 


w.m,  =2  rm, 


EN  LAMES  MINCES. 


77 


et,  pour  hauteur, 


aa 

cos  - z* 

2 


Les  deux  lames  du  premier  groupe  ont  ainsi ,  pour  étendue  totale , 


/  aa'  \  /  aa  \ 

2  ( sin  —  j  (cos  -g - zm  1  =  si 


aa  \  .  r  aa  .  aa 

cos - zm  =  sin  aa  -t-  2  xm  cos - 2  sin - 

2  /  2  2 


Le  trapèze  A, a, a, A,  a,  pour  côtés  parallèles, 


aa 


AtAi  ~  2  sin  —  ,  a,a|  =  2ia, 
2 


s 

et,  pour  hauteur, 


v/01’*  [sinT_3c*T” 


66' 

01  -t-  sin2  — 


1  — 


.  66' 
sin  - — .  x. 
2 

6t7 

01  -+-  sin2  — 
2 


aa 


=  cos 


66' 


sin 


1  — 


a  a 


cos-* 


Les  quatre  lames  du  second  groupe  ont  ainsi,  pour  étendue  totale, 


f  .  aa'  "1 

l_sm  T  *  *"J 


66'  _ 


sin 


aa 

cos - 


aa 


cos 


=  2  sin  aa'  -t-  4 


[aa'  66'  aa'  “1 

cos - sin  —  te -  x, 

2  2  0  2  J 


Le  triangle  A^B,  est  isocèle.  Il  a ,  pour  base , 


ub 

A,B,  =  2  sin  —  , 
2 


On  a  trouvé  au  n°  22,  page  72, 


01 


\  /  .  aa'  •  ,  66' 
V  2  2 


— 2  .  66'  ,  aa' 

01  -f-  sin1  — =  cos-  — - 


Il  en  résulte 


78 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


et,  pour  hauteur,  la  droite  qui  joint  le  point  a  ou  a,  au  milieu  du  segment 
A ,6, .  Ce  milieu,  situé  dans  le  plan  des  xy,  a  pour  coordonnées 

1  r  aa'  .  bb'  q 
x  =  y  = —  sin - 1-  sin  — —  > 

*  2  L  2  2  J 

ce  qui  donne  pour  sa  distance  au  point  O 

1  r  aa'  .  bb'  l 

. —  sin - h  sin  —  , 

1/  2  L  2  2  J’ 


et,  pour  la  hauteur  cherchée, 


2  x„ 

r  aa' 

bb'~ 

ab 

t - 7 — - 

sin  - — -  -+-  sin 

=  cos  — 

aa 

66' 

L  2 

2  _ 

1  2 

sin - -4-  sin 

— 

2 

2  _ 

9  x 

•—  "a 

aa'  .  66' 

sin - 1-  sin - 

2  2 


Les  quatre  lames  du  troisième  groupe  ont  ainsi ,  pour  étendue  totale , 


ab  ab 

4  sin  —  cos  — 
2  2 


2  Æq 

aa'  b  b' 

sin - h  sin  — 

2  2  J 


sin  ab  —  a6 

—  2  sin  ab  —  4 - 7 - rr,  xa  =  2  sin  a6  —  41/  2  sin  — 

aa  bb  2 

sin - h  sin  — 

2  2 


•  xa 


I 


Le  quadrilatère  A^WjM,  peut  être  remplacé  par  les  deux  triangles  A lalrnlf 
.  La  surface  de  ces  triangles  est  donnée  par  la  formule  générale 


1 

2 


[/  [(a/—  x)  (z"—  z')  —  {z'-z)  ( x"—  x')f  -b  [{if—  y)  (x"~  x')  -  {x'  -  x)  (y"—  y')]  -  -i-  [(s'—  z)  (y”~  y')  -  ( t /—  y)  (z"~  s')]2 


où  l’on  doit  poser,  pour  le  premier  (le  point  al  étant  son  sommet,  et  le  seg- 


*  On  observera  que  l’on  a,  d’après  une  des  formules  du  n°  22  (Voir  page  73,  en  note), 


.  aa '  .  bb  ■  ab 

sin - 1-  sin  —  —  v  z.  cos  — 

2  o  2 


**  Soit  D  une  droite  menée  par  les  points  (x',  y',  z'),  (x",  y  ",  z").  La  perpendiculaire  abais¬ 
sée  du  point  (x,  y,  z)  sur  la  droite  D  a,  pour  expression  générale, 


'm2  -b  n2 -b[a  (y'  —  y)  —  b  [x'  —  x)]- 

a2 -b  b2  l 


EN  LAMES  MINCES. 


79 


ment  sa  base) 


x  =  xa 


x  =  sin 


«•  {  y  =  xa  ,  A,  (  y' 


aa 

~Y 

bb' 


aa 


x  =  sin 


sin  y,  Mt  (  y'  =  o 


aa 


z"  —  z  =  01  —  cos - 

2 


=  —  ic, 


z  —  o 


-  01 


aa 


Z  =  cos 


et,  pour  le  second,  (le  point  M,  étant  son  sommet  et  le  segment  sa  base) 


aa 


x  =  sin 


x  =  x,. 


Mi  (  y  =  o  ,  at  (  y"  =  xa , 
aa' 


z  =  cos 


l 


Z  =0 


x  ==  x„ 
{  y'  =  o 

Z  —  Zm 


On  trouve  ainsi,  pour  la  surface  S  du  triangle  A^Mj, 


ou  développant  * 


o  t  %  /  „  6c  „  aa!  aa'  66'  r.  •  o  ■  aa'  n i  aa  ■ 

S  =  —  \/  4  sin2  — -  sin2 - h  cos2  —  sin2 - 2  xa  4  sin2  —  sin  —  -+•  CI  cos  — —  sin  —  . 

2  V  22  2  2  L  2  2  22J 


les  quantités  a,  b,  m,  n  étant  données  par  les  équations  de  condition 


m  =  x'  —  x  —  a(z'  —  z), 


n  =  y'  —  y  —  b(z'  —  z). 


Il  s'ensuit  que,  en  désignant  par  S  la  surface  du  triangle  dont  les  trois  sommets  sont  respec¬ 
tivement  en  ( x ,  y,  z),  ( x ' ,  y',  z'),  ( x ",  y”,  z ") ,  on  a  généralement 

S  =  -i  y  [(x’  -  x)  (z"—z')  -  [z'  —  z)  (x"  -  xyY+  etc. 

*  On  observera  que,  d’après  la  formule  (82)  du  n°  22  (page  72),  on  a 


et,  par  suite, 


_*  bb' 

CI  -+-  sin2  — 
2 


bc  ï 

=  4  sinS: — ? 


2 


80 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


Or  on  a 


6c  .  aa'  aa'  ,  66' 

4  sin2  —  sin2  —  -+-  cos2  —  sin2  —  =  sin2  6c  *. 
2  2  2  2 


De  là  résulte,  en  substituant  et  réduisant, 


S  =  —  sin  6c 
2 


[aa'  bc 
sin  —  tg  — 
2  &  2 


aa'  66' 

CI  cos  —  sin  — 
2  2 


2  sin  bc 


~j  5 


ou,  plus  simplement  encore, 


** 


S  =  —  sin  6c 
2 


.  an'  bc  1/3  ,_2  bc 


r  .  aa 
sin  — 

L  2 


tg 


•  sin-1 


6c  ! 

TJ*- 


La  surface  S  se  réduisant  à-|-sin  bc  dans  l’hypothèse  xa  —  0,  il  s’ensuit  qu’on  doit  avoir 
nécessairement 

.  .  ,  6c  .  aa'  aa '  bb' 

4  sin2  — -,  sin2 - 1-  cos2  —  sin2  —  =  sin2  bc. 

2  2  2  2 

On  le  vérifie  d’ailleurs  au  moyen  des  formules  (84)  et  (85)  du  n°  22  (page  75).  La  première 
donne 


cos2 


bc 

Y 


o  aa  bc 

H - COS2  — -  COS2  - ) 

4  2  2 


et  l’on  a ,  d’après  la  seconde, 


bb' 


bc  bc 


sin2  — —  =  3  sin2  —  cos2 


2  2 


De  là  résulte ,  en  premier  lieu , 


et,  par  suite, 


,  .  ,  6c  bc  bc  aa’  aa'  bc  bc 

4  sin  — —  cos2  — —  =  4  sm2  —  sin2  —  -t-  o  cos2 - sin2  —  cos2  — , 

2  2  2  2  2  2  2 


.  ,  ,  ,  .  a  bc  .  „  aa'  „  aa’  .  „  bb' 

sin2  bc  —  4  sin2  - —  sin2  - - 1-  cos2  —  sm2  — 

2  2  2  2 


En  se  reportant  à  la  dernière  des  formules  établies  dans  la  note  du  n°  22  (page  75) ,  on 
voit  que  l’on  a 


EN  LAMES  MINCES. 


81 


On  trouve  de  même,  pour  la  surface  S'  du  triangle 


et,  après  réduction, 


r  •  aa 

aa'~ |2 

xi  +-  zm  sin  —  -+-  (  xa  —  x„,  ) 

cos  — 

2  J 

Les  huit  lames  du  quatrième  groupe  ont  ainsi ,  pour  étendue  totale , 


4  sin  6e — 


[ 


.  aa' 

8  sin  —  tg 
2  & 


—  -4-  4  V  5  sin2 
2 


6c 

~2 


+  4  ^  Xl  +  ^ 


aa 


zmsin 


Désignons  par  2  la  surface  que  présentent,  dans  leur  ensemble,  toutes  les 
lames  à  considérer.  Si  l’on  fait  la  somme  des  aires  partielles  déterminées 
ci-dessus ,  et  qu’on  ait  égard  à  la  relation 


on  trouve 


aa'  bc 

2  sin  —  tg  —  —  cos 
0  3  9 


L’indétermination  des  quantités  zm  et  xm  permettant  que  l’on  pose 


aa' 

zm  sin  —  —  xm  cos 
2 


Cette  relation  se  déduit  immédiatement  de  la  formule  (35bis)  du  n"  15  (page  46) 


2 


aa'  bc 

tgTtgT 


i. 


Il 


Tome  XXXY. 


82 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


il  vient  plus  simplement 


r  66'  6c  _  .  ab  —  6c  .  /  ««  1 

4  sia  6c  3  sia  aa'  -h  2  sia  ah  —  4ï„  sin  —  tg  —  9-  1/2  sin  —  -+■  V  3  sia-  — - y/  1  -+-  cos-  — J- 


On  a  d’ailleurs,  en  faisant  les  substitutions  numériques, 


sia  —  tg - h  V  2  sia - t-  V  3.  sia2  —  I  4,538609  , 

9  a  9  9  9 


et 


Y7 


aa 


1  -+-  cos2  —  =  4,246590. 
2 


On  peut  donc  écrire,  comme  dernier  résultat, 


2  —  4  sin  bc  -t-  5  sia  aa'  9-  2  sia  ab  —  4,468076.  x„ 

Il  en  résulte  que  la  déformation  supposée  implique  à  l’origine  une  dimi¬ 
nution  de  l’étendue  totale  des  lames  à  considérer.  On  peut,  en  conséquence, 
poser  la  conclusion  suivante  : 

Le  système  fourni  par  la  combinaison  17  est  instable.  Il  peut  se  déformer 
d’après  le  mode  exposé  ci-dessus. 

24.  Nous  avons  déterminé  au  n°  10  les  diverses  combinaisons  géométri¬ 
quement  possibles.  Elles  se  réduisent  à  sept  et  portent  les  numéros  d’ordre 
1,  7,  13,  15,  17,  18  et  19.  L’instabilité  des  systèmes  liquides  qui  leur 
correspondent  a  été  démontrée  successivement  : 

1°  Au  numéro  16,  pour  les  combinaisons  17  et  19,  autrement  dit  pour 
les  polyèdres  représentés  respectivement,  l’un  par  le  prisme  droit  à  base 
triangulaire,  l’autre  par  le  cube; 

2°  Au  numéro  18,  pour  la  combinaison  18,  autrement  dit  pour  le  cas 
du  prisme  droit  à  base  pentagonale; 

3°  Au  numéro  19,  pour  la  combinaison  13,  autrement  dit  pour  le  cas 
du  dodécaèdre  régulier; 

4°  Au  numéro  20,  pour  la  combinaison  15,  autrement  dit  pour  le  cas 


EN  LAMES  MINCES. 


85 


du  polyèdre  irrégulier  qui  présente  deux  faces  planes  et  carrées,  huit  faces 
gauches,  pentagonales  et  semi-régulières; 

5°  Aux  numéros  21,  22  et  23,  pour  la  combinaison  17,  autrement  dit 
pour  le  cas  du  polyèdre  irrégulier  qui  présente  quatre  faces  planes  rectan¬ 
gulaires,  quatre  faces  gauches  pentagonales  et  semi-régulières. 

Il  suit  de  là  que,  s’il  existe,  en  réalité,  sept  systèmes  géométriquement 
possibles,  il  n’en  est  qu’un  cependant  qui  satisfasse  aux  conditions  de  l’équi¬ 
libre  stable,  et  qui  puisse,  en  conséquence,  persister  d’une  manière  per¬ 
manente.  Ce  système  unique  est  celui  que  fournit  la  combinaison  1  :  le  po¬ 
lyèdre  qui  lui  correspond  est  le  tétraèdre  régulier.  Il  n’admet,  comme  issues 
d’un  même  sommet  libre,  que  quatre  arêtes  liquides  faisant  entre  elles  des 
angles  égaux  *. 

Le  résultat  auquel  nous  venons  de  parvenir  implique  la  déduction  suivante  : 

Dans  tout  système  de  lames  planes ,  l’aire  totale  ne  peut  être  un  minimum 
que  si  les  arêtes  issues  d’un  même  sommet  libre  se  réduisent  èi  quatre,  et 
font  entre  elles  des  angles  égaux. 

Cette  déduction  s’étend  d’elle-même  au  cas  d’un  système  quelconque  de 
lames  liquides  planes  ou  courbes.  Pour  s’en  convaincre,  il  suffit  d’observer 
que  si  l’on  restreint  suffisamment  l’étendue  des  lames  issues  d’un  même 
sommet  libre ,  on  peut  considérer  chacune  d’elles  comme  se  confondant  avec 
la  partie  correspondante  du  plan  qui  la  touche  en  ce  même  sommet  **.  On 
peut  d’ailleurs,  sans  rien  changer  aux  calculs  qui  précèdent,  réduire,  autant 
qu’on  veut,  la  longueur  prise  à  la  fois  pour  unité  et  pour  rayon  de  la  sphère 
circonscrite  aux  polyèdres  II.  Le  cas  des  lames  courbes  se  ramène  ainsi  très- 
simplement  à  celui  des  lames  planes,  et  l’on  a,  plus  généralement,  ce  nouvel 
énoncé  : 

Dans  tout  système  de  lames,  l’aire  totale  ne  peut  être  un  minimum  que  si 
les  arêtes  issues  d’un  même  sommet  libre  se  réduisent  à  quatre,  et  font  entre 
elles  des  angles  égaux. 


Ces  angles  sont  déterminés  rigoureusement  par  la  valeur  de  leur  cosinus,  qui  est  égale 
à  —  t-  Leur  ouverture  est  de  \  09°,  18',  16",  à  moins  d’une  seconde  d’erreur. 

Une  même  lame  ne  peut  avoir  en  chacun  de  ses  points,  au  sommet  comme  ailleurs,  qu’un 
seul  plan  tangent.  La  loi  de  continuité  ne  permet  pas  ici  d’autre  hypothèse. 


84 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES,  etc. 


Rapprochons  cet  énoncé  de  celui  que  nous  avons  formulé  à  la  fin  du  n°  3 
(page  26).  En  les  résumant  tous  deux,  nous  avons  la  solution  complète  du 
problème  que  nous  nous  étions  proposé,  et  nous  pouvons  la  formuler  comme 
il  suit  : 

Dans  tout  système  de  lames  liquides  deux  conditions  sont  nécessaires 
pour  que  la  somme  totale  des  aires  puisse  être  un  minimum,  et  qu’il  y  ait, 
en  conséquence,  stabilité  d’équilibre  : 

Il  faut,  d’abord,  que  les  lames,  aboutissant  d  une  même  arête  liquide, 
soient  au  nombre  de  trois  et  se  coupent  deux  à  deux  sous  l’angle  de  120  ; 

Il  faut,  ensuite,  (pie  les  arêtes  issues  d'un  même  sommet  libre  soient  au 
nombre  de  quatre  et  se  coupent  deux  d  deux  sous  l’angle  de  1 09°, 28' ,1 6" , 
ou,  plus  exactement,  sous  l’angle  dont  le  cosinus  est - — . 


DEUXIÈME  PARTIE. 


VÉRIFICATIONS  EXPÉRIMENTALES. 


PREMIÈRE  SECTION. 

GÉNÉRALITÉS  CONCERNANT  LES  POLYÈDRES  TYPES  ET  LEURS  DÉRIVÉS. 


A7.  B.  Nous  désignons  sous  le  nom  de  polyèdres  types  les  sept  polyèdres  déterminés,  dans  la  première  partie, 
comme  étant  les  seuls  dont  la  réalisation  soit  géométriquement  possible.  Les  dérivés  s’obtiennent  en 
modifiant  une  ou  plusieurs  dimensions  des  polyèdres  types. 


25.  La  théorie  que  nous  venons  de  développer  n’est  pas  seulement  spé¬ 
culative  :  elle  a  ses  moyens  de  contrôle  dans  une  série  d’expériences  qui  se 
coordonnent  et  se  déterminent  d’après  les  données  précédentes.  Ces  expé¬ 
riences,  déjà  très-curieuses  en  elles-mêmes,  offrent  ici  d’autant  plus  d’in¬ 
térêt  qu’elles  confirment  et  vérifient  toutes  les  déductions  du  calcul.  Sous  ce 
rapport,  il  convient  que  nous  entrions  dans  de  nouveaux  détails,  ne  fût-ce 
que  pour  fixer,  d’une  manière  précise,  les  dimensions  des  polyèdres  à  con¬ 
struire  et  la  façon  de  les  mettre  en  œuvre. 

Un  mot  d’abord  sur  la  nature  des  appareils.  Tout  fil,  qui  présente  une 
certaine  rigidité  et  qui  contracte  adhérence  *  avec  le  liquide  dont  on  se  sert , 

t 

On  n’obtient  pas  toujours  une  adhérence  convenable.  Il  faut  alors  oxyder  les  carcasses 
dans  toutes  leurs  parties  et  particulièrement  aux  soudures.  On  y  parvient  au  moyen  d’une  ou 
plusieurs  immersions  dans  un  bain  légèrement  acidulé. 


8H 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


peut  être  employé  à  la  confection  des  carcasses  polyédriques.  Le  fil  de  fer 
réussit  biqn  avec  une  épaisseur  d’un  demi-millimètre  à  un  millimètre.  Le 
fil  de  zinc  est  moins  roide.  Si  on  le  substitue  au  fil  de  fer,  il  faut  le  pren¬ 
dre  un  peu  plus  gros  ou  diminuer  les  dimensions  des  carcasses.  Le  liquide 
peut  être  tout  simplement  de  l’eau  de  savon  %  comme  celle  dont  on  se 
sert  pour  souffler  des  bulles.  M.  Plateau  emploie  de  préférence  un  composé 
d’eau  de  savon  et  de  glycérine  qu’il  désigne  sous  le  nom  de  liquide  gly- 
| érique  **.  Il  obtient  ainsi  des  systèmes  de  lames  qui  persistent  très-long¬ 
temps  dans  la  forme  qu’ils  affectent  à  l’état  d’équilibre  stable.  L’eau  simple 
de  savon  ne  comporte  que  de  courtes  durées  :  elle  peut  néanmoins  suffire 
et  se  prêter,  entre  certaines  limites,  à  l’observation  des  principaux  phéno¬ 
mènes. 

La  carcasse  sur  laquelle  on  expérimente  devant  être  plongée  tout  entière 
dans  l’eau  de  savon ,  on  peut  l’en  retirer  au  moyen  d’une  tige  qui  fait  corps 
avec  elle,  ou  bien  encore  au  moyen  d’un  fil  de  fer  plié  en  deux  et  recourbé  en 
agrafe  à  chacune  de  ses  extrémités.  Le  premier  moyen  a  été  employé  par 


Le  savon  dont  nous  avons  fait  usage  est  celui  de  Marseille.  Il  nous  a  donné  de  bons  ré¬ 
sultats. 

La  préparation  du  liquide  glycérique  exige  certaines  précautions.  Voici  les  principales, 
suivant  les  indications  que  M.  Plateau  a  bien  voulu  nous  donner  pour  le  savon  de  Marseille  et 
la  glycérine  française  de  Lamoureux,  d’après  de  nouvelles  recherches  encore  inédites: 

Prendre,  a  défaut  d  eau  distillée,  de  l’eau  de  pluie.  En  poids,  trente  parties  d'eau  pour  une 
de  savon.  Débiter  le  savon  en  copeaux  minces  et  le  faire  dissoudre  dans  l’eau  à  une  chaleur 
modérée.  Laisser  refroidir  la  dissolution  et,  après  l’avoir  filtrée,  la  mêler  à  un  volume  égal  de 
glycérine.  Ce  mélange  doit  être  fait  avec  soin  dans  un  flacon  qu’on  agite  fortement  et  longtemps. 

Cela  posé,  achever  comme  il  suit,  d’après  la  saison  : 

En  été,  laisser  reposer  le  mélange  pendant  sept  jours;  le  plonger  ensuite  dans  de  l’eau  entre¬ 
tenue  à  o  ou  4  degrés  au-dessus  de  zéro  et  l’y  laisser  six  heures.  Après  cette  immersion,  pen¬ 
dant  laquelle  le  mélange  se  trouble  fortement,  filtrer  à  travers  du  papier  Prat-Dumas,  en 
tenant  plongé  dans  le  filtre  un  bocal  rempli  de  morceaux  de  glace.  Le  produit  de  la  filtration 
donne,  après  six  ou  sept  jours  d'attente,  un  bon  liquide  glycérique. 

En  hiver,  déposer  le  mélange  en  un  lieu  dont  la  température  ne  s’abaisse  pas  au-dessous 
de  zéro  et  ne  s  élève  point  au-dessus  de  4°  pour  la  nuit ,  de  9°  pour  le  jour.  Attendre  ainsi  pen¬ 
dant  sept  jours,  puis  filtrer  à  travers  du  papier  Prat-Dumas,  en  ayant  soin  d  opérer  à  une 
température  qui  s  écarte  peu  de  4°.  Le  produit  de  la  filtration  est  le  liquide  glycérique. 

Ainsi  préparé,  le  liquide  glycérique  peut  se  conserver  très-longtemps;  plusieurs  mois  au 
moins,  sinon  plus  d  une  année.  S’il  se  décompose  ou  s’altère,  on  le  fait  bouillir  pendant  quel¬ 
ques  minutes.  On  le  filtre  ensuite  à  travers  un  tissu  en  coton  serré. 


EN  LAMES  MINCES. 


87 


M.  Plateau  dans  ses  expériences;  ici  j’ai  préféré  le  second.  La  double  agrafe 
se  prête  mieux  que  la  simple  tige  à  disposer  les  carcasses  polyédriques  de 
manière  à  ce  que  leur  émersion  commence  ou  finisse  par  une  partie  quel¬ 
conque  déterminée  d’avance.  11  faut  éviter,  dans  tous  les  cas,  que  le  fil  de 
fer  servant  de  lige  ou  d’agrafes  ne  contracte  avec  le  liquide  des  adhérences 
qui  ne  laisseraient  point  aux  lames  parlant  des  arêtes  la  faculté  de  se  diriger 
librement  vers  l’intérieur,  ou  qui  introduiraient  des  lames  additionnelles. 
Les  précautions  les  plus  simples  suffisent  à  cet  égard. 

Nous  avons  constaté,  par  expérience,  qu’on  peut  très-bien  réussir  avec 
l’eau  de  savon  lorsqu’on  donne  aux  polyèdres  à  construire  les  dimensions  qui 
correspondent  à  leur  inscription  dans  une  sphère  de  cinq  centimètres  de 
rayon.  Pour  ramener  à  celte  échelle  les  résultats  numériques  obtenus  dans  la 
première  partie ,  il  suffit  de  les  diviser  par  le  nombre  deux  et  de  les  rap¬ 
porter  au  décimètre  pris  pour  unité  principale.  C’est  ainsi  que  nous  procé¬ 
derons  dans  les  numéros  suivants. 

26.  Considérons  les  lames  qui  partent  des  différentes  arêtes  d’un  polyèdre 
donné  n,  et  qui  vont  concourir  en  son  centre.  Elles  comportent,  en  général, 
plusieurs  modes  de  déformation  compatibles  avec  une  diminution  de  leur 
étendue  totale.  Lorsque  l’on  connaît  d’avance  l’un  ou  l’autre  de  ces  modes, 
on  peut  se  rendre  compte  des  dispositions  qui  lui  correspondent  dans  le  sys¬ 
tème  permanent  qui  en  dérive.  On  peut  aussi  déterminer  comment  l’émer¬ 
sion  doit  se  faire  pour  arriver  plus  vite  à  la  formation  du  système  qu’on 
veut  réaliser.  Le  procédé  décrit  au  n°  17,  page  53,  offre,  à  cet  égard,  de 
précieuses  ressources.  Il  permet,  en  effet,  de  reconnaître,  a  priori,  pour 
chacun  des  polyèdres  types,  l’une  au  moins  des  dispositions  générales  qui 
lui  correspondent  dans  l’état  d’équilibre  stable  des  lames  intérieures.  Réduit 
à  son  expression  la  plus  simple,  voici  en  quoi  consiste  le  procédé  dont  il 
s’agit  : 

Etant  donné  le  polyèdre  sur  lequel  on  veut  opérer,  on  choisit  arbitraire¬ 
ment  lune  de  ses  faces,  et,  par  la  pensée,  on  supprime  non-seulement  cette 
face,  mais  aussi  toutes  celles  qui  lui  sont  contiguës,  les  faces,  arêtes  et  sommets 
non  contigus  à  la  face  choisie  étant  seuls  conservés.  Cela  fait ,  on  n'a  plus 
quà  considérer  les  parties  restantes.  Elles  déterminent ,  par  leur  nombre, 


88 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


leur  espèce  el  leur  disposition ,  la  disposition,  l’espèce  et  le  nombre  des  par¬ 
ties  libres  *  du  système  liquide  correspondant . 

Pour  bien  faire  comprendre  ce  procédé,  nous  allons  l'appliquer-successi- 
vement  à  chacun  des  polyèdres  types. 

27.  Commençons  par  le  tétraèdre,  et  prenons  l’une  quelconque  de  ses 
faces.  Si  nous  supprimons  cette  face  et  ses  arêtes,  si  nous  supprimons  en 
même  temps  les  faces  qui  lui  sont  contiguës  et  les  arêtes  qu’elles  compren¬ 
nent  entre  elles ,  il  ne  reste  que  le  sommet  opposé  à  la  face  supprimée  la 
première.  On  peut  en  conclure  que  le  système  correspondant  des  lames  in¬ 
térieures  ne  présente  qu’un  seul  sommet  libre.  Il  est,  d’ailleurs,  aisé  de  voir 
que  ce  sommet  doit  être  au  centre  et  se  rattacher  par  quatre  arêtes  liquides 
aux  quatre  sommets  du  tétraèdre.  Les  faits  sont  en  complet  accord  avec  ces 
déductions. 

28.  Soit,  en  second  lieu,  le  prisme  droit  à  base  triangulaire.  Ses  faces 
sont  de  deux  espèces;  les  unes  ont  trois  côtés,  les  autres  quatre.  Elles  sont, 
d’ailleurs,  au  nombre  total  de  cinq. 

Supprimons  d’abord  l’une  des  bases.  Nous  devons  supprimer  ensuite  les 
trois  faces  latérales.  11  ne  reste,  en  conséquence,  qu’une  seule  face,  la  base 
non  supprimée.  Concluons,  par  rapport  au  système  correspondant  des  lames 
intérieures,  qu’il  présente  une  lame  libre  unique,  triangulaire,  parallèle  aux 
bases  du  prisme  et  disposée  comme  elles,  à  égale  distance  de  l’une  et  de 
l’autre.  Cette  solution  nous  ramène  au  mode  de  déformation  que  nous  avons 
admis  et  démontré  possible  au  n°  16,  pages  49  et  suivantes. 

Imaginons  ensuite  que  la  face  supprimée  la  première  soit  une  face  latérale. 
Elle  est  contiguë  aux  quatre  autres  et  détermine,  en  conséquence,  leur  éva¬ 
nouissement  simultané.  Il  ne  reste,  ainsi,  que  l’arête  opposée  à  la  face  latérale 
supprimée  la  première.  Le  système  qui  correspond  à  ce  cas  ne  comporte 
qu’une  seule  arête  libre ,  évidemment  dirigée  suivant  l’axe  du  prisme.  Nous 
dirons  plus  loin  comment  il  se  réalise  pour  les  lames  intérieures,  lorsqu'on 
augmente  la  hauteur  du  prisme  sans  changer  sa  base. 

*  On  entend  par  parties  libres  celles  qui  restent  en  dehors  de  toute  arête  solide.  Tels  sont  les 
sommets  libres  déjà  définis;  les  arêtes  comprises  entre  ces  sommets;  les  lames  que  ces  mêmes 
arêtes  circonscrivent. 


EN  LAMES  MINCES. 


89 


29.  Soit,  en  troisième  lieu,  le  cube,  autrement  dit  l’hexaèdre  régulier. 
Toutes  les  faces  sont  de  même  espèce,  égales  et  carrées.  Elles  sont  d’ailleurs 
au  nombre  de  six.  Peu  importe  celle  qu’on  supprime  d’abord  ;  elle  fait  dis¬ 
paraître  avec  elle  les  quatre  faces  qui  lui  sont  contiguës,  et  ne  laisse  ainsi 
subsister  qu’une  face  unique,  celle  qui  lui  est  opposée.  Concluons  que  le 
système  correspondant  des  lames  intérieures  présente  une  lame  quadrangu- 
laire,  parallèle  à  deux  faces  opposées  du  cube,  équidistante  de  ces  faces  et' 
disposée  comme  elles.  Cette  solution  nous  ramène,  comme  tout  à  l’heure,  au 
mode  de  déformation  que  nous  avons  admis  et  démontré  possible  au  n°  16. 

30.  Soit,  en  quatrième  lieu,  le  prisme  droit  à  base  pentagonale.  Ses 
faces,  au  nombre  de  sept,  sont  de  deux  espèces,  les  unes  ayant  cinq  côtés 
et  les  autres  quatre. 

Supprimons  d’abord  l’une  des  bases.  L’évanouissement  des  faces  latérales 
qui  lui  sont  contiguës  ne  laisse  subsister  qu’une  face,  la  base  non  supprimée. 
Concluons,  par  rapport  au  système  correspondant  des  lames  intérieures, 
qu’il  présente  une  lame  libre  unique,  pentagonale,  parallèle  aux  bases  et 
disposée  comme  elles,  à  égale  distance  de  l’une  et  de  l’autre.  Nous  verrons 
plus  loin  comment  ce  système  peut  se  produire  et  persister  lorsqu’on  diminue 
la  hauteur  du  prisme,  sans  changer  sa  base. 

Au  lieu  de  choisir  une  des  bases  du  prisme  pour  la  supprimer  la  première, 
prenons  une  des  faces  latérales.  La  suppression  de  cette  face  implique  celle 
des  deux  faces  latérales  qui  lui  sont  contiguës  et,  en  outre,  celle  des  deux 
bases  du  prisme.  II  reste  ainsi  deux  faces  latérales  accolées  l’une  à  l’autre.  On 
doit  en  conclure  que  le  système  correspondant  des  lames  intérieures  présente 
deux  lames  libres  quadrangulaires;  réunies  par  une  arête  dont  le  plan  con¬ 
tient  l’axe  du  prisme,  et  donnant  ensemble  six  sommets  libres  distincts.  Cette 
solution  nous  ramène  au  mode  de  déformation  que  nous  avons  admis  et 
démontré  possible  au  n°  18,  pages  57  et  suivantes. 

31 .  Soit,  en  cinquième  lieu,  le  dodécaèdre  régulier.  Ses  faces,  au  nombre 
de  douze,  sont  toutes  de  même  espèce  et  pentagonales.  Quelle  que  soit  celle 
que  l’on  commence  par  supprimer,  elle  fait  disparaître  avec  elle  les  cinq 
faces  qui  lui  sont  contiguës  et  laisse  ainsi  subsister  la  moitié  du  dodécaèdre. 

Il  en  résulte,  par  rapport  au  système  correspondant  des  lames  intérieures, 

Tome  XXXV.  12 


90 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


qu’il  doit  présenter  six  faces  libres  pentagonales,  dont  cinq  sont  accolées 
entre  elles  et  à  la  sixième.  Ces  six  faces,  disposées  comme  celles  qui  leur 
correspondent  dans  le  dodécaèdre,  portent  au  nombre  de  quinze  les  sommets 
libres  du  système  intérieur.  Celte  solution  s’accorde  avec  le  mode  de  défor¬ 
mation  que  nous  avons  admis  et  démontré  possible  au  n°  19,  pages  63  et  64. 

32.  Soit,  en  sixième  lieu,  le  polyèdre  semi-régulier  fourni  parla  combi¬ 
naison  17  et  comprenant  deux  groupes  égaux,  composés  chacun  de  quatre 
pentagones  accolés  entre  eux  et  à  un  même  carré. 

Si  nous  supprimons  d’abord  l’un  des  deux  carrés,  nous  devons  supprimer 
en  même  temps  les  quatre  pentagones  qui  lui  sont  contigus.  11  teste  ain>i 
l’un  des  deux  groupes  dont  le  polyèdre  se  compose,  et  rien  que  ce  groupe. 
Concluons,  par  rapport  au  système  correspondant  des  lames  intérieures,  qu  il 
présente  un  groupe  de  cinq  lames  libres  formé  d’un  quadrilatère  central  et 
de  quatre  pentagones  accolés.  Ce  groupe  est  disposé  comme  celui  qui  lui 
correspond  dans  le  polyèdre.  Les  sommets  libres  qu'il  fournit  sont  au  nombre 
de  douze.  Cette  solution  nous  ramène  au  mode  de  déformation  que  nous 
avons  admis  et  démontré  possible  au  n°  20,  pages  64  et  suivantes. 

Concevons  maintenant  que  la  face  supprimée  la  première  soit  une  des 
faces  pentagonales.  Elle  fait  disparaître  avec  elle  le  quadrilatère  et  les  deux 
pentagones  qui  lui  sont  contigus  dans  le  groupe  auquel  elle  appartient.  Elle 
fait  disparaître  en  outre  les  deux  pentagones  qui  lui  sont  accolés  dans  le 
second  groupe.  Il  reste  ainsi  quatre  faces  dont  lune  est  carrée,  les  tiois 
autres  pentagonales.  La  face  carrée  est  accolée  à  deux  des  pentagones.  Les 
trois  pentagones  sont  accolés  entre  eux  autour  d’un  même  point  central.  On 
doit  en  conclure  que  le  système  correspondant  des  lames  intérieures  présente 
quatre  lames  libres ,  l’une  quadrangulaire ,  les  trois  autres  pentagonales.  Le 
groupe  formé  par  ces  lames  est  disposé  comme  celui  qui  lui  correspond  dans 
le  polyèdre  après  les  suppressions  indiquées  ci-dessus.  Les  sommets  libres 
qu’il  fournit  sont,  comme  tout  à  l’heure,  au  nombre  de  douze.  Cette  solution 
s’accorde  avec  le  mode  de  déformation  que  nous  avons  signalé  comme  pos¬ 
sible  dans  la  remarque  placée  à  la  fin  du  n°  20,  page  67. 

33.  Soit  en  septième  et  dernier  lieu  le  polyèdre  semi-régulier  fourni  par 
la  combinaison  17  et  comprenant  deux  groupes  égaux,  formés  chacun  de 


EN  LAMES  MINCES. 


91 


deux  rectangles  et  de  deux  pentagones.  Dans  chacun  de  ces  groupes  les 
rectangles  sont  accolés  entre  eux  par  l’un  de  leurs  grands  côtés.  C’est  d’ail¬ 
leurs  par  leurs  petits  côtés  qu’ils  s’accolent  aux  deux  pentagones. 

Les  faces  étant  de  deux  espèces,  on  peut  supprimer  d’abord,  soit  un 
rectangle,  soit  un  pentagone. 

Dans  le  premier  cas,  l’un  des  deux  groupes  disparait  tout  entier  et,  avec 
lui,  l’un  des  pentagones  du  second  groupe.  Il  ne  reste  donc  que  deux  rectan¬ 
gles  accolés  et  comprenant  entre  eux  un  pentagone.  Dans  le  second  cas,  le 
pentagone  supprimé  fait  disparaître  avec  lui  trois  rectangles  et  deux  penta¬ 
gones.  Il  ne  reste  plus  alors  qu’un  pentagone  accolé  à  un  rectangle.  Con¬ 
cluons,  par  rapport  aux  systèmes  correspondants  des  lames  intérieures,  qu’ils 
sont  au  nombre  de  deux.  Le  premier  présente  trois  lames  libres,  dont  deux 
quadrangulaires  et  une  pentagonale,  accolées  entre  elles  autour  d’un  même 
point,  disposées  comme  les  faces  qui  leur  correspondent  dans  le  polyèdre  et 
fournissant  huit  sommets  libres.  Le  second  présente  deux  lames  libres ,  l’une 
quadrangulaire,  l’autre  pentagonale,  accolées  l’une  à  l’autre,  disposées  comme 
les  faces  qui  leur  correspondent  dans  le  polyèdre,  et  déterminant  sept  som¬ 
mets  libres.  La  première  de  ces  solutions  nous  ramène  au  mode  de  déforma¬ 
tion  que  nous  avons  indiqué  comme  possible  à  la  fin  du  n°  21,  page  71;  la 
seconde  exige  pour  se  réaliser,  à  l’état  permanent,  que  l’on  modifie  le  po¬ 
lyèdre  n.  Il  suffît,  à  cet  effet,  d’opérer  exclusivement  sur  ses  quatre  plus 
petites  arêtes,  et  d’en  augmenter  un  peu  la  longueur. 

34.  Lorsqu’on  procède,  ainsi  que  nous  venons  de  le  faire,  à  la  détermi¬ 
nation  du  mode  suivant  lequel  le  système  des  lames  intérieures  peut  se  dé¬ 
former,  il  est  plusieurs  points  importants  qu’il  ne  faut  pas  perdre  de  vue. 

On  observera,  d’abord,  que  les  systèmes  primitifs  à  considérer,  d’après 
la  marche  (pie  nous  avons  suivie,  consistent  essentiellement  en  une  suite  de 
lames  triangulaires  ayant  toutes  leur  sommet  en  un  même  point  central ,  et 
chacun,  pour  base,  l’une  des  arêtes  du  polyèdre  donné.  Lorsqu’on  soumet 
les  résultats  du  calcul  à  l’épreuve  expérimentale,  et  que,  s’en  tenant  au  pro¬ 
cédé  le  plus  simple,  on  se  borne  à  retirer  du  liquide,  où  on  l’a  plongé,  le 
polyèdre  sur  lequel  on  expérimente,  on  opère  dans  des  conditions  mal 
choisies  pour  réaliser,  ne  fût-ce  qu’un  instant,  les  systèmes  primitifs  qu’il 


92 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


s’agirait  d’obtenir  comme  points  de  départ.  On  conçoit  donc  que  les  faits 
expérimentaux  pourraient  sembler  en  désaccord  avec  les  indications  théo¬ 
riques  et  cependant  ne  pas  les  infirmer. 

On  doit  observer  ensuite  que  les  systèmes  résultant  d’une  déformation 
quelconque  ne  peuvent  conserver  la  disposition  qu’on  leur  prèle  pendant  leur 
développement  et  s’y  arrêter  d’une  manière  définitive,  que  s'ils  satisfont  tout 
d’abord  aux  deux  lois  qui  limitent  respectivement,  l’une  à  trois  le  nombre 
des  lames  aboutissant  à  une  même  arête  liquide,  l’autre  à  quatre  le  nombre 
des  arêtes  liquides  issues  d’un  même  sommet  libre.  Lors  donc  qu’on  a  re¬ 
connu,  pour  un  mode  déterminé  de  déformation,  qu*il  correspond  à  une 
diminution  de  l’étendue  totale  des  aires  à  considérer,  il  ne  s’ensuit  pas  que 
ce  mode  soit  nécessairement  réalisable,  ni  surtout  qu’il  implique,  comme 
résultat  final  et  permanent,  un  état  d’équilibre  où  se  retrouveraient  les  dis¬ 
positions  générales  admises  à  l’origine  de  la  déformation.  Avant  de  rien 
conclure,  il  faut  au  moins  s’assurer  que  le  mode  dont  il  s’agit  remplit  les 
conditions  voulues  en  ce  qui  concerne  les  limitations  numériques  rappelées 
ci-dessus.  Celte  vérification  réussit  pour  tous  les  cas  mentionnés  dans  les 
sept  numéros  précédents.  Veut-on  le  démontrer  a  priori  et  déterminer  d’une 
manière  plus  précise  l’état  final  et  permanent  qui  correspond,  en  général, 
pour  chacun  des  polyèdres  types  au  mode  de  déformation  du  n°  17?  on  peut 
procéder  comme  il  suit  : 

Soit  n  le  polyèdre  donné.  Représentons-nous  un  second  polyèdre  n',  situé 
à  l’intérieur  du  polyèdre  n  et  déterminé  de  telle  façon  que  ces  deux  polyèdres 
soient  concentriques,  semblables  et  semblablement  placés.  Le  polyèdre  n  se 
réduit,  par  hypothèse,  aux  arêtes  solides  d’une  carcasse  en  fil  de  fer.  Ima¬ 
ginons  que  de  chacune  de  ces  arêtes  parte  une  lame  liquide  aboutissant  à 
l’arête  homologue  du  polyèdre  n'  et  limitée  latéralement  par  les  droites  qui 
joignent  l’un  à  l’autre  les  sommets  correspondants  des  deux  polyèdres.  Ima¬ 
ginons  en  outre  que  chacune  des  faces  du  polyèdre  fl'  soit  occupée  par  une 
lame  liquide.  Il  est  clair  que,  en  opérant  ainsi,  nous  réalisons  par  la  pensée 
le  système  pris  pour  point  de  départ  des  déformations  successives  indiquées 
au  n°  17.  Il  est  clair  aussi  que,  dans  ce  système,  les  lames  issues  d’une 
même  arête  liquide  sont  partout  au  nombre  de  trois;  les  arêtes  issues  d’un 


EN  LAMES  MINCES. 


95 


même  sommet  libre  partout  au  nombre  de  quatre.  Cela  résulte  nécessaire¬ 
ment  et  évidemment  de  ce  que  les  arêtes  solides,  issues  d’un  même  sommet 
dans  le  polyèdre  n,  sont  partout  au  nombre  de  trois. 

Concevons  qu’on  regarde  par  une  des  faces  du  polyèdre  n  le  système  des 
lames  liquides  qui  se  rattachent  aux  différentes  arêtes  de  celte  face  et  entré 
elles.  Ce  système  constitue  une  pyramide  tronquée,  ayant  pour  base  la  face 
vide  par  laquelle  on  regarde;  pour  face  opposée  à  la  base,  une  lame  liquide, 
semblable  à  la  base  et  semblablement  placée;  pour  faces  latérales,  une  suite 
de  lames  liquides  qui  toutes  ont  la  forme  d’un  trapèze,  et  dont  chacune  relie 
l’arête  solide  dont  elle  part  à  l’arête  homologue  de  la  lame  libre  opposée  à 
la  base. 

Cela  posé,  voyons  ce  qui  arrive  après  la  suppression  d’une  face  quelconque 
choisie  comme  on  veut  dans  le  polyèdre  II'.  Pour  fixer  les  idées,  nous  dé¬ 
signerons  par  a',  b',  c' ,  cl',  c',  f' ,  etc.,  les  sommets  du  polyèdre  II',  et  par 
a,  b ,  c,  d,  e,  f,  etc.,  les  sommets  homologues  du  polyèdre  n. 

Fi9- Soit  a' b'  l’un  des  côtés  de  la  face  supprimée 
dans  le  polyèdre  n'.  La  face,  qui  se  rattache 
à  la  face  supprimée  par  le  côté  commun  a'b' , 
peut  être  triangulaire,  quadrangulaire  ou  pen¬ 
tagonale.  Supposons -la  pentagonale  et  repré- 
senlons-la  par  a'b'c'd'e' ,  en  observant  qu’elle 
^  devient  quadrangulaire  ou  triangulaire,  selon 
que  les  trois  points  c1,  d1,  e'  sont  en  ligne  droite 
ou  qu’ils  se  confondent  en  un  point  unique. 
L’évanouissement  de  la  face  a'b'e'd'e1  peut 
et  doit  être  considéré  comme  ayant  lieu  de  la  façon  suivante  : 

Le  point  a'  glisse  sur  a'e'  jusqu’à  ce  qu’il  arrive  en  e'.  Entraînée  par  le 
point  a1,  l’arête  aa'  tourne  autour  du  point  a  et  vient  s’arrêter  en  ae' .  Il  en 
résulte,  par  rapport  aux  arêtes  issues  du  sommet  libre  e',  qu’elles  restent 
au  nombre  de  quatre,  l’arête  a'e1  ayant  disparu  et  se  trouvant  remplacée  par 
l’arête  ae' .  On  voit  aussi  que  rien  n’est  changé  dans  les  lames  issues  de 
farête  ee',  si  ce  n’est  que,  au  lieu  du  trapèze  aee'a',  il  ne  reste  plus  que  la 
partie  de  ce  trapèze  représentée  par  le  triangle  aee' . 


94 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


Le  point  b'  glisse  sur  l’arête  b'c'  jusqu’à  ce  qu’il  arrive  en  c'.  Entrainée 
par  le  point  b',  l’arête  bb'  tourne  autour  du  point  b  et  vient  s’arrêter  en  bc'. 
11  en  résulte,  par  rapport  aux  arêtes  issues  du  sommet  libre  c' ,  qu’elles  restent 
au  nombre  de  quatre,  l’arête  c'b1  ayant  disparu  et  se  trouvant  remplacée  par 
l’arête  c'b.  On  voit  aussi  que  rien  n’est  changé  dans  les  lames  issues  de 
l’arête  cc' ,  si  ce  n’est  que,  au  lieu  du  trapèze  bcc'b',  il  ne  reste  plus  que  la 
partie  de  ce  trapèze  représentée  par  le  triangle  bcc'. 

S’agit-il  ensuite  de  l’arête  a' b1  et  des  deux  lames  abb'a' ,  a'b'c'd'e '?  Lors¬ 
que  les  points  a'  et  b'  arrivent  simultanément,  l’un  en  e',  l’autre  en  c',  larète 
a'b'  s’applique  sur  le  contour  e'd'c',  et  les  lames  abb'a' ,  a'b'c'd'e'  se  con¬ 
fondent  en  une  lame  unique  abc'd'e'  de  même  espèce  *  que  la  lame  éva¬ 
nouie  a'b'c'd'e'.  Il  en  résulte,  par  rapport  aux  lames  issues  de  chacune  des 
arêtes  c'd',  d'e' ,  qu’elles  restent  au  nombre  de  trois,  la  lame  a'b'c'd'e'  ayant 
disparu  et  se  trouvant  remplacée  par  la  lame  abc'd'e' . 

Arrêtons-nous  ici  et  voyons  ce  qu’est  devenu  le  polyèdre  laminaire  cor¬ 
respondant  à  la  face  abcde  du  polyèdre  n. 

La  lame  libre ,  opposée  à  la  base  abcde,  a  disparu  sans  laisser  aucun  vide. 

La  lame  qui  pari  de  l’arête  ab  a  même  nombre  de  côtés  que  la  face  abcde. 
Elle  est  limitée  latéralement  par  les  arêtes  ae',  bc',  et  au  delà  par  le  con¬ 
tour  c'd'e'. 

Les  lames  qui  parlent  des  arêtes  contiguës  à  l’arête  ab  sont  triangulaires. 

Les  lames  restantes  n'ont  pas  changé ;  elles  conservent  la  forme  trapé¬ 
zoïdale  qu’elles  affectaient  d’abord. 

35.  Soit  F'  la  face  supprimée  la  première  dans  le  polyèdre  n',  et  F  la 
face  homologue  du  polyèdre  n.  Ce  qui  vient  d’être  dit  de  la  face  abcde,  par 
rapport  au  polyèdre  laminaire  dont  elle  est  la  base,  s’applique  en  même  temps 
et  de  la  même  manière  à  toutes  les  faces  placées  dans  les  mêmes  conditions 
que  la  face  abcde,  c’est-à-dire  contiguës  comme  elles  à  la  face  F.  II  en  résulte 
que  l’étal  actuel  du  système  liquide  peut  être  déterminé,  comme  il  suit,  en 
considérant  tour  à  10111-  chacune  des  faces  du  polyèdre  n,  et  la  prenant  pour 
base  du  polyèdre  laminaire  qui  lui  correspond. 


Lorsque  nous  disons  de  deux  lames  quelles  sont  de  même  espèce  ou  de  même  nature, 
nous  entendons  exprimer  par  là  qu’elles  ont  même  nombre  de  côtés. 


EN  LAMES  MINCES. 


95 


S’agit-il,  en  premier  lieu,  des  faces  non  contiguës  à  la  face  F?  Les  polyè¬ 
dres  laminaires  qui  correspondent  à  ces  faces  n’ont  pas  changé.  Chacun  d’eux 
a,  pour  face  opposée  à  sa  hase,  une  lame  libre,  semblable  à  cette  base  et 
semblablement  placée;  pour  faces  latérales,  une  suite  de  lames  qui  toutes 
ont  la  forme  d’un  trapèze  et  dont  chacune  relie  l’arête  solide  dont  elle  part 
à  l’arête  homologue  de  la  lame  libre  opposée  à  la  base. 

S’agit-il  ensuite  de  la  face  F?  Le  polyèdre  laminaire  qui  lui  correspond  a, 
pour  faces  opposées  à  sa  base,  le  groupe  complet  de  toutes  les  lames  libres 
mentionnées  dans  le  paragraphe  précédent;  pour  faces  latérales,  une  suite 
de  lames  dont  chacune  est  de  même  espèce  que  la  face  du  polyèdre  n  qu’une 
même  arête  solide  rattache,  en  même  temps  qu’elle,  à  la  face  F. 

S’agit-il,  en  dernier  lieu,  des  faces  contiguës  à  la  face  F?  Les  polyèdres 
laminaires  ayant  ces  faces  pour  bases  se  sont  tous  modifiés.  Chacun  d’eux  se 
réduit  à  une  suite  de  lames  qui  se  relient  directement  entre  elles  sans  interpo¬ 
sition  d’aucune  lame  libre,  et  qui  correspondent,  une  à  une,  aux  différentes 
arêtes  de  la  base.  La  lame  qui  part  de  l’arète  solide  commune  à  la  base  et 
à  la  face  F  est  de  même  espèce  que  la  face  du  polyèdre  n  qui  se  rattache 
à  la  face  F  par  cette  même  arête.  Les  deux  lames  qui  sont  contiguës  à  la 
précédente  et  qui  la  comprennent  entre  elles  sont  triangulaires.  Les  lames 
restantes  n’ont  pas  changé.  Elles  étaient  et  sont  restées  trapézoïdales. 

Tout  est  déterminé,  comme  on  vient  de  le  voir,  dans  l’état  actuel  du  sys¬ 
tème  liquide.  Nous  avons  établi  d’ailleurs  que,  en  passant  de  l’état  primitif 
à  l’état  actuel ,  le  nombre  des  lames  issues  d’une  même  arête  liquide  et  celui 
des  arêtes  liquides  issues  d’un  même  sommet  libre  n’ont  pas  cessé  d’être 
respectivement  égaux,  le  premier  à  trois,  le  second  à  quatre. 

Supposons  maintenant  que,  sans  rien  changer ,  ni  au  nombre  des  sommets 
libres ,  ni  à  celui  des  lames  et  de  leurs  côtés  respectifs ,  l’on  déplace  ces  som¬ 
mets  et  l’on  modifie  les  côtés  de  ces  lames  de  manière  à  réaliser,  en  chaque 
cas,  la  déformation  qui  correspond  à  ce  cas,  d’après  le  procédé  du  n°  17,  et 
conformément  aux  données  des  numéros  suivants.  Cela  revient  à  prendre  le 
polyèdre  IF  non  semblable  au  polyèdre  n,  et  à  n’introduire  d’ailleurs  aucune 
autre  modification.  11  est  visible,  dès  lors,  que  les  lois  rappelées  ci-dessus 
en  ce  qui  concerne  les  limitations  numériques  des  lames  et  des  arêtes  liquides 


96 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


seront  toujours  satisfaites.  On  voit  également  que,  si  Ton  peut,  dans  cès  mêmes 
conditions i3  passer  de  l’état  actuel  à  un  état  définitif  d’équilibre  stable,  ce  der¬ 
nier  état  doit  être  caractérisé  par  la  permanence  des  dispositions  générales 
précédemment  décrites. 

36.  Le  résultat  auquel  nous  venons  de  parvenir  est  assez  important  pour 
qu’il  convienne  d’y  insister  et  de  le  recommander,  d’une  façon  toute  particu¬ 
lière,  à  l’attention  du  lecteur.  On  peut  d’ailleurs  s’en  tenir  au  résumé  suivant  : 

Le  procédé  du  n°  17  ne  permet  pas  seulement  de  reconnaître  a  priori, 
comme  on  l’a  vu  aux  nos  26  et  suivants,  une  ou  plusieurs  des  dispositions 
générales  affectées  par  les  lames  libres  dans  l’état  d’équilibre  stable  de  cha¬ 
cun  des  systèmes  liquides  qui  correspondent  aux  polyèdres  types  et  à  leurs 
dérivés.  II  permet  aussi  de  déterminer,  par  rapport  à  chacune  des  faces  du 
polyèdre  sur  lequel  on  expérimente ,  le  polyèdre  laminaire  dont  cette  même 
face  peut  être  considérée  comme  la  base. 

Désignons  par  F,  F,,  F2  les  différentes  faces  du  polyèdre  donné  II.  Par 
hypothèse  : 

F  est  la  face  homologue  à  celle  qu’on  doit  regarder  comme  ayant  disparu 
la  première  dans  le  polyèdre  II'; 

F j  est  l’une  quelconque  des  faces  contiguës  à  la  face  F  ; 

F2  est  l’une  quelconque  des  faces  non  contiguës  à  la  face  F. 

Cela  posé,  voici  comment  se  déterminent,  par  rapport  à  ces  faces,  les 
polyèdres  laminaires  dont  elles  sont  les  bases  respectives. 

Soit  d’abord  la  face  F  ; 

Elle  se  distingue  des  autres  en  ce  que  le  polyèdre  laminaire,  qui  lui  corres¬ 
pond,  a,  pour  faces  opposées  à  sa  base,  le  groupe  entier  de  toutes  les  lames 
libres.  Ce  polyèdre  laminaire  a  d’ailleurs,  pour  faces  latérales,  une  suite  de 
lames  dont  chacune  est  de  même  espèce  que  la  face  F,  du  polyèdre  n  qui  se 
rattache  à  la  face  F  par  la  même  arête  solide. 

Soit  ensuite  une  face  F,; 

Le  polyèdre  laminaire  correspondant  se  réduit  à  une  suite  de  lames  qui  se 
relient  directement  entre  elles  sans  interposition  d’aucune  lame  libre,  et  qui 
partent  respectivement  des  différents  côtés  de  la  base  F,.  La  lame  issue  de 
l’arête  commune  à  la  base  F,  et  à  la  face  F  est  (je  même  espèce  que  la  face  F,. 


EfS  LAMES  MINCES. 


97 


Les  deux  lames  qui  sont  contiguës  à  la  précédente  et  qui  les  comprennent 
entre  elles  sont  triangulaires.  Les  lames  restantes  sont  quadr angulaires. 

Soit,  en  dernier  lieu,  une  face  F2; 

Le  polyèdre  laminaire  correspondant  a ,  pour  face  opposée  à  sa  base  F2 , 
une  lame  de  même  espèce  que  celte  base  et  semblablement  placée ;  pour  faces 
latérales ,  une  suite  de  lames  (pii  sont  toutes  quadr  angulaires ,  et  dont  chacune 
relie  l’arête  solide  dont  elle  part  ci  l’arête  correspondante  de  la  lame  libre 
opposée  à  la  base  F2. 

II  suit  de  là  que ,  les  polyèdres  laminaires  à  considérer  étant  en  nombre  égal 
à  celui  des  faces  du  polyèdre  solide  sur  lequel  on  expérimente,  ils  diffèrent, 
en  général ,  par  des  caractères  assez  tranchés  pour  que,  en  en  voyant  un,  l’on 
puisse  dire  immédiatement  si  la  face  vide  qui  lui  sert  de  base  est  la  face  F, 
ou  Tune  de  celles  que  nous  avons  désignées  par  F,  ou  par  F2.  On  voit,  en 
même  temps,  combien  la  description  de  ces  différents  polyèdres  se  trouve  sim¬ 
plifiée,  puisqu’on  connaît  d’avance,  pour  chacun  d’eux,  le  nombre,  l’espèce 
et  la  disposition  des  lames  dont  il  se  compose.  Le  reste  ne  constitue  plus 
qu’un  détail  tout  à  fait  secondaire. 

37.  Nous  venons  de  préciser  les  caractères  distinctifs  que  présente  la 
face  F  dans  les  états  d’équilibre  stable  qui  dérivent  exclusivement  du  mode 
de  déformation  décrit  au  n°  17  ainsi  qu’aux  nPS  26  et  suivants.  Il  devient 
ainsi  très-facile  de  reconnaître  cette  face  à  la  simple  inspection  du  système 
liquide  obtenu.  On  peut  dès  lors,  soit  en  immergeant  de  nouveau  la  face  F, 
soit  en  soufflant  une  bulle  ci  l’intérieur  du  polyèdre  laminaire  dont  elle  est  la 
base,  déterminer  la  formation  d’une  lame  supplémentaire  qui  s’attache  en 
même  temps  à  toutes  les  faces  latérales  de  ce  polyèdre,  et  qui  remonte  vers 
le  centre  en  tenant  emprisonnée  une  certaine  quantité  d’air  *.  De  là  résulte 

*  Le  procédé  qui  consiste  à  immerger  une  seconde  fois  l’aine  des  faces  de  la  carcasse  solide 
a  été  employé ,  dans  quelques  cas,  par  MM.  Van  Rees  et  Plateau.  Celui  que  j'indique  à  la  suite 
est  souvent  préférable.  Il  convient,  suivant  les  circonstances,  de  recourir,  soit  à  l’un,  soit  à 
l’autre.  On  peut  aussi,  comme  on  le  verra  plus  loin,  tirer  un  grand  parti  de  l’action  du  souffle 
pour  opérer  certaines  transformations.  Voici,  sur  ces  deux  points,  ce  qu’on  trouve  dans  les 
travaux  antérieurs  de  M.  Plateau  : 

«  Dans  le  système  de  la  charpente  cubique,  la  lame  quadrangulaire  centrale  est  parallèle  à 
»  deux  faces  opposées  du  cube;  mais,  à  cause  de  la  svmétrie  de  la  charpente,  il  est  évidemment 

Tome  XXXV.  '  15 


98 


SUR  LA  STABILITE  DES  SYSTEMES  LIQUIDES 


ainsi  qu'on  le  voit  aisément,  d’après  ce  qui  précède,  la  formation  spontanée 
d’un  polyèdre  liquide  II",  disposé  à  l’intérieur  du  polyèdre  n  dans  les  mêmes 
conditions  que  le  polyèdre  n'  des  numéros  qui  précèdent,  et  ne.  différant 
de  celui-ci  que  par  la  courbure  de  ses  faces  et  de  ses  arêtes.  Abstraction 
faite  de  cette  différence,  on  peut  dire  du  polyède  n”,  qu’il  offre  la  réalisation 
complète  du  polyèdre  II',  considéré  en  lui-même  et  dans  ses  attaches  aux 
arêtes  solides  du  polyèdre  n.  Celte  circonstance  remarquable  a  ici  une  im¬ 
portance  toute  particulière;  elle  fournit  le  moyen  de  vérifier  par  voie  expéri¬ 
mentale  comment  la  suppression  d’une  face  du  polyèdre  n"  implique  les 


»  indifférent  pour  l'équilibre ,  que  ce  parallélisme  ait  lieu  par  rapport  à  un  couple  de  faces  ou 
»  par  rapport  à  un  autre;  la  lamelle  peut  donc  occuper  également  trois  positions,  et  l’on  con- 
»  çoit  qu'il  suffît  d’une  cause  très-légère  pour  déterminer  son  choix.  Aussi,  quand  on  retire  fa 
»  charpente  du  liquide  glycérique,  trouve -t- on  la  lamelle  en  question  tantôt  parallèle  aux 
»  faces  antérieure  et  postérieure,  tantôt  parallèle  aux  faces  de  droite  et  de  gauche,  et  il  arrive 
»  même  quelquefois  qu’elle  se  place  horizontalement  (•).  De  plus,  on  peut  la  faire  passer,  à 
»  volonté,  et  plusieurs  fois  de  suite,  de  l’une  de  ces  trois  positions  à  une  autre;  il  suffît,  pour 
»  cela,  de  souffler  très-légèrement  sur  l’une  de  ses  arêtes  par  la  face  de  la  charpente  du  côté 
v  de  laquelle  se  trouve  cette  arête.  On  voit  alors  la  lamelle  se  rétrécir  dans  le  sens  du  souffle, 

»  se  réduire  à  une  simple  ligne,  puis  se  reproduire  dans  sa  nouvelle  position.  Ces  derniers 
»  phénomènes  m’ont  été  indiqués  par  M.  Van  Rees,  qui  a  bien  voulu  répéter  mes  expériences1' 
»  en  Hollande. 

»  On  peut  forcer  un  système  liquide  à  sortir  de  celle  de  nos  lois  d’après  laquelle  il  ne  ren- 
»  fermerait  aucune  portion  d’air  emprisonné  de  tous  les  côtés  par  des  lames,  et  alors,  dans 
»  plusieurs  charpentes,  on  obtient,  en  s’y  prenant  convenablement,  des  résultats  nouveaux  et 
»  fort  jolis.  Le  procédé,  qui  m’a  également  été  indiqué  par  M.  Van  Rees,  consiste  à  produire 
»  d'abord  le  système  ordinaire,  puis  à  replonger,  de  quelques  millimètres,  la  face  inférieure 
»  de  la  charpente,  et  enfin  à  retirer  de  nouveau  celle-ci.  On  conçoit,  en  effet,  qu'il  se  forme 
»  ainsi  dans  cette  face  une  lame  plane  qui  emprisonne  de  l’air  entre  elle  et  les  lames  obliques 
x  partant  des  côtés  de  cette  même  face,  et  qui,  grimpant  aussitôt  entre  ces  lames  obliques, 

»  pousse  la  portion  d’air  devant  elle,  en  donnant  lieu  à  un  système  nouveau,  lequel  se  synaé- 
»  Irise  quand  la  chose  est  possible.  Par  exemple,  avec  la  charpente  cubique,  le  nouveau  système 
»  contient,  en  son  milieu,  un  cube  laminaire  rattaché  par  ses  arêtes  aux  lames  partant  des 
»  arêtes  solides;  seulement  les  arêtes,  et  conséquemment  aussi  les  faces  de  ce  cube  laminaire, 
y  sont  légèrement  convexes,  ce  qu’on  s’explique  aisément  par  la  loi  relative  aux  angles  des  arêtes 
»  liquides  entre  elles.  De  même  avec  la  charpente  du  tétraèdre,  le  nouveau  système  contient. 

»  en  son  milieu,  un  tétraèdre  laminaire  à  arêtes  et  à  faces  convexes.  On  obtient  encore  des 
»  résultats  analogues  avec  la  charpente  du  prisme  pentagonal  et  avec  celle  du  prisme  hexagonal, 

t1)  Il  a  échappé  à  M.  Plateau  que  la  lame  dont  il  s’agit  se  dispose  horizontalement  ou  verticalement,  selon 
que  la  vitesse  d’émersion  est  plus  ou  moins  grande  pour  un  même  liquide,  ou  que  le  liquide  est  plus  ou  moins 
visqueux  pour  une  même  vitesse  d’émersion. 


EN  LAMES  MINCES. 


99 


transformations  successives  et  les  dispositions  finales  décrites  aux  numéros  26 
et  suivants.  Elle  se  prête,  en  outre,  à  d’autres  vérifications  très-intéressantes. 

Supposons  que,  après  avoir  formé  le  polyèdre  Et",  on  y  insère  par  une  de 
ses  faces  un  tuyau  très-petit  préalablement  mouillé  *.  De  même  que,  en 
soufflant  de  l’air  par  ce  tuyau,  l’on  augmente  le  polyèdre  n",  de  même  on 
le  fait  décroître  en  aspirant  une  partie  de  l’air  qu’il  tient  emprisonné.  On 
peut  ainsi  diminuer  le  polyèdre  n",  soit  jusqu’à  une  certaine  limite,  à  partir 
de  laquelle  il  subit  une  transformation  brusque ,  soit  sans  limite  et  jusqu’à 
ce  qu’il  se  concentre  en  un  point  situé  au  centre  du  polyèdre  n  **.  On  voit 
comment  il  est  possible,  en  ce  dernier  cas,  de  réaliser  avec  toute  la  précision 

»  mais  celle  du  prisme  triangulaire  donne  une  figure  non-symétrique  (*),  Celle  de  l’octaèdre, 

»  si  l’on  replonge  une  face  bien  parallèlement  à  la  surface  du  liquide ,  et  qu’on  la  relirp  de 
»  même,  fournit  un  résultat  symétrique,  mais  dans  lequel  l’octaèdre  laminaire  central  a  quatre 
»  faces  triangulaires  et  les  quatre  autres  hexagonales  (2). 

»  Ces  systèmes  sont  évidemment  des  systèmes  mixtes,  dans  lesquels  une  partie  des  lames 
»  est  à  courbure  moyenne  nulle,  tandis  que  l’autre  est  à  courbure  moyenne  finie  et  constante. 

»  Enfin,  si  après  avoir  réalisé  un  de  ces  systèmes  mixtes,  on  crève  une  des  lames  qui  com- 
»  posent  le  polyèdre  central,  on  voit  l'ensemble  repasser  instantanément,  ou  en  un  temps 

»  très-court,  au  système  ordinaire . C’est  là  encore  une  transformation  curieuse.  Pour  » 

»  crever  ces  lames,  le  mieux  est  de  se  servir  d'une  pointe  de  papier  à  filtre.  »  ( Extraits  de  la 
sixième  série,  pages  GO  et  61.) 

*  Il  convient  de  mouiller  légèrement  la  partie  du  tuyau  qu’on  insère  dans  le  polyèdre  n".  Si 
l’on  ne  prenait  pas  cette  précaution,  on  s’exposerait  à  briser  la  face  mise  en  contact  avec  le 
tuyau.  C’est  ainsi,  par  exemple,  que  dans  le  cas  où  l'on  veut  régulariser  un  système  de  lames 
en  supprimant  les  cellules  fermées  qu’il  peut  offrir  accidentellement,  il  suffit  ,  pour  rompre  ces 
cellules,  d’en  toucher  une  paroi  avec  un  corps  qui  ne  se  laisse  pas  mouiller  immédiatement. 

**  Lorsque  le  tuyau  a  pénétré  dans  l'intérieur  du  polyèdre  n"  et  que  son  orifice  est  dégagé 
de  tout  obstacle ,  l’air  intérieur  s’échappe  de  lui-même  sous  la  pression  qui  le  sollicite.  On  facilite 
le  dégagement  de  l’orifice,  en  commençant  par  souffler  de  manière  à  augmenter  le  volume  du 
polyèdre  II". 

C)  Le  défaut  de  symétrie,  signalé  par  M.  Plateau  pour  le  cas  du  prisme  à  base  triangulaire,  dépend  de  la  hau¬ 
teur  du  prisme  sur  lequel  il  a  expérimenté.  Pour  une  même  base,  il  n’y  a  défaut  de  symétrie  qu’à  partir  d’une 
certaine  hauteur  et  pour  des  hauteurs  plus  grandes.  Il  en  est  de  même  en  ce  qui  concerne  le  prisme  à  base 
pentagonale.  La  symétrie,  observée  par  M.  Plateau,  ne  subsiste  qu’à  partir  d’une  certaine  hauteur  et  pour  des 
hauteurs  moindres.  Nous  indiquerons  plus  loin  les  conditions  de  ces  différents  phénomènes. 

(*)  Les  choses  ne  se  passent  pas  toujours  comme  le  décrit  M.  Plateau.  Il  faut  d’abord  que  la  face  replongée  soit 
une  des  quatre  faces  pour  lesquelles  les  polyèdres  liquides  correspondants  ont  leur  sommet  commun  au  centre 
de  l’octaèdre.  Il  faut  ensuite  que  l’air  emprisonné  ait  un  certain  volume.  Nous  donnerons,  à  la  lin  de  ce  travail, 
des  détails  curieux  sur  les  dispositions  variées  et  les  nombreuses  transformations  que  comportent  les  systèmes 
liquides  fournis  par  la  carcasse  octaédrique.  . 


100 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


désirable  l’état  initial  pris  pour  point  de  départ  des  calculs  théoriques  et  de 
vérifier,  en  conséquence,  certaines  déductions  de  ces  mêmes  calculs. 

L’aspect  que  présente  le  polyèdre  n"  à  l’intérieur  du  polyèdre  n.est  assez 
curieux  par  lui-même  pour  qu’il  y  ait  lieu  de  répéter,  en  chaque  cas,  l’expé¬ 
rience  que  nous  venons  d’indiquer.  Elle  réussit,  comme  les  autres,  avec 
l’eau  simple  de  savon.  Lorsqu’on  veut  la  pousser  plus  loin,  et,  par  exemple, 
réduire,  s’il  se  peut,  le  polyèdre  n"  à  n’être  plus,  pour  ainsi  dire,  qu’un 
point  mathématique  situé  au  centre  de  la  carcasse,  mieux  vaut  recourir  au 
liquide  glycérique.  Le  temps  plus  long  dont  on  dispose ,  avant  la  destruction 
spontanée  des  systèmes  obtenus,  facilite  l’opération,  et  permet  de  la  conduire 
plus  sûrement  à  bonne  fin. 

Dans  les  cas  particuliers  du  tétraèdre  type,  du  cube  et  du  dodécaèdre 
régulier,  les  faces  du  polyèdre  Et"  sont  toutes  sphériques  et  de  même  rayon; 
c’est,  d’ailleurs,  par  des  lames  planes  que  ses  arêtes  se  rattachent  aux  arêtes 
homologues  de  la  carcasse  solide.  Il  s’ensuit  que  les  arêtes  liquides  sont,  les 
unes  en  arc  de  cercle,  les  autres  rectilignes.  Ces  conditions  très-simples  et 
très-remarquables  permettent  de  calculer  le  volume  du  polyèdre  n",  sans 
“avoir  d’autres  mesures  à  prendre  que  celle  de  la  corde  qui  sous-tend  l’une  de 
ses  arêtes  ou  celle  de  l’arête  liquide  droite,  comprise  entre  un  quelconque  de 
ses  sommets  et  le  sommet  homologue  du  polyèdre  II.  On  peut,  dès  lors,  en 
augmentant  ou  diminuant  à  volonté  la  quantité  d’air  emprisonnée,  organiser 
une  série  d’expériences  qui  vérifient,  à  la  fois,  les  changements  de  pression 

de  l’air  intérieur,  la  sphéricité  des  faces  et  l’invaria¬ 
bilité  de  leur  tension. 

38.  Disons  un  mot  des  appareils  qui  nous  ont  servi 
pour  agir  à  l’intérieur  du  polyèdre  II",  soit  en  y  in¬ 
troduisant  de  l’air,  soit  en  en  retirant. 

Ces  appareils  sont  au  nombre  de  deux,  l’un  très- 
^  simple,  l’autre  un  peu  plus  complexe. 

Le  premier  se  compose  de  deux  tubes  en  verre, 
de  sept  millimètres  environ  de  grosseur,  l’un  mn 
droit  et  de  diamètre  constant,  l’autre  abcd ,  coudé 
vers  son  milieu  et  effilé  de  b  en  a  sur  une  longueur 

71  ^ 


Fig.  22. 


I 


EN  LAMES  MINCES. 


101 


de  trois  à  quatre  centimètres  *.  Le  premier  tube  a  environ  douze  centimètres 
de  longueur,  le  second  quinze  à  dix-huit.  Ils  sont  réunis  l’un  à  l’autre  par 
un  tuyau  de  caoutchouc  qui  leur  sert  de  gaine  sur  un  à  deux  centimètres  de 
longueur,  et  qui  permet  de  les  écarter  l’un  de  l’autre  jusqu’à  la  distance  de 

Le  second  appareil  est  disposé 
comme  le  précédent,  sauf  les  modi¬ 
fications  suivantes.  Une  houle  sphé¬ 
rique  creuse  A,  de  six  à  sept  centimè¬ 
tres  de  grosseur,  est  interposée  entre 
le  coude  c  et  l’extrémité  cl  du  tube 
abccl.  Au  lieu  d’être  ouvert  à  son  ex¬ 
trémité  n,  le  tube  mn  se  termine  par 
une  sphère  creuse  B  de  neuf  à  dix 
centimètres  de  grosseur.  La  sphère  B 
présente  en  O,  dans  le  plan  diamétral  perpendiculaire  à  l’axe  du  tube  mn , 
une  ouverture  très-petite  qu’on  peut  fermer  à  volonté  en  y  plaçant  le  doigt. 

La  mise  en  œuvre  du  premier  appareil  n’exige  aucune  explication  parti¬ 
culière;  celle  du  second  demande  quelques  détails. 

Supposons  d’abord  qu’il  s’agisse  de  diminuer  le  polyèdre  n".  On  introduit 
dans  ce  polyèdre  l’extrémité  et  du  tube  effilé  ba,  et  1  on  dispose  les  choses 
de  telle  façon  que,  la  sphère  A  étant  remplie  de  liquide,  la  sphère  B  soit  vide. 
Il  suffit  alors  de  soutenir  la  sphère  B  à  un  niveau  inférieur  à  celui  de  la 
sphère  A  pour  que  le  liquide,  en  s’écoulant  de  celle-ci  dans  1  autre,  déter¬ 
mine  l’aspiration  voulue.  On  peut  d’ailleurs  modérer  cette  aspiration  jusqu  à 
la  suspendre,  soit  en  relevant  le  support  de  la  sphère  B,  soit  en  fermant 
l’orifice  O,  soit  en  exerçant  une  pression  plus  ou  moins  forte  sur  le  tuyau  en 
caoutchouc. 

S’agit-il  au  contraire  d’augmenter  le  polyèdre  n"?  On  procède  en  sens 
inverse,  le  liquide  contenu  dans  l’appareil  étant  ramené  tout  entier  dans  la 


trente  à  trente-cinq  centimètres. 

Fig.  23. 


A 


\ 


j 

Ci/ 


*  La  longueur  de  l’effilement  doit  être  assez  grande  pour  que  l’extrémité  a  puisse  arriver 
jusqu’au  centre  du  polyèdre  n”. 


102 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES 


sphère  B,  dont  il  n’occupe  tout  au  plus  que  la  moitié,  et  la  sphère  A  étant 
vide.  Cela  fait ,  il  ne  reste  plus  qu’à  placer  la  sphère  B  à  un  niveau  supé¬ 
rieur  à  celui  de  la  sphère  A,  pour  que  le  liquide  passe  de  la  première  dans 
la  seconde,  en  chassant  devant  lui  l’air  qu’on  veut  refouler  à  l’intérieur  du 
polyèdre  n". 

Les  avantages  que  présente  le  dernier  appareil  sont  faciles  à  saisir.  On 
observera,  d’ailleurs,  qu’après  y  avoir  introduit  la  quantité  de  liquide  néces¬ 
saire  pour  remplir  la  sphère  A,  on  peut  s’en  servir  indéfiniment  sans  qu'on 
ait  jamais  à  la  renouveler. 

39.  Revenons  au  polyèdre  n".  Lorsque,  après  l’avoir  formé,  on  le  fait 
décroître  jusqu’à  le  rendre  très-petit,  il  se  présente,  en  certains  cas,  une 
anomalie  singulière.  Voici,  sous  ce  rapport,  ce  qui  nous  est  arrivé: 

Nous  avions  dissous  à  chaud,  dans  de  l’eau  de  pluie,  du  savon  de  Mar¬ 
seille,  forçant  la  proportion  de  savon  jusqu’à  ce  que  les  systèmes  obtenus 
pussent  se  maintenir  pendant  le  temps  dont  nous  avions  besoin  pour  expéri¬ 
menter.  La  solution,  quoique  très-concentrée,  ne  cessait  pas  de  paraître  fluide 
à  la  température  de  trente  à  vingt-cinq  degrés  centigrades,  et  c’est  entre  ces 
limites  qu’elle  se  maintenait  pendant  que  nous  opérions,  sans  prendre,  d'ail¬ 
leurs,  aucune  précaution  particulière.  Le  polyèdre  n"  étant  formé  dans  ces 
conditions  et  grossi,  au  besoin,  par  insufflation  d’air,  nous  observâmes,  en 
le  faisant  décroître,  qu’il  ne  pouvait  parvenir  à  un  certain  degré  de  petitesse, 
sans  que  ses  faces  et  ses  arêtes,  vues  de  l’extérieur,  ne  devinssent  concaves 
au  lieu  de  rester  convexes  comme  elles  l’étaient  d’abord,  et  comme  elles  ne 
cessent  pas  de  l’èlre,  soit  avec  de  l’eau  de  savon  bien  préparée,  soit  surtout 
et  plus  sûrement  encore  avec  le  liquide  glycérique.  Nous  en  conclûmes,  pour 
ce  qui  concerne  en  particulier  la  carcasse  tétraédrique,  qu’en  s’arrêtant  au 
point  convenable,  il  devait  être  possible  d’obtenir  un  tétraèdre  laminaire  n" 
entièrement  semblable  au  tétraèdre  régulier  II,  et  ayant,  en  conséquence-, 
toutes  ses  faces  planes ,  toutes  ses  arêtes  droites.  C’est ,  en  effet ,  ce  que  nous 
parvînmes  à  réaliser,  dans  plusieurs  séries  d’expériences,  sur  un  tétraèdre 
solide  de  huit  centimètres  environ  de  côté,  le  tétraèdre  laminaire  obtenu  étant 
régulier,  quelquefois  très-petit,  d’autres  fois  assez  grand  pour  que  ses  arêtes 
eussent  jusqu’à  trois  centimètres  de  longueur  et  même  davantage. 


EN  LAMES  MINCES. 


105 


Au  lieu  d’aspirer  l’air  contenu  dans  le  tétraèdre  11"  jusqu  à  ce  que  les 
faces  de  ce  tétraèdre  soient  planes,  on  pouvait  suspendre  l’aspiration,  lorsque, 
tout  en  restant  convexe,  le  tétraèdre  n"  devenait  assez  petit  pour  exercer  la 
pression  nécessaire  à  l’écoulement  de  l’air  intérieur.  Cet  écoulement  s’arrêtait 
de  lui-même  aussitôt  que  l’équilibre  de  pression  s’établissait  du  dedans  au 
dehors  et  que,  en  conséquence,  le  tétraèdre  n"  n’avait  plus  que  des  faces 
planes.  Tout  mouvement  cessait  alors;  le  système  obtenu  demeurait  inva¬ 
riable  pendant  quelques  instants,  puis  bientôt  il  se  brisait. 

En  opérant  avec  le  même  liquide  sur  d’autres  carcasses  que  celle  du  tétra¬ 
èdre,  nous  avons  obtenu  des  résultats  du  même  genre.  Les  faces  du  polyèdre 
n"  étaient  d’abord  convexes,  elles  devenaient  concaves  après  réduction  suf¬ 
fisante  du  volume  de  l’air  intérieur.  Ces  faits  anormaux  s’expliquent  ici  très- 
simplement  :  la  solution  dont  nous  faisions  usage  était  si  concentrée  que, 
en  se  refroidissant  et  descendant  à  la  température  du  milieu  ambiant  *,  elle 
passait  à  l’état  gélatineux.  Les  mêmes  conditions  subsistaient  pour  les  sys¬ 
tèmes  liquides  obtenus.  Les  lames  commençaient  par  être  fluides,  mais  bien¬ 
tôt  le  refroidissement  et  l’évaporation  les  rendaient  tout  à  fait  visqueuses. 
Elles  cessaient  alors  d’obéir  librement  aux  actions  qui  les  sollicitaient,  et  ne 
pouvaient  plus  se  modifier  comme  elles  l’eussent  fait  en  restant  fluides.  Le 
liquide  glycérique  ne  présente  pas,  sous  ce  rapport,  les  mêmes  inconvénients 
qu’une  eau  de  savon  trop  concentrée. 

-40.  Nous  venons  de  voir  comment  la  viscosité  d’un  liquide  imparfait  peut 
produire  des  anomalies  apparentes.  Nous  devons  ajouter  que,  s’il  convient, 
en  général ,  de  conserver  au  liquide  dont  on  se  sert  toute  la  fluidité  compatible 
avec  une  persistance  suffisante  des  lames  qu’il  fournit,  c’est,  au  contraire,  en 
le  rendant  visqueux  et  même  très-visqueux,  qu’on  parvient,  en ‘certains  cas, 
au  but  qu’on  se  propose.  S’agit-il,  par  exemple,  de  reconnaître  comment 
se  forment  et  se  transforment  les  différents  systèmes  qui  correspondent  à  un 
polyèdre  donné?  Avec  le  liquide  ordinaire,  les  modifications  qui  surviennent 
dans  le  passage  d’une  forme  à  une  autre  sont  souvent  trop  rapides  pour  ne 
pas  échapper  à  l’examen  le  plus  attentif.  Il  faut  alors  les  ralentir  et,  à  cet 


*  On  observera  que  nous  opérions  en  hiver. 


104 


SUR  LA  STABILITÉ  DES  SYSTÈMES  LIQUIDES,  etc 


effet,  augmenter  la  viscosité  du  liquide.  Le  moyen  le  plus  simple  consiste 
dans  le  refroidissement.  Ce  moyen  réussit,  en  général,  très-vite  et  très-bien 
avec  l’eau  de  savon  concentrée.  Il  n’en  est  pas  de  même  avec  le  liquide  gly- 
cérique;  le  refroidissement  doit  être  longtemps  prolongé  et,  encore,  ne  par- 
vient-on  pas  toujours  à  obtenir  le  degré  voulu  de  viscosité. 


FIN  DE  LA  PREMIÈRE  PARTIE 

ET  DE  LA  PREMIÈRE  SECTION  DE  LA  SECONDE  PARTIE. 


RECHERCHES 


SUR  LES 

OSSEMENTS  PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


LES  SQU J  LOUONS. 


Par  P -J.  VAN  BENEDEN. 


MEMBRE  DE  L'ACADÉMIE. 


f 


rMémoire  présenté  à  l’Academie  royale  de  Belgique  ,  le  2  avril  1804.) 


Tome  XXXV. 


i 


RECHERCHES 


SUR  LES 

OSSEMENTS  PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


LES  SQUALODONS. 


L 

INTRODUCTION. 


En  1832,  on  découvrit,  sur  les  bords  de  la  Wachita,  dans  la  Louisiane, 
une  vertèbre  d’un  animal  gigantesque  qui  ne  pese  pas  moins  de  quarante- 
quatre  livres;  elle  appartient  à  un  animal  nouveau  pour  la  science,  et  le 
docteur  Harlan,  croyant  devoir  ranger  ce  nouvel  être  des  premières  époques 
tertiaires  dans  la  classe  des  reptiles,  proposa  le  nom,  malheureusement  trop 
significatif,  de  Basilosaure  \ 

Une  autre  vertèbre,  qui  ne  mesure  pas  moins  de  dix-huit  pouces  de 
longueur,  sur  douze  pouces  de  diamètre  et  dû  poids  de  soixante-cinq  livres 
et  demie,  sans  ses  apophyses,  fut  trouvée  ensuite  dans  l’Alabama,  par 


1  Transact.  of’the  Americ.  philos.  Soc.,  vol.  IV . 


4 


SUR  LES  OSSEMENTS 


M.  Couper,  de  Clairborne,  et  décrite  par  le  docteur  R.  W.  Gibbes,  sous  le 
même  nom  de  Basilosaure  1  :  c’est  la  même  vertèbre  qui  a  été  signalée  déjà 
par  M.  Buckley  2 3 4. 

Parmi  les  vertèbres  que  nous  possédons  à  Louvain  et  qui  font  partie  de 
la  dernière  collection  recueillie  par  le  docteur  Koch,  il  s’en  trouve  une  du 
poids  de  vingt-sept  kilogrammes. 

A  peine  la  découverte  de  ces  débris  de  basilosaures  fut-elle  faite  en  Amé¬ 
rique,  qu’on  signala  en  Europe  à  l’attention  des  zoologistes  un  animal  fossile 
non  moins  remarquable.  A  la  vérité,  il  était  loin  de  lui  ressembler  par  la 
taille  gigantesque,  mais  il  avait,  comme  lui,  un  système  dentaire  particulier, 
construit  sur  le  même  plan  et  tellement  semblable  que  des  naturalistes 
crurent  y  voir  le  même  animal ,  sous  le  rapport  du  genre  et  même  de  l’es¬ 
pèce.  C’est  dans  un  grès  marin,  à  deux  lieues  de  Bordeaux,  qu'on  fit  cette 
découverte.  On  trouva  une  belle  portion  de  rostre  avec  quelques  dents  en 
place,  et  le  docteur  Grateloup,  qui  le  décrivit  en  1840,  proposa  pour  lui 
le  nom,  également  trop  significatif,  de  Squalodon .  \  Comme  le  basilosaure, 
le  squalodon  fut  regardé  d’abord  pour  un  reptile  voisin  des  Iguanodon  et 
voisin  en  même  temps  des  squales,  ainsi  que  l’indique  le  nom  qu’il  conserve 
encore  aujourd’hui. 

Nous  ne  voyons  aucun  motif  plausible  pour  changer  le  premier  nom  qui 
lui  a  été  imposé  par  Grateloup. 

En  1839,  Harlan  soumit  à  l’examen  de  R.  Owen  quelques  débris  et  des 
dents  du  fameux  reptile,  et  le  célèbre  zoologiste  du  British  Muséum  reconnut 
aisément,  dans  la  structure  des  dents  surtout,  la  nature  du  mammifère; 
il  n’hésita  même  pas  à  rapprocher  le  basilosaure  des  lamentins  et  proposa, 
d’accord  avec  le  docteur  Harlan,  le  nom  de  Zeuglodon ,  qui  lui  est  resté  ‘. 

Cette  pensée  avait,  du  reste,  déjà  été  exprimée  par  Dumérii,  à  l'occasion 
du  mémoire  de  Blainville  sur  le  prétendu  didelphe  de  Stonesfield.  «  I! 

1  On  the  fossil  Genus  Basilosaurus.  (Journal  of  tue  Acad,  of  nat.  sc.  of  Philadelphia, 
1847-1-850,  pag.  8.) 

2  American  Journal  of  science,  for  july  1846. 

3  De  Grateloup,  Description  d’un  fragment  de  mâchoire  fossile.  1840. 

4  Annales  des  sciences  naturelles ,  2,nc  série,  vol.  XII,  pag.  211.  —  Transact.  of  the  Geol. 
Soc.  of  London ,  vol.  VI. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


5 


»  faut  avouer,  dit  Duméril,  que  les  vertèbres  que  l’on  croit  provenir  de  ce 
»  fossile  ( Basilosaurus )  semblent  plutôt  être  d’un  cétacé  que  d’un  reptile  4.  » 

En  1840,  la  même  année  que  le  docteur  Grateloup  publia  sa  notice, 
étant  de  passage  à  Bordeaux,  je  reconnus,  à  la  première  inspection  du 
rostre,  que  le  prétendu  reptile  de  Léognan  était  un  véritable  cétacé  souffleur, 
et  j’écrivis  dans  ce  sens  une  lettre,  datée  de  Bordeaux,  à  Blainville  ,  qui 
m’avait  prié,  à  mon  départ  de  Paris,  de  lui  taire  part  des  observations  que 
j’aurais  l’occasion  de  faire  sur  les  cétacés.  Blainville  coordonnait  dans  ce 
moment  les  matériaux  qu’il  avait  rassemblés  sur  les  cétacés,  pour  sa  grande 
Ostéographie ,  et  inséra  ma  lettre  dans  ce  beau  travail  quil  na  malheureu¬ 
sement  pu  achever. 

Herman  von  Meyer  avait,  de  son  côté,  fait  la  même  observation  en  rece¬ 
vant  du  docteur  Grateloup  la  notice  qui  était  accompagnée  d’une  planche 
gravée.  Le  savant  paléontologiste  de  Francfort  reconnut,  au  mois  de  juillet 
de  cette  même  année,  que  le  squalodon  est  un  cétacé  voisin  des  souffleurs  J. 

On  a  découvert  depuis  de  nombreux  ossements  de  basilosaure  aux  États- 
Unis,  comme  on  a  trouvé  des  débris  de  squalodon  dans  diverses  contrées 
de  l’Europe.  Ainsi,  l’année  qui  suivit  celle  pendant  laquelle  se  fit  la  décou¬ 
verte  de  la  première  vertèbre,  on  trouva  dans  lAlabama,  a  trente  milles 
nord-ouest  de  Clairborne,  des  fragments  de  maxillaire,  des  vertèbres,  des 
côtes  et  des  os  de  membres  d’un  animal  que  1  on  reconnut  ne  pas  être  sans 
analogie  avec  le  basilosaure. 

Une  grande  partie  du  squelette  et  des  dents  molaires  fut  ensuite  trouvée, 
dans  diverses  localités,  aux  États-Unis,  et,  en  1843,  Buckley  écrivit  une 
notice  intéressante,  dans  Sillimann  s  American  Journal  4,  notice  qui  fut 
reproduite  dans  Leonhard  Bronn's  Jahrbucli  fur  Minéralogie  5. 

Au  printemps  de  1845,  le  docteur  Albert  Koch  découvrit  de  nombreux 

‘  Comptes  rendus .  1 838  ,  pag.  756. 

2  Ostéographie . Paris,  livraison  VII ,  pag.  44. 

5  La  lettre  de  Herman  von  Meyer,  dans  laquelle  il  parle  du  squalodon  de  Grateloup,  et 
regarde  ce  curieux  animal  comme  un  cétacé  carnassier  ou  delphinien,  est  datée  de  Francfort- 
sur-le-Main,  25  juillet.  ( Jalirbuch ,  1840,  pag.  587.) 

4  Vol.  XLIV,  pag.  409. 

5  1844,  pag.  657. 


6 


SUR  LES  OSSEMENTS 


restes  de  ce  même  animal,  dans  la  partie  sud  de  I’Àlabaina,  non  loin  de  la 
rivière  Sintabouge. 

Ce  sont  ces  ossements  que  le  docteur  Albert  Ivoch  apporta  en  Europe 
pour  en  faire  un  squelette  gigantesque  qui  fut  exhibé  à  Dresde ,  à  Berlin ,  à 
Leipzig  et  à  Vienne,  sous  le  nom  de  Hydrarclius. 

Cet  Hydrarchus  Harlani,  comme  le  docteur  Albert  Koch  l’appelait,  avait 
une  longueur  colossale,  et  son  cou,  démesurément  long,  était  conformé 
d’une  manière  aussi  extraordinaire  que  le  crâne  et  les  extrémités. 

Avec  des  ossements  réunis  de  divers  individus  et  de  plusieurs  localités, 
le  docteur  Albert  Koch  avait  construit  un  animal  unique,  et  de  ce  mélange 
était  résulté  un  être  gigantesque  plus  singulier,  comme  on  le  pense  bien , 
que  tout  ce  qui  avait  été  signalé  jusqu’alors.  V Hydrarchus  du  docteur  Al¬ 
bert  Koch  était  une  espèce  de  serpent  de  mer  fossile  de  plus  de  cent  pieds 
de  longueur,  portant  deux  paires  de  courtes  pattes  ressemblant  plus  à  des 
membres  de  phoque  qu’à  des  nageoires  de  cétacé  '. 

Aussi  Carus  le  considère-t-il ,  contrairement  à  l’avis  de  R.  Owen  et  des 
autres  naturalistes,  comme  un  reptile  plus  singulier  que  le  Ptérodactyle  et 
qui  doit  former,  d’après  lui,  sinon  une  classe  à  part,  au  moins  un  ordre 
distinct  dans  la  classe  des  reptiles. 

La  figure  qui  accompagne  le  mémoire  du  docteur  Albert  Koch  a  été  com¬ 
muniquée,  le  23  novembre  1850,  à  une  réunion  de  naturalistes  à  Vienne. 
Elle  reproduit  l’animal  sous  le  nom  de  Zeuglodon  macrospondylus ,  avec  la 
forme  mi-phoque,  mi-sirène  ",  tel  qu’il  a  été  exhibé  en  dernier  lieu  à  Dresde, 
à  Breslau  et  à  Vienne. 

Au  mois  d’avril  184-7,  J.  Müller  fit  sa  première  communication,  à  l’Aca¬ 
démie  de  Berlin,  sur  le  fameux  Hydrarchus  du  docteur  Albert  Koch,  et,  la 
même  année ,  Burmeister  exprima  de  nouveau  l’opinion  que  cet  animal 
doit  être  rapporté  aux  cétacés. 

Au  mois  de  juin,  dans  une  seconde  communication,  J.  Müller  reconnut 
que,  non-seulement  la  colonne  vertébrale  de  X Hydrarchus  qui  avait  été 

*  Uber  das  unter  den  N  amen  Hydrarchus  von  Dr  A.  Koch  zuerst  nach  Europa  gebrachle.  .  . . 
(/rosse  fossile  Skelett . .  in-fol.  Leipzig,  1847. 

2  Albert  Koch,  Das  Slcelel  der  Zeuglodon  macrospondylus. 


PROVENANT  DU  CRAG  D  ANVERS. 


7 


exposée  aux  yeux  du  public  dans  plusieurs  capitales,  était  formée  de  ver¬ 
tèbres  appartenant  à  plusieurs  individus,  mais  que  les  restes  de  plus  d’une 
espèce  avaient  concouru  à  la  construction  de  ce  squelette.  Il  fil  en  même 
temps  la  remarque  qu’on  avait  formé  un  cou  à  l’animal  avec  des  vertèbres 
des  régions  dorsales  et  lombaires,  et  que  l’on  ne  connaissait  pas  les  vertèbres 
véritables  de  la  région  cervicale.  J.  Millier  trouva  deux  vertèbres  du  cou 
parmi  les  restes  de  la  collection  de  Koch ,  entre  autres  l’atlas ,  et  reconnut 
que  le  cou  était  semblable  à  celui  des  cétacés  proprement  dits. 

Et  pendant  que  ces  basilosaures  se  découvraient  en  Amérique,  de  nouveaux 
gîtes  de  squalodon  furent  signalés  en  Europe.  Dans  la  vallée  du  Danube,  aux 
environs  de  Lintz,  dans  la  haute  Autriche,  M.  K.  Ehrlich  en  découvrit  plu¬ 
sieurs  restes  importants  dans  la  mollasse;  mais,  comme  en  Amérique  et  à 
Bordeaux,  la  nature  véritable  de  ces  débris  ne  fut  pas  reconnue  d’abord. 

M.  K.  Ehrlich  a  généreusement  déposé  ces  ossements  précieux  au  Valer- 
landischen  Muséum  de  Lintz,  sa  ville  natale. 

Le  premier  qui  fait  mention  de  ces  ossements  de  Lintz,  est  M.  von  Klip- 
stein  L  Après  avoir  fait  la  description  des  débris,  il  les  rapporte  tous  à  un 
saurien  d’une  forme  toute  particulière.  M.  K.  Ehrlich  a  décrit  plus  tard  ces 
objets  avec  beaucoup  de  soin ,  et  il  a  accompagné  son  travail  de  quelques 
dessins  qui  représentent  les  pièces  les  plus  importantes 1  2 3. 

Vers  le  milieu  du  siècle  dernier,  Scilla  avait  figuré  des  dents  fossiles  sin¬ 
gulières,  attribuées  à  des  phoques  et  provenant  de  File  de  Malte.  Elles  sont 
conservées  aujourd’hui  au  musée  de  Trinily -College ,  à  Cambridge.  Agassiz 
a  créé  pour  elles  le  genre  de  Phocodon.  Ces  dents  de  Scilla  ont  été  reconnues 
presque  en  même  temps  par  H.  von  Meyer  et  par  Paul  Gervais,  pour  des  dents 
d’un  animal  qui  n’est  pas  sans  avoir  de  l’affinité  avec  le  squalodon  ’. 

A  ces  premières  localités  en  Europe  est  venu  se  joindre  ensuite  un  autre 
gite,  beaucoup  plus  au  nord,  et  auquel  on  était  loin  de  s’attendre  :  je  veux 
parler  delà  découverte  faite  en  Gueldre  (Pays-Bas). 

M.  Staring,  dans  sa  description  du  sol  des  Pays-Bas,  rappelle  que,  déjà 


1  Jahrbuch  für  Minéralogie,  1843,  page  704. 

-  Ueber  die  Nordôstlichen  Alpen.  Lintz  ,  1850. 

3  Jahrbuch,  1841,  pages  102, 567  et  850. 


8 


SUR  LES  OSSEMENTS 


en  1837,  on  avait  trouvé,  dans  les  environs  d’Eibergen,  des  dents  et  des 
vertèbres  du  même  animal  que  Herman  von  Meyer  avait  désignées  sous  le 
nom  de  Squalodon  Graleloupi.  M.  Staring  a  figuré  (planche  III),  une  dent 
molaire  et. une  dent  caniniforme  qui  ne  laissent  point  de  doute  à  cet  égard, 
du  moins  quant  au  genre.  Il  n’en  est  pas  de  même  des  vertèbres,  que 
M.  Staring  a  cru  devoir  rapporter  au  même  animal.  Ces  vertèbres  appar¬ 
tiennent  plutôt  à  deux  espèces  différentes  de  dauphins,  dont  l’une  est  fort 
petite  et  sera  bientôt  décrite  sous  le  nom  de  Delphinus  Jardinii,  tandis 
que  l’autre  est  un  Ziphioïde  qui  n’est  pas  spécifiquement  déterminé.  Nous 
avons  été  voir  ces  objets  au  Pavillon,  à  Haarlem,  où  ils  sont  déposés  aujour¬ 
d’hui  '. 

Longtemps  avant  la  publication  de  M.  Staring,  j’avais  été  informé,  par 
le  professeur  Van  Breda,  qu’on  avait  trouvé,  dans  la  province  de  Gueldre, 
des  dents  que  M.  R.  Owen  n’avait  pas  hésité  à  rapporter  au  genre  Zeuylodon. 
II  paraît  que  ces  dents  avaient  été  soumises  à  l’examen  du  célèbre  zoologiste 
du  British  Muséum. 

Enfin,  mon  ami  Paul  Gervais  a  signalé  l’existence  de  ce  même  animal  à 
Saint-Jean  de  Vedas,  près  de  Montpellier 1  2 3. 

C’est  à  cela  que  se  réduisait  l’état  de  nos  connaissances  sur  ces  singuliers 
mammifères,  lorsqu’on  commença  les  travaux  de  fortification  autour  de  la 
ville  d’Anvers.  Dans  le  courant  de  1860,  on  trouva  au  fort  n°  k ,  à  Vieux- 
Dieu,  des  ossements  fort  intéressants  de  cet  animal,  et,  ce  qui  ajoute  surtout 
à  l’intérêt  de  cette  découverte,  c’est  qu’on  mit  précisément  la  main  sur  les 
parties  de  la  tête  qui  étaient  le  moins  bien  connues.  Nous  fûmes  mis  à  même 
de  faire  connaître,  grâce  à  l’obligeance  de  notre  savant  confrère  M.  le  vicomte 
du  Bus,  tout  le  bout  du  rostre  avec  les  diverses  sortes  de  dents  5. 

Nous  ne  devons  pas  moins  de  reconnaissance  à  M.  le  capitaine  Le  Hon, 
pour  l’empressement  qu’il  a  mis  à  nous  communiquer  les  pièces  les  plus  im¬ 
portantes  de  sa  collection,  parmi  lesquelles  se  trouvent  quelques  débris 
intéressants  de  ces  animaux. 

1  Staring,  Bodem  van  Nederland,  vol.  II,  pag.  216,  pl.  III. 

-  Annales  des  sciences  naturelles.  Zoologie  et  paléontologie  françaises. 

3  Bulletins  de  V Académie  royale  de  Belgique ,  tome  XII,  n°  7. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


9 


Par  un  heureux  hasard,  les  sables  d’Anvers  ont  conservé  les  parties,  de  la 
tête  qui  n’étaient  point  encore  connues. 

Pour  rendre  ce  travail  aussi  complet  que  possible,  nous  avons  étudié  de 
nouveau  les  squalodons  de  Léognan,  et,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  le  doc¬ 
teur  Grateloup  nous  a  communiqué,  avec  une  obligeance  extrême,  une  ver¬ 
tèbre-atlas  dont  J.  Müller  avait  déjà  fait  mention  dans  son  grand  travail. 

Nous  avons  été  voir  ensuite  les  squalodons  trouvés  à  Lintz,  dans  la  haute 
Autriche,  et  M.  K.  Erhlich  a  bien  voulu  nous  conduire  sur  les  lieux  mêmes 
où  ces  ossements  ont  été  découverts. 

Nous  avons  ensuite  profité  d’une  occasion  qui  s’est  offerte  en  1860  et 
qui  nous  a  été  fort  utile.  La  direction  du  musée  de  Darmstadt  a  bien  voulu 
nous  céder  la  collection  d’ossements  fossiles  que  le  docteur  Albert  Koch  avait 
formée  pendant  son  quatrième  et  dernier  voyage  aux  États-Unis.  On  com¬ 
prend  que  ces  objets  nous  ont  été  d’un  grand  secours  pour  la  comparaison. 

Indépendamment  de  ces  derniers  ossements  de  zeuglodon,  nous  avons  pu 
étudier  avec  soin  la  grande  collection  de  Berlin  et  la  curieuse  et  intéressante 
tête  de  zeuglodon  que  le  musée  Teylérien  de  Harlem  a  achetée  au  docteur 
Krantz ,  de  Bonn. 

En  1861,  j’ai  fait  part  à  l’Académie  du  résultat  d’une  visite  que  j’avais 
faite  à  Lintz,  pour  voir  les  débris  de  squalodon  découverts  dans  les  environs 
de  cette  ville  de  la  haute  Autriche  L 

Nous  avons  voulu  voir  aussi,  comme  nous  l’avons  déjà  dit,  les  débris  de 
ces  animaux  qui  ont  été  recueillis  en  Gueldre  et  qui ,  sous  la  direction  de 
M,  Staring,  sont  déposés  au  Pavillon  à  Harlem. 

Pendant  que  je  réunissais  les  matériaux  pour  la  rédaction  du  travail  que 
j’ai  l’honneur  de  communiquer  aujourd’hui,  il  s’est  fait,  dans  le  midi  de  la 
France,  une  dernière  découverte  de  la  plus  haute  importance. 

Au  mois  de  novembre  1861 1  2,  M.  Jourdan,  directeur  du  musée  de  Lyon, 
fit  part  à  l’Académie  des  sciences  de  la  découverte  d’une  tête  presque  com¬ 
plète  de  squalodon,  dont  les  premiers  fragments  furent  trouvés  en  1854, 

1  Bulletins  de  U  Académie  royale  de  Belgique  ,  tome  XII ,  nos  9  et  10. 

2  Comptes  rendus  de  U  Académie  des  sciences ,  tome  LUI,  pag.  959. 

Tome  XXXV. 


2 


10 


SUR  LES  OSSEMENTS 


dans  un  calcaire  marin  de  la  couche  inférieure  du  miocène  supérieur  des  car¬ 
rières  de  Barie  près  Saint-Paul-Trois-Châteaux  (département  de  la  Drôme), 
mais  dont  malheureusement,  dit  l’auteur,  la  partie  correspondant  au  museau 
avait  été  hrisée  et  les  débris  presque  pulvérisés  *. 

Le  savant  directeur  du  musée  de  Lyon  affirme  que  le  premier  qui  a  re¬ 
connu  un  cétacé  dans  le  squalodon,  est  Laureillard.  Cela  n’est  pas  exact  :  le 
nom  nouveau  que  le  modeste  collaborateur  de  Cuvier  a  proposé  pour  rem¬ 
placer  celui  de  Squalodon  figure,  pour  la  première  fois,  dans  le  Dictionnaire 
de  D’Orbigny,  et  déjà,  en  184-0,  H.  von  Meyer  et  moi  nous  avons  fait  con¬ 
naître,  comme  nous  l’avons  dit  plus  haut,  notre  api>réciation. 

Au  mois  d’avril  dernier,  M.  Gervais  me  fit  savoir  que  le  bout  du  rostre 
du  Squalodon  de  Barie  n’était  point,  comme  le  supposait  31.  Jourdan,  réduit 
en  poussière,  que  ce  fragment  intéressant  était,  au  contraire,  entre  ses  mains, 
et  ii  eut  l’obligeance  de  me  le  communiquer.  La  lettre  de  31.  Gervais  a  été 
insérée  dans  les  Bulletins  de  l’Académie  royale  de  Belgique  “1 2,  accompagnée 
d’une  planche  exécutée  par  notre  habile  dessinateur  de  l’Académie ,  M.  Se- 
vereyns,  et  qui  représente  le  bout  du  rostre  avec  ses  dents  en  place. 

Cette  découverte  présente  pour  nous  un  très-haut  intérêt.  Ce  morceau  de 
rostre  nous  montre  des  fragments  de  maxillaire  supérieur  et  inférieur,  et 
presque  toutes  les  dents  sont  encore  en  place.  Nous  avions  déjà  dit  un  mot  du 
bout  du  rostre  de  squalodon  trouvé  à  Anvers  ;  mais  la  couronne  des  dents 
antérieures  étant  brisée,  nous  attendions  avec  impatience  la  confirmation  de 
l’opinion  que  nous  avions  émise  sur  ces  défenses,  qui  en  font  le  système 
dentaire  le  plus  extraordinaire  des  carnassiers  anciens  et  actuels  3. 

Comme  on  vient  de  le  voir,  nous  avons  été  assez  heureux  pour  réunir  les 
principaux  matériaux  qui  ont  été  trouvés  à  Anvers  et  pour  les  comparer  avec 


1  Nous  devons  à  l’obligeance  de  notre  ami  Paul  Gervais  le  dessin,  de  grandeur  naturelle,  de 
cette  belle  tête  de  squalodon  qui  est  déposée  au  musée  de  Lyon. 

2  Tome  XII ,  n°  5. 

3  Depuis  que  ce  mémoire  a  été  communiqué  à  l'Académie,  nous  avons  appris,  par  31.  Ra} 
Lankaster,  que  le  squalodon  se  trouve  également  dans  le  crag  en  Angleterre,  et  31.  Bosquet 
nous  a  montré,  dans  son  cabinet  à  3Iaestricht,  une  petite  dent  à  une  racine,  trouvée  à  Elsloo 
dans  le  bolderien  de  Dumont,  et  qui  semble  également  provenir  du  squalodon.  (Louvain,  2  jan¬ 
vier  1865.) 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


41 


les  squalodons  trouvés  dans  le  midi  de  la  France,  dans  la  haute  Autriche 
et  dans  les  Pays-Bas. 

Comme  les  squalodons  appartiennent  au  même  type  que  les  zeuglodons, 
nous  donnerons  ici  la  liste  des  travaux  qui  ont  été  publiés  sur  les  uns 
et  sur  les  autres. 

Nous  donnerons  ensuite  la  description  des  os  de  squalodon  trouvés  à 
Anvers,  et  comme  nous  avons  eu  l’occasion  de  voir  ceux  des  autres  localités , 
nous  en  ferons  également  une  courte  description.  C’est  ainsi  que  nous  par¬ 
lerons  des  Squalodons  de  Bordeaux,  de  Lintz,  de  la  Gueldre  et  du  Barie. 

Dans  un  dernier  chapitre,  nous  apprécierons  les  affinités  qui  lient  les 
squalodons  aux  zeuglodons  et  aux  autres  mammifères,  et  nous  ferons  con¬ 
naître  notre  avis  sur  la  place  qu’ils  occupent  dans  la  hiérarchie  zoologique. 
Nous  finirons  par  l’exposé  des  espèces  que  nous  croyons  devoir  admettre 
pour  le  moment. 


LITTÉRATURE. 


1070.  Ag.  Scilla,  La  Vana  specutazione  disingannata  del  senso.  Napoli,  1670;  tab.  XII, 
%■  >• 

1852.  Harlan,  Transactions  of  the  American  philosoph.  Society,  vol.  IV.  —  Basilosaurus. 

1835.  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France ,  vol.  IV. 

1854.  James,  Edimbourgh  new philosoph.  Journal. 

1855.  Transactions  of  the  geological  Society  of  Pensylvania ,  tome  I. 

1858.  H.  von  Meyer  (Pachyodon),  Jurhb.  f.  Min. 

1858.  Dumeril,  Remarques  à  l’occasion  du  mémoire  de  Blainville ,  sur  le  prétendu  Di- 
delphe  de  Stonesfield.  (Comptes  rendus  de  l’Académie  des  sciences,  II,  page  750.  1858.) 

1859.  London  Edimb.  philosoph.  Magazine. 

1859.  Annales  des  sciences  naturelles,  2e  série,  vol.  XII. 

1859.  Oaven,  Transactions  of  the  geological  Society  of  London,  vol.  VI,  page  90.  1859. 

1840.  Grateloup,  Description  d’un  fragment  de  mâchoire  fossile  d’un  genre  nouveau  de 
reptile  ( Saurien )  de  taille  gigantesque ,  voisin  de  l’Iguanodon,  trouvé  dans  le  grès  marin,  à 
Lèognan  près  Bordeaux  [Gironde).  (Actes  de  l’Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts 
de  Bordeaux,  2me  année;  1840.) 

1840.  Van  Beneden,  Lettre  datée  de  Bordeaux  (1840),  dans  l’Ostéographie  de  Blainville. 
Paris; livre  VII,  page  44. 


12 


SLR  LES  OSSEMENTS 


1840.  Herman  von  Meyer,  Jahrbucli  f.  Min.,  1840,  page  587. 

—  —  —  1841  ,  pages  102,  567  et  830. 

—  —  —  1843,  page  704. 

1841.  Agassiz,  Poissons  fossiles,  feuilleton  additionnel  et  Répertoire  d’anatomie  et  de 
physiologie  de  Valentin ,  page  236. 

1842.  Klipstein,  Karsten’s  und  v.  Dcchen’s  Archiv.,  1842,  XVI,  II. 

1843.  Bückley,  Silliman’s  ( Zeuglodon  celoïdes.)  American  Journal  oe  science  and  arts 
vol.  XLIV  ;  avril  1845. 

1845.  Klipstein,  Jahrbuch  fur  Minéralogie,  1843,  page  704. 

1844.  Laurillard,  Art.  Dauphin,  vol.  IV,  Dictionnaire  universel  d’histoire  naturelle  de 
D’Orbigny. 

1845.  H.  D.  Roger’s  Proceeding  ofthe  Boston  Soc.  of'nat.  hislory. 

1845.  Pedroni,  Actes  de  la  Société  linnéenne  de  Bordeaux ,  tome  XIV,  1845. 

1845.  Girbes,  Proceedings  of  the  Academy  for  juny  1845.  —  Dorudon. 

1845-1846.  Emmons,  Quarterly  Journal  of  agriculture,  and  science,  juin  1845  et  avril  1846. 

1846.  Buckley,  Silliman’s  American  Journal  of  science  and  arts july  1846. 

1846.  Koch,  Kurze  Beschreibung  der  Hvdrarchus  Harlani;  Dresden,  1846. 

1846.  Gervais,  Annales  des  Sciences  naturelles ,  1846,  page  264. 

1846.  Van  Beneden,  Note  sur  deux  cétacés  fossiles  provenant  du  bassin  d’Anvers.  (Bulle¬ 
tins  de  l’Acad.  roy.  de  Belg.  ,  tom.  XIII,  page  261.) 

1847.  Caiius,  Geinitz,  Gunlher  and  Reichenbach ,  Resuit.  geol.  anal,  and  zool.  Unter- 
suchungen  ueber  IIydrarciios.  Dresden  et  Leipzig;  in-fol. 

1847.  Herman  von  Meyer,  Jahrb.  f.  Min.  S.  669.  Die  erloscliene  Cetaceen  Famille  der  Zeu- 
glodonten  mit  Zeuglodon  und  Sgualodon. 

1847.  Tuomay,  Notice  ofthe  Discovery  of  a  cranium  of  the  Zeuglodon.  (Journal  of  the  Acad. 

OF  NAT.  SC.  OF  PHILADELPHIE,  Vol.  I,  pag.  1.) 

1847- 1850.  Robert  W.  Gibbes,  On  the  fossil  Genus  Basilosaurus  Harlani...  (Journal  of  the 
Academy  of  nat.  sc.  of  Philadelphie.  Philadelphie,  vol.  I,  page  5.) 

1848.  A.  Wagner,  Erichson’s  Archiv.,  page  167. 

1848- 1852.  P.  Gervais,  Paléontologie  française.  Paris,  lrc  et  2me  édition. 

1850.  Albert  Koch  ,  Dus  Skelet  des  Zeuglodon  macrospondylus.  25  novembre  1850,  in-4°. 

1850.  Carl  Ehrlich,  Sgualodon  Grateloupii.  —  Herman  von  Meyer,  Ueber  die  nordôstlichen 
Alpen,  page  12,  Lintz,  1850.  (Avec  5  figures  sur  bois.) 

Carl  Ehrlich,  Berichten  der  Freunde  der  Naturivissenshaften  in  Wien,  Band  IV,  seite  197. 

1855.  Carl  Ehrlich,  Beitrage  zur  Paléontologie . .  Lintz,  1855, page  9. 

Staring,  Versleeningen  uit  den  tertiairen  leem.  (Bodem  van  Nederland,  vol.  II,  page  216. 
pl.  111.) 

Van  Beneden,  Un  Nouveau  Mammifère  du  crag  d’Anvers.  (Bull.  Acad.  roy.  de  Belg., 
2mc  série,  toni.  XII,  n°  7.) 

1861 .  Jourdan,  Description  des  restes  fossiles  de  deux  grands  mammifères ,  constituant  deux 

genres,  l’un  le  genre  Riiizoprion . (Comptes  rendus  de  l’Acad.  des  sc.  de  Paris, 

tome  LII,  page  959,  25  novembre  1861).  Ann.  des  sc.  natur.,  tome  XVI,  page  569. 

Paul  Gervais,  Lettre  adressée  à  M.  Van  Beneden  sur  les  Sgualodons.  (Bull.  Acad.  roy.  de 
Belg.,  2mc  série,  tome  XIII ,  n°  5.) 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


15 


I 


II. 


DESCRIPTION 

DES  DÉBRIS  DE  SQUALODON  TROUVÉS  A  ANVERS. 


Le  fragment  de  rostre  décrit  par  de  Grateloup  n’est  formé  que  d’une 
partie  de  l’os  maxillaire  supérieur.  Le  crâne,  comme  le  bout  du  maxillaire, 
manque  complètement.  Les  débris  trouvés  à  Linlz  sont  plus  nombreux  et 
plus  complets.  Non-seulement  toute  la  base  du  rostre  est  parfaitement  con¬ 
servée  dans  la  pièce  principale ,  mais  on  y  trouve  aussi  une  grande  partie  de 
la  boîte  crânienne  avec  les  orifices  des  évents,  l’arcade  zygomatique,  la 
voûte  et  la  fosse  temporale.  Le  crâne  plus  complet  d’un  jeune  animal  a  été 
trouvé  en  même  temps  à  côté  du  précédent.  La  tête  découverte  à  Barie  et 
décrite  par  Jourdan  est  presque  entière.  Les  diverses  pièces  sont  restées  en 
place.  Mais  ici  encore ,  le  bout  du  rostre  est  brisé  à  peu  près  au  même  en¬ 
droit,  de  manière  que  la  disposition  des  dents  antérieures  est  restée  problé¬ 
matique.  Heureusement  ce  fragment  ,  que  l’on  croyait  réduit  en  poussière 
et  perdu ,  a  été  retrouvé  avec  les  dents,  qui  sont  conservées  dans  leur  situa¬ 
tion  respective. 

Par  bonheur  nous  avons  trouvé,  à  Anvers,  les  parties  qui  manquent  et  qui 
sont  le  moins  bien  connues ,  ce  qui  nous  permet  de  reconstituer  la  tête  en¬ 
tière  dans  une  intégrité  presque  aussi  complète  que  si  elle  venait  d’être 
séparée  de  l’animal. 

L’animal  que  nous  nous  proposons  de  faire  connaître  dans  ce  travail 
appartient  à  un  type  complètement  perdu  à  l’époque  actuelle.  Mieux  qu’aucun 
autre  mammifère,  le  Squalodon  nous  fait  voir,  que  si  les  continents  ont  vu 
disparaître  leurs  Palœotherium  et  leurs  Pterodons ,  la  mer,  de  son  côté,  tout 


14 


SUR  LES  OSSEMEiNTS  ’ 


en  étant  un  milieu  bien  moins  variable  que  l’atmosphère,  a  également 
perdu  des  formes  qui  n’ont  laissé  aucune  trace  parmi  les  animaux  actuels. 
Nous  ne  trouvons  plus  dans  nos  mers  des  êtres  qui  ressemblent,  même  de 
très-loin,  soit  aux  Squalodons,  soit  aux  Zeuglodons. 

11  est  assez  remarquable  que  les  mammifères  aquatiques,  les  vivants 
comme  les  fossiles,  sont  beaucoup  moins  bien  connus  que  les  mammifères 
terrestres.  C’est  à  peine,  on  peut  le  dire,  si  Cuvier  a  effleuré  ce  sujet,  et 
depuis  les  belles  publications  du  grand  naturaliste  du  Muséum ,  l’étude  de  ces 
animaux  a  fait  bien  peu  de  progrès.  Il  suffit  de  jeter  les  yeux  sur  les  travaux 
les  plus  justement  estimés  pour  être  frappé  de  l’incertitude  qui  règne  dans 
la  science  au  sujet  des  espèces  et  des  genres ,  même  dans  les  familles  qui 
semblent  avoir  été  le  mieux  étudiées.  Ainsi,  le  genre  Ziphius,  établi  par 
Cuvier  sur  des  ossements  d’origine  diverse,  était  généralement  regardé  par 
les  naturalistes  comme  un  genre  éteint,  lorsque  M.  Gervais  révéla,  il  y  a 
deux  ans,  que  ces  singuliers  animaux  vivent  encore  actuellement  dans  la 
Méditerranée.  Un  individu,  long  de  six  à  sept  mètres,  est  venu  échouer  sur 
la  plage  des  Aresquiers,  dans  le  département  de  l’Hérault,  entre  Villeneuve- 
lez-Maguelone  et  Frontignan. 

Nous-même  nous  avons  publié  dernièrement  une  notice  ayant  pour  objet 
un  Ziphius  nouveau  vivant  dans  la  mer  des  Indes. 

Nous  pourrions  citer  encore,  à  l’appui  de  cette  opinion,  la  manière  dont 
Carus  et  d’autres  naturalistes  se  sont  fourvoyés,  en  reconstruisant  la  tête  et 
le  squelette  de  leur  fameux  Hydrarclios  1 ,  qui  de  reptile  gigantesque  est 
devenu  un  mammifère  assez  voisin  de  l’ordre  des  cétacés. 


LES  OS  DE  LA  TÊTE. 


De  tous  les  os  de  la  tête,  ceux  qui  nous  paraissent  les  plus  importants 
et  dont  la  connaissance  a  le  plus  de  valeur  scientifique  sont  sans  con¬ 
tredit  les  maxillaires  supérieurs  et  les  intermaxillaires.  Ce  sont ,  en  effet , 

1  Hydrarclios.  Dresde»  and  Leipzig;  in-fol.,  1847,  pl.  IV,  fig.  XI. 


PROVENANT  DU  GRAG  D’ANVERS. 


D 


eux  qui  donnent  la  physionomie  propre  à  l’animal  et  qui  contribuent  le 
plus  à  faire  apprécier  sainement  les  affinités  naturelles. 

Nous  sommes  heureusement  en  possession  de  divers  fragments  qui  nous 
permettent  de  reproduire  les  caractères  les  plus  importants  de  ces  deux  os 
de  la  face. 

Os  inter  maxillaire.  —  L’os  intermaxillaire  constitue  à  lui  seul  presque 
toute  l’extrémité  du  rostre;  il  prend,  comme  on  sait,  d’autant  plus  de  part 
à  sa  formation  que  celui-ci  est  plus  allongé,  et  le  rostre  est  fort  long 
dans  les  squalodons.  Sur  une  longueur  d’environ  dix  centimètres,  il  forme, 
à  lui  seul,  tout  le  bout  du  museau.  La  surface  externe  en  est  légèrement 
bombée;  en  dessous  il  est  aplati  pour  former  le  palais;  une  légère  dé¬ 
pression  règne  sur  la  ligne  médiane;  en  dessus  il  s’échancre  en  une  sorte 
de  gouttière,  qui  est  d’autant  moins  profonde  qu’elle  se  rapproche  de  l’extré¬ 
mité  libre.  C’est  dans  cette  gouttière  que  loge  l’énorme  cordon  cartilagineux 
qui  s’étend,  chez  les  cétacés,  du  corps  de  l’ethmoïde  au  bout  du  rostre  et  qui 
reste  généralement  pendant  toute  la  vie  de  l’animal  à  l’état  de  cartilage. 

Cet  os  présente  sur  le  côté  deux  alvéoles  très-profondes  qui  logent  deux 
fortes  incisives  semblables  à  des  canines;  puis  en  avant,  dans  l’axe  même 
du  rostre,  deux  autres  incisives  plus  fortes  qui  ressemblent  par  leur  aspect 
et  surtout  par  leur  direction  à  deux  défenses. 

Ces  alvéoles  sont  très-profondes  et  se  croissent,  en  partie,  avec  les  autres 
alvéoles,  comme  on  peut  le  voir  dans  la  figure  que  nous  donnons  des  dents. 
Ce  sont  les  dents  antérieures  qui  ont  lès  racines  les  plus  longues. 

Ce  qui  est  important  à  considérer  dans  la  conformation  de  cet  os,  c’est 
la  largeur  extraordinaire  de  la  surface  par  laquelle  il  s’articule,  sur  toute  la 
ligne  médiane,  avec  l’os  du  même  nom.  Au  lieu  de  voir  deux  bords  grêles 
se  toucher  à  peine  sur  leur  longueur,  comme  c’est  le  cas  dans  la  généralité 
des  cétacés ,  chaque  os  incisif  s’unit  à  son  semblable  par  une  surface  qui  a 
jusqu’à  trente  millimètres  de  hauteur,  et  cela  sur  la  plus  grande  partie  de  sa 
longueur.  C’est  une  suture  qui  donne  une  très-grande  solidité  à  la  face  et 
que  les  énormes  racines  des  dents  incisives  renforcent  encore.  Il  résulte  de 
cette  disposition  que  le  bout  du  rostre  acquiert  une  solidité  extraordinaire 


46 


SUR  LES  OSSEMEINTS 


et  dont  on  ne  trouve  aucun  autre  exemple  dans  les  animaux  vivants. 

Les  intermaxillaires  sont  donc  unis  entre  eux  par  suture  harmonique 
dans  presque  toute  leur  longueur,  comme  on  peut  le  voir  par  la  jîgure  que 
nous  donnons  de  la  coupe  du  rostre,  prise  immédiatement  derrière  les 
dents  canines. 


Coupe  du  rostre  derrière  les  dents  canines,  aa.  Os  intermaxillaire. 
bb.  Os  maxillaire,  ce.  Dents. 


Mon  savant  ami  Paul  Gervais  a  figuré  une  coupe  du  rostre  (pl.  XLI, 
fîg.  6b)  de  Squalodon  Grateloupii ;  mais  ce  n’est  pas  ainsi  que  nous  avons  vu 
les  os  disposés  dans  le  Squalodon  d’Anvers.  Ces  os,  après  avoir  formé  toute 
la  gouttière  qui  loge  le  cartilage  du  rostre,  descendent  entre  les  maxillaires 
jusqu’au  palais,  en  se  soudant  par  suture  harmonique  dans  toute  la  hau¬ 
teur  du  rostre. 

Il  serait  difficile  de  se  former  une  idée  claire  de  cette  disposition  d’après 
les  autres  mammifères.  Il  est  indispensable  d’étudier  quelques  têtes  de 
cétacé.  Le  vomer  est  formé,  dans  ces  animaux,  de  deux  lames  écartées  l’une 
de  l’autre  et  entre  lesquelles  est  couché  un  long  cordon  cartilagineux  qui 
part  du  corps  de  l’ethmoïde ,  s’étend  dans  toute  la  longueur  de  la  face  et  se 
termine  en  avant  au  bout  du  rostre. 

Ce  cartilage  représente,  pensons-nous,  la  partie  centrale  du  vomer,  et 
celui-ci  s’unit  intimement  avec  les  lames  latérales  de  l’ethmoïde. 


PROVENANT  DU  CRA  G  D’ANVERS. 


17 

Dans  une  première  publication  *,  nous  avions  exprimé  l’opinion  que  toutes 
les  dents  de  squalodon  sont  implantées  dans  l’os  maxillaire  lui-même,  comme 
on  l’observe  généralement  dans  les  cétacés.  Nous  avons  eu  depuis  l’occasion 
de  voir  une  nouvelle  portion  de  rostre  du  plus  haut  intérêt,  dans  laquelle 
les  os  maxillaires  sont  parfaitement  distincts  des  autres  et  où  chaque  os 
montre ,  dans  toute  son  évidence ,  les  dents  qu'il  porte  et  ses  rapports  avec 
les  autres  os.  Cette  pièce  nous  a  permis  de  rectifier  l’opinion  que  nous  avions 
exprimée  d’abord. 

Les  delphinides  ont  généralement  leurs  dents  incisives,  quand  ils  en  ont, 
logées  dans  l’épaisseur  de  la  peau ,  et  les  os  ne  portent  aucune  trace  d’al¬ 
véoles.  Nous  avons  vu  toutefois  une  exception  à  cette  règle,  et  probablement 
on  en  trouvera  plus  d’un  exemple,  lorsqu’on  examinera  cette  disposition  de 
près.  Dans  une  tête  de  Delphinus  tursio  de  la  Méditerranée,  que  nous  avons 
rapportée  nous-même  de  Cette ,  l’os  incisif  porte  en  effet  six  dents  incisives 
véritables;  il  est  vrai,  ces  dents  sont  moins  développées  que  les  autres,  mais 
elles  n’en  existent  pas  moins  sur  le  même  rang  et  dans  les  alvéoles  parfai¬ 
tement  distinctes.  Dans  le  squalodon  d’Anvers,  l’os  incisif  porte  véritable¬ 
ment  trois  paires  de  dents  très-fortes,  implantées  par  de  longues  racines 
recourbées  qui  renforcent  considérablement  le  bout  du  rostre. 

Jusqu’à  présent,  c’est  le  seul  exemple  que  nous  connaissions,  parmi  les 
cétacés,  de  dents  véritables,  implantées,  à  l’âge  adulte,  dans  l’os  incisif  pro¬ 
prement  dit,  c’est-à-dire  logées  dans  des  alvéoles  distinctes. 

En  arrière ,  ces  intermaxillaires  restent  visibles  du  côté  du  palais,  jusqu’à 
la  hauteur  de  la  troisième  ou  de  la  quatrième  vraie  molaire ,  où  ils  occupent 
une  largeur  d’environ  cinq  millimètres. 

En  haut  et  en  avant,  ces  mêmes  os  forment,  dans  la  longueur  du  rostre, 
comme  dans  tous  les  vrais  cétacés ,  la  gouttière  qui  loge  le  ligament  ou  plutôt 
le  cartilage  vomérien  dont  nous  avons  déjà  parlé. 

\  la  distance  de  dix  centimètres  du  bout  du  museau,  l’intermaxillaire  se 
rétrécit  et  se  cache,  sur  le  côté  sous-entendu,  derrière  ou  en  dedans  des 
deux  maxillaires,  comme  dans  le  genre  Hyperoodon. 


1  Bulletins  de  V Académie  royale  de  Belgique ,  2me  série,  tome  XII ,  n°  7. 

Tome  XXXV 


5 


18 


SUR  LES  OSSEMENTS 


En  dessus  et  en  arrière,  cet  os  reste  parfaitement  visible,  et  il  forme,  à 
lui  seul,  jusqu’à  la  hauteur  des  évents,  la  paroi  latérale  et  supérieure  du 
canal  vomérien. 

Nous  ne  savons  pas,  d’après  les  pièces  trouvées  à  Anvers,  comment 
ces  os  se  terminent  en  arrière  et  se  comportent  autour  des  fosses  nasales; 
mais  heureusement  le  crâne  presque  complet  trouvé  à  Lintz  et  la  tête  in¬ 
téressante  décrite  par  le  directeur  du  musée  de  Lyon  nous  permettent  de 
comprendre  les  rapports  véritables  des  os  qui  constituent  cette  région  impor¬ 
tante  de  la  tête  des  squalodons. 

En  résumé,  les  intermaxillaires  forment  à  eux  seuls,  en  avant,  toute  la 
surface  du  palais,  tandis  que  les  maxillaires  ne  se  montrent,  entre  ceux-ci, 
qu’à  la  hauteur  des  premières  molaires;  et,  à  la  hauteur  des  dernières  mo¬ 
laires,  les  deux  os  maxillaires  se  joignent  sur  la  ligne  médiane,  pendant  que 
les  intermaxillaires  se  retirent  en  haut  vers  les  orifices  des  narines. 

En  avant,  la  surface  du  palais  est  très-légèrement  creuse  sur  la  ligne 
médiane;  vers  le  milieu,  la  dépression  augmente,  et  en  arrière  le  palais, 
au  contraire ,  devient  excessivement  bombé. 

Maxillaire  supérieur. 

Nous  sommes  en  possession  de  la  partie  la  plus  importante  du  maxillaire 
supérieur.  Nous  en  avons  eu  trois  fragments  différents  provenant  de  trois 
squalodons  distincts.  Le  premier  de  ces  morceaux  est  le  bout  antérieur  du 
rostre,  qui  montre  quatre  alvéoles  profondes  dans  lesquelles  logent  autant 
de  dents  caniniformes;  la  seconde  pièce  est  un  fragment  du  milieu  du  rostre 
dans  laquelle  trois  fortes  dents  molaires  véritables  et  à  double  racine  se 
trouvent  encore  en  place;  la  troisième  pièce  appartient  à  la  partie  posté¬ 
rieure  du  palais  et  montre  les  alvéoles  des  quatre  dernières  molaires. 

Nous  avons  ainsi ,  parmi  les  débris  trouvés  à  Anvers ,  tout  le  palais , 
depuis  la  première  incisive  jusqu’à  la  dernière  molaire,  et  c’est  précisément 
ce  qui  manque  dans  les  squalodons  trouvés  ailleurs. 

Nous  allons  successivement  décrire  ces  fragments. 

Le  premier  morceau  auquel  adhère  encore  l’os  intermaxillaire  est  fort 


PROVENANT  DU  CR  AG  D’ANVERS. 


19 

allongé  et  montre  que  l’os  maxillaire  ne  se  termine  pas  insensiblement  en 
pointe,  comme  dans  les  cétacés  ziphioïdes;  au  contraire,  cet  os  s’élargit 
assez  brusquement  en  avant  et  laisse  sur  le  palais  des  traces  semblables  à 
celles  que  nous  voyons  au  palais  des  mammifères  en  général.  Sa  surface 
externe  est  légèrement  bombée  comme  l’intermaxillaire ,  dont  il  n’est ,  pour 
ainsi  dire,  que  la  continuation.  Il  montre  cinq  alvéoles  parfaitement  dis¬ 
tinctes  et  régulièrement  espacées  :  la  première  pour  la  dent  canine,  les 
quatre  suivantes  pour  des  molaires,  qui  conservent  la  même  forme  que 
la  canine  proprement  dite. 

Nous  admettons  ainsi  une  dent  canine,  non  parce  qu’elle  est  distincte  des 
autres  par  la  forme,  mais  parce  qu’elle  occupe  la  première  place  dans  l’os 
maxillaire. 

Les  deux  maxillaires  conservent  la  même  largeur  sur  une  grande  partie 
de  leur  étendue,  ce  qui  rend  le  rostre  très-affilé  ,  comme  chez  quelques  dau¬ 
phins  ou  comme  chez  les  gavials,  parmi  les  crocodiliens. 

Le  second  fragment  appartient  à  la  région  moyenne  du  maxillaire ,  celle 
qui  présente  le  plus  de  résistance  pendant  la  mastication.  Il  loge  encore  trois 
des  principales  molaires.  La  surface  externe  en  est  légèrement  bombée 
comme  dans  le  premier  fragment,  mais  le  corps  de  l’os  a  gagné  en  épais¬ 
seur.  L’espace  qui  sépare  les  alvéoles  devient  de  plus  en  plus  étroit,  à  me¬ 
sure  qu’on  approche  des  molaires  postérieures.  Les  dents  que  ce  fragment 
porte  sont  complètes,  tant  dans  leurs  racines  doubles  que  dans  leurs  cou¬ 
ronnes  crénelées.  Quoique  ces  organes  soient  encore  en  place,  nous  avons 
pu  nous  assurer  exactement  de  la  disposition  véritable  des  alvéoles,  qui  sont 
toujours  brusquement  recourbées  en  arrière  vers  la  pointe  de  la  racine. 

Le  troisième  fragment  porte  quatre  alvéoles  distinctes  de  dents  molaires 
didvmes,  qui  sont  d’autant  moins  séparées  les  unes  des  autres,  qu’on  ap¬ 
proche  davantage  de  la  dernière  qui  est  en  même  temps  la  plus  petite.  Les 
alvéoles  antérieures  se  courbent  encore  assez  brusquement  vers  le  milieu 
comme  les  précédentes,  de  manière  que  chaque  racine  forme  un  coude, 
qui  la  divise  en  une  partie  qui  s’élève  obliquement  de  bas  en  haut  et  d’avant 
en  arrière,  et  une  autre  partie  qui  se  place  dans  l’axe  du  rostre.  Les  racines 
des  dernières  dents  sont  courtes  et  légèrement  courbées  en  arrière. 


20 


SUR  LES  OSSEMENTS 


Ce  fragment  nous  montre  en  même  temps  combien  le  palais  est  bombé  en 
arrière  et  combien  aussi  est  forte  la  proéminence  qu’il  forme  sur  la  li^ne 
médiane.  En  dedans ,  il  est  doublé  par  une  portion  du  vomer,  qui.  est  forte¬ 
ment  soudée  à  lui ,  mais  qui  cependant  est  parfaitement  distincte  dans  toute 
sa  longueur. 

Ce  vomer,  qui  tapisse  une  partie  de  la  surface  interne  du  maxillaire,  est 
disposé  exactement  comme  dans  les  cétacés  ordinaires  vivants. 


DES  OS  DE  LA  FACE. 


Nous  ne  pouvons  mieux  faire  pour  donner  une  idée  de  la  disposition  des 
os  de  la  face,  que  de  renvoyer  à  la  figure  que  nous  avons  donnée  plus  haut 
de  la  coupe  du  rostre,  immédiatement  derrière  les  dents  canines.  C’est  par  là 
qu’on  peut  le  mieux  juger  et  de  la  suture  des  os  incisifs,  de  leur  réunion 
avec  les  maxillaires  du  palais  et  de  la  gouttière  supérieure  qui  loge  le  liga¬ 
ment  vomérien. 

Nous  ajoutons  ici  la  figure  qui  représente  cette  région,  pour  montrer 
surtout  comment  se  comporte  le  vomer  dans  le  long  canal  du  rostre. 


c 


Coupe  du  rostre  à  la  hauteur  de  la  dernière  molaire,  aa.  Maxillaire. 
bb.  Lames  ou  vomer.  c.  Palais,  dd.  Place  delà  dernière  molaire,  c.  Canal 
longitudinal  du  rostre  qui  loge  le  long  cordon  cartilagineux. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


21 


En  comparant  les  squalodons  sous  le  rapport  de  la  formation  du  rostre 
avec  les  autres  mammifères  aquatiques,  nous  ne  voyons  chez  aucun  d’entre 
eux  un  arrangement  semblable.  Les  cétacés  ziphioïdes  ont  aussi  le  bout  du 
rostre  formé  exclusivement  par  les  intermaxillaires,  et  les  maxillaires  eux- 
mêmes  ne  semblent  les  soutenir  que  comme  des  attels  que  l’on  emploie  dans 
les  cas  de  fractures ,  mais  c’est  à  peine  s’ils  se  réunissent  entre  eux  par 
suture,  et  il  ne  peut  y  avoir  aucune  solidité  dans  le  bout  de  ce  rostre.  On 
sait  qu’il  y  a  du  reste  absence  complète  de  dents  au  rostre  de  ces  curieux 
cétacés.  On  n’en  trouve  qu’à  la  mâchoire  inférieure  et  encore  sont-elles  tou¬ 
jours  en  fort  petit  nombre. 

Les  dauphins  proprement  dits  s’éloignent  encore  plus  des  squalodons, 
puisque  leurs  os  incisifs  sont  flanqués  des  maxillaires  jusqu’au  bout,  et  qu’il 
n’y  a  que  tout  juste  la  pointe  qui  est  libre. 

Les  phoques,  à  cause  de  l’allongement  de  leur  museau,  sont  ceux  qui  se 
rapprochent  encore  le  plus  sous  ce  rapport  des  squalodons.  Us  ont  aussi  l’os 
incisif  assez  fort ,  portant  souvent  trois  alvéoles,  mais  qui  ne  sont  pas  pla¬ 
cées  parallèlement  comme  dans  les  carnassiers  squalodontes. 

Une  quatrième  portion  de  la  face  appartient  à  la  base  du  rostre  ;  elle  est 
reconnaissable  à  sa  surface  droite  et  unie,  qui  supporte  l’os  incisif  au  mo¬ 
ment  où  celui-ci  remonte  pour  contourner  l’orifice  des  évents.  Cette  portion 
est  reconnaissable  aussi  aux  trous  qui  livrent  passage  aux  nerfs  provenant 
du  maxillaire  supérieur,  mais  on  ne  voit  aucune  trace  de  dents  ni  d’alvéoles; 
seulement  on  aperçoit  une  échancrure  qui  indique  la  base  du  rostre  et  le 
voisinage  de  la  voûte  orbitaire. 

Le  trou  principal,  qui  est  dirigé  d’arrière  en  avant,  loge  sans  doute  le 
nerf  le  plus  volumineux  qui  se  rend  aux  lèvres  (rameau  labial  )  ;  un  autre 
se  voit  sur  les  flancs  et  se  dirige  du  côté  du  globe  de  l’œil  (  rameau  palpé¬ 
bral  inférieur);  un  troisième  est  dirigé  en  arrière  pour  livrer  passage  au 
nerf  des  ailes  du  nez  ou  le  rameau  nasal.  Cette  pièce  indique  le  passage  de 
ces  filets  nerveux. 

Une  portion  moyenne  du  rostre,  du  côté  droit,  a  également  été  conservée. 
Il  est  fâcheux  qu’elle  ne  soit  pas  restée  avec  les  dents.  On  distingue,  comme 
dans  la  pièce  précédente,  les  traces  du  canal  qui  a  logé  les  nerfs  dentaires 


22 


SUR  LES  OSSEMENTS 


et  les  vaisseaux  nourriciers.  Celte  pièce  ne  présente  de  remarquable  qu'un 
trou  pour  une  partie  du  nerf  sous-orbitaire,  un  bord  uni  en  dedans,  pour 
former  avec  l’os  incisif  la  gouttière  vomérienne  et,  en  dehors ,  un.  sillon  lon¬ 
gitudinal  ,  dont  on  voit  également  des  traces  dans  le  squalodon  de  Barie.  Ce 
sillon  ne  présente  qu’une  courte  étendue  et  se  perd  entièrement  en  avant. 


Maxillaire  inférieur. 

Nous  connaissons  cet  os,  dans  une  grande  partie  de  sa  largeur,  par  divers 
fragments. 

Nous  possédons  d’abord  le  bout  du  côté  gauche ,  mais  il  est  malheureuse¬ 
ment  trop  mutilé  pour  bien  juger  de  la  disposition  des  dents  incisives  anté¬ 
rieures.  Nous  avons  tout  lieu  de  croire  cependant,  à  en  juger  par  le  bout 
des  alvéoles  antérieures,  que  les  deux  premières  dents  sont  placées,  comme 
celles  de  dessus,  dans  l’axe  même  de  cet  os.  Les  racines  que  ce  fragment  a 
logées  sont  placées  obliquement.  Il  n’est  pas  sans  intérêt  de  faire  remarquer 
que  l’alvéole  qui  loge  la  quatrième  dent  est  notablement  plus  grande  que 
les  autres  et,  d’après  sa  situation,  c’est  elle  qui  doit  représenter  la  canine 
inférieure. 

Dans  ce  fragment  que  nous  avons  fait  figurer  en  place  du  côté  droit, 
nous  découvrons  les  traces  de  quatre  dents  antérieures  et  les  rapports  que 
montrent  les  racines  entre  elles. 

Les  deux  branches  du  maxillaire  inférieur  sont  soudées  sur  une  grande 
partie  de  leur  longueur,  de  manière  que  la  symphyse  est  extraordinairement 
développée.  Elle  va  jusqu’à  la  hauteur  des  vraies  molaires. 

Nous  voyons  dans  les  deux  fragments  qui  forment  la  partie  postérieure  de 
la  symphyse,  à  gauche ,  les  alvéoles  de  quatre  dents  molaires,  et  à  droite, 
celles  au  moins  de  six.  Les  racines  de  quelques-unes  de  ces  dents  sont 
encore  en  place,  mais  toutes  les  couronnes  ont  disparu. 

Toutes  ces  dents  sont  régulièrement  espacées,  et  entre  les  alvéoles  on  voit 
partout,  en  haut  et  en  dehors,  une  excavation  comme  si  un  doigt  y  avait 
laissé  les  traces  d’une  forte  pression. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


23 


Les  deux  branches  de  l’os  maxillaire  ne  se  touchent  pas  sur  toute  leur 
surface  le  long  de  la  symphyse  :  en  dessous,  entre  les  deux  os,  on  aperçoit 
une  profonde  échancrure. 

Les  deux  branches  de  cet  os  s’écartent  faiblement  en  arrière. 

Dans  un  fragment  qui  ne  montre  plus  que  la  moitié  externe  du  maxillaire, 
on  voit  en  dessous  des  alvéoles  un  très-large  canal  sur  toute  la  longueur  de 
l’os,  qui  s’ouvre  à  l’extérieur  à  la  distance  d’une  dizaine  de  centimètres 
du  bout  du  rostre.  Jusqu’à  présent,  nous  n’avons  pu  nous  faire  une  idée 
bien  claire  de  cette  conformation  dont  nous  ne  trouvons  pas  de  traces  sur 
les  autres  pièces. 

Entre  les  dents  molaires  on  aperçoit,  sur  la  face  externe  des  os  maxil¬ 
laires,  des  dépressions  produites  par  la  couronne  des  dents  supérieures. 
Ces  dépressions  sont  assez  profondes,  et  nous  ne  nous  souvenons  pas  d’en 
avoir  vu  de  semblables  sur  un  animal  vivant. 

Il  est  digne  de  remarque  que  les  rostres  ou  fragments  de  tête  que  l’on 
possède  sont  toujours  brisés  à  peu  près  dans  la  même  région  :  d’un  côté, 
à  l’endroit  où  les  prémolaires  à  une  racine  se  changent  en  molaires  véri¬ 
tables,  de  l’autre  côté,  à  l’endroit  où  l’os  incisif  est  uni  au  maxillaire.  Ainsi, 
la  tête  de  Lintz  est  brisée  de  manière  à  montrer  les  six  molaires  postérieures, 
comme  la  tête  de  Léognan ,  tandis  que  le  rostre  de  Barie  est  fracturé  là  où 
les  os  incisifs  se  soudent  aux  maxillaires ,  absolument  comme  un  des  frag¬ 
ments  du  rostre  d’Anvers. 

Ce  n’est  pas  l’effet  d’une  circonstance  fortuite  que  ces  fractures  iden¬ 
tiques  dans  les  têtes  de  Léognan,  de  Lintz  et  d’Anvers.  U  y  a  une  raison, 
et  cette  raison  doit  se  trouver  dans  la  disposition  anatomique  des  os.  En 
effet,  le  bout  du  rostre  est  évidemment  le  plus  faible  à  l’endroit  où  les 
intermaxillaires  s’unissent  aux  maxillaires,  et  c’est  dans  cette  région  que 
les  os  se  brisent  quand  ils  sont  pendant  quelque  temps  le  jouet  des 
vagues.  C’est,  en  effet,  entre  les  dents  incisives  et  la  canine  que  la 
fracture  a  toujours  lieu.  C’est  pour  ainsi  dire  l’os  incisif  qui  se  sépare  du 
maxillaire. 

On  comprend  également  que  le  rostre  se  soit  brisé  au  milieu  entre  les 
prémolaires  et  les  molaires  véritables ,  parce  que  plus  en  arrière  il  se  ren- 


24 


SUR  LES  OSSEMEMS 


force  insensiblement  jusqu’à  l’orifice  des  évents.  On  voit  parfaitement  où  le 
rostre  doit  se  fracturer. 

Nous  avons  soumis  les  divers  os  de  Squalodon  d’Anvers  à  un  examen 
rigoureux,  pour  connaître  les  proportions  de  ce  singulier  animal.  Voici  le 
résultat  de  ces  mesures  : 

Grateloup  accorde  vingt-deux  à  vingt-trois  pouces  de  longueur  au  museau 
du  squalodon  qui  porte  son  nom;  sa  longueur  réelle  est  de  dix-huit  pouces, 
et  il  suppose  que  la  portion  qui  manque  avait  de  quatre  à  cinq  pouces. 
Ainsi ,  d’après  Grateloup ,  la  tête  de  squalodon  de  Léognan  a  environ 
soixante  centimètres. 

Cette  longueur  diffère  considérablement  de  celle  que  M.  Jourdan  attribue 
à  la  tête  trouvée  à  Barie.  M.  Jourdan  lui  attribue  la  longueur  d’un  mètre 
cinq  centimètres;  mais  il  y  a  évidemment  exagération.  Cette  tête  a  une 
vingtaine  de  centimètres  de  moins.  Nous  avons  jugé  sa  longueur  en  ajou¬ 
tant  le  bout  du  rostre  que  l’on  croyait  perdu,  et  la  proportion  que  l’on 
obtient  par  cette  ajoute  correspond  à  la  longueur  que  l’on  accorderait  par 
analogie.  La  longueur  que  M.  Jourdan  accorde  au  rostre  serait  en  dispro¬ 
portion  avec  le  volume  du  crâne. 

11  est  à  remarquer  que  celte  longueur  que  nous  leur  accordons  est  beau¬ 
coup  mieux  en  rapport  aussi  avec  le  nombre  de  dents  caniniformes,  dont  les 
maxillaires  sont  armés. 

La  longueur  du  rostre,  depuis  les  évents  jusqu’au  bout  de  l’intermaxil- 
laire  ou  la  couronne  des  dents  incisives  antérieures ,  est  de  soixante-trois  à 
soixante-quatre  centimètres.  La  longueur  du  rostre,  à  partir  de  la  dernière 
molaire,  est  de  quarante-huit  centimètres. 

La  longueur  totale  de  la  tète  est  de  quatre-vingt-trois  centimètres. 

La  hauteur  du  crâne,  vers  le  milieu  de  l’arcade  zygomatique,  est  de  vingt 
et  un  à  vingt-deux  centimètres.  L’épaisseur  de  cette  portion  du  temporal 
qui  forme  celte  arcade  est  de  cinq  centimètres. 

La  hauteur  du  maxillaire  inférieure  en  arrière  est  de  quinze  à  seize 
centimètres. 

Ces  mesures  sont  prises  sur  une  tète  que  nous  avons  reconstruite  d’après 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


25 


un  fragment  de  maxillaire  inférieur  d’un  animal  de  la  plus  forte  taille. 

Il  y  a  ainsi  une  vingtaine  de  centimètres  de  différence  dans  la  longueur 
des  deux  têtes  de  Léognan  et  de  Barie. 

La  portion  de  tête  de  squalodon  de  Lintz  mesure  à  peu  près  cinquante 
centimètres.  Cette  tête  est  plus  forte  que  celle  de  Barie.  La  longueur  totale 
ne  devait  pas  être  beaucoup  au-dessous  d’un  mètre. 

Voilà  donc  trois  dimensions  différentes. 

Si  nous  comparons  à  ces  pièces  connues  les  portions  de  tête  observées  à 
Anvers,  nous  trouvons  d’abord  une  bonne  portion  de  maxillaire  supérieur 
avec  les  dents  qui  indique  une  taille  se  rapprochant  de  celle  du  Squalodon 
de  Barie ,  puis  une  portion  de  maxillaire  inférieur  dont  la  symphyse  indi¬ 
quant  un  animal  ayant  la  moitié  de  plus  que  l’autre  en  longueur. 

A  en  juger  par  les  débris  que  nous  avons  recueillis,  et  que  nous  n’avons 
aucune  raison  d’attribuer  à  des  animaux  d’âge  différent,  la  mer  du  crag 
nourrissait  des  squalodons  de  trois  grandeurs  différentes.  Celui  dont  nous 
possédons  le  plus  de  débris  devait  avoir  à  peu  près  une  longueur  totale  de 
quatre  mètres.  Le  plus  grand,  dont  nous  possédons  un  fragment  de  maxillaire 
inférieur,  pouvait  avoir  un  mètre  de  plus.  Et  le  plus  petit,  dont  nous  avons  le 
palais  et  les  molaires  postérieures,  devait  avoir  à  peu  près  un  mètre  et  demi 
de  moins  que  le  précédent. 


DENTS. 


La  connaissance  des  dents  est  un  point  extrêmement  important  de  Fhis- 
toire  des  mammifères,  et  plus  particulièrement  encore  de  ceux  dont  les  affi¬ 
nités  ne  sont  pas  positivement  établies.  Le  système  dentaire  des  squalodons 
est  encore  loin  d’être  bien  déterminé,  et  l’on  comprend  que  nous  attachions 
de  l’importance  à  bien  connaître  ces  organes  de  la  mastication  dans  tous  leurs 
détails.  Il  ne  peut  y  avoir  la  moindre  modification  dans  ces  corps  qui  n’ait 
une  importance  réelle  et  ne  se  manifeste  dans  toute  l’étendue  de  l’organisme. 

Presque  tous  les  auteurs  qui  ont  parlé  de  ces  animaux  leur  ont  accordé 
Tome  XXXV.  4 


26 


SUR  LES  OSSEMENTS 


deux  sortes  de  dents.  Nous  avons  été  nous-même  du  nombre.  Il  est  vrai ,  il 
n’y  a  à  proprement  parler  que  deux  formes  de  dents,  en  faisant  abstraction 
des  deux  antérieures  :  les  unes  en  forme  de  crocs  et  semblables  à  des  canines; 
les  autres  en  forme  de  pyramides  crénelées  sur  leur  bord,  correspondant  , 
par  leur  place,  leurs  racines  et  leurs  formes,  aux  vraies  molaires.  Mais  n'v 
a-t-il  pour  cela  que  deux  sortes  de  dents,  comme  on  l’a  dit?  Nous  ne  le 
pensons  pas.  Il  faut  évidemment  leur  accorder  les  trois  sortes  comme  aux 
carnassiers  véritables,  puisque  l’os  intermaxillaire,  parfaitement  distinct  au 
bout  du  rostre,  loge  des  dents  dans  des  alvéoles  complètement  isolées,  qj 
dont  tous  les  caractères  les  assimilent  aux  dents  incisives. 

Nous  avons  reçu  en  communication  un  bout  de  rostre  avec  plusieurs  dents 
encore  en  place.  Le  maxillaire  est  parfaitement  séparé  de  l’intermaxillaire, 
et  on  voit  distinctement  que  celui-ci  porte  six  dents.  Ce  sont  bien  des  dents 
incisives.  La  dent  suivante,  un  peu  plus  forte,  surtout  au  maxillaire  inférieur, 
est  une  canine;  celle  de  dessous  vient  se  placer  au-devant  de  la  première 
dent  qui  est  logée  dans  le  maxillaire  supérieur  :  ce  sont  évidemment  les  deux 
canines.  Les  dents  suivantes,  quelles  que  soient  leurs  formes,  sont  des 
molaires  que  l’on  peut  fort  bien  répartir  en  prémolaires  et  en  molaires  véri¬ 
tables. 

Le  rostre  de  ces  animaux  est  formé,  ainsi  que  nous  l’avons  dit  plus  haut, 
comme  celui  des  crocodiliens  parmi  les  reptiles,  c’est-à-dire  que  les  inter¬ 
maxillaires  forment  à  eux  seuls  toute  la  pointe,  et  que  les  maxillaires  se 
terminent  en  avant  à  une  assez  grande  distance  de  l’extrémité  libre. 

Les  os  intermaxillaires  forment  en  avant,  et  sans  le  concours  des  maxil¬ 
laires,  les  parois  de  la  longue  gouttière  au  milieu  de  laquelle  se  loge  le 
cordon  cartilagineux  qui  termine  en  avant  le  corps  de  l’ethmoïde. 

Bénis  incisives.  —  Les  dents  incisives  sont  au  nombre  de  six  à  chaque 
mâchoire  et,  sauf  les  deux  antérieures,  elles  sont  à  peu  près  toutes  sem¬ 
blables  tant  par  leur  forme  que  par  leur  direction  et  leur  volume. 

La  couronne  est  en  forme  de  croc  comme  une  canine  ordinaire.  Elle  est 
légèrement  comprimée  et  se  divise  en  face  externe  et  face  interne,  entre 
lesquelles  on  distingue  un  repli  sur  le  bord  postérieur.  Toute  la  surface 


PROVENANT  DE  CRAG  D’ANVERS. 


27 


de  la  couronne  est  entourée  d’une  même  couche  d’émail,  couverte  de  sillons 
séparés  les  uns  des  autres  par  un  même  espace  (un  millimètre),  et  qui 
s’étendent  du  collet  à  la  pointe.  Toute  la  surface  de  l’émail  a  conservé  son 
brillant.  La  pointe  de  toutes  ces  dents  est  usée  par  la  mastication. 

Toutes  ces  dents  laissent  un  espace  régulier  entre  elles  que  l’on  peut 
évaluer  au  sommet  à  trente  millimètres. 

Une  ligne  de  démarcation  assez  nettement  tranchée  sépare  la  racine  de 
la  couronne. 

La  racine  de  toutes  les  incisives  est  très-grande  et  atteint  jusqu’à  deux 
et  trois  fois  la  longueur  de  la  couronne.  Elles  sont  insérées  obliquement 
dans  de  profondes  alvéoles. 

Ces  dents  sont  généralement  massives  ou  creusées  légèrement  au  milieu  ; 
la  pointe  est  sans  excavation  et  se  courbe  toujours  de  manière  à  se  placer 
dans  l’axe  même  des  mandibules. 

La  dent  est  toujours  plus  grosse  au  haut  de  la  racine  qu’au  collet  et  à  la 
couronne.  Elle  est  légèrement  comprimée  au  collet,  mais  elle  s’arrondit  à 
mesure  qu’on  approche  du  bout. 

Au  sortir  de  l’alvéole  toutes  ces  dents  se  courbent  légèrement  ,  et  la  tronca¬ 
ture  de  la  couronne  est  toujours  horizontale. 

Chaque  dent  a  de  neuf  à  dix  centimètres  de  longueur,  dont  la  racine 
occupe  les  deux  tiers. 

Les  deux  incisives  de  devant  sont  un  peu  plus  longues  et  plus  fortes  que  . 
les  autres,  et  on  peut  les  considérer,  puisque  les  lèvres  ne  pouvaient  les 
couvrir,  comme  de  petites  défenses.  La  racine  seule  a  neuf  centimètres  de 
longueur.  Elle  est  à  peu  près  droite  et  son  alvéole  s’étend  directement  d’avant 
en  arrière.  Ces  dents  sont  très-rapprochées  l’une  de  l’autre,  et  comme  elles 
occupent  presque  toute  l’épaisseur  de  l’os,  il  ne  reste  autour  de  chaque 
racine  qu’une  fort  mince  couche  de  tissu  osseux.  Ce  sont  les  racines  des 
dents  qui  donnent  la  solidité  aux  mandibules. 

Ces  dents  sont  malheureusement  brisées  dans  l’échantillon  que  nous  pos¬ 
sédons,  mais  de  la  racine  on  peut  parfaitement  conclure  à  la  couronne,  et 
nous  n'hésitons  pas  à  affirmer  que  celle-ci  est  plus  forte  que  la  couronne  des 
autres  incisives,  en  même  temps  qu’elle  est  plus  régulièrement  arrondie.  La 


28 


SUR  LES  OSSEMENTS 


bordure  qui  se  trouve  dans  les  autres  incisives,  en  avant  et  en  arrière  de  la 
couronne,  se  trouve  ici  en  dedans  et  en  dehors. 

Dans  la  tète  trouvée  à  Barie  les  dents  incisives  sont  encore  en  place  et 
leur  disposition  confirme  l’idée  que  nous  nous  étions  faite  de  leur  longueur 
comme  de  leur  volume  et  de  leur  direction.  Ce  que  nous  n’avions  pu  pré¬ 
voir,  c’est  que  leur  couronne  est  fortement  et  irrégulièrement  usée,  et  il  n'est 
pas  douteux,  comme  le  fait  observer  M.  Paul  Gervais,  que  cette  usure  ne 
date  du  vivant  de  l’animal.  Ces  dents  proéminentes  étaient  plus  exposées 
que  les  autres  au  bris  et  à  l’usure,  comme  la  défense  courbée  de  l'éléphant 
ou  la  défense  droite  du  narval. 

Nous  ne  sommes  pas  en  possession  de  dents  incisives  inférieures  de  squa- 
lodon,  mais  heureusement  nous  avons  un  fragment  de  maxillaire  inférieur, 
dont  les  alvéoles  nous  font  comprendre  les  dents. 

Dans  celte  pièce  nous  voyons,  au-devant  de  l’alvéole  que  nous  regar¬ 
dons  comme  une  alvéole  de  canine,  trois  autres  alvéoles  placées  comme  dans 
l’intermaxillaire,  et  dont  la  forme  comme  la  courbure  indiquent  des  dents 
semblables  aux  incisives  supérieures,  sans  même  en  excepter  les  défenses. 

Le  fragment  de  squalodon  décrit  par  Gervais  confirme  entièrement  cette 
supposition. 

Nous  avons  eu  sous  les  yeux  trois  dents,  trouvées  également  à  Anvers 
dans  le  crag  noir,  et  dont  les  caractères  les  plus  importants  les  rapprochent 
des  squalodons. 

La  racine  est  comparativement  courte,  très-renflée  vers  le  milieu,  creuse 
jusqu’à  la  couronne  et  large  à  sa  base.  La  surface  en  est  aussi  unie  à  l'inté¬ 
rieur  qu’à  l’extérieur. 

Toute  la  dent  est  arrondie,  présentant  tout  au  plus  une  légère  compression 
vers  le  sommet  de  la  couronne  qui  est  entière. 


PROVENANT  DU  CRAG  D  ANVERS. 


29 


La  surface  de  la  couronne  n’est  pas ,  à  proprement  parler,  striée  comme 
les  dents  connues  de  squalodon;  cette  surface  est  au  contraire  légèrement 
chagrinée ,  laissant  apercevoir  au  toucher  une  légère  rugosité. 

De  deux  côtés  elle  porte  un  léger  repli  qui  aboutit  à  la  pointe  et  qui  divise 
la  couronne  en  deux  moitiés  égales.  En  arrière,  ce  repli  se  perd  avant  d’at¬ 
teindre  le  collet. 

Dans  les  deux  autres,  dont  l’une  est  au  musée  Teylerien  de  Haarlem,  le 
repli  de  la  couronne  est  aussi  parfaitement  distinct  et  n’occupe,  comme  dans 
celle  dont  nous  venons  de  parler,  qu’une  partie  de  la  longueur  de  la  cou¬ 
ronne.  L’émail  en  est  également  brillant,  mais  toute  la  surface  est  un  peu 
plus  régulièrement  striée. 

En  considérant  le  peu  de  développement  de  la  racine  et  la  forme  de  sa 
cavité,  il  n’est  guère  douteux  que  ces  dents  ne  proviennent  d’un  jeune 
animal;  c’est  ce  que  la  couronne  et  les  deux  replis  qui  la  couvrent  font  éga¬ 
lement  supposer.  Ce  sont  peut-être  de  jeunes  défenses. 

Dents  canines.  —  Si  nous  attribuons  des  dents  canines  à  ces  animaux  ma¬ 
rins,  ce  n’est  point,  comme  nous  l’avons  dit,  qu’elles  affectent  une  forme 
particulière  et  qu’elles  fonctionnent  autrement  que  les  incisives  et  les  pré¬ 
molaires,  mais  parce  que  les  premières  dents  qui  suivent  les  incisives  méritent 
ce  nom. 

Ces  dents  canines  sont  en  tout  semblables,  par  la  racine  unique  comme 
par  la  forme  de  la  couronne,  ainsi  que  les  replis  et  la  pointe,  à  celles  qui 
les  précèdent  comme  aux  premières  molaires  qui  les  suivent. 

A  la  mâchoire  inférieure,  à  en  juger  par  l’alvéole  du  moins,  la  dent  canine 
doit  être  plus  forte  qu’à  la  mâchoire  supérieure,  et  la  forme  ainsi  que  la  di¬ 
rection  pourraient  ne  pas  être  entièrement  semblables.  La  direction  de  l’al¬ 
véole  diffère  des  autres  aussi  bien  que  sa  grandeur. 

C’est  un  fragment  de  maxillaire  inférieur  dont  les  alvéoles  sont  bien  con¬ 
servées,  qui  nous  fait  comprendre  la  disposition  de  ces  premiers  organes  de 
mastication. 

Comme  ce  morceau  de  maxillaire  inférieur  ne  présente  d’autres  caractères 
que  ceux  fournis  par  les  alvéoles,  nous  n’avons  eu,  pour  nous  guider  dans 
la  place  qu’il  devait  occuper,  que  leur  arrangement  ,  la  disposition  des  sur- 


30 


SUR  LES  OSSEMENTS 


faces  et  le  diamètre  de  l’os.  Après  lui  avoir  assigné  sa  place  au-dessous  du 
rostre,  nous  avons  trouvé  que  la  grande  alvéole  s’ouvrait  au-devant  de  la 
canine  supérieure,  et  que  les  deux  dents  prennent  leur  véritable  place . 
c’est-à-dire  la  canine  inférieure  au-devant  de  la  canine  supérieure. 

Dents  molaires.  —  Les  dents  molaires  sont  de  deux  sortes  :  les  unes,  les 
antérieures,  sont  à  une  seule  racine,  et  leur  couronne  est  caniniforme,  les 
autres  sont  à  deux  racines,  et  la  couronne  est  comprimée  et  à  bords  crénelés. 

Les  premières  ou  les  prémolaires  ne  se  trouvent  plus  en  place  dans  le 
Squalodon  d’Anvers,  mais  leurs  alvéoles  sont  parfaitement  connues,  et  on 
peut  juger  par  elles  de  la  racine  comme  de  la  couronne.  En  dessus  comme 
en  dessous  il  existe ,  pensons-nous,  quatre  prémolaires  de  la  même  forme  que 
les  incisives  et  les  canines,  de  manière  que  chaque  mâchoire  porte  en  avant 
huit  dents  en  crocs,  dont  trois  incisives,  une  canine,  et  quatre  molaires. 

Les  dents  molaires  et  prémolaires  à  une  seule  racine  changent-elles  brus¬ 
quement  quant  à  la  forme  de  la  couronne  et  à  la  disposition  de  leurs  racines? 
Les  molaires  sont-elles  toutes  à  couronne  comprimée  étagée  et  à  double 
racine?  Les  prémolaires  (M.  Jourdan  ne  parle  que  de  ces  deux  sortes)  sont- 
elles  toutes  semblables  entre  elles  par  la  couronne  et  par  la  racine? 

Quand  je  dis  que  ces  quatre  prémolaires  sont  parfaitement  semblables  les 
unes  aux  autres,  cela  n’est  pas  tout  à  fait  exact.  Depuis  la  première,  qui  est 
en  tout  pareille  par  la  couronne  et  la  racine  à  la  dent  canine,  à  la  dernière, 
il  existe  une  transition  insensible,  de  manière  que  l’on  peut  assigner  sa  place 
véritable  à  chacune  de  ces  dents  ;  il  suffît  pour  cela  de  consulter  sa  ressem¬ 
blance  plus  ou  moins  grande  avec  la  canine  ou  la  première  molaire. 

La  couronne  des  premières  dents  molaires  est  simplement  bordée  d’abord, 
elle  est  finement  denticulée  dans  les  suivantes,  puis  régulièrement  crénelée 
vers  le  milieu  de  la  mâchoire;  la  racine,  unique  en  avant,  s’aplatit  ensuite, 
perd  de  sa  longueur,  s’étend  en  largeur  et  enfin  se  bifurque  vers  le  milieu  de 
l’os  maxillaire. 

Toute  dent  franchement  crénelée  est  à  double  racine  ou  didyme. 

Une  molaire  libre  m’a  été  communiquée  par  un  de  mes  amis.  Elle  a  la 
couronne  assez  petite ,  le  collet  fort  sinueux  et  la  racine  singulièrement  con- 


PROVENANT  DU  GRAG  D’ANVERS. 


51 


tournée  sans  être  fort  longue.  L’émail  présente  en  avant  et  en  arrière  une 
bordure  finement  crénelée.  La  dent  est  creuse  à  l’intérieur.  C’est  probable¬ 
ment  l’avant-dernière  prémolaire. 

J’ai  eu  entre  les  mains  encore  une  dent  en  tout  semblable  à  la  précédente. 

La  dent  la  plus  intéressante  est  la  quatrième  molaire,  celle  qui  fait  la 
transition,  par  sa  couronne  comme  par  sa  racine,  entre  les  dents  en  croc  et 
les  dents  crénelées. 

Dans  les  vrais  zeuglodons  toutes  les  dents  molaires  sont  crénelées  et  à 
deux  racines. 

La  racine  des  vraies  molaires  est,  relativement  aux  autres,  courte  et  fort 
large;  vers  le  milieu  de  la  longueur  elle  s’aplatit  considérablement,  et  une 
légère  dépression  indique  l’origine  des  deux  racines  qui  caractérisent  les 
vraies  molaires.  C’est  la  disposition  que  l’on  trouve  dans  les  molaires  des 
jeunes  phoques.  Il  n’y  a  encore  qu’une  seule  cavité  dans  la  racine. 

Cette  dent  a  la  couronne  comprimée,  son  bord  antérieur  et  postérieur 
aminci  et  un  commencement  de  crénelures  apparaît  sur  les  bords.  La  pointe 
est  usée  comme  dans  les  autres.  Des  stries  fines  recouvrent  toute  la  surface 
de  la  couronne. 

J’ai  vu  deux  de  ces  dents  de  transition,  une  au  musée  Teylerien  de 
Haarlem ,  une  autre  entre  les  mains  d’un  ami. 

Malgré  la  grande  diversité  des  deux  sortes  de  dents  dans  les  zeuglodons, 
on  voit  cependant  une  transition  des  unes  aux  autres,  à  en  juger  par  la 
figure  que  J.  Müller  donne  d’une  de  ces  dents  L 

En  comparant  les  dents  de  dessus  à  celles  de  dessous,  nous  voyons  que 
la  canine  inférieure  prend  sa  place  véritable,  mais  si  nous  ne  nous  trom¬ 
pons  ,  la  première  vraie  molaire  inférieure  est  située  derrière  la  première 
molaire  supérieure. 

Les  molaires  véritables  sont  à  double  racine,  et  leur  aspect  diffère  telle¬ 
ment  des  autres,  qu’à  moins  de  les  voir  réunies,  on  n’aurait  jamais  soupçonné 
qu’elles  vinssent  du  même  animal. 

Ces  dents  molaires  sont,  si  nous  ne  nous  trompons,  de  chaque  côté  au 
nombre  de  sept;  elles  sont  toutes  zeuglodontes.  Les  quatre  dernières  sont 

1  Ueber  die  fossilen  Reste  der  Zeuglodonten  von  Nord  America,  pl.  XV,  fig.  5. 


32 


SUR  LES  OSSEMENTS 


seules  rapprochées  de  manière  à  ne  pas  laisser  d’intervalle.  L'espace  aug¬ 
mente  insensiblement  de  la  cinquième  à  la  sixième,  puis  à  la  septième,  et  la 
première  molaire  est  séparée  de  la  dernière  prémolaire,  comme  ces  der¬ 
nières  le  sont  entre  elles.  Nous  figurons  ici  une  molaire  complète. 


Seconde  dent  molaire  de  droite  :  a.  Bord  antérieur,  b.  Bord  postérieur. 

Les  racines  ne  sont  pas  séparées  jusqu’à  la  couronne;  la  postérieure  est 
un  peu  plus  forte  que  l’autre,  surtout  à  la  base.  Ces  deux  racines  s’implantent 
obliquement  dans  une  grande  alvéole  ,  cloisonnée  plus  ou  moins  complète¬ 
ment;  elles  s’élèvent  jusqu’à  la  moitié  de  la  hauteur  du  maxillaire,  puis  se 
recourbent  assez  brusquement  tout  en  conservant  leur  distance. 

Ces  racines  sont  toutes  pleines. 

Toutes  ces  dents,  au  lieu  d’être  verticales,  sont  implantées  obliquement 
dans  le  maxillaire,  de  manière  à  former  avec  le  palais  un  angle  obtus.  Cet 
angle  semble  varier  d’un  animal  à  l’autre. 

Il  a  fallu  de  fortes  lèvres  pour  couvrir  des  dents  aussi  fortement  proémi¬ 
nentes. 

La  couronne  de  ces  dents  est  aplatie  et  de  forme  triangulaire.  Si  on 
faisait  la  coupe  au  collet  de  la  dent  molaire  la  présence  de  deux  racines  ne 
serait  que  très-faiblement  indiquée,  contrairement  à  ce  que  nous  montre 
le  zeudodon. 


PROVENANT  DU  CRAG  D  ANVERS. 


33 


En  regardant  une  molaire  en  place  d’avant  en  arrière,  c’est-à-dire  sur  son 
côté  tranchant,  c’est  à  peine  si  on  pourrait  la  distinguer  d’une  prémolaire. 
Ces  dents  ont  à  peu  près  toutes  la  même  direction  et  la  même  courbure. 

Il  en  est  encore  de  même  de  sa  surface  interne;  si  ce  n’est  qu’elle  est 
plus  large  à  la  base,  on  ne  la  distinguerait  pas,  la  surface  étant  couverte 
d’une  couche  d’émail  tout  à  fait  semblable  et  régulièrement  striée  comme 
dans  les  prémolaires.  La  pointe  même  est  aplatie  de  la  même  manière. 

La  face  externe  offre  au  contraire  un  tout  autre  aspect.  Elle  montre 
d  abord  l’échancrure  au  milieu ,  qui  est  le  commencement  de  la  séparation 
des  deux  racines,  mais  c’est  surtout  la  surface  plutôt  ridée  que  régulière¬ 
ment  striée  qui  la  distingue. 

Au  fond  cependant  ces  différences  entre  les  deux  surfaces  ne  sont  pas 
fort  importantes  :  en  braquant  une  loupe  sur  la  couronne,  on  voit  le  collet 
finement  strié  des  deux  côtés,  et  de  ces  stries  sortent  des  replis  de  plus  en 
plus  importants,  dont  l’aspect  rappelle  certaines  algues  marines. 

Voici  maintenant  ce  que  ces  dents  offrent  de  plus  caractéristique.  Il 
existe  un  bourrelet  sur  le  bord  antérieur  comme  dans  les  dents  caniniformes, 
mais,  au  lieu  de  s’étendre  régulièrement  du  collet  au  sommet  de  la  cou¬ 
ronne  ,  ce  bourrelet  montre  des  nœuds  tout  près  du  collet  surtout,  et  l’on 
voit  une  partie  de  la  substance  osseuse  de  la  dent  à  nu,  comme  si  les  deux 
couches  n’avaient  pu  se  rejoindre  complètement. 


Bord  anterieur  d'une  dent  molaire. 


Le  bord  postérieur  présente  non  pas  précisément  des  dentelures  formant 
Tome  XXXV.  5 


34 


SUR  LES  OSSEMENTS 


divers  étages,  mais  des  pointes  usées  comme  la  pointe  principale,  autour 
desquelles  on  voit  l’émail  se  conduire  exactement  de  la  même  manière. 


Bord  postérieur  d'une  dent  molaire. 


Dans  une  dent  parfaitement  conservée,  le  bord  antérieur  présente  tout 
près  du  collet  deux  éminences  très-petites,  tandis  que  le  bord  postérieur  en 
a  quatre  toutes  également  développées,  qui  rappellent  les  ventouses  situées 
en  rang  sur  le  bras  des  céphalopodes. 

Sur  trois  vraies  molaires  qui  sont  conservées  avec  un  fragment  de  maxil¬ 
laire  supérieur,  la  première  présente  sur  son  bord  antérieur,  en  haut,  une 
dentelure  usée,  puis  un  espace  entre  les  couches  d’émail  qui  restent  écartées 
comme  deux  lèvres;  le  bord  postérieur  a  quatre  tubercules  usés.  La  dent 
suivante  montre  les  deux  couches  d’émail  écartées  sur  le  bord  antérieur  et 
sur  le  bord  postérieur,  mais  sur  ce  dernier  bord  on  voit  encore  les  traces 
de  trois  tubercules.  La  troisième  dent  est  à  peu  près  comme  la  seconde. 

11  est  à  remarquer  que  le  sommet  de  ces  trois  dents  est  plus  usé  que  dans 
les  autres. 

L’étude  des  crénelures  offre  un  intérêt  réel.  En  général,  le  bord  antérieur 
des  molaires  est,  comme  chez  les  phoques,  moins  crénelé  que  le  bord  pos¬ 
térieur.  La  dent  antérieure  du  Squalodon  Grateloupii  n’a  qu’une  dentelure 
en  avant,  mais  cinq  en  arrière;  l’antépénultième  en  a  deux  en  avant  et  le 
même  nombre  en  arrière;  puis  les  deux  dernières  semblent  en  conserver 
trois  en  avant,  tandis  qu’en  arrière  le  nombre  diminue.  Les  deux  dernières 
en  auraient  ainsi  trois  et  quatre. 


PROVENANT  DU  GRAG  D’ANVERS. 


Les  deux  dernières  dents  de  Lintz,  qui  sont  restées  en  place,  montrent  le 
même  nombre  trois  sur  les  deux  bords.  Nous  nous  permettrons  de  faire 
observer  que  nous  avons  fixé  particulièrement  notre  attention  sur  ce  point, 
et  cela  la  loupe  à  la  main. 

Une  dent  molaire  isolée  d’un  individu  assez  petit,  que  M.  Erdlicher  nous 
a  montrée  au  moment  de  quitter  Lintz,  a  le  bord  antérieur  à  peine  ondulé, 
mais  le  bord  postérieur  porte,  vers  le  collet,  deux  œillets  extrêmement  petits 
qui  échappent  facilement  à  l’observateur. 

Trois  dents  en  place.  —  Le  musée  de  Bruxelles  est  en  possession  d’un 
beau  fragment  de  maxillaire  supérieur,  montrant  trois  dents  molaires  com¬ 
plètes,  dont  les  bords  me  semblent  mériter  une  attention  particulière. 

C  est  sans  doute  un  effet  de  Page  et  de  l’usure,  que  la  transformation  des 
dentelures  en  œillets  et  de  ceux-ci  en  bords  ondulés;  mais  il  n’en  est  pas 
moins  vrai  que  ces  modifications  permettent  de  reconnaître  la  place  relative 
de  chaque  molaire. 

Dans  toutes  ces  dents  les  deux  bords,  antérieur  et  postérieur,  diffèrent 
beaucoup  entre  eux;  souvent  le  caractère  propre  de  squalodon  n’apparaît 
que  sur  le  bord  postérieur. 

La  première  molaire  a  son  bord  antérieur  sans  crénelures  ni  œillets,  mais 
la  base,  ou  le  voisinage  de  la  couronne,  est  dépourvue  d’émail,  et  les  lèvres 
sont  ondulées  de  manière  à  faire  soupçonner  qu’il  y  a  eu  trois  dentelures 
complètement  usées.  / 


Bord  antérieur  de  la  première  molaire  conservée  en  place. 


Vers  la  pointe  l’émail  est  complet.  Le  bord  postérieur  de  la  même  dent 


36 


SUR  LES  OSSEMENTS 


porte  quatre  œillets  complètement  séparés,  dont  le  supérieur  est  le  plus  petit , 
et  les  autres  diminuent  en  diamètre  de  la  couronne  à  la  pointe. 


Bord  postérieur  de  la  première  molaire. 


La  seconde  molaire  a  les  lèvres  de  l’émail  écartées  dans  toute  la  longueur 
sur  le  bord  antérieur 


\ 


Bord  antérieur  de  la  seconde  molaire. 

comme  sur  le  bord  postérieur. 


Bord  postérieur  de  la  seconde  molaire. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


57 


Les  lèvres  de  ce  bord  indiquent  l’existence  de  trois  œillets  ou  dentelures. 
La  troisième  molaire, 


Bord  antérieur  de  la  troisième  molaire. 


tout  en  conservant  en  haut  et  en  avant  un  tout  petit  œillet,  a  les  lèvres 
d’émail  fortement  écartées,  surtout  vers  la  pointe,  tandis  que  le  bord  pos¬ 
térieur  ressemble  complètement  à  la  dent  précédente. 


Bord  postérieur  de  la  troisième  molaire. 


Ces  dents  sont  figurées  de  grandeur  naturelle  et  se  suivent  dans  l’os 
maxillaire. 

On  peut  donc  distinguer  les  molaires  entre  elles;  on  peut  reconnaître  le 
bord  antérieur  aux  dentelures  moins  nombreuses ,  mais  nous  ne  connaissons 
pas  le  moyen  de  distinguer  les  molaires  supérieures  des  inférieures.  Aussi 
nous  ne  savons  si  le  fameux  morceau  de  maxillaire ,  figuré  par  Scilla ,  est 
d’un  maxillaire  supérieur  ou  inférieur. 

Nous  connaissons  en  tout  six  dents  molaires  de  squalodon  à  Anvers ,  dont 
quatre  sont  encore  en  place.  Nous  venons  de  faire  connaître  les  trois  prin¬ 
cipales  ,  qui  appartiennent  au  côté  gauche. 


38 


SUR  LES  OSSEMENTS 


Une  quatrième  dent  molaire  du  côté  opposé,  c’est-à-dire  de  droite,  a  la 
même  dimension  et  provient  peut-être  du  même  individu.  C'est  une  molaire 
véritable ,  mais  une  des  premières  en  avant. 

La  racine  postérieure  est  beaucoup  plus  forte  que  l’antérieure. 


Le  bord  antérieur,  comme  on  le  voit  dans  la  figure  ci-dessus,  a  les  deux 
lèvres  d’émail  encore  rapprochées,  sauf  dans  le  voisinage  du  collet.  En  des¬ 
sous  de  la  commissure,  en  regardant  attentivement,  on  aperçoit  trois  petits 
œillets  assez  rapprochés  les  uns  des  autres.  Le  bord  postérieur  montre  égale¬ 
ment  trois  œillets,  mais  tout  en  étant  assez  grands,  ils  sont  cependant  plus 
petits  que  ceux  de  la  première  molaire  du  côté  opposé. 

En  tout  cas  ces  deux  molaires  se  correspondent. 

La  cinquième  est  une  des  premières  molaires  de  droite  enco  e  en  place 
dans  l’os  maxillaire  supérieur.  Au-devant  d’elle  on  voit  l’empreinte  d’une 
des  racines  de  la  molaire  précédente,  qui  est  également  encore  une  molaire 
véritable. 

Cette  molaire  appartient  à  un  individu  un  peu  moins  fort  que  celui  dont 
proviennent  les  quatre  dents  précédentes. 

Le  bord  antérieur  est  complet.  Les  lèvres  d’émail  ne  présentent  aucun 
écartement.  Près  du  collet  on  découvre  seulement  quelque  tendance  à  former 
des  bosselures ,  mais  elles  sont  petites  et  irrégulières. 

Le  bord  postérieur  de  cette  même  molaire  montre  des  dentelures  ou 
œillets  encore  complets  au  nombre  de  quatre.  Les  deux  œillets  moyens  sont 
les  plus  développés.  Le  plus  rapproché  de  la  pointe  se  distingue  à  peine  par 
sa  saillie,  et  le  supérieur  a  encore  moins  de  proéminence. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


59 


La  dernière  dent  molaire  dont  il  nous  reste  à  parler  paraît  provenir  du 
même  animal  que  les  quatre  premières.  Elle  est  fort  intéressante  par  ses 
deux  bords.  En  effet,  le  bord  antérieur  montre,  au  milieu,  une  lésion  de 
continuité  des  couches  d’émail,  qui  prend  la  forme  d’une  bouche  de  pla- 
giostonie,  tandis  qu’au  collet  les  deux  bords  sont  de  nouveau  écartés, 
comme  on  le  voit  dans  la  figure  ci-dessous. 


Le  bord  postérieur  présente  dans  cette  même  dent  quatre  œillets  com¬ 
plètement  séparés  :  les  trois  inférieurs  de  grandeur  égale,  le  supérieur  un 
peu  plus  petit. 

Cette  dent  semble  devoir  suivre  la  dent  isolée  que  nous  avons  considérée 
plus  haut  comme  une  quatrième  molaire. 

Toutes  les  dents  que  nous  possédons,  caniniformes  ou  sagittiformes ,  ont 
la  pointe  régulièrement  usée  par  la  mastication;  c’est  sans  doute  l’indice  du 
développement  adulte  des  individus  dont  elles  proviennent. 

Si  l’on  compare  entre  elles  ces  diverses  sortes  de  dents  crénelées,  connues 
jusqu’à  présent,  il  est  évident  qu’il  existe  entre  elles  des  différences  très- 
grandes,  dont  il  est  difficile  aujourd’hui  de  saisir  toute  l’importance.  Les 
dents  de  zeuglodon  sont  toutes  remarquables  par  le  nombre  et  par  la  forme 


40 


SUR  LES  OSSEMENTS 


des  crénelures,  .et  les  deux  bords  se  ressemblent  toujours  plus  que  dans  les 
squalodons. 

De  toutes  les  dents  de  ce  genre  trouvées  en  Europe,  ce  sont  celles  de 
Malte,  décrites  par  Scilla,  qui  se  rapprochent  le  plus  des  zeuglodons.  Ce 
sont  aussi  celles  qui  nous  semblent  les  plus  voisines  des  phoques. 

La  dent  figurée  par  Gervais,  pl.  VIIÏ,  fig.  11,  est  bien  différente  de  celle 
de  Scilla  et  de  celle  qu’il  a  figurée,  même  planche,  fig.  12  \ 

11  n’y  a  généralement  qu’une  seule  sorte  de  dents  dans  les  cétacés  souf¬ 
fleurs  :  c’est  ce  qui  diminue  l’intérêt  de  la  formule  dentaire  de  ces  animaux. 
Il  n’en  est  pas  de  même  dans  les  squalodons,  qui  ont  des  incisives  véritables, 
comme  nous  venons  de  le  dire,  des  canines  et  des  molaires. 

Grateloup ,  partant  de  l’idée  que  les  squalodons  sont  des  reptiles,  ne  s’est 
naturellement  pas  occupé  des  diverses  sortes  de  dents  de  ces  carnassiers. 
Î1  leur  accorde  dix  molaires  crénelées,  de  chaque  côté  et  à  chaque  mâchoire, 
ce  qui  est  évidemment  une  erreur.  Ces  organes  ne  sont  pas  non  plus  aussi 
régulièrement  placés  qu’il  le  pense.  Il  y  a  un  certain  espace  entre  eux,  mais 
cet  espace  n’est  pas  partout  le  même.  Les  squalodons  n’offrent  aucunement 
cette  régularité  des  squales. 

En  parlant  du  Squalodon  de  Grateloup,  M.  Fictet  se  borne  à  dire  que 
leurs  dents  sont  au  nombre  de  dix  de  chaque  côté.  Il  est,  du  reste,  difficile 
de  dire  autre  chose  d’après  le  rostre  de  Léognan. 

M.  Staring  s’est  également  occupé  des  diverses  sortes  de  dents,  mais 
il  n’a  connu  que  des  dents  isolées,  les  unes  des  molaires,  les  autres  des 
canines.  Le  savant  naturaliste  de  Haarlem  leur  accorde  cinq  bu  six  canines 
ou  plutôt  caniniformes,  et  huit  ou  neuf  molaires,  ce  qui  ferait  de  vingt  à 
vingt-quatre  des  premières,  de  trente-deux  ou  trente-six  des  secondes. 

M.  Staring  est  bien  près  de  la  vérité,  et  nous  sommes  surpris  de  voir  qu'il 
ait  pu  s’en  approcher  de  si  près  sans  avoir  vu  des  dents  en  place. 

La  tête  décrite  par  M.  Jourdan  est  la  pièce  la  plus  complète  que  l’on  con¬ 
naisse  ,  mais  l’absence  du  bout  du  maxillaire  n’a  pas  permis  à  ce  savant  de 
bien  apprécier  le  système  dentaire.  Nous  l’avons  déjà  dit,  M.  Jourdan  a  cru  le 


1  Loco  citato. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


41 


rostre  de  cet  animal  plus  long  qu’il  n’est  réellement,  et  c’est  ce  qui  lui  a  fait 
élever  trop  haut  le  chiffre  des  dents  antérieures. 

M.  Jourdan  ne  leur  accorde  aussi  que  deux  sortes  de  dents,  des  molaires 
et  des  prémolaires  :  les  premières,  au  nombre  de  six  au-dessus  et  de  sept 
au-dessous,  les  autres,  au  nombre  de  vingt-quatre  ou  de  vingt-six  de  chaque 
côté  et  à  chaque  mâchoire. 

Il  est  évident  que  ce  dernier  chiffre  est  exagéré ,  quand  même  on  désigne¬ 
rait  sous  le  même  nom  de  prémolaires,  les  incisives  et  les  canines.  Ce 
nombre  ne  dépasse  pas  en  tout  le  chiffre  de  huit,  comme  nous  allons  le  voir1. 

Le  bout  du  maxillaire  de  la  tête  décrite  par  ce  savant  n’a  heureusement 
pas  été  perdu;  c’est  ce  qui  nous  permet  de  préciser  la  largeur  du  rostre  et 
de  mieux  juger  du  nombre  total  des  dents.  Cette  tête  de  Barie  vient  con¬ 
firmer  le  résultat  de  nos  observations  sur  les  diverses  sortes  de  dents  du 
Sc/aalodon  d’Anvers. 

Les  pièces  de  Léognan,  de  Barie,  de  Linlz  et  d’Anvers  montrent  toutes  les 
dernières  dents  molaires  en  place.  On  en  voit  six,  ou  du  moins  les  alvéoles, 
dans  le  maxillaire  de  Grateloup,  de  Erdlicher  et  de  Jourdan;  et  dans  les 
deux  premières  pièces ,  ce  maxillaire  est  brisé  également  vers  le  milieu  du 
rostre,  là  où  commencent  les  prémolaires.  A  Anvers,  nous  avons  heureuse¬ 
ment,  comme  nous  l’avons  déjà  dit,  la  moitié  antérieure  du  maxillaire  et 
tout  l’intermaxillaire  avec  les  dents  en  grande  partie  en  place  ;  il  pourrait  y 
avoir  tout  au  plus  doute  sur  une  seule  dent  qui  serait  à  ajouter  aux  pré¬ 
molaires  ou  aux  molaires. 

La  mâchoire  inférieure  ne  nous  a  laissé  que  des  fragments  assez  incom¬ 
plets  à  Anvers  ;  mais  il  ne  sera  cependant  pas  difficile  d’arriver  à  une  déter¬ 
mination  assez  exacte  des  dents  inférieures,  par  le  maxillaire  de  Barie  et 
celui  de  Léognan  réunis. 

Les  squalodons  ont  des  défenses  plus  ou  moins  droites,  des  dents  crochues 
à  une  seule  racine ,  puis  des  molaires  véritables  à  double  racine,  comprimées 

1  Nous  supposons  qu’il  y  a  une  erreur  typographique  dans  le  chiffre  donné  pour  les  prémo¬ 
laires  par  M.  Jourdan;  nous  ne  comprenons  pas  comment  le  savant  directeur  du  musée  de  Lyon 
aurait  pu  supputer  un  nombre  aussi  élevé,  vingt-quatre  ou  vingt-six,  au  lieu  de  sept  ou 
de  huit. 


Tome  XXXV. 


6 


42 


SUR  LES  OSSEMENTS 


et  dentelées  sur  le  bord  postérieur  surtout.  Ces  dents  sont  les  unes  de  véri¬ 
tables  incisives,  puisqu’elles  sont  implantées  dans  l’os  de  ce  nom,  les  autres 
des  canines,  quoiqu’elles  n’aient  pas  une  forme  spéciale,  comme  nous  l’avons 
dit,  et,  toutes  celles  qui  suivent  sont  des  molaires,  qu’elles  soient  à  racines 
doubles  ou  à  racines  simples. 

Depuis  la  première  dent  qui  suit  la  canine ,  ou  depuis  la  première  mo¬ 
laire  jusqu’à  la  quatrième,  on  n’observe  guère  de  modifications;  elles  sont 
toutes  également  caniniformes  et  régulièrement  espacées;  mais  la  suivante, 
c’est-à-dire  la  cinquième,  se  modifie  dans  sa  couronne  comme  dans  sa  racine, 
et  elle  fait  réellement  la  transition  aux  molaires  proprement  dites.  La  racine 
tend  à  se  bifurquer;  la  couronne  s’aplatit  un  peu  en  même  temps  qu’elle 
prend  de  la  largeur  à  la  base,  et  les  premières  traces  de  crénelures  se  dé¬ 
couvrent  dans  le  ruban  qui  garnit  le  bord  postérieur. 

Viennent  ensuite  les  dents  didymes  ou  à  double  racine,  à  crénelures  plus 
ou  moins  bien  marquées  sur  le  bord  postérieur,  et  dont  la  taille  augmente 
légèrement  jusqu’à  la  troisième,  puis  diminue  insensiblement.  Les  quatre 
dernières  sont  aussi  moins  espacées  que  les  autres,  et  les  racines  deviennent 
proportionnellement  fort  courtes. 

Nous  avons  donc,  en  résumé,  les  formules  suivantes  : 

D’après  Grateloup  .  .  :  molaires  4^; 

D’après  Pictet  ....  :  — 

1  10  ’ 

D>„„  'Ci  ■  •  5  ou  6  .  .  8  ou  9 

apres  Starmar  ...  :  canines - molaires - : 

°  o  ou  6  ’  8  ou  9  ’ 

D’après  Jourdan  :  prémolaires  molaires  -L. 

D’après  nous,  les  squalodons  possèdent  : 

Incisives  — ;  canines  —  ;  prémolaires  —  ;  molaires  —  =  — . 

3  1  ’  1  4  ’  7  15 

Comparons  cette  formule  dentaire  avec  celle  des  zeuglodons  : 

Job.  Müller  admet  de  chaque  côté,  dans  les  zeuglodons,  quatre  dents 
pointues  et  cinq  dents  crénelées  à  double  racine  L 


Joh.  Müller,  loc.  cit.,  Nachtrag.,  p.  31. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


43 


Pictel,  dans  son  Traité  de  paléontologie,  donne  la  formule  suivante  aux 
zeuglodons  : 

Incisives  —  ;  can.  anorm.  —  ;  mol.  ~  =  — . 

Cette  formule  est  donnée  d’après  la  belle  tête  de  Ilaarlem ,  que  J.  Müllei 
a  figurée  pl.  XXVI. 

Il  nous  paraît  évident  que  cette  formule  n’est  pas  exacte;  la  quatrième 
incisive  inférieure  est  plutôt  une  canine,  et,  en  la  considérant  ainsi,  la  foi  - 
mule  devient  normale. 

Indépendamment  du  plus  petit  nombre  de  dents,  ce  qui  ressort  le  plus 
clairement  de  cette  comparaison  des  zeuglodons  et  des  squalodons ,  c  est  que 
ces  derniers  ont  des  prémolaires  à  une  racine  qui  n  existent  pas  chez  les 
autres. 

On  a  remarqué,  dans  une  pièce  surtout,  que  le  nombre  de  dents  ne  se 
reproduit  pas  exactement  à  droite  et  à  gauche ,  mais  il  ne  faut  sans  doute 
pas  attacher  une  grande  importance  à  celte  anomalie ,  qui  est  purement  indi¬ 
viduelle. 

Il  n’est  pas  à  supposer  que  la  symétrie,  qui  existe  partout  ailleurs,  fasse 
défaut  dans  les  dents  de  ces  mammifères. 


44 


SUR  LES  OSSEMENTS 


III. 


DESCRIPTION 

DES  DÉBRIS  DE  SQUALODON  TROUVÉS  DANS  LE  MIDI  DE  LA  FRANCE, 
LA  HAUTE  AUTRICHE  ET  LES  PAYS-BAS. 


Nous  allons  passer  en  revue  les  débris  de  squalodon  connus  jusqua 
présent.  Nous  parlerons  d’abord  de  ceux  que  l’on  a  trouvés  dans  le  grès 
marin  de  Léognan,  près  de  Bordeaux,  dans  la  molasse  d’Uzès  (Gard)  et 
dans  le  calcaire  marin  des  carrières  de  Barie  ;  puis  de  ceux  que  l’on  a  mis 
à  nu  dans  la  molasse,  près  de  Lintz  (haute  Autriche)  et  enfin  de  ceux  que 
l’on  a  observés  en  Gueldrc  (Pays-Bas). 


Squalodon  de  Léognan  et  de  Saint- Jean-de-Vedas . 

Le  squalodon  de  Grateloup  a  été  établi  sur  un  beau  fragment  de  rostre, 
découvert  à  Léognan  par  M.  le  docteur  Lavallée,  et  dont  Grateloup,  de 
Bordeaux,  a  donné  une  description,  en  1840,  dans  les  Mémoires  de  l’Aca¬ 
démie  de  Bordeaux. 

Ce  rostre  montre  six  dents  molaires  à  double  racine,  comme  le  rostre 
trouvé  à  Lintz,  mais  la  couronne  des  dents  est  bien  mieux  conservée  dans 
le  rostre  de  Léognan  que  dans  la  tête  de  la  haute  Autriche. 

Il  y  a  quatre  dents  encore  en  place;  la  troisième  molaire  est  la  plus 
forte,  et  les  trois  dernières,  qui  vont  en  diminuant,  sont  en  même  temps  de 
plus  en  plus  rapprochées  les  unes  des  autres. 

Celte  troisième  molaire  n’a  qu’une  seule  dentelure  sur  son  bord  antérieur, 
tandis  qu’elle  en  a  cinq  sur  son  bord  postérieur. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


4d 

La  cinquième  molaire  a  deux  dentelures  sur  son  bord  antérieur,  quatre 
ou  cinq  sur  son  bord  postérieur. 

Les  deux  dernières  montrent  trois  dentelures  en  avant  et  quatre  en  arrière. 

D’après  cette  pièce,  si  cette  disposition  des  dentelures  est  constante,  on 
devrait  pouvoir  distinguer  les  molaires  entre  elles. 

Le  rostre  offre  de  la  ressemblance  avec  le  rostre  des  cétacés  souffleurs 
et  nous  n’avons  pas  hésité,  quand  nous  l’avons  vu  pour  la  première  lois, 
en  18i0,  à  Bordeaux,  de  dire  au  docteur  Grateloup  :  Votre  squalodon  n’est 
pas  un  reptile,  mais  un  dauphin. 

Il  n’y  avait  malheureusement  à  Bordeaux  pas  un  seul  crâne  de  cétacé 
quelconque,  pour  convaincre  à  l’instant  M.  Grateloup  par  la  comparaison. 

On  voit  en  haut  la  grande  gouttière  vomérienne,  bordée  par  l’os  incisif  qui 
remonte  jusqu’aux  fosses  nasales.  Le  palais  forme  en  arrière  une  forte  saillie, 
comme  on  l’observe  dans  tous  les  vrais  cétacés  en  regardant  le  crâne  de  profd. 

A  la  hauteur  de  l’avant-dernière  molaire  on  voit  le  principal  trou  sous- 
orbitaire,  et  un  peu  en  arrière  ainsi  que  sur  le  côté,  sont  situés,  comme 
dans  les  cétacés  souffleurs,  les  autres  trous,  dont  un  se  dirige  vers  les  pau¬ 
pières  pour  loger  sans  doute  un  des  nerfs  palpébraux.  Le  trou  principal 
loge  les  rameaux  labiaux,  tandis  que  celui  qui  se  dirige  en  arrière  livre 
passage  aux  rameaux  nasaux. 

Pendant  longtemps  on  n’a  connu  que  le  bout  du  rostre,  mais  quand 
J.  Müller  a  publié  le  résultat  de  ses  recherches  sur  les  zeuglodons,  Grateloup 
était  en  possession  d’un  atlas  qu’il  attribuait  à  ce  même  animal.  M.  Grateloup 
a  eu  l’obligeance  de  nous  le  communiquer  peu  de  temps  avant  sa  mort,  et 
nous  allons  le  faire  connaître. 

Cet  allas  1  provient  des  faluns  de  Salles  (Miocène)  et  appartient  au  musée 
de  Grateloup.  C’est  le  même  dont  J.  Müller  parle  dans  son  beau  travail  sur 
les  zeuglodontes  de  l’Amérique  du  Nord.  Il  a  été  déterré  en  1842. 

Cette  première  vertèbre  est  complètement  séparée  de  l’axis.  Son  état  de 
conservation  est  assez  complet. 


>  pi.  ni,  fig.  2. 


46 


SUR  LES  OSSEMENTS 


Cette  séparation  complète  de  l’atlas  des  autres  vertèbres  n’est  pas  sans 
quelque  importance,  puisque  ce  caractère  ne  s’observe  que  dans  un  petit 
nombre  de  cétacés.  Les  Balénoptères,  les  Siréniens  et  quelques  Delphinides. 
comme  les  Bélugas  et  les  Narvals,  sont  les  seuls  qui  aient  leur  première  ver¬ 
tèbre  cervicale  non  soudée. 

La  forme  en  est  annulaire;  elle  est  un  peu  plus  large  sur  le  côté,  plus 
étroite  en  dessous  et  plus  étroite  encore  au-dessus.  Le  diamètre  antéro-pos¬ 
térieur  du  corps  de  la  vertèbre  est  assez  grand,  quoique  le  corps  ne  soit 
pas  distinct,  puisqu’il  mesure  jusqu’à  trois  centimètres. 

Le  trou  rachidien  est  proportionnellement  petit;  son  diamètre  transversal 
ne  dépasse  guère  la  largeur  d’une  des  facettes  articulaires  antérieures.  Il  a  la 
forme  d’un  huit  de  chiffre.  Au  milieu,  où  il  est  le  plus  étroit,  il  mesure  trente- 
cinq  millimètres. 

Lare  supérieur  est  fort  mince  et  délicat;  il  ne  présente  aucune  éminence 
pour  rappeler  l’apophyse  épineuse  supérieure. 

Les  surfaces  articulaires  ou  les  facettes  antérieures  sont  fort  grandes;  mais 
elles  ne  se  confondent  pas  en  dessous,  comme  on  le  voit,  par  exemple,  dans 
l’atlas  des  zeuglodons  d’Amérique. 

Elles  sont  séparées  l’une  de  l’autre  par  une  surface  d’un  centimètre  de  lar¬ 
geur  dans  le  point  où  elles  sont  le  plus  rapprochées.  Ces  facettes  sont  peu  pro¬ 
fondes  ou  peu  excavées,  et  les  condyles  de  l’occipital  sont  donc  peu  saillants. 

La  disposition  des  condyles  articulaires  de  l’atlas  de  Salles  correspond  par¬ 
faitement  avec  les  condyles  occipitaux  de  la  tête  de  Barie,  décrite  par 
M.  Jourdan. 

Les  facettes  articulaires  postérieures,  qui  s’articulent  avec  la  face  anté¬ 
rieure  de  Iaxis,  sont  plus  grandes  encore  que  les  précédentes,  ou  occupent 
au  moins  une  plus  grande  surface,  puisque  ces  facettes  se  confondent  en 
dessous  sur  le  corps  de  la  vertèbre. 

Les  apophyses  transverses  sont  massives,  de  forme  triangulaire,  fort 
larges  à  la  base  et  peu  proéminentes.  Ces  apophyses  sont  bien  conservées 
dans  l’atlas  que  nous  décrivons. 

Ces  apophyses,  pas  plus  que  l’arc  supérieur,  ne  sont  percées  pour  le  pas¬ 
sage  de  1  artère  vertébrale  ;  celle-ci  est  logée  dans  une  gouttière  parfaitement 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


47 


distincte,  immédiatement  au-dessus  et  en  avant  des  facettes  articulaires 
antérieures. 

Sauf  quelques  caractères  d’une  importance  secondaire,  il  est  évident  que  cet 
atlas  offre  une  grande  analogie  avec  l’atlas  de  zeuglodon  que  Joh.  Millier  a  dé¬ 
crit  et  figuré  dans  son  grand  travail  sur  les  zeuglodontes  d’Amérique.  L’atlas 
de  ces  derniers  est  seulement  plus  large,  mais  ce  qui  est  important ,  c’est  que 
le  trou  rachidien  en  dessous  est  tout  à  fait  semblable  dans  les  deux  vertèbres. 

Depuis  longtemps  on  a  trouvé,  à  Léognan,  des  maxillaires  inférieurs 
remarquables  par  leurs  nombreuses  dents  et  la  longueur  de  leur  symphyse; 
mais  comme  les  couronnes  des  dents  étaient  toutes  brisées ,  on  ne  songeait 
pas  à  les  rapporter  au  squalodon. 

Nous  croyons  que  les  deux  maxillaires  inférieurs,  attribués  au  Delphi  nus 
macrogenius  et  au  Delphinus  borcleae 1  et  que  Pedroni  a  rapportés  aux  squa- 
lodons,  proviennent  réellement  de  ces  singuliers  carnassiers.  Je  regrette 
beaucoup  de  ne  pouvoir  fouiller  les  alvéoles,  afin  de  déterminer  le  nombre 
exact  de  dents.  Le  moule  en  plâtre  indique  bien  les  incisives,  les  canines, 
les  prémolaires ,  mais  il  reste  du  doute  sur  les  molaires  véritables.  On  dirait 
que  ces  dents  se  répartissent  ainsi  : 


Incisives  —  ;  canines  prémolaires  —  ;  molaires  —  . 


Indépendamment  des  dents  molaires,  la  hauteur  des  maxillaires  en  arrière, 
surtout  de  l’apophyse  coronoïde ,  ainsi  que  la  longueur  extraordinaire  de  la 
symphyse ,  parlent  en  faveur  de  cette  détermination. 

Les  deux  fragments  de  mâchoire  inférieure  du  musée  de  Dax ,  que  Cuvier 
a  figurés  dans  ses  recherches  sur  les  ossements  fossiles,  comme  le  fragment 
déposé  au  Muséum  de  Paris,  qu’il  a  également  décrit  et  figuré,  ne  sont  pas 
sans  ressemblance  avec  les  squalodons,  mais  M.  Gervais  fait  remarquer,  avec 
raison,  que  les  dents  n’y  étant  que  d’une  seule  sorte,  ces  fragments  ne 
peuvent  provenir  de  squalodon  2. 

1  Gervais,  pl.  XLI,  fig.  7-8. 

2  Cuvier,  tome  V,  lre  partie,  pl.  XXIII,  fig.  1-5.  Idem,  fig.  9-1 1.  Gervais,  Paléontologie , 
pl.  XLI,  fig.  6. 


48 


SUR  LES  OSSEMENTS 


Les  deux  dénis  décrites  par  M.  Gervais  sont  également  très-intéressantes. 
La  première  fait  partie  de  la  collection  de  la  Faculté  des  sciences  de  Mont¬ 
pellier.  Elle  était  mêlée  à  des  dents  de  squales,  recueillies  à  Saint-Jean-de- 
Vedas,  et  mon  ami  Gervais  a  bien  voulu  me  la  communiquer.  La  seconde  ' 
a  été  remise  par  les  ouvriers  qui  exploitent  ces  carrières. 

Cette  première  molaire  diffère  notablement  de  toutes  les  autres  par  cette 
espèce  de  contre-fort  que  l’on  voit  à  sa  surface  externe ,  par  son  bord  uni 
en  avant,  la  courbure  de  sa  couronne  et  la  disposition  en  étage  de  ses  cinq 
œillets;  c’est  une  molaire  antérieure,  la  deuxième  ou  la  troisième  de  gauche, 
dont  la  racine  est  sans  doute  bilobée  seulement  vers  le  bout. 

L’autre  molaire,  plus  petite,  a  son  bord  antérieur  complètement  usé, 
avec  trois  œillets  sur  son  bord  postérieur;  c’est  probablement  une  des  der¬ 
nières  molaires 1  2. 


Squalodon  de  Lintz. 

La  tête  de  squalodon,  trouvée  dans  la  molasse  du  bassin  de  Lintz  3,  est 
assez  complète  pour  juger  de  ses  principaux  caractères.  Il  est  vrai ,  le  crâne 
a  été  brisé  en  divers  endroits,  mais  les  fragments  ont  été  recueillis  avec 
assez  de  soin  pour  le  reconstruire. 

Ce  qui  frappe  d’abord  en  voyant  cette  tête,  c’est  le  peu  de  capacité  de  la 
boite  crânienne  et  la  forftie  massive  de  la  portion  du  temporal,  qui  forme 
l’arcade  zygomatique. 

Le  crâne  est  fort  large  en  arrière,  la  portion  du  rostre,  qui  est  con¬ 
servée,  est  au  contraire  assez  étroite  en  avant,  de  manière  que  la  tête,  en 
se  rétrécissant  insensiblement  d’arrière  en  avant,  surtout  à  la  hauteur  des 
orbites,  prend  la  forme  d’un  triangle  isocèle,  et  diffère,  sous  ce  rapport, 
complètement  de  tous  les  mammifères  aquatiques  connus. 

1  \nn.  sc.  nat.,  3e  série,  vol.  V,  page  268.  Paléontologie  française,  pi.  VIII,  fig.  1 1  et  12. 

2  Nous  avons  vu  à  Paris,  au  mois  de  septembre  dernier,  entre  les  mains  de  M.  Gervais  deux 
autres  fragments  de  squalodon,  rceueillis,  si  nous  ne  nous  trompons,  dans  les  environs  de  Mon- 
pellicr.  L’un  de  ces  fragments  est  le  bout  antérieur  d’un  maxillaire  inférieur.  (Louvain,  25  fé¬ 
vrier  1865.) 

3  PL  II,  fig.  I  et  2. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


49 


Le  bout  du  rostre,  cjui  porte  les  prémolaires  et  les  incisives,  est  perdu. 
Nous  avons  déjà  fait  remarquer  que  ce  rostre  est  brisé  au  même  endroit 

que  celui  de  Léognan. 

La  gouttière ,  qui  est  occupée  pendant  la  vie  par  une  portion  du  vomer 
cartilagineux ,  est  fort  large  et  s’étend  dans  toute  la  longueur  de  la  portion 

conservée. 

Les  évents  ne  sont  pas  complets.  Les  parois  postérieures  et  latérales  ont 
disparu.  A  en  juger  par  les  parois  antérieures,  qui  sont  fort  bien  conservées, 
la  direction  des  évents  est  fort  oblique,  contrairement  à  ce  que  nous  montre 
le  Squalodon  de  Barie  :  l’angle  formé  par  l’axe  des  évents  et  de  la  gouttière 
vomérienne  est  fort  aigu  dans  la  tete  de  Lintz,  tandis  qu  il  est  dioit  dans  le 

Squalodon  de  Barie. 

En  effet,  l’ethmoïde  et  le  vomer,  que  l’on  distingue  fort  bien,  au  lieu 
de  montrer  un  passage  direct  de  bas  en  haut,  s’élève  obliquement  d’arrière 
en  avant,  et  sur  le  trajet  on  voit  même,  sur  les  parois  en  avant,  une 
espèce  de  cul-de-sac  qui  devrait  nécessairement  gêner  la  sortie,  si  tant 
est  que  c’est  une  colonne  d’eau  et  non  de  l’air  humide  qui  sort  par  les 

narines. 

U  n’existe  malheureusement  pas  de  traces  des  os  propres  du  nez. 

Les  os  maxillaires  sont  fort  larges  en  arrière  et  c’est  à  peine  si,  à  la  base 
du  rostre,  on  aperçoit  une  échancrure  à  la  limite  antérieure  de  l’os  frontal. 
Cette  échancrure  est  cependant  bien  indiquée  dans  1  e. Squalodon  de  Barie  et 
même  dans  les  dauphins  en  général. 

Le  palais  forme  en  arrière  une  très-forte  voûte  ou  saillie  sur  la  ligne  mé¬ 
diane  et  les  os  palatins  sont  disposés  comme  dans  les  véritables  cétacés 
souffleurs.  Us  forment  l’entrée  des  fosses  nasales,  et  tout  est  disposé  de  ma¬ 
nière  à  permettre  au  sommet  de  la  pyramide  laryngienne  de  s’engager  dans 

leur  intérieur. 

Les  deux  os  temporaux  sont  conservés ,  mais  un  seul  était  attaché  encore 
au  crâne.  Ces  os  sont  fort  massifs,  surtout  la  portion  qui  forme  l’arcade  zygo¬ 
matique.  La  fosse’ temporale  est  excessivement  grande,  ce  qui  est  en  rap¬ 
port  avec  les  exigences  musculaires.  On  sait  que  cette  fosse  est  relativement 
faible  dans  les  cétacés  vivants.  En  regardant  la  tête  de  haut  en  bas,  on  voit 
Tome  XXXV.  7 


50 


SUR  LES  OSSEMENTS 


un  espace  assez  grand  entre  le  bord  postérieur  du  frontal  et  la  partie  prin¬ 
cipale  du  temporal. 

Nous  avons  vu  en  outre  cinq  ou  six  vertèbres,  dont  une  cervicale  et  une 
ou  deux  dorsales. 

Il  existe  encore  au  musée  de  Lintz  un  crâne  presque  complet  d’un  animal 
qui  est  loin  d’être  adulte,  puisqu’une  partie  de  la  boîte  crânienne,  en  arrière 
et  sur  la  ligne  médiane,  ne  semble  pas  avoir  été  ossifiée  '. 

Ce  crâne  curieux  sort  de  la  même  molasse  que  la  tète  dont  nous  venons 
de  parler. 

Les  os  sont  assez  minces  et  délicats  ;  ils  tenaient  fort  peu  ensemble  lors¬ 
qu’ils  ont  été  déterrés,  de  manière  que,  pour  assurer  leur  conservation,  on 
a  dû  les  imprégner  de  colle.  D’où  il  résulte  que  Ton  n’est  pas  complètement 
rassuré  sur  la  forme  réelle  de  ce  crâne,  et,  en  second  lieu,  certaines  dispo¬ 
sitions  pourraient  bien  être  le  résultat  d’un  agencement  incorrect.  Tous  les 
os  sont  couverts  d’une  couche  de  grains  de  sable  de  la  molasse,  de  manière 
que  la  surface  osseuse  même  n’est  pas  distincte. 

Ce  crâne,  tel  qu’il  est,  se  distingue  par  sa  grande  dépression,  qui  le  fait 
ressembler  plutôt  à  un  crâne  de  batracien  qu’à  un  mammifère.  On  voit  dis¬ 
tinctement  les  deux  condyles  occipitaux,  dont  un  est  fort  bien  conservé;  la 
cavité  glénoïde  est  plane,  comme  dans  les  souffleurs,  et  la  surface  inférieure 
du  frontal  qui  forme  la  voûte  de  l’orbite  semble  indiquer  nettement  que  la 
fosse  orbitaire  était  ouverte  en  dessous  comme  dans  tous  les  vrais  cétacés.  Ces 
deux  os  frontaux  s’allongent  obliquement  en  avant  et  en  dehors,  laissant 
derrière  eux  une  large  fosse  temporale,  rappelant  assez  bien  la  singulière 
conformation  crânienne  des  zeuglodons. 

Tout  bien  considéré,  ce  crâne  doit  être  attribué  à  un  jeune  animal,  et  tout 
nous  porte  à  le  considérer  comme  le  jeune  âge  du  squalodon. 

Les  dents  du  Squalodon  de  Lintz  sont  fort  instructives.  On  en  connaît  six 
en  place  dans  le  maxillaire,  et  toutes  sont  à  double  racine 1  2.  La  dent  de 
transition  n’est  distincte  que  par  son  alvéole.  C’est  exactement  ce  que  nous 
voyons  dans  le  Squalodon  de  Barie.  Seulement,  au  lieu  de  cinq  dents 

1  PI.  Il,  fig.  4,  et  pl.  III,  fig.  1. 

2  Ib.,  fig.  2  et  3. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


51 


molaires  complètes  il  n’y  en  a  que  deux  entières  dans  la  tête  de  Lintz. 

Ces  deux  dents  entières  sont  les  dernières  et  ont  à  peu  près  la  même 
grandeur.  Elles  sont  même,  contrairement  à  ce  que  l’on  voit  chez  les  autres 
squalodons,  un  peu  plus  écartées  que  les  précédentes. 

Elles  ont  été  figurées  par  J.  Millier  dans  son  travail  sur  les  zeuglodonles , 
pl.  XXIII,  fig.  7. 

Leur  pointe  est  usée  et  le  bord  antérieur,  comme  le  bord  postérieur,  porte 
trois  dentelures  également  bien  développées.  Dans  toutes  les  autres  molaires, 
le  bord  postérieur  seul  est  franchement  dentelé. 

Nous  ferons  remarquer  en  même  temps  que  la  pointe  des  dentelures 
antérieures  est  usée  dans  ces  deux  dernières  dents,  tandis  que  les  pointes 
des  dentelures  postérieures  ont  leurs  bords  complets. 

Ainsi ,  la  symétrie  des  dentelures  sur  les  deux  tranchants  et  leur  usure 
en  avant  seulement  distinguent  particulièrement  le  Squalodon  de  Lintz. 

Outre  ces  deux  dents  en  place  et  les  trois  molaires  brisées ,  nous  avons 
vu  encore  deux  prémolaires  caniniformes  et  une  molaire  de  transition ,  qui 


est  fort  intéressante.  La  couronne  est  entièrement  comprimée  de  dehors  en 
dedans  comme  dans  les  vraies  molaires  ;  elle  est  en  forme  de  fer  de  lance , 
mais  son  bord  postérieur  seul  porte  des  traces  de  crénelures.  Tout  près  du 
collet,  on  voit  en  effet  deux  petits  tubercules  qui  peuvent  aisément  échapper 
à  un  examen  un  peu  superficiel ,  tandis  que  le  bord  opposé  n’en  porte  aucune 
trace.  Toute  la  surface  de  la  couronne  est  finement  striée  et  couverte  d’une 
épaisse  couche  d’émail.  La  racine  de  cette  dent  est  brisée,  mais,  à  en  juger  par 
la  couronne,  cette  racine ,  sans  être  double ,  est  également  aplatie.  C’est  une 
dent  de  transition ,  c’est-à-dire  la  cinquième  molaire  ou  la  neuvième  en  rang. 


SUR  LES  OSSEMENTS 


La  couronne  est  longue  de  20  millimètres,  large  de  16  millimètres. 

Les  deux  autres  dents  sont  des  prémolaires  :  la  première,  la  plus  petite, 
a  également  perdu  sa  racine  et  la  pointe  de  la  couronne  est  fortement  usée. 
Toute  la  surface  est  de  même  finement  striée.  Une  faible  bordure  non  cré¬ 
nelée  indique  le  bord  antérieur  et  postérieur.  C’est  une  des  premières  dents 
d’un  animal  d’assez  petite  taille,  comme  la  molaire  de  transition  que  nous 
décrivons  plus  haut. 


Une  prémolaire. 


La  troisième  dent  provient  d’un  animal  beaucoup  plus  fort.  Elle  est  cani- 
niforme  comme  la  précédente,  à  une  seule  racine  par  conséquent,  à  surface 
lisse  et  luisante,  sans  bourrelets  distincts  sur  ses  bords. 


Une  dent  prémolaire. 


Ces  dents  sont  également  conservées  au  Vaderlancls  Muséum  de  Lintz, 
mais  elles  n’étaient  pas  inscrites  comme  dents  de  squalodon. 


Squalodon  de  Barie 


Une  des  plus  belles  découvertes  paléontologiques  faites  dans  ces  dernières 
années  est  sans  contredit  celle  d’une  tête  assez  complète  de  squalodon,  qui 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


■),) 

a  pu  êlre  dégagée  d’un  bloc  de  calcaire  marin  provenant  des  carrières  de 
Barie. 

Cette  découverte  nous  paraît  aussi  importante  que  celle  du  rostre  signalé 
en  1840  par  le  docteur  Grateloup,  puisqu’elle  permet  de  décider  la  question 
véritablement  douteuse  de  la  nature  de  ces  cétacés.  Cette  tête  heureusement 
est  complète,  sauf  le  bout  du  rostre  que  nous  avons,  par  un  heureux  ha¬ 
sard,  retrouvé. 

Cette  tête,  comparée  aux  cétacés  ordinaires,  se  fait  remarquer  surtout  par 
le  peu  d’élévation  du  crâne;  il  est  fortement  déprimé,  et  la  base  du  rostre 
est  presque  aussi  élevée  que  la  région  frontale.  La  tête,  vue  de  profd,  forme 
une  ligne  très-légèrement  courbée ,  à  peine  moins  élevée  à  la  base  du  rostre 
qu’au  sommet  du  crâne.  Elle  est  ensuite  non  moins  remarquable  par  la  grande 
élévation  du  maxillaire  inférieur,  surtout  de  l’apophyse  coronoïde,  qui  est 
en  rapport  avec  la  grande  capacité  de  la  fosse  temporale.  Nous  pouvons  faire 
remarquer  en  même  temps  que  la  surface  du  condyle  est  proportionnellement 
plus  grande  que  dans  les  autres  cétacés,  en  même  temps  que  la  cavité  glé- 
noide  est  d’une  solidité  extraordinaire.  Toute  cette  région  indique  donc  une 
puissance  de  mastication  beaucoup  plus  grande  que  celle  que  l’on  observe  ep 
général  dans  les  cétacés.  C’est,  du  reste,  une  disposition  que  nous  avions  déjà 
remarquée  dans  la  tète  de  Lintz. 

Pour  le  reste,  les  os  du  crâne  et  de  la  face  se  comportent  comme  dans 
les  cétacés  véritables. 

Les  os  propres  du  nez  sont  refoulés  en  os  compactes  au-dessus  des  évents; 
les  intermaxillaires  s’étendent  depuis  le  bout  du  museau ,  en  formant  à  eux 
seuls  toute  l’extrémité  libre  du  rostre,  jusqu’à  la  hauteur  des  os  nasaux;  les 
maxillaires  recouvrent  en  arrière  les  os  frontaux  et  s’étendent  jusqu’au 
sommet  de  la  tête.  C’est  peut-être  ce  qu’il  y  a  de  plus  souffleur  dans  ce  crâne. 
Les  os  frontaux  sont  fort  épais  au-dessus  des  orbites,  tandis  que  l’os  jugal 
est  extrêmement  délicat.  L’occipital,  au  lieu  d’être  bombé,  comme  dans  les 
cétacés  ordinaires,  est  aplati  en  arrière,  s’élève  obliquement  jusqu’au  sommet 
de  la  tête  et  forme  au-dessus,  comme  sur  le  côté,  une  crête  qui  limite  par¬ 
faitement  la  région  de  l’occiput.  Aussi  la  tête,  vue  en  arrière,  est  remarquable 
par  l’étroitesse  de  l’occipital ,  qui  n’est  pas  compensée  par  la  hauteur  ainsi  que 


U 


SUR  LES  OSSEMENTS 


par  l’étendue  des  fosses  temporales  qu’on  distingue  parfaitement  de  ce  côté. 

Les  caisses  du  tympan  sont  en  place  et,  autant  que  nous  pouvons  en  juger 
par  le  dessin,  ces  os  ressemblent  à  ceux  du  zeuglodon. 

Il  y  a  cinq  dents  molaires  en  place  à  la  mâchoire  supérieure  et  trois  à 
la  mâchoire  inférieure.  L’antérieure  est  la  plus  forte.  Elles  perdent,  du  reste, 
très-peu  en  volume  d’avant  en  arrière,  et  se  rapprochent  de  manière  que  les 
deux  dernières  se  touchent  au  sortir  de  leurs  alvéoles.  Les  trois  molaires  an¬ 
térieures  portent  des  traces  de  cette  espèce  de  contre-fort,  qui  caractérise  une 
des  dents  décrite  par  Gervais. 

Les  trois  molaires  inférieures  diminuent  aussi  légèrement  en  volume 
d’avant,  en  arrière  et,  entre  les  deux  dernières  dents  supérieures,  il  n’en  cor¬ 
respond  pas  à  la  mâchoire  inférieure. 

Outre  les  molaires  encore  en  place,  c’est-à-dire  cinq  supérieures  et  trois 
inférieures,  il  y  a  encore  une  molaire  libre  et  trois  dents  caniniformes  qui 
ne  peuvent  être  que  des  prémolaires.  La  molaire  est,  à  en  juger  par  la  taille , 
celle  qui  précède  les  trois  molaires  inférieures. 

M.  Jourdan  a  cru  que  le  bout  du  rostre  brisé  de  la  tête  de  Barie  avait  été 
pulvérisé ,  et  que  ce  fragment  important  était  perdu  pour  la  science.  Heureu¬ 
sement  il  n’en  est  pas  ainsi.  M.  Paul  Gervais  a  reçu  de  M.  Matheron,  de 
Marseille,  le  fragment  de  la  tête  que  l’on  pouvait  croire  perdu,  et  il  en  a 
donné  une  description  dans  une  lettre  qu’il  m’a  adressée  U 

Cette  pièce  intéressante,  que  M.  Paul  Gervais  a  bien  voulu  me  communi¬ 
quer,  comprend  le  bout  libre  du  maxillaire  inférieur  et  de  l’os  incisif.  Les 
dents  sont  encore  dans  leur  situation  respective. 

ÏI  y  en  a  deux  au-dessus  et  deux  en  dessous,  placées  dans  l’axe  du  corps, 
qui  dépassaient  sans  doute  les  lèvres  et  servaient  de  défense.  La  couronne  en 
est  très-irrégulièrement  usée,  à  l’exception  de  celle  de  gauche  en  dessous. 
Cette  couronne,  qui  est  restée  intacte,  montre  que  ces  premières  dents  n’ont 
pas  la  même  courbure  que  les  autres. 

En  haut,  de  chaque  côté,  on  voit  encore  une  dent  incisive  en  place  et 
l’alvéole  de  la  troisième  dent  du  même  nom.  Inférieurement,  il  existe  à  droite 
deux  incisives  encore  en  place ,  et  une  à  gauche. 

'  Bulletin  de  V Académie  royale  de  Belgique  ,  2e  série,  t.  XIII,  n°  5. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


Nous  trouvons  donc  en  somme  six  incisives  au-dessus  de  chaque  côlé  et 
six  en  dessous,  dont  les  deux  antérieures  des  deux  côtés  sont  droites  et  à 
couronne  un  peu  plus  longue. 

Le  bout  du  rostre  s’est  brisé  au  point  de  jonction  du  maxillaire  et  de 
l’intermaxillaire,  et  la  dent  libre,  qui  est  jointe  à  la  tête  de  Barie,  est  pro¬ 
bablement  une  canine  supérieure  encore  en  place. 

M.  Jourdan,  parlant  des  deux  gouttières  des  évents,  qui  sont  en  commu¬ 
nication  avec  le  canal  intermaxillaire ,  se  demande  si  ce  canal  remplace  les 
fosses  nasales  ou  si  les  deux  gouttières  sont  seulement  destinées  à  loger  une 
membrane  pituitaire  ou  olfactive  plus  considérable.  Ces  gouttières  et  ce  canal 
intermaxillaire  n’existent  pas  chez  l’animal  en  chair;  toutes  ces  cavités  sont 
remplies  de  cartilage  et  de  graisse.  Les  fosses  nasales  s’élèvent  perpendi¬ 
culairement  ou  un  peu  obliquement,  et  sur  leur  trajet  on  ne  voit  aucune 
anfractuosité  qui  puisse  mettre  celte  cavité  en  communication  avec  le  canal 
intermaxillaire. 

Squatodon  de  Gueldre. 

Déjà,  en  1837,  on  avait  trouvé  dans  les  environs  de  Eibergen  (Gueldre, 
Pays-Bas)  des  dents  molaires  et  des  vertèbres  de  squalodons,  et  une  de 
ces  molaires  avait  été  montrée  à  R.  Owen  ,  qui  l’avait  reconnue  comme  pro¬ 
venant  d’un  animal  représentant  les  zeuglodons  en  Europe. 

M.  Staring  a  figuré  une  dent  molaire  et  une  dent  caniniforme,  apparte¬ 
nant  à  la  collection  du  pavillon  de  Haarlem,  qui  proviennent  réellement  du 
squalodon;  il  n’en  est  pas  de  même  des  vertèbres  qui  ont  été  attribuées  au 
même  animal. 

M.  Staring  fait  remarquer,  avec  beaucoup  de  raison ,  qu’il  existe  une  diffé¬ 
rence  notable  pour  la  taille  entre  l’animal  qui  a  fourni  les  dents  et  celui  qui  a 
fourni  les  vertèbres.  Les  vertèbres  doivent  être  rapportées  à  deux  espèces  de 
dauphins,  et  les  phalanges  qui  sont  conservées  au  môme  pavillon  sont,  si 
nous  ne  nous  trompons,  des  phalanges  de  phoque. 

La  dent  molaire  figurée  par  M.  Staring  1  est  une  molaire  de  droite  d’un 

1  Staring,  Bodem  van  Nederlaud ,  II,  page  216,  pl.  III,  fig.  5  et  4. 


56 


SUR  LES  OSSEMENTS 


animal  de  petite  taille,  et  dont  les  bords  sont  fort  intéressants.  Elle  provient 
de  l'argile,  près  de  Svvilbroek  (Gueldre).  Un  de  ces  bords  est  complètement 
usé  dans  la  longueur,  de  manière  que  les  deux  lèvres  d’émail  sont  écartées, 
et  ne  se  joignent  ni  au  collet  ni  à  la  pointe.  L’autre  bord,  le  postérieur,  pré¬ 
sente  au  contraire  trois  dentelures  beaucoup  plus  prononcées  que  celles  qui 
s’observent  sur  nos  dents  d’Anvers. 

Nous  avons  reconnu  encore  deux  racines  de  dents  de  squalodon  dans  les 
dessins  que  nous  devons  à  l’obligeance  extrême  de  M.  le  professeur  Van  Breda. 
Le  savant  directeur  a  bien  voulu,  sur  notre  invitation,  faire  dessiner  les 
pièces  principales  du  musée  de  Haarlem ,  qui  se  rapportent  aux  cétacés.  Il 
est  probable  que  ces  dents  ont  été  également  trouvées  en  Gueldre  \ 

Les  trois  dents  figurées  par  Scilla,  et  qui  sont  heureusement  conservées  à 
Cambridge,  sont  remarquables  sous  plusieurs  rapports.  Elles  méritent  d’être 
comparées  avec  soin. 

La  couronne  d’abord  est  comparativement  plus  large  à  la  base  que  dans 
les  squalodons,  et  les  crénelures,  généralement  différentes  sur  les  bords  anté¬ 
rieurs  et  postérieurs,  sont  à  peu  près  semblables.  Mais  ce  qui  caractérise 
surtout  ces  dents,  ce  sont  les  racines:  elles  ne  sont  ni  aussi  longues  ni  aussi 
inégalement  développées,  et,  au  lieu  de  se  replier  dans  le  même  sens,  elles 
ont  leur  pointe  dirigée  l’une  vers  l’autre. 

On  ne  voit  non  plus  aucune  trace  d’usure  aux  dentelures. 

II  est  évident  que  ces  dents  semblent  indiquer  un  animal  plus  voisin  des 
phoques  et,  à  notre  avis,  le  nom  de  phocodon,  proposé  par  Agassiz,  doit  leur 
rester  au  moins  provisoirement. 

1  Nous  avons  reconnu  dans  le  cabinet  de  M.  Bosquet,  à  Maestricht,  une  dent  de  squalodon  à 
une  racine  et  un  fragment  de  couronne,  d'une  dent  à  deux  racines,  provenant  de  Elsloo,  à  trois 
lieues  en  aval  de  Maestricht.  Avec  ces  débris  de  squalodon  se  trouvaient  des  dents  et  un  frag¬ 
ment  de  maxillaire  inférieur  de  dauphin.  (Louvain,  25  février  1865.) 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


37 


IV. 

SYSTÉMATISATION. 


Il  y  peu  d’animaux  dont  les  affinités  ont  été  si  diversement  appréciées. 
D’abord  les  Squaloclons  et  les  Zeuglodons  sont-ils  aussi  rapprochés  les  uns 
des  autres  que  certains  auteurs  le  prétendent  ?  Ces  animaux  ont-ils  des  na¬ 
rines  ordinaires  vers  le  milieu  ou  au  bout  du  museau ,  comme  les  Siréniens 
et  les  phoques,  ou  bien  ont-ils  des  évents  comme  les  cétacés  véritables? 
Ont-ils  une  ou  deux  paires  de  membres?  Ces  membres  ont-ils  les  doigts  sim¬ 
plement  palmés  comme  les  phoques  ou  ont-ils  toutes  les  parties  soudées 
comme  des  nageoires  de  dauphin?  Enfin  sont-ils  phoques  ou  cétacés,  ou  bien 
occupent-ils  une  place  à  part?  Depuis  longtemps  on  sait  d’une  manière  cer¬ 
taine  qu’ils  appartiennent  à  la  classe  des  mammifères. 

Voyons  les  diverses  opinions  qui  ont  été  exprimées  au  sujet  de  leurs 
affinités.  Quelques-unes  des  questions  posées  sont  définitivement  résolues; 
d’autres  attendent  leur  solution. 

Le  premier  qui  a  reconnu  la  nature  véritable  des  zeuglodons ,  R.  Owen, 
considérait  les  squalodons  comme  des  zeuglodons  européens,  et  ces  deux 
animaux  étaient,  à  ses  yeux,  si  voisins  les  uns  des  autres,  qu  ils  devaient 
même  ne  former  qu’un  seul  et  unique  genre.  C’est  l’opinion  que  l’illustre  na¬ 
turaliste  du  British  Muséum  exprimait  encore  après  avoir  vu  et  examiné  en 
nature  les  dents  de  véritable  squalodon.  Les  squalodons  ne  sont  que  des  zeu¬ 
glodons  de  petite  taille;  ce  sont  des  mammifères  qui  forment  un  groupe  à 
part  entre  les  Siréniens  et  les  cétacés,  disait-il  V 

Nous  verrons  plus  loin  que  c’est  aussi  l’avis  de  M.  Pictet,  de  Genève ,  un 
des  plus  savants  paléontologues  de  l’époque. 

_  1  Paléontologie ,  2me  édit.,  1861,  page  378. 

Tome  XXXV. 


8 


o8 


SUR  LES  OSSEMENTS 


C’est  en  1847  1  que  H.  von  Meyer  exprima  la  pensée  de  faire  une  famille 
à  part  parmi  les  cétacés,  avec  les  s.qualodons  d’Europe  et  les  zeùglodons 
d’Amérique  : 

Die  Aehnlichkeit  des  Zeuglodon  mit  den  Squalodon  veranlassl  mich  nun- 
mehr  beide  Thiere  in  einer  erloschenen  Cetaceen-F amilie  der  Zeuglodonlen 
zu  vereinigen. 

Les  affinités  des  zeùglodons  avec  les  squalodons  me  portent  à  réunir  ces 
animaux  perdus  dans  une  seule  famille,  celle  des  zeuglodontes.  Les  zeuglo- 
dontes  ne  sont  pas  sans  affinité,  d’après  lui ,  avec  les  Siréniens  ou  les  cétacés 
herbivores.  C’est  l’étude  de  la  tête  du  jeune  Squalodon  de  Lintz  qui  l’avait 
conduit  à  ce  résultat. 

Dans  un  travail  sur  le  zeuglodon,  un  naturaliste  américain,  M.  Gibbes, 
va  plus  loin  et  admet  le  squalodon  comme  spécifiquement  identique  avec  le 
zeuglodon  :  Since  i  hâve  seen  Grateloups  description  of  Squalodon  and 
lus  figure ,  i  suspect  lhe  two  mag  even  prove  specificallg  identical,  dit-il. 
Depuis  que  j’ai  vu  la  description  du  Squalodon  de  Grateloup  et  la  figure,  je 
pense  que  les  deux  sont  spécifiquement  identiques. 

Dans  un  ouvrage  général  de  Paléontologie ,  M.  Giebel  exprima,  la  même 
année  1847,  une  opinion  bien  différente  sur  celte  affinité  2.  Les  zeùglodons 
iraient  prendre  place ,  d’après  lui ,  à  côté  des  Dinothérium  et  des  Toxodon , 
dans  une  même  famille  qui  occupe  le  premier  rang  dans  l’ordre  des  phoques. 

Àlb.  Koch,  après  son  troisième  voyage  aux  États-Unis,  pour  y  recueil¬ 
lir  des  ossements  de  zeuglodon,  place  ces  animaux  entre  les  cétacés  et  les 
phoques. 

Koch  admet  trois  genres  dans  ce  groupe  :  le  Zeuglodon  de  l’Éocène  du 
nord  de  l’Amérique;  le  Squalodon  de  la  molasse  et  du  Miocène,  à  Malte,  à 
Rordeaux  et  à  Lintz,  et  le  Balœnodon  du  crag  de  Suffolk  et  la  molasse  de 
Lintz  3. 

Ce  dernier  genre  est  imaginaire,  et  le  savant  illustre  qui  a  proposé  ce 
nom  de  Balœnodon ,  dont  les  racines  jurent  de  se  trouver  ensemble,  ne  sau- 

1  Jakrbuch,  page  670. 

2  Fauna  der  Vorwelt,  1847,  page  220. 

5  Das  Skeïet der  Zeuglodon  macros pondy lus ,  novembre  1850. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


59 

rait  guère  dire  lui-même  quel  genre  d’animal  il  a  entendu  désigner  sous  ce 
singulier  nom. 

Le  nom  de  Balœnodon  a  été  proposé  d’abord  pour  désigner  un  animal 
auquel  on  rapportait  une  dent  singulière ,  trouvée  dans  le  crag,  qui  n’est  pas 
autre  chose  qu’une  dent  de  cétacé  ziphioïde.  Plus  tard ,  ce  nom  d e  Balœnodon 
a  été  transporté  à  des  os  lympaniques  qui  appartiennent  à  des  cétacés  à  fa¬ 
nons ,  et,  ce  qui  a  mis  ensuite  le  comble  à  celte  confusion,  c’est  qu’on  a 
donné  le  même  nom  générique  à  une  tête  de  cétacé  trouvée  à  Linlz ,  qui  n’a 
rien  de  commun  avec  les  cétacés  trouvés  en  Angleterre. 

Joh.  Müller,  en  publiant  son  grand  et  beau  travail  sur  les  ossements  de 
zeuglodon ,  que  le  roi  de  Prusse  venait  d’acheter  pour  le  musée  de  l’Univer¬ 
sité  de  Berlin,  va  plus  loin,  et  croit  devoir  réunir,  dans  un  seul  et  même 
genre,  les  Zeuglodons  d’Amérique  avec  l'es  Squalodons  d’Europe.  Après  avoir 
fait  l’historique  et  l’énumération  des  zeuglodons  trouvés  en  Amérique,  il 
consacre  un  chapitre  à  part  à  ceux  d’Europe. 

Les  évents  des  zeuglodons  ne  sont  pas  disposés,  ajoute-t-il,  comme  dans 
les  Baleines,  et  les  fosses  nasales  ne  sont  aucunement  placées  dans  une  di¬ 
rection  verticale. 

L’ostéologie  de  la  tête  montre  des  caractères  de  phoques  et  de  cétacés, 
et  les  dents  rappellent  les  premiers  par  leur  nombre ,  les  derniers  par  leur 
forme. 

J.  Müller  attache  une  grande  importance  au  caractère  lamelleux  des  os 
de  zeuglodon;  la  surface  lamelleuse  des  os  est  caractéristique  des  zeuglo¬ 
dons,  ajoute-t-il ,  et  on  pourrait  prendre  aisément  pour  naturelle,  une  surface 
osseuse  qui  a  perdu  toute  une  série  de  lamelles.  Le  caractère  fait  cependant 
défaut  dans  le  squalodon. 

J.  Müller  ne  met  pas  en  doute  que  les  dents  figurées  par  Scilla  ne  soient 
des  dents  de  zeuglodon  :  Ueber  die  generische  Identitàt  des  Zeuglodon  und 
der  Zâhne  bei  Scilla,  hegte  ich  keinen  Zweifel,  dit-il.  Sur  l’identité  géné¬ 
rique  des  zeuglodons  et  les  dents  figurées  par  Scilla,  je  ne  fais  aucun  doute. 

A  diverses  reprises  nous  avons  nous-même  émis  notre  opinion  au  sujet 
de  ces  affinités,  et  cette  opinion  n’a  pas  toujours  été  la  même.  Ne  voyant  pas 
de  narines  de  souffleurs  dans  les  zeuglodons,  nous  pensions  qu  il  devait  en 


60 


SUR  LES  OSSEMENTS 


être  de  même  dans  les  squalodons,  et  les  affinités  avec  les  phoques  ne  me 
paraissaient  pas  douteuses.  Les  derniers  sont  bien  positivement  souffleurs, 
et  s’ils  s’éloignent  par  les  narines,  ils  restent  voisins  par  la  forme  des  ver¬ 
tèbres  comme  par  les  caractères  des  dents. 

M.  Staring  est  aussi  d’avis  que  le  squalodon  a  de  grandes  affinités  avec 
les  dauphins,  mais  qu’il  se  rapproche  des  phoques  tant  par  la  conformation 
de  ses  pattes  que  par  la  disposition  de  ses  fosses  nasales  :  De  Squalodon  is 
een  dier ,  dat  met  de  Dolphynen  veel  overeenkomst  bezit ,  rimer  door  zgne 
tanden,  hel  gémis  van  blaasgal,  en  de  niet  als  vinnen  gevormde  voorpooten, 
meer  met  de  robben  overeenslemt  l.  Le  squalodon  est  un  animal  qui  a 
beaucoup  de  ressemblance  avec  les  dauphins,  mais,  par  ses  dents,  l’absence 
d’évents  et  les  pattes  antérieures  qui  ne  sont  pas  en  nageoires,  il  se  rap¬ 
proche  plus  des  phoques. 

Mon  savant  ami,  Paul  Gervais,  a  toujours  partagé  l’avis  que  les  squalo¬ 
dons  sont  des  cétacés  plutôt  que  des  phoques.  Avant  de  changer  d’avis , 
dit-il  dans  la  lettre  qu’il  m’adresse  au  sujet  du  squalodon,  je  veux  laisser 
aux  faits  le  temps  de  se  produire  2 3. 

Ce  que  dit  M.  Jourdan  des  évents  ou  canaux  respirateurs  el  de  leur  ouver¬ 
ture  supérieure,  très-allongée  d’arrière  en  avant,  communiquant  par  une 
double  gouttière  avec  le  canal  intermaxillaire,  plus  large  et  plus  régulière¬ 
ment  établi  que  dans  les  autres  dauphins,  pourrait  induire  les  zoologistes 
en  erreur.  —  Ce  canal  inlermaxillaire  se  retrouve  dans  tous  les  vrais  céta¬ 
cés,  et  loge  ordinairement  un  long  cordon  cartilagineux  qui  représente  en 
avant  la  partie  terminale  de  la  colonne  vertébrale. 

M.  Jourdan  met  les  squalodons,  malgré  cette  disposition  qu’il  semble  croire 
exceptionnelle,  à  la  tête  des  Dauphins,  et  il  place  les  zeuglodons  parmi  les 
phoques.  Ainsi  tombe  cet  ordre  des  zeuglodons,  introduit  nouvellement  dans 
la  classe  des  mammifères,  ajoute-t-il.  M.  Pictet  avait  admis  l’ordre  des  zeu- 
glodontes,  formé  des  zeuglodons,  des  squalodons  el  des  balænodons,  entre 
les  sirénoïdes  et  les  cétacés  5. 

1  Loc.  citai.,  p.  3. 

2  Bulletins  de  V Académie  royale  de  Belgique,  2e  série,  t.  XIII. 

3  Traité  de  Paléontologie.  Paris,  1833  ,  vol.  I,  p.  573. 


PROVENANT  DU  CRAG  D  ANVERS. 


01 


La  grande  question,  question  qui  prime  toutes  les  autres,  c’est  de  savoir 
si  les  zeuglodons  et  les  squalodons  ont  entre  eux  autant  d’affinités  qu’on  l’a 
cru;  ensuite,  s’ils  sont  les  uns  et  les  autres,  souffleurs,  Siréniens,  ou  phoques, 
ou  s’il  existe  des  différences  essentielles  dans  leur  appareil  respiratoire,  tout 
en  montrant  une  analogie  complète  dans  le  système  dentaire. 

N’y  aurait-il  pas,  conformément  au  principe  naîura  non  facit  salins ,  une 
transition  des  souffleurs  aux  cétacés  herbivores,  et  ne  se  pourrait-il  pas  que, 
dans  la  nature  vivante,  en  y  regardant  de  près,  cette  différence  ne  fût  pas 
aussi  nettement  tranchée  qu’on  le  pense  généralement?  Comparons  les  zeu¬ 
glodons  avec  les  squalodons. 

Il  existe,  sans  aucun  doute,  des  différences  entre  eux,  et  ces  différences 
portent  particulièrement  sur  la  disposition  des  narines  ou  des  évents,  le 
nombre  et  l’arrangement  des  dents. 

Les  évents  des  squalodons  sont  évidemment  ceux  des  cétacés;  ils  s’élèvent 
aussi  perpendiculairement  que  dans  aucun  autre  souffleur,  au  point  que  l'on 
voit  à  travers  le  rostre  quand  la  tète  est  en  place  et  qu’on  la  regarde  de 
haut  en  bas.  Les  os  propres  du  nez  sont  complètement  refoulés  en  haut. 
La  tète  du  zeugîodon,  du  moins  celle  qui  est  aujourd’hui  au  musée  de 
Haarlem,  comme  celle  qui  a  été  figurée  par  Koch  en  novembre  1850, 
montre  au  contraire  les  os  propres  du  nez  fort  allongés,  aplatis,  formant  la 
voûte  des  narines  comme  dans  les  phoques  ou  les  mammifères  non  souffleurs. 

Cette  disposition  éloigne,  à  notre  avis,  ces  deux  genres  fort  loin  l’un  de 
l’autre,  si  on  voulait  les  répartir,  d’après  leurs  caractères,  dans  les  ordres 
tels  qu’ils  sont  établis. 

Les  dents  ont  plus  d’analogie  et  diffèrent  principalement  par  leur  nombre; 
ils  ont  les  uns  et  les  autres  six  incisives  de  chaque  côté,  mais  la  paire  anté¬ 
rieure  est  placée  dans  l’axe  du  corps  chez  les  squalodons,  tandis  que  les  zeu¬ 
glodons  ont  les  deux  dents  antérieures  fortement  recourbées,  et  semblables 
à  des  crochets  comme  les  autres  incisives. 

Les  zeuglodons,  en  prenant,  comme  on  doit  le  l'aire,  la  première  dent 
du  maxillaire  pour  une  canine,  ont  toutes  leurs  molaires,  celles  de  dessus 
comme  celles  de  dessous,  à  double  racine  et  sont  crénelées  à  leurs  couronnes. 
Les  squalodons  ont  d’abord  trois  ou  quatre  molaires  caniniformes  et  à  une 
seule  racine,  semblables  pour  la  forme  à  la  dent  canine. 


62 


SUR  LES  OSSEMEJNTS 


Nous  sommes  loin  de  croire  que  tous  les  ossements  et  dents  que  l'on  a 
rapportés  à  trois  espèces  de  zeuglodons  appartiennent  réellement  à  ces 
espèces.  Des  différences  aussi  grandes  que  celles  que  l’on  voit  entre  les 
vertèbres  de  la  même  région  nous  semblent  plutôt  indiquer  qu’il  y  a  là,  aux 
États-Unis,  un  mélange  d’ossements  comme  à  Anvers,  que  des  observateurs 
patients,  et  travaillant  sur  place,  pourront  seuls  déterminer. 

Quoi  qu’il  en  soit,  à  côté  de  ces  dents  molaires  caniniformes,  les  squalo- 
dons  ont  jusqu’à  sept  dents  légèrement  espacées,  didymes  et  à  couronne 
crénelée.  Ce  qui  fait,  de  chaque  côté,  cinq  molaires  à  couronne  crénelée 
de  moins  dans  les  zeuglodons  que  dans  les  squalodons. 

Si  donc  nous  voyons  des  incisives  semblables  pour  le  nombre,  il  faudrait 
supprimer  d’abord  les  molaires  caniniformes,  puis  deux  molaires  véritables, 
dans  les  squalodons,  pour  rapprocher  leur  système  dentaire  de  celui  des 
zeuglodons. 

Il  y  a  peut-être  lieu  de  faire  remarquer  ici  que  les  dernières  vertèbres 
caudales  du  squalodon  étant  très-volumineuses,  il  n’existe  sous  ce  rapport 
pas  plus  d’affinité  avec  les  phoques  qu’avec  les  Siréniens  ou  les  souffleurs. 
Dans  tous  ces  groupes,  les  dernières  vertèbres  s’amoindrissent  lentement,  et 
la  dernière  conserve  à  peine  son  cachet  propre. 

Plusieurs  questions  surgissent  au  sujet  des  affinités  de  ces  genres.  Les 
zeuglodons,  dont  les  narines  sont  semblables  à  celles  des  Siréniens  ou  des 
phoques,  doivent-ils  prendre  place  à  côté  des  squalodons  dont  les  narines 
sont  des  évents  de  vrais  souffleurs?  Ne  faut-il  pas  placer  les  uns  parmi  les 
sirénoïdes  ou  les  phoques,  les  autres  parmi  les  souffleurs? 

Cette  question  est  subordonnée  à  une  autre.  La  disposition  des  narines 
prime-t-elle  les  autres  caractères,  même  ceux  tirés  du  système  dentaire?  Nous 
ne  le  pensons  pas.  Depuis  qu’il  est  reconnu  que  les  cétacés  souffleurs  ne 
lancent,  par  les  évents,  pas  plus  de  colonnes  d’eau  que  les  autres  mammi¬ 
fères,  que  ces  prétendues  colonnes  ne  sont  que  l’air  humide  expiré,  ces  dis¬ 
tinctions  ont  perdu  de  leur  importance.  Le  souffleur  est  un  animal  péla¬ 
gique,  l’autre  un  animal  littoral;  le  premier  a  les  narines  placées  le  plus 
haut  possible  à  la  base  du  crâne,  l’autre  vers  le  bout  du  museau,  au  milieu 
du  chanfrein,  ce  qui  est  parfaitement  indifférent  à  l’animal.  Les  zeuglodons, 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


65 


malgré  leur  taille,  seraient  donc  des  carnassiers  littoraux,  comme  les  Siré¬ 
niens  des  herbivores  littoraux,  et  les  squalodons  seraient  des  carnassiers 
pélagiques. 

Ces  animaux,  par  leur  système  dentaire,  peuvent  fort  bien  former  un 
ordre  distinct  dans  les  thalassothériens,  à  côté  des  cétacés  proprement  dits. 

Nous  ne  suivrons  donc  pas  les  errements  des  zoologistes  :  au  lieu  de  sépa¬ 
rer  ces  carnassiers,  en  plaçant  les  uns  parmi  les  phoques  et  les  autres  parmi 
les  souffleurs,  nous  les  réunissons  dans  un  seul  groupe  parallèle  aux  Siré¬ 
niens  et  aux  cétodonîes. 

Nous  admettons  donc  les 


ZEUGLODONTES 

comme  groupe  à  part ,  caractérisé  par  un  corps  semblable  à  celui  des  souf¬ 
fleurs,  mais  dont  les  dents  molaires,  au  moins  les  dernières,  sont  à  double 
racine  et  à  couronne  crénelée. 

Si  les  déterminations  des  terrains  sont  exactes,  nous  voyons  les  premiers 
apparaître  en  Amérique,  dans  l’Eocène,  les  Squalodons  du  Midi  vivre  dans 
le  Miocène,  et  ceux  du  Nord  (Anvers,  Gueldre)  surgir  et  s’éteindre  dans  le 
Pliocène,  c’est-à-dire  qu’ils  parcourent  les  trois  grandes  périodes  de  l’époque 
tertiaire ,  puis  disparaissent  de  la  scène  du  monde. 

Dans  l’Éocène,  les  vertèbres  sont  encore  en  partie  cartilagineuses  et  la  taille 
est  démésurément  grande;  ils  ne  sont  pas  souffleurs,  et  leurs  membres  se 
rapprochent  de  ceux  des  phoques  et  des  Siréniens.  Dans  les, couches  Miocène, 
ce  sont  de  vrais  souffleurs  comme  plus  tard  dans  le  Pliocène,  avec  les  ver¬ 
tèbres  et  les  membres  de  vrais  cétacés  souffleurs. 

Si  nous  ne  nous  trompons  au  sujet  des  affinités  des  squalodons  et  des 
zeuglodons,  ces  observations  viendraient  donc  confirmer  le  principe  reconnu 
par  quelques  paléontologistes,  que  certains  animaux  des  couches  paléo¬ 
zoïques  de  l’Amérique  du  Nord  ont  paru  dans  le  nouveau  monde,  plutôt  que 
dans  les  mêmes  couches  en  Europe. 


64 


SUR  LES  OSSEMENTS 


Genre  SQUALODON,  Grateloup. 

Synonimie  :  Crenidelphinus,  Laureillard ,  Dictionnaire  universel  d'histoire  naturelle,  vol.  IV, 
article  Dauphin. 

Delphinoïdes,  Pedroni,  Actes  de  la  Société  linnéenne  de  Bordeaux,  t.  XIV,  1845. 

Phocodon,  Agassiz,  Répertoire  d'anatomie  et  de  physiologie  de  Valentin,  1853. 

Chamsodelpius,  Gervais,  Zoologie  et  paléontologie  franc.,  pl.  XLI,fig.  6-8. 

Rhizoprion,  Jourdan,  Comptes  rendus  de  V Académie  de  sciences  de  Paris ,  t.  LUI. 
1861,  p.  959. 

Quelques  auteurs  ont  pensé,  avons-nous  vu,  que  les  zeuglodons  d’Améri¬ 
que  devaient  être  réunis  génériquement  aux  squalodons  d’Europe.  Nous  ne  le 
pensons  pas,  et  nous  avons  pour  cela  de  fort  bons  motifs  :  la  conformation  du 
crâne  est  si  complètement  différente,  que  les  premiers  sont  plutôt  des  phoques 
que  des  souffleurs,  tandis  que  les  squalodons  sont  des  souffleurs  véritables. 

Ces  noms  nouveaux  ont  été  successivement  substitués  aux  anciens  sous  le 
prétexte,  comme  on  le  pense  bien,  que  le  nouveau  est  plus  convenable? 
Serait-ce  impossible  de  trouver  aujourd’hui  un  meilleur  nom  que  celui  de 
Rhizoprion  9 

Nous  ne  trouvons  aucun  motif  pour  ne  pas  lui  conserver  le  premier  nom 
de  Squalodon,  qui  a  été  proposé  par  Grateloup,  et  qui  doit,  à  notre  avis, 
être  respecté;  non  pas  qu’il  faille  toujours  conserver  le  nom  le  pius  ancien, 
comme  on  l’a  proposé;  mais  quand  aucune  pièce  n’est  conservée  et  que 
l’auteur  lui-même  serait  dans  l’embarras  sur  l’application  du  nom  qu’il  a 
proposé  lui-même,  il  nous  semble,  mais  dans  ce  cas  seulement,  qu’il  est 
préférable  de  prendre  le  nom  de  celui  qui  a  le  premier  bien  connu  l’objet. 
Pourquoi,  par  exemple,  conserver  les  noms  spécifiques  des  baleines  proposés 
par  Linné.,  lui  qui  ne  les  a  connues  que  d’après  des  renseignements  vagues 
et  souvent  erronés.  Linné  lui-même  serait  dans  l’impossibilité  aujourd’hui 
de  déterminer  les  espèces  de  baleines  qu’il  a  admises  dans  son  Systcma 
naturae,  et  Fabricius  a  eu  le  grand  tort  d’adopter  les  noms  de  son  maître 
pour  les  baleines  que  lui,  le  premier,  a  bien  connues.  Si  le  savant  pasteur 
de  Groenland  avait  imposé  des  noms  nouveaux  à  ces  animaux ,  ces  noms 
eussent  à  tout  jamais  été  respectés. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


65 


Les  diverses  localités  où  les  débris  de  squalodon  ont  été  découverts,  en 
Europe,  sont  par  ordre  de  date  : 

1°  A  Malte,  dans  le  miocène.  Il  paraît  que  c’est  un  dépôt  du  même  âge 
que  ceux  de  Montpellier  et  de  Bordeaux.  On  ne  connaît  que  trois  dents 
molaires,  qui  sont  déposées  aujourd’hui  au  musée  du  Trinity  college,  à  Cam¬ 
bridge.  Elles  ont  été  étudiées  par  Owen  qui,  d’après  M.  Staring,  en  fit  d’abord 
un  jeune  hippopotame;  puis  par  31.  Agassiz,  qui  proposa  d’établir  un  nouveau 
genre  sous  le  nom  de  Phococlon.  Le  livre  de  Scilla,  De  corporibiis  marinis, 
où  ces  dents  sont  figurées,  est  de  4  747. 

2°  A  Léognan  (Gironde),  près  de  Bordeaux,  le  docteur  Lavallée  a  trouvé, 
dans  les  couches  inférieures  du  calcaire  marin  miocène  d’après  Graleloup, 
une  bonne  portion  de  la  tête ,  c’est-à-dire  du  maxillaire  et  de  l’intermaxil- 
laire,  avec  quatre  dents  molaires  en  place  et  deux  alvéoles  sans  dents;  un 
maxillaire  inférieur  presque  complet,  mais  sans  dents,  et  un  atlas  des  faluns 
de  Salles  (miocène)  découvert  en  184-2,  se  rapportent  sans  doute  au  même 
animal.  Ces  objets  ont  été  décrits  en  mai  184-0,  et  sont  tous  conservés  à 
Bordeaux. 

3°  A  Linlz,  dans  le  bassin  de  cette  ville,  à  quelques  pas  seulement  de  l’en¬ 
ceinte,  dans  les  couches  inférieures  du  sable  marin  miocène,  on  a  découvert 
une  tête  assez  complète ,  c’est-à-dire  un  crâne  avec  ses  os  principaux  forte¬ 
ment  fracturés,  les  deux  temporaux,  la  plus  grande  partie  du  frontal,  les 
maxillaires  et  intermaxillaires,  l’ethmoïde  et  le  vomer.  Il  n’y  a  que  deux 
dents  molaires  en  place,  mais  on  voit  sur  la  même  pièce  les  alvéoles  de  quatre 
autres  dents  à  double  racine  qui  les  précèdent.  Parmi  les  objets  isolés  con¬ 
servés  par  31.  Erhlich,  se  trouve  une  prémolaire  et  deux  dents  caniniformes, 
I  une  beaucoup  plus  forte  que  l’autre,  et  cette  dernière  seule  finement  striée 
à  sa  surface.  Toutes  ont  la  pointe  usée. 

En  outre,  un  crâne  presque  complet  d’un  jeune  individu,  qui  est  ouvert  à 
sa  hase  et  au  milieu  de  l’os  occipital.  Il  ne  laisse  pas  de  doute  sur  la  confor¬ 
mation  de  la  tête.  Ces  objets  ont  été  décrits  par  C.  Ehrlich  en  1850. 

Ces  squalodons  sont  accompagnés,  à  Lintz,  de  métaxitherium  en  grande 
abondance,  et  de  prétendus  Balœnodons.  A  Léognan  et  à  Montpellier,  à  côté 
des  squaladons  il  y  a  également  des  métaxitherium. 

Tome  XXXV. 


9 


66 


SUR  LES  OSSEMENTS 


A  Darmstadt,  il  y  a  des  métaxitherium,  mais  jusqu’à  présent  pas  de  squa- 
lodons. 

A  Anvers  et  en  Gueldre  il  n’y  a  pas  de  métaxitherium  à  côté  des  squalo- 
dons  b 

Par  contre,  à  Anvers,  on  trouve  avec  les  squalodons  de  grandes  espèces  de 
chélonées,  comme  on  en  a  trouvé  en  France  avec  eux  dans  la  mollasse,  et 
en  Amérique  avec  les  zeuglodons. 

4-°  Dans  le  crag  d’Anvers,  le  crag  noir  inférieur  sous-entendu,  on  connaît, 
depuis  1862,  d’abord  deux  fragments  de  maxillaire  supérieur,  le  bout  y 
compris,  portant  en  avant  et  encore  en  place  trois  dents  caniniformes  com¬ 
plètes,  indépendamment  d’une  dent  plus  ou  moins  droite,  placée  en  avant 
dans  l’axe  du  corps,  et  un  peu  plus  forte  que  les  autres.  Trois  de  ces  dents 
sont  implantées  dans  l’os  incisif.  La  canine,  qui  a  la  même  forme  et  la  même 
grandeur,  est  suivie  de  trois  alvéoles  qui  ont  logé  des  dents  semblables  à  une 
seule  racine.  Voilà  en  tout  sept  dents  à  une  racine. 

Un  autre  fragment  de  maxillaire  supérieur  renferme  encore  une  dent 
molaire  à  double  racine,  et  montre  en  avant  comme  en  arrière  l’impression 
de  deux  autres  dents  semblables.  Une  dent  molaire  complète,  libre,  accom¬ 
pagne  cette  dernière  pièce.  Ces  trois  portions  sont  de  gauche. 

La  même  portion  de  maxillaire  supérieur  de  droite,  avec  trois  dents  mo¬ 
laires  complètes,  mais  d’un  individu  un  peu  plus  fort.  Une  dent  isolée 
correspondant  à  ces  dernières,  mais  de  gauche. 

On  a  trouvé  en  outre  la  partie  postérieure  du  maxillaire  supérieur ,  mon¬ 
trant  les  alvéoles  au  nombre  de  quatre,  dont  la  dernière  notablement  plus 
petite  que  les  autres. 

Le  musée  de  Bruxelles  est  également  en  possession  de  deux  fragments  de 
maxillaire  inférieur,  l’un  de  droite,  l’autre  de  gauche,  indiquant  la  partie 
postérieure  de  la  symphyse,  et  montrant  par  ses  alvéoles  que  les  molaires 
à  deux  racines  s’étendent  en  avant,  au  delà  de  la  partie  postérieure  sym- 
physée.  Dans  la  pièce  à  droite  nous  reconnaissons  six  dents,  dont  la  dernière, 
à  en  juger  par  la  longueur  de  ses  racines,  n’est  pas  la  postérieure.  Le  frag- 

1  Je  crois  avoir  reconnu  ce  Sirénien  à  Elsloo,  près  de  Maestricht,  dans  le  Boldérien;  des  dé¬ 
bris  y  sont  mêlés  avec  des  dents  de  Squalodon.  Louvain,  29  mars  18<>5. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


67 


ment  de  gauche  montre  trois  alvéoles  complètes,  une  alvéole  incomplète  d’une 
dent  en  avant  et  d’une  autre  en  arrière.  Ce  qui  fait  que  nous  connaissons  six 
dents  molaires  du  maxillaire  inférieur. 

Un  autre  fragment  du  maxillaire  inférieur  de  gauche  lorme  presque  le 
bout.  Il  ne  montre  que  des  alvéoles,  au  nombre  de  quatre,  dont  la  posté¬ 
rieure,  plus  grande,  semble  correspondre  à  la  canine  inférieure.  On  voit  aussi 
le  bout  de  la  racine  de  l’incisive  antérieure  qui,  comme  celle  de  dessus, 
semble  avoir  une  autre  direction  et  un  développement  plus  considérable. 

Comme  pièce  de  moindre  importance,  nous  avons  à  signaler  un  fragment 
de  maxillaire  supérieur  qui  n’est  pas  loin  de  l’orifice  des  fosses  nasales  et  un 
fragment  de  maxillaire  inférieur  qui  a  son  bord  supérieur  complet,  mais  ne 
montre  plus  de  traces  d’alvéoles. 

Une  première  molaire  existe  au  musée  Teylerien  à  Haarlem  et  une  dent 
caniniforme  chez  M.  Gorissen. 

5°  Une  dent  molaire  a  été  trouvée  dans  la  mollasse  de  Saint-Jean-de-Vedas 
(Hérault)  par  Gervais,  et  dans  la  mollasse  d’Uzès  (Gard)  une  autre  dent  qui 
a  été  attribuée  d’abord  à  une  Otarie. 

6°  M.  Staring  nous  apprend  que,  depuis  1837,  on  a  découvert  dans  les 
environs  de  Eibergen  (Gueldre)  des  dents  molaires  et  des  vertèbres  que  1  on 
avait  cru  d’abord  devoir  rapporter  au  Dugong.  On  en  a  même  trouvé  des 
débris  qui  proviennent  de  différents  sujets,  au  moins  de  trois  qui  consistent 
en  dents  molaires  et  canines,  vertèbres  et  fragments  de  membres;  mais  on  en 
possède  si  peu,  ajoute  M.  Staring,  qu’il  serait  difficile  de  dire  quelque  chose 
de  général  de  l’animal.  Des  os  de  Dauphins  ont  été  attribués  au  Squalodon. 

Le  genre  Pachyodon  de  H.  von  Meyer  est  établi  sur  des  dents  trouvées  à 
Moeskirch  dans  le  duché  de  Baden.  x\gassiz,  en  citant  ce  nom,  demande  si 
c’est  un  pinnipède. 

7°  Dans  la  couche  inférieure  du  miocène  supérieur  ou  miocène  proprement 
dit,  une  tête  presque  complète  a  été  découverte,  en  1854 ,  dans  les  carrières 
de  M.  le  comte  de  Bord,  à  Barie;  heureusement  le  bout  du  rostre,  que  l’on 
croyait  perdu,  a  été  retrouvé.  Cette  tête  a  été  décrite  par  Jourdan  sous  le  nom 
générique  de  Rhizoprion.  Elle  est  déposée  au  musée  de  Lyon. 

Dans  le  Bohnerze  de  la  Forêt-Noire,  on  a  également  trouvé  des  dents  qui 
semblenty  indiquer  la  présence  de  squalodon,  si  l’on  s’en  rapporte  à  uneexhi- 


68 


SUR  LES  OSSEMENTS 


bition  qui  a  été  faite  par  M.  Alberti,  à  la  réunion  des  naturalistes  à  Fribourg. 

En  comparant  ces  pièces  entre  elles,  et  surtout  les  dents  molaires,  nous 
trouvons  des  différences  assez  notables  dans  ces  divers  animaux  :  le  Squalo¬ 
don  de  Lintz  a  toutes  ses  dents  molaires  régulièrement  espacées;  celui  de 
Bordeaux  les  a  presque  toutes  rapprochées  les  unes  des  autres,  tandis  que 
celui  d’Anvers  a  les  trois  dernières  seules  sans  intervalle.  Dans  le  Squalodon 
de  Barie,  elles  se  rapprochent  insensiblement  d’avant  en  arrière. 

Les  couronnes  des  dernières  molaires  de  l’animal  de  Lintz  sont  également 
fortes;  dans  l’animal  de  Bordeaux  les  cinq  dernières  molaires  diminuent  insen¬ 
siblement  de  volume  d’avant  en  arrière  comme  dans  celui  d’Anvers,  mais  il 
existe  cette  différence  entre  eux  que,  si  celui  d’Anvers  a  la  dernière  beaucoup 
plus  petite, celui  de  Bordeaux,  au  contraire,  a  la  cinquième  notablement  plus 
grande. 

Ce  que  nous  disons  de  la  couronne  s’applique  également  aux  racines;  on 
peut  en  juger  par  les  alvéoles.  La  racine  de  la  dernière  molaire  est  à  peine 
divisée  au  bout  dans  le  Squalodon  d’Anvers. 

Une  élude  approfondie  de  toutes  les  pièces  recueillies  nous  porte  à  ad¬ 
mettre,  indépendamment  des  fossiles  de  l’Alabama  et  des  dents  molaires  de 
Malte,  quatre  espèces. 

I.  Squalodon  de  Grateloup.  —  SQALODON  GRATELOUPIL 

H.  von  Meyer. 

Synonymie  :  Squalodon . gr.,  Art.  Acad.  sc.  de  Bordeaux,  mai ,  1840,  t.  Il ,  p.  201 . 

—  Grateloupii,  H.  von  Meyer,  Jarhb.,  1845,  p.  704. 

Delphinoïdes  Grateloupi,  Pedroni,  Act.Soc.  Linn.  de  Bordeaux ,  t.  XIV,  p.  105; 
1845. 

Crenidelphinus,  Lau  reillard,  Di  et.  univers,  d’hist.  nat.,  t.  IV,  p.  C5(i;  184a. 

Squalodon  Grateloupii,  Gervais,  A  nn.  des  sc.  nat.,  5rac  série,  t.  V,  p.  205.  Paris,  1840. 

—  —  Gervais,  Paléont.  franc.,  pl.  8,  fig.  12. 

Rhizoprion  Bariensis,  Jourdan,  Comptes  rendus  de  l’ Acad,  dessc.,  25  novembre 
1861,  p.  959.  Ann.  des  sc.  natur.,  1801. 

Zeuglodon  Grateloupi,  J.  Muller,  Ueber  die  Zeuglod.,  in— fol.  Berlin,  1849. 


L’animal  singulier  trouvé  dans  les  sables  de  Léognan  est  généralement 
connu  aujourd’hui  sous  le  nom  spécifique  de  Squalodon  Grateloupii.  Il  est  à 


PROVENANT  DU  GRAG  D’ANVERS. 


69 

remarquer  que  ce  nom  lui  a  été  donné  presque  en  même  temps  en  Allemagne 
et  en  France.  En  1843,  Herman  von  Meyer  rapporte  le  squalodon  trouvé  à 
Bordeaux  et  celui  que  l’on  venait  de  découvrir  à  Lintz  à  un  seul  animal, 
pour  lequel  il  propose  le  nom  qui  est  resté  au  premier  '.  En  1846,  M.  Paul 
Gervais  propose  le  même  nom  pour  désigner  le  fossile  de  Grateloup 1  2,  ignorant 
que  son  confrère  de  Franckfort  l’avait  déjà  proposé.  La  priorité  appartient 
au  naturaliste  allemand,  qui  a  l’avantage  de  consigner  périodiquement  dans 
sa  correspondance  ses  observations  et  ses  idées  sur  chaque  découverte. 

Le  Squalodon  de  Barie  est-il  différent  de  celui  de  Léognan  et  la  mâchoire 
inférieure  a-t-elle  plus  de  dents  dans  le  premier  que  dans  le  second  ? 

M.  Valenciennes,  chargé  d’examiner  une  mâchoire  inférieure  de  dauphin 
fossile,  trouvée  à  Montfort,  près  de  Dax  (département  des  Landes),  persiste  à 
penser,  dit-il,  que  sous  le  nom  de  Delphinus  macrogenius ,  on  a  réuni  deux 
espèces  différentes,  qu’une  troisième  espèce  sera  le  Delphinus  Bordæ,  qui 
est  un  squalodon,  et  qu’une  quatrième  espèce  doit  être  formée  sous  le  nom 
de  Delphinus  lophogenius  Val.  avec  la  mâchoire  inférieure  ci-dessus  3. 

Quoique  nous  trouvions  des  différences  dans  les  dents  du  squalodon  de 
Bordeaux  et  celui  de  Barie,  ces  différences  ne  nous  semblent  pas  assez  im¬ 
portantes  pour  séparer  ces  animaux  spécifiquement.  Dans  celui  de  Bordeaux 
les  molaires  sont  un  peu  plus  rapprochées  les  unes  des  autres  que  dans  celui 
de  Barie,  mais  ce  qui  semble  les  éloigner  davantage  l’un  de  l’autre,  c’est  que 
les  molaires  du  dernier  sont  à  peine  crénelées  sur  leur  bord  antérieur,  tandis 
que  dans  celui  de  Bordeaux,  comme  dans  celui  de  Lintz,  les  crénelures  sont 
aussi  nombreuses  en  avant  qu’en  arrière. 

Le  Squalodon  de  Bordeaux  a  la  cinquième  dent  molaire,  à  partir  de  la  der¬ 
nière,  notablement  plus  forte  que  les  autres,  tandis  que  celui  de  Barie  montre 
les  cinq  dernières  dents  à  peu  près  égales  en  volume.  Sous  ce  rapport,  le  Squa¬ 
lodon  de  Bordeaux  se  rapproche  plus  de  celui  d’Anvers  que  de  celui  du  Midi. 

Parmi  les  débris  attribués  à  divers  animaux,  et  qui  proviennent  du  Squa¬ 
lodon  Grateloupii ,  il  faut  placer  : 

1°  La  belle  mâchoire  inférieure  décrite  sous  le  nom  de  Delphinus  ma - 

1  Jahrbnch,  1843,  p.  704. 

2  Annales  des  sc.  natur.,  1846,  p.  264. 

3  Comptes  rendus,  1802,  p.  788. 


70 


SUR  LES  OSSEMENTS 


crogenius  ou  champsodelphis  dans  divers  auteurs,  et  que  M.  Paul  Gênais  a 
figurée  pl.  4-1,  fig.  7; 

2°  Le  maxillaire  inférieur  figuré  à  la  même  planche  4-1 ,  fig.  8,  et  décrite 
sous  le  nom  de  Delphinus  Bordæ; 

3°  La  dent  désignée  sous  le  nom  de  Smilocamptus ,  pl.  4-1 ,  fig.  4. 

4-°  Une  dent  caniniforme  trouvée  dans  la  mollasse  d’Uzès  (Gard.),  pl.  8, 
fig.  7  et  8,  attribuée  à  un  animal  du  groupe  des  Otaries. 

On  a  découvert  jusqu’à  présent  de  cette  espèce  : 

1°  Le  Rostre  décrit  par  Grateloup; 

2°  Les  fragments  de  rostre  et  de  maxillaire  inférieur  assez  complet,  décrits 
sous  le  nom  de  Delphinus  ou  Champsodelphis  macrogenius ; 

3°  Le  maxillaire  droit  que  l’on  a  attribué  au  Delphinus  Bordæ; 

Ces  objets  proviennent  tous  du  grès  de  Léognan. 

4-°  Un  atlas  complet,  trouvé  dans  le  même  grès  à  Léognan; 

3°  Une  dent  attribuée  à  un  phoque,  pl.  4*1,  fig.  1  ; 

6°  Les  deux  fragments  de  mâchoire  inférieure  attribuée  au  Delphinus 
brevidens ,  pl.  9,  fig.  6; 

7°  La  tête  presque  complète  décrite  par  M.  Jourdan  ; 

8°  Le  bout  du  rostre  du  même,  décrit  par  M.  Paul  Gervais. 

Les  débris  de  squalodon  trouvés  à  Anvers  se  rapportent-ils  à  la  même 
espèce  que  nous  venons  de  signaler  dans  les  sables  de  Léognan  P  Nous  ne  le 
pensons  pas,  et  nous  proposons  pour  la  désigner  le  nom  de  : 

IL  Squalodon  d’Anvers.  —  SQUALODON  ANTVERPIENSIS.  N.  spéc. 

Synonymie  :  Squalodon  Antveupiensis,  Van  Beneden.  Un  nouveau  mammifère  du  craq  d'An¬ 
vers.  Bull,  de  l’Acad.  royale  de  Belgique,  2e  série,  t.  XII,  n"  7. 

Squalodon  Grateloupii,  Staring,  Versteeningen  uit  den  tertiaire n  leem  van  Eiber- 
gen....  Dr  Staring.  Bodem  van  Nederland,  t.  II,  pag.  210. 

Les  fragments  qui  ont  été  mis  au  jour  à  x\nvers  proviennent  de  plusieurs 
individus  de  tailles  assez  diverses,  que  l’on  pourrait  rapporter  peut-être  à 
des  espèces  différentes.  Nous  nous  bornerons  à  les  signaler  sous  le  même 
nom,  laissant  au  temps  le  soin  de  confirmer,  par  la  découverte  de  nouveaux 
matériaux,  leur  diversité  d’origine  ou  leur  unité  spécifique. 


PROVENANT  DU  CRAG  D  ANVERS. 


71 


On  a  trouvé  des  os  de  squalodon  au  fort  n  4,  à  Vieux-Dieu,  à  Berchem 
ainsi  qu’à  l’enceinte. 

Parmi  eux  se  trouvent  plusieurs  fragments  de  rostre  qui  nous  ont  permis 
de  comprendre  leur  singulier  système  dentaire.  Une  de  ces  pièces  montre  les 
dents  terminales  en  place.  Une  autre  pièce  nous  fait  connaître  la  disposition 
des  dernières  dents  molaires,  du  palais  à  la  hauteur  des  dernières  dents  et  la 
gouttière  du  rostre  avec  la  partie  terminale  du  vomer  en  place. 

On  a  trouvé  aussi  plusieurs  dents  molaires  véritables,  de  diverses  gran¬ 
deurs,  des  prémolaires  et  des  incisives.  Nous  avons  vu  deux  dents  molaires  à 
racine  élargie  indiquant  la  transition  des  racines  simples  aux  racines  doubles. 
On  observe  la  même  transition  pourda  couronne. 

Nous  avons  vu  aussi  des  fragments  assez  grands  du  maxillaire  inférieur 
montrant  les  uns  leurs  alvéoles  vides,  les  autres  les  racines  des  dents  en  place. 

Nous  sommes  en  possession  aussi  de  plusieurs  vertèbres  que  nous  sup¬ 
posons  appartenir  aux  principales  régions  de  la  colonne  vertébrale,  et  qui  sont 
toutes  intéressantes,  surtout  la  dernière. 

Les  canines,  décrites  par  M.  Staring,  ont  été  trouvées  en  1858  dans  l’ar¬ 
gile,  d’où  provient  aussi  probablement  la  dent  molaire.  M.  Staring  cite  en 
outre  un  épistrophéus,  une  lombaire,  une  caudale,  de  près  de  Eibergen, 
ainsi  que  des  fragments  de  côtes,  trois  vertèbres  lombaires,  des  caudales  et 
surtout  une  des  dernières  caudales,  qui  ressemble  à  celle  des  cétacés,  un 
fragment  de  sternum?  un  os  d’oreille  (tympanal),  enfin  une  vertèbre  cervi¬ 
cale  et  une  autre  dorsale.  Nous  avons  dit,  plus  haut,  ce  que  nous  pensons 
de  ces  dernières  pièces. 

III.  Squalodon  de  Gervais.  —  SQUALODON  GERVAISII.  Sp.  nov . 

Synonymie  :  Gervais,  Zoolog.  et  paléonl.  franc.,  pl.  VIII ,  fig.  II. 

On  n’en  connaît  qu’une  seule  dent  molaire,  mais  elle  diffère  de  toutes  les 
autres  par  sa  racine  trilobée. 

Elle  a  été  trouvée ,  par  M.  Paul  Gervais ,  au  milieu  de  dents  de  squales 
recueillies  à  Saint-Jean-de-Vedas. 


72 


SUR  LES  OSSEMENTS 


Nous  croyons  ce  caractère  de  la  racine  de  la  dent  assez  important  pour 
ne  pas  hésiter  à  faire  une  espèce  distincte  de  cet  animal.  Nous  ne  serions 
même  pas  surpris  que  ces  différences  fussent  plus  que  des  différences  spé¬ 
cifiques. 


IV.  Squalodon  d’Ehrlich.  —  SOUALODON  EHRLICHII.  Sp.  nov. 


Synonymie  :  Klipstein,  Karsten’s  und  Decken’s  Archiv;  1842. 

—  Jalirbuch  fur  Minéralogie ;  1843,  p.  704. 
Carl.  Ehrlich,  Beitrage  zur  Paléontologie;  Lintz,  1833. 


Cette  espèce  se  distingue  par  la  largeur  extraordinaire  du  rostre  ainsi  que 
par  sa  grande  brièveté.  Toutes  les  pièces  semblent  notablement  plus  massives. 
Les  six  dernières  molaires  ont  à  peu  près  la  même  dimension  ,  et  les  espaces 
qui  les  séparent  sont  à  peu  de  chose  près  les  mêmes. 

Il  est  assez  remarquable  que  la  dernière  molaire  n’est  guère  plus  petite  que 
les  autres.  Les  deux  bords ,  antérieur  et  postérieur,  portent  le  même  nombre 
de  saillies. 

On  en  possède  une  tête  presque  complète  d’un  animal  adulte,  et  le  crâne 
d’un  jeune.  Plusieurs  dents  molaires  et  caniniformes  sont  conservées,  mais 
les  premières  seules  sont  encore  en  place. 

Il  est  assez  remarquable  que,  dans  les  trois  rostres  de  Bordeaux ,  d’Anvers 
et  de  Lintz,  on  trouve,  malgré  les  fractures,  le  même  nombre  de  dents  en 
place  et  le  même  nombre  d’alvéoles  vides. 

A  Lintz,  nous  avons  trouvé,  comme  à  Anvers,  des  dents  caniniformes 
isolées  de  deux  grandeurs  différentes. 

M.  Ehrlich  a  recueilli  également,  à  côté  de  la  tête,  une  vertèbre  du  cou, 
aplatie  et  isolée ,  avec  plusieurs  vertèbres  dorsales  et  lombaires.  Les  vertèbres 
dorsales  sont  d’une  longueur  ordinaire;  les  lombaires  sont  un  peu  plus  longues 
que  les  autres. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


75 


Genre  STENODON  U 

À  côté  du  squalodon,  M.  Ehrlich  a  trouvé,  dans  la  mollasse  des  environs 
de  Linlz,  plusieurs  débris  de  cétacé  d’une  taille  beaucoup  plus  considérable 
que  celle  du  squalodon. 

Le  musée  de  Linlz  en  possède  une  portion  de  crâne  assez  complet,  avec  les 
deux  condyles  occipitaux  et  la  plus  grande  partie  des  arcades  zygomatiques. 
Outre  ce  crâne,  il  s’y  trouve  encore  un  os  tympanique  assez  complet,  une 
dent  caniniforme,  un  atlas  presque  entier,  et  plusieurs  vertèbres  lombaires 
et  caudales  assez  bien  conservées. 

Herman  von  Meyer  reçut,  en  184-7 ,  de  Lintz,  un  atlas  qui  venait  d’y  être 
découvert,  et  reconnut  à  la  dimension  de  cette  vertèbre  cervicale  qu’un  autre 
animal  que  les  Metaxylherium  et  les  Squalodons  avaient  vécu  dans  le  bassin 
de  Lintz. 

En  184-9  on  découvrit  en  effet,  dans  les  mêmes  couches  de  sable,  un 
crâne  assez  bien  conservé  auquel  l’atlas  trouvé  deux  ans  auparavant  s’adap¬ 
tait  parfaitement.  Ce-  crâné  présentait  des  caractères  tout  particuliers,  comme 
nous  le  verrons  à  l’instant. 

Cet  animal  était  pour  Herman  von  Meyer  différent  des  Wallartigen  Thiere, 
et,  comme  on  avait  trouvé  en  même  temps  une  dent  qui  n’offrait  pas  de  ca¬ 
ractères  très-précis,  il  crut  avoir  affaire  à  un  animal  semblable  à  celui  de 
Felixtown,  auquel  R.  Owen  avait-  donné  le  nom  de  Balœnodon. 

Le  célèbre  paléontologiste  de  Francfort  a  donné  à  cet  animal  le  nom  de 
Balœnodon  lintianus,  croyant  devoir  rapporter  ces  débris  à  l’animal  trouvé 
quelques  années  auparavant  dans  le  crag.  Nous  avons  déjà  dit  que  la  dent  qui 
a  été  désignée  sous  ce  nom  est,  selon  toute  probabilité,  une  dent  de  ziphius. 

A  en  juger  par  la  dent  unique  que  Ehrlich  a  recueillie,  ce  prétendu  Ba- 
lænodon  appartiendrait  à  la  famille  des  Zeuglodontes  et  représenterait  sur  le 
continent  européen  la  plus  grande  espèce  de  cette  famille. 

Il  nous  semble  que  ce  sont  plutôt  des  caractères  négatifs  ou  secondaires 


1  De  arEva,  angustics. 

Tome  XXXV. 


10 


74 


SUR  LES  OSSEMENTS 


qui  ont  guidé  H.  von  Meyer  clans  cette  détermination.  Il  a  trouvé  comme  Owen 
des  os  d’oreille,  ou  plutôt  des  os  tympaniques  et  des  dents  allongées,  et  il  ne 
s’est  pas  aperçu  que  le  nom  de  Balænodon  avait  été  appliqué  à  des  animaux 
fort  différents  les  uns  des  autres.  Les  os  tympaniques  du  crag  sont  en  effet 
des  Plesiocètes,  c’est-à-dire  des  cétacés  à  fanons  voisins  des  Ptérobaleines, 
tandis  que  les  dents  allongées,  dont  on  a  fait  aussi  le  genre  Hoplocète,  sont 
d’un  cetodonte  de  la  famille  des  Ziphioïdes. 

H.  von  Meyer  avait  cependant  reconnu  que  les  os  tympaniques  de  Lintz  ne 
ressemblent  aucunement  aux  os  tympaniques  des  cétacés  du  crag. 

C’est  avec  raison  que  M.  Ehrlich  croit  prudent  d’attendre  de  nouvelles 
observations  avant  d’accepter  ce  rapprochement  comme  définitif. 

Dans  une  lettre  de  H.  von  Meyer  à  Bronn,  le  savant  paléontologiste  de 
Francfort  trouve  que  le  Balænodon  a  plus  d’affinités  (weit  mehr  Aehnlichkeit ) 
avec  le  zeuglodon  que  le  squalodon  et,  eu  égard  à  la  taille,  il  rapproche 
le  Balænodon  du  Zeuglodon  macrospondylus.  Une  complète  ressemblance 
n’existe  toutefois  pas,  dit-il,  et  il  signale  quelque  différence  dans  la  forme 
de  la  tête.  Il  est  assez  remarquable  que  la  grosse  vertèbre,  qui  avait  été  dé¬ 
couverte,  était  considérée  par  J.  Müller  comme  vertèbre  de  zeuglodon.  C'était 
pour  lui  une  vertèbre  antérieure  caudale,  ce  que  ne  croit  pas  H.  von  Meyer. 
Du  reste,  comme  le  fait  fort  bien  remarquer  M.  Ehrlich,  l’atlas  de  Lintz  ne 
correspond  aucunement  avec  celui  de  zeuglodon ,  dont  il  diffère  par  des  ca¬ 
ractères  plus  que  spécifiques,  et  la  dent  est  plus  différente  encore  des  dents 
de  zeuglodon. 

Herman  von  Meyer  ne  peut  du  reste  considérer  comme  démontré  que  le 
singulier  crâne  de  Lintz  se  rapporte  au  genre  Balænodon. 

Pourrait-on  même  dire  ce  que  c’est  que  le  Balænodon?  L’auteur  du  genre 
pourrait-il  nous  donner  quelques  éclaircissements  à  cet  égard?  Nous  en  dou¬ 
tons,  et  voici  pourquoi  :  c’est  que  le  nom  de  Balænodon,  comme  nous  venons 
de  le  dire,  a  été  donné  à  des  restes  d’animaux  de  diverse  nature.  Dans  son  der¬ 
nier  ouvrage  ’,  M.  R.  Owen  cite,  sous  le  nom  de  Balænodon  gibbosus ,  une 
caisse  de  tympan  d’un  célacé  à  fanon  (Plésiocète)  et  reconnaît  que  le  Balæno¬ 
don  appartient  à  un  autre  groupe  que  celui  des  Delphinides.  Cet  os  tvmpa- 

*  Palœontology  or  a  systemalic  summary  of  extinct  animais.  Edimburg,  18GO. 


PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


75 

nique  de  Balœnodon  gibbosus  provient  du  crag  rouge  de  Suffolk.  Les  dents 
de  cet  animal,  ajoute-t-il,  sont  déterminées  depuis  4  840  les  os  tympa- 
niques  depuis  4843 1  2. 

Voici  le  résultat  des  observations  que  nous  avons  faites  à  Lintz  : 

Le  crâne  lui-même,  avec  tout  l’occipital  et  ses  condvles,  les  os  temporaux 
ainsi  qu’une  partie  de  la  base  du  crâne,  sont  assez  bien  conservés,  comme 
on  peut  le  voir  planche  IV. 

La  tête  mesure  en  largeur,  d’un  temporal  à  l’autre  0,5,  et  en  longueur  des 
bords  postérieurs  des  condyles  occipitaux  au  bord  antérieur  de  l’occiput  0,3. 

Ce  qui  donne  surtout  un  caractère  particulier  à  celte  boite  crânienne,  c’est 
sa  forme  triangulaire  et  la  singulière  et  forte  crête  qui  s’élève  sur  le  bord  de 
l’occipital.  La  boîte  crânienne  elle-même  est  creusée  au  milieu,  comme  le 
rostre  des  Physeters.  Cette  crête  produit  une  forte  dépression  dans  cette  par¬ 
tie  du  crâne  qui  est  ordinairement  tout  aplatie. 

Les  os  temporaux,  surtout  la  portion  antérieure  qui  joint  le  frontal  et  re¬ 
présente  l’arcade  zygomatique,  sont  robustes  et  fortement  développés. 

On  reconnaît  fort  bien  les  surfaces  glénoïdes. 


Os  lympanique  de  Slénodon  trouvé  à  Lintz,  de  grandeur  naturelle. 


1  History  of  British  fossil  mammals ,  in-8°,  p.  536. 

2  Proceed.  and  quart,  jour n.  géol.  Soc.  1845. 


76 


SUR  LES  OSSEMENTS 


La  caisse  du  tympan  cpie  nous  représentons  ici  est  plus  remarquable  encore 
que  la  forme  particulière  de  la  boîte  crânienne.  Elle  n’a  pas  du  tout  lés  carac¬ 
tères  de  la  caisse  des  Ptérobaleines.  La  portion  columellaire  est  plus  massive, 
le  bord  qui  correspond  au  péristome  ne  s’étend  pas  d’un  bout  à  1  autre,  et 
toute  la  caisse  est  sensiblement  plus  large  à  l’un  des  pôles  qu’à  l’autre.  La 
portion  enroulante  est  assez  fortement  écartée  de  la  base  et  produit  une 
très-large  excavation.  Celte  partie  est  régulièrement  arrondie  à  sa  surface 
externe. 

La  surface  opposée  à  la  bouche  de  la  caisse  est  tout  à  fait  arrondie,  légère¬ 
ment  bosselée  et  ne  présente  ni  les  crêtes  des  Balénoptères  ni  la  surface 
aplatie  des  baleines.  Elle  se  rapproche  plutôt  des  Delphinides,  avec  des  carac¬ 
tères  particuliers  toutefois. 

Ces  caisses  de  tympan  n’ont  d’affinité  qu’avec  celles  de  zeuglodon,  et  H.  von 
Meyer  a  fait  observer  avec  raison  que  ces  os  d’oreille  ne  ressemblent  aucu¬ 
nement  à  ceux  de  Suffolk. 

Une  autre  caisse  de  tympan,  mais  d’un  tiers  plus  petite,  a  été  trouvée  dans 
les  mêmes  localités.  Par  l’ensemble  des  caractères,  cet  os  se  rapproche  de  la 
caisse  précédente,  mais  il  indique,  en  tout  cas,  l’existence  d’un  animal  dictè¬ 
rent  de  celui  que  nous  venons  de  mentionner.  C’est,  peut-être  l’os  tympanique 
du  Sr/ualodon  d’Ehrlicli. 


Dent  de  Balænodon ,  d'après  H.  von  Meyer,  réduite  de  moitié. 


Une  dent  trouvée  dans  le  même  endroit,  rapportée  par  H.  von  Meyer  au 
même  animal,  ne  présente,  au  premier  abord,  aucun  des  caractères  qui 


PROVENANT  DU  CRAG  D  ANVERS. 


n 

semblent  devoir  en  faire  un  Squalodon.  Elle  est  longue  de  dix  centimètres 
et  mesure,  vers  le  milieu,  deux  centimètres.  Elle  est  sans  racine  et  creuse  à  sa 
partie  inférieure.  La  couronne  occupe  à  peu  près  le  tiers  supérieur.  Elle  est 
pointue,  mais  irrégulièrement;  elle  est  un  peu  tronquée  à  la  suite  de  l’usure, 
mais  fort  obliquement  ;  sa  surface  est  finement  striée,  et,  sur  le  côté,  on  voit 
une  bordure  qui  la  rapproche  des  dents  caniniformes  de  squalodon. 

Nous  avons  éprouvé  d’abord  un  grand  embarras  pour  déterminer  cette 
dent;  elle  semble  devoir  se  rapporter  plutôt  à  une  incisive  de  sirénoïde  qu’à 
tout  autre  cétacé.  Mais  depuis  que  nous  avons  eu  l’occasion  de  voir  les  dents 
antérieures  si  irrégulièrement  usées  des  Squalodons,  nous  croyons  devoir  la 
considérer  comme  une  défense  de  cet  animal. 

Comme  il  arrive  souvent,  cette  dent  qui  nous  gênait  d’abord,  vient  ainsi 
à  l’appui' de  la  première  opinion  que  nous  avions  émise  au  sujet  de  la  tête. 

Il  existe  quelques  vertèbres  parmi  lesquelles  nous  pouvons  citer  les  deux 

■ 

premières  cervicales.  Elles  ont  été  trouvées  en  1847. 

Ces  deux  vertèbres  sont  complètement  soudées.  Elles  sont  entières,  sauf 
une  partie  de  l’arc  supérieur.  Les  deux  condyles  sont  intacts.  Les  apophyses 
transverses  sont  peu  développées. 

Les  premières  vertèbres  étant  réunies,  l’animal  de  Lintz  s’éloigne  donc 
des  Plésiocètes  pour  se  rapprocher  des  Cétodontes. 

Ces  mêmes  vertèbres  l’éloignent  aussi  des  Zeuglodons,  comme  M.  Ehr- 
lich  l’a  déjà  fait  remarquer. 

Une  autre  vertèbre  cervicale,  dont  le  corps  a  environ  deux  centimètres 
d’épaisseur,  est  complètement  isolée.  Elle  porte  encore  la  base  des  apophyses 
qui  vont  constituer  l’arc  néural. 

Deux  autres  vertèbres,  dont  le  corps  est  assez  long  puisqu’il  mesure  jus¬ 
qu’à  dix  centimètres,  appartiennent  à  la  région  lombaire,  et  sont  extrêmement 
remarquables  par  le  peu  de  développement  de  l’arc  néural.  Des  apophyses 
transverses  sont  conservées  et  montrent  un  assez  grand  développement. 

Deux  autres  vertèbres,  beaucoup  plus  petites,  appartiennent  à  la  région 
caudale.  L’arc  néural  est,  contrairement  aux  deux  autres  vertèbres,  très-dé- 
veloppé. 

.1.  Müller  a  cru  que  ces  grandes  vertèbres  se  rapportent  au  zeuglodon,  et 


» 


78 


SUR  LES  OSSEMENTS 


qu’elles  présentent  tous  les  caractères  d’une  vertèbre  caudale  antérieure  de 
ces  animaux. 

Parmi  les  os  recueillis  dans  le  même  endroit,  il  se  trouve  deux  fragments 
d’os  plats,  qui  ne  nous  semblent  pas  être  sans  importance.  Ils  paraissent 
n’avoir  pas  attiré  l’attention  jusqu’à  présent. 

L’un  de  ces  os  est  assez  long,  fortement  aplati,  irrégulièrement  arrondi  à 
l’un  des  bouts,  et  montrant  des  traces  de  fracture  à  l’autre  bout.  Il  mesure 
vingt-quatre  centimètres  en  largeur.  Sa  hauteur  est  de  dix  centimètres ,  et 
il  est  épais  de  un  à  un  centimètre  et  demi.  Une  de  ses  surfaces  est  plane  et 
même  légèrement  creuse;  l’autre  surface  est  moins  régulière,  et  en  avant  on 
voit  même  des  traces  de  fracture.  Or,  nous  croyons  que  cet  os  plat  est  le 
bout  d’un  maxillaire  inférieur  gauche,  et,  à  en  juger  par  les  fractures,  nous 
croyons  que  les  deux  branches  étaient  réunies  par  une  symphyse. 

Un  autre  fragment  plus  court,  mais  un  peu  plus  haut,  nous  semble  corres¬ 
pondre  à  la  portion  postérieure  du  même  maxillaire,  mais  malheureusement 
les  surfaces  articulaires  manquent.  L’une  des  surfaces  montre  une  gout¬ 
tière  longitudinale  assez  large,  que  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  décon¬ 
sidérer  comme  l’orifice  postérieur  du  canal  dentaire  inférieur. 

Il  mesure  en  arrière,  en  hauteur,  environ  douze  centimètres,  en  avant,  au 
contraire ,  seulement  huit  centimètres. 

Si  ces  fragments  proviennent  réellement  du  maxillaire  inférieur  de  ce  cé- 
*  tacé,  leur  minceur  extrême,  ainsique  leur  hauteur  et  la.  longue  symphyse 
semblent  indiquer  que  l’animal  dont  ils  proviennent  est  un  célodonte,  selon 
toute  apparence  plus  voisin  des  Squalodons  que  des  Cétodontes  ordinaires. 

Comme  cet  animal  n’a  rien  de  commun  avec  ceux  que  l’on  a  désignés  sous 
le  nom  de  Balœnoclon,  et  qu’il  ne  se  rapporte  à  aucun  genre  connu ,  nous 
proposons  pour  lui  le  nom  générique  de  Stenodon ,  en  conservant  le  nom 
spécifique  que  IL  von  Meyer  a  proposé. 

H.  von  Meyer  trouve  que  le  cétacé  qu’il  regarde  comme  Balænodon  a  plus 
d’affinité  avec  les  Zeuglodons  que  n’en  a  le  Squalodon,  et  qu’il  se  rapproche 
le  plus  du  Zeuglodon  macrospondyliis  par  sa  taille;  depuis  que  l’on  connaît 
la  forme  véritable  de  la  tête  du  Zeuglodon,  on  peut  dire  que  cette  appréciation 
est  erronée. 


PROVENANT  DU  GRAG  D  ANVERS. 


79 


STENODON  LENTIANUS.  H.  von  Meyer. 

Synonymie  :  Balænodon  lentianus,  Herman  von  Meyer.  Jalirbuch ,  1850,  2e  Hefl,  p.  201. 

—  —  Cari  Ehrlieh.  Geognostische  Wanderungen  im  Gebiele  der 

iVordôstlichen  Alpen,  in-8°.  Lintz,  1856,  pag.  81,  pl.  II. 

III  et  IV. 

Trouvé  dans  la  mollasse  des  environs  de  Lintz,  haute  Autriche,  avec  des 
débris  de  squalodon  et  de  Halitherium. 

Genre  ZEUGLODON. 

Nous  connaissons  encore  bien  peu  de  ces  animaux  ;  des  vertèbres  longues 
et  courtes,  grandes  et  petites,  ont  été  trouvées  pêle-mêle,  mais  toutes  ces  ver¬ 
tèbres  sont-elles  de  zeuglodon  ,  et  doit-on  admettre  les  Zeugloclons  macros- 
pondylus ,  bracliyspondylus ,  etc.?  Nous  ne  le  pensons  pas.  A  en  juger 
d’après  les  cétacés  vivants,  deux  espèces  d’un  même  genre,  nous  dirions 
presque  d’une  même  famille,  ne  peuvent  offrir  des  différences  aussi  notables 
dans  la  structure  de  leurs  vertèbres. 

Plus  tard  surgira  même  la  question  de  savoir  si  le  nom  Zeuglodon  se 
rapporte  à  l’animal  auquel  se  rattachent  les  grandes  ou  les  petites  vertèbres. 

Le  sternum  est-il  connu  ?  C’est  une  pièce  de  bien  grande  importance. 

J.  Müller  a  figuré,  pl.  VIII,  fig.  8  et  pl.  IX,  fig.  6,  le  même  os,  et  il  semble 
être  dans  le  doute  si  c’est  une  phalange  ou  une  portion  de  sternum.  Nous  ne 
doutons  pas  de  sa  nature  sternale.  C’est  la  portion  inférieure  de  cet  os,  qui 
était  divisé  non  comme  dans  les  Phoques,  mais  bien  comme  dans  les  Dau¬ 
phins. 

Le  sternum  indique  à  notre  avis  un  cétacé. 

La  tête  qui  a  été  achetée  à  Haarlem,  a  les  fosses  nasales  couvertes  de 
deux  longs  os  propres  du  nez,  et  comme  ces  fosses  sont  fort  éloignées  du  bout 
du  museau,  il  est  à  supposer  que  l’animal  avait  une  trompe,  comme  le  genre 
Macrorhin  parmi  les  Phoques. 

Les  narines  ne  sont  positivement  pas  disposées  comme  dans  les  Cétacés. 


80  SUR  LES  OSSEMENTS  PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 


Il  faudrait  fouiller  les  fosses  nasales  pour  y  découvrir  les  replis  ethmoïdaux 
des  Phoques. 

Ils  ont  une  grande  caisse  de  tympan,  mais  qui  n’est  ni  de  phoque  ni  de 

cétacé. 

Les  os  des  membres  antérieurs  sont  mobiles  comme  ceux  des  Phoques. 
Les  premières  apophyses  épineuses  dorsales  sont  les  plus  longues  d’après 
J.  Müller. 

Le  zeuglodon  a  été  trouvé  dans  le  sable  vert  éocène  ( eocene  green  sand)  de 
la  Caroline  du  sud  L 

Harlan  avait  reçu  ces  grandes  vertèbres,  from  the  banks  of  the  Wachiti 
river ,  et  plus  tard  des  débris  semblables,  de  Clarck  county ,  Alabama. 

Voici  comment  nous  croyons  pouvoir  répartir  les  trois  genres  de  celte  cu¬ 
rieuse  famille  : 


ZEUGLODONTES. 


Zeuglodon  . 


Stenodon 


Squalodon  . 


Z.  macrospondyhts. 

\  —  brachyspondylus. 

St.  lenlianus. 

I  I.  Sq.  Grateloupii. 

II V.  —  Ehrlichii. 

IL  —  Antverpiensis. 

III.  —  Gervaisii. 


*  Joum.  of  the  Acad,  of  nat.  Sciences  of  Philadelphia.  Vol.  I,  seconde  série;  1847-50. 


FIN. 


EXPLICATION  DES  PLANCHES 


PLANCHE  I. 

SQUALODON  ANTVERPIENSIS. 

La  tète  est  vue  de  profil,  de  grandeur  naturelle.  Toute  la  partie  antérieure,  qui  est  ombrée,  a 
été  trouvée  a  Anvers.  Le  reste  est  dessiné  d’apres  deux  crânes  de  Lintz  et  surtout  d’après  celui  de 
Barie,  décrit  par  Jourdan.  On  aperçoit  en  avant,  en  liant,  une  grande  partie  de  la  défense  supé¬ 
rieure.  On  v  oit  aussi  distinctement  la  suture  du  maxillaire  avec  l’intermaxillaire,  et  la  première 
dent  de  1  os  maxillaire  qui  est  une  canine.  Tout  le  bout  du  rostre  est  exclusivement  formé  par 
les  os  inlermaxillaires. 


PLANCHE  IL 

SQUALODON  EHRLICHII. 

(Ces  dessins  sont  faits  d  après  des  photographies  que  j’ai  fait  prendre  sur  les  lieux.) 

F ig.  1.  Le  rostre  vu  d’en  haut,  montrant  l’orifice  des  évents. 

*  2.  Le  même  vu  de  profil,  montrant  deux  dents  en  arrière  en  place. 

»  3.  Ces  deux  dents  de  grandeur  naturelle. 

»  4.  Le  crâne  du  jeune  Squalodon  vu  d’en  haut.  Il  repose  en  arrière  sur  les  deux  condyles 

occipitaux.  Tout  ce  crâne  est  formé  de  pièces  ou  fragments  réunis  à  la  colle,  et  toute 
sa  surface  est  couverte  de  grains  de  sable. 


PLANCHE  III. 

SQUALODON  EHRLICIIII. 

Fig.  1.  La  tète  reconstituée,  vue  de  profil,  d’après  le  crâne  du  jeune  individu. 
«  2.  Atlas  de  Squalodon  Grateloupii.  Des  faluns  de  Salles ,  1842  (miocène). 

Tome  XXXV. 


II 


82  SUR  LES  OSSEMENTS  PROVENANT  DU  CRAG  D’ANVERS. 

PLANCHE  IV. 

STENODON  LENTIANUM. 


Crâne  trouvé  dans  les  environs  de  Lintz,  et  déposé  au  VaterUindisches  Muséum  de  cette  ville. 
Ce  dessin  a  été  envoyé  par  M.  Ehrlich  à  J.  Müller,  et  la  famille  de  l’illustre  défunt  a  bien  voulu 

le  céder  en  ma  faveur. 


FIN  DE  L’EXPLICATION  DES  PLANCHES. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


I.  —  INTRODUCTION. 


Première  découverte,  en  1832,  du  Basilosaure,  page  5. 

Découverte  du  Zeuglodon  à  Léognan,  page  4. 

R.  Owen  reconnaît  le  Basilosaure  comme  un  mammifère  voisin  des  Lamantins,  page  4. 

Van  Beneden  et  H.  von  Meyer  reconnaissent  le  Squalodon  pour  un  mammifère  voisin  des 
Dauphins,  page  S. 

De  nouvelles  découvertes  aux  États-Unis,  page  .5. 

Koch  rassemble  de  nouveaux  ossements,  page  G. 

Exposition  à  Dresde,  à  Berlin,  à  Leipzig  et  à  Vienne,  page  6. 

J.  Müller  fait  sa  première  communication  sur  le  fameux  Hydrarchos,  et  trouve  des  vertèbres 
du  cou,  page  7. 

Dents  figurées  parScilla,  page  7. 

Découverte  de  Squalodon  à  Lintz,  page  7. 

Klipstein  la  fait  connaître  le  premier,  page  7. 

Découverte  de  Squalodon  en  Gueldre,  Pays-Bas,  par  M.  Staring,  page  7. 

Gervais  signale  des  dents  près  de  Montpellier,  page  8. 

Découverte  des  Squalodons  à  Anvers,  page  8. 

Visite  à  Bordeaux  et  à  Lintz,  page  9. 

Achat  d’une  collection  d’ossements  de  Zeuglodon,  page  9. 

Découverte  d’un  Squalodon  à  Barie,  signalée  par  M.  Jourdan,  page  9. 

Découverte  du  bout  du  rostre  du  même  animal  que  l’on  croyait  perdu  ,  page  10. 

Matériaux  que  nous  avons  eus  à  notre  disposition,  page  10. 

Division  du  travail ,  page  1 1 . 

Littérature,  page  11. 


84 


TABLE  DES  MATIÈRES 


II.  —  SQUALODON  D’ANVERS. 


*  Os  de  la  tète,  page  14.  —  Id.  Intermaxillaire,  page  15.  —  Id.  Maxillaire,  page  18.  —  /(/.  de 
la  face,  page  20. —  Id.  Maxillaire  inférieur,  page  22.  —  Id.  Fractures  des  rostres,  page  23. 

—  Id.  Longueur  et  hauteur,  page 24. 

**  Dents,  page  25.  —  Il  y  a  trois  sortes  de  dents.  —  Id.  Incisives,  page  26.  —  Id.  Canines, 
page 20.  —  Id.  Molaires,  page  50.  —  Id.  Prémolaires,  page  30.  —  Dent  de  transition  ,  page  51 . 

—  Id.  Molaires  véritables,  page  32. 

***  Formule  dentaire,  page  42. 


III.  —  SQUALODON  GRATELOUPII. 


1°  Description  du  rostre,  page  44.  —  2°  Atlas,  page  45.  —  5°  Maxillaire  inférieur,  fiage  47.  — 
4°  Dent  semilocauptus,  page  47. 

Squalodon  de  S'-Jean  de  Vedas  (Gard.),  page  48. 

Deux  dents  molaires,  page  48. 

Description  des  os  de  Lintz,  page  48. 

1°  Crâne  adulte,  page  48.  —  2°  Vertèbres,  page  49.  —  5°  Crâne  jeune,  page  50.  —  4°  Denis, 
page  51. 

Squalodon  de  Barie,  page  52.  —  Id.  de  Gueldre,  Pays-Bas,  page  55.  —  Id.  de  Malte,  page  56. 


IV.  —  SYSTÉMATISATION. 


Peu  d'animaux  ont  été  si  diversement  appréciés,  page  57. 

Owen  regarde  les  Squalodons  comme  des  Zeuglodons  européens,  page  57. 

H.  von  Meyer  propose  une  famille  à  part,  page  58. 

Gibbes  admet  l’identité  spécifique  des  Squalodons  et  des  Zeuglodons,  page  58. 

Giebel  place  les  Zeuglodons  parmi  les  Phoques,  et  les  Squalodons  parmi  les  Delphinoïdcs . 
page  58. 

Koch  les  place  entre  les  cétacés  et  les  Phoques,  page  58. 

Les  Balænodons  sont  à  supprimer,  page  59. 

J.  Müller  réunit  les  Zeuglodons  et  les  Squalodons  dans  un  genre,  page  59. 

Nous  avons  pensé  aussi  qu’ils  ne  sont  pas  de  vrais  Souffleurs,  page  59. 

Staring  trouve  au  Squalodon  de  grandes  affinités  avec  les  Phoques,  par  les  pattes  et  les  fos.-C' 
nasales ,  page  60. 

Gervais  pense  toujours  que  ce  sont  des  cétacés  véritables,  page  60. 

Jourdan  place  les  Squalodons  à  la  tète  des  Dauphins,  et  les  Zeuglodons  parmi  les  Phoques, 
page  60. 

Pictet  admet  l’ordre  des  Zeuglodontes,  page  60. 

Comparaison  des  Zeuglodons  avec  les  Squalodons,  page  61. 


TABLE  DES  MATIERES. 


85 


ZEUGLODONTES. 

Genre  Squalodon  ,  page  64.  —  Synonymie ,  page  64.  —  Localités,  page  65.  —  Comparaison, 
page  67.  —  Squalodon  Grateloupii,  page  68.  —  Id.  Antverpiensis ,  page  70.  —  Id.  Gervaisii, 
page  71.  —  Id.  Ehrlichii,  page  72. 

Genre  Stenodon  ,  page  73. 

Genre  Zeüglodon,  page  79. 

Tableau  de  la  famille  des  Zeuglodontes ,  page  80. 

Explication  des  planches,  page  81. 


. 


'  '•* 


Mcm.dc  Lkad.Roj.dc  Belg.  Tom.XXXI  Y 


Ale ui.de  Al!  P  .J.  \an  Beneden  P1.J1 


Mi  ni  (le  LWiul.Kov  (le  1Mj>  loin  XX. V  l\ 


Mém.df  Mf  P.  J. \ari  B<*ned>-.'i  !'  Ili 


M  eni.de  Ldoad  .Roy  de  ftele.  Tout  XXXIV 

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Mem.de  Mï  P  .J.  Van  Beneden.  PI.  IV. 


IM  par  âUbvarw/isJttàdrllA.  tr.  •'  ,  y 


RECHERCHES 


SUR  LES 

BDELLODES  (HIRUDINÉES) 

ET  LES 

TRÉMATODES  MARINS, 

PAR 


P. -J.  VAN  BENEDEN, 

MEMBRE  DE  L’ACADÉMIE  ROYALE,  OFFICIER  DE  L’ORDRE  DE  LÉOPOLD,  ETC., 

ET  PAR 

C.-E.  HESSE, 

OFFICIER  DE  LA  LÉGION  b’HONNBüR  ,  NATURALISTE  A  BREST  (FINISTERE), 

ET  MEMBRE  DE  PLUSIrURS  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 


5e  ET  4e  APPENDICES 


au  Mémoire  présenté  à  l'Académie,  le  8  novembre  1862. 


'fi 

J  jwr* 

I 


Tome  XXXY. 


1 


* 


. 


■ 


TROISIÈME  APPENDICE 


o 


Nous  n’avons  ni  genre  nouveau  ni  espèce  nouvelle  à  faire  connaître  dans 
ce  groupe,  disions-nous  au  sujet  des  Malacobdellaires,  mais  l’un  de  nous 
possède,  depuis  longtemps  en  portefeuille,  quelques  observations  sur  une 
malacobdelle  vivante  de  la  Mya  truncata,  et  profite  de  cette  occasion  pour 
faire  mention  de  cette  famille  intéressante. 

Cette  famille  est  formée  des  Malacobdelles,  des  Amphyptyches  et  des  Gv- 
rocotyles,  qui  tous  vivent  sur  des  mollusques  acéphales. 

L’un  de  nous,  M.  Hesse,  vient  de  découvrir  sur  un  Cardium  aculeatum 
d’une  très-forte  dimension,  une  espèce  nouvelle  dont  la  description  fait  le 
sujet  de  ce  troisième  Appendice. 

La  malacobdelle  de  la  Mya  que  nous  avons  observée  était  du  sexe  mâle, 
celle  que  M.  Hesse  vient  de  découvrir  sur  le  Cardium  appartient  au  contraire 
au  sexe  femelle. 

Plus  d’un  naturaliste  a  cru,  en  voyant  les  couleurs  unies  et  tranchées  de 
la  plupart  des  vers  que  nous  avons  figurés  dans  ce  Mémoire,  que  ces  cou¬ 
leurs  sont  exagérées. 

Dans  une  visite  toute  récente  que  nous  venons  de  faire  à  Brest,  nous  avons 
pu  nous  assurer  de  nouveau  que  les  poissons  de  la  côte  de  Bretagne  sont 
tous  très-vivement  colorés  ,  et  qu’ils  tiennent  bien  plus  déjà  des  poissons  de 
l’Atlantique  que  de  ceux  de  la  Manche  et  de  la  mer  du  Nord.  Les  parasites 


1  Présente  à  l'Académie,  le  G  août  1864. 


4 


TROISIÈME  APPENDICE. 


participent  de  cette  vive  coloration  :  les  mêmes  espèces  diffèrent  considéra¬ 
blement  entre  elles  sous  ce  rapport.  Ainsi,  pour  n’en  citer  qu’un  exemple  : 
le  congre  (. Murœna  conger ) ,  qui  a  toujours  une  couleur  blafarde  dans  la 
Manche  et  la  mer  du  Nord,  présente  dans  les  parages  de  Brest  une  couleur 
très-foncée,  plus  noire  même  que  nos  anguilles  en  général.  Il  en  est  de  même 
de  divers  autres  poissons  osseux. 

Aussi  la  Malacobdelle  des  Bucardes,  que  nous  faisons  connaître  par  la 
description  suivante,  est-elle  complètement  différente,  par  divers  caractères 
aussi  bien  que  par  la  couleur,  de  la  malacobdelle  de  nos  mollusques  bivalves. 
Celte  description  est  faite  par  M.  liesse. 

MALACOBDELLE  DÉ  LA  BUCARDE  A  POINTES. 

(. Malacobdella  cardii  nobis). 

Planche  1. 

Celte  remarquable  espèce  est  longue  de  0n',05c  et  large  de  0m,02c;  son 
épaisseur  est  d’environ  0m,003mm. 

Son  corps  1,  qui  est  de  forme  ovale,  est  divisé  en  quatre  parties  bien  dis¬ 
tinctes  :  la  tête,  le  cou ,  V abdomen  et  la  ventouse  anale. 

La  peau,  qui  recouvre  le  corps,  est  glabre,  elle  est  assez  épaisse  sur  la 
partie  antérieure,  qui  comprend  la  tête  et  le  cou  ;  mais  elle  est,  au  contraire , 
très-mince  sur  le  reste  du  corps,  dont  elle  laisse  facilement  apercevoir- la 
disposition  des  viscères. 

La  tête 2 ,  qui  est  plate  et  un  peu  bombée  en  dessus,  présente  une  échan¬ 
crure  au  bord  frontal,  et  à  sa  base  deux  petits  appendices  coniques,  d'un 
demi-millimètre  de  hauteur,  qui  sont  probablement  des  organes  de  tact.  Elle 
est  circonscrite,  comme  celle  des  Phyllonelles,  dans  une  enceinte  cordiforme, 
bien  délimitée,  dont  le  bord  supérieur  est  en  pointe  arrondie  et  l’inférieur  pré¬ 
sente  une  échancrure  qui  s’adapte  à  l’articulation  occipitale  qui  la  suit,  et 
dont  elle  est  séparée  par  une  petite  distance. 

1  PL  I,  fie.  1. 

2  Fig.  4. 


TROISIÈME  APPENDICE. 


L 'ouverture  buccale  1  est  placée  sous  la  tête,  à  l’endroit  où  celle-ci  présente 
l’échancrure  frontale,  dont  elle  fait  partie.  A  l’état  de  repos,  elle  a  générale¬ 
ment  une  forme  triangulaire;  mais  comme  elle  est  essentiellement  contractile, 
elle  peut  se  fermer  hermétiquement  en  appliquant  l’un  contre  l’autre,  comme 
des  mâchoires,  son  bord  labial,  qui  forme  relief,  et  qui  paraît  être  d’une 
substance  très-coriace,  ou  bien  s’ouvrir  démesurément  et  présenter  alors  un 
orilice  relativement  considérable. 

Le  bord  labial 2  est  pourvu,  dans  tout  son  circuit,  d’une  rangée  de  dents 
larges  et  plates  à  pointes  mousses.  Celles-ci  sont  suivies  d’autres  plus  petites, 
placées  immédiatement  en  dessous,  et  disposées,  l’une  à  côté  de  l’autre, 
comme  les  pavés  d’une  rue,  imitant  en  cela  ce  qui  se  voit  dans  certains  pois¬ 
sons  du  genre  Pagrus ,  et  notamment  le  pagrus  vulgaris  et  centrodontus. 

Ces  dents  sont  coniques,  à  sommet  arrondi;  elles  peuvent,  par  la  con¬ 
traction  de  la  surface  sur  laquelle  elles  sont  implantées  à  la  manière  des 
poils,  s’écarter  ou  se  rapprocher  à  volonté,  et  former  alors  des  rangées  paral¬ 
lèles  séparées  par  de  petites  distances,  qui  forment  des  stries  verticales  ou 
horizontales. 

Le  cou  qui  est  un  peu  plus  étroit  que  la  tête,  est  assez  long,  il  est  mince 
sur  les  bords  et  plus  épais  dans  le  milieu  ;  il  se  termine  en  pointe  arrondie,  à 
sa  base,  laquelle  va  s’enchâsser  entre  les  deux  lobes  ovifères  de  l’abdomen, 
dont  il  paraît  être  séparé  par  une  délimitation  bien  accusée  et  tracée  par  une 
sorte  de  sillon. 

On  remarque  aussi,  à  la  partie  moyenne  de  cet  endroit  du  corps,  une 
division  semblable,  qui  sépare  le  cou  en  deux  tronçons,  et  facilite  ainsi  ses 
mouvements  de  contraction  ou  d’extension. 

L’épaisseur  de  la  partie  médiane  du  cou  est  due  à  la  présence  de  deux 
forts  muscles  extenseurs  juxtaposés,  qui  parlent  de  la  région  occipitale  pour 
se  rendre  à  l’extrémité  inférieure  de  cette  portion  du  corps.  Au  milieu  de 
ces  deux  muscles,  immédiatement  au-dessous  de  l’occiput,  on  aperçoit  un 
canal  déférent,  cylindrique,  très-consistant,  un  peu  élargi ,  en  forme  de  gan- 

1  Fig.  3  et  S. 

3  Fig.  3  et  6. 

3  Fig.  4. 


6 


TROISIEME  APPENDICE. 


glion  cérébral  à  son  origine,  et  légèrement  infléchi  à  droite,  qui  descend 
perpendiculairement,  pour  se  rendre  jusqu’à  la  base  de  la  ventouse  anale,  en 
coupant,  dans  son  trajet  qui  est  légèrement  sinueux,  les  anses  formées  par  le 
canal  intestinal  \ 

On  voit  également,  surtout  au-dessous,  où  ils  sont  plus  apparents,  partant 
des  deux  tentacules  occipitales,  qui  sont  à  la  base  de  la  tête,  deux  cordons 
nerveux,  qui  semblent  être  de  la  même  nature  que  celui  du  milieu,  mais 
d’un  plus  faible  diamètre,  et  qui,  en  suivant  à  peu  de  distance  les  bords  du 
corps,  se  rendent  aussi  comme  lui  à  la  base  de  la  ventouse  anale 1  2 3. 

La  région  abdominale  5 6 7,  qui  est  la  plus  étendue  des  quatre  parties  du 
corps,  est  entièrement  occupée  latéralement  par  les  ovaires,  qui  sont  telle¬ 
ment  tuméfiés  d’œufs  qu’ils  en  sont  déformés.  Les  œufs  4,  qui  sont  extrême¬ 
ment  petits  et  sphériques,  sont  renfermés  dans  des  espèces  de  cæcums,  de 
diverses  grandeurs,  ayant  généralement  la  forme  de  losanges  et  séparés  entre 
eux  par  des  dépressions  très-profondes,  qui  cependant  n’interdisent  pas  leur 
communication. 

Au  milieu  du  corps,  et  comprimé  entre  les  deux  lobes  formés  par  les 
ovaires,  on  aperçoit,  par  intervalle,  le  canal  digestif 5,  qui,  après  s’ètre  re¬ 
plié  quatre  fois  en  travers,  se  rend  de  l’œsophage  au-dessus  de  la  base  de  la 
ventouse  anale,  où  il  se  termine  par  un  appendice  tubiliforme,  très-mince  et 
très-long,  qui  est  rétractile,  et  au  bout  duquel  se  trouve  Youverture  anale0. 

Lp  tube  intestinal  parait  être  d’un  fort  calibre;  il  est  partiellement  caché, 
en  dessus  du  corps,  par  l’envahissement  latéral  des  ovaires;  mais  en  dessous, 
on  suit  parfaitement  toutes  ses  circonvolutions.  Les  bords  sont  frangés  ou 
déchiquetés,  ce  qui  tient  probablement  aux  effets  de  la  compression. 

La  ventouse  anale  ~  est  de  moyenne  grandeur  et  assez  bombée;  elle  est 


1  Je  me  suis  conformé,  en  donnant  le  nom  de  canal  déférent  à  cet  organe,  à  l'opinion  de 
mon  collaborateur;  mais  dans  la  mienne,  ces  trois  cordons  seraient  nerveux,  celui  du  milieu 
serait  médullaire.  (C.-E.  Hesse.) 

2  Fig.  !  ,2,5,4  et  5. 

3  Fig.  1  et  2. 

4  Fig.  8,9,  10  et  11. 

s  Fig.  1  ,  2,  4  et  10. 

6  Fig.  1 1  et  15. 

7  Fig.  1  ,  2, 12  et  15. 


TROISIÈME  APPENDICE. 


/ 


très-mince  et  a  peu  de  consistance  ;  elle  adhère  cependant  très-fortement  aux 
objets  sur  lesquels  elle  s’applique.  Elle  est  inerme. 

Le  dessous  du  corps  est  exactement  semblable  à  la  surface  dorsale ,  mais 
seulement  beaucoup  moins  bombée,  et  la  peau  étant  aussi  plus  mince,  on 
aperçoit  plus  distinctement  la  disposition  des  différents  organes  qu’elle 
renferme. 

Je  n’ai  pas  pu  constater,  d’une  manière  suffisante  pour  pouvoir  en  parler 
avec  certitude,  la  présence  de  1? appareil  sexuel ;  il  aurait  fallu,  pour  s’en 
assurer,  soumettre  cette  malacobdelle,  dont  je  n’ai  qu’un  exemplaire  et  que  je 
crois  très-rare,  à  des  explorations  qui  eussent  eu  pour  résultat  de  la  sacri¬ 
fier.  Il  ne  m’a  pas  été  possible  non  plus  de  savoir  si  les  rangées  de  dents, 
qui  garnissent  l’orifice  supérieur  de  la  bouche,  descendaient  profondément 
dans  la  cavité  oesophagienne. 

Le  corps  de  ce  ver  est  entièrement  glabre  et  n’est  pas  comme  celui  de  la 
Malacobdella  Grossa ,  enduit  de  viscosité  ;  il  est  extrêmement  flasque ,  mou 
et  incapable  de  rigidité;  sa  ventouse  anale  ne  lui  sert  que  de  point  de  fixa¬ 
tion;  elle  lui  est  inutile  pour  la  marche,  qui  s’opère  à  l’aide  de  la  reptation 
sur  la  surface  ventrale,  comme  le  font  les  planaires,  ou  les  némertes.  J’ai  vu 
quelquefois  notre  nouvelle  Malacobdelle  se  faire  un  point  d’appui  de  la  tête 
et  de  la  partie  antérieure  du  corps,  puis  attirer  vers  la  région  céphalique  tout 
le  reste  du  corps. 

Cette  espèce  est  assez  vive  dans  ses  mouvements  de  locomotion  surtout , 
et,  chose  qui  m’a  beaucoup  surpris,  car  c’est  peut-être  la  seule  exception 
que  je  connaisse  à  cet  égard,  loin  de  fuir  la  lumière,  elle  paraît  la  recher¬ 
cher. 

Le  corps  est  éminemment  contractile  en  tous  sens ,  dans  celui  de  la  lon¬ 
gueur  surtout ,  et  il  est  du  reste  merveilleusement  disposé  pour  cela ,  non-seu¬ 
lement  par  les  séparations  ou  les  sortes  d’anneaux  qui  divisent  le  cou ,  mais 
encore  par  l’écartement  des  cæcums  oui  fèves  qui ,  laissant  entre  eux  des  dis¬ 
tances  assez  notables,  peuvent  se  rapprocher  sans  inconvénient. 

Dans  son  état  normal ,  ce  ver  affecte  une  forme  ovalaire  qui ,  conséquem¬ 
ment,  est  élargie  au  centre  et  atténuée  à  ses  deux  extrémités ,  mais  lorsque  la 
privation  d’aliments  se  fait  sentir,  et  que  le  milieu  dans  lequel  il  se  trouve  agit 


8 


TROISIEME  APPENPICE 


sur  lui,  on  le  voit  inquiet 3  parcourir  en  tous  sens  le  vase  dans  lequel  il  est 
emprisonné;  alors  il  s’étend  démesurément,  et  ses  deux  côtés  latéraux  se 
rapprochent  de  manière  à  devenir  parallèles;  il  glisse  sur  le  fond,  traînant  à 
sa  suite  sa  ventouse  anale  dont,  comme  je  l’ai  dit,  il  ne  se  sert  pas  pour  s'en 
faire  un  point  d’appui  et  pour  progresser  à  la  manière  des  Calliobdelles. 

J’ai  été  singulièrement  frappé  de  l’analogie  de  conformation  que  présentent 
la  tête  et  le  cou  de  cette  malacobdelle  avec  ceux  des  Bulléens,  et  de  la  disposi¬ 
tion  de  l’orifice  buccal,  armé,  comme  dans  ceux-ci  ,  de  dents  qui  semblent 
plutôt  destinées  à  triturer  les  objets  qu’à  les  inciser.  Cette  organisation  spé¬ 
ciale,  qui  a  évidemment  pour  objet  de  donner  à  ces  mollusques  le  moyen  de 
vivre  dans  le  milieu  qu’ils  habitent  ,  m’a  conduit  à  chercher  dans  quel  but  le 
ver  dont  je  m’occupe  aurait  avec  eux  certaines  ressemblances  de  forme,  et 
serait  pourvu  d’organes  à  peu  près  semblables;  ces  conjectures,  que  je  ne 
donne  du  reste  que  pour  ce  qu’elles  valent,  rendent  peut-être  compte  de  quel¬ 
ques  points  de  conformation. 

Les  Bulléens  vivent,  ainsi  qu’on  le  sait,  dans  le  sable,  et  conséquemment 
ont  tout  ce  qui  leur  est  nécessaire  pour  y  trouver  les  aliments  dont  ils  se  nour¬ 
rissent  et  pour  les  triturer;  aussi  ont-ils  non-seulement  la  bouche  armée  de 
dents,  mais  encore  l’estomac  muni  d’un  appareil  très-puissant  pour  les  broyer. 

Notre  Malacobdelle  vit  sur  une  bucarde  qui  habile  aussi  le  sable,  et  comme 
ce  mollusque  est  obligé  d’avoir  constamment  ses  valves  béantes  pour  prendre 
sa  nourriture,  il  s’ensuit  que  le  parasite  qui  est  fixé  sur  lui  est,  par  le  fait, 
exactement  placé  dans  le  même  milieu  que  les  Bulléens;  d’où  il  résulte  qu’il 
pourrait  bien,  tout  en  profitant  de  l’hospitalité,  trouver  encore,  aux  dépens 
de  son  hôte,  un  complément  utile  dont  il  bénéficie.  J’ai  en  outre  remarqué 
que  le  tube  intestinal  qui,  dans  les  espèces  sanguivores,  est  rempli  de  matières 
animales  agglutinées  par  le  sang  ou  par  d’autres  sécrétions,  paraissait,  dans 
cette  espèce,  contenir  des  substances  terreuses  qui  sembleraient  indiquer  un 
autre  genre  d’alimentation  que  celui  qui  est  habituel  à  ces  vers  parasites. 

Les  œufs  sont,  comme  je  l’ai  dit,  d’une  extrême  petitesse ,  et  c’est  à  peine  si 
on  peut  les  apercevoir  à  la  loupe;  ils  ne  paraissent  contenir  qu’un  seul  vitellus; 
ils  étaient,  moins  une  petite  pointe,  d’une  sphéricité  parfaite,  et  ne  présen¬ 
taient  aucun  limbe  dans  leur  périphérie.  Ils  se  mouvaient  avec  une  grande 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE. 


9 


vélocité,  probablement  à  l’aide  de  cils  vibratils  que  je  n’ai  pas  aperçus,  bien 
que  je  les  aie  soumis  à  un  fort  grossissement. 

Celle  Malacobdelle  est  très-vivace,  et  quoiqu’elle  ail  été  tourmentée  assez 
fréquemment  et  assez  longtemps,  pendant  l’examen,  et  qu’elle  lût  privée  de 
nourriture ,  je  l’ai  gardée  une  dizaine  de  jours,  après  lesquels  je  1  ai  plongée 
dans  de  l’alcool,  craignant  qu’elle  ne  tombât  en  décomposition. 

Coloration.  —  Tête,  cou,  limbe  du  corps  et  ventouse  d’un  jaune  sale,  par¬ 
ticulièrement  au  milieu  du  -cou.  Appendices  de  la  tête  formant  deux  petites 
taches  plus  foncées.  Canal  déférent  et  les  deux  cordons  nerveux  latéraux 
d’un  blanc  pur.  Cæcums  ovifères  et  œufs  d’un  violet  vineux,  intestin  d’une 
couleur  terreuse. 

Habitat.  —  Trouvée,  le  6  mai  1864-,  dans  une  bucarde  à  aiguillons, 
cardium  aculeatum ,  sous  le  manteau,  où  elle  était  seule.  Celte  bucarde  était 
d’une  dimension  si  extraordinaire,  que  c’est  probablement  la  plus  grande  que 
l’on  ait  trouvée,  et  j’en  ai,  par  curiosité,  conservé  les  dimensions  :  elle  avait 
10  centimètres  de  longueur,  9-50  de  largeur  et  8  centimètres  de  hauteur. 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE  I. 


Fig.  1  et  2.  Malacobdelle  de  la  bucarde  à  pointes,  vue  en  dessus  et  en  dessous. 

—  5.  Tète  de  la  même,très-grossie,  vide  en  dessous,  montrant  1  ouverture  buccale  dans 

sa  forme  ordinaire. 

_  4.  Tête  de  la  même,  vue  en  dessus,  montrant  l’échancrure  labiale  ou  frontale.  La  cir¬ 
conscription  de  la  tète,  avec  ces  deux  appendices  conformes  latéraux,  desquels 
portent  les  deux  cordons  nerveux,  et  au  milieu,  à  la  base  de  1  occiput,  le  canal 
déférent  ou  cordon  médullaire,  que  l’on  aperçoit  au  centre  du  cou ,  lequel  est  cu¬ 
néiforme,  proéminent,  et  séparé  en  tronçons  par  deux  sortes  d’articulations;  plus 
bas,  se  voit  le  tube  intestinal  formant  deux  anses,  au  milieu  des  cæcums  ovifères. 

_  5.  Tète  de  la  même,  très-grossie,  vue  en  dessous,  montrant  la  bouche  ouverte,  dans 

laquelle  on  aperçoit  la  rangée  labiale  des  dents  suivies  d’autres  plus  petites,  dis¬ 
posées  en  forme  de  pavé.  On  voit  aussi  les  trois  cordons  nerveux  qui,  pour  les 
latéraux,  sont  seulement  visibles  en  dessous,  dans  toute  leur  étendue  L 

<  La  description  des  organes,  aussi  bien  que  leur  détermination,  est  faite  par  M.  Hesse  seul,  ainsi  que  nous 
l’avons  dit  plus  haut. 

Tome  XXXV.  2 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE. 


6.  Partie  supérieure  de  la  bouche,  plus  grossie,  pour  montrer  les  dents. 

7.  Tête  de  la  Malacobdelle,  vue  de  profil. 

8et9.  OEufs  de  la  même,  très-grossis,  dont  l’un  commence  à  éprouver  les  influences  de 
l’incubation  et  à  quitter  sa  forme  sphérique. 

10.  Portion  antérieure  du  tube  intestinal,  très-grossi,  montrant  sa  largeur,  ses  dente¬ 

lures  et  les  anses  qu’il  forme  et  qui  sont  traversées  par  le  canal  déférent. 

1 1.  Un  cæcum  très-grossi,  montrant  les  œufs  dont  il  est  rempli. 

12.  Partie  inférieure  de  la  Malacobdelle  très-grossie ,  vue  en  dessus  de  la  base  de  la 

ventouse  anale,  montrant  le  conduit  terminant  le  tube  intestinal. 

15.  Même  portion  du  corps  montrant  le  même  conduit  invaginé. 


QUATRIÈME  APPENDICE 


Nous  avons  ajouté  déjà  deux  appendices  à  notre  Mémoire  sur  les  Bdellodes 
et  les  Trématodes  marins;  le  premier  comprenant  la  description  d’un  nouveau 
genre  parmi  les  Hirudinées,  le  second  la  description  d’une  nouvelle  espèce  de 
microcotvle  des  branchies  de  la  Daurade  vulgaire.  Dans  le  supplément  que 
nous  avons  l’honneur  de  communiquer  aujourd’hui,  nous  signalons  à  l’atten¬ 
tion  des  helminthologistes  encore  deux  Eclhelminthes  nouveaux,  l’un  appar¬ 
tenant  au  genre  si  intéressant  des  Malacobdelles,  l’autre  faisant  partie  de  la 
famille  importante  des  Trislomidés,  et  qui  doit  même  former  un  genre  nou¬ 
veau  dans  ce  groupe  déjà  si  riche  et  si  remarquable.  La  nouvelle  Malacobdelle 
a  été  observée,  comme  nous  l’avons  dit  plus  haut,  sur  un  cardium  de  la  côte 
de  Bretagne;  le  nouveau  genre  de  la  famille  des  Tristomidés  provient  du  sona¬ 
tine  ange,  pêché  sur  la  côte  d’Ostende. 

PSEUDOCOTYLE  DU  SQUATINE  2. 

( Pseudocolyle  Squaiinœ  nobis.) 

Planche  II. 

Ce  ver  ressemble  beaucoup  par  son  aspect  aux  divers  genres  qui  composent 
la  famille  des  Tristomidés.  11  est  d’un  blanc  mat,  a  une  forme  allongé  et  vit 
collé  contre  la  peau  de  son  hôte.  Il  est  aplati  comme  une  feuille,  et,  semblable 

'  Présenté  à  l’Académie,  le  8  octobre  1804. 

-  De  veufo;  falsus  et  %otu)i?  f'ovea. 


QUATRIEME  APPENDICE. 


12 

aux  Epibdelles,  il  a  l’aspect  d’une  écaille  charnue.  Il  est  deux  fois  aussi  long 
que  large.  Tout  l’appareil  vitellogène  est  visible  à  travers  l’épaisseur  de  la  peau 
et  occupe,  de  chaque  côté,  la  moitié  de  la  largeur  dans  toute  l’étendue  du 
corps.  On  ne  voit  les  autres  organes  que  par  l’effet  de  la  compression.  A  un 
fort  grossissement  ,  on  voit  que  la  peau  du  dos,  au  lieu  d’être  lisse,  est  cou¬ 
verte  de  papilles  charnues.  Nous  avons  cherché  à  reproduire  ces  papilles 
dans  notre  fig.  6. 

Quand  on  détache  ce  ver  de  l’hôte  qu’il  habite,  et  qu’on  le  place  dans  un 
bocal  contenant  de  l’eau  de  mer,  il  se  meut  avec  beaucoup  de  vivacité,  se 
retourne  dans  tous  les  sens ,  s’allonge  et  se  raccourcit ,  se  replie  sur  lui-même , 
tout  en  restant  fixé  aux  parois  par  la  ventouse  postérieure.  Comme  tous  ses 
congénères ,  la  peau  est  très-consistante  et  l’on  n’a  guère  à  craindre  de  le 
détruire  en  le  saisissant  à  la  pince  ou  autrement. 

Habitat.  —  Jusqu’à  présent  ,  personne  n’a  encore  signalé  un  ver  Trématode 
extérieur  sur  le  Squatine  ange.  Le  premier  jour  de  notre  visite  au  marché 
d’Ostende,  au  commencement  du  mois  d’août  de  cette  année,  nous  avons 
trouvé  sur  un  de  ces  poissons  de  taille  moyenne  une  douzaine  de  vers 
blancs,  aplatis  et  collés  avec  une  telle  intensité  contre  la  peau  blanche  du 
ventre,  que  nous  avons  éprouvé  quelque  peine  à  les  enlever.  Ils  tiennent  avec 
une  ténacité  incroyable  par  la  partie  postérieure  du  corps.  A  l’aide  d’une  lame 
de  couteau,  nous  sommes  toutefois  parvenus  à  en  détacher  plusieurs  encore 
en  vie,  et  à  les  conserver  pendant  quatre  ou  cinq  jours  dans  l’eau  de  mer; 
ils  s’attachent  fortement  aux  parois  du  bocal. 

Nous  avons  examiné,  depuis  le  mois  d’août,  une  quinzaine  de  Squatines 
de  toutes  les  dimensions,  mais  nous  n’avons  plus  observé  un  seul  exemplaire. 

Ce  sont  les  vers  trouvés  les  premiers  jours  qui  ont  servi  aux  recherches 
que  nous  consignons  dans  cette  Notice. 

Ce  ver  est  long  de  cinq  millimètres  et  de  trois  millimètres  de  large. 

DESCRIPTION  ANATOMIQUE. 

Le  tube  digestif  est  remarquable  par  ses  ramifications,  qui  s’étendent 
sur  le  côté  dans  toute  la  longueur.  Nous  n’oserions  assurer  qu’en  arrière 


QUATRIÈME  APPENDICE.  15 

les  deux  branches  sont  unies  par  anastomose,  ou  terminées  par  un  cul- 
de-sac. 

La  bouche  s’ouvre  en  avant  près  du  bord  libre  en  dessous,  et  elle  ne  se 
reconnaît  que  par  les  replis  de  la  peau  qui  constituent  une  espèce  d’enton¬ 
noir.  Il  n’y  a  pas  de  lèvres  proprement  dites,  et  on  ne  voit  autour  d'elle 
aucune  apparence  de  ventouse. 

A  quelque  distance  de  l’orifice  buccal,  on  aperçoit  le  bulbe  du  même  nom 
qui  se  distingue  par  sa  forme  ovale  comme  par  l’épaisseur  de  ses  parois.  De 
sa  partie  inférieure  et  médiane  naît  un  œsophage  assez  court  et  étroit,  sur 
lequel  est  couché  une  bandelette  en  forme  de  V,  qui  représente  peut-être  le 
centre  du  système  nerveux. 

Au  bout  de  l’œsophage,  le  canal  digestif  se  divise  en  deux  branches  qui 
s’étendent  en  arrière  en  longeant  le  bord  libre  du  ver.  Sur  toute  la  longueur 
de  son  trajet  naissent  des  troncs  qui  se  ramifient  diversement  et  dont  les 
branches  sont  au  nombre  de  dix  de  chaque  côté. 

Ces  cæcums,  ramifiés  aussi  bien  que  le  tube  qui  les  porte,  sont  transpa¬ 
rents  et  du  même  calibre  dans  toute  la  longueur.  On  ne  les  découvre  qu’en 
portant  toute  son  attention  sur  eux.  Les  vers  sont  trop  petits  pour  mettre  ces 
cavités  en  évidence  par  des  moyens  artificiels.  Nous  n’avons  pas  vu  de 
cæcums  en  dedans  du  tube. 

Il  est  possible  que  ces  deux  tubes  s’unissent  en  arrière,  mais  nous  n’avons 
pu,  à  cause  de  la  taille,  nous  en  assurer  directement  par  une  injection. 

L’appareil  reproducteur  présente ,  comme  dans  tous  les  genres  voisins, 
une  complication  assez  grande.  La  division  du  travail  n’est  nulle  part  poussée 
aussi  loin. 

L’organe  le  plus  vaste,  et  qui  s’étend  réellement  dans  toute  l’étendue  du 
corps,  c’est  le  vitellogène.  On  l’aperçoit  sur  les  lianes,  à  droite  et  à  gauche, 
à  travers  l’épaisseur  de  la  peau ,  recouvrant  partout  les  ramifications  de  1  appa¬ 
reil  digestif  et  les  accompagnant  même,  comme  s’il  en  était  une  dépendance. 
Ce  sont  tous  cæcums  glandulaires  placés  le  long  de  fines  branches  qui  se  réu¬ 
nissent  comme  une  grappe  à  une  seule  tige,  et  ces  tiges  s’insèrent  comme 
les  cæcums  du  tube  digestif,  sur  la  longueur  du  tronc  qui  s’étend  d’avant  en 
arrière  dans  presque  toute  la  longueur  de  l’animal. 


14 


QUATRIEME  APPENDICE. 


En  avant,  à  une  courte  distance  du  bulbe  buccal  et  de  l'œsophage,  on  voit 
partir  de  chaque  tronc  longitudinal  et  en  dedans  une  branche  unique  qui  va 
s’anastomoser  avec  celle  du  côté  opposé,  comme  le  trait  qui  unit  les  deux 
jambes  de  la  lettre  H.  Les  grappes  vitellogènes  pendent  pour  ainsi  dire  le  long 
des  jambes  de  cette  lettre.  En  arrière  et  un  peu  sur  le  côté,  on  voit  du  côté 
gauche  une  poche  opaque,  assez  grande,  de  forme  ovale,  et  à  laquelle  abou¬ 
tit  une  branche  très-courte  qui  naît  sur  la  branche  transverse  du  vitelloducte. 
Cette  poche  est  le  vitellosac ,  dans  lequel  on  aperçoit  toujours  une  réserve 
de  granulations  vitellines. 

Nous  n’avons  pu  apercevoir  le  canal  qui  conduit  le  produit  vilellin  sur  la 
voie  du  germigène,  pour  mettre  ces  produits  directement  en  rapport. 

Ce  vitellogène  avec  son  vitellosac  se  comporte  dans  son  ensemble  comme 
dans  plusieurs  genres  voisins,  mais  surtout  comme  dans  le  genre  Epibdella. 

Le  germigène  consiste  dans  une  poche  sphérique  qui  est  située  à  côté  du 
vitellosac,  en  dessous,  comme  ce  dernier,  de  la  branche  transverse  du  vitel¬ 
loducte.  Autant  le  vitellosac  se  fait  remarquer  par  son  opacité,  autant  le 
germigène  se  distingue  par  sa  transparence.  On  voit  son  intérieur  tout  rempli 
de  vésicules  transparentes,  dont  la  nature  n’est  guère  problématique,  et  tous 
ceux  qui  atteignent  leur  maturité  se  concentrent  sur  un  point  donné,  pour 
servir  de  noyau  à  la  fabrication  des  œufs. 

Au-dessus  et  au-devant  du  germigène,  on  aperçoit  le  canal  excréteur  ou 
le  germiducte,  qui  doit  aboutir  à  un  canal  commun  avec  le  vitelloducte.  Nous 
n’avons  pu  apercevoir  cette  communication. 

Immédiatement  au-devant  du  germigène ,  on  aperçoit  une  vésicule  dont 
la  forme  est  très- variable  dans  les  divers  individus,  et  dont  le  contenu  opaque 
occupe  tantôt  toute  la  cavité,  tantôt  seulement  une  partie.  C’est  sans  doute 
l’ootype. 

Nous  n’avons  d’abord  pu  découvrir  d’œuf  complet ,  et  nous  n’avons  pu 
nous  assurer  d’une  manière  certaine  de  la  terminaison  de  cet  appareil  fe¬ 
melle.  Les  œufs  sont-ils  évacués  sur  la  ligne  médiane,  sur  les  lianes  ou  sur 
le  bord?  c’est  ce  que  nous  n’avons  pu  décider  d’abord.  Nous  avons  cependant 
tenu  ces  vers  parfaitement  en  vie,  pendant  plusieurs  jours,  dans  l’eau  de 
mer.  Nous  avons  ensuite  examiné  ceux  que  nous  avions  jetés  vivants  dans 


QUATRIÈME  APPENDICE. 


lu 


la  liqueur  et,  pendant  ce  second  examen,  nous  avon  été  plus  heureux. 

Dans  un  individu,  nous  avons  aperçu,  à  la  hauteur  de  l’organe  que  nous 
regardons  comme  ootype,  plusieurs  œufs  encore  enfermés  ensemble,  mais  qui 
étaient  prêts  à  être  pondu?.  Nous  les  avons  fait  sortir  en  exerçant  une  légère 
pression  et  nous  en  avons  vu  cinq  ou  six ,  les  uns  n’ayant  pas  encore  leurs 
contours  bien  formés,  les  autres  affectant  leur  forme  régulière  et  entourés  de 
leur  coque  plus  ou  moins  solide.  Ce  ver  a  été  jeté  vivant  dans  la  liqueur,  au 
moment  où  les  œufs  étaient  en  pleine  voie  de  formation.  Quelques-uns  d  entre 
eux  n’ont  pas  eu  le  temps  de  se  former  complètement. 

Ces  œufs  sont  comparativement  grands,  puisqu’ils  atteignent  à  peu  près 
la  moitié  de  la  grandeur  du  germigène.  Us  sont  oblongs  et  comme  tronqués 
aux  deux  bouts  sans  aucune  apparence  de  filaments  ou  d’appendices  quel¬ 
conques.  Nous  ne  voyons  qu’une  seule  enveloppe  dont  on  reconnaît  parfaite¬ 
ment  le  double  contour.  Ces  œufs  sont  d’un  jaune  foncé. 

Dans  le  genre  Épibdelle,  comme  dans  plusieurs  autres  Trématodes  voisins 
d’eux,  l’appareil  mâle  consiste  essentiellement  en  deux  fortes  glandes  qui 
se  voient  aisément  vers  le  milieu  du  corps,  à  côté  de  la  ligne  médiane.  Il 
n’en  est  pas  ainsi  dans  le  genre  qui  nous  occupe.  Tout  l’espace  qui  se  trouve 
libre  entre  les  deux  branches  du  tube  digestif,  en  arrière  du  germigène  et  du 
vitellosac,  est  occupé  par  un  organe  glandulaire  qui  a  l’aspect  d’une  vaste 
grappe ,  et  dont  les  diverses  vésicules  représentent  des  spermigènes  ou  des 
testicules.  On  voit  chaque  vésicule  attachée  au  tronc  par  un  canal  étroit  et 


transparent,  et  dans  chacune  d’elles  on  voit  s’élaborer  les  cellules  sperma¬ 
tiques.  Le  nombre  de  ces  vésicules  est  très-grand. 

Le  spermiducte  naît  en  arrière  au  milieu  d’elles,  et  à  mesure  qu’il  s’étend 
en  avant,  il  s’élargit  et  devient  de  plus  en  plus  distinct.  Nous  n  avons  toutefois 
pas  vu  de  spermatozoïdes  se  mouvoir  dans  son  intérieur,  pas  plus  que  nous 
n’avons  vu  d’œufs  dans  l’ootype. 

Ce  spermiducte  coupe  en  avant  la  branche  transverse  du  vilelloducte, 
s’avance  sur  la  ligne  médiane  et  va  aboutir  à  un  organe  tout  particulier,  que 
nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  considérer  comme  un  pénis. 

En  effet,  au  milieu  d’une  vésicule  transparente,  on  aperçoit  un  filament 


solide,  entièrement  opaque,  enroulé  diversement  sur  lui-même  comme  un 


QUATRIÈME  APPENDICE. 


16 

ressort  de  montre,  et  que  l’on  voit  changer  de  position  dans  l'intérieur  même 
de  la  poche  qui  l’entoure.  Autant  nous  avons  vu  d’individus,  autant  nous 
avons  vu  de  formes  différentes  affectées  par  cet  organe.  Les  rapports  avec 
le  spermiducle  ne  nous  sont  pas  connus,  et  cependant  nous  sommes  persua¬ 
dés  que  nous  avons  là  sous  les  yeux  le  pénis  des  pseudocotyles. 

On  ne  doit  pas  perdre  de  vue  que,  dans  tous  ces  vers  Trémalodes,  on 
aperçoit  à  l’orifice  des  organes  sexuels  des  plaques  chitineuses,  des  crochets 
de  formes  diverses,  qui  se  rattachent  évidemment  à  l’appareil  de  reproduc¬ 
tion.  Nous  voyons  dans  ce  genre  les  orifices  des  deux  sexes  s’ouvrir  sur  la 
ligne  médiane,  ce  qui  éloigne  notablement  ces  vers  des  Tristomes  propre¬ 
ment  dits. 

A  en  juger  par  la  grandeur  des  œufs,  il  est  hors  de  doute  que  le  dévelop¬ 
pement  de  ces  vers  ne  soit  direct  et  sans  métamorphoses. 

Il  est  à  remarquer  aussi  que  les  œufs,  dans  les  divers  genres  de  cette 
famille,  sont  non-seulement  très-volumineux,  mais  portent  de  très-longs 
filaments  et  une  coque  très-solide. 

L’appareil  excréteur,  pour  ne  pas  dire  l’appareil  urinaire,  est  très-déve- 
loppé  dans  tous  ces  vers,  mais  il  manifeste  très-diversement  sa  présence  à 
cause  de  la  ténuité  extrême  des  parois  de  ses  canaux  délicats.  Dans  la  plu¬ 
part  des  cas,  ce  n’est  que  la  présence  ou  l’accumulation  du  produit  sécrété 
qui  trahit  la  disposition  de  l’appareil. 

Dans  le  genre  qui  nous  occupe,  les  canaux  du  milieu  sont  complètement 
invisibles,  et  ce  n’est  que  sur  le  côté  du  corps  que  l’on  aperçoit,  à  droite  et 
à  gauche,  comme  dans  les  Épibdelles,  deux  grandes  poches  à  parois  minces 
et  contractiles ,  qui  changent  constamment  de  forme  et  qui  représentent  la 
terminaison  de  cet  appareil.  C’est  ordinairement  sur  la  ligne  médiane,  que  l’on 
aperçoit  une  vésicule  pulsatile;  ici,  comme  dans  les  autres  Trématodes  supé¬ 
rieurs,  on  aperçoit  au  contraire  en  avant  des  deux  côtés  une  poche  lentement 
contractile,  qui  expulse  son  contenu  à  des  intervalles  très-irréguliers. 

Nous  pouvons  caractériser  ainsi  ce  nouveau  genre  : 

Point  de  ventouses  à  côté  de  la  bouche,  et  la  ventouse  postérieure  du  corps 
très-variable  dans  sa  forme  comme  dans  sa  grandeur.  Cette  ventouse  ne 
renferme  ni  rayons  ni  crochets.  Le  canal  intestinal  est  ramifié.  La  vésicule 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE. 


47 


contractile  de  l’appareil  excréteur  s’ouvre  sur  le  côté,  tandis  cjue  les  oiifices 
sexuels  sont  situés  sur  la  ligne  médiane.  Les  œufs  sont  grands  et  sans  fila¬ 
ments. 

Affinités.  —  Ce  genre  appartient  évidemment  à  la  famille  des  Trislomidés 
par  l’ensemble  de  son  organisation.  Il  s’éloignerait  au  contraire  considéia- 
rablement  de  cette  famille,  si  l’on  n’avait  égard  cjuaux  caractères  extérieurs, 
tant  il  est  vrai  cpie  les  caractères  extérieurs  ne  reproduisent  pas  toujours  la 
structure  de  l’animal.  Au  lieu  de  découvrir  trois  ventouses  comme  on  en  ob¬ 
serve  dans  la  plupart  des  genres  de  cette  famille ,  on  n  en  trouve  presque 
pas  du  tout,  à  tel  point  que  l’on  croirait  voir  un  ver  mutilé,  si  on  n’avait 
été  à  même  d’observer  des  individus  vivants  et  en  place.  C’est  la  peau  au 
milieu  de  l’échancrure  postérieure  du  corps  qui  se  prolonge  en  une  espèce 
de  godet  pour  servir  de  ventouse.  On  ne  distingue  pas  plus  cet  organe  d  ad¬ 
hésion  dans  les  individus  conservés  dans  la  liqueur  que  dans  les  animaux 
vivants.  On  reconnaît  la  ventouse  parce  que  c’est  par  elle  que  l’adhésion 
s’effectue. 

Il  n’y  a  pas  plus  de  crochets  chilineux  que  de  ventouses. 

Malgré  ces  différences  extérieures,  c’est  encore  à  côte  du  genre  Tris! orna 
que  ce  nouveau  genre  doit  être  placé.  C’est  un  Trislomesans  ventouses  a  la 
bouche  et  sans  ventouse  rayonnée  permanente  en  arrière. 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE  IL 

(Pseudocotijle  Squatince ,  nov.  gen.  et  nov.  sp.) 

Fig.  \ .  Ver  complet,  vu  par  sa  face  inférieure,  amplifie  cinq  fois.  A  côté,  on  voit  la  grandeui 
naturelle.  Il  est.  complètement  étendu. 

—  2.  Le  même  ver  du  même  côté  montrant  les  mêmes  organes  en  place,  avec  la  partie  pos¬ 

térieure  du  corps  légèrement  repliée  en  dessous.  Par  là  on  n’aperçoit  pas  la  ven¬ 
touse  postérieure. 

—  5.  Le  même,  amplifié  davantage,  étendu  comme  dans  le  numéro  1 ,  mais  avec  les  boids 

en  arrière  légèrement  repliés.  On  aperçoit  en  avant  1  orifice  de  la  bouche,  plus  bas, 
le  bulbe  buccal,  puis  l’œsophage  et  les  deux  tubes  intestinaux,  celui  de  droite  mon¬ 
trant  seul  les  cæcums  ramifiés.  A  gauche,  on  voit  tout  l’appareil  vitellogène  en  place, 

Tome  XXXV.  ^ 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE. 


48 

la  commissure  et  le  vitellosac.  A  gauche  du  vitellogène  opaque  est  situe  le  gcrmigène, 
qui  est  précédé  de  l’ootype.  Entre  les  deux  tubes  digestifs  et  les  vitelloductçs,  on  voit 
le  spermigène,  formé  d’un  grand  nombre  de  vésicules,  qui  aboutissent  à  un  spermi- 
ductc  commun,  faiblement  indiqué  dans  cette  figure.  Derrière  l'œsophage  se  trouve 
le  pénis.  A  la  partie  postérieure  du  corps,  la  peau  forme  une  ventouse. 

Fig.  4.  La  partie  antérieure  du  meme  ver,  encore  dans  la  même  situation,  mais  comprimé  et 
amplifié  pour  montrer  l’arrangement  des  divers  appareils. 

a.  Orifice  buccal. 

b.  Bulbe  du  même  nom,  que  l'on  a  pris  quelquefois  pour  un  estomac. 

c.  OEsophage. 

d.  Tube  digestif. 

e.  Cæcums  ramifiés. 

f.  Vitellogène  sous  la  forme  de  grappes. 

g.  Vitelloducte. 

h.  Commissure  des  vitelloductes. 

i.  Canal  aboutissant  au  vitellosac. 

j.  Vitellosac. 

l.  Germigènc. 

m.  Germiducte. 

n.  Ootype. 

o.  Spermigène. 

p.  Spermiducte. 

q.  Pénis. 

r.  Les  vésicules  contractiles  par  lesquelles  le  produit  des  canaux  urinaires  est  éva¬ 

cué.  Les  parois  en  changent  constamment  la  capacité. 

s.  Leur  orifice. 

—  5.  La  partie  postérieure  du  corps  montrant  comment  la  ventouse  se  forme.  En  avant,  on 

distingue  une  partie  du  vitellogène  et  du  spermogène  en  place. 

—  G.  La  même  partie  postérieure  du  corps  montrant  la  ventouse  sous  un  autre  aspect.  On 

distingue  sur  le  bord  les  papilles  qui  recouvrent  la  peau  à  sa  face  supérieure. 

—  7.  Un  œuf  isolé. 


I 


Mém.de  I  Acad.Rov.de  Bel?'.  Tom. XXXV. 


Aient  «le  M'  K.  Hesse  cl  HJ. Van  Reiieden.il.  I. 


JO, 


O 


_  .  •  I  ?&r à. $èv*rgpnrjit&. ékl'Acad.Sffy. 


Mem.de  l’Acad.  Rov.  de  Bek\  Tom.XXXV. 


Mém.de Mr  E .  Hesse  et  EJ. Tan  Beneden.Pl.  Il 


JA.Jfés'se  et  T.J.JtkfiAenede/i  ad.  na.t.  del. 


Jjztà.  par  ff. '  Se vereypp  litn.  de I 'Acad  Tbjr. 


MÉMOIRE 


SUR 

LES  LOMBRICINS, 

PAR 


M.  D'UDEKEM, 

— ^ —  x  ^ .  . 

MEMBRE  DE  L’ACADÉMIE,  DOCTEUR  EN  SCIENCES  NATURELLES 
ET  EN  MÉDECINE. 


PREMIÈRE  PARTIE. 


(Mémoire  présenté  a  l’Académie  royale  de  Belgique,  le  10  janvier  1863.) 


Tome  XXXYI. 


i 


INTRODUCTION. 


Le  but  du  mémoire  que  j’ai  l’honneur  de  présenter  à  l’Académie  est  de 
tracer  l’état  actuel  de  la  science  des  lombricins,  tant  sous  le  rapport  de  l’or¬ 
ganisation  que  de  la  classification  et  de  la  description  des  espèces. 

J’ai  emprunté  à  M.  Siebold  le  nom  de  lombricins  pour  désigner  les  ani¬ 
maux  que  Cuvier  appelait  annêlides,  sétigères  abr anches ,  et  Grube,  oligo- 
chœtes. 

J’ai  préféré  le  nom  de  lombricins,  parce  qu’il  dérive  de  lombric,  déno¬ 
mination  de  l’espèce  la  plus  anciennement  connue  et  à  laquelle  elle  est  donnée 
dès  la  haute  antiquité. 

Il  y  a  quelques  années  à  peine,  l’histoire  des  lombricins  contenait  beau¬ 
coup  de  lacunes.  Le  lombric  seul  a  été  l’objet  d’études  suivies,  comme  l’at¬ 
teste  la  longue  suite  des  auteurs  qui  s’en  sont  occupés.  Les  autres  espèces, 
à  peine  connues,  étaient  mal  déterminées,  ce  qui  rendait  leur  histoire  très- 
obscure. 

Les  nombreuses  difficultés  que  je  rencontrai  en  commençant  mes  recher¬ 
ches  me  firent  prendre  la  résolution  de  me  borner  à  mes  propres  obser¬ 
vations,  tout  en  vérifiant  avec  soin  ce  qu’avaient  avancé  mes  devanciers. 

Mes  observations  eurent  d’abord  pour  objet  le  genre  Tubifex.  Je  crois 
avoir  démontré  le  premier  dans  tous  ses  détails  l’organisation  de  ce  curieux 


INTRODUCTION. 


animal,  et  avoir,  le  premier  aussi,  déterminé  le  rôle  des  organes  sécréteurs, 
placés  par  paires  dans  les  anneaux  des  lombricins  et  considérés  comme  des 
organes  respiratoires.  Mes  recherches  portèrent  surtout  sur  les  organes  géni¬ 
taux  et  sur  leur  développement,  qui  n’étaient  pas  connus  jusqu’alors. 

Les  plus  singulières  idées  régnaient  dans  la  science  au  sujet  de  ces  organes. 
Les  erreurs  commises  par  Home,  répétées  par  Montègre  et  Cuvier  et  renou¬ 
velées  par  Morren,  n’avaient  jamais  été  combattues  que  par  Dugès,  qui  a 
entrevu  les  organes  génitaux,  mais  sans  les  comprendre;  cependant  il  a  con¬ 
damné  les  erreurs  de  ses  devanciers. 

Dans  mon  Mémoire  sur  le  développement  des  lombrics,  j’ai  démontré  les 
véritables  fonctions  des  différentes  parties  des  organes  génitaux,  et  j’ai  cher¬ 
ché  à  faire  connaître  leur  structure  intime.  L’hermaphrodisme  des  lombrics, 
nié  par  quelques  auteurs,  je  l’ai  prouvé  par  la  découverte  des  ovaires. 
Dans  ce  travail,  j’ai  donné,  comme  terme  de  comparaison,  une  description 
des  organes  génitaux  des  N  aïs ,  des  Enchytreus ,  des  Choetogaster ,  qui 
n’étaient  pas  connus  des  naturalistes.  Dans  d’autres  publications,  j’ai  décrit 
plusieurs  espèces  nouvelles  de  lombricins,  et  j’ai  réuni  dans  une  classifica¬ 
tion  nouvelle  les  espèces  mentionnées  par  les  auteurs.  Enfin,  dans  une  notice, 
j’ai  fait  connaître  aussi  l’organe  génital  si  simple  du  genre  OEolosoma. 

Il  existait  dans  mon  travail  sur  les  organes  génitaux  des  lombrics  une 
lacune  :  M.  Hering  l’a  comblée  par  la  découverte  des  oviductes. 

Depuis  mes  dernières  publications,  le  célèbre  naturaliste  suisse,  M.  Cla¬ 
parède,  a  entrepris  des  études  sur  quelques  genres  de  lombricins  encore 
inconnus.  Les  deux  mémoires  qu’il  a  publiés  sur  ce  sujet  sont  de  nature  à 
éclaircir  beaucoup  l’histoire  des  vers  qui  doivent  être  réunis  aux  lombri¬ 
cins.  Scbmarda ,  dans  un  magnifique  travail  où  sont  contenues  d’immenses 
richesses,  fruit  d’un  voyage  autour  du  monde,  nous  a  fait  connaître  des 
genres  entièrement  nouveaux,  représentant  les  lombrics  des  régions  tropi¬ 
cales. 


INTRODUCTION. 


5 


Je  crois  donc  que  le  moment  est  venu  de  présenter  le  résultat  général  de 
mes  observations  sur  les  lombricins. 

Toutes  mes  observations  ont  porté  jusqu’à  présent  sur  les  espèces  habi¬ 
tant  la  Belgique.  Je  compte  les  compléter  par  la  dissection  d’espèces  tropi¬ 
cales  qu’un  ami  a  bien  voulu  m’envoyer  de  Java. 

Mon  mémoire  se  composera  de  plusieurs  parties. 

Dans  la  première,  je  donnerai  la  description  des  caractères  généraux,  de 
l’organisation  des  lombricins,  considérés  dans  leur  ensemble;  j’y  traiterai 
ensuite  delà  place  qu’ils  doivent  occuper  dans  la  série  animale  ;  de  leur  clas¬ 
sification,  et  puis  du  genre  lombrics,  dont  je  donnerai  l’anatomie,  la  physio¬ 
logie  et  le  développement  dans  tous  ses  détails.  Dans  une  seconde  partie,  je 
m’occuperai  des  genres  voisins  des  lombrics  appartenant  à  la  même  famille. 
Enfin,  dans  une  troisième  partie,  je  ferai  l’histoire  des  familles  des  tubifé- 
cidés,  des  enchytricidés  et  des  naïcidés. 


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MÉMOIRE 


SUR 

LES  LOMBRICINS. 


PREMIÈRE  PARTIE. 


CLASSIFICATION. 


Dans  la  classification  de  Linné,  les  lombricins  ne  sont  représentés  d’abord 
que  par  le  seul  Lumbricus  terrestris.  Gmelin,  en  révisant  la  classification  de 
son  maître ,%  y  ajouta  quelques  espèces.  Les  lombrics  étaient  réunis  aux  vers 
intestinaux ,  qui  étaient  divisés  en  vers  vivant  dans  l’intérieur  des  animaux 
et  en  vers  qui  vivent  à  l’extérieur  des  animaux  :  ils  se  trouvent  naturellement 
dans  cette  dernière  division. 

Cuvier,  dans  ses  classifications  successives,  plaça  d’abord  les  lombrics  avec 
les  vers  à  sang  blanc  ;  mais,  reconnaissant  bientôt  son  erreur  par  la  découverte 
du  système  circulatoire  et  la  couleur  du  sang,  il  les  rangea  parmi  les  vers 
auxquels  il  donna  pour  caractère  une  moelle  noueuse  et  point  de  membres 
articulés. 

Enfin,  dans  sa  troisième  classification,  il  fit  entrer  les  lombricins  dans 
la  classe  des  annélides.  Les  annélides  de  Cuvier  comprennent  trois  ordres  : 
les  tubicoles,  les  dorsibranclies  et  les  cibranches. 

C’est  dans  ce  dernier  ordre  que  les  lombricins  étaient  placés  à  côté  des 
sangsues. 


8 


MÉMOIRE 


Cuvier  réunit  heureusement  les  lombrics  au  nais  dans  le  groupe  des 
abranches  sétigères  apodes,  en  créant  les  familles  des  lombrics  et  des 
n  aï  des. 

Lamarck  débuta  également  en  réunissant  les  lombrics  aux  vers  intesti¬ 
naux  ;  mais  il  modifia,  dans  la  suite,  ses  classifications,  et,  à  l’exemple  de 
Cuvier,  il  plaça  les  lombricins  parmi  les  annélides.  Les  annélides  de  Lamarck 
renferment  trois  divisions  :  les  apodes ,  les  antennées  et  les  sédentaires.  Le:* 
lombrics  furent  rangés  parmi  les  apodes  avec  les  hirudinées  et  les  échiures. 

Mais  Lamarck  commet  une  grande  erreur  en  classant  les  nais  et  les  tubifex 
dans  la  famille  des  hispidules,  qui  sont  réunis  à  la  classe  des  vers. 

31ilne  Edwards  et  Deshayes,  lorsqu’ils  publièrent  l’ouvrage  de  Lamarck 
sur  les  animaux  sans  vertèbres,  modifièrent  cette  classification  et  réunirent 
dans  une  même  division,  sous  le  nom  de  terricoles ,  les  lombrics,  les  tubifex 
et  les  nais. 

Savigny  distribua  ses  annélides  en  quatre  divisions  :  les  néréides,  les  ser- 
pules,  les  lombricines  et  les  hirudinées. 

C’est  ici  qu’apparaît  pour  la  première  fois  le  nom  de  lombricins  appliqué 
au  groupe  entier. 

Les  lombricines  de  Savigny  contenaient  les  deux  familles  des  échiures  et 
des  lombrics.  Pour  donner  un  autre  nom  au  genre,  il  proposa,  pour  les  lom¬ 
brics,  celui  d 'entérion,  qui  n’a  été  adopté  par  personne. 

Oken  classa  les  lombrics  parmi  les  vers  qui  se  trouvent  à  la  tête  de  la 
troisième  division  des  animaux  intestinaux,  dans  le  groupe  des  animaux 
respiratifs. 

Blainville,  fidèle  à  ses  principes  de  classification,  rangea  les  lombrics 
d’après  leurs  caractères  extérieurs,  prenant  pour  caractère  dominant  la  pré¬ 
sence  ou  l’absence  des  soies.  Il  réunit  les  lombricins  aux  annélides  et  les 
sépara  des  hirudinées,  qu’il  relégua  avec  raison  plus  loin  parmi  les  vers. 

Ehrenberg  classa  les  lombrics  au  nombre  des  articulés,  dans  la  cinquième 
division,  les  Stomatoma. 

Tous  les  classificateurs  qui  suivirent  ceux  dont  je  viens  de  parler  pla¬ 
cèrent  les  lombricins  parmi  les  annélides. 

Milne  Edwards,  à  l’exemple  de  Cuvier,  laissa  réunies  les  deux  familles 


SUR  LES  LOMBRICINS. 


9 


des  naïdes  et  des  lombricins  en  un  ordre,  sous  le  nom  d 'annélides  séligères 
abranches. 

Siebold  divisa  les  annélides  en  deux  ordres,  les  apodes  et  les  chœtopodes. 

Le  premier  ordre  comprend  les  némeftiens  et  les  liirudinées;  le  second 
est  divise  en  trois  sous- ordres,  les  lombricins,  les  céphalobranches  et  les 
dorsibr anches. 

Le  sous-ordre  des  lombricins  renferme  les  genres  Lombricus ,  Nais,  Choe- 
togaster,  Lumbriculus,  Euaxes,  Soenurus,  Enchylreus ,  Sternopsis. 

Siebold  est  le  premier  auteur  qui  ait  bien  compris  le  groupe  des  lombricins. 

Grube,  dont  les  nombreux  travaux  ont  tant  fait  avancer  la  science  des 
annélides,  classa  ces  animaux  en  cinq  ordres  : 

1°  Les  Appendiculata  polychoeta,  qui  comprennent  tous  les  annélides  pro¬ 
prement' dits; 

2°  Les  Cgmnocarpa,  qui  ne  sont  composées  que  du  seul  genre  Tomopthens ; 

3°  Les  Oxyphora,  qui  renferment  le  seul  genre  Peripalus  ; 

4°  Les  Oligoclioeta,  qui  sont  les  lombricins  de  Siebold. 

La  classification  de  Grube  a  le  tort  d’avoir  assigné  à  ces  groupes  des  noms 
barbares  qui  ne  disent  rien  à  l’esprit.  En  histoire  naturelle ,  beaucoup  d’au¬ 
teurs  ont  cette  triste  manie  de  vouloir  inventer  des  noms  nouveaux  et  de  jeter 
ainsi  de  l’obscurité  dans  la  science. 

Vanderhoeven  réunit  les  lombricins  et  les  annélides  proprement  dits  pour 
former  l’ordre  des  Annulata.  Les  lombricins  sont  distingués  des  annélides  par 
l’absence  des  branchies,  et  des  turbellariées  par  la  présence  des  soies.  Les 
lombricins  sont  divisés  par  Vanderhoeven  de  la  même  manière  que  par 
Siebold. 

M.  de  Quatrefages,  dans  un  magnifique  travail,  démontre  clairement  que 
les  lombricins  doivent  être  séparés  du  groupe  des  liirudinées ;  que  ces  deux 
groupes  forment  chacun  une  classe.  Il  donne  le  nom  d 'érytkrènc  aux  lom¬ 
bricins  et  celui  de  bdelle  aux  liirudinées .  Il  démontre,  avec  beaucoup  de 
raison,  que  ces  classes  doivent  être  séparées  des  annélides  proprement  dits 
et  des  malacobdelles.  Les  lombricins  et  les  bdelles  ont  les  sexes  réunis  ;  les 
annélides  et  les  malacobdelles  les  ont  séparés. 

J’admets  entièrement  l’opinion  de  M.  de  Quatrefages  et  je  crois  que  la  sé- 
Tome  XXXVI.  2 


10 


MEMOIRE 


paration  ou  la  réunion  des  sexes  est  le  caractère  fondamental  qui  différencie 
les  lombricins  et  les  annèlides. 

M.  Van  Beneden,  dans  son  type  des  vers  de  l’embranchement  des  alloco- 
lyles,  a  créé,  sous  le  nom  d’ annèlides ,  une  classe  séparée  cpii  renferme  les 
annèlides  proprement  dits,  les  céphyriens  et  les  siponcles.  L’ordre  des  anné- 
lides  est  divisé  par  M.  Van  Beneden  en  trois  sous-ordres,  les  céphalobranches ; 
les  dorsibranches  et  les  abranches ;  ces  derniers  sont  les  lombricins.  Ce  carac¬ 
tère  est  inexact  ainsi  que  le  nom  dabr  anche;  car  plusieurs  nais  portent  de 
véritables  branchies,  comme  je  l’ai  démontré  suffisamment.  J’admets  avec 
M.  Van  Beneden  la  classe  des  annèlides  telle  qu’il  l’a  établie,  seulement  je 
donne  pour  caractère  à  ces  annèlides  abranches  d’avoir  les  sexes  réunis  et 
aux  annèlides  dorsibranches  et  céphalobranches  d’avoir  un  sous-ordre. 

J’examinerai  comment  les  lombricins  ont  été  divisés  en  familles.  Je  m'abs¬ 
tiendrai  cependant  de  donner  une  énumération  complète  de  toutes  les  clas¬ 
sifications  établies  par  les  auteurs.  En  général,  elles  sont  fondées  sur  une 
connaissance  très-incomplète  de  l’organisation  des  principales  espèces.  Je  ne 
parlerai  donc  ici  que  de  la  classification  de  Grube,  de  la  mienne,  proposée  en 
1853  ( Bulletins  de  ï Acad.  roy.  de  Belgique,  t.  XX,  1853),  et  de  celle  de 
Claparède,  proposée  récemment. 

Grube  divisa  le  groupe  des  oligochœtes  (lombricins)  en  deux  familles,  le s 
lombricinées  et  les  naïdines.  Les  caractères  différentiels  des  deux  familles 
sont  trop  incertains  pour  servir  de  base  à  une  bonne  classification  naturelle  : 
l’absence  ou  la  présence  de  coloration  du  sang,  la  plus  ou  moins  grande  sim¬ 
plicité  du  système  circulatoire,  la  fréquence  ou  l’absence  des  soies  capil¬ 
laires,  la  simplicité  relative  des  organes  génitaux,  tout  ces  caractères  ne 
méritent  aucune  considération;  aussi  ne  les  ai-je  indiqués  que  pour  montrer 
leur  peu  de  valeur. 

Après  avoir  étudié  attentivement  ces  organisations  si  compliquées  sur  les 
espèces  de  lombricins  qui  habitent  la  Belgique,  j’ai  démontré,  le  premier,  la 
curieuse  organisation  des  lubifex  sur  laquelle  il  n’existait  qu’erreur  et  igno¬ 
rance.  Ce  travail  m’ouvrit  le  chemin  pour  découvrir  l’organisation  des  organes 
des  lombrics,  des  nais,  des  ehœtogasters  et  des  œolosomes,  ainsi  que  des  en- 
chytrées.  Ces  recherches  ont  été  la  base  de  ma  classification.  J’en  ai  donné 


SUR  LES  LOMBRICINS. 


1 1 


deux,  et  je  déclare  ,ici  abandonner  complètement  la  seconde,  qui  a  été  publiée 
dans  les  Mém.  cour .  de  l’Acad.  roy.  deBelg.,  t.  XXVI,  1855,  pour  reprendre, 
dans  toute  son  intégrité,  la  première,  que  j’ai  indiquée  dans  les  Bulletins  de 
l’ Académie,  1853,  et  c’est  la  classification  basée  sur  les  caractères  les  plus 
importants  à  mes  yeux,  c’est-à-dire  les  caractères  tirés  du  mode  de  reproduc¬ 
tion,  les  seuls  qui  ne  varient  pas. 

Je  divise  d’abord  mes  lombricins  en  agemmes  et  gemmipares.  Les  pre¬ 
miers  ne  se  reproduisent  que  par  œufs  ;  les  seconds  se  reproduisent  par  œufs 
et  par  bourgeons. 

La  reproduction  par  gemmes  et  par  œufs  et  la  reproduction  par  œufs  seule¬ 
ment  établissent  entre  les  deux  espèces  d’animaux  des  différences  immenses. 
Les  agemmes  vivent  presque  tous  dans  la  terre  humide  ou  dans  la  vase;  ils 
sont  dépourvus  de  la  faculté  de  nager,  ne  poursuivent  pas  leur  proie,  avalent 
pour  toute  nourriture  de  la  terre  humide  chargée  d’infusions  végétales  et  ani¬ 
males;  leurs  formes  sont  lourdes,  leur  taille  grande,  leurs  téguments  solides. 

Les  gemmipares,  au  contraire,  sont  de  charmants  petits  animaux,  élégants 
et  sveltes.  Quand  on  les  observe ,  ils  n’inspirent  pas  le  dégoût  que  la  muco¬ 
sité  qui  couvre  les  agemmes  suggère  à  un  grand  nombre  de  personnes. 

Les  gemmipares  sont  de  petite  taille,  quelquefois  microscopiques,  formés 
d’un  petit  nombre  d’anneaux  et  vivent  dans  l’eau  stagnante,  courante,  rarement 
marine;  ils  nagent  au  moyen  des  contractions  du  corps  et  du  mouvement 
des  soies.  Les  agemmes  rampent;  les  gemmipares  sont  voraces,  poursuivent 
leur  proie  avec  ardeur,  et  le  Choetogaster  diaphanus  est  le  plus  grand  destruc¬ 
teur  d’infusoires  et  de  crustacés  microscopiques  :  ce  sont  les  véritables  car¬ 
nassiers  parmi  les  lombricins.  Leur  vie  est  vagabonde. 

Une  différence  très  -  importante  existe  encore  entre  les  agemmes  et  les 
gemmipares  :  les  premiers  portent  constamment  leurs  organes  génitaux,  les 
derniers  les  portent  seulement  à  certaines  époques. 

Je  pense  donc  que  ma  division  des  lombricins  en  agemmes  et  en  gemmi¬ 
pares  est  inattaquable.  Depuis  la  publication  de  ma  classification  ont  paru  les 
belles  et  savantes  recherches  du  naturaliste  de  Genève,  M.  Claparède.  Ce 
savant  a  démontré  que  la  famille  des  lombricins  menace  de  s’étendre  dans  de 
grandes  proportions.  Moi-même  je  viens  d’étudier  des  espèces  exotiques  dont 


12 


MEMOIRE 


je  donnerai  bientôt  la  description.  Il  en  résulte  que  les  caractères  des  familles 
devront  changer  probablement  dans  la  suite,  quand  l’organisation  des  nou¬ 
velles  espèces  sera  plus  connue. 

En  attendant  une  nouvelle  classification,  je  conserverai  la  mienne,  d’autant 
plus  que,  dans  le  nouveau  Handbuch  der  Zoologie,  MM.  W.-C.-H.  Peters, 
J.-V.  Carus  et  C.-E.-A.  Gerstaecker  m’ont  fait  l’honneur  de  l’adopter. 

Dans  ma  classification,  je  divise  les  agemmes  en  trois  familles  dont  le  nom 
est  tiré  des  genres  les  plus  importants  :  ce  sont  les  lombricidées ,  les  lubife- 
cidées  et  les  enchylricidées. 

Les  caractères  de  ces  familles  sont,  comme  pour  la  première  division, 
basés  sur  les  modifications  que  présentent  les  œufs. 

Les  lombricidées  possèdent  des  œufs  microscopiques  placés,  après  la  ponte, 
dans  une  capsule  et  entourés  d’albumen.  Le  développement  du  jeune  dans  la 
capsule  se  fait  aux  dépens  de  l’albumen  et  non  du  vitellus. 

Les  tubificidées  ont  des  œufs  très-volumineux,  placés,  après  la  ponte,  dans 
une  capsule  sans  albumen.  Le  développement  de  l’embryon  se  fait  entière- 
rement  aux  dépens  du  vitellus. 

Les  enchytricidées  ont  des  œufs  volumineux;  il  n’y  a  jamais  qu’un  seul 
œuf  dans  chaque  capsule,  et  le  développement  du  jeune  se  fait  aux  dépens 
du  vitellus  seulement. 

Cette  division  en  famille  est  certainement  naturelle.  Les  lombricidées,  par 
leurs  mœurs,  par  leur  aspect,  par  leur  grandeur,  par  le  développement 
énorme  des  téguments  et  du  système  circulatoire,  s’éloignent  considérable¬ 
ment  des  deux  familles  tubificidées  et  des  enchytricidées.  Ces  deux  familles 
diffèrent  essentiellement.  Les  tubificidées  sont  élégants  dans  leur  forme, 
semi-transparents,  rapides  dans  leur  marche,  cherchant  leur  proie  et  sont 
continuellement  en  mouvement;  sous  ce  rapport,  les  tubificidées  se  rap¬ 
prochent  des  naïcidées.  Les  enchylricidées  sont,  par  une  exception  unique, 
des  vers  de  couleur  blanche;  leurs  téguments  sont  très-solides  et  non  transpa¬ 
rents;  ils  ont  la  marche  lourde,  la  locomotion  inactive  et  vivent  des  années 
à  la  même  place. 

Il  y  a  donc  entre  mes  quatre  familles  des  lombricidées —  car  la  famille  des 
naïcidées  compose  à  elle  seule  la  division  des  agemmes  — ,  des  différences 


SUR  LES  L0MBRIC1NS. 


13 


caractéristiques  très-faciles  à  constater,  et  j’ai  la  conviction  que,  dans  l’état 
actuel  de  la  science,  il  serait  difficile  de  trouver  une  meilleure  classification. 
Je  ferai  un  reproche  à  M.  Claparède,  quoique  cependant  je  lui  doive  des 
remercîments  pour  la  manière  flatteuse  avec  laquelle  il  a  traité  mes  travaux 
dans  son  beau  travail  sur  les  lombricins.  Ce  reproche  c’est  d’avoir  admis  les 
noms  barbares  de  Grubes  et  d’avoir  supprimé  ceux  que  les  lombricins  et  les 
nais  portaient  depuis  la  naissance  de  la  science  naturelle. 

Voici  les  caractères  que  M.  Claparède  donne  à  ces  familles  : 

Première  famille.  —  Oligochètes  terricole. 

Diagnose  :  Oligochètes  à  vaisseau  ventral  double,  munis  d’organes  seg¬ 
mentaires  qui  renferment  les  oviductes,  les  canaux  déférents  et  les  récep¬ 
tacles  des  semences;  clitellium  placé  en  arrière  des  pores  génitaux;  réseau 
vasculaire  entourant  les  organes  segmentaires. 

Synonymie  :  Genres  lumbricus  Lin.,  hypogeon  Sav.,  criodilus  Hoffm. 

Deuxième  famille.  —  Oligochètes  limicoles. 

Diagnose  :  Oligochètes  à  vaisseau  ventral  unique,  dépourvus  des  or¬ 
ganes  segmentaires  qui  renferment  les  oviductes  et  les  canaux  déférents; 
clitellium  et  ceinture  comprenant  toujours  le  segment  porteur  des  organes 
mâles.  Jamais  de  réseau  ni  d’anus  vasculaires  embrassant  les  organes  seg¬ 
mentaires. 

Les  caractères  qui  divisent  mes  familles  sont  certainement  plus  impor¬ 
tants  et  plus  simples  que  ceux  qui  divisent  les  familles  de  M.  Claparède. 
Toute  ma  classification  du  groupe  est  basée  sur  deux  mêmes  caractères  :  les 
modifications  du  développement  et  de  l’œuf. 

Ces  caractères  ont  une  importance  qu’on  ne  peut  nier,  car  mon  professeur 
et  ami  M.  Van  Beneden  les  a  employés  pour  la  division  générale  du  règne 
animal,  et  je  crois  qu’elle  sera  maintenue  par  les  naturalistes. 


14 


MEMOIRE 


BIBLIOGRAPHIE. 


R.  Aldovandus,  Historia  animalium,  1605. 

Ray,  Historia  insectorum,  1628.  Edita  Lond.,  1710. 

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Willis,  De  anima  brutorum. 

Redi,  De  animalibus  vivis  qui  in  corporibus  animalium  vivorum  reperiantur,  1708. 
Blasius,  Anatome  animalium  terrestrium  variorum,  volatilium,  aquatilium,  etc.,  1681 . 
Soixante  planches. 

Francius,  Historia  animalium,  etc.,  1688. 

Paulini,  De  lombrico  terrestris.  Schideanna  varias  memorabilibus  curiositatibus  etob- 
servationibus  illuslratum,  1705. 

Vandelli,  Die  aponi  Thermis,  de  nonnullis  insectis  terrestribus  et  zoopliylis  terrae 
reproductione ,  atque  ténia  eanis. 

Ott.-Fréd.  Muller,  1.  Yon  Würmern  des  süssen  und  salzigen  Wassers. 

—  —  2.  Yermium  terrestrium  et  fluviatilium,  1775. 

—  3.  Zoologiae  Danicae  prodromus,  seu  animalium  Daniae  indige- 

narum  species  nomina,  synonymia  imprimis  popularium. 

—  —  4.  Zoologiae  Danicae,  seu  animalium  Daniae  et  Nowergiae  rarius 

ac  summa  notorum  icônes,  1788. 

Murray,  De  vermibus  in  lepro  obricis,  juncta  lepros  historia  et  lumbricorum  setis  ob- 
servationes,  1789. 

Bonnet,  Traité  d’insectologie ,  1775. 

Réaumur,  Mémoires  pour  servir  à  l’histoire  des  insectes. 

Farricius,  Fauna  Groenlandica ,  1780.  ' 

Cuvier,  1.  Leçons  d’anatomie  comparée. 

^ —  2.  Leçons  d’anatomie  comparée,  recueillies  et  publiées  par  Dumeril ,  Duvernoy 

et  Laurillard,  1856-1844. 

—  3.  Règne  animal. 

Lamarck,  1.  Système  des  animaux  sans  vertèbres. 

2.  Système  des  animaux  sans  vertèbres,  revu  et  augmenté  par  Desbayes  et 
Milne  Edwards. 

Blainville,  1.  Dictionnaire  des  sciences  naturelles. 

—  2.  Principes  d’anatomie  comparée. 

Montègre,  Observations  sur  les  lombrics  ou  vers  de  terre  ( Mémoires  du  Muséum). 
Home,  Lectures  of  anatomy  comparative,  1814. 

Léo,  Dissertation  inauguralis  de  structura  lombrici  terrestris,  1820. 

Léon  Dufour,  Annales  des  sciences  naturelles,  1825  et  1828. 

Sangiovanni,  Ueber  die  Reproduction  des  Regenwurmes.  ( Froriep  Notis,  1824.) 


SLR  LES  LOMBRIClfSS. 


15 


Dugès,  1.  Recherches  sur  la  circulation  et  la  respiration  desannélides  abranches.  (Ann. 
des  sciences  naturelles ,  1828.) 

—  2.  Nouvelles  observations  sur  les  annélides  sétigères  abranches. 

Morren,  Quaesitur  descriptio  structurae  anatomicae  et  expositio  structurae  naturalis 
lumbrici  vulgaris  seu  terrestris.  (Ann.  Acad.,  Gand,  1820.) 

Fitzinger,  Ueber  die  Lombrici.  (Isis,  1835.) 

Trevesinanus,  Lumbricus  capitatus  et  lineatus.  ( Tied .  Zeitscli.,  1835.-) 

Johnston,  Ueber  der  Zeugung  die  Erdregen.  ( Mag .  nat.  history .) 

Suriray,  Notes  sur  quelques  parasites  et  produits  organiques  des  lombrics  terrestres. 
Boeck  ,  Artsformer,  of  lumbrieis  terrestris.  (Isis,  1845.) 

Everman  ,  Lumbricus  noctilocus.  (Zeitsch.  der  Acad,  zur  Remit.) 

Hoffmeister,  Beitrage  zur  Kenntniss.  der  Duchersland  Annelides.  (Arch.  für  Natur. 
Wiegm.) 

D’Udekem,  1.  Mémoire  sur  le  Tubifex  rivulorum.  (Mém.  de  V Acad,  royale  de  Belgique.) 

2.  Développement  du  lombric  terrestre.  (Ibid.) 

3.  Classification  des  annélides  sétigères  abranches.  (Bulletins  de  V Académie 

royale  de  Belgique.) 

4.  Classification  des  annélides  sétigères  abranches.  (Mém.  de  B  Acad,  royale 

de  Belgique.) 

5.  Notice  sur  les  organes  génétaux  des  Æolosoma  et  Choetogaster. 

E.  Hering,  Zur  Anatomie  und  Physiologie  der  generatione  Organe  der  Regenwürmer. 

(Zeitschr.  f.  Wiss.  Zool.,  Bd.  IV,  1853.) 

Claparède,  1.  Recherches  anatomiques  sur  les  oligochètes,  1862. 

2.  Recherches  anatomiques  sur  les  annélides,  turbellaires,  opalines  et  gré- 
garines. 


LOMBRICINS. 


CARACTÈRES  GÉNÉRAUX. 


Animaux  à  corps  vermiforme  annelé ,  anneaux  séparés  les  uns  des  autres 
par  des  cloisons  musculaires  (muscles  diaphragmatiques  (dessipement ,  Clap.). 
Plusieurs  couches  membraneuses  forment  les  téguments  externes. 


MÉMOIRE 


Mi 

Trois  couches  existent  chez  toutes  les  espèces ,  rarement  un  plus  grand 
nombre. 

Les  trois  couches  sont  : 

1°  La  cuticule,  membrane  sans  structure  transparente,  composée  chimi¬ 
quement  de  chitine; 

2°  Le  derme,  formé  de  cellules  arrondies,  transparentes  et  contenant  un 
noyau  ; 

3°  La  troisième  couche  musculaire,  toujours  composée  de  deux  lames,  l  une 
supérieure,  à  fibres  circulaires,  l'autre  inférieure,  à  fibres  longitudinales. 

Il  existe  chez  toutes  les  espèces  des  organes  locomoteurs  :  les  soies,  qui  sont 
des  productions  chitineuses  solides,  de  forme  simple,  composées  d’une  seule 
pièce  et  naissant  dans  une  glande  particulière.  Ces  soies  sont  remplacées  par 
de  nouvelles,  quand  elles  tombent,  et  mises  en  mouvement  par  des  muscles 
dont  l’ensemble  forme  une  pyramide.  11  existe  aussi  dans  tous  les  anneaux  du 
corps,  excepté  dans  l’anneau  céphalique  et  dans  les  anneaux  qui  présentent 
l’orifice,  des  organes  génitaux  et  une  ceinture. 

Ordinairement  ,  la  disposition  générale  des  soies  est  en  lignes  longitudi¬ 
nales,  ventrales  ou  latérales;  rarement  les  soies  sont  disposées  en  cercle 
autour  de  chaque  anneau.  La  forme  des  soies  varie  :  elles  sont  ou  un  peu 
développées,  à  extrémité  acérée  et  le  milieu  renflé,  ou  bien  elles  sont  capil¬ 
laires*  ou  bien  encore  elles  ont  l’extrémité  externe  terminée  soit  en  crochet 
simple,  soit  en  crochet  double. 

Le  système  nerveux  se  compose  d’un  cerveau,  d’une  chaîne  ganglionnaire 
abdominale,  de  nerfs  périphériques  et  d’un  grand  sympathique. 

Le  cerveau  présente  ordinairement  deux  ganglions  plus  ou  moins  unis  par 
une  commissure  médiane;  toujours  il  se  trouve  au-dessus  du  pharynx  et 
dans  le  premier  anneau  du  corps. 

La  chaîne  ganglionnaire  se  compose  de  deux  bandes  nerveuses  occupant  la 
face  interne  ventrale  du  corps.  Au-dessus  du  tube  digestif,  dans  chaque  an¬ 
neau,  elle  présente  un  double  ganglion. 

Les  nerfs  périphériques  naissent  du  cerveau  et  des  ganglions  abdominaux , 
rarement  des  bandes  nerveuses  abdominales.  Ils  se  terminent  principalement, 
dans  la  membrane  musculaire  des  téguments  externes,  sous  forme  d’un  réseau 


SUR  LES  LOMBRICUNS. 


17 


serré.  Le  nerf  grand  sympathique  naît  de  la  face  postérieure  du  cerveau  et 
du  collier  nerveux. 

L’appareil  de  la  circulation  présente  constamment  un  vaisseau  dorsal  qui 
longe  la  face  supérieure  du  tube  digestif,  et  un  vaisseau,  rarement  deux,  qui 
longe  la  face  inférieure  de  ce  tube  intestinal. 

Le  vaisseau  dorsal  est  toujours  contractile  :  c’est  le  principal  organe  actif 
de  la  circulation  ;  le  mouvement  a  toujours  lieu  d’arrière  en  avant. 

Les  vaisseaux  ventraux  ne  sont  pas  contractiles;  ils  représentent  la  veine 
cave  des  animaux  supérieurs. 

La  communication  entre  les  vaisseaux  dorsaux  et  ventraux  a  lieu  par  des 
vaisseaux  latéraux  qui  partent  perpendiculairement  de  tous  ou  de  quelques 
anneaux  du  vaisseau  dorsal,  pour  se  jeter  en  se  divisant,  ou  bien  sans  divi¬ 
sion,  dans  le  vaisseau  ventral. 

Quelques  vaisseaux  latéraux  s’élargissent;  des  muscles  se  développent  dans 
leurs  parois;  ils  deviennent  des  cœurs  et  aident  le  vaisseau  ventral  dans  les 
fonctions  actives  de  la  circulation. 

Le  réseau  vasculaire  n’existe  que  chez  un  petit  nombre  d’espèces. 

L’appareil  de  la  sécrétion  urinaire  existe  chez  tous  les  lombricins  {seg¬ 
mentai  organs,  W.).  Il  se  compose  d’une  série  de  glandes  en  forme  de  tubes, 
placées  symétriquement,  dans  presque  tous  les  anneaux  du  corps,  de  chaque 
côté  du  tube  digestif. 

Ces  glandes  présentent  une  ouverture  interne  s’ouvrant  librement  dans  la 
cavité  périgastrique  en  forme  d’entonnoir.  Une  ouverture  externe  existe  à  la 
face  ventrale.  La  membrane  interne  de  ces  glandes  est  toujours  munie  de 
cils  vibratiles  très-longs.  * 

Canal  digestif  toujours  divisé  en  ligne  droite,  depuis  le  premier  anneau 
du  corps  jusqu’au  dernier. 

La  bouche  s’ouvre  sous  le  premier  anneau  ou  en  avant  de  celui-ci;  l’anus 
s’ouvre  au-dessous  ou  directement  en  arrière  du  dernier  anneau.  Dans  le  tube 
digestif,  on  trouve  souvent  deux  divisions;  la  plus  simple  est  celle  en  pharynx 
et  en  intestin,  organe  qui  existe  toujours.  Quelquefois,  mais  rarement,  il  se 
montre  une  troisième  division,  l’estomac,  qui  présente  une  structure  spéciale 
(lombric),  ou  bien  une  structure  identique  à  l’intestin  (tubifex,  nais,  euaxes). 

Tome  XXXVI.  3 


18 


MÉMOIRE 


Le  tube  digestif  est  toujours  pourvu  de  glandes  solitaires  et  de  glandes 
hépatiques;  rarement  d’autres  glandes  se  trouvent  sur  le  trajet  de  cet  organe. 

La  fonction  respiratoire  s’exécute  chez  la  plupart  des  espèces  par  les  tégu¬ 
ments  externes,  excepté  chez  les  nais,  où  l’extrémité  anale  du  tube  digestif 
se  transforme  en  branchies. 

Les  organes  génitaux  sont  toujours  composés  d’organes  mâles,  d’organes 
femelles  et  d’organes  de  copulation  et  de  ponte. 

Les  organes  mâles  sont  souvent  unis  aux  organes  femelles,  rarement  séparés 
(lombric).  Les  organes  accessoires  de  la  reproduction  sont  représentés  par  des 
vésicules  séminales  ou  par  une  ceinture  (organe  de  copulation)  et  quelquefois 
par  des  glandes  particulières. 

Les  organes  génitaux  existent,  pendant  toute  la  vie,  dans  les  familles  des 
lombricidées,  des  tubificidées  et  des  enchytricidées;  ils  fonctionnent  con¬ 
stamment.  Chez  les  naïcidées,  leur  existence  est  temporaire.  Ces  animaux  se 
reproduisent  par  gemme.  Ce  mode  de  reproduction  n’existe  pas  dans  les 
autres  familles  des  lombricins. 

L’œuf,  après  la  ponte,  est  toujours  placé  dans  une  capsule;  sa  disposition 

et  sa  taille  varient  suivant  les  familles. 

Les  lombricidées  ont  des  œufs  microscopiques;  ils  sont  renfermés  à  plu¬ 
sieurs  dans  une  même  capsule  et  entourés  d  albumen.  Chez  les  auties  familles, 
les  œufs  sont  très-volumineux,  atteignent  quelquefois  la  largeur  du  corps. 
Ils  sont  renfermés  à  plusieurs  dans  une  seule  capsule  chez  les  tubificidées,  et 
chaque  œuf  possède  sa  capsule  chez  les  enchytricidées  et  chez  les  naïcidées». 

Il  existe  deux  espèces  de  mode  de  reproduction  chez  les  lombricins.  Tous 
se  reproduisent  par  œufs  ;  les  naïcidées  seules  par  bourgeons. 

Les  lombricins  habitent  la  terre  humide,  les  eaux  douces  et  les»  eaux 
salées.  Ils  sont  répandus  sur  toute  la  surface  de  la  terre;  ils  ont  été  observés 
sur  tous  les  continents.  Les  plus  grandes  espèces  habitent  les  contrées  tro¬ 
picales. 

TÉGUMENTS  EXTERNES. 


Les  téguments  externes  présentent  une  épaisseur  très-variable,  sui\ant  le^ 


SUR  LES  LOMBRICINS. 


19 


genres.  Très-fragiles  et  minces  chez  les  Nais,  les  Choetogaster  et  les  Æolo- 
soma ,  ils  deviennent  épais  chez  les  lombrics  et  chez  les  enchylricidées. 

La  transparence  des  téguments  présente  tous  les  degrés  parfaits  chez  les 
ehœtogasters  et  chez  la  plupart  des  naïcidées;  elle  devient  moins  prononcée 
chez  les  tubificidées  et  entièrement  opaque  chez  les  lombricidées  et  les  en¬ 
chylricidées. 

La  structure  des  téguments, varie  très-peu.  Us  se  composent  toujours  au 
moins  de  trois  couches.  L’externe,  ou  cuticule,  de  composition  chitineuse,  est 
plus  ou  moins  épaisse;  elle  est  transparente,  se  détache  très-facilement  par  la 
macération.  Chez  le  lombric,  la  surface  externe  de  la  cuticule  est  striée  dans 
deux  sens  par  des  lignes  formant  des  losanges. 

La  cuticule  est  très-souvent  couverte  de  petits  épaississements  arrondis, 
chez  les  nais  surtout,  et  ces  épaississements  sont  surmontés  d’aspérités  minces 
et  pointues  quelquefois  très-longues. 

Ces  productions  de  la  cuticule  se  rencontrent  en  grand  nombre  à  la  partie 
antérieure  du  corps  chez  les  nais,  surtout  au  premier  anneau.  Elles  existent 
aussi  sur  le  dernier  anneau  chez  le  Choetogaster  limnis ;  elles  sont  développées 
au  plus  haut  degré  et  couvrent  presque  tout  le  corps.  Les  aspérités  sont  éga¬ 
lement  très-développées  ;  il  est  probable  qu’elles  favorisent  les  fonctions  du 
tact.  La  composition  de  ces  aspérités  est  la  même  que  celle  de  la  cuticule, 
dont  elles  ne  sont  que  des  prolongements. 

La  deuxième  couche  de  la  peau  est  composée  de  cellules,  c’est  pourquoi 
je  la  nommerai  couche  cellulaire.  Ces  cellules  sont  sphériques,  transparentes 
et  contiennent  un  noyau.  Elles  ont  toutes  la  même  forme  dans  les  différentes 
parties  de  la  membrane,  excepté  chez  les  lombrics.  Du  pigment  apparaît 
souvent  dans  la  membrane  cellulaire. 

La  troisième  couche,  ou  couche  musculaire,  est  le  tégument  principal, 
tant  par  son  volume  que  par  les  fonctions  qu’il  exerce.  Cette  couche  est  tou¬ 
jours  formée  de  deux  plans,  l’un  supérieur,  uniquement  composé  de  fibres 
circulaires,  l’autre  inférieur,  plus  épais,  en  général,  que  le  premier  et  à  fibres 
plus  fortes  qui  se  dirigent  vers  un  même  anneau  :  elles  peuvent  être  de  même 
forme  ou  de  forme  différente  dans  le  même  faisceau  (tubifex). 

Considérés  dans  leur  ensemble,  les  faisceaux  de  soies  forment  presque  tou- 


20 


MEMOIRE 


jours  des  lignes  longitudinales  le  long  des  faces  ventrales  ou  latérales  du 
corps.  Ces  lignes  varient  en  nombre  :  on  en  voit  tantôt  deux,  tantôt  quatre 
ou  plus.  Chez  les  périchètes,  les  soies  sont  très-nombreuses  et  forment  un 
cercle  complet  autour  de  chaque  anneau  :  j’en  ai  compté  soixante-quatre 
dans  un  seul  anneau.  Les  soies  sont  placées  dans  un  sac  musculaire,  au  fond 
duquel  se  trouve  une  glande  qui  sécrète  des  cellules  longitudinales. 

D’après  M.  Claparède,  chez  quelques  lombrjeins,  la  couche  musculaire  ne 
serait  pas  continue;  chez  le  Pacliydrilus ,  elle  forme  six  grands  faisceaux, 
séparés  les  uns  des  autres  par  des  sillons.  Il  en  est  de  même  chez  quelques 
genres  voisins. 

La  couche  musculaire,  par  les  contractions  de  ses  fibres,  constitue  le  prin¬ 
cipal  organe  locomoteur. 

Les  soies  sont  symétriquement  disposées  à  la  surface  du  corps;  elles  se 
présentent  de  la  même  manière  dans  chaque  anneau.  Elles  manquent  tou¬ 
jours  au  premier  anneau  et  quelquefois  aux  anneaux  qui  portent  les  organes 
génitaux. 

La  forme  des  soies  varie,  mais  peu;  elle  est  toujours  formée  d’une  seule 
pièce;  elle  est  allongée  en  forme  de  cheveu  ( soies  capillaires)  chez  les  Nais, 
les  Tubifex  et  les  Æolosoma.  Elle  a  la  forme  d’un  clou  chez  Y Enchylreus; 
elle  est  légèrement  courbée  en  S  et  renflée  au  milieu,  comme  aux  deux  ex¬ 
trémités,  chez  les  lombricidées  et  les  euaxes.  L’extrémité  externe  est  souvent 
fourchue. 

Les  soies  sont  composées  de  chitine,  comme  la  cuticule;  elles  sont  isolées 
ou  réunies  à  plusieurs  et  d’un  volume  considérable;  elles  présentent  une 
membrane  externe  transparente,  un  noyau  avec  nucléole  et  des  granulations 
très- fines  dans  l’intérieur.  Les  soies  naissent  dans  ces  cellules  et  y  restent 
assez  longtemps  contenues  en  distendant  les  parois  de  cette  cellule.  Les 
faisceaux  de  soies  sont  mus  par  des  muscles  particuliers  qui  prennent 
naissance  au  sommet  du  sac  générateur  et  s’étendent  de  là,  dans  toutes  les 
directions,  vers  les  téguments.  L’action  simultanée  de  ces  muscles  fait  saillir 
les  soies,  et  leur  mouvement  isolé  peut  faire  agir  celles-ci  dans  tous  les 


sens. 


SUR  LES  LOMBRICIISS. 


21 


SYSTÈME  NERVEUX. 

Le  système  nerveux  est  tracé  sur  le  même  plan  chez  tous  les  lombricins. 

II  se  compose  d’un  cerveau,  d’une  chaîne  ganglionnaire  abdominale,  de  nerfs 
périphériques  et  d’un  nerf  grand  sympathique. 

Le  cerveau  est  constamment  composé  de  deux  lobes.  Ces  lobes  sont  ordi¬ 
nairement  accolés  dans  une  grande  partie  de  leur  surface  interne,  rarement 
ils  sont  complètement  séparés  :  ce  fait  se  présente,  par  exemple,  chez  le 
Choetogaster.  Une  commissure  unit  les  deux  lobes  d’un  cerveau. 

La  chaîne  ganglionnaire  abdominale  naît  par  deux  bandes  nerveuses  qui 
partent  des  bords  externes  des  ganglions  cervicaux ,  contournent  l’œsophage 
et  se  réunissent  sur  la  face  supérieure  des  téguments  ventraux  du  corps.  L  ac- 
colement  de  ces  deux  bandes  nerveuses  se  fait  le  plus  souvent  dans  le  second 
anneau;  rarement  elles  restent  séparées  dans  quelques  autres,  comme  chez 
les  Choetogaster ;  néanmoins  il  y  a  dans  chaque  anneau  une  commissure  entre 
les  deux  ganglions. 

Sur  les  trajets  des  bandes  nerveuses,  dans  chaque  anneau  du  corps,  se 
trouve  un  ganglion  à  droite  et  à  gauche  de  chacun  de  ces  organes. 

Les  nerfs  périphériques  naissent  du  cerveau  et  des  ganglions  de  la  chaîne 
abdominale;  ils  naissent  aussi  du  collier  œsophagien  et  rarement  directe¬ 
ment  des  bandes  nerveuses,  comme  chez  les  lombrics. 

Les  nerfs  se  divisent  en  réseaux  très-minces  et  se  perdent  entre  les  deux 
couches  musculaires  des  téguments  et  dans  les  muscles  des  faisceaux  des 
soies  et  des  glandes  urinaires. 

Le  grand  sympathique  existe  chez  les  lombricins,  c’est-à-dire  chez  les  es¬ 
pèces  où  il  a  été  observé;  il  naît,  par  plusieurs  racines,  de  la  face  postérieure 
du  cerveau,  et  de  l’anneau  œsophagien  par  un  assez  grand  nombre  de  racines. 
Il  forme  un  plexus  serré  et  parsemé  de  ganglions  sur  le  pharynx  d’abord, 
puis  s’étend  en  plexus  et  en  fdets  très-minces  sur  tout  le  tube  digestif. 

Quant  à  la  structure,  le  système  nerveux  se  compose  essentiellement  de 
globules  de  ganglions,  de  fibres  nerveuses  et  de  tissu  cellulaire.  Les  glo¬ 
bules  des  ganglions  présentent  ordinairement  la  forme  ronde  ou  allongée;  ils 


22 


MEMOIRE 


donnent  naissance  aux  fibres  nerveuses;  ils  contiennent  un  noyau  volumi¬ 
neux  et  des  granulations.  Les  globules  des  ganglions  ne  se  trouvent  que  dans 
le  cerveau  et  dans  les  ganglions  sous-abdominaux. 

Les  fibres  nerveuses  sont  minces;  elles  ont  la  forme  ordinaire  et  sont  réu¬ 
nies  entre  elles  par  du  tissu  cellulaire.  Un  névrilème,  entièrement  formé  de 
tissu  cellulaire,  entoure  étroitement  tout  le  système  nerveux  d’une  gaine  so¬ 
lide  et  le  fixe  aux  téguments. 

ORGANES  DES  SENS. 


Il  n’existe  chez  les  lombricins  que  l’organe  du  tact. 

Toute  la  peau  exerce  cette  fonction  avec  une  grande  énergie.  Cependant, 
chez  plusieurs  espèces,  l’organe  du  tact  est  plus  limité  et  doit  être  considéré 
comme  un  prolongement  qui  se  trouve  à  l’extrémité  du  premier  anneau  du 
corps.  Là  les  téguments  sont  plus  délicats,  les  nerfs  très-nombreux  et  venant 
de  la  face  antérieure  du  cerveau.  Chez  plusieurs  espèces,  il  existe  en  cet  en¬ 
droit  un  prolongement  qui  se  remarque  déjà  chez  les  lombrics  et  qui  devient 
plus  long  chez  les  euaxes  et  les  tubifex;  il  atteint  une  grande  longueur  chez 
plusieurs  nais.  La  Nais  proboscidea  doit  son  nom  à  ce  prolongement  en  forme 
de  trompe.  L’endroit  où  le  tact  a  lieu  est  le  plus  souvent  parsemé  de  ces  pe¬ 
tites  aspérités  cuticulaires  dont  j’ai  déjà  parlé;  elles  sont  visibles  surtout  chez 
les  nais. 


MUSCLES. 


Outre  la  couche  musculaire  sous-cutanée  et  les  muscles  qui  font  mouvoir 
les  faisceaux  de  soies,  il  existe  encore  chez  les  lombricins  des  muscles  im¬ 
portants.  Ces  muscles  sont  d’abord  ceux  que  j’appellerai  diaphragmatiques 
et  ceux  qui  font  mouvoir  quelques  parties  du  tube  digestif. 

Les  muscles  diaphragmatiques  sont  des  muscles  qui  séparent  les  anneaux 
les  uns  des  autres  et  qui  produisent  cet  aspect  annelé  propre  aux  lombricins. 


SUR  LES  LOMBRICINS. 


25 


Ils  sont  formés  de  fibres  transverses  et  de  fibres  circulaires.  Us  naissent  des 
téguments  externes  dans  la  couche  musculaire  et  enveloppent  exactement 
le  tube  digestif,  les  vaisseaux  longitudinaux  et  le  système  nerveux.  Us  servent 
quelquefois  de  soutien  aux  organes  urinaires. 

On  pourrait  presque  les  considérer  comme  des  dédoublements  de  la  couche 
musculaire  sous-cutanée. 

Leur  fonction  consiste  surtout  à  maintenir  les  organes  internes  et  de  pro¬ 
duire  des  contractions  ondulatoires  pour  la  marche  et  pour  la  reptation. 


TUBE  DIGESTIF. 


Le  tube  digestif  s’étend  en  ligne  droite  du  premier  anneau  du  corps  jus¬ 
qu’au  dernier. 

L’ouverture  antérieure,  ou  la  bouche,  est  ordinairement  transversale  et 
munie  de  lèvres  solides  très-mobiles.  Elle  est  située  à  l’extrémité  du  premier 
anneau ,  mais  plus  souvent  à  la  face  inférieure  de  cet  anneau. 

Le  tube  digestif  varie  peu  chez  les  lombricins.  U  se  compose  constamment 
de  deux  parties  au  moins ,  le  pharynx  et  l’intestin  ;  plus  rarement  on  trouve 
un  estomac  et  un  œsophage.  L’estomac  présente,  mais  seulement  dans  la 
famille  des  lombricidées,  une  organisation  différente  des  autres  parties  du 
tube  digestif. 

Certains  lombricins  ne  présentent  que  des  dilatations  stomacales  de  l’in¬ 
testin.  Des  glandes  sont  toujours  annexées  au  tube  digestif;  les  glandes  sali¬ 
vaires  et  hépatiques  le  sont  chez  tous. 

Les  glandes  salivaires  ont  la  forme  de  grappes  et  les  glandes  hépatiques 
celle  d’utricules.  U  existe  encore  quelquefois  des  glandes  œsophagiennes, 
chez  les  lombrics,  par  exemple;  elles  sont  très-développées  dans  les  péri- 
chètes. 

La  structure  histologique  du  tube  digestif  est  partout  la  même. 

Trois  couches  membraneuses  forment  les  parois  du  tube  digestif. 

La  couche  glanduleuse  est  supérieure;  elle  est  formée  de  glandes  salivaires 
sur  le  pharynx  et  de  glandes  hépatiques  sur  le  restant  du  tube  digestif. 


24 


MÉMOIRE 


La  couche  musculaire  est  moyenne,  quant  à  sa  situation;  elle  est  solide 
et  formée  de  deux  plans  de  fibres,  le  supérieur  de  fibres  circulaires,  l'infé¬ 
rieur  de  fibres  longitudinales. 

La  couche  épithéliale  est  la  plus  interne;  elle  est  mince,  délicate,  ordi¬ 
nairement  formée  de  grandes  cellules  à  cils  vibratiles;  chez  les  lombricidées, 
elle  est  privée  de  cils  et  l’épithélium  est  en  pavés. 

GLANDES. 

Les  glandes  présentent  un  grand  développement  chez  les  lombricins.  Elles 
se  distinguent  par  la  constance  de  leur  présence  et  par  le  peu  de  modifications 
de  leurs  formes. 

Les  glandes  se  divisent  en  glandes  urinaires  et  en  glandes  annexées  au  tube 
digestif.  Ces  dernières,  dont  je  viens  de  donner  la  description,  sont  les  glandes 
salivaires  et  les  glandes  œsophagiennes. 

Les  glandes  salivaires  seront  décrites  ici  pour  la  première  fois.  Je  les  ai 
découvertes  chez  les  lombrics  et  constatées  ensuite  chez  tous  les  lombricins 
que  j’ai  examinés  en  grand  nombre.  On  a  parlé  vaguement  de  glandes  sali¬ 
vaires,  mais  aucun  naturaliste  n’en  a  donné  une  description.  Elles  sont  en 
forme  de  grappes.  Les  derniers  globules  contiennent  de  grandes  cellules  qui 
sont  bien  caractéristiques  pour  les  personnes  qui  ont  étudié  les  glandes  sali¬ 
vaires. 

Les  glandes  hépatiques  sont  ordinairement  de  couleur  brune,  ont  la  forme 
d’utricule  ou  sont  arrondies  et  contiennent  des  granules  fines  colorées  en  brun 
ou  en  noir. 

M.  Claparède  et  d’autres  naturalistes  ont  mis  en  doute  les  fonctions  de  ces 
organes,  en  s’appuyant  sur  ce  que  ces  organes  sont  souvent  annexés  aux 
vaisseaux  sanguins.  Quant  à  moi,  je  ne  doute  nullement  de  la  nature  de  la 
fonction  de  ces  glandes,  et  leur  présence  sur  les  vaisseaux  sanguins  est  une 
preuve  à  l’appui  de  mon  opinion.  Nous  savons  tous  maintenant  que  les  fonc¬ 
tions  les  plus  importantes  du  foie  ne  sont  pas  d’aider  la  digestion,  mais  de 
modifier  le  sang,  d’y  introduire  du  sucre,  comme  les  belles  expériences  de 


SUR  LES  LOMBRICIJNS. 


25 

Claude  Bernard  l’ont  suffisamment  démontré.  Il  est  certain  en  outre  que  le 
foie  joue  un  rôle  immense  dans  l’organisation,  qu’il  existe  chez  la  plupart 
des  animaux  connus  et  chez  tous  les  animaux  supérieurs;  pourquoi  donc 
penser  que  des  animaux  aussi  compliqués  que  les  lombricins  en  seraient 
privés  P 

Les  glandes  œsophagiennes  sont  très-remarquables  ;  je  ne  les  ai  observées 
que  chez  quelques  espèces  exotiques  de  la  famille  des  lombricidés.  Elles 
prennent  un  développement  extraordinaire;  elles  sont  formées  de  tubes  sim¬ 
ples  ou  ramifiés  et  de  cellules  contenues  dans  ces  tubes. 

Les  glandes  urinaires  ont  été  déterminées  pour  la  première  fois  dans  mon 
mémoire  sur  le  Tubifex  rivolorum.  Elles  existent  chez  tous  les  lomhricins. 
On  leur  a  donné  le  nom  d’organes  segmentaires ,  parce  qu’elles  se  trouvent 
placées  par  paires  dans  tous  les  anneaux  du  corps.  Je  préfère  le  nom  qui 
indique  la  fonction. 

Les  glandes  urinaires  présentent  une  forme  tubulaire  et  sont  pourvues 
d’une  ouverture  externe  et  d’une  ouverture  interne.  Cette  dernière  se  dilate 
en  forme  d’entonnoir.  L’ouverture  externe  s’ouvre  sur  la  face  ventrale  du 
corps,  au  sommet  d’une  légère  élévation. 

Les  tubes  urinaires  sont  composés  histologiquement  de  trois  membranes  : 
la  membrane  externe  sans  structure  apparente,  la  membrane  moyenne  mus¬ 
culaire  et  la  membrane  interne  épithéliale  à  cils  vibratiles,  longs  et  surtout 
développés  à  l’ouverture  interne. 

La  glande  entière  est  soutenue  par  une  espèce  de  péritoine  formé  par  un 
repli4 de  la  membrane  externe. 

Les  tubes  glanduleux  présentent  le  plus  souvent  la  même  largeur  dans 
toute  leur  étendue.  Chez  la  famille  des  lombricidés ,  la  partie  inférieure  du 
tube  se  dilate,  sa  couche  musculaire  augmente  en  cet  endroit  et  l’épithélium 
vibratile  disparaît  :  cette  partie  de  la  glande  est  alors  transformée  en  une 
vésicule  de  dépôt  ou  de  vessie  urinaire. 

Les  glandes  annexées  aux  organes  génitaux  varient  suivant  les  différentes 
espèces.  La  ceinture,  qui  existe  chez  tous  les  lombricins  et  qui  est  un  or¬ 
gane  de  copulation ,  a  une  structure  glanduleuse  :  elle  est  formée  d’utricules 
à  noyaux. 

Tome  XXXI' V. 


4 


26 


MEMOIRE. 


ORGANES  DE  LA  CIRCULATION. 

Les  organes  de  la  circulation  du  sang  existent  constamment  dans  le  groupe 
des  lombrics.  Le  sang  se  meut  dans  un  système  de  vaisseaux  entièrement 
fermés. 

Les  vaisseaux  se  divisent  en  vaisseaux  dorsaux ,  ventraux  et  latéraux; 
quelquefois  en  vaisseaux  latéraux  pour  former  des  cœurs. 

Le  vaisseau  dorsal ,  toujours  unique,  est  l’organe  actif  de  la  circulation.  Il 
est  situé  sur  la  face  dorsale  du  tube  digestif  et  est  presque  toujours  intime¬ 
ment  uni  avec  ce  dernier.  Le  vaisseau  dorsal  présente  des  contractions  éner¬ 
giques  qui  dirigent  le  sang  qu’il  contient  d’arrière  en  avant. 

Il  existe  ordinairement  un  vaisseau  ventral,  rarement  deux  (lombricidés)  ; 
il  est  parallèle  au  vaisseau  dorsal  et  se  trouve  placé  au-dessous  du  tube  di¬ 
gestif. 

Il  y  a  une  communication  directe  entre  les  vaisseaux  dorsaux  et  ventraux 
par  des  vaisseaux  latéraux,  qui  peuvent  se  trouver  dans  tous  les  anneaux 
du  corps  ou  être  limités  seulement  à  quelques-uns.  Ces  vaisseaux  latéraux 
restent  indivis,  ou  bien  se  divisent  en  branches  chez  les  lombricidés  ou  en 
réseaux  capillaires. 

Les  vaisseaux  latéraux  se  dilatent  quelquefois  dans  certains  anneaux;  leur 
paroi  musculaire  s’épaissit,  et  ils  deviennent  les  organes  actifs  de  la  circula¬ 
tion  de  véritables  cœurs. 

Les  vaisseaux  présentent  dans  leurs  parois  trois  couches  :  l’une  externe 
sans  structure,  transparente;  la  moyenne  musculaire  a  deux  plans  de  fibres, 
l’un,  le  supérieur,  à  fibres  circulaires,  et  l’autre,  l’inférieur,  à  fibres  longi¬ 
tudinales. 

Les  lombricins  présentent  presque  tous  les  degrés  de  complication  du  sys¬ 
tème  circulaire  limité  au  vaisseau  dorsal  et  au  vaisseau  ventral  chez  les 
Æolosoma  et  les  Pachydrilus .  Us  se  compliquent  beaucoup  chez  les  lom¬ 
bricidés. 

Le  sang  est  toujours  dépourvu  de  globules.  Il  est  de  couleur  variable  : 
ou  rouge  vif,  orange,  jaune,  rose  ou  complètement  incolore. 


SUR  LES  L0MBR1CINS. 


27 


LIQUIDE  PÉRIGASTRIQUE. 

Le  liquide  périgastrique  joue  un  rôle  très-important  dans  la  nutrition  et 
doit  être  comparé  au  sang  des  animaux  supérieurs;  il  contient  toujours  des 
globules  de  forme  cellulaire  qui  varient  selon  les  espèces.  Ce  liquide  est  or¬ 
dinairement  transparent,  onctueux;  chez  les  lombricidées ,  il  est  laiteux  et 
contient  une  multitude  de  petits  corps  pourvus  d’un  mouvement  amibiforme. 

ORGANES  RESPIRATOIRES. 


En  général,  les  lombricins  sont  privés  d’organes  respiratoires;  ils  existent 
seulement  dans  les  genres  des  naïcidées. 

Ces  organes  sont  placés  à  l’extrémité  postérieure,  qui  est  élargie  et  forme 
une  espèce  d’éventail;  l’anus  est  très-dilalé  et  se  confond  avec  l’élargissement; 
la  membrane  vibratile  de  l’intestin  s’étend  sur  la  surface  interne  de  cet  élargis¬ 
sement.  Sur  cette  surface  se  trouvent  quatre  lobes  également  couverts  de  cils; 
ces  lobes  reçoivent  des  vaisseaux  et  peuvent  se  replier  sur  eux-mêmes  ou 
s’étendre  à  la  volonté  de  l’animal. 

Chez  les  nais,  en  général,  l’extrémité  inférieure  de  l’intestin  se  dilate; 
l’eau  peut  y  pénétrer  librement,  et  l’entrée  de  ce  liquide  est  facilitée  par  des 
contractions  alternatives  d’avant  en  arrière  et  d’arrière  en  avant.  Des  cils 
vibratiles  facilitent  également  la  fonction  respiratoire. 

Chez  les  autres  lombricins,  la  respiration  s’exécute  par  la  peau,  principa¬ 


lement  par  celle  de  l’extrémité  postérieure  du  corps;  cela  est  surtout  évident 
pour  les  tubifex,  qui  sont  enfoncés  dans  le  sable  par  l’extrémité  supérieure, 
tandis  que  l’extrémité  inférieure  se  balance  constamment  dans  l’eau. 


ORGANES  GÉNITAUX. 


Les  lombricins  sont  tous  hermaphrodites  incomplets. 


28 


MÉMOIRE 


Les  organes  mâles  sont,  en  général,  intimement  unis  aux  organes  femelles  ; 
chez  les  lombricidées,  ils  sont  séparés. 

L’organe  est  composé  le  plus  souvent  de  plusieurs  testicules,  disposés  pal¬ 
pa  ires. 

Les  conduits  déférents  ne  communiquent  jamais  directement  avec  le  tes¬ 
ticule;  ils  sont  en  forme  de  tubes  terminés  par  un  entonnoir.  Ils  s’ouvrent 
à  l’extérieur  par  des  ouvertures  séparées  ou  réunies  avec  celles  des  organes 
femelles. 

La  membrane  interne  des  canaux  déférents  est  toujours  tapissée  par  des 
cils  vibratiles.  Les  canaux  déférents  manquent  chez  les  Æolosoma. 

Les  spermatozoïdes  diffèrent  de  forme  suivant  les  espèces;  en  général,  ils 
sont  grands ,  se  développent  par  endogénie  dans  une  cellule  mère. 

Les  organes  femelles  sont  constitués  par  des  ovaires  en  forme  de  sac  et 
par  des  oviducles  ne  communiquant  pas  directement  avec  les  ovaires. 

Les  oviductes  sont  tubulaires;  l’ouverture  interne  est  terminée  en  enton¬ 
noir,  et  les  ouvertures  externes  sont  réunies  ou  séparées  de  celles  des  organes 
mâles. 

Il  y  a  des  cils  vibratiles  sur  la  membrane  interne  des  oviductes;  ceux-ci 
manquent  rarement. 

Il  existe  chez  les  lombricins  des  organes  accessoires  des  organes  génitaux. 

La  vésicule  séminale  existe  presque  toujours  ;  elle  a  la  forme  d’un  sac. 

La  ceinture  existe  constamment;  elle  est  formée  par  un  tissu  glandulaire  et 
entoure  le  corps  circulairement. 

Les  œufs  sont,  après  la  ponte,  entourés  d’une  capsule.  Parfois  on  en  trouve 
plusieurs  dans  une  même  capsule,  ou  bien  il  n’y  en  a  qu’un  seul.  Ils  sont 
petits  chez  les  lombricidées  et  entourés  d’albumen  dans  la  capsule.  Chez  tous 
les  autres  lombricins,  les  œufs  sont  très- volumineux. 


REPRODUCTION. 

La  reproduction  chez  les  lombricins  a  lieu  de  deux  manières  :  la  repro¬ 
duction  par  bourgeon  et  la  reproduction  par  œuf.  La  première  ne  se  présente 


SUR  LES  LOxMBRICIINS. 


29 


que  dans  la  famille  des  naïcidées  ;  elle  manque  dans  toutes  les  autres.  La 
seconde  existe  chez  tous. 

Les  Lumbriculus  de  la  famille  des  tubificidées  ont  la  faculté  de  pouvoir  se 
briser  et  les  fragments  redevenir  des  animaux  complets. 

DÉVELOPPEMENT. 


Le  développement  est  direct  chez  les  lombricins;  il  se  fait  aux  dépens  de 
l’albumen  chez  les  lombricidées,  et  aux  dépens  du  vitellus  chez  les  autres 
lombricins.  Il  n’existe  pas  de  métamorphoses. 


Première  famille.  —  LES  LOMBRICIDÉES. 


CARACTÈRES  GÉNÉRAUX. 


Corps  vermiforme,  annelé,  cylindrique,  quelquefois  aplati,  surtout  à  l’ex¬ 
trémité  postérieure  ;  anneaux  nombreux  exactement  séparés  par  des  cloisons 
musculaires  solides;  quatre  rangées  de  faisceaux  de  soies  ou  même  un  plus 
grand  nombre,  quelquefois  circulairement  disposés  autour  de  l’anneau. 

Tube  digestif  droit,  bouche  au-dessous  du  premier  anneau;  estomac  mus¬ 
culeux  ;  intestin  présentant  un  replis  et  couvert  de  glandes  salivaires  et  œso¬ 
phagiennes  annexées  au  tube  digestif.  Anus  terminal. 

Appareil  circulatoire  très- développé,  composé  d’un  vaisseau  dorsal  con¬ 
tractile,  de  deux  vaisseaux  ventraux,  de  cœurs  latéraux  contractiles  et  d’un 
réseau  vasculaire  dans  tous  les  organes.  Sang  rouge  vif. 

Téguments  externes  faisant  fonction  d’organes  respiratoires,  qui  manquent. 

Organes  urinaires  très-développés,  disposés  symétriquement  dans  presque 
tous  les  anneaux. 


50 


MEMOIRE 


Testicules  disposés  par  paires  et  deux  conduits  déférents  s’ouvrant  sur  la 
face  ventrale  du  corps,  après  un  assez  long  trajet. 

Deux  ovaires  très-petits  en  forme  de  sac  fermé,  placés  symétriquement  et 
séparés  des  testicules. 

Les  oviducles,  en  forme  d’entonnoir,  ne  communiquent  qu’indirectement 
avec  les  ovaires;  ils  sont  au  nombre  de  deux. 

OEufs  microscopiques,  après  la  ponte  réunis  à  plusieurs  dans  une  même 
capsule. 

Il  existe  plusieurs  vésicules  séminales  et  toujours  une  ceinture,  organe 
d’accouplement. 

L’embryon  se  développe  aux  dépens  de  l’albumen,  qui  l’entoure  dans  la 
capsule. 

Les  lombricidées  vivent  dans  la  terre  humide;  on  les  trouve  sur  tçus  les 
continents.  Ils  sont  nocturnes. 


CLASSIFICATION. 


La  classification  des  lombricidées  est  plus  facile  à  établir  depuis  que  j'ai 
pu  étudier  les  genres  des  pays  étrangers  et  que  le  magnifique  ouvrage  de 
Schmarda  nous  a  décrit  et  dépeint  les  belles  espèces  qu’il  a  rencontrées  dans 
son  voyage  autour  du  monde. 

Je  puis  admettre,  en  me  fondant  sur  mes  propres  observations  et  sur  celles 
de  Schmarda,  quatre  genres  bien  caractérisés  :  les  lombrics,  les  penthosco- 
lex,  les  périchètes  et  les  hypogéons;  les  voici  avec  leurs  caractères  : 

Premier  genre.  —  Lombric  Lin. 

Caractères.  —  Soies  ventrales  disposées  en  deux  ou  quatre  séries.  Les  vers  de  ce  genre 
vivent  dans  la  terre  humide. 

Deuxième  genre.  —  Penthoscolex  Schmarda. 

Caractères.  —  Quatorze  séries  de  soies.  Les  vers  de  ce  genre  vivent  sur  les  hords  de 
la  mer. 


SUR  LES  L0MBR1C1ÏNS. 


31 


Troisième  genre.  —  Périchète  Schmarda. 

Caractères.  —  Soies  disposées  en  anneau  autour  du  corps.  Les  vers  de  ce  genre  vivent 
dans  la  terre  humide. 

Quatrième  genre.  —  Hypogéon  Sav. 

Caractères.  —  Des  soies  sur  le  dos,  disposées  en  séries. 


Genre  LOMBRIC  Lin. 


LUMBRICUS  Lin. 

Caractères.  —  Corps  vermiforme,  annelé,  soies  simples,  disposées  par 
paires  dans  chaque  anneau  du  corps,  excepté  dans  le  premier,  et  formant 
deux  ou  quatre  lignes  ventrales  longitudinales. 

Le  mot  de  Lumbricus  signifiait,  anciennement  comme  aujourd’hui,  ver ; 
de  là  dans  l’histoire  les  mots  lombrici forme  et  vermi forme. 

L’extrémité  antérieure  du  corps  s’amincit  graduellement  et  se  termine  par 
un  petit  prolongement  (prolongement  céphalique).  Ce  prolongement  présente , 
suivant  les  espèces,  de  notables  différences  dont  nous  tiendrons  compte  dans 
notre  classification. 

Le  corps  est  ordinairement  plus  gros  dans  le  tiers  antérieur,  générale¬ 
ment  cylindrique  en  avant  et  aplati  en  arrière;  les  anneaux  antérieurs  sont 
plus  grands  que  les  anneaux  postérieurs  :  ceux-ci  diminuent  graduellement  à 
mesure  qu’ils  se  rapprochent  de  l’extrémité  postérieure. 

La  longueur  du  corps  varie  considérablement  suivant  les  espèces,  et  dans 
la  même  espèce  la  taille  varie  par  l’âge  ,  selon  les  terrains  que  ces  vers  habi¬ 
tent  et  le  degré  d’humidité  du  sol. 

La  couleur  de  la  peau  varie  très-peu  chez  les  lombrics,  cependant  la  loca¬ 
lité  influe,  dans  une  certaine  limite,  sur  la  même  espèce.  Plusieurs  espèces 
présentenl  des  variétés  de  couleur  qui  paraissent  subsister  comme  chez  beau- 


32 


MÉMOIRE 


coup  d’autres  animaux.  Quelques-unes  présentent  des  individus  qui  varient 
du  brun  au  vert. 


HABITATION  ET  MOEURS. 

Les  lombrics  habitent  une  grande  étendue  de  terre,  on  les  trouve  pres¬ 
que  partout  sur  le  continent  européen  et  dans  l’Amérique  du  Nord.  On  n'a 
pas  encore  des  données  exactes  sur  les  lombrics  d’Asie,  d’Afrique  et  d'Aus¬ 
tralie,  mais  l’examen  des  espèces  que  les  voyageurs  ont  rapportées  de  ces 
pays  fait  supposer  que  les  lombrics  y  sont  représentés  par  des  genres  voisins. 

Malgré  les  nombreux  ennemis  qui  les  poursuivent,  les  lombrics  se 
reproduisent  en  grande  quantité,  surtout  quand  ils  rencontrent  des  terrains 
convenables.  Ces  vers  se  plaisent  dans  un  sol  humide,  ce  qui  les  distingue  sur¬ 
tout  des  annélides  qui  habitent  la  mer  ;  quelques  espèces  paraissent  aimer  les 
rivages  marins,  mais  la  généralité  préfère  la  terre  humectée  d’eau  douce.  Us 
recherchent  de  préférence  les  terrains  bien  imprégnés  d'humus,  de  matières 
végétales  et  animales  en  putréfaction;  ils  fuient  les  terres  calcaires,  ferrugi¬ 
neuses  et  sèches. 

Les  lombrics  sont  des  animaux  essentiellement  nocturnes  ou  crépus¬ 
culaires  :  ce  n’est  que  pendant  la  nuit  qu’ils  ont  l’habitude  de  quitter  leurs 
sombres  demeures,  pour  venir  s’ébattre  quand  la  rosée  a  humecté  la  terre. 

C’est  aussi  la  nuit  que  ces  animaux  se  recherchent  pour  s’accoupler, 
depuis  le  mois  de  mai  jusqu’en  novembre. 

Les  lombrics  creusent  dans  la  terre  des  tubes  dans  lesquels  ils  habitent. 
Pour  construire  ces  tubes,  ils  avalent  la  terre  et  viennent  la  rejeter  au 
dehors  sous  forme  d’excréments.  Les  petits  monticules  formés  de  cylindres 
de  terre  entortillés,  que  l’on  rencontre  si  fréquemment  ,  sont  l’ouvrage  des 
lombrics  et  indiquent  leur  présence. 

Ils  fortifient  leur  chemin  souterrain  par  une  secrétion  cutanée  dont  ils 
cimentent  les  parois.  Dans  l'intérieur  de  ces  canaux,  les  lombrics  se  meuvent 
avec  beaucoup  de  facilité,  en  se  servant  de  leurs  soies  comme  de  leviers. 

La  nourriture  des  lombrics  se  compose  probablement  des  infusoires  qui 


SUR  LES  LOMBRICINS. 


33 


habitent  en  si  gran*d  nombre  les  terres  humides  et  les  végétaux  en  décom¬ 
position. 

Us  est  probable,  d’après  la  grande  variété  de  taille  que  l’on  trouve  dans 
les  différentes  espèces  de  lombrics,  qu’ils  croissent  très-lentement.  La  taille 
dépend  aussi  beaucoup  des  localités  :  une  terre  grasse  et  humide  produira 
des  lombrics  d’une  taille  énorme,  lombrics  qui  seraient  restés  petits  et  chétifs 
dans  une  terre  aride. 

Les  lombrics  sont  poursuivis  par  un  grand  nombre  d’ennemis,  surtout 
par  des  oiseaux  de  l’ordre  des  échassiers ,  qui  en  font  leur  nourriture  habi¬ 
tuelle;  on  voit  même  ces  oiseaux  battre  de  leurs  longs  doigts  la  terre  humide, 
pour  forcer  les  lombrics  à  en  sortir  et  à  se  livrer  à  eux.  Plusieurs  espèces  de 
corbeaux  leur  font  aussi  une  guerre  active;  enfin  les  taupes  et  d’autres 
insectivores  souterrains  en  font  également  un  grand  carnage. 

Mais  si  les  lombrics  sont  attaqués  par  beaucoup  d’ennemis  venant  du 
dehors,  ils  en  nourrissent  beaucoup  d’autres  encore  dans  leur  sein. 

Il  est  remarquable  combien  d’animaux  parasites  habitent  ces  vers  :  on 
a  trouvé  chez  eux  plusieurs  espèces  de  grégarines,  qui  habitent  de  préfé¬ 
rence  les  organes  génitaux;  il  est  bien  rare  d’ouvrir  un  testicule  de  lombric, 
sans  y  trouver  une  grégarine  ou  sa  progéniture.  C’est  ce  qui  a  donné  lieu  à 
ces  singulières  erreurs  que  j’ai  signalées  dans  mon  Mémoire  sur  le  dévelop¬ 
pement  des  lombrics. 

Plusieurs  espèces  de  nématoïdes  habitent  la  partie  inférieure  du  corps,  la 
cavité  périgastrique ,  ou  même  les  organes  urinaires.  Enfin  plusieurs  espèces 
d’infusoires,  même  une  espèce  de  rotifère,  paraissent  habiter  leur  intestin. 

Plusieurs  auteurs  ont  indiqué  la  singulière  propriété  que  possède  une 
espèce  de  lombric  de  devenir  phosphorescent  dans  l’obscurité. 

Morren  rapporte,  dans  son  bel  ouvrage  sur  les  lombrics,  que  les  disciples 
d’Hippocrate  avaient  autrefois  mis  les  lombrics  en  honneur  dans  la  théra¬ 
peutique. 

DESCRIPTION  DES  ESPÈCES. 

La  description  des  espèces  est  la  question  la  plus  difficile  de  l’histoire  des 
Tome  XXXIV.  '  5 


34 


MÉMOIRE 


lombrics.  Quand  on  interroge  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  ce  sujet, 
on  se  trouve  dans  un  véritable  dédale;  aussi  je  pense  que,  pour  les  faunes 
de  chaque  pays,  cette  question  est  loin  d’être  résolue. 

Je  suis  même  persuadé  que  de  nombreuses  erreurs  se  sont  glissées  dans 
les  descriptions  des  espèces,  et  qu’on  s’est  généralement  basé  sur  des  carac¬ 
tères  dont  l’importance  n’est  pas  bien  démontrée. 

Il  existe  de  grandes  difficultés  pour  établir  de  bons  caractères  spéci¬ 
fiques  :  la  taille,  la  couleur,  le  nombre  des  anneaux  ne  donnent  pas  des 
caractères  certains;  l’absence  ou  la  présence  de  stries  transversales  sur  les 
anneaux  me  parait  encore  être  un  caractère  bien  douteux. 

Des  caractères  d’une  valeur  plus  grande  me  paraissent  devoir  exister  dans 
la  disposition  des  faisceaux  de  soies,  dans  le  nombre  des  soies  dans  chaque 
faisceau  et  surtout  dans  la  forme  des  soies  que  j’ai  vue  varier  manifestement 
chez  des  espèces  voisines. 

La  position  de  la  vulve  me  semble  aussi  un  caractère  spécifique  de 
grande  valeur.  Le  nombre  d’anneaux  qu’occupent  le  pharynx  et  l’œsophage 
ainsi  que  la  place  qu’occupe  l’estomac,  sont  des  caractères  qui  n’ont  pas 
encore  servi,  et  qui  rendraient  probablement  des  services,  puisqu’ils  sont 
faciles  à  constater. 

La  place  qu’occupe  la  ceinture  est  variable  d'une  espèce  à  l’autre,  mais 
elle  varie  également  dans  une  même  espèce.  Le  nombre  des  anneaux  compo: 
sant  la  ceinture  varie  moins,  mais  il  est  quelquefois  difficile  de  le  détermi¬ 
ner.  Je  pense  donc  que,  pour  le  moment,  il  est  prudent  de  n’accepter  que  les 
espèces  parfaitement  bien  décrites,  et  je  dois  avouer  que  je  n'ai  confiance 
que  dans  celles  que  Hoffmeister  a  fait  connaître  dans  son  remarquable  tra¬ 
vail  :  Die  bis  jelzl  bekannlen  Arien  ans  der  Famille  (1er  Regenwürmer. 

J’ai  eu  l’occasion  de  vérifier,  sur  plusieurs  espèces  qui  habitent  la  Bel¬ 
gique,  la  justesse  de  ces  descriptions;  aussi  ne  sortirai-je  pas  de  son  cadre 
pour  le  moment,  tout  en  me  réservant  pour  l’avenir  l’élude  des  espèces  que 
je  pourrai  rencontrer,  soit  dans  mon  pays,  soit  dans  les  pays  voisins.  J'en¬ 
gage  les  naturalistes  à  s’occuper  chacun  des  espèces  qui  appartiennent  à  la 
faune  de  leur  pays.  C’est  seulement  par  la  comparaison  des  faunes  qu’on 
arrivera  à  un  résultat  positif. 


SUR  LES  L0MBRIC11NS. 


La  description  des  espèces  est  donc  basée  sur  les  caractères  suivants  : 
taille,  couleur,  nombre  approximatif  et  moyen  des  anneaux,  longueur 
relative  des  anneaux,  forme  du  corps,  disposition  du  tubercule  céphalique 
par  rapport  au  premier  anneau ,  disposition  des  ouvertures  génitales  mâles 
et  femelles,  position  de  la  ceinture  et  nombre  de  ses  anneaux,  disposition 
des  soies  dans  les  faisceaux  et  dans  leur  ensemble  sur  toute  la  surface  du 
corps,  enfin  forme  des  soies. 

1.  Lümbricus  agricola,  Hoffm. 


Synonymie.  —  Lumbiucus  terrestris  Lin.  F.  Muller,  fdbricins.  (Morren.) 

Eptenüui  Herculeum.  Savig. 

—  Terrestre.  Savig. 

Lümbricus  gigan.  Dugès. 

Corps  de  forme  cylindrique  légèrement  aminci  antérieurement,  aplati  pos¬ 
térieurement;  cet  aplatissement  devient  plus  manifeste  par  la  contraction. 
La  longueur  varie  beaucoup  suivant  les  localités  ;  j’en  ai  mesuré  qui  attei¬ 
gnaient  26  à  29  centimètres;  d’après  Hoffmeisler  la  longueur  ordinaire 
serait  d’un  pied  à  15  pouces;  d’après  Morren  la  longueur  ne  dépasserait  pas 
celle  d’un  pied. 

Le  nombre  des  anneaux  varie;  en  moyenne  il  est  de  180.  La  ceinture, 
composée  de  6-8  anneaux,  s’étend  du  29-30me  jusqu’au  36-38me  anneau.  La 
vulve,  placée  au  15me  anneau,  est  très-marquée  et  entourée  d’une  auréole 
blanchâtre. 

Le  prolongement  céphalique,  quand  il  est  étendu,  prend  la  forme  dune 
massue;  il  se  prolonge  en  arrière  jusqu'à  diviser  entièrement  le  premier 
anneau. 

Cette  espèce  est  la  plus  grande  de  toutes  celles  qui  habitent  la  Belgique  et, 
d’après  Hoffmeister ,  l’Europe. 

La  couleur  varie  assez  suivant  les  localités  où  l'on  trouve  le  Lombric  agri¬ 
cola  et  la  nature  du  terrain  qu’il  habite. 

La  couleur  générale  est  assez  uniforme,  surtout  à  la  face  ventrale;  celte 
couleur  est  de  chair  claire;  la  face  dorsale  et  antérieure  est  foncée,  brune, 


36 


MEMOIRE 


bleuâtre;  l’épiderme  présente  manifestement  le  reflet  irisé  qui  varie  du  violet 
au  bleu.  La  ceinture  tranche  par  sa  couleur  plus  claire  sur  les  téguments;  elle 
est  jaune  brunâtre,  couleur  de  cuir. 

Hoflmeister  indique  une  variété  que  je  n’ai  pas  eu  l’occasion  d’observer  : 
l’épiderme  serait  plus  irisée,  la  face  ventrale  jaune  rouge;  la  ceinture  plus 
rouge  et  le  corps  plus  grêle.  Celte  variété  habite  les  terrains  arides.  J’ai 
trouvé  le  Lumbricus  agricola  très- répandu  aux  environs  de  Bruxelles  et 
dans  tout  le  Brabant.  On  le  trouve  principalement  dans  les  jardins  bien  fumés. 

C’est  l’espèce  qui  est  la  plus  favorable  à  la  dissection;  aussi  c’est,  elle  qui 
m’a  presque  exclusivement  servi  pour  étudier  les  organes  génitaux  ,  le  déve¬ 
loppement,  ainsi  que  l’organisation  interne. 

2.  Lumbricus  communis.  —  Hofïm. 

Synonymie.  —  Lumbricus  anatomicus.  (Dug.). 

Enterion  Carneum.  Sav. 

—  Caeiginosum.  Sav. 

—  Cyaneum.  Sav. 

—  icterium.  Sav. 

Lumbricus  Trapezoïdes.  Dug. 

Corps  de  forme  cylindrique  peu  atténué  antérieurement,  très-peu  aplati 
postérieurement  et  non  rétréci;  longueur  variant  suivant  les  variétés  qu’on 
observe.  Le  nombre  d’anneaux  atteint  en  moyenne  de  160  à  180. 

Les  soies  sont  légèrement  courbées  en  S;  l’épaississement  est  plus  près  de 
l’extrémité  supérieure  qui  est  aussi  plus  courbée  que  l’extrémité  interne. 

Ceinture  composée  de  6  à  8  anneaux,  s’étendant  du  26,29, 30e  au  32e, 
Si6  ou  36e  anneau.  Vulve  au  13e  anneau,  très-marquée  et  entourée  d’une 
auréole  blanchâtre  comme  dans  l’espèce  précédente.  Prolongement  céphalique 
court,  plus  gros  que  dans  le  Lumbricus  agricola ,  et  ne  s’étendant  que  sur 
la  moitié  ou  le  tiers  du  premier  anneau.  Au-dessous  il  est  rparqué  d’un  sillon 
longitudinal.  Cette  espèce  est  extrêmement  commune  en  Belgique,  et  elle 
mérite  véritablement  le  nom  que  Hoffmeisler  lui  a  donné.  Hoft'meisler  indique 
le  peu  de  constance  des  caractères  de  cette  espèce.  Je  dois  avouer  que  je  n‘ai 
pas  trouvé  qu’ils  soient  aussi  variables  qu’il  le  pense. 


SUR  LES  LOMBRICINS. 


37 


Hoffmeister  indique  les  caractères  suivants  comme  constants  chez  les 
variétés  :  absence  du  pigment  rouge  brun  dans  la  peau  du  dos,  entaille  du 
prolongement  céphalique  vu  au-dessus,  grandeur  et  endroit  occupé  par  la 
ceinture. 

Les  variétés  indiquées  par  Hoffmeister  sont  les  suivantes  : 

PREMIÈRE  VARIÉTÉ. 

Lumbricus  çommunis  cyaneus. 

Synonymie.  —  Enterion  Cyaneum.  Sav. 

C’est  la  variété  la  plus  grande:  ceinture  plus  épaisse  que  chez  les  autres 
variétés,  commençant  toujours  au  30e  anneau  et  comprenant  6  ou  7  anneaux. 
Vulve  très-apparente,  auréole  très-blanche;  corps  cylindrique  partout,  un 
peu  plus  large  à  la  ceinture.  Couleur  grise  bleuâtre  très-marquée ,  plus  intense 
postérieurement;  antérieurement  la  couleur  rouge  dépend  du  sang.  Ceinture 
de  couleur  brune  livide,  un  peu  verdâtre,  couverte  de  petits  enfoncements. 
Bords  très- marqués,  on  en  compte  facilement  les  anneaux.  Nombre  d’an¬ 
neaux  cent  soixante  à  cent  soixante  et  quinze.  Prolongement  céphalique  large, 
conique;  il  divise  le  premier  anneau  jusqu’aux  trois  quarts,  la  moitié  ou  le 
tiers.  Sillon  inférieur  apparaissant  au  sommet  du  prolongement  qu’il  divise. 

Le  corps  est  mou,  très-muqueux.  Ces  animaux  semblent  préférer  l'ha¬ 
bitation  des  terres  argileuses.  Cette  variété  paraît  sortir  plus  difficilement  de 
la  terre  que  les  autres.  L’accouplement  paraît  se  faire  sous  terre. 

DEUXIÈME  VARIÉTÉ. 


Lumbricus  çommunis  carneus  ,  Hoffm. 

Synonymie.  —  Enterion  carneum.  Sav. 

—  CALIGINOSÜM.  SaV. 

Lumbricus  trapezoïdes.  Dugès. 


D’après  Hoffmeister  cette  variété,  que  je  n’ai  pas  observée,  serait  plus 


38 


MEMOIRE 


grêle  et  plus  mince  que  la  précédente.  La  couleur  est  rougeâtre,  surtout 
dans  les  anneaux  antérieurs.  Ceinture  moins  marquée,  commençant  et  finis¬ 
sant  insensiblement,  ordinairement  composée  de  9  ou  10  anneaux  et  com¬ 
mençant  au  25me,  plus  rarement  au  23me  anneau.  Vulve  entourée  d'une 
large  auréole.  —  Prolongement  céphalique  aigu.  Entaille  du  sommet  peu 
distincte,  s’étendant  jusqu’à  la  moitié  du  1er  anneau.  —  Nombre  moyen  des 
anneaux,  150.  Longueur  moyenne,  2  à  3  pouces. 

Cette  variété  habite  de  préférence  les  terres  argileuses. 

TROISIÈME  VARIÉTÉ. 

Lumbricus  commuais  anatomicus,  Hofïm. 

Synonymie.  —  Lumrrigus  anatomicus.  Dugès. 

Enterium  carneum.  Sav. 

Enterium  icterium.  Sav. 

Par  la  taille  celle  variété  se  place  entre  les  deux  précédentes.  Ceinture 
commençant  au  26me  ou  au  27me  anneau,  comprenant  5  ou  6  anneaux  de 
couleur  brunâtre  ou  rouge  jaunâtre  quelquefois  verdâtre.  Couleur  du  corps 
plus  grise  que  rouge,  dans  les  terrains  humides,  elle  est  très-pâle  et  rou¬ 
geâtre.  Longueur  du  corps  4-  à  5  ou  7  pouces.  —  On  compte  de  150  à 
170  anneaux. 

Celle  variété  change  de  grandeur  suivant  les  localités. 

J’ai  trouvé  en  Belgique  cette  variété,  qui  est  même  assez  commune  aux 
environs  de  Bruxelles.  Comme  dit  Hoffmeister,  on  la  rencontre  plus  souvent 
dans  les  champs  que  dans  les  villes. 


QUATRIÈME  VARIÉTÉ. 

« 

Lumbricus  communis  luteus,  Hoffm. 

Cette  variété,  que  j’ai  également  rencontrée  en  Belgique,  est,  comme 
l’indique  Hoffmeister,  teintée  en  jaune  par  une  sécrétion  abondante,  sur- 


SIR  LES  LOMBRICINS. 


39 


tout  dans  les  30  derniers  anneaux;  près  de  l’extrémité  postérieure,  les  an¬ 
neaux  présentent  une  tache  de  pigment  rougeâtre.  La  ceinture  s’étend 
du  29,ne  anneau  et  en  comprend  sept.  Elle  est  très -marquée  et  colorée 
en  jaune.  Vulve  non  visible.  —  Nombre  des  anneaux  124.  Longueur 
moyenne,  2  ‘/s  ou  3  pouces. 

D’après  Hoffmeister,  la  teinte  jaune  de  celte  variété  proviendrait  du  ter¬ 
rain  où  on  la  rencontre,  qui  est  très-imprégné  de  substances  ammoniacales. 
Cette  couleur  disparaît  quand  on  place  ces  animaux  dans  une  terre  argileuse. 

3.  Lumbricus  rubellus,  Hoffm. 

Synonymie.  —  Enterion  ferlm.  Sav. 

Corps  cylindrique,  atténué  en  avant  et  légèrement  aplati  en  arrière. 
Ceinture  s’étendant  du  24,  23  et  2 6rae  jusqu’au  29,  30  et  31rae  anneau. 
Deux  paires  de  ventouses  visibles  à  la  face  inférieure  de  la  ceinture;  lobule 
céphalique  aussi  long  que  le  premier  anneau,  à  sillon  longitudinal  placé 
à  sa  face  inférieure.  Pas  de  sillon  transversal.  Nombre  des  anneaux  s’éle¬ 
vant  à  140.  Vulve  au  15mc  anneau. 

Cette  espèce  se  distingue  principalement  des  Lumbricus  agricola  par 
l’absence  du  sillon  transversal  sur  le  lobe  céphalique.  Il  existe  deux  variétés 
dans  cette  espèce,  l’une  mesure  jusqu’à  8  pouces  et  possède  de  140  à 
150  anneaux,  tandis  que  l’autre  n’atteint  pas  la  taille  de  4  pouces  et  ne 
compte  que  120  anneaux.  Très-souvent  la  vulve  manque. 

La  couleur  de  cette  espèce  est  rouge  bleuâtre,  également  répandue  sur 
tout  le  corps.  La  partie  antérieure  du  corps  est  plus  colorée  devant,  parfois 
violette.  * 

4.  Lumbricus  riparius,  Hoffm. 

Synonymie.  —  Enterion  octooedum.  Sav. 

—  CHI.OROTICÜM. 

-  VIRESCENS. 

Corps  anguleux,  atténué  en  avant.  —  Ceinture  solide  très-proéminente 
commençant  au  28me  anneau  et  comprenant  8  ou  9  jusqu’à  10  anneaux. 


MÉMOIRE 


Trois  paires  de  ventouses  à  la  face  inférieure  de  la  ceinture.  —  Vulve  au 
45me  anneau.  Ligne  transversale  n’existant  pas  sur  les  anneaux.  Lobule 
céphalique  court  et  étroit  s’avançant  jusqu’aux  deux  tiers  sur  le  1er  anneau; 
un  sillon  sur  la  face  inférieure.  Couleur  du  corps  brune-jaunâtre,  souvent 
cependant,  surtout  au  printemps,  la  couleur  du  corps  est  verdâtre  à  cause 
d’une  secrétion  interne  abondante.  Ceinture  rougeâtre  orangée. 

Ce  ver  possède  la  propriété  caractéristique  de  rapprocher  la  tète  de  la 
queue  quand  on  le  touche ,  et  il  fait  des  sauts  très-violents. 

Hoffmeister  indique  que  ce  ver  habile  l’argile;  je  l’ai  presque  toujours 
trouvé  dans  des  terrains  meubles  très-chargés  de  matières  végétales;  dans  le 
tan  des  serres,  ainsi  que  dans  les  terres  de  bruyère  servant  à  la  culture. 

5.  Lumbricus  olidus. 

Synonymie.  —  Enteiuon  fetidum,  Sav. 

—  TUBiDum,  Sav. 

Corps  cylindrique,  un  peu  aplati  en  avant,  atténué  en  arrière.  Ceinture 
molle  grosse  24.25-30.34.  Compte  six  anneaux.  Pas  de  ventouses  appa¬ 
rentes.  Vulve  au  15e  anneau,  lèvre  courte,  transparente,  à  moitié  aussi 
longue  que  le  premier  anneau.  Pas  de  sillon  longitudinal  inférieur.  Prolon¬ 
gement  étroit,  s’avançant  jusqu’au  milieu  du  premier  anneau.  —  Nombre 
des  anneaux  :  90  à  100. 

Comme  l’indique  très-bien  Hoffmeister,  cette  espèce  est  extrêmement 
reconnaissable  à  la  couleur  qui  est  vraiment  caractéristique  :  sur  chaque 
anneau  on  trouve  une  tache  de  pigment  brun  rougeâtre.  Les  intervalles  de> 
taches,  c’est-à-dire  la  séparation  des  anneaux,  sont  incolores,  mais  parais¬ 
sent  jaunes  par  la  transparence  des  parois. 

La  ceinture  est  pâle  brun  rougeâtre  ou  orangée. 

'Vulve  sur  une  auréole  très-large,  pâle. 

Pendant  l’accouplement,  la  ceinture  de  l’un  couvre  presque  entièrement 
le  corps  de  l'autre. 

Cette  espèce  se  fait  remarquer  par  une  grande  quantité  de  sécrétion  bru¬ 
nâtre,  qui  se  trouve  dans  la  cavité  périgastrique. 


SUR  LES  L0MBRIC1NS. 


il 


Elle  est'  très-commune  en  Belgique;  on  l’y  rencontre  presque  partout  aux 
environs  de  Bruxelles;  elle  diffère  beaucoup  de  taille  suivant  les  terrains 
où  on  la  trouve. 


6.  Lumbricus  stagnalis,  Hoffm. 

Synonymie.  —  Lumbricus  complanatus. 

Corps  anguleux,  atténué  en  avant.  Ceinture  épaisse,  unie,  proéminente 
du  26,  27  ou  29e  au  3L,  35  et  38e  anneau,  comprenant  de  7  à  10  anneaux. 
Deux  rangées  de  ventouses  peu  apparentes;  vulve  au  15e  anneau.  Lobule 
céphalique  court,  épais,  prolongé  en  arrière  en  un  appendice  court  qua¬ 
drilatère,  qui  s’avance  jusqu’au  milieu  du  premier  anneau.  Nombre  des 
anneaux  de  115  à  130. 

L’extrémité  postérieure  du  corps,  qui  est  fortement  quadrilatère,  fait 
reconnaître  facilement  cette  espèce.  Sa  longueur  atteint  quatre  à  sept  pouces. 

Les  faisceaux  de  soies  sont  très-fortement  séparés  ,  de  même  que  les  soies 
elles-mêmes  dans  chaque  faisceau. 

La  couleur  de  ce  lombric  est  rougeâtre,  le  dos  gris  de  fer  brillant,  surtout 
au-devant  de  la  ceinture  ;  chez  les  jeunes  individus  la  couleur  est  noir 
de  fer. 

t 

La  ceinture  est  rouge  clair  avec  un  reflet  bleuâtre. 

Lobule  céphalique,  large  en  avant,  arrondi  en  arrière,  il  divise  le  pre¬ 
mier  anneau  jusqu’au  tiers  ou  jusqu’à  la  moitié. 

Je  n’ai  pas  encore  rencontré  cette  espèce  en  Belgique;  la  description  en 
est  entièrement  empruntée  à  M.  Hoffmeister,  et  je  la  donne  avec  confiance,  car 
j’ai  pu  constater  la  grande  exactitude  de  ses  descriptions. 

7.  Lumbricus  pieter,  Hoffm. 

Corps  cylindrique,  en  avant  et  en  arrière  un  peu  atténué.  —  Ceinture  unie 
proéminente,  s’étendant  du  25me  au  31me  anneau,  rarement  du  26me  au  30me, 
présentant  à  sa  face  inférieure  des  renflements  longitudinaux  dans  lesquels 
une  paire  de  ventouses  est  visible.  Vulve  peu  apparente  entre  le  15me  et 
Tome  XXXIV.  6 


42 


MÉMOIRE  SUR  LES  LOMBR1CINS. 


le  16me  anneau.  Lobule  céphalique  transparent,  obtus  en  avant  avec  un  large 
prolongement  en  arrière,  qui  coupe  les  trois  quarts  de  l’anneau.  Un  sillon 
longitudinal  occupe  sa  face  inférieure.  — Le  nombre  des  anneaux  sélè\e 
jusqu’à  86  et  96. 

Cette  espèce  est  remarquable  par  sa  petite  taille.  Chaque  anneau  porte  à 
sa  surface  une  marque  de  pigment  brun  rouge,  la  face  ventrale  est  incolore; 
la  ceinture,  blanche-grise  ou  grise-rouge,  contraste  fortement  sur  le  dos  par 
-  sa  couleur.  La  vulve  est  blanchâtre. 

Cette  espèce  se  trouve  communément  en  Belgique;  je  l’ai  rencontrée  en 
assez  grande  quantité  dans  les  serres  du  jardin  botanique,  dans  le  tan; 
usais  ces  individus  sont  loin  d’être  aussi  beaux  que  ceux  que  l’on  trouve 
dans  les  bois. 


8.  Lumbricus  agilis,  Hoffm. 

Synonymie.  —  Enterium  teiioedrum.  Sav. 

Lumbricus  ampiusboena.  Dugès. 


Corps  anguleux,  atténué  en  avant,  mais  plus  fortement  encore  en  arrière. 
Ceinture  peu  proéminente  du  21me  au  22me  anneau  et  du  25me  au  27me, 
comprenant  six  anneaux  et  limitée  de  chaque  côté  par  un  sillon  longitu¬ 
dinal.  Vulve  au  13me  anneau.  Lobule  céphalique  transparent,  plus  court 
que  le  premier  anneau.  Prolongement  postérieur  court  et  étroit.  Pas  de 
sillon  inférieur.  —  Nombre  des  anneaux  :  60  à  80. 

Ce  ver  n’atteint  qu’une  petite  taille:  de  2  à  3  pouces.  Il  se  distingue  sur¬ 
tout  par  la  facilité  à  se  mouvoir  et  par  la  forme  quadrangulaire  de  son 
corps. 

La  couleur  générale  du  corps  est  brune-rougeâtre-jaunâtre,  également 
répandue  sur  tout  le  corps.  La  ceinture  est  rouge-jaune,  rouge-brune  ou 
orange.  La  face  ventrale  est  jaune-rouge  clair.  La  couleur  chez  cette  espèce 
est  très-constante. 

Cette  espèce,  d’après  Ilolfmeister,  préfère  le  voisinage  des  rivières.  Je  ne 
l’ai  pas  rencontrée  en  Belgique. 


EXPLICATION  DES  PLANCHES 


PLANCHE  I. 

Fig.  1.  Lumbricus  agricola ,  de  grande  taille. 

»  2.  Lumbricus  agricola,  ouvert  dans  toute  sa  longueur,  pour  montrer  la  disposition  du 

tube  digestif,  en  avant.  On  voit  le  pharynx  avec  les  muscles,  l’œsophage,  la  dilatation 
de  l’œsophage,  la  glande  œsophagienne,  l’estomac  musculaire  et  l’intestin. 

»  5.  Tube  digestif  ouvert  dans  toute  sa  longueur.  On  voit  les  mêmes  organes  que  dans  la 

figure  précédente,  et  l’organe  hépatique. 

»  4.  Structure  de  la  peau,  épiderme,  couche  musculaire  avec  pigment  et  couche  mus¬ 

culaire. 

»  5.  Morceau  d’épiderme. 

»  (5.  Glandes  salivaires. 

»  7.  Glande  œsophagienne,  ouverte  pour  montrer  la  structure. 

»  8.  Glande  œsophagienne  vue  de  profil. 

»  9.  Cellules  qui  se  trouvent  dans  les  glandes  œsophagiennes. 

»  10.  Coupe  de  l'intestin,  vaisseau  dorsal,  vaisseau  ventral  et  organe  hépatique. 

»  Tl.  Glandes  dites  hépatiques  fortement  grandies. 

»  12.  Coupe  des  parois  de  l’œsophage. 

»  15.  Estomac  vu  de  profil,  pour  montrer  la  direction  et  la  disposition  des  vaisseaux. 

»  14.  Coupe  des  parois  de  l’estomac. 

»  15.  Fibres  musculaires  de  l’intestin. 

»  16.  Cellules  épithéliales  de  l’intestin. 

PLANCHE  IL 

Fig.  1.  Représente  le  système  circulatoire,  dans  son  ensemble,  du  Lombricus  agricola.  On 
voit  le  vaisseau  dorsal,  le  vaisseau  ventral  supérieur  et  les  cœurs,  ainsi  que  les 
vaisseaux  latéraux  tégumentaires,  avec  les  vaisseaux  latéraux  viscéraux. 

»  2.  Organes  génitaux  femelles  :  en  avant  les  ovaires,  les  entonnoirs  vibratiles  des  oviductes, 

les  oviductes,  l’élargissement  de  l’oviducte  glandulaire. 


44 


EXPLICATION  DES  PLANCHES. 


Fig.  5.  Appareil  génital,  vu  dans  son  ensemble,  les  testicules,  les  entonnoirs  vibratiles,  les  canaux 
déférents,  les  vésicules  séminales,  les  ovaires,  les  oviductes,  le  système  nerveux. 

»  4.  Fragment  de  l’oviducte. 

»  5.  Fragment  de  la  membrane  ovarique. 

PLANCHE  III. 

Fig.  1.  Système  nerveux,  vu  dans  son  ensemble,  du  Lumbricus  agricola. 

»  2.  Portion  de  la  chaîne  ganglionnaire  abdominale. 

»  3.  Globules  des  ganglions. 

»  4.  Distribution  du  nerf  grand  symphalique  sur  le  pharynx. 

»  5.  Deux  anneaux  ouverts,  pour  montrer  la  disposition  des  organes  urinaires  dans  1  inté¬ 

rieur  du  corps. 

»  G.  Organes  urinaires ,  vessie ,  ouverture  externe  et  ouverture  interne. 

»  7.  Un  fragment  de  l’organe  urinaire. 

PLANCHE  IV. 

Fig.  1.  Lumbricus  olidus,  Hoffm. 

»  2.  Tête  du  L.  olidus  agrandie,  pour  montrer  le  segment  céphalique. 

»  5.  Soie  du  L.  olidus. 

»  4.  Lumbricus  riparius,  Hoffm. 

»  5.  Lobule  céphalique  du  Lumbricus  riparius. 

»  G.  Soies  du  Lumbricus  communis ,  Hoffm. 

»  7.  Soies  du  Lumbricus  agricola. 

»  8.  Coupc  du  corps,  pour  montrer  la  disposition  de  tous  les  organes  internes,  c’est-à-dire  : 

les  téguments  internes,  le  système  nerveux,  le  vaisseau  dorsal,  le  vaisseau  ventral 
supérieur,  l’autre  vaisseau  ventral  inférieur,  l’intestin,  les  organes  urinaires,  et  les 
soies. 

»  9.  Entonnoir  vibratilc  formant  l’ouverture  interne  des  organes  urinaires. 

»  10.  Fragment  d’un  cœur,  montrant  sa  membrane  interne,  sa  membrane  musculaire  et  son 
épithélium. 

»  11.  Epithélium  des  vaisseaux  sanguins. 

»  12.  Faisceaux  desoies  renfermés  dans  le  sac  générateur,  avec  les  muscles,  l'appareil  glan¬ 
dulaire  et  les  soies. 

»  13.  Une  grande  cellule  productrice  des  soies. 


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Mem.dc  iLlcad  .liov.do  Bolfi.  Tom  XXX  Y 

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a.:':  crSevereynslith,  deJ'Acad.  Jdy. 


OBSERVATIONS 


DES 


PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


PLANTES  ET  DES  ANIMAUX 

PENDANT  LES  ANNÉES  1861  ET  1862. 


■r 


Tome  XXXV. 


J 


OBSERVATIONS 


DES 

PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


Le  tome  XXXIV  des  Mémoires  de  V Académie  contient  les  tableaux  des  obser¬ 
vations  météorologiques,  faites  en  Belgique,  pendant  les  années  1861  et  1862: 
différentes  raisons  n’ont  pas  permis  d’y  joindre  alors  les  résultats  obtenus  pour  les 
phénomènes  périodiques  des  plantes  et  des  animaux.  Une  nouvelle  clôture  faite, 
en  1862,  autour  du  jardin  de  l’Observatoire  royal  et  qui  en  a  modifié  les  dimen¬ 
sions,  a  forcé  de  déraciner  la  plupart  des  plantes  qui  servaient  aux  observations. 
Depuis,  mon  collègue  M.  Dewalque  a  bien  voulu  obligeamment  se  charger  de 
mettre  en  ordre  les  observations  de  1861 ,  et  je  dois  regretter  que  sa  complai¬ 
sance  ne  lui  ait  pas  permis  d’en  faire  autant  pour  1862. 

Cependant,  les  observations  botaniques  et  zoologiques, commencées  en  Belgique 
pendant  l’année  1859,  étaient  continuées  avec  régularité  dans  le  reste  du  pays,  ainsi 
que  dans  presque  toute  la  partie  orientale  de  l'Europe,  en  Autriche,  en  Russie,  en 
Prusse,  où  deux  observateurs  de  mérite  ont  bien  voulu,  depuis,  me  transmettre 
les  résullals  de  leurs  calculs  :  M.  Ch.  Fritsch ,  vice  directeur  des  observations  mé¬ 
téorologiques  pour  l’Autriche ,  et  M.  Charles  Linsser,  attaché  à  l’Observatoire  im¬ 
périal  de  Pulkowa,  près  de  St-Pélersbourg.  J’ai  présenté  à  l’Académie  (')  les  com¬ 
munications  intéressantes  de  ees  deux  savants  sur  la  comparaison  de  l'époque 
moyenne  de  la  feuillaison  et  de  la  floraison.  On  pourra  les  joindre  à  celles  que  j’ai 
données  dans  l’ouvrage  Sur  la  physique  du  globe,  i  vol.  in-4°,  que  j'ai  publié  en 
1861.  D’après  les  lettres  de  ces  deux  savants,  leurs  travaux  seront  complétés  dans 
deux  ouvrages  étendus,  et  l’on  peut  espérer  que  la  science  alors  possédera  des 
données  plus  positives  sur  un  des  phénomènes  les  plus  intéressants  pour  les 


(J)  Voyez  la  séance  de  mai  1865,  tome  XIX  de  la  2e  série  des  Bulletins  de  !  Académie  royale 
de  Belgique. 


IV 


OBSERVATIONS 


sciences  naturelles  :  l’influence  des  jours  et  des  saisons  de  l'année  sur  les  phéno¬ 
mènes  périodiques  de  la  botanique  et  de  la  zoologie. 

Nous  croyons  devoir  ajouter  aux  observations  de  la  Russie  quelques  résultats 
des  calculs  qui  ont  servi  à  déterminer  l’époque  moyenne  de  la  feuillaison  et  de  la 
floraison  à  Bruxelles.  M.  Ch.  Linsser  a  bien  voulu  nous  les  communiquer  comme 
un  exemple  de  la  marche  qu’il  suit  dans  ses  tableaux  pour  déterminei  les  époques 
moyennes  des  plantes  à  Bruxelles.  Ces  résultats,  quand  ils  seront  tciminés.  don¬ 
neront  avec  ceux  de  M.  Fritsch  et  ceux  que  nous  avons  obtenus  nous  mêmes, 
les  moyens  d apprécier  plus  convenablement  un  problème,  qui,  on  peut  le  diic 
d’après  ces  trois  épreuves,  n’admet  pas  de  solution  a  priori,  mais  on  pourra  en 
approcher  d’une  manière  très -satisfaisante.  Voici  les  résultats  que  présente 
M.  Ch.  Linsser  :  à  côté  de  la  plante  est  indiqué  le  jour  de  la  feuillaison  ou  de  la 
floraison,  à  partir  du  premier  jour  de  l’an. 


Distribution,  par  groupes,  des  plantes  dont  la  floraison  et  la  feuillaison  ont  été  observées , 
d  Bruxelles,  pendant  une  période  de  vingt  ans  ( IS4I-1S60 ). 


Jour. 

Helleborus  niger.  .  ■  ■ 

.  .  21.9 

Corylus  avellana  .... 

.  .  35.5 

Crocus  vernus . 

.  .  56.0 

Galanthus  nivalis  .  .  . 

.  .  57.0 

Bellis  perennis  .... 

.  .  62.3 

A.  40. 5 

Narcissus  pseudo-narcissus 

.  .  83.4 

Pyrus  japonica . 

Populus  balsamifera.  .  . 

.  .  89.2 

—  fasligiala  .  .  . 

.  .  89.7 

Buxus  sempervirens.  . 

.  .  90.6 

D.  88.1 

Pyrus  communis .... 

•  .  105.2 

Iris  pumila . 

.  .  105.6 

Corchorus  japonica  .  . 

.  .  106.3 

îberis  sempervirens  . 

.  .  107.1 

Prunus  domestica 

.  .  107.1 

G  106.3 

FLORAISON. 


Jour. 

Cornus  mascula . 67.4 

Arabis  caucasica . 68.2 

Daphné  mezereum . 70.8 

Vinca  minor  .  . . 76. 4 

Viola  odorata . 76,5 


B.  71.9 

Cheiranthus  cheiri  .  . 

.  .  .  91.2 

Waldsteinia  geoïdes. 

Ribes  grossularia.  . 

.  .  .  95.8 

—  rubrum.  . 

Betula  alba  .... 

E.  94,5 

Prunus  cerasus  .  .  . 

.  .  .  107.7 

Ribes  nigrum.  .  .  • 

Anchusa  sempervirens  . 

.  .  .  108.6 

Narcissus  jonquilla  . 

.  .  .  109.5 

Magnolia  yulan  .  .  • 

.  .  .  110.4 

H.  108.8 


Jour 

Anemone  liepatica . 70.8 

Cynoglossum  omphalodes  .  .  .  76-9 

Ulmus  campestris.  ....  82.0 

Amygdalus  persica . 82.1 

Hyacinlhus  orienlalis  ...  82  8 


C.  80.1 


Leontodon  taraxaeum  ....  98.9 

Saxifraga  crassifolia . 101.0 

Prunus  spinosa . 101.8 

Equiselum  arvense  ....  103.0 
Sanguinaria  canadensis  .  104.9 


F.  101.9 


Sambucus  racemosa 

.  .  .  111.1 

Tulipa  gesneriana  . 

.  .  .  1153 

Pulmonaria  virginica 

.  .  .  115.9 

Mitella  grandiOora  . 

.  .  .  116.9 

Pyrus  malus  .  .  .  . 

l.  115  4 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


y 


Pyrus  spectabilis . 119.0 

Spiræa  lævigata . 120.2 

Convallaria  maialis . 120.4 

Narcissus  poëticus . 121.2 

Syringa  vulgaris . 121.4 


K.  120.4 


Spiræa  hippocastanum  . 

.  .  .  127.1 

Sorbus  aucuparia  .  . 

.  .  .  127.2 

Cralægus  oxyacantha  . 

.  .  .  127.4 

Acer  eampestre  .  .  . 

.  .  .  127.5 

Trollius  europæus  .  . 

.  .  .  127.8 

N.  127.4 

Tilia  platyphylla.  .  .  . 

.  .  155.5 

Viburnum  opulus  {fl.  pl.) . 

.  .  135.4 

Spiræa  bella . 

Ilex  aquifolium  .... 

.  .  155.6 

Magnolia  Iripelala 

.  .  155.6 

Q.  135.5 

Astrantia  major . 

.  146.9 

Lonicera  symphoricarpos  .  . 

.  147.0 

Papaver  bracteatum.  .  .  . 

.  147.2 

Sambucus  nigra . 

.  151.0 

Rosa  centifolia . 

.  151.1 

T.  148.6 


Robinia  viscosa  .  .  . 

.  .  .  159.5 

Papaver  orientale  .  . 

.  .  .  159.6 

Hieracium  aurantiacum 

.  .  .  160.6 

Spiræa  filipendula  .  . 

.  .  .  160.7 

Rubus  odorata  .  .  . 

.  .  .  162.1 

W.  160.5 

Seduni  album . 176.9 

Lychnis  chalcedonica  ....  177.5 

Vitis  vinifera . 177.6 

Hydrangea  liortensis  ....  178  4 
llemerocallis  fulva . 178.5 


Z.  177.8 


Tiarella  cordifolia.  -  . 

.  .  .  121.7 

Fragaria  vesca  .  .  . 

.  .  .  121.7 

Slapliylea  pinnata  . 

.  .  122.8 

Acer  pseudo-platanus  .  . 

.  .  123.0 

Glycine  sinensis  .  .  .  . 

.  .  124.1 

L.  122.7 

Berberis  vulgaris.  .  . 

.  .  .  128.0 

Dodecatheon  meadia 

.  .  .  128.0 

Cylisus  laburnum  .  . 

.  .  .  128.1 

Lonicera  xylosteum. 

.  .  .  127.2 

Coronilla  hemerus  .  . 

.  .  .  129.5 

0.  128.6 

Iris  germanica.  .  .  . 

.  .  136.0 

Evonymus  europæus  . 

.  .  136.6 

Cralægus  coccinea  . 

.  .  137.0 

Trifolium  pralense  .  . 

.  .  139.3 

Rubus  idæus  .... 

R.  138.0 

Robinia  pseudo-acacia  . 

.  .  151.3 

Lonicera  periclymenum  . 

.  .  151.8 

Dictamnus  albus  ( fl.purp .) 

.  .  151.9 

Tradescantia  virginica  . 

.  .  152.7 

Dictamnus  albus.  .  .  . 

.  .  155.5 

U.  152.2 

Papaver  rhœas . 164.5 

Campanula  persicifolia.  .  .  .  165.9 

Malva  sylvestris . 166.5 

Eschchollzia  californica  .  .  .  167.3 

Lilium  flavum . 167.4 


X.  166.5 


Convelvulus  arvensis  .  .  . 

.  178.8 

Tilia  minor . 

Hypericum  perforatum. 

.  181.2 

Coreopsis  tripteris  .... 

.  184.2 

Lilium  candidum . 

.  184.9 

ZZ.  181.8 


Syringa  persiea . 

.  124.4 

Evonymus  latifolius.  .  .  ■ 

.  124.8 

Ranunculus  acris  .... 

.  125  ! 

Rheum  undulatum  .  .  ■  . 

.  125.4 

Æsculus  hippocastanum 

.  125  4 

ai.  125  0 

Lonicera  tatarica. 

.  .  129.8 

Symphitum  officinale  . 

.  .  150-5 

Prunus  padus.  .  .  . 

Staphylea  trifolia  .  . 

.  .  131.1 

Rhododendron  ponticum 

.  .  134.4 

P.  131.4 

Rhamnus  frangula  .  . 

.  .  140  9 

Colutea  arborescens.  . 

.  .  145.1 

Philadelphus  coronarius 

.  .  145  9 

Géranium  pratense  .  . 

.  .  146.2 

Valeriana  rubra  .  .  . 

S.  144.9 

Aconitum  napellus  .  . 

.  .  154.0 

Antirrhinum  majus  .  . 

.  .  154  4 

Rosa  gallica  .... 

Hemerocallis  flava  .  . 

.  .  155.4 

Digitalis  purpurea  .  . 

.  .  158.1 

V.  155.3 

Dianthus  caryophyllus . 

.  .  167.4 

Sedum  acre  .... 

Philadelphus  latifolius  . 

.  .  168.4 

Physalis  alkekengi  .  . 

.  .  169.1 

Gladioluscommunis .  . 

.  .  169.3 

Y.  168.4 

Hemerocallis  cœrulea.  . 

.  .  188.0 

Alcea  rosea . 

Bignonia  latifolia.  . 

.  .  191.5 

Rhus  typhina.  .  . 

Æsculus  macrostachys . 

.  .  195  5 

Asclepias  vineetoxicum. 

.  .  196.0 

Clethra  alnifolia  .  .  . 

.  .  2088 

ZZZ.  194.0 


iVB.  On  n’a  compris  qu’une  ou  deux  observations. 


VI 


OBSERVATIONS 


r 

c 


> 

*» 

05 

C 

a 


Déviation  moyenne  des  groupes  de  piaules  observées,  à  Bruxelles ,  pendant  les  années  1841-1860. 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


Vil 


FEUILLAISON. 


Lonicera  periclymenum. 

64.8 

Daphné  mezereum 

73.5 

Ribes  rubrum . 

79.8 

—  tatarica  .  .  . 

65.2 

Spiræa  bella . 

Pbiladelpbus  coronarius.  . 

79.9 

Ribes  grossularia  .  .  . 

68.6 

Corchorus  japonieus  .  . 

75.6 

Syringa  vulgaris  .... 

81.5 

Spiræa  lævigata  .  .  . 

Sainbucus  racemosa  .  . 

78.9 

Lonicera  symphoricarpos  . 

85.7 

Pyrus  japonica.  .  .  . 

71.6 

Ribes  nigra  . 

Sambucus  nigra  .... 

85.8 

A. 

68.1 

B. 

75.7 

C. 

82.5 

Rubus  idæns . 

85.9 

Syringa  rolhomagensis  . 

88.5 

Amygdalus  persica  .  .  . 

Cratægus  oxyacantha 

85.9 

Viburnum  opulus .  .  . 

89.2 

Rubus  odorata . 

94.1 

Syringa  persica.  .  .  . 

87.0 

Salix  babyloniea  .  .  . 

89.3 

Evonymus  europæus .  .  . 

96.4 

Berberis  vulgaris  .  .  . 

87.4 

Pyrus  spectabilis  .  .  . 

89.3 

Philadelphus  latifolius  .  . 

97.2 

Corylus  avellana  .  .  . 

88.2 

Lonicera  xylosteum  .  . 

91.4 

Staphylea  pinnata.  .  .  . 

97.2 

D. 

86.9 

E. 

89.5 

F. 

95.7 

Spiræa  bypericifolia  .  . 

97.4 

Evonymus  latifolius  .  . 

99.4 

Rosa  centifolia . 

102.5 

Pyrus  communis  .  .  . 

97.5 

Pyrus  malus . 

99.7 

Prunus  cerasus . 

102.6 

Prunus  domestica .  .  . 

98.7 

Cytisus  laburuum .  .  _. 

99.9 

Carpinus  betulus  .... 

102.7 

Sorbus  aucuparia  .  .  . 

98.8 

Cratægus  coceinea.  .  . 

101.1 

Staphylæa  trifolia.  .  .  . 

103.7 

Æsculus  hippocastanum. 

99.2 

Populus  balsamifera  .  . 

100.4 

Betula  alba . 

104.1 

G. 

98.3 

H. 

99.9 

1. 

103.1 

Cornus  mascula  .  .  . 

104.1 

Populus  fastigiala.  .  . 

107.8 

Acer  campestre.  .... 

113.6 

Tilia  platyphylla  .  .  . 

104.6 

—  alba . 

109.8 

Cercis  siliquastrum  .  .  . 

114.5 

Rosa  gallica . 

105.1 

Rh'amnus  frangula.  .  . 

111.7 

Rhus  typhina . 

115.6 

Prunus  padus  .... 

106.1 

Acerpseudo-platanus.  . 

111.8 

Tilia  parvifolia . 

116.8 

Ulmus  campestris  .  .  . 

106.5 

Glycine  sinensis  .  .  . 

113.3 

Robinia  pseudo-acacia  .  . 

116.8 

K. 

105.5 

L. 

110.9 

M. 

1 15.5 

Robinia  viscosa  .  .  . 

.  .  .  118.3 

Quercus  pedunculata.  . 

.  .  .  118.8 

Vitis  vinifera  .... 

.  .  .  118.9 

Juglans  regia  .... 

.  .  .  120.0 

Bignonia  catalpa  .  .  . 

.  .  .  126.1 

Morus  alba . 

.  .  .  126.9 

iV.  121.5 

» 


ND.  On  n'a  compris  qu’une  ou  deux  observations. 


VIII 


OBSERVATIONS 


Déviation  moyenne  (les  groupes  de  plantes  observées,  à  Bruxelles ,  pendant  les  années  1841-1860. 


DES  PHENOMENES  PERIODIQUES 


i\ 


Nous  ajouterons  ici  quelques  mots  tirés  de  nos  instructions  pour  l’observation 
des  phénomènes  périodiques  :  Nous  croyons  devoir  les  recommander  instamment 
aux  personnes  qui  veulent  bien  prendre  part  à  nos  travaux  faits  en  Belgique. 
Sans  cette  identité  d’observation,  il  devient  en  effet  impossible  d’avoir  des  résul¬ 
tats  valables  pour  l’objet  que  nous  nous  proposons. 

«  Dans  l’ordre  des  observations,  deux  modes  peuvent  être  employés,  en  no¬ 
tant  les  plantes  d’après  leur  état  sauvage  ou  bien  d’après  leur  état  cultivé.  Nous 
pensons  que  le  premier  n’offre  pas  assez  de  ressources  et  qu’il  est  sujet  à  trop 
d’incertitude,  en  ce  que  l’observateur  devrait  être  astreint  à  parcourir,  chaque 
jour,  des  régions  très-différentes,  à  de  grandes  distances,  et  qu’il  ne  serait  jamais 
sur  de  faire  une  seconde  observation  sur  la  plante  qui  a  servi  à  ses  premières  an¬ 
notations.  Où  citer  en  Europe  deux  localités  où  l’on  rencontrerait  les  mêmes  es¬ 
pèces  de  plantes  vivaces  sur  un  espace  assez  resserré  pour  y  faire  les  notations' 
quotidiennes?  Il  est  impossible  au  naturaliste  d’observer  chaque  jour  les  champs, 
les  bois,  les  prairies  de  sa  contrée;  il  devra  donc  s’en  tenir  à  des  approximations. 
Or,  l’essentiel  est  que  l’observation  quotidienne  des  plantes,  déterminées  pour  la 
comparaison,  ait  lieu  dans  une  position  équivalente.  Par  cette  considération,  nous 
estimons  que  ces  observations  doivent  être  faites  sur  des  individus  plantés  dans  un 
jardin  bien  aéré.  Les  plantes  ne  devront  être  ni  abritées,  ni  exposées  à  la  muraille 
du  midi.  Pour  les  arbres  sylvestres ,  ils  doivent  être  pris  en  plein  champ,  mais  non 
dans  les  bois,  qui  offrent  toujours  des  abris  très-inégaux. 

»  Quant  à  l’indication  des  époques,  elle  doit  se  faire,  pour  la  feuillaison,  lorsque 
les  premières  feuilles  sortent  des  bourgeons  et  deviennent  visibles;  la  floraison 
commence  au  moment  où  l’anthère  se  montre  ;  et  il  en  sera  de  même  pour  les 
fleurs  de  la  famille  des  composés.  L’époque  de  la  notation  de  la  feuillaison  peut 
offrir  des  difficultés  en  ce  qu’elle  présente  diverses  phases  qui,  au  printemps  sur¬ 
tout,  peuvent  amener  des  différences  considérables.  Il  faut  donc  une  époque  con¬ 
venue  et  appréciable  pour  tout  le  monde.  Nous  proposons  de  choisir  le  moment  où. 
par  le  développement  de  la  préfoliation,  la  face  supérieure  des  premières  feuilles 
est  mise  en  contact  avec  l’atmosphère  et  commence  ses  fonctions  vitales.  La  fruc¬ 
tification  doit  se  prendre  lors  de  la  déhiscence  du  péricarpe  pour  les  fruits  déhis¬ 
cents,  et  c’est  le  plus  grand  nombre;  les  fruits  indéhiscents  seront  notés  lorsqu'ils 
seront  manifestement  parvenus  à  leur  maturité.  Enfin,  la  défeuillaison  doit  être 
inscrite  lorsque  la  chute  de  la  majeure  partie  des  feuilles  de  l’année  est  opérée,  bien 
entendu  que  ce  qui  concerne  les  feuilles  ne  peut  s’appliquer  qu’aux  seuls  végétaux 
ligneux,  en  excluant  en  outre  les  arbres  toujours  verts,  dont  la  défeuillaison  est 
successive.  » 


Ad.  QUETELET. 


•  ' 


PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES  NATURELS.  —  Règne  végétal.  —  1861 


NOMS  DES  PLANTES. 

( Feuillaison ,  18G1.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE. 

ANYBRS. 

OSTENDE. 

JBMEPPE. 

NÀMUR. 

VENISE. 

Acanthus  mollis.  L . 

_ 

— 

— 

— 

— 

— 

28  févr. 

Acer  campestre.  L . 

15  avril. 

50  avril. 

15  mai. 

— 

— 

10  avril. 

»  pseudo-platanus.  L . 

b  saccharinum.  L . 

15  » 

: 

6  » 

19  » 

20  avril. 

6  » 

Aesculus  hippocastanum.  L . 

2  B 

21  mars  B. 

6  » 

26  avril. 

24  mars. 

4  avril. 

b  lutea.  Pers . 

— 

25  »  B. 

— 

T- 

— 

10  B 

»  pavia.  L.  .  .  ■ . 

Alnus  glutinosa.  L.  • . 

12  B 

25  »  B. 

4  » 

Amygdalus  persica.  L.  (j3  mad.) . 

25  mars. 

22  avril 

— 

5  mai. 

— 

22  mars. 

Aristolochia  sipho.  L . 

26  b 

— 

— 

— 

— 

8  avril. 

Arum  maculatum.  L . 

— 

— 

- 

— 

— 

— 

17  mars 

Betula  alba.  L . 

5  avril. 

11  mai. 

18  avril. 

20  avril. 

11  avril. 

4  avril. 

b  alnus.  L . 

— 

18  avril. 

— 

19  b 

— 

10  B 

Berberis  vulgaris.  L . 

20  mars 

25  » 

17  avril. 

— 

14  mars. 

24  mars. 

26  mars. 

Bignonia  catalpa.  L . -  • 

17  avril. 

9  mai. 

— 

20  avril. 

7  juin. 

— 

15  avril. 

»  radicaDs.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

2  mai. 

Buxus  sempervirens.  L .  .... 

■  ^9 

— 

12  mai. 

— 

— 

1  avril. 

17  mars. 

Carpinus  betulus.  L . . . 

16  avril. 

5  mai. 

— 

— 

17  avril. 

6  » 

Cercis  siliquastrum.  L . 

27  » 

— 

— 

—  • 

1  mai. 

7  mars. 

Colutea  arborescens.  L .  ... 

— 

— 

— 

— 

— 

14  mars. 

Convolvulus  sepiurn  L . . 

— 

— 

— 

— 

- 

— 

9  avril. 

Corchorus  Japonica.  L . 

20  févr. 

27  mars. 

18  mai. 

— 

20  févr. 

17  avril. 

12  mars. 

»  sanguinea.  L . 

— 

5  mai. 

9  » 

24  » 

: 

50  mars. 

50  » 

Cratægus  coccinea.  L . 

18  mars. 

25  b 

19  avril. 

15  avril. 

15  b 

6  avril. 

24  mars. 

14  b 

»  oxyacantha.  L . 

— 

15  avril. 

10  » 

17  avril. 

21  mars. 

24  mars. 

12  avril 

6  avril. 

29  mars. 

— 

— 

15  avril. 

50  » 

Dapbne  mezereum.  L . 

10  mars. 

27  avril. 

20  avril. 

6  avril. 

— 

6  » 

20  mars. 

— 

— 

— 

— 

— 

4  » 

I B 

— 

..  — 

— 

— 

— 

20  avril. 

Evonymus  europæus.  L . 

25  mars. 

15  avril. 

50  avril. 

— 

— 

25  mars. 

8  avril. 

»  latifolius.  Mill . 

b  verrucosus.  L . 

28  b 

19  avril 

5  mai. 

1 


Tome  XXXV 


2 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

( Feuillaison ,  1801.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVOHDE. 

1 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEMEPPE.  " 

i 

N  AMU  R. 

VENISE. 

] 

7  mai. 

17  mai. 

— 

23  mai. 

1  mai. 

»  sylvatiea.  L . 

— 

13  avril. 

9  » 

— 

8  » 

27  avril. 

Fraxinus  excelsior.  L . 

26  avril. 

— 

18  » 

— 

23 

5  mai. 

»  ornus.  L .  . 

- 

— 

24  .. 

— 

23  mai. 

5 1  » 

— 

— 

6  mai. 

Gleditschia  horrida.  Willd . 

28  avril. 

5  mai. 

27  mai. 

23  mai. 

— 

4  juin. 

27  avril. 

Gymnocladus  canadensis.  Lam . 

— 

— 

18  juin. 

— 

16  mai. 

Hibiscus  syriacus  L .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

14  avril. 

Hippophaë  rhamnoïdes  L . 

— 

50  avril. 

— 

— 

— 

25  mars. 

12  » 

Hydrangea  arborescens.  L .  ..... 

4  avril. 

5  juin. 

— 

— 

— 

6  avril. 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

18  »> 

Ilex  aquifolium.  L.  .  .... 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

5  mars. 

3  niai. 

1 1  mai. 

— 

15  mai. 

29  mai. 

25  avril 

3  » 

— 

28  mai. 

— 

30  avril. 

3  » 

— 

— 

14  mars. 

20  mars. 

— 

20  » 

— 

— 

— 

5  avril. 

8  mars. 

20  » 

10  avril. 

16  mai. 

21  févr. 

20  févr. 

»  symphoricarpos.  L .  . 

12  » 

— 

30  » 

— 

10  mars 

»  tatarica.  L . 

2  » 

7  avril. 

26  » 

— 

18  févr. 

»  xylosteum.  L .  • 

6  i» 

— 

15  » 

- 

10  mars. 

Magnolia  tripetala.  L .  . 

— 

20  mai. 

»  yulan.  Desf.  » . 

— 

21  » 

Malva  sylveslris.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

17  avril. 

Mespilus  germanica.  L . 

20  mars. 

29  mai. 

— 

— 

— 

29  mars. 

Morus  iligra.  L .  . 

28  avril. 

— 

— 

- 

30  mai. 

19  mai. 

16  avril. 

Orobus  vernus.  L . . 

- 

- 

— 

— 

— 

8  » 

11  avril. 

13  avril. 

— 

7  mars. 

26  févr. 

8  B 

»  lalifolius.  Schrad . 

— 

— 

18  mai. 

Pinus  larix.  L . . 

— 

- 

- 

— 

28  mars. 

26  mars. 

Plantago  major.  L.  .  . 

— 

— 

- 

- 

— 

— 

19  avril. 

Plalanus  occidentalis.  L.  .  . 

— 

- 

22  mai. 

- 

— 

10  avril. 

»  orienlalis.  L.  .  ...  ... 

- 

— 

— 

— 

— 

— 

3  mai. 

Populus  alba.  L.  .  . 

5  avril. 

3  mai. 

23  mai. 

- 

— 

2  mai. 

»  balsamifera.  L . . 

5  » 

»  fastigiata.  Foir . 

- 

8  mai. 

10  mai. 

— 

1 1  avril. 

4  avril 

»  tremula.  L.  .  . 

5  avril. 

— 

— 

— 

— 

4  mai. 

1 

Prunus  armeniaca.  L.  ( B  ubric.) . 

29  mars. 

19  avril. 

— 

20  avril 

27  mars. 

26  mars. 

»  cerasus.  L.  [(}■  biçj.noir) . 

26  » 

14  » 

8  avril. 

- 

— 

2  avril. 

»  domestica.  L.  [(3.  gr.  d.  v.) . 

23  » 

27  » 

- 

— 

— 

26  mars. 

»  padus.  L  .  . 

26  » 

19  B 

20  avril. 

- 

— 

24  » 

Plelea  trifoliata.  L  .  .  .  . 

— 

— 

29  » 

— 

— 

1  mai. 

i 

DES  PHENOMENES  PERIODIQUES 


3 


NOMS  DES  PLANTES. 

[Feuill'aisotr ,  1861.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JBUEPPE. 

KAMI  R . 

VENISE. 

Pyrus  communis.  L.  (/J.  Berg.) . 

26  mars. 

17  avril. 

2  mai. 

50  avril. 

50  mars. 

»  cydonia.  L . 

- 

— 

— 

— 

— 

— 

16  avril. 

»  japonica.  L . 

5  mars. 

— 

26  avril. 

3  mars. 

— 

20  févr. 

»  malus.  L.  {0  calv.  d’ete  ) . 

28  > 

27  avril. 

— 

— 

— 

6  avril. 

»  spectabilis.  Ait . 

28  » 

— 

50  avril. 

><  sylvestris.  L .  .  . 

- 

— 

— 

— 

— 

— 

50  mars. 

Quercus  pedunculata.  Willd .  .... 

24  avril. 

1  mai. 

12  juin. 

— 

— 

5  mai. 

>.  sessiliflora.  Smith .  ... 

— 

— 

29  mai. 

— 

— 

5  » 

Rhamnus  catharticus.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

27  mars 

»  frangula.  L .  . 

14  avril. 

17  mai. 

— 

— 

— 

20  avril. 

Rhus  cotinus.  L . 

— 

3  » 

—  lyphina.  L . 

15  avril. 

Ribes  alpinum.  L . 

8  mars. 

15  avril. 

— 

— 

1  mars. 

20  févr. 

•-  grossularia.  L . 

26  févr. 

17  mars. 

10  avril. 

— 

24  févr. 

6  mars. 

»  nigrum.L . 

22  » 

— 

16  » 

— 

10  mars. 

12  » 

»  rubrum.L . 

22  » 

50  mars. 

16  » 

— 

— 

15  » 

7  avril. 

«  uva  crispa.  L.  . 

— 

— 

25  i> 

Robinia  pseudo-acacia.  L . 

4  mai. 

51  mars. 

— 

— 

21  avril. 

1  mai. 

17  avril. 

»  viscosa.Vent . 

4  » 

— 

— 

— 

25  » 

Rosa  centifolia."  L . 

25  mars. 

— 

1 0  mai. 

_ 

— 

24  mars. 

5  avril. 

«  gallica.  L . 

30  » 

— 

— 

— 

— 

24  » 

Piubia  tinctorum.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

27  févr. 

Rubus  idæus.  L . 

18  » 

— 

17  avril. 

— 

50  mars. 

14  v 

»  odoratus.  L . 

18  » 

Ruta  graveolens.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

20  avril. 

Salix  alba.  L . 

— 

15  avril. 

— 

— 

■- 

15  avril. 

»  babylonica.  L . 

20  mars. 

19  » 

5  mai. 

— 

12  mars. 

Salvia  officinalis.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

12  avril. 

Sambucus  ebulus.  L .  . 

— 

25  avril. 

17  avril. 

»  nigra.  L . 

26  mars. 

20  » 

15  » 

27  avril. 

24  févr. 

15  févr. 

9  mars. 

»  raeemosa.  L .  . 

26  » 

— 

51  mars. 

— 

— 

6  mars. 

Sorbus  aucuparia  L .  ... 

14  avril. 

19  avril. 

8  avril. 

— 

— 

24  » 

Spiræa  bella.  Sims .  .... 

— 

— 

5  mai. 

»  hypericifolia.  L  .  . .  ... 

1  mars. 

— 

15  avril. 

1 

Staphylea  pinnata.  L .  ... 

50  » 

— 

5  mai. 

- 

5  avril. 

26  mars. 

24  mars. 

Syringa  persica.  L . 

3  » 

— 

15  avril. 

— 

25  mars. 

1  » 

»  rolhomagensis.  Hort . 

5  » 

— 

22  » 

— 

1  » 

»  vulgaris.  L.  1 . 

5  » 

27  avril. 

13  » 

28  févr. 

28  févr. 

24  févr. 

2  avril. 

Taxus  baccala.  L . 

— 

— 

18  mai. 

12  » 

Tilia  americana.  L . 

1  avril. 

»  europæa.  L . 

— 

2  mai. 

»  parvifolia.  Hoffm . 

18  avril. 

— 

20  avril 

— 

7  avril. 

1 

!  En  boutons,  le  5  mars,  à  Vilvorde 


4 


OBSERVATIONS 


/ 


NOMS  DES  PLANTES. 

(Feuillaison ,  1861.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTBNDB. 

JEMEPPF. 

ISA  MUR . 

VIENNE. 

Tilia  plalyphylla.  Vent . 

31  mars. 

_ 

2  mai. 

3  avril. 

lilmus  campestris.  L . . 

8  avril. 

5  mai 

2  » 

— 

— 

8  » 

Vaceinium  myrtillus.  L . 

— 

— 

— 

_ 

_ 

2  » 

Viburnum  lantana  L.  .  . 

30  mars. 

1  mai. 

28  avril. 

— 

26  mars. 

4  mars 

«  opulus.  L.  (fl.simpl.) . 

1  avril. 

— 

23  » 

— 

_ 

12  x 

7  avril. 

»  x  L.  {fl.  plen.) . 

1  » 

— 

— 

— 

18  mars. 

12  » 

Vinca  major.  L . 

- 

— 

— 

— 

— 

_ 

14  avril. 

Vitex  incisus.  L .  ... 

— 

— 

— 

— 

— 

20  mai. 

Vitis  vinifera.  L . 

28  mai. 

20  mai. 

21  avril. 

2  mai. 

2  »» 

23  avril. 

NOMS  DES  PLANTES. 

( Floraison ,  1801.) 

BRUXELLES. 

V1LVORDE. 

ANVERS. 

OSTKNDE. 

JE2UEPPB. 

NAMÜR. 

VENISE. 

VIENNE. 

Acantbus  mollis.  L.  . 

— 

— 

28  juiu. 

Acer  campestre  L . 

— 

1  mai. 

— 

— 

— 

10  mai. 

_ 

30  avril. 

»  pseudo  plalanus  L . 

— 

— 

— 

— 

_ 

10  » 

Achilleamil  lefolium  .  L.  . 

— 

1  juill. 

20  juin. 

20  juin. 

_ 

15  juin. 

16  juin. 

Aconilum  napellus.  L. 

1  juin. 

— 

16  juill. 

2  août. 

_ 

19  mai. 

23  » 

Æsculus  hippocastanum.  L.  .  . 

10  mai. 

15  mai. 

10  mai. 

16  mai. 

22  mai. 

9  » 

17  mai. 

»  macrostacbys.  Midi 

— 

— 

28  juill. 

— 

_ 

_ 

14  juill. 

»  pavia.  L.  ... 

— 

— 

25  mai. 

— 

— 

16  mai. 

_ 

17  mai. 

Ajuga  reptans.  L . 

— 

27  avril. 

3  » 

— 

— 

1  v 

_ 

13  avril. 

Alisma  planlago.  L  .  .  . 

— 

7  juill. 

10  juill. 

3  juill. 

— 

10  juill. 

AUium  ursinum.  L.  . 

— 

— 

9  mai. 

— 

17  juill. 

Alnus  glutinosa.  L . 

20  avril. 

1  Althæa  officinalis.  L.  .  . 

2  mars. 

— 

10  mai. 

— 

— 

28  août. 

— 

— 

23  juill. 

Amygdalus  cnmmunis  L.  .  . 

— 

— 

— 

- - 

— 

— 

_ 

17  juill. 

»  persica.  L.  (fi.madel.)  . 

24  mars. 

8  avril 

— 

23  avril. 

24  mars. 

25  mars. 

6  avril. 

Ancliusa  sempervirens  L,. 

— 

— 

9  mai. 

Anemone  hepatica.  L. 

— 

— 

20  mars. 

27  févr. 

— 

15  févr. 

_ 

9  mars. 

»  nemorosa.  L.  . 

22  mars. 

7  avril. 

18  avril. 

— 

_ 

20  mars. 

3  avril. 

Antirrhinum  majus.  L . 

10  juin. 

— 

15  juin. 

15  juin. 

_ 

30  mai. 

9  juin. 

Arabis  caucasica.  Willd. 

2  mars. 

— 

28  mars. 

_ 

_ 

20  mars. 

Aristolochia  clématites.  L 

7  juin. 

— 

— 

— 

— 

23  niai. 

»  sipho.  L. 

— 

— 

— 

— 

_ 

10  mai. 

_ 

27  » 

Arum  maculatum.  L. 

— 

20  mai. 

3  mai. 

_ 

.  - 

4  » 

27  mai. 

17  » 

Asarum  curopæum.  L  .... 

— 

— 

— 

— 

_ 

15  mars. 

Asclepias  vincetoxicum.  L. 

— 

— 

15  juill. 

— 

14  mai. 

— 

21  mai. 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


NOMS  DES  PLANTES. 

(  Floraison  186 1  ■  ) 

3RUXELLES. 

VILVORDE. 

ÀNVBRS. 

OSTENDE. 

JEMEPPE. 

Ni UCR. 

VENISE. 

VIENNE. 

Asperula  odorata.  L . 

— 

— 

8  mai. 

— 

8  mai. 

- 

10  mai. 

Astrantia  major.  L .  . 

— 

— 

9  juin. 

— 

— 

14  » 

Atropa  belladona  L . 

— 

— 

17 

6  juin.  | 

— 

3  juin. 

— 

4  juin. 

Azalea  pontica.  L . 

— 

Il  juill. 

17  mai. 

Bellis  perennis.  L . 

10  mars. 

11  mars. 

22  mars. 

5  févr. 

9  févr. 

6  mars. 

— 

1  mars. 

Berberis  vulgaris.  L . 

4  mai. 

30  mai. 

25  mai. 

—  | 

6  mai. 

8  mai. 

28  avril. 

Betula  alba.  L . 

— 

30  avril. 

8  avril. 

30  avril. 

7  avril. 

8  » 

»  alnus.  L . 

— 

- 

— 

9  mars. 

Bignonia  catalpa.  L . 

— 

— 

13  août. 

2  juill. 

24  mai. 

»  radicans.  L . 

- 

— 

— • 

— 

— 

6  août. 

Borrago  officinalis.  L . 

- 

20  mai. 

Bryonia  dioïca.  Jacq . 

— 

- 

- 

— 

— 

2  juin 

Bupbthalmum  cordifolium.  L . 

- 

— 

13  juin. 

Buxus  sempervirens.  L . 

4  avril. 

- 

23  avril. 

— 

27  mars. 

2  avril. 

21  mars. 

6  avril. 

Campanula  persicifolia.  L . 

17  juin. 

— 

13  juin. 

—  ■ 

— 

7  juin. 

— 

21  juin. 

Cardamine  pratensis.  L . 

— 

— 

— 

10  avril. 

— 

25  mars. 

Carduus  marianus.  L . 

— 

19  juill. 

17  juill. 

Carpinus  betulus.  L . 

— 

20  avril. 

Centaurea  cyanus.  L . 

— 

20  juin. 

8  juin 

28  juin 

Cercis  siliquastrum.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

20  avril. 

Cheiranthus  Cbeiri.  L . 

14  avril. 

— 

22  avril. 

— 

— 

10  avril. 

Chelidonium  majus.  L . 

— 

27  mai. 

17  mai. 

- 

19  avril. 

8  mai. 

14  avril. 

9  mai. 

Chrysanthemum  leucantheumum.  L . 

— 

1  juin. 

- 

~ 

19  mai. 

18  b 

— 

21  b 

Chrysocoma  linosyris.  L .  ■  ■ 

- 

— 

12  août. 

— 

— 

6  août. 

— 

3  sept. 

Colchicum  autumnale.  L . 

— 

25  sept. 

2  sept. 

26  sept. 

— 

— 

— 

1  B 

Colutea  arborescens.  L . 

- 

— 

6  juin. 

— 

— 

5  juin. 

— 

1  juin. 

Convallaria  bifoüa.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

19  mai. 

>i  maïalis.  L . . 

24  avril. 

— 

15  mai. 

— 

10  » 

— 

Il  mai. 

Convolvulus  arvensis.  L.  .  . 

— 

27  juin. 

— 

— 

— 

11  juin. 

»  scpium.  L . 

- 

7  juill. 

— 

— 

— 

!  18  » 

1  juin. 

14  juin. 

Corchorus  japonica.  L . 

2  avril. 

— 

25  mai. 

— 

19  avril. 

2  avril. 

Cornus  mas.  L . 

27  févr. 

12  mars. 

20  mars. 

— 

9  mars. 

20  févr. 

16  mars. 

18  mars. 

»  sanguinea.  L . 

— 

— 

28  mai. 

— 

— 

18  juin. 

16  mai. 

7  juin. 

Corydalis  digitala.  L . 

- 

— 

— 

— 

— 

2  avril. 

Corylus  avellana.  L . 

28  lévr. 

3  mars. 

1  mars. 

17  févr. 

10  févr. 

6  févr. 

— 

24  févr. 

Cratægus  coccinea  L . 

21  mai. 

— 

24  mai. 

»  oxyacanlba  L . 

7  » 

15  mai. 

20  » 

4  juin. 

1  - 

2  mai. 

— 

18  mai. 

Crocus  mæsiacus . ' . 

'  ;  jü 

— 

— 

— 

_ 

24  févr. 

i)  vernus.  Sw . 

17  févr. 

1  avril. 

28  mars. 

12  mars. 

2  mars 

— 

18  mars. 

Cynoglossum  omphalodes  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

20  » 

Cytisus  labumum.  L . 

14  mai. 

20  mai. 

28  mai. 

— 

— 

9  mai. 

25  avril. 

24  mai. 

Daphné  laureola.  L . 

■  È3  • 

— 

“ 

j  25  févr. 

1 

5  mars. 

6 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

(Floraison,  1861.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE. 

1 

AN Y ERS. 

OSTBNDE. 

JEMEPPE. 

NAYIUR. - 

VENISE. 

VIENNE. 

Daphné  mezereum.  L . 

— 

10  mars. 

5  mars. 

; 

15  avril. 

— 

14  févr. 

14  mars. 

4  fevr. 

Delphinium  Ajacis.  L.  .  . 

— 

27  juin. 

28  juin. 

Dianlhus  caryophyllus.  L . 

16  juin. 

- 

_ 

- 

— 

— 

27  mai. 

Dictamnus  albus.  L . 

10  » 

— 

— 

— 

- 

30  mai. 

15  » 

51  mai. 

Digitalis  purpurea.  L . 

— 

5  juill. 

8  juin. 

18  juin. 

— 

10  juin. 

— 

5  juin. 

Dodecatheon  meadia.  L . 

15  niai. 

Echinops  sphærocephalus.  L . 

— 

— 

25  juill. 

— 

— 

— 

— 

10  juill. 

Epilobium  spicaluin.  Lam . 

— 

— 

15  juin. 

Equisetum  arvense.  L . 

— 

— 

- 

- 

- 

— 

— 

5  avril. 

Eriea  vulgaris.  L .  .  .  .. 

— 

7  juill. 

— 

— 

— 

18  juill. 

Eschscholzia  californien.  Chm.  . 

— 

- 

— 

- 

- 

1  juin. 

Evonvmus  europæus.  L . 

11  mai. 

9  juin. 

22  mai. 

— 

- 

20  mai. 

- 

29  mai. 

»  latifolius.  Mill . 

1  1  » 

— 

1  juin. 

— 

— 

18  » 

— 

15  » 

Fragaria  vesca.  L.  (  (3  horlens.) . 

5  » 

18  avril 

15  mai. 

24  mai. 

— 

20  avril. 

— 

17  avril. 

Fraxinus  excelsior.  L . 

— 

— 

— 

- 

— 

18  » 

— 

9  » 

Fritillaria  imperialis.  L .  . 

— 

— 

15  avril. 

30  avril. 

— 

8  .. 

Galanthus  nivalis.  L . 

16  fevr. 

10  mars. 

20  févr. 

21  févr. 

— 

15  févr. 

Genliana  cruciata.  L . 

— 

— 

50  mai. 

Géranium  pratense.  L .  .... 

24  mai. 

— 

50  » 

— 

— 

24  mai. 

>>  sanguineum.  L.  .  ... 

- 

— 

— 

— 

— 

6  » 

Gladiolus  communis.  L . 

16  juin. 

- 

8  juin. 

— 

— 

— 

Glechoma  hederacea.  L . 

— 

7  mai. 

18  avril. 

— 

13  avril. 

4  avril. 

5  juin. 

16  juin. 

Glycine  sinensis.  L .  . 

22  mai. 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

1  avril. 

Hedysarum  onobrychis.  L .  .  . 

— 

— 

- 

— 

~ 

— 

23  mai. 

Helleborus  fœtidus.  L.  .  .... 

— 

— 

10  mars. 

— 

— 

22  févr. 

»  hiemalis.  L . 

— 

21  févr. 

1  févr. 

— 

15  « 

«  niger.  L . 

28  févr. 

— 

16  » 

— 

— 

24  janv. 

— 

21  févr. 

>'  viridis.  L  .  ... 

- 

— 

24  mars. 

— 

— 

20  févr. 

7  mars. 

6  .. 

Hemerocallis  cœrulea.  Andr.  .  .  .... 

20  juin. 

20  juill. 

8  juill. 

— 

— 

10  juill. 

)>  flava.  L.  . 

6  » 

— 

18  juin. 

— 

5  juin. 

10  juin. 

»  fulva.  L  . 

— 

25  juill. 

6  juill. 

_ 

— 

24  » 

— 

9  juin. 

Hibiscus  syriacus  L. 

— 

— 

28  août. 

— 

— 

22  juill. 

— 

24  * 

Hieracium  aurantiacum.  L.  . 

— 

— 

— 

— 

— 

1  juin. 

1  juill. 

Hyacinthus  bolryoïdes.  L . 

— 

51  mars. 

- 

— 

— 

50  mars. 

»  orientalis.  L.  . 

24  mars. 

— 

— 

12  avril. 

16  avril. 

1  avril. 

— 

1  avril. 

Hydrangea  hortensis.  Sm . 

— 

50  août. 

18  août. 

»  arborescens  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

10  juin. 

Hypericum  pcrforalum.  L . 

— 

— 

20  juin. 

— 

— 

15  » 

27  juin. 

14  juin. 

Iberis  sempervirens  L. . 

— 

— 

15  mai. 

— 

— 

1  avril. 

— 

15  avril. 

llex  aquifolium.  L  . 

— 

20  mai. 

51  » 

— 

— 

2  mai. 

10  juin. 

Iris  florentina.  L.  . 

25  mai. 

»  germanica.  L.  . 

24  » 

1 

20  mai. 

24  mai. 

2  mai. 

— 

19  » 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


7 


NOMS  DES  PLANTES. 

(  Floraison  ,  i  80  1 .  ) 

BRUXELLES. 

Observât. 

V1LVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEÏUEPPE. 

NAMUR. 

VENISE. 

VIENNE. 

Iris  pumila.  L .  •  • 

10  avril. 

— 

25  avril. 

— 

— 

2  mai. 

27  avril. 

Juglans  regia.  L.  ,  . 

— 

20  juin. 

10  juin. 

4  juin. 

- 

1  b 

Lamium  album.  L . 

— 

15  mai. 

10  mai. 

20  avril. 

1 1  avril. 

16  avril. 

Leontodon  taraxacum.  L.  . 

29  mars 

— 

5  » 

29  « 

9  mars. 

20  mars. 

— 

15  avril. 

Liguslrum  vulgare.  L . 

— 

— 

5  juill. 

- 

— 

15  juin. 

7  mai. 

12  juin. 

Liliuni  candidum.  L  ... 

4  juill. 

23  juill. 

13  juin. 

- 

— 

2  juill. 

7  juin. 

25  « 

»  flavum  L . 

20  juin. 

- 

5  » 

- 

- 

15  juin. 

Linum  perenne.  L.  . 

— 

— 

— 

- 

—  - 

10  mai. 

Liriodendron  tulipifera.  L.  . 

— 

29  juin. 

28  juin. 

Lonicera  periclymenum.  L . 

14  juin. 

50  mai. 

— 

30  mai. 

— 

15  juin. 

— 

1  !  juin. 

—  symphoricarpos.  L . . 

9  » 

15  mai. 

— 

- 

— 

1  i) 

—  tatarica.  L .  ... 

15  mai. 

— 

- 

- 

— 

10  avril. 

— 

27  avril. 

—  xylosteum.  L . 

J  5  » 

- 

— 

— 

— 

10  mai. 

— 

10  mai. 

Lychnis  cbalcedonica.  L . 

- 

- 

20  juin. 

— 

— 

20  juin. 

Lysimachia  ncmorum.  L.  . 

— 

30  mai. 

15  mai. 

Lylhrum  salicaria.  L .  .  .  . 

- 

— 

12  juill. 

\ 

— 

2  juill. 

— 

26  juin. 

Magnolia  graodiflora . 

5  avril. 

»  Iripetala.  L . 

- 

— 

1 1  juin. 

..  yulan.  L . 

21  avril. 

29  avril. 

28  avril. 

Malva  sylvestris.  L . 

- 

1 1  juill. 

20  juin. 

7  juill. 

— 

5  juin. 

22  mai. 

10  juin. 

Melissa  officinalis.  L . 

— 

— 

8  août. 

— 

- 

10  juill. 

— 

19  juill. 

Mentha  pipcrila.  L . 

— 

- 

28  » 

— 

— 

8  » 

— 

25  >. 

Mespilus  germanica.  L . 

— 

9  mai. 

Mitella  grandiflora.  Pursch . 

- 

— 

7  mai. 

Morus  nigra.  L .  .  .  .. 

- 

17  juin. 

17  juin. 

— 

— 

— 

16  mai. 

Narcissus  pseudo-narcissus.  L . 

19  mars. 

11  avril. 

12  mai. 

18  mars. 

29  mars 

1  avril. 

25  avril. 

8  avril. 

»  jonquilla.  L .  .... 

— 

- 

20  avril. 

»  poëticus.  L . 

28  avril. 

- 

— 

— 

25  avril. 

6  mai 

— 

19  avril. 

Nymphéa  alba.  L . 

— 

29  juin. 

- 

— 

— 

— 

— 

6  juin. 

»  lutea.  L .  . 

— 

— 

— 

- 

— 

6  juill. 

10  mai. 

Omitbogalum  arvense.  Pers . 

— 

51  mars. 

»  umbellalum.  L . 

Il  mai. 

20  mai. 

18  mai. 

— 

— - 

18  mai. 

— 

12  mai. 

Orobus  vernus.  L . 

— 

— 

16  avril. 

16  mars. 

— 

22  mars. 

21  avril. 

10  avril. 

Oxalis  aeetosella.  L .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

20  avril. 

— 

2  » 

Pachysandra  procumbens . 

24  mars. 

Papaver  bracleatum.  L . 

— 

— 

1  juin. 

»  orientale.  L . 

12  juin. 

— 

15  » 

- 

— 

3  juin. 

»  rliœas.  L . 

20  juin. 

— 

— 

— 

30  mai. 

— 

24  mai. 

Paris  quadrifolia.  L . 

— 

20  mai. 

— 

— 

— 

2  » 

Philadelphus  coronarius.  L . 

5  juin. 

3  juin. 

30  mai. 

— 

50  mai. 

25  » 

12  mai 

—  latifolius.  Schr . 

12  v 

Physalis  Alkekengi.  L .  ... 

— 

— 

2  juin. 

17  juin. 

— 

20  juin. 

- 

12  juin. 

8 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

[Floraison ,  1 8G 1  ) . 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JBMEPPE. 

NAMCR. 

VENISE. 

VIENNE. 

Plantago  major.  L . 

— 

17 

juill. 

5 

juin. 

— 

— 

22 

juin. 

29 

mai. 

Platanus  orientalis.  L . 

— 

— 

- 

— 

— 

— 

1 

juin. 

Pœonia  officinalis.  L . 

— 

— 

28 

mai. 

— 

— 

— 

— 

21 

mai.  { 

Polemonium  cœruleum.  L . .  . 

— 

— 

12 

juin. 

-  • 

— 

20 

mai. 

Polygonumbistorta.  L . 

— 

— 

15 

mai. 

— 

— 

4 

” 

— 

24 

mai.  i 

Populus  alba.  L . 

5 

avril. 

5 

mars. 

— 

— 

— 

_ 

— 

27 

mars. 

»  balsamifera.  L.  . 

O 

» 

»  fastigiata.  Poir . 

— 

— 

— 

— 

14 

mars. 

20 

mars. 

»  tremula.  L . 

6 

avril. 

Primula  elatior.  L . 

- 

.9 

avril. 

8 

avril. 

— 

— 

25 

févr. 

»  veris.  L.  ’ . 

12 

mars. 

— 

5 

» 

26 

janv. 

4 

avril. 

O 

févr. 

— 

29 

mars. 

Prunus  armeniaca  ((3  abric.) . 

12 

V 

27 

avril. 

— 

29 

mars. 

14 

mars. 

14 

mars. 

»  cerasus  (  (3  big.  noir.) . 

8 

avril. 

5 

mai. 

26 

avril. 

— 

— 

2 

avril. 

— 

15 

avril. 

»  domeslica  [(3  gr.  dam.  v.) . 

14 

» 

— 

- 

— 

— 

4 

» 

v  padus.  L . 

1 

mai. 

— 

7 

mai. 

S  | 

— 

26 

» 

— 

19 

avril. 

n  spinosa.  L.  .  , . 

— 

25 

avril. 

- 

- 

16 

avril. 

2 

V 

— 

17 

9 

Ptelea  trifoliata.  L . 

— 

— 

28 

juin. 

— 

- 

- 

16 

juin. 

Pubnonaria  officinalis.  L . 

— 

— 

22 

avril. 

8 

avril. 

— 

20 

mars. 

Pyrus  communis  {(3  bergam.) . 

10 

avril. 

17 

avril 

— 

10 

mai. 

— 

4 

avril. 

14 

avril. 

15 

avril. 

»  cydonia.  L . 

- 

— 

10 

mai. 

— 

— 

— 

22 

9 

14 

mai. 

»  japonica.  L . 

50 

mars. 

— 

20 

mars. 

27 

avril. 

— 

25 

mars. 

— 

10 

avril. 

u  malus.  L.  [pcalv.  d’été.) . 

29 

V 

5 

mai. 

22 

avril. 

— 

— 

25 

avril. 

a  spectabilis.  Ait . 

i 

mai. 

— 

17 

mai. 

Quercus  sessiliflora.  Smith . 

- 

— 

— 

— 

— 

14 

mai. 

Ranunculus  aqualilis . 

- 

— 

— 

19 

avril. 

»  acris  [fl.  plen.) . . 

n 

mai. 

20 

mai. 

20 

mai. 

27 

mai. 

— 

2 

mai. 

— 

15 

mai. 

n  ficaria.  L . 

10 

mars. 

— 

16 

avril. 

12 

avril. 

26 

févr. 

24 

mars. 

Rhamnus  frangula.  L . 

— 

— 

— 

— 

4 

juin. 

— 

29 

mai. 

Rbeum  undulatum.  L . 

avril. 

— 

20 

mai. 

— 

— 

- 

- 

12 

9 

Rhododendron  ponticum.  L . 

22 

mai. 

- 

24 

9 

— 

— 

18 

mai. 

Rhus  cotinus.  L . 

— 

— 

— 

- 

— 

— 

- 

5 

juin. 

Rihes  alpinum.  L . 

— 

— 

- 

- 

51 

mars. 

25 

mars. 

»  aureum.  L . 

— 

8 

avril. 

.)  grossularia.  L.  [Fr.  virid.) . 

28 

mars. 

17 

J> 

— 

6 

avril. 

51 

mars. 

1 

avril 

— 

i 

avril. 

«  nigrum.  L . 

28 

» 

a  rubrum.  L . 

26 

» 

-  - 

— 

8 

avril. 

27 

mars. 

25 

mars. 

4 

mai. 

Robinia  pseudo-acacia.  L . 

51 

mai. 

- 

5 

juin. 

— 

— 

— 

14 

» 

Rosa  centifolia.  L . 

10 

9 

— 

8 

» 

29 

mai. 

— 

12 

juin. 

20 

U 

>i  gallica.  L . 

12 

» 

— 

15 

» 

29 

» 

— 

12 

D 

Rubia  tinctorum.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

12 

juin. 

Rubus  idæus.  L . 

18 

mai. 

— 

— 

26 

juin. 

— 

— 

— 

20 

mai. 

Ruta  graveoleus.  L . 

— 

— 

25 

juin. 

1er 

» 

— 

15 

juin. 

14 

mai. 

8 

juin. 

1  Fleurit  pour  la  seconde  fois  ,  à  Ostende,  le  24  décembre. 


DES  PHENOMENES  PERIODIQUES 


9 


NOMS  DES  PLANTES. 

(  Floraison  186 1 .  ) 

BRUXELLES. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEMEPPE. 

NAMUR. 

VENISE. 

1 

VIENNE. 

Salix  capræa.  L . 

— 

10 

mars. 

— 

— 

— 

. 

mars. 

Salvia  officinalis  L . • . 

— 

— 

12 

juill. 

— 

— 

8 

juin. 

23 

juin. 

6 

juin. 

Sambucus  ebulus.  L .  . 

— 

29 

juin. 

— 

— 

— 

— 

— 

26 

D 

»  nigra.  L . 

^juin. 

2 

» 

12 

juin. 

6 

juin. 

2 

juin. 

28 

mai. 

17 

mai. 

»  racemosa  L . 

8 

avril. 

— 

20 

avril. 

— 

— 

28 

avril. 

Sanguinaria  eanadensis.  L . 

10 

» 

Satureia  montana  L . •  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

22 

juill. 

Saxifraga  crassifolia.  L . 

10 

avril. 

— 

22 

avril. 

— 

— 

21 

mars. 

— 

13 

avril. 

Scabiosa  arvensis.  L . 

- 

— 

20 

juin. 

— 

— 

8 

juin. 

»  succisa.  L . 

— 

20 

D 

— 

— 

10 

août. 

— 

2 

août. 

Scrophularia  Dodosa.  L . 

— 

15 

juill. 

— 

— 

4 

juin. 

— 

— 

Secale  cereale.  L.  [P  hyb.) . 

— 

— 

— 

— 

— 

- - 

— 

31 

mai.  „ 

Sedum  acre.  L . 

— 

10 

juin. 

— 

— 

1 

juin. 

»  album.  L . 

— 

— 

23 

») 

— 

— 

20 

» 

— 

29 

juin. 

»  lelephium.  L . 

- 

— 

6 

août. 

— 

— 

5 

août. 

Solanum  dulcamara.  L . 

—  , 

12 

juin. 

5 

juin. 

19 

juin. 

— 

14 

juin. 

Sorbus  aucuparia.  L . 

10 

mai. 

— 

12 

mai. 

- 

— 

12 

mai. 

Sparlium  scoparium.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

10 

» 

Spiræa  bella.  Sims . 

— 

23 

juin. 

19 

juin. 

»  filipendula.  L . 

— 

29 

» 

20 

i) 

— 

— 

16 

juin. 

— 

16 

juin. 

»  hypericifolia.  L . 

— 

-- 

— 

— 

— 

— 

— 

11 

mai. 

»  lævigata.L . 

— 

— 

4 

mai. 

Staphylea  pinnata.  L . 

5 

mai. 

— 

19 

» 

— 

11 

mai. 

10 

mai. 

1 

mai. 

11 

mai. 

Statice  armeria.  L . 

—  . 

— 

19 

» 

— 

— 

25 

avril. 

— 

12 

D 

x  limonium.  L . 

— 

—  . 

22 

juill. 

Symphitum  officinale.  L . 

5 

mai. 

— 

20 

juin. 

28 

niai. 

§ 

1 

mai. 

— 

24 

mai. 

Syringa  persica.  L . 

10 

S 

— 

25 

mai. 

— 

— 

1 

» 

— 

18 

»  l 

n  vulgaris.  L . 

28 

avril. 

15 

mai. 

5 

» 

20 

avril. 

14 

mai. 

1 

» 

18 

avril. 

9 

V 

Taxus  baccata.  L . 

— 

- 

— 

— 

- 

— 

2 

mai. 

Thymus  serpillum.  L . 

— 

— 

9  1 

— 

— 

14 

juin. 

Tiarella  cordifolia.  L . 

— 

2 

juin. 

— 

— 

25 

avril. 

Tilia  micropbylla.  Vent . 

— 

— 

- 

— 

— 

— 

— 

22 

juin. 

»  europæa.  L . 

‘ri-  ■ 

— 

20 

juin. 

»  platyphylla.  Vent . 

— 

— 

— 

— 

18 

juin. 

Tradescantia  virginica.  L . 

3 

Juin. 

8 

juin. 

— 

— 

4 

» 

1 

mai. 

Trifolium  pratense.  L.  . . 

— 

— 

— 

18 

mai. 

— 

14 

mai. 

Trollius  europæus.  D . 

7 

mai. 

— 

10 

mai. 

— 

— 

25 

avril. 

Tulipa  gesneriana.  L . 

10 

avril. 

—  ■ 

15 

— 

— 

— 

25 

» 

— 

12 

niai. 

Tussilago  fragrans.  L . 

20 

mars. 

28 

janv. 

Ulmus  campestris.  L . 

16 

mars. 

—  ■ 

20 

avril. 

— 

— 

27 

mars 

— 

21 

mars. 

Vaccinium  myrtillus.  L . 

— 

— 

■  — 

— 

12 

avril. 

Valeriana  rubra.  L . 

— 

— 

16 

juin. 

10 

mai. 

— 

28 

mai. 

29 

niai. 

Tome  XXXV. 


2 


10 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

(  Floraison,  1861  ). 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

J  EM  E PPE . 

N AMU B. 

VENISE. 

VIENNE.  ! 

Veratrum  nigrum.  L . 

_ 

_ 

6  juin. 

Veronica  gentianoïdes.  L . 

5  juin. 

— 

lb  mai. 

— 

— 

12  mai. 

»  spicala.  L . 

2  juill. 

— 

28  juin. 

— 

20  juin. 

Viburnum  lantana.  L . 

— 

— 

15  mab 

— 

9  mai. 

2  mai. 

— 

5  mai. 

»  opulus.  L.  [fl.  simple.) . 

21  mai. 

— 

— 

- 

— 

15  » 

15  mai. 

21  « 

»  »  h.  (fl.  plein.) . 

— 

— 

- 

— 

15  » 

Vinca  minor.  L . 

16  mars. 

51  mars. 

24  avril. 

10  avril. 

26  mars. 

— 

— 

4  avril. 

»  major.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

25  avril. 

Viola  odorala.  L.  ........... 

10  mars. 

— 

8  avril. 

10  mars. 

26  févr. 

18  févr. 

19  mars. 

25  mars.l 

Vitis  vinifera.  L.  (/3  chass.  doré) . 

25  juin. 

— 

— 

— 

— 

10  juin 

14  juin. 

Waldsteinia  geoïdes.  Kit . 

— 

— 

13  avril. 

" 

22  mars. 

2  avril  1 

NOMS  DES  PLANTES. 

(Fructification,  1861.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

NAMUR. 

VENISE. 

Acanthus  mollis.  L . 

_ 

— 

— 

9  août. 

Acer  pseudo-plalanus.  L . 

— 

50  août. 

Achillea  millefolium.  L .  .  ... 

— 

16  » 

— 

— 

6  août. 

Aconitum  napellus.  L.  . 

— 

16  » 

Æsculus  bippocastanum.  L . 

— 

18  oct. 

29  oct. 

Ajuga  replans.  L . 

— 

28  juin 

Alcea  rosea. L . 

— 

16  août. 

Antirrhinum  majus.  L.  .  .  .  . 

— 

10  juill. 

Arum  maculatum.  L.  . , . 

- 

— 

— 

11  sept. 

Astrantia  major.  L  . 

— 

5  août. 

Berberis  vulgaris.  L.  . 

- 

16  » 

— 

19  août. 

Belula  alba.  L.  .  . .  • 

— 

15  juin. 

19  juin. 

Buxus  sempervirens.  L . . 

— 

— 

— 

20  aûot. 

Cercis  siliquastrum.  L.  . 

— 

— 

— 

29  » 

Cbelidonium  majus.  L . 

— 

8  juin. 

— 

5  juin. 

20  juin.  | 

Convallaria  maialis.  L.  . 

- 

6  août. 

Convolvulus  sepium.  L  . 

- 

— 

— 

10  juill. 

Cornus  mascula.  L .  ... 

— 

18  août. 

— 

18  » 

20  août 

v  sanguinea.  L . 

— 

— 

— 

26  août. 

Corylus  avellana.  L . 

— 

15  août. 

21  août. 

Cratægus  oxyacanlha.  L . . 

— 

16  sept. 

20  » 

— 

27  août. 

Cydonia  vulgaris.  L . 

* — 

1 1  sept. 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


il 


NOMS  DES  PLANTES. 

(Fructification,  1861.) 

BRUXELLES 

Observât. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

N  AMU  R. 

VENISE. 

_ 

8  sept. 

7  août. 

5  août. 

- 

8  juin. 

2  juill. 

16  juill. 

14  juin. 

- 

— 

— 

13  » 

Dianthus  caryophyllus.  L.  . ••  •  . 

— 

— 

— 

17  » 

— 

16  juill. 

17  B 

12  juin. 

14  juin. 

— 

— 

— 

- 

8  août. 

— 

7  août. 

29  juill. 

— 

— 

— 

22  » 

— 

— 

29  août. 

23  août. 

— 

8  juill. 

22  août. 

— 

20  sept. 

15  sept. 

17  déc. 

— 

20  » 

— 

16  oct. 

1  sept. 

— 

— 

— 

— 

50  juill. 

— 

29  juill. 

- • 

50  juin. 

— 

—  ■ 

— 

10  juill. 

— 

— 

— 

16  août. 

_ 

17  juill. 

10  » 

— 

21  juin. 

4  sept. 

— 

14  août. 

I  sept. 

— 

— 

— 

29  juill. 

— 

— 

— 

27  oct. 

17  juin. 

— 

— 

— 

29  juin. 

25  juin. 

5  juill. 

15  » 

10  sept. 
29  juin. 

24  août. 

20  juin. 

15  » 

19  juill. 

23  juin. 

— 

— 

— 

20  sept. 

— 

— 

— 

24  août. 

24  juin. 

20  août. 

17  oct. 

■  -  ' 

— 

— 

16  juill. 

5  juill. 

— 

9  juill. 

— 

17  » 

— 

12  oct. 

— 

7  » 

12  août. 

— 

16  sep. 

— 

12  juill. 

— 

13  nov. 

— 

12  sept. 

— 

12  sept. 

— 

23  juill. 

Taxus  baccala.  L .  •  . 

”7 

— 

8  sept. 

— 

— 

1 1  juill. 

9  juill.  ! 

~  ; 

1 

12 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

(Fructification,  1861.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

ANVERS. 

05TENDE. 

N  AMU  R. 

VENISE.  | 

Viburnum  opulus.  L  (fl.  simpl.) . . . 

_ 

— 

_ 

27  oct. 

5  août. 

Viola  odorata.  L . 

— 

8  juin. 

— 

16  mai. 

21  juin.  [ 

Vitis  vinifera.  L.  (Chasselas  doré.) . 

— 

— 

28  août. 

29  août. 

12  sept. 

NOMS  DES  PLANTES. 

(Chute des  feuilles,  1861.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEMEPPK. 

N  AMU  R.  1 

VENISE. 

Acanthus  mollis.  L . 

— 

— 

— 

— 

_ 

23  sept. 

Acer  campeslre.  L . 

12  nov. 

14  nov. 

- 

— 

17  nov. 

»  pseudo-platanus.  L . 

14  » 

25  oct. 

— 

14  nov. 

6  » 

Aesculus  hippocastanum.  L . 

5  » 

28  » 

5  nov. 

14  » 

i  » 

»  lutea.  Pers . 

— 

— 

- 

— 

20  sept. 

»  pavia.  L.  .  .  .  • . 

— 

— 

— 

— 

1  nov. 

Amygdalus  communis.  L .  -  ■ 

— 

16  nov. 

»  persiea.  L.  (j3  mad.) . 

18  nov. 

— 

50  oct. 

3  déc. 

17  nov. 

Aristolochia  sipbo.  L . 

— 

— 

— 

10  nov. 

10  oct. 

Betula  alba.  L . 

27  oct. 

21  nov. 

—  * 

16  nov. 

Bcrberis  vulgaris.  L . 

17  » 

20  nov. 

3  déc. 

16  » 

29  sept. 

Bignonia  catalpa.  L . 

14  .. 

18  » 

9  oct. 

20  nov. 

— 

20  nov. 

»  radicans.L .  . 

— 

— 

— 

— 

6  nov. 

Carpinus  betulus.  L .  .  . 

14  nov. 

14  nov. 

— 

14  nov. 

15  » 

Cercis  siliquastrum.  L . 

14  )) 

— 

— 

— 

15  » 

7  déc. 

Colutea  arborescens.  L . 

— 

— 

- - ' 

— 

8  d 

Convolvulus  sepium.  L .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

26  sept. 

Corchorus  japonicus.  L.  . 

— 

— 

— 

1  déc. 

17  nov. 

Cornus  mascula.  L . . 

— 

25  nov. 

— 

— 

15  » 

27  ocl. 

»  sanguinea.  L.  .  .  . 

— 

— 

— 

— 

15 

29  nov. 

Corylus  avellana.  L .  .  . 

14  nov. 

7  nov. 

29  oct. 

14  nov. 

2  » 

Cralœgus  oxyacantha.  L . 

15  v 

4  y 

25  » 

— 

15  v 

Cydonia  vulgaris.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

6  déc. 

Cytisus  laburnum.  L . 

28  oct. 

10  nov. 

_ 

— 

15  nov. 

7  » 

Daphné  mezereum.  L.  .  ... 

— 

— 

_ 

— 

12  » 

29  oct. 

»  laureola.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

27  » 

Dictamnus  fraxinella.  Lam . 

— 

— 

— 

_ 

17  sept. 

Evonymus  europæus.  L . 

16  nov. 

10  nov. 

— 

15  nov. 

»  lalifolius.  Mill . 

— 

— 

— 

— 

15  y 

DES  PHÉNOMÈNES  PERIODIQUES 


45 


NOMS  DES  PLANTES. 

(Chute des  feuilles,  1861.) 


RUXELLES. 

Observât. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

J  EMFPPE . 

NAMUR. 

VENISE.  , 

14  nov. 

— 

— 

19  nov. 

7  nov. 

— 

26  nov. 

— 

16  » 

17  » 

— 

— 

— 

14  » 

29  oct. 

20  nov. 

— 

19  » 

17  nov. 

— 

— 

— 

— 

4  >. 

24  nov. 

3  déc. 

— 

— 

16  3 

— 

— 

— 

— 

25  oct. 

— 

— 

— 

— 

— 

1  déc. 

— 

— 

— 

— 

15  nov. 

7  » 

24  nov. 

— 

— 

— 

6  » 

— 

— 

— 

4  nov. 

19  nov. 

4  nov. 

17  OCt. 

12  » 

6  nov. 

— 

— 

— 

— 

18  » 

23  nov. 

— 

20  nov. 

— 

1  » 

— 

— 

10  nov. 

— 

15  » 

— 

23  nov. 

15  » 

.  - 

— 

— 

— 

i  » 

14  nov. 

— 

— 

— 

17  3 

— 

— 

— 

— 

4  août. 

— 

— 

— 

— 

17  nov. 

— 

— 

— 

— 

17  » 

20  nov. 

22  nov. 

— 

19  nov. 

L4  » 

24  nov. 

— 

— 

— 

•  _ 

— 

28  juill. 

16  nov. 

5  nov. 

— 

14  nov. 

6  nov. 

20  oct. 

— 

— 

— 

— 

12  » 

— 

— 

— 

— 

— 

27  oct. 

14  nov. 

12  nov. 

— 

— 

10  nov. 

— 

— 

— 

— 

— 

9  déc. 

8  nov. 

12  nov. 

_ 

— 

v  - 

14  nov. 

10  nov. 

_ 

— 

— 

— 

10  » 

17  nov. 

— 

— 

1  déc. 

17  » 

22  oct. 

— 

— 

14  nov. 

4  D 

50  r 

— 

— 

15  » 

2  3 

2  nov. 

26  Oct. 

— 

— 

4  » 

— 

— 

— 

— 

10  » 

14  nov. 

10  nov. 

20  oct. 

23  nov. 

6  3 

5  déc. 

14  » 

10  » 

— 

— 

2  3 

14  » 

28  oct. 

— 

19  nov. 

2  3 

20  a 

— 

— 

— 

15  3 

— 

15  nov. 

— 

— 

15  » 

— 

" 

— 

;  io  3 

i 

Fagus  caslanea.  L . 

»  sylvatica.  L . 

Ficus  carica.  L . 

Fraxinus  excelsior.  L . 

Ginkgo  biloba.  L . 

Glycine  sinensis.  L . 

Gymnocladus  eanadensis.  Lam.  .  .  . 

Hibiscus  syriacus . 

Hippophae  rhamnoides.  L. 

Hydrangea  arborescens.  L . 

Juglans  nigra.  L . 

»  regia.  L . 

Ligustrum  vulgare.  L . 

Liriodendron  tulipifera.  L.  • 

Lonicerapericlyraenum.  L.  .  .  . 

»  sympboricarpos.  L.  .  .  . 

»  tatarica.  L . 

3  xylosleum.  L . 

Malva  sylvestris.  L . 

Mespilus  germanica.  L . 

Morus  alba.  L . 

>  nigra. L . 

Orobus  vernus.  L . 

Philadelphus  coronarius.  L.  ■  • 

Pinus  larix.  L . 

Plantago  major.  L .  ■ 

Platanus  occidentalis.  L . 

»  orientais.  L . 

Populus  alba.  L . 

»  fastigiata.  Poir . 

»  tremula.  L . 

Prunus  armeniaca.  L.  (0  abric.) . 
o  cerasus.  L.  (big.  noir.)  .  . 

»  domestica.  L.  (0  gr.  dam.  u.) 

»  padus.  L . 

Plelea  trifoliata.  L . 

Pyrus  communis.  (0  bergam.).  .  ■ 

»  japonica.  h.  ....  ■ 

»  malus.  L.  (0  calville  d'été).  . 
Quercus  pedunculata.  Wild.  . 

»  sessiliflora.  L . 

Rhamnus  catharticus.  L . 


14 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

( Chute  des  feuilles,  1861.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEMEPPB. 

NAMCR. 

VENISE. 

Rhaninus  frangula.  L . . 

— 

_ 

_ 

_ 

10  nov. 

R  luis  typhina.  L  .  . 

— 

15  oct. 

Ribes  alpinum.  L . 

27  oct. 

— 

— 

14  nov. 

15  nov. 

»  grossularia.  L . . 

9  » 

- 

— 

14  r 

15  » 

»  nigrum.  L . . 

5  » 

— 

— 

50  » 

15  » 

>/  rubrum.  L . . 

5  » 

— 

— 

— 

8  » 

2  nov. 

»  sanguineum  L .  . 

— 

— 

— 

14  nov. 

Robinia  pseudo-acacia.  L.  . 

1  nov. 

26  oct. 

— 

19  » 

15  nov. 

24  nov. 

»  viscosa.  Vent . 

— 

— 

— 

19  » 

Rosa  centifolia.  L . 

— 

16  nov. 

2  nov. 

— 

17  nov. 

1  déc. 

»  gallica.  L . 

18  nov. 

— 

— 

— 

17  x> 

Rubia  tinctorum.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

27  nov. 

Rubus  idæus.  L.  . 

15  nov. 

16  nov. 

— 

28  nov. 

Ruta  graveolens.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

10  nov. 

Salix  alba  .  L . 

— 

28  oct. 

— 

— 

10  nov. 

»  babylonien.  L . 

— 

16  nov. 

— 

28  nov. 

Salvia  officinalis.  L . . 

— 

— 

— 

— 

— 

25  oct. 

Sambucus  nigra  L . 

30  oct. 

16  nov. 

19  oct. 

3  déc. 

6  nov. 

1  oct. 

»  racemosa  L .  . 

— 

— 

— 

— 

6  » 

Sorbus  aucuparia.  L.  .  . . 

12  nov. 

21  nov. 

— 

12  nov. 

10  » 

Spiræa  hypericifolia.  L .  . 

— 

10  .» 

Slaphylea  pinnala.  L .  . 

15  nov. 

28  oct. 

— 

14  nov. 

6  nov. 

19  oct. 

Svringa  persica.  L  .  .  .  . 

— 

8  nov. 

— 

13  » 

6  v 

v  rothomagensis.  L. . . 

— 

— 

— 

15  » 

6  » 

»  vulgaris.  L . 

14  nov. 

8  nov. 

— 

14  » 

6  v 

19  nov. 

Tilia  americana.  L . 

12  oct. 

»  parvifolia.  Hoffin . 

— 

17  nov. 

»  platyphylla  Vent . 

12  oct. 

27  oct. 

— 

— 

17  nov. 

Ulmus  campeslris  L . 

12  nov. 

10  nov. 

— 

14  nov. 

10  » 

Vaccinium  myrtillus.  L . 

— 

— 

— 

— 

S  » 

Viburnum  lanlana.  I. . 

14  nov. 

— 

,  - 

— 

1  déc. 

»  cpulus.  L.  Ifl.simpl.) . . 

— 

25  nov. 

— 

18  nov. 

15  nov. 

17  nov. 

Vinca  major.  L . . .  ....... 

— 

— 

— 

— 

— 

1 1  sept. 

Vitex  incisa.  L  ... 

— 

— 

— 

— 

20  oct. 

Vitis  vinifera.  L.  (@  chass.  doré.) . 

18  nov. 

10  nov. 

8  oct. 

18  nov. 

4  nov. 

24  nov. 

>»  • 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


Janvier 

Février 

Mars 


A  vril 


iîi 


PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES  NATURELS. 


RÈGNE  ANIMAL. 


Observations  faites  dans  les  environs  de  Bruxelles ,  pendan  t  l  année  1861 , 

par  MM.  J.-B.  Vincent  et  fils. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


27.  Anser  segetum.  Repasse. 

16  au  17  (nuit  du).  Tu rdus  musicus.  Repasse. 

18.  Fringilla  cœlebs.  Chante. 

5.  Vanellus  cristatus.  Repasse. 

7.  Charadrius  pluvialis.  Repasse. 

10.  Totanus  pugnax.  Repasse. 

10.  Gallinula  gallinago.  Repasse. 

10.  Strixaluco.  Ponte. 

1 9.  Molacilla  alba.  Arrive. 

20.  Corvus  frugilegus.  Ponte. 

20.  Parus  caudatus  Nidifie. 

24.  Ruticilla  tilhys.  Arrive. 

24.  Phyllopneuste  rufa.  Arrive. 

24.  Emberiza  miliaria.  Arrive. 

24.  Saxicola  rubicola.  Arrive. 

24.  Charadrius  minor.  Repasse. 

25.  Motacilla  alba.  Nidifie. 

26.  Hirundo  ruslica.  Arrive. 

28.  Corvus  corone.  Nidifie. 

29  au  50  (nuit  du)  Numenius  arquata. 
Repasse. 

31.  Saxicola  rubetra.  Arrive. 

1 .  Alcedo  ispida.  Ponte. 

1.  Pî'ca  caudata.  Nidifie. 

6.  Saxicola  ænanthe.  Arrive. 


Avril  7.  Motacilla  {lava.  Arrive. 

7.  Anthus  arboreus.  Arrive. 

8.  Hirundo  riparia.  Arrive. 

10.  Ruticilla  tithys.  Nidifie. 

10.  Motacilla  boarula.  Nidifie. 

1 2.  Hirundo  urbica.  Arrive. 

14.  Phyllopneuste  trochilus.  Arrive. 

15.  Sturnus  vulgaris.  Nidifie. 

16.  Corvus  monedula.  Nidifie. 

18.  Ruticilla  luscinia.  Arrive. 

18.  Sylvia  curruca.  Arrive. 

18  au  19  (nuit  du).  Numenius  arquata 
Repasse. 

19.  Calamoherpe  pragmitis.  Arrive. 
21.  Sylvia  atricapilla.  Arrive. 

21.  Cuculus  canorus.  Arrive. 

21.  Cypselus  apus.  Arrive 
23.  Emberiza  hortuluna.  Arrive. 

26.  Upupa  epops.  Arrive. 

28.  Muscicapa  ficedula.  Repasse. 

Mai  5.  Totanus  hypoleucos.  Repasse. 

8.  Emberiza  hortulana.  Nidifie. 

9.  Sylvia  hortensis.  Arrive. 

9.  Calamoherpe  turdoïdes.  Arrive. 
10.  Hypola'is  icterina.  Arrive. 


16 


OBSERVATIONS 


Mai 


.Juillet 

Août 

Septembre 


Mars 


15.  Lanius  rufus.  Nidifie. 

15.  Pieu  s  viridis.  Nidifie. 

15.  Fringilla  coccolhraustes.  Nidifie. 
15.  Emberiza  miliaria ■  Nidifie. 

15.  Sylvia  luscinia.  Nidifie. 

15.  Saxicola  rubecula.  Nidifie. 


Mai  15.  ffypolais  icterina  Nidifie. 

20.  Cypselus  apus.  Ponte. 

20.  Fringilla  chloris.  Nidifie. 

25.  Sylvia  hortensis.  Nidifie. 

28.  Muscicapa  ficedula.  Nidifie. 
Juin  10.  Calamoherpe  lurdoïdes.  Nidifie 


PÉRIODE  D’AUTOMNE. 


26.  Totanus  hypoleucos.  Première  arrivée. 

27.  Cypselus  apus.  Départ  général. 

11  au  15.  (Nuit  du)  Totanus  hypoleucos. 
Passage  général. 

15.  Hirundo  urbica.  Départ  général. 

27.  Motacilla  flava.  Émigre. 

51  au  1er  septembre.  (Nuit  de)  Numenius 
arquata.  Passe. 

5  au  C.  (Nuit  du)  Numenius  arquata. 
Passe  encore. 

6.  Anthus  arboreus.  Émigre. 

17.  Totanus  hypoleucos  Dernier  passage. 
25.  Parus  major.  Passe. 

28.  Paras  cœruleus.  Passe. 

29.  Emberiza  schœniclus.  Émigre. 

29.  Cypselus  apus.  Dernier  passage. 

30.  Alauda  arvensis.  Émigre. 

30.  Fringilla  cœlebs.  Émigre. 


Septembre  50.  Fringilla  chloris.  Émigre. 

30.  Sturnus  vulgaris.  Émigre 

50.  Fringilla  montifringilla.  Émigre 

51.  Anthus  pratensis.  Émigre. 

Octobre  2  au  5.  (Nuit  du)  Turdus  musicus.  Émigre 

5.  Motacilla  boarula.  Arrive. 

G.  Astur  nisus.  Passe. 

6.  Buteo  commuais.  Passe. 

8.  Corvus  cornix.  Passe. 

8.  Corvus  frugilegus.  Passe. 

12.  Fringilla  linaria.  Passe. 

17.  Regulus  ignicapillus.  Passe. 

18.  Fringilla  spinus.  Passe. 

20.  Emberiza  citrenella.  Passe. 

20.  Anser  segetum.  Passe  en  grand  nombre. 
20.  Buteo  commuais.  Passage  général. 

20.  Avocetta  recurverostra.  Passe. 


INSECTES. 


19  Geolrupes  stercorarius.  Apparition.  Mars 

25.  Fanessa  polycliloros.  Y  oie.  Mai 


24.  Colias  rhamni.  Vole. 

11.  Melolontha  vulgaris.  Apparition. 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


17 


Observations  faites  à  Wuremme,  en  1861 ,  par  MM.  de  Selys-Longchamps  et  Michel  Ghaye. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


Janvier  5.  Auser  segelum.  Passe. 

Mars  26.  Ruticilla  tilhys.  Arrive. 

Avril  1.  Hirundo  rustica.  Arrive. 


|  Avril  16  Cuculus  canorus.  Arrive. 

22.  Cypselus  œpus.  Arrive. 
Mai  14  Hypolais  icterina.  Arrive. 


PÉRIODE  D’AUTOMNE. 


Août 


Octobre 


10.  Upupa  epops.  Repasse 
15  Muscicapa  ficedula.  Repasse. 

27.  Turdus  musicus.  Repasse. 

27.  Hirundo  rustica.  ) 

27.  Hirundo  urbica. 

6, 16  et 20.  Grus  cinerea.  Passage. 


Départ  principal. 


Octobre 


7.  Acrydium  migratorium.  Observé. 

12.  Turdus  iliacus.  Passe. 

12.  Corvus  cornix.  Arrive. 

12.  Fringilla  spinus  Arrive. 

15.  Ruticilla  tithys.  Passage  (rare)  à  Wa- 
remme. 


PASSAGES  ACCIDENTEES. 


Janvier  7.  Colymbus  septentrionalis.  A  Liège  par  une  température  de  —  15"  C. 
Octobre  8  Nucifraga  caryocatactes. 


Observations  faites  à  Jemeppe-sur-Mense ,  en  1861 ,  par  M.  Alf.  de  Borre. 


Janvier 

Février 


29.  Parus  major.  Chante. 

8.  Vu  voler  une  Chauve-souris. 

9.  On  me  rapporte  avoir  vu  voler  des  papil¬ 

lons  près  de  Chockier. 

16  Sylvia  troglodytes.  Chante. 

25.  Aphodius  fimetarius. 

25  Hélix  nemoralis.  Vu  pour  la  1 re  fois. 

Tome  XXXV. 


Février 

Mars 


27.  Sturnus  vulyaris.  Chante. 

1.  Fringilla  cœlebs.  Chante. 

12.  Passer  domesticus.  Pariade. 
14.  Volées  A' Alouettes.  Passent. 
17.  Emberiza  citrinella.  Chante. 
17.  Attagenus  pellio. 

21.  Corvus  monedula.  Nidifie. 


18 


OBSERVATIONS 


Mars  23  Fourmis. 

23.  Apis  mellifica. 

23.  Pieris  napi. 

23.  Vanessa  polychloros. 

24.  Sylvia  cinerea.  Vu  pour  la  l1'1’  fois. 

24.  Colias  rhamni. 

24.  Harpalus  œneus. 

24.  Silona  lincellus. 

24.  Oxythyrea  stictica. 

23.  Sylvia  tithys.  Arrivée  et  premier  chant. 

25.  Carpes.  Viennent  pour  la  première  fois  à 

la  surface  de  l’eau. 

25.  Badister  bipustulatus. 

26.  Amara  nitida. 

27.  Hélix  nemoralis.  Apparaît  en  nombre. 
Avril  5.  Pœcilus  cupreus. 

11.  Hirundo  rustica.  Arrivée. 

16.  Carabus  auratus. 

17.  Trachy s  minuta. 

19.  Sylvia  luscinia.  Arrivée. 

19.  Hirundo  urbica.  Arrivée 

19.  Falgus  liemipterus . 

20.  Chrysomela  hœmoptera. 

20.  Agriotes  variabilis. 

21.  Sylvia  alricapilla.  Chante. 

26.  Melolontha  vulgaris. 

27.  Sylvia  luscinia.  Chante. 

27.  Zerene  grossularia.  Chenilles  écloses  sur 
le  Ribes  alpinum. 

Mai  6.  Cuculus  canorus.  Chante. 

7.  Cypsclus  apus.  Arrivée. 

7.  Sylvia  hypolaïs.  Arrivée. 

10.  Muscicapa  griseola.  Arrivée. 

11.  Anobium  tessellatum. 

12.  Telephorus  obscurus. 


Mai  12.  Otiorhynchus  raucus. 

12.  Cleonus  trisulcatus. 

1 2.  Tricliodes  alocarius. 

12.  Cytilus  varius. 

21.  Polyopsia  prœustn. 

22.  Cerambix  cerdo. 

23.  Alheus  leucophæus 
26.  Catops  fuscus. 

26.  Corymbites  latus. 

27.  Cossonus  linearis. 

28.  Cetonia  aurata. 

31.  Libellula  depressa. 

31.  Elatérides  et  Téléphorides  en  abon¬ 
dance. 

31.  Crioceris  merdigera. 

Juin  1.  Phyllopertha  horticola 

3.  Pieris  cratœgi. 

4.  Pachyta  10-maculala 
4.  Corymbites  hcematodes. 

Juin  4.  Pieris  car  domines. 

9.  Macroglossa  bombyliformis. 

16.  Lamia  textor. 

16.  Calvia  14-guttata. 

16.  Zerene  grossularia. 

24.  Gnorimus  nobilis. 

25.  Tricliius  gallicus. 

25.  Oberea  pupillata 
27.  Trichodes  apiarius. 

Juillet  12.  Zabrus  gibbus. 

12.  Armoia  moschata 
Août  1.  Cypselus  apus.  Départ. 

I.  Papilio  Machaon.  (Chenille). 

7.  Vu  deux  Cypselus  apus. 

Novembre  13,  17,  18  et  21.  Passage  de  bandes  de  cor 
beaux. 


Observations  faites  à  Vilvorde,  près  de  Bruxelles,  en  1861 ,  par  M.  Alf.  Wesmael. 


Février 

17. 

Mars 

25. 

28. 

Avril 

11. 

Pinson.  Chante. 

Alouette.  Chante. 

Merle.  Chante. 

Fauvette  à  tête  noire.  Arrive. 


Avril  11.  Rossignol.  Chante. 

Mai  I.  Coucou.  Chante. 

11.  (dans  la  soirée)  Hanneton.  Apparaît. 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


19 


Observations  faites  à  Melle ,  près  de  Gand,  en  1861 ,  par  M.  le  professeur  Bernardin. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


Janvier  2,  4  et  8.  A  nas  boschas.  Passe. 

4.  A  nas  penelope.  Passe. 

4  et  8.  Anser  segetum.  Passe. 

7.  Columba  palumbus .  Passe. 
Février  11.  Ardea  cinerea.  Passe. 

14.  Fringilla  domestica.  S’apparie. 
1 4.  Corvus  cornix.  Passe. 

17.  Alauda  arvensis.  Chante. 

19.  Turdus  pilaris.  Passe. 

19.  Fringilla  cœlebs.  Chante. 

20.  Fespertilio  pipistrellus.  Réveil. 

21.  Emberiza  citrinella.  Chante. 

23.  Corvus  corone.  Passe. 

24.  Astur  nisus.  Passe. 

Mars  6.  Anas  acuta.  Passe. 

7.  Fanellus  cristatus.  Passe. 

7.  Corvus  cornix.  Passe. 

11.  Numenius  phœopus.  Passe. 

11.  Corvus  corone.  Passe. 

11.  Anser  segetum.  Passe. 

17.  Motacilla  alba.  Arrive. 

18.  Fanellus  cristatus.  Passe. 

21.  Corvus  cornix.  Passe. 

21.  Perdix  cinerea.  Par  couple. 

22.  Fringilla  domestica.  Nidifie. 

23.  Fanessa  atalanta.  Vole. 

Mars  24.  Colias  rhamni  Vole 

30.  Falco  subbuteo.  Passe. 

Avril  7.  Fanessa  ulricœ.  Vole. 


Avril  11.  Apis  mellifica  Vole. 

11.  Sylvialuscinia.  Vu? 

13.  Hirundo  rustica.  Arrive. 

21.  Sylvia  atricapilla  Arrive. 

22.  Sylvia  luscinia.  Chante. 

22.  Cypselus  apus.  Arrive. 

27.  Cuculus  canorus.  Chante. 

28.  Bibioater.  Vole. 

Mai  1.  Oriolus  galbula.  Chante. 

2.  Hirundo  urbica.  Arrive. 

8.  Sylvia  hypolaïs.  Chante. 

10.  Ardea  minuta.  Pris  à  Landscauter. 

11.  Saxicola  rubetra.  Arrive. 

Mai  11.  Totanus  chloropus.  Passe. 

15.  Rallus  crex.  Arrive. 

20.  Agrion  minium.  Vole. 

25.  Melolontha  vulgaris.  Vole. 

26.  Colurnix  dactylisonans.  Chante. 

Juin  10.  Staphylins. 

12.  Sylvialuscinia.  Petits  volent. 

13.  Agrion  puella.  Grande  quantité. 

14.  Aphisribis.  Attaque  les  groseillers. 

17.  Libellula  œnea.S oie. 

18.  Smerinthus  tiliœ.  Vole. 

21  et  23.  Aphis  populi.  Passe. 

23.  Staphylins. 

26.  Agrion  puella.  V oie  (en  quantité) 

30.  Chenilles  dévorent  toutes  les  feuilles  de 
groseillers. 


PÉRIODE  D’AUTOMNE. 


Juillet  4.  Agrion  puelia.  S’accouple. 

21.  Staphylins.  •  ~ 

22.  Ciconia  alba.  Passe. 

30.  Staphylins. 

Août  5.  Staphylins. 

5.  Ciconia  alba.  Passe. 


Août  11  et  14.  Staphylins. 

19.  Cypselus  apus.  Vu  pour  la  dernière  fois. 
1  au  19.  Guêpes.  En  quantité. 

24.  Fanellus  cristatus.  Passe. 

24.  Agrion  puella.  S’accouple. 

25.  Sylvia  luscinia.  Vu  pour  la  dernière  fois. 


20 


OBSERVATIONS 


Août  27  Staphylins. 

Septembre  9.  Anser  segetum.  Passe  à  Grammont. 

1  au  15.  Pieris  brassicœ.  En  quantité. 

15.  Hirundo  urbica.  Part. 

2).  Malacüla  alba.  Part. 

28.  Hirundo  rustica.  Départ  unique. 
Octobre  2,  3  et  4.  Anthus  pratensis.  Passe. 

6.  Sphinx  atropos .  Vole. 

10.  Parus  ater.  Arrive. 

5  au  15.  Turdus  pilaris.  Passe. 

16.  Anser  segetum.  Passent  en  masse. 

17.  Aslur  nisus.  Passe. 

18.  Anser  segetum.  Passe. 

19.  Otis  tarda.  Passe. 


Octobre  21. 

21. 

22. 

22. 

Novembre  2. 

19. 

19. 
24. 
27. 

27. 

Décembre  10. 

20. 


A  nas  boschas.  Passe. 

Alauda  arvensis.  Passe. 

Vanessa  atulanta.  Vole. 

Noctua  nupta.  Vole. 

Corvus  corone.  Arrive. 

Anser  segetum.  Passe. 

Charadrius  pluvialis.  Passe. 

Anser  segetum.  Passent  en  masse. 
Alauda  arvensis.  Passent  en  grand 
nombre. 

Sturnus  vulgaris.  Passent  en  grand 
nombre. 

Anser  segetum.  Passe. 

Ardea  cinerea.  Passe. 


Observations  faites  à  Ostende,  en  1861,  par  M.  Édouard  Laaszweert. 


MAMMIFÈRES. 

Janvier  5.  Talpa  europœa.  Apparait. 

Mars  26.  Vespertilio  pipistrellus.  Réveil. 


OISEAUX. 


PERIODE  DE  PRINTEMPS. 


Janvier  1  et  4.  Numenius  arquata.  Passe. 

2,  4,  10,  18  et  21.  Cygnus  musicus. 
Passe  par  bandes. 

25.  Anser  segetum.  Passe. 

Février  28.  Atauda  arvensis.  Chante. 

28.  Anser  segetum.  Passe. 

Mars  2.  Anser  segetum.  Passe  au  soir  se  dirigeant 
au  NE. 

5  Numenius  arquata.  Passage  la  nuit. 

9.  Fanellus  cristatus.  Vu  des  bandes  nom¬ 
breuses 


Mars  9.  Sturnus  vulgaris  Arrive. 

12.  Rulicilla  pliœnicurus.  Arrive. 

14.  Mutacilla  alba.  Arrive. 

Avril  5.  Emberiza  citrinella.  Accouplement. 

15.  Hirundo  urbica.  Arrive. 

16.  Corvus  cornix.  Départ. 

20.  Charadius  pluvialis.  Vu  des  bandes 
nombreuses. 

Mai  8.  Cuculus  canorus.  Chante. 

8.  Cypselus  apus.  Arrive. 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


Juillet 

Août 


Septembre 


Février 

Avril 

Mai 


21 


PÉRIODE  D'AUTOMNE. 


30.  Numenius  arquala.  Passage  la  nuil. 

7.  Anser  segelum.  Passage  toute  la  journée,  j 
9.  Cypselus  apus.  Départ. 

26.  Numenius  arquata.  Passage,  à  midi,  1 
par  bandes  allant  au  NO. 

6.  Numenius  arquata.  Passage  toute  la 
journée. 


Septembre  23  au  28.  Anser  segetum.  Passage  tous  les 
soirs.  , 

27.  Ardea  cinerea  Passe. 

24.  Hirundo  urbica.  Départ. 

28.  H irundourbica.Dépanùes  retardataires. 
Octobre  9.  Corvus  cornix. 

5,  6,  7  et  10.  Sturnus  vulgaris  Passent 
par  bandes  nombreuses 


INSECTES. 


10.  G eotrupes  stercorarius.  Vole. 
20.  Melo'é  proscarabeus.  Apparaît. 
8.  Bibio  hortulanus.  Apparaît. 
14.  Melolontha  vulgaris.  Apparaît 


Juin  du  20  au  22.  Des  nuées  inombrables  d ' Agrion 
puella  se  dirigent  sans  discontinuer  de 
l’ONO.  à  PESE. 

Juillet  15.  Melolontha  fullo.  Apparaît. 


REPTILES. 


Février  23.  Rana  ternporariu.  Réveil. 

23.  Triton  pimctatus.  Nage. 
Juin  3.  Lacerta  vivipara.  Réveil. 


POISSONS. 


Avril  10.  Scomber  scombrus.  Apparition. 
Septembre  7.  Clupea  harengus.  Apparition 


22 


OBSERVATIONS 


Observations  faites  à  Vienne ,  en  1861 ,  par  M.  Charles  Fritsch. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


Février 

Mars 


J  vril 


21.  Alauda  arvensis.  Chaule. 

21.  Aphodius  pmetarius.  Apparition. 

2.  Apis  mellifica.  \ oie. 

2.  Gyrinus  meryus.  Apparition 
1 9.  Motacilla  alba.  Arrive. 

24.  Cliilocorus  quadripustulatus.  Appa¬ 
rition. 

24.  Triton  cristatus.  Réveil. 

26.  Coccinella  bipunctala.  Apparaît 
26.  Meloë  violaceus.  Apparaît. 

26.  Fanessa  urticœ.  Vole. 

29.  Fanessa  polychloros.  Vole. 

50.  Fanessa  C.  album.  Vole. 

50.  Bombus  lapidarius.  Vava.a. 

50.  Bombus  terrestris.  Parait. 

50.  Colias  rhamni.  Vole. 

1.  Hirundo  urbica.  Arrive. 

5.  Pieris  napi.  Vole. 


Avril 


Mai 


4  Ruticilla  phœnicurus.  Arrive. 

4.  Triton  tœniatus.  Réveil. 

1".  Hyla  arborea.  Parait. 

11.  Pieris  cardamiues.  X oie. 

1 1  Meloë  proscarabeus.  Apparaît 

12.  Lacerta  agilis.  Apparaît. 

17.  Melolontha  vulgaris.  Apparail. 

9.  Telephorus  rusticus.  Apparait. 

10.  Cetonia  aurata.  Apparaît. 

10.  Cuculus  canorus.  Chante. 

11.  Bibio  hortulanus.  Apparition. 

14.  Lacon  muririus.X oie. 

15.  Byrrhus  pilula.  Apparaît. 

15.  Libellula  depressa.  Sort  de  chrysalide. 
17.  Malachius  œneus.  Apparaît. 

1*.  Cypselus  apus.  Arrive. 

27.  Oxytliyrea  stictica.  Apparait. 

27.  Pieris  brassicœ.  Vole  la  première  fois 


PÉRIODE  D’AUTOMNE. 


Août  15.  Œdipoda  rnigratoria.  Apparait. 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


25 


OBSERVATIONS  FAITES  A  DES  ÉPOQUES  DÉTERMINÉES. 


Etal  de  la  végétation  le  21  mars  1861. 


(Pour  la  Feuillaison  ,  on  représente  par  I ,  feuillage  complet  ;  3/4,  feuilles  aux  trois  quarts  de  leur  grandeur;  Vs,  moitié  grandeur;  V4,  quart  de  grandeur  ;  Us,  bourgeons 
ouverts  ou  très-petites  feuilles  initiales;  par  bourgeons ,  on  entend  seulement  ceux  qui  sont  à  moitié  ouverts;  et  par  0  absence  de  feuillaison) 


NOMS  DES  PLANTES. 

BRUXELLES. 

(M.  A.  Quete- 
let.) 

VILVORDE. 

[M.Wesmael.) 

ANVERS. 

(M.  Rigouts.) 

OSTENDB 

(M.  Lans* 
zweert.) 

LIÈGE. 

(M.  Dewal- 
que.) 

' 

SPA. 

(M.  Ilusson.) 

JEMEPPE. 

(M.  deBorre.) 

NAMUR. 

[M.  Bellynck.) 

WAREMME. 

(M.  de  Selys.) 

MELLE. 

(M.  Bernar¬ 
din.) 

MUNSTER 

(M.  Heis.) 

VIENNE. 

(51.  Fritsch.) 

Feuillaison. 

Æsculushippocastanum.  . 

Bourgeons. 

Bourgeons. 

Vs 

— 

Bourgeons. 

— 

Bourgeons. 

Bourgeons. 

— 

Bourgeons. 

0 

Bourgeons. 

—  pavia . 

— 

— 

—  • 

— 

— 

— 

— 

— 

t/S 

Alnns  giutinosa . 

— 

— 

«/s 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Vs 

0 

Araygdalus  communis.  .  . 

Bourg. 

— 

Bourg. 

— 

— 

— 

- 

|  ^ 

0 

Bourg. 

Vs 

—  persica . 

— 

— 

Id. 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourgeons. 

- 

Bourgeons. 

Bourg. 

Aristolochia  sipho . 

— 

— 

— 

— 

—  '  .. 

— 

— 

— 

Id. 

Arum  maculatum . 

— 

3/4 

0/4 

Vâ 

— 

3/4 

— 

3/4 

~ 

5  4 

t/a 

Betula  alba . 

— 

— 

t/s 

— 

0 

— 

0 

—  , 

Bourg. 

— 

Bourg. 

id. 

—  alnus . 

- 

Berberis  vulgaris . 

*/s 

— 

'/4 

— 

Vs 

Vs 

Bourg. 

— 

— 

Bourg. 

t/s 

0 

Bignonia  radicans . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Carpinus  betulus . 

— 

— 

Petits  hourg. 

— 

— 

— 

0 

- 

0 

— 

t/s 

0 

Cerasus  avium.  Mœncb.  . 

— 

Bourg. 

Cercis  siliquastrum  .... 

-TT-  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Vs 

Colutea  arborescens.  .  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

Corchorus  japonica  . '.  .  . 

— 

t/4 

— 

Vs 

— 

Bourg. 

- 

t/4 

Bourg. 

0 

V-2 

Cornus  mascula . 

— 

- 

0 

B  5 

— 

— 

— 

t/8 

t/4 

— 

Bourg. 

0 

—  sanguinea . 

—  | 

— 

t/s 

— 

— 

— 

— 

— 

t/8 

— 

t/S 

Corylus  avellana . 

Bourg. 

Bourg. 

B.  ouverts. 

3/4 

Petits  bourg. 

— 

Bourg. 

Bourg. 

—  ' 

t/S 

0 

Bourg,  j 

Cratægus  oxyacantha.  .  . 

— 

Id. 

t/4 

— 

Vs 

— 

Id. 

— 

t/s 

- 

Bourg. 

Id. 

Cytisus  laburnum . 

— 

Id. 

Bourg. 

- 

— 

- 

0 

- 

— 

— 

m. 

Id. 

Daphné  mezereum  .... 

t/4 

—  j 

t/a 

Bourg. 

Va 

Va 

.  1 B 1 

t/4 

— 

t/4 

1/4 

Va  ! 

Fragaria  vesca . 

— 

'/a 

Ginkgo  biloba . 

•  bb 

— 

•  — 

— 

— 

— 

— 

- 

0 

Gleditschia  horrida .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Hydrangea  hortensis  .  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

- 

t/s  j 

Juglans  régi  a . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Larix  europoea . 

— 

— 

■  — 

— 

Vs 

— 

0 

— 

— 

— 

t/s 

Liriodendron  tulipifera  .  . 

~ 

— 

— 

— 

— 

■  — 

— 

H 

Bourg. 

Lonicera  periclymenum  . 

t/a 

— 

3/4 

Bourg. 

t/4 

V2 

Vs 

— 

0 

1/4 

•  ta 

i/a 

—  symphoricarpos . 

t/4 

— 

t/4 

— 

t/4 

V4 

Vs 

V4 

t/4 

Bourg. 

J/S 

t/4 

—  xylosteum.  .  .  . 

I/2 

1 

t/a 

— 

— 

— 

V4 

1 

V4 

t/s 

t/s 

t/s 

24 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

BRUXELLES. 

V1LVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

LIÈGE . 

SPA. 

JE.MEPPE. 

N  A  M  L  R . 

WAUEMME. 

MELLE. 

MLNSTER. 

- ’ 

VIENS E 

Feuillaison  (suite). 
Magnolia  yulan . 

Vs 

Mespilus  germanica  .  .  .  . 

— 

1/4 

— 

'/s 

— 

— 

— 

0 

vs 

Philadelpluis  coronarius  . 

*u 

V4 

Vs 

— 

— 

— 

'/s 

— 

'/4 

Vs 

Vs 

H 

Populus  halsamifera  .  .  . 

- 

— 

— 

- 

— 

— 

- 

— 

•/S 

—  fastigiala  .... 

— 

— 

Bourgeons. 

— 

— 

— 

0 

Prunus  armeniaca . 

— 

- 

'  — 

— 

- 

— 

0 

— 

Bourgeons. 

— 

— 

B.iurgcor 

cerasus  . 

- 

— 

1/s 

- 

— 

— 

Bourgeons 

— 

ld. 

— 

Vs 

id. 

—  domeslica . 

— 

1|—  ' 

— 

— 

— 

— 

— 

- 

— 

- 

0 

—  padus . 

— 

Bourgeons. 

1/S 

- 

— 

- 

0 

Bourgeons. 

— 

— 

Vs 

Bourg 

Pyrus  communis . 

- 

ld. 

1/4 

- 

— 

— 

0 

- 

- 

— 

0 

ld. 

—  japonica . 

Va 

— 

i/a 

0 

Va 

— 

0 

— 

'/4 

1/8 

1/S 

1  4 

Rhus  cotinus . 

- 

- 

— 

— 

— 

- 

— 

— 

0 

— 

Vs 

Rihes  alpinum . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

- 

1/4 

■  — 

— 

1/4 

’a 

—  grossularia . 

Va 

— 

Va 

S/4 

Va 

1/4 

1/S 

1/4 

— 

*/4 

3/4 

1  . 

—  nigrum . 

Va 

— 

1/4 

— 

1/4 

'/S 

Vs 

1/4 

‘/4 

Vs 

—  ruhruni . 

Ô/4 

V4. 

1/4 

Petits  bourg. 

V4 

— 

Bourg. 

— 

Vs 

V4 

— 

's 

—  sanguineum  .... 

Va 

— 

— 

— 

— 

- 

—  ' 

— 

- 

1/S 

— 

's  ' 

—  Uva  crispa . 

— 

— 

1/8 

— 

— 

— 

— 

Vs 

— 

— 

— 

"4 

Rohinia  pseudo-acacia  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Rosa  centifolia . 

— 

— 

Bourg. 

— 

— 

Vs 

—  •- 

— 

— 

— 

Bourgeons. 

—  gallica . 

— 

- 

Vs 

— 

— 

Bourgeons. 

— 

1/s 

— 

— 

1/S 

Salix  habylonica . 

1/4 

- 

1$.  avancés. 

— 

1/4 

Id. 

Bourg. 

— 

Vs 

Bourgeoi  s. 

1/S 

Sambucus  nigra . 

Bourgeons. 

V4 

i/s 

— 

1/4 

Vs 

1/S  . 

1/4 

‘/4 

— 

>/s 

1  O 

Sorbus  aucuparia . 

— 

—  : 

1/s 

— 

— 

Bourg. 

— 

— 

— 

Bourg. 

— 

1  8 

Spiræa  sorbifolia . 

Va 

— 

‘/4 

- 

— 

Id. 

— 

— 

— 

— 

1/1 

1  - 

Stapbylæa  pinnata  .... 

- 

- 

Commence 

— 

— 

Id. 

Bourg. 

V'4 

- 

— 

— 

Bourg 

Syringa  persica . 

1/4 

— 

Vs 

— 

1/8 

Id. 

ld. 

1/4 

‘/S 

— 

's 

•s  1 

—  vulgaris . 

'/a 

1/4 

1/s 

— 

1/S 

Vs 

Vs 

1/4 

1/4 

"s 

1  s 

's  1 

Tilia  europæa . 

-  . 

- 

1/S 

— 

- 

— 

0 

— 

— 

Bourg. 

lllmus  campestris.  ... 

— 

— 

Bourg. 

— 

- 

- 

Bourg. 

— 

— 

ld. 

— 

0 

Viburnum  lantana . 

— 

— 

Vs 

- 

— 

— 

— 

1/S 

— 

— 

— 

's 

—  opulus  . 

’/4 

— 

l/s 

— 

i/s 

- 

i/s 

Bourg. 

— 

Bourg. 

Bourg. 

*s 

Vitis  vinifera . 

— 

— 

0 

— 

'  — 

— 

— 

— 

- 

0 

Floraison. 

Adoxa  moscatellina  .... 

— 

Commence. 

i  Alnus  glutinosa . 

— 

— 

Boulons 

- 

— 

Generale. 

— 

— 

Terminée. 

- 

Générale. 

Finie  : 

Anemone  hepatica  .... 

Commence. 

— 

— 

— 

Avancée. 

Id. 

- 

Avancée. 

Générale. 

Avancée. 

Id. 

Avancée 

—  nemorosa  .... 

— 

Partielle. 

— 

- 

_ 

- 

— 

Commencée. 

ld. 

'  Amygdalus  communis.  .  . 

— 

— 

0 

— 

— 

Commencée. 

— 

— 

- 

— 

— 

Boulons 

—  persica  .... 

— 

— 

0 

Boutons. 

— 

ld. 

— 

0 

- 

0 

— 

Id. 

Arabis  albida . 

” 

— 

Commenç1*. 

■ 

DES  PHÉNOMÈNES  PERIODIQUES 


25 


noms  des  plantes. 

BRUXELLES. 

VILVORDB. 

ANVBRS. 

oste:*de. 

LIEGE. 

SPÀ. 

JEMEPPB- 

NAMUR. 

WAREMME. 

MELLE. 

I 

ML  N  ST  EU. 

VIENNB. 

Floraison  (suite). 

- 

Arabis  lilacîna . 

— 

— 

— 

— 

Commenç10. 

- 

—  caucasica . 

— 

Arum  maculatum . 

— 

•»  H . 

En  spathe  vi¬ 
sible. 

Aubrietia  deltoïdea  .... 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Commence. 

Berberisvulgaris . 

— 

— 

0 

Bellis  pcrennis . 

Commence. 

Commence. 

— 

y 

Générale. 

Généralé. 

Partielle. 

Commence. 

— 

Commencée 

Générale. 

Commencée. 

Belula  alba . 

— 

— 

Commence. 

—  . . 

— 

— 

— 

0 

Terminée. 

Buxus  sempervirens  .  .  . 

Boulons. 

— 

— 

— 

—  ' 

— 

Boutons. 

0 

Commence. 

Commencée. 

Boutons. 

Cardamine  pratensis  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Id. 

Corchorus  japonica  .... 

— 

— 

0 

— 

— 

— 

0 

0 

— 

0 

— 

0 

Cornus  mascula . 

Commence. 

Avancée. 

Générale. 

— 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Avancée. 

Presque  finie. 

0 

Commencée. 

Commencée. 

_ 

Boutons. 

—  sanguinea  .  .  .  . 

■  — 

— 

Terminée. 

Générale. 

Corvlus  avellana . 

Terminée 

— 

Générale. 

Générale. 

Terminée. 

Finie. 

— 

Finie. 

Commencée 

Finie. 

Cralægus  oxyacantha.  .  . 

— 

— 

0 

Avancée. 

Générale. 

Crocus  vernus . 

_ 

Avancée. 

— 

— 

— 

"V 

■  ^  '  : 

Générale. 

Générale. 

Commencée. 

Daphné  mezereum  .... 

— 

— 

Générale. 

— 

Terminée. 

Générale. 

— 

Finie. 

Terminée 

— 

Id. 

Générale. 

—  laureola . 

— 

— 

— 

— ' 

.  — 

— 

— 

Générale. 

Eranthis  hiemalis . 

— 

— 

— 

—  * 

Terminée. 

Galanlhus  nivalis . 

Finie. 

•  —  . 

— 

•  — 

Générale. 

Générale. 

— 

Finie. 

Terminée. 

Générale. 

PresquefinieJ 

Glechoma  hederacea  .  .  . 

Commence. 

— 

— 

Commenç1®. 

— 

0 

Finie? 

Finie. 

— 

— 

— 

— 

— ‘ ■. 

Finie. 

Terminée. 

Finie. 

Helleborus  niger . 

Hyacinthus  botryoides 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Initiale. 

Avancée. 

Générale. 

Lamium  purpureum  .  .  . 

— 

Partielle 

— 

— 

— 

Générale. 

Partielle. 

Générale. 

— 

— 

Leontodon  taraxacum.  .  . 

— 

Commence. 

— 

— 

— 

Commenç*®. 

Initiale. 

Commencée. 

— 

■  _ 

Boutons. 

Luzula  vernalis . 

— 

Partielle. 

Magnolia  yulan . 

— 

— 

Boutons. 

Narcissus  pseudo-narcissu3. 

— 

— 

— 

—  . 

— 

Commencée. 

— 

0 

Boutons. 

Philadelphus  coronarius  . 

— 

— 

— 

— 

-r  ’  g 

— 

0 

Générale. 

Primula  auricula . 

Commence. 

— 

— 

— 

— 

— 

Initiale. 

Commence. 

— 

Commence. 

Commence. 

elatior . 

— 

— 

— 

officinalis . 

Commence. 

_ 

— 

— 

Générale. 

— 

— 

Commence. 

— 

— 

Commence. 

—  veris . 

_ 

_ 

— 

— 

Commenç1®. 

— 

0 

Générale. 

Générale. 

— 

— 

Boutons. 

Boutons. 

_ 

Boutons. 

— 

— 

Initiale. 

Id. 

— 

— 

Commencée. 

—  cerasus  . 

— 

— 

— 

0 

—  spinosa  . 

- 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Pyrus  communis . 

K 

_ 

Boutons. 

— 

— 

— 

Boutons. 

Boutons. 

—  japonica . 

— 

- 

Id. 

.  p 

Boutons. 

— 

0 

0 

— 

Commencée 

— 

—  malus . 

Terminée 

— 

— 

— 

0 

0 

Châtons. 

Populus  alba . 

— 

— 

—  fastigiata.  .  •  .  . 

— 

Commence. 

Boutons 

— 

Pet.  châtons 

— 

Générale. 

Pulmonaria  officinalis.  . 

— 

1  “ 

! 

Tome  XXXV. 


26 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

BRUXELLES 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTBNDB. 

LIEGE. 

SPA. 

JEMBPPE. 

! 

NAMUR. 

WAREMHB. 

MELLE. 

1  MUNSTER. 

- B 

vieam 

i 

- - 

Floraison  (suite). 

Ribes  grossularia . 

— 

— 

Boutons. 

— 

Boutons. 

— 

0 

—  nigrum . 

— 

- 

0 

— 

— 

— 

0 

— 

— 

Boulons. 

—  rubrimi . 

-- 

— 

0 

— 

— 

— 

0 

- 

— 

Id. 

—  sanguineum . 

— 

— 

0 

— 

— 

Boutons. 

— 

— 

Commence. 

—  uva  crispa . 

— 

— 

0 

- 

— 

— 

— 

0 

Ranunculus  ficaria  .... 

- 

Partielle. 

— 

— 

Générale. 

Boulons. 

Initiale. 

Commence. 

— 

— 

Boulon 

Salix  capræa . 

— 

— 

- 

— 

— 

Commencée. 

— 

Générale. 

Générale 

Générale. 

Senccio  vulgaris . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Initiale. 

Id. 

Syringa  persica . 

— 

- 

— 

— 

— 

— 

0 

—  vulgaris . 

— 

— 

- 

— 

— 

— 

0 

Tussilago  farfara . 

— 

Partielle. 

Ulmus  campestris . 

- 

Terminée. 

Petits  bout-. 

— 

— 

- 

— 

0 

Viola  odorata . 

Commence. 

Commence. 

— 

— 

— 

Commencée. 

Générale. 

Générale. 

Commence. 

• 

Générale. 

Bouton 

—  tricolor . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

—  * 

Id. 

Vinca  minor . 

Commence. 

Boutons. 

Commence. 

Avancée. 

— 

Boulon» 

État  de  la  végétation  le  21  avril  1861. 

(Pour  la  Feuillaison  voyez  la  note 

en  tète  du 

premier  tableau  ) 

Feuillaison. 

Acer  pseudo-platanus .  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourgeons. 

Æsculus  hippocastanuni.  . 

— 

Vi 

3/4 

— 

3/4 

Va 

t/4 

t/4 

1/4 

I/o 

1/2 

3/4 

—  paria . 

- 

1/2 

— 

- 

— 

— 

- 

— 

— 

3  4 

Alnus  glutinosa . 

— 

— 

3/4 

— 

— 

Boutons. 

— 

*/4 

!/s 

I/o 

t/4 

Amygdalus  persica . 

— 

— 

3/4 

— 

— 

t/2 

— 

t/2 

— 

l/i 

— 

V* 

Aristolochia  sipbo . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Vs 

Arum  maculatum . 

— 

— 

1 

— 

— 

1 

‘/a 

1 

1 

1 

1  | 

Berberis  vulgaris . 

— 

»/* 

Va 

— 

s/4 

t/2 

5/4 

t/2 

3/4 

3/4 

3/4 

3  4  ; 

Betula  alba . 

— 

—  ' 

«/a 

— 

Vs 

*/8 

‘/4 

»/4 

t/4 

I/o 

Vs 

3,4 

Bignonia  catalpa . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourgeons. 

Carpinus  betulus . 

— 

Bourgeons. 

Bourg. 

— 

— 

Bourg. 

‘/S 

t/4 

‘Z® 

Vs 

‘/4 

l 'O  | 

Cerasus  avium . 

— 

«/4 

Corcborus  japonica  .  .  .  . 

— 

— 

t/2 

— 

3/4 

t/4 

*/2 

1 

— 

Gelé. 

t/4 

t.2  j 

Cornus  mascula . 

— 

— 

t/s 

- 

— 

Bourgeons. 

— 

4/4 

Vs 

Vs 

1/4 

1  4 

—  sanguinea . 

— 

— 

3/4 

— 

— 

— 

t/4 

— 

3/4 

Corylus  avellana . 

— 

‘/s 

0/4 

V4 

t/2 

*/s 

*/2 

‘/2 

»/4 

I/o 

t/4 

i  j 

Cratægus  oxyacantha  .  .  . 

— 

Va 

3/4 

‘/s 

t/2 

3/4 

3/4 

1 

t/2 

3/4 

s/4 

Va 

Cytisus  laburnum . 

— 

— 

»/4 

— 

— 

‘/4 

*/S 

t/4 

0 

Bourgeons. 

V4 

i/j 

Daphné  mezereum . 

_  8 

3/4 

— 

— 

1 

1 

1 

1 

1 

— 

1 

I 

1 

DES  PHÉNOMÈNES 


noms  des  plantes. 

BRUXELLES 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENOE. 

LIÈGE. 

Feuillaison  [suite). 
îvonymus  europæus  .  .  . 

_ 

— 

?agus  sylvatica . 

— 

Bourgeons 

— 

— 

T  ' 

Fraxinus  ornus . 

—  excelsior  .  .  . 

_ 

Id. 

— 

— 

Va 

Ginkgo  biloba . 

— 

— 

— 

— 

— 

Gleditschia  horrida  .... 

— 

— 

-  * 

— 

— 

Hydrangea  horlensis  .  .  . 

— 

— 

— 

— 

' 

Juglans  regia . 

— 

— 

’T 

Larix  europæa . 

— 

— 

|  "Jf  J 

0/4 

Liriodendron  tulipifera  .  . 

— 

— 

— 

— 

Lonicera  periclymenura.  . 

— 

— 

1 

4/4 

1 

—  xylosteum .... 

— 

— 

S/4 

— 

— 

alpigena.  .  .  •.  . 

— 

— 

— 

— 

—  symphoricarpos . 

— 

— 

3/4 

— 

i 

Magnolia  yulan . 

Mespilus  germanica .  .  .  . 
Philadelphus  coronarius.  . 

— 

1/2 

i/o 

5/4 

3/4 

— 

Platanus  orientalis  .... 

— 

— 

— 

— 

Populus  alba . 

— 

Bourgeons. 

— 

— 

— 

—  fastigiata . 

— 

— 

4/4 

— 

Vs 

_ 

— 

— 

— 

— 

Prunus  armeniaca.  .  .  . 

— 

— 

— 

— 

cerasus . 

— 

— 

1 

— 

—  domestica  .  .' 

— 

— 

— 

— 

— 

padus . 

— 

— 

5/4 

— 

— 

Pyrus  commuais . 

— 

— 

I/o 

Boutons. 

0/4 

cydonia . 

— 

— 

. — 

— 

—  japonica  . 

— 

— 

1 

1 

malus . 

— 

— 

— 

— 

— 

Quercus  robur . 

— 

— 

— 

— 

— 

Ribesrubrum . 

— 

— 

1 h 

— 

1 

—  sanguineum . 

— 

— 

— 

— 

—  nigrum . 

— 

— 

I/o 

— 

l 

grossularia  .... 

— 

— 

3,4 

1/2 

1 

—  uva  crispa . 

— 

— 

*.4 

Rhus  conaria . 

— 

— 

— 

— 

— 

—  cotinus . 

— 

— 

— 

— 

— 

Rosa  cenlifolia . 

—  gallica . 

_ 

: 

V-2 

1/2 

—  rubiginosa.  .  .  .  . 

— 

— 

— 

| 

— 

|  Robinia  pseudo  acacia  .  . 

- 

i.s 

|  - 

— 

1  Salix  babylonica . 

— 

1/4 

1  4  4 

! 

i  9 

'4 

PÉRIODIQUES.  27 


SPA. 

’ 

JEMBPPE. 

NAMUR. 

WÀREMME. 

MELLE. 

MUNSTER. 

YIENNE. 

— 

— 

0 

— 

Vi 

Vs 

Vs 

_ 

— 

— 

— 

Petits  bourg. 

— 

— 

— 

— 

‘/2 

— 

— 

— 

— 

Petits  bourg. 

1/2 

5/4 

1/4 

3/4 

— 

Vâ 

5/4 

— 

— 

— 

— 

Vs 

3/4 

3/4 

1 

l 

‘/2 

3/4 

1 

0/4 

1 

1 

I 

— 

3/4 

1 

_ 

— 

— 

— 

— 

3/4 

— 

— 

— 

— 

3/4 

— 

— 

i 

V-4 

— 

i 

Bourgeons. 

— 

— 

1/4 

1/2 

4/4 

1/4 

— 

1/4 

1/4 

— 

— 

1/4 

— 

— 

— 

— 

1 

1/2 

1/2 

5/4 

— 

1 

4/4 

1/4 

1/2 

1/4 

1/4 

1 

1/4 

Vs 

Vs 

— 

1/2 

‘/4 

— 

— 

4/4 

l/S 

Vs 

i 

1/2 

3/4 

*/2 

1 

1/4 

1/2 

1/2 

1/4 

1/2 

1/4 

3/4 

— 

I/o 

— 

— 

— 

i/s 

1/4 

— 

— 

i 

— 

5/4 

— 

3/4 

Bourg. 

— 

0 

_ 

— 

_  — 

— 

Vs 

3/4 

3//. 

1 

t 

i 

3/4 

3/4 

3/. 

i 

1 

— 

3/4 

5/4 

3/4 

— 

l 

1 

1 

1 

, 

— 

S/4 

_ 

— 

— 

Bourgeons. 

— 

— 

— 

— 

Id. 

_ 

’  4/4 

0 

0 

— 

i  - 

Bourg. 

Bourgeons. 

4/S 

1/4 

1/2 

i 

— 

|  - 

4/2 

1/2 

I/o 

28 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

BRUXELLES. 

V1LVOBDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

LIÈGE. 

SPA. 

JBMEPPE. 

» 

NAMUR . 

Fcuilluison  [suite). 

Sambucus  nigra . 

— 

1/2 

1/2 

— 

0/4 

1/2 

1/2 

0/4 

Spirœa  sorbifolia . 

— 

— 

0/4 

— 

0/4 

I/o 

_ 

—  bypericifolia .... 

— 

— 

— 

- 

— 

_ 

_ ' 

Sorbus  aueuparia . 

- 

— 

3/4 

— 

— 

_ 

— 

_ 

Syringa  persica . 

— 

— 

3/4 

— 

1/2 

— 

— 

—  vulgaris . 

— 

l/-> 

5/4 

1/2 

3/4 

_ 

0/4 

t 

Staphylæa  pinnata . 

— 

— 

1/2 

— 

— 

V4 

1/4 

Tilia  europæa.  .  .  . 

— 

1/4 

1/2 

- 

1/2 

bourgeons. 

1/2 

1/2 

Ulmus  campestris  .... 

- 

— 

1/2 

— 

— 

Vs 

1/4 

1/4 

Viburnum  opulus  .  . 

— 

— 

1/4 

— 

0/4 

1/4 

1/2 

1 

Vilis  vinifcra  .... 

1/., 

\ 

Floraison 

Æsculus  hippocaslanum.  . 

— 

— 

Petitsbout. 

— 

Pelitsbout. 

—  pavia . 

— 

— 

— 

— 

— 

-1- 

— 

_ 

Anenione  hepatica  .  .  . 

— 

— 

— 

— 

Terminée. 

Terminée. 

— 

Finie. 

—  nemorosa . 

— 

- 

— 

— 

Avancée. 

Générale. 

— 

Id. 

Amygdalus  persica . 

— 

— 

Totale. 

Quelq.  fleurs. 

— 

Presquefinie. 

— 

_ 

Alnus  glutinosa . 

— 

— 

Commenç,e. 

— 

— 

— 

_ 

Arabis  albida . 

— 

— 

— 

— 

Avancée. 

—  lilacina . 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

Arum  maculalum . 

— 

— 

Commença. 

— 

_ 

_ 

_ 

Belula  alba . 

- 

— 

En  chatons. 

Bellis  perennis . 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Berberis  vulgaris.  .  . 

— 

Petits  bout. 

- 

Petits  bout. 

— 

— 

_ 

Buxus  sempervirens .... 

- 

— 

— 

— 

Terminée. 

— 

Fleurs. 

Générale. 

Carpinus  betulus.  .  .  . 

— 

— 

— 

- 

Générale. 

Cardamine  pralensis.  .  .  . 

— 

Partielle. 

— 

— 

Générale. 

— 

Avancée. 

_ 

Caltha  palustris . 

— 

Totale. 

- 

— 

Générale. 

Générale. 

— 

Générale. 

Cerasus  avium  .... 

— 

Générale. 

Cheirantbus  cbeiri .  .  .  . 

- 

— 

— 

— 

Générale. 

— 

— 

Commencée. 

Chelidonium  majus  .... 

— 

— 

— 

_ 

— 

_ 

Convallaria  maialis . 

— 

— 

— 

— 

Petits  bout. 

Cornus  mascula . 

- 

— 

Finie. 

— 

— 

Finie. 

— 

Finie. 

—  sanguinea . 

— 

— 

Gros  bout. 

Corchorus  japonica . 

— 

— 

Gros  bout. 

— 

Commenç,c. 

Bout,  prêts 

Initiale. 

Générale. 

Corylus  avellana . 

— 

— 

Terminée. 

— 

— 

Finie. 

— 

Finie. 

Cralægus  cotoneaster  .  .  . 

— 

Commençlc. 

—  oxyacantha  .  .  . 

— 

— 

Gros  bout. 

Crocus  vernus . 

- 

— 

— 

-- 

— 

Finie. 

— 

Finie. 

Cvtisus  iaburnum . 

— 

— 

Petits  bout. 

WAREMME. 

MELLE . 

MCNSTER. 

VIOHFj 

1/2 

3/4 

«/* 

| 

_ 

i  * 

— 

1 

1 

0 '4 . 

•*/| 

Bourg,  ouv. 

3/4 

1Sa 

— 

f/5 

Vs 

's 

!/4 

1/4 

1  s 

«/* 

1/4 

1/2 

1/4 

3.4 

• 

Bourgeons. 

1/8 

_ 

Boutons. 

Terminée. 

— 

Finie. 

Finie. 

id. 

Terminée. 

Presquefinie. 

Presque  fini 

— 

Terminée. 

Générale. 

Boutons. 

Generale 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

— 

Boutons. 

— 

Boutons. 

Terminée. 

Commcnç’*. 

Commencée. 

Prcsqueûni- 

Générale. 

— 

Générale. 

Generale. 

Générale. 

— 

Générale. 

Boulons* 

— 

— 

— 

Initiale. 

— 

Commença. 

Terminée. 

— 

Finie. 

Finie.  1 

— 

Gele. 

Boutons. 

0 

Terminée. 

Finie. 

Finie.  1 

Terminée. 

Terminée. 

Finie. 

Finie. 

DES  PHENOMENES  PERIODIQUES. 


29 


i 


NOMS  DES  PLANTES. 

BRUXELLES. 

V1LVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

LIEGE. 

SPA: 

JEMEPPE. 

N  A  MU  R. 

WAREMMB. 

MELLE. 

MUNSTER. 

VIENNE. 

Floraisou  (suile). 

Dapbnelaureola . 

- 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Finie. 

— 

— 

— 

Finie. 

mezereum . 

— 

— 

Sc  termine. 

— 

- 

— 

— 

Id. 

— 

— 

Finie. 

Diclylra  eximia . 

— 

— 

— 

— 

Avancée. 

Draba  cærulea . 

— 

Avancée. 

Epitnedium  alpinum .  . 

— 

Partielle. 

Eranlhis  biemalis . 

— 

— 

— 

-- 

Terminée. 

Erica  herbacea . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Finie. 

Fritillaria  imperialis.  .  .  . 

- 

— 

-  — 

— 

— 

— 

— 

Id. 

Générale. 

Generale. 

Finie. 

Générale. 

Galanthusnivalis . 

— 

— 

— 

— 

■f-.’  ' 

Finie. 

jj  — 

Id. 

— 

- 

Id. 

Finie. 

Glechoma  bederacea.  .  .  . 

- 

Totale. 

— 

— 

— 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

— 

— 

Avancée. 

Presquefinie. 

Glycine  sinensis . 

— 

— 

— 

-  — 

-  — 

— 

■  —  . 

- 

— 

Gelé. 

Hyacinthus  amethystinus. 

- 

— 

— ■ 

— 

— 

— 

Initiale. 

— 

presquefinie. 

— 

Avancée. 

botryoïdes  *  . 

— 

— 

— 

— 

Avancée. 

Commencée 

Avancée. 

— 

Id. 

— 

Id. 

—  .  racemosa  .  .  . 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

*■ 

Iris  pumila . 

— 

Commenç,e. 

iberis  sempervirens  .... 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

Lamium  album . 

. 

Partielle. 

— 

— 

Commenç". 

Commencée. 

Commenç10. 

Générale. 

— 

— 

Générale. 

—  purpureum.  .  .  . 

— 

Totale. 

— 

— 

— 

Générale. 

Générale. 

Id. 

Générale. 

Générale. 

Id. 

Générale. 

Leontodon  laraxacum  .  .  . 

— 

Générale. 

— 

— 

Générale. 

Id. 

Partielle. 

Id. 

— 

— 

Commencée. 

Avancée. 

Lonicera  alpigena . 

'  - 

- 

— 

— 

— 

Boutons. 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

—  periclymenum  .  . 

— 

— 

Petits  bout. 

- 

—  symphoricarpos  . 

- 

— 

id. 

—  xylosteum  .... 

— 

— 

Id. 

—  biflora . 

- 

— 

— 

— 

Commenç*8. 

Magnolia  yulan . 

—  . 

Gros  bout. 

Très-avancée. 

— 

Avancée. 

*  ~ 

— 

Finie. 

Mespilus  gçrmanica  .... 

- 

Petits  bout. 

\ 

Muscari  botryoïdes . 

— 

— 

— 

— - 

|  — 

— 

— 

Id. 

^arcissuspseudo  narcissus. 

— 

— 

— 

— 

Presquefinie. 

- 

Id. 

- 

Terminée. 

Avancée. 

Orobus  vernus . 

,.  — 

— 

— 

— 

— : 

Boutons. 

— 

— 

- 

Id. 

— 

Presquefinie. 

Philadelphus  coronarius.  . 

— 

0 

Planlago  lanceolata  .... 

— 

Boutons. 

Pæonia  officinalis . 

— 

— 

— 

— 

Petits  bout. 

Populus  alba . 

— 

— 

•  — 

- 

Terminée. 

Finie. 

s 

— 

Terminée. 

— 

Finie. 

Finie. 

—  fasligiala  .... 

— 

— 

Commenç,c. 

— 

Id. 

Id. 

Primula  auricula . 

— 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

— 

Générale. 

Générale. 

— 

Générale. 

Finie. 

—  elalior . 

— 

— 

— 

— 

Id. 

— 

Id. 

Id. 

— 

Avancée. 

—  officinalis . 

— 

— 

— 

— 

— 

prcsqucGnic. 

— 

Id. 

Id. 

— 

Id. 

Générale. 

—  vcris . 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

Générale. 

Avancée. 

Id. 

■'  — '  ■ 

— 

Générale. 

5runus  armeniaca . 

— 

— 

— 

'  — 

— 

presquefinie. 

— 

Finie. 

— 

Terminée. 

—  cerasus . 

a  — 

— 

Petits  bout. 

— 

— 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Commencée. 

— 

Initiale. 

—  domestica . 

— 

— 

— 

— 

— 

Commencée. 

— 

Id. 

Id. 

— 

— 

Boutons. 

—  aviuni . 

— 

Partielle. 

30 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 


XELLE9. 

VIl.VORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

LIÈGE. 

SPA. 

JE.UEPPE. 

N  AMI  R. 

WAREMME. 

MELL  B. 

bi-sster. 

VIIME. 

0 

Commencée. 

Générale. 

Boutons. 

Commencée 

Commencée 

— 

— 

■"  — 

— 

— 

— 

— 

PresqueGnic. 

Générale. 

_ 

_ 

A  vancee 

— 

Avancée. 

— 

— 

— 

Générale. 

— 

— 

— 

— 

- 

Finie. 

— 

— 

Avancée. 

Routons. 

— 

Commencée. 

— 

Générale. 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

_ 

— 

Boutons. 

— 

Commenç1®. 

Gros  bout. 

Qüelq.  fleurs. 

Générale 

— 

— 

Générale. 

_ 

Générale. 

Generale. 

Generale 

_ 

— 

— 

— 

— 

Commenç'0. 

— 

Commencée. 

_ 

— 

— 

— 

Avancée. 

Générale. 

Trcs*avancée. 

Finie. 

Générale. 

Générale. 

Finie. 

Presque  finit 

_ 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Terminée. 

Id 

_ 

— 

Avancée. 

— 

Générale. 

Générale. 

Avancée. 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Avancée. 

_ 

— 

id. 

— 

Id. 

Id. 

Id. 

Finie. 

Id. 

Terminée. 

commencée. 

_ 

— 

— 

— 

— 

Id. 

Id. 

Id. 

Id. 

— 

Générale. 

_ 

— 

0 

— 

— 

Id. 

Id. 

Id. 

Id. 

—  • 

(  ommencée. 

— 

— 

Gros  bout. 

— 

Générale. 

Id. 

— 

— 

— 

— 

— 

Finie. 

_ 

Chatons  peu 

visibles. 

— 

— 

— 

— 

— 

Finie. 

— 

Finie. 

Terminée. 

— 

Finie. 

Finie. 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

— 

— 

Petits  bout 

— 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

X — 

Générale. 

— 

— 

— 

Presque  finie 

— 

— 

li.  avancés. 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Commencée. 

— 

— 

Gros  bout. 

_ 

Boutons. 

_ 

_ 

— 

— 

— 

Boutons. 

— 

— 

Petits  bout. 

Quelq.  fleurs. 

Petits  bout. 

Boutons. 

Boulons. 

— 

— 

Commencée. 

Boutons. 

Boutons. 

— 

— 

id 

— 

Id. 

— 

— 

— 

— 

Boulons. 

— 

-T-  . 

— 

— 

Boutons. 

— 

- 

1  — 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Avancée. 

— 

— 

-  Commenç1'’. 

_ 

— 

0 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Boutons. 

_ 

Boutons. 

_ 

— 

— 

— 

— 

Terminée. 

— 

Finie. 

Terminée. 

Terminée. 

Prvsqueûnie 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

Générale. 

— 

Générale. 

Générale. 

Id. 

ld. 

—  ■ 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Boulons. 

Floraisou  (suite). 
Prunus  padus . 

—  spinosa . 

Pulmonaria  officinalis  .  .  . 
Pyrus  communis . 

—  eydonia . 

—  japonica . 

— ■  malus . 

Ranunculus  ficaria . 

Rhododendron  dahuricum. 
Rihes  nigrum . 

—  rubrum . 

—  sanguineum . 

—  uva-erispa . 

—  grossularia . 

Salix  babvlonica . 

—  capræa  . 

Saxifraga  crassifolia  .  .  . 

Sambucus  nigra . 

Senecio  vulgaris . 

Sorbus  aucuparia . 

Spiræa  sorbifolia . 

Scilla  nulans . 

Staphylea  pinnata  .  .  .  . 

Svringa  vulgaris . 

persica . 

Tulipa  gesneriana  .  .  .  . 

Tussiiago  pelasites . 

Ulmus  campestris . 

Viburnum  opulus . 

Viola  odorata . 

Vinca  minor . 

Vilis  vinifera . 


OBSERVATIONS. 


Malgré  le  froid  excessif  qui  a  régné  les  8  et  9  janvier  1861  et  qui  a  fait  descendre,  à  Waremme,  le  thermomètre  à  —  2P  c.,  la  feuil¬ 
laison  et  la  floraison  sont  plus  avancées  le  21  avril  de  cette  année  qu’en  1860,  malgré  trois  semaines  de  bise  qui  ont  précédé  cette  daie. 
Voici  les  végétaux  qui  ont  plus  ou  moins  souffert  de  ce  froid  : 

Taxodium  sempervirens.  Mort.  —  Quercus  lessoinnei.  Mort.  —  llex  aquifolium.  Gelc  jusqu’au  pied. 

Vitis  vinifera  (en  espalier).  Gelé  jusqu’au  pied.  —  La  vigne  d’Amérique  en  Ceps  n’a  pas  souffert. 

—  Quant  à  YHedera  hélix,  le  Taxus  baccata,  le  Ccdrus  libani  qui  mourra  probablement ,  le  P  inus 
marilima  qui  mourra  aussi  probablement,  le  Buxus  sempervirens  et  le  Rhododendrum  puncticum ,  leurs 
feuilles  et  branches  ont  été  en  partie  gelées. 

A  cette  liste  il  faut  ajouter  encore  d’autres  végétaux  qui  souffrent  souvent  d’un  froid  moindre  :  Ainsi,  le  Daphné  laureola,  I  Aucuba 
japonica,  le  Prunus  lauro-cerasus ,  le  Jasminium  officinale.  Divers  Castanea  vesca  et  Prunus  persica  ont  eu  des  pousses  gelées,  et  par 
contre  les  plantes  suivantes  ont  résisté ,  quoiqu’elles  aient  péri  à  Waremme  pendant  des  hivers  moins  rigoureux  :  Ginkgo  biloba .  Paulownia 
imperialis,  Cryptameria  japonica.  (Edm-  de  Selys-Lokochamps.) _ ^ 


DES  PHENOMENES  PERIODIQUES. 


31 


Etat  de  la  végétation  le  21  octobre  1861. 

(Les  chiffres  0,  V4,  Va,  5/4,  1,  indiquent  la  quantité  des  feuilles  restant  sur  les  arbres.) 


NOMS  DES  PLANTES. 

BRUXELLES. 

VI  LVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JE  MF.  PPE. 

NV  A  REMUE. 

MF.LLE. 

MUNSTER. 

VIENNE. 

Effeuillalson. 

* 

Acer  campestre . 

- 

ô/4 

— 

'  .-4  » 

— 

— 

Va 

—  negundo  . 

— 

— 

— 

— 

— 

3/4 

- 

V4 

1  ‘/4 

—  pseudo-platanus  .  .  . 

Va 

— 

0 

— 

1 

V4 

- 

3/4 

Va 

Æseulus  hippocastanum.  . 

‘/4 

— 

5/4 

— 

3/4 

S/4 

S/4 

1/2 

1/4 

—  pavia . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

3/4 

Alnus  glulinosa . 

— 

1 

Amygdalus  coraraunis  .  .  . 

— 

- 

— 

-  — 

— 

— 

1/4 

—  persica . 

1/2 

— 

1 

3/4 

i 

4 

S/4 

1 

Va 

Aristolochia  sipho . 

- 

— 

0 

— 

‘/s 

S/4 

1/4 

Va 

0/4 

Berberis  vulgaris . 

S/4 

— 

1 

— 

1 

1 

Va  * 

3/4 

Va 

Betula  alba . 

Va 

— 

‘/a 

— 

i/â 

S/4 

V4 

i/a 

Va 

—  alnus . 

— 

- 

— 

—  î 

— 

3/4 

3/4 

5/4 

1/4 

Bignonia  catalpa . 

— 

1 

3/4 

— 

1 

t 

S/4 

S/4 

i/a 

—  radicans . 

— 

— 

— 

— 

— 

3/4 

Carpinus  betulus . 

— 

I 

1 

—  | 

3/4 

1 

3/4 

4 

l/a 

Cercis  siliquastrum . 

— 

- 

t 

— 

— 

1 

Va 

1/4 

S/4 

Corchorus  japonica.  .  •  .  . 

- 

- 

— 

— 

„  — 

— 

S/4 

Cornus  mascula . 

1 

— 

1 

— 

— 

1 

Va 

1 

4 

—  sanguinea . 

— 

1 

Va 

1 

4 

S/4 

S/4 

Va 

Corylus  avellana . 

5/4 

— 

V* 

— 

— 

— 

Va 

— 

0 

Cralægus  oxyacantha  .  .  . 

3/4 

1 

1 

S/4 

3/4 

4 

S/4 

3/4 

1/4 

Cytisus  laburnum . 

Va 

- 

3/4 

‘  — 

S/4 

3/4 

S/4 

S/4 

l 

Evonymus  europæus.  .  .  . 

— 

- 

3/4 

— 

3/4 

1 

S/4 

S/4 

Va 

Fagus  castanea . 

— 

— 

Va 

— 

.S/4 

3/4 

- 

S/4 

—  sylvatica . 

— 

- 

3/4 

— 

Va 

3/4 

- 

S/4 

3/4 

Ficus  carica . 

' 

— 

— 

— 

1 

1 

- 

4 

Fraxinus  excelsior . 

— 

î 

1 

|  - 

1 

1 

— 

S/4 

3/4 

Gleditschia  horrida . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

S/4 

triacanthos  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

‘/S 

- 

1/8 

Glycine  sinensis . 

1 

— 

1 

1 

1 

S/4 

4 

Ginkgo  biloba . 

— 

— 

1 

— 

— 

1 

1 

0 

4 

Hydrangea  hortensis.  .  .  . 

— 

- 

1 

— 

— 

1 

4 

Va 

! 

Juglans  regia . 

3/4 

3/4 

Va 

— 

1 

Va 

1/4 

Va 

Ligustrum  vulgare . 

— 

— 

1 

— 

1 

1 

3/4 

1 

5/4 

Liriodendron  tulipifera  .  . 

— 

t 

9  —  '  ' 

— 

— 

3/4 

Va 

1/4 

Larix  europtea . 

— 

1 

— 

s/4 

i 

— 

1 

4 

Lonicera  xylosteum  .... 

— 

— 

V4 

— 

— 

4 

— 

Va 

0 

—  symphoricarpos. 

— 

—  | 

■ 

—  . 

— 

— 

S/4 

Magnolia  tripetala . 

- 

— 

— 

— 

— 

i 

- 

*/a 

—  yulan . 

— 

1 

52 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

BRUXELLES. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEMEPPE. 

WABEMME. 

MELLE. 

MUNSTER. 

VIENNE. 

Effcuillaison  (suite). 

Mespilus  germanica  .... 

— 

— 

_ 

— ' ■ 

— 

— 

3/4 

Morus  alba . 

5/4 

— 

1 

— 

— 

1 

5/4 

1/4 

l/a 

Paulownia  imperialis  .  .  . 

- 

— 

1/4 

— 

— 

i 

— 

1/-J 

3/4 

Platanus  oceidenlalis.  .  .  . 

— 

— 

Va 

— 

— 

- 

- 

— 

I/o 

Philadelphus  coronarius.  . 

3/4 

i/a 

l/a 

— 

5/4 

i 

5/4 

5/4 

1  O 

Populus  alba . 

— 

5/4 

l/a 

— 

' 

i/a 

1  4 

i/o 

I/O  ; 

— -  balsamifera  .... 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

—  virginica . 

— 

— 

l/a 

— 

— 

1/4 

— 

‘/4 

Prunus  cerasus . 

Va 

— 

i/a 

— 

.  s/4 

1 

I/o 

5/4 

5  4 

1  domestica . 

— 

— 

— 

— 

i 

1 

— 

i/o 

«« 

—  armeniaca . 

— 

1 

— 

l/a 

t 

1 

3/4 

i 

—  padus . 

— 

0 

‘/a 

- 

‘/4 

1/4 

— 

0 

0 

Pyrus  communis . 

5/4 

3/4 

1 

—  - 

‘/a 

1 

i/o 

I/o 

‘/a 

—  japonica.  ...... 

— 

— 

1/4 

— 

— 

1 

i 

i 

0 

—  malus . 

Va 

— 

0/4 

— 

3/4 

1 

I/o 

1/2 

Quercus  robur . 

5/4 

— 

î 

— 

1 

1 

- 

1 

Rhus  coriaria . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

5/4 

—  cotinus . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

3/4 

Ribes  alpinum . 

- 

— 

0 

— 

3/4 

1 

— 

3/4 

0 

|  —  grossularia . 

1/4 

— 

0 

— 

1/4 

l/a 

- 

1/4 

‘/4 

1  —  rubrum . 

1/4 

— 

0 

— 

0 

i/a 

‘/4 

0 

—  nigrum . 

— 

— 

0 

— 

3/4 

5/4 

3/4 

0 

—  sanguincum . 

— 

— 

0 

— 

l/a 

Va 

— 

ô/4 

Rosa  gallica . 

— 

5/4 

— 

— 

3/4 

— 

1/2 

I/o 

Robinia  pseudo-acacia.  .  . 

l/a 

1 

i/a 

— 

1 

i 

— 

i/a 

I/o 

Rubus  idæus . 

i/a 

— 

1/4 

— 

I 

— 

— 

i/a 

Va 

i  Sambucus  nigra . 

i/a 

1 

\ 

- 

5/4 

i/o 

i/a 

t 

Salix  babylonica . 

i/a 

— 

5/4 

.  — 

1 

i 

3/4 

1 

3,4 

j ,  Sorbus  aucuparia . 

5/4 

— 

i/a 

- 

5/4 

0 

1/4 

3/4 

Stapbylea  pinnata . 

— 

— 

0 

— 

1/4 

i 

— 

‘/a 

0 

Syringa  vulgaris . 

‘/4 

1 

3/4 

— 

3/4 

3/4 

3/4 

i/a 

>(4 

Tilia  europæa . 

0 

— 

5/4 

— 

1/4 

i 

l/a 

Va 

3  4 

Illmus  campestris . 

1/4 

3/4 

1 

— 

i 

i 

5/4 

I/o 

3/4 

3/4 

1 

1/4 

— 

5/4 

i 

3/4 

i  i 

Viburnum  lantana . 

— 

— 

— 

i 

opulus . 

— 

■  ^ 

I 

- 

5/4 

5/4 

5/4 

•  4 

« 

—  oxycoccos .... 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

1/4 

Floraison. 

Aster . 

— 

— 

Générale. 

— 

- 

Générale. 

Terminée. 

Daldia . 

— 

— 

ld. 

— 

— 

— 

Avancée 

— 

Fleurs  gelée*. 

Hedera  hélix . 

— 

- 

Presque  finie. 

— 

- 

Commence. 

Helianthus  luberosus  .  .  . 

_ 

_ 

La  lige  a  péri 

_ 

_ 

ld. 

Terminée. 

sues  !lorui,on. 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


53 


OBSERVATIONS  PARTICULIÈRES. 


Waremme.  —  Les  oiseaux  d’hiver  Parus  ater ,  Fringilla  montifringilla , 
Cornus  cornix ,  Grus  (passage),  sont  arrivés  au  21  octobre.  L’effeuillaison,  cette 
année,  s’est  faite  très-tardivement,  mais  moins  tard  cependant  qu’en  1858.  La 
première  gelée  blanche  bien  caractérisée  a  eu  lieu  le  21  octobre.  Ce  n’est  que  ce 
jour-là  que  les  feuilles  des  Balsamines,  des  Paulownia,  des  Dahlias  et  des  Capu¬ 
cines  ont  été  atteintes. 

(Edm.  de  Selys-Longchamps.) 


Melle.  —  Divers  oiseaux  d’hiver  sont  arrivés  au  21  octobre.  —  Les  Hiron¬ 
delles  (H.  rustica)  sont  parties  le  28  septembre,  toutes  en  une  seule  fois;  après 
cette  date,  on  n’en  a  plus  vu  une  seule. 

(Bernardin.) 


Anvers.  —  Par  suite  des  rigueurs  de  l’hiver  1860-1861 ,  beaucoup  d’arbres  et 
d’arbust.es  ont  considérablement  souffert,  à  tel  point,  qu’une  partie  importante 
de  leurs  branches  s’est  desséchée.  Ce  sont  surtout  :  Salix  babylonien ,  Betula 
alba ,  Liriodendron  tulipifera,  Paulownia  imperialis  >  Bignonia  catalpa , 
Gleditschia  inermis  et  triacanthos ,  Plalanus  occidentalis  et  orientalis ,  Guir- 
landina  bonduc ,  Fit  ex  Agnus  -  castus ,  Daphné  pontica  et  Cercis  sili- 
quastrum. 

Les  Zizgphus  volubilis  et  Ficus  carica  qui  se  trouvent  depuis  vingt  ans  au 
Jardin,  et  que  l’on  couvrait  habituellement  au  bas  du  tronc  avec  un  léger  paillas¬ 
son,  ont  été  gelés  jusqu’à  la  racine  :  celle-ci  a  repoussé,  mais  faiblement. 

VUrtica  cannabina  qui  compte  quinze  années  d’existence,  est  mort  totale¬ 
ment.  Sont  également  perdus  :  Nandina  domeslica,  Ligustrum  japonicum , 
Spartium  junceum ,  Tamarix  gcdlica,  Ulex  europœus  (fl.  du  pl.),  Genista 
tinctoria,  Jasminum  wcdlichianum  ainsi  que  plusieurs  plantes  herbacées 
vivaces. 

Les  plantes  à  feuilles  persistantes  ont  été  fortement  endommagées;  à  la  fin  du 
printemps  elles  étaient  dépourvues  de  ces  organes.  Une  nouvelle  feuillaison  est 
arrivée  plus  tard;  nous  citerons,  dans  cette  catégorie,  les  Lauriers  cerise  et  de 
Tome  XXXV.  5 


34 


OBSERVATIONS 


Portugal ,  XAucuba  japonica ,  le  Magnolia  grandiflora ,  F  Yucca  flaccida  et 
différentes  espèces  de  Mahonia. 

Les  Rhododendron ,  Azalea  et  Magnolia,  dont  les  feuilles  et  les  branches  ont 
été  partiellement  détruites,  n’ont  donné  que  très-peu  et  de  très-faibles  bouquets 
de  fleurs. 

Les  Juglans  cinerea ,  Glabra  et  nigra  qui,  l’année  précédente,  avaient  pro¬ 
duit  des  noix  par  milliers,  n’en  ont  fourni  aucune. 

Nous  avons  remarqué  en  général,  que  les  feuilles  des  arbres  et  arbustes  n'étaient 
pas  parvenus  au  développement  ordinaire  de  leur  grandeur  naturelle  ;  c’est  ce  qui 
a  amené  une  influence  défavorable  sur  la  maturation  des  fruits  (à  pépins  et  à 
noyaux  surtout)  et,  d’un  autre  côté ,  a  favorisé  la  production  d’un  grand  nombre 
de  graines  imparfaites. 

Au  31  octobre,  une  seconde  floraison  a  été  observée  :  les  plantes  suivantes 
portaient  un  certain  nombre  de  fleurs  :  Archillea  puhescens,  Alchemilla  vul- 
garis,  Andromeda  prolifolia,  Arabis  caucasica,  Armer ia  alpina ,  Astrantia 
charinthiacha ,  Centaurea  chrysolapha ,  Chelone  obliqua,  Corchorus  japo- 
nicus  (à  fleurs  simples),  Gallardia  bicolor ,  Geumrogli,  Hesperis  matronalis, 
Hyppericum  calycinum ,  Melissa  nepeta,  Potentilla  fragarioïdes  (au  13  dé¬ 
cembre,  il  était  encore  couvert  de  fleurs),  Raphanus  raphanistrum,  Silene 
armer  ia ,  Tormentilla  erecta ,  Pinça  herbacea  et  Waldsteinia  geoides. 

(Rigouts-Verbert.) 


Vilvorde.  —  Le  Lamium  purpurum ,  le  Papaver  rhœas,  le  Centaurea 
cqanus  et  le  Spircea  ulmaria  étaient  encore  en  fleurs  au  21  ocobre. 

Voici,  en  outre,  l’état  des  céréales  pendant  l’année  1861  : 


Le  colza  était  en  fleur . le  7  avril. 

—  coupé.  .  .  le  28  juin. 

Le  froment  était  en  fleur  .  .  .  .  le  25  — 

coupé . le  5  août. 


Le  seigle  était  en  fleur  .  .  le  11  juin. 

—  coupé . le  28  juillet. 

L’orge  était  en  fleur.  ...  le  17  juin. 

—  coupé  .....  le  10  juillet 


(Alfred  Wesmael.) 


PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES  NATURELS 


Règne  végétal.  —  1862 


NOMS  DES  PLANTES. 

( Feuillaison ,  1862.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEAIEPPB. 

NÀMUR. 

Acer  campestre.  L . 

50  mars. 

1  mai. 

8  avril. 

n  pseudo-platanus.  L . 

— 

1  » 

— 

6  avril. 

2  » 

»  saccharinum  L . 

Aesculus  hippoeastanum.  L . 

28  mars. 

— 

18  avril. 

30  » 

10  avril. 

26  mars. 

2  avril. 

»  lutea.  Pers . 

— 

' - 

28  # 

— 

-  ' 

4  » 

»  pavia.  L.  ...  . 

— 

— 

5  mai. 

— 

— 

4  v 

Amygdalus  persica.  L,  (j3  mad .) . 

16  mars. 

— 

— 

19  avril. 

14  mars. 

20  mars 

Aristolochia  sipho.  L . 

g  —  i 

— 

5  mai. 

|  - j 

5  avril. 

4  avril. 

»  clématites.  L.  .  . 

Betula  alba.  L . 

— 

5  avril. 

19  avril. 

21  » 

16  avril. 

51  mars. 

2  avril. 

o  alnus.  L . 

_ 

_ 

_ 

5  » 

_ 

6  » 

Berberis  vulgaris.  L . 

12  mars. 

27  mars. 

5  avril. 

— 

16  mars. 

25  mars. 

Bignonia  catalpa.  L . 

25  avril. 

— 

15  mai. 

1  avril. 

1  mai. 

»  radicans.L . 

— 

— 

15  » 

— 

— 

25  avril. 

Buxus  sempervirens.  L . 

•  - 

— 

1  » 

— 

— 

2  » 

Carpinus  hetulus.  L . 

— 

— 

— 

— 

51  mars. 

26  mars. 

Cercis  siliquastrum.  L . 

— 

— 

26  mai. 

— 

— 

20  avril. 

Colutea  arborescens.  L . 

- 

— 

— 

— 

— 

15  mars. 

Corchorus  japonica.  L . 

10  mars. 

21  mars 

1  avril. 

— 

28  février. 

15  février. 

Cornus  mascula.  L . 

— 

— 

20  » 

— 

— 

1  avril. 

»  sanguinea.  L . 

- 

— 

— 

— 

— 

1  ». 

Corvlus  avellana.  L . 

16  mars. 

28  mars. 

10  avril 

26  mars. 

15  mars. 

20  mars. 

Cratægus  coccinea.  L . 

— 

— 

— 

— 

15  » 

»  oxyacanlha  L . 

21  mars. 

5  avril. 

12  avril 

29  mars. 

15  » 

20  mars. 

Cylisus  laburnum.  L . 

20  » 

28  mars. 

15  » 

— 

27  » 

25  » 

Daphné  mezereum.  L . 

16  » 

— 

18  » 

18  mars. 

- 

20  février. 

Evonymus  europæus.  L . 

— 

— 

19  » 

— 

1  avril. 

22  mars. 

»  latifolius.  Mill . 

— 

— 

— 

— 

— 

22  » 

ÿ  verrucosus  L . 

Fagus  castanea.  L.  .  .  .  . 

: 

— 

27  avril. 

2  mai. 

12  avril. 

26  avril. 

»  sylvatica.  L . 

- 

27  avril. 

4  M 

— 

27  y 

20  >» 

Fraxinus  excelsior.  L.  .  .  . 

24  avril. 

29  » 

8  » 

— 

5  mai. 

25  » 

»  ornus  L . 

Ginkgo  biloba.  L.  . 

■ 

- 

25  » 

5  mai. 

20  » 

18  » 

— 

— 

24  avril. 

36 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

( Feuillaison ,  1862.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

V1LVORDE. 

ANVERS. 

OSTERDE. 

JEMEPPE. 

N  AMU  R. 

Gleditschia  liorrida.  Willd . 

1  mai. 

Glycine  sinensis.  L . 

21  avril. 

— 

10 

mai. 

— 

29  avril. 

20  avril. 

Gymnocladus  canadensis.  Lam . 

— 

— 

10 

juin. 

— 

— 

4  mai.  | 

Hippophae  rhamnoïdes.  L . 

— 

— 

— 

1  avril. 

— 

15  mars.  J 

Hydrangea  arborescens.  L . 

— 

— 

16 

avril. 

— 

- 

2  avril,  i 

Juglans  regia.  L . 

— 

17  avril. 

— 

29  avril. 

51  mars. 

26  .. 

»  nigra.  L . 

— 

— 

29 

avril. 

— 

26  avril. 

Ligustrum  vulgare.  L . 

— 

— 

20 

» 

— 

— 

16  mars. 

Liriodendron  tulipifera.  L . 

— 

23  avril. 

10 

mai. 

— 

— 

12  avril. 

Lonicera  periclymenum.  L . 

12  mars. 

21  mars. 

16 

avril. 

8  avril. 

— 

15  février. 

»  symphoricarpos.  L . 

15  b 

— 

6 

» 

— 

15  mars. 

12  mars. 

»  tatarica.  L . 

12  » 

- 

12 

M 

— 

5  février. 

15  février 

»  xylosteum.  L . 

11  » 

— 

16 

» 

— 

— 

24  mars. 

»  yulan.  Dcsf . 

— 

3  mai. 

Mespilus  germanica.  L .  .  . 

— 

— 

15 

avril. 

— 

— 

20  avril. 

Morus  alba.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

2  a 

»  nigra.  L . 

25  mai. 

— 

1  mai. 

1  mai. 

4  mai. 

Philadelphus  coronarius.  L . 

13  mars. 

21  mars. 

10 

avril. 

— 

23  février. 

7  mars.  | 

»  latifolius.  Schrad . 

— 

— 

15 

» 

Pinus  larix.  L . 

— 

— 

21 

» 

— 

25  mars. 

24  mars,  i 

Platanus  occidentalis.  L . 

— 

— 

19 

mai. 

Populus  alba.  L . 

— 

— 

16 

» 

»  fastigiata.  Poir . 

— 

— 

5 

» 

— 

1  avril. 

1  avril. 

«  tremula.  L . 

— 

29  avril. 

— 

— 

— 

20  y 

Prunus  armeniaca.  L.  (0  abric.) . 

— 

— 

— 

2  mars. 

16  mars. 

24  mars. 

»  cerasus.  L.  (big.  noir.) . 

— 

— 

12 

avril. 

— 

— 

26  a 

»  domestica.  L.  [0  gr.  dam.  v.) . 

— 

- 

—  . 

— 

29  mars. 

24  a 

»  padus.  L . 

— 

4  avril. 

15 

avril. 

— 

21  B 

24  a 

Plelea  trifoliata.  L . 

— 

— 

29 

» 

— 

— 

27  avril. 

Pyrus  communis.  (j 3  bergam.) . 

25  mars. 

27  mars. 

— 

1  avril. 

2  avril. 

26  mars .  | 

»  cydonia.  L . 

— 

— 

- 

18  mars. 

"  japonica.  L . 

8  mars. 

— 

10 

mai. 

10  a 

— 

15  février.; 

»  malus.  L.  (3  calville  d’été) . 

— 

12  avril. 

— 

21  a 

— 

15  avril. 

»  spectabilis.  Ait.  .  .  • . 

— 

— 

4 

mai. 

— 

— 

io  » 

Quercus  pedunculata.  Wild . 

— 

— 

— 

— 

— 

20  » 

»  robur.  L  . .  . 

16  avril. 

29  avril. 

»  sessiliflora.  Smith . 

— 

— 

— 

— 

— 

20  avril. 

Rhamnus  catharticus.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

29  mars. 

»  frangula.  L . 

13  avril. 

— 

— 

— 

— 

25  avril . 

Rhus  coriaria.  L . 

— 

— 

— 

— 

I  mai. 

»  cotinus.  L . 

— 

— 

— 

— 

28  avril. 

2S  avril. 

Ribes  alpinum.  L . 

9  mars. 

— 

18  avril.  | 

— 

23  février. 

l  mars. 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


37 


NOMS  DES  PLANTES. 

( Feuillaison ,  1862.) 

BRUXELLES 

Observât. 

VILVORDB. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEMEPPE. 

NAMUR. 

Ribes  grossularia.  L . 

8  mars. 

— 

10  avril. 

13  mars. 

13  mars. 

1  mars. 

»  nigrum.  L . 

12  » 

— 

16  » 

— 

15  » 

12  v 

>'  rubrum.  L . 

12  » 

■  21  mars. 

16  » 

13  mars. 

19  » 

14  » 

Robinia  pseudo-acacia.  L . 

11  avril. 

— 

— 

— 

4  avril. 

2  avril. 

»  viscosa.Vent . 

20  » 

Rosa  centifolia.  L. 

16  mars. 

— 

10  mai. 

— 

— 

6  mars. 

»  gallica.  L . 

17  .. 

— 

30  avril. 

— 

— 

15  » 

Rubus  idæus.  L.  .  . 

15  » 

— 

1S  mars. 

10  mars. 

— 

10  » 

Salix  alba .  L . 

— 

— 

— 

24  avril. 

«  babylouica.L . 

— 

21  mars. 

26  avril. 

— 

12  mars. 

Sambucus  nigra  L . 

8  mars. 

21  » 

— 

12  avril. 

28  février. 

14  février. 

»  racemosa.  L . 

8  » 

— 

— 

— 

— 

1  mars. 

Sorbus  aucuparia.  L . 

— 

28  mars. 

31  mars. 

— 

2  avril. 

25  » 

Spiræa  bella.  Sims . 

— 

— 

29  avril. 

»  hypericifolia.  L . 

— 

— 

6  >» 

Staphylea  pinnata.  L . -  . 

16  mars. 

— 

S  mai. 

— 

21  mars. 

25  mars. 

Syringa  persica.  L . 

12  » 

— 

1  » 

— 

16  » 

7  » 

»  rothomagensis.  Hort . 

12  » 

— 

— 

— 

10  » 

7  » 

»  yulgaris.  L . 

10  » 

21  mars. 

23  avril. 

12  avril. 

7  » 

7  s 

Taxus  baccata.  L . 

— 

— 

15  mai. 

— 

— 

2  avril. 

Tilia  europæa.  L . 

20  mars. 

28  mars. 

28  avril. 

»  parvifolia.  Hoffin . 

27  .. 

— 

1  mai. 

— 

4  avril. 

»  platyphylla.  Vent . 

- 

— 

— 

— 

— 

25  mars. 

Ulmus  campestris.  L . 

— 

28  mars. 

28  avril. 

— 

— 

2  avril. 

Vaccinium  myrtillus.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

25  mars. 

Viburnum  lantana.  L . 

— 

-  • 

25  avril. 

— 

— 

7  » 

»  opulus.  L.  (/!.  simpl.) . 

10  mars. 

27  mars. 

29  » 

-  _ 

— 

14  » 

»  »  L.  [fl.  plen.) . 

— 

— 

— 

— 

13  mars. 

14  » 

Vitex  incisus.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

4  mai. 

Vitis  vinifera.  L.  .  . 

24  avril. 

■— : 

18  mai. 

5  avril. 

6  avril.  | 

15  avril. 

38 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

(  Floraison  1862.  ) 

BRUXELLES. 

Observât- 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEMEPPE. 

NA111R. 

* 

MENNE. 

Acanthus  spinosus.  L . 

_ 

— 

— 

— 

_ 

— 

4  juin.  | 

Acer  campeslre  L . 

— 

— 

— 

- 

— 

23  avril. 

14  avril,  j 

»  pseudo-platanus.  L . 

— 

'  — 

- 

— 

5  mai. 

25  a 

18  » 

Achillea  millefolium.  L . 

— 

— 

20  juin. 

10  juillet 

— 

2  juin. 

5  juin. 

Aconitum  napellus.  L . 

4  mai. 

16  mai. 

9  juillet. 

5  » 

— 

6  mai. 

5  » 

Æsculus  liippocaslanura.  L . 

24  avril 

5  mai. 

12  mai. 

8  mai. 

26  av  ril. 

29  avril. 

10  avril. 

»  macrostachys.  Mich . 

- 

— 

25  juillet. 

— 

— 

- 

3  juillet.  1 

»  pavia.  L . 

— 

o  mai. 

19  mai. 

— 

— 

2  mai. 

2t  avril. 

Ajuga  replans.  L . 

— 

— 

— 

- 

— 

15  avril. 

10  » 

Alisma  plantago.  L . 

— 

— 

8  juillet. 

28  juin 

— 

— 

15  juillet. 

Allium  ursinum.  L . 

— 

— 

- 

— 

— 

28  avril. 

22  avril. 

Alnus  glutinosa.  L . 

- 

20  février. 

• _ 

- 

— 

1  mars. 

15  mars. 

Allhæa  offîcinalis.  L . 

— 

— - 

15  août. 

— 

— 

15  juillet. 

10  juillet. 

Amygdalus  communis.  L . 

— 

20  mars. 

1  avril. 

- 

— 

— 

2  avril. 

i>  persica.  L.  (j3.  madel.).  .  . 

16  mars. 

— 

29  mars. 

3  avril. 

9  mars. 

16  mars. 

1  » 

Anchusa  sempervirens  L . 

20  avril. 

— 

50  avril. 

— 

— 

— 

Anemone  hepalica.  L . 

10  mars. 

— 

8  mars. 

24  janv. 

— 

22  février. 

12  mars. 

»  nemorosa.  L . 

— 

17  mars. 

5  avril. 

— 

— 

14  mars. 

27  » 

Anlirrhinum  inajus.  L . 

28  mai. 

— 

— 

28  mai. 

— 

15  mai. 

19  mai 

Arabis  caucasica.  Wdld . 

12  mars. 

—  . 

4  mars. 

— 

— 

16  mars. 

Aristolochia  clématites.  L . 

— 

— 

50  mai. 

— 

— 

— 

24  avril 

»  siplio.  L.  ......  . 

— 

— 

— 

— 

— 

1  mai. 

28  » 

Arum  maculatum.  L . 

— 

27  avril. 

8  avril. 

— 

— 

15  avril. 

,  Asarum  europæum.  L  ...... 

— 

— 

20  mars. 

— 

— 

10  mars 

19  mars. 

Asclepias  vincetoxicum.  L . 

— 

— 

7  juillet. 

— 

4  mai. 

28  avril. 

Asperula  odorata  L . 

- 

— 

20  avril. 

— 

19  avril. 

12  avril 

50  mars. 

Astran lia  major.  L . 

— 

— 

29  mai. 

— 

— 

6  mai. 

Atropa  belladona.  L . 

Azalea  pontica.  L . 

21  avril. 

1  mai. 

19  juin. 

26  avril. 

2  juin 

— 

15  mai. 

12  mai. 

Bellis  perennis.  L.  ....... 

10  mars 

- 

28  mars. 

7  mars. 

5  février. 

18  février. 

7  avril. 

Berbcris  vulgaris.  L . 

25  avril. 

24  avril. 

15  mai. 

— 

29  avril. 

29  avril. 

24  o 

Betula  alba.  L . 

— 

— 

21  mars. 

18  avril. 

1  a 

1  mai. 

2  » 

Bignonia  catalpa.  L . 

— 

— 

22  juillet. 

19  juin. 

15  juillet. 

— 

15  juin. 

»  radicans.  L  ... 

Boira  go  officinalis.  L . 

21  avril. 

— 

— 

— 

— 

8  août. 

Bryonia  dioïca.  Jacq" . .  . 

Buphlhalnium  cordifolium.  L.  .  .  . 

5  juillet. 

_ 

10  juin. 

— 

24  mai. 

24  mai. 

22  mai.  j 

Buxus  sempervirens  L . 

Caltha  palustris.  L . 

17  mars. 

29  mars. 

— 

14  mars. 

24  mars. 

1  avril. 

Campanula  persieifolia.  L . 

20  juin. 

— 

15  juin. 

— 

— 

2  juin. 

17  mai 

Cardamine  pratensis  L . 

Carduus  marianus.  L . 

— 

28  mars. 

14  juillet. 

17  mars. 

24  mars. 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


39 


NOMS  DES  PLANTES. 

(Floraison ,  1862). 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JBMEPPE. 

NAMUR. 

VIENNE.  1 

Carpinus  betulus.  L . 

_ 

_ 

_ 

_ 

1  avril. 

Centaurea  cyanus.  L . 

- 

r  ^v" 

— 

7  juin. 

26  mai. 

— 

Il  mai. 

Cereis  siliquaslrum.  L . 

- 

— 

5  mai. 

— 

- 

12  avril. 

27  avril. 

Cheiranthus  Cheiri.L . 

IG  avril. 

— 

IG  avril. 

— 

— 

24  mars. 

Chelidonium  majus.  L . 

- 

— 

2  mai. 

— 

10  avril. 

6  avril. 

1 1  avril. 

Chrysanthemum  leucantheumum.  L. 

- 

1  ■— 

4  juin. 

— 

28  » 

20  « 

8  mai.  j 

Chrysocoma  linosyris.  L . 

- 

U'pf-'v 

4  août. 

— 

- 

5  août. 

5  sept. 

Colehieum  autumnale.  L . 

22  août. 

31  août. 

30  sept. 

17  sept. 

- 

1  sept. 

50  août. 

Colutea  arborescens.  L . 

— 

jj  ■  — 

20  mai. 

— 

— 

6  mai. 

1  mai.  : 

Convallaria  bifolia.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

23  avril. 

21  avril. 

»  maïalis.  L.  . . 

5  avril. 

— 

29  avril. 

— 

— 

1  mai. 

Convolvulus  arvensis.  L . 

♦ 

— 

— 

— 

— 

22  » 

10  mai. 

»  sepium.  L . 

13  juin. 

— 

— 

— 

- 

8  juin. 

27  » 

Corchorus  japonicus.  L . 

1  avril. 

— 

8  avril. 

- 

50  mars. 

26  mars. 

20  avril. 

Cornus  mascula.  L . 

5  mars. 

14  mars. 

10  mars. 

— 

— 

17  février. 

24  mars. 

»  sanguinea.  L . 

— 

15  mai. 

- 

— 

22  mai. 

14  mai. 

Corydalus  digitata.  L . 

'  v  - 

— 

—  ' 

- 

-  9 

16  mars. 

Corylus  avellana.  L . 

5  mars. 

6  février. 

6  février. 

— 

1  février. 

14  février-. 

1 1  mars. 

Cratægus  coccinea.  L . 

2  mai. 

— 

8  mai. 

— 

29  avril. 

1  mai. 

»  oxyacantha.  L . 

21  avril. 

7  mai. 

1  » 

27  mai. 

24  » 

8  avril. 

28  avril. 

Crocus  mæsiacus.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

19  février. 

»  vernus.  Sw . 

3  février. 

— 

16  mars. 

20  février 

— 

4  mars. 

26  mars. 

Cynoglossum  omphalodes.  L  .  .  .  . 

— 

— 

—  | 

— 

16  » 

20  avril. 

Cytisus  laburnum.  L . 

21  avril. 

30  avril. 

30  avril. 

— 

2  mai. 

24  avril. 

23  » 

Daphné  laureola.  L . 

— 

— 

5  » 

- 

— 

15  février. 

31  mars. 

»  mezereum.  L . 

Delphinium  Ajacis.  L . 

13  mars. 

16  mai. 

23  fév. 

1  mars. 

3  avril. 

11  juin. 

10  janv. 

5  février. 

Dianthus  caryophyllus.  L.  .  .  .  .  . 

22  mai. 

— 

— 

— 

— 

15  juin. 

Dictamnus  albus.  L . 

— 

— 

•  — 

— 

— 

2  mai. 

24  mai.  | 

Digitalis  purpurea.  L . 

19  mai. 

— 

22  mai. 

2  juin. 

— 

1  juin. 

16  .. 

Echinops  sphserocephalus.  L . 

- 

— 

28  juill. 4 

— 

— 

4  juillet. 

Epilobium  spicatum.  Lam . 

—  | 

— 

9  juin. 

— 

— 

20  mai. 

Equisetum  arvense.  L . 

— 

— 

— 

— 

6  avril. 

7  avril. 

Erica  vulgaris.  L . 

— 

— 

— 

— 

16  juillet. 

25  juillet. 

Escbscholzia  californica.  Chm. 

6  juin. 

- 

22  mai. 

— 

_  •* 

1  juin. 

3  juin. 

Evonymus  europæus.  L . 

— 

— 

—  . 

— 

26  avril. 

26  avril. 

5  mai. 

Fragaria  vesca.  L.  ((3  Hoi'lens.).  .  .  . 

24  avril. 

5  avril. 

10  mai. 

26  avril. 

20  » 

27  mars 

lu  avril. 

Fraxinus  excelsior.  L . 

— 

30  mars. 

— 

— 

7  » 

6  avril. 

t  V 

Fritillaria  imperialis.  L . 

Fumaria  offîcinalis.  L . 

— 

— 

2  avril. 

17  avril. 

1  » 

— 

— 

9  » 

Galanthus  nivalis.  L . 

Gentiana  cruciata.  L . 

3  février. 

23  fév. 

21  fév. 

10  juin. 

17  février. 

18  février. 

4  mars. 

40 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

( Floraison ,  1861.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JE3IEPPE. 

N AMU R. 

VIENNE,  j 

Géranium  pratense.  L . 

— 

_ 

2G  mai. 

_ 

_ 

18  mai. 

[ 

»  sanguineum.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

25  avril. 

Gladiolus  communis.  L . 

12  juin. 

— 

— 

— 

— 

— 

6  juin. 

Glechoma  hederacea.  L . 

— 

— 

— 

— 

2G  mars. 

26  mars. 

5  avril. 

1  Glycine  sinensis.  L . 

24  avril. 

— 

21  mai. 

— 

24  avril. 

Hedysarum  onobrychis.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

12  mai. 

Hellcborus  fœtidus.  L . 

— 

— 

2G  mars. 

— 

19  févr. 

20  fév. 

»  hiemalis.  L . 

5  févr. 

- 

24  févr. 

2  février. 

— 

17  » 

»  niger.  L . 

— 

— 

4  janv. 

— 

— 

14  » 

6  fév. 

»  viridis.  L . 

— 

— 

16  mars. 

— 

— 

18  i> 

Hemerocallis  cœrulea.  Andr . 

20  juillet. 

— 

8  juillet. 

— 

- 

10  juillet. 

»  flava.  L . 

20  mai. 

— 

10  juin. 

— 

IG  mai. 

20  mai. 

25  mai. 

"  fulva.  L . 

— 

— 

G  juillet. 

— 

5  juin. 

6  juin. 

1!  juin. 

Hibiscus  syriacus.  L . 

- 

22  août. 

— 

— 

20  juillet 

Hieracium  auranliacum,  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

1  juin. 

Hyacinthus  orientalis.  L . 

IG  mars. 

— 

5  avril. 

15  mars. 

29  mars. 

IG  mars. 

4  avril. 

Hydrangea  bortensis.  Sm . 

1  juillet. 

— 

15  août. 

Hypericum  perforatum.  -L . 

2G  juin. 

— 

20  juin. 

— 

— 

10  juin. 

9  juin. 

Iberis  sempervirens.  L . 

— 

— 

22  avril. 

— 

— 

25  mars. 

14  avril.  J 

llex  aquifolium.  L . 

— 

— 

27  » 

— 

— 

20  avril. 

Iris  ziphium.  L . 

18  mai. 

0  »  germanica.  L . 

28  avril. 

— 

2  mai. 

4  mai. 

24  mai. 

1  mai. 

1  mai. 

Iris  pseudo-acorus.  L . 

4  mai. 

IG  mai. 

Iris  pumila.  L . 

8  avril. 

— 

28  avril. 

— 

— 

12  avril. 

9  avril,  i 

Juglans  regia.  L . 

— 

— 

— 

2  |uin . 

— 

— 

24  » 

J  Kalmia  latifolia.  L .  .  . 

— 

— 

25  mai. 

1  Lamium  album.  L . 

— 

— 

20  avril. 

18  avril. 

28  mars. 

G  avril. 

|  Larix  europæa  L . 

— 

28  mars. 

|  Leontodon  taraxacum.  L . 

— 

10  » 

15  » 

14  » 

18  février 

7  avril. 

9  Ligustrum  vulgare.  L . 

— 

2  juin. 

8  juillet. 

— 

— 

25  mat. 

24  mai. 

Lilium  candidum.  L . 

34  juin. 

— 

15  juin. 

— 

- 

14  juin. 

9  juin. 

)'  croceum.  L . 

— 

IG  juin. 

»  llavum.  L . 

— 

— 

15  juin. 

— 

— 

4  juin. 

|  Linaria  vulgaris.  L . 

— 

15  juin. 

I  Linum  perenne.  L.  .* . 

— 

— 

— 

— 

— 

26  avril. 

Liriodendron  tulipifera.  L . 

— 

— 

20  juin. 

Lonicera  periclymenum.  L.  .  .  •  . 

10  mai. 

— 

— 

5  mai. 

28  avril. 

22  mai. 

25  mai. 

»  sympboricarpos.  L . 

— 

— 

— 

— 

15  mai. 

10  » 

»  tatarica.  L . 

— 

— 

— 

- 

7  avril. 

1  avril. 

25  avril,  j 

»  xylosteum.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

25  » 

25  » 

Lycbnis  chalcedonica  L . 

—  ‘ 

— 

15  juin. 

— 

— 

10  juin. 

Lysimachia  nemorum.  L . 

— 

— 

1  mai. 

— 

— 

1  mai. 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


41 


NOMS  DES  PLANTES. 

[Floraison,  1862.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

V1LVORDE. 

ANVBRS. 

OSTBNDB. 

JEMBPPE. 

NAMUR. 

VIENNE. 

j 

Lytbrum  salicaria.  L . 

_ 

12  juin. 

— 

— 

8  juin. 

7  juin. 

Magnolia  grandiflora.  L . 

25  mars. 

| 

>  tripetala.  L . 

8  mai. 

— 

20  mai. 

»  yulan.  L . 

25  mars. 

27  mars. 

16  mars. 

— 

— 

2  avril. 

Malva  sylvestris.  L . 

50  mai. 

9 

20  juin. 

29  juin. 

25  mai. 

Métissa  officinalis.  L . 

••-s*-  • 

— 

2  août. 

— 

— 

12  juillet. 

6  juillet.1 

Mentha  piperita.  L . 

- 

— - 

20  e 

— 

— 

8  » 

12  B 

Mespilus  germanica.  L.  .....  . 

— 

18  mai. 

— 

— 

— 

4  mai. 

4  mai. 

Mitella  grandiflora  Purseh . 

— 

— 

26  avril. 

Morus  nigra.  L . 

— 

— 

17  juin. 

— 

6  mai. 

Muscari  botryoides.  L . 

15  mars. 

29  mars. 

— 

— 

15  mars. 

19  mars. 

Myosotis  palustris.  L . 

24  avril. 

5  mai. 

Narcissus  pseudo-narcissus.  L.  .  .  . 

14  mars. 

28  mars. 

1  avril. 

— 

— 

12  mars. 

21  avril? 

»  jonquilla.  L . 

28  avril. 

— 

— 

— 

25  mars. 

»  poëticus.  L . .  . 

24  e 

.  ||Ë 

—  ■ 

— 

22  avril. 

26  avril. 

1 1  avril. 

Nymphéa  alba.  L . 

— 

16  mai. 

— 

— 

— 

— 

14  mai. 

Ornitbogalum  umbellalum.  L.  .  .  . 

7  mai. 

29  avril. 

26  avril. 

— 

1  mai. 

20  avril. 

Orobus  vernus.  L . 

— 

-2 

30  mars. 

13  mars. 

— 

8  B 

Oxalis  acetosella.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

4  avril. 

2  E 

»  stricta  L . 

— 

— 

— 

24  mai. 

25  mai. 

Pachysandra  procumbens.  L . 

26  mars. 

— 

— 

— 

— 

Papaver  bracteatum.  L.  .  •  .  .  . 

— 

— 

20  mai. 

b  orientale.  L . 

12  juin. 

— 

3  juin. 

— 

15  juin. 

27  mai. 

18  mai. 

»  rhœas.  L . 

— 

•  §9! 

— 

— 

4  D 

24  e 

Paris  quadrilolia.  L . 

— 

— 

— 

— 

8  avril. 

Philadelphus  coronarius.  L.  .  .  .  . 

10  mai. 

14  mai. 

20  mai. 

— 

6  mai. 

6  mai. 

16  mai. 

Physalis  Alkekenge.  L . 

— 

— 

23  » 

— 

— 

8  E 

Plantago  major.  L . 

— 

— 

20  e 

Platanus  occidentalis.  L . 

— 

■  Jg  6 

— 

— 

— 

24  avril. 

Pœonia  officinalis.  L . 

1  mai. 

— 

8  mai. 

— 

1  mai. 

— 

6  mai. 

Polemonium  cœruleum.  L.  .‘  .  .  . 

— 

— 

9  juin. 

— 

— 

26  avril. 

Polygonum  bistorta.  L . 

— 

P?  - 

2  mai. 

‘  — 

— 

2  mai. 

5  mai. 

Populus  alba.  L . 

24  mars. 

— 

— 

— 

27  mars. 

»  balsamifera.  L . 

26  mars. 

>  canadensis.  L . 

— 

5  avril. 

>  fastigiata.  Poir . 

26  mars. 

— 

21  mars. 

—  • 

10  mars. 

18  mars. 

Primula  elatior.  L . 

16  » 

17  mars. 

— 

'  — 

— 

10  fév. 

e  officinalis.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

10  mars. 

.  veris.  L . 

16  mars. 

.. 

10  mars. 

12  fév. 

— 

— 

4  avril. 

Prunus  armeniaca  [Q  abric.)  .... 

— 

— 

—  1 

17  avril. 

9  mars. 

10  mars. 

30  mars. 

»  cerasus.  (0  bigarr.  n.).  .  .  . 

26  mars. 

su 

1  avril. 

— 

1  avril. 

6  avril. 

e  domestica  ((3  gr.  dam.  v.)  .  . 

28  » 

5  avril. 

4  » 

" 

29  mars. 

4  > 

Tome  XXXV 


6 


42 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

(Floraison,  1862.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

V1LV0RDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

JEMBPPE. 

NAMCR. 

VIENNE.  ; 

Prunus  padus.  L  . 

— 

— 

27  avril. 

_ 

_ 

20  avril. 

7  avril. 

«  spinosa.  L . 

Plelea  Irifoliala.  L . 

— 

5  avril. 

17  juin. 

— 

— 

29  mars. 

3  avril. 

Pulnionaria  officinalis.  L . 

»  virginica.  L . 

: 

27  mars. 

3  avril. 

20  mai. 

21  mars. 

— 

7  mars. 

37  mars. 

Pyrus  communis  ((3  berg.) . 

26  mars. 

22  avril. 

27  mars. 

3  avril. 

3  avril. 

1  avril. 

5  avril. 

»  cydonia.  L . 

— 

— 

1  mai. 

— 

— 

— 

25  » 

i>  japonica.  L . 

25  mars. 

— 

28  mars. 

20  mars. 

— 

18  mars. 

4  * 

»  malus  L.  ((3  calv.  d’été.).  .  .  . 

2  avril. 

12  avril. 

15  avril. 

— 

— 

16  avril 

i>  spectabilis.  Ait . 

5  » 

— 

30  » 

— 

— 

10  » 

Quercus  sessiliflora.  Smith . 

»  robur.  L.  . 

Ranunculus  aquatilis.  L . 

- 

29  avril. 

5  avril. 

39  avril.  ! 

»  acris.  L.  (fl.  plen.)  .  .  . 

26  avril. 

5  mai. 

— 

8  mai. 

— 

2  mai. 

28  avril. 

»  ficaria.  L . 

— 

— 

30  mars. 

3  avril. 

7  mars. 

15  mars. 

1  » 

Rhamnus  frangula.  L.  .  .... 

— 

— 

— 

— 

— 

10  mai. 

1  mai. 

Rheum  undulatum.  L . 

16  avril. 

— 

30  avril. 

— 

— 

20  » 

27  avril.  ! 

Rhododendron  ponticuni.  L . 

5  mai. 

1  mai. 

15  mai. 

- 

— 

10  v 

28  » 

Rhus  coriaria.  L . 

- 

— 

— 

— 

— 

4  juin. 

Ribes  alpinum.  L . 

»  aureum.  L . 

— 

28  mars. 

3  avril. 

— 

27  mars. 

20  mars. 

»  grossularia.  L.  (Fr.  virid.). 

»  nigrum.  L . ■  . 

23  mars. 

22  » 

28  » 

1  avril. 

3  » 

3  avril 

29  mars. 

4  avril 

mars 

30  mars.  [ 

»  rubrum.  L . 

a  sanguineum.  L . .  . 

»  uva-crispa.  L . 

26  » 

20  mars. 

28  » 

1  » 

8  avril. 

27  mars. 

1  avril. 

10  avril.  1 

Robinia  pseudo-acacia.  L . 

Il  mai. 

25  mai. 

— 

— 

— 

30  mai. 

5  mai. 

»  viscosa.  L . 

— 

— 

— 

— 

_ 

— 

12  .. 

Rosa  centifolia.  L . 

22 

— 

8  juin. 

18  mai. 

— 

1  juin. 

33  » 

»  gallica.  L . 

6  juin. 

— 

10  » 

12  juin. 

— 

1  » 

10  juin. 

Rubus  idæus.  L.  .  . 

»  fruticosus.  L . 

.  •  sa ; 

7  mai. 

— 

— 

.18  mai. 

— 

6  mai. 

Ruta  graveolens.  L . 

Salix  alba.  L . 

— 

— 

20  juin. 

28  avril. 

— 

2  juin. 

22  mai. 

»  capræa.  L . 

— 

14  mars. 

21  avril. 

— 

— 

2  mars. 

25  mars. 

Salvia  officinalis.  L . 

— 

14  juillet. 

— 

— 

24  mai. 

19  mai. 

Sambucus  nigra.  L . 

9  mai. 

12  mai 

18  mai. 

— 

2  mai. 

20  » 

6  » 

»  racemosa.  L . 

29  mars. 

— 

25  avril. 

— 

— 

1  avril. 

Satureia  montana.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

20  juill. 

Saxifraga  crassifolia.  L . 

»  umbrosa.  L.  .....  . 

30  mars 

25  avril. 

— 

10  mai. 

— 

— 

22  mars. 

8  avril. 

Scabiosa  arvensis.  L . 

— 

— 

13  juin. 

- 

— 

10  juin. 

15  mal. 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES 


43 


NOMS  DES  PLANTES. 

( Floraison ,  1862.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTBNDB. 

JE31EPPE. 

NAMUlt. 

VIENNE. 

Scabiosa  succisa.  L . 

— 

— 

13  juin. 

_ 

_ 

12  août. 

4  août. 

Serophularia  nodosa.  L . 

- 

— 

8  juillet 

|  — 

— 

10  mai. 

23  mai. 

Secale  cereale.  L.  (|3  hyb.) . 

- 

— 

— 

- 

- 

10  » 

12  D 

Sedum  acre.  L . 

— 

— 

10  juin. 

— 

29  mai. 

20  mai. 

29  b 

»  album.  L . 

— 

- 

20  » 

— 

— 

10  juin. 

»  telephium.  L . 

Solanum  dulcamara.  L . 

Z 

: 

8  août. 

19  juin. 

—  • 

— 

2  août. 

7  août. 

Sorbus  aucuparia.  L . 

27  avril. 

29  avril. 

30  avril. 

— 

— 

1  mai. 

23  avril. 

Spartium  scoparium.  L.  ... 

Spiræa  bella.  Sims . 

_ 

— 

17  juin. 

— 

— 

20  avril. 

»  filipendula.  L . 

»  hypericifolia.  L . 

»  lævigata.  L . 

23  avril. 

- 

20  b 

2  mai. 

10  juin. 

13  mai. 

Stapbylea  pinnata.  L . 

25  » 

I  9 

21  avril. 

— 

6  avril. 

10  avril. 

21  avril. 

Statice  armeria.  L . 

»  limonium.  L . 

j  Stellaria  holostea.  L . 

23  avril. 

— 

12  mai. 

19  juill. 

18  B 

9  mai. 

Symphitum  officinale.  L . 

25  » 

29  avril. 

27  juin. 

— 

— 

20  avril. 

30  avril. 

Syringa  persica.  L . 

12  » 

— 

23  avril. 

— 

26  avril. 

10  B 

27  .. 

»  vulgaris.  L . 

10  » 

23  avril. 

20  » 

29  avril. 

9  » 

8  » 

12  B 

Taxus  baccata.  L.  .  . 

-- 

— 

21  mars. 

— 

— 

— 

26  mars. 

Thymus  serpillum.  L . 

— 

— 

— 

— 

10  juill. 

2  mai. 

»  vulgaris.  L . 

— 

— 

- 

— 

— 

— 

29  d 

Tiarella  cordifolia.  L . 

Tilia  microphylla.  Vent . 

»  europæa.  L . 

28  mai. 

12  juin. 

29  mai. 

— 

20  juin. 

- 

19  juin. 

4  avril. 

»  parvifolia.  L . 

— 

9 

— 

— 

— 

•  -4  (  . 

4  juin. 

»  platypbylla.  Vent . 

— 

— 

— 

— 

— 

4  juin. 

Tradescantia  virginica.  L . 

20  mai. 

— 

28  mai. 

— 

— 

10  mai. 

Trifolium  pratense.  L . 

— 

— 

— 

— 

— 

10  ■» 

30  avril. 

Triticum  sativum.  L.  (/3  hybern.). 

9 

— 

— 

— 

— 

Épi.  25  mai. 
Flor.  4  juin. 

5  juin. 

Trollius  europæus.  D . 

29  avril. 

— 

3  mai. 

- 

— 

8  avril. 

Tulipa  gesneriana.  L . 

Tussilago  fragrans.  L . 

»  farfara.  L . 

»  petasites.  L . 

12  » 

26  mars. 

17  mars. 

20  » 

10  » 

13  mars. 

12  juin. 

20  avril. 

24  » 

24  avril. 

Ulmus  campestris.  L . 

S 

— 

— 

— 

15  mars. 

20  mars. 

24  mars. 

Vaccinium  myrtillus.  L . 

7  avril. 

— 

- 

— 

1  mai. 

Valeriana  rubra.  L . 

Veratrum  nigrum.  L . 

— 

— 

2  juin. 

4  » 

— 

— 

26  avril. 

13  mai. 

i  Veronica  gentianoïdes.  L . 

— 

— 

20  avril. 

— 

— 

1  mai. 

»  spicala.  L . 

— 

20  juin. 

— 

— 

6  B 

9  juin.  | 

44 


OBSERVATIONS 


NÇMS  DES  PLANTES. 

(Floraison ,  1862.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

VILVORDB. 

ANVERS. 

OSTBNDB. 

JEilEPPE. 

NAMUR. 

I 

VIENNE. 

Veronica  tencrium.  L . 

Viburnum  lantana.  L . 

21  avril. 

3  mai. 

19  avril. 

14  avril. 

19  avril. 

»  opulus.  L.  (fl.  simple.)  .  .  . 

29  avril. 

7  mai. 

3  « 

— 

25  » 

1  mai. 

15  mai. 

Viburnum  opulus.  L.  (fl.  plein.)  .  .  . 

29  r 

— 

— 

— 

— 

1  D 

Vinca  minor.  L . 

12  mars. 

— 

18  mars. 

— 

19  mars. 

1  avril. 

19  avril. 

»  major.  L . 

Viola  odorata.  L . 

8  mars. 

12  janv. 

10  mars. 

5  mars. 

10  janv. 

25  mars. 

Vitis  vinifera.  L.  (/3  cliass.  doré)  . 

6  juin. 

10  juin. 

1  juin 

— 

— 

20  mai. 

20  mai. 

Waldsteinia  geoïdes.  Kit . 

28  mars. 

— 

25  mars. 

— 

— 

20  mars. 

1  avril. 

NOMS  DES  PLANTES. 

(Fruclijicalion,  1862.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

ANVERS. 

OSTENDB. 

VIBNNE. 

Acanthus  spinosus.  L . . 

_ 

_ 

_ 

14  août. 

Aeer  pscudo-platanus.  L .  . 

— 

19  août. 

— 

13  sept. 

>.  campeslre.  L.  .  . 

— 

— 

— 

30  août. 

Achillea  millefolium.  L . . 

— 

16  août. 

— 

30  juill. 

Aconitum  napellus.  L .  ... 

— 

15  n 

— 

17  » 

Æsculus  hippocastanum.  L . . 

- 

22  oct. 

26  sept. 

31  août. 

»  pavia.  L . 

- 

— 

— 

1  oct. 

Ajuga  reptans.  L . 

— 

13  juin. 

Alcea  rosea.  L .  ...  . 

— 

10  août. 

Alisma  plantago.  L . 

— 

— 

— 

15  août. 

Antirrhinum  majus.  L.  . 

- 

30  juin. 

Aristolochia  clématites.  L.  .... 

— 

— 

— 

22  août. 

Astrantia  major.  L .  .... 

— 

27  juill. 

Berberis  vulgaris.  L . 

— 

4  août. 

— 

14  juill. 

Betula  allia.  L .  . 

— 

— 

2  juin. 

»  alnus.  L .  . 

— 

— 

29  mai. 

Bryonia  dioica.  L . 

— 

— 

— 

14  juill. 

Cenlaurea  cyanus.  L . 

— 

— 

— 

13  juin. 

!  Chelidonium  majus.  L . 

— 

8  juin. 

— 

29  mai. 

Chrysanthemum  leucanthcmum.  L . 

— 

— 

— 

13  juin. 

Convallaria  maialis.  L . 

— 

29  juill. 

Oonvolvulus  sepium.  L . . 

— 

1 

— 

15  juill. 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


45 


NOMS  DES  PLANTES. 

[Fructification ,  1862.) 

BRUXELLES 

Observât. 

ANVERS* 

OSTENDE. 

VIBNNB. 

Colchicum  autumnale.  L . 

_ 

_ 

_ 

6  juin. 

Cornus  mascula.  L . 

— 

15  août. 

— 

14  août. 

"  sanguinea.  L . 

- 

— 

— 

2  » 

Corylus  avellana.  L . 

— 

6  août. 

16  août. 

Cralægus  oxyacantha.  L . 

— 

10  sept. 

9  o 

8  août. 

;  Citysus  laburnum.  L . 

— 

8  » 

17  juill. 

Daphnc  mezereum.  L . •  .  . 

— 

8  juill. 

29  juin. 

16  mai. 

Diclamnus  albus.  L . 

— 

— 

— 

17  juill. 

Digitalis  purpurea.  L . 

Fagus  sylvatica.  L . 

Fragaria  vesca.  L.  (/ 3  Hortens.) . 

24  mai. 

16  juill. 

8  octob. 

6  juin. 

Hypericum  perforatum.  L . 

— 

19  août. 

.  — 

19  août. 

Jugions  regia.  L . 

— 

27  sept. 

20  août. 

2  sept. 

Leontodon  laraxacum.  L . 

— 

— 

— 

19  avril. 

Ligustrum  vulgare.  L . 

— 

18  sept. 

— 

19  août. 

Lonicera  tatarica.  L . 

— 

— 

— 

15  juin. 

»  xylosleum.  L . 

— 

— 

— 

13  K 

Malva  sylvestris.  L . 

Melissa  offîcinalis.  L . 

— 

18  juill. 

8  août. 

.  Morus  nigra.  L . 

Orobus  vernus.  L . 

Papaver  orientale.  L . 

Philadelphus  coronarius.  L . • . 

Physalis  alkekenge.  L . 

— 

27  août. 

10  juill. 

6  v 

4  sept. 

22  août. 

Prunus  armeniaca.  L . 

— 

— 

— 

14  juillet. 

»  cerasus.  L.  [P  bigarr.  n.) . 

26  mai. 

— 

— 

5  juin. 

»  padus.  L . 

— 

— 

- 

3  » 

Pyrus  communis.  L.  ((3  berg.) . 

- 

- 

18  août. 

•  cydonia.  L . 

— 

— 

— 

9  sept. 

1  Rhamnus  frangula.  L . 

— 

— 

— 

29  juin. 

Rheum  undulatum.  L . 

10  juin. 

— 

— 

1  » 

Ribes  grossularia.  L . 

— 

28  juin. 

8  juin. 

>  nigrum.  L . 

»  rubrum.  L . 

~ 

1  juület. 

8  » 

1  juillet. 

Robinia  viscosa.  L .  . 

— 

— 

— 

17  sept. 

Rubus  idæus.  L . 

— 

15  août. 

9  juillet. 

9  juin. 

Salix  capraea.  L . 

— 

— 

-  — 

22  avril. 

Salvia  offîcinalis.  L . 

— 

9  juillet. 

— 

21  juin. 

Sambucus  nigra.  L . 

— 

1  sept. 

— 

14  juillet. 

Scabiosa  succisa.  L . 

— 

— 

- 

2  sept. 

Secale  cereale.  L . 

— 

— 

— 

19  juin. 

Sedum  telephium.  L . 

1 

— 

— 

15  sept. 

46 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

[Fructification ,  1862.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

VIENNE.  | 

Sorbus  aucuparia.  L . 

_ 

16  sept. 

_ 

21  juillet. 

Spiraea  Clipendula.  L.  .  . 

— 

—  . 

— 

14  a 

Staphylea  pinnata.  L .  .  . 

— 

30  sept. 

— 

15  » 

Syringa  vulgaris.  L .  .  .  .. 

— 

15  »» 

— 

19  août. 

Taxus  baccala.  L .  ...  .... 

— 

— 

_ 

22  t, 

Ulmus  campestris.  L . 

_  — 

— 

— 

27  avril. 

Viburnum  lantana.  L.  .... 

— 

— 

— 

19  juillet. 

Viburnum  opulus.  L.  (jl.  simp.) .  . 

— 

— 

— 

20  » 

Viola  odorata.  L . 

Vitis  vinifera.  L.  (Chasselas  doré  ) . 

- 

5  juin. 

30  sept. 

4  août. 

30  août,  j 

NOMS  DES  PLANTES. 

(Chute  des  feuilles,  1862.) 

BRUXELLES. 

Observât. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

N AMU R. 

Acer  campeslre.  L . 

20  nov. 

15  nov. 

»  pseudo-platanus.  L . 

— 

22  ocl. 

— 

1  x> 

Aesculus  hippocastanum.  L  . 

— 

10  nov. 

18  nov. 

27  oct. 

»  lutea.  Pers . 

— 

— 

— 

1  » 

»  pavia.  L . •  .  .  .  . 

— 

— 

— 

27  » 

Amygdalus  communis  L . 

»  persica.  LT  (j3  mad.) . 

— 

20  nov. 

20  » 

28  sept. 

19  nov. 

Aristolochia  sipho.  L . 

— 

— 

-  - 

2  oct. 

Belula  alba.  L.  .  .  .  .  .. 

— 

15  nov. 

19  oct. 

19  nov. 

Berberis  vulgaris.  L . 

— 

26  » 

— 

15  » 

Bignonia  catalpa.  L . 

— 

20  » 

15  sept. 

»  radicans.  L .  . 

— 

— 

— 

t  nov. 

Carpinus  betulus.  L . 

— 

8  nov. 

— 

14  » 

Cercis  siliquastrum.  L . 

— 

— 

— 

19  » 

Colutea  arborescens.  L . 

— 

— 

— 

7  r 

Corchorus  japonicus  L . 

— 

— 

— 

19  » 

Cornus  mascula  L . 

— 

27  nov. 

— 

14  » 

»  sanguinea.  L . • . 

- 

— 

— 

14  v 

Corylus  avellana.  L.  . . 

— 

10  nov. 

7  oct. 

i  b 

Cratægus  oxyacantha.  L . 

— 

31  oct. 

17  » 

16  » 

Cytisus  laburnum.  L.  .  - . 

— 

10  nov. 

— 

16  » 

Daphné  mezereum.  L . 

— 

— 

— 

2  » 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


47 


NOMS  DES  PLANTES. 

(Chûle  des  feuilles ,  1862). 


BRUXELLES 

— 

ANVERS. 

OSTENDE. 

|  N A  MUR. 

Observât. 

— 

16  nov. 

_ 

19  » 

- 

— 

— 

19  » 

— 

— 

— 

6  » 

— 

30  nov. 

— 

15  >» 

— 

27  r 

.  — 

20  » 

— 

— 

1  l> 

— 

8  déc. 

— 

20  » 

— 

- 

—  . 

16  oct. 

- 

— 

19  nov. 

— 

— 

.  .  — 

4  » 

— 

8  oct. 

29  sept. 

5  »> 

— 

.  — 

20  p 

— 

15  nov. 

— 

10  » 

— 

4  nov. 

.  —  • 

20  » 

— 

15  » 

— 

— .. 

.  — 

10  oct. 

— 

— 

18  nov. 

— 

ü  .. 

— 

19  » 

— 

— 

— 

20  ». 

— ■ 

28  nov. 

—  , 

20  •• 

—  , 

5  » 

— 

10  » 

— 

—  ’ 

10  » 

- 

28  oct. 

— 

8  » 

— 

21  nov. 

— 

21  » 

L 

2  nov. 

— 

— 

— 

4  s 

- 

— 

20  » 

— 

10  nov. 

— 

6  » 

— 

— 

5  i> 

— 

25  Oct. 

— 

2  » 

— 

— 

—T 

6  » 

H 1 

10  nov. 

4  OCt. 

7  » 

- 

10  p 

— 

3  » 

P 

3  p 

— 

4  » 

— 

- 

— 

16  » 

— 

— 

— 

16  » 

— 

—  ' 

— 

8  » 

— 

— 

- 

8  » 

— 

10  oct. 

— 

— 

— 

16  nov. 

— 

5  nov. 

— 

16  » 

— 

5  » 

— 

16  » 

Evonymus  europæus.  L . 

»  latifolius.  Mill.  .  .  . 

Fagus  castanea.  L.  ...... 

»  sylvalica  L  .  .  .  .  .  . 

Fraxinus  exeelsior.  L . 

Ginkgo  biloba  L . 

Glycine  sinensis.  L . 

Gymnocladus  canadensis.  Lam.  .  . 

Hippophae  rhamnoides.  L.  . 
Hydrangea  arborescens.  L  .  . 

Juglans  regia.  L . 

Ligustrum  vulgare.  L.  .....  . 

Liriodendron  tulipifera.  L . 

Lonicera  periclymenum.  L.  . 

»  sympboricarpos.  L.  .  .  . 

»  tatarica.  L . 

»  xylosteum.  L . 

Mespilus  germanica.  L . 

Morus  alba.  L . 

r  nigra.  L . 

Philadelphus  coronarius.  L.  .  .  . 

Pinus  larix.  L . 

Platanus  occidentalis.  L . 

Populus  alba.  L . 

»  fastigiata.  Poir . 

»  tremula.  L . 

Prunus  armeniaca.  L.  (fi  abric.).  .  . 

>>  cerasus.  L.  ( big .  noir.)  .  .  . 

»  domeslica.  L.  (fi  gr.  dam.  v.). 

»  padus.  L . 

Ptelea  trifoliata.  L . 

Pyrus  communis.  ((3  bergam.)  .  . 

»  japonica.  L . 

»  malus.  L.  (3  calville  d'été).  .  ■ 

Quercus  pedunculata.  YVild.  .  .  . 

»  sessiliflora.  L . 

Rhamnus  catharticus.  L . 

■>  frangula.  L . 

Rhustyphina.  L . 

Ribes  alpinum.  L . 

»  grossularia.  L . 

»  nigrum.  L . 


48 


OBSERVATIONS 


BRUXELLES. 

noms  des  plantes. 

— 

ANVERS. 

NA9SUR. 

OSTENDE. 

[Chute  des  feuilles,  1862.) 

Observai. 

— 

5  nov. 

— 

10  nov. 

— 

28  oct. 

— 

19 

— 

3  déc. 

— 

15  » 

— 

— 

— 

15  > 

— 

22  nov. 

— 

5  » 

— 

4  nov. 

— 

20  » 

— 

2  v 

— 

— 

— 

2  » 

Sorbus  aucuparia  L.  .  . 

— 

28  nov. 

— 

5  » 

— 

20  » 

7  nov. 

— 

20  oct. 

— 

— 

20  nov. 

— 

i  »> 

»  rothomagensis.  L . 

— 

— 

— 

1  » 

— 

12  nov. 

— 

i  » 

— 

30  » 

1  nov. 

— 

— 

— 

22  nov. 

— 

8  v 

— 

6  » 

— 

— 

— 

20  v 

— 

28  nov. 

— 

18  . 

— 

— 

— 

22  oct. 

7  nov. 

19  sept. 

3  nov. 

DES  PHENOMENES  PERIODIQUES. 


49 


PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES  NATURELS. 


RÈGNE  ANIMAL. 


Observations  faites  dans  les  environs  de  Bruxelles,  pendant  Vannée  1862, 

par  MM.  J.-B.  Vincent  et  fils. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


Février 


Mars 


7.  Parus  caudatus.  Repasse. 

9  Parus  cœruleus.  Repasse. 

19.  Fringilla  cœlebs.  Chante. 

21.  Turdus  viscivorus.  Repasse. 

22.  Turdus  musicus.  Repasse. 

22.  Corvus  cornix.  Repasse 

26.  Ciconia  alba.  Repasse. 

1 .  Charadrius  pluvialis.  Repasse. 

1 .  Fanellus  crislatus.  Repasse. 

5.  Motacilla  alba.  Arrivée. 

5.  Ciconia  alba.  Repasse. 

5.  Fringilla  coccolhraustes. -Revient. 

14.  Rulicilla  tithys.  Arrivé. 

15  (vers  le  soir).  Turdus  musicus.  Repasse. 
17.  Phyllopneuste  rufa.  Arrive. 

20.  Turdus  torquatus.  Repasse. 

20.  Emberiza  scliœniclus.  Revient. 

24.  Totanus  calidris.  Repasse. 

27.  Hirundo  riparia.  Arrivé. 

29.  Saxicola  rubetra.  Arrivé. 

30.  Anlhus  arboreus.  Arrivé. 


Avril 


Mai 


4.  Motacilla  f lava .  Arrive. 

5.  Saxicola  œnanthe.  Repasse. 

6.  Hirundo  rustica.  Arrivé. 

8.  Sylvia  curruca.  Arrivé. 

9.  Ruticilla  luscinia.  Arrivé. 

10.  Sylvia  atricapilla.  Arrivé. 

21.  Oriolus  galbula.  Arrivé. 

21.  Cuculus  canorus.  Arrivé. 

22.  Cypselus  apus.  Arrivé. 

25.  Emberiza  hortulana.  Arrivé. 

24.  Totanus  hypoleucos.  Repasse. 

26.  Muscicapa  grisola.  Arrivé. 

27.  Sylvia  hortensis.  Arrivé. 

28.  Sylvia  cinerea.  Arrive. 

28.  Totanus  ochropus.  Repasse. 

29.  Muscicapa  ficedula.  Revient. 

2.  Hypolaïs  icterina.  Arrive. 

6.  Calamoherpe  arundinacea.  Arrive. 

7.  Calamoherpe  turdoïdes.  Arrive. 

12.  Calamoherpe  palustris.  Arrive. 


Tome  XXXV. 


7 


50 


OBSERVATIONS 


PERIODE  D’AUTOMNE. 


Juillet  15.  Totanus  hypoleucos  Passe. 

28.  Cypselus  apus.  Départ. 

Août  10.  Saxico la  œnanthe  Repasse. 

16.  flegulus  ignicapillus.  Repasse. 

20  au  24  (nuits  des).  Numenius  arquata. 
Repasse. 

16.  Anllius  arboreus.  Emigre. 

24.  Moticilla  flava.  Émigre. 

Septembre  4.  Totanus  ochro pus.  Passe. 

4.  Totanus  hypoleucos.  Passe  encore. 

20  au  21  (nuit  du)  Turdus  musicus.  Passe 
24.  Motacilla  boarula.  Arrive. 


Octobre  1.  Anlhus  pratensis.  Émigre. 

I.  Alanda  arvensis  Émigre. 

1.  Frinyilla  cœlebs.  Émigre. 

5.  Alauda  arborea.  Émigre. 

a.  Emberiz a  schœniclus  Emigre. 

14.  Corvus  cornix.  Arrive. 

14.  Sturnus  vulgaris.  Émigre. 

22.  Corvus  cornix  Passe. 

26.  Frinyilla  spinus.  Émigre. 

Novembre  5.  Anser  segetum  Passe  en  grand  nombre 

II.  Buteo  communis.  Passe. 

1 1.  Aslur  nisus.  Passe 


Février  19.  Fespertilio  pipistrellus.  X oie. 

Janvier  6.  Id.  id.  Réveil. 


Mars  15.  Bana  temporaria.  Réveil. 


Mars  15.  Colias  rhamni.  Vole. 

Avril  2.  Pierisnapi.X oie. 

13.  Bombyx  tau.  Vole. 


I  MS  ECTES. 

)  Avril  22.  Melolonlha  vulgaris.  Apparition. 

I  23.  Pieris  cardamines.  Vole. 


Observations  faites  à  Vilvorde,  près  de  Bruxelles,  en  1S62 ,  par  M.  Alf.  Wesmael. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


Mars  1.  Cigogne.  Passe. 

12.  Pinson.  Chante. 

27.  Fauvette  à  tête  noire.  Chante 
Avril  5.  Merle.  Chante. 


Avril  8.  Hirondelle  des  fenêtres.  Arrivée. 
17.  Rossignol.  Chante. 

24.  Martinet.  Arrivée. 

24.  Coucou.  Chante. 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


51 


INSECTES. 

Avril  24  (dans  la  soirée).  Hanneton.  Apparaît. 


PLANTES  AGRICOLES. 

Leseigle  était  en  épis  ...  le 

—  en  fleurs . le 

—  coupé . le 


24  avril. 
16  mai. 

9  juillet. 


Le  Froment  était  en  épis  . 
—  en  fleurs 

coupé  . 


le  5  juin, 
le  7  — 
le  26  juillet. 


Observations  faites  à  Melle ,  près  (le  Gand ,  en  1862,  par  M.  le  professeur  Bernardin. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


Janvier  12.  Anser  segetum.  Passe. 

14.  Colias  rhamni.  Paraît. 

24.  Columba  palumbus.  Passe. 
Février  12.  Corvus  cornix.  Séjourne. 

1 3.  Turdus  pilaris  Passe. 

14.  Fringilla  cœlebs.  Chante. 

14.  »  domestica.  S’apparie. 

14.  Motacilla  alba.  Vu. 

18.  Colias  rhamni.  Vole. 

Mars  3.  Vanellus  cristatus.  Passe. 

3.  Corvus  cornix.  Passe. 

3.  Numenius  pheopus.  Passe. 

6.  Anser  segetum.  Passe. 

7.  Rana  temporaria.  Vu  en  quantité. 

8.  Corvus  corone.  Passe. 

8.  Turdus  merula.  Chante. 

8.  Fringilla  domestica  Nidifie. 

8.  Culex  annulatus .  Vole. 

9.  Corvus  cornix  Passe. 

9.  Vanellus  cristatus  Passe. 

12.  Emberiza  citrinella.  Chante. 

13.  Vespertilio  pipislrellus.  Vole. 


Mars  Î4.  Anas  boschas.  Passe. 

15  à  18.  Corvus  cornix.  Séjourne. 

10.  Apis  mellifica.  Vole. 

18.  Ardea  cinerea.  Passe 

18.  Rana  temporaria.  Ponte. 

19.  Corvus  corone.  Passe. 

20.  Vanellus  cristatus.  Passe. 

21  à  31.  /Félix  nemoralis.  En  quantité. 
25.  Vanessa  urticœ .  Vole. 

25.  Coccinella  quadripustulata.  Vole. 
29.  Cyprinus  auratus.  Fraient. 

Avril  2.  Criocera  merdigera.  Paraît. 

4.  Sylvia  atricapilla.  Chante. 

9.  Cyprinus  auratus.  Fraient. 

11.  Hirunda  rustica.  Arrive. 

14.  Numenius  pheopus.  Passe. 

20.  Coccinella  bipunctala.  Vole. 

21.  Stapliylins. 

22.  Sylvia  luscinia.  Arrive. 

22.  Alauda  arvensis.  Petits  volent. 

25.  Sylvia  luscinia.  Chante. 

25.  Cuculus  canorus.  Chante. 


Mvril 


Mai 


Juillet 

Moût 


Septembre 


Octobre 


NB.  Je 
l’hiver  ici. 


Janvier 


Février 


OBSERVATIONS 


26.  Sylvia  hypolaïs.  Chante. 

27.  Cypselus  apus.  Arrive. 

28.  Melolontha  vulgaris.  Vole. 

30.  Oriolus  galbula.  Chante. 

8.  Mgr  ion  puella.  Vole. 

8.  »  minium.  Vole. 

11.  Turdus  merula.  Petits  volent. 
1 4.  Uirundo  rustica  Nidifie. 


Mai 

19.  Rallus  crex.  Crie. 

21.  Meschna  mixta.  Vole. 

Juin 

2.  Sylvia  luscinia.  Petits  volent. 

3.  Oriolus  galbula.  Chante  2®'  fois 

3.  Stapylins. 

26.  » 

28  Limax  rufus.  Abondant  depuis  8j  ours. 


PÉRIODE  D’AUTOMNE. 


14.  Slaphylius.  En  quantité. 

1 .  et  2.  Slapliylins. 

9.  Cypselus  apus.  Part. 

26  Motacilla  alba.  Se  prépare  à  partir. 
9.  Mphis  populi.  Passe. 

16.  Sylvia  luscina.  Vu  dernière  fois. 

19.  Uirundo  urbica.  Part. 

23.  Fanessa  atalanta.  Vole. 

29.  Uirundo  rustica.  Part. 

4.  »  Vu  dernière  fois. 

6.  Mphis  populi.  Passe. 


Octobre  6.  Motacilla  alba.  Vu. 

7  à  9.  Fanessa  atalanta.  Vole. 

8.  Mnthus  pratensis.  Passe. 

12.  o 

23.  Corvus  cornix.  Arrive. 

28.  Fanessa  atalanta.  Vole. 

31.  Mnas  boschas.  Passe. 

Novembre  11  à  15.  Mnser  segetum.  Passe  en  masse 
Décembre  20,  21  et  22.  Larus  ridibundus  Séjourne. 
25.  Motacilla  alba.  Vu. 


ne  mets  pas  «  arrivée  ou  départ  »  pour  la  Motacilla  alba ,  croyant  que  ces  oiseaux  passent  souvent 


Observations  faites  à'Ostende ,  en  1862,  par  M.  Édouard  Lanszweert. 


OISEAUX. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


16  au  21 .  Mnas  tadorna.  Passe  par  bandes.  Février 
19  et  20.  Cygnus  musicus.  Passent;  2  indi¬ 
vidus  ont  été  tués  dans  le  port. 

22  et  23.  Mnser  segetum.  Passe  dans  l’après-  Mars 
midi,  se  dirigeant  vers  le  NO. 

14.  Fringilla  cœlebs.  Passe. 

20.  Turdus  iliacus  Passe  par  bandes. 


22  et  23.  Mnser  segetum.  Passent  au-dessus 
de  la  mer  par  bandes  innombrables  se 
dirigeant  vers  PENE. 

6.  Mnser  segetum.  Passe  toute  la  nuit. 

5  et  14.  Fanellus  cristatus.  Passent  par 
bandes  nombreuses. 

6.  Mlauda  arvensis.  Chante. 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


Mars 

Avril 


Juillet 

Août 

Septembre 


KJ 


DD 


25.  A  user  segetum.  Passe  au  soir  par  une  Avril 
pluie  battante. 

24.  Ardea  cinerea.  Passe. 

24.  Emberiza  nivalis.  Passe  par  bandes. 

27.  Corvus  cornix.  Départ. 

5.  Sylvia  phœnicurus.  Arrive. 

10.  Hirundo  urbica.  Arrive.  Mai 


11.  Sylvius  hypolais.  Vu. 

22.  Cypselus  apus. 

25,24  et  25.  Falco  peregrinus.  Plane  au- 
dessus  de  la  ville. 

29.  Numenius  arquata.  Passe. 

29.  Cuculus  canorus.  Chante. 

1.  Coturnix  dactylisonans.  Arrive. 


PÉRIODE  D’AUTOMNE. 


19.  Platalœa  leucorhodia.  Passe  du  SE. 
vers  le  NO. 

25.  Numenius  arquata.  Passe  le  matin. 

16,  18,  19  et  20.  Tringa  pugnax.  Passe. 

50  et  51.  Totanus  fuscus.  Passe. 

1.  S ter na  hirundo.  Arrivent. 

1 .  »  nigra.  Arrivent. 

1  et  2.  Totanus  fuscus.  Passe. 

7.  Charadrius  colloris.  Passe. 

7.  Numenius  arquata.  Passe. 

16.  Caprimulgus  europœus.  Pris  un  indi¬ 
vidu. 

19.  Motacilla  œnanthe.  Vu  un  grand 
nombre. 


Septembre  26  et  27.  Slurnus  vulgaris.  Passent  par 
troupes  nombreuses. 

28.  Hirundo  urbica.  Départ. 

29.  Fringilla  carduelis.  Arrivent. 

Octobre  1 .  Corvus  cornix.  Arrive. 

18.  Anser  segetum.  Passe. 

19  et  20.  Platalœa  leucorhodia.  Passent  par 
bandes. 

Novembre  12.  Fringilla  spinus.  Arrive. 

Décembre  20.  Emberiza  nivalis.  Vu  des  bandes  nom¬ 
breuses. 

22.  Sylvia  phœnicurus.  Vu  un  individu. 


REPTILES. 


Février  18.  Rana  temporaria.  Réveil. 

Mars  15.  Rana  temporaria.  Vu  des  œufs. 
Mai  11.  Lacerta  vivipara.  Réveil. 


POISSONS. 

Août  9.  Scomber  scombrus.  Apparition. 

Octobre  25.  Clupea  harengus.  Apparition. 
Novembre  18.  »  spraltus.  Apparaît. 


o4 


OBSERVATIONS 


INSECTES. 


Mars  22.  Coccinella  sexpunclata.  Apparaît. 

Avril  5.  Meloë  proscarabœus  Apparaît. 

25.  Melolontha  vulyaris.  Vole. 

Mai  2.  Bibio  hortulanus.  Vole. 

Mai  5.  Quantité  inombrable  d’insectes  coléop¬ 

tères,  hyménoptères,  dipteres,  etc  ,  etc., 


apportée  à  la  plage  par  la  marée  mon¬ 
tante  et  formant  sur  le  sable  une  bande 
noire  d’environ  25  centimètres  de  lar¬ 
geur  sur  une  étendue  d’environ  2  kilo¬ 
mètres  vers  l’ouest  d’Ostende. 


MAMMIFÈRES. 

•5.  Vespertilio  pipistrellus.  Réveil. 
17.  »  mur  inus.  Réveil. 


Talpa  europœa  a  travaille  tout  l’hiver;  jamais  il  n’a 
été  en  plus  grand  nombre. 


Mars 

Avril 


Observations  faites  à  Waremme  et  à  Liège,  en  1862,  par  MM.  de  Selys-Longchamps 

et  Michel  Ghaye. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


Mars  16.  Grus  cinerea.  Passe. 

16.  Phyllopneuste  rufa.  Arrivés. 

25.  Ruticilla  tithys.  Arrivés. 

Avril  1.  Alosa.  Remonte  la  Meuse.  (Liège.) 

1.  Sylvia  alricapilla.  Arrivés. 

1 .  Hirundo  ruslica.  Arrivés. 

4.  Phyllopneuste  sibilatrix.  Passage. 
12.  Sylvia  curruca.  Arrivés. 


Avril 


Mai 


18.  Cuculus  canorus.  Arrivés. 

22.  Cypselus  apus  (à  Huy).  Arrivés. 
25.  Oriolus  galbula.  Arrivés. 

1 .  Muscicapa  grisola.  Arrivés. 

1.  Gomphus  vulyalissimus.  Volent. 
7.  Libellula  depressa  Volent. 

10.  Calopleryx  virgo.  Volent. 

16.  fiypoluïs  icterina.  Arrivée. 


PÉRIODE  D'AUTOMNE. 


Août  20.  Upupa  epops.  Repasse. 

Septembre  19.  Turdus  musicus.  Repasse. 

28.  Hirundo  urbica  Départ  principal. 
28.  «  rustica.  Départ  principal. 


Octobre  6.  Grus  cinerea.  Premier  passage. 

14.  Turdus  iliacus.  Premier  passage 
17.  Corvuscarnix.  Arrive. 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


Janvier 


Février 


Mars 


Avril 


55 


Observations  faites  à  Jerneppe-sur-Sieiise ,  en  1862 ,  par  M.  Alf.  de  Borue. 


PERIODE  DE  PRINTEMPS. 


16.  Pariade  des  Pies. 

24.  ■>  Moineaux. 

25.  Etourneaux  commencent  à  siffler. 

8.  Régulas  ignicapillus.  Vu  pour  la  der¬ 
nière  fois. 

16.  Sylvia  troglodytes.  Chante 

18.  Alauda  arvensis.  Chante. 

19.  Fringilla  cœlebs.  Chante. 

21.  Chauve-souris. 

21.  Fourmis  de  plusieurs  espèces. 

7.  Pieris  brassicœ. 

8.  Motacilla  alba. 

10.  Vanessa  urlicœ. 

12.  Bombus. 

13.  Apis  mellifica. 

1 4.  Lacerta  muralis. 

14.  Vanessa  polychloros. 

14.  Colias  rhamni. 

14.  Harpalus  aeneus. 

14.  Aphodius  prodromus. 

15.  Sylvia  tilhys.  Arrivée  et  premier  chant. 

15.  Pederus  riparius. 

26.  Sitona  lincellus. 

27.  Carabus  auratus. 

27.  Apion  flavipes. 

5.  Hirundo  ruslica.  Vu  auprès  de  Liège. 

5.  Attagenus  pellio. 

5.  Anthrenus  scropliulariœ. 

7.  Phytonomus  nigriroslris. 

7.  Phyllobius  argentalus 

7.  Sylvia  atricapilla  .  Vue  pour  la  lre  fois. 

8.  Zerene  grossularia.  Éclosion  des  che¬ 

nilles. 

18.  Sylvia  atricapilla.  Chante. 

19.  Calvia  gultata. 

19.  Cleonus  trisulcatus. 

20.  Hirundo  ruslica.  Arrivée. 

20.  Melolontha  vulgaris. 

20.  Meloe  proscarabœus. 

20.  Malachius  œneus. 

21.  Fespa. 

22.  Motacilla  flava.  Jeunes  sortant  du  nid. 
22.  Trichodes  alvearius. 


Avril  22.  Cytilus  varias. 

24.  Sylvia  luscinia.  Chante. 

24.  Hirundo  urbica.  Arrivée. 

25.  Feronia  cuprea. 

25.  Falgus  liemiplerus. 

25.  Cypselus  apus.  Arrivée. 

25.  Anobium  tessellalum. 

25.  Rhizotrogus  aeslionus. 

26.  Crioceris  asparagi. 

26.  Grammatoptera  ruficornis 
29.  Cerambyx  ardo. 

29.  Corymbites  castaneus. 

Mai  1.  Pieris  cardamines. 

1.  Cicindela  campestris. 

1 .  Antliaxia  nitidula. 

1 .  Pachyta  collaris. 

1.  Telephorus  anticus. 

2.  Oriolus  galbula.  Chante. 

4.  Musicapa  grisola. 

6.  Carpes.  Fraient. 

6.  Ayrion  puella. 

8.  Lacon  murinus. 

8.  Anthocomus  equestris. 

9.  Gnorimus  nobilis. 

9.  Telephorus  dispar. 

1 1 .  Sylvia  hypolaïs.  Chante. 

15  Loricera  pilicornis. 

15.  Callidium  variabile. 

16.  Callidium  violaceum. 

16.  Pachyta  \0-maculata. 

18.  Crioceris  merdigera. 

20.  Anaglyptus  mysticus. 

20.  Oberea  pupillata. 

20.  Cetonia  aurala. 

20.  Oxythyrea  stictica. 

20.  Clytus  arietis. 

20.  Tillus  elongatus. 

20.  Phyllopertha  horticola. 

24.  Trichodes  apiarius. 

24.  Rhamnusium  salias. 

24.  Necydalis  rufa. 

25.  Atlious  leucophœus. 

25.  Chlorophanus  viridis. 


OBSERVATIONS 


PÉRIODE  D’AUTOMNE. 


Août  5.  Cypselus  apus.  Départ 

Octobre  8.  Grm  cinerea.  Passage. 


Novembre  19.  Le  malin  passage  d’oiseaux  (oies  ou 
canards). 

Décembre  29.  Passage  de  corbeaux  allant  vers  le  sud. 


Malgré  le  degré  d’avancement  remarquable  de  la  végétation  cette  année,  les  oiseaux  sont  en  retard  sur  les  années 
précédentes,  surtout  les  hirondelles  qui  n’ont  paru  ici,  VH.  rustica,  que  le  20  avril  et  VH.  urbica.  que  le  24.  La 
Fauvette  à  tête  noire,  vue  le  8,  ne  s’est  mise  à  chanter  que  le  18;  le  Rossignol  n’a  commencé  à  se  faire  entendre  que 
le  24.  Au  contraire,  les  Martinets  sont  arrivés  le  26  ,  par  un  temps  très-chaud  ,  en  avance  d’une  semaine  sur  leur 
époque  normale. 

Jemeppe,  1862.  (E.deBorre.) 


Observations  faites  à  Namur,  en  1862 ,  par  M.  A.  Bellvnck. 


PÉRIODE  DE  PRINTEMPS. 


Février  16.  Les  alouettes  montent  eu  chantant. 

Mars  7.  Musca  domestica. 

16.  Vanessa  urlicœ. 

16.  Anguis  fragilis. 

19.  Rana. 

19.  Viper  aberus. 


Mars  26.  Gonopteryx  rhamni 

26.  Melœ  proscarubeus. 
26.  Lacer  ta. 

26.  Triton. 

Avril  14.  Melolontha  vulyaris 


PÉRIODE  D’AUTOMNE. 


Août  30.  Œdipbda  migralnria 


DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


Mars 


A  vril 


Observations  faites  à  Vienne ,  en  1862,  par  M.  Charles  Fritsch. 


PERIODE  DE  PRINTEMPS. 


1.  Alauda  arvensis.  Chante. 

10.  Apis  mellifica.  Vole. 

10.  Chilocorus  quadripustulatus.  Apparaît. 
10.  Colias  rhamni.  Vole. 

10.  Fanessa  polychloros.  Vole. 

10.  »  urticæ.  Vole. 

15.  Aphodius  fimetarius.  Apparaît. 

15.  Gyrinus  mergus.  Vole. 

28.  Meloë  proscarabeus.  Apparaît. 

1 .  Bombus  terrestris.  Vole. 

6.  »  lapidarius.Y  oie. 

6.  Cetonia  aurata.  Apparaît. 

7.  Pieris  cardamines.  Vole. 

7.  Fanessa  atalanla.  Vole. 

8.  Pieris  napi.  Apparaît. 

19.  Telephorus  ruslicus.  Apparaît. 


Avril  22.  Pieris  brassicœ.  Apparaît. 

24.  Byrrhus  pilula.  Apparaît. 

24.  Coccinellabipunctata  Apparaît. 
24.  C-iculus  canorus.  Chante. 

27.  Crioceris  1  H-punctala.  Apparaît. 
50.  Papilio  machaon.  Vole. 

50.  Lacon  mûrirais.  Apparaît. 

Mai  2.  Coturnix  dactylisonans.  Chante. 

-3.  Malachius  œneus.  Apparaît. 

5.  Libeliula  depressa.  Vole. 

6.  Pœcilus  cupreus.  Apparaît. 

15.  Oxythyrea  slictica.  Apparaît. 

17.  B ibio  hortulanus.  Apparaît. 

Juin  5.  Trichodes  apiarius.  Apparaît. 

3.  Clytus  mysticus.  Apparaît. 

21.  Crioceris  asparagi.  Apparaît 


PÉRIODE  D’AUTOMNE. 

Août  2.  OEdipodes  migratoria.  Apparaît. 


Tome  XXXV. 


8 


58 


OBSERVATIONS 


OBSERVATIONS  FAITES  A  DES  ÉPOQUES  DÉTERMINÉES. 


État  de  la  végétation  le  21  mars  1862. 


(Pour  la  Feuillaison  ,  on  représente  par  1,  feuillage  complet  ;  3/4,  feuilles  aux  trois  quarts  de  leur  grandeur  ;  Vi ,  moitié  grandeur  . 
i/4 ,  quart  de  grandeur;  '/s,  bourgeons  ouverts  ou  très-petites  feuilles  initiales;  par  bourgeons,  on  entend  seulement  ceux 
qui  sont  à  moitié  ouverts  et  par  0,  on  entend  absence  de  feuillaison. 


NOMS  DES  PLANTES. 

VILVORDE. 

Al.Wesmael.) 

ANVERS. 

(M.Rigouts.) 

OSTENDE. 

(  M.  Lans- 
zweert.) 

LIEGE. 

(M.  Dewal- 
que.) 

JEMEPPE. 

(M.  deBorre.) 

NAMUR. 

M.  Bellynck..) 

WAREMME. 

(M.  de  Selys.) 

MELLE.  | 

(M  Bcrnar- 
diu.)  | 

VIENNE. 

(M.  Frilsch.) 

Feuillaison. 

- 

Æsculus  hippocastanum.  . 

— 

Bourgeons 

— 

Vs 

Bourgeons. 

Bourgeons. 

Bourgeons. 

Bourgeons. 

Bourgeons. 

id. 

—  pavia . 

Alnus  glutinosa . 

— 

— 

— 

Bourgeons. 

— 

Bourg. 

— 

—  _ 

0 

Amygdalus  communis.  .  . 

— 

0 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

*-S 

—  persica  .... 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

— 

Vs 

Bourg. 

Aristolochia  sipho . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

Arum  maculatum . 

— 

1 

— 

3/4 

— 

1/4 

3/4 

— 

*/4 

Betula  alba . 

— 

ô 

— 

— 

0 

Bourg. 

— 

Bourg. 

0 

Berberis  vulgaris . 

— 

Bourg. 

-  - 

l/S 

*/8 

Id. 

— 

Vs 

Bourg. 

Bignonia  catalpa . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

—  radicans . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Carpinus  betulus  .  .  •  • 

- 

Bourg. 

— 

— 

Bourg. 

Bourg. 

— 

— 

Bourg.  [ 

Cercis  siliquastrum  ... 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Colutea  arborescens.  .  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Vs 

Corchorus  japonica  .... 

1/4 

■  li 

- 

*/4 

1/4- 

1/2 

1/4 

1/4 

Bourg. 

Cornus  mascula . 

— 

0 

— 

l/S 

- 

Bourg. 

l/S 

— 

0 

—  sanguinea  .... 

— 

i/s 

- 

l/s 

— 

— 

— 

Bourg. 

*'S 

Corylus  avellana . 

— 

1/4 

l/e 

— 

‘/S 

Bourg. 

B.  ouverts. 

l/S 

0 

Cratægus  oxyacantha  .  .  . 

— 

‘/S 

- 

1/8 

l/S 

Id. 

Bourg. 

l/S 

Bourg. 

Cytisus  laburnum . 

— 

1/S 

— 

— 

Bourg. 

Id. 

— 

— 

Id. 

Daphné  laureola . 

— 

— 

— 

‘/4 

—  mezereum . 

— 

1/4 

i/s 

1/2 

— 

1/2 

Va 

— 

Ginkgo  biloba . 

- 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

Gleditschia  liorrida  .... 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— —■ 

0 

Glycine  sinensis . 

- 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Hydrangea  hortensis  .  .  • 

— 

Ifi 

— 

— 

— 

Vs 

Juglans  regia . 

- 

— 

- 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

Larix  europaea . 

— 

— 

— 

1/8 

Bourg. 

Bourg 

1/4 

*/• 

DES  PHENOMENES  PERIODIQUES 


59 


NOMS  DES  PLANTES. 

* 

V1LVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDB. 

LIEGE. 

JEMEPPE. 

N  AMU  R. 

WA  REMUE. 

MELLE. 

VIENNE.  j 

Feuillaison  (suite) 

Liguslrum  vulgare  .... 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

1/2 

Liriodendron  tulipifera  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourgeons. 

Lonicera  periclymenum.  . 

Va 

1/2 

1/2 

1/2 

1/2 

1/2 

1/2 

1/2 

1/2 

— ■  symphoricarpos. 

— 

1/2 

— 

1/4 

Vs 

Ma 

1/4 

Vs 

Vs 

—  xylosteon .... 

— 

Bourgeons. 

— 

I/o 

1/4 

Bourgeons. 

1/4 

— 

Vs 

Magnolia  yulan . 

— 

0 

Mespilus  germanica .  .  .  . 

— 

Bourg. 

— 

— 

- 

— 

— 

Bourg. 

1/s 

Philadelphus  coronarius.  . 

Bourgeons. 

1/4 

1/4 

1/4 

1/4 

— 

‘/s 

‘/S 

Populus  alba . 

— 

0 

— 

— 

— 

0 

— 

0 

—  balsamifera  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

—  fastigiata . 

— 

Bourg. 

Prunus  armeuiaca . 

— 

— 

— 

— 

1/S 

Bourg. 

— 

Bourg. 

—  cerasus . 

— 

Bourg. 

— 

— 

1/S 

— 

Bourgeons. 

Id. 

Vs 

—  domestica . 

— 

— 

— 

— 

— 

Id. 

— 

— 

0 

—  padus . 

— 

1/s 

— 

—  - 

Vs 

Bourg. 

Bourg. 

— 

1/S 

Pvrus  communis . 

— 

i/s 

—  * 

— 

v  1/S 

— 

— 

Bourg. 

0 

—  cydonia . 

— 

— 

— 

.  - 

1/S 

Bourg. 

—  japonica . 

— 

3/4 

1/2 

3/4 

1/2 

‘/2 

5/4 

1/2 

1/S 

—  malus . 

— 

— 

— 

— 

1/S 

Rhus  coriaria . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

—  cotinus . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

■  9  . 

0 

Bourgeons. 

Ribes  alpinum .  . 

— 

— 

— 

— 

1/S 

1/2 

*/4 

— 

1/S 

—  gTOSsularia . 

— 

3/4 

1 

3/4 

1/S 

1/2 

1/2 

— 

1/2 

—  nigrum . 

— 

3/4 

— 

1/4 

,  1/4 

— 

1/4 

1/4 

—  rubrum . 

1/4 

1/2 

1/4 

— 

1/S 

Vs 

— 

1/4 

—  sanguineum . 

— 

1/4 

— 

‘/2 

Vs 

‘/4 

1/4 

—  uva  crispa . 

— 

1/4 

— 

— 

— 

.  ‘/4 

1/2 

Robinia  pseudo-acacia  .  . 

— 

0 

Rosa  centifolia  ...... 

— 

0 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

—  gallica . 

— 

1/4 

— 

— 

— 

— 

1/S 

— 

Id. 

Salix  babylonica . 

1/4 

1/4 

— 

— 

1/s 

Bourg. 

1/S 

1/4 

‘/s 

Sambucus  nigra . 

1/4 

1/4 

— 

*/2 

Vs 

1/4 

1/S 

Vs 

l/s 

Sorbus  aucuparia . 

— 

Bourg. 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

Bourg. 

Spiræa  sorbifolia  .  •  .  .  . 

— 

3/4 

— 

3/4 

— 

V4 

3/4 

— 

1/2 

Staphylæa  pinnala  .... 

— 

i/s 

— 

»/s 

1/S 

Bourg. 

— 

1/S 

Bourg. 

Syringa  persica  ■•.... 

— 

1/4 

— 

Vs 

1/4 

Vs 

— 

Id. 

—  vulgaris . 

1/4 

‘/4 

Bourgeons. 

— 

1/S 

‘/4 

1/4 

— 

Vs 

Tilia  europæa 

— 

Bourg. 

Ulmus  campestris . 

— 

0 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Viburnum  lantana . 

— 

i/s 

—  ■ 

— 

1/8 

Vs 

—A 

— 

1/S 

—  opulus . 

— 

1/S 

— ^  * 

1/s 

l'/S 

Vs 

— 

Bourg. 

Vs 

60 


OBSERVATIONS 


NOMS  DES  PLANTES. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

LIÈGE . 

JEMBPPE. 

NAMUR . 

WAREMME. 

| 

MELLE. 

VIENNE. 

Floraison. 

Adonis  vernalis . 

— 

— 

— 

Générale. 

• 

Adoxa  moscatellina  .... 

Alnos  glutinosa . 

— 

— 

— 

Terminée 

— 

Avancée. 

Terminée 

Anemone  liepatica.  .  .  . 

— 

Terminée 

— 

Avancée. 

- 

Id. 

Générale. 

Avancée. 

Avancée. 

—  nemorosa  .  .  .  . 

— 

Commence. 

— 

Générale. 

— 

Commencée. 

Id. 

Amygdalus  communis  .  .  . 

Commencée. 

Boulons. 

— 

— 

— 

Id. 

ü 

0 

—  persica  .  .  .  . 

— 

— 

Partielle. 

Générale. 

Générale. 

Commencée. 

Id. 

0 

0 

Arabis  albida . 

— 

— 

— 

Id. 

—  lilacina . 

— 

— 

— 

Id. 

—  caucasica . 

— 

Générale. 

— 

_ 

_ 

Générale. 

Armeniaca  vulgaris  .... 

Commencée. 

Arum  maculatum . 

Aubrietia  deltoïdea  .... 

— 

— 

— 

_ 

_ 

Générale. 

Berberis  vulgaris . 

— 

— 

— 

__ 

— 

— 

_ 

0 

Bellis  pcrennis . 

Commencée. 

Générale. 

— 

Générale. 

Partielle. 

Générale. 

_ 

Partielle. 

Belula  alba . 

— 

Id. 

— 

— 

— 

0 

Chatons. 

— 

Boutons. 

Buxus  sempervirens  .  .  . 

—  S 

Boulons 

— 

Commence. 

Terminée. 

0 

Générale. 

Commence. 

Id. 

Callha  paluslris . 

Commencée. 

Cardamine  pratensis  .  .  . 

— 

— 

— 

— 

Commence. 

Cheiranlhus  clieiri  .... 

— 

— 

— 

Boulons. 

Corehoi  us  japonica  .... 

- 

Commence. 

— 

Petits  bout. 

Boulons. 

0 

_ 

0 

Boutons. 

Cornus  mascula . 

Totale. 

Continue. 

— 

Générale. 

— 

Générale. 

Presqueûnic. 

— 

Commcnç1*. 

—  sanguinea . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Commence. 

Corydalis  bulbosa . 

- 

— 

— 

Commence. 

Corylus  avellana . 

Terminée. 

Terminée. 

Générale. 

Terminée. 

Terminée. 

Avancée. 

Terminée. 

Terminée 

Terminée. 

Crocus  vernus.  ...... 

Avancée. 

Générale. 

— 

Id. 

— 

Terminée. 

Presque  finie. 

Id. 

Boulons. 

Dapline  mezereum.  .  .  . 

Id. 

Id. 

— 

Avancée. 

— 

Id. 

Id. 

— 

Générale. 

—  laureola . 

- 

0 

— 

Générale. 

— 

Générale. 

Id. 

Ficaria  ranunculoïdes.  .  . 

- 

— 

— 

Commence. 

Fritillaria  imperialis.  .  .  . 

— 

— 

- 

Boutons. 

— 

— 

— 

Boutons. 

Galanlhus  nivalis  .... 

Terminée. 

Terminée. 

— 

Avancée. 

— 

Terminée. 

Prcsquefinie. 

— 

Générale. 

Helieborus  niger . 

— 

id. 

- 

Terminée. 

— 

Id. 

Terminée. 

— 

Avancée. 

- —  viridis . 

— 

— 

— 

Générale. 

Hyacinlbus  bolryoides  .  . 

- 

— 

— 

— 

Commence. 

—  orienlalis  .  .  . 

— 

— 

— 

Générale. 

0 

Hyoscyamus  orienlalis  .  . 

— 

— 

— 

Id. 

Iberis  sempervirens .  .  .  . 

— 

— 

— 

Boulons. 

Lamium  maculatum.  .  .  . 

Commencée. 

—  purpureum .... 

— 

— 

— 

Générale. 

Partielle. 

Générale. 

— 

Géhérale. 

Avancée. 

Leontodon  laraxacum.  .  . 

Commencée. 

0 

— 

Id. 

— 

Commencée. 

— 

— 

Boutons. 

Magnolia  yulan . 

— 

Gros  bout. 

— 

Commence. 

— 

0 

Boutons. 

Muscari  bolryoides  .... 

— 

— 

I 

Générale. 

— 

Commencée. 

1 

DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES,  61 


NOMS  DES  PLANTES. 

VILVORDE. 

ANVERS. 

OSTENDB. 

LIÈGE. 

JBMEPPE. 

NÀMUR. 

W  AREMMB. 

ItlELLB. 

VIENNE. 

Floraison  (suite). 

Narcissus  pseudo-n*rcissus. 

Commencée. 

Gros  bout. 

— 

- 

Boutons. 

Commencée. 

Générale. 

Générale. 

Orobus  vernus . 

— 

— 

— 

— 

- 

— 

— 

Commence. 

Philadelphus  coronarius-  . 

Primula  auricula  ..... 

— 

— 

— 

_ 

Générale. 

0 

—  elatior . 

— 

— 

— 

— 

- 

Générale. 

commencée. 

Générale. 

—  grandillora.  .  .  . 

— 

— 

— 

Générale. 

—  officinalis . 

_ 

— 

— 

_ 

— 

Commencée. 

Généralé. 

—  veris . 

— 

Générale. 

— 

Commence. 

— 

— 

— 

— 

Boulons. 

Prunus  armeniaca . 

—  . 

— 

Avancée. 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

— 

Commence. 

Pyrus  communis  ..... 

— 

— 

- 

— 

Commence. 

—  japonica  . 

Boutons. 

Commence. 

— 

Commence. 

— 

0 

— 

Commence. 

Boutons. 

—  malus . 

— 

— 

— 

— 

Boutons. 

' 

Populusalba . 

Terminée. 

0 

— 

— 

"  — 

0 

Chat. tombés. 

* 

—  fastigiata . 

Commencée. 

Générale. 

— 

— 

Très-avancée. 

Pulmonaria  officinalis.  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

- 

— 

Commence. 

Rhododendron  dahurieum. 

— 

— 

- 

Générale. 

Ribes  alpinuip . 

— 

— 

- 

— 

0 

—  grossularia  . 

— 

— 

— 

Commence. 

—  nigrum . 

— 

— 

— 

— 

0 

— 

— 

U 

—  rubrum.  ...... 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

—  saoguineum . 

— 

Très-avancée. 

— 

Commence. 

0 

- 

Générale. 

—  uva-crispa . 

— 

0 

— 

— 

— 

0 

Ranunculus  ficaria  .... 

Commencée. 

Commence. 

— 

- 

Partielle. 

Commencée. 

Commencée. 

Avancée'. 

Boutons. 

Rhodora  canadensis.  .  .  . 

— 

Terminée. 

- 

Salix  capræa . 

Commencée. 

0 

— 

Commence^ 

- 

Générale. 

Générale. 

—  virginalis ..... 

ld. 

Sambucus  nigra . 

— 

— 

— 

Petits  bout. 

Senecio  vulgaris . 

— 

— 

— 

Générale. 

Partielle. 

Générale. 

Slaphylea  pinnata  .... 

— 

Boutons. 

Syringa  persica . 

- 

— 

— 

Boutons. 

—  vulgaris . 

— 

— 

Id. 

— 

— 

— 

Boutons. 

Taxus  baccata . 

— 

Générale. 

- 

Générale. 

— 

Avancée. 

Tussilago  farfara . 

—  petasites  .  . 

— 

— 

- 

Générale. 

Ulmus  campestris . 

Commencée. 

— 

— 

Avancée. 

Avancée. 

Commencée. 

Viola  odorata . 

Id. 

Générale. 

— 

Générale. 

Générale. 

Avancée. 

Générale. 

Partielle. 

0 

—  Iricolor  . 

-  — 

— 

— 

- 

Commence. 

0 

Vinca  minor . 

- 

Commence. 

— 

Générale. 

Id. 

0 

Commencée. 

Commence. 

0 

Remarque.  —  L’hiver  a  été  excessivement  doux 

Il  n’a  point  neigé  et  il  n’y  a 

eu  pour  ainsi  dire  de  gelées 

assez  rudes  que  pendant  quelques  jours,  à  la  fin  de  décembre  ;  quelques  autres,  presque 

isolés,  ont  eu  lieu  en  janvier. 

Tout  le  mois  de  mars  a  été  superbe  et  chaud  avec  très-peu  d’humidité.  La  végétation  est  encore  plus  avancée  à  cette 

époque,  qu’au  21  mars  1861. 

Waremme,  21  mars  1862. 

(Eoa.  de  Selys-Longchahps) 

62 


OBSERVATIONS 


État  de  la  végétation  le  21  avril  1862- 

(Pour  la  Feuillaison  voyez  la  note  en  tête  du  premier  tableau.) 


NOMS  DES  PLANTES. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

LIEGE. 

JE. VIE  PPE. 

NÀMUR. 

WA  REMUE . 

MELLE. 

VIENNE. 

Feuillaison. 

Æsculus  hippocastanum . 

3/4 

— 

Va 

I 

1 

‘/4 

V8 

1 

—  pavia . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Va 

i  Alnus  glutinosa . 

—  ' 

— 

*/4 

— 

Va 

0 

— 

Va 

Amygdalus  communis . 

1 li 

— 

— 

— 

— 

— 

1/8 

—  persica . 

— 

V4 

Va 

— 

V* 

Va 

Va 

Aristolochia  sipho . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourgeons. 

Arum  maculalum . 

t 

— 

1 

— 

1 

1 

— 

1 

Berberis  vulgaris . 

t 

— 

i 

i 

Va 

s/4 

t 

1 

Belula  alba . 

i 

— 

Va 

1/4 

Vit 

*/4 

1/4 

' 

j  —  alnus . 

— 

— 

— 

— 

— 

1/4 

Bignonia  catalpa . 

— 

— 

- 

— 

— 

— 

(  Gelé). 

—  radicans . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourg. 

ili 

— 

1/4 

1/4 

Va 

Vs 

Va  ‘ 

*4 

Cercis  siliquastrum . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Corcliorus  japonica . •  • 

1 

— 

1 

1 

1 

1 

Va 

3/4 

3/4 

— 

Va 

— 

Va 

1/4 

— 

3,4 

—  sanguinea . 

3/4 

— 

- 

— 

Va 

— 

5/4 

Corylus  avellana . 

3/4 

Va 

5/4 

Va 

Va 

s/4 

3/4 

3/4 

Cratægus  oxyacantha . 

1 

.  1/4  ■ 

1 

S/4 

1 

5/4 

Va 

3/4 

Cylisus  laburnum . 

»/s. 

— 

1/4 

1/4 

Va 

1/3 

— 

5  4 

Daphné  mezereum . 

1 

— 

1 

— 

i 

1 

— 

I 

Evonymus  europæus . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

3/4 

Fagus  sylvatica . 

— 

— 

— 

— 

0 

Ginkgo  biloba . 

— 

— 

- 

— 

— 

— 

Bourg. 

Gleditschia  horrida . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Id. 

Glycine  sinensis . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Petits  bourg. 

Hydrangea  hortensis . 

Va 

— 

— 

— 

— 

—  . 

1/4 

Juglans  regia . 

— 

- 

— 

— 

— 

— 

Vs 

Larix  europæa . 

— 

— 

1 

3/4 

‘/2 

1 

Va 

* 

Ligustrum  vulgare . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Va 

Liriodcndron  tulipifera . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Vs 

Lonicera  periclymenum . 

1 

1 

i 

i 

1 

1 

3/4 

1 

—  xylosteum . 

1 

— 

i 

— 

1 

1 

— 

i  ! 

symphoricarpos . 

1 

— 

— 

— 

— 

— 

3/4 

—  tatarica . 

V*  * 

— 

— 

— 

— 

— 

3/4 

i 

Mespilus  germanica . 

3/4 

— 

— 

— 

— 

— 

Va 

! 

Philadelphus  eoronarius . 

1 

— 

— 

* 

- 

i 

DES  PHENOMENES  PERIODIQUES 


65 


NOMS  DES  PLANTES. 

ANVERS. 

OSTENDE. 

LIÈGE. 

JEMEPPE. 

NAMÜR. 

WAREMMB. 

MELLE. 

VIENNE. 

Feuillaison  (suite). 

Populus  alba . 

1/4 

— 

V* 

— 

— 

Vs 

Vs 

3/4 

—  fastigiata  . 

5/4 

— 

V4 

3/4 

1/2 

1/4 

Prunus  armeniaca . 

— 

— 

3/4 

\ 

Va 

3/4 

3/4 

—  cerasus  . 

3/4 

— 

Va 

5/4 

1/2 

*/4 

1/4 

3/4 

—  domestica . 

— 

— 

*/4 

— 

Va 

*/4 

— 

3/4 

—  padus . 

1 

— 

3/4 

t 

1 

5/4 

— 

1 

Pyrus  communis . 

3/4 

Va 

Va 

i 

Va 

1/4 

Va 

1 

—  cydonia . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

3/4 

—  japonica  . 

i 

— 

1 

— 

t 

1 

1 

1 

—  malus . 

— 

— 

*/* 

— 

Va 

‘/4 

Ribes  rubrum .  .... 

1 

— 

5/4 

3/4 

1 

3/4 

i/a 

—  sanguineum . 

1 

— 

5/4 

Va 

t 

3/4 

—  nigrum . 

1 

— 

1 

1 

Va 

1 

3/4 

—  grossularia  . 

1 

Va 

—  uva-crispa . 

1 

— 

— 

Va 

Rhus  coriaria . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Bourgeons. 

—  cotinus . »... 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Petits  bourg. 

Rosa  centifolia . 

Va 

—  gallica . 

3/4 

Robinia  pseudo-acacia . 

*/*; 

j—  • 

0 

1/8 

— 

0 

— 

*/4 

Salix  babylonica . 

3/4 

— 

5/4 

i/a 

— 

3/4 

va 

i 

Sambucus  nigra . . 

3/4 

— 

1 

3/4 

1 

3/4 

Va 

Spiræa  sorbifolia . 

1 

— 

1 

— 

t 

1 

— 

t 

Sorbus  aucuparia . 

1 

- 

— 

— 

— 

— 

3/4 

Syringa  persica . 

5/4 

— 

—  vulgaris . 

1 

1 

i 

1 

1 

3/4 

1 

t 

Staphylæa  pinnata . 

Va 

— 

3/4 

1 

— 

Va 

1/2 

Va 

Tilia  europæa  .  .  .  • . 

3/4 

— 

3/4 

1/4 

Va 

Va 

5/4 

i/a 

Ulmus  campestris . 

*/4 

— 

i/s 

Va 

i/a 

Bourgeons. 

V4 

3/4 

Viburnum  opulus . 

3/4 

— 

1/4 

3/4 

1 

1/4 

l/a 

1 

—  lantana . 

3/4 

— 

Yitis  vinifera . 

— 

— 

VS 

i/s 

— 

Bourg. 

Petits  bourg. 

Va 

Floraison. 

Anemone  hepatica . 

Finie. 

— 

Finie. 

— 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

—  nemorosa . 

Continue. 

— 

Générale. 

— 

Presq.  flnie. 

Générale. 

Presquefinie. 

Générale. 

Amygdalus  persica . 

— 

Générale. 

Finie. 

— 

— 

Finie. 

Finie. 

—  communis . 

Finie. 

Arabis  caucasica . 

Continue. 

Betula  alba . 

Finie. 

Bellis  perennis . 

Continue. 

— 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Berberis  vulgaris . 

— 

— 

Commencée. 

— 

— 

Boutons. 

Commence. 

Boutons. 

U 


OBSERVATIONS 


INOMS  DES  PLAINTES. 

ANVERS. 

OSTKNDB. 

LIÈGE. 

JEMEPPK. 

ISAHUR. 

WÀREMMB. 

MELLE. 

VIENNE. 

Floraison  (suite). 

Buxus  sempervirens . 

Generale. 

— 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Cardamine  pratensis . 

— 

— 

Tend  à  finir. 

Très-avancée. 

Presquefinie. 

Tend  à  finir. 

Caltlia  palustris . 

— 

— 

— 

— 

Générale. 

Générale. 

Cheiranthus  clieiri . 

— 

Presque  finie. 

— 

Id. 

Id. 

— 

Avancée. 

Cornus  mascula . 

Finie. 

— 

Commencée. 

- 

Finie. 

Finie. 

—  ■ 

Finie. 

—  sanguinea . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Boulons. 

Corchorus  japonica . 

Générale. 

— 

Finie. 

Avancée. 

Générale. 

Générale. 

0 

0 

Corylus  avellana . 

Finie. 

— 

Commencée. 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Crocus  vernus . 

Id. 

— 

ld. 

— 

Id. 

Id. 

— 

Id. 

Dapline  laurcola . 

Générale. 

— 

- 

•  — 

Id. 

Id. 

—  raezereum . 

Finie. 

— 

— 

— 

Id. 

Erica  herbacea . 

— 

— 

— 

— 

ld. 

Fritillaria  imperialis . 

— 

— 

Générale. 

Finie. 

Id. 

Générale. 

Finie. 

Finie. 

Galanlhus  nivalis . 

Finie. 

— 

Finie. 

— 

Id. 

Finie. 

— 

Id. 

Glechoma  hederacea . 

— 

— 

Générale. 

Avancée. 

Générale. 

Générale. 

— 

Générale. 

Glycine  sinensis . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

0 

Helleborus  niger . 

F’inie. 

Hyacinthus  amelhystinus . 

— 

— 

— 

Générale. 

botryoïdes . 

— 

— 

Finie. 

Finie. 

— 

Finie. 

Lainium  album . 

— 

— 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Generale. 

—  purpureum . 

— 

— 

ld. 

ld. 

Id. 

Id. 

Id. 

Leontodon  laraxacum . 

Continue. 

— 

— 

ld. 

Id. 

— 

— 

Generale. 

Lonicera  alpigena . 

— 

— 

Générale. 

.  — 

— 

Commence. 

— 

ld. 

periclymenum . 

— 

— 

—  ' 

— 

— 

— 

Boutons. 

Commencée. 

Magnolia  yulan . 

Finie. 

— 

Finie. 

— 

Finie. 

Finie. 

Narcissus  pseudo-narcissus . 

Continue. 

— 

— 

- 

ld. 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Orobus  vernus . 

-  * 

— 

— 

— 

— 

— 

Id. 

Générale. 

Populus  alba . 

0 

- 

Finie. 

— 

— 

Finie. 

— 

Finie. 

—  fastigiata  . 

Finie. 

Primula  auricula . 

— 

— 

— 

— 

Presquefinie. 

— 

— 

Finie. 

—  elalior . 

— 

— 

Générale. 

— 

Id. 

Générale. 

Presquefinie. 

—  offîcinalis . 

— 

— 

Finie. 

— 

Id. 

Finie. 

—  veris . 

Continue. 

Prunus  armeniaca . 

— 

— 

Finie. 

— 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

Finie. 

serasus . 

— 

— 

Presquefinie. 

— 

Générale. 

Générale. 

Presquefinie. 

Presquefinie. 

—  domeslica . 

— 

— 

Finie. 

— 

ld. 

Presquefinie. 

Finie. 

—  padus . 

— 

— 

Presquefinie 

— 

Générale. 

Commence. 

— 

Presquefinie. 

—  spinosa . 

— 

— 

— 

— 

Presq.  finie. 

Finie. 

— 

id. 

Pulmonaria  offîcinalis . 

— 

— 

— 

— 

- 

— 

Presquefinie 

Pyrus  communis . 

— 

1^ 

Générale. 

— 

Générale. 

Générale. 

Générale. 

Finie. 

—  cydonia . ,  .  . 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

— 

Boutons. 

DES  PHENOMENES  PERIODIQUES. 


65 


y 


NOMS  DES  PLANTES. 

ANVERS. 

OSTENDK. 

LIEGE. 

JEMEPPE. 

NAMUR. 

WAREMME. 

MELLE. 

VIENNE. 

Floraison  (suite). 

Pyrus  japonica . 

Finie. 

Générale. 

— 

— 

Presquefînie. 

— 

Générale. 

Générale. 

—  malus . 

— 

— 

Générale. 

— 

Générale. 

Générale. 

— 

Id. 

Ranunculus  ficaria . 

Continue. 

— 

Id. 

Presquefînie. 

Finie. 

Id. 

Presquefînie. 

Id. 

Ribes  Digrum . 

— 

— 

Presquefînie. 

Générale. 

Générale. 

Id. 

Générale. 

—  rubrum . 

— 

— 

Id. 

Avancée. 

Presquefînie. 

Presquefînie. 

Id. 

—  sanguineum . 

Continue. 

Si 

Générale. 

Très-avancée 

Finie. 

Générale. 

—  uva-crispa . 

Finie. 

— 

Finie. 

Générale. 

Id. 

Finie. 

—  grossularia . 

— 

— 

Id. 

— 

- 

Id. 

— 

Finie. 

Salix  capræa . 

Générale. 

— 

— 

Finie. 

— 

— 

Id. 

Scilla  nutans . 

— 

— 

— 

— 

0 

Senecio  vnlgaris . 

— 

—  '  ' 

Générale. 

— 

Générale. 

Générale. 

Staphylea  pinnata . 

Générale. 

— 

— 

— 

— 

— 

Partielle. 

Syringa  vulgaris . 

Générale. 

Générale. 

Commence. 

— 

Commencée. 

Commence. 

Avancée. 

Taxus  baccata . 

Finie. 

— 

— 

— 

— 

- 

Boulons. 

Tulipa  gesneriana . . 

Tussilago  petasites . 

— 

— 

— 

Finie. 

Ulmus  campestris . 

Générale. 

Viburnum  opulus . 

— 

— 

— 

— 

— 

Boutons. 

— 

Boutons. 

Viola  odorata . 

Continue. 

s 

Générale. 

— 

Finie. 

Finie. 

Presquefînie. 

Finie. 

Vinca  minor . 

Id. 

— 

Id. 

— 

Générale. 

Generale. 

1 

Générale. 

Avancée. 

Remarque.  —  Au  commencement  d’avril 

,  il  y  avait  une  avance  très-notable  dans  la  végétation 

;  elle  a  été  arrêtée  ^ 

un  peu  ensuite  du  15  au  15  par  des  gelées  qui  ont  fait  descendre  le  thermomètre  à  —  1° 

C.  Cependant,  le  21  il  y  avait 

encore  une  avance  d’environ  15  jours  sur  une 

année  ordinaire ,  et  le  25  le  thermomètre  s’est  élevé  à 

+  25°  C.  Un  pied 

de  Lilas  blanc,  qui  avait  encore  des  fleurs  le  14  mai  1853,  a  commencé  à  fleurir  dès  le  5  avril  1862. 

Ayant  fait  les  observations  à  Liège,  sur 

’état  de  la 

végétation  au  21  avril,  en  l’absence  et 

à  la  demande  de 

M.  Dewalque,  il  m’a  semblé  que  le  retard  qu’éprouve  Waremme  sur  Liège, 

cette  année,  peut  être  évalué  de  12  à  I 

15  jours.  L’altitude  de  Waremme  est  de  122“ 

,  celle  du  fond  de  la  vallée  de  Liège  d’environ  60  mètres  au-dessus  du  ! 

niveau  de  la  mer. 

Waremme  et  Liège,  le  21  avril  1862. 

(Ed.m.  de  Selys-Lovgciiamps). 

■>* 


Tome  XXXV 


9 


66 


OBSERVATIONS 


A 


État  de  la  végétation  le  21  octobre  1862. 

(Les  chiffres  O,  1/4 ,  */a ,  3/4,  4,  indiquent  la  quantité  des  feuilles  restant  sur  les  arbres. 


1  NOMS  DES  PLANTES. 

V1LVORDE. 

ANVERS. 

MELLE . 

OSTENDE. 

WAREMSE. 

N AMU R. 

VIENNE. 

E  (Feuillaison. 

Acer  campeslre . 

— 

— 

— 

— 

— 

i 

—  negundo . 

— 

X 

— 

- 

5/4 

t 

0 

—  pseudo-platanus . 

s/4 

0 

5/4 

— 

3/4 

5/4 

‘/a 

Æsculus  hippocastanum . 

3/4 

3U 

3/4 

— 

5/4 

i/a 

i/o 

—  pavia . 

—  ■ 

— 

1 

Amygdalus  communis . 

1 

—  persica . 

‘  /a 

t 

1 

1/4 

5/4 

1 

i/o 

Aristolochia  sipho . 

— 

0 

i/a 

— 

3/4 

0 

I/o 

Berberis  vulgaris . 

— 

1/4 

3/4 

— 

i 

1 

‘/a 

Betula  alba . 

— 

1/4 

3/4 

— 

5/4 

i 

l/2  j 

—  alnus . 

— 

— 

— 

— 

s/4 

t 

0 

Bignonia  catalpa . 

—  • 

1/4 

I 

‘/a 

— 

1/4 

—  radicans . 

'  — 

— 

1 

Carpinus  belulus . 

— 

3/4 

— 

— 

3/4 

1 

1/2 

Gastanea  vesca . 

— 

— 

— 

— • 

— 

1 

Cercis  siliquastrum . 

— 

t 

1 

— 

t 

i 

®/4 

Corchorus  japonica  .  .  . 

— 

— 

5/4 

Cornus  mascula . 

— 

1 

— 

— 

3/4 

1 

1 

—  sanguinea . 

— 

i/a 

5/4 

— 

i/a 

i 

S/4 

Corylus  avellana . 

— 

1/4 

l/a 

— 

— 

1 

*/4 

Cralægus  oxyacantha . 

— 

i/a 

1 

‘/a 

1 

i 

1/2 

Cytisus  laburnum . 

— 

3/4 

‘/a 

— 

t 

1 

5/4 

Evonymus  europæus . 

— 

*/4 

Va 

— 

1 

1 

1/2 

Fagus  castanea . 

— 

1/4 

— 

— 

i/a 

— -  sylvatica . 

— 

i 

— 

— 

1 

I 

i/o 

Ficus  carica . 

— 

— 

— 

— 

t 

i 

Fraxinus  excelsior . 

3/4 

t 

— 

— 

1 

i 

3/4 

Gleditschia  horrida . 

— 

— 

i/a 

—  triacanthos . 

— 

— 

— 

— 

0 

Glycine  sinensis . 

— 

1 

I 

— 

1 

1 

Ginkgo  biloba . 

— 

1 

1 

— 

1 

l/a 

s/4 

Hydrangca  hortensis . 

- 

1 

1 

— 

t 

1 

1 

Juglans  regia . 

— 

l/a 

«/a 

— 

5/4 

i/o 

i/o 

Liguslrum  vulgare . 

— 

1 

1 

— 

t 

1 

5/4 

Liriodendron  tulipifera . 

— 

— 

‘/4 

— 

i/o 

1 

Larix  europæa . 

— 

1 

— 

— 

5/4 

t 

i 

Lonicera  xylosteum . 

— 

‘/4 

— 

— 

— 

i 

1/2 

—  symphoricarpos . 

- 

Va 

—  periclymcnura . 

— 

— 

i/a 

Magnolia  tripetala . 

— 

— 

— 

— 

i 

•  1 

—  yulan . 

1/4 

Mespilus  germanica . "... 

— 

— 

1 

DES  PHENOMENES  PERIODIQUES 


67 


NOMS  DES  PLANTES. 

V1LVORDB. 

ANVERS. 

MELLE. 

OSTBNDB. 

WARBMME. 

NAMÜR. 

VIENNE. 

EfTeuillaison  [suite). 

Morus  alba .... 

■— . 

1 

— 

— 

— 

1 

0  : 

Paulownia  imperialis . 

— 

*/* 

— 

— 

1 

— 

t/a  I 

Philadelphus  coronarius . 

— 

Va 

3/4 

— 

1 

1 

3/4 

Platanus  occidentalis . 

— 

lU 

— 

— 

— 

1 

3/4 

Populus  alba . 

Va 

m 

*/a 

—  ~ 

t/4 

— 

3/4 

—  virginica . 

— 

Va 

— 

— 

0 

i 

Prunus  armeniaca . 

— 

V* 

3/4 

‘/4 

S/4 

i 

—  cerasus  .... 

— 

1/2 

Va 

— 

5/4 

1 

‘/a 

■ —  domestica . 

— 

t/4 

- 

t 

Va 

t 

—  padus . 

— 

*/4 

— 

— 

Va 

1 

l/a 

Pyrus  communis . 

*/4 

1 

»/a 

— 

3/4 

1 

Va 

—  japonica  . 

— 

Va 

1 

— 

1 

1 

l 

—  malus . 

Va 

3/4 

Va 

— 

1 

1 

t/a 

Quereus  robur . 

1 

1 

1 

— 

i 

1 

I 

Rhus  coriaria . 

— 

— 

3/4 

—  cotinus . 

— 

— 

5/4 

Ribes  alpinum . 

— 

0 

■  9 

— 

i 

1 

t/a 

—  grossularia . 

— 

t/4 

— 

— 

3/4 

i 

3/4 

—  nigruni . 

— 

Vs 

3/4 

— 

1 

1 

—  ru  bruni . 

— 

1/4 

0 

— 

0 

i 

1 

—  sanguineum . 

— 

i/o 

- 

— 

3/4 

1 

Robinia  pseudo-acacia . 

1 

‘/4 

- 

— 

1 

1 

3/4 

Rosa  gallica . 

— 

3/4 

-  , 

— 

1 

1 

Rubus  idæus  .  .  . 

— 

3/4 

I S 1 

— 

3/4 

‘/a 

3/4 

Salix  babylonica . 

1 

3/4 

5/4 

— 

1 

—  capræa  . 

— 

— 

—  -• 

— 

— 

1 

1 

Sambucus  nigra  .  . 

I 

1 

3/4 

‘/4 

5/4 

1 

Sorbus  aucuparia. 

*/4 

Va 

t/4 

— 

0 

1 

3/4 

Stapbylea  pinnata . 

— 

0 

‘/a 

— 

3/4 

1 

i/4 

Syringa  vulgaris . 

Va 

3/4 

3/4 

— 

3/4 

1 

3/4 

Tilia  europæa . 

— 

3/4 

"t/s 

— 

1 

1 

t/a 

IJlmus  campeslris.  .  .  . 

Va 

1 

1 

— 

1 

1 

I 

Viburnum  lantana . 

1 

t 

— 

3/4 

1 

3/4 

—  oxycoccos . 

— 

— 

— 

— 

S/4 

Vitis  vinifera . 

S/4 

t/4 

Va 

— 

3/4 

1 

3/4 

Floraison. 

Aster . 

— 

Générale. 

Avancée. 

— 

Générale. 

— 

Avancée. 

Dahlia . 

— 

Id. 

Id. 

— 

Avancée. 

— 

Id. 

Hedera  hélix . 

— 

Finie. 

— 

— 

Id. 

Helianthus  tuberosus . 

— 

La  tige  a  péri 
sans  florai8oD. 

Avancée. 

— 

Générale. 

— 

Finie. 

Fructification. 

Castanea  vesca . 

— 

— 

— 

Mûrs. 

Vitis  vinifera . 

— 

— 

— 

Id. 

68 


OBSERVATIONS  DES  PHÉNOMÈNES  PÉRIODIQUES. 


REMARQUES. 


L’efTeuillaison  a  été  tardive  cette  année,  mais  moins  cependant  qu’en  1860, 
où,  sur  cinquante-neuf  plantes  observées,  cinquante-quatre  conservaient  tout 
ou  les  trois  quarts  de  leur  feuillage.  Jusqu’au  3  novembre,  aucune  véritable  gelée 
n’est  venue  flétrir  les  plantes  tendres ,  comme  les  Capucines,  les  Topinambours , 
les  Héliotropes,  les  Balsamines  et  les  Dahlias.  Le  seul  oiseau  d’hiver  arrivé  à 
Waremme  est  la  Corneille  grise. 

Waremme,  21  octobre  1862. 

(Edm.  de  Selys-Longchamps.) 


Le  1er  octobre  de  cette  année,  les  plantes  suivantes  ont  eu  une  seconde  floraison 
au  Jardin  botanique  d’Anvers  :  YArabis  caucasica,Y Astrantia  major,  1  eCuricus 
uncinatus,  le  Chelone  obliqua,  le  Corchorus  japonicus ,  le  Cytisus  laburnum, 
le  Üelphinum  elatum,  le  Genistra  elatum,  YHieracium  aurantiacum , 
YHepericum  calycinum ,  le  Mélina  nepeta,  le  Papaver  pilosum,  le  Penstemon 
atropurpureum ,  le  Potentilla  nevadensis  et  cretica,  le  Salvia  slavea,  la  Sapo- 
naria  ofjîcinalis ,  le  Sedum  album,  le  Spirœa  Douylasii ,  et  le  Zephyranthes 
candida. 

Les  plantes  suivantes  portaient  encore  des  fleurs  au  mois  de  novembre  1862  : 
YArabis  caucasica,  YAlyssum  flavum ,  le  Canlendida  stillata,  le  Cephalaria 
transylvatica ,  le  Cerinthe  minor ,  YHieracium  aurantiacum,  Y Hypericum 
calycinum ,  les  Potentilla  nevadensis  et  cretica,  le  Saponaria  ofjîcinalis  et  le 
Sedum  album. 

Anvers,  21  octobre  1862. 


(Rigouts-Verbert.) 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


SUR 

LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN, 

ROI  DES  ROMAINS, 

CONTRE  LES  VILLES  DE  FLANDRE 

(1482-1488); 


M.  J. -J.  DE  S3IET, 

CHANOINE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  SAXNT-BAVON,  A  GAND. 


(Lu  à  la  séance  du  6  février  1865.) 


Scditione,  doits,  scelerc ,  atque  libidine  el  ira, 
Iliacos  infra  muros  peccalur  el  extra. 

(Hur.,  Ép.  ad  Loll.) 


Tome  XXXV. 


1 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


SUR 


LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN, 

ROI  DES  ROMAINS, 

CONTRE  LES  VILLES  DE  FLANDRE 

/  (1482-1488). 


Ce  fut  un  événement  bien  funeste  pour  les  Pays-Bas,  et  surtout  pour  le 
comté  de  Flandre,  que  la  mort  prématurée  et  douloureuse  de  la  duchesse  Marie 
de  Bourgogne ,  non-seulement  parce  qu’elle  était  généralement  aimée ,  mais 
bien  plus  parce  que,  enlevée  à  la  fleur  de  l’âge,  elle  ne  laissait  que  de  jeunes 
enfants  et  un  époux  étranger  au  pays  :  ce  qui  devait  soulever  des  questions 
dangereuses  et  amena,  en  effet,  une  guerre  civile  des  plus  déplorables. 

Cet  épisode  de  notre  histoire,  bien  qu’il  ne  soit  pas  dénué  d’importance, 
ne  nous  semble  pas  avoir  été  assez  étudié  par  nos  écrivains.  Les  mémoires 
contemporains  sont  en  petit  nombre  et  ne  se  donnent  aucune  peine  pour  voi¬ 
ler  leur  partialité  en  faveur  de  la  cause  autrichienne.  Pontus  de  Huyter,  qui 
écrivait  un  siècle  plus  tard,  recueillit  des  matériaux  de  même  genre  dans 
la  Bourgogne  et  la  Franche-Comté ,  qui  auraient  dû  lui  inspirer  plus  de 
défiance  L  Dans  les  temps  plus  modernes,  les  compilateurs  de  la  grande 
Clironyke  van  Vlaenderen  2  se  montrent  plus  vivement  passionnés  contre  les 

1  Rer.Austr.,  lib.  II  et  III. 

2  Par  C.  Vernimmen,  Blootacker  et  Wydts. 


4 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


États  de  Flandre,  et  M.  Dewez,  dont  le  récit  est  assez  développé,  a  si  peu 
examiné  les  causes  de  ce  regrettable  conflit,  qu’il  n’articule  pas  même  le 
mot  essentiel  de  manbournie ,  et  semble  tout  attribuer  au  refus  de  la  tutelle  \ 
Il  n’a  eu  apparemment  aucune  connaissance  des  traités  intervenus  que 
Dumont  nous  a  conservés  dans  son  Corps  diplomatique  du  droit  des  gens. 
Notre  savant  confrère,  M.  le  baron  Kervyn,  a  été  plus  juste.  Excepté  lui, 
tous  ces  auteurs  n’ont  trouvé  que  des  paroles  de  blâme  pour  les  trois  membres 
de  Flandre  en  cette  occasion,  et  semblent  persuadés  qu’ils  n’avaient  aucun 
motif  plausible  pour  s’opposer  aux  prétentions  du  futur  roi  des  Romains. 
Tout  en  avouant  que  les  villes  de  Gand  et  de  Bruges  eurent  des  torts  dans 
ces  tristes  contestations,  nous  sommes  porté  à  croire  que  ce  n’était  pas  sans 
raison  qu’elles  refusaient  la  manbournie,  c’est-à-dire  le  gouvernement  du 
pays,  au  prince  allemand.  Le  président  Wielant,  à  celte  époque  déjà  con¬ 
seiller  au  conseil  de  Flandre,  et  honoré  sous  trois  règnes  de  la  confiance  de 
ses  souverains,  nous  paraît  avoir  ici  une  autorité  hors  ligne  :  or,  il  est  beau¬ 
coup  moins  hostile  aux  villes  de  Flandre  que  les  auteurs  que  nous  venons  de 
citer2.  Il  en  est  de  même  de  Despars,  écrivant  à  Bruges  et  racontant  les  faits 
jour  par  jour,  ainsi  que  de  V Excellente  Chronycke  d’A.  Die  Smet,  imprimée 
dans  la  première  moitié  du  seizième  siècle. 

De  Huyter  ou  Huterus  parle  de  la  haine  que  les  Gantois  portaient  à  Maxi¬ 
milien,  ses  conseillers  et  ses  favoris 3,  sans  aucune  cause  ou  raison;  mais  cette 
accusation  ne  nous  paraît  pas  bien  prouvée,  et  en  tous  cas  elle  est  fort  exagérée. 
Non-seulement  les  Gantois,  mais  les  États  de  Flandre  étaient  mécontents  du 
duc  et  de  ses  courtisans,  surtout  à  cause  du  meurtre  du  sire  Jean  de  Dadi- 
zeele ,  souverain  bailli  de  Flandre  et  grand  bailli  de  Gand ,  qui  avait  rendu 
d’éminents  services  à  ses  princes  comme  à  son  pays,  et  qu’on  avait  assassiné 
par  ordre  des  principaux  conseillers  de  Maximilien  4  :  «  Très-hault  prince, 
»  dirent  à  celui-ci  les  États,  vous  avez  tenu  à  l’entour  de  vous  ceulx  qui  ont 


1  Hist.  gêner.,  tome  V,  pp.  I  01  et  suiv. 

2  Corpus  chron.  Flandr.,  tome  IV,  pp.  554  et  suiv. 

3  Odiurn  sine  causa  ac  rationne  contra  Maximilianum ,  cjus  consiliarios  ac  familiares ,  ani- 
mis  Gandenses  ingens  conceperant.  Rerum  Aüstb.,  lib.  II,  cap.  I. 

4  Au  mois  d’octobre  1481. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


5 


»  murdri  messire  Jehan,  seigneur  de  Dadiselle,  et  encore  les  tenez  et  souf- 
»  frez  en  votre  subjection,  contre  Dieu  et  raison,  qui  est  grand  pitié  qu  on 
»  ne  faicl  correction  de  tels  cas.  »  Mais  peut-on  inférer  de  là  que  les  Gantois 
étaient  animés  contre  le  prince  d’une  haine  implacable,  odium  ingens,  et 
d’une  haine  sans  cause  et  sans  motif? 

Mieux  vaut  sans  doute  examiner  les  causes  réelles  du  conflit. 

Personne  ne  songeait  à  contester  au  duc  Philippe  l’héritage  de  sa  mère; 
mais  il  était  mineur  et  devait  l’être  encore  longtemps  \  A  qui  fallait-il  con¬ 
fier  la  tutelle  et  la  manbournie  de  l’enfant?  De  hautes  convenances  et  la  jus¬ 
tice  même  commandaient  d’investir  le  duc  Maximilien  de  la  tutelle,  et  les 
libertés  du  pays  ne  couraient  par  là  aucun  risque;  mais  pouvait-on  de  même 
lui  abandonner  la  manbournie  et  remettre  ainsi  entre  les  mains  d’un  étranger 
tout  le  gouvernement  des  Pays-Bas? 

La  question  était  pour  nos  pères  aussi  nouvelle  qu’importante. 

Nos  constitutions  modernes  n’ont  pas  été  sans  prévoir  une  telle  éventualité 
et  sans  prendre  des  mesures  pour  parer  aux  conséquences  fâcheuses  qu’elle 
peut  entraîner.  De  là  vient  que  dans  plusieurs  États  les  femmes  sont  exclues 
de  la  succession  au  trône ,  et  qu’en  d’autres ,  où  celte  exclusion  n’est  pas  éta¬ 
blie,  l’époux  de  la  reine  n’a  légalement  aucun  pouvoir  politique.  Ailleurs 
encore ,  des  bornes  sont  posées  à  son  influence ,  ou  les  conventions  matri¬ 
moniales  ont  des  réserves  qui  garantissent  le  self-goveniment  à  la  nation. 
Ainsi  quand,  soixante  ans  après  la  mort  de  Marie  de  Bourgogne,  le  prince 
d’Espagne  épousa  Marie  Tudor,  le  chancelier  d’Angleterre  dressa  l’acte  de 
mariage,  où  il  est  stipulé  entre  autres  points  que  des  étrangers  ne  seraient 
admissibles  à  aucun  emploi ,  que  les  enfants  à  naître  de  l’union  contractée 
ne  sortiraient  pas  du  pays  sans  le  consentement  des  lords,  et  que,  si  la 
reine  venait  à  mourir  avant  son  mari,  Philippe  ne  pourrait  prétendre  à 
aucun  droit  de  participer  au  gouvernement  du  pays  2. 

Les  Keures  de  nos  provinces  et  de  nos  villes  n’avaient  pas  traité  cette 


1  Le  jeune  prince  n’avait  que  quatre  ans. 

2  Foreigners  were  to  be  excluded  front  office...  In  case  of  mary  s  deatli,  Philip  was  not  to 
daim  the  right  of  taking  part  in  the  governmeni  of  the  country.  Prescott,  Hist.  of  Phil.  II, 
tom.  I,  p.  85. 


6 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


question,  et  les  différentes  Joyeuses  entrées  du  Brabant  n’en  parlent  pas 
davantage,  bien  que  le  cas  ne  fût  pas  difficile  à  prévoir.  A  la  vérité,  l'his¬ 
toire  de  Flandre  présentait  un  antécédent,  mais  avec  de  notables  différences 
et  tout  à  fait  défavorables  aux  prétentions  de  Maximilien.  Le  comte  Bau¬ 
douin  de  Mons,  ne  laissant  à  sa  mort  que  deux  fils  mineurs,  avait  nommé 
tuteur  et  manbour  de  ses  enfants  son  frère,  Robert  le  Frison  qui,  même 
sans  cet  acte,  devait  l’être  de  droit  en  qualité  de  plus  prochain  agnat  et  de 
parent  d’épée  des  jeunes  comtes.  Mais  la  comtesse  douairière,  Richilde, 
usurpa  la  régence  et,  sans  tenir  aucun  compte  de  l’antagonisme  des  races, 
elle  s’entoura  de  conseillers  wallons,  français  et  anglais,  multipliant  les 
impôts  pour  rassasier  leur  cupidité.  On  sait  quelles  furent  les  suites  de  cette 
conduite  imprudente  autant  qu’illégale,  dont  le  souvenir  ne  fut  pas  sans 
.influence  apparemment  sur  les  dispositions  des  Flamands  envers  Maximilien. 

II  ne  faut  pas  croire  toutefois  qu’on  n’avait  pris  aucune  précaution  contre 
les  prétentions  que  pouvait  élever  Je  duc.  Les  stipulations  matrimoniales 
portaient  expressément  que  si  l’un  des  conjoints  venait  à  mourir  en  laissant 
des  enfants,  ceux-ci  succéderaient  aux  seigneuries,  droits  et  biens  tant 
meubles  qu’immeubles,  sans  que  le  survivant  pût  former  aucune  préten¬ 
tion  de  propriété  ou  d’usufruit  b  Les  annalistes  contemporains  ont  ignoré, 
paraît-il  ,  cette  clause  essentielle  du  contrat. 

Les  provinces  de  Hollande  et  de  Zélande,  de  Namur  et  de  Hainaut,  accor¬ 
dèrent  toutefois  sans  hésiter  au  duc  la  manbournie  comme  la  tutelle  de  son 
fils.  Celle  de  Brabant  fut  moins  prompte  et  plusieurs  membres  de  la  noblesse 
s’y  montrèrent  fort  opposés;  quelques-uns  même,  parmi  lesquels  on  cite  le 
sire  de  Heelvekle,  bourgmestre  extérieur  d’Anvers2  et  un  secrétaire  de  cette 
ville,  furent  emprisonnés  et  mis  à  mort  à  Vilvorde  3.  A  Bruxelles  et  à  Lou¬ 
vain  il  fallut  de  môme  recourir  aux  moyens  de  violence,  mais  le  parti  autri¬ 
chien  finit  par  l’emporter  b 

Mais  c’est  en  Flandre  que  l’opposition  fut  la  plus  vive  et  parvint  à  triom- 

1  Dumont,  tom.  01, 2me  part.,  p.  10. 

2  II  se  nommait  Jean  Cocgclsone. 

3  Rerum.  Austr.,  lib.  II,  cap.  II. 

4  Despars,  Citron,  van  Vlaend.,  IVde  deel,  bl.  222. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


7 


plier.  Le  pensionnaire  de  Gand,  Guillaume  Rym,  que  Huterus  traite,  sans 
aucune  preuve,  d’homme  astucieux  et  d’un  mauvais  caractère,  en  lui  asso¬ 
ciant,  avec  moins  de  justice  encore,  de  communs  artisans1,  fit  comprendre 
à  ses  concitoyens  que  si  l’on  accordait  au  duc  tous  les  pouvoirs  qu’il  récla¬ 
mait,  on  courait  le  risque  de  voir  les  richesses  du  pays  passer  dans  l’indigente 
Autriche,  et  les  emplois  devenir  la  proie  des  courtisans  étrangers  deMaximilien. 
Ce  langage,  qui  n’était  pas  sans  fondement,  devait  faire  une  impression  pro¬ 
fonde  dans  une  contrée  où  l’habitant  d’une  province  était  inhabile  à  posséder 
un  office  dans  une  autre,  et  où  tout  le  monde  était  hostile  à  l’intervention  de 
l’étranger  dans  les  affaires  publiques  2. 

Certes,  si  l’on  eût  accordé  à  Maximilien  la  régence  sans  condition,  on  aurait 
eu  en  perspective,  comme  la  suite  le  prouva,  l’entrée  d’une  foule  d  elanzknects 
et  de  swartzreiters  dans  l’armée,  et  de  quelques  seigneurs  de  Rauenstein  ou 
de  Kalzenellenbogen  dans  les  conseils  du  prince.  Mais  ne  pouvait-on  pas 
obtenir  des  garanties  contre  de  pareils  empiétements,  faire  nommer  un  con¬ 
seil  exclusivement  composé  de  nationaux,  et  stipuler  que  les  indigènes  seraient 
seuls  admis  aux  emplois  civils  et  militaires?  Maximilien,  qui  au  fond  était 
bon  prince,  aurait  fini  peut-être  par  accepter  ces  conditions,  mais  rien  ne 
prouve  qu’on  les  lui  ait  proposées  sérieusement.  Treize  chevaliers  delà  Toison 
d’or  se  réunirent  à  Termonde  pour  aviser  aux  moyens  de  conserver  la  paix, 
mais  on  s’y  contenta  de  déclarer  que  Maximilien  devait  renoncer  aux  titres  et 
armoiries  qu’il  portait  sans  droit.  Les  députés  gantois  en  revinrent  mécon¬ 
tents  3.  On  offrit  au  duc,  dit  le  chroniqueur  Despars 4,  de  lui  déférer  la  régence, 
mais  provisoirement. 

L’éducation  politique  du  pays  était  encore  peu  avancée. 

Les  États  de  Flandre  s’étant  assemblés  à  Garni,  Maximilien  s’y  rendit 
pour  faire  valoir  ses  droits  à  une  réception  solennelle  dans  la  capitale,  en 
qualité  de  tuteur  et  de  manbour  de  son  fils  (3  mai  1482).  On  lui  répondit 

1  II  appartenait  à  une  famille  patricienne  de  Gand  qui  possédait,  quelques  années  plus  tard, 
la  seigneurie  de  Bellcm  et  d’autres  domaines.  Maximilien  lui-même  lui  donne  le  titre  de 
chevalier. 

2  Basnage,  Annal,  des  Prov.-Unies ,  tom.  I,  p.  5. 

3  Rerum  Austr.,  lib.  II,  cap.  IV. 

t  IVde  deel,  bl.  221. 


8 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


que  l’assemblée  était  prête  à  le  reconnaître  pour  tel,  mais  seulement  jusqu’à 
révocation  et  aussi  longtemps  qu’il  paraîtrait  bon ,  utile  et  convenable  aux 
États;  à  condition  qu’il  prêterait  serment  de  ne  rien  faire  sans  leur  connais¬ 
sance  et  consentement,  de  révoquer  et  d’annuler  expressément  tout  ce  qu’on 
pourrait  attenter,  de  quelque  manière  que  ce  fût,  contrairement  à  leurs  inten¬ 
tions.  Le  duc  lui-même  était  jeune,  disait-on,  et  il  prêtait  trop  l’oreille  à  des 
gens  dont  sa  cour  était  remplie  et  qui,  au  grand  déplaisir  du  pays,  n’avaient 
à  cœur  que  leurs  propres  intérêts  et  s’enrichissaient  en  levant,  sous  prétexte 
de  guerre,  des  aides  et  des  impôts  extraordinaires  *.  C’était  là  un  refus,  qui, 
pour  la  tutelle  du  moins,  était  aussi  outrageant  pour  le  duc  qu’inutile  pour 
la  sauvegarde  des  libertés  publiques.  Maximilien  s’en  montra,  et  avec  raison, 
vivement  irrité.  D’après  le  conseil  du  comte  de  Chimai ,  il  se  présenta  ensuite 
à  Bruges,  à  Ypres  et  à  Lille,  pour  obtenir  de  ces  villes  ce  que  ne  lui  avaient 
pas  accordé  les  États  du  comté;  mais  pouvaient-elles  renier  leurs  manda¬ 
taires?  Cette  démarche  n’eut  donc  et  ne  pouvait  avoir  d’autre  résultat  qu’un 
nouvel  affront  pour  le  duc. 

Il  crut  alors  qu’il  ne  lui  restait  qu’à  dissimuler  et  consentit  à  tout  ce  que 
les  États  de  Flandre  avait  statué  à  Gand  2,  même  au  traité  de  paix  conclu 
avec  la  France,  malgré  son  opposition,  et  aux  fiançailles  dé  sa  fille  Margue¬ 
rite  avec  le  Dauphin  ,  qui  en  formaient  un  article3.  Appelé  peu  après  devant 
Utrecbt,  dont  les  habitants  de  la  faction  des  ïloeks  avaient  chassé  leur 
évêque,  David  de  Bourgogne,  et  faisaient  une  rude  guerre  à  Maximilien,  il 
confirma  ses  concessions  et  permit  que  la  province  de  Flandre  fût  gouver^ 
née,  au  nom  de  son  fils  Philippe,  par  ceux  du  sang  et  par  un  conseil  dont 
étaient  membres,  d’après  un  historien  zélandais  4,  Louis  de  Bourbon,  évêque 
de  Liège,  Wolfart  de  Borselen,  seigneur  de  Tervueren ,  Philippe  de  Bour¬ 
gogne,  seigneur  de  Beveren5,  et  Philippe  de  Clèves,  seigneur  de  Ravestein. 

1  Despars,  lit  supra. 

2  Wielant,  Antiquités  de  Flandre,  dans  le  Corpus  chron.  Flandr.,  tom.IV,  p.  528. 

5  Cette  paix,  datée  du  25  décembre  1482,  a  été  publiée  par  Dumont,  Corps  diplomatique 
du  cb'oit  des  gens ,  tom.  III,  2e  part.,  p.  100;  et  on  en  trouve  le  texte  flamand  dans  le  Belg. 
musaeum ,  IXslL’  dcel,  bl.  28. 

4  Regcrsb-,  Chronick  van  Zeeland,  IIJc  deel,  bl.  503. 

y  Fils  du  grand  bâtard  de  Bourgogne. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


9 


Mais  Despars  substitue  à  l’évêque  de  Liège  le  comte  de  Romont ,  de  la  maison 
de  Savoie ,  et  son  opinion  est  la  plus  sûre.  Peut-être  avait-on  songé  à  Louis  de 
Bourbon,  uni  aux  ducs  de  Bourgogne  par  les  liens  du  sang,  mais  le  malheu¬ 
reux  prélat  venait  d’être  assassiné  par  Guillaume  de  Lamarck,  surnommé  le 
sanglier  des  Ardennes. 

On  serait  assez  tenté,  au  premier  abord,  de  blâmer  la  condescendance  que 
le  duc  montra  dans  cette  occasion  :  quel  motif  pouvait  le  contraindre  à  dissi¬ 
muler  ainsi  et  à  jurer  cette  paix  d’Arras,  conclue  sans  lui  et  malgré  lui  ‘P 
N’était-ce  pas  là  couvrir  d’une  sorte  de  légalité  les  prétentions  des  Flamands 
et  les  affermir  dans  leur  opposition?  Ces  inconvénients  n’avaient  pas  échappé 
à  l’archiduc  2  et  à  ses  conseillers,  mais  indépendamment  des  hostilités  de  la 
part  d’un  parti  puissant  qui  l’appelaient  en  Hollande ,  le  prince  avait  sur  les 
bras  une  guerre  avec  le  pays  de  Liège  insurgé;  il  ne  pouvait  compter  que  bien 
faiblement  sur  l’assistance  du  Brabant  et  des  autres  provinces ,  qui  s’étaient 
soumises  à  son  autorité,  mais  d’assez  mauvaise  grâce,  et  une  rupture  avec 
la  France  paraissait  imminente  :  la  prudence  faisait  donc  un  devoir  de  ne 
pas  précipiter  les  choses. 

Aussi  avait-il  limité  ses  concessions  aux  ‘États  de  Flandre  jusquà  son 
retour,  espérant  bien  avoir  bon  marché  de  leurs  exigences,  s’il  revenait  avec 
l’ascendant  que  donne  la  victoire.  Son  expédition  réussit  parfaitement  3,  et 
aussitôt  qu’il  eut  rétabli  l’évêque,  David  de  Bourgogne,  dans  sa  seigneurie,  il 
revint  dans  le  Brabant  et  révoqua  tous  les  pouvoirs  qu’il  avait  accordés  à 
Gand  pour  le  gouvernement  de  la  Flandre. 

Dès  le  15  octobre,  les  conseillers  du  jeune  duc  et  les  trois  membres  du 
comté  répondirent  à  cet  acte  par  une  lettre  longue  et  motivée ,  où  ils  déniaient, 
en  vertu  des  conventions  matrimoniales,  tout  droit  de  manbournie  à  Maxi¬ 
milien,  qu’ils  accusaient  d’avoir  usurpé  le  titre  et  les  armes  du  comte  de 
Flandre,  d’avoir  chargé  le  pays  d’impôts  et  d’avoir  aliéné  ou  engagé,  par  les 


1  On  cédait  comme  dot  de  ta  princesse  l’Artois,  le  comté  de  Bourgogne  et  plusieurs  seigneu¬ 
ries  importantes.  Maximilien  s’opposait  avec  raison  à  un  tel  démembrement  du  pays. 

2  11  ne  prit  ce  titre  qu'à  cette  époque,  bien  que  les  lettres  patentes  portant  érection  du  duché 
d’Aulriche  en  archiduché  datent  de  1555.  Hergott,  Geneal.  Hasb.,  tom.  I,  p.  226. 

3  Utrecht  capitula  le  7  septembre  1483. 

Tome  XXXV. 


2 


40 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


conseils  de  son  entourage,  les  biens  meubles  et  les  joyaux  de  Marie  de  Bour¬ 
gogne,  qui  ne  pouvaient  appartenir  qu’à  ses  enfants.  Ils  se  défendaient  en 
même  temps  avec  vivacité  contre  les  reproches  que  l’archiduc  faisait  à  leur 
administration,  et  terminaient  leur  manifeste  en  proposant  de  soumettre  la 
cause  au  jugement  du  roi  de  France,  suzerain  du  comté,  devant  la  cour  du 
parlement  ou  des  pairs. 

Huit  jours  après,  Maximilien  répliqua  par  un  manifeste  daté  de  Bois-le- 
Duc,  où  des  récriminations  aigres  et  peu  justifiées  tiennent  la  place  de 
raisons.  Il  parle  avec  arrogance  et  mépris  des  trois  membres  de  Flandre,  et 
dénie  à  leurs  mandataires  le  droit,  qu’on  leur  avait  toujours  reconnu,  de  par¬ 
ler  au  nom  du  pays.  II  n’est  pas  besoin,  dit-il  en  terminant,  de  recourir  à 
l’arbitrage  du  roi  de  France  :  il  saura  bien  par  d’autres  voies  contraindre  les 
Flamands  à  lui  rendre  justice. 

Les  conseillers  de  l’archiduc  s’étaient  bien  trompés,  s’ils  avaient  cru  que 
ces  allégations  mensongères  et  ces  menaces  resteraient  sans  réponse.  Elle 
fut  noble,  mais  pleine  d’une  juste  indignation,  et  Maximilien,  qui  en  crai¬ 
gnait  l’effet  sur  le  peuple,  si  on  lui  donnait  quelque  publicité,  s’efforça  d'en 
amortir  l’effet  par  une  nouvelle'  déclaration  qui  ne  fit  qu’envenimer  la  que¬ 
relle  *. 

Le  gouvernement  français  y  intervint  sans  succès.  L’archiduc  comptait 
sur  un  complot  qui  se  tramait  à  Bruges  en  sa  faveur,  mais  une  circonstance 
toute  fortuite  le  fit  avorter  et  ses  auteurs,  parmi  lesquels  on  comptait  plusieurs 
magistrats,  furent  mis  à  mort  ou  bannis.  Pleins  de  confiance  dans  une  armée 
nombreuse  et  aguerrie,  les  conseillers  de  Maximilien  ne  s’en  montrèrent  pas 
moins  décidés  à  contraindre  par  la  force  les  Flamands  à  se  soumettre.  Le 
succès  paraissait  d’autant  plus  assuré  qu’on  savait  que  les"  Gantois  étaient 
pour  le  moment  hors  d’état  de  soutenir  une  guerre  à  laquelle  ils  ne  s’atten¬ 
daient  pas. 

On  n’en  crut  pas  moins  devoir  unir  la  ruse  à  la  force  pour  s’emparer  des 
villes  voisines  de  Gand.  Tandis  que  l’archiduc  se  tenait  de  sa  personne  dans  une 
embuscade  près  de  Termonde,  des  soldats  éprouvés  s’acheminèrent  vers  cette 


1  La  plupart  de  ces  lettres  se  trouvent  manuscrites  à  la  bibliothèque  de  Gand. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


H 

ville  travestis  en  moines  ou  en  religieux ,  et  suivis  par  une  autre  troupe  de 
gens  d’armes  déguisés  en  marchands  1 2 3.  Celte  suite  atteignit  au  point  du  jour 
une  porte,  dont  la  garde  était  confiée  à  des  partisans  de  Maximilien,  et  qui 
s  ouvrit  aussitôt  qu’on  vit  paraître  les  premières  voitures.  On  donna  le  signal 
convenu.  Les  soldats  jetèrent  leur  costume  d’emprunt  pour  sauter  sur  leurs 
•armes,  et  Maximilien,  à  la  tête  de  huit  cents  cavaliers,  accourut  à  toute 
bride.  Un  combat  assez  vif  ensanglanta  les  rues  et  beaucoup  de  bourgeois 
y  trouvèrent  la  mort  mais  l’archiduc  n’y  perdit  qu’un  seul  homme,  le 
fils  du  comte  de  Hornes,  jeune  guerrier  de  beaucoup  d’espérance.  Après 
quelques  heures  de  lutte,  la  ville  se  soumit  et  revint  à  ses  occupations 
ordinaires  :  elle  reçut  une  forte  garnison  sous  le  commandement  du  sire  de 
Melun. 

Il  n’était  pas  moins  important,  et  même  plus  encore,  de  s’assurer  d’Au- 
denarde,  où  commandait  pour  les  Gantois  Pierre  Mettenyc,  qui  paraissait 
disposé  à  se  défendre  vaillamment;  mais  Gauthier  Van  Reckem,  son  lieute¬ 
nant  ,  n’était  pas  doué  d’un  caractère  aussi  loyal  et  se  laissa  séduire  si  aisé¬ 
ment,  que  l’archiduc  lui-même  montra  peu  de  confiance  dans  un  si  prompt 
dévouement.  Tout  réussit  cependant  à  souhait  :  le  duc  fut  mis  en  possession 
de  la  ville,  surprit  Mettenyc  dans  son  lit  et  l’envoya  comme  prisonnier  dans 
le  Hainaut.  Yan  Reckem  obtint  pour  prix  de  sa  trahison  le  gouvernement 
d’Àudenarde  (5  janvier  1485). 

En  apprenant  ces  faits  étranges ,  les  états  de  Flandre  s’assemblèrent  de 
nouveau  à  Gand  et,  mieux  avisés  cette  fois,  ils  fondèrent  particulièrement 
leur  opposition  sur  les  dangers  réels  et  graves  d’abandonner  la  manbournie  à 
l’étranger  J.  Ils  résolurent  de  repousser  la  force  par  la  force ,  et  comme  les 
troupes  de  Gand,  que  commandait  le  comte  de  Romant,  étaient  fort  infé¬ 
rieures  à  celles  dont  l’archiduc  pouvait  disposer,  ils  se  décidèrent  à  accepter  le 

1  O.  De  la  Marche,  liv.  II,  ch.  XI. 

2  Les  écrivains  de  Termonde  et  d'Audenarde  se  font  gloire  ordinairement  de  la  résistance 
de  ces  villes  à  celle  de  Gand,  mais  il  serait  aisé  de  prouver  que  leurs  bourgeois  étaient  au  con¬ 
traire  favorables  à  la  capitale,  et  que  la  résistance  n’était  due  qu’à  la  garnison  étrangère  à  Ter- 
monde  et  à  Audenarde,  aux  chevaliers  leliaerts  qui  y  dominaient.  C’est  comme  si  les  habitants 
de  Dantzig  et  de  Hambourg  se  vantaient  d’avoir,  en  1813,  tenu  en  échec  les  armées  delà  coalition. 

3  Wielant,  Antiquités  de  Flandre,  p.  529. 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


12 

secours  que  Philippe  de  Crèvecœur,  sire  des  Ouerdes  et  des  Cordes  1 ,  leur 
présentait  au  nom  du  nouveau  roi  Charles  VIII,  ou  plutôt  de  la  danm  de 
Beaujeu,  régente  de  France  pendant  sa  minorité  2. 

Si  c’était  un  tort  grave  de  ne  pas  avoir  recours  à  tous  les  moyens  de  con¬ 
ciliation,  avant  de  rejeter  le  pays  dans  les  maux  de  la  guerre  civile,  c’en 
était  un  autre,  bien  plus  grave  encore,  de  réclamer  l’assistance  d’un  voisin 
puissant,  toujours  hostile  aux  franchises  et  aux  libertés  de  la  Flandre,  jaloux 
de  sa  prospérité  et  à  l’affût  du  moindre  prétexte  pour  la  réunir  à  sa  couronne. 
On  avait  d’ailleurs  mauvaise  grâce  de  montrer  une  crainte  si  vive  de  l’étran¬ 
ger,  quand  on  recherchait  avec  tant  d’empressement  l’alliance  des  Français. 
Ici  encore  le  sens  politique  semblait  être  en  défaut. 

Le  peuple  le  sentit  mieux  que  ses  chefs,  et  quand  le  seigneur  de  Querdes 
vint  à  Gand  avec  son  corps  d’armée,  la  ville  ne  cacha  pointson  mécontentement, 
d’autant  plus  vif,  qu’on  avait  répandu  le  bruit  que  le  général  français  n’était 
entré  dans  la  ville  que  pour  avoir  l’occasion  d’enlever  le  jeune  archiduc  et  de 
le  conduire  en  France.  Ces  sentiments  grandirent  encore  après  une  escar¬ 
mouche  qui  eut  lieu  sous  les  murs  de  Gand,  et  qui  faillit  livrer  la  ville  à  Maxi¬ 
milien,  parce  que  les  auxiliaires  s’y  conduisirent  mal  et  laissèrent  les  bour¬ 
geois,  trop  peu  nombreux,  soutenir  tout  le  poids  du  combat.  Il  n’y  eut  qu’une 
voix  pour  crier  à  la  trahison,  et  Crèvecœur,  qui  s’en  aperçut,  craignit  qu’on 
ne  lui  fît  un  mauvais  parti,  et,  sans  dire  adieu  à  personne,  il  se  hâta  de 
quitter  la  ville  et  de  conduire  ses  forces  à  Tournai 3.  Abandonné  par  les  Wal¬ 
lons,  qui  depuis  longtemps  n’avaient  reçu  aucune  solde,  l’archiduc  dut  battre 
en  retraite  à  son  tour  et  se  contenter  de  livrer  au  pillage  tout  le  pays  de  Waes, 
pour  satisfaire  la  rapacité  de  ses  mercenaires  allemands. 

Pontus  Iluterusse  bat  les  flancs  dans  une  amplification  dont  les  détails  sont 
peu  exacts  i,  pour  établir  qu’en  cette  occasion  les  provinces  et  les  villes  prirent 
les  armes  les  unes  contre  les  autres,  et  que  le  bas  peuple  se  souleva  contre  la 

1  L’auteur  de  Quentin  Durwcird  emprunte  à  sa  palette  les  couleurs  les  plus  brillantes  pour 
peindre  ce  transfuge  de  la  cour  de  Bourgogne,  mais 

Dans  un  roman  frivole  aisément  tout  s’excuse. 

2  Louis  XI  était  mort  au  Plessis-lès-Tours,  le  30  août  1483. 

3  De  la  Marche,  liv.  II,  ch.  XI. 

4  Rer.  Austr.,  lib.  II,  cap.  III. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


13 


noblesse.  Cette  dernière  assertion  nous  semble  bien  difficile  à  justifier.  Louis 
de  Bruges,  seigneur  de  Gruthuuse,  se  trouvait  à  la  tête  du  parti  opposé  aux 
prétentions  de  Maximilien  dans  sa  ville  natale,  Guillaume  Rym,  Louis  de 
Masmines,  les  sires  de  Rassegem  et  de  Liedekerke,  le  seigneur  de  Ter  Vere 
et  le  comte  de  Romont,  dans  celle  de  Gand  :  ce  ne  sont  pas  là  d’obscurs  plé¬ 
béiens.  Déjà  nous  avons  vu  décapiter  le  seigneur  deHeetvelde,  qui  avait 
embrassé  le  même  parti;  et  quand  l’archiduc  demanda  du  secours  à  Bruxelles 
contre  un  détachement  de  Gantois  qui  s’étaient  avancés  jusqu’à  Assehe,  il 
essuya  un  refus  formel  de  la  part  des  magistrats,  et  obtint  au  contraire  l’assen¬ 
timent  du  peuple. 

Ce  serait  beaucoup  plus  s’approcher  de  la  vérité,  si  l’on  affirmait  que  l’aris¬ 
tocratie  et  la  haute  bourgeoisie  poussèrent  le  peuple  flamand  à  cette  guerre. 

Elle  offrait  cependant  peu  de  chances  de  succès  :  la  Flandre  gallicante 
paraissait  craindre  l’intervention  des  Français  bien  plus  que  la  régence  de 
Maximilien;  Bruges  et  Ypres  se  bornaient  à  des  démonstrations  peu  efficaces, 
et  Crèvecœur  promettait  et  intriguait  plus  qu’il  ne  combattait.  Tout  le  poids 
de  la  lutte  retombait  sur  les  Gantois,  qui  d’ailleurs  n’étaient  pas  entièrement 
unis.Grammont  et  Ninove,  emportées  de  vive  force  par  les  généraux  de  Maxi¬ 
milien,  souffrirent  horriblement,  et  Tamise,  prise  d’assaut  par  l’archiduc 
lui-même,  subit  les  traitements  les  plus  barbares1,  tandis  que  des  corps 
d’armée  sortis  de  Gand  étaient  battus,  mais  sans  perdre  beaucoup  de  monde, 
à  Laere 2,  à  Peteghem  et  Zele.  Les  Gantois  à  leur  tour  remportèrent  quelques 
légers  avantages;  mais  le  résultat  le  plus  clair  de  ces  tristes  hostilités,  c’était 
la  stagnation  du  commerce,  la  ruine  de  l’agriculture  et  la  destruction  d’un 
nombre  de  villes  et  bourgades  :  Guillaume  le  Breton  avait  écrit  au  douzième 
siècle  : 

Flandria,  gens  opibus  variis  et  rebus  abundans, 

Gens  intestinis  sibimet  damnosa  ruinis  3. 

1  Despars,  IVdc  deel,  bl.  249. 

2  L  éditeur  de  Despars  voit  la  le  village  de  Laerne,  mais  peut-on  comprendre  que  la  garni¬ 
son  d  Audenarde,  qui  livra  le  combat,  se  soit  hasardée  à  s’éloigner  jusqu’à  cette  commune 
située  au  delà  de  Gand?  Nous  pensons  qu’il  s’agit  d 'Edelare. 

0  Ce  peuple  de  Flandre,  qui  jouit  en  abondance  de  trésors  et  de  biens  de  tout  genre,  se  nuit  * 
à  lui-même  par  ses  discordes  intestines.  Philip.,  lib.  II,  v.  154  et  155. 


14 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


Ce  portrait  se  trouve  vrai  encore,  et  depuis  on  a  pu  malheureusement,  à 
différentes  époques,  y  reconnaître  la  Belgique  entière. 

Cependant  le  commun  peuple  se  dégoûtait  d’une  guerre  sans  issue,  dont 
il  n’appréciait  pas  les  motifs,  et  d’autant  plus  qu’il  était  fort  mécontent  de 
l’administration  de  ceux  du  sang,  comme  on  appelait  les  seigneurs  qui  com¬ 
posaient  le  conseil  de  régence.  Ce  mécontentement,  plus  vif  et  plus  général 
tous  les  jours,  n’attendait  qu’un  signal  pour  éclater,  et  il  fut  donné  bientôt. 
Les  nombreux  partisans  que  l’archiduc  avait  conservés  à  Bruges  s’étaient 
entendus  avec  quelques  chefs  de  ses  troupes  ,  pour  rétablir  son  autorité  dans 
leur  ville.  Pendant  une  longue  procession  ordonnée  à  leur  prière,  pour  obte¬ 
nir  du  ciel  la  fin  des  troubles  et  la  paix  de  l’État,  le  comte  Englebert  de 
Nassau,  les  seigneurs  de  Beveren  et  de  Falkenstein ,  suivis  d’un  corps  très- 
considérable  de  gens  d’armes  d’élite,  entrèrent  dans  la  ville ,  sans  éprouver 
aucune  résistance.  Ils  se  mirent  en  bataille  devant  l’hôtel  de  ville  cl  une 
foule  immense,  accourue  de  toutes  paris,  accueillit  avec  de  vifs  applaudisse¬ 
ments  la  proposition  que  fit  le  chancelier  de  Brabant  de  reconnaître  la  tutelle 
et  la  régence  de  Maximilien  pendant  la  minorité  de  son  fils  '. 

On  lut  ensuite  les  autres  conditions  de  la  paix  :  le  consentement  de  la 
ville  à  un  subside  suffisant  au  prince  pour  solder  les  dépenses  de  la  guerre, 
qui  serait  réglé  plus  tard  par  les  trois  membres  de  Flandre  et  le  payement  des 
arrérages  dus  à  la  duchesse  Marguerite  d’Yorck,  veuve  de  Charles  le  Témé¬ 
raire,  sur  les  revenus  de  son  douaire.  A  ce  prix,  on  obtenait  une  amnistie 
générale ,  dont  cependant  étaient  exclues  dix  personnes  et  à  leur  tête  le  sire 
de  la  Gruthuuse,  qui  fut  sur-le-champ  conduit  à  la  prison  du  steen  et,  sur 
le  refus  du  seigneur  de  Beveren ,  le  seigneur  d’Uilkerke  le  remplaça  en  qua¬ 
lité  de  capitaine  de  la  ville  2. 

A  ces  nouvelles,  la  ville  de  l’Écluse  ouvrit  ses  portes  à  l’archiduc,  qui  se 
trouvait  de  sa  personne  avec  une  flottille  dansleZwin.  Heureux  de  ce  nouveau 
succès,  il  s’empressa  de  venir  à  Bruges,  où  il  fut  reçu  avec  de  grandes 
démonstrations  d’allégresse  par  le  peuple  et  complimenté  par  le  chancelier 
de  Brabant,  dont  l’intervention  avait  été  si  efficace. 

1  Despars,  lVdc  deèl,  bl.  252. 

2  Ibid.,  bl.  257. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


15 


Peu  de  jours  après,  les  nouveaux  chefs  de  Bruges  envoyèrent  en  secret 
à  Gand  leur  pensionnaire  Jean  Roegiers,  pour  s’entendre  avec  Mathias 
Speyaert  ',  sur  les  moyens  à  employer  pour  amener  à  leur  tour  les  Gantois  à 
reconnaître  le  droit  que  prétendait  l’archiduc  de  gérer  la  manbournie  comme 
la  tutelle  de  ses  enfants.  Leurs  mesures  réussirent  sans  peine  :  le  peuple  se 
souleva  à  la  voix  de  Speyaert  qu’il  aimait,  le  7  juin  1485,  et  emprisonna 
Adr.  Villain,  seigneur  de  Rasseghem,  Daniel  Onredenc,  premier  échevin  de 
la  heure ,  Jacques  Heyman,  troisième  échevin.  Le  lendemain  on  incarcéra 
encore  Euslache  Schietecatte,  chef  doyen,  Guillaume  Rym,  Jean  Coppenole 
et  plusieurs  autres.  Peu  de  jours  après ,  Rym  et  Onredenc  furent  décapités 
sur  l’échafaud,  mais  cette  sanglante  exécution  causa  une  émeute  qui  faillit 
prendre  de  vastes  proportions,  et  qu’on  ne  put  apaiser  qu’en  mettant  en  liberté 
les  autres  prisonniers. 

On  crut  donc  qu’il  fallait  se  hâter  de  recourir  à  Maximilien  lui-même 
pour  prévenir  de  nouveaux  troubles.  L’abbé  de  Saint-Pierre  au  mont  Blandin, 
Philippe  de  Bourgogne,  seigneur  de  Beveren,  Paul  de  Baenst,  président  du 
conseil  de  Flandre,  Richard  Wtenhove  et  Adrien  de  Raveschoot,  chevalier 
d’un  âge  avancé,  mais  doué  d’une  sagesse  peu  commune,  furent  députés  à 
Bruges  pour  traiter  de  la  paix  avec  l’archiduc,  conjointement  avec  les  délé¬ 
gués  de  Bruges  et  d’Ypres.  Tous  étaient  animés  de  sentiments  si  conciliants, 
qu’après  quatre  jours  de  conférence,  la  paix  générale  fut  conclue  (le  23  juin) 
aux  conditions  suivantes  2  : 

«  i.  Les  membres  du  comté  de  Flandre  seront  tenus  de  recevoir  et  d’inau¬ 
gurer  Maximilien  en  qualité  de  tuteur  et  de  manbour  de  son  fils  mineur,  leur 
prince  naturel,  aussitôt  que  l’archiduc  leur  aura  prêté  comme  tel  le  serment 
usité. 

»  ii.  Us  seront  de  même  tenus  de  remettre  à  l’archiduc  son  fils  susdit  hors 
des  portes  de  Gand,  le  jour  qu’il  lui  plaira  de  s’y  rendre  pour  prêter  serment 
dans  cette  ville  comme  tuteur  et  manbour;  et  pour  la  sûreté  de  sa  personne, 
il  pourra  y  faire  son  entrée  avec  le  corps  de  troupes  qu’il  jugera  convenable  à 
sa  dignité. 

1  Selon  Wielant,  il  était  tanneur  et  selon  Despars  hôtelier  et  courtier. 

2  Dumont,  Corps  diplomatique  du  droit  des  gens,  tom.  lit,  part.  2,  p.  145. 


46 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


»  in.  De  plus,  les  trois  membres  du  comté  s’obligeront  à  payer  à  l’archi¬ 
duc,  pour  les  armements  qu’il  a  dû  faire,  telle  somme  de  deniers  que  lui- 
même  et  son  conseil  jugeront  plus  tard  nécessaire,  la  moitié  de  suite  et  le 
reste  par  annuités  à  parties  égales. 

»  Ils  auront  à  payer  de  même  une  somme  raisonnable  à  dame  Marguerite 
d’Yorck,  douairière  de  Bourgogne,  pour  les  arrérages  de  son  douaire. 

»  iv.  Si  quelque  article  de  celte  paix  avait  besoin  d’une  interprétation 
plus  large,  elle  ne  pourra  se  faire  que  par  l’archiduc  et  ceux  de  son 
conseil. 

»  v.  Tous  ceux  des  deux  partis  qui  auront  été  bannis  par  suite  des 
séditions  et  discordes  précédentes  pourront  rentrer  librement  dans  leurs 
foyers. 

»  vi.  L’archiduc  confirmera  aussi  et  confirme  par  cette  paix  les  octrois , 
grâces,  pardons,  provisions  et  autres  actes  de  justice,  faits  et  expédiés  de 
commun  accord  par  ceux  du  pays  de  Flandre,  pendant  les  querelles  et  dis¬ 
sensions  susdites,  au  nom  de  son  fils  mineur,  le  duc  Philippe;  sauf  toutefois 
le  droit  de  chacun  *. 

»  Il  confirmera  et  confirme  de  même  tous  les  droits  et  privilèges,  toutes 
les  coutumes  et  libertés  du  pays  de  Flandre,  tant  en  général  qu’en  particu¬ 
lier.  Ainsi  toutes  les  villes  du  comté  reprendront  leur  constitution  ancienne  et 
primitive,  chacune  sous  le  même  ressort  qu’avant  cette  guerre.  » 

Moyennant  ces  conditions  et  conventions,  il  sera  accordé  à  chacun  pardon 
et  amnistie  générale  de  toutes  choses  faites  pendant  ces  troubles  contre  Maxi¬ 
milien  ou  son  fils.,  à  l’exception  de  quelques  personnes 1  2 3. 

Ce  traité  de  réconciliation  fut  promulgué  avec  beaucoup  de  pompe ,  à 
Bruges,  le  23  juin  ’,  mais  les  fêtes  qui  eurent  lieu  à  cette  occasion  furent 

1  Saul  fie  droict  de  luy  et  de  son  fdz  et  de  chascun,  dit  Wielant. 

Louis  de  Bruges,  le  comte  de  Romont  et  le  seigneur  de  Ter  Vere,  chevaliers  de  la  Toison 
d  or;  Louis  de  Masmines,  Jean  Coppenolle,  Gilles  Van  den  Broecke,  Eustache  Schietccalte,  Jean 
et  Gaspar  Heyman,  du  quartier  de  Gand;  Guil.  Morecl,  Jean  Van  Riebeke,  Pierre  Van  den 
Ileeke;  Ant.  Labbé ,  Solder  Van  Loo,  Jean  d’Oostcamp,  Louis  Stelin,  Jean  de  Kcyt,le  vieux,  et 
François  Van  Bassevelde,  du  quartier  de  Bruges;  Nicolas  Marteel,  du  Franc;  Gaspar  Van  Prc- 
mesques,  Fr.  Vanderpoorten  et  Tristan  Van  Belle ,  d’Ypres. 

3  Despars ,  IV,  2G2. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


17 

bientôt  attristées  par  l’exécution  sanglante  de  quelques-uns  de  ceux  qu’on 
avait  exclus  de  l’amnistie. 

Peu  de  jours  après,  Maximilien  se  mit  en  marche  sur  Gand  à  la  tête  d’un 
corps  d’armée  qu’Olivier  de  la  Marche ,  qui  s’y  trouvait,  porte  à  trois  mille 
hommes  *,  tandis  que  P.  Huterus  y  compte  cinq  mille  Allemands,  et  Des¬ 
pars,  auteur  contemporain  et  instruit,  dix-huit  mille  combattants.  Parvenu 
au  village  de  Mariakerke,  le  prince  rencontra  au  milieu  des  champs  la 
députation  des  Étals  qui  venait  lui  présenter  son  jeune  fils,  qu’il  n’avait  pas 
vu  depuis  plusieurs  années  et  qu’il  tint  longtemps  embrassé.  Après  cette  tou¬ 
chante  entrevue,  les  deux  archiducs  firent  avec  les  troupes  leur  entrée  à 
Gand,  et  le  lendemain  (8  juillet) ,  Maximilien  prêta  le  serment  ordinaire 
comme  manbour,  d’abord  à  l’église  de  l’abbaye  de  Saint-Pierre  et  ensuite  à 
celle  de  Saint-Jean.  Le  peuple,  à  son  tour,  lui  prêta  serment  au  grand  mar¬ 
ché.  A  peine  celte  inauguration  avait  eu  lieu  que  l’archiduc  fit  appeler  Malh. 
Speyaert,  le  remercia  amicalement  des  services  qu’il  venait  de  lui  rendre  et 
l’arma  chevalier  d’un  coup  de  sa  botte,  à  défaut  de  l’épée  qu’on  venait  de  lui 
ôter 1  2.  Il  accorda  de  plus  au  nouveau  chevalier  une  pension  pour  qu’il  pût 
soutenir  son  rang,  et  lui  mit  autour  du  cou  une  lourde  chaîne  en  or  qu’il 
avait  portée  lui-même.  Ce  dernier  cadeau  embarrassa  singulièrement  Speyaert 
et  lui  attira  autant  de  moqueries  que  de  regards;  «car»  dit  un  chroniqueur, 
«  cette  chaîne  lui  allait  comme  une  chemise  de  soie  à  une  vache.  » 

Mais  la  vue  des  troupes  nombreuses  d’Allemands  et  de  Suisses  qui  accom¬ 
pagnaient  l’archiduc,  et  surtout  les  désordres  qu’ils  se  permirent,  donnèrent 
heu  à  de  nouveaux  troubles.  «  Chassez  vous-même  les  brigands  que  vous 
»  avez  amenés,  criait-on  au  prince,  ou  nous  seuls  nous  saurons  bien  nous 
»  en  défaire.  »  Le  tumulte  s’augmenta  beaucoup  quand  on  apprit  que  trois  de 
ces  soldats  étrangers,  emprisonnés  par  ordre  du  magistrat,  pour  s’être  portés 
aux  derniers  outrages  envers  la  servante  de  leur  hôte,  avaient  été  délivrés  par 
leurs  camarades  et  qu’ainsi  l’attentat  était  demeuré  impuni.  Quelques  métiers 
prirent  les  armes  et  Maximilien,  qui  s’était  retiré  à  la  cour  du  prince,  craignit 


1  Liv.  II ,  cli.  XII. 

2  Despars ,  IV,  268. 

Tome  XXXV. 


5 


48 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


de  nouvelles  collisions.  Les  magistrats  parvinrent  cependant  à  rétablir  la 
tranquillité,  et  quelques-uns  des  insurgés  payèrent  encore  de  leur  tête- celle 
courte  échauffourée. 


NOUVELLE  GUERRE. 

«  A  l’avénement  du  roi  Philippe  II,  dit  son  historien  *,  le  peuple  belge 
»  sentit  avec  amertume  que  le  sceptre  du  pays  venait  de  passer  dans  les 
»  mains  d’un  étranger.  »  A  la  vue  des  excès  commis  par  les  soldats  alle¬ 
mands  et  demeurés  impunis ,  un  sentiment  semblable  s’empara  des  Gantois 
et  devint  plus  vif  tous  les  jours  par  suite  des  procès  sans  cesse  renaissants 
auxquels  donnait  lieu  la  clause  réservatrice  :  sauf  en  tout  nostrc  droict ,  de 
noslre  fdz  et  de  cliascun ,  qui  ouvrait  une  large  porte  à  l’arbitraire.  On  se 
rappela  les  prédictions  de  Guillaume  Rym. 

Ce  mécontentement  se  communiqua  bientôt  à  toute  la  Flandre,  où  tout  le 
monde  se  plaignait,  dit  Wielant  2 * 4,  que  la  paix  publique  était  incessamment 
méconnue,  et  qui  s’étendit  bien  davantage,  quand  l’archiduc,  qui  venait 
d’être  couronné  roi  des  Romains7’,  recommença  en  Picardie  les  hostilités 
contre  la  France,  d’où  devaient  résulter  de  grands  dommages  pour  le  com¬ 
merce  des  deux  pays  (1487).  La  première  tentative  réussit  mal  et  Maximi¬ 
lien  faillit  être  livré  aux  Français  par  ses  soldats  mercenaires,  gagnés  par 
l’argent  de  Crèvecœur.  Mais  la  situation  devint  beaucoup  plus  grave,  quand 
le  Petit  Salazar,  capitaine  biscayen  au  service  de  l’archiduc,  se  fut  rendu 
maître  de  Térouane.  Le  roi  Charles.  VIII  montra  la  plus  vive  indignation  et 
l’opposition  flamande  put  compter  sur  les  secours  efficaces  de  la  France  l. 

La  commune  de  Gand,  qui  avait  adhéré  de  mauvaise  grâce  au  traité  de 
Bruges,  n’était  que  trop  disposée  à  reprendre  les  armes,  et  les  conseils  du 


1  The  people  of  ihe  Netherlands  fclt  with  bitterness  thaï  the  sceptre  oftheir  countnj  had 
passed  into  the  hands  of  a  foreigner.  IIist.  of  tue  reign  of  Phii.ip.  II.  Book  II,  ch.  II. 

2  Antiq.  de  Flandre ,  p.  530. 

0  Elu  roi  des  Romains  à  Francfort,  le  10  février  1480,  il  avait  été  consacré  comme  tel  le 
10  avril  suivant  à  Aix-la-Chapelle. 

4  P.  Hut.,  lier.  Austr.,  lib.  I. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


19 


prince  semblaient  vouloir  une  explosion  nouvelle.  Us  n’ignoraient  pas  com¬ 
bien  une  guerre  avec  la  France  était  impopulaire  en  Flandre,  et  n’en  suggé¬ 
rèrent  pas  moins  au  roi  des  Romains  de  demander  aux  trois  membres  du 
comté  1  un  subside  annuel  de  neuf  cent  mille  couronnes  d’or,  pendant  trois 
années  consécutives,  pour  combattre  les  Français.  De  plus,  ils  donnèrent  à 
une  nouvelle  monnaie  un  cours  plus  élevé- que  sa  valeur  réelle.  Une  assemblée 
des  membres  eut  lieu  pour  en  délibérer,  d’abord  à  Garni,  mais  sans  résultat 
aucun,  et  ensuite  à  Termonde,  où  l’on  résolut  de  représenter  à  Maximilien 
que  les  finances  du  comté  étaient  trop  épuisées  pour  qu’on  pût  accorder  l’aide 
demandée,  et  qu’on  était  d’ailleurs  fermement  décidé  à  ne  pas  rompre  la  paix 
d’Arras  2.  Quant  au  cours  de  la  monnaie,  qui  regardait  toutes  les  provinces,  il 
fallait,  disait-on,  réserver  cette  question  pour  leur  prochaine  assemblée  géné¬ 
rale. 

Cependant  les  Français  ne  demeuraient  pas  oisifs  :  au  moyen  des  intelli¬ 
gences  qu’il  avait  conservées  dans  Térouane,  Crèvecœur  reprit  cette  ville, 
ce  que  le  comte  de  Nassau,  général  de  Maximilien,  ne  put  apprendre  sans  en 
être  vivement  affecté.  Pour  prendre  sa  revanche,  il  réunit  des  forces  consi¬ 
dérables  et  se  porta  sur  Béthune,  dont  il  espérait  bien  s’emparer  par  un  coup 
de  main.  Mais  son  attente  fut  cruellement  trompée. N’ayant  pas  aperçu,  dans 
la  passion  qui  l’agitait,  les  embuscades  que  les  Français  lui  avaient  dressées, 
il  fut  complètement  défait,  laissa  près  de  neuf  cents  morts  sur  le  champ  de 
bataille  et  se  vit  lui-même  prisonnier  avec  Charles  d’Egmont,  le  prétendant 
au  duché  de  Gueldre  3,  et  une  multitude  de  chevaliers  de  marque.  Tous 
furent  remis  en  liberté,  mais  en  payant  une  forte  rançon. 

Au  lieu  de  combattre  les  ennemis  du  prince  qu’ils  servaient,  les  soldats 
allemands  et  suisses  du  roi  des  Romains  se  livraient  partout  à  la  maraude  sous 
le  prétexte,  malheureusement  fondé,  que  leur  solde  était  fort  arriérée.  On 
avait  à  la  vérité  refusé  le  subside  de  guerre  demandé  par  Maximilien ,  mais  il 
s’était  procuré  de  l’argent  au  moyen  de  quelques  impôts  et  contributions  que 
ses  commis  avaient  levés  avec  une  rigueur  extrême  dans  les  Quatre-Méiiers , 

1  Le  Franc  n’était  pas  encore  reconnu  comme  membre. 

2  Despars,  IVdcdeel,  bl.  285. 

3  Tkijnl  van  Ghelderen,  comme  l’appelle  Despars. 


20 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


les  districts  de  Bergues,  Bailleul  et  Ypres,  ainsi  que  dans  le  Franc  de  Bruges, 
ce  qui  n’avait  pas  manqué  d’exciler  les  populations  à  de  violents  murmures. 

Les  sommes  que  produisaient  ces  exactions,  plus  imprudentes  encore 
qu’illégales,  n’entraient  que  pour  peu  de  chose  dans  les  trésors  du  prince  et 
ne  servaient  qu’à  satisfaire  la  cupidité  et  l’avarice  des  courtisans,  qui  n’avaient 
d’autre  souci  que  de  s’enrichir  aux- dépens  de  tout  le  monde,  quoiqu’il  dût  en 
résulter  bien  des  maux  pour  le  pays  '. 

Quand  on  considère  ces  circonstances  et  les  dispositions  connues  des  Fla¬ 
mands,  y  a-t-il  lieu  de  s’étonner  d’une  nouvelle  levée  de  boucliers  de  leur 
part? 

Un  soulèvement  avait  eu  lieu  à  Gand,en  I486 ,  mais  le  seigneur  de  Ghis- 
tele,  grand-bailli  de  la  ville,  était  parvenu  à  le  réprimer,  peut-être  parce 
que  le  peuple  n’avait  pas  de  chef  capable.  Il  en  devait  être  tout  autrement 
l’année  suivante. 

Adrien  Vilain,  seigneur  de  Rassegem,  avait  pris  une  grande  part  à  la  pre¬ 
mière  guerre  des  Gantois  contre  Maximilien  ;  mais  comme  il  était  très-aimé 
du  peuple,  on  n’avait  pas  osé  l’exclure  de  l’amnistie  et  même  on  lui  avait 
conféré  un  emploi.  Il  s’en  fallait  cependant  qu’il  jouît  de  quelque  confiance 
près  du  roi  des  Romains  et,  quand  l’orage  parut  calmé,  ce  prince  s’assura  de 
sa  personne  et  le  fit  incarcérer  dans  la  forteresse  de  Vilvorde.  Il  y  attendait 
depuis  quelque  temps  qu’on  prononçât  sur  son  sort,  quand  son  cousin  ger¬ 
main 1  2,  le  seigneur  de  Liedekerke,  résolut  d’employer  la  ruse  pour  le  remettre 
en  liberté.  S’étant  associé  à  cet  effet  vingt-quatre  hommes  sûrs  et  d’une 
audace  à  toute  épreuve,  il  en  mit  le  plus  grand  nombre  en  embuscade  autour 
de  la  forteresse,  dont  il  savait  que  le  gouverneur  était  absent,  tandis  que 
lui-même,  avec  trois  autres,  feignait  de  se  promener  sans  aucun  but  dans  les 
environs.  Parvenu  à  la  porte,  il  exprima  au  concierge  un  vif  désir  de  voir 
cette  citadelle  renommée,  et  parvint  à  le  gagner  par  de  belles  paroles.  Rasse¬ 
gem  se  promenait  dans  la  cour  en  robe  de  chambre.  Le  sire  de  Liedekerke 
l’aborda  :  Partons  !  dit-il ,  et  le  prisonnier,  qui  a  reconnu  son  parent,  le  suivit 

1  Despars,  IVdt'  deel,  bl.  280. 

2  «  Son  oncle  »  dit  à  tort  M.  Dewez. 


* 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


21 


aussitôt.  En  vain  le  concierge  jeta  de  hauts  cris,  pour  empêcher  cette  fuite, 
il  fut  roué  de  coups  et  laissé  à  demi  mort  sur  la  place,  tandis  que  les  auteurs 
de  cet  attentat ,  rejoints  par  leurs  affidés  en  embuscade,  couraient  à  toute  bride 
sur  la  roule  de  Tournai.  Us  arrivèrent  sans  rencontrer  d’obstacle  dans  cette 
ville,  où  ils  pouvaient  se  reposer  en  toute  sécurité  sous  la  protection  du  roi 
de  France. 

Leur  intention  n’était  pas  toutefois  de  s’y  arrêter  longtemps,  mais  ils  ne 
s’éloignèrent  pas  si  tôt  non  plus  que  l’avancent  quelques  historiens  *,  car  la 
situation  exigeait  beaucoup  de  prudence.  Avant  de  s’aventurer  en  Flandre, 
les  deux  cousins  sondèrent  les  Coppenole  demeurés  à  Gand ,  afin  d’apprendre 
d’eux  si  le  parti  de  l’opposition  était  assez  fort  pour  garantir  leur  sûreté  dans 
la  ville.  Sur  la  réponse  affirmative,  ils  ne  tardèrent  pas  à  rentrer  dans  la 
capitale  de  la  Flandre  et  à  demander  des  juges,  pour  statuer  sur  l’acte  de  vio¬ 
lence  exercé  à  Yilvorde  et  sur  leur  conduite  antérieure.  Après  quelque  temps 
d’hésitation,  qui  s’explique  aisément,  Maximilien  nomma  à  cet  effet  Philippe 
de  Clèves,  Antoine,  bâtard  de  Bourgogne,  et  son  fils,  le  seigneur  de  Beveren. 
Ces  commissaires  se  réunirent  à  Termonde,  où  les  deux  Vilains  refusèrent 
de  se  rendre,  à  moins  qu’on  n’envoyât  à  Gand  des  otages  qui  répondraient  de 
leur  vie  et  de  leur  liberté.  Il  fut  encore  fait  droit  à  cette  prétention,  mais  ils 
essuyèrent  un  refus  de  la  part  des  magistrats,  quand  ils  voulurent  les  con¬ 
traindre  à  promettre  formellement  de  sévir  contre  les  otages,  si  quelque  mal 
arrivait  aux  accusés  à  Termonde. 

Pendant  ces  pourparlers,  quelques  métiers  s’étaient  réunis  en  collace,  à 
la  prière  de  Rassegem  et  de  Liedekerke,  et  quoique  le  magistrat  le  vît  de  mau¬ 
vais  œil ,  il  crut  plus  prudent  d’assembler  une  collace  générale.  Mais  cette 
résolution  porta  les  otages  à  s’éloigner  aussitôt  et  sans  bruit  de  Gand. 

En  effet,  l’assemblée  générale  décida ,  et  à  l’unanimité,  que  la  paix  d’Arras 
devait  être  maintenue;  que  les  seigneurs  de  Liedekerke  et  de  Rassegem  ne 
pouvaient  être  contraints,  quel  que  fût  le  délit  dont  on  les  accusait,  de  sortir 
de  la  ville,  mais  avaient  à  comparaître  devant  ceux  de  Gand,  leurs  juges 
compétents  et  naturels;  que  la  commune  reprenait  ses  privilèges  qu’on  avait 


1  Dewez,  Histoire  générale,  t.  V,  p.  176. 


22 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


impudemment  violés,  en  reconnaissant  Maximilien  comme  tuteur  et  man- 
bour  de  son  fils  mineur  :  finalement,  qu’il  fallait  faire  une  enquête  sur  les 
finances  de  la  ville  depuis  la  mort  de  Guillaume  Rym,  et  rechercher  les 
causes  de  leur  situation  déplorable  \ 

D’une  déclaration  aussi  hardie  à  une  insurrection  ouverte  il  n’y  avait 
qu’un  pas,  et  ce  pas  fut  bientôt  franchi.  Après  avoir  banni  de  la  ville  les 
bourgeois  notables  qui  refusaient  de  souscrire  à  la  déclaration  de  la  collace, 
on  demanda  au  roi  des  Romains  de  faire  changer  leur  magistral  au  nom  du 
jeune  archiduc,  en  imposant  aux  nouveaux  élus  l’obligation  de  jurer  la  paix 
d’Arras.  Comme  ils  l’avaient  prévu  sans  doute,  cette  requête  offensante  fut 
rejetée  avec  l’indignation  qu’elle  méritait,  et  les  bourgeois  nommèrent  de  leur 
propre  autorité  des  commissaires  et  des  électeurs.  Le  seigneur  de  Rassegem 
fut  élu  premier  échevin  de  la  heure  et  Pierre  Ghyselin  chef  doyen,  tandis 
que  le  malheureux  Math.  Speyaert  allait  payer  de  sa  tête  les  faveurs  dont 
l’avait  comblé  Maximilien 1  2. 

La  guerre  étant  désormais  inévitable,  il  était  urgent  surtout  de  trouver 
un  chef  capable  de  la  conduire  avec  succès,  et  on  crut  avoir  sous  la  main 
l’homme  le  plus  digne  de  confiance  sous  ce  rapport  dans  la  personne  du  sei¬ 
gneur  de  Liedekerke ,  dont  la  bravoure  égalait  l’adresse.  Il  fut  donc  appelé 
au  commandement  des  milices  de  la  ville,  avec  le  litre  de  colonel,  à  son 
retour  d’une  expédition  dans  laquelle  il  avait  repris  de  vive  force  son  propre 
château,  que  Philippe  de  Elèves  avait  conquis  en  son  absence.  Il  se  mit  aus¬ 
sitôt  en  devoir  de  rattacher  Alosl  à  la  cause  de  Gand,  mais  sa  tentative  réussit 
mal  et  il  n’osa  point  recourir  à  la  violence.  D’une  autre  part,  le  seigneur  de 
Gaesbeke,  partisan  du  roi  des  Romains,  avait  échoué  plus  honteusement 
dans  une  entreprise  sur  Termonde. 

C’était  une  résolution  bien  téméraire  cependant  de  vouloir  combattre 
Maximilien,  soutenu  non-seulement  par  les  guerriers  de  la  Franche-Comté 
elles  mercenaires  allemands,  mais,  ce  qui  valait  mieux,  par  un  corps  nom¬ 
breux  de  cavalerie  du  Ilainaut,  plus  brave  et  plus  fidèle.  On  croyait  pouvoir 

1  Despars,  IVdc  deel,  bl.  294  en  volg. 

2  Ceux  de  Gand...  prindrent  ledict  Speyaert  cl  lui  feisrent  copper  la  leste.  Wielant,  Anliq. 
de  Flandre,  p.  551. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


23 


% 

compter,  il  est  vrai,  sur  l’adhésion  des  autres  membres  de  Flandre  et  sur  le 
secours  des  Français,  qui  venaient  de  prendre  Bourbourg;  et  d’ailleurs,  on  se 
souvenait  de  la  lutte  longtemps  glorieuse  que  la  ville  de  Gand  seule  avait 
soutenue  contre  Philippe  le  Bon,  beaucoup  plus  puissant  que  ne  l’était  le  roi 
des  Romains.  Ce  souvenir  fut  cause  apparemment  qu’on  rétablit  les  chaperons 
blancs  et  les  compagnons  de  la  verte  tente. 

Quelles  mesures  prenait  le  roi  des  Romains  contre  cette  insurrection  ?  Il 
se  bâta  d’abord  de  lancer  un  édit  de  proscription  contre  ces  nouveaux  rou¬ 
tiers,  promettant  pour  chaque  tête  six  couronnes  d’or  et  douze  pour  chaque 
prisonnier.  De  plus,  il  décréta  la  perle  de  corps  et  biens  pour  quiconque  ose¬ 
rait  fournir  des  vivres  aux  Gantois,  et  prit  au  contraire  des  mesures  pour 
favoriser  le  commerce  des  Brugeois  et  leur  procurer  l’abondance  de  tout  ce 
qui  est  nécessaire  pour  la  vie. 

Vers  le  milieu  de  décembre  (1487),  ce  prince  entra  à  Bruges  en  grande 
pompe  et  à  la  tête  de  deux  cent  cinquante  homme  d’armes ,  tant  cavaliers  que 
fantassins.  C’était  une  troupe  aguerrie,  mais  aimant  plus  la  maraude  que  les 
combats,  et  qui  se  mit  à  piller  impitoyablement  les  campagnes  voisines. 
Chaque  jour  se  commettaient  impunément  des  déprédations  nouvelles  qui 
exaspéraient  une  population  paisible. 

Maximilien  en  était  sans  doute  indigné  lui-même,  mais  que  faire  avec  un 
trésor  épuisé?  I!  envoya  d’abord  des  forces  à  Ypres ,  pour  défendre  celte 
ville  contre  les  Français  et  les  Gantois,  mais  elles  furent  obligées  de  s’en 
retourner,  les  habitants  ayant  déclaré  qu’ils  voulaient  demeurer  neutres,  ce 
qu’en  d’autres  temps  et  pays  on  eût  traité  de  félonie.  Rebuté  de  ce  côté,  le  roi 
des  Romains  indiqua  une  assemblée  générale  de  ia  bourgeoisie  à  l’hôtel  de 
ville  de  Bruges,  pour  y  exposer  la  situation  et  les  besoins  du  comté.  A  sa 
demande,  on  y  nomma  des  députés  qui  avaient  mission  de  se  rendre  à  Gand 
et  d’aviser  aux  moyens  d’y  rétablir  l’autorité  de  Maximilien,  mais  ce  prince  eut 
beau  démontrer  que  rien  n’était  plus  urgent  que  de  lui  accorder  un  subside 
suffisant  pour  défendre  le  comté  contre  l’invasion  française.,  et,  si  la  députa¬ 
tion  pacifique  était  sans  résullat,  que  la  ville  de  Bruges  avait  à  lui  procurer 
un  corps  d’armée  de  deux  mille  gens  d’armes,  ou  l’argent  nécessaire  à  l’en¬ 
tretien  d’une  troupe  aussi  forte,  pour  combattre  les  Gantois.  On  lui  répondit 


24 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


sans  hésiter  que  l’assemblée  n’entendait  pas  rompre  la  paix  d’Arras ,  qu’elle 
ne  pouvait  voter  aucun  subside  sans  le  consentement  des  autres  membres 
de  Flandre,  et  qu’elle  regardait  les  Gantois  comme  des  alliés  et  des  frères. 

C’étaient  là  des  refus  bien  blessants  pour  le  roi  des  Romains,  mais  il  fut 
plus  vivement  affecté  encore,  quand  l’assemblée  lui  représenta  qu’elle  ne 
souffrirait  plus  la  présence  dans  ses  murs  des  mercenaires  pillards  qu’il  avait 
amenés  à  sa  suite,  et  qu’elle  avait  pris  la  résolution  formelle  de  ne  confier  la 
garde  des  portes  de  la  ville  qu’à  la  bourgeoisie  seule  b 

Ce  dernier  point  lui  déplaisait  surtout,  et  il  convoqua  une  seconde  assem¬ 
blée  pour  obtenir  que  ses  troupes  eussent  exclusivement  la  garde  des  portes; 
mais  ses  belles  paroles ,  comme  ses  menaces  et  les  raisonnements  de  ses  con¬ 
seillers  échouèrent  contre  la  volonté  très-arrêtée  des  membres  de  la  loi. 

Pendant  ce  lemps-là  les  Gantois  n’étaient  pas  restés  oisifs.  Leur  nouveau 
commandant,  le  seigneur  de  Liedekerke,  s’était  rendu  maître,  partie  par 
stratagème  partie  de  vive  force,  de  la  ville  et  de  la  citadelle  de  Courlrai,  qui 
était  du  ressort  de  Gand.  C’était  un  exploit  digne  d’éloge ,  s’il  ne  l’avait  pas 
souillé  en  tuant  de  sa  main  le  seigneur  de  Heule,  gouverneur  de  la  place, 
grièvement  blessé  et  hors  d’état  de  faire  quelque  résistance.  Il  entreprit  en¬ 
suite  de  se  rendre  maître  de  la  ville  forte  de  Hulst,  dont  la  possession  était 
d’une  haute  importance  pour  la  sûreté  de  Gand  ;  mais  les  habitants ,  sujets 
de  la  Flandre  impériale  et  partant  attachés  au  parti  de  Maximilien,  avaient 
prévu  l’attaque  de  Gantois  et  s’apprêtaient  à  les  bien  recevoir.  De  Liedekerke 
revint  sans  avoir  combattu. 

Peu  après  arriva  la  députation  brugeoise.  Elle  mit  autant  de  zèle  que  de 
prudence  à  remplir  sa  mission  pacifique,  mais  elle  ne  parvint  pas  à  la  mener 
à  bonne  fin.  Ceux  qui  avaient  la  haute  main  dans  les  affaires  à  Gand  lui 
répondirent,  par  l’organe  du  greffier  de  la  ville,  que  la  commune  ne  voulait 
pas  se  soustraire  à  l’autorité  de  son  seigneur  légitime  et  naturel,  mais  qu’elle 
ne  saurait  se  soumettre  au  gouvernement  actuel,  aussi  longtemps  qu’on  n’aurait 
pas  redressé  ses  justes  griefs,  dont  les  principaux  étaient  :  la  rupture  de  la 
paix  d’Arras,  la  mauvaise  administration  des  finances,  l’usurpation  que  se 


1  Excel.  Croît.,  p.  229  verso. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


permettait  Maximilien  en  faisant  battre  dans  le  pays  une  monnaie  qui  n’était 
pas  aux  armes  de  leur  comte,  l’archiduc  Philippe,  la  nomination  d’officiers 
étrangers,  faite  récemment  contre  les  coutumes  et  privilèges  du  pays,  et 
finalement  le  parti  qu’on  avait  pris  de  ne  rendre  aucun  compte  des  contribu¬ 
tions,  impôts,  accises,  cueillotes  et  autres  aides  extraordinaires,  dons  gra¬ 
tuits  et  subventions,  qu’on  avait  accordés  depuis  quelques  années  à  Maxi¬ 
milien  l. 

A  ces  doléances,  qui  n’étaient  pas  sans  fondement,  les  députés  répliquèrent 
qu’ils  n’avaient  aucun  pouvoir  pour  discuter  des  questions  si  importantes,  et 
qu’ils  allaient  repartir  pour  Bruges,  afin  d’en  faire  rapport  à  leurs  manda¬ 
taires.  Mais  à  peine  y  furent-ils  arrivés,  à  la  nuit  tombante,  qu’ils  s’em¬ 
pressèrent  d’aller  trouver  en  secret  le  roi  des  Romains  pour  lui  communiquer 
les  réclamations  des  Gantois.  Elles  émurent  vivement  les  courtisans  et  conster¬ 
nèrent  le  prince.  Dans  un  conseil  tenu  sur-le-champ ,  il  fut  décidé  qu’on  ne 
ferait  connaître  au  public  que  celle  qui  regardait  la  paix  d’Arras,  et  qu’on  lui 
cacherait  les  autres,  ce  qui  n’était  pas  moins  déloyal  que  maladroit.  Le  roi 
des  Romains  n’ayant  pas  envoyé  les  députés  à  Garni ,  mais  bien  l’assemblée  de 
Bruges,  il  est  évident  qu’elle  devait  avoir  communication  et  communication 
entière  de  tout  ce  qu’avaient  appris  ses  envoyés;  et,  d’une  autre  part,  était-il  . 
possible  de  cacher  longtemps  les  représentations  d’une  ville  voisine,  dont 
beaucoup  de  Brugeois  partageaient  les  sentiments  et  connaissaient  probable¬ 
ment  les  prétentions,  avant  le  départ  des  députés? 

Maximilien  comptait  bien  avoir  sous  peu  assez  de  puissance  à  Bruges  pour 
ne  devoir  rien  craindre  de  la  malveillance  d’une  partie  de  la  population.  II  fit 
ordonner  à  ses  cavaliers  hainuyers  et  allemands,  cantonnés  aux  environs,  de 
se  rapprocher  de  la  ville,  et  lui-même,  avec  les  hommes  d’armes  qu’il  avait 
amenés,  se  porta  aux  portes  pour  introduire  ces  troupes.  A  son  grand  désap¬ 
pointement,  il  trouva  les  portes  auxquelles  il  se  rendit  successivement,  bien 
fermées  et  soigneusement  gardées  par  la  milice  des  métiers,  résolue  à  ne  pas 
les  ouvrir  aux  soldats  étrangers.  Cette  tentative  étant  manquée,  malgré  l’in¬ 
tervention  active  de  l’un  des  bourgmestres,  du  grand  bailli  et  de  l’écoutète  de 


1  Despars,  IVdc  deel,  bl.  512. 

Tome  XXXV. 


4 


26 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


la  ville,  il  demanda  qu’il  lui  fût  permis  de  sortir  lui-même  avec  ses  gens  d’armes , 
mais  il  essuya  un  nouveau  refus.  La  commune  craignait  que  le  roi  ne  voulût 
se  retirer  dans  la  place  forte  de  Damme,  dont  le  gouverneur  paraissait  lui 
être  dévoué,  et  d’où  la  garnison,  jointe  à  celle  de  l’Écluse,  pouvait  causer  de 
grands  dommages  à  la  ville  de  Bruges  et  la  tenir  continuellement  en  échec. 

Tous  ces  faits,  que  Pontus  Huterus  a  travestis  à  plaisir  *,  sont  exposés  avec 
les  détails  les  plus  exacts  par  un  témoin  presque  oculaire,  Nicolas  Despars , 
qui  se  montre  favorable  à  la  cause  de  Maximilien,  et  par  Wyds,  tout  aussi 
dévoué  au  roi,  et  qui  assure 1  2 3  qu’il  a  consulté  les  relations  contemporaines. 

A  la  vue  de  l’opposition  du  peuple  à  ses  projets,  le  prince  retourna  à  son 
hôtel,  profondément  irrité  et  bien  résolu  de  parvenir  à  son  but  en  dépit  de 
toute  résistance.  Bientôt  il  revint  au  Bourg,  à  la  tête  de  ses  Allemands  bien 
armés  et  en  ordre  de  bataille.  Il  y  trouva  en  grand  nombre  des  gens  de  la 
loi,  des  nobles,  des  membres  de  la  magistrature  et,  en  particulier,  Pierre 
Lanchals,  écoutète  de  la  ville  et  son  maître  d’hôtel,  qui  avait  convoqué  les 
doyens  des  métiers.  Ces  chefs  se  présentèrent  sans  crainte,  attendant  qu’on 
leur  fil  connaître  ce  qu’on  désirait  d’eux,  mais  l’écoutète  se  contenta  de  leur 
dire  avec  rudesse  et  dédain  :  «  On  vous  en  instruira  plus  tard.  »  En  ce  mo- 
mont,  les  soldats  menaçaient  le  peuple,  en  brandissant  leurs  armes,  et 
criaient  sla!  sla  s/  ce  qui  causa  un  grand  effroi  à  la  multitude  qui  comprenait 
sla!  sla  4/  et  donna  lieu  à  un  tumulte  difficile  à  peindre.  On  s’enfuit  par 
toutes  les  issues  en  criant  partout  :  «  On  tue  tout  le  monde  au  Bourg!  » 
Saisi  de  crainte  à  ce  spectacle  et  ne  voyant  pas  arriver  la  troupe  des  gar¬ 
çons  brasseurs,  dont  plusieurs  hommes  de  la  loi  lui  avaient  promis  le  secours, 
Maximilien  se  retira  avec  son  escorte  dans  son  palais,  afin  d’éviter  une  colli¬ 
sion  qui  pouvait  devenir  funeste.  Tous  les  métiers  avaient  en  effet  couru  aux 
armes  et  s’étaient  réunis  au  Grand  Marché,  chacun  sous  son  étendard,  en 
promenant  quelques  pièces  de  grosse  artillerie.  En  même  temps,  on  donna 
avis  de  ce  qui  se  passait  aux  villes  de  Gand  et  d’Ypres,  afin  d’en  obtenir  aide 

1  Ber.  Austr.,  lib.  III. 

2  Chron.,  IIIde  voorw. 

3  Arrêtez  !  arrêtez! 

4  Frappez!  frappez! 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


27 


et  secours  pour  conduire  à  bonne  fin  les  projets  qu’ils  avaient  formés,  à  ce 
qu’on  disait,  pour  le  bien  commun  du  comté. 

Bientôt  la  foule  se  rua  sur  la  maison  de  l’écoutète  Lanchals ,  pour  s’em¬ 
parer  de  ce  personnage  odieux  aux  meneurs,  mais  il  avait  suivi  le  roi  et  sa 
demeure  était  sans  défense.  Il  ne  fallut  que  peu  d’instants  pour  enfoncer  la 
porte,  briser  les  vitres,  détruire  les  meubles  et  mettre  tout  au  pillage.  Les 
armes  qu’on  trouva  furent  apportées  au  Marché  et  partagées  entre  les  chefs  de 
la  multitude.  Apprenant  d’heure  en  heure  de  nouveaux  excès  de  la  popula¬ 
tion  révoltée,  Maximilien  crut  devoir  céder,  et  envoya  au  Marché  quelques- 
uns  de  ses  courtisans  et  des  marchands  étrangers  établis  à  Bruges ,  pour  prier 
les  insurgés  de  se  retirer  en  paix,  chacun  dans  sa  maison,  et  leur  promettre 
à  ce  prix  un  pardon  absolu  de  tous  les  attentats  qu’ils  avaient  commis  contre 
leur  prince.  On  ne  répondit  à  ces  conseils  que  par  d’amers  sarcasmes  :  le  roi 
est  mille  fois  plus  coupable  que  nous,  criait-on,  en  écoutant  des  conseillers 
pervers  ! 

Loin  de  se  calmer,  l’effervescence  populaire  reprit  avec  plus  de  violence 
encore  le  lendemain ,  quand  il  fut  connu  qu’on  avait  découvert  pendant  la 
nuit  quantité  de  mâts  et  de  claies  destinés  à  introduire  par  les  murailles  les 
troupes  du  roi  dans  la  ville.  On  doubla  la  garde  aux  portes  et  sur  les  mu¬ 
railles,  et  le  peuple  réuni  en  armes  sur  le  Marché  nomma  colonel  de  la  ville 
Charles  d’Halewyn,  seigneur  d’Uilkerke  *,  et  déjà  grand  bailli,  qui  dut 
prêter  serment  de  fidélité  au  jeune  archiduc  Philippe  et  à  la  commune  de 
Bruges. 

De  plus  en  plus  alarmé  des  progrès  du  mal ,  le  roi  des  Romains  députa 
aux  insurgés  le  président  de  Flandre,  Paul  de  Baenst,  pour  leur  demander 
quelles  étaient  leurs  vues  et  leurs  prétentions.  Il  lui  fut  répondu  qu’on  vou¬ 
lait  connaître  les  points  et  articles  que  les  Gantois  avaient  proposés  aux  en¬ 
voyés  de  Bruges  et  d’Ypres  pour  en  faire  rapport  aux  magistrats,  et  dont  on 
avait  éludé  jusqu’ici  la  communication;  qu’on  désirait  de  plus  le  remplace¬ 
ment  de  Lanchals,  l’écoutète,  et  de  Jean  Van  Nieuwenhove,  le  bourg¬ 
mestre  du  cours.  La  première  demande  était  juste  assurément,  mais  peu 


1  Ou  de  Dynkerke,  dit  Huterus  :  il  n’exista  jamais  une  commune  de  ce  nom. 


28 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


agréable  à  Maximilien.  Il  fit  répondre  que  ceux  de  Gand  étaient  absolument 
d’avis  qu’on  s’en  tînt  à  la  paix  conclue  avec  la  France  à  Tournai,  en  I38o , 
et  récemment  à  Arras,  en  1484,  et  qu’il  leur  proposait  d’en  donner  copie 
à  la  commune;  mais  le  peuple  cria  sans  hésiter  qu’il  voulait  l’original  de 
toute  la  représentation  faite  par  ceux  de  Gand  Le  président  demanda  en¬ 
suite  si  l’on  consentait  à  avoir  Pierre  Metteneye  pour  écoulète,  au  lieu  de 
Lancbals,  et  Josse  de  Deckere,  au  lieu  de  Van  Nieuwenhove.  Le  peuple 
applaudit  à  ces  nominations  et  reçut  le  serment  des  nouveaux  élus,  prêté 
dans  la  même  forme  et  teneur  que  celui  du  colonel  de  Halewvn;  il  remplaça 
en  même  temps  le  lieutenant  de  l’écoulète  et  fit  publier  au  son  de  la  cloche, 
à  la  halle,  qu’on  accorderait  cinquante  livres  de  gros  à  celui  qui  livrerait 
Lanchals  ou  Van  Nieuwenhove  entre  les  mains  de  la  justice. 

A  peine  celte  publication  avait-elle  eu  lieu,  qu’on  décapita  deux  nègres 
de  Jean  Rans,  margrave  d’Anvers 1  2,  convaincus  d’avoir  mis  le  feu  aux 
quatre  coins  de  la  ville,  mais  sans  avoir  réussi  dans  cette  criminelle  entre¬ 
prise.  Peu  après,  Van  Nieuwenhove  fut  appréhendé,  jeté  en  prison  et  mis 
au  secret. 

Le  même  jour  (le  4  février),  à  un  signal  donné  par  la  cloche,  tous  les 
métiers  au  grand  complet  s’assemblèrent  au  Marché  dans  la  plus  belle  tenue 
et  sous  leurs  bannières  respectives,  pour  attendre  le  roi  des  Romains,  dont 
on  avait  annoncé  l’arrivée  comme  très-prochaine.  Maximilien  parut  en  effet 
bientôt  sur  la  place,  monté  sur  un  cheval  de  prix,  avec  une  suite  brillante 
de  nobles  et  de  hauts  fonctionnaires.  Il  descendit  aux  halles  et,  se  plaçant  à 
la  fenêtre  d’où  se  faisait  d’ordinaire  la  publication  des  ordonnances  de  la  loi, 
il  assura  la  multitude  assemblée  qu’il  était  prêt  à  lui  faire  toutes  les  conces¬ 
sions  raisonnables  et  désirait  savoir  ce  qu’on  réclamait  de  lui.  A  l’instant 
même,  on  lui  députa  quelques  bourgeois,  et  le  nouvel  amman  3 répondit  au 
nom  de  tous  qu’on  devait  se  borner  aux  explications  données  au  président 


1  Dat  zy  l  originael  van  den  gheelen  verthoeghe,  ten  tyde  als  vooren  te  Ghendt  gedaen , 
themlieden  waerts  hebben  wildkn ,  dit  Despars. 

2  ^ais  pas  marquis ,  comme  on  l’a  nommé  ;  le  jeune  archiduc  seul  pouvait  porter  le  titre  de 
marquis  d’Anvers. 

C  était  un  charpentier  nommé  Vanderbest,  qui  avait,  dit  Despars,  la  voix  d’un  taureau. 


SCR  LA  GCERRE  DE  MAXIMILIEN. 


29 


du  conseil  de  Flandre  jusqu’à  l’arrivée  des  députés  de  Gand  et  d’Ypres,  qui 
étaient  en  roule,  et  sans  lesquels  rien  ne  pouvait  se  conclure. 

Les  métiers  avaient  accueilli  Maximilien  avec  de  bruyants  témoignages  de 
respect  et  d’attachement;  mais  ils  ne  tardèrent  pas  à  prouver  combien  cette 
manifestation  était  peu  sincère.  Sans  aucun  égard  pour  la  présence  du  prince, 
ils  affectèrent  de  lire  à  haute  voix  des  missives  de  Gand,  où,  tout  en  leur 
promettant  tout  le  secours  possible,  on  annonçait  avec  joie  la  mort  du  sei¬ 
gneur  de  Gaesbeek,  tué  devant  Courlrai  en  combattant  pour  la  cause  royale. 
Ce  qui  était  plus  grave  encore  et  plus  insultant  pour  le  pauvre  prince,  on 
publia  qu’une  forte  récompense  serait  accordée  à  ceux  qui  appréhenderaient 
l’écoutète  Lanchals,  le  receveur  général  le  Febure,  Thibaud  Barradot,  con¬ 
seiller  bourguignon ,  et  plusieurs  autres  fonctionnaires  dévoués.  Après  celle 
proclamation ,  il  fut  permis  à  Maximilien  de  retourner  à  son  hôtel  avec  le 
cortège  qu’il  avait  amené.  Sans  se  faire  illusion  sur  le  danger  qu’il  courait 
lui-même  au  milieu  de  ce  peuple  furieux,  il  avait  surtout  l’âme  navrée  à  la 
vue  des  tortures  et  de  la  mort  cruelle  qui  menaçaient  ses  plus  fidèles  servi¬ 
teurs. 


EMPRISONNEMENT  DU  ROI  DES  ROMAINS. 

Ses  craintes  ne  tardèrent  pas  à  se  réaliser.  Le  lendemain  de  ce  jour  néfaste, 
une  proclamation  de  la  commune  autorisa  les  gens  de  la  campagne  à  courir 
sus  aux  soldats  hainuyers  et. allemands  qui  se  permettraient  la  moindre  ini¬ 
quité  ou  insolence;  lecture  fut  donnée  ensuite  de  deux  lettres  de  ceux  de  Gand 
adressées,  l’une  aux  colonel  et  collège  échevinal,  l’autre  aux  chefs  doyens  et 
commune,  qui  conseillaient  de  bien  garderie  roi  des  Romains  et  de  s’assurer 
de  tous  ceux  qui,  depuis  trois  ans,  avaient  eu  le  maniement  des  affaires.  On 
ignorait  sans  doute  que  la  plupart  étaient  déjà  proscrits  par  les  Brugeois. 

Ce  sont  ces  lettres,  pensons-nous,  qui  ont  fait  dire  à  Huterus  et  aux  histo¬ 
riens  qui  l’ont  copié  sans  examen,  que  c’est  aux  conseils  des  Gantois  que 
Maximilien  a  dû  son  emprisonnement ,  mais  ne  serait-il  pas  permis  de  con¬ 
server  quelque  doute  à  cet  égard?  Avant  d’avoir  reçu  aucune  insinuation  de 
la  part  de  leurs  voisins ,  les  Brugeois  avaient  détenu  le  prince  dans  leur  ville  : 


30 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


les  lettres  qu’on  accuse  n’ont-elles  pas  eu  pour  but  de  le  faire  garder  et  surveiller 
dans  celte  position,  sans  vouloir  le  tenir  en  charte  privée?  Il  est  au  moins 
très-remarquable  que  Wielant,  conseiller  au  conseil  de  Flandre  à  cette  époque, 
s’exprime,  en  traitant  ce  sujet,  bien  autrement  que  l’annaliste  hollandais  au 
dix-septième  siècle:  «  Pendant  lequel  temps,  dit-il  ',  les  diclz  communes  de 
»  Bru  ges  et  du  Francq  feisrent  des  merveilleuses  nouvelletez...  ;  et  ceuls  de 
»  Gand  les  adhérèrent;  ainsi  feisrent  ceuls  d’Ypres,  de  Courtray,  les  Quatre 
»  Mestirs ,  Wase  et  plusieurs  aultres.  » 

L 'Excellente  Cronycke  et  Despars  n’ont  rien  non  plus  qui  puisse  justifier 
l’assertion  de  Huterus. 

Les  Gantois  conseillaient  encore  de  ne  pas  se  payer  de  belles  paroles  et  de 
ne  prendre  aucun  parti  jusqu’à  l’arrivée  de  leurs  députés,  qu’ils  annonçaient 
comme  très-prochaine.  Deux  jours,  en  effet,  s’étaient  à  peine  écoulés,  quand 
la  députation  gantoise,  en  grande  tenue  et  accompagnée  de  deux  mille 
hommes  d’armes  qui  marchaient  enseignes  déployées  sous  le  commandement 
de  Gilles  De  Brouckere,  leur  capitaine,  se  présenta  aux  portes  de  la  ville.  Les 
Brugeois  avaient,  il  est  vrai,  réclamé  le  secours  des  seigneurs  de  Gand,  mais 
ils  n’avaient  aucune  envie  d’introduire  dans  leurs  murs  une  troupe  armée  de 
celle  force.  Beaucoup  de  promesses  et  de  raisonnements  d’une  part,  de  plaintes 
et  môme  d’invectives  d’une  autre,  restèrent  sans  effet,  et  les  auxiliaires  sus¬ 
pects,  parce  qu’ils  étaient  trop  nombreux,  se  virent  obligés  de  bivaquer  dans 
les  faubourgs.  On  leur  fournit  des  vivres  en  abondance,  mais  le  méconten¬ 
tement  les  fit  rejeter  avec  dédain.  Charmé  de  la  conduite  des  Brugeois,  Maxi¬ 
milien  vint  en  personne  au  Marché  pour  leur  en  faire  de  chaleureux  remer- 
cîments,  espérant  sans  doute  que  de  cette  querelle  surgirait  un  changement 
heureux  pour  sa  position.  Il  se  trompait  malheureusement.  Dès  le  lendemain, 
les  députés  gantois  2,  à  la  tète  de  cent  chevaux  et  d’une  infanterie  aussi  belle 
que  nombreuse ,  firent  leur  entrée  dans  la  ville  aux  applaudissements  de  tout 
le  peuple  et  reçurent  des  métiers  assemblés  à  la  Grande  Place  l’accueil  le  plus 
gracieux ,  qui  devint  une  véritable  ovation  quand  ils  s’écrièrent  :  «  Désormais 
c’est  entre  nous  à  la  vie  et  à  la  mort!  » 

1  Corpus  Chron.  Flandr.,  t.  IV,  p.  551. 

2  On  comptait  parmi  eux  Jean  Van  de  Kethulle,  Denis  et  Gaspar  Heyman,  Guillaume  Van- 
derburgtet  Jean  Wtenhove,  dont  la  postérité  existe  encore. 


r 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN.  51 

Sur  ces  entrefaites  étaient  arrivés  à  leur  tour  les  envoyés  d’Ypres,  et  on 
comprit  qu'il  était  temps  de  s’occuper  d’affaires  plus  importantes.  On  demanda 
que  la  commune  de  Bruges  nommât  ses  représentants  pour  délibérer  en 
commun  sur  les  mesures  à  prendre  dans  les  circonstances  critiques  où  l’on 
se  trouvait.  Ceux  de  Gand  exposèrent  d’abord  que  depuis  quelques  années 
1  administration  du  pays  était  mauvaise  et  ruineuse,  au  point  que  les  finances 
de  toutes  les  villes  se  trouvaient  épuisées,  malheur  qu’on  devait  aux  conseil¬ 
lers  du  roi  des  Romains  plus  cupides  encore  qu’ineptes  et  uniquement  occupés 
à  s’enrichir  aux  dépens  de  la  fortune  publique.  Us  reproduisirent  ensuite  par 
l’organe  de  leur  pensionnaire  les  points  principaux  du  programme  qu’ils  avaient 
déjà  présenté  dans  leur  ville  aux  députés  de  Bruges  *,  en  ajoutant  toutefois 
que  le  jeune  archiduc  devait,  pendant  sa  minorité,  avoir  sa  résidence  à 
Gand  ou  à  Bruges,  au  lieu  de  demeurer  constamment  à  Malines,  et  que  les 
villes  de  second  rang,  dites  subalternes  ( smalle  sleden ) ,  ne  pouvaient  se  sous¬ 
traire  à  l’obéissance  des  chefs-lieux  de  leur  ressort. 

Après  avoir  ouï  ce  rapport,  les  députés  eurent  entre  eux  de  longues  et 
sérieuses  conférences,  dont  rien  ne  transpira  en  public,  jusqu’à  ce  qu’on  fût 
entièrement  d’accord.  Il  fut  résolu,  à  l’unanimité,  que  le  roi  des  Romains  et 
tous  les  membres  de  son  conseil  seraient  arrêtés  et  détenus  aussi  longtemps 
qu’ils  n’auraient  pas  rendu  compte  de  leur  administration  2.  En  conséquence, 
quelques-uns  des  députés  furent  chargés  d’aller  à  la  cour  de  Maximilien  et 
de  le  prier  humblement  de  venir  au  Marché  près  des  mandataires  de  Gand, 
de  Bruges  et  d’Ypres,  qui  avaient  grand  besoin  de  le  voir  au  milieu  d’eux. 
Dans  ce  moment,  une  telle  prière  était  un  ordre  et  le  prince  s’empressa  de 
s’y  soumettre.  Après  des  doléances  assez  vives  sur  le  mauvais  gouvernement 
du  pays  et  sur  la  gestion  infidèle  de  ses  serviteurs ,  on  supplia  Maximilien  de 
prendre  son  logement  à  la  maison  de  Cranenburg  3,  située  au  côté  occidental 
de  la  Grande  Place  et  au  coin  de  la  rue  Saint-Amand.  Le  roi  montra  de’  la 
répugnance,  mais  on  insista  en  ajoutant  qu’il  aurait  là  sa  demeure  jusqu’à  ce 
qu’on  eût  fait  justice  des  malveillants  et  des  ennemis  du  pays.  Il  fallut  bien  s’y 
résigner. 


1  Voir  page  24  et  suiv. 

2  Memorieboek  der  stcicl  Gent,  Iste  cîeel,  bl.  5o0. 

°  Occupée  par  un  joaillier,  selon  quelques  auteurs,  et  par  un  apothicaire,  selon  d’autres. 


32 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


On  arrêtait  en  même  temps  le  chancelier  de  Bourgogne,  Jean  de  Caron- 
delet,  le  seigneur  de  Pollain  avec  son  fils,  le  comte  de  Foren,  George  et'Wul- 
fard  de  Falkenstein,  l’abbé  de  Saint-Berlin,  les  seigneurs  de  Dudzeele,  de 
Willermont,  deMengova!  et  plusieurs  autres  '.  Quelques  amis  du  prince  étaient 
parvenus  toutefois  à  sortir  de  la  ville  et  avaient  trouvé  un  asile  à  l’Écluse, 
d’où  l’un  d’eux  écrivit  le  même  jour  qu’il  était  prêt  à  rendre  compte  en  per¬ 
sonne  de  sa  gestion,  si  l’on  garantissait  sa  liberté  par  l’envoi  de  deux  otages. 

Peu  de  temps  après,  quelques  délégués  des  trois  membres  se  présentaient 
à  Maximilien  pour  lui  faire  connaître,  et  avec  une  rude  franchise,  les  motifs 
de  son  arrestation  et  lui  déclarer  qu’il  était  par  les  mêmes  raisons  déchu  jus¬ 
tement  de  la  manbournie  de  ses  enfants  mineurs.  L’infortuné  eut  beau  protester 
avec  autant  de  dignité  que  d’énergie  contre  leurs  allégations  :  à  peine  dai¬ 
gna-t-on  lui  répondre. 

Dès  le  lendemain,  les  députés  de  Gand  procédèrent  au  renouvellement  de 
la  loi  de  Bruges,  au  nom  du  jeune  archiduc  et  en  vertu  d’une  commission  du 
roi  de  France,  suzerain  de  la  Flandre 1  2.  Les  élus  prêtèrent  serment  aux  halles 
à  Philippe  de  Bourgogne,  comme  à  leur  prince  naturel,  et  on  proclama  au 
son  de  la  cloche  que  la  paix  de  Tournai,  de  l’an  1385,  et  celle  d’Arras,  de 
l’an  1482,  seraient  de  tous  points  maintenues,  d’après  la  décision  des  trois 
membres  de  Flandre,  mais  qu’on  soumettait  toutefois  la  question  au  jugement 
du  peuple  assemblé.  La  multitude  prouva  par  ses  acclamations  combien  elle 
attachait  de  prix  à  cette  résolution,  et  ses  applaudissements  devinrent  plus 
vifs  encore  quand  on  annonça  que  tous  ceux  qui  avaient  été  exclus  de  la  paix 
du  roi  des  Romains  pouvaient  librement  revenir  dans  leurs  foyers. 

Maximilien  aurait  bien  voulu ,  comme  on  le  comprend  sans  peine ,  s’échapper 
de  sa  prison  et  pensa  à  plus  d’un  déguisement  pour  atteindre  ce  but ,  mais  une 
surveillance  active  et  incessante  devait  rendre  infructueuse  toute  tentative  de 
ce  genre.  Les  meneurs  jugèrent  cependant  que  la  maison  de  Cranenburg,  où 
il  était  détenu,  n’était  pas  assez  sûre,  parce  qu’elle  avait  vue  sur  le  Marché.  On 
le  pria  donc,  toujours  avec  respect,  de  passer  dans  la  maison  qu’un  M.  Jean 


1  Excel.  Cron.,  bl.  250  verso. 

2  Parmi  les  nouveaux  magistrats  se  trouvait  le  grand-père  du  chroniqueur  Despars  :  31  y  n 
grootherre,  dit-il. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


53 


de  Gros  1  avait  bâtie  près  da  Pont-aux-ânes  2.  N’ayant  pas  la  liberté  du  choix, 
Je  prince  fit  semblant  d’acquiescer  volontiers  à  cette  demande,  mais  avant  de 
partir  pour  sa  nouvelle  prison ,  il  pria  à  son  tour  les  bourgeois  armés,  tenant 
son  bonnet  de  soie  à  la  main,  de  laisser  auprès  de  sa  personne  dix-huit  de 
ses  familiers  ou  domestiques,  de  ne  pas  le  livrer  aux  Gantois-ou  aux  Fran¬ 
çais  3,  et  de  ne  pas  permettre  qu’on  lui  fît  essuyer  quelque  outrage  ou  vio¬ 
lence  \  On  lui  accorda  ces  demandes  sans  opposition  et  sans  arrière-pensée,  et 
Maximilien  remonta  à  cheval  pour  se  rendre  dans  sa  nouvelle  demeure,  dont  il 
trouva  toutes  les  fenêtres  soigneusement  garnies  de  barreaux  de  fer.  La  garde 
qu’on  lui  donna  était  composée  de  seize  Gantois,  douze  Brugeois  et  huit  Yprois. 

Restait  dans  la  ville  de  Bruges  une  troupe  peu  considérable  d’Allemands 
qui  avaient  été  au  service  du  roi  des  Romains,  et  le  peuple  craignait  encore 
quelque  entreprise  de  leur  part  en  faveur  de  ce  prince.  On  leur  ordonna  de 
se  rassembler  tous  au  marché  de  Vendredi ,  et  quelques  agitateurs  de  la  popu¬ 
lace  vociféraient  contre  eux  des  cris  de  mort  et  leur  auraient  à  coup  sûr  fait 
un  mauvais  parti,  s’ils  n’étaient  parvenus  à  se  sauver  par  la  fuite.  Us  allèrent 
grossir  la  garnison  de  Hulst  3 5. 

En  même  temps  une  troupe  armée  assez  nombreuse  conduisait  au  Sleen,  à 
Gand,  les  seigneurs  prisonniers.  Au  village  d’Ursel,  elle  les  remit  à  une 
escorte  de  Gantois,  à  la  condition  expresse  qu’on  ne  permettrait  aucun  attentat 
contre  leurs  personnes  et  qu’on  les  rendrait  libres  à  ceux  de  Bruges,  aussitôt 
que  la  demande  en  serait  faite.  * 

Jacques  de  Ghistele,  seigneur  de  Dudzeele  et  ancien  bourgmestre,  était 
retenu  à  Bruges  jusqu’à  l’examen  des  comptes  de  la  ville,  dont  on  attribuait 
le  mauvais  état  financier  aux  dépenses  frivoles  ou  faites  dans  un  but  politique 
pendant  son  administration  6.  Vainement  l’infortuné  écrivit  au  magistrat  pour 

1  Ou  de  Groos. 

2  Iluterus  dit  que  c  était  la  maison  de  Philippe  de  Clèves.  Ce  seigneur  l’avait  pcut-.êlre 
habitée  quelque  temps. 

3  Ni  aux  Flamands ,  dit  M.  Dewez,  par  une  distraction  assez  bizarre. 

4  Le  discours  que  Huterus  prête  à  cette  occasion  au  roi  des  Romains  n’est  qu’une  amplifica¬ 
tion  de  la  façon  de  cet  écrivain. 

5  Excell.  Cron.,  p.  251 ,  verso. 

c  On  trouva  pour  une  seule  année  un  déficit  de  20,000  livres. 

Tome  XXXV. 


5 


34 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


se  justifier,  il  fut  accusé  de  concussion,  et  dès  lors  il  comprit  qu’on  avait  juré 
sa  perle.  Sa  femme  et  sa  fille,  soutenues  par  quelques  prêtres,  se  rendirent 
à  la  Grande  Place  pour  demander  son  pardon,  tout  en  rappelant  qu'il  était 
couvert  par  l’amnistie  générale,  accordée  par  le  roi  dès  Romains  en  1483; 
mais  leurs  prières  et  leurs  larmes  n’émurent  pas  plus  que  leur  bon  droit  ces 
hommes  étrangers  à  tout  sentiment  de  pitié  et  de  justice.  De  Ghistele  fut 
décapité  huit  jours  plus  tard. 

Beaucoup  d’autres  bourgeois  ou  nobles,  qui  avaient  eu  des  emplois  sous 
Maximilien,  avaient  eu  le  même  sort,  mais  non  sans  avoir  subi  auparavant 
les  plus  cruelles  tortures ,  et  cependant  la  fureur  du  peuple  n’était  pas  assouvie, 
parce  qu’on  n’était  pas  encore  parvenu  à  arrêter  leur  maître  à  tous,  l’ancien 
écoulète  Lanchals.  Le  magistrat  fit  publier  de  nouveau  par  toute  la  ville, 
qu’indépendamment  de  la  somme  déjà  promise,  on  donnerait  une  rente 
annuelle  de  six  livres  de  gros  à  celui  qui  prendrait  ou  aiderait  à  prendre  le 
proscrit,  et  qu’au  contraire  tout  habitant  ,  quelle  que  fût  sa  condition  ou 
qualité,  qui  cacherait  Lanchals  ou  connaîtrait  son  refuge  sans  en  faire  rap¬ 
port  au  magistrat,  serait  pendu  à  la  porte  de  sa  maison  et  sa  maison  rasée. 

Cette  publication  barbare  eut  le  résultat  qu’on  s’en  était  promis.  L’écou- 
tôte  dut  quitter  le  toit  qui  lui  avait  donné  quelques  jours  un  si  sur  abri,  et, 
bientôt  reconnu,  il  fut  conduit  au  Steen,  mais  peu  d’instants  après  traîné  au 
Marché,  où  une  population,  ivre  d’une  joie  féroce,  l’accabla  de  sanglants 
outrages,  en  proférant  des  menaces  plus  horribles  encore  :  «  Si  j’avais  à  traiter 
avec  des  hommes  raisonnables,  dit-il,  il  me  serait  aisé  de  prouver  mon  inno¬ 
cence,  car  j’ai  confiance  que  je  ne  suis  coupable  d’aucun  méfait.  »  Ces  mots 
portèrent  à  son  comble  la  fureur  de  la  multitude.  On  le  ramena  en  prison;  le 
poids  de  ses  fers  fut  augmenté  et  une  forte  garde,  qu’on  lui  donna,  le  mal¬ 
traita  toute  la  nuit,  au  point  qu’un  chroniqueur  affirme  qu’il  serait  plus  que 
dégoûtant  de  le  raconter  en  détail  L 

Le  lendemain,  sans  avoir  égard  à  Sa  sainteté  du  jour  2,  on  dressa  sur  la 
Grande  Place,  à  côté  de  l’échafaud  ordinaire,  un  autre  échafaud  plus  large  et  plus 
élevé  que  d’habitude,  où  l’on  établit  l’instrument  de  torture  encore  neuf  que 

1  Despars,  IVdc  decl,  bl.  585. 

2  C’était  le  dimanche,  16  mars. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


5,'i 


Lanchals  lui-même  avait  fait  construire  pendant  sa  magistrature.  Il  y  fut  amené 
devant  ses  juges  et  longuement  interrogé,  mais  à  fous  les  chefs  d’accusation 
il  opposa  une  dénégation  formelle  et  constante,  jusqu’à  ce  qu’on  l’eût  appliqué 
à  la  torture  extraordinaire.  Vaincu  alors  par  les  tourments  ’,  il  avoua  quel¬ 
ques-uns  des  faits  qu’on  lui  imputait  et  demanda  un  répit  pour  se  recueillir 
avant  de  s’expliquer  sur  les  autres,  on  le  lui  accorda;  mais,  reconduit  à 
l’échafaud  le  lundi,  il  déclara  qu’il  avouerait  tout  ce  qu’on  voulait  plutôt 
que  de  s’exposer  à  de  nouveaux  tourments.  Il  fut  décapité  six  jours  après 1  2 3. 

Tandis  que  Bruges  était  en  proie  à  ces  horreurs,  plusieurs  faits  d’armes 
avaient  eu  lieu  en  Flandre.  La  petite  ville  de  Middelbourg  avait  été  prise  et 
reprise  ;  les  Allemands  de  la  garnison  de  Termonde  ayant  chassé  les  Hainuyers, 
les  bourgeois  à  leur  tour  chassèrent  les  Allemands  pour  s’unir  à  ceux  de 
Gand  et  de  Bruges;  la  garnison  royale  de  Hulst,  après  avoir  pillé  et  saccagé 
les  bourgs  de  Caprycke  et  d’Assenede,  avait  fait  essuyer  une  défaite  san¬ 
glante  aux  Gantois,  qui  avaient  tenté  de  s’emparer  de  leur  ville.  D’une  autre 
part,  les  trois  membres  de  Flandre  avaient  conclu  un  nouveau  traité  d’al¬ 
liance  5. 

Cependant  la  captivité  du  roi  des  Romains  préoccupait  les  divers  pays 
soumis  à  la  maison  de  Bourgogne  et  même  une  grande  partie  de  l’Europe. 
Par  une  lettre  datée  de  Malines,  l’archiduc  Philippe  ordonna  formellement 
aux  Brugeois  de  mettre  son  père  en  liberté;  mais,  comme  d’ordinaire  en 
pareil  cas,  on  nia  l'authenticité  de  cet  ordre.  Les  sept  électeurs  de  l’Empire 
s’adressèrent  à  la  même  fin  aux  magistrats  et  aux  chefs  doyens  de  la  ville,  sans 
mieux  réussir  que  le  jeune  prince.  Le  pape  Innocent  VIII  lui-même  expédia 
aux  Brugeois,  le  22  mars,  un  bref  très-pressant  pour  leur  enjoindre,  sous 
les  peines  canoniques  les  plus  graves,  d’élargir  Maximilien.  Le  pontife  écrivit 
en  même  temps,  dit-on,  à  ceux  du  Hainaut,  pour  les  porter  à  faire  la  guerre 

1  Huterus  avance  que  Coppenolle  vint  en  ce  moment  insulter  son  ennemi;  mais  comme  ni 
A.  die  Smet,  ni  Despars,  qui  écrivaient  à  Bruges  même,  .à  la  fin  du  quinzième  siècle,  et  avec  des 
détails  très-minutieux,  ne  disent  rien  de  semblable,  il  est  heureusement  permis  de  révoquer  le 
fait  en  doute. 

2  Un  beau  portrait  de  Lanclials,  d’après  Holbein,  se  trouve  dans  le  Messager  des  sciences 
historiques  de  1854,  p.  455. 

3  Excell.  Cron.,  f°  255  verso. 


56 


MÉMOIRE  HISTORIQUE 


aux  bourgeois  révoltés.,  s’ils  n’obéissaient  pas  à  sa  voix.  En  ce  cas,  Innocent 
était  mal  informé  de  l’état  des  choses. 

Tout  en  espérant  que  la  parole  vénérée  du  saint  père  exercerait  une  in¬ 
fluence  salutaire  à  Bruges,  les  partisans  de  Maximilien  augmentaient  leurs 
armements  pour  obtenir  sa  liberté  par  la  force.  Ceux  de  Malines,  de  Lille, 
de  Ilulst  et  de  l’Écluse  rassemblèrent  à  cette  fin  des  troupes  nombreuses,  sous 
le  commandement  du  margrave  d’Anvers  et  du  seigneur  d’Isselstein ,  capi¬ 
taine  de  la  cavalerie.  Après  avoir  ravagé  par  le  fer  et  le  feu  le  métier  d’As- 
senede,  leur  corps  d’armée,  fort  de  trois  cents  chevaux  et  de  trois  mille 
fantassins ,  se  porta  sur  Bruges ,  mais  ne  fit  aucune  tentative  sérieuse  pour  y 
entrer.  D’un  autre  côté,  Philippe  de  Elèves,  qu’on  appelait  Philippe  Monsieur, 
parcourait  les  campagnes  de  la  Flandre  orientale,  pour  les  gagner  à  la  cause 
du  roi  des  Romains,  et  Petit  Salazar,  parvènu  à  reprendre  Termonde,  débar¬ 
quait  au  Hazegras  dans  l’intention  de  s’emparer  de  Damme,  mais  sans  réussir 
dans  ce  dessein. 

On  était  parvenu  à  faire  déposer  les  armes  aux  métiers  de  Bruges,  et  eux- 
mêmes  avaient  brûlé  les  échafauds  et  les  instruments  de  torture;  mais,  à  la 
nouvelle  de  ces  hostilités,  ils  s’armèrent  de  nouveau  et  levèrent  une  troupe 
de  mille  hommes  d’armes  d’une  valeur  éprouvée,  pour  la  défense  de  la  ville. 

Toutes  les  provinces  de  la  Belgique  n’en  désiraient  pas  moins  la  fin  de 
celte  lutte  malheureuse,  et,  au  milieu  même  de  ces  courses  de  gens  de  guerre, 
des  conférences  s’ouvrirent  à  Gand  pour  concerter  les  moyens  de  parvenir  à 
l’élargissement  du  roi  des  Romains  et  à  la  paix.  Après  bien  des  pourparlers, 
tant  à  Gand  qu’à  Bruges,  on  convint  de  nommer  vingt-quatre  prud’hommes 
sages  et  modérés,  pour  décider,  comme  arbitres,  des  conditions  de  la  paix. 
Ces  plénipotentiaires  se  mirent  d’accord  sur  tous  les  articles,  le  10  de  mai, 
et  en  donnèrent  connaissance  à  Maximilien. 

PAIX. 

Le  prince  examina,  pendant  quelques  jours,  le  projet  des  arbitres  et  se 
décida  à  l’accepter.  Au  milieu  du  Grand  Marché,  décoré  pour  la  cérémonie, 
on  dressa  un  vaste  théâtre,  où  l’on  montait  par  huit  marches  et  qui  portait 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


37 


un  magnifique  reposoir  ',  orné  de  riches  tentures  de  drap  d’or  et  de  tapisse¬ 
ries  de  haute  lisse.  Le  16  du  mois,  un  nombreux  clergé  se  rendit  à  la  maison 
de  le  Gros  et  en  ramena  processionnellement  le  roi  des  Romains,  au  chant 
des  cantiques  et  au  milieu  de  mille  flambeaux  allumés.  II  monta  sur  le  trône, 
et  quand  le  greffier  eut  donné  lecture  du  traité,  il  prêta  serment  sur  les 
saints  Evangiles,  sur  le  canon  de  la  messe,  et  sur  les  reliques  de  la  vraie 
croix  et  de  saint  Donat ,  d’observer  et  d’exécuter  le  traité  de  paix  de  point 
en  point,  sans  jamais  rien  faire  ni  permettre  de  faire  qui  en  blesserait  les 
stipulations,  se  soumettant  en  ce  cas  à  toutes  les  censures  de  l’Eglise,  nonob¬ 
stant  les  privilèges  qu’il  pouvait  avoir  comme  roi  des  Romains.  Par  son 
exprès  commandement,  le  même  serment  fut  prêté  par  Adolphe  de  Clèves, 
seigneur  de  Ravestein;  Philippe  de  Clèves,  son  fils;  Philippe  de  Bourgogne, 
seigneur  de  Beveren  et  de  Ter-Vere ,  et  par  tous  les  députés  des  provinces 
soumises  à  obéissance  des  Pays-Bas,  tant  séculiers  qu’ecclésiastiques,  qui  se 
trouvaient  réunis  autour  de  l’estrade  2. 

Voici  les  points  principaux  de  cette  paix  : 

Les  trois  membres  de  Flandre  sont  tenus  de  mettre  de  suite  en  liberté  le 
roi  des  Romains,  afin  qu’il  puisse  se  retirer  où  il  lui  plaira ,  mais  il  laissera 
pour  otages,  à  Bruges,  les  comtes  de  IIannau3et  de  Falkestein4;  à  Gand, 

1  Le  Saint-Sacrement  était  porté  dans  la  procession. 

2  Voici  les  noms  de  ceux  de  Flandre  :  Raphaël,  évêque  de  Rossence,  abbé  de  Saint-Ravon; 
Philippe, abbé  de  Saint-Pierre;  Gérard,  abbé  d'Eenaeme;  Guillaume,  abbé  de  Raudeloo ;  Rasse, 
abbé  de  Dronghcn;  Clément,  prévôt  de  Saint-Martin,  d’Ypres;  Pierre  Rogaert,  prévôt  de  Saint- 
Donat;  Pierre  Vandënhoute,  prévôt  de  Renaix;  Wautier  Vandergracht,  chevalier;  Jean  de  Sta- 
velc,  seigneur  d  Isenghien;  Colard  d  Halewyn ,  seigneur  de  Roesinge;  Corn,  de  la  Earre,  seigneur 
de  Mouscron;  Adr.  Vandergracht,  seigneur  de  Cardou;  Jean  de  Claerbout,  seigneur  de  Pothcm  ; 
André  Vandewoestyne ,  seigneur  de  Reselaere;  Josse  Vanderpoort,  seigneur  de  Moorslcde;  Adr. 
Vilain,  seigneur  de  Rassegem;  Gérard  Van  Angbereel,  Jean  Depick,  Jacq.  Van  den  Heule,  éche- 
vins;  Pierre  Ghyselyns,  grand  doyen  ;  Liévin  De  Moor,  doyen  des  tisserands,  députés  de  Gand; 
Josse  De  Dcekere,  bourgmestre;  Jean  Vanderlinde,  Ét.  Vangheinst,  Jean  Eeyts ,  pensionnaire, 
députés  de  Rruges;  Pierre  Delanghc,  André  Palinck,  Jean  de  Coorne,  députés  d'Ypres;  Ilug. 
Gantois,  Jean  de  Lattre,  Jean  François,  députés  de  Lille;  Amé  Pinch'on  et  Jean  de  le  Vacquerie, 
députés  de  Douai;  Arn.  d’Eseornaix,  Jean  de  Wollï,  Jean  Vandermeire,  députés  d'Audenarde; 
Gérard  de  Splytere,  député  d’AIost,  et  quelques  autres  de  la  West-Flandre. 

5  Mais  non  de  Hainaut ,  comme  dit  M.  Dewez. 

4  Les  auteurs  ne  sont  pas  d’accord  sur  les  otages  laissés  à  Rruges  :  selon  Wiclant,  c’étaient 
les  seigneurs  de  Pothcm  et  de  Scorne,  et  selon  A.  die  Smet  et  Despars,  le  margrave  de  Rade  et 
le  duc  Christophe  de  Ravière. 


38 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


Philippe  de  Elèves,  seigneur  de  Winendale;  et  si  le  prince  manque  à  quel¬ 
que  point  du  traité,  de  Winendale  sera  déchargé  de  tout  serment  de  fidélité 
envers  le  roi,  et  s’engagera  par  serment  et  par  lettres  à  ceux  de  Flandre,  de 
combattre  pour  eux  de  tout  son  pouvoir. 

Une  amnistie  entière  et  générale  est  accordée  pour  tous  les  méfaits  et  dom¬ 
mages  qui  ont  eu  lieu  par  la  guerre  ou  autrement,  et  tous  les  procès  nés  des 
divisions  passées  éteints  et  abolis.  Si  quelqu’un  a  mésusé  de  son  office,  il  sera 
tenu  d’en  répondre  devant  la  justice  et  non  ailleurs. 

Les  états  feront  tout  ce  qui  est  possible  pour  obtenir  du  roi  des  Romains 
qu’il  fasse  partir  sans  délai  tous  les  hommes  d’armes  qui  se  trouvent  dans  l'in¬ 
térieur  du  pays  ou  sur  ses  frontières,  afin  qu’on  puisse  se  livrer  avec  sécurité 
au  commerce  et  à  l’agriculture.  La  paix  de  1482  avec  la  France  sera  main¬ 
tenue,  et  on  en  donnera  connaissance  au  sire  des  Querdes,  gouverneur  d’Ar¬ 
tois  et  de  Picardie. 

Le  gouvernement  du  pays,  pendant  la  minorité  de  l’archiduc  Philippe, 
se  fera  en  son  nom  :  dans  le  comté  de  Flandre,  par  ceux  du  sang 1  et  les  con¬ 
seillers  qu’ils  nommeront,  et,  dans  les  autres,  par  le  roi  des  Romains,  comme 
tuteur  et  manbour,  d’après  l’avis  de  ceux  du  sang  et  des  étals  2.  Le  jeune 
prince  tiendra  sa  résidence  en  tels  lieux  que  les  états  désigneront. 

On  ne  fera  ni  paix  ni  guerre,  si  ce  n’est  de  commun  accord. 

Désormais  les  états  se  réuniront  de  droit  tous  les  ans,  dans  les  premiers 
jours  d’octobre,  en  l’une  des  villes  de  Flandre,  du  Brabant  ou  du  Hainaut; 
la  première  assemblée  aura  lieu  à  Bruxelles  en  1488,  la  seconde  à  Gand 
en  1489  et  la  troisième  à  Mons  en  Hainaut  l’année  suivante3. 

Après  la  cérémonie  imposante  de  la  prestation  du  serment,  Maximilien  se 
rendit,  avec  quelques  membres  de  sa  maison,  à  l’église  collégiale  de  Saint- 
Donat,  y  pria  quelque  temps  et  ordonna  à  son  jeune  fils  de  jurer  à  son  tour 
le  traité  de  paix  sur  les  reliques  du  saint  patron.  Ensuite  il  prit  congé  des 


1  Du  côté  maternel,  dit  le  traité. 

2  Sans  y  bouler  aulcuns  étraingiers ,  ajoute  Wielant. 

5  Le  texte  français  du  traité  a  été  imprimé  par  Dumont,  Corps  diplom.,  t.  III,  2me  partie, 
p.  201;  le  texte  flamand,  plus  exact  et  plus  complet,  par  A.  die  Smct,  Excel.  Cron.,  pp.  24<» 
à  2S2.  Wielant  en  a  donné  une  longue  analyse,  Corp.  Cron.  Fland.,  t.  IV,  pp.  35 1  et  suiv. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


39 


députés  et  du  peuple  1  avec  beaucoup  de  courtoisie,  et  partit  pour  le  château 
de  Male  à  la  tête  d’un  cortège  aussi  brillant  (pie  nombreux.  Philippe  de  Elèves, 
qui  l’avait  accompagné  jusqu’à  la  porte  de  Sainte-Croix,  lui  dit  alors,  dans 
une  entrevue  particulière  :  «  Sire,  vous  êtes  libre  maintenant;  je  vous  prie 
de  me  déclarer  franchement  vos  intentions  :  êtes-vous  résolument  décidé  à 
observer  les  conditions  de  la  paix  qu’on  vous  a  imposée?  Si  ce  n’est  pas  votre 
pensée,  je  prendrai ,  de  mon  côté,  le  parti  qui  me  paraîtra  le  plus  utile  et  le 
plus  honorable.  »  —  «  Mon  cousin ,  répondit  le  roi ,  mon  serment  et  ma 
promesse  sont  sacrés;  je  les  garderai  invioîablement.  » 

Cependant,  la  ville  de  Bruges  était  en  fête  et  les  réjouissances  se  prolon¬ 
geaient  pendant  la  nuit,  quand  on  s’aperçut  que  les  flammes  dévoraient  plu¬ 
sieurs  maisons  du  village  de  Male.  La  joie  fit  place  aussitôt  à  la  crainte,  et  les 
chants  de  triomphe  à  des  cris  violents  contre  le  roi  des  Romains,  qu’on  accu¬ 
sait  de  mauvaise  foi  et  de  trahison.  Mais  il  assura  le  lendemain  aux  députés 
qu’on  lui  envoya ,  qu’il  était  bien  résolu  à  garder  ses  serments ,  et  que  les 
auteurs  de  l’incendie  n’étaient  autres  que  des  déserteurs  de  Bruges  et  du 
Franc  qui  méconnaissaient  ses  ordres. 

Dans  ces  entrefaites,  l’empereur  Frédéric  III,  arrivé  à  Anvers  avec  une 
armée  de  quarante  mille  hommes,  écrivit  à  ceux  de  Gand  qu’il  n’était  pas 
descendu  en  Flandre  uniquement  pour  délivrer  son  fils,  mais  encore  pour 
recevoir  l’hommage  qui  lui  était  dû  par  les  Flamands  de  la  rive  droite  de 
l’Escaut.  A  quoi  fut  répondu  poliment,  que  jamais  ces  habitants  n’avaient 
rendu  hommage  à  l’Empereur,  mais  au  comte  de  Flandre,  son  vassal,  qui  se 
trouvait  avec  lui.  Frédéric  n’insista  point. 

Il  avait  persuadé  à  Maximilien  que  son  serment  ne  l’obligeait  pas ,  puisqu’il 
l’avait  prêté  quand  il  n’était  pas  libre,  ce  qui  n’était  qu’un  sophisme  2.  Le  père 
et  le  fils  ayant  réuni  leurs  forces,  vinrent  camper  à  Everghem,  dans  l’espoir 
de  s’emparer  de  Gand  en  un  tour  de  main ,  d’autant  plus  que  le  côté  de  la 


1  On  a  écrit  que  «  la  populace  vint,  quelques  jours  après  la  mort  de  Lanehals,  implorer  son 
pardon  aux  pieds  de  Maximilien  et  ramper  dans  la  poussière  de  ses  pas  dans  la  môme  maison 
de  Cranenburg.  Ce  récit  est  tout  à  fait  imaginaire. 

2  N'était-il  pas  libre  au  milieu  des  Etats  de  tous  les  pays  de  par  deçà  et  en  parlant  à  Phi¬ 
lippe  de  Clèves  à  son  départ? 


40 


MEMOIRE  HISTORIQUE 


ville  en  face  de  leur  camp  n’était  guère  fortifié.  Ils  ignoraient  qu’on  aurait 
pu  appliquer  aussi  aux  Gantois  le  mot  connu  :  Civis  murus  erat.  Tons  les 
bourgeois  prirent  les  armes,  levèrent  des  troupes  et  obtinrent  un  secours  con¬ 
sidérable  du  roi  de  France,  qui  lui-même  était  compromis  par  la  mauvaise 
foi  du  roi  des  Romains  \ 

Philippe  de  Clèves,  que  le  roi  des  Romains  avait  vainement  engagé  à 
suivre  son  exemple,  était  bien  résolu  à  garder  le  serment  qu’il  n’avait  prêté 
que  sur  l’ordre  exprès  de  ce  prince.  Nommé  chef  et  capitaine  général  des  Gan¬ 
tois,  au  nom  du  jeune  archiduc  absent,  il  déploya  pour  la  défense  de  leur 
ville  toute  la  bravoure  et  tous  les  talents  dont  il  avait  fait  preuve  en  gardant 
l’Ecluse  pour  Maximilien.  En  trois  jours  de  temps,  il  fit  élever  de  beaux 
remparts  de  terre  pour  protéger  les  quartiers  qui  n’étaient  pas  fortifiés  2,  et 
prit  les  plus  sages  mesures  pour  repousser  les  attaques  de  l’armée  impériale. 
Plusieurs  assauts,  qui  furent  tentés  par  l’ennemi,  coulèrent  beaucoup  de 
sang  de  part  et  d’autre,  mais  les  Gantois  eurent  constamment  le  dessus,  et, 
dans  un  de  ces  combats,  ils  tuèrent  le  duc  Édouard  de  Brandebourg,  ami 
particulier  de  l’Empereur.  Comme  la  ville  n’était  pas  entièrement  investie, 
Philippe  de  Clèves  et  Jean  de  Bruges,,  fils  du  seigneur  de  Gruuthuse,  à  la 
tête  d’une  troupe  déterminée,  attaquèrent  sur  la  route  de  Termonde  un  grand 
convoi  destiné  au  camp  d’Evergem  et  s’emparèrent  de  quatre  cents  voitures  de 
vivres,  après  avoir  tué  les  cavaliers  et  pris  les  fantassins  de  l’escorte  5. 

Oubliant  qu’il  ruinait  l’héritage  de  son  petit-fils,  l’Empereur  se  vengea  de 
ces  revers  par  le  pillage  et  l’incendie  des  villages  et  des  bourgades  sans  dé¬ 
fense;  mais  il  abandonna  le  siège  de  Gand  4,  après  cinq  à  six  semaines  de  tra¬ 
vaux  et  d’attaques  inutiles,  et  finit  par  se  retirer  en  Allemagne. 

Bientôt  la  guerre  embrasa  toute  la  Flandre  et  une  grande  partie  du  Bra¬ 
bant;  mais,  comme  de  l’aveu  de  Maximilien,  c’est  là  une  guerre  nouvelle, 

1  On  lit  dans  le  traité  que  le  roi  de  France  sera  prié  de  l’approuver,  comme  l'héritier  le  plus 
prochain  de  l’archiduc  à  cause  de  la  reine,  sa  fiancée. 

Bachlen  walle  lach  ’t  plat  en  daer  viel  ten  besten, 

Binnen  drij  daghen  sach  men  schoon  eerde  veslen. 

(  Memorieboek  der  slad  Gent,  Istc  deel,  bl.  352.) 

5  Despars,  IVl,c  deel,  hl.  409. 

4  La  redoute,  nommée  le  Bcibol ,  a  été  élevée  comme  un  monument  de  cette  belle  défense. 


SUR  LA  GUERRE  DE  MAXIMILIEN. 


41 


ayant  une  autre  cause  et  un  autre  but,  nous  pensons  devoir  terminer  ici  ce 
travail. 

Nous  avons  suivi  dans  ce  Mémoire  le  récit  de  trois  historiens  contemporains 
et  témoins  oculaires  des  faits  :  le  président  Wielant ,  Nicolas  Despars  et  Fau¬ 
teur  de  F Excellente  Cronike  van  Vlaenderen.  Le  travail  des  deux  premiers 
étant  resté  longtemps  inédit,  et  celui  du  troisième,  écrit  en  vieux  flamand, 
on  ne  doit  pas  s’étonner  que  les  écrivains  modernes  1  aient  suivi  pas  à  pas 
la  narration  de  Pontus  Huterus ,  mais  il  n’en  est  que  plus  nécessaire  de  la 
rectifier  en  plusieurs  endroits.  C’est  ce  que  nous  avons  essayé  de  faire.  Quant 
à  la  cause  de  la  guerre,  le  refus  de  conférer  la  manbournie  sans  condition 
à  Maximilien,  nous  pensons  qu’il  y  avait  de  solides  raisons  pour  l’appuyer. 
A  la  vérité,  les  autres  provinces  ne  partagèrent  pas  l’opposition  de  la  Flandre, 
et  c’est  là  sans  doute  ce  qui  a  fait  écrire  qu’elle  était  insoutenable;  mais 
aurait-on  jugé  de  même  si  l’on  avait  remarqué  que  ces  pays  relevaient  du 
droit  public  de  l’Allemagne,  qui  était  sans  autorité  pour  la  Flandre,  vassale 
de  la  couronne  de  France?  La  cause  de  la  divergence  des  opinions  nous 
paraît  être  là. 

Cette  guerre  eut,  en  tout  cas,  les  suites  les  plus  funestes  pour  la  Flandre  et 
pour  la  ville  de  Bruges  en  particulier,  qui  lui  dut  la  décadence  de  son  com¬ 
merce,  si  étendu  pendant  des  siècles.  Les  marchands  étrangers,  fatigués  de 
ces  troubles  continuels,  s’en  éloignèrent,  et  le  port  fameux  du  Zwin  s’ensabla 
peu  à  peu  entièrement.  Il  en  fut  autrement  de  Garni  qui,  étant  dès  lors  essen¬ 
tiellement  manufacturière,  trouvait  son  compte  à  expédier  ses  produits  à 
l’étranger  par  le  port  d’Anvers,  heureux  rival  de  celui  de  Bruges. 

1  M.  le  baron  Kervyn,  toujours  excepté. 


FIN. 


Tome  XXXV. 


0 


ETUDES  HISTORIQUES  SUR  LA  LÉGISLATION  CRIMINELLE. 


MÉMOIRE 

SUR 

L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 

LES 

LOIS  PÉNALES  ET  LA  PROCÉDURE  CRIMINELLE 

DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE  ; 


PAR 


J.-J.  THONISSEN , 

membre  de  l’académie  royale  de  Belgique. 


Mémoire  présenté  le  7  novembre  1864. 


Tome  XXXV. 


1 


MÉMOIRE 


SUR 

L’ORGANISATION  JUDICIAIRE, 

LES 

LOIS  PÉNALES  ET  LA  PROCÉDURE  CRIMINELLE 

DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


INTRODUCTION. 

\ 


On  trouve  dans  les  traditions  primitives  de  l’Égypte  un  mythe  analogue 
à  celui  que  les  Brahmanes  ont  placé  près  du  berceau  de  la  législation  civile 
et  criminelle  de  l’Inde.  Thoth,  le  Trismégiste  des  Grecs,  l’Hermès  céleste, 
personnification  vivante  et  vigoureuse  de  l’intelligence  divine,  avait  écrit, 
comme  Manou,  par  l’ordre  du  Dieu  suprême,  les  lois  destinées  à  présider  au 
gouvernement  des  créatures  intelligentes.  Il  apporta  ces  lois  sur  la  terre  et 
devint  ainsi  le  premier  initiateur  de  l’humanité,  jusque-là  plongée  dans  une 
barbarie  abjecte.  Mais  les  hommes,  au  milieu  des  malheurs  amenés  par  leurs 
dissensions,  oublièrent  bientôt  les  leçons  qu’ils  avaient  d’abord  reçues  avec 
autant  d’admiration  que  de  reconnaissance;  leurs  instincts  corrompus  se 
réveillèrent  avec  une  violence  sans  cesse  croissante  ;  un  cataclysme  renversa 
les  colonnes  de  granit  où  le  législateur  divin  avait  gravé  ses  conseils  et  ses 
préceptes,  et  l’espèce  humaine  retomba  rapidement  dans  son  premier  état 
d’ignorance  et  de  dégradation.  Alors  Isis  et  Osiris  se  chargèrent  de  la  noble 
tâche  de  ramener  la  civilisation  sur  le  sol  sacré  de  l’Egypte ,  et  Thoth ,  repre- 


4 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


liant  son  premier  rôle,  s’incarna  pour  devenir  le  précepteur,  le  guide  et 
l’associé  fidèle  de  ces  divinités  bienfaisantes,  dans  toutes  leurs  tentatives  de 
régénération.  Restaurateur  du  langage  articulé;  inventeur  de  tous  les  arts 
utiles;  fondateur  et  régulateur  de  toutes  les  institutions  religieuses  et  sociales 
de  la  vallée  du  Nil ,  ce  nouveau  Thoth ,  après  avoir  redressé  les  colonnes 
jadis  élevées  par  son  prédécesseur,  écrivit  à  son  tour  quarante-deux  livres 
sacrés,  qu’il  confia  à  la  garde  des  prêtres  et  que  chacun  de  ceux-ci  devait 
posséder  à  fond,  en  tout  ou  en  partie,  selon  la  nature  de  ses  fondions  et  le 
rang  qu’il  occupait  dans  la  hiérarchie  sacerdotale.  Le  deuxième  de  ces  livres 
prescrivait  aux  rois  les  règles  qu’ils  étaient  obligés  de  suivre  aussi  bien  dans 
leur  vie  privée  que  dans  l’exercice  de  l’autorité  suprême.  Dix  autres  traitaient 
de  l’ordre  sacerdotal ,  du  gouvernement  de  l’État  et  de  l’administration  de  la 
cité;  ils  renfermaient  les  règles  fondamentales  des  lois  civiles  et  criminelles, 
et  étaient  appelés  sacerdotaux  par  excellence  '. 

1  Souvent  aussi  on  les  appelle  Livres  des  prophètes  ;  nous  en  verrons  plus  loin  la  raison. 

Au  milieu  des  renseignements  contradictoires  qui  nous  ont  été  transmis  par  les  écrivains  de 
l’antiquité,  il  n’est  pas  facile  de  se  former  une  opinion  sur  la  part  d’influence  et  d’action  qui  doit 
être  attribuée  à  chacun  des  deux  Hermès  égyptiens.  Jablonski  écrivait,  au  milieu  du  dernier 
siècle  :  De  eo  (Thoth)  fere  nihil  dici  potest,  in  quo  veteres  inter  se  consentiant  omnes,  adco 
omnia  sunt  incerta  (Panthéon  Ægyptiorum,  p.  m,  p.  156,  édit,  de  1750).  Nous  avons  été 
amené  à  laire  la  même  réflexion  au  terme  de  nos  recherches.  Aujourd’hui  encore,  on  n  est 
unanime  que  sur  un  seul  point,  l’influence  prépondérante  attribuée  à  Thoth  dans  l’organisation 
sociale  de  l’Égypte.  On  peut  consulter  entre  autres:  Diodore  de  Sicile,  liv.  !,  e.  15,  15,  17;  Platon. 
Philèbe,  t.  II,  p.  509;  Phœdre,  t.  VI,  p.  121,  trad.  de  M.  Cousin;  Jambliquc,  De  mysteriis  Ægyp- 
tiorum,  sect.  I,  c.  1  et  2;  Manethon,  dans  la  Chronographiu  de  Georges  le  Syncelle,  p.  40,  édit, 
du  P.  Goar;  Pluttque,  Symposiaques,  liv.  IX,  quest.  5;  Traité  d’isis  et  d'Osiris,  t.  V,  p.520  de 
la  trad.  de  Ricard,  édit,  de  Paris,  1844;  Diogène  Laercc,  Vilœ  phil.,  in  proem  ;  Elien,  Var.  hist.. 
liv.  XII,  c.  4;  liv.  XIV,  c.  54;  Cicéron,  De  nat.  deorum,  liv.  III,  c.  22;  Pline,  Hist.  nat.,  1.  VII, 
c.  56;  Clément  d  Alexandrie,  Stromales ,  liv.  I,  c.  21  ;  liv.  VI,  c.  4;  Cohortatio  ad  gentes,  c.  2: 
Arnobe,  Adv.  gentes,  liv.  IV,  c.  14;  Eusèbe,  Praep.  evangplica ,  1. 1,  c.  9;  Lactance,  Div.  inslit., 
I.  I,  c.  6;  Tertullien,  Adv.  valentinianos,  c.  15;  Synesius,  De  providentia,  1.  I,  c.  II,  p.  1254, 
édit.  Migne;  Stohée,  Eclogæ  physicæ,  liv.  I,  c.  52;  t.  II,  p.  952  et  suiv. ,  édit,  de  Ilceren,  1792: 
Champollion,  Lettres  écrites  cl’ Égypte  et  de  Nubie,  p.  149,  528,  564;  Champollion-Figeac,  Égypte 
ancienne,  p.  154-157;  Jomard,  dans  la  Description  de  l’Égypte,  t.  I  (Antiq.),  e.  5;  Creuzer, 
Symbolik  und  Mytholgie  (1er  allen  Volker,  t.  II,  p.  101  et  suiv.,  5e  édit.  Au  fond  de  l'enceinte  du 
temple  d’Edfou,  Thoth  est  représenté  écrivant  sur  une  colonne  d’hiéroglyphes ,  qui  est  la  qua¬ 
rante-troisième  d’une  série  de  colonnes  pareilles  (Jomard,  toc.  cit.,  p.  551).  Nous  espérons 
trouver  la  traduction  de  ces  textes  dans  la  grande  publication  sur  les  monuments  de  l’Égypte  à 
laquelle  M.  Lepsius  travaille  depuis  plusieurs  années. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


a 

Par  une  suite  nécessaire  de  cette  origine  divine  assignée  aux  lois  nationales, 
les  législateurs  et  les  magistrats  de  l’Égypte  se  trouvaient,  à  l’égard  des  livres 
d’Hermès,  absolument  dans  la  même  position  que  les  Brahmanes  des  bords 
du  Gange  à  l’égard  des  lois  de  Manou.  Les  préceptes  formulés  par  Thoth 
étaient  pour  eux  la  règle  souveraine  de  leur  conscience ,  l’ordre  inflexible  à 
suivre  dans  toutes  leurs  décisions.  Plus  d’une  fois  des  despotes  osèrent  fouler 
aux  pieds  ces  maximes  immuables,  destinées  à  brider  leurs  passions  avides  ou 
sanguinaires;  mais  ces  abus  étaient  passagers,  et  les  croyances  vives  et  pro¬ 
fondes  de  la  nation  finissaient  toujours  par  triompher.  Organisateur  inspiré  de 
la  société  humaine,  le  précepteur  infaillible  d’Isis  résumait  en  lui  la  science 
et  le  droit  dans  leur  expression  la  plus  élevée  et  la  plus  complète;  il  était 
l’intelligence  divine  personnifiée.  Sur  les  murs  d’un  temple  que  Ptolémée 
Êvergète  II  lui  avait  dédié  et  que  le  voyageur  du  dix-neuvième  siècle  trouve 
encore  debout  au  milieu  des  ruines  de  Thèbes,  il  reçoit  les  titres  pompeux 
de  «  Seigneur  des  divines  paroles  »,  de  «  Secrétaire  des  dieux  grands  dans 
»  la  salle  de  justice  et  de  vérité  L  »  Partout  où  se  réunissaient  des  juges 
égyptiens,  les  dix  livres  sacerdotaux  d’Hermès  étaient  déposés  devant  le  pré¬ 
sident  du  tribunal  2. 

Il  en  résultait  une  autre  analogie  avec  les  phénomènes  juridiques  que 
nous  avons  constatés,  en  procédant  à  l’examen  des  institutions  de  l’Inde 
brahmanique  3.  Quand  la  divinité  fait  entendre  sa  voix,  l’homme  doit  s’incli¬ 
ner  en  silence  et  exécuter  docilement  ses  ordres.  Les  Égyptiens,  «  les  plus 
religieux  des  hommes  4  » ,  n’avaient  garde  d’oublier  cette  maxime  fondamen¬ 
tale.  Altérer  le  texte  des  livres  sacrés,  substituer  aux  préceptes  divins  du 
Trismégiste  la  volonté  faillible  et  essentiellement  mobile  de  l’homme,  eût  été 
à  leurs  yeux  commettre  un  sacrilège  irrémissible.  Par  cela  même  qu’ils  attri¬ 
buaient  à  leurs  lois  fondamentales  une  origine  divine,  ils  en  proclamaient 
nécessairement  l’immutabilité.  Quand  Diodore  de  Sicile  visita  le  territoire 

*  Champollion  le  Jeune,  loc.  cil. 

2  Diodore,  liv.  I,  c.  75.  Ce  fait  cependant  peut  être  révoqué  en  doute.  Nous  y  reviendrons 
plus  loin. 

3  Dans  notre  travail  intitulé  :  Le  droit  criminel  dans  les  livres  sacrés  de  l’Inde,  que  l'Acadé¬ 
mie  a  fait  publier  dans  le  t.  XVIII  de  la  2e  série  de  ses  Bulletins. 

4  Diodore,  liv.  II,  c.  57. 


6 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


de  Bubaste,  l’interprète  qui  l’accompagnait  lui  fit  admirer  une  colonne  consa¬ 
crée  à  Isis,  avec  cette  inscription  :  «  Je  suis  Isis,  reine  de  tout  le  pays.  Élevée 
»  par  Hermès,  j’ai  établi  des  lois  que  nul  ne  peut  abolir  U  »  C’était  la  pro¬ 
clamation  solennelle  du  caractère  de  permanence  et  de  fixité  que  les  croyances 
nationales  imprimaient  à  la  législation  primitive  du  pays.  Imitant  la  vénéra¬ 
tion  superstitieuse  que  les  riverains  du  Gange  professaient  pour  les  lois  révé¬ 
lées  par  Manou,  les  riverains  du  Nil,  pendant  une  longue  série  de  siècles, 
conservèrent  avec  un  soin  religieux  le  texte  intégral  des  lois  prétenduement 
révélées  par  Hermès.  Arrivés  de  bonne  heure  à  un  remarquable  degré  de 
civilisation ,  ils  repoussèrent  énergiquement  l’idée  d’un  progrès  futur,  et,  pour 
mieux  assurer  l’immobilité  de  leurs  institutions,  ils  firent  de  tous  les 
principes  de  leurs  codes  civils  et  criminels  autant  de  décrets  d’un  infaillible 
oracle 1  2 3. 

.Malheureusement,  si  nous  possédons  plus  de  deux  mille  stances  [slokas) 
des  lois  de  Manou,  il  ne  nous  reste  pas  une  page  des  livres  juridiques  d'Her¬ 
mès;  car  la  saine  critique  ne  saurait  accorder  une  valeur  quelconque  aux 
fragments  dénaturés  qu’on  a  cru  reconnaître  au  milieu  des  rêveries  et  des 
fables  consignées  dans  quelques  écrits  apocryphes5.  Cette  législation  puissante 
et  vivace  qui,  pendant  plus  de  quinze  siècles,  fit  de  l’Égypte  un  objet  d’admi¬ 
ration  pour  tous  les  peuples  de  l’antiquité,  ne  sera  jamais  complètement  livrée 
à  l’appréciation  des  peuples  modernes.  Et  cependant  c’est  ici  surtout  que  les 
Égyptiens  pouvaient  se  croire  en  règle  avec  le  temps  et  avec  la  postérité! 
Jamblique  porte  à  plus  de  vingt  mille  le  nombre  des  livres  où  les  doctrines 
et  les  préceptes  d’Hermès  avaient  été  commentés  et  développés  par  les  mem¬ 
bres  les  plus  distingués  de  la  classe  sacerdotale  4. 

Le  sort  n’a  pas  été  moins  implacable  pour  les  législateurs  qui ,  tout 


1  Diodore,  liv.  I,  c.  27. 

-  En  faisant  ces  rapprochements  entre  l’Égypte  et  l'Inde,  nous  n’entendons  pas  nous  pronon¬ 
cer  ici  sur  la  question,  aujourd’hui  encore  si  vivement  controversée,  des  origines  de  la 
civilisation  des  habitants  de  la  vallée  du  Nil.  Ce  problème  si  vaste  n’appartient  pas  à  notre 
sujet. 

3  Nous  voulons  parler  de  ces  prétendus  livres  hermétiques,  probablement  composés  par  des 
néoplatoniciens  de  l’école  d’Alexandrie ,  plus  ou  moins  imbus  de  gnosticisme. 

4  Manethon  portait  leur  nombre  jusqu’à  55,625  ;  voy.  Jamblique,  De  mysteriis  Ægyptiorvm , 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


/ 


en  respectant  les  traditions  religieuses  du  pays,  ajoutèrent  aux  décrets 
d’Hermès  un  nombre  plus  ou  moins  considérable  de  prescriptions  nouvelles. 
Le  texte  des  lois  de  Mnevis,  de  Sasychès,  de  Sésostris,  de  Bocchoris,  d’Amasis, 
citées  par  Diodore  de  Sicile,  est  à  jamais  perdu.  Ici  encore,  le  malheur  et  la 
barbarie  ont  déjoué  toutes  les  précautions  imaginées  par  le  génie  d’un  peuple 
qui,  plus  que  tout  autre,  s’était  flatté  du  noble  espoir  de  léguer  de  glorieux 
exemples  à  l’admiration  des  races  futures  '. 

Jusqu’à  la  fin  du  dernier  siècle,  on  ne  connnaissait  la  législation  crimi¬ 
nelle  de  l’Égypte  que  par  les  règles  éparses,  et  malheureusement  trop  peu 
nombreuses,  citées  par  des  écrivains  appartenant  à  tous  les  âges  de  la  littéra¬ 
ture  du  monde  ancien.  Depuis  lors,  d’admirables  découvertes  ont  été  faites 
sous  le  patronage  de  plusieurs  gouvernements  européens;  mais,  par  une 
regrettable  fatalité,  c’est  précisément  dans  la  sphère  de  la  législation  pénale 
que  ces  découvertes  ont  été  les  plus  rares  et  les  moins  fructueuses.  Les  in¬ 
scriptions  qui  couvrent  les  vastes  monuments  de  la  haute  Égypte,  les  nom¬ 
breux  papyrus  trouvés  au  fond  des  sarcophages,  nous  donnent  de  précieux 
renseignements  sur  la  chronologie,  l’ethnographie,  la  mythologie,  les  céré¬ 
monies  religieuses,  les  expéditions  guerrières  et  les  usages  domestiques  de 
cette  époque  éloignée;  mais  des  résultats  analogues  n’ont  pas  été  obtenus  pour 
l’histoire  des  institutions  judiciaires.  Pour  le  catalogue  des  délits  et  des  peines, 
pour  le  rôle  de  l’accusateur,  du  témoin,  du  juge  et  du  bourreau,  les  inscrip¬ 
tions  et  les  manuscrits  sont  à  peu  près  muets.  Nos  connaissances  se  sont 
accrues ,  sans  doute ,  et  des  perspectives  nouvelles  se  sont  ouvertes  ;  mais , 
malgré  les  investigations  ingénieuses  de  la  science  contemporaine ,  le  mystère 
qui  entoure  cette  législation  antique  est  loin  d’être  dissipé.  Les  récits  incom¬ 
plets  et  parfois  contradictoires  des  écrivains  de  l’antiquité  sont,  aujourd’hui 
encore,  la  source  principale  où  l’historien  du  droit  criminel  doit  aller  puiser. 

Un  autre  inconvénient  se  présente.  Les  historiens  et  les  philosophes  qui 

sect.  I,  c.  1  et  2;  sect.  VIII,  c.  1  et  4.  Il  est  certain  que  les  prêtres  égyptiens  attribuèrent  à 
Hermès  une  foule  de  livres,  afin  de  leur  donner  plus  d’autorité.  Hermès  était  la  personnification 
de  la  caste  savante,  l’idéal  du  sacerdoce  égyptien.  Mais  il  n’est  pas  moins  certain  que  les  qua¬ 
rante-deux  livres  primitifs  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus  (p.  4)  furent  toujours  1  objet  d  une 
vénération  particulière. 

f  Nous  parlons  plus  loin  de  ces  recueils  de  lois  égyptiennes. 


8 


SUR  L  ORGANISATION  JUDICIAIRE. 


parlent  de  la  législation  de  l’Égypte  n’indiquent  pas  toujours  l’époque  précise 
où  les  règles  qu’ils  citent  dans  leurs  écrits  ont  pris  naissance.  Us  ne  -tien¬ 
nent  pas  assez  compte  de  l’influence  exercée  sur  les  lois  nationales  par  la 
domination  successive  des  Perses  et  des  Grecs.  On  se  trouve  ainsi  exposé  à 
confondre  les  coutumes  antiques  des  Pharaons  avec  les  usages  exotiques, 
introduits,  beaucoup  plus  tard,  par  des  conquérants  venus  de  l’Asie  et  de 
l’Europe.  Mais  heureusement,  quand  il  s’agit  de  l’Égypte,  cette  confusion 
est  moins  à  craindre  que  partout  ailleurs.  La  persévérance  à  marcher  dans 
les  voies  tracées,  l’obstination  à  conserver  intactes  les  coutumes  et  les  mœurs 
des  ancêtres,  furent  de  tout  temps  les  caractères  distinctifs  de  la  raêe  égyp¬ 
tienne  ’.  Ajoutons  que  la  classe  sacerdotale  survécut  au  despotisme  asiatique 
et  fut  maintenue,  avec  tous  ses  privilèges  essentiels,  par  la  dynastie  euro¬ 
péenne  des  Lagides.  Or  cette  classe,  on  le  sait,  veilla  constamment,  avec 
un  soin  superstitieux,  au  maintien  inaltérable  des  traditions  de  l’antiquité, 
à  tel  point  que  si  l’un  de  ses  membres  s’en  écartait ,  même  dans  les  choses 
d’une  faible  importance,  il  était  à  l’instant  même  dégradé  et  expulsé  du 
sanctuaire  2.  Grâce  à  ses  efforts  opiniâtres,  le  système  religieux  de  la 
nation  triompha  des  dominations  successives  des  Perses,  des  Grecs  et  des 
Romains,  et,  depuis  Memphis  jusqu’aux  dernières  bourgades  du  royaume, 
les  anciens  dieux  régnaient  encore  le  jour  où  leurs  temples  furent  fermés  par 
le  christianisme3.  Ce  fait  seul  suffirait  pour  prouver  que,  jusqu’à  l’arrivée 
des  Romains,  la  législation  criminelle,  étroitement  unie  au  culte,  ne  subit 
aucune  altération  profonde.  En  Égypte,  comme  chez  les  Hébreux,  la  reli¬ 
gion  était  activement  mêlée  à  tous  les  incidents  de  la  vie  publique  et  privée; 
depuis  le  berceau  jusqu’à  la  tombe,  elle  réglait  tous  les  actes  de  l’homme 
avec  une  autorité  absolue.  Dès  la  plus  haute  antiquité,  la  jurisprudence  \ 
appartint  à  la  catégorie  des  sciences  sacrées,  et  les  prêtres,  à  peu  près  seuls 


*  Ils  avaient  poussé  l’amour  de  l’immobilité  au  point  de  fixer,  par  des  lois  immuables,  la 
peinture,  la  sculpture,  les  chants  et  même  la  danse.  (Voy.  Platon,  Lois,  liv.  II,  p.  82  et  85; 
liv.  VII,  p.  28;  trad.  de  M.  Cousin.  )  Ils  conservent  les  coutumes  de  leurs  pères  et  n’en  adoptent 
pas  de  nouvelles,  dit  Hérodote  (liv.  II,  c.  79)  ;  et  un  peu  plus  loin  (  c.  91  )  il  ajoute  :  Ils  évitent 
d’user  de  coutumes  grecques  et,  pour  tout  dire,  d’aucune  de  celles  des  autres  hommes. 

-  Porphyre  ,  De  abstinentia,  liv.  IV,  §  8;  édition  d  ütrecht,  1765. 

5  Champollion  le  jeune,  Lettres  écrites  d’Egypte  et  de  Nubie,  p.  151  et  157. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


y 


chargés  des  fonctions  de  juges,  étaient  ses  dépositaires  et  ses  interprètes  natu¬ 
rels.  Sous  un  tel  régime,  la  conservation  du  culte  et  de  la  classe  sacerdotale 
devait  entraîner,  dans  une  large  mesure,  la  conservation  du  droit  national, 
dans  toutes  les  parties  où  il  n’était  pas  incompatible  avec  les  exigences  impé¬ 
rieuses  de  la  conquête1. 

Toutes  les  nations  de  l’antiquité  sont  unanimes  à  vanter  la  sagesse  des 
hommes  qui  présidaient  aux  destinées  de  l’Égypte.  Suivant  des  traditions 
communes  à  ce  pays  et  à  la  Grèce,  Orphée  et  Homère,  Lycurgue  et  Solon, 
Pythagore  et  Thalès,  Hésiode  et  Platon,  étaient  allés  chercher  l’inspiration 
et  la  science  dans  les  sanctuaires  de  la  vallée  mystérieuse  du  Nil.  La  critique 
moderne  n’a  pas  admis  tous  ces  éloges  traditionnels  ;  mais  nous  n’en  devons 
pas  moins  déplorer  notre  impuissance  à  reconstituer  le  tableau  complet  et 
détaillé  des  institutions  pénales  qui,  depuis  les  Pharaons  jusqu’aux  Romains, 
existèrent,  à  peu  près  sans  altération  ,  à  l’ombre  des  temples  dont  nous 
admirons  aujourd’hui  les  ruines  majestueuses.  Ce  tableau  formerait  incon¬ 
testablement  l’une  des  pages  les  plus  intéressantes  de  l’histoire  des  évolutions 
successives  de  l’esprit  humain.  Mais  cette  page  ne  sera  jamais  écrite,  et,  sans 
nous  livrer  à  des  regrets  stériles,  nous  devons  nous  contenter  de  recueillir 
et  de  coordonner  les  débris  échappés  au  naufrage.  C’est  ce  que  nous  allons 
essayer  de  faire,  en  présentant  quelques  aperçus  sur  l’organisation  judiciaire, 
les  lois  pénales  et  la  procédure  criminelle  de  l’Égypte  ancienne. 


1  C’est  une  grande  erreur  de  croire  que,  lors  de  l’avénement  des  Lagides,  qui  montrèrent 
tant  de  respect  pour  les  coutumes  nationales,  l’ancienne  constitution  de  l’Egypte  avait  subi  des 
altérations  profondes.  M.  Letronne  a  très-bien  prouvé  que  tout  s’y  était  conservé  presque  sans 
altération,  beaux-arts,  langue,  écriture,  administration,  religion,  lois,  usages  et  arts  indus¬ 
triels.  ( Mémoire  sur  la  civilisation  égyptienne ,  depuis  U  établissement  des  Grecs  sous  Psam- 
meticus,  jusqu'à  la  conquête  d’Alexandre;  dans  les  Mémoires  de  I’Institut,  Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  t.  XV1I1,  1re  partie.) 

Les  Lagides,  à  leur  tour,  marchèrent  sur  les  traces  d’Alexandre.  Celui-ci,  au  témoignage  d’Ar- 
rien ,  après  avoir  établi  un  satrape  égyptien ,  lui  avait  ordonné  de  ne  rien  changer  aux  impôts  et 
de  les  faire  lever  par  des  indigènes  appartenant  aux  familles  les  plus  distinguées.  (  Liv.  III ,  c.  5.) 
Quinte  Curce  ajoute  qu’ Alexandre  laissa  subsister  toutes  les  coutumes  nationales  des  Egyptiens. 
(Liv.  IV,  c.  17.) 


Tome  XXXV. 


2 


10 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


I. 


SOURCE  ET  EXERCICE  DU  DROIT  DE  PUNIR.  - ORGANISATION  JUDICIAIRE  DE 

l’égypte  ANCIENNE. 

Comme  toutes  les  nations  primitives,  l’Égypte  faisait  du  droit  de  punir  une 
délégation  de  là  puissance  divine.  Thoth,  l’Hermès  trismégiste,  le  génie  du 
droit  uni  au  génie  de  l’éloquence ,  «  le  secrétaire  des  dieux  grands  dans  la 
»  salle  de  justice  et  de  vérité,  »  descend  sur  la  terre  pour  donner  aux 
premiers  habitants  de  la  vallée  du  Nil  les  règles  fondamentales  des  lois  civiles 
et  criminelles.  Deux  autres  divinités,  lsis  et  Osiris,  guidées  par  Thoth, 
deviennent  les  modèles  immortels  des  législateurs  et  des  juges.  Une  quatrième 
divinité  bienfaisante,  Thméï,  fille  du  soleil,  à  la  fois  déesse  de  la  justice  et 
déesse  de  la  vérité,  vient  remplir  dans  les  croyances  nationales  un  rôle 
analogue  à  celui  de  Thémis  dans  les  mythes  de  la  Grèce.  Sur  tous  les  mo¬ 
numents  où  il  s’agit  de  l’exercice  de  la  magistrature,  la  religion  se  montre 
à  côté  de  l’homme  investi  de  la  redoutable  mission  de  juger  ses  semblables  L 

Deux  éléments  essentiels  entraient  dans  l’organisation  du  pouvour  judi¬ 
ciaire  de  l’Égypte  :  d’un  côté,  les  privilèges  immuables  du  trône;  de  l’autre, 
les  prérogatives  traditionnelles  de  la  classe  sacerdotale. 

On  a  prétendu  que  les  lois  fondamentales  du  pays  plaçaient  une  barrière 
infranchissable  entre  le  pouvoir  royal  et  le  pouvoir  judiciaire.  On  a  dit  que 
les  prêtres  seuls  étaient  investis  du  droit  de  juger  et  de  punir  les  coupa¬ 
bles 1  2. 

Les  témoignages  de  l’histoire  et  les  nombreuses  inscriptions  disséminées 

1  Les  traditions  populaires  disaient  qu'Isis  elle-même  avait  envoyé  au  roi  Bocchoris  un  ser¬ 
pent  qui,  s’entortillant  autour  de  sa  tête  lorsqu’il  montait  sur  son  tribunal,  le  couvrait  de 
son  ombre,  pour  l’avertir  de  ne  pas  oublier  un  seul  instant  les  exigences  inflexibles  de  l’équité; 
Plutarque,  De  la  fausse  honte,  t.  II,  p.  361  de  la  trad.  de  Ricard.  Voy.  aussi  Champollion 
le  jeune,  Précis  du  système  hiéroglyphique  des  anciens  Égyptiens ,  t.  II,  p.  y,  et  planche  IV, 
n°  51. 

2  L’opinion  émise  à  ce  sujet  par  De  Pauw  ( Recherches  philosophiques  sur  les  Égyptiens, 
sect.  IX)  est  loin  d’être  complètement  abandonnée. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE.  j  | 

sur  les  monuments  de  la  haute  Égypte  se  réunissent  pour  contredire  ces 
assertions. 

«  Chaque  jour,  dit  Diodore  de  Sicile,  le  roi  offrait  un  sacrifice  aux 
»  dieux.  Les  victimes  étant  amenées  à  l’autel,  le  grand  prêtre  se  tenait, 
»  selon  la  coutume,  près  du  roi,  et,  en  présence  du  peuple  égyptien, 
»  implorait  les  dieux  à  haute  voix  de  conserver  au  roi  la  santé  et  tous  les 
»  autres  biens....  En  même  temps,  le  grand  prêtre  était  obligé  d’énumérer 
»  les  vertus  du  roi,  de  parler  de  sa  piété  envers  les  dieux  et  de  sa  mansué- 
»  lude  envers  les  hommes.  Il  le  représentait  tempérant,  juste,  magnanime, 
»  ennemi  du  mensonge,  aimant  à  faire  le  bien,  entièrement  maître  de  ses 
»  passions,  infligeant  aux  coupables  des  peines  moindres  que  celles  quils 
»  méritaient i.  » 

Ainsi ,  chaque  jour,  au  pied  des  autels,  l’autorité  judiciaire  du  prince, 
loin  d être  proscrite  par  la  législation  nationale,  était  solennellement  pro¬ 
clamée  en  présence  des  dieux  et  du  peuple. 

Diodore  nous  apprend  encore  que  le  souvenir  de  l’équitable  et  ingénieuse 
sagesse  des  jugements  rendus  par  Bocchoris  avait  survécu  à  la  conquête 
de  1  Égypte  par  les  Romains  2.  Il  rappelle  que  le  roi  Amasis  se  rendit  odieux 
à  son  peuple  en  infligeant  à  beaucoup  d’hommes  des  peines  contre  toute 
justice  °.  Il  raconte  que  l’un  des  conquérants  éthiopiens,  Actisanès,  ayant 
réuni  les  principaux  accusés  du  royaume,  prit  une  connaissance  exacte  de 
leurs  crimes  ;  qu’il  fit  couper  le  nez  aux  coupables  et  les  relégua ,  à  l’extré¬ 
mité  du  royaume,  dans  une  bourgade  qui,  en  souvenir  de  cette  mutilation, 
prit  le  nom  de  Rhinocolure  \  Il  ajoute  que  les  rois,  en  prononçant  leurs 

'  Diodore,  liv.  I,  c.  70.  Cet  éloge  était  obligatoire;  mais,  après  s’ètre  acquitté  de  sa  tâche, 
le  grand  prêtre  terminait  par  une  imprécation  contre  les  fautes  commises  par  ignorance;  car, 
dit  Diodore  de  Sicile,  le  roi  étant  irresponsable ,  on  rejetait  toutes  les  fautes  sur  ses  ministres 
et  ses  conseillers,  et  on  appelait  sur  eux  le  châtiment  mérité. 

On  voit  que  la  responsabilité  ministérielle  ne  date  pas  d’hier. 

2  Liv.  I,  c.  94. 

3  Liv.  I,  c.  60. 

De  P iv,  nez,  et  de  K oloupoç,  coupé  (liv.  I,  c.  59).  De  Pau^  (Rech.  plut.,  sect.  IX)  conteste 
cette  étymologie,  par  une  raison  passablement  étrange.  Le  terme  de  Rhinocolure  lui  paraît 
avoir  été  appliqué  à  un  enfoncement  de  la  côte,  où  quelque  promontoire  s’était  vraisemblable¬ 
ment  éboulé.  Les  Orientaux,  comme  les  Arabes,  dit-il,  nomment  en  géographie  ras  ou  nez 
ce  que  nous  appelons,  d’après  les  Italiens,  un  cap.  (T.  II,  p.  269,  édit,  de  1822.) 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


12 

jugements,  étaient  obligés  d’agir  conformément  aux  règles  établies  par  les 
lois  pour  chaque  cas  particulier  \ 

Hérodote  nous  fournit  un  témoignage  analogue.  Des  prêtres  égyptiens , 
initiés  à  tous  les  mystères  de  leur  culte  et  à  tous  les  secrets  de  leurs  annales, 
lui  racontèrent  que  Mycérinus  (Menkera),  fds  de  Chéops  (Choufou  ),  s’acquit 
l’amour  de  son  peuple  par  la  manière  équitable  et  digne  dont  il  rendait  la 
justice 1  2 3.  Ils  lui  firent  part  d’une  tradition  nationale ,  suivant  laquelle 
Alexandre,  le  ravisseur  d’Hélène,  jeté  par  les  vents  sur  la  côte  de  l’Égvpte, 
fut  jugé  par  le  roi,  privé  de  ses  trésors  et  condamné  au  bannissement, 
«  à  la  suite  d’une  accusation  portée  devant  les  prêtres.  »  Informé  de  l’exis¬ 
tence  de  cette  procédure,  le  prince  avait  fait  conduire  le  coupable  à  Memphis 
afin  d’y  être  interrogé  et  puni  par  lui-même.  Pour  nous  servir  d’une  locution 
fréquemment  employée  dans  nos  lois  modernes,  il  avait  évoqué  la  cause5. 

Élevé  à  la  cour  des  Pharaons,  instruit  à  l’écoie  des  prêtres  d’Héliopolis, 
Moïse  attribue  formellement  aux  rois  de  l’Égypte  le  droit  de  juger  toutes 
les  classes  de  la  nation.  Nous  voyons  le  Pharaon  qui  eut  Joseph  pour 
ministre  (ApôphisP)  prononcer,  au  milieu  des  joies  d’un  festin,  une  sen¬ 
tence  capitale  contre  l’un  des  premiers  dignitaires  du  royaume.  Joseph  lui- 
même,  pour  sortir  des  fers  où  l’avait  conduit  une  accusation  calomnieuse, 
a  recours  au  roi  comme  à  l’arbitre  suprême  de  la  justice  nationale  4. 

Les  découvertes  de  la  science  moderne  sont  venues  confirmer  le  langage 
des  historiens  de  l’antiquité.  Les  murs  du  Rhamesséum  de  Thèbes  étalent 
des  bas-reliefs  et  des  tableaux,  où  les  plus  grandes  divinités  de  l’Égvpte 
remettent  au  roi,  avec  les  insignes  du  commandement  militaire,  la  houlette, 
symbole  du  gouvernement  civil ,  et  le  fouet,  emblème  de  l’exercice  de  la 


1  Liv.  I ,  c.  71. 

-  Liv.  II,  c.  129.  Diodore  (liv.  I,  c.  04)  lui  adresse  les  mêmes  éloges.  Comme  Hérodote,  il 
affirme  que  Jlycérinus  poussait  l'équité  au  point  de  faire  des  présents  aux  hommes  honnêtes 
qui  avaient  été  injustement  condamnés  par  les  tribunaux.  Slrabon  affirme,  de  son  côté,  que 
Mycérinus  rendait  lui-même  la  justice.  Il  rapporte  qu’un  aigle  laissa  tomber  l’un  des  souliers  de 
Rhodope  sur  les  genoux  du  roi,  pendant  qu’il  remplissait  les  fonctions  de  juge.  (Liv.  XVII,  c.  1 . 
§  33,  édit.  Müllerus  ;  p.  808  de  l’édit,  de  Casaubon.) 

3  Liv.  II,  c.  113-115. 

4  Genèse,  XL,  14,  22.  Josèphe,  Antiq.jud.,  liv.  II,  c.  3. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


13 


justice  criminelle.  Ammon,  le  roi  des  dieux,  l’être  primordial  et  suprême, 
dit  à  Rhamsès  :  «  Reçois  la  faux  de  bataille  pour  contenir  les  nations 
»  étrangères  et  trancher  la  tête  des  impurs  ;  prends  le  fouet  et  le  pédum , 
»  pour  diriger  la  terre  de  Kémé1.  »  II  est  vrai  que,  ni  dans  les  récits  des 
historiens,  ni  dans  les  inscriptions  et  les  peintures  qui  décorent  les  monu¬ 
ments,  on  ne  rencontre  les  maximes  religieuses  de  l’Inde,  qui  faisaient  de 
l’exercice  de  la  justice  criminelle  le  premier  et  le  plus  impérieux  devoir  de 
la  royauté;  mais  il  n’en  résulte  pas  que  les  Pharaons  et  leurs  successeurs 
fussent  privés  de  ce  noble  attribut  de  la  souveraineté.  Ils  avaient  le  droit, 
mais  non  pas  l’obligation  de  juger  eux-mêmes  les  coupables. 

Quand  ils  se  sentaient  poussés  par  l’amour  désordonné  de  la  puissance, 
les  rois  de  l’Égypte  allaient  même  beaucoup  plus  loin.  Ils  condamnaient  à 
l’emprisonnement,  à  l’exil,  aux  travaux  publics,  au  dernier  supplice,  tous 
ceux  qui  encouraient  leur  disgrâce,  sans  observer  aucune  des  formalités 
tutélaires  dans  lesquelles  les  lois  du  pays  avaient  cherché  la  garantie  d’un 
jugement  équitable;  ils  se  permettaient  tous  les  caprices  des  despotes  asia¬ 
tiques.  Le  prédécesseur  de  Sésostris  remplit  les  prisons  d’individus  soup¬ 
çonnés  d’avoir  murmuré  contre  sa  tyrannie2 *.  Un  fils  de  ce  conquérant, 
appelé  Phéron  par  Hérodote,  fait  brûler,  avec  le  village  où  il  les  a  enfer¬ 
mées  ,  toute  une  multitude  de  femmes  que  son  esprit  égaré  par  la  super¬ 
stition  soupçonne  d’avoir  manqué  à  la  foi  conjugale0.  Chéops  condamne 
une  partie  de  son  peuple  aux  travaux  publics,  parce  qu’il  veut  laisser  à 
la  postérité  de  somptueux  témoignages  de  sa  puissance  et  de  ses  richesses  4. 
Apriès  (Uaphrès)  fait  couper  le  nez  et  les  oreilles  de  son  ministre  Patar- 
bémis  ,  parce  que  celui-ci  avait  échoué  dans  une  mission  dont  il  l’avait 

chargé  auprès  de  ses  soldats  rebelles5.  Amasis  II  (Aahmès),  disposant 

/ 

1  Champollion-Figeac,  Égypte  ancienne ,  p.  56.  Plutarque  dit  que  les  Égyptiens  donnaient  à 
leur  pays  le  nom  de  Chemia,  parce  que  le  terrain  en  est  noir  comme  la  prunelle  de  l’œil.  (  Traité 
d’Isis  et  d’Osiris,  t.  V,  p.  551  de  la  traduction  de  Ricard,  édit,  de  1844.) 

2  Diodore,  liv.  I,  c.  54. 

5  Hérodote,  liv.  II,  c.  3.  Hérodote  place  cet  événement  dans  la  ville  d’Erythrébole.  Diodore 
(liv.  I,  c.  59)  dit,  avec  plus  de  probabilité,  que  le  fait  eut  lieu  dans  un  village. 

4  Idem,  liv.  II,  c.  124. 

B  Idem ,  liv.  II ,  c.  162. 


14 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


arbitrairement  des  biens  et  de  la  vie  de  ses  sujets,  menace  sa  propre  femme 
de  la  mort  la  plus  affreuse,  parce  qu’il  la  soupçonne  d’avoir  usé  de  ma- 
léfices1.  Un  autre  roi  fait  égorger  des  hommes,  pour  se  procurer  le  bain  de 
sang  dont  il  croit  avoir  besoin  pour  se  guérir  d’une  maladie  qui  l’incom¬ 
mode  2.  Un  autre  ordonne  à  tous  ses  sujets  de  fléchir  le  genou  devant  le 
ministre  qu’il  a  investi  de  sa  confiance  :  «  Oue  tout  le  peuple,  lui  dit-il, 
»  obéisse  aux  commandements  qui  tomberont  de  tes  lèvres;  que  nul  ne 
»  remue  le  pied  ou  la  main,  sans  ton  assentiment,  dans  toute  la  terre 
»  d’Egypte  5.  »  Un  autre  encore  ordonne  de  mettre  à  mort  tous  les  enfants 
mâles  dune  tribu  nombreuse  à  laquelle  ses  prédécesseurs  avaient  donné  des 
terres  et  des  pâturages  4.  Qu’on  nie  l’authenticité  d’une  partie  de  ces  mons¬ 
trueux  abus  de  la  force;  qu’on  range  la  plupart  de  ces  actes  de  tyrannie 
parmi  les  fables  accueillies  par  la  crédulité  populaire  :  on  n’en  viendra  pas 
moins  forcément  aboutir  à  la  même  conclusion.  Par  cela  seul  que  les  prêtres 
de  Memphis  racontaient  aux  Grecs  les  tristes  exploits  de  Phéron ,  de  Chéops, 
dApriès  et  d’Amasis,  ils  avouaient  que  leurs  rois  pouvaient  disposer  en 
maîtres  absolus  de  la  liberté,  des  biens  et  de  l’existence  de  leurs  sujets. 
Méconnaître  la  valeur  d’un  tel  aveu,  ce  serait  fouler  aux  pieds  toutes  les 
règles  d’une  saine  critique  historique.  Si  le  pouvoir  judiciaire  avait  été  com¬ 
plètement  séparé  de  la  puissance  royale,  les  desservants  de  l’admirable  temple 
de  Phtah,  les  pontifes  chargés  du  sacre  et  de  l’intronisation  des  rois,  les 
dépositaires  de  toute  la  science  nationale,  n’auraient  pas  manqué  de  vanter 
ce  progrès  aux  barbares  qui  venaient  leur  demander  les  leçons  de  la  sagesse 
antique. 

Il  entrait  dans  le  génie  de  l’Égypte  d’assimiler  ses  rois  à  ses  dieux.  Depuis 
le  règne  fabuleux  de  Ménès  jusqu’à  l’établissement  de  la  domination  romaine, 
les  tableaux  et  les  inscriptions  qui  décorent  les  monuments  sont  pour  ainsi 
dire  l’apothéose  permanente  de  la  royauté.  Sur  les  murs  des  palais  et  des 
temples;  sur  le  granit  des  obélisques  et  des  colonnes;  sur  les  flancs  indes- 

1  Hérodote,  liv.  II,  c.  181.  Diodore,  liv.  II,  c.  CO. 

-  Pline  le  naturaliste,  liv.  XXVI,  c.  5. 

J  Genèse,  XLI,  40  et  suiv. 

*  Exode,  1.  16.  Josèphe,  Antiq.jud.,  liv.  II,  e.  5. 


DE  L’EGYPTE  ANCIENNE. 


15 


tructibles  des  hypogées  destinées  à  recevoir  les  dépouilles  mortelles  des 
membres  de  la  dynastie  régnante;  partout,  en  un  mot,  où  les  princes 
s’adressent  à  la  fois  à  leurs  contemporains  et  à  la  postérité,  les  formules 
adulatrices  inventées  par  le  despotisme  théocra tique  de  l’Orient  se  trouvent 
considérablement  dépassées.  Modérateur  souverain  du  monde,  grand  chef 
de  toutes  les  parties  de  l’univers,  soleil  régulateur  de  la  terre,  recteur  de 
l’Occident,  vivificaleur  éternel,  seigneur  des  diadèmes,  fils  du  soleil,  fds 
d’Isis,  fils  d’Ammon,  divin  seigneur  de  l’Égypte,  dieu  grand,  dieu  gracieux, 
Horus  puissant  et  modéré,  Horus  resplendissant  possesseur  des  palmes, 
grand  germe  des  dieux  grands ,  dieu  sauveur,  dieu  seigneur  des  trois  zones 
de  l’univers,  image  vivante  d’Ammon  :  tels  sont  les  titres  que  les  rois  de 
toutes  les  dynasties  s’attribuent  jusque  sur  les  murs  des  sanctuaires  où  l’on 
adorait  les  premières  divinités  du  pays.  Dans  une  foule  d’inscriptions  votives, 
on  trouve  des  noms  royaux  parmi  ceux  des  dieux  invoqués  par  le  peuple. 
Ailleurs  on  voit  des  Pharaons  vivants  qui  s’adorent  eux-mêmes  ou  sont 
adorés  par  d’autres  dieux.  Les  mêmes  sy  mboles  hiéroglyphiques  désignaient  la 
royauté  et  la  divinité.  L’assimilation  était  poussée  si  loin ,  l’identification  du 
dieu  et  du  roi  était  tellement  parfaite  que  les  mêmes  règles  d’architecture 
étaient  suivies  pour  les  édifices  religieux  et  les  habitations  royales.  Le  trône 
prenait  la  place  du  sanctuaire!  «  Les  Égyptiens,  dit  Diodore  de  Sicile, 
»  respectent  et  adorent  leurs  rois  à  l’égal  des  dieux1.  » 

Ces  faits  seuls  suffiraient  au  besoin  pour  dissiper  les  doutes  et  mettre  un 
terme  à  toutes  les  controverses. 

1  Voy.  Champollion  le  jeune,  Lettres  écrites  d’Égypte  et  de  Nubie,  pp.  96,  161,  1 07 ,  208, 
21 1,  219,  226,  227,  271,  273,  506,  516,  518,  326-529,  531,  585.  —  Le  texte  grec  de  l’inscrip¬ 
tion  de  Rosette  (ligne  10)  donne  à  Ptolémée  Épiphanele  titre  de  dieu  né  d’un  dieu  et  d’une  déesse , 
comme  Horus,  le  fils  d’Isis  et  d’Osiris,  ©cos'  e*  0f c-j  y.oa  0ea;  KaOenrcp  Cipo;  b  t y;  l aïoç  *a;  Ua-ipioç.. 

(  Champollion  le  jeune,  Précis  du  système  hiéroglyphique  des  anciens  Égyptiens,  1. 1,  pp.  1 84  et 
suiv. ,  2me  édit.).  Dans  les  ruines  de  Thèbes  existe  un  bas-relief  représentant  Ptolémée  Phila- 
delplie,  costumé  en  Osiris,  assis  sur  son  trône,  à  côté  de  sa  femme,  la  reine  Arsinoé,  coiffée  des 
insignes  des  déesses  Moutli  et  Hathôr.  Placé  au  pied  du  trône,  Evergète  II  lève  les  mains  en 
signe  d'adoration  et  adore  «le  divin  père  de  ses  pères,  la  divine  mère  de  ses  mères.  »  Champol- 
lion-Figeac,  Égypte  ancienne,  p.  58.  —  Voy.  encore  Dunkcr,  Geschichte  des  Allherthums,  p.  76, 
édit,  de  1852;  Ampère,  Voyage  en  Nubie.  (Revue  des  Deux-Mondes,  1849,  I,  p.  95  et  suiv.) 
Éd.  Levy,  Etudes  philosophiques  sur  l’ architecture ,  p.  20.  (Mém.  couronnés  de  l’Acad.  roy.  de 
Belgique,  t.  IX,  coll.  in-8°.  ) 


16 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


Comment  des  rois  assimilés  aux  dieux,  identifiés  avec  les  dieux,  n'au¬ 
raient-ils  pas  revendiqué  le  droit  de  juger,  dans  un  pays  où  l’exercice  de 
la  juridiction  criminelle  était  envisagé  comme  une  émanation  directe  de  la 
divinité?  L’histoire  ne  nous  offre  pas  un  seul  exemple  d’une  dynastie  royale 
abdiquant  bénévolement,  au  profit  d’une  classe  nombreuse  de  ses  sujets, 
l’une  des  attributions  les  plus  importantes  et  les  plus  glorieuses  de  la  cou¬ 
ronne.  Les  rois  de  l’Egypte  n’eurent  jamais  la  pensée  de  se  résigner  à  ce 
sacrifice,  et,  sous  ce  rapport  encore,  les  monuments  confirment  les  asser¬ 
tions  de  Moïse,  d’Hérodote,  de  Slrabon  et  de  Diodore  de  Sicile.  Sur  les 
murs  des  temples  de  Louqsor,  de  Kourna,  de  Karnac,  sur  tous  les  débris 
de  Thèbes,  les  souverains  du  pays  revendiquent  avec  orgueil  le  rôle  supé¬ 
rieur  qui  leur  était  assigné  dans  l’administration  de  la  justice.  Us  se  nom¬ 
ment  les  seigneurs  de  la  justice ,  les  soleils  gardiens  de  la  justice,  les  seigneurs 
de  la  justice  et  de  la  vérité  Tout  ce  qui,  depuis  Bossuet  et  Montesquieu  -, 
a  été  dit  des  limites  que  la  sagesse  antique  avait  assignées  au  pouvoir 
suprême  des  Pharaons  et  de  leurs  successeurs,  doit  être  attribué  à  une 
étude  superficielle  des  témoignages  qui  nous  ont  été  transmis  par  les  histo¬ 
riens  et  les  philosophes  de  la  Grèce.  Transporter  nos  idées  modernes  dans 
l’antique  vallée  du  Nil  ;  faire  des  Pharaons  une  sorte  de  monarques  consti¬ 
tutionnels  acceptant  avec  déférence  la  théorie  savante  de  la  séparation  des 
grands  pouvoirs  de  l’Etat,  c’est  commettre  naïvement  un  anachronisme  de 
plusieurs  milliers  d’années.  Les  rois  de  l’Égypte  étaient  en  même  temps 
législateurs,  juges  ,  commandants  suprêmes  de  l’armée  et  chefs  du  culte 
national.  Ils  étaient  des  despotes  divinisés1 2 3. 


1  Cliampollion  le  jeune,  Lettres  citées ,  p.  "208,  211,  285. 

2  Bossuet,  Disc,  sur  l’hist.  universelle,  IIIe  part.,  §  5;  Montesquieu,  Esprit  des  lois, 
liv.  XVIII,  c.  C. 

3  Ici,  comme  on  l’a  fait  si  souvent  ailleurs,  on  a  confondu  la  théorie  et  la  pratique.  Tous  les 
instants  de  la  journée  des  rois  étaient  minutieusement  réglés  par  des  coutumes  séculaires,  et 
leur  gouvernement  fut  presque  toujours  modéré.  Élevés  par  les  prêtres,  ceux-ci  se  trouvaient 
sans  cesse  à  leurs  côtés,  jusque  dans  les  appartements  les  plus  reculés  de  leurs  palais.  Mais  ces 
précautions  mêmes,  malgré  1  admirable  sagacité  qu’elles  révèlent  ,  étaient  sans  force  et  sans 
influence  réelle  à  l’égard  des  princes  que  des  passions  violentes  poussaient  en  dehors  des  voies 
ordinaires.  L’histoire  n’en  fournit  que  trop  de  preuves. 

La  science  moderne  a  très-bien  prouvé  que  les  Pharaons  étaient  eux-mêmes  les  chefs  du 


DE  L’EGYPTE  ANCIENNE. 


17 


J1  n’est  donc  pas  vrai  que  les  rois  fussent  privés  du  droit  d’exercer  par 
eux-mêmes  la  justice  criminelle.  C’était,  au  contraire,  en  leur  nom  et  avec 
leur  assentiment,  au  moins  tacite,  que  les  prêtres  et  les  autres  magistrats 
siégeaient  dans  les  tribunaux  ordinaires. 

La  composition  de  ces  tribunaux  ne  nous  est  que  très- imparfaitement 
connue;  mais  cependant  nous  en  savons  assez  pour  y  découvrir  les  traces 
d’une  organisation  savante  ,  digne  de  la  réputation  traditionnelle  de  sagesse 
dont  les  Égyptiens  jouissaient  chez  toutes  les  nations  de  l’antiquité. 

L’Egypte  possédait  une  cour  suprême,  composée  de  trente  et  un  juges. 
Les  trois  collèges  sacerdotaux  de  Memphis,  de  Thèbes  et  d’Héliopolis  en 
fournissaient  chacun  dix.  Les  trois  cités  où  la  science  antique  comptait  ses 
plus  nobles  interprètes  jouissaient  du  privilège  de  fournir  les  représentants 
les  plus  élevés  de  la  magistrature  nationale  '. 

Selon  Diodore  de  Sicile,  les  trente  membres  du  tribunal  suprême,  réunis 
à  Thèbes,  choisissaient  eux-mêmes  leur  président,  et  la  ville  à  laquelle  il 
appartenait  envoyait  aussitôt  un  autre  juge  pour  le  remplacer.  Suivant 
Elien,  les  honneurs  de  la  présidence  étaient  toujours  conférés  au  membre  le 
plus  âgé.  Tous  étaient  entretenus  aux  frais  du  roi,  et  le  président  recevait 
des  appointements  considérables.  Il  portait  au  cou  une  chaîne  d’or ,  à  la¬ 
quelle  était  suspendue  une  statuette  en  pierre  précieuse  représentant  la 
déesse  Saté  [la  Vérité  aux  yeux  fermés  ).  Au  témoignage  d’Élien,  il  était 
réputé  le  plus  intègre  de  tous  les  hommes.  Ses  collègues  surent,  de  leur  côté , 
se  transmettre  de  siècle  en  siècle  le  noble  héritage  d’une  réputation  sans 

culte  national.  (Voy.  Duncker,  Geschichte  des  Altherthums,  t.  1,  p.  75  etsuiv.,  édit,  de  1852.) 
Nou*  connaissons  des  rois  qui,  pendant  une  longue  série  d'années,  firent  fermer  les  temples  et 
interdirent  les  sacrifices.  (Hérodote,  liv.  II,  c.  124-128.) 

Diodore,  liv.  I,  c.  75.  Diodore  dit  que  les  Égyptiens  choisissaient  les  trente  juges  parmi  les 
piemiers  habitants  des  trois  villes  citées.  Il  n’est  pas  possible  de  prendre  ce  passage  à' la  lettre. 
Comme,  en  thèse  générale,  les  prêtres  seuls,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  remplissaient 
les  fonctions  de  juge,  il  faut  admettre,  que  les  Égyptiens  désignés  par  l’historien  étaient  les 
membres  des  collèges  sacerdotaux  établis  dans  les  trois  capitales  du  royaume,  et  non  les  habi¬ 
tants  en  général.  La  supposition  d’une  intervention  directe  des  habitants  de  Thèbes,  de  Mem¬ 
phis  et  d  Héliopohs  se  trouve  complètement  écartée  par  l’organisation  fondamentale  de  l’Égypte, 
ou  la  nation  était  privée  de  droits  politiques,  et  où,  d’autre  part,  la  classe  des  guerriers  et  la 

classe  populaire  se  livraient  à  des  professions  qui  n’avaient  rien  de  commun  avec  l’exercice  de 
la  magistrature. 

Tome  XXXV. 


3 


18 


,  SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


tache,  et  les  Égyptiens,  toujours  partisans  du  symbolisme,  avaient  fait  de 
l’aile  de  l’autruche  le  signe  hiéroglyphique  de  l’impartialité  de  leurs  déci¬ 
sions  L’historien  d’Agyre  les  compare  aux  membres  de  l’aréopage 
d’Athènes  et  du  sénat  de  Sparte,  et  les  monuments  les  montraient  privés 
de  leurs  mains,  pour  attester  qu’ils  étaient  inaccessibles  aux  présents.  Les 
statues  qui  reproduisaient  les  traits  de  leur  président  avaient  les  yeux  baissés, 
«  parce  qu’il  ne  devait  regarder  que  la  vérité1 2.  »  Les  auteurs  de  la  Descrip¬ 
tion  de  l’Égypte  supposent,  non  sans  raison,  qu’ils  rendaient  leurs  décrets 
solennels  dans  cette  admirable  salle  hypostyle  du  Rhamesseum,  dont  les 
débris  épars  arrachent  encore  un  cri  d’admiration  au  voyageur  qui  parcourt 
les  ruines  de  la  ville  aux  cent  portes 3.  Les  Égyptiens  aimaient  à  représenter 
sur  les  murs  de  leurs  palais  et  de  leurs  temples  des  scènes  analogues  à  la 
destination  qui  leur  était  assignée.  Or,  Diodore  nous  apprend  que,  dans 
l’immense  salle  du  monument  qu’il  appelle  le  tombeau  d’Osymandias ,  et 
(jui  n’était  autre  que  le  somptueux  édifice  élevé  par  Rhamsès  le  Grand,  on 
avait  sculpté  les  images  du  président  et  des  trente  juges  de  la  cour  suprême 4. 

A  quel  degré  le  roi  intervenait-il  dans  la  composition  de  ce  tribunal ,  la 
première  et  la  plus  importante  de  toutes  les  institutions  judiciaires  du  pays? 


1  Horapollinis  Hieroglyphica,  lib.  II,  c.  118,  édit.  Lcemans;  Amstelodami ,  1855.  Horapollon 
explique  ce  signe  par  l’étrange  raison  que  l’autruche  est  le  seul  oiseau  dont  les  ailes  pi’ésentent 
une  égalité  parfaite  en  tous  sens.  —  Le  signe  hiéroglyphique  du  juge  lui-inèrac  était  un  vêlement 
royal  placé  à  côté  d’un  chien  regardant  une  figure  nue  ( ibid liv.  1,  c.  40).  Les  juges  étant 
facilement  admis  auprès  du  souverain,  surtout  dans  les  temps  anciens,  le  peuple  disait  qu  ils 
avaient  «  le  droit  de  voir  le  roi  nu.  » 

2  Diodore,  liv.  1,  c.  48  et  75;  Élien,  Varice  liist.,  lib.  XIV,  c.  34;  Plutarque,  Traité  d’Isis  et 
(ÏOsiris,  t.  V,  p.  528  de  la  traduction  de  Ricard. 

5  Description  de  l’Égypte,  t.  II  (  Antiquités-descriptions ),  pp.  297-298,  2,uc  édit. 

4  Hérodote,  liv.  I,  c.  48.  —  Les  érudits  ont  soulevé,  au  sujet  du  tribunal  central  de  Thèbes, 
un  certain  nombre  de  controverses  que  nous  croyons  inutile  de  discuter.  Les  uns  ont  dit  qu  il 
y  avait  trente  juges,  parce  que,  à  une  certaine  époque  ,  il  y  avait  trente  nomes  en  Egypte. 
D’autres,  sans  alléguer  aucune  preuve  à  l'appui  de  leur  allégation,  ont  prétendu  que  les  dix 
livres  sacerdotaux  d’IIermès  devaient  être  particulièrement  gravés  dans  la  mémoire  de  trois 
juges  appartenant  à  chacun  des  trois  collèges  qui  concouraient  à  la  formation  de  la  cour.  D’autres 
encore  ont  affirmé  que  chaque  membre  était  spécialement  voué  à  l’étude  d’un  seul  de  ees  livres, 
de  manière  que  le  tribunal  des  trente  renfermait  trois  magistrats  tirés  de  trois  collèges  diffé¬ 
rents  et  possédant  à  fond  le  même  livre,  etc.  (Voy.  Pastoret,  Histoire  de  la  législation ,  t.  II. 
p.  201  et  suiv.) 


DE  L’EGYPTE  ANCIENNE. 


19 


Diodore  de  Sicile  dit  expressément  que  les  membres  de  la  cour  suprême 
étaient  élus  par  «  les  Egyptiens;  »  mais  d’autres  témoignages  échappés 
aux  ravages  des  siècles  tendent  à  faire  croire  que,  l’élection  étant  régu¬ 
lièrement  accomplie,  les  élus  devaient  être  institués  par  le  chef  de  l’État. 
Plutarque  rapporte  que  le  roi,  avant  l’installation  des  juges,  les  faisait 
jurer  de  désobéir  à  ses  propres  ordres,  s’il  leur  prescrivait  quelque  chose 
d’injuste.  Or,  si  l’on  se  rappelle  que  les  souverains  de  l’Égypte  exerçaient 
un  pouvoir  despotique ,  leur  droit  de  repousser  l’élu  qui  se  présentait  au 
pied  de  leur  trône  ne  saurait  pas  même  être  discuté.  L’admission  au  serment 
était  une  véritable  agréation  de  la  part  du  roi.  On  avait  imaginé  sur  les 
bords  du  Nil  un  système  mixte  qu’on  retrouve,  sous  des  formes  diverses, 
dans  les  lois  constitutionnelles  de  plusieurs  États  de  l’Europe  moderne  :  la 
combinaison  de  l’autorité  royale  avec  le  privilège  accordé  aux  grands  corps 
judicaires  d’intervenir  dans  le  choix  de  leurs  membres.  Comment  des  des¬ 
potes,  qui  jugeaient  eux-mêmes  et  qui  s’intitulaient  les  «  Seigneurs  de  la 
justice,  »  auraient-ils  renoncé  à  toute  part  d’influence  dans  le  choix  des 
premiers  magistrats  de  leur  royaume  1  ? 

Les  renseignements  que  l’histoire  nous  a  transmis  sur  l’organisation  des 
tribunaux  inférieurs  laissent  beaucoup  à  désirer. 

L’Égypte  était  partagée  en  un  grand  nombre  de  provinces  peu  étendues , 
appelées  nomes  ou  préfectures.  Les  nomes  étaient  divisés  en  sous-préfectures 
ou  toparchies  2 3 *,  et  chacune  de  celles-ci  comprenait  un  certain  nombre  de 

i 

petites  circonscriptions  administratives  que,  faute  d’une  désignation  mieux 
appropriée,  nous  appellerons,  comme  Champollion,  des  communes  rurales5. 

Le  chef-lieu  de  chaque  nome  était  la  résidence  d’un  nomarque,  dont 

1  Vov.  Plutarque,  Apophthegrnes  des  rois  et  des  capitaines.  (Usage  des  rois  d’Égypte.)  Plu¬ 
tarque  semble  parler  de  tous  les  juges  du  pays;  mais  il  est  peu  probable  que  le  roi  faisait 
comparaître  devant  lui  les  membres  des  juridictions  inférieures. 

-  Ce  nom  leur  est  donné  par  Strabon  (To^pj/^,  gouvernement  d’un  lieu). 

3  Hérodote,  liv.  II,  c.  164.  Pline  le  naturaliste,  liv.  V,  c.  9,  donne  aux  nomes  le  nom  de 
préfectures  urbaines  (Praefecturae  oppidorum.)  —  Voy.  encore  Diodore,  liv.  I,  c.  54;  Strabon, 
liv.  XVII,  c.  1  ;  Champollion  le  jeune,  YÉgypte  sous  les  Pharaons ,  t.  Ier,  p.  72  et  suiv.  —  On 

n’est  pas  d’accord  sur  le  nombre  des  nomes ,  ou  plutôt  ce  nombre  a  varié  avec  les  diverses 

époques.  Diodore  et  Strabon  en  admettent  trente-six;  Pline  en  compte  quarante-huit. 


20 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


l’autorité  s’étendait  sur  tout  le  district,  et  à  qui  les  inscriptions  donnent 
souvent  les  titres  de  «  Président  du  pays  »  et  de  «  Seigneur  des  hommages.  » 
On  lui  adjoignait  ,  pour  l’aider  dans  l’administration  de  la  justice,  un  certain 
nombre  de  scribes  et  de  juges  royaux  :  qualification  qui,  fréquemment 
reproduite  sur  les  monuments,  atteste  que  ces  magistrats,  à  la  différence  de 
ce  qui  se  pratiquait  pour  la  cour  suprême,  étaient  directement  nommés  par 
le  roi.  De  même  que  les  membres  du  tribunal  central  de  Thèbes,  ils  appar¬ 
tenaient  à  la  classe  sacerdotale.  La  jurisprudence,  comme  toutes  les  doctrines 
morales,  faisait  partie  de  la  catégorie  des  sciences  sacrées,  et  celles-ci, 
soigneusement  conservées  à  l’ombre  du  sanctuaire,  n’étaient  cultivées  que 
par  les  ministres  de  la  religion.  Les  dix  livres  d’Hermès  qui  traitaient  de 
la  nature  des  dieux  renfermaient  en  même  temps  les  lois  relatives  au  gou¬ 
vernement  de  l’État  et  à  l’administration  de  la  cité,  et  ces  livres  étaient 
appelés  sacerdotaux.  Les  chefs  des  prêtres,  que  Clément  d’Alexandrie  désigne 
sous  le  nom  de  prophètes ,  devaient  les  apprendre  par  cœur,  et  l’un  de 
leurs  subordonnés,  que  le  même  écrivain  appelle  sloliste  (aroWojç)  ,  portait 
la  coudée,  emblème  de  la  justice,  dans  ces  imposantes  processions  religieuses 
auxquelles  s’adaptait  si  bien  l’ampleur  colossale  des  temples  égyptiens  J.  Peu 
importe  que  Diodore  de  Sicile  ait  gardé  le  silence  sur  un  point  aussi  im¬ 
portant  que  l’union  du  sacerdoce  et  de  la  magistrature;  cette  union  était 
la  conséquence  directe  et  presque  nécessaire  de  l’organisation  sociale  de 
l’Egypte,  où  la  classe  sacerdotale  se  livrait  seule  à  l’étude  des  codes  qui 
renfermaient  les  préceptes  et  les  maximes  prétenduement  révélés  par  l’Hermès 
céleste.  Élien  affirme  que,  de  toute  antiquité,  les  prêtres  égyptiens  exer¬ 
cèrent  le  pouvoir  judiciaire,  et  Diogène  Laërce  ajoute  que  les  hommes  qui , 
sur  les  bords  du  Nil ,  cultivaient  la  philosophie  et  en  faisaient  la  source  des  lois , 
recevaient  les  litres  de  prêtre  et  de  prophète1 2.  Conservés  dans  les  temples, 

1  Clément  d’Alexandrie,  Str ornâtes ,  liv.  VI,  c.  4,  p.  254,  édit.  Migne.  —  Comme  les  livres 
juridiques  d’Hermès  étaient  surtout  confiés  à  la  garde  des  prophètes,  on  les  désigne  souvent, 
ainsi  que  nous  l’avons  déjà  dit,  sous  la  dénomination  de  Livres  des  prophètes. 

Les  stolistes,  qui  portaient  la  coudée,  étaient  spécialement  chargés  du  soin  de  vêtir  les 
idoles  et  de  veiller  à  la  conservation  des  coutumes  liturgiques. 

2  Élien,  Variae  hist.,  liv.  XII,  c.  4,  et  liv.  XIV,  c.  54.  Diogène  Laërce,  Vit.  philosoph.,  in 
proem.  —  Dans  quelques  inscriptions,  les  scribes  dont  nous  venons  de  parler  sont  nommés 
«  scribes  de  la  justice.  » 


DE  L’EGYPTE  ANCIENNE. 


21 


sous  la  surveillance  sévère  des  pontifes,  les  livres  mystérieux,  dépositaires 
du  savoir  et  de  la  loi,  restaient  éternellement  fermés  au  peuple.  On  se 
contentait  de  les  lui  montrer  au  milieu  des  pompes  sacrées  dont  nous  venons 
de  faire  mention.  Les  ministres  de  la  religion  étaient  en  même  temps  les 
ministres  de  la  science1. 

La  généralité  des  termes  employés  par  les  historiens  et  les  philosophes 
de  l’antiquité  doit  nous  faire  admettre  que  les  Iribunaux  des  nomes,  com¬ 
posés  déjugés  et  de  scribes  royaux,  possédaient  simultanément  la  juri¬ 
diction  civile  et  la  juridiction  pénale.  Mais  étaient-ils  compétents  pour  statuer 
sur  toutes  les  infractions  en  général  ?  N’y  avait-il  pas  une  catégorie  de 
crimes  soustraits  à  leur  appréciation  et  exclusivement  réservés  au  tribunal 
central  de  Thèbes?  Dans  quels  cas  le  législateur  avait-il  autorisé  l’appel  de 
leurs  décisions  à  cette  cour  suprême?  Existait-il,  à  côté  d’eux,  du  moins 
dans  les  centres  de  population  de  quelque  importance ,  un  tribunal  de  police 
pour  les  délits  dépourvus  de  gravité?  Toutes  ces  questions  peuvent  donner 
lieu  à  des  dissertations  plus  ou  moins  ingénieuses;  mais,  à  défaut  de  docu¬ 
ments  précis  et  dignes  de  foi,  c’est  à  la  raison  et  non  à  l’histoire  qu’il  con¬ 
vient  de  demander  leur  solution. 

Les  précautions  extrêmes  qu’on  avait  prises  pour  la  composition  du  tri¬ 
bunal  de  Thèbes,  la  solennité  de  ses  séances,  la  haute  réputation  d’intégrité 
de  ses  membres,  la  vénération  constante  dont  il  était  entouré  dans  les 
diverses  classes  de  la  nation,  tout  atteste  que,  dans  les  circonstances  les  plus 
graves,  il  servait  d’égide  à  l’innocence  persécutée,  autant  que  le  permettait 
la  forme  despotique  du  gouvernement  du  pays.  Si  son  influence  avait  été 
purement  locale,  on  n’aurait  eu  aucune  raison  de  faire  concourir  à  sa  for¬ 
mation  ,  dans  une  mesure  strictement  égale ,  les  collèges  sacerdotaux  des 
chefs-lieux  des  trois  grandes  divisions  territoriales  du  royaume.  Puisqu’on 

1  Pastoret,  Histoire  de  la  législation,  t.  II,  p.  200,  fait  à  ce  sujet  une  réflexion  très -fondée. 

«  On  pourrait  soutenir,  dit-il,  que  Diodore  suppose  assez  l’union  du  sacerdoce  à  la  magistra- 
»  ture,  quand  il  rappelle  les  travaux  de  ceux  qui  n’appartenaient  pas  à  la  caste  des  prêtres, 

»  des  marchands,  des  pasteurs,  des  artisans,  des  cultivateurs,  des  guerriers.  Les  Égyptiens 
»  pensaient  qu'il  existe  entre  les  lois  civiles  et  les  lois  religieuses  une  liaison  si  étroite,  qu’elles 
»  sont  toutes  mieux  observées  quand  le  même  citoyen  en  est  le  dépositaire  et  l’interprète.  » 

Voy.  encore  Diodore,  liv,  I,  c.  81;  Josèphe,  Cont.  App.,  liv.  II,  e.  5. 


22 


SUR  INORGANISATION  JUDICIAIRE 


éprouvait  Je  besoin  de  faire  représenter  dans  son  sein ,  par  le  même  nombre 
de  délégués,  toutes  les  parties  de  l’Égypte,  il  est  manifeste  qu’on  lui  avait 
assigné,  indépendamment  de  ses  autres  attributions,  une  large  juridiction 
d’appel.  Comment  d’ailleurs  les  Égyptiens,  dont  la  sagesse  était  proverbiale 
et  qui ,  au  dire  de  Diodore ,  avaient  apporté  un  soin  extrême  à  l’organisation 
du  pouvoir  judiciaire,  n’auraienl-ils  pas  aperçu  les  raisons  qui  exigent  que, 
du  moins  dans  un  grand  nombre  de  cas,  l’appel  du  juge  inférieur  au  juge 
supérieur  soit  mis  à  la  libre  disposition  du  condamné?  Comment  explique¬ 
rait-on  l’importance  que  tous  les  écrivains  de  l’antiquité  attribuent  à  la  cour  . 
de  Thèbes,  si,  d’un  côté,  sa  propre  compétence  avait  été  réduite  à  un  petit 
nombre  de  crimes,  tandis  que,  d’autre  part,  les  tribunaux  des  nomes  auraient 
joui  du  privilège  de  statuer  toujours  en  dernier  ressort  ?  Comment  les 
voyageurs  grecs  auraient-ils  comparé  au  sénat  de  Sparte  et  à  l’aréopage 
d’Athènes  un  tribunal  réduit  à  de  si  minces  proportions? 

Des  motifs  analogues  nous  portent  à  admettre,  à  côté  du  tribunal  du 
nome ,  l’existence  de  tribunaux  de  police  dans  toutes  les  localités  d’une 
importance  tant  soit  peu  considérable.  Chaque  ville  avait  son  corps  de 
magistrature  ',  et  la  police  y  était  faite  avec  une  habileté,  une  promptitude 
et  un  esprit  de  suite  auxquels  l’antiquité  tout  entière  s’est  plu  à  rendre 
hommage.  Il  n’est  pas  possible  de  prétendre  que,  dans  un  tel  système,  les 
magistrats  locaux  fussent  obligés  de  recourir  sans  cesse  au  tribunal  du 
nome,  môme  pour  la  répression  des  simples  fautes  de  discipline.  La  sépa¬ 
ration  absolue  des  fonctions  administratives  et  judiciaires  date  d’une  époque 
infiniment  plus  récente.  L’antiquité,  surtout  en  Orient,  ne  connaissait  pas 
les  lenteurs  calculées  de  nos  codes  modernes.  Les  contraventions  légères 
étaient  punies,  à  l’instant  même,  par  le  magistrat  dont  on  avait  méconnu 
Ses  ordres. 

A  notre  avis,  on  peut  supposer  qu’il  y  avait  en  Égypte  trois  classes  de 
tribunaux  échelonnés  dans  un  ordre  hiérarchique  très-bien  combiné  :  dans 
chaque  commune  populeuse,  un  tribunal  composé  de  magistrats  locaux, 
pour  les  contraventions  légères;  au  chef-lieu  de  chaque  nome,  un  tribunal 


'  Hérodote,  liv.  III,  c.  10. 


DE  L EGYPTE  ANCIENNE. 


25 


composé  de  juges  royaux,  pour  les  délits  d’un  caractère  plus  dangereux; 
dans  la  capitale  du  royaume ,  une  cour  suprême  statuant  sur  les  crimes  les 
plus  graves  et  exerçant  la  juridiction  d’appel  à  l’égard  des  sentences  rendues 
par  les  juges  des  nomes.  Seulement,  le  caractère  hiérarchique  qui  se  mani- 
leste  constamment  dans  toutes  les  institutions  de  l’Égypte  doit  nous  faire 
supposer  que  les  tribunaux  de  divers  degrés  étaient  composés  de  prêtres 
de  divers  ordres 1. 

Nous  ne  croyons  pas  que  l’harmonie  de  ce  vaste  plan,  où  se  manifeste 
si  bien  le  génie  organisateur  de  l’Égypte,  fut  altérée  par  l’établissement  d’une 
sorte  de  cour  spéciale  dans  le  célèbre  labyrinthe  du  nome  arsinoïte.  Slrabon 
rapporte,  il  est  vrai,  une  vague  tradition  suivant  laquelle  les  chefs  des 
préfectures  s’y  réunissaient  avec  les  premiers  des  prêtres ,  pour  offrir  des 
sacrifices  et  statuer  sur  les  causes  les  plus  graves2;  mais  un  passage  de  Pline 
le  naturaliste  prouve  que  cette  tradition  était  loin  d’être  généralement 
admise.  «On  ne  convient  pas,  dit  ce  dernier,  de  la  cause  qui  fit  bâtir  le 
»  labyrinthe.  Démotélès  prétend  que  c’était  le  palais  de  Mothérudès;  Lvcéas 
»  en  fait  le  tombeau  du  roi  Moeris;  plusieurs  disent  que  c’est  un  monu- 
»  *ment  consacré  au  soleil,  opinion  qui  est  la  plus  généralement  reçue3.  » 
Hérodote,  qui  visita  l’Égypte  dans  le  cinquième  siècle  avant  l’ère  chré¬ 
tienne,  et  qui  eut  de  si  nombreux  rapports  avec  les  dépositaires  des  archives 
nationales ,  se  borne  à  dire  que  le  labyrinthe  a  été  érigé  ,  comme  un 
monument  de  leur  puissance  et  de  leur  gloire,  par  les  douze  rois  qu’il 
fait  succéder  à  Séthos  4.  Quatre  siècles  plus  tard,  Diodore  de  Sicile  en  fait 
le  tombeau  de  ces  princes,  et  lui,  qui  nous  a  transmis  tant  de  précieux 
détails  sur  les  institutions  de  l’Égypte,  garde  un  silence  absolu  sur  la  des¬ 
tination  judiciaire  de  cet  admirable  édifice5.  Évidemment,  ces  notions  in- 

1  Nous  empruntons  cette  dernière  réflexion  à  Champollion-Figeac,  Égypte  ancienne,  p.  46. 

-  Liv.  XVII,  c.  1,  §  57,  édit.  MüIIerus;  p.  811  de  l  edit,  de  Casaubon. 
ù  Liv.  XXXVI,  c.  19.  Trad.  de  Littré. 

4  Liv.  II,  c.  148. 

Liv.  I,  c.  66.  -  Dans  un  autre  endroit,  il  attribue  cet  édifice  à  Mendès  (liv.  I ,  c.  61  et  97  ). 

Ailleurs  encore,  il  en  fait  l’œuvre  de  Menas  ( ibid.,  c.  89).  —  Eusèbe  ( Chron .,  lib.  I,  c.  W 
p.  189,  édit.  Migne)  le  fait  construire  par  Lamparès,  fils  de  Sésostris,  opinion  partagée  par 
Jules  Africain.  ( Sijticelli  chronographia ,  p.  60,  édit,  du  P.  Goar.  )  Ces  divergences  d’opinions 
ont  fait  croire  a  quelques  savants  qu’il  y  avait  plusieurs  labyrinthes. 

M.  Lepsius  a  retrouvé  parmi  les  débris  du  labyrinthe  le  nom  et  le  tombeau  d’Amenembé  III 


24 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


complètes  et  contradictoires  ne  permettent  pas  d’affirmer  l’existence  d’une 
haute  cour  de  justice  sur  les  rives  du  lac  Mœris. 

Il  est  toutefois  incontestable  que  les  législateurs  de  l’Égvpte  avaient  admis, 
à  côté  des  tribunaux  ordinaires,  quelques  juridictions  investies  d’attributions 
spéciales. 

Nous  savions  par  Diodore  1 ,  qu’il  existait  en  Égypte  une  législation  parti¬ 
culière  pour  l’armée  ;  mais  des  découvertes  modernes  attestent  que  les 
soldats  jouissaient,  en  outre,  du  privilège  d’être  jugés  par  un  tribunal 
exceptionnel ,  où  l’élément  militaire  figurait  en  grande  majorité.  Un  papyrus 
grec  du  musée  de  Turin  fournit  à  ce  sujet  de  curieux  renseignements.  Her- 
mogène,  l’un  des  commandants  de  la  station  militaire  d’Ombos,  cite  en 
justice  Horus,  fds  d’Arsiési,  et  autres  colchytes  2,  qu’il  accuse  de  s’ètre 
frauduleusement  emparés  d’une  maison  qu’il  possède  à  Thèbes.  Le  tribunal 
saisi  de  la  contestation  est  présidé  par  Héraclide,  préfet  du  nome  et  l’un 
des  commandants  des  gardes  du  corps  du  roi.  Avec  lui  siègent  deux  autres 
commandants  des  gardes,  Polémon  et  Héraclide;  Apollonius  et  Hermogène, 
des  amis  du  roi  (titre  de  cour);  Pancrate ,  officier  du  second  ordre;  Pa- 
niscus,  habitant  du  pays,  et  plusieurs  autres  militaires.  Le  demandeur 
expose  ses  griefs  et  récapitule,  en  deux  colonnes  et  demie  du  manuscrit, 
ses  droits  de  propriété  sur  la  maison  contestée.  Philoclès  et  Dinon ,  avocats 
des  deux  parties  plaidantes,  échangent  ensuite  les  mémoires  usités  dans  la 
procédure  égyptienne.  Le  président  résume  les  moyens  opposés  de  part  et 
d’autre,  et  le  jugement,  daté  du  mois  d’athyr  de  l’an  XXIV  du  règne  de 
Ptolémée  Evergète  II,  repousse  les  prétentions  du  Grec  et  donne  raison  aux 
colchytes  3. 

Si  les  militaires  jouissaient  de  cette  juridiction  exceptionnelle  dans  les 


1  Liv.  I ,  c.  178. 

-  Profession  sacerdotale  d’un  degré  inférieur,  qui  avait  pour  objet  une  partie  de  l'embaume¬ 
ment  des  morts. 

3  Champollion-Figeac.,  Égypte  ancienne,  p.  47.  —  Il  est  vrai  que  ce  jugement  appartient  à 
l’époque  de  la  domination  des  Grecs  (an  117  av.  J.-C.).  Mais  n’était-il  pas  la  conséquence  de  ccs 
coutumes  antiques  que  les  Ptolémées  avaient,  en  général,  respectées  avec  une  grande  sollicitude  .'' 

Le  papyrus  de  Turin  a  été  publié  par  M.  Payron.  Nous  regrettons  beaucoup  que  nous 
n’ayons  pas  pu  nous  procurer  cette  œuvre  intéressante. 


DE  LÉGYPTE  ANCIENNE. 


25 


matières  civiles  ,  même  à  l’égard  d’individus  étrangers  à  leur  classe ,  il  faut, 
a  plus  forte  raison,  la  leur  attribuer  dans  les  matières  pénales,  où  l’honneur, 
la  liberté  et  la  vie  même  se  trouvent  directement  en  cause.  L’institution 
des  conseils  de  guerre  11’était  pas  d’ailleurs  aussi  étrangère  aux  peuples  de 
1  antiquité  qu’on  pourrait  être  tenté  de  le  croire.  Chez  les  Assyriens,  Bélésis, 
prêtre  guerrier,  coupable  d’avoir  dérobé  l’or  de  Sardanapale  après  la  prise 
de  Ninive,  fut  jugé  et  condamné  à  mort  par  ses  compagnons  d’armes'. 
Chez  les  Perses,  un  tribunal  composé  de  chefs  militaires  infligea  la  peine 
capitale  à  Orontas,  coupable  de  tentative  de  désertion2.  Il  n’v  a  donc  rien 
détonnant  à  voir  le  même  phénomène  juridique  se  produire  au  pied  des 
pyramides. 

Un  autre  tribunal  d’exception  existait  à  Naucratis,  en  faveur  des  Grecs 
qui  venaient  faire  le  commerce  dans  la  vallée  du  Nil.  Après  leur  avoir  assigné 
cette  résidence ,  qui  fut  longtemps  le  seul  point  du  sol  égyptien  où  les 
étrangers  pussent  établir  leurs  comptoirs,  Amasis,  dont  le  génie  s’élevait 
au-dessus  des  préjugés  de  ses  contemporains,  leur  accorda  le  droit  de  bâtir 
des  temples  et  de  se  taire  juger  par  des  magistrats  de  leur  propre  nation3. 
Les  Ioniens  de  Chios,  de  Téos,  de  Phocée  et  de  Clazomène,  les  Doriens 
de  Rhodes,  de  Cnide,  d’Halicarnasse  et  de  Phasélis,  joints  aux  Éoliens  de 
Mytilène,  y  érigèrent  un  sanctuaire  magnifique,  l’Hellénion,  où  des  juges, 
nommés  par  toutes  ces  villes,  rendaient  la  justice  à  leurs  nationaux.  On 
a  cru,  en  se  basant  sur  une  fausse  interprétation  du  texte  d’Hérodote,  que 
ces  magistrats  ne  possédaient  qu’une  juridiction  purement  commerciale. 
Leur  rôle  était  beaucoup  plus  étendu.  Us  statuaient  sur  toutes  les  infractions 
^commises  par  les  Grecs  résidant  sur  le  territoire  de  Naucratis,  et  les  prêtres 
mêmes  se  trouvaient  au  nombre  de  leurs  justiciables.  Athénée  parle 
d  amendes  qu’ils  infligèrent  à  des  sacrificateurs  qui ,  dans  les  fêtes  d’Apollon 


1  Diodore  de  Sicile,  liv.  II,  c.  28. 

2  Xénophon,  Anabase,  liv.  I,  c.  6. 


Selon  Hérodote,  Naucratis  était  gouvernée  par  des  magistrats  ou  prostates  auxquels  l'historien 
Hermias,  cité  par  Athénée,  donne  le  nom  de  Timouques,  titre  que  portaient  aussi  les  premiers 
magistrats  de  Marseille,  qui  tirait,  comme  Naucratis,  son  origine  de  l’Asie  Mineure  (Athénée, 

Deipnosopliist.,  liv.  IV,  §  32;  t.  II,  p.  85,  édit,  de  Schweighhauser ,  1802.  Letronne,  Mémoire 
cité,  p.  11). 

Tome  XXXV.  4 


26 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


et  de  Bacchus,  avaient  irrégulièrement  préparé  et  distribué  les  portions  de 
la  victime  réservées  aux  assistants1. 

Le  système  se  complétait  par  l’institution  de  tribunaux  domestiques,  où 
le  père  de  famille,  par  lui-même  ou  par  son  délégué,  statuait  sur  les  in¬ 
fractions  légères  commises ,  sur  ses  terres  ou  dans  sa  maison ,  par  des 
esclaves  ou  d’autres  individus  attachés  à  son  service.  Il  y  a  quelques 
années,  on  voyait  encore,  dans  les  hypogées  de  Beni-Hassan ,  une  inté¬ 
ressante  série  de  tableaux,  où  cette  justice  domestique  était  représentée 
dans  tous  ses  détails,  depuis  la  plainte  jusqu’à  l’exécution  de  la  peine,  avec 
une  évidence  d’expression  écartant  toute  controverse  sur  la  nature  des  scènes 
figurées  par  l’artiste.  L’arrestation  du  prévenu,  sa  mise  en  accusation,  son 
interrogatoire,  sa  défense,  son  jugement  par  les  intendants  de  la  maison, 
sa  condamnation,  puis  l’exécution,  en  un  mot,  tous  les  incidents  de  la  pour¬ 
suite  s’y  trouvaient  minutieusement  exposés.  On  y  voyait  notamment  un 
employé  de  la  maison  exhiber  les  pièces  de  conviction  et  un  autre  dresser 
le  procès-verbal  de  la  procédure.  Un  de  ces  tableaux,  aujourd’hui  malheu¬ 
reusement  effacés,  attestait  que  le  vol  domestique  rentrait  dans  la  compé¬ 
tence  de  cette  juridiction  patriarcale.  Le  chef  des  bergers  dénonçait  le 
gardien  des  vaches,  qui  avait  tué  un  veau.  L’accusé  se  défendait  avec 
énergie;  mais  les  membres  de  l’animal  étaient  produits,  les  témoins  en¬ 
tendus,  et  le  pasteur  infidèle,  confondu  par  ces  preuves,  recevait,  un  peu 
plus  loin,  en  présence  du  maître,  la  peine  de  son  méfait 2.  Il  en  était  autre- 

1  Hérodote,  liv.  II,  c.  178.  Athénée,  Deipnosophist.,  liv.  IV,  §  32.  —  Dans  une  récente  tra¬ 
duction  d’Hérodote,  M.  Higuet,  après  avoir  parlé  de  l’Hellénion,  ajoute  :  «  Le  temple  appar- 
»  tient  à  toutes  ces  villes,  et  les  préposés  aux  affaires  commerciales  y  sont  institués  par  elles.  » 
Larcher  traduit  le  passage  de  la  manière  suivante  :  «  l’Hellénion  appartient  à  toutes  ces  villes  : 
elles  ont  droit  d’y  établir  des  juges.  »  Tel  est,  en  effet,  le  sens  réel  du  texte  grec.  «  Hérodote, 
dit  Larcher,  appelle  les  magistrats  de  Naucratis  npoerd-ai  èympiov,  mais  leur  vrai  nom  est  celui 
de  Timùques,  ainsi  que  nous  l’apprend  Athénée.  Emporium  signifie  une  place  de  commerce, 
n po'jTOLTy:  t eu  iunopiou  indique  le  juge  de  cette  ville,  et  non  pas  un  juge  particulier  pour  le  com¬ 
merce,  ce  que  nous  appelons  un  consul.»  (T.  II ,  p.  SI  6,  édit,  de  1780.) 

2  La  même  procédure  était  figurée,  dans  un  autre  tableau,  pour  un  esclave  qui  avait  volé 
du  raisin  pendant  la  vendange.  Voy.  Champollion  le  jeune ,  Lettres  écrites  d’Egypte  et  de  Nubie. 
(Lettre  datée  des  pyraipides  de  Gizeh,  le  8  octobre  1828.)  —  Peut-être  le  père  de  famille 
possédait-il  le  même  pouvoir  à  l’égard  de  scs  fils.  La  manière  dont  l’autorité  paternelle  était 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


27 


ment  en  cas  d’adultère.  Dans  le  dramatique  récit  de  la  Genèse,  Puliphar 
(  Poli-Phéra  )  ne  prononce  pas  lui-même  sur  le  sort  de  Joseph1.  Mais  où 
cessait  la  juridiction  domestique?  Où  commençait  celle  des  juges  royaux? 
A  cet  égard  encore,  les  renseignements  nous  font  complètement  défaut.  On 
sait  seulement,  par  l’inspection  des  tableaux  de  Beni-Hass'an,  que  la  peine 
ne  dépassait  jamais  la  bastonnade. 

Toutes  ces  institutions  judiciaires  avaient  pour  couronnement  le  tribunal 
sacerdotal  des  sépultures. 

Quand  le  corps  de  l’Égyptien,  après  avoir  subi  les  opérations  qui  devaient 
le  préserver  de  la  corruption,  était  prêt  à  être  déposé  dans  le  sépulcre  de 
ses  pètes,  la  vie  entière  du  défunt  devenait  l’objet  d’un  jugement  solennel. 
Tout  habitant  de  l’Égypte  pouvait  se  constituer  son  accusateur,  tous  ses 
concitoyens  étaient  appelés  à  dénoncer  les  iniquités  qu’il  avait  commises. 
C  était  un  véiitable  procès  fait  a  la  mémoire,  dans  lequel  la  privation  de 
la  sépulture  servait  de  sanction  pénale. 

Quai  ante  piètres  au  moins,  revêtus  de  leurs  insignes  religieux,  se  pla¬ 
çaient  au  bord  d’un  lac  creusé  dans  le  territoire  du  nome  auquel  appartenait 
le  défunt.  Une  barque,  dirigée  par  un  pilote  de  l’ordre  sacerdotal,  touchait 
au  i i v âge ,  prête  à  recevoir  la  momie,  au  premier  signal  du  président.  Celui- 
ci  ,  au  milieu  d’un  silence  religieux ,  invitait  alors  tous  les  assistants  à  dé¬ 
noncer  les  iniquités  que  le  mort  avait  commises.  Si  l’un  d’eux  prouvait  que 
le  défunt  avait  «  mené  une  mauvaise  vie,  »  les  juges  rendaient  un  arrêt 
qui  privait  son  corps  de  la  sépulture  religieuse,  et,  s’il  avait  occupé  un 
rang  élevé,  son  nom  était  effacé  de  toutes  les  inscriptions  des  édifices  publics 
et  privés.  Si  l’accusation  était  injuste,  son  auteur  était  condamné  à  de 
fortes  amendes.  Si  aucun  accusateur  ne  se  présentait,  ou  si  l’accusation 
était  déclarée  calomnieuse,  le  corps  était  admis  «  à  passer  le  lac  de  son 
nome  natal.  »  Les  parents  quittaient  aussitôt  le  deuil,  rappelaient  les  vertus 
dii  moit,  et,  au  milieu  des  applaudissements  de  la  foule,  suppliaient  les 

comprise  en  Égypte  ne  s’oppose  pas  à  cette  supposition.  C’est  Champollion  le  jeune  qui  a  le 
premier  découvert  l’existence  de  ces  tribunaux  domestiques.  — Voy.  encore  Champollion-Figeac, 
Egypte  ancienne,  p.  186. 

1  Genèse,  XXXIX,  20. 


28 


SUR  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE 


dieux  infernaux  de  l’admettre  dans  le  séjour  réservé  aux  hommes  pieux 
Les  rois  mêmes  étaient  soumis  à  ce  jugement  suprême,  et  l’Égypte  nous 
montre  encore  des  monuments  où  les  noms  de  quelques  Pharaons  ont  été 
profondément  martelés,  tandis  que  ceux  des  reines  leurs  femmes  s’y  étalent 
tels  qu’ils  ont  été  peints  ou  sculptés  par  la  main  de  l’artiste  2. 

Sans  doute,  ces  tribunaux  des  sépultures  n’étaient  pas  des  juridictions 
criminelles  proprement  dites;  mais  cependant,  chez  un  peuple  essentielle¬ 
ment  religieux,  où  les  honneurs  funéraires  se  trouvaient  en  rapport  intime 
avec  les  traditions  et  les  croyances  de  la  nation,  ils  n’étaient  pas  complète¬ 
ment  étrangers  à  la  justice  répressive.  Cette  épreuve  solennelle  était,  en 
réalité,  l’admission  de  l’action  publique  contre  les  morts,  et  la  honte  infligée 
au  cadavre  constituait,  au  fond,  une  peine  légale.  On  l’appliquait  à  ceux  qui 
étaient  décédés  sans  avoir  payé  leurs  dettes,  à  ceux  qui  mouraient  sous  le 
poids  d’une  accusation  dont  ils  ne  s’étaient  pas  justifiés,  et  en  général  à 
tous  ceux  qui,  suivant  les  termes  généraux  employés  par  Diodore  de  Sicile, 
avaient  mené  une  mauvaise  vie.  Rien  n’échappait  à  cette  juridiction  solen¬ 
nelle,  exercée  au  bord  de  la  tombe.  Les  vices  que  le  législateur  criminel 
avait  passés  sous  silence  étaient  flétris  au  seuil  de  l’éternité5. 

Une  telle  coutume,  qui  remonte  à  la  plus  haute  antiquité,  et  dans  la¬ 
quelle  il  est  facile  de  reconnaître  l’une  des  sources  de  la  mythologie  des 
Grecs4,  dénote  une  remarquable  intelligence  des  besoins  sociaux  de  l’époque. 
L’homme  orgueilleux  et  avide,  qui  cherchait  l’impunité  dans  sa  puissance  et 
dans  ses  richesses,  était  averti  que,  le  jour  même  où  il  se  trouverait  dans 
l’impuissance  de  nuire,  toutes  les  iniquités  de  sa  carrière  seraient  impitoya¬ 
blement  dénoncées  par  ses  victimes 5. 

1  Diodore,  liv.  I,  c.  92. 

2  Champollion  le  jeune,  Lettres  écrites  d’Egypte  et  de  Nubie,  pp.  96,  326,  551.  Diodore, 
liv.  I,  e.  72.  On  comprend  que,  pour  les  rois,  hors  du  cas  d’un  changement  de  dynastie,  cette 
formalité  était  purement  illusoire,  sous  un  régime  despotique  où  l'identification  du  roi  et  du 
dieu  faisait  partie  des  maximes  fondamentales  du  droit  publie. 

Diodore  rapporte  que  deux  prédécesseurs  de  Mycérinus,  redoutant  les  accusations  de  la  foule, 
ordonnèrent  en  mourant  à  leurs  serviteurs  de  les  ensevelir  clandestinement  et  dans  un  lieu 
inconnu.  (Liv.  I,  c.  64  et  72.) 

3  Liv.  1,  c.  92. 

4  La  barque  de  Caron,  le  Styx,  le  tribunal  de  Minos,  d’OEaque  et  de  Rhadamante,  etc. 

5  Le  tribunal  pour  les  sépultures  exerçait  à  l’égard  des  corps  la  juridiction  suprême  que  les 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


29 


II. 


INSTRUCTION  CRIMINELLE. 


Comment  les  tribunaux  criminels  de  l’Égypte  étaient-ils  saisis  de  la  con¬ 
naissance  des  délits  qui  rentraient  dans  le  cercle  de  leur  compétence?  Sui¬ 
vant  quelles  règles  étaient-ils  tenus  de  procéder  à  l’instruction  et  au  jugement 
des  causes  qui  leur  étaient  soumises? 

Hérodote  rapporte  que  les  voleurs,  soumis  au  jugement  de  l’Oracle  1, 
étaient  amenés  dans  le  temple  par  ceux  qui  les  accusaient  d’avoir  dérobé 
une  partie  de  leurs  biens. 

Suivait-on  la  même  régie  devant  les  tribunaux  ordinaires?  Ceux-ci  pou¬ 
vaient-ils  être  directement  saisis  par  la  partie  lésée  ou  par  tout  autre  habi¬ 
tant  de  l’Égypte?  Y  avait-il,  à  côté  de  chaque  juridiction,  un  magistrat 
spécialement  chargé  de  la  constatation  des  délits,  de  la  recherche  et  de  la 
poursuite  de  leurs  auteurs?  Les  juges  et  les  fonctionnaires  publics  étaient- 
ils  tous  chargés  de  ce  soin  ?  Le  retrait  de  l’accusation  suffisait-il  pour 
désarmer  la  justice  répressive?  De  toutes  ces  questions,  si  intéressantes  au 
point  de  vue  de  l’histoire  de  la  législation  criminelle,  les  deux  premières 
sont  les  seules  qui  puissent  être  résolues  avec  une  certitude  entière.  Tout 
habitant  de  la  vallée  du  Nil,  qu’il  fût  Égyptien  ou  étranger,  libre  ou  esclave, 
avait  le  droit  de  prendre  le  rôle  d’accusateur  à  l’égard  des  crimes  dont  il 
était  le  témoin  ou  la  victime. 

Alexandre,  accusé  par  ses  esclaves,  étrangers  comme  lui,  d’avoir  ravi 
Hélène,  méconnu  les  devoirs  de  l’hospitalité  et  volé  les  trésors  de  son  hôte, 
fut  conduit  à  Memphis,  où  ses  accusateurs  parurent,  en  même  temps  que 

quarante-deux  jurés  de  Arnenthi,  l’enfer  égyptien,  exerçaient  à  legard  des  âmes,  en  présence 
d’Osiris  et  de  Thméï.  Il  nous  semble  inutile  de  rapporter  ici  les  longues  controverses  aux¬ 
quelles  ces  deux  tribunaux  ont  donné  naissance  parmi  les  érudits  des  deux  derniers  siècles. 

1  Nous  parlerons  plus  loin  de  cette  espèce  de  Jugement  de  Dieu. 


50 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


lui,  au  tribunal  du  roi1.  Hérodote,  à  qui  nous  devons  le  récit  de  cet  épisode, 
ajoute  ailleurs  qu’un  membre  de  la  corporation  des  embaumeurs  porta' une 
accusation  contre  son  compagnon,  qu’il  avait  surpris  souillant  le  corps 
encore  frais  d’une  jeune  femme  appartenant  à  une  famille  illustre2.  Nous 
savons  par  Diodore  que  ceux  qui  faisaient  des  accusations  mensongères 
subissaient  la  peine  qu’ils  voulaient  faire  infliger  à  l’homme  injustement 
poursuivi3.  Parfois  même,  l’accusation,  toujours  facultative,  devenait  obli¬ 
gatoire.  Ceux  qui  étaient  témoins  d’un  homicide  devaient  dénoncer  les 
coupables  et  les  traduire  devant  les  tribunaux,  sous  peine  d’être  battus  de 
verges  et  privés  de  toute  nourriture  pendant  trois  jours 4.  Les  annales  de 
l’Egypte  attestaient  que,  dès  la  plus  haute  antiquité,  le  principe  éminem¬ 
ment  civilisateur  de  la  proscription  de  la  vengeance  privée  avait  été  pro¬ 
clamé  sur  les  bords  du  Nil.  Les  prêtres  de  Memphis  dirent  à  Diodore  de 
Sicile  qu’Isis  avait  donné  des  lois  à  leurs  ancêtres,  afin  de  substituer  l’action 
calme  et  régulière  de  la  justice  aux  violences  désordonnées  de  l’injure  et 
de  la  force  5.  La  dernière  des  règles  que  nous  venons  de  citer  était  la  suite 
naturelle  de  celte  pensée  salutaire.  Les  citoyens  ne  devaient  pas  seulement 
s’ablenir  d’avoir  recours  à  la  vengeance  individuelle;  autant  qu’il  dépendait 
d’eux,  ils  étaient  obligés  de  l’interdire  aux  autres.  Le  législateur  de  l’Égypte, 
de  même  que  celui  de  l’Inde,  avait  aperçu  de  bonne  heure  le  caractère 
social  du  délit,  et,  par  une  conséquence  rationnelle,  il  exigeait  que  la  ma¬ 
gistrature,  accessible  à  tous,  fût  seule  chargée  de  la  réparation  des  outrages6. 
Aussi  n’y  trouve-t-on  aucune  trace  de  ces  compositions  pécuniaires,  plus 
tard  si  communes  en  Europe,  qui  désarmaient  la  justice  en  plaçant  l’intérêt 
privé  au-dessus  de  l’intérêt  général. 

1  Hérodote,  liv.  II,  c.  1 15-115. 

-  Hérodote,  liv.  II,  c.  89. 

5  Diodore,  liv.  I,  c.  77. 

4  Diodore,  ibid.  Nous  avons  déjà  dit  ci-dessus,  p.  27,  que  l’accusation  publique  était  tou¬ 
jours  admise  à  l’égard  des  morts. 

5  Diodore  ,  liv.  I ,  c.  14. 

(’  Après  tous  ces  témoignages  si  concordants,  on  a  de  la  peine  à  s’expliquer  pourquoi  Ptolémée 
Philadelphe  ,  dans  son  célèbre  édit  pour  l’affranchissement  des  Juifs,  autorise  ses  sujets  à 
dénoncer  tous  ceux  qui  contreviendront  à  ses  ordres.  C’est  probablement  une  erreur  de  copiste. 
(Vov.  Joseph,  Ant.jud .,  liv.  XII,  c.  2.) 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


31 


La  forme  de  l'instruction  suivie  devant  les  tribunaux  domestiques  se  dis¬ 
tinguait  par  son  extrême  simplicité.  On  interrogeait  le  prévenu, on  enten¬ 
dait  les  témoins,  on  exhibait  les  pièces  de  conviction;  puis  le  chef  de  la 
famille  ou  son  intendant  prononçait  la  sentence ,  et  le  châtiment  suivait 
immédiatement  la  condamnation.  C’était,  dans  toute  la  force  des  termes, 
une  justice  expéditive  et  sommaire;  mais  la  peine,  comme  nous  l’avons  déjà 
dit,  ne  pouvait  jamais  dépasser  la  bastonnade  \ 

La  procédure  était  plus  longue  et  plus  solennelle  devant  les  tribunaux 
ordinaires. 

Redoutant  les  séductions  et  les  pièges  de  l’éloquence,  les  juges  égyptiens 
n’admettaient  que  l’instruction  par  écrit.  «  Les  Égyptiens,  dit  Diodore, 
»  étaient  d’opinion  que  les  avocats  ne  font  qu’obscurcir  les  causes  par  leurs 
»  discours,  et  que  l’art  de  l’orateur,  la  magie  de  l’action  et  les  larmes  de 
»  l’accusé  entraînent  souvent  le  juge  à  fermer  les  yeux  sur  la  loi  et  la 
»  vérité.  SI  n’est  pas  rare,  en  effet,  de  voir  les  magistrats  les  plus  exercés 
»  se  laisser  séduire  par  la  puissance  d’une  parole  trompeuse,  visant  à  l’effet 
»  et  cherchant  à  exciter  la  compassion.  Ils  croyaient  mieux  juger  une  cause 
»  en  la  faisant  mettre  par  écrit  et  en  la  dépouillant  des  charmes  de  la 
»  parole.  De  cette  manière,  les  esprits  prompts  n’ont  aucun  avantage  sur 
»  ceux  qui  ont  l’intelligence  plus  lente,  les  hommes  expérimentés  ne  l’em- 
»  portent  pas  sur  les  ignorants,  ni  les  menteurs  et  les  effrontés  sur  ceux  qui 
»  aiment  la  vérité  et  qui  sont  modestes.  Tous  jouissent  de  droits  égaux. 
»  On  accorde  un  délai  suffisant  aux  plaignants  pour  exposer  leurs  griefs, 
»  aux  accusés  pour  se  défendre,  aux  juges  pour  se  former  une  opinion  2.  » 
Les  prêtres  de  Memphis,  qui  tenaient  ce  langage  à  l’historien  d’Agyre,  n’ou¬ 
bliaient  que  deux  choses  :  d’un  côté,  les  garanties  sérieuses  et  incontestables 
qui  résultent  de  la  publicité  même;  de  l’autre,  ces  lumières  soudaines  qui 
jaillissent  si  souvent  d’un  débat  oral,  habilement  conduit  sous  les  yeux  de 
magistrats  savants  et  expérimentés. 

Le  demandeur,  ou  le  citoyen  qu’il  avait  chargé  de  sa  défense,  rédigeait 

*  Voy.  ci-dessus,  p.  27 . 

2  Diodore,  liv.  I,  c.  75.  Traduction  de  M.  Hoefer.  C’est  à  cette  traduction  que  nous  avons  eu 
recours  pour  tous  les  passages  de  Diodore  reproduits  dans  notre  texte. 


32 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


une  plainte  énumérant  toutes  les  circonstances  du  fait,  exposant  toutes  les 
preuves  et  se  terminant  par  l’indication  du  dédommagement  qu'il  réclamait 
de  la  partie  adverse  et  de  la  justice  répressive.  Le  défendeur,  prenant  con¬ 
naissance  de  cette  plainte,  répondait  également  par  écrit  à  chaque  chef 
d’accusation.  Il  niait  le  fait,  ou,  en  l’avouant,  il  s’efforcait,  soit  de  lui 
enlever  son  caractère  criminel,  soit  de  le  dépouiller  de  la  gravité  que  lui 
attribuait  son  adversaire.  Le  plaignant  répondait,  le  défendeur  répliquait  à 
son  tour,  et  les  juges,  après  avoir  ainsi  reçu  deux  fois  l’accusation  et  la 
défense  écrites,  délibéraient  et  rendaient  un  arrêt.  Celui-ci  était  signifié  par 
le  président,  en  imposant  l’image  de  la  Vérité  sur  la  tête  de  l’une  des 
parties  mises  en  présence.  Celle  qui  recevait  cet  attouchement  sacré  obtenait 
gain  de  cause  *. 

Avec  un  tel  système  de  procédure,  l’audience  publique  ne  pouvait  avoir 
d’autre  but  que  la  notification  solennelle  du  résultat  de  la  délibération  préa¬ 
lable  des  juges.  On  y  procédait,  tout  au  plus,  à  la  lecture  des  mémoires 
produits  par  les  parties,  et  peut-être  un  officier  subalterne  était-il  chargé 
de  ce  rôle 1  2.  Mais  il  faut  avouer  que  la  mise  en  scène  imaginée  par  le 
législateur  était  de  nature  à  produire  une  impression  profonde  sur  des 
plaideurs  qu’Hérodote  proclamait  avec  raison  «  les  plus  religieux  de  tous  les 
hommes3.»  Trente  prêtres  vêtus  de  robes  blanches,  assis,  les  yeux  baissés, 
au  pied  des  images  des  dieux  de  l’Egypte;  le  président,  vieillard  vénérable, 
descendant  lentement  les  marches  du  tribunal  et  s’avançant  seul,  sans  pro¬ 
férer  une  parole,  vers  le  lieu  où  les  parties,  leurs  conseillers  et  la  foule 
attendaient,  dans  un  silence  religieux,  la  manifestation  de  la  décision  des 
juges;  l’innocence  ou  la  culpabilité  de  l’accusé  proclamée  par  la  déesse 

1  Diodore,  liv,  I,  c.  75. 

2  Le  contraire  semble  résulter  de  la  phrase  suivante,  qu'on  rencontre  dans  le  récit  de  Diodore  : 
’«  Le  président  portait  autour  du  cou  une  chaîne  d’or  à  laquelle  était  suspendue  une  petite  figure 
»  en  pierres  précieuses,  représentant  la  Vérité.  Les  débats  commençaient  au  moment  où  le 
»  président  se  revêtait  de  cet  emblème  (liv.  I,  c.  75).  »  Mais  ce  passage  s’applique,  non  aux 
débats  de  l’audience,  mais  à  ceux  qui  surgissaient  entre  les  juges  après  la  lecture  des  documents 
versés  au  procès.  Toute  autre  interprétation  est  incompatible  avec  les  détails  circonstanciés  que 
l’historien  nous  a  transmis  sur  le  système  d’instruction  judiciaire  usité  en  Égypte. 

3  Liv.  Il ,  c.  57. 


DE  L’EGYPTE  ANCIENNE. 


33 


même  de  la  vérité  :  tel  était  l’appareil  auguste  usité  dans  l’enceinte  de  l’aréo¬ 
page  suprême,  et  cette  scène,  on  n’en  saurait  douter,  se  reproduisait,  avec 
plus  ou  moins  de  solennité,  dans  tous  les  tribunaux  du  pays.  Comme  les 
dieux  de  l’Égypte,  la  justice  nationale  s’entourait  de  silence  et  de  mystère, 
et  ses  décisions  prenaient  à  certains  égards  la  forme  de  l’oracle.  Tout  en 
présentant  des  inconvénients  de  plus  d’une  espèce,  cette  publicité  muette 
avait  une  incontestable  grandeur1. 

Mais  on  comprend  sans  peine  que  cette  marche  rapide  de  la  procédure 
n était  possible  que  dans  les  cas,  toujours  et  partout  très-rares,  où  la  vérité 
se  manifestait  à  l’évidence,  soit  par  les  documents  annexés  à  la  plainte, 
soit  par  l’aveu  du  coupable.  Quand  la  question  de  l’innocence  ou  de  la  cul¬ 
pabilité  était  enveloppée  de  nuages,  quand  l’accusé  repoussait  énergique¬ 
ment  les  griefs  articulés  à  sa  charge,  les  juges  de  l’Égypte,  comme  ceux  de 
tous  les  pays  civilisés,  devaient  recourir  à  des  investigations  complémentaires. 
Mal  gré  l’incohérence  et  la  rareté  des  renseignements  qui  datent  de  cette 
époque  éloignée,  il  est  certain  que  les  magistrats  égyptiens  connaissaient 
le  serment,  les  enquêtes,  la  torture,  la  détention  préventive  et  même  «  les 
jugements  de  Dieu.  » 

Les  témoins,  et  probablement  aussi  les  accusés,  du  moins  dans  certains 
cas,  prêtaient  serment  de  dire  la  vérité.  On  jurait  en  invoquant  les  dieux 
de  la  nation;  on  jurait  également  par  la  tête  ou  la  vie  des  rois,  par  les  ani¬ 
maux  sacrés,  et  même  par  les  plantes  qui,  dans  quelques  districts,  étaient 
vénérées  comme  des  symboles  de  l’esprit  universel  dans  la  manifestation  in¬ 
cessante  de  sa  fécondité.  Pour  les  habitants  de  la  Thébaïde,  le  serment  le 
plus  redoutable  consistait  à  jurer  par  le  tombeau  d’Osiris  placé  dans  l’île 
sainte  de  Philœ.  Ordinairement  la  cérémonie  s’accomplissait  dans  un  temple  , 
et  celui  qui  jurait  se  dévouait  lui-même  à  la  mort,  s’il  trahissait  la  vérité. 
Les  Egyptiens  étaient  pénétrés  de  la  sainteté  du  serment  au  point  de  croire 
que  la  divinité  se  hâtait  de  frapper  elle-même  l’auteur  du  parjure,  quand  il 
réussissait  à  se  soustraire  à  la  justice  des  hommes.  Pour  eux,  comme  poul¬ 
ies  Hindous,  les  Juifs  et  tous  les  peuples  de  l’Orient  en  général,  la  violation 

1  Nous  avons  vu  plus  haut  (p.  27  )  qu’un  tout  autre  système  avait  été  suivi  pour  le  tribunal 
des  sépultures.  La  procédure  v  était  publique  et  orale. 

Tome  XXXV.  a 


54 


SUR  INORGANISATION  JUDICIAIRE 


du  serment  était  non-seulement  un  crime,  mais  un  sacrilège.  Aux  veux 
d’une  population  aussi  profondément  religieuse  que  celle  de  l’Égypte,  cette 
considération  était  décisive,  et,  cqmme  nous  le  verrons  bientôt,  les  lois 
nationales  n’avaient  pas  hésité  à  punir  le  parjure  du  dernier  supplice 

L’emploi  de  la  question  préparatoire  par  les  magistrats  des  bords  du  Nil 
ne  saurait  être  un  seul  instant  révoqué  en  doute.  Racontant  l’histoire  d’un 
vol  sacrilège  commis  dans  le  temple  d’Anubis,  Lucien  nous  apprend  que 
quelques-uns  des  voleurs,  torturés  sur  la  roue,  firent  des  aveux  complets1 2. 
Élien ,  voulant  donner  une  idée  fidèle  du  courage  et  de  la  constance  iné¬ 
branlable  des  Égyptiens,  rapporte  qu’ils  mouraient  plutôt  dans  les  tourments 
(jue  de  révéler  un  secret3.  Ammien-Marcellin  raconte  qu’il  n’y  a  point  de 
forture  qui,  dans  la  vallée  du  Nil,  puisse  arracher  à  un  voleur  l’aveu  de  son 
méfait 4.  Au  Rhamesseum  majestueux  de  Thèbes,  on  voit  un  tableau  mili¬ 
taire  ,  où  des  soldats  égyptiens  donnent  la  bastonnade  à  deux  prisonniers 
ennemis,  afin,  porte  la  légende  hiéroglyphique,  de  leur  faire  révéler  ce 
(jue  font  les  Scyto-Baclriens 5.  Ce  dernier  fait  pourrait  seul  au  besoin  fournir 
une  preuve  convaincante  de  l’existence  de  la  question  préparatoire  sur  les 
rives  du  Nil,  avant  l’intronisation  de  la  dynastie  macédonienne  des  Lagides. 
On  ne  doit  pas  être  très-versé  dans  l’histoire  de  l’antiquité,  pour  savoir  que 
les  peuples  primitifs  avaient  l’habitude  de  faire  subir  aux  malfaiteurs  les 
traitements  barbares  auxquels  ils  soumettaient  beaucoup  trop  souvent  leurs 
prisonniers  de  guerre6. 

1  Genèse,  c.  XLII,  15  et  16;  Diodorc,  liv.  I,  c.  22  et  77;  Pline,  Hist.  nat.,  liv.  XIX,  e.  52; 
Isocrate,  h  loge  de  Busiris.  La  croyance  que  la  divinité  punissait  elle-inème  le  parjure,  en  frap¬ 
pant  le  coupable  dans  l’une  des  parties  de  son  corps,  passa  de  l’Égypte  en  Italie,  avec  le  culte 
d’Isis.  Voy.  Ovide,  De  Ponlo,  lib.  I,  ép.  I,  v.  51  et  seq.;  Ju vénal,  XIII,  02  et  suiv.  Ce  dernier 
met  les  paroles  suivantes  dans  la  bouche  d  un  plaideur  parjure  :  «  Qu’Isis  fasse  de  mon  corps  ce 
»  quelle  voudra.  Dans  sa  fureur,  quelle  frappe  mes  yeux  de  son  cistre,  pourvu  qu’au  prix 
»  même  de  mes  yeux,  je  tienne  ces  écus  dont  je  dénie  le  dépôt.  »  (Trad.  de  M.  Coursaud.) 

2  Toxaris  ou  l’amitié,  §  27. 

3  Vur.  hist.,  liv.  VII,  c.  18. 

4  Hist.,  liv.  XXII ,  c.  16. 

Champoliion  le  jeune ,  Lettres  écrites  d  Égypte  et  de  Nubie,  p.  265. —  Peut-être  devrait-on 
interpréter  dans  un  sens  identique  1  ordre  éventuel  de  Joseph,  que  l’auteur  des  Antiquités 
judaïques  mentionne  au  c.  3,  liv.  II. 

h  ^es  prisonniers  de  guerre  étaientemployés  dansles  mines,  confondus  avec  les  malfaiteurs  les 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


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Parfois  aussi,  quand  les  autres  preuves  faisaient  défaut,  l’accusé  était  con¬ 
duit  dans  un  temple,  où  l’on  soumettait  le  jugement  de  sa  cause  à  la  divinité 
du  lieu.  Cette  espèce  d’ordalie  égyptienne  n’était  pas,  comme  les  épreuves 
usitées  dans  l’Inde,  et,  plus  tard,  dans  tous  les  pays  civilisés  de  l’Europe, 
accompagnée  de  souffrances  et  de  signes  extérieurs.  On  ne  connaissait  ni 
le  fer  brûlant  que  le  patient  devait  toucher  de  sa  main  nue,  ni  les  chevalets 
et  les  roues  qui  disloquaient  ses  membres,  ni  même  le  combat  singulier  où 
Dieu  était  toujours  censé  se  ranger  du  côté  du  plus  fort  ou  du  plus  habile. 
Un  oracle  prononçait  entre  l’accusé  et  son  adversaire.  En  réalité,  c’était  la 
classe  sacerdotale  qui  fournissait ,  ici  encore ,  les  arbitres  du  litige  et  rendait 
la  sentence  sous  une  forme  mystérieuse  '. 

Les  détails  sur  le  mode  et  les  conditions  de  l’arrestation  préventive  sont 
très-rares;  mais  nous  savons  cependant  que  les  villes  égyptiennes  renfer¬ 
maient  de  nombreuses  prisons  où  les  accusés  étaient  détenus  avant  de  subir 
leur  jugement  2.  On  y  trouvait  même  des  prisons  spéciales  pour  les  prison¬ 
niers  arrêtés  par  ordre  du  roi  ou  des  hauts  dignitaires  de  la  couronne.  La 
Genèse  nous  apprend  que  Joseph,  soupçonné  d’avoir  voulu  séduire  la  femme 
de  son  maître,  fut  enfermé  parmi  les  prisonniers  royaux,  par  ordre  de  Pnti- 
phar.  Plus  tard,  Joseph  lui-même,  parvenu  au  faîte  des  grandeurs  et  de  la 
puissance ,  envoie  ses  frères  dans  une  prison  publique ,  affectant  de  voir  en 
eux  des  espions  envoyés  par  les  ennemis  de  l’Égypte  3.  Quelquefois,  mais 


plus  dangereux  du  pays  (Diodore,  liv.  lit,  c.  12).  Tel  était  l’esprit  de  l’Orient.  En  Perse,  où 
la  mutilation  était  prodiguée  dans  les  lois  criminelles,  on  mutilait  les  prisonniers  de  guerre. 
(Quinte-Curce,  H ist. d'Alex.,  liv.  III,  c.  8 ;  Justin,  Hist.,  liv.  XI,  c.  14;  Diodore,  liv.  XVII,  e.  69.) 
Xous  pourrions  citer  une  foule  d’autres  exemples.  — Au  dernier  siècle  ,  De  Pauw  niait  l’existence 
de  la  question  en  Égypte  avant  l'établissement  de  la  monarchie  grecque.  (T.  II,  p.  282;  édit, 
citée.)  Les  découvertes  faites  au  Rhamesseum  de  Thèbes  écartent  complètement  ses  objections. 

;  Hérodote,  liv.  II,  c.  174.  Souvent  l’oracle  se  trompait  et  le  coupable  finissait  par  mépriser  le 
Dieu  qui  ne  savait  pas  découvrir  la  vérité.  Amasis,  grand  voleur  avant  d’arriver  au  trône,  avait 
été,  à  diverses  reprises,  soumis  à  cette  épreuve.  Plus  d’une  fois  l’oracle  le  condamna;  mais 
quelquefois  il  l’acquitta,  quoique  coupable.  Devenu  roi,  il  ne  fit  aucune  attention  aux  dieux 
qui  s’étaient  trompés;  tandis  qu'il  honorait  grandement  ceux  qui  l’avaient  fait  châtier  comme 
il  le  méritait.  C’étaient,  à  ses  yeux,  des  divinités  qui  rendaient  des  oracles  dignes  de  foi.  (  Héro¬ 
dote,  ibid.  ) 

2  Hérodote,  liv.  II,  c.  144  et  Tl 5. 

3  Genèse,  XXXIX,  20;  XLI,  10;  XLII,  4  7. 


56 


SUR  L’ORGAÎNISATION  JUDICIAIRE 


par  exception ,  les  prisonniers  élaienl  gardés  à  vue  dans  une  maison  parti¬ 
culière 

Les  prisons  étaient  souvent  placées  dans  une  citadelle,  et,  sous  le  rapport 
des  souffrances  qu’on  faisait  endurer  aux  détenus,  leur  régime  intérieur  pou¬ 
vait  rivaliser  avec  celles  de  l’Inde 1  2 3.  La  Bible  se  borne  à  mentionner  que  les 
prisonniers  étaient  chargés  de  chaînes  et  devaient,  comme  sur  les  rives  du 
Gange,  laisser  croître  leurs  cheveux  et  leur  barbe5.  Un  passage  de  Josèphe 
nous  permet  d  ajouter  qu’ils  étaient  astreints  à  des  travaux  généralement 
pénibles  4.  Mais  ces  détails  incomplets  trouvent  un  triste  commentaire  dans 
le  récit  des  infortunes  d’Antiphile,  qui  nous  a  été  transmis  par  Lucien.  Ici 
1  on  rencontre  des  détails  qui  font  frémir  l’humanité.  «Anliphile,  dit  Lucien, 
»  tomba  malade;  il  n’était  guère  possible  qu’il  ne  le  fût  pas,  gisant  à  terre  et 
»  n’ayant  pas  la  faculté  d’étendre,  même  la  nuit,  ses  jambes  prises  dans  un 
»  cep.  Le  jour,  il  suffisait  d’un  carcan  et  de  l’une  de  ses  mains  garrottée;  la 
»  nuit,  on  l’enchaînait  tout  entier.  De  plus,  la  puanteur  du  cachot,  la  cha- 
»  leur  étouffante  par  le  nombre  des  prisonniers  qu’on  y  avait  entassés  et  qui 
»  pouvaient  à  peine  respirer,  le  bruit  des  fers,  l’absence  de  sommeil,  tout 
»  cela  était  altreux ,  insupportable  à  un  homme  qui  n’était  ni  familiarisé  avec 
»  ces  horreurs,  ni  accoutumé  à  un  genre  de  vie  aussi  rude  5.  »  Les  uns  ont 
fait  de  ce  triste  tableau  une  œuvre  de  fantaisie;  les  autres,  admettant  le  récit 
du  philosophe  grec,  ont  prétendu  que  cette  inflexible  rigueur,  réservée  à  ceux 
qui,  comme  Anliphile,  étaient  accusés  de  sacrilège,  n’existait  pas  pour  les 
accusés  ordinaires.  Les  uns  et  les  autres  ont  oublié  que  ce  déplorable  système 
de  réclusion  tormait  en  quelque  sorte,  dans  ces  âges  reculés,  le  droit  com¬ 
mun  des  nations  civilisées.  Quand  même  les  lamentables  aventures  d’Anti¬ 
phile  devraient  être  rangées  parmi  les  mythes  populaires,  nous  ne  serions  pas 
en  droit  d  affirmer  que  Lucien  a  calomnié  l’Égypte  dans  la  description  du 

1  Plutarque,  Agis  et  Cléomène,  c.  LXVI. 

V°y->  Pour  les  prisons  de  l’Inde,  dans  lés  Bullet.  de  U  Acad.,  notre  travail  sur  le  Droit 
criminel  dans  les  livres  sacrés  de  l'Inde.  (T.  XVIII,  2csér.) 

3  Genèse,  X LII,  19;  XLI ,  14. 

Antiq.jud.,  liv.  II,  c.  3.  Le  récit  de  Josèphe  renferme  la  phrase  suivante  :  «  ...  Comme  dans 
les  heures  où  1  on  permet  aux  prisonniers  de  prendre  quelque  repos...  » 

5  Toxaris  ou  l'Amitié,  §  29  ;  t.  II ,  p.  25,  trad.  de  Talbot. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


57 


régime  intérieur  de  ses  maisons  de  détention;  car,  sans  en  excepter  l’Eu¬ 
rope,  on  rencontrait  encore,  au  commencement  du  dernier  siècle,  une  foule 
de  prisons  qui  pouvaient  entrer  en  comparaison  avec  celle  dont  le  philosophe 
(Je  Samosate  nous  a  révélé  les  mystères.  Il  importe  cependant  d’ajouter  que 
les  membres  des  classes  élevées  de  la  société  égyptienne  n’étaient  pas  traités 
comme  les  détenus  vulgaires.  Les  .prisonniers  d’État  se  trouvaient  soumis  à 
un  régime  beaucoup  plus  tolérable.  Ceux-ci  pouvaient  se  faire  servir  dans 
leurs  prisons,  et  la  Bible  nous  apprend  que  Joseph  fut  chargé  de  remplir  cet 
office  auprès  de  l’échanson  et  du  pannetier  de  la  cour  d’Apophis  auxquels  il 
prédit  leur  destinée.  Mais  ces  détenus  privilégiés  formaient  nécessairement 
une  faible  exception.  Joseph  lui-même,  quoique  placé  parmi  les  prisonniers 
royaux,  fut  d'abord  chargé  de  chaînes  et  astreint  à  un  rude  travail  '. 

Ces  rigueurs  exagérées  avaient  probablement  amené  en  Égypte  une  insti¬ 
tution  qu’on  rencontre  au  moyen  âge  chez  une  foule  de  peuples  chrétiens. 
11  y  avait  sur  les  bords  du  Nil  des  enceintes  inaccessibles  aux  agents  de  la 
puissance  publique,  de  véritables  lieux  d’asile  où  les  accusés  se  trouvaient  à 
l’abri  de  la  justice  des  hommes.  Ceux  qui  se  réfugiaient  dans  le  temple  de 
Thoth,  placé  à  l’embouchure  canopicnne  du  fleuve,  devenaient  inviolables, 
s’ils  se  donnaient  au  Dieu  et  recevaient  des  prêtres  l’empreinte  des  stigmates 
sacrés1 2 3.  Plusieurs  siècles  après,  sous  la  dynastie  grecque  des  Ptolémées,  il 
suffisait  de  se  réfugier  aux  pieds  de  la  statue  du  roi,  pour  rendre  illusoires 
toutes  les  tentatives  de  ses  persécuteurs  r'. 


1  Genèse,  XXXIX ,  20;  XL,  4,  coinb.  avec  le  récit  de  Josèphe,  Antiq.jud .,  liv.  II,  c.  ô.  Le  mar¬ 
quis  de  Pastoret,  se  fondant  sur  les  mots  Princeps  carceris  du  v.  21  du  c.  XXXIX  de  la  Genèse , 
suppose  qu  il  y  avait  en  Égypte  une  sorte  de  surintendant  des  prisons.  L’ensemble  du  texte 
prouve  que  ce  fonctionnaire  était  tout  simplement  le  geôlier.  Une  vaste  administration  des  pri¬ 
sons,  organisée  dans  des  vues  de  régularité  administrative,  n’apparaît  que  dans  les  temps  mo¬ 
dernes.  —  Dom  Cal  mit ,  dans  la  Dissert,  sur  les  supplices  chez  les  Hébreux,  qui  précède  son 
commentaire  du  Deutéronome,  fait  de  l’olïice  de  «  Maître  des  prisons  »  un  emploi  considérable 
chez  les  Égyptiens.  Il  attribue  cet  emploi  à  Putiphar,  le  maître  de  Joseph.  Il  se  trompe  comme 
le  marquis  de  Pastorèt.  En  sa  qualité  de  Princeps  militum,  Putiphar  avait  une  prison  rovale 
dans  l’enceinte  de  sa  résidence,  mais  cette  prison  avait  un  chef  particulier.  ( Genèse ,  XXXIX,  21.) 

-  Telle  est  du  moins  la  conclusion  qu’on  peut  légitimement  déduire  du  récit  d’Hérodote, 
liv.  II,  c.  113. 

3  Pline,  Hist.  nat .,  liv.  XXII,  c.  10. 


58 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


Tels  sont  les  renseignements  insuffisants  que  nous  possédons  sur  le  sys¬ 
tème  d’instruction  criminelle  en  vigueur  dans  l’antique  vallée  du  Nil.  A  défaut 
de  témoignages  explicites  et  complets  ,  le  jurisconsulte  doit  imiter  ici  le  tra¬ 
vail  de  l’archéologue,  mis  en  présence  des  débris  épars  des  mosaïques  somp¬ 
tueuses  qui  ornaient  les  palais  et  les  temples  de  l’Italie  romaine.  Réunissant 
pieusement  les  pierres  dispersées,  il  s’efforce  de  leur  rendre  la  place  qu  elles 
occupaient  dans  le  plan  conçu  et  exécuté  par  l’artiste,  et  là  où  les  pierres 
mêmes -ont  disparu,  il  en  appelle  à  la  raison  et  à  l’imagination  pour  combler 
les  lacunes. 

On  se  trouve  malheureusement  réduit  à  la  même  nécessité  pour  le  cata¬ 
logue  des  délits  et  des  peines  dont  nous  allons  nous  occuper. 


III. 

LES  DÉLITS  ET  LES  PEINES. 


Parmi  les  lois  pénales  proprement  dites,  on  voyait  figurer  en  première 
ligne  les  dix  livres  sacrés ,  que  Clément  d’Alexandrie  appelle  sacerdotaux, 
mais  que  la  plupart  des  savants  modernes  désignent  sous  la  dénomination  de 
Livres  des  Prophètes,  parce  qu’ils  étaient  spécialement  confiés  à  la  garde 
de  ces  dignitaires  élevés  du  sacerdoce  égyptien.  Il  est  probable  que  ces  livres, 
indépendamment  des  principes  fondamentaux  de  la  législation  civile  et  cri¬ 
minelle,  contenaient  un  catalogue  de  délits  et  de  peines;  mais,  en  tout 
cas,  on  peut  hardiment  affirmer  que  leurs  pages,  quelque  nombreuses  qu  on 
veuille  les  supposer,  ne  renfermaient  pas  toutes  les  règles  que  les  juges  cri¬ 
minels  étaient  tenus  de  suivre  dans  l’exercice  de  leurs  importantes  fonctions. 

L’histoire  nous  a  conservé  les  noms  de  plusieurs  législateurs  célèbres,  dont 
les  décrets,  accueillis  avec  une  vénération  profonde,  demeurèrent  obligatoires 
pendant  une  longue  série  de  siècles.  Mnévis  fit  comprendre  aux  Egyptiens 
les  avantages  d’une  soumission  absolue  à  des  lois  écrites  qu’il  disait  avoir 
reçues  des  mains  d’Hermès.  Sasychès  y  ajouta  de  nombreuses  prescriptions, 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


39 


principalement  applicables  aux  matières  religieuses.  Sésoosis  (Rhamsès  II  ) , 
auteur  d’une  législation  spéciale  pour  la  classe  des  guerriers,  s’occupa  des 
exigences  de  la  guerre,  de  la  marche  et  des  subsistances  des  armées.  Boc- 
choris  (Menephlhah  ÎVP),  après  avoir  établi  des  lois  sur  l’exercice  de  la 
souveraineté,  régla  les  conditions,  la  forme  et  l’exécution  des  contrats.  Amasis 
fit  des  ordonnances  sur  le  gouvernement  des  nomes  et  l’administration  inté¬ 
rieure  du  pays.  Darius,  le  fils  de  Xercès,  qui  montra  toujours  une  déférence 
extrême  pour  les  croyances  et  les  moeurs  des  nations  soumises  à  son  sceptre, 
était  lui-même  cité  parmi  les  législateurs  les  plus  éclairés  et  les  plus  aimés 
de  l’Égypte  '.  Ajoutons  que  les  Pharaons  et  leurs  successeurs,  investis  d’un 
pouvoir  absolu,  usaient  fréquemment  du  droit  d’ajouter  aux  textes  existants 
des  dispositions  nouvelles.  Dès  l’instant  qu’ils  prenaient,  à  l’égard  des  livres 
révélés  d’Hermès,  l’attitude  que  les  despotes  de  l’Inde  brahmanique  devaient 
conserver  à  l’égard  des  livres  révélés  de  Manou;  en  d’autres  termes,  aussi 
longtemps  qu’ils  ne  s’écartaient  pas  des  bases  essentielles  du  droit  national, 
aucun  reproche  ne  pouvait  leur  être  adressé.  Les  rares  débris  des  annales 
égyptiennes  qui  sont  parvenus  jusqu’à  nous  fournissent  de  nombreux  exem¬ 
ples  d’ordonnances  royales  promulguées  à  toutes  les  époques.  Pour  ne  citer 
qu’un  fait,  à  Silsilis  une  stèle  gravée  s’exprime  ainsi  sur  le  compte  de 
Rhamsès  V  :  «  Il  a  rempli  les  temples  des  dieux  des  travaux  de  son  nom.  H 
»  a  satisfait  les  dieux  par  de  bonnes  lois.  Il  a  remis  dans  toutes  les  condi- 
»  tions,  comme  ils  étaient  auparavant,  les  grands  et  les  petits,  pleins  de 
»  joie,  acclamant  son  nom  2.  »  Sous  la  dynastie  des  Lagides,  les  lois  étaient 
devenues  tellement  nombreuses  que  Ptolémée  Lagus  chargea  Démétrius  de 
Phalère  d’un  vaste  travail  de  codification,  ayant  probablement  plus  d’un  rap¬ 
port  avec  celui  qui,  huit  siècles  plus  tard,  fut  ordonné  pour  les  lois  romaines 
par  l’empereur  Justinien  5. 

1  Diodore,  liv.  I,  c.  94;  Bunsen,  Ægyptens  Stella  in  lier  Weltgeschiclüe r  t.  1,  p.  188;  t.  II, 
pp.  48,  55,  88,  145,  527;  T.  V%  p.  566.  En  admettant  qu'une  partie  de  ces  noms  sont  mythi¬ 
ques,  on  n'en  doit  pas  moins  reconnaître  l’existence  du  fait  important  d’une  succession  de 
législateurs  dans  la  vallée  du  Nil. 

2  De  Rougé,  Journal  asiastique,  5e  série,  t.  XII,  p.  258  (  1858). 

3  Élien,  Var.  hist.,  liv.  XVII,  c.  17;  Diogène  Laerce,  Vit.  phil.,  liv.  V,  segm.  75  et  suiv., 
édit.  Westrenius. 


40 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


Diodore  de  Sicile  rapporte  qu’on  plaçait  devant  les  juges  «  huit  volumes 
contenant  toutes  les  lois  de  l’Égypte  » 

L’historien,  commettant  ici  une  erreur  quant  au  nombre,  a-t-il  voulu  parler 
des  dix  Livres  des  Prophètes ?  Mieux  informé  que  nous,  savait-il  que,  parmi 
ces  dix  livres  sacrés,  il  y  en  avait  huit  spécialement  consacrés  à  la  législation 
civile  et  criminelle?  Son  intention  était-elle  de  désigner  huit  recueils  spé¬ 
ciaux  renfermant,  outre  les  préceptes  d’Hermès,  toutes  les  ordonnances  sub¬ 
séquentes  des  législateurs  égyptiens?  Ces  questions,  d’ailleurs  dépourvues 
d’importance  réelle  pour  les  annales  du  droit ,  ne  seront  peut-être  jamais 
complètement  résolues;  mais,  quelle  que  soit  l’opinion  qu’on  adopte,  il  fau¬ 
drait  bien  peu  connaître  l’histoire  de  l’Égypte,  pour  ne  pas  savoir  que  les 
actes  incriminés  étaient  excessivement  nombreux  sur  la  terre  des  Pharaons. 
Quand  le  législateur  érige  en  système  inflexible  la  prétendue  nécessité  de 
régler  par  la  loi  tous  les  actes  de  la  vie  publique  et  de  la  vie  privée  des 
citoyens  ;  quand  il  veut  sanctionner  par  des  peines  sévères  les  prescriptions 
minutieuses  d’un  culte  qui  ne  laisse  rien  en  dehors  de  son  influence,  depuis 
le  berceau  jusqu  a  la  tombe  de  l’homme;  en  un  mot,  quand  il  se  croit  obligé 
de  tout  prévoir  et  de  tout  régler,  le  catalogue  des  délits  et  des  peines,  là  sur¬ 
tout  où  les  masses  sont  privées  de  garanties  politiques,  prend  inévitablement 
de  vastes  proportions.  Or,  cette  exagération  du  patronage  administratif  de 
l’Etat,  cette  crainte  excessive  des  empiétements  et  des  écarts  de  la  liberté 
individuelle,  se  manifestent,  à  la  dernière  évidence,  dans  toutes  les  phases 
de  la  civilisation  égyptienne.  Nous  savons  par  Platon  que  même  la  peinture, 
la  sculpture,  les  chants  et  les  danses  étaient  réglés  par  des  lois  immuables. 
Celui  qui  voulait  introduire  des  danses  ou  des  chants  nouveaux  pouvait  être 
traduit  devant  les  tribunaux  comme  coupable  d’impiété  2  ! 

Malheureusement,  ici  encore  le  temps  a  largement  exercé  ses  ravages; 
tous  les  recueils  des  lois  égyptiennes  ont  disparu,  et,  malgré  les  investiga¬ 
tions  souvent  fructueuses  des  savants  modernes,  on  doit,  presque  toujours, 
comme  nous  l’avons  déjà  dit ,  se  contenter  de  l’examen  d’un  certain  nombre 

1  Liv.  I,  c.  75. 

2  Voy.  la  note  1  de  la  p.  8.  Il  est  vrai  que  les  chants  usités  dans  les  cérémonies  religieuses  et 
civiles  étaient  attribués  à  Isis.  (Platon,  Lois,  liv.  II,  p.  85;  trad.  de  M.  Cousin.) 


DE  L’EGYPTE  ANCIENNE. 


41 


de  faits  épars  et  de  règles  parfois  divergentes,  disséminés  dans  les  écrits 
d’historiens  et  de  philosophes  appartenant  à  divers  âges  littéraires  de  l’anli- 
quité.  Le  peuple  dont  tous  les  efforts  tendaient  à  éterniser  le  souvenir  de  ses 
exploits,  en  même  temps  que  le  tableau  majestueux  de  sa  vie  religieuse  et 
politique,  est  précisément  celui  dont  les  institutions  et  les  lois  donnent  lieu 
aux  controverses  les  plus  nombreuses  et  les  plus  difficiles  à  résoudre. 

De  même  que  chez  toutes  les  nations  de  l’antiquité,  on  trouvait,  dans 
l’échelle  pénale  admise  en  Égypte,  la  distinction  de  la  mort  simple  et  de  la 
mort  rendue  plus  ou  moins  affreuse  par  le  mode  de  son  exécution.  La  pre¬ 
mière  consistait  dans  la  pendaison  et  la  décollation  Parmi  les  exemples  de 
la  seconde,  nous  rencontrons  le  bûcher,  la  mise  en  croix  et  le  supplice  asia¬ 
tique  des  cendres.  Il  est  même  probable  que  les  rois  et  les  juges  avaient 
l’habitude  d’infliger  au  condamné  toutes  les  souffrances  accessoires  qu’ils 
çroyaient  requises  par  la  nature  du  crime  ou  les  exigences  de  l’opinion 
publique.  Contrarié  dans  ses  passions  brutales  et  soupçonnant  la  reine  d  avoir 
eu  recours  à  des  maléfices,  Amasis  dit  à  Laodice  :  «  Femme,  tu  as  usé  avec 
»  moi  de  sortilèges,  et  il  n’existe  aucun  moyen  de  te  soustraire  à  la  mort 
»  la  plus  affreuse  que  jamais  femme  ait  subie  2.  »  Ce  n’est  pas  à  ces  siècles 
lointains  qu’il  faut  demander  la  proscription  absolue  des  peines  arbitraires. 

Le  supplice  du  feu  existait  pour  le  parricide.  On  commençait  par  faire 
subir  une  peine  expressive  aux  membres  qui  avaient  spécialement  servi  à 
l’accomplissement  du  crime.  Le  bourreau  pratiquait  avec  des  joncs  aigus  plu¬ 
sieurs,  incisions  aux  mains  du  coupable,  et  son  sang  répandu  au  pied  du 
bûcher  constituait  une  première  expiation.  On  lui  liait  ensuite  les  bras  et  les 
jambes,  et  on  le  brûlait  vif  sur  un  feu  d’épines.  Ce  bois,  qui  perçait  sa  chair 
en  même  temps  qu’elle  était  atteinte  par  les  flammes,  renfermait  un  autre 
symbolisme.  Elle  désignait  la  malveillance  et  la  dureté  du  cœur  de  l’homme 
assez  dénaturé  pour  porter  la  main  sur  les  auteurs  de  ses  jours  5.  Un  système 


1  Le  chap.  XL  cle  la  Genèse  nous  montre  le  grand  pannetier  de  la  cour  d’Aphopliis  suspendu 
à  une  potence  et  son  cadavre  abandonné  aux  oiseaux.  —  On  verra  plus  loin  des  exemples  de 
la  décollation. 

-  Hérodote,  liv.  II,  c.  181. 

•>  Diodore,  liv.  I,  c.  77.  Terrasson,  dans  sa  traduction,  dit  à  tort  qu’on  faisait  des  incisions 

Tome  XXXV.  6 


4  2 


SUR  INORGANISATION  .JUDICIAIRE 


tout  différent  était  suivi  à  l’égard  des  parents  qui  versaient  le  sang  de  leurs 
fils.  Au  lieu  de  leur  infliger  la  peine  capitale,  on  les  forçait  de  tenir  embrassés, 
pendant  trois  jours  et  trois  nuits,  les  corps  de  leurs  enfants,  et  une  garde 
nombreuse  ne  leur  permettait  pas  de  se  soustraire,  un  seul  instant,  à  cette 
horrible  étreinte.  «  Il  ne  semblait  pas  juste,  dit  Diodore,  d’ôter  la  vie  à  ceux 
»  qui  l’avaient  donnée  à  leurs  descendants,  et  on  croyait  leur  causer  par  ce 
»  châtiment  assez  de  chagrin  et  de  repentir  pour  les  détourner  de  semblables 
»  crimes  '.  »  Il  serait  difficile,  en  effet,  d’imaginer  un  châtiment  â  la  fois 
plus  terrible  et  plus  exemplaire.  Liés  aux  cadavres  de  leurs  victimes,  chargés 
des  outrages  et  des  imprécations  de  la  foule,  bourrelés  de  remords  et  de 
honte,  flétris  à  jamais  par  cette  épouvantable  exposition,  les  coupables,  sous 
le  climat  brûlant  de  l’Égypte,  voyaient  rapidement  apparaître,  sur  les  traits 
de  leurs  fds  assassinés,  les  affreux  ravages  d’une  mort  qui  était  leur  œuvre! 

Dans  les  mœurs  patriarcales  d’une  grande  partie  de  l’Orient,  la  mort  par 
le  feu  formait  la  répression  de  l’adultère  de  la  femme.  Nous  lisons  dans  la 
Genèse  :  «  Après  trois  mois,  on  vint  dire  à  Juda,  fils  de  Jacob  :  Ta  bru 
»  Thamar  a  commis  un  adultère,  elle  est  même  enceinte.  Et  Judas  dit  :  Faites- 
»  la  sortir,  et  qu’elle  soit  brûlée  2.  »  Le  même  système  régnait  dans  la 
législation  primitive  de  l’Égypte.  Le  fils  de  Sésostris  fit  brûler ,  avec  le  village 
oû  il  les  avait  enfermées,  une  troupe  nombreuse  de  femmes  qu'il  croyait 

avoir  manqué  à  la  foi  conjugale  3.  Nous  verrons  que  plus  tard  on  se  montra 
moins  sévère. 

Le  supplice  de  la  croix,  peut-être  introduit  sous  la  domination  des  Perses, 
était  surtout  infligé  aux  traîtres  et  aux  rebelles.  Inaros,  l’un  des  descendants 
des  rois  nationaux  de  l’Égypte,  fut  attaché  à  trois  croix,  par  ordre  d’Ar- 


aux  doigts  du  parricide.  Miot  se  trompe  à  son  tour  en  traduisant  :  «  On  leur  coupait  un  mor¬ 
ceau  de  chair  de  la  longueur  d'un  doigt.  »  Nous  préférons  suivre  la  version  de  M.  Ferdinand 
Hoefer. 

Diodore,  liv.  I,  c.  77.  Les  Égyptiens  n’admettaient  pas  cette  honteuse  tolérance  de  l'inlan- 
ticide  qui  souillait  la  législation  de  plusieurs  peuples  de  l’antiquité.  «  Les  parents,  dit  Diodore, 
*  sont  obligés  de  nourrir  tous  leurs  enfants,  afin  d'augmenter  la  population,  qui  est  regardée 
»  comme  contribuant  le  plus  à  la  prospérité  de  l'État.  (Liv.  I,  c.  80.)  » 

2  Genèse,  c.  XXXVIII,  24. 

3  Hérodote,  liv.  II,  c.  1 11. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


43 


taxerxès  L  La  mort  même  ne  faisait  pas  échapper  le  coupable  à  l'infamie  de 
cette  peine.  Cléomène,  roi  de  Sparte,  réfugié  à  Alexandrie,  étant  tombé  les 
armes  à  la  main,  dans  une  émeute  dirigée  contre  Ptolémée  Philopator, 
celui-ci  ordonna  que  le  cadavre  de  son  hôte  fût  mis  en  croix  et  que  sa  iamille 
entière  pérît  par  le  glaive  2.  Après  le  décès  prématuré  du  prince  égyptien 
que  nous  venons  de  citer,  on  mit  en  croix  sa  maîtresse  Agatoclie  et  la  mère 
de  celle-ci ,  OEnanthe  3. 

Nous  ne  pouvons  pas  invoquer  un  texte  formel  à  l’appui  de  l’existence 
en  Égypte  du  supplice  asiatique  des  cendres;  mais  plusieurs  expressions 
employées  par  Hérodote  nous  permettent  de  supposer  que  ce  genre  de  peine 
n’v  était  pas  inconnu.  Après  avoir  raconté  que  la  reine  Nitocris  commit  plu¬ 
sieurs  crimes  pour  venger  l’assassinat  de  son  frère,  Hérodote  ajoute  :  «  Les 
»  prêtres  m’ont  raconté  qu’elle  se  jeta  dans  une'chambre  pleine  de  cendres.  » 
Cette  chambre  n’était-elle  pas  le  lieu  destiné  à  l’exécution  des  individus 
condamnés  à  cette  étrange  pénalité  4  P 

La  peine  de  mort,  sans  autre  désignation,  se  trouve  mentionnée  pour  le 
sacrilège,  le  meurtre,  la  violation  des  lois  sur  l’art  de  guérir,  le  parjure,  la  dé¬ 
nonciation  calomnieuse,  le  rapt  et  même,  dans  certains  cas,  pour  le  mensonge. 

Chez  un  peuple  aussi  superstitieux  que  les  Égyptiens,  le  sacrilège  ne  pou¬ 
vait  manquer  d’être  rangé  au  nombre  des  crimes  capitaux.  Le  dernier  sup- 

<  Fragment  de  Ctésias  reproduit  dans  la  Bibliotheca  de  Photius,  p.  122;  édit,  d  Étienne, 
1012.  Comp.  Thucydide,  Guerre  du  Pèloponèse,  liv.  I,  c.  110.  —  L’origine  persane  du  sup¬ 
plice  infligé  à  lnaros  est  manifeste.  Plutarque  (Artaxercès ,  c.  XIX)  rapporte  que  Parysatis  fit 
étendre  le  corps  de  Mésabate  en  travers  sur  trois  croix. 

-  Plutarque,  Agis  et  Cléomène,  c.  LXX. 

5  Justin,  Hist.  univ.,  liv.  I,  c.  2.  C’est  du  moins  dans  ce  sens  que  Juste  Lipse  (De  cruce, 
liv.  I,  c.  II)  entend  ces  mots  de  Justin  :  Mulieres  patibulis  svffiguntur. 

i  Hérodote,  liv.  II,  c.  100.  Giguet  traduit  ainsi  :  «  Elle  se  jeta  dans  une  chambre  pleine  de 
»  cendres,  afin  d’échapper  au  châtiment.»  Larcher,  à  notre  avis,  rend  mieux  la  pensée  de 
l’historien  grec,  en  disant  :  «Elle  se  jeta  dans  une  chambre  remplie  de  cendres,  afin  d  échapper 
»  à  la  vengeance  du  peuple.  »  Évidemment  Nitocris  redoutait  un  traitement  plus  affreux  que 
celui  auquel  elle  se  condamnait  elle-même. 

Mais  si  le  supplice  des  cendres  existait  déjà  en  Égypte  sous  le  règne  de  Nitocris,  il  faut 
renoncer  à  attribuer  son  invention  à  Darius  II  (Ochus.).  Nous  avons  parlé  du  supplice  des 
cendres  dans  notre  travail  sur  le  droit  criminel  de  l’Inde.  (Bull,  de  l  Acad.,  2e  série,  t.  X\  III.) 
M.  Bunsen  fait  de  Nitocris  le  dernier  personnage  de  la  sixième  dynastie.  (Ægyptens  stelle  m 
der  Weltgeschichte ,  t.  III,  p.  242;  édit,  de  1845.)  D’autres  en  font  une  reine  mythique. 


44 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


plice  élait  infligé  à  celui  qui  tuait  volontairement  un  animal  consacré  à  l  une 
des  divinités  du  pays,  ou,  même  involontairement,  un  ibis,  un  chat  ou  un 
épervier.  Dans  ce  dernier  cas,  l’horreur  inspirée  par  le  crime  était  telle  que 
le  peuple  n’attendait  pas  toujours  la  condamnation  du  coupable;  il  se  préci¬ 
pitait  sur  lui  pour  le  mettre  en  pièces  La  peine  de  mort  atteignait  également 
le  prêtre  qui  se  nourrissait  de  mets  interdits 1  2,  l’indiscret  qui  révélait  le  lieu 
de  la  sépulture  du  bœuf  Apis 3,  l’impie  qui  osait  dire  que  Sérapis  avait  été  un 
homme4 *,  l’imprudent  qui  offrait  en  sacrifice,  soit  des  vaches  ou  des  génisses, 
soit,  parmi  les  autres  animaux,  ceux  que  les  prêtres  n’avaient  pas  marqués 
de  l’empreinte  du  sceau  sacré  3.  On  peut  même  affirmer  sans  crainte  que  tous 
ces  cas  étaient  simplement  énonciatifs,  et  que  le  sacrilège,  quelle  que  fût  sa 
nature,  avait  toujours  pour  expiation  la  perte  de  la  vie  de  son  auteur.  Là  où 
les  habitants  de  deux  districts  populeux  se  firent  une  guerre  terrible  pour  la 
mort  d’un  chien6;  où,  même  sous  la  dynastie  européenne  des  Lagides  et 
malgré  la  formidable  puissance  de  Rome,  les  supplications  d’un  roi  ne  purent 
arracher  des  mains  de  la  populace  un  légionnaire  coupable  d’avoir,  peut-être 
involontairement,  tué  un  chat 7;  là  où  les  prescriptions  de  la  loi  religieuse 
présidaient  souverainement  à  tous  les  actes  de  la  vie  publique  et  de  la  vie 
privée,  une  peine  autre  que  la  mort  devait  paraître  insuffisante  pour  réparer 

1  Hérodote,  liv.  II,  c.  65.  Diodore,  tiv.  I,  c.  85.  Cicéron,  Tusculanes,  liv.  V,  c.  27.  Parmi  les 
animaux  dont  le  meurtre  involontaire  entraînait  la  peine  de  mort,  Hérodote  cite  l’ibis  et  l’éper- 
vier;  Diodore,  l’ibis  et  le  chat;  Cicéron,  l’ibis,  l’aspic,  le  chat,  le  chien  et  le  crododile.  —  Le 
marquis  de  Pastoret  ( Hist.  de  la  législ,  t.  II,  p.  270)  se  trompe  en  disant  que  la  loi  punissait 
de  mort  celui  qui  tuait,  de  dessein  prémédité,  un  animal,  quel  qu’il  put  être.  Les  textes  cités 
prouvent,  à  la  dernière  évidence,  qu’il  ne  s’agit  ici  que  des  animaux  réputés  sacrés. 

2  Porphyre,  De  Abstin.,  lih.  II,  c.  5. 

3  Arnobe,  Contra  gentes,  liv.  VI,  c.  6,  p.  1176;  édit.  Migne. 

4  Àugustinus,  De  civ.  Dei,  lib.  XVIII,  c.  5. 

s  Hérodote,  liv.  II,  c.  58  et  41.  Suivant  Castor,  ce  sceau  représentait  un  homme  à  genoux, 
les  mains  derrière  le  dos,  avec  une  épée  dont  la  pointe  élait  dirigée  sur  sa  gorge.  (Plutarque. 
Traité  d’Isis  et  d’Osiris,  t.  V,  p.  549  de  la  traduction  de  Ricard.)  —  Hérodote  motive  la 
prohibition  de  sacrifier  les  génisses  et  les  vaches  en  disant  que  ces  animaux  étaient  consacrés 
à  Isis.  Pastoret  ( Histoire  de  la  législation,  t.  II,  p.  265)  et  De  Pauw  ( Recherches  sur  les 
Égyptiens,  etc.,  part.  I,  sect.  5)  prouvent  que  la  défense  avait  pour  origine  les  intérêts  de 
l'agriculture.  C’était  déjà  l'opinion  de  Porphyre  (De  Abstin.,  lib.  II,  e.  H). 

0  Plutarque,  Traité  d’Isis  et  d’Osiris,  t.  V,  p.  590,  de  la  trad.  de  Ricard. 

7  Diodore,  liv.  I,  c.  85.  L’historien  avait  été  le  témoin  oculaire  du  fait. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


45 


les  atteintes  portées  à  la  majesté  du  culte  national.  L accusation  de  saciilége 
était  redoutée  au  point  que  l’homme  qui  rencontrait  le  cadavre  d  un  animal 
sacré  se  tenait  à  distance,  en  poussant  de  grandes  lamentations  et  en  pio- 
testant  de  son  innocence 

A  côté  de  la  vénération  aussi  profonde  que  superstitieuse  qu’ils  nourris¬ 
saient  à  l’égard  de  leurs  dieux,  les  Égyptiens  montrèrent  toujours  un  grand 
respect  pour  la  vie  de  leurs  concitoyens.  Les  cadavres  mêmes  étaient  pro¬ 
tégés  par  un  sentiment  élevé  de  la  dignité  de  l’homme.  Quand  le  para- 
chiste  2,  au  début  des  opérations  de  l’embaumement,  avait  ouveit  le  flanc 
gauche  du  mort ,  il  se  sauvait  en  toute  hâte ,  poursuivi  par  les  assistants  qui 
lui  lançaient  des  pierres  et  proféraient  des  imprécations ,  comme  pour  attirer 
sur  lui  la  vengeance  de  ce  crime,’  «  car,  dit  Diodore,  les  Égyptiens  a\ aient 
»  en  horreur  celui  qui  violait  le  corps  dun  des  leurs,  en  le  blessant  ou  en 

»  exerçant  quelque  autre  violence  » 

De  tels  sentiments  suffisaient  pour  indiquer  au  législateur  1  attitude  qu  il 
avait  à  prendre  à  l’égard  des  meurtriers.  Tout  homicide  \olontaiie  était  puni 
de  mort,  et  même,  dans  cet  ordre  d’idées,  les  Égyptiens  devancèrent  con¬ 
sidérablement  leurs  contemporains.  On  ne  laisait  aucune  distinction  entre  le 
citoyen  et  l’étranger ,  entre  l’homme  libre  et  1  esclave.  Non-seulement  le 
complice  subissait,  dans  tous  les  cas,  la  même  peine  que  1  auteur  principal, 
mais  on  regardait  comme  tel  celui  qui,  voyant  un  homme  aux  piises  a\ec  un 
assassin,  ne  le  secourait  pas  quand  il  en  avait  le  pouvoir.  S’il  se  trouvait 
dans  l’impossibilité  absolue  de  venir  en  aide  à  la  victime,  il  devait  au  moins 
dénoncer  l’agresseur  et  le  traduire  devant  les  tribunaux.  S  il  ne  le  faisait  pas, 
il  était  condamné  à  recevoir  un  nombre  déterminé  de  coups  de  veiges,  outie 
la  privation  de  toute  nourriture  pendant  trois  jours  4.  La  vie  humaine  se 
trouvait  protégée  autant  que  le  permettait  1  action  de  la  justice  criminelle. 
Les  citoyens,  pour  nous  servir  d’une  expression  employée  par  Bossuet, 
étaient  à  la  garde  les  uns  des  autres ,  et  tout  le  corps  de  l’État  était  uni  contre 

4  Diodore,  ibid.,  c.  83.  D’après  les  croyances  populaires,  les  dieux  mêmes  frappaient  le 
sacrilège  quand  il  échappait  à  la  vindicte  des  lois  humaines.  (Hérodote,  liv.  II ,  c.  111.) 

2  napa<7%t<rnj; ,  inciseur. 

*  Diodore,  liv.  I,  c.  91. 

4  Diodore,  liv.  I,  c.  77. 


46 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


les  méchants  *.  Aussi,  frappé  de  ce  spectacle,  si  rare  dans  l'antiquité,  Dio- 
dore  fit  celte  réflexion  profonde  :  «En  Égypte,  les  lois  frappent,  non  d’après 


»  les  différences  de  fortune,  mais  d’après  l’intention  du  malfaiteur;  en  même 
»  temps,  par  les  ménagements  dont  on  use  envers  les  esclaves,  on  les  en- 
»  gage  à  ne  jamais  porter  la  main  sur  un  homme  libre.  »  En  effet ,  par  le 
respect  quon  professait  pour  sa  propre  vie,  on  apprenait  à  l’esclave,  mieux 
que  par  tout  autre  moyen,  à  respecter  celle  de  ses  maîtres. 

Peut-être  devait-on  à  la  même  sollicitude  l’admission  de  la  peine  capitale 
pour  la  violation  des  lois  sur  l’art  de  guérir.  Toujours  poussés  par  cet  amour 
extrême  de  la  réglementation  qu’ils  manifestaient  dans  tous  les  détails  de  la 
vie  sociale,  les  maîtres  de  l’Égypte  n’avaient  eu  garde  d’abandonner  l’exercice 
de  la  médecine  aux  efforts,  aux  expérimentations  et  aux  convoitises  de  1  in¬ 
térêt  privé.  Les  médecins  étaient  des  fonctionnaires  publics  entretenus  aux 
frais  du  corps  social ,  et  chacun  d’eux  ne  pouvait  s’occuper  que  d’une  seule 
espèce  d’infirmités  2.  Ils  devaient  traiter  leurs  malades  d’après  des  préceptes 
écrits,  rédigés  par  d’anciens  médecins  célèbres  et  que  les  prêtres  avaient 
consignés  dans  quelques-uns  de  ces  recueils  mystérieux  attribués  à  Hermès. 
Si ,  en  suivant  ces  préceptes,  ils  ne  parvenaient  pas  à  sauver  le  malade,  ils 
étaient  déclarés  exempts  de  tout  reproche;  si,  au  contraire,  ils  avaient  agi 
contrairement  aux  indications  des  livres  sacrés,  ils  pouvaient,  en  cas  d’in¬ 
succès,  être  accusés  et  condamnés  à  mort.  Toujours  partisan  de  l’immobilité, 
le  législateur  avait  cru  que  peu  de  gens  trouveraient  une  méthode  curative 
meilleure  que  celle  qui ,  pendant  une  longue  série  d’années ,  avait  obtenu  les 
suffrages  des  praticiens  les  plus  distingués  5.  N’oublions  pas,  d’ailleurs,  que 
la  médecine  appartenait  à  la  classe  des  sciences  religieuses,  et  qu’Isis  elle- 


même  était  censée  avoir  contribué  à  la  rédaction  des  six  livres  du  Trismé- 


giste  consacrés  à  l’art  de  guérir.  Le  dédain  ou  l’oubli  des  remèdes  tradition- 


1  Discotirs  sur  l’histoire  universelle ,  5e  part.,  art.  5. 

2  Hérodote  dit  :  «Les  médecins  foisonnent,  les  uns  pour  les  yeux,  d  autres  pour  la  tête, 
d'autres  pour  les  dents,  d’autres  pour  le  ventre,  d’autres  pour  les  maux  internes  (liv.  II,  c.  S4). 
Les  accouchements  étaient  faits  par  des  femmes.  (Exode,  I,  v.  15  et  suiv.) 

3  Diodore,  liv.  I,  c.  82.  —  Dans  l’Inde  brahmanique,  le  médecin  qui  exerçait  mal  son  métier 
était  puni  d’amende  (Lois  de  Manou ,  liv.  IX,  284);  mais,  d’après  la  loi  de  Zoroastre,  il  devait 
être  coupé  par  morceaux.  (  Vendidad-Sadé ,  Fargard  VII ,  98-101.) 


DE  L ÉGYPTE  ANCIENNE. 


47 


nels  participait  ainsi,  à  certains  égards,  de  la  nature  du  sacrilège  '.  Au 
surplus,  la  règle  indiquée  par  Diodore  ne  doit  pas  être  exagérée.  Le  médecin 
n’était  pas  absolument  privé  du  droit  de  suivre  ses  inspirations  personnelles; 
seulement,  en  procédant  de  la  sorte,  il  agissait  à  ses  risques  et  périls  et,  si 
le  résultat  ne  répondait  pas  à  son  attente,  l’initiative  courageuse  qu’il  avait 
prise  se  transformait  en  crime.  D’un  autre  côté,  les  termes  employés  par 
l’historien  permettent  de  supposer  que  la  peine  capitale  n’était  comminée  que 
dans  la  seule  hypothèse  où  le  malade  avait  succombé.  Aristote  nous  apprend 
que  la  loi ,  c’est-à-dire  les  livres  d’Hermès,  défendait  aux  médecins  égyptiens 
de  purger  leurs  malades  avant  le  quatrième  jour  du  traitement.  Si  la  violation 
de  cette  règle  avait  été  punie  de  la  perte  de  la  vie,  le  philosophe  de  Stagyre, 
toujours  si  exact  et  si  complet  dans  ses  allégations,  n’eût  certainement  pas 
manqué  d’en  faire  la  remarque  2. 

Dans  une  autre  catégorie  d’infractions,  le  parjure  était  puni  de  mort, 
parce  qu’on  y  voyait  la  réunion  de  deux  crimes  énormes ,  l’un  contre  les 
dieux,  l’autre  contre  les  hommes.  Le  coupable  manquait  de  piété  envers  les 
dieux  dont  il  osait  invoquer  et  braver  le  témoignage;  il  portait  atteinte  à  la 
bonne  foi ,  qui  doit  servir  de  fondement  aux  relations  sociales.  Ici  encore,  la 
législation  de  l’Égypte  se  trouvait  en  parfaite  harmonie  avec  les  tendances 
de  l’opinion  publique.  Nous  avons  vu  que  les  croyances  populaires  faisaient 
apparaître  la  divinité  elle-même,  quand  l’auteur  du  parjure  réussissait  à  se 
soustraire  à  la  justice  de  son  pays  °. 

Celui  qui  intentait  une  accusation  calomnieuse  était  également  puni  de 
mort,  si  cette  peine  frappait  le  crime  qu’il  imputait  à  son  adversaire  \  Le 
même  supplice  était  comminé  contre  l’Égyptien  qui  gagnait  sa  vie  par  des 

<  Diodore,  liv.  I,  c.  2o.  Clément  d’Alexandrie,  Stromales,  liv.  VI,  c.  4.  Les  livres  d'Hermès 
consacrés  à  la  médecine  étaient  au  nombre  de  six,  divises  de  la  maniéré  suivante  .  la  structure 
du  corps  humain ,  les  maladies  en  general,  les  instruments,  les  remedes,  les  maladies  des  jeux, 
les  maladies  des  femmes.  (Clément  d  Alexandrie,  ibid.) 

2  Aristote,  Politique,  liv.  III,  c.  10,  §  4,  p.  180  de  la  trad.  de  Barthélemy  Saint-Hilaire.  A 
cette  occasion ,  Aristote  fait  observer  que  c’est  déraisonner  que  de  vouloir  soumettre  une  science , 
quelle  qu’elle  soit,  à  l’empire  d’une  lettre  morte. 

5  Diodore,  liv.  I,  c.  77,  et  ci-dessus,  p.  55. 

4  Diodore,  liv.  I,  c.  77.  C’est  le  seul  cas  où  l’on  trouve  l’application  du  système  du  talion 
dans  les  fragments  de  législation  égyptienne  qui  sont  parvenus  jusqu’à  nous. 


48 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


moyens  illicites,  et  contre  celui  qui  commettait  un  mensonge  dans  la  déclara¬ 
tion  de  ses  moyens  d’existence,  que  tous  les  habitants,  au  commencement 
de  l’année,  étaient  obligés  de  déposer  entre  les  mains  des  magistrats  de  leur 
domicile  On  procédait  de  la  même  manière  à  l’égard  de  l’auteur  d’un  rapt. 
Le  roi  dont  le  nom  traduit  en  grec  correspondait,  au  dire  d’Hérodote,  à  celui 
de  Protée,  dit  au  ravisseur  d’Hélène  :  «  Parce  que  je  crois  qu’il  importe 
»  beaucoup  de  ne  mettre  à  mort  aucun  étranger,  tu  vivras;  mais  je  ne  te 
»  permettrai  d’emmener  ni  cette  femme,  ni  ses  trésors.  Pour  toi  et  tes  com- 
»  pagnons,  je  vous  ordonne  d’aller,  sous  trois  jours,  de  ce  pays  en  n’im- 
»  porte  quel  autre,  sinon  vous  serez  traités  en  ennemis  2.  »  Un  Égyptien, 
dans  la  position  d’Alexandre,  eût  donc  été  condamné  à  mort. 

A  ces  diverses  espèces  nous  pouvons  ajouter  la  désobéissance  aux  ordres 
émanés  du  trône.  Les  rois  d’Égypte,  possédant  un  pouvoir  absolu,  faisaient 
parfois  de  la  mort  la  sanction  des  édits  qu’ils  adressaient  à  leur  peuple.  Le 
Pharaon  qui  avait  projeté  l’anéantissement  des  Juifs  établis  sur  son  territoire 
ordonna  aux  parents,  sous  peine  de  la  perte  de  la  vie,  de  déclarer  la  nais¬ 
sance  de  tous  leurs  enfants  mâles  3. 

1  Diodore,  liv.  I,  c.  77;  Hérodote,  liv.  II,  c.  177.  Diodore  dit  que  cette  déclaration  devait 
être  faite  par  écrit  entre  les  mains  des  magistrats.  Hérodote,  plus  positif,  affirme  quelle  devait 
être  remise  au  nomarque  lui-même. 

Cette  obligation,  si  peu  compatible  avec  la  dignité  et  la  liberté  du  citoyen,  avait  pour  but  la 
proscription  du  vagabondage  et  de  la  paresse;  elle  était  d’ailleurs  nécessaire  dès  l'instant  où 
l’on  transformait  en  crime  capital  le  fait  de  vivre  de  gains  illicites.  —  Hérodote  dit  que  cette  loi 
fut  apportée  à  Athènes  par  Solon;  mais  d’autres  écrivains  de  l'antiquité  l’attribuent  à  Dracon  et 
affirment  que  Solon  transforma  la  peine  de  mort  en  déclaration  d’infamie,  contre  ceux  qui  \ 
contrevenaient  trois  fois.  Une  première  contravention  n’était  punie  que  d’une  amende  de  cent 
drachmes.  Voy.  Harpocration ,  aux  mots  A  pria.;  S'oty',  Plutarque,  Vie  de  Solon ;  Larcher,  Tra¬ 
duction  d’ Hérodote ,  notes,  t.  II,  p.  SIS.  En  tous  cas,  si  Solon  a  eu  connaissance  de  la  loi 
égyptienne,  il  est  impossible  d’attribuer  celle-ci  à  Amasis,  successeur  d’Apriès,  comme  le  font 
Hérodote  et  Diodore.  Amasis  régna  de  5f>9  à  526  avant  J.-C.,  et,  Solon  naquit  en  038.  if  faudrait 
alors  remonter  jusqu’à  Amasis  ou  Amôsis,  le  vainqueur  des  Hycsos  et  le  chef  de  la  dix-huitième 
dynastie  (Aahmès).  Cette  loi  daterait  donc  du  dix-septième  siècle  avant  1ère  chrétienne. 

2  Hérodote,  liv.  II,  c.  115;  traduct.  de  Higuet.  C’est  à  cette  traduction  que  nous  avons  em¬ 
prunté  tous  les  fragments  d’Hérodote  que  nous  avons  reproduits.  —  D'après  Bunsen,  Ægyp- 
tens  stelle,  etc.,  t.  IA  ,  p.  257,  Protée  était  l'un  des  Rhamsès  de  la  vingtième  dynastie. 

:>  Josèph e,  Anliq.  jad.,  liv.  II,  c.  5.  Il  n’en  était  pas  toujours  ainsi.  Dans  le  célèbre  édit  rendu 
pour  l'affranchissement  des  Juifs,  Ptoléméc  se  borne  à  commincr  la  confiscation  des  biens  à 
charge  des  contrevenants.  Josèphe,  ibid.,  liv.  XII,  c.  2,  §  2. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


49 


Ici  doivent  se  placer  deux  remarquables  fragments  de  la  Bibliothèque  his¬ 
torique  de  Diodore  de  Sicile.  Parlant  du  règne  du  conquérant  éthiopien  Acti- 
sanès,  l’historien  s’exprime  ainsi  :  «  Actisanès  se  conduisit  humainement 
»  dans  la  prospérité,  il  traita  ses  sujets  avec  bonté.  Il  se  comporta  d’une 
»  manière  singulière  à  l’égard  des  brigands;  il  ne  condamna  pas  les  coupa- 
»  blés  à  mort,  mais  il  ne  les  laissa  pas  non  plus  entièrement  impunis. 
»  Réunissant  tous  les  accusés  du  royaume,  il  prit  une  exacte  connaissance 
»  de  leurs  crimes;  il  fit  couper  le  nez  aux  coupables,  les  renvoya  à  l’extré- 
»  mité  du  désert,  et  les  établit  dans  une  ville  qui,  en  souvenir  de  cette 
»  mutilation,  a  pris  le  nom  de  Rhinocolure  \  »  Quelques  pages  plus  loin, 
s’occupant  du  règne  de  Sabacon  (Sevekh  I),  il  ajoute  :  «  On  peut  citer, 
»  comme  une  preuve  de  l’humanité  de  ce  prince,  l’abolition  de  la  plus 
»  grande  des  peines,  la  peine  de  mort.  Il  obligeait  les  condamnés  à  mort  de 
»  travailler,  tout  enchaînés,  aux  ouvrages  publics.  C’est  par  ce  moyen  qu’il 
»  fit  construire  de  nombreuses  digues  et  creuser  beaucoup  dé  canaux  utiles. 
»  Il  réalisait  ainsi  l’idée  de  diminuer,  à  l’égard  des  coupables,  la  sévérité 
»  de  la  justice,  et  de  faire  tourner  une  peine  inutile  au  profil  de  la  société  « 
Si  Actisanès,  en  reléguant  les  coupables  dans  un  lieu  désert,  parvint  à  fonder 
une  ville  nouvelle;  si  Sabacon,  en  employant  aux  travaux  publics  les  seuls 
condamnés  à  mort ,  réussit  à  faire  construire  de  nombreuses  digues  et  creuser 
beaucoup  de  canaux  utiles,  il  en  résulte  évidemment  que  les  condamnations 
capitales  étaient  très-fréquentes  en  Égypte.  Peu  importe  que  ces  deux  traditions 
nationales  soient  ou  non  dépourvues  d’authenticité;  par  cela  seul  que  l’historien 
les  accueille,  il  avoue  que  les  crimes  capitaux  mentionnés  dans  son  récit  ne 
sont  qu’un  petit  nombre  d’espèces  détachées  d’une  liste  infiniment  plus  longue. 
Il  constate  en  outre  que ,  même  sous  la  domination  lointaine  des  Pharaons , 
on  trouvait  déjà  des  esprits  généreux  qui  doutaient  de  l’efficacité  de  la  peine 
de  mort.  A  la  vérité,  le  large  système  de  commutation  introduit  par  Saba- 

1  Liv.  I,  c.  60,  et  ci-dessus,  p.  H. 

2  Liv.  I,  c.  65.  Ce  dernier  passage  trouve  sa  confirmation  dans  un  récit  d'Hérodote.  (Liv.  II, 
c.  137.)  On  n’y  remarque  qu’une  seule  différence.  Hérodote  affirme  que  Sabacon  faisait  travailler 
les  condamnés  à  l’exhaussement  du  sol  de  leurs  villes  natales,  entreprise  éminemment  utile 
dans  un  pavs  sujet  à  des  inondations  périodiques. 

Tome  XXXV. 


7 


dO 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


con  ',  ne  fut  pas  maintenu  par  ses  successeurs,  et  les  exécutions  restèrent 
fréquentes  en  Egypte  sous  toutes  les  dynasties,  jusqu’à  lapparilion  des  aigles 
romaines. 

Quelques  faits  rapportés  par  l’Écriture  sainte,  par  Josèphe,  par  Plutarque 
et  par  Diodore,  nous  autorisent  à  croire  que  ces  exécutions  étaient  publiques. 
Le  grand  pannetier  de  la  cour  d’Apophis  fut  suspendu  à  une  potence  et  son 
cadavre  livré  aux  oiseaux  2.  Les  femmes  de  la  famille  et  de  la  suite  de  Cléo- 
mène,  condamnées  à  périr  par  ordre  de  Plolémée  Philopator,  furent  con¬ 
duites  par  des  soldats  au  lieu  de  l’exécution  5.  Ceux  qui  avaient  tué  leurs 
enfants  étaient  publiquement  gardés  pendant  les  trois  jours  qu’ils  devaient 
rester  liés  aux  cadavres  de  leurs  victimes  4.  Niais  qui  était  chargé  de  l’exé¬ 
cution  de  la  peine  capitale?  Avait-on  recours,  comme  dans  l’Inde  brahma¬ 
nique,  aux  membres  d’une  classe  dégradée3?  Confiait-on  cette  triste  tâche, 
comme  chez  les  Juifs ,  aux  témoins  à  charge  ou  à  des  soldats  désignés  par 
leurs  supérieurs?  Ici  de  nouveau  le  champ  est  ouvert  aux  conjectures  des 
jurisconsultes  et  des  érudits.  Nous  savons  seulement  que  la  loi  égyptienne , 
proclamant  un  principe  qui  fut  plus  lard  admis  par  tous  les  peuples  civilisés, 
exigeait  que  la  femme  enceinte,  condamnée  à  mort,  ne  subît  sa  peine  qu’après 
l’accouchement 6.  Nous  savons  aussi  qu’on  administrait  une  boisson  enivrante 
aux  condamnés  qui  allaient  subir  leur  supplice  :  mesure  incontestablement 
dictée  par  un  sentiment  louable  d’humanité,  mais  qu’on  est  étonné  de  trouver 
à  une  époque  où  la  terreur  inspirée  par  le  supplice  était  à  peu  près  le  seul 
but  de  la  législation  criminelle  7. 

'  C’était,  en  effet,  bien  plutôt  une  commutation  de  peine  que  la  suppression  de  la  peine  de 
mort.  Diodore  dit  que  Sabacon  faisait  travailler  les  «  condamnés  à  mort.  » 

2  Yoy.  ci-dessus ,  p.  41 ,  note  4 . 

3  Yoy.  ci-dessus,  p.  45,  et  Plutarque,  Agis  et  Cléomène,  c.  LXX. 

4  Diodore,  liv.  I,  c.  77. 

s  Les  Égyptiens  avaient  des  classes  de  cette  espèce.  (  Yoy.  nos  Considérations  sur  la  théorie 
du  progrès  indéfini,  2e  édit.,  p.255.) —  Miehaelis  ( Mosaïsches  Redit,  §  252)  prétend,  mais  sans 
donner  des  preuves,  que  le  Princeps  militum  du  v.  5  du  c.  XL  de  la  Genèse  était  le  Praefectvs 
carnificum. 

6  Diodore,  liv.  I,  c.  77. 

7  Un  usage  analogue  existait  chez  les  Juifs.  C’était  ce  breuvage,  composé  de  vin  et  de  myrrhe, 
qu’un  soldat  romain  offrit  à  Jésus  qui  refusa  de  le  boire. — De  Pauw  (Recherches  sur  les  Égyp¬ 
tiens ,  etc.,  1. 11,  p.  556;  édit,  de  Paris,  1822)  prétend  qu’on  se  bornait  en  Égypte  à  faire  avaler 
au  condamné  quelques  grains  d’encens. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


51 

Au-dessous  de  la  peine  de  mort  se  trouvait  celle  des  travaux  publics,  et 
les  condamnés  de  cette  catégorie  étaient,  eux  aussi ,  très-nombreux  en  Égypte. 
Les  uns,  tout  enchaînés ,  comme  ceux  dont  Sabacon  avait  commué  les  peines, 
construisaient  des  digues  ou  creusaient  des  canaux  d’irrigation  1  ;  les  autres, 
comme  ceux  qu’on  employait  à  l’extraction  de  l’or  sur  les  frontières  de 
l’Éthiopie,  étaient  conduits  dans  les  mines.  Le  sort  de  ces  derniers  était 
d’autant  plus  déplorable  que,  par  un  absurde  préjugé  de  la  solidarité  du 
sang,  leur  famille  entière  était  quelquefois  condamnée  à  partager  leur  cap¬ 
tivité  2.  Diodore  a  tracé  un  tableau  saisissant  de  la  triste  condition  à  laquelle 
ils  étaient  réduits.  C’est  une  page  que  nous  devons  transcrire ,  ne  lût-ce  que 
pour  prouver  que,  si  une  pensée  de  commisération  se  manifestait  au  moment 
de  l’exécution  des  condamnés  à  mort,  les  sentiments  d’humanité  étaient  ce¬ 
pendant  très-loin  d’avoir  pénétré  dans  toutes  les  parties  de  la  législation  cri¬ 
minelle  des  bords  du  Nil.  «  A  l’extrémité  de  l’Égypte,  dit-il,  se  trouve  un 
»  endroit  riche  en  mines  d’or ,  d’où  l’on  tire  ce  métal  à  force  de  bras ,  par 

»  un  travail  pénible  et  à  grands  frais .  Ceux  qui  dirigent  les  travaux  de 

»  ces  mines  emploient  un  très-grand  nombre  d’ouvriers ,  qui  sont  tous  des 

»  criminels  condamnés . Ces  malheureux,  tout  enchaînés,  travaillent  jour 

»  et  nuit  sans  relâche,  privés  dé  tout  espoir  de  fuir,  sous  la  surveillance  de 
»  soldats  étrangers  parlant  des  langues  différentes  de  1  idiome  du  pays,  afin 
»  qu’ils  ne  puissent  être  gagnés  ni  par  des  promesses  ni  par  des  prières.  La 
»  roche  qui  renferme  l’or  étant  très-compacte ,  on  la  rend  cassante  à  1  aide 
»  d’un  grand  feu,  et  on  la  travaille  ensuite  des  mains;  lorsque  le  minerai, 
»  devenu  ainsi  friable,  est  susceptible  de  céder  à  un  effort  modéré,  des  mil- 
»  lier  s  de  ces  misérables  le  brisent  avec  des  outils  de  fer  qui  servent  à 
»  tailler  les  pierres.  Celui  qui  reconnaît  la  veine  d’or  se  place  à  la  tête  des 
»  ouvriers  et  leur  désigne  l’endroit  à  fouiller.  Les  plus  robustes  des  malheu- 
»  reux  condamnés  sont  occupés  à  briser  le  silex  avec  des  coins  de  fer,  en 
»  employant  pour  ce  travail,  non  les  moyens  de  l’art,  mais  la  force  de  leurs 
»  bras . Ils  travaillent  ainsi  sans  relâche,  sous  les  yeux  d’un  surveillant 

1  Voy.  ci-dessus,  p.  49. 

2  Nous  avons  constaté  cette  solidarité  dans  la  plupart  des  pays  asiatiques.  Voy.  notre  travail 
déjà  cité  Sur  la  législation  criminelle  de  l'Inde  brahmanique. 


S2 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


»  cruel  qui  les  accable  de  coups.  Des  enfants  encore  impubères  pénètrenl , 
»  par  les  galeries  souterraines,  jusque  dans  les  cavités  des  rochers,  rariias- 
»  sent  péniblement  les  fragments  de  minerai  détachés  et  les  portent  au  de- 
»  hors,  à  l’entrée  de  la  galerie.  D’autres  ouvriers,  âgés  de  plus  de  trente 
»  ans,  prennent  une  certaine  mesure  de  ces  fragments  et  les  broient  dans 
»  des  mortiers  de  pierre  avec  des  pilons  de  fer,  de  manière  à  les  réduire  à 
»  la  grosseur  d’une  orobe  \  Le  minerai  ainsi  pilé  est  pris  par  des  femmes 
»  et  des  vieillards  qui  le  mettent  dans  une  rangée  de  meules,  et,  se  plaçant 
»  deux  ou  trois  à  chaque  manivelle,  ils  réduisent  par  la  moulure  chaque 
»  mesure  de  minerai  pilé  en  une  poudre  aussi  fine  que  la  farine.  Tout  le 
»  monde  est  saisi  de  commisération  à  l’aspect  de  ces  malheureux,  qui  se 
»  livrent  à  ces  travaux  pénibles,  sans  avoir  autour  du  corps  la  moindre 
»  étoffe  qui  cache  leur  nudité.  On  ne  fait  grâce,  ni  à  l’infirme,  ni  à  les- 
»  tropié,  ni  au  vieillard  débile,  ni  à  la  femme  malade.  On  les  force  tous  au 
»  travail  à  coups  redoublés,  jusqu’à  ce  que,  épuisés  de  fatigues,  ils  expirent 
»  à  la  peine.  C’est  pourquoi  ces  infortunés,  ployant  sous  les  maux  du  pré- 
»  sent,  sans  espérance  de  l’avenir,  attendent  avec  joie  la  mort,  qui  leur  est 
»  préférable  à  la  vie 1  2.  »  Ces  dernières  lignes  surtout  doivent  fixer  l’atten¬ 
tion,  parce  qu’elles  prouvent  que  la  peine  était  en  général  perpétuelle. 

A  la  suite  des  travaux  forcés  â  temps  ou  â  perpétuité,  existait  probable¬ 
ment  une  longue  série  de  peines  expressives,  qui  étaient  le  résultat  d'une 
double  pensée  :  faire  périr  l’instrument  de  l’infraction  et  empêcher  le  coupable 
de  commettre  désormais  le  même  crime.  Les  faux  monnayeurs,  ceux  qui  alté¬ 
raient.  les  poids  et  les  mesures  ou  contrefaisaient  les  sceaux ,  ceux  qui  alté¬ 
raient  les  actes  publics  ou  rédigeaient  de  fausses  écritures,  étaient  condamnés 
à  avoir  les  deux  mains  coupées  3.  Le  viol  commis  sur  la  personne  d'une 

1  Fruit  semblable  à  une  lentille. 

2  Liv.  III,  c.  12  et  13.  Traduet.  de  M.  Ferd.  Hoefer. 

3  Champollion-t  igeac  critique  vivement  le  passage  où  Diodore  place  au  nombre  des  anciennes 
lois  de  1  Egypte  celle  qui  punissait  par  la  mutilation  des  deux  mains  la  fabrication  de  la  fausse 
monnaie.  II  se  prévaut  de  ce  que,  suivant  Hérodote,  Darius,  fils  d’Hystaspe,  fut  le  premier 
prince  qui  fit  battre  de  la  monnaie  de  l’or  le  plus  pur  {Égypte  ancienne,  p.  59).  Celte  critique  est 
mal  fondée.  D  abord,  Hérodote  n’aflirme  pas  que  Darius  fut  le  premier  qui  fit  frapper  de  la  mon¬ 
naie  d  or;  il  dit  simplement  que  Darius  fit  frapper  de  la  monnaie  d’or  (livre  II,  c.  1(5(5);  en- 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


33 


femme  libre  avait  pour  peine  la  perte  des  parties  génitales,  parce  que  ce 
crime  renfermait  en  lui-même  trois  maux  très-grands  :1  insulte,  la  corruption 
des  mœurs  et  la  confusion  des  enfants  '.  On  coupait  le  nez  de  la  femme 
adultère,  afin  de  la  priver  des  attraits  qu’elle  avait  employés  pour  la  séduc¬ 
tion,  tandis  que  son  complice  recevait  mille  coups  de  verges  2.  On  arra¬ 
chait  la  langue  à  l’espion  qui  avait  révélé  les  secrets  de  l’État.  «  Chacun, 
»  dit  Diodore,  par  la  punition  de  la  partie  du  corps  avec  laquelle  le  crime 
»  avait  été  commis,  portait,  jusqu’à  la  mort,  une  marque  indélébile  qui,  par 
»  l’avertissement  de  ce  châtiment,  devait  empêcher  les  autres  dagii  contre 
»  la  loi  3.  »  Tel  était  évidemment  le  but  du  législateur;  mais  ce  passage, 
rapproché  de  l’ensemble  du  texte  auquel  il  appartient  ,  prouve  aussi ,  comme 
nous  l’avons  déjà  dit,  que  les  cas  indiqués  par  l’historien  sont  simplement 
énonciatifs.  Les  annales  du  droit  criminel  attestent  d’ailleurs  que ,  partout  où 
la  mutilation  se  glisse  dans  l’échelle  pénale,  elle  se  trouve  bientôt  appliquée 
à  une  foule  d’infractions  diverses.  Diodore  lui-même  raconte  qu’Actisanès  fit 
couper  le  nez  et  les  oreilles  aux  brigands  qui  infestaient  la  haute  Égypte,  et 
Hérodote  nous  a  transmis  une  tradition  suivant  laquelle  oa  priva  de  leurs 
mains  les  femmes  du  palais  qui  avaient  aidé  Mycerinus  à  satisfaire  sa  passion 
incestueuse  pour  sa  fille  4. 

Les  Égyptiens  connaissaient  en  outre  la  servitude  pénale,  le  fouet,  le  jeûne 
forcé ,  la  relégation ,  l’exil ,  l’emprisonnement  et  la  déclaration  d’infamie. 

Sous  le  Pharaon  qui  eut  Joseph  pour  ministre,  la  servitude  pénale  pouvait 

• 

suite,  quand  même  on  admettrait  ce  fait,  on  n’aurait  pas  encore  le  droit  de  reprocher  ici  une 
erreur  à  Diodore.  Champollion  lui-même  dit  que  les  Égyptiens,  avant  lepoque  de  Darius,  se 
servaient,  à  l’intérieur,  d’une  monnaie  de  convention ,  et,  au  dehors,  d’anneaux  d  or  ou  d  argent 
d’un  poids  déterminé  ou  vérifié.  Est-ce  que  1  altération  ou  la  contrefaçon  de  celte  monnaie  de 
convention,  de  ces  unneaux  vérifiés,  n’était  pas,  en  réalité,  un  acte  de  faux  monnayeur.'’ 

1  Diodore,  liv.  I,  c.  78. 

-  Nous  avons  vu  ci-dessus,  p.  42,  que,  dans  la  législation  primitive  de  l’Egypte,  on  était 
beaucoup  plus  sévère.  L’adultère  de  la  femme  était  puni  parle  bûcher. 

3  Diodore,  ibid. 

4  Liv.  II,  c.  131.  Nous  ne  voulons  pas  discuter  sérieusement  cette  assertion  du  père  de  1  his¬ 
toire;  mais  il  convient  cependant  de  remarquer  que,  dans  l’Inde  brahmanique,  on  mutilait  les 
mains  des  femmes  qui  commettaient  des  attentats  à  la  pudeur  sur  des  personnes  de  leur  sexe. 
(  Lois  de  Manou,  liv.  VIII,  st.  370.) 


U 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


devenir  la  conséquence  du  vol  Mille  coups  de  fouet  étaient  la  peine  de 
l’homme  coupable  d’adultère1  2.  Celui  qui  ne  poursuivait  pas  devant  les  tribu- 
naux  l’auteur  d’un  homicide  dont  il  avait  été  le  témoin  impuissant,  était  battu 
de  verges  et  privé  de  toute  nourriture  pendant  trois  jours3 4.  Actisanès  relégua 
dans  une  contrée  déserte  les  brigands  auxquels  il  avait  fait  grâce  de  la  vie  *. 
Le  roi  Protée  condamna  à  l’exil  Alexandre  et  tous  ceux  qui  avaient  contribué 
au  rapt  d’Hélène 5.  L’emprisonnement  est  plusieurs  fois  mentionné  par  les 
historiens,  et  nous  avons  déjà  vu  que  le  régime  des  maisons  de  détention 
laissait  beaucoup  à  désirer 6.  La  déclaration  d’infamie  était  prononcée  contre 
le  soldat  qui  avait  déserté  les  rangs  de  l’armée  ou  qui  n’avait  point  exécuté 
l’ordre  de  ses  chefs.  Cette  peine  n’était  pas  perpétuelle.  Si,  plus  tard,  le  mili¬ 
taire  effaçait  sa  honte  par  des  actes  de  bravoure,  il  était  rétabli  dans  son  état 
primitif.  «  Ainsi,  dit  l’historien  qui  nous  a  transmis  ces  détails,  le  législateur 
»  égyptien  faisait  du  déshonneur  une  punition  plus  terrible  que  la  mort,  pour 
»  habituer  les  guerriers  à  considérer  l’infamie  comme  le  plus  grand  de  tous 
»  les  malheurs;  en  même  temps,  ceux  qui  étaient  punis  de  cette  façon  pou- 
»  vaient  rendre  de  grands  services  pour  recouvrer  la  confiance  première, 
»  tandis  que,  s’ils  avaient  été  condamnés  à  mort,  ils  n’auraient  plus  été 
»  d’aucune  utilité  pour  l’État 7.  »  C’était,  en  effet,  une  pensée  aussi  belle 
que  salutaire  de  remplacer,  pour  la  classe  des  guerriers,  les  châtiments  cor¬ 
porels  par  une  espèce  de  dégradation  morale,  en  laissant  au  soldat  flétri  le 
moyen  de  se  réhabiliter  par  la  valeur  et  la  gloire  8. 

1  Nous  suivons  ici  l’opinion  émise  par  le  marquis  de  Pastoret  (Hist.  de  la  législ.,  t.  II, 
p.  249),  tout  en  avouant  qu’elle  peut  donner  lieu  à  des  objections  sérieuses.  Il  invoque  l’épisode 
de  I  arrestation  de  Benjamin  (  Genèse ,  XLIII  et  XLIV).  Après  la  découverte  de  la  coupe,  tous 
les  fils  de  Jacol)  dirent  à  Joseph  :  Nous  sommes  vos  esclaves. 

2  Diodore,  liv.  I ,  c.  78. 

3  Diodore,  liv.  I,  c.  77. 

4  Diodore,  liv.  I,  c.  60.  Le  lieu  était  digne  de  sa  destination.  Une  terre  couverte  de  sel;  une 
eau  rare  et  corrompue;  une  contrée  déserte  et  dépourvue  des  choses  les  plus  nécessaires  à  la 
vie,  où  la  chasse  était  à  peu  près  le  seul  moyen  de  subsistance. 

3  Voy.  ci-dessus,  p.  48. 

6  Voy.  ci-dessus,  p.  56. 

7  Diodore,  liv.  I,  c.  78. 

s  Hérodote,  liv.  II,  c.  56,  nous  apprend  que  la  loi  égyptienne  déclarait  également  infâmes 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


A  cette  liste  déjà  longue  il  faut  ajouter  deux  peines  pécuniaires,  l’amende 
et  la  confiscation  des  biens. 

Une  amende  fixée  par  les  prêtres  était  infligée  à  celui  qui  tuait  involontai¬ 
rement  un  animal  sacré,  autre  que  l’ibis,  le  chat  et  lépervier  1 .  Une  forte 
amende  était  comminée  contre  l’artisan  qui  prenait  part  aux  affaires  publiques 
ou  exerçait  une  profession  autre  que  le  métier  qui  lui  était  assigné  par  les 
lois  et  transmis  par  ses  parents;  circonstance  qui  prouve,  parmi  beaucoup 
d’autres,  que  la  séparation  des  diverses  classes  de  la  nation  était  maintenue 
beaucoup  plus  rigoureusement  que  ne  le  croient  quelques  savants  de  notre 
époque  2.  De  «  fortes  amendes  »,  étaient  également  infligées  à  ceux  qui 
portaient  une  fausse  accusation  au  tribunal  des  sépultures  J.  Quant  à  la  con¬ 
fiscation  générale,  elle  existait  si  bien  en  Égypte  que  les  historiens  accusent 
Amasis  d’en  avoir  abusé  pour  s’approprier  les  richesses  de  ses  sujets 4.  Elle 
figure  du  reste  en  termes  formels  dans  le  célèbre  édit  par  lequel  Ptolémée 
Philadelphe  ordonna  l’affranchissement  des  Juifs.  Ce  prince  l’employa  comme 
sanction  de  ses  ordres 5. 

Enfin,  au-dessus  de  ce  vaste  système  de  répression,  dont  nous  entrevoyons 
à  peine  les  lignes  principales,  planait  en  quelque  sorte,  comme  un  dernier 
avertissement  et  une  garantie  suprême,  le  refus  de  la  sépulture  religieuse. 
Nous  avons  déjà  dit  que,  pour  être  condamné  à  cette  peine  flétrissante,  il  ne 
fallait  ni  avoir  commis  un  crime  prévu  par  les  lois  nationales,  ni  même  avoir 
été  mis  régulièrement  en  accusation  avant  la  mort;  il  suffisait  de  mener 
«  une  mauvaise  vie  6.  »  C’était  une  dernière  et  solennelle  proclamation  de 

ceux  qui  se  nourrissaient  de  froment  et  d’orge.  Il  est  difficile  de  découvrir  la  laison  de  c  ette 
prohibition.  — Isocrate,  dans  Y  Éloge  de  Bussiris,  rappelle  assez  inutilement  que  les  guerriers 
égyptiens  ne  pouvaient  s’absenter  sans  la  permission  de  leur  chef.  Il  aurait  mieux  fait  d  indi¬ 
quer  la  peine  qui  frappait  l’absence  autre  que  la  désertion. 

1  Hérodote,  liv.  II,  c.  65.  Celui  qui  tuait,  même  involontairement,  un  ibis,  un  épervier  ou 
un  chat,  était  puni  de  mort.  Voy.  ci-dessus,  p.  44. 

2  Diodore,  liv.  I.  c.  74. 

3  Diodore,  liv.  I,  c.  92.  —  Les  cas  que  nous  venons  d’indiquer  prouvent  combien  De  Pauw 
se  trompait  dans  ses  Recherches  (t.  II,  p.  271  ;  édit,  citée),  en  disant  que  les  Égyptiens  n  ad¬ 
mettaient  l’amende  que  pour  le  seul  cas  où  l’on  tuait  involontairement  des  animaux  sacres. 

4  Diodore,  liv.  I,  c.  60. 

5  Voy.  ci-dessus,  p.  50,  note  6. 

6  Voy. ,  ci-dessus,  p.  27. 


56 


SUR  L'ORGANISATION  JUDICIAIRE 


l’iniquité  du  vice  et  de  l’excellence  de  la  vertu ,  et  celte  haute  portée  de  la 
juridiction  du  tribunal  des  sépultures  n’avait  pas  échappé  aux  Grecs  qui 
venaient  admirer  les  merveilles  de  la  vallée  du  Nil.  «  Les  Grecs,  dit  Diodore, 
»  ont  voulu,  à  l’aide  de  quelques  fictions  décriées,  faire  croire  à  la  récom- 
»  pense  des  bons  et  à  la  punition  des  méchants.  Mais  ces  fictions,  loin  den- 
»  courager  les  hommes  au  bien,  ont  été  tournées  en  dérision  par  les  méchants 
»  et  grandement  discréditées.  Chez  les  Égyptiens,  au  contraire,  le  chàti- 
»  ment  du  vice  et  l’honneur  rendu  à  la  vertu  ne  sont  pas  une  fable,  mais 
»  des  faits  visibles  qui  rappellent  journellement  à  chacun  ses  devoirs  et 
»  deviennent  ainsi  la  plus  puissante  sauvegarde  des  mœurs  ’.  » 

Mais  est-il  vrai  que,  parmi  toutes  les  .peines  que  nous  avons  énumérées,  il 
n’en  existât  aucune  qui  fût  destinée  à  la  répression  du  vol?  Devons-nous 
admettre  qu’un  acte  flétri  par  toutes  les  législations  anciennes  et  modernes 
fût  déclaré  licite  en  Égypte?  Diodore  de  Sicile  et  quelques  autres  écrivains  de 
l’antiquité  se  permettent  cette  singulière  affirmation 1  2.  Diodore  raconte  grave¬ 
ment  que  tous  ceux  qui  voulaient  se  livrer  à  l’industrie  du  vol  étaient  obligés 
de  se  faire  inscrire  chez  le  chef  des  voleurs  et  de  lui  rapporter  immédiatement 
le  produit  de  leurs  larcins.  Les  victimes  du  vol  devaient,  à  leur  tour,  se  faire 
inscrire  chez  le  même  chef,  en  lui  fournissant  l'indication  exacte  des  .choses 
dérobées,  du  jour,  de  l’heure  et  du  lieu  de  la  soustraction.  Les  objets  volés 
étaient  aussitôt  recherchés  et  rendus  à  leur  propriétaire,  à  condition  de  payer 
le  quart  de  leur  valeur  pour  les  reprendre.  Non-seulement  Diodore  croit  à 
l’existence  de  cet  étrange  système,  mais  il  s’efforce  de  le  justifier.  A  son  avis, 
le  législateur,  ne  pouvant  empêcher  «  tout  le  monde  de  voler  »  ,  avait  sage¬ 
ment  imaginé  le  moyen  de  faire  restituer,  pour  une  modique  rançon ,  tout  ce 
qui  était  dérobé  aux  Égyptiens  3. 

Il  est  évident  que  l’historien  a  mal  saisi  le  langage  de  l’interprète  qui  le 
guidait  dans  ses  courses  à  travers  un  pays  dont  les  lois  et  les  mœurs  s’éloi¬ 
gnaient  si  considérablement  des  coutumes  de  sa  patrie.  Son  récit  n’est  pas 
seulement  en  contradiction  avec  les  exigences  de  la  raison  et  les  traditions 

1  Diodore,  liv.  I ,  c.  95. 

2  Voy.  Aulu-Gelle,  Noctes  atticæ,  liv.  XI,  c.  18. 

5  Liv.  I,  c.  80. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


57 


de  la  morale  universelle  :  il  se  trouve  formellement  repoussé  par  des  témoi¬ 
gnages  explicites,  dont  l’incontestable  valeur  ne  saurait  être  mise  en  dis¬ 
cussion.  Dans  le  récit  d’un  vol  important  qu’ils  firent  à  Hérodote,  les  prêtres 
d’Héliopolis  mirent  les  paroles  suivantes  sur  les  lèvres  d’un  voleur  pris  au 
piège  tendu  par  ordre  du  roi  :  «  Frère,  coupe-moi  la  tête;  car,  si  je  suis 
»  vu  et  reconnu,  je  te  perds  en  même  temps  que  moi  '.  »  Les  mêmes  prê¬ 
tres  lui  dirent  qu’Amasis,  avant  de  monter  au  trône,  avait  été  plusieurs  fois 
puni  comme  voleur2,  et  nous  avons  déjà  rappelé  que,  suivant  la  Genèse, 
le  vol,  à  l’époque  où  vivait  Joseph,  était  réprimé  par  la  servitude  pénale1. 
On  pourrait  objecter,  il  est  vrai,  que  ces  peines  ne  frappaient  que  les  voleurs 
non  autorisés  et  ceux  qui,  s’étant  fait  inscrire,  ne  rendaient  pas  un  compte 
fidèle  de  leurs  rapines.  Mais,  en  tenant  ce  langage,  on  s’écarterait  complète¬ 
ment  de  tout  ce  que  nous  savons  du  caractère  religieux  et  social  de  la  civili¬ 
sation  égyptienne.  Comment  admettre  la  tolérance  du  vol,  dans  un  pays  où 
chaque  chef  de  famille  devait  faire  connaître  ses  moyens  d’existence  ;  où  les 
lois  prononçaient  la  peine  de  mort  contre  celui  qui  vivait  de  «  gains  illi- 
»  cites;  »  où  la  simple  altération  d’un  poids  ou  d’une  mesure  était  punie  de 
la  perte  des  deux  mains? 

Quand  les  prêtres  chargés  de  l’embaumement  avaient  mis  les  intestins  et 
les  principaux  viscères  dans  les  vases  destinés  à  les  recevoir,  l’un  d’eux  pro¬ 
nonçait,  au  nom  du  mort,  cette  prière  solennelle  :  «  Soleil,  et  vous  tous, 
»  dieux  éternels,  vous  qui  donnez  l’existence  à  l’homme,  recevez-moi  dans 
»  les  demeures  éternelles  que  vous  habitez  !  J’ai  suivi  religieusement  le  culte 
»  de  mes  pères  ;  j’ai  constamment  honoré  mes  parents;  je  n’ai  jamais  souillé 
»  mes  mains  du  sang  de  mes  semblables;  je  n’ai  jamais  été  un  dépositaire 
»  infidèle;  je  n’ai  pas  fait  le  mal  et  me  suis  soigneusement  abstenu  de  toute 
»  injustice.  Si  j’ai  commis  quelques  excès  en  mangeant  ou  en  buvant,  ce 
»  n’est  pas  à  moi,  mais  à  ceux-ci  que  vous  devez  les  imputer4.  »  En  pro- 

1  Hérodote,  liv.  II,  c.  121.  Nous  admettons  que  cette  histoire  n’est  qu’un  mythe,  mais  elle 
n’en  conserve  pas  moins  toute  sa  valeur  au  point  de  vue  de  la  question  qui  nous  oecupe  :  la 
punition  du  vol  en  Égypte. 

2  Hérodote,  liv.  Il,  c.  174. 

3  Genèse ,  XLIII,  18,  XLIV,  9,  16. 

4  Voy.  Poi’phyre,  De  Abstin.,  1.  IV,  c.  10. 

Tome  XXXV. 


8 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


o8 

nonçant  ces  dernières  paroles,  le  prêtre  prenait  les  vases  et  les  jetait  dans 
le  Nil. 

Le  sens  et  la  portée  de  cette  cérémonie  religieuse,  répétée  chacpie  jour 
sur  tous  les  points  du  territoire,  fournissent  ici  un  argument  décisif.  N’est-il 
pas  évident  que,  si  l’injustice  suffisait  pour  interdire  à  son  auteur  l’accès  des 
demeures  éternelles,  le  vol,  qui  est  l’injustice  par  essence,  ne  pouvait  être 
rangé  au  nombre  des  gains  licites?  Le  fait  offre  d’autant  plus  d’importance 
qu’il  est  loin  d’être  isolé.  Dans  ces  rituels  funéraires  qu’on  déposait  sur  ia 
poitrine  des  momies  et  dont  tous  les  musées  de  l’Europe  possèdent  de  nom¬ 
breux  fragments,  l’âme  du  mort  paraissant  devant  le  juge  infernal  fait  la 
confession  suivante  :  «  Je  n’ai  pas  blasphémé.  Je  n’ai  pas  trompé.  Je  triai  pas 
»  volé.  Je  n’ai  pas  divisé  les  hommes  par  mes  machinations.  »  On  sait  que 
les  législateurs  de  l’Égypte  n’avaient  pas  l’habitude  de  tolérer  les  actes  pro¬ 
hibés  par  le  culte  national. 

Le  savant  De  Pauw  propose  une  explication  ingénieuse,  qui  pourrait  très- 
bien  être  conforme  à  la  réalité  des  faits.  Il  croit  qu’on  a  pris  pour  une  loi 
égyptienne  une  espèce  de  traité  ou  de  concordat  avec  les  Arabes  nomades, 
qui,  malgré  toutes  les  précautions  qu’on  avait  prises  pour  arrêter  leurs  bri¬ 
gandages,  dépouillaient  les  caravanes  et  venaient  parfois  faire  des  excur¬ 
sions  dans  les  cantons  voisins  des  frontières.  On  sait ,  en  effet,  que,  dans  les 
temps  modernes,  des  traités  de  ce  genre  ont  été  conclus  avec  les  Bédouins  de 
la  Syrie,  et  cet  exemple,  connu  de  tous,  fournit  un  argument  on  ne  peut  plus 
sérieux  en  faveur  de  l’hypothèse  émise  par  le  célèbre  philologue  hollandais. 
L’inscription  du  nom  des  voleurs,  les  déclarations  imposées  à  leurs  victimes, 
l’impôt  prélevé  sur  les  choses  soustraites,  en  un  mot,  toutes  les  formalités 
rapportées  par  Diodore  se  réduiraient  de  la  sorte  à  l’intervention  officieuse 
et  intéressée  d’un  chef  de  bande  du  désert 

En  dernier  résultat ,  nos  recherches  nous  ont  prouvé  que  les  Égyptiens 
connaissaient  les  peines  suivantes:  la  mort  qualifiée,  la  mort  simple,  les  tra¬ 
vaux  forcés  à  temps  et  à  perpétuité,  la  mutilation  du  nez,  la  mutilation  des 

1  Recherches  philosophiques  sur  les  Égyptiens ,  etc.,  t.  II,  p.  26(1;  édit,  citée.  —  La  même 
opinion  a  été  émise  par  V.  Hennequin,  Introduction  d  V étude  de  la  législation  française. 
t.  I,  p.  5G7. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


59 


deux  mains,  la  mulilalion  des  parties  génitales,  la  servitude,  le  fouet,  le 
jeûne  forcé,  la  relégation,  l’exil,  l’emprisonnement,  la  déclaration  d’infamie, 
la  confiscation  des  biens  et  l’amende. 

Ces  peines  étaient  fréquemment  appliquées,  et  rien  n’atteste  que  les  rois  du 
pays  se  plaisaient  à  gracier  les  condamnés.  Princes  absolus ,  chefs  de  la  ma¬ 
gistrature  nationale,  despotes  divinisés,  ils  possédaient  incontestablement  le 
droit  de  grâce  et  même  celui  d’accorder  des  lettres  d’abolition;  mais  les  an¬ 
nales  de  l’Égypte  ne  mentionnent  qu’un  très-petit  nombre  de  ces  actes  de  clé¬ 
mence.  Dans  un  récit  probablement  mythique,  rapporté  par  Hérodote,  on 
voit  Rampsinite  exempter  de  toute  poursuite  et  choisir  pour  gendre  un  voleur 
adroit  qui  avait  fait  de  larges  brèches  au  trésor  royal  Sésostris  «  renvoya 
»  absous  »  tous  les  prisonniers  d’État  que  la  tyrannie  soupçonneuse  de  son 
prédécesseur  avait  entassés  dans  les  prisons  3.  Ces  deux  exemples  sont  à  peu 
près  les  seuls  faits  de  ce  genre  dont  l’histoire  nous  ait  conservé  le  souvenir. 

IV. 

RÉFLEXIONS  GÉNÉRALES. 

Les  savants  modernes  qui  ont  approfondi  les  annales  de  l’Égypte  se  par¬ 
tagent  en  deux  écoles  nettement  tranchées. 

Les  uns  ne  voient  qu’un  engouement  irréfléchi  dans  la  réputation  tradition¬ 
nelle  de  sagesse  dont  les  Égyptiens  jouissaient  chez  tous  les  peuples  civilisés 
du  monde  ancien.  Les  autres,  prenant  au  sérieux  les  éloges  que  tant  d’histo¬ 
riens  et  de  philosophes  ont  prodigués  aux  riverains  du  Nil ,  soutiennent  qu’une 
science  pure  et  profonde  fut  constamment  cultivée  dans  les  temples  de  cette 
terre  privilégiée. 

Les  fragments  de  la  législation  criminelle  de  l’Égypte  parvenus  jusqu’à 
nous  ne  sont  pas  de  nature  à  mettre  un  terme  à  cette  controverse  séculaire. 

1  Hérodote,  liv.  II,  c.  121. 

2  Diodore,  liv.  II ,  c.  34. 


60 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


Les  partisans  des  deux  opinions  y  peuvent  chercher  et  trouver  des  arguments 
à  l’appui  de  leurs  thèses  contradictoires. 

Complètement  désintéressé  dans  la  querelle ,  et  écartant  toute  digression 
étrangère  à  notre  sujet,  nous  nous  contenterons  d’émettre  quelques  aperçus 
sur  le  caractère  réel  des  institutions  répressives  qui,  pendant  plusieurs  siècles, 
se  maintinrent,  à  peu  près  sans  altération,  dans  la  vallée  du  Nil,  sous  la 
double  égide  du  sacerdoce  et  du  trône. 

Les  détails  que  nous  possédons  sur  l’organisation  judiciaire  de  l’empire  des 
Pharaons  dénotent  une  étude  attentive  des  besoins  et  des  intérêts  du  corps 
social.  Des  tribunaux  établis  sur  des  bases  uniformes,  classés  dans  un  ordre 
hiérarchique,  disséminés  dans  toutes  les  parties  du  pays  et  se  mouvant,  pour 
ainsi  dire,  autour  d’un  tribunal  suprême  siégeant  dans  la  capitale  religieuse 
du  royaume;  le  concours  du  pouvoir  royal  et  du  pouvoir  judiciaire  dans  la 
nomination  des  chefs  de  la  magistrature  nationale; le  droit  de  saisir  la  justice 
répressive,  accordé  aux  citoyens,  aux  étrangers  et  même  aux  esclaves; 
l’obligation  imposée  à  tous  les  habitants  d’aider  les  juges,  autant  qu’il  dépen¬ 
dait  d’eux,  dans  la  répression  des  écarts  de  la  vengeance  individuelle;  les 
droits  de  la  société  maintenus  dans  toute  leur  intégrité,  malgré  les  transac¬ 
tions  intervenues  entre  le  délinquant  et  ses  victimes;  la  création  de  tribunaux 
particuliers  pour  les  militaires  et  les  commerçants  étrangers;  l’admission 
d’une  justice  domestique  pour  les  délits  légers  en  eux-mêmes  ou  envisagés 
comme  tels  par  le  législateur;  l’institution  d’un  tribunal  des  sépultures,  in¬ 
vesti  du  redoutable  pouvoir  de  se  prononcer  sans  recours  sur  la  vie  tout 
entière  de  ceux  que  leurs  fonctions  ou  leurs  richesses  avaient  mis  momen¬ 
tanément  à  l’abri  de  la  vindicte  des  lois;  l’idée  d’une  divinité  vengeresse, 
toujours  présente  à  l’esprit  des  magistrats  et  des  plaideurs  :  toutes  ces  remar¬ 
quables  conceptions,  qu’on  ne  s’attend  pas  à  rencontrer  à  l’origine  des  temps 
historiques,  sont  évidemment  le  produit  d’une  rare  sagacité,  jointe  à  une 
longue  et  fructueuse  expérience  des  affaires  judiciaires.  Si  ce  tableau,  com¬ 
paré  à  celui  que  présentent  les  institutions  des  temps  modernes,  contient 
des  lacunes  et  des  ombres,  son  ensemble  est,  sans  contredit,  de  nature  à 
confirmer  la  réputation  de  haute  sagesse  dont  les  Égyptiens  jouissaient  dans 
tous  les  pays  civilisés  du  monde  ancien.  Sous  ce  rapport,  Diodore  de  Sicile 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


61 


n’a  point  exagéré  en  disant  que  les  Égyptiens  avaient  mis  un  grand  soin  a 
organiser  convenablement  l’ordre  judiciaire  *. 

Malheureusement  la  scène  change  complètement  d’aspect  lorsque,  laissant 
de  côté  l’organisation  des  tribunaux,  on  se  demande  quelles  fuient,  poui  le 
bien-être  et  la  dignité  des  habitants  de  l’Égypte,  les  conséquences  des  lois 
pénales  proprement  dites. 

En  se  plaçant  à  ce  point  de  vue ,  on  s  aperçoit  bientôt  que  le  législateur 
criminel,  peu  soucieux  de  la  recherche  d’une  théorie  savante,  moins  soucieux 
encore  des  exigences  de  l’equite,  avait  obéi  a  des  consideiations  exclusive- 
ment  politiques. 

Actisanès,  en  faisant  mutiler  les  auteurs  de  crimes  capitaux  qui  encom¬ 
braient  les  prisons  au  début  de  son  règne,  parvint  à  fonder  une  ville  nou¬ 
velle  aux  limites  du  désert.  Sabacon,  remplaçant  la  peine  de  mort  par  celle 
des  travaux  forcés,  obtint  assez  d’ouvriers  pour  «  construire  de  nombreuses 
»  digues  et  creuser  beaucoup  de  canaux  utiles.  »  D’autres  récits,  empruntés 
à  l’Écriture  sainte,  à  Hérodote,  à  Lucien,  à  Josèpbe,  à  Diodore  de  Sicile, 
nous  montrent  les  maisons  de  détention  constamment  i  emplies  dune  multi¬ 
tude  de  prisonniers  appartenant  à  toutes  les  classes 1  2. 

Il  est  évident  que  les  crimes  dont  nous  avons  dressé  la  liste  ne  pouvaient 
pas  seuls  produire  ces  effrayantes  agglomérations  de  coupables  ;  car,  indépen¬ 
damment  des  malheureux  qui  remplissaient  les  prisons,  creusaient  les  canaux, 
raffermissaient  les  digues  ou  étalaient  sous  les  yeux  de  la  foule  le  hideux  ta¬ 
bleau  de  leurs  mutilations,  des  «  milliers  de  condamnés  »  3,  hommes,  femmes, 
vieillards,  enfants,  travaillaient  sans  relâche  au  fond  des  vastes  souterrains 
dont  l’historien  d’Agyre  nous  a  laissé  l’effrayante  description  4.  Dans  un  pays 
de  l’étendue  de  l’Égypte,  l’existence  de  cette  multitude  de  condamnés  était 
manifestement  le  produit  d’une  législation  impitoyable,  pénétrant  jusque  dans 

1  Liv.  I,  c.  75.  ..... 

2  II  importe  de  remarquer  que  Diodore  ,  en  parlant  des  mesures  qu’il  attribue  à  Actisanès  et 

à  Sabacon,  ne  manifeste  aucun  étonnement  du  nombre  considérable  de  condamnés  dont  les 
peines  furent  commuées;  il  raconte  les  faits  comme  des  événements  qui,  au  point  de  vue  de 
la  moralité  du  pays,  ne  présentent  rien  d’extraordinaire. 

3  C’est  l’expression  employée  par  Diodore.  Voy.  ci-dessus,  p.  51. 

4  Voy.  ci-dessus,  p.  51. 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


62 

les  derniers  détails  de  la  vie,  courbant  toutes  les  têtes  et  maintenant,  à  tous 
les  degrés  de  l’échelle  sociale,  une  sujétion  incompatible  avec  la  nature  intel¬ 
ligente,  libre  et  spontanée  de  l’homme.  La  race  égyptienne  ne  se  distinguait 
guère  par  la  turbulence  de  son  humeur  ou  la  violence  désordonnée  de  ses  pas¬ 
sions.  Humble  et  résignée,  aveuglément  soumise  à  ses  rois  et  à  ses  prêtres,  on 
l’avait  de  longue  main  façonnée  à  subir  sans  murmure  toutes  les  exigences 
d’un  despotisme  à  la  fois  religieux  et  politique.  Chez  un  tel  peuple,  le  nombre 
excessif  des  infractions  ne  s’explique  que  par  une  interminable  série  d’actes 
incriminés  par  la  loi  pénale.  «  Cette  bonne  police  de  l’Égypte  » ,  tant  vantée 
par  Bossuet,  dans  son  Discours  sur  l’Histoire  universelle ,  n’était  autre  chose 
que  la  substitution,  aussi  complète  que  possible,  de  la  volonté  despotique  du 
législateur  à  l’initiative  individuelle  des  citoyens  de  toutes  les  classes.  L’illustre 
évêque  de  Meaux  a  commis  la  même  erreur  que  les  voyageurs  de  l’antiquité, 
qui  parcouraient  rapidement  les  nomes  les  plus  riches  et  les  plus  peuplés. 
Voyant  partout  régner  l’abondance  et  l’ordre,  assistant  dans  toutes  les  villes 
à  des  fêtes  religieuses  et  nationales,  rencontrant  à  chaque  pas  des  monu¬ 
ments  empreints  d’une  incontestable  grandeur,  ils  admiraient  la  puissance 
des  lois  de  l’Égypte,  et,  à  leur  retour,  cette  admiration  était  bientôt  partagée 
par  leurs  compatriotes.  Us  ne  disaient  pas  que  l’asservissement  impitoyable 
de  toutes  les  intelligences  et  de  toutes  les  volontés  servait  de  base  à  cette 
civilisation  si  pleine  de  merveilles! 

Ici  donc  le  blâme  doit  remplacer  l’éloge.  Au  lieu  de  poursuivre,  comme 
on  l’a  dit  tant  de  fois,  la  réalisation  d’un  idéal  élevé,  fourni  par  une  science 
profonde  et  pure  conservée  à  l’ombre  du  sanctuaire,  les  maîtres  de  l’Égypte 
n’avaient  d’autre  but  que  de  perpétuer  leur  domination  à  l’aide  d’une  mul¬ 
titude  de  prescriptions  minutieuses  sanctionnées  par  des  peines  terribles. 
L’idéal  de  la  législation  criminelle  était  pour  eux  un  catalogue  largement 
exagéré  de  délits  et  de  peines.  Dans  un  système  de  répression  étroitement 
uni  au  culte,  ils  cherchaient  le  moyen  d’imprimer  aux  coutumes  nationales 
ce  caractère  de  permanence  et  d’immobilité  qui  fut  toujours  l’objet  de  leurs 
efforts  les  plus  énergiques.  La  sécurité ,  la  liberté ,  la  dignité  du  peuple  n’ar¬ 
rivaient  qu’en  seconde  ligne.  Que  pouvait  être  la  dignité  de  l’homme,  dans 
un  pays  où  les  pères  de  famille  devaient,  sous  peine  de  mort,  au  début  de 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


65 


chaque  année,  remettre  aux  chefs  des  nomes  l’indication  détaillée  de  leurs 
moyens  d’existence;  où  de  «fortes»  amendes  venaient  ruiner  l’artisan  qui 
avait  l’audace  de  s’occuper  des  affaires  publiques?  Que  devenait  la  liberté  et 
la  sécurité  du  citoyen,  sous  le  régime  d’une  législation  qui  permettait  aux 
prêtres  de  condamner  au  dernier  supplice  tous  ceux  qui ,  à  leurs  yeux ,  fai¬ 
saient  des  gains  illicites?  Autant  que  l’état  incomplet  de  nos  connaissances 
permet  de  porter  un  jugement  équitable  sur  les  institutions  de  l’Égypte ,  nous 
pouvons  affirmer  que  les  idées  généreuses  qui  se  révèlent  dans  1  organisation 
judiciaire  ne  se  retrouvaient  pas  dans  la  détermination  des  délits  et  la  dis¬ 
tribution  des  peines. 

11  en  résultait  que  le  législateur,  toujours  préoccupé  d’un  but  politique, 
commettait  à  chaque  pas  de  déplorables  inconséquences  dans  l’application 
des  principes. 

En  voyant  frapper  de  la  même  peine  le  meurtre  du  citoyen  et  le  meurtre 
de  l’esclave,  on  s’imagine  que  le  grand  principe  de  l’égalité  de  tous  devant  la 
loi  pénale  était  solennellement  proclamé  sur  les  bords  du  Nil;  tandis  que, 
quelques  pages  plus  loin,  quand  il  s’agit  de  la  répression  des  attentats  à  la 
pudeur,  on  est  tout  surpris  de  voir  apparaître  le  principe  tout  opposé  de 
l’inégalité  des  droits  suivant  l’inégalité  des  conditions.  Celui  qui  était  con¬ 
vaincu  d’avoir  violé  une  femme  libre  devait  avoir  les  parties  génitales  cou¬ 
pées,  parce  que  ce  crime,  suivant  l’expression  employée  par  Diodore  de 
Sicile,  comprenait  en  lui-même  trois  maux  très-grands,  l’insulte,  la  cor¬ 
ruption  et  la  confusion  des  enfants1.  Il  s’en  fallait  de  beaucoup  que  la  même 
protection  fût  accordée  à  la  femme  esclave.  Le  silence  de  l’historien  permet 
de  supposer  que  toutes  les  conséquences  du  fait  se  réduisaient  à  une  action 
civile  accordée  au  propriétaire  de  l’esclave  outragée;  mais,  en  tout  cas,  la 
peine  était  différente,  puisque  Diodore  a  soin  de  faire  remarquer  qu’il  ne 
parle  que  de  la  femme  libre.  C’est  que  le  législateur  égyptien,  en  punissant 
de  la  même  manière  l’assassin  de  l’esclave  et  l’assassin  du  citoyen,  n’était 
nullement  guidé  par  la  pensée  de  rendre  un  éclatant  hommage  à  la  commu¬ 
nauté  d’origine  de  l’espèce  humaine  ;  il  voulait  simplement  donner  à  tous  une 


1  Voy.  ci-dessus,  p.  55. 


64 


SUR  L’ORGANISATION  JUDICIAIRE 


haute  idée  de  l’inviolabilité  de  la  vie,  et  protéger  ainsi  indirectement  les 
maîtres  eux-mêmes  contre  les  conséquences  éventuelles  des  haines  de  leurs 
subordonnés  '.Il  n’avait  pas  cru  que  les  intérêts  des  classes  libres  exigeas¬ 
sent  les  mêmes  précautions  à  l’égard  des  attentats  à  la  pudeur  :  voilà  tout  ! 
On  se  trompe  en  disant  que  la  vie  de  l’esclave  jouissait  de  la  protection  com¬ 
mune,  parce  que  le  genre  humain,  plus  rapproché  de  son  origine,  se  sou¬ 
venait  encore  de  son  berceau  commun 1  2.  C’est  attribuer  aux  Égyptiens  des 
idées  et  des  sentiments  complètement  étrangers  à  leur  redoutable  système  de 
répression.  Si  nous  possédions  la  liste  complète  des  délits  et  des  peines,  l'iné¬ 
galité  signalée  par  Diodore  ne  serait  certainement  pas  la  seule  que  nous  y 
découvririons.  L’instinct  de  l’égalité  n’existait  pas  dans  un  pays  où  les  classes 
populaires,  elles-mêmes  asservies,  voyaient  au-dessous  d’elles  de  nombreux 
troupeaux  d’esclaves,  lesquels,  à  leur  tour,  faisaient  envie  à  la  caste  abjecte 
et  dégradée  des  gardiens  de  pourceaux,  dont  la  présence  seule  imprimait 
une  souillure  3 4. 

Un  autre  exemple,  plus  remarquable  encore,  nous  est  fourni  par  l’attitude 
que  le  législateur  criminel  avait  prise  à  l’égard  de  la  famille  des  condamnés. 

Une  femme  enceinte,  condamnée  à  mort,  ne  subissait  sa  peine  qu’après 
être  accouchée.  Au  témoignage  de  Diodore  de  Sicile,  les  magistrats  de 
l’Égypte  auraient  trouvé  souverainement  injuste  d’étendre  à  un  être  innocent 
la  peine  méritée  par  une  mère  coupable,  et  de  faire  ainsi  expier  par  la  vie  de 
deux  personnes  le  crime  commis  par  une  seule.  Or,  dès  l’instant  qu’il  s’agis¬ 
sait  d’un  crime  politique,  ce  principe  de  justice  élémentaire,  si  bien  compris 
et  si  bien  expliqué,  se  trouvait  complètement  écarté,  parce  qu’on  croyait 
utile  de  frapper  de  terreur  tous  ceux  qui  pourraient  être  tentés  d’introduire 
des  changements  dans  la  constitution  du  royaume.  La  mère,  les  sœurs,  les 
enfants,  la  famille  entière  du  conspirateur  était  livrée  au  bourreau  \  Le 
même  système  d’implacable  rigueur  était  souvent  suivi  quand  le  père  était 
condamné  aux  travaux  forcés  à  perpétuité.  Dans  les  mines  qui  se  trouvaient 

1  Diodore  le  dit  en  termes  formels.  (Liv.  I,  c.  77.)  Voy.  ci-dessus,  p.  4G. 

2  Opinion  émise  par  M.  A.  Du  B^s,  Histoire  du  droit  criminel  des  peuples  anciens,  p.  22. 

5  Voy.  nos  Considérations  sur  la  théorie  du  progrès  indéfini,  2e  édit.,  p.  253. 

4  Plutarque  ,  Vie  d’Agis  et  de  Cléomène,  c.  LXX. 


DE  L’ÉGYPTE  ANCIENNE. 


65 


aux  confins  de  l’Éthiopie,  on  voyait  des  enfants  impubères,  partageant  le 
sort  affreux  de  leurs  parents  coupables,  ramasser  péniblement  et  traîner 
jusqu’à  l’entrée  des  galeries  souterraines  les  fragments  de  minerai  détachés 
des  voûtes.  Leur  travail  pouvait  servir  à  l’alimentation  du  trésor  royal  1  ! 

Sans  doute,  les  sentiments  d’humanité  n’étaient  pas  complètement  bannis 
de  la  législation  criminelle  de  l’Égypte.  On  n’y  découvre  pas ,  dans  l’exécu¬ 
tion  de  la  peine  de  mort ,  ces  raffinements  de  cruauté  froide  et  barbare  dont 
les  annales  judiciaires  des  peuples  de  l’Orient  lournissent  de  si  nombreux 
exemples.  Le  délai  accordé  aux  femmes  enceintes  condamnées  à  la  peine 
capitale,  la  boisson  enivrante  administrée  aux  malheureux  qu’on  conduisait 
au  supplice ,  la  pratique  rude  et  primitive  du  talion  réduite  au  seul  cas  de  la 
dénonciation  calomnieuse,  le  meurtre  de  l’esclave  puni  à  légal  de  celui  de 
P  homme  libre,  toutes  ces  dispositions,  quel  que  lût  leur  motif,  sont  assu¬ 
rément  très-remarquables  pour  l’époque  où  nous  les  voyons  apparaître  dans 
le  droit  égyptien.  Mais  ici,  comme  chez  tous  les  peuples  de  ces  âges  reculés, 
il  ne  faut  pas  chercher  les  idées  philanthropiques  et  les  tendances  réforma¬ 
trices  de  nos  lois  modernes.  Ainsi  que  nous  l’avons  déjà  dit ,  le  législateur  des 
bords  du  Nil  voyait  dans  le  catalogue  des  délits  et  des  peines  l’un  des  moyens 
les  plus  efficaces  de  maintenir,  dans  toute  leur  force  et  dans  toute  leur  inté¬ 
grité,  les  institutions  sociales  qu’il  voulait  perpétuer  sur  le  sol  de  1  Égypte. 
Tel  était  le  but  qu’il  cherchait  à  atteindre ,  la  mission  qu’il  se  croyait  obligé 
de  remplir,  dans  le  domaine  de  la  justice  répressive  comme  dans  toutes  les 
autres  sphères  de  la  vie  sociale.  Quand  il  s’agissait  de  garantir  l’immutabilité 
de  la  constitution  religieuse,  politique  et  civile  du  pays,  toute  autre  considé¬ 
ration  disparaissait  devant  les  exigences  de  cet  intérêt  suprême.  C’est  à  cette 
conséquence  qu’on  vient  inévitablement  aboutir  lorsque ,  tenant  compte  de 
tous  les  faits  et  pesant  tous  les  témoignages ,  on  recherche ,  sans  esprit  de 
système,  les  causes  du  nombre  immense  de  délinquants  que  les  voyageurs  de 
l’antiquité  rencontraient  sur  la  terre  sacrée  de  Kémé. 

Bien  d’autres  questions  se  présentent.  Quel  était  le  caractère  des  peines 
temporaires?  Étaient-elles  fixes  et  invariables?  Laissait-on,  quant  à  leur 


y.niodore,  liv.  III,  c.  15. 
Tome  XXXV. 


9 


66 


SUR  L  ORGANISATION  JUDICIAIRE,  etc 


durée,  une  certaine  liberté  d’appréciation  au  tribunal  chargé  de  les  appli¬ 
quer?  Dans  quelle  mesure  le  juge  pouvait-il  avoir  recours  au  cumul  des 
peines  1  ?  Quelle  était  la  punition  du  vol ,  aux  diverses  époques  de  la  monar¬ 
chie  égyptienne?  Dans  quelle  mesure  s’occupait-on  des  infractions  commises 
en  pays  étranger 2  ?  Quels  étaient  les  crimes  qui  entraînaient  la  condamnation 
aux  travaux  forcés  à  temps  ou  à  perpétuité?  Connaissait-on  la  prescription 
dans  les  matières  criminelles  3?  Quelle  décision  avait-on  prise  à  l’égard  de  la 
tentative  et  de  la  récidive?  Pour  toutes  ces  demandes  et,  en  général,  pour 
tous  les  détails  de  la  législation  pénale ,  les  éléments  d’une  réponse  satisfai¬ 
sante  font  complètement  défaut.  Nous  devons  le  répéter  ici  :  la  nation  qui , 
plus  que  toutes  les  autres,  se  montra  constamment  préoccupée  du  jugement 
des  générations  futures,  est  précisément  celle  dont  les  institutions  et  les  lois 
donnent  lieu  aux  controverses  les  plus  épineuses.  C’est  bien  le  cas  de  s’écrier 
avec  le  poète  : 

Lancia  trahit  secam  verlilque  volubile  tempiis  : 

Nec  patitur  cerla  currere  quemque  via! 

1  Nous  connaissons  un  exemple  de  ce  cumul.  Celui  qui  ne  dénonçait  pas  les  assassins  élail 
battu  de  verges  et  privé  de  toute  nourriture  pendant  trois  jours.  (Hérodote,  liv.  1,  c.  77.) 

2  Si  l’on  devait  accepter  comme  historique  le  récit  du  bannissement  d’Alexandre  (ci-dessus, 
p.  48),  il  en  résulterait  que  les  Égyptiens  se  croyaient  obligés  de  s’occuper  même  des  infrac¬ 
tions  commises  en  pays  étranger  par  des  étrangers. 

3  Ils  connaissaient,  au  moins  sous  les  Ptolémées,  la  prescription  en  matière  civile. 


FIN. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


INTRODUCTION.— On  trouve  en  Égypte  un  mythe  analogue  à  celui  que  les  brahmanes 
ont  placé  près  du  berceau  de  la  législation  de  1  Inde. — -Thoth  révélateur  et  législateur 
- — Thoth  précepteur  et  guide  d’Isis.  —  Les  quarante-deux  livres  sacrés.  Origine  di\ine 
et,  par  suite,  immutabilité  absolue  des  principes  fondamentaux  de  la  législation  chile  et 
criminelle.  —  Rareté  des  documents  et  des  témoignages  relatifs  à  l'histoire  des  institutions 
judiciaires  de  l’Égypte  ancienne.  — Insuffisance  des  découvertes  modernes  dans  la  sphère 

de  la  législation.  —  Confusion  à  éviter.  —  Objet  et  but  du  mémoire  .  . . 

I  Source  et  exercice  du  droit  de  punir.  —  Organisation  judiciaire  de  l  Égypte  ancienne. 
—  Le  droit  de  punir  était  envisagé  comme  une  délégation  de  la  puissance  divine.  — 
Double  élément  qu’on  rencontre  dans  l’organisation  du  pouvoir  judiciaire  de  1  Égvpte  . 
la  royauté  et  la  classe  sacerdotale.  —  Les  rois  avaient  le  droit  de  juger  avec  une  autorité 
souveraine  :  preuves  et  exemples. — Tribunaux  ordinaires.  —  Cour  centrale  de  Thèbes. 
Tribunaux  des  nomes.  —  Tribunaux  de  police.  —  Composition,  compétence  et  rang 
hiérarchique  de  ces  tribunaux.  —  Privilèges  judiciaires  des  prêtres.  — A  avait-il  un  tri¬ 
bunal  d’exception  dans  le  célèbre  labyrinthe  du  nome  arsinoïte  :  Tribunaux  mili¬ 

taires.  —  Tribunal  d’exception  pour  les  Grecs  établis  sur  le  territoire  de  Naucratis  ; 
sa  juridiction  réelle.  —  Tribunal  domestique;  pouvoir  judiciaire  du  père  de  famille. 
Composition,  mode  deprocéder  et  destination  du  tribunal  sacerdotal  des  sépultures, 
IL  —  Instruction  criminelle.  —  Le  droit  d’accusation  devant  les  tribunaux  criminels  de 
l’Égypte.  —  L’action  publique  pouvait  être  intentée  par  tous  les  habitants  du  pajs,  sans 
distinction  entre  les  indigènes  et  les  étrangers  :  preuves  et  exemples.  Procédure  sui\ie 
devant  les  tribunaux  domestiques.  —  Procédure  devant  les  tribunaux  proprement  dits. 
Instruction  par  écrit.  —  Double  échange  de  mémoires.  Proscription  delà  plaidoirie 
orale.  —  Solennité  de  l’audience.  —  Notification  symbolique  de  la  sentence  des  juges. 

Le  serment.  —  Les  enquêtes.  —  La  question  préparatoire.  —  Le  «  jugement  de  Dieu  » 
dans  la  procédure  égyptienne.  —  La  détention  préventive.  Lacunes  importantes  que 

présente  cette  partie  de  l’histoire  de  la  législation  . . 

III.  —  Les  délits  et  les  peines.  —  Les  codes  criminels  de  l’Égypte.  Thoth  législateur. 


68 


TABLE  DES  MATIERES. 


_ Autres  législateurs  énumérés  par  Diodore  de  Sicile.  —  Témoignages  fournis  par  les 

inscriptions  des  monuments.  —  Catalogue  exagéré  de  délits  et  de  peines  résultant  de  - 
l’organisation  religieuse ,  politique  et  administrative  du  pays.  —  Peine  capitale.  — 

Mort  simple  :  la  pendaison  et  la  décapitation.  —  Mort  qualifiée  :  le  bûcher,  la  croix,  le 
supplice  asiatique  des  cendres.  —  Énumération  des  crimes  capitaux.  —  Parricide,  tra¬ 
hison,  rébellion,  sacrilège,  meurtre,  parjure,  dénonciation  calomnieuse,  mensonge 
dans  la  déclaration  des  moyens  d’existence,  violation  des  règlements  sur  Part  de  guérir, 
existence  à  l’aide  de  gains  illicites,  rapt. —  Les  rois  Actisanès  et  Sabaccon  adversaires 
de  la  peine  de  mort;  durée  éphémère  de  leur  système.  —  Peine  des  travaux  publics  à  temps 
et  à  perpétuité.  — Peines  expressives;  mutilations  fréquentes.  —  Autres  peines  :  servi¬ 
tude  pénale,  fouet,  jeûne  forcé,  relégation,  exil,  emprisonnement,  déclaration  d’infa¬ 
mie,  confiscation  des  biens,  amende.  —  Controverse  étrange  au  sujet  de  la  peine  du  vol. 

—  Énumération  générale  des  peines  usitées  en  Égypte.  — Sévérité  exagérée  du  système.  Pas 

—  Le  droit  de  grâce  rarement  exercé  par  les  rois  de  l’Égypte . 38 

IV.  —  Réflexions  générales.  — Controverse  entre  les  savants  modernes  au  sujet  du  degré 

de  culture  intellectuelle  atteint  par  la  population  de  l’Égypte.  —  L’histoire  de  la  législa¬ 
tion  criminelle  du  pays  fournit  des  arguments  aux  partisans  des  deux  systèmes.  —  L'or¬ 
ganisation  judiciaire  dénote  une  étude  attentive  et  une  remarquable  intelligence  des 
intérêts  sociaux.  —  La  législation  pénale  proprement  dite  est  loin  de  mériter  les  mêmes 
éloges.  —  Le  droit,  l’équité,  la  liberté,  tous  les  principes  et  tous  les  intérêts  sacrifiés 
aux  exigences  de  l’organisation  politique.  —  Illusions  qui  se  manifestent  dans  les  écrits 
des  historiens  et  des  jurisconsultes.  —  Appréciation  erronée  des  faits  et  de  leurs  con¬ 
séquences.  —  Nature  et  portée  réelle  du  système  de  répression  en  vigueur  dans  la  vallée 
du  Nil.  —  Réflexions  générales . -iO 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  MATIERES. 


V