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Full text of "Mémoires de la Société Royale (Nationale) Académique de Cherbourg"

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MEMOIRES 


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SOCIETE  IIHPERIALE  ACADEMIOIE 


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CHERBOURG. 


fteliiion  et  lIOBtiiur, 


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FBIARDEM,   im|ii'imeiii'-libiaii'i',  rues  drs  (ioidoiwi;  ^'i  TnHr-CiiiiTC 


MEMOIRES 


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WuWll  I1"PES!ALE  ACABEinpS 


DE  CHERBOURG. 


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MEMOIRES 


DE  LA 


SOCfili^T^ 


IIP£RIAL£  agademique 


OE  CHERBOURG. 


I 


Religion  et  Honneur. 


FEUARDENT,  impriraeur-libraire,  rues  des  Corderiei  ct  Tour-Carrie. 


LISTE 

DES  PHEPHBRES 


DE    LA 


Soci(l(i  lyipirialc  Acadeiniquede  Cherbourg. 


Burean. 

Annies  de 
reception . 

1829    Directeur M.   Noel,  ancicn  maire   de 

Cherbourg. 

1831  Secretaire M.   Delacliapelle,  professeur 

de  philosophic  au  college,  doc- 
teur-6s-leUres. 

1832  Tre'sorier-Archiviste.  M.  de  Pontaumont,  inspec- 

teur-adjoint  de  la  marine. 

Associ^s    titiilaircs. 

1807  MM.  Claslon,  ancicn  principal  dii  college. 

1829  Asselin,  docteiir  en  medecine. 

1831  Lc  C*  dii  Monccl,   direclcur  de   la  ferme-icole 

de  Martinvasf. 
1843  Lc  Maislre,  receveur  particulier  des  finances. 


71  LISTE    DliS    MKMBRES 

4846  Lesdos  (Alex.),  secraaire  de  la  sociele  d'agn- 

culture. 

—  ■  Do  Bi  rmon,  capitaine  de  frigate. 
— ,  Le  Jolis,  negocianl. 

1850  Jardin,  aide-commissaire  de  la  marine, 

1852  De  Rostaing,  capitaine  de  fregate. 

1853  Denis-Lagarde,  inspecteur-adjoint  de  la  marine. 

—  D'Aboville,  capitaine  de  vaisseau. 

—  Le  Sens  (Victor),  commis  des  directions  de  tra- 

vaux  de  la  marine. 

—  Frigoult,  regent  au  college. 

1854  Besnou,  pharmacien  de  la  marine  de  r^  classe. 

—  De  Lapparent,  ingSn''  des  constructions  navales. 

—  Loysel,  docteur  en  m^decine. 

1855  Mangin,  ing^nieur  des  constructions  navales. 

—  Dufour,   president  du  conseil  de  sanlt^  de  la 

marine. 

1856  Guiffard,  docteur  en  droit. 

Assocl^s  honoralres. 

1855  De  Tocqueville  (Hippolyte),  ancien  officier  sup6' 

rieur,  a  Nacqueville. 

—  Digard  de  Lousta,  sous-agent   comptable  des 

matiferes  de  la  marine. 

Assoc&cs  correspondiints. 

1810  MM.|Cauchy,  membre  de  I'Institut  a  Paris. 
1815  Le  Tertre,  bibliotli(5caire  a  Coutances. 

^329  Lc  baron  de  la  Gatinerie,  commissaire  g<?n6ral 


DE   LA   SOCIEXE.  Til 


Annees  de 
reception. 


de  la  marine  retraite,  a  Fontainebleau. 
4829  Durand,   commissaire  des  poudres  et  salpetres 

au  Ripault,  pr6s  Tours. 

—  Frimot,  ingenieur  en  chef  retraite,  a  Landerneau . 
Travers,   professeur  de  liltSrature  latine  k  la 

faculte  de  Caen. 
1830    M?""  Daniel ,  t^veque  de  Coutances  el  d'Avranches. 
1832  MM.  De  Caumont,  antiquairea  Caen. 
1834  Quenault,  conseiUer  a  la  cour  de  cassation  a  Paris. 

—  De  Givency,  antiquaire  a  S'-Omer. 

—  Pelouse,  membre  de  I'lnstitut  a  Paris. 

—  De  Tocqueville  (Alexis),  membre  de  I'academie 

francaise,  au  chateau  de  Tocqueville. 

1836  Bonnissent,  (0.),  chimiste. 

1837  C*  de  Montalivet,  ancien  ministre  d'Etat,  a  Paris, 
1839  Dufresne,  ingenieur  en  chef  des  ponts  et  chaus- 

sees,  a  Alengon. 
1841  Menard  (abbe),  a  Falaise. 

—  Moulin  avocat,  a  Paris. 

—  Bailhache,  professeur  de  rhetorique,  an  Mans. 

—  De  Brebisson,  naturaliste,  a  Falaise. 

—  Fallue,  homme  de  lettre,  a  Rouen. 

—  Menani,  substitutdu  Procureur  imperial,  a  Vire. 

1843  Lauvergne,  m6decin   en  chef  de   la  marine,  a 

Toulon. 

—  .  Charma,  professeur  de  philosophic  a  la  facolle 

de  Caen. 

1844  Pillet,  professeur  de  rhetorique,  a  Bayeux. 

—  Mancel,   conservateur  a  la  bibliolheque  de  la 

ville  de  Caen. 

1845  M^ry,dirccl<iurdeslravauxhydrauliques,kBrcsl. 


VIII  LISTE    DES    MEMBKES 

Annies  de 
rt'C'-pliou, 

1843  I.aimanf,  inspecteuren  clielJe  la  marine  rctraitd' 

a  Brest. 
■I34G  Le  C*  J'Harcourt,  capUaine  de  fregate,  a  Paris. 

—  Leverrier,  membre  de  I'lnslitiil,  a  Paris. 

—  Thierry  (Edouard),  conservateuralabiblioth^que 

de  I'Arsenal,  a  Bagncux  (Seine). 
1857  Cliaiivin,  profosseurd'liistoire  naturelle,  a  Caen. 

—  Docaisno,  mein'ore  de  l'[nsliLiit,  professeur  au 

Jardin-des-Plantes,  a  Paris. 

—  Delisle   (Leopold),  altache  au  departement   des 

manuscritsdelabibliothuH^ueimperia''',  aParis. 

—  Le  Flaguais,  horn  me  de  leltres,  a  Caen. 

—  Le  V"'  de  Kcrck'iove,   prt'sident  de  I'academie 

d'areheologie  de  Relgique,  a  Anvers. 

—  Broeclcx,  docteur  en  medecine,  a  Anvers. 

—  Van  den  Wyngaerl,   conseiUer  de    regence,   a 

Anvers. 

—  Do  Candolle,  professeur  a  I'academ'e  de  Geneve. 

—  De  Kerckliove  (Eugene),  niinistre  de  Turquie, 

pros  de  S.  M.  le  roi  des  Beiges,   a  Bruxelles. 

—  Sorbier,  procureur  general  imperial,  a  Agen. 

—  Perreau,  numismate,  a  Tongres. 

—  Stroobanl  (I'abbe),  anliquaire,  a  Bruxelles. 

—  Sdiaepkens,  peintre  d'liistoirc,  a  Maeslric'it. 

—  Dubosc,  ardiiviste  paleograplie  du  dcparlement 

de  la  Manche,  a  Saini-Lo. 

—  Caslel,  a  Saint-Lo. 

—  Bordes,  homme  de  lettres,  a  Pont-rEveque. 

—  Jordan,  natural iste,  a  Lyon. 

■—  Le  CIr'' Le  Bidarl  de  Thuaiai  le,   prccureur  du 

roi  des  Beiges,  a  Lioge. 


DE    I.A    SOCIt:TE.  l\ 

Anni^ps  lie 
r^ceplion. 

181,7  Ballin,  homme  de  lettrcs,  a  Rouen. 

—  Pczcl,  president  (111  tribunal  civil  dc  Bayeux. 

1848  De  Bussclier,  secretaire  de  U  sociele  royale  des 

beaiix-arts  et  de  lilterature,  a  Gand. 

—  Roux,  cliirurgienencliefde  la  marine,  a  Toulon. 

—  Bazan,  ancien  agent  administratif  des  directions 

de  travaux  de  la  marine. 

1849  Castagne,  naturaliste,  a  Marseille. 

—  Liais,  astroiiome,  a  robservaf'^  Imperial  de  Paris. 

—  Didron,  antiquaire,  a  Paris. 

—  Jouvin,  pharmacien  professeur,  a  Rocliefort. 

—  Borgnet,  antiquaire,  a  Namur. 
4850  Paris,  capitaine  de  vaisseau,  a  Brest. 

—  Blaclie,  direcleur  du  lazaret  de  Marseille. 

—  Petit,  astronome,  a  Toulouse. 

—  Moquin-Taudon,  professeur  a  Toulouse. 

—  Joly,  id. 

—  Hamel,  id. 

—  Colinez,  avocat  general,  a  Gand. 

—  Thurct,  naturaliste,  a  Querqueville. 
— ■           ■  Solier,  id.  a  Marseille. 

—  Du  Plessis,  president  de  la  socl6te  des  sciences  et 

des  lettrcs,  a  Blois. 

—  De  Reume,  capitaine  d'artillerie,  a  Bruxelles. 

—  Chassay  (abbc^),  professeur,  a  Baycux. 

—  De  Serry,  ingenieur,  a  Algor. 

—  Bottin,  juge  dc  paix,  a  Carcntan. 

—  De  Lavrignais,  dirocteur  au  ministere  dc  la  ma- 

rine, a  Paris. 
1851  DoGrandpont,  commissaire  general  dela  marine, 

a  Toulon. 


X  -  LISTES    DES    MEMBRES 

Aon^es  de 
reception. 

—  Lemarie,  avocat,  a  Coutances. 

—  De  Montrond,    capitaine  du  g(5nie  retraite. 

—  Regnault,  bibliothecaire  du  conseil^d'etat,  a  Paris. 

—  Sauvage,  avocat,  a  Mortain, 

1852  Delioux  de  Savignac,  second  niedecin  en  chef,  a 

Brest. 

—  '  Sivard  de  Beaulieu,  a  Sauxemesnil. 

—  Girardin,  nienibre  de  plusieurs  societ^s  savantes, 

a  Rouen. 

—  Pouchet,  id. 

—  PoiiUain  (abbe),  cure  d'AUeaume,  a  Valognes. 

—  H6bert-Du perron,  membre  de  plusieurs  soci^tes 

savantes,  a  Valognes. 

—  Lecorps  (madame),  nee  Marie  Ravenel,  a  Car- 

neville. 

—  Catteloup,  medecin  major,  a  I'armee  d'Orient. 
Latrouette,  docteur-6s-lettres,  a  Caen. 

—  Hippeau,  professeur  a  la  faculte  de  Caen. 

—  Lambert,  antiquaire,  a  Bayeux. 

—  Millard  Fillmore,  president  de  I'lnstitut  Smith- 

sonian, a  Washington. 

—  Roger  Taney,  grand  juge  des  Etats-Unis,  a 

Washington. 

—  Walter  Lenox,  maire  de  Washington. 

—  Henri  Hilliard,  senateur  des  Etats-Unis. 

1852  J.  Henry,  secretaire  de  I'lnstitut  Smithsonian,  a 

Washington. 

—  Le  Poiltevin  de  la  Croix,  president  de  Tacad^mie 

beige  d'histoire  et  de  philologie,  a  Anvers. 

—  Van  Achter,  hommede  lettres,  a  Bruxelles. 

—  Louis  (I'abb^),  curt^  de  Sainte-Marie-du-Mont. 


DE    LA    SOCIETE.  XI 

Aan^os  de 
reception. 

1852  Desroclies  (I'abb^),  cur6  d'Isigny  (Manche). 

—  De  Beaurc'paire  (Eiig.),  antiquaire,  a  Avranclies. 

—  Cochet  (I'abbc),  antiquaire,  a  Dieppe. 

—  Le  Prevost  (Augusle),  membre  de  racademie  des 

Inscriptions,  a  Bernay. 

—  Renault,  v.-pr6sid'  du  tribunal  civil,  a  Coutances. 

—  Villers,   secretaire  de  la  soci6t6  d'agriculture, 

sciences,  arts  et  belles  lettres,  a  Bayeux. 

—  B""  de  Pirch,  membre  de  la  society   arrli^olo- 

gique,  a  Avranches. 

—  Loyer,  secretaire  de  la   societt5  arch^ologique,  a 

Avranches. 

1853  Forgeais,  directeur  de  lasociet6  de  sphragistique, 

a  Paris. 

—  Don  J.  Villar  y  Massias,  professeur  a  Tuniversite 

de  Salamanque. 

—  Tilesius,  secr(;:taire  de  I'academie  des  sciences 

naturelles,  a  Munich. 

—  Schmidbauer,  capitaine    au    corps   franc    des 

etudianis,  h  Munich. 

—  Don  P.  BoffaruU  y  Mascaro,  president  de  I'aca- 

demie des  beaux-arts,  a  Barcelonne. 
-—  Jubinal,  depute  des  Hautes-Pyr6nt5es,   h  Paris. 

—  Couefiin  (madame),  a  Bayeux. 

—  De  Glanville  (Leonce),  membre  de  la  society  des 

antiquaires  de  Normandie,  a  Rouen. 

—  Feuillct  (Octave),  homme  de  lellre,  a  Paris. 

—  De  Roissy,  membre  de  la  societe  des  antiquaires 

de  Normandie,  a  Paris. 

—  S'*-Beuve,  membre  del'academ.  francaise,a  Paris. 

—  Vieiliard,  biblioth^caire  du  Senat,  a  Paris. 


XII  I.ISTES    DES    MEMBRES    DE    LA    SOCIETE. 

reception, 

—  Van  der  Ilcyden,  hisloriographe  de  Belgique,  a 

Anvers. 

—  Podesta,  homme  de  lettres,  h  Anvers. 

4854  De  Wind,  president  de  la  sociel6  des  sciences  de 

Zelande,  a  MlddrlLoiirg. 

—  De  Duranville,   membre  de  plusieurs  socidl^s 

savantes,  a  Rouen. 

—  Avoyne  de  Chantereyne,  inspecleur  des  forfits 

relrait(^,  a  Lisieux. 

—  De  Peyronny,  capitaine  du  genie. 

—  Bordeaux  (R  ),  cnliquaire,  a  Evreux. 

—  Mulsan,  president  de  la  societe  linneenne,  a  Lyon. 

—  Polman  Kruseman  (Hendrick),   secretaire  de  la 

societe  des  sciences  de  ZMande,  aMiddelbourg. 

—  Prou,  pr^sidontdelasocietearcheologique,aSens. 

—  Chasseriau,  maitre  des  requetes,  hisloriographe 

de  la  marine,  a  Paris. 

—  De  Galliani,  sous-chef  de  bureau  au  minist^re  de 

la  marine,  a  Paris. 

—  Periaux,  membre  do  plusieurs  soci^t^s  savantes, 

a  Querqueville. 
1855  Reynaiid,  professeur  au  lycee  imperial  de  Nancy. 

—  Gaspard-Bellin,  homme  de  lettres,  a  Lyon. 
4856           Decaisne,  membre  de  I'aca  iomie  royale  de  me- 

decine  de  Belgique,  a  Malines. 

—  Gille,  agronome,  a  Flamanville. 

--  Comariiiond,  conservaleur  du  musee  d'archSo- 

logie,  a  Lyon. 

—  Bonnin,  aiUiquaire,  a  Evreux. 

—  FabriciLis,     professeur    d'histoire    au    collt^ge 

d'Aarhuus  (Danemarck\ 


STATUTS 

dE:  la 

Socieii  Irap^riale  Academiqne  rte  Cherbourg, 

Arretc's  en  seance  le  S  Juin  iSSi. 

Article  premier. 

La  societe  academique  est  composee  d'associes  titulaires, 
d'associt^s  honoraires  et  d'associes  correspondants. 

Art.  2. 

Les  associ^s  titulaires  sont  ceiix  qui,  domicilies  dans  la 
ville  de  Cherbourg  ou  dans  rairondissement ,  jusqu'ii  la 
distance  d'un  myriam^tre,  conliactent  I'engagement  d'assis- 
ler  habituellement  aux  seances  de  la  societe.  Si  quelqu'un 
des  titulaires  flxe  son  domicile  a  une  plus  grande  distance  , 
il  passe  dans  la  classe  des  correspondants. 

Art.  3. 

La  societe  confere  par  privilege  le  litre  d'associ6  honoraire 
a  ceux  de  ses  menibres  titulaires  qui  ont  lo  plus  contribue 
i\  ses  travaux.  Les  associ^s  honoraires  ne  sont  pas  tenus 
d'assister  aux  stances  ct  jouissont  cependant  de  tons  les 
privilt'-ges  des  titulaires. 


Xir  STATUTS 

AiiT.  4. 

Les  associes  correspondanls  sont  ceux  dont  le  domicile 
habituel  est  eloigne  dc  Cherbourg  de  plus  d'un  myriametre. 
lis  sont  admis  aux  reunions  lorsqu'ils  s'y  presentent,  et 
peuvent  prendre  part  aux  discussions  litteraires  et  scientifi- 
ques. 

Art.  5. 

Les  associes  titulaires  et  honoraires  ont  seuls  voix  dt^libe- 
rative  lorsqu'il  s'agit  d'elections  ou  d'affaires  relatives  a 
I'organisalion  et  au  regime  de  la  society. 

Art.  6. 

Le  nombre'des  associes  titulaires  est  Gxe  a  25.  Celui  des 
associes  honoraires  et  des  correspondantsest  illimitd. 

Art.  7. 

La  societe  a  trois  officiers  :  un  directeur.'un  secretaire  et 
un  tresorier-archivistc. 

Art.  8. 

Le  directeur  preside  les  seances,  pose  les  questions, 
recueille  les  voix,  depouille  lesscrulins,  proclame  les  resul- 
tats,  porte  la  parole  au  nom  de  la  societe,  et  fait  tons  lesans, 
en  seance  publique,  un  rapport  sommaire  sur  les  travaux  de 
I'annde. 

Art.  9. 

Le  secretaire  rMige  les  proces-verbaux  des  seances  et  les 
deliberations  de  la  societe;  ilestchargede  la  correspoadance. 


de  la  societe.  xv 

Art.  10. 

Le  tresorier-archiviste  a  la  garde  du  sceau  de  la  societe, 
des  anciens  registres,  des  livres,  memoires,  etc.  II  forme  un 
catalogue  de  ces  divers  objets,  et^  met  a  la  disposition  dcg 
membres,  sur  recepisse,  les  livres  dont  ils  onl  besoin,  sans 
loutefois  que  chacun  puisse  les  garder  au-dela  d'un  mois.  U 
regoit  les  revenus  de  la  societe,  et  paie  les  depenses  sur  un 
niandat  du  directeur. 

AuT.  11. 

Le  directeur,  le  secretaire  et  le  tresorier-archiviste  sont 
^lus  ci  la  pluralite  des  voix,  chacun  par  un  scrutin  separ6. 
Ces  elections  se  font  apres  la  stance  publique  de  I'annee.  Le 
directeur  est  elu  pour  un  an,  le  secretaire  et  le  tr(5sorier- 
archivistc  le  sont  pour  trois  ans,  et  tons  trois  peuvent  etre 
reelus. 

Art.  12. 

En  cas  d'absencc  du  directeur  ou  du  secretaire,  le  premier 
est  remplac6  de  droit  par  I'associe  le  plus  ancien,  et  le  second 
par  le  tresorier-archiviste,  ou,  en  I'absence  de  ce  dernier, 
par  le  dernier  membre  elu,  present  a  la  stance. 

Art.  13. 

Les  candidats  sont  proposes  par  le  bureau,  compose"  des 
trois  ofliciers,  dans  une  s6ance  ordinaire.  L'election  a  lieu 
dans  la  stance  suivante  apres  convocation  speciale. 

Les  candidats  au  litre  de  membre  titulairedevront  adresser 
ou  faire  adresser  leur  demande  au  directeur  et  presenter  a 
I'appui  un  ouvrage  manuscrit  ou  imprim^.  Get  ouvrage  sera 
renvoye  a  I'examen  d'une  commission  et  donnera  lieu  a  un 
rapport  6crU  qui  sera  depose  aux  archives. 


XVI  STATlTS 

Toutefois  la  societe  peut  faire  exception  a  ces  dispositions 
sur  line  proposition  speciale  et  motivee  du  bureau. 

Art.  14. 

Le  candidal  recii  mcnibre  titulaire  doitavant  d'etre  admis 
aux  seances  adherer  aux  slatuts  de  la  societe  en  y  apposant 
sa signature etverscrentre  lesmainsdu  tresorier,  unesomme 
de  5  fr.  pour  droit  de  diplome. 

Aht.  15. 

Les  seances  obligatoires  seront  au  nombre  de  dix  par 
chaque  annee  et  auront  lieu  dans  la  premi6re  semaine  de 
chaque  mois,  au  jour  indique  d'avance. 

Dans  chacuiie  de  ces  seances,  les  niembrcs  presents  rece- 
vront  desjetons  auxquels  il  sera  attribae  une  valeur  de  1  fr,; 
Au  commencement  de  I'annec,  chaque  membre  devra  verser 
entre  les  mains  du  tr(5sorier  une  somme  do  10  fr.  soil  en 
argent  soit  en  jetons. 

Le  membre  nouvellemenl  clu  vcrsera  egalement  cette 
somme  de  10  fr.  et  il  lui  sera  remis  aulantde  jetons  qu'il  y 
aura  eu  de  stances  obligatoire  depuis  le  commencement  de 
I'annee. 

II  n'y  aura  pas  de  seance  dans  les  mois  de  septembro  el 
d'octobre. 

Art.  16. 

Toutes  les  deliberations  se  fontau  scrutin,  a  moins  que  la 
societe  n'ait  manifesle  le  vcru  conlraire.  Celles  qui  ont  pour 
objet  Velection  d'tin  candidat  ou  une  modification  aux 
statuts,  lie  peuvent  avoir  lieu  hors  de  la  presence  de  la 
majorite  des  membres  titulaires  presents  a  Cherbourg. 


1)e  ].k  socikte.  xvii 

Akt.  17. 

Les  personnes  etrangeres  a  la  societe  ne  sont  admises  a 
ses  seances  particulieies ,  que  lorsqu'elles  sont  presentees 
parquelqu'un  desesmembres,  etaved'agrementdu  bureau. 

Art.  18. 

EUe  entend  dans  scs  seances  parlicuI16res  la  lecture  de 
tous  les  memoiresqui  lui  sont  soumis;  elle  admet  ladiscus- 
sion  sur  toutes  sortes  de  matiferes,  en  tant  qu'elles  ont  rap- 
port aux  belle.s-lettres,  aux  sciences  et  aux  arts. 

Toute  discussion  sur  la  religion  et  la  politique  est  jnlerdite. 

Art.  19. 

Tous  les  ans,  'a  I'epoquc  fix6e  par  la  soci(5te,  une  st^ance 
publique  aura  lieu.  Les  memoires  destines  a  la  lecture 
devront  elre  soumis  a  la  societe,  dans  une  des  stances  ordi- 
naires  ou  dans  une  stance  speciale  convoquee  a  cet  effet.  Ces 
memoires  seront  deposes  aux  archives  jusqu'a  la  seance 
suivante  oii  ils  devront  etre  admis  au  scrulin  secret. 

Art.  20. 

L'auteur  de  tout  ouvrage  lu  aux  S(^ances  soit  publiques, 
soil  particuli^res,  en  remetletexte  ou  I'analyse  a  I'archiviste, 
qui  en  fait  prendre  copie  sur  un  registre  a  ce  destine. 

Art.  21. 

Un  volume  de  memoires  sera  imprime  toutes  les  fois  que 

II 


XVIH  STATUTS    DE    LA    SOCIETE. 

la  situation  financiere  de  la  societe  le  permetlra.  Chaque 
article  destine  a  I'impression  sera  lu  prealablement  dans  une 
stance  ordinaire  et  depose  aux  archives  jusqu'a  la  seance 
suivante,  oil  il  devra  etre  admis  au  scrutin  secret. 

Art.  22. 

Si  les  fonds  existant  dans  la  caisse  ne  sont  pas  suffisanls 
pour  subvenir  auxdepenses  d'impression  des  memoires,  il  y 
est  supplee  par  une  cotisation  repartie  entre  les  auteurs  des 
memoires  admis  a  I'impression,  proportionnellement  a  leur 
^lendue. 

A  mesure  qn'il  rentrera  des  fonds  dans  la  caisse,  soit  par 
la  vente  des  memoires,  soit  par  tout  autre  moyen,  il  en  sera 
fait,  par  les  soins  du  tresorier,  une  repartition  proportion- 
nelle,  jusqu'a  concurrence  de  la  somme  avancee  par  chaque 
membre. 

Les  planches,  dessins  ou  tableaux  accompagnant  les  me- 
moires, soit  intercales  dans  le  texte,  soit  plact^s  en  dehors, 
seront  tojujours  au  compte  de  I'auteur. 

Art.  23. 

Tous  les  ans,  dans  le  courant  du  mois  de  novcmbre,  une 
messe  raortuaire  sera  dite  pour  les  membres  de  la  society 
decedes  depuis  sa  fondation. 


NOTICE 


SUR 


M.  P. -A.  D£UGHAP£LL£, 


Associe  lilulaire. 


sfy-satt'^sa-x 


Je  desire  reuiiir  ici  quelqucs  fails  do  la  vie  d'un  do  r.os 
respeclablcs  confreres  sur  lequel  iino  tombe  receiilc  s'cst 
fcrraee.  Je  note,  dans  le  souvenir  qui  m'est  reslc  de  cet 
homnie  de  bien,  le  trail  dislinctif  de  son  caraclerc  :  lin  gout 
inne  pour  les  sciences  nalureiles  ,  qu'il  savait  rcndrc 
desirable  pour  I'qwquc  des  etudes  projclees  en  ces  annees 
lointaines  <Je  retraite  ct  de  repos  qu'on  ajourne  toujours 
ot  qui  souvent  ne  viennent  jamais. 

M.  Delachapelle  (Pierrc-Adricn)  naquit  a  Clierbourg  Ic 
22  juin  1780  :  il  ctait  fils  de  M.  Adrien  Delacliapelle-Mar- 
canville  et  de  M"*^  Tlicrese  Asselin.  Apres  avoir  fait  ses  etudes 
h  Cherbourg,  sous  la  direction  do  M.  I'abbe  Delacour,  il 
entra  fort  jeuuc  encore,  duns  les  bureaux  de  la  marine,  en 


XX  NOTICE 

qiialito  de  dessinalcur.  C'elait  vers  1794,  ct,  en  ces  lemps 
diiliciles,  il  uidail  deja  de  ses  minces  appointemenls  son  pere, 
tres  avance  en  age,  et  sa  mere,  femme  d'un  rare  merile.  M. 
Augustin  Asselin,  son  oncle,  appele  quelques  annees  apres 
au  conseil  dcs  Cinq-Cenls,  lui  temoigna  un  int^ret  qui  ne 
s'esl  jamais  demculi  dcpuis.  Un  gout  vif  pour  I'etuJe  de.ia 
cliimie  el  des  sciences  naturelles  determina  M.  Delaciiapelle 
a  embra£3er  la  profession  de  pharmacien.  II  alia  a  Paris' 
etudier  les  sciences  et  se  former  a  la  pratique  necessaire 
pour  atteindre  a  son  but,  puis  revint  se  fixer  a  Cherbourg  en 
1802.  II  epousa  Mademoiselle  Adelaide  Mace,  et  des  lors, 
voue  aux  devoirs  do  son  etat  et  do  sa  position,  i!  vecut 
honorablenient,  goutant  la  douceur  des  affections  de  famille, 
et  formant  ou  gardant  des  amities  que  la  mort  seule  a  pa 
briser.  L'estime  publique  ne  lui  a  pas  fait  defaut,  el  scs 
concitoyens,  aussi  bien  que  les  chefs  de  radministration,  se 
sont  plu  a  lui  en  donner  des  gages.  II  fut,  a  deux  reprises, 
sous  le  premier  Empire  et  sous  la  monarchie  do  1830, 
appele  au  conseil  municipal  de  Cherbourg;  il  siegea, 
pendant  de  longues  annees,  en  qualile  de  juge-suppleant  et 
de  juge,  au  tribunal  de  commerce,  et  plus  lard  devint 
membre  et  vice-president  du  bureau  de  bicnfaisance.  II 
remplit  jusqu'a  son  dernier  jour  les  devoirs  qnc  lui  imposait 
ce  litre.  M.  Delachapelle  avail  toujours  reserve  quelques 
heures  de  loisir  pour  I'etude  de  la  botanique,  et  il  se  livra, 
surtout  a  cctle. science,  lorsqu'il  eut  quitle  les  affaires.  Ses 
travaux  le  mirenl  en  relation  avec  plusieurs  savants,  parmi 
lesquels  nous  cilerons  seulement  !VIM.  Lamouroux,  Dubourg 
d'lsigny,  Le  Normand,  de  Brebisson,  Delislc,  Pelvey,  D"" 
Le  Boi,  et,  en  un  temps  plus  recent,  M.  Bcrtrand-Lachonee, 
qn'il  pfuida  dans  ses  premieres  6tudes.  La  bo'.anique,  cclte 
science  qui  retienl  parmi  les  plus  charmanles  productions 


SUH    M.    P. -A.    DELACIIAPELLE.  jTxi 

de  la  nature  Tcsprit  et  les  regards  de  ceux  qui  la  cuUivent, 
a  encore  im  altrait  plus  intime  :  elle  forme  entre  eux  un 
lien,  etdonne  naissance  a  de  fideles  amities. 

La  Societe  Acadcmique,  appreciant  les  travaux  de  M. 
Delachapellc,  I'appcla  dans  son  sein  en  1829,  et  d^s  lors,  ce 
fut  a  elle  qu'il  consacra  les  fruits  de  ses  recherches. 

II  avail  donne,  en  182G,  un  Catalogue  me'thodique  des 
Lichens  recucillis  dans  I'arrondissement  de  Cherbourg; 
Caen,  Chalopin.  Poursuivant  ses  etudes  et  ses  herborisations, 
il  publia  successivemcnt,  dans  les  memoires  de  la  Societe 
Academique,  les  travaux  dont  voici  les  litres  et  les  dates  : 

Memoiresur  lesplantes  marines,  extrait  d'unouvragc 
sur  la  vegetation  de  ces  plantes  sur  les  cotes  de 
I'arrondissement  de  Cherbourg ;  mem.  1833. 

Description  succincte  des  Thalassiophytes  articulce'i, 
recueillies  sur  les  cotes  de  I' ar rondissemeni  de  Cher- 
bourg; mem.  1833. 

Description  succincte  des  Thalassiophytes  inarticule'es; 
mem.  1838. 

Catalogue  methodique  des  mousses  trouve'es  dans 
I'arrondissement  de  Cherbourg ;  mem.  1843. 

Catalogue  des  Graminees  qui  croissent  spontanemenl 
dans  I'arrondissement  de  Cherbourg;  mem.  1847. 

Quelques-uns  de  ces  memoires  ont  ele  tires  a  part,  lors  de 
leur  publication. 

M.  Delacliapelle  savait  que  les  sciences  naturelles  doivent 
surtout  leurs  progris  a  des  observations  exaclenient  failes 
dans  un  champ  circonscrit,  a  des  catalogues  soigncusenient 
dresses  et  soumis  au  controlc  de  ceux  qui,  plus  lard,  doivent 
les  completer,  ou  du  moins  les  etendre.  C'est  dans  cello 
pensee  (|u'il  s'en  est  Icnti,  aetudicr  et  a  decrire  les  plan- 
tes do  noire  conlree,  dont  la  tlore,  Ires  variee,  lui  oli'rait 


y\U  NOTICE    SUR    M.    P. -A.    DELACHAPELLE. 

as  sez  de  ricliesses.  Les  premiers  catalogues  qui  en  out  elu 
publics  sont  dus  h  M.  de  Gerviile  ct  a  lui. 

M.  [>elacliapellc  a  continue  jusqu'ii  la  fin  de  sa  vie  a  se 
livrer  a  cos  etudes  pleines  de  clianne  el  d'interet :  il  a  laisse 
en  nianuscrit  deux  opuscules  termines,  savoir  :  Catalogue 
aJpJuibetique  des  genres,  avec  tableau  analylique  des 
especes  et  des  varie'tes  des  plantcs  phanerogrames  qui 
croissent  aux  environs  de  Cherbourg,  1832;  Catalogue 
vietliodiquedes  Lichens recueillis  dans  I'arrondissernent 
de  Cherbourg,  ISaS. 

Malgr(5  cette  application  aux  etudes  scientifiques ,  M. 
Delachapelle  ne  negligeait  pas  les  devoirs  et  les  affections  de 
famille;  il  aimaitaussi  les  relations  de  la  socicle.  On  appre- 
ciait  en  lui  la  droiturc  du  caractere,  et  les  ressources  d'une 
instruction  variee.  Avec  un  caractere  vif  et  une  physionomie 
parfois  un  pcu  severe,  il  avait  une  bont6  parfaiteel  une  sen- 
si  hi  lite  profonde. 

M.  Delachapelle  a  succombi  a  Cherbourg  le  20  avril  1834 
aux  suites  d'une  affection  du  cceur,  mala-die  qui  ne  lui  avait 
rien  Ote  de  la  vivacite  de  ses  sentiments,  ni  de  la  clarte  do 
son  intelligence.  Quelques  jours  avant  sa  mort,  il  avait  puise 
dans  I'acte  le  plus  solenirel  de  la  religion,  au  pied  memo  des 
outels,  la  force  et  la  consolation  dont  le  cbretien  senile 
besoin,  laissant  ainsi  a  son  digne  fils  et  a  son  petit-fils  une 
memoire  toute  d'honneur  et  un  noble  exemple  a  suivre. 

L.  DE  POMAUtilONT. 


•i-SK' 


NOTICE 


StR 


M.  lABBE  AUGER 


Messieurs,  le  3  decembre  fS'ii  est  mort  dans  une  vcrte 
vieillesse  un  de  nos  assoeit^s  correspondants,  un  professeur 
dont  le  noni  est  un  souvenir  venere  parmi  ses  anciens  Aleves, 
el  qui  resla  doue  jusqu'au  dernier  jour  d'une  intelligence 
elevee,  etendue  et  serieuse,  d'un  esprit  ferme  et  distingu6. 

Auger  (J.ean-Bapliste-Amand)  naquit  a  St-Valcry-en-Caux 
le  26  octobre  1784.  Eleve  a  V&co\q  centrale  de  Rouen,  il  y 
obtint,  le  15  Ibermidoran  VIII,  le  grand  prix  dc  la  classe  de 
niatht'mali{iucs  et,  le  15  thermidor  de  I'annee  suivante,  le 
prix  de  celle  dcs  Icttres. 

Age  de  17  ans,  il  se  rendit  a  Paris,  subitavec  distinction, 
le  2  messidor  an  XII,  I'exanien  pour  le  grade  de  cbcf  d'insti- 
lution  et  ouvrit  a  cette  q)0(]ue,  rue  d'Assas,  sous  le  noni 
d'instilution  Bernard   ct  Auger,  un  pensionnatqui  ne  tarda 


X\1V  AOTICE 

pas,  a  cette  date  de  regeneration  morale  inauguree  par  le 
Consulat,  h  obtenir  toute  la  con  fiance,  des  families.  En  1812, 
il  quilta  cclte  position  pour  aller  an  seminaire  dc  Rouen 
recevoir  Ics  ordres  sacres;  dans  le  courant  de  1813,  il  fut 
nomme  vicairede  Saint-Francois  au  Havre  el  y  resta jusqu'en 
182  L 

Ce  fut  en  cclte  annee  qu'il  revint  a  Paris  fonder  unc 
nouvelle  instilution  (1)  qui,  comrae  la  premiere,  donnait 
iin  soin  special  aux  principes  religieux  et  monarchiques. 
Peu  de  temps  aprfes,  en  1822,  je  fus  place  dans  celle  maison, 
oil  je  ne  tardai  pas  a  vouer  a  M.  Auger  un  atlachement  que 
j'ai  ete  heureux  de  conserver  toujours. 

En  182.'5,  Mgr  Frayssinous  appela  M.  Auger  au  poste  de 
proviseur  du  eollege  royal  de  Versailles.  En  1829,  il  passa  h 
la  cure  de  S'-Antoine  de  Compiegne,  oil  le  roi  Louis-Philippe 
le  nota  plusieurs  fois  pour  un  evecli6.  Malgre  cette  designa- 
tion honorable,  M.  Auger  ne  parvint  point  a  I'episcopal,  bien 
qu'il  reunit  certainement  toutes  les  qualites  h  la  fois  soli- 
des,  serieuses,  dislinguees  et  meme  prudentes  et  miti- 
gees  qui  sont  si  rwjcessaires  dans  Tadministration  d'un 
diocese.  L'autorite  ecclesiastique  se  borna  a  lui  conferer  le 
litre  dechanoine  honoraire  a  Beauvais  eta  Baycux  et  a  lui 
promettre,  dans  les  derniers  temps  de  sa  vie,  une  place  de 
chanoine  de  second  &rdre  au  chapitre  imperial  dc  Si-Denis. 

En  1843,  ildonna  sa  demission  de  lacuredc  Compiegne  et 
revint  a  Paris  se  livrer  cxclusivement  aux  etudes  qu'il  aimait 
eta  la  predication.  Les  sermons  qu'-il  prononca  aVec  succes 
dans  les  diverses,eglises  de  Paris  ne  montent  pas  a  moins  dc 
cent  cinquantc.  II  devint  secretaire  de  la  societt}  de  Saint- 
Gregoire  de  Tours  et  vice-president  dc  I'lnstitut  historique. 

(I)  Rae  du  Bac,  w"  88,  au  coin  de  celle  de  \arenncs. 


sun    M.    1,  ABBK    ALULR.  XXV 

h' Investigateur,  iournt\\  de  cette  sociotii,  contient  de  noiii- 
breux  et  savants  articles  historiqiies  this  a  la  plume  de  M. 
Auger.  On  y  sent  un  esprit  sur,  prepare  a  luisir  par  la  rtifle- 
xion  et  par  I'habitude  des  fortes  lectures. 

C'est  sur  ces  titres,  Messieurs,  et  a  ma  demande,  que  vous 
avez  bien  voulu  conferer,  le  7  mai  1847,  ii  men  venerable 
maitre  et  ami  le  diplume  d'associe  correspondant. 

J'ai  vu  M.  Auger  pour  la  dcrniiire  fois  en  juin  1833  a  Paris. 
Sur  lui  la  trace  des  annees  6lait  legere  :  ii  soixante-neuf  ans 
sa  santeetaitparfaite;  il  etait  rcste  grand,  bien  fait  de  taille, 
d'unc  pbysionomie  forte  et  spiritiielle.  Pendant  les  beures 
de  causerie  intime  queje  passai  alors  avec  lui,  il  me  paria 
avec  un  vif  interet  de  Cherbourg,  qu'il  avait  visile  pendant 
les  fetes  imperiales  d'aoiU  1813,  et  de  quelques-uns  de  m)s 
confreres  avec  lesquels  il  s'etait  trouve  en  rapport  a  cette 
epoque. 

L.  BB  PONTAUMONT. 


-u»5i,H.2*=^c~ 


■^i;j^ 


SUR  M.  OBET 


Ancien  medecin  en  chef  de  la  marine. 


Louis-Jean-Marie  Obct,  ancien  medecin  en  chef  de  la 
marine,  est  nc  a  Morlaix  le  13  Janvier  1777.  Son  pere,  issu 
lui-mcme  d'une  de  ces  families  brelonnes,  forte  race  qui 
voue  presque  tous  ses  enfants  a  la  mer,  parvint  au  grade  de 
chef  de  division,  aprfes  s'etre  fait  remarquer  par  uneintrt^pi- 
dite  froide  et  des  talents  qui  I'avaient  rang(3  parmi  nos 
meilleurs  marins  avant  la  revolution  et  devaient  plus  tard 
attirersur  lui  I'altention,  alors  que  du  camp  de  Boulogne 
I'empereur  Napoleon  nienacait  les  cOles  d'Angleterre,  car 
plus  d'une  fois  il  parvint  a  degager  el  a  conduire  a  Iravers 
les  flottcs  ennemies  les  convois  qui,  de  tous  nos  ports  de 
I'ocean,  venaient  se  reunir  au  rendez-vous  commun. 

Lc  temps,  la  fortune  et  les  circonstancesne  lui  permettaient 
pas  de  donner  a  scs  enfants  ccltc  education  qui  plus  tard  est 


NOTICE   SLi;   M.    oiii:T  Kwn 

(Icvcnue  une  nocessilc  absoliie.  Co  n'CivAi  pas  d'ailleiirs 
I'epoquc  dos  (Etudes  forles  el  siiivies:  pcriode  orageuse  dc  nos 
annalcs,  tout  enseigncrnent  somblait  dcsorgiuiise,  et  ce  no 
ful  qu'a  son  amour  du  travail,  a  la  distinction  nndircllc  de 
son  gout  et  de  sn&  habitudes  que  le  jcune  Obe t  dul  I'instruc- 
tion  classique  qu'il  acquit  et  supplea  aux  lacuncs  quclais- 
saient  dans  I'education  I'abscnce  de  toute  ccolc  au  milieu  de 
la  confusion  gencralo,  plus  tard  Ics  cssaisd'une  reslaui'ation 
incomplete  dos  etudes.  Combien  peu  out  eu  ce  courage!  Et 
pourquoi  ne  pas  le  dii'e  :  les  hommes  de  cette  generation  ([ui 
firent  de  si  grandes  choses  au  commencement  de  ce  siecle, 
cHaient  generalement  peu  leltres.  II  leur  manquait  cette 
forte  instruction  premiere  que  le  vieux  sjstcme  d'educalion 
avaitdonncaleurspredecesseurset  que  Tuniversile  reconsti- 
tuee  devaitdonnera  ceuxqui  vinrentapres  eux.  C'cstii  cette 
cause  qu'il  faut  attribuer  I'inferiorite  litteraire  si  sonvent 
reprochee  aux  annees  qu'illuslraient  tant  de  haul  faits,  et 
que  devait  suivre  une  renaissance  veritable,  lille  de  plus 
tranquilles  destinees.  Pour  lui,  ce  qu'on  ne  lui  avail  pas 
enseigne,  il  sut  le  conquerir  par  son  travail,  bienlol  devenu 
niaitre  par  une  voie  personnelle  et  jdiis  courte  dcces  con- 
naissances  qui  lui  manquaient,  il  en  conscrva  I'amour  pen- 
dant sa  vie  entiere,  delassement  et  cliarme  de  ses  vieux 
jours. 

Sa  famille  le  destinait  a  la  medecine  navale.  II  debute  a 
Brest  commc  chirurgien  auxiliaire;  assisle  en  celte  qualite 
au  combat  du  13  prairial;  devient  enlretenu  en  1796; 
cmbarque  successivcment  surces  vaisseauxaux  nomsrelen- 
tissants  :  le  Terrible,  \cHoche,  Vlntre'pide,  ]g  Formidable. 
La  et  depuis  lorsqu'il  fut  nomme  chirurgien  de  2^  classe  et 
servit  sur  Ic  vaisseau  Yimpcrial,  il  put  voir  tout  ce  que 
laissail  a  desirer  Ic  service  dc  sante.  Plus  tard  il  mcsurail 


XVVIII  NOTICE 

les  progrcs  do  noire  hygiene  navale,  et  aimait  a  comparer 
I'etat  de.s  vaisscaux  de  cetle  epoqne  avec  celui  qu'ils  olTrent 
dc  nosjours.  Cette  merveilleuse  proprete,  ce  hixe  de  precau- 
tions, cet  art  ingenieux  qui  tire  parti  de  tout,  ces  liopitaux 
de  bord  oil  tout  est  rcuni  pour  le  bien-otre  des  malades, 
I'ordreet  la  metliode  qui  president  aujourd'hui  au  traitement 
des  hommes,  quel  que  soit  rencombrement,  les  ressources 
enlln  dont  on  dispose  et  qu'on  sait  inellre  en  oeuvre,  lout 
contraslc  en  effet  avec  ce  qui  existait  alors.  Aussi,  quelle 
morlalite  quand  sevlssait  une  epidemie!  quel  affaiblissernent 
des  equipages  devunt  Icquel  les  medecins  restaient  impuis- 
saiils. 

Nous  retrouvons  M.  Obet  en  l^OS,  chirurgien  de  ■l"'^  classe, 
et  en  1810  non)m6  proCesseur  d'anatomie  a  I'liopital  Saint- 
Bernard  dans  ce  port  d'Anvers  cree  par  les  Francais,  arsenal 
immense  que  le  genie  de  Napoleon  destinait  a  un  si  grand 
avenir.  Le  corps  des  cliirurgiens  de  la  marine  n'elait  pas 
encore  r^ellement  constitue,  et  le  concours  ne  presidaitpas 
a  Tavanrement.  Depuis,  les  cbaires  de  professeurs  n'ont 
plusele  chezeux  que  le  prixde  lettresserieuses  et  de  travaux 
scientifiques  eprouves.  Mais  parmi  les  professeurs  et  les 
chefs  sortis  de  la  ]'"  institution,  il  en  est  qui  ont  laisse  leui* 
trace  dans  le  corps :  tel  fut  M.  Obet,  tel  le  niedecin  en  chef 
Fleury  sous  les  ordres  duquel  il  scrvita  Anvers  etqui  devait 
succomber  a  Toulon,  pendant  le  cholera,  victime  d'un  zeleet 
d'nne  ardeur  que  I'age  et  les  infirmiles  n'avaient  pu  glacer. 

Anvers  presentait  a  cette  epoquo  une  animation  extraor- 
dinaire. La,  se  confondaient  les  ouvriers  du  pays  et  ceux  que 
fournissait  nos  ports :  le  calme  des  populations  braban- 
connes  etait  anime  par  la  vivacite  francaise ;  les  edifices 
maritiines,  les  casernes  s'elevaicntcomme  parenchantcment; 
les  bassins  de  carrenage  sc  crcusaient;.  a  peine  une  cale  se 


sin    M.    olil'.T,  \\IX 

dcssinait-ellc,  qti'un  nouvean  butimcnt  apparaissait,  pcnrlant 
qu'iine  floUe  deja  formidable  stationnait  dans  I'Escaut  ct 
que  tout  obLHssait  a  Timpulsion  de  cette  volonte  crealrice, 
dont  les  deslins  ctaient  alors  si  brillanls.  Depuis,  celle 
ceuvre  des  Frangais  a  ete  arieantie;  nos  immenses  bassins 
out  elecombles  ou  transforiiU'S  en  docks  pacifiqucs ;  tout 
mouvement  mililairc  a  disparu:  qu'on  se  figure  Brest 
devenant  port  de  commerce. 

L'escadre  et  Tarmfie  envoyaient  tons  leurs  malades,  ct  ils 
6taicnt  nombrenx,  a  I'hdpital  St-Bernard  qui  recevait  egale- 
mcnt  les  ouvriers  du  port  et  les  prisonniers  anglais.  Places 
sur  CO  vaste  llieatre,  les  mcdecins  de  la  marine  de\aient 
promptement  acquerir  unegrande  experience.  Les  epidemics 
s'y  succedaient,  les  plus  graves  operations  s'y  pratiquaient 
journellement,  toules  les  miscres  humaines  s'y  donnaient 
rendez-vous,  triste  et  lamentable  spectacle:  mais  c'est  la 
que  se  formerent  pkisieurs  cbirurgienseprouves,  qui  furent 
dissemines  dans  les  ports  de  France,  lorsqu'il  nous  fallut 
abandonner  cette  conquete  aux  jours  de  nos  revers.  Les 
tendances  de  M.  Obet  I'inclinaient  du  cOte  de  la  medecine, 
proprement  dile,  plutdt  que  vers  les  operations,  et  lorsqu'il 
fut  envoye  a  Cberbourgen  1841,  il  servit  dans  notre  port 
on  sait  avec  quelle  distinction,  ct  de  combien  de  conside- 
ration el  d'estinie  il  avail  sn  s'entourer.  II  pouvait  pretendre 
a  un  legime  avancement:  on  le  lui  olTiitmeme,  mais  il  le 
refusa  pour  roster  dans  notre  ville,  qui  etait  devenue  sa 
patrie  adoptive.  II  y  avail  ele  nomnie  officier  de  la  legion 
d'bonneur. 

Cette  retraitedont  il  avail  marque  I'heurc  en  refusant  do 
se  dcplaccr,  ne  fut  cependanl  pas  le  repos:  il  se  livra  a 
Texercice  dela  medecine  civile,  et  y  dt^ploya  toutes  les  qua- 
lites  d'un  veritable  praticien.    Nature  peu  brillanto,  mais 


X\X  NOTK.K 

exactc,  mcUiodiquo,  lenanttfos  grand  comptede  la  tradition, 
jl  soiiriait  parfois,  qiiand  on  exagcrait  devant  lui  les  nicr- 
veilles  des  decouvcrtes  modernes,  an  courant  dcsqucllcs  il 
savait  se  tenir:  mais  il  les  jugeait  et  ne  se  laissait  cntrainer 
qu'ii  bon  escient.  Pcu  enthonsiastc,  il  croyait  a  fa  grando 
part  que  prond  la  nature  dans  la  giierison  dos  maladies, 
dispose  quelquefois  mcme  a  I'exagcrcr  un  pen  ct  a  s'en 
rapporter  a  sa  puissance.  Hatons-nous  de  dire  qu'il  tHait 
Irop  eclair(5  pour  s'y  abandonner  aveuglcmcnt,  et  qu'il 
trouvait  un  terme  judicieux  entre  cette  activite  intenipestive 
et  inquietc,  qu'il  qualifiaitde  desaslreuse  el  une  expectation 
par  trop  optimiste.  C'esl  la,  en  cffct,  qu'est  le  vrai.  II  parlait 
peu  de  ce  qu'il  faisait  et  ne  posscdait  pas  I'art  de  se  fairc 
valoir:  peut-elre  dedaignail-il  de  le  montrer.  II  ne  provo- 
quait  le  suffrage  de  personne,  ce  suffrage  venait  le  trouver. 
Qu'on  ne  croiepas  cependant,  qu'a  I'occasion,  il  ne  sut 
sortir  de  sa  reserve  modcste  et  silencieusc.  Mais  il  ne  parlait 
que  lorsqu'il  avait  quelquc  chose  a  dire,  n'ecrivait  que 
lorsqu'ilavait  quelque  observation  nouvelle  et  utile  a  faire 
connaitre.  II  lui  aurait  fallu  un  peu  plus  d'initiative  pour 
rfiveler  sa  valeur  reelle.  Le  bagage  litteraire  et  scientifique 
d'un  parcil  homme,  doit  toujours  etre  leger.  C'est  souvent 
un  merite:  et  il  est  si  facile  de  le  rendre  plus  lourd  !  voyez 
quelle  sobriete  de  developpement,  et  pourtant  quelle  ncltete, 
quelle  precision  il  a  apporle  dans  la  description  de  I'angisso 
couenneuse  dont  il  avait  observe  une  grave  epideniie  a 
Cherbourg  meme.  II  dit  lout  ce  qu'il  faul,  rien  de  plus. 
C'esl  le  praticien  exact,  qui  raconto  scrupuleusement  et 
sim[)lement  ce  qu'il  a  vu  el  a  su  bien  voir.  Avantquc  I'ana- 
toniie  patiiologique  dc  celle  redoulable  affection  fiit  aussi 
g6neralcmenl  connue  qu'elle  Test  aujourd'hui,  il  la  decrit 
minutieusement,  signale  son  developpement  rudimentaire. 


SUR    M.    OBET.  XXM 

le  moJe  d'apparition  dc  celte  exsudation  transparenlc, 
inoffensive  en  apparence,  qui  recouvre  les  amygdales,  Ic 
voile  du  palais,  rarritTe-gorge,  qu'il  fautsavoir  reconnaitro, 
conibattre  des  le  debut  et  detruire  sur  place;  car  elle  va 
s'organiser  en  veritable  membrane,  gagner  de  proche  en 
prociie,  atteindreles  voics  aeriennes  ou  se  propagcrdans  les 
voies  digestives.  Personne  n'a  mieux  fait  ressorlir  le  carac-' 
lere  specifique  de  celte  maladie,  et  en  prouvant-  que  cette 
espece  de  formation  nouvelle  n'est  pas  toute  raffection, 
demontre  que  comme  dans  le  croup,  cc  fleau  des  meres,  si 
rapprochc  de  Tangine  couenneuse,  il  y  a  au-dessous  de  ce 
caractere  anatomique  grossier,  un  etat  parliculier  d'inflam- 
mation  et  de  spasme,  qui  fonde  une  grande  partie  du 
danger. 

De  meme  lorsqu'il  insiste  sur  le  caractere  contagieux  dc 
I'angine  couenneuse.  On  le  conteste,  que  ne  contestc-t-on 
pas?  Mais  la,  comme  pour  les  fievres  tjphoide,  on  suit  de 
proche  en  proche  rinflucnce  contagieuse.  Seulementil  faut 
savoir  la  reconnaitre;  ce  qui  n'est  pas  toujours  si  facile 
qu'on  pourrait  le  penscr.  Etrange  maladie,  a  laquelle  cer- 
taines  families  semblcnt  predisposeesl  On  cite  une  race 
princiere,  dont  cinq  generations  ont  pay6  un  tribut  fatal  a 
I'angine  et  au  croup.  Personne  enlin  n'a  mieux  que  M. 
Obet,  demontre  quelle  doit  etre  I'activite  du  traitement 
et  la  lumiere,  dgute  la  specificite  de  la  maladie  I'l^clair. 

En  1833,  il  public  une  notice  sur  le  cholera  qui  avait 
sevi  il  Cherbourg  en  1832.  En  1837  il  insere  dans  lesannales 
marilimes  une  esquissc  biographique  sur  M.  Fleury. 
C'est  dans  cet  opuscule  qu'il  sail  trouvcr,  pour  parler  dc 
son  premier  maitre,  des  accents  partis  du  coeur,  et  qu'on 
reconnait  tout  ce  qu'il  y  avait  d'alTectueux  ctde  sensible cliez 
cet  excellent  homnie  si  r^servdd'habitudeet  si  peuexpansif. 


XXXII  xNOTICK    SLH    M.    (H1KT. 

Dans  Tin  fin  ie  variele  des  caractores,  on  en  rencontre  de 
pareils  qui  vivent  beaucoup  en  eux-memes  pour  ainsi  dire, 
qui  par  une  sorte  de  pudeur  native  sent  aussri  soucieux  de 
caclier  les  lemoignages  de  leur  emotion  que  d'autres  le  sont 
d'en  Jeter  I'expression  a  lous  les  vents.  Qui  dira  dequel  c6te 
se  trouvent  la  force  et  la  profondeur  des  affections?  M.  Obet 
couvrait  sa  vie  privee  d'ombre  et  de  silence.  Eprouve  par  de 
cruels  malhours  de  famille,  jamais  sa  serenite  n'en  parut 
alt^r^e;  il  fallait  enfin  qu'il  rencontrat  une  parfaite  commu- 
naute  de  vues  et  d'opinions  pour  qu'il  se  laissat  entrainer  a 
quelque  epanchement,  et  se  souciant  fort  peu  de  contredire, 
il  semblait  assister  a  tout  comme  un  temoin  desinlcresse. 

Etpourtantil  ctail  fidele  a  ses  affections;  il  suivait  avec 
interct  et  I'ceil  de  la  sympathie  ces  generations  qui  se  succe- 
daient  devant  lui  et  dont  il  avail  suceessivement  soulagc  les 
douleurs.  II  etait  reste  Tami  de  tous  ceux  qui  I'avaient 
approche;  lis  lui  conserveront  un  souvenir  de  cceur  et  de 
reconnaissance;  le  temps  enfin  n'emportera  pas  dans  son 
cours  souvent  oublieux  et  ingrat  la  memoire  de  cet  homme 
de  bien  qui  nous  laisse  I'exemple  d'une  vie  pure  ethonorable, 
consacrce  tout  entiere  a  raccomplissement  du  devoir. 

Docteur  DUFOUR. 


NOTICE  HISTOBIQUE 


suu 


LA    SOCIETE    ACADEMIQUE 

DE  CHERBOURG, 


PAR 

91.  JVOEL,  Directenr. 


Lue  a  la  seance  publique  du  I"  mai  1855  (cenlihne  anniversaire). 


Messieurs  , 

Un  siecle  nouveau  commence  aujourd'hui  pour  la  Societ6 
Acadcmique  de  Cherbourg.  La  premiere  st^ance  dont  les 
registrcs  dcs  proc6s-verbaux  nous  ont  conserve  le  souvenir, 
porte  la  dale  du   1"  mai  1755.  D6ja  plusieurs  reunions 


8  NOTICE    HISTOniQfE 

avaient  eu  lieu,  mais  elles  avaient  pour  but  la  constitution  de 
la  SociiHd  et  la  redaction  des  statuls,  et  ce  n'est  qu'a  cette 
(■'poque  que  commencent  les  seances  ou  se  firent  des 
lectures  scientifiqueset  lilteraires.  Chose  digne  dc  remarque, 
Messieurs,  Cherbourg  comptait  alors  6000  anies  a  peine,  et 
cette  ville  semontrait  plus avancee  que  la  pluparl  des grandes 
cites  du  royaume  qui  n'avaient  point  encore  d'academies.  II 
n'y  en  avail  que  deux  dans  toute  la  Normandie,  a  Rouen  et 
a  Caen.  Point  de  grandes  administrations  conime  dans  ces 
deux  dernifires  villes,  peu  de  commerce,  aucun  de  ces  grands 
Iravaux  qui  lui  amenerent  plus  tard  des  hommes  laborieux 
et  instruits.  Cherbourg  6tait  done  reduit  a  sa  population 
sedentaire  et  c'est  dans  ce  petit  nombre  d'habitants  que  se 
rencontrferent  quelques  amateurs  des  sciences,  de  la  litte- 
ralure  et  des  arts,  qui  re'solurent  d'eriger  en  cette  ville 
une  assemble'e  philosophique.  Telles  sont  les  expressions 
consignees  dans  le  proces-verbal  de  la  premiere  riiunion,  qui 
remonte  au  14  Janvier  de  la  meme  anntie. 

La  redaction  des  statuts  primitifs  et  les  noms  des  fonda- 
teurs  attirent  d'abord  notrejuste  attention.  Deja,  j'ai  eu  I'oc- 
casion  de  parler  des  uns  et  des  autres  etje  serai  oblige  de 
r6p6ler  quelquefois  ce  que  j'ai  dit  dans  des  articles  separes. 
Mais  dans  cette  seance,  qui  emprunte  quelque  solemniti  au 
souvenir  seculaire  qui  nous  occupe,  vous  avez  di^slrt^  un  ta- 
bleau liistoriquede  laSocictedcpuissonorigine,  etce  tableau 
manquerait  d'ensemble,  si  je  n'y  comprenais  les  hommes 
honorables  qui  fonderent  cette  Soci6te  et  les  statuls  qui  nous 
r^velent  I'esprit  dans  lequel  eut  lieu  cette  creation. 

La  premiere  pens6e  des  fondateurs  est  pour  la  religion  : 
«  On  aura  pour  elle,  disent-ils,  un  profond  respect  et  on 
»  n'enlrera  jamais  en  dispute  sur  scs  mystercs.  » 

Les  statuts  veulent  ensuite  qu'on  honore  leRoi  el  I'Etat  el 


SUR    LA    SOClExi.  3 

qu'on  n'en  parle  jamais  qu'en  Ir^s  bons  ternies.  Telle  est  U 
simplicile  de  redaction  avec  laqiiclle  ces  sonliriictits  soiit 
exprimes. 

L'arlicleS  est  remarqnable  par  la  naivete  du  style  et  de  la 
pensce.  «  On  6vitcra,  dit-il,  toute  cabalc  et  Ton  conservcra 
»  la  meilleiire  union  possible  dans  la  Societe;  sans  disputes, 
»  termes  fdclieiix,  ni  railleries  a  I'c^gard  les  uns  des  autres, 
»  au  sujcl  des  vices  d'espril  et  de  corps.  » 

*Ainsi  la  prevoyance  ne  se  borne  pas  aux  difTormitcs  phy- 
siques qui  d'aillcurs  saccordent  souvent  avec  les  plus  I)ril- 
lantcs  qualiti's  de  I'esprit;  mais  elle  s'etend  encore  aux 
singularitcs,  aux  bizarreries  qu'on  rencontre  quelquefois 
cliez  les  homnies  de  science  el  de  travail.  Tout  est  done  prevu 
dans  le  dcssein  d'une  union  durable.  Les  discussions  rcli- 
gieuscsetpoliliqucs.quidivisentsi  profondcnientlcslionimcs, 
n'auiont  pas  lieu.  Les  railleries  qui  blessent,  les  propos  qui 
huniilienl,  les  vorites  m(}ine  qui  peuvent  ofTenser,  sont  ban- 
nies  dc  la  reunion.  Les  paisibles  discussions  sur  les  sciences 
et  la  liltdrature  sont  seules  permises,  etcelles-la  doivent  en- 
gendrer  une  union  qui  ne  feraqu'augmenteravec  I'habitude 
de  se  voir,  de  sc;  communiquer  ses  pensees  et  de  concourir 
ensemble,  dans  une  proportion  si  petite  qu'elle  soil,  aux 
progres  de  I'esprit  bumain, 

II  metarde.  Messieurs,  de  vous  faireconnaltreces  hommes 
simples  el  studieux  a  qui  nous  devons  I'existence  de  notre 
Societe.  Voici  d'abord  quels  claicnt  Icurs  noms  et  leurs 
litres :  L'abbe  Anquetil,  premier  directeur;  Voisin,  profes- 
seur  d'hydrographie,  premier  secretaire;  Dolaville,  medecin; 
Groult,  procureur  de  I'amiraule;  Avoiuc  de  Chantcreyne, 
receveur  de  I'amiral ;  el  Pierre  Freret,  artiste. 

Deux  de  ces  noms  onl  disparu  el  n'onl  gu6re  laiss6  dc 
tracea  quo  celles  de  Icur  inscription  sur  Ic  tableau  des 


i  NOTIdF,    IHSTOriiyrE 

fomJatoiirs.  Co  sonl  MM.  I'abbe  Anquelil  et  Voisin  do  la 
Iloiigtic.  On  doit  cependant  a  ce  dernior  uiie  histoire  de 
Cherbourg  asscz  esliineo,  ct  qui  a  ete  editee  en  't83o,  avec 
continuation  jusqu'a  cette  epoque  par  M.  Verusmor. 

Quant  aux  autrcs,  lis  soot  encore  vivants  parmi  nous,  et 
ils  ont  conserv6  pendant  longtcnips  d'honorables  represen- 
lanls  dans  cette  enceinte  academique. 

M.  Delaville  etail  un  niedecin  distingue.  L'Academie  lui 
dut  de  frequents  rapports  sur  I'ai't  qu'il  professait,  3es 
nxinioires  sur  la  botanique ;  il  s'occupa  beaucoup  des 
sondes  et  du  varecb.  Les  registres  de  voire  Society  nous 
apprennenl  aussi  qu'il  s'occupait  de  poesie  et  citent  avec 
eloge  une  epitre  de  sa  composition  sur  I'lnd^pendancc. 

M.  de  Cbantereyne  etait  egalemcnt  un  des  niembres  les 
plus  zeles  de  la  Societo.  L'bistoirc  de  Cherbourg  et  de  la 
presqu'ile  a  ete  le  principal  objet  de  ses  travaux.  On  lui 
doit  une  chronologie  des  grands  buillis  du  Cotentin,  un 
catalogue  du  gouvernement  de  Cherbourg  depuis  Henri  1", 
roi  d'Angleterre,  et  divers  memoiresnon  moins  interessants. 

Quel  que  soit  le  nicrite  des  travaux  dus  aux  menibres  que 
je  viens  de  citer,  leurs  nonis  s'effacent,  au  moins  en  partie, 
devant  celui  de  M.  Groull,  qui  parait  avoir  eu  la  plus  grande 
part  dans  la  formation  de  la  Soc>ete  et  qui,  pendant  tout  le 
cours  de  sa  longue  et  laboricuse  existence,  n'a  pas  cesse 
d'en  etre  un  des  plus  fermes  et  des  plus  constants  appuis. 

M.  Groult  n'otait  passeulemenl  un  travailleur  infatigable, 
un  magistral  intfegre,  un  savant  d'une  reputation  europeenne; 
c'etait  mieux  que  cela  encore,  c'etait  un  liomm'e  de  bien 
d'une  admirable  simplicite  de  moeurs,  d'une  bienfaisance 
inepuisablc,  aussi  actif  a  secourir  les  pauvres  et  a  cherclier 
tout  ce  qui  pouvait  adoucir  Icur  misere,  qu'a  etendre  ses 
investigations  dans  le  vaste  champ  des  connaissance 
humainGR. 


SLU    l.\    SOCIETE.  « 

M.  r.roult  clait  verse  dans  les  sciences  exactes  ct  dans 
riiistoire  nalurellc;  inais  ce  fut  la  legislation  marilime  (jui 
occupa  pai'liculiereinent  Ions  scs  instants.  En  1770,  ii 
presenta  a  racadeinic  do  Rouen  un  nouveau  comnientaire 
sur  I'ordonnance  de  1681,  compose  do  6  volumes  in-4°.  II 
parail  que,  pour  arriver  a  ce  resiiUat,  Tauteur  avail  passe  cn« 
revue  plus  de  50,000  ordonnances,  arrets  ou  reglenients 
concernant  cctte  branclic  de  la  legislation'T 

A  ce  long  travail,  M.  Groult  en  ajouta  un  autre  qui  ne  lui 
demanda  pasmoins  de  recluMxIies  ct  de  patience;  il  composa 
des  tables  extremenient  etendues  deslois  de  la  marine,  qui 
t'taient  el  avaient  ete  en  vigueur  chez  tons  les  peuples  mari- 
linies,  anciens  et  modcrnes.  «  La  reputation  de  M.  Groult, 
»  dit  une  note  redigce  peu  de  temps  aprt;s  sa  mort,  se 
»  repandit  dans  toule  I'Europe.  »  II  obtint  du  gouvernement 
le  tilre  de  docteur  en  droit  maritime  ct  la  faveur  d'etre  rem- 
bourse,  sur  momoires,  des  depenscs  que  lul  occasionnaient 
cbaque  annee  ses  travaux  et  ses  rccberches. 

Le  dernier  des  fondateurs  dont  j'ai  indique  les  noms  etait 
un  artiste  du  nom  de  Freret.  Depuis  un  siecle,  cette  famille 
est  en  possession  de  fournir  aux  beaux-arts  des  bommes  de 
nierito,  I'lusieurs  de  ses  membres,  peintres  ou  sculpleurs, 
ont  laisse  dans  Cberbourg  des  travaux  eslim^s. 

M.  Louis  Freret,  lilsdu  fomlateur  et  membre  lui-m6mede 
cette  Societe,  se  distinguu  surloutdans  la  peinture  des  fruits 
el  lies  (b'urs.  La  reine,  en  178o,  le  nomma  son  peintre  du. 
neurselrangeres.  U!ie  copiedu  brevet  a  etc  deposee  dans  nus 
arcbives  par  noire  confrere  M.  Victor  Lesens. 

Telsfurent,  Messieurs,  les  fondateurs  de  noire  Societe.  Tel 
ful  le  noyau  autour  (huiucl  \inrent  se  grouper  uncertain 
nombre  d'antros  membres.  Toulefois  ce  nombre  fut  rcstrcint 
dans  les  [iremieres  anmies,  ce  (|ui  n'emp^Hiia  pas  les  seances 


6  NOTICE    lilSTOniQCE 

d'etre  nuiltipliL'cs  ct  bien  remplies.  II  en  est  peu  oil  on  ne 
retrouveic  noin  de  M.  Groult,  Iraitant  lies  questions  d'aslro- 
nomie,  do  mecdniquc,  do  pliilosoijliie,  de  gnomoniqiie  ct  de 
geograpliie.  En  1758,  il  hit  un  niL^nioirc  detaille  sur  la 
descente  dcs  Anglais  a  Urville. 

De  1761  a  1767,  on  remarqiie  line  interniplion  dans  les 
seances  de  la  Sociele,  r(5diiite  a  un  petit  nombre  par  la  nioi  t 
de  quclques  nns  de  ses  mcmbres.  On  scntit  alors  le  besoin 
dtt  faire  appcl  a  tons  les  homines  zelos  et  studieiix,  iiabiiant 
la  ville  ou  les  environs,  capables  de  donncr  aux  seances  im 
nouvel  aliment.  Qiiinze  noms  nouveanx  fiireut  inscrilssur 
le  tableau  de  la  Socicte. 

Painii  ces  noms,  on  remarque  celui  de  Guillaume  de  Bric- 
queville,  ancicn  major  de  la  milice  duVal-de-Saire,  qui  ha- 
bilait  son  chateau  de  Breltoville,  a  peu  de  distance  de  Cher- 
bourg. Ce  nom  se  retrouve  a  diverses  pages  de  notre  histoire 
depuis  les  croisades  jusqu'ii  la  celebre  balaille  de  la  Mosco- 
wa,  et  le  busto  du  petit-fils  de  Guillaume  de  Bricqueville 
orne  une  de  nos  places  publiques. 

Le  but  qu'on  s't'lait  propose  par  cet  accroissement  de  la 
SociLH6  fut  atteint.  Le  seances  devinrenl  tres  multipliees;  on 
en  compte  quelquefois  une  par  semaino,  souvent  deux  ou 
trois  par  mois.  Les  slatuts  voulaicnt  qu'a  la  premiere  entree 
d'un  membre  nouvellement  elu  ,  le  rccipicndiaire  fit  un 
discours  de  remerciement  et  que  le  president  lui  repondil. 
Cette  disposition  fut  executee,  comme  elle  I'uvait  etc  dans  la 
premiere  annee  de  I'existence  de  la  Society. 

L'annee  1763,  vit  in.scrirc  parmi  ses  membres  un  nom 
illustre,  celui  de  I'abbe  de  Beauvais,  qualifie  dansk'  proces- 
verbal,  de  predicateur  du  roi,  liccncie  es-lois  el  vicaire  g(5ne- 
ral  du  diocese  de  Noyon.  Plus  lard,  il  devint  cvcque  de 
Seoe/.  Ses  talents  oraloires  lui  laissent  encore  une  grande 


SUU    LA    SOCIETY.  7 

place  aprt^s  les  princes  de  la  Chaire.  Mais  c'est  surtout,  par  la 
hareliesse  de  son  langagc  devantles  Puissances  deia  terre,  par 
sa  courageuse  perseverance  a  flelrir  leiirs  d^sordrcs,  par 
I'energie  avec  laquelle  il  s'cleva  centre  les  scandales  de  la 
Cour,  en  presence  de  Louis  XV  lui-meme,  qu'il  attira  sur  lui 
raltonlion  de  scs  contcmporains,  ct  qu'il  s'est  ainsi  prepare 
Tadniiralion  de  la  poslcrite. 

Je  ne  puis  nVempechcr  de  rcpeler  ici  ces  m^morables 
paroles  qu'il  prononca  devant  le  roi,  dans  un  sermon  sur  la 
C6ne  (1)  :  «  Sire,  mon  devoir  de  minislre  d'un  Dieu  de  v^rit6 
m'ordonne  de  vous  dire  que  vos  peuplos  sont  malheureux, 
que  vous  en  etcs  la  cause,  ct  qu'on  vous  le  laisse  ignorer.  » 

Cost  encore  a  lui  qu'on  doit  celte  grande  pensile,  dont  la 
presence  royale  n'arreta  pas  davantage  la  courageuse  ex- 
pression :  «  Le  peuple  n'a  pas  le  droit  de  murmurer,  mais  il 
a  Ic  droit  de  se  taire,  et  son  silence  est  la  lecon  des  rois.  »  (^2) 

J'ai  cru  devoir  ciler  ces  deux  passages  remarquables  parce 
qu'on  les  trouve  dans  un  bien  petit  nombre  de  biographies, 
et  que  le  sermon  lui-meme  d'oii  ils  sonl  tir^s  manque  dans 
les  oeuvres  de  I'auteur  imprimes  en  1807. 

M.  de  Bcauvais  etait  n6  a  Cherbourg.  II  se  Irouvaitdans 
celte  ville  a  rd-jjoque  de  sa  reception,  etle  proctis-verbal  de  la 
seance  ou  il  fut  admis  porle  sa  signature.  II  y  vint  ensuite 
com  me  eveque,  en  1776,  et  il  assista  a  la  seconde  seance 
publique  qui  cut  lieu  le  25  septembre.  Le  compte-rendu  de 
celte  seance  dit  qu'il  la  termina  par  un  discours  eloquent, 
dicle  par  I'amour  de  la  religion,  de  la  patrie  et  de  I'honneur, 
devise  de  cctle  Societe. 


(1)  Diographie  ivoderne,  publiee  par  Eymery  en  1816. 

(2)  Dirtionnaire  de  la  Convermtion,  —FA'a.  1852.  Tome  U,  p.  633. 


8  -XOTICE    niSTORIQUE 

La  Societe  acaJcmiquc  ne  se  bornait  pas  a  des  lectures 
souventsterilcs.  On  Irouve  dans  le  registrc  des  proces-vcrbanx 
a  la  date  du  3  juin  1760  :  «  La  Compagnie  s'cst  transportce  a 
la  poinle  d'Equeiii-dreville,  sni"  Ic  fort  Choisel,  pour  observer 
le  passage  de  V6nus  siir  le  disque  du  soleil,  avec  deux  teles- 
copes de  reflexion,  de  16  pouces,  deux  lunettes  de  4  pieds, 
un  octant  de  reflexion  et  pkisieurs  montres  et  pendiiles  qui 
avaient  (5te  regies  surla  m(5ridienne  de  M.  Groult,  le  menie 
jour  et  la  veille. 

Dans  Ics  seances  sulvantes,  M.  Le  Vallois  communique 
des  observations  sur  le  passage  d'une  comete.  M.  de  Bricque- 
ville  fait  connaitre  un  noaveau  procede  pour  pressurer  les 
pommes.  M.  Desnoeltes  annonce  une  gi-alification  qui  vient 
de  lui  Hre  accord(5e  par  le  contr61eur  gent^ral  pour  la 
rtHissitede  son  troupeau  de  moutons  anglais. 

La  Societe,  comme  on  le  voit,  faisait  marcher  de  front  la 
thfiorie  et  les  applications  de  la  science. 

En  1771,  M.  Tillct,  membre  de  I'Academie  des  Sciences, 
fut  envoye  par  le  gouvernement  pour  prendre  des  rensei- 
gnemenls  sur  les  avantages  et  les  inconvonients  de  la 
fabrication  des  soudes.  Ce  fut  a  la  Societe  Acadi^mique  qu'il 
s'adressa.  II  assista  a  plusieurs  de  ses  seances  el  rccut  de 
MM.  Groult  et  Delaville  ,  de  nombreux  documents  sur 
I'objet  de  sa  mission. 

Peu  de  temps  apres,  M.  Voisin  de  la  Ilougue,  presentau 
la  Societe  une  carte  hydrographique  des  cotes  do  la  Hague 
et  du  Val-dc-Saire,  qu'il  avail  dress6e  a  I'aide  des  capitaines, 
pilotes  et  marins  pratiques  du  port  de  Cherbourg,  et  M. 
Blondeau,  profcsscur  d'hydrographie  a  Brest,  consulte  la 
Societe,  de  la  part  de  rAcademie  royale  de  marine,  sur  un 
ouvrage  qui  se  prepare  et  qui  doit  porloj-  pour  litre  :  Le 
Nomcau  Flambeau  dc  la  Mcr. 


SUR    LA    SOCIETK.  9 

La  Soci(5lo  Acatleniique  jusqu'on  1773  ii'avail  cii,  pour  sos 
reunions  publi(|ues  et  privees,  d'aulre  aulorisalion  que 
celle  de  radminislralion  locale.  A  celte  epoque  son  existence 
fut  consacree  par  le  roi  Louis  XV,  ainsi  qu'il  resulte  d'une 
lettre  de  M.  BcVtin,  minislre  secretaire  d'Elat,  ayant  le 
deparlement  de  la  Normandie,  qui  fut  transmise  par 
Tinlermc'diaire  de  M.  I'intendant  de  la  generality  de  Caen. 
Dans  cetle  lettre,  qui  fut  enregislrec  sur  le  plumitif  de 
rH6tel-de-Ville,  le  roi  permetdeux  seances  publiques  chaque 
ann6e. 

II  paraitqueM.  Tillet,  menibrederAcademiedes  Sciences, 
dont  nous  venous  deparler,  et  M.  de  Brequigny,  membre  de 
I'Academie  frangaise  et  de  celle  dcs  Inscriptions  el  Belles- 
Lettres,  qui  avail  eu  aussi  des  rapporls  avec  la  Societe  eurent 
une  assez  grande  part  dans  la  favour  qui  lui  etait  accordee. 
Aussi  les  voit-on,  pcu  de  jours  apres  la  reception  de  la  lettre 
du  niinistre,  adniiscomme  menibres  de  la  Societe,  sous  le 
litre  d'associes  libres. 

La  seance  publique  du  mois  de  septembre  de  cette  menic 
annee  donne  lieu  a  deux  remarques,  qui  toucbent  a  la 
constitution  et  aux  liabiludcsde  la  Societe.  Le  R.  P.  Don 
Blancbard,  religieux  hcnedictin  de  la  Congregation  de  Saint- 
ftfaur,  denieurant  a  Beaumont-en-Auge,  kit  une  ode  laline 
en  riionneur  de  la  Societ6. 

Les  etrangers  etaient  done  adniis  au  meme  titre  que  les 
babitants.  lis  se  deplacaient  souvent  et  de  loin  pour  assister 
aux  seances  de  la  Societe.  On  voit  au  rcgistre  des  procfes- 
verbaux  la  signature  de  M.  Corbet,  vicaire  superieur  de  la 
grande  maison  des  Cordeliers,  a  Valognes ;  Tliierry,  prHre 
gradu6de  I'Universite  de  Caen;  Beziers,  cure  de  Saint-Andre 
de  Bayeux;  Moysant,  docteur  en  medecine  a  Caen;  Hue  de 
Caligny,  ingenieur  en  chef  a  la  Ilougue  ,  et  d'autres  noms 
encore  iitrang«rs  a  la  ville. 


10  XOTICE    HISTORIQl'E 

l.ii  SocitHii  avail  done  unc  importance  qui  s'etcndait  au 
loin,  puisqu't'lle  attirait  a  elle,  malgre  la  difficultc  des  com- 
munications, nn  certain  nombred'etrangersqui  ntecraignaienl 
pas  de  franchir  dcs  distances assez  grandes  pour  prendre  une 
part  active  a  scs  Iravaux. 

Nous  vcnons  de  voir  qu'a  la  2°  s5anc3  publique  dc  I'annee 
1773,  Don  Hlanchr.i'd  iut  unc  ode  laline.  On  y  fit  d'autres 
lectures  qui  iToiai.  ui  [tm  bien  j»Uis  a  la  portde  d'un  grand 
nonibi'e  d'audileurs.  On  cntendil,  par  cxoniple,  une  disser- 
tation de  M.  Delaville  sur  la  niatiere  qui  sort  de  nourriture 
et  d'accroissi^raent  aux  p'.antcs,  el  un  memoirs  sur  la 
Meridieniie  par  iM.  Groult. 

l.a  Society  inspirait  done  autant  d'interet  au  dedans  qu'au 
debors,  puisque  malgre  !e  caracl^re  serieux  qu'offraient  ses 
stHinces  publiques,  die  trouvait  le  moyen  d'attirer  des  audi- 
teurs  deux  fois  cbaque  annee. 

Tous  les  proces-vorbaux  qui  precedent  la  seance  publique 
dont  je  viens  dc  parler  soiit  ecrils  de  la  mememain,  qui 
^tait  sans  doute  celie  de  M.  Voisin  de  la  Hougue,  premier 
secretaire.  Cependant  il  parait  qu'il  assista  encore  a  une 
seance  d'octobrc.  II  mourul  le  '24  novembre  suivant,  et  fut 
remplace  par  M.  do  ChaTitcreyne  auquel  fut  donnele  litre  de 
secretaire  perpetuel,  etqui,  d'apies  ridentil6  des  ccritui"es, 
remplissait  deja  ces  fonctions  depuis  quelque  temps. 

Dans  I'annee  1774,  une  letlre  de  M.  de  Boynes,  ministre 
(le  la  marine,  adresst^e  a  M.  Dienis,  direclour  de  la  Societe, 
jmprima  a  ses  travaux  un  nouveau  cacbet  d'utilite.  Elie  avail 
arrelt5  qu'elle  donnerait  cliaquo  annee  un  prix  au  jeune 
marin  qui  aurait  le  mieux  repondu  aux  questions  les  plus 
difliciks  sur  I'bydrograpbie.  Puis,  elle  avail  demande  au 
gouvernement  la  faveur  d'exempter  ce  jeune  bomme,  soil 
d'une  campagne  au  service,  soil  d'uneannee  de  navigation 


SL'K    LA    SOCIKTE.  1  I 

au  commerce,  on  eiifin  d'une  annee  d'age.  Le  ministie 
annonceque  le  roi  accorded  laSoci6t6cet  honorable  privilege, 
sous  reserve  toutefois  d'exan)inerdans  chaquecas  parliciilier, 
si  raccomplissement  de  cette  promesse  peut  s'accorder  avec 
I'int^ret  du  service. 

Conformemcnt  a  cede  disposition,  plusieurs  marins  furent 
examines  dans  chacune  des  Irois  ann(5es  qui  suivirent.  Des 
prixfurenldistribnespubliquemcntetdosdispensesaccordt^es. 
Les  deux  premiers  a  qui  cells  faveur  profita,  et  dont  les  noms 
sont  cnnsignes  au  regislro ,  furenl  MM.  Mauger  et  Poslcl. 
Plus  lard,  il  est  encore  queition  d'examens,  luais  non  plus 
de  dispenses.  La  gueire  avec  I'Angleterre  augmenta  les  nt^- 
cessil^s  du  service  et  donna  lieu  sans  doute  ii  rapplication 
des  reserves  failes  par  le  roi. 

Laleltredu  m  inistrede  la  marine  est  poslerienredequelqnes 
jours  seulemcnla  la  mort  de  Louis  XV,  elquand  il  dit  qu'il  a 
rendu  coniple  au  roi  de  la  demande  faite  par  la  Sociele,  il  est 
probable  qu'il  s';igil  encore  de  ce  monarque. 

La  Societe  Academique  luidevait  trop  pour  ne  pas  payer  h 
sa  memoire  un  jusle  honimage.  Aussi  designa-t-elle  un  de 
ses  meinbrcs,  M.  I'abbe  Postel,  pour  prononcer  son  oraison 
funebrc  le  jour  du  service  solennel  qui  devail  fitre  celebre 
en  I'eglise  de  cette  ville,  pen  do  temps  apres. 

Par  uneco'incidence  remarquable,cefut  encore  nn  membro 
de  la  Societe,  Monseigneurl'eveque  de  Senez,  qui  fut  charge 
de  prononcer  le  m6me  discours  devanl  ce  jeune  roi,  dont  les 
precoces  vcrluscommcncaient  un  regno  si  plein  d'esperances 
el  que  les  passions  rcvolutionnaires  devaient  terminer  par  de 
si  alTreuses  realiles. 

L'orateur  sacre,  dit  un  de  ses  biographes,  rappelle,  dans 
I'exorde  do  son  discours,  unc  circonstance  frappanle  qui  en 
rend  le  d^but  imposant  ct  presque  bossu«5tique.  Dans  son 


12  NOTICK    HISTORIQUE 

sermon  sur  la  Cene,  dont  il  a  dt^ja  6te  qiiostion,  M.  do  Boau- 
vais,  paraplirasant  cc  passage  de  I'l^critiire  :  Encore  quarante 
jours  el  Ninive  sera  delruile:  avail  paru  predire  au  roi  Louis 
XV  une  mort  prochaine,  conlrairement  aux  apparences  qui 
luiprometlaienlunepluslongue  vieetccpendantlaprediclion 
fut  lilteralenicnl  accompUc.  Le  roi  mourul  quaranle  jours 
apres. 

C'esl  il  cPlte  circonslance  que  fait  allusion  I'illustre  evcquo 
dont  le  noin  honoreaun  si  liaut  degrela  Sociele  Academique 
de  Cherbourg:  «Sire,  dil-il  au  roi,  dans  I'oraison  funebre  de 
Louis  XV,  quand  j'annoncais,  il  y  a  peu  de  temps,  la  divine 
parole  dcvant  voire  augiiste  aieul ;  qui  eut  prevu  le  coup 
terrible  donl  il  elait  menace?  Deja  le  glaive  invisible  de  la 
mort  etait  done  suspendu  sur  sa  tele.  Helasl  qui  eut  pens(5 
que  nous  aurions  pu  lui  dire  alors  dans  un  sens  si  lilleral : 
Encore  quaranle  jours  ,  adhuc  quadragitila  dies,  encore 
quaranle  jours  el  vous  serez  porle  dans  le  scpulcrc  de  vos 
peres;  el  celle  meme  voix,  que  vous  entendez  en  ce  moment, 
sera  I'interprele  du  deuil  de  voire  peuple  a  vos  funerailles.  » 

Vous  me  pardonnerez.  Messieurs  de  m'clre  etendu  si 
longuemenlet  a  deux  reprises  ditTerentes  sur  un  seul  de  nos 
predecesseurs,  maisil  s'agil  du  plus  illustre,  el  en  rappelant 
ses  tilres  a  I'admiralion  de  la  posterite,  nous  faisons  rcjaillir 
peut-etre  quelqu'honneur  sur  la  ville  qui  fut  son  berceau 
et  sur  la  Sociele  dont  il  voulut  bien  elre  membre. 

Lesannees  qui  suivent  nc  pr^sentent  rien  d'important.  On 
remarque  la  mort  de  M.  de  Bricqueville  arrivce  dans  le  mois 
de  novembre  1775  et  la  resolution  prise  par  la  Sociele  de  se 
transporter  toute  enliere  en  la  commune  do  BrelteVille  pour 
assister  a  ses  funerailles.  II  est  remplace  quclques  jours 
apr6s  par  son  fils  Claude-Marie,  mestre  de  camp  de  cavalerie, 
dont  la  reception  est  conslalee  par  sa  signature  a  la  dale  du 
18  avril  suivant. 


SUU    I,  A    SOClftTF.  13 

■  Lfi  Soci('t(\  voiilanl  cncourager  les  etiules,  dt'cidc  qu'clle 
donnerii  iles  i)rix  aux  elevos  ilos  classes  de  latin,  o(  cliaqiic 
ann6e  son  dirccteiir  preside  v.  la  distribution  generalo  dcs 
prix. 

Les  st5ances  conlinuent  sans  interruption  jiisqu'en  1779  on 
dc  nouveaux  slatiits  sont  adoptes.  Les  modifications  inlro- 
duilesnesont  pas  assez  importantes  pour  etremenlionnees 
ici;  j'y  remarque  seuleinent  nne  indication  plus  netle  du  but 
que  se  propose  la  Societe.  Les  sciences,  les  letlres  et  les  arts, 
niais  principalement  riiisloire  naturelle  el  civile  du  pays,  le 
coninierco,  la  navigation  etl'agriculture,  tel  est  son  program- 
me. Elle  doit  se  reunir  tons  les  vendredis  de  cbaque  seniainc 
et  deux  seances  publiques  doivent  avoir  lieu,  I'tme  le  premier 
vendredi  apres  la  Quasimodo  el  I'aulre  le  premier  vendredi 
de  septembre  a  3  lieures  du  soir. 

Parmi  les  signatures  qui  consacrent  I'adoption  de  ce  nou- 
veau  reglement,  on  remarque  un  nom  qui  a  acquis  une 
grandc  celebrite,  et  qui  reveille  en  nous  des  souvenirs  a  la 
fois  tristes  et  glorieux  :  le  souvenir  des  cv^nements  qui 
preparerent  le  regne  sanglant  de  la  Convention  et  celui  de  la 
balaille  dc  Jemmapes,  qui  fut  comme  le  prelude  de  celte 
longue  serie  de  victoires  qui  illustrerent  nos  armes  pendant 
vingt  ans.  Ce  nom  est  celui  de  Dumourier. 

Dans  une  notice  sur  les  ancicns  membres  de  la  Societe-,  j'ai 
parl6  longucmcnt  de  cet  homme  c6l6bre,  qui  fut  successive- 
mentetsouventaia  fois,  militairc,  ecrivain,  diplomate,  caplif 
a  I'cti'anger,  prisonnicr  a  la  Bastille,  orateur  dans  les  clubs, 
allid  des  demagogues,  defcnseur  d'uneroyauteexpirante,  sou- 
mis  immediatement  a  hiRepublique  (jui  lui  succede,  gene- 
ral de  gcs  armies,  vengeur  du  nom  francais  contre  I'agres- 
sion  6trangere  et  tcrnissanl  sa  gloire  par  les  circonstances 
Goupablcs  d'une  defection,  qui  mit  fin  a  sa  carri(^re  politique. 


H  NOTICE    HISTORIQt.E 

Do  nombrciix  d(^lails  tie  peuvent  entrcr  dans  le  cadre 
qui  m'est  trac(5  aiijonrd'hui.  Cost  principalement  comme 
membre  de  ia  Soci6te  Academique  que  je  dois  parler  du 
general  Dumotiiier.  J'y  ajouterai  seulement  quelques  cir- 
constances  qui  se  raltachent  a  son  S(5jour  dans  cetle  ville. 

L'enceinte  d'une  modeste  reunion  scienlifique  elait  assur6- 
nient  un  Iheatie  bien  6lroit  pour  I'hommequi  s'eleva  plus 
(ard  a  de  si  hautes  positions  et  qui  excrga  une  si  grande 
influence  sur  de  si  grands evenements.  Cepinidantle  regislre 
de  nos  proces-verbaux  revele  deja  Ics  qualiles  qui  se  deve- 
lopperent  plus  tard,  sous  I'empire  des  circonstances  graves 
au  milieu  desquelles  la  France  fut  bienlot  entrain^e.  C'est 
que  riiomme  superieur  porte  partout,  dans  les  petiteschoses 
comme  dans  les  grandes,  le  cachet  deson  genie. 

Dumourier,  peu  de  temps  apr^s  sa  nomination,  fut  nomm6 
dirccteur  de  la  Society,  et  a  partir  de  ce  jour  son  nom  se 
retrouve  a  cliaque  page  du  regislre.  La  geographie,  la  stalis- 
tique,  la  guerre,  la  politique,  la  marine,  le  commerce,  les 
mcBurs  des  peuples  au  milieu  desquels  il  avait  vccu,  furent 
success! vemenl  Tobjet  de  ses  etudes  el  de  ses  communications 
a  la  Societe. 

On  remarqueparticulierement :  un  memoiresnr  la  position 
de  Cherbourg  et  dela  Hougue  relalivenent  a  relabhssemcnt 
d'un  port  royal  dans  la  Manche;  des  considerations  sur  la 
marine  marchande  a  Cherbourg,  les  manufactures  el  I'agran- 
dissemenl  de  ce  port ;  puis  enfin,  dans  le  meme  ordre  d'idees, 
un  mimoire  sur  le  commerce  ancien  et  nouveau  de  celte 
ville  et  sur  les  nouvelles  branches  qu'il  serail  intt^-essant  d'y 
etablir. 

Les  seances  de  la  Sociele  furent  interrompues  en  1783, 
et  on  doit  s'en  6tonner  avcc  un  membre  aussi  z^l6  que 
Dumourier,  qui,  il  faut  le  dire,  avait  puissammentcontribue 


SUR    LA    SOCIETE.  45 

adonneraux  Iravaux  acadt^mi(|ues  la  suite  et  rim poi lance 
qii'ils  avaicnt  ac(]uis  dcpuis  [ilusiiMirs  aii!i(^es. 

Get  honimc,  dont  lo  cor[isaussi  hicn  que  riinagiualion  ne 
pouvait  snufTrir  un  instant  de  ropos,  n'en  conlinua  pas  moins 
de  se  livrer  a  iinc  foiile  de  conceptions  qui  fiircnt  todtos 
I'objet  de  memoires,  la  plupait  adrcsses  au  gouvernenient. 
II  n'y  cut  pas  un  projet  concernant  los  travaux  do  la  rade 
et  du  port  auquel  il  ne  piit  part,  et  cependant  il  n'ctail  ni 
ingenieur  ni  marin;  mais  son  genie,  second^  parson  infali- 
gable  activile,  suppleaiten  lui  aux  connaissancesacqtdses. 
Observatcurattentif,  il  cHudiait  avec  soin  tousdesphenonienes 
que  la  mer  olTraitsans cesse  ases  regards,  bravant  les  dangers 
d'nne  tempetepouren  connailre  mieux  les  elTets,  inlerrogeant 
les  marins  pour  juger  par  la  pratique  des  assertions  de  la 
Iheorie,  suivant  les  ouvriers  dans  leurs  travaux  afin  de  n'i- 
gnorer  aucun  detail,  parcourant  lous  les  lieux  delapresqu'ile 
pour  en  bicn  apprccier  les  ressources;  puis,  reunlssant  ces 
idees,  les  fecondantpar  son  imagination,  discutant  scs  projels 
aveccliali'ur  et  lullant  pour  li'ur  adoption  contre  les  prcjug^s 
des  masses  ou  ['opposition  jalouse  des  superieurs. 

Tel  fut  Dumourier,  pendant  iin  s6jour  de  onze  ans  dans 
cette  ville.  Dans  scs  memoires,  il  parle  beaucoup  de  ce  qui 
s'est  passe  a  Cherbourg  au  commencement  de  la  Revolution 
el  de  la  part  qu'il  a  prise  aux  evcncmcnts. 

II  etait  important  de  rcclicrcher  dans  les  souvenirs  confcm- 
porains  une  mesure  de  la  confiance  que  doivent  inspirer  ses 
assertions.  J'aidonc  interrogelospersonnesageesquiravaient 
connu  el  qui  avaicnt  ^Me  k^moins  des  fails,  etjedoisdire 
qu'olles  n'ont  pas  loujours  rec(;nnii  Texacte  verite  dans  les 
r^cils  dc  Dumourier.  Je  renvoie  au  2^  volume  denos  mdmoi- 
rcs  pu!)li6cn  1835  pourdc  p!usam[)les  details  a  ce  sujel. 

J'ajouterai  seulcmcnl  que  los  rapports  privOs  du  coniman- 


f6  NOTICE    IlISTOUIOUE 

dant  do  Clierboiirg  avec  les  liabitantsonl  laissiJ  des  souvenirs 
peij  favorablcs.  Indt'porulamiiiont  de  I'opinion  qui  le  faisait 
consiJeier  coiiiinc  autcur  des  (roubles  qui  avaient  afflige  la 
ville,  on  Ic  trouvail  fier,  d'un  abord  difficile,  ct  agissant  tou- 
joursa  la  manifired'un  despote. 

On  rapporte  qu'un  bourgeois  passant  un  jour  a  cote  delui 
surlequai,  il  lui  jcta  son  chapeau  dans  le  port,  parcequ'il 
ne  le  saluait  pas.  Plus  tard  lorsque  le  peuple  acquit  une 
certaine  autoiite,  ce  caraclere  iuipetueux  s'adoucit  On  lui 
reprochasa  noblesse,  et  il  vintun  jour  de  parade  sur  la  place, 
prouver  aux  officiers  de  la  milice  qu'il  n'etait  pas  noble. 

Ce  sontla  de  ces  faiblesses  qu'on  rencontre  souvent  a  c6te 
des  plus  hautos  qualiles  et  qui  semblent  avoir  et6  placees  au 
coeur  de  Tbomme  pour  lui  rappeler  que  la  perfection  n'ap- 
partient  pas  a  rhumanite. 

Quoiqu'il  en  soit,  Dumourier  n'en  est  pas  moins  une  des 
grandes  figures  de  la  fin  du  XVIII*  siecleet  un  des  souvenirs 
qui  honorent  le  plus  la  Sociel(5  Acadcmique  de  Cberbourg. 
Je  terminerai  celte  digression,  peut-etre  un  peu  longue,  sur 
notre  illustre  coUegue,  en  repetant  que  tous  les  historiens 
sont  d'accord  sur  la  superioritc  de  ses  talents,  sur  I'^tendue 
et  la  variete  des  connaissances  dont  son  esprit  6taitorne;  que 
plusieurs  d'entre  eux  admirent  son  intrepidite  en  face  des 
boulets  de  I'ennemi,  son  calme  au  milieu  des  orages  de  la 
place  publique,  sa  perseverance  a  hitter  contre  un  torrent 
qui  ravageait  tout  sur  son  passage,  et  qu'enfin  I'un  de  ces 
ecrivains,  a  la  fois  hoainie  d'tHat  et  grand  orateur  politique, 
apres avoir  blam^  son  indecision  sous  le  rapport  des  principes, 
loue  chez  lui  une  vertu  qui  pent  excuser  bien  des  torts, 
I'amour  de  la  patrie. 

Nous  sommes  a  I'epoque  oil  I'attention  du  gouvernement 
fixee  sur  Cherbourg,  comme  position  marUinie,  provoque 


SUR    I,A    SOCIETE.  17 

d'Cs  Eludes  ct  fait  eclore  des  pi'ojets  doiit  la  ivalisalion  d(iit 
accroitre  la  grandeur  ct  la  puissance  du  pays.  La  SocieU; 
Acadcniique  nc  pouvait  manqner  de  prendre  part  a  ces  Ira- 
vaux.  Outre  le  parallele  entre  la  Hougue  et  Cherbourg,  par 
Dumourier,  dont  j'ai  deja  parle,  on  remarque  un  discours  de 
M.  de  Colleville  sur  I'utilite  d'un  port  de  roi  dans  cclte 
derniere  ville;  un  memoirc,  par  M.  Noel,  sur  la  construction 
et  sur  la  nieilleufc  disposition  des  digues  pour  les  rendre 
capables  de  resistor  aux  efforts  de  la  mer,  memoire  qui 
avail  deja  remporte  le  prix  propose  en  1778  par  Tacadeniie 
de  Caen,  el  qui  avail  valu  a  I'auteur  une  place  d'associe  de 
celte  compagnie. 

J'ai  deja  dit  que  les  seances  de  notre  Societe  furent  inter- 
rompues  en  1783.  La  derniere  indiquee  est  a  la  date  du  30 
raai;  la  cause  de  cette  interruption  n'est  pas  connue.  Peut- 
6tre  doit  on  I'attribuer  au  petit  nombre  de  membres  auquel 
la  Societe  etait  reduite.  Un  des  proces-verbaux  qui  precedent 
ne  porte  que  cinq  signatures  parmi  lesquellesse  trouvecelle 
d'un  ofiicier  de  marine  qui  probablenient  ne  tarda  pas  a 
abamlonner  Cherbourg. 

La  Revolution  qui  survintbientot,  etqui  cmporta  avec  olle 
toutes  les  Societes  litleraircs,  ne  pouvait  perniettre  a  cellc  de 
Cherbourg  uneprompte  reconstitution;  aussi  cenefut  qu'en 
1807qu'elle  rcprit  ses  travaux. 

A  cette  epoque  il  cxistait  cinq  membres  residant  a  Cher- 
bourg parmi  lesquels  se  trouvait  encore  M.  Groult,  un  des 
fondateurs  de  la  Societ(V  Les  quatre  aulres  membres  etaient : 
MM.  Vastel,  Noel,  Postel  et  Lambert.  lis  se  reunirent  de 
nouveau  et  s'adjoignirent  un  certain  nombre  de  membres 
parmi  lesquels  on  remarque  M.  Delaville,  fils  du  fondateur, 
alors  maire  de  Cherbourg  etplus  tard  depute,  a  qui  Ton  doit 
I'organisation  de  radministration   municipale  sur  les  bases 

2 


\S  NOTICE    HISTOniQUE 

dont  les  principales  subsistent  encore  aujourd'hiii,  qui  a 
laisse  a  ses  successeiirs  une  voie  ouverte  aux  perfectionne- 
ments  el  leur  a  marqu6  un  but  que  les  circonslances  n'ont 
nialheureusement  pas  pennis  d'atleindre  encore  coniplele- 
ment.  M.  Delaville  etait,  connme  son  pere,  un  medecin  dis- 
tingue et  tres  suivi.  Malgre  ses  doubles  occupations  qui  lui 
prenaient  un  temps  considerable,  il  trouva  encore  le  nioyen 
de  travaillerpour  la  Society,  et  le  registre  des  proces-verbaux 
indique  souvent  des  lectures  faites  par  lui  sur  divers  objets 
scienliflqucs. 

La  Soci6t6  admit  a  la  meme  epoque  M.  Asselin  alors  sous- 
prefet  de  Vire  et  qui  avait  administre  la  ville  de  Cherbourg 
dans  les  temps  les  plus  difficiles  de  la  Revolution.  On  lui  doit 
une  edition  originale  des  poesies  d'Olivier  Basselin,  cbanson- 
nier  de  ce  pays,  dont  les  Vaudevircs  ont  probablement  donne 
naissances  aux  Vaudevilles.  Tout  en  cultivant  la  poesie,  M. 
Asselin  s'occupait  encore  de  I'histoire,  des  antiquites,  de  la 
nuniismatique.  Nos  stances  commenosmomoiresont  souvent 
6t6  enricbis  de  ses  travaux.  II  a  legue  en  mourant  sa  biblio- 
tbeque  a  la  ville  de  Cherbourg. 

On  remarque  encore  parmi  les  noms  do  celle  epoque, 
celui  de  M.  Delaroque,  a  qui  on  doit  un  grand  nombre 
d'observations  meteorologiques ;  celui  de  M.  Cachin  a  qui 
fut  confiee  la  direction  superieure  des  travaux  du  port  mili- 
taire  et  de  la  rade  et  qui  nous  a  laisse  un  memoire  sur  la 
digue  comparee  au  Breakwater  de  Plymouth;  celui  de  M. 
I'abbe  Demons,  savant  modeste  et  laborieux  a  qui  nous  devons 
une  histoire  manuscrite  de  Cherbourg  deposee  a  la  bibliothe- 
que,  et  enfin  le  nom  de  M.  Duchevreuil  dont  le  cabinet 
d'antiquiteset  d'hisloirenaturelle,  ainsi  que  la  bibliotheque, 
achetes  apres  sa  mort,  ont  forme  le  noyau  des  collections 
qui  existent  aujourd'hui  a  rH6tel-de-Ville. 


SL'n    LA    SOCIETE.  |9- 

La  Society,  dans  sa  constitution  noiivelle,  arrcla  qu'niic! 
colisation  annuelie  serait  payoc  par  cliacun  tic  scs  nicnibros 
pour  faire  face  ases  depenses  au  nombre  dcsquelles  se  Irouvc 
I'impression  d'un  rcsum6  sur  les  principaux  ouvrages  pr^- 
sent6s  alaSoclet6depuisle9septembre  1807,  el  d'une  notice 
sur  chacun  deses  membres.  En  lisantce  resume,  on  rcgrette 
que  la  Societe  n'ait  pas  conserve  dans  scs  archives  plusieurs 
des  ouvrages  qui  ne  sont  connus  aujourd'hui  que  parleurs 
litres.  Je  citerai,  outre  ceux  que  j'ai  pr^cedemment  indi(|ues, 
un  memoire,  par  I'abbe  Demons,  sur  un  ancien  monument 
eleve  du  temps  de  Charles  VII,  roi  de  France,  dans  I't^glise  de 
la  Sainte-Trinite  de  Cherbourg,  qui  s'y  voyait  encore  avant 
la  Revolution  et  qui  exprimait,  dit  la  notice,  la  pietS  de  ses 
habitants,  leurpatriotismcetleur  aversion  pour  la  domination 
anglaise. 

Depuis  la  reprise  des  stances  jusqu'en  1814,  M.  Groult, 
rnalgr^  son  age  avanc6,  fut  encore  un  des  membres  les  plus 
z»Mes  et  les  plus  laborieux  de  la  Societt^.  Dans  cet  intervalle, 
il  prosenta,  enlre  autres  travaux,  vingt  cartes  qu'il  appelle 
polygraphiques  et  qui  comprennent  lastatistique  de  la  jires- 
qu'ile  du  Cotentin ;  un  plan  de  la  descente  des  Anglais  dans 
I'anse  d'Urville,  en  1758,  dont  il  avail  ete  temoin  oculaire; 
un  memoire  sur  la  ligne  de  demarcation  a  etablir  enlre  la 
navigation  au  long-cours,  au  grand  et  au  petit  cabotage;  des 
remarques  sur  la  direction,  robliquit6  et  le  parallelisme  de 
certains  climats  compares  avec  la  production  veg^tale  et 
animale,  et  enfin  un  tableau  barometrique  de  I'indigence 
accompagne  d'observations  en  ce  qui  conccrne  la  ville  de 
Cherbourg. 

L'annee  1813  qui  precede  celle  de  sa  morlest  la  seule  oil 
Ton  remarque  I'absence  de  son  nom.  Accable  sous  le  poids 
du  travail  et  des  ann<5es,  son  z6le  dul  c6der  sans  doute  a 


80  HISTORIQt'E    NOTICK 

I'affaiblissement  de  ses  forces,  et  les  seances  de  la  Soci^tS 
s'en  ressentirent,  car  il  n'y  en  eut  que  cinq  dans  Ic  cours  de 
celteannee.  Cellesqui  suivirent  jusqu'en  1817  offrent  encore 
plus  de  vide  et  semblent  prouver  que  M.  Groult  fut  jusqu'a 
la  fin  de  sa  vie  I'ame  de  la  Societe  qu'il  avail  contribue  a 
fonder  59  ans  auparavant. 

En  1817,  le  21  aout,  M.  Vastel  lut  un  discours  lendant  a 
rendre  les  stances  plus  r^guliferes  et  oil  il  fit  vivement  sentir 
la  perte  de  M.  Groult  et  de  quelques  aulres  membres.  Mais 
cet  appel  eut  peu  de  succ6s  et  les  seances  furent  tres  rares 
jusqu'en  482<,  oil  elles  furent  interrompues  de  nouveau 
pendant  plusieurs  annees. 

Avant  d'arriver  a  I'epoque  oii  cessa  cette  interruption,  je 
dois  mentionner  encore  le  testament  de  M.  Groult  en  ce  qui 
concerne  la  Societe.  Dans  cet  acte  de  derniere  volonte,  il  l^gue 
a  I'Academie  un  exemplaire  de  tous  livres,  cahiers,  notes, 
papiers,  memoires,  etc.,  qui  se  trou vent  en  double,  sur  la 
legislation  de  la  marine,  le  surplus  devant  ^tre  remis  a  la 
bibliolbeque  de  sa  famille.  II  exprime  encore  le  d(^sir  que 
loute  sa  collection  en  imprimes  et  manuscrits  soitrassembl^e 
dans  un  meme  lieu,  qui  pourrait  etre  distrait  et  separe  de 
celui  de  I'Academie,  le  tout  a  la  volonle  de  ses  h6ritiers. 

Malheureuseraentcevoeu  n'apasregu  jusqu'ici  d'execution, 
I'extreme  difficulty  de  faire  un  depouillement  dans  cetle 
immense  quantite  de  papiers  et  de  les  classer  ensuite  en  a 
6t6  la  cause. 

Apres  una  interruption  de  huit  annees,  la  Societe  reprit 
ses  travaux,  le  27  avril  1827,  sous  la  direction  de  M.  Duche- 
vreuil.  II  n'y  avail  plus  alors  que  hull  ou  dix  membres  qui 
s'adjoignirenl  bientol  de  nouveaux  collegues.  Une  ann^e 
s'etait  a  peine  (^coul^e  qu'elle  perdail  son  savant  et  respec- 
table president.  M.  Duchevreuil  ^tait  naturaliste  aussi  bien 


SUR    LA    SOCIETE.  8f 

qu'antiquaire  distingut^.  II  avail  reuni  une  collection  de 
coquilles,  d'antiquites,  de  niMailles,  de  fossiles,  et  une 
biblioth^que  qui  furent  I'objet  d'une  deliberation  prise  par  la 
Society.  Elle  emitle  vceu  que  cette  collection  fijt  aclietee  par 
la  ville  el  transmit  ce  voeu  au  maire  qui  a  son  tour  le  r6f6ra 
au  conseil  municipal.  Une  commission  fut  nommee  pour 
faire  I'inventaire  deces  diverses  collections,  et  le  conseil,  sur 
sa  proposition,  vota  les  fonds  necessaires  pour  I'achat  du 
cabinet  tout  entier,  les  medailles  exceptc^es. 

Un  des  membres  de  la  Soci6t6  voulut  bien  se  charger 
gratuitement  des  fonctions  de  bibliotliecaire  et  il  la  remplit 
exactement  jusqu'a  sa  mort. 

L'annee  suivante,  la  Sociel(5  fut  encore  rheureuseinterm6- 
diaire  d'une  olTre  qui  cnrichit  la  ville  d'une  autre  collection 
bien  prt^cieuse  et  qui  cette  fois  ne  devait  occasionner  que  des 
frais  d'installation.  Un  genereux  inconnu  fit  6crire  a  I'un  de 
noscoUegups  qu'il  avait  I'intention  d'envoyer  de  bons  tableaux 
si  on  voulait  bien  leur  r6server  une  salle  convenable.  La 
Socieleemit  acesujetun  voeu  pressantet  motive  et  le  transmit 
k  I'administration  qui  s'empressa  de  raccueillir.  Toutefois 
quand  le  nombre  des  tableaux  envoy^s  et  annonc^s  futassez 
grand  pourexigcr  la  construction  d'un  local  plus  etendu,  le 
conseil  municipal,  presse qu'il  etait  parunefoulede  dispenses 
urgentes,  hesita,  et  la  Society,  dont  plusieurs  membres  appar- 
tenaient  a  I'administration  et  au  conseil,  ne  fut  pas  sans 
influence  sur  la  determination  qui  mil  en  noire  possession 
une  belle  collection  de  peinture,  qui  ferait  bonneur  a  des 
villes  beaucoup  plus  considerables  que  la  n6lre. 

Cette  importante  acquisition,  Messieurs,  a  un  double  litre 
pour  arrfiter  nos  regards;  d'abord,  par  la  part  qu'y  prit  la 
Societe  et,  en  second  lieu,  par  I'honneur  qui  resulte  pour 
elle  d'avoir  compt6  parmi  ses  membres  I'auteur  modeste  et 
desint(5ress6  d'une  munificence  sans  t^gale. 


23    ■  NOTICE    HlSTOItlQl^E 

J'ai  cil6  des  noms  illiistres,  des  noms  qui  ont  retenti  aa 
loin  siir  la  scene  du  monde  et  que  le  burin  de  I'histoire 
associera  dans  un  long  avenir  aux  grands  evenements  dont 
ils  furent  contemporains;  mais  aucund'eux  nedoit  inspirer, 
<Jans  la  ville  de  Cherbourg,  un  aussi  grand  int^ret;  aucun 
de  ces  noms,  quelques  grands  qu'ils  soient,  ne  devra  exciter 
Chez  nos  neveux  des  sentiments  de  reconnaissance  pareils  h 
ceux  qui  sattaclient  au  nom  de  Thomas  Henry. 

La  donation  faite  par  lui  a  sa  ville  nalale  est  I'effetd'une 
generosite  qui  n'a  sans  doule  pas  beaucoup  de  precedents, 
qui  Irouvera  peu  d'imitateurs  el  qui,  par  cela  seul,  offre  en 
elle-meme  un  titre  suflisant  au  sentiment  que  je  viens  d'ex- 
primer;  mais  Ics  circonstances  qui  ont  accompagne  cette 
donation  en  portent  le  merite  a  un  degre  tellcment  eleve 
qu'ilest  permis  dedire  qu'on  chcrcherait  en  vain  un  exemple 
semblable  d'une  aussi  grande  action,  etqu'au  sentiment  de 
la  reconnaissance  il  faut  joindre  celui  de  I'admiration. 

On  a  vu  des  hommes  riches  faire  un  noble  usage  de  leur 
fortune;  on  en  voitquiontle  l^gitimearaourpropred'associer 
leur  noni  a  un  grand  bicnfait;  d'autres  enfin  ,  et  c'est  le  cas 
le  plus  ordinaire,  sereservent  pendant  la  vie  la  jouissance  de 
leurs  dons. 

Ici,  rien  do  pareil;  M.  Henry  n'etait  pas  riche>  il  avail 
achete  la  plupart  des  tableaux  qu'ils  nous  a  donnes,  et  apres 
une  depense  aussi  considerable,  il  lui  restait  apeine  une 
modeste  aisancc.  M.  Henry  n'agissaitsousl'inrmenced'aucun 
sentiment  personnel,  car  il  voulaitresterinconnu,  el  pendant 
plus  d'une  annee  nous  n'avons  pu  que  soupconner  la  main 
qui  s'ouvrait  sur  nous  avec  une  si  grande  lib(5ralit6.  Enfin  M. 
Henry  n'a  pas  hosite  a  se  d^pouiller  de  son  vivant,  afin 
d'assurer  a  scs  concitoyens  la  jouissance  immediate  d'une 
collection  destin(}c  a  repandre  parmi  eux  le  gout  des  beaux- 
arts. 


I 


sen    LA    SOCIETE.  23 

Tout  nous  parlo  de  lui  danscelte  enceinte  (1),  son  oeuvre 
en  couvre  tons  Ics  murs.  Le  buste  que  nous  apercevons  au 
milieu  de  cette  galerie  est  I'expression  fidele  de  ses  traits  et 
on  ne  pouvait  lui  donner  un  plus  digne  vis-a-vis  que  celui 
de  I'abbo  de  Beauvais, 

Je  regrette,  Messieurs,  de  ne  pouvoir  m'^tendre  d'avantage 
sur  cc  sujet;  de  ne  pouvoir,  par  exemple,  faire  connaitre 
plusieurs  passages  de  la  correspondance  qui  s'6tablit  pen- 
dant plusieurs  annees  entre  M.  Henry  et  le  chef  de  I'admi- 
nislration  municipale  :  niais  j'cn  ai  ditassez,  je  crois,  pour 
justilier  ce  que  j'ai  avance,  en  citanl  M.  Thomas  Henry  comme 
ctant  de  ceux  dont  le  nom  honore  le  plus  notre  Soci^te. 

En  18^2,  la  Societe  Academique  recut  pour  la  premiere 
fois  une  subvention  du  conseil  general  et  elle  s'enipressa  de 
I'utiliser  en  prcparant  I'impressiond'un  volume dememoires 
qui  parut  rann(5e  suivante.  Ce  fut  pour  ses  travaux  une  6re 
nouvelle;  j usque  lalesfaibles  ressourcesprovenantde  lacoti- 
sation  de  ses  menibressuffisaient  a  peineasesautresdepenses 
quelque  fut  leur  peu  d'importance.  Le  vote  eclaire  du  conseil 
prouvait  qu'a  ses  yeux  les  interets  materiels  n'etaient  pas  les 
seuls  qui  fussent  dignes  de  son  attention.  La  Societe  y 
repondit  en  redoublant  d'elTorts  et  en  publiant  bientut  un 
second  volume.  Depuislors  ces  publications  se  sont  succedti 
a  des  intervalles  plus  ou  moins  rapprochfe,  suivant  I't^tat 
financier  de  la  Societe  et  I'abondance  des  materiaux  qu'elle 
jugeait  dignes  de  rinipression. 

Ces  ineinoires  constituent  aujourd'hui  et  seront  desormais 
I'histoirc  de  la  Societe.  Dans  les  volumes  deja  publics  les 


(I)  Celte  lecture  a  ele  faite  dans  le  musee  Henry.  Sur  le  milieu 
fl'un  des  cotes  se  irouve  Ic  buste  du  foadateur  ct  ci»  fac*  celui  dc 
I'abbc  de  Beauvais. 


S"!  NOTICE    HlSTORIQt'E 

sciences  exactes  avec  leiirs  applications  diverses,  les  sciences 
iiaturelles,  l;i  pliilosopliie,  la  lilterature  du  moyen  age, 
riiistoire  et  paiticulierement  celle  du  pays,  la  statistique,  la 
marine,  radininislralion  et  la  poesie  ont  fourni  leur  contin- 
gent. Parnii  les  auteurs  de  ces  divers  articles  je  citerai 
soulement  ccux  dont  il  ne  nous  reste  plus  que  le  souvenir; 
MM.  Asselin,  Javain,  Pinel  et  Lefebvre  qui  ont  ete  appeles 
successivement  a  I'honneur  de  pr(5sider  vos  stances;  M. 
Couppcy  qui  en  a  ete  longtemps  le  secretaire  et  qui  a  toujours 
et(Sun  de  nospluslaborieux  collaborateurs;  M.  Delachapelle 
iiqui  Ton  doit plusieurs articles sur  la  botanique;  M.Ragonde 
enleve  jeune  encore  a  scs  doubles  fonctions  de  professeur  et 
de  bibliothecaireet  aux  travaux  archeologiques  dont  il  faisait 
une  etude  speciale;  M.  Lenionnier,  professeur  d'hydro- 
graphic;  MM.  Laurent  deClioisy  et  Lamarcbe,  capitaines  de 
vaisseau.  Ce  dernier  s'6lait  livre  pendant  plusieurs  annees  a 
des  observations  metcorologiques  dont  il  a  consigne  les 
resultatsdans  nos  m^moires. 

Ces  honorables  collegues  ont  6te  presque  tons  Tobjet  de 
biographies  particulicres  egalemenl  publiees.  Jesuis  heureux 
de  trouverici  une  occasion  nouvelle  de  rendrea  leurm^nioirc 
rhommage  de  nos  souvenirs  et  de  nos  regrets. 

Depuis  le  commencement  de  ce  siecle,  6poque  a  laquelle 
un  gouvernement  reparateur  permit  a  laSociete  deserecons- 
tiluer,  scs  reunions  oITrent  a  peine  un  vide  de  quelques 
ann(^es. 

Depuis  26  ans,  les  S(5ances  se  sont  succMd  sans  la  moindre 
interruption.  Independamment  des  travaux  auxquels  la 
Societe  s'est  livree  et  que  je  viens  d'enumerer,  elle  a  ete 
souvent  consultce  par  I'administration  sur  des  objets  qui 
renlraienldans  ses  attributions  et  elle  s'est  toujours  empressee 
lie  repondre  a  ce  tiimoignagc  de  confiancc,  Parnii  les  souve- 


SLR    I.A    SOCIKTK.  2» 

rains  et  les  princes  qui  onl  visile'  noire  ville  el  qui  lui  ont  fait 
riionngur  de  la  recevoir,  ii  en  esl  plusieurs  qui  lui  ont  donn6 
(les  marques  d'eslime  et  d'inleret. 

Quolques  modifications  ont  eu  lieu  dans  les  statuts  de  la 
Sociele  dcpuis  1837.  J'ai  dit  que  la  premiere  pensee  descs 
fondaleurs,  en  posant  les  bases  de  leur  association,  avail  t^t6 
pour  la  religion.  La  Society,  unsi6cle  apres,  a  voulu  prouver 
qu'elle  ctail  rest(^e  fidele  a  celte  pensee  et  elle  a  decide  que 
dans  le  mois  de  novembre  de  cbaque  annee  une  niesse  mor- 
tuaire  seraildite  pour  les  membres  dt^c^dt^s  depuis  sa  fonda- 
tion. 

Toulri^eemmenf,  voulantdonner  a  sos  Iravaux  unenouvcllc 
impulsion,  elle  a  introduil  dans  son  reglement  une  disposition 
qui  institue  des  jetons  de  presence  et  qui  assure  a  sess(5ances 
une  plus  grande  assiduite.  Ces  jelonsqui  sortent  des  ateliers 
de  la  Monnaie,  oil  la  malriceestrestee  en  depot,  sont  frappt^s 
avec  un  soin  qui  leur  permet  de  pretendre  a  une  place  dans 
la  meilleure  collection  numismatiquc. 

J'ajoulerai  encore,  avant  determiner,  que  la  SocitM6,  en 
relation  avec  un  grand  nombre  de  compagnies  de  l'Euroj>e 
et  meme  de  I'Amerique,  a  recu  d'elles  beaucoupde  commu- 
nications qui  sont  venues  enricbir  ses  archives. 

Messieurs,  celle  lecture  a  dt^passc^  de  beaucoup  les  limites 
ordinaires,  et  je  crains  que,  depuis  longtemps  deja,  elle  ne 
fatigue  la  bienveillanle  attention  dont  elle  est  I'objet.  Men 
excuse  est  dans  le  desir  que  vous  avczexprim6  devoir  repro- 
duire  dans  celte  seance  anniversaire  I'liistorique  de  la  Soci^te 
aussi  completque  possible,  pendant  le  premier  siecle  de  son 
existence. 

Le  simple  expos6  qui  pr6cMe,  quclqu'abrc'g(5,  quelqu'in- 
complet  qu'il  soil,  prouvera,  je  I'esp^re,  que  si  les  academies 


2G  NOTICE   HlSTORIQt'E 

(le  province  ne  peiivent  jeler  un  grand  t^clat,  ellesontcepcn- 
dant  un  dcgre  d'utilitc  qui  leur  merite  quolqu'int(^rt?l. 
N'eussenl-elles  pour  effel  que  d'unir  dans  un  lien  commun 
uncertain  nombre  d'liommes,  de  dissiper  des  preventions, 
de  rapprocher  des  dissidences,  d'eteindre  peut-elredesini mi- 
ties  sans  cause  serieuse,  d'excitcr  dans  les  esprits  la  noble 
emulation  du  travail,  d'adoucir  par  I'etude  Ics  chagrins  dc 
la  vie,  do  reproduire  aux  yeux  de  la  generation  presente  les 
exeaiples  de  palriotisnie  et  de  verlu  que  pent  fournir  I'his- 
toire  du  pays;  assurement,  Messieurs,  ce  serail  d^ja  un 
resultaldont  personne  ne  pourraitmeconnaitre  I'importance. 

Mais  Ja  ne  se  borne  pas  la  Ukhe  des  societesacad(5miques. 
Elles  peuvent  contribucr  dans  une  certaine  mesureau  progress 
dcs  connaissances  humaines;  favoriser  cliez  de  jeunes  hom- 
nics,  qui  s'ignorenleux-aiemes,  le  developpenientdes  facultes 
qui  doivent  un  jour  lionorerle  pays  lout  entier;  elles  peuvent 
apportera  I'adniinislration  un  concours  utile,  etje  vouscnai 
cit^plusieurs  exemples;  enfin  c'est  ii  elles  surtout  qu'appar- 
tienl  I'etude  du  pays  au  centre  duquel  elles  sont  placees,  et 
c'est  avec  cette  quantite  de  mat6riaux  divers  prepares  par 
dies  et  arrivant  de  toutes  parts,  que  les  grands  historiens, 
que  les  savants  laborieux  peuvent  elever  a  la  science  des 
monuments  complels  et  durables. 

Poursuivons  done,  Messieurs,  I'oeuvrc  de  nos  devanciers. 
Si  leurs  travaux  ont  brille  par  le  reflet  qu'a  repandu  sur  eux 
I'eclat  de  noms  illustres,  nous  pouvons  revendiquer  aussi 
pour  re|)oque  actuelle  de  glorieuses  confraternites,  qui 
appartiennenta  cette  contree  aussi  bien  qu'ii  la  Societe.  Deja 
elles  ont  contribue  a  enrichir  nos  memoires  (I ),  et  nous  ne 


;i)  Voir,  eiilre  autres,  un  Memoire  sur  le  Paupi^risme,  par  M.  A. 
de  Tocqueville,  membre  de  1  Acadcmie  Francaise,  vol.  de  1835. 


m.K    LA    SOCIETE.  27 

ferons  pas  en  vain  un  appcl  nouvcau  a  Icur  science et  iilour 
patriolisnie.  Avecle  concoursde  ces  homnies  {Miiinents,  avoc 
les  efforts  perseverants  du  plus  grand  nombre,  avec  le  zele 
de  tons,  nous  conserverons  Ic  depot  qui  nous  est  confie  et 
nous  le  transmetlrons  a  nos  successeurs  avec  cet  espoir  fonde 
que  le  second  siecle  de  la  Soeiete  Academique  ne  sera  pas 
indignedu  premier. 


C-rr^^-^^ 


DISCUSSION  HISTORIQIE 


SUR    LA 


DIGUE  DE  CHERBOURG, 


PAR 

91.  IVOEL,  Direcfeur. 


Lue  en  seance  publique ,  le  3  avril  1854. 


Messieurs, 

Une  discussion  s'est  61ev6e  dans  le  sein  de  votre  Socieli 
sur  un  fait  hislorique  reUilif  a  la  digue  de  Cherbourg,  cl  a 
donne  lieu  a  un  travail  redigo  par  un  de  nos  collogues  ainsi 
qu'ii  des  rccherclies  dont  le  rosultat  n'est  pas  aussi  complet 
qu'on  pourrait  le  dcsirer,  niais  qui  sulTit  cependant,  dans 
inon  opinion,  pour  arriver  a  la  connaissance  de  la  v^ritC. 


3l)  DISCUSSION    mSTOIUQUE 

Vous  vous  rappelez  que  la  discussion  a  eu  pour  origine  un 
document  enianant  d'une  source  qui  lui  donnait  quelque 
importance,  et  qui  faisait  remonler  jusqu'ii  Tillustre  Vauban 
Ic  projet  de  la  digue  telle  qu'elle  existe  aujourd'liui. 

On  suit  que  ce  grand  homme,  qui  a  eu  la  gloire  si  rare 
d'unir  a  la  vertu  la  plus  pure  le  plus  vaste  gi5nie,  est  venu  a 
Cherbourg;  que,  non  seulement,  il  s'est  occup(5  des  fortifica- 
lions,  dont  il  existe  a  la  mairie  un  plan  signe  de  sa  main, 
mais  qu'il  a  porte  son  attention  sur  la  marine  et  sur  tout  ce 
qui  pouvait  ajouter  a  la  puissance  et,  a  la  prosp6rit6  de  son 
pays. 

II  est  done  naturel  qu'on  lui  ait  attribue  I'idee  d'uno 
ceuvre  gigantesque,  qui  repondaitsi  bien  a  la  grandeur  do 
ses  conceptions  et  a  I'ardeur  de  son  patriotisme. 

Si  Vauban  est  elTcctivement  I'auteur  de  ce  projet,  il  aura 
acquis  un  nouveau  titre  a  la  reconnaissance  du  pays,  mais 
un  titre  qui  paraitra  peu  a  cote  de  tous  ceux  que  lui  ont  deja 
m^rite  ses  immenses  services. 

Si  au  contraire  cet  honneur  doit  revenir  a  un  autre,  il  est 
plus  important  encore  de  le  constater  et  de  dissiper  tous  Ics 
doutes,  car  la  France  aura  droit  de  s'enorgueillir  en  ajoutant 
a  ses  grandes  superiorites  intellectuelles  une  superiority  de 
plus,  et  si  cet  autre  appartient  a  notre  contree,  ce  sera  pour 
nous  un  devoir  de  le  signaler  a  la  reconnaissance  du  pays 
tout  entier. 

Pour  alteindre  ce  but,  le  moment  actuel  m'a  paru  oppor- 
tun,  et  les  considerations  que  je  viens  d'exposer  me  serviront 
d'excuse,  si  je  donne  quelque  etendue  a  cette  discussion. 

Le  document  qui  se  presente  naturellement  a  notre  pre- 
mier examen  est  un  memoire  altribu6  a  Vauban,  existant 
dans  les  archives  du  genie  militaire  a  Cherbourg,  et  qui 
a  eld  insere  dans  le    dernier  volume   de  vos   memoires. 


sun  LA  DIGUE  i)K  ciiEftnoiJiu:.  :{| 

Mallieurcusomonl  cc  travail  ne  porle  aiicnne  trace  assiirei- 
de  celle  illuslre  oiigine,  ot  n'csl  pas  sigiiiJ.  M.  dc  Tcicqiie- 
ville,  que  nous  aurons  I'occasion  de  citei  plus  tard,  pense 
que  son  style  est  infc^rieur  a  celui  du  a-lebre  ingcnieur. 

Quoiqu'il  en  soil,  ce  travail  a  ele  compose  a  I'epoque  oii 
Vauban  vint  a  Cherbourg,  et  s'il  n'a  pas  cte  ecrit  par  lui, 
tout  porle  a  croire  qu'il  exprime  au  moins  ses  idees  et  ses 
VUGS  sur  ce  port  de  mer.  Le  plan,  porlant  sa  signature,  qui 
existe  a  la  mairie,  vient  a  I'appui  dc  celte  opinion;  car  il 
existed'evidents  rapports  entre  ces  deux  documents,  el  Tun 
paraiten  referer  entierementa  I'autre. 

Ce  memoire  contient  une  description  de  la  presqu'ile  da 
Cotentin,  principalement  sous  le  point  de  vue  strategique; 
il  expose  I'^tat  de  la  ville,  des  fortifications,  du  port  etde  la 
rade,  et  eniin  il  indique  les  travaux  a  faire  et  les  vues  de 
I'auteur  sur  I'avenir  probable  de  Cherbourg;  or,  il  ne  resulte 
pas  de  I'ensemble  de  ce  memoire  que  Vauban  eut  Tintention 
de  proposer  sur  cc  point  de  la  cute  la  fondation  d'un  arsenal 
mililaire.il  considt^rait  le  port  comme  tres  bien  situe  pour 
la  course,  et  il  pensait  qu'avec  des  travaux  on  pourrait  le 
niettre  en  6tat  de  recevoir  des  navires  marchands  de  4  a  500 
tonneaux  et  des  fregates  d'un  rang  inferieur,  mais  sa  pensee 
ne  va  pasau-dcla. 

Quant  a  la  rade,  non  seulemenl  le  memoire  ne  fait  aucunc 
mention  d'une  digue,  mais  il  exprime  implicitement  I'idde 
que  ce  travail  serait  inutile  :  car,  dit-il,  «  la  rade,  quoiqu'un 
peu  foraine,  est  de  si  bonne  tenue  que,  de  memoire  d'homjne, 
au  dire  des  gens  de  mer  les  plus  entendus  de  ce  pays-ci,  n'y 
a  peri  un  vaisseau,  quoiqu'il  y  en  ait  eu  de  mouillosdesonze 
mois  de  temps.  » 

II  he  pent  etre  douteux  que  Vauban  n'ait  consid(5r6  comme 
tres  important  I't'tablissement  dans  la  Manche  d'un  grand 


51  BISCt'SSION    HISTOniQlIE 

arsenal  en  face  des  cdtes  anglaises.ctqu'il  n'en  aitfait  I'objet 
de  ses  rapports  au  gouvernement.  Mais  il  paralt  qu'il  accor- 
dail  la  preference  a  la  Hougiie,  et  que  nieme  il  a  existe  un 
projet  de  sa  main  sur  ce  point  dii  littoral.  En  1756,  des 
commissaires  envoyes  sur  les  lieux  reprirent  ce  projet  et  lui 
donnerent  nieme  une  extenlion  plus  grande,  raais  la  paix 
qui  survint  fitbientot  oublier  lanecessitt5  qui  lui  avaitdonn6 
naissance.  Ces  fails  resiiUent  d'un  rapport  fait  a  1' Academic 
des  Sciences  en  1819  sur  un  memoire  de  M.  Cachin,  relatif 
a  la  digue  de  Cherbourg. 

Le  d6p6t  descartes  et  plans  de  la  marine  renferme  plusieurs 
documents  qui  ne  sont  pas  completement  d'accord  avec  ce 
qui  precede,  car  il  en  resulterait  que  Vauban  se  serait  aussi 
occup6  de  travaux  a  faire  pour  ameliorer  la  rade  de  Cher- 
bourg. 

D'apres  M.  de  Tocqueville,  deux  plans  attributes  a  cet 
ingenieur  indiquaient  plusieurs  projets:le  premier  consistait 
dans  la  construction  de  deux  digues,  I'une  de  200  toises, 
partant  du  Homniet,  I'autre  de  600  toiscs,  partant  de  Tile 
Pelee;  le  deuxieme  projet  aval t  seulement  pour  objet  de 
couvrir  la  fosse  du  Galet  par  une  digue  de  250  toises. 

Des  recherches  que  j'ai  faites  depuis  peu  dans  les  archives 
de  la  direction  des  fortifications  prouvent  que  ce  n'est  pas 
sans  raison  qu'on  attribue  ces  plans  ou  au  moins  I'un  d'eux 
a  Vauban. 

Parmi  un  grand  nombre  de  pieces,  dont  aucune  malheu- 
reusement  n'emane  de  cet  homme  illustre,  j'ai  Irouve  une 
lettre  de  M.  Saint-Germain,  ministre  de  la  guerre  en  1777, 
oil  il  s'exprime  ainsi  en  parlant  de  Cherbourg: 

«  J'ai  vu  que  ce  point  important  avait  attir6  I'attention  de 
»  Vauban,  et  qu'il  avait  eu  I'idee  de  couvrir  la  rade  au  nord 
»  par  deux  m61es  partant  du  Horamet  et  de  I'ile  Polde. 


SUR    LA    D16UE    DE    CHERnOURfi.  33 

»  On  ni'a  fait  voir  un  2*^  projet  de  Vaiiban,  auqiiol  il 
»  paraissait  donner  la  preference.  II  consisio  a  creuser  dans 
»  le  Pr6  dn  Roi  un  bassin  qui  communiquerait  par  unc 
»  eel  use  avec  la  fosse  du  Galet.  » 

Ainsi  en  admeltant  commc  ^nianant  bien  de  Vauban  le 
niemoire  cite  plus  haul,  il  s'ensuivrait  que  cet  ingcnieur 
aurait  change  d'idce  sur  Cherbourg. 

Dans  ce  niemoire,  la  rade  n'a  pas  besoin  d'etre  ferm(5e,  et 
le  port  ne  doit  etre  araeliore  que  dans  la  vue  de  recevoir  dcs 
navires  niarchands  d'un  nioyen  tonnage  ou  des  biitiments  de 
guerre  qu'il  appelle  fregates,  et  auxquelles  il  donne  de  12  a 
30  canons. 

D'apres  la  lettre  du  ministre,  il  s'agit  d'un  etablissenicnt 
maritime  propre  a  recevoir  des  vaisseaux  de  guerre. 

Quoiqu'il  en  soit,  ce  dernier  document  ne  parait  pas  fixer 
d'une  manierc  precise  la  part  qui  doit  elre  attribueea  Vauban 
dans  les  projets  sur  Cherbourg,  et  jusqu'ici  rien  n'indique 
la  pens(^e  audacieuse  d'une  digue  jetee  en  pleine  mer  a  une 
licue  du  rivage. 

Pour  achever  de  faire  penetrer  dans  tons  les  replis  de  celte 
question  une  vive  lumiere,  il  faudrait  connaitre  tout  ce  que 
Vauban  a  (^critsur  Cherbourg,  et  malhcureusement  on  n'en 
retrouve  aucune  trace.  Les  rccherches  les  plus  minuticuscs 
et  les  plus  persev^rantes  faites  par  M.  de  Tocqueville,  aux 
minist6res  de  la  marine  et  de  la  guerre,  et  jusque  chez  les 
h^ritiers  du  celtbre  ingenieur  ne  lui  ont  rien  appris.  M. 
Meunicr,  officier  du  genie  tres  distingue,  employe  a  Cher- 
bourg vers  I'epoque  du  commencement  des  travaux,  a  vu  un 
travail  de  Vauban  sur  la  position  de  Cherbourg  caracti^risue 
par  cette  epilhetc  d' audacieuse,  qui,  depuis,  a  (tl&  reproduite 
si  souvent.  Ce  precieux  travail  n'a  ete  retrouv6  dans  aucun 
di^pot  public  ni  ailleurs:  II  est  a  craindre  qu'il  n'ait  6le 

3 


3'4  DISCUSSION    HISTORIQUE 

conserve  par  cet  ofTicier  ou  par  quelqu'autre  ingenieur 
jusqu'au  niomein  oil  la  mort  les  a  surpris,  et  qu'il  ne  soil 
reste  cnseveli  et  oublie  dans  des  papiers  de  famille  comme 
propricte  privee. 

II  exisle  encore  un  document  qui  a  ete  seulement  indique 
par  M.  de  Tocqueville  et  qu'il  serail  utile  de  consulter.  C'est 
un  proces-verbal  du  13  avril  1665,  conslatant  qu'une  com- 
mission nomm^e  par  LouisXIVs'etaittransport6eaCherbourg 
et  qu'apres  avoir  reconnu  la  necessite  d'une  digue  de  600 
toises,  elle  avail  recule  devant  I'^normite  de  la  depense  et 
I'incertitude  du  succfes. 

II  ne  serait  pas  impossible  que  Vauban  fit  partie  de  cette 
commission  et  qu'il  n'eut  6niis  I'idee  de  cette  digue.  Nous 
avonsfait  desdemarches  pour  obtenir  une  copie  de  ce  proces- 
verbal,  et  nous  esp6rons  I'obtenir.  Mais  en  admeltant  qu'il 
r«5alise  la  supposition  purement  gratuite  que  je  viens  de  faire 
relativement  a  Vauban,  nous  savons  d6ja  que  le  travail 
projet(^  a  cette  ^poque  etait  bien  eloign^  de  presenter  un 
d6veloppement  aussi  considerable  que  la  digue  dont  nous 
venons  de  voir  I'achevement,  et  il  est  a  remarquer  que  la 
longueur  de  600  toises  dont  parle  le  proces-verbal  de  1665, 
est  la  m6me  que  celle  indiqut^e  dans  le  plan  mentionn6  plus 
haul,  ce  qui  semblerait  6tablir  I'identite  entre  ces  deux  docu- 
ments. 

D'ailleurs  ce  n'est  pas  comme  le  dit  notre  collogue,  avec 
une  grande  raison,  ce  n'est  pas  a  ces  courtes  jet6es  que  Ton 
pourrait  appliquer  les  expressions  de  la  note  r^cemment 
inser^e  au  Monileur,  et  a  laquelle  nous  devons  cette  discu- 
sion. 

Ce  travail  est  gigantesque,  dit  la  note.  II  ne  fallait  rien 
moins  que  les  travaux  et  les  tentatives  les  plus  hardies  du 
genie  humain  pour  rester  victorieux  dans  cette  lulteacharnee 


SUR    LA    nifiUE    1>F.    CURRBOl'RG.  3S 

<lcs  elements.  Celte  auvre  n'a  d'e'gale  ni  dons  les  tctnpx 
anciens  tii  dans  les  temps  modernes.  Elle  assure  au.r 
flottes  de  la  France  un  abri  contre  la  mer  et  conlre 
I'ennemi. 

Certes,  Messieurs,  ces  expressions  n'ont  rien  d'exag§i6,  et 
quand  on  s'y  arrete  un  instant,  on  se  iaisse  aller  facilemcnt 
a  celte  croyance,  qu'il  ne  fallait  rien  nioins  quele  gdnie  de 
Vauban  pour  concevoir  une  pensee  aussi  grande  ct  aussi 
hardie. 

Mais,  quelque  ISgilimes  quepuissenl  elre  nos  preventions 
a  cet  6gard,  elles  doivent  s'incliner  devant  I'histoire,  et  nous 
sorames  obliges  de  reconnaitre  que  cette  pensee  n'a  Iaisse 
aucune  trace  dans  les  docuniens  historiques  de  I'epoque 
parvenus  a  notre  connaissance  jusqu'a  ce  jour. 

S'il  reste  encore  quelque  chose  d'obscur  sur  les  projet.^ 
concus  sous  Louis  XIV  relativement  a  Cherbourg,  et  sur  les 
hommes  auxquels  ils  doivent  etre  principalement  attribues, 
il  n'en  est  pas  ainsi  quand  nous  nous  rapprochons  du  moment 
oil  ces  travaux  onl  ete  d^finitivement  arretes  et  suivis  d'un 
commencement  d'execution. 

Ici,  la  lumiere  jaillit  de  toutes  parts.  Les  documents  abon- 
dent,  accompagnes  de  caracteres  qui  ne  permetlent  pas  de 
revoqueren  doute  leur  authencite,  et  toussont  d'accord  pour 
attribuer  a  M.  le  capitaine  de  vaisseau  La  Couldre  de  la 
Bretonnifere,  el  la  pensee  de  la  digue  telle  qu'elle  existe,  et  la 
provision  des  moyens  les  plus  propres  a  I'execulion,  qui 
n'attestent  pas  un  moindre  genie. 

En  1777,  pendant  la  guerre  d'Amerique,  I'idee  d'un  ela- 
blissement  dans  la  Manche  se  reveilla.  MM.  de  laBretonniere 
ct  M6chain  furent  charges  de  reconnaitre  la  cote  depuis 
Dunkerqnc  jusqu'a  Granville. 


36  DISCUSSION    HISTORIQUE 

Le  rapport  de  M.  de  la  Bretonniere  repoita  sur  Cherbourg 
I'altcntion  que  Vauban  et  la  commission  de  1756  avaient 
attiroe  sur  la  Houguo.  C'est  ce  que  nous  apprendle  rapport 
de  I'Academie  des  Sciences  d^ja  cite. 

Cherbourg  fut  definilivement  adopte,  et,  en  1780,  une 
commission  y  fut  envoyee  pour  arreter  les  travaux  a  faire 
dans  la  rade. 

Deux  projets  furent  discutes:  I'un  consistait  a  construire 
une  digue  ou  plutot  une  longue  jetee  paitantdu  Hommet, 
dans  la  direction  du  N.-E.,  conform^mentaux  anciens  projets, 
ce  qui  ne  metlait  qu'une  petite  partie  de  la  rade  a  I'abri 
des  vents  du  N.-O.  Le  deuxifeme  projet  couvrait  la  rade 
entiere  et  presentait  un  rempart  de  pierres  perdues  d'une 
grande  6tendue,  dans  la  direction  de  Tile  Pelee  a  la  poinle 
de  Querqueville.  Ce  projet  6tait  de  M.  de  la  Bretonniere, 
qui  I'avail  deja  presents  deux  ans  auparavant. 

En  vain  lui  objecta-t-on  les  difficultes  de  I'entreprise, 
rincertitude  du  succes,  I'^normitedes  depenses :  il  sut  rdpondre 
a  tout  et  porter  la  conviction  dans  I'esprit  des  hommes  qui 
tenaient  alors  les  renes  du  gouvernement. 
Le  projet  de  M.  de  la  Bretonniere  fut  adopts, 
Cet  ofBcier,  dit  notre  coUegue,  avait  navigue  d^ns  les 
grandes  escadres  de  la  guerre  d'Amerique.  II  avait  ete  attache 
a  la  plus  grande  flotte  connue,  a  I'armee  navale  franco- 
espagnole  de  100  bdtiments  de  guerre,  dont66  vaisseaux 
de  ligne,  qui  parut  en  maitre  dans  la  Manche  et  sur  les 
cotes  d'Angleterre. 

De  plus,  M.  de  la  Bretonniere,  qui  avait  fait,  avec  I'astro- 
nOme  M6chain,  I'hydrographie  des  c6tes  de  Normandie, 
possedait  ainsides  Elements  qui  etaient  inconnus  du  temps 
de  Vauban  ,  et  ces  el(5ments  formaient  la  base  prealable  et 
necessaire  sur  laquelle  devait  s'eiever,  pour  etre  solide,  le 


SUU    LA    DIGUE  DE    CHERBOURG.  37 

travail  desprojetsquioccnpaientdcpuislongtempsl'attcntion 
des  Iiommes  d'Etat. 

Get  ofTicier  de  marine  pouvait  done  mcttre  au  service  de  sa 
haute  intelligence,  et  son  experience  de  la  navigation  et  des 
guerres  marilimes,  et  ses  connaissances  sp^ciales  en  ce  qui 
concernait  les  cdtes  de  la  Manche. 

Le  travail  denotrecolk^gue  s'appuie  sur  plusieurs  memoires 
ou  rapports,  la  plupart  oiTiciels,  et  dontil  a  transcrit  des 
extraits,  qu'il  importe  d'indiquer  ici  d'une  maniere  som- 
maire. 

C'est  d'abord  un  rapport  fait  en  4791,  a  I'Assembl^e  natio- 
nale,  par  M.  de  Curt,  depute  de  la  Guadeloupe,  sur  I'^tablis- 
sement  maritime  de  Cherbourg ; 

Puisunprt'cishistoriqueins(5r6,  parordredugouvernement, 
au  Monifeur  de  1801  ; 

Un  travail  descriptif  des  travaux  hydrauliques  en  1808, 
par  ring(?nieur  en  chef  M.  de  Cessart,  i'inventeur  du  systerae 
des  c6nes,  dont  la  pratique  d^mentit  tout  ce  que  la  th(5orie 
offrait  d'ingdnieux; 

Un  memoire  de  1820  sur  la  Digue  ,  par  M.  Cacliin,  ins- 
pecteur  g([^neral,  et  qui  dirigea  les  travaux  pendant  20  ans ; 

Un  precis  des  travaux  jusqu'en  1830,  par  M,  Lamblardie, 
egalenient  inspecteur-general  des  ponts-et-chauss6es; 

Enfin,  une  notice  historique  par  M.  A.  de  Tocqueville,  en 
1848,  insi'rce  dans  la  collection  des  villes  de  France. 

J'ai  ajoute  a  toutes  ces  autorites  celle  d'une  commission 
de  I'Academie  des  Sciences,  ct  toutes  se  reunisscnt  pour 
altribuer  a  M.  La  Couldre  de  la  Bretonniere,  I'lionneiir  de  la 
grande  pensce  dont  la  France  rccucille  aujourd'hui  les 
fruits. 

D'autres  documents  qui  m'ont  (He  remis  il  y  a  i)eu  de 
temps,  vienncnt  donner  un  nouvcau  poids  ix  cctle  masse  de 


38  DISCUSSION    HISTORIQUE 

preuves  deja  convaincanles.  Ce  sont  des  m^moires,  les  uns 
imprimes,  les  aulres  manuscrils,  eman^s  de  M.  de  la  Bre- 
lonni^re  liii-meme.Il  y  a  aussi  des  instructions  donnees  par 
le  ministre  de  la  marine,  dont  une  porle  la  signature 
autographe  de  Louis  XVI,  et  prouve  tout  I'int^rgt  qu'il  portait 
a  ces  travaux. 

Le  plus  important  de  ces  memoires  a  ponr  but  de  justifier 
la  preference  de  Cherbourg  sur  la  Hougue,  et  de  demonlrer 
la  necessile  de  fermer  la  rade  par  une  digue  isolee,  dans  la 
direction  de  I'ile  Pelee  a  la  poinle  de  Querqueville. 

Sur  la  premiere  question,  I'auteur  invoque  I'autoritfi  de 
Vauban  qui,  comme  je  I'ai  deja  dit,  apres  avoir  balance 
entre  la  Hougue  et  Cherbourg,  paraissait  avoir  definitivement 
adopts  cette  derniere  position  pour  y  asseoir  un  grand 
6tablissement  maritime. 

Sur  la  deuxieme  question,  M.  dela  Bretonniere  ne  prononce 
pas  le  noni  du  c616bre  ingSnieur,  et  cependant  il  eut  de 
grandes  luttes  a  soutenir  pour  faire  triompher  son  opinion. 
C'est  la  que  cette  grande  autorite  lui  aurait  ett^  surtout 
necessaire,  et  certes  il  n'aurait  pas  manquS  de  I'invoquer  en 
faveur  de  la  deuxi6me  partie  de  son  projet,  comme  il  I'avait 
fait  pour  la  premiere.  Cette  circonstance  remarquable 
suffirait  a  elle  seule  pour  prouver  que  Vauban  n'a  pas  eu 
I'idSe  de  la  grande  digue,  et  que  memo,  s'il  I'a  eue,  M.  de 
la  Bretonniere  n'en  a  eu  aucune  connaissance,  ce  qui  lui 
laisserait  encore  intact  I'honneur  de  I'invention  joint  a  celui 
de  I'execulion. 

Les  autres  documents  fournissent  egalement  des  preuves, 
mais  qui  rentrent  dans  celles  que  j'ai  deja  enoncees.  Je  me 
bornerai  a  citer  un  arret  du  conseil  qui  accorde  a  M.  de  la 
Bretonniere  un  domainc  situe  pres  de  Cherbourg,  sur  une 
requetc  presentee  au  roi,  indiquanl  qu'il  avait  ele  assez 


SUU    UK    DIGUE    DE    CHERBOLKG.  3? 

Iieurcux  pour  fixer  la  preniiere  opinion  de  S.  M.  sur  les 
Iravaux  a  faire  et  sur  la  pr^fcirence  a  donner  a  Cherbourg. 

Parmi  les  graves  temoignages  que  j'ai  cit^s,  il  en  est  deux 
sur  lesquels  je  crois  devoir  arreter  quelques  instants  voire 
attention. 

M.  de  Cessart  et  M.  de  la  Bretonniere  avaient  diff6r6  d'avis 
sur  les  moyensd'executerla  Digue.  Celui-ci  voulaitla  fonder 
en  picrres  perdues:  le  premier  avait  invent(5  ces  immenscs 
machines  de  bois,  d'une  forme  c6nique,  qui  devaienl  Otre 
immerg^es  sur  toute  la  ligne  et  remplies  de  pierres,  de 
maniere  a  former  une  base  qu'on  croyait  a  I'abri  de  tous  les 
mouvements  de  la  mer. 

Le  premier  moyen  parut  trop  simple,  le  second  seduisitet 
fut  adopts  :  mais  I'exp^rience  ne  tarda  pas  a  prouver  toute 
I'impuissance  des  caiculs  et  des  previsions  theoriques  en 
presence  du  mouvement  capricieux  et  terrible  de  I't^lement 
qu'il  s'agissait  de  dompter.  Dix-huit  c6nes  furent  successi- 
vement  construits,  et  cinq  a  six  ans  apres  I'immersion  du 
premier,  il  en  restait  a  peine  quelques  vestiges.  La  mer 
avait  tout  detruit. 

On  fut  oblige  de  revenir  au  projet  de  M.  de  la  Bretonniere. 
Ce  ne  fut  pas  sans  peine,  on  le  croira  facilement,  que  I'ing^- 
nieur,  d'ailleurs  fort  eminent,  qui  avait  imagine  les  cones, 
se  vit  trompe  dans  le  rosultalde  combinaisons  qui  lui  avaient 
coiite  lant  de  travaux  et  qui  avaient  (5te  adoptt5s  avec  tant 
d'enthousiasme. 

Cette  circonstance  ajoule  un  grand  prix  au  temoignage 
quiresulte  deson  mt^moire  en  faveurd'un  rival  plus  heuroux. 
Dans  ce  travail,  il  sc  livre  a  boaucoup  de  critiques  sur  les 
details  du  service  dont  elait  charge  M.  de  la  Bretonniere.  On 
voit  qu'il  ne  lui  pardonne  pas  d'avoir  vu  plus  juste  que  lui; 
mais  il  ne  lui  contesle  pas  la  pensee  du  projet,  el  certes  i»i 


40  DISCUSSION    HISTORIQUE 

cette  pens6e  I'lit  venue  a  Vauban  il  n'aurait  pas  manque  de 
le  (lire. 

Le  second  document  siir  lequel  je  demande  la  permission 
de  fixer  vos  regards,  emane  de  M.  de  Tocqueville,  que  nous 
avons  riionncur  dc  compter  au  nombre  de  nos  membres 
correspondants.  Tout  le  mondeconnait  le  talent  de  I'c^minent 
ecrivain,  mais  tout  le  monde  ne  sait  pas  assez  peut-etre  dans 
quel  esprit  de  consciencieuse  exactitude  sont  dirig^es  toutes 
les  recherches  que  necessitent  ses  travaux  hisloriques.  Dans 
cette  circonstance,  il  a  mullipli6  ses  recherches ;  il  ne  s'est 
pas  conlente  des  depots  publics,  il  s'est  adresse  aux  heritiers 
de  rillustre  ing^nieur,  qui  poss^dent  encore  de  lui  une 
masse  considerable  de  papiers ,  et  c'est  apres  ces  (Etudes 
approfondies,  aprfis  ces  investigations  suivies  avec  la  plus 
grande  tenacite,  qu'il  n'hesite  pas  a  dire  dans  sa  notice 
historique. 

«  C'eslau  capitaine  de  laBretonniere  que  revient  I'honneur 
»  d'avoirconcu  le  premier  I'idee  d'une  digue  isolee  desterres 
»  et  jetee  a  une  lioue  du  rivage. 

»  Ce  fut  lui  egalementqui  mit  le  premier  en  avantTidee 
»  de  faire  la  digue  en  pierres  perdues.  » 

En  resume,  Messieurs,  dans  tous  les  documents  produits 
jusqu'a  ce  jour,  rien  n'indique  chez  Vauban  la  pensL'e  d'une 
digue  isolee,  continue  et  insubmersible  comme  celle  que 
nous  voyons  aujourd'hui. 

Tous  les  temoignages  se  reunissent  au  contraire  pour 
attribuer  au  capitaine  de  la  Bretonniere  I'honneur  de  cette 
magnilique  conception  et  des  moyens  les  plus  propres  a  la 
feconder. 

Dans  ce  parallele,  a  I'avantage- de  ce  dernier,  nous  ne 
pouvons  craindrc,  Messieurs,  de  derobcr  quclquc  chose  a  la 
gloirc  d'un  des  plus  grands  hommesdonts'honore  la  France, 
►    .  ..^,,(  iiiouter,  I'humanitc  toutcnlierc. 


SUR    LA    DIGUr:    DE    CHERBOL'KG.  if 

Le  vif  6clat  donl  brillc  lagloire  nous  dbloiiit  loiijnurs  tie 
mariiere  a  nous  cacher  des  laches  quelquefoisbien  soinbres. 
Les  grandcs  actions  sont  souvent  inspirt\^s  par  de  niiserables 
passions  et  accompagnces  d'aclcs  qui  abaissent  i'boniniecn 
niomc  temps  qu'ils  cMevent  le  heros. 

Ici,  rien  de  semblable.  La  verlu  est  partout  a  la  hauteur 
du  genie. 

L'homme  qui,  a  18  ans,  ful  charge  par  le  grand  Conde  de 
remplir  les  fonctions  d'ingcnicur;  qui,  a  25,  commande  les 
atlaques  les  plus  difliciles;  qui,  dans  les  annees  suivanles, 
cree  un  nouvel  art  des  sieges;  qui  repare  el  conslruit,  d'apres 
des  principes  nouveaux,  la  plus  grande  partie  des  places  de- 
France  ;  qui  s'occupe  en  meme  temps  des  ports,  des  canaux, 
de  Tagriculture,  de  reconomie  politique;  donl  les  nombreux 
ccrits  attestent  une  variete  de  connaissances,  uneprofondenr 
de  vues,  uneardeur  au  travail  qui  sonl  encore  au-dessousde 
son  patriolisme  et  de  son  devouement  a  la  prosperilede  la 
France;  cet  homme,  dis-je,  naquil  sous  le  chaume  et  passa 
les  n  premieres  annees  de  sa  vie  au  milieu  des  grossieres 
occupations  d'une  ferme. 

A  18  ans,  son  genie  luirevelace  qu'apprennentauxaulres, 
dans  le  cours  d'une  longue  vie,  des  etudes  profondes,  forti- 
liees  par  les  enseignements  de  I'expericnce,  el  ce  genie  lui 
resla  fidelc  jusqu'a  la  dernitire  heure. 

Et  cet  homme,  que  I'exercice  de  son  art  aurail  du  familia- 
riscr  avec  la  destruction,  faisait  sans  cesse  une  etude  de  ia 
conservation  des  horn mes;  sacritiait  I'eclal  de  sa  gloire  a 
I'amourde  I'humanitfi;  ne  craignait  pas,  dans  ce  noble  interfit, 
dc  dire  la  verite  au  grand  roi  et  de  se  faire  des  ennemis  parmi 
les  hommes  puissants.  Cel  homme,  pendant  le  cours  d'une 
longue  vie,  toute  consacree  au  service  de  son  pays,  ne  cesse 
do  s'occuper  du  soulagemenl  du  peuple.  Les  grandes  libera 


42  mscussiOiN  HisToniQUE 

liles  dontle  couwe  la  reconnaissante  munilicence  de  Louis 
XIV,  il  Ics  donitc  aux  niallieureux,  il  les  reparlil  parmi  les 
ofiiciers  qui,  coiiime  lui,  n'avaient  recude  leurs  nobles  aieux 
d'aulie  herilago  que  I'exemple  de  leur  devouement  a  la 
France.  Sa  niodestie  et  son  desintercssementr^velent  partout 
en  lui  le  grand  citoyen  ;  a  66  ans,  il  refuse  le  baton  de  mare- 
chal,  parce  qu'il  craint,  dans  cette  position  elevee,  de  ne  plus 
pouvoirservir  ulilement  son  pays.  A  74  ans,  apres57  ans  de 
service,  couvert  de  blessures.courbesousle  poidsdes  fatigues 
et  de  I'age,  il  n'a  pas  fait  encore  assez  pour  son  pays  ni  pour 
sa  gloire.  L'armoe  frangaise  est  devant  Turin  ;  eloign^  du 
commandement  par  I'intrigue,  le  grand  homme  s'eleve  au- 
dessus  d'un  legitime  ressentiment,  demande  a  servir  conime 
volontaireet  repond  au  roi,  qui  lui  objecte  sa  dignite:  «  Sire, 
»  ma  dignity  est  de  servir  I'Etat,  je  laisserai  mon  baton  de 
»  mar^chal  a  la  porle,  et  j'aiderai  peut-etre  La  Feuillade  a 
»  prendre  la  ville.  » 

Ce  dernier  trait  de  la  plus  noble  vie,  est  assurement  le 
sublime  de  la  vertu. 

Apres  ce  peu  de  mots,  on  pent  dire  avec  conviction  :  si 
Vanban  vivait ,  il  serait  le  premier  a  reconnaitre  que  la 
comparaison  entre  ses  idees  sur  la  rade  de  Cherbourg  et  la 
pens6e  du  capilaine  de  la  Bretonniere  est  a  I'avanlage  de  ce 
dernier;  il  proclameraithautement  que  la  France  doit  a  cet 
illustre  marin  I'lionneur  d'avoirfond6  le  plus  grand  monu- 
ment liydraulique  qui  existe. 

Je  ne  dois  pas  abandonner  ce  sujet  sans  constater  ici,  en 
tres  peu  de  mots,  la  part  qu'ont  pris  a  la  construction  de  la 
digue  deux  anciens  membres  de  cette  societe,  MM.  Cachin  et 
Duparc.  Tons  deux  ensemble  et  ensuite  M.  Duparc  seul, 
pendant  pres  de  quarante  ans  d'une  habile  et  laborieuse 
direction,  ont  eu  a  vaincre  les  ditlicultes  premieres  et  de  tout 


sun    LA    DIGl'IC    DE    CHERBOLHO.  Hi 

genre  que  preseiitait  un  travail  sans  prt^cedenl  dans  I'liisloiro 
del'art.  C'est  au  dernier  qu'estdu  le  sysk^medes  constructions 
en  maconnerie,  qui  a  ett^  suivi  jusqu'a  la  fin;  systeme  qui 
avail  ete  entrevu  par  I'Empereur,  dont  le  genie  penctrait  les 
details  comme  il  embrassait  Tensemble,  et  qui  fut  le  veritable 
createur  du  port,  par  la  suite  active  et  feconde  qu'il  donna 
auxprojetsarretesparla  commission  de  1792,  dont  M.Cachin 
faisait  partie.  C'est  M.  Duparc  enfin  qui  a  prepart^  I'acheve- 
nienl  de  cette  digue,  dont  la  pensee  appartient  a  la  Brcton- 
niere  et  dontl'execution,  due  a  I'initiativcdu  roi  Louis  XVI, 
compte  parmi  les  litres  qui  rccommandcnt  la  inemoire  de 
eel  inforlunc  monarquea  la  reconnaissance  et  a  la  veneration 
de  la  France. 


"^rc^^nnr^ 


PALEOGRAPHIE 

DE    CHERBOURG 


ET 


DE  SES  EMVIROMS, 


PAR 

M.  DE  POIVTAlimOJVT, 

Chevalier  de  I'ordre  imperial  de  la  L^gioo-d'HoDDeur, 

Membre  de  la  Soci^te  des  Antiquair.es  df  Normandie  et  de  celles 

de  Middelbourg  et  de  Munich. 


On  se  ferait  une  idee  incomplete  de  I'histoire,  si  Ton  n'y 
voulait  trouver  que  des  ev^nements  et  des  considerations 
philosopliiquessur  la  naissance,  la  virilit(5  et  la  vieillesse  des 
peuples.  L'histoire  a  un  autre  but.  Dans  notre  siecle,  ou  les 
liens  du  foyer  se  relachent,  ce  but  doit  elre  d'inviter  riiomme 
a  rechercher  et  a  aimer  l'histoire,  souvcnt  bien  modeste  et 


46  PALEOGRAPHIR 

liuiitee,  du  lieu  oil  ila  pris  naissance.  Laveracile  deshistoires 
generates  n'aurait  qu'a  gagner  au  contact  de  ces  histoiies 
partielles,  car  il  est  bien  demontre  que  le  sol  des  communes, 
bien  plus  que  le  terriloire des  empires,  conserve  les  traces 
des  usages  produits  dans  les  moeurs  par  Tinfluence  des 
grands  evenements.  Mais  ces  sortes  de  petites  histoires  ne 
me  paraissent  pas  devoir  etre  ecrites  comme  celles  des 
peuples.  Si  Ton  pouvait  avoir  pour  chaque  commune  un 
simple  journal ,  dans  son  jet  sincere  et  primitif,  il  vaudrait 
mieux  que  des  histoires  6criles  avec  solennit^.  Ce  journal , 
redige  au  moyen  des  archives  pour  les  fails  anciens  et  des 
souvenirs  pour  les  fails  contemperains,  ne  manquerait  pas 
d'interet. 

Des  enseignements  dans  ce  genre  onl  6te  donnes  par  MM. 
Le  Prevost,  G.  Mancel  et  de  L6rue.  Le  savant  eveque  de 
Coutances  et  d'Avranches  vient  de  concourir  a  cette  ceuvre 
en  conseillant  a  chaque  cure  de  son  diocese  d'ouvrir,  pour 
I'histoire  de  sa  paroisse,  un  regislre-journal  contenant  les 
fails  locaux  anciens  et  r^cents  dignes  d'attention. 

Un  semblable  travail,  entrepris  dans  chaque  commune  de 
I'EmpirefranQais,  seraitun  asile  pour  les  traditions  sifecondes 
de  la  religion,  de  la  famille  et  du  foyer.  II  ramfenerail  au 
cceur  ces  sentiments  paisibles  qu'eveillent  le  clocher  de 
r^glise,  la  riviere  ou  le  ruisseau,  sources  de  commerce  ou  de 
fertility;  le  presbytere  et  I'ecole  oil  bien  des  generations  ont 
appris  a  prier  et  h  lire,  le  champ  oil  I'enfant  jouait  ou  travail- 
lait  pr6s  de  son  pere,  les  voutes  sacrees  sous  lesquelles  le 
mariage  et  le  baptSme  ont  ete  Celebris ,  et  enfin  cet  enclos 
myst^rieux  oil  les  ancetres  et  souvent  un  enfant  cheri 
dorment  gardes  par  la  pieuse  veneration  des  vivants. 

A  part  les  impressions  salutaires  que  I'ame  et  le  coeur 
pourraient  tirerde  ce  modeste  journal,  les  int^r^ts  malt^riels 


DE   CHERBOUnC.  47 

de  la  famille  y  trouveraient  aussi  parfois  quelqiios  ronsei- 
gnements  profitables.  Dans  des  circonstancos  parliciilieres, 
il  pourraitdissiperdesdoules,  faciliterdescnquetes  en  repro- 
duisant  la  date  d'un  vieux  titre,  I'indicalion  de  qiielque  droit 
ancien  revendiqu6  vainement  sur  la  foi  d'une  tradition  orale 
ou  de  la  memoire  flottanle  des  octogenaires  de  la  commune. 
C'est  par  suite  de  ces  considerations  que  j'ai  ouverl  pour 
Cherbourg  et  ses  environs  un  registre  semblable  a  ceux  qui 
sonl  mentionn^s  plus  baut.  J'y  ai  porte,  au  furet  a  mesure 
de  lectures oudecommunications  paleograpbiqiies,  des  notes 
sonimaires  sur  chacune  des  communes  de  celtecirconscrip- 
tion.  Les  savantes  recherches  de  M.  Leopold  Delisle,  de  la 
bibliotheque  imperiale,  et  de  M.  Dubosc,  archiviste  paleo- 
graphe  du  departement  de  la  Manche,  ni'ont  t^le  de  la  plus 
grande  utilitt^  pour  ce  petit  travail. 

Cbepbonrg.  —  On  voit  dans  la  charle  latine,  sans 
date,  qui  contient  plusieurs  voeux  de  Guillaume-le-Conque- 
ranl  en  faveur  de  Cherbourg,  qu'il  fitbatir  uneeglise  hors 
du  chateau.  Cette  charte  est  concue  en  ces  termes  :  «  A  Ham 
quoque  ecclesiam  jussit  fieri  extra  castellum  ad  cujus 
fundamentum  inciviendum  Mathildis,  comitissa  dedit 
centum  solidos.  »  En  1167,  I'imp^ratrice  Mathilde,  fonda- 
trice  de  I'Abbaye  du  Voeu  de  Cherbourg,  fut  inhum^edans 
le  sanctuaire  de  I'abbaye  du  Bee.  (Dom  Bourget,  Hist,  de 
I'Abbaye  du  Bee]  —  Une  Charte  latine  de  Henri  II,  roi 
d'Angleterre,  conticnlle  passage  suivant  sur  celtefondation  : 
Abbatiam  de  voto  quam  Mathildis  imperatrix  mater  mea 
propria  censii  fundavit.  —  Au  temps  de  cette  imp6ratrice, 
il  y  avait  un  Osborn  de  la  Heuse  qui  6taitconnetable  de  cette 
ville.  (Charte  citee,  f°  80.) 

Sous  le  r^gne  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  le  Hommel  a 


(58  PALEOGRAPHIE 

Cherbourg  portait  dans  les  chartes  le  nom  d«  Insula  Hulmi 
in  qua  abbatiam  sitam  esset. 

On  constate  le  sojour  du  roi  Jean-sans-Terre  a  Cherbourg, 
aux  dates  des  i9  d^cembre  1199,  i 8  et  20  fevrier  1200,  6  et 
25  septembre  1203.  II  partit  de  Cherbourg  le  4  dScembre  de 
cettedernicre  annee  pour  retourner  en  Angleterre. 

En  septembre  1278,  le  roi  de  France  Philippe  III  sejourna 
au  chateau  de  Cherbourg. 

En  1220,  Teglise  de  Cherbourg  6tait  coUegiale,  et  ses 
prebendes  etaient  reunies  a  celles  de  la  cathedrale  de  Cou- 
tances.  (Toustain  de  Billy,  mss.  Hist.  eccl.  p.  213.) 

Pour  reparer  les  pertes  que  I'abbaye  de  Cherbourg  avail 
eprouvees  durant  les  guerres  avec  les  Anglais,  Philippe  VI 
reunit  en  1330  a  cette  abbaye  les  cglises  do  Sideville,  de 
Sainte-Genevieve,  du  Thcil,  et  la  plus  grande  partie  de  celle 
desPieux.  (Toustain  de  Billy,  p.  363.) 

On  sail  que  les  habitants  du  vieux  Cherbourg  avaient  regu 
le  litre  de  pairs  a  barons.  Ce  litre,  qui  leur  fut  donne,  dit- 
on,  par  Charles-le-Mauvais,  en  1366,  pour  encourager  leurs 
efforts  commerciaux,  n'etait  pas  nouveau  dans  les  anciennes 
institutions  anglo-normandes.  II  avail  etc  concede  depuis 
longtemps  aux  notables  commerQants  des  cinq  ports  de 
I'Angleterre.  Le  passage  suivant  en  est  la  preuve  :  «  Les 
»  bourgeois  des  cinq  ports  portent  le  litre  de  barons,  et  il 
»  parait  qu'a  des  epoques  anterieurcs,  ils  possederent  une 
»  dignite  plus  grande  et  prirent  rang  parmi  la  noblesse  du 
»  royaume.  Ces  habitants  etaient  toujours  sur  leurs  gardes 
»  pour  emp6cher  I'invasion.  Leur  milice  etait  constamment 
»  prete  a  combattre,  et  leurs  vaisseaux  etaient  lellement 
»  solides  et  organises  si  militairementqu'au  temps d'Edouard 
»  I",  ils  equiperent  seuls  une  flotte  de  100  voiles.  »  (Beaules 
de  Kent,  p.  1012.) 


I>E    CIlKltBOlltG.  49 

Le  recueil  des  buIlcstlespapcsclonne,u  I'arlicle  derabbayc 
de  Cherbourg,  sous  la  dale  de  1330,  une  bulle  de  Jean  XXII 
qui  confirme  le  patronage  qui  etait  aUribue  a  celte  abbaye 
sur  les  6glises  de  Sideville,  des  Pieux,  du  Theil  at  de  Sainle- 
Genevi^ve.  Elle  est  datee  d' Avignon  du  3^  jour  des  Ides  de 
Janvier,  14*  ann^e  du  pontificat. 

En  1380,  Guillaume  de  Melun,  comte  de  Tancarville,  etait 
capitaine  des  chateaux  de  Cherbourg  et  de  Rouen. 

En  1404,  Charles  VI  rendit  aux  abb^s  de  Cherbourg  une 
chapelle  et  un  manoir  qu'ils  possedaient  dans  I'interleur  du 
chateau  et  que  les  Anglais  leur  avaien*  pris. 

En  1418,  le  roi  d'Angleterre  Henri  V  etablit  Guillaume 
Hungerfort  capitaine  de  la  villeet  du  chateau  de  Cherbourg, 
avec  droit  de  punir  les  nialfaiteurs.  [RoUes  normands,  R.  \ , 
p.  266.) 

iiW,  Radalpfius  Hillary  habet  lilleras  regis  (Henri  V) 
de  donations  capellee  infra  castrum  de  Cherburg.  (Rolles 
cit^s,  p.  335.) 

1450,  appointement  fait  entre  le  connetable  de  Richemont 
et  le  comte  de  Clermont,  d'une  part,  et  le  capitaine  anglais 
Thomas  Glower,  d'autre  part,  pour  la  remise  de  la  ville  et  du 
chateau  de  Cherbourg  au  roi  deFrance.  (Extraitd'un  vidimus 
du  29  ddcembre  1468,  depos6  aux  archives  departementales 
h  St-Lo.) 

En  1470,  Jean  Dufou  etait  capitaine  de  Cherbourg;  sa 
fille,  Robine  Dufou,  6pousa  Nicolas  Du  Monccl. 

En  1514,  les  Anglais  descendent  a  la  fosse  du  Gallet  a 
Cherbourg,  et  en  1520,  aux  Rases-Bannes  a  Urville. 

En  1562,  suivantTouslain  de  Billy,  f.  591,  Robert  Boutran, 
docteur  en  th^ologie  et  chanoine  de  Coutances,  etait  cur6  de 
Cherbourg;  Voisin-la-Hougue  ne  le  mentionne  pas. 

En  1692,  Guillaume  de  Mons,  sieur  du  Broc,  6tait  lieute- 

4 


150  PALEOGRAPHIE 

nant-g6neral  dela  viconil<5  de  Cherbourg,  Valognes  et  Barfleur. 
(Minutes  de  M^  Langlois,  notaire  a  Valognes.) 

Le  12  Janvier  1694,  Jean  Postel,  cure  d'Octeville,  est  mis 
en  possession  de  la  chapelle  Saint-Sauveur-sur-Cherbourg. 
(Minutes  de  M«  Langlois.) 

En  1722,  la  population  de  Cherbourg  6taitde  800  families; 
en  cette  ann^e  1853,  elle  est  de  28,012  habitants. 

En  1793,  Cherbourg  est  mis  en  etat  de  si6ge  par  le  repr6- 
sentant  Le  Carpentier;  la  famine  s'y  fait  sentir  avec  force. 
(Letlre  dudit  repr^sentant  a  la  Convention,  en  date  du  11 
novembre.)  • 

Une  elegante  6glise,  moiti6  romane,  moiti6  ogivale,  a  6t6 
batie  par  souscription  dans  le  quartier  de  la  Poudriere.  Elle 
est  sous  le  vocable  de  Notre-Dame-du-Vceu.  Un  beau  tableau, 
dfl  a  la  pieuse  gen6rosit6  du  pinceau  de  M"*  de  Beaudrap,  y 
represente  la  scene  si  connue  qui  a  donnS  naissance  a 
Tantique  chapelle  du  Voeu  que  cette  eglise  remplace.  Elle  a 
6te  erig6e  en  paroisse  par  decret  du  2  septembre  1850,  et 
inauguree  le  21  mars  1852.  Une  autre  Sglise,  sous  le  voca- 
ble de  saint  C16ment,  patron  des  marins,  s'616ve  en  ce 
moment  dans  le  quartier  des  Mielles. 

On  616ve  en  1854,  rue  Loysel  a  Cherbourg,  une  sallede 
spectacle  sous  les  fondations  de  laquelle  on  a  scelle  I'inscrip- 
tion  qui  suit :  «  Dans  la  deuxiSme  ann^e  du  r6gne  de  I'Em- 
»  pereur  Napoleon  III,  le  XII  juin  MDCCCLIV,  sous  I'admi- 
»  nistration  de  M.  Joseph-Etienne  Lud6,  chevalier  de  la 
»  Legion-d'Honneur,  maire  de  la  ville  de  Cherbourg  et 
»  membre  du  conseil  general  du  departement  de  la  Manche, 
»  la  premiere  pierre  de  ce  theatre  a  6t6  pos6e  par  le  propri^- 
»  taire,  M.  Alexandre-Frangois-Gervais  Loysel,  docteur  en 
»  m^decine, en pr^sencede M.  Dominique Geufroy, archi tecte, 
»  etdeMM.  Bienaim^Groset  AugusteLehot,  entrepreneurs. 


DE    CHEKnOfRG.  51 

»  Sous  cette  pierre  sont  deposes ,  dans  une  boite  en  plomb  : 
»  un  exemplairedu  present  et  unes6rie  de  monnaiesjusqu'a 
»  un  franc,  au  millesime  de  MDCCCLIV  et  h  Teffigie  de 
»  I'Empereur  regnant.  » 

Les  hauteurs  qui  avoisinent  Cherbourg  sont  de  gres  dur 
ou  de  schistes.  Elles  sont  elev6es  au-dessus  du  niveau  du  quai 
du  commerce,  savoir :  leRoule del 08  metres;  laFauconnitVe, 
sa  partie  Sud,  de  95  metres,  saparlie  Nord,  dite  la  roche 
Martel,  de  39  metres;  Saint-Sauveur,  de  68  metres. 

Au  XV1I«  si6cle,  on  comptait  parmi  les  habitants  notables 
do  Cherbourg  la  famille  de  la  Haye,  qui  portait  d'argenl 
charge  d'un  coeur  de  gueules  accompagn^  de  sept  hermines 
au  chef  d'azur;  celle  de  Le  Berseur,  qui  avait  d'azurala 
fleur-de-lis  d'or  soutenu  d'un  croissant  d'argent  (en  1666 
Herve  Le  Berseur,  alors  age  de  22  ans,  6tait  commandant  du 
chateau  de  Cherbourg);  celle  de  Le  Fillastre,  qui  portait 
d'argent  au  hfitre  de  sinople  soutenue  d'un  croissant  de 
gueules. 

Etat   dies    revenns   de    I'abbaye   du    Voeu    de 

Cherboarg. 

(Titulaire  M.  I'abbe  Dampierre,  i75S.) 

{"  La  ferme  du  Manoir abbatial  et  t(5nements  des  Fourches, 
afferm^s  a  Charles  Laniepce,  dit  Lerouvillois,  par  bail  pass6 
devant  M^  Nicollet,  notaire  a  Cherbourg,  le  5  aoiit  1753,  au 
prix  annuel  de  1,440  livres.  2°  Les  pieces  des  Greniers  et  de 
la  Perruque,  avec  les  pr6s  d'Enfer  et  de  I'lsle,  aflfermf^s  a 
Guillaume  et  Jean  Rommy,  fr^res,  par  bail  devant  le  meme 
notaire,  le  5  aoilt  1753,  au  prix  de  410  livres.  3°  La  maison, 
le  jardin  et  les  pres  Gaudeboust ,  les  vergers  et  les  clos  de  la 
chapelle  de  Nolre-Dame-du-Voeu,   affermSs  i  Guillaume 


52  PAI.EOGRAPHIK 

Quoniam,  par  bail  devant  le  m6me  notaire,  le  6  aout  1753, 
au  prix  de  450  livres.  4°  Les  pr(5s  de  la  Chauss^e  et  de  la 
Queue-des-Pr6s,   afferm^s  a  Louis-Nicolas  Noel,  par  bail 
devant  le  meme  notaire,  le  5  aoiit  1753,  au  prixde  187  livres. 
5°  Le  pre  Bouillon,  affcrm6  a  Charles  Legangneur,  par  bail 
devant  le  meme  notaire,  le  Saout  1753,  au  prix  de  180  livres. 
6°  Le  pr6  d'Enfer,  afferm^  a  Pierre  Lair,  par  bail  devant  le 
mgme  notaire,  le  5  aoiit  1753,  au  prix  de  60  livres.  7°  Le 
clos  et  le  pre  du  Macon  ,  avec  le  pre  du  Bas-de-la-Chaussee, 
afferm^s  a  Guillaunie  Claston,  par  bail  devant  le  meme 
notaire,  le  5  aout  1753,  au  prix  de  325  livres.  8°  Une  piece 
en  herbe  nomm6e  la  Commune,  avec  les  deux  petits  pr^s  y 
attenant,  afferm^ea  Simon  Fleury,  par  bail  devant  le  meme 
notaire,  le  6  aout  1753 ,  au  prix  de  350  livres.  9°  Le  clos  de 
la  VielUe-Chapelle,    alTermS  a  Jacques  Lefebvre  ,   par  bail 
devant  le  meme  notaire,  le  5  aout  1753,  au  prixde  100  livres. 
1 0°  Quatre  pieces  de  terre,  nommees  les  Queneches,  afferm^es 
h  Pierre  Lefranc,  par  bail  du  5  aout  1753 ,  au  prix  de  200 
livres.  11°  Trois  pieces  de  terre,  nommees  les  Daiziers, 
afferm^esa  Jean  Leclerc,  par  bail  du  5  aout  1753,  au  prix  de 
75  livres.  12°  La  pi6ce  du  Gallet,  afferm6e  a  Jean  H^laine, 
par  bail  du5aout1753,  au  prix  de  70  livres.  13°  Cinq  champs 
de  terre  en  la  campagne  d'Equeurdreville,  affermes  h  Pille- 
moy,  par  bail  du  11  avril  1753,  au  prix  de  41  livres.  14°  La 
ferme  de  la  Baronnie  de  Ste-Genevi6ve,  gage  pleige,  casua- 
lites  et  dimes  dans  ladite  paroisse'el  celle  de  la  Pernelle, 
afferm^es  a  Barbe-Francoise  Martin,  veuve  de  Pierre  Langlois, 
par  bail  devant  ledit  M*  Nicollet,  notaire  a  Cherbourg,  le  4 
aoiit  1753  ,  au  prix  de  5010  livres.  15°  Ferme  et  gage  pleige 
de  la  baronnie  de  Neuville-au-Plain ,  afiferm^e  a  Nicolas 
Simon,  par  bail  devant  le  mfime  notaire,  le  5  aoiit  1753,  au 
prix  de  1020  livres.    16°  Le  moulin  seigneurial  du  Bas  du 


DE    CHEHBOURG.  53 

Roule,  aflfermo  a  Guillaiiine  Lepetit,  parbail  du  5  aout  1753, 
au  prix  de  1200  livres.  17°   La  dime  de  la  paroisse  d'Octe- 
ville-sur-Cherbourg,  afferm^e  au  cure  dudit  lieu,  par  bail  du 
6  aout  1753,  au  prix  dc  660  livres.  18°Lesdimesdes  paroisses 
deSideville,  Nacquevilleet  Notre-Danied'Alleaume,alTerm6es 
a  FranQois  Vastel,  par  bail  du  6  aout  1753,  au  prix  de  880 
livres.  19°  Les  dimes  des  paroisses  de  Vasleville,  les  Pieux  et 
leTheil,  affermees  a  Nicolas  Simon,  par  bail  du  5  aout  1733, 
au  prix  de  2730   livres.  20°   Les  dimes  des  paroisses-  de 
Jobourg,  Beaumont  et  Urville-Hague,  afTermees  a  Nicolas 
Simon,  par  bail  devant  M*  Roger,  notaire  a  Paris,  le16 
juillet  1733,   au  prix  de  1150  livres.  21°  Les  dimes  de  la 
paroisse  de  Gatteville,  afTermties  a  Bon-Pierre  Lamache,  par 
baildevant  M^  Nicollet,  notaire  a  Cherbourg,  le  6  aout  1753, 
au  prix  de  1580  livres.  22°  La  dime  de  la  paroisse  du  Rozel, 
alTermee  a  Jacques-Antoine  Lecomte,  cur<5  dudit  lieu,  par 
bail  notari6  du  5  aout  1753,  au  prix  de  75  livres.  Le  total  de 
ces  fermages  s'elevait  a  18,203  livres.  Les  rentes  foncieres  en 
argent  dues  a  ladite  abbaye  montaient  annucllement  a  1,867 
livres  II  sols.  Les  rentes  seigneuriales  en  grains  et  autres 
denr(5es,  dues  a  la  meme  abbaye,  se  payant  annuellement  au 
lerme  de  Saint-Michel,  consistaient  en  600  boisseaux  de 
froment  (me.sure  de  12  pots),   4   boisseaux  d'orge  (meme 
mesure),  3  pains,  40  poules,  2  chapons  et  12  ceufs,  savoir : 
dans  la  paroisse  de  Cherbourg,  70  boisseaux  et  8  pots  de 
froment;  dans  cello  d'Octeville,  306  boisseaux  2  pots  de  fro- 
ment;  dans  celle  de  Digosville,   15  boisseaux  9  pots  de 
froment;  dans  celle  d'Acqueville,  6   boisseaux  9  pots  de 
froment.  Ces  denrees  cHaient  dvaluees,  savoir :  le  pol  de  fio- 
raent,  a  2  sols  6  denicrs,   tl  I'orge  au  tiers,  suivaut  le  prix 
commun  et  ordinaire  des  grains  dans  le  pays;   le  pain,  a  3 
deniers  la  livre;  la  poule,  a  5  sols;  Ic  cliapon,  a  10  sols;  la 


54  PALlEOGRAPHIE 

douzained'ceufs,  a  1  sol  6  deniers,  suivant  les  anciens  prixet 
I'usage  de  percevoir.  Le  total  de  ces  rentes  endenr^es,  con- 
verlies  en  argent,  revenait  a  915  livres  10  sols  6  deniers.  Les 
droits  casuels,  seigneuriaux  et  feodaux  des  paroisses  d'Octe- 
ville  et  d'Equeurdreville,  ceux  des  autres  paroisses  etant 
compris  dans  les  baux  des  fermes  de  Sainte-Genevieve, 
Neuville-au-Plain  et  le  Theil,  pouvaient  produire,  ann6e 
commune,  45  livres.  Le  total  du  revenu  dc  I'Abbaye  de 
Cherbourg  etait  done  en  ladite  ann^e  1753,  de  21,031  livres 
3  sols  10  deniers. 

Equeurdreville.  —  Dans  le  XII®  siecle,  I'eglise 
d'Equeurdreville  etait  sous  le  patronage  de  I'abbaye  de 
Saint-Lo. 

En  un  acte  latin  de  septembre  1226,  on  lit  le  passage 
suivant:  «  Nous,  Mathieu  Bristout,  prfitre,  etQuentin,  mon 
»  frfere,  avons  assigneet  concMe  a  I'abbe  et  aux  religieux  de 
»  Cherbourg  une  pifece  de  terre  situ6e  au  Mont-Estein,  dans 
»  la  paroisse  d'Octeville-sur- Cherbourg  ,  lequel  champ 
»  Robert  Bristout,  notre  pfere,  a  eu  de  Gaudefroy,  I'Anglais, 
»  et  lequel  champ  a  fait  partie  du  fief  de  Bopvassal.  Nous 
»  avons  fait  I'assignation  et  la  concession  auxdits  religieux 
»  de  deux  champs  en  enclave,  qui  sont  situes  enlre  les 
»  marais  d'Equeurdreville  etlecAewm  ro^/a/,  lesquelsdeux 
»  champs  Durand,  notre  frere  aine,  avait  donnas  en  aumOne 
»  aux  mfimes  religieux.  » 

L'abbaye  du  Vceu  de  Cherbourg  avail  beaucoup  de  dimes 
a  Equeurdreville,  qui,  dans  les  chartes  latines,  porte  le  nom 
de  Esquerdrevilla  ou  celui  de  Scheldrevilla. 

En  1598,  messire  de  Sainte-Marie  d'Equilly  habitait 
Equeurdreville  (Roissy  f"  69),  et  Jean  Lcsceilliere  en  6tait 
cur(5  en  1692. 


DE    CHEKBOIJKG.  55 

L'eglise  d'Equeurdreville,  donlla  nef  a  ete  allongee  depuis 
<818,  conliont  des  inscriptions  tumulaires  qui  ont  6te  res- 
taurees  par  M.  Duchevreuil,  anliquaire  distingue,  qui 
poss6dait  en  cette  commune  une  habitation  oil  il  avait  r6uni 
una  bibliotlieque  pr6cieuse  par  rapport  a  I'histoire  de  la 
Normandie. 

Hainneville.  —  Le  noni  paleographiquedeHainneville 
est  Haynevilla.  Louis  XI,  en  1465,  donna  a  I'abbaye  de 
Saint-Sauveur  le  patronage  de  l'eglise  de  cette  commune,  qui 
6tait  sous  le  vocable  de  Notre-Dame.  En  1692,  maitre  Jean 
Mahieu  en  6lait  cure. 

En  1625,  M.  Louis  Gigault,  ecuyer,  6tail  seigneur et  patron 
de  Hainneville.  II  portait  d'azur  au  chevron  d'or  accompagn6 
de  trois  losangesen  argent.  Sa  famille  compta,  dans  la  suite, 
au  nombre  de  ses  membres  Bernardin  Gigault,  cree  en  1668 
mar^chal  de  France,  et  Jacques  Gigault,  archeveque  de  Paris 
en  1746. 

On  remarque  en  cette  commune,  ci  peu  de  distance  de  la 
route  imperiale  qui  conduit  au  fort  de  Querqueville ,  une 
petite cbapelleavec  une  statue  de  sainte  Anne.  Cette  chapelle 
a  remplac6  une  statuette  qui,  en  1816,  etait  plac^e  si  pr(^s 
de  la  mer,  que  j'ai  vu  le  flot  batlre  au  pied  de  la  niche  qui 
contenait  cette  statuette.  Depuis  cette  6poque,  la  mer  a  fait 
de  si  rapidcs  progrfes  sur  cette  plage,  qu'on  ,a  du  enlever  ce 
petit  monument  et  le  remplacer  par  celui  qui  existe  aujour- 
d'hui. 

Querqueville.  —  Querqueville  estd(5signe  sous  le  nom 
de  Kcrkavila,  dans  une  charte  du  XIP  siecle,  par  laquelle 
le  comte  de  Susse.\  fait  des  donations  a  I'abbaye  de  Lessay. 
(Archives  du  de'partemeni  de  laManche.) 


36  PALEOGRAPHIE 

En  1420,  apres  la  redililion  du  chateau  et  de  la  ville  de 
Cherbourg,  ordre  est  donn6  au  balUi  du  Cotentin  et  au 
vicomte  de  Valognes  de  laisser  jouir  paisiblementde  son  fief 
Guillaume  de  Querqueville.  fReg.  de  Henri  V,  edit. 
Vaultier,  p.  64.J 

En  1540,  GuillaumedeSaussey  donne  la  cure  de  Querque- 
ville a  Robert  Bavent.  (Toustain  de  Billy,  Hist,  eccl.,  f" 
566.J 

Le27  aout  1813,  I'lmp^ratrice-reine  et  regente  visita  la 
cute  de  Querqueville.  On  pr(5tend  qu'en  1811  I'Empereur 
civait  manifesto  I'intention  d'elever  sur  cette  cote  un  palais 
pour  le  prince  imperial,  roi  de  Rome. 

Sur  cette  cote  est  un  fort  qui  pent  tenir  garnison. 

Dans  le  choeur  de  I'eglisede  Querqueville,  on  lit  I'inscrip- 
tion  tumulaire  de  Pierre-Augustin  Barbou,  mousquetaire 
gris,  et  patron  du  lieu,  decide  le  7  mai  1753.  Cette  eglise  est 
sous  le  vocable  de  Saint-Germain ,  et  formait  autrefois 
prieure. 

Non  loin  de  cette  Eglise,  on  rcmarque  une  cliapelle  dite  de 
Saint-Germain,  qui  parait  remonteraux temps  merovingiens. 
M.  Asselin,  directeur  de  la  Society  Academique  de  Cherbourg, 
a  donn6,  dans  le  tome  I"  des  memoires  de  cette  Society,  un 
article  sur  cetle  ancienne  construction.  En  septembre1847,  M. 
Leopold  Delisle  decouvril  dans  la  meme  chapelle  une  pierre 
tumulaire  plate  sur  laquelle  est  figur^e  une  longue  croix,  a 
I'un  des  cflt^s  de  la  quelle  on  lit  ce  mot  isole  JUUSQUH. 

La  mer  a  fait  de  grands  ravages  sur  la  c6te  de  Querque- 
ville, oil  Ton  a  trouve  a  mer  basse  des  traces  d'habitations  et 
de  forets.  En  1840,  on  decouvrit  dans  cette  commune, 
au  milieu  du  chantier  aux  granits  prepares  pour  la  digue  de 
Cherbourg,  une  douzaine  do  belles  mddailles  de  Faustina 
jcune,  Antonin  et  Marc-Aurele. 


DE    CHEHB01RG.  .'j7 

All  XVIF  sit'Cle,  on  complait  parmi  los  notables  liabilatils 
de  Querquevillo  MM.  de  Bazun. 

Teurth^ville-Hagnc.  —  Cctte  commune  comple 
1200  habilanls  ct  a  uno  supeificie  de  i22l  hectares. 

II  y  a  a  Teurtheville  un  castillon  sur  une  elevation  voisine 
de  la  lande  de  Heauville,  el  dominantTanclenne  voie  romaine 
d'Omonville-Hagne  a  Portbail.  En  1833,  on  trouva  une  assez 
grande  quantite  de  tuiles  romaines  en  faisant  des  tcrrasse- 
ments  prt>s  de  ce castillon.  M.  Dubosc,  archivisle  palt^ographe 
du  departement,  a  Iev6  le  plan  de  co  monument.  A  la  fosse 
du  Chatel,  qui  en  fait  partie,  on  a  decouveit  beaucoup  de 
briques  et  deux  poids  tres-anciens.  De  ce  point  la  vue  est 
tr6s  etendue. 

En  creusant  le  canal  d'un  moulin  a  liuile,  a  Teurtli6viIIo, 
M.  Gossclin,  capitaine  dela  garde  nationalede  la  commune, 
decouvrit  une  quantite  considerable  de  fers  a  mulet  el  une 
meule  romaine.  Dans  la  piC'ce  nommee  les  Tols,  proche 
1  eglise,  on  a  trouv6  plusieurs  cercueils  en  tuf. 

Teurth6ville  a  trois  foires  consid(^rables  cbaque  annee  , 
le  3  mai,  le  30  septembre  et  le  16  octobre. 

Celte  commune  etait  renomm^e  par  scs  associations  de 
sorciers  et  par  les  fails  surnalurels  qui  s'y  passaient  a  r<5poque 
od  le  marquis  de  Saint-Simon-Beuzeville  en  etait  seigneur. 

Une  voie  romaine  conduisaitde  Portbail  a  Omonville- 
Ilague,  qui  sont  les  deux  plus  anciens  ports  dont  il  soil  fait 
mention  dans  I'hisloire  du  d^partement.  Cette  voie  passait 
pr(!s  du  castillon  de  Teurtbeville-Hague. 

Non  loin  du  -liameau  de  Iloulbcc,  prh  du  bras  de  la 
Divetle  qui  s^pare  Teurtheville  de  Sidevillo,  dans  un  terrain 
bas,  on  a  trouve,  en  1823,  trois  tertres  Ires  rapprocht^s  cl 
Itortant  Ic  nom  de  Hougues.  lis  ^laient  jadis  sO-pares  par  des 


M  P\I.E<IG1UI>H1E 

foss6s  d'eau  courante  qui  out  616  combles  pendant  la  jeunesse 
de  Jacques  Diesnis,  vioillard  de  ce  hameau,  qui,  en  1823, 
donnait  ces  details  avec  beaucoup  d'intelligence.  11  disait 
que  son  pere,  morta  85  ans,  avail  vu  tirer  beaucoup  de  terre 
du  sommet  de  celte  hougue  pour  la  porter  dans  un  foss6 
voisin,  qui  n'est  encore  qu'imparfailement  comble.  On  y  a 
trouve  du  charbon,  une  ancre  et  beaucoup  de  poutres  de 
chfine,  dispos6es  en  palissades.  La  tradition  les  fait  remonter 
a  I'occupalion  anglaise  1418-1450).  II  est  probable  que  ce 
terrain,  aujourd'liui  propri6t6  prtvoe ,  avait  6t6  autrefois 
confisquesur  les  Anglais,  car  les  proprietaires  payaient  une 
rente  a  radmiuistration  des  domaines. 

Sur  la  ferine  de  Launay  a  Tejirlh6ville ,  en  une  piece  de 
lerre  61ev6e  nonimee  la  Grande-Croute,  M.  Le  Blond,  niaire 
de  Sideville,  vit  decouvrir,  en  1797,  en  relevant  un  fosse,  une 
centaine  de  coins  romains  en  bronze.  Dans  divers  travaux 
que  j'ai  fail  executer  sur  ce  domaine,  de  1848  a  1854,  je  n'ai 
rien  trouv6  qui  put  faire  suite  a  celte  trouvaille. 

Dans  le  bois  de  Neret,  on  remarque  deux  menhirs  et  une 
fontaine  dite  des  Fees. 

II  existe,  en  celte  commune,  une  maison  fort  ancienne  du 
nom  de  Boguenville,  qui  serail  peul-etre  le  Bojoredivilla  de 
la  charte  de  Richard  II,  qualrieme  due  de  Normandie,  en 
997.  Teurtheville  porte  le  nom  de  Tordevilla  dans  les  charles 
lalines  de  celte  date  et  des  epoques  posterieures. 

L'^glisede  Teurtheville  est  sousle  vocable  deNotre-Dame. 
Les  abbess  de  Monlebourg  et  de  Saint-Sauveur,  et  en  dernier 
lieu  la  famille  de  Saint-Simon-Beuzeville,  en  avaienl  eu 
le  patronage.  On  voit  encore  dans  les  vitraux  de  la  fenetre 
sud  du  choeur,  la  plus  voisine  de  I'aulel,  quelques  traces  des 
armes  de  celte  famille,  qui  sont  de  sinople  a  trois  lions 
d'argent  rampants.  Au  sud   du  choeur,  on    remarque  trois 


DE    CHEHnOLRO.  59 

gargouilles  qui  appartiennent  au  XV*  siecle,  cl  an  nord,  une 
porle  mur6e  et  en  partie  disparue  dans  le  sol  qui  paralt  elre 
de  la  nieme  (^poque.  Deux  chapitoaux  du  choeur  conservenl 
encore  des  restes  d'anges  en  pri^re.  Dans  le  cimetiere  on  voit 
un  calvaire  qui,  par  son  ornementation,  rappelle  I'epoquede 
la  mission  a  Cherbourg,  en  1821, 

Cette  commune  eut,  en  1693,  un  cure  nomme  messire 
Sibran,  dont  I'abbe  Trigan  nous  a  laisse  un  bel  eioge.  11 
mourut  el  fut  inhume  a  Teurtheville,  en  avril  1700. 

Au  lieu  dit  de  Gristot  existait  une  chapelle  dans  laquelle 
saint  Thomas  de  Cantorbtiry  oflicia  plusieurs  fois. 

Sideville.  —  Le  nom  paleographique  de  cette  commune 
est  Sidevilla.  Son  eglise  est  sous  le  vocable  de  Saint-Ouen, 
et  les  abbes  de  Cherbourg  6taient  ses  patrons.  On  note  parmi 
ses  cures,  aux  dates  de  1366  et  de  1692,  Nicolas  de  Boulbert 
et  messire  Etienne  Rualem. 

Jean  Blondel,  natif  de  Sideville,  6tait  grand  bailli  du 
Cotentin  en  1337.  II  avait  eu  pour  bisaieul  Jean  Blondel, 
poss(5dant  en  1216  une  vavassorie  (en  Normandie  c'6tait  un 
tenement  qui  tenait  le  milieu  entre  les  fiefs  et  les  rotures)  a 
Sideville,  et  20  livres  tournois  de  rente  au  droit  de  Perrine 
d'Ecaillegrain,  son  6pouse. 

Sideville  eut  pour  seigneur,  en  1528,  Michel  Lecoq,  qui 
portait  d'azur  au  chef  d'argent  charg6  d'une  molette  de 
gueulcs  et  de  deux  boutons  de  conterie  (verroterie  de  Venise). 
On  compta  au  nombre  de  ses  successeurs  Julien  de  Ravalet, 
qui  etait  originaire  de  Brelagne  et  attach^  a  M.  le  due 
d'Estouteville.  Une  branche  de  cette  famille  Ravalet  avait 
achete  la  seigneurie  de  Tourlaville.  M.  Ravalet  de  Sideville 
mourut  a  Bayeux  en  1733;  son  frere,  qui  portait  le  nom  de 
Tourlaville,  habitait  aussi  Boyeux,  et  mourut,  vers  la  mfime 


60  I'aleoghapiue 

cpoquc,  sans  iaisscr  de  descendance.  Lcurs  armes  etaient 
d'azur  a  la  fasce  d'argent  chargee  de  trois  croix  de  gueules 
et  accoinpagnte  en  chef  de  deux  croissants  d'argent  et  en 
pointe  d'une  rose  de  meme. 
Le  sable  dorc  de  Sideville  est  excellent  pour  niouler. 

Uartinva»t.  —  En  1283,  le  patronage  de  I'^glise  de 
Marlinvast  elait  en  litige;  plus  tard,  ce  patronage  demenra 
au  seigneur  du  lieu.  (Toustainde Billy,  Hist.  eccl.  f^Sii). 

Le  choeur  de  cette  egliseest  ronian.  Elle  est  sous  le  vocable 
de  Nolre-Dame. 

U  existail  autrefois  a  Martinvast  deux  chapellesdediees  a 
saint  Andre  et  a  saint  Eioy. 

Non  loin  de  I'eglise  sont  les  restes  du  vieux  chslteau  de 
Martinvast,  qui  se  trouvent  aujourd'hui  enclaves  dans  la  belle 
ferme  module  de  M.  le  general  comte  du  Moncel. 

Au  lieu  dit  de  I'Oraille  est  une  roche  a  trois  pieds,  qui 
passe  dans  le  pays  pour  un  reste  de  dolmen. 

Au  XVIP  siecle,  on  comptait  parmi  les  habitants  notables 
de  Martinvast  Francois  du  Moncel,  chevalier  de  Malte,  et 
Antoine  du  Moncel,  cornette  au  regiment  du  marquis  de 
Marines;  ils  portaient  de  gueules  a  trois  losanges  d'argent. 
On  y  remarquait  aussi  la  famille  d'Yvetot,  qui  avait  d'azur 
a  la  bande  d'or  accompagnee  de  deux  coquillcs  de  mfime. 

OcteTille-snr-Cherbonrg.  —  En  1140,  Roger  de 
Magneville  vendit  a  I'imperalrice  Malhilde  les  terrcs  qu'il 
poss(5dait  a  Octeville-sur-Cherbourg.  (Recueil  des  Chartes, 
reg.  4,  f  6CkJ 

En  1420,  Henry  V,  roi  d'Angleterre,,confirma  aux  abb(5s 
du  Voeu  de  Cherbourg  la  donation  qui  leur  avait  ^te  faite  du 
boisdu  Fay,  aOcteville.  (Rolles  normands,  reg.  I,  f°  3I9.J 


UE  ciiKnnoinu.  G1 

En  1583,  Gilles  Avoye,  ot  on  IG92,  Jean  rost.l  (Haiont 
Curtis  d'Octeville-siir-CIierbourg. 

L'6glise  d'Ocleville  est  romane.  Elle  est  sous  le  vocable  de 
saint  Martin ,  et  avait  pour  patrons  les  abbos  du  Voeu  de 
Cherbourg.  Son  choeuret  sonclocher  sonl  rcmarquables.  Sur 
le  mur  exl^rieur,  au  sud,  est  un  bas-relief  represenlant  la 
cene.  A  son  chevet  on  remarque  des  corbeaux  bizarres. 

Cette  commune  pr6sente  de  plus  une  petite  chapelle  ditc 
de  Saint-Sauveur,  qui  a  appartenu  autrefois  aux  abbess  de 
Cherbourg.  Le  bienheureux  Barth6!emy  Picqueray  y  a  un 
tombeau  v6n6r6  par  les  populations  de  la  localitc. 

La  construction  du  fort  d'Octeville  remonte  i\  1793.  On 
avait  aussi  etabli  a  cette  epoque  une  batterie  sur  le  monl  du 
Tronquet,  qui  domine  a  Test  la  route  des  Pieux. 

AuXVII"  sifecle,  on  comptait  parmi  les  notables  habitants 
d'Octeville  la  famille  de  Cabourg,  qui  portait  de  sable  a  la 
bande  d'argcnt  chargte  do  trois  tourteaux  de  gueules. 

ToRPlavillc.  —  En  1145,  une  chapelle  des  Flamands, 
a  Tourlaville,  avait  ete  accord(5e  par  le  papc  Eugene  III  a 
Algare,  eveque  de  Coutances.  Elle  (itait  probablement  situee 
entre  la  redoute  et  le  rocherdes  Flamands,  ou  estaujourd'liui 
un  6tablissement  de  pyrotcchnie. 

Unechartede  1256  indique  dans  cos  parages  un  fiefnomme 
Grossum  Fossatum;  c'est  peut-etre  le  lieu  dit  Longuemare. 
Le  fief  aux  Flamands,  les  noms  de  Trottcbecque  et  de  Bourg- 
bourg  sont  autant  de  souvenirs  de  la  colonie  de  Brabangons 
qui,  bien  avant1308,  trafiquaient  a  Tourlaville.  II  y  avait 
aussi  des  Juits  qui  ont  laisse  leur  nom  a  une  rue  de  cette 
commune.  Pour  ces  marchands,  le  terme  de  la  foire  de 
Montmartin  etait  une  epoque  de  paiement.  Le  fief  aux  Fla- 
mands s'etendaitdcpuis  le  pont  aux  Charetles  jusqu'a  celui 


C2  PALEOGRAPHIE 

de  Cherbourg  et  ii  I'eau  de  la  Divetle.  Suivant  I'exlrait  de 
charte,  qui  est  cite  ci-apr6s,  on  serait  porte  a  croire  que  ce 
fief  faisait  partie  de  celui  de  Senoviile.  «  Le  jeudi  devant  la 
Saint-Michel  1308  (17  octobre),  Mgr  Yon  Dubuisson,  cheva- 
lier, seigneur  de  Senoviile,  donne  a  I'abbaye  de  N.-D.-du- 
Voeujouxte Cherbourg,  pour  lesalutde  sonameet  decellede 
Jeanne,  sa  femme,  de  Jean  Dubuisson,  son  pere,  et  de  Luce, 
sa  mere,  demi-livre  de  poivre  a  prendre  a  Tourlaville  sur 
Denis  Grosparmy,  au  fief  que  Ton  nomme  lefief  aux  Flamands, 
etune  paire  d'6perons  de  fer  etle  cuir  dus  acausedumoulin 
dudit  Jean  Dubuisson ,  assis  sur  I'eau  de  Trottebecque,  vers 
le  bois  du  Mouchel.  » 

En  1400,  les  Anglais  pillerent  Tourlaville. 

En  1495,  Jeanne  de  France,  femme  de  Louis  XII,  donna  h 
Robert  d'Anneville  le  fief-ferme  de  Tourlaville,  pouren  jouir 
ainsi  que  I'avait  fait  GuillaumeDufou,  capitaine  du  chateau 
de  Cherbourg. 

En  1 502,  Guillaume  Porphyre,  cure  de  Tourlaville,  permute 
avec  Richard  Lelouey,  chanoine  de  Coutances,  dont  les 
neveux  furent  plus  tard  bienfaiteurs  del'eglise  de  Brillevast. 

En  1536,  Jean  Vippart,  ecuyer,  6tait  seigneur  de  Tourla- 
ville, Ozevilleet  Silly  (Arch,  du  chateau  de  Bricquebec). 

Dans  UQ  aveu  rendu  au  roi  Henri  II,  en  1549,  les  religieux 
de  I'abbaye  de  Cherbourg  parlent  de  leur  droit  de  gravage 
«  depuis  la  riviere  d'Yvette  fsic.J,  passant  pres  et  joignant 
la  muraille  et  enclos  de  Cherbourg,  jusqu'au  ponl  aux  Cha- 
rettes  qui  soulait  6tre  I'endroit  et  voie  a  venir  du  grand  chemin 
venant  de  la  placode  Tourlaville,  et  passant  par  devant  la 
maison  quifut  aPignard  et  de  present  a  Jean  Guiffard.  »  Les 
mfimes  religieux avaient,  suivant  ledit  aveu,  une  saline  i 
Tourlaville. 

Les  details  relatifs  au  crime  commis,  en  1602,  par  deux 


DE    CHKHBOURff,  03 

enfants  de  la  famille  des  Ravalet,  qui  elail  a  celte  ('poqiic 
titulaire  du  fief  seigneurial  de  Tourlaville  el  proprii'laire  do 
son  beau  chateau,  on t(5te  en  partieextraitsd'un  livre intitule: 
Histoire  tragiquedenotre  temps,  par  F.  de  Rosset, Rouen, 
1700,  in-12,  page  112.  Le  fils  et  la  demoiselle  de  Ravalet, 
condamn^s  a  etre  d(5icapites  par  sentence  du2  decembre  1603, 
s'appelaient  Julien  et  Marguerite.  Rosset  ne  les  d^signe  que 
sous  les  pseudonymes  de  Lizaran  et  de  Doralice,  noms  que 
M"*  Scudt^ry  avail  mis  a  la  mode.  lis  subirent  leur  peine  en 
place  deGr6ve.  Julien  mourul  le  premier,  etsa  sceurquelques 
mois  aprtss,  parce  qu'elle  6tait  enceinte  au  moment  de  son 
arrestation  a  Paris,  oil  elle  6tait  allee  pour  se  d(5rober  aux 
poursuites  de  son  mari  et  de  sa  famille.  Leur  condamnation 
est  mentionn^e  dans  un  ouvrage  qui  se  trouve  a  la  biblio- 
th^que  municipale  de  Cherbourg,  et  qui  a  pour  litre  :  La 
connestablie  et  marechausse'e  de  France,  ou  recueil  de 
tons  les  edicts,  declarations  et  arrets,  par  Pinson  de  la 
Martini6re,  Paris,  Rocolet,  1661,  in-i",  p.  1009.  Un  Ravalet 
de  Tourlaville  etait  alors  abbe  de  Hambie  et  grand  chantre 
de  la  cathedrale  de  Coutances.  II  r^signa  ces  dernifires 
fonctions  en  1602,  et  fonda  le  college  de  Coutances  avec 
plusieurs  autres  6tablissements  d'uiilite  publique. 

La  redoute  de  Tourlaville  fut  construite  pour  la  premiere 
fois  en  1692,  et  fut  demolie  par  les  Anglais  en  1758.  Celle 
qui  existe  aujourd'hui  a  616  faite  en  1778. 

A  ladescenlede  1758,  les  Anglais  frapperent  une  forte 
contribution  sur  la  manufacture  des  glaces  de  Tourlaville. 

Messire  Faulain,  cure  de  Tourlaville,  rebalit  la  nef  de 
r^glise  a  ses  frais.  II  mourul  le  17  Janvier  1739,  apres  avoir 
et6  pendant  un  demi-siecle  cure  de  cette  commune.  (Vie  de 
M.  Pate,  cure  de  Cherbourg,  par  Vabbe  Trigan,  p.  466. J 

L'ilePelee,  oiiestanjourd'hui  lefortimp6rial,6tait,en  1560, 


C4  PALEOGRAPHIE 

siiJAant  I'opinion  do  M.  de  Gcrville,  le  point  le  plus  avance 
d'un  promontoire  qui  tcnait  a  la  cote  de  Tourlaville.  Cepro- 
montoire  dispaiut,  dit-il,  sous  les  invasions  de  la  mer,  dans 
le  courant  du  XVIP  siScle.  En  1700  on  ne  pouvait  plus  y 
parvenir  qu'acheval,  en  suivantune  lignede  rochersdevenus 
sous-niarins.  Celte  opinion  pent  etre  contest^e,  parcequedes 
ouvrages  qui  datenl  du  XV^  siecle  presenlenl  d6ja  ce  rocher 
com  me  une  ile.  Onopposerait  aussiacette  assertion  la  citation 
suivante  extraite  d'un  livre  en  caract^res  gothiques,  iraprimS 
a  Rouen  en  1483,  ct  ayantpour  titre:  Le  Grand  Rouiier  du 
Pilotage,  par  Pierre  Gracie  dit  Ferrande:  «  Se  tu  pauses  en 
lest  nordest  dc  lisle  Pel6e  qui  est  devant  Chenebourg  en 
amot  de  luy  a  unze  brasses  a  beau  fons  cest  assavoir  coquail 
e  caillouches  et  desseubs  lille  et  nulle  raaree  ny  court  ne  de 
flaux  ne  de  jusent.  »  fPage  H6,  %.  4.)  On  opposerait 
encore  a  I'opinion  deM.  dcGerville  le  passage  suivant  extrait 
du  Petit  Flambeau  de  la  Mer,  par  Bougard,  lieutenant  sur 
les  vaisseaux  du  roi  :  «  Au  proche  de  Cherbourg  au  N.  E.  de 
la  ville  environ  unedemi-lieue  est  une  rangee  de  rocbersqui 
vont  le  long  de  la  terre  bien  trois  longueurs  de  cable  que 
Ton  nomme  I'ile  Pelee,  ils  sont  presque  toujours  sur  I'eau  si 
ce  n'est  de  grand  mer  ff"  J8.J  »  Ces  deux  ouvrages  sont  a  la 
bibliothfequc  de  la  ville  de  Cherbourg. 

En  1777,  MM.  Decaux  et  de  Ricard  Qrent  le  premier  plan 
du  fortactuel,  qui  fut  termine  en  1784. 

En  1780,  une  ecole  de  canonniers  garde-cotes  existait  a 
Tourlaville,  et  avail  pour  commandant  M.  d'Horicy. 

En  1824,  on  trouva  au  bameau  Quevillon  50  medailles 
romaines.  A  la  meme  epoque,  on  decouvrit  deux  medailles 
d'or  a  la  ferme  du  Maupas,  et  plusieurs  aulres  medailles 
romaines  en  bronze  aux  Mielles  et  a  la  Pierre-Butee. 

En  1829,  on  a  trouvii  pris  dela  redoute  despoids  remains, 


DK    CUEUBOLKG.  6^ 

tlestuiles,  des  meiilcs,  dos  medaillcs  ot  une  epingle  d'ivoii'ti. 
Non  loin  dc  cette  redoute,  il  avuit  exisle  autrefois  une  cliapelle 
dite  de  la  Madelaine. 

En  1831 ,  a  la  icrnic  dc  la  Boissayc,  dans  la  piece  de  la 
Meulettc,  on  trouva  dcs  traces  d'liabitations,  des  tuiles 
romaines  et  des  debris  de  mcules. 

En  1832,  dans  une  piece  sablonneuse  appartenant  ii  k 
famille  Godelle,  el  situce  proclie  de  la  redoute,  on  a  trouve 
une  petite  figurine  en  pierrc  oUaire  et  une  meule  roniaine. 
La  figurine  est  au  cabinet  de  la  ville  de  Clierhourg. 

En  1834,  on  a  decouvert,  en  delricbantle  boisdes  Meulcltes 
a  la  Boissaye,  des  fondations  a  ciment  remain,  dont  laparlie 
superieure  etait  formee  de  briques  posees  a  plat  otcimenlees.. 
Un  appartemcnt,  qui  fut  deblayc  avec  soin  dans  celte  cons- 
truction, a  olTcrt  beaucoup  de  petils  compartiments  de  la 
menie  macounerie.  Un  cote  de  cette  piece  avait  6  metres  de 
longueur.  La  tradition  de  la  locality  rapporte  qu'une  rowfe 
dcs  Romains,  venanl  par  Sauxemesnil  et  par  les  Ecocheux 
ou  elle  croisait  la  route  de  I'Archc,  arrivait  a  la  Glaccrie.et 
de  la  a  Cherbourg.  ,    ,  „  . 

Tourlaville  donnc,  comme  on  le  voit,  dcs  preuves.de  eon. 
ancienne  importance.   Aucun  lieu  de  I'arrondissement  de 
Clierbourg  n'cn  ofTre  une  aussi  grande  quantite,  notamment 
en  la  parlie  qui  estentre  le  hanicau  Quevillon,  la  redoute  et 
le  bassin  du  commerce.  Celtoscrie  de  decouvertesacommenc6 
en  1741,  oii,  pour  debut,  on  niit  k  nu,  en  travaiUant  sur  la 
pente  de  la  montagne  du  Roule,  un  tombeau  avec  une  urne, . 
beaucoup  de   medailles  et  dcs  ornements  d'or.  Dans  les 
memes  parages,  on  trouva  cette  belle  figurine  en  bronze  qui 
^nrichit  aujourd'liui  le  cabinet  de  la  ville  de  Cherbourg,  et 
ces  liaussc-col  d'or  qui,  lombes  en  des  mains  ignoranles, , 
ont  etc  fondus,  a  relerncl  regret  dcs  anliquaires.  Beaucoup;^ 


66  PALEOGRAPIUt 

(le  traces  romaines  onl  ^te  decouverlcs  dansla  dM-ection  du 
lieudit  de  Grandcamp,  oil  Ton  remarque  encore  aujourd'hui 
les  lignes  d'un  camp  tres  vaste.  De  ce  camp,  la  vue  plane  sur 
la  bale  de  Cherbourg  et  sur  le  lieu  ou  6tait  la  station  du 
Corialum  romain.  11  y  a  70  ans,  on  voyait  encore  un  pav6 
remain  long  d'un  kiloni6tre,  et  qui,  sous  le  nom  moderne  de 
Chauss6e  d'Adam,  passait  dans  les  bois  de  la  Pierre-But^e. 
II  a  616  detruit  en  1782,  dans  les  d^frichements  faits  par  MM. 
Doumerc  et  Baillio,  qui  venaient  d'acheter  ces  bois  de  la 
maison  de  Bourbon.  Ce  pav6  se  reliait  a  la  voie  romaine  du 
vieux  Cherbourg  a  Coutances,  en  passant  par  Soltevast. 

Sur  les  diff6renles  hauteurs  de  Tourlaville,  la  niineralogie 
est  tres  vari^e.  A  la  Roque-Luce  et  a  la  Glacerie,  on  trouve 
le  poudingue  quartzeux  et  la  baryte;  a  I'eglise  de  Tourla- 
ville, le  st^aschiste;  a  la  lande  Saint-Maur,  la  baryte. 

On  remarque  sur  la  lande  Saint-Gabriel  un  beau  cromc- 
leck.  Je  I'ai  dessine  en  1847,  II  y  a  pr6s  du  village  de  la 
Glacerie  deux  rochesdruidiques  remarquables;  onlesnomme 
dans  le  pays  la  Roque-Risbec  et  la  Roque-Luce. 

Le  chateau  de  Tourlaville  date  en  grande  partie  du  XVP 
si^cle.  II  appartient  aujourd'hui  a  la  famille  Clerel  de  Toc- 
queville.  M.  Th.  du  Moncel  nous  a  donn6,  sous  le  litre  de 
Manoir  de  Tourlaville  {Paris,  iSoO,  grand-aiglej,  un 
album  remarquable,  qui  contienl  les  principales  vues  de  ce 
curieux  chateau  et  quelques-unes  des  deplorables  scenes  de 
f6odalit6  dont  il  a  6te  le  theatre.  II  exisle  aussi  sur  ce  vieux 
msinoir  une  petite  publication  qui  a  pour  tilre  :  Histoire 
myste'rieuse  du  chdteau  de  Tourlaville. 

Au  XVII*  siecle,  on  comptail  parmi  les  habitants  notables 
de  Tourlaville,  la  famille  de  Franquetot  (de  Coigny) ,  qui 
portait  de  gueules  a  la  fasce  d'or  chargee  de  trois  etoiles 
d'azur,  accompagn^c  de  trois  croissants  d'or.  Ces  armes  se 


D£   CHERBOLRG.  67 

voient  encore  clans  une  tics  sallos  du  clutleau  de  Tourlaville, 
oil  elles  sont  peinles  sur  les  boiscries  au  milieu  de  diverses 
allegories.  A  la  mCme  ^poque,  les  families  de  Hennotet  de 
Houtteville  habitaient  aussi  Tourlaville. 

GatleTillc  —  Suivanl  une  cbarle  latine  du  roi  d'An- 
gleterre  Henri  III,  en  date  de  mars  1268,  concession  est  faite 
a  Tabbaye  de  Montebourg  du  c6tti  droit  de  tousles  poissons 
a  lard  qui  seraient  pris  ou  qui  echoucraient  surlescOles  com- 
prises entre  les  con  fins  de  Tevecbcde  Coutances  et  I'eglise 
de  Gatteville,  sur  le  fief  de  Gautier  Broc,  avec  toutes  les 
redcvances  et  dimes  y  affectocs.  Cette  donation  ne  ful  pas 
maintenue;  car  nous  retrouvons  au  Livrc  blanc,  f"  49,  que 
pendant  le  XIV^  siecle  I'eglise  de  Gatteville  dependait  des 
chanoines  de  Coutances  et  des  abbes  du  Voeu  de  Cberbourg. 
II  yavaitalors  deuxcures  auxquelles  cesautorit«5s  nommaient 
scparement. 

En  1372,  Robert  de  Bazan,  de  Virandeville,  se  rendit 
adjudicataire,  par  suite  de  decret,  du  fief  de  Gatteville  qui 
avait  ete  saisi  sur  le  seigneur  du  lieu.  L'annee  suivante, 
Colin  Bazan ,  fils  de  Robert,  epousa  Jeannette  de  Gatteville, 
fille  dudit  seigneur  d^posscde,  et  adopta  pour  luiet  les  siens 
les  arraes  de  Jeannette,  qui  etaient  d'azur  a  deux  jumelles 
d'argent  surmontees  d'un  lion  de  meme  passant,  arm6, 
lampass6  et  couronne  d'or.  Leur  fils  Nicolas  epousa  Guille- 
metle,  fille  de  Jean  de  Beuzeville-sur-le-Vey.  Le  fief  de 
Gatteville  demeura  dans  la  famille  de  Bazan  jusqu'au  milieu 
du  XVI*  siecle,  epoque  a  laquelle  il  passa  dans  la  famille  Le 
Tellier  de  la  Lutbumiere.  Nous  avons  sous  les  yeux  un  bail 
par  lequel  Ce  dernier  alTerme  leditdomainc,  en  i575,  a  un 
nomme  Jafques  Bourel.  Nous  notons ,  comme  autre  piece 
justificative  dc  proprietti,  une  leltrc  du  10  mars  1615,  par 


68  PALEOGRAPHIE 

laquelle  unlaLulliumiei-e,  seigneur  de  Galteville,  (5erit  h  M. 
de  Crosvillc,  de  Goubcrville,  pour  convenir  du  jour  de  la 
fdfnpure  de  la  mare  de  Gallemare.  Henri  de  Matignon  , 
ayant  Spouse  une  hcriliere  des  Le  Tellier  de  ia  Luthumiere, 
devinl  proprictaire  du  fief  de  Galteville,  dont  il  rendit  aveu 
au  roi  Lbiiis-le-Grand  en  1678.  Sa  veuve  pr^'senta  le  meme 
aveu  eh  1683.  M.  le  due  de  Valenlinois-Matignon  vendit,  en 
1747,  cc  domaine  h  M.  Hoock,  quil'a  transmisa  sa  descen- 
dance, reprt^sentee  aujourd'hui  par  MM.  de  Saineenne  et  de 
Gerando. 

L'^glise  de  Galteville  date  du  XIP  siccle,  ctavait  autrefois 
poUr  patrons  les  abb(5s  du  Vceu  de  Cherbourg,  qui,  en  celle 
quality,  touchaient  encore  en  1733  les  petiles  dimes  de  celle 
paroisse,  afTermces  au  prix  de  1580  livres. 

Gatleville  posst^dait  anssi  un  prieure  dont  les  batiments 
exislenl  sur  la  place  de  I'eglise.  Ce  prieure,  qui  ctait  a  la 
nomination  du  chapitre  de  Coulances,  sur  prt^senlaliofi 
rbyale,  valait  6000  livres  derevenu,  en  y  comprenant  les 
grandes  dtmes.  Avanl  1789,  un  abbede  Saint-James,  ancien 
capiiaine  de  dragons  el  chevalier  de  Saint-Louis,  qui  avail 
servi  avec  distinction  aux  journees  de  Fontenoy  ct  de  Law  felt, 
etait  titulaire  de  ce  prieur6. 

L'Sglise  de  Galteville  est  sous  le  vocable  de  saint  Pierre  et 
(ie  saint  Lubin.  On  y  voit  trois  inscriptions;  I'une  qui  est 
dansle  choeur,  porteces  mots  en  caractcres  gothiques : Priez 
pour  leS  bienfaiteurs  de  ce'ans,  el  deux  autres  qui  sont 
pres  de  Tautel  de  la  Vierge  el  qu'on  ne  peut  plus  dechidrer. 

No'n  loin  de  celte  ^glise  est  une  petite  chapellefortancien- 
ne,  qui  est  dedi6e  a  la  Vierge.  C-etle  chapelle  n'est  ouverte 
qu'h  cerlaincs  fetes  de  I'annee. 

n  existe  a  Gatleville  une  ancienne  ferme  connuc  sous  le 
nom  de  Broc.  C'itait  probablement  la  residence  de  Gaulier 


DE  CIIERUOUnC.  69 

BroG,que  nous  avons  vii  figurerpliis  liaut,  a  la  datecleI268. 
H  y  avail  jadis  une  chapelledomeslique,  qui  sert  aujourd'hui 
de  grange.  Devant  la  poi'te  a  crtineaux  de  granit  de  cetle  ferme 
est  un  poirier  st^culaiie  appel6  vulgairement  Poirier  de 
Chicane.  Je  soupconne  que  ce  vieil  arbre  n'a  rien  de  commun 
avec  le  chene  dc  Vincennes,  sous  lequel  Louis  IXrendaitla 
justice. 

Autour  de  I'^gise  de  Gatteville  on  a  trouv^  beaucoup  de 
cercueils  creuses  dans  le  roc  granitique,  et  qui  devaient 
renjonter  aux  XIIP  el  XIV®  si6cles. 

Au  village  deDenneville,  en  deniolissant  une  vieillecheminte 
dans  une  maison  appartenanl  a  M.  Loysel,  avocat,  on  trouvj^, 
11  y  a  33  ans,  une  seric  d'anciennes  monnaies,  dont  les  plus 
r^centes  (^talent  de  Louis  XIIL 

11  y  a  a  Gatteville  deux  phares  qui  sont  visiles  chaque 
annee  par  un  grand  nombre  de  tourisles  parisiens. 

Oncomplait  autrefois  en  cettecomniune.parmises  notables 
babitants,  M.  de  Hen  not  ( 1666) ;  M.  Hoock  (1747) ;  M.  de 
Bonvalet,  sieur  de  Duri^cu  (1789.) 

Nicolas  Dairaux,  proviseur  du  lycec  Cbarlemagne  a  Paris 
en  1814,  naquit  a  Gatleville  le  31  juillet  1759. 

le  Rozcl.  —  II  est  parle  d'un  Hugues  du  Rozel  dans 
line  cbartc  de  Guillaume-le-Conqu«5rant,  rendue  en  1077  en 
fuveur  de  I'abbaye  de  Saint-Elienne  de  Caen.  fGall.  Christ., 
XI,  inst.,  col.  67.;  En  1082,  ce  mome  Hugues  fait  en  ces 
termes  une  donation  a  ladite  abbaye  :  Ego  Hugo  de  Rozel 
trado  canobio  B.  Stepliani  terras  de  Grainvilla  (lieu  citi, 
col.  74). 

Le  Livre  noir,  au  f  224,  signale  un  Patrice  du  Rozel  qui 
lient  dc  lloger  Baron  un  lief  dans  le  Nottingham,  a  la  condi- 
tion defournir  un  soldat  urnic  au  roid'Anglctcrre. 


70  PALEOGRAPHIE 

Le  cai'lulaire  de  Saint-Sauveiir,  au  f°  13,  mentionne  un 
Robert  du  Rozel,  Adivise,  sa  femme,  Raoul  et  Malvesin  , 
leurs  enfants,  qui  rendcnt  un  acte,  en  presence  de  Roger-le- 
Vicomle,  a  une  date  qui  peul  etre  reporlee  au  commencement 
du  XI*  siecle. 

Les  chartes  de  I'abbaye  de  Blanchelande  ne  nientionnent 
pas  encore  aux  annees  1154  et1157  les  dimes  du  Rozel,  qui, 
ainsi  que  nous  le  verrons  ci-apres,  appartinrent  dans  la  suite 
a  ce  monastere. 

Par  accord  fait  en  1207  cntre  le  chapitre  de  Coutances  et 
I'abb^  du  Voeu  de  Cherbourg,  il  fut  convenu  que  les  fruits 
des6glisesdu  Rozel,  de  Gatteville  et  de  Barfleur  seraient 
partages  entre  tes  contractants,  qui  feraient  leur  possible 
pour  se  defendre  mutuellement.  (Toustain  de  Billy,  Hist, 
des  Eveq.,  f°  207.; 

Le  livre  des  fiefs  de  Philippe-Auguste,  au  f°  2,  parle  d'un 
Robert  de  Malvesin  qui  tient  au  Rozel  un  denii-fief  a  charge 
de  service.  Ledit  Robert  donne  au  chapitre  de  Coutances  un 
quartier  de  froment  de  rente  a  prendre  au  Rozel  sur  Guil- 
laume  de  Cleville,  fils  Anquetil. 

Le  cartulaire  de  Saint-Sauvcur  mentionne,  au  f°  63,  sans 
dale,  un  Guillaume  de  Malvesin  qui  donne  a  I'abbaye  de  ce 
lieu  une  mine  de  froment  de  rente  a  prendre  sur  son  fief  de 
Vaindil  au  Rozel.  Plus  tard,  cettedonalion  fut  confirmee  par 
Hugues  de  la  Haye  et  par  Luce,  sa  femme,  heriticre  dudJt 
Malvesin. 

En  1222,  Luce  du  Rozel,  veuve  de  Ilugue  de  la  Haye, 
chevalier,  donne  a  I'^glise  de  Coutances  six  quartiers  de  fro- 
ment a  prendre  sur  son  moulin  du  Rozel.  (Billy,  Hist,  eccl., 
f  236.) 

Parmi  les  chevaliers  et  ^cuyers  qui  recurent  I'ordre  de  se 
trouver  a  Saint-Germain-cn  Layc  en  1236,  pour  le  service  du 


DE   CHERBOURfl.  71 

roi,  sont  menlioniios  Guillaumc  el  Raoul  de  Malvesin ;  mais 
leur  residence  n'est  pas  indiqu6e.  (Laroque,  Arriere-ban, 
rOles  20  ct  21. )  Guillaume  de  Malvesin  figure  dans  ce  ban 
en  1242.  A  peu  pres  dans  le  mcme  temps  Raoul,  son  frfere, 
parait  parmi  les  chevaliers  normands  qui  comparurent  a 
Chinon.  (Idem,  p.  29. ) 

En  1238,  Eustache,  6v6que  de  Coutances,  confirme  aux 
religieux  de  Blanchelande  les  portions  de  dimes  du  Rozel  qui 
avaient  ete  conc6d(^es  par  Vivien.  (Billy,  f°  312.) 

En  1260,  accord  est  pass6  entre  I'abMdu  Voeu  de  Cher- 
bourg etlechapitre  de  Coutances  pour  le  patronage  alternatif 
du  Rozel.  (Billy,  f°  289.)  En  1270,  le  cur6,  nomm6  Sanson, 
est  install^  par  ce  chapitre. 

Laroque,  a  la  page  49  de  I'arri^re-ban,  ann^e  1271,  parle 
de  Mathieu  du  Rozel,  chevalier  de  la  baillie  de  Constanlin, 
qui  fait  sa  part  du  service  de  Guillaume  de  Vernon,  son 
suzerain. 

En  1280,  h  la  fete  de  saint  Clement,  le  chapitre  de  Cou- 
tances mandc  au  doyen  des  Pieux  d'installer  Pierre,  fils 
Richard  Pernellc,  en  la  cure  du  Rozel,  vacante  par  le  d6ces 
de  Robert  de  H^auville. 

En  1383,  Eustache,  eveque  de  Coutances,  confirme  i 
I'abbaye  de  Blanchelande  des  dimes  au  Rozel.  ^'Gall.  Christ., 
coll.  882.) 

Le  cartulaire  de  Saint-Sauveur  fait  mention,  M'annee 
1288,  d'un  Richard  de  Pierreville,  pr6sent6  a  la  cure  du  Rozel 
par  le  chapitre  de  Coutances,  et  a  Tann^e  1292,  par  Johanac, 
femme  de  Monscignor  Robert  Rosel. 

Par  actc  passe  en  mars  1293,  Robert  Berlran,  baron  de 
Bricquebec,  donne  a  I'abbaye  du  Voeu  jouxte  Cherbourg  le 
patronage  de  Teglise  de  Saint-Paul  du  Rozel  avec  les  droitures 
et  apparlcnances.  (Billy,  f''324.)  Ledit  baron  donna  en  mcme 


tf  PALEOCnAPHIE 

temps  a  cello  abliaye  Ics  patronages  du  Mesnil-au-Val  el  de 
Hard  in  vast. 

Vers  la  mcme  epoquc,  Jonrdain  de  Barneville  donne  a 
lafHte  abbaye  feglise  de  Saint-Pierre  du  Rozel  (  ecclesia 
ytM  Petri  de  Rosello),  et  le  prieure  de  la  Taiile.  (Arch,  de 
I'Empire,  cart,  de  la  Taiile,  n°  307.) 

Roissy,  dans  son /lrmo^rm^,  mentionne  dans  le  vicomte 
id«  Valognes,  a  I'ann^e  1598,  une  famille  du  Rozel  qui  avail 
d'argent  a  la  fleur  de  lys  de  sable  accompagnee  de  trois 
rameauxdesinople. 

L'aveu  rendu  h  Louis  XV,  en  1723,  par  M.  de  Matignon 
au  sujet  de  sa  baronnie  de  Bricquebec,  declare  que  les  barons 
do  cc  lieu  ont  donnc  el  aumOne  a  I'abbaye  du  Vceu  de  Cher- 
bourg les  eglises  et  presbyteres  du  Rozel,  de  Saint-Paul  des 
Sablons  et  de  Vasteville. 

^^'Les  etals  de  la  nreme  baronnie  pour  les  annees  1723  et 
1787  indiquent  que  le  Rozel  etait  un  fief  tenu  de  Bricquebec 
par  moitie  de  haubert.  II  appartenait  alors  a  la  famiUe  de 
Ilcnnot  et  passa  ensuite  par  mariage  dans  celle  de  Bignon. 

En  1839,  on  decouvrit,  en  executant  des  terrasscnionts  sur 
la  ferme  deBecdoisel,  douze  disques  romains  en  marbre. 

Dans  le  cimeliere,  on  remarque  un  tombcau  en  granit 
qui,  par  sa  forme,  rappelle  celiii  de  Chaleaubriand.  Ce  tom- 
beau  porle  I'inscription  funeraire  de  M.  Armand-Jer(jme 
Bignon,  no  en  1769,  niorten  1847. 

"•■Au  chevetde  I'eglise  on  lit  celte  autre  inscription  :  Cetfe 
sacristie  aete  faite  batir  par  M.  Jean-Charles  VauUier,  sicur 
du  Vivier,  cur6  du  lieu,  en  I'an  1763,  et  Jacques  Vilot  etant 
Iresoricr  en  charge. 

L'eglise  du  Rozel  est  petite  et  n'a  qu'unc  simple  campa- 
nille,  mais  elle  possede  sept  tableaux,  doni  Irois  sont  fort 
remarquablcs.  Au  premier  coup-d'ceil,  on  rcconnail  quo  cos 


DE  ciiEnimrnr..  73 

trois  tableaux  apparliennent  a  I'ccolo  de  Rubens.  Celui  qui 
se  prcsenle  aux  regards  en  ejilrant  dans  I'eglise,  est  liaut  dc 
1  metre  50  centimetres  et  long  de  2  metres  50  centimetres,  ct 
retrace  la  scene  qui  suivit  la  decollation  de  saint  Jean- 
Baptiste.  On  saisit  de  suite,  h  la  pompe  du  coloris  et  a  la 
richesse  de  la  composition  ,  la  maniere  du  noble  niailre 
anversois.  De  tout  temps  le  genie  llamand  a  excelle  dans  la 
peinture  d'interieur.  II  a  su  donner  une  lumiere  sans  cgale 
a  ces  meubles  d'ebene  ou  le  jour  miroite  dans  de  ricbes  cise- 
lures,  sur  les  sieges  de  cuir  de  Cordoue  aux  pieds  tors,  aux 
tables  recouvertes  de  tapis  de  Turqnie,  oil  s'epanouissent  les 
radieux  fruits  de  rautomne.  La  scene  se  passe  a  Jerusalem 
dans  le  palais  d'Ht^rode-Antipas,  letrarque  de  Galilee  pour 
les  Remains.  Herode,  coiffe  d'un  bonnet  a  calotte  rouge  et  a 
bandeau  de  fourrurc,  porte  une  ample  robe  de  velours  gris  a 
pelerine  d'bermine,  que  couvre  a  moilie  une  riche  pelisse  de 
cetle  meme  fourrure.  Une  massive  cbaine  d'or  pendasoncou, 
et  une  cordeliere  a  large  torons  suspend  a  son  c6te  un  sabre 
arabe  incruste  de  pierreries.  Des  brodequins  en  maroquin 
orange  et  a  bordure  de  pourpre  defendent  sa  jambe  dontle 
genou  est  nu.  Le  tetrarque  est  assisau  baut  bout  d'une  table 
de  banquet;  sa  main  droite,  passee  dans  sa  barbe  brune  et 
touflfue,  soutient  sa  belle  tele. 

Sa  femme  Herodiade  est  assise  a  sa  droite,  sous  un  dais  dc 
velours  vert  a  franges  d'or.  Elle  est  coilTee  de  cette  toque  de 
velours  noir  qu'on  retrouve  dans  tous  les  tableaux  de  Rubens, 
el  porte  la  robe  de  satin  orange  qui  etait  adoptee  au  XVIl= 
siecle  par  toutes  les  dames  des  grandesmaisonsdesPays-Bas. 
L'^clatante  blancbeur  de  son  cou,  qui  n'a  rien  de  galileen, 
mais  qui  rappelle  les  beaux  types  flamands,  est  rcliauss6e 
par  un  petit  collier  et  par  une  riviere  de  grosses  perlcs  cl  dc 
pierres  precieuses  qui  voilenl  a  demi  son  sein. 


74  PALEOGRAPHIE 

En  face  du  te'trarque  s'avance  Salome,  fiUe  de  sa  femme, 
Elle  est  vfitue  d'une  robe  6carlate  brod^e  d'or.  Sa  pose  est 
majeslueuse,  et  sa  belle  IHe  blonde  se  pcnche  capricieuse- 
nientversHerodeavecun  voluptueuxsourire.Ellelui  presents 
un  plat  d'argent  qu'elledi^couvre,  et  qui  contient  la  tfile  livide 
de  Jean-Baptiste. 

Comme  personages  accessoires  dans  le  tableau,  on  remarque 
derriere  Salom6  un  nain  a  rapi6re  au  cote,  qui  tient  un  tam- 
bour de  basque  et  61oigne  avec  une  baguette  un  levrier  aussi 
haut  que  lui.  Au  bas  de  la  table  est  assis  un  vicillard  qui, 
dans  sa  surprise  de  la  scene  qui  s'offre  a  lui,  tient  elev6e, 
sans  la  porter  a  ses  levres,  une  coupe  dont  le  vin,  d'une 
couleur  riche  et  limpide,  donne  lieu  a  un  heureux  effetde 
lumi^re.  Presde  lui  est  une  matrone  qui  parait  partager  son 
^tonnement.  Le  fond  du  tableau  est  occupe  par  Ic  personnel 
dj  service  en  la  salle  du  banquet,  ou  tout  retrace  non  I'ordon- 
nance  des  palais  de  I'empire  romain,  mais  bien  celle  des 
chateaux  des  Pays-Bas  ou  d'Espagne  au  temps  de  Rubens. 
Deux  valets  apportent,  I'un  un  paon  roti  auquel  on  a  restitu6 
son  brillant  plumage,  et  I'autre,  qui  est  africain,  une  corbeille 
de  fruits.  Derriere  Herodiade  se  tiennent  deux  soldats 
remains  et  une  cameriste  prele  a  lui  donner  une  assiette 
d'argent.  La  table,  vide  de  plats,  attend  un  nouveau  service, 
et  ne  laisse  voir  qu'un  homard  a  I'une  de  ses  extremites. 

Dans  le  choeur,  on  remarque  un  tableau  de  la  meme  t^cole, 
qui  represente  I'adoration  des  Mages.  Au  seuil  d'une  Stable 
en  ruines,  une  vierge  blonde  et  fraiche,  vetue  d'une  robe 
ecarlate  dont  la  partic  infcrieure  disparait  dans  un  mantcau 
gris,  tient,  debout  sur  sesgenoux,  I'enfant  Jesus  potele  et 
souriant.  Pres  d'eux  est  saint  Joseph,  a  barbe  argentee, 
enveloppddansun  mantcau  gris  qu'il  ramenesursa  poitrine. 
Deux  mages,  nu-tcte,  sont  prostcrncs  aux  picds  du  divin 


DE  CHEnBOL'RG.  7o 

enfanl :  I'un,  qui  liii  presente  une  coupe  d'or,  est  drape 
dans  un  mantcau  orange  et  blanc  rehauss6  d'or;  I'aulre  est 
vetu  d'une  sorte  de  damaltique  de  pourpre,  dont  la  queue 
tralnanteest  portee  par  un  petit  page  a  pourpoinl  espagnol 
et  a  fraise.  Le  troisieme  mage,  dont  le  visage  africain  est 
ombrag^  d'un  epais  turban,  est  reste  debout,  et  semble 
exprimer  des  actions  de  grace.  Les  gens  de  la  suite  des  mages 
forment  groupe  au  deuxieme  plan.  Ce  tableau  a  les  memes 
dimensions  que  celui  dont  nous  venons  de  parler. 

Dans  la  nef,  en  face  du  tableau  d'llerode,  est  une  autre 
toile,  haute  de  2  m.  50  c.  et  large  de  \  m.  CO  c.  On  y  voit,  au 
premier  plan,  un  eveque  renvers6  sur  le  sol ;  sa  mitre  et  sa 
crosse  sont  lomb(5es  pr6s  de  lui.  Un  bourreau  I'a  saisi  et  lui  a 
coupe  la  langue;  le  sang  coulesur  la  barbe blanche  du  prelat. 
Un  autre  bourreau  tient  cetle  langue  avec  une  tenaille  et  la 
jette  a  un  chien.  Au  second  plan,  on  apercoil  la  rude  figure 
d'un  cavalier  remain,  dont  le  cheval  se  cabre  malgre  les 
efforts  d'un  soldat  qui  cherche  a  le  maintenir.  Au  ciel  est  une 
troupe  d'anges  qui  apportent  la  palme  due  au  martyre.  Dans 
le  lointain  est  un  paysage  montagneux.  Celte  toile  represenle 
le  martyre  de  .saint  Lievin,  patron  de  Gand.  Irlandais  do 
naissance,  Lidvin  venait  d'etre  dlevc  a  I'episcopat  dans  son 
pays,  lorsque  son  saint  zele  le  porta  a  quitter  son  si^ge  pour 
se  livrer  a  la  conversion  des  pa'iens.  II  se  rendit  en  Flandre 
en  635,  ctfut  honorablcment  recu  a  Gand  par  saint  Florbert, 
abbedumonaslerc  de  Saint-Pierre,  quel'illustre  saint  Amand 
avail  fonde  dans  cette  ville  naissante.  Li^vin  precha  I'dvan- 
gile  dans  les  environs  d'Alost,  et  opera  de  nombrcuses  con- 
versions parmi  les  populations  do  cette  contree,  oil  regnait 
un  culte  melange  barbare  des  superstitions  romaines  et 
germaniques.  Le  martyre  altendait  Lievin  au  milieu  des 
succes  de  sa  parole  eloqucntc.  Par  ordre  d'un  proconsul,  on 


76  PALKOCItAPIllE 

le  saisil  a  Esschen,  village  dc  la  Flandre  orientale;  on  lui 
arracha  la  langue  qu'on  jeta  aux  cliiens.  II  mourut  le  i2 
novenibre  657.  Ses  reliques  furent  transferees  en  1007  par 
ErcmboUl,  abbe  de  Saint-Bavon.  Sa  fete  est  celebr^e  a  Gand 
le  12  novembre  de  cbaque  annee.  (Felix  Bogaerts,  Hist,  du 
culte  des  saints  en  Belgique,  p.  401 ;  —  Juste  ct  Caillau, 
Hist,  de  la  vie  des  Sai^its,  t.  4,  p.  257.) 

Cetle  toile  est  unc  copie  du  magnifique  tableau  de  Rubens 
qui  existe  au  musec  de  Bruxelles,  et  qui  a  (5te  grave,  au 
temps  de  cc  grand  maitre,  par  Bolsmert  et  P.  Pontius.  — 
(Lettre  de  M.  Felix  Bogaerts  a  I'auteur,  en  date  d'Anvers  du 
2juillet  1850.) 

Les  trois  tableaux  decrits  ci-dessus  et  plusieurs  autres  ont 
(5te  donnes  a  I'eglise  du  Rozel  au  commencement  de  ce  siecle, 
ot  proviennent  d'Anvers,  oil  ledonateur  (1)  occupait  alors  des 
fonctions  du  gouvcrnement  francais.  Ce  don  avail  6te  fait  a 
Teglise  du  Rozel  en  consideration  de  son  cur^,  M.  Vaullier- 
Desaulnais.  Ces  tableaux  sont  travailles  sourdement  par 
I'humidite  des  murs  de  cette  petite  t'glise  etsoulTrent  depuis 
longtomps. 

On  remarquait  autrefois  parmi  les  notables  habitants  du 
Rozel  les  lords  Russel,  plus  tard  dues  de  Bedfort;  les  maisons 
GirotdesMoustiers  (1464);  de  Hennot  et  Blondel  (1666) ;  et 
la  famillc  Bignon,  qui  comptait  au  nombre  de  ses  membres 
le  vertueux  Jerome  Bignon,  avocat  general  au  parlementde 
Paris  (1626),  qui  porlaitd'azur  alacroix  decalvaire  d'argent 
cantonnee  de  quatre  flammes  de  memo  ct  accolee  d'un  ccp 
de  vignc  de  sinople,  et  I'abbe  Terray,  intcndant-genc^ral  des 
batiments  sous  Louis  XV. 


(1)  Pere  dc  I'aulcur  do  ces  notes. 


UK  ciiiiRHOi'ur..  77 

FlnninnTllle.  —  Celle  commune  porta  d'abonl  le  rioin 
dc  Saint-Gerniain-dc-la-Mer,  parcc  que  son  ^glise,  dedice  h 
Saint-Germain  d'Ecosse,  fut  dans  le  principe  batie  pros  de 
la  mer.  C'est  ainsi  que  le  vicomte  Neel  la  designe  dans  la 
charle  qui  commence  par  ces  mots :  In  nomine  S.  Trinitalis 
ecclesiam  S.  Germani  de  Mari...  Depuis,  celte  6glise  fut 
appelee  S.  Germain-de-Direthaimi,  a  cause  dufief  de  Direth, 
appartenanta  I'abbaye  de  Saint-Sauveur,  sur  lequel  elleetait 
balic.  Au  verso  du  10«  feuillct  du  Livre  noir  on  lit :  Et  hec 
terra  est  apud  S.  Germanum  de  Direlb.  Dans  la  confirmation 
donnee  par  le  roi  d'Angleterre,  clle  porte  le  nieme  nom.  Enfin 
cllc  rccut  celui  de  Flamanville,  que  portait  un  de  scs  ha- 
nicaux. 

Pendant  la  domination  normande  en  Angleterre,  un  Roger 
de  Flamanville  avail  dans  le  Yorkshire  un  fief  qu'il  tenak 
dc  Roger  de  Mowbray.  (Livre  noir,  f  309). 

En  1201,  accord  est  fait  entre  Leboud  de  Flamanville  ct 
Raoul  Desmonts,  qui  reclaniait  la  moitit^  du  moulin  de  Can- 
lereyne  a  Flamanville.  (Rolles  normands,  t.  1,  f°242.) 

L'eglise  de  Flamanville  etait  primitivement  sous  le  patro- 
nage des  abbi's  de  Saint-Sauveur.  En  1417,  Raoul  Dugail  en 
olait  cure ;  il  cut  pour  successeur  Jean  Lemoine,  qui  permuta 
avec  Guillaumc  Desmoitiers,  chapelain  de  Saint-Pierre  etde 
Saint-Paul.  Vers  1483,  Jean  d3  Bazan  etait  seigneur  de 
Flamanville,  ct  son  fief  relevait  de  la  baronnie  d'Orglandes. 
II  pretendit  que  son  pere  avail  et6  patron  de  Flamanville 
avanl  1417,  mais  que  scs  titres  avaient  He  delruits  pendant 
Ics  guerres.  En  1503,  apr^s  de  longues  procedures,  Jean  de 
Bazan  transigea  avec  I'abbaye  de  Saint-Sauveur  ct  rcnon^a  a 
ses  pretentions  de  patronage.  Mais  en  1533,  les  Irois  fils  de 
Jean  de  Bazan  acheterent  dc  Jacques  de  Pouilly,  seigneur  dQ 
Treauville,  une  part  de  patronage  a  Flamanville.  Cela  fait, 


"78  PALKOOHAPIIIE 

Jacques  de  Bazan,  profitant  de  ce  droit,  nomina  cure  Jean, 
son  fiere;  I'abbe  de  Saint-Sauveur,  de  son  cOtt^,  nomma 
a  la  meme  fonction  Jean  Troussey,  son  frere,  qu'il  fit  passer 
de  la  cure  de  Brix  a  celle  de  Flamanville.  En  1524,  Jacques 
de  Bazan  transigeaavec  Jean  Troussey  elsedesista.  r/lrc/ttt^e* 
de  I'abbaije  de  Saint-Sauveur. J 

L'ancienne  ^glise  de  Flamanville  etait  a  Dielelte.  M.  Herv6 
de  Bazan,  marquis  de  Flamanville,  grand  bailli  du  CotenliU) 
leguaune  somme  pour  conslruire  celle  qui  existeaujourd'hui, 
et  qui  date  de  1669.  L'abbe  de  Saint-Sauveur  donna  son 
consentement  a  celte  translation,  a  la  condition  que  I'abbaye 
ne  serait  tenue  a  aucune  depense  pour  I'enlretien  du  choeur 
de  l'ancienne  eglise  qui  fut  convertie  en  simple  chapelle. 

Lcs  archives  de  Saint-Sauveur  contiennent  un  dossier  qui 
pr(5sente  les  noms  de  quelques  cures  de  Flamanville.  On  y 
note  Hugues  Lemoine,  cur6  au  temps  de  la  fondation  de 
I'abbaye  de  Saint-Sauveur;  Pierre  de  Grosville,  qui  lui 
succ6da.  Apres  ce  cure  11  n'y  eut  que  des  moines  jusqu'au 
concile  deLatran.  Guillaume  de  la  Hougue  fut  cure  en  1280; 
Raoul  du  Gal,  en  i417;  Simon  Boisard,  qui  rcsigna  au 
suivant,  Jean  Leproux ;  Jean  Lemoine,  qui  obtintce  benefice 
du  pape  element  XI,  etant  a  Rome  lorsque  Jean  Leproux 
mourut  (1444) ;  Guillaume  Desmoitiers,  qui  permuta  avcc  le 
precedent;  Jean  Delabarre,  qui  fut  nomme  parle  roi  en  1490 
pendant  la  duree  du  litige  dont  nous  avons  parle;  Jean 
Troussey,  cure  en  1522;  Nicolas  Troussey,  par  resignation 
de  Jean,  son  frere;  Thomas  Lebarbanchon,  cure,  mort  peu 
de  temps  apres  sa  nomination.  Eustache  Lebouet,  religieux 
de  Saint-Sauveur,  obtint  du  pape  le  h^neRce  per  obitum, 
tandis  que  Pierre  Lebouet,  son  frere,  se  faisait  nommer  par 
rabb6  de  Saint-Sauveur.  Ce  dernier  conserva  le  benefice. 
Apres  un  long  procos  enlre  Nicolas  Passart,  nomm6  par  Jean 


DE    CHEKBOtnC.  79 

(leBazan,  et Pierre Bouct,  noinm^  par  I'abbe  de  Sainl-Sauveur 
la  question  resle  pendante  sur  la  possession  du  benefice  en 
<532. 

On  remarquait  a  Flamanville  plusieurs  monuments  drui- 
diques,  que  les  exploitations  de  granit  ont  fait  disparaitre 
en  grande  partie.  II  y  en  avail  au  lieu  nomme  le  Cotil,  au 
Gros-Nez  pres  de  la  vigie,  aux  Castias,  et  un  autre  a  la 
Grizelee. 

Pres  de  la  falaise  nommee  le  Mont-du-Roc,  on  remarque 
les  restes  d'une  galerie  druidique  dont  quelques  jambages 
sont  encore  en  place,  niais  dont  les  tables  sont  tombees. 

En  1833,  ont  trouva,  entre  les  hamcaux  de  Cabrcs  et  de 
Siautot,  quelques  coins  en  bronze. 

En  mars  1406,  cut  lieu  la  vente  du  fief  de  Flamanville, 
par  I'abbe  de  Blanchelande  a  Colin  deBazan.  L'acte  futpass6 
par  devant  Jeban  Breton,  garde  du  seel  des  obligations  de 
la  vicomte  de  Coutances,  par  Guillaume  Tolissac,  clerc 
labellion  jure  du  siege  de  la  Haye-du-Puits ,  en  presence 
du  pere  en  Dieu  I'abbe  de  Blanchelande  et  de  frere  Thomas 
de  Saint-Lo ,  procureur  du  convent,  et  de  Colin  Bazan , 
ecuyerdu  lieu  de  Flamanville.  Leprixdecette  vente  demeura 
fix6  a  1,200  ecus  d'or  et  un  ecu  pour  vin.  Lesdits  religieux 
tenaient  ce  fief  de  Robin  de  Benois,  ecuyer.  Cette  vente 
comprenait  tous  les  droits  et  honneurs  attaches  a  cette  terre. 

En  1654,  au  mois  de  mars,  Louis-le-Grand  erigea  le  fief 
de  Flamanville  en  marquisat  en  favour  de  Hervieu  de  Bazan, 
baron  de  Flamanville,  grand  bailli  du  Cotentin.  Les  motifs  de 
cette  concession  scraient  les  services  rendus :  1°  par  I'impe- 
trant,  en  qualila  de  volontaire  dans  I'arm^e  francaise  en 
IloUande,  et  aux  sieges  de  Saint-Jcan-d'Angely ,  Clarac, 
Montauban,  Saint-Antonin  ,  la  Rochclle  et  I'ile  de  Rhe,  et  a 
la  d(5faitc  des  Anglais,  oil  il  aurait  et6  blcsst^ ;  2°  par  Jean  de 


80  PALEOGRAPHIE 

liazan,  chevalier  Je  rordre  de  Saint-Jean-de-Jerusalem,  qui 
aurait  ct6  tue  surlegallion  dc  Malte  lorsde  labalaille  navale 
de  la  Rochelle;  3"  par  Guillaume  de  Bazan-Flamanville, 
capitainc  a  la  balaille  de  Sedan,  comniandanl  Ics  enfarits 
perdus  de  Tarmt'e.  Lesditcs  lellres  reconnaissent  comnie 
niouvances  du  nouveau  niarquisat  les  ficfs  de  Grosville, 
Ipeville,  Preslreville,  Siouville,  les  Pieux  etTreauville. 

Le  chateau  de  Flamanville,  bati  par  la  famille  de  Bazan, 
apparlienl  aujourd'hui  a  M.  de  Sesmaisons. 

Biville.  —  L'c^glise  de  Biville  (Binivilla),  qui  date  du 
XIIP  siecle,  est  sous  le  vocable  de  saint  Pierre  etavait  autre- 
fois pour  patrons  les  prieurs  de  Vauville. 

II  exists  a  la  bibliothcque  iniperiale  (  Saint-Germain, 
Residu  96,  n°  5  ),  deux  cliartes  curieuses  relatives  a  Biville  ; 
dies  ont  6t(^  decouvertespar  M.  Leopold  Dellsle.  (Histoire  de 
Marmoutier,  part  2,  t.  I",  n°'  296  el  297.)  On  voit  figure 
dans  ces  chartes  Guillaume,  roi  d'Angieterre,  qui  se  qualifie 
de  comte  du  Cotentin,  Robert  Bertran,  vicomle  du  meme 
territoire,  Richard,  vicomte  d'Avranches,  Heudon,  frere  de 
N^el  de  Saint-Sauveur, plus  tard vicomte  du  Cotentin,  Onfroy 
de  Bohon  et  autres  heros  de  Hasting. 

Biville  fut  le  berceau  de  Thomas  Helye,  chapelainde Louis 
IX.  Quelques  auteurs  ont  etabli  que  Jean  de  Beaumont, 
chambellan  de  Saint-Louis,  nienlionncdans  la  chronique  du 
sire  de  Joinville  ,  etait  seigneur  en  totalite  ou  en  partie  de 
Beaumont  en  la  Hague.  lis  concluent  de  la  que  ce  fut  ledit 
chambellan  qui  prcsenla  Thomas  Helyc  a  Louis  IX;  car  s'il 
en  <5tait  autrement,  disent-ils,  comment  cxpliquer  que  le  roi 
eulpu  decouvrirle  saint  homme  dans  sa  solitude  de  Biville? 
Les  adversaires  decctte opinion  repondent  que  le  chambellan 
cite  par  Joinville  tirait  son  nom  de  la  ville  de  Bcaumont-sur- 


])T    CHEUBOIKG.  81 

Oise,  dont  la  gentKilogie se  trouvedans  I'liisloiredo  la  maisoii 
de  France  parle  pore  Anselme;  qu'il  parailra  procliaincmcnl 
a  Amiens  un  volume  in  4'>  relalif  a  I'liistoire  de  Bcaumonl- 
sur-Oise,  et  qu'un  chapilrc  y  est  reserve  au  chambellan  de 
saint  Louis.  Nous  trouvonsen  efTet  qu'au  regnc  de  ce prince, 
Beaumont  en  la  Hague  avail  pour  seigneur  un  chevalier 
nomm6  Juhel ;  niais  rien  ne  dit  qu'il  en  fut  seigneur  en 
tolalite. 

On  Irouve  a  I't^glise  de  Biville,  dans  un  petit  -errfo  en 
parchemin  format  in-12  lacereenpartieetquiparait  remonter 
au  XIII*  ou  au  XIV*  siccle,  la  no'te  suivante  :  «  Anno  eodem 
r>  (1259)  die  IV  januarii  arripuit  iter  ad  curiam  roma- 
»  nam  honoratus  vicarius  altaris  B.  Marie  Conslanc. 
»  pro  canonizacione  bcali  Thome  de  Binivilla  de  man- 
»  daio  dni  J.  de  Essayo,  Const,  epi.  » 

Thomas  Hclye  mourut  au  chateau  de  Vauville  le  vendredi 
49  octobre  1257,  dans  unc  chambre  situt'e  au-dessus  de  la 
porte  cocheredudit  chateau.  Cetlc  portea  elcabattue  en  1785. 
Le  tombeau  de  ce  saint  personnage  se  trouve  dans  I'eglise  de 
Biville.  II  est  en  marbre  blanc  et  porte  laleraleuient  ceite 
inscription  :  «  Ce  marbre  a  cte  donnc  par  messire  Jacques- 
»  Francois  Dugardin,  ocuycr,  chevalier  de  I'ordre  royal  et 
»  niilitaire  de  Saint-Louis,  lieutenant-colonel  au  corps  royal 
»  d'artillerie,  seigneur  et  patron  de  cede  paroisse.  »  Get 
officier  superieur  etait  en  effet,  en  1786,  seigneur  de  Biville, 
du  chef  de  sa  femme,  nee  de  la  Haye.  Le  tombeau  a  cte  fait 
par  M.  Pierre  Freret,  sclupteur  a  Cherbourg. 

En  septcmbre  1845,  M.  I'abbe  Lebriseux,  alors  vicaire  de 
Biville,  me  montra  en  detail  la  chasuble  ctl'etole  de  Thomas 
Hil'lye.  Cet  ornement.dont  toutcsles  hisloircs  dcnotro  localile 
donnent  la  description,  etait  rcnfermc  dans  unc  boile  en 
clK'nc  portant  inlerieuremcnt  cctte   inscription  :    «   Bofte 

6 


82  I'AI.KOr.RAPUIE 

»  (lonnee  par  J.  IT.  Adoubedan,  caijilaiiie  garde  coslc,  sei- 
»  gneurde  Rou\ille  et  des  Pieux  ensa  partie,  1764.  » 

Thomas  Helyeaeu  plusicurs  biographes.  Clement,  presque 
son  contemporain,  et  qui  avail  ete  lemoin  do  I'enqufite  faite 
par  Teveque  de  Coutances  Raoul  Desjardins,  nous  alaissesa 
vie.  L'auleur  dedie  son  ouvrage  au  cur6  de  Bivillc,  son  ami. 
li  s't'lend  beaucoup  sur  les  etudes  d'Helye  a  Paris  et  sur  son 
voyage  en  Terre-Sainte.  Get  ouvrage  de  Clement  se  trouvait 
dans  un  volume  en  parchemin,  conserve  dans  les  archive* 
de  reglise  de  Biville.  C'est  le  premier  document  vise  en 
I'enquete  faite  par  M.  de  Blanger,  grand  vicaire  de  Mgr 
Lomenie  de  Brienne,  evfique  de  Coutances  en  1692.  Ce 
manuscrit  comprenait  en  outre  deux  autres  vies  de  Thomas 
H61ye  :  I'une  en  prose,  sans  nom  d'auleur;  I'autre  en  vers 
par  Jean  H61ye,  parent  du  bienheureux.  M.  Leverrier,  cure 
de  Biville  avant  1789  et  auleur  d'une notice latinemanuscrite 
sur  Thomas  Helye,  declare  quele  registre  qui  comprenait  les 
trois  biographies  ci-dessus  indiquees  a  et6  perdu.  SuivantM. 
I'abbe  Demons,  auleur  d'une  histoire  manuscrite  de  Cher- 
bourg, un  savant  anglais,  M.  Dybdin,  aurait  laiss6  de  ce 
vieux  registre  une  copie  qui  serait  aujourd'hui  a  la  biblio- 
Ih^que  imp6riale.  Toustain  de  Billy,  en  son  histoire  cccle- 
siastique,  i°  304,  et  M.  Couppey,  dans  les  memoires  de  la 
Society  Imperiale  Acad6mique  de  Cherbourg  (tome  de  1843), 
onl  donn6  des  details  inleressants  sur  Thomas  H(5Iye. 

Enlre  deux  monticules  appck^s  les  Huches,  on  remarque 
encore  les  resles  de  deux  lombelles  qui  onl  ete  coupces  par 
la  route  de  Ste-Croix  a  Biville. 

Pres  du  village  de  Vinebus,  en  un  lieu  nomm^  la  Mine, 
appartenant  a  la  famille  Groult,  on  a  trouve  un  assez  grand 
nombre  de  monnaies  de  Trajan,  petit  bronze. 

On  apergoit  sur  le  chemin  qui  rnene  do  Slc-Croix  a  Biville 


ni:  cnERBoiiir,.  ti 

una  croix  de  granit  qui  porte  celle  inscription  :  cette  croix 
flit  reconslruite  par  Couetde  la  Haye  et  son  Spouse  en  1807. 

On  remarquedans  le  cimetiere  de  Biville  les  tombeaux  de 
la  famille  Coquoin  et  d'un  cure  mort  en  1815. 

Biville  passe  pour  etre  une  des  communes  les  plussalubres 
du  departement  de  la  Manche.  Les  centenaires  y  ont  6le 
frequents,  et  Ton  cite  meme  une  fcmme  du  nom  de  Renep 
qui  y  mourut  en  1697,  ii  Tagc  de  116  ans. 

On  comptait  autrefois  parmi  les  notables  habitants  de 
Biville  la  famille  Dugardin,  qui  portait  d'azur  charg6  d'un 
aigle  d'argenl  becque  et  grifTe  d'or  etau  soleil  d'or,  et  celle  de 
Beaudrap,  qui  avail  d'azur  au  chevron  d'argent  accompagne 
de  deux  (5toilcs  d'or  posccs  en  chef  et  au  croissant  d'or  en 
pointe. 


MEDAILLES  £T  MONMIES 

RECIEILLIES  DANS  IE  DEPARTEMENT  DE  LA  MANCflE 

PENDANT  LES  ANNIES  1852  ET  I85S, 


PAR 

IVI.  DEI\IS-LAOARDE, 

Chevalier  de  I'ordre   imperial  do  la   L^gion-d'Uonn«ur, 
Membre  titulaire  de  la  Soci^tS  Acad^mique, 


Le  sol  dii  departemenlde  la  Manche  s'est  toujours  nionlre 
fecond  en  enfouissements  nuinismatiqucs  :  si  Ton  consulte 
les  notes  laissees  par  riionorable  M.  de  Gerville,  on  peut  se 
convaincre  qu'il  n'estpas,  pour  ainsidire,  une  seule  localite, 
dans  les  six  arrondissenients  qui  le  composent,  qui  n'ait 
fourni  son  contingent  aux  collections  particulieres  form(Jes 
dans  le  pays. 

Plusieurs  fois  dd'ja,  les  nienioires  publics  par  la  Socicte 
Acadeniique  de  Cherbourg  ont  donne  le  rocit  des  principales 
d(icouvertes  qui  avaient  6t6  successivement  op^recs  :  nous 
venons  aujourd'hui  feurnir  quelques  renseignementsde  plus 
a  ccux  qui  tentcraient  un  jour  d'(5crire  I'liistoire  numisma- 
liqiie  du  dopartcment. 


86  MEDAILLES   liT    MONNAIES    RECL'EILLfES 

La  Feiiillie.  —  Cnntou  de  Lcssay.  —  Dans  les 
premiers  jours  du  niois  de  mai  1832,  un  cultivaleur  du  village 
de  La  Feuillie  ,  canton  de  Lessay  ( Manche  ) ,  renconlra,  en 
executant  une  tranchee  dans  son  jardin ,  un  vase  en  lerre 
de  mince  fipaisseur  d'oii  s'cchappa  une  masse  considerable 
de  petiles  pieces  de  monnaie. 

Recueillies  presqu'en  totalilo  par  une  personne  arrivee  sur 
les  lieux  asscz  a  temps  pour  en  empC^cher  la  dispersion  ,  ces 
monnaies  purent  etre  examinees  a  loisir  etil  fut  constate  que 
le  tresor  se  composait  d'cnviron  8,000  pieces  de  billon,  com- 
prises entre  le  regno  de  Philippe  P"",  roi  de  France  et  celui  de 
Philippe-le-Hardi,  ainsi   qu'il  resulle  de  I'inventaire   ci- 

apres : 

niounalcs  royalcs. 

I  —  Philippe  I".  —  Monnaie  frappec  a  Etampes. 
22  —  Louis  VI.  —  Au  type  d'Orleans,  17;  —  de  Man- 
tes, 1;  —  d'Etampes,  2;  — de  Pontoise,  2. 
4  —  Louis  VIL  —  ChateaulandonetBourges :  les  Irois 
dernieres  avec  Teffigle  du  prince. 
363  —  Philippe- Awjuste.  —  249appartenaienlaratelicr 
d'Arras  dont  il  y  avail  deux  varietes;   lesautresa 
ceux  de  Paris,  au  nombre  de  106;  —  de  Montreuil, 
15;  —  de  St-Omer,   4;  —  de  Peronne,   7;  —  182 
ofTraient  au  revers  le  chatel  ct  la  legende  S  C  S 
Martinus. 
183  —  Louis  VIIT.  —  Cos  pieces  qui  peuvcnlindistlncte- 
ment  appartenir  aLouis-le-Gros  eta  son  flls,  aussi 
bien  qu'a  Louis  Vill,  ctaient  toutcs  desParisis. 
4215  —  Louis  LX.  —  Avec  la  k\gendc  Turonus  ou  Turo- 
'nis  Civi  ou  Civisien  generald'une  bonne  conser- 
vation,   on    y    remarquait    d'asscz   nombrcuses 
varieties  dans  la  forme  des  Icttres. 


DA.NS    LE    DEHARTE.MENT    DE    l\    MANCIIE.  87 

637  —  Pliillppe-le-HardL  —  624  dcniers  toiirnois  et  13 
oboles  au  nieme  type  :  sur  un  asscz  grand  uoinbrc 
de  ces  pieces  le  noin  du  roi  est  ecrit  avec  I'h  cur- 
sive. 

Iflouualcs  scigticnrinle«. 

950  —  Saint-Martin  de  Tours.  —  Dcniers  de  type  uni- 

I'oriiie,  mais  de  fabrique  dilTerentc. 
393  —  Herbert  P',  comte  du  Mans  —  1016  a  1035;  — 
ou  Herbert  II —  lOol  ix  1062.  —  Monogramine 
varit^  :  il  est  vraiseniblable  qu'un  grand  nombre  de 
ces  pieces  apparliecit  au  regno  de  I'un  ct  de  I'autre 
llerbeit;  maisil  est  constant  aujourd'hui  quel'^mis- 
sion  de  ces  pieces  a  etecontinutie  apres  eux  et  c'est 
cc  que  confirme  le  bon  elat  do  conservation  de 
beaucoup  d'entre  clles. 
10  —  Robert,  comic  do  Dreux  —  1132  a  1184.  —C'est 
ce  prince  qui  fut  la  souclic  des  dues  de  Bretagne,  a 
partir  de  Pierre  Mauclerc. 

2  —  Sanson  de  Mauvoisin,  archevt^qiie  de  Reims.  — 
1138  a  H62.  —  L'une  de  ces  pieces  elaitd'une 
conservation  parfaite. 

6  —  Henri,  3"  fils  de  Louis-le-Gros,  archeveque  de 
Reifnsden62  a  1176. 
25  —  Guillaume  de  Champagne ,  aux  blanches  mains, 
cardinal-arcbeveque  do  Reims,  oncle  maternel  de 
I'liilippe-Aiiguste  ct  regent  du  royaume  en  1190, 
pendant  la  troisicmc  croisade  —  1 176  a  1202. 

2  —  Albe'ric  de  HautriUars,  arclie\eiiue  de  Reims  do 

1207  a  1219. 
16  —  Ele'onorc  dc  Vermandois  —  1167  a  1214. 


tS  MEDAILLES    KT    MO.N.NAIES    RECL'EILLIES 

II  —  Guillaume  III,  comte  de  Pontliicu  —  1191-1221.' 

—  inonnaics  IVappces  a  Abbeville. 

14  —  llayiaond,  cointc  de  Toulouse  —  1194-1222^. 

5  —  Renaud  de  Dainmartin,  comte  de  Boulogne  — 
1190  ;i12l4,  —  fait  prisonnieren  Vilik  labalaille 
de  Bouvines  et  inort  au  cbateau  de  Peronne  en 
1227. 

'f  —  Thibault,  comte  deCbampagnc  — 1201  a  1233. 

2  —  Simon,  vicomte  de  Cliateaudun  —  1264.  —  Las 
deux  exemplaires  recueillisde  celterare  et  curieuse 
monnaie  ofTrent  dans  la  legende  du  droit  une  leg^re 
difference  avec  I'exeniplaire  mentionne  a  la  page 
102  du  Manuel  de  Niinusmatique  de  M.  A.  de 
Bartlielenjy  :  au  lieu  de  Sitnon,  on  y  lit  :  Simonis 
vicoines  —  au  revers  :  castri  Duni;  cbatel  avec 
croissant  au-dessus  et  au-dessous. 
131  —  Alphonse,  comte  de  Poitiers  et  de  Toulouse,  frere 
de  St-Louis  —  1241  a  1271.  —  II  existait  un  as.sez 
bon  nombre  de  varietes  dans  les  monnaies  do  ce 
prince  dont  Ic  nom  est  ecrit,  tanlot  Alfumsus,  tan- 
tiOt  .4 yj/bur^,  &u  sculementindique  parson  iniliale; 
2  sont  au  monogramme  d'llerberl,  36  portent  au 
revers  la  legende  Pictavicntsis,  33  celle  de  comes 
Tolose  etsur  38  autres,  on  lit  de  Riomensis. 
24  —  Charles  d'Anjou,  autre  frere  de  St-Louis,  comte 
d'Anjou,de  Provence  et  roi  deSicilc — 1243  a  1285; 

—  dcs  deniers  de  Ce  prince,  les  plus  remarquablcs 
dans  la  trouvaille  sont :  un  exemplaire  sur  lequel 
Charles  [uend  la  (jualincalion  de  roi  de  Sicile  avec 
I'o  ujunogramine  d'llerberl;  un  autre  avec  celle  do 
co;nle  d'Anjou,  roi  ile  Sicile,  au  revers  de  la  clef  et 
Ju  Un;  uu  '}'■  Oil  se  voft  Ic  tiionogrammo  d'HcrbCft 


DAN.s    I.F.    DliHAIlTEMEM    Lili    LA    MA.NCIIE.  89 

avec  la  logendc  Anger  inns  dobles ;  Irois  ;ivcc  lo 
lucmc  manogruiame  et  la  dusigiiation  do  Uil.  regis 
■I'rancic:  uii  seul  cnfiii  avec  Ic  monograimnc  do 
Fouhjucset  la  legondo  Carol  comes  Andegav" 

'I"j  —  Jean  IclXoux,  l"dii  nom,  due  do  Brolagnc  —  1237 
a'!286  —  le  rovers  porte  un  ecusson  Iriangiilaiio 
avec  rocliiquelo  do  Dreux  au  quarlier  d'hennincs. 

Ell  resume,  lo  depot  Irouvo  ii  La  Feuillie  se  composait  de 
Monnaies  royales  5623 

Id.      seigneuriales  i627 


Total.  7'2o2 

ct  n'cn  devait  pas  comportor  moins  do  8,000,  si  Ton  ticril 
tomple  de  celles  qui,  au  premier  uioment,  ont  ele  necessai- 
rcment  dispersees. 

Les  pieces  les  plus  inleressantcs  de  cc  depot  sent  entrees 
pour  la  plupart  dans  le  cabinet  de  Tun  des  membres  de  la 
Societo  Academi(iuo  de  Cherbourg. 

11  existait  jadis  a  Lessay  uno  abbayc  considerable  donl  lo 
territoirc  du  village  do  La  Feuillie  etait  une  dependance.  Le 
Iresor  decouvert  en  1832  aurait-il  quelques  rapports  avec  les 
anciens  habitants  de  I'abbayc?  —  On  pent  raisonnablement 
le  supposer.  La  date  dc  son  enfouissemenis  parait  devoir 
remontcr  au  regno  de  Philippc-le-Ilardi  ( 1270  a  1283  ) , 
cependant,  a  en  juger  par  la  forme  de  cerlaincs  lettres  dans 
un  bon  nombre  de  pieces  signecs  du  nom  de  Philippe,  il 
serait  possible  qu'il  cut  C'te  pratique  dans  les  premieres 
ann(5es  de  son  successcur  Philippe-lc-Bel  dont  il  ne  conlient 
neanmoins  aucuno  monnaie  qui  puisse  lui  eire  allribuec 
avec  certitude. 


*alM<c-lIcri'-Eglisc.  —  Lo   2(3   niai   |Sj;{, 


le  sieur 


90:  MEDAII.LES    KT    MO.N.N.UES    RECUEILLIES 

Lcrougo,  jourrmlier  aSaiiUe-Mere-Eglisc,  travaillant  a  defon- 
c(M'  iin  terrain  picrreiix,  Irouva  sous  sa  pioche,  a  50  c/m  de 
prolondeur,  un  grand  vase  en  tcrrc  de  couleur  bleualrcqui 
contonait  environ  4300  nionnaies  d'un  poids  total  de  IG 
kilogriunnies. 

Lc  champ  dans  lequel  les  pieces  furenl  trouvees  et  (jiii 
opparticnl  au  sieur  Lemenissier  est  connu  dans  le  pays  sons 
le  noni  do  Clos-le-IIalrel ;  il  est  situe  a  I'entree  memo  da 
Jjonrg  de  Sainte-Mere-Eglise,  a  8  metres  environ  de  la  route 
venant  de  Valognes;  il  n'y  existc,  du  reste,  ancune  trace  de 
niurs  ou  de  fondations  qui  puissent  faire  soupconner  I'cxis- 
lence  d'un  etablisscment  ancien. 

Ces  monnaies  furent  d'abord  dispersecs  comme  dlant  dc 
nulle  valeur,  mais  un  proprictaire  des  environs  en  ayant  fait 
demander  qiielqnes-unes  qu'il  paya  largement,  I'eveil  fut 
donne  et  le  proprictaire  du  champ  s'emprcssa  de  recueillir 
celles  qui  etaient  deja  passees  en  d'autres  mains. 

Toutes  ces  pieces  etaient  du  module  connu  sous  le  nom  dc 
petit  bronze  et,  a  tres  peu  d'exceptions,  appartiennent  au 
sifecle  de  Constantin,  c'est-ii-dirc  au  commencement  du  IV" 
siecle  de  I'ere  clu-etiennc;  elles  sont  en  general  d'unc  belle 
conservation;  un  grand  nombre  meme  est  a  fleur  de  coin. 

Wis  en  mcsure  d'examiner  environ  1200  de  ces  pieces, 
nousavons  pu  constater  [larmi  elles  I'exislence  de  monnaies 
frappees  au  nom  dcs  empereursou  Cesars  dont  la  designation 
suit  : 

1  Alexandre-Seth-e.  —  Medaille  en  billon  restitute  par 

Gallien. 

1  Gallien. 

\   Yictorin. 
\  Aurclicn. 

2  Pro  I)  us. 


DANS    LE    DEPAUTIi.ME.M'    ItR    h\    MANCIIK.  91 

2  Consfance-Chlore,    dont   uiio   const^cratioii  ou    iiie- 
daillc  comiiK'nioralivc. 

i  Galere  Maximicn. 
32  Maximin  Daza. 

3  Maxence. 

900  Constanlin-le-Grand ;    lu    majeure    parlic  avoc  Ic 

revcrs  :  Soli  invicto  comiti. 
•IGO  Licinius,  perc,  collogue  de  Constaulin. 

35  Crispus,  cesar,  lils  de  Constantin  et  de  Mincrvinc. 

42  Constantin-le-jeune,  premier  fils  de  Constantin  el  de 
Fausla. 

Un  examen  ulteriiuir  de  toulcs  les  pieces  rccueillies  n'a 
pas  modifie  sensiblenicnt  les  proportions  mcntionnees  ci- 
dessus. 

D'apres  cette  enumeration,  il  n'est  pas  possible  de  mcltre 
en  doule  que  I'enfouisscment  du  vase  trouv(5  a  Sainte-Mere- 
Eglise  a  eu  lieu  sous  le  regne  m(5me  de  Conslantin-le-Grand  : 
le  nombre  si  considerable  des  pieces  frappees  au  type  do  cet 
enipereur  en  est  une  preuve  que  nous  croyons  concluanle. 
Constantin,  declare  cesar,  dans  I'annee  30G  de  Jesus-Clirist, 
fut  (^'leve  au  rang  d'Augusle,  et  par  consequent  a  la  souve- 
raine  puissance  qu'il  partageaavcc  Licinius,  son  beau-fiere, 
'deux  ans  apr(}s  en  I'annee  308.  De  ce  moment  jusqua  sa 
mort  arrivee  en  337,  il  figura  sur  les  monnaies  avec  la  qua- 
lification de  Pius  felix  Augustus,  ousimplement  de  Augus- 
tus, appellation  usilee  pour  les  empcrcurs  seuls,  el  c'est  en 
effel  sous  ce  litre  que  nous  le  montnmt  les  pieces  de  Sainte- 
Mere-Eglise,  sauf  une  seulc  oij  il  est  decore  du  litre  de 
Nobilis  C(Vsar. 

Co  serail  done  dans  rintcrvalle  ecoule  de  I'an  308  al'an 
337  que  le  vase  dont  il  s'agit  aurait  ele  enfoui  par  le  posses- 
»eur  du  tresor;    toutefois,  le  rapprochement  des  monnaies 


92  MEDULLES    ET    MONNAIES    RECUEILLIES 

(jLii  composaieiit  ce  depot  pcrmct  de  lui  assigner  unedatc 
plus  precise. 

Des  qiiatre  fils  dc  Constantin,  Crispus  Ills  de  Minervine, 
sa  premiere  fcniine,et  Conslanliii-lc-Jeuiic,  I'aine  des  cnl'ants 
issus  de  son  mariage  avec  Faiista,  fiirent  seuls  declares 
cesarsen  I'an  3l7et  admis  des  lorsaux  honneurs  monetaires ; 
les  deux  autres,  Constant  et  Constance,  ne  regurent  ce  litre, 
le  premier  qu'en  323  et  le  second,  dix  ans  apres.  —  II  ne  fut 
Irouve  dans  le  depot  aucune  monnaie  i\  reffigic  de  ces  der- 
niers,  d'oii  il  est  rationel  de  conclure  qu'au  moment  oil  il 
fut  coniie  a  la  terre,  ces  princes  ne  jouissaient  pas  encore 
du  droit  de  figurer  sur  les  monnaies  et,  par  suite,  que  la 
date  de  renfouissement  doit  etre  placee,  avec  toute  vraisem- 
Llancc,  cntre  317  el  323,  cpoque  oil  Constant,  le  3<=  des  fils 
de  Constantin,  fut  invcsti  du  litre  de  Cesar,  ce  qui  reduil  les 
conjectures  que  Ton  pcut  faire  sur  cette  date  a  une  pcriode  de 
six  annees. 

Le  nombrc  relativement  considerable  de  pieces  au  nom  de 
Licinius  vient  encore  conflrmer,  suivant  nous,  cette  asser- 
tion :  il  prouve  que  les  deux  coUegues  vivaicnt  encore  en 
bonne  intelligence  el  ce  fut  en  effel  seulemenl  dans  I'ann^e 
323  que  Constantin,  cedant  au  desir  d'une  domination  sans 
partagc,  se  debarrassa  de  son  beau-frere  el  resta  par  sa  mort  * 
scul  maitre  de  Tempirc. 

L'effigie  juvenile  de  Constantin -Ic-Jeune  apporte  une 
nouvelle  preuve  a  I'appui  de  I'opinion  que  nousavons  6mise : 
scs  traits  et  ses  vetemonls  sonl  ceux  de  I'enfance;  ce  prince, 
en  effel,  n'avaitqu'un  an,lorsqucson  pore  I'eleva a  la  dignity 
dc  Cesar.  Crispus,  au  conlraire,  age  deja  de  17  ans,  portc  le 
bandeau  imperial  el  est  rcvetu  d'une  armure.  L'etude  atten- 
tive des  monuments  numismatiques,  principalement  dans  la 
periodc  I'omaine,  adcstc,  d'mic  maniere  evidente,  le   soin 


DANS    I.K    DKI'AUTEMENT    DE    I.A    yA.NT.IIi:.  9.3 

qii'apporlaient  Ics  ouvriers  iiKMictaircs  a  reprodiiirc  los  traits 
caractcristiqiies  des  personnagcs  au  noni  cl  a  I'cnigie  dos- 
quels  se  frappait  la  monnaie. 

Tout  porte  a  croirc  que  ces  pieces  sont  do  fabrique  exclu- 
sivement  gauloise,  ou,  pour  niicux  dire,  qu'ellcs  sorlcnt  des 
ateliers  etablis  dans  les  Gaules  par  les  Remains.  On  trouve 
au  rovers  da  la  plupart  d'entre  elles  les  differents  monetaires 
des  villes  de  Treves,  deLyon,  de  Milan  et  d'Arles  et  il  est 
tres  digne  de  remarque  qu'aucune  d'elles  ne  presente  ceux. 
d'Aquilee,  d'Antioche,  et  surtout  de  Constantinople,  si  fre- 
quents sur  les  monnaies  de  Constantin  et  dc  son  siecle. 

ToMrlavillc-pres-CIici'ljourg.  —  Dans  le  couranl 
de  I'ele  de  1853,  il  fut  presente  a  un  libraire  de  Cherbourg, 
qui  en  fit  I'acquisition,  une  masse  compacte  de  monnaies  en 
billon,  pesant  environ  deux  kilogrammes;  la  pcrsonne  qui 
les  avait  apportoes  se  refusa  obstinement  a  faire  connaitrc 
d'une  maniere  precise  Iclieu  oil  elles  avaient  etedecouvertes; 
diverses  circonstances  cependant  donnerent  a  penser  que 
ces  monnaies  avaient  et6  Irouvees  dans  les  environs  du  fort 
des  Flamands ,  sur  le  littoral  de  la  commune  de  Tourlavillc 
oil  la  marine  fait  executer  de  grands  travauxde  deblais  pour 
la  construction  d'un  pare  destine  a  I'enfouissement  des 
bois. 

Ces  monnaies  etaient  fortement  adherentes  Tune  a  I'autre 
et  en  grande  parlie  rongces  par  I'oxydc.  Sur  2,000  pieces 
environ  dont  se  coinposait  le  depOt  recueilli,  100  a  peine  se 
trouvaient  dans  un  ctat  rclativement  asse/  bon  pouretrc 
conservees  ;  tout  le  rcste  elait  ajeter  a  la  fonte,  mais,  par 
unc  heureuse  compensation,  le  petit  nombre  de  celles  dont 
les  types  et  les  16gendes  avaient  etc  preservocs  offiait  un  vif 
inleret  au  point  de  vue  nuraismatique. 


94  mkd.viij.es  et  monn.uks  uecieili,ii:s 

Passees  entrc  les  mains  d'lin  savant  numismalislc  dc  la 
Vendee,  M.  Pocy  d'Avant,  ccUes  de  cos  nionnaies  qui  sont 
inedites  seront  sans  aucun  doutc  un  jour  publiees  parlui. 
Nousne  pouvons  dcvancer  ici  la  publication  qu'il  s'est  reserv6 
d'cn  faire  ct  qui,  donnee  avec  toute  I'autorite  de  son  talent, 
ne  pent  manquer  d'etre  accueillie  avec  interet;  toutefois,  nous 
ne  croyons  pas  manquer  a  la  discretion  que  cette  circonslance 
nous  impose  en  disant  que  ces  monnaies,  presque  toutes  en 
billon  noir,  appartenaient  en  grandc  partie  aux  dynastes  de 
la  Flandre  etdu  Brabant  qui  vivaient  au  XIV*  siecle  et  que, 
parmi  elles,  se  trouvaient  anssi  quelques  monnaies  royales 
dont  la  plus  recente  (3tait  de  Jean-le-Bon. 

Valogucs.  —  Au  mois  dc  decembre  ISo.T,  deux  jour- 
naliers  qui  ,  profitant  d'un  beau  clair  de  lune,  labouraient 
une  piece  de  terre  dans  le  quartier  connu  sous  le  nom  du 
Bourg-Neuf  a  Valognes,  trouvercnt  a  pen  de  profondeur 
sous  le  sol  un  vase  en  poterie  commune  contcnant  340  mon- 
naies romaines.  Apportees  a  I'ancien  domestique  de  M. 
de  Gerville,  ces  pieces  furent  acquises  par  un  antiquaire  zele 
de  Cherbourg,  a  I'obligeance  de  qui  nous  en  avons  du  la 
communication;  le  depot  comprenail  : 

1  Julia  Domna. 

2  Gordien-le-Pieux. 
5  Philippe,  pore. 

1  Philippe,  fils. 

2  Olacilie. 

3  Trajan  Dece. 
1  Etruscillc. 

1  llerennius  Elruseus. 
3  Trebonien  Galle. 
1  Volusien. 


OANS    Li:    DKl'AnTF.Mr.NT    UK.    l.A    MWCIIK.  95 

<8  A'alcrien,  pcrc. 
76  Gallien. 
28  Salonine. 
18  Salon  in. 
182  Posliime. 
Toutes  CCS  pieces,  pour  la  pliipart  en  bon  {'tat  de  conser- 
vation, etaient  en  billons  abas  litre  et  n'olTraicnt  d'ailleiirs 
aucune  raret6  nuniismatique. 

Saint-Pierrc-Eglise.  —  Nous  termincrons  cettc 
revue  dcs  decouverlcs  de  monnaies  qui,  a  noire  connaissancc, 
ont  6te  faites  dans  le  departement  de  la  Manche,  en  1852  et 
en  18o3,  par  la  mention  d'une  pclile  piticc  de  I'epoquc 
nierovingiennc  Irouvce,  a  la  fin  de  cette  derniere  ann(5e,  dans 
le  canton  de  St-Pierre-Eglise,  en  plantant  un  pommicr. 

Cede  piece,  en  or  un  pcu  paleet  a  bas  litre,  n'u  pas  encore 
rccu,  que  nous  sachions,  d'atlriI)ution  determinec  et  le  bon 
etat  de  conservation  oii  ellc  se  trouvc  permet  d'en  donner  la 
description  suivante  :  au  droit,  +  BODRICASONO,  (retro- 
gade)  croix  a  pied  long,  foupcliu  et  perlc,  accostoe  de  deux 
symbolcs  assezsemblables  a  des  cbampignons  renverses;  — 
au  revcrs  :  DOBVALOM,  (retrograde)  croix  avec  un  petit 
globe  au-dessous  — cette  legende  doit  se  lire  ainsi  LAYBODO. 
MO.  Laubodo  moneiarins. 


FRAGMENTS 

D'HISTOIRE  LOCALE, 


PAR 

M.  Victor  LE  SEIVS. 


I 


BOURGEOIS  DE  CHERBODRG.  —  PAIRSA-BARONS. 

Cherbourg  jouissait  des  le  X*  siecle  d'une  cerlaine 
renommee.  Son  port,  comme  son  chateau, tHait.sansconfredit, 
apres  celui  de  Rouen,  le  plus  important  de  la  Normandie. 
En  940  Aigrold,  roi  de  Daneniarck,  \int  en  cette  \illeavec 
une  flotle  de  soixante  voiles.  Deux  ans  plus  lard,  cc  meme 
prince  y  arriva  de  nouveau  avec  vingt-deux  vaisseaux.  Ces 
deux  fails  seuls  denionlrent,  suffisamment,  I'existence  d'un 
port  a  Cherbourg,  dans  ces  temps  rccules. 

Nous  allons  maintcnant  rechcrchcr  ce  que  Ton  entendait 
au  moyen-age  par  le  litre  de  baron,  et  quelle  est  Topoquc 
probable  oii  les  bourgeois  de  Cherbourg  recurent  ou  priront 
le  litre  de  pairs-a-barons, 

7 


98  Favr.MENTS 

En  France,  Ic  nom  de  baron  exprimait  un  cHat  dc  liberty, 
d'homme  libre.  En  effet,  ce  mot  est  div'wd  du  vicil  allcmand 
bar,  libre.  En  Anglelerre,  il  se  rendait  par  lo  mot  freeman, 
en  Belgiqueeten  Hollandeparcelui  dcpoortcr.  L'expression 
loute  Flamande,  jooor^,  indiquait  dans  los  provinces  de  la'>. 
Belgique  (commc  en  HoUande  et  en  Angleterre  ) ,  une  ville 
ceintede  murailles  el  dont /a  6oitr(/eo/5tc,  libre  etarme'e,  se 
gardait  else  fjomernait  elle-meme,  sauf  les  droits  reserves 
ausouverain  (1). 

Ccci  pose,  il  est  clair  que  le  titre  de  baron  qui ,  comme  on 
vient  de  le  voir,  equivalait  a  celui  de  bourgeois  libre,  de  franc 
bourgeois,  ou  franc  tenancicr,  fut  donn6  a  nos  ancetres  des 
le  moment  oii  ils  obtinrcnt  la  faveur  de  garder  eux-memes 
Icur  ville  et  leur  chateau.  Il  est  certain,  d'aprtis  tous  les 
hisloriens  do  Cherbourg,  que  la  milicc  de  cette  ville  fut  cons- 
tiluee  libs  le  XI"  sitjcle,  par  Guillaume-le-Conqu6rant,  pour 
la  garde  de  la  ville  et  surtout  du  chateau.  Or,  la  garde  du 
chateau  de  Cherbourg  etant  confiee  aux  seuls  habitants  do 
cette  ville,  indique  pour  eux,  des  cette  cpoque,  un^talde 
liberie.  L'existence  dcce  fail  se  trouvc  mieux  prouvce  dans 
Ic  courant  du  XIP  siecle,  oil  nous  voyons,  pour  la  premiere 
fois,  le  mot  de  commune  applique  a  Cherbourg,  ainsi  qu'il 


(1)  Belgique  monumentale,  ville  de  Gand,  pages  28  et  36,  tome  I"'. 
—  De  Gerville,  Etudes  sur  le  departement  de  la  Manche.  au  mot 
Cherbourg.  —  Des  le  X"  siecle,  les  bourgeois  de  cinq  ports  d'Angle- 
terre,  porlaient  le  titre  de  barons  et  prenaient  rang  parmi  la 
noblesse  du  royaume.  Primltivement,  il  n'y  ea  avail  que  cinq,  inais 
leur  nombre  fut,  dans  la  suite,  porte  a  8.  Ce  sont  1°  dans  le  cornt^ 
de  ivent  :  Douvres,  Hylhe,  Rorcney,  Sandwich;  2»  Dans  celui  de 
Sussex  :  Hastii.gs,  Rye,  Scaford  et  Winchelsea.  (Bouillet,  Diction, 
hist.).  Voy.  aussi  I'ouvrage  intitule  ;  Beauties  of  Kent,  page  101;2. 


d'histoiue   I.UCXI.F..  9f 

resulle  dc  ce  passage  lire  des  rccherches  sur  Ics  anciens 
chateaux  de  la  Manclie,  par  feu  M.  dc  Gervillo  :  «  Au  niilieu 
dii  XIE"*  siecle,  diL-il,  le  seigneur  de  la  paroisse  de  Martinvast, 
faisait,  avec  la  commune  de  Cherbourg ,  le  service  du  a 
Henri,  due  de  Norniandie  et  roi  d'Anglelerre.  »  cum  com- 
niunia  de  Coisarisburgo  cum  cquis  et  armis  [\). 

Ainsi,  Ics  bourgeois  de  Cherbourg  furenl  rendus  libres 
par  Guillaume-le-Conquerant,  pour  garden  le  chateau  et  la 
ville  et  pour  les  engager  a  se  tenir  toujoui's  prets  a  repousser 
ies  invasions  el  les  tentalives  de  la  France.  Dans  le  siecle 
suivant,  Cherbourg  fut  crigeen  commune.  Cette  ville  depuis 
lors  eut  un  elat  de  prosperite  loujours  croissant.  Henri  l^'' 
fitaugmenler  les  fortifications  du  chateau.  Sa  fille,  Timpera- 
trice  Mathildc,  vint  souvent  a  Cherbourg  et  le  regno  de  son 
fils  Henri  II,  fut  pour  cetle  ville,  dit  un  hislorien  (2),  un 
temps  de  pai,\  et  de  splendeur.  Ce  prince  y  sejourna  fre- 
quemment  el  y  passa souvent  les  grandes  solenniles  de  Tannic 
avec  la  reine  Eleonore  et  une  cour  nombreuse  el  brillante. 
Enfin,  ce  mcme  prince,  loi-squ'il  n  etait  encore  que  due  de 
Normandie,  vers  \  150,  aliii  d'encourager  les  efforts  conimer- 
ciauxdesncgociants  cherbourgcois,  leuraccorda  le  privilege 
decommercer  une  fois  I'an  avec  I'lrlande.  Lorsqu'il  futdevenu 
roi  d'Anglelerre  (H74),  il  Ic  leur  confirma  par  une  seconde 
charte.  Jcan-sans-Terre,  en  1200,  et  Philippe-Augusle,  en 
1207,  u'nilcrent  ce  souverain  anglo-normand,  en  ratifiant 
cette  concession  par  de  nouvcau.x  actcs. 

Voici  rextrait  de  la  charte  de  M.3O,  concernanl  le  port  de 


(1)  Recherches  sur  Ics  anciens  chdteaux  du  d^partement  de  ta 
Manchz,  par  M.  de  Gerville,  page  48.  Caen  1825. 

(2)  Idem  —  arlicle  :  Clidtcau  de  Cherbourg. 


100  FRAGMENTS 

Cherbourg:  « Nulla  navis  de  totd Normannid  debet  eschip- 
pare  ad  Hiberniam  nisi  de  Rothomago,  exceptd  undsold, 
cui  licet  eschippare  de  Ceesarisburgo  semel  in  anno.  » 
C'est-a-dire  :  «  La  villede  Rouen  pourra  seule,  dans  toute  la 
Normandie,  t^quiper  des  navires  pour  I'lrlande;  une  seule 
fois  par  an,  Cherbourg  pourra  en  exp6dier  un  pour  celte  con- 
tr6e.  »  (I).  Du  temps  de  nos  ducs-rois,  Cherbourg  avail  des 
relations  maritimesavec  I'Angleterre  et  la  Flandre;  les  croi- 
sades  developp^rent  aussi  son  commerce  et  son  Industrie. 

D'aprfes  ce  qui  prdcMe,  nous  avons  vu  que  le  titre  de  pair- 
k-baron  existait  anciennement  dans  les  institutions  de  la 
Belgique  et  de  la  Hollande;  que  les  expressions  de  baron 
en  frangais,  freeman  en  anglais  et  poorter  en  hollandais, 
6quivalaient,  pourceux  a  qui  on  Icsdonnait,  a  cellesd'homme 
libre  ou  de  franc-bourgeois ;  que  les  habilants  de  Cherbourg 
ont  joui,  dfes  le  XI*  si^cle,  du  priviliige  de  se  garder  cux- 
memes,  Ce  qui  constituait  pour  eux  un  ^tatde  liberty,  etat 
qui  leur  donnait  la  prerogative  de  s'intituler  barons  ou 
francs-bourgeois;  que  le  nom  de  commune  est  appliqu6 
a  Cherbourg,  d'une  maniere  absolue,  dans  le  XIFsiecle; 
qu'enfin  le  port  de  Cherbourg jouissait  des  M50  du  privilege 
de  commercer  une  fois  I'an  avec  I'lrlande,  Par  const'quent, 
il  resulte  de  ces  faits,  que  le  titre  de  pairs-a-barons,  donn6 
i  nos  ancetres,  remonte  au  moins  au  XIP  siecle,  et  que  les 
prerogatives  soi-disant  accordees  aux  Cherbourgeois,  scion 
les  uns,  par  Charles-le-Mauvais,  roi  de  Navarre  et  seigneur 
de  Cherbourg,  en  1366,  et  selon  les  autres  par  Charles  VII, 
roi  de  France,  n'eiaient  que  la  confirmation  de  privileges 
beaucoup  plus  anciens. 

(1)  Le  Vidimxks  de  cette  charte  se  irouve  aux  Archives  municipales 
de  Rouen. 


d'histoire  locale.  fOf 


JGLISE  DE  LA  SAINTE-TRINITl  -  FONTS  BAPTISMUX. 

Dans  leurs  ouvrages  intitult5s  :  Guide  du  Voyageur  d 
Cherbourg,  MM.  de  Berruyer  et  Fleury  ont  donnti  la  des- 
cription des  objets  remarquables  de  l'(^glise  Sainte-Trinit6. 
M.  Til.  Dumoncel  a  aussi  decrit  savammenf,  dans  la  Revue 
Arche'ologique  dude'partement  de  la  Manche,  les  curieuses 
particulariU^s  architectoniqucs  de  cette  ineme  egiise,  mais 
aucun  de  ces  aiiteurs  n'a  pai'16  des  fonts  baptismaux  qui 
cependanl  ofTrent  de  I'int^ret,  lant  sous  le  rapport  de  leur 
configuration  que  par  les  sculptures  qui  s'y  trouvent. 

Voici  la  description  de  ce  petit  monument  avec  I'explica- 
tion  de  ses  myst^rieux  synibolcs  :  la  piscine,  de  figure  octo- 
gone,  est  en  pierre  calcaire  eta  la  forme  d'unecoupe  antique; 
sa  bauteur  est  de  1  m.  2  c.  Le  p^rimelre  de  la  parlie 
superieure  mesure  3  m.  10  c.  A  la  partie  inferieure,  on 
remarque  une  inscription  en  relief,  sur  une  bande  octogone, 
dont  le  pcrimetre  est  dc  2  m.  6  c.  La  bauteur  des  leltres,  est 
de  0  m.  08  c.  Le  pourtourest  orne  de  diverses  sculptures; 
on  y  voit  des  dragons,  des  sir^nesdont  I'une  a  le  visage  d'une 
fonime  et  le  corps  d'un  oiseau  (1)  et  I'aulre,  la  figure  d'uno 


(1)  Tous  les  peintres  el  les  sculpleurs  representent  les  sirenes 
coinmemoitio  femmes  et  moitie  poissons,  mais  ii  tort,  dit  iN'apoleoa 
Landais,  car  les  poetes  et  les  auleurs  les  plus  recommandables  les 
depeignenl  tiioilie  femmes  ct  moilie  oiseaux.  Pline  les  place  parmi 
les  oiseaux  fabuleux,  et  Ovide  lour  donne  des  visages  de  fliles,  avec 
des  plumes  ct  des  pieds  d'oiseaux. 


f02  inAG.MENTS 

femnie  ct  le  corps  d'un  lion.  Enfin,  on  y  remarque  un  per- 
sonnagevelu  liiUant  conlre  deux  griflons. 

Dans  le  dragon  cliaciin  reconnait  I'cnnemi  du  genre 
htimain.  II  est  represenle  sur  Ics  fonts  baptismaux  pour 
marquerquerhommc,  etant,  par  le  pt^che  originel,soumis  a 
I'empire  du  demon,  est  rogcnerS  par  la  grace  sanclifiante  et 
les  vertus  infuses  que  lui  communique  le  bapleme. 

Quant  aux  griffons  et  aux  sirenes,  il  ne  faut  pas  s'etonner 
de  les  voir  figurer  sur  un  monument  consacr6  auculte.  Le 
griffon  avail  He  adopte  commc  ayanl  les  qualites  qui  con- 
viennent  a  un  gardlen,  et  comme  doue  du  pouvoir  d'eloigner 
les  mauvais  esprits;  aussi  remarquons-nous,  sur  nos  fonts 
baptismaux,  deux  griffons  luttant  centre  le  prince  des  tene- 
Lres.  Lebec  acere  du  griffon,  disentcerfainsauteurs,  marque 
la  prudence;  les  ailes,  tout  en  exprimanl  la  diligence, 
signiflent  aussi  le  pouvoir  spirituel  s'elevant  sur  les  ailes  de 
I'esprit  au-dessus  des  temporalites  terreslres.  La  sirene  6tait 
remblerne  de  la  vie  spirituclleet  de  la  vie  naturelle  du  Chre- 
tien (I).  Son  image  placee  sur  les  fonts  baptismaux  rappelait, 
comme  le  poisson,  leseauxdu  bapteme,  ou  les  fideles,  disent 
Jes  Bcnedictins,  sent  regener^s  et  acquierent  la  vie  spirituelle 
de  la  grfice  ,  commc  le  poisson  est  cngendre  dans  I'eau  ct  ne 
pent  vivre  bors  de  cet  element.  »  La  sirene,  sous  la  forme 
du  lion,  marquait  .sansdoule  que  lechretien  devait  combattre 
I'esprit  malin  avec  force  ct  courage. 

Les  lettres  de  I'inscription,  flcurics  ct  d'un  genre  fort 
gracieux,  annoncent  le  XV*  siecle.  L'inscription  est  ainsi 
concue  :  Aqua  regcnerans.  Pons  salutis  et  veritatis,  C'est- 
a-dire  :  Eau  regeneratrice.  Source  de  sahit  el  de  veritt>. 


(1)    Vocabulaire  des    symboles   et  des  altribiiis   religievx,  par 
M.  I'abbe  Crosnier,  cbanoine  Ac  Nevers. 


d'uistoire  locale.  103 

Les  fonts  bapUsmaux  sent,  avec  lachaire,le  tablcau'reprc- 
sentant  la  visife  des  saintes  femmes  au  tombeau  de  Jesus,  et 
la  cloche  qui  est  aujourd'hui  la  seconde,  les  sculs  objcts  qui 
aientechappo  au  vandalisme  revolulionnaire.  Le  baplistt;rc 
de  noire  cgiise  etait  anciennement  place  sur  la  droite  de  la 
grande  nef,  en  entrant  parle  porlail  principal,  entre  les  deux 
premiers  piliers  et  en  face  de  la  seconde  fenetre  dont  le 
vitrail,  en  verres  de  couleurs ,  represcntait  le  bapleme  de 
notre  Seigneur. 

Les  fonts  baptismaux  avaicnt  ete  ensevelis  sous  les  deconi- 
bres  provenant  de  la  d6vaslalion  de  roglisc,  ct  c'esta  cetle 
particularity  que  Ton  en  doit  la  conservation. 


m.  FRERET,  ARTISTES. 

Notre  premier  devoir  est  de  rccucillir  ct  dc  conservcr 
pour  I'histoire  locale,  les  fails  contcmporains  digncs  d'atlen- 
tion,  afin  de  dissipcr  des  doutcs,  soil  en  reproduisant  de 
vicux  tilres,  soil  en  faisant  connaitre  les  noms  d'hommes 
distingues  dont  la  menioirc  nc  man(|ucralt  pas  dc  lumber 
dans  I'oubli ,  si  Ton  n'en  consignait  le  souvenir. 

C'est  done  pour  parvenir  a  cc  but  que  nous  donnons  la 
copie  d'un  diplOme  aussi  intirossant  uu  point  de  vue  histo- 
rique,  qu'il  est  honorable  pour  cclui  qui  en  est  robjet.  Get 


104  FRAGMKNTS 

actecstrelatifaun  artiste cherbourgeois,  aujourd'liui  inconnu 
ou  oublie,  qui  s'occupait  d'art  avec  asscz  de  zele  et  de  talent 
pour  etre  nomme,  en  1785,  peintrede  la  reine  Marie-Antoi- 
nette. 

Nousvoulonspaiier  ici  de  feu  M.Lonis-BarthelemyFreret, 
artiste  peintre.  Get  homme  distinguii  fut  61u  membre  de  la 
Socicte  Academique  en  1808  (1).  11  a  peint  plusieurs  sujets 
de  nature  morte,  (2)  et  quelques  tableaux  de  fruits  qui  ont 
etd  graves;  I'un  deceux-ci  existeencoredansles  appartements 
autrefois   occupes  par    Maiie-Antoinctte,  a  Versailles.   II 
composa  aussi  Ics  plans  des  jardius  de  Trianon.  Get  artiste 
excellait  surtout  dans  I'art  de  pcindre  les  fleurs.  Le  gout  le 
plus  delicat,  le  coloris  le  plus  brillant,  le  pinceau  le  plus 
nioelleux,  joints  a  une  imitation  parfaite  de  la  nature,  lefirent 
distinguer  de  ses  rivaux;  et  la  reine,  pour  le  rt^compenser  de 
son  zele  et  de  ses  Iravaux,  Ic  nonima  son  peintre  de  fleurs 
tHrangercs. 
Voici  la  copie  du  brevet  que  Sa  Majoste  lui  accorda  : 
«  Aujourd'hui  premier  jour  de  juin  mil  sept  cent  qualrc- 
vingl-cinq.  La  rcineetanta  Versailles,  d^sirant  favorablcment 
traitor  le  sicur  Louis-Bartbelemi  Freret,  sur  le  rapport  qui 
iui  a  6te  fait  de  sa  person  no  et  de  ses  talents,  Sa  Majeste  lui 
aaccordti  et  lui  accorde,  par  le  present  brevet,  le  titre  de  son 
peintrede  fleurs  etrangeres,  voulant  qu'il  puisse  s'en  quali- 
fier dans  tons  actcs  publics  et  particuliers,  et  qu'il  jouissc 
du  dit  tilre  aux  bonneurs,  prerogatives  ct  autres  avantages 
qui  peuventyetre  allacbes.  Et  pour  assurance  de  savolonte, 
Sa  Miijost(5  m'a  commando  d'cxpodier  au  siour  Freret,   le 


(1)  iM.  Pinel  a  donne  la  biographie  de  M.  L.   B.  Freret. 
(a)  La  Socjete  acadi'miquc  possedc  deux  de  ces  tableaux. 


bHISTOIRE    LOCALE.  105 

present  brevet  qu'elle  a  signt^  de  sa  main  et  fait  contresigner 
par  moi  consciiler  d'Etat,  conseiller  secretaire  des  comman- 
dements  de  la  reine  et  de  ses  niaison  et  finances.  » 
Sign6  :  «  Marie-Antoinette.  » 
Sign6  :  «  Beaugeard.  » 

La  famille  de  cet  artiste  a  encore  donne  a  la  vjlle  de  Cher- 
bourg plusieurs  hommes  de  m6rite. 

i°  M.  Pierre  Freret,  p^reduprt^c^dent.l'undesfondateurs 
de  la  SocioteAcadeniiquede  Cherbourg,  estauteurdutombeau 
^leve  dans  Teglise  de  Biville  (Hague)  en  I'honneur  du  bicn- 
heureux  Thomas-Helie  et  do  la  chaire  de  I't^glise  Saintc- 
Trinite  de  Cherbourg  (1). 

2"  M.  Frangois-Armand  Freret,  sculpteur.  Le  mus^e  naval 
de  Brest,  conserve  plusieurs  de  ses  ceuvres.  Les  travaux  de 
cet  artiste  sent  compares,  a  juste  litre,  a  coux  de  Puget.  Les 
magnifiqucs  sculptures  du  maitrc-autel  de  I'eglise  Sainte- 
Trinitt'",  sontde  cet  artiste,  ainsi  que  Telegante  et  gracieuse 
viergequidecore  I'une  des  chapelles  laleralcs  de  celtc  meme 
t^glise.  On  lui  doit  aussi  la  statue  ct  les  divers  ornementsdu 
canot  construit  a  Cherbourg  en  1811  pour  Napoleon  I",  les 
ciselures  de  la  fonlaine  des  Caveliers  et  le  frontispice  du  fort 
imperial. 

3°  M.  Pierre  Freret,  peintre  de  marine  et  de  genre,  a 
compost  divers  tableaux  qui  ont  ete  graves,  entrc  autros, 
ceux  qui  represcnlent  les  memorables  combats  de  noire 
compalriote,  le  contrc-amiral  Troiide. 

4°  M.  Louis-Victor  Freret,  ancion  maifrc  sculpteur  de  la 


(1)  Celte  chaire  pleine  de  gout  el  d'elegance,  est  le  seul  morceau 
de  sculpture  qui  ait  echappe  ;i  la  main  devaslatrice  et  sacrili'ge 
des  vandales  de  1793.  lis  la  conscrv6reiit  pour  y  faire  la  lecture  dis 
jouriiaux,  les  jours  dc  decade. 


106  rRACME.NTS  d'histoihe  locale. 

marine  an  port  Je  Cherbourg,  fils  de  Francois-Ai'mand,  est 
auteurde  la  statue  dc  sainte  Anne  placee  dans  la  chapelle 
des  fonts  de  rc"^glise  Sainle-Trinile.  Get  artiste,  qui  liabite 
actucllement  I'Angleterre,  a  cisele  en  1850  des  candelabres 
destines  au  prince  royal  de  Suede.  Ces  niagnifiques  pieces 
d'art  ont  etercproduitcs  dans  le  journal  intitule  :  The  illus- 
trated London  News,  du  23  novcmbre  1850. 

5°  M.  Leon-Louis  Frcret,  fils  du  precedent,  pensionnaire 
du  Conservatoire  imperial  de  musique,  est  jusqu'a  present 
le  seul  de  nos  concitoyens  qui  ait  obtenu  ce  litre. 

G"*  Enfin,  M.  Armand-Auguste  Freret,  frere  du  precedent, 
ex-pensionnaire  de  la  ville  de  Cherbourg  et  ancien  eleve  de 
I'Ecole  des  beaux-arts,  se  distingue  aujourd'hui  parde  char- 
mtints  Iravaux  et  promct  de  devenir,  comnie  ses  peres,  un 
artiste  de  merite.  Quoique  ires  jcune,  le  jury  de  I'Exposition 
generate  des  produits  de  I'industrie  et  des  arts  du  departe- 
ment  de  la  Manche,  lui  a  accordc  en  1852  une  niedaille  de 
bronze.  II  a  encore  obtenu  le  succcs  le  plus  brillant  a  I'Expo- 
sition des  beaux  arts,  ouvcilc  a  Avranches  le  19juillct  1854  ; 
le  jury  de  celte  Exposition  lui  a  deccrne  une  medaille  d'or. 


NOTICE   HISTORIQUE 


SUR 


BARTH^LEMI  PIGQUEBEY, 

PRETRE  DE  CDERBOURG  AU  IW  SIECLE, 


ET   sun 


LES  EBUITAGES 


DE  SAI?iT-S 


ET  DE  SUOT-ACIIARD, 


PAR 

n.  A.-E.   LESI>OS, 


~r~tsar 


La  villc  de  Cherbourg  peut,  ajusle  litre,  revendiquer 
I'honneur  de  coinpler  parmi  ses  citoyens,  ct  a  diverses 
i^poques,  des  personnages  qui  so  sont  rcndus  iliustrcs  par 
leiirs  vcrliis  el  par  leiirs  talents.  A  une  epoquc,  riclic  en 


<08  NOtlCU    sill    LES    EKMITAGES 

tout  genre  de  gloire  pour  la  Franco,  au  XV'IP  siicle,  il  en  parut 
un,  surtout,  tlont  la  vie  futconsacr^e  specialementet  uniquc- 
ment  a  h  bienfaisancc.  II  rechercha  toutes  les  infortunespour 
les  soulager,  mais  il  se  montra  d'une  maniere  toute  particu- 
liere  I'appui  et  le  consolaleur  des  pauvres.  Ce  fut  un  ange 
que  le  ciel  donna  pour  un  temps  a  nos  ancfitres;  ils  ont 
a.lmirt^  ses  vertus  et  nous  en  ont  legui^  le  souvenir,  tachons 
aussi  de  ie  transmettre  a  nos  descendants  afln  que  son  noni 
soil  elernellement  beni. 

Messire  BartliiJlemi  Picquerey  naquit  a  Cherbourg,  le  10 
oclobre  IG09,derniere  annee  du  regno  de  Henri  IV.  Sonpere, 
Thomas  Picquerey,  et  sa  mere,  Perrette  Le  Pesqueur, 
vivaient  dans  cet  etat  de  fortune  que  Ton  appelait  alors  la 
bonne  bourgeoisie.  Leur  merite  personnel  etait  reconnu  et 
proclamed'une  voix  unanimc  paries  habitants  de  notre  cite, 
lis  jouissaient  par  consequent,  au  milieu  de  leurs  contem- 
porains,  de  la  consideration  et  de  I'estime  qui  rcndent  la 
reputation  solide. 

En  1621 ,  la  peste  se  declara  a  Cherbourg.  Soit  quelle  y  eut 
6te  apportee  par  un  navire  marchand  revcnu  de  Larochelle, 
soit  que  Ton  ne  sut  pas  reclleinent  comment  elle  s'y  etait 
introduile,  il  est  toujours  certain  qu'elle  fit  de  grands  ravages, 
non  seulement  dans  I'inti^rieur  dcs  murs  de  la  ville,  mais 
encore  dans  les  campagnes,  puis  enlin  par  toute  la 
province  de  Normandie.  Cherbourg  semblait  elre  un  lieu  de 
predilection  pour  cc  fleau.  Des  rues  elroites,  torLueuses  et 
malpropres;  des  passages  sombres  et  plus  sales  que  les  rues, 
sous  des  maisons  agglom^rees  et  mal  baties,  ou  I'air  et  la 
lumi^re  penetraient  a  peine;  un  port  vasle  et  informe,  offrant, 
amcrbasse,  un  receptacle  de  bones  puanteset  parconsequent 
insalubres;  enfin,  autour  de  la  ville  et  du  chateau,  des  fosses 
remplis  d'eaii  stngnante  et   d'immondiccs,  lout  cela  contri- 


T)E    SAI.NT-SALVF.LR    ET    SAI.NT-ACHAUD.  U)'.) 

buait  inclubitablement  au  rctour  frequent  de  la  conhigion. 
Aussi,  etait-ce  pour  la  sixieme  foisqii'cUe  vcnait  decimer  la 
populalion,  seulement  depiiis  le  commencomenl  du  XVI* 
siecle,  et  dans  un  inlervalle  dc  1 17  annees.  Elle  avail  paru 
en  1504,  1317,  4046,1534  611592,  maisen1621  elle  s6joiirna 
plus  longtemps,  jusqu'en  1623,  et  fit  perir  un  plus  grand 
nombre  de  viclimes.  Un  capticin  de  Cherbourg,  le  frcre 
Claude,  qui  s'etait  devoue  au  service  spirituel  et  corporel  des 
pestif^res,  mourut  alors  en  remplissant  celle  sublime 
fonclion. 

Croyanl  trouver  un  prt^servalif  centre  le  fl^au,  beaucoup 
de  Cherbourgeois  se  retirerent  dans  les  campagnes.  Thomas 
Picquerey  fut  de  ce  nombre.  II  conduisit  safemmeet  six 
onfants  qu'il  avait  a  Martinvast,  oil  il  poss^dait  une  petite 
ferme.  Mais  ce  fut  en  vain,  le  mal  qu'ils  cherchaient  a  fuir 
les  atleignit  dans  leur  retraite.  Le  p6re,  la  m^re  et  qiiatre 
enfants  en  moururent.  Barlhelemi  et  une  soeur  ainee, 
nommee  Catherine,  furent  les  seuls  qui  revinrenten  sant^. 

(]et  eveneraent  changea  d'une  maniere  6tonnantc  le  jeune 
Picquerey.  Prt'cedemment  on  avait  remarque  en  lui  un 
enfant  vif,  etourdi,  ardent  jusqu'a  la  colere,  fuyant  comme 
un  supplice  I'application  aux  choses  s(?rieuses,  et  cependant 
d'une  sensibilile  excessive,  mais  alors  on  le  vit  devcnir  lout- 
ii-coup  doux,  sageetsludieux.  II  s'adonna  ra6mea  la  pratique 
de  la  piet6  avec  une  fervour  que  Ton  rencontre  raremenl^ 
cet  age.  Sa  soeur  lui  servit  de  miire.  Elle  se  maria  et  eut 
plusieurs  enfants. 

Dans  ce  temps  brillait  a  Cherbourg  un    professcur  de 
bcllps-leltrcs,  eleve  de  I'universite  de  Caen,  et  qui  avait  c'tii  . 
rcQuavocatau  parlement  dc  Rouen.  II  s'appelait  M.  Pierre 
Lcroux.  Par  sa  conduite  irrcprochable  et  son  savoir  dtendu, 
il  s'etait  acquis  la   confiancc  des  families,  ct  beaucoup  dc 


^^0  NOTICK    SUK    I.ES    ERMITAGES 

jeunes  gens  suivaient  ses  lecons.  Ce  fut  aupres  de  cet  excel- 
lent mailre  que  Barthelemi  commenca  ses  etudes,  pour  les 
conlinucr  a  Montebourg,  el  les  aclievcr  a  Caen.  A  seize  ans,  il 
suivait  Ic  cours  de  philosophie  dans  celtc  ville.  S'etant  lie 
avec  les  capucins,  il  prit  la  resolution  d'enlrer  dans  leur 
ordre.  II  quitta  done  la  philosopliie  pour  la  regie  de  saint 
Frangois.  L'annee  du  noviciat  expiree,  sur  le  point  d'accorn- 
plir  sa  profession  ,  il  balanca,  puis  quitta  la  communaute, 
pour  reprendre  ses  etudes,  et  devenir  prfitre  seculier.  II  etait 
'dans  sa  dix-huitieme  annee.  Mais,  pour  etre  plus  libre,  il 
revint  a  Cherbourg  mettre  ordre  a  ses  affaires  temporelles.  II 
donna  sa  fortune  a  sa  soeur,  et  ne  se  reserva  qu'un  revenu 
indispensable  pour  n'etre  a  charge  a  personne.  Dt^livrt;  de 
soins  et  de  soucis,  il  retourna  continucr  son  cours  de  philo- 
sophie  a  Caen. 

En  1628,  il  se  rendita  Coutances  pour  rccevoir  la  tonsure, 
mais  Mgr  Bourgoin,  mortdepuis  trois  ans,  n'avait  pasencore 
de  successeur  r^el.  CarLeonor  de  Matignon,  abbede  Lessay, 
nomm6  par  Louis  Xfll,  eveque,  au  si6ge  vacant ,  n'etait  pas 
encore  pretre,  et  n'etait  age  que  de  21  ans.  Les  vicaires 
generaux,  adminislrateurs  du  diocese,  adresserent  Barthe- 
lemi Picquerey  a  Mgr  Francois  de  P«iricard,  6v6que  d'Avran- 
ehes,  qui  lui  donna  la  confirmation  et  la  tonsure.  En  1631, 
11  fut  fait  sous-diacre  ii  I'abbaye  de  Montebourg,  par  rabb(3, 
qui  etait  eveque  du  Puy. 

Un  protre  de  Saint-Malo,  M.  Buisson,  avait,  a  cetto 
epoque,  une  reputation  do  saintetejustement  meritee  qui 
s'etcndait  au  loin.  II  consacrait  son  temps  et  sa  fortune  au 
soiilagementel  al'instructiondesenfants  pauvres.  Barthelemi 
voulut  le  connaitre  afin  dese  former  a  son  ecole.  II  alia  pn^s 
delui,  elypassa  trois  mois.  En  1632  il  retourna  a  Montebourg 
pour  etre  ordonne  diacre.  Enfin,  en  1633,   apr^s  avoir  etc 


I)K    SAINT-SA.LVELK    KT    SAIN  i'-ACIIAKK.  Mi 

sacre  a  Alenc-on,  Mgr.  Loonor  P""  de  Malignon  fil  son  entree 
solennelle  a  Coutances  le  15  decenibre,  ct,  le  17,  ilc(^lebra 
sa  premiere  ordinalion  dans  la  cadiedrale.  Barlhelemi  y  fut 
fait  pretre  ,  ct,  le  jour  de  Noel,  il  dit  sa  premiere  messe  a 
Cherbourg.  Tout  aussitdt  il  rcgut  de  I'ov^que  le  pouvoir  dc 
confesser. 

Bientutil  fit  un  nouveau  voyage  a  Sainf-Malc,  ety  sd'journa 
encore  trois  mois.  Ayant  complete  son  instruction  dans 
I'exercice  dcs  vertus  6vangeliques,  il  revint  a  Cherbourg 
meltre  sa  science  en  usage,  afin  de  s'amasser  ces  tresors 
que  la  rouille  n'attaque  point ,  ct  que  les  voleurs  ne 
peu\ent  enlever. 

Ce  fut  une  bonne  fortune  pour  MessireRaoul  Grisel,  cure 
de  I'eglise  Saintc-Trinite,  de  rencontrer  un  coop^rateur  tel 
que  Barthelemi  Picquerey.  L'enfance  altira  d'une  manierc 
specialc  sa  sollicitude.  II  savait  quo  les  principes  de  verlu 
grav(['s  dans  I'esprit  et  dans  le  coeur,  des  la  plus  tendrc  jeu- 
ncsse  ,  y  prcnnent  I'acine,  et  se  dtH-eloppent  pour  porter  des 
fruits  dans  Tagc  virii,  et  voila  pourquoi  il  s'appliqua,  dans  le 
commencement,  et  toujours,  sans  perdre  jamais  courage,  a 
I'augusle  fonction  de  predicateur  des  enfanls.  A  I'cxemple 
de  Jesus-Christ,  il  (!:tait  iieureux  an  milieu  d'eux.  II  aimait  a 
y  jouir  de  la  purete  et  de  I'innocence  qui  font,  de  ces  faibles 
et  interessantes  creatures*,  les  angcs  de  la  terrc  et  la  joie  dcs 
families.  C'est  ce  souvenir,  reste  dans  notre  population,  qui 
a  rendu  son  tombeau  pr^cieux  aux  meres,  surtout  quand 
elles  redoutent  les  maladies  auxquelles  les  enfants  succom- 
bent  frequemment. 

L'eglise  n'etait pas Ic  seul  endroitoii  Barthelemi  catc^chisat. 
Lorsque  le  temps  elait  beau  ,  tout  lieu  lui  devenail  propice. 
On  rapportc  qu'il  tit  eriger  a  ses  frais  une  belle croix  en 
pierre  sur  une  place  qui  se  trouvait  entre  les  murs  forlifit^s 


H2  NOTICE    Silt    l.ES    KKMITAGKS. 

de  la  villc  cl  lo  faubourg,  c'cst-a-ilire  a  I'cuiplacemenl  que 
la  rue  de  la  Fontaine  occupc  aujourd'hui,  et  qui,  pourcette 
raison ,  futappels^e  longlempsrue  Croix-de-Carrcau.  Barth6- 
lemi  voyant  la  de  frequcntcs  rt'unions  dont  le  but  hii 
paraissait  blamablc,  voulut ,  par  I'erection  du  signe  sacrt'', 
imposerle  respect,  et  dt^truire  tout  rassemblenient  dangereux 
pour  les  mceurs.  II  y  venait  de  temps  en  temps  avec  sospetits 
disciples,  ou  bicn  il  les  conduisait  a  Octeville,  surla  bauteur 
de  Bellovue,  ou  6tait  une  petite  cbapelle  en  mines,  autrefois 
sous  le  patronage  de  Sainte-Honorine ,  et  qui  a  laissc  son 
nom  a  la  rue  qui  descend  de  cette  hauteur  vers  la  rue  du 
Faubourg.  Une  autre  cbapelle  en  ruines  etuit  parfois  aussi  le 
but  des  promenades  et  des  instructions  de  noire  pretre.  Ello 
se  trouvait  entre  la  rue  de  I'Abbaye  ct  la  mer,  non  loin  de 
Chantereyne,  oii  la  tradition  nous  apprend  que  debarqua  la 
reine  Matbilde.  Elle  etait  sous  I'invocation  de  saint  Tbomas, 
archeveque  de  Canlorb^ry.  (I) 

Les  instructions  de  Rarth^lemi  Picquerey,  sa  bienfaisance, 
sa  vie  austere  ne  lardtrent  pas  a  6veiller  I'attention  des 
habitants  de  Cherbourg,  el  a  populariser  son  nom.  Iln'avait 
point  de  recherche  dans  son  langage.  II  s'cHudiait  a  etre 
simple,  vulgairc  meme  pour  etre  bien  compris.  Possedanl  la 
lelire  et  I'esprit  de  I'Ecriture  sainte,  11  savait  mettre  a  la 
portee  des  intelligences  le  moins  developpees  les  sublimes 
enseignements  que  renferme  ce  livre  divin.  Mais  ce  qui  le 
rendait  pcrsuasif,  c'est  qu'il  pratiquait  rigoureusement  lui- 
meme  tout  ce  qu'il  disait.  Dans  le  tribunal  sacre  il  avail 
une  telle  onction  pour  reprendre  et  pour  conseiller,  que  Ton 
entrait  en  participation  de  I'amour  qu'il  6prouvait  pour  Dieu 
et  de  I'horreur  qu'il  ressentait  pour  le  vice.  Mais  ou  il 
paraissait  surfout  pen^tri^  de  la  grandeur  de  son  minist^re, 

(1)  On  en  trouvera  plus  loin  la  notice 


DK   SAINT-SAL V EUR    KT    SAINT-ACHARD.  i]'i 

c'itait  a  Tautel.  On  dit  que  souvent  il  cnlrait  dans  iinc  con- 
templation si  profonde  au  moment  oil  la  presence  de  Dieii 
s'effectue  reellcment  et  mysterieusement,  qu'il  fallait  Ic  prd- 
venir  afin  que  le  sacrifice  ne  fut  pas  interronipu.  II  ne 
celebra  jamais  la  messe  par  habitude.  On  pent  du  reste  dire 
que  sa  vie  fut  une  communion  continuelle  avec  Dieu. 

J'ai  dit  les  ravages  de  la  peste  en  1621;  en  1626,  clle  etait 
encore  revenue  desoler  pendant  six  mois  la  population  de 
Cherbourg,  qui  ne  s'l^levait  peut-etre  pas  au-dessus  de  5,000 
ames,  ct  au  nombre  dcs  victimes  fut  le  euro,  Messire  Gralicn 
Bouillon,  quimourutle  15du  mois  d'aout,  jour  de  I'assomp- 
tion  de  lasainte  Vierge.  Parsuitedecette  longuereapparilion 
du  fl^au  destructeur,  on  voulut  purifier  THotel-Dieu  ;  Ic  feu 
y  prit  par  accident,  et  il  fut  reduit  en  cendres.  Privcs  de 
ressources,  les  habitants  no  purent  s'occuper  de  sa  recons- 
truction avant  I'annoe  1639,  et  son  achevement  n'eut  lieu 
que  loTigtemps  apr6s.  Les  pauvres  maladcs  6taient  done 
roduits  k  la  position  la  plus  alTreuse  que  Ton  puissese  figurer. 
On  en  voyait  quelquefois  d'etendus  dans  les  rues  ou  dans 
ces  passages  sombres  et  malproprcs  dont  il  nous  reste  des 
vestiges  assez  norabreux.  La,  les  malades  elaient  en  danger 
de  p6rir  si  la  pitie  ne  parlait  pas  pour  eux.  Frappe  de  ce 
trisle  spectacle,  Barlhelemi,  comme  un  autre  Vincent  de 
Paul,  fut  ingenieux  a  les  secourir.  II  sortait  silencieusement 
de  sa  maison,  parcourait  les  rues,  visitait  tous  les  recoins  ou 
il  croyait  trouver  des  malheureux  delaiss6s.  Si  le  succes 
repondail  a  son  altente,  il  les  cmmenait  choz  lui  oil  ils 
trouvaient  tout  ce  qui  Icurelaitnt'cessaire.  II  se  privaitmeme 
de  son  lit  pour  ne  pas  pcrdre  I'occasion  de  soulager  ou  de 
sauver  un  infortune.  Savaii-il  une  famille  dans  la  dtHresse, 
des  ouvriers  sans  travail,  d(;s  chagrins  sans  consolation,  des 
quorellcs  dont  los  suites  pouvaionl  61re  funcslos,  ila\isait 

S 


114.  NOTICE    suit    I.ES    RUMlTAfiF.S 

anx  moycns  ilc  rcmcdier  h  (out.  Ricn  n'ocliappail  a  sos 
investigations  :  sa  cliarite  etait  indpuisable.  On  I'appela  le 
hon  mcssirc  Barthelcmi. 

Les  paroisses  de  la  Hague  et  du  Val-de-Salre  resscnlirent 
aussi  les  effets  de  son  zele  apostolique.  A  la  dcmandc  des 
cures,  il  y  faisait  de  temps  en  temps  des  missions,  ou  bien 
il  prcnait  part  a  celles  que  d'autres  pretres  y  clablissaient. 
En  quclque  lieu  qu'il  parut,  son  genre  de  vie  etait  toujours 
le  mcme.  On  ne  le  vil  jamais  s'asseoiraune  table  splendidc: 
la  nourriture  la  plus  commune  lui  suffisait. 

Apres  vingt-quatre  annexes  de  travaux,  d'auslt^riti^s  ct  de 
bonnes  oeuvres,  sa  sanle  s'affaiblit  a  lei  point  que  Messire 
Michel  Groult,  cure  de  Cherbourg,  crut  devoir  lui  adresser 
de  paternelles  reprimandes,  pour  avoir  porte  si  loin  I'exces 
de  son  zcle  et  de  sa  fervour.  II  avoua  son  tort,  et,  ne  se  cro- 
yant  plus  utile,  il  prit  la  r(5solution  de  vivre  desormais  dans 
la  I'etraite.  Deja  il  avait  6prouv6  quelque  allrait  pour  la 
solitude,  et  peut-6tre  les  ermitages  de  la  montagne  du  Roule 
oil  il  allait  de  temps  a  autre  lui  en  donn6rent-ils  I'idce. 

Dans  cctte  intention,  il  projeta  la  recdification  de  la  petite 
chapclle  de  Bellevue  dedi^e,  comme  on  I'a  vn,  a  la  vierge 
sainte  Honorine.  Quoi  que  ce  simple  et  modeste  monument 
fut  un  Icmoignage  respectable  de  piet6,  peul-etre  meme  de 
reconnaissance,  personne  ne  tenait  a  honneur  d'enreclamer 
la  propriele.  Cependant  elle  devait  dependre  de  I'^glise 
paroissiale  d'Octeville,  etotre  du  ressort  des  seigneurs  abbes 
de  Nolre-Dame-du-Voeu.  Cette  chapelle  etait  tombce  en 
ruines,  parce  qu'elle  n'avaitaucune  espece  de  revenus  pour 
etre  entretenue  et  desscrvie.  Bartlielemi  ne  rencontra  pas 
d'obstacles  pour  accomplir  son  projet.  Il  fit  venir  de  Caen 
cinq  statues  en  pierrc  calcaire  pour  les  placer  centre  le 
mur  du  fond,  el  Tautel  en  avanl.  La  jjrincipale,  ccllc  du 


DE    S.M.NT-S.UVEUH    KT    S\I.\T-Af;UARn.  M^j 

Christ  SOUS  Ic  nom  ile  Sainl-Sauveur,  dc  grandeur  a  pcu 
pres  nalurellc,  fut  placecau  milieu;  les  autrcs,  plus  pelilcs, 
reprt^sentant  Notre-Damc,  sainte  Ilonorine,  saint  Eutrope  ct 
saint  Sulpice,  sur  les  C(3tt5s.  Ce  sont  ccs  niemcs  images  que 
Ton  voit  encore  aujourd'ljui.  En  16o9,  conimc  Ic  porte 
I'inscription  placi^e  au  dessus  de  la  balustrade  du  cliceur, 
la  chapelle  etant  completement  reedifiee  rcqul  Ic  iioni  de 
Saint-Sauveur  qu'elle  a  conserve  jusqu'a  present.  Barllielemi 
fit  en  outre  construire  aupres  un  petit  ermitage  pour  sa 
residence,  puis  entoura  de  nuirs  le  terrain  qui  ctaiten  avanl, 
comme  pour  en  former  un  cimetiere. 

Le  voila  done  qui   s'installc  dans  sa  solitude.  Desormais 
tranquille,  independant,  il  pent,  au  sein  de  I'oisivctti,   voir 
coulerdes  jours  heureux,  sans  soucis  etsans  regrets.  II  peut 
recourir  a  tout  ce  qui  contribue  aubien-fitre,  userdeschoscs 
avec  raod(}ration,  en   un  mot,   mcttre  en  pratique  tous  les 
prtceptes  d'unc  sagesse  douce  el  pliante.  Telle  ne  fut  pas  sa 
maniere  de  vivrc.  Pendant  23  ans  environ  qu'il  sejourna  a 
Saint-Sauveur,  son  application  constante  fut  de  marcher  sur 
les  traces   des  anachoretes   dont  I'histoire  de  I'Eglise  nous 
retrace  les  austerites.   II  dormait  peu,  et  encore,  souvent  la 
terre  etait  son  lit  de  repos.  II  jeiinait  continuellemcnt,  ct 
quand  riieure  de  ses  rcpas  etait  venue,  du  pain  sec  ct  do 
I'eau  lui   suflisaient,  a  moins  que,  sur  I'avis  des  medecins, 
ses  superieurs  n'exigeassent  de  lui  qu'il  apportat  de  I'adou- 
cissement  a  ce  regime.  Son  vetement  ne  se  faisait  remarquer 
que  par  la  grossierete  du  drapdontilelaitforme.il  etait 
frequemment  en  prierc  ct  en  contemplation.  Toutefois,  il  ne 
negligea  point  do  faire  servir  son  minislerc  h  I'utilild  du 
prochain.  Ayant  obtenu  la  permission  de  ctiliibrcr  publique- 
Jiicnt  I'officc,  et  de  precher  dans  sa  chapelle,  on  y   vinl  de 
loules  parts.  Ses  instruction.';  et  sescatechismcsetaienl  suivis 


\\G  NOTICE    SLR    I.ES    EnMlTAGES 

aussi  bien  par  les  grandes  personnes  que  par  Ics  enfants.  La 
difiicullc  dcs  chemins  n'arretait  pas  le  zcle.  Lcs  pretrcs  dcs 
paroisses  environnantes  y  allaienl  aussi  celebrer  les  saints 
mysteres. 

Dans  son  crmitageBarthelemi  recevait  souventdes  person- 
nes dc  Cherbourg  ,  ct  d'ailleurs,  qui  venaient  lui  exposer 
leurs  chagrins,  leurs  inquietudes,  et  recueillir  ses  consola- 
tions et  ses  conseils.  Des  marins  avaient  recours  a  ses  prieres 
pour  se  niettre  en  voyage,  ou  venaient,  apres  une  navigation 
prospere,  le  charger  d'en  rendre  graces  pour  eux  a  Dieu.  Des 
meres  de  famille  reclamaicnt  son  intercession  pourobtenir 
du  ciel  la  santfi  de  leurs  epoux  ou  de  leurs  enfants  cheris.  II 
etait,  coinnie  on  le  voit,  un  pretre  dans  lequelon  avait  une 
grande  confiance,  il  etait  I'ange  protecteur  de  Cherbourg. 
Cependant  on  ne  vitjamais  d'honinie  plus  humble.  Fidele  a 
la  parole  du  Maitre,  il  se  regarda  toujours  conime  un  servi- 
teur  inutile.  II  etait  courtois  pour  les  h6tes  qui  venaient 
partagerson  logementet  sa  table.  Les  privations  etaient  pour 
lui ,  I'abondance  pour  eux.  Sa  sceur,  ses  nieces  ou  quclque 
autre  femme  pieuse  avaient  soin  de  pourvoir  a  ce  qui  lui 
etait  necessaire,  niaisaucune  no  residait  danssa  maison. 

II  lui  arrivait  de  temps  en  temps  de  quitter  sa  solitude 
pour  remplir  lcs  devoirs  de  son  etat  en  viile,  visiter  sa 
famille,  ses  superieurs  ecclesiastiques,  les  ermitages  de  la 
rnonlagne  du  Roule  et  renouveler  ses  courses  apostoliqucs 
dans  les  campagnes.  II  parcourut  de  nouveau,  ctavcc  succes, 
les  paroisses  de  la  Hague.  II  accompagnadans  le  Val-de-Sairc 
le  celfebrc  Pere  Eudes,  fondatenr  dc  la  congregation  connue 
dans  ce  temps  sous  le  nom  de  missionnaires,  qui,  plus  tard, 
porta  celui  d'Eudislcs,  ct  rendil  dcs  services  incontestablcs, 
non  seulemcnt  dans  la  chairo,  mais  encore  dans  I'enspignc- 
ment. 


DE    SMM-SAUVKLR    ET    SAINT-ACIl.VItD.  H? 

Rai'tliL'lemi  clait  un  tres  dovot  scrviteiir  de  la  Viorge, 
c'olait  ce  qiii  lui  faisait  tMilroprendre  de  tomps  en  toDips  le 
pelcrinage  des  deux  clia[)ellcs  de  la  niontagne  du  Koule, 
dont  elle  etait  la  patronne.  II  y  avail  a  rermilage  du  bas  de 
la  Montagne,  dit  de  Noire- Dame-de-Grace  ,  un  cordelier 
donl  la  conduileelaitpeuen  rapporl  avecson  etat.  Barlhclenii 
luiadressa  plusieurs  fois  des  remontrances,  afin  de  prevenir 
le  scandale  qui  a^sulte  loujours  pour  Ic  public,  el  au  detri- 
ment de  la  religion,  de  I'opposilion  que  Ton  rencontre  enlre 
la  doctrine  el  la  conduite.  Barthelemi  recourut  en  vain  a  Icut 
ce  qu'un  zele  charitable  lui  suggera,  le  religieux  ne  tint 
cornple  de  rien.  Implique  dans  un  proces  criininel  qui  fiil 
inteiitc  centre  un  juge  du  pays,  ii  fut  decrete  de  prise  de 
corps,  el  s'enfuil  de  la  province. 

l':nlin  parui  le  temps  oil  Bartlielemi  dcvait  donner  des 
preuvesirrcciisables  de  ['accord  qui  existail  entre  ses  paroles 
ot  ses  actions,  el  faire  voir  un  esprit  ferine  et  un  cceur  noble. 

Se  declarer  bautemenl  el  sincerement  pour  le  parti  de  la 
verlii,  faire  de  la  vertu  la  jdus  pure  Ic  mobile  de  toutes  ses 
actions,  s'elever  dans  la  prati(]uc  de  la  vertu  i\  un  degre  tel 
que  Ton  se  trouve  au-dessus  du  comnuin  des  bonimes,  c'est 
s'assurer  dans  tons  les  temps  des  chagrins  et  des  inimities. 
Non  (|ue  la  vertu  ne  soil  en  elle-meme  un  bien,et  le  mcilleur 
de  tous,  mais,  d'apres  le  cours  ordinaire  des  choscs  humai- 
ncs,  I'ideala  plusde  prix  que  la  realite.  Le  capriceet  rinteret 
personriel  jouent  un  si  grand  rule  dans  les  fails  moraux,  qu'il 
ne  faut  pas  etre  surpris  de  toutes  les  contradictions  que 
renconlrenl  les  bommes  les  plus  vcrlueux.  Ceci  devrait  etre 
nn  paradoxe,  mais  I'Evangile  I'a  predit,  et  I'liistoire  I'a  con- 
lirnic  par  des  arguments  que  Ton  ne  pent  refuler,  a  mnins 
que  denier  les  fails  les  plus  aiillienli(]iies  narlbi'leiiii  dont 
la  vie    rlait    loiile   do   desink'rcssemcnt    el   tie     sacnliccs. 


11.8  NOTICE    SUR    LES    ERMITAGES 

Barlhelcmi  qui  montrait  constamment  rEvangile  en  prati- 
que, fut  aussi  soumis  a  de  penibles  epreuvcs.  Railleries, 
calomnies,  outrages,  persecutions,  rien  ne  lui  fut  epargne. 
Sa  foi  ardenle,  sa  candeur,  son  humilitt',   lui  atlircrent  la 
liaine  de  deux  sortes  de  personncs,   dcs  hypocrites  ct  dcs 
libertins.  Sa  conduite,  pour  Ics  premiers,  contraslait  d'une 
manicre  Irop  frappante  avec  la  leur  propre,  de  sorte  qu'ils 
se  dt'chainerent  contre  lui  avec  I'apparence  du  zele.  Les 
autros,  ennuyes  de  I'entendre  toujours  faire  la  guerre  aux 
vices  qui  leur  otaicnt  chers,  raccablt-rent ,  a  Icur  tour,  sous 
)c  poids  dcs  humiliations  et  dcs  opprobrcs.  II   y  avait  bien 
des  honnetes  gens  qui  nc  croyaicnl  pas  lout  cc  qu'on  lui 
prt'taitde  mal,  mais  pusillanimes,  comme  lesont  ordinaire- 
incnt  Ics  honnetes  gens,  ils  n'osaient  prendre  a  coeur  sa  jus- 
tification.  Jusquc  dans  le  sein  du  sanctuairc  il  rcncontra 
I'ingratitudc  pour  prix  de  ses  bienfaits.  Sa  reputation  fut 
tenement  tcrnic  par  s:'senncmis,  que,  par  prudence,  il  recut 
ordre  de  scs  superieurs,  de  ne  plus  entendre  de  confessions, 
lis  etaicnt  bien  convaincus  dc  son  innocence,  mais  ils  cru- 
rcnt,  par  ccttc  concession,  apaiser  les  rumeurs,  et  cc  fut  un 
tort.  Get  honime  paraissait  incapable  de  sc  relevcr  dcsormais. 
Cependant  rien  n'annoncailcn  lui  la  moinJrc  impression 
penible.  Uctait  rcste  inebranlable,  sans  loutefois  affecter  des 
sentiments  qui   fusscnl  I'indice  d'un  amour  propre  blessc. 
Au  milieu  de  ses  tribulations,   il  conserva  lout  I'esprilde  la 
eliarilc  chrclicnne,  non   sculemcnt  il  ne  voulail  pas  que  Ton 
parlat  mal   dc  ses  enncmis  en  sa  presence,  mais  encore  il 
t'tait  prct  a  les  bien  servir.  Sous  des  dehors  negliges,  gros- 
siers  si  Ton  vent,   il   avait  Tame  grande   comme  celle  do 
Fenelon.  Tl  rcfusa  dc  se  dcfendre,  se  rcposant  sur  Dieu  seul 
du  soin  de  sa  juslificalion.  Son  esperancc  nc  fut  pas  decuo  ; 
If  jour  dc  la  justice  [larul,  et  celle  queuve  muiilra  sa  vcrlu 


DE    SAINT-SAUVEUll    Ef   SAINT-ACIIAKU.  110 

tlaiiri  lout  son  eclal.  Rcconnu  et  proclame  innocent,  il  ivprit 
sans  ostentation  les  travaux  augiistes  do  son  minisliTc.  U 
recut  ses  nouveaux  pouvoirs  dc  rodicial  de  Valognes.        '<=' 

Tant  de  douceur  et  tant  de  grandeur  d'anie  ne  peuvent  so 
rencontrcr  que  chez  un  disciple  de  Jesus-Christ.  Jamais  la 
philosophic,  mOine  a  ses  t^poques  les  plus  briUantes,  au  point 
de  vue  moral,  n'a  enfante  de  tels  caracleres  et  de  telsactions. 
Cetait  lii  aussi  ce  qui  servait  puissamment  a  Barthelemi 
pour  ohtcnir  des  succos  dans  ses  instructions  et  dans  ses 
controverses. 

J.es  rapports  commerciaux  de  Cherbourg  avec  I'Angleterre 
contribuerent  a,  y  porter  le  nom  et  la  saintete  do  Barthelemi. 
Des  pretres  de  cc  pays  vinrent  pour  leconnailrc,  et  ils  s'en 
retournorcnt  remplis  d'admiration,  apri's  avoir  ete  temoins 
de  ses  grandes  vertus,  et  principalement  de  sa  conduits 
en  vers  ses  enncmis..;.;«a^'■,l^  .:.• 

Vers  la  fin  dc  juillet  1685,  11  faisait  paver  le  sancluaire  dc 
sa  polite  chapelle,  et  ne  pouvant,  jusqii'a  ce  que  ce  travail 
fut  termine,  y  dire  la  messo,  il  resolut  d'allcr  a  I't^glise  d'Oc- 
leville.  II  etait  deja  souffrant,  et  la  fatigue  sc  joignant  au 
njal  qu'il  ressentait,  il  tomba  en  faiblesse.  On  le  rapporla  a 
Saint-Sauvcur,  et  il  ne  se  releva  point.  II  sentit  que  sa 
nialadie  etait  mortelle  :  la  crainte  s'^mpara  de  son  esprit.  Sa 
foi  Vive,  son  amour  ardent  lui  faisaientrogarder  savie  entiere 
comme  depourvue  d'aclions  meritoires  pour  le  cicl.  Dos 
soinscontinuels  lui  furent  prodignes  pendant  sa  maladie,  par 
Tune  de  ces  nieces,  et  beaucoupde  pcrsonnes  le  visilerent. 
11  flit  32  jours  malade,  et  dix  jours  avant  sa  mort,  il  tMait 
dcvenu  compUHement  aveugle.  Use  pre|)oraii  paraitrcde\a[.t 
Dieu  av(!c  une  attention  scrupuleuse,  el  il  eut  conliance  dans 
sa  justice  equitable  et  misi^riconiicu.sc.  Enlin,  muni  des  dei'- 
niers  sacroiiifnls,   apn-s  avcir  vucow  [lard-um;' a  ses  cnne- 


120  NOTICE   SUR    LF.S    ERMTTAGKS 

mis  tout  le  mal  qu'il  en  avail  rccu,  ce  vent^rabie  pretre  passa 
du  lemps  a  Teteniile,  le  2  seplembre  1683,  dans  sa  76^ 
ann^e  et  dans  la  52*  de  son  sacerdoce. 

Aussitot  que  la  nouvelle  desa  mort  futconnue  a  Cherbourg 
et  dans  les  environs,  on  vint  en  foule  a  Saint-Sauveur,  pour 
eontempler  una  derniere  fois  ses  traits.  Le  lendemain  un 
nonibreux  clerg(?,  tant  de  la  ville  que  de  la  campagne,  se 
reunitafin  de  lui  rendreleshonneurs  funebres.  La  chapelle 
^lant  trop  petite,  et  Taffluence  des  fldeles  considdrable,  on 
ejtposa  le  corps  du  defunt,^  revetu  des  habits  sacerdotaux,  en 
dehors,  vis-a-vis  de  la  porte,  a  I'endroit  nifime  oii  il  avail 
demande  qu'on  Tenterral.  La,  cliacun  pouvait  le  voir  facile- 
menl.  Sa  figureetait  decouvertc,  et  semblail  etre,  onlrapporte 
Ics  temoins,  ceUe  d'une  personne  calme  et  endormic.  Le 
cure  de  Cherbourg ,  Messire  Jacques  Gaudobout,  et  ses 
Aicaires  auraient  voulu  le  faire  transporter  dans  le  choeur 
de  rcglise  Sainte-Trinite,  inais  on  respecta  ses  dernieres 
recommendations.  L'ofTice  fut  celebre  par  le  cure  de  Tonne- 
ville,  M.  Grisel,  qui  fit  aussi  Vi'loge  {\»  bon  Messire  que 
Ton  appcla  des  lovs  le  bienlteureux  Barlketcmi.  On  hii' 
erigea  le  tombeau  de  pierre  calcaire  qui  existe  encore 
anjourd'hni,  Aulant  il  avail  apporto  dc  precautions  pour 
eacher  ses  vertus,  aulant  s'emprcssa-l-on  deles  recherchor 
Gl  d'en  publier  Ics  mcritos.  II  I'ulrcGonnu  qu'un  hommo 
qui  avail  observe  aussi  fidt'lemcnt  Ics  prcceplesellcs  conseils 
evangcliques  devait  elre  un  pui.ssant  intercesseur  aupres  de 
Dieu.  Son  tombeau  alliranl  de  jour  en  jour  une  plus  grande 
affluence  de  pelerins,  et  parliculicremcnt  de  meres  dc 
famille  avec  leurs  pelils  cnfants,  on  ne  tarda  pasii  agrandir 
la  chapelle  afin  de  le  mellre  a  couvcrt.  Col  agrandisscment 
se  fit  avanl  Tannoc  1700  par  les  parents  du  bienheureux 
Barthe'lcmi  aides  dc  la  gi'iicrosik-  piibliquc.  Dopuisce  temps 


l)E    SAI.NT-SAUVEUR    ET    SAIN T-ACHAUD.  \il 

jusqu'ii  la  Revolution,  lacliapelle  deSaint-Saiivcuraloujours 
etc  ouverteaux  fidi'les.  Etant  alors  propricteprivee,  elle  a  pu 
echapper  au  vandalisme  revolutionnaire,  el  nous  etre  con- 
serves telle  que  nous  la  voyons  proscntemcnt,  apirs  avoir  (5te 
loutpfois  entretenueet  reslauree  par  les  proprietaires.  lis  ont 
ete  hcureuxdela  rendre  au  culte,  et  lis  ont  acquis  des  droits 
a  la  reconnaissance  du  public.  Dans  le  temps  des  Rogations, 
on  s'y  rend  en  procession  de  diverses  paroisses,  le  24  aoul, 
/tHe  de  saint  Barthelemi,  apotre,  on  y  ccl6bre  I'officedu  jour, 
et,  a  la  demande  des  personnes  pieuses,  qui  regardent  le 
bienheureMX  Barthelemi  comme  I'ogal  des  saints  que  Ton 
lionore  dans  reglise,  on  y  dit  qiieUjudois  la  messc  et  on  a 
recoursii  son  intercession. 


122  NOTICE    SUI\    LES    EUMIT.VGES 


LERMAGE  DE  SAIM-ACHARD  OU  SAWT-TITOJIAS 
ET  LA  LEPROSERIE  DE  CflERBOmG. 


Entre  la  rue  actiiellc  de  rAl)baye  et  la  mcr,  non  loin  dtt 
lieu  appele  Chantereyne,  il  cxislait  au  XH'^  siccic,  sinon 
avanl,  iin  ermilage  qui  avait  pour  patron  saint  Acliard.  Dans 
la  plaine  qui  cntourait  eel  edillcc  religieux,  et  oil  Ton  a  fonde 
les  magnifiquos  iHablissementsdu  port  militairo,  il  se  tenait 
a  la  saint  Martin  d'hiver,  le  M  de  novembre,  une  foire  qui 
s'appi-'lait  foire  Acbard,  fcria  Achardi,  selon  les  anciens 
documents  bistoriqucs.  Le  ruisscau,  dit  de  Cbantcreyne, 
etait  la  liniite  de  Cberbourg  et  d'Equeurdreville  :  la  parlie  de 
la  plaine  qui  se  trouvait  en  deca  s'appelait  commune  de 
Cherbourg,  elcelle  qui  etaitau  dela  commune  d'Equeur- 
drecille.  L'ermitage  de  saint  Acbard  se  trouvait  dans /« 
commune  de  Cherbourg. 

Vers  le  milieu  du  Xl"  sieclc,  sous  le  regne  de  Guillaume- 
le-Conqucrant  et  I'episcopat  de  GefTroy  de  Montbrayja  lepre 
etait  connue  dans  le  Colentin,  et,  dans  lesiecle  snivant,  elle 
devint  beaucoup  plus  commune.  Dans  le  but  de  soulager, 
aulant  qu'il  etait  possible,  les  malbeureiix  atteints  de  cette 
nialadie  liorrible  et  incurable,  on  reconnut  la  necessite 
d'elablir  a  I'ecarl,  des  niaisons  de  refuge  que  Ton  appela 
leproseries,  ladreiiesou  maladrcrics. 


DE    SAl.NT-SALVECK    ET    SAl.NT-ACH AftD.  123 

La  villeileClicrbourgciit  sa  l(''[iroscrie,  et  on  la  construisit 
aiipresde  reniiitage  desaint  Achard.  Lesdeuxetablisscments 
n'en  formercnt  plus,  di's  lors,  qu'un  soul.  11  ful  arrelo  que 
le  chapelain  auiait  pour  lui  les  oblations;  qu'ii  partagerait 
la  moilio  du  tcrrage  de  la  foire  avec  la  cbapclle  et  que  I'aulre 
moitie  reviendrait  aux  leproux.  Le  cliapelain  etait  oblige  de 
rendre  ii  ces  infortunes  tous  les  devoirs  que  la  religion  pres- 
crit  a  scs  ministres.  Pres  de  la  cliapclle  etail  le  ciinetierc  dcs 
lepreux. 

Quand  on  se  rcportc  au  temps  oil  la  lepre  etendait  ses 
ravages,  ct  que  Ton  arrele  scs  yeux  siir  les  regies  qui  etaient 
imposecs  aux  personnes  affoclees  dece  mnl,  on  t'ltrouve  de 
tristcs  emotions.  Des  que  les  premiers  syinplomcs  sc  mani- 
feslaient,  I'individu  elait  sur  le  champ  separe  de  ses  sem- 
blablcs,  11  devenait  un  objet  d'horreur  pour  ses  parents  et 
pourscs  amis.  Jlaisla  religion  le  prenait  sous  sa  garde  tulc- 
laire,  ct  plus  il  etait  a  plaindro,  plus  celte  fille  du  ciel 
s'efTorcait  de  lui  offrir  ses  consolations  ct  de  rcnlourer  de 
soins.  C'etait  au  cure  du  lieu  oi^i  demeurait  le  malade 
qu'otait  devoluc  la  charge  de  le  sequcslrer,  et  de  Ic  conduire 
a  la  leprosorie.  Lii,  personne  n'clait  admis  sinon  ceux  (pii, 
par  elat,  etaient  obliges  dc  rendre  aux  malades  les  devoirs 
S[)iriluels  et  corporels.  Lorsque  Ic  chapelain  celebrait  la 
mcsse,  il  I'olTerloirc,  il  .v"  tournait  vers  les  lepreux  pour  Iciir 
adresser  quchjucs  paroles  de  consolation,  et  leurrappeler  en 
meme  temps  toules  les  prescriptions  severcs  qui  Icur  etaient 
imposecs,  etaiixquci les  il  fallaitrigourcuscmentscconformcr. 
Chez  les  Israelites,  les  pretrcs  etaient  aussi  charges  du  soin 
dcs  lepreux. 

Tout  le  mondc  sail  le  parti  ([ue  M.  Xavier  de  Maistre  a  tire 
do  celte  situation  p6nible  a  hKnielle  se  Irouvaient  rediiits  ces 
infortunes.  .M.  de  Maislrcare|)roduit  detrop  leellesdouleurs, 


124  NOTICE  SUU  LES  ERMITAGES 

et,  son  talent,  d'accord  avec  laverite,  a  faitsouvent  rt'i)andre 
des  larmes  aux  lecteurs  sensibles. 

C'est  indubilablement  par  suite  des  precautions  severes 
qui  furent  prises  au  moyen  age,  et  de  la  sequestration  des 
nialades  altcinlsdelalepre,  quecetleau  a  fini  par  disparaitre 
de  noire  pays.  Malheureusement  il  n'en  est  pas  ainsi  pour 
d'autres  contrees  oii  11  parait  revenir  avec  son  intensity 
d'autrefois.  On  dil  qu'il  jette  aujourd'hui  la  desolation  dans 
la  Norwege. 

L'erniitage  de  saint  Acliard  fut  annexe  par  Henri  II,  roi 
d'Angleterreet  due  de  Normandie,  a  I'abbaye  de  Notre-Daine- 
du-Voeu  qu'il  aclieva,  etdont  I'inauguration  eut  lieuen  H81. 

Possesseurs  de  l'erniitage  de  saint  Acbard,  les  augustins 
de  Nofre-Daiiie  du-Voeu  en  changf''rent  bienlot  ie  patronage. 
Ce  flit  Thomas  Becquet,  arciieveque  de  Canlorbery,  et  clia- 
noine  regiilier  deleurordre  qui  endevint  le  nouveau  patron. 
II  etaiten  grande  veneration  dans  lo  Cotenlin  et  dans  le  Bes- 
sin;  on  so  rujip^lait  le  sejour  qu'il  y  avail  fail,  la  vie  sainte 
dorit  il  avail  donne  rexeinple,  el  son  recent  niarlyre  interes- 
sait  vivenient  en  sa  favour. 

II  est  probable  que  les  augustins  no  niircnt  pas  saint 
Thomas  a  la  place  de  saint  Acbard  sans  rassentimenl  du  roi 
Henri,  cau.se  direcle  ou  indirecle  de  la  mort  du  prelat.  I. a 
chose  arriva  indubilablement  apres  la  penitence  qu'il  fut 
force  d'accom|)!irau  lombcau  du  saint,  pourlui  faire  amende 
honorable,  el  se  racbeler  du  crime  donl  il  etail  I'auleur. 
D'apres  le  cardinal  Baronius,  Thomas  fut  marly rist^  le  29 
dccembre  lITo,  et,  d'apres  le  breviaire  du  pape  Clement 
Vlil,  ce  ful  le  meme  jour,  mais  en  I  I7i,  ce  qui  est  reconnii 
plus  exact.  Tres  peu  de  temps  apres  .sa  mort  Alexandre  HI 
lecanonisa.  II  ne  serait  pas  impossible  que  le  noni  de  saint 
Thomas  de    Canlorbery   eiit  ile  donne  a  la   cliapelle  sainl 


UK    SAI.NT-SAL:VEI:K    ET    SAl.NT-ACIIAIin.  12.") 

Aclianl  loi's  de  rinaugiiration  de  I'abbaye  de  Nolre-Damc- 
du-Voeii,  dont  I'eglise  fiit  consacive,  en  M81,  par  Henri, 
cveque  de  Bayeux,  assiste  des  dvequcs  d'Avranches  et  de 
Bath,  Ic  diocese  de  Coulances  (5tant  alors  sans  Cveque. 

Ce  que  j'ai  rapporte  sur  les  revenus  de  la  chapelle  saint 
Achard  on  saint  Thomas  et  de  la  leproserie  de  Cherbourg  se 
trouveconfirme  par  Jean  de  Lessey  qui  occupa  le  siege  epis- 
copal de  Coutances  dans  la  secondemoltie  XIIP  siecle,jusqu'a 
I'annee  1274,  epoque  dc  sa  mort,  et  qui  fit  r^diger  une 
slatislique  de  lous  les  etablissements  religieuxdeson  ressort. 
II  en  reconnait  I'abbaye  de  Notre-Dame-du-Vceu  pour  pro- 
prietaire. 

Dcpuis  Tanncc  1293,  elles  durent  6prouver  les  niemcs 
malheurs  que  I'abbaye  et  ne  plus  6tre  relevdes.  Au  XVII* 
siecie  la  chapelle  saint  Thomas  se  voyait  encore,  mais  aban- 
donn6e;  au  XVIIP  on  n'en  connaissait  plus  que  I'emplace- 
ment.  Scsruinesreunies  a  cellesde  la  leproserie  et  recouvertes 
de  sables  ou  de  terres,  qui,  avec  le  temps,  s'y  etaient 
amassees,  portaient  le  nom  de  bxUtes  saint  Thomas.  II  y 
avait  pres  dcla  un  cimetiere  pour  les  personnes  etrangercs 
a  la  religion  catholique  et  un  lieu  reserv(5  pour  deposer  les 
restes  de  ccUes  qui  se  suiciduient. 


NOTICE 

m  L'OIIIGINE  ET  lETABLISSEllESI 


DE    LA 


FOIRE  SAINT-CLAIR, 

DE  OUERQUEVILLE. 


FAR 

M.   Ai<sii»<e   LE  JOLIS. 


La  foire  Sainl-Clair  attire  cliaque  annce  dans  la  plainc  dc 
Querqueville  un  si  grand  concoursdc  monde,  die  estdevenue 
une  fete  si  populaire  pour  les  habitants  de  Cherbourg,  que 
peut-etrc  on  nc  lira  pas  sans  int^ret  quclqucs  details  sur 
Torigine  et  retablisscnicnt  dc  cettc  foire.  Cos  details  sent 
d'aillcurs  cntiercnicnt  inedits,  et  jc  dois  coniniencer  par  dire 
dc  quelle  nianiere  iissoni  venus  a  iiia  connaissanre. 


128  NOTICE  sun  l.\ 

Lorsfjiic,  h  la  fin  dii  sicclc  derniei",  leschiitcaux  des  nobles 
furent  pillos  el  leurs  chartriers  lacercs  et  dolruils  par  les 
paysans,  qui  voulaient  ainsi  aneantir  jusqu'a  la  trace  des 
redcvanccs  fi5odaIes,  —  les  archives  du  chateau  de  Nacque- 
ville  subiient  Ic  sort  commun,  ct  furent  brulecs  en  grande 
jiompe  par  les  anciens  vassaux  dc  la  seigneurie  ;  mais  parmi 
les  nombreux  papiers  et  parchcmins  que  Ton  jetait  au  feu, 
quelques  feuillets  portant  en  tete  des  pages  ces  mots  Foire 
Saint-Clair,  atlirerent  les  regards  d'un  des  assistants,  et 
durent  a  sa  curiosity  d'echapper  aux  flammcs.  Plusieurs  fois 
j'avais  entendu  des  vieillards  de  Nacqueville  raconter  ces 
details  :  je  parvins  a  decouvrir  le  possesseur  actuel  de  ces 
parcheminsct  m'empressaide  leslui  acheter. Ilssecomposent 
dc  quatre  feuillets  qui  ont  evidemnient  fait  partied'un  volu- 
mineux  recueil  de  titres  relatifs  aux  seigneurics  des  Marestz 
ct  de  Fourneville,  et  contiennent  les  copies  de  divers  actes, 
copies  collationnees  par  deux  tabellions  au  commencement 
du  XVII''  siecle,  autant  du  moins  que  je  puis  en  juger  par  le 
caractere  de  I'ecriture. 

Parmi  ceux  deces  tilresqui  concernent  lafoireSaint-Clair, 
le  plus  important  est  la  charte  d'c^tablisement  de  cette  foire, 
concedee  au  seigneur  de  Nacquevillle  par  le  roi  Philippe-le- 
Long,  en  I'an  1318. 

II  est  a  remarquer  qu'un  grand  nombre  de  foiresde  notre 
pays  ont  et6  instiluees  vers  cette  6poque ;  ainsi,  nous  en 
trouvons  une  vingtaine  qui  datentde  1310  i  1330  :  quelques 
autres  sont  plus  anciennes,  mais  a  cet  6gard  on  ne rencontre 
plus  de  documents  anterieursau  XP  siecle. 

On  comprend  assez,  sans  qu'il  soil  besoin  d'insister  sur  ce 
point,  de  quelle  necessite  etaient  surtout  alors,  pour  le 
commerce  ct  les  echanges,  ces  grandes  assembh^es  de  mar- 
chands  venus  de  conlrees  diversos  ct  souvent    loinlaines. 


Oiilrc  CCS  avaiitagos  d'ljliliti';  gentM-ale,  Ics  foires  olTraiont 
encore  dcs  profits  asscz  considerablosauseigncurdu  terriloire 
oil  elles  avaient  lieu;  aussi  la  concession  d'liue  foire,  c'esl- 
a-dire  la  permission  de  rulablir,etait-ellc  unefaveurvivement 
sollicil^e  du  souverain,  ct  quel(iuefois  nieme  achelee  :  c'ost 
ainsi  qu'en  Tan  1200,  Ilaoiil  de  Baudritot  donna au  roi  Ireize 
besans  ou  pieces  d'or,  pour  obtenir  une  foire  d'un  jour  a  la 
Saint-Michel  pres  la  chapelle  Saint-Miciiel  d'Eloublon.  (I) 

La  foire  Saint-Clair  fiit  tHablic  a  Nacqueville,  et  non  i 
Querqueville,  ii  la  demaiide  du  seigneur  des  Marcslz,  Herbert 
Carbonnel,  de  la  puissanle  et  ancienne  famille  des  Carbonnel, 
qui  conserverent  la  seigneurio  de  Nacqueville  depuis  les 
<emps  les  plus  rccules  jusqu'ii  la  lin  du  XV  sit;cle,  possed^- 
rent  tant  de  fiefs  dans  notrc  presqu'ile,  devinrent  plus  lard 
marquis  de  Canisy,  et  portaient  pour  armes  :  Coupe  de 
(jueules  sur  azur ,  a  3  besans  d'hermine,  2  enchefsur 
guenlcs,  et  un  en  pointe  snr  azur.  La  charte  d  erection 
est  redig^e  en  latin  comme  toutes  Ics  ordonnances  de  cetle 
ipoque ;  jc  vais  en  donner  une  tradiiciion  entiercmcnt 
litt6rale  (2)  ; 

«  Philippe,  par  la  grace  do  Dicu,  roi  des  Fran(pais  et  de 
Navarre.  Entre  les  litres  do  gloire  par  lesquels  il  convient 
que  la  dignitc  royale  se  manifeste,  nous  pcnsons  que  ce  n'en 
est  pas  un  des  moindres  que  de  se  tnontrer  liborale  ct  bicn- 
faisanfe  en  tout  ce  qui  ivgardc  futiliti^  publiquc,  Ainsi,  de  la 


(1)  Notes  sur  los  ancieniics  foires  du  dcpnrtement  do  la  Manche, 
par  M.  Lt^opold  Delisle  (Annuairc  de  la  Manclie,  1850,  p.  5a7. 

(2)  Voir  le  texle  a  I'appendix  n"  I,  page  137.  —  M.  Leopold  belhla 
a  eu  rexlreme  obligeance  do  collalionner  men  vidimus  sur  le 
registre  do  la  ChanccUerie,  Arcliiccs  nationalef^,  rog.  J.  LVf,  n"  ii  «; 
XL  et  11"  V  c  I..  ■ 


i:{(t  NOTICE    SHU    I.A 

part  de  noire  amc  maitie  Herbert  (:arl)onnel,  clerc,  seigneur 
pour  la  plus  grandc  part  du  village  de  Saint-Laurent  de 
Nacqueville  ,  nous  a  ete  presentee  une  humble  supplique  a 
eetie  fin  que  nous  daignons  conceder  de  notre  bonte  royale 
r^tablissement  d'une  foirc  devant  so  tenir  dans  cette  paroisse 
chaque  annee  a  venir,  la  veille  et  le  jour  do  la  fete  de  Saint- 
Clair;  c'est  pourquoi,  nous,  considc^rant  qu'il  en  pourra 
rcsulterun  grand  avantage  pour  tout  le  pays  et  que  nous 
pouvons   accorder   cette  foire  sans  qu'il  en  r(5sulte  aucun 
prejudice  ou  dommage  pour  nous  ni  pour  autrui,  et  de  plus, 
que  par  la  le  fief  qu'il  tient  de  nous  dans  la  susdite  paroisse 
peut  etre  ameliore  et  augmente,  selon  qu'il  nous  est  apparu 
clairement  par  I'enquele  faite  a  notre  demande  et  a  nous 
rapporlee,  —  ordonnons,  statuons,  et  concedons  de  notre 
autorite  royale ,  par  les  presentes  lettres,  retablisscment  de 
ladite  foire  qui  dcvrase  tenir  chaque  annceal'avenirauxdits 
jour  ct  veille  de  la fctede  Saint-Clair ;  —  et,  tous et  chacun des 
marcbands  quiviendronta  cette  foire,  ainsi  que  les  inarcban- 
dises  qu'ils  y  amoneront  ou  apporteront,  ct  fcront  amener 
ou  apporter,  nous  les  prenons  sous  notre  royale  sauvegardc 
ct  protection  speciale,  pendant  le  temps  qu'ils  viendront  a 
cette  foire,  qu'ils  y  sejourneront  et  qu'ils  s'en  retourneront 
de  ladite  foirc  ;  ct  voulons  ct  ordonnons  qu'ils  soientprott^ges 
centre  toutes  injustices,  violences,  oppressions  ct  dommages, 
paries  soins  du  bailly  du  Cotenlin  qui  sera  alorscn  fonclions. 
Et  afin  que  ce  soil  chose  ferme  et  stable  a  I'avcnir,  nousavons 
fait  apposer  notre  seel  aux  presentes  lettres,  sauf  toulefois 
notre  droit  el  le  droit  d'autrui  en  toutes  choscs.  Fait  a  Paris 
I'an  de  notre  seigneur  mil  trois  cent  dix-huit,  au  mois  de 
mai. 

Pour  le  roi  notre  sire  et  a  la  relation  du  trcsoricr  dc 
Rheims,  signe  :  3.  Du  Temple.  » 


voir.F.  s\i>r-(;i.\ni.  1^1 

Ccttc  IcKre-patcnlc  t'laiL  scollet.' de  circ  verle,  avec  lacs  do 
soie  verte  ct  cramoisio. 

II  ne  sera  sans  doiite  pas  inutile  d'cxpliqiior  ici  cc  que 
Ton  entendait  par  le  conduit  desfoires,  celte  expression  sub 
conductu  refjio,  etant  employee  dans  la  cliarte  du  roi 
Philippe.  En  ces  temps  de  ti-oubles  el  de  d6sordres  ou  les 
vols  a  main  armeeetaient  cliose commune,  il  etait  n^cessaire, 
afin  d'engager  les  marchands  a  s'exposer  aux  chances  d'une 
longue  route,  de  leur  olTrir  unc  garanlie  pour  Icur  suretd 
personnclle  el  celle  de  leurs  denrees.  On  leur  accorda  done 
le  privilege  d'etre  indemnises  de  toules  les  perles  de  cette 
nature  qu'ils  pouvaient  eprouver,  soil  dans  le  cours  de  leur 
voyage,  soil  pendant  leur  sejour  au  lieu  de  la  foire.  Ainsi, 
s'ils  ctaient  voles  en  chemin,  le  seigneur  de  la  lerre  oil  le  vol 
avail  ete  commis,  clait  oblige  de  rembourser  le  dommage; 
si  le  vol  avail  liou  dans  unc  liOtcllerie,  c'6tail  al'hOte  atenir 
compte  au  marchand  de  la  soustraclion  faite  chez  lul;  el  s'il 
arrivail  que  I'hdte  ne  fiit  pas  solvable  el  qucle  marchand  se 
Irouvat  dans  une  ville  de  loi,  oo  dernier  pouvail  encore 
avoir  recours  conlrelehauljuslicierde  la  ville.  Cos  privileges, 
comme  on  le  voil,  elaient  d'uno  grande  importance. 

D'un  autre  cuto,  pour  prevenir  les  abus,  pour  empecher 
que  sous  la  protection  du'conduit,  dcs  ventes  et  transactions 
n'eussent  lieu  avant  que  les  dennU^s  fusscnt  parvenues  sur 
remplacemcnt  de  la  foire,  tout  marchand  qui  les  portait 
ailleurs,  ou  les  deployail  ct  vendail  on  route,  elait  saisi  et 
misenlrc  les  mains  du  seigneur,  ot  Ton  confisquaitses  mar- 
chandises  au  profit  du  roi.  Telle  olait  la  nature  du  conduit 
desfoires,  ainsi^quc  nous  le  voyons  par  un  manuscrit  de  la 
Cour  des  comptcs  de  Paris,  cite  par  Ducange  dans  son  Glos- 
saire  de  la  basse  lalinite  (I) ;  et  ces  privileges  se  Irouvaient 

;i;  Voir  Ip  Glossaire  Je  Ducange,  a  I'arlicle  ^undiinr. 


132  NOTK'.E  si;r  }.K 

accordes  aux  marcliands  de  In  Saint-CUur,  en  vcrtii  dc  la 
charle  royale. 

Pourquoi  le  jour  de  la  f^te  de  saint  Clu-r  fut-il  choisi  par 
Herbert  Carbonnel  pour  Tetablissement  d'une  foire  a  Nac- 
queville?  Le  motif  en  sera  facilement  compris  par  les  pcrson- 
nes  quelque  pen  famili6res  avec  rhistoire  de  notre  pays.  On 
saitenelTel,  qu'apres(5t:-e  venu  d'Anglcterrea  Cherbourg  vers 
le  milieu  du  IX'=  s\bc\e,  sainLClair  se  retira  dans  la  forfitexis- 
tant  alorsa  NacqueviUc,  ou  il  vecul  deux  annecs  avant  de  se 
rendre  au  monastere  dc  Madwin.  Apr6s  son  martyre,  les 
divers  lieux  qu'ils  avait  habites  et  rendus  celeb  res  par  ses 
miracles ,  regurenl  la  visite  de  nombreux  pelerins ,  et  la 
grande  v^n^ration  voui^e  a  son  culte  y  fit  bient6t  (5tablir  des 
ehapelles  sous  son  invocation.  La  chapelle  Saint-Clair  dc 
Nacqueville  fut  sans  doute  une  des  premieres  qui  furent 
jilevees  en  son  honneur;  du  moins  elle  existait  deja  au  com- 
mencement du  XIIP  si6cle,  puisqu'en  Tan  1231,  elle  fut 
assuree  aux  religicux  de  I'abbaye  de  Notre-Dame-du-Voeu 
prfes  Cherbourg,  a  condition  qu'ils  paieraient  10  sols  au 
chapitre  de  Coutances  (1)*  J'ai  trouve  dans  les  archives  de 
I'figlise  de  Nacqueville,  une  charle  latine  datt5e  du  vendredi 
d'avant  la  fete  Saint-Pierre-es-Liens  de  Tannce  1253,  par 
laquelle  Richard  do  Saint-Martin  donne  a  I'abbe  et  aux 
religieux  de  Notre-Dame-du-Voeu,  18  deniers  de  rente  pour 
le  salut  de  son  dmc,  et  en  outre ,  donne  et  concede  a  Dieu  et 
a  la  chapelle  du  bienheurcux  Clair  de  la  paroisse  de  Nacque- 
ville, un  boisseau  de  froment  de  rente  annuelle,  a  prendre 


(1)  Voir  I'liistoire  manuscritede  I'abbaye  ile  Notre-Dame-du-Vcou, 
par  I'abbe  Demons,  p.  m.  {Bibl.  de  Cherbourg.) 


FOIRE   SAINT-CLAIR.  i^J 

soi-lemoulin  ilc  Nacqueville,  pour  entretenirle  luminairc 
dans  ladile  cliapclle  (i).  De  semblables  dons  dcvaient  etre 
frequents,  ear  en  I'an  1264,  I'eveque  de  Coulances,  Jean 
d'Essey,  lermina  un  proces  entre  les  chanoines  rdguliers  de 
Cherbourg  et  le  cure  de  Teglise  Sainl-Laurent  de  Nacque- 
ville,  aij  sujetdes  offrandes  faites  a  la  chapelle  de  Saint- 
Clair  (2).  le  Livre  noir  (3)  nous  apprend  que  le  curti  de 
Nacqueville  avail  dix  sols  siir  cette  chapelle;  d'apr^s  le  Livre 
blanc  (4),  il  recevait  vingt  sols  le  jour  de  la  fete  de  saint 
Clair.  L'abb(5  du  Voeu,  patron  de  la  chapelle  Saint-Clair,  en 
percevait  les  rcvonus,  ct  y  faisait  celebrer  I'office  divin  deux 
fois  par  an,  aux  fetes  de  saint  Clair  ct  de  salute  Catherine. 

On  voit  par  cequipreci'do,  qu'au  nioyon-;igo  cette  chapelle 
etail  un  lien  de  pelerinage  Ires  frequente,  particiilierement 
lojoiir  de  la  fotedii  saintniartyr;  c'etaitdoncunecirconstanco 
des  plus  favorables  pour  y  tHablir  une  foire  a  cclte  memo 
t'poque,  et  c'osl  ainsi  du  rcste  qu'onl  pris  naissance  la  plupart 
des  assemblces  qui  ont  lieu  dans  nos  paroisscs  le  jour  de  la 
fete  patronale.  Mais  on  comprend  qu'en  cotte  circonslance 
lesreligieux  de  rAbbayc  de  Cherbourg,  qui  jouissaicnt  dt^ja 


(1)  Voir  le  texte  a  Tappendicp  n"  2.  page  138. 

(•2)  RouAiJ.T,  al)rege  de  la  vie  des  evi'ques  do  Coiitance.s,  p.  219. 

(3)  Ecclesia  de  Naquevilla;  patronus  Ep.  Const.  Abbas  Ccpsaris- 
burgipercipit  duas  garbas,  rector  tercium  cum  allakigo  et  habet 
decern  solidos  in  capella  S.  Clari  et  valet  XIV  Hbras,  abbas  Cesa- 
risburgi  IV  Ubras,  capella  ibidem  XL  solidos.  Livre  noir  a2"8;. 

(4)  In  parrochia  (de  Nacquevilla)  est  quedam  capella.  Dictus 
abbas  (de  Voto)  percipit  fructus  scilicet  offertorum  et  ibi  facit 
celebrare  bis  in  anno  die  S.  Clari  el  S.  Kalcrinc.  nidus  abbas  est 
patronus-  dicte  capelle.  rector  percipit  in  dicla  capella  XX  solidos 
in  festo  S.  Clari  et  solvit  pro  circata  VIl  solidos  et  pro  capa  ejis- 
I'lpi  V  nuliilos.    Livra  bkuic. 


•f34  >OTicE  sun  LA 

du  revcim  de  la  chapelle  ct  reliraient  un  grand  prollt  de 
rimmense  concours  des  pieux  visilcurs,  dcvaientse  trouver 
iiiteresses  dans  ceUe  aflaire ;  c'csl  ce  que  prouve  un  acte 
ins(ire  dans  le  manuscrit  que  je  possede. 

En  effet,  les  religieux  de  Cherbourg  pretendirent  d'abord 
que  Herbert  Carbonnel  ne  pouvail  etablir  une  foire  pres  de 
la  chapelle  Saint-Clair,  ou  lis  possedalent  certains  droits, 
entre  autres  le  droit  do  haute  justice;  cepcndant,  comme  en 
detinilhe  cctlefoiredcvait  leuretre  avanlageuse  a  eux-memes 
en  attiranten  cetendroit  un  plus  grand  nombrede  personnes 
et  par  consequent  plus  do  chancer  de  dons  et  profits,  ils 
prirent  enlin  un  arrangement  avec  le  seigneur  des  Marestz, 
et  a  cc  sujet  un  compromis  fut  passi  aux  assises  de  Valognes 
tenues  par  Robert  Jacob,  lieutenant  du  bailli  du  Cotentin,  le 
mardi  d'apres  le  dinianche  oil  Ton  clmnte L^tare  Jemsalem 
de  I'annee  1317,  entre  Guillaume  Carbonnel,  chevalier,, 
agissant  au  noni  de  son  frere  Herbert,  et  Here  Roger  Le 
Rous,  attorney,  c'est-a-direavocat  del'abbe  de  Notre-Damc- 
du-Voeu  pres  Chiresbours  (telle  elait  alors  I'orthographe  du 
nom  de  notre  ville).  L'abbe  conscntit  a  cc  que  le  seigneur  des 
Marestz  tint  la  foire  autour  de  la  chapelle  ,  ct  si  I'emplace- 
ment  ne  suffisait  pas,  sur  les  terrains  environnants,  sans 
prejudice  toutefois  des  droits  de  haute  justice  ct  autres  que 
I'abbaye  y  pouvait  cxcrcer,  et  a  ccttc  condition  que  lo 
seigneur  des  Marestz  ne  piit  jamais  eloigner  Tassemblee  des 
alentours  dela  chapelle;  en  outre,  Herbert  Carbonnel  devait 
s'engager,  pour  lui  et  ses  succcsseurs,  a  donner  en  heritage 
ii  I'abbaye  du  Voeu,  cinq  sols  lournoisde  rente  a  prendre  sur 
les  Emoluments  ou  taxes  de  la  foire  (II. 


:\)  Voir  lo  It'xle  a  liippciidix  u^  ^■^,  page  1^8. 


FOIUK    SAIMT-CLAFR.  133 

yuelles  claicnt  ces  taxes?  Ouelles  6taiont  les  impositions 
pii'levees  par  les  seigneurs  sur  les  marchands  qui  venaient 
aux  foires?  Ces  redevances  connues  sous  le  nom  general  de 
Coutumes  des  foires,  tHaient  dc  diverse  nature  et  variaient 
suivantles  localites.  Dans  un  aveu  de  Tan  1463  rclatif  aune 
autre  foire  de  notre  pays,  la  Saint-Nazaire  de  Greville,  nous 
voyons  que  le  seigneur  de  celle  paroisse  avait  «  droict 
»  prendre  sur  chacua  eslallier  deux  deniers  tournois ;  sur 
»  chacun  mercier  venant  a  cheval,  deux  escheveaulx  de  fll, 
»  ctdesaullresapied,  deux  eguilles;  sur  chacun  verrier,  ung 
»  voirre  a  pied  et  un  sans  pied;  sur  chacun  saulnier,  de  la 
»  chartde  ung  boisseau  et  de  la  somme  ung  quarsonnicr;  et 
»  de  chacun  poller,  ung  pot  a  ancc  ct  raullre  sans  ance;  et  de 
»  chacun  tavernier,  ung  gallon  de  hoire,  tel  qu'il  aura 
»  apportee  a  la  dicle  foire,  fors  Ic  premier  arrive  qui  ne  pale 
»  lien. »  (I)  Jene  sals  si  le  sei'gncur  des  Marcstz  percevait  ces 
diverses  taxes,  mais  il  prenait  certaincment  un  denier  de 
chaque  marchand  entrant  dans  la  foire,  ce  qui  etaitspecia- 
lotnent  nomme  le  droit  de  coutume;  puis  en  oufreun  second 
denier  etait  exigc  des  etaleurs,  comme  droit  de  siege  ou 
terragc.  Je  vols  par  un  acte  du  17  juillet  1336  (2),  qu'en 
celle  tnemc  annexe  plusieurs  elaleurs  se  reftiserent  a  payer  ce 
second  denier  sous  prctoxte  qu'ils  ('talaient  a  lerreet  non  sur 
des  tables,  ct  pretendirent  ne  devoir  acquilter  que  le  denier 
de  coutume.  Unc  enquete  ftit  ou\erte  a  ce  siijet  par  le 
senechal  de  la  seigneurie  des  Marestz,  et  comme  il  fut 
iirouve  que  de  tofit  temps  le  droit  de  terrage  avait  t5!e  requis 
aiissi  bien  de   ceux  qui   deposaient  Iciirs   iiiarchandises  a 


(1)  rSolcs  sur  les  ancieniies  foires  du  tlopartcmeiit  dc  la  M;inchc, 
par  M.  Leopold  Delisie  (Annuaire  de  la  Mandie,  1«5'.',  p.  o3h;. 
rl:  \o\v  le  lexto  a  rapjieiidix,  ii"  1,  page  1  !0. 


136  NOTICE    SUR    LA 

terre  flue  ile  ceux  qui  se  servaicnl  do  tables  ou  etaux,  ces 
inarchands  furent  condamni's  a  payer  le  droit  aux  fcrmiers 
de  la  foire. 

Tels  sont  les  documents  que  j'ai  pu  rccueillir  sur  laSaint- 
Clair  au  moycn-age.  A  partir  de  I'an  1318,  cettc  foire  s'est 
tenue  le  17  el  le  18  juillet  de  chaque  annee,  sur  le  territoire 
de  la  seigneurie  des  Marais,  aux  alentours  de  la  chapelle 
Salnt-Clair  de  Nacqucville.  En  ccs  jours,  les  religieux  de 
I'abbaye  du  Voeu  y  cel^braient  los  ollices,  etlisaient  I'evan- 
gile  sur  la  tete  des  personnes  qui  venaient  implorer  I'inter- 
ccssion  du  Saint,  particulierement  dans  Tespoirde  recouvrer 
la  vue  :  cc^remonie  qui  devait,  comme  on  le  pcnse  bien,  etre 
accompagnee  d'une  olTrande.  Get  otat  de  cboses  dura  jusqu'a 
I'epoque  de  la  revolution  du  siecle  dernier;  aiors,  en  vertu 
d'un  dt'cret  dont  je  n'ai  pu  connailre  ni  la  date,  ni  la  tcncur, 
ni  les  motifs,  la  foire  SainL-Clair  fut  enlevee  a   la  commune 
de  Nacquevillc,  et  transferee  sur  le  territoire  de  Querqueville 
au  lieu  oii  elle  se  tient  actuellement  le    16  juillet;  mais, 
malgr^  ce  changemenl,  elle  a  encore  conserved  son  ancienne 
denomination  dans  nos  campagnes  ainsi  qu'aux  lies  Anglo- 
Normandes,  oil  elle  est  toujours  connue  sous  le  nom  de  la 
Saint-Clair-des-Maraiif. 


lOIRE    SAI.NT-CLAIK.  i31 

APPEiNDiCE. 


K»  1. 


Miilippus  dei  gracia  francorum  et  navarrte  rex.  Inter  cetera 
virliitum  praiconia  quibus  regalem  excellenciam  condecet  vcnustari 
illud  credimus  esse  nee  minimum  si  ad  ea  quae  reipiiblicse  utililatem 
prospiciunt  se  iiberaleni  exhibeat  et  benignam.  Sane  ex  parte  dilecli 
nostri  magisfri  Ilerberti  CarbonelH  clericl  domini  pro  majori  parte 
villae  de  sancto  Laurencio  de  Nacquevilla  nobis  extilit  humiliter 
siipplicatum  ut  nos  in  villa  ipsa  nundinas  ibidem  tenendas  anno 
quolibet  de  cetero  in  vigilio  et  in  die  festi  sancti  Clari  de  benignitale 
regia  concedere  dignaremur  Nos  igltur  atlendentes  quod  exinde 
ulilitas  non  modica  toti  patriae  provenire  poterit  ac  eciam  quod 
ipsas  nundinas  sine  nostri  et  alterius  prejudicio  ac  eciam  incom- 
modo  possumus  concedere  quodque  eciam  feodum  nostrum  quod 
in  villa  praedicla  tenet  a  nobis  meliorari  jtoterit  et  eciam  aiigmenlari 
prout  per  informaUonem  de  mandato  nostro  factam  nobisque 
reportatam  nobis  evidenter  appaniit  prwdictas  nundinas  in  villa 
pra-diota  tenendas  dc  cetero  in  pntdictis  vigilio  et  die  festi  sancti 
riari  anno  quolibet  ordinamus  statuimuset  auctorilate  nostra  regia 
concedinius  per  presentes  ac  omnes  el  singulos  mcrcalores  quos  ad 
dictas  nundinas  venire  conl'gerit  una  cum  mercaturis  eorumdem 
quas  ad  dictas  nundinas  adducent  vel  aportabunt  adduci  vel  aportare 
facient  stib  roiidtirtu  regio  ac  speciali  garda  regia  suscipimus  ve- 
niendo  ad  diclas  nundinas  et  in  ipsis  morand*  et  de  eis  redeundo 
ipsnsque  ab  omnibus  injuriis  violentiis  oppressionibus  et  jacturis 
perballivum  Constantini  qui  pro  tempore  fuerit  deffendi  volumus  et 
mandamus.  (Juod  nt  firmum  et  stabile  permaneat  in  futurum  pre- 
<;pntibns  literis  nostrum  fecimus  apponi  sigillum  salvo  tamen  in 
eninihus  jure  nnstro  et  eciam  quolibet  alieno.  .Vctum  Parisiis  anno 
domini  inille.simo  trecenlesimo  decimo  octavo  mcnse  maii. 

Per  diiniinum  regem  ad  relaciononi  thcsaurarii  llcmonsi«. 

J.  ID.  Tr.Mi'i.o. 


438  NOTICE    SLR    LA 

]\'°  2. 

Nolum  sit  omnibus  presentem  cartam  inspecluris  quod  ego 
Ricardus  do  sancto  marlino  filius  quondam  RadulQ  de  sancto 
martino  mililis  pro  salute  anime  mee  et  antecessorum  meorum 
dedi  et  concessi  in  puram  liberam  et  perpetuam  elemosinam  viris 
religlosis  abbati  et  conventuj  beate  marie  de  veto  iuxta  cesaris 
burgum  decern  et  octo  denarios  annuj  redditus  ad  festum  beati 
niichaelissuperdomumquamWillelmusboistardtenebatdemesitam 
apud  naquaviliam  inter  duas  vias  ante  domum  Willelmi  pepin.  cum 
homagio  dicli  Willelmi  boistard  quidlctis  abbati  et  conventuj  reddet 
redditum  supradictum.  volo  siquideni  et  concede  quod  predict! 
abbas  et  conventus  super  dictam  domum  et  situm  ipsius  possint 
facere  plenam  iusticiam  cum  necesse  eis  fuerit  pro  redditu  supra- 
dicto  vel  super  campum  de  siquet  iuxta  domum  thome  sansonis 
situm  in  parochia  supradicta.  Iterum  dedi  et  concessi  in  pur;im  et 
perpetuam  elemosinam  deo  et  capelle  beati  clari  de  parrochia  de 
naquavilla  unum  bussellum  frumenti  annuj  redditus  ad  luminarc 
dicte  capelle.  habiendum  et  percipiendum  in  portione  niea  niolen- 
dini  de  naquavilla.  in  quo  molendino  dicti  religiosi  plenam  possunt 
et  debent  facere  iusticiam  si  necesse  fuerit  pro  predicto  frumento. 
hec  autem  supradicta  tenementa  ego  et  heredes  mei  garantizare 
manutenere  et  deffendere  contra  omnes  absque  ulla  reclamacione  a 
me  vel  heredihus  meis  super  biis  facienda.  datum  et  actum  anno 
dominj  Mo.  CC™".  L"'".  quinto  die  veneris  ante  festum  beati  petri 
ad  vincula. 


I\°  3. 

Es  assises  de  Valloingnes  devant  Robert  Jacob  tenant  le  leu  au 
bailly  de  Costentin  le  mardy  continue  du  lundy  dapres  le  dimenche 
que  Ion  chante  I.etare  Jerusalem  Ian  mil  Irois  centz  dix  sept  furent 
prescntz  frcro  Roger  le  Rous  aclornc  dliommes  relligieux  labey  de 


FOIRE  SAI-ST-CLAIR.  139 

nostre  dame  du  Vou  jouxte  Chiresbours  et  procurateur  au  conuent 
dicelluy  leu  dune  part  et  iiionsienr  Guillaume  Caibonnel  cheiiallier 
seigneur  de  Canisi  disant  que  il  estoit  pour  niaistre  Herbert  Car- 
bonnel  clerc  son  frere  Auec  ceu  quit  auoit  debat  enlre  lesdictz 
relligieux  et  ledict  maistre  pour  une  foire  que  ledict  niaistre 
voulloit  esleuer  par  la  vertu  dvne  grace  que  le  Roy  nostre  sire  lui 
auoit  donnee  dauoir  foire  et  de  leuer  coustunie  au  jour  sainct  Clair 
a  viie  assemblee  qui  assemble  a  la  chapelle  sainct  Clair  en 
la  parroisse  de  sainct  Laurens  de  Nacqueuille  ledict  actorne  et 
procureur  metlanl  debat  quauoir  ne  lui  pouuoit  par  plusieurs  rai- 
sons  qu'il  proposoit  Et  apres  plusieurs  raisons  proposez  entre  ledict 
actorne  procureur  dvne  part  et  ledicl  clieuallier  dautre  IIz  firent 
accord  sur  ce  en  la  maniere  qui  enssuit  Cest  a  scauoir  que  ledict 
actorne  et  procureur  saccorda  que  la  foire  fust  en  leu  dessus 
diet  et  saccorda  sy  ainsy  estoit  que  la  place  ne  fust  assez 
grande  pour  sullire  la  foire  que  ladicte  foire  se  puisse  cslen- 
dre  es  procbains  lieux  dillec  entour  de  ladicte  paroisse  saouf  le 
droict  de  la  haulte  justice  et  des  appartcnances  qui  appartiennent 
et  peuuent  appartenir  ausdictz  relligieux  et  saouf  ce  que  ledict 
niaistre  Herbert  puisse  remuer  ne  trestourner  lassemblee  dentour 
ladicte  cbajielle  ne  laport  dicelle  chapelle  Et  pour  cest  accord  ledict 
cheualiier  au  nom  susdict  maistre  Herbert  saccorda  tous  contant  et 
sobligea  pour  luy  el  pour  ses  hoirs  que  ledict  abey  et  conuent  et 
lous  siiccesseurseusscnt  a  heritage  cinq  soulz  de  tournois  dannuelle 
rente  sur  ladicte  fuire  sy  foire  y  a  et  que  eulx  y  puissent  faire 
justice  i-ur  ladicte  foire  et  sur  les  emolumentz  dicelle  et  ensement 
ledict  clieuallier  sobligea  pour  luy  et  pour  ses  hoirs  acquicter  les- 
dictz cinq  soulz  se  ledict  mestre  allant  ne  voulloit  aller  allencontre 
Et  promist  et  sobligea  ledict  cheuallier  faire  faire  et  confesser 
audicl  maistre  Herbert  assignement  de  tenir  les  choses  dessusdictes 
fermes  et  aslables  sans  aller  enconlre  et  sy  ledict  niaistre  Herbert 
ne  voulloit  faire  et  tenir  eulx  reuendront  au  poinct  et  en  leslat  a 
la  proclialne'assise  de  Vallongnes  cen  que  cest  accord  face  ne  nctorge 
en  prejudice  a  nulle  des  parlz  El  a  ecu  ful  present  Robert  du  boys 
escuier  qui  sobligea  a  faire  accorder  et  tenir  laccord  dessusdict 
esdictz  relligieux  sy  ledict  maistre  Herbert  le  voulloit  tenir. 

Donne  comme  dessus  sans  sigucs  et  apparoist  auoir  este  scclle 
tn  queue. 


liO  NOTICE   SUR    LA 

\°  4. 

Lan  mil  cinq  cenU  cinquanle  et  six  le  dix  huict™'-  jour  de  juillel 
au  foirage  saincl  Clair  deuant  rnoy  Jean  Anquelil  lieutenant  du 
seneschal  de  la  seigneurie  des  Marestz  pour  noble  homme  Jean  de 
Grymouuille  sieur  dudict  lieu  Fourneuilie  et  Tournebu  Sest  pre- 
senle  Jacques  ouistre  pour  luy  et  Olliuier  pigeon  son  compaignon 
ftTiiiiers  de  la  coustume  de  ladicte  foire  lequel  en  la  presence 
dudict  sieur  a  diet  el  remonstre  que  les  nstalleurs  du  mestier  de 
tenneur  et  cordonnier  estoient  refusantz  payer  chacun  ung  denier 
pour  le  siege  el  place  ou  ils  auoienl  chacun  deulx  estalle  leur 
marcbaiidise  au  controire  de  lusage  accouslume  par  cy  devanlfaict 
par  leurs  semblables  Et  que  cejourdhuy  les  estalliers  tant  du  mestier 
de  boucher  de  serreurier  que  autres  estalliers  ont  cejourdhuy  faict 
le  payement  de  chacun  ung  denier  pour  ledict  siege  demandant 
ledict  sieur  pour  lui  donner  adjonction  Sur  quoy  apres  que  par 
lesdictz  gens  desdictz  mestiers  de  tenneur  el  cordonnier  parlant  par 
Jean  letellier  Jean  chymenel  Thomas  de  saincl  gern)ain  Germain  le 
scelliere  Thomas  feronnet  Guiliaume  baubigny  Guillaume  dancel 
Jean  Lenepueu  Guillaume  perier  Thomas  le  maingnen  pour  eulx  et 
les  autres  cejourdhuy  estalliers  qui  se  viendront  nommer  eust  esle 
dictquilz  su  vouUoient  deffendre  et  soustenoient  quilz  ne  debuoieut 
aulcune  chose  pour  ledict  siege  que  scullement  chacun  ung  denier 
de  coustume  El  que  par  ledict  sieur  de  ouistre  eust  esle  requis 
eslre  presenlemenl  informe  de  la  maniere  de  payement  faict  par  cy 
deuant  du  droicl  dudict  siege  tanl  par  lesdictz  tenneurs  et  cordon- 
niers  que  aultres  estalliers  a  y  ordonne  que  presenlemenl  sera 
precede  a  enqucrir  lesdictz  estalliers  suiuant  ce  presence  des  dessus- 
dictz  lire  le  rapport  scauoir  est  a  Cardin  rose  Germain  laquesne 
Louis  guillemelles  du  mestier  de  boucher  Nicollas  leuesque  Henry 
feuillye  du  mesnil  Denis  le  carpentier  de  fibonnier  lesquelz  font  et 
ont  faict  leur  estat  conlre  lerre  comme  font  lesdictz  tenneurs  et 
cordonniers  et  reserue  lesdictz  bouchers  qui  se  garnissenl  de  tables 
ainsy  quilz  voient  bon  estre  lesquelz  ont  diet  et  rapporte  sur  ce 
deubment  jurez  qu'ils  ont  accouslume  payer  cbacun  ung  denier  pour 
la  place  de  leur  eslal  et  ung  denier  de  coustume  Duquel  rapport  a 
esle  accordo  letlre  audict  sieur  de  ouyslre  et  ordonne  que  les 
porsonne;;  ayantz  faict  la  cueillelte  de  ladicte  coustume  et  estallage 


FOIHE    SAINT-CLAIR.  141 

par  cy  deuant  seront  faictz  venir  pour  estre  de  ce  inquis  saoul 
ce  faict  ordonner  quil  appartiendra  et  la  matiere  partant  mise  aux 
prochains  plees  de  ladicte  seigneurie  lesquelz  gens  de  mestier  ont 
paye  audict  ouistre  le  denier  de  coustume  saouf  la  question  dudict 
denier  destallage  Et  donne  en  mandement  a  chacun  des  prouostz 
de  ladicte  seigneurie  adjourner  telles  personnes  que  du  party 
desdlctz  sieurs  dOuytre  leur  seront  requis  a  comparoir  auxdictz 
prochains  plees  et  aultres  enssuyuantz  iaiit  que  mestier  sera  a  la 
fin  dessusdicte  Faict  comme  dessus. 

Signe  Anquetil. 


VOYAGE  D ALGER  A  SMYRRE 


EN  1830, 


?AR 

HI.  le  D'  DUFOIJR, 

Tresidrnt  du  Consfil  .1o  Sunlit  dc  la   Merine  a  Cherbour 
Offieiir    <in  rOiJie  iHjpi'rial  de    la  t.6gii)n  d'IIon«fiir. 


Eml)ar("|u^  en  1830  sur  line  corvette  de  I'Etat  la  Bonite, 
je  venais  d'assister  a  rexpodition  d'Alger.  Ses  prt^paratifs,  le 
mouvement  de  Topinion  publiquc  si  agitee  a  cette  6poque, 
les  peripeties  de  toute  sorle  que  I'armee  avail  eu  a  traverser 
avant  de  meltre  le  pied  en  Afrique,  ses  combats,  la  grandeur 
du  but,  cnfin  le  triomphe  de  nos  armes  et  les  premiers 
latonnements  de  rcHablissement  frangais,  tout  m'avait 
vivement  pr^occupe.  Chaque  jour,  je  reunissais  mes 
impressions  et  le  jugement  que  je  portals  sur  les  fails  dont 
j'elais  temoin  ou  dont  I'echo  arrivail  jusqu'a  moi,  et  sur  les 
bommes  qui  jouaient  alors  un  rOle. 

C'esl  unc  page  dc  cc  sou^•c^ir  que  je  delacbe  anjourd'bui. 


I4i  VOYAGE 

Au  commencement  dii  mois  d'aout  nous  6tions  encore 
devant  notre  nouvelle  conquete  :  moment  de  crise  oil 
rautoi'ito  vacillait  entie  les  mains  du  marechal  de  Bourmon, 
au  bruit  des  premiers  et  vagues  details  qui  se  repandaient 
sur  les  grands  evenemenls  qui  s'accomplissaient  dans  la 
mere-patrie,  et  qui  bientot  allaicnl  lui  faire  abandonner  on 
fugitif  cette  terre  qu'il  venait  de  donner  a  la  France. 

Pour  nous,  alors  que  nos  regards  interrogeaienl  l'6tendue 
de  cette  mer  qu'allaient  traverser  les  nouvelles  si  impaliem- 
ment  atlendues ,  il  nous  fallut  subir  une  destination 
imprevue.  Notre  corvette,  avec  la  fregate  la  Thelis  et  le 
Rhone,  recut  I'ordre  de  deporter  a  Smyrne  les  plus  dangereux 
des  anciens  janissaires  d'ilussein-Pacha. 

Cette  milice,  presque  entiSrement  compos6e  d'asiatiques, 
et  qui  jusqu'a  la  capitulation  avail  fait  assez  bravement  son 
devoir,  passait  pour  ires  hostile.  C'etait,  pensait-on,  le 
principal  noyau  autour  duquel  pouvaient  se  grouper  les 
resistances  des  Maures  et  des  Arabes;  la  politique  voulaii 
qu'on  les  renvoyat  a  ces  regions  dloignees  d'oti  la  pluparl 
6taient  venus,  encore  enfants,  cherchcr  une  fortune  que  bien 
peu  avaient  rencontree  a  Alger. 

C'etait  debuter  par  une  faute  que  I'organisation  des  corps 
de  zouaves  et  la  creation  des  bureaux  arabes  n'ont  repai'ee 
que  tardivemenl.  Nous '.tHions  deja  loin  de  I'epoque  oii  ces 
hardis  flibustiers  qui  ranconnaient  le  commerce  de  la 
M6diterranee  se  recrutaient  presque  exclusivement  parmi  les 
serviteurs  les  plus  rapproch(5s  des  pachas  d'Alger.  Fort 
d(5generes,  ces  soldats  mal  amies,  sans  discipline,  presque 
sans  solde,  presque  tons  maries  et  mcnant  de  front  les 
occupations  d'un  metier  ou  d'un  commerce  de  dt'tail  et  les 
devoirs  militaires,  avaient  aux  yeux  de  ces  peu  pies  oii 
s'immobilisent  les  traditions,  conserve  le  prestige  de  ces 


d'ai.gkii  a  smvu.nk.  Ho 

anciennes  miliiTs  tiinjucs  ({uisuivaicnt  et  lai&aicnt  la  foilunc 
des  vieux  paclias. 

Jusqu'au  regne  d'Husseiii  etsuitout  de  son  predeccsseur, 
quelques  Turcs  avec  Icur  atlirail  de  guerre,  plus  genant  [)Our 
eux  que  redoutable  a  I'ennenii,  sillonnaient  la  rt^gence,  et 
suffisaienl  au  recouvremcnt  des  iinpots.  Ccux  que  nous 
rencontrions,  sans  affeclion  pour  un  pouvoir  qui  ne  stimulaii 
plus  les  hardies  cntrepriscs  et  oubliail  souvent  de  solder  ses 
servileurs,  n'inlervenanl  que  par  secousses  convulsivcs  dans 
le  gouvernenient,  ne  demandaicnt  pas  mieux  que  de  dcvcnir 
les  janissaires  de  la  France  qui  les  aurait  bien  payes  et  qui 
etait  viclorieusc.  Leurs  relations  avec  les  Arabes  de  la  plainc 
et  les  habitants  du  massif  des  niontagnes,  leur  conimunaule 
de  religion  avec  ces  populations  de  tout  temps  a  dcmi 
soumises,  leur  habitude  enfin  de  servir  fidelemcnt  le  phis 
fort,  et  qui  dans  les  premiers  temps  pouvail  nous  faire  con- 
tester  ce  titre?  tout  nous  conseillait  d'titiliscr  cet  Element 
de  puissance  indigene  que  nous  avions  sous  la  main,  nous 
n'en  fimcs  rien,  et  nous  restumes  sans  intermcdiaires  en 
presence  d'un  peuplc  hostile  dont  nous  ignorions  la  langue, 
les  usages  et  I'organisation  sociale. 

Quoiqu'il  en  soil,  le  2  aoiit,  de  la  Casba  qui  occupc  Ic 
sommet  du  triangle  que  represcnfe  Alger  et  du  haul  des 
rues  qui  presque  toutes  descendaient  vers  la  marine  avec 
leurs  irregularites  et  leurs  penles  rapides,  on  fit  marcher 
plusieurs  bataillons  qui  chasseront  dcvant  eux  tons  les 
miliciens.  Bcaucoup  de  Maures  el  quebjues  Juifs  ("faicnt 
entraines  dans  celte  razia,  et  adressaient  de  vaines  reclama- 
tions a  nos  soldats  pen  familiarises  encore  avec  ces  diverses 
races.  Celte  masse  eflVayee,  balelatilc,  poussce  vers  le  port 
etait  immediatemcnt  entassce  sur  les  baliments  de  guerre  : 
nous  en  recAines  plus  de  Irois  cents. 

10 


iJ^  VOYAGE 

Avcc  qnclqne  mysterc  qu'on  eut  prtiparfi  cellc  operation,  it 
en  avail  la  veillc  transpire  quelque  chose,  et  un  certain 
nombre  de  Turcs  avaient  pu  sorlir  d'Alger.  La  plupart  de 
ces  dorniers  finircnt  par  atteindrc  Constantine,  oil  nous  Ics  , 
retrouvames  plus  tard  sur  la  brechc. 

J'^tais  a  bord  lorsque  Ics  premiers  miliciens  y  furenl 
embarqu^s.  Une  jeune  fcmme,  qui  avail  suivi  son  niari, 
gravil  I'echelle  et  sans  dire  un  mot,  sans  faire  un  geste,  vinl 
s'asseoir  au  pied  du  grand  mat  en  s'enveloppant  de  ses  longs 
voiles.  Son  mari  dcposa  sur  ses  genoux  un  petit  enfant  qui 
se  mourail  de  soif  el  pleurait :  nous  furnes  emus  a  I'aspecl 
de  ce  tableau  des  miscres  do  I'exil.  Cclle  femme  accompagnant 
son  (ipoux  qui  la  condiiisait  vers  une  destin(5c  inconnue, 
liTri^e  a  la  nierci  du  vainqucur  dont  on  n'avail  pas  encore 
mesur6  la  generosile,  otait  un  objet  de  piti(^.  Nouslui  fimes 
porter  des  aliments  el  de  I'cau  qu'elle  donna  a  son  enfant 
apres  nous  avoir  remercies  par  un  signe  de  la  main. 

Cependanl  nous  examinions  ces  hommes,  qui,  persuades 
qu'on  ne  Ics  avail  diriges  vers  la  marine  que  pour  se  defaire 
d'eux  plus  commodemcnt,  suivanl  Ics  vieilles  habitudes  de 
la  regcnce,  paraissaient  frappos  de  Icrreur.  Leurs  belles 
figures  etaient  pales  et  consternees ;  on  les  d^sarmail,  puis 
on  iCs  faisait  descendre  a  fond  de  cale.  lis  devaient  croire 
que  la  s'accomplirait  leur  immolation.  A  leur  honneur,  nous 
remarquamosque  beaucoup  paraissaient  moins  6mus  de  leur 
danger  personnel  que  d6sesp(5res'd'abandonner  leurs  families 
dont  on  venait  de  les  s(5parer  violemment. 

lis  demandorent  I'aulorisation,  aussitol  accordee,  de  leur 
6crire.  Au  milieu  de  la  confusion  on  avail  entraine  quclques 
Juifs.  L'un  de  ces  derniers  se  debatlait  comme  une  viclime 
qu'on  m6nc  au  sacrifice,  en  crianl  qu'il  (^lail  le  meillcur  ami 
des  Frangais.  11  me  siipplia  de  lui  fournir  Ic  moyen  de  so 


d'alger  a  smyrne.  m 

rcclamer  du  consul  anglais  qu'il  pri^tendait  connailre.  Mais 
aussitdt  qu'il  en  eut  fini  avec  sa  missive  personnelle,  il  se 
mil  a  exploiter  le  reste  de  son  papier  en  ^crivant  pour  Ics 
Turcs  des  lettres  qu'il  ne  livrait  qu'en  ^change  d'un  douro 
d'Espagne.  Depuis  j'ai  su  qu'on  I'expulsait  parce  qu'il  avail 
fait  a  la  foisle  metier  d'espion  du  dey  etdes  Frangais,  et  qu'il 
6tait  signale  comnie  un  liomme  dangereux.  Nous  conser- 
vames  done  jusqu'a  Sniyrne  cet  elrange  personnage  qui, 
fiddle  a  sa  vocation,  renseigna  jusqu'au  bout  la  police  du 
bord.  Veritable  type  de  ces  enfants  d'Israel,  n5pandus  sur  la 
cote  d'Afrique  depuis  leur  expulsion  de  I'Espagne,  egalement 
mepris^s  partoutet  partout  reinuant,  intrigant,  en  definitive 
gagnant  de  I'argent  la  oil  Maures  et  Turcs  se  ruinaient.  Au 
reste,  dt's  les  premiers  jours  de  la  conquote  noias  pumes  le 
remarquer  :  les  Israt^lites  de  I'Algc^rie  se  sentant  proteges 
par  les  moeurs  et  Tautorilc  francaise,  releverent  la  lete  et 
manifeslerenl  de  nouvelles  allures  et  des  semblants  d'ind6- 
pendance.  lis  furent  les  premiers  a  sc  dire  Frangais;  depuis 
leur  dignity  morale  s'est  relevee.  Ce  n'est  pas  un  des  moindres 
rfeullats  de  notre  occupation. 

Le  marechal  deBourmon  s'etant  ravish,  nous  debarquamcs 
une  parlie  de  nos  passagers  et  les  families  de  ceux  que  nous 
conservions  purent  se  reunir  a  eux.  Quelques  tapis,  des 
coussins  composaient  avec  un  grand  coffre  le  mobilier  de 
ces  menages  :  quelqucs-uns  do  ces  coffres  renfermaient, 
disait-on,  dos  valeurs  considerables.  De  cette  simplicite 
primitive  en  fait  de  confort,  il  resulta  que  cliaque  famille 
sc  trouva  en  quelques  instants  presqu'aussi  bien  installec 
a  bord  que  dans  sa  maison  d'Alger.  11  seinble  que  les  Turcs 
campent  toujours,  memo  dans  leurs  villes. 

La  rigueur  des  premieres  dispositions  futadoucie,  quel- 
ques vicillards   qu'on    voulait  dobarquer   s'y   rcfusercul; 


148  VOYAGE 

d'aulres  relournerenl  a  terre  pour  mourir  la  oii  ils  avaienl 
vt^cu. 

Au  moment  oii  nous  alliens  nppareiller  arriva  un  brick  du 
commerce  qui  apportait  des  nouvelles  de  France,  nouvelles 
sans  suite,  exagerces.  En  attendant,  le  drapeau  blanc  flottait 
encore  sur  les  batiments  et  les  forts.  Nos  instructions  nous 
prescrivaient  de  le  conserver  el  a  notre  retour  d'arborer 
celui  que  nous  dt^couvririons  a  terre;  arrives  dansle  Levant 
avec  ces  singulieres  recommandations,  nous  devions  recevoir 
les  ordres  de  I'amiral  de  Rigny  que  nous  trouvames  tout 
aussi  peu  precis.  La  corvette  le  Rhone  et  la  Thetis  partaient 
avec  nous,  accomplissant  la  meme  mission. 

Les  plus  grandes  precautions  etaiaient  leur  luxe  aux  yeux 
de  nos  passagers  pour  leur  Cter  loutc  velleit^  de  revolte  : 
deux  canons  charges  a  niitraille  dans  la  batterie  et  braques 
sur  eux,  la  nuit,  factionnaires  places  au  grand  panneau,  le 
pistolel  charge  au  poing,  chacun  de  nous  arme  jusqu'aux 
dents;  prudence  bien  gratuite  etqui  attestait  notre  ignorance 
du  caractere  musulman.  Ce  sont  les  prisonniers  les  plus 
faciles  a  conduire  et  les  plus  dispos(}s  a  s'incliner  devant  la 
destinue  quand  elle  a  parle. 

De  temps  en  temps  on  les  laissait  venir  sur  le  pont;  la  ils 
passaient  des  lieures  entieres  a  fumer  avec  une  gravite  que 
n'alt^ra  jamais  la  petulance  de  notre  Equipage,  compose 
presque  en  cntier  de  provengaux.  Rarement  ils  nous  jetaient 
un  regard  et  ne  manifestaient  d'emotion  que  lorsque  ils 
nous  voyaient  jouer  avec  leurs  enfants.  Quelqucfois  encore, 
lorsque  de  loin  ils  apercevaient  leurs  femmes  mal  voil(5es  ou 
sans  voile,  leurs  yeux  s'allumaient  d'indignation  et  de 
jalousie.  Le  soir  arrive,  chaque  mari  ramassait  les  tapis,  les 
coussins  de  sa  femme,  soutenaitses  pas  cliancelanlsjusqu'au 
faux-pont  qui  leur  etait  reserve  et  se  relirait,  non  toulcfois 


I 


'd'alger  a  smyrne.  149 

sans  avoir  fait  payer  par  qiielque  correction  briitale  les 
petiles  coquetteries  du  jour,  s'il  s'en  fitait  commis.  II  fallut 
meme  quelquefois  intervenir  pour  ramener  la  paix  dans  ces 
mt'inages  egares  au  milieu  des  infid61es. 

Quant  aux  femmes  elles  s'^taient  si  vile  et  si  bien  r^sign^es 
a  leur  sort  que  la  batterie  dans  laquelle  elles  se  tenaient 
pendant  le  jour  retenlissait  de  leurs  eclats  de  rire;  plus  de 
cent  parlaient  a  la  fois.  Couchees  toute  la  journce,  quelques- 
unes  etaient  remarquablement  belles;  Icurs  mains  et  leurs 
pieds  surtout  etaient  modeles  avec  une  rare  perfection. 

Cette  dignite  dans  I'infortune  que  savent  si  bien  conserver 
les  musulmans  n'abandonna  pas  un  instant  les  n6lrcs. 
Sauf  quelqucs  exceptions,  ils  conlinuerent  sous  nos  regards 
leurs  prieres.  Trois  fois  par  jour,  tournes  vers  la  Mocque,  ils 
n^pelaient  leurs  genuflexions.  Pas  un  seul  ne  nous  donna  la 
satisfaction  de  Tcntendro  se  plaindre  de  I'obstination  de  leur 
dernier  souverain,  cause  de  tons  leurs  malheurs. 

Retardes  par  les  vents  contraires,  nous  n'etions  au  23 
qu'cn  vue  de  Cerigo;  Venus  avait  abandonne  son  ilo,  car 
nous  cbcrcliions  vainement  un  coin  de  la  modcrne  Cjlhere 
qui  presentat  une  apparence  de  vegetation  a  nos  jeux 
desappointes.  C'est  la  une  deception  commune  au  milieu  de 
ces  lies  dont  la  fertilitt^  a  6te  tant  cel^brce  par  le  genie 
antique.  C'est  que  le  soufile  de  la  barbarie  a  tout  dessecbe 
ici  :  les  forets  qui  couvraicnt  ces  pentcs  aujourd'hui  arides 
ont  il6  arracli6es;  les  eaux  ont  entraine  toute  terre  vegcHale, 
cesse  elles-memes  de  couler  et  de  feconder  les  vallees. 
Cherchez  pourtant  quelque  retraite  abritee  du  vent  de  la 
mer,  liumide  de  quelque  source  cacbee,  et  vous  verrez 
reparuitre  les  vestiges  de  cette  ferlilite  dont  se  vantaient  les 
Cychules.  Mais  ce  que  I'liommc  n'a  pu  ravir  a  cette  ierro 
privilegiOe  jadis,  ce  sunt  les  contours  adoucis  et  barnioiiieux 


IS0  VOYAGE 

des  monlagnes,  la  couleur  ile  leurs  roclies  de  marbre  dor(5es 
par  le  soleil,  et  celle  (Strange  transparence  de  I'air  qui 
rapproche  toiUcs  Ics  distances  et  qu'on  retrouve,  dit-on,  dans 
la  campagne  romaine. 

Au  moment  oii  nous  nous  trouvions  au  milieu  de  I'Archi- 

pel,  radministration  do  Capo-d'Istrias  soulevait  un  m6con- 

lentement  general.  H61as!  il  en  aetede  mfiniedc  toutes  celles 

qui  ont  suivi.  Les  insulaires  Ics  plus  (^clair^s  avouaient  qu'ils 

avaient  peu  gagne  a  rccouvrcr  leur  independance.  La  Tur- 

quie  rcspeclait  leurs  liberies  municipales  et  a  toujours  agi 

ainsi  avec  les  peuples  conquis.  Mais  c'etait  la  un  respect 

inerte,  sans  initiative,  laissant  se  developper  les  germes  de 

vitalite  la  oil  quelques-uns  avaient  survecu,  ct  p^rir  ce  qui 

ne  se  soutenait  pas  de  lui-meme.  Malgre  tout,  des  diverses 

parties  de  la  Grece,  I'Archipel,  pepiniere  de  niatelots  pour 

la  flotte  du  sultan,  donnant  d'aulre  part  15,000  marins  au 

commerce,  etait  la  plus  mcnag^e.  Cliaque  annee  le  capitan- 

pacha  faisait  une  tournte  inoffensive,  recueillait  I'impOl  do 

capitation ,  produitdes  douanes;  tout  le  reste  6tait  abandonnS 

aux  lies  qui  s'administraient  avec  une  parfaite  ind^pen- 

dance. 

Menaces  d'une  de  ccs  tcmpOtcs  si  frequentes  dans  ces 
parages,  il  nous  fallut  rcluclier  ii  Paros,  ct  bicntot  nous 
mouillames  dans  cette  memc  rade  oii  la  flotte  du  comte 
Orloff,  guidce  par  un  Anglais,  vint  se  reunir  pour  alter  a 
Tchcsme  dclruirc  une  premiere  fois  la  flotlc  turque  a 
laquelle  dans  noire  imprc'voyance  nous  etions  destines  a  por- 
ter, a  Navarin,  un  coup  dont  elle  ne  s'csl  plus  relevee. 

Depuis  r(5poquc  dont  je  rappelleici  les  souvenirs,  le  pas- 
sage de  milliers  de  batimcnis  a  r(;pandu  une  aisance  relative 
dans  ces  lieux  qui  me  parais^saient  si  d^soles.  Ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'ost  qu'alors,  sauf  dans  Ics  poinis  qui  comptaicnt 


d'alger  a  smyrne.  <5i 

au  nombre  des  Echelles  du  Levant,  rcgrisit  partout  une 
niistre  qii't^galait  scule  I'ignorance  des  choses  de  I'Europe. 

Dans  un  cadre  de  rochers  sl6rilcs  s'elcvait  Naousa,  pauvre 
assemblage  de  maisons  qui,  a  peine  batics,  prenaient  la 
physionomie  de  mines  s'harmonisant  avec  quelques  restes 
de  ces  fortifications  que  les  Veniliens  aVaient  3em(5os 
partout. 

Nous  nous  halames  de  descendre  h  terre.  Sur  le  rivagc 
mOme  roulaient  a  nos  pieds  d'^normcs  fragments  de  cc 
marbre  blanc,  orgueilde  Pares,  rt^serv6  jadis  pour  les  statues 
des  dieux  et  qui  ne  sert  plus  aujourd'hui  qu'a  faire  des 
morliers  et  des  salieres  qui  s'expoftent  dans  la  Grecc  conti- 
ncntale. 

Comme  dans  les  autrcs  iles,  les  vallees  donnont  un  vin 
trOs  aromatise  ct  asscz  de  cereales  pour  les  bcsoins  do  la 
population.  Sur  les  terres  plus  elevees  croisscnt  a  grand'pcine 
des  cotonniers  rabougris,  ct  le  long  des  rares  cours  d'eau 
s'elijvcnt  do  grands  roseaux  qu'on  utilise  pour  la  couverlurc 
des  niaison.«.  Qaet  la  de  petites  chapalles  desservies  pin-  les 
moines  des  couvents  voisins,  papas  aussi  igiiorants  que  Icurs 
compalriotes.  Ceux  que  nous  interrogeames  avaient  tous  joue 
un  rule  dans  la  lutte  de  rind(5pendance,  et  I'un  d'cux  nous 
iiionlrait  sa  main  que  les  fyrans  avaient  liorriblement  mutilee. 
De  fait,  c'etait  unc  de  ces  deformations  qu'on  apporte  en 
naissant  ct  dont  il  faisait  remonter  la  responsabilite  a  la 
barbaric  musulmane. 

Marmara,  le  chef-lieu  de  I'ile,  est  a  deux  lieucs  de  Naousa 
ct  sur  la  cute  oppost5e.  C'est  prcsque  une  ville.  Notre  arrivee 
fit  sensation.  En  un  instant  apparurent  aux  fcnetrcs  les  gr.v 
cieuses  figures  des  jeuncs  grecques,  ct  nous  fumes  entouriis 
par  une  quantiio  (riiommes  qui  nous  pailc'rer  t  de  NiipolCMu 
(t  do  la  France  el  d'lbraliiia-rachn. 


452  VOT\GE 

Pour  arrivcr  a  line  pelite  t^glise  de  mauvais  style,  balie  en 
m.\rbre  et  scrupuleusement  blanchie  a  la  chaux  en  dehors 
et  en  dedans,  nous  passamcs  au  milieu  de  ruincsquichaque 
jour  disparaissent.  Que  n'a-t-on  pas  dil  du  vandalisme  des 
Anglais  et  des  Francais  arracliant  aux  Grecs  Ics  dt^bris  de 
leur  glorieux  passe  pour  los  exiler  sur  les  rives  de  la  Tamise 
et  de  la  Seine!  La  verite  est  que  les  Hellenes  conspirent  ici 
avec  les  etrangersetle  temps.  lis  sclent  les  colonnes,rautilent 
les  chapiteaux  pour  batir  des  maisons  de  marbre  et  de  boue. 
Capo  d'Istrias  avait  defendu  sons  des  pcines  Ires  severes  de 
toucher  aux  ruines  :  vaincs  defenses!  Irois  mois  avant  notre 
arrivee  on  avait  abattu  le  porlique  d'un  temple  d'Appollon 
parce  que  pour  arrivcr  a  une  petite  chapclle  voisine  il  fallatt 
fairc  un  detour  de  quelques  pas. 

Pares  etait  renommee  pour  ses  beaux  temples.  Tout  le 
mondc  se  rappelle  que  c'est  parmi  ses  ruines  que  Ton  a 
decouvert  lesccl<>bres  inscriptions  dites  marhres d' Arundel, 
conservees  a  Oxford  en  Anglelerre. 

M.  de  Choiseul-GoufTier  a  decrit  les  grottes  d'Antiparos 
qui  fournissaient  le  plus  beau  marbre.  Ne  pouvant  les  visiter 
nous  dumes  nous  contenter  de  celles  de  Paros  meme. 

La  premiere  que  nous  visitamos  a  peu  d'elevalion  el  est 
peu  considerable.  Le  temps  a  revelu  d'une  teinte  brune  ccs 
marbres  negliges  depuis  tant  de  siecles  et  qu'on  ne  visite 
qu'a  la  lueur  de  torches  dont  la  fumce  laisse  sur  les  parois 
des  carrieres  comme  de  funebres  sillons;  engraltant  l^gere- 
menton  voit  apparaitre  lour  eblouissante  blanciieur.  II  faut 
reiuarquercepcndant  que  cc  marbre  n'a  pas  phis  d'eclat,  de 
finesse  et  n'est  pas  susce|)tible  d'un  plus  beau  poll  que  celui 
de  Carrare;  par  cxempie,  ce  qui  le  caracterise  c'est  unesorle 
de  transparence,  et  la  coulcur  legerement  fauve  et  don'e 
qu'il  prend  avec  Ic  temps  ct  sous  los  rayons  du  soleil. 


d'alger  a  smyrne.  153 

Prfes  (I'une  des  ouverturcs  de  la  carri^rc  apparall  un  petit 
bas-relief  sans  importance,  que  les  Grecs  appellent  les 
Nymphes  el  qu'un  anglais  avail  voulu  enlever  en  creusant 
tout  autour  une  rainure  profondc. 

Mais  la  carriore  qui  suit,  bicn  plus  exploitee  jadis,  attira 
tout  autrement  notre  attention.  L'entrfieen  est  majestueuse 
et  de  chaque  cote  s'etendenl  de  longues  et  vastes  galeries.  En 
avancant  nous  nous  trouvames  bientfll  dans  une  obscurity 
profonde,  mais  les  moines  d'un  couvent  voisin,  guides  ordi- 
naires  de  ces  solitudes,  apportirent  d'enormes  torches  dont 
nous  suivimes  lalumicre.  Nous  marchions  sur  uneterre  fine 
et  noire.  Sur  nos  tetes  s'elevaient  des  voiitcs  dans  les  parois 
dcsquclles  il  6tait  facile  de  reconnaitre  la  trace  desderniers 
travaux  et  pour  ainsi  dire  des  derniers  coups  de  ciseau.  De 
distance  en  distance  6taient  menagees  des  ouvertures  soil 
dans  les  flancs ,  soil  au  sommct  de  la  montagne,  veritables 
puits  de  la  profondeur  dcsqnels  des  machines  puissantes 
enlevaient  les  blocs.  De  chaque  cOte  des  galeries  les  travail- 
leurs  avaient  amoncele  des  debris  qui  embarrassaient  la 
voie. 

L'eauqui  decoule,  chargeede  calcaire,a  travers  les  fissures 
des  routes,  a  fini  par  reunir  tous  ces  debris  en  une  masse 
cornpacte.  Cello  qui  filtrc  plus  lentementa  convert  toutes  les 
parois  de  slalactiques.  Vers  le  milieu  de  notre  promenade 
souterraine  nous  vimes  la  voute  sVlever  a  droite  au  point 
d'etre  prcsqvie  hors  de  vuc.  L'obscurite  qui  r^gnail  dans 
cetle  pi'ofomle  crevasse  nous  fit  penserqu'elledevaitalteindre 
le  milieu  de  la  hauteur  de  la  montagne  dans  les  flancs  de 
laquelle  les  carrieres  ont  et6  creusees. 

La  pale  Incur  de  nos  flambeaux  qui  venail  troublerlanuit 
de  ces  retraites,  la  vuc  dc  ces  moines  si  dilTerenls  de  leurs 
pores,  le  rctenlisscmcnt  do  nos  voix  donnaicnt  a  celte  scene 


154  V0YAG6 

unc  singiiliire  Amotion.  De  tous  c6\H  on  voyait  dcs  noms 
graves  sur  les  parois,  traces  du  passage  des  voyageurs  loin- 
tains,  nous  y  luines  une  foule  de  signatures  vulgaires  parmi 
lesquellesquelqucs  noms  celebres  apparaissaient.  G'est  ainsi 
que  nous  y  Irouvames  ceux  de  Thomas  Moore  ct  de  Strafford 
Canning;  parmi  ceux  des  Francais  existait  celui  de  M. 
Dosrotours.  Mais  c'^taient  ceux  des  Anglais  qui  etaient  en 
majorite.  Nous  dessinames  les  n6tres  avec  la  fum(5e  de  nos 
flambeaux,  apres  huit  jours  I'humidite  les  aura  effaces. 

En  voyant  inscrits  sur  les  monuments  de  I'ancienne  Grece 
ces  noms  de  voyageurs  presque  tous  venus  de  I'Occident, 
comment  ne  pas  etre  frappd  de  la  bizarrerie  du  destin  qui 
pousse  vers  ces  vestiges  les  enfants  des  r(^gions  encore 
barbares  lorsque  florissait  la  civilisation  helienique?  Qui 
aurait  dit  aux  brillants  alh^niens  qu'un  jour  les  liabilanis 
de  la  Gaule,  bcritiers  de  leur  propre  genie,  vicndraient  sur 
leur  tcrre  nalale  rcchercber  la  trace  de  leur  passage,  les 
temoignagosdc  leur  grandeur,  et  enseigner  leur  passe  a 
leurs  fils  di'generes? 

Nous  quitlames  avec  regret  ces  cavcrnes  qui  sc  prolon- 
geaient  bien  au  delh,  mais  qui ,  interrompues  par  des  ebou- 
lemenls,  n'auraienl  pu  au  prix  de  beaucoup  de  fatigue,  nous 
offrir  d'autres  aspects. 

Notre  scjour  so  prolongeait  a  Pares.  Nous  dumes  au  calmc 
qui  s'obslinait  a  regner  d'assister  a  unc  scene  biblique.  Un 
jour  nous  remarqutlmes  parmi  les  femmes  turques  un  grand 
mouvement  et  nous  les  vimcss'avancer  vers  Ic  commandant 
et  so  jcler  a  scs  plods,  puis  ellcs  se  mirent  a  parlor  avec 
volubilite  et  prosque  toutcs  ensembles;  quelques-unes 
montraicnt  tour  a  tour  leur  sein  ct  leurs  enfants.  L'interprete 
aussitot  appel6  expliqua  que  ces  pauvres  femmes  s'etant 
imagine  quo  si  nous  reslions  a  Paros  c'est  que  nous  nous  y 


I 


D  ALGER   A    SWYRfJE.  153 

trouvions  bicn,  venaicnt  supplier  lecapilainede  Ics  conduire 
au  plus  vite  en  Asie.  Voyez,  disaient-elles,  nos  mamellcs 
sont  dcssechces  et  nos  enfantsdep6rissent.  On  leur  fit  entendre 
avec  beaucoup  de  peine  qu'il  fallail  accuser  le  calme  du 
retard  dont  elles  se  plaignaient. 

Le  5  septembre  nous  pumes  cependanl  reprendre  la  mer. 

Le  lendemain  traversant  lentement  le  canal  qui  separe 
Scio  de  I'Asie,  nous  pumes  reconnaitre  sur  cette  fie  si  fertile 
et  si  belle  dontle  terrain  s'eleve  par  une  pente  adoucie  des 
rivages  de  la  mer  aux  montagnes  de  I'intcrieur,  nous  pumes 
reconnaitre  les  traces  d'une  recentc  devastation.  L'ile  s'tHait 
en  elTet  revolt(5e  pen  de  temps  avant  notre  arrivee  et  la  porte 
avail  confiele  soin  de  la  clifitier  a  un  de  ses  gL^n(5raux  les 
plus  cruels.  Les  maisons  ^taient  noircies  par  I'incendie,  a 
moitie  renversees  par  les  boulets  au  milieu  d'immenses 
champs  d'oliviers  el  de  forets  d'orangers.  Le  soleil  versail  sa 
lumi^re  sur  cette  scene  de  meurtre  el  de  pillage. 

Nous  detournions  nos  regards  de  celle  lerre  si  rficemment 
arrosiie  de  larmes  et  de  sang  pour  les  reporter  vers  la  cole  dc 
I'Asie  mincure.  La  se  Irouvait  le  termc  de  notre  mission  et 
nous  debarquames  nos  passagers  sur  les  lies  d'Ourlac  que  trois 
lieuesseulement  separenl  de  Snnrne.  Plusieurs  de  ces  turcs 
parureni  vivement  emus  en  nous  quittant  et  s'efTorQaienl  de 
fairecomprendre  la  reconnaissance  dont  lagen(5reuseconduite 
des  Fran(:ais  lesavait  penelres;  quant  aux  femmes  ne  craignant 
plus  de  se  devoiler  elles  saisissaicnt  nos  mains  et  les  pres- 
saienl  en  pleuranl. 

En  quclqucs  heures  ils  eurenl  improvise  un  petit  camp. 
Nous  les  y  visilames  le  lendemain  et  nous  pumes  rccucillir 
encore  des  protestations  qui  devaicnt  elre  sinceres. 


NOTICE 


SUR    LES 


ANCIENNES  FABRIQUES  DE  DRAPS 

.  DE  CHERBOURG, 


PAR 

m.  Augnste  LE  JOLIS. 


(Lue   ii  la   Societe  academique   de   Cherbourg,   dans   sa  seance 
publique  du  3  avril  1851.) 


Messieurs, 

Dans  le  cours  de  I'exislcnce  d'une  villc,  il  est  des  institu- 
tions qui,  aprfis  avoir  dure  un  certain  nombre  d'annees, 
quelquefois  des  sieclcs,  disparaissent  sans  laisser  d'aulres 
traces  de  leur  passage  que  quelques  lignes  dans  les  annaies 
de  la  cite.  De  ces  institutions,  les  unes  sont  de  nature  imous 
faire  mieux  comprcndre  les  niceurs  cl  les  usages  d'un  temps 


438  FABRIQUBS    DE    DRAPS 

d(5ja  loin  de  nous;  ellcs  presenlent  ainsi  un  inttirct  tout 
sp(5cial  a  riiislorien.  D'aulres  furcnt  utiles  et  concoururcnl 
au  bien-otredu  pays;  dcquelque  modesleimportancequ'ellcs 
puissent  paraitre,  il  est  juste  d'en  conscrver  le  souvenir. 

C'esl  surtout  aux  academics  de  province  qu'il  appartient 
d'enregistrer  ces  fails,  de  rassembler  ces  materiaux  de 
I'histoire  locale,  de  recueillir  avecun  soinpieux  les  traditions 
de  nos  ancfitrcs.  Si  done  il  arrive  a  noire  connaissance 
quelque  particularite  de  Thistoire  do  notre  ville  qui»ail 
echapp(5  jusqu'alors  aux  reclierches  de  nos  dcvanciers,  il  est 
de  notre  devoir  de  la  lirer  de  I'oubli,  cl  de  lui  rcstituer  une 
place  dans  les  recits  du  passe. 

C'esl  ce  motif,  Messieurs,  qui  m'engagc  a  vous  entrctcnir 
aujourd'hui  d'une  branche  do  commerce  autrefois  importanle 
a  Cherbourg,  inconnue  maintenanl,  cl  sur  laquelle  aucun 
des  historiens  de  notre  ville  n'a  donne  de  details  circons- 
tancies  :  je  veux  parler  des  manufactures  do  draps  qui 
florissaient  dans  nos  murs  au  XVII*'  siecle. 

On  lit  dans  la  Vic  de  M.  Pate,  cure  de  Cherbourg  : 
«  Sa  plus  grande  curiosite  etait  de  savoir  si  les  draps  se 
»  vendaicnl  a  Paris,  et  aux  foires  de  Caen  et  de  Guibray, 
»  carc'elait  cette  marchandise  qui  faisait  subsister  les  pauvres 
»  de  Cherbourg....  et  on  le  voyait  aillig(3  et  inquiet  quand 
»  ce  commerce  n'allail  pas  bicn.  »  —  Dans  son  histoire 
manuscrite  de  Cherbourg,  M.  de  Chantereyne  sc  borne  a 
dire  qu'il  y  avail  dans  notre  ville  une  bonne  manufacture 
de  draps.  Une  citation  toulaussi  laconiquesevoitegalemcnt 
dans  un  manuscrit  de  notre  bibliolheque.  Enfin,  on  lit  le 
passage  suivant  dans  VAnnuaire  de  laManche  pour  I'an  XI : 
«  On  fabrique  dans  cette  ville  (Cherbourg)  des  draps  et  des 
»  toiles  de  lin.  »  Voila,   Messieurs,  les  seules  indications 


DE    CHERBOUnC.  159 

que  Ton  rencontre  chcz  nos  chroniqucars  sur  Vexislcnce  de 
cetle  Industrie  h  Cherbourg. 

Mais  dans  une  liassc  de  diaries  etautrcspiijcesliistoriqnes 
recucillics  autrefois  par  M.  de  Chantereyne,  et  qui  ont  cl6 
derni^renient  offertes  a  notre  bibliotlieque  communale  en 
mSme  temps  que  les  memoires  inedits  de  ce  savant  sur  I'his- 
toire  de  notre  pays,  j'ai  remarqu6  un  cahier  portant  ce  titre  : 
«  Statuts  do  la  manufacture  de  draps  de  la  ville  de  Cher- 
»  bourg,  du  10  avril  16G8  »;  et  par  la  lecture  do  ses  statuts, 
j'ai  pu  merendre  comptede  I'organisation  et  de  riniportance 
que  prt^sentaient  ccs  fabriques  voila  bientot  deux  sitcles. 
C'est  une  analyse  rapide  de  ce  document  que  je  vais  avoir 
I'honneurdevous  presenter;  maisauparavant,jecrois  devoir, 
Messieurs,  indiquer  ici  en  peu  de  mots  a  quelle  occasion  ces 
statuts  avaient  du  etre  rodiges. 

Sous  Ic  regne  de  Louis  XIV,  le  conseil  royal  de  commerce, 
grace  surtout  a  Tiniliative  de  Colbert,  porta  une  attention 
loule  speciale  sur  les  manufactures  d'ctoiTes  de  laine,  et  prit 
diverscs  mcsures  pour  reglcmenler  la  fabrication  ctla  vente 
des  draps  dans  toulc  I'etendue  du  royaumc.  Dos  statuts, 
liomologu^s  par  le  conseil  d'Etat,  furent  mis  en  vigueur 
dans  la  plupartdes  viilesmanufacturieres.et,  surunnouveau 
rapport  de  Colbert,  le  conseil  royal  de  commerce  rendit  un 
arret,  en  date  du  14  mai  1667,  portant  que  ces  rcglements 
scraient  executes  rigoureusement  en  tons  lieux,  «  afin  que 
toutes  les  pieces  de  m(}me  etofTe  fussent  uniformes  dans  tout 
leroyaumecn  lours  longueur,  largeur  et  qualite  ».  Pour 
arriver  a  ce  resultat  il  fut  ordonne  que  chaque  piece  de 
draperie,  avantd  etremise  en  vente,  seraitsoumise  a  I'examen 
domailrosjures,  (jui  cnconslateraicntlaqualit^  ctle  mctrage, 
clcnsuitcy  apposcraicnt  le  plomb  royal  indiijuant  que  cotte 
piece  satisfail  aux  conditions  exigees  par  les  statuts. 


IfiO  FABRIQUES    Dli    DRAPS 

L'execution  de  ces  mesures  rencontra  des  obstacles  dans 
certaines  contrees,  nolamment  en  Normandie  et  dans  d'aulres 
provinces  avoisinantes,  ou  Ton  continuait  a  fabriqiier  des 
6tofTes  plus  etroites  que  ne  le  comportaient  les  reglcments : 
cequi  moliva  un  nouvel  arret  du  conseil.el  une  ordonnance 
royale,  en  date  du  14  avnl  1669,  enjoignit  de  reclief  I'ordre 
aux  maires,  eclievins  et  juges  de  police,  de  tenir  exactement 
la  main  aTexecution  de  I'arret  du  14  mai  1667,  de  faire 
visiter  les  pieces  d'etoffes  exposces  en  ventc  dans  les  foires  et 
marches,  etde  saisiret  confisquer  celles  qui  ne  porleraicnt 
pas  I'empreintc  du  sceau  royal.  Au  mois  d'aout  do  la  nieme 
annee,  le  roi  altribua  exclusivement  aux  maires  et  echevins, 
la  juridiction  des  manufactures  de  draperies;  mais,  dans 
certaines  villes,  les  officiers  des  presidiaux  clicrcherenta 
cmpietcr  sur  les  pouvoirs  ainsi  conferes  aux  echevins,  et  il  ful 
necessaircqu'une  nouvelle  ordonnance  intervint  pour  niettre 
fin  a  ces  conflits.  Get  arret,  rendu  en  conseil  d'Etat  preside 
par  le  roi  a  Saint-Germain-en-Laye,  le  27  juillet  1770,  con- 
firme  aux  maires  le  droit  de  juridiction  sur  les  manufactures, 
et  dt^fend  aux  officiers  des  presidiaux,  ainsi  qu'ii  tous  autros 
justiciers,  «  de  rien  entreprendre  sur  ladite  juridiction, 
»  troubler  ni  emp^cher  lesdits  maires  et  echevins  en  I'exer- 
»  cice  d'icelle,  directementou  indirectement,  a  peine  d'inler- 

»  diction  et  de  100  livres   d'amcnde, enjoint  auxdits 

»  maires  et  echevins  de  vaquer  incessamment  a  I'exercice  de 
»  ladite  juridiction  et  de  tenir  la  main  a  l'execution  des 
»  regiementsgen(^raux  des  manufactures;  etaux  maitresdes 
»  requetes   departis  par  Sa  Majest(5  dans  les  provinces,  do 

»  leur  donner  toute  protection  n^cessaire,  ordonnc  qu'a 

»  la  diligence  des  maires  et  echevins,  tous  les  conlrevenants 
»  au  presentarreteserontassignes  en  conseil  en  vertud'icclui, 
»  pour  voir  declarer  Icsdilespeines  encourir  centre  eux;  etc.* 


1)K    CriKllBOLRG.  1  G1 

l)e  plus,  lo  roi  sc  rcseivait  cxclusiveinont  Ui  connaissancR, 
en  son  conscil  royal  de  commerce,  tics  appcls  qui  pour- 
raiciitctrc  formules  a  cctte  occasion. 

II  m'a  paru  utile,  Messieurs,  de  rappcler  ces  fails generaux 
qui  peuvent  servir  a  I'lnlelligence  dece  qui  va  suivre. 

Pour  obeir  a  I'ordonnance  du  11  mai  1667,  Ics  mailres 
drapiers  do  Cherbourg  sc  reunirent,  le  10  avril  1668,  par 
devant  Philippe  Loliier,  sieur  dc  Noiremare,  et  Jean  Samson, 
sieur  dc  Saint-Jean,  maireset  echevins  de  cctlc  ville,  el  arn"- 
terent  des  statutset  r(^glements  contcnus  en  43  articles.  Le 
debut  de  ces  statuts  est  tellenient  remarquable  par  la  naivete 
de  la  redaction  et  par  I'esprit  religieux  qui  y  domine,  que  je 
crois  devoir  le  reproduire  ici  textucllement : 

«  Statuts  et  reglemenls  pour  les  manufactures  de 

»  draperies  qui  se  fabriquent  dans  la  ville  et  faux- 

»  bourgs  et  banlieue  de  Cherbourg,  pour  Clre  observes 

»  a  I'avenir  sous  le  bon  plaisir  du  Roy  et  de  sa  jus- 

»  lice,   par   les  marchands   et  maitres   dudit  etat, 

»  com  me  ensuit : 

«  Art.  1.  11  est  exprcssemcnt  defendu  a  tous  maitres  dc 

»  manufactures  dc  draperies  de  travailler  ou  faire  travaijier 

»  aucuns  ouvriers  pour  quelque  sujet  ou  pretexte  que  ce 

»  soient,  les  jours  de  dimanche,  ffites  annuelles,  f6tcs  de  la 

»  Vierge  et  des  Apotres,  a  peine  de  10  livrcs  d'amende,  ni 

»  d'aller  au  cabaret  pendant  leserviccdivin,  sous  lesmcnics 

»  peincs. 

»  Art.  2.  Comme  aussiii  tous  maitres  de  moulins  eta  tous 
»  les  foulons,  de  faire  ti'availler  aucun  mouiin  a  drap,  les 
»  jours  de  dimanches  et  fetes  specilk^es,  depiiis  un  minuit 
»  de  la  veille  jiisqu'a  I'autre,  a  peine  de  4  livres  d'amende. 
»  Art.  3.  Defenses  tres  expresses  sont  failes  a  tous  maitres 
»  de  manufactures  et  a  tous  ouvriers  d'cxposer  en  venlo, 

II 


16  i 


FABKIQUES    DE    DRAPS 


>  comme  aussi  a  tous  marcliands  de  celte  ville  et  des  faux- 
j>  boiirgs  et  environs  d'icelle,  et  a  tous  marchands  forains, 
»  d'acheter  ou  de  faire  achcter  par  qui  que  ce  soit  aucunes 
»  pieces  de  rnarchandises  les  jours  de  fetes  ci-dessus,  a 
»  peine  de  confiscalion  d'icelles  au  contrcvenanl  et  de  100 
»  -livres  d'amende. 

T>  Art.  4.  Tous  mailrcs  travaillant  ou  fuisant  travailler 
»  seront  obliges  de  se  trouver  a  I'eglise  la  veille  du  jour  et 
x>  iHe  de  Monseigneur  saint  Nicaise,  en  oclobre,  oil  se 
»  diront  les  premieres  vcpres,  et  Ic  lenjemain,  au  service 
^  solennel  qui  sera  dit  et  ctMebr6  en  ladile  eglise,  et  le  jour 
»  suivant  y  sera  dit  un  service  pour  le  repos  des  ames  des 
»  defunls  maitres  dudit  metier,  auquci,  comme  aux  autrcs 
»  services,  seront  tenus  se  trouver  tous  les  maitres  de  la 
»  communaule,  a  peine  de  5  sols  d'amende  conlre  chacun 
»  defaiUanl;  ....  et,  arrivant  Ic  d6ces  d'un  dcsdits  mailres 
»  du  metier  ou  deleursfemmes,  leur  corps  sera  accompagne 
»  des  maitres  jures  en  charge,  qui  seront  a  celte  tin  avertis 
»  et  tenus  en  avertir  tousles  autresmaitresde  la  communaule 
i>  pour  s'y  trouver  pareillement,  et  d'y  faire  porter  les  torches 
i>  ct  luminaires  accoutumes  apparlenant  a  la  confrerie.  » 

Les  articles  suivantsindiquent  dc  quelle  fagon  sera constitu6 
le  corps  du  metier  des  mailrcs  drapiers,  tisserandset  foulons. 
Tous  ceux  qui  auront  prouve  par  actc  aulhentique  qu'iis 
ont  travaill(^  avant  le  1"  Janvier  1666,  seront  consideres 
comme  maitres,  inscrits  comme  tels  sur  les  regislrcs  de  la 
communaule,  preleront  sermcnt,  et  prendront  par  ccrit 
.  I'engagement  de  se  conformcr  aux  statuls;  il  leur  en  sera 
donne  acte  par  le.greffierde  la  ville,  auquci  ils  paieront  une 
somme  de  10  sols  pour  tout  droit.  Ceux  qui  auraienl  negligd 
de  remplir  ces  formalites  un  mois  apros  la  publication  des 
staluts,  ne  seront  plus  admis  comme  maitres,  etdevront  faire 


1)E    CHEKDOLRG.  1  C3 

iin  appiviitissage  comme  il  est  Jit  plus  bas  (ail.  o].  Lcs  fils 
ties  maitrcsseronlJispensesd'exhiberaucun  brevet  d'appnn- 
ti?sage  pGurvu  qu'ils  aienl  Iravailli^  deiix  ans  ch'Z  leurs 
parents  ct  (|ii'i!s  aienl  altciiU  i'age  c'c  loans.  Ilsscronlrecus 
s;;ns  payer  aucunc  re'ribution  (art.  7].  I-esvcuvcsdes  mailrcs 
jciiiront  des  iiiemcs  droits  que  leurs  maris  (art.  8). 

Les  maitrcs  et  ouvriers  efrangcrs  qui  vicndronl  s'etablir  ii 
Cherbourg,  devront  fournir  la  prcuve  qu'ils  elaient  deja 
regiis  mailres  dans  une  autre  localite,  sinon  i's  scront  tenus 
de  faire  deux  annees  d'apprentissage;  lors  de  leur  reception 
dans  le  corps,  ils  paieronl  a  la  confrerie  une  somme  de  30 
sols,  plus  une  livre  de  cire,  el  15  sols  a  cliacun  des  niaitrcs 
jures,  «  sans  aucuns  I'rais  de  fistin  ni  de  presents  »  (art.  6). 
Chaque  mailre  ne  pourra  prendre  qu'un  seul  apprenti  par 
an  et  il  devra,  sous  peine  de  60  sols  d'amende,  presenter 
aux  maitres  jures  le  brevet  d'appremissage  passe  par  devant 
nolaire  (art.  9j.  S'il  vient  a  mourir  avant  que  le  temps  de  ses 
apprenlis  soil  acliev(^,  sa  veuve  pourra  les'gardcr  chez  elle; 
sinon  elle  les  remellra  enlrc  Ics  mains  des  jures  qui  scront 
obliges  de  leur  procurer  un  autre  maitrcoii  ils  iinironl  Icur 
temps  d'apprentissage  (art.  M). 

Apres  qu'il  aura  aclievii  ses  deux  annees  d'apprentissage, 
i'aspiranl  a  la  maitriso  presenlera  aux  jures  son  brevet  sur 
lequel  aura  ele  apposee  la  quittance  de  son  mailre  constalant 
qu'il  a  Lien  et  duement  servi  pendant  ce  temps;  alors  les 
mailres  jur^s  en  cliarge  lui  ordonneront  un  clief-d'ocuvre  qui 
sera  rc^u  par  eux  el  par  six  aulres  anciens  mailres.  Si  Ic 
chef-d'oeuvre  esltrouvcbien  fail,  I'aspirant  sera  rocu  maflre, 
et  pretera  scrment  en  celte  qualite  (ait.  10  :;  m;!is  avant 
d'etre  inscrit  sur  lo  regisfrc  du  corps,  il  paicra  30  sols  a 
cIuKiuc  mailrejure  et  lo  sols  hcliacun  des  sixaulres  mailres 
pli'.s   i  livres   pour  le  service  de   la  confrerie;  il  paicra  en 


464 


FABRIQl'ES    DE    DRAPS 


oulre  13  sols  au  greffier  pour  delivrance  de  son  brevet  signe  . 
par  les  maires  et  echevins  de  la  ville;  «  ct  ne  pourront  les 
»  mailres  jurcs  et  ancicns  pretendre  recevoir  ou  accepter 
»  dudil  aspirant  aiicun  don  do  lestin  ci  present,  tant  avant 
»  la  reception  dudit  niailre  qu'aprcs,  el  seront  tenus 
»  lesdits  mailres  en  charge  les  refuser  ct  nieme  empecher, 
»  a  peine  de  48  livres  parisis  d'amende  »  (art.  12). 

Char|ue  annee,  le  jour  de  la  fete  du  patron  du  metier, 
tous  les  mailres  s'asscmbleront  pour  proceder  a  I'election  de 
Irois  jures,  donl  un  jnaitre  drapier,  un  tisserandet  unfoulon, 
qui  seront  charges  de  gerer  les  affaires  de  la  con frerie,  de 
faire  c^lcbrer  les  services  religieux,  d'inspecter  les  manufac- 
tures, et  de  visiter  les  pieces  de  draperie.  Ces  jures  preleront 
serment  par  devant  les  maires-6chevins;  ils  seront  aides  dans 
leurs  fonctions  par  trois  mallres-adjoinls  qui  passeront  jur6s 
en  litre  I'annee  suivante  (art.  13). 

Les  jures  feront  leurs  visiles  ordinaires  tousles  quinze 
jours,  pour  voir  si  les  ouvriers  n'emploient  point  des  lainesde 
mauvaise  qualitc,  ou  ne  commeltenl  point  de  fraude  dans 
leur  fabricalion;  its  visiteronl  egalcment  les  magasins  pour 
s'assurer  qu'ils  ne  renferment  point  des  laines  ou  des  ctofTes 
defectueuses,  auquel  cas  ces  marchandises  seraient  confis- 
quees,  et  une  amende  infligee  aux  fabricanls  et  aux  d^len- 
teurs.  lis  pourront  faire  ouvrir  de  force' par  le  minislere  d'un 
huissier,  les^iiagasinsdonlonlcurrefuscraitrentree(art.  14). 
En  oulre  les  jures  feront  chaquc  annee  six  visiles  g(^nerales, 
tant  en  ville  que  dans  les  faubourgs  el  la  banlieue,  et  dresse- 
ront  un  6tat  do  tous  les  ouvriers,  ouvrit;res  el  apprentis 
employes  dans  les  ateliers,  ainsi  que  du  nombre  de  metiers 
en  activil6  de  fabricalion;  chaquc  maitre  leur  paiera  3  sols 
pour  chacune  de  ces  visiles  (art.  13). 
Les  jures  ne  pourront  enlreprendrc  de  proccs:  s'illcur 


DE    CHERBOUnG.  165 

survenait  quelque  affaire  extraordinaire,  ils  en  refereraienl 
a  six  anciens  maitres  et  prcndraient  leur  avis  par  ccrit  (art. 
34).  lis  s'assemblcront  avec  leurs  anciens  deux  fois  par  an 
pour  examiner  los  affaires  gen^ralcs,  arreter  leurs  comptes 
et  les  conimuniqiier  aux  niaires  et  cchevins  (art.  35).  lis 
transcrironl  sur  un  registre  les  statuts,  d6crets  etordonnances 
concernant  les  manufactures,  tiendront  le  r61e  des  maitres 
etapprentis,  et  remetlront  les  archives  en  bon  etat  a  leurs 
successeurs  (art.  36).  S'il  leur  arrivait  de  causer  quelque 
desordre  et  de  troubler  les  ouvriers  dans  leur  travail,  ils 
seraient  interdits  pendant  six  mois  et  paieraient  100  livres 
d'amende  (art.  29). 

Dans  le  cas  oil  des  differents  s'(51everaient  cntre  deux 
maitres,  on  entre  ccux-ci  et  leurs  ouvriers  ou  apprcntis,  les 
causes  seront  porlees  devant  I'un  des  (jchevins  et  les  jures  en 
charge  et  jugces  au  bureau  du  corps;  et  si  I'une  dos  parlies 
veut  appeler  dece  jugement  devant  une  autre  juridiction,  il 
versera  auparavant  une  somme  de  30  livres  a  la  caissc  de  la 
communaute,  somme  qui  lui  sera  cependant  rcslituee  en  cas 
d'infirmationdu  premier  jugement  (art.  41  et16). 

L'art.  16  reproduit  les  prescriptions  de  I'ordonnance 
royale  du  14  mai  10G7.  Un  jour  par  semainc,  il  sera  ouvcrl 
un  bureau  oil  toutcs  les  pieces  de  drajicrics  fabriquees,  soit 
a  Cherbourg,  soit  dans  les  environs,  seront  apportees  et 
soumises  a  Texamcn  des  jures  assistes  des  eclievins.  Toute 
pifece  qui  sera  reconnue  de  bonne  qualite,  bien  travaillee 
par  le  tisserand  et  par  le  foulon,  et  enfin  confornic  aux 
r^giemcnts,  sera  marquee  du  sceau  royal  «  oil  s(;ront  cm- 
»  preints  d'un  cote  les  amies  do  Sa  Majcste,  ct  autour 
»  d'icelles  gravd's  ces  mots :  Lotiis  XJV,  restaurateur  des 
»  manufactures ;  et  do  I'autrc  c6lo  seront  marquees  les 
>  armes  do  ladile  villc  de  Cherbourg,  o(  autour  ces  mots  : 


166 


FABRIQUES    DE    DRAPS 


»  Fabri(]uc  de  Cherbourg.  »  Si  la  piece  d'etuffe  est  recon- 
nue  de  naiivaisc  qualito  on  mal  confeclionnec,  file  sera 
immediatoment  coupi'C  en  qinUrc  morceaux.  ct  rcndue  au 
propric'liiiro  qui  ne  pourra  remployer  que  pour  son  usage 
ot  cclui  do  sa  familie,  sauf  toutcfois  sod  rccours  conlrc  Ic 
tisserand  on  Ic  foulon  a  qui  la  faule  scrait  imptilablo.  Los 
contt'Stations  qui  pourraicnl  s'tie\er  a  cetle  occasion  seraient 
reglocs  seance  tonanle  ct  sans  frais  par  les  jurcs  ct  Ics 
cchevins.  Ce  meme  article  defend  expressemcnt  ii  tout  fabri- 
cant  de  vendre  aucune  piece  avant  qu'elle  n'ait  ete  soumise 
a  la  visile  ct  marquee  du  plomb  royal,  a  peine  de  confiscation 
de  la  niarcliandise  pour  la  f"'  fois,  de  100  livres  d"amcnde 
pour  la  2"  fois,  el  on  cas  de  recidive,  sous  peine  d'etre 
degrade  de  son  litre  de  mail  re.  «  Et  en  ouire,  defenses  sont 
»  failes  a  toutcs  personnes,  de  quclque  qualile  et  condition 
»  qu'elles  soient,  de  donncr  retrait,  preter  lours  noms  ct 
»  adrcsscs,  pour  favoriscr  en  ladiie  \ille,  faubourg  ct  ban- 
»  lieue  de  Clierbourg,  aucuncs  marchandises  de  draperie 
»  defendues ,  comme  aussi  cmpecher  ni  fairc  empechcr 
»  aucun  maitre  ouvrier  de  travailler  auxdites  manufactures, 
»  a  peine  d'etre  precede  extraorditiaircmmt  conlre  lui,  ot 
»  de  100  livres  d'amende  »  (ait.  1G). 

Les  statutss'occupent  cnsnite  de  la  fabrication  des  etoffes, 
pt  reglcnt  le  nombre  des  fils  de  clialne,  la  laizc  ct  la  longueur 
que  doivent  pres^Vcr  les  pieces  des  divorses  cspeces  de 
draps.  Les  diaps  blaucs  Tins  auront,  suivanl  I'usage,  48 
porlees  de  30  fi's cliacune,  soil  1 4i0  fils;  les  drops  de  secondc 
lainc  tanl  blancs  que  gris,  45  portecs  ou  i3o0  fils;  ceux  de 
Iroisiemo  laine,  42  porliH^s  ou  1360  fds.  Cluque  piece  doit 
avoir  5-3  auncs  de  longueur  d'attachc  au  metier,  el  une  auno 
Irois  quarts  de  largeur,  pour  conserver,  au  retour  du  nioulin, 
une  largeur  d'uiic  aune,  y  compris  les  lis  (art.  17  a  20). 


DE  CHERBOURG.  f67 

Les  tisscranJs  brodoront  au  metier,  sur  le  clief  dc  hipit!ce, 
lenom  dii  fabricant  auquel  elle  appartient,  el  aucun  drap 
no  pouna  elre  envoyo  au  foulon  avant  qu'il  n'ait  61q  visits 
par  Ics  juros,  sous  peine  de  60  sols  d'amende  (art.  21). 
Diverses  amondcs  sent  furmulees  contre  les  tisserands  qui 
«  par  negligence  ou  par  malice  »  laisseraient  toniber  des 
fils  {2  sols),  ou  feraient  «  de  vilaines  lisiercs  »  (b  sols),  on 
rendraienldas  pit'cos  non  convenabiemenl  parees  (2  sols), 
ou  n'auraient  point  bien  tendu  la  cbaine  ni  frappo  c^galement 
le  chef  (5  sols);  enfin  contre  ceux  qui,  tout  en  travaillant  pour 
un  fabricant,  feraient  des  pieces  de  drap  pour  Icur  propre 
compte  (art.  22,  23,  25,  26). 

Les  fonlons  doivcnt  rcndre  les  draps  egalement  foules  et 
couverts;  il  leur  est  formcllement  interdit  de  se  'scrvir  de 
cardesau  lieu  de  chardons  pour  legarnissage,  ct  une  amende 
de  60  sols  sera  infligiie  a  ceux  cbez  lesquels  on  trouvcrait 
des  cardes  (art.  31).  lis  ne  pourronl  mettre  du  droguet  a 
fouler  en  meme  temps  que  des  draps  fins,  de  peur  que  ceux- 
ci  ne  se  trouvent  deleriores  par  suite  de  la  mauvaise  qualittJ 
de  la  lainc  ctde  la  teinlure  du  fil  qui  enlro  dans  les  dro- 
guets.  Los  contrevenants  a  celtc  prescription  paieront  20 
livres  d'amende  et  leurs  t'tolTcs  seront  confisquees  (art.  32). 
Enfin,  s'il  est  rcconnu  que  Ton  a  hali^  ou  etirc  des  pieces  de 
drap  afin  de  les  allonger,  ces  pieces  seront  c^galcmcnt  con- 
fisquees, ct  une  amende  de  20  livres  prononcee  contre  le 
maitre  drapier  qui  aurait  donne  un  parcil  ordrc;  «  et  s'il  se 
»  trouve  quccesoitla  faulc  du  foulon,  outre  qu'il  sera  prive 
»  de  son  foulage,  il  sera  condamne  pour  la  premiere  fois  a 
»  60  sols  d'amende,  el  en  cas  qu'il  recidive,  applique  au 
»  carcan  deux  bcures  enliores  au  milieu  de  la  place,  allendu 
»  la  qualile  du  forfail    »  (art.  33). 

Aucun  tisserand  nf  peul  quitter  son   maitre  qu'il  u'ait 


io8  KABnrQCES    DE    DftAf'S 

auparavant  termine  I'ouvrage  commenc6,  el  par  centre,  un 
niailre  ne  peul  renvoyer  un  ouvricr  sans  I'avoir  prevenu 
troisjoursa  I'avancc  (art.  27). 

L'art.  28  merite  d'etre  cite  textuellement :  «  Tons  oinriers 
»  qui  quillerontleui"  travail  pour  aller  en  debauclie  paieront 
»  10  sols  d'amende.  Defenses  sent  faites  a  tons  eabareliers 
»  de  leur  donner  a  Loire  pendant  les  jours  de  travail  hors 
»  les  lieures  de  diner  et  de  souper,  a  peine  de  lOlivres 
»  d'amende  et  de  tenir  prison  krois  jours  durant  »  (art.  28). 

L'article  30  n'est  pas  moins  remarquable  :  «  Si  aucun 
y>  manufacturier  metune  autre  marque  on  applique  la  siennc 
»  ii  d'autre  marchandise  non  fahriquee  en  ladite  ville  et 
»  faubourg  de  Cherbourg,  il  sera  mis  au  carcan  pendant  six 
»  lieures  avcc  un  ecriteau  au  dos,  contenant  la  faussete  par 
»  lui  commis'e,  et  condamne  a  50  livres  d'amende.  » 
L'article  24  defend  (^galemenl  a  lout  maitre  drapier  de  faire 
fabrjquer  chez  lui  des  eloffes  pour  le  compte  d'un  autre,  a 
peine  de  confiscation  de  ces  eloffes  et  de  20  livres  d'amende. 

Je  dois  encore  transcrire  en  entier  les  articles  suivanls 
relatifs  a  la  vente  des  laines  :  «  Nul  ne  pourra  acheter  aucu- 
»  nes  laines  dans  les  abords  ni  avenues  de  ladile  ville  de 
»  Cherbourg  ni  dans  les  marches,  qu'apres  deux  lieures 
»  apres-midi,  altcndu  que  le  marche  n'ouvre  qu'a  midi, 
»  pour  donner  lieu  aux  ouvriers  d'acheter  desdiles  laines  cc 
»  qui  leur  sera  besoin ;  el  defenses  sonl  faites  aux  regresliers 
»  de  fabriquer  ni  faire  fabriquer  aucunc  piece  ni  morccau 
»  de  marchandises,  a  peine  centre  le  conlrevenanl  de  30 
»  livres  d'amende  et  confiscation  de  la  dite  marchandise 
»  (art.  37). —  Defenses  Ires  expresses  sent  faites  a  loules 
»  personnes,  sous  quclque  pretexte  que  ce  soil,  d'exposcr 
»  aucun  fil  de  laine  ou  laine  prcte  a  filer,  en  vente  dans  les 
*  marches  et  en  lous   autres  lieux,  soil  dans  des  maisons 


DP.    CHEUBOfRG.  169 

»  pailiculiercs  de  la  ville,  fauxbourgs  et  banlicue  de  Cher- 
»  bourg  et  environs  d'icclle,  sans  en  donner  avis  aux  niaitres 
»  jures;  et  on  cas  qu'il  en  soil  trouve,  ceux  qui  les  aiiront, 
»  tant  rachclcur  que  le  vendcur,  seronl  condamnc's  en  40 
»  livres  d'amende,  et  la  marchandise  confisquce  sur  cclui 
»  aiiquel  elle  appartiendra  »  (art.  38). 

Les  ouvriers,  ainsi  que  Ics  maitrcs  que  lour  indigence 
obligerait  de  Iravailler  a  facon  pour  complc  d'autres  mailres, 
ne  pourront  s'approprier  les  niarchandiscs  el  uslcnsilcs  qui 
lour  seront  confies,  sous  peine  d'etre  «  punis  corporeliemenl 
comme  voleurs  doinestiqucs.  »  Ces  objels  nc  pourront  non 
plus  elre  saisis  chez  eux,  soit  pour  cause  dodettes,  soil  pour 
tout  autre  niolif;  mais  les  iiroprietaires  aurontle  droit  de 
les  rcprendre,nonobslantloulessaisiesct oppositions  (art.  39). 

Conformeincnt  aux  arrets  du  conseil  d'Etat  des  4  juillct 
1604  et  26  novcmbre  l66o,  les  rnatieres,  oulils  et  metiers 
servant  aux  manufactures,  nc  pourront  clre  saisis  sur  les 
fabricanls  pour  quelque  dette  que  ce  soit,  si  cc  n'est  pour  le 
loyer  des  maisons  qu'ils  occupent;  en  consequence,  il  est 
defendu  cxpresst'mcnt  h  tons  collecteurs  des  tallies  et  de 
riuipol  du  sel,  comme  a  loutes  autres  personnes  de  faire 
saisir  sous  aucunpretcxleles  rnatieres  elustensilcs  garnissant 
une  manufacture  en  aclivile  defabricalion,  eta  tons  liuissiers 
et  sergenls  d'en  opcrer  la  saisie,  sous  peine  d'interdiction, 
de  500  livres  d'amende,  el  de  tous  deepens,  dommages  et 
interets  (art.  40). 

Conime  il  a  ete  dit  plus  liaut,  les  mattres  jures sontcbarges 
de  la  consultation  de  toutes  les  contraventions  et  dc  rap[di- 
Cfilion  des  penalites.  Les  amendes  percues  en  exi^culion  des 
articles  du  reglement  (!;laient  parlagecs  et  distribuees  comme 
suit  :  un  quart  pour  la  confrerie  du  metier,  un  quart  a 
I'hopilal  de  la  ville,  le  troisieme  quart  aux  mailres  jurt"'S,  et 
lo  dernier  (juarl  au  denonciateur  ^art.  i2<. 


no 


KABRIQL'ES    DE   DRAPS 


Chaque  mois,  il  sera  tenu  un  conseil  de  police  auquel 
assisterunt  los  mairos  el  echevins  de  la  ville,  les  mailrcs 
juresen  charge  ct  ISanciens  maitrcs.  Lesjur^sy  rendront 
complede  leiir  gcrilioii  et  dii  resultat  dcs  visiles  qu'ils  auront 
failes  dans  les  aleliei's,  «  pour  Ic  tout  donuer  par  la  compa- 
»  gnieson  avis  pour  parvenir  a  pcrl'eclionnorlesditesnianu- 
»  factures  ct  empeclier  les  abus  qui  s'y  commeltent ,  el  du 
»  lout  en  informer  Mgr  de  Colbert,  conseiller  ordinaii'e  du 
»  roi  en  son  conseil  royal  clde  tous  sesconseils,  commandeur 
»  el  grand  Iresoricr  de  tous  sos  ordres,  conlruleur-general 
»  des  llnances,  surinlendanl  de  Sa  Majcste  ct  des  manufac- 
»  lures  de  France  »  (art.  i'i).  Ce  dernier  paragraphe  indiquo 
clairement  quel  interet  Colbert  porlait  aux  manufactures,  et 
quelle  influence  il  avail  exercee  sur  les  arrets  du  conseil 
royal  de  commerce. 

Telle  est,  Messieurs,  I'analyse  des  statuls  de  la  manufac- 
ture de  draps  de  Cherbourg.  Ces  statuls  nous  monlrcnl  que 
cette  fabrication  etaiten  pleine  activite  au  milieu  du  XVIF 
siecle,  etqu'elle  devait  6tre  imporlante  el  occuper  un  nombre 
assez  considt^rable  d'aleliers. 

Le  passage  de  la  biographic  du  cure  Pate,  que  j'ai  rapport(5 
en  commcFicanl,  nous  apprend  d'aiileurs  que  le  commerce 
des  draperies  eiail  alors  I'unique  ressource  de  la  population 
ouvriere  de  noire  ville;  ct  je  cilerai  encore,  comme  preuve 
de  I'iraporlance  de  cette  fabrique,  un  document  in(5dil,  extrail 
d'un  manuscrit  de  la  bibllollit'que  communale,  et  dont  je 
dois  la  comuiunication  a  I'obligeance  de  noire  collegue,  M. 
Victor  Le  Sens. 

«  Valognes  et  Cherbourg  furenl  autrefois  renommes  pour 
»  leurs  draps  qui  avaienl  du  corps  el  de  la  finesse;  il  s'en 
»  fabriquait  il  y  a  30  ans  2,000  pieces  a  Cherbourg  et  presque 
»  autanl  a  Valognes.  Presenfemcnl  les  deux  villes  en  four- 


DE    CHERBOl'RG.  471 

»  nisscnt  encore  cnsemblo  trois  on  qiiatro  cuts.  On  fait 
»  mainteriant  a  Cherbourg  iinc  autre  elolTc  do  laine  appcloe 
»  Mclinr/e,  cl  qui  vaut  tlopuis  4  livi'cs  jiisqu'ii  4  livrcs  13 
»  sols  raiine.  Les  trois  on  qualres  cents  iiic-ccs  qui  soi'lcnt 
»  annuelicment  de  ces  fabriqncs,  sont  consonimccs  siir  les 
»  lieu\.  II  s'y  fabriquo  encore  qiiclqncs  Idileiies,  comme 
»  conlils  e!,  monchoirs,  dont  le  piincipal  debouclie  consiste 
»  dans  la  conlrcbande  qui  s'en  I'ailaux  tics  de  Jersey,  Guer- 
»  nescy  et  Aurigny.  —  Cherbourg  reccvait  autrefois  de  ces 
»  lies  des  hiines  qui  passaicnt  par  conlreliande;  c;r  cllcs 
»  jouissaienl  a  droit  de  licence  do  cent  miilicrs  do  laine  que 
»  la  metropolc  leur  acrordait;  et  cetle  favenr  dimnail  lieu  a 
»  I'exportaticn  fraiululeusc  du  double  cl  nu^me  dii  triiile. 
»  Cede  laine  etrarigere,  ajoutee  a  la  nnlrc  en  quantilect  en 
»  qnalite,  se  repandait  a  diverses  fabriqncs  dc  la  Basse- 
»  Norniandie.  —  Depuis  le  li-aile  de  commerce  de  1782 ,  les 
»  Anglais  ont  supprimj  cc  di'oit  de  licence,  et  noussommcs 
»  privi's  do  cellc  rossdurce.  » 

Colic  note,  qui  parait  avoir  etc  ecrite  pcu  dc  temps  apres 
la  date  dc  1782,  indiquc  deja  acette  epoquc  la  decadence  de 
la  manufacture  dc  Cherbourg,  qui  finil  par  disparaitre  com- 
pletementau  commencement  decc  siecle,  cl  dont  maintcnant 
il  resic  a  peine  un  vague  souvenir. 

II  cxisle,  je  crois,  a  Saint-Picri'e,  aux  Pieux  cl  a  Bricquc- 
bec,  un  petit  nombre  de  lisserantls  qui  fabriijncnt  encore  des 
draps  Ires  grossiers  pour  la  consommalion  locale;  mais  aux 
en-iirons  uiemes  de  Cherbourg,  on  no  Ironve  plus  d'auire 
trace  de  cette  Industrie  qu'un  soul  moulin  a  fouion  situoa 
Tourluville,  el  qui  est  emphivc  uniquemcnt  an  fonloge  des 
droguets  que  font  tisser  les  habitants  de  nos  campagnes. 


NOTICE 


SUR 


L'ARGHIPEL  D£  MENDAM 

OU  DES  MARQUISES, 


1853  —  1854, 


PAR 

HI.  Eoei.esta:v  JARDIJV  , 

Aide-Commissaire  de  !a  Marine, 
Uembre  de  plusieurs  Socidt^s  savantes. 


Depuisle  commencement  du  siecle,  les  voyages  sur  mer 
dans  toiites  les  parlies  du  globe  sont  devenus  lellement  fre- 
quents, que  les  points  les  plus  eloign^s  ont  d6ja  fail  I'objet 
de  nombreux  volumes  dans  lesquels  sont  relates  avec  les 
moindres  circonstances,  les  moeurs  et  les  costumes  des 
peuplades  sauvages. 


174 


NOTICK 


J'cssaierai  ccponJant  d'ajoiiter  qnclque  cliose  a  ce  qui  a 
di-ja  elt^  ocril  sur  I'arcliipd  de  Mendana  ou  dcs  Marquises, 
elen  [wrticulier  sur  I'ilc  de  Nouka-IIiva,  la  [jrincipole  da 
groupe.  Aya:it  lialjite  ccltc  i!o  pendant  plus  de  quinze  niois, 
j'ui  pu,  grace  a  la  facilito  des  relations  avcc  les  indigenes, 
penetrer  souvent  dans  leui's  cases,  dormir  sous  leur  toit, 
prendre  part  a  leur  repas,  assislcr  a  leurs  fetes,  a  leurs 
ceremonies  publiquos,  nridentificr  nourainsi  dire  avec  eux, 
Bien  que  le  contact  des  Europeens  ait  modifie  un  pen  dans 
la  bale  de  Taio-llae,  occupee  par  les  Fi'ancais,  les  habitudes 
de  ces  indigenes,  ccpcndant  il  y  a  tri)p  pcu  de  tcn)ps  que 
nuus  nous  trouvons  au  milieu  d'eux,  pour  qu'ils  aient  pu 
les  abandonner  enlierement. 

Je  n'enlreprendrai  pas  de  faire  Thisloirc  de  Tarchipel  des 
Marquises,  si  toutefois  on  pout  appeler  liistoire  d'un  pays 
la  reunion  de  quelqucs  fails  isoles  a  grande  distance  les 
unsdes  autres,  el  rapportes  par  des  voyageurs  plus  ou  moins 
credules,  plus  ou  moins  passionnes.  Qu'il  me  suflise  de  dke 
que  cet  arcliipel,  decouvert  en  -1595,  par  Mindana,  naviga- 
teur  cspagnol,  envoyc^  a  la  recherche  des  lies  Salomon,  fut 
baptise  par  lui  du  nom  de  Las  MarquJ'sas  de  Mendoce,  en 
I'honneur  du  marquis  de  Mendoce,  vice  roi  du  Perou,  gou- 
verneur  general  des  possessions  espagnoles  sur  la  cole 
orientale  d'Amerique.  (I)  Les  iles  furent  ensuile  reconnucs 
par  Cook  en  1774,  visitees  en  1791  par  Ingraham,  americain 
de  Boston,  en  1792,  par  Hergesl,  qui  faisait  parlie  de  la 
division  de  Vaucouvert,  cinq  ans  aprtis,  par  un  navire  ameri- 
cain charge  de  missionnaire;  en  1804,  par  le  capitaine  russe 
Krusenstern;   en  1800,   par  Marchand;  en  1813,  par  David 


(1)  Voir  la  note  n"  i,  a  la  fin  de  la  notice. 


SIR  l'archipei,  he  me.nda.na.  175 

Porter,  qui  fit  la  guerre  aux  naturcls  ct  s'elablit  dans  la 
baie  que  nous  occupons  dfpuis  1843.  Quant  a  I'liistoiie 
interieuro  du  pays,  elle  se  resume  en  guerres  de  Iribus  a 
Iribus,  d'ile  a  ile,  et  cc  qu'on  raconte  est  tellement  pcu 
interessant  qu'il  ne  fait  point  regrctter  ce  qu'on  ne  connait 
pas. 

Lcs  lies  de  Tarcliipel  soul,  en  commcr.cant  par  le  Nord, 
Tile  Masse,  I'lle  Ghana),  Nouka-IIiva  (on  ecrit  aussi  Nukuhiva 
etNuhiva)etqui  s'appeile  t^galomenl  ileMarchand,  Uapouou 
lie  Baud,  Roa-Huga  ou  ile  du  Solide,  O-Ilitao  ou  ile  Crislina, 
dans  laquelle  se  trouve  la  baie  de  Vailaliu,  0-Hivaoa  ou  ile 
Dominique,  Onateya  ou  ile  San  Pedro,  enfin  0-Hitaoya  ou 
lie  Madelaine.  Quelques  ilots  peu  distant  de  ces  iics  sent 
peu  ou  point  liabiles;  ils  servent  de  relraite  aux  nombreux 
oiseaux  de  mer  qu'on  rencontre  dans  ces  parages  de  I'Oc^an 
Pacifique. 

II  s'en  faut  ^galemcnt  de  beaucoup  que  loutes  les  parties 
dcs  lies  ci-dessus  indiquees  soient  habitues  par  les  indigenes; 
la  constitution  pliysiijuedu  pays  s'y  oppose  d'une  maniere 
invincible,  car  elles  sont  toutes  com[)Osees  de  liautcs  monta- 
gnes  et  de  profondes  vallecs,  et  il  est  rare  de  Irouver  une 
surface  unie  d'un  kilometre  cane.  Ailleurs  ce  sont  d'enormos 
blocs  basaltiqucs  qui  s'elevent  perpendiculairement,  ct  dont 
le  sommet  se  perd  dans  les  nuagcs,  ce  sont  des  quartiers  dc 
rocliers  entasses  lcs  uns  sur  les  autrcs  ct  prosentant  le  chaos 
le  plus  complet.  (1)  Les  flancs  de  ces  monlagnes  sont  quel- 
quefois  arides  et  sans  aucune  trace  de  verdure,  quclquefois 


(1)  Nous  parlerons  de  la  geologie  et  de  la  mineralogie  des 
Marquises  dans  un  article  .'special  consacr^  a  Ihisloire  nalurclle  de 
eel  arcbipoi. 


176  -NOTICE 

converts  d'une  brillanle  vegelalion.  C'est  au  pied  des  hauls 
cocotiers,  el  a  I'ombre  des  arbres  a  pain  que  s'elevent  les 
cases  des  nalurels,  disseminees  au  gvd  du  possesseur,  dans 
toute  la  vallee  ou  sur  le  versant  de  la  montagne.  C'est  ce  qui 
fait  qu'il  n'y  a  pas  a  proprement  dire  de  villages,  et  que  les 
localites  se  distinguent  entre  elles  par  le  nom  des  vallees. 

En  1843,  la  France  avail  etabli  a  Vaitahu,  dans  Tile  de 
0-Hitao  ou  Crislina  ,  un  poste  sous  la  dependance  dnquel 
elait  celui  de  Taio-Hae  dans  I'ile  de  Nouka-Hiva,  Vaitahu  a 
616  abandonne  a  cause  de  son  mauvais  mouillage,  et  les 
nalurels,  dontquelques-unsavaientembrass61ecalholicisme, 
ont  sans  doute  oublie  les  lecons  des  missionnaires,  qui  ont 
quilts  celle  place  pour  Taio-Hae,  un  an  environ  apres. 
I'abandon  par  les  Francais. 

En  meme  temps  qu'on  s'elablissait  a  Vaitahu,  on  jetait 
aussi  a  Taio-Hae  les  fondemenls  d'une  nouvelle  colonie,  qui 
n'eut  guere  plus  d'existence  que  la  pr6c6dente;  le  17  d6eem- 
bre  1849,  la  Sirene  emportait  le  pavilion  frangais  de  I'ile  de 
Nouka-Hiva.  On  reviut  cependant  a  Taio-Hae,  eton  s'y  eta- 
blitdenouveau  le28  mai1830;en  18o3,on  fit  de  nombreux 
travaux,  on  eleva  un  penilencier,  on  jeta  les  fondemenls 
d'une  vasleeglise  (1),  des  routes  furenl  ouverles,  et  les  eta- 
blissements  deja  existants  furent  repares,  maisde  nouvelles 
considerations  politiques  et  surtout  la  prise  de  possession  de 
la  Nouvelle-Caledonie  vinrent  encore  modifier  les  vues  du 
gouvernement  sur  Nouka-Hiva.  La  corvette  YAveniure 
emporta  en  Caledonie  tout  ce  qui  ctail  susceptible  d'etre 
transports,  et  lorsque  nous  revlnmes  sur  VArtemise,  au 
commencement  de   1855,  nous  eumes  la  douleur  de  voir 


(\)  Voir  le  Phare  de  la  Manche  du  23  juillet  1851. 


sift    L'AftCHII'KI.    [)E    MENnVNA.  HT 

()ue  presqiie  Ions  les  travaux  qui  avaient6te  executes  pendant 
les  seize  mois  de  noire  sejour  dans  la  baie,  n'cxislaient  pour 
ainsi  dire  plus,  les  routes  etaient  abandonnees,  et  couverles 
en  partie  de  broussailles,  le  silence  regnait  la  ou  i'on  voyait 
line  activity  incessante,  et  partout  la  nature  reprcnait  ses 
droits  un  moment  usurpes. 

Nous  n'avons  maintenant  (en  ]S'6^)  aux  Marquises  qu'un 
seul  poste,  celui  de  Taio-IIae,  et  Ton  comptea  peine  dans  les 
aulres  iles  quelques  europecns,  dont  le  commerce  so  borne  a 
la  vente  de  vivres  frais  aux  navires  baleiniers  qui  vont  s'y 
ravitailler. 

II  est  inutile  d'cntamcr  une discussion  sur  la  maniere  dont 
se  sont  peuplees  les  Marquises,  ainsi  que  les  archipels  voi- 
sins;  des  volumes  enticrs  seraicnt  pcniblemcnt  elabores  pour 
rcproduirc  les  preuves  donnees  par  les  savants,  qui  veiilent 
que  les  habitants  des  arcliipels  dc  la  Polynesie  soient  venrs 
d'Amcrique,  et  par  ceux  qui  souliennenl  le  conlraire.  II  vaut 
niieux  rapporter  des  faits  dont  on  peut  rcconnaitrc  I'exacti- 
lude,  sans  se  lancer  dans  le  vasle  champ  des  hypotheses,  qui 
ne  donnent  aucun  rcsuUat. 

Le  naturel  des  Marquises,  de  mOme  que  celui  des  iles  de 
la  Sociele,  marchc  en  lete  de  sa  race,  qui  parait  6lre  la  mon- 
golique  (1).  Nous  ne  pouvons  mieux  fairc  que  de  ciler  tex- 
tuellement  le  savant  naturaliste  Forster,  lorsqu'il  visita  ccs 
iles  a  la  fin  du  siecle  dernier. 

«  Les  habitants  des  Marquises,  dit-il,  sont  les  plus  beaux 
»  hommes  du  grand  Ocean,  apres  ceux  des  iles  de  la  Societe. 
»  En  general  leur  teint  est  plus  hazane,  parce  qu'ils  vivent 
»  sous  les  9°  57'  suil,  par  consequent  pluspresde  la  ligne. 
»  lis  sont  d'aiileurs  plus  accoutiinies  a  ne  point  se  couvrir 

.1}  Elt^ments  de  zoologie  par  M.  .Milne  Edwards. 

4S 


478 


NOTICE 


»  le  corps  :  on  voit  cependant  parmi  eux  des  individus  un 
»  pen  plus  blancs;  les  femmes,  qui  sont  communenient  cou- 
»  vertes,  sont  prcsque  aussi  blanches  que  celles  des  ilcs  dc 
»  la  Socicle.  En  general  les  hommes  sont  forts,   nerveux  et 
»  bien  fails,  niais  aucun  n'est  aussi  charn'u  que  les  Ta'itiens. 
»  Cctte  difference  provient,  je  crois,  de  ce  qu'ils  ont  plus 
»  d'activite.  Comme  la  plupart  vivent  sur  les  flancs  et  au 
»  sommet  des  hautes  montagnes  ou  leu rs  habitations  res- 
»  semblent  a  des  repaires  d'aigles  places  sur  les  cimes  inac- 
»  cessibles  des  rochers,  lis  doivent  avoir  naturellcment  le 
»  corps  grelc  et  mince,  puisqu'ils  gravissent  souvent  ces 
»  montagnes  elev(5es  et  qu'ils  rcspirent  un  air  fortvif,  dans 
»  des  cabanes  presque  loujours  cnvcloppees  dc  nuages.  lis, 
»  ont  la  barbe  noire  et  de  beaux  cheveux.  Les  femmes  et  les 
»  jeunes  gens  ont  des  trails  agr6ableset  reguliers,  etle  visage 
»  ovale,  mais  les  hommes  fails  tatouent  leur  corps  et  leur 
»  visage  en  bandes,  en  cercles,  en  ligncs,  en  echiquier,  et 
»  ils   serrent  ces  figures  si  pres  les  unes  des  autres  que, 
»  malgre  leur  regularite,  elles  les  rendent  laids.  Les  jeunes 
»  gens  sont  pour  I'ordinaire  tres  beaux;  ils  serviraient  d'ex- 
»  cellents  modeles  pour  un  Ganym6de.  La  physionomie  des 
»  femmes  est  douce  et  intt^ressanie,  lout  leur  corps  est  de  la 
»  symetrie  la  plus   parfaite,  les  extremites  des  doigts,  des 
»  epaules,  el  les  contours  de  toutesles  formes  sont  admira- 
»  bles.  Leur  laille  c^gale  la  taille  moyenne  des  hommes.  II  y 
»  en  a  tres  pen  et  peut-elre  n'y  en  a-l-il  aucune  qu'on  puisse 
»  appeler  petite.  Ces  insulaires  nous  ontparu  affables,  civils. 
»  et  hospitallers.  lis  ont  bcaucoup  de  legerete  qui  forme  le 
»  caractfere  general  des  nations  placecs  sous  le  tropique, 
»  mais  noire  relache  parmi  eux  ayanlete  lrt!S  courte,    nous 
»  nc  pouvons  donner  des  details  plus  parliculiers  (1).  » 

(])  Observalions  faites  pendant  un  voynge  autour  lUi  raonde,  elc- 


srn  l'akchipkl  he  mkm)a>a.  I7ii 

tette  description  de  Forster,  bien  qu'ecrite  il  y  a  pros  do 
quatrc-vingls  ans,  csJ  encore  (.res  cxacle  et  dopcint  fort  bien 
I'etat  physique  et  moral  do  la  population  dcs  Marquises.  II 
est  inutile  d'ajouter  que  la,  comnie  partout,  i!  so  Irouve  dcs 
filres  dilTormcs,  mais  ils  sont  on  moins  grand  nombre  que 
parmi  les  nations  civilisees.  Cela  tient  sans  doutc  a  cc  que 
Ic  contact  des  Europoens  ne  leur  a  pas  encore  communique 
toutcs  ces  maladies,  tristc  apanage  d'unc  longue  civilisation, 
ct  qu'ils  ne  tarderont  pas  a  connaitre,  a  cause  de  leur  pro- 
pension  effrenec  an  plaisir  et  a  la  volupte. 

L'indcpendance  est  le  propre  du  Noukaliivien  ;  il  n'a  ni 
lois,  ni  ri^glements,  ni  cet  appareil  fasliieux  quecbez  nous  on 
decore  du  beau  nom  de  justice.  Si  un  naturel  derobe  a  son 
voisin  quclques  regimes  de  bananes,  quolques  fruits  do 
I'arbre  a  pain,  il  est  assez  puni  par  la  hontedont  il  se  couvrc 
en  passant  pour  voleur.  Lc  Tapou  soul,  dont  nous  parlcrons 
plus  loin,  leur  impose  quelques  obligations  morales,  ct  nul 
d'entre  ceux  qui  ne  sont  pas  encore  convertis  n'oscrait  en 
sccouer  le  joug,  ceux  mt'me  qui  ont  abjure  Icurs  ancicnncs 
croyances  ne  s'en  afiranchisscnt  qu'avcc  beaucoupdc  repu- 
gnance, tantfon  consueiudo  valet. 

Los  cases  n'ont  souvent  pas  de  porte,  on  pent  y  cnlrer  a 
toute  heure  du  jouret  de  la  nuit,  et  la  plupart  du  tcnips,  il 
sutru  dc  soulever  un  nu'-chant  lambeau  d'etoffc  pour  y  avoir 
acccs.  Si  vous  n'etes  pas  connu,  le  kanac  (1)  en  vous  voyant 
enirer,  vous  dira  bonjour,  sans  se  lever  de  dcssussa  natte, 
si  an  conlraire  vous  lc  connaissez,  dn  plus  loin  qu'il  vous 


(1)  Le  mot  Kanac  vienl  du  sandwichois  Kanaka,  qui  signiDe 
liomme,  penple;  ce  mot  est  employe  par  les  F-'uropeeos  pour  designer 
I'indigene  dcs  arcliipel  dcs  Marquises,  des  Pauinolu.  dc  la  Sociele, 
des  lies  SaudwicJi,  etc. 


180 


NOTICE 


verra  venir,   il  vous  invitera  a  entrer,  iv  vous  reposer,  et  ira 
vous  preparer  un  coco  fraichement  cueilli. 

Les  indigenes  sont  aussi  libres  entre  eux  que  le  sont  les 
strangers  a  leuregard.  lis  entreronl  dans  la  premiere  case 
qu'ils  trouveront  sur  leur  passage,  d(5poseront  leur  fardeau, 
fumeront  leur  pipe,  el  apres  s'etre  reposes,  ils  continueront 
leur  route  sans  plus  de  c^remonie. 

Leurs  travaux  se  bornent  a  bien  pcu  de  chose,  et  cliaque 
famille  pourvoit  a  ses  besoins.  Les  bommeselevent  la  case, 
les  femmes  tressent  les  feuilles  de  cocotier  on  enfilent  a  une 
longue  branche  les  feuilles  de  I'arbre  a  pain  qui  doivent  la 
couvrir,  elles  travaillent  I'ecorced'arbrcdeslinee  aleurservir 
de  v6tement,  et  lout  le  monde  prcnd  part  a  la  recolte  des 
fruits  a  pain.  Si  les  kanacs  dl^venl  des  pores,  ce  n'est  que 
pour  les  fetes,  ils  n'en  tuent  jamais  pour  leur  usage  parlicu- 
lier,  quoiqu'ils  en  mangent  voloniicrs.  Cci  animaux  leur 
demandent  peu  de  soin,  ils  trouvent  une  nourriture  abon- 
dante  parmi  les  goyaviers  qui  sont  en  grande  quantite  dans 
rile ;  c'est  a  peu  prSs  la  seule  ressource  des  bailments 
qui  vienncnt  seravitailleraux  Marquises.  II  serait  cependant 
trfes  facile  d'avoir  des  Iroupeaux  de  boeufsetde  moulons,  et 
le  paturagc  ne  leur  manquerait  pas.  Le  gouvernement  en 
possedait  un  a  Vailahu,  il  a  6te  transports  en  partie  a  Taili, 
lors  de  I'abandon  de  ce  posle.  Ce  qui  reste,  et  qu'on  pent 
6valucr  a  cent  letes  environ,  est  pour  ainsi  dire  sauvage. 

Depuis  que  nous  sommes  6tablis  a  Nouka-IIiva,  le  systeme 
de  centralisation  frangais  a  etc  essaye  dans  celte  He;  avanl 
notre  arrivee,  chaque  bale,  chaque  valine ,  cbaque  groupe 
d'habitants  pour  ainsi  dire,  avail  son  clief  plus  nominal  que 
r6el,  dont  rinflucnce  el  I'aulorite  ne  se  faisaienl  senlir  qu'en 
temps  de  guerre,  systeme  qui  cxislc  encore  dans  les  aulres 
Iks.  L«  France,  en  choisissanl  doiinitivcment  la  bale  de 


sua  l'archipel  dk  me^dana.  18f 

Taio-IIae  coinnie  point  principal  de  ses  possessions  aux 
Marquises,  a  fait  egalement  choix,  pour  roi  de  I'ile,  du  chef 
d'une  des  valiees  dontl'intelligencea  paru  sup6rieure  a  celle 
des  autres  chefs.  A  I'egard  de  la  plupart  des  chefs  des  aulres 
bales  et  vallte  du  centre,  ils  peuvent  etre  compares  it  nos 
rois  de  France  au  X''  siecle. 

Te  Moana,  roi  de  Nouka-Hiva,  est  age  d'environ  trenle 
ans.  U  a  eu  de  frequentes  relations  avec  les  Europeens  et  les 
Amdricains  des  Etats-Unis.  II  a  visit6  plusieurs  archipels  de 
rOct^an  Pacifique,  et  est  meme  alle  jusqu'en  Angleterre  sur 
un  navirehaleinicr.  Ilparletoujoursavecplaisirdece  voyage, 
des  nombrcuses  choses  qu'il  a  vues,  nouvelles  pour  lui,  et 
qu'il  6tait  et  est  encore  loin  de  comprendre,  machines  pour 
la  fabrication  des  etofTes,  chemins  de  fer,  bateaux  a  vapeur, 
gaz,  imprimerie,  etc.  Ce  qui  I'a  frapp6  le  plus  dans  Londres, 
c'est  la  difference  enorme  dans  la  maniere  de  vivre  des  habi- 
tants; c'est  de  voir  les  uns  chaudement  habilles,  bicn  log^s, 
bien  nourris,  les  autres,  au  contraire,  a  peine  vetus  de  me- 
chants  haillons,  habitant  des  repaires  noirs  et  infects,  et 
lendant  timidement  la  main  pour  recevoirun  morceau  de 
pain  ou  une  piece  dc  monnaie.  On  congoit  ais(5mcnt  son 
^tonnement,  car  la  mendicite  est  chose  inconnue  dans  son 
tie. 

Te  Moana  a  de  grandes  proprietes,  mais  il  est  loin  de  les 
faire  valoir  toutos  a  son  profit,  ou  mt'mo  d'en  tirer  quelque 
k"!nefice.  II  en  fait  concession  aux  autres  kanacs,  sansaucunc 
redcvancc  fixe.  Seulement  s'il  a  besoin  dc  quclques-uns  des 
produils  de  ses  terrcs,  coclions,  bananes  ou  fruits  a  pain,  il 
les  deniandent  et  on  les  lui  apportc.  La  tribu  des  Happas 
vcnaitjadis  en  masse  chargee  de  provisions  et  les  ddposait 
dans  sa  case.  Cetlecoulume  parait  maintcnant  supprimec, 
ou  du  moins  jc  nc  fai  pas  vue  mcttrc  en  pratique. 


18-2  NOTICE 

Vaokt'lui,  sa  feinine,  agee  d'en^i^on  vingt-sepl  ans.esf 
commcTo  Moana,  de  race  royalo.  Elleest  de  beaiicoup  siipc- 
ricorc  aux  autrcs  fcmmes  indigenes  par  rintelligen^e  dont 
elle  a  donno  dcs  preiivcs  lors  des  discussions  de  son  mari 
avec  raiitoiite  francaise.  Elle  a  beaucoiip  d'ai)titude  aux 
travaux'de  remme,  sail  coudre  et  repasserle  linge,  et  si  elle 
jiouvait  sc  troiiver  en  contact  journalier  avoc  uneeuropcenne, 
olle  ne  tardcrait  pas  aacquerir  une  foule  de  ces  pelits  talents 
d'inlL^riour  de  menage  qui  ne  s'apprennent  guere  qu'en  les 
voyant  extcuter.  Neanrnoins,  on  trouve  chez  elle  cettc  indo- 
lence qui  cacacterise  si  eminemment  les  pouples  sauvages  de 
la  z6ne  loriide,  ct  ce  laisser-aller  qui  marque  I'etat  primitif 
de  ces  nations. 

Te  Moann  et  Vat'kehu  out  ete  baptises  avec  leu rs  enfants 
et  un  grand  nombre  d'liabitantsdeTaio-Hae,  le  29  juin  1853^ 
ct  ont  completement  renonce  a  leurs  superstitions  religieuses; 
Te  Moana  a  adopte  le  costume  d'un  ofUcier  de  marine, 
Vaekehu  poite  la  grande  robe  sans  ceinlu;!',  mais  dans  leur 
manierede  vivre,  ni  I'un  ni  Tautre  n'ont  encore  rien  cbange 
ct  ne  cbangerontprobablemenl  pas. 

Lc  systeme  de  gouvernement  que  notre  presence  a  Nouka- 
Iliva  a  modifio,  comme  on  vient  de  le  voir,  existe  comi)lete- 
nient  dans  les  autres  ilcs;  mais  si  en  temps  de  paix,  les  chefs 
des  vallees  ne  se  distinguent  des  aulres  liabitants  que  parce 
qu'ils  possedent  un  plus  grand  nombre  d'arbres  a  pain,  de 
cochons  et  d'ornemenls  de  fetes;  en  ten^ps  de  guerre,  au 
contraire,  leur  autorite  est  tres  grande.  Le  chef  pent  reclamer 
des  victimcs,  s'il  lejuge  necessaireau  succes  de  I'entrepriso, 
reunit  les  hommes  valides  de  sa  circonscription,  s'entend 
avec  la  Iribu  dont  il  est  I'ami  et  I'allie,  et  donne  des  ordrcs 
pour  I'agression  ou  pour  la  d(5fense.  Quand  la  royauteexislait 
aux    iles  de   Tapou   el   a  Vaitahti,  si  le  roi  voulait  faire  hi 


SLR    L'ARCrilPEL    DK    MENDANA.  183 

guerre  i\  une  ile  voisinc,  il  r^unissait  les  chefs  des  baies  et 
des  vallees,  leur  expliqiiait  les  raisons  qui  le  d^terminaieiit 
a  la  faire,  prenail  avec  eux  les  dispositions  convenables,  et 
envoyait  dans  le  pays  un  messager,  ke'e,  charge  d'annoncer 
au  pcuple  les  rosolulions  du  conseil;  chacun  alors  s'armait 
else  reunissaitau  lieu  du  rendez-vous. 

Le  droit  de  succession,  soitcommo  roi,  soil  comine  chef, 
est  ainsi  regie  :  aprSs  le  d^ct-s  du  pere  rh(5rilage  passe  au 
fils  ain{5,  ou,  a  dcfaul,  a  la  fiUe  ainSe.  Le  chef  peut  egale- 
nient,  a  d^faut  d'h^ritier,  adopter  un  enfant  qui  estconsiderc 
conime  Ic  fils  propre  ct  I'heritier  presoinptif.  Les  naturels 
appellent  cette  adoption  ikoa.  Ce  mode  d'adoption  est  tres 
usite  aux  Marquises,  non  seulement  parmi  les  chefs,  niais 
encore  parmi  les  autres  habitants ;  souvcnl  un  kanac,  bien 
qu'ayant  des  enfants,  en  adopte  d'autres,  menic  avant  qu'ils 
soicnt  n(5s.  Ces  enfants  viennent  dans  la  case,  y  sont  nourris, 
soignes  et  mis  sur  le  pied  de  la  plus  parfaite  egalite  avec  les 
autres.  La  mere  veritable  se  separe  de  son  nouveau-ne  avec 
la  plus  grande  facilite.  Cependant  elle  va  le  voir  de  temps 
en  temps,  mais  elle  no  s'occupe  plus  de  lui.  Get  usage 
bizarre  et  si  difierend  de  nos  mocurs  fait  qu'il  est  Ires  difficile 
dedebrouillcr  la  gi'nealogie  des  families  et  la  parenle  veri- 
table de  la  parcntc  d'adoi)tion,  et  Ton  ne  doit  plus  s'ctonner 
de  la  multitude  de  parents  que  pout  avoir  u[i  kanac,  surtout 
quand  il  est  Akaiki,  c'cst-ii-dire  chef. 

L'usage  subsiste  encore,  pour  un  (Stranger,  de  se  choisir 
parmi  les  naturels  un  ami  qu'ils  appellent  Tayo,  nom  qui 
vientsans  doutcdos  iles  de  la  Sociele,  lequel  vous  fait  des 
cadeaux  ct  vous  revolt  clicz  lui,  a  charge  de  revanche.  11 
prend  voire  nom  et  vous  prencz  Ic  sien.  Pendant  mon  sejour 
a  Nouka-IIiva,  mon  tayo  appele  Mioi,  qui  Olait  de  la  tribu 
des  Ilappas,  nVMail  jilus  connu  que  sous  le  nom  dc  commis- 


184  ^0T1CE 

saire  dcs  liappas;  une  redingote  aboutons  d'uQiforme  queje 
lui  avals  donnee  ne  conlribua  pas  peu  a  lui  faire  donner  ce 
litre. 

Dans  la  c.\.se  do  votre  ami  indien  vous  etes  comme  chez 
voiis,  et  voiis  pouvez  prendre  la  meilleure  place,  si  cela  vous 
convient,  sans'qu'ilen  soil  nullement  offense;  si  vous  voyagez 
avec  lui,  il  portera  votre  leger  bagage  et  vous  servira  de 
prc^lereiice  aux  autres;  il  vous  defendrait  au  besoin  en  cas 
d'agression,  ce  qui  n'arrive  guere,  surtout  a  Nouka-Iliva,  car 
les  naturels  ont  pour  les  blancs  un  respect  dont  ccux-ci 
abusent  quclqucfois. 

Le  donicstique  des  chefs  kanacs  se  compose  d'hommes  et 
de  femmes,  qui  s'engagent  facilement  a  leur  service  pour  la 
nourriture  et  Ic  vetement  qu'ils  reyoiventen  compensation; 
si  ces  scr\ileurs  ne  s'arrangant  pas  avec  leur  maitre,  qui  vit 
avec  eux  et  de  la  meme  manicre  qu'eux,  ils  lequittent  sans 
plus  de  facon  qu'ils  sont  venus  chez  lui. 

II  n'y  a  pas,  a  proprement  parler,  de  pauvrcs  chez  ces  sau- 
vages.  Tous  les  habitants  participenl  aux  fruits  que  la  nature 
repand  dans  ces  pays  en  si  grande  abondance.  La  vieillesse 
est  (^galemcnl  respectee  etsecourue;  un  vieillard,  un  infirme 
se  trouve-t-il  reduit  a  n'avoir  plus  de  famille,  il  n'en  sera 
pas  pour  cela  abandonne;  il  sera  recu  dans  telle  case  qu'il 
voudra  habitcr,  sur  d'y  trouver  accueil,  nourriture  et  place 
pour  dormir. 

Corabien  nous  difforons  de  ces  peuplades  que  nous  appe- 
Ions  sauvagcs,  et  Ton  serail  tente  de  se  demander  Icqucl  est 
le  plus  barbare,  de  celui  qui  ne  voit  dans  son  semblable 
qu'un  autre  lui-meme,  ou  de  celui  qui  fermeimpitoyablement 
sa  porte  a  la  vieillesse  et  a  la  pauvrete. 

Les  idtiescosmogoniques  de  ces  peuples  sont  tres  peu  eten- 
dues.  lis  supposenl  qu'un  hommc,  appcloMaui,  fitsorlirdes 


SUR  l'ahchihel  de  mk.ndana.  f8.i 

eaux  la  lerre  lelle  qu'elle  exisle  maintenant.  Ilscroient  que 
la  teinte  bleue  de  ratinospliere  est  une  matiere  solide  el  que 
le  ciel  louche  a  I'liorizon,  c'est  ce  qui  leur  fit  prendre  pour 
des  Dieux  les  etrangers  qui  arriverenl  les  premiers  dans 
leurs  lies. 

lis  croient  que  le  soleil  tourne  autour  de  la  lerre,  el  il  sera 
diCficilede  parvenira  leur  persuader  le  contraire,  si  toutefois 
on  le  veutessayer.  Quoiqu'il  en  soil,  les  vieillards  racontent 
qu'autrefois  les  nalurcls  desirant  conserver  le  soleil  plus 
longlemps  sur  I'liorizon ,  parce  qu'il  n'apparaissait  que 
fori  lard,  el  disparaissail  de  bonne  heure  derriere  les  nion- 
tagnes,  essayerent  do  rallacher  snr  le  sommet  dc  I'une 
d'elles,  niais  conime  ils  s'elaient  servis  de  cordcs  failes 
avec  des  ecorces  d'arbres,  la  chaleur  de  I'aslre  ne  tarda  pas 
a  les  consumer.  lis  se  servirenl  alors  de  clieveux  et  cruront 
elre  parvenus  a  rempeclier  de  disparaitre  Irop  vile. 

Les  indigenes  dc  Nouka-Hiva  conscrvcnl  encore  cerlaines 
tradilions  qui  ressemblent  assez  acelles  des  peuples  primilifs, 
et  Ton  croirait  entendre  quelques  recils  des  sagas  mytliolo- 
giques  des  anciens  scandinaves.  Aux  Naikis,  Iribus  de  I'inle- 
rieurde  Tile,  on  monlre  unepierrc  surlaquelle  une  fcnime 
appelee  Ilakamoelupua  divisa  le  ciel  en  plusieurs  parlies 
qu'elle  distribua  aux  differentes  Iribus  de  I'ile.  Ainsi  la  tribu 
desTeis,  dans  la  bale  de  Taio-llae  eut  en  partage  un  ciel 
calmc  et  sans  vent;  la  tribu  des  Ilappas,  un  ciel  convert  avec 
de  grosse  pluieen  abondance;  les  habilanlsde  Taioa,  baie 
a  I'ouest  de  celle  de  Taio-flae,  furenl  condamnes  a  un  ciel 
toujours  pluvieux;  lesTaipis-Moana,  dans  la  baie  du  Contro- 
leur,  a  Test,  eurent  un  ciel  gris  et  pomele;  les  Taipis-Vai, 
dans  la  niCme  baie,  ne  virent  le  bleu  du  ciel  que  par  les 
rares  inlervalles  d'un  nuage  general  el  epais;  dans  le  nord 
de  rile,  les  Puas,  les  Alilokas  n'eurent  que  des  nuagcs;  au 
centre,  les  Naikis,  un  temps  continucUemcnl  brumeux. 


I8G 


NOTICE 


Cetle  repartition  ficlive  des  differentselats  de  ralmosphere 
sur  I'ile  de  Nouka-Hiva,  correspond  elTeclivement  a  ce  qui 
existe,  car  en  general  le  temps  est  nuageux,  ct  il  pieut  sou- 
vent  dans  certaines  tribus  qui  habitent  Ics  montagnes  ou  les 
gorges  profondes  des  vallees. 

Les  babitanls  des  Marquises  n'ont  pas  a  proprcment  diro 
de  religion,  a  moins  qu'on  ne  veuille  decorer  de  ce  tilre 
I'espfice  de  culte  qu'ils  rendcnt  a  leurs  idoles  de  pierre  ou 
de  bois.  lis  admcttent  plusieurs  dieux,  Etua,  qui  sont  le 
plus  souvent  d'anciens  chefs  deifies  apres  leur  mort.  Chaque 
vallee  a  son  dieu,  n'en  rcconnait  pas  de  superieur,  bien  que 
tous  ne  soienl  pas  egalcmont  puissants;  seulcment  le  dieu 
des  etrangers  est  plus  grand  que  les  leurs.  II  est  du  reste 
Irfes  difficile  d'expliquer  la  niylhologic  des  naturels  des 
Marquises,  point  sur  lequcl  ils  sont  loin  d'etre  d'accord,  ce 
qui  du  reste  les  interesse  fort  pen. 

lis  ont  I'idee  du  bien  et  du  mal,  recompense  ou  puni  dans 
une  autre  vie;  mais  ils  n'interpreient  pas  cetle  idee  comme 
nous  pouvons  le  faive;  ainsi  les  plaisirs  des  sens,  la  debau- 
che,  I'ivrognerie,  la  paresse  ne  sont  jamais  consideres  chez 
cuxcomme  mal.  Qnant  a  leur  etat  aprcs  leur  mort,  ils  ne 
savcnt  point  le  preciser;  ils  pensent  cependant  que  tout  ne' 
ptVit  point  avec  le  corps,  et  que  I'amc,  kuhane,  erre  derriere 
les  cases,  si  Ton  ne  rend  an  corps  les  devoirs  funebres;  mais 
ils  n'ont  la  dessus  que  des  idees  extrememenl  vagues  et  in- 
decises,  et  si  on  lespresse  un  pen,  ils  repondent :  Je  ne  sais 
pas. 

Les  habitants  des  Marquises  ont  des  grands  pretres  el  des 
grandes  pretresses  (ce  sont  le  plus  souvent  des  femmes),  qui 
parviennent  a  cette  dignite  sans  beaucoup  de  difficult^. 
Quand  une  place  est  vacanle,  par  suite  de  d6c6s  ou  aulre- 
ment,  il  suffil  a  un  homme  ou  a  une  femme  de  S9  declarer 


SI;H    LAHCnil'KL    DK    MExNDA.NA.  187 

inspiree  par  le  (lieu,  de  faire  quelqiies  momeries,  et  surtout 
de  propager  le  bruit  qu'il  succ^de  au  defunt,  pour  que  les 
kanacs  le  croient  et  radnietlent.  lis  ne  dcuiandcnt  pas  de 
plus  grandes  formalites  pour  reconnailrc  la  superiorite  el  le 
pouvoir  du  nouvel  intrus.  L'aulorite  d'unc  prelrcsse  uncfois 
Stabile,  elle  peut  aloi-s  cxercer  son  ministcrc,  qui  consiste  a 
faire  descendre  le  dieu  au  nioycn  d'invocations.  Lorsqu'elle 
se  sent  inspiree,  c'est  le  soir  principaleinent,  elle  fait  elein- 
dre  les  luniit-res,  elle  parle  ensuile  au  milieu  des  assislanls, 
]iour  le  dicu  qui  I'anime.  Elle  decide  de  la  paix  ou  de  la 
guerre,  demarule  des  viclimcs,  cxpulse  de  la  bale  lei  ou  lei 
individu,  en  un  mot  elle  prononce,  et  ses  decisions  sont 
irrevocables. 

Les  kanacs  n'ont  point  de  feles  regidcs  el  arrivant  a  des 
epoques  fixes.  Suivanl  les  circonslances,  ils  decident  qu'ils 
donneront  une  fete  a  telle  epoquc,  invilent  longtemps  a 
I'avance  leslribus  voisines  el  s'occupenl  a  reunir  les  provi- 
sions necessaircs  pour  faire  la  fete,  cochons,  bananes,  fruits 
i  pain,  racines  de  kawa  (I).  II  y  a  fete  pour  commcncer  la 
guerre,  fete  pour  cdlebrer  la  victoire,  fete  pour  se  rt'jouir  du 
mariage,  de  la  naissance,  du  premier  lalouage  du  flis  d'un 
chef,  llsont  des  espcces  d'aulels  en  plein  air,  qui  consistent 
en  quelques  figures  laides  et  grimacanles,  peinlcs  dc  diverses 
couleurs  et  entouri'es  de  pieces  d'elolles  d'(5corce  d'arbre.  lis 
out  aussi  des  cases  sacr^es  oil  les  femmes  n'enlrent  jamais; 
dans  ces  cases  se  trouvent  des  troncs  de  bois,  tiki,  qui 
representenl  d'unc  manierc  grossiere  un  ^tre  liumain. 
Quelques  uns  servcnl  dc  supports  a  la  toilure,  comme  des 
cariatides,  d'autres  sont  appcndus  a  la  muraille.  II  y  a  de 


{1)  Racine  dit  riper  nielhysticum,  1.. 


188  :soriCE 

ces  idoles  qui  sont  sculptees  dans  une  pierre  dure  ct  noir&tre; 
on  en  ernporte  dans  les  pirogues  pour  rendre  la  pOche 
favorable.  II  s'en  Irouve  aussi  dans  les  morais,  taill6es 
dans  une  pierre  rougeatre  el  grossiere,  quelquefois  en  pied  , 
quelquefois  le  buste  seul  dt^grossi,  quelquefois  enfln  la  figure 
seule  indiquee  grossierement  par  quelques  lignes.  II  existe 
ii  Taio-Hae,  dans  un  mora'i  desert,  une  de  ces  idoles  fort 
bien  conservee  quoique  couverte  de  mousse;  elle  est  renvers^e 
de  son  piedestal  et  ne  tardera  pas  a  elre  entiijremftnt  cacliee 
par  les  broussailles.  Dans  un  autre  niorai,  conslruit  a 
I'ombre  de  gigantesques  tamanus  (1),  a  nii-cbemin  de  la 
valine  d'Avao,  qui  mene  aux  Naikis,  j'ai  trouve  des  Ifiles 
sculptees,  des  ossements,  des  debris  decercueils,  de  tamtams, 
le  tout  convert  de  lichens  et  de  mousses  developpes  par 
I'humidit^  de  ces  lieux  oil  le  soleil  ne  penetre  jamais. 

Nous  avons  parle  de  morais,  ce  sont  des  lieux  sacres, 
places  ordinairement  dans  des  endroits  ^cartes  et  qui  servent 
de  lieu  de  sepulture.  Un  enclos  ombrage  est  entoure  d'une 
palissade  dont  quelques  poteaux  repr^sentent  des  figures 
humaines.  Au  milieu  s'eleve  un  tertre  form6  par  des  blocs 
de  pierre  superposes;  au  centre  une  case  ou  plut6t  un  toil 
supports  par  des  piliers  couvre  les  cercueils,  papaku,  espfeces 
de  pirogues  (^levees  sur  des  traverses  au  dessus  du  sol  (2^),^ 
et  entouri^s  de  chevelures,  d'armes  et  d'autres  richesses  de  ce 
genre  ayant  appartenu  au  defunt. 

Les  morais  sont  nombreux  dans  certaines  valines  et  sont 
destines  a  la  masse  du  peuple.  Les  chefs  font  batir  des  cases 


(1)  Calophyllum  inophyllum,  L. 

(2)  L'usage  d'elever  les  cercueils  au-dessus  du  sol  existait  chez 
quelques  peuples  de  I'antiquite.  Elien  et  Appollonius  de  Rhodes 
rapportent  que  les  habitants  de  la  Colcbide  en  agissaient  ainsi. 


SIR  l'arcmipei,  dk  me.ndana.  ^89 

qui  servent  tie  cavcaux  a  Icurs  families  et  sont  sacrees.  Lc 
cercueil  une  fois  d(''posL',  Ics  parents  n'ont  point  termini 
leurs  devoirs  covers  le  dcfunt,  (upapau;  ilslui  portent  dans 
des  tasses  de  coco  suspendues  a  la  hauteur  du  cercueil,  de 
la  popoi(l),  du  pore  cuit  et  d'autres  aliments  qui  sont 
d^vores  par  les  rats. 

Les  insulaires  des  Marquises  font  quelquefuis  des  ffites 
conim(5moratives  en  I'lionneur  des  guorriers  decides  dans  les 
combats  ou  des  autres  morts  de  distinction.  J'ai  asssist(5  a 
une  de  cos  fetes  chez  les  Happas,  tribu  voisine  de  la  bale  de 
Taio-Hae. 

Sur  un  des  cdtcs  de  la  Koika,  ou  place  publique  de  cetle 
tribu  s'clfeve  une  grande  case  dans  laquellc  on  grimpe  au 
moyen  d'une  espece  d'echelle  de  dix  a  douze  pieds.  Dans 
celle  case  se  trouvait  une  trentaine  de  kanacs,  les  uns  cou- 
ches, les  autres  assis,  ceux-ci  mangeant,  ceux-la  dormant, 
d'autres  fumanl,  et  tous  ornes  plus  ou  moins  de  houppes  de 
cheveux  a  la  ceinture,  aux  poignets  et  aux  jambes,  de  pana- 
ches de  plumes  et  d'autres  ornenienls. 

Au  centre  de  la  case,  le  long  de  la  parol,  ctaient  suspendus 
sur  un  baton,  des  fusils,  des  lances,  et  d'autres  armes  de 
guerre,  avec  des  pieces  d'etoffe  disposees  d'une  maniere 
sp(5ciale.  Au  pied  de  la  lerrasse  qui  existe  toujours  devant 
chaque  case,  ct  que  les  kanacs  appellent  pae'-pae,  se  trou- 
vaient  des  pores  amencs  la  pour  etre  sacrifiC's,  cuits  et 
manges  par  les  assistants. 

La  fete  du  reste  consistait  comme  tonles  les  fetes  kanaques, 
quel  que  soit  le  motif  qui  les  provoque,  abattre  du  tamtam, 
chanter  des  ulaula  (2),  frapper  dans  ses  mains  ct  sur  ses 

(1)  Aliment  dont  on  verra  plus  loin  la  nature. 

(2)  Chants  de  guerre,  religieux  ou  licencieux. 


19f>  NOTICE 

bras,  manger  dii  pore,  des  bananes  ct  de  la  popoi,  ct  s'enivrer 
dc  kawa.  C'est  uuc  occasion  pour  les  femmes  de  mcllre  leurs 
tapas  nouvellpment  confectionnecs,  et  pour  tout  le.  monde, 
de  se  rcvc'lir  des  ornemeuts  de  fete. 

Non  loin  de  la  case,  a  Tangle  de  la  place  ou  koika,  s'eteve 
un  massif  de  maconnerie  en  forme  de  cube,  dans  lequel  elaient 
enfonces  deux  poteaux  converts  de  mousse  et  a  moitie  pourris. 
C'est  la,  me  dit-on,  qu'on  attachait  le  patient,  lorsqu'on 
irnniolait  des  victimes  luimaines,  qu'on  le  sacrifiait  et  qu'on 
le  decoupait  pour  le  distribucr  ensuite  a  lous  les  assistants. 

L'on  pea  aflirmer,  sans  crainte  de  se  tromper,  que  I'usage 
des  sacrifices  bumains  a  a  pen  pres  disparu  de  Nouka-Hiva, 
et  que  les  habitants  ne  reviendront  pas  a  cette  coutume 
barbare,  tant  que  lesFrancais  resideront  dans  I'lle  (1).  Mais 
il  n'en  est  pas  de  meme  dans  les  iles  \oisines,  et  il  y  a  peu 
de  temps  encore,  a  Roa-Huga,  on  chercbait  une  victime 
pour  6tre  offerte  au  dieu,  afin  de  rendrc  la  sante  au  chef  qui 
etait  dangcreusement  malade.  En  admellant  que  les  indi- 
genes ne  comprennent  que  tres  imparfaitemenl  la  religion 


(1)  On  n'ignore  pas  qu'avant  la  venue  de  Jesus-Christ,  les  peuples" 
meme  les  plus  civilises  iminolaient  des  victimes  humaines  a  leurs 
divinites.  La  Grece  avail  son  Bacchus  Omestes,  d'un  mot  grec  gui 
signifie  cruel,  qui  se  nourril  de  chair  humaine;  L'ltalieavait  Jupiter 
Latialis,  laGaule,  son  dieu  Teutales;  Carthage,  la  Grande-Bretagne, 
des  divinites  non  nioinscruelles.  Cette  coutume  barbarese  prolongea 
plQsieurs  siecles  apres.  Ciceron,  Pline,  Porphyre,  Laclance,  Saint- 
Clement  d'AIexandrie  et  d'autres  auteurs  non  nioins  dignes  de  foi 
en  rapporlent  des  exemplcs  qu'on  ne  peul  revoquer  en  doute. 
Juvenal,  dans  sa  satire  XV^  dit  posilivement  quil  est  permis  de 
manger  de  la  chair  humaine,  cCarnibus  humanis  vesci  licet*  et 
Virgile,  en  parlant  des  Cyclopes : « Visccribus  miserorum  et  sanguine 
veseitur  alro.  ♦  E.  liv.  Ilf,  v.  C22. 


SLR  i.'archipkl  ve  mcndana.  191 

calliolique,  on  doit  cependant  regarder  coinme  un  bienfait 
de  la  civilisation,  la  presence  des  missionnaires  qui  arretent 
ces  barbaries  et  rendent  les  habitants  plus  susceptibles 
d'entrer  en  relations  avec  les  strangers  qui  abordcnt  dans 
leurs  bales. 

La  victime  a  quelquefois  un  moyen  do  se  sauver,  c'est  de 
declarer  qu'elle  porte  le  nom  d'un  chef  tapou.  Cette  simple 
declaration  suffit  pour  arreter  le  sacrifice,  tant  est  grand  le 
respect  que  les  kanacs  portent  a  la  coutume  du  Tapou,  res- 
pect qui  tienlde  la  crainteplulut  que  de  tout  autre  sentiment. 
Nous  en  parlerons  plus  loin. 

La  victime  choisie  est  gardee  dans  une  case  particuliere, 
jusqu'au  jour  de  la  C(5r6monie.  La  elle  est  nourrie  largement 
de  popoi,  et  I'objet  d'une  foule  d'observances  religieuses. 
Avant  le  sacrifice,  on  introduit  dans  la  bouche  du  patient 
un  large  hamecon  rccourbe  en  forme  de  faucille,  fait  d'e- 
caille  de  tortuc  et  garni  de  barbe  blanche.  On  Ic  conduit 
autour  de  I'autcl,  ensuile  on  I'assomme  a  coup  de  casse-lfite, 
huhic,  11  tombe,  et  son  sang  n'a  pas  eu  le  temps  de  figer 
dans  ses  veines,  qu'il  est  6tendu  sur  des  feuilles,  au  fond  du 
four  kanac,  et  recouvert  de  pierres  rougies  au  feu,  ainsi 
qu'on  le  fait  pour  faire  cuire  les  pores. 

II  s'en  faut  de  beaucoup  que  les  sauvages  des  Marquises 
soicnt  aussi  cruels  que  I'etaient  les  Indiens  de  I'Amerique  du 
Nord;  on  m'a  assur*^  que  Ton  met  la  victime  a  morten  la 
frappant  par  derriere,  afin  de  lui  cviter  la  vue  du  coup  qui 
doit  terminer  ses  jours. 

Une  fois  cuit,  le  malheureux  est  dt'pece  et  divise  en  autant 
de  morceaux  qu'il  y  a  d'assistants,  car  il  faut  que  chaque 
kanac  qui  participe  a  la  fete,  prenne  sa  partde  cet  horrible 
itiH.  Les  mains  et  les  yeux  sont  conserv(['S  pour  les  chefs, 
comme  ctant  la  partie  la  plus  d(!'licato. 


i  f^i  Notice 

On  conQoil  parfaitenunt  que  dos  peuplades  sauvage*, 
n'ayant  point  dc  police  organisee,  ont  cependant  des  besoins 
a  salisfaire,  des  regies  a  suivre,  afin  d'^viter  I'anarchie,  et 
que  les  chefs,  pour  arriver  a  maintenir  I'ordre  parmi  leurs 
sujets,  doivent  regler  I'emploi  des  choscs  de  la  vie;  afm  de 
donner  plus  de  pouvoir  h  leurs  decisions,  ils  ont  fait,  dans 
I'interet  public,  cause  commune  avec  les  ministres  des  divi- 
nit(5s,  et  se  sont  fortifit5s  mutucllement,  en  etablissant  une 
relation  intime  entre  le  pouvoir  spirituel  et  le  pouvoir  tem- 
porel.  C'est  ainsi  qu'on  peut  expliquerle  pouvoir  qu'ont  les 
chefs  aussi  bien  que  les  grands-pretrcs  de  lancer  des  tapous  ( I ), 
c'est-a-dire  de  regulariser  les  actes  de  leurs  sujets. 

On  peut  en  distinguer  trois  esp^ces;  le  tapou  qui  exclul 
totalement  I'usagede  certaines  choses,  cclui  qui  ne  le  defend 
que  pendant  un  certain  temps,  enfin  celui  qui  consacre  des 
usages  a  nos  yeux  plus  ou  moins  bizarres, 

Chez  quelques  tribus,  les  eloffes  rouges  ne  peuvent  etrc 
portees,  on  ne  peut  s'asseoir  impunemcnt  sur  un  meuble 
recouvert  de  cette  couleur,  chez  d'autres,  c'est  le  bleu,  chez 
d'autres  enfin  ,  c'est  le  noir.  L'usage  de  la  viande  de  pore, 
des  poules,  de  certains  poissons,  est  defendu  pendant  un  temps 
plusou  moins  long  chez  quelques  peuplades,  il  est  pcrp(^tuel 
pour  les  femmes. 

II  serait  trop  long  d'enumerer  tous  les  tapous  qui  existent 
encore  chez  les  naturels  des  Marquises;  il  suffira  d'en  citer 
encore  quelques-uns  pour  faire  connaitre  en  quoi  consiste 
cette  coutume  etcombien  elle  s'altaclie  a  des  choses  pu(5riles. 
II  est  defendu  de  cracher  au  milieu  des  cases,  parce  que,  si 
quelqu'un  veut  vous  faire  mourir,  il  n'y  aqu'aenlever  votre 


(1)  D'autres  icrivent  tabous. 


suR  l'aiichipel  de  menbana.  193 

salive  el  la  porler  au  grand-piolre,  celui-ci  I'enveloppc  dans 
des  feuilles  d'arbrcs  et  dans  des  morceaux  d'ecorccs  d'arbre, 
I'enloure  de  cordes  faitesavec  le  brou  du  coco  ell'enfouit  en 
terre  ou  le  jette  dans  les  broussailles,  c'est  ce  qu'on  appelle 
kaha.  D^s  ce  moment,  I'individu  qui  a  craclie  commence 
a  d^pi^rir  ct,  au  bout  de  quelque  temps,  il  meurtinevitable- 
ment.  Cependant  s'il  pent  parvenir  a  decouvrir  qui  lui  a 
enlev6  celte  expectoration,  il  essaie  de  se  la  faire  rend  re,  en 
lui  faisant  des  cadeaux,  ou  s'il  trouve  lui-meme  le  kaba,  il 
est  sauvS. 

La  pipe  qui  sert  babituellement  a  un  chef  kanac  est  sacr(5e, 
tapou.  Les  Fran^ais  seuls  ou  les  autres  chefs  kanacs  peuvent 
s'en  servir  impunement.  Toute  pipe  fumee  dans  une  case 
tapou  est  tapouee  par  ce  seul  fait.  Un  kanac  ne  pout  fumer 
qu'en  dessous  de  ses  vctements,  c'est-a-dire  que  s'il  a  un 
mouchoir,  les  coins  d'une  piece  d'etoffe  noues  autour  de  son 
cou,  un  collier  ou  toute  autre  chose,  il  passe  le  luyau  de  la 
pipe  en  dessous.  J'ai  cependant  remarque  que  les  kanacs 
habilles  alafrancaise,  c'est-a-dire  avec  un  pantalon  et  une 
chemise,  nc  se  font  pas  scrupule  de  fumer  dans  cetelat. 
Peut-etre  le  port  de  vetements  elrangers  afTranchit-il  de  celte 
obligalion.  La  femme,  pour  fumer,  est  obligee  de  tirer  son 
bras  droit  de  la  manche  de  sa  grande  robe,  si  par  hasard 
elle  en  porte  une. 

II  est  defendu  a  un  kanac  d'allumer  sa  pipe  a  une  lampe 
du  pays.  Si  un  curopecn  a  alliimc  la  sicnnc  do  cctte  fagon, 
le  kanac,  le  sachant,  nepermcltra  jamais  do  fumer  dans  celte 
pipe. 

Lorsqu'on  boit  un  coco,  que  Ton  mange  de  la  popoi  ou  du 
kalm  (1)  il  faut  faire  attjnlion  a  ne  point  verscr  I'eau  de  coco 

(1)  Aliment  du  pays.  On  en  parlera  plus  loin.  On  doit  prononcor 
la  Ictlre  u  conimc  s'il  y  avail  ou.  l:j 


J  94  NOTICE 

ni  fairc  toucher  de  la  popoi  sur  le  pav6  de  la  terrasse,  qui  est 
rendroit  oil  Ton  mange  le  plus  souvent.  C'est  une  infraction 
aux  tapous  et  qui  est  punie  do  la  cocit6.  On  cite  la  fille  de 
Te  Moana  devenue  aveugle  pour  cc  motif. 

Un  chien  ne  pent  passer  impunfiment  entre  lesjambes 
d'une  femme  kanaque,  ellc  ou  lui  doit  mourir;  le  choix 
n'est  pas  difficile  a  faire. 

On  demandcra  pourquoi  dans  une  tribu ,  telle  chose 
est  defendue  pour  tout  le  monde,  pendant  que  dans  une 
autre,  elle  ne  Test  que  pour  les  femmes,  et  dans  une  troisi^rae 
elle  ne  Test  pas  du  tout?  Ces  anomalies  dont  il  est  difficile  de 
rendre  compte  existent  ^galement  chez  les  peuples  civilises: 
Ainsi  les  Juifs  ne  mangent  pas  de  pore,  les  Mahomelants  ne 
hoivent  pas  de  vin;  des  couleurs  d^terminees  sent  des  mar- 
ques distinctives  de  telle  ou  telle  classe  de  la  society,  sent 
portees  en  signe  de  deuil  dans  cetle  nation,  et  en  signe  de 
r^jouissance  et  de  fete  dans  cette  autre,  et  si  nous  ne  nous 
cxpliquons  pas  certaines  defenses  chez  ces  peuples  sauvages, 
c'est  que  nous  ne  pouvons  remonter  jusqu'a  I'origine,  et  en 
connaitre  les  motifs. 

Le  tapou  relatif  a  la  police  du  pays  est  applique  par  les 
chefs.  Hbs  qu'ilestconnu,  I'execution  en  est  plus  rigoureuse 
que  chez  nous  celle  de  la  plupart  des  lois  et  ri^glements, 
car  une  simple  amende  est  la  punition  la  plus  commune 
d'unc  infraction  a  un  r^glement  de  police,  tandis  que  dans 
rid^e  des  kanacs  I'inobservance  d'un  tapou  est  une  cause 
de  mort. 

On  m'a  raconte  qu'une  jcunc  Indienne  elant  malade,  avait 
regu  d'un  Frangais  habitant  Nouka-IIiva,  unorciller  en  plu- 
me, pour  qu'elle  eut  la  tete  moins  duremcnt  posee  que  sur  le 
tronc  du  cocotier,  qui  lui  servait  de  coussin.  Pendant  huit 
jours  elle  se  servil  de  cetoreillcr  et  s'en  trouva  fortbien, 


SLR    L'ARCIin'EL    DE    MENDANA.  195 

mais  par  malheur  une  plume  sorlit  par  la  couture,  alors  la 
jeune  fille  s'empressa  de  rejeter  rorelUcr  bien  loin  d'elle,  et 
dlt  qu'elle  allalt  niourir  parcc  qu'elle  avail  dormi  sur  un 
coussin  de  plume.  C'est  cc  qui  anivaen  effet.  Est-ce  la  ma- 
ladiedont  elle  etait  affectce  qui  fut  la  cause  de  son  doces,  ou 
ses  parents  et  amis,  fanatiques  observateurs  du  tapou,  lui 
auraient-ils  fait  prendre  un  breuvage  mortcl?  Quelqucs  per- 
sonncs  nient  cettc  derniere  circonstance  dans  le  casde  viola- 
tion d'un  tapou  quclconque,  d'autresen  affirment  la  possibilile. 
Les  indigenes  sont  loin  de  I'avouer,  ct  disent  simplement 
que  le  Dieu  fait  mourir  celui  qui  n'observe  pas  les  coutumes 
de  ses  ancetres. 

Ajoutons  en  terminant  cet  article  sur  le  tapou  que  la  oil 
les  Europeens  sont  etablis,  les  nalurels  commencent  a 
s'afTrancliir  de  quelques-unes  de  ces  ridicules  cxigencess 

Lestrois  actes  principaux  de  la  vie  de  I'homme,  la  nais- 
sance,  le  mariage  et  la  mort,  sont  marques  chez  les  kanacs 
par  des  feles  et  des  rejouissances.  La  case  d'une  fern  me 
enceinte  est  indiquec  par  un  signc  particulicr,  c'est  une 
grande  coquille  de  nacre  suspendue  a  I'extcricur,  au  potcau 
qui  souticnt  le  tolt;  sous  son  lit  et  dans  un  angle  de  I'habi- 
lation  est  un  amas  deplanlesparticuliercsqui  sonlfavorables 
a  la  conservation  de  I'enfant  dans  le  sein  de  sa  mere.  La 
femme  pendant  sa  grossesse  jouit  d'une  consideration  par- 
ticuliere.  On  souticnt  sa  pipe  pendant  qu'elle  fume,  clle  ne 
sc  livre  a  aucun  travail ,  rcste  dans  sa  case  ,  soit  accroupic, 
soit  couchee  sur  sa  natte;  on  lui  [irepare  la  popoi  qui  est 
servie  devant  elle,  on  lui  rend  en  un  mot  lous  les  services 
que  reclame  sa  position. 

L'accouchement  dcsfcmmes  n'est  point  laboricux.  L'usago 
de  ne  point  emprisonncr  leur  taille  dans  un  corset,  mais 
de  la  laisscr  se  devcloppcr  librement,  y  contribue  beaucoup. 


-196  NOTICE 

Elles  sont  assistees  pardes  femmes,  el  aussiWt  apres  la  deli- 
vrance,  la  m^sre  et  I'enfanl  vont  se  laver  a  la  rivifere.  Ici 
commence  une  serie  dc  tapous  :  on  ne  pout  allumer  de  feu 
dans  la  case  pendant  un  certain  temps,  la  mere  ne  pent 
sortir  que  quelques  jours  apr(?s  sa  delivrance,  on  regoil  les 
parents,  les  amis,  on  lue  des  cochons,  on  prepare  du  kava 
et  de  la  popoi,  on  fait  en  un  mot  une  ffile  proportionnce  a  la 
richesse  du  pere  de  famille. 

Si  I'enfant  a  ele  adopte  par  une  autre  famille,  il  est  quel- 
quefois  emporte  dans  sa  nouvelle  famille  aussitOt  apres  sa 
naissance,  on  I'accompagne  en  lui  souhaitant  les  choses  les 
plus  estim^es  par  ces  peuples  sauvages. 

II  s'agit  de  donner  une  appellation  quelconqueau  nouveau- 
n6.  Les  kanacs  n'ont  pas  ce  que  nous  appelons  des  noms  de 
famille;  cette  necessile  de  distinction  chez  les  peuples  civi- 
lises ne  s'est  pas  encore  fait  sentir  parmi  eux.  Le  nom  donne 
a  I'enfant  n'est  pas  toujours  celui  qu'il  portera  plus  tard, 
quelquefois  on  lui  en  donne  plusieurs,  et  celui  qui  prevaut 
est  celui  qu'il  garde.  Ce  nom  a  Ic  plus  souvent  une  signifi- 
cation particuliere;  une  circonstance  quelconque,  soil  avant 
soit  apres  sa  naissance,  un  fait  relatif  au  nouveau-ne ,  une 
qualitc  physique  sont  pris  pour  appellation.  Cette  coulume 
rappelle  celle  des  peuples  anciens  et  mome  de  nos  aieux , 
dont  le  nom  signifiait  toujours  quelque  chose,  Ainsi,  pour 
en  revenir  a  nos  kanacs,  Te  Moana,  nom  du  roi  de  Nouka- 
Hiva,  signiQerimmensit^,  la  grande  mcr,  a  cause  du  voyage 
qu'il  a  fait  en  Angleterrc:  Makaka,  nom  du  chef  d'unc  des 
vallee  de  Taio-Hae,  signifie  mediant;  Tiiluika ,  signifie 
savant;  Tutai-Kivi,  fiente  d'oiseau;  Op6-Vahin(^,  derri^re  de 
femme,  a  cause  de  sa  poltronncrie  dans  une  certaine  affaire. 
Les  kanacs  convcrlis  au  catholicisme  ont  regu  d'autres  noms 
tir(5s  du  calendrier,   et  qu'il  a  fullu  accommoder  a  leur 


sua    L  ARCIIIPKL    DE   MENDANA.  197 

langue,  ce  qui  fait  qu'on  a  souvent  de  la  difiicuUe  hies 
reconnailre.  II  faut  en  eflet  quelque  usage  pour  retrouver 
dans  Kalolo,  Ic  noni  de  Charles  que  porte  Te  Moana;  dans 
Tanilao,  celui  de  Stanislas,  son  Ills;  dans  Arekiko,  celui  de 
Francois,  Francisco;  dans  Nakare,  celui  d'Alexandrine. 

L'enfant  grandit,  libre  de  ses  actions,  prenant  sa  nourri- 
ture  lii  oij  il  se  trouvc,  peu  embarrassede  ses  vetements  et 
n'ayant  d'autre  precepteurque  la  nature  et  rexemplcdeceux 
avcc  lesquels  il  vit.  II  imite  d'abord  ses  parents  dans  les 
travaux  qu'ils  font,  Icur  vienten  aide,  quand  il  est  plus  age, 
si  toutefois  cela  lui  convient,car  iln'y  est  point  forc(5.  Arrive 
a  I'age  de  la  puberle,  il  cherclie  a  se  marier,  soit  dans  sa 
tribu,  soit  dans  la  tribu  voisine,  construitunecase  avecl'aide 
de  ses  parents  et  de  ses  amis  el  constitue  ainsi  un  nouveau 
menage. 

Le  mariage  aux  Marquises  n'est  consacre  par  aucun  acte 
religieux  ou  civil.  Un  jcune  homnie  trouve  une  jeune  fille  a 
son  gre,  il  lui  demande  :  Veux-tu  vivre  avec  moi?  Si  elle 
consent,  les  parents  sont  avertis  de  part  et  d'autre,  la  jcune 
fille  vient  dans  la  case  de  son  futurepoux,  et  apporte  avec 
elle  des  prL^senls.  Les  families  se  reunissent,  invitent  les 
amis,  on  tue  des  cochons,  on  fait  une  fete  et  le  mariage  est 
consomm^. 

Ces  liens  sacrt5s  chez  nous,  se  rompent  chez  les  naturels, 
avcc  autant  de  facilite  qu'ils  se  sont  formd's.  La  fcmme  cesse- 
t-ellcde  plaire  a  son  mari,  soit  qu'elle  mt'ne  une  vie  licen- 
cieuse,  ce  qui  n'est  guere  un  motif  parmi  cux,  soit  pour 
toute  autre  cause,  le  mari  la  renvoie  avec  ce  qui  lui  appar- 
tient  et  nc  tardc  pas  a  convoler  a  de  nouvelles  noces,  la 
femmc  fait  de  mCme,  et  ces  deux  personnes  qui  unics  par 
les  liens  du  sang  ne  pouvaicnt  s'accommodcr  ensemble, 
continucnt,  s'ils  Ic  vculcnl,  a  demcurcr  dans  la  mi^me  case, 


198  NOTICE 

et  vivenlen  bonne  intelligence  des  que  leur  union  a  ete 
dissoutc. 

Les  kanacs  se  marient  fort  jeunes,  une  fille  est  nubile  a 
douzo  ans,  passed  sa  vingt-cinquiemeannee,  elle  n'estgu^re 
plus  susceptible  d'engeiidrer,  elle  prend  de  I'embonpoint,  et 
passe  au  rang  des  vieilles  femmes.  Les  liommes  se  conservent 
un  pcu  plus  longtcmps,  mais  en  sonime  les  generations  se 
succedent  bien  plus  promplement  dans  ces  pays  la  que  dans 
notrczOne  temperee. 

Les  maladies  dcs^^kanacs  sont  peu  nombreuses;  les  plus 
frequcntes  sont  les  affections  de  poitrine,  depuis  le  simple 
rhunic  jusqu'a  la  phtisie  la  plus  inveteree.  Les  autres  mala- 
dies internes  sont  assez  rares.  L'elephantiasis,  si  commun 
dansr  les  autres  iles  de  la  Polynesie  ne  se  rencontre  pas  fre- 
qucmment.  A  quoi  attribuer  cette  difference,  si  ce  n'est  a 
I'usage  presque  exclusif  d'un  regime  vegetal,  car  le  fruit  de 
I'arbre  a  pain  est  la  base  et  pour  ainsi  dire  la  nourriture 
unique  du  kanac,  Le  poisson  qu'il  p^che  est  en  petite 
quantite,  et  il  ne  mange  de  cocbon  que  dans  les  fetes  publi- 
ques  ou  dans  des  circonstancesexceptionnclles.  Les  maladies 
d'ycux  nesont  pas  rares,  il  en  est  de  meme  des  rbumatismcs 
qu'ils  traitent  au  moyen  de  frictions.  II  faut  atlribucr  la 
cause  de  ces  deux  maladies  a  la  manierede  vivrc  des  sauva- 
ges.  Leurs  cases  etant  mal  ou  point  closes,  le  vent  frais  de  la 
nuitles  saisit  quandils  sont  en  sueur,  quelquefois  meme  ils 
s'endorment  et  passentla  nuitsur  lospierres  deleurtcrrasse, 
enveloppcs  seulement  d'un  leger  drap  de  colon  ou  d'ccorcc 
d'arbre,  insuffisant  pour  les  garantir. 

Les  plaies  d'armes  a  feu,  les  contusions  se  guerissent  au 
moyen  de  plantes  maccreesdansreau  ouecraseessimplement, 
etappliquees  en  fomentations  et  cataplasmes;  pour  le  mal 
de  dents,  ils  pronnent  un  vieux  coco  qu'ils  rapcnt,  sur  cette 


SLR  L ARCHIPEL  DK  MENDANA.  199 

rapure,  ils  mettent  un  caillou  rougi  au  feu,  I'huilesedegage 
et  du  residu  ils  font  une  petite  boule,  qu'ils  appliquent  sur 
la  dent  qui  les  fait  souffrir  (1). 

La  circoncision  chez  les  kanacs  s'opfere  a  tout  Sge.  J'ai 
connu  un  jeune  homme  de  vingt-cinq  ans  qui  n'avait  pu  se 
rt5soudre  a  celte  operation  auparavant.  On  observe  a  cette 
occasion  de  nombreux  tapous.  Le  circoncis  ne  peut  entrer  de 
trois  jours  dans  la  case  qu'il  habile.  II  ne  peut  manger  seul, 
SOS  mains  sont  condamnees  pendant  ces  trois  jours  a  la  plus 
complete  inaction.  II  ne  peut  mettre  la  ceinture  dont  il  se 
sert  habituellement,  il  s'enveloppe  d'un  pagne  a  la  manicre 
des  femmes;  I'infraction  a  un  deces  tapous  serait  une  cause 
inevitable  de  mort. 

D^s  qu'un  kanac  devient  gravement  malade,  il  declare, 
par  une  espcce  d'intuition  que  c'est  sa  derniere  maladie,  et 
son  imagination  lui  faisant  considerer  comme  r^el  ce  qui  au 
d^but  ne  pourrait  bien  etre  que  tr6s  problematique,  il  s'oc- 
cupe  alors  des  pr(5paratifs  de  ses  funSrailles,  discule  avec  ses 
parents  sur  le  nombre  de  coups  de  fusil  qu'il  sera  tir^,  la 
quantitedecochons  aimmoler;il  fait  Iravaillerasoncercueil, 
en  donne  la  forme  et  les  dimensions  et  le  fait  apporter  pres 
de  lui  quand  il  est  termin(5.  Les  raisonnemenlsde  nos  esprils 
forts  du  XVIII^  siccic  les  ont-ils  fait  arriver  a  ce  degr6 
d'indiffi^rence  stoique?  Une  singuliire  habitude  existe  chez 
les  insulaires  des  Marquises :  au  lieu  de  faciliter  a  un 
malade  la  respiration  quand  clle  est  penible,  en  lui  donnant 
autant  d'air  que  possible,  dOs  qu'ils  voient  au  contraire  qu'il 


(1)  On  verra  dans  une  notice  sur  I'histoire  naturelle  des  Marqui- 
ses qu'elles  sonl  les  planles  dont  se  servcnt  les  naturels,  dans 
Jeurs  maladies. 


200  NOTICE 

ne  respire  qii'avec  peine,  ils  lui  mettentles  mains  sur  le  nez, 
siir  la  bouclie,  sur  les  oreilles,  afin  d'empecher,  disent-ils, 
le  principc  vital,  Tame,  kuhane,  de  quitter  le  malade.  Ces 
soins  empresses  sent  funestes  a  ceux  a  qui  on  les  prodigue, 
ct  le  mallieureux  vait  sa  fin  accelerce  par  I'lgnorance  de  ceux 
qui  Ten tou rent. 

II  faut  remarquer  ici  que  les  naturels  n'accepten:^qu'avec 
repugnance  les  secours  de  notre  medecine;  ils  ne  prennent 
de  breuvages,  ne  font  de  remcdes  prescrits  par  la  science 
que  quand  ils  ont  eu  sous  les  yeux  des  exemples  de  leurs 
Lons  resultats. 

Les  coups  de  fusil  etant  tird'S  et  le  repas  des  funerailles 
termine,  tout  rentre  dans  I'ordre  accoutume  dans  la  case,  ce 
n'est  qu'un  habitant  de  nioins.  Si  Ton  n'a  pas  execute  les 
ordres  donnes  par  le  defunt>  son  ame  reste  errante  derriere 
la  case,  qui  est  le  lieu  oii  Ton  jette  les  ordures;  ainsi  erraient 
autrefois  sur  les  bords  du  Styx  les  ames  de  ceux  qui  n'avaient. 
pas  d'obole  a  donner  au  sombre  nocher. 

Le  caract6re  insouciant  de  ces  peuples  autorise  le  conjoint 
survivant  a  convoler  a  do  nouvelles  noces  au  bout  de  peu  de 
temps,  ccpendanl  quelquefois  une  affection  veritable  unit  les 
deux  epoux;  Ton  cite  la  douleurde  la  grande  pretresse  do 
Taio-Ha,  Taoua-Mataeva,  quand  elle  perdit  son  premier 
marl  tu6  dans  un  engagement  avec  quclques  Sandwicliois 
qui  etaient  venus  s'etablir  a  Nouka-Hiva.  Pendant  huit  jours 
entiers,  elle  courut  nuc  et  echevelee  dans  les  sentiers  de  la 
bale  qu'elle  habite,  et  pendant  ces  huit  jours,  les  habitants 
furent  obliges  de  se  tenir  enfermes  dans  leurs  cases,  car 
malheur  a  celui  qu'elle  aurait  rencontre,  il  eilt  6te  immole 
aux  miines  du  defunt. 

rendant  mon  sejour  a  Taio-IIae,  une  baleiniereappartenant 
■iX  un  chef  de  la  Iribu  des  Ilappas  s'etant  perdue  dans  uit 


I 
i 


SUR   LARCHIPEL    DE    MENDANA.  201 

voyage  de  Uapou  a  Roa-Huga,  Ics  femmes  de  celtc  Iribu, 
pour  pleurer  leurs  maris  on  leurs  enfants  au  nombre  de  dix, 
danserent,  comnie  la  grande  prctresse,  une  dansc  fun^bre, 
nueset  echeveloes,  pendant  que  les  autrcs  kanacs,  donnaient 
h  leur  maniere,  un  dernier  souvenir  a  ceux  qui  n'tlaicnt 
plus. 

L'on  cite  enfin  I'histoire  de  celte  femnie  de  0-Ilivaoha  (1) 
dont  le  mari  avait  6te  pris  a  Roa-Huga  et  sacrifie  comme 
victime.  Ellc  offrit  jusqu'a  quarante  cochons  pour  qu'on  la 
conduisit  seulement  en  vue  de  I'ile  oil  son  mari  avait  rendu 
le  dernier  soupir.  En  general,  les  femmes  qui  pleurent  leurs 
maris  se  tracent  avec  des  pierres  tranchanles  des  sillons  sur 
le  front,  sur  les  bras  et  sur  la  poitrine,  mais  il  faut  ajouter 
que  CCS  temoignagcs  ext^rieurs  d'une  vive  douleur  sont  bien 
rarcs,  et  que,  pour  ma  part,  je  n'en  ai  pas  vu  d'exemple. 

Nous  avons  maintenant  a  parler  des  soins  qu'on  donne  au 
cadavre  qu'on  veut  dess6cher,  preparation  dans  laquelle 
excellent  les  habitants  des  Marquises. 

Des  qu'une  personne  n'est  plus,  si  c'est  un  chef  ou  un 
individu  riche,  on  le  revet  de  ses  ornements  dc  fete,  et  il 
resle  expose  pendant  vingt-quatre  beurcs  dans  le  cercueil 
qu'il  s'est  prepare  lui-niOme,  la  figure  decouverlc,  et  quand 
la  fete  funebre  est  terminee,  on  le  place  sur  le  taou. 

Le  taou  est  un  tronc  d'arbre  de  qualre  pieds  environ, 
creuse  legeremcnt,  et  sur  lequel  est  depose  le  cadavre 
pendant  le  travail  de  la  dessication.  Le  defunt  y  est  p]ac6 
assis,  la  parlie  supcrieure  du  corps  rcposant  sur  les  traverses 
dc  deux  montanls  fichus  en  terre.  La  preparation  du  cada\re 
se  faitde  la  maniere  suivantc  :  on  froltc  continuellemcnt  la 


(1)  lulre  nom  de  I'lle  de  la  Dominique- 


802  NOTICE 

peau  avec  la  paume  de  la  main,  on  fait  sortir  par  I'anus  les 
intestins  qnand  lis  sont  arrives  h  un  commencement  de 
dt'composition;  le  ventre  se  ballonne,  la  peau  se  durcit  et 
prend  la  consistance  du  parchemin  par  suite  de  ces  frictions 
continuelles.  C'est  ala  femme  du  dt'funt  qu'est  principale- 
mcnt  devolu  le  soin  de  preparer  ainsi  le  cadavre,  et  elle 
fera  preuve  d'une  grande  affection  si,  apres  avoir  travaille 
pendant  plusieursheures  a  frictionner  le  corps  de  son  mari, 
elle  se  met  a  manger  la  popoi  sans  se  laver  les  mains. 
Elle  reQoit  neanmoins  le  plus  souvent  assistance  de  ses 
parents  et  de  ses  amis,  et  c'est  la  seule  occupation  des  ha- 
bitants de  la  case  pendant  tout  le  temps  nccessaire  a  la 
dessication. 

Ce  travail  qui  reussil  le  plus  souvent,  vu  la  chaleur  et  la 
secheresse  de  I'air,  et  le  soin  qu'on  y  apporte,  est  termini 
au  bout  d'environ  un  mois.  Le  cadavre  est  alors  mis  dans  le 
cercueil,  entour6  de  tapas  et  dt^pos6  soit  dans  le  morai,  soil 
dans  la  case  construite  dans  ce  but.  Dans  la  valine  des 
Taio-Ha,  entouree  de  montagnes,  lescercueils  sont  d6pos6s 
dans  les  anfractuosiles  des  rocbers  les  plus  convenables. 
Mais  les  families  ne  se  s^parent  que  le  plus  tard  possible  du 
cercueil  qui  contient  I'objet  deleurs  regrets  (1). 

Les  cadavres  ainsi  dessecb^s  se  conscrvenl  fort  longtemps, 
seulement  il  arrive  que  n'^tant  enduils  d'aucun  preservatif, 
ils  finissent  par  etre  altaqu^s  par  les  insectes,  et  alors  ils  ne 
tardent  pas  a  etre  reduits  en  poussi6re  (2). 

(1)  Voir  la  note  m  2,  a  la  fin  de  I'article. 

(2)  II  existe  au  cabinet  d'hlstoire  naturellede  Rio-Janeiro  le  corps 
d'un  chefkanac  ainsi  prepare.  II  est  parfaitement  tatoue  et  revelu 
de  ses  orneraents.  On  le  voit  dans  une  grande  boJte  de  verre,  au 
milieu  d'une  des  salles;  il  a  sans  nul  doute  ete  recouvert  d'un 
preservatif  quelconque. 


suR  l'arciiipel  de  mkndana.  203 

Une  remarque  doit  eire  faite  ici  sur  le  caraclere  des  habi- 
tants des  Marquises,  je  veux  parler  de  rindilTerencc  avec 
laquelle  lis  s'cnlretienncnt  de  la  morf,  la  voicnt  venir  sans 
la  desirer,  ni  lacraindrc,  et  font,  comnic  on  I'a  vu,  leurs 
prt^paralifs  ii  I'avancc.  lis  ont  bien  qiiclqiie  idee  d'une  vie 
future,  mais  ils  sonl  loin  d'en  faire  le  sujet  de  leurs  conver- 
sations et  de  vouloir  approfondir  ce  myslere,  qui  du  resle 
ne  Ics  preoccupe  pas  beaucoup.  lis  repondent,  quand  on  les 
inlerroge  la-dessus :  o  hai  hoi,  je  ne  sais  pas. 

II  est  tres  rare  que  les  kanacs  se  pendent;  ils  s'empoison- 
nentavec  le  sue  de  Vem  (1)  qu'ils  melent  avec  dc  I'eau  de 
coco,  niais  ils  lefont  encore  rarement,  car  ils  sont  bien  peu 
passionnes.  Cependant  on  cite  des  exemples  de  maris  qui  se 
sont  empolsonnes  pour  ne  pas  survivre  a  leurs  femmes  et 
quelques  pcrsonnes  pretcndenl  que  c'est  ainsi  qu'on  donne 
la  mort  aux  violateurs  des  tapous. 

A  Nouka-IIiva,  les  guerrcs  serieuscs  cntre  les  differentes 
tribus  de  I'ile  ne  sont  pour  ainsi  dire  plus  possibles  a  cause 
de  la  presence  des  Francais,  mais  dans  les  autres  lies  de 
rarchipelellesexistentencore,  etsontlc  plussouventexcil(5es 
par  les  pr^textes  Ics  plus  frivoles ,  des  coclions  voles  ou 
autre  chose  semblable,  une  parole  imprudente  de  la  part 
d'un  chefenversle  chef  d'une  autre  tribu,  ou  bien  les  motifs 
les  plus  barbarcs,  la  mort  d'un  grand-pretre  ou  d'un  chef, 
ou  encore  pour  se  procurer  des  viclimcs.  Les  kanacs  n'ont 
point  appris  a  ranger  des  armees  en  balaille;  ilsse  font  entre 
cux  une  guerre  d'escarmouche,  s'observent  pendant  des 
jours,  des  semaincs,  des  mois  entiers,  en  se  portant  derriere 


(1)  Cerbera  Manglias,  L.  Tanghin,  de  Madagascar.  On  en  exlrait 
un  principc  acre  el  venencux  appele  Taiialjine. 


204  NOTICE 

des  massifs  d'arbres  ou  de  pelils  monticules,  et  attendent 
que  leurs  ennemis  passent  pour  tirer  dessus.  Quelquefois 
aussi,  ils  combattent  en  plaine  armes  de  batons,  de  casse- 
tetes  et  de  frondes,  mais  ils  preferent  a  tout  les  fusils  et  la 
poudre,  qui  sont  pour  eux  d'une  tres  grande  valeur.  Les 
baleiniers  americains  qui  vienncnt  aux  Marquises  pour 
rafraicbir  leurs  equipages  et  acheter  des  provisions  fraiches, 
trafiquent  avec  les  naturels  au  moyen  de  ces  objets  qu'ils 
savent  leur  faire  payer  fort  cher. 

En  general  la  bravoure  n'est  point  le  propre  du  caractere 
noukahivien.  Des  qu'un  bomme  est  tue,  d'un  c6te  ou  de 
I'autre,  les  deux  partis  quittent  le  cbamp  de  bataille,  le 
vainqueur  chercbant  a  emporter  le  cadavre,et  levaincu, 
essayant  de  le  lui  soustraire.  A  Nouka-Iliva,  oil  les  armes  a 
feu  sont  en  plus  grande  quantite  que  dans  les  autres  lies, 
j'ai  vu  quelques  kanacs  se  boucber  les  oreilles  pendant  que 
Tun  d'eux  ajustait  un  oiseau,  le  canon  du  fusil  appuye 
centre  un  arbre  a  pain. 

On  a  cite  des  traits  de  barbarie  de  la  part  de  ces  sauvages 
envers  les  etrangers,  niais  ce  n'etait  le  plus  souvent  que  de 
justes  represailles  envers  les  Equipages  des  batiments  qui 
abordaicnt  chez  eux.  J'ai  entendu  raconter  le  fait  suivant, 
qui  vicnta  I'appui  dccette  assertion  :  Ily  a  quelques  annees, 
un  baleinier  americain  jeta  I'ancre  dans  la  baie  du  contro- 
leur  ou  des  Ta'ipis,  et  engagca  le  cbef  a  lui  vendre  des 
cochons,  moyennant  une  redevance  qui  ne  devait  etre  payee 
que  quand  les  animaux  seraicnt  a  bord.  Le  cbef  ne  soup- 
Qonnant  pas  le  capitaine  de  rnauvaisc  foi,  apporte  les  cocbons 
dans  sa  pirogue,  les  embarque  a  bord  du  navire  et  y  monte 
lui-meme  avec  les  kanacs  qui  Taccompagnaient  pour  recevoir 
leprix  convenu.  Quoique  Ton  fut  d'avance  blen  d'accord  a 
cc  sujet,  cependant  le  capitaine  trouve  encore  le  moyen  de 


sun  l'akchipel  de  me.ndana.  805 

soulcver  des  dilTicultt^s,  afin  de  gagner  du  temps.  Pen- 
dant la  discussion,  il  fait  appareiiler  son  navire;  une  fois 
sous  voiles,  il  d^niarre  la  pirogue,  et  fait  jeter  a  la  mer  le 
chef  et  les  kanacs  qui  ^taient  avec  lui,  et  qui  ne  purent 
regagnerleur  pirogue  que  parce  qu'ils  savaient  parfaitemcnt 
nager.  Voila  assurement  un  moyen  bien  commode  de  payer 
ses  detles;  niais  ces  pauvres  kanacs  devaient-ils  s'attendre  a 
un  traitement  pareil  de  la  part  d'hommes  qui  se  disent 
civilises? 

A  quelque  temps  de  la,  le  navire  revienl,  et  le  capilaine 
croyant  que  les  indigenes  avaient  oublie  la  supercherie  dont 
ils  avaient  failli  etre  victimes  ou  peut-etre  qu'ils  no  le  re- 
connaitraient  pas,  descend  a  terre  avec  une  parlie  de  son 
equipage.  Aussitot  reconnus  par  les  indiens,  les  matelots 
sont  entoures,  serres  de  pres,  les  naturels  s'en  em  parent,  les 
massacrent  et  les  mangent.  En  verite  etaient-ils  bien  coupa- 
bles?  Je  ne  le  pense  pas. 

Un  fait  arrive,  vers  la  fin  de  1854,  dans  une  des  iles  du 
groupe,  montre  encore  combien  certains  individus  civilises 
sont  quelquefois  plus  cruels  que  ces  naturels.  Un  navire 
americain  avait  relach^  dans  une  de  ces  iles  et  deux  matelots 
^talent  descendus  a  terre  avec  des  objels  d'6change.  Ils 
avaient  6t6  bien  accueillis  et  se  promenaient  sans  crainte  au 
milieu  des  habitants  de  la  baie.  lis  remonterenl  un  petit 
ruisscau,  suivis  par  quelques  kanacs  qui  convoitaient  les 
coutcaux  dont  ils  (5taient  porteurset  qu'ils  ne  voulaient  pas 
coder.  Ces  kanacs  renouvellent  leurs  instances,  mais  inuti- 
lemcnt.  Enfin,  de  guerre  lasse,  ils  saisissentle  moment  ou 
les  matelots  sont  baisses  pour  boirc  au  ruisscau,  et  leur 
lanccnt  des  pierrcs.  L'un  d'cux  est  tut3  sur  le  coup,  I'aulrc, 
gricvcment  blessc,  parvient  cepcndant  a  regagnerle  rivage, 
et  retourne  a  bord,  apportant  la  triste  nouvelle  de  la  mort 
de  son  camarade. 


206  NOTICE 

Le  capitaine,  voulanl  tirer  vengeance  de  cello  mort,  va 
trouver  le  chef  de  la  bale  el  le  menace  de  nietlre  le  feu  a  son 
village,  s'il  ne  lui  livre  i5as  les  coupables.  Le  clief  hesilc 
pendant  longlemps,  enfln  il  cede  a  la  peur.  Les  meurtriers, 
au  nombre  de  deux,  sont  iivres  et  conduits  a  bord;  le  capi- 
taine les  fait  mettrc  dans  des  barriques  qu'il  lit  ensuite 
foncer,  et  les  conserve  ainsi  jusqu'a  son  arrivee  a  Taio-Hae. 
L'equipagc  nonmoins  inhumain  que  son  capitaine  roule  de 
temps  en  temps  ces  pauvres  malheureux  pour  les  rappeler 
au  sentiment  de  leur  propre  existence,  mais  I'un  d'eux 
refuse  obstinemenl  la  nourrilure  qu'on  lui  fait  passer  par  la 
bondeet  meurt  de  faim,  apres  cinq  jours  de  soufTrance. 
L'autre  prend  quelque  nourrilure  et  arrive  en  vie  a  Taio- 
Hae. 

Qu'on  eul  enchaineces  naturels,  je  le  comprendrais,  mais 
les  metlre  ainsi  dans  des  barriques,  c'est  une  idee  qu'un 
horame  civilise  aurait  dii  repousser  avec  horreur.  Ce  renou- 
vellement  du  supplice  de  Regulus  a  quelque  chose  d'atroce, 
et  une  nation  qui  compte  parmi  elle  des  elres  aussi  barbares 
devrait  les  rejeter  de  son  sein. 

Les  Noukahiviens  sont  en  arriere  de  beaucoup  de  peu- 
plades  oceanniennes  sous  le  rapport  de  I'inslruclion.  lis 
n'ont  ete  visil(5s  que  fort  tard  par  les  Europeens  et  n'avaient 
auparavant  porle  leur  altenlion  que  sur  les  objels  qui  sont 
pour  eux  d'une  utilil^  premiere.  Les  voyages  qu'ils  font 
d'une  lie  a  I'aulre  de  leur  archipel  leur  ont  fait  observer  les 
eloiles  et  distinguer  les  principales  conslellalions.  lis  en  ont 
determine  environ  vingl-cinq,  parmi  lesquelleson  distingue : 
les  Pleiades  qu'ils  appellenlMatakai;  Venus,  qu'ils  appellent 
Felu-Oalea,  ou  etoile  du  matin,  et  Fclu  mahona  puipui  i  le 
ahihai,  etoile  du  soir;  le  baudricr  d'Orion,  Taotoliu;  la  voie 
lacl6e,  Yao  felu,  bande  d'eloiles.  Lefetu  kavetou  eou  est  ia 


SLR  l'archipel  dk  me.>dana..  207 

belle  t^oile,  voisinc  de  la  lune,  que  les  marins  appcllont 
sa  chaloupc. 

lis  font  intervenir  la  divinity  dans  certains  ph(5nomenes 
celestes,  comme  les  sauvages  de  i'Anierique  au  temps  de 
Christophe-Colomb.  Pour  eux  une  eclipse  de  lune  est  la 
lune  mang(5e  par  le  dieu  Makina  kaikai  ae  te  Etua,  les 
etoiles  filantes  sont  leursexcr(5[nents,  lutai  Etua.  lis  croient 
que  la  saison  sera  abondantc  en  fruits  a  pain,  si  le  ciel  est 
clair  el  si  les  etoiles  brillent  en  grand  nombre,  peut-etre  la 
raison  en  est-elle  de  ce  que  la  ros(5e  est  plus  abondante  par 
un  temps  clair  que  lorsque  le  ciel  est  charge  de  nuages.  La 
p^che  a  laquelle  ils  se  livrent  leur  a  appris  a  connaitre  les 
poissons;  I'usage  journalier  dcs  plantes  comme  aliments, 
ornements  ou  remedes  les  a  obliges  a  donner  un  nom  special 
a  chacune  d'elles  et  a  distinguer  les  especes  utiles  de  celles 
qui  sont  nuisibles  ou  de  celles  qui  ne  sont  d'aucun  emploi. 
J'estime  que  le  nombre  des  especes  botaniques  qui^compo- 
sent  la  flore  de  Nouka-Hiva  ne  d^passe  pas  cinq  cents,  tant 
phanerogames  que  cryptogames  (1). 

Les  oiseaux  sont  en  petit  nombre,  on  n'en  compte  pas  plus 
de  quarante  espfices.  Quant  aux  niammiferes,  ils  sont  encore 
plus  liraites,  le  seul  qu'on  rencontre  est  le  rat  qui  peut-etre 
n'existait  pasavantrarrivcedes  Europeens.  Cook  pense  que 
les  chiens  out  toujours  existe  aux  iles  de  la  Socitite,  I'espfece 
qu'on  voitaux  Marquises  est  la  meme  que  celle  de  rarcbipel 
de  la  Societe,  et  qui  se  lapproche  du  chien  de  bcrgcr  Les 
coclions  sont  tres  nonibreux  aux  Marquises,  il  s'en  trouve 


(1)  Dans  ce  chiffrc  je  ne  comprends  pas  les  especes  microscopi- 
ques  en  algues,  lichens,  champignons,  hypoxilons.  Chaque  jour, 
meme  en  France,  on  en  decouvre  de  nouvelles.  —  Voir  la  note 
page  4. 


208  NOTICE 

de  sauvages  dans  le  fond  des  vallces.  L'espece  est  un  peu 
differente  de  nos  cochons  d'Europe,  ils  onl  le  museau  plus 
alonge  et  le  corps  moins  trapu.  Comme  eux,  ils  se  nourris- 
sent  principalement  de  vegclaux  el  surtout  de  goyaves, 
leur  chair  est  excellente. 

Les  chevres  qui  ont  et6  apporlees,  il  y  a  une  trentaine 
d'annees  par  les  Americalns,  ont  pullul6  dans  les  monlagnes 
de  la  bale  de  Taio-Ha,  oil  elles  vivent  maintenanta  I'^tal  sau- 
vage.  11  ne  serait  pas  difficile  d'acclimater  a  Nouka-Hiva  les 
boeufsetles  moutons;  aVaitahu,  ilen  existe  untroupeauasse/ 
considerable,  etce  serait  une  grande  ressource  pour  le  poste 
de  Taio-Hae,  si  Ton  pouvait  en  transporter  quelques  tetes 
dans  labaie. 

Les  insectes  sont  peu  nombreux,  la  mer  est  plus  riche  en 
crustac(5s,  en  zoophytes  et  surtout  en  poissons  dont  les  kanacs 
comptent  plus  de  cent  trenle  especes  ou  varietes. 

II  pacait  que  ces  naturels  connaissent  assez  bien  I'anato- 
raie  du  corps  humain,  je  ne  puis  ralfirnier,  n'ayant  jamais 
eu  I'occasion  de  mettre  leur  science  a  I'epreuve. 

Le  langage  de  I'habitant  des  Marquises  so  rapporte  ii  la 
grande  division  polynesienne  etablie  par  les  linguistes,  et  a 
beaucoup  de  ressemblance  avec  celui  des  habitants  des 
Paumotu,  des  Sandwich,  de  Taiti,  par  les  uombreuses  par- 
ticules  qui  modifient  lesens  dela  phrase  et  qui  sont  I'ecueil 
le  plus  difficile  a  franchir  pour  celui  qui  veut  approfondir 
cette  langue.  Voici  ce  que  dif  Forsler  que  nous  avons  d^ja 
eu  I'occasion  de  citer,  au  sujet  de  la  langue  de  la  Poly- 
nfisie.  «  J'ai  renaarque  dit-il,  qu'en  general  les  langues  des 
«  cinq  peuples  designes  plus  hautetqui  sontccux  des  iles 
«  de  la  Society,  des  iles  des  Amis,  des  Marquesas,  de  Tile  de 
«  Paques  et  de  la  Nouvelle-Z^elande  ne  different  qu'en  un 
«  petit  nombre  de  mots,  que  la  difference  de  ces  mots  ne 


SLR    L'AItCHIfEL    DE    ME.NDANA.  209 

«.  consistc  que  dans  1q  cliangcment  d'un  pclil  nombre  de 
«  voycUcs  ou  consonnes,  et  qa'il  y  en  a  beaucoiip  dans  tons 
«  les  dialecles  qui  sonl  rest^s  absolument  los  memos.  Ces 
«  nations  descendenl  done  loutes  de  la  meme  tribu.  Lcs  dif- 
«  ferenccs  des  dialecles  provicnnent  seulement  de  la  difficul- 
«  te  de  prononccr  des  consonnes  que  quelques  insulaires 
«  articulcnt  plus  aisemcnt,  pendant  que  d'autres  les  ont 
«  entierement  omises.  » 

La  division  geographique  des  Marquises  on  deux  groupes 
a  fait  naitre  deux  dialecles  bien  dislincls;  cclui  du  groupe 
nord,  compose  des  :les  Nouka-Iliva,  Roa-IIugael  Uapou,  est 
beaucoup  moins  harmonicux  et  moinscoulanl  que  cclui  des 
lies  du  sud.  Cependant  les  habitants  de  loulcs  ces  iles  se 
comprennenl  Ires-bien.  Celte  langue  est  encore  a  regularisei- 
et  le  ptM'e  missionnaire  residant  a  Taio-IIae  Iravaille  avec 
ardour,  depuis  qu'il  est  dans  ce  pays,  a  eludier  lcs  regies  qui 
existent  naturellement  dans  toulc  langue,  quclqu'informe, 
quelque  primitive  qu'ellc  soil,  et  a  la  reunii'  en  granimaire. 
On  remarque  ici,  com  me  danslous  les  pays  sauvages,  que 
les  indigenes  ont  une  propension  trfis-grande  a  adopter  les 
mots  titrangers,  el  cela,  par  la  raison  bien  simple  que,  les 
employant  pour  se  faire  comprendre,  ils  linissent  par  s'en. 
servir  lorsqu'il  parlenl  entre  eux;  bientot  pour  entendre  le 
veritable  langagc  de  Nouka-IIiva,  comme  celui  de  Taiti,  il 
faudra  penetrer  dans   I'interieur,  loin  des  etablissements 
curopcens,  sans  quoi  Ton  n'enlendra  que  ce  qui  a  6lc  appele 
le  langagc  de  la  plage,  oil  figurcnt  autantde  mots  francais, 
anglais  clespagnols  que  de   mots  propres  a  ridiOnio  du 
pays  (I). 

Le  systcme  de  numeration  des   kanacs  est   le  systeme 
decimal,  qui  est  en  cflct  le  plus  naturcl;  mais  ils  s'anvtent 

il]  Voir  la  note  n"  3.  n 


210  NOTICE 

au  nombre  quarante,  tofa,  quatre  fois  ilix.  Ce  chilTre  est 
pour  eux  un  autre  point  de  dt^part,  ct  ils  complent  par 
quarantaines  conime  nous  comptons  par  dixaines  el  cen- 
taines.  Ils  ont  encore  un  autre  point  de  d<}part  pour  les 
nombres  plus  dleves,  c'est  une  unit6  de  deux  mille,  aprfes 
quoi  ils  ne  comptent  plus  et  se  contenl^t  de  dire  :  beaucoup, 
beaucoup,  menui,  menui.  Ils  ne  connaissent  point  leur 
age;  pour  les  enfants  seulement,  ils  disent  combien  ils  ont 
de  lunes.  Qu'ont-ils  en  effet  besoin  de  savoir  quel  ^ge  ils 
ont?  Ils  n'ont  a  observer  aucunes  lois,  aucuns  reglenients, 
rien  n'entrave  leur  liberie  d'action ,  et  la  mort  n'a  pas  plus 
que  cbez  nous  de  respect  pour  la  jeunesse. 

Sous  un  ciel  toujours  clement,  au  milieu  d'une  riche 
nature,  avec  des  besoins  si  restreints  ,  il  est  naturel  que  le 
genie  industrieux  des  kanacs,  naturellement  portes  a  I'indo- 
lence,  ne  se  soil  pas  developpe  d'une  maniere  remarquable, 
lis  trouvent  autour  d'eux  tout  ce  qui  leur  est  necessaire  pour 
I'habitalion,   la  nourriture  et  le  vetement.  Quatre  pieux 
fiches  en  terre  au  dessus  d'une  terrasse,  recouverts  d'une 
toiture  en  feuilles  d'arbre  a  pain,  ou  de  cocotiers  tressees, 
font  un  abri  suffisant  pour  beaucoup  de  families.  Cellesdes 
chefs  sont  plussoignees.j'en  ai  donn6  ailleurs  la  description 
(1].   C'est   la  que  les  sauvages   montrent  leur  savoir  faire 
architectural,  pour  disposer  lespoteaux  quelquefois  sculpl(^s 
les  traverses,  les  chevrons,  et  lier  entre  elles  ces  difTt-rentes 
pieces  avec  des  cordes  de  conleurs  varit^es  qui  rcmplacent 
les  chevilles  et  les  clous  de  nos  edifices.  Du  reste,  partout 
meme  disposition  dans  I'inlerieur,  deux  troncs  de  cocotier  a 
moiti6  enfouis  dans  la  terre  ct  distants  I'un  de  I'autre  de 
quatre  pieds  environ,  le  milieu  rempli  d'herbes  sechcs 

(1)  Une  ffite  chez  les  Noukahiviens. 


sLi\  l'arciiipel  de  me.\ua.\.\.  2n 

riYouvorlos  d'unc  nallc,  c'cst  lii  leur  lit  ct  I'enJroil  oil   ils 
sommcillent  pendant  la  chaleiir  du  jour. 

Leurs  vases  et  uslensiles  de  miiaage  consistent  on  de 
grandes  calebasses,  garnies  de  tresses  et  ornees  d'osscments 
sculples,  dans  des  cocos  plus  ou  nioins  richement  ciseles  et 
principalement  dans  des  jatles,  quelquefois  tres  grandes, 
faites  avcc  le  bois  du  calo[)li\ilum.  Quand  ils  ont  a  cnvelop- 
per  iin  objel  de  faible  dimension ,  ils  se  scrvcnl  de  fcuillos 
d'bibiscus  ou  de  bananier,  un  bambou  de  plusieurs  metres 
do  long  leur  sort  a  prendre  de  I'eau  a  la  riviere,  enfin  unc 
baclie  de  pierre,  qu'ils  remplacent  avec  empressement  par 
line  hache  en  for,  et  un  mechant  couteau,  completent  leur 
mobiller.  Leurs  parures  sont  cnveloppecs  et  mises  en  place 
dans  de  grands  paniers  suspendus  dans  leurs  cases,  un  coffre 
qu'ils  se  sont  procure  pour  quelques  cochons,  renferme 
leurs  eloffes,  qu'autrementils  suspendentle  long  des  parois. 
L'inventairede  n'importe  quelle  habitation  n'estpas,  commc 
on   le  voit,  long  a  faire  (I). 

Les  naturelsreconnaissant  la  superlorite  des  outils  venant 
d'Europe  ou  d'Amerique  les  recherclicntavec  empressement, 
■et  beaucoup  d'entre  eux  n'hesiteront  pas  a  donncr  pour  unc 
hache  ou  tout  autre  instrument  de  ce  genre,  un  cochon  de 
belle  taille,  qui  est  leur  nionnaie  courantc. 

lis  connaisscnt  si  pen  la  valour  de  Targent,  que  j'ai  vu 
une  jeune  indiennc  me  proposer  jusqu'a  quarantc  francs 
pour  avoir  un  oiseau  rouge,  especc  do  Tangara  du  Bresil, 
semblablc  a  cejui  que  j'avais  donne  au  ch(.'f  de  sa  tribu. 
Ellc  mc  montra  d'abord  quatre  piastres,  et  voyantqiie  je  ne 
lui  donnais  pas  I'objct  de  scs  dcsirs,  cc  qui  du  rcsic  m'eu.t 


(1)  Voir  la  note  iv  J. 


Ji2  NOTICE 

ele  impossible,  elle  mil  encore  deux  piastres  sur  la  table. 
Enfin  croyant  que  mon  refus  venait  de  ce  que  je  ne  trouvais 
pas  la  somme  assez  forle,  elle  demanda  encore  a  son  mari, 
qui  elait  venu  avec  elle  pour  conclurc  le  marcb6,  deux  autres 
piastres  que  celui-ci  porlait  dans  un  noeud  fait  au  bas  de  sa 
chemise.  Elle  s'est  ensuite  retiree  tristement,  etjenesuis 
pas  encore  bien  sur  qu'cUe  n'ait  pas  suppos6  que  je  trouvais 
ses  offres  trop  minimes. 

Les  chefs  kanacs  tiennent  particulierement  a  avoir  des 
baleinieres,  dont  la  possession  leur  donne  du  relief  parmi 
leur  peuple.  Celui  qui  n'en  a  pas  encore  fera  tout  son  pos- 
sible pour  rfiunir  la  somme  necessaire  a  I'achat  de  cette 
embarcation  a  un  navire  baleinier.  II  vendra  des  cochons, 
des  cocos,  des  bananes,  et  livrera  memo  sa  femme  etsa  fillc 
au  premier  venu,  Ces  baleiniferes  sont  payees  fort  chcr  et 
font  peu  de  service,  car  les  kanacs  n'ont  pas  dans  leurs  iles 
ce  qu'il  faut  pour  les  r6parer,  et  d'ailleurs  ils  ne  sauraicnt 
pas  le  faire.  Un  charpentier  qui  viendrait  s'otablir  a  Nouka- 
Hiva,  avec  les  materiaux  necessaires,  ne  tarderait  pas  a  fairc 
ses  affaires  avec  les  indigenes. 

Les  kanacs  recherchent  encore  avec  empressement  les 
etoffes  europ^ennes  que  leur  apportent  aussi  les  baleiniers; 
mais  ils  n'ont  pas  perdu  pourcela  I'habitudedeconfectionner 
eux-memes  de  quoi  se  vetir.  C'est  pour  cela  qu'ils  cultivent 
avec  soin  deux  pj^ntes  qui  croissent  naturellement  dans 
leurs  Iles.  La  plus'communSment  employee  est  le  ute,  murier 
a  papier  (1),  arbrisseau  de  12  a  15  pieds  de  haut.  Com  me 
c'est  I't^corce  qu'on  emploie,  il  importe  qu'elle  ne  soit  point 
cr6vassee  par  des  branches  latcrales  qui  occasionneraient 


(1)  Broussonetia  papyrifera  (Vent.). 


suK  l'archipel  de  memdana.  215 

dans  lo  lissu  des  solutions  de  continuitt5.  Aussi  les  Hatureis 
qui  cultivent  Ics  plantes  ont-ils  soin  d'enlever  les  bourgeons 
qui  paraissenl  le  long  de  la  lige  prlncipale,  c'cst  ce  qui  fait 
qu'on  ne  le  trouve  jamais  en  fleur  dans  les  iles  du  grand 
Ocean,  comme  le  fait  observer  le  naturaliste  Forster.  Quand 
I'arbuste  est  arrive  a  huit  ou  neuf  pieds  de  hauteur,  on  le 
coupe,  et  on  en  detache  Tecorce  en  faisant  une  incision 
longitudinale,  on  enleve  ensuite  les  premieres  couches  corti- 
cales  qui  n'ont  pas  la  nienie  adherence  entre  ellcs  que  les 
couches  plusvoisines  du  centre,  dont  on  sesertde  preference. 
Pour  rendre  ces  bandes  flcxibles,  on  les  met  a  tremper  pen- 
dant troisjCurs,  on  les  bat  ensuite  grossiircment  et  on  les 
enveloppedans  des  feuilles  de  bananier.  Cetlet^corce  reduite 
a  I'etat  do  pate  reste  enveloppee  pendant  vingt-qualre 
heures,  apres  quoi  on  la  bat  de  nouveau  dans  tous  les  sens 
avec  un  instrument  en  bois  jaune,  dont  la  surface  qui  s'ap- 
plique  sur  Tetoffe  est  sillonnee  de  lignes  parallelles  peu 
profondes.  Les  kanacs  nomment  cet  instrument  koukou.  On 
se  sert  ensuite  d'un  rouleau  en  bois  de  fer,  (^galement 
cannele,  Yike,  pour  donner  encore  plus  d'adherencc  entre 
les  dilTerenles  parties. 

Quand  la  surface  d'etolTe  a  alteint  le  degr(^  d'amincisse- 
ment  desirable,  on  la  met  a  secher  au  soleil,  quelquefois  on 
la  teint  en  jaune  avec  Vekamoa,  poudre  prepar(5e  avec  la 
racine  de  Vcka  (1),  el  Ton  s'en  sert  ensuite  pour  s'envelopper 
pendant  le  jour  et  pendant  la  nuit. 

Comme  cette  etofTe  ne  supporterait  pas  longtcmps  une 
pluic  abondante,  sans  se  detremper  et  tomber  en  morceaux, 
les  indigenes  qui  sont  surpris  en  route  par  un  orage  et  qui 


(1)  Espcce  do  Maranu. 


fU  NOTICE 

ne  pouveni  se  mPltre  a  Tabri,  s'emprcssent  de  plier  leur 
vuloment  et  de  I'cnveloppor  dans  des  feuilles  d'arbres,  nc 
conservant  (jiie  Ic  strict  necessairc,  pour  cachcr  leur 
nudit(i. 

Les  tapas  (c'est  ainsi  qu'on  appelle  les  eloffes  en  general) 
que  Ton  fait  pour  envelopper  la  lete,  sont  plus  etirees  el  par 
conse(|uent  pluslegeres.  On  distingue  parfaitcmenl les  fibres 
corticaies  depouiilees  de  loutesles  autres  parties;  ces  {'toffes, 
d'une  blanclicur  eclatante,  prt'scntenl  Taspecl  d'un  tulle  ou 
d'nne  gaze  et  en  ont  presque  la  legorete. 

La  seconde  plante  que  les  indigenes  cultivent  pour  faire  dcs 
etoffesest  le  figuier  des  banians,  Ficus  rcligios<f  L.,  appelc 
dans  Ic  pays  Aoa;  mais  cc  n'est  que  quand  cet  arbre,  qui 
atteint  quelqucfois  des  proportions  gigantesques,  est  jeune 
et  lendre  qu'on  I'emploie  a  eel  usage.  II  porte  alors  le  nom 
de  hiapo.  Lc  procede  pour  la  confection  des  lapas  avec 
I'ecorce  de  cct  arbre  est  le  meme  que  celui  indique  plus 
haul,  seulemcnl  on  rend  I'etolTe  plus  epaisse  el  par  conse- 
quent plus  solide,  elle  a  une  teinte  grisatre  et  n'a  pas  aulant 
do  valeur  que  celle  qui  provient  de  Vute. 

Deux  autres  plantes  sont  encore  mises  en  usage  aux 
Marquises  pour  la  confection  des  elolTes  :  ce  sont  le  mei 
Jeune,  Artocarpus  ineisa  ou  arbre  a  pain ,  el  le  katea,  (1) 
arbrisseau  assez  commun  dans  I'ile;  mais  leur  usage  est 
beaucoup  moins  frequent. 

Les  habitants  dcs  Marquises  aimenl  a  se  couvrir  d'huile  de 
coco,  el  a  se  peindre  lc  corps  de  differenlcs  couleurs,  surlout 
lors  des  fetes  publiques,  comme  si  lc  riclie  tatoungc  dont  ils 
sonl  couverls  nc  sufHisait  pas  pour  dt'guiscr  leur  nudite 


(1)  Espece  d'Eiiiihorbistcee-. 


SLR  l'archipkl  ue  mendana,  815 

presque  complete.  Veka  qui  sert  h  teindre  leurs  etoffes  leur 
sert  aussi  a  cet  usage.  La  racine  de  cetle  plante  res.semble  k 
celle  du  sceau  de  Salomon.  On  ne  la  trouve  qu'en  un  petit 
nombre  de  localit^s.  Elle  est  abondante  au  Mouak6,  plateau 
lr6s  elev6  dans  I'ile  de  Nouka-IIiva,  et  c'est  la  que  Ton 
prepare  avec  myst6re  cette  couleur.  En  pulv^risant  la  racine, 
on  obtient  une  belle  couleur  d'un  jaune  orangt^,  qui,  d(51ay6e 
avec  de  I'huile  de  coco,  sert  aux  indigenes  ii  se  peindre  le 
corps.  L'ekamoa  a  pour  eux  une  tr6s  grande  valeur,  et 
leur  sen  com  me  objet  d'ochange. 

lis  font  encore  usage  d'une  autre  couleur  d'un  brun  clair, 
qui  provient  de  la  meme  plante,  traitce  par  un  autre  proc6- 
d6.  lis  se  peignent  aussi  en  vert,  mais  ils  ne  vont  pas  loin 
pour  chercher  cette  couleur;  quelques  feuilles  tendres  qu'ils 
6crasent  sur  une  pierre  et  dont  ils  se  barbouillent,  voili  lout 
le  secret  de  leur  prt^paration. 

Les  instruments  de  musique  des  kanacs  des  Marquises 
sont  peu  varies;  ils  ont  le  tambour,  fait  avec  un  morceau 
du  tronc  d'un  cocotier  et  reconvert  d'une  peau  de  rcquin.  La 
hauteur  de  ces  tambours  varie  depuis  six  pieds  jusqu'a  un 
pied  et  moins.  Dans  une  fete,  ils  en  reunissent  plusieurs  et 
frappentdcssusi  coups  redoubles,  le  bruit  s'en  fait  entendre 
de  fort  loin.  lis  ont  encore  une  cspoce  de  flute  faite  avec  un 
jeune  bambou;  ils  soufflent  dedans  avec  le  nez,  en  se  bou- 
cbant  une  des  narines.  Cet  instrument  ne  donne  qu'un  son 
faible  et  monotone.  Je  ne  parlerai  pas  des  morceaux  de  bois 
qu'ils  frappent  I'un  centre  I'autre  en  cadence,  lorsqu'ils  sont 
groupt^s  el  qu'ils  cbanlent  leurs  chants  de  guerre  ou  d'amour. 
Je  ne  ferai  que  mentionncr  le  bruit  cadence  qu'ils  lircnl  de 
trois  morceaux  de  bois  d'inegale  longueur  qu'ils  placent 
sur  leurs  genoux  etsur  lesquels  ils  frappent  en  mcsure.  Ces 
indigenes  n'ont  pas  le  moins  du  monde  I'oreille  musicale,  ils 


216  NOTICE 

sonlloinde  ressembler  a  leurs  voisins  de  Taili  qui  son( 
improvisatcurs  ct  chantent  d'une  maniere  fort  agreable  le 
moindre  episode  de  leur  licureiise  existence. 

II  nous  reslo  a  parler  de  la  maniere  dont  ils  pourvoient  a 
leur  existence.  Leurs  prepai-ations  culinaires  en  temps  ordi- 
naire soiit  aussi  simples  que  possible,  et  ce  n'est  que  dans 
leurs  fetes  qu'ils  preparent  certains  aliments,  pour  eux  Ic 
nee  plus  ultra  de  la  science.  L'aibre  a  pain,  le  bananier,  le 
tao  (1)  sont  a  jeuprcsles  seulcs  plantcs  indigenes  qu'ils 
cultivent  pour  so  nourrir.  Le  premier  surtout  leur  est  aussi 
indispensable,  que  peul  etre  le  ble  aux  nations  civilisc^es ; 
avec  les  feuilles  ils  couvrent  leurs  cases,  avec  I'^corce  ils  se 
font  des  vetements;  le  bois  leur  sort  a  confectionner  des 
pirogues,  de  grandes  jattes,  les  pieces  principales  de  leur 
habitation,  enfin  le  fruit  fraichemcnt  cueilli  ou  conserv(5, 
apres  avoir  subi  plusicurs  preparations,  est  leur  nourriture 
presque  exclusive  (2). 

II  a  6te  dcrit  des  articles  fort  elegants  et  tres  exacts,  pour 
demontrer  que  le  cocotier  seul  pent  suffire  a  tous  les  besoins 
du  sauvage.  L'arbre  a  pain  ccpendant  ne  lui  cede  en  ricn 
sous  tous  les  rapports,  sous  quclques-unsnieme,  il  doit  avoir 
la  preference.  On  ne  peul,  il  est  vrai,  contcslcr  la  necessile 
du  cocotier  dans  certains  archipels  de  rOceanic,  celui  des 
Paumotous,  par  exemple,  dontle  sol  d'une  nature  toute  par- 
ticuliere  n'offre  pas  la  moindre  source,  le  plus  leger  filet 
d'eau;  mais  quelle  difference  entre  la  saveur  de  la  puipe 
abondante  du  fruit  de  l'arbre  a  pain  et  celle  de  la  noix  du 
cocotier,  qui  no  fournil  qu'un  aliment  chotif  et  peu  apprecie 


(1)  Arum  esadenluvt,  L.  C'est  le  laro  des  Tailiens, 
{i)  Voir  la  nole  u"  5. 


SCR  l'archipel  de  mkndava.  217 

des  naturels  quand  ils  peiivent  s'en  procurer  d'autres.  Les 
etoffes  failes  avec  I'ecorce  de  I'arbre  a  pain  sont  beaucoup 
plus  l(?gt;res  el  moins  solides  que  cclles  qui  proviennent  du 
brou  de  la  noix  du  cocolier,  et  deniandent  bien  moins  de 
travail  et  de  preparation.  Le  bois  du  cocolier,  dur  aupres  de 
r^corce,  est  beaucoup  plus  tendre  au  milieu  et  n'est  pas  de 
longue  dur(5e  dans  les  constructions,  celui  de  I'arbre  a  pain 
est  egalement  dur  el  solide.  Les  cases  couvertcs  de  feiiilles 
de  cocolier  tressecs  resistenl  moins  longlemps  que  celles  qui 
le  sont  avec  des  feuilles  d'arbre  h  pain  passoes  a  une  longue 
Lroche  de  bois;  et  comme  11  esl  rare  en  somme  que  la  nature 
n'ait  pas  mis  dans  les  lieux  habites  quelques  filet  d'eau,  si 
mince  qu'on  veuille  le  supposer,  ou  n'ail  donne  les  moyens 
de  conserver  les  eaux  pluviales  pour  le  temps  de  la  seclie- 
resse,  je  pense  qu'on  esl  en  droit  de  conclure  que  I'arbre  u 
pain  est  plus  precieux  encore  que  le  cocolier  pour  la  masse 
des  babitants  de  I'Oct^anie. 

Voyons  maintenant  de  quelle  maniere  les  habitants  des 
Marquises  en  prt^parent  les  fruits.  S'il  s'agit  de  les  manger 
aussilol  apres  leur  rocolle,  il  suffil  deles  faire  cuire  sur  un 
feu  clair  de  branches  seches;  on  enleve  cnsuile  la  parlie 
charbonnee,  el  I'intericur,  cuit  a  point,  ofTre  une  pulpe 
jaune  el  d'une  odeur  appetissanle.  Veut-on  conserver  ces 
fruits  pour  la  saison  oii  les  arbres  n'en  donnent  plus  de 
frais,  les  hommes  el  les  femmcs  so  ri'unissenl  a  I'endroit  ou 
la  recolte  doit  se  faire.  Les  hommes  grimpcnt  dans  I'arbre 
pour  en  detacher  les  fruits,  ou  se  servent  de  longues  gaules 
jjour  atlcindre  les  branches  les  plus  eloignecs.  On  passe 
cnsuile,  pour  en  hater  la  maturile,  un  morceau  de  bois  dans 
I'intericur  de  la  pulpe,  apres  avoir  enleve  la  queue,  et  les 
femmcs  sont  specialemcul  chargees  de  racier  avec  un  frag- 
ment de  coquille  la  peau  de  ce  fruit  qui  est.  plus  ou  moins 


218  NOTICS 

riigueuse,  suivant  la  variet(5  (1). 

Le  fruit  rucle  est  mis  en  tas  et  couvert  de  feiiilles;  lelendc- 
main  on  le  coupe  par  morceaux  et  on  enltjve  la  partie 
centrale.  Un  trou  prepare  a  I'avance  a  6t^  garni  de  feuilies 
de  cocotier  tress^es,  recouvertes  ellcs-m^mes  de  feuilies  de 
ti  (2)  reunies  entre  elles  au  moyen  de  petits  batons  de  bam- 
bou ,  la  viennent  s'entasser  les  fruits  de  I'arbre  a  pain 
decoup(5s  en  morceaux,  et  qui  restent  en  cet  6tal  de  un  a  deux 
mois.  Cette  masse  y  subil  une  espece  de  fermentation 
et  se  rMuit  en  une  pate  homogene.  Au  bout  de  ce  temps,  on 
I'enl^ve  et  on  la  transporte  en  paquets  au  lieu  de  reserve 
qui  est  un  puits,  dont  la  profondeur  varie  de  deux  jusqu'ii 
dix  mitres  et  meme  plus  et  garni  6galement  de  feuilies. 
Quand  Ic  trou  est  rempli,  on  le  couvre  de  plusieurs  couches 
de  feuilies  et  Ton  met  par  dessus  de  grosses  pierres.  L'eau 
est  loin  do  nuire  a  la  conservation  de  ces  fruits,  puisque, 
si  le  trou  est  creus6  dans  un  endroit  trop  sec,  on  en  verse 
quelques  jattes  par  dessus  les  feuilies. 

Le  fruit  ainsi  prepare  pent  se  conserver  plusieurs  anndes; 
on  cite  quelques  unes  de  ces  caves  de  reserve  dont  on  n'a 
pas  vu  le  fond  depuis  longues  annees,  et  Ton  m'a  assur6 
qu'a  Uapou,  il  en  existe  une  dans  laquelle  on  remet  chaque 
anni^e  de  nouveaux  fruits,  el  qui  n'a  pas  6t6  complitement 
vide  depuis  plus  d'un  siecle.  On  en  rencontre  Ires  frequem- 


(1)  Les  kanacs  ne  comptent  pas  moins  de  trentecinq  especes  ou 
varietes  d'arbres  a  pain,  par  rapport  a  leur  precocite,  a  la  forme,  a 
la  grosseur  et  a  la  couleur  du  fruit,  a  la  disposition  des  ramaux,  etc. 
Dampier  en  a  donne  le  premier  une  description  assez  mauvaise,  en 
lui  donnant  le  nom  qu'il  porte  vulgairement.  L'espece  la  plus 
commune  est  I'Arlocarpus  incisa  L. 

(2)  Cordylioc  rcflexa,  Endl. 


r       SUR  l'ahcuii'EL  de  me.nd\>a.  219 

ment  dans  ties  endroils  fort  (iloignes  dcs  habitations,  sur  le 
lieu  meme  ou  se  fait  la  recolte;  les  indigtjnes  n'ayanl  pas  a 
craindre  le  vol  de  ces  provisions,  preferent  alter  clierclier 
de  temps  en  temps  ce  qui  leur  faut  pour  leur  nourriture 
journaliere,  plut6t  que  d'apporter  pr6s  de  leurs  cases  une 
recolte  complete,  ce  qui  serait  pour  eux  un  travail  penible. 

Le  fruit  de  I'arbre  a  pain  ainsi  prepare  prend  le  noni  de 
md.  Pour  s'en  servir,  on  en  met  une  certaine  quantilti  dans 
un  de  ces  plats  de  bois  d'arbre  a  pain,  que  les  naturels 
appellent  koka,  on  la  petrit  apr6s  avoir  vers6  dessus  un  pen 
d'eau,  pour  faciliter  la  trituration.  Dans  cet  6tat,  la  pulpe  a 
la  consistance  et  la  couleur  de  la  pate  faite  avec  la  farine  de 
mai's.  On  forme  ensuite  des  pains  de  40  a  30  c/m  de  lon- 
gueur, 15  a  18  c/m  de  largeur  et  10  environ  d'epaissenr.  Ces 
pains  sont  enveloppes  dans  des  fcuilles  d'hibiscus,  li(5es  avec 
des  lanieres  d'ecorce  du  meme  arbre  et  mis  au  four  kanac 
oil  ils  restent  environ  deux  heures.  Ce  sont  la  les  pains  que 
les  naturels  cmportent  avec  eux  quand  ils  vont  d'un  point  a 
un  autre  de  Tile  ou  de  rarchipcl. 

Une  nouvelle  preparation  est  encore  n(5cessaire  avant  que 
les  naturels  y  plongent  les  doigts  pour  prendre  leur  rcpas. 
Les  feuilles  de  I'hibiscus  etantenlevees  apres  la  cuisson,  on 
ecrasc  le  pain  dans  le  plat  au  moyen  d'un  pilon  en  pierrc  et 
en  y  ajoutant  un  peu  d'eau.  La  masse  entiere  etant  reduile 
en  une  especc  de  bouillie  et  rccouverte  d'eau  fraicbe,  la  jatte 
est  portOc  dans  lacour,  au  devant  de  la  case,  ct  la,  hommes 
et  fcmmcs  sc  groupent  a  I'cntour  el  mangent  jusqu'a  ce 
qu'ils  soient  rassasi^s. 

Dans  quelques  cases,  tout  le  mondc  mange  on  meme 
temps  et  au  mome  plat;  dans  d'autres,  les  femmes  et  les 
enfants  ne  commcnccnt  leur  repas  que  quand  les  liommcs 
se  sont  retires.  S'il  rcstc  fi^iiclque  chose  dans  le  plat,  on  le 


520  NOTICE 

recoovre  de  feuilles,  el  le  retardataire  ou  celui  qui  a  faiin 
trouve  toujours  de  quoi  satisfaire  son  app^tit. 

Voilfi  ce  qu'on  appelle  la  popoi  md,  nouniture  habituelle 
des  indig(ines  des  Marquises,  qui  y  ajoutent  quelquefois  un 
morceau  de  cochon  a  demi-cuil,  qu'ils  dechirent  avec  ies 
dents  ou  avec  Ies  mains,  quelques  petits  poissons  crus,  un 
morceau  de  requin  pechci  depuis  plusieurs  jours  et,  par 
const^quent,  a  demi  pulrefi6,  ou  enfin  quelques  couferves 
rocueillies  sur  Ies  rochers. 

On  prepare  encore  le  fruit  a  pain  en  le  faisant  cuire 
aussilOt  qu'il  a  ele  cueilli  ct  en  le  delayant  grossierement 
avec  un  peu  d'eau  et  de  la  popoi  ma,  c'est  ce  que  Ies  natu- 
relsappellent /?o/?oi  met,  et  donl  ils  font  usage  danslasaison 
des  fruits.  Elle  est  plus  estimee  que  la  precedente. 

Le  kaku  est  une  autre  preparation  du  fruit  a  pain  et  qui 
ne  se  fait  guere  que  dans  Ies  cases  des  chefs.  Le  fruit  etant 
cuit  sur  Ies  charbons,  on  le  petrit  fortemenl,  on  racle  ensuite 
une  noix  de  coco  et  Ton  en  exprime  le  jus  qui  sert  k  delayer 
la  pulpe.  On  sort  ensuite  dans  un  plat  a  popoi,  et  ce  mets 
est  fort  agreable.  Quelquefois  on  laisse  la  parlie  du  fruit 
durcie  par  le  feu,  qui  donne  a  ce  niels  un  gout  de  noisette. 
On  rappelle  alors  kaku  varao. 

Les  naturels  font  encore  avec  de  la  popoi  et  du  lait  de  coco 
un  plat  qu'ils  appellent  koci.  lis  font  aussi  deux  especes  dg 
confitures :  la  premiere,  appelee  makiko  est  du  fruit  a  par- 
faite  maturite  et  cuit,  on  le  bat  avec  un  peu  d'eau  et  on  le 
met  a  cuire  au  four  kanac,  cnvclopp6  dans  des  feuilles 
d'hibiscus;  la  seconde  est  appeleo  hcikai,  c'est  du  fruit  a 
pain  cuit  dans  du  lait  de  coco,  apres  avoir  6te  envelopp6 
dans  une  feuille  de  bananicr.  Cette  confiture  est  tres  estimee 
des  naturels  el  meme  des  etrangers.  Le  mfime  fruit,  cuit 
au  fort  kanac  avec  un  cochon,  absorbc  les  sues  qui  provicn- 


SUR    L'ARCHlf'EI.    DK    iMENDANA.  'ii\ 

ncnt  tie  la  cliair  de  cot  animal  et   remplace  Ires  bicn  le 
pain  ou  les  pommes  dc  tcrrc. 

La  popoi  akahua,  sc  fait  avec  de  la  popoi  ma  ct  dii  fruit 
frais.  On  delaie  avec  du  lait  dc  coco.  On  donne  aussi  i  cot 
aliment  le  nom  de  popoi  koei  et  popoi  toitea. 

Comme  on  pent  le  voir,  le  fruit  de  cet  arbre  est  d'une 
immense  ressourcc  pour  los  indigenes  des  Marquises  ct  d'un 
grand  nombre  d'autrcs  lies  de  rOc(5anie.  II  remplace  le 
couscous  des  negres  de  la  cOte  occidentale  d'Afrique,  ct  le 
riz  des  Indiens,  et  sa  culture  demande  encore  moins  de 
soins  que  ces  deux  graminees,  car  les  habitants  de  Taio-Hae 
pretendent  qu'on  ne  pout  reussir  en  plantant  I'arbre  ii  pain, 
et  qu'il  faut  le  laisser  venir  naturellement.  Le  seul  soin 
qu'ils  prennent  est  dc  debarrasser  le  pied  des  jeunes  plants 
des  broussailles  qui  ne  tarderaient  pas  a  Tetouffer  avant 
qu'il  eiit  pris  son  entier  developpement. 

Le  taro  ou  tao,  quej'ai  vu  cuUiver  surunegrandeechelle 
aux  iles  de  la  Socicte  et  aux  Sandwich,  est  aussi  cullive  en 
quclques  endroits  dans  Tile  de  Nouka-Iliva,  mais  il  s'en  faut 
de  beaucoup  qu'il  soit  aussi  precieux  aux  yeux  des  naturels, 
et  d'ailleurs  11  exige  des  soins.  II  en  est  de  meme  de  la 
patate  douce  (1)  qu'ils  vendent  aux  strangers.  S'ils  I'cncon- 
trent  des  ignames  (2),  qui  ne  sent  pas  rares  dans  les  lieux 
montueux  et  ombrages;  ils  les  deterrent  pour  les  manger, 
mais  ils  ne  cultivent  pas  cette  plante. 

La  preparation  du  tao  est  assez  rompliquee.  On  racle  la 
racine  pour  la  reduire  en  farine  qu'on  delaie  avec  du  lait  de 
coco  pour  en  former  une  pate.  Cclte  pate  une  fois  cuile  est 


(1)  Couvolvulus  batatas. 

(2)  Dioscorea  alala,  e  hoi  en  kauac. 


822  NOTICE 

Iritur^e  comme.  le  nu\  pour  faire  le  kuku.  On  a  prepare  a 
I'avance  du  jus  exlrait  de  la  noix  du  coco,  qu'on  reduit  en 
huile,  au  nioyen  de  cailloux  rougis  au  foil.  Quand  la  patfi 
est  cuite,  on  la  met  dans  celte  huile  sans  la  meler  et  ceux  a 
qui  ce  mets  est  servi,  operent  le  melange  avec  leur  doigt.  On 
le  serl  indifTeremment  chaud  ou  froid.  La  kaikai-tao  est  du 
tao  cuit  simplement  dans  du  lait  de  coco. 

Pour  les  ignames,  on  les  rMuit  en  farine  el  en  pate,  avec 
de  I'eau  de  coco.  On  enveloppe  avec  des  feuilles  d'hibiscus, 
el  Ton  fait  cuir  au  four  kanac. 

Tous  ces  aliments  (5tanl  prepares  sans  aucun  des  condi- 
ments dont  nous  faisons  usage,  nous  paraissent  assez  fades 
etinsipides,  la  popoi  ma  a  un  gout  aigre  auquel  on  s'accou- 
tume  assez  promptemenl,  et  j'ai  entendu  dire  a  un  des  mis- 
sionnaires  qui  en  fail  sa  nourrilure  a  peu  pros  habituelle, 
qu'il  pref^rait  cette  popoi  a  celle  qu'on  fait  avec  le  fruit  frais, 
et  qui  n'a  pas  la  saveur  aigre  de  la  popoi  conservee. 

La  boisson  ordinaire  des  kanacs  est  I'eau  do  la  riviere,  lis 
aiment  cependant  passionn(5ment  les  liqueurs  fermentees,  et 
souvent  on  obtient  pour  une  bouteille  d'eau-de-vie  ce  qu'on 
n'aurait  pas  pour  toute  autre  chose.  Aux  jours  de  fete,  ils 
preparent  du  hava  avec  la  racine  d'unc  plante  de  ce  nom, 
le  Piper  mcthyslicum.  Ils  machent  cette  racine,  et  lorsqu'elle 
est  bien  triturte,  ils  la  mettenl  dans  un  plat  de  bois,  dans 
lequel  se  trouve  de  I'eau  en  proportion  avec  la  quantitt^  de 
racines  machees.  lis  lavent  bien  le  tout,  et  quand  ils  croient 
que  I'eau  est  completement  satur6c,  ils  jettent  le  rfeidu.  lis 
prennent  ensuite  la  tige  d'une  espece  de  Cyperus,  qu'ils 
broicnt  et  dont  ils  se  servent  pour  tamiser  I'eau,  afin  d'enle- 
ver  les  parcelles  de  racine  qui  auraient  pu  rosier  lors  du 
lavage.  Ce  travail  termine,  ils  obtienncnt  un  liquide  d'lm 
blanc  sale,  d'un   gout  extrfimement  acre  et  poivrt^,  qu'ils 


SLR    L ARCHIPEL    DE    MSNDANA.  ?23 

boivent  iniirn^dialemcnt  dans  des  coupes  de  coco.  Des  qu'ils 
ont  bu,  ils  se  rincent  la  bouche  avec  deTeau  fralche  ct  vent 
se  coucber  dans  les  cases  oii  les  femmes  n'enlrent  jamais. 

Cetle  liqueur  est  tr^senivrante,  stupefiante,  et  Ton  recon- 
nait  facilement  ceux  qui  en  font  un  frt^quent  usage,  a  leur 
air  bebete  ,a  leurs  yeux  injectes  de  sanget  k  leur  peau 
ecailleusc.  Ilaniau,  chef  de  la  bale  desTaipis-IIumi,  est  un 
exemple  frappant  des  d^sordres  que  Tabus  de  ce  breuvage- 
peut  causer  dans  Torganisme. 

Le  piper  metbysticum  que  les  kanacs  appellent  hava 
maoi,  est  cultive  en  certains  endroits.  lis  en  distinguent 
trois  autres  especes  ou  van(5tes  dont  ils  ne  font  pas  usage. 

Quelques  kanacs,  mais  en  petit  nombre,  font  de  I'huile  de 
coco  qu'ils  brulent  dans  des  lampes  en  verre  ou  dans  des 
Scales  de  ce  fruit.  lis  sonl  sous  ce  rapport  tout  a  fait  dans 
I'enfance  et  le  plus  grand  nombre  pref^re  enfiler  la  graine 
d'un  arbre  qu'ils  appellent  4wa  (1),  a  des  brochettes  de 
bambou.  Cette  graine  tres  buileuse  briile  assez  facilement, 
quoique  la  clarte  soit  loin  d'etre  brillante,  et  qu'elle  donne 
beaucoup  de  fumee.  Un  autre  inconvenient  de  ce  luminaire 
est  le  soin  continue!  qu'il  faut  en  avoir,  c'est  pour  cela  que 
dans  les  cases  oii  Ton  s'en  sert,  chaque  individu  se  passe  la 
cbandelle  a  tour  de  rOle,  en  enlevant  les  graines  qui  ont 
fourni  touteleur  huile,  et  jusqu'a  ce  que  le  temps  de  I'ctein- 
dre  soit  arrive. 

Ceux  des  indiens  qui  prt^parent  do  I'huile  de  coco  on 
raclent  la  noix  et  la  font  bouillir  en  y  metfant  un  pen  d'eau. 
L'huile  par  la  chaleur  se  st^pare  et  surnage;  on  la  recueille 
et  on  s'en  sert  ainsi.  Cette  huile  est  tres  limpide  plus  blanche 


(I)  C'est  la  noix  dc  bancoul,  Aleurites  triloba  L. 


2'24  NOTICE 

que  riiuilc  cVolivc,  niais  ollc  ropand  on  brulant  line  odeur 
clesagreable,  donne  bcancoup  de  fiim^e  et  se  congt;le  mt}me 
a  pliisieurs  degrfis  au-dessus  de  zero,  ce  qui  en  rend  I'usagc 
impossible  ailleurs  que  sous  la  zone  torride  (I). 

Nous  avons  dit  plus  baut  que  le  vctcmcnt  ordinaire  de 
I'habitantdes  Marquises  consistail,  pour  Ics  liommes  en  une 
piece  d'etofTe  qui  leur  ccint  les  reins  en  passant  entre  les 
jambes,  et  pour  les  fenimes,  en  deux  tapas  dont  Tune  plus 
petite,  appelee  ueu  (Nouk.)  parco  (Tait.)  sert  de  jupon  et 
descend  jusqu'aux  genoux,  tandis  que  I'autre,  kahu,  plus 
grande,  est  jeteenegligemmentsur  lours  epaules,afinde  s'en 
debarrasscr  facilement;  mais  quandccs  naturels  veulent  se 
parcr  de  leurs  ornements  de  fete,  les  bommes  surtout  se 
couvrent  d'ornements  bizarres,  dont  la  confection  demande 
beaucoup  de  temps  et  de  patience. 

Le  principal  d'entre  eux,  complement  ncccssaire  de  toulc 
toilette  soignee,  est  le  supcrbe  tavaa  compose  de  plusieurs 
rangees  des  plus  belles  plumes  de  la  queue  du  coq,  disposees 
en  un  demi-cercle  dont  la  figure  latouee  du  sauvage  forme 
pour  ainsi  dire  le  centre.  Cette  parure,  que  peu  de  kanacs 
savent  composer,  est  pour  eux  d'un  ties  grand  prix,  et  vous 
offririez  souvent  une  somme  considerable,  sans  pouvoir  en 
obtenir.  On  s'en  procure  uu  moyen  d'(icbanges  ou  par  suite 
d'une  connaissance  prolongee. 

J'ai  vu  dans  des  fetes  kanaques ,  des  indiens  en  porter 


(1)  Dans  line  Iraversee  de  VArldmise  de  Taili  a  Valparaiso,  ou 
s'est  servi  d'buile  de  coco  pour  I'alimentation  des  lampes,  mais 
arrive  a  33o  29'  de  latitude  sud,  par  une  temperature  de  12  a  16 
degres  centigrades,  on  a  ete  oblige  d'avoir  recoups  a  I'huile  a 
briiler  que  la  corvette  avail  de  France  en  approvisionnement  de 
prevoyance. 


SDR  i/ahcihpel  be  mendx.na.  m 

deax,  trois  et  meinc  quatre  sur  la  lete,  les  i'paulcs  et  les 
reins.  Lors  de  notre  arrivt5e  en  Oceanic,  Ics  chefs  de  Taio- 
Hae  sent  vcnus  a  borJ  de  ['Artemise  revelus  do  ces  ornc- 
nients,  et  quand  I'amiral  Despoinlos  y  est  arriv6  avec  la 
division  anglo-franQaise  ciijuin  1854,  le  nombre  des  visiteurs 
etait  encore  plus  considerable,  les  autres  Iribus  de  I'lle  ayant 
(5le  avcrties  dii  jour  oil  la  visite  devait  avoir  lieu.  Pendant 
toute  la  journee,  le  pont,  la  balterie,  le  faux-ponl  de  la  fre- 
gaiC  ont  ete  remplis  de  kanacs,  homnies,  femmes  et  enfants, 
qui  ont  danse  tantotau  son  dc  la  musiquedu  bord,  lanlot 
au  son  des  lanUams  qu'ils  avaicnt  apportes  dans  cette 
intention,  et  apres  avoir  bu  et  mange  a  volonte,  ils  se  sont 
retires  la  plupart  (ransformes  en  europeens,  ayant  fait  avec 
•les  ofliciersel  les  matelots  echange  de  quelques-uns  de  leurs 
v6temenls  et  portant  le  reste  sous  leurs  bras. 

Un  autre  ornement  de  tele,  qui  dcmande  aussi  beaucoup 
de  travail  est  le  pehue  licipipii,  espece  de  diademe  compost 
de  plumes  de  perruche  verles  et  rouges,  collees  sur  une  bande 
legere  d'ecorce  d'arbrc,  au  nioyen  de  la  gomme  qui  suinto 
de  I'arbre  h  pain.  Ce  diademe  est  entoure  d'une  bande 
d'etoffe  tressce  blanc  et  noir  ou  d'une  rangce  de  graines 
rouges  de  Yabrus  prccatorias,  appclee  vulgairemcnt  pois 
d'Amcri(]ue.  II  on  cxiste  encore  un  autre  genre,  fait  avec 
desecailles  do  tortues,  dwoupees  a  jour,  ct  avec  des  coquilles 
d'liultres  a  pcrles,  mais  on  ne  Irouvc  guere  ces  riciies  ornc- 
ments  dans  I'lle  de  Nouka-IIiva,  qui  a  ete  beaucoup  plus 
visitee  que  les  autres.  II  faut  aller  a  la  Dominique  et  a  la 
Madelaino,  et  avoir  rendu  un  grand  service  a  un  ciief  kanac 
pour  qu'il  s'en  defasse  en  voire  favour. 

II  faut  aux  indigenes  une  patience  a  toute  opreuve  et 
surlout  un  temps  considerable  pour  arriver,  avec  un  n)anquc 
compU'ts  d'inslrumcnts,  a  travailior  aussi  bion  qu'ils  le  font, 


i26  NOTICE 

I'ecaille  et  surlout  I'ivoire  pour  en  faire  les  pipes,  les 
manches  des  eventails,  les  ornements  d'orcille,  etc.  11  y  a 
de  ces  derniers  qui  sont  si  volumincux  qu'iis  ont  besoin 
d'etre  soutenus  par  un  cordon  autour  de  la  lete,  sans  quoi 
le  lobe  des  oreilles  serait  dechir6  par  ce  poids  demesure.  Les 
petits  sonl  decoupt^^s  a  jour  et  reprc^sentent  des  figures  hu- 
niaines  assises  sur  des  Ironcs  d'arbre  ou  des  denlelures  plus 
ou  moins  composees.  Les  grands  forment  une  plaque  large 
comme  le  fond  de  la  main,  de  pres  d'un  pouce  d'(^paisseur, 
unie  et  par'faitement  polie. 

Les  panacbes  que  les  kanacs  composent  avcc  les  longues 
plumes  caudales  du  Pbaeton  demandcnt  moins  de  travail, 
mais  n'en  sont  pas  moins  chers,  parcequ'il  faut  de  quarante 
a  cinquante  de  ces  oiseaux  pour  composer  un  panache  bien 
fourni:  un  beau  tua  vaut  encore  quinze  ou  vingt  francs. 

Les  hommes  ajoulent  encore  a  leur  parure  des  especes  de 
hausse-cols  dont  la  partie  presentee  a  I'ceil  est  couverte  de 
pois  rouges.  L'agrement  de  ces  ornements  est  quelquefois 
rehaussepar  des  6toiles,  des  croissants,  des  triangles  d'ecaille 
de  lortue.  Pour  collier,  ils  portent  soil  deux  ou  plusieurs 
dents  de  cachalot  ou  des  defenses  de  cochon,  enfilees  et 
garnies  au  pied  avec  des  tresses  de  coco. 

La  reunion  de  plusieurs  barbes  blanches,  forme  un  pana- 
che parahina  dont  la  valeur  est  Ires  grande,  et  qui  ne  voit 
le  jour  que  dans  des  circonstances  solennelles.  Les  barbes  de 
cette  couleur  seraientun  objetd'importation  aux  Marquises, 
dont  on  lirerait  un  joli  benefice. 

II  ne  faut  pas  oublier  un  article  indispensable  a  tout 
sauvage  en  costume  de  fete,  ce  sont  les  chevelures  dont  ils 
se  cbargent  avec  profusion  les  poignets,  les  reins,  les  pieds, 
ou  qu'iis  suspendent  a  leur  ceinture,  et  qui  sont  dispos^es 
d'une  fagon  parliculiftre,  suivant  leur  destination.  Avaient- 


SliR    L  AHCHIPEL    UE    MENDA.NA.  227 

jls  jadis,  comme  Ics  Indiens  d(yTAmerique  du  Nord,  I'usage 
de  depouiller  les  tn'tnes  de  fcurs  ennemis  vaincus,  et  de  s'en 
faire  un  trophee  do  leurs  victoires,  tout  porte  a  le  croire;  la 
preuve  la  plus  ccrtaine  qu'on  puisse  nionlrcr  du  resultat 
heureux  d'une  balaille  est  la  possession  d'une  partie  de  sou 
ennemi  terrasse;  cliez  les  anciens,  c'etait  le  bouclier,  les 
etendarts;  chez  nous  c'est  le  drapeau,  ce  sont  les  canons;  en 
Asie  ce  sont  les  tentes;  de  la  a  la  mode  de  porter  des 
chevelures  comme  ornements,  la  transition  est  insensible. 

Les  femmes,  partout  ailleurs  plus  recherchees  dans  leurs 
parures  que  les  liommes,  ont  chez  les  sauvages  des  Mar- 
quises, peu  d'ornements  qui  leur  soient  propres,  si  ce  n'est 
le  tokotoko-pioo,  baton  de  5  pieds  de  haul  environ,  fait  en 
bois  de  fer  el  surmont6  d'une  houppe  de  cheveux  tresses. 
Quelques  femmes  portent  des  panaches  de  barbe  blanche, 
des  diadomes  d'ecaille  de  tortue  et  des  boucles  d'oreille, 
Quand  elles  n'en  ont  pas,  elles  roulent  une  feuille  d'arbre 
dans  le  trou  du  lobe,  afin  de  Tempficherde  se  fermer.  Elles 
aiment  et  recherchenl  les  bijoux  europdens,  bagues,  colliers, 
anneaux,  6ping!es,  les  6to(Tes  Icgeres  pour  se  faire  des 
espt^ces  de  robes,  les  mouchoirs  de  sole  qu'elles  portent 
stales  sur  le  dos  et  non  pli^'s  en  triangle.  Aucune  d'elles 
ne  porte  de  chaussure,  pas  mfime  la  reine  Vaekehu.  Quel- 
ques kanacs  en  font  usage,  mais  c'est  le  petit  nombre;  c'est 
pour  eux  un  tres  grand  luxe,  et  ils  s'en  dC'barrassent  des 
qu'ils  lo  peuvent.  S'ils  vont  assisler  a  une  fete  dans  une 
tribu  voisine,  la  paire  de  souliers  est  attachee  sur  leurs 
t^paules  avec  la  chemise  et  le  pantalon,  et  ils  s'arrCtent  a 
quelque  distance  du  village  pour  faire  leur  toilette  de 
c<^r6monie. 

C'est  aux  Marquises  qu'on  pout  voir  Ics  plus  beaux  taioua- 
ges,  et  les  habitants  deed  archipel  ont  un  talent  tout  parti- 


5*8  NOTICR 

culier  pour  tracer  sur  leur  peau  los  dessins  qu'ils  montren't 
avec  orgiieil  aiix  tlrangers.  On  peut  s'eii  faire  une  idco,  si 
Ton  regardc  ceiix  que  la  fantaisio  ct  le  desoeiivrement  font 
tracer  sur  lesbras,  les  mains  et  la  poitrine  des  matelots. 
Seulement  il  faut  supposor  ce  tatouage  couvrant  le  corps 
tout  enlier,  et  revetant  I'individu  des  figures  les  plus  fan- 
tasliques  et  les  plus  bizarres.  Les  parties  les  plus  sensibles 
du  corps  bumain  n'ecbappent  pas  a  cette  torture  d'une  nou- 
velle  espece,  et  c'est  cbez  eux  que  doit  s'appliquer  mieux  que 
partout  ailleurs  ce  dicton  populaire  :  qu'ilfaut  souffrir  pour 
dlrebcau.  Le  tatouage  remonte  a  une  tres  haute  antiquite, 
les  prt'trcs  de  Bacchus  se  faisaient  graver  sur  la  peau  une 
feuillc  de  lierre,  Lucien  rapporte  que  ccux  qui  voulaient 
honorer  la  deesse  Isis  d'un  culte  particulier,  se  faisaient 
tracer  sur  le  cou  etsurlespoignetsdescaracteres  niysterieux, 
c'est  ce  qui  a  autorise  plusieurs  personnes  ii  considerer  les 
tatouages  des  peuplades  indienncs  com  me  analogues  aux 
hieroglypbes  des  anciens  Egyptiens.  Us  out  avance  que  les 
chefs  les  plus  tatoueselaientceuxquiLHaient  les  plus  illustres, 
ou  par  leurs  ancelres  ou  par  leurs  actions  personnelles,  mais 
nous  noussommesassurt^s  qu'il  n'enestrien,  que  les  dessins 
que  les  sauvages  s'imprimont  sur  la  peau  n'ont  aucune 
analogic  avec  Thistoire  de  leurs  aioux  ou  de  leur  pays, 
ou  avec  leurs  histoires  partirnlicres;  et  bien  qu'il  y  ait 
certains  dessins  que  Ton  trace  de  preference  sur  telle  ou  telle 
partie  du  corps,  cependant  Timagination  do  I'arliste  fait 
seule  les  frais  de  la  disposition  des  lignes,  des  zigzags,  des 
triangles,  des  cercles  qu'on  voit  traces  sur  leur  peau. 

Voicidu  reste  comment  se  fait  cette  operation  :  le  (nhuka 
ou  savant,  I'artiste  indien  delaic  dans  une  ecale  de  coco  du 
charbon  d'awa  ou  alcurites  et  a\ec  une  baguette  tres 
fine  il  fait  le  dessin  sur  la  partie  du  corps  qu'il  s'agit  de 


SUR   l'aRCHU'EL  ou.  me.nd.vna.  229 

(alouer,  il  prend  cnsuite  un  instrument  appele  to,  compose 
d'un  OS  d'oiseau  tailltJ  en  forme  de  peigne  a  dents  Irts  fines 
el  lix6  a  une  lige  de  roseau,  et  la  main  droite  armce  d'un 
petit  baton,  coinmc  celui  dont  se  servenl,  les  peintres  pour 
appuyer  ieur  main  quand  ils  peignent,  il  frappe  a  petits 
coupssurTinstrument  donlles  dents  sont  egalementenduites 
de  la  composition  noire,  en  suivant  les  contours  dcssines 
surlapeau  et  fontainsi  penctrcr  ia'peinture  assez  profon- 
dement;  le  sangjailiit  souvenl.  11  survient  cnsuite  un  gon- 
flemcnt  de  la  parlie  tatouee,  que  le  patient  recouvre  quel- 
quefois  de  plantes  ecrasees. 

On  se  fait  tatouer  tanlut  une  partie  du  corps  lanlot  une 
autre,  il  y  en  a  quclqucs-uaes  pour  lesqucllcs  on  est  oblig<5 
de  (enir  forlcmont  rindi\idu,  ct  pendant  qu'on  le  liitoue,  le 
tamtam  resonne,  etlos  oris  du  pati(^nt  sont  pordus  au  milieu 
du  bruit.  Tant  que  dure  le  travail  ct  le  temps  de  la  guerison 
le  malade  est  tapou  et  tout  ce  qu'il  louche  est  ^galement 
lapou. 

Les  dessins  que  tracent  les  indigenes  surquelques-uns  de 
leurs  meublesde  bois,  pipes,  nianchesde  baches,  flutes,  etc. 
se  font  avec  des  morccaux  d'ecale  de  coco  failles  a  angle 
tvbs  aigu  et  reduils  a  la  flamme  de  la  lampe  en  cbarbon 
incandescent.  Ce  travail  n'est  ni  long  ni  difTicile. 

Les  vetements  europeons  sont  rechcrches  avcc  emprosse- 
raenl.  On  obtient  pour  une  chemise,  une  redingote  ou  un 
habit  garni  de  boutons  d'uniforme  bien  des  choses  qu'on 
n'aurait  pas  pour  la  valeurr(5elle  du  vetement  qu'on  offre.  II 
n'est  pas  raredc  voirun  sauvage  avecun  habit,  sans  chemise 
ni  panlalon,  ou  bien  avcc  une  chemise  ou  un  pantalon  seul. 
J'ai  vu  choz  Ilung-IIiai,  ciiefde  la  Iribu  des  Taipis-Vai,  un 
kanac  aller  s'babillor  lorsqu'il  nous  vit  venir;  sa  toilette  ne 
ful  pas  longue,  il  mil  sur  sa  lele  un  chapeau  dc  sole  noire 


f30  Notice 

e[  le  conserve,  pour  nous  faire  honneur,  pendant  lout  le 
tt'iiips  (le  nofre  sejour  dans  la  case.  Tous  ces  velemenls  euro- 
pcens  na  paraissenl  que  les  jours  de  fete,  et  lu  ceremonie 
termin^e  le  sauvage  s'enipresse  de  les  quitter  et  de  repren- 
dre  son  hami. 

«  Tanl  de  nos  premiers  ans  I'habitude  a  de  force.  » 
Les  habitants  des  Marquises  ne  font  guere  de  Iravaux 
d'association.  Leurs  routes  ne  sont  quedes  sentiers,  oil  deux 
pcrsonnes  ne  peuvent  marcher  de  front,  la  case  du  chef  est 
la  case  de  reunion ,  elle  est  habituellement  construite  sur  un 
des  cotes  de  la  place  pubiique  ou  koika,  qui  est  un  espace  de 
terrain  en  forme  de  parallelogramme,  donile  niveau  est  infe- 
rieur  a  celui  des  terrains  environnanls,  et  enloure  de  gros 
blocs  de  pierre  qui  rappellent  les  constructions  cyclopeennes; 
les  kanacs  d'une  tribu  se  rt5unissent  pour  faire ce  travail,  mais 
cela  n'arrive  guere  maintenant,  car  d'un  cote  ces  construc- 
tions sont  pour  ainsi  dire  indestructibles,  de  I'autre  la  popu- 
lation des  Marquises  est  loin  d'augmenter  et  le  besoin  d'en 
creer  de  nouvelles  ne  se  fait  point  sentir,  au  contraire,  on  en 
rencontre  fr(^quemment  qui  sont  entierement  abandonn^es 
ctenvahies  paries  broussailles.  Lesseulstravaux  d'ensenible 
qu'ils  font  actuellement  sont  les  pirogues  de  guerre  et  de 
peche.  Chacun  contribue  a  cette  derni^re  Industrie,  les  uns 
en  allant  abaitre  les  arbres,  en  les  creusant,  pour  faire  le 
fond  de  la  pirogue,  les  aulrcs,  en  altachant  avec  des  tresses 
de  coco  faites  par  les  femnies,  les  planches  qui  doivcnt  en 
augmenter  la  dimension  ;  ceux-ci  en  sculptant  la  (igure  ii 
placer  a  I'avant,  ceux-liien  travaillant  le  mat,  les  pagaies, 
les  voiles,  les  cordages  d'ecorce  d'hibiscus.  Pendant  ce  temps, 
11  setravaille  ailleurs  un  grand  lilet  d'ecorce  du  mcme  arbre, 
line  petite  case  est  construite  expres  pour  les  travailleurs,  ils 
ysontrenfcrmes  volonlairementjusqu'ace  qu'il  soil  termim^ 


SIR  l'archipel  DK  me.ndana.  231 

et  lesabords  en  sont  sacres,  tapous  pour  les  femmes.  Quand 
la  pirogue  et  le  filet  sonttermincs,  on  fail  une  fete  koika-ika; 
les  hommes  qui  doivent  s'embarquer  dans  la  pirogue  lu 
lancenl  a  la  mer,  el  porlanl  avec  eux  un  dieu  de  pierre,  ils 
vont  peclier  le  requin  dont  ils  sont  Ires  friands,  ou  se  rabal- 
tent  SUP  d'autre  poisson.  lis  reslent  ainsi  deux  ou  trois  jours 
en  mer,  et  a  leur  retour  le  produit  de  la  p6che  est  rapporte 
religieusement  et  dislribue  entre  toutes  les  families  de  la 
Jjaie. 

Ilspfichent  aussiaux  flambeaux;  quand  la  nuit  est  sombre 
et  sans  lune,  ils  vontau  large  dans  leurs  pelites  pirogues, 
allumenl  des  torches  de  roseaux  sees  et  reviennentlentement 
vers  le  rivage,  le  petit  poisson  les  suit  et  quand  la  pirogue 
louche  a  terre,  un  kanac  prend  la  torchc  et  les  autres  sont 
prels  et  ramassent  tout  le  poisson  dans  des  especes  de  filets 
emmanches  que  nous  appelons  havanaux  ou  havenets.  lisle 
d(5posent  dans  de  grands  paniers  de  feuilles  de  cocotiers  et  la 
distribution  s'en  fait  egalement  par  famille. 

N'ayant  eu  ,  on  ecrivant  cette  notice,  d'autre  but  que  de 
faire  connaitre  les  moeurs  et  les  coutumes  des  habitants  dos 
Marquises,  je  n'irai  pas  discuter  les  raisons  politiques  qui 
peuvent  Clre  mises  en  avant  pour  le  maintien  ou  I'abandon 
de  cette  possession  francaise  en  Oceanic,  qu'il  me  sulnse  de 
dire  que  si  Ton  voulait  fortement  coloniser  ce  groupe  d'iies, 
et  le  meltre  en  culture,  ce  ne  serait  pas  chose  impossible, 
lant  s'en  faut,  les  Anglais  a  I'Ascension  nous  ont  prouv6  ce 
que  peut  la  voionle  de  Thomme,  mais  il  faudrail  bcaucoup 
de  lemps  et  de  bras,  la  constitution  physique  du  pays  meltra 
toujours  un  obstacle  Iri-s  grand  a  une  culture  de  denrt^es 
coloniales  sur  une  grande  ^chelle,  cnfin,  avant  de  consacrer 
descapitaux  considerables  a  une  exploitation  quelconque, 
de  cafti,  de  Sucre,  de  riz,  de  cacao,  do  I'indigoou  de  colon. 


232  NOTICE 


il  serail  necessaire  de  s'assurer  auparavant  si  la  venle  Je  ces 
deni'6es  sur  ui)e  place  de  commerce  soil  en  Europe  soitei> 
Ain(}riquc  couvrirail  a  la  fois  et  les  frais  de  culture  ct  ceux 
de  transport,  qui  seroiU  loujours  fort  elevi''S,  eu  egard  a  la 
position  du  groupe  par  rapport  aux  autrcs  parlies  du  monde 
»u  dies  pourraient  ctre  achetces^. 


NOTES. 


On  lil  dans  le  supplement  au  I.  XI  de  IHistoire  generale  Jes 
Voyages,  continuation  de  labbe  Pievosl,  cc  qui  suit,  relatif  au 
second  voyage  de  D.  Alvare  de  Mindana,  en  1595.  Ce  second  voyage 
est  intitule  :  Descubrimiento  de  las  Islas  de  Salomon.  Mindana 
partit  de  I'ayta,  viUe  du  Perou,  avec  Fernand  Quiros.  II  aborde  a 
a  un  grnupe  d'lles  (juil  appcla  Marquises  de  Mendoce,  et  que 
iJudJpy  (Tuit  etre  los  menies  que  celies  qu'on  s'avjsa  d'appoler  ties 
de  Salomon,  sur  la  ridicule  supposition  que  c'ctait  I'Ophir  oil  les 
vaisscaux  du  roi  des  Hebreux  allaient  cherclier  de  lor.  I.e  narra- 
tcur  continue  ainsi  : 

«  ...  lis  nous  lancaient  des  pierrcs  a  coup  de  froiide,  dont   un 

»  soldat  eut  le  bras  casse C'etail  nnc  chose  (?pouvantable  que 

y  d'entendre  le  bruit  et  les  cris  de  loute  cctte  poi)ulace  qui  s'en> 
>  barassait  dans  les  canots;  les  sauvages  voulanl  tons  se  cacher  les 
f  uns  derriere  les  autres.  ...  Nous  en  decouvrimes  Irois  aulres 
*  que  le  commandant  nomma  Sl-Picrr-.-,  .Mngdelaino  el  Dominique. 


23i  NOTICE 

>  Les  deux  premieres  soiit  basses,  bien  boisees,  etd'environ  quatre 
»  lieues  de  circuit.  —  Je  ne  puis  dire  si  ellcs  sonl  habilees  ou  noii. 
»  La  Dominique  est  plus  grande,  elle  a  bien  Ireize  lieues  de  tour. 
»  L'aspect  en  est  tout-a-fait  agreable,  plein  de  beaux  arbres  et  de 
»  bonnes  baies.  Elle  n'est  separee  d'une  quatrieme  nommee  I'lle 
»  Chiisline  que  par  un  canal  limpide  et  profond,  large  d'une  lieue. 
»  Le  commandant  nomma  toutes  ces  lies  reunies  les  Marquises  de 
»  Mendoce...  Cette  lie  Christine  est  bien  peuplee,  haute  dans  le 
»  milieu,  pleine  de  roches  etde  vallees,  oii  les  insulaires  out  leurs 
»  habitations.  Le  port,  faisant  face  a  I'ouest,  est  en  fer  a  cheval... 
»  Les  naturels  de  cette  lie  sonl  plus  basanes  que  ceux  de  la 
»  Magdeiaine,  d'ailleurs,  c'est  a  peu  pres  le  meine  jargon  et  les 
»  memes  usages.  L'habitation  est  disposee  en  equerre  sur  deux 
»  lignes,  bien  pavee  d'un  cute  et  de  I'aulre,  disposee  en  place 
»  publique  plantee  d'arbres.  Les  maisons  sont  plus  elevees  que  le 
»  sol,  couverles  a  deux  eaux.  Les  portcs  sont  basses  et  les  fenetres 
»  percees  vis  a  vis  dans  le  mur  oppose;  elles  paraissent  communes, 
»  du  moins  vimes-nous  un  grand  nombre  de  places  h.  coucher 
»  marquees  dans  chaque  cabane.  Les  fcmmes  ont  le  visage  et  la 
»  main  ires  jolis,  la  taille  fine,  le  corsage  bien  fait,  le  teint  est 
»  passablement  blanc,  en  un  mot  elles  sont  mieux  que  nos  plus 
»  jolies  femmes  de  Lima.  Elles  sont  vetues  de  la  poitrine  en  bas, 
»  d'un  fin  tissu  d'ecorce.  Nous  vimes  pres  de  la  bourgade  une 
»  espece  de  temple  ou  sanctuairc,  forme  d'une  enceinte  de  palissades 
»  oil  etaient  quelques  figures  de  bois  mal  travaillees,  auxquelles  les 
»  insulaires  presentent  pour  ofTrande  di verses  choses  comestibles. 
»  ...  Leurs  pirogues  sont  fort  bien  creusees,  d'une  seule  piece, 
»  quilie,  poupe  et  proue,  recouvertes  de  planches  et  amarrees  en 
»  cordages  de  cocotier.  II  y  en  a  qui  tiennent  jusqu'a  30  et  40 
»  rameurs.  lis  Iravaillent  avec  des  doloires  d'os  de  poissons,  etdes 
»  berminettes  de  coquillages,  qu'ils  aiguisent  sur  de  gros  cailloux. 
»  Les  forces,  la  stature  el  I'air  sain  des  insulaires  sont  de  bons 
»  indices  de  la  temperature  du  climal  (1) » 


(11  Pour  plus  de  details  sur  la  panic  historique  de  ces  lies,  on 
pourra  consulter  I'ouvrage  de  JLM.  Vincendon  Dumouliu  el 
Pesgraz. 


SUR    L'AnCHIPF.I.    DR    MENDANA.  233 

2. 

Oil  conserve  encore  les  cercueils  dans  les  cases  en  les  placant 
sur  des  traverses,  dans  lapartie  superieure.  II  y  a  quelques  tapous 
a  observer  dans  cette  circonstance  :  on  ne  pent  se  coucher  sur  la 
natte  dans  la  partie  de  la  case  ou  se  trouve  le  cercucil;  on  n'y  met 
jamais  la  lurniere,  etc.,  etc.  —  II  faut  signaler  ici  I'habitude  qu'ont 
les  indigenes  d'emporler  les  morts  avec  eux,  ou  de  les  cacher  pour 
qu'ils  ne  tombent  pas  entre  les  mains  de  leurs  enneniis. 


3. 


L'un  de  nos  premiers  missionnairesaux  Marquises,  le  P.  Mathias 
G —  a  publie  en  1W3  (1),  une  grnmmaire  dans  laquelle  il  cherche 
a  etablir  des  regies  pour  le  langage  de  ces  peuples,  mais  je  doule 
que  celles  qu'il  pose  soient  bien  conslanles,  d'ahord  parce  qu'il  a 
ete  trop  peu  de  temps  dans  I'arcliipel  pour  pouvoir  comprendre  le 
genie  de  celle  langue  d'une  maniere  complete,  et  qu'ensuite,  malgre 
son  desir  d'etre  exact,  il  a  pu  etre  induit  en  erreur  par  les  expli- 
cations qui  lui  elaient  donnees.  Le  chapitre  de  ses  lettres  oil  il 
traite  du  langage  montre  que  ce  missionnaire  desirait  faciliter 
I'etude  do  la  langue  marquisienne,  et  bater  la  civilisation  des 
indigenes;  mais  les  regies  qu'il  donne  ont  besoin  d'etre  confirmees 
par  de  nouvelles  eludes. 

II  a  paru,  la  mume  annee,  (2)  un  Vocabulaire  oceanien-francais  et 
francais-oceanien  des  dialecles  des  lies  Marquises,  Sandwich, 
Gambler,  etc.,  par  I'abbe  Boniface  Mosblech.  Si  cc  vocabulaire  eut 
etc  fait  avant  notre  arrivee  aux  Marquises,  il  n'aurail  pas  reiiferme 
un  aussi  grand  nombre  de  mots,  car  beaucoup  d'objets  dont  nous 
nous  servons  (itaient  inconnus  aux  habitants  de  ccs  lies,  et  il  a 
fallu  creer  des  mots  pour  les  exprimer  dans  leur  langue.  Pour  les 

(1)  Chez  Gaume  freres. 

(2)  Paris,  Jules  Renouard  et  C'-  libraires-editcurs. 


f36  NOTICE. 

Glioses  qui  lonibent  sons  les  sens,  la  difaciiltL-  n'eslpas  Ires  grando, 
niais  pour  les  idees  nielaphysiques  ou  morales  auxquelles  ces 
indigenes  n'avaienl  jamais  songe,  ellc  est  quelquefois  insurmon- 
taMe;  aussi  nos  riiissionnaires  ont-ils  beaucoiip  de  peine  a  se  faire 
comprendre  quand  ils  veulent  leur  expliqucr  les  dogmes  du  Chris- 
tianisme. 

Le  P.  Dordillon,  qui  est  dans  I'archipel  des  Marquises  depuis  plus 
de  huit  ans,  travaille  avec  perseverance  a  un  dictionnaire  de  celte 
langue.  II  la  connait  deja  fort  bien,  et  cependant  il  avouc  qu'il  est 
souvent  embarrasse  pour  s'exprimer  dans  les  instructions  reli- 
gieuses  qu'il  leur  fail,  a  cause  de  la  difficulte  de  traduire  sa  pensee, 
I'expression  propre  manquant,  et  I'cbligeant  a  se  servir  de  peri- 
phrase.  Le  dictionnaire  du  P.  Dordillon  sera  aussi  complet  qu'il 
est  possible  et  coniprendra  les  noms  de  toules  les  especes  d'ani- 
maux,  de  vegetaux  et  de  mineraux  determines  par  les  naturels. 

On  remarque  aux  Marquises  un  assez  grand  nombre  de  mots  qui 
tirent  leur  origiue  de  I'angiais.  Ainsi  les  naturels  appellent  iepe, 
navire  (en  anglais  ship);  ■manua,  batiment  de  guerre  (man  of  war; ; 
tara,  piece  de  cinq  francs  (dollar);  f,ele,  cloche  (bell);  karai,  verre 
(glass^;  pulue,  faire  sorlir  (pull  away).  Le  francais  et  le  latin  leur 
en  ont  fourni  aussi  une  grande  quantite  :  glace,  kakalci;  heure, 
hora;  niilre,  mitera;  myrrhe,  vnra;  inyrte,  mureta;  vinaigre, 
rineka;  vin,  vino;  analheme  anatema,  elc;  le  latin  :  encens,  libano, 
et  plusieurs  mots  de  la  lithurgie.  Ces  noms  modernes  sont  indi- 
ques  dans  le  dictionnaire  de  I'abbe  Mosblech. 


4. 


Les  amateurs  de  curiosites  ne  seront  peut-etre  pas  faches  de 
connaitre  les  noms  indigenes  des  differents  objets  qu'on  peut  se 
procurer  aux  iMarquises,  soitau  moyen  d'echanges,  soit  d'une  autre 
facon.  En  voici  la  nomenclature  :  (1) 

(1)  On  a  deja  fait  observer  qu'il  faul  prononcer  la  letlrc  v  comme 
i'il  V  avail  ou. 


suit  l'arcmii'Ki.  de  menda.na.  $37 

Casse-tete,  e  uu.  (l) 

Tambour,  e  pahu. 

HacLe  en  pierre,  e  toki. 

Pagaie,  e  Aoe. 

Conque  de  guerre,  e  patoka. 

Fronde,  e  tnaka. 

Baton  de  f6le,  e  tohotokopioo. 

Cocos  sculptes,  e  ipu  a  e/ii  |'A'e«u  to/. 

Echasses,  e  tapuvae. 

Plat  a  popoi,  e  kooka. 

Rape  a  coco,  e  /ip/ca  c/a'. 

Pilon  a  popoi,  e  Aea  tuki  popoi. 

Instrument  pour  tatouer,  e  taa  patu  tiki. 

Flute  ordinaire,  e  pu, 

Fliile  avec  laquelle  on  joue  a  I'aide  du  nez,  c  pu  ihu, 

Ornement  de  tete  en  plumes,  e  tavaha. 

Un  autre,  e  p4ue. 

Un  autre,  e  peW  ftei  pipit. 

Un  plumet  en  plumes  de  phaeton,  e  tua. 

Id.       en  barbes  blanches,  e  pava. 
Des  boucles  d'oreillesgrandes,  e  hakai  ei. 
fd-  petiles,  e  putaiata. 

Ornements  des  oreilles,  e  Kouhau. 
Chevelures  des  mains,  e  topepu. 

Id.       des  pieds,  e  poe. 

Id.       des  reins,  e  hope  moa. 

Id.       rondes,  e  tilipakeki.  e  pohutu. 
Diademe  en  ecaille,  e  poekaha. 
Ornement  en  pois  rouges,  e  <a/a  poHift. 
Un  autre,  e  iefe  poniu. 

Ornement  en  tresse  d'ecorce  d'arbre,  e  Kahu  Koua  elii. 
Eventail,  e  tahii. 
Bonnet,  de  savant,  pee  kouaehi. 
Ceinture  d'homme  ou  langouti,  e  hami. 
Eloffe  en  ecorce  d'arbre,  e  ute  hiapo. 


vi    La  voyelle  e  so  prononce  com  me  dans  bunte,  t;!i.irile. 


238  NOTICR    SUR    l.'AUr.HlPEL    DK    MENDANA. 


I). 


L'arbre  h.  pain,  Artocarpus  de  Linne,  Soccusde  Rhumph.,  Rada- 
machia  de  Thumb.,  Tridaps  de  Commerson,  est  originaire  des  iles 
de  la  Polynesie.  Vers  la  fln  de  1793,  il  a  ete  transports  de  Tonga- 
Tabou  a  Java  par  les  fregates  la  Recherche  et  VEspe'rance.  La 
fregate  la  Re'gdneree,  transporta  I'espece  a  noyau  de  Batavia  a 
I'lle  de  France.  Sounerat,  naturaliste  et  voyageur  francais,  en  avail 
apporle  a  I'lle  de  France  des  pieds  qu'il  avail  prls  a  Lucon.  En 
1793,  la  variele  sans  pepin  a  el6  Iransportee  de  Taili,  d'oii  elle  est 
originaire,  dans  nos  Antilles.  Cel  arbre  existe  maintenant  dans 
presque  toutes  nos  colonies;  on  pourrait  peutetre  le  culliver  en 
Algerie  oil  vegelent  a  Fair  libre  des  especes  voisines,  les  ficus 
laevis,  religiosa,  elastica,  ruhiginosa,  bengalensis,  el  ce  ne  serai  I  pas 
une  acquisition  de  peu  d'imporlance  pour  la  colonie,  car,  comme 
on  Fa  vu,  c'est  du  fruit  de  eel  arbre  que  se  nourrissent  exclusive- 
ment  des  milliers  d'individus;  ce  qui  a  fait  dire  a  un  de  nos  poetes : 
Une  plante  sauvage, 
Des  presents  de  Ceres  peut  remplacer  I'usage. 

Castel. 


RECHERCHES  RIOGRAPHIQUES 


SUR 


M.  DESHAYES, 

Ancicn  Consciller  du  Roi  on  scs  couseils,  Commissaire  Gi'iieral  de 
la  Marine,  Mombre  de  la  Societc  Acadeuiipe  de  Cherbourg. 


Lettre  si  MM.  les  Membres  de  la  Societe  Imperiale  academique 
de  Cherbourg. 


Messieurs  ct  chers  confreres,  ■' 

J'ai  riionnenr  de  vous  communiquer  les  renseignemeiits 
biographiqiies  que  vous  m'avcz  deniandes  sur  M.  Dcshayes, 
membre  dc  notrc  Societe  en  1776. 

Antoine  Dcshayes  naquit  a  Rochefort  le  21  fevrier173i. 
II  etait  d'une  famille  autrefois  fort  riche,  mais  que  la  banque 
de  Law  d'abord,  et  ensuile  la  faillite  du  p6re  Lavalette, 
avaient  compl^lement  ruinee.  II  remplissait  les  fonctions  de 
commissaire    des  ciasse  au  deparlcment    dc   Cherbourg , 


J40  hKCHKRCHES    UlOailAPUIQUES 

lorsiiue,  en  1776,  il  I'ut  noinniti  membre  titulaire  de  la 
Societe  acadeniiquc.  M.  Desliayes  y  occupa  dignement  sa 
place.  II  avail  unc  insliuction  fort  ^tendue;  les  hautes 
nialliematiqiics  et  la  physique  etaient  surlout,  dans  ses 
courts  loisirs,  ses  eludes  de  pr(5di!ection.  II  entrctcnait  sur 
ces  niatieies  avec  M.  Dumouriez,  alors  directeur  de  notre 
Societe,  des  conferences  qui  avaicnt  un  interet  scientifique 
ji  celte  epoque.  M.  Desliayes  etait  un  des  in  limes  du  general 
Duinouiiez,  ct  liii  etait  fort  utile  en  retablissant  a  chaque 
instant,  par  la  douce  persuasion  de  son  esprit,  la  paix  dans 
son  raauvais  menage.  L'amitie  de  ces  deux  hommes  dura 
longlemps,  car  je  les  retrouve  encore  en  relation  epistolaire 
a  la  Reslauration  de  1816. 

M.  Desliayes,  qui  ^tait  devenu  a  Cherbourg  commissaire 
ordinaire  des  ports  et  arsenaux  le  2  decembre  1783,  et  con- 
sciller  du  roi  en  ses  conseils,  commissaire  general  ordonna- 
teur  des  travaux  de  la  rade,  a  la  suite  du  voyage  de  Louis 
XVI  en  1786,  quitta  noire  ville  a  sa  demande  en  decembre 
1792  (I).  Le  port  de  Cherbourg  devait  a  cet  adminislrateur 
Eminent  la  cr(5ation  de  sa  premiere  administration  et  d'im- 
portants  travaux.  II  alia  a  Paris,  oil  il  fut  nomme  I'un  des 
adjoints  du  ministre  de  la  marine  Dalbarade  (1793).  Je 
suppose  qu'il  ne  restu  pas  longlemps  dans  celte  place,  car 
tout  changeait  prodigieusement  vile  a  celte  epoque  de  lerreur, 
et  M.  Desliayes,  par  son  caract^re,  ne  pouvail  elre  du  nom- 
bre  des  hommes  en  favour  a  celte  date  n^fasle.  Rentre  dans 
la  vie  privee,  il  y  demeura  jusqu'aux  jours  meilleurs  du 
Direcloire,   qui  devaient   pr^ct^der  les  jours   glorieux  de 


(1)  II  remit  son  service  a  M.  Eu?taclie,  son  successeur,  le  19  no- 
vembre  dc  cetle  an^iee. 


SUR    M.    DESHAYES.  241 

I'Empire.  Vers  1797,  le  vice-amiral  Plt5ville,  ministre  de  la 
marine,  lui  proposa  la  presidcnce  d'une  commission  de 
liquidation  a  I'administration  centrale.  II  accepta,  et  il  6lait 
dans  cette  position  au  moment  oii  le  contre-aniiral  Decrcs 
parvint  au  ministere  {\"  octobre  4801).  II  se  relira  definiti- 
vement  du  service  pen  de  temps  apres,  et  voici  a  quelle 
occasion.  Un  personnage,  que  j'ai  connu  conseiller  d'Etat 
sous  la  Restauration,  avait  reside  quelque  temps  aux 
Etats-Unis  comme  charg6  des  affaires  de  France.  La,  il 
avait  eu  le  malheur  d'encourirle  mecontentement  de  I'un 
des  minlstres  de  la  Rcpublique  frangaise  en  refusant  de 
donner  a  une  affaire  la  suite  indiquee.  De  retour  a  Paris, 
cet  agent  diplomatique  eut  des  reclamations  financieres  a 
presenter  au  ministere  de  la  marine;  M.  Deshayes,  charge 
de  les  examiner,  fit  son  rapport  en  conscience;  mais  M- 
Deores,  mil  peut-etre  par  des  influences  etrangercs,  monlra 
de  la  mauvaise  humeur  et  dit  :  «  Je  vous  ai  demande  un 
rapport  sur  I'affaire  de  M.  Piclion,  et  vous  m'apportez  un 
plaidoyer  en  .sa  faveur.  »  M.  Deshayes,  piqu6  de  I'obser- 
vation,  (5crivit  le  lendemain'a  M.  Dccr^s  :  «  Je  suls  fort  age 
et  je  veux  mettre  un  inlervalle  de  repos  entre  ma  vie  et  ma 
mort;  je  prie  done  V.  Exc.  de  me  donner  un  successeur.  » 
Sa  demande  lui  fut  octroyee ,  et  il  quitla  le  service  n'ayant 
de  ressource  pour  vivre  que  sa  pension  ct  une  petite  rente 
viagere.  II  n'6tait  encore  aflllge  d'aucunc  infirmity  lorsque 
le  20  fevrier  1816,  age  de  85  ans  moins  unjour,  il  fut 
alteint  ai  Paris  d'une  fievre  calarrliale  qui  IVmporla  en  pcu 
d'lieurcs,  malgr^  les  snins  devout'-s  de  noire  savant  confrt're 
le  modecin  en  chef  de  marine  Floury,  qui  se  Iruuvailen  cc 
moment  a  Paris  pour  affaires. 

M.  Deshayes  ^tait  de  petite  taille ,  mais  avait  bcaucoup  de 
dignile  dans  les  manieres.  II  avail  eu  trois  soeurs  et  deux 

10 


242       RECHERCHES  BIOGRAPHIQUES  SUR  M.  DESHAYES. 

frferes  :  I'un  capitaine  de  fregale,  I'autre  ing6nieur  meca- 
nicien  de  la  marine.  Un  cabestan  dont  on  s'est  longtemps 
servi  6tail  de  I'invention  de  ce  dernier.  Ce  fut  a  lui  aussi 
qu'on  dut  de  pouvoir  op6rer  Timmersion  des  cfines  qui 
avaient  el6  construits  pour  la  rade  de  Cherbourg,  immer- 
sion que  plusieurs  ing^nieurs  distingu6s  avaient  tenlee 
avant  lui  sans  succ^s. 


Agreez,  etc. 


L.  DE  PONTAUMONT. 


Teurthirille-Uague,  septembra  4854. 


FABLES  ET  CONTES 


IMITES    DE 


LESSING,  GOETHE  ET  BOCCACE, 

lus  a  la  seance  de  la   Socicte  Acadmique  de  Cherbourg, 
le  1"  mai  1855, 


PAR 

IH.  OE  L4PPARENT, 

Associ6  titulaire- 


VAB£i5i:s  ot<:  LSi^^^ir^'c:. 


Lessing  apparticnt  a  celtebrillante  pleiade  d'ecrivainsqui, 
dans  la  deuxicme  mcilid  du  XVIII^  si6cle  ,  regeneivrcnt  la 
litlerature  allemando ,  en  la  faisant  sortir  de  la  voie  d'imila- 
tions  serviles  oil  elle  sotait  fourvoyoe. 

Lessing  est  suitout  c^lobre  conimc  poiilc  dramaliqiie, 
ct  ses  deux  meilleurs  ouvrages,  Emilia  Galotli,  dont  le  sujet 


244  FABLES    ET    CO.NTES    IMITES    DE 

a  beaucoup  d'analogie  avec  cclui  de  la  Virginie  romaine;  et 
Nathan  le  Sage,  eloquent  plaidoyer  en  favour  du  grand 
principe  de  la  tolerance  religieuse,  sont  des  oeuvres  remar- 
qiiables,  autant  par  relevalion  de  la  pensec,  que  par  la  force 
et  I'elegance  du  style. 

Le  meme  6crivain  a  laiss6,  en  outre,  de  nombreux  opus- 
cules, au  premier  rang  desquels  figure  un  recueil  de  fables 
et  d'apologues,  qui  jouissent  de  la  meme  popularity,  en 
Allemagne,  que  les  fables  de  Lafontaine,  en  France. 

Cette  maniere  amusante  d'administrer,  qu'on  nous  passe 
I'exprcssion,  leslecons  de  la  morale,  a  toujours  6te  fort  gou- 
tee  des  nations,  et,  depuisEsope  etPhedre,  chezles  anciens, 
jusqu'au  bon  Lafontaine,  obtenu  un  6gal  succes. 

Les  fabulistes  que  nous  venons  de  citer  ont,  en  grande 
partie,  traits  les  memes  sujets,  chacun  selon  le  genie  de  sa 
langue  propre.  i,Quant  a  Lessing,  la  plupart  de  ses  fables 
se  distinguent  par  un  cachet  parliculier  d'originalite,  et 
quelques-unes  nous  ont  paru  si  heureusement  trouvees, 
que  nous  n'avons  pu,  malgre  noire  ^vidente  insulTisance, 
resisler  au  desir  de  les  faire  passer  dans  notre  langue. 

On  remarquera,  bient6t,  qu'aucuned'elles  n'est  accompa- 
gnee  de  ce  qu'on  nomme  la  moralitc. 

Rousseau  a  reproch6  a  Lafontaine  de  n'avoir  pas  laisse  au 
lecteur,  le  soin  d'extraire  la  morale  de  ses  fables,  et  il  est 
ii  pr6sumer  que  telle  6tait ,  egalement,  I'opinion  du  poete 
allemand. 

A  cela  on  pout  r(5pondre  que  les  fables  etant  destinies  a 
graver  des  legons  dans  I'esprit,  il  (5tait  necessaire  qu'elles  le 
fissenl  d'une  maniere  claire,  concise  et  sous  une  forme  qui 
facilitat  lour  impression  dans  la  mcmoire. 

Qui,  parexemple,  les  ayant  lues  une  fois ,  oubliera  ccs 
charmanles  moralites : 


LESSI.VG,    GOETIIt:    ET    BOCCACE.  24'i 

II  faut,  auluntqu'on  pout ,  obligcr  tout  le  monde  , 
On  a  souvcnt  bcsoin  d'un  plus  petit  que  soi. 

Travaillons,  prenons  de  la  peine, 
C'est  le  fond  qui  manque  lo  nioins. 

Ou  encore : 

Apprenez  que  tout  flatteur 

Vit  aux  depens  de  celui  qui  I'ecoute. 

Ne  soyons  pas  si  difficiles, 

Les  plus  accommodants,  ce  sent les  plus  habiles. 

Et  tant  d'aulres. 

Quoi  qu'il  en  soit,  arrivons  aux  fables  de  noire  auteur. 

La  premiere  a  pour  litre  Le  Loup  et  l'Ane  et  n'est 
pas  sans  quelque  analogie  avec  celle  si  connue  du  Loup 
ET  Agneau.  Toutefois,  on  ne  pourrait  lui  appliquer  le 
c^lebre  adage  : 

La  raison  du  plus  fort  est  toujours  la  meilleure. 
attendu  que  notre  loup,  encore  moins  scrupuleux  que  son 
confrere,  ne  se  donne  pas  la  peine  d'articuler  unc  raison  , 
m&me  mauvaise. 


LE  LOUP  ET  L'ANE. 

Un  loup  que  tourmentait  la  faim 
Rencontre  un  anc  en  son  cheniin. 
Ayez  pilie  do  moi,  seigneur  loup,  je  vous  piie, 
Dil  Aliboron  en  Iromblant, 


2iG  FABLES    ET   COMES    I.MITES    DE 

Vons  feriez,  en  me  devorant, 
Un  fort  pauvre  regal;  voyez,  la  maladie 
Et  les  coups  de  baton  in'ont  mis  en  triste  etat. 
—  Attends,  reponds  le  loup,  et  je  vais,  sans  6clat, 
Te  gLierir  a  jamais  de  toutes  tes  miseres. 

II  dit,  et,  malgre  sespri6res, 

Le  terrasse  et  dans  la  foret , 

Entraine  le  pauvre  benet. 

Cette  fable,  il  est  inutile  dc  le  faire  observer,  se  rapporte 
a  des  temps  bien  diffdrents  de  ceux  oil  nous  vivons.  11  n'en 
est  pas  de  merne  de  la  suivante  qui,  fondee  sur  la  sottise  et 
la  vanite  bumaines,  ne  rencontrera,  a  toutes  les  epoe]ues, 
que  de  Irop  noinbreuses  applications : 


LE  POMMIER  SAUVAGE  ET  LE  ROSIER. 

Dans  le  tronc  d'un  pommier  sauvage, 
Dont  le  vide,  du  temps,  attestait  le  ravage, 

D'abeilles  un  essaim  nombreux 

Avait  pris  gUe,  et  I'arbre  glorieux 
Du  miel  qu'il  renfermait,  m(5prisait  ses  semblables; 
Quand  un  rosier  lui  dit :  —  De  tes  fruits  delestables 

As-tu  cbange  I'acre  savour 

Et  leuramertume  en  douceur? 
A  riiomme,  si  tu  peux,  cause  cette  surprise, 
Jusque  la,  ton  orgueil  ne  sera  que  sottise. 

Que  de  gens   n'ont,  en  effet,  pour  tout   merite,  que  k 
hasard  d'une  fortune  ou  d'un  nomi 


LESSING,    GOETHE   ET    BOCCACE.  247 

On  s'apergoit  d^ja,  que  la  manitsre  de  Lessing  s'eloigne 
de  la  charmanle  bonhomie  et  de  la  douce  malice  de  notre 
Lafontaine;  c'est  un  mailre  arme  de  la  ferule  et  qui  ne 
manage  pas  les coups.  Mais  il  dit  de  grandes  Veritas,  tomoin 
encore  cette  courte  conversation  entre  le  Buisson  d'eplnes 

ET  LA  PUAiniE  : 


LE  BUISSON  D'EPINES  ET  LA  PRAIRIE. 

La  prairie,  unjour,  au  buisson 
Demandait  et  non  sans  raison  : 
—  Voisin,  quand  un  passant  chemine 
Aupres  de  vous,  dans  quel  esprit 
Faites  vous  tant  d'efforls  pour  saisir  son  habit? 
Qu'en  feriez-vous?  —  Rien,  ma  voisine; 
Mon  but  n'est  point  de  m'en  parer, 
Je  ne  veux  que  le  de'chirer. 

Quede  buissons  d'(5pines,  dans  nos  soci(5lt^s,  dontle  soul 
et  Iriste  plaisirest  dedechircr  autrui,  sans  aucun  profit  pour 
cux-m6mes  I 

Dans  la  fable  qui  suit,  Lessing  a  eu  le  tort  de  desccndre  a 
la  satire  personnelle,  en  attaquant  une  nation  que  son 
ancienne  gloire  et  ses  nialheurs  auraient  dului  faire  respec- 
ter; c'est,  daillcurs,  denaturer  le  v^'ritable  parfuni  de  la 
fable,  que  d'enlever  a  celle-ci  son  "caractere  de  goneralite. 
Aussi  avons-nous  cru  devoir  modifier  I'original,  dans  ce 
sens  : 


248  F.VBI-ES    ET    CONTES    IMITES    DE 


BUCEPHALE  OU  LE  CIIEVAL  DE  BATAILLE 
ET  LES  MOUGHERONS. 

Apros  avoir  dans  maint  combat 

l\va\6  la  mortcomnic  ua  soldat, 

Biicepliale  perdit  la  \ic. 

II  gisait;  une  main  amie, 

N'avait  pu  donner  a  son  corps, 

La  sepulture  due  aux  morts. 

—  Nature,  jamais  ne  repose 

Et  salt  a  ses  secrets  desscins, 

Faire  concourir  toute  chose; 

La  mort  revit  entre  ses  mains.  — 
Bientfit  des  flancs  gates  de  cette  noble  bete, 

Un  vif  essaim  de  moucherons 

Jailiit  et,  porJant  haut  la  tote, 
Ces  petits  animaux,  infimes  avortons, 

Osaient  vanterleur  origine. 
—  Du  favori  du  Dieu  qui  regne  sur  la  mer, 

Du  cheval  vif  comme  I'eclair,   '^ 

Nous  S()mines  issiisj'imagine, 

Bourdonriaient-ils  tous  a  I'envi! 

Que  de  moucherons  aujourd'hui ! 

La  fable  du  Chasseur  et  son  arc  est  une  des  plus 
ing^nicuses  quo  Lessing  ait  ecrites. 

«  La  civilisation  doit  polir  les  moeurs  sansles  enerver,  » 
telle  est  la  locon  qui  en  rcssort  ct  sur  ractualitc  de  laqucllc 
nous  n'insislcrons  pas. 


M'.ssim;,  goi:tiie  et  noccACi;.  249 


LE  CHASSEUR  ET  SON  ARC. 


Un  chasseur   possedait  un  arc  en  bois  d'ebene  , 
Quilui  servait,  au  bois  el  dans  la  plaine, 

A  tirer  loin  et  juste  :  il  en  faisait  grand  cas. 
—  Cependant  je  ne  trouve  pas, 
Disait-il,  un  jour,  a  son  arme, 

Que  Ton  ait  assez  pris  soin  de  te  decorer; 
Le  poli,  voila  ton  seul  ciiarme; 
Mais  on  pent  y  remedier 
Et  d'une  belle  ciselure, 
Je  veux  te  donncr  la  parure.  — 

Ainsi  fut  fait;  un  artiste  en  renom, 

Grava  sur  I'arme,  a  cette  occasion, 
Un  sujet  bien  fait  pour  plaire, 
C'etaitune  cliasse  entiere. 

L'homme  enchanlo  :  —  Qui  do  cet  ornement, 

Etait  plus  dignc,  6  mon  arc!  —  Cependant, 

Pour  I'essayeril  le  tend,  6  surprise! 

Enlre  ses  mains  Tare  affaibli  sebrise. 


Nous  donncrons,  sans  couinicntaires,  cc  dernier  apologue 
du  mCmc  auteur. 


250  FABLES    ET   COMES    IMiTES    DE 


LES  FURIES. 

Pluton  voulut  changer  ses  antiques  furies; 
11  les  trouvait  sans  force  el  par  I'age  affaiblies, 
Dans  leurs  dcbiles  mains,  les  terribles  serpents, 
Ne  faisaient  plus  ouir  ces  affreux  sifflements, 

La  terrcur  des  ombres  damn^es. 

—  Ami  Mercure  ,  au  pied  leger, 

Dit-il  au  divin  messager, 

Je  voudrais  trois  femmes  bien  nees, 

Mais  dont  la  si^verile 

Soil  un  point  bien  constate, 
Je  les  destine  a  I'emploi  de  Furie; 
Sur  la  terre,  va  done  contenter  mon  envie,  — 
II  dit,  Mercure  part.  Junon  au  meme  instant, 
A  sa  suivante  Iris  :  —  Cette  Venus  pr6tend 

Que  toute  la  gent  feminine 
Obeit  a  seslois;  son  orgueil  me  chagrine, 

Je  voudrais  pouvoir  I'abaisser. 

Sur  la  terre,  Iris,  va  chercher 

Deux  ou  trois  vierges  renommtes 

Par  leur  vertu,  leurchastete 

Et  leur  grande  severity 
Que  je  puisse  opposer.  — A  travers  les  nuees 
Iris  s'elance.  Ou  n'alla-t-elle  pas 
Et  du  globe  quel  coin  fut  neglige  par  elle ! 

Parlout  elle  porta  ses  pas 

Mais  en  vain;  a  tire  d'aile 
Elle  retourne  seule  au  celeste  parvis. 
Junon  s'ecriu  :  —  0  ciel!  pasunc  seule,  Iris! 


LESSING,    GOETHE    ET   BOCCACE.  251 

Ochastetel  verlu  !  —  Des  Dieux  puissanle  reine, 
Repond  Iris,  j'avais  trouve,  mais  non  sans  peine, 

Trois  modeles  de  vertii, 

Qui  jamais  n'avaient  connu 

D'aniour  le  scduisant  empire; 

Mais,  helasl  j'arrivai  Irop  tard.  — 

Trop  tard,  Iris,  que  veux-tu  dire? 

—  PourPluton,  Mercure  avec  art, 
Les  retenait.  —  Quelles  foliesi 

Et  que  fera  Pluton  de  ces  hautcs  vertus, 
Rebelles  jusqu'alors  au  pouvoir  de  Venus  ? 

—  II  en  veut  faire  des  furies! 


2o2  FABLES    ET   CONTES    IMITES    DE 


C'^r^T^  niiTij:  ei:  c^oi^tiie:. 


Parmi '     -^'^vr;  ?  '.'^geres  de  Goethe  sctrouve  une  chanson, 
tres  popi  ■.'.'THp.  que  Tillustie  poete  acomposee 

pour  se  !  j's  nialadroits  des  mallres  de 

I'art,  maii  q-  \'Oir  encore  d'autres  applications 

plus  grav'.-: 


LE  MAGICIEN  ET  LA  BLA,NCHISSEUSE. 

Kien  n'est  plus  dangereux  qu'une  demi-science, 
Mieux  vaut  une  eniiere  ignorance. 

Un  sombre  el  vieuxlogis  d'un  faubourg  ecarte, 
Par  un  r.ingicicn  se  trouvait  habit6 

El  par  Margot  la  blanchisseuse. 

La  donzelle  fortcurieuse 

Etait  sans  cesse  aux  aguets, 

Pour  surprendre  les  secrels 
De  son  voisin.  Un  soir,  a  la  scrrure , 
Elle  avail  I'ocil  coUe,  par  une  nuit  obscure. 


LESSING,    GOETHE    ET    BOCCACE.  2.'i3 

Le  sorcier  enfonce  dans  son  grand  fauteuil  verl, 

Besides  sur  le  ncz ,  lisait  un  livre  ouvert 

Et  pos(5   devant  iiii  sur  un  bahut  antique, 

Tout  ciiarge  de  creusets,  d'instrumenls  de  physique, 

Quand  smidain,  sur  un  mot,  le  manche  du  balai 

Entre  eu  branle  et  comme  un  valet  , 

Va,  sedemfene,  arrange  la  boutique, 

Fait  le  ruenage  et ,  du  pouvoir  magique, 

Docile  servileur,  bientdt  rentre  en  repos. 

Margot  se  dit  :  si  je  savais  les  mots 

Qui  d'un  manche  a  balai  vous  font  une  servante, 

Que  de  peines  de  moins!  Alors  si  je  m'absente, 

Mon  balai  me  remplace  ct  va  puiscr  mun  ''i''  ... 

A  lout  prix  11  me  taut  ce  mot ' 
Chacun  sail  ce  que  peutdesir  ardent  de  fcmmef 
Elle  en  vint  a  ses  fins  et  la  joyeuse  dame 

Voulut  de  suite  essayer  son  pouvoir. 
Selam!  ami  balai ,  dcpCchons !  au  .avoir  I 
Prends  deux  seaux  et  rempli  ce  cuvier  a  ma  place. 
Le  manche  obeissant  aussit6t  se  deplace; 

I!  part,  revient,  part  encore  empresse; 
Chaque   seau   vcnu  plcin  est  aussitdt  verse; 
Encor  quelques  instants,  la  vaste  et  large  pause 
Va  se  trouvcr  remplie.  —  Assez,  ccssons  la  danse, 
Mon  brave  servitcur,  c'est  bion  pour  cette  fois. 

Mais,  voyez  done  le  sournois  ,- 
Qui  fait  la  sourde  orcillel  Arrete,  miserable, 
Ou  tu  vas  me  noyer!  —  Mais  le  manche  implacable, 

Toujours  arm6  de  I'un  et  I'autre  seau, 
Sans  cessc  d'apportcr  ct  de  verser  d'aulre  cau. 
Alors,  dame  Margot  guctte  son  adversairo, 
Lc  saisit  au  passage  ct  le  brisc  en  colore! 


254  FABLES    ET    COMES    I.MITES    I)E 

Mais,  6  stupeur!  les  deux  morceaux, 

S'emparant  chacun  de  deux  seaux, 

Volent  ensemble  a  la  riviere. 

Pour  le  coup  notre  lavandiere 
Folle  de  peur  el  tremblant  pour  ses  jours, 
Jette  des  cris  d'alarme,  appelle  a  son  secours. 
Le  n^cromanl  arrive  avec  le  volsinage, 
Devine  d'un  coup  d'ceil  la  cause  du  lapage, 
Prononce  I'autre  mot,  que  la  sotle  ignorait 
Et  met  fin  au  tuniulle  en  calmant  le  balai; 
Puis,  sans  rien  dire  plus,  se  d^robe  a  la  vue 
De  la  pauvre  Margot,  honteuse  et  morfondue. 

N'est-ce  pas  ainsi  que  se  font,  trop  souvent,  les  revolu- 
tions, par  des  politiques  ix  courte  vue,  ne  connaissant  que  le 
mot  qui  met  en  mouvement  unpeuple  egare?  Trop  heureux 
quand  le  magicien  arrive,  a  temps,  a leur  secours  etre'tablii 
la  pyr amide  sur  sa  base ! 


LESSING,    GOETHE   ET   BOCCACE.  255 


COMTE  llHTBi:  I>E^  UO€€\ClE, 


I 


LE  CUISINIER  ET  LA  GRUE. 

La  frayeur  quelquefois  donne  aux  gens  de  I'esprit. 
A  ce  sujet,  voici  ce  que  Ton  trouve  ecrit 
Dans  le  Decameron,  ouvrage  de  Boccace , 
Conteur  naif  et  plein  de  grace. 

A  Florence  vivait  un  opulent  seigneur, 
Guido  Cavalcanti,  passionn6  chasseur. 
Un  matin,  son  faucon  lui  ramene  una  grue 

Grasse,  potelee  et  dodue 
Un  mets  de  prince;  a  son  cuisinier 
La  bete  est  envoyee  et  doit,  de  son  diner, 
Eire  le  plat  d'honneur ;  par  les  ordres  du  maltre, 

Notre  artiste  fera  paraitre 

Dans  ce  rOti  tout  son  talent. 


Du  signer  Guido,  cependant, 
L'humeur  agreable  et  civile 
Le  fait  ailer  iiors  de  la  \ille 


2o6  FAALES    ET    CO.NTES    IMITES    DE 

Visiter  de  nombreux  amis ; 
II  ne  doit  que  le  soir,  retourner  au  logis. 

Depuis  une  heurc  et  plus,  a  la  broche  fixee, 
La  volaille  ,  en  tournant,  d'une  oJcur  embaumee 
Parfumait  la  maison  et  tous  les  alentours, 
Quand  Brunette  survient,  Brunette  les  amours 

Du  despote  de  la  cuisine. 
Du  r6li,  cuit  a  point,  la  succulente  mine 
Fit  sur  la  signora  si  grande  impression, 

Que  succombant  a  la  tentation, 

Elle  exige  que  d'une  cuisse 

Son  soupirantlui  fassedon. 

Moi,  dit  I'autre,  que  je  pt5risse 
Si  j'y  consens,  pour  qui  me  prendrait-on  ? 

Brunette  soyez  raisonnable, 
^  Ne  me  rendez  pas  miserable 

En  exigeant  ce  que  je  ne  puis  vous  donner. 

Mais  elle,  de  I'abandonner, 
Jure,  s'il  ne  fait  droit  a  cette  fantaisie. 
Bref,  le  pauvret  craignant  de  perdre  son  amie, 

Plus  encore  que  le  baton, 

D'une  cuisse  fait  I'abandon. 

Du  diner,  cependant,  I'beure  clait  arrivee; 
Sur  la  table  bientot  la  grue  est  apportee. 

—  Que  veut  dire  cela?  quel  est  I'impertinent 
Qui,  de  cette  volaille,  a  pris,  impudemment, 

Un  membre !  s'(5crie  en  colere 
Le  mattre  de  ceans.  De  notre  pauvre  pauvre  here, 
On  pcut  se  figurerct  le  trouble  et  I'efTroi. 

—  Monseigncur...  ^coutcz...  Monseigneur..  croyez-moi... 


I 


LESSl.NG  ,    <;0KT11E    KT    BOCC.VCE.  Sj 

Lc  bon  Diou  n'a  donne  qu'une  cuisse  ii  la  grue?  — 
Qu'une  cuisse,  maraud!...  mais  demain  a  ta  vue, 

J'en  veux  exposer  un  lioupeau 

Et  prends  garde,  alors,  a  ta  peau 
Si  de  plusd'un  seul  pied  nous  les  trouvons  pourvucs.  — 

Or  il  faut  savoir  que  les  grues 
Se  rassemblent,  le  soir,  sur  le  bord  des  etangs, 
Par  un  epais  taillis  mis  a  I'abri  des  vents, 

Et  qu'ajant  ramene  sous  elles 

Un  de  lours  pieds  et  sousleurs  ailes. 
Insert  leur  long  col,  elles  passent  la  nuit 
Debout  sur  un  seul  pied.  —  De  grand  matin,  sans  bruit, 

Maitre  et  vuletarrivent  a  portee 

D'une  troupe  encore  plongee 
Dans  un  profond  soinmeil.  —  Voyez,  maitre,  voyez, 
Elles  n'ont  qu'un  seul  pied  el  si  vous  m'en  croyez, 
II  faitfroid,  retournons  do  ce  pas  a  la  ville.  — 

Le  detour  n'est  pas  malhabile, 
Repoad  Guido,  mais  attends  un  moment. 
Observe  quel  sera  d'un  cri  I'l^venement.  — 
Endant  alors  sa  voix  :  Hal  Ha !  Ha !  Chaque  grue, 
Baissant  son  autre  pied,  disparait  u  la  vue 

Du  coupaijle  deconcerle. 
—  Ell  bien  !  maitre  iVipoii,  comment  sera  traite 

L'auteur  d'un  si  liardi  mensonge? 

—  De  grace...  un  moment...  mais  j'y  songe? 

Hier  (juand  j'ajiportais  lo  plat, 

Yous  ne  ciialcs  pas  Ha !  Ha  I 
llien  d'etonnant  que  la  cuisse  caclice 
A  vos  regards  ne  se  soil  pas  moutroe  I  — 


n 


r\»l.C5  KT  OONTES  DE  LESSilXG,  60ETHR  F.T  BOCCACE.    25S 

Ce  trait  d'esprit,  arrache  par  la  peur, 

Mil  Guido  de  si  belle  humeur 
^ue  de  son  mailre  queux  il  pardonna  I'offens* 
El  !e  boo  raot,   bientot,  circiila  dans  Florence. 


C^ 


RENSEIGNEMENTS 


sun 


L'IGLISE    SAIHTE-TRINITI 

DE  CHERBOURG, 

AVAI^T  1794, 

RECUEILLIS  ET  MLS  EN  ORDKE  , 


PAR 


I/eglise  Sainlc-Trinile  fiit  pillciM-'l  devastcc  hi  l9.j:itiviiM' 
1791.  —  Doiirot  (lies  Basses-Alpos;,  roprtscnlr.i'.tdii  poiiple, 
fill  cri\nyi!  a  ChnLoiirg  poiii'  y  al)olii'  leLHillo  I'li  Clirisl.  La 
veillo  (111  pillagv,   il  avail  ordonne  a  Ions  los  ciloycn.s  tlo  se 


(1)  Nous  devons  rs,-*  prt'cieux  renscignsment*  a  M.  \  iclor  Isselin, 
in're  flii  ssv.int  oiieiitalisto. 


26a  HENSrifiNEME.NTS    SUR    u'eUMSE 

retinir  k  Icnrlemain  a  I'^glise,  afin  d'y  lenir  une  assembles 
federative.  Dcs  sept  heures  du  malin,  il  fut  ordonneatoutes 
Ics  personnes  qui  en  avaicnt  Ics  clefs,  de  les  remetlre  a  la 
[Daison  coiniiiune.  La  municipalitt^  et  les  niembres  du  dis- 
trict se  rcndirent  a  I'eglise  avec  Bouret  etDelisle,  son  secre- 
taire. Le  cortege  et  le  peupleetant  assembles  dans  le  temple, 
le  syndic  du  district  monta  en  chaire,  et,  apres  avoir  donn6 
lecture  des  journaux  de  la  Convention  el  de  ceux  de  Hebert, 
connu  aussi  sous  le  nom  de  pere  Duchesne,  il  arracha  le 
saint  Esprit  qui  etait  plac6 sous  lecouronnementde  la  chaire, 
en  disant  :  Que  fait  ici  ce  pigeon?  Mors  la  devastation  com- 
menga.  Des  forcen(5s  s'l^slancenl  vers  le  choeur,  en  brisent  les 
portes  et  les  balustrades,  renversent  I'aigle  et  le  vautour  qui 
couronnaient  le  lutrin,  montcnt  sur  I'autel  et  en  enfoncent 
le  tabernacle.  Les  uns  prennent  les  ciboires  et  mangent  les 
hosties  ou  se  les  jettent  a  la  tete,  les  autres  s'emparent  de 
I'oslensoir  et  s'en  partagent  les  debris.  Les  autels  furent 
renversds.  On  abattit  les  images.  On  lacera  les  tableaux,  les 
draperies  des  chapelles,  les  bannieres,  les  ornements  des  pre- 
tres.  On  mit  en  pieces  le  monument  nomine  vulgairement  le 
Paradis,  les  orgues,lesstalles,  les  bancs,  lesconfessionnaux, 
les  cloches,  les  vitraux  des  fenetres.  On  renversa  le  calvaire. 
Enfin,  quelques  joursapres,  on  depava  I'eglise  etdes  macons 
furent  appelcs  pour  ani^anlir  de  nombreux  bas-reliefs  et 
pour  piquer  des  inscriptions  qui  se  trouvaient  ca  et  la, 
tant  a  I'intericur  qu'a  I'extiMieur  de  I'eglise. 

On  doit  allribuer  ki  plus  grande  parlie  de  ces  desaslres 
aux  jeunes  conscrits  de  Valognes,  qui  lenaienl  alors  garni- 
.son  a  Cherbourg. 


SAINTE-TRIMTE    DE    CHEKBOIRS.  261 

I.  Ic  Chflenr.  —  Le  choeur  cHait  ferme  par  des  balui- 
Irades  en  bois  tie  cliene,  faconnees  en  batons  de  vignc  etcou- 
ronnecs  par  uno  frise  a  jour.  II  y  avail  qiiarante-luiit  sialics 
aiissi  en  chene,  richcmenl  scluptees.  Les  volutes  des  accou- 
doirs  figuraicnt  des  langiies  de  bceuf,  et  le  dessous,  qui 
L'lail  a  jour,  formail  une  belle  denlelle.  Le  lulrin,  d'un  tra- 
vail grossier,  elait  couronne  par  iin  aigle  dticliirant  un  vau- 
tour.  On  voyait  sur  Tautcl  une  chaire  d'exposilion  entour(5e 
de  quaire  colonnes  unies,  percees  ajouret  dort^es.  Le  tableau 
de  conlre-table,  qui  etait  d'un  grand  uii'rite,  representait 
deux  anges  annoncant  a  Sara  qu'elle  enfanterait  un  fils. 
L'autel  elait  surmonte  des  trois  personnes  de  la  sainte  Tri- 
nile  {!).  II  elait  peint  en  noir,  el  to u les  les  sculptures  en 
etaienl'dorees.  Aux  deux  cijles  du  choeur,  et  au-dessus  de 
chacune  des  portes  lalerales,  il  y  avail  un  fort  beau  tableau  : 
celui  dcdroite  representait  saint  Francois-de-Sales,  etcelui  de 
gauche,  saint  Cliarles-Borromee.  Le  derriere  de  ces  tableaux 
elait  peinl  et  convert  de  fleurs  de  lis  d'or.  Au-dessous  des 
enibases  des  colonnes,  sur  les  credences,  c'laient  les  portraits 
de  Jesus  et  de  la  Viergc  :  on  les  atlribuait  ii  Raphael.  Les 
piliers  du  choeur  etaienl  orn^s  du  portrait  de  sainte  Cecile  et 
de  tableaux  representant  les  quaire  fins  de  I'liomtne  :  la 
.niorl,  le  purgatoire,  le  paradis  et  I'enfer. 

.Vnbe,  €ftzci£ix.  —  Le  jube  so  connposait  de  trois 
pcumeiiux,  dont  deux,  de  forme  carree,  elaicnt  orni'-s  d'une 
guiriande;  le  troisieiue,   celui  du   milieu,  etait  cinlrt^  i.'t 


(])  Le  jour  si  baliilenicnt  niennge  pour  cilairor  le  triangle  rayon- 
nam  qui  sunnoiUe  le  mailrc  anlcl  esl  I'ouvrage  de  M.  Frcret. 
sculpteur.  Ce  trav;iil  a  ete  execute  en  180a.  AvanI  cetle  epoque.  les 
bnluslrailes  a  claire-voie  faisnient  le  tour  iln  ciia'ur,  donl  deux 
iu'lilt's  feii'Hrcs  ojivalcs  eclairaient  le  clicvet. 


ro|:ro3ent:;i[  on  bas-relief  la  Madeleinea  denii-coucli5eeleva»l 
311  tele  \t'!s  lo  Cbrist. 

l.e  ci'ucitix  elait  iiri  clief-d'cieuvre  de  soiilptiia^  Deux 
SMclc.-,  I'lm  a  droile  et  Taiitre  ii  gaiiclic,  porlaienl,  comme 
aijjoiird'liui,  los  sl;Uucs  de  saint  Jean  ct  do  la  Yiergc 

Bi.  r.hapeiSc  Salsst-JIcfJBJ-BKptBstc.  — En  dehors 
dii  c'licewi-,  dii  cote  de  repilre,  el  en  avant  de  Tun  dcs  deux 
l»ilie!'s  de  I'entree,  se  trouvait  rautel  de  suint  Jcan-Baplisle. 
Au-desiiis  de  la  corniclie,  on  voy;:!!  ce  saiot,  une  croix  a  la 
main,  ii'vefa  d'unc  peau  de  moulon  et  accompogn6  d'un 
agnoau  conclic  a  scs  picds.  A  sos  cfites,  elaient  ies  evangel  is- 
les saiiilJean  el  saint  Malliieu.  Le  tableau  de  conlrc-table 
ropreseiiiail  la  nalivile  de  saint  Jean-Bapliste.  Sur  Ies  gra- 
dinsde  Taulel,  il  y  avail  deux  pelites  statues  ,  I'unede  saint 
Zacharie  et  I'autre  de  sainio  Elisabctb. 

@SS.  Ciijspelle  cle  la  SaaEste-Vieii'gc.  —  De  I'au- 
Ire  cute  de  I'enti'ee  du  cbccur,  etaiH'autt'l  de  la  Vicrgc,  etabli 
paralielenient  h  celui  dc  saint  Jean-Bapliste.  Stir  la  cornicbe 
on  voyait  Marie  tenant  I'enfant  Jesus,  el  ayant  aupres  d'elie 
Ies  propheles  Isaie  et  Jereniie.  Lc  cou'.'onnen'tciit  dc  Fautel 
purlait  tiuati'C  pctits  anges  posant  sur  sa  tete  un  diailemc  de 
douze  ctoiies.  Le  tableau  de  contre-table,  representant  sa 
nalivile,  elait  accompagni^  fles  statues  de  saint  Joachim  et  de 
sainle  Anne. 

■  BV.  ChapelSe  Saias^- JJaefiEscs.  —  Pres  du  lane 
actucl  des  marguillers,  elait  I'autel  de  saint  Jacques  ( I ).  Ce 
saini,  qui  porlait  le  costume  des  pelerins,   tenait   un  baloa 


(II  A  ci;llo  chapelle  (eiKiit  un  b;inc  rjui  h\'.,  en  177«,  IVibjot  d'lin 
loiTj  dobat  onlrc  M.  Dumourioz,  coinmniidaiil  a  Clicrbuiirg,  el  la 
euro,  Ies  r'cbovins,  Ies  mai-gnillers  et  Ies  confreres  Je  la  Merge  (!a 
ligliso  P;iiiilo  Trinite. 


\ 


HAl.NTE-lRIMTE    DE    CHEKBOUftG.  263 

d'oii  poiulait  line  gourde.  II  a\ail  iin  cliapeau  ii  la  Henri  IV, 
orne  d'line  coqiiillc.  A  sa  droile,  on  reniarquait  la  statue  de 
sainte  Appoiine  cl  ii  sa  gauche  celle  de  saint  Maiir,  abb^; 
aupres  de  cc  dernier  se  trouvait  saint  Gilles,  ayant  a  ses 
pieds  I'atlribut  qui  le  caracterise. 

v.  Chnpclle  Sninte-Catheriuc.  —  Parallelemenl 
a  I'autel  Saint-Jacques,  pres  de  la  cliaire,  c^ait  I'autel  de 
sainte  Calhei'ine.  Cette  sainte  tcnait  los  instruments  de  son 
marlyre  et  avait  a  ses  cotes  saint  Sever  et  saint  Nicaise.  Le 
premier  de  ces  saints  6U\\l  le  patron  des  tisserands.  Celui  des 
lisseurs  qui  faisait  la  toile  la  plus  fine,  deposait  aux  pieds  de 
sa  statue  une  canette  ou  fuseau  de  fil.  Saint  Nicaise  elait  le 
patron  des  drapiers. 

VI.  ChapeUe  dn  §>aiut-Sacreiueut  (i).  —  Dans 
lii  nef  de  gauche,  en  entrant  par  le  grand  portail,  on  voit 
encore  la  chapclle  du  SaintSacrement;  mais,  avanl  1794,  il 
y  avait,  au  lieu  de  la  cornichc  actuelle,  une  frise  sculpt(^c  en 
dentelle.  On  y  rcmarquait  trois  tableaux  donl  les  [lersonna- 
gesetaientde  grandeur  nalurelle.  Celui  du  milieu  reprteen- 
tait  la  cene  de  J.  C.  avcc  sesap6tres.  A  droite,  on  rcmarquait 
le  sacrifice  d'Abraham,  et  a  gauche  le  prophete  Elie  dans  le 
desert,  couclie  sous  un  arbre.  L'autel,  a  la  romaine  comme 
colui  d'aujnurd'liui,  avait  un  tnbcrnacle  d'une  grande  sini- 
plicite,  en  bois  dj  chone.  Un  ange  adorateur  ctail  place  de 
chaque  cote.  Une  balustrade  en  fer  ferniait  le  sanctuaire. 

vsi.  €Siitp4>9Ee  cSc  J!esus.  —  En  monlant  sur  la 
gauciie,  on  trouvait  la  cliapellc  de  Jesus.  Elle  supportait  un 


(i;  I.a  coiii-triiclion  d'lino  cliiiiielle  iiarcillc  :i  colle  du  Saiiit-SucrG- 
ment  aun.it  i'ni'.  exrcutoc  sans  la  rofonle  ^'(.■iieralii  do.';   cloches  (pii 
f>u(  lien  en  ]"l,  el  qui   avail  epuise  les  ressnurces  du  la  faliriiiuf 
iNot«  lirc^e  d'uri  nieiiioire  jioiUnt  la  dal«  du  II  ()i|iilir«  i77S.i 


204  HtNSEIGM'ML.NTS    SUU    l'uGLISE 

roiironnc'inent  represenlanl  un  Ecce  Homo  accompagnc  de 
tlrux  iiDgos  h  genoiix  :  cliaciin  d'oux  len.iit  un  coiissinet 
cliiirg6  tlos  JivcTi  inslrumenls  dc  la  passion.  Siir  Icsembasei 
(It's  colon rics,  en  dehors,  on  voyait  la  slaliie  de  sainlc 
Margiierito,  celle  de  saint  Clair  el  un  bas-relief  de  sainle 
AvoJc  dans  sa  prison.  Jesus  au  jardin  des  Oliviers  etait  le 
sujct  du  tableau  de  conlre-lable.  Au-dessus  de  la  porle 
laterale  de  cette  chapelle,  sur  renlablemenl  exislant  encore 
anjonrd'lini,  on  remarquait  d'enormcs  statues  en  pierre 
ealeaire,  represenlanl  les  deux  premieres  personnes  dc  la 
saiiile  Trinite;  un  triangle  en  fer,  scoUe  derricre  le  dos  de 
ces  statues,  soutenait  le  saint  Esprit.  Sur  Ic-s  piliers,  a 
droiLe  de  I'autel,  etait  adosse  saint  Ck^mcnt,  pape,  ayant  une 
ancre  a  ses  picds,  et  au  dcvant  de  lui  unc  petite  fregatc  du 
nom  cYEole,  suspendue  a  la  voute. 

VJS3.  CiaapeSIc  Saigic-Si^ljasficM.  —  Plus  loin, 
du  nieiuc  cute,  etait  unc  chapelle  dediee  a  saint  Sebaslien, 
et  connue  aussi  sous  le  noni  de  chapelle  de  saint  Frangois. 
On  y  obscrvail  la  statue  de  rilluslro  martyr,  accompagnet  de 
celle  du  patron  des  cordeliers  et  d'un  gioiipe  reniarquabic. 
Une  tour  a  la  porte  de  laquelle  se  lenait  debout  sainte  Barbe 
consicrnee  a  la  vuc  de  son  p6rc  foudroye  a  ses  pieds,  lei  etait 
le  sujet  dc  cc  groupc.  Au-dossus  des  gi'adins  de  I'aulel,  il  y 
avail  deux  rangs  do  bas-reliefs,  en  a!!)alrc,  represcntant  des 
chevaliers.  Contre  I'un  des  piliers  de  I'arcade  qui  formait 
I'enlree  de  la  chapelle,  so  Irouvail  la  slatu3  de  saint  Crcpin. 

ax.  CSiapelSc  SaiiBi-FacB'rs.  —  La  dernicrc  cha- 
pelle de  la  nef  du  Nord,  situt^e  a  I'endroit  oil  est  acluelltnient 
la  poitede  la  sacristie,  etait  dedii'C  a  .saint  Pierre.  Surie  liaut 
de.  la  cornjrho,  assis  sur  un  Irone  et  re\etu  des  insignes  do 
la  japaute,  les  autres  apolres.  renlouraicnl  avec  leurs  atlri- 
luU>.  Le  tableau  dc  contre-tablc  represcnlait  saint  Pierre  a 


S.U.NTi:-TRI.MTE    UK   CHKRBOUna.  903 

genoiix  pleurant  ses  peclics.  Sur  le  pilier  do  dioitc,  h  ren- 
Irt^e  meme  ilu  choeiir,  on  voyait  saint  Nicolas  hi-nissant  den 
enfants;  on  y  remarquait  aiissi  la  statue  6qiicstre  dc  saint 
Martin  coupant  un  pan  de  son  mantcau  et  le  donnant  a  un 
pauvre.  En  face  de  Tautol,  ctait  snspendue  a  la  voOle  uiie 
petite  barqne  de  pcche  dii  hord  dc  iaquellc  pondait  un  filet, 
allusion  a  I'elat  primitif  des  disciples  du  Saiivenr. 

X.  Chapcllc  SaSiai-l^lafhcI.  —  Dans  le  liaiU  de  la 
nef  de  droite,  et  pros  da  clioeiir,  se  Iroiivait  la  clinpello  de 
saint  Michel.  Sur  la  corniche,  on  remarquait  le  prince  d(!  la 
milice  celeste,  arme  d'une  lance  et  percanl  Satan,  qu'il  lenait 
sous  ses  piods.  A  ses  coles  elaienl  les  statues  de  saint  Come  et 
de  saint  Damien.  Le  tableau  de  contre-table  represontait 
I'Arcliange  foulant  ajux  pieds  Tennemi  du  genre  liumain.  Sur 
les  gradins  de  Taulel,  il  v  avait  deux  rangs  de  petits  bas- 
reliefs  en  albatre,  dans  le  genre  de  ccux  de  la  chapelle 
Saint-Sebastien.  On  y  voyait  encore  les  statues  de  saint  Denis 
et  de  saint  Romy. 

XI.  Chapelle  dn  Saiut-Sepulcrc. —  En  descen- 
dant du  mijine  cote,  on  arri\ail  a  la  cbapelle  du  Saint- 
Sepulcre.  Le  couronnement  portait  le  relief  de  la  Resurrec- 
tion. Le  tableau  dc  contre-table  avait  pour  sujet  la  visile  des 
sainlcs  femmes  au  tombeau  de  Jesus.  Ce  tableau,  actuellc- 
nient  place  a  raulcl  des  morls,  fut  sauve  des  mains  des 
vandales  de  ITOi  par  les  soins  du  sieur  Robin,  lulliier,  qui 
s'emprcssa  dc  le  rendre  h  I'cglise,  aussitOt  que  le  culle  y  fut 
retabli.  II  a  iHe  restaurcel  modilie  dans  sa  forme,  primili- 
venient  plus  large  que  haute,  par  le  peinti-e  Langevin,  qui  y 
a  ajoute  de  la  toile  pour  y  faire  une  lerrasse  et  un  ciel. 
Sous  I'embrasure  dc  la  croisee,  il  y  avait  un  pclit  caveau, 
en  f(u-me  de  tombeau,  avec  des  statues  en  pierrc  calcaire,  qui 
repri^senlaient  Jesus  inoit  el  couclic  dans  un  linct'uil,  Jrsrpit 


S5S  SEXSEUiNEMENTS    SUR    l'EGI.ISE 

(I'Aiiinalliicel  Nicoilirne  tenant  les coins du  suaire,  clacconi- 
pagnes  (!e  la  Vierge,  de  saint  Jean  et  des  Irois  Madeleines. 

M.  I'abbti  Demons  nous  apprend,  dans  son  Histoire  reli- 
(jiev.se  da  Cherbourg,  qu'il  exlste  aux  archives  de  I'^glise 
Sainte-Trinitii  iin  conlrat,  portanlla  date  du  16juin  1644, 
ivlatif  a  la  cliapelle  du  Saint-Sepulcre.  Cetle  piece  constate 
que  par  un  accord  fait  enlre  Charles  Le  Sens,  seigneur  ct 
])atron  de  Cosqueville,  d'une  pari,  ct  le  clerge,  les  uiarguil- 
lors,  !c  mairc  et  les  6chevins  de  Cherbourg,  d'aulre  part, 
ledil  seigneur  de  Cosqueville,  scs  hoirs  el  descendants  en 
ligne  droite,  auront  leur  seance  et  sepulture  avcc  tons  droits 
honorifiques  en  ladile  cliapelle,  par  preference  a  tous 
a  litres  (1). 

XII.  CissajJcHe  Saireft-EiSesBMe.  —  Plus  has,  du 
ni<5me  c6te,  on  trouvait  la  chapelle  de  Saint-Etienne,  vulgai- 
remcnt  connue  sous  le  nom  du  Rosaire.  Sur  la  corniche,  on 
voyait  saint  Elienne  niontant  au  ciel.  Le  tableau  de  contre- 
table  represcntait  la  V'ierge  ct  I'enfant  Jesus  dislribuant  des 
chapclels  a  saint  Dominique  ct  a  saintcThcrese.  Dans  I'em- 
brasure  de  la  croisee,  il  y  avail  une  statue  de  saint  Eloi.  Le 
tabernacle  renferniait  un  ange  en  argent,  porlanl  une  petite 
chassft  contenanl  un  morceau  du  bois  de  la  vruie  croix.  Le 
jour  de  Paijues  et  la  s^inaine  suivante,  on  cxposail  cct  ange 
sur  I'aulel  de  saint  Jacijiies.  Enlre  les  offices,  un  enfant  de 
choeur  criait  de  lemps  en  tem[)s  aux  fiddles  :  Vencz  adorer 
le  bois  de  la  vraie  croix;  et  cliacun  s'emprcssait  d'y  aller 
deposer  son  on'ramlo. 

XSBB.  CDsapelle  Sstinte-Aiiite. —  Enfin,  la  derniere 
cliapelle  de  la  ncf  du  sud  otail  dediee  ii  sainte  Anne.  La  md're 


(1)  Demon'!,  nUt.  civ.  r!  rrl.  de  Cherfr.,  p.  SI. 


SAl>TK-TRIMll£    DE    CHKHUOUUi;.  f(»7 

do  la  Vicrgo  ensoignait  a  liro  ;i  sa  fillc,  qui  etait  ii  g<^noux  ii 
bOS  piods,  el  saint  Joacliim  sc  Icnait  dcljoiit  dcrricre  elle  (ll. 

IflouHsueiit  tie  I'Assosnptiou.  —  Dans  lo  liaul  de 
la  voiile  de  la  grande  ncf,  dovant  la  croisoe,  on  nprrcevait 
un  monument  appele  bizarrement  jiar  quel(]nc's-iins  la 
Grippe'e,  ct  [)av  il'tiulrcs  Notre-Damc-MoiUec  ou  le  Paradis. 
Cc  monnment  roprosenlait  lo  paradis  tcrrcstrc.  On  y  remar- 
quait  Adam  ft  Eve  parmi  des  arbrcs,  ct,  a  une  ccrlaine 
liauteiir,  on  voyait  dcs  personnages  de  mediocre  grandeur, 
inns  par  des  ressorts  ct  figurant  I'Assomption  de  la  sainlc 
Vierge  ct  son  couronnement  dans  le  ciel.  Marie  elait  cnvi- 
ronnec  d'line  infinite  de  pelits  anges  tenant  des  flambeaux, 
qui,  lorsqu'ils  etaicnt  allumes,  donnaient  a  ce  mecanisme 
un  as[)ect  toul-a-fait  hicrviMlleux.  Les  demolisseurs  do  1794 
eurent  l);>aucoup  de  peine  a  detruire  celle  niacbine  cons- 
truileavec  line  extreme  solidite. 

©raises.  —Les  buffels  d'orguos,  composes  d'un  quart 
do  jeu,  elaicnt  place's  a  I'enlree  de  regliso  commc  ceux 
d'aujourd'liui.  Le  premier  prenait  les  deux  tiers  de  la  nef,  et 
le  second,  place  an-dessus,  occupait  une  grande  partie  de  sa 
largeur  et  s'elevait  presquc  jusqu'au  haut  de  la  vonlc.  Le 
couronnement  consislait  en  une  statue  represenlant  la 
rt'surreclion  du  Sauvcur,  'enant  sa  croix  ornee  d'une  bande- 
role. Deux  anges,  a  genoiix  a  ses  coles,  sonnaient  de  la 
tromprtle. 

C'JjaiiT .  —  La  cliairc  d'aujourd'liui  est  celle  qui  exislait 
avanl  la  premier.;  revolution.  On  la  consei'va  dans  le^but  de 
servir  a  la  lecture  des  journ;uix,  les  jours  de  decade.  Cotte 
cliaire,  cxeculee  par  I'iorre  Frerel,  est  pleine  de  gout  et 
d'ek'gancc. 

'i;  Toutes  les  statues  de  Irgliseet^icnlpeintesdcdiversescouleHi-s 


508  nE.XSElGNEME.NTS    SL'R    I.'kGLISE 

Chapes.  —  II  y  avail  dans  notre  eglise  Ircize  jcux  de 
chapes,  dont  unesurtout,  do  velours  aniaranlhe  avec  brode- 
ries  d'or,  se  faisait  rcmarquer  par  sa  rare  beaule  el  par  sa 
grande  ricliesse;  surson  dossier,  d'lin  bleu  d'azur,  elaient 
brodees  les  Irois  personnes  de  la  Trinite.  On  pensail  commu- 
n^ment  qu'elle  avail  ete  donnec  a  I'liglise  par  FranQois  V^, 
lors  de  son  voyage  a  Cherbourg,  en  1332. 

Biaainicrc.  —  La  banniere,  de  damas  rouge,  represen- 
tait  la  sainte  Trinity,  palronne  de  Cherbourg. 

Balustrades  iuterictires.  —  La  claire-voie  du 
choeur  en  faisait  aulrefois  le  lour,  mais  la  portion  qui  se 
trouvait  au  chevel  fut  demolie  en  1809,  pour  la  construction 
du  nouvel  autel.  La  balustrade  de  la  grande  nef,  du  cold  de 
I'evangile,  etait  decorec  d'unc  superbe  danse  macabre. 
Parmi  les  personnages,  on  en  remarquait.qni  porlaient  la 
tiare  el  la  mitre.  11  n'en  reste  plus  pour  indice  aujourd'hui 
que  le  tambour  du  squelette  qui  les  conviait  a  la  morl.  Les 
grands  bas-reliefs  qui  ornaient  la  ciaire-voie  du  cOte  de 
l'(5pilre,  repr(^sent;iient  Adam  et  Eve  dans  le  paradis  terrestre 
el  des  seines  de  la  pa^-iion,  notammenl  Jesus  au  Jardin  dos 
Oliviers,  puis  dcvant  Pilate,  le  Sauveur  traversant  le  torrent 
de  Cc^dron,  etc.,  Judas  pendu  a  un  arbre,  enfin  une  ville 
fortifiee,  que  nous  voyons  encore  el  qui  est  Jerusalem. 

Balustrades  e:e:ierBeiires.  —  L'une  des  claires- 
voies  exteiicures,  au  sud  de  reglisc,  offrait  une  serie  de 
medallions,  de  forme  ovale  ,  rcprescntant  les  busies  des 
saints  apotres  Pierre  et  Paul  etd'autres  illustres  personnages. 

€Iefs  de  Toistc.  —  Ourlques  clefs  de  voute  portaient 
des  blasons  ciseles;  d'aulres,  des  angcs  el  divers  allribuls. 
L'une  de  ces  clefs,  dans  la  nef  du  sud,  represente  une 
fortercsse.  A  cause  des  qualre  tours  dont  ellc  est  llanquee, 
nos  p6rcs  y  voyaient,  dil-on,    le  donjon  du   chateau  de 


SAINTE-THIMTK    DE    f.JlEUBOina .  SCt 

Cherbourg.  En  efTct,  cet  edifice  avail  qiiatre  tours,  et  \c 
relief  dont  nous  parlons  pcut  Lion,  si  I'on  vcut,  en  tHre 
rimage. 

Cloches.  —  II  y  avail  six  cloches  (1).  Cinq  ont  disparu 
dans  \ii  revolution.  La  premiere,  qui  est  aujourd'hui  la 
seconde  de  notre  eglise,  fut  conserveo  pour  Tannonce  des 
decades.  Ellc  porlait  I'inscription  suivante  :  L'an  1774, 
nommee  Charles,  par  M?"'  Charles  Maurice,  prince  de 
Monaco,  comlede  Valentinois,  grand  d'Espagne,  gouverneur 
de  la  villc  el  citadelle  de  Cherbourg,  en  Basse-Normandie, 
ropresente  par  M.  Jean  Dutot,  subdeiegue,  portcur  de  sa 
procuration.  Jean  le  Therouilly,  licencie  os-lois,  nous  a 
benites  (sic),  etant  marguillers  en  charge  MM.  Demons  de 
Garanlot,  Couey-du-Cmiaysel,  negociant,  et  de  Laire,  direc- 
leur  de  la  posle. 

Dubosq  I'aine  nous  a  faites  (sic)   (2). 

Ostensoii*.  —  L'ostensoir  etait  en  vermeil,  et  la  croix 
qui  le  surmonlait  avail  unc  couronne  enrichie  d'un  beau 
brillant  du  prix  de  3000  fr.  Ce  diamanl  avail  ete  donne  a 
I'cglise  par  M.  Deshayes,  commissaire  g(5neral,  ordonnateur 
de  la  marine  a  Cherbourg  (3). 

Croix,  Lainpes,  Chandeliers,  etc.  —  II  y  avait 
cinq  croix  en  argent.  Trois  appartenaienl  au  tr^sor  de 
I'eglise,  el  Ics  deux  autres  aux  confreres  de  Jesus  el  de  la 
Yicrge.  II  y  avait  encore  deux  lampes  ct  deux  chandeliers 


(1)  Ces  cloclies  avaient  el6  fondues  a  Cherbourg,  en  1774,  dans  le 
jardin  des  frercs  des  Ecoles  chrtjlieunes,  Iransforine  dopuis  en  cour 
de  l'Il6lel-de-VilIe. 

(2)  Nous  devons  la  copie  de  celle  inscription  a  .M.  labbe  Demons. 

(3)  Ce  renseignement  est  du  a  .M.  Auguste  Fontaine,  ancien 
Lijoutler. 


57M  BE.N8K1GNF.MF.NT«    SI  R    LEGIvlSr. 

d'iicolyle,  enfin  des  encensoirs  et  doiix  paix.  Tous  cos  olijels 
fiircnt  rcmis  a  la  coiiimuno  par  ordrc  du  syndic  dii  disliici, 
pour  t'tre  converlis  en  nionnaios. 

Fasids  foaptismaiBx.  —  Les  fonts  baplismanx  (Jfaient 
places  siir  la  droite  de  la  grande  nef,  entrc  Ics  deux  premiers 
pilicrs,  proclie  du  portail  principal  (1). 

"ViiraHs.  —  L'eglise  sc  faisait  reinarqucr  par  ses  vitraux 
peinls,  ofi'rant  un  grand  nombre  de  sujots  religieux.  Lc 
vitrail  de  la  seconde  des  fenelres  de  la  nef  de  droite  repr6- 
sentait  le  baptfime  de  Notre-Seigneur.  On  sc  rappellc  quo 
les  fonts  baptismaux  etaient  places  devant  celle  fenetre. 

Clerge.  —  Le  clerge  de  l'eglise  Sainte-Trinile  ctait 
compose  d'un  cure,  d'un  viraire,  de  vingt  pretres  habitues, 
de  deux  sacristains  tonsures,  do  six  enfants  de  chcBur  ct 
d'un  bedeau. 

CoMfrci*ic«.  —  Independamment  des  confr^ries  de  la 
Sainte-Trinite  et  de  la  Sainte-Vicrge,  dont  parlent  nos  histo- 
riens,  il  en  existait  encore  Iroisaulres  fort  utiles  a  l'eglise  . 
c'etaient  celles  de  Jesus,  de  saint  Pierre  et  du  Saint-Sacre- 
mcnt. 

Confreres  «lc  Jlesus.  —  I.es  confreres  de  Jesus  por- 
taient  les  morts.  Leurbanniere,  dc  damas  rouge,  representait 
J'esus  au  jardindes  Oliviers.  lis  etaient  revetus,  dans  les  ffites 
solennelles,  d'un  chaperon  dc  damas  blanc,  orne  du  monc- 
gramme  du  Christ.  Quand  lis  assislaiont  aux  inhumations, 
ce  chai)eron  etait  noir  et  brode  des  niemes  insignes.  Les 
confreres,  dans  leur  chapslle,  avaient  un  banc  d'ocuvre  su'r- 
inonted'une  croix  accompagnee  de  deux  chandeliers. 

Confreres  de  sniut  Pierre.  —  Les  confi^res  de 
saint  Pierre  portaient  les  lanterncsaux  processions  du  Sainl- 

(1)  Voyez  la  note  sur  ce  petit  monument,  p.  ioi. 


SAINTE-ThlMTK    BP.    ClIP-HBOl  R« .  271 

Sacrement,  ct  lorsqu'on  allait  adiiiinislror  le  viiiti(|iie  aiK 
Rialades.  lis  avaicnt  dcs  cliaporons  do  daiiias  rouge,  oriit'^s 
de  deux  clefs  brodees  en  fil  d'or,  postV^s  en  saiitoir  et  siir- 
tnont^es  d'une  tiaro.  lis  s'assemhlaiont  dans  la  cliapelle  de 
leiir  saint  patron. 

Confreres  dii  Saint-Sacs'cnierai.  —  Les  confre- 
res dii  Saint-Sacrcment  avaient  un  chaperon  de  damas 
blanc,  orne  d'un  ostensoir  brodo  en  fil  d'or.  lis  porlalent  le 
dais  a  la  Fetc-Dicu  et  lorsqu'on  sortait  pour  donner  la  com- 
munion aux  malades.  Leur  banniere,  de  la  mfimc  couleur 
que  leurs  chaperons,  offrait  le  nieme  dessin.  Leur  banc- 
d'oeuvre,  semblable  a  celui  des  confreres  de  Jesus,  faisait 
face  au  banc  actuel  des  marguillers. 

Toutes  les  confreries  sortaient,  bannit^res  en  tele,  aux 
processions  de  I'Ascension,  de  la  Fete-Dieu  et  de  I'Assomp- 
lion,  ce  qui  faisait  to  plus  belelTet,  lorsqn'un  peuple  tout 
entier  y  assistait  avec  les  sentiments  de  la  plus  sincere  piete^, 
et  chanlait,  commc  le  clerge,  les  hymnes  sacrees,  avec  I'ac- 
ccntdu  plus  vif enlhousiasme. 

Fete  de  la  Pentecote.  —  A  la  fete  de  la  Pentecdte, 
ilelait  d'usage  dans  I'eglise  Sainte-Trinite  de  donner  la 
liberte  a  un  pigeon,  et  dejeter,  paries  ouies  des  voules,  des 
t^toupes  eiiflamm^'es,  pendant  I'ofTice  divin.  La  colombe, 
comme  on  le  sait,  figurait  la  desccnte  du  saint  Esprit  sur  les 
ap(jlres,  et  les  langucs  de  feu  signiliaient  que  par  la  predi- 
cation de  I'Evangile  I'Espril-Sainl  allait  eclairer  eleuibraser 
I'univers. 

Fete  cic  saint  Jrenn-Baptistc.  —  La  veille  de  la 
f6le  de  saint  Jcan-Raplisle,  on  entassait,  en  forme  de  pyra- 
mide,  sur  la  place  du  Rempart,  du  bois  de  cordc  et  des  fagots 
auxquels  Ic  cure,  accompagne  du  clerge,  des  marguillers  ct 
du  Ir^sorier  de  I'eglise,  vcnait  pioccssionnellement  meltral» 


572  KKNSF.lCi.NEME.MS    SIR    L  ECiLlSE 

fell,  apres  Ics  premieres  Y(?prcs,  en  chantanl  riivmne  clu 
jour  Saint-Jean. 

Cettc  CL^-efnonie,  qui  avail  aussi  lieu  presque  par  loule  la 
France,  rcniontaitaux  plus  anciens  temps  dc  la  monarchie; 
c'etail  un  restc  de  la  fete  solslicialc  du  soleil  dans  sa  plus 
grande  exaltation.  A  Paris,  le  roi  lui-meme,  accompagne  des 
grands  de  sa  cour,  venail  mettrc  Ic  feu  an  biicher.  L'hisiorien 
Dulaure  nous  apprend  que  le  plus  ancien  lemoignage  de  la 
participation  des  rois  iicette  c^remonie  remonle  a  I'an  1471. 
«  Louis  XI,  dit-il,  en  cetteannee,  vint  satisfaire  a  cet  usage, 
aTimilation  des  rois  ses  predecesseurs.  Presque  tousles  rois, 
dans  la  suite,  suivirent  cet  exemplc.  Henri  IV  el  Louis  XIII 
y  manqucrent  rarement.  Louis  XIV  ne  s'y  trouva  qu'unc 
scule  fois,  en  1648  (1). »  De  nos  jours,  il  ne  nous  reste  plus 
de  la  Saint-Jean  que  la  danse  sous  la  conronne  de  fleursdes 
champs,  oiise  reunil,  par  les  soirs  d'el^,  uns  bruyanlc  jeu- 
nesse. 

Lc  clochctcar  des  trepasses.' —  Lorsqu'unc 
personne  etait  decedcc,  un  enfant  de  I'liospice  civil,  armc 
d'unc  sonnelte,  convert  d'un  bonnet  carre  ,  vetu  d'une 
soutane  et  d'une  tuniquc  noire,  sur  le  dos  de  laquelle  (5taient 
brodes  deux  tiblas  places  en  sauloirs  et  surmontes  d'une 
tete  dc  mort,  faisait  retentir  les  rues  de  sons  lugubrcs,  et 
criait  :  Priez  Dieu  pour  les  fuleles  trepasses  et  particuliere- 
mcnt  pour  I'anie  de  N....  Apres  avoir  enonce  les  nonis, 
prenoms,  qualil^s  et  demcuredu  defunt,  il  faisait  connalire 
I'heurede  Tinhumation  et  n'omettait  pasde  dire  si  lc  d^c'di 
apparlcnail  a  une  confrerie  quelconque  (2). 


(1)  Dulaure,  Histoire  de  Paris. 

(21  Sur  la  demande  de  la  famille  du  defunf,  on  lendait  dc  noir 
U  porle  de  sa  demeure    Celtc  lenlure  extericurc   etait  ornee  dua 


9AINTE-TRIMTE   DE   CHERBOURG.  f73 

Cet  usage  est  fort  ancien.  Una  pifece  de  vers,  intitulee  /e^ 
Crieries  de  Paris,  composee  au  XIV^  siecle  par  Guillaume 
de  La  Ville-Neuve,  en  fait  mention. 

Cette  coutume,  ^tablie  dans  plusieurs  villes  de  France,  s'est 
conserv^e  dans  celle  de  Paris  jusqu'au  rfegne  de  Louis  XIV  (\ ). 

Ancien  poptail  dc  I'onest.  —  L'ancien  portail 
principal,  plein  d'elegance  et  de  k^gerete,  n'avait  6te  elev6 
que  jusqu'a  la  premiere  galerie.  II  se  composait  de  trois 
entrees  ex6cut6es  dans  le  style  ogival.  La  premiere  occupait 
le  centre,  la  seconde  faisait  face  au  nord  et  la  troisieme  au 
sud.  On  remarquait,  entre  les  nervures  de  I'arcade  cenlrale, 
de  charmantes  ciselures,  entre  autres,  un  petit  cenlaure  et 
d'autres  figures  bizarres.  Le  dessin  qui  nous  est  reste  de  ce 
portail  et  qui  est  deposS  a  rH6tel-de-Ville,  ne  nous  presents 
que  I'arcade  latSrale  sud,  qui,  comme  celle  du  nord,  n'offrait 
rien  de  particulier.  Au-dessus  de  I'entree  principale,  on 
voyait,  comme  aujourd'hui,  une  statue  en  pierre  calcaire, 
representant  le  Sauveur  du  monde  (2). 

Christ  et  de  larmes  brod^es  en  laine  blanche.  On  tendait  aussi  de 
noir  I'appartement  du  decede.  Voici  les  frais  que  la  famille  avail 
a  payer  dans  ce  cas  : 
Pour  la  tenture  placee  a  la  facade  de  la  maison  Of. 25 

Dans  I'interieur 0    75 

Pour  le  drap  mortuaire 0    26 

Total 1  f.  25 

Cette  retribution  appartenait  a  la  confrerie  de  Jesus.  On  I'em- 
ployail  a  I'enlretien  de  la  chapelle  des  confreres  et  au  paiemenl, 
pour  ceux-ci,  dune  messe  basse,  qui  se  celebrait  tous  les  dimanch«s, 
a  sept  heures  du  matin,  a  I'autel  de  Jesus. 

(1)  Dulaure,  Histoire  de  Paris. 

(2)  Quoique  ce  portail  n'ail  ele  deinoli  qu'en  1824,  nousavonscru 
devoir  en  parlerici,  parce  qu'il  a'est  nullepart  aussi  coroplelemont 
decril. 

18 


274      RENSElGiNEMENTS   SUR    l'eOLISE   SAINTE-TRINITE. 

Portall  du  siid.  —  Autrefois  ce  portail  avail  deux 
belles  pontes  ogivales  d'unegrande  richessed'ornementation, 
qui  s'ouvraient  sur  la  nef  mfime  de  I'^glise,  c'est-a-dire,  a 
I'endroit  ou  sont  places  maintenant  les  benitiers.  EUes  ve- 
naient  se  fermer  sur  un  pilier  carr^,  festonn6  dans  le  m^rnc 
gout  que  les  murs  d'alentour  et  surmont6  d'une  Vierge assise 
tenant  sur  ses  genoux  le  Christ  mort.  Le  porche,  garni 
de  chaque  c6te  d'un  banc  en  carreau,  etait  pav6  de  pierres 
tumulaires,  dont  la  plupartservent  actuellement  de  marches 
a  la  chapelle  de  J^sus  et  a  la  sacristie. 

Pierres  tumulaires.  —  Nous  ne  parlous  pas  ici 
des  pierres  tumulaires,  parce  qu'elles  sont  dScrites  dans 
YHistoire  de  Cherbourg,  de  M.  I'abbS  Demons;  dans  les 
Guides  du  Voyageur,  de  MM.  de  Berruyer  et  Fleury,  et 
enfin  dans  la  Revue  arche'ologique  du  departement  de  la 
Manche. 


CONSTATATION 

DE  LA  NATIiBE  U'liNE 

PARCELLE  MICROSCOPIQUE  DACIER 

fiaus  I'os  d'lm  remplacaut  soiipconuc  d'amputation  volunUirc  de 

rindei  droit , 

P.li>  !VI.  BESIKOV, 

•i  Vliarniaclon  en  chef  Jc   la  marine, 

Moinbre  de  plusieurs  soci(it£s   savantea. 


— =5»€©<i< 


En  temps  de  guerre,  il  n'est  pas  rare  de  voirdcs  hoinmcs, 
qui,  pour  se  faire  exemplerou  reformer  du  service  militaire, 
ont  recours  a  tous  les  moyens  les  plus  compromettanls, 
soil  en  excitant  des  plaies  d'aspect  hideux  et  rcpoussant, 
soil  meme  en  allant  jiisqu'a  la  miililation. 

Deux  excmplcs  viennent  lout  ri^cemmcnt  de  se  presenter 
dans  le  service  de  la  marine.  Jecrois  utile  d'(5veiller  I'atten- 
lion  sur  I'un  d'eux.  II  a  donne  lieu  a  une  observation  assez 


276  CO>STATATIOi\    DE    LA    NATURE    d'uNE 

curieuseela  la  constatation  mattM-ielle  du  delit,  conslatation 
qui  ne  me  seinbic  pas  sans  importance  en  raison  de  la  masse 
sur  laquelle  j'avais  a  agir,  et  du  mode  employe  pour  arriver 
ii  la  preuve. 

Le  nomme  M.,  r^cemnient  admis  comme  remplacant, 
cnlre  a  riiOpital  presentant  unc  section  de  I'indcx  dela 
main  droite  op^ree  un  peu  au-dessous  de  I'articulation  de 
la  premiere  ct  de  la  seconde  phalange. 

11  attribue  cette  mutilation  a  un  accident,  a  Taction  d'une 
roue  de  voiture  mise  en  mouvement  par  lui  en  jouant  avec 
deux  individus  qu'il  declare  ne  pas  connaitre. 

D'aprc's  ce  militaire,  le  doigt  se  serait  trouve  saisi  entre 
I'anglo  d'une  rnaison  et  cette  meme  roue  tournant  avec 
lapidite. 

Les  caracleres  qu'offrenl  la  section  eveillent  de  suite  I'at- 
tention  du  prevot  de  chirurgie  et  laissent  supposer  que  cette 
mutilation  est  volontaire. 

«  La  partie  d^tachfie  m'est  remise  a  I'effet  d'examiner  une 
»  petite  parcelle  brillante,  d'eclat  metallique  ou  micace. 
»  Cette  partie  devant  6tre  conservee  comme  piece  a  convic- 
»  lion  el  la  description  devant  en  etre  faite  par  les  chirur- 
»  giens  appelos  a  donner  les  premiers  soins  a  M.,  je  me 
»  bornerai  a  etablir  qu'il  exisle  vers  la  partie  de  I'os  misi 
»  nu  une  petite  parcelle  visible  a  I'ceil,  brillante,  d'un  aspect 
»  qui  rappelle  racial  de  I'acier  ou  du  mica. 

»  La  determination  de  la  nature  chimique  de  cette 
»  pircelle  brillante  ne  me  semblant  pas  avoir  pour  but 
»  unique  de  constater  si  elle  est  const itue'e  par  du  fer, 
»  dans  le  cas  special  dont  il  s'agit,  jc  me  pose  cette 
»  question. 

»  Si  cette  particule  est  du  fer  d  Vetat  metallique,  est- 
»  elle  constitue'e  par  du  fer  doux  tel  que  celui  qui  sert  a 


PAUCELLE    MICHOSCOPIQUE    d'aCIER.  277 

»  ferrer  les  roues  de  voitU7'es  ou  bien  est-elle  forme'e 
»  d'acier  et  alors  pouvant  provenir  de  I'e'bre'chage  d'un 
»  instrument,  tranchant  ? 

»  Pour  resoudre  celte  grave  question,  je  proc6de  aux 
»  cssais  qui  vont  suivre  et  qui  ont  donne  lieu  a  un  rapport 
»  dontje  vous  prcsente  ici  la  substance. 

»  Apres  avoir  avec  la  pointe  d'un  cure-dent  d6tach6  la 
»  petite  parcelle  angulcuse  entree  en  partie  dans  le  tissu  dc 
»  I'os,  j'approche  un  aimant  ai'titiciel  pour  la  saisir,  a  I'ins- 
»  tant  elle  se  precipite  sur  cet  instrument,  ce  qui  me  fait 
»  deja  pressentir  sa  nature  que  I'examen  chimique  devra 
»  venir  conflrmer  plus  tard. 

»  Toutdevait  fairepenser  que  c'etait  du  fer  metallique  et 
»  rien  ne  peut  faire  supposer  que  ce  puisse  elre  du  cobalt 
»  ou  du  nickel. 

»  Pour  le  savoir  positivemenl  et  determiner  meme  si  cette 
»  parcelle  est  de  fer  doux  ou  bien  d'acier  trempe,  j'ai  tente, 
»  malgre  la  pctitesse  extreme  (1/20  de  milligramme  au  plus) 
»  de  mctlrc  a  profit  lapropriete  coercitive  de  I'acier  pour  le 
»  fluidc  niagnetique,  et  I'experience  directe,  faitc  avec  toutes 
»  les  precautions  qu'exige  unc  pareille  masse,  m'a  demon- 
»  ire  avec  neltctiJ  qu'apres  avoir  subi  le  contact  de  I'aimant, 
»  elle  avail  conserve  la  propriete  magn^lique  et  qu'elle  atti- 
»  rait  alors  la  limailie  de  fer. 

»  L'essai  compuratif  dc  la  limailie  de  for  doux  dontje  me 
»  suis  servi  est  venu  confirmer  par  ses  propriett's  negatives 
»  une  action  contraire;  cette  petite  parcelle,  que  j'ai  conser- 
»  v6e,  conimc  piece  a  conviction,  se  presenle  sous  la  forme 
»  d'une  petite  plaque,  d'epaisseur  inegale,  comme  cunei- 
»  forme,  tics  mince,  tr(>s  brillante,  quand  onl'a  bienessuvee 
»  et  ajant  peut-etre  quclquo  chose  d'analogucii  une  dent  da 
»  scie  Ires  tine. 


278  CONSTATATIOX    DE    L\   NATURE    d'u.NE 

»  Examinee  a  la  loupe  et  au  microscope,  sa  cassure  est 
»  greniie  comma  celle  de  racier,  landis  que  la  limaille  de 
y>  fer  doux  soumise  aux  memes  instruments  ofTre  una  sorte 
»  de  transparence  a  travers  laquelle  on  distingue  I'aspect 
»  libreux  et  tordu  d'une  corde  a  boyau  ou  d'une  petite 
»  masse  de  chlorure  ammonique  gris. 

»  Ces  proprie'tes  physlqxics  me  pcrmettent  de  penser 
»  qvc  cette  porcelle  est  de  I'acier  et  non  du  fer  doux 
»  corroyc  par  le  martelage  et  le  laminaxje. 

»  Ne  voulant  pas  detruire  cettc  piece  de  conviction  pour 
»  en  demontrer  la  nature  chimiqua,  je  recherche  avec  soin  k 
»  I'aide  de  la  loupe  s'il  ne  scrait  pas  encore  rest^  quel- 
»  qu'alome  de  ca  metal,  et  je  decouvre  enfin  un  petit  point 
»  noir,  moins  brillanl,  qua  je  detache  et  enlove  avec  una 
»  aiguille  aimant<Je. 

»  Soumise  a  I'examen  chimique,  cette  seconde  particule 
y>  microscopique,  d'un  poids  et  d'un  volume  inappreciable 
»  (au  plus  de  4/100  de  milligramme),  est  traitce  dans  una 
»  capsule  de  porcclaine  neuve  par  deux  gouttcs  d'acida 
»  ciilorhydriqua  pur.  Get  acide  concentre  la  noircitdc  suite* 
»  Tatlaque  ensuita,  lui  fait  perdre  son  brillant  metalliquc, 
»  comme  il  le  fail  avec  I'aciar,  tandis  qua  la  fer  doux,  essaye 
»  comparativement,  conserve  son  eclat  ordinaire  et  est  aussi 
»  plus  vivement  altaque. 

»  L'addition  d'une  goutte  d'acide  azotique  rend  Taction 
»  vive  et  le  liquide  evapore  avec  precaution  prend  une  belle 
»  couleur  jaune  d'or  qui  laisse  une  tcinle  scmblable  sur  la 
»  surface  do  la  capsule;  repris  par  I'eau  dislillee,  ce  rcsidu 
»  du  traitemcnt  estsoumis  aux  reactifs  appropries  etdonne 
»  ios  rcsultats  suivants  : 

»  Cijano  fcrrurc  do  potassium.  —  Procipilc  bleu  franc, 
>  bion  not. 


PARCELLE    MICROSCOPIQUE    d'aCIER.  279 

»  Acide  taunique.  —  Pr5cipit6  bleu  franc,  bien  net. 

»  Sulfocijamire  potassique.  —  Couleur  rouge  sang, 
»  bien  nelte. 

»  Ammoniaque  liquide.  — Precipit^  jaunatre,  sans  que 
»  la  liqueur  qui  surnage  prenne  de  teinte  bleue. 

»  Conclusion.  —  D'apr^s  les  doubles  caract^res  physi- 
»  ques  et  ciiimiques  qui  precedent,  je  dois  conclure  : 

»  1°  Que  les  deux  petiies  parcelles  me'talliqnes  sont  de 
»  meme  nature,  de  meme  provenance. 

»  2°  Qu'elles  sont  constituees  par  de  lacier  trempe  et 
»  nan  par  du  fer  doux. 

»  3°  Qu'en  consequence  it  n'est  nullement  probable 
»  qu'elles  puissent  provenir  d'eclat  de  fer  doux  ayant 
»  servi  au  ferrement  d\me  roue  de  voiture. 

»  4"  Qti'il  y  a  lieu  de  supposer  qu'elles  doivent  pro- 
»  venir  d'un  instrument  tranchant  en  acier  trempe'.  » 


EXTRAIT 

D'UiV  RAPPORT  MfiDICO-LEGAL 

SUR    UN    CAS 

D'INFANTICIDE  PAR  COMBUSTION  DANS  UN  FOUR 

d'un  enfant  nouveau-ne. 


PAR 

M.  BESIVOir, 

Pliarmacicn  en  chef  de  la  Marine, 
Bembre  dc  plusieurs  Soci^t^s  savantcs. 


La  conslatation  dc  rcxistence  dii  sang  sur  les  vetcmcnts 
d'un  assassin  et  de  sa  victimc,  conslitue  I'un  dcs  problemes 
les  plus  delicals  de  la  cliiniie  judiciaii'e.  Le  criminel,  en 
effet,  a  inlcret  a  apportcr  la  plus  grande  promptitude  a 
aneantir  un  Element  souvent  fort  utile,  s'il  n'est  parfois 
e&sentiel,  de  I'accusalion  qui  pese  sur  lui.  II  so  hate  de  laver 
ses  vetcmcnts,  afin  dc  fairc  disparaitrc  les  indices  dc  son 
crime. 


suR  v?i  CAS  d'infaxticide  pau  gomuustio.n       28f 

Tel  est  Ic  point  de  depart  d'unc  note  fort  interossanle, 
presentee  par  M.  Morin,  professeur  de  I'ecole  de  niedccine 
de  Rouen,  a  I'academie  de  cctte  ville. 

Une  affaire  niMico-legale,  un  infanticide  par  suite  de  la 
combustion  d'un  enfant  nouveau-ne  dans  un  four,  ni'a 
fourni  I'occasion  de  remarquer  qu'il  n'est  pas  toujours 
impossible,  non  apros  le  lavage,  mais  plus  encore  apres  la 
carbonisation  d'un  lissu  de  fibre  ligneuse,  de  fournir  a  la 
justice,  sinon  une  preuve  irrefragable,  du  moins  des  indices 
accusateurs  d'un  meurtre,  alors  que  Ton  aurait  a  operer  sur 
un  tissu  d'essence  ligneuse,  s'il  etait  impregnc^  de  sang  ou 
de  matieres  albuminoides  riches  en  sang.  Pour  mieux  faire 
comprendre  le  mode  operatoire,  apprecier  les  difficullcs  qui 
peuvent  surgir,  je  crois  convenable  de  donner  litteralement 
le  cas  dans  lequel  je  me  suis  trouve  et  dont  j'ai  pu  sortir 
avec  bonheur,  puisque  les  dtibats  et  I'aveu  de  I'inculpc^e  ont 
apporte  la  confirmation  absolue  de  I'induction  que  j'avais 
tiree. 

Mais  com  me  cette  affaire  est  locale,  qu'elle  est  peut-etre 
unique  en  son  genre,  jevous  demandc  la  permission  de  vous 
donner  I'extrait  detaille  des  phases  de  ce  drame. 

II  s'agissait  d'examiner  :  1°  deux  charbons  qui  ont  paru 
formes,  fun  de  matieres  animates  et  vi^getales,  I'autre,  de 
matiere  puremcnt  animale;  2°  les  debris  d'un  tissu  brule; 
3°  de  pelits  fragments  d'os  calcine  a  blanc,  et  de  rechercher 
quel  6tait  le  V(5ritable  caract6re  de  toutes  ces  matieres  saisics 
dans  I'affaire  do  la  fillc  N...,  accusee  d'avoir  donn6  la  mort 
a  son  enfant  ct  d'cn  avoir  briile  le  cadavre  dans  le  four  de 
SOS  rnaitrcs. 

J'entre  en  matiere. 


282  llAl'I'OFtT    MEDICO-LEGAL    SUR    UN    CAS 

EXA1MEN  DU   PAQLET  i\°  1. 

Ce  paquet  conlient  moins  d'un  gramme  d'une  substance 
grisc,  moilie  en  poudre,  moili(5  encore  masse  caverneuse, 
fortlog^re,  qui  ne  peutprovenirde  la  combustion  imparfaile 
d'un  morceau  de  bois  :  au  contraire,  son  aspect  laisse 
supposer  qu'elle  pent  etre  le  r(5sultat  de  la  combustion  d'une 
substance  qui  a  eprouv6  la  fusion  avant  de  se  carboniser, 
puis  s'est  tumefioe,  com  me  le  ferait  une  subtance  animate; 
elle  est  actuellement  inodore,  Insipide;  la  portion  caver- 
neuse est  tres  friable.  La  partie  pulverente  est  un  peu  plus 
grise ;  elle  parait  en  partie  de  meme  provenance,  et  elle 
laisse  voir  a  I'ceil  nu  dcs  parcelles  blanchatres,  comme 
organiques,  ayant  de  I'analogie  avec  des  debris  d'os  calcines 
et  ne  ressemblant  guere  aux  residus  que  peuvent  donner  les 
fibres  ligneuses  semi-incinerees. 

La  loupe  et  le  microscope  y  laissent  apercevoir  des  parcelles 
allongees,  caverneuses,  analogues  b.  des  debris  d'os  calcines 
en  poudre  grossiere. 

Pour  m'assurer  de  la  nature  chimique  de  la  cendre,  il  est 
precede  aux  experiences  qui  vont  suivre. 

DETERMLNATION  DE  LA  NATURE  DES  SELS  SOLUBLES. 

Action  de  I'eau  dlstillee.  —  L'ebullition  prolongee  avec 
I'eau  distillce  pure  donne,  apres  filtration,  un  liquide  com- 
pletement  limpide  et  incolore,  comme  le  dissolvant  employe. 
II  est  extremement  alcalin  aux  papiers  reactifs,  eu  egard  a 
la  quantitc  minime  (Os'-.l)  sur  laquelle  j'ai  pu  operer. 
Soumise  aux  reactifs  appropries,  ce  liquide  donne  les  rcsul- 
tats  qui  suivent. 

Papier  jaune  dc  curcuma.  —  Rougit  fortcmcnt 


D  L\I  ANTICIUE    PAR    COMBLSTION.  28;i 

Courant  d'acide  carbonique.  —  Pas  de  prt^cipite  do 
carbonate  calcique. 

Acide  percliloriquc  cl  alcool. — Preci  pi  to  grenu,  no- 
table. 

Oxalate  d'ammoniaquc  —  Rien  de  sensible. 

Azotate  d'argent.  —  Precipile  blanc,  insoluble  dans 
I'acide  azotique,  soluble  dans  Tammoniaque. 

Azotate  de  baryte.  —  Rien. 

Ammoniaque.  — Precipite  blanc,  linger,  en  flocons,  ana- 
logue a  un  sel  de  magnesie. 

Eau  de  chaux.  — Trouble  notable. 

Deduction.  —  De  la  limpidile  de  la  liqueur,  de  son 
alcalinile  prononcce,  il  resulte  : 

\°  Que  la  decomposition  organiquea  ete  complete; 

2"  Qu'il  ne  reste  que  la  partie  minerale  melee  d'un  peu 
de  charbon ; 

3°  Que  les  reactions  qui  precedent  denotent  la  presence 
dcs  sels  habitucls  des  cendres  de  vegetaux; 

^°  Que  I'alcalinite  prononc(5e  de  la  liqueur,  la  notable 
proportion  de  potasse  d^celee  par  I'acide  perchlorique,  la 
precipitation  par  I'eau  de  chaux,  feraient  croire  a  la  presence 
d'une  proportion  notable  de  carbonate  de  potasse; 

50  Que  ce  dernier  element  laisserait  supposer  par  la 
reaction  alcaline  prononcte  qu'il  produit  avec  le  papier 
jaune  de  curcuma,  qu'il  y  a  en  combustion  d'une  substance 
riche  en  potasse,  tel  que  du  genet  a  balais  ou  de  I'ajonc  que 
Ton  emploie  le  plus  ordinairement  pour  cbaulTor  les  fours 
dans  les  campagnes. 

liXAMEN  DE   LA   I'ARTIE  LNSOLUIiLE. 

Incineration  incomplete,  Icnte  comme  unc  substance 


284  RAPPOKT   MEDICO-LEGAL    SUR    UN   CAS 

azote'e  fortement  etphosphale'e.  —  Environ  un  decigramme 
de  cette  cendre  est  placee  sur  unc  plaque  de  platine  lamine 
recourbce  en  capsule  plate  pour  completer  I'incineration  ct 
determiner  la  nature  du  charbon  et  en  deduire  I'origine. 

La  plaque  etant  port6e  au  rouge,  aa  lieu  de  scintiller 
comme  Ic  fait  lo  charbon  de  bois,  de  se  consumer  avec 
rai)idite  cl  de  laisser  pour  residu  une  cendre  fine,  tres 
divisee,  ce  produit  change  peu  d'aspect,  s'incinere  avec  la 
plus  extreme  Icnteur  el  rneme  raclion  est  encore  incomplete 
apres  une  heurc  de  chauffe  au  rouge  vif.  II  laisse  unc 
cendre  grenue,  anguleuse,  comme  le  produit  employi^. 

Pareil  essai  est  fait  concurremment  avec  du  charbon  do 
bois  en  fragments  bien  plus  volumineux.  L'incineration 
marche  avec  la  plus  grandc  promptitude;  elle  se  termine  en 
quelques  minutes  en  brulant  avec  de  vivos  scintillations. 
La  cendre  n'a  rien  de  grenu,  elle  est  homogene,  blanc- 
grisatre,  tres  tenue,  ires  legere. 

Le  produit  saisi  qui  constitue  le  paquet  n°  1  dans  celtc 
experience  presenle,  au  contraire,  toutes  les  phases  d'inci- 
neration  d'une  substance  organique  fortement  azotee,  egale- 
ment  riche  en  phosphate,  qui,  par  la  demi-fusion  qu'il 
eprouve,  forme,  a  bien  dire,  vernis  a  la  surface  des  molecules 
charbonneuses,  les  preserve  ainsi  de  Taction  oxydante  de 
I'air  et  cnraie  la  marche  de  rincimiralion. 

Cette  nianiiire  de  se  conduirc  de  cette  sorte  de  cendre  me 
donne  lieu  dc  rechercher  de  suite  les  elements  essentiels  des 
OS  et  des  matieres  albumino'ides  qui  les  accompagnent  dans 
I'organisme. 

D'apres  I'litatde  decomposition  complc'tc  de  I't^lement  orga- 
nique ainsi  que  me  I'a  prouve  la  limpidite  de  la  liqueur  de 
traitcmcnt  par  I'cau  distillee,  il  ne  me  rcste  qu'a  rechercher 
la  presence  de  I'azotc  dans  le  charbon,  clement  qui  ne  so 


d'i  infanticide    par   COMBlSriON.  'iH'i 

h'oiive  pas  dans  le  charbon  dc  bois,  ainsi  que  do  constater 
la  presence  d'un  pbosphale  qui  existe  en  giando  abondance 
dans  les  tissus  animaux.  ct  qui  est  au  contraire  peu  abondant 
dans  le  r^gne  vegetal. 

Recherche  de  I'azote.  —  Pour  cela,  je  dispose  dans  un 
tube  ferme  d'un  boul,  par  coucbcs  successives,  un  petit 
fragment  dc  potassium  et  une  partie  de  cendrcs  dont  j'em- 
ploie  environ  cinq  centigrammes  Je  soumels  ce  melange 
ainsi  stratifn^  a  la  lampe  a  alcool  jusqu'a  ce  qu'il  ait  atteint 
le  rouge  obscur.  Je  laisse  refroidir. 

Apres  avoir  brise  le  tube,  j'ajoute  un  peu  d'eau  distillce 
pour  op(irer  la  dissolution  du  sel  soluble.  A  I'instant  je  suis 
frappp6  de  I'odcur  alliacee  qui  se  degage  et  qui  est  due  a  la 
decomposition  d'un  pliosphure  alcalin  forme  qui  se  dissocie 
en  hydrogene  phosphor^  qui  s'ecbappe. 

Aucune  lueur  phosphorique  ne  se  manifeste.  Je  neglige  a 
dessein  de  la  provoquer  en  acidulant  la  liqueur  et  cela  a 
cause  du  but  que  je  me  proposals  dans  cet  essai  de  constater 
la  presence  de  I'azote  en  formant  ainsi  un  cyanure  potassique 
simple  que  pourrait  decomposer  I'acide. 

La  solution  est  jetee  sur  un  petit  filtre,  ct  la  liqueur 
limpide  et  transparente,  sans  couleur  aucune,  qui  en  resulte, 
estadditionnee  d'une  goutte  de  persulfate  de  fer,  lequel,  en 
raison  de  I'exces  de  potasse  form(5,  precipite  I'oxyde  de  fer 
sous  la  forme  d'un  depot  ocrace  que  I'instillation  dequelques 
gouttes  d'acide  cblorbydrique  dissout.  La  liqueur  reprend 
alors  sa  transparence,  mais  bientot  elle  passe  au  vert,  puis 
au  bleu-verdatre.  Par  la  concentration  sur  une  plaque  de 
porcelaine,  il  se  forme  une  zone  jaunatre  avec  rexcOs  de 
persulfate,  puis  au  centre  une  seric  de  zones  d'un  bleu  franc 
ct  vif. 

Un  second  essai  identique  est  fait  sur  environ  un  deci- 


286  RAPPORT    MEDIC0-LE6AL    StR    UN   GAS 

gramme.  La  liqueur  qui  en  resuUe  est  reunie  au  residu  dc 
la  premiere  operation  dans  un  tube  ferm6  portant  le  n°  4 
et  dcstinee  a  servir  de  piece  de  conviction. 

Du  charbon  de  bois  divisfi,  traite  de  la  meme  maniere  et 
avec  les  memes  precautions,  ne  donne  lieu  a  aucune  des 
manifestations  ci-dessus  relatdes.  Point  d'odeur  phosphoree, 
point  de  couleur  bleue,  point  de  depot.  La  liqueur  roste 
legerement  jaunatre  comme  la  colore  le  persulfate  ajoute. 

Recherche  d'un  phosphate.  — La  manifestation  de  I'odeur 
alliacee  ou  phosphoree  me  conduit  tout  directement  a  y 
demontrer  la  presence  d'un  phosphate. 

Pour  cela,  je  prends  le  residu  de  mon  incineration  pre- 
miere; je  le  traite  par  un  leger  exces  d'acide  azotique  pur. 
Je  le  fais  bouillir  quelques  minutes,  j'6tends  d'eau  distillee, 
je  filtre  et  6vapore  presqu'd  siccite  pour  chasser  I'excSs 
d'acide,  mais  laisser  I'acide  phosphorique  a  I'etat  trihydrique, 
Je  reprends  par  I'eau  distillee;  le  liquide  qui  en  provient 
est  parfaitement  limpide  et  transparent.  J'ajoute  quelques 
gouttes  d'azotate  d'argent  ammoniacal,  qui  y  determine  de 
suite  un  precipite  jaune  pale  abondant;  j'ajoute  deux  a  Irois 
gouttes  d'acide  acetique  pur,  pour  dissoudre  le  phosphate 
dechaux  ou  ammoniaco-magnfeien  qui  pourraits'y  trouvcr. 
Par  la  dissolution,  qui  en  est  operee,  la  belle  teinte  jaune  du 
phosphate  d'argent  apparait.  L'addition  d'un  exces  d'acide 
azotique  en  operant  alors  la  dissolution  de  ce  sel,  vient 
preter  un  nouveau  concours  a  la  constalalion  dont  11  s'agit. 

Phosphate  d'argent  jaune.  —  Ce  dep6t  n'est  point  con- 
serve comme  pi^ce  de  conviction,  parce  que,  comme  la  plu- 
part  des  sels  d'argent  insolubles,  il  perd  sa  couleur  jaune 
a  la  lumiere  qui  le  rend  olivatre. 

Phosphate  de  plomb.  —  Globule  a  facettes.  —  Enfin 
line  autre  petite  portion  de  cclle  cendre  est  traitce  par  I'acide 


D'lNFANTlClDE    PAH    COMBUSTION.  287 

acetif|ue  pour  dissoudre  le  pliosplialc  de  cliaux  et  de  inagno- 
sie;  la  liqueur  acide  elendue  d'eau  dislillcc  est  Irailcc  par 
I'acetale  de  plomb  qui  y  determine  un  precipite  blanc  fort 
abondant.  Jete  sur  un  filtre,  puis  lave,  le  idL'pdt  soumis  au 
chalumcau  donne  lieu  a  la  formation  du  globule  blanc,  fusi- 
ble, cristallise  a  facettes,  qui  caractcrise  le  pliosphate  de 
plomb. 

De  ces  diverses  experiences  chimiques  resulte  : 

i"  Que  I'incineration  de  cette  matiere  charbonnee,  au 
lieu  de  marcher  avec  la  promptitude  qu'ofTre  le  charbon 
vegetal  provenant  du  bois,  est  au  conlraire  lente  et  mfime 
incomplete  au  bout  d'une  heure;  que  cette  action  semblc 
attester  de  la  presence  d'un  charbon  azote,  pou\ant  provenir 
de  matieres  animales; 

2°  Que  Taction  du  potassium  vient  confirmer  avec  la  plus 
grande  neltete  I'opinion  qui  precede  et  de  plus,  elle  fournit 
la  certitude  qu'il  y  existe  un  charbon  azote,  que  ne  donne 
pas  la  combustion  du  bois  des  landes,  des  fougeres,  etc.  qui 
pourraient  avoir  servi  a  chauffer  un  four; 

3**  Qu'il  est  probable  que  cette  espece  de  cendre  ou  de 
matiere  demi  incin^ree  a  du  provenir,  en  grande  partie,  de 
la  presence  simultanee  d'un  element  organique  animal; 

i°  Que  la  manifestation  de  I'odeur  de  gaz  phosphor^  qui 
s'est  produite  vient  corroborer  cette  maniere  de  voir ; 

5"  Que  les  moyens  chimiques  les  plus  caracteristiqiies  des 
phosphates  en  attestent  la  presence  a  des  doses  anormalcs, 
comparalivement  ix  celles  que  donneraicnt  des  cendres  des 
bois  de  chauffage  ordinaii'cs; 

6"  Que  cette  reunion  de  caractercs  donne  lieu  de  penser 
que  la  petite  masse  charbonncuse  et  pulvciulenle  a  ete  en 
partie  formee  par  la  combustion  simultanee  de  hbrcs  ligneu- 
ses  et  de  matieres  animales  riches  en  phosphore; 


288  HAl'I'OUT    MEDICO-LEGAL    SLH    V^    CAS 

1°  Qu'en  tenant  compte  de  I'observalion  microscopique 
qui  est  apportee  an  debut,  en  outre  do  la  matiere  aniinale 
qui  a  dii  eprouver  la  fusion  par  suite  de  sa  decoinposilion 
au  feu,  il  y  existe  des  parceiles  blanches,  caverneuses  qui 
ressemblent  a  des  portions  d'os  completement  calcines. 

NoTA.  L'aspectde  ce  charbon  et  les  essais  qui  precedent 
peuvent  laisser  supposer  qu'il  provcnait  de  la  combustion 
dela  tete  de  I'enfant;  mais  bien  que  les  Elements  pbosphores 
y  soient  abondants,  il  n'etait  pas  possible,  en  raison  de  I'al- 
calinite  de  cette  cendre  d'oser  avancer,  meme  avec  doute, 
une  telle  provenance. 

PAQUET   N°   2. 

L'ouverture  du  paquet  nous  laisse  voir  une  sorte  de  cendre 
blanc-grisatre,  melee  de  portions  encore  adlierentes,  noires, 
charbonneuses ,  reticulees ,  a  raailles  regulieres,  carrees, 
qui  laissent  voir  bien  nettement  qu'elles  proviennent  d'un 
tissu  organique  assez  fin. 

Eau  distiUee.  —  Rien  de  special.  —  Cette  cendre  est 
legerement  alcaline,  se  dissout  en  notable  proportion  dans 
Teau  distillee  et  cette  solution  essayce  aux  reactifs  appro- 
pries  n'a  donne  lieu  a  aucune  remarque  speciale.  L'on  y 
reconnail  la  presence  des  sels  alcalins,  carbonates,  hydro- 
chlorates,  sulfates  de  polasse,  de  sonde,  de  chaux,  etc. 

Acide  azotique.  —  Pas  de  phosphate  nettement 
demontre.  —  Traitee  par  Tacide  azotique  pur  en  leger 
exces,  elle  donne  une  efferversence  considerable;  reprise 
par  I'eau  distillee  la  solution  concentree  avec  precaution, 
puis  traitee  par  le  nitrate  d'argent  ammoniacal,  il  ne  se  ma- 
nifeste  aucune  nuance  jaunc,  qui  puisse  fairc  supposer  la 
pr(;sence  d'un  phosphate. 


I 


d'infamicide  pah  comijlstion.  289 

Toutefois  raffusion  Ae  rammoniaque  liquiJey  dt^tcrinine 
iin  nuage  blanc,  d'une  malierefort  It^g^re  qni,  vue  an  micros- 
cope, simule  un  depfltde  phosphate  ammoniaco-mapn('sien, 
niais  ce  seul  caractere  ne  nous  permet  pas  d'avoir  une  con- 
viction assez  nette  pour  affirmcr  d'une  maniere  absoiuo  que 
c'est  un  phosphate,  et  la  quantity  est  telicment  petite  quc> 
malgre  la  sensibility  des  autres  reactifs  habituels  dcs  phos- 
phates, il  n'y  a  pas  a  songer  a  y  avoir  recours,  surtout 
oblige  que  nous  serlons  de  fractionner  la  liqueur  di'ja  en 
quantite  bien  minime. 

Action  dupatassium.  —  Azote  parfaitement  caracte- 
rise.  -^  Une  petite  portion  est  soumise  a  Taction  du  potas- 
sium comme  lo  paquet  n"  1  ;  elic  donnc  lieu  dans  les  cir- 
conslances  convcnables  a  un  depot  fort  notable  de  bleu  do 
Prussc,  lorsqu'on  y  instille  quelques  gouttes  d'un  sel  fer- 
rique. 

De  lacendre  de  lissu  organique  traitee  de  la  memo  maniere 
ne  nous  fournit,  au  contraire,  aucune  reaction  analogue, 
qui,  comme  nous  I'avons  dit,  caracterise  les  substances  orga- 
iiiquesquaternaires  plus  speciales  au  regne  animal. 

La  presence  do  I'azotc  etant  done  bien  constatee  comme  il 
vient  d'etre  rapporte,  il  reste  done  a  savoir  si  ce  lissu  provienl 
d'une  substance  animale,  de  laine,  par  exemple,  ou  bien  si 
ce  lissu  etant  en  lin,  chanvre  ou  colon,  il  so  scrail  trouve 
tache  ou  impregncde  matii-res  albiiminoulcs  aniiuales  lellcs 
que  do  Talbuminc,  de  la  fihriue,  du  sang,  etc. 

Tout  difficile  qu'il  soil  de  r^soudre  ce  probleme  qu'aucune 
demonstration  direcle  ne  pent  eclairer,  voyons  si  I'induction 
ne  pout,  au  conlraire,  par  exclusion,  nous  pcrmeltre  d'arri- 
\cr  au  moinsa  dcs  probabilites. 

Est-ce  un  tissu  de  laine  on  de  fibres  litjneuses?—' 
L'induction  conduit  a  rejeter  la  presence  dc  la  laine.  — 

*  19 


290  MAPPORT    MKDICO-LEGAL    SLR    L'N   CAS 

Nous  rappelant  que  les  parties  charbonneuses  noires,  adhe- 
rentes  encore,  laissent  parfaitemenl  distinguer  les  maillesdu 
tissu,  Ton  est  de  suite  port6  a  exclure  la  possibilite  de  I'exis- 
tence  d'un  tissude  nature aniinale,  laine,  poils,  etc.  En  effet, 
un  tel  tissu  en  brulant,  se  ful  tourment^,  recroquevill(^,  filt 
resl6  sans  souplesse,  se  fut  enormement  boursouffle,  eut 
mfime  ^prou\6  la  fusion  ,  fut  devenu  caverneux ,  comme  la 
petite  masse  entiere  du  paquet  n°  1 .  II  n'aurait  jamais  pu 
conserver  la  nettete  des  mailles  que  Ton  distingue  encore 
parfaitement.  L'aspect  du  charbon  serait  aussi  tout  different 
et  il  ne  serait  pas  noir  mat  comme  celui-ci. 

Ce  tissu  a-t-il  pu  ^Ire  mi-partie  laine,  nii-partie  fibres 
ligneuses?  Les  observations  qui  pr^c6dent  d(5ja  conduisent  a 
la  negation.  En  effet,  on  ne  file  pas,  gen^ralement,  ensemble 
les  fibres  v(^getales  et  animales.  Dans  les  tissus  mi-l'un,  mi- 
I'autre,  lachaine  et  la  trame  sont  de  deux  mati^res  diff6- 
renles,  de  sorte  qu'alors  la  fibre  animale  en  se  tordant,  en 
se  decomposanl,  ne  pouvait  laisser  voir  nettement  lefii  dont 
elle  faisait  la  base.  L'on  ne  verrait  tout  au  plus  que  ie  fil  du 
ligneux  en  suposant  encore  (ce  qui  me  semble  inadmissible) 
que  I'influence  de  la  decomposition  animale  n'eut  pas  fait 
un  tout,  une  masse  dans  laquelle  les  Elements  organiques 
des  deux  r^gnes  se  seraient  confondus. 

Incineration.  —  L'absence  complete  d'une  substance 
textile  animale  etantadmise,  nous  continuons  nos  recherches 
k  I'effetd'L'lucider  la  seconde  phase  de  la  question,  el  arriver 
a  d^montrer  si  ce  tissu  ^tant  de  fil  vi^getal  a  du  6tre 
impregne  de  quelques  substances  azot^es ,  devant  expliquer 
la  presence  de  Tazote  a  dose  61evce  que  nous  a  fourni  la 
reaction  au  potassium. 

Pourcela,  nous  procedonsa  I'incineration  complete  d'une 
portion   de  la  mali&re  charbonneuse  noire,  et  d'apr^s  la 


d'infanticide  PAn  comblstion.  291 

tnarchc  de  roperalion,  nous  sommes  portcs  a  penser  que  cc 
tissu  n'a  pu  Otre  forme  de  laine  ou  produit  analogIl^^  inais 
qu'cn  jugeanl  par  la  Iciiteur  de  la  reaction,  ce  charbon  en 
fil  tenu  ne  saurait  6tre  de  fibre  vegetale  seiile  et  pure. 

L'essai  au  potassium  permcltrait  done  en  outre  de  penser 
que  ce  tissu  a  pu  et  du  6tre  impregne  de  quelques  niatieres 
albumino'idcs  du  regne  animal. 

Une  nouvelle  portion  de  ccndre  est  encore  Iraitee  par 
I'acide  azotique,  lessivce  a  I'eau  distillee,  evaporee  avec 
precaulion,  elle  donne  une  liqueur  d'un  beau  jaune  d'or 
dans  laquelle  I'alTusion  d'une  goutte  d'une  solution  tres 
etendue  de  sulfocyanure  alcalin  determine  une  belle  et  richc 
couleur  rouge  sang,  qui  est  tellcment  prononcee  que  Ton 
sedemande  si  ce  fer  provient  de  la  teinture  de  ce  tissu  en 
brun  ou  ennoir  (quoique  la  cendre  pure  soit  assez  blanche) 
plutot  que  d'oser  I'attribuer  au  fer  normalement  exislant 
dans  le  sang. 

C'est  ce  que  rinstruction  pourra  eclairer  en  s'assurant 
dansl'interrogatoire  si  ce  tissu  elait  en  laine,  et  dans  le  cas 
de  la  negative,  si  le  tissu  vegetal  titait  ou  non  teint  soit  en 
bleu,  soit  en  noir  ou  brun,  ou  en  couleurs  mfilees. 

Pour  nous  assurer  si  ce  tissu  n'auraitpas  6te  teint  en  bleu 
au  moyen  du  bleu  de  Prusse  (ce  qui  n'est  gucre  probable) 
nous  tentons  Ics  essais  suivants : 

Si  ce  tissu  a  pu  rtre  teint  au  bleu  de  Prusse,  il  cut  peut- 
t'tre  pu  so  faire  que  Taction  desalcalis  existanl  normalement 
dans  les  fibres  ligneuses,  ou  provenant  de  la  teinture  ou 
encore  du  lessivage,  eut  par  suite  de  leur  mise  en  liberie 
par  la  decomposition  ign^e,  reagir  posterieurement  sur  le 
bleu  de  Prusse  employe  comme  matiere  colorante,  alors  il 
sc  serait  forme  un  cyanurc  triple,  jaune  (cyanoferrure  alca- 
lin). Mais  I'addilion  d'un  pcu  de  solution  dc  persulfate  de 


293  RAPPORT    MEDICO-LEGAL    SLR    UN    CAS 

fcr,  en  restant  miielte,  vient  demontrer  que  cette  transfor- 
malion  ne  s'esl  pas  produile. 

Nous  avons  fait  de  nouveau  bouillir  una  autre  petite  por- 
tion de  cendre  avec  de  la  potasse  a  I'alcool  bien  pure,  dans 
le  cas  oil  contre  toute  espt?ce  de  probabilite,  le  cyanure 
ferrique  (bleu  de  Prusse)  n'eiit  pas  ete  decompose,  malgr6  la 
chalenr  61evee  qui  avait  du  etre  produite  par  la  combustion 
dans  le  four.  Quoique  ayant  pris  toutes  les  precautions 
qu'exigent  des  recherches  aussi  delicates,  nous  n'avons  rien 
constate  qui  nous  puisse  faire  croire  a  I'emploi  du  bleu  de 
Prusse  com  me  element  de  teinture. 

Enfin  TebuUition  de  cette  cendre  avec  I'alcool  absolu  a 
donn^  lieu  a  un  residu  parfaitement  blanc  qui,  par  le  sel 
ferrique,  est  encore  resle  absolument  muet;  d'oii  ces  Irois 
cssais  nous  forcent  a  rejeterl'id^ed'une  teinture  au  bleu  de 
Prusse. 

En  resumant  les  diverses  inductions  et  experiences  qui 
precedent,  noussommes  conduits  a  penser:  i°  que  le  paquct 
n°2  estconstitue  par  une  partic  de  cendre  grisc,  melee  a  des 
portions  noires,  charbonnees,  qui  annoncent  qu'un  tissu 
organique  lui  a  donne  naissance;  2°  que  ce  tissu  devait 
etre  en  fibre  ligneuse;  3°  que  le  potassium  prouve  avec  la 
plus  grande  evidence  qu'il  y  existe  de  I'azole  en  quantite 
Ires  notable,  qui  doit  provenir  d'une  substance  riche  en  cct 
element,  ayant  constitue  ou  impregn(!:  ce  tissu;  4"  qu'il  y 
existe  en  outre  du  fer  en  notable  proportion,  mais  non  a 
Te-tatde  compost  cyanure;  5°  que  s'il  clait  demonfre  que  le 
tissu  azotiferc  eut  et6  en  fibres  ligneuscs  ( lin  ,  chanvre  , 
coton),  la  presence  de  I'azote  en  aussi  notable  proportion 
ferait  penser  qu'il  a  dii  6tre  impregne  de  matieres  organi- 
ques  animates,  aibumine,  cbair  musculaire,  sang,  etc.;  6" 
que  dans  le  cas  oil  il  serail  prouv(5  que  ce  tissu  6tait  d'origine 


d'infamicide  par  combustion.  293 

vegtHale,  non  teint  en  bleu,  briin  ou  noir,  surtout  qu'il  fut 
blanc,  il  y  aurait  lieu  de  penscr  que  celle  matiere  albumi- 
noide  serait  du  sang  ou  riche  en  sang,  inais  que  cette 
derniere  induction  ne  saurait  etro  emise  qu'avec  la  plus 
grande  reserve. 

Paquet  n°  3.  —  Apres  avoir  rompu  les  scelles  et  ouvert 
renvcloppe  Ton  Irouve  une  pelile  bolte  tres  plate  en  carton 
gris,  carree,  donl  la  couverture  est  separee.  Elle  contient  des' 
fragments  d'os  profondenicnt  alteres  par  la  calcination  , 
blancs  a  I'extorieur  pour  la  plupart  et  laissant  encore  voir 
au  centre  du  charbcn  provenant  de  la  decomposition  de  la 
matiere  organique  qui  entre  dans  leur  constitution. 

Aucun  d'eux  n'estentier,  soit  qn'ils  aientele  recueillis  en 
cct  etat,  soit  que  pendant  Ic  transport,  ils  so  soient  brises  en 
se  heurtant  mutuoUement. 

Malgr6  leur  etat  de  division ,  j'ai  procL^d6  a  I'examen  de 
ces  portions  d'os  afin  de  voir  si  par  comparaison  ,  Ton  ne 
pourrait  arrivcra  dScouvrir  les  os  principaux  d'un  squelette 
d'enfant. 

Ayant  sous  les  yeux  un  squelette  d'un  enfant  de  9  niois, 
j'ai  cru  remarquer  suffisamrnent  d'anatogie  dans  les  formes 
encore  existantes,  dans  la  grosseur  proportionnelle  ou  pres- 
qu'egale  pour  tenter  d'en  faire  une  sorte  de  classemenl,  sur 
la  verification  duquel  il  est  de  mon  devoir  d'appeler  I'atlen- 
tion  de  la  justice  et  I'opinion  des  hoinmrs  plus  competenls. 

Pour  faciliter  cc  dernierlravail  j'ai  reciieilli  et  \?,oh\  ciiaqu'- 
6it5ment  y.  examiner  en  lui  donnant  un  n°d'ordroe;  v-^; 
que  suit  ledtHail  : 

N°  1.  Partie  inf^rieure  des  deux  femurs. 
N°  2.  Extremite  superieure  d'un  tibia. 
N°  3.  Parties  du  corps  des  deux  humerus. 
N"  4.  Partie  d'un  des  os  iliaques. 


294  RAPPORT   MEDICO-LEGAL    SUR    UN    CAS 

N"  5.  Portion  eie  I'orbite. 

N"  6.  Portion  suptrieure  d'un  humi5rus. 

N''  7.  Portions  de  c6les. 

N°  8.  Os  du  roclier  droit  et  gauche. 

N"  9.  Extrcmite  superieure  et  interne  du  tibia  gauche. 

N°  10.  Portion  d'os  du  crane. 

N°  II.  Extremit(53  inferieures  des  deux  tibias. 
Css  divers  (Aliments  de  conviction  ont  ensuite  t^l6  emballes 
isoliL'raent  avec  une  precaution  exli'Ome  puis  renfermes  dans 
une  boite  commune. 

L'etat  actuel  de  ces  divers  organes  ne  pouvant  laisser 
aucun  doule  sur  leur  essence,  leur  aspect  ne  pouvant  faire 
supposer  que  la  defense  puisse  contester  la  nature  chimique 
de  ces  debris  de  charpente  aniniale,  j'ai  pense  que  I'analyse 
chimique  ne  pouvant  pas  apporter  unebien  grande  lumiere 
sur  I'origine  de  ces  os  et  par  rapport  a  la  position  dans 
rechelle  animale  de  I'etredontils  const! tuaient  la  charpente, 
je  n'ai  pas  cm  devoir  y  procc^der  el  je  crois  de  moo  devoir 
d'en  deduire  les  motifs. 

L'analysc  des  os  d'adulte  et  d'enfant  a  ete  faite,  mais  non 
pas  du  tout  sous  le  point  de  vue  de  la  difference  dans  la 
proportion  des  substances  minerales  entre  elles,  notamment 
des  phosphates  et  carbonates  calcaires  et  magnesiens  qui  ea 
font  la  base  essentielle. 

Reess  n'a,  en  etTet,  etabli  que  la  proportionnalitt;  de  la 
matiere  organique  et  de  la  partie  mini^raleincrustante. 

Dans  le  cas  dont  il  s'agil  ici,  toule  la  partie  organique  a 
disparu.  Pour  deduire  deTexamen  chimique,  atlentif,  quel- 
quc  chose  de  concluant,  il  faudrait  analyser  concurremment 
les  os  d'un  squelelte  d'un  enfant  de  9  raois,  pour  comparer 
entre  eux  les  os  suppost^scorresponclantscttigalcmenl  privtJs 
do  U'ur  matiere  oi'gani(iue. 


1)  INFANTICIDE    PAR   COMBLSTIOX.  895 

Mais  ne  devienJrail-il  pas  fort  difficile  de  se  procurer  un 
quelette  semblable? 

Je  dois  faire  observer  que  si  I'idenlil^  de  composilion 
hiniique  fournissait  un  Element  de  plus  a  la  conviction,  la 
lissemblance  dans  les  resultats  ne  dcvrait  pas  faire  exclure 
I'une  maniere  absolue  la  similitude  d'origine,  car  ii  est 
certain  qu'il  pent  se  Irouver  dcs  anomalies,  des  variantes 
dans  la  composition  chimique  d'apres  I'etat  de  sant(5,  de 
constitution  de  I'enfant  et  de  la  mere ;  Ton  serait  done  con- 
duit a  juger  surtout  d'apres  le  mode  que  j'ai  employe  ci- 
dessus,  la  reconstitution  partielle  du  squelette. 

En  resumt^,  jc  dois  done  me  borner  a  6tablir  ici : 

1°  Que  Ic  paquet  n"  3  contient  des  fragments  d'os  dont  la 
matiere  organique  a  ete  enlevee  par  une  chaleur  tr6s  ^rte; 

2°  Que  certaines  parties  de  ccs  debris  de  I'organisme 
animal  me  semblent  presenter  de  I'analogie  de  forme,  de 
grosseur  avec  lesos  d'un  squelette  d'enfant  de  9  mois,  mais 
que  si  ma  sp6cialite  m'interdit  de  prononcer  et  d'affirmcr, 
ma  conscience  me  fait  un  devoir  d't^veiller  a  ce  sujet  Tatten- 
lion  de  la  justice  ; 

3°  Que  I'examen  chimique  n'apporterait  un  clement 
essentiel  de  conviction  que  s'il  (itait  fait  comparativement 
avec  des  os  d'un  enfant  nouveau-n(5 ; 

4°  Que  les  resultats  obtenus  dans  des  conditions  aussi 
absolues  pourraient  encore  donner  lieu  a  discussion  sur  Ics 
inductions  a  en  liror,  en  raison  des  variantes  qu'auraient 
peul-etre  pu  leur  faire  cprouvcr  les  divcrses  phases  de  la 
grossesse,  la  constitution  organique  de  la  m6re  et  par  suite 
de  I'enfant. 

Conclusions  ge'ne'rales. 
1"  Lc  paijuct  n°  I  est  une  matit-ro  churbonnee  el  dcmi 


29G  n.vpi'ORT  Slit  u.\  CAS  u'inkanticide. 

iriciiViiree  qui  no  saurait  etre  attribuee  ii  la  combustion 
impat'failc  d'uiio  substance  ligneuse,  consequemment  elle 
n'est  point  de  charbon  dobois. 

I.a  pai'tie  grise  n'est  point  non  plus  constituce  par  des 
cendi'es  de  bois  seulemcnt. 

L'examen  chimique  approfondi  y  demonlre  avec  ncttete 
la  presence  des  elements  plus  essentiellcment  constitulifs 
des  lissus  animaux,  phospbates  et  azote. 

Le  microscope  y  fait  apercevoir  des  debris  fins  qui  res- 
semblcnt  a  des  parccUcs  minimes  d'os  calcines. 

Tout  concourt  pour  faire  penser  que  cclte  raatiere  a  da 
en  grande  partic  etre  produite  par  la  decomposition  d'une 
uiatiore  organique  animate,  chair  et  partie  d'os. 

2°  L?paquetn°  2  contient  une  sorte  de  cendre  qui  ne 
saurait  provenir  de  la  combustion  seule  de  bois  divers;  mais 
les  parties  noires,  encore  adh(5renles  prouvent  netlemenl 
par  la  conservation  des  mailles  qu'elle  provienl  d'un  lissu 
d'essence  vegelale. 

Si  I'instruction  arrivait  a  prouver  que  ce  tissu  n'a  pas  etc 
teint,  ce  qui  a  toutes  les  probabilites  d'etre,  il  y  aurait  lieu 
d'affirmer  qu'il  etaitimpr^gne  de  matieres  organiques  forte- 
ment  azotees,  telles  que  les  substances  albuminoides  de 
I'organisme  animal,  peut-elre  meme  de  sang. 

Que  tout  concourt  a  prouver  que  ce  tissu  n'a  pu  etre  fait 
de  matieres  animales  textiles,  laines,  etc.  (1). 

3*^  Le  paquet  n°  3  me  semble  contenir  des  frogmenfs  d'os 
calcines  qui  ont  de  I'analogie  avec  ceux  d'un  enfant  nou- 
veau-ne. 

(1)  La  deposition  d'un  temoin  oculaire,  la  declaration  de  I'accusee 
ont  jiislifie  complelement  I'inductlon  de  la  presence  du  sang  sur 
un  linge  blanc. 


MEinOIRE 

SUR  UN  PROCEDE 

EMPLOYE  EN  ASGLETER8E 

Pour  la  coiisorvation  dcs  hois,  toiles  et  curdiigos. 


PAR 

ni.  A.  IIIA]V€li\, 

lag^nicur  de  la  marine, 
Associii  titulaire. 


Bien  dos  lecherclics  out  ct6  faites  jusqu'ici,  surtout  dans 
ces  dernieres  annees,  aliii  de  trouver  un  procede  qui  pre- 
servul  Ics  bois  de  la  proinpte  deterioration  a  laquelleils  sont 
sujets  dans  les  usages,  pour  ainsi  dire  univcrsels,  auxquels 
ils  sont  employes.  Parmi  les  nombreux  moyens  qui  ont  etc 
soumis  au  public,  trois  nierilent  d'etre  cites,  qui  scmblaient 
avoir  des  cbances  de  succes  :  -I"  le  procede  d'iuiniersiou 
dans  une  solution  de  sublime  corrosif,  invente,  je  crois, 


298  CONSERVATION 

par  un  M.  Kyan  en  Angleterre,  proct^de  couteux,  dangereux 

pour  les   hommes  charges  de  la  preparation  des  bois  et 

aussi,  assure-t-on,  pour  les  personnes  qui  vivraient  dans 

des  habitations  construites  avec  des  bois  ainsi  prepares; 

2°  le  procMii  d'injection  d'un  sel  conservateur  dans  les 

arbres  sur  pied,  au  moyen  de  la  force  naturelle  qui  fait 

circuler  la  seve,  precede  du  a  M.  Boucherie  et  qui  a  I'incon- 

v6nient  de  ne  pas  atteindre  le  coeur  des  arbres  de  fortes 

limensions;  3°  enfin,  un  precede  Au  a  M.  Payne,  en  An- 

•leterre,  et  qui  consiste  a  injecler  dans  les  bois  deux  sels 

lont  la  double  decomposition  donne  lieu  a  la  formation  d'un 

sulfate  de  chaux  insoluble,  qui  bouche  en  quelque  sorte 

hermetiquement   tons  les  pores  et  les  rend   inaccessibles  h 

rhumidite.  Ce  moyen  detruit  la  cohesion  des  fibres  et,  des 

que  la  pi6ce  prepart^e  est  soumise  a  un  effet  quelconque, 

I'adhi^rence  des  cristaux  de  sulfate  de  chaux  disparait  el  le 

bois  redevient,  comme  auparavant,  accessible  a  I'humidite. 

Le  proced6  dont  j'ai  a  rendre  compte,  et  qui  est  du  a  Sir 

William  Burnett,  directeur  general  du  service  de  sante  dans 

la  marine  anglaise,  a  ete  eprouv6  par  plusieurs  anntes 

I'experience  et,  s'il  ne  resout  pas  compltJlement  le  probleme, 

lu   moins  a-t-il  sur  tons  les  autres  des  avantages  positifs 

qui  le  rendenl  digne  d'etre  experiments  en  grand. 

Ce  precede  consiste  a  introduire  dans  les  bois,  au  moyen 
d'une  forte  pression,  une  dissolution  de  chlorure  de  zinc  et 
a  reniplacer  autant  que  possible  la  seve  par  cette  dissolu- 
tion. Les  pieces  de  bois  a  preparer  sent  placees  dans  un 
grand  cylindre  en  tole,  dans  lequel  on  commence  par  faire 
le  vide,  puis  on  introduil  la  dissolution  et  on  la  force  jus- 
qu'a  une  pression  de  10  a  12  atmospheres. 
Pour  les  toiles  et  cordarges,  une  simple  immersion  suffit. 
D'apres  des  temoignagcs  aulhentiqucs  et  des  experiences 


DES    BOIS.  299 

nombreuses  et  de  natures  lr6s-diverses,  dont  j'ai  He  h  nienie 
de  juger  les  resultats,  j'ai  du  acqucirir  la  conviction  que  le 
clilorure  de  zinc  jouit  reellement  do  la  propriete  de  pre- 
server de  toute  deterioration  des  substances  ligncuses  placd'cs 
dans  des  conditions  oil  les  mgines  substances  non  pre|)ar6es 
auraient  etc  rapidement  detruitcs.  Get  effct  preservateur  est 
nioins  sensible  sur  les  cordages  de  cbanvre  que  sur  los  bois 
et  sur  la  toile,  mais  il  existe  cependant. 

J'ai  vu  des  planches  minces  el  des  pieces  en  toile  a  voiles 
qui,  aprtis  avoir  subi  la  preparation,  avaient  etc  placees, 
pendant  plusieurs  niois,  sur  Ic  sol  d'une  cave  tres-humide, 
(1)  a  cote  d'autres  planches  de  memes  dimensions  tirees  des 
memes  madriers  et  d'autres  morceaux  de  toile  decoupes  dans 
la  meme  piece  qui  n'avaient  point  ete  prepares.  Les  premiers 
i'taient  parfaitement  sains,  les  seconds  offraient  des  traces 
evidentes  de  deterioration;  quelques  parties,  meme,  etaient 
completement  pourries. 

Le  contact  m6me  d'une  pi^ce  pourrie  est  sans  elTel  sur  une 
piece  preparee,  ainsi  que  me  I'a  demontre  le  resultat  d'une 
experience  faile  a  cet  effet  par  le  chirurgien  en  chef  de 
I'arsenal  de  Portsmouth. 

Incombusiibilite  corruptive  des  bois.  —  La  disso- 
lution de  chlorure  de  zinc  jouit  de  deux  autres  propriet^s 
importantes;  elle  rend  le  boistresdifiicilement  inflammable 
et  si,  dans  un  batiment  en  bois,  on  la  melange  avec  les  eaux 
de  la  cale,  elle  les  preserve  pour  longtemps  de  toute  corrup- 
tion et  empfiche  ainsi  la  production  de  cette  odeur  repous- 
sante  qui  est  un  des  fleaux  des  maiins.  Cette  derni^re 
propriete  a  ele  mise  ii  profit  a  bord  du  vactli  royal  Victoria 

(1}  Cette  cave  fait  partie  du  palais  de  Sommcrset-IIouse  et  est 
situce  en  contre-bas  du  niveau  de  I'eau  a  une  petite  distance  du 
bord  d«  la  I'aniise. 


300  CONSERVATION 

and  Albert  el  j'ai  vu  a  Soutampton  Ic  paqucbot  a  vapour 
YOriental,  de  450  chevaux,  a  bord  duqucl  ce  precede  est 
applique  aussi  avec  succes.  Quant  a  la  premiere  propriete, 
elle  n'cst  pas  inoins  prt^cieuse  et  on  pourrait  eviterde  grands 
sinistres  en  I'utilisant  dans  la  construction  des  toitures, 
hangars,  etc. 

Pour  nie  rendre  comptc  de  Taction  du  ciilorure  de  zinc 
sur  le  bois,  action  a  laquelle  est  du  TelTet  preservateur, 
j'ai  fait  nioi-aieme  unc  experience  dont  voici  le  rfeume  : 

Experience.  —  De  petits  morceaux  de  bois  de  pin  prt^pa- 
resetd'autrcsexaclement  semblables,  n,on  prepares,  ontet6 
plonges  separement  dans  une  decoction  de  boisde  campeche 
que  Ton  a  fait  bouillir  pendant  1/4  d'heure;  puis  ils  ont  ete 
retirt^s  ct  laves.  La  teinture  avail  a  peine  mordu  sur  le  bois 
non  prepaie  ;  celui ,  au  conlraire,  qui  avail  616  impregne  de 
cblorure  de  zinc,  avail  pris  une  couleur  d'un  rouge  brun 
tres  fence. 

Des  morceaux  semblables  aux  precedents,  apres  avoir  ete 
teints  et  laves  de  la  nieme  maniere,  ont  ete  plonges  pendant 
un  quart  d'heure  environ  dans  I'eau  bouillante.  La  couleur 
du  bois  non  prepare  a  etc  trouv^e  presque  entierement  effa- 
cee,  celle  du  bois  prepare  avail  a  peine  change. 

Enfin,  de  petits  morceaux  de  bois  pr6par6s  et  en  lout 
semblables  a  ceux  des  experiences  precedentes  ont  ete  laves 
d'abord,  puis  plonges  dans  I'eau  bouillante,  oil  on  les  a 
maintenus  1/4  d'lieure.  Apres  quoi  ils  ont  ete  teints  comme 
les  precedents  el  lav^s  a  I'eau  bouillante.  Neanmoins,  la 
couleur  en  est  restee  sensiblement  la  m6me  que  si  tous  ces 
lavages  n'a\aient  point  eu  lieu. 

'Conclusion.  —  On  semble  etre  en  droit  de  conclure  de 
ces  fails  que  Ic  cblorure  de  zinc  se  combine  chimiquemcnl 
avec  lu  aialierc  ligneuse  du  bois  ct  (jue,  bien  que  cc  scl  soil 


DES   BOIS.  301 

soluble  dans  I'eair  en  enormos  pioportions,  Ic  compose  qu'il 
forme  avec  Ic  bois  est  coiupletenicnt  insoliiblo,  mciiic  dans 
I'eaii  bouillante.  II  n'y  a  done  pas  a  craindre  qu'une  piece 
de  bois  ou  une  voile  une  fois  preparoes  pordent,  par  un 
st^jour  prolonge  dans  I'eau,  Ics  qualites  que  leur  a  commu- 
niqu^cs  le  sel  prcservatcur  ,  et  Ton  congoit  comment  la 
niatiere  ligneuseayant  change  de  nature,  dcvicnt  capable  dc 
resister  a  des  causes  dc  destruction  auxquclles  elle  n'cut  pu 
resister  auparavant. 

Depenses.  —  Quant  aux  di'penses  qu'occasionnerait  I'em- 
ploi  du  procedc  de  Sir  \V.  Burnett,  ellcs  sont  de  peu  d'im- 
portance  et  si  Ton  considerc  I'cconoinie  qui  rcsuUerait  pour 
la  marine  de  I'usage  d'un  procedc  elTicace  de  conservation, 
il  y  a  peu  a  s'en  preoccuper.  Voici,  neanmoins,  quelques 
ciiiffres  qui  donneront  une  idee  de  ce  que  ces  depenses 
pourraient  6tre.  11  resulte  d'un  assez  grand  nombre  cVope- 
rations  faites  surdiverses  natures  de  bois,  dans  le»  ateliers 
de  la  compagnie  qui  exploite  le  brevet  de  sir  W.  Burnett, 
a.  Londres,  que: 

Un  metre  cube  de  chene  sain  absorbe  en  moyenneGO  litres 
dc  la  dissolution;  un  metre  cube  de  pin  d'Ecosse  sain 
absorbe  en  moyenne  de  90  a  120  litres  dela  dissolution;  un 
nif'tre  cube  de  pin  d'Ecosse,  atleint  d'un  commencement  de 
dtcomposilion,  absorbe  en  moyenne  de  iSO  a  200  litres  dc 
la  dissolution. 

Or,  la  dissolution  de  zinc  se  compose  dc  1  kilogramme  de 
chlorure  pur  pour  100  litres  d'eau  ;  un  metre  cube  de  cbene 
absorberait  done  GOO  grammes  de -chlorure  de  zinc  et  un 
metre  cube  de  pin  du  nord  environ  1  kilogramme.  J'ignorc 
quel  serait  le  prix  du  chlorure  dc  zinc  fabri(]ue  en  grand; 
ce  prix  doit  etre  peu  eleve.  Les  proprietaires  du  brevet  dc 
Sir  W.  Burnett  le  vcndcnt  2  f.  oj  le  kilogramme.  Mais  il  y 


302  CONSERVATION 

a  sur  ce  prix  au  mois  70  p.  %  de  benefice,  et  il  n'esl  pas 
douteux  qu'en  France  on  se  procurerait  ce  sel,  a  moins  de 
i  franc  le  kilogramme. 

On  pent  done,  pour  6tre  sur  de  rester  au-dessus  de  la 
v^rite,  admettre  que  cliaque  metre  cube  absorberait  I'un 
dans  I'autre  un  kilogramme  de  sel,  c'est-a-dire  couterait,  en 
raatieres,  un  franc  de  preparation,  somme  infiniment  petite, 
si  on  la  compare  a  celle  qui  represente  le  prix  du  m^tre 
cube  de  bois. 

Les  depenses  en  oulillage,  installation  et  main-d'opuvre, 
sont  pen  elev^es  aussi;  j'en  parlerai  apres  avoir  decrit  un  des 
ateliers  des  arsenaux  anglais. 

Application  en  Angleterre.  —  L'amirautt^  Anglaise  a 
adopts  le  proc6d6  de  Sir  W.  Burnett,  et  dans  les  deux  ports 
de  Portsmouth  et  de  Chatam,  elle  a  donne  des  ordres  pour 
que  tons  les  bois  employes,  soit  aux  constructions  navales, 
soil  aux  constructions  des  ateliers,  hangars,  etc.,  fussent 
d^sormais  prepares  d'apres  ce  precede.  Un  atelier  a  ^t6 
6tabli  pour  cet  objet  dans  chacun  des  ports  que  je  viens  de 
citer.  Voici  en  quoi  il  consiste: 

Appareil.  — Un  grand  cylindreen  tole,  fabriqu^  comme 
une  chaudit!re  a  haute  prcssion,  d'une  longueur  de  15  a  16 
metres  etd'un  diametre  de  I"*  80  environ,  est  plac(5  horizon- 
talement  sous  un  hangar.  L'une  de  ses  extremil^s,  au  moins, 
doit  se  trouver  devantun  espace  libre  assez  vaste  pour  qu'on 
puisse  aisement  faire  entrer  dans  le  cylindre  et  en  retirer 
les  plus  longues  pieces  de  bois.  Cette  extremity  est  termint^e 
par  une  plaque  de  fonte  fortement  boulonnee  au  cylindre  et 
dans  laquelle  se  trouve  une  porte  que  Ton  pent  fermer  her- 
metiquement.  Un  rouleau  en  fonte  port(5  sur  deux  supports 
fondus  avec  la  plaque  de  tetc,  permet  de  manoeuvrer  avcc 
facility  les  pieces  que  Ton  vcut  preparer.  Le  cylindre  est 


DES   BOIS.  303 

plac^  sur  le  sol,  il  y  est  mainlenu  sur  un  lit  de  maconnerie 
ou  de  toiilc  autre  mani(5re.  A  c6le,  on  a  creust^  unc  fosse 
revfitue  en  magonnerie  hydraulique  d'une  capacile  au  moins 
double  de  celle  du  cylindre.  C'est  dans  celte  fosse,  dont  le 
fond  communique  avec  celui  du  cylindre,  par  un  tuyau 
muni  d'un  robinet,  que  Ton  conserve  la  dissolution  de 
chlorure  de  zinc.  On  la  recouvre  d'un  plancher  volant  qui 
fait  partie  du  sol  de  I'alelier.  Deux  syslemes  de  pom  pes  sont 
^tablisdans  cet  atelier,  savoir,  un  systenie  de  deux  petites 
pompes  a  air  conjuguees  et  une  double  pompe  foulante.  Si 
i'emplacement  qu'on  a  choisi  se  trouve  dans  le  voisinage 
d'une  machine  a  vapeur  qui  marche  toule  la  journee,  on 
pent  emprunter  a  cette  machine  la  force  necessaire  pour 
manoeuvrer  les  pompes,  car  ce  travail  no  dure  que  fort  peu 
de  temps,  sinon  une  petite  machine  de  4  a  6  chevaux  est 
necessaire.  Enfin,  le  cylindre  doit  etre  muni,  en  outre,  d'un 
barometre,  d'une  soupape  de  sflrete  et  d'un  robinet  pour 
chasser  I'air,  et  la  fosse  d'un  moyen  de  jaugeage  quel- 
conque. 

Operation.  —  Voici  mainlenant  comment  on  opere  pour 
preparer  le  bois.  Les  pieces  a  preparer  ayant  ete  introduites 
dans  le  cylindre,  on  ferme  la  porte  de  la  plaque  de  tete  et 
on  I'assure  solidement  de  maniere  k  ce  qu\;lle  rt^siste  au  vide 
eta  la  pre.>sion.  Cela  fait,  on  embraye  le  mouvcment  des 
pompes  h  air  de  maniere  a  faire  dans  ie  cylindre  un  vide  de 
67  a  68  centimt'tres  de  mercure.  Lorsqu'on  a  oblenu  ce  vide, 
on  ouvre  le  robinet  du  tuyau  qut  fait  communiquer  le  fond 
de  la  fosse  avec  le  cylindre  et  la  dissolution  se  pr^cipite  dans 
ce  dernier.  On  laisse  travailler  les  pompes  pendant  tout  le 
temps  que  le  cylindre  met  a  se  remplir  et  Ton  est  assurti 
qu'il  est  plein  lorsque  les  pompes  a  air  commencent  k  cra- 
cher  de  I'eau.  On  ferme  alors  !e   robinet  de  la  fosse  el  la 


304  CONSERVATION 

communication  avec  les  pompes  ii  air  que  I'on  anvtc  et  on 
met  en  mouvement  les  pompes  foulautcs  qui  forcent  dans  Ic 
cylindre  I'eau  d'une  bache  que  Ton  remplit  aux  depens  do 
la  dissolution  de  la  fosse.  On  a  soin  en  meme  temps  d'ouvrir 
le  robinel  a  air  pour  chasser  I'air  provenant  de  Timperfec- 
tion  du  vide  ct  qui  a  du  s'accumuler  dans  la  partie  supti- 
rieure  du  cylindre.  Lorsque  la  soupape  de  siirete,  chargee  a 
10  atmosplieres,  commence  a  se  lever,  on  arrete,  et  si  Ton 
n'a  cu  a  preparer  que  des  bois  de  faibles  dimensions,  comme 
des  bordages,  des  planches  etc.,  on  pent  ouvrir  le  robinet 
qui  ferme  la  communication  avec  la  fosse,  laisser  ecouler  la 
dissolution  et  retirer  le  bois  pour  le  metlre  a  secher.  Si  le 
bois  contenu  dans  le  cylindre  est  de  fort  equarrissage,  il 
faut  maintenir  la  pression  pendant  deux  heures.  Dans  le 
premier  cas,  I'operation  tout  entiere,  le  bois  suppose  en 
place  dans  le  cylindre,  ne  dure  guere  plus  d'une  lieure. 

Outillage.  —  Je  mesuisinforme  du  prix  auquel  pourrait 
revenir  routillagc  d'un  atelier  comme  ceux  de  Chatam  et  de 
Portsmouth.  En  comprenant  la  machine  dans  cet  outillage, 
la  dispense  totale  atleindrait  a  peine  en  Angleterre  -1,000 
livres  sterling.  Mais  en  France,  il  faudrait  s'attendre  ii  cc 
que  celte  somme  ne  fut  pas  moindre  que  30,000  francs, 
somme  insignifiante  si  Ton  considerel'immense  economic 
qui  resulterait  pour  la  Marine  de  I'emploi  d'un  procedc 
cffi.;ace  pour  la  conservation  des  hois. 

Chatam  et  Porsmouth.  —  Je  viens  de  decrire  la  manicrc 
d'operer  usiteedans  Tatelier  de  la  compagnica  Londres;  elle 
differc  un  peu  de  celle  que  I'Amiraute  a  ordonne  de  suivre 
il,  Chatam  et  a  Porstmouth.  Dans  ces  deux  ports,  les  mouve- 
incnts  de  bois  se  font  dans  la  journee;  le  matin,  on  vide  le 
cylindre  rcmpli  la  veille,  cl  dans  I'apres-midi  on  le  remplit 
do  nouvcau  de  hois  a  preparer,  de  sorte  que  I'opt^ration  ne 


DF.S    UOIS.  30o 

se  fait  que  dans  Ics  deux  derniorcs  hourcs  de  la  joiirnoe  de 
(ravail  el  la  pression  est  maintenue,  pendant  toute  la  nuit, 
dans  le  cylindre  qii'on  ne  vide  que  le  matin,  h  rarriv6e  des 
ouvriers.  L'Amiraute  anglaise  s'est  sans  doute  prt^occupee 
de  la  question  de  savoir  si,  en  suivant  la  m6thode  i-ecom- 
mandee  par  la  compagnie,  on  parvenait  a  faire  penetrer  la 
dissolution  jusqu'au  cueur  des  plus  fortes  pieces  de  bois. 
Cette  question  est,  en  etTet,  d'une  haute  importance  et  11  y  a 
tout  lieu  de  croirequ'aux  yeux  de  I'Amiraute,  elle  n'a  pas 
el6  resolue  d'une  mani6re  satisfaisante;  il  est  peu  probable, 
en eflfet.qu'une pression  del  Oatmospheres  maintenue  pendant 
deux  heuresseulementsulTise,  memeavec'un  vide  prealable, 
pour  pousser  la  dissolution  jusqu'au  centre  d'une  piece 
d'un  fort  equarrissage,  surtout  si  cette  pi6ce  est  en  chene  d ur. 
Coeur  des  arbres.  —  J'ai  du  chercher  a  eclaircir  mcs 
doutes  sur  ce  sujet :  Une  piece  de  chene  anglais,  parfaite- 
inent  saine,  et  d'un  grain  compact,  longue  de  4  a  5  metres 
et  d'un  diametre  de  0"45  environ,  apres  avoir  subi  la  pre- 
paration au  moyen  du  chlorure  de  zinc,  a  etc  sciee   dcvant 
moi  par  le  milieu,  et  au  coeur  des  deux  bouts  fraichcment 
coupes,  deux  fragments  de  bois  ont  cte  dcHaclit^s.  L'un  a  (5te 
analyst  devant  moi,  dans  le  laboratoire  altenant  aux  ateliers 
do  la  compagnie,  et  le  rfeultat  de  cette  analyse  ne  ra'a  pas 
paru  concluanl;  j'ai  rapporte  I'autre  en  France  et  je  I'y  ai 
analyse  moi-meme,  avec  i'aide  d'un  homme  competent,  sans 
pouvoir  y  trouver  les  moindres  traces  d'un  sel  de  zinc.  Cette 
derniere  analyse,  ayant  ete  faite  avec  lout  le  soin  possible, 
est  devenuepour  moi  une  preuve  positive  que  la  dissolution 
de  chlorure  de  zinc  n'attoint  pas  le  centre  des  fortes  pieces 
de  bois,   lorsquc  la  pression  n'est  maintenue  que  pendant 
quelques  instants.   Reussit-on  completement  lorsqu'on  la 
niaintient  pendant  12  heures?  Je  n'ai  jusqu'ici  pour  m'aider 

20 


306  CONSERVATION 

a  repondre  a  celte  question  que  Texemple  de  I'Amiraule 
anglaise,  qui  offre  une  grande  presomption  pour  raffirmativo, 
mais  qui  ne  saurait  tenir  lieu  d'une  preuve  certaine.  Du 
resle,  cette  preuve,  si  elle  existe,  il  est  facile  de  I'obtenir; 
que  Ton  introdiiise,a  defaut  de  cylindre,  dans  une  chaudiere 
a  haute  pression,  un  troncon  de  plancon  de  50'=/'°  d'equar- 
rissage,  puis,  qu'apros  y  avoir  fait  le  vide  par  un  moyen 
quelconque,  on  y  force  avec  une  presse  Iiydraulique  une 
dissolution  de  chlorure  de  zinc,  faite  dans  les  proportions 
voulues,  il  sera  facile  d'y  maintenir,  pendant  -12  heures,  une 
pression  de  1 0  atmospbtires  et  d'analyser,  apres  cette  t^preuve, 
une  portion  du  coeur  de  la  piece.  Si  I'analyse  ne  denote  pas 
la  prt^sence  du  zinc,  cela  prouvera  que  douze  heures  de 
pression  ne  sufTisent  pas  et  on  pourra  recommencer  I'expe- 
rience  en  gardant  la  pression  pendant  24  heures,  car,  a  mes 
yeux,  la  question  n'est  guere  qu'une  question  de  temps. 
Dans  le  cas  ou  Ton  reconnaitrait  qu'il  faut,  pour  rt5ussir 
completement,  maintenir  pendant  24  heures  le  bois  sous 
une  pression  de  10  atmospheres,  on  pourrait  adopter  ce 
laps  de  temps  sans  augmenter  beaucoup  les  depenses:  un 
second  cylindre  devrait  etre  joint  au  premier  et  la  fosse  qui 
contient  le  liquide  devrait  6tre  faite  plus  grande.  Mais  il  ne 
serait  utile  ni  d'avoir  d'autres  pompes,  ni  d'augmenter  la 
force  motrice,  et  le  nombre  d'homme  attach(i  a  I'atelier  res- 
terait  le  m6me,  chaque  cylindre  n'etanl  plus  vide  et  rempl 
que  dedeux  jours  Tun.  Je  croisaussi  que,  danstous  les  cas,  il 
serait  bon  de  garder  le  vide  pendant  quelque  temps  dans 
le  cylindre  avant  d'y  inlroduirc  la  dissolution  de  zinc,  afin 
de  permettre  a  I'air  contenu  dans  les  pores  du  bois  de  s'e- 
cliapper  plus  completement  en  entrainant  la  s6ve. 

Etat  da  bois  soufnis  au  proccde.  —  Une  question  in- 
tiressante  qui  se  presente  ici,  c'est  celle  de  savoir  dan.s  quel 


DES  BOIS.  307 

etaton  doitclioisirle  boispour  le  soumeLlrca  la  pivparalioii; 
doit-il6treprisvertencoreoutoiit-a-faitsec?Seloii  moi.lebois, 
pour  subir  une  preparation  eflicace,  doit  etrc  de  coupe  assez 
rccentc,  car  alors  Ics  pores  en  sont  ouverls  et  il  est  plus 
facile  d'en  extraire  la  seve  ct  de  la  remplacer  par  un  autre 
liquidc;  un  bois  bien  sec  dont  les  fibres  se  sont  reserrees  de 
inaniere  afaire  disparaitre,  pour  ainsi  dire,  tous  les  canaux 
de  la  sive,  doit  olTrir  do  grandcs  difficulles  a  une  parcille 
preparation  et  il  y  a  certains  bois  durs  avec  lesquels  ello 
devient  impossible.  Le  bois  employe  doit  done  etre  de  coupe 
reccnte;  de  plus,  il  doit  etre  travaille  ou  au  moins  degrossi; 
cela  est  economique,  car  le  cube  en  est  considerablcment 
rcduit;  en  outre,  on  est  bien  plus  sur  de  saturer  completc- 
ment  les  pieces  dont  I'eqiiarrissage  est  beaucoup  moindre. 
J'ai  vu  a  Cliatam,  en  magasin,  la  membrure  complete  d'unc 
fregale  dcstinee  a  etre  mise  sous  pen  sur  chantiers;  celle 
membrure  avail  ete  preparee  par  le  precede  Burnett,  aprcs 
avoir  tHe  travaillee,  et  elle  elait  doposoe  sous  un  liangar  afin 
de  s'y  scclier  pendant  six  mois,  avant  d'etre  montee.  Ce 
.  temps  suffit,  a  ce  qu'il  parait,  pour  qu'il  n'y  ait  plus  aucun 
inconvenient  a  employer  le  bois  prepare,  et  en  sccliant,  il 
travaille  asscz  peu  pour  que  le  parage  ordinaire  soil  sufll- 
sant,  lorsqu'on  vient  a  niontcr  le  biiliment  en  bois  tors. 
Quant  aux  bordages,  leur  epaisscur  etant  comparativement 
faiblc,  on  pent  les  preparer  longtemps  a  I'avancc,  lels  qu'on 
les  debile  pour  le  magasin. 

Dans  le  cas  ou  Ton  reconnaitrait  qu'avec  les  precautions 
presentees  par  I'Amiraute  anglaisc,  on  reussit  i\  saturer  com- 
pl(^temcnt  dcs  bois  de  fort  equarrissage,  il  deviendrait  inte- 
ressant  d'appliqucr  to  procede  a  la  conservation  des  bois  de 
mature,  ct  alors,  pour  (iviter  de  fausses  depenscs,  il  con\ien- 
drait  dc  porter  tout  d'abord  les  dimensions  du  cvUndrc  a 


308  r.ONSF.RVATION 

ce  qn'cllcs  devraient  etre  pour  qu'il  put  reccvoir  la  plus 
/orte  piece  de  bois  de  mature.  A  Chatam,  lorsque  j'ai  visite 
cat  arsenal,  retablissement  d'un  cylindre  supplementaire  de 
95  pieds  anglais,  destine  arepondre  a  ce  besoin,  elait  en 
projet. 

Je  lerminerai,  en  enoncant  d'une  maniere  concise  les 
consequences  principales  a  tirer  des  considerations  qui 
precedent: 

Conclusions.  —  1°  Le  procede  du  a  Sir  William  Burnett 
est  reellemenl  efficace  pour  la  conservation  des  bois,  toiles, 
etc.,  lorsqu'on  peutsaturer  completement  ces  substances  du 
liquide  preservateur ; 

2°  Ce  proced6  est  facile  a  employer  unc  fois  que  les  appa- 
reils  convenablcs  sonl  ctablis,  et  il  ne  donne  lieu  qu'a  une 
depense  insignifiante,  si  on  en  compare  le  cbiffre  a  celui 
qui  represente  la  valeur  du  bois  prepart^; 

3°  II  n'est  pas  suffisamment  etabli  que  les  moyens  meca- 
Tiiques  employes  suffisent  pour  saturer  jusqu'au  centre  les 
plus  fortes  pieces  debois;  mais  une  experience  facile  est 
proposee  pour  eclaircir  ce  point  important; 

4"  Enfin,  I'exemple  donne  par  I'Amiraute  anglaise  est  un 
argument  puissant  en  faveur  de  I'adoption  du  procede,  sinon 
d'une  manifere  generale,  au  moins  pour  les  bois  de  moyenne 
et  petite  dimensions. 

Paris,  le       Novembre  1845. 

L'Ingenienr  de  la  Marine, 

Signe  :  A.m.  Mangin. 


P.-S.  — Application  en  France.  Marine.  —  Bien  que  les 
conclusions  de  ce  mtimoire  fusscnl  favorablcs  au  procedd  de 


DES    BOIS.  309 

SirVV.  Uurnctt,  il  n'yapasetedonnesuite:  lacompagnic  qui 
exploitait  cc  proct^de  avail  des  pretentions  infiniment  trop 
^levees  pour  qu'on  put  songer  a  entrer  en  arrangement  avec 
elle.  II  n'a  mfime  et6  fait  depuis  aucune  experience  dans  les 
arsenaux  de  la  marine,  ni  pour  constater  les  proprietfis 
prcservatrices  du  chlorure  de  zinc,  ni  pour  determiner  le 
meilleur  mode  de  saturation  des  bois. 

Chemin  de  fer.  —  Aujourd'hui,  le  brevet  que  Sir  W. 
BurneU  avait  pris  en  France  est  expire  el  son  precede,  qui 
est  lombe  dans  le  domaine  public  a  recu  la  sanction  de 
I'experience.  L'usage  s'en  est  repandu,  et  des  compagnies  de 
chemin  de  fer  (entr'aulres  celles  d'Orleans  et  de  Bordeaux) 
I'ont  adopte  pour  la  preparation  des  traverses,  poleaux  de 
leiegraphe,  etc. 

Ce  precede,  ainsi  qu'on  a  du  le  remarquer,  se  compsse  de 
deux  parties  dislinctes : 

4°  De  remploi  de  moycns  mecaniques  particulicrs  pour 
saturer  les  bois 

2°  De  I'emploi  de  ciilorure  de  zinc  comme  ageni  prescr- 
vateur. 

Autres  proccde's.  —  Bien  que  depuis  1845  de  nombreux 
essais  aient  cilc  fails  dans  le  but  de  trouver  un  mode  do 
preparation  des  bois  a  la  fois  efilcace  et  economique,  les 
moyens  adoptes  par  Sir  W.  Burnett  sont  encore  ceux  qui 
mc  paraissen I  devoir  etre  preferes.  On  trouvc  dans  les  annates 
des  Ponts-et-Chaussees  de  Mars  et  Avril  1830,  le  rapport 
d'une  commission  d'inspccteurs  divisionnaires  des  Ponts-et- 
Cliaussees,  cbargee  de  constater  les  rt'sullats  des  essais  fails 
par  M.  Boiichcric  pour  la  preservation  dos  bois,  rapport  dans 
lequel  sont  decrits  avec  soin  les  divers  nmyens  d'injcclion 
successivemenl  Icntes  par  eel  invcntcur.  Aucun  ne  parait 
sur,  economique,  expcdilif,  comme  le  procede  anglais.  Cu 


310  CONSERVATION   DES    BOIS. 

sont  des  moycns  pour  ainsi  dire  primitifs. 

Quanl  a  la  liqueur  a  injecler  dans  les  bois  pour  les 
preserver  de  la  pourriture,  elle  peut  etre  autre  que  la 
dissolution  do  chlorure  de  zinc.  11  rcsulte  en  effet  du  rapport 
que  je  viens  de  citer  que  le  sulfate  de  cuivre  dissous  dans  la 
proportion  de  i  k.  508  par  hectolitre  d'eau,  jouit  de  pro- 
priet^s  conservalrices  tres  positives.  L'elTet  preservateur  de 
ce  sel  est-il  de  plus  longue  duree  que  celui  du  chlorure  de 
zinc?  C'est  une  question  que  I'experience  n'a  pas,  a  ma 
connaissance,  encore  resolue,  et,  tant  qu'elle  restera  inde- 
cise,  celte  dernifere  substance  aura  sur  le  sulfate  de  cuivre 
nn  avantage  qui  n'est  point  a  negliger,  celui  du  prix  de 
revicnt. 

Cherbourg,  le  10  Fevrier  1853. 

L'lncjenieur  de  la  marine, 

Signe  :  Am.  Mangin. 


CATALOeiiE  METHODIOIJE 

DES  LICHENS 

RECUEILLIS  DANS  L'ARRONDISSEMENT 

de:  cherbocro. 


PAR 
IH.  P.-A.  DELACUAPELLE. 

1853. 


Quelque  petits  qae  fussent  CPs  objeti,  iU  itairnt 
digues  de  mon  atteDlion,puisqu'iU  avaicot  niriti 
cclle  de  la  netiirp. 

BERNlRum  D*  SAi:<T-riEKK(. 


Loisque,  en  1826,  je  fis  imprimer  a  Caen  le  catalogue  dcs 
lichens  que  j'avais  recueillis  dans  I'arrondissement  de  Cher- 
bourg, j'annoncai  que  j'etais  loin  d'avoir  la  pretention  dc 
donner  la  lisle  de  lousccux  qui  croissent  dans  nos  environs  *. 


312  CATALOGUE 

non  seulemcnt  un  grand  iiombre  avaient  ^chappe  a  mes 
recherclies,  mais  encore  j  avais  omis  volonlairement  ceux 
dontla  determination  etait  restt^e  pour  moi  incertaine. 

Oiioique,  depuis  cette  6poque,  j'aie  considerablemeiit 
augmente  le  nonibre  des  Especes  de  ce  catalogue,  soitdans 
mes  excursions,  soit  d'apres  les  indications  qui  ni'ont  ete 
donnees,  je  pense  qu'il  reste  beaucoup  de  veg(^taux  de 
cette  famille  a  trouver  dans  notre  localite. 

J'avais  adopts  la  nomenclature  de  la  Flore  francaise,  de 
Decandolle,  et  indique  la  synonymie  d'Acharius,  celt;bre 
lichenograpbe  su^dois,  mais,  dans  ce  nouveau  travail,  ayant 
adopte  la  nomenclature  du  Botanicon  Gallicum,  de  Duby, 
qui  a  paru  depuis,  j'ai  supprime  tons  les  noms  d'auteurs: 
ce  dernier  ouvrage,  qui  est  entre  les  mains  de  tous  les  bota- 
nistes,  donnant  une  synonymie  assez  complete  des  auteurs 
qui  ont  traite  cette  matiere. 

Comme  dans  mon  premier  catalogue,  je  donne  d'abordun 
tableau  analytique  des  Genres,  et,  de  plus,  pour  faciliter 
autant  que  possible  la  determination  des  Especes,  j'ai  joint  a 
chaque  nom  de  genre  I'analyse  des  especes  qu'il  contient  (1). 
Par  ce  moyen  j'espere  rendre  agreable  une  etude  qui  a  ete 
longtemps  negligee,  surtout  a  cause  de  la  difficulteiJe  dis- 
tinguer  par  la  seule  description,  etsans  en  avoir  des  ecban- 
lillons  sous  les  yeux,  les  lichens  qu'on  rencontre  a  chaque 
pas. 
Dans  la  famille  des  lichens,  comme  dans  les  plianeroga- 

(1).  Cette  analyse  etant  im  travail  plutut  elementaire  et  usiinl 
que  rigoureusement  scientifiquc,  je  ne  I'ai  pas  fait  entrer  dans  lo 
present  volume,  dans  la  crainte  de  trop  le  grossir,  et  d'abuser 
du  Lon  vouloir  de  la  societe  imperiale  academique.  Voir,  dans  la 
notice  biographique  sur  mon  pere,  la  lisle  de  ses  opuscules  et  mc- 
niuircs,  -^-  '^  '^- 


BES    LICHE.NS.  313 

mes,  il  J-  a  ties  Especes  voyageuses  ou  passageres,  remarque 
que  j'ai  consignee  dans  le  Catalogue  des  Piianeroganies  de 
rarrondissement  de  Cherbourg,  ouvrage  commence  il  y  a 
plusieurs  annees,  et  que  j'ai  continue  en  y  ajoutant  chaque 
annee  les  Especes  qui  m'avaient  ecliapp6  auparavant. 

Des  observations  I'aites  pendant  deux  ct  trois  ans  sur 
quelques  lichens  dont  j'ai  pu  suivre  la  vt''g6tation,  il  resuite 
que  plusieurs  disparaissent  peu-a-peu  ou  tout-a-coup  des 
localites  oil  ils  se  trouvaienl  en  abondance.  Ainsi  le  Stereo- 
caulon  Paschale,  que  j'ai  rt^colte  dans  une  anfractuosite  de 
rochers  sur  les  i'alaises  de  Flamanville,adisparu  totalement. 

Le  Placodiuin  falyens  qui,  pendant  deux  annees,  (5lait 
tr6s  commun  sur  les  dunes  de  sable  pres  de  la  redoute  de 
Tourlaville,  n'a  pas  larde  a  en  disparaitre,  et,  malgre  mes 
recherches  dans  des  localites  analogues,  je  n'ai  pu  retrouver 
aucune  trace  de  ce  beau  lichen. 

Le  Yariolaria  Rosea,  que  j'ai  signale  dansmon  premier 
catalogue  comme  une  Espece  nouvelle  et  qui  ne  se  trouve 
decritedans  aucun  auteur,  s'est  reproduit  plusieurs  annees 
de  suite  sur  un  mur  de  terre  au  pied  de  la  montagne  du 
Roule.  Depuis  quelque  temps  il  en  adisparu  :  M.  Bertrand 
Lach^nee  I'a  retrouve  sur  un  terrain  analogue,  dans  la 
commune  de  Ilardinvast.  Le  meme  bolaniste  a  retrouv(3  sur 
les  rochers  du  Roule  VUrceolaria  Acharii,  que  j'avais 
recueilli  en  abondance  sur  un  rocher  schisteux  pros  de  la 
Cavee  de  la  Loge,  et  qui  niaintenant  ne  s'y  trouve  plus. 

Le  Parmelia  Pseudosinuosa  de  mon  catalogue  est  le 
mdme  que  le  Parmelia  Despreauxi,  (l(''crit[dans  le  Bota- 
nicon  Gallicum.  Ce  lichen  que  MM.  Lcnormant,  Despreaux 
et  moi  avons  recueilli  en  abondance,  il  y  a  plus  de  vingt 
ans  sur  les  rochers  aurevers  nord  de  la  montagne  du  Roule, 
devient  de  plus  en  plus  rare  danscellc  localito,  et  probable- 


314  CATALOG IK 

men  I  linira  par  en  disparaitre  toul-ii-fait. 

t  Receptacle  pulverulent  ou  nul,  place  sur  une  croCite 
pulverulenle. 

LEPRA.  (Dot.  Gall.) 

Ci'oute  irregulit;i'e,  pulverulente,  receptacle  nul. 

L.  Chlorina.  Poussiereepaisse,  velue,  d'un  jauneverdatre: 
Croll  sur  les  rochers  humides  et  ombrages  aux  environs  de 
Cherbourg. 

L.  Flava.  Poussicre  etalee  en  plaques  minces,  d'un  jaune 
eclatant.  Sur  I'ccorce  des  arbres.  Rare. 

L.  Leiphoema.  Croute  irreguliere  d'un  blanc  grisatre, 
paraissant  lisse  a  cause  de  la  t6nuite  de  la  poussiere  qui  est 
plus  abondante  sur  les  bords.  Sur  I'ecorce  des  arbres,  prin- 
cipalenient  du  chene  etdu  helre. 

'  L.  Sulphurea.  Croute  d'un  glauque  verdatre,  composee  de 
granules  glabres.  Croit  sur  I'ecorce  des  arbres,  particuliere- 
ment  sur  le  chene.  Vallee  de  Quincampoi.x.  B.  Lachfinee. 

L.  Botryoides.  Croute  mince,  puis  devenant  epaisse,  com- 
posee de  granules  rugueux,  agglomeres,  formantdes  plaques 
vertes:  au  pied  des  arbres  et  des  murs  bumides. 

L.  Rubens.  Croute  mince,  floconneuse,  d'un  rouge  pale 
etant  fraicbe;  ccndrcc  elantseche.  Ecorce  des  arbres. 

L.  Antiquitalis.  Croute  tres  mince,  noire,  composee  de 
granules  glabres,  agglomeres,  s'etendant  en  plaques  larges 
sur  les  murs  ct  les  rochers. 

CONIOCARPON. 

Croute  mince  a  peine  grenue,  receptacles  luberculeux, 


( 


CKS    LICHENS.  315 

irregulicrs,  reconverts d'unepoussierecolort'e,  pen  adliercnle. 
C.  Cinnabarinum.  Croutelri'S mince,  blancliutre;  pustules 
arrondies  irregulierement,  recouvertesd'une  poussic're  rouge: 
sur  I'ecorce  desarbres. 

VARIOLARIA. 

Croute  arrondie  ou  irreguliere,  portant  des  receptacles 
d'abord  recouverts  d'une  poussiereabondanle,  puis  se  creu- 
sant  en  coupe  concave. 

V.  Communis.  Croute  d'un  blanc  sale,  plus  ou  moins 
etendue;  receptacles  d'abord  luberculeux,  recouverts  d'une 
poussiere  abondante,qui,'apr6s  sacbiite,  montre  une  cupule 
irreguli^re,  sansbordsdislincls,  et  dela  couleur  de  la  croute. 
La  Var.  saginea  ne  se  distingue  que  par  I'arbre  oil  elle  croit. 
La  Var.  Aspergilla  :  croute  d'un  gris  glauque ;  poussiere 
tres  blanclie  :  croit  sur  les  rochers  au  pied  de  la  montagne 
du  Roule. 

V.  Discoidea.  Croute  irregulicre  d'une  saveur  Ires  amere  ; 
receptacles  a  rebords  bien  dtUermines  dont  le  disque  prend 
une  couleur  plombee  qui  la  distingue  des  especes  pr^ceden- 
tes  :  sur  ies  vieux  arbres.  La  Var.  Amara,  Acb.  sur  recorcc 
des  arbres. 

V.  Rosea.  Nob.  Croute  d'un  blanc  verdiitre  en  plaques 
determinees,  irrt^gulieres;  lubercules  nombreux,  pelits, 
con  vexes,  et  recouverts  d'une  poussiere  blanche  lavee  de 
rose.  A  la  chute  dccette  poussiere  les  lubercules  s'atTaissent, 
ct  prescntent  une  coupe  a  bord  mince  ct  comnie  derhiree, 
d'une  couleur  analogue  a  la  croute.  Cetle  Espece  croit  sur  la 
lerre,  au  [)ied  de  la  montagne  du  Roule,  pros  du  Maupas. 

V.  Ccerulescens  (Hot.  gall.  suppF),  Acli.  syn.  p.  335, 
croiile  d'un  blanc  sale,  ridde,  fornuinl  une  plaque  nrrondie; 


316  CATALOG IE 

receptacles  confluents,  d'un  gris  bleuatre  :  vieiix  murs,  au 
Roule  :  B.  Lachfinee. 

V.  Dealbala.  Croute  epaisse,  fendillee,  blanche  :  sur  les 
rochers,  Hardinvast. 

tt  Receptacles  tuberculeux,  pMicilles,  places  sur  une 
croute  pulverulcnle. 

BCEMICES. 

Receptacle  presque  globuleux  porte  sur  un  pediculc 
charnu. 

B.  Tricetorum.  Croute  mince,  blanchatre;  receptacles  pe- 
dicules  d'une  belle  couleur  rose  :  croit  sur  la  terra  dans  le 
bois  de  Barnavast,  pres  de  I'eglise  du  Theil.  D. 

B.  Rufus.  Croute  d'un  brun  verdatre;  receptacle  et  pedi- 
cule  d'un  brun  roux  :  croit  sur  la  terre  aride  ct  sur  le  revers 
des  fosses.  C. 

CALYCIUM. 

Croute  mince  et  ind(5terminee,  quelquefois  nulle.  Recep- 
tacles subereux,  noirs,  sessiies  ou  pedicules,  d'abord  con- 
vexes,  puis  s'evasant  au  sommet  en  une  espece  de  godet. 

C.  Quercinum.  Croute  grenue,  cendree;  receptacles  pedon- 
cules,  d'abord  con  vexes,  ensuile  presque  planes:  sur  I'^corce 
des  clienes;  bois  pres  de  la  Glacerie. 

C.  Sessile.  Croute  blancbatre;  receptacles  sessiies,  pyri- 
formcs,  a  disque  concave,  cntoure  d'un  rebord  plus  pAlc ; 
ecorce  de  differents  arbres. 


DKS    IJCIIRNS.  3f7-^ 

La  Var.  Tnrbinatum,  en  forme  dc  loui)ic  aplatic  au 
sornmet :  croit  parasite  sur  le  perturaria  communis. 

C.  Trachelinum.  Achar.  Botan.  Gall.  Croule  blanche; 
receptacles  allonges,  turbines,  d'un  brun  fonce  :  sur  recorce 
des  arbres,  a  Octeville;  B.  Lachenee. 

fff  Receptacles  punctiformes  ou  plus  ou  moins  allonges, 
inseres  sur  une  croule  lisse  ou  grenue. 

OPEGRAPIIA. 

Receptacles  plus  ou  moins  allonges,  isoles  ou  ranieux, 
noirs  ou  recouverts  d'une  poussiere  glauque,  presque  lou- 
jours  enfonces  dans  la  croute.  (Lirelles). 

f  Receptacles  noirs,  simples,  peu  allonges. 

0.  Radiata.  Croute  lissc  d'un  blanc  devenanl  olivatre; 
receptacles  (lirelles)  blancs,  sans  rebords,  isoles,  ou  souvent 
rayonnant  en  etoiles,  se  rapprochant,  quoique  irreguliers, 
de  la  forme  ovale  :  croit  sur  I'^corce  lisse  de  difTerents 
arbres. 

0.  Notha.  Croute  blanchatre,  pulverulente;  lirelles  planes 
a  rebords  proeminenls  :  croit  sur  Ics  arbres,  principalcment 
sur  les  ormeset  les  figuiers.  B.  Lachenee. 

La  Var.  Vulvella  prcsente  les  lirelles  plus  ou  moins  rondes 
ou  ovales,  ayant  une  petite  fente  elargie  au  fond,  ce  qui  fait 
paraitre  la  lirclle  concave  :  meme  habitat. 

0.  Macularis.  Sur  une  croute  blanche  pen  marquee 
croisscnt  en  groupe  les  receptacles  ou  lirelles.  Ellcs  sont 
tenement  rapprochees  qu'elles  ne  prt^scntcnt  a  la  vue  qu'une 
tache  noiie  ou    rugueuse :  sur  la   peau   li.-5se  des  jeunes 


318  CATALOGLE 

branches  dcs  arbres.  On  a  divise  cette  espece  en  deux 
varictes :  I'une,  faginea,  en  plaques  larges  et  arrondies ; 
I'autre,  queixina,  en  taches  plus^  pelites,  a  lirelles  plus 
distinctes. 

0.  ilerpelica.  Croute  determinee,  d'un  brun  olivatre; 
lirelles  ovales,  allongees,  plus  nombreuses  au  centre  :  sur 
I'ecorce  des  arbres. 

0.  Saxatilis.  Croute  tr^s  mince,  un  peu  roussatre,  Ir^s 
souvent  nulle;  receptacles  arrondis,  simples,  plus  ou  moins 
allonges,  souvent  rapproches  do  manierc  a  former  une  tacbe 
noire  sur  les  roches :  croit  sur  le  gres  quartzeux  a  Ilerque- 
ville  :  assez  rare:  Berlrand-Laclienee. 

•ft  Receptacles  noirs,  allonges,  souvent  rameux. 

0.  Atra.  croute  dt'terminee ,  arrondic,  lisse,  blancbc ; 
rt^ceplacles longs,  ^troits,  flexueux,  souvent  disposes  en  etoile. 
Dans  la  variety  A.  denigrata,  les  receptacles sont  rapproches, 
entremeles,  et  disposes  en  tache  arrondie.  La  Var,  Steno- 
carpa  a  les  receptacles  espaces,  convexes,  rugueux,  et  le 
disque  presque  invisible  a  cause  du  rapprochement  de  la 
croute.  L'espece  et  la  variete  sur  Tecorce  des  arbres. 

0.  Lithyrga.  receptacles  droits  ou  flexueux,  isoles  ou 
agglom(5res,  saillanls,  a  bords  rcleves  et  ne  laissant  qu'une 
fente  longitudinale.  La  croute,  lorsqu'elle  existe,  est  d'un 
blanc  sale:  commune  sur  les  pierres  et  les  rocbers. 

0.  Calcaria,  nc  se  distingue  de  la  precedents  que  par  la 
couleur  de  la  croute  qui  est  d'un  blanc  Ires  pur:  se  trouve 
sur  les  murs  de  I'eglisc  de  Querqueville. 

0.  Epipasta.  croute  Ires  mince,  luisanfe,  b!ancbc\tre; 
receptacles  tres  espaces,  les  uns  punctiformes,  los  autres 
allonges  ou   rameux,  nc  depassant  I'ticorce  sur  laquelle  its 


nES   I.IOHENS.  319 

croisscnt  que  dans  leiir  vicillessc:  sur  I'ocorce  dii  cliatai- 
gnier:  B.  Laciicnee. 

fff  Receptacles  noirs  ,  reconverts  d'une  poussiere 
glauque. 

0.  Sulcata.  Croute  blanchalre,  lisse,  quelquefois  grenue 
ou  ridee;  la  receptacles,  simples,  quelquefois  rameux,  sont 
proeminenls,  convexes :  ce  qui  Ics  distingue  facilemcnt, 
ce  sont  les  stries  paralleles  qui  se  font  reinarquer  sur  la 
surface  dudisque:  sur  I'ocorce  lisse  des  houx,  aHardinvast: 
B.  Lachenee. 

0.  Coesia.  Croute  epaisse,  blanche,  puherulente;  recepta- 
cles enfonces,  planes,  ovales,  allonges  dans  leur  vieillesse, 
et  devenant  d'une  couleur  grise:  sur  les  jeunes  branches 
des  vieux  chines:  B.  Lachtinee. 

0.  Dentritica.  Croute  trie's  blanche;  receptacles  disposes  en 
rameaux,  divergents  et  fourchus :  Cherbourg:  B.  Lachenee. 

0.  Scripta.  Croute  mince,  menibraneuse,  blanchatre; 
receptacles  simples  ou  rameux,  enfonces  dans  la  croute. 

La  Var.  a.  Limitata  diffiire  par  une  ligne  noire  qui 
bordc  la  croijle. 

La  Var.  b.  Cerasi  se  distingue  par  sa  cr6ute  lisse,  comme 
vernissee,  disposee  en  plaques  transvcrsalos:  les  receptacles 
egalement  places  et  proeminents,  paralleles  entre  eux. 

La  Var.  Pulverulenta,  une  des  plus  communes  de  ce 
genre,  a  une  croOte  rugueuse. 

La  Var.  Serpentina  a  unecroiJte  determinee,  fendillee; 
les  receptacles  sont  longs,  etroits,    flexueux  et  entrelaces. 

L'Espece  et  les  Varietes  se  trouvent  generalement  sur 
I'ocorce  des  jeunes  branches  de  dilT(''rents  arbres. 

0.  Betuligna.  Cetlc  especc  a  beaucoup  de  rapport  avec 
ro,  Cerasi :  on  remarquc  que  le  disque  des  receptacles  est 


320  UKS    LICHENS. 

plus  noir,  ct  moins  charge  dc  poussiore  glauquc  :  se  trouve 
sur  I'ccorce  lisse  du  Bouleau. 

0.  Mutabilis.  (Cheval.)  Croule  mince,  d'un  blanc glauquc, 
non  limitee;  receptacles  courts,  oblongs,  lineaires,  les  uns 
isoles  et  epars,  les  autres  rapproches  et  groupes :  sur  le  Ironc 
des  vieux  arbres:  B.Laclicnoe. 

0.  Minuta.  (Cheval.)  Croiite  fcndilloc,  d'un  gris  blan- 
chatre;  receptacles  simples,  puncliformesou  ovales,abordure 
trfes  prononcee,  nombrcux  et  rapproches :  meme  habitat : 
B.  Lachcnee. 

STIGMATIDIUM.  (Bot.  gall.) 

Receptacles  enfonces,  punctiformes,  sans  bordurc. 

S.  Crassum.  (Bot.  gall.)  Opegrapha  crassa.  (D.  C.)  — 
Environs  de  Cherbourg. 

ffff  Receptacles  tuberculeux  ou  en  ecusson  (Scutelles) 
places  sur  une  croiite  adherente,  plusou  moins  grenus. 

PERTUSARIA. 

Croute  lisse  ou  grenuc,  blanchatre;  receptacles  tubercu- 
leux, de  la  couleur  de  la  croiite,  ct  perct's  de  plusieurs 
pores  au  sommet. 

P.  Communis.  Croiile  mince;  receptacles  rapproches, 
separes  par  des  fissures  anguleuscs,  gros,  irreguliers,  perces 
au  sommet  de  3  a  5  petits  trous  noirs:  commune  sur  tous 
les  arbres. 

P.  Leioplaca.  Cctte  especc  se  distingue  de  la  precedente 


DKS    LICHENS.  3?1 

par  sa  croiilc  plus  lisse,  par  scs  receptacles  plus  cspuces,  ct 
se  dechirant  au  sommet  c»  ouverture  irregulicrc:  sur  Ics 
troncs  d'arbrcs,  au  pied  du  Roule;  rare. 

VERRUCARIA. 

Croute  mince;  receptacles  noirs,  globuleux  ou  hemisplir- 
riques,  d'abord  fermes,  puis  perces  d'un  pore  au  sommet. 

t  Especes  qui  croi.ssent  sur  Ic  bois,  ou  surlccorce  des 
arbres. 

s 

V.  Galactites.  Croute  mince,  d'un  blanc  de  lait;  recepta- 
cles petits,  orbiculaires,  un  peu  aplatis,  espaces  :  commune 
sur  I'ecorce  des  jeunes  brancbes  d'arbres. 

V.  Epidcrmidis.  Croute  blanche,  lisse,  se  confondant  avcc 
Tecorce;  receptacles  ecartes,  oblongs,  trcs  petits,  paraissant 
sortir  de  dessous  Tepidcrme  :   sur  I'ecorce  lisse  du  bouleau. 

V.  Pnnctiformis.  Croute  d'un  brun  clair,  indeterminee; 
receptacles  presque  globuleux,  petits  :  sur  I'ecorce  lisse  des 
branches  d'arbrcs.  * 

La  Var.  Ilyloica  ne  differe  de  I'espece  que  par  son  babilal : 
clle  croit  toujours  sur  le  bois  denude,  ou  sur  I't^corce  qui 
commence  a  s'ailercr. 

La  Var.  b.  Alomaria  :  croute  mince,  grise,  socoriforidanf 
avec  recorce;  receptacles  tres  petils,  globuleux  et  luisants  ; 
sur  I'ecorce  lisse. 

y.  Cinerca.  Croute  lisso,  blancbatre,  puis  fendillee;  recep- 
tacles petits,  ht3m!splieriqucs,rasscmbl0s,  presquoconfiiionls: 
sur  Ics  ccorccs;  souvent  melee  avec  Ic  Pateilaria  parasema. 
B.  Lach(5ni}e. 

V.  Alba,   Croiiti!  Ir^s  mince,  blanche,  dcvenanl  grise  et  a 

21 


3?2  CATALOGUK 

peine  visiL'le  dans  sa  vieillesse  ;  receptacles  reunis,  hemis- 
])Iu*iiques,  un  peu  luisants:  rare. 

V.  Glahrnta.  Celteespece,  dont  les  receptacles  sont  un  peu 
enniques  est  rapporlee  par  quelques  auteurs  a  la  precedente. 
Surl'dcorce  des  chenes,  bois  de  laPrevallerie,  aOcteville. 

V.  Olivacea.  Croutelisse,  olivatre,  dtHerminee;  receptacles 
espac^s,  ombiliqu^sau  sommet :  sur  I'ecorce  lissedes  jeunes 
arbres. 

V.  Nitida.  Croute  epaisse,  luisante,  souvent  fendillee,  d'un 
b!anc-roussatre ;  receptacles  nombreux,  hemispb6riques , 
enfonc^s  dans  la  croute  :  sur  I'ecorce  de  differenls  arbres. 

-ft  Espfeces  qui  croissent  sur  les  picrfes  ou  les  rochers. 

V.  Coerulea.  Croute  d'une  couleur  gris  de  plomb;  recep- 
tacles hemispberiques,  aplatis  au  sommet  et  enfonces  dans 
la  croute  :  sur  les  rochers,  a  la  grande  Fauconniere,  Cher- 
bourg. 

"V.  Dufourii.  Croute  Epaisse,  irreguli^re,  d'un  gris-blan- 
chatre,  fendillee;  receptacles  convexes,  ouverts  par  un  pore 
au  sommet,  et  places  sur  un  rennemenl  de  la  croute.  Les 
receptacles  sont  [ilns^ifaids  que  dans  toutes  les  especes  de 
ce  genro.  S  •  •  aux  ehvirnns  de  Cberbourg;  rare. 

V.  Ejjipv  v  ,-irise,  un  peu  pulverulenle;   recepta- 

cles presque  globuli'ux,  perces  au  sommet  :  croit  sur  les 
pierres  de  cl6lure,  rivagede  Tourlaville.  R.  LacbSnee. 

v.  Muralis.  Croute  mince,  blanche,  a  peine  distincte; 
receptacles  presque  globuleux,  enfonces  :  croit  constamment 
sur  les  vieux  niortiers. 

V.  Nigrescens.  Croute  indelerminee,  d'un  brun  noir;  re- 
ceptacles protuberanls,  gros,  coniques,  souvent  perces  au 
sommet,  un  peu  luisants  :  crott  sur  les  rochers,  a  la  grande 
Fauconniere. 


bKS    LICHENS,  323 

V.  HyJrela.  Croute  ccndrce,  quelquefois  devenanl  brunc; 
receptacles  pelits,  prcsquc  globulcux,  enfonces  dans  la 
croute  :  croU  sur  les  scliistcs  humidcs,  chemin  de  TAmont- 
Quentin.  B.  Lach^nee. 

V.  Mucosa.  Croute  gelalineuse,  d'un  vert  noir  lorsqu'ello 
est  huniido,  Ires  lisse  ctant  scche;  receptacles  pctits,  un  pcu 
enfonces  :  croit  sur  les  pierres  humiJes,  au  inoulin  de  Die- 
letle,  a  Flamanville. 

V.  Maura.  Croute  noire,  lisse,  fendillee;  receptacles  pelils, 
liemispheriqucs,  ombiliques  :  croit  sur  les  roclies  au  bord 
de  lamer;  commune.  B.  Lachenee. 

V.  Glaucina.  Croute  grise,  fendillee;  receptacles  confluents 
d'un  bleu  noiratrc:  commune  sur  les  pierres,  dans  le  che- 
min de  I'Amont-Quentin. 

URCEOLARIA. 

'  Croute  formee  de  tubercules  planes  ou  concaves,  s'ouvrant 
a  leur  sommet  en  une  sculelle  enfoncee,  entourLio  d'un 
rebord  forme  par  la  croiJte. 

■  U.  Acharii.  Croute  irreguli6rement  arrondie,  mince,  tres 
adlierentc,  d'une  coulcur  ocliracee,  plus  ou  moins  foncee; 
les  receptacles  sont  prcsquc  toujours  rapproclics,  au  nombre 
de  2-3,  et  paraissent  a  I'oeil  nu  comme  une  legere  de- 
pression de  la  croute:  croit  sur  un  roclier  schisteux  , 
chemin  de  la  Loge. 

U.  Cincrea.  Croute  d'un  gris  cendre,  fendillee  en  areolcs; 
chacuno  d'clles  porte  1  a  3  points  noirs,  qui  s'ouvrent  on 
scutcllcs  cntourocs  d'un  bourrelet  forme  par  la  croule  :  croit 
sur  les  rochers  do  granit,  a  Flamanville. 

La  Var.  Polygonia  conlicnt  plusieurs  rd'ccplacles  dans 
une  arcole. 


324  CATALOet'E 

U.  Scruposa.  Croute  d'un  gris  blanch^tre,  inegale,  grcnue, 
lendanta  sc  fendiller;  scutelles  d'un  noirbleuatro,  entourees 
d'un  rebord  saillant,  crenele,  pulverulent,  forme  par  la 
croute:  commun  sur  les  murs  converts  de  terre. 

LaVar.  Bryophila  croit  sur  les  mousses  dans  la  Mielle 
de  Tourkiviile. 

U.  Gibbosa.  Ach.  Syn.  p.  139.  Considere  comme  un 
synonyme  de  I'U.  Scruposa  par  Duby,  doit  elre  regarde  au 
moins  comme  une  variet(i  de  cette  espece  :  11  en  differe  par 
sa  croute  verruqueuse. 

PATELLARIA. 

Receptacles  (scutelles)  sessiles,  concaves  etant  jcunes, 
puis  planes  et  convexes,  sans  bordure,  ou  avec  un  rebord 
qui  n'est  qu'une  protubi^rance  de  la  circonference  de  la 
scutelle. 

f  Scutelles  noires  en  dehors  et  en  dedans. 

P.  Petrfea.  Croute  d'un  blanc  grisatre,  quelquefois  bleu- 
atre,  fendillee  en  areoles ;  scutelles  un  peu  enfoncces,  planes 
avec  un  rebord  proeminent :  croit  sur  les  rochers  et  ies  murs. 

P.  Nigra.  Croute  grenue,  formee  de  papiiles  gtilatineuscs 
a  I't^tat  fraia,  noire,  fendillee  en  areoles  6tant  seche;  scutelles 
rapprocbees,  d'abord  planes,  puis  convexes.  Croit  sur  les 
Lords  de  la  Retenue,  a  Cherbourg. 

P.  Murina.  Croute  continue,  d'un  gris  fonce;  scutelles 
luisantes,  d'abord  planes,  a  rebord  renfle,  puis  convexes 
sans  rcbonJs :  sur  les  rochers  schisteux,  chemin  de  la  Logo. 
Trouv6  par  M.  B.  LachOnee. 

P.  Alba.  Croute  membraneuso,  blanche,  souvent  un  peu 


DES    LICHEES.  32S 

verdatre,  d'un  aspect  pulverulent;  scutelles  Ires  petites, 
planes,  sans  rebord :  croit  sur  Ics  mousses  et  les  troncs 
d'arbres. 

P.  Parascma.  Croulc  mince,  grise  ou  verdatre,  ceinlc 
d'une  iigne  noire,  a  la  maniere  des  cartes  giographiques'; 
scutelles  planes  a  bordure  peu  t^levee. 

La  Var.  b.  Punctata  a  les  scutelles  trcs  petites,  nom- 
breuseset  convexes:  se  trouvc,  ainsi  que  I'espece,  sur  r(5corce 
des  arbres. 

P.  Carphina.  DifTere  du  P.  Petri-ea  par  ses  scutelles  qui, 
d'abord  hemispb^riqucs,  deviennent  planes  el  sans  rebord  en 
vieiliissant:  sur  les  murs  d'un  jardin.  Passage  n°  2,  rue  de 
la  Duclieo,  a  Cberbourg. 

P.  Fulgiana.  Lecidea  FuUjiana.  Chevall.  (FI.  Par.)  Ciier- 
bourg.  B.  l.acbcnoe. 

P.  Sabulctorum.  Croute  etendue,  d'un  gris  blancliatre, 
quelquefois  verdatre,  grenue;  scutelles  d'abord  planes  ct 
bordees,  puis  bemispberiques,  sans  bordure:  crolt  sur  la 
mousse  au  pied  des  arbres. 

P.  CitrincUa.  Croute  grenue,  d'un  jaiine  verdatre:  sur  la 
terreet  les  mousses;  Cberbourg.  B.  Laciience. 

tt  Scutelles  noires,  cornees  a  I'interieur. 

P.  Premnca.  Croute  d'un  blancgri&atre,  epaisse;  scutelles 
eparses;  d'abord  planes,  munies  d'un  rebord,  puis  irri-gu- 
lieremenl  convexes  et  sans  rebord.  Cotle  espece,  qui  a  de 
I'analogie  avcc  le  P.  Parasema,  en  dilTerc  par  la  largcur  do 
ses  scutelles.  Sur  I'ecorce  des  arbres,  bois  de  la  Prt-valleric, 
\\  Octcville. 

P.  Conllucns.  Croute  epaisso,  grise,  fendillec;  scutelles 
grandes,  rapprocliees,  confluenles,  dovenant  irresuIiOres, 


32<7  ('ATALOGIE 

presque  globulcuscs,  sans  rebord :  croil  sur  les  rochers 
gi-dnitiqnes,  a  Flamanville. 

La  Var.  b.  Delisei  a  Ics  scutellcs  un  peu  enfonc^es,  et 
conservantqiielques traces de rebord  :  acte  trouvcesurunmur 
ii  la  Polio,  pros  Cherbourg,  par  M.  B.  Lachfinee. 

V.  Immersa.  Croute  unie,  blanche,  pen  apparente;  scu- 
telles  un  pcu  enfonctes  dans  la  pierre,  planes  avec  un  rebord, 
puis  un  peu  convcxes:  sur  les  rocbers,  a  la  i^tite  Faucon- 
n'lcre,  Cherbourg,. 

P.  Laplcida.  Croute  d'un  blanc  cendre,  mince,  unie,  fen- 
dillee  en  petitesar^oles;  scutelles  eparses,  incrustt"'es  dans 
la  croute, .d'abord  planes  et  a  rebord  proSminent,  puis  con- 
vexes,  sans  rebord  :  sur  lesrochers  quartzeux. 

La  Var.  Lithophila.  Croute  presque  nulle,  scutellcs  planes 
et  anguleuscs:  sur  les  pierres  do  cloture  a  Tourlavillc.  B. 
LachC'nee. 

P.  Elceochroma.  Croute  grenue,  fendillee,  d'un  jaune 
verdalre,  grisatre  par  places:  sur  i'ecorce  des  arbres,  le  long 
du  Trottebec,  a  Cherbourg.  B.  Laehenee. 

ttt  Scutelles  noires  a  Texterieur,  blar>ches  a  I'int^rieur. 

P.  Enteroleuca.  Croute  mince,  grise,  grenue;  scutelles 
d'abord  planes  et  bordees,  puis  convexes  et  rugueuses,  sans 
bardurc:  sur  I'i^corce  des  arbres.  B.  Laehenee. 

P.  Synolhca.  Croute  d'un  vert  noiratre  :  sur  les  vieillcs 
barrieres,  a  Cherbourg.  B.  Laehenee. 

tttt  Scutelles  noires  a  I'ei^lcrieur,  rouges  interieurement. 

P.  Sanguinaria.  Croute  grenuo  ou  ridee,  grisc,  plus  on 
moius  glauque!  En  ouvrant  une  des  scutellcs,  on  remarque 


L)ES    LICHEiNS.  327 

un  point  rouge  a  la  base,  ce  qui  distingue  facilement  celte 
espece  :  croit  sur  les  rocliers. 

ttttt  Scutelles  noiratres,  recou  vertes  d'une  poussicre  plus 
ou  moins  glauque. 

P.  Albo-Coerulescens.  Croute  blancbo  ou  grise,  fendillee. 
Les  scutelles,  dont  le  disque  est  recouvert  d'une  poussiere 
glauque,  ont  le  rcbord  prive  de  poussiere  et  paifaitement 
noil- :  croit  sur  les  pierres  de  granit,  a  Flamanville. 

La  Var.  b.  Turgida;  a  Octeville. 

P.  Siiacea.  Croute  mince,  unie,  d'un  rouge  d'ocre;  scu- 
telles d'abord  planes  avec  un  rebord,  puis  convexes  ou  dif- 
formes :  croit  sur  les  roches  scbisteuses,  chemin  de  laLoge; 
trouve  par  M.  B.  Lacbenee. 

P.  Margaritacea.  Croute  d'un  blnnc  grisaire,  cntouree 
d'une  ligne  noire;  scutelles  a  rebords  proeminents,  recou- 
verles  d'une  poussiere  blanclie  :  menie  localite.  B  Lachon'- 

P.  Epipolia.   Croute  blanche,  epaisse,  grenuc,  fen    I 
les  scutelles  sont    litiniis|)heriqu('s ,  prcsijiie    ^!  bu.tii.M^s, 
recouvertes  d'une   poussiere  grise,  trt>s  adb^rente  :  sur  un 
raur  pres  de  la  cbapelle  Sl-Sauveur.    B.  Lachenee. 

P.  Sulphurea.  Lecanora  Sulphurea,  Bctan.  gall.  Croiile 
jaune,  epaisse;  scutelles  convexes,  diflormes,  recouvertes 
d'une  poussiere  d'un  jaune  bleuatrc  :  roches  granitiques  a 
Fcrmanville,;;cflte  du  Val-dc-Saire. 

f :  Obs.  La  bordure  formd'e  par  la  croute  manquant  souvcnl 
dans  cctte  espece,  je  I'ai  conservec  dans  le  genre  Patellaria. 

I'.  Crelacea.  D.  C.  11.  fr.  P.  Speirea,Vnr.Crcf(i(ca.  Dub. 
Bot.  gall.  Croute  continue,  luilvcruleiile,  d'un  blanc  d* 
lail  :  .surMcs  picrrcs,  a  Ocle\ille. 


328  CATALOGUE 


-'•yyttt  Sculellcs  ile  couleur  faiive  ou  brune. 


P.  Iiicana.  Croute  epaissc,  d'un  aspect  vein,  blanclic, 
glaiique  lorsqu'elle  est  liumide,  grisc  etant  sechc.  Les  scu- 
lelles,  qui  sont  trc;srares,  sont  d'unc  couIpim'  brune,  avec  un 
rebord  cntier  el  plus  pale  qut;  le  disquc.  Cetle  cspece,  comi- 
inunc  au  pied  des  vieilles  souches,  se  rencontre  presque 
toujours  sans  sciitelles  :  acctelat,  ellc  a  etc  dt^crito  par 
differents  auteurs  sous  le  nom  de  Lepra  incana. 

P.  Viridescens.  Croute  grenue,  verdalre,  d'un  aspect  pul- 
verulent, s'etendant  irregulieremenl  sur  les  vieilles  ecorces, 
et  nicme  sur  les  mousses.  Les  sculcUes  sontd'abordconvexes 
et  sans  rebord,  puis  hemisphcriqucs  etridees.  Croit  sur  les 
vieus  pommiers,  environs  de  Cherbourg. 

P.  Vernalis.  Croute  grenue,  inegale,  d'un  vertgris;  scu- 
telles  planes  ou  concaves,  a  rebord  proeminent  dans  leur 
jeuncssc,  puis  convexe  et  sans  rebord.  On  rcmarque  des 
points  noirs  epars  sur  le  disquc  des  scutcUcs.  Croit  sur 
recorce  des  vieux  arbres,  a  Ocleville. 

La  Var.  b.  Spba^roidca,  P.  Rosclla  de  D.  C,  se  distingue 
par  ses  scutelles  devenant  globuleuses  et  agglomerces. 
Trouve  sur  de  vieux  arbres  a  Digosville.  B.  Lacbenee. 

P.  Rivulosa.  Croiile  d'un  brun  cendre,  entouree  d'uno 
ligno  noire  ;  scutelles  brunes,  noircissant  par  la  dessication, 
planes  dans  ieur  jcunesse,  devenant  oonvexes  et  irregulieres 
en  vieiilissant.  Couville,  sur  les  roches  quartzcuses. 

La  Var.  Decussata,  Achar.;  nioiitagnc  du  Roule. 

P.  Decolorans.  Var.  Granulosa,  Dub.  Bot.  Gall.  Croute 
continue,  grenue, d'un  grls  blanchatre:  montagnedu  Roulc. 

ttttttt  Scutelles  rouges  ou  rouge-brun. 

P.  Pacbycarpa.  Croiitc  grenuo  d'un  vert  ]^"d\e,  blan<;hissani; 


DES    LICHENS.  329 

par  la  dessicalion ,  et  s'ctendant  irrogulioremcnt  siir  les 
mousses,  oii  elle  croit.  Les  sciitollcs  sont  concaves,  avec  un 
rebord  proeminent  dans  leiir  jouncsse;  grandcs,  un  pen 
bombccs  et  sans  rebord,  en  vieillissaiit.  CroU  sur  ia  niousse, 
foretde  Britiiiebec  et  aii  Vrelot. 

P.  CEruginosa.  Crofilc  mince,  conleur  d'un  vert  de  gris 
pale;  sculelles,  d'abord  planes,  devenant  dans  Icur  vieillcsse 
convexes  et  ridees,  sans  bordiirc.  Croit  sur  la  lerre,  parmi 
lesvieilles  souclies  :  monlagne  du  Roule. 

P.  Ferruginea.  Croiite  arrondie,  cendree,  un  peu  grenue; 
scutelles  d'un  rouge  brique,  concaves  a  rebord  proemirient, 
puis  convexes,  deformees,  avec  un  legcr  rebord  persistant: 
sur  Tecorce  des  arbres. 

P.  Lamprocbeila.  Celtc  espece,  qui  resserable  a  la  precti- 
denle,  croit  toujours  sur  les  rocliers,  ce  qui  la  distingue 
sufTisamment. 

La  Var.  Ca3sio-ru(Ta  B.  g.  a  etetrouvee  sur  un  mur  dc  la  rue 
des  Macons,  a  Clicrbourg,  par  M.  B.  Lacbenee. 

P.  Micropliylla,  Var.  Picina.  Croiite  d'un  aspect  noiratre, 
gelalineuse,  formee  de  granules  presses,  commc  imbriques. 
Les  scutelles  sont  noircs,  planes.  Donjon  de  Bricquebec,  mai 
-1846.  B.  Lacbenee. 

tttttti't  Scutelles  jaunes. 

P.  Lucida.  Croiite  pulverulente,  d'un  jaune  vcrdatre; 
sculelles  un  peu  enfoncecs  dans  la  croiite:  croit  sur  les 
rocbers,  a  la  grande  Fauconniorc,  ct  sur  les  falaises  de 
Greville.  B.  Laclienee. 

RinZOCARPON.  S.  C.  (Patellarja,  Bot.  gall.) 

Les  especcs  de  cc  genre  no  se  dislinguent  de  celles  du  pre- 


'.V-U)  >  CATALOUIE 

codcrit  (juc  par  los  lignes  noires  qui  so  croisent  a  la  surface 
do  ki  croijto  :  ellos  croisscnt  loujours  sur  les  pierres. 

R.  Geographicutn.  D.  C.  —Patellaria  geographica  Bot. 
gall.  Taclies  jaunes,  brillantes,  placees  sur  une  croule  noire, 
lellemeut  mince  qu'elle  ne  paralt  qu'une  coloration  de  la 
pierre,  et  servant  de  bordure  a  ces  tachcs.  Les  scutelles,  d'un 
noir  mat,  avec  un  leger  rebord,  viennent  toujours  sur  la 
parlie  noire  do  ce  lichen.  Commun  sur  les  rochers. 

R.  Confervoides.  D.  C.  —P.  Atro-Alba.  Bot.  gall.  Dans 
cette  cspece,  une  croiite  d'un  gris  blanchatre  se  devcloppe 
sur  la  pellicule  noire  qui  sert  a  la  plante  de  base  et  de  bor- 
dure. Les  scutelles,  noires,  sont  un  pcu  bombecs,  avec  un 
rebord  peu  apparent.  Rochers  sur  la  montagne  du  Roule. 

LeRhizocarponasteriscum.D.C. — Patellaria  Atro-Alba, 
Bot.  gall.,  var.  Dentritica:  une  a  deux  scutelles,  petites,au 
centre  d'une  laclie  noire,  de  la  base  de  laquelle  rayonnent 
des  filets  noirs,  rameux,  qui  donnent  a  ce  lichen  la  forme 
d'un  asterisque.  Croit  sur  les  rochers  quarlzeux,  landc  de 
Bruneval.  B.  Lachenee. 

R.  Arrneniacum.  Cette  espece  ne  dilTere  du  Rhizocarpon 
geographicum  que  par  ses  ecaillcs  qui  sont  d'un  jaune 
orange:  sur  les  pierres. 

LECANORA. 

Scutelles  sessilcs,  planes  ou  con  vexes,  entourees  d'une 
bordure  formee  par  la  croutc. 

-f  Scutelles  jaunes. 

L.  Vitellina.  Croiite  grenue,  (Sparse,  d'un  jaune  brillant; 
scutelles  de  meme  couleur,  d'abord  planes,  puis  convexes : 
croit  sur  les  rochers,  ii  la  Fauconniere. 


DES    LICHENS.  33f 

L.  Citiina.  Croulcd'iin  aspect  pulverulent,  indclcrininee, 
tl'un  jaune  vif.  Cette  cspece,  Ires-cominune  sur  les  murs,  est 
presque  loujours  privee  de  scutellos,  lesquelles  sont  d'uu 
jaune  plus  fence  que  la  croute. 

Le  Lecanora  Linckii,  Clicvall.,  croissant  sur  les  arbres, 
trouve  a  Brix,  par  M.  Lachi}nee,  sur  un  vieil  arbre,  doit  elre 
consldere  comme  une  variete  du  L.  Citrina. 

L.  Luleo-Alba.  Croute  nuUe;  scutelles  d'abord  planes,  puis 
convexes,  avec  une  bordure  du  meme  jaune  que  le  dis(]ue: 
croit  sur  I'ecorce  des  arbres. 

La  variete  b.  Aurantiara  differe  du  type  par  la  couleur 
des  scutelles,  qui  sont  d'un  jaune  plus  foncequela  bordure: 
celle-ci  souvent  blancliit  sur  les  bords. 

L.  Cerina.  Croute  indeterminee,  blancbe  ou  grise;  scutelles 
d'un  jaune  de  cire,  avec  une  bordure  d'abord  recouvertc 
d'une  poussiere  blanche,  puis  devenant  grise:  croit  sur 
I'ecorce  des  vieux  saules.  B.  Lachenee. 

L.  Lutescens.  Croute  pulverulente.'d'un  vertjaunatre;  les 
scutelles,  qu'on  trouve  rarenientsur  cette  espece,  sont  d'une 
couleur  carnee,  brunissant  par  riige:  croit  sur  les  arbres, 
aux  environs  de  Clierbourg.  B.  Lachenee. 

L.  Ehrartiana.  Croute  rid(5e,  grenue,  fendillee,  d'un  blanc 
verdatre:  sur  I'ecorce  des  arbres,  monlagne  du  Roulc. 

La  var.  Polytropa,  sur  les  pierres. 

L.  Chloroleuca.  Croiitc  grenue,  blanchatre;  scutelles 
agglomerc^es,  concaves,  d'un  jaune  verdatre.  Rare. 


i  1 


Scutelles  d'un  brun  fauvc. 


L.  Subfusca.  Crodle  phis  ou  nioins  grenue,  grisatre;  scu- 
telles planes  a  bordure  cntiere  et  epaisse;  commun  sur 
I'ecorce  des  arbres. 


332  CATALOGUE 

La  var.  a.  Argenlata,  Acli.  Syn.  Lich.  p.  157,  a  h  croftle 
orbiculaire,  blanche,  tn*s  lisse,  et  )cs  scutelles  planes  avec 
line  bordure  Ires  enlierc:  se  trouve  siir  les  arbres,  pr^sde 
la  Glacerie. 

La  var.  Atrynea,  croit  sur  Ics  pierres. 

L.  Scnipulosa.  Croiite  dt'temiinee,  grise,  verruqueuse, 
fendillce;  sculellcs  de  couleur  cirejaune,  brunissant  en 
vieillissant;  bordure  entiere,  puis  sinueuse.  Celtc  espece, 
qui  a  bcaucoup  dc  rapporl  avec  la  precddente,  est  la  Var. 
b.  dii  Lecanora  sulpluirea  d'apris  Achar.  melh.  p.  169. 
Croit  sur  les  vieux  arbres,  au  Maupas.  B.  Lachent^e. 

L.  Varia.  Croiito  irregulicre,  a  surface  inegale,  d'un  jaune 
verdalre;  les  scutelles  a  disque  variantdu  jaune  au  rouxbrun, 
sont  nombreuscs,  a  bordure  llexueuse  et  crenelee.  Sur  le  bois 
denude  et  les  vieilles  barrieres.  B.  Lacbenee. 

L.  Craspedia.  Croute  blanche,  grenue,  inegale;  scutelles 
d'un  rouge-brun  en  vieillissant:  sur  les  rochers  granitiques, 
Cosqueville  et  Angoville. 

L.  Epibryon.  Croiile  blanche,  irregulierementetendue  sur 
les  mousses;  scutelles  d'un  brun  niarron,  planes:  a  la 
Jouannerie,  a  Octeville.  B.  Lachepee, 

L.  Retorrida.  Croute  d'un  gris  verdatre,  grenue  ;  sur  les 
pierres.  Environs  de  Cherbourg.  B.  Lachenee. 

fft  Scutelles  rouges  ou  roses.         , 

L.  Ilaimatommn,  Ach.  Syn.  p.  178.  Croute  epaisse,  fen- 
dillee,  pulverulente,  couleur  de  soufre;  scutelles  enfoncees, 
d'un  rouge  sanguin,  d'abord  planes,  puis  convexes:sur 
les  rochers,  a  la  grandc  Fauconniere. 

tttt  Scutelles  fauves,  devenant  bruncs  ou  noiratres. 

L.  Brunnea.  Croute  grenue,  gelalincusc,  d'un  brun  noi- 


BKS    Lir.ME.NS.  .333 

I'Atre;  scutelles  fauves,  devenant  d'un  brun  fonce  en  vieillis- 
sant:  sur  la  terre  et  los  fosses,  au  village  de  la  Loge. 

ttttt  Scutelles  coulcur  de  chair,  pales,  ou  reconvenes 
de  poussifire. 

L.  Turner!.  Croute  grenue,  pulverulente,  d'un  blancsale, 
verdatre;  scutelles  espacees,  grandes,  epaisscs,  a  disque  un 
peu  concave,  d'un  rouge  pale.  La  bordure,  epaisse,  est 
d'abord  entitire,  puis  crenelee :  sur  I'ecorce  des  vieux  arbres, 
a  Flamanville. 

L.  Albella.  Croute  blanche,  mince,  cartilagineuse:  sur 
Tecorce  des  arbres,  montagne  du  Route. 

L.  Parella.  Croute  tres  blanche,  grenue,  verruqueuse, 
fendill^e;  scutelles  de  la  couleur  dela  croute,  larges,  a  bor- 
dure entiere  et  epaisse  :  sur  les  troncs  d'arbres  et  les  pierres. 

La  Var.  b.  Tumidula  differe  de  I'espece  par  sa  croute 
plus  mince,  par  ses  scutelles  plus  convexes,  et  par  la  bor- 
dure moins  epaisse:  croit  sur  I'ecorce  des  arbres. 

La  Var.  Palescens,  beaucoup  plus  rare,  croit  sur  les 
rochers  el  sur  I'ecorce  des  arbres,  a  Flamanville. 

L.  Tartarca.  Croute  epaisse,  grenue,  blanche,  nn  peu 
cendree;  scutelles  larges,  planes  ou  un  peu  bombees,  do 
couleur  de  brique  pille,  a  bordure  ondult'e:  sur  les  rochers, 
montagne  du  Roule. 

L.  Glaucoma.  Croute  grenue,  d'un  gris  blanchatre,  fen- 
dillee;  scutelles  enfoncees  dans  la  croute,  d'abord  planes, 
puis  bombees,  a  disque  poudreux,  variant  dc  couleur  depuis 
le. rouge  jusqu'au  brun  noir :  sur  les  rochers,  a  Flamanville. 

L.  Angulosa.  Croute  membrancusc,  grise,  d'abord  lissc, 
puis  ruguensc  et  fendillee;  les  scutelles,  a  disque  pale, 
recouvertcs  d'une  poussicre  glauque,  se  trouvant  deforni(5es 
par  leur  rapprochement:  crotl  sur  I't-corce  des  arbres. . 


334  CATALOGUE 

L.  Subcarnea.  Celle  cspeco,  qui  croit  siir  les  rochers,  a 
bcaucoiip  de  rapport  avcc  la  precedente.  B.  Lachun6c. 

L.  Hageni.  Croule  Ires  mince,  membraneuse,  d'un  blanc 
grisatre ;  sculelles  devenant  brunes  en  vieiilissant  :  sur 
rccorcc  des  arbres.  « 

tffttt  Scutelles  noires. 

L.  Coarctata.  Ach.  Syn.  p.  f49.  Croute  etendue,  irregu- 
liere,  un  peu  rugueusc,  grise,  fendillee  en  petites  arroles; 
scutelles  a  disque  enfonce  dans  la  croute,  a  surface  plane, 
k  bordure  elevee,  un  peu  poudreuse,  (^Iranglee  de  place  en 
place,  de  manierea  former  comme  un  cbapelet  aulour  du 
disque.  Croit  sur  un  mur,  cbemin  dela  Loge;  tres  rare. 

L.  Atra.  P.  Tephromelas,  fl.  fr.  Croute  arrondie,  grenue, 
«n  peu  ridee;  sculelles  eparses,  a  bordure  un  peu  proemi- 
nente.  Celte  espece  est  commune  sur  les  rocbers  ct  I'ecorce 
des  arbres;  elle  difTere  du  Lee.  Sabfusca  par  la  couleur 
noire  de  ses  sculelles. 

La  Var.  b.  Confragosa,  Ach.  se  distingue  par  la  teinte 
verdatre  de  sa  croute  :  croit  sur  les  vieux  troncs  d'arbres,  a 
Virandeville.  B.  Lach^nee. 

La  Var.  Grumosa,  Ach.  ;  croule  d'un  gris-blanchatre. 

fffff  R^'ceptacles  places  sur  une  croute  formee  par  dos 
ccailles  ou  folioles  plus  ou  moins  appliqu6es,  mais  libres,  au 
moins  sur  le  bord  de  la  croute. 

rSORA. 

Ecailles  planes  ou  convcxes,  dislinclcs,  croissant  sur  une 
croute  pulvernlentc  tres  legere. 


DES   LICHEN?.  333 

P.  Vesicularis.  Croiitc  pnlverulenlc,  noiralrc,  croissant 
sur  la  terrc  ou  parmi  les  mousses;  porlanl  dcs  tubercules 
foliaces,  distincts,  a  lobes  obtus  et  renfles  d'lin  gris  sale  ; 
scutelles  noires  placees  sur  lecot^  de  ces  luberculesicommun 
dans  les  mlelles  de  Cherbourg. 

P.  Lurida.  Croule  formee  de  folioles  rondos  ou  lobecs, 
imbriquees,  se  relevant  a  leur  exlremile  superieure,  de  cou- 
leur  livide,  brune  en  dessus  et  moins  foncee  en  dcssous. 
Scutelles  d'un  brun  dcvenant  noir.  Sur  un  mur  pres  de  la 
cliapelle  Saint-Sauveur  a  Cherbourg.  Mur  pres  le  manoir  a 
Equeurdreville.  Chemin  de  I'eglise,  a  Querqueville.  B. 
Lachenee. 

P.  Candida.  Differe  du  P.  Vesicularis  par  ses  tubercules 
foliaces,  reconverts  d'une  poussiere  blanche,  adherente. 
Moins  commun. 

SQUAMARIA. 

Croute  large,  irreguliere,  form(5e.  d'ecaillcs  ou  folioles 
epaisses,  souventimbriquees,  portant  a  leur  surface  des  scu- 
telles qui  ne  sont  point  enfonc^es  dans  la  croute. 

S.  Crassa.  Ecailles<5paisses,  planes  au  centre,  lobees  sur 
les  bords,  d'un  vert  jaunatre,  blanches  sur  les  bords,  en 
dessous;  scutelles  nonibreuses,  rousses,  a  rebord  blanchatre. 
Falaises  de  la  Hague,  juin  18.^2.  B.  Lachfinee. 

PLACODIUM. 

Croute  orbiculaire,  adherenle,  grcnue  au  centre;  les 
scutelles  naissent  sur  la  parlic  grenue;  les  folioles  qui 
rayonnent  du  centre  a  la  circonf(5rcnce  nc  sont  visiblcs  que 
sur  les  bords. 


:j36  t:\TALOGUE 

p.  Ochrolencum.  Croiite  d'un  jaune  vcrdatrc,  orbiculairo, 
n'(5tant  souvent  visible  qiiesur  les'bords,  le  centrese  detrui- 
sanl  par  I'agc.  Lcs  scutelles  sont  d'un  brun  fauve,  a  bordurc 
moins  foncee  en  couleiir.  Croit  sur  les  roches  de  granit,  a 
Flamanville. 

P.  Albescens.  Croute  rugueuse,  putverulente,  d'un  blanc 
sale;  scutelles  ramassces  au  centre  de  la  croilte,  pressees, 
anguleuses,  couleur  de  chair  devenanl  brunc.  Commun  sur 
les  pierres  el  les  niurs. 

La  Var.  b.  Disperniura  differe  de  Tespece  par  sa  croule 
presque  nuUe,  par  ses  scutelles  eparses,  etdevenant  prcsquc 
noires  par  la  vetuste  :  meme  habitat,  niais  plus  rare. 

P.  Canescens.  Croiitc  blanchatre ,  farineusc,  arrondie ; 
scutelles  d'un  noir  bleurure,  a  bordure  blanche  dans  leur 
jeunesse,  etsans  bordure  lorsqu'elles  sont  vieilles.  Commun 
sur  I'ccorce  des  arbres  et  sur  les  pierres. 

P.  Fulgens.  Croiite  d'un  jaune  citrin,  en  rosette  orbicu- 
laire;  scutelles  d'un  rouge  orangfi,  eparses  sur  la  croute. 
Cette  espece,  que  j'ai  Irouvee  croissant  sur  la  terre,  dans  les 
dunes,  pres  de  la  redoute  de  Tourlaville,  se  fait  remarquer 
par  la  couleur  brillante  des  scutelles,  ctla  belle  teinte  jaune 
de  la  croute. 

P.  Murorum.  Croiitc  verdatre  6tant  humide,  d'un  jaune 
obscur  etant  seche,  grenue,  a  folioles  elroites  et  convexes, 
visibles  seulement  sur  lcs  bords;  scutelles  nombreuses, 
ramassees  au  centre  de  la  croute  :  se  Irouve  sur  les  murs. 

La  Var.  Obliteratum,  plus  commune  que  le  type. 

P.  Elegans.  Cette  espece  differe  de  la  precedente  par  la 
couleur  rouge-orange  de  la  croute,  par  les  folioles  ecartees 
les  unes  des  autres,  et  par  les  scutelles  petites,  planes  et 
eparses :  sur  les  rochers,  a  Flamanville. 

P.  Candicans.  Croute  rugueuse,  blanche,  a  folioles  ridees, 


DKS    MCHENS.  337 

dilatiJcs  sur  les  Lords;  scutcUes  noirtUres,  rccouvcrles  d'une 
poussitre  glauquo.  Rare. 

P.  Candelariuni.  Ne  doit  pas  etre  confondu  avec  Ic  Par- 
melia  Candelaria.  M.  Chevallior,  fl.  parisienne,  Ten  st'paro 
avec  raison  :  il  se  rapprochc  dii  Phcodium  Murorum. 

COLLEMA. 

Foliolcs  de  forme  variable,  d'une  consistance  gelatineiise ; 
d'lin  vert  noiriitre  (!'tant  fratclies,  raides  et  fragiles  etant 
soches;  qiielquefois  liljrcs.jmbriqiiees  ou  dressces,  qnelque- 
fois  indislinctes,  et  no  presentant  ii  la  vueqii'iinc  croiite 
grenue  el  gelalineusfc. 

Feiiilles  libres,  pen  epaisses. 

f  Sculellcs  brunes. 

C.  Nigrescens.  Folioles  Iranslucidcs,  mollcs,  flexibles  et 
papyracees,  formant  une  rosette  ridee;  scutelles  d'un  brr.n 
roussatrc:  comiiiun  sur  I'ecorce  des  arbres. 

(].  Furvum.  Ccttc  espccc  dilTore  do  la  procedente  par  ses 
foliolcs  couvcrtes,  en  dessus,  de  pelils  grains  nombrcux  et 
opaques:  sur  Tecorce  dos  arbres.  B.  Lacbencc. 

C.  Jacobea^fotium.  Folioles  membrancusesd'un  vert  fonce, 
crepucs,  decbiquclees;  scutelles  d'lui  brun  pourpre,  a  bor- 
durc  analogue  fiux  foliolcs:  sur  Ics  murs  couverts  dc  terre,  a 
Tourlavillc. 

ft  Scutelles  rouges. 

C.  Lacerum.  Folioles  d'un  vert  glauque  elant  bumidcs, 

22 


338  fiATALOQlE 

grises  olant  sechcs,  minces,  dressees,  irregulieremcnt  den- 
telees,  crepues;  scntelles  peu  nombreuses,  pctitcs  el  rouges: 
parnii  les  mousses,  chemin  dos  Rueltes  au  t^lcgraphe, 
Cherbourg. 

2  Folioles  epaisses,  formant  un  gazon  de  folioles  redrcs- 
s6es,  imbriquecs  ou  peu  distinctes. 

C.  Fasciculare.  Croute  d'un  vert  fence,  formee  de  folioles 
courtes,  lobees  ou  crenelees,  plissees;  scutelles  a  disque 
plane,  rougeatre,  un  peu  pediculees  :  sur  les  fosses,  a  Sur- 
lainville  :  Murs  du  fort  de  Vauville ;  oct.  1844. 

C.  Crispum.  Folioles  lobees,  crenelees,  arrondies,  dres- 
sees, formant  une  rosette  d'un  vert  fence;  les  folioles, 
distinctes  seulement  sur  les  bords,  le  centre  n'ayant  I'aspect 
que  d'une  croCite  grenue.  Les  scutelles  sont  eparses,  rou- 
geatres,  planes  et  trtis  grandes.  Sur  la  terre,  dans  les  Mielles 
de  Cherbourg. 

La  Var.  a.  Pulposum  se  distingue  par  la  reunion  de  ses 
scutelles  au  centre  de  la  croute. 

Dans  la  Var.  v.  Cristatum,  loutes  les  folioles  sont  distinctes. 
Ces  deux  varietes  se  trouvent  sur  la  terre  humide  et  parmi 
les  mousses. 

La  Var.  Granulatum,  sur  un  mur  pres  de  la  chapelle 
Saint-Sauveur. 

C.  Tenuissimum.  Cette  esp^ce  forme  un  petit  gazon  ras, 
imbriqut^;  les  folioles  sont  lineaires,  mullifides,  dentelees, 
tr^s  serrees:  les  scutelles  sont  eparses,  planes,  d'un  roux 
brun:  crolt  sur  les  murs  et  la  terre  humide.  B.  Lachfin^e. 

C.  Nigrum.  Voycz  Patellaria  nigra. 

ENDOCARPON. 

Frondcscarlilagineuses,  duros,  arrondies  presqueen  bou- 


WKS  i.it;i!F;>s.  3.i<.» 

clier,   Ic  plus  souvcnt  sc|jarces,   queUiuefois  rassemblees, 
lisses  en  ilessous;  rucopUu'lcs  renfcniics  dans  re[iaissoiir  de 
lafronde,  el  no  s'annongant  a  rcxlerieurque  par  une  peLilo' 
elevation •  term fnee'par  un  oiillco. 

E.  Fluvialile.  Cettc  ospece  forme'sur. les  pierres  inondccs 
de  larges  plaques  de  folioles,  a  lobos  arrondis,  releves,  d'un 
gns-verdalre  a  I'exterieur,  roussatre  en  dessous :  emit  siir 
les  pierres  au  fond  dc  la  riviere  Divello,  pres  le  pont  du 
Ronle,  et  dans  un  ruisscaii,  au  pied  de  la  falaise,  a  Greville. 

E.  Tephroides.  rolioles  pclites,  d'une  couleur  grise  en 
dessus,  noire  en  dessous,  un  peu  enfoncees  dans  la  Icrre,  a 
rcbord  irregulicr,  cr6nele  :  sur  la  Icrrc  et  parmi  les  mousses, 
sur  le  donjon  de  Bricqucboc,  et  dans  les  cn\ irons. 

E.Pulchellum.  Hook.  LenormandaJunger mania,  Delise. 
Folioles  d'un  blanc-grisalre,  a  lobes  creneles,  relevcs  sur  Ics 
bords,  isolecs  on  rounies,  et  formant  uncespe'ce  de  roscllo 
irregulit're  :  croit  sur  les  mousses ;  asscz  commune  sur  les 
arbres  et  les  rochers,  sur  les  toulTes  de  la  Jungermania 
Tamari.\i,  a  Ilerqueville.   B.  Laclienee. 

Obs.  Le  genre  Lenormanda  a  ete  forme  aux  depens  du 
genre  Endocarpon.  Acliarius,  synon.  Lichen,  p.  100,  rcgarde 
I'Endocarpon  viride  qui  sert  de  type  a  ce  nouveau  genre, 
comme  uneespece  doutcuse,  n'y  ayant  apercu  aucune.tracc 
de  fructification. 

PELTIGERA. 

Feuille  simple,  lobi'e ;  scutelles  jjlanes,  adiierentcs  par 
toule  leur  face  inferieure,  placees  a  rexlreniiltJ  des  lobes, 
ordinairemcnt  divis^s  en  forme  d'ongle. 

;■  Scutelles  reni formes,  placees  sur  lebord  inferieur  des 
lobes,  et  recourbees  en  dessus. 


3iO  CATALOGUE 

P.  Resiipinala.  Foliolcs  lobces,  incisees,  cl'iin  verl-grisalrc 
pn  (Icssiis  et  de  couleur  pale  en  dessous :  crolt  au  pied  de  la 
inontagne  du  Houlc  ,  au  pied  dcs  vicux  arbres,  panni  les 
mousses.  ' 

P.  Parisis.  Feuille  plissee,  lobee,  parsem^e  au  centre  de 
pulvinulcs  granifornies  :  la  face  superieure  est  d'un  brua 
clair,  I'inferieurc,  nuc,d'un  brun-noirutre  au  centre,  se 
fondant  vers  les  bords  en  une  nuance  plus  pale  que  la  face 
superieure  :  croit  parmi  les  mousses,  pres  du  hameau  Que- 
Yillon. 

P.  Loevigata.  Celle  espece,  qui  a  beaucoup  de  rapport  avec 
la  precedente,  en  differe  surtoutpar  sa  structure  plus  petite : 
meme  localite  :  sc  trouve  aussi  a  Brix,  au  pied  des  arbres. 
B.  Lachenee. 

ft  Scutelles  placces  sur  le  bord  superieur  des  lobes. 

P.  Horizontalis.  Fcuillcs  larges,  lob(5es,  d'un  vert-blcuatre 
t'tant  humidcs,  gris-blancliatre  etant  scches.  Les  lobes  por- 
tant  les  scutelles  a  leur  extremite  ont  la  forme  horizontale  : 
sur  les  rochers,  parmi  les  mousses,  au  pied  do  la  montagne 
du  Route. 

P.  Polydactila.  Dans  cetti^  espece  les  scutelles  sont  plus 
nombreuses  que  dans  la  precedi'ute  ;  elles  sonl  portees  sur 
des  languetles  redressees  et  verlicales :  dans  le  bois.de  la 
Pierrc-Butee. 

P.  Canina.  Cctte  espece,  tres  commune,  differe  de  Thori- 
zontalis  par  des  scutelles  asccndantes,  et  des  cspcces  Pelti- 
gera  et  Polydaclyla  par  scs  lobes  arrondis,  et  des  scutelles 
moins  nombreuses. 

P.  Srutata,  Fcuillcs  a  lobes  arrondis,  sinueux,  crepus, 
d'un  gris  cendrc  sur  la  face  superieure,  rinfericureblancbe, 


DKS    LICHENS.  34  f 

prcsque  sans  veines;  Ics  lobules  porlant  Ics  scutelles  sont 
courts  et  redresses :  crolt  sur  los  vieillcs  souches,  parmi  les 
mousses,  pros  du  liamcau  Qiieviilon. 

STICTA. 

Fcuillc  membrancuse,  lobce  oii  inciseo  plus  ou  moins 
profondement.  La  face  supericure  est  iiue,  r(5ticulee,  ou 
couvci'te  d'asptirilcs  pulverulcntes  ,  portant  dcs  scutelles 
fixces  seulement  par  le  centre;  la  face  inferieure  est  garnie 
d'un  duvet  ftlus  ou  moins  epais,  laissant  apercevoir  des 
points  glabres,  cnfonces  (Cyphelles),  ou  dcs  veines  anasto- 
mosees. 

t  Cyphelloes. 

S.  Sylvatica.  Feuilles  redressees,  sinuees,  lobdes  irregulie- 
lement,  brunes  en  dessus,  recouvertes  eh  dessous  d'un  duvet 
noiratre  entouranl  des  cyphelles  blancbes.  L'odeur  desa- 
greable  qu'exliale  ce  lichen  le  fait  aisemcnt  reconnailre : 
croit  au  pied  des  arbrcs,  parmi  les  mousses,  prt'-s  de  la 
Glacerie. 

S.  Dufourii.  Feuilles  i  lobes  arrondis,  dt^cliiquetis  sur 
les  bords :  la  face  superieure  est  d'un  brun  olivatre,  avec  des 
laches  de  grains  noirs;  la  face  inferieure  est  garnie  d'un 
duvet,  brun  vers  le  centre,  dcvenanl  d'un  jaunc  sale  vers  les 
bords :  les  cyphelles  sont  blanches.  Celte  espece  rare  a  6ic 
trouvoe  dans  la  foret  de  Bricquebcc,  et  parmi  les  mousses,  au 
l)icd  dela  monlagnc  du  Iloule. 

S.  Fuliginosa.  Feuilles  arrondics,  pcu  divisecs,  d'un  gris 
cendr(5  en  dessus  et  marquees  de  grains  noirs  nombreux, 
couverles  en  dessous  d'un  duvet  noiratre  :  ci.miinuu  paiiui 


342  CATALOGUE 

les  mousses,  siir  les  roclijrs,  an  pied  de  la  monlagne  du 
Roule. 

S.  Lim]):ila.  FeuiUos  cntii'res  ou  divisces  en  lobes  courts 
ct  arronJis,  formant  nrie  rosolto  orbiculaire  :  leiir  face 
SLipcrifuro  est  lisso,  d'lin  gris  roussatre,  et  mahjue  de  piil- 
viniiles  griscs,  presque  pulverulenles,  disposes  principale- 
ment  siir  les  bords;  la  face  inferieiire  garnie  d'un  duvel 
briin  cntoiirant  des  cypliclles  blancbes  :  au  pied  des  vieux 
arbres,  dans  lesbois  pros  de  la  Glacerie. 

S.  Aiirata.  Feuille  elendue,  divistJe  en  lobes  arrondis, 
sinueux,  creptis  el  redresses;  la  face  siiperieuce  nue,  lisse, 
d'un  vert  sombre  a  I'etat  frais,  devenanl  d'un  rouge  de  bri- 
que  par  la  dessication.  Le  bord  des  lobes  est  reconvert  d'une 
poussiere  d'un  jaune  brillant,  qui  en  dessine  les  contours; 
la  f.ice  inferieure  est  garnie  d'un  duvet  brun  au  centre,  so 
fondant  ct  devenant  fauve  aux  extremites  des  lobes.  Les 
cypbellcs  sont  nombreuses,  et  do  la  m^me  couleur  brillante 
que  lapoiissiere  don  ties  lobes  sonlrecou  verts.  Troncs  de\^eux 
lietres,  dans  un  petit  bois  pres  du  chateau  de  Flamanville. 

Cypliclles  doutouses.ou  nullos. 

S.  Herbarea.  Feuilles  divisees  en  lobes  courts  et  arrondis, 
sinuds  et  crC-pus  sur  les  bords,  formant  une  rosette  orbicu- 
laire, qui  atteint  jusqu'a  13  centim.  de  diametre;  la  face 
sup6rieure  est  d'un  vert  gai  etant  humide,  d'un  brun  oli\e 
Otant  s.-'clie;  la  face  inferieure,  blancliatre  ct  colonneuse  : 
croitsar  les  arbres,  sur  le  revers  nord  de  la  monlagne  du 
Roule. 

S.  Glomulifera.  Celte  espece,  qui  a  beaucoup  d'analogie 
avec  la  precedente,  soil  par  la  division  et  la  disposition  dts 
feuilles,  soil  parson  eiendue,  s'en  distingue  facilcmcnt  i^ir  la 


DES    LIGHE.N'S.  343 

coulcur,  qui  est  d'un  vert  glauque,  a  I'etat  frais,  et  surtout 
par  les  paquets  d'un  vert-brun,  assez  gros,  "composes  de 
fiiaments  rameux,  serres  et  entrecroises  que  Ton  remarque 
aux  aisselles  et  sur  Ics  bords  des  lobes :  sur  le  tronc  dej 
arbres,  nieme  localiltS  que  le  S.  Herbacea. 

S.  Scrobiculata.  Feuille  large,  (Plaice  en  lobes  arrondis,' 
bossel^e,  reliculee,  glauque  en  dessus,  garnie  do  paquets 
pulv(5rulents  d'un  gris  blancbatre  ;  la  face  inferieurea  duvet 
court,  noiratre  au  centre,  et  jaune  cliamois  vers  les  bords : 
conimun  sur  les  arbres  et  les  rochers,  parmi  les  mousses;  au 
pied  de  la  montagne  du  Roule,  Cherbourg. 

S.  Pulmonacea.  Feuille  grande,  etalee,  a  lobes  profonds, 
anguleux,  rameux,  tronques  au  sommet,  creusee  en  r^seaux 
nombreux;  la  face  supt^rieure  d'un  vert  olive  ou  brun,  I'in- 
ferieure  d'un  roux  clair,  glabre  sur  les  saillies,  noire  ct 
poilue  dans  les  creux.  On  remarque  souvent  des  paquels 
tirineux,  d'un  gris  de  plomb,  sur  les  bords  des  feuilles,  et 
les  lignes  brillantes  de  la  surface  superieure.  Comraun  sur 
les  arbres,  et  parmi  les  mousses,  sur  les  rochers. 

S.  Linita.  Ach.  syn.  Lich.  p.  234.  Feuilles  a  lobes  courts, 
arrondis,  a  surface  reticulee,  un  peu  luisante,  d'unocouleur 
olivatre,  devenant  d'un  brun  niarron  par  la  dessication;  la 
face  inferieure  garnie  d'un  duvet,  brun  au  centre,  devenant 
plus  pale  sur  les  bords. 

Acharius  fail  observer  que  cette  plante,  a  cause  de  la  forme 
arrondie  qu'olfre  son  ensemble,  et  par  d'aulres  din'cronces, 
doit  eirc  separee  du  S.  Pulmonacea.  Troncs  d'arbres  dans  la 
forel  de  Bricquebec.  B.  Lachenee. 

PARMELIA. 

F(?uille  disposuc  gend'ralemcnl  cii  rosollo  adlierenlc,   libve 


5ii     ,  CATALOGUE 

sur  Ics  boi\ls,  iinbriquee  du  centre  a lacirconforence,  divisce  . 
en  lobes  plus  ou  moins  arrondis,  ou  laciniee,  sonvent  munie 
en  dessous  do   fibriUes  radicales.  Lcs  scutellcs  sontfixecs 
sur  la  face  supericurc  par  un  poinl  conlral. 

Y  Sculelles  rouges,  rouge-brun,  ou  brun-fonce. 

P.  Perlata.  Feuillcelalee,  divlsee  en  lobes  courts  et  arron- 
dis, crepus  sur  les  bords,  formant  une  large  rosette,  d'un 
blanc-grisatre  etant  seche,  d'un  glauque  verdalre  etant 
iiumide,  sur  la  face  superieure,  I'inferieure  d'un  brunclair, 
plus  fonce  sur  les  bords.  Celte  espece  est  trcs  commune  sur 
lcs  arbres  el  sur  les  rocbers. 

La  Var.  Ciliata  se  distingue  par  les  poits  noirs  quibordent 
le  dessous  dcs  lobes. 

La  Var.  Celrarioides  est  plus  irregulieremcnt  arrondie;  la 
couleur  de  la  face  superieure,  d'un  blanc  glauque,  la  face 
inferieure  noire  et  luisante,  parsemee  de  points  tubcrculeux, 
remplagant  les  fibrilles  dont  on  n'apercoit  aucune  trace  :  sur 
les  rocbers,  parmi  les  mousses,  pres  du  liameau  Q.uevillon, 
a  Tourlaville. 

P.  Caperata.  Feuille  divisee  en  lobes  larges  et  arrondis, 
formant  une  large  rosette,  irreguliere,  ridee  et  fronceedans 
le  milieu,  d'un  vert-jaunatre  en  dessus,  noire  el  presquegla- 
bre  en  dessous:  commune  sur  les  arbres  et  sur  lcs  rocbers, 

P.Borreri.  Feuille  diviscc  en  lobes  peu  saillanls,  plisses, 
arrondis  el  creuses  aux  extremites ,  formant  une  rosetlo 
presque  adh^rente,  d'un  gris-blenatre,  recouvcrts  au  centre 
de  pulvinules  grises.  La  face  inferieure  cstnue  sur  les  bords, 
de  couleur  pale,  plus  fonceeel  munie  denombreuses  fibrilles 
bruncs  vers  le  centre.  Ce  licben  est  rare  dans  nos  environs. 

P.  Saxatilis.  Feuilles  iinbriqnoes,  divisces  en  lobes  sinucs. 


DES    LICHENS.  3i 


40 


(l^coup(^s,  arrondis  aijsommet;  !a  face  siipoiieure  est  mar- 
quee de  lignes  anastomosecs,  grenues,  imilant  une  espt'ce 
de  broderie.  Ce  lichen,  qui  est  d'un  gris  cendrii  dans  sa 
jeuncsse,  devient,  en  vieillissani,  d'un  bi'.un-noiratie.  Com- 
niun  sur  les  rochcrs. 

La  Var.  Aizoni,  Delise,  plus  rare  dans  nosen\ irons,  se 
distingue  par  les  pulvinulcs  grisalres  qui  recou\rcnlpresque 
partoul  la  face  superieura  de  ce  lichen. 

P.  Omphalodes.  Celte  cspece  diilOre  de  la  precedenle,  par 
sa  surface  lisse,  sans  lignes  de  poussiere,  et  par  sa  couleur 
d'un  brun-olivalre  :  conimun  sur  les  rochcrs. 

La  Var.  Panniformisse  reconnait  au\  nombreuses  folioles, 
courles,  en  forme  d'ecailles,  imbriquees,  un  pen  redrcssees, 
et  recouvrant  la  totalite  de  la  plante  :  croit  sur  les  rochers 
granitiques,  a  Fiamanville. 

P.  Olivacea.  Feuille  d'un  brun  olive,  etalee  en  rosette, 
pulverulente  au  centre,  luisante  sur  le  bord  des  lobes :  com- 
mun  sur  les  rochers. 

La  var.  Fuliginosa  se  fait  remarquer  par  la  poussiere 
noire  et  grenue  qui  recouvre  prcsque  la  face  superieure  du 
lichen. 

Dans  la  Yai'.  Delisei,  les  lobes  de  la  feuille  sent  etroits, 
enlremt'd«^s  et  non  adherents.  Cette  variele  croit  a  Marlinvast, 
prcs  de  la  Landelle.  B.  Lachenee. 

P.  Conspersa.  Feuille  divisee  en  folioles  etroiles,Vlt^cou- 
pees,  sinueuses,  planes,  arrondicsau  somniet,  imbriquees 
en  uno  rosette  orbiculaire,  quebjuefois  irreguliere,  d'un 
jaune  verdalre  lisse.  Cette  cspece  resscmblc  par  sa  couleur 
au  Parmelia  Caperata,  mais  elle  est  bcaucoup  plus  petite 
danstoutes  ses  parties.  Tres  commune  sur  les  rochers  mari- 
limes,  u  Sciotol,  falaisesde  Flanunnille. 

La  Var.   b.  Stenophylla  se  tail  rctonnaitre  jiar  sa  forme 


3 16  CATALOGLK 

irregiiliere,  et  par  ses  folioles  allongeos,  pinnatifides,  fle- 
xiieiises,  etentremeloes :  croilsur  les  rochers  de  la  montagne 
dii  Rou!e. 

P.  Recurva.  Cette  espece  forme  siirles  rochers  une  rosetle 
adiierente  de  toutes  parts ;  la  feuille  est  decoupee  en  lobes 
rameux,  lineaires,  convexes  endessus,  d'un  gris  jaunatre, 
d'un  aspect  pulverulent :  environs  de  Cherbourg. 

P,  Sinuosa.  Expansion  irreguliore,  peu  adiierente;  feuille 
divis^e  en  lobes  allonges,  pinnatifides,  a  sinus  larges  el 
arrondis :  les  lobes  s'elargissent  aux  extreinites  et  se  decou- 
pent  en  lobules  crepus;  la  face  superioure  est  lisse,  d'un 
blanc  glauque ;  en  vieillissant  I'extremite  des  lobes  s'arron- 
dit,  se  boursoufle  et  se  couvre  d'une  poussiere  grise;  la  face 
inferieure  est  noire,  recouverte  de  fibrilles  nombreuses. 
Croit  sur  les  rochers  de  la  montagne  du  Roule. 

P.  Despreauxi.  B.  g.  P.  Pseudosimiosa  (Nob.).  Cette  espece 
nouvelle,  que  j'ai  signalee  dans  nion  Cataloguedes  Lichens, 
Caen,  1826,  se  fait  remarquer  par  son  expansion  peu  adh^- 
rente,  en  rosette  formee  d'une  feuille  divisee  en  lobes 
lineaires,  sinueux,  planes,  de  couleur  jaune-verdatre  sur  la 
face  superioure;  le  sommet  des  lobes  se  renfle  dans  un  age 
avance,  et  se  couvre  d'une  poussiere  jaunc.  La  face  infe- 
rieure est  noii'e  et  recouverte  de  fibrilles  de  meme  couleur, 
qui  d^passent  les  bords  de  la  feuille. 

CettJ  espece,  Ires-voisine  du  Parmclia  sinuosa,  en  difffere 
par  sa  couleur  qui  ne  change  pas  sensiblement  par  la 
dessicalion,  et  par  sa  taille  qui  n'alleint  jamais  plus  de  2  a 
3  pouces  de  diamelre.  Croit  sur  les  rochers  de  la  montagne 
du  Roule. 

P.  Loevigata.  Ach.,  est  considere  par  le  Bot.  gall.,  comme 
line  forme  du  P.  Sinuosa  :  se  trouve  avec  le  precedent. 

P.  Physodes.  Feuille  imbriqiice,  d'un  jaunc  glauque  en 


DES    LICHENS.  317 

dessus,  glabrc  et  d'un  beau  noir  en  dessous,  a  folioles  olroites, 
decoupecs,  convexes,  obtuscs,  renflces  au  soinmot:  commun 
sijr  les  rochers  de  la  montagne  du  Roule. 

La  Var.  Vittata  sc  distingue  par  ses  folioles  pinnalifides, 
dlduses,  planes,  lineaires:  memo  localite. 

P.  Dialrypa.  Celta  cspece  se 'distingue  bien  du  P.  Pliy- 
sodes,  en  ce  queries  folioles  sonl  percees  d'un  rang  do  Irons 
arrondis,  et  que  la  face  inferieure  estordiiiaircmcnllilanfhe 
el  Iibreuse":  commun  dans  la  mOuie  localitc  que  le  pr^'cedent. 

P.  Lanuginosa.  Celleespece,  disposee  on  rosette  irreguliere, 
d'un  blancjaunalre,  est  recouverte  d'une  poussit're  grenue 
de  meme  couleur,  qui  ne  laisse  distinguer  les  lobes  de  la 
feuille  qu'a  leur  sommct:  la  face  inferieure  est  recouverte 
d'un  duvet  noir  bleuatrc.  Ce  liclion  croit  sur  la  tcrre, 
parmi  les  mousses,  sur  les  rochers  liumides,  vallee  de 
(Juiucampoix. 

P.  Clementiana.  Ce  lichen  forme  une  rosette  orbiculairc 
etquelquefois  irr^guliere,  blanche, "grenue:  les  lobes,  qui  ne 
sonl  distincls  qu'a  la  circonfcrence,  sont  lacinies,  croneles 
et  planes;  la  face  inferieure  est  aussi  blanche,  munie  seu- 
lemcnt  de  quelques  fibrilles  noircs :  croit  sur  le  tronc  des 
vieux  pommiers,  a  Herqueville,  canton  de  Beaumont.  B. 
Lachenee. 

P.  Aleuriles.  Feuille  en  rosette  irreguliere,  ridee,  plissd'e, 
a  folioles  planes,  arrondies,  crenelees,  d'un  blanc  vcrdalrc 
dans  sa  jeunesse  ,  brunatre  en  vicillissant ,  couverte  , 
excepte  sur  les  bords,  d'une  poussiere  grenue,  adhercnle  ; 
la  face  inferieure  est  de  la  meme  couleur,  et  porte  quelques 
fibrilles  noiratres:  se  trouvc  sur  les  vieilles  barrieres  el  sur 
le  bois  denude. 

P.  Speciosa.  Feuille  divis(''een  folioles  longties,  incis^es, 
rameuscs,  d'un  gris  blanchatre,  glabres;  los  bords  drs  lobes 


348  CATALOGUE 

releves,  cripus  ct  bordes  d'unc  poussiere  grisiitrc;  la  face 
inf(irieurc,  brune  an  centre  et  garnie  do  fibrilles,  nue  ot 
blanche  sur  lesbordsi^sur  les  rocliers,  parnii  les  mousses,  a 
Toiirlavillc,  pres  du  hameau  Quevillon. 

P.  Aquila.  Feuillc  diviscc  on  lobes  allonges,  convexes, 
formant  une  large  plaque  imbriquee,  dont  les  foHoles  sont 
elargies  au  sommet;  en  dessus,  de  couleur  brun  marron, 
glabre;  cdi  dessous,  de  couleur  pale,  et  souvent  munie  de 
librillcs :  commun  sur  les'rocbers,  a  Fiamanville. 

ft  Scutellcs  noires. 

P.  Cycloselis.  Feuillc  divisee  en  folioles  etroilcs,  lin^aires, 
non  ciliees,  disposee  en  rosette  assrz  reguliere,  d'un  gris 
glauque,  souvent  pulverulente;  la  face  infericure  est  spon- 
gicuse,  fibreuse  et  noire  :  croit  sur  les  troncs  d'arbres,  sur 
la  route  du  Roule. 

fff  Scutelles  saupoudrees  d'une  poussiere  grise. 

P.  Pulverulenta.  Cette  espece  forme  une  large  rosette,  a 
folioles  imbriquees,  decoupeos,  planes,  obtuscs,  un  peu  elar- 
gies au  sommet];  d'un  gris  roux  t^lant  seches,  d'un  vert  gai 
6tanl  fraiches,  ou  lorsqu'on  les  humecte;  la  face  infericure 
est  convene  d'un  duvet  noir;  la  bordure  des  scutelles  est 
d'abord  entiere,  puis  cr(5nelee  :  tres  commune  sur  les  arbrcs, 
route  de  Oucrqueville. 

P.  Aipolia.  Cette  espece  forme  une  rosette  irreguliere;  sa 
couleur  est  gris-cendre :  cequi  la  distingue  de  la  pr6ct^dente, 
c'est  qu'elle  ne  cbangc  point  de  couleur  par  I'humidite  :  croit 
sur  le  tronc  des  arbrcs,  h  Tourlavillc. 

P.  Slcllaris.  Feuillc  decoupeecn  roliolcs  lineaircs,  incisees, 


DES   LICHENS.  349 

planes  on  convcxcs,  d'un  gris-cenJrc  en  dessus,  blancliatrc 
el  a  fibrilles;  noiriitre  en  dessous.  Cette  espi^ce  est  disposec 
en  une  rosetle  orbiculaire,  au  centre  do  laquelle  sont  pla- 
cces  les  scutelles,  a  bordure  entiere,  proeminentc,  ct  de  la 
couleur  de  la  feuille.  Croit  sur  les  arbres,  a  Tourlaville. 

P.  Coesia.  Fenille  adherente,  divisce  en  foliolcs  lincaires, 
deconpees,  portant  sur  leurs  bords  des  paquets  de  poussierc 
grenue,  bleuatre  :  la  face  superieure  est  d'un  blanc  ccndr6, 
rinferieure,  herissee  de  polls  noiratres;  les  scutelles,  a 
rebord  blanc  :  croit  sur  les  pierres  el  parmi  les  mousses; 
.rocliers  au  pied  de  la  montagne  dn  Roule. 

Observ. — Je  n'ai  jamais  vu  eel  iciien  sur  I'ccorce  des  arbres. 

P.  Albinea.  Rosette  irregulierement  arrondie,  a  folioles 
etroites,  a  lobes  nombreux,  convexes,  creneles  el  fascicules 
au  sommet;  la  face  superieure  est  blanche  el  nue;  I'infe- 
rieure  est  de  la  meme  couleur,  ct  munie  de  fibrilles  egale- 
ment  blanches:  j'ai  tcujours  trouve  ce  lichen  prive  de  scu- 
telles. Mur  pres  de  la  grande  Fauconniere;  peucommun; 

trouve  aussi  a  Bretteville  et  a  Ilardinvast  par  M.  B. 
Lachentie. 

P.  Farrea.  Cette  espece  forme  une  rosette  orbiculaire  d'un 
gris  blancbatre;  les  folioles  sont  laciniees,  a  lobes  courts, 
incises,  creneles,  a  bords  relev^s,  reconverts  d'une  poussiere 
grenue;  la  face  inferieure  est  blanche,  munie  de  fibrilles 
d'un  brun  noir  :  sur  les  vieux  murs,  a  Bretteville,  rare.  B. 
Lachfinee. 

tttt  Scutelles jaunes. 

P.  Parietina.  Ce  lichen  forme  une  rosette  a.ssez  reguliere, 
et  so  distingue  facilement  par  sa  belle  couleur  jaune;  c'cst 
un  des  plus  communs  :  on  le  trouve  sur  les  arbres  et  sur  Ic? 


3-"i0  f.ATALOGlC 

pieiTcs.  Siir  Ifs  rocliers  niaritimcs  des  I'ijlaiscs  de  Flaman- 
ville,  il  se  fait  remarquer  par  ses  larges  plaijues  d'un  jaune 
orange  trcsbrillant ;  serait-ce  une  Var.  ? 

V.  Candelaria.  Plaque. peuclcndue,  adhcrenle,  d'un  jaurio 
palo,  it  fulioles  dislinctes,  seulement  a  la  circonference;  a 
lobes  largi's  et  obtus,  planes  cL  un  peu  ondules :  croit  sur  les 
murs  du  cbateau  de  Tourlaville. 

La  Var.  s.  L^xhnea  fPhyciaPygmea,  BorydeSl-Vincenl?). 
Ce  lichen,  par  sa  petitesse,  peut  ecliapper  a  I'observalion, 
et,  au  premier  aspect,  ne  parait  qu'une  tache  jaune,  niaisen 
Texaminant  a  I'aide  d'une  loupe,  on  reconnait  aiscment 
qu'il  est  forme  de  feuilles  rampantes,  presque  imbriqueeset 
libres,  decoupees  profondement  en  lobes  lineaires  s'elargis- 
sant  aux  extremites,  qui  sont  crenelles  ct  renflees  :  la  face 
superieure  est  d'une  belle  couleur  citrine;  I'inft^rieure, 
blanche  :  je  n'y  ai  jamais  vu  de  scutelles  :  croit  sur  I'ecorce 
des  arbres,  pres  de  Cherbourg,  rare. 

PANNARU. 

DifTiljre  du  genre  Parmelia  par  les  scutelles,  qui,  dans  le 
genre  Pannaria,  sont  adherentcs  par  toute  leur  face  infc- 
rieure. 

P.  Rubiginosa.  Fcuille  adhcrenle,  imbriquee,  divisee  en 
lobes  divergents,  sinueux  et  a  bords  crispes;  d'un  gris  sale 
a  la  surface  superieure;  I'inferieure  couverte  d'un  duvet 
bleu  noiratre;  scutelles  centrales nonibreuses,  a  disquebrun 
el  a  bordure  blanchatre  el  crenelee  :  sur  le  tronc  des  arbres, 
a  Octeville,  presde  la  Jouanncrie. 

P.  Phimbea.  Feuille  dispost^e  en  rosette  orbiculaire,  regu- 
li^re,  de  couleur  deplomb  sur  la  face  superieure,  I'inferieure 


DES    LICHRNS.  ,3  >  I 

garnie  d'un  diivcl  f'pais  d'un  bleu  noiraire;  Ics  lobes  de  la 
feuille  arrondis,  crencles,  pianos,  rayonnaiit  du  ccnire  a  la 
circonfiirence;  scutclleseparses,  brnnes,  a  bordure  do  meinc 
couleur  et  tres  entiert; :  cominun  sur  les  arbres,  au  Yrctot  et 
dans  laforctde  Bricqiicbec. 

La  Var.  Myriocarpa  se  distingue  par  ses  scutelles  pins 
pelites,  tri'S  nombreuscs  et  rapprochces  :  sur  les  troncs  d'ar- 
bres,  a  Virandeville  et  aux  environs  de  Cherbourg:  trcs 
rare. 

P.  Conoplea.  Feuille  decoupee  en  lobes  courts,  creneles, 
releves  et  crepus,  recouverts  d'une  poudre  de  couleur  gris  de 
plomb;  les  scutelles,  d'un  brun  fauve,  sont  irregulieremont 
convexes,  souvent  tuberculeuses,  et  sans  bordure  apparente  : 
la  face  inferieure  de  ce  lichen  est  couverte  d'un  duvet  laineux, 
epaiset  d'un  bleu  noiraire  :  sur  les  troncs  d'arbres,  parmi 
les  mousses,  dans  le  bois  de  la  Prevallerie ,  a  Octc- 
ville. 

tttttt  Folioles  libres,  plus  ou  moins  dressees  et  dispo- 
sees  en  gazon,  glabres  sur  les  deux  faces,  divisees  en  lanie- 
res  qui  portent  des  receptacles  scutelliformes,  et  sur  leurs 
bords  des  paquets  farineux, 

PIIYCIA. 

Feuilles  membrancuscs  ou  cartilagineuses,  souvent  bossc- 
Ides  irreguli^rement,  planes  ou  canaliculees,  nues  ou  ciliecs 
sur  leurs  bords. 

t  Feuilles  ciliees,  scutelles  visiblcs. 

P.  Chrysopbtalma.  Feuilles  d'abord  blanches,  puis  dcvc- 


3>2  GATALOGLK 

nant  jaunes,  profondeinent  dccoupecs  eii  folioles,  duclii- 
quetees et  ciliees ;  les scutelles  son t  jau nes  dans  leur jeunesse ; 
en  vieillissant,  elles  deviennenl  d'un  rouge  dore.  Ce  lichen, 
rare,  croit  sur  les  branches  d'arbres,  dans  un  bois  taillis  sur 
la  raontagne  du  Roule. 

P.  Ciliaris.  Feuilles  blanches  en  dessous,  vert  glauque  en 
dessiis,  divisees  en  lanieres  etroites,  rameuscs,  canaliculees 
en  dessous;  les  scutelles,  a  disque  noiratre,  plane,  a  bordure 
blanchatre  :  commun  surrccorce  des  arbres. 

P.  Tenclla.  Cctle  espece,  qui  a  del'analogie  ilvec  la  prcce- 
dente,  est  beaucoup  plus  pelite  dans  toutcs  scs  proportions; 
la  couleur  de  son  feuillage  est  d'un  gris  cendre  sur  les  deux 
faces  :  nicme  localile  que  la  precedente. 

La  Var.  Leplalea.  Feuillage  vert  t^tant  humide,  gris  et  un 
pcu  pulverulent  etant  sec;  imbrique  et  formant,  ainsi  que 
le  P.  Tenella,  des  rosettes  comma  les  Parmelia,  mais  leurs 
feuilles  ne  sont  pas  adherentes  :  sur  les  arbres,  dans  les 
jardins,  a  Cherbourg. 

-j-f  Feuilles  ciliees,  scutelles  manquant  ordinairement. 

P.  Flavicans.  Ce  lichen  forme  une  toufTe  serree,  a  feuilles 
dressces,  menues,  tres  rameuses,  a  lanieres  dichotomes,  a 
rameaux  aigus,  divergents  et  irreguliers,  legerement  con- 
caves en  dedans  :  sa  couleur  est  d'un  jaune  dore,  la  face 
inferieure  un  peu  plus  pale  :  commun  sur  les  rochcrs,  u 
Fiamanviile. 

P.  Leucomcla.  Feuilles  diffuses,  sc  divisant  en  folioles 
allongees,  cuneiformcs,  elargies  et  bifurquees  au  somniet; 
d'une  couleur  blanc  glauque  sur  la  face  supcrieurc;  I'infe- 
rieurc,  d'un  blanc  mat  :  croit  parmi  les  mousses,  dans  les 
bois,  rare. 


OES   MOHENS.  I.'j.l 

fft  Feuillcs  Don  cilices,  scutellcs  manquaiU  ordinairc- 
nient. 

P.  Prunaslri.  Feuille  nioUu  el  membraneusc,  pendante, 
ridfie  et  bosselee  irregulicrement;  d'un  Llanc  cendre  en 
dessus,  plus  blanche  en  dcssous;  divisec  en  Ian  teres  droites 
ct  lin^aires,  garnies  sur  leurs  bords  de  petits  paquets])ulve- 
rulents,  blancs,  Eombreux  :  conimun  sur  tousles  arbrcs. 

P.  Glauca.  Feuille  large,  6tal6e,  lisse,  glauque  en  dessus, 
■noire  endessous;  a  lobes  tri^s  larges,  presque  imbriques, 
crepus,  farineux  a  rextreniit^  :  croit  sur  les  rochers,  au 
revers  nord  de  la  montagne  du  Roule. 

La  Var.  B.  Fallax,  ne  differe  de  I'espece  que  parce  qu'elle 
est  blanche  par  places,  en  dessous. 

RAMALINA. 

Ce  genre,  detache  du  precedent,  en  differe  seuleraent  en 
ice  que,  dans  le  Ramalina,  les  scutelles  sont  formees  enliere- 
ment  par  la  substance  rnemc  de  la  feuille,  et  tr6s  souvent 
d'une  couleur  analogue. 

7  Scutelles  \isibles. 

R.  Fraxinea.  Feuille  carlilagineusc,  d'un  vert  gris  sur  les 
deux  faces,  ridee  et  bosselee,  ordinairenient  simple,  afolioles 
qui  vont  en  s'elargissant ;  on  n'y  remarque  point  de  paquets 
farineux  :  les  scutelles,  qui  sont  d'une  couleur  analogue  a  la 
feuille,  sont  nombreuses  eteparses  sur  les  deux  faces.  Com- 
inun  sur  les  arbrcs, 

R.  Fastigiata.  Cette  espece  nc  differe  de  la  precWenle 
qu'en  ce  qu'elle  est  plus  petite,  plus  touffue;,  cl  que  ses  scu- 

23 


3o4  CATALOGUE 

telles  sont  placOes  au  sommet  des  ramcaux  :  croit  sur  les 
arbres,  dans  nos  environs. 

La  Var.  Calicaris,  plus  rare,  se  distingue  par  les  appen- 
dices foliaces  qui  se  trouvent  sous  les  scutelles. 

La  Var.  Exasperata  se  fait  reniarquer  par  ses  rameaux 
comprimcs,  dilates,  et  par  ses  scutelles  concaves  et  meme 
en  forme  de  coupe  :  cette  variete  a  ete  trouv^e  sur  le  tronc 
des  arbres,  a  Brettevilte,  par  M.  B.  Lachfinee. 

R.  Scopulorum.  Les  feuilles,  comprimees,  lisses,  planes, 
lineaires,  un  peu  lacuneuses,  d'un  blanccendre,  divisees  en 
rameaux  entiers,  amincis  au  sommet,  naissent  par  groupes 
serres;  les  scutelles,  de  la  meme  couleur  que  la  feuille, 
sont  eparses  vers  I'extremite  des  feuilles.  (La  saveur  tres 
amere  de  ce  lichen  le  fait  aisement  reconnaitre).  Commun 
sur  tous  les  rochers  de  nos  cotes. 

La  Var.  D.  Cornuata  se  fait  remarquer  par  la  couleur 
noire  de  la  base  des  feuilles. 

Le  Ramalina  Calicaris  de  Linn,  est  leR.  Scopulorum  dont 
les  receptacles  sont  munis  d'un  eperon  en  dessous. 

La  Var.  Divaricata,  B.  gall.,  sur  les  rochers  maritimes,  a 
Fermanville,  trouvee  par  B.  Lachenee. 

ff  Scutelles  manquantordinairement. 

R.  Farinacea.  Feuille  cartilagineuse  d'un  gris  cendre, 
glauque  ou  blanche  des  deux  cOtes,  allongde,  et  divisee  en 
folioles  bifurquees,  larges  aleur  base  et  pointues  au  sommet, 
garnies  sur  les  bords  de  gros  paquets  pulverulents :  commun 
sur  les  arbres. 

R.  Polymorpha.  Cette  esp^ce  forme  sur  les  rochers  de 
petites  touffes  serrees ;  les  feuilles  sont  planes ,  d'une 
couleur  pale,  cendree,  le  plus  souvent  munies  de  petites 


Dies  LinifENS.  355 

caviiSs  longitudinales,  divisccs  enlranicaux  lineaires  aigus,  Ic 
plus  souvcnt  terminus  par  un  petit  rendement  convert  de 
poussiere  :  commiin  sur  Ics  picrrcs  et  sur  les  niurs. 

ttttttt  Receptacles  tubcrculeiix  oii  en  ecussons,  places 
sur  des  liges  nues  ou  garnies  d'ecailles  ou  folioles. 

ROCCELLA. 

Tigcs  pleines,  cylindriques,  nn  pen  comprimees,  d'une 
consislance  coriace,  portant  des  paquets  epars  de  poussiere 
blanclic;  receptacles  lieniisphcriques,  sessiles,  (manquant 
ordinairement). 

R.  Phycopsis.  Tigcs  nombrenscs  arquees  et  fasciculees  au 
sommet,  a  rameaux  courts  et  divcrgents,  formant  un  gazon 
serre  :  les  tiges  et  les  rameaux  sont  munis  de  paquets  fari- 
neux.  Ce  lichen  est  d'une  couleur  brun  dair,  lie  de  vin,  mais 
la  poussiere  blanche  qui  le  recouvrc  lui  donne  un  aspect  gris 
blanchutre :  se  trouve  sur  les  murs  des  maisons,  a  Qucrque- 
ville  et  a  Flamanville,  quclqucfois  sur  les  rochers. 

USNEA. 

Tiges  rameuses,  faibles,  axiferes,  a  ecorce  ci  ustacee.  Les 
rticeptacles,  en  forme  de  bouclier,  sont  souvent  cilies  sur 
lours  bords. 

U.  Florida.  Tige  ferme,  en  branches  capillaires,  divergen- 
tes,  herissees  de  fibrillcs  perpendiculaires  a  I'axe  des  bran- 
ches, qui  portent  a  leur  extremitede  larges  sculellcs  munies 
sur  les  bords  de  cils  ravonnanls.   Ce  lichen  est  d'un  vert 


356  CATALOGIE 

cendre  oujaunatre;  il  presenteune  toufTe  droite  :  commun 
sur  les  arbres  el  les  rochers. 

La  Var.  Rubiginea,  Achar.  Synon.  p.  305,  se  fail  remar- 
quer  par  la  couleur  rougeatre  des  tiges  et  des  rameaux, 
principalement  a  laparlie  inferieure  de  la  plante  :  commun 
au  pied  de  la  montagne  du  Roule. 

U.  Plicata.  Tiges  longues,  pendantes,  a  rameaux  entre- 
laces,  blanchatres,  munis  de  fibrilles,  inclines  sur  leur  axe; 
les  sculelles  portent  de  longs  cils  rayonnants  :  sur  les  bran- 
ches d'arbres. 

U.  Ceratina.  Tiges  rugueuses,  couchces,  pendantes,  a 
rameaux  et  fibrilles  la  plupart  inclines  a  leur  axe;  la  couleur 
de  ce  lichen  varie  du  gris  verdatre  au  rouge  brique  :  croit 
sur  les  troncs  d'arbres.  B.  Lachen^e. 

U.  Barbata.  Tiges  tres  rameuses,  courtes,  branchues,  a 
filets  simples  et  perpendiculaires  a  leur  axe ;  les  scutelles 
sont  convexes,  a  rebord  entier,  sans  cils  rayonnants;  la  cou- 
leur de  ce  lichen  est  le  jaune  verdatre  :  se  tronve  sur  les 
vieux  arbres. 

SPH(EROPHORUS. 

Tiges  libres,  rameuses,  lisses,  croissant  en  groupes  arron- 
dis  sur  la  terre  et  sur  les  rochers  :  les  receptacles,  qui  sont 
globuleux,  sont  places  au  sommet  des  rameaux. 

S.  Fragilio.  Dans  cette  espece,  les  tiges  forment  un  petit 
gazon  arrondi,  se  diviSent  par  bifurcation,  et  leurs  rameaux 
alteignent  le  meme  sommet.  Commun  sur  la  terre  et  les 
rochers;  falaises  de  Flamanville. 

S.  Globiferus.  Les  tiges  sont  irreguliercment  rameuses, 
les  rameaux,  etalt^s;  les  suporieurs,  un  pcu  divergents,  ce 
qui  donne  a  ce  lichen  I'aspect  d'un  petit  arbre  :  croit  avec 
le  precedent,  et  au  pied  de  la  montagne  du  Roule. 


DES   LICIIfflSS.  357 

S.  Gompressus.  Cette  espece  se  distingue  facilement  des 
pr^cMentes  par  sa  couleur  plus  blanche  et'surtout  par  ses 
tiges  et  ses  rameaux,  qui  sont  visiblement  comprim^s  : 
rochers  pres  du  hameau  Quevillon,  a  Tourlaville. 

STEREOCAULON. 

Tiges  libres,  rameuses,  arrondies,  diargees  de  paquets 
gnenus,  d'un  aspect  plus  ou  moins  pulverulent. 

St.  Pascliale.  Tige  tortueuse,  rameuse,  ferme,  blanchatre, 
a  rameaux  divergents,  ciiargees  de  papiiles  pulverulentes; 
receptacles  aplatis,  irreguliers,  noirs,  places  au  somniet  des 
rameaux.  J'ai  trouve  cette  espece  dans  une  crique  de  rochers, 
sur  les  falaises  de  Flamanville. 

St.  Nanum.  Tiges  filiformes,  rameuses,  surtout  vers  le 
sommet  :  toute  la  planle  est  recouverte.  d'une  poussiere 
blanche,  cotonneuse.  Cette  esp6:e  croil  en  abondance  entre 
les  pierres  des  vieux  murs  de  cloture,  pr6s  des  falaises,  u 
Flamanville. 

St.  Condyloideum,  Tige  d'un  blanc-jaunatre,  ii  rameaux 
courts  etdifformes,  recouvertsde  protub(5rances  graniformes 
qui  masquent  presque  partout  la  tige  et  les  rameaux.  Les 
receptacles,  qui  sont  convexes ,  sont  places  au  sommet: 
crolt  sur  les  pierres,  dans  une  ancienne  carriere  de  scliiste, 
au  Roule,  chemin  de  la  Loge. 

CENOMYCE. 

Tiges  creuses,  simples  ou  ramifiees,  nucs  ou  garnies  d'e- 
eailles  ou  folioles,  6vasees  au  sommet  en  entonnoir,  ou  ter- 
minecsen  pointes  aigiies  :  Receptacles  subcrcux,  convexc*^ 


338  ,  C#ALOGUE 

fl 

solitaires' ou  agglorrK^Tcs ,  places  a  rextremite  destiges  ou 
rameaux. 

f  Tiges  nues,  fistuleuses,  simples  ou  rameuses,  a  rameaux 
tous  terminus  en  pointe  aigiie  :  les  receptacles  sont  charnus, 
portes  sur  des  pedicules  tr6s  courts  et  cylindriques  places  a 
I'extremite  des  rameaux  (Cladonia). 

C.  Rangiferina.  Tige  Ires  rameuse,  rameaux  divises  vers 
le  sommet^en  especes  de  pinceaux  courbes  du  meme  cote  : 
comrnun  sur  la  tcrre  parmi  les  mousses. 

La  Var.  y.  Tenuior  (Delise)  est  beaucoup  plus  petite  dans 
toutes  ses  parties;  I'extremite  des  rameaux  rayonnante  et 
pencliee  :  parmi  les  rochers,  au  pied  de  la  monlagne  du 
Roule. 

C.  Sylvatica.  Tige  rameuse,  droite,  de  la  meme  couleiir 
que  Tcsptee  precedente;  rameaux  fascicules  au  sommet, 
dresses  ou  b.  peine  penches :  parmi  les  mousses  et  les  rochers 
au  pied  du  Roule. 

C.  Racemosa.  Tige  droite,  rameuse,  a  rameaux  fourchus 
et  divergents  :  les  rameaux  sont  subules,  presque  toujours 
redresses,  mais  jamais  penches  du  meme  cote.  On  remarque 
sur  la  tige  des  ecailles  foliacees  :  la  couleur  de  ce  lichen  est 
un  blanc-verdatre.  Meme  localite  que  le  precedent. 

La  Var.  Foliosa  sc  fait  remarquer  par  ses  tiges  munies 
d'ecailles  foliacees,  par  le  sommet  de  ses  rameaux,  fourchus 
lorsqu'ils  sont  sterilcs,  et  presque  en  corymbe  dans  les 
fertiles. 

C.  Furcata.  Cette  espece  qui  a  beaucoup  de  rapport  avec 
la  precedente,  en  differe  par  ses  tiges  allongees,  subulees  et 
peu  rameuses :  croit  parmi  les  mousses,  dans  les  bois  de  la 
monlagne  du  Roule,  ainsi  quo  les  varietessuivantes  :  Subu- 


DES    LICHENS.  359 

lata,  lige  rameuse,  lisse,  ranieaux  filiformes,  entremeles, 
fouroh'js  et  recourhp.s  au  sommet;  fi.  Spinulosa,  rameaux 
allonges,  a  ramuli's  aiffus,  redresses ;  Y.  Spadicea,  lige  et 
rameaux  de  conlcur  brunc,  munis  d'^cailles  foliacees,  glau- 
ques  en  dessus  el  blanches  en  dessous. 

C.  Papillaria.  Croiite  grenue  d'un  blanc  cendr^,  surmontee 
de  petiles  tiges  fructifferes,  venlrues :  sur  la  terre,  a  Martin- 
vast,  aux  environs  du  Dolmen,  B.  Lachent5e. 

C.  Pungens.  Tiges  et  rameaux  raides,  nombreux,  formant 
une  touffe  de  couleur  gris-cendr(^,  brunissanta  I'extremit^ 
des  rameaux.  Y  Var.  Nivea,  se  distingue  par  ses  tiges  et  ses 
rameaux  greles,  llsses  et  d'un  blanc  assez  pur :  croit  sur  la 
terre  des  vieux  murs. 

C.  Uncialis.  Tige  droite,  d'un  blanc  jaunalre,  a  rameaux 
dichotomes,  courts,  se  terminant  ordinairement  en  deux 
poinles  divergenles. 

La  Var.  b.  Adunca,  Achar.  Syn.  p.  277,  en  differe  par 
I'extremite  de  ses  rameaux,  radieset  tcrmines  en  crochet 
croissent  sur  le  revers  nord  de  la  montagne  du  Roale. 

ft  Tiges  fistuleuses,  naissant  sur  des  feuilles  radicales; 
epanouies  au  sommet  en  un  entonnoir  portant  sur  sesbords 
des  receptacles  tuberculeux  souvenl  agglomer^s  (Sphoero- 
phorus). 

f  Receptacles  fauves  ou  bruns. 

C.  Turgida.  C.  Varecha,  Ach  ;  C.  Candelabrum,  Ehrli. 
Sciphophoi'HS  dijfusus,  D.  C.  fl.  fr. 

Feuilles  pinnatifides,  etroites,  arrondies,  formant  sur  la 
terre  ud  jjazon  epais,  d'un  vert  glauque  en  dcssus,  blanches 


360  CATALOGUE 

en  dessous :  les  receptacles  sont  places  aulour  de  I'entonnoir 
qui  termine  les  tiges. 

C.  Gracilis.  C.  Lemocyna,  Acli ;  Sciphophorus  Cornutus 
D.  C.  fl.  fr.  —  Tiges  cylindriqiies  rameuses,  se  lerminant, 
les  unes  en  pointe,  et  alors  steriles;  les  autres,  en  entonnoir 
etroit,  et  porlant  des  receptacles  d'un  brun  fonce  :  revers 
iiord  de  la  montagne  dti  Route. 

La  Var.  Elongata  se  distingue  par  ses  tiges  plus  longues 
et  moins  rameuses. 

C.  Squamosa.  C.  Sparassa,  Achar. ;  Scypli.  Pixidatus, 
Yar.  Ventricosus,  D.  C  .  fl.  fr.  —  La  lige,  ecailleuse  e^ 
grenue,  se  diviseen  rameaux  renfles,  ayant  aleurs  princi- 
pales  divisions  des  ouvertures  d'ou  partent  leurs  dernit^res 
ramifications,  et  formenl  autour  de  ces  ouvertures  une  esp6ce 
de  couronne  ;  meme  localite. 

C.  Delicatd.  Cette  es[)ece,  qu'on  ne  Irouve  que  sur  le  bois 
pourri,  forme  de  petits  gazons  defeuilles,  vert-pale  en  dessus, 
blanchatres  en  dessous  ;  les  pedicelles,  ouverts  au  sommet, 
un  peu  comprimes ;  les  receptacles,  globuleux  ,  fauves, 
deviennent  noirs  dans  leur  vieillesse. 

C.  Cornuta.  Var.  Radiata ;  Scyph.  Pixidatus,  Var. 
radiatus,  fl.  fr.  —  Tige  allongee,  cylindrique,  blanchatres 
pulverulente,  evas6e  en  entonnoir  portant  sur  ses  bords  des 
digitations  rayonnantes  :  dans  les  bois  et  les  rochers. 

C.  Coniocreia.  Feuilles  petites,  arrondies,  crenelees,  tiges 
peu  rameuses,  la  plupart  simples,  glabres  et  verdatres  a  la 
bas3,  pulverulcntis  et  blanches  au  sommet  :  rare,  croft  sur 
la  terre,  parmi  les  mousses.  B.  Lachenee. 

C.  Pixidata.  D'une  rosette  de  feuilles  lobees,  crenelees, 
quelquefois  detruites,  et  alors  ne  consistant  qu'en  une  base 
granuli'e,  s'elevent  des  pedicelles  simples,  courjs,  s'evasant. 


1»ES   LICHK.XS.  361 

(le  la  base  au  soinmet  en  un  entonnoir  pres(iue  enlier  sur 
les  bords,  et  portant  des  rt^ceptacles  de  loriiie  tres  varices: 
commun. 

La  Var.  fimbriata.  C.  fiinhriaia,  Acb.  DilTere  par  les 
bords  de  son  entonnoir  qui,  au  lieu  d'etre  entiers,  sont 
dechiquetes. 

C.  Pocillum.  Thaleayant  I'apparence  d'une  croute  bomo- 
gene,  compos^e  de  folioles  ^paisses,  lacini6es,  imbriquees, 
luisantes,  de  couleur  olive  rougeatre:  tiges  courtes,  minces, 
evasees  en  entonnoirs  etroits,  non  perces;  les  lubercules 
fructileres,  petits  et  d'un  brun  noir.  Cetle  espece  se  rap-, 
proehe  de  la  precedente,  et  peut  en  etre  consider^e  comme 
une  variete.  Croit  sur  les  pelonses  seches,  dans  les  Mielles 
de  Tourlaville. 

C.  Yerticillata.  Folioles  nombreuscs,  red ressees,dt5cou pees 
et  crenelees,  d'un  vert  pale  en  dessus,  blanches  en  dessous: 
toutes  les  tiges  sont  evasees  en  entonnoirs  larges  et  denti- 
cules;  dans  un  age  avanc^,  le  bord  des  entonnoirs  se  garnit 
d'ecailles  foliacees.  D'apres  Poiret,  suppl.  Encycl.  meth.  p. 
364,  ce  serait  une  vari(5te  du  Scyphophorus  pixidatus  ou 
Cornutus  s.  D.  C.  (1.  fr.  Croit  dans  les  Mielles,  rare. 

C.  Endivioefolia.  Scyphophorus  convolutus,  D.C.  11.  fr., 
feuilles  en  touffe  large,  rccoquill^cs  et  redressees  vers  le 
sommet;  blanches  et  concaves  en  dessous,  d'un  vert  jaumitre 
et  convexes  en  dessus:  les  entonnoirs  sont  simples,  en  forme 
de  toupie  allongee.  Croit  dans  les  licux  aridos. 

C.  Coespitilia.  Feuilles  norabreuses,  serrees,  toutes  dres- 
s6es,  formant  sur  la  terre  un  gazon  ras  et  epais,  duquel 
s'elevent  des  tiges  simples,  tr6s  courtes,  lisses,  Evasees  au 
sommet  en  entonnoirs  pen  marques,  couronnes  par  des 
lubercules  convexes,  souvent  agglomores.  Croit  sur  la  terre, 
parmi  les  rochers,  au  pied  de  la  monlagne  du  Roule. 


3:;  2  GATALOGL'E  '       ' 

ft  Receptacles  rouges  ou  rouge-brun. 

C.  Coccifera,  Tiges  tres  courtes,  de  couleur  blanc  verdatre, 
evasees  en  entonnoirs ;  Ics  receptacles  sont  d'un  rouge  vif, 
un  peu  p^dicelles :  croit  sur  les  vieux  murs  de  cloture,  aux 
environs  de  Cherbourg. 

C.  Defoi'mis.  La  tige  est  plus  haute  que  dans  I'espece 
precedente ;  elle  est  d'un  blanc  jaunatre,  se  termine  en  un 
entonnoir,  etroit,  creneli^,  puis  s'agrandissant  et  se  lac(5rant 
en  lanieres  larges  et  portant  des  receptacles  d'un  beau  rouge, 
sou  vent  agglonieres:  croit  dans  les  bruyeres. 

C.  Bacillaris.  Tiges  greles,  simples  ou  rameuses  an  som- 
niet,  quelquefois  sterlles;  lesfertiles  s'evasent  et  deviennent 
rayonnantes,  d'un  blanc  cendr6  et  d'un  aspect  poudreux; 
receptacles  d'un  beau  rouge  :  croit  sur  les  vieilles  souches, 
montagne  du  Roule. 

C.  Bellidiflora.  Tiges  cylindriques,  raides,  d'un  blanc 
rembruni,  couvertes  d'ecailles  foliacees,  ces  tiges  toutes 
evastes  en  entonnoirs  etroits,  garnis  sur  leurs  bords  de 
receptacles  trt>s  rapproches  et  rougeatres. 

La  Var.  Polycephala,  se  distingue  par  le  somniet  de  ses 
tiges,  qui  se  divise  en  rameaux  courts,  surmontes  de  recep- 
tacles agglomeres:  menie  localite. 

ISIDIUM. 

Tiges  tres  courtes,  reunies  et  formanl  une  croute  epaisse, 
mamelonee  en  dessus. 

I.  Corallinum.  Croute  epaisse,  grenue,  comme  mamelonee 
a  la  surface,  d'un  blanc  grisatre:  croit  sur  les  rochcrs  gra- 
niliqucs  ii  Flamanville. 


DES    LICHENS.  3G3 

I.  Westeringii.  Cclte  espece,  que  j'ai  trouvee  dans  la  niOriie 
localite  que  la  precedente,  on  dilTere  par  sa  croute  fcndillee 
en  areoles  nombrcuses  et  i)ar  la  couleiir  roiigeatre  de  cctte 
croute. 

I.  Coccodes.  Croute  mince,  fendillt^e,  irroguliere,  d'un 
grls  jaunatre,  fornii^e  de  grains  tres  rapproches  :  croit  sur 
V^covcQ  des  arbres. 


COMPARAISON  DES  DISTANCES 


ENTRE 


NEW-YORK 

ET  LES    PORTS   DE 

CHERBOURG  ET  BREST, 

ET  IRAC£  DES  ARCS; 


-"^^•©et^s- 


L'arc  de  grand  cercle  de  New-York  a  Cherbourg  est  de 
49°  48'  10"  qui,  pour  20  lieues  marines  par  degre,  font  996 
lieues  pour  la  plus  courte  distance  de  ccs  deux  points. 

L'arc  de  grand  cercle  de  New-York  a  Brest  est  de  48°  25' 
<0",  ou  968  lieues;  difference  28  lieues  en  faveur  de  Brest. 
Mais,  d'autre  part,  de  Paris  a  Brest  11  y  a  90  lieues  marines, 
et  seulement  54  de  Paris  a  Cherbourg;  difft^rence  36  lieues 
en  faveur  de  Cherbourg;  en  sorte  qu'en  definitive,  la  distance 
de  New-York  h  Paris  serait  encore  plus  courte  par  Cherbourg 
que  par  Brest. 


366  DES    DISTANCES    DE    NEW-VORK 

Sans  doutc,  le  port  de  Brest  est  le  fplus  occidental  de 
France,  mais  I'arc  do  grand  ccrole  de  New-York  a  Paris 
passe  fort  au  nord  do  Brest,  puisqu'il  coupe  son  meridien 
(6°  49'  0.)  par  plus  de  50°  de  latitude  nord,  traverse  la  pro- 
vince de  Cornouailles  dans  la  partie  meridionale  de  I'Angle- 
lerre,  et  passe  memeau  nord  de  Cherbourg.  A  cause  de  lenr 
construction  particuliore,  les  cartes  marines  donnent  unc 
idee  tres  fausse  des  lignes  de  plus  courtc  distance,  dans  los 
latitudes  elevees,  et  c'est  seulement  sur  un  globe  terrcstre 
qu'on  peut  se  faire  une  idee  exacte  des  arcs  de  grand  cercle, 
ou  lignes  les  plus  direcles. 

Sans  doute,  on  ne  navigue  pas  toujours  en  suivant  les  arcs 
de  grand  cercle,  surtout  I'liiver,  niome  avec  des  vapours; 
mais  cnfin,  il  est  bon  de  connaltre  malhematiquement  les 
distances  et  les  routes  directes,  pour  qu'au  moins  certains 
ports  ne  se  prevalent  pas  des  apparences,  au  detrirnent 
d'autres  qui,  par  le  fait,  sont  plus  sur  la  route.  C'est  dans 
ce  but  que  nous  presentons  a  la  societe  Academique  les 
calculs  de  trigonometrie  splierique  dont  nous  avons  donno 
les  resultats;  ce  globe  et  ces  cartes  marines  sur  lesqueiles 
nous  avons  trac6  les  arcs  de  grand  cercle  dont  nous  vcnons 
de  parler. 

Depuis  qu'il  est  question  de  paix.'on  se  preoccupe  des 
paquebots  transatlantiques  et  nous  avons  voulu  eclaircir  ce 
point  special  des  lignes  de  New-Vork  et  du  Canada  etablies 
rdcemment,  et  qui  plus  particulierement  inleressent  Cher- 
bourg. 

CALCULS  DES  DISTANCES. 

Connaissant  la  longitude  et  la  latitude  de  deux  lieux 
com  me  Cherbourg  et  New-York,  on   demande  Tare  de  la 


A    f.HERnOlRfi    KT    RK1£ST.  3G7 

terre  snpposee  sph^rique,  intercepteenlre  ces  deux  lieux,  ou 

ce  qui  revient  au  meme  leur  distance  (voir  le  prohleme 

XXXIV  dans  Gueprate,  revolution  d'un  triangle  spherique 

obliquangle  ABC).  Cette  question  donne  lieu  au  cas  dans 

lequel  connaissant  deux  cfltes  b  et  c,  et  Tangle  compris  A, 

il  s'agit  de  trouver  le  Iroisieme  c6te  a. 

Abaissant  Tare  perpendiculaire  P"  sur  le  c6t6  c,  on  calcu- 

lera  le  segment  S  par  cette  proportion 

R  ;  cos.  A  : :  tang,  b  ',  tang.  S. 

le  segment  S'  est  done  connu  pulsqu'il  est  ^gal  a  c  +  S; 

puis  on  obtiendra  le  cute  a,  par  cette  proportion 

cos.  S  \  cos.  S'  : :  cos.  b  \  cos.  a. 

Tatitndp      [de  Cherbourg  N.  49"  38'  31" 
Lauiuae      ^j^  New-York  N.  40"  40' 

Complement  j  ^^  Cherbourg  o\x  b  =  40"  21'  29" 
latitude     I  de  New-York  ou  c  =  49"  20' 

T.r.„;f„rio    (de  Cherbourg  0.  3°  57'  18" 
Longitude    ^  ^^  New-York  0.  76°  18'  32" 

Difference  en  longitude  =      72"  21'  34" 

Angle  au  pole  ou  A  =  72°  21'  34". 
Log.    cos.   A=     9,481507        Log.  cos.  8'=      9,913938 
Log.  tang. 7*.  =    9,929320        Log.  cos.  i!»  =      9,881962 


Log.  tang.  S=    9,410827        Comp.  log.  cos.  S  0,013944 

S  =  14°  26'  30"       Log.  cos.  a  =        9,809844 
c  =   49°  20'  a  =  49°  48'  10" 


S'  =  c—S=  34°  53'  30"    X    par  20  lieues  marines. 


(latitude  N.=:48°  23'  14"  996',  03  de 

^''^^Mlongil'^' 0.  —   6°  49'  Cherbourg  a  New- York. 

a  =  48°  23'  20"  968',  44 
de  Brest  a  New-York. 


.'3tJS  OES    DIRTAX.ES    DE    .\EW-YOHK 

DU  TRACE  DES  ARCS  DE  GRAND  CERCLE. 

\°  Connaissant  deux  coto  i  el  c  ct  Tangle  compris  A,  on 
oalculera  Tangle  B ; 

2°  Avec  les  deux  angles  A  el  B,  el  le  cole  b  oppose  a  Tun 
d'eux,  on  calculera  le  Iroisleme  angle. 

Pour  determiner  la  posilion  des  points  intermfidiaires, 
soil  x'ou  x",  x'"  etc.  du  cult^  a,  on  formera  aulanl  de  triangles 
A  Cx',  A  Cx",elc.  donl  les  deux  donnees  i  el  C  sonl  cons- 
tanles  el  la  troisieme,  Tangle  au  pole,  A',  ou  A"  ou  A'"  etc. 
est  fournie  par  la  difference  en  longitude  du  point  C  avec 
les  points  x',  x"  etc. 

II  suffiraqueles  angles  au  polcsoient  dedixendixdegres, 
et  ce  sera  Taffaire  de  quelques  minutes  seulement. 

3°  On  calculera  done  le  c6le  c\  etc.,  avec  les  deux  angles 
C  el  A',  et  le  compris  b. 

Les  cotes  c',c",c"'  etc.  ainsi  obtenus,  6tant  autant  de  coni- 
plemenls  de  latitudes,  on  aura  les  latitudes  des  points 
inlermediaires  x',  x",  x'"  etS^'  dont  on  avail  clioisi  les 
m^ridiens,  en  adoplant  les  angles  A'  A"  A'"  etc.,  dMuits 
des  diilerences  en  longitude  (de  dix  en  dix  degres). 

On  aura  ainsi  le  trace  (si  nous  pouvons  nous  exprimer 
ainsi)  de  Tare  de  grand  cercle,  qu'on  pourra  porter  sur  loutes 
esp(^ces  de  cartes  geographiques  ou  marines. 

Ainsi,  nous  avons  trouve  pour  le  tracfi  de  Tare  du  grand 
cercle  de  Cherbourg  a  New- York : 

Points  X'  x«  I"' 


Long.  0.  =       10° 

20° 

30° 

Lalit.  N.  =  30»47'28" 

51°  S3'  38" 

52°  11'  28" 

A    OHEKBOURG 

ET    nUF.ST. 

X'' 

XVI 

XVII 

50" 

60" 

70° 

ZC,^ 


40" 

;il"  30'  5"       50°  6'  3i"       47°  35'  16"       43"  49'  18". 
L'arc  dc  grand  ccrclc  de  New-York  a  Paris,   coupe  le 
meridien  (3°  57'  18"  0.)  do  Cherbourg,  par  49°  47'  18"  de 
latitude  Nord;  et  celui  dc  Brest  par  50°  22'  10"  N. 

Cherbourg,  le  7  mars  1856. 

Le  Capitaine  de  Fre'gate, 

E.    DE    ROSTAI.Ve. 


54 


TABLE. 


Listc  (los  mcmbrcs  Jo  la  Sociclt t 

SlaUits  (lu  5  jiiiii  ISoi XllL 

Notice   biogiapliiqne  siir  M.  P.  A.  Dclacliapcllo, 

]);ii-  M.  de  I'onlaiiiiioiil XIX 

Notice    biograpliique  sur  M.  I'abhe    Auger,  par 

M.  de  Pontaiiinont XXI If 

Notice  biograpliique  sur   M.  le  D'  Obet,  par  M. 

le  D"^  Dufour XXVI 

Notice  liistorique  sur  la  Societc  impciiale  acadenii(iue 

de  Gherbouig,  par  M.  Noel 1 

Discussion  liistorique  sur  la  digue  de  Cherbourg,  iiar 

le  meme i<) 

Taleograpliie  de  Cherbourg  ct  do  scs  environs,  par  iM. 

de  Ponlaumont 4:3 

Medaillescl  monnaics  recueillies  dans  le  deparlcnient 

de  la  IManche  (18.j2-53),  par  M.  Denis-Lagarde. . . .       s:i 

Fragments  d'hisloire  locale,  par  M.  le  Sens <)7 

Notice  liistorique  sur  Bartheleuiy  Pic([ucrcy  el  sur  les 

ennilages  de  Sl-Sauvcur  et  de  St-Acliard,  par  M, 

Lesdos 107 


372  TABLE. 

Notice  sur  la  foire  St-Clair,  par  M.  Lo  Jolis 127 

Voyagn  d'AIgoi'  a  Smyrnc,  par  M.  le  D''  Diifoiir 143 

Notice  sill"  les  ancicnncs  fabriquos  ilc  draps  de  Ciier- 

bourg,  par  M.  Le  Jolis 157 

Notice  siir  i'arcliipel  de  Mcndana,  par  M.  Jardin 174 

Recherche  biograpbique  siir  M.  Desbayes,  commissairc 

general  de  la  marine,  par  M.  dc  Pontaumont 239 

Fables  ct  contcs,  par  M.  de  Lapparent 243 

Rcnseignements  sur  I'eglise  Saintc-Trinite  de  Cher- 

mivg  avant  1794,  par  M.  Le  Sens 259 

Constalation  de  la  nature  d'unc  parcelle  d'acier  etc. 

par  M.  Besnou 275 

FAlrail  d'un  rapport  medico-logale,  par  le  nieme 280 

Memoire  sur  un  precede  employe  en  Angleterre  pour 

la  conservation  des  bois,  etc.,  par  M.  Mangin 297 

Catalogue  metliodique  des  Lichens  de  I'arrondissement 

de  Cherbourg,  par  M.  P.  A.  Dclachapcllc 309 

Comparaison  des  distances  par  Tare  de  grand  cercle 

enlre  New-York  et  Cherbourg  cl  Brest,  par  M.  Ros- 

taing 36a 

-^1    WIN.     m 


i