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MEMOIRES
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SOCIETE IIHPERIALE ACADEMIOIE
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CHERBOURG.
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MEMOIRES
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MEMOIRES
DE LA
SOCfili^T^
IIP£RIAL£ agademique
OE CHERBOURG.
I
Religion et Honneur.
FEUARDENT, impriraeur-libraire, rues des Corderiei ct Tour-Carrie.
LISTE
DES PHEPHBRES
DE LA
Soci(l(i lyipirialc Acadeiniquede Cherbourg.
Burean.
Annies de
reception .
1829 Directeur M. Noel, ancicn maire de
Cherbourg.
1831 Secretaire M. Delacliapelle, professeur
de philosophic au college, doc-
teur-6s-leUres.
1832 Tre'sorier-Archiviste. M. de Pontaumont, inspec-
teur-adjoint de la marine.
Associ^s titiilaircs.
1807 MM. Claslon, ancicn principal dii college.
1829 Asselin, docteiir en medecine.
1831 Lc C* dii Monccl, direclcur de la ferme-icole
de Martinvasf.
1843 Lc Maislre, receveur particulier des finances.
71 LISTE DliS MKMBRES
4846 Lesdos (Alex.), secraaire de la sociele d'agn-
culture.
— ■ Do Bi rmon, capitaine de frigate.
— , Le Jolis, negocianl.
1850 Jardin, aide-commissaire de la marine,
1852 De Rostaing, capitaine de fregate.
1853 Denis-Lagarde, inspecteur-adjoint de la marine.
— D'Aboville, capitaine de vaisseau.
— Le Sens (Victor), commis des directions de tra-
vaux de la marine.
— Frigoult, regent au college.
1854 Besnou, pharmacien de la marine de r^ classe.
— De Lapparent, ingSn'' des constructions navales.
— Loysel, docteur en m^decine.
1855 Mangin, ing^nieur des constructions navales.
— Dufour, president du conseil de sanlt^ de la
marine.
1856 Guiffard, docteur en droit.
Assocl^s honoralres.
1855 De Tocqueville (Hippolyte), ancien officier sup6'
rieur, a Nacqueville.
— Digard de Lousta, sous-agent comptable des
matiferes de la marine.
Assoc&cs correspondiints.
1810 MM.|Cauchy, membre de I'Institut a Paris.
1815 Le Tertre, bibliotli(5caire a Coutances.
^329 Lc baron de la Gatinerie, commissaire g<?n6ral
DE LA SOCIEXE. Til
Annees de
reception.
de la marine retraite, a Fontainebleau.
4829 Durand, commissaire des poudres et salpetres
au Ripault, pr6s Tours.
— Frimot, ingenieur en chef retraite, a Landerneau .
Travers, professeur de liltSrature latine k la
faculte de Caen.
1830 M?"" Daniel , t^veque de Coutances el d'Avranches.
1832 MM. De Caumont, antiquairea Caen.
1834 Quenault, conseiUer a la cour de cassation a Paris.
— De Givency, antiquaire a S'-Omer.
— Pelouse, membre de I'lnstitut a Paris.
— De Tocqueville (Alexis), membre de I'academie
francaise, au chateau de Tocqueville.
1836 Bonnissent, (0.), chimiste.
1837 C* de Montalivet, ancien ministre d'Etat, a Paris,
1839 Dufresne, ingenieur en chef des ponts et chaus-
sees, a Alengon.
1841 Menard (abbe), a Falaise.
— Moulin avocat, a Paris.
— Bailhache, professeur de rhetorique, an Mans.
— De Brebisson, naturaliste, a Falaise.
— Fallue, homme de lettre, a Rouen.
— Menani, substitutdu Procureur imperial, a Vire.
1843 Lauvergne, m6decin en chef de la marine, a
Toulon.
— . Charma, professeur de philosophic a la facolle
de Caen.
1844 Pillet, professeur de rhetorique, a Bayeux.
— Mancel, conservateur a la bibliolheque de la
ville de Caen.
1845 M^ry,dirccl<iurdeslravauxhydrauliques,kBrcsl.
VIII LISTE DES MEMBKES
Annies de
rt'C'-pliou,
1843 I.aimanf, inspecteuren clielJe la marine rctraitd'
a Brest.
■I34G Le C* J'Harcourt, capUaine de fregate, a Paris.
— Leverrier, membre de I'lnslitiil, a Paris.
— Thierry (Edouard), conservateuralabiblioth^que
de I'Arsenal, a Bagncux (Seine).
1857 Cliaiivin, profosseurd'liistoire naturelle, a Caen.
— Docaisno, mein'ore de l'[nsliLiit, professeur au
Jardin-des-Plantes, a Paris.
— Delisle (Leopold), altache au departement des
manuscritsdelabibliothuH^ueimperia''', aParis.
— Le Flaguais, horn me de leltres, a Caen.
— Le V"' de Kcrck'iove, prt'sident de I'academie
d'areheologie de Relgique, a Anvers.
— Broeclcx, docteur en medecine, a Anvers.
— Van den Wyngaerl, conseiUer de regence, a
Anvers.
— Do Candolle, professeur a I'academ'e de Geneve.
— De Kerckliove (Eugene), niinistre de Turquie,
pros de S. M. le roi des Beiges, a Bruxelles.
— Sorbier, procureur general imperial, a Agen.
— Perreau, numismate, a Tongres.
— Stroobanl (I'abbe), anliquaire, a Bruxelles.
— Sdiaepkens, peintre d'liistoirc, a Maeslric'it.
— Dubosc, ardiiviste paleograplie du dcparlement
de la Manche, a Saini-Lo.
— Caslel, a Saint-Lo.
— Bordes, homme de lettres, a Pont-rEveque.
— Jordan, natural iste, a Lyon.
■— Le CIr'' Le Bidarl de Thuaiai le, prccureur du
roi des Beiges, a Lioge.
DE I.A SOCIt:TE. l\
Anni^ps lie
r^ceplion.
181,7 Ballin, homme de lettrcs, a Rouen.
— Pczcl, president (111 tribunal civil dc Bayeux.
1848 De Bussclier, secretaire de U sociele royale des
beaiix-arts et de lilterature, a Gand.
— Roux, cliirurgienencliefde la marine, a Toulon.
— Bazan, ancien agent administratif des directions
de travaux de la marine.
1849 Castagne, naturaliste, a Marseille.
— Liais, astroiiome, a robservaf'^ Imperial de Paris.
— Didron, antiquaire, a Paris.
— Jouvin, pharmacien professeur, a Rocliefort.
— Borgnet, antiquaire, a Namur.
4850 Paris, capitaine de vaisseau, a Brest.
— Blaclie, direcleur du lazaret de Marseille.
— Petit, astronome, a Toulouse.
— Moquin-Taudon, professeur a Toulouse.
— Joly, id.
— Hamel, id.
— Colinez, avocat general, a Gand.
— Thurct, naturaliste, a Querqueville.
— ■ ■ Solier, id. a Marseille.
— Du Plessis, president de la socl6te des sciences et
des lettrcs, a Blois.
— De Reume, capitaine d'artillerie, a Bruxelles.
— Chassay (abbc^), professeur, a Baycux.
— De Serry, ingenieur, a Algor.
— Bottin, juge dc paix, a Carcntan.
— De Lavrignais, dirocteur au ministere dc la ma-
rine, a Paris.
1851 DoGrandpont, commissaire general dela marine,
a Toulon.
X - LISTES DES MEMBRES
Aon^es de
reception.
— Lemarie, avocat, a Coutances.
— De Montrond, capitaine du g(5nie retraite.
— Regnault, bibliothecaire du conseil^d'etat, a Paris.
— Sauvage, avocat, a Mortain,
1852 Delioux de Savignac, second niedecin en chef, a
Brest.
— ' Sivard de Beaulieu, a Sauxemesnil.
— Girardin, nienibre de plusieurs societ^s savantes,
a Rouen.
— Pouchet, id.
— PoiiUain (abbe), cure d'AUeaume, a Valognes.
— H6bert-Du perron, membre de plusieurs soci^tes
savantes, a Valognes.
— Lecorps (madame), nee Marie Ravenel, a Car-
neville.
— Catteloup, medecin major, a I'armee d'Orient.
Latrouette, docteur-6s-lettres, a Caen.
— Hippeau, professeur a la faculte de Caen.
— Lambert, antiquaire, a Bayeux.
— Millard Fillmore, president de I'lnstitut Smith-
sonian, a Washington.
— Roger Taney, grand juge des Etats-Unis, a
Washington.
— Walter Lenox, maire de Washington.
— Henri Hilliard, senateur des Etats-Unis.
1852 J. Henry, secretaire de I'lnstitut Smithsonian, a
Washington.
— Le Poiltevin de la Croix, president de Tacad^mie
beige d'histoire et de philologie, a Anvers.
— Van Achter, hommede lettres, a Bruxelles.
— Louis (I'abb^), curt^ de Sainte-Marie-du-Mont.
DE LA SOCIETE. XI
Aan^os de
reception.
1852 Desroclies (I'abb^), cur6 d'Isigny (Manche).
— De Beaurc'paire (Eiig.), antiquaire, a Avranclies.
— Cochet (I'abbc), antiquaire, a Dieppe.
— Le Prevost (Augusle), membre de racademie des
Inscriptions, a Bernay.
— Renault, v.-pr6sid' du tribunal civil, a Coutances.
— Villers, secretaire de la soci6t6 d'agriculture,
sciences, arts et belles lettres, a Bayeux.
— B"" de Pirch, membre de la society arrli^olo-
gique, a Avranches.
— Loyer, secretaire de la societt5 arch^ologique, a
Avranches.
1853 Forgeais, directeur de lasociet6 de sphragistique,
a Paris.
— Don J. Villar y Massias, professeur a Tuniversite
de Salamanque.
— Tilesius, secr(;:taire de I'academie des sciences
naturelles, a Munich.
— Schmidbauer, capitaine au corps franc des
etudianis, h Munich.
— Don P. BoffaruU y Mascaro, president de I'aca-
demie des beaux-arts, a Barcelonne.
-— Jubinal, depute des Hautes-Pyr6nt5es, h Paris.
— Couefiin (madame), a Bayeux.
— De Glanville (Leonce), membre de la society des
antiquaires de Normandie, a Rouen.
— Feuillct (Octave), homme de lellre, a Paris.
— De Roissy, membre de la societe des antiquaires
de Normandie, a Paris.
— S'*-Beuve, membre del'academ. francaise,a Paris.
— Vieiliard, biblioth^caire du Senat, a Paris.
XII I.ISTES DES MEMBRES DE LA SOCIETE.
reception,
— Van der Ilcyden, hisloriographe de Belgique, a
Anvers.
— Podesta, homme de lettres, h Anvers.
4854 De Wind, president de la sociel6 des sciences de
Zelande, a MlddrlLoiirg.
— De Duranville, membre de plusieurs socidl^s
savantes, a Rouen.
— Avoyne de Chantereyne, inspecleur des forfits
relrait(^, a Lisieux.
— De Peyronny, capitaine du genie.
— Bordeaux (R ), cnliquaire, a Evreux.
— Mulsan, president de la societe linneenne, a Lyon.
— Polman Kruseman (Hendrick), secretaire de la
societe des sciences de ZMande, aMiddelbourg.
— Prou, pr^sidontdelasocietearcheologique,aSens.
— Chasseriau, maitre des requetes, hisloriographe
de la marine, a Paris.
— De Galliani, sous-chef de bureau au minist^re de
la marine, a Paris.
— Periaux, membre do plusieurs soci^t^s savantes,
a Querqueville.
1855 Reynaiid, professeur au lycee imperial de Nancy.
— Gaspard-Bellin, homme de lettres, a Lyon.
4856 Decaisne, membre de I'aca iomie royale de me-
decine de Belgique, a Malines.
— Gille, agronome, a Flamanville.
-- Comariiiond, conservaleur du musee d'archSo-
logie, a Lyon.
— Bonnin, aiUiquaire, a Evreux.
— FabriciLis, professeur d'histoire au collt^ge
d'Aarhuus (Danemarck\
STATUTS
dE: la
Socieii Irap^riale Academiqne rte Cherbourg,
Arretc's en seance le S Juin iSSi.
Article premier.
La societe academique est composee d'associes titulaires,
d'associt^s honoraires et d'associes correspondants.
Art. 2.
Les associ^s titulaires sont ceiix qui, domicilies dans la
ville de Cherbourg ou dans rairondissement , jusqu'ii la
distance d'un myriam^tre, conliactent I'engagement d'assis-
ler habituellement aux seances de la societe. Si quelqu'un
des titulaires flxe son domicile a une plus grande distance ,
il passe dans la classe des correspondants.
Art. 3.
La societe confere par privilege le litre d'associ6 honoraire
a ceux de ses menibres titulaires qui ont lo plus contribue
i\ ses travaux. Les associ^s honoraires ne sont pas tenus
d'assister aux stances ct jouissont cependant de tons les
privilt'-ges des titulaires.
Xir STATUTS
AiiT. 4.
Les associes correspondanls sont ceux dont le domicile
habituel est eloigne dc Cherbourg de plus d'un myriametre.
lis sont admis aux reunions lorsqu'ils s'y presentent, et
peuvent prendre part aux discussions litteraires et scientifi-
ques.
Art. 5.
Les associes titulaires et honoraires ont seuls voix dt^libe-
rative lorsqu'il s'agit d'elections ou d'affaires relatives a
I'organisalion et au regime de la society.
Art. 6.
Le nombre'des associes titulaires est Gxe a 25. Celui des
associes honoraires et des correspondantsest illimitd.
Art. 7.
La societe a trois officiers : un directeur.'un secretaire et
un tresorier-archivistc.
Art. 8.
Le directeur preside les seances, pose les questions,
recueille les voix, depouille lesscrulins, proclame les resul-
tats, porte la parole au nom de la societe, et fait tons lesans,
en seance publique, un rapport sommaire sur les travaux de
I'annde.
Art. 9.
Le secretaire rMige les proces-verbaux des seances et les
deliberations de la societe; ilestchargede la correspoadance.
de la societe. xv
Art. 10.
Le tresorier-archiviste a la garde du sceau de la societe,
des anciens registres, des livres, memoires, etc. II forme un
catalogue de ces divers objets, et^ met a la disposition dcg
membres, sur recepisse, les livres dont ils onl besoin, sans
loutefois que chacun puisse les garder au-dela d'un mois. U
regoit les revenus de la societe, et paie les depenses sur un
niandat du directeur.
AuT. 11.
Le directeur, le secretaire et le tresorier-archiviste sont
^lus ci la pluralite des voix, chacun par un scrutin separ6.
Ces elections se font apres la stance publique de I'annee. Le
directeur est elu pour un an, le secretaire et le tr(5sorier-
archivistc le sont pour trois ans, et tons trois peuvent etre
reelus.
Art. 12.
En cas d'absencc du directeur ou du secretaire, le premier
est remplac6 de droit par I'associe le plus ancien, et le second
par le tresorier-archiviste, ou, en I'absence de ce dernier,
par le dernier membre elu, present a la stance.
Art. 13.
Les candidats sont proposes par le bureau, compose" des
trois ofliciers, dans une s6ance ordinaire. L'election a lieu
dans la stance suivante apres convocation speciale.
Les candidats au litre de membre titulairedevront adresser
ou faire adresser leur demande au directeur et presenter a
I'appui un ouvrage manuscrit ou imprim^. Get ouvrage sera
renvoye a I'examen d'une commission et donnera lieu a un
rapport 6crU qui sera depose aux archives.
XVI STATlTS
Toutefois la societe peut faire exception a ces dispositions
sur line proposition speciale et motivee du bureau.
Art. 14.
Le candidal recii mcnibre titulaire doitavant d'etre admis
aux seances adherer aux slatuts de la societe en y apposant
sa signature etverscrentre lesmainsdu tresorier, unesomme
de 5 fr. pour droit de diplome.
Aht. 15.
Les seances obligatoires seront au nombre de dix par
chaque annee et auront lieu dans la premi6re semaine de
chaque mois, au jour indique d'avance.
Dans chacuiie de ces seances, les niembrcs presents rece-
vront desjetons auxquels il sera attribae une valeur de 1 fr,;
Au commencement de I'annec, chaque membre devra verser
entre les mains du tr(5sorier une somme do 10 fr. soil en
argent soit en jetons.
Le membre nouvellemenl clu vcrsera egalement cette
somme de 10 fr. et il lui sera remis aulantde jetons qu'il y
aura eu de stances obligatoire depuis le commencement de
I'annee.
II n'y aura pas de seance dans les mois de septembro el
d'octobre.
Art. 16.
Toutes les deliberations se fontau scrutin, a moins que la
societe n'ait manifesle le vcru conlraire. Celles qui ont pour
objet Velection d'tin candidat ou une modification aux
statuts, lie peuvent avoir lieu hors de la presence de la
majorite des membres titulaires presents a Cherbourg.
1)e ].k socikte. xvii
Akt. 17.
Les personnes etrangeres a la societe ne sont admises a
ses seances particulieies , que lorsqu'elles sont presentees
parquelqu'un desesmembres, etaved'agrementdu bureau.
Art. 18.
EUe entend dans scs seances parlicuI16res la lecture de
tous les memoiresqui lui sont soumis; elle admet ladiscus-
sion sur toutes sortes de matiferes, en tant qu'elles ont rap-
port aux belle.s-lettres, aux sciences et aux arts.
Toute discussion sur la religion et la politique est jnlerdite.
Art. 19.
Tous les ans, 'a I'epoquc fix6e par la soci(5te, une st^ance
publique aura lieu. Les memoires destines a la lecture
devront elre soumis a la societe, dans une des stances ordi-
naires ou dans une stance speciale convoquee a cet effet. Ces
memoires seront deposes aux archives jusqu'a la seance
suivante oii ils devront etre admis au scrulin secret.
Art. 20.
L'auteur de tout ouvrage lu aux S(^ances soit publiques,
soil particuli^res, en remetletexte ou I'analyse a I'archiviste,
qui en fait prendre copie sur un registre a ce destine.
Art. 21.
Un volume de memoires sera imprime toutes les fois que
II
XVIH STATUTS DE LA SOCIETE.
la situation financiere de la societe le permetlra. Chaque
article destine a I'impression sera lu prealablement dans une
stance ordinaire et depose aux archives jusqu'a la seance
suivante, oil il devra etre admis au scrutin secret.
Art. 22.
Si les fonds existant dans la caisse ne sont pas suffisanls
pour subvenir auxdepenses d'impression des memoires, il y
est supplee par une cotisation repartie entre les auteurs des
memoires admis a I'impression, proportionnellement a leur
^lendue.
A mesure qn'il rentrera des fonds dans la caisse, soit par
la vente des memoires, soit par tout autre moyen, il en sera
fait, par les soins du tresorier, une repartition proportion-
nelle, jusqu'a concurrence de la somme avancee par chaque
membre.
Les planches, dessins ou tableaux accompagnant les me-
moires, soit intercales dans le texte, soit plact^s en dehors,
seront tojujours au compte de I'auteur.
Art. 23.
Tous les ans, dans le courant du mois de novcmbre, une
messe raortuaire sera dite pour les membres de la society
decedes depuis sa fondation.
NOTICE
SUR
M. P. -A. D£UGHAP£LL£,
Associe lilulaire.
sfy-satt'^sa-x
Je desire reuiiir ici quelqucs fails do la vie d'un do r.os
respeclablcs confreres sur lequel iino tombe receiilc s'cst
fcrraee. Je note, dans le souvenir qui m'est reslc de cet
homnie de bien, le trail dislinctif de son caraclerc : lin gout
inne pour les sciences nalureiles , qu'il savait rcndrc
desirable pour I'qwquc des etudes projclees en ces annees
lointaines <Je retraite ct de repos qu'on ajourne toujours
ot qui souvent ne viennent jamais.
M. Delachapelle (Pierrc-Adricn) naquit a Clierbourg Ic
22 juin 1780 : il ctait fils de M. Adrien Delacliapelle-Mar-
canville et de M"*^ Tlicrese Asselin. Apres avoir fait ses etudes
h Cherbourg, sous la direction do M. I'abbe Delacour, il
entra fort jeuuc encore, duns les bureaux de la marine, en
XX NOTICE
qiialito de dessinalcur. C'elait vers 1794, ct, en ces lemps
diiliciles, il uidail deja de ses minces appointemenls son pere,
tres avance en age, et sa mere, femme d'un rare merile. M.
Augustin Asselin, son oncle, appele quelques annees apres
au conseil dcs Cinq-Cenls, lui temoigna un int^ret qui ne
s'esl jamais demculi dcpuis. Un gout vif pour I'etuJe de.ia
cliimie el des sciences naturelles determina M. Delaciiapelle
a embra£3er la profession de pharmacien. II alia a Paris'
etudier les sciences et se former a la pratique necessaire
pour atteindre a son but, puis revint se fixer a Cherbourg en
1802. II epousa Mademoiselle Adelaide Mace, et des lors,
voue aux devoirs do son etat et do sa position, i! vecut
honorablenient, goutant la douceur des affections de famille,
et formant ou gardant des amities que la mort seule a pa
briser. L'estime publique ne lui a pas fait defaut, el scs
concitoyens, aussi bien que les chefs de radministration, se
sont plu a lui en donner des gages. II fut, a deux reprises,
sous le premier Empire et sous la monarchie do 1830,
appele au conseil municipal de Cherbourg; il siegea,
pendant de longues annees, en qualile de juge-suppleant et
de juge, au tribunal de commerce, et plus lard devint
membre et vice-president du bureau de bicnfaisance. II
remplit jusqu'a son dernier jour les devoirs qnc lui imposait
ce litre. M. Delachapelle avail toujours reserve quelques
heures de loisir pour I'etude de la botanique, et il se livra,
surtout a cctle. science, lorsqu'il eut quitle les affaires. Ses
travaux le mirenl en relation avec plusieurs savants, parmi
lesquels nous cilerons seulement !VIM. Lamouroux, Dubourg
d'lsigny, Le Normand, de Brebisson, Delislc, Pelvey, D""
Le Boi, et, en un temps plus recent, M. Bcrtrand-Lachonee,
qn'il pfuida dans ses premieres 6tudes. La bo'.anique, cclte
science qui retienl parmi les plus charmanles productions
SUH M. P. -A. DELACIIAPELLE. jTxi
de la nature Tcsprit et les regards de ceux qui la cuUivent,
a encore im altrait plus intime : elle forme entre eux un
lien, etdonne naissance a de fideles amities.
La Societe Acadcmique, appreciant les travaux de M.
Delachapellc, I'appcla dans son sein en 1829, et d^s lors, ce
fut a elle qu'il consacra les fruits de ses recherches.
II avail donne, en 182G, un Catalogue me'thodique des
Lichens recucillis dans I'arrondissement de Cherbourg;
Caen, Chalopin. Poursuivant ses etudes et ses herborisations,
il publia successivemcnt, dans les memoires de la Societe
Academique, les travaux dont voici les litres et les dates :
Memoiresur lesplantes marines, extrait d'unouvragc
sur la vegetation de ces plantes sur les cotes de
I'arrondissement de Cherbourg ; mem. 1833.
Description succincte des Thalassiophytes articulce'i,
recueillies sur les cotes de I' ar rondissemeni de Cher-
bourg; mem. 1833.
Description succincte des Thalassiophytes inarticule'es;
mem. 1838.
Catalogue methodique des mousses trouve'es dans
I'arrondissement de Cherbourg ; mem. 1843.
Catalogue des Graminees qui croissent spontanemenl
dans I'arrondissement de Cherbourg; mem. 1847.
Quelques-uns de ces memoires ont ele tires a part, lors de
leur publication.
M. Delacliapelle savait que les sciences naturelles doivent
surtout leurs progris a des observations exaclenient failes
dans un champ circonscrit, a des catalogues soigncusenient
dresses et soumis au controlc de ceux qui, plus lard, doivent
les completer, ou du moins les etendre. C'est dans cello
pensee (|u'il s'en est Icnti, aetudicr et a decrire les plan-
tes do noire conlree, dont la tlore, Ires variee, lui oli'rait
y\U NOTICE SUR M. P. -A. DELACHAPELLE.
as sez de ricliesses. Les premiers catalogues qui en out elu
publics sont dus h M. de Gerviile ct a lui.
M. [>elacliapellc a continue jusqu'ii la fin de sa vie a se
livrer a cos etudes pleines de clianne el d'interet : il a laisse
en nianuscrit deux opuscules termines, savoir : Catalogue
aJpJuibetique des genres, avec tableau analylique des
especes et des varie'tes des plantcs phanerogrames qui
croissent aux environs de Cherbourg, 1832; Catalogue
vietliodiquedes Lichens recueillis dans I'arrondissernent
de Cherbourg, ISaS.
Malgr(5 cette application aux etudes scientifiques , M.
Delachapelle ne negligeait pas les devoirs et les affections de
famille; il aimaitaussi les relations de la socicle. On appre-
ciait en lui la droiturc du caractere, et les ressources d'une
instruction variee. Avec un caractere vif et une physionomie
parfois un pcu severe, il avait une bont6 parfaiteel une sen-
si hi lite profonde.
M. Delachapelle a succombi a Cherbourg le 20 avril 1834
aux suites d'une affection du cceur, mala-die qui ne lui avait
rien Ote de la vivacite de ses sentiments, ni de la clarte do
son intelligence. Quelques jours avant sa mort, il avait puise
dans I'acte le plus solenirel de la religion, au pied memo des
outels, la force et la consolation dont le cbretien senile
besoin, laissant ainsi a son digne fils et a son petit-fils une
memoire toute d'honneur et un noble exemple a suivre.
L. DE POMAUtilONT.
•i-SK'
NOTICE
StR
M. lABBE AUGER
Messieurs, le 3 decembre fS'ii est mort dans une vcrte
vieillesse un de nos assoeit^s correspondants, un professeur
dont le noni est un souvenir venere parmi ses anciens Aleves,
el qui resla doue jusqu'au dernier jour d'une intelligence
elevee, etendue et serieuse, d'un esprit ferme et distingu6.
Auger (J.ean-Bapliste-Amand) naquit a St-Valcry-en-Caux
le 26 octobre 1784. Eleve a V&co\q centrale de Rouen, il y
obtint, le 15 Ibermidoran VIII, le grand prix dc la classe de
niatht'mali{iucs et, le 15 thermidor de I'annee suivante, le
prix de celle dcs Icttres.
Age de 17 ans, il se rendit a Paris, subitavec distinction,
le 2 messidor an XII, I'exanien pour le grade de cbcf d'insti-
lution et ouvrit a cette q)0(]ue, rue d'Assas, sous le noni
d'instilution Bernard ct Auger, un pensionnatqui ne tarda
X\1V AOTICE
pas, a cette date de regeneration morale inauguree par le
Consulat, h obtenir toute la con fiance, des families. En 1812,
il quilta cclte position pour aller an seminaire dc Rouen
recevoir Ics ordres sacres; dans le courant de 1813, il fut
nomme vicairede Saint-Francois au Havre el y resta jusqu'en
182 L
Ce fut en cclte annee qu'il revint a Paris fonder unc
nouvelle instilution (1) qui, comrae la premiere, donnait
iin soin special aux principes religieux et monarchiques.
Peu de temps aprfes, en 1822, je fus place dans celle maison,
oil je ne tardai pas a vouer a M. Auger un atlachement que
j'ai ete heureux de conserver toujours.
En 182.'5, Mgr Frayssinous appela M. Auger au poste de
proviseur du eollege royal de Versailles. En 1829, il passa h
la cure de S'-Antoine de Compiegne, oil le roi Louis-Philippe
le nota plusieurs fois pour un evecli6. Malgre cette designa-
tion honorable, M. Auger ne parvint point a I'episcopal, bien
qu'il reunit certainement toutes les qualites h la fois soli-
des, serieuses, dislinguees et meme prudentes et miti-
gees qui sont si rwjcessaires dans Tadministration d'un
diocese. L'autorite ecclesiastique se borna a lui conferer le
litre dechanoine honoraire a Beauvais eta Baycux et a lui
promettre, dans les derniers temps de sa vie, une place de
chanoine de second &rdre au chapitre imperial dc Si-Denis.
En 1843, ildonna sa demission de lacuredc Compiegne et
revint a Paris se livrer cxclusivement aux etudes qu'il aimait
eta la predication. Les sermons qu'-il prononca aVec succes
dans les diverses,eglises de Paris ne montent pas a moins dc
cent cinquantc. II devint secretaire de la societt} de Saint-
Gregoire de Tours et vice-president dc I'lnstitut historique.
(I) Rae du Bac, w" 88, au coin de celle de \arenncs.
sun M. 1, ABBK ALULR. XXV
h' Investigateur, iournt\\ de cette sociotii, contient de noiii-
breux et savants articles historiqiies this a la plume de M.
Auger. On y sent un esprit sur, prepare a luisir par la rtifle-
xion et par I'habitude des fortes lectures.
C'est sur ces titres, Messieurs, et a ma demande, que vous
avez bien voulu conferer, le 7 mai 1847, ii men venerable
maitre et ami le diplume d'associe correspondant.
J'ai vu M. Auger pour la dcrniiire fois en juin 1833 a Paris.
Sur lui la trace des annees 6lait legere : ii soixante-neuf ans
sa santeetaitparfaite; il etait rcste grand, bien fait de taille,
d'unc pbysionomie forte et spiritiielle. Pendant les beures
de causerie intime queje passai alors avec lui, il me paria
avec un vif interet de Cherbourg, qu'il avait visile pendant
les fetes imperiales d'aoiU 1813, et de quelques-uns de m)s
confreres avec lesquels il s'etait trouve en rapport a cette
epoque.
L. BB PONTAUMONT.
-u»5i,H.2*=^c~
■^i;j^
SUR M. OBET
Ancien medecin en chef de la marine.
Louis-Jean-Marie Obct, ancien medecin en chef de la
marine, est nc a Morlaix le 13 Janvier 1777. Son pere, issu
lui-mcme d'une de ces families brelonnes, forte race qui
voue presque tous ses enfants a la mer, parvint au grade de
chef de division, aprfes s'etre fait remarquer par uneintrt^pi-
dite froide et des talents qui I'avaient rang(3 parmi nos
meilleurs marins avant la revolution et devaient plus tard
attirersur lui I'altention, alors que du camp de Boulogne
I'empereur Napoleon nienacait les cOles d'Angleterre, car
plus d'une fois il parvint a degager el a conduire a Iravers
les flottcs ennemies les convois qui, de tous nos ports de
I'ocean, venaient se reunir au rendez-vous commun.
Lc temps, la fortune et les circonstancesne lui permettaient
pas de donner a scs enfants ccltc education qui plus tard est
NOTICE SLi; M. oiii:T Kwn
(Icvcnue une nocessilc absoliie. Co n'CivAi pas d'ailleiirs
I'epoquc dos (Etudes forles el siiivies: pcriode orageuse dc nos
annalcs, tout enseigncrnent somblait dcsorgiuiise, et ce no
ful qu'a son amour du travail, a la distinction nndircllc de
son gout et de sn& habitudes que le jcune Obe t dul I'instruc-
tion classique qu'il acquit et supplea aux lacuncs quclais-
saient dans I'education I'abscnce de toute ccolc au milieu de
la confusion gencralo, plus tard Ics cssaisd'une reslaui'ation
incomplete dos etudes. Combien peu out eu ce courage! Et
pourquoi ne pas le dii'e : les hommes de cette generation ([ui
firent de si grandes choses au commencement de ce siecle,
cHaient generalement peu leltres. II leur manquait cette
forte instruction premiere que le vieux sjstcme d'educalion
avaitdonncaleurspredecesseurset que Tuniversile reconsti-
tuee devaitdonnera ceuxqui vinrentapres eux. C'cstii cette
cause qu'il faut attribuer I'inferiorite litteraire si sonvent
reprochee aux annees qu'illuslraient tant de haul faits, et
que devait suivre une renaissance veritable, lille de plus
tranquilles destinees. Pour lui, ce qu'on ne lui avail pas
enseigne, il sut le conquerir par son travail, bienlol devenu
niaitre par une voie personnelle et jdiis courte dcces con-
naissances qui lui manquaient, il en conscrva I'amour pen-
dant sa vie entiere, delassement et cliarme de ses vieux
jours.
Sa famille le destinait a la medecine navale. II debute a
Brest commc chirurgien auxiliaire; assisle en celte qualite
au combat du 13 prairial; devient enlretenu en 1796;
cmbarque successivcment surces vaisseauxaux nomsrelen-
tissants : le Terrible, \cHoche, Vlntre'pide, ]g Formidable.
La et depuis lorsqu'il fut nomme chirurgien de 2^ classe et
servit sur Ic vaisseau Yimpcrial, il put voir tout ce que
laissail a desirer Ic service dc sante. Plus tard il mcsurail
XVVIII NOTICE
les progrcs do noire hygiene navale, et aimait a comparer
I'etat de.s vaisscaux de cetle epoqne avec celui qu'ils olTrent
dc nosjours. Cette merveilleuse proprete, ce hixe de precau-
tions, cet art ingenieux qui tire parti de tout, ces liopitaux
de bord oil tout est rcuni pour le bien-otre des malades,
I'ordreet la metliode qui president aujourd'hui au traitement
des hommes, quel que soit rencombrement, les ressources
enlln dont on dispose et qu'on sait inellre en oeuvre, lout
contraslc en effet avec ce qui existait alors. Aussi, quelle
morlalite quand sevlssait une epidemie! quel affaiblissernent
des equipages devunt Icquel les medecins restaient impuis-
saiils.
Nous retrouvons M. Obet en l^OS, chirurgien de ■l"'^ classe,
et en 1810 non)m6 proCesseur d'anatomie a I'liopital Saint-
Bernard dans ce port d'Anvers cree par les Francais, arsenal
immense que le genie de Napoleon destinait a un si grand
avenir. Le corps des cliirurgiens de la marine n'elait pas
encore r^ellement constitue, et le concours ne presidaitpas
a Tavanrement. Depuis, les cbaires de professeurs n'ont
plusele chezeux que le prixde lettresserieuses et de travaux
scientifiques eprouves. Mais parmi les professeurs et les
chefs sortis de la ]'" institution, il en est qui ont laisse leui*
trace dans le corps : tel fut M. Obet, tel le niedecin en chef
Fleury sous les ordres duquel il scrvita Anvers etqui devait
succomber a Toulon, pendant le cholera, victime d'un zeleet
d'nne ardeur que I'age et les infirmiles n'avaient pu glacer.
Anvers presentait a cette epoquo une animation extraor-
dinaire. La, se confondaient les ouvriers du pays et ceux que
fournissait nos ports : le calme des populations braban-
connes etait anime par la vivacite francaise ; les edifices
maritiines, les casernes s'elevaicntcomme parenchantcment;
les bassins de carrenage sc crcusaient;. a peine une cale se
sin M. olil'.T, \\IX
dcssinait-ellc, qti'un nouvean butimcnt apparaissait, pcnrlant
qu'iine floUe deja formidable stationnait dans I'Escaut ct
que tout obLHssait a Timpulsion de cette volonte crealrice,
dont les deslins ctaient alors si brillanls. Depuis, celle
ceuvre des Frangais a ete arieantie; nos immenses bassins
out elecombles ou transforiiU'S en docks pacifiqucs ; tout
mouvement mililairc a disparu: qu'on se figure Brest
devenant port de commerce.
L'escadre et Tarmfie envoyaient tons leurs malades, ct ils
6taicnt nombrenx, a I'hdpital St-Bernard qui recevait egale-
mcnt les ouvriers du port et les prisonniers anglais. Places
sur CO vaste llieatre, les mcdecins de la marine de\aient
promptement acquerir unegrande experience. Les epidemics
s'y succedaient, les plus graves operations s'y pratiquaient
journellement, toules les miscres humaines s'y donnaient
rendez-vous, triste et lamentable spectacle: mais c'est la
que se formerent pkisieurs cbirurgienseprouves, qui furent
dissemines dans les ports de France, lorsqu'il nous fallut
abandonner cette conquete aux jours de nos revers. Les
tendances de M. Obet I'inclinaient du cOte de la medecine,
proprement dile, plutdt que vers les operations, et lorsqu'il
fut envoye a Cberbourgen 1841, il servit dans notre port
on sait avec quelle distinction, ct de combien de conside-
ration el d'estinie il avail sn s'entourer. II pouvait pretendre
a un legime avancement: on le lui olTiitmeme, mais il le
refusa pour roster dans notre ville, qui etait devenue sa
patrie adoptive. II y avail ele nomnie officier de la legion
d'bonneur.
Cette retraitedont il avail marque I'heurc en refusant do
se dcplaccr, ne fut cependanl pas le repos: il se livra a
Texercice dela medecine civile, et y dt^ploya toutes les qua-
lites d'un veritable praticien. Nature peu brillanto, mais
X\X NOTK.K
exactc, mcUiodiquo, lenanttfos grand comptede la tradition,
jl soiiriait parfois, qiiand on exagcrait devant lui les nicr-
veilles des decouvcrtes modernes, an courant dcsqucllcs il
savait se tenir: mais il les jugeait et ne se laissait cntrainer
qu'ii bon escient. Pcu enthonsiastc, il croyait a fa grando
part que prond la nature dans la giierison dos maladies,
dispose quelquefois mcme a I'exagcrcr un pen ct a s'en
rapporter a sa puissance. Hatons-nous de dire qu'il tHait
Irop eclair(5 pour s'y abandonner aveuglcmcnt, et qu'il
trouvait un terme judicieux entre cette activite intenipestive
et inquietc, qu'il qualifiaitde desaslreuse el une expectation
par trop optimiste. C'esl la, en cffct, qu'est le vrai. II parlait
peu de ce qu'il faisait et ne posscdait pas I'art de se fairc
valoir: peut-elre dedaignail-il de le montrer. II ne provo-
quait le suffrage de personne, ce suffrage venait le trouver.
Qu'on ne croiepas cependant, qu'a I'occasion, il ne sut
sortir de sa reserve modcste et silencieusc. Mais il ne parlait
que lorsqu'il avait quelquc chose a dire, n'ecrivait que
lorsqu'ilavait quelque observation nouvelle et utile a faire
connaitre. II lui aurait fallu un peu plus d'initiative pour
rfiveler sa valeur reelle. Le bagage litteraire et scientifique
d'un parcil homme, doit toujours etre leger. C'est souvent
un merite: et il est si facile de le rendre plus lourd ! voyez
quelle sobriete de developpement, et pourtant quelle ncltete,
quelle precision il a apporle dans la description de I'angisso
couenneuse dont il avait observe une grave epideniie a
Cherbourg meme. II dit lout ce qu'il faul, rien de plus.
C'esl le praticien exact, qui raconto scrupuleusement et
sim[)lement ce qu'il a vu el a su bien voir. Avantquc I'ana-
toniie patiiologique dc celle redoulable affection fiit aussi
g6neralcmenl connue qu'elle Test aujourd'hui, il la decrit
minutieusement, signale son developpement rudimentaire.
SUR M. OBET. XXM
le moJe d'apparition dc celte exsudation transparenlc,
inoffensive en apparence, qui recouvre les amygdales, Ic
voile du palais, rarritTe-gorge, qu'il fautsavoir reconnaitro,
conibattre des le debut et detruire sur place; car elle va
s'organiser en veritable membrane, gagner de proche en
prociie, atteindreles voics aeriennes ou se propagcrdans les
voies digestives. Personne n'a mieux fait ressorlir le carac-'
lere specifique de celte maladie, et en prouvant- que cette
espece de formation nouvelle n'est pas toute raffection,
demontre que comme dans le croup, cc fleau des meres, si
rapprochc de Tangine couenneuse, il y a au-dessous de ce
caractere anatomique grossier, un etat parliculier d'inflam-
mation et de spasme, qui fonde une grande partie du
danger.
De meme lorsqu'il insiste sur le caractere contagieux dc
I'angine couenneuse. On le conteste, que ne contestc-t-on
pas? Mais la, comme pour les fievres tjphoide, on suit de
proche en proche rinflucnce contagieuse. Seulementil faut
savoir la reconnaitre; ce qui n'est pas toujours si facile
qu'on pourrait le penscr. Etrange maladie, a laquelle cer-
taines families semblcnt predisposeesl On cite une race
princiere, dont cinq generations ont pay6 un tribut fatal a
I'angine et au croup. Personne enlin n'a mieux que M.
Obet, demontre quelle doit etre I'activite du traitement
et la lumiere, dgute la specificite de la maladie I'l^clair.
En 1833, il public une notice sur le cholera qui avait
sevi il Cherbourg en 1832. En 1837 il insere dans lesannales
marilimes une esquissc biographique sur M. Fleury.
C'est dans cet opuscule qu'il sail trouvcr, pour parler dc
son premier maitre, des accents partis du coeur, et qu'on
reconnait tout ce qu'il y avait d'alTectueux ctde sensible cliez
cet excellent homnie si r^servdd'habitudeet si peuexpansif.
XXXII xNOTICK SLH M. (H1KT.
Dans Tin fin ie variele des caractores, on en rencontre de
pareils qui vivent beaucoup en eux-memes pour ainsi dire,
qui par une sorte de pudeur native sent aussri soucieux de
caclier les lemoignages de leur emotion que d'autres le sont
d'en Jeter I'expression a lous les vents. Qui dira dequel c6te
se trouvent la force et la profondeur des affections? M. Obet
couvrait sa vie privee d'ombre et de silence. Eprouve par de
cruels malhours de famille, jamais sa serenite n'en parut
alt^r^e; il fallait enfin qu'il rencontrat une parfaite commu-
naute de vues et d'opinions pour qu'il se laissat entrainer a
quelque epanchement, et se souciant fort peu de contredire,
il semblait assister a tout comme un temoin desinlcresse.
Etpourtantil ctail fidele a ses affections; il suivait avec
interct et I'ceil de la sympathie ces generations qui se succe-
daient devant lui et dont il avail suceessivement soulagc les
douleurs. II etait reste Tami de tous ceux qui I'avaient
approche; lis lui conserveront un souvenir de cceur et de
reconnaissance; le temps enfin n'emportera pas dans son
cours souvent oublieux et ingrat la memoire de cet homme
de bien qui nous laisse I'exemple d'une vie pure ethonorable,
consacrce tout entiere a raccomplissement du devoir.
Docteur DUFOUR.
NOTICE HISTOBIQUE
suu
LA SOCIETE ACADEMIQUE
DE CHERBOURG,
PAR
91. JVOEL, Directenr.
Lue a la seance publique du I" mai 1855 (cenlihne anniversaire).
Messieurs ,
Un siecle nouveau commence aujourd'hui pour la Societ6
Acadcmique de Cherbourg. La premiere st^ance dont les
registrcs dcs proc6s-verbaux nous ont conserve le souvenir,
porte la dale du 1" mai 1755. D6ja plusieurs reunions
8 NOTICE HISTOniQfE
avaient eu lieu, mais elles avaient pour but la constitution de
la SociiHd et la redaction des statuls, et ce n'est qu'a cette
(■'poque que commencent les seances ou se firent des
lectures scientifiqueset lilteraires. Chose digne dc remarque,
Messieurs, Cherbourg comptait alors 6000 anies a peine, et
cette ville semontrait plus avancee que la pluparl des grandes
cites du royaume qui n'avaient point encore d'academies. II
n'y en avail que deux dans toute la Normandie, a Rouen et
a Caen. Point de grandes administrations conime dans ces
deux dernifires villes, peu de commerce, aucun de ces grands
Iravaux qui lui amenerent plus tard des hommes laborieux
et instruits. Cherbourg 6tait done reduit a sa population
sedentaire et c'est dans ce petit nombre d'habitants que se
rencontrferent quelques amateurs des sciences, de la litte-
ralure et des arts, qui re'solurent d'eriger en cette ville
une assemble'e philosophique. Telles sont les expressions
consignees dans le proces-verbal de la premiere riiunion, qui
remonte au 14 Janvier de la meme anntie.
La redaction des statuts primitifs et les noms des fonda-
teurs attirent d'abord notrejuste attention. Deja, j'ai eu I'oc-
casion de parler des uns et des autres etje serai oblige de
r6p6ler quelquefois ce que j'ai dit dans des articles separes.
Mais dans cette seance, qui emprunte quelque solemniti au
souvenir seculaire qui nous occupe, vous avez di^slrt^ un ta-
bleau liistoriquede laSocictedcpuissonorigine, etce tableau
manquerait d'ensemble, si je n'y comprenais les hommes
honorables qui fonderent cette Soci6te et les statuls qui nous
r^velent I'esprit dans lequel eut lieu cette creation.
La premiere pens6e des fondateurs est pour la religion :
« On aura pour elle, disent-ils, un profond respect et on
» n'enlrera jamais en dispute sur scs mystercs. »
Les statuts veulent ensuite qu'on honore leRoi el I'Etat el
SUR LA SOClExi. 3
qu'on n'en parle jamais qu'en Ir^s bons ternies. Telle est U
simplicile de redaction avec laqiiclle ces sonliriictits soiit
exprimes.
L'arlicleS est remarqnable par la naivete du style et de la
pensce. « On 6vitcra, dit-il, toute cabalc et Ton conservcra
» la meilleiire union possible dans la Societe; sans disputes,
» termes fdclieiix, ni railleries a I'c^gard les uns des autres,
» au sujcl des vices d'espril et de corps. »
*Ainsi la prevoyance ne se borne pas aux difTormitcs phy-
siques qui d'aillcurs saccordent souvent avec les plus I)ril-
lantcs qualiti's de I'esprit; mais elle s'etend encore aux
singularitcs, aux bizarreries qu'on rencontre quelquefois
cliez les homnies de science el de travail. Tout est done prevu
dans le dcssein d'une union durable. Les discussions rcli-
gieuscsetpoliliqucs.quidivisentsi profondcnientlcslionimcs,
n'auiont pas lieu. Les railleries qui blessent, les propos qui
huniilienl, les vorites m(}ine qui peuvent ofTenser, sont ban-
nies dc la reunion. Les paisibles discussions sur les sciences
et la liltdrature sont seules permises, etcelles-la doivent en-
gendrer une union qui ne feraqu'augmenteravec I'habitude
de se voir, de sc; communiquer ses pensees et de concourir
ensemble, dans une proportion si petite qu'elle soil, aux
progres de I'esprit bumain,
II metarde. Messieurs, de vous faireconnaltreces hommes
simples el studieux a qui nous devons I'existence de notre
Societe. Voici d'abord quels claicnt Icurs noms et leurs
litres : L'abbe Anquetil, premier directeur; Voisin, profes-
seur d'hydrographie, premier secretaire; Dolaville, medecin;
Groult, procureur de I'amiraule; Avoiuc de Chantcreyne,
receveur de I'amiral ; el Pierre Freret, artiste.
Deux de ces noms onl disparu el n'onl gu6re laiss6 dc
tracea quo celles de Icur inscription sur Ic tableau des
i NOTIdF, IHSTOriiyrE
fomJatoiirs. Co sonl MM. I'abbe Anquelil et Voisin do la
Iloiigtic. On doit cependant a ce dernior uiie histoire de
Cherbourg asscz esliineo, ct qui a ete editee en 't83o, avec
continuation jusqu'a cette epoque par M. Verusmor.
Quant aux autrcs, lis soot encore vivants parmi nous, et
ils ont conserv6 pendant longtcnips d'honorables represen-
lanls dans cette enceinte academique.
M. Delaville etail un niedecin distingue. L'Academie lui
dut de frequents rapports sur I'ai't qu'il professait, 3es
nxinioires sur la botanique ; il s'occupa beaucoup des
sondes et du varecb. Les registres de voire Society nous
apprennenl aussi qu'il s'occupait de poesie et citent avec
eloge une epitre de sa composition sur I'lnd^pendancc.
M. de Cbantereyne etait egalemcnt un des niembres les
plus zeles de la Societo. L'bistoirc de Cherbourg et de la
presqu'ile a ete le principal objet de ses travaux. On lui
doit une chronologie des grands buillis du Cotentin, un
catalogue du gouvernement de Cherbourg depuis Henri 1",
roi d'Angleterre, et divers memoiresnon moins interessants.
Quel que soit le nicrite des travaux dus aux menibres que
je viens de citer, leurs nonis s'effacent, au moins en partie,
devant celui de M. Groull, qui parait avoir eu la plus grande
part dans la formation de la Soc>ete et qui, pendant tout le
cours de sa longue et laboricuse existence, n'a pas cesse
d'en etre un des plus fermes et des plus constants appuis.
M. Groult n'otait passeulemenl un travailleur infatigable,
un magistral intfegre, un savant d'une reputation europeenne;
c'etait mieux que cela encore, c'etait un liomm'e de bien
d'une admirable simplicite de moeurs, d'une bienfaisance
inepuisablc, aussi actif a secourir les pauvres et a cherclier
tout ce qui pouvait adoucir Icur misere, qu'a etendre ses
investigations dans le vaste champ des connaissance
humainGR.
SLU l.\ SOCIETE. «
M. r.roult clait verse dans les sciences exactes ct dans
riiistoire nalurellc; inais ce fut la legislation marilime (jui
occupa pai'liculiereinent Ions scs instants. En 1770, ii
presenta a racadeinic do Rouen un nouveau comnientaire
sur I'ordonnance de 1681, compose do 6 volumes in-4°. II
parail que, pour arriver a ce resiiUat, Tauteur avail passe cn«
revue plus de 50,000 ordonnances, arrets ou reglenients
concernant cctte branclic de la legislation'T
A ce long travail, M. Groult en ajouta un autre qui ne lui
demanda pasmoins de recluMxIies ct de patience; il composa
des tables extremenient etendues deslois de la marine, qui
t'taient el avaient ete en vigueur chez tons les peuples mari-
linies, anciens et modcrnes. « La reputation de M. Groult,
» dit une note redigce peu de temps aprt;s sa mort, se
» repandit dans toule I'Europe. » II obtint du gouvernement
le tilre de docteur en droit maritime ct la faveur d'etre rem-
bourse, sur momoires, des depenscs que lul occasionnaient
cbaque annee ses travaux et ses rccberches.
Le dernier des fondateurs dont j'ai indique les noms etait
un artiste du nom de Freret. Depuis un siecle, cette famille
est en possession de fournir aux beaux-arts des bommes de
nierito, I'lusieurs de ses membres, peintres ou sculpleurs,
ont laisse dans Cberbourg des travaux eslim^s.
M. Louis Freret, lilsdu fomlateur et membre lui-m6mede
cette Societe, se distinguu surloutdans la peinture des fruits
el lies (b'urs. La reine, en 178o, le nomma son peintre du.
neurselrangeres. U!ie copiedu brevet a etc deposee dans nus
arcbives par noire confrere M. Victor Lesens.
Telsfurent, Messieurs, les fondateurs de noire Societe. Tel
ful le noyau autour (huiucl \inrent se grouper uncertain
nombre d'antros membres. Toulefois ce nombre fut rcstrcint
dans les [iremieres anmies, ce (|ui n'emp^Hiia pas les seances
6 NOTICE lilSTOniQCE
d'etre nuiltipliL'cs ct bien remplies. II en est peu oil on ne
retrouveic noin de M. Groult, Iraitant lies questions d'aslro-
nomie, do mecdniquc, do pliilosoijliie, de gnomoniqiie ct de
geograpliie. En 1758, il hit un niL^nioirc detaille sur la
descente dcs Anglais a Urville.
De 1761 a 1767, on remarqiie line interniplion dans les
seances de la Sociele, r(5diiite a un petit nombre par la nioi t
de quclques nns de ses mcmbres. On scntit alors le besoin
dtt faire appcl a tons les homines zelos et studieiix, iiabiiant
la ville ou les environs, capables de donncr aux seances im
nouvel aliment. Qiiinze noms nouveanx fiireut inscrilssur
le tableau de la Socicte.
Painii ces noms, on remarque celui de Guillaume de Bric-
queville, ancicn major de la milice duVal-de-Saire, qui ha-
bilait son chateau de Breltoville, a peu de distance de Cher-
bourg. Ce nom se retrouve a diverses pages de notre histoire
depuis les croisades jusqu'ii la celebre balaille de la Mosco-
wa, et le busto du petit-fils de Guillaume de Bricqueville
orne une de nos places publiques.
Le but qu'on s't'lait propose par cet accroissement de la
SociLH6 fut atteint. Le seances devinrenl tres multipliees; on
en compte quelquefois une par semaino, souvent deux ou
trois par mois. Les slatuts voulaicnt qu'a la premiere entree
d'un membre nouvellement elu , le rccipicndiaire fit un
discours de remerciement et que le president lui repondil.
Cette disposition fut executee, comme elle I'uvait etc dans la
premiere annee de I'existence de la Society.
L'annee 1763, vit in.scrirc parmi ses membres un nom
illustre, celui de I'abbe de Beauvais, qualifie dansk' proces-
verbal, de predicateur du roi, liccncie es-lois el vicaire g(5ne-
ral du diocese de Noyon. Plus lard, il devint cvcque de
Seoe/. Ses talents oraloires lui laissent encore une grande
SUU LA SOCIETY. 7
place aprt^s les princes de la Chaire. Mais c'est surtout, par la
hareliesse de son langagc devantles Puissances deia terre, par
sa courageuse perseverance a flelrir leiirs d^sordrcs, par
I'energie avec laquelle il s'cleva centre les scandales de la
Cour, en presence de Louis XV lui-meme, qu'il attira sur lui
raltonlion de scs contcmporains, ct qu'il s'est ainsi prepare
Tadniiralion de la poslcrite.
Je ne puis nVempechcr de rcpeler ici ces m^morables
paroles qu'il prononca devant le roi, dans un sermon sur la
C6ne (1) : « Sire, mon devoir de minislre d'un Dieu de v^rit6
m'ordonne de vous dire que vos peuplos sont malheureux,
que vous en etcs la cause, ct qu'on vous le laisse ignorer. »
Cost encore a lui qu'on doit celte grande pensile, dont la
presence royale n'arreta pas davantage la courageuse ex-
pression : « Le peuple n'a pas le droit de murmurer, mais il
a Ic droit de se taire, et son silence est la lecon des rois. » (^2)
J'ai cru devoir ciler ces deux passages remarquables parce
qu'on les trouve dans un bien petit nombre de biographies,
et que le sermon lui-meme d'oii ils sonl tir^s manque dans
les oeuvres de I'auteur imprimes en 1807.
M. de Bcauvais etait n6 a Cherbourg. II se Irouvaitdans
celte ville a rd-jjoque de sa reception, etle proctis-verbal de la
seance ou il fut admis porle sa signature. II y vint ensuite
com me eveque, en 1776, et il assista a la seconde seance
publique qui cut lieu le 25 septembre. Le compte-rendu de
celte seance dit qu'il la termina par un discours eloquent,
dicle par I'amour de la religion, de la patrie et de I'honneur,
devise de cctle Societe.
(1) Diographie ivoderne, publiee par Eymery en 1816.
(2) Dirtionnaire de la Convermtion, —FA'a. 1852. Tome U, p. 633.
8 -XOTICE niSTORIQUE
La Societe acaJcmiquc ne se bornait pas a des lectures
souventsterilcs. On Irouve dans le registrc des proces-vcrbanx
a la date du 3 juin 1760 : « La Compagnie s'cst transportce a
la poinle d'Equeiii-dreville, sni" Ic fort Choisel, pour observer
le passage de V6nus siir le disque du soleil, avec deux teles-
copes de reflexion, de 16 pouces, deux lunettes de 4 pieds,
un octant de reflexion et pkisieurs montres et pendiiles qui
avaient (5te regies surla m(5ridienne de M. Groult, le menie
jour et la veille.
Dans Ics seances sulvantes, M. Le Vallois communique
des observations sur le passage d'une comete. M. de Bricque-
ville fait connaitre un noaveau procede pour pressurer les
pommes. M. Desnoeltes annonce une gi-alification qui vient
de lui Hre accord(5e par le contr61eur gent^ral pour la
rtHissitede son troupeau de moutons anglais.
La Societe, comme on le voit, faisait marcher de front la
thfiorie et les applications de la science.
En 1771, M. Tillct, membre de I'Academie des Sciences,
fut envoye par le gouvernement pour prendre des rensei-
gnemenls sur les avantages et les inconvonients de la
fabrication des soudes. Ce fut a la Societe Acadi^mique qu'il
s'adressa. II assista a plusieurs de ses seances el rccut de
MM. Groult et Delaville , de nombreux documents sur
I'objet de sa mission.
Peu de temps apres, M. Voisin de la Ilougue, presentau
la Societe une carte hydrographique des cotes do la Hague
et du Val-dc-Saire, qu'il avail dress6e a I'aide des capitaines,
pilotes et marins pratiques du port de Cherbourg, et M.
Blondeau, profcsscur d'hydrographie a Brest, consulte la
Societe, de la part de rAcademie royale de marine, sur un
ouvrage qui se prepare et qui doit porloj- pour litre : Le
Nomcau Flambeau dc la Mcr.
SUR LA SOCIETK. 9
La Soci(5lo Acatleniique jusqu'on 1773 ii'avail cii, pour sos
reunions publi(|ues et privees, d'aulre aulorisalion que
celle de radminislralion locale. A celte epoque son existence
fut consacree par le roi Louis XV, ainsi qu'il resulte d'une
lettre de M. BcVtin, minislre secretaire d'Elat, ayant le
deparlement de la Normandie, qui fut transmise par
Tinlermc'diaire de M. I'intendant de la generality de Caen.
Dans cetle lettre, qui fut enregislrec sur le plumitif de
rH6tel-de-Ville, le roi permetdeux seances publiques chaque
ann6e.
II paraitqueM. Tillet, menibrederAcademiedes Sciences,
dont nous venous deparler, et M. de Brequigny, membre de
I'Academie frangaise et de celle dcs Inscriptions el Belles-
Lettres, qui avail eu aussi des rapporls avec la Societe eurent
une assez grande part dans la favour qui lui etait accordee.
Aussi les voit-on, pcu de jours apres la reception de la lettre
du niinistre, adniiscomme menibres de la Societe, sous le
litre d'associes libres.
La seance publique du mois de septembre de cette menic
annee donne lieu a deux remarques, qui toucbent a la
constitution et aux liabiludcsde la Societe. Le R. P. Don
Blancbard, religieux hcnedictin de la Congregation de Saint-
ftfaur, denieurant a Beaumont-en-Auge, kit une ode laline
en riionneur de la Societ6.
Les etrangers etaient done adniis au meme titre que les
babitants. lis se deplacaient souvent et de loin pour assister
aux seances de la Societe. On voit au rcgistre des procfes-
verbaux la signature de M. Corbet, vicaire superieur de la
grande maison des Cordeliers, a Valognes ; Tliierry, prHre
gradu6de I'Universite de Caen; Beziers, cure de Saint-Andre
de Bayeux; Moysant, docteur en medecine a Caen; Hue de
Caligny, ingenieur en chef a la Ilougue , et d'autres noms
encore iitrang«rs a la ville.
10 XOTICE HISTORIQl'E
l.ii SocitHii avail done unc importance qui s'etcndait au
loin, puisqu't'lle attirait a elle, malgre la difficultc des com-
munications, nn certain nombred'etrangersqui ntecraignaienl
pas de franchir dcs distances assez grandes pour prendre une
part active a scs Iravaux.
Nous vcnons de voir qu'a la 2° s5anc3 publique dc I'annee
1773, Don Hlanchr.i'd iut unc ode laline. On y fit d'autres
lectures qui iToiai. ui [tm bien j»Uis a la portde d'un grand
nonibi'e d'audileurs. On cntendil, par cxoniple, une disser-
tation de M. Delaville sur la niatiere qui sort de nourriture
et d'accroissi^raent aux p'.antcs, el un memoirs sur la
Meridieniie par iM. Groult.
l.a Society inspirait done autant d'interet au dedans qu'au
debors, puisque malgre !e caracl^re serieux qu'offraient ses
stHinces publiques, die trouvait le moyen d'attirer des audi-
teurs deux fois cbaque annee.
Tous les proces-vorbaux qui precedent la seance publique
dont je viens dc parler soiit ecrils de la mememain, qui
^tait sans doute celie de M. Voisin de la Hougue, premier
secretaire. Cependant il parait qu'il assista encore a une
seance d'octobrc. II mourul le '24 novembre suivant, et fut
remplace par M. do ChaTitcreyne auquel fut donnele litre de
secretaire perpetuel, etqui, d'apies ridentil6 des ccritui"es,
remplissait deja ces fonctions depuis quelque temps.
Dans I'annee 1774, une letlre de M. de Boynes, ministre
(le la marine, adresst^e a M. Dienis, direclour de la Societe,
jmprima a ses travaux un nouveau cacbet d'utilite. Elie avail
arrelt5 qu'elle donnerait cliaquo annee un prix au jeune
marin qui aurait le mieux repondu aux questions les plus
difliciks sur I'bydrograpbie. Puis, elle avail demande au
gouvernement la faveur d'exempter ce jeune bomme, soil
d'une campagne au service, soil d'uneannee de navigation
SL'K LA SOCIKTE. 1 I
au commerce, on eiifin d'une annee d'age. Le ministie
annonceque le roi accorded laSoci6t6cet honorable privilege,
sous reserve toutefois d'exan)inerdans chaquecas parliciilier,
si raccomplissement de cette promesse peut s'accorder avec
I'int^ret du service.
Conformemcnt a cede disposition, plusieurs marins furent
examines dans chacune des Irois ann(5es qui suivirent. Des
prixfurenldistribnespubliquemcntetdosdispensesaccordt^es.
Les deux premiers a qui cells faveur profita, et dont les noms
sont cnnsignes au regislro , furenl MM. Mauger et Poslcl.
Plus lard, il est encore queition d'examens, luais non plus
de dispenses. La gueire avec I'Angleterre augmenta les nt^-
cessil^s du service et donna lieu sans doute ii rapplication
des reserves failes par le roi.
Laleltredu m inistrede la marine est poslerienredequelqnes
jours seulemcnla la mort de Louis XV, elquand il dit qu'il a
rendu coniple au roi de la demande faite par la Sociele, il est
probable qu'il s';igil encore de ce monarque.
La Societe Academique luidevait trop pour ne pas payer h
sa memoire un jusle honimage. Aussi designa-t-elle un de
ses meinbrcs, M. I'abbe Postel, pour prononcer son oraison
funebrc le jour du service solennel qui devail fitre celebre
en I'eglise de cette ville, pen do temps apres.
Par uneco'incidence remarquable,cefut encore nn membro
de la Societe, Monseigneurl'eveque de Senez, qui fut charge
de prononcer le m6me discours devanl ce jeune roi, dont les
precoces vcrluscommcncaient un regno si plein d'esperances
el que les passions rcvolutionnaires devaient terminer par de
si alTreuses realiles.
L'orateur sacre, dit un de ses biographes, rappelle, dans
I'exorde do son discours, unc circonstance frappanle qui en
rend le d^but imposant ct presque bossu«5tique. Dans son
12 NOTICK HISTORIQUE
sermon sur la Cene, dont il a dt^ja 6te qiiostion, M. do Boau-
vais, paraplirasant cc passage de I'l^critiire : Encore quarante
jours el Ninive sera delruile: avail paru predire au roi Louis
XV une mort prochaine, conlrairement aux apparences qui
luiprometlaienlunepluslongue vieetccpendantlaprediclion
fut lilteralenicnl accompUc. Le roi mourul quaranle jours
apres.
C'esl il cPlte circonslance que fait allusion I'illustre evcquo
dont le noin honoreaun si liaut degrela Sociele Academique
de Cherbourg: «Sire, dil-il au roi, dans I'oraison funebre de
Louis XV, quand j'annoncais, il y a peu de temps, la divine
parole dcvant voire augiiste aieul ; qui eut prevu le coup
terrible donl il elait menace? Deja le glaive invisible de la
mort etait done suspendu sur sa tele. Helasl qui eut pens(5
que nous aurions pu lui dire alors dans un sens si lilleral :
Encore quaranle jours , adhuc quadragitila dies, encore
quaranle jours el vous serez porle dans le scpulcrc de vos
peres; el celle meme voix, que vous entendez en ce moment,
sera I'interprele du deuil de voire peuple a vos funerailles. »
Vous me pardonnerez. Messieurs de m'clre etendu si
longuemenlet a deux reprises ditTerentes sur un seul de nos
predecesseurs, maisil s'agil du plus illustre, el en rappelant
ses tilres a I'admiralion de la posterite, nous faisons rcjaillir
peut-etre quelqu'honneur sur la ville qui fut son berceau
et sur la Sociele dont il voulut bien elre membre.
Lesannees qui suivent nc pr^sentent rien d'important. On
remarque la mort de M. de Bricqueville arrivce dans le mois
de novembre 1775 et la resolution prise par la Sociele de se
transporter toute enliere en la commune do BrelteVille pour
assister a ses funerailles. II est remplace quclques jours
apr6s par son fils Claude-Marie, mestre de camp de cavalerie,
dont la reception est conslalee par sa signature a la dale du
18 avril suivant.
SUU I, A SOClftTF. 13
■ Lfi Soci('t(\ voiilanl cncourager les etiules, dt'cidc qu'clle
donnerii iles i)rix aux elevos ilos classes de latin, o( cliaqiic
ann6e son dirccteiir preside v. la distribution generalo dcs
prix.
Les st5ances conlinuent sans interruption jiisqu'en 1779 on
dc nouveaux slatiits sont adoptes. Les modifications inlro-
duilesnesont pas assez importantes pour etremenlionnees
ici; j'y remarque seuleinent nne indication plus netle du but
que se propose la Societe. Les sciences, les letlres et les arts,
niais principalement riiisloire naturelle el civile du pays, le
coninierco, la navigation etl'agriculture, tel est son program-
me. Elle doit se reunir tons les vendredis de cbaque seniainc
et deux seances publiques doivent avoir lieu, I'tme le premier
vendredi apres la Quasimodo el I'aulre le premier vendredi
de septembre a 3 lieures du soir.
Parmi les signatures qui consacrent I'adoption de ce nou-
veau reglement, on remarque un nom qui a acquis une
grandc celebrite, et qui reveille en nous des souvenirs a la
fois tristes et glorieux : le souvenir des cv^nements qui
preparerent le regne sanglant de la Convention et celui de la
balaille dc Jemmapes, qui fut comme le prelude de celte
longue serie de victoires qui illustrerent nos armes pendant
vingt ans. Ce nom est celui de Dumourier.
Dans une notice sur les ancicns membres de la Societe-, j'ai
parl6 longucmcnt de cet homme c6l6bre, qui fut successive-
mentetsouventaia fois, militairc, ecrivain, diplomate, caplif
a I'cti'anger, prisonnicr a la Bastille, orateur dans les clubs,
allid des demagogues, defcnseur d'uneroyauteexpirante, sou-
mis immediatement a hiRepublique (jui lui succede, gene-
ral de gcs armies, vengeur du nom francais contre I'agres-
sion 6trangere et tcrnissanl sa gloire par les circonstances
Goupablcs d'une defection, qui mit fin a sa carri(^re politique.
H NOTICE HISTORIQt.E
Do nombrciix d(^lails tie peuvent entrcr dans le cadre
qui m'est trac(5 aiijonrd'hui. Cost principalement comme
membre de ia Soci6te Academique que je dois parler du
general Dumotiiier. J'y ajouterai seulement quelques cir-
constances qui se raltachent a son S(5jour dans cetle ville.
L'enceinte d'une modeste reunion scienlifique elait assur6-
nient un Iheatie bien 6lroit pour I'hommequi s'eleva plus
(ard a de si hautes positions et qui excrga une si grande
influence sur de si grands evenements. Cepinidantle regislre
de nos proces-verbaux revele deja Ics qualiles qui se deve-
lopperent plus tard, sous I'empire des circonstances graves
au milieu desquelles la France fut bienlot entrain^e. C'est
que riiomme superieur porte partout, dans les petiteschoses
comme dans les grandes, le cachet deson genie.
Dumourier, peu de temps apr^s sa nomination, fut nomm6
dirccteur de la Society, et a partir de ce jour son nom se
retrouve a cliaque page du regislre. La geographie, la stalis-
tique, la guerre, la politique, la marine, le commerce, les
mcBurs des peuples au milieu desquels il avait vccu, furent
success! vemenl Tobjet de ses etudes el de ses communications
a la Societe.
On remarqueparticulierement : un memoiresnr la position
de Cherbourg et dela Hougue relalivenent a relabhssemcnt
d'un port royal dans la Manche; des considerations sur la
marine marchande a Cherbourg, les manufactures el I'agran-
dissemenl de ce port ; puis enfin, dans le meme ordre d'idees,
un mimoire sur le commerce ancien et nouveau de celte
ville et sur les nouvelles branches qu'il serail intt^-essant d'y
etablir.
Les seances de la Sociele furent interrompues en 1783,
et on doit s'en 6tonner avcc un membre aussi z^l6 que
Dumourier, qui, il faut le dire, avait puissammentcontribue
SUR LA SOCIETE. 45
adonneraux Iravaux acadt^mi(|ues la suite et rim poi lance
qii'ils avaicnt ac(]uis dcpuis [ilusiiMirs aii!i(^es.
Get honimc, dont lo cor[isaussi hicn que riinagiualion ne
pouvait snufTrir un instant de ropos, n'en conlinua pas moins
de se livrer a iinc foiile de conceptions qui fiircnt todtos
I'objet de memoires, la plupait adrcsses au gouvernenient.
II n'y cut pas un projet concernant los travaux do la rade
et du port auquel il ne piit part, et cependant il n'ctail ni
ingenieur ni marin; mais son genie, second^ parson infali-
gable activile, suppleaiten lui aux connaissancesacqtdses.
Observatcurattentif, il cHudiait avec soin tousdesphenonienes
que la mer olTraitsans cesse ases regards, bravant les dangers
d'nne tempetepouren connailre mieux les elTets, inlerrogeant
les marins pour juger par la pratique des assertions de la
Iheorie, suivant les ouvriers dans leurs travaux afin de n'i-
gnorer aucun detail, parcourant lous les lieux delapresqu'ile
pour en bicn apprccier les ressources; puis, reunlssant ces
idees, les fecondantpar son imagination, discutant scs projels
aveccliali'ur et lullant pour li'ur adoption contre les prcjug^s
des masses ou ['opposition jalouse des superieurs.
Tel fut Dumourier, pendant iin s6jour de onze ans dans
cette ville. Dans scs memoires, il parle beaucoup de ce qui
s'est passe a Cherbourg au commencement de la Revolution
el de la part qu'il a prise aux evcncmcnts.
II etait important de rcclicrcher dans les souvenirs confcm-
porains une mesure de la confiance que doivent inspirer ses
assertions. J'aidonc interrogelospersonnesageesquiravaient
connu el qui avaicnt ^Me k^moins des fails, etjedoisdire
qu'olles n'ont pas loujours rec(;nnii Texacte verite dans les
r^cils dc Dumourier. Je renvoie au 2^ volume denos mdmoi-
rcs pu!)li6cn 1835 pourdc p!usam[)les details a ce sujel.
J'ajouterai seulcmcnl que los rapports privOs du coniman-
f6 NOTICE IlISTOUIOUE
dant do Clierboiirg avec les liabitantsonl laissiJ des souvenirs
peij favorablcs. Indt'porulamiiiont de I'opinion qui le faisait
consiJeier coiiiinc autcur des (roubles qui avaient afflige la
ville, on Ic trouvail fier, d'un abord difficile, ct agissant tou-
joursa la manifired'un despote.
On rapporte qu'un bourgeois passant un jour a cote delui
surlequai, il lui jcta son chapeau dans le port, parcequ'il
ne le saluait pas. Plus tard lorsque le peuple acquit une
certaine autoiite, ce caraclere iuipetueux s'adoucit On lui
reprochasa noblesse, et il vintun jour de parade sur la place,
prouver aux officiers de la milice qu'il n'etait pas noble.
Ce sontla de ces faiblesses qu'on rencontre souvent a c6te
des plus hautos qualiles et qui semblent avoir et6 placees au
coeur de Tbomme pour lui rappeler que la perfection n'ap-
partient pas a rhumanite.
Quoiqu'il en soit, Dumourier n'en est pas moins une des
grandes figures de la fin du XVIII* siecleet un des souvenirs
qui honorent le plus la Sociel(5 Acadcmique de Cberbourg.
Je terminerai celte digression, peut-etre un peu longue, sur
notre illustre coUegue, en repetant que tous les historiens
sont d'accord sur la superioritc de ses talents, sur I'^tendue
et la variete des connaissances dont son esprit 6taitorne; que
plusieurs d'entre eux admirent son intrepidite en face des
boulets de I'ennemi, son calme au milieu des orages de la
place publique, sa perseverance a hitter contre un torrent
qui ravageait tout sur son passage, et qu'enfin I'un de ces
ecrivains, a la fois hoainie d'tHat et grand orateur politique,
apres avoir blam^ son indecision sous le rapport des principes,
loue chez lui une vertu qui pent excuser bien des torts,
I'amour de la patrie.
Nous sommes a I'epoque oil I'attention du gouvernement
fixee sur Cherbourg, comme position marUinie, provoque
SUR I,A SOCIETE. 17
d'Cs Eludes ct fait eclore des pi'ojets doiit la ivalisalion d(iit
accroitre la grandeur ct la puissance du pays. La SocieU;
Acadcniique nc pouvait manqner de prendre part a ces Ira-
vaux. Outre le parallele entre la Hougue et Cherbourg, par
Dumourier, dont j'ai deja parle, on remarque un discours de
M. de Colleville sur I'utilite d'un port de roi dans cclte
derniere ville; un memoirc, par M. Noel, sur la construction
et sur la nieilleufc disposition des digues pour les rendre
capables de resistor aux efforts de la mer, memoire qui
avail deja remporte le prix propose en 1778 par Tacadeniie
de Caen, el qui avail valu a I'auteur une place d'associe de
celte compagnie.
J'ai deja dit que les seances de notre Societe furent inter-
rompues en 1783. La derniere indiquee est a la date du 30
raai; la cause de cette interruption n'est pas connue. Peut-
6tre doit on I'attribuer au petit nombre de membres auquel
la Societe etait reduite. Un des proces-verbaux qui precedent
ne porte que cinq signatures parmi lesquellesse trouvecelle
d'un ofiicier de marine qui probablenient ne tarda pas a
abamlonner Cherbourg.
La Revolution qui survintbientot, etqui cmporta avec olle
toutes les Societes litleraircs, ne pouvait perniettre a cellc de
Cherbourg uneprompte reconstitution; aussi cenefut qu'en
1807qu'elle rcprit ses travaux.
A cette epoque il cxistait cinq membres residant a Cher-
bourg parmi lesquels se trouvait encore M. Groult, un des
fondateurs de la Societ(V Les quatre aulres membres etaient :
MM. Vastel, Noel, Postel et Lambert. lis se reunirent de
nouveau et s'adjoignirent un certain nombre de membres
parmi lesquels on remarque M. Delaville, fils du fondateur,
alors maire de Cherbourg etplus tard depute, a qui Ton doit
I'organisation de radministration municipale sur les bases
2
\S NOTICE HISTOniQUE
dont les principales subsistent encore aujourd'hiii, qui a
laisse a ses successeiirs une voie ouverte aux perfectionne-
ments el leur a marqu6 un but que les circonslances n'ont
nialheureusement pas pennis d'atleindre encore coniplele-
ment. M. Delaville etait, connme son pere, un medecin dis-
tingue et tres suivi. Malgre ses doubles occupations qui lui
prenaient un temps considerable, il trouva encore le nioyen
de travaillerpour la Society, et le registre des proces-verbaux
indique souvent des lectures faites par lui sur divers objets
scienliflqucs.
La Soci6t6 admit a la meme epoque M. Asselin alors sous-
prefet de Vire et qui avait administre la ville de Cherbourg
dans les temps les plus difficiles de la Revolution. On lui doit
une edition originale des poesies d'Olivier Basselin, cbanson-
nier de ce pays, dont les Vaudevircs ont probablement donne
naissances aux Vaudevilles. Tout en cultivant la poesie, M.
Asselin s'occupait encore de I'histoire, des antiquites, de la
nuniismatique. Nos stances commenosmomoiresont souvent
6t6 enricbis de ses travaux. II a legue en mourant sa biblio-
tbeque a la ville de Cherbourg.
On remarque encore parmi les noms do celle epoque,
celui de M. Delaroque, a qui on doit un grand nombre
d'observations meteorologiques ; celui de M. Cachin a qui
fut confiee la direction superieure des travaux du port mili-
taire et de la rade et qui nous a laisse un memoire sur la
digue comparee au Breakwater de Plymouth; celui de M.
I'abbe Demons, savant modeste et laborieux a qui nous devons
une histoire manuscrite de Cherbourg deposee a la bibliothe-
que, et enfin le nom de M. Duchevreuil dont le cabinet
d'antiquiteset d'hisloirenaturelle, ainsi que la bibliotheque,
achetes apres sa mort, ont forme le noyau des collections
qui existent aujourd'hui a rH6tel-de-Ville.
SL'n LA SOCIETE. |9-
La Society, dans sa constitution noiivelle, arrcla qu'niic!
colisation annuelie serait payoc par cliacun tic scs nicnibros
pour faire face ases depenses au nombre dcsquelles se Irouvc
I'impression d'un rcsum6 sur les principaux ouvrages pr^-
sent6s alaSoclet6depuisle9septembre 1807, el d'une notice
sur chacun deses membres. En lisantce resume, on rcgrette
que la Societe n'ait pas conserve dans scs archives plusieurs
des ouvrages qui ne sont connus aujourd'hui que parleurs
litres. Je citerai, outre ceux que j'ai pr^cedemment indi(|ues,
un memoire, par I'abbe Demons, sur un ancien monument
eleve du temps de Charles VII, roi de France, dans I't^glise de
la Sainte-Trinite de Cherbourg, qui s'y voyait encore avant
la Revolution et qui exprimait, dit la notice, la pietS de ses
habitants, leurpatriotismcetleur aversion pour la domination
anglaise.
Depuis la reprise des stances jusqu'en 1814, M. Groult,
rnalgr^ son age avanc6, fut encore un des membres les plus
z»Mes et les plus laborieux de la Societt^. Dans cet intervalle,
il prosenta, enlre autres travaux, vingt cartes qu'il appelle
polygraphiques et qui comprennent lastatistique de la jires-
qu'ile du Cotentin ; un plan de la descente des Anglais dans
I'anse d'Urville, en 1758, dont il avail ete temoin oculaire;
un memoire sur la ligne de demarcation a etablir enlre la
navigation au long-cours, au grand et au petit cabotage; des
remarques sur la direction, robliquit6 et le parallelisme de
certains climats compares avec la production veg^tale et
animale, et enfin un tableau barometrique de I'indigence
accompagne d'observations en ce qui conccrne la ville de
Cherbourg.
L'annee 1813 qui precede celle de sa morlest la seule oil
Ton remarque I'absence de son nom. Accable sous le poids
du travail et des ann<5es, son z6le dul c6der sans doute a
80 HISTORIQt'E NOTICK
I'affaiblissement de ses forces, et les seances de la Soci^tS
s'en ressentirent, car il n'y en eut que cinq dans Ic cours de
celteannee. Cellesqui suivirent jusqu'en 1817 offrent encore
plus de vide et semblent prouver que M. Groult fut jusqu'a
la fin de sa vie I'ame de la Societe qu'il avail contribue a
fonder 59 ans auparavant.
En 1817, le 21 aout, M. Vastel lut un discours lendant a
rendre les stances plus r^guliferes et oil il fit vivement sentir
la perte de M. Groult et de quelques aulres membres. Mais
cet appel eut peu de succ6s et les seances furent tres rares
jusqu'en 482<, oil elles furent interrompues de nouveau
pendant plusieurs annees.
Avant d'arriver a I'epoque oii cessa cette interruption, je
dois mentionner encore le testament de M. Groult en ce qui
concerne la Societe. Dans cet acte de derniere volonte, il l^gue
a I'Academie un exemplaire de tous livres, cahiers, notes,
papiers, memoires, etc., qui se trou vent en double, sur la
legislation de la marine, le surplus devant ^tre remis a la
bibliolbeque de sa famille. II exprime encore le d(^sir que
loute sa collection en imprimes et manuscrits soitrassembl^e
dans un meme lieu, qui pourrait etre distrait et separe de
celui de I'Academie, le tout a la volonle de ses h6ritiers.
Malheureuseraentcevoeu n'apasregu jusqu'ici d'execution,
I'extreme difficulty de faire un depouillement dans cetle
immense quantite de papiers et de les classer ensuite en a
6t6 la cause.
Apres una interruption de huit annees, la Societe reprit
ses travaux, le 27 avril 1827, sous la direction de M. Duche-
vreuil. II n'y avail plus alors que hull ou dix membres qui
s'adjoignirenl bientol de nouveaux collegues. Une ann^e
s'etait a peine (^coul^e qu'elle perdail son savant et respec-
table president. M. Duchevreuil ^tait naturaliste aussi bien
SUR LA SOCIETE. 8f
qu'antiquaire distingut^. II avail reuni une collection de
coquilles, d'antiquites, de niMailles, de fossiles, et une
biblioth^que qui furent I'objet d'une deliberation prise par la
Society. Elle emitle vceu que cette collection fijt aclietee par
la ville el transmit ce voeu au maire qui a son tour le r6f6ra
au conseil municipal. Une commission fut nommee pour
faire I'inventaire deces diverses collections, et le conseil, sur
sa proposition, vota les fonds necessaires pour I'achat du
cabinet tout entier, les medailles exceptc^es.
Un des membres de la Soci6t6 voulut bien se charger
gratuitement des fonctions de bibliotliecaire et il la remplit
exactement jusqu'a sa mort.
L'annee suivante, la Sociel(5 fut encore rheureuseinterm6-
diaire d'une olTre qui cnrichit la ville d'une autre collection
bien prt^cieuse et qui cette fois ne devait occasionner que des
frais d'installation. Un genereux inconnu fit 6crire a I'un de
noscoUegups qu'il avait I'intention d'envoyer de bons tableaux
si on voulait bien leur r6server une salle convenable. La
Socieleemit acesujetun voeu pressantet motive et le transmit
k I'administration qui s'empressa de raccueillir. Toutefois
quand le nombre des tableaux envoy^s et annonc^s futassez
grand pourexigcr la construction d'un local plus etendu, le
conseil municipal, presse qu'il etait parunefoulede dispenses
urgentes, hesita, et la Society, dont plusieurs membres appar-
tenaient a I'administration et au conseil, ne fut pas sans
influence sur la determination qui mil en noire possession
une belle collection de peinture, qui ferait bonneur a des
villes beaucoup plus considerables que la n6lre.
Cette importante acquisition, Messieurs, a un double litre
pour arrfiter nos regards; d'abord, par la part qu'y prit la
Societe et, en second lieu, par I'honneur qui resulte pour
elle d'avoir compt6 parmi ses membres I'auteur modeste et
desint(5ress6 d'une munificence sans t^gale.
23 ■ NOTICE HlSTOItlQl^E
J'ai cil6 des noms illiistres, des noms qui ont retenti aa
loin siir la scene du monde et que le burin de I'histoire
associera dans un long avenir aux grands evenements dont
ils furent contemporains; mais aucund'eux nedoit inspirer,
<Jans la ville de Cherbourg, un aussi grand int^ret; aucun
de ces noms, quelques grands qu'ils soient, ne devra exciter
Chez nos neveux des sentiments de reconnaissance pareils h
ceux qui sattaclient au nom de Thomas Henry.
La donation faite par lui a sa ville nalale est I'effetd'une
generosite qui n'a sans doule pas beaucoup de precedents,
qui Irouvera peu d'imitateurs el qui, par cela seul, offre en
elle-meme un titre suflisant au sentiment que je viens d'ex-
primer; mais Ics circonstances qui ont accompagne cette
donation en portent le merite a un degre tellcment eleve
qu'ilest permis dedire qu'on chcrcherait en vain un exemple
semblable d'une aussi grande action, etqu'au sentiment de
la reconnaissance il faut joindre celui de I'admiration.
On a vu des hommes riches faire un noble usage de leur
fortune; on en voitquiontle l^gitimearaourpropred'associer
leur noni a un grand bicnfait; d'autres enfin , et c'est le cas
le plus ordinaire, sereservent pendant la vie la jouissance de
leurs dons.
Ici, rien do pareil; M. Henry n'etait pas riche> il avail
achete la plupart des tableaux qu'ils nous a donnes, et apres
une depense aussi considerable, il lui restait apeine une
modeste aisancc. M. Henry n'agissaitsousl'inrmenced'aucun
sentiment personnel, car il voulaitresterinconnu, el pendant
plus d'une annee nous n'avons pu que soupconner la main
qui s'ouvrait sur nous avec une si grande lib(5ralit6. Enfin M.
Henry n'a pas hosite a se d^pouiller de son vivant, afin
d'assurer a scs concitoyens la jouissance immediate d'une
collection destin(}c a repandre parmi eux le gout des beaux-
arts.
I
sen LA SOCIETE. 23
Tout nous parlo de lui danscelte enceinte (1), son oeuvre
en couvre tons Ics murs. Le buste que nous apercevons au
milieu de cette galerie est I'expression fidele de ses traits et
on ne pouvait lui donner un plus digne vis-a-vis que celui
de I'abbo de Beauvais,
Je regrette, Messieurs, de ne pouvoir m'^tendre d'avantage
sur cc sujet; de ne pouvoir, par exemple, faire connaitre
plusieurs passages de la correspondance qui s'6tablit pen-
dant plusieurs annees entre M. Henry et le chef de I'admi-
nislration municipale : niais j'cn ai ditassez, je crois, pour
justilier ce que j'ai avance, en citanl M. Thomas Henry comme
ctant de ceux dont le nom honore le plus notre Soci^te.
En 18^2, la Societe Academique recut pour la premiere
fois une subvention du conseil general et elle s'enipressa de
I'utiliser en prcparant I'impressiond'un volume dememoires
qui parut rann(5e suivante. Ce fut pour ses travaux une 6re
nouvelle; j usque lalesfaibles ressourcesprovenantde lacoti-
sation de ses menibressuffisaient a peineasesautresdepenses
quelque fut leur peu d'importance. Le vote eclaire du conseil
prouvait qu'a ses yeux les interets materiels n'etaient pas les
seuls qui fussent dignes de son attention. La Societe y
repondit en redoublant d'elTorts et en publiant bientut un
second volume. Depuislors ces publications se sont succedti
a des intervalles plus ou moins rapprochfe, suivant I't^tat
financier de la Societe et I'abondance des materiaux qu'elle
jugeait dignes de rinipression.
Ces ineinoires constituent aujourd'hui et seront desormais
I'histoirc de la Societe. Dans les volumes deja publics les
(I) Celte lecture a ele faite dans le musee Henry. Sur le milieu
fl'un des cotes se irouve Ic buste du foadateur ct ci» fac* celui dc
I'abbc de Beauvais.
S"! NOTICE HlSTORIQt'E
sciences exactes avec leiirs applications diverses, les sciences
iiaturelles, l;i pliilosopliie, la lilterature du moyen age,
riiistoire et paiticulierement celle du pays, la statistique, la
marine, radininislralion et la poesie ont fourni leur contin-
gent. Parnii les auteurs de ces divers articles je citerai
soulement ccux dont il ne nous reste plus que le souvenir;
MM. Asselin, Javain, Pinel et Lefebvre qui ont ete appeles
successivement a I'honneur de pr(5sider vos stances; M.
Couppcy qui en a ete longtemps le secretaire et qui a toujours
et(Sun de nospluslaborieux collaborateurs; M. Delachapelle
iiqui Ton doit plusieurs articles sur la botanique; M.Ragonde
enleve jeune encore a scs doubles fonctions de professeur et
de bibliothecaireet aux travaux archeologiques dont il faisait
une etude speciale; M. Lenionnier, professeur d'hydro-
graphic; MM. Laurent deClioisy et Lamarcbe, capitaines de
vaisseau. Ce dernier s'6lait livre pendant plusieurs annees a
des observations metcorologiques dont il a consigne les
resultatsdans nos m^moires.
Ces honorables collegues ont 6te presque tons Tobjet de
biographies particulicres egalemenl publiees. Jesuis heureux
de trouverici une occasion nouvelle de rendrea leurm^nioirc
rhommage de nos souvenirs et de nos regrets.
Depuis le commencement de ce siecle, 6poque a laquelle
un gouvernement reparateur permit a laSociete deserecons-
tiluer, scs reunions oITrent a peine un vide de quelques
ann(^es.
Depuis 26 ans, les S(5ances se sont succMd sans la moindre
interruption. Independamment des travaux auxquels la
Societe s'est livree et que je viens d'enumerer, elle a ete
souvent consultce par I'administration sur des objets qui
renlraienldans ses attributions et elle s'est toujours empressee
lie repondre a ce tiimoignagc de confiancc, Parnii les souve-
SLR I.A SOCIKTK. 2»
rains et les princes qui onl visile' noire ville el qui lui ont fait
riionngur de la recevoir, ii en esl plusieurs qui lui ont donn6
(les marques d'eslime et d'inleret.
Quolques modifications ont eu lieu dans les statuts de la
Sociele dcpuis 1837. J'ai dit que la premiere pensee descs
fondaleurs, en posant les bases de leur association, avail t^t6
pour la religion. La Society, unsi6cle apres, a voulu prouver
qu'elle ctail rest(^e fidele a celte pensee et elle a decide que
dans le mois de novembre de cbaque annee une niesse mor-
tuaire seraildite pour les membres dt^c^dt^s depuis sa fonda-
tion.
Toulri^eemmenf, voulantdonner a sos Iravaux unenouvcllc
impulsion, elle a introduil dans son reglement une disposition
qui institue des jetons de presence et qui assure a sess(5ances
une plus grande assiduite. Ces jelonsqui sortent des ateliers
de la Monnaie, oil la malriceestrestee en depot, sont frappt^s
avec un soin qui leur permet de pretendre a une place dans
la meilleure collection numismatiquc.
J'ajoulerai encore, avant determiner, que la SocitM6, en
relation avec un grand nombre de compagnies de l'Euroj>e
et meme de I'Amerique, a recu d'elles beaucoupde commu-
nications qui sont venues enricbir ses archives.
Messieurs, celle lecture a dt^passc^ de beaucoup les limites
ordinaires, et je crains que, depuis longtemps deja, elle ne
fatigue la bienveillanle attention dont elle est I'objet. Men
excuse est dans le desir que vous avczexprim6 devoir repro-
duire dans celte seance anniversaire I'liistorique de la Soci^te
aussi completque possible, pendant le premier siecle de son
existence.
Le simple expos6 qui pr6cMe, quclqu'abrc'g(5, quelqu'in-
complet qu'il soil, prouvera, je I'esp^re, que si les academies
2G NOTICE HlSTORIQt'E
(le province ne peiivent jeler un grand t^clat, ellesontcepcn-
dant un dcgre d'utilitc qui leur merite quolqu'int(^rt?l.
N'eussenl-elles pour effel que d'unir dans un lien commun
uncertain nombre d'liommes, de dissiper des preventions,
de rapprocher des dissidences, d'eteindre peut-elredesini mi-
ties sans cause serieuse, d'excitcr dans les esprits la noble
emulation du travail, d'adoucir par I'etude Ics chagrins dc
la vie, do reproduire aux yeux de la generation presente les
exeaiples de palriotisnie et de verlu que pent fournir I'his-
toire du pays; assurement, Messieurs, ce serail d^ja un
resultaldont personne ne pourraitmeconnaitre I'importance.
Mais Ja ne se borne pas la Ukhe des societesacad(5miques.
Elles peuvent contribucr dans une certaine mesureau progress
dcs connaissances humaines; favoriser cliez de jeunes hom-
nics, qui s'ignorenleux-aiemes, le developpenientdes facultes
qui doivent un jour lionorerle pays lout entier; elles peuvent
apportera I'adniinislration un concours utile, etje vouscnai
cit^plusieurs exemples; enfin c'est ii elles surtout qu'appar-
tienl I'etude du pays au centre duquel elles sont placees, et
c'est avec cette quantite de mat6riaux divers prepares par
dies et arrivant de toutes parts, que les grands historiens,
que les savants laborieux peuvent elever a la science des
monuments complels et durables.
Poursuivons done, Messieurs, I'oeuvrc de nos devanciers.
Si leurs travaux ont brille par le reflet qu'a repandu sur eux
I'eclat de noms illustres, nous pouvons revendiquer aussi
pour re|)oque actuelle de glorieuses confraternites, qui
appartiennenta cette contree aussi bien qu'ii la Societe. Deja
elles ont contribue a enrichir nos memoires (I ), et nous ne
;i) Voir, eiilre autres, un Memoire sur le Paupi^risme, par M. A.
de Tocqueville, membre de 1 Acadcmie Francaise, vol. de 1835.
m.K LA SOCIETE. 27
ferons pas en vain un appcl nouvcau a Icur science et iilour
patriolisnie. Avecle concoursde ces homnies {Miiinents, avoc
les efforts perseverants du plus grand nombre, avec le zele
de tons, nous conserverons Ic depot qui nous est confie et
nous le transmetlrons a nos successeurs avec cet espoir fonde
que le second siecle de la Soeiete Academique ne sera pas
indignedu premier.
C-rr^^-^^
DISCUSSION HISTORIQIE
SUR LA
DIGUE DE CHERBOURG,
PAR
91. IVOEL, Direcfeur.
Lue en seance publique , le 3 avril 1854.
Messieurs,
Une discussion s'est 61ev6e dans le sein de votre Socieli
sur un fait hislorique reUilif a la digue de Cherbourg, cl a
donne lieu a un travail redigo par un de nos collogues ainsi
qu'ii des rccherclies dont le rosultat n'est pas aussi complet
qu'on pourrait le dcsirer, niais qui sulTit cependant, dans
inon opinion, pour arriver a la connaissance de la v^ritC.
3l) DISCUSSION mSTOIUQUE
Vous vous rappelez que la discussion a eu pour origine un
document enianant d'une source qui lui donnait quelque
importance, et qui faisait remonler jusqu'ii Tillustre Vauban
Ic projet de la digue telle qu'elle existe aujourd'liui.
On suit que ce grand homme, qui a eu la gloire si rare
d'unir a la vertu la plus pure le plus vaste gi5nie, est venu a
Cherbourg; que, non seulement, il s'est occup(5 des fortifica-
lions, dont il existe a la mairie un plan signe de sa main,
mais qu'il a porte son attention sur la marine et sur tout ce
qui pouvait ajouter a la puissance et, a la prosp6rit6 de son
pays.
II est done naturel qu'on lui ait attribue I'idee d'uno
ceuvre gigantesque, qui repondaitsi bien a la grandeur do
ses conceptions et a I'ardeur de son patriotisme.
Si Vauban est elTcctivement I'auteur de ce projet, il aura
acquis un nouveau titre a la reconnaissance du pays, mais
un titre qui paraitra peu a cote de tous ceux que lui ont deja
m^rite ses immenses services.
Si au contraire cet honneur doit revenir a un autre, il est
plus important encore de le constater et de dissiper tous Ics
doutes, car la France aura droit de s'enorgueillir en ajoutant
a ses grandes superiorites intellectuelles une superiority de
plus, et si cet autre appartient a notre contree, ce sera pour
nous un devoir de le signaler a la reconnaissance du pays
tout entier.
Pour alteindre ce but, le moment actuel m'a paru oppor-
tun, et les considerations que je viens d'exposer me serviront
d'excuse, si je donne quelque etendue a cette discussion.
Le document qui se presente naturellement a notre pre-
mier examen est un memoire altribu6 a Vauban, existant
dans les archives du genie militaire a Cherbourg, et qui
a eld insere dans le dernier volume de vos memoires.
sun LA DIGUE i)K ciiEftnoiJiu:. :{|
Mallieurcusomonl cc travail ne porle aiicnne trace assiirei-
de celle illuslre oiigine, ot n'csl pas sigiiiJ. M. dc Tcicqiie-
ville, que nous aurons I'occasion de citei plus tard, pense
que son style est infc^rieur a celui du a-lebre ingcnieur.
Quoiqu'il en soil, ce travail a ele compose a I'epoque oii
Vauban vint a Cherbourg, et s'il n'a pas cte ecrit par lui,
tout porle a croire qu'il exprime au moins ses idees et ses
VUGS sur ce port de mer. Le plan, porlant sa signature, qui
existe a la mairie, vient a I'appui dc celte opinion; car il
existed'evidents rapports entre ces deux documents, el Tun
paraiten referer entierementa I'autre.
Ce memoire contient une description de la presqu'ile da
Cotentin, principalement sous le point de vue strategique;
il expose I'^tat de la ville, des fortifications, du port etde la
rade, et eniin il indique les travaux a faire et les vues de
I'auteur sur I'avenir probable de Cherbourg; or, il ne resulte
pas de I'ensemble de ce memoire que Vauban eut Tintention
de proposer sur cc point de la cute la fondation d'un arsenal
mililaire.il considt^rait le port comme tres bien situe pour
la course, et il pensait qu'avec des travaux on pourrait le
niettre en 6tat de recevoir des navires marchands de 4 a 500
tonneaux et des fregates d'un rang inferieur, mais sa pensee
ne va pasau-dcla.
Quant a la rade, non seulemenl le memoire ne fait aucunc
mention d'une digue, mais il exprime implicitement I'idde
que ce travail serait inutile : car, dit-il, « la rade, quoiqu'un
peu foraine, est de si bonne tenue que, de memoire d'homjne,
au dire des gens de mer les plus entendus de ce pays-ci, n'y
a peri un vaisseau, quoiqu'il y en ait eu de mouillosdesonze
mois de temps. »
II he pent etre douteux que Vauban n'ait consid(5r6 comme
tres important I't'tablissement dans la Manche d'un grand
51 BISCt'SSION HISTOniQlIE
arsenal en face des cdtes anglaises.ctqu'il n'en aitfait I'objet
de ses rapports au gouvernement. Mais il paralt qu'il accor-
dail la preference a la Hougiie, et que nieme il a existe un
projet de sa main sur ce point dii littoral. En 1756, des
commissaires envoyes sur les lieux reprirent ce projet et lui
donnerent nieme une extenlion plus grande, raais la paix
qui survint fitbientot oublier lanecessitt5 qui lui avaitdonn6
naissance. Ces fails resiiUent d'un rapport fait a 1' Academic
des Sciences en 1819 sur un memoire de M. Cachin, relatif
a la digue de Cherbourg.
Le d6p6t descartes et plans de la marine renferme plusieurs
documents qui ne sont pas completement d'accord avec ce
qui precede, car il en resulterait que Vauban se serait aussi
occup6 de travaux a faire pour ameliorer la rade de Cher-
bourg.
D'apres M. de Tocqueville, deux plans attributes a cet
ingenieur indiquaient plusieurs projets:le premier consistait
dans la construction de deux digues, I'une de 200 toises,
partant du Homniet, I'autre de 600 toiscs, partant de Tile
Pelee; le deuxieme projet aval t seulement pour objet de
couvrir la fosse du Galet par une digue de 250 toises.
Des recherches que j'ai faites depuis peu dans les archives
de la direction des fortifications prouvent que ce n'est pas
sans raison qu'on attribue ces plans ou au moins I'un d'eux
a Vauban.
Parmi un grand nombre de pieces, dont aucune malheu-
reusement n'emane de cet homme illustre, j'ai Irouve une
lettre de M. Saint-Germain, ministre de la guerre en 1777,
oil il s'exprime ainsi en parlant de Cherbourg:
« J'ai vu que ce point important avait attir6 I'attention de
» Vauban, et qu'il avait eu I'idee de couvrir la rade au nord
» par deux m61es partant du Horamet et de I'ile Polde.
SUR LA D16UE DE CHERnOURfi. 33
» On ni'a fait voir un 2*^ projet de Vaiiban, auqiiol il
» paraissait donner la preference. II consisio a creuser dans
» le Pr6 dn Roi un bassin qui communiquerait par unc
» eel use avec la fosse du Galet. »
Ainsi en admeltant commc ^nianant bien de Vauban le
niemoire cite plus haul, il s'ensuivrait que cet ingcnieur
aurait change d'idce sur Cherbourg.
Dans ce niemoire, la rade n'a pas besoin d'etre ferm(5e, et
le port ne doit etre araeliore que dans la vue de recevoir dcs
navires niarchands d'un nioyen tonnage ou des biitiments de
guerre qu'il appelle fregates, et auxquelles il donne de 12 a
30 canons.
D'apres la lettre du ministre, il s'agit d'un etablissenicnt
maritime propre a recevoir des vaisseaux de guerre.
Quoiqu'il en soit, ce dernier document ne parait pas fixer
d'une manierc precise la part qui doit elre attribueea Vauban
dans les projets sur Cherbourg, et jusqu'ici rien n'indique
la pens(^e audacieuse d'une digue jetee en pleine mer a une
licue du rivage.
Pour achever de faire penetrer dans tons les replis de celte
question une vive lumiere, il faudrait connaitre tout ce que
Vauban a (^critsur Cherbourg, et malhcureusement on n'en
retrouve aucune trace. Les rccherches les plus minuticuscs
et les plus persev^rantes faites par M. de Tocqueville, aux
minist6res de la marine et de la guerre, et jusque chez les
h^ritiers du celtbre ingenieur ne lui ont rien appris. M.
Meunicr, officier du genie tres distingue, employe a Cher-
bourg vers I'epoque du commencement des travaux, a vu un
travail de Vauban sur la position de Cherbourg caracti^risue
par cette epilhetc d' audacieuse, qui, depuis, a (tl& reproduite
si souvent. Ce precieux travail n'a ete retrouv6 dans aucun
di^pot public ni ailleurs: II est a craindre qu'il n'ait 6le
3
3'4 DISCUSSION HISTORIQUE
conserve par cet ofTicier ou par quelqu'autre ingenieur
jusqu'au niomein oil la mort les a surpris, et qu'il ne soil
reste cnseveli et oublie dans des papiers de famille comme
propricte privee.
II exisle encore un document qui a ete seulement indique
par M. de Tocqueville et qu'il serail utile de consulter. C'est
un proces-verbal du 13 avril 1665, conslatant qu'une com-
mission nomm^e par LouisXIVs'etaittransport6eaCherbourg
et qu'apres avoir reconnu la necessite d'une digue de 600
toises, elle avail recule devant I'^normite de la depense et
I'incertitude du succfes.
II ne serait pas impossible que Vauban fit partie de cette
commission et qu'il n'eut 6niis I'idee de cette digue. Nous
avonsfait desdemarches pour obtenir une copie de ce proces-
verbal, et nous esp6rons I'obtenir. Mais en admeltant qu'il
r«5alise la supposition purement gratuite que je viens de faire
relativement a Vauban, nous savons d6ja que le travail
projet(^ a cette ^poque etait bien eloign^ de presenter un
d6veloppement aussi considerable que la digue dont nous
venons de voir I'achevement, et il est a remarquer que la
longueur de 600 toises dont parle le proces-verbal de 1665,
est la m6me que celle indiqut^e dans le plan mentionn6 plus
haul, ce qui semblerait 6tablir I'identite entre ces deux docu-
ments.
D'ailleurs ce n'est pas comme le dit notre collogue, avec
une grande raison, ce n'est pas a ces courtes jet6es que Ton
pourrait appliquer les expressions de la note r^cemment
inser^e au Monileur, et a laquelle nous devons cette discu-
sion.
Ce travail est gigantesque, dit la note. II ne fallait rien
moins que les travaux et les tentatives les plus hardies du
genie humain pour rester victorieux dans cette lulteacharnee
SUR LA nifiUE 1>F. CURRBOl'RG. 3S
<lcs elements. Celte auvre n'a d'e'gale ni dons les tctnpx
anciens tii dans les temps modernes. Elle assure au.r
flottes de la France un abri contre la mer et conlre
I'ennemi.
Certes, Messieurs, ces expressions n'ont rien d'exag§i6, et
quand on s'y arrete un instant, on se iaisse aller facilemcnt
a celte croyance, qu'il ne fallait rien nioins quele gdnie de
Vauban pour concevoir une pensee aussi grande ct aussi
hardie.
Mais, quelque ISgilimes quepuissenl elre nos preventions
a cet 6gard, elles doivent s'incliner devant I'histoire, et nous
sorames obliges de reconnaitre que cette pensee n'a Iaisse
aucune trace dans les docuniens historiques de I'epoque
parvenus a notre connaissance jusqu'a ce jour.
S'il reste encore quelque chose d'obscur sur les projet.^
concus sous Louis XIV relativement a Cherbourg, et sur les
hommes auxquels ils doivent etre principalement attribues,
il n'en est pas ainsi quand nous nous rapprochons du moment
oil ces travaux onl ete d^finitivement arretes et suivis d'un
commencement d'execution.
Ici, la lumiere jaillit de toutes parts. Les documents abon-
dent, accompagnes de caracteres qui ne permetlent pas de
revoqueren doute leur authencite, et toussont d'accord pour
attribuer a M. le capitaine de vaisseau La Couldre de la
Bretonnifere, el la pensee de la digue telle qu'elle existe, et la
provision des moyens les plus propres a I'execulion, qui
n'attestent pas un moindre genie.
En 1777, pendant la guerre d'Amerique, I'idee d'un ela-
blissement dans la Manche se reveilla. MM. de laBretonniere
ct M6chain furent charges de reconnaitre la cote depuis
Dunkerqnc jusqu'a Granville.
36 DISCUSSION HISTORIQUE
Le rapport de M. de la Bretonniere repoita sur Cherbourg
I'altcntion que Vauban et la commission de 1756 avaient
attiroe sur la Houguo. C'est ce que nous apprendle rapport
de I'Academie des Sciences d^ja cite.
Cherbourg fut definilivement adopte, et, en 1780, une
commission y fut envoyee pour arreter les travaux a faire
dans la rade.
Deux projets furent discutes: I'un consistait a construire
une digue ou plutot une longue jetee paitantdu Hommet,
dans la direction du N.-E., conform^mentaux anciens projets,
ce qui ne metlait qu'une petite partie de la rade a I'abri
des vents du N.-O. Le deuxifeme projet couvrait la rade
entiere et presentait un rempart de pierres perdues d'une
grande 6tendue, dans la direction de Tile Pelee a la poinle
de Querqueville. Ce projet 6tait de M. de la Bretonniere,
qui I'avail deja presents deux ans auparavant.
En vain lui objecta-t-on les difficultes de I'entreprise,
rincertitude du succes, I'^normitedes depenses : il sut rdpondre
a tout et porter la conviction dans I'esprit des hommes qui
tenaient alors les renes du gouvernement.
Le projet de M. de la Bretonniere fut adopts,
Cet ofBcier, dit notre coUegue, avait navigue d^ns les
grandes escadres de la guerre d'Amerique. II avait ete attache
a la plus grande flotte connue, a I'armee navale franco-
espagnole de 100 bdtiments de guerre, dont66 vaisseaux
de ligne, qui parut en maitre dans la Manche et sur les
cotes d'Angleterre.
De plus, M. de la Bretonniere, qui avait fait, avec I'astro-
nOme M6chain, I'hydrographie des c6tes de Normandie,
possedait ainsides Elements qui etaient inconnus du temps
de Vauban , et ces el(5ments formaient la base prealable et
necessaire sur laquelle devait s'eiever, pour etre solide, le
SUU LA DIGUE DE CHERBOURG. 37
travail desprojetsquioccnpaientdcpuislongtempsl'attcntion
des Iiommes d'Etat.
Get ofTicier de marine pouvait done mcttre au service de sa
haute intelligence, et son experience de la navigation et des
guerres marilimes, et ses connaissances sp^ciales en ce qui
concernait les cdtes de la Manche.
Le travail denotrecolk^gue s'appuie sur plusieurs memoires
ou rapports, la plupart oiTiciels, et dontil a transcrit des
extraits, qu'il importe d'indiquer ici d'une maniere som-
maire.
C'est d'abord un rapport fait en 4791, a I'Assembl^e natio-
nale, par M. de Curt, depute de la Guadeloupe, sur I'^tablis-
sement maritime de Cherbourg ;
Puisunprt'cishistoriqueins(5r6, parordredugouvernement,
au Monifeur de 1801 ;
Un travail descriptif des travaux hydrauliques en 1808,
par ring(?nieur en chef M. de Cessart, i'inventeur du systerae
des c6nes, dont la pratique d^mentit tout ce que la th(5orie
offrait d'ingdnieux;
Un memoire de 1820 sur la Digue , par M. Cacliin, ins-
pecteur g([^neral, et qui dirigea les travaux pendant 20 ans ;
Un precis des travaux jusqu'en 1830, par M, Lamblardie,
egalenient inspecteur-general des ponts-et-chauss6es;
Enfin, une notice historique par M. A. de Tocqueville, en
1848, insi'rce dans la collection des villes de France.
J'ai ajoute a toutes ces autorites celle d'une commission
de I'Academie des Sciences, ct toutes se reunisscnt pour
altribuer a M. La Couldre de la Bretonniere, I'lionneiir de la
grande pensce dont la France rccucille aujourd'hui les
fruits.
D'autres documents qui m'ont (He remis il y a i)eu de
temps, vienncnt donner un nouvcau poids ix cctle masse de
38 DISCUSSION HISTORIQUE
preuves deja convaincanles. Ce sont des m^moires, les uns
imprimes, les aulres manuscrils, eman^s de M. de la Bre-
lonni^re liii-meme.Il y a aussi des instructions donnees par
le ministre de la marine, dont une porle la signature
autographe de Louis XVI, et prouve tout I'int^rgt qu'il portait
a ces travaux.
Le plus important de ces memoires a ponr but de justifier
la preference de Cherbourg sur la Hougue, et de demonlrer
la necessile de fermer la rade par une digue isolee, dans la
direction de I'ile Pelee a la poinle de Querqueville.
Sur la premiere question, I'auteur invoque I'autoritfi de
Vauban qui, comme je I'ai deja dit, apres avoir balance
entre la Hougue et Cherbourg, paraissait avoir definitivement
adopts cette derniere position pour y asseoir un grand
6tablissement maritime.
Sur la deuxieme question, M. dela Bretonniere ne prononce
pas le noni du c616bre ingSnieur, et cependant il eut de
grandes luttes a soutenir pour faire triompher son opinion.
C'est la que cette grande autorite lui aurait ett^ surtout
necessaire, et certes il n'aurait pas manquS de I'invoquer en
faveur de la deuxi6me partie de son projet, comme il I'avait
fait pour la premiere. Cette circonstance remarquable
suffirait a elle seule pour prouver que Vauban n'a pas eu
I'idSe de la grande digue, et que memo, s'il I'a eue, M. de
la Bretonniere n'en a eu aucune connaissance, ce qui lui
laisserait encore intact I'honneur de I'invention joint a celui
de I'execulion.
Les autres documents fournissent egalement des preuves,
mais qui rentrent dans celles que j'ai deja enoncees. Je me
bornerai a citer un arret du conseil qui accorde a M. de la
Bretonniere un domainc situe pres de Cherbourg, sur une
requetc presentee au roi, indiquanl qu'il avait ele assez
SUU UK DIGUE DE CHERBOLKG. 3?
Iieurcux pour fixer la preniiere opinion de S. M. sur les
Iravaux a faire et sur la pr^fcirence a donner a Cherbourg.
Parmi les graves temoignages que j'ai cit^s, il en est deux
sur lesquels je crois devoir arreter quelques instants voire
attention.
M. de Cessart et M. de la Bretonniere avaient diff6r6 d'avis
sur les moyensd'executerla Digue. Celui-ci voulaitla fonder
en picrres perdues: le premier avait invent(5 ces immenscs
machines de bois, d'une forme c6nique, qui devaienl Otre
immerg^es sur toute la ligne et remplies de pierres, de
maniere a former une base qu'on croyait a I'abri de tous les
mouvements de la mer.
Le premier moyen parut trop simple, le second seduisitet
fut adopts : mais I'exp^rience ne tarda pas a prouver toute
I'impuissance des caiculs et des previsions theoriques en
presence du mouvement capricieux et terrible de I't^lement
qu'il s'agissait de dompter. Dix-huit c6nes furent successi-
vement construits, et cinq a six ans apres I'immersion du
premier, il en restait a peine quelques vestiges. La mer
avait tout detruit.
On fut oblige de revenir au projet de M. de la Bretonniere.
Ce ne fut pas sans peine, on le croira facilement, que I'ing^-
nieur, d'ailleurs fort eminent, qui avait imagine les cones,
se vit trompe dans le rosultalde combinaisons qui lui avaient
coiite lant de travaux et qui avaient (5te adoptt5s avec tant
d'enthousiasme.
Cette circonstance ajoule un grand prix au temoignage
quiresulte deson mt^moire en faveurd'un rival plus heuroux.
Dans ce travail, il sc livre a boaucoup de critiques sur les
details du service dont elait charge M. de la Bretonniere. On
voit qu'il ne lui pardonne pas d'avoir vu plus juste que lui;
mais il ne lui contesle pas la pensee du projet, el certes i»i
40 DISCUSSION HISTORIQUE
cette pens6e I'lit venue a Vauban il n'aurait pas manque de
le (lire.
Le second document siir lequel je demande la permission
de fixer vos regards, emane de M. de Tocqueville, que nous
avons riionncur dc compter au nombre de nos membres
correspondants. Tout le mondeconnait le talent de I'c^minent
ecrivain, mais tout le monde ne sait pas assez peut-etre dans
quel esprit de consciencieuse exactitude sont dirig^es toutes
les recherches que necessitent ses travaux hisloriques. Dans
cette circonstance, il a mullipli6 ses recherches ; il ne s'est
pas conlente des depots publics, il s'est adresse aux heritiers
de rillustre ing^nieur, qui poss^dent encore de lui une
masse considerable de papiers , et c'est apres ces (Etudes
approfondies, aprfis ces investigations suivies avec la plus
grande tenacite, qu'il n'hesite pas a dire dans sa notice
historique.
« C'eslau capitaine de laBretonniere que revient I'honneur
» d'avoirconcu le premier I'idee d'une digue isolee desterres
» et jetee a une lioue du rivage.
» Ce fut lui egalementqui mit le premier en avantTidee
» de faire la digue en pierres perdues. »
En resume, Messieurs, dans tous les documents produits
jusqu'a ce jour, rien n'indique chez Vauban la pensL'e d'une
digue isolee, continue et insubmersible comme celle que
nous voyons aujourd'hui.
Tous les temoignages se reunissent au contraire pour
attribuer au capitaine de la Bretonniere I'honneur de cette
magnilique conception et des moyens les plus propres a la
feconder.
Dans ce parallele, a I'avantage- de ce dernier, nous ne
pouvons craindrc, Messieurs, de derobcr quclquc chose a la
gloirc d'un des plus grands hommesdonts'honore la France,
► . ..^,,( iiiouter, I'humanitc toutcnlierc.
SUR LA DIGUr: DE CHERBOL'KG. if
Le vif 6clat donl brillc lagloire nous dbloiiit loiijnurs tie
mariiere a nous cacher des laches quelquefoisbien soinbres.
Les grandcs actions sont souvent inspirt\^s par de niiserables
passions et accompagnces d'aclcs qui abaissent i'boniniecn
niomc temps qu'ils cMevent le heros.
Ici, rien de semblable. La verlu est partout a la hauteur
du genie.
L'homme qui, a 18 ans, ful charge par le grand Conde de
remplir les fonctions d'ingcnicur; qui, a 25, commande les
atlaques les plus difliciles; qui, dans les annees suivanles,
cree un nouvel art des sieges; qui repare el conslruit, d'apres
des principes nouveaux, la plus grande partie des places de-
France ; qui s'occupe en meme temps des ports, des canaux,
de Tagriculture, de reconomie politique; donl les nombreux
ccrits attestent une variete de connaissances, uneprofondenr
de vues, uneardeur au travail qui sonl encore au-dessousde
son patriolisme et de son devouement a la prosperilede la
France; cet homme, dis-je, naquil sous le chaume et passa
les n premieres annees de sa vie au milieu des grossieres
occupations d'une ferme.
A 18 ans, son genie luirevelace qu'apprennentauxaulres,
dans le cours d'une longue vie, des etudes profondes, forti-
liees par les enseignements de I'expericnce, el ce genie lui
resla fidelc jusqu'a la dernitire heure.
Et cet homme, que I'exercice de son art aurail du familia-
riscr avec la destruction, faisait sans cesse une etude de ia
conservation des horn mes; sacritiait I'eclal de sa gloire a
I'amourde I'humanitfi; ne craignait pas, dans ce noble interfit,
dc dire la verite au grand roi et de se faire des ennemis parmi
les hommes puissants. Cel homme, pendant le cours d'une
longue vie, toute consacree au service de son pays, ne cesse
do s'occuper du soulagemenl du peuple. Les grandes libera
42 mscussiOiN HisToniQUE
liles dontle couwe la reconnaissante munilicence de Louis
XIV, il Ics donitc aux niallieureux, il les reparlil parmi les
ofiiciers qui, coiiime lui, n'avaient recude leurs nobles aieux
d'aulie herilago que I'exemple de leur devouement a la
France. Sa niodestie et son desintercssementr^velent partout
en lui le grand citoyen ; a 66 ans, il refuse le baton de mare-
chal, parce qu'il craint, dans cette position elevee, de ne plus
pouvoirservir ulilement son pays. A 74 ans, apres57 ans de
service, couvert de blessures.courbesousle poidsdes fatigues
et de I'age, il n'a pas fait encore assez pour son pays ni pour
sa gloire. L'armoe frangaise est devant Turin ; eloign^ du
commandement par I'intrigue, le grand homme s'eleve au-
dessus d'un legitime ressentiment, demande a servir conime
volontaireet repond au roi, qui lui objecte sa dignite: « Sire,
» ma dignity est de servir I'Etat, je laisserai mon baton de
» mar^chal a la porle, et j'aiderai peut-etre La Feuillade a
» prendre la ville. »
Ce dernier trait de la plus noble vie, est assurement le
sublime de la vertu.
Apres ce peu de mots, on pent dire avec conviction : si
Vanban vivait , il serait le premier a reconnaitre que la
comparaison entre ses idees sur la rade de Cherbourg et la
pens6e du capilaine de la Bretonniere est a I'avanlage de ce
dernier; il proclameraithautement que la France doit a cet
illustre marin I'lionneur d'avoirfond6 le plus grand monu-
ment liydraulique qui existe.
Je ne dois pas abandonner ce sujet sans constater ici, en
tres peu de mots, la part qu'ont pris a la construction de la
digue deux anciens membres de cette societe, MM. Cachin et
Duparc. Tons deux ensemble et ensuite M. Duparc seul,
pendant pres de quarante ans d'une habile et laborieuse
direction, ont eu a vaincre les ditlicultes premieres et de tout
sun LA DIGl'IC DE CHERBOLHO. Hi
genre que preseiitait un travail sans prt^cedenl dans I'liisloiro
del'art. C'est au dernier qu'estdu le sysk^medes constructions
en maconnerie, qui a ett^ suivi jusqu'a la fin; systeme qui
avail ete entrevu par I'Empereur, dont le genie penctrait les
details comme il embrassait Tensemble, et qui fut le veritable
createur du port, par la suite active et feconde qu'il donna
auxprojetsarretesparla commission de 1792, dont M.Cachin
faisait partie. C'est M. Duparc enfin qui a prepart^ I'acheve-
nienl de cette digue, dont la pensee appartient a la Brcton-
niere et dontl'execution, due a I'initiativcdu roi Louis XVI,
compte parmi les litres qui rccommandcnt la inemoire de
eel inforlunc monarquea la reconnaissance et a la veneration
de la France.
"^rc^^nnr^
PALEOGRAPHIE
DE CHERBOURG
ET
DE SES EMVIROMS,
PAR
M. DE POIVTAlimOJVT,
Chevalier de I'ordre imperial de la L^gioo-d'HoDDeur,
Membre de la Soci^te des Antiquair.es df Normandie et de celles
de Middelbourg et de Munich.
On se ferait une idee incomplete de I'histoire, si Ton n'y
voulait trouver que des ev^nements et des considerations
philosopliiquessur la naissance, la virilit(5 et la vieillesse des
peuples. L'histoire a un autre but. Dans notre siecle, ou les
liens du foyer se relachent, ce but doit elre d'inviter riiomme
a rechercher et a aimer l'histoire, souvcnt bien modeste et
46 PALEOGRAPHIR
liuiitee, du lieu oil ila pris naissance. Laveracile deshistoires
generates n'aurait qu'a gagner au contact de ces histoiies
partielles, car il est bien demontre que le sol des communes,
bien plus que le terriloire des empires, conserve les traces
des usages produits dans les moeurs par Tinfluence des
grands evenements. Mais ces sortes de petites histoires ne
me paraissent pas devoir etre ecrites comme celles des
peuples. Si Ton pouvait avoir pour chaque commune un
simple journal , dans son jet sincere et primitif, il vaudrait
mieux que des histoires 6criles avec solennit^. Ce journal ,
redige au moyen des archives pour les fails anciens et des
souvenirs pour les fails contemperains, ne manquerait pas
d'interet.
Des enseignements dans ce genre onl 6te donnes par MM.
Le Prevost, G. Mancel et de L6rue. Le savant eveque de
Coutances et d'Avranches vient de concourir a cette ceuvre
en conseillant a chaque cure de son diocese d'ouvrir, pour
I'histoire de sa paroisse, un regislre-journal contenant les
fails locaux anciens et r^cents dignes d'attention.
Un semblable travail, entrepris dans chaque commune de
I'EmpirefranQais, seraitun asile pour les traditions sifecondes
de la religion, de la famille et du foyer. II ramfenerail au
cceur ces sentiments paisibles qu'eveillent le clocher de
r^glise, la riviere ou le ruisseau, sources de commerce ou de
fertility; le presbytere et I'ecole oil bien des generations ont
appris a prier et h lire, le champ oil I'enfant jouait ou travail-
lait pr6s de son pere, les voutes sacrees sous lesquelles le
mariage et le baptSme ont ete Celebris , et enfin cet enclos
myst^rieux oil les ancetres et souvent un enfant cheri
dorment gardes par la pieuse veneration des vivants.
A part les impressions salutaires que I'ame et le coeur
pourraient tirerde ce modeste journal, les int^r^ts malt^riels
DE CHERBOUnC. 47
de la famille y trouveraient aussi parfois quelqiios ronsei-
gnements profitables. Dans des circonstancos parliciilieres,
il pourraitdissiperdesdoules, faciliterdescnquetes en repro-
duisant la date d'un vieux titre, I'indicalion de qiielque droit
ancien revendiqu6 vainement sur la foi d'une tradition orale
ou de la memoire flottanle des octogenaires de la commune.
C'est par suite de ces considerations que j'ai ouverl pour
Cherbourg et ses environs un registre semblable a ceux qui
sonl mentionn^s plus baut. J'y ai porte, au furet a mesure
de lectures oudecommunications paleograpbiqiies, des notes
sonimaires sur chacune des communes de celtecirconscrip-
tion. Les savantes recherches de M. Leopold Delisle, de la
bibliotheque imperiale, et de M. Dubosc, archiviste paleo-
graphe du departement de la Manche, ni'ont t^le de la plus
grande utilitt^ pour ce petit travail.
Cbepbonrg. — On voit dans la charle latine, sans
date, qui contient plusieurs voeux de Guillaume-le-Conque-
ranl en faveur de Cherbourg, qu'il fitbatir uneeglise hors
du chateau. Cette charte est concue en ces termes : « A Ham
quoque ecclesiam jussit fieri extra castellum ad cujus
fundamentum inciviendum Mathildis, comitissa dedit
centum solidos. » En 1167, I'imp^ratrice Mathilde, fonda-
trice de I'Abbaye du Voeu de Cherbourg, fut inhum^edans
le sanctuaire de I'abbaye du Bee. (Dom Bourget, Hist, de
I'Abbaye du Bee] — Une Charte latine de Henri II, roi
d'Angleterre, conticnlle passage suivant sur celtefondation :
Abbatiam de voto quam Mathildis imperatrix mater mea
propria censii fundavit. — Au temps de cette imp6ratrice,
il y avait un Osborn de la Heuse qui 6taitconnetable de cette
ville. (Charte citee, f° 80.)
Sous le r^gne de Henri II, roi d'Angleterre, le Hommel a
(58 PALEOGRAPHIE
Cherbourg portait dans les chartes le nom d« Insula Hulmi
in qua abbatiam sitam esset.
On constate le sojour du roi Jean-sans-Terre a Cherbourg,
aux dates des i9 d^cembre 1199, i 8 et 20 fevrier 1200, 6 et
25 septembre 1203. II partit de Cherbourg le 4 dScembre de
cettedernicre annee pour retourner en Angleterre.
En septembre 1278, le roi de France Philippe III sejourna
au chateau de Cherbourg.
En 1220, Teglise de Cherbourg 6tait coUegiale, et ses
prebendes etaient reunies a celles de la cathedrale de Cou-
tances. (Toustain de Billy, mss. Hist. eccl. p. 213.)
Pour reparer les pertes que I'abbaye de Cherbourg avail
eprouvees durant les guerres avec les Anglais, Philippe VI
reunit en 1330 a cette abbaye les cglises do Sideville, de
Sainte-Genevieve, du Thcil, et la plus grande partie de celle
desPieux. (Toustain de Billy, p. 363.)
On sail que les habitants du vieux Cherbourg avaient regu
le litre de pairs a barons. Ce litre, qui leur fut donne, dit-
on, par Charles-le-Mauvais, en 1366, pour encourager leurs
efforts commerciaux, n'etait pas nouveau dans les anciennes
institutions anglo-normandes. II avail etc concede depuis
longtemps aux notables commerQants des cinq ports de
I'Angleterre. Le passage suivant en est la preuve : « Les
» bourgeois des cinq ports portent le litre de barons, et il
» parait qu'a des epoques anterieurcs, ils possederent une
» dignite plus grande et prirent rang parmi la noblesse du
» royaume. Ces habitants etaient toujours sur leurs gardes
» pour emp6cher I'invasion. Leur milice etait constamment
» prete a combattre, et leurs vaisseaux etaient lellement
» solides et organises si militairementqu'au temps d'Edouard
» I", ils equiperent seuls une flotte de 100 voiles. » (Beaules
de Kent, p. 1012.)
I>E CIlKltBOlltG. 49
Le recueil des buIlcstlespapcsclonne,u I'arlicle derabbayc
de Cherbourg, sous la dale de 1330, une bulle de Jean XXII
qui confirme le patronage qui etait aUribue a celte abbaye
sur les 6glises de Sideville, des Pieux, du Theil at de Sainle-
Genevi^ve. Elle est datee d' Avignon du 3^ jour des Ides de
Janvier, 14* ann^e du pontificat.
En 1380, Guillaume de Melun, comte de Tancarville, etait
capitaine des chateaux de Cherbourg et de Rouen.
En 1404, Charles VI rendit aux abb^s de Cherbourg une
chapelle et un manoir qu'ils possedaient dans I'interleur du
chateau et que les Anglais leur avaien* pris.
En 1418, le roi d'Angleterre Henri V etablit Guillaume
Hungerfort capitaine de la villeet du chateau de Cherbourg,
avec droit de punir les nialfaiteurs. [RoUes normands, R. \ ,
p. 266.)
iiW, Radalpfius Hillary habet lilleras regis (Henri V)
de donations capellee infra castrum de Cherburg. (Rolles
cit^s, p. 335.)
1450, appointement fait entre le connetable de Richemont
et le comte de Clermont, d'une part, et le capitaine anglais
Thomas Glower, d'autre part, pour la remise de la ville et du
chateau de Cherbourg au roi deFrance. (Extraitd'un vidimus
du 29 ddcembre 1468, depos6 aux archives departementales
h St-Lo.)
En 1470, Jean Dufou etait capitaine de Cherbourg; sa
fille, Robine Dufou, 6pousa Nicolas Du Monccl.
En 1514, les Anglais descendent a la fosse du Gallet a
Cherbourg, et en 1520, aux Rases-Bannes a Urville.
En 1562, suivantTouslain de Billy, f. 591, Robert Boutran,
docteur en th^ologie et chanoine de Coutances, etait cur6 de
Cherbourg; Voisin-la-Hougue ne le mentionne pas.
En 1692, Guillaume de Mons, sieur du Broc, 6tait lieute-
4
150 PALEOGRAPHIE
nant-g6neral dela viconil<5 de Cherbourg, Valognes et Barfleur.
(Minutes de M^ Langlois, notaire a Valognes.)
Le 12 Janvier 1694, Jean Postel, cure d'Octeville, est mis
en possession de la chapelle Saint-Sauveur-sur-Cherbourg.
(Minutes de M« Langlois.)
En 1722, la population de Cherbourg 6taitde 800 families;
en cette ann^e 1853, elle est de 28,012 habitants.
En 1793, Cherbourg est mis en etat de si6ge par le repr6-
sentant Le Carpentier; la famine s'y fait sentir avec force.
(Letlre dudit repr^sentant a la Convention, en date du 11
novembre.) •
Une elegante 6glise, moiti6 romane, moiti6 ogivale, a 6t6
batie par souscription dans le quartier de la Poudriere. Elle
est sous le vocable de Notre-Dame-du-Vceu. Un beau tableau,
dfl a la pieuse gen6rosit6 du pinceau de M"* de Beaudrap, y
represente la scene si connue qui a donnS naissance a
Tantique chapelle du Voeu que cette eglise remplace. Elle a
6te erig6e en paroisse par decret du 2 septembre 1850, et
inauguree le 21 mars 1852. Une autre Sglise, sous le voca-
ble de saint C16ment, patron des marins, s'616ve en ce
moment dans le quartier des Mielles.
On 616ve en 1854, rue Loysel a Cherbourg, une sallede
spectacle sous les fondations de laquelle on a scelle I'inscrip-
tion qui suit : « Dans la deuxiSme ann^e du r6gne de I'Em-
» pereur Napoleon III, le XII juin MDCCCLIV, sous I'admi-
» nistration de M. Joseph-Etienne Lud6, chevalier de la
» Legion-d'Honneur, maire de la ville de Cherbourg et
» membre du conseil general du departement de la Manche,
» la premiere pierre de ce theatre a 6t6 pos6e par le propri^-
» taire, M. Alexandre-Frangois-Gervais Loysel, docteur en
» m^decine, en pr^sencede M. Dominique Geufroy, archi tecte,
» etdeMM. Bienaim^Groset AugusteLehot, entrepreneurs.
DE CHEKnOfRG. 51
» Sous cette pierre sont deposes , dans une boite en plomb :
» un exemplairedu present et unes6rie de monnaiesjusqu'a
» un franc, au millesime de MDCCCLIV et h Teffigie de
» I'Empereur regnant. »
Les hauteurs qui avoisinent Cherbourg sont de gres dur
ou de schistes. Elles sont elev6es au-dessus du niveau du quai
du commerce, savoir : leRoule del 08 metres; laFauconnitVe,
sa partie Sud, de 95 metres, saparlie Nord, dite la roche
Martel, de 39 metres; Saint-Sauveur, de 68 metres.
Au XV1I« si6cle, on comptait parmi les habitants notables
do Cherbourg la famille de la Haye, qui portait d'argenl
charge d'un coeur de gueules accompagn^ de sept hermines
au chef d'azur; celle de Le Berseur, qui avait d'azurala
fleur-de-lis d'or soutenu d'un croissant d'argent (en 1666
Herve Le Berseur, alors age de 22 ans, 6tait commandant du
chateau de Cherbourg); celle de Le Fillastre, qui portait
d'argent au hfitre de sinople soutenue d'un croissant de
gueules.
Etat dies revenns de I'abbaye du Voeu de
Cherboarg.
(Titulaire M. I'abbe Dampierre, i75S.)
{" La ferme du Manoir abbatial et t(5nements des Fourches,
afferm^s a Charles Laniepce, dit Lerouvillois, par bail pass6
devant M^ Nicollet, notaire a Cherbourg, le 5 aoiit 1753, au
prix annuel de 1,440 livres. 2° Les pieces des Greniers et de
la Perruque, avec les pr6s d'Enfer et de I'lsle, aflfermf^s a
Guillaume et Jean Rommy, fr^res, par bail devant le meme
notaire, le 5 aoilt 1753, au prix de 410 livres. 3° La maison,
le jardin et les pres Gaudeboust , les vergers et les clos de la
chapelle de Nolre-Dame-du-Voeu, affermSs i Guillaume
52 PAI.EOGRAPHIK
Quoniam, par bail devant le m6me notaire, le 6 aout 1753,
au prix de 450 livres. 4° Les pr(5s de la Chauss^e et de la
Queue-des-Pr6s, afferm^s a Louis-Nicolas Noel, par bail
devant le meme notaire, le 5 aoiit 1753, au prixde 187 livres.
5° Le pre Bouillon, affcrm6 a Charles Legangneur, par bail
devant le meme notaire, le Saout 1753, au prix de 180 livres.
6° Le pr6 d'Enfer, afferm^ a Pierre Lair, par bail devant le
mgme notaire, le 5 aoiit 1753, au prix de 60 livres. 7° Le
clos et le pre du Macon , avec le pre du Bas-de-la-Chaussee,
afferm^s a Guillaunie Claston, par bail devant le meme
notaire, le 5 aout 1753, au prix de 325 livres. 8° Une piece
en herbe nomm6e la Commune, avec les deux petits pr^s y
attenant, afferm^ea Simon Fleury, par bail devant le meme
notaire, le 6 aout 1753 , au prix de 350 livres. 9° Le clos de
la VielUe-Chapelle, alTermS a Jacques Lefebvre , par bail
devant le meme notaire, le 5 aout 1753, au prixde 100 livres.
1 0° Quatre pieces de terre, nommees les Queneches, afferm^es
h Pierre Lefranc, par bail du 5 aout 1753 , au prix de 200
livres. 11° Trois pieces de terre, nommees les Daiziers,
afferm^esa Jean Leclerc, par bail du 5 aout 1753, au prix de
75 livres. 12° La pi6ce du Gallet, afferm6e a Jean H^laine,
par bail du5aout1753, au prix de 70 livres. 13° Cinq champs
de terre en la campagne d'Equeurdreville, affermes h Pille-
moy, par bail du 11 avril 1753, au prix de 41 livres. 14° La
ferme de la Baronnie de Ste-Genevi6ve, gage pleige, casua-
lites et dimes dans ladite paroisse'el celle de la Pernelle,
afferm^es a Barbe-Francoise Martin, veuve de Pierre Langlois,
par bail devant ledit M* Nicollet, notaire a Cherbourg, le 4
aoiit 1753 , au prix de 5010 livres. 15° Ferme et gage pleige
de la baronnie de Neuville-au-Plain , afiferm^e a Nicolas
Simon, par bail devant le mfime notaire, le 5 aoiit 1753, au
prix de 1020 livres. 16° Le moulin seigneurial du Bas du
DE CHEHBOURG. 53
Roule, aflfermo a Guillaiiine Lepetit, parbail du 5 aout 1753,
au prix de 1200 livres. 17° La dime de la paroisse d'Octe-
ville-sur-Cherbourg, afferm^e au cure dudit lieu, par bail du
6 aout 1753, au prix dc 660 livres. 18°Lesdimesdes paroisses
deSideville, Nacquevilleet Notre-Danied'Alleaume,alTerm6es
a FranQois Vastel, par bail du 6 aout 1753, au prix de 880
livres. 19° Les dimes des paroisses de Vasleville, les Pieux et
leTheil, affermees a Nicolas Simon, par bail du 5 aout 1733,
au prix de 2730 livres. 20° Les dimes des paroisses- de
Jobourg, Beaumont et Urville-Hague, afTermees a Nicolas
Simon, par bail devant M* Roger, notaire a Paris, le16
juillet 1733, au prix de 1150 livres. 21° Les dimes de la
paroisse de Gatteville, afTermties a Bon-Pierre Lamache, par
baildevant M^ Nicollet, notaire a Cherbourg, le 6 aout 1753,
au prix de 1580 livres. 22° La dime de la paroisse du Rozel,
alTermee a Jacques-Antoine Lecomte, cur<5 dudit lieu, par
bail notari6 du 5 aout 1753, au prix de 75 livres. Le total de
ces fermages s'elevait a 18,203 livres. Les rentes foncieres en
argent dues a ladite abbaye montaient annucllement a 1,867
livres II sols. Les rentes seigneuriales en grains et autres
denr(5es, dues a la meme abbaye, se payant annuellement au
lerme de Saint-Michel, consistaient en 600 boisseaux de
froment (me.sure de 12 pots), 4 boisseaux d'orge (meme
mesure), 3 pains, 40 poules, 2 chapons et 12 ceufs, savoir :
dans la paroisse de Cherbourg, 70 boisseaux et 8 pots de
froment; dans cello d'Octeville, 306 boisseaux 2 pots de fro-
ment; dans celle de Digosville, 15 boisseaux 9 pots de
froment; dans celle d'Acqueville, 6 boisseaux 9 pots de
froment. Ces denrees cHaient dvaluees, savoir : le pol de fio-
raent, a 2 sols 6 denicrs, tl I'orge au tiers, suivaut le prix
commun et ordinaire des grains dans le pays; le pain, a 3
deniers la livre; la poule, a 5 sols; Ic cliapon, a 10 sols; la
54 PALlEOGRAPHIE
douzained'ceufs, a 1 sol 6 deniers, suivant les anciens prixet
I'usage de percevoir. Le total de ces rentes endenr^es, con-
verlies en argent, revenait a 915 livres 10 sols 6 deniers. Les
droits casuels, seigneuriaux et feodaux des paroisses d'Octe-
ville et d'Equeurdreville, ceux des autres paroisses etant
compris dans les baux des fermes de Sainte-Genevieve,
Neuville-au-Plain et le Theil, pouvaient produire, ann6e
commune, 45 livres. Le total du revenu dc I'Abbaye de
Cherbourg etait done en ladite ann^e 1753, de 21,031 livres
3 sols 10 deniers.
Equeurdreville. — Dans le XII® siecle, I'eglise
d'Equeurdreville etait sous le patronage de I'abbaye de
Saint-Lo.
En un acte latin de septembre 1226, on lit le passage
suivant: « Nous, Mathieu Bristout, prfitre, etQuentin, mon
» frfere, avons assigneet concMe a I'abbe et aux religieux de
» Cherbourg une pifece de terre situ6e au Mont-Estein, dans
» la paroisse d'Octeville-sur- Cherbourg , lequel champ
» Robert Bristout, notre pfere, a eu de Gaudefroy, I'Anglais,
» et lequel champ a fait partie du fief de Bopvassal. Nous
» avons fait I'assignation et la concession auxdits religieux
» de deux champs en enclave, qui sont situes enlre les
» marais d'Equeurdreville etlecAewm ro^/a/, lesquelsdeux
» champs Durand, notre frere aine, avait donnas en aumOne
» aux mfimes religieux. »
L'abbaye du Vceu de Cherbourg avail beaucoup de dimes
a Equeurdreville, qui, dans les chartes latines, porte le nom
de Esquerdrevilla ou celui de Scheldrevilla.
En 1598, messire de Sainte-Marie d'Equilly habitait
Equeurdreville (Roissy f" 69), et Jean Lcsceilliere en 6tait
cur(5 en 1692.
DE CHEKBOIJKG. 55
L'eglise d'Equeurdreville, donlla nef a ete allongee depuis
<818, conliont des inscriptions tumulaires qui ont 6te res-
taurees par M. Duchevreuil, anliquaire distingue, qui
poss6dait en cette commune une habitation oil il avait r6uni
una bibliotlieque pr6cieuse par rapport a I'histoire de la
Normandie.
Hainneville. — Le noni paleographiquedeHainneville
est Haynevilla. Louis XI, en 1465, donna a I'abbaye de
Saint-Sauveur le patronage de l'eglise de cette commune, qui
6tait sous le vocable de Notre-Dame. En 1692, maitre Jean
Mahieu en 6lait cure.
En 1625, M. Louis Gigault, ecuyer, 6tail seigneur et patron
de Hainneville. II portait d'azur au chevron d'or accompagn6
de trois losangesen argent. Sa famille compta, dans la suite,
au nombre de ses membres Bernardin Gigault, cree en 1668
mar^chal de France, et Jacques Gigault, archeveque de Paris
en 1746.
On remarque en cette commune, ci peu de distance de la
route imperiale qui conduit au fort de Querqueville , une
petite cbapelleavec une statue de sainte Anne. Cette chapelle
a remplac6 une statuette qui, en 1816, etait plac^e si pr(^s
de la mer, que j'ai vu le flot batlre au pied de la niche qui
contenait cette statuette. Depuis cette 6poque, la mer a fait
de si rapidcs progrfes sur cette plage, qu'on ,a du enlever ce
petit monument et le remplacer par celui qui existe aujour-
d'hui.
Querqueville. — Querqueville estd(5signe sous le nom
de Kcrkavila, dans une charte du XIP siecle, par laquelle
le comte de Susse.\ fait des donations a I'abbaye de Lessay.
(Archives du de'partemeni de laManche.)
36 PALEOGRAPHIE
En 1420, apres la redililion du chateau et de la ville de
Cherbourg, ordre est donn6 au balUi du Cotentin et au
vicomte de Valognes de laisser jouir paisiblementde son fief
Guillaume de Querqueville. fReg. de Henri V, edit.
Vaultier, p. 64.J
En 1540, GuillaumedeSaussey donne la cure de Querque-
ville a Robert Bavent. (Toustain de Billy, Hist, eccl., f"
566.J
Le27 aout 1813, I'lmp^ratrice-reine et regente visita la
cute de Querqueville. On pr(5tend qu'en 1811 I'Empereur
civait manifesto I'intention d'elever sur cette cote un palais
pour le prince imperial, roi de Rome.
Sur cette cote est un fort qui pent tenir garnison.
Dans le choeur de I'eglisede Querqueville, on lit I'inscrip-
tion tumulaire de Pierre-Augustin Barbou, mousquetaire
gris, et patron du lieu, decide le 7 mai 1753. Cette eglise est
sous le vocable de Saint-Germain , et formait autrefois
prieure.
Non loin de cette Eglise, on rcmarque une cliapelle dite de
Saint-Germain, qui parait remonteraux temps merovingiens.
M. Asselin, directeur de la Society Academique de Cherbourg,
a donn6, dans le tome I" des memoires de cette Society, un
article sur cetle ancienne construction. En septembre1847, M.
Leopold Delisle decouvril dans la meme chapelle une pierre
tumulaire plate sur laquelle est figur^e une longue croix, a
I'un des cflt^s de la quelle on lit ce mot isole JUUSQUH.
La mer a fait de grands ravages sur la c6te de Querque-
ville, oil Ton a trouve a mer basse des traces d'habitations et
de forets. En 1840, on decouvrit dans cette commune,
au milieu du chantier aux granits prepares pour la digue de
Cherbourg, une douzaine do belles mddailles de Faustina
jcune, Antonin et Marc-Aurele.
DE CHEHB01RG. .'j7
All XVIF sit'Cle, on complait parmi los notables liabilatils
de Querquevillo MM. de Bazun.
Teurth^ville-Hagnc. — Cctte commune comple
1200 habilanls ct a uno supeificie de i22l hectares.
II y a a Teurtheville un castillon sur une elevation voisine
de la lande de Heauville, el dominantTanclenne voie romaine
d'Omonville-Hagne a Portbail. En 1833, on trouva une assez
grande quantite de tuiles romaines en faisant des tcrrasse-
ments prt>s de ce castillon. M. Dubosc, archivisle palt^ographe
du departement, a Iev6 le plan de co monument. A la fosse
du Chatel, qui en fait partie, on a decouveit beaucoup de
briques et deux poids tres-anciens. De ce point la vue est
tr6s etendue.
En creusant le canal d'un moulin a liuile, a Teurtli6viIIo,
M. Gossclin, capitaine dela garde nationalede la commune,
decouvrit une quantite considerable de fers a mulet el une
meule romaine. Dans la piC'ce nommee les Tols, proche
1 eglise, on a trouv6 plusieurs cercueils en tuf.
Teurth6ville a trois foires consid(^rables cbaque annee ,
le 3 mai, le 30 septembre et le 16 octobre.
Celte commune etait renomm^e par scs associations de
sorciers et par les fails surnalurels qui s'y passaient a r<5poque
od le marquis de Saint-Simon-Beuzeville en etait seigneur.
Une voie romaine conduisaitde Portbail a Omonville-
Ilague, qui sont les deux plus anciens ports dont il soil fait
mention dans I'hisloire du d^partement. Cette voie passait
pr(!s du castillon de Teurtbeville-Hague.
Non loin du -liameau de Iloulbcc, prh du bras de la
Divetle qui s^pare Teurtheville de Sidevillo, dans un terrain
bas, on a trouve, en 1823, trois tertres Ires rapprocht^s cl
Itortant Ic nom de Hougues. lis ^laient jadis sO-pares par des
M P\I.E<IG1UI>H1E
foss6s d'eau courante qui out 616 combles pendant la jeunesse
de Jacques Diesnis, vioillard de ce hameau, qui, en 1823,
donnait ces details avec beaucoup d'intelligence. 11 disait
que son pere, morta 85 ans, avail vu tirer beaucoup de terre
du sommet de celte hougue pour la porter dans un foss6
voisin, qui n'est encore qu'imparfailement comble. On y a
trouve du charbon, une ancre et beaucoup de poutres de
chfine, dispos6es en palissades. La tradition les fait remonter
a I'occupalion anglaise 1418-1450). II est probable que ce
terrain, aujourd'liui propri6t6 prtvoe , avait 6t6 autrefois
confisquesur les Anglais, car les proprietaires payaient une
rente a radmiuistration des domaines.
Sur la ferine de Launay a Tejirlh6ville , en une piece de
lerre 61ev6e nonimee la Grande-Croute, M. Le Blond, niaire
de Sideville, vit decouvrir, en 1797, en relevant un fosse, une
centaine de coins romains en bronze. Dans divers travaux
que j'ai fail executer sur ce domaine, de 1848 a 1854, je n'ai
rien trouv6 qui put faire suite a celte trouvaille.
Dans le bois de Neret, on remarque deux menhirs et une
fontaine dite des Fees.
II existe, en celte commune, une maison fort ancienne du
nom de Boguenville, qui serail peul-etre le Bojoredivilla de
la charte de Richard II, qualrieme due de Normandie, en
997. Teurtheville porte le nom de Tordevilla dans les charles
lalines de celte date et des epoques posterieures.
L'^glisede Teurtheville est sousle vocable deNotre-Dame.
Les abbess de Monlebourg et de Saint-Sauveur, et en dernier
lieu la famille de Saint-Simon-Beuzeville, en avaienl eu
le patronage. On voit encore dans les vitraux de la fenetre
sud du choeur, la plus voisine de I'aulel, quelques traces des
armes de celte famille, qui sont de sinople a trois lions
d'argent rampants. Au sud du choeur, on remarque trois
DE CHEHnOLRO. 59
gargouilles qui appartiennent au XV* siecle, cl an nord, une
porle mur6e et en partie disparue dans le sol qui paralt elre
de la nieme (^poque. Deux chapitoaux du choeur conservenl
encore des restes d'anges en pri^re. Dans le cimetiere on voit
un calvaire qui, par son ornementation, rappelle I'epoquede
la mission a Cherbourg, en 1821,
Cette commune eut, en 1693, un cure nomme messire
Sibran, dont I'abbe Trigan nous a laisse un bel eioge. 11
mourut el fut inhume a Teurtheville, en avril 1700.
Au lieu dit de Gristot existait une chapelle dans laquelle
saint Thomas de Cantorbtiry oflicia plusieurs fois.
Sideville. — Le nom paleographique de cette commune
est Sidevilla. Son eglise est sous le vocable de Saint-Ouen,
et les abbes de Cherbourg 6taient ses patrons. On note parmi
ses cures, aux dates de 1366 et de 1692, Nicolas de Boulbert
et messire Etienne Rualem.
Jean Blondel, natif de Sideville, 6tait grand bailli du
Cotentin en 1337. II avait eu pour bisaieul Jean Blondel,
poss(5dant en 1216 une vavassorie (en Normandie c'6tait un
tenement qui tenait le milieu entre les fiefs et les rotures) a
Sideville, et 20 livres tournois de rente au droit de Perrine
d'Ecaillegrain, son 6pouse.
Sideville eut pour seigneur, en 1528, Michel Lecoq, qui
portait d'azur au chef d'argent charg6 d'une molette de
gueulcs et de deux boutons de conterie (verroterie de Venise).
On compta au nombre de ses successeurs Julien de Ravalet,
qui etait originaire de Brelagne et attach^ a M. le due
d'Estouteville. Une branche de cette famille Ravalet avait
achete la seigneurie de Tourlaville. M. Ravalet de Sideville
mourut a Bayeux en 1733; son frere, qui portait le nom de
Tourlaville, habitait aussi Boyeux, et mourut, vers la mfime
60 I'aleoghapiue
cpoquc, sans iaisscr de descendance. Lcurs armes etaient
d'azur a la fasce d'argent chargee de trois croix de gueules
et accoinpagnte en chef de deux croissants d'argent et en
pointe d'une rose de meme.
Le sable dorc de Sideville est excellent pour niouler.
Uartinva»t. — En 1283, le patronage de I'^glise de
Marlinvast elait en litige; plus tard, ce patronage demenra
au seigneur du lieu. (Toustainde Billy, Hist. eccl. f^Sii).
Le choeur de cette egliseest ronian. Elle est sous le vocable
de Nolre-Dame.
U existail autrefois a Martinvast deux chapellesdediees a
saint Andre et a saint Eioy.
Non loin de I'eglise sont les restes du vieux chslteau de
Martinvast, qui se trouvent aujourd'hui enclaves dans la belle
ferme module de M. le general comte du Moncel.
Au lieu dit de I'Oraille est une roche a trois pieds, qui
passe dans le pays pour un reste de dolmen.
Au XVIP siecle, on comptait parmi les habitants notables
de Martinvast Francois du Moncel, chevalier de Malte, et
Antoine du Moncel, cornette au regiment du marquis de
Marines; ils portaient de gueules a trois losanges d'argent.
On y remarquait aussi la famille d'Yvetot, qui avait d'azur
a la bande d'or accompagnee de deux coquillcs de mfime.
OcteTille-snr-Cherbonrg. — En 1140, Roger de
Magneville vendit a I'imperalrice Malhilde les terrcs qu'il
poss(5dait a Octeville-sur-Cherbourg. (Recueil des Chartes,
reg. 4, f 6CkJ
En 1420, Henry V, roi d'Angleterre,,confirma aux abb(5s
du Voeu de Cherbourg la donation qui leur avait ^te faite du
boisdu Fay, aOcteville. (Rolles normands, reg. I, f° 3I9.J
UE ciiKnnoinu. G1
En 1583, Gilles Avoye, ot on IG92, Jean rost.l (Haiont
Curtis d'Octeville-siir-CIierbourg.
L'6glise d'Ocleville est romane. Elle est sous le vocable de
saint Martin , et avait pour patrons les abbos du Voeu de
Cherbourg. Son choeuret sonclocher sonl rcmarquables. Sur
le mur exl^rieur, au sud, est un bas-relief represenlant la
cene. A son chevet on remarque des corbeaux bizarres.
Cette commune pr6sente de plus une petite chapelle ditc
de Saint-Sauveur, qui a appartenu autrefois aux abbess de
Cherbourg. Le bienheureux Barth6!emy Picqueray y a un
tombeau v6n6r6 par les populations de la localitc.
La construction du fort d'Octeville remonte i\ 1793. On
avait aussi etabli a cette epoque une batterie sur le monl du
Tronquet, qui domine a Test la route des Pieux.
AuXVII" sifecle, on comptait parmi les notables habitants
d'Octeville la famille de Cabourg, qui portait de sable a la
bande d'argcnt chargte do trois tourteaux de gueules.
ToRPlavillc. — En 1145, une chapelle des Flamands,
a Tourlaville, avait ete accord(5e par le papc Eugene III a
Algare, eveque de Coutances. Elle (itait probablement situee
entre la redoute et le rocherdes Flamands, ou estaujourd'liui
un 6tablissement de pyrotcchnie.
Unechartede 1256 indique dans cos parages un fiefnomme
Grossum Fossatum; c'est peut-etre le lieu dit Longuemare.
Le fief aux Flamands, les noms de Trottcbecque et de Bourg-
bourg sont autant de souvenirs de la colonie de Brabangons
qui, bien avant1308, trafiquaient a Tourlaville. II y avait
aussi des Juits qui ont laisse leur nom a une rue de cette
commune. Pour ces marchands, le terme de la foire de
Montmartin etait une epoque de paiement. Le fief aux Fla-
mands s'etendaitdcpuis le pont aux Charetles jusqu'a celui
C2 PALEOGRAPHIE
de Cherbourg et ii I'eau de la Divetle. Suivant I'exlrait de
charte, qui est cite ci-apr6s, on serait porte a croire que ce
fief faisait partie de celui de Senoviile. « Le jeudi devant la
Saint-Michel 1308 (17 octobre), Mgr Yon Dubuisson, cheva-
lier, seigneur de Senoviile, donne a I'abbaye de N.-D.-du-
Voeujouxte Cherbourg, pour lesalutde sonameet decellede
Jeanne, sa femme, de Jean Dubuisson, son pere, et de Luce,
sa mere, demi-livre de poivre a prendre a Tourlaville sur
Denis Grosparmy, au fief que Ton nomme lefief aux Flamands,
etune paire d'6perons de fer etle cuir dus acausedumoulin
dudit Jean Dubuisson , assis sur I'eau de Trottebecque, vers
le bois du Mouchel. »
En 1400, les Anglais pillerent Tourlaville.
En 1495, Jeanne de France, femme de Louis XII, donna h
Robert d'Anneville le fief-ferme de Tourlaville, pouren jouir
ainsi que I'avait fait GuillaumeDufou, capitaine du chateau
de Cherbourg.
En 1 502, Guillaume Porphyre, cure de Tourlaville, permute
avec Richard Lelouey, chanoine de Coutances, dont les
neveux furent plus tard bienfaiteurs del'eglise de Brillevast.
En 1536, Jean Vippart, ecuyer, 6tait seigneur de Tourla-
ville, Ozevilleet Silly (Arch, du chateau de Bricquebec).
Dans UQ aveu rendu au roi Henri II, en 1549, les religieux
de I'abbaye de Cherbourg parlent de leur droit de gravage
« depuis la riviere d'Yvette fsic.J, passant pres et joignant
la muraille et enclos de Cherbourg, jusqu'au ponl aux Cha-
rettes qui soulait 6tre I'endroit et voie a venir du grand chemin
venant de la placode Tourlaville, et passant par devant la
maison quifut aPignard et de present a Jean Guiffard. » Les
mfimes religieux avaient, suivant ledit aveu, une saline i
Tourlaville.
Les details relatifs au crime commis, en 1602, par deux
DE CHKHBOURff, 03
enfants de la famille des Ravalet, qui elail a celte ('poqiic
titulaire du fief seigneurial de Tourlaville el proprii'laire do
son beau chateau, on t(5te en partieextraitsd'un livre intitule:
Histoire tragiquedenotre temps, par F. de Rosset, Rouen,
1700, in-12, page 112. Le fils et la demoiselle de Ravalet,
condamn^s a etre d(5icapites par sentence du2 decembre 1603,
s'appelaient Julien et Marguerite. Rosset ne les d^signe que
sous les pseudonymes de Lizaran et de Doralice, noms que
M"* Scudt^ry avail mis a la mode. lis subirent leur peine en
place deGr6ve. Julien mourul le premier, etsa sceurquelques
mois aprtss, parce qu'elle 6tait enceinte au moment de son
arrestation a Paris, oil elle 6tait allee pour se d(5rober aux
poursuites de son mari et de sa famille. Leur condamnation
est mentionn^e dans un ouvrage qui se trouve a la biblio-
th^que municipale de Cherbourg, et qui a pour litre : La
connestablie et marechausse'e de France, ou recueil de
tons les edicts, declarations et arrets, par Pinson de la
Martini6re, Paris, Rocolet, 1661, in-i", p. 1009. Un Ravalet
de Tourlaville etait alors abbe de Hambie et grand chantre
de la cathedrale de Coutances. II r^signa ces dernifires
fonctions en 1602, et fonda le college de Coutances avec
plusieurs autres 6tablissements d'uiilite publique.
La redoute de Tourlaville fut construite pour la premiere
fois en 1692, et fut demolie par les Anglais en 1758. Celle
qui existe aujourd'hui a 616 faite en 1778.
A ladescenlede 1758, les Anglais frapperent une forte
contribution sur la manufacture des glaces de Tourlaville.
Messire Faulain, cure de Tourlaville, rebalit la nef de
r^glise a ses frais. II mourul le 17 Janvier 1739, apres avoir
et6 pendant un demi-siecle cure de cette commune. (Vie de
M. Pate, cure de Cherbourg, par Vabbe Trigan, p. 466. J
L'ilePelee, oiiestanjourd'hui lefortimp6rial,6tait,en 1560,
C4 PALEOGRAPHIE
siiJAant I'opinion do M. de Gcrville, le point le plus avance
d'un promontoire qui tcnait a la cote de Tourlaville. Cepro-
montoire dispaiut, dit-il, sous les invasions de la mer, dans
le courant du XVIP siScle. En 1700 on ne pouvait plus y
parvenir qu'acheval, en suivantune lignede rochersdevenus
sous-niarins. Celte opinion pent etre contest^e, parcequedes
ouvrages qui datenl du XV^ siecle presenlenl d6ja ce rocher
com me une ile. Onopposerait aussiacette assertion la citation
suivante extraite d'un livre en caract^res gothiques, iraprimS
a Rouen en 1483, ct ayantpour titre: Le Grand Rouiier du
Pilotage, par Pierre Gracie dit Ferrande: « Se tu pauses en
lest nordest dc lisle Pel6e qui est devant Chenebourg en
amot de luy a unze brasses a beau fons cest assavoir coquail
e caillouches et desseubs lille et nulle raaree ny court ne de
flaux ne de jusent. » fPage H6, %. 4.) On opposerait
encore a I'opinion deM. dcGerville le passage suivant extrait
du Petit Flambeau de la Mer, par Bougard, lieutenant sur
les vaisseaux du roi : « Au proche de Cherbourg au N. E. de
la ville environ unedemi-lieue est une rangee de rocbersqui
vont le long de la terre bien trois longueurs de cable que
Ton nomme I'ile Pelee, ils sont presque toujours sur I'eau si
ce n'est de grand mer ff" J8.J » Ces deux ouvrages sont a la
bibliothfequc de la ville de Cherbourg.
En 1777, MM. Decaux et de Ricard Qrent le premier plan
du fortactuel, qui fut termine en 1784.
En 1780, une ecole de canonniers garde-cotes existait a
Tourlaville, et avail pour commandant M. d'Horicy.
En 1824, on trouva au bameau Quevillon 50 medailles
romaines. A la meme epoque, on decouvrit deux medailles
d'or a la ferme du Maupas, et plusieurs aulres medailles
romaines en bronze aux Mielles et a la Pierre-Butee.
En 1829, on a trouvii pris dela redoute despoids remains,
DK CUEUBOLKG. 6^
tlestuiles, des meiilcs, dos medaillcs ot une epingle d'ivoii'ti.
Non loin dc cette redoute, il avuit exisle autrefois une cliapelle
dite de la Madelaine.
En 1831 , a la icrnic dc la Boissayc, dans la piece de la
Meulettc, on trouva dcs traces d'liabitations, des tuiles
romaines et des debris de mcules.
En 1832, dans une piece sablonneuse appartenant ii k
famille Godelle, el situce proclie de la redoute, on a trouve
une petite figurine en pierrc oUaire et une meule roniaine.
La figurine est au cabinet de la ville de Clierhourg.
En 1834, on a decouvert, en delricbantle boisdes Meulcltes
a la Boissaye, des fondations a ciment remain, dont laparlie
superieure etait formee de briques posees a plat otcimenlees..
Un appartemcnt, qui fut deblayc avec soin dans celte cons-
truction, a olTcrt beaucoup de petils compartiments de la
menie macounerie. Un cote de cette piece avait 6 metres de
longueur. La tradition de la locality rapporte qu'une rowfe
dcs Romains, venanl par Sauxemesnil et par les Ecocheux
ou elle croisait la route de I'Archc, arrivait a la Glaccrie.et
de la a Cherbourg. , , „ .
Tourlaville donnc, comme on le voit, dcs preuves.de eon.
ancienne importance. Aucun lieu de I'arrondissement de
Clierbourg n'cn ofTre une aussi grande quantite, notamment
en la parlie qui estentre le hanicau Quevillon, la redoute et
le bassin du commerce. Celtoscrie de decouvertesacommenc6
en 1741, oii, pour debut, on niit k nu, en travaiUant sur la
pente de la montagne du Roule, un tombeau avec une urne, .
beaucoup de medailles et dcs ornements d'or. Dans les
memes parages, on trouva cette belle figurine en bronze qui
^nrichit aujourd'liui le cabinet de la ville de Cherbourg, et
ces liaussc-col d'or qui, lombes en des mains ignoranles, ,
ont etc fondus, a relerncl regret dcs anliquaires. Beaucoup;^
66 PALEOGRAPIUt
(le traces romaines onl ^te decouverlcs dansla dM-ection du
lieudit de Grandcamp, oil Ton remarque encore aujourd'hui
les lignes d'un camp tres vaste. De ce camp, la vue plane sur
la bale de Cherbourg et sur le lieu ou 6tait la station du
Corialum romain. 11 y a 70 ans, on voyait encore un pav6
remain long d'un kiloni6tre, et qui, sous le nom moderne de
Chauss6e d'Adam, passait dans les bois de la Pierre-But^e.
II a 616 detruit en 1782, dans les d^frichements faits par MM.
Doumerc et Baillio, qui venaient d'acheter ces bois de la
maison de Bourbon. Ce pav6 se reliait a la voie romaine du
vieux Cherbourg a Coutances, en passant par Soltevast.
Sur les diff6renles hauteurs de Tourlaville, la niineralogie
est tres vari^e. A la Roque-Luce et a la Glacerie, on trouve
le poudingue quartzeux et la baryte; a I'eglise de Tourla-
ville, le st^aschiste; a la lande Saint-Maur, la baryte.
On remarque sur la lande Saint-Gabriel un beau cromc-
leck. Je I'ai dessine en 1847, II y a pr6s du village de la
Glacerie deux rochesdruidiques remarquables; onlesnomme
dans le pays la Roque-Risbec et la Roque-Luce.
Le chateau de Tourlaville date en grande partie du XVP
si^cle. II appartient aujourd'hui a la famille Clerel de Toc-
queville. M. Th. du Moncel nous a donn6, sous le litre de
Manoir de Tourlaville {Paris, iSoO, grand-aiglej, un
album remarquable, qui contienl les principales vues de ce
curieux chateau et quelques-unes des deplorables scenes de
f6odalit6 dont il a 6te le theatre. II exisle aussi sur ce vieux
msinoir une petite publication qui a pour tilre : Histoire
myste'rieuse du chdteau de Tourlaville.
Au XVII* siecle, on comptail parmi les habitants notables
de Tourlaville, la famille de Franquetot (de Coigny) , qui
portait de gueules a la fasce d'or chargee de trois etoiles
d'azur, accompagn^c de trois croissants d'or. Ces armes se
D£ CHERBOLRG. 67
voient encore clans une tics sallos du clutleau de Tourlaville,
oil elles sont peinles sur les boiscries au milieu de diverses
allegories. A la mCme ^poque, les families de Hennotet de
Houtteville habitaient aussi Tourlaville.
GatleTillc — Suivanl une cbarle latine du roi d'An-
gleterre Henri III, en date de mars 1268, concession est faite
a Tabbaye de Montebourg du c6tti droit de tousles poissons
a lard qui seraient pris ou qui echoucraient surlescOles com-
prises entre les con fins de Tevecbcde Coutances et I'eglise
de Gatteville, sur le fief de Gautier Broc, avec toutes les
redcvances et dimes y affectocs. Cette donation ne ful pas
maintenue; car nous retrouvons au Livrc blanc, f" 49, que
pendant le XIV^ siecle I'eglise de Gatteville dependait des
chanoines de Coutances et des abbes du Voeu de Cberbourg.
II yavaitalors deuxcures auxquelles cesautorit«5s nommaient
scparement.
En 1372, Robert de Bazan, de Virandeville, se rendit
adjudicataire, par suite de decret, du fief de Gatteville qui
avait ete saisi sur le seigneur du lieu. L'annee suivante,
Colin Bazan , fils de Robert, epousa Jeannette de Gatteville,
fille dudit seigneur d^posscde, et adopta pour luiet les siens
les arraes de Jeannette, qui etaient d'azur a deux jumelles
d'argent surmontees d'un lion de meme passant, arm6,
lampass6 et couronne d'or. Leur fils Nicolas epousa Guille-
metle, fille de Jean de Beuzeville-sur-le-Vey. Le fief de
Gatteville demeura dans la famille de Bazan jusqu'au milieu
du XVI* siecle, epoque a laquelle il passa dans la famille Le
Tellier de la Lutbumiere. Nous avons sous les yeux un bail
par lequel Ce dernier alTerme leditdomainc, en i575, a un
nomme Jafques Bourel. Nous notons , comme autre piece
justificative dc proprietti, une leltrc du 10 mars 1615, par
68 PALEOGRAPHIE
laquelle unlaLulliumiei-e, seigneur de Galteville, (5erit h M.
de Crosvillc, de Goubcrville, pour convenir du jour de la
fdfnpure de la mare de Gallemare. Henri de Matignon ,
ayant Spouse une hcriliere des Le Tellier de ia Luthumiere,
devinl proprictaire du fief de Galteville, dont il rendit aveu
au roi Lbiiis-le-Grand en 1678. Sa veuve pr^'senta le meme
aveu eh 1683. M. le due de Valenlinois-Matignon vendit, en
1747, cc domaine h M. Hoock, quil'a transmisa sa descen-
dance, reprt^sentee aujourd'hui par MM. de Saineenne et de
Gerando.
L'^glise de Galteville date du XIP siccle, ctavait autrefois
poUr patrons les abb(5s du Vceu de Cherbourg, qui, en celle
quality, touchaient encore en 1733 les petiles dimes de celle
paroisse, afTermces au prix de 1580 livres.
Gatleville posst^dait anssi un prieure dont les batiments
exislenl sur la place de I'eglise. Ce prieure, qui ctait a la
nomination du chapitre de Coulances, sur prt^senlaliofi
rbyale, valait 6000 livres derevenu, en y comprenant les
grandes dtmes. Avanl 1789, un abbede Saint-James, ancien
capiiaine de dragons el chevalier de Saint-Louis, qui avail
servi avec distinction aux journees de Fontenoy ct de Law felt,
etait titulaire de ce prieur6.
L'Sglise de Galteville est sous le vocable de saint Pierre et
(ie saint Lubin. On y voit trois inscriptions; I'une qui est
dansle choeur, porteces mots en caractcres gothiques : Priez
pour leS bienfaiteurs de ce'ans, el deux autres qui sont
pres de Tautel de la Vierge el qu'on ne peut plus dechidrer.
No'n loin de celte ^glise est une petite chapellefortancien-
ne, qui est dedi6e a la Vierge. C-etle chapelle n'est ouverte
qu'h cerlaincs fetes de I'annee.
n existe a Gatleville une ancienne ferme connuc sous le
nom de Broc. C'itait probablement la residence de Gaulier
DE CIIERUOUnC. 69
BroG,que nous avons vii figurerpliis liaut, a la datecleI268.
H y avail jadis une chapelledomeslique, qui sert aujourd'hui
de grange. Devant la poi'te a crtineaux de granit de cetle ferme
est un poirier st^culaiie appel6 vulgairement Poirier de
Chicane. Je soupconne que ce vieil arbre n'a rien de commun
avec le chene dc Vincennes, sous lequel Louis IXrendaitla
justice.
Autour de I'^gise de Gatteville on a trouv^ beaucoup de
cercueils creuses dans le roc granitique, et qui devaient
renjonter aux XIIP el XIV® si6cles.
Au village deDenneville, en deniolissant une vieillecheminte
dans une maison appartenanl a M. Loysel, avocat, on trouvj^,
11 y a 33 ans, une seric d'anciennes monnaies, dont les plus
r^centes (^talent de Louis XIIL
11 y a a Gatteville deux phares qui sont visiles chaque
annee par un grand nombre de tourisles parisiens.
Oncomplait autrefois en cettecomniune.parmises notables
babitants, M. de Hen not ( 1666) ; M. Hoock (1747) ; M. de
Bonvalet, sieur de Duri^cu (1789.)
Nicolas Dairaux, proviseur du lycec Cbarlemagne a Paris
en 1814, naquit a Gatleville le 31 juillet 1759.
le Rozcl. — II est parle d'un Hugues du Rozel dans
line cbartc de Guillaume-le-Conqu«5rant, rendue en 1077 en
fuveur de I'abbaye de Saint-Elienne de Caen. fGall. Christ.,
XI, inst., col. 67.; En 1082, ce mome Hugues fait en ces
termes une donation a ladite abbaye : Ego Hugo de Rozel
trado canobio B. Stepliani terras de Grainvilla (lieu citi,
col. 74).
Le Livre noir, au f 224, signale un Patrice du Rozel qui
lient dc lloger Baron un lief dans le Nottingham, a la condi-
tion defournir un soldat urnic au roid'Anglctcrre.
70 PALEOGRAPHIE
Le cai'lulaire de Saint-Sauveiir, au f° 13, mentionne un
Robert du Rozel, Adivise, sa femme, Raoul et Malvesin ,
leurs enfants, qui rendcnt un acte, en presence de Roger-le-
Vicomle, a une date qui peul etre reporlee au commencement
du XI* siecle.
Les chartes de I'abbaye de Blanchelande ne nientionnent
pas encore aux annees 1154 et1157 les dimes du Rozel, qui,
ainsi que nous le verrons ci-apres, appartinrent dans la suite
a ce monastere.
Par accord fait en 1207 cntre le chapitre de Coutances et
I'abb^ du Voeu de Cherbourg, il fut convenu que les fruits
des6glisesdu Rozel, de Gatteville et de Barfleur seraient
partages entre tes contractants, qui feraient leur possible
pour se defendre mutuellement. (Toustain de Billy, Hist,
des Eveq., f° 207.;
Le livre des fiefs de Philippe-Auguste, au f° 2, parle d'un
Robert de Malvesin qui tient au Rozel un denii-fief a charge
de service. Ledit Robert donne au chapitre de Coutances un
quartier de froment de rente a prendre au Rozel sur Guil-
laume de Cleville, fils Anquetil.
Le cartulaire de Saint-Sauvcur mentionne, au f° 63, sans
dale, un Guillaume de Malvesin qui donne a I'abbaye de ce
lieu une mine de froment de rente a prendre sur son fief de
Vaindil au Rozel. Plus tard, cettedonalion fut confirmee par
Hugues de la Haye et par Luce, sa femme, heriticre dudJt
Malvesin.
En 1222, Luce du Rozel, veuve de Ilugue de la Haye,
chevalier, donne a I'^glise de Coutances six quartiers de fro-
ment a prendre sur son moulin du Rozel. (Billy, Hist, eccl.,
f 236.)
Parmi les chevaliers et ^cuyers qui recurent I'ordre de se
trouver a Saint-Germain-cn Layc en 1236, pour le service du
DE CHERBOURfl. 71
roi, sont menlioniios Guillaumc el Raoul de Malvesin ; mais
leur residence n'est pas indiqu6e. (Laroque, Arriere-ban,
rOles 20 ct 21. ) Guillaume de Malvesin figure dans ce ban
en 1242. A peu pres dans le mcme temps Raoul, son frfere,
parait parmi les chevaliers normands qui comparurent a
Chinon. (Idem, p. 29. )
En 1238, Eustache, 6v6que de Coutances, confirme aux
religieux de Blanchelande les portions de dimes du Rozel qui
avaient ete conc6d(^es par Vivien. (Billy, f° 312.)
En 1260, accord est pass6 entre I'abMdu Voeu de Cher-
bourg etlechapitre de Coutances pour le patronage alternatif
du Rozel. (Billy, f° 289.) En 1270, le cur6, nomm6 Sanson,
est install^ par ce chapitre.
Laroque, a la page 49 de I'arri^re-ban, ann^e 1271, parle
de Mathieu du Rozel, chevalier de la baillie de Constanlin,
qui fait sa part du service de Guillaume de Vernon, son
suzerain.
En 1280, h la fete de saint Clement, le chapitre de Cou-
tances mandc au doyen des Pieux d'installer Pierre, fils
Richard Pernellc, en la cure du Rozel, vacante par le d6ces
de Robert de H^auville.
En 1383, Eustache, eveque de Coutances, confirme i
I'abbaye de Blanchelande des dimes au Rozel. ^'Gall. Christ.,
coll. 882.)
Le cartulaire de Saint-Sauveur fait mention, M'annee
1288, d'un Richard de Pierreville, pr6sent6 a la cure du Rozel
par le chapitre de Coutances, et a Tann^e 1292, par Johanac,
femme de Monscignor Robert Rosel.
Par actc passe en mars 1293, Robert Berlran, baron de
Bricquebec, donne a I'abbaye du Voeu jouxte Cherbourg le
patronage de Teglise de Saint-Paul du Rozel avec les droitures
et apparlcnances. (Billy, f''324.) Ledit baron donna en mcme
tf PALEOCnAPHIE
temps a cello abliaye Ics patronages du Mesnil-au-Val el de
Hard in vast.
Vers la mcme epoquc, Jonrdain de Barneville donne a
lafHte abbaye feglise de Saint-Pierre du Rozel ( ecclesia
ytM Petri de Rosello), et le prieure de la Taiile. (Arch, de
I'Empire, cart, de la Taiile, n° 307.)
Roissy, dans son /lrmo^rm^, mentionne dans le vicomte
id« Valognes, a I'ann^e 1598, une famille du Rozel qui avail
d'argent a la fleur de lys de sable accompagnee de trois
rameauxdesinople.
L'aveu rendu h Louis XV, en 1723, par M. de Matignon
au sujet de sa baronnie de Bricquebec, declare que les barons
do cc lieu ont donnc el aumOne a I'abbaye du Vceu de Cher-
bourg les eglises et presbyteres du Rozel, de Saint-Paul des
Sablons et de Vasteville.
^^'Les etals de la nreme baronnie pour les annees 1723 et
1787 indiquent que le Rozel etait un fief tenu de Bricquebec
par moitie de haubert. II appartenait alors a la famiUe de
Ilcnnot et passa ensuite par mariage dans celle de Bignon.
En 1839, on decouvrit, en executant des terrasscnionts sur
la ferme deBecdoisel, douze disques romains en marbre.
Dans le cimeliere, on remarque un tombcau en granit
qui, par sa forme, rappelle celiii de Chaleaubriand. Ce tom-
beau porle I'inscription funeraire de M. Armand-Jer(jme
Bignon, no en 1769, niorten 1847.
"•■Au chevetde I'eglise on lit celte autre inscription : Cetfe
sacristie aete faite batir par M. Jean-Charles VauUier, sicur
du Vivier, cur6 du lieu, en I'an 1763, et Jacques Vilot etant
Iresoricr en charge.
L'eglise du Rozel est petite et n'a qu'unc simple campa-
nille, mais elle possede sept tableaux, doni Irois sont fort
remarquablcs. Au premier coup-d'ceil, on rcconnail quo cos
DE ciiEnimrnr.. 73
trois tableaux apparliennent a I'ccolo de Rubens. Celui qui
se prcsenle aux regards en ejilrant dans I'eglise, est liaut dc
1 metre 50 centimetres et long de 2 metres 50 centimetres, ct
retrace la scene qui suivit la decollation de saint Jean-
Baptiste. On saisit de suite, h la pompe du coloris et a la
richesse de la composition , la maniere du noble niailre
anversois. De tout temps le genie llamand a excelle dans la
peinture d'interieur. II a su donner une lumiere sans cgale
a ces meubles d'ebene ou le jour miroite dans de ricbes cise-
lures, sur les sieges de cuir de Cordoue aux pieds tors, aux
tables recouvertes de tapis de Turqnie, oil s'epanouissent les
radieux fruits de rautomne. La scene se passe a Jerusalem
dans le palais d'Ht^rode-Antipas, letrarque de Galilee pour
les Remains. Herode, coiffe d'un bonnet a calotte rouge et a
bandeau de fourrurc, porte une ample robe de velours gris a
pelerine d'bermine, que couvre a moilie une riche pelisse de
cetle meme fourrure. Une massive cbaine d'or pendasoncou,
et une cordeliere a large torons suspend a son c6te un sabre
arabe incruste de pierreries. Des brodequins en maroquin
orange et a bordure de pourpre defendent sa jambe dontle
genou est nu. Le tetrarque est assisau baut bout d'une table
de banquet; sa main droite, passee dans sa barbe brune et
touflfue, soutient sa belle tele.
Sa femme Herodiade est assise a sa droite, sous un dais dc
velours vert a franges d'or. Elle est coilTee de cette toque de
velours noir qu'on retrouve dans tous les tableaux de Rubens,
el porte la robe de satin orange qui etait adoptee au XVIl=
siecle par toutes les dames des grandesmaisonsdesPays-Bas.
L'^clatante blancbeur de son cou, qui n'a rien de galileen,
mais qui rappelle les beaux types flamands, est rcliauss6e
par un petit collier et par une riviere de grosses perlcs cl dc
pierres precieuses qui voilenl a demi son sein.
74 PALEOGRAPHIE
En face du te'trarque s'avance Salome, fiUe de sa femme,
Elle est vfitue d'une robe 6carlate brod^e d'or. Sa pose est
majeslueuse, et sa belle IHe blonde se pcnche capricieuse-
nientversHerodeavecun voluptueuxsourire.Ellelui presents
un plat d'argent qu'elledi^couvre, et qui contient la tfile livide
de Jean-Baptiste.
Comme personages accessoires dans le tableau, on remarque
derriere Salom6 un nain a rapi6re au cote, qui tient un tam-
bour de basque et 61oigne avec une baguette un levrier aussi
haut que lui. Au bas de la table est assis un vicillard qui,
dans sa surprise de la scene qui s'offre a lui, tient elev6e,
sans la porter a ses levres, une coupe dont le vin, d'une
couleur riche et limpide, donne lieu a un heureux effetde
lumi^re. Presde lui est une matrone qui parait partager son
^tonnement. Le fond du tableau est occupe par Ic personnel
dj service en la salle du banquet, ou tout retrace non I'ordon-
nance des palais de I'empire romain, mais bien celle des
chateaux des Pays-Bas ou d'Espagne au temps de Rubens.
Deux valets apportent, I'un un paon roti auquel on a restitu6
son brillant plumage, et I'autre, qui est africain, une corbeille
de fruits. Derriere Herodiade se tiennent deux soldats
remains et une cameriste prele a lui donner une assiette
d'argent. La table, vide de plats, attend un nouveau service,
et ne laisse voir qu'un homard a I'une de ses extremites.
Dans le choeur, on remarque un tableau de la meme t^cole,
qui represente I'adoration des Mages. Au seuil d'une Stable
en ruines, une vierge blonde et fraiche, vetue d'une robe
ecarlate dont la partic infcrieure disparait dans un mantcau
gris, tient, debout sur sesgenoux, I'enfant Jesus potele et
souriant. Pres d'eux est saint Joseph, a barbe argentee,
enveloppddansun mantcau gris qu'il ramenesursa poitrine.
Deux mages, nu-tcte, sont prostcrncs aux picds du divin
DE CHEnBOL'RG. 7o
enfanl : I'un, qui liii presente une coupe d'or, est drape
dans un mantcau orange et blanc rehauss6 d'or; I'aulre est
vetu d'une sorte de damaltique de pourpre, dont la queue
tralnanteest portee par un petit page a pourpoinl espagnol
et a fraise. Le troisieme mage, dont le visage africain est
ombrag^ d'un epais turban, est reste debout, et semble
exprimer des actions de grace. Les gens de la suite des mages
forment groupe au deuxieme plan. Ce tableau a les memes
dimensions que celui dont nous venons de parler.
Dans la nef, en face du tableau d'llerode, est une autre
toile, haute de 2 m. 50 c. et large de \ m. CO c. On y voit, au
premier plan, un eveque renvers6 sur le sol ; sa mitre et sa
crosse sont lomb(5es pr6s de lui. Un bourreau I'a saisi et lui a
coupe la langue; le sang coulesur la barbe blanche du prelat.
Un autre bourreau tient cetle langue avec une tenaille et la
jette a un chien. Au second plan, on apercoil la rude figure
d'un cavalier remain, dont le cheval se cabre malgre les
efforts d'un soldat qui cherche a le maintenir. Au ciel est une
troupe d'anges qui apportent la palme due au martyre. Dans
le lointain est un paysage montagneux. Celte toile represenle
le martyre de .saint Lievin, patron de Gand. Irlandais do
naissance, Lidvin venait d'etre dlevc a I'episcopat dans son
pays, lorsque son saint zele le porta a quitter son si^ge pour
se livrer a la conversion des pa'iens. II se rendit en Flandre
en 635, ctfut honorablcment recu a Gand par saint Florbert,
abbedumonaslerc de Saint-Pierre, quel'illustre saint Amand
avail fonde dans cette ville naissante. Li^vin precha I'dvan-
gile dans les environs d'Alost, et opera de nombrcuses con-
versions parmi les populations do cette contree, oil regnait
un culte melange barbare des superstitions romaines et
germaniques. Le martyre altendait Lievin au milieu des
succes de sa parole eloqucntc. Par ordre d'un proconsul, on
76 PALKOCItAPIllE
le saisil a Esschen, village dc la Flandre orientale; on lui
arracha la langue qu'on jeta aux cliiens. II mourut le i2
novenibre 657. Ses reliques furent transferees en 1007 par
ErcmboUl, abbe de Saint-Bavon. Sa fete est celebr^e a Gand
le 12 novembre de cbaque annee. (Felix Bogaerts, Hist, du
culte des saints en Belgique, p. 401 ; — Juste ct Caillau,
Hist, de la vie des Sai^its, t. 4, p. 257.)
Cetle toile est unc copie du magnifique tableau de Rubens
qui existe au musec de Bruxelles, et qui a (5te grave, au
temps de cc grand maitre, par Bolsmert et P. Pontius. —
(Lettre de M. Felix Bogaerts a I'auteur, en date d'Anvers du
2juillet 1850.)
Les trois tableaux decrits ci-dessus et plusieurs autres ont
(5te donnes a I'eglise du Rozel au commencement de ce siecle,
ot proviennent d'Anvers, oil ledonateur (1) occupait alors des
fonctions du gouvcrnement francais. Ce don avail 6te fait a
Teglise du Rozel en consideration de son cur^, M. Vaullier-
Desaulnais. Ces tableaux sont travailles sourdement par
I'humidite des murs de cette petite t'glise etsoulTrent depuis
longtomps.
On remarquait autrefois parmi les notables habitants du
Rozel les lords Russel, plus tard dues de Bedfort; les maisons
GirotdesMoustiers (1464); de Hennot et Blondel (1666) ; et
la famillc Bignon, qui comptait au nombre de ses membres
le vertueux Jerome Bignon, avocat general au parlementde
Paris (1626), qui porlaitd'azur alacroix decalvaire d'argent
cantonnee de quatre flammes de memo ct accolee d'un ccp
de vignc de sinople, et I'abbe Terray, intcndant-genc^ral des
batiments sous Louis XV.
(1) Pere dc I'aulcur do ces notes.
UK ciiiiRHOi'ur.. 77
FlnninnTllle. — Celle commune porta d'abonl le rioin
dc Saint-Gerniain-dc-la-Mer, parcc que son ^glise, dedice h
Saint-Germain d'Ecosse, fut dans le principe batie pros de
la mer. C'est ainsi que le vicomte Neel la designe dans la
charle qui commence par ces mots : In nomine S. Trinitalis
ecclesiam S. Germani de Mari... Depuis, celte 6glise fut
appelee S. Germain-de-Direthaimi, a cause dufief de Direth,
appartenanta I'abbaye de Saint-Sauveur, sur lequel elleetait
balic. Au verso du 10« feuillct du Livre noir on lit : Et hec
terra est apud S. Germanum de Direlb. Dans la confirmation
donnee par le roi d'Angleterre, clle porte le nieme nom. Enfin
cllc rccut celui de Flamanville, que portait un de scs ha-
nicaux.
Pendant la domination normande en Angleterre, un Roger
de Flamanville avail dans le Yorkshire un fief qu'il tenak
dc Roger de Mowbray. (Livre noir, f 309).
En 1201, accord est fait entre Leboud de Flamanville ct
Raoul Desmonts, qui reclaniait la moitit^ du moulin de Can-
lereyne a Flamanville. (Rolles normands, t. 1, f°242.)
L'eglise de Flamanville etait primitivement sous le patro-
nage des abbi's de Saint-Sauveur. En 1417, Raoul Dugail en
olait cure ; il cut pour successeur Jean Lemoine, qui permuta
avec Guillaumc Desmoitiers, chapelain de Saint-Pierre etde
Saint-Paul. Vers 1483, Jean d3 Bazan etait seigneur de
Flamanville, ct son fief relevait de la baronnie d'Orglandes.
II pretendit que son pere avail et6 patron de Flamanville
avanl 1417, mais que scs titres avaient He delruits pendant
Ics guerres. En 1503, apr^s de longues procedures, Jean de
Bazan transigea avec I'abbaye de Saint-Sauveur ct rcnon^a a
ses pretentions de patronage. Mais en 1533, les Irois fils de
Jean de Bazan acheterent dc Jacques de Pouilly, seigneur dQ
Treauville, une part de patronage a Flamanville. Cela fait,
"78 PALKOOHAPIIIE
Jacques de Bazan, profitant de ce droit, nomina cure Jean,
son fiere; I'abbe de Saint-Sauveur, de son cOtt^, nomma
a la meme fonction Jean Troussey, son frere, qu'il fit passer
de la cure de Brix a celle de Flamanville. En 1524, Jacques
de Bazan transigeaavec Jean Troussey elsedesista. r/lrc/ttt^e*
de I'abbaije de Saint-Sauveur. J
L'ancienne ^glise de Flamanville etait a Dielelte. M. Herv6
de Bazan, marquis de Flamanville, grand bailli du CotenliU)
leguaune somme pour conslruire celle qui existeaujourd'hui,
et qui date de 1669. L'abbe de Saint-Sauveur donna son
consentement a celte translation, a la condition que I'abbaye
ne serait tenue a aucune depense pour I'enlretien du choeur
de l'ancienne eglise qui fut convertie en simple chapelle.
Lcs archives de Saint-Sauveur contiennent un dossier qui
pr(5sente les noms de quelques cures de Flamanville. On y
note Hugues Lemoine, cur6 au temps de la fondation de
I'abbaye de Saint-Sauveur; Pierre de Grosville, qui lui
succ6da. Apres ce cure 11 n'y eut que des moines jusqu'au
concile deLatran. Guillaume de la Hougue fut cure en 1280;
Raoul du Gal, en i417; Simon Boisard, qui rcsigna au
suivant, Jean Leproux ; Jean Lemoine, qui obtintce benefice
du pape element XI, etant a Rome lorsque Jean Leproux
mourut (1444) ; Guillaume Desmoitiers, qui permuta avcc le
precedent; Jean Delabarre, qui fut nomme parle roi en 1490
pendant la duree du litige dont nous avons parle; Jean
Troussey, cure en 1522; Nicolas Troussey, par resignation
de Jean, son frere; Thomas Lebarbanchon, cure, mort peu
de temps apres sa nomination. Eustache Lebouet, religieux
de Saint-Sauveur, obtint du pape le h^neRce per obitum,
tandis que Pierre Lebouet, son frere, se faisait nommer par
rabb6 de Saint-Sauveur. Ce dernier conserva le benefice.
Apres un long procos enlre Nicolas Passart, nomm6 par Jean
DE CHEKBOtnC. 79
(leBazan, et Pierre Bouct, noinm^ par I'abbe de Sainl-Sauveur
la question resle pendante sur la possession du benefice en
<532.
On remarquait a Flamanville plusieurs monuments drui-
diques, que les exploitations de granit ont fait disparaitre
en grande partie. II y en avail au lieu nomme le Cotil, au
Gros-Nez pres de la vigie, aux Castias, et un autre a la
Grizelee.
Pres de la falaise nommee le Mont-du-Roc, on remarque
les restes d'une galerie druidique dont quelques jambages
sont encore en place, niais dont les tables sont tombees.
En 1833, ont trouva, entre les hamcaux de Cabrcs et de
Siautot, quelques coins en bronze.
En mars 1406, cut lieu la vente du fief de Flamanville,
par I'abbe de Blanchelande a Colin deBazan. L'acte futpass6
par devant Jeban Breton, garde du seel des obligations de
la vicomte de Coutances, par Guillaume Tolissac, clerc
labellion jure du siege de la Haye-du-Puits , en presence
du pere en Dieu I'abbe de Blanchelande et de frere Thomas
de Saint-Lo , procureur du convent, et de Colin Bazan ,
ecuyerdu lieu de Flamanville. Leprixdecette vente demeura
fix6 a 1,200 ecus d'or et un ecu pour vin. Lesdits religieux
tenaient ce fief de Robin de Benois, ecuyer. Cette vente
comprenait tous les droits et honneurs attaches a cette terre.
En 1654, au mois de mars, Louis-le-Grand erigea le fief
de Flamanville en marquisat en favour de Hervieu de Bazan,
baron de Flamanville, grand bailli du Cotentin. Les motifs de
cette concession scraient les services rendus : 1° par I'impe-
trant, en qualila de volontaire dans I'arm^e francaise en
IloUande, et aux sieges de Saint-Jcan-d'Angely , Clarac,
Montauban, Saint-Antonin , la Rochclle et I'ile de Rhe, et a
la d(5faitc des Anglais, oil il aurait et6 blcsst^ ; 2° par Jean de
80 PALEOGRAPHIE
liazan, chevalier Je rordre de Saint-Jean-de-Jerusalem, qui
aurait ct6 tue surlegallion dc Malte lorsde labalaille navale
de la Rochelle; 3" par Guillaume de Bazan-Flamanville,
capitainc a la balaille de Sedan, comniandanl Ics enfarits
perdus de Tarmt'e. Lesditcs lellres reconnaissent comnie
niouvances du nouveau niarquisat les ficfs de Grosville,
Ipeville, Preslreville, Siouville, les Pieux etTreauville.
Le chateau de Flamanville, bati par la famille de Bazan,
apparlienl aujourd'hui a M. de Sesmaisons.
Biville. — L'c^glise de Biville (Binivilla), qui date du
XIIP siecle, est sous le vocable de saint Pierre etavait autre-
fois pour patrons les prieurs de Vauville.
II exists a la bibliothcque iniperiale ( Saint-Germain,
Residu 96, n° 5 ), deux cliartes curieuses relatives a Biville ;
dies ont 6t(^ decouvertespar M. Leopold Dellsle. (Histoire de
Marmoutier, part 2, t. I", n°' 296 el 297.) On voit figure
dans ces chartes Guillaume, roi d'Angieterre, qui se qualifie
de comte du Cotentin, Robert Bertran, vicomle du meme
territoire, Richard, vicomte d'Avranches, Heudon, frere de
N^el de Saint-Sauveur, plus tard vicomte du Cotentin, Onfroy
de Bohon et autres heros de Hasting.
Biville fut le berceau de Thomas Helye, chapelainde Louis
IX. Quelques auteurs ont etabli que Jean de Beaumont,
chambellan de Saint-Louis, nienlionncdans la chronique du
sire de Joinville , etait seigneur en totalite ou en partie de
Beaumont en la Hague. lis concluent de la que ce fut ledit
chambellan qui prcsenla Thomas Helyc a Louis IX; car s'il
en <5tait autrement, disent-ils, comment cxpliquer que le roi
eulpu decouvrirle saint homme dans sa solitude de Biville?
Les adversaires decctte opinion repondent que le chambellan
cite par Joinville tirait son nom de la ville de Bcaumont-sur-
])T CHEUBOIKG. 81
Oise, dont la gentKilogie se trouvedans I'liisloiredo la maisoii
de France parle pore Anselme; qu'il parailra procliaincmcnl
a Amiens un volume in 4'> relalif a I'liistoire de Bcaumonl-
sur-Oise, et qu'un chapilrc y est reserve au chambellan de
saint Louis. Nous trouvonsen efTet qu'au regnc de ce prince,
Beaumont en la Hague avail pour seigneur un chevalier
nomm6 Juhel ; niais rien ne dit qu'il en fut seigneur en
tolalite.
On Irouve a I't^glise de Biville, dans un petit -errfo en
parchemin format in-12 lacereenpartieetquiparait remonter
au XIII* ou au XIV* siccle, la no'te suivante : « Anno eodem
r> (1259) die IV januarii arripuit iter ad curiam roma-
» nam honoratus vicarius altaris B. Marie Conslanc.
» pro canonizacione bcali Thome de Binivilla de man-
» daio dni J. de Essayo, Const, epi. »
Thomas Hclye mourut au chateau de Vauville le vendredi
49 octobre 1257, dans unc chambre situt'e au-dessus de la
porte cocheredudit chateau. Cetlc portea elcabattue en 1785.
Le tombeau de ce saint personnage se trouve dans I'eglise de
Biville. II est en marbre blanc et porte laleraleuient ceite
inscription : « Ce marbre a cte donnc par messire Jacques-
» Francois Dugardin, ocuycr, chevalier de I'ordre royal et
» niilitaire de Saint-Louis, lieutenant-colonel au corps royal
» d'artillerie, seigneur et patron de cede paroisse. » Get
officier superieur etait en effet, en 1786, seigneur de Biville,
du chef de sa femme, nee de la Haye. Le tombeau a cte fait
par M. Pierre Freret, sclupteur a Cherbourg.
En septcmbre 1845, M. I'abbe Lebriseux, alors vicaire de
Biville, me montra en detail la chasuble ctl'etole de Thomas
Hil'lye. Cet ornement.dont toutcsles hisloircs dcnotro localile
donnent la description, etait rcnfermc dans unc boile en
clK'nc portant inlerieuremcnt cctte inscription : « Bofte
6
82 I'AI.KOr.RAPUIE
» (lonnee par J. IT. Adoubedan, caijilaiiie garde coslc, sei-
» gneurde Rou\ille et des Pieux ensa partie, 1764. »
Thomas Helyeaeu plusicurs biographes. Clement, presque
son contemporain, et qui avail ete lemoin do I'enqufite faite
par Teveque de Coutances Raoul Desjardins, nous alaissesa
vie. L'auleur dedie son ouvrage au cur6 de Bivillc, son ami.
li s't'lend beaucoup sur les etudes d'Helye a Paris et sur son
voyage en Terre-Sainte. Get ouvrage de Clement se trouvait
dans un volume en parchemin, conserve dans les archive*
de reglise de Biville. C'est le premier document vise en
I'enquete faite par M. de Blanger, grand vicaire de Mgr
Lomenie de Brienne, evfique de Coutances en 1692. Ce
manuscrit comprenait en outre deux autres vies de Thomas
H61ye : I'une en prose, sans nom d'auleur; I'autre en vers
par Jean H61ye, parent du bienheureux. M. Leverrier, cure
de Biville avant 1789 et auleur d'une notice latinemanuscrite
sur Thomas Helye, declare quele registre qui comprenait les
trois biographies ci-dessus indiquees a et6 perdu. SuivantM.
I'abbe Demons, auleur d'une histoire manuscrite de Cher-
bourg, un savant anglais, M. Dybdin, aurait laiss6 de ce
vieux registre une copie qui serait aujourd'hui a la biblio-
Ih^que imp6riale. Toustain de Billy, en son histoire cccle-
siastique, i° 304, et M. Couppey, dans les memoires de la
Society Imperiale Acad6mique de Cherbourg (tome de 1843),
onl donn6 des details inleressants sur Thomas H(5Iye.
Enlre deux monticules appck^s les Huches, on remarque
encore les resles de deux lombelles qui onl ete coupces par
la route de Ste-Croix a Biville.
Pres du village de Vinebus, en un lieu nomm^ la Mine,
appartenant a la famille Groult, on a trouve un assez grand
nombre de monnaies de Trajan, petit bronze.
On apergoit sur le chemin qui rnene do Slc-Croix a Biville
ni: cnERBoiiir,. ti
una croix de granit qui porte celle inscription : cette croix
flit reconslruite par Couetde la Haye et son Spouse en 1807.
On remarquedans le cimetiere de Biville les tombeaux de
la famille Coquoin et d'un cure mort en 1815.
Biville passe pour etre une des communes les plussalubres
du departement de la Manche. Les centenaires y ont 6le
frequents, et Ton cite meme une fcmme du nom de Renep
qui y mourut en 1697, ii Tagc de 116 ans.
On comptait autrefois parmi les notables habitants de
Biville la famille Dugardin, qui portait d'azur charg6 d'un
aigle d'argenl becque et grifTe d'or etau soleil d'or, et celle de
Beaudrap, qui avail d'azur au chevron d'argent accompagne
de deux (5toilcs d'or posccs en chef et au croissant d'or en
pointe.
MEDAILLES £T MONMIES
RECIEILLIES DANS IE DEPARTEMENT DE LA MANCflE
PENDANT LES ANNIES 1852 ET I85S,
PAR
IVI. DEI\IS-LAOARDE,
Chevalier de I'ordre imperial do la L^gion-d'Uonn«ur,
Membre titulaire de la Soci^tS Acad^mique,
Le sol dii departemenlde la Manche s'est toujours nionlre
fecond en enfouissements nuinismatiqucs : si Ton consulte
les notes laissees par riionorable M. de Gerville, on peut se
convaincre qu'il n'estpas, pour ainsidire, une seule localite,
dans les six arrondissenients qui le composent, qui n'ait
fourni son contingent aux collections particulieres form(Jes
dans le pays.
Plusieurs fois dd'ja, les nienioires publics par la Socicte
Acadeniique de Cherbourg ont donne le rocit des principales
d(icouvertes qui avaient 6t6 successivement op^recs : nous
venons aujourd'hui feurnir quelques renseignementsde plus
a ccux qui tentcraient un jour d'(5crire I'liistoire numisma-
liqiie du dopartcment.
86 MEDAILLES liT MONNAIES RECL'EILLfES
La Feiiillie. — Cnntou de Lcssay. — Dans les
premiers jours du niois de mai 1832, un cultivaleur du village
de La Feuillie , canton de Lessay ( Manche ) , renconlra, en
executant une tranchee dans son jardin , un vase en lerre
de mince fipaisseur d'oii s'cchappa une masse considerable
de petiles pieces de monnaie.
Recueillies presqu'en totalilo par une personne arrivee sur
les lieux asscz a temps pour en empC^cher la dispersion , ces
monnaies purent etre examinees a loisir etil fut constate que
le tresor se composait d'cnviron 8,000 pieces de billon, com-
prises entre le regno de Philippe P"", roi de France et celui de
Philippe-le-Hardi, ainsi qu'il resulle de I'inventaire ci-
apres :
niounalcs royalcs.
I — Philippe I". — Monnaie frappec a Etampes.
22 — Louis VI. — Au type d'Orleans, 17; — de Man-
tes, 1; — d'Etampes, 2; — de Pontoise, 2.
4 — Louis VIL — ChateaulandonetBourges : les Irois
dernieres avec Teffigle du prince.
363 — Philippe- Awjuste. — 249appartenaienlaratelicr
d'Arras dont il y avail deux varietes; lesautresa
ceux de Paris, au nombre de 106; — de Montreuil,
15; — de St-Omer, 4; — de Peronne, 7; — 182
ofTraient au revers le chatel ct la legende S C S
Martinus.
183 — Louis VIIT. — Cos pieces qui peuvcnlindistlncte-
ment appartenir aLouis-le-Gros eta son flls, aussi
bien qu'a Louis Vill, ctaient toutcs desParisis.
4215 — Louis LX. — Avec la k\gendc Turonus ou Turo-
'nis Civi ou Civisien generald'une bonne conser-
vation, on y remarquait d'asscz nombrcuses
varieties dans la forme des Icttres.
DA.NS LE DEHARTE.MENT DE l\ MANCIIE. 87
637 — Pliillppe-le-HardL — 624 dcniers toiirnois et 13
oboles au nieme type : sur un asscz grand uoinbrc
de ces pieces le noin du roi est ecrit avec I'h cur-
sive.
Iflouualcs scigticnrinle«.
950 — Saint-Martin de Tours. — Dcniers de type uni-
I'oriiie, mais de fabrique dilTerentc.
393 — Herbert P', comte du Mans — 1016 a 1035; —
ou Herbert II — lOol ix 1062. — Monogramine
varit^ : il est vraiseniblable qu'un grand nombre de
ces pieces apparliecit au regno de I'un ct de I'autre
llerbeit; maisil est constant aujourd'hui quel'^mis-
sion de ces pieces a etecontinutie apres eux et c'est
cc que confirme le bon elat do conservation de
beaucoup d'entre clles.
10 — Robert, comic do Dreux — 1132 a 1184. —C'est
ce prince qui fut la souclic des dues de Bretagne, a
partir de Pierre Mauclerc.
2 — Sanson de Mauvoisin, archevt^qiie de Reims. —
1138 a H62. — L'une de ces pieces elaitd'une
conservation parfaite.
6 — Henri, 3" fils de Louis-le-Gros, archeveque de
Reifnsden62 a 1176.
25 — Guillaume de Champagne , aux blanches mains,
cardinal-arcbeveque do Reims, oncle maternel de
I'liilippe-Aiiguste ct regent du royaume en 1190,
pendant la troisicmc croisade — 1 176 a 1202.
2 — Albe'ric de HautriUars, arclie\eiiue de Reims do
1207 a 1219.
16 — Ele'onorc dc Vermandois — 1167 a 1214.
tS MEDAILLES KT MO.N.NAIES RECL'EILLIES
II — Guillaume III, comte de Pontliicu — 1191-1221.'
— inonnaics IVappces a Abbeville.
14 — llayiaond, cointc de Toulouse — 1194-1222^.
5 — Renaud de Dainmartin, comte de Boulogne —
1190 ;i12l4, — fait prisonnieren Vilik labalaille
de Bouvines et inort au cbateau de Peronne en
1227.
'f — Thibault, comte deCbampagnc — 1201 a 1233.
2 — Simon, vicomte de Cliateaudun — 1264. — Las
deux exemplaires recueillisde celterare et curieuse
monnaie ofTrent dans la legende du droit une leg^re
difference avec I'exeniplaire mentionne a la page
102 du Manuel de Niinusmatique de M. A. de
Bartlielenjy : au lieu de Sitnon, on y lit : Simonis
vicoines — au revers : castri Duni; cbatel avec
croissant au-dessus et au-dessous.
131 — Alphonse, comte de Poitiers et de Toulouse, frere
de St-Louis — 1241 a 1271. — II existait un as.sez
bon nombre de varietes dans les monnaies do ce
prince dont Ic nom est ecrit, tanlot Alfumsus, tan-
tiOt .4 yj/bur^, &u sculementindique parson iniliale;
2 sont au monogramme d'llerberl, 36 portent au
revers la legende Pictavicntsis, 33 celle de comes
Tolose etsur 38 autres, on lit de Riomensis.
24 — Charles d'Anjou, autre frere de St-Louis, comte
d'Anjou,de Provence et roi deSicilc — 1243 a 1285;
— dcs deniers de Ce prince, les plus remarquablcs
dans la trouvaille sont : un exemplaire sur lequel
Charles [uend la (jualincalion de roi de Sicile avec
I'o ujunogramine d'llerberl; un autre avec celle do
co;nle d'Anjou, roi ile Sicile, au revers de la clef et
Ju Un; uu '}'■ Oil se voft Ic tiionogrammo d'HcrbCft
DAN.s I.F. DliHAIlTEMEM Lili LA MA.NCIIE. 89
avec la logendc Anger inns dobles ; Irois ;ivcc lo
lucmc manogruiame et la dusigiiation do Uil. regis
■I'rancic: uii seul cnfiii avec Ic monograimnc do
Fouhjucset la legondo Carol comes Andegav"
'I"j — Jean IclXoux, l"dii nom, due do Brolagnc — 1237
a'!286 — le rovers porte un ecusson Iriangiilaiio
avec rocliiquelo do Dreux au quarlier d'hennincs.
Ell resume, lo depot Irouvo ii La Feuillie se composait de
Monnaies royales 5623
Id. seigneuriales i627
Total. 7'2o2
ct n'cn devait pas comportor moins do 8,000, si Ton ticril
tomple de celles qui, au premier uioment, ont ele necessai-
rcment dispersees.
Les pieces les plus inleressantcs de cc depot sent entrees
pour la plupart dans le cabinet de Tun des membres de la
Societo Academi(iuo de Cherbourg.
11 existait jadis a Lessay uno abbayc considerable donl lo
territoirc du village do La Feuillie etait une dependance. Le
Iresor decouvert en 1832 aurait-il quelques rapports avec les
anciens habitants de I'abbayc? — On pent raisonnablement
le supposer. La date dc son enfouissemenis parait devoir
remontcr au regno de Philippc-le-Ilardi ( 1270 a 1283 ) ,
cependant, a en juger par la forme de cerlaincs lettres dans
un bon nombre de pieces signecs du nom de Philippe, il
serait possible qu'il cut C'te pratique dans les premieres
ann(5es de son successcur Philippe-lc-Bel dont il ne conlient
neanmoins aucuno monnaie qui puisse lui eire allribuec
avec certitude.
*alM<c-lIcri'-Eglisc. — Lo 2(3 niai |Sj;{,
le sieur
90: MEDAII.LES KT MO.N.N.UES RECUEILLIES
Lcrougo, jourrmlier aSaiiUe-Mere-Eglisc, travaillant a defon-
c(M' iin terrain picrreiix, Irouva sous sa pioche, a 50 c/m de
prolondeur, un grand vase en tcrrc de couleur bleualrcqui
contonait environ 4300 nionnaies d'un poids total de IG
kilogriunnies.
Lc champ dans lequel les pieces furenl trouvees et (jiii
opparticnl au sieur Lemenissier est connu dans le pays sons
le noni do Clos-le-IIalrel ; il est situe a I'entree memo da
Jjonrg de Sainte-Mere-Eglise, a 8 metres environ de la route
venant de Valognes; il n'y existc, du reste, ancune trace de
niurs ou de fondations qui puissent faire soupconner I'cxis-
lence d'un etablisscment ancien.
Ces monnaies furent d'abord dispersecs comme dlant dc
nulle valeur, mais un proprictaire des environs en ayant fait
demander qiielqnes-unes qu'il paya largement, I'eveil fut
donne et le proprictaire du champ s'emprcssa de recueillir
celles qui etaient deja passees en d'autres mains.
Toutes ces pieces etaient du module connu sous le nom dc
petit bronze et, a tres peu d'exceptions, appartiennent au
sifecle de Constantin, c'est-ii-dirc au commencement du IV"
siecle de I'ere clu-etiennc; elles sont en general d'unc belle
conservation; un grand nombre meme est a fleur de coin.
Wis en mcsure d'examiner environ 1200 de ces pieces,
nousavons pu constater [larmi elles I'exislence de monnaies
frappees au nom dcs empereursou Cesars dont la designation
suit :
1 Alexandre-Seth-e. — Medaille en billon restitute par
Gallien.
1 Gallien.
\ Yictorin.
\ Aurclicn.
2 Pro I) us.
DANS LE DEPAUTIi.ME.M' ItR h\ MANCIIK. 91
2 Consfance-Chlore, dont uiio const^cratioii ou iiie-
daillc comiiK'nioralivc.
i Galere Maximicn.
32 Maximin Daza.
3 Maxence.
900 Constanlin-le-Grand ; lu majeure parlic avoc Ic
revcrs : Soli invicto comiti.
•IGO Licinius, perc, collogue de Constaulin.
35 Crispus, cesar, lils de Constantin et de Mincrvinc.
42 Constantin-le-jeune, premier fils de Constantin el de
Fausla.
Un examen ulteriiuir de toulcs les pieces rccueillies n'a
pas modifie sensiblenicnt les proportions mcntionnees ci-
dessus.
D'apres cette enumeration, il n'est pas possible de mcltre
en doule que I'enfouisscment du vase trouv(5 a Sainte-Mere-
Eglise a eu lieu sous le regne m(5me de Conslantin-le-Grand :
le nombre si considerable des pieces frappees au type do cet
enipereur en est une preuve que nous croyons concluanle.
Constantin, declare cesar, dans I'annee 30G de Jesus-Clirist,
fut (^'leve au rang d'Augusle, et par consequent a la souve-
raine puissance qu'il partageaavcc Licinius, son beau-fiere,
'deux ans apr(}s en I'annee 308. De ce moment jusqua sa
mort arrivee en 337, il figura sur les monnaies avec la qua-
lification de Pius felix Augustus, ousimplement de Augus-
tus, appellation usilee pour les empcrcurs seuls, el c'est en
effel sous ce litre que nous le montnmt les pieces de Sainte-
Mere-Eglise, sauf une seulc oij il est decore du litre de
Nobilis C(Vsar.
Co serail done dans rintcrvalle ecoule de I'an 308 al'an
337 que le vase dont il s'agit aurait ele enfoui par le posses-
»eur du tresor; toutefois, le rapprochement des monnaies
92 MEDULLES ET MONNAIES RECUEILLIES
(jLii composaieiit ce depot pcrmct de lui assigner unedatc
plus precise.
Des qiiatre fils dc Constantin, Crispus Ills de Minervine,
sa premiere fcniine,et Conslanliii-lc-Jeuiic, I'aine des cnl'ants
issus de son mariage avec Faiista, fiirent seuls declares
cesarsen I'an 3l7et admis des lorsaux honneurs monetaires ;
les deux autres, Constant et Constance, ne regurent ce litre,
le premier qu'en 323 et le second, dix ans apres. — II ne fut
Irouve dans le depot aucune monnaie i\ reffigic de ces der-
niers, d'oii il est rationel de conclure qu'au moment oil il
fut coniie a la terre, ces princes ne jouissaient pas encore
du droit de figurer sur les monnaies et, par suite, que la
date de renfouissement doit etre placee, avec toute vraisem-
Llancc, cntre 317 el 323, cpoque oil Constant, le 3<= des fils
de Constantin, fut invcsti du litre de Cesar, ce qui reduil les
conjectures que Ton pcut faire sur cette date a une pcriode de
six annees.
Le nombrc relativement considerable de pieces au nom de
Licinius vient encore conflrmer, suivant nous, cette asser-
tion : il prouve que les deux coUegues vivaicnt encore en
bonne intelligence el ce fut en effel seulemenl dans I'ann^e
323 que Constantin, cedant au desir d'une domination sans
partagc, se debarrassa de son beau-frere el resta par sa mort *
scul maitre de Tempirc.
L'effigie juvenile de Constantin -Ic-Jeune apporte une
nouvelle preuve a I'appui de I'opinion que nousavons 6mise :
scs traits et ses vetemonls sonl ceux de I'enfance; ce prince,
en effel, n'avaitqu'un an,lorsqucson pore I'eleva a la dignity
dc Cesar. Crispus, au conlraire, age deja de 17 ans, portc le
bandeau imperial el est rcvetu d'une armure. L'etude atten-
tive des monuments numismatiques, principalement dans la
periodc I'omaine, adcstc, d'mic maniere evidente, le soin
DANS I.K DKI'AUTEMENT DE I.A yA.NT.IIi:. 9.3
qii'apporlaient Ics ouvriers iiKMictaircs a reprodiiirc los traits
caractcristiqiies des personnagcs au noni cl a I'cnigie dos-
quels se frappait la monnaie.
Tout porte a croirc que ces pieces sont do fabrique exclu-
sivement gauloise, ou, pour niicux dire, qu'ellcs sorlcnt des
ateliers etablis dans les Gaules par les Remains. On trouve
au rovers da la plupart d'entre elles les differents monetaires
des villes de Treves, deLyon, de Milan et d'Arles et il est
tres digne de remarque qu'aucune d'elles ne presente ceux.
d'Aquilee, d'Antioche, et surtout de Constantinople, si fre-
quents sur les monnaies de Constantin et dc son siecle.
ToMrlavillc-pres-CIici'ljourg. — Dans le couranl
de I'ele de 1853, il fut presente a un libraire de Cherbourg,
qui en fit I'acquisition, une masse compacte de monnaies en
billon, pesant environ deux kilogrammes; la pcrsonne qui
les avait apportoes se refusa obstinement a faire connaitrc
d'une maniere precise Iclieu oil elles avaient etedecouvertes;
diverses circonstances cependant donnerent a penser que
ces monnaies avaient et6 Irouvees dans les environs du fort
des Flamands , sur le littoral de la commune de Tourlavillc
oil la marine fait executer de grands travauxde deblais pour
la construction d'un pare destine a I'enfouissement des
bois.
Ces monnaies etaient fortement adherentes Tune a I'autre
et en grande parlie rongces par I'oxydc. Sur 2,000 pieces
environ dont se coinposait le depOt recueilli, 100 a peine se
trouvaient dans un ctat rclativement asse/ bon pouretrc
conservees ; tout le rcste elait ajeter a la fonte, mais, par
unc heureuse compensation, le petit nombre de celles dont
les types et les 16gendes avaient etc preservocs offiait un vif
inleret au point de vue nuraismatique.
94 mkd.viij.es et monn.uks uecieili,ii:s
Passees entrc les mains d'lin savant numismalislc dc la
Vendee, M. Pocy d'Avant, ccUes de cos nionnaies qui sont
inedites seront sans aucun doutc un jour publiees parlui.
Nousne pouvons dcvancer ici la publication qu'il s'est reserv6
d'cn faire ct qui, donnee avec toute I'autorite de son talent,
ne pent manquer d'etre accueillie avec interet; toutefois, nous
ne croyons pas manquer a la discretion que cette circonslance
nous impose en disant que ces monnaies, presque toutes en
billon noir, appartenaient en grandc partie aux dynastes de
la Flandre etdu Brabant qui vivaient au XIV* siecle et que,
parmi elles, se trouvaient anssi quelques monnaies royales
dont la plus recente (3tait de Jean-le-Bon.
Valogucs. — Au mois dc decembre ISo.T, deux jour-
naliers qui , profitant d'un beau clair de lune, labouraient
une piece de terre dans le quartier connu sous le nom du
Bourg-Neuf a Valognes, trouvercnt a pen de profondeur
sous le sol un vase en poterie commune contcnant 340 mon-
naies romaines. Apportees a I'ancien domestique de M.
de Gerville, ces pieces furent acquises par un antiquaire zele
de Cherbourg, a I'obligeance de qui nous en avons du la
communication; le depot comprenail :
1 Julia Domna.
2 Gordien-le-Pieux.
5 Philippe, pore.
1 Philippe, fils.
2 Olacilie.
3 Trajan Dece.
1 Etruscillc.
1 llerennius Elruseus.
3 Trebonien Galle.
1 Volusien.
OANS Li: DKl'AnTF.Mr.NT UK. l.A MWCIIK. 95
<8 A'alcrien, pcrc.
76 Gallien.
28 Salonine.
18 Salon in.
182 Posliime.
Toutes CCS pieces, pour la pliipart en bon {'tat de conser-
vation, etaient en billons abas litre et n'olTraicnt d'ailleiirs
aucune raret6 nuniismatique.
Saint-Pierrc-Eglise. — Nous termincrons cettc
revue dcs decouverlcs de monnaies qui, a noire connaissancc,
ont 6te faites dans le departement de la Manche, en 1852 et
en 18o3, par la mention d'une pclile piticc de I'epoquc
nierovingiennc Irouvce, a la fin de cette derniere ann(5e, dans
le canton de St-Pierre-Eglise, en plantant un pommicr.
Cede piece, en or un pcu paleet a bas litre, n'u pas encore
rccu, que nous sachions, d'atlriI)ution determinec et le bon
etat de conservation oii ellc se trouvc permet d'en donner la
description suivante : au droit, + BODRICASONO, (retro-
gade) croix a pied long, foupcliu et perlc, accostoe de deux
symbolcs assezsemblables a des cbampignons renverses; —
au revcrs : DOBVALOM, (retrograde) croix avec un petit
globe au-dessous — cette legende doit se lire ainsi LAYBODO.
MO. Laubodo moneiarins.
FRAGMENTS
D'HISTOIRE LOCALE,
PAR
M. Victor LE SEIVS.
I
BOURGEOIS DE CHERBODRG. — PAIRSA-BARONS.
Cherbourg jouissait des le X* siecle d'une cerlaine
renommee. Son port, comme son chateau, tHait.sansconfredit,
apres celui de Rouen, le plus important de la Normandie.
En 940 Aigrold, roi de Daneniarck, \int en cette \illeavec
une flotle de soixante voiles. Deux ans plus lard, cc meme
prince y arriva de nouveau avec vingt-deux vaisseaux. Ces
deux fails seuls denionlrent, suffisamment, I'existence d'un
port a Cherbourg, dans ces temps rccules.
Nous allons maintcnant rechcrchcr ce que Ton entendait
au moyen-age par le litre de baron, et quelle est Topoquc
probable oii les bourgeois de Cherbourg recurent ou priront
le litre de pairs-a-barons,
7
98 Favr.MENTS
En France, Ic nom de baron exprimait un cHat dc liberty,
d'homme libre. En effet, ce mot est div'wd du vicil allcmand
bar, libre. En Anglelerre, il se rendait par lo mot freeman,
en Belgiqueeten Hollandeparcelui dcpoortcr. L'expression
loute Flamande, jooor^, indiquait dans los provinces de la'>.
Belgique (commc en HoUande et en Angleterre ) , une ville
ceintede murailles el dont /a 6oitr(/eo/5tc, libre etarme'e, se
gardait else fjomernait elle-meme, sauf les droits reserves
ausouverain (1).
Ccci pose, il est clair que le titre de baron qui , comme on
vient de le voir, equivalait a celui de bourgeois libre, de franc
bourgeois, ou franc tenancicr, fut donn6 a nos ancetres des
le moment oii ils obtinrcnt la faveur de garder eux-memes
Icur ville et leur chateau. Il est certain, d'aprtis tous les
hisloriens do Cherbourg, que la milicc de cette ville fut cons-
tiluee libs le XI" sitjcle, par Guillaume-le-Conqu6rant, pour
la garde de la ville et surtout du chateau. Or, la garde du
chateau de Cherbourg etant confiee aux seuls habitants do
cette ville, indique pour eux, des cette cpoque, un^talde
liberie. L'existence dcce fail se trouvc mieux prouvce dans
Ic courant du XIP siecle, oil nous voyons, pour la premiere
fois, le mot de commune applique a Cherbourg, ainsi qu'il
(1) Belgique monumentale, ville de Gand, pages 28 et 36, tome I"'.
— De Gerville, Etudes sur le departement de la Manche. au mot
Cherbourg. — Des le X" siecle, les bourgeois de cinq ports d'Angle-
terre, porlaient le titre de barons et prenaient rang parmi la
noblesse du royaume. Primltivement, il n'y ea avail que cinq, inais
leur nombre fut, dans la suite, porte a 8. Ce sont 1° dans le cornt^
de ivent : Douvres, Hylhe, Rorcney, Sandwich; 2» Dans celui de
Sussex : Hastii.gs, Rye, Scaford et Winchelsea. (Bouillet, Diction,
hist.). Voy. aussi I'ouvrage intitule ; Beauties of Kent, page 101;2.
d'histoiue I.UCXI.F.. 9f
resulle dc ce passage lire des rccherches sur Ics anciens
chateaux de la Manclie, par feu M. dc Gervillo : « Au niilieu
dii XIE"* siecle, diL-il, le seigneur de la paroisse de Martinvast,
faisait, avec la commune de Cherbourg , le service du a
Henri, due de Norniandie et roi d'Anglelerre. » cum com-
niunia de Coisarisburgo cum cquis et armis [\).
Ainsi, Ics bourgeois de Cherbourg furenl rendus libres
par Guillaume-le-Conquerant, pour garden le chateau et la
ville et pour les engager a se tenir toujoui's prets a repousser
ies invasions el les tentalives de la France. Dans le siecle
suivant, Cherbourg fut crigeen commune. Cette ville depuis
lors eut un elat de prosperite loujours croissant. Henri l^''
fitaugmenler les fortifications du chateau. Sa fille, Timpera-
trice Mathildc, vint souvent a Cherbourg et le regno de son
fils Henri II, fut pour cetle ville, dit un hislorien (2), un
temps de pai,\ et de splendeur. Ce prince y sejourna fre-
quemment el y passa souvent les grandes solenniles de Tannic
avec la reine Eleonore et une cour nombreuse el brillante.
Enfin, ce mcme prince, loi-squ'il n etait encore que due de
Normandie, vers \ 150, aliii d'encourager les efforts conimer-
ciauxdesncgociants cherbourgcois, leuraccorda le privilege
decommercer une fois I'an avec I'lrlande. Lorsqu'il futdevenu
roi d'Anglelerre (H74), il Ic leur confirma par une seconde
charte. Jcan-sans-Terre, en 1200, et Philippe-Augusle, en
1207, u'nilcrent ce souverain anglo-normand, en ratifiant
cette concession par de nouvcau.x actcs.
Voici rextrait de la charte de M.3O, concernanl le port de
(1) Recherches sur Ics anciens chdteaux du d^partement de ta
Manchz, par M. de Gerville, page 48. Caen 1825.
(2) Idem — arlicle : Clidtcau de Cherbourg.
100 FRAGMENTS
Cherbourg: « Nulla navis de totd Normannid debet eschip-
pare ad Hiberniam nisi de Rothomago, exceptd undsold,
cui licet eschippare de Ceesarisburgo semel in anno. »
C'est-a-dire : « La villede Rouen pourra seule, dans toute la
Normandie, t^quiper des navires pour I'lrlande; une seule
fois par an, Cherbourg pourra en exp6dier un pour celte con-
tr6e. » (I). Du temps de nos ducs-rois, Cherbourg avail des
relations maritimesavec I'Angleterre et la Flandre; les croi-
sades developp^rent aussi son commerce et son Industrie.
D'aprfes ce qui prdcMe, nous avons vu que le titre de pair-
k-baron existait anciennement dans les institutions de la
Belgique et de la Hollande; que les expressions de baron
en frangais, freeman en anglais et poorter en hollandais,
6quivalaient, pourceux a qui on Icsdonnait, a cellesd'homme
libre ou de franc-bourgeois ; que les habilants de Cherbourg
ont joui, dfes le XI* si^cle, du priviliige de se garder cux-
memes, Ce qui constituait pour eux un ^tatde liberty, etat
qui leur donnait la prerogative de s'intituler barons ou
francs-bourgeois; que le nom de commune est appliqu6
a Cherbourg, d'une maniere absolue, dans le XIFsiecle;
qu'enfin le port de Cherbourg jouissait des M50 du privilege
de commercer une fois I'an avec I'lrlande, Par const'quent,
il resulte de ces faits, que le titre de pairs-a-barons, donn6
i nos ancetres, remonte au moins au XIP siecle, et que les
prerogatives soi-disant accordees aux Cherbourgeois, scion
les uns, par Charles-le-Mauvais, roi de Navarre et seigneur
de Cherbourg, en 1366, et selon les autres par Charles VII,
roi de France, n'eiaient que la confirmation de privileges
beaucoup plus anciens.
(1) Le Vidimxks de cette charte se irouve aux Archives municipales
de Rouen.
d'histoire locale. fOf
JGLISE DE LA SAINTE-TRINITl - FONTS BAPTISMUX.
Dans leurs ouvrages intitult5s : Guide du Voyageur d
Cherbourg, MM. de Berruyer et Fleury ont donnti la des-
cription des objets remarquables de l'(^glise Sainte-Trinit6.
M. Til. Dumoncel a aussi decrit savammenf, dans la Revue
Arche'ologique dude'partement de la Manche, les curieuses
particulariU^s architectoniqucs de cette ineme egiise, mais
aucun de ces aiiteurs n'a pai'16 des fonts baptismaux qui
cependanl ofTrent de I'int^ret, lant sous le rapport de leur
configuration que par les sculptures qui s'y trouvent.
Voici la description de ce petit monument avec I'explica-
tion de ses myst^rieux synibolcs : la piscine, de figure octo-
gone, est en pierre calcaire eta la forme d'unecoupe antique;
sa bauteur est de 1 m. 2 c. Le p^rimelre de la parlie
superieure mesure 3 m. 10 c. A la partie inferieure, on
remarque une inscription en relief, sur une bande octogone,
dont le pcrimetre est dc 2 m. 6 c. La bauteur des leltres, est
de 0 m. 08 c. Le pourtourest orne de diverses sculptures;
on y voit des dragons, des sir^nesdont I'une a le visage d'une
fonime et le corps d'un oiseau (1) et I'aulre, la figure d'uno
(1) Tous les peintres el les sculpleurs representent les sirenes
coinmemoitio femmes et moitie poissons, mais ii tort, dit iN'apoleoa
Landais, car les poetes et les auleurs les plus recommandables les
depeignenl tiioilie femmes ct moilie oiseaux. Pline les place parmi
les oiseaux fabuleux, et Ovide lour donne des visages de fliles, avec
des plumes ct des pieds d'oiseaux.
f02 inAG.MENTS
femnie ct le corps d'un lion. Enfin, on y remarque un per-
sonnagevelu liiUant conlre deux griflons.
Dans le dragon cliaciin reconnait I'cnnemi du genre
htimain. II est represenle sur Ics fonts baptismaux pour
marquerquerhommc, etant, par le pt^che originel,soumis a
I'empire du demon, est rogcnerS par la grace sanclifiante et
les vertus infuses que lui communique le bapleme.
Quant aux griffons et aux sirenes, il ne faut pas s'etonner
de les voir figurer sur un monument consacr6 auculte. Le
griffon avail He adopte commc ayanl les qualites qui con-
viennent a un gardlen, et comme doue du pouvoir d'eloigner
les mauvais esprits; aussi remarquons-nous, sur nos fonts
baptismaux, deux griffons luttant centre le prince des tene-
Lres. Lebec acere du griffon, disentcerfainsauteurs, marque
la prudence; les ailes, tout en exprimanl la diligence,
signiflent aussi le pouvoir spirituel s'elevant sur les ailes de
I'esprit au-dessus des temporalites terreslres. La sirene 6tait
remblerne de la vie spirituclleet de la vie naturelle du Chre-
tien (I). Son image placee sur les fonts baptismaux rappelait,
comme le poisson, leseauxdu bapteme, ou les fideles, disent
Jes Bcnedictins, sent regener^s et acquierent la vie spirituelle
de la grfice , commc le poisson est cngendre dans I'eau ct ne
pent vivre bors de cet element. » La sirene, sous la forme
du lion, marquait .sansdoule que lechretien devait combattre
I'esprit malin avec force ct courage.
Les lettres de I'inscription, flcurics ct d'un genre fort
gracieux, annoncent le XV* siecle. L'inscription est ainsi
concue : Aqua regcnerans. Pons salutis et veritatis, C'est-
a-dire : Eau regeneratrice. Source de sahit el de veritt>.
(1) Vocabulaire des symboles et des altribiiis religievx, par
M. I'abbe Crosnier, cbanoine Ac Nevers.
d'uistoire locale. 103
Les fonts bapUsmaux sent, avec lachaire,le tablcau'reprc-
sentant la visife des saintes femmes au tombeau de Jesus, et
la cloche qui est aujourd'hui la seconde, les sculs objcts qui
aientechappo au vandalisme revolulionnaire. Le baplistt;rc
de noire cgiise etait anciennement place sur la droite de la
grande nef, en entrant parle porlail principal, entre les deux
premiers piliers et en face de la seconde fenetre dont le
vitrail, en verres de couleurs , represcntait le bapleme de
notre Seigneur.
Les fonts baptismaux avaicnt ete ensevelis sous les deconi-
bres provenant de la d6vaslalion de roglisc, ct c'esta cetle
particularity que Ton en doit la conservation.
m. FRERET, ARTISTES.
Notre premier devoir est de rccucillir ct dc conservcr
pour I'histoire locale, les fails contcmporains digncs d'atlen-
tion, afin de dissipcr des doutcs, soil en reproduisant de
vicux tilres, soil en faisant connaitre les noms d'hommes
distingues dont la menioirc nc man(|ucralt pas dc lumber
dans I'oubli , si Ton n'en consignait le souvenir.
C'est done pour parvenir a cc but que nous donnons la
copie d'un diplOme aussi intirossant uu point de vue histo-
rique, qu'il est honorable pour cclui qui en est robjet. Get
104 FRAGMKNTS
actecstrelatifaun artiste cherbourgeois, aujourd'liui inconnu
ou oublie, qui s'occupait d'art avec asscz de zele et de talent
pour etre nomme, en 1785, peintrede la reine Marie-Antoi-
nette.
Nousvoulonspaiier ici de feu M.Lonis-BarthelemyFreret,
artiste peintre. Get homme distinguii fut 61u membre de la
Socicte Academique en 1808 (1). 11 a peint plusieurs sujets
de nature morte, (2) et quelques tableaux de fruits qui ont
etd graves; I'un deceux-ci existeencoredansles appartements
autrefois occupes par Maiie-Antoinctte, a Versailles. II
composa aussi Ics plans des jardius de Trianon. Get artiste
excellait surtout dans I'art de pcindre les fleurs. Le gout le
plus delicat, le coloris le plus brillant, le pinceau le plus
nioelleux, joints a une imitation parfaite de la nature, lefirent
distinguer de ses rivaux; et la reine, pour le rt^compenser de
son zele et de ses Iravaux, Ic nonima son peintre de fleurs
tHrangercs.
Voici la copie du brevet que Sa Majoste lui accorda :
« Aujourd'hui premier jour de juin mil sept cent qualrc-
vingl-cinq. La rcineetanta Versailles, d^sirant favorablcment
traitor le sicur Louis-Bartbelemi Freret, sur le rapport qui
iui a 6te fait de sa person no et de ses talents, Sa Majeste lui
aaccordti et lui accorde, par le present brevet, le titre de son
peintrede fleurs etrangeres, voulant qu'il puisse s'en quali-
fier dans tons actcs publics et particuliers, et qu'il jouissc
du dit tilre aux bonneurs, prerogatives ct autres avantages
qui peuventyetre allacbes. Et pour assurance de savolonte,
Sa Miijost(5 m'a commando d'cxpodier au siour Freret, le
(1) iM. Pinel a donne la biographie de M. L. B. Freret.
(a) La Socjete acadi'miquc possedc deux de ces tableaux.
bHISTOIRE LOCALE. 105
present brevet qu'elle a signt^ de sa main et fait contresigner
par moi consciiler d'Etat, conseiller secretaire des comman-
dements de la reine et de ses niaison et finances. »
Sign6 : « Marie-Antoinette. »
Sign6 : « Beaugeard. »
La famille de cet artiste a encore donne a la vjlle de Cher-
bourg plusieurs hommes de m6rite.
i° M. Pierre Freret, p^reduprt^c^dent.l'undesfondateurs
de la SocioteAcadeniiquede Cherbourg, estauteurdutombeau
^leve dans Teglise de Biville (Hague) en I'honneur du bicn-
heureux Thomas-Helie et do la chaire de I't^glise Saintc-
Trinite de Cherbourg (1).
2" M. Frangois-Armand Freret, sculpteur. Le mus^e naval
de Brest, conserve plusieurs de ses ceuvres. Les travaux de
cet artiste sent compares, a juste litre, a coux de Puget. Les
magnifiqucs sculptures du maitrc-autel de I'eglise Sainte-
Trinitt'", sontde cet artiste, ainsi que Telegante et gracieuse
viergequidecore I'une des chapelles laleralcs de celtc meme
t^glise. On lui doit aussi la statue ct les divers ornementsdu
canot construit a Cherbourg en 1811 pour Napoleon I", les
ciselures de la fonlaine des Caveliers et le frontispice du fort
imperial.
3° M. Pierre Freret, peintre de marine et de genre, a
compost divers tableaux qui ont ete graves, entrc autros,
ceux qui represcnlent les memorables combats de noire
compalriote, le contrc-amiral Troiide.
4° M. Louis-Victor Freret, ancion maifrc sculpteur de la
(1) Celte chaire pleine de gout el d'elegance, est le seul morceau
de sculpture qui ait echappe ;i la main devaslatrice et sacrili'ge
des vandales de 1793. lis la conscrv6reiit pour y faire la lecture dis
jouriiaux, les jours dc decade.
106 rRACME.NTS d'histoihe locale.
marine an port Je Cherbourg, fils de Francois-Ai'mand, est
auteurde la statue dc sainte Anne placee dans la chapelle
des fonts de rc"^glise Sainle-Trinile. Get artiste, qui liabite
actucllement I'Angleterre, a cisele en 1850 des candelabres
destines au prince royal de Suede. Ces niagnifiques pieces
d'art ont etercproduitcs dans le journal intitule : The illus-
trated London News, du 23 novcmbre 1850.
5° M. Leon-Louis Frcret, fils du precedent, pensionnaire
du Conservatoire imperial de musique, est jusqu'a present
le seul de nos concitoyens qui ait obtenu ce litre.
G"* Enfin, M. Armand-Auguste Freret, frere du precedent,
ex-pensionnaire de la ville de Cherbourg et ancien eleve de
I'Ecole des beaux-arts, se distingue aujourd'hui parde char-
mtints Iravaux et promct de devenir, comnie ses peres, un
artiste de merite. Quoique ires jcune, le jury de I'Exposition
generate des produits de I'industrie et des arts du departe-
ment de la Manche, lui a accordc en 1852 une niedaille de
bronze. II a encore obtenu le succcs le plus brillant a I'Expo-
sition des beaux arts, ouvcilc a Avranches le 19juillct 1854 ;
le jury de celte Exposition lui a deccrne une medaille d'or.
NOTICE HISTORIQUE
SUR
BARTH^LEMI PIGQUEBEY,
PRETRE DE CDERBOURG AU IW SIECLE,
ET sun
LES EBUITAGES
DE SAI?iT-S
ET DE SUOT-ACIIARD,
PAR
n. A.-E. LESI>OS,
~r~tsar
La villc de Cherbourg peut, ajusle litre, revendiquer
I'honneur de coinpler parmi ses citoyens, ct a diverses
i^poques, des personnages qui so sont rcndus iliustrcs par
leiirs vcrliis el par leiirs talents. A une epoquc, riclic en
<08 NOtlCU sill LES EKMITAGES
tout genre de gloire pour la Franco, au XV'IP siicle, il en parut
un, surtout, tlont la vie futconsacr^e specialementet uniquc-
ment a h bienfaisancc. II rechercha toutes les infortunespour
les soulager, mais il se montra d'une maniere toute particu-
liere I'appui et le consolaleur des pauvres. Ce fut un ange
que le ciel donna pour un temps a nos ancfitres; ils ont
a.lmirt^ ses vertus et nous en ont legui^ le souvenir, tachons
aussi de ie transmettre a nos descendants afln que son noni
soil elernellement beni.
Messire BartliiJlemi Picquerey naquit a Cherbourg, le 10
oclobre IG09,derniere annee du regno de Henri IV. Sonpere,
Thomas Picquerey, et sa mere, Perrette Le Pesqueur,
vivaient dans cet etat de fortune que Ton appelait alors la
bonne bourgeoisie. Leur merite personnel etait reconnu et
proclamed'une voix unanimc paries habitants de notre cite,
lis jouissaient par consequent, au milieu de leurs contem-
porains, de la consideration et de I'estime qui rcndent la
reputation solide.
En 1621 , la peste se declara a Cherbourg. Soit quelle y eut
6te apportee par un navire marchand revcnu de Larochelle,
soit que Ton ne sut pas reclleinent comment elle s'y etait
introduile, il est toujours certain qu'elle fit de grands ravages,
non seulement dans I'inti^rieur dcs murs de la ville, mais
encore dans les campagnes, puis enlin par toute la
province de Normandie. Cherbourg semblait elre un lieu de
predilection pour cc fleau. Des rues elroites, torLueuses et
malpropres; des passages sombres et plus sales que les rues,
sous des maisons agglom^rees et mal baties, ou I'air et la
lumi^re penetraient a peine; un port vasle et informe, offrant,
amcrbasse, un receptacle de bones puanteset parconsequent
insalubres; enfin, autour de la ville et du chateau, des fosses
remplis d'eaii stngnante et d'immondiccs, lout cela contri-
T)E SAI.NT-SALVF.LR ET SAI.NT-ACHAUD. U)'.)
buait inclubitablement au rctour frequent de la conhigion.
Aussi, etait-ce pour la sixieme foisqii'cUe vcnait decimer la
populalion, seulement depiiis le commencomenl du XVI*
siecle, et dans un inlervalle dc 1 17 annees. Elle avail paru
en 1504, 1317, 4046,1534 611592, maisen1621 elle s6joiirna
plus longtemps, jusqu'en 1623, et fit perir un plus grand
nombre de viclimes. Un capticin de Cherbourg, le frcre
Claude, qui s'etait devoue au service spirituel et corporel des
pestif^res, mourut alors en remplissant celle sublime
fonclion.
Croyanl trouver un prt^servalif centre le fl^au, beaucoup
de Cherbourgeois se retirerent dans les campagnes. Thomas
Picquerey fut de ce nombre. II conduisit safemmeet six
onfants qu'il avait a Martinvast, oil il poss^dait une petite
ferme. Mais ce fut en vain, le mal qu'ils cherchaient a fuir
les atleignit dans leur retraite. Le p6re, la m^re et qiiatre
enfants en moururent. Barlhelemi et une soeur ainee,
nommee Catherine, furent les seuls qui revinrenten sant^.
(]et eveneraent changea d'une maniere 6tonnantc le jeune
Picquerey. Prt'cedemment on avait remarque en lui un
enfant vif, etourdi, ardent jusqu'a la colere, fuyant comme
un supplice I'application aux choses s(?rieuses, et cependant
d'une sensibilile excessive, mais alors on le vit devcnir lout-
ii-coup doux, sageetsludieux. II s'adonna ra6mea la pratique
de la piet6 avec une fervour que Ton rencontre raremenl^
cet age. Sa soeur lui servit de miire. Elle se maria et eut
plusieurs enfants.
Dans ce temps brillait a Cherbourg un professcur de
bcllps-leltrcs, eleve de I'universite de Caen, et qui avait c'tii .
rcQuavocatau parlement dc Rouen. II s'appelait M. Pierre
Lcroux. Par sa conduite irrcprochable et son savoir dtendu,
il s'etait acquis la confiancc des families, ct beaucoup dc
^^0 NOTICK SUK I.ES ERMITAGES
jeunes gens suivaient ses lecons. Ce fut aupres de cet excel-
lent mailre que Barthelemi commenca ses etudes, pour les
conlinucr a Montebourg, el les aclievcr a Caen. A seize ans, il
suivait Ic cours de philosophie dans celtc ville. S'etant lie
avec les capucins, il prit la resolution d'enlrer dans leur
ordre. II quitta done la philosopliie pour la regie de saint
Frangois. L'annee du noviciat expiree, sur le point d'accorn-
plir sa profession , il balanca, puis quitta la communaute,
pour reprendre ses etudes, et devenir prfitre seculier. II etait
'dans sa dix-huitieme annee. Mais, pour etre plus libre, il
revint a Cherbourg mettre ordre a ses affaires temporelles. II
donna sa fortune a sa soeur, et ne se reserva qu'un revenu
indispensable pour n'etre a charge a personne. Dt^livrt; de
soins et de soucis, il retourna continucr son cours de philo-
sophie a Caen.
En 1628, il se rendita Coutances pour rccevoir la tonsure,
mais Mgr Bourgoin, mortdepuis trois ans, n'avait pasencore
de successeur r^el. CarLeonor de Matignon, abbede Lessay,
nomm6 par Louis Xfll, eveque, au si6ge vacant , n'etait pas
encore pretre, et n'etait age que de 21 ans. Les vicaires
generaux, adminislrateurs du diocese, adresserent Barthe-
lemi Picquerey a Mgr Francois de P«iricard, 6v6que d'Avran-
ehes, qui lui donna la confirmation et la tonsure. En 1631,
11 fut fait sous-diacre ii I'abbaye de Montebourg, par rabb(3,
qui etait eveque du Puy.
Un protre de Saint-Malo, M. Buisson, avait, a cetto
epoque, une reputation do saintetejustement meritee qui
s'etcndait au loin. II consacrait son temps et sa fortune au
soiilagementel al'instructiondesenfants pauvres. Barthelemi
voulut le connaitre afin dese former a son ecole. II alia pn^s
delui, elypassa trois mois. En 1632 il retourna a Montebourg
pour etre ordonne diacre. Enfin, en 1633, apr^s avoir etc
I)K SAINT-SA.LVELK KT SAIN i'-ACIIAKK. Mi
sacre a Alenc-on, Mgr. Loonor P"" de Malignon fil son entree
solennelle a Coutances le 15 decenibre, ct, le 17, ilc(^lebra
sa premiere ordinalion dans la cadiedrale. Barlhelemi y fut
fait pretre , ct, le jour de Noel, il dit sa premiere messe a
Cherbourg. Tout aussitdt il rcgut de I'ov^que le pouvoir dc
confesser.
Bientutil fit un nouveau voyage a Sainf-Malc, ety sd'journa
encore trois mois. Ayant complete son instruction dans
I'exercice dcs vertus 6vangeliques, il revint a Cherbourg
meltre sa science en usage, afin de s'amasser ces tresors
que la rouille n'attaque point , ct que les voleurs ne
peu\ent enlever.
Ce fut une bonne fortune pour MessireRaoul Grisel, cure
de I'eglise Saintc-Trinite, de rencontrer un coop^rateur tel
que Barthelemi Picquerey. L'enfance altira d'une manierc
specialc sa sollicitude. II savait quo les principes de verlu
grav(['s dans I'esprit et dans le coeur, des la plus tendrc jeu-
ncsse , y prcnnent I'acine, et se dtH-eloppent pour porter des
fruits dans Tagc virii, et voila pourquoi il s'appliqua, dans le
commencement, et toujours, sans perdre jamais courage, a
I'augusle fonction de predicateur des enfanls. A I'cxemple
de Jesus-Christ, il (!:tait iieureux an milieu d'eux. II aimait a
y jouir de la purete et de I'innocence qui font, de ces faibles
et interessantes creatures*, les angcs de la terrc et la joie dcs
families. C'est ce souvenir, reste dans notre population, qui
a rendu son tombeau pr^cieux aux meres, surtout quand
elles redoutent les maladies auxquelles les enfants succom-
bent frequemment.
L'eglise n'etait pas Ic seul endroitoii Barthelemi catc^chisat.
Lorsque le temps elait beau , tout lieu lui devenail propice.
On rapportc qu'il tit eriger a ses frais une belle croix en
pierre sur une place qui se trouvait entre les murs forlifit^s
H2 NOTICE Silt l.ES KKMITAGKS.
de la villc cl lo faubourg, c'cst-a-ilire a I'cuiplacemenl que
la rue de la Fontaine occupc aujourd'hui, et qui, pourcette
raison , futappels^e longlempsrue Croix-de-Carrcau. Barth6-
lemi voyant la de frequcntcs rt'unions dont le but hii
paraissait blamablc, voulut , par I'erection du signe sacrt'',
imposerle respect, et dt^truire tout rassemblenient dangereux
pour les mceurs. II y venait de temps en temps avec sospetits
disciples, ou bicn il les conduisait a Octeville, surla bauteur
de Bellovue, ou 6tait une petite cbapelle en mines, autrefois
sous le patronage de Sainte-Honorine , et qui a laissc son
nom a la rue qui descend de cette hauteur vers la rue du
Faubourg. Une autre cbapelle en ruines etuit parfois aussi le
but des promenades et des instructions de noire pretre. Ello
se trouvait entre la rue de I'Abbaye ct la mer, non loin de
Chantereyne, oii la tradition nous apprend que debarqua la
reine Matbilde. Elle etait sous I'invocation de saint Tbomas,
archeveque de Canlorb^ry. (I)
Les instructions de Rarth^lemi Picquerey, sa bienfaisance,
sa vie austere ne lardtrent pas a 6veiller I'attention des
habitants de Cherbourg, el a populariser son nom. Iln'avait
point de recherche dans son langage. II s'cHudiait a etre
simple, vulgairc meme pour etre bien compris. Possedanl la
lelire et I'esprit de I'Ecriture sainte, 11 savait mettre a la
portee des intelligences le moins developpees les sublimes
enseignements que renferme ce livre divin. Mais ce qui le
rendait pcrsuasif, c'est qu'il pratiquait rigoureusement lui-
meme tout ce qu'il disait. Dans le tribunal sacre il avail
une telle onction pour reprendre et pour conseiller, que Ton
entrait en participation de I'amour qu'il 6prouvait pour Dieu
et de I'horreur qu'il ressentait pour le vice. Mais ou il
paraissait surfout pen^tri^ de la grandeur de son minist^re,
(1) On en trouvera plus loin la notice
DK SAINT-SAL V EUR KT SAINT-ACHARD. i]'i
c'itait a Tautel. On dit que souvent il cnlrait dans iinc con-
templation si profonde au moment oil la presence de Dieii
s'effectue reellcment et mysterieusement, qu'il fallait Ic prd-
venir afin que le sacrifice ne fut pas interronipu. II ne
celebra jamais la messe par habitude. On pent du reste dire
que sa vie fut une communion continuelle avec Dieu.
J'ai dit les ravages de la peste en 1621; en 1626, clle etait
encore revenue desoler pendant six mois la population de
Cherbourg, qui ne s'l^levait peut-etre pas au-dessus de 5,000
ames, ct au nombre dcs victimes fut le euro, Messire Gralicn
Bouillon, quimourutle 15du mois d'aout, jour de I'assomp-
tion de lasainte Vierge. Parsuitedecette longuereapparilion
du fl^au destructeur, on voulut purifier THotel-Dieu ; Ic feu
y prit par accident, et il fut reduit en cendres. Privcs de
ressources, les habitants no purent s'occuper de sa recons-
truction avant I'annoe 1639, et son achevement n'eut lieu
que loTigtemps apr6s. Les pauvres maladcs 6taient done
roduits k la position la plus alTreuse que Ton puissese figurer.
On en voyait quelquefois d'etendus dans les rues ou dans
ces passages sombres et malproprcs dont il nous reste des
vestiges assez norabreux. La, les malades elaient en danger
de p6rir si la pitie ne parlait pas pour eux. Frappe de ce
trisle spectacle, Barlhelemi, comme un autre Vincent de
Paul, fut ingenieux a les secourir. II sortait silencieusement
de sa maison, parcourait les rues, visitait tous les recoins ou
il croyait trouver des malheureux delaiss6s. Si le succes
repondail a son altente, il les cmmenait choz lui oil ils
trouvaient tout ce qui Icurelaitnt'cessaire. II se privaitmeme
de son lit pour ne pas pcrdre I'occasion de soulager ou de
sauver un infortune. Savaii-il une famille dans la dtHresse,
des ouvriers sans travail, d(;s chagrins sans consolation, des
quorellcs dont los suites pouvaionl 61re funcslos, ila\isait
S
114. NOTICE suit I.ES RUMlTAfiF.S
anx moycns ilc rcmcdier h (out. Ricn n'ocliappail a sos
investigations : sa cliarite etait indpuisable. On I'appela le
hon mcssirc Barthelcmi.
Les paroisses de la Hague et du Val-de-Salre resscnlirent
aussi les effets de son zele apostolique. A la dcmandc des
cures, il y faisait de temps en temps des missions, ou bien
il prcnait part a celles que d'autres pretres y clablissaient.
En quclque lieu qu'il parut, son genre de vie etait toujours
le mcme. On ne le vil jamais s'asseoiraune table splendidc:
la nourriture la plus commune lui suffisait.
Apres vingt-quatre annexes de travaux, d'auslt^riti^s ct de
bonnes oeuvres, sa sanle s'affaiblit a lei point que Messire
Michel Groult, cure de Cherbourg, crut devoir lui adresser
de paternelles reprimandes, pour avoir porte si loin I'exces
de son zcle et de sa fervour. II avoua son tort, et, ne se cro-
yant plus utile, il prit la r(5solution de vivre desormais dans
la I'etraite. Deja il avait 6prouv6 quelque allrait pour la
solitude, et peut-6tre les ermitages de la montagne du Roule
oil il allait de temps a autre lui en donn6rent-ils I'idce.
Dans cctte intention, il projeta la recdification de la petite
chapclle de Bellevue dedi^e, comme on I'a vn, a la vierge
sainte Honorine. Quoi que ce simple et modeste monument
fut un Icmoignage respectable de piet6, peul-etre meme de
reconnaissance, personne ne tenait a honneur d'enreclamer
la propriele. Cependant elle devait dependre de I'^glise
paroissiale d'Octeville, etotre du ressort des seigneurs abbes
de Nolre-Dame-du-Voeu. Cette chapelle etait tombce en
ruines, parce qu'elle n'avaitaucune espece de revenus pour
etre entretenue et desscrvie. Bartlielemi ne rencontra pas
d'obstacles pour accomplir son projet. Il fit venir de Caen
cinq statues en pierrc calcaire pour les placer centre le
mur du fond, el Tautel en avanl. La jjrincipale, ccllc du
DE S.M.NT-S.UVEUH KT S\I.\T-Af;UARn. M^j
Christ SOUS Ic nom ile Sainl-Sauveur, dc grandeur a pcu
pres nalurellc, fut placecau milieu; les autrcs, plus pelilcs,
reprt^sentant Notre-Damc, sainte Ilonorine, saint Eutrope ct
saint Sulpice, sur les C(3tt5s. Ce sont ccs niemcs images que
Ton voit encore aujourd'ljui. En 16o9, conimc Ic porte
I'inscription placi^e au dessus de la balustrade du cliceur,
la chapelle etant completement reedifiee rcqul Ic iioni de
Saint-Sauveur qu'elle a conserve jusqu'a present. Barllielemi
fit en outre construire aupres un petit ermitage pour sa
residence, puis entoura de nuirs le terrain qui ctaiten avanl,
comme pour en former un cimetiere.
Le voila done qui s'installc dans sa solitude. Desormais
tranquille, independant, il pent, au sein de I'oisivctti, voir
coulerdes jours heureux, sans soucis etsans regrets. II peut
recourir a tout ce qui contribue aubien-fitre, userdeschoscs
avec raod(}ration, en un mot, mcttre en pratique tous les
prtceptes d'unc sagesse douce el pliante. Telle ne fut pas sa
maniere de vivrc. Pendant 23 ans environ qu'il sejourna a
Saint-Sauveur, son application constante fut de marcher sur
les traces des anachoretes dont I'histoire de I'Eglise nous
retrace les austerites. II dormait peu, et encore, souvent la
terre etait son lit de repos. II jeiinait continuellemcnt, ct
quand riieure de ses rcpas etait venue, du pain sec ct do
I'eau lui suflisaient, a moins que, sur I'avis des medecins,
ses superieurs n'exigeassent de lui qu'il apportat de I'adou-
cissement a ce regime. Son vetement ne se faisait remarquer
que par la grossierete du drapdontilelaitforme.il etait
frequemment en prierc ct en contemplation. Toutefois, il ne
negligea point do faire servir son minislerc h I'utilild du
prochain. Ayant obtenu la permission de ctiliibrcr publique-
Jiicnt I'officc, et de precher dans sa chapelle, on y vinl de
loules parts. Ses instruction.'; et sescatechismcsetaienl suivis
\\G NOTICE SLR I.ES EnMlTAGES
aussi bien par les grandes personnes que par Ics enfants. La
difiicullc dcs chemins n'arretait pas le zcle. Lcs pretrcs dcs
paroisses environnantes y allaienl aussi celebrer les saints
mysteres.
Dans son crmitageBarthelemi recevait souventdes person-
nes dc Cherbourg , ct d'ailleurs, qui venaient lui exposer
leurs chagrins, leurs inquietudes, et recueillir ses consola-
tions et ses conseils. Des marins avaient recours a ses prieres
pour se niettre en voyage, ou venaient, apres une navigation
prospere, le charger d'en rendre graces pour eux a Dieu. Des
meres de famille reclamaicnt son intercession pourobtenir
du ciel la santfi de leurs epoux ou de leurs enfants cheris. II
etait, coinnie on le voit, un pretre dans lequelon avait une
grande confiance, il etait I'ange protecteur de Cherbourg.
Cependant on ne vitjamais d'honinie plus humble. Fidele a
la parole du Maitre, il se regarda toujours conime un servi-
teur inutile. II etait courtois pour les h6tes qui venaient
partagerson logementet sa table. Les privations etaient pour
lui , I'abondance pour eux. Sa sceur, ses nieces ou quclque
autre femme pieuse avaient soin de pourvoir a ce qui lui
etait necessaire, niaisaucune no residait danssa maison.
II lui arrivait de temps en temps de quitter sa solitude
pour remplir lcs devoirs de son etat en viile, visiter sa
famille, ses superieurs ecclesiastiques, les ermitages de la
rnonlagne du Roule et renouveler ses courses apostoliqucs
dans les campagnes. II parcourut de nouveau, ctavcc succes,
les paroisses de la Hague. II accompagnadans le Val-de-Sairc
le celfebrc Pere Eudes, fondatenr dc la congregation connue
dans ce temps sous le nom de missionnaires, qui, plus tard,
porta celui d'Eudislcs, ct rendil dcs services incontestablcs,
non seulemcnt dans la chairo, mais encore dans I'enspignc-
ment.
DE SMM-SAUVKLR ET SAINT-ACIl.VItD. H?
Rai'tliL'lemi clait un tres dovot scrviteiir de la Viorge,
c'olait ce qiii lui faisait tMilroprendre de tomps en toDips le
pelcrinage des deux clia[)ellcs de la niontagne du Koule,
dont elle etait la patronne. II y avail a rermilage du bas de
la Montagne, dit de Noire- Dame-de-Grace , un cordelier
donl la conduileelaitpeuen rapporl avecson etat. Barlhclenii
luiadressa plusieurs fois des remontrances, afin de prevenir
le scandale qui a^sulte loujours pour Ic public, el au detri-
ment de la religion, de I'opposilion que Ton rencontre enlre
la doctrine el la conduite. Barthelemi recourut en vain a Icut
ce qu'un zele charitable lui suggera, le religieux ne tint
cornple de rien. Implique dans un proces criininel qui fiil
inteiitc centre un juge du pays, ii fut decrete de prise de
corps, el s'enfuil de la province.
l':nlin parui le temps oil Bartlielemi dcvait donner des
preuvesirrcciisables de ['accord qui existail entre ses paroles
ot ses actions, el faire voir un esprit ferine et un cceur noble.
Se declarer bautemenl el sincerement pour le parti de la
verlii, faire de la vertu la jdus pure Ic mobile de toutes ses
actions, s'elever dans la prati(]uc de la vertu i\ un degre tel
que Ton se trouve au-dessus du comnuin des bonimes, c'est
s'assurer dans tons les temps des chagrins et des inimities.
Non (|ue la vertu ne soil en elle-meme un bien,et le mcilleur
de tous, mais, d'apres le cours ordinaire des choscs humai-
ncs, I'ideala plusde prix que la realite. Le capriceet rinteret
personriel jouent un si grand rule dans les fails moraux, qu'il
ne faut pas etre surpris de toutes les contradictions que
renconlrenl les bommes les plus vcrlueux. Ceci devrait etre
nn paradoxe, mais I'Evangile I'a predit, et I'liistoire I'a con-
lirnic par des arguments que Ton ne pent refuler, a mnins
que denier les fails les plus aiillienli(]iies narlbi'leiiii dont
la vie rlait loiile do desink'rcssemcnt el tie sacnliccs.
11.8 NOTICE SUR LES ERMITAGES
Barlhelcmi qui montrait constamment rEvangile en prati-
que, fut aussi soumis a de penibles epreuvcs. Railleries,
calomnies, outrages, persecutions, rien ne lui fut epargne.
Sa foi ardenle, sa candeur, son humilitt', lui atlircrent la
liaine de deux sortes de personncs, dcs hypocrites ct dcs
libertins. Sa conduite, pour Ics premiers, contraslait d'une
manicre Irop frappante avec la leur propre, de sorte qu'ils
se dt'chainerent contre lui avec I'apparence du zele. Les
autros, ennuyes de I'entendre toujours faire la guerre aux
vices qui leur otaicnt chers, raccablt-rent , a Icur tour, sous
)c poids dcs humiliations et dcs opprobrcs. II y avait bien
des honnetes gens qui nc croyaicnl pas lout cc qu'on lui
prt'taitde mal, mais pusillanimes, comme lesont ordinaire-
incnt Ics honnetes gens, ils n'osaient prendre a coeur sa jus-
tification. Jusquc dans le sein du sanctuairc il rcncontra
I'ingratitudc pour prix de ses bienfaits. Sa reputation fut
tenement tcrnic par s:'senncmis, que, par prudence, il recut
ordre de scs superieurs, de ne plus entendre de confessions,
lis etaicnt bien convaincus dc son innocence, mais ils cru-
rcnt, par ccttc concession, apaiser les rumeurs, et cc fut un
tort. Get honime paraissait incapable de sc relevcr dcsormais.
Cependant rien n'annoncailcn lui la moinJrc impression
penible. Uctait rcste inebranlable, sans loutefois affecter des
sentiments qui fusscnl I'indice d'un amour propre blessc.
Au milieu de ses tribulations, il conserva lout I'esprilde la
eliarilc chrclicnne, non sculemcnt il ne voulail pas que Ton
parlat mal dc ses enncmis en sa presence, mais encore il
t'tait prct a les bien servir. Sous des dehors negliges, gros-
siers si Ton vent, il avait Tame grande comme celle do
Fenelon. Tl rcfusa dc se dcfendre, se rcposant sur Dieu seul
du soin de sa juslificalion. Son esperancc nc fut pas decuo ;
If jour dc la justice [larul, et celle queuve muiilra sa vcrlu
DE SAINT-SAUVEUll Ef SAINT-ACIIAKU. 110
tlaiiri lout son eclal. Rcconnu et proclame innocent, il ivprit
sans ostentation les travaux augiistes do son minisliTc. U
recut ses nouveaux pouvoirs dc rodicial de Valognes. '<='
Tant de douceur et tant de grandeur d'anie ne peuvent so
rencontrcr que chez un disciple de Jesus-Christ. Jamais la
philosophic, mOine a ses t^poques les plus briUantes, au point
de vue moral, n'a enfante de tels caracleres et de telsactions.
Cetait lii aussi ce qui servait puissamment a Barthelemi
pour ohtcnir des succos dans ses instructions et dans ses
controverses.
J.es rapports commerciaux de Cherbourg avec I'Angleterre
contribuerent a, y porter le nom et la saintete do Barthelemi.
Des pretres de cc pays vinrent pour leconnailrc, et ils s'en
retournorcnt remplis d'admiration, apri's avoir ete temoins
de ses grandes vertus, et principalement de sa conduits
en vers ses enncmis..;.;«a^'■,l^ .:.•
Vers la fin dc juillet 1685, 11 faisait paver le sancluaire dc
sa polite chapelle, et ne pouvant, jusqii'a ce que ce travail
fut termine, y dire la messo, il resolut d'allcr a I't^glise d'Oc-
leville. II etait deja souffrant, et la fatigue sc joignant au
njal qu'il ressentait, il tomba en faiblesse. On le rapporla a
Saint-Sauvcur, et il ne se releva point. II sentit que sa
nialadie etait mortelle : la crainte s'^mpara de son esprit. Sa
foi Vive, son amour ardent lui faisaientrogarder savie entiere
comme depourvue d'aclions meritoires pour le cicl. Dos
soinscontinuels lui furent prodignes pendant sa maladie, par
Tune de ces nieces, et beaucoupde pcrsonnes le visilerent.
11 flit 32 jours malade, et dix jours avant sa mort, il tMait
dcvenu compUHement aveugle. Use pre|)oraii paraitrcde\a[.t
Dieu av(!c une attention scrupuleuse, el il eut conliance dans
sa justice equitable et misi^riconiicu.sc. Enlin, muni des dei'-
niers sacroiiifnls, apn-s avcir vucow [lard-um;' a ses cnne-
120 NOTICE SUR LF.S ERMTTAGKS
mis tout le mal qu'il en avail rccu, ce vent^rabie pretre passa
du lemps a Teteniile, le 2 seplembre 1683, dans sa 76^
ann^e et dans la 52* de son sacerdoce.
Aussitot que la nouvelle desa mort futconnue a Cherbourg
et dans les environs, on vint en foule a Saint-Sauveur, pour
eontempler una derniere fois ses traits. Le lendemain un
nonibreux clerg(?, tant de la ville que de la campagne, se
reunitafin de lui rendreleshonneurs funebres. La chapelle
^lant trop petite, et Taffluence des fldeles considdrable, on
ejtposa le corps du defunt,^ revetu des habits sacerdotaux, en
dehors, vis-a-vis de la porte, a I'endroit nifime oii il avail
demande qu'on Tenterral. La, cliacun pouvait le voir facile-
menl. Sa figureetait decouvertc, et semblail etre, onlrapporte
Ics temoins, ceUe d'une personne calme et endormic. Le
cure de Cherbourg , Messire Jacques Gaudobout, et ses
Aicaires auraient voulu le faire transporter dans le choeur
de rcglise Sainte-Trinite, inais on respecta ses dernieres
recommendations. L'ofTice fut celebre par le cure de Tonne-
ville, M. Grisel, qui fit aussi Vi'loge {\» bon Messire que
Ton appcla des lovs le bienlteureux Barlketcmi. On hii'
erigea le tombeau de pierre calcaire qui existe encore
anjourd'hni, Aulant il avail apporto dc precautions pour
eacher ses vertus, aulant s'emprcssa-l-on deles recherchor
Gl d'en publier Ics mcritos. II I'ulrcGonnu qu'un hommo
qui avail observe aussi fidt'lemcnt Ics prcceplesellcs conseils
evangcliques devait elre un pui.ssant intercesseur aupres de
Dieu. Son tombeau alliranl de jour en jour une plus grande
affluence de pelerins, et parliculicremcnt de meres dc
famille avec leurs pelils cnfants, on ne tarda pasii agrandir
la chapelle afin de le mellre a couvcrt. Col agrandisscment
se fit avanl Tannoc 1700 par les parents du bienheureux
Barthe'lcmi aides dc la gi'iicrosik- piibliquc. Dopuisce temps
l)E SAI.NT-SAUVEUR ET SAIN T-ACHAUD. \il
jusqu'ii la Revolution, lacliapelle deSaint-Saiivcuraloujours
etc ouverteaux fidi'les. Etant alors propricteprivee, elle a pu
echapper au vandalisme revolutionnaire, el nous etre con-
serves telle que nous la voyons proscntemcnt, apirs avoir (5te
loutpfois entretenueet reslauree par les proprietaires. lis ont
ete hcureuxdela rendre au culte, et lis ont acquis des droits
a la reconnaissance du public. Dans le temps des Rogations,
on s'y rend en procession de diverses paroisses, le 24 aoul,
/tHe de saint Barthelemi, apotre, on y ccl6bre I'officedu jour,
et, a la demande des personnes pieuses, qui regardent le
bienheureMX Barthelemi comme I'ogal des saints que Ton
lionore dans reglise, on y dit qiieUjudois la messc et on a
recoursii son intercession.
122 NOTICE SUI\ LES EUMIT.VGES
LERMAGE DE SAIM-ACHARD OU SAWT-TITOJIAS
ET LA LEPROSERIE DE CflERBOmG.
Entre la rue actiiellc de rAl)baye et la mcr, non loin dtt
lieu appele Chantereyne, il cxislait au XH'^ siccic, sinon
avanl, iin ermilage qui avait pour patron saint Acliard. Dans
la plaine qui cntourait eel edillcc religieux, et oil Ton a fonde
les magnifiquos iHablissementsdu port militairo, il se tenait
a la saint Martin d'hiver, le M de novembre, une foire qui
s'appi-'lait foire Acbard, fcria Achardi, selon les anciens
documents bistoriqucs. Le ruisscau, dit de Cbantcreyne,
etait la liniite de Cberbourg et d'Equeurdreville : la parlie de
la plaine qui se trouvait en deca s'appelait commune de
Cherbourg, elcelle qui etaitau dela commune d'Equeur-
drecille. L'ermitage de saint Acbard se trouvait dans /«
commune de Cherbourg.
Vers le milieu du Xl" sieclc, sous le regne de Guillaume-
le-Conqucrant et I'episcopat de GefTroy de Montbrayja lepre
etait connue dans le Colentin, et, dans lesiecle snivant, elle
devint beaucoup plus commune. Dans le but de soulager,
aulant qu'il etait possible, les malbeureiix atteints de cette
nialadie liorrible et incurable, on reconnut la necessite
d'elablir a I'ecarl, des niaisons de refuge que Ton appela
leproseries, ladreiiesou maladrcrics.
DE SAl.NT-SALVECK ET SAl.NT-ACH AftD. 123
La villeileClicrbourgciit sa l(''[iroscrie, et on la construisit
aiipresde reniiitage desaint Achard. Lesdeuxetablisscments
n'en formercnt plus, di's lors, qu'un soul. 11 ful arrelo que
le chapelain auiait pour lui les oblations; qu'ii partagerait
la moilio du tcrrage de la foire avec la cbapclle et que I'aulre
moitie reviendrait aux leproux. Le cliapelain etait oblige de
rendre ii ces infortunes tous les devoirs que la religion pres-
crit a scs ministres. Pres de la cliapclle etail le ciinetierc dcs
lepreux.
Quand on se rcportc au temps oil la lepre etendait ses
ravages, ct que Ton arrele scs yeux siir les regies qui etaient
imposecs aux personnes affoclees dece mnl, on t'ltrouve de
tristcs emotions. Des que les premiers syinplomcs sc mani-
feslaient, I'individu elait sur le champ separe de ses sem-
blablcs, 11 devenait un objet d'horreur pour ses parents et
pourscs amis. Jlaisla religion le prenait sous sa garde tulc-
laire, ct plus il etait a plaindro, plus celte fille du ciel
s'efTorcait de lui offrir ses consolations ct de rcnlourer de
soins. C'etait au cure du lieu oi^i demeurait le malade
qu'otait devoluc la charge de le sequcslrer, et de Ic conduire
a la leprosorie. Lii, personne n'clait admis sinon ceux (pii,
par elat, etaient obliges dc rendre aux malades les devoirs
S[)iriluels et corporels. Lorsque Ic chapelain celebrait la
mcsse, il I'olTerloirc, il .v" tournait vers les lepreux pour Iciir
adresser quchjucs paroles de consolation, et leurrappeler en
meme temps toules les prescriptions severcs qui Icur etaient
imposecs, etaiixquci les il fallaitrigourcuscmentscconformcr.
Chez les Israelites, les pretrcs etaient aussi charges du soin
dcs lepreux.
Tout le mondc sail le parti ([ue M. Xavier de Maistre a tire
do celte situation p6nible a hKnielle se Irouvaient rediiits ces
infortunes. .M. de Maislrcare|)roduit detrop leellesdouleurs,
124 NOTICE SUU LES ERMITAGES
et, son talent, d'accord avec laverite, a faitsouvent rt'i)andre
des larmes aux lecteurs sensibles.
C'est indubilablement par suite des precautions severes
qui furent prises au moyen age, et de la sequestration des
nialades altcinlsdelalepre, quecetleau a fini par disparaitre
de noire pays. Malheureusement il n'en est pas ainsi pour
d'autres contrees oii 11 parait revenir avec son intensity
d'autrefois. On dil qu'il jette aujourd'hui la desolation dans
la Norwege.
L'erniitage de saint Acliard fut annexe par Henri II, roi
d'Angleterreet due de Normandie, a I'abbaye de Notre-Daine-
du-Voeu qu'il aclieva, etdont I'inauguration eut lieuen H81.
Possesseurs de l'erniitage de saint Acbard, les augustins
de Nofre-Daiiie du-Voeu en changf''rent bienlot ie patronage.
Ce flit Thomas Becquet, arciieveque de Canlorbery, et clia-
noine regiilier deleurordre qui endevint le nouveau patron.
II etaiten grande veneration dans lo Cotenlin et dans le Bes-
sin; on so rujip^lait le sejour qu'il y avail fail, la vie sainte
dorit il avail donne rexeinple, el son recent niarlyre interes-
sait vivenient en sa favour.
II est probable que les augustins no niircnt pas saint
Thomas a la place de saint Acbard sans rassentimenl du roi
Henri, cau.se direcle ou indirecle de la mort du prelat. I. a
chose arriva indubilablement apres la penitence qu'il fut
force d'accom|)!irau lombcau du saint, pourlui faire amende
honorable, el se racbeler du crime donl il etail I'auleur.
D'apres le cardinal Baronius, Thomas fut marly rist^ le 29
dccembre lITo, et, d'apres le breviaire du pape Clement
Vlil, ce ful le meme jour, mais en I I7i, ce qui est reconnii
plus exact. Tres peu de temps apres .sa mort Alexandre HI
lecanonisa. II ne serait pas impossible que le noni de saint
Thomas de Canlorbery eiit ile donne a la cliapelle sainl
UK SAI.NT-SAL:VEI:K ET SAl.NT-ACIIAIin. 12.")
Aclianl loi's de rinaugiiration de I'abbaye de Nolre-Damc-
du-Voeii, dont I'eglise fiit consacive, en M81, par Henri,
cveque de Bayeux, assiste des dvequcs d'Avranches et de
Bath, Ic diocese de Coulances (5tant alors sans Cveque.
Ce que j'ai rapporte sur les revenus de la chapelle saint
Achard on saint Thomas et de la leproserie de Cherbourg se
trouveconfirme par Jean de Lessey qui occupa le siege epis-
copal de Coutances dans la secondemoltie XIIP siecle,jusqu'a
I'annee 1274, epoque dc sa mort, et qui fit r^diger une
slatislique de lous les etablissements religieuxdeson ressort.
II en reconnait I'abbaye de Notre-Dame-du-Vceu pour pro-
prietaire.
Dcpuis Tanncc 1293, elles durent 6prouver les niemcs
malheurs que I'abbaye et ne plus 6tre relevdes. Au XVII*
siecie la chapelle saint Thomas se voyait encore, mais aban-
donn6e; au XVIIP on n'en connaissait plus que I'emplace-
ment. Scsruinesreunies a cellesde la leproserie et recouvertes
de sables ou de terres, qui, avec le temps, s'y etaient
amassees, portaient le nom de bxUtes saint Thomas. II y
avait pres dcla un cimetiere pour les personnes etrangercs
a la religion catholique et un lieu reserv(5 pour deposer les
restes de ccUes qui se suiciduient.
NOTICE
m L'OIIIGINE ET lETABLISSEllESI
DE LA
FOIRE SAINT-CLAIR,
DE OUERQUEVILLE.
FAR
M. Ai<sii»<e LE JOLIS.
La foire Sainl-Clair attire cliaque annce dans la plainc dc
Querqueville un si grand concoursdc monde, die estdevenue
une fete si populaire pour les habitants de Cherbourg, que
peut-etrc on nc lira pas sans int^ret quclqucs details sur
Torigine et retablisscnicnt dc cettc foire. Cos details sent
d'aillcurs cntiercnicnt inedits, et jc dois coniniencer par dire
dc quelle nianiere iissoni venus a iiia connaissanre.
128 NOTICE sun l.\
Lorsfjiic, h la fin dii sicclc derniei", leschiitcaux des nobles
furent pillos el leurs chartriers lacercs et dolruils par les
paysans, qui voulaient ainsi aneantir jusqu'a la trace des
redcvanccs fi5odaIes, — les archives du chateau de Nacque-
ville subiient Ic sort commun, ct furent brulecs en grande
jiompe par les anciens vassaux dc la seigneurie ; mais parmi
les nombreux papiers et parchcmins que Ton jetait au feu,
quelques feuillets portant en tete des pages ces mots Foire
Saint-Clair, atlirerent les regards d'un des assistants, et
durent a sa curiosity d'echapper aux flammcs. Plusieurs fois
j'avais entendu des vieillards de Nacqueville raconter ces
details : je parvins a decouvrir le possesseur actuel de ces
parcheminsct m'empressaide leslui acheter. Ilssecomposent
dc quatre feuillets qui ont evidemnient fait partied'un volu-
mineux recueil de titres relatifs aux seigneurics des Marestz
ct de Fourneville, et contiennent les copies de divers actes,
copies collationnees par deux tabellions au commencement
du XVII'' siecle, autant du moins que je puis en juger par le
caractere de I'ecriture.
Parmi ceux deces tilresqui concernent lafoireSaint-Clair,
le plus important est la charte d'c^tablisement de cette foire,
concedee au seigneur de Nacquevillle par le roi Philippe-le-
Long, en I'an 1318.
II est a remarquer qu'un grand nombre de foiresde notre
pays ont et6 instiluees vers cette 6poque ; ainsi, nous en
trouvons une vingtaine qui datentde 1310 i 1330 : quelques
autres sont plus anciennes, mais a cet 6gard on ne rencontre
plus de documents anterieursau XP siecle.
On comprend assez, sans qu'il soil besoin d'insister sur ce
point, de quelle necessite etaient surtout alors, pour le
commerce ct les echanges, ces grandes assembh^es de mar-
chands venus de conlrees diversos ct souvent loinlaines.
Oiilrc CCS avaiitagos d'ljliliti'; gentM-ale, Ics foires olTraiont
encore dcs profits asscz considerablosauseigncurdu terriloire
oil elles avaient lieu; aussi la concession d'liue foire, c'esl-
a-dire la permission de rulablir,etait-ellc unefaveurvivement
sollicil^e du souverain, ct quel(iuefois nieme achelee : c'ost
ainsi qu'en Tan 1200, Ilaoiil de Baudritot donna au roi Ireize
besans ou pieces d'or, pour obtenir une foire d'un jour a la
Saint-Michel pres la chapelle Saint-Miciiel d'Eloublon. (I)
La foire Saint-Clair fiit tHablic a Nacqueville, et non i
Querqueville, ii la demaiide du seigneur des Marcslz, Herbert
Carbonnel, de la puissanle et ancienne famille des Carbonnel,
qui conserverent la seigneurio de Nacqueville depuis les
<emps les plus rccules jusqu'ii la lin du XV sit;cle, possed^-
rent tant de fiefs dans notrc presqu'ile, devinrent plus lard
marquis de Canisy, et portaient pour armes : Coupe de
(jueules sur azur , a 3 besans d'hermine, 2 enchefsur
guenlcs, et un en pointe snr azur. La charte d erection
est redig^e en latin comme toutes Ics ordonnances de cetle
ipoque ; jc vais en donner une tradiiciion entiercmcnt
litt6rale (2) ;
« Philippe, par la grace do Dicu, roi des Fran(pais et de
Navarre. Entre les litres do gloire par lesquels il convient
que la dignitc royale se manifeste, nous pcnsons que ce n'en
est pas un des moindres que de se tnontrer liborale ct bicn-
faisanfe en tout ce qui ivgardc futiliti^ publiquc, Ainsi, de la
(1) Notes sur los ancieniics foires du dcpnrtement do la Manche,
par M. Lt^opold Delisle (Annuairc de la Manclie, 1850, p. 5a7.
(2) Voir le texle a I'appendix n" I, page 137. — M. Leopold belhla
a eu rexlreme obligeance do collalionner men vidimus sur le
registre do la ChanccUerie, Arcliiccs nationalef^, rog. J. LVf, n" ii «;
XL et 11" V c I.. ■
i:{(t NOTICE SHU I.A
part de noire amc maitie Herbert (:arl)onnel, clerc, seigneur
pour la plus grandc part du village de Saint-Laurent de
Nacqueville , nous a ete presentee une humble supplique a
eetie fin que nous daignons conceder de notre bonte royale
r^tablissement d'une foirc devant so tenir dans cette paroisse
chaque annee a venir, la veille et le jour do la fete de Saint-
Clair; c'est pourquoi, nous, considc^rant qu'il en pourra
rcsulterun grand avantage pour tout le pays et que nous
pouvons accorder cette foire sans qu'il en r(5sulte aucun
prejudice ou dommage pour nous ni pour autrui, et de plus,
que par la le fief qu'il tient de nous dans la susdite paroisse
peut etre ameliore et augmente, selon qu'il nous est apparu
clairement par I'enquele faite a notre demande et a nous
rapporlee, — ordonnons, statuons, et concedons de notre
autorite royale , par les presentes lettres, retablisscment de
ladite foire qui dcvrase tenir chaque annceal'avenirauxdits
jour ct veille de la fctede Saint-Clair ; — et, tous et chacun des
marcbands quiviendronta cette foire, ainsi que les inarcban-
dises qu'ils y amoneront ou apporteront, ct fcront amener
ou apporter, nous les prenons sous notre royale sauvegardc
ct protection speciale, pendant le temps qu'ils viendront a
cette foire, qu'ils y sejourneront et qu'ils s'en retourneront
de ladite foirc ; ct voulons ct ordonnons qu'ils soientprott^ges
centre toutes injustices, violences, oppressions ct dommages,
paries soins du bailly du Cotenlin qui sera alorscn fonclions.
Et afin que ce soil chose ferme et stable a I'avcnir, nousavons
fait apposer notre seel aux presentes lettres, sauf toulefois
notre droit el le droit d'autrui en toutes choscs. Fait a Paris
I'an de notre seigneur mil trois cent dix-huit, au mois de
mai.
Pour le roi notre sire et a la relation du trcsoricr dc
Rheims, signe : 3. Du Temple. »
voir.F. s\i>r-(;i.\ni. 1^1
Ccttc IcKre-patcnlc t'laiL scollet.' de circ verle, avec lacs do
soie verte ct cramoisio.
II ne sera sans doiite pas inutile d'cxpliqiior ici cc que
Ton entendait par le conduit desfoires, celte expression sub
conductu refjio, etant employee dans la cliarte du roi
Philippe. En ces temps de ti-oubles el de d6sordres ou les
vols a main armeeetaient cliose commune, il etait n^cessaire,
afin d'engager les marchands a s'exposer aux chances d'une
longue route, de leur olTrir unc garanlie pour Icur suretd
personnclle el celle de leurs denrees. On leur accorda done
le privilege d'etre indemnises de toules les perles de cette
nature qu'ils pouvaient eprouver, soil dans le cours de leur
voyage, soil pendant leur sejour au lieu de la foire. Ainsi,
s'ils ctaient voles en chemin, le seigneur de la lerre oil le vol
avail ete commis, clait oblige de rembourser le dommage;
si le vol avail liou dans unc liOtcllerie, c'6tail al'hOte atenir
compte au marchand de la soustraclion faite chez lul; el s'il
arrivail que I'hdte ne fiit pas solvable el qucle marchand se
Irouvat dans une ville de loi, oo dernier pouvail encore
avoir recours conlrelehauljuslicierde la ville. Cos privileges,
comme on le voil, elaient d'uno grande importance.
D'un autre cuto, pour prevenir les abus, pour empecher
que sous la protection du'conduit, dcs ventes et transactions
n'eussent lieu avant que les dennU^s fusscnt parvenues sur
remplacemcnt de la foire, tout marchand qui les portait
ailleurs, ou les deployail ct vendail on route, elait saisi et
misenlrc les mains du seigneur, ot Ton confisquaitses mar-
chandises au profit du roi. Telle olait la nature du conduit
desfoires, ainsi^quc nous le voyons par un manuscrit de la
Cour des comptcs de Paris, cite par Ducange dans son Glos-
saire de la basse lalinite (I) ; et ces privileges se Irouvaient
;i; Voir Ip Glossaire Je Ducange, a I'arlicle ^undiinr.
132 NOTK'.E si;r }.K
accordes aux marcliands de In Saint-CUur, en vcrtii dc la
charle royale.
Pourquoi le jour de la f^te de saint Clu-r fut-il choisi par
Herbert Carbonnel pour Tetablissement d'une foire a Nac-
queville? Le motif en sera facilement compris par les pcrson-
nes quelque pen famili6res avec rhistoire de notre pays. On
saitenelTel, qu'apres(5t:-e venu d'Anglcterrea Cherbourg vers
le milieu du IX'= s\bc\e, sainLClair se retira dans la forfitexis-
tant alorsa NacqueviUc, ou il vecul deux annecs avant de se
rendre au monastere dc Madwin. Apr6s son martyre, les
divers lieux qu'ils avait habites et rendus celeb res par ses
miracles , regurenl la visite de nombreux pelerins , et la
grande v^n^ration voui^e a son culte y fit bient6t (5tablir des
ehapelles sous son invocation. La chapelle Saint-Clair dc
Nacqueville fut sans doute une des premieres qui furent
jilevees en son honneur; du moins elle existait deja au com-
mencement du XIIP si6cle, puisqu'en Tan 1231, elle fut
assuree aux religicux de I'abbaye de Notre-Dame-du-Voeu
prfes Cherbourg, a condition qu'ils paieraient 10 sols au
chapitre de Coutances (1)* J'ai trouve dans les archives de
I'figlise de Nacqueville, une charle latine datt5e du vendredi
d'avant la fete Saint-Pierre-es-Liens de Tannce 1253, par
laquelle Richard do Saint-Martin donne a I'abbe et aux
religieux de Notre-Dame-du-Voeu, 18 deniers de rente pour
le salut de son dmc, et en outre , donne et concede a Dieu et
a la chapelle du bienheurcux Clair de la paroisse de Nacque-
ville, un boisseau de froment de rente annuelle, a prendre
(1) Voir I'liistoire manuscritede I'abbaye ile Notre-Dame-du-Vcou,
par I'abbe Demons, p. m. {Bibl. de Cherbourg.)
FOIRE SAINT-CLAIR. i^J
soi-lemoulin ilc Nacqueville, pour entretenirle luminairc
dans ladile cliapclle (i). De semblables dons dcvaient etre
frequents, ear en I'an 1264, I'eveque de Coulances, Jean
d'Essey, lermina un proces entre les chanoines rdguliers de
Cherbourg et le cure de Teglise Sainl-Laurent de Nacque-
ville, aij sujetdes offrandes faites a la chapelle de Saint-
Clair (2). le Livre noir (3) nous apprend que le curti de
Nacqueville avail dix sols siir cette chapelle; d'apr^s le Livre
blanc (4), il recevait vingt sols le jour de la fete de saint
Clair. L'abb(5 du Voeu, patron de la chapelle Saint-Clair, en
percevait les rcvonus, ct y faisait celebrer I'office divin deux
fois par an, aux fetes de saint Clair ct de salute Catherine.
On voit par cequipreci'do, qu'au nioyon-;igo cette chapelle
etail un lien de pelerinage Ires frequente, particiilierement
lojoiir de la fotedii saintniartyr; c'etaitdoncunecirconstanco
des plus favorables pour y tHablir une foire a cclte memo
t'poque, et c'osl ainsi du rcste qu'onl pris naissance la plupart
des assemblces qui ont lieu dans nos paroisscs le jour de la
fete patronale. Mais on comprend qu'en cotte circonslance
lesreligieux de rAbbayc de Cherbourg, qui jouissaicnt dt^ja
(1) Voir le texte a Tappendicp n" 2. page 138.
(•2) RouAiJ.T, al)rege de la vie des evi'ques do Coiitance.s, p. 219.
(3) Ecclesia de Naquevilla; patronus Ep. Const. Abbas Ccpsaris-
burgipercipit duas garbas, rector tercium cum allakigo et habet
decern solidos in capella S. Clari et valet XIV Hbras, abbas Cesa-
risburgi IV Ubras, capella ibidem XL solidos. Livre noir a2"8;.
(4) In parrochia (de Nacquevilla) est quedam capella. Dictus
abbas (de Voto) percipit fructus scilicet offertorum et ibi facit
celebrare bis in anno die S. Clari el S. Kalcrinc. nidus abbas est
patronus- dicte capelle. rector percipit in dicla capella XX solidos
in festo S. Clari et solvit pro circata VIl solidos et pro capa ejis-
I'lpi V nuliilos. Livra bkuic.
•f34 >OTicE sun LA
du revcim de la chapelle ct reliraient un grand prollt de
rimmense concours des pieux visilcurs, dcvaientse trouver
iiiteresses dans ceUe aflaire ; c'csl ce que prouve un acte
ins(ire dans le manuscrit que je possede.
En effet, les religieux de Cherbourg pretendirent d'abord
que Herbert Carbonnel ne pouvail etablir une foire pres de
la chapelle Saint-Clair, ou lis possedalent certains droits,
entre autres le droit do haute justice; cepcndant, comme en
detinilhe cctlefoiredcvait leuretre avanlageuse a eux-memes
en attiranten cetendroit un plus grand nombrede personnes
et par consequent plus do chancer de dons et profits, ils
prirent enlin un arrangement avec le seigneur des Marestz,
et a cc sujet un compromis fut passi aux assises de Valognes
tenues par Robert Jacob, lieutenant du bailli du Cotentin, le
mardi d'apres le dinianche oil Ton clmnte L^tare Jemsalem
de I'annee 1317, entre Guillaume Carbonnel, chevalier,,
agissant au noni de son frere Herbert, et Here Roger Le
Rous, attorney, c'est-a-direavocat del'abbe de Notre-Damc-
du-Voeu pres Chiresbours (telle elait alors I'orthographe du
nom de notre ville). L'abbe conscntit a cc que le seigneur des
Marestz tint la foire autour de la chapelle , ct si I'emplace-
ment ne suffisait pas, sur les terrains environnants, sans
prejudice toutefois des droits de haute justice ct autres que
I'abbaye y pouvait cxcrcer, et a ccttc condition que lo
seigneur des Marestz ne piit jamais eloigner Tassemblee des
alentours dela chapelle; en outre, Herbert Carbonnel devait
s'engager, pour lui et ses succcsseurs, a donner en heritage
ii I'abbaye du Voeu, cinq sols lournoisde rente a prendre sur
les Emoluments ou taxes de la foire (II.
:\) Voir lo It'xle a liippciidix u^ ^■^, page 1^8.
FOIUK SAIMT-CLAFR. 133
yuelles claicnt ces taxes? Ouelles 6taiont les impositions
pii'levees par les seigneurs sur les marchands qui venaient
aux foires? Ces redevances connues sous le nom general de
Coutumes des foires, tHaient dc diverse nature et variaient
suivantles localites. Dans un aveu de Tan 1463 rclatif aune
autre foire de notre pays, la Saint-Nazaire de Greville, nous
voyons que le seigneur de celle paroisse avait « droict
» prendre sur chacua eslallier deux deniers tournois ; sur
» chacun mercier venant a cheval, deux escheveaulx de fll,
» ctdesaullresapied, deux eguilles; sur chacun verrier, ung
» voirre a pied et un sans pied; sur chacun saulnier, de la
» chartde ung boisseau et de la somme ung quarsonnicr; et
» de chacun poller, ung pot a ancc ct raullre sans ance; et de
» chacun tavernier, ung gallon de hoire, tel qu'il aura
» apportee a la dicle foire, fors Ic premier arrive qui ne pale
» lien. » (I) Jene sals si le sei'gncur des Marcstz percevait ces
diverses taxes, mais il prenait certaincment un denier de
chaque marchand entrant dans la foire, ce qui etaitspecia-
lotnent nomme le droit de coutume; puis en oufreun second
denier etait exigc des etaleurs, comme droit de siege ou
terragc. Je vols par un acte du 17 juillet 1336 (2), qu'en
celle tnemc annexe plusieurs elaleurs se reftiserent a payer ce
second denier sous prctoxte qu'ils ('talaient a lerreet non sur
des tables, ct pretendirent ne devoir acquilter que le denier
de coutume. Unc enquete ftit ou\erte a ce siijet par le
senechal de la seigneurie des Marestz, et comme il fut
iirouve que de tofit temps le droit de terrage avait t5!e requis
aiissi bien de ceux qui deposaient Iciirs iiiarchandises a
(1) rSolcs sur les ancieniies foires du tlopartcmeiit dc la M;inchc,
par M. Leopold Delisie (Annuaire de la Mandie, 1«5'.', p. o3h;.
rl: \o\v le lexto a rapjieiidix, ii" 1, page 1 !0.
136 NOTICE SUR LA
terre flue ile ceux qui se servaicnl do tables ou etaux, ces
inarchands furent condamni's a payer le droit aux fcrmiers
de la foire.
Tels sont les documents que j'ai pu rccueillir sur laSaint-
Clair au moycn-age. A partir de I'an 1318, cettc foire s'est
tenue le 17 el le 18 juillet de chaque annee, sur le territoire
de la seigneurie des Marais, aux alentours de la chapelle
Salnt-Clair de Nacqucville. En ccs jours, les religieux de
I'abbaye du Voeu y cel^braient los ollices, etlisaient I'evan-
gile sur la tete des personnes qui venaient implorer I'inter-
ccssion du Saint, particulierement dans Tespoirde recouvrer
la vue : cc^remonie qui devait, comme on le pcnse bien, etre
accompagnee d'une olTrande. Get otat de cboses dura jusqu'a
I'epoque de la revolution du siecle dernier; aiors, en vertu
d'un dt'cret dont je n'ai pu connailre ni la date, ni la tcncur,
ni les motifs, la foire SainL-Clair fut enlevee a la commune
de Nacquevillc, et transferee sur le territoire de Querqueville
au lieu oii elle se tient actuellement le 16 juillet; mais,
malgr^ ce changemenl, elle a encore conserved son ancienne
denomination dans nos campagnes ainsi qu'aux lies Anglo-
Normandes, oil elle est toujours connue sous le nom de la
Saint-Clair-des-Maraiif.
lOIRE SAI.NT-CLAIK. i31
APPEiNDiCE.
K» 1.
Miilippus dei gracia francorum et navarrte rex. Inter cetera
virliitum praiconia quibus regalem excellenciam condecet vcnustari
illud credimus esse nee minimum si ad ea quae reipiiblicse utililatem
prospiciunt se iiberaleni exhibeat et benignam. Sane ex parte dilecli
nostri magisfri Ilerberti CarbonelH clericl domini pro majori parte
villae de sancto Laurencio de Nacquevilla nobis extilit humiliter
siipplicatum ut nos in villa ipsa nundinas ibidem tenendas anno
quolibet de cetero in vigilio et in die festi sancti Clari de benignitale
regia concedere dignaremur Nos igltur atlendentes quod exinde
ulilitas non modica toti patriae provenire poterit ac eciam quod
ipsas nundinas sine nostri et alterius prejudicio ac eciam incom-
modo possumus concedere quodque eciam feodum nostrum quod
in villa praedicla tenet a nobis meliorari jtoterit et eciam aiigmenlari
prout per informaUonem de mandato nostro factam nobisque
reportatam nobis evidenter appaniit prwdictas nundinas in villa
pra-diota tenendas dc cetero in pntdictis vigilio et die festi sancti
riari anno quolibet ordinamus statuimuset auctorilate nostra regia
concedinius per presentes ac omnes el singulos mcrcalores quos ad
dictas nundinas venire conl'gerit una cum mercaturis eorumdem
quas ad dictas nundinas adducent vel aportabunt adduci vel aportare
facient stib roiidtirtu regio ac speciali garda regia suscipimus ve-
niendo ad diclas nundinas et in ipsis morand* et de eis redeundo
ipsnsque ab omnibus injuriis violentiis oppressionibus et jacturis
perballivum Constantini qui pro tempore fuerit deffendi volumus et
mandamus. (Juod nt firmum et stabile permaneat in futurum pre-
<;pntibns literis nostrum fecimus apponi sigillum salvo tamen in
eninihus jure nnstro et eciam quolibet alieno. .Vctum Parisiis anno
domini inille.simo trecenlesimo decimo octavo mcnse maii.
Per diiniinum regem ad relaciononi thcsaurarii llcmonsi«.
J. ID. Tr.Mi'i.o.
438 NOTICE SLR LA
]\'° 2.
Nolum sit omnibus presentem cartam inspecluris quod ego
Ricardus do sancto marlino filius quondam RadulQ de sancto
martino mililis pro salute anime mee et antecessorum meorum
dedi et concessi in puram liberam et perpetuam elemosinam viris
religlosis abbati et conventuj beate marie de veto iuxta cesaris
burgum decern et octo denarios annuj redditus ad festum beati
niichaelissuperdomumquamWillelmusboistardtenebatdemesitam
apud naquaviliam inter duas vias ante domum Willelmi pepin. cum
homagio dicli Willelmi boistard quidlctis abbati et conventuj reddet
redditum supradictum. volo siquideni et concede quod predict!
abbas et conventus super dictam domum et situm ipsius possint
facere plenam iusticiam cum necesse eis fuerit pro redditu supra-
dicto vel super campum de siquet iuxta domum thome sansonis
situm in parochia supradicta. Iterum dedi et concessi in pur;im et
perpetuam elemosinam deo et capelle beati clari de parrochia de
naquavilla unum bussellum frumenti annuj redditus ad luminarc
dicte capelle. habiendum et percipiendum in portione niea niolen-
dini de naquavilla. in quo molendino dicti religiosi plenam possunt
et debent facere iusticiam si necesse fuerit pro predicto frumento.
hec autem supradicta tenementa ego et heredes mei garantizare
manutenere et deffendere contra omnes absque ulla reclamacione a
me vel heredihus meis super biis facienda. datum et actum anno
dominj Mo. CC™". L"'". quinto die veneris ante festum beati petri
ad vincula.
I\° 3.
Es assises de Valloingnes devant Robert Jacob tenant le leu au
bailly de Costentin le mardy continue du lundy dapres le dimenche
que Ion chante I.etare Jerusalem Ian mil Irois centz dix sept furent
prescntz frcro Roger le Rous aclornc dliommes relligieux labey de
FOIRE SAI-ST-CLAIR. 139
nostre dame du Vou jouxte Chiresbours et procurateur au conuent
dicelluy leu dune part et iiionsienr Guillaume Caibonnel cheiiallier
seigneur de Canisi disant que il estoit pour niaistre Herbert Car-
bonnel clerc son frere Auec ceu quit auoit debat enlre lesdictz
relligieux et ledict maistre pour une foire que ledict niaistre
voulloit esleuer par la vertu dvne grace que le Roy nostre sire lui
auoit donnee dauoir foire et de leuer coustunie au jour sainct Clair
a viie assemblee qui assemble a la chapelle sainct Clair en
la parroisse de sainct Laurens de Nacqueuille ledict actorne et
procureur metlanl debat quauoir ne lui pouuoit par plusieurs rai-
sons qu'il proposoit Et apres plusieurs raisons proposez entre ledict
actorne procureur dvne part et ledicl clieuallier dautre IIz firent
accord sur ce en la maniere qui enssuit Cest a scauoir que ledict
actorne et procureur saccorda que la foire fust en leu dessus
diet et saccorda sy ainsy estoit que la place ne fust assez
grande pour sullire la foire que ladicte foire se puisse cslen-
dre es procbains lieux dillec entour de ladicte paroisse saouf le
droict de la haulte justice et des appartcnances qui appartiennent
et peuuent appartenir ausdictz relligieux et saouf ce que ledict
niaistre Herbert puisse remuer ne trestourner lassemblee dentour
ladicte cbajielle ne laport dicelle chapelle Et pour cest accord ledict
cheualiier au nom susdict maistre Herbert saccorda tous contant et
sobligea pour luy el pour ses hoirs que ledict abey et conuent et
lous siiccesseurseusscnt a heritage cinq soulz de tournois dannuelle
rente sur ladicte fuire sy foire y a et que eulx y puissent faire
justice i-ur ladicte foire et sur les emolumentz dicelle et ensement
ledict clieuallier sobligea pour luy et pour ses hoirs acquicter les-
dictz cinq soulz se ledict mestre allant ne voulloit aller allencontre
Et promist et sobligea ledict cheuallier faire faire et confesser
audicl maistre Herbert assignement de tenir les choses dessusdictes
fermes et aslables sans aller enconlre et sy ledict niaistre Herbert
ne voulloit faire et tenir eulx reuendront au poinct et en leslat a
la proclialne'assise de Vallongnes cen que cest accord face ne nctorge
en prejudice a nulle des parlz El a ecu ful present Robert du boys
escuier qui sobligea a faire accorder et tenir laccord dessusdict
esdictz relligieux sy ledict maistre Herbert le voulloit tenir.
Donne comme dessus sans sigucs et apparoist auoir este scclle
tn queue.
liO NOTICE SUR LA
\° 4.
Lan mil cinq cenU cinquanle et six le dix huict™'- jour de juillel
au foirage saincl Clair deuant rnoy Jean Anquelil lieutenant du
seneschal de la seigneurie des Marestz pour noble homme Jean de
Grymouuille sieur dudict lieu Fourneuilie et Tournebu Sest pre-
senle Jacques ouistre pour luy et Olliuier pigeon son compaignon
ftTiiiiers de la coustume de ladicte foire lequel en la presence
dudict sieur a diet el remonstre que les nstalleurs du mestier de
tenneur et cordonnier estoient refusantz payer chacun ung denier
pour le siege el place ou ils auoienl chacun deulx estalle leur
marcbaiidise au controire de lusage accouslume par cy devanlfaict
par leurs semblables Et que cejourdhuy les estalliers tant du mestier
de boucher de serreurier que autres estalliers ont cejourdhuy faict
le payement de chacun ung denier pour ledict siege demandant
ledict sieur pour lui donner adjonction Sur quoy apres que par
lesdictz gens desdictz mestiers de tenneur el cordonnier parlant par
Jean letellier Jean chymenel Thomas de saincl gern)ain Germain le
scelliere Thomas feronnet Guiliaume baubigny Guillaume dancel
Jean Lenepueu Guillaume perier Thomas le maingnen pour eulx et
les autres cejourdhuy estalliers qui se viendront nommer eust esle
dictquilz su vouUoient deffendre et soustenoient quilz ne debuoieut
aulcune chose pour ledict siege que scullement chacun ung denier
de coustume El que par ledict sieur de ouistre eust esle requis
eslre presenlemenl informe de la maniere de payement faict par cy
deuant du droicl dudict siege tanl par lesdictz tenneurs et cordon-
niers que aultres estalliers a y ordonne que presenlemenl sera
precede a enqucrir lesdictz estalliers suiuant ce presence des dessus-
dictz lire le rapport scauoir est a Cardin rose Germain laquesne
Louis guillemelles du mestier de boucher Nicollas leuesque Henry
feuillye du mesnil Denis le carpentier de fibonnier lesquelz font et
ont faict leur estat conlre lerre comme font lesdictz tenneurs et
cordonniers et reserue lesdictz bouchers qui se garnissenl de tables
ainsy quilz voient bon estre lesquelz ont diet et rapporte sur ce
deubment jurez qu'ils ont accouslume payer cbacun ung denier pour
la place de leur eslal et ung denier de coustume Duquel rapport a
esle accordo letlre audict sieur de ouyslre et ordonne que les
porsonne;; ayantz faict la cueillelte de ladicte coustume et estallage
FOIHE SAINT-CLAIR. 141
par cy deuant seront faictz venir pour estre de ce inquis saoul
ce faict ordonner quil appartiendra et la matiere partant mise aux
prochains plees de ladicte seigneurie lesquelz gens de mestier ont
paye audict ouistre le denier de coustume saouf la question dudict
denier destallage Et donne en mandement a chacun des prouostz
de ladicte seigneurie adjourner telles personnes que du party
desdlctz sieurs dOuytre leur seront requis a comparoir auxdictz
prochains plees et aultres enssuyuantz iaiit que mestier sera a la
fin dessusdicte Faict comme dessus.
Signe Anquetil.
VOYAGE D ALGER A SMYRRE
EN 1830,
?AR
HI. le D' DUFOIJR,
Tresidrnt du Consfil .1o Sunlit dc la Merine a Cherbour
Offieiir <in rOiJie iHjpi'rial de la t.6gii)n d'IIon«fiir.
Eml)ar("|u^ en 1830 sur line corvette de I'Etat la Bonite,
je venais d'assister a rexpodition d'Alger. Ses prt^paratifs, le
mouvement de Topinion publiquc si agitee a cette 6poque,
les peripeties de toute sorle que I'armee avail eu a traverser
avant de meltre le pied en Afrique, ses combats, la grandeur
du but, cnfin le triomphe de nos armes et les premiers
latonnements de rcHablissement frangais, tout m'avait
vivement pr^occupe. Chaque jour, je reunissais mes
impressions et le jugement que je portals sur les fails dont
j'elais temoin ou dont I'echo arrivail jusqu'a moi, et sur les
bommes qui jouaient alors un rOle.
C'esl unc page dc cc sou^•c^ir que je delacbe anjourd'bui.
I4i VOYAGE
Au commencement dii mois d'aout nous 6tions encore
devant notre nouvelle conquete : moment de crise oil
rautoi'ito vacillait entie les mains du marechal de Bourmon,
au bruit des premiers et vagues details qui se repandaient
sur les grands evenemenls qui s'accomplissaient dans la
mere-patrie, et qui bientot allaicnl lui faire abandonner on
fugitif cette terre qu'il venait de donner a la France.
Pour nous, alors que nos regards interrogeaienl l'6tendue
de cette mer qu'allaient traverser les nouvelles si impaliem-
ment atlendues , il nous fallut subir une destination
imprevue. Notre corvette, avec la fregate la Thelis et le
Rhone, recut I'ordre de deporter a Smyrne les plus dangereux
des anciens janissaires d'ilussein-Pacha.
Cette milice, presque entiSrement compos6e d'asiatiques,
et qui jusqu'a la capitulation avail fait assez bravement son
devoir, passait pour ires hostile. C'etait, pensait-on, le
principal noyau autour duquel pouvaient se grouper les
resistances des Maures et des Arabes; la politique voulaii
qu'on les renvoyat a ces regions dloignees d'oti la pluparl
6taient venus, encore enfants, cherchcr une fortune que bien
peu avaient rencontree a Alger.
C'etait debuter par une faute que I'organisation des corps
de zouaves et la creation des bureaux arabes n'ont repai'ee
que tardivemenl. Nous '.tHions deja loin de I'epoque oii ces
hardis flibustiers qui ranconnaient le commerce de la
M6diterranee se recrutaient presque exclusivement parmi les
serviteurs les plus rapproch(5s des pachas d'Alger. Fort
d(5generes, ces soldats mal amies, sans discipline, presque
sans solde, presque tons maries et mcnant de front les
occupations d'un metier ou d'un commerce de dt'tail et les
devoirs militaires, avaient aux yeux de ces peu pies oii
s'immobilisent les traditions, conserve le prestige de ces
d'ai.gkii a smvu.nk. Ho
anciennes miliiTs tiinjucs ({uisuivaicnt et lai&aicnt la foilunc
des vieux paclias.
Jusqu'au regne d'Husseiii etsuitout de son predeccsseur,
quelques Turcs avec Icur atlirail de guerre, plus genant [)Our
eux que redoutable a I'ennenii, sillonnaient la rt^gence, et
suffisaienl au recouvremcnt des iinpots. Ccux que nous
rencontrions, sans affeclion pour un pouvoir qui ne stimulaii
plus les hardies cntrepriscs et oubliail souvent de solder ses
servileurs, n'inlervenanl que par secousses convulsivcs dans
le gouvernenient, ne demandaicnt pas mieux que de dcvcnir
les janissaires de la France qui les aurait bien payes et qui
etait viclorieusc. Leurs relations avec les Arabes de la plainc
et les habitants du massif des niontagnes, leur conimunaule
de religion avec ces populations de tout temps a dcmi
soumises, leur habitude enfin de servir fidelemcnt le phis
fort, et qui dans les premiers temps pouvail nous faire con-
tester ce titre? tout nous conseillait d'titiliscr cet Element
de puissance indigene que nous avions sous la main, nous
n'en fimcs rien, et nous restumes sans intermcdiaires en
presence d'un peuplc hostile dont nous ignorions la langue,
les usages et I'organisation sociale.
Quoiqu'il en soil, le 2 aoiit, de la Casba qui occupc Ic
sommet du triangle que represcnfe Alger et du haul des
rues qui presque toutes descendaient vers la marine avec
leurs irregularites et leurs penles rapides, on fit marcher
plusieurs bataillons qui chasseront dcvant eux tons les
miliciens. Bcaucoup de Maures el quebjues Juifs ("faicnt
entraines dans celte razia, et adressaient de vaines reclama-
tions a nos soldats pen familiarises encore avec ces diverses
races. Celte masse eflVayee, balelatilc, poussce vers le port
etait immediatemcnt entassce sur les baliments de guerre :
nous en recAines plus de Irois cents.
10
iJ^ VOYAGE
Avcc qnclqne mysterc qu'on eut prtiparfi cellc operation, it
en avail la veillc transpire quelque chose, et un certain
nombre de Turcs avaient pu sorlir d'Alger. La plupart de
ces dorniers finircnt par atteindrc Constantine, oil nous Ics ,
retrouvames plus tard sur la brechc.
J'^tais a bord lorsque Ics premiers miliciens y furenl
embarqu^s. Une jeune fcmme, qui avail suivi son niari,
gravil I'echelle et sans dire un mot, sans faire un geste, vinl
s'asseoir au pied du grand mat en s'enveloppant de ses longs
voiles. Son mari dcposa sur ses genoux un petit enfant qui
se mourail de soif el pleurait : nous furnes emus a I'aspecl
de ce tableau des miscres do I'exil. Cclle femme accompagnant
son (ipoux qui la condiiisait vers une destin(5c inconnue,
liTri^e a la nierci du vainqucur dont on n'avail pas encore
mesur6 la generosile, otait un objet de piti(^. Nouslui fimes
porter des aliments el de I'cau qu'elle donna a son enfant
apres nous avoir remercies par un signe de la main.
Cependanl nous examinions ces hommes, qui, persuades
qu'on ne Ics avail diriges vers la marine que pour se defaire
d'eux plus commodemcnt, suivanl Ics vieilles habitudes de
la regcnce, paraissaient frappos de Icrreur. Leurs belles
figures etaient pales et consternees ; on les d^sarmail, puis
on iCs faisait descendre a fond de cale. lis devaient croire
que la s'accomplirait leur immolation. A leur honneur, nous
remarquamosque beaucoup paraissaient moins 6mus de leur
danger personnel que d6sesp(5res'd'abandonner leurs families
dont on venait de les s(5parer violemment.
lis demandorent I'aulorisation, aussitol accordee, de leur
6crire. Au milieu de la confusion on avail entraine quclques
Juifs. L'un de ces derniers se debatlait comme une viclime
qu'on m6nc au sacrifice, en crianl qu'il (^lail le meillcur ami
des Frangais. 11 me siipplia de lui fournir Ic moyen de so
d'alger a smyrne. m
rcclamer du consul anglais qu'il pri^tendait connailre. Mais
aussitdt qu'il en eut fini avec sa missive personnelle, il se
mil a exploiter le reste de son papier en ^crivant pour Ics
Turcs des lettres qu'il ne livrait qu'en ^change d'un douro
d'Espagne. Depuis j'ai su qu'on I'expulsait parce qu'il avail
fait a la foisle metier d'espion du dey etdes Frangais, et qu'il
6tait signale comnie un liomme dangereux. Nous conser-
vames done jusqu'a Sniyrne cet elrange personnage qui,
fiddle a sa vocation, renseigna jusqu'au bout la police du
bord. Veritable type de ces enfants d'Israel, n5pandus sur la
cote d'Afrique depuis leur expulsion de I'Espagne, egalement
mepris^s partoutet partout reinuant, intrigant, en definitive
gagnant de I'argent la oil Maures et Turcs se ruinaient. Au
reste, dt's les premiers jours de la conquote noias pumes le
remarquer : les Israt^lites de I'Algc^rie se sentant proteges
par les moeurs et Tautorilc francaise, releverent la lete et
manifeslerenl de nouvelles allures et des semblants d'ind6-
pendance. lis furent les premiers a sc dire Frangais; depuis
leur dignity morale s'est relevee. Ce n'est pas un des moindres
rfeullats de notre occupation.
Le marechal deBourmon s'etant ravish, nous debarquamcs
une parlie de nos passagers et les families de ceux que nous
conservions purent se reunir a eux. Quelques tapis, des
coussins composaient avec un grand coffre le mobilier de
ces menages : quelqucs-uns do ces coffres renfermaient,
disait-on, dos valeurs considerables. De cette simplicite
primitive en fait de confort, il resulta que cliaque famille
sc trouva en quelques instants presqu'aussi bien installec
a bord que dans sa maison d'Alger. 11 seinble que les Turcs
campent toujours, memo dans leurs villes.
La rigueur des premieres dispositions futadoucie, quel-
ques vicillards qu'on voulait dobarquer s'y rcfusercul;
148 VOYAGE
d'aulres relournerenl a terre pour mourir la oii ils avaienl
vt^cu.
Au moment oii nous alliens nppareiller arriva un brick du
commerce qui apportait des nouvelles de France, nouvelles
sans suite, exagerces. En attendant, le drapeau blanc flottait
encore sur les batiments et les forts. Nos instructions nous
prescrivaient de le conserver el a notre retour d'arborer
celui que nous dt^couvririons a terre; arrives dansle Levant
avec ces singulieres recommandations, nous devions recevoir
les ordres de I'amiral de Rigny que nous trouvames tout
aussi peu precis. La corvette le Rhone et la Thetis partaient
avec nous, accomplissant la meme mission.
Les plus grandes precautions etaiaient leur luxe aux yeux
de nos passagers pour leur Cter loutc velleit^ de revolte :
deux canons charges a niitraille dans la batterie et braques
sur eux, la nuit, factionnaires places au grand panneau, le
pistolel charge au poing, chacun de nous arme jusqu'aux
dents; prudence bien gratuite etqui attestait notre ignorance
du caractere musulman. Ce sont les prisonniers les plus
faciles a conduire et les plus dispos(}s a s'incliner devant la
destinue quand elle a parle.
De temps en temps on les laissait venir sur le pont; la ils
passaient des lieures entieres a fumer avec une gravite que
n'alt^ra jamais la petulance de notre Equipage, compose
presque en cntier de provengaux. Rarement ils nous jetaient
un regard et ne manifestaient d'emotion que lorsque ils
nous voyaient jouer avec leurs enfants. Quelqucfois encore,
lorsque de loin ils apercevaient leurs femmes mal voil(5es ou
sans voile, leurs yeux s'allumaient d'indignation et de
jalousie. Le soir arrive, chaque mari ramassait les tapis, les
coussins de sa femme, soutenaitses pas cliancelanlsjusqu'au
faux-pont qui leur etait reserve et se relirait, non toulcfois
I
'd'alger a smyrne. 149
sans avoir fait payer par qiielque correction briitale les
petiles coquetteries du jour, s'il s'en fitait commis. II fallut
meme quelquefois intervenir pour ramener la paix dans ces
mt'inages egares au milieu des infid61es.
Quant aux femmes elles s'^taient si vile et si bien r^sign^es
a leur sort que la batterie dans laquelle elles se tenaient
pendant le jour retenlissait de leurs eclats de rire; plus de
cent parlaient a la fois. Couchees toute la journce, quelques-
unes etaient remarquablement belles; Icurs mains et leurs
pieds surtout etaient modeles avec une rare perfection.
Cette dignite dans I'infortune que savent si bien conserver
les musulmans n'abandonna pas un instant les n6lrcs.
Sauf quelqucs exceptions, ils conlinuerent sous nos regards
leurs prieres. Trois fois par jour, tournes vers la Mocque, ils
n^pelaient leurs genuflexions. Pas un seul ne nous donna la
satisfaction de Tcntendro se plaindre de I'obstination de leur
dernier souverain, cause de tons leurs malheurs.
Retardes par les vents contraires, nous n'etions au 23
qu'cn vue de Cerigo; Venus avait abandonne son ilo, car
nous cbcrcliions vainement un coin de la modcrne Cjlhere
qui presentat une apparence de vegetation a nos jeux
desappointes. C'est la une deception commune au milieu de
ces lies dont la fertilitt^ a 6te tant cel^brce par le genie
antique. C'est que le soufile de la barbarie a tout dessecbe
ici : les forets qui couvraicnt ces pentcs aujourd'hui arides
ont il6 arracli6es; les eaux ont entraine toute terre vegcHale,
cesse elles-memes de couler et de feconder les vallees.
Cherchez pourtant quelque retraite abritee du vent de la
mer, liumide de quelque source cacbee, et vous verrez
reparuitre les vestiges de cette ferlilite dont se vantaient les
Cychules. Mais ce que I'liommc n'a pu ravir a cette ierro
privilegiOe jadis, ce sunt les contours adoucis et barnioiiieux
IS0 VOYAGE
des monlagnes, la couleur ile leurs roclies de marbre dor(5es
par le soleil, et celle (Strange transparence de I'air qui
rapproche toiUcs Ics distances et qu'on retrouve, dit-on, dans
la campagne romaine.
Au moment oii nous nous trouvions au milieu de I'Archi-
pel, radministration do Capo-d'Istrias soulevait un m6con-
lentement general. H61as! il en aetede mfiniedc toutes celles
qui ont suivi. Les insulaires Ics plus (^clair^s avouaient qu'ils
avaient peu gagne a rccouvrcr leur independance. La Tur-
quie rcspeclait leurs liberies municipales et a toujours agi
ainsi avec les peuples conquis. Mais c'etait la un respect
inerte, sans initiative, laissant se developper les germes de
vitalite la oil quelques-uns avaient survecu, ct p^rir ce qui
ne se soutenait pas de lui-meme. Malgre tout, des diverses
parties de la Grece, I'Archipel, pepiniere de niatelots pour
la flotte du sultan, donnant d'aulre part 15,000 marins au
commerce, etait la plus mcnag^e. Cliaque annee le capitan-
pacha faisait une tournte inoffensive, recueillait I'impOl do
capitation , produitdes douanes; tout le reste 6tait abandonnS
aux lies qui s'administraient avec une parfaite ind^pen-
dance.
Menaces d'une de ccs tcmpOtcs si frequentes dans ces
parages, il nous fallut rcluclier ii Paros, ct bicntot nous
mouillames dans cette memc rade oii la flotte du comte
Orloff, guidce par un Anglais, vint se reunir pour alter a
Tchcsme dclruirc une premiere fois la flotlc turque a
laquelle dans noire imprc'voyance nous etions destines a por-
ter, a Navarin, un coup dont elle ne s'csl plus relevee.
Depuis r(5poquc dont je rappelleici les souvenirs, le pas-
sage de milliers de batimcnis a r(;pandu une aisance relative
dans ces lieux qui me parais^saient si d^soles. Ce qu'il y a de
certain, c'ost qu'alors, sauf dans Ics poinis qui comptaicnt
d'alger a smyrne. <5i
au nombre des Echelles du Levant, rcgrisit partout une
niistre qii't^galait scule I'ignorance des choses de I'Europe.
Dans un cadre de rochers sl6rilcs s'elcvait Naousa, pauvre
assemblage de maisons qui, a peine batics, prenaient la
physionomie de mines s'harmonisant avec quelques restes
de ces fortifications que les Veniliens aVaient 3em(5os
partout.
Nous nous halames de descendre h terre. Sur le rivagc
mOme roulaient a nos pieds d'^normcs fragments de cc
marbre blanc, orgueilde Pares, rt^serv6 jadis pour les statues
des dieux et qui ne sert plus aujourd'hui qu'a faire des
morliers et des salieres qui s'expoftent dans la Grecc conti-
ncntale.
Comme dans les autrcs iles, les vallees donnont un vin
trOs aromatise ct asscz de cereales pour les bcsoins do la
population. Sur les terres plus elevees croisscnt a grand'pcine
des cotonniers rabougris, ct le long des rares cours d'eau
s'elijvcnt do grands roseaux qu'on utilise pour la couverlurc
des niaison.«. Qaet la de petites chapalles desservies pin- les
moines des couvents voisins, papas aussi igiiorants que Icurs
compalriotes. Ceux que nous interrogeames avaient tous joue
un rule dans la lutte de rind(5pendance, et I'un d'cux nous
iiionlrait sa main que les fyrans avaient liorriblement mutilee.
De fait, c'etait unc de ces deformations qu'on apporte en
naissant ct dont il faisait remonter la responsabilite a la
barbaric musulmane.
Marmara, le chef-lieu de I'ile, est a deux lieucs de Naousa
ct sur la cute oppost5e. C'est prcsque une ville. Notre arrivee
fit sensation. En un instant apparurent aux fcnetrcs les gr.v
cieuses figures des jeuncs grecques, ct nous fumes entouriis
par une quantiio (riiommes qui nous pailc'rer t de NiipolCMu
(t do la France el d'lbraliiia-rachn.
452 VOT\GE
Pour arrivcr a line pelite t^glise de mauvais style, balie en
m.\rbre et scrupuleusement blanchie a la chaux en dehors
et en dedans, nous passamcs au milieu de ruincsquichaque
jour disparaissent. Que n'a-t-on pas dil du vandalisme des
Anglais et des Francais arracliant aux Grecs Ics dt^bris de
leur glorieux passe pour los exiler sur les rives de la Tamise
et de la Seine! La verite est que les Hellenes conspirent ici
avec les etrangersetle temps. lis sclent les colonnes,rautilent
les chapiteaux pour batir des maisons de marbre et de boue.
Capo d'Istrias avait defendu sons des pcines Ires severes de
toucher aux ruines : vaincs defenses! Irois mois avant notre
arrivee on avait abattu le porlique d'un temple d'Appollon
parce que pour arrivcr a une petite chapclle voisine il fallatt
fairc un detour de quelques pas.
Pares etait renommee pour ses beaux temples. Tout le
mondc se rappelle que c'est parmi ses ruines que Ton a
decouvert lesccl<>bres inscriptions dites marhres d' Arundel,
conservees a Oxford en Anglelerre.
M. de Choiseul-GoufTier a decrit les grottes d'Antiparos
qui fournissaient le plus beau marbre. Ne pouvant les visiter
nous dumes nous contenter de celles de Paros meme.
La premiere que nous visitamos a peu d'elevalion el est
peu considerable. Le temps a revelu d'une teinte brune ccs
marbres negliges depuis tant de siecles et qu'on ne visite
qu'a la lueur de torches dont la fumce laisse sur les parois
des carrieres comme de funebres sillons; engraltant l^gere-
menton voit apparaitre lour eblouissante blanciieur. II faut
reiuarquercepcndant que cc marbre n'a pas phis d'eclat, de
finesse et n'est pas susce|)tible d'un plus beau poll que celui
de Carrare; par cxempie, ce qui le caracterise c'est unesorle
de transparence, et la coulcur legerement fauve et don'e
qu'il prend avec Ic temps ct sous los rayons du soleil.
d'alger a smyrne. 153
Prfes (I'une des ouverturcs de la carri^rc apparall un petit
bas-relief sans importance, que les Grecs appellent les
Nymphes el qu'un anglais avail voulu enlever en creusant
tout autour une rainure profondc.
Mais la carriore qui suit, bicn plus exploitee jadis, attira
tout autrement notre attention. L'entrfieen est majestueuse
et de chaque cote s'etendenl de longues et vastes galeries. En
avancant nous nous trouvames bientfll dans une obscurity
profonde, mais les moines d'un couvent voisin, guides ordi-
naires de ces solitudes, apportirent d'enormes torches dont
nous suivimes lalumicre. Nous marchions sur uneterre fine
et noire. Sur nos tetes s'elevaient des voiitcs dans les parois
dcsquclles il 6tait facile de reconnaitre la trace desderniers
travaux et pour ainsi dire des derniers coups de ciseau. De
distance en distance 6taient menagees des ouvertures soil
dans les flancs , soil au sommct de la montagne, veritables
puits de la profondeur dcsqnels des machines puissantes
enlevaient les blocs. De chaque cOte des galeries les travail-
leurs avaient amoncele des debris qui embarrassaient la
voie.
L'eauqui decoule, chargeede calcaire,a travers les fissures
des routes, a fini par reunir tous ces debris en une masse
cornpacte. Cello qui filtrc plus lentementa convert toutes les
parois de slalactiques. Vers le milieu de notre promenade
souterraine nous vimes la voute sVlever a droite au point
d'etre prcsqvie hors de vuc. L'obscurite qui r^gnail dans
cetle pi'ofomle crevasse nous fit penserqu'elledevaitalteindre
le milieu de la hauteur de la montagne dans les flancs de
laquelle les carrieres ont et6 creusees.
La pale Incur de nos flambeaux qui venail troublerlanuit
de ces retraites, la vuc dc ces moines si dilTerenls de leurs
pores, le rctenlisscmcnt do nos voix donnaicnt a celte scene
154 V0YAG6
unc singiiliire Amotion. De tous c6\H on voyait dcs noms
graves sur les parois, traces du passage des voyageurs loin-
tains, nous y luines une foule de signatures vulgaires parmi
lesquellesquelqucs noms celebres apparaissaient. G'est ainsi
que nous y Irouvames ceux de Thomas Moore ct de Strafford
Canning; parmi ceux des Francais existait celui de M.
Dosrotours. Mais c'^taient ceux des Anglais qui etaient en
majorite. Nous dessinames les n6tres avec la fum(5e de nos
flambeaux, apres huit jours I'humidite les aura effaces.
En voyant inscrits sur les monuments de I'ancienne Grece
ces noms de voyageurs presque tous venus de I'Occident,
comment ne pas etre frappd de la bizarrerie du destin qui
pousse vers ces vestiges les enfants des r(^gions encore
barbares lorsque florissait la civilisation helienique? Qui
aurait dit aux brillants alh^niens qu'un jour les liabilanis
de la Gaule, bcritiers de leur propre genie, vicndraient sur
leur tcrre nalale rcchercber la trace de leur passage, les
temoignagosdc leur grandeur, et enseigner leur passe a
leurs fils di'generes?
Nous quitlames avec regret ces cavcrnes qui sc prolon-
geaient bien au delh, mais qui , interrompues par des ebou-
lemenls, n'auraienl pu au prix de beaucoup de fatigue, nous
offrir d'autres aspects.
Notre scjour so prolongeait a Pares. Nous dumes au calmc
qui s'obslinait a regner d'assister a unc scene biblique. Un
jour nous remarqutlmes parmi les femmes turques un grand
mouvement et nous les vimcss'avancer vers Ic commandant
et so jcler a scs plods, puis ellcs se mirent a parlor avec
volubilite et prosque toutcs ensembles; quelques-unes
montraicnt tour a tour leur sein ct leurs enfants. L'interprete
aussitot appel6 expliqua que ces pauvres femmes s'etant
imagine quo si nous reslions a Paros c'est que nous nous y
I
D ALGER A SWYRfJE. 153
trouvions bicn, venaicnt supplier lecapilainede Ics conduire
au plus vite en Asie. Voyez, disaient-elles, nos mamellcs
sont dcssechces et nos enfantsdep6rissent. On leur fit entendre
avec beaucoup de peine qu'il fallail accuser le calme du
retard dont elles se plaignaient.
Le 5 septembre nous pumes cependanl reprendre la mer.
Le lendemain traversant lentement le canal qui separe
Scio de I'Asie, nous pumes reconnaitre sur cette fie si fertile
et si belle dontle terrain s'eleve par une pente adoucie des
rivages de la mer aux montagnes de I'intcrieur, nous pumes
reconnaitre les traces d'une recentc devastation. L'ile s'tHait
en elTet revolt(5e pen de temps avant notre arrivee et la porte
avail confiele soin de la clifitier a un de ses gL^n(5raux les
plus cruels. Les maisons ^taient noircies par I'incendie, a
moitie renversees par les boulets au milieu d'immenses
champs d'oliviers el de forets d'orangers. Le soleil versail sa
lumi^re sur cette scene de meurtre el de pillage.
Nous detournions nos regards de celle lerre si rficemment
arrosiie de larmes et de sang pour les reporter vers la cole dc
I'Asie mincure. La se Irouvait le termc de notre mission et
nous debarquames nos passagers sur les lies d'Ourlac que trois
lieuesseulement separenl de Snnrne. Plusieurs de ces turcs
parureni vivement emus en nous quittant et s'efTorQaienl de
fairecomprendre la reconnaissance dont lagen(5reuseconduite
des Fran(:ais lesavait penelres; quant aux femmes ne craignant
plus de se devoiler elles saisissaicnt nos mains et les pres-
saienl en pleuranl.
En quclqucs heures ils eurenl improvise un petit camp.
Nous les y visilames le lendemain et nous pumes rccucillir
encore des protestations qui devaicnt elre sinceres.
NOTICE
SUR LES
ANCIENNES FABRIQUES DE DRAPS
. DE CHERBOURG,
PAR
m. Augnste LE JOLIS.
(Lue ii la Societe academique de Cherbourg, dans sa seance
publique du 3 avril 1851.)
Messieurs,
Dans le cours de I'exislcnce d'une villc, il est des institu-
tions qui, aprfis avoir dure un certain nombre d'annees,
quelquefois des sieclcs, disparaissent sans laisser d'aulres
traces de leur passage que quelques lignes dans les annaies
de la cite. De ces institutions, les unes sont de nature imous
faire mieux comprcndre les niceurs cl les usages d'un temps
438 FABRIQUBS DE DRAPS
d(5ja loin de nous; ellcs presenlent ainsi un inttirct tout
sp(5cial a riiislorien. D'aulres furcnt utiles et concoururcnl
au bien-otredu pays; dcquelque modesleimportancequ'ellcs
puissent paraitre, il est juste d'en conscrver le souvenir.
C'esl surtout aux academics de province qu'il appartient
d'enregistrer ces fails, de rassembler ces materiaux de
I'histoire locale, de recueillir avecun soinpieux les traditions
de nos ancfitrcs. Si done il arrive a noire connaissance
quelque particularite de Thistoire do notre ville qui»ail
echapp(5 jusqu'alors aux reclierches de nos dcvanciers, il est
de notre devoir de la lirer de I'oubli, cl de lui rcstituer une
place dans les recits du passe.
C'esl ce motif, Messieurs, qui m'engagc a vous entrctcnir
aujourd'hui d'une branche do commerce autrefois importanle
a Cherbourg, inconnue maintenanl, cl sur laquelle aucun
des historiens de notre ville n'a donne de details circons-
tancies : je veux parler des manufactures do draps qui
florissaient dans nos murs au XVII*' siecle.
On lit dans la Vic de M. Pate, cure de Cherbourg :
« Sa plus grande curiosite etait de savoir si les draps se
» vendaicnl a Paris, et aux foires de Caen et de Guibray,
» carc'elait cette marchandise qui faisait subsister les pauvres
» de Cherbourg.... et on le voyait aillig(3 et inquiet quand
» ce commerce n'allail pas bicn. » — Dans son histoire
manuscrite de Cherbourg, M. de Chantereyne sc borne a
dire qu'il y avail dans notre ville une bonne manufacture
de draps. Une citation toulaussi laconiquesevoitegalemcnt
dans un manuscrit de notre bibliolheque. Enfin, on lit le
passage suivant dans VAnnuaire de laManche pour I'an XI :
« On fabrique dans cette ville (Cherbourg) des draps et des
» toiles de lin. » Voila, Messieurs, les seules indications
DE CHERBOUnC. 159
que Ton rencontre chcz nos chroniqucars sur Vexislcnce de
cetle Industrie h Cherbourg.
Mais dans une liassc de diaries etautrcspiijcesliistoriqnes
recucillics autrefois par M. de Chantereyne, et qui ont cl6
derni^renient offertes a notre bibliotlieque communale en
mSme temps que les memoires inedits de ce savant sur I'his-
toire de notre pays, j'ai remarqu6 un cahier portant ce titre :
« Statuts do la manufacture de draps de la ville de Cher-
» bourg, du 10 avril 16G8 »; et par la lecture do ses statuts,
j'ai pu merendre comptede I'organisation et de riniportance
que prt^sentaient ccs fabriques voila bientot deux sitcles.
C'est une analyse rapide de ce document que je vais avoir
I'honneurdevous presenter; maisauparavant,jecrois devoir,
Messieurs, indiquer ici en peu de mots a quelle occasion ces
statuts avaient du etre rodiges.
Sous Ic regne de Louis XIV, le conseil royal de commerce,
grace surtout a Tiniliative de Colbert, porta une attention
loule speciale sur les manufactures d'ctoiTes de laine, et prit
diverscs mcsures pour reglcmenler la fabrication ctla vente
des draps dans toulc I'etendue du royaumc. Dos statuts,
liomologu^s par le conseil d'Etat, furent mis en vigueur
dans la plupartdes viilesmanufacturieres.et, surunnouveau
rapport de Colbert, le conseil royal de commerce rendit un
arret, en date du 14 mai 1667, portant que ces rcglements
scraient executes rigoureusement en tons lieux, « afin que
toutes les pieces de m(}me etofTe fussent uniformes dans tout
leroyaumecn lours longueur, largeur et qualite ». Pour
arriver a ce resultat il fut ordonne que chaque piece de
draperie, avantd etremise en vente, seraitsoumise a I'examen
domailrosjures, (jui cnconslateraicntlaqualit^ ctle mctrage,
clcnsuitcy apposcraicnt le plomb royal indiijuant que cotte
piece satisfail aux conditions exigees par les statuts.
IfiO FABRIQUES Dli DRAPS
L'execution de ces mesures rencontra des obstacles dans
certaines contrees, nolamment en Normandie et dans d'aulres
provinces avoisinantes, ou Ton continuait a fabriqiier des
6tofTes plus etroites que ne le comportaient les reglcments :
cequi moliva un nouvel arret du conseil.el une ordonnance
royale, en date du 14 avnl 1669, enjoignit de reclief I'ordre
aux maires, eclievins et juges de police, de tenir exactement
la main aTexecution de I'arret du 14 mai 1667, de faire
visiter les pieces d'etoffes exposces en ventc dans les foires et
marches, etde saisiret confisquer celles qui ne porleraicnt
pas I'empreintc du sceau royal. Au mois d'aout do la nieme
annee, le roi altribua exclusivement aux maires et echevins,
la juridiction des manufactures de draperies; mais, dans
certaines villes, les officiers des presidiaux clicrcherenta
cmpietcr sur les pouvoirs ainsi conferes aux echevins, et il ful
necessaircqu'une nouvelle ordonnance intervint pour niettre
fin a ces conflits. Get arret, rendu en conseil d'Etat preside
par le roi a Saint-Germain-en-Laye, le 27 juillet 1770, con-
firme aux maires le droit de juridiction sur les manufactures,
et dt^fend aux officiers des presidiaux, ainsi qu'ii tous autros
justiciers, « de rien entreprendre sur ladite juridiction,
» troubler ni emp^cher lesdits maires et echevins en I'exer-
» cice d'icelle, directementou indirectement, a peine d'inler-
» diction et de 100 livres d'amcnde, enjoint auxdits
» maires et echevins de vaquer incessamment a I'exercice de
» ladite juridiction et de tenir la main a l'execution des
» regiementsgen(^raux des manufactures; etaux maitresdes
» requetes departis par Sa Majest(5 dans les provinces, do
» leur donner toute protection n^cessaire, ordonnc qu'a
» la diligence des maires et echevins, tous les conlrevenants
» au presentarreteserontassignes en conseil en vertud'icclui,
» pour voir declarer Icsdilespeines encourir centre eux; etc.*
1)K CriKllBOLRG. 1 G1
l)e plus, lo roi sc rcseivait cxclusiveinont Ui connaissancR,
en son conscil royal de commerce, tics appcls qui pour-
raiciitctrc formules a cctte occasion.
II m'a paru utile, Messieurs, de rappcler ces fails generaux
qui peuvent servir a I'lnlelligence dece qui va suivre.
Pour obeir a I'ordonnance du 11 mai 1667, Ics mailres
drapiers do Cherbourg sc reunirent, le 10 avril 1668, par
devant Philippe Loliier, sieur dc Noiremare, et Jean Samson,
sieur dc Saint-Jean, maireset echevins de cctlc ville, el arn"-
terent des statutset r(^glements contcnus en 43 articles. Le
debut de ces statuts est tellenient remarquable par la naivete
de la redaction et par I'esprit religieux qui y domine, que je
crois devoir le reproduire ici textucllement :
« Statuts et reglemenls pour les manufactures de
» draperies qui se fabriquent dans la ville et faux-
» bourgs et banlieue de Cherbourg, pour Clre observes
» a I'avenir sous le bon plaisir du Roy et de sa jus-
» lice, par les marchands et maitres dudit etat,
» com me ensuit :
« Art. 1. 11 est exprcssemcnt defendu a tous maitres dc
» manufactures dc draperies de travailler ou faire travaijier
» aucuns ouvriers pour quelque sujet ou pretexte que ce
» soient, les jours de dimanche, ffites annuelles, f6tcs de la
» Vierge et des Apotres, a peine de 10 livrcs d'amende, ni
» d'aller au cabaret pendant leserviccdivin, sous lesmcnics
» peincs.
» Art. 2. Comme aussiii tous maitres de moulins eta tous
» les foulons, de faire ti'availler aucun mouiin a drap, les
» jours de dimanches et fetes specilk^es, depiiis un minuit
» de la veille jiisqu'a I'autre, a peine de 4 livres d'amende.
» Art. 3. Defenses tres expresses sont failes a tous maitres
» de manufactures et a tous ouvriers d'cxposer en venlo,
II
16 i
FABKIQUES DE DRAPS
> comme aussi a tous marcliands de celte ville et des faux-
j> boiirgs et environs d'icelle, et a tous marchands forains,
» d'acheter ou de faire achcter par qui que ce soit aucunes
» pieces de rnarchandises les jours de fetes ci-dessus, a
» peine de confiscalion d'icelles au contrcvenanl et de 100
» -livres d'amende.
T> Art. 4. Tous mailrcs travaillant ou fuisant travailler
» seront obliges de se trouver a I'eglise la veille du jour et
x> iHe de Monseigneur saint Nicaise, en oclobre, oil se
» diront les premieres vcpres, et Ic lenjemain, au service
^ solennel qui sera dit et ctMebr6 en ladile eglise, et le jour
» suivant y sera dit un service pour le repos des ames des
» defunls maitres dudit metier, auquci, comme aux autrcs
» services, seront tenus se trouver tous les maitres de la
» communaule, a peine de 5 sols d'amende conlre chacun
» defaiUanl; .... et, arrivant Ic d6ces d'un dcsdits mailres
» du metier ou deleursfemmes, leur corps sera accompagne
» des maitres jures en charge, qui seront a celte tin avertis
» et tenus en avertir tousles autresmaitresde la communaule
i> pour s'y trouver pareillement, et d'y faire porter les torches
i> ct luminaires accoutumes apparlenant a la confrerie. »
Les articles suivantsindiquent dc quelle fagon sera constitu6
le corps du metier des mailrcs drapiers, tisserandset foulons.
Tous ceux qui auront prouve par actc aulhentique qu'iis
ont travaill(^ avant le 1" Janvier 1666, seront consideres
comme maitres, inscrits comme tels sur les regislrcs de la
communaule, preleront sermcnt, et prendront par ccrit
. I'engagement de se conformcr aux statuls; il leur en sera
donne acte par le.greffierde la ville, auquci ils paieront une
somme de 10 sols pour tout droit. Ceux qui auraienl negligd
de remplir ces formalites un mois apros la publication des
staluts, ne seront plus admis comme maitres, etdevront faire
1)E CHEKDOLRG. 1 C3
iin appiviitissage comme il est Jit plus bas (ail. o]. Lcs fils
ties maitrcsseronlJispensesd'exhiberaucun brevet d'appnn-
ti?sage pGurvu qu'ils aienl Iravailli^ deiix ans ch'Z leurs
parents ct (|ii'i!s aienl altciiU i'age c'c loans. Ilsscronlrecus
s;;ns payer aucunc re'ribution (art. 7]. I-esvcuvcsdes mailrcs
jciiiront des iiiemcs droits que leurs maris (art. 8).
Les maitrcs et ouvriers efrangcrs qui vicndronl s'etablir ii
Cherbourg, devront fournir la prcuve qu'ils elaient deja
regiis mailres dans une autre localite, sinon i's scront tenus
de faire deux annees d'apprentissage; lors de leur reception
dans le corps, ils paieronl a la confrerie une somme de 30
sols, plus une livre de cire, el 15 sols a cliacun des niaitrcs
jures, « sans aucuns I'rais de fistin ni de presents » (art. 6).
Chaque mailre ne pourra prendre qu'un seul apprenti par
an et il devra, sous peine de 60 sols d'amende, presenter
aux maitres jures le brevet d'appremissage passe par devant
nolaire (art. 9j. S'il vient a mourir avant que le temps de ses
apprenlis soil acliev(^, sa veuve pourra les'gardcr chez elle;
sinon elle les remellra enlrc Ics mains des jures qui scront
obliges de leur procurer un autre maitrcoii ils iinironl Icur
temps d'apprentissage (art. M).
Apres qu'il aura aclievii ses deux annees d'apprentissage,
i'aspiranl a la maitriso presenlera aux jures son brevet sur
lequel aura ele apposee la quittance de son mailre constalant
qu'il a Lien et duement servi pendant ce temps; alors les
mailres jur^s en cliarge lui ordonneront un clief-d'ocuvre qui
sera rc^u par eux el par six aulres anciens mailres. Si Ic
chef-d'oeuvre esltrouvcbien fail, I'aspirant sera rocu maflre,
et pretera scrment en celte qualite (ait. 10 :; m;!is avant
d'etre inscrit sur lo regisfrc du corps, il paicra 30 sols a
cIuKiuc mailrejure et lo sols hcliacun des sixaulres mailres
pli'.s i livres pour le service de la confrerie; il paicra en
464
FABRIQl'ES DE DRAPS
oulre 13 sols au greffier pour delivrance de son brevet signe .
par les maires et echevins de la ville; « ct ne pourront les
» mailres jurcs et ancicns pretendre recevoir ou accepter
» dudil aspirant aiicun don do lestin ci present, tant avant
» la reception dudit niailre qu'aprcs, el seront tenus
» lesdits mailres en charge les refuser ct nieme empecher,
» a peine de 48 livres parisis d'amende » (art. 12).
Char|ue annee, le jour de la fete du patron du metier,
tous les mailres s'asscmbleront pour proceder a I'election de
Irois jures, donl un jnaitre drapier, un tisserandet unfoulon,
qui seront charges de gerer les affaires de la con frerie, de
faire c^lcbrer les services religieux, d'inspecter les manufac-
tures, et de visiter les pieces de draperie. Ces jures preleront
serment par devant les maires-6chevins; ils seront aides dans
leurs fonctions par trois mallres-adjoinls qui passeront jur6s
en litre I'annee suivante (art. 13).
Les jures feront leurs visiles ordinaires tousles quinze
jours, pour voir si les ouvriers n'emploient point des lainesde
mauvaise qualitc, ou ne commeltenl point de fraude dans
leur fabricalion; its visiteronl egalcment les magasins pour
s'assurer qu'ils ne renferment point des laines ou des ctofTes
defectueuses, auquel cas ces marchandises seraient confis-
quees, et une amende infligee aux fabricanls et aux d^len-
teurs. lis pourront faire ouvrir de force' par le minislere d'un
huissier, les^iiagasinsdonlonlcurrefuscraitrentree(art. 14).
En oulre les jures feront chaquc annee six visiles g(^nerales,
tant en ville que dans les faubourgs el la banlieue, et dresse-
ront un 6tat do tous les ouvriers, ouvrit;res el apprentis
employes dans les ateliers, ainsi que du nombre de metiers
en activil6 de fabricalion; chaquc maitre leur paiera 3 sols
pour chacune de ces visiles (art. 13).
Les jures ne pourront enlreprendrc de proccs: s'illcur
DE CHERBOUnG. 165
survenait quelque affaire extraordinaire, ils en refereraienl
a six anciens maitres et prcndraient leur avis par ccrit (art.
34). lis s'assemblcront avec leurs anciens deux fois par an
pour examiner los affaires gen^ralcs, arreter leurs comptes
et les conimuniqiier aux niaires et cchevins (art. 35). lis
transcrironl sur un registre les statuts, d6crets etordonnances
concernant les manufactures, tiendront le r61e des maitres
etapprentis, et remetlront les archives en bon etat a leurs
successeurs (art. 36). S'il leur arrivait de causer quelque
desordre et de troubler les ouvriers dans leur travail, ils
seraient interdits pendant six mois et paieraient 100 livres
d'amende (art. 29).
Dans le cas oil des differents s'(51everaient cntre deux
maitres, on entre ccux-ci et leurs ouvriers ou apprcntis, les
causes seront porlees devant I'un des (jchevins et les jures en
charge et jugces au bureau du corps; et si I'une dos parlies
veut appeler dece jugement devant une autre juridiction, il
versera auparavant une somme de 30 livres a la caissc de la
communaute, somme qui lui sera cependant rcslituee en cas
d'infirmationdu premier jugement (art. 41 et16).
L'art. 16 reproduit les prescriptions de I'ordonnance
royale du 14 mai 10G7. Un jour par semainc, il sera ouvcrl
un bureau oil toutcs les pieces de drajicrics fabriquees, soit
a Cherbourg, soit dans les environs, seront apportees et
soumises a Texamcn des jures assistes des eclievins. Toute
pifece qui sera reconnue de bonne qualite, bien travaillee
par le tisserand et par le foulon, et enfin confornic aux
r^giemcnts, sera marquee du sceau royal « oil s(;ront cm-
» preints d'un cote les amies do Sa Majcste, ct autour
» d'icelles gravd's ces mots : Lotiis XJV, restaurateur des
» manufactures ; et do I'autrc c6lo seront marquees les
> armes do ladile villc de Cherbourg, o( autour ces mots :
166
FABRIQUES DE DRAPS
» Fabri(]uc de Cherbourg. » Si la piece d'etuffe est recon-
nue de naiivaisc qualito on mal confeclionnec, file sera
immediatoment coupi'C en qinUrc morceaux. ct rcndue au
propric'liiiro qui ne pourra remployer que pour son usage
ot cclui do sa familie, sauf toutcfois sod rccours conlrc Ic
tisserand on Ic foulon a qui la faule scrait imptilablo. Los
contt'Stations qui pourraicnl s'tie\er a cetle occasion seraient
reglocs seance tonanle ct sans frais par les jurcs ct Ics
cchevins. Ce meme article defend expressemcnt ii tout fabri-
cant de vendre aucune piece avant qu'elle n'ait ete soumise
a la visile ct marquee du plomb royal, a peine de confiscation
de la niarcliandise pour la f"' fois, de 100 livres d"amcnde
pour la 2" fois, el on cas de recidive, sous peine d'etre
degrade de son litre de mail re. « Et en ouire, defenses sont
» failes a toutcs personnes, de quclque qualile et condition
» qu'elles soient, de donncr retrait, preter lours noms ct
» adrcsscs, pour favoriscr en ladiie \ille, faubourg ct ban-
» lieue de Clierbourg, aucuncs marchandises de draperie
» defendues , comme aussi cmpecher ni fairc empechcr
» aucun maitre ouvrier de travailler auxdites manufactures,
» a peine d'etre precede extraorditiaircmmt conlre lui, ot
» de 100 livres d'amende » (ait. 1G).
Les statutss'occupent cnsnite de la fabrication des etoffes,
pt reglcnt le nombre des fils de clialne, la laizc ct la longueur
que doivent pres^Vcr les pieces des divorses cspeces de
draps. Les diaps blaucs Tins auront, suivanl I'usage, 48
porlees de 30 fi's cliacune, soil 1 4i0 fils; les drops de secondc
lainc tanl blancs que gris, 45 portecs ou i3o0 fils; ceux de
Iroisiemo laine, 42 porliH^s ou 1360 fds. Cluque piece doit
avoir 5-3 auncs de longueur d'attachc au metier, el une auno
Irois quarts de largeur, pour conserver, au retour du nioulin,
une largeur d'uiic aune, y compris les lis (art. 17 a 20).
DE CHERBOURG. f67
Les tisscranJs brodoront au metier, sur le clief dc hipit!ce,
lenom dii fabricant auquel elle appartient, el aucun drap
no pouna elre envoyo au foulon avant qu'il n'ait 61q visits
par Ics juros, sous peine de 60 sols d'amende (art. 21).
Diverses amondcs sent furmulees contre les tisserands qui
« par negligence ou par malice » laisseraient toniber des
fils {2 sols), ou feraient « de vilaines lisiercs » (b sols), on
rendraienldas pit'cos non convenabiemenl parees (2 sols),
ou n'auraient point bien tendu la cbaine ni frappo c^galement
le chef (5 sols); enfin contre ceux qui, tout en travaillant pour
un fabricant, feraient des pieces de drap pour Icur propre
compte (art. 22, 23, 25, 26).
Les fonlons doivcnt rcndre les draps egalement foules et
couverts; il leur est formcllement interdit de se 'scrvir de
cardesau lieu de chardons pour legarnissage, ct une amende
de 60 sols sera infligiie a ceux cbez lesquels on trouvcrait
des cardes (art. 31). lis ne pourronl mettre du droguet a
fouler en meme temps que des draps fins, de peur que ceux-
ci ne se trouvent deleriores par suite de la mauvaise qualittJ
de la lainc ctde la teinlure du fil qui enlro dans les dro-
guets. Los contrevenants a celtc prescription paieront 20
livres d'amende et leurs t'tolTcs seront confisquees (art. 32).
Enfin, s'il est rcconnu que Ton a hali^ ou etirc des pieces de
drap afin de les allonger, ces pieces seront c^galcmcnt con-
fisquees, ct une amende de 20 livres prononcee contre le
maitre drapier qui aurait donne un parcil ordrc; « et s'il se
» trouve quccesoitla faulc du foulon, outre qu'il sera prive
» de son foulage, il sera condamne pour la premiere fois a
» 60 sols d'amende, el en cas qu'il recidive, applique au
» carcan deux bcures enliores au milieu de la place, allendu
» la qualile du forfail » (art. 33).
Aucun tisserand nf peul quitter son maitre qu'il u'ait
io8 KABnrQCES DE DftAf'S
auparavant termine I'ouvrage commenc6, el par centre, un
niailre ne peul renvoyer un ouvricr sans I'avoir prevenu
troisjoursa I'avancc (art. 27).
L'art. 28 merite d'etre cite textuellement : « Tons oinriers
» qui quillerontleui" travail pour aller en debauclie paieront
» 10 sols d'amende. Defenses sent faites a tons eabareliers
» de leur donner a Loire pendant les jours de travail hors
» les lieures de diner et de souper, a peine de lOlivres
» d'amende et de tenir prison krois jours durant » (art. 28).
L'article 30 n'est pas moins remarquable : « Si aucun
y> manufacturier metune autre marque on applique la siennc
» ii d'autre marchandise non fahriquee en ladite ville et
» faubourg de Cherbourg, il sera mis au carcan pendant six
» lieures avcc un ecriteau au dos, contenant la faussete par
» lui commis'e, et condamne a 50 livres d'amende. »
L'article 24 defend (^galemenl a lout maitre drapier de faire
fabrjquer chez lui des eloffes pour le compte d'un autre, a
peine de confiscation de ces eloffes et de 20 livres d'amende.
Je dois encore transcrire en entier les articles suivanls
relatifs a la vente des laines : « Nul ne pourra acheter aucu-
» nes laines dans les abords ni avenues de ladile ville de
» Cherbourg ni dans les marches, qu'apres deux lieures
» apres-midi, altcndu que le marche n'ouvre qu'a midi,
» pour donner lieu aux ouvriers d'acheter desdiles laines cc
» qui leur sera besoin ; el defenses sonl faites aux regresliers
» de fabriquer ni faire fabriquer aucunc piece ni morccau
» de marchandises, a peine centre le conlrevenanl de 30
» livres d'amende et confiscation de la dite marchandise
» (art. 37). — Defenses Ires expresses sent faites a loules
» personnes, sous quclque pretexte que ce soil, d'exposcr
» aucun fil de laine ou laine prcte a filer, en vente dans les
* marches et en lous autres lieux, soil dans des maisons
DP. CHEUBOfRG. 169
» pailiculiercs de la ville, fauxbourgs et banlicue de Cher-
» bourg et environs d'icclle, sans en donner avis aux niaitres
» jures; et on cas qu'il en soil trouve, ceux qui les aiiront,
» tant rachclcur que le vendcur, seronl condamnc's en 40
» livres d'amende, et la marchandise confisquce sur cclui
» aiiquel elle appartiendra » (art. 38).
Les ouvriers, ainsi que Ics maitrcs que lour indigence
obligerait de Iravailler a facon pour complc d'autres mailres,
ne pourront s'approprier les niarchandiscs el uslcnsilcs qui
lour seront confies, sous peine d'etre « punis corporeliemenl
comme voleurs doinestiqucs. » Ces objels nc pourront non
plus elre saisis chez eux, soit pour cause dodettes, soil pour
tout autre niolif; mais les iiroprietaires aurontle droit de
les rcprendre,nonobslantloulessaisiesct oppositions (art. 39).
Conformeincnt aux arrets du conseil d'Etat des 4 juillct
1604 et 26 novcmbre l66o, les rnatieres, oulils et metiers
servant aux manufactures, nc pourront clre saisis sur les
fabricanls pour quelque dette que ce soit, si cc n'est pour le
loyer des maisons qu'ils occupent; en consequence, il est
defendu cxpresst'mcnt h tons collecteurs des tallies et de
riuipol du sel, comme a loutes autres personnes de faire
saisir sous aucunpretcxleles rnatieres elustensilcs garnissant
une manufacture en aclivile defabricalion, eta tons liuissiers
et sergenls d'en opcrer la saisie, sous peine d'interdiction,
de 500 livres d'amende, el de tous deepens, dommages et
interets (art. 40).
Conime il a ete dit plus liaut, les mattres jures sontcbarges
de la consultation de toutes les contraventions et dc rap[di-
Cfilion des penalites. Les amendes percues en exi^culion des
articles du reglement (!;laient parlagecs et distribuees comme
suit : un quart pour la confrerie du metier, un quart a
I'hopilal de la ville, le troisieme quart aux mailres jurt"'S, et
lo dernier (juarl au denonciateur ^art. i2<.
no
KABRIQL'ES DE DRAPS
Chaque mois, il sera tenu un conseil de police auquel
assisterunt los mairos el echevins de la ville, les mailrcs
juresen charge ct ISanciens maitrcs. Lesjur^sy rendront
complede leiir gcrilioii et dii resultat dcs visiles qu'ils auront
failes dans les aleliei's, « pour Ic tout donuer par la compa-
» gnieson avis pour parvenir a pcrl'eclionnorlesditesnianu-
» factures ct empeclier les abus qui s'y commeltent , el du
» lout en informer Mgr de Colbert, conseiller ordinaii'e du
» roi en son conseil royal clde tous sesconseils, commandeur
» el grand Iresoricr de tous sos ordres, conlruleur-general
» des llnances, surinlendanl de Sa Majcste ct des manufac-
» lures de France » (art. i'i). Ce dernier paragraphe indiquo
clairement quel interet Colbert porlait aux manufactures, et
quelle influence il avail exercee sur les arrets du conseil
royal de commerce.
Telle est, Messieurs, I'analyse des statuls de la manufac-
ture de draps de Cherbourg. Ces statuls nous monlrcnl que
cette fabrication etaiten pleine activite au milieu du XVIF
siecle, etqu'elle devait 6tre imporlante el occuper un nombre
assez considt^rable d'aleliers.
Le passage de la biographic du cure Pate, que j'ai rapport(5
en commcFicanl, nous apprend d'aiileurs que le commerce
des draperies eiail alors I'unique ressource de la population
ouvriere de noire ville; ct je cilerai encore, comme preuve
de I'iraporlance de cette fabrique, un document in(5dil, extrail
d'un manuscrit de la bibllollit'que communale, et dont je
dois la comuiunication a I'obligeance de noire collegue, M.
Victor Le Sens.
« Valognes et Cherbourg furenl autrefois renommes pour
» leurs draps qui avaienl du corps el de la finesse; il s'en
» fabriquait il y a 30 ans 2,000 pieces a Cherbourg et presque
» autanl a Valognes. Presenfemcnl les deux villes en four-
DE CHERBOl'RG. 471
» nisscnt encore cnsemblo trois on qiiatro cuts. On fait
» mainteriant a Cherbourg iinc autre elolTc do laine appcloe
» Mclinr/e, cl qui vaut tlopuis 4 livi'cs jiisqu'ii 4 livrcs 13
» sols raiine. Les trois on qualres cents iiic-ccs qui soi'lcnt
» annuelicment de ces fabriqncs, sont consonimccs siir les
» lieu\. II s'y fabriquo encore qiiclqncs Idileiies, comme
» conlils e!, monchoirs, dont le piincipal debouclie consiste
» dans la conlrcbande qui s'en I'ailaux tics de Jersey, Guer-
» nescy et Aurigny. — Cherbourg reccvait autrefois de ces
» lies des hiines qui passaicnt par conlreliande; c;r cllcs
» jouissaienl a droit de licence do cent miilicrs do laine que
» la metropolc leur acrordait; et cetle favenr dimnail lieu a
» I'exportaticn fraiululeusc du double cl nu^me dii triiile.
» Cede laine etrarigere, ajoutee a la nnlrc en quantilect en
» qnalite, se repandait a diverses fabriqncs dc la Basse-
» Norniandie. — Depuis le li-aile de commerce de 1782 , les
» Anglais ont supprimj cc di'oit de licence, et noussommcs
» privi's do cellc rossdurce. »
Colic note, qui parait avoir etc ecrite pcu dc temps apres
la date dc 1782, indiquc deja acette epoquc la decadence de
la manufacture dc Cherbourg, qui finil par disparaitre com-
pletementau commencement decc siecle, cl dont maintcnant
il resic a peine un vague souvenir.
II cxisle, je crois, a Saint-Picri'e, aux Pieux cl a Bricquc-
bec, un petit nombre de lisserantls qui fabriijncnt encore des
draps Ires grossiers pour la consommalion locale; mais aux
en-iirons uiemes de Cherbourg, on no Ironve plus d'auire
trace de cette Industrie qu'un soul moulin a fouion situoa
Tourluville, el qui est emphivc uniquemcnt an fonloge des
droguets que font tisser les habitants de nos campagnes.
NOTICE
SUR
L'ARGHIPEL D£ MENDAM
OU DES MARQUISES,
1853 — 1854,
PAR
HI. Eoei.esta:v JARDIJV ,
Aide-Commissaire de !a Marine,
Uembre de plusieurs Socidt^s savantes.
Depuisle commencement du siecle, les voyages sur mer
dans toiites les parlies du globe sont devenus lellement fre-
quents, que les points les plus eloign^s ont d6ja fail I'objet
de nombreux volumes dans lesquels sont relates avec les
moindres circonstances, les moeurs et les costumes des
peuplades sauvages.
174
NOTICK
J'cssaierai ccponJant d'ajoiiter qnclque cliose a ce qui a
di-ja elt^ ocril sur I'arcliipd de Mendana ou dcs Marquises,
elen [wrticulier sur I'ilc de Nouka-IIiva, la [jrincipole da
groupe. Aya:it lialjite ccltc i!o pendant plus de quinze niois,
j'ui pu, grace a la facilito des relations avcc les indigenes,
penetrer souvent dans leui's cases, dormir sous leur toit,
prendre part a leur repas, assislcr a leurs fetes, a leurs
ceremonies publiquos, nridentificr nourainsi dire avec eux,
Bien que le contact des Europeens ait modifie un pen dans
la bale de Taio-llae, occupee par les Fi'ancais, les habitudes
de ces indigenes, ccpcndant il y a tri)p pcu de tcn)ps que
nuus nous trouvons au milieu d'eux, pour qu'ils aient pu
les abandonner enlierement.
Je n'enlreprendrai pas de faire Thisloirc de Tarchipel des
Marquises, si toutefois on pout appeler liistoire d'un pays
la reunion de quelqucs fails isoles a grande distance les
unsdes autres, el rapportes par des voyageurs plus ou moins
credules, plus ou moins passionnes. Qu'il me suflise de dke
que cet arcliipel, decouvert en -1595, par Mindana, naviga-
teur cspagnol, envoyc^ a la recherche des lies Salomon, fut
baptise par lui du nom de Las MarquJ'sas de Mendoce, en
I'honneur du marquis de Mendoce, vice roi du Perou, gou-
verneur general des possessions espagnoles sur la cole
orientale d'Amerique. (I) Les iles furent ensuile reconnucs
par Cook en 1774, visitees en 1791 par Ingraham, americain
de Boston, en 1792, par Hergesl, qui faisait parlie de la
division de Vaucouvert, cinq ans aprtis, par un navire ameri-
cain charge de missionnaire; en 1804, par le capitaine russe
Krusenstern; en 1800, par Marchand; en 1813, par David
(1) Voir la note n" i, a la fin de la notice.
SIR l'archipei, he me.nda.na. 175
Porter, qui fit la guerre aux naturcls ct s'elablit dans la
baie que nous occupons dfpuis 1843. Quant a I'liistoiie
interieuro du pays, elle se resume en guerres de Iribus a
Iribus, d'ile a ile, et cc qu'on raconte est tellement pcu
interessant qu'il ne fait point regrctter ce qu'on ne connait
pas.
Lcs lies de Tarcliipel soul, en commcr.cant par le Nord,
Tile Masse, I'lle Ghana), Nouka-IIiva (on ecrit aussi Nukuhiva
etNuhiva)etqui s'appeile t^galomenl ileMarchand, Uapouou
lie Baud, Roa-Huga ou ile du Solide, O-Ilitao ou ile Crislina,
dans laquelle se trouve la baie de Vailaliu, 0-Hivaoa ou ile
Dominique, Onateya ou ile San Pedro, enfin 0-Hitaoya ou
lie Madelaine. Quelques ilots peu distant de ces iics sent
peu ou point liabiles; ils servent de relraite aux nombreux
oiseaux de mer qu'on rencontre dans ces parages de I'Oc^an
Pacifique.
II s'en faut ^galemcnt de beaucoup que loutes les parties
dcs lies ci-dessus indiquees soient habitues par les indigenes;
la constitution pliysiijuedu pays s'y oppose d'une maniere
invincible, car elles sont toutes com[)Osees de liautcs monta-
gnes et de profondes vallecs, et il est rare de Irouver une
surface unie d'un kilometre cane. Ailleurs ce sont d'enormos
blocs basaltiqucs qui s'elevent perpendiculairement, ct dont
le sommet se perd dans les nuagcs, ce sont des quartiers dc
rocliers entasses lcs uns sur les autrcs ct prosentant le chaos
le plus complet. (1) Les flancs de ces monlagnes sont quel-
quefois arides et sans aucune trace de verdure, quclquefois
(1) Nous parlerons de la geologie et de la mineralogie des
Marquises dans un article .'special consacr^ a Ihisloire nalurclle de
eel arcbipoi.
176 -NOTICE
converts d'une brillanle vegelalion. C'est au pied des hauls
cocotiers, el a I'ombre des arbres a pain que s'elevent les
cases des nalurels, disseminees au gvd du possesseur, dans
toute la vallee ou sur le versant de la montagne. C'est ce qui
fait qu'il n'y a pas a proprement dire de villages, et que les
localites se distinguent entre elles par le nom des vallees.
En 1843, la France avail etabli a Vaitahu, dans Tile de
0-Hitao ou Crislina , un poste sous la dependance dnquel
elait celui de Taio-Hae dans I'ile de Nouka-Hiva, Vaitahu a
616 abandonne a cause de son mauvais mouillage, et les
nalurels, dontquelques-unsavaientembrass61ecalholicisme,
ont sans doute oublie les lecons des missionnaires, qui ont
quilts celle place pour Taio-Hae, un an environ apres.
I'abandon par les Francais.
En meme temps qu'on s'elablissait a Vaitahu, on jetait
aussi a Taio-Hae les fondemenls d'une nouvelle colonie, qui
n'eut guere plus d'existence que la pr6c6dente; le 17 d6eem-
bre 1849, la Sirene emportait le pavilion frangais de I'ile de
Nouka-Hiva. On reviut cependant a Taio-Hae, eton s'y eta-
blitdenouveau le28 mai1830;en 18o3,on fit de nombreux
travaux, on eleva un penilencier, on jeta les fondemenls
d'une vasleeglise (1), des routes furenl ouverles, et les eta-
blissements deja existants furent repares, maisde nouvelles
considerations politiques et surtout la prise de possession de
la Nouvelle-Caledonie vinrent encore modifier les vues du
gouvernement sur Nouka-Hiva. La corvette YAveniure
emporta en Caledonie tout ce qui ctail susceptible d'etre
transports, et lorsque nous revlnmes sur VArtemise, au
commencement de 1855, nous eumes la douleur de voir
(\) Voir le Phare de la Manche du 23 juillet 1851.
sift L'AftCHII'KI. [)E MENnVNA. HT
()ue presqiie Ions les travaux qui avaient6te executes pendant
les seize mois de noire sejour dans la baie, n'cxislaient pour
ainsi dire plus, les routes etaient abandonnees, et couverles
en partie de broussailles, le silence regnait la ou i'on voyait
line activity incessante, et partout la nature reprcnait ses
droits un moment usurpes.
Nous n'avons maintenant (en ]S'6^) aux Marquises qu'un
seul poste, celui de Taio-IIae, et Ton comptea peine dans les
aulres iles quelques europecns, dont le commerce so borne a
la vente de vivres frais aux navires baleiniers qui vont s'y
ravitailler.
II est inutile d'cntamcr une discussion sur la maniere dont
se sont peuplees les Marquises, ainsi que les archipels voi-
sins; des volumes enticrs seraicnt pcniblemcnt elabores pour
rcproduirc les preuves donnees par les savants, qui veiilent
que les habitants des arcliipels dc la Polynesie soient venrs
d'Amcrique, et par ceux qui souliennenl le conlraire. II vaut
niieux rapporter des faits dont on peut rcconnaitrc I'exacti-
lude, sans se lancer dans le vasle champ des hypotheses, qui
ne donnent aucun rcsuUat.
Le naturel des Marquises, de mOme que celui des iles de
la Sociele, marchc en lete de sa race, qui parait 6lre la mon-
golique (1). Nous ne pouvons mieux fairc que de ciler tex-
tuellement le savant naturaliste Forster, lorsqu'il visita ccs
iles a la fin du siecle dernier.
« Les habitants des Marquises, dit-il, sont les plus beaux
» hommes du grand Ocean, apres ceux des iles de la Societe.
» En general leur teint est plus hazane, parce qu'ils vivent
» sous les 9° 57' suil, par consequent pluspresde la ligne.
» lis sont d'aiileurs plus accoutiinies a ne point se couvrir
.1} Elt^ments de zoologie par M. .Milne Edwards.
4S
478
NOTICE
» le corps : on voit cependant parmi eux des individus un
» pen plus blancs; les femmes, qui sont communenient cou-
» vertes, sont prcsque aussi blanches que celles des ilcs dc
» la Socicle. En general les hommes sont forts, nerveux et
» bien fails, niais aucun n'est aussi charn'u que les Ta'itiens.
» Cctte difference provient, je crois, de ce qu'ils ont plus
» d'activite. Comme la plupart vivent sur les flancs et au
» sommet des hautes montagnes ou leu rs habitations res-
» semblent a des repaires d'aigles places sur les cimes inac-
» cessibles des rochers, lis doivent avoir naturellcment le
» corps grelc et mince, puisqu'ils gravissent souvent ces
» montagnes elev(5es et qu'ils rcspirent un air fortvif, dans
» des cabanes presque loujours cnvcloppees dc nuages. lis,
» ont la barbe noire et de beaux cheveux. Les femmes et les
» jeunes gens ont des trails agr6ableset reguliers, etle visage
» ovale, mais les hommes fails tatouent leur corps et leur
» visage en bandes, en cercles, en ligncs, en echiquier, et
» ils serrent ces figures si pres les unes des autres que,
» malgre leur regularite, elles les rendent laids. Les jeunes
» gens sont pour I'ordinaire tres beaux; ils serviraient d'ex-
» cellents modeles pour un Ganym6de. La physionomie des
» femmes est douce et intt^ressanie, lout leur corps est de la
» symetrie la plus parfaite, les extremites des doigts, des
» epaules, el les contours de toutesles formes sont admira-
» bles. Leur laille c^gale la taille moyenne des hommes. II y
» en a tres pen et peut-elre n'y en a-l-il aucune qu'on puisse
» appeler petite. Ces insulaires nous ontparu affables, civils.
» et hospitallers. lis ont bcaucoup de legerete qui forme le
» caractfere general des nations placecs sous le tropique,
» mais noire relache parmi eux ayanlete lrt!S courte, nous
» nc pouvons donner des details plus parliculiers (1). »
(]) Observalions faites pendant un voynge autour lUi raonde, elc-
srn l'akchipkl he mkm)a>a. I7ii
tette description de Forster, bien qu'ecrite il y a pros do
quatrc-vingls ans, csJ encore (.res cxacle et dopcint fort bien
I'etat physique et moral do la population dcs Marquises. II
est inutile d'ajouter que la, comnie partout, i! so Irouve dcs
filres dilTormcs, mais ils sont on moins grand nombre que
parmi les nations civilisees. Cela tient sans doutc a cc que
Ic contact des Europoens ne leur a pas encore communique
toutcs ces maladies, tristc apanage d'unc longue civilisation,
ct qu'ils ne tarderont pas a connaitre, a cause de leur pro-
pension effrenec an plaisir et a la volupte.
L'indcpendance est le propre du Noukaliivien ; il n'a ni
lois, ni ri^glements, ni cet appareil fasliieux quecbez nous on
decore du beau nom de justice. Si un naturel derobe a son
voisin quclques regimes de bananes, quolques fruits do
I'arbre a pain, il est assez puni par la hontedont il se couvrc
en passant pour voleur. Lc Tapou soul, dont nous parlcrons
plus loin, leur impose quelques obligations morales, ct nul
d'entre ceux qui ne sont pas encore convertis n'oscrait en
sccouer le joug, ceux mt'me qui ont abjure Icurs ancicnncs
croyances ne s'en afiranchisscnt qu'avcc beaucoupdc repu-
gnance, tantfon consueiudo valet.
Los cases n'ont souvent pas de porte, on pent y cnlrer a
toute heure du jouret de la nuit, et la plupart du tcnips, il
sutru dc soulever un nu'-chant lambeau d'etoffc pour y avoir
acccs. Si vous n'etes pas connu, le kanac (1) en vous voyant
enirer, vous dira bonjour, sans se lever de dcssussa natte,
si an conlraire vous lc connaissez, dn plus loin qu'il vous
(1) Le mot Kanac vienl du sandwichois Kanaka, qui signiDe
liomme, penple; ce mot est employe par les F-'uropeeos pour designer
I'indigene dcs arcliipel dcs Marquises, des Pauinolu. dc la Sociele,
des lies SaudwicJi, etc.
180
NOTICE
verra venir, il vous invitera a entrer, iv vous reposer, et ira
vous preparer un coco fraichement cueilli.
Les indigenes sont aussi libres entre eux que le sont les
strangers a leuregard. lis entreronl dans la premiere case
qu'ils trouveront sur leur passage, d(5poseront leur fardeau,
fumeront leur pipe, el apres s'etre reposes, ils continueront
leur route sans plus de c^remonie.
Leurs travaux se bornent a bien pcu de chose, et cliaque
famille pourvoit a ses besoins. Les bommeselevent la case,
les femmes tressent les feuilles de cocotier on enfilent a une
longue branche les feuilles de I'arbre a pain qui doivent la
couvrir, elles travaillent I'ecorced'arbrcdeslinee aleurservir
de v6tement, et lout le monde prcnd part a la recolte des
fruits a pain. Si les kanacs dl^venl des pores, ce n'est que
pour les fetes, ils n'en tuent jamais pour leur usage parlicu-
lier, quoiqu'ils en mangent voloniicrs. Cci animaux leur
demandent peu de soin, ils trouvent une nourriture abon-
dante parmi les goyaviers qui sont en grande quantite dans
rile ; c'est a peu prSs la seule ressource des bailments
qui vienncnt seravitailleraux Marquises. II serait cependant
trfes facile d'avoir des Iroupeaux de boeufsetde moulons, et
le paturagc ne leur manquerait pas. Le gouvernement en
possedait un a Vailahu, il a 6te transports en partie a Taili,
lors de I'abandon de ce posle. Ce qui reste, et qu'on pent
6valucr a cent letes environ, est pour ainsi dire sauvage.
Depuis que nous sommes 6tablis a Nouka-IIiva, le systeme
de centralisation frangais a etc essaye dans celte He; avanl
notre arrivee, chaque bale, chaque valine , cbaque groupe
d'habitants pour ainsi dire, avail son clief plus nominal que
r6el, dont rinflucnce el I'aulorite ne se faisaienl senlir qu'en
temps de guerre, systeme qui cxislc encore dans les aulres
Iks. L« France, en choisissanl doiinitivcment la bale de
sua l'archipel dk me^dana. 18f
Taio-IIae coinnie point principal de ses possessions aux
Marquises, a fait egalement choix, pour roi de I'ile, du chef
d'une des valiees dontl'intelligencea paru sup6rieure a celle
des autres chefs. A I'egard de la plupart des chefs des aulres
bales et vallte du centre, ils peuvent etre compares it nos
rois de France au X'' siecle.
Te Moana, roi de Nouka-Hiva, est age d'environ trenle
ans. U a eu de frequentes relations avec les Europeens et les
Amdricains des Etats-Unis. II a visit6 plusieurs archipels de
rOct^an Pacifique, et est meme alle jusqu'en Angleterre sur
un navirehaleinicr. Ilparletoujoursavecplaisirdece voyage,
des nombrcuses choses qu'il a vues, nouvelles pour lui, et
qu'il 6tait et est encore loin de comprendre, machines pour
la fabrication des etofTes, chemins de fer, bateaux a vapeur,
gaz, imprimerie, etc. Ce qui I'a frapp6 le plus dans Londres,
c'est la difference enorme dans la maniere de vivre des habi-
tants; c'est de voir les uns chaudement habilles, bicn log^s,
bien nourris, les autres, au contraire, a peine vetus de me-
chants haillons, habitant des repaires noirs et infects, et
lendant timidement la main pour recevoirun morceau de
pain ou une piece dc monnaie. On congoit ais(5mcnt son
^tonnement, car la mendicite est chose inconnue dans son
tie.
Te Moana a de grandes proprietes, mais il est loin de les
faire valoir toutos a son profit, ou mt'mo d'en tirer quelque
k"!nefice. II en fait concession aux autres kanacs, sansaucunc
redcvancc fixe. Seulement s'il a besoin dc quclques-uns des
produils de ses terrcs, coclions, bananes ou fruits a pain, il
les deniandent et on les lui apportc. La tribu des Happas
vcnaitjadis en masse chargee de provisions et les ddposait
dans sa case. Cetlecoulume parait maintcnant supprimec,
ou du moins jc nc fai pas vue mcttrc en pratique.
18-2 NOTICE
Vaokt'lui, sa feinine, agee d'en^i^on vingt-sepl ans.esf
commcTo Moana, de race royalo. Elleest de beaiicoup siipc-
ricorc aux autrcs fcmmes indigenes par rintelligen^e dont
elle a donno dcs preiivcs lors des discussions de son mari
avec raiitoiite francaise. Elle a beaucoiip d'ai)titude aux
travaux'de remme, sail coudre et repasserle linge, et si elle
jiouvait sc troiiver en contact journalier avoc uneeuropcenne,
olle ne tardcrait pas aacquerir une foule de ces pelits talents
d'inlL^riour de menage qui ne s'apprennent guere qu'en les
voyant extcuter. Neanrnoins, on trouve chez elle cettc indo-
lence qui cacacterise si eminemment les pouples sauvages de
la z6ne loriide, ct ce laisser-aller qui marque I'etat primitif
de ces nations.
Te Moann et Vat'kehu out ete baptises avec leu rs enfants
et un grand nombre d'liabitantsdeTaio-Hae, le 29 juin 1853^
ct ont completement renonce a leurs superstitions religieuses;
Te Moana a adopte le costume d'un ofUcier de marine,
Vaekehu poite la grande robe sans ceinlu;!', mais dans leur
manierede vivre, ni I'un ni Tautre n'ont encore rien cbange
ct ne cbangerontprobablemenl pas.
Lc systeme de gouvernement que notre presence a Nouka-
Iliva a modifio, comme on vient de le voir, existe comi)lete-
nient dans les autres ilcs; mais si en temps de paix, les chefs
des vallees ne se distinguent des aulres liabitants que parce
qu'ils possedent un plus grand nombre d'arbres a pain, de
cochons et d'ornemenls de fetes; en ten^ps de guerre, au
contraire, leur autorite est tres grande. Le chef pent reclamer
des victimcs, s'il lejuge necessaireau succes de I'entrepriso,
reunit les hommes valides de sa circonscription, s'entend
avec la Iribu dont il est I'ami et I'allie, et donne des ordrcs
pour I'agression ou pour la d(5fense. Quand la royauteexislait
aux iles de Tapou el a Vaitahti, si le roi voulait faire hi
SLR L'ARCrilPEL DK MENDANA. 183
guerre i\ une ile voisinc, il r^unissait les chefs des baies et
des vallees, leur expliqiiait les raisons qui le d^terminaieiit
a la faire, prenail avec eux les dispositions convenables, et
envoyait dans le pays un messager, ke'e, charge d'annoncer
au pcuple les rosolulions du conseil; chacun alors s'armait
else reunissaitau lieu du rendez-vous.
Le droit de succession, soitcommo roi, soil comine chef,
est ainsi regie : aprSs le d^ct-s du pere rh(5rilage passe au
fils ain{5, ou, a dcfaul, a la fiUe ainSe. Le chef peut egale-
nient, a d^faut d'h^ritier, adopter un enfant qui estconsiderc
conime Ic fils propre ct I'heritier presoinptif. Les naturels
appellent cette adoption ikoa. Ce mode d'adoption est tres
usite aux Marquises, non seulement parmi les chefs, niais
encore parmi les autres habitants ; souvcnl un kanac, bien
qu'ayant des enfants, en adopte d'autres, menic avant qu'ils
soicnt n(5s. Ces enfants viennent dans la case, y sont nourris,
soignes et mis sur le pied de la plus parfaite egalite avec les
autres. La mere veritable se separe de son nouveau-ne avec
la plus grande facilite. Cependant elle va le voir de temps
en temps, mais elle no s'occupe plus de lui. Get usage
bizarre et si difierend de nos mocurs fait qu'il est Ires difficile
dedebrouillcr la gi'nealogie des families et la parenle veri-
table de la parcntc d'adoi)tion, et Ton ne doit plus s'ctonner
de la multitude de parents que pout avoir u[i kanac, surtout
quand il est Akaiki, c'cst-ii-dire chef.
L'usage subsiste encore, pour un (Stranger, de se choisir
parmi les naturels un ami qu'ils appellent Tayo, nom qui
vientsans doutcdos iles de la Sociele, lequel vous fait des
cadeaux ct vous revolt clicz lui, a charge de revanche. 11
prend voire nom et vous prencz Ic sien. Pendant mon sejour
a Nouka-IIiva, mon tayo appele Mioi, qui Olait de la tribu
des Ilappas, nVMail jilus connu que sous le nom dc commis-
184 ^0T1CE
saire dcs liappas; une redingote aboutons d'uQiforme queje
lui avals donnee ne conlribua pas peu a lui faire donner ce
litre.
Dans la c.\.se do votre ami indien vous etes comme chez
voiis, et voiis pouvez prendre la meilleure place, si cela vous
convient, sans'qu'ilen soil nullement offense; si vous voyagez
avec lui, il portera votre leger bagage et vous servira de
prc^lereiice aux autres; il vous defendrait au besoin en cas
d'agression, ce qui n'arrive guere, surtout a Nouka-Iliva, car
les naturels ont pour les blancs un respect dont ccux-ci
abusent quclqucfois.
Le donicstique des chefs kanacs se compose d'hommes et
de femmes, qui s'engagent facilement a leur service pour la
nourriture et Ic vetement qu'ils reyoiventen compensation;
si ces scr\ileurs ne s'arrangant pas avec leur maitre, qui vit
avec eux et de la meme manicre qu'eux, ils lequittent sans
plus de facon qu'ils sont venus chez lui.
II n'y a pas, a proprement parler, de pauvrcs chez ces sau-
vages. Tous les habitants participenl aux fruits que la nature
repand dans ces pays en si grande abondance. La vieillesse
est (^galemcnl respectee etsecourue; un vieillard, un infirme
se trouve-t-il reduit a n'avoir plus de famille, il n'en sera
pas pour cela abandonne; il sera recu dans telle case qu'il
voudra habitcr, sur d'y trouver accueil, nourriture et place
pour dormir.
Corabien nous difforons de ces peuplades que nous appe-
Ions sauvagcs, et Ton serail tente de se demander Icqucl est
le plus barbare, de celui qui ne voit dans son semblable
qu'un autre lui-meme, ou de celui qui fermeimpitoyablement
sa porte a la vieillesse et a la pauvrete.
Les idtiescosmogoniques de ces peuples sont tres peu eten-
dues. lis supposenl qu'un hommc, appcloMaui, fitsorlirdes
SUR l'ahchihel de mk.ndana. f8.i
eaux la lerre lelle qu'elle exisle maintenant. Ilscroient que
la teinte bleue de ratinospliere est une matiere solide el que
le ciel louche a I'liorizon, c'est ce qui leur fit prendre pour
des Dieux les etrangers qui arriverenl les premiers dans
leurs lies.
lis croient que le soleil tourne autour de la lerre, el il sera
diCficilede parvenira leur persuader le contraire, si toutefois
on le veutessayer. Quoiqu'il en soil, les vieillards racontent
qu'autrefois les nalurcls desirant conserver le soleil plus
longlemps sur I'liorizon , parce qu'il n'apparaissait que
fori lard, el disparaissail de bonne heure derriere les nion-
tagnes, essayerent do rallacher snr le sommet dc I'une
d'elles, niais conime ils s'elaient servis de cordcs failes
avec des ecorces d'arbres, la chaleur de I'aslre ne tarda pas
a les consumer. lis se servirenl alors de clieveux et cruront
elre parvenus a rempeclier de disparaitre Irop vile.
Les indigenes dc Nouka-Hiva conscrvcnl encore cerlaines
tradilions qui ressemblent assez acelles des peuples primilifs,
et Ton croirait entendre quelques recils des sagas mytliolo-
giques des anciens scandinaves. Aux Naikis, Iribus de I'inle-
rieurde Tile, on monlre unepierrc surlaquelle une fcnime
appelee Ilakamoelupua divisa le ciel en plusieurs parlies
qu'elle distribua aux differentes Iribus de I'ile. Ainsi la tribu
desTeis, dans la bale de Taio-llae eut en partage un ciel
calmc et sans vent; la tribu des Ilappas, un ciel convert avec
de grosse pluieen abondance; les habilanlsde Taioa, baie
a I'ouest de celle de Taio-flae, furenl condamnes a un ciel
toujours pluvieux; lesTaipis-Moana, dans la baie du Contro-
leur, a Test, eurent un ciel gris et pomele; les Taipis-Vai,
dans la niCme baie, ne virent le bleu du ciel que par les
rares inlervalles d'un nuage general el epais; dans le nord
de rile, les Puas, les Alilokas n'eurent que des nuagcs; au
centre, les Naikis, un temps continucUemcnl brumeux.
I8G
NOTICE
Cetle repartition ficlive des differentselats de ralmosphere
sur I'ile de Nouka-Hiva, correspond elTeclivement a ce qui
existe, car en general le temps est nuageux, ct il pieut sou-
vent dans certaines tribus qui habitent Ics montagnes ou les
gorges profondes des vallees.
Les babitanls des Marquises n'ont pas a proprcment diro
de religion, a moins qu'on ne veuille decorer de ce tilre
I'espfice de culte qu'ils rendcnt a leurs idoles de pierre ou
de bois. lis admcttent plusieurs dieux, Etua, qui sont le
plus souvent d'anciens chefs deifies apres leur mort. Chaque
vallee a son dieu, n'en rcconnait pas de superieur, bien que
tous ne soienl pas egalcmont puissants; seulcment le dieu
des etrangers est plus grand que les leurs. II est du reste
Irfes difficile d'expliquer la niylhologic des naturels des
Marquises, point sur lequcl ils sont loin d'etre d'accord, ce
qui du reste les interesse fort pen.
lis ont I'idee du bien et du mal, recompense ou puni dans
une autre vie; mais ils n'interpreient pas cetle idee comme
nous pouvons le faive; ainsi les plaisirs des sens, la debau-
che, I'ivrognerie, la paresse ne sont jamais consideres chez
cuxcomme mal. Qnant a leur etat aprcs leur mort, ils ne
savcnt point le preciser; ils pensent cependant que tout ne'
ptVit point avec le corps, et que I'amc, kuhane, erre derriere
les cases, si Ton ne rend an corps les devoirs funebres; mais
ils n'ont la dessus que des idees extrememenl vagues et in-
decises, et si on lespresse un pen, ils repondent : Je ne sais
pas.
Les habitants des Marquises ont des grands pretres el des
grandes pretresses (ce sont le plus souvent des femmes), qui
parviennent a cette dignite sans beaucoup de difficult^.
Quand une place est vacanle, par suite de d6c6s ou aulre-
ment, il suffil a un homme ou a une femme de S9 declarer
SI;H LAHCnil'KL DK MExNDA.NA. 187
inspiree par le (lieu, de faire quelqiies momeries, et surtout
de propager le bruit qu'il succ^de au defunt, pour que les
kanacs le croient et radnietlent. lis ne dcuiandcnt pas de
plus grandes formalites pour reconnailrc la superiorite el le
pouvoir du nouvel intrus. L'aulorite d'unc prelrcsse uncfois
Stabile, elle peut aloi-s cxercer son ministcrc, qui consiste a
faire descendre le dieu au nioycn d'invocations. Lorsqu'elle
se sent inspiree, c'est le soir principaleinent, elle fait elein-
dre les luniit-res, elle parle ensuile au milieu des assislanls,
]iour le dicu qui I'anime. Elle decide de la paix ou de la
guerre, demarule des viclimcs, cxpulse de la bale lei ou lei
individu, en un mot elle prononce, et ses decisions sont
irrevocables.
Les kanacs n'ont point de feles regidcs el arrivant a des
epoques fixes. Suivanl les circonslances, ils decident qu'ils
donneront une fete a telle epoquc, invilent longtemps a
I'avance leslribus voisines el s'occupenl a reunir les provi-
sions necessaircs pour faire la fete, cochons, bananes, fruits
i pain, racines de kawa (I). II y a fete pour commcncer la
guerre, fete pour cdlebrer la victoire, fete pour se rt'jouir du
mariage, de la naissance, du premier lalouage du flis d'un
chef, llsont des espcces d'aulels en plein air, qui consistent
en quelques figures laides et grimacanles, peinlcs dc diverses
couleurs et entouri'es de pieces d'elolles d'(5corce d'arbre. lis
out aussi des cases sacr^es oil les femmes n'enlrent jamais;
dans ces cases se trouvent des troncs de bois, tiki, qui
representenl d'unc manierc grossiere un ^tre liumain.
Quelques uns servcnl dc supports a la toilure, comme des
cariatides, d'autres sont appcndus a la muraille. II y a de
{1) Racine dit riper nielhysticum, 1..
188 :soriCE
ces idoles qui sont sculptees dans une pierre dure ct noir&tre;
on en ernporte dans les pirogues pour rendre la pOche
favorable. II s'en Irouve aussi dans les morais, taill6es
dans une pierre rougeatre el grossiere, quelquefois en pied ,
quelquefois le buste seul dt^grossi, quelquefois enfln la figure
seule indiquee grossierement par quelques lignes. II existe
ii Taio-Hae, dans un mora'i desert, une de ces idoles fort
bien conservee quoique couverte de mousse; elle est renvers^e
de son piedestal et ne tardera pas a elre entiijremftnt cacliee
par les broussailles. Dans un autre niorai, conslruit a
I'ombre de gigantesques tamanus (1), a nii-cbemin de la
valine d'Avao, qui mene aux Naikis, j'ai trouve des Ifiles
sculptees, des ossements, des debris decercueils, de tamtams,
le tout convert de lichens et de mousses developpes par
I'humidit^ de ces lieux oil le soleil ne penetre jamais.
Nous avons parle de morais, ce sont des lieux sacres,
places ordinairement dans des endroits ^cartes et qui servent
de lieu de sepulture. Un enclos ombrage est entoure d'une
palissade dont quelques poteaux repr^sentent des figures
humaines. Au milieu s'eleve un tertre form6 par des blocs
de pierre superposes; au centre une case ou plut6t un toil
supports par des piliers couvre les cercueils, papaku, espfeces
de pirogues (^levees sur des traverses au dessus du sol (2^),^
et entouri^s de chevelures, d'armes et d'autres richesses de ce
genre ayant appartenu au defunt.
Les morais sont nombreux dans certaines valines et sont
destines a la masse du peuple. Les chefs font batir des cases
(1) Calophyllum inophyllum, L.
(2) L'usage d'elever les cercueils au-dessus du sol existait chez
quelques peuples de I'antiquite. Elien et Appollonius de Rhodes
rapportent que les habitants de la Colcbide en agissaient ainsi.
SIR l'arcmipei, dk me.ndana. ^89
qui servent tie cavcaux a Icurs families et sont sacrees. Lc
cercueil une fois d(''posL', Ics parents n'ont point termini
leurs devoirs covers le dcfunt, (upapau; ilslui portent dans
des tasses de coco suspendues a la hauteur du cercueil, de
la popoi(l), du pore cuit et d'autres aliments qui sont
d^vores par les rats.
Les insulaires des Marquises font quelquefuis des ffites
conim(5moratives en I'lionneur des guorriers decides dans les
combats ou des autres morts de distinction. J'ai asssist(5 a
une de cos fetes chez les Happas, tribu voisine de la bale de
Taio-Hae.
Sur un des cdtcs de la Koika, ou place publique de cetle
tribu s'clfeve une grande case dans laquellc on grimpe au
moyen d'une espece d'echelle de dix a douze pieds. Dans
celle case se trouvait une trentaine de kanacs, les uns cou-
ches, les autres assis, ceux-ci mangeant, ceux-la dormant,
d'autres fumanl, et tous ornes plus ou moins de houppes de
cheveux a la ceinture, aux poignets et aux jambes, de pana-
ches de plumes et d'autres ornenienls.
Au centre de la case, le long de la parol, ctaient suspendus
sur un baton, des fusils, des lances, et d'autres armes de
guerre, avec des pieces d'etoffe disposees d'une maniere
sp(5ciale. Au pied de la lerrasse qui existe toujours devant
chaque case, ct que les kanacs appellent pae'-pae, se trou-
vaient des pores amencs la pour etre sacrifiC's, cuits et
manges par les assistants.
La fete du reste consistait comme tonles les fetes kanaques,
quel que soit le motif qui les provoque, abattre du tamtam,
chanter des ulaula (2), frapper dans ses mains ct sur ses
(1) Aliment dont on verra plus loin la nature.
(2) Chants de guerre, religieux ou licencieux.
19f> NOTICE
bras, manger dii pore, des bananes ct de la popoi, ct s'enivrer
dc kawa. C'est uuc occasion pour les femmes de mcllre leurs
tapas nouvellpment confectionnecs, et pour tout le. monde,
de se rcvc'lir des ornemeuts de fete.
Non loin de la case, a Tangle de la place ou koika, s'eteve
un massif de maconnerie en forme de cube, dans lequel elaient
enfonces deux poteaux converts de mousse et a moitie pourris.
C'est la, me dit-on, qu'on attachait le patient, lorsqu'on
irnniolait des victimes luimaines, qu'on le sacrifiait et qu'on
le decoupait pour le distribucr ensuite a lous les assistants.
L'on pea aflirmer, sans crainte de se tromper, que I'usage
des sacrifices bumains a a pen pres disparu de Nouka-Hiva,
et que les habitants ne reviendront pas a cette coutume
barbare, tant que lesFrancais resideront dans I'lle (1). Mais
il n'en est pas de meme dans les iles \oisines, et il y a peu
de temps encore, a Roa-Huga, on chercbait une victime
pour 6tre offerte au dieu, afin de rendrc la sante au chef qui
etait dangcreusement malade. En admellant que les indi-
genes ne comprennent que tres imparfaitemenl la religion
(1) On n'ignore pas qu'avant la venue de Jesus-Christ, les peuples"
meme les plus civilises iminolaient des victimes humaines a leurs
divinites. La Grece avail son Bacchus Omestes, d'un mot grec gui
signifie cruel, qui se nourril de chair humaine; L'ltalieavait Jupiter
Latialis, laGaule, son dieu Teutales; Carthage, la Grande-Bretagne,
des divinites non nioinscruelles. Cette coutume barbarese prolongea
plQsieurs siecles apres. Ciceron, Pline, Porphyre, Laclance, Saint-
Clement d'AIexandrie et d'autres auteurs non nioins dignes de foi
en rapporlent des exemplcs qu'on ne peul revoquer en doute.
Juvenal, dans sa satire XV^ dit posilivement quil est permis de
manger de la chair humaine, cCarnibus humanis vesci licet* et
Virgile, en parlant des Cyclopes : « Visccribus miserorum et sanguine
veseitur alro. ♦ E. liv. Ilf, v. C22.
SLR i.'archipkl ve mcndana. 191
calliolique, on doit cependant regarder coinme un bienfait
de la civilisation, la presence des missionnaires qui arretent
ces barbaries et rendent les habitants plus susceptibles
d'entrer en relations avec les strangers qui abordcnt dans
leurs bales.
La victime a quelquefois un moyen do se sauver, c'est de
declarer qu'elle porte le nom d'un chef tapou. Cette simple
declaration suffit pour arreter le sacrifice, tant est grand le
respect que les kanacs portent a la coutume du Tapou, res-
pect qui tienlde la crainteplulut que de tout autre sentiment.
Nous en parlerons plus loin.
La victime choisie est gardee dans une case particuliere,
jusqu'au jour de la C(5r6monie. La elle est nourrie largement
de popoi, et I'objet d'une foule d'observances religieuses.
Avant le sacrifice, on introduit dans la bouche du patient
un large hamecon rccourbe en forme de faucille, fait d'e-
caille de tortuc et garni de barbe blanche. On Ic conduit
autour de I'autcl, ensuile on I'assomme a coup de casse-lfite,
huhic, 11 tombe, et son sang n'a pas eu le temps de figer
dans ses veines, qu'il est 6tendu sur des feuilles, au fond du
four kanac, et recouvert de pierres rougies au feu, ainsi
qu'on le fait pour faire cuire les pores.
II s'en faut de beaucoup que les sauvages des Marquises
soicnt aussi cruels que I'etaient les Indiens de I'Amerique du
Nord; on m'a assur*^ que Ton met la victime a morten la
frappant par derriere, afin de lui cviter la vue du coup qui
doit terminer ses jours.
Une fois cuit, le malheureux est dt'pece et divise en autant
de morceaux qu'il y a d'assistants, car il faut que chaque
kanac qui participe a la fete, prenne sa partde cet horrible
itiH. Les mains et les yeux sont conserv(['S pour les chefs,
comme ctant la partie la plus d(!'licato.
i f^i Notice
On conQoil parfaitenunt que dos peuplades sauvage*,
n'ayant point dc police organisee, ont cependant des besoins
a salisfaire, des regies a suivre, afin d'^viter I'anarchie, et
que les chefs, pour arriver a maintenir I'ordre parmi leurs
sujets, doivent regler I'emploi des choscs de la vie; afm de
donner plus de pouvoir h leurs decisions, ils ont fait, dans
I'interet public, cause commune avec les ministres des divi-
nit(5s, et se sont fortifit5s mutucllement, en etablissant une
relation intime entre le pouvoir spirituel et le pouvoir tem-
porel. C'est ainsi qu'on peut expliquerle pouvoir qu'ont les
chefs aussi bien que les grands-pretrcs de lancer des tapous ( I ),
c'est-a-dire de regulariser les actes de leurs sujets.
On peut en distinguer trois esp^ces; le tapou qui exclul
totalement I'usagede certaines choses, cclui qui ne le defend
que pendant un certain temps, enfin celui qui consacre des
usages a nos yeux plus ou moins bizarres,
Chez quelques tribus, les eloffes rouges ne peuvent etrc
portees, on ne peut s'asseoir impunemcnt sur un meuble
recouvert de cette couleur, chez d'autres, c'est le bleu, chez
d'autres enfin , c'est le noir. L'usage de la viande de pore,
des poules, de certains poissons, est defendu pendant un temps
plusou moins long chez quelques peuplades, il est pcrp(^tuel
pour les femmes.
II serait trop long d'enumerer tous les tapous qui existent
encore chez les naturels des Marquises; il suffira d'en citer
encore quelques-uns pour faire connaitre en quoi consiste
cette coutume etcombien elle s'altaclie a des choses pu(5riles.
II est defendu de cracher au milieu des cases, parce que, si
quelqu'un veut vous faire mourir, il n'y aqu'aenlever votre
(1) D'autres icrivent tabous.
suR l'aiichipel de menbana. 193
salive el la porler au grand-piolre, celui-ci I'enveloppc dans
des feuilles d'arbrcs et dans des morceaux d'ecorccs d'arbre,
I'enloure de cordes faitesavec le brou du coco ell'enfouit en
terre ou le jette dans les broussailles, c'est ce qu'on appelle
kaha. D^s ce moment, I'individu qui a craclie commence
a d^pi^rir ct, au bout de quelque temps, il meurtinevitable-
ment. Cependant s'il pent parvenir a decouvrir qui lui a
enlev6 celte expectoration, il essaie de se la faire rend re, en
lui faisant des cadeaux, ou s'il trouve lui-meme le kaba, il
est sauvS.
La pipe qui sert babituellement a un chef kanac est sacr(5e,
tapou. Les Fran^ais seuls ou les autres chefs kanacs peuvent
s'en servir impunement. Toute pipe fumee dans une case
tapou est tapouee par ce seul fait. Un kanac ne pout fumer
qu'en dessous de ses vctements, c'est-a-dire que s'il a un
mouchoir, les coins d'une piece d'etoffe noues autour de son
cou, un collier ou toute autre chose, il passe le luyau de la
pipe en dessous. J'ai cependant remarque que les kanacs
habilles alafrancaise, c'est-a-dire avec un pantalon et une
chemise, nc se font pas scrupule de fumer dans cetelat.
Peut-etre le port de vetements elrangers afTranchit-il de celte
obligalion. La femme, pour fumer, est obligee de tirer son
bras droit de la manche de sa grande robe, si par hasard
elle en porte une.
II est defendu a un kanac d'allumer sa pipe a une lampe
du pays. Si un curopecn a alliimc la sicnnc do cctte fagon,
le kanac, le sachant, nepermcltra jamais do fumer dans celte
pipe.
Lorsqu'on boit un coco, que Ton mange de la popoi ou du
kalm (1) il faut faire attjnlion a ne point verscr I'eau de coco
(1) Aliment du pays. On en parlera plus loin. On doit prononcor
la Ictlre u conimc s'il y avail ou. l:j
J 94 NOTICE
ni fairc toucher de la popoi sur le pav6 de la terrasse, qui est
rendroit oil Ton mange le plus souvent. C'est une infraction
aux tapous et qui est punie do la cocit6. On cite la fille de
Te Moana devenue aveugle pour cc motif.
Un chien ne pent passer impunfiment entre lesjambes
d'une femme kanaque, ellc ou lui doit mourir; le choix
n'est pas difficile a faire.
On demandcra pourquoi dans une tribu , telle chose
est defendue pour tout le monde, pendant que dans une
autre, elle ne Test que pour les femmes, et dans une troisi^rae
elle ne Test pas du tout? Ces anomalies dont il est difficile de
rendre compte existent ^galement chez les peuples civilises:
Ainsi les Juifs ne mangent pas de pore, les Mahomelants ne
hoivent pas de vin; des couleurs d^terminees sent des mar-
ques distinctives de telle ou telle classe de la society, sent
portees en signe de deuil dans cetle nation, et en signe de
r^jouissance et de fete dans cette autre, et si nous ne nous
cxpliquons pas certaines defenses chez ces peuples sauvages,
c'est que nous ne pouvons remonter jusqu'a I'origine, et en
connaitre les motifs.
Le tapou relatif a la police du pays est applique par les
chefs. Hbs qu'ilestconnu, I'execution en est plus rigoureuse
que chez nous celle de la plupart des lois et ri^glements,
car une simple amende est la punition la plus commune
d'unc infraction a un r^glement de police, tandis que dans
rid^e des kanacs I'inobservance d'un tapou est une cause
de mort.
On m'a raconte qu'une jcunc Indienne elant malade, avait
regu d'un Frangais habitant Nouka-IIiva, unorciller en plu-
me, pour qu'elle eut la tete moins duremcnt posee que sur le
tronc du cocotier, qui lui servait de coussin. Pendant huit
jours elle se servil de cetoreillcr et s'en trouva fortbien,
SLR L'ARCIin'EL DE MENDANA. 195
mais par malheur une plume sorlit par la couture, alors la
jeune fille s'empressa de rejeter rorelUcr bien loin d'elle, et
dlt qu'elle allalt niourir parcc qu'elle avail dormi sur un
coussin de plume. C'est cc qui anivaen effet. Est-ce la ma-
ladiedont elle etait affectce qui fut la cause de son doces, ou
ses parents et amis, fanatiques observateurs du tapou, lui
auraient-ils fait prendre un breuvage mortcl? Quelqucs per-
sonncs nient cettc derniere circonstance dans le casde viola-
tion d'un tapou quclconque, d'autresen affirment la possibilile.
Les indigenes sont loin de I'avouer, ct disent simplement
que le Dieu fait mourir celui qui n'observe pas les coutumes
de ses ancetres.
Ajoutons en terminant cet article sur le tapou que la oil
les Europeens sont etablis, les nalurels commencent a
s'afTrancliir de quelques-unes de ces ridicules cxigencess
Lestrois actes principaux de la vie de I'homme, la nais-
sance, le mariage et la mort, sont marques chez les kanacs
par des feles et des rejouissances. La case d'une fern me
enceinte est indiquec par un signc particulicr, c'est une
grande coquille de nacre suspendue a I'extcricur, au potcau
qui souticnt le tolt; sous son lit et dans un angle de I'habi-
lation est un amas deplanlesparticuliercsqui sonlfavorables
a la conservation de I'enfant dans le sein de sa mere. La
femme pendant sa grossesse jouit d'une consideration par-
ticuliere. On souticnt sa pipe pendant qu'elle fume, clle ne
sc livre a aucun travail , rcste dans sa case , soit accroupic,
soit couchee sur sa natte; on lui [irepare la popoi qui est
servie devant elle, on lui rend en un mot lous les services
que reclame sa position.
L'accouchement dcsfcmmes n'est point laboricux. L'usago
de ne point emprisonncr leur taille dans un corset, mais
de la laisscr se devcloppcr librement, y contribue beaucoup.
-196 NOTICE
Elles sont assistees pardes femmes, el aussiWt apres la deli-
vrance, la m^sre et I'enfanl vont se laver a la rivifere. Ici
commence une serie dc tapous : on ne pout allumer de feu
dans la case pendant un certain temps, la mere ne pent
sortir que quelques jours apr(?s sa delivrance, on regoil les
parents, les amis, on lue des cochons, on prepare du kava
et de la popoi, on fait en un mot une ffile proportionnce a la
richesse du pere de famille.
Si I'enfant a ele adopte par une autre famille, il est quel-
quefois emporte dans sa nouvelle famille aussitOt apres sa
naissance, on I'accompagne en lui souhaitant les choses les
plus estim^es par ces peuples sauvages.
II s'agit de donner une appellation quelconqueau nouveau-
n6. Les kanacs n'ont pas ce que nous appelons des noms de
famille; cette necessile de distinction chez les peuples civi-
lises ne s'est pas encore fait sentir parmi eux. Le nom donne
a I'enfant n'est pas toujours celui qu'il portera plus tard,
quelquefois on lui en donne plusieurs, et celui qui prevaut
est celui qu'il garde. Ce nom a Ic plus souvent une signifi-
cation particuliere; une circonstance quelconque, soil avant
soit apres sa naissance, un fait relatif au nouveau-ne , une
qualitc physique sont pris pour appellation. Cette coulume
rappelle celle des peuples anciens et mome de nos aieux ,
dont le nom signifiait toujours quelque chose, Ainsi, pour
en revenir a nos kanacs, Te Moana, nom du roi de Nouka-
Hiva, signiQerimmensit^, la grande mcr, a cause du voyage
qu'il a fait en Angleterrc: Makaka, nom du chef d'unc des
vallee de Taio-Hae, signifie mediant; Tiiluika , signifie
savant; Tutai-Kivi, fiente d'oiseau; Op6-Vahin(^, derri^re de
femme, a cause de sa poltronncrie dans une certaine affaire.
Les kanacs convcrlis au catholicisme ont regu d'autres noms
tir(5s du calendrier, et qu'il a fullu accommoder a leur
sua L ARCIIIPKL DE MENDANA. 197
langue, ce qui fait qu'on a souvent de la difiicuUe hies
reconnailre. II faut en eflet quelque usage pour retrouver
dans Kalolo, Ic noni de Charles que porte Te Moana; dans
Tanilao, celui de Stanislas, son Ills; dans Arekiko, celui de
Francois, Francisco; dans Nakare, celui d'Alexandrine.
L'enfant grandit, libre de ses actions, prenant sa nourri-
ture lii oij il se trouvc, peu embarrassede ses vetements et
n'ayant d'autre precepteurque la nature et rexemplcdeceux
avcc lesquels il vit. II imite d'abord ses parents dans les
travaux qu'ils font, Icur vienten aide, quand il est plus age,
si toutefois cela lui convient,car iln'y est point forc(5. Arrive
a I'age de la puberle, il cherclie a se marier, soit dans sa
tribu, soit dans la tribu voisine, construitunecase avecl'aide
de ses parents et de ses amis el constitue ainsi un nouveau
menage.
Le mariage aux Marquises n'est consacre par aucun acte
religieux ou civil. Un jcune homnie trouve une jeune fille a
son gre, il lui demande : Veux-tu vivre avec moi? Si elle
consent, les parents sont avertis de part et d'autre, la jcune
fille vient dans la case de son futurepoux, et apporte avec
elle des prL^senls. Les families se reunissent, invitent les
amis, on tue des cochons, on fait une fete et le mariage est
consomm^.
Ces liens sacrt5s chez nous, se rompent chez les naturels,
avcc autant de facilite qu'ils se sont formd's. La fcmme cesse-
t-ellcde plaire a son mari, soit qu'elle mt'ne une vie licen-
cieuse, ce qui n'est guere un motif parmi cux, soit pour
toute autre cause, le mari la renvoie avec ce qui lui appar-
tient et nc tardc pas a convoler a de nouvelles noces, la
femmc fait de mCme, et ces deux personnes qui unics par
les liens du sang ne pouvaicnt s'accommodcr ensemble,
continucnt, s'ils Ic vculcnl, a demcurcr dans la mi^me case,
198 NOTICE
et vivenlen bonne intelligence des que leur union a ete
dissoutc.
Les kanacs se marient fort jeunes, une fille est nubile a
douzo ans, passed sa vingt-cinquiemeannee, elle n'estgu^re
plus susceptible d'engeiidrer, elle prend de I'embonpoint, et
passe au rang des vieilles femmes. Les liommes se conservent
un pcu plus longtcmps, mais en sonime les generations se
succedent bien plus promplement dans ces pays la que dans
notrczOne temperee.
Les maladies dcs^^kanacs sont peu nombreuses; les plus
frequcntes sont les affections de poitrine, depuis le simple
rhunic jusqu'a la phtisie la plus inveteree. Les autres mala-
dies internes sont assez rares. L'elephantiasis, si commun
dansr les autres iles de la Polynesie ne se rencontre pas fre-
qucmment. A quoi attribuer cette difference, si ce n'est a
I'usage presque exclusif d'un regime vegetal, car le fruit de
I'arbre a pain est la base et pour ainsi dire la nourriture
unique du kanac, Le poisson qu'il p^che est en petite
quantite, et il ne mange de cocbon que dans les fetes publi-
ques ou dans des circonstancesexceptionnclles. Les maladies
d'ycux nesont pas rares, il en est de meme des rbumatismcs
qu'ils traitent au moyen de frictions. II faut atlribucr la
cause de ces deux maladies a la manierede vivrc des sauva-
ges. Leurs cases etant mal ou point closes, le vent frais de la
nuitles saisit quandils sont en sueur, quelquefois meme ils
s'endorment et passentla nuitsur lospierres deleurtcrrasse,
enveloppcs seulement d'un leger drap de colon ou d'ccorcc
d'arbre, insuffisant pour les garantir.
Les plaies d'armes a feu, les contusions se guerissent au
moyen de plantes maccreesdansreau ouecraseessimplement,
etappliquees en fomentations et cataplasmes; pour le mal
de dents, ils pronnent un vieux coco qu'ils rapcnt, sur cette
SLR L ARCHIPEL DK MENDANA. 199
rapure, ils mettent un caillou rougi au feu, I'huilesedegage
et du residu ils font une petite boule, qu'ils appliquent sur
la dent qui les fait souffrir (1).
La circoncision chez les kanacs s'opfere a tout Sge. J'ai
connu un jeune homme de vingt-cinq ans qui n'avait pu se
rt5soudre a celte operation auparavant. On observe a cette
occasion de nombreux tapous. Le circoncis ne peut entrer de
trois jours dans la case qu'il habile. II ne peut manger seul,
SOS mains sont condamnees pendant ces trois jours a la plus
complete inaction. II ne peut mettre la ceinture dont il se
sert habituellement, il s'enveloppe d'un pagne a la manicre
des femmes; I'infraction a un deces tapous serait une cause
inevitable de mort.
D^s qu'un kanac devient gravement malade, il declare,
par une espcce d'intuition que c'est sa derniere maladie, et
son imagination lui faisant considerer comme r^el ce qui au
d^but ne pourrait bien etre que tr6s problematique, il s'oc-
cupe alors des pr(5paratifs de ses funSrailles, discule avec ses
parents sur le nombre de coups de fusil qu'il sera tir^, la
quantitedecochons aimmoler;il fait Iravaillerasoncercueil,
en donne la forme et les dimensions et le fait apporter pres
de lui quand il est termin(5. Les raisonnemenlsde nos esprils
forts du XVIII^ siccic les ont-ils fait arriver a ce degr6
d'indiffi^rence stoique? Une singuliire habitude existe chez
les insulaires des Marquises : au lieu de faciliter a un
malade la respiration quand clle est penible, en lui donnant
autant d'air que possible, dOs qu'ils voient au contraire qu'il
(1) On verra dans une notice sur I'histoire naturelle des Marqui-
ses qu'elles sonl les planles dont se servcnt les naturels, dans
Jeurs maladies.
200 NOTICE
ne respire qii'avec peine, ils lui mettentles mains sur le nez,
siir la bouclie, sur les oreilles, afin d'empecher, disent-ils,
le principc vital, Tame, kuhane, de quitter le malade. Ces
soins empresses sent funestes a ceux a qui on les prodigue,
ct le mallieureux vait sa fin accelerce par I'lgnorance de ceux
qui Ten tou rent.
II faut remarquer ici que les naturels n'accepten:^qu'avec
repugnance les secours de notre medecine; ils ne prennent
de breuvages, ne font de remcdes prescrits par la science
que quand ils ont eu sous les yeux des exemples de leurs
Lons resultats.
Les coups de fusil etant tird'S et le repas des funerailles
termine, tout rentre dans I'ordre accoutume dans la case, ce
n'est qu'un habitant de nioins. Si Ton n'a pas execute les
ordres donnes par le defunt> son ame reste errante derriere
la case, qui est le lieu oii Ton jette les ordures; ainsi erraient
autrefois sur les bords du Styx les ames de ceux qui n'avaient.
pas d'obole a donner au sombre nocher.
Le caract6re insouciant de ces peuples autorise le conjoint
survivant a convoler a do nouvelles noces au bout de peu de
temps, ccpendanl quelquefois une affection veritable unit les
deux epoux; Ton cite la douleurde la grande pretresse do
Taio-Ha, Taoua-Mataeva, quand elle perdit son premier
marl tu6 dans un engagement avec quclques Sandwicliois
qui etaient venus s'etablir a Nouka-Hiva. Pendant huit jours
entiers, elle courut nuc et echevelee dans les sentiers de la
bale qu'elle habite, et pendant ces huit jours, les habitants
furent obliges de se tenir enfermes dans leurs cases, car
malheur a celui qu'elle aurait rencontre, il eilt 6te immole
aux miines du defunt.
rendant mon sejour a Taio-IIae, une baleiniereappartenant
■iX un chef de la Iribu des Ilappas s'etant perdue dans uit
I
i
SUR LARCHIPEL DE MENDANA. 201
voyage de Uapou a Roa-Huga, Ics femmes de celtc Iribu,
pour pleurer leurs maris on leurs enfants au nombre de dix,
danserent, comnie la grande prctresse, une dansc fun^bre,
nueset echeveloes, pendant que les autrcs kanacs, donnaient
h leur maniere, un dernier souvenir a ceux qui n'tlaicnt
plus.
L'on cite enfin I'histoire de celte femnie de 0-Ilivaoha (1)
dont le mari avait 6te pris a Roa-Huga et sacrifie comme
victime. Ellc offrit jusqu'a quarante cochons pour qu'on la
conduisit seulement en vue de I'ile oil son mari avait rendu
le dernier soupir. En general, les femmes qui pleurent leurs
maris se tracent avec des pierres tranchanles des sillons sur
le front, sur les bras et sur la poitrine, mais il faut ajouter
que CCS temoignagcs ext^rieurs d'une vive douleur sont bien
rarcs, et que, pour ma part, je n'en ai pas vu d'exemple.
Nous avons maintenant a parler des soins qu'on donne au
cadavre qu'on veut dess6cher, preparation dans laquelle
excellent les habitants des Marquises.
Des qu'une personne n'est plus, si c'est un chef ou un
individu riche, on le revet de ses ornements dc fete, et il
resle expose pendant vingt-quatre beurcs dans le cercueil
qu'il s'est prepare lui-niOme, la figure decouverlc, et quand
la fete funebre est terminee, on le place sur le taou.
Le taou est un tronc d'arbre de qualre pieds environ,
creuse legeremcnt, et sur lequel est depose le cadavre
pendant le travail de la dessication. Le defunt y est p]ac6
assis, la parlie supcrieure du corps rcposant sur les traverses
dc deux montanls fichus en terre. La preparation du cada\re
se faitde la maniere suivantc : on froltc continuellemcnt la
(1) lulre nom de I'lle de la Dominique-
802 NOTICE
peau avec la paume de la main, on fait sortir par I'anus les
intestins qnand lis sont arrives h un commencement de
dt'composition; le ventre se ballonne, la peau se durcit et
prend la consistance du parchemin par suite de ces frictions
continuelles. C'est ala femme du dt'funt qu'est principale-
mcnt devolu le soin de preparer ainsi le cadavre, et elle
fera preuve d'une grande affection si, apres avoir travaille
pendant plusieursheures a frictionner le corps de son mari,
elle se met a manger la popoi sans se laver les mains.
Elle reQoit neanmoins le plus souvent assistance de ses
parents et de ses amis, et c'est la seule occupation des ha-
bitants de la case pendant tout le temps nccessaire a la
dessication.
Ce travail qui reussil le plus souvent, vu la chaleur et la
secheresse de I'air, et le soin qu'on y apporte, est termini
au bout d'environ un mois. Le cadavre est alors mis dans le
cercueil, entour6 de tapas et dt^pos6 soit dans le morai, soil
dans la case construite dans ce but. Dans la valine des
Taio-Ha, entouree de montagnes, lescercueils sont d6pos6s
dans les anfractuosiles des rocbers les plus convenables.
Mais les families ne se s^parent que le plus tard possible du
cercueil qui contient I'objet deleurs regrets (1).
Les cadavres ainsi dessecb^s se conscrvenl fort longtemps,
seulement il arrive que n'^tant enduils d'aucun preservatif,
ils finissent par etre altaqu^s par les insectes, et alors ils ne
tardent pas a etre reduits en poussi6re (2).
(1) Voir la note m 2, a la fin de I'article.
(2) II existe au cabinet d'hlstoire naturellede Rio-Janeiro le corps
d'un chefkanac ainsi prepare. II est parfaitement tatoue et revelu
de ses orneraents. On le voit dans une grande boJte de verre, au
milieu d'une des salles; il a sans nul doute ete recouvert d'un
preservatif quelconque.
suR l'arciiipel de mkndana. 203
Une remarque doit eire faite ici sur le caraclere des habi-
tants des Marquises, je veux parler de rindilTerencc avec
laquelle lis s'cnlretienncnt de la morf, la voicnt venir sans
la desirer, ni lacraindrc, et font, comnic on I'a vu, leurs
prt^paralifs ii I'avancc. lis ont bien qiiclqiie idee d'une vie
future, mais ils sonl loin d'en faire le sujet de leurs conver-
sations et de vouloir approfondir ce myslere, qui du resle
ne Ics preoccupe pas beaucoup. lis repondent, quand on les
inlerroge la-dessus : o hai hoi, je ne sais pas.
II est tres rare que les kanacs se pendent; ils s'empoison-
nentavec le sue de Vem (1) qu'ils melent avec dc I'eau de
coco, niais ils lefont encore rarement, car ils sont bien peu
passionnes. Cependant on cite des exemples de maris qui se
sont empolsonnes pour ne pas survivre a leurs femmes et
quelques pcrsonnes pretcndenl que c'est ainsi qu'on donne
la mort aux violateurs des tapous.
A Nouka-IIiva, les guerrcs serieuscs cntre les differentes
tribus de I'ile ne sont pour ainsi dire plus possibles a cause
de la presence des Francais, mais dans les autres lies de
rarchipelellesexistentencore, etsontlc plussouventexcil(5es
par les pr^textes Ics plus frivoles , des coclions voles ou
autre chose semblable, une parole imprudente de la part
d'un chefenversle chef d'une autre tribu, ou bien les motifs
les plus barbarcs, la mort d'un grand-pretre ou d'un chef,
ou encore pour se procurer des viclimcs. Les kanacs n'ont
point appris a ranger des armees en balaille; ilsse font entre
cux une guerre d'escarmouche, s'observent pendant des
jours, des semaincs, des mois entiers, en se portant derriere
(1) Cerbera Manglias, L. Tanghin, de Madagascar. On en exlrait
un principc acre el venencux appele Taiialjine.
204 NOTICE
des massifs d'arbres ou de pelils monticules, et attendent
que leurs ennemis passent pour tirer dessus. Quelquefois
aussi, ils combattent en plaine armes de batons, de casse-
tetes et de frondes, mais ils preferent a tout les fusils et la
poudre, qui sont pour eux d'une tres grande valeur. Les
baleiniers americains qui vienncnt aux Marquises pour
rafraicbir leurs equipages et acheter des provisions fraiches,
trafiquent avec les naturels au moyen de ces objets qu'ils
savent leur faire payer fort cher.
En general la bravoure n'est point le propre du caractere
noukahivien. Des qu'un bomme est tue, d'un c6te ou de
I'autre, les deux partis quittent le cbamp de bataille, le
vainqueur chercbant a emporter le cadavre,et levaincu,
essayant de le lui soustraire. A Nouka-Iliva, oil les armes a
feu sont en plus grande quantite que dans les autres lies,
j'ai vu quelques kanacs se boucber les oreilles pendant que
Tun d'eux ajustait un oiseau, le canon du fusil appuye
centre un arbre a pain.
On a cite des traits de barbarie de la part de ces sauvages
envers les etrangers, niais ce n'etait le plus souvent que de
justes represailles envers les Equipages des batiments qui
abordaicnt chez eux. J'ai entendu raconter le fait suivant,
qui vicnta I'appui dccette assertion : Ily a quelques annees,
un baleinier americain jeta I'ancre dans la baie du contro-
leur ou des Ta'ipis, et engagca le cbef a lui vendre des
cochons, moyennant une redevance qui ne devait etre payee
que quand les animaux seraicnt a bord. Le cbef ne soup-
Qonnant pas le capitaine de rnauvaisc foi, apporte les cocbons
dans sa pirogue, les embarque a bord du navire et y monte
lui-meme avec les kanacs qui Taccompagnaient pour recevoir
leprix convenu. Quoique Ton fut d'avance blen d'accord a
cc sujet, cependant le capitaine trouve encore le moyen de
sun l'akchipel de me.ndana. 805
soulcver des dilTicultt^s, afin de gagner du temps. Pen-
dant la discussion, il fait appareiiler son navire; une fois
sous voiles, il d^niarre la pirogue, et fait jeter a la mer le
chef et les kanacs qui ^taient avec lui, et qui ne purent
regagnerleur pirogue que parce qu'ils savaient parfaitemcnt
nager. Voila assurement un moyen bien commode de payer
ses detles; niais ces pauvres kanacs devaient-ils s'attendre a
un traitement pareil de la part d'hommes qui se disent
civilises?
A quelque temps de la, le navire revienl, et le capilaine
croyant que les indigenes avaient oublie la supercherie dont
ils avaient failli etre victimes ou peut-etre qu'ils no le re-
connaitraient pas, descend a terre avec une parlie de son
equipage. Aussitot reconnus par les indiens, les matelots
sont entoures, serres de pres, les naturels s'en em parent, les
massacrent et les mangent. En verite etaient-ils bien coupa-
bles? Je ne le pense pas.
Un fait arrive, vers la fin de 1854, dans une des iles du
groupe, montre encore combien certains individus civilises
sont quelquefois plus cruels que ces naturels. Un navire
americain avait relach^ dans une de ces iles et deux matelots
^talent descendus a terre avec des objels d'6change. Ils
avaient 6t6 bien accueillis et se promenaient sans crainte au
milieu des habitants de la baie. lis remonterenl un petit
ruisscau, suivis par quelques kanacs qui convoitaient les
coutcaux dont ils (5taient porteurset qu'ils ne voulaient pas
coder. Ces kanacs renouvellent leurs instances, mais inuti-
lemcnt. Enfin, de guerre lasse, ils saisissentle moment ou
les matelots sont baisses pour boirc au ruisscau, et leur
lanccnt des pierrcs. L'un d'cux est tut3 sur le coup, I'aulrc,
gricvcment blessc, parvient cepcndant a regagnerle rivage,
et retourne a bord, apportant la triste nouvelle de la mort
de son camarade.
206 NOTICE
Le capitaine, voulanl tirer vengeance de cello mort, va
trouver le chef de la bale el le menace de nietlre le feu a son
village, s'il ne lui livre i5as les coupables. Le clief hesilc
pendant longlemps, enfln il cede a la peur. Les meurtriers,
au nombre de deux, sont iivres et conduits a bord; le capi-
taine les fait mettrc dans des barriques qu'il lit ensuite
foncer, et les conserve ainsi jusqu'a son arrivee a Taio-Hae.
L'equipagc nonmoins inhumain que son capitaine roule de
temps en temps ces pauvres malheureux pour les rappeler
au sentiment de leur propre existence, mais I'un d'eux
refuse obstinemenl la nourrilure qu'on lui fait passer par la
bondeet meurt de faim, apres cinq jours de soufTrance.
L'autre prend quelque nourrilure et arrive en vie a Taio-
Hae.
Qu'on eul enchaineces naturels, je le comprendrais, mais
les metlre ainsi dans des barriques, c'est une idee qu'un
horame civilise aurait dii repousser avec horreur. Ce renou-
vellement du supplice de Regulus a quelque chose d'atroce,
et une nation qui compte parmi elle des elres aussi barbares
devrait les rejeter de son sein.
Les Noukahiviens sont en arriere de beaucoup de peu-
plades oceanniennes sous le rapport de I'inslruclion. lis
n'ont ete visil(5s que fort tard par les Europeens et n'avaient
auparavant porle leur altenlion que sur les objels qui sont
pour eux d'une utilil^ premiere. Les voyages qu'ils font
d'une lie a I'aulre de leur archipel leur ont fait observer les
eloiles et distinguer les principales conslellalions. lis en ont
determine environ vingl-cinq, parmi lesquelleson distingue :
les Pleiades qu'ils appellenlMatakai; Venus, qu'ils appellent
Felu-Oalea, ou etoile du matin, et Fclu mahona puipui i le
ahihai, etoile du soir; le baudricr d'Orion, Taotoliu; la voie
lacl6e, Yao felu, bande d'eloiles. Lefetu kavetou eou est ia
SLR l'archipel dk me.>dana.. 207
belle t^oile, voisinc de la lune, que les marins appcllont
sa chaloupc.
lis font intervenir la divinity dans certains ph(5nomenes
celestes, comme les sauvages de i'Anierique au temps de
Christophe-Colomb. Pour eux une eclipse de lune est la
lune mang(5e par le dieu Makina kaikai ae te Etua, les
etoiles filantes sont leursexcr(5[nents, lutai Etua. lis croient
que la saison sera abondantc en fruits a pain, si le ciel est
clair el si les etoiles brillent en grand nombre, peut-etre la
raison en est-elle de ce que la ros(5e est plus abondante par
un temps clair que lorsque le ciel est charge de nuages. La
p^che a laquelle ils se livrent leur a appris a connaitre les
poissons; I'usage journalier dcs plantes comme aliments,
ornements ou remedes les a obliges a donner un nom special
a chacune d'elles et a distinguer les especes utiles de celles
qui sont nuisibles ou de celles qui ne sont d'aucun emploi.
J'estime que le nombre des especes botaniques qui^compo-
sent la flore de Nouka-Hiva ne d^passe pas cinq cents, tant
phanerogames que cryptogames (1).
Les oiseaux sont en petit nombre, on n'en compte pas plus
de quarante espfices. Quant aux niammiferes, ils sont encore
plus liraites, le seul qu'on rencontre est le rat qui peut-etre
n'existait pasavantrarrivcedes Europeens. Cook pense que
les chiens out toujours existe aux iles de la Socitite, I'espfece
qu'on voitaux Marquises est la meme que celle de rarcbipel
de la Societe, et qui se lapproche du chien de bcrgcr Les
coclions sont tres nonibreux aux Marquises, il s'en trouve
(1) Dans ce chiffrc je ne comprends pas les especes microscopi-
ques en algues, lichens, champignons, hypoxilons. Chaque jour,
meme en France, on en decouvre de nouvelles. — Voir la note
page 4.
208 NOTICE
de sauvages dans le fond des vallces. L'espece est un peu
differente de nos cochons d'Europe, ils onl le museau plus
alonge et le corps moins trapu. Comme eux, ils se nourris-
sent principalement de vegclaux el surtout de goyaves,
leur chair est excellente.
Les chevres qui ont et6 apporlees, il y a une trentaine
d'annees par les Americalns, ont pullul6 dans les monlagnes
de la bale de Taio-Ha, oil elles vivent maintenanta I'^tal sau-
vage. 11 ne serait pas difficile d'acclimater a Nouka-Hiva les
boeufsetles moutons; aVaitahu, ilen existe untroupeauasse/
considerable, etce serait une grande ressource pour le poste
de Taio-Hae, si Ton pouvait en transporter quelques tetes
dans labaie.
Les insectes sont peu nombreux, la mer est plus riche en
crustac(5s, en zoophytes et surtout en poissons dont les kanacs
comptent plus de cent trenle especes ou varietes.
II pacait que ces naturels connaissent assez bien I'anato-
raie du corps humain, je ne puis ralfirnier, n'ayant jamais
eu I'occasion de mettre leur science a I'epreuve.
Le langage de I'habitant des Marquises so rapporte ii la
grande division polynesienne etablie par les linguistes, et a
beaucoup de ressemblance avec celui des habitants des
Paumotu, des Sandwich, de Taiti, par les uombreuses par-
ticules qui modifient lesens dela phrase et qui sont I'ecueil
le plus difficile a franchir pour celui qui veut approfondir
cette langue. Voici ce que dif Forsler que nous avons d^ja
eu I'occasion de citer, au sujet de la langue de la Poly-
nfisie. « J'ai renaarque dit-il, qu'en general les langues des
« cinq peuples designes plus hautetqui sontccux des iles
« de la Society, des iles des Amis, des Marquesas, de Tile de
« Paques et de la Nouvelle-Z^elande ne different qu'en un
« petit nombre de mots, que la difference de ces mots ne
SLR L'AItCHIfEL DE ME.NDANA. 209
«. consistc que dans 1q cliangcment d'un pclil nombre de
« voycUcs ou consonnes, et qa'il y en a beaucoiip dans tons
« les dialecles qui sonl rest^s absolument los memos. Ces
« nations descendenl done loutes de la meme tribu. Lcs dif-
« ferenccs des dialecles provicnnent seulement de la difficul-
« te de prononccr des consonnes que quelques insulaires
« articulcnt plus aisemcnt, pendant que d'autres les ont
« entierement omises. »
La division geographique des Marquises on deux groupes
a fait naitre deux dialecles bien dislincls; cclui du groupe
nord, compose des :les Nouka-Iliva, Roa-IIugael Uapou, est
beaucoup moins harmonicux et moinscoulanl que cclui des
lies du sud. Cependant les habitants de loulcs ces iles se
comprennenl Ires-bien. Celte langue est encore a regularisei-
et le ptM'e missionnaire residant a Taio-IIae Iravaille avec
ardour, depuis qu'il est dans ce pays, a eludier lcs regies qui
existent naturellement dans toulc langue, quclqu'informe,
quelque primitive qu'ellc soil, et a la reunii' en granimaire.
On remarque ici, com me danslous les pays sauvages, que
les indigenes ont une propension trfis-grande a adopter les
mots titrangers, el cela, par la raison bien simple que, les
employant pour se faire comprendre, ils linissent par s'en.
servir lorsqu'il parlenl entre eux; bientot pour entendre le
veritable langagc de Nouka-IIiva, comme celui de Taiti, il
faudra penetrer dans I'interieur, loin des etablissements
curopcens, sans quoi Ton n'enlendra que ce qui a 6lc appele
le langagc de la plage, oil figurcnt autantde mots francais,
anglais clespagnols que de mots propres a ridiOnio du
pays (I).
Le systcme de numeration des kanacs est le systeme
decimal, qui est en cflct le plus naturcl; mais ils s'anvtent
il] Voir la note n" 3. n
210 NOTICE
au nombre quarante, tofa, quatre fois ilix. Ce chilTre est
pour eux un autre point de dt^part, ct ils complent par
quarantaines conime nous comptons par dixaines el cen-
taines. Ils ont encore un autre point de d<}part pour les
nombres plus dleves, c'est une unit6 de deux mille, aprfes
quoi ils ne comptent plus et se contenl^t de dire : beaucoup,
beaucoup, menui, menui. Ils ne connaissent point leur
age; pour les enfants seulement, ils disent combien ils ont
de lunes. Qu'ont-ils en effet besoin de savoir quel ^ge ils
ont? Ils n'ont a observer aucunes lois, aucuns reglenients,
rien n'entrave leur liberie d'action , et la mort n'a pas plus
que cbez nous de respect pour la jeunesse.
Sous un ciel toujours clement, au milieu d'une riche
nature, avec des besoins si restreints , il est naturel que le
genie industrieux des kanacs, naturellement portes a I'indo-
lence, ne se soil pas developpe d'une maniere remarquable,
lis trouvent autour d'eux tout ce qui leur est necessaire pour
I'habitalion, la nourriture et le vetement. Quatre pieux
fiches en terre au dessus d'une terrasse, recouverts d'une
toiture en feuilles d'arbre a pain, ou de cocotiers tressees,
font un abri suffisant pour beaucoup de families. Cellesdes
chefs sont plussoignees.j'en ai donn6 ailleurs la description
(1]. C'est la que les sauvages montrent leur savoir faire
architectural, pour disposer lespoteaux quelquefois sculpl(^s
les traverses, les chevrons, et lier entre elles ces difTt-rentes
pieces avec des cordes de conleurs varit^es qui rcmplacent
les chevilles et les clous de nos edifices. Du reste, partout
meme disposition dans I'inlerieur, deux troncs de cocotier a
moiti6 enfouis dans la terre ct distants I'un de I'autre de
quatre pieds environ, le milieu rempli d'herbes sechcs
(1) Une ffite chez les Noukahiviens.
sLi\ l'arciiipel de me.\ua.\.\. 2n
riYouvorlos d'unc nallc, c'cst lii leur lit ct I'enJroil oil ils
sommcillent pendant la chaleiir du jour.
Leurs vases et uslensiles de miiaage consistent on de
grandes calebasses, garnies de tresses et ornees d'osscments
sculples, dans des cocos plus ou nioins richement ciseles et
principalement dans des jatles, quelquefois tres grandes,
faites avcc le bois du calo[)li\ilum. Quand ils ont a cnvelop-
per iin objel de faible dimension , ils se scrvcnl de fcuillos
d'bibiscus ou de bananier, un bambou de plusieurs metres
do long leur sort a prendre de I'eau a la riviere, enfin unc
baclie de pierre, qu'ils remplacent avec empressement par
line hache en for, et un mechant couteau, completent leur
mobiller. Leurs parures sont cnveloppecs et mises en place
dans de grands paniers suspendus dans leurs cases, un coffre
qu'ils se sont procure pour quelques cochons, renferme
leurs eloffes, qu'autrementils suspendentle long des parois.
L'inventairede n'importe quelle habitation n'estpas, commc
on le voit, long a faire (I).
Les naturelsreconnaissant la superlorite des outils venant
d'Europe ou d'Amerique les recherclicntavec empressement,
■et beaucoup d'entre eux n'hesiteront pas a donncr pour unc
hache ou tout autre instrument de ce genre, un cochon de
belle taille, qui est leur nionnaie courantc.
lis connaisscnt si pen la valour de Targent, que j'ai vu
une jeune indiennc me proposer jusqu'a quarantc francs
pour avoir un oiseau rouge, especc do Tangara du Bresil,
semblablc a cejui que j'avais donne au ch(.'f de sa tribu.
Ellc mc montra d'abord quatre piastres, et voyantqiie je ne
lui donnais pas I'objct de scs dcsirs, cc qui du rcsic m'eu.t
(1) Voir la note iv J.
Ji2 NOTICE
ele impossible, elle mil encore deux piastres sur la table.
Enfin croyant que mon refus venait de ce que je ne trouvais
pas la somme assez forle, elle demanda encore a son mari,
qui elait venu avec elle pour conclurc le marcb6, deux autres
piastres que celui-ci porlait dans un noeud fait au bas de sa
chemise. Elle s'est ensuite retiree tristement, etjenesuis
pas encore bien sur qu'cUe n'ait pas suppos6 que je trouvais
ses offres trop minimes.
Les chefs kanacs tiennent particulierement a avoir des
baleinieres, dont la possession leur donne du relief parmi
leur peuple. Celui qui n'en a pas encore fera tout son pos-
sible pour rfiunir la somme necessaire a I'achat de cette
embarcation a un navire baleinier. II vendra des cochons,
des cocos, des bananes, et livrera memo sa femme etsa fillc
au premier venu, Ces baleiniferes sont payees fort chcr et
font peu de service, car les kanacs n'ont pas dans leurs iles
ce qu'il faut pour les r6parer, et d'ailleurs ils ne sauraicnt
pas le faire. Un charpentier qui viendrait s'otablir a Nouka-
Hiva, avec les materiaux necessaires, ne tarderait pas a fairc
ses affaires avec les indigenes.
Les kanacs recherchent encore avec empressement les
etoffes europ^ennes que leur apportent aussi les baleiniers;
mais ils n'ont pas perdu pourcela I'habitudedeconfectionner
eux-memes de quoi se vetir. C'est pour cela qu'ils cultivent
avec soin deux pj^ntes qui croissent naturellement dans
leurs Iles. La plus'communSment employee est le ute, murier
a papier (1), arbrisseau de 12 a 15 pieds de haut. Com me
c'est I't^corce qu'on emploie, il importe qu'elle ne soit point
cr6vassee par des branches latcrales qui occasionneraient
(1) Broussonetia papyrifera (Vent.).
suK l'archipel de memdana. 215
dans lo lissu des solutions de continuitt5. Aussi les Hatureis
qui cultivent Ics plantes ont-ils soin d'enlever les bourgeons
qui paraissenl le long de la lige prlncipale, c'cst ce qui fait
qu'on ne le trouve jamais en fleur dans les iles du grand
Ocean, comme le fait observer le naturaliste Forster. Quand
I'arbuste est arrive a huit ou neuf pieds de hauteur, on le
coupe, et on en detache Tecorce en faisant une incision
longitudinale, on enleve ensuite les premieres couches corti-
cales qui n'ont pas la nienie adherence entre ellcs que les
couches plusvoisines du centre, dont on sesertde preference.
Pour rendre ces bandes flcxibles, on les met a tremper pen-
dant troisjCurs, on les bat ensuite grossiircment et on les
enveloppedans des feuilles de bananier. Cetlet^corce reduite
a I'etat do pate reste enveloppee pendant vingt-qualre
heures, apres quoi on la bat de nouveau dans tous les sens
avec un instrument en bois jaune, dont la surface qui s'ap-
plique sur Tetoffe est sillonnee de lignes parallelles peu
profondes. Les kanacs nomment cet instrument koukou. On
se sert ensuite d'un rouleau en bois de fer, (^galement
cannele, Yike, pour donner encore plus d'adherencc entre
les dilTerenles parties.
Quand la surface d'etolTe a alteint le degr(^ d'amincisse-
ment desirable, on la met a secher au soleil, quelquefois on
la teint en jaune avec Vekamoa, poudre prepar(5e avec la
racine de Vcka (1), el Ton s'en sert ensuite pour s'envelopper
pendant le jour et pendant la nuit.
Comme cette etofTe ne supporterait pas longtcmps une
pluic abondante, sans se detremper et tomber en morceaux,
les indigenes qui sont surpris en route par un orage et qui
(1) Espcce do Maranu.
fU NOTICE
ne pouveni se mPltre a Tabri, s'emprcssent de plier leur
vuloment et de I'cnveloppor dans des feuilles d'arbres, nc
conservant (jiie Ic strict necessairc, pour cachcr leur
nudit(i.
Les tapas (c'est ainsi qu'on appelle les eloffes en general)
que Ton fait pour envelopper la lete, sont plus etirees el par
conse(|uent pluslegeres. On distingue parfaitcmenl les fibres
corticaies depouiilees de loutesles autres parties; ces {'toffes,
d'une blanclicur eclatante, prt'scntenl Taspecl d'un tulle ou
d'nne gaze et en ont presque la legorete.
La seconde plante que les indigenes cultivent pour faire dcs
etoffesest le figuier des banians, Ficus rcligios<f L., appelc
dans Ic pays Aoa; mais cc n'est que quand cet arbre, qui
atteint quelqucfois des proportions gigantesques, est jeune
et lendre qu'on I'emploie a eel usage. II porte alors le nom
de hiapo. Lc procede pour la confection des lapas avec
I'ecorce de cct arbre est le meme que celui indique plus
haul, seulemcnl on rend I'etolTe plus epaisse el par conse-
quent plus solide, elle a une teinte grisatre et n'a pas aulant
do valeur que celle qui provient de Vute.
Deux autres plantes sont encore mises en usage aux
Marquises pour la confection des elolTes : ce sont le mei
Jeune, Artocarpus ineisa ou arbre a pain , el le katea, (1)
arbrisseau assez commun dans I'ile; mais leur usage est
beaucoup moins frequent.
Les habitants dcs Marquises aimenl a se couvrir d'huile de
coco, el a se peindre lc corps de differenlcs couleurs, surlout
lors des fetes publiques, comme si lc riclie tatoungc dont ils
sonl couverls nc sufHisait pas pour dt'guiscr leur nudite
(1) Espece d'Eiiiihorbistcee-.
SLR l'archipkl ue mendana, 815
presque complete. Veka qui sert h teindre leurs etoffes leur
sert aussi a cet usage. La racine de cetle plante res.semble k
celle du sceau de Salomon. On ne la trouve qu'en un petit
nombre de localit^s. Elle est abondante au Mouak6, plateau
lr6s elev6 dans I'ile de Nouka-IIiva, et c'est la que Ton
prepare avec myst6re cette couleur. En pulv^risant la racine,
on obtient une belle couleur d'un jaune orangt^, qui, d(51ay6e
avec de I'huile de coco, sert aux indigenes ii se peindre le
corps. L'ekamoa a pour eux une tr6s grande valeur, et
leur sen com me objet d'ochange.
lis font encore usage d'une autre couleur d'un brun clair,
qui provient de la meme plante, traitce par un autre proc6-
d6. lis se peignent aussi en vert, mais ils ne vont pas loin
pour chercher cette couleur; quelques feuilles tendres qu'ils
6crasent sur une pierre et dont ils se barbouillent, voili lout
le secret de leur prt^paration.
Les instruments de musique des kanacs des Marquises
sont peu varies; ils ont le tambour, fait avec un morceau
du tronc d'un cocotier et reconvert d'une peau de rcquin. La
hauteur de ces tambours varie depuis six pieds jusqu'a un
pied et moins. Dans une fete, ils en reunissent plusieurs et
frappentdcssusi coups redoubles, le bruit s'en fait entendre
de fort loin. lis ont encore une cspoce de flute faite avec un
jeune bambou; ils soufflent dedans avec le nez, en se bou-
cbant une des narines. Cet instrument ne donne qu'un son
faible et monotone. Je ne parlerai pas des morceaux de bois
qu'ils frappent I'un centre I'autre en cadence, lorsqu'ils sont
groupt^s el qu'ils cbanlent leurs chants de guerre ou d'amour.
Je ne ferai que mentionncr le bruit cadence qu'ils lircnl de
trois morceaux de bois d'inegale longueur qu'ils placent
sur leurs genoux etsur lesquels ils frappent en mcsure. Ces
indigenes n'ont pas le moins du monde I'oreille musicale, ils
216 NOTICE
sonlloinde ressembler a leurs voisins de Taili qui son(
improvisatcurs ct chantent d'une maniere fort agreable le
moindre episode de leur licureiise existence.
II nous reslo a parler de la maniere dont ils pourvoient a
leur existence. Leurs prepai-ations culinaires en temps ordi-
naire soiit aussi simples que possible, et ce n'est que dans
leurs fetes qu'ils preparent certains aliments, pour eux Ic
nee plus ultra de la science. L'aibre a pain, le bananier, le
tao (1) sont a jeuprcsles seulcs plantcs indigenes qu'ils
cultivent pour so nourrir. Le premier surtout leur est aussi
indispensable, que peul etre le ble aux nations civilisc^es ;
avec les feuilles ils couvrent leurs cases, avec I'^corce ils se
font des vetements; le bois leur sort a confectionner des
pirogues, de grandes jattes, les pieces principales de leur
habitation, enfin le fruit fraichemcnt cueilli ou conserv(5,
apres avoir subi plusicurs preparations, est leur nourriture
presque exclusive (2).
II a 6te dcrit des articles fort elegants et tres exacts, pour
demontrer que le cocotier seul pent suffire a tous les besoins
du sauvage. L'arbre a pain ccpendant ne lui cede en ricn
sous tous les rapports, sous quclques-unsnieme, il doit avoir
la preference. On ne peul, il est vrai, contcslcr la necessile
du cocotier dans certains archipels de rOceanic, celui des
Paumotous, par exemple, dontle sol d'une nature toute par-
ticuliere n'offre pas la moindre source, le plus leger filet
d'eau; mais quelle difference entre la saveur de la puipe
abondante du fruit de l'arbre a pain et celle de la noix du
cocotier, qui no fournil qu'un aliment chotif et peu apprecie
(1) Arum esadenluvt, L. C'est le laro des Tailiens,
{i) Voir la nole u" 5.
SCR l'archipel de mkndava. 217
des naturels quand ils peiivent s'en procurer d'autres. Les
etoffes failes avec I'ecorce de I'arbre a pain sont beaucoup
plus l(?gt;res el moins solides que cclles qui proviennent du
brou de la noix du cocolier, et deniandent bien moins de
travail et de preparation. Le bois du cocolier, dur aupres de
r^corce, est beaucoup plus tendre au milieu et n'est pas de
longue dur(5e dans les constructions, celui de I'arbre a pain
est egalement dur el solide. Les cases couvertcs de feiiilles
de cocolier tressecs resistenl moins longlemps que celles qui
le sont avec des feuilles d'arbre h pain passoes a une longue
Lroche de bois; et comme 11 esl rare en somme que la nature
n'ait pas mis dans les lieux habites quelques filet d'eau, si
mince qu'on veuille le supposer, ou n'ail donne les moyens
de conserver les eaux pluviales pour le temps de la seclie-
resse, je pense qu'on esl en droit de conclure que I'arbre u
pain est plus precieux encore que le cocolier pour la masse
des babitants de I'Oct^anie.
Voyons maintenant de quelle maniere les habitants des
Marquises en prt^parent les fruits. S'il s'agit de les manger
aussilol apres leur rocolle, il suffil deles faire cuire sur un
feu clair de branches seches; on enleve cnsuile la parlie
charbonnee, el I'intericur, cuit a point, ofTre une pulpe
jaune el d'une odeur appetissanle. Veut-on conserver ces
fruits pour la saison oii les arbres n'en donnent plus de
frais, les hommes el les femmcs so ri'unissenl a I'endroit ou
la recolte doit se faire. Les hommes grimpcnt dans I'arbre
pour en detacher les fruits, ou se servent de longues gaules
jjour atlcindre les branches les plus eloignecs. On passe
cnsuile, pour en hater la maturile, un morceau de bois dans
I'intericur de la pulpe, apres avoir enleve la queue, et les
femmcs sont specialemcul chargees de racier avec un frag-
ment de coquille la peau de ce fruit qui est. plus ou moins
218 NOTICS
riigueuse, suivant la variet(5 (1).
Le fruit rucle est mis en tas et couvert de feiiilles; lelendc-
main on le coupe par morceaux et on enltjve la partie
centrale. Un trou prepare a I'avance a 6t^ garni de feuilies
de cocotier tress^es, recouvertes ellcs-m^mes de feuilies de
ti (2) reunies entre elles au moyen de petits batons de bam-
bou , la viennent s'entasser les fruits de I'arbre a pain
decoup(5s en morceaux, et qui restent en cet 6tal de un a deux
mois. Cette masse y subil une espece de fermentation
et se rMuit en une pate homogene. Au bout de ce temps, on
I'enl^ve et on la transporte en paquets au lieu de reserve
qui est un puits, dont la profondeur varie de deux jusqu'ii
dix mitres et meme plus et garni 6galement de feuilies.
Quand Ic trou est rempli, on le couvre de plusieurs couches
de feuilies et Ton met par dessus de grosses pierres. L'eau
est loin do nuire a la conservation de ces fruits, puisque,
si le trou est creus6 dans un endroit trop sec, on en verse
quelques jattes par dessus les feuilies.
Le fruit ainsi prepare pent se conserver plusieurs anndes;
on cite quelques unes de ces caves de reserve dont on n'a
pas vu le fond depuis longues annees, et Ton m'a assur6
qu'a Uapou, il en existe une dans laquelle on remet chaque
anni^e de nouveaux fruits, el qui n'a pas 6t6 complitement
vide depuis plus d'un siecle. On en rencontre Ires frequem-
(1) Les kanacs ne comptent pas moins de trentecinq especes ou
varietes d'arbres a pain, par rapport a leur precocite, a la forme, a
la grosseur et a la couleur du fruit, a la disposition des ramaux, etc.
Dampier en a donne le premier une description assez mauvaise, en
lui donnant le nom qu'il porte vulgairement. L'espece la plus
commune est I'Arlocarpus incisa L.
(2) Cordylioc rcflexa, Endl.
r SUR l'ahcuii'EL de me.nd\>a. 219
ment dans ties endroils fort (iloignes dcs habitations, sur le
lieu meme ou se fait la recolte; les indigtjnes n'ayanl pas a
craindre le vol de ces provisions, preferent alter clierclier
de temps en temps ce qui leur faut pour leur nourriture
journaliere, plut6t que d'apporter pr6s de leurs cases une
recolte complete, ce qui serait pour eux un travail penible.
Le fruit de I'arbre a pain ainsi prepare prend le noni de
md. Pour s'en servir, on en met une certaine quantilti dans
un de ces plats de bois d'arbre a pain, que les naturels
appellent koka, on la petrit apr6s avoir vers6 dessus un pen
d'eau, pour faciliter la trituration. Dans cet 6tat, la pulpe a
la consistance et la couleur de la pate faite avec la farine de
mai's. On forme ensuite des pains de 40 a 30 c/m de lon-
gueur, 15 a 18 c/m de largeur et 10 environ d'epaissenr. Ces
pains sont enveloppes dans des fcuilles d'hibiscus, li(5es avec
des lanieres d'ecorce du meme arbre et mis au four kanac
oil ils restent environ deux heures. Ce sont la les pains que
les naturels cmportent avec eux quand ils vont d'un point a
un autre de Tile ou de rarchipcl.
Une nouvelle preparation est encore n(5cessaire avant que
les naturels y plongent les doigts pour prendre leur rcpas.
Les feuilles de I'hibiscus etantenlevees apres la cuisson, on
ecrasc le pain dans le plat au moyen d'un pilon en pierrc et
en y ajoutant un peu d'eau. La masse entiere etant reduile
en une especc de bouillie et rccouverte d'eau fraicbe, la jatte
est portOc dans lacour, au devant de la case, ct la, hommes
et fcmmcs sc groupent a I'cntour el mangent jusqu'a ce
qu'ils soient rassasi^s.
Dans quelques cases, tout le mondc mange on meme
temps et au mome plat; dans d'autres, les femmes et les
enfants ne commcnccnt leur repas que quand les liommcs
se sont retires. S'il rcstc fi^iiclque chose dans le plat, on le
520 NOTICE
recoovre de feuilles, el le retardataire ou celui qui a faiin
trouve toujours de quoi satisfaire son app^tit.
Voilfi ce qu'on appelle la popoi md, nouniture habituelle
des indig(ines des Marquises, qui y ajoutent quelquefois un
morceau de cochon a demi-cuil, qu'ils dechirent avec ies
dents ou avec Ies mains, quelques petits poissons crus, un
morceau de requin pechci depuis plusieurs jours et, par
const^quent, a demi pulrefi6, ou enfin quelques couferves
rocueillies sur Ies rochers.
On prepare encore le fruit a pain en le faisant cuire
aussilOt qu'il a ele cueilli ct en le delayant grossierement
avec un peu d'eau et de la popoi ma, c'est ce que Ies natu-
relsappellent /?o/?oi met, et donl ils font usage danslasaison
des fruits. Elle est plus estimee que la precedente.
Le kaku est une autre preparation du fruit a pain et qui
ne se fait guere que dans Ies cases des chefs. Le fruit etant
cuit sur Ies charbons, on le petrit fortemenl, on racle ensuite
une noix de coco et Ton en exprime le jus qui sert k delayer
la pulpe. On sort ensuite dans un plat a popoi, et ce mets
est fort agreable. Quelquefois on laisse la parlie du fruit
durcie par le feu, qui donne a ce niels un gout de noisette.
On rappelle alors kaku varao.
Les naturels font encore avec de la popoi et du lait de coco
un plat qu'ils appellent koci. lis font aussi deux especes dg
confitures : la premiere, appelee makiko est du fruit a par-
faite maturite et cuit, on le bat avec un peu d'eau et on le
met a cuire au four kanac, cnvclopp6 dans des feuilles
d'hibiscus; la seconde est appeleo hcikai, c'est du fruit a
pain cuit dans du lait de coco, apres avoir 6te envelopp6
dans une feuille de bananicr. Cette confiture est tres estimee
des naturels el meme des etrangers. Le mfime fruit, cuit
au fort kanac avec un cochon, absorbc les sues qui provicn-
SUR L'ARCHlf'EI. DK iMENDANA. 'ii\
ncnt tie la cliair de cot animal et remplace Ires bicn le
pain ou les pommes dc tcrrc.
La popoi akahua, sc fait avec de la popoi ma ct dii fruit
frais. On delaie avec du lait dc coco. On donne aussi i cot
aliment le nom de popoi koei et popoi toitea.
Comme on pent le voir, le fruit de cet arbre est d'une
immense ressourcc pour los indigenes des Marquises ct d'un
grand nombre d'autrcs lies de rOc(5anie. II remplace le
couscous des negres de la cOte occidentale d'Afrique, ct le
riz des Indiens, et sa culture demande encore moins de
soins que ces deux graminees, car les habitants de Taio-Hae
pretendent qu'on ne pout reussir en plantant I'arbre ii pain,
et qu'il faut le laisser venir naturellement. Le seul soin
qu'ils prennent est dc debarrasser le pied des jeunes plants
des broussailles qui ne tarderaient pas a Tetouffer avant
qu'il eiit pris son entier developpement.
Le taro ou tao, quej'ai vu cuUiver surunegrandeechelle
aux iles de la Socicte et aux Sandwich, est aussi cullive en
quclques endroits dans Tile de Nouka-Iliva, mais il s'en faut
de beaucoup qu'il soit aussi precieux aux yeux des naturels,
et d'ailleurs 11 exige des soins. II en est de meme de la
patate douce (1) qu'ils vendent aux strangers. S'ils I'cncon-
trent des ignames (2), qui ne sent pas rares dans les lieux
montueux et ombrages; ils les deterrent pour les manger,
mais ils ne cultivent pas cette plante.
La preparation du tao est assez rompliquee. On racle la
racine pour la reduire en farine qu'on delaie avec du lait de
coco pour en former une pate. Cclte pate une fois cuile est
(1) Couvolvulus batatas.
(2) Dioscorea alala, e hoi en kauac.
822 NOTICE
Iritur^e comme. le nu\ pour faire le kuku. On a prepare a
I'avance du jus exlrait de la noix du coco, qu'on reduit en
huile, au nioyen de cailloux rougis au foil. Quand la patfi
est cuite, on la met dans celte huile sans la meler et ceux a
qui ce mets est servi, operent le melange avec leur doigt. On
le serl indifTeremment chaud ou froid. La kaikai-tao est du
tao cuit simplement dans du lait de coco.
Pour les ignames, on les rMuit en farine el en pate, avec
de I'eau de coco. On enveloppe avec des feuilles d'hibiscus,
el Ton fait cuir au four kanac.
Tous ces aliments (5tanl prepares sans aucun des condi-
ments dont nous faisons usage, nous paraissent assez fades
etinsipides, la popoi ma a un gout aigre auquel on s'accou-
tume assez promptemenl, et j'ai entendu dire a un des mis-
sionnaires qui en fail sa nourrilure a peu pros habituelle,
qu'il pref^rait cette popoi a celle qu'on fait avec le fruit frais,
et qui n'a pas la saveur aigre de la popoi conservee.
La boisson ordinaire des kanacs est I'eau do la riviere, lis
aiment cependant passionn(5ment les liqueurs fermentees, et
souvent on obtient pour une bouteille d'eau-de-vie ce qu'on
n'aurait pas pour toute autre chose. Aux jours de fete, ils
preparent du hava avec la racine d'unc plante de ce nom,
le Piper mcthyslicum. Ils machent cette racine, et lorsqu'elle
est bien triturte, ils la mettenl dans un plat de bois, dans
lequel se trouve de I'eau en proportion avec la quantitt^ de
racines machees. lis lavent bien le tout, et quand ils croient
que I'eau est completement satur6c, ils jettent le rfeidu. lis
prennent ensuite la tige d'une espece de Cyperus, qu'ils
broicnt et dont ils se servent pour tamiser I'eau, afin d'enle-
ver les parcelles de racine qui auraient pu rosier lors du
lavage. Ce travail termine, ils obtienncnt un liquide d'lm
blanc sale, d'un gout extrfimement acre et poivrt^, qu'ils
SLR L ARCHIPEL DE MSNDANA. ?23
boivent iniirn^dialemcnt dans des coupes de coco. Des qu'ils
ont bu, ils se rincent la bouche avec deTeau fralche ct vent
se coucber dans les cases oii les femmes n'enlrent jamais.
Cetle liqueur est tr^senivrante, stupefiante, et Ton recon-
nait facilement ceux qui en font un frt^quent usage, a leur
air bebete ,a leurs yeux injectes de sanget k leur peau
ecailleusc. Ilaniau, chef de la bale desTaipis-IIumi, est un
exemple frappant des d^sordres que Tabus de ce breuvage-
peut causer dans Torganisme.
Le piper metbysticum que les kanacs appellent hava
maoi, est cultive en certains endroits. lis en distinguent
trois autres especes ou van(5tes dont ils ne font pas usage.
Quelques kanacs, mais en petit nombre, font de I'huile de
coco qu'ils brulent dans des lampes en verre ou dans des
Scales de ce fruit. lis sonl sous ce rapport tout a fait dans
I'enfance et le plus grand nombre pref^re enfiler la graine
d'un arbre qu'ils appellent 4wa (1), a des brochettes de
bambou. Cette graine tres buileuse briile assez facilement,
quoique la clarte soit loin d'etre brillante, et qu'elle donne
beaucoup de fumee. Un autre inconvenient de ce luminaire
est le soin continue! qu'il faut en avoir, c'est pour cela que
dans les cases oii Ton s'en sert, chaque individu se passe la
cbandelle a tour de rOle, en enlevant les graines qui ont
fourni touteleur huile, et jusqu'a ce que le temps de I'ctein-
dre soit arrive.
Ceux des indiens qui prt^parent do I'huile de coco on
raclent la noix et la font bouillir en y metfant un pen d'eau.
L'huile par la chaleur se st^pare et surnage; on la recueille
et on s'en sert ainsi. Cette huile est tres limpide plus blanche
(I) C'est la noix dc bancoul, Aleurites triloba L.
2'24 NOTICE
que riiuilc cVolivc, niais ollc ropand on brulant line odeur
clesagreable, donne bcancoup de fiim^e et se congt;le mt}me
a pliisieurs degrfis au-dessus de zero, ce qui en rend I'usagc
impossible ailleurs que sous la zone torride (I).
Nous avons dit plus baut que le vctcmcnt ordinaire de
I'habitantdes Marquises consistail, pour Ics liommes en une
piece d'etofTe qui leur ccint les reins en passant entre les
jambes, et pour les fenimes, en deux tapas dont Tune plus
petite, appelee ueu (Nouk.) parco (Tait.) sert de jupon et
descend jusqu'aux genoux, tandis que I'autre, kahu, plus
grande, est jeteenegligemmentsur lours epaules,afinde s'en
debarrasscr facilement; mais quandccs naturels veulent se
parcr de leurs ornements de fete, les bommes surtout se
couvrent d'ornements bizarres, dont la confection demande
beaucoup de temps et de patience.
Le principal d'entre eux, complement ncccssaire de toulc
toilette soignee, est le supcrbe tavaa compose de plusieurs
rangees des plus belles plumes de la queue du coq, disposees
en un demi-cercle dont la figure latouee du sauvage forme
pour ainsi dire le centre. Cette parure, que peu de kanacs
savent composer, est pour eux d'un ties grand prix, et vous
offririez souvent une somme considerable, sans pouvoir en
obtenir. On s'en procure uu moyen d'(icbanges ou par suite
d'une connaissance prolongee.
J'ai vu dans des fetes kanaques , des indiens en porter
(1) Dans line Iraversee de VArldmise de Taili a Valparaiso, ou
s'est servi d'buile de coco pour I'alimentation des lampes, mais
arrive a 33o 29' de latitude sud, par une temperature de 12 a 16
degres centigrades, on a ete oblige d'avoir recoups a I'huile a
briiler que la corvette avail de France en approvisionnement de
prevoyance.
SDR i/ahcihpel be mendx.na. m
deax, trois et meinc quatre sur la lete, les i'paulcs et les
reins. Lors de notre arrivt5e en Oceanic, Ics chefs de Taio-
Hae sent vcnus a borJ de ['Artemise revelus do ces ornc-
nients, et quand I'amiral Despoinlos y est arriv6 avec la
division anglo-franQaise ciijuin 1854, le nombre des visiteurs
etait encore plus considerable, les autres Iribus de I'lle ayant
(5le avcrties dii jour oil la visite devait avoir lieu. Pendant
toute la journee, le pont, la balterie, le faux-ponl de la fre-
gaiC ont ete remplis de kanacs, homnies, femmes et enfants,
qui ont danse tantotau son dc la musiquedu bord, lanlot
au son des lanUams qu'ils avaicnt apportes dans cette
intention, et apres avoir bu et mange a volonte, ils se sont
retires la plupart (ransformes en europeens, ayant fait avec
•les ofliciersel les matelots echange de quelques-uns de leurs
v6temenls et portant le reste sous leurs bras.
Un autre ornement de tele, qui dcmande aussi beaucoup
de travail est le pehue licipipii, espece de diademe compost
de plumes de perruche verles et rouges, collees sur une bande
legere d'ecorce d'arbrc, au nioyen de la gomme qui suinto
de I'arbre h pain. Ce diademe est entoure d'une bande
d'etoffe tressce blanc et noir ou d'une rangce de graines
rouges de Yabrus prccatorias, appclee vulgairemcnt pois
d'Amcri(]ue. II on cxiste encore un autre genre, fait avec
desecailles do tortues, dwoupees a jour, ct avec des coquilles
d'liultres a pcrles, mais on ne Irouvc guere ces riciies ornc-
ments dans I'lle de Nouka-IIiva, qui a ete beaucoup plus
visitee que les autres. II faut aller a la Dominique et a la
Madelaino, et avoir rendu un grand service a un ciief kanac
pour qu'il s'en defasse en voire favour.
II faut aux indigenes une patience a toute opreuve et
surlout un temps considerable pour arriver, avec un n)anquc
compU'ts d'inslrumcnts, a travailior aussi bion qu'ils le font,
i26 NOTICE
I'ecaille et surlout I'ivoire pour en faire les pipes, les
manches des eventails, les ornements d'orcille, etc. 11 y a
de ces derniers qui sont si volumincux qu'iis ont besoin
d'etre soutenus par un cordon autour de la lete, sans quoi
le lobe des oreilles serait dechir6 par ce poids demesure. Les
petits sonl decoupt^^s a jour et reprc^sentent des figures hu-
niaines assises sur des Ironcs d'arbre ou des denlelures plus
ou moins composees. Les grands forment une plaque large
comme le fond de la main, de pres d'un pouce d'(^paisseur,
unie et par'faitement polie.
Les panacbes que les kanacs composent avcc les longues
plumes caudales du Pbaeton demandcnt moins de travail,
mais n'en sont pas moins chers, parcequ'il faut de quarante
a cinquante de ces oiseaux pour composer un panache bien
fourni: un beau tua vaut encore quinze ou vingt francs.
Les hommes ajoulent encore a leur parure des especes de
hausse-cols dont la partie presentee a I'ceil est couverte de
pois rouges. L'agrement de ces ornements est quelquefois
rehaussepar des 6toiles, des croissants, des triangles d'ecaille
de lortue. Pour collier, ils portent soil deux ou plusieurs
dents de cachalot ou des defenses de cochon, enfilees et
garnies au pied avec des tresses de coco.
La reunion de plusieurs barbes blanches, forme un pana-
che parahina dont la valeur est Ires grande, et qui ne voit
le jour que dans des circonstances solennelles. Les barbes de
cette couleur seraientun objetd'importation aux Marquises,
dont on lirerait un joli benefice.
II ne faut pas oublier un article indispensable a tout
sauvage en costume de fete, ce sont les chevelures dont ils
se cbargent avec profusion les poignets, les reins, les pieds,
ou qu'iis suspendent a leur ceinture, et qui sont dispos^es
d'une fagon parliculiftre, suivant leur destination. Avaient-
SliR L AHCHIPEL UE MENDA.NA. 227
jls jadis, comme Ics Indiens d(yTAmerique du Nord, I'usage
de depouiller les tn'tnes de fcurs ennemis vaincus, et de s'en
faire un trophee do leurs victoires, tout porte a le croire; la
preuve la plus ccrtaine qu'on puisse nionlrcr du resultat
heureux d'une balaille est la possession d'une partie de sou
ennemi terrasse; cliez les anciens, c'etait le bouclier, les
etendarts; chez nous c'est le drapeau, ce sont les canons; en
Asie ce sont les tentes; de la a la mode de porter des
chevelures comme ornements, la transition est insensible.
Les femmes, partout ailleurs plus recherchees dans leurs
parures que les liommes, ont chez les sauvages des Mar-
quises, peu d'ornements qui leur soient propres, si ce n'est
le tokotoko-pioo, baton de 5 pieds de haul environ, fait en
bois de fer el surmont6 d'une houppe de cheveux tresses.
Quelques femmes portent des panaches de barbe blanche,
des diadomes d'ecaille de tortue et des boucles d'oreille,
Quand elles n'en ont pas, elles roulent une feuille d'arbre
dans le trou du lobe, afin de Tempficherde se fermer. Elles
aiment et recherchenl les bijoux europdens, bagues, colliers,
anneaux, 6ping!es, les 6to(Tes Icgeres pour se faire des
espt^ces de robes, les mouchoirs de sole qu'elles portent
stales sur le dos et non pli^'s en triangle. Aucune d'elles
ne porte de chaussure, pas mfime la reine Vaekehu. Quel-
ques kanacs en font usage, mais c'est le petit nombre; c'est
pour eux un tres grand luxe, et ils s'en dC'barrassent des
qu'ils lo peuvent. S'ils vont assisler a une fete dans une
tribu voisine, la paire de souliers est attachee sur leurs
t^paules avec la chemise et le pantalon, et ils s'arrCtent a
quelque distance du village pour faire leur toilette de
c<^r6monie.
C'est aux Marquises qu'on pout voir Ics plus beaux taioua-
ges, et les habitants deed archipel ont un talent tout parti-
5*8 NOTICR
culier pour tracer sur leur peau los dessins qu'ils montren't
avec orgiieil aiix tlrangers. On peut s'eii faire une idco, si
Ton regardc ceiix que la fantaisio ct le desoeiivrement font
tracer sur lesbras, les mains et la poitrine des matelots.
Seulement il faut supposor ce tatouage couvrant le corps
tout enlier, et revetant I'individu des figures les plus fan-
tasliques et les plus bizarres. Les parties les plus sensibles
du corps bumain n'ecbappent pas a cette torture d'une nou-
velle espece, et c'est cbez eux que doit s'appliquer mieux que
partout ailleurs ce dicton populaire : qu'ilfaut souffrir pour
dlrebcau. Le tatouage remonte a une tres haute antiquite,
les prt'trcs de Bacchus se faisaient graver sur la peau une
feuillc de lierre, Lucien rapporte que ccux qui voulaient
honorer la deesse Isis d'un culte particulier, se faisaient
tracer sur le cou etsurlespoignetsdescaracteres niysterieux,
c'est ce qui a autorise plusieurs personnes ii considerer les
tatouages des peuplades indienncs com me analogues aux
hieroglypbes des anciens Egyptiens. Us out avance que les
chefs les plus tatoueselaientceuxquiLHaient les plus illustres,
ou par leurs ancelres ou par leurs actions personnelles, mais
nous noussommesassurt^s qu'il n'enestrien, que les dessins
que les sauvages s'imprimont sur la peau n'ont aucune
analogic avec Thistoire de leurs aioux ou de leur pays,
ou avec leurs histoires partirnlicres; et bien qu'il y ait
certains dessins que Ton trace de preference sur telle ou telle
partie du corps, cependant Timagination do I'arliste fait
seule les frais de la disposition des lignes, des zigzags, des
triangles, des cercles qu'on voit traces sur leur peau.
Voicidu reste comment se fait cette operation : le (nhuka
ou savant, I'artiste indien delaic dans une ecale de coco du
charbon d'awa ou alcurites et a\ec une baguette tres
fine il fait le dessin sur la partie du corps qu'il s'agit de
SUR l'aRCHU'EL ou. me.nd.vna. 229
(alouer, il prend cnsuite un instrument appele to, compose
d'un OS d'oiseau tailltJ en forme de peigne a dents Irts fines
el lix6 a une lige de roseau, et la main droite armce d'un
petit baton, coinmc celui dont se servenl, les peintres pour
appuyer ieur main quand ils peignent, il frappe a petits
coupssurTinstrument donlles dents sont egalementenduites
de la composition noire, en suivant les contours dcssines
surlapeau et fontainsi penctrcr ia'peinture assez profon-
dement; le sangjailiit souvenl. 11 survient cnsuite un gon-
flemcnt de la parlie tatouee, que le patient recouvre quel-
quefois de plantes ecrasees.
On se fait tatouer tanlut une partie du corps lanlot une
autre, il y en a quclqucs-uaes pour lesqucllcs on est oblig<5
de (enir forlcmont rindi\idu, ct pendant qu'on le liitoue, le
tamtam resonne, etlos oris du pati(^nt sont pordus au milieu
du bruit. Tant que dure le travail ct le temps de la guerison
le malade est tapou et tout ce qu'il louche est ^galement
lapou.
Les dessins que tracent les indigenes surquelques-uns de
leurs meublesde bois, pipes, nianchesde baches, flutes, etc.
se font avec des morccaux d'ecale de coco failles a angle
tvbs aigu et reduils a la flamme de la lampe en cbarbon
incandescent. Ce travail n'est ni long ni difTicile.
Les vetements europeons sont rechcrches avcc emprosse-
raenl. On obtient pour une chemise, une redingote ou un
habit garni de boutons d'uniforme bien des choses qu'on
n'aurait pas pour la valeurr(5elle du vetement qu'on offre. II
n'est pas raredc voirun sauvage avecun habit, sans chemise
ni panlalon, ou bien avcc une chemise ou un pantalon seul.
J'ai vu choz Ilung-IIiai, ciiefde la Iribu des Taipis-Vai, un
kanac aller s'babillor lorsqu'il nous vit venir; sa toilette ne
ful pas longue, il mil sur sa lele un chapeau dc sole noire
f30 Notice
e[ le conserve, pour nous faire honneur, pendant lout le
tt'iiips (le nofre sejour dans la case. Tous ces velemenls euro-
pcens na paraissenl que les jours de fete, et lu ceremonie
termin^e le sauvage s'enipresse de les quitter et de repren-
dre son hami.
« Tanl de nos premiers ans I'habitude a de force. »
Les habitants des Marquises ne font guere de Iravaux
d'association. Leurs routes ne sont quedes sentiers, oil deux
pcrsonnes ne peuvent marcher de front, la case du chef est
la case de reunion , elle est habituellement construite sur un
des cotes de la place pubiique ou koika, qui est un espace de
terrain en forme de parallelogramme, donile niveau est infe-
rieur a celui des terrains environnanls, et enloure de gros
blocs de pierre qui rappellent les constructions cyclopeennes;
les kanacs d'une tribu se rt5unissent pour faire ce travail, mais
cela n'arrive guere maintenant, car d'un cote ces construc-
tions sont pour ainsi dire indestructibles, de I'autre la popu-
lation des Marquises est loin d'augmenter et le besoin d'en
creer de nouvelles ne se fait point sentir, au contraire, on en
rencontre fr(^quemment qui sont entierement abandonn^es
ctenvahies paries broussailles. Lesseulstravaux d'ensenible
qu'ils font actuellement sont les pirogues de guerre et de
peche. Chacun contribue a cette derni^re Industrie, les uns
en allant abaitre les arbres, en les creusant, pour faire le
fond de la pirogue, les aulrcs, en altachant avec des tresses
de coco faites par les femnies, les planches qui doivcnt en
augmenter la dimension ; ceux-ci en sculptant la (igure ii
placer a I'avant, ceux-liien travaillant le mat, les pagaies,
les voiles, les cordages d'ecorce d'hibiscus. Pendant ce temps,
11 setravaille ailleurs un grand lilet d'ecorce du mcme arbre,
line petite case est construite expres pour les travailleurs, ils
ysontrenfcrmes volonlairementjusqu'ace qu'il soil termim^
SIR l'archipel DK me.ndana. 231
et lesabords en sont sacres, tapous pour les femmes. Quand
la pirogue et le filet sonttermincs, on fail une fete koika-ika;
les hommes qui doivent s'embarquer dans la pirogue lu
lancenl a la mer, el porlanl avec eux un dieu de pierre, ils
vont peclier le requin dont ils sont Ires friands, ou se rabal-
tent SUP d'autre poisson. lis reslent ainsi deux ou trois jours
en mer, et a leur retour le produit de la p6che est rapporte
religieusement et dislribue entre toutes les families de la
Jjaie.
Ilspfichent aussiaux flambeaux; quand la nuit est sombre
et sans lune, ils vontau large dans leurs pelites pirogues,
allumenl des torches de roseaux sees et reviennentlentement
vers le rivage, le petit poisson les suit et quand la pirogue
louche a terre, un kanac prend la torchc et les autres sont
prels et ramassent tout le poisson dans des especes de filets
emmanches que nous appelons havanaux ou havenets. lisle
d(5posent dans de grands paniers de feuilles de cocotiers et la
distribution s'en fait egalement par famille.
N'ayant eu , on ecrivant cette notice, d'autre but que de
faire connaitre les moeurs et les coutumes des habitants dos
Marquises, je n'irai pas discuter les raisons politiques qui
peuvent Clre mises en avant pour le maintien ou I'abandon
de cette possession francaise en Oceanic, qu'il me sulnse de
dire que si Ton voulait fortement coloniser ce groupe d'iies,
et le meltre en culture, ce ne serait pas chose impossible,
lant s'en faut, les Anglais a I'Ascension nous ont prouv6 ce
que peut la voionle de Thomme, mais il faudrail bcaucoup
de lemps et de bras, la constitution physique du pays meltra
toujours un obstacle Iri-s grand a une culture de denrt^es
coloniales sur une grande ^chelle, cnfin, avant de consacrer
descapitaux considerables a une exploitation quelconque,
de cafti, de Sucre, de riz, de cacao, do I'indigoou de colon.
232 NOTICE
il serail necessaire de s'assurer auparavant si la venle Je ces
deni'6es sur ui)e place de commerce soil en Europe soitei>
Ain(}riquc couvrirail a la fois et les frais de culture ct ceux
de transport, qui seroiU loujours fort elevi''S, eu egard a la
position du groupe par rapport aux autrcs parlies du monde
»u dies pourraient ctre achetces^.
NOTES.
On lil dans le supplement au I. XI de IHistoire generale Jes
Voyages, continuation de labbe Pievosl, cc qui suit, relatif au
second voyage de D. Alvare de Mindana, en 1595. Ce second voyage
est intitule : Descubrimiento de las Islas de Salomon. Mindana
partit de I'ayta, viUe du Perou, avec Fernand Quiros. II aborde a
a un grnupe d'lles (juil appcla Marquises de Mendoce, et que
iJudJpy (Tuit etre los menies que celies qu'on s'avjsa d'appoler ties
de Salomon, sur la ridicule supposition que c'ctait I'Ophir oil les
vaisscaux du roi des Hebreux allaient cherclier de lor. I.e narra-
tcur continue ainsi :
« ... lis nous lancaient des pierrcs a coup de froiide, dont un
» soldat eut le bras casse C'etail nnc chose (?pouvantable que
y d'entendre le bruit et les cris de loute cctte poi)ulace qui s'en>
> barassait dans les canots; les sauvages voulanl tons se cacher les
f uns derriere les autres. ... Nous en decouvrimes Irois aulres
* que le commandant nomma Sl-Picrr-.-, .Mngdelaino el Dominique.
23i NOTICE
> Les deux premieres soiit basses, bien boisees, etd'environ quatre
» lieues de circuit. — Je ne puis dire si ellcs sonl habilees ou noii.
» La Dominique est plus grande, elle a bien Ireize lieues de tour.
» L'aspect en est tout-a-fait agreable, plein de beaux arbres et de
» bonnes baies. Elle n'est separee d'une quatrieme nommee I'lle
» Chiisline que par un canal limpide et profond, large d'une lieue.
» Le commandant nomma toutes ces lies reunies les Marquises de
» Mendoce... Cette lie Christine est bien peuplee, haute dans le
» milieu, pleine de roches etde vallees, oii les insulaires out leurs
» habitations. Le port, faisant face a I'ouest, est en fer a cheval...
» Les naturels de cette lie sonl plus basanes que ceux de la
» Magdeiaine, d'ailleurs, c'est a peu pres le meine jargon et les
» memes usages. L'habitation est disposee en equerre sur deux
» lignes, bien pavee d'un cute et de I'aulre, disposee en place
» publique plantee d'arbres. Les maisons sont plus elevees que le
» sol, couverles a deux eaux. Les portcs sont basses et les fenetres
» percees vis a vis dans le mur oppose; elles paraissent communes,
» du moins vimes-nous un grand nombre de places h. coucher
» marquees dans chaque cabane. Les fcmmes ont le visage et la
» main ires jolis, la taille fine, le corsage bien fait, le teint est
» passablement blanc, en un mot elles sont mieux que nos plus
» jolies femmes de Lima. Elles sont vetues de la poitrine en bas,
» d'un fin tissu d'ecorce. Nous vimes pres de la bourgade une
» espece de temple ou sanctuairc, forme d'une enceinte de palissades
» oil etaient quelques figures de bois mal travaillees, auxquelles les
» insulaires presentent pour ofTrande di verses choses comestibles.
» ... Leurs pirogues sont fort bien creusees, d'une seule piece,
» quilie, poupe et proue, recouvertes de planches et amarrees en
» cordages de cocotier. II y en a qui tiennent jusqu'a 30 et 40
» rameurs. lis Iravaillent avec des doloires d'os de poissons, etdes
» berminettes de coquillages, qu'ils aiguisent sur de gros cailloux.
» Les forces, la stature el I'air sain des insulaires sont de bons
» indices de la temperature du climal (1) »
(11 Pour plus de details sur la panic historique de ces lies, on
pourra consulter I'ouvrage de JLM. Vincendon Dumouliu el
Pesgraz.
SUR L'AnCHIPF.I. DR MENDANA. 233
2.
Oil conserve encore les cercueils dans les cases en les placant
sur des traverses, dans lapartie superieure. II y a quelques tapous
a observer dans cette circonstance : on ne pent se coucher sur la
natte dans la partie de la case ou se trouve le cercucil; on n'y met
jamais la lurniere, etc., etc. — II faut signaler ici I'habitude qu'ont
les indigenes d'emporler les morts avec eux, ou de les cacher pour
qu'ils ne tombent pas entre les mains de leurs enneniis.
3.
L'un de nos premiers missionnairesaux Marquises, le P. Mathias
G — a publie en 1W3 (1), une grnmmaire dans laquelle il cherche
a etablir des regies pour le langage de ces peuples, mais je doule
que celles qu'il pose soient bien conslanles, d'ahord parce qu'il a
ete trop peu de temps dans I'arcliipel pour pouvoir comprendre le
genie de celle langue d'une maniere complete, et qu'ensuite, malgre
son desir d'etre exact, il a pu etre induit en erreur par les expli-
cations qui lui elaient donnees. Le chapitre de ses lettres oil il
traite du langage montre que ce missionnaire desirait faciliter
I'etude do la langue marquisienne, et bater la civilisation des
indigenes; mais les regies qu'il donne ont besoin d'etre confirmees
par de nouvelles eludes.
II a paru, la mume annee, (2) un Vocabulaire oceanien-francais et
francais-oceanien des dialecles des lies Marquises, Sandwich,
Gambler, etc., par I'abbe Boniface Mosblech. Si cc vocabulaire eut
etc fait avant notre arrivee aux Marquises, il n'aurail pas reiiferme
un aussi grand nombre de mots, car beaucoup d'objets dont nous
nous servons (itaient inconnus aux habitants de ccs lies, et il a
fallu creer des mots pour les exprimer dans leur langue. Pour les
(1) Chez Gaume freres.
(2) Paris, Jules Renouard et C'- libraires-editcurs.
f36 NOTICE.
Glioses qui lonibent sons les sens, la difaciiltL- n'eslpas Ires grando,
niais pour les idees nielaphysiques ou morales auxquelles ces
indigenes n'avaienl jamais songe, ellc est quelquefois insurmon-
taMe; aussi nos riiissionnaires ont-ils beaucoiip de peine a se faire
comprendre quand ils veulent leur expliqucr les dogmes du Chris-
tianisme.
Le P. Dordillon, qui est dans I'archipel des Marquises depuis plus
de huit ans, travaille avec perseverance a un dictionnaire de celte
langue. II la connait deja fort bien, et cependant il avouc qu'il est
souvent embarrasse pour s'exprimer dans les instructions reli-
gieuses qu'il leur fail, a cause de la difficulte de traduire sa pensee,
I'expression propre manquant, et I'cbligeant a se servir de peri-
phrase. Le dictionnaire du P. Dordillon sera aussi complet qu'il
est possible et coniprendra les noms de toules les especes d'ani-
maux, de vegetaux et de mineraux determines par les naturels.
On remarque aux Marquises un assez grand nombre de mots qui
tirent leur origiue de I'angiais. Ainsi les naturels appellent iepe,
navire (en anglais ship); ■manua, batiment de guerre (man of war; ;
tara, piece de cinq francs (dollar); f,ele, cloche (bell); karai, verre
(glass^; pulue, faire sorlir (pull away). Le francais et le latin leur
en ont fourni aussi une grande quantite : glace, kakalci; heure,
hora; niilre, mitera; myrrhe, vnra; inyrte, mureta; vinaigre,
rineka; vin, vino; analheme anatema, elc; le latin : encens, libano,
et plusieurs mots de la lithurgie. Ces noms modernes sont indi-
ques dans le dictionnaire de I'abbe Mosblech.
4.
Les amateurs de curiosites ne seront peut-etre pas faches de
connaitre les noms indigenes des differents objets qu'on peut se
procurer aux iMarquises, soitau moyen d'echanges, soit d'une autre
facon. En voici la nomenclature : (1)
(1) On a deja fait observer qu'il faul prononcer la letlrc v comme
i'il V avail ou.
suit l'arcmii'Ki. de menda.na. $37
Casse-tete, e uu. (l)
Tambour, e pahu.
HacLe en pierre, e toki.
Pagaie, e Aoe.
Conque de guerre, e patoka.
Fronde, e tnaka.
Baton de f6le, e tohotokopioo.
Cocos sculptes, e ipu a e/ii |'A'e«u to/.
Echasses, e tapuvae.
Plat a popoi, e kooka.
Rape a coco, e /ip/ca c/a'.
Pilon a popoi, e Aea tuki popoi.
Instrument pour tatouer, e taa patu tiki.
Flute ordinaire, e pu,
Fliile avec laquelle on joue a I'aide du nez, c pu ihu,
Ornement de tete en plumes, e tavaha.
Un autre, e p4ue.
Un autre, e peW ftei pipit.
Un plumet en plumes de phaeton, e tua.
Id. en barbes blanches, e pava.
Des boucles d'oreillesgrandes, e hakai ei.
fd- petiles, e putaiata.
Ornements des oreilles, e Kouhau.
Chevelures des mains, e topepu.
Id. des pieds, e poe.
Id. des reins, e hope moa.
Id. rondes, e tilipakeki. e pohutu.
Diademe en ecaille, e poekaha.
Ornement en pois rouges, e <a/a poHift.
Un autre, e iefe poniu.
Ornement en tresse d'ecorce d'arbre, e Kahu Koua elii.
Eventail, e tahii.
Bonnet, de savant, pee kouaehi.
Ceinture d'homme ou langouti, e hami.
Eloffe en ecorce d'arbre, e ute hiapo.
vi La voyelle e so prononce com me dans bunte, t;!i.irile.
238 NOTICR SUR l.'AUr.HlPEL DK MENDANA.
I).
L'arbre h. pain, Artocarpus de Linne, Soccusde Rhumph., Rada-
machia de Thumb., Tridaps de Commerson, est originaire des iles
de la Polynesie. Vers la fln de 1793, il a ete transports de Tonga-
Tabou a Java par les fregates la Recherche et VEspe'rance. La
fregate la Re'gdneree, transporta I'espece a noyau de Batavia a
I'lle de France. Sounerat, naturaliste et voyageur francais, en avail
apporle a I'lle de France des pieds qu'il avail prls a Lucon. En
1793, la variele sans pepin a el6 Iransportee de Taili, d'oii elle est
originaire, dans nos Antilles. Cel arbre existe maintenant dans
presque toutes nos colonies; on pourrait peutetre le culliver en
Algerie oil vegelent a Fair libre des especes voisines, les ficus
laevis, religiosa, elastica, ruhiginosa, bengalensis, el ce ne serai I pas
une acquisition de peu d'imporlance pour la colonie, car, comme
on Fa vu, c'est du fruit de eel arbre que se nourrissent exclusive-
ment des milliers d'individus; ce qui a fait dire a un de nos poetes :
Une plante sauvage,
Des presents de Ceres peut remplacer I'usage.
Castel.
RECHERCHES RIOGRAPHIQUES
SUR
M. DESHAYES,
Ancicn Consciller du Roi on scs couseils, Commissaire Gi'iieral de
la Marine, Mombre de la Societc Acadeuiipe de Cherbourg.
Lettre si MM. les Membres de la Societe Imperiale academique
de Cherbourg.
Messieurs ct chers confreres, ■'
J'ai riionnenr de vous communiquer les renseignemeiits
biographiqiies que vous m'avcz deniandes sur M. Dcshayes,
membre dc notrc Societe en 1776.
Antoine Dcshayes naquit a Rochefort le 21 fevrier173i.
II etait d'une famille autrefois fort riche, mais que la banque
de Law d'abord, et ensuile la faillite du p6re Lavalette,
avaient compl^lement ruinee. II remplissait les fonctions de
commissaire des ciasse au deparlcment dc Cherbourg ,
J40 hKCHKRCHES UlOailAPUIQUES
lorsiiue, en 1776, il I'ut noinniti membre titulaire de la
Societe acadeniiquc. M. Desliayes y occupa dignement sa
place. II avail unc insliuction fort ^tendue; les hautes
nialliematiqiics et la physique etaient surlout, dans ses
courts loisirs, ses eludes de pr(5di!ection. II entrctcnait sur
ces niatieies avec M. Dumouriez, alors directeur de notre
Societe, des conferences qui avaicnt un interet scientifique
ji celte epoque. M. Desliayes etait un des in limes du general
Duinouiiez, ct liii etait fort utile en retablissant a chaque
instant, par la douce persuasion de son esprit, la paix dans
son raauvais menage. L'amitie de ces deux hommes dura
longlemps, car je les retrouve encore en relation epistolaire
a la Reslauration de 1816.
M. Desliayes, qui ^tait devenu a Cherbourg commissaire
ordinaire des ports et arsenaux le 2 decembre 1783, et con-
sciller du roi en ses conseils, commissaire general ordonna-
teur des travaux de la rade, a la suite du voyage de Louis
XVI en 1786, quitta noire ville a sa demande en decembre
1792 (I). Le port de Cherbourg devait a cet adminislrateur
Eminent la cr(5ation de sa premiere administration et d'im-
portants travaux. II alia a Paris, oil il fut nomme I'un des
adjoints du ministre de la marine Dalbarade (1793). Je
suppose qu'il ne restu pas longlemps dans celte place, car
tout changeait prodigieusement vile a celte epoque de lerreur,
et M. Desliayes, par son caract^re, ne pouvail elre du nom-
bre des hommes en favour a celte date n^fasle. Rentre dans
la vie privee, il y demeura jusqu'aux jours meilleurs du
Direcloire, qui devaient pr^ct^der les jours glorieux de
(1) II remit son service a M. Eu?taclie, son successeur, le 19 no-
vembre dc cetle an^iee.
SUR M. DESHAYES. 241
I'Empire. Vers 1797, le vice-amiral Plt5ville, ministre de la
marine, lui proposa la presidcnce d'une commission de
liquidation a I'administration centrale. II accepta, et il 6lait
dans cette position au moment oii le contre-aniiral Decrcs
parvint au ministere {\" octobre 4801). II se relira definiti-
vement du service pen de temps apres, et voici a quelle
occasion. Un personnage, que j'ai connu conseiller d'Etat
sous la Restauration, avait reside quelque temps aux
Etats-Unis comme charg6 des affaires de France. La, il
avait eu le malheur d'encourirle mecontentement de I'un
des minlstres de la Rcpublique frangaise en refusant de
donner a une affaire la suite indiquee. De retour a Paris,
cet agent diplomatique eut des reclamations financieres a
presenter au ministere de la marine; M. Deshayes, charge
de les examiner, fit son rapport en conscience; mais M-
Deores, mil peut-etre par des influences etrangercs, monlra
de la mauvaise humeur et dit : « Je vous ai demande un
rapport sur I'affaire de M. Piclion, et vous m'apportez un
plaidoyer en .sa faveur. » M. Deshayes, piqu6 de I'obser-
vation, (5crivit le lendemain'a M. Dccr^s : « Je suls fort age
et je veux mettre un inlervalle de repos entre ma vie et ma
mort; je prie done V. Exc. de me donner un successeur. »
Sa demande lui fut octroyee , et il quitla le service n'ayant
de ressource pour vivre que sa pension ct une petite rente
viagere. II n'6tait encore aflllge d'aucunc infirmity lorsque
le 20 fevrier 1816, age de 85 ans moins unjour, il fut
alteint ai Paris d'une fievre calarrliale qui IVmporla en pcu
d'lieurcs, malgr^ les snins devout'-s de noire savant confrt're
le modecin en chef de marine Floury, qui se Iruuvailen cc
moment a Paris pour affaires.
M. Deshayes ^tait de petite taille , mais avait bcaucoup de
dignile dans les manieres. II avail eu trois soeurs et deux
10
242 RECHERCHES BIOGRAPHIQUES SUR M. DESHAYES.
frferes : I'un capitaine de fregale, I'autre ing6nieur meca-
nicien de la marine. Un cabestan dont on s'est longtemps
servi 6tail de I'invention de ce dernier. Ce fut a lui aussi
qu'on dut de pouvoir op6rer Timmersion des cfines qui
avaient el6 construits pour la rade de Cherbourg, immer-
sion que plusieurs ing^nieurs distingu6s avaient tenlee
avant lui sans succ^s.
Agreez, etc.
L. DE PONTAUMONT.
Teurthirille-Uague, septembra 4854.
FABLES ET CONTES
IMITES DE
LESSING, GOETHE ET BOCCACE,
lus a la seance de la Socicte Acadmique de Cherbourg,
le 1" mai 1855,
PAR
IH. OE L4PPARENT,
Associ6 titulaire-
VAB£i5i:s ot<: LSi^^^ir^'c:.
Lessing apparticnt a celtebrillante pleiade d'ecrivainsqui,
dans la deuxicme mcilid du XVIII^ si6cle , regeneivrcnt la
litlerature allemando , en la faisant sortir de la voie d'imila-
tions serviles oil elle sotait fourvoyoe.
Lessing est suitout c^lobre conimc poiilc dramaliqiie,
ct ses deux meilleurs ouvrages, Emilia Galotli, dont le sujet
244 FABLES ET CO.NTES IMITES DE
a beaucoup d'analogie avec cclui de la Virginie romaine; et
Nathan le Sage, eloquent plaidoyer en favour du grand
principe de la tolerance religieuse, sont des oeuvres remar-
qiiables, autant par relevalion de la pensec, que par la force
et I'elegance du style.
Le meme 6crivain a laiss6, en outre, de nombreux opus-
cules, au premier rang desquels figure un recueil de fables
et d'apologues, qui jouissent de la meme popularity, en
Allemagne, que les fables de Lafontaine, en France.
Cette maniere amusante d'administrer, qu'on nous passe
I'exprcssion, leslecons de la morale, a toujours 6te fort gou-
tee des nations, et, depuisEsope etPhedre, chezles anciens,
jusqu'au bon Lafontaine, obtenu un 6gal succes.
Les fabulistes que nous venons de citer ont, en grande
partie, traits les memes sujets, chacun selon le genie de sa
langue propre. i,Quant a Lessing, la plupart de ses fables
se distinguent par un cachet parliculier d'originalite, et
quelques-unes nous ont paru si heureusement trouvees,
que nous n'avons pu, malgre noire ^vidente insulTisance,
resisler au desir de les faire passer dans notre langue.
On remarquera, bient6t, qu'aucuned'elles n'est accompa-
gnee de ce qu'on nomme la moralitc.
Rousseau a reproch6 a Lafontaine de n'avoir pas laisse au
lecteur, le soin d'extraire la morale de ses fables, et il est
ii pr6sumer que telle 6tait , egalement, I'opinion du poete
allemand.
A cela on pout r(5pondre que les fables etant destinies a
graver des legons dans I'esprit, il (5tait necessaire qu'elles le
fissenl d'une maniere claire, concise et sous une forme qui
facilitat lour impression dans la mcmoire.
Qui, parexemple, les ayant lues une fois , oubliera ccs
charmanles moralites :
LESSI.VG, GOETIIt: ET BOCCACE. 24'i
II faut, auluntqu'on pout , obligcr tout le monde ,
On a souvcnt bcsoin d'un plus petit que soi.
Travaillons, prenons de la peine,
C'est le fond qui manque lo nioins.
Ou encore :
Apprenez que tout flatteur
Vit aux depens de celui qui I'ecoute.
Ne soyons pas si difficiles,
Les plus accommodants, ce sent les plus habiles.
Et tant d'aulres.
Quoi qu'il en soit, arrivons aux fables de noire auteur.
La premiere a pour litre Le Loup et l'Ane et n'est
pas sans quelque analogie avec celle si connue du Loup
ET Agneau. Toutefois, on ne pourrait lui appliquer le
c^lebre adage :
La raison du plus fort est toujours la meilleure.
attendu que notre loup, encore moins scrupuleux que son
confrere, ne se donne pas la peine d'articuler unc raison ,
m&me mauvaise.
LE LOUP ET L'ANE.
Un loup que tourmentait la faim
Rencontre un anc en son cheniin.
Ayez pilie do moi, seigneur loup, je vous piie,
Dil Aliboron en Iromblant,
2iG FABLES ET COMES I.MITES DE
Vons feriez, en me devorant,
Un fort pauvre regal; voyez, la maladie
Et les coups de baton in'ont mis en triste etat.
— Attends, reponds le loup, et je vais, sans 6clat,
Te gLierir a jamais de toutes tes miseres.
II dit, et, malgre sespri6res,
Le terrasse et dans la foret ,
Entraine le pauvre benet.
Cette fable, il est inutile dc le faire observer, se rapporte
a des temps bien diffdrents de ceux oil nous vivons. 11 n'en
est pas de merne de la suivante qui, fondee sur la sottise et
la vanite bumaines, ne rencontrera, a toutes les epoe]ues,
que de Irop noinbreuses applications :
LE POMMIER SAUVAGE ET LE ROSIER.
Dans le tronc d'un pommier sauvage,
Dont le vide, du temps, attestait le ravage,
D'abeilles un essaim nombreux
Avait pris gUe, et I'arbre glorieux
Du miel qu'il renfermait, m(5prisait ses semblables;
Quand un rosier lui dit : — De tes fruits delestables
As-tu cbange I'acre savour
Et leuramertume en douceur?
A riiomme, si tu peux, cause cette surprise,
Jusque la, ton orgueil ne sera que sottise.
Que de gens n'ont, en effet, pour tout merite, que k
hasard d'une fortune ou d'un nomi
LESSING, GOETHE ET BOCCACE. 247
On s'apergoit d^ja, que la manitsre de Lessing s'eloigne
de la charmanle bonhomie et de la douce malice de notre
Lafontaine; c'est un mailre arme de la ferule et qui ne
manage pas les coups. Mais il dit de grandes Veritas, tomoin
encore cette courte conversation entre le Buisson d'eplnes
ET LA PUAiniE :
LE BUISSON D'EPINES ET LA PRAIRIE.
La prairie, unjour, au buisson
Demandait et non sans raison :
— Voisin, quand un passant chemine
Aupres de vous, dans quel esprit
Faites vous tant d'efforls pour saisir son habit?
Qu'en feriez-vous? — Rien, ma voisine;
Mon but n'est point de m'en parer,
Je ne veux que le de'chirer.
Quede buissons d'(5pines, dans nos soci(5lt^s, dontle soul
et Iriste plaisirest dedechircr autrui, sans aucun profit pour
cux-m6mes I
Dans la fable qui suit, Lessing a eu le tort de desccndre a
la satire personnelle, en attaquant une nation que son
ancienne gloire et ses nialheurs auraient dului faire respec-
ter; c'est, daillcurs, denaturer le v^'ritable parfuni de la
fable, que d'enlever a celle-ci son "caractere de goneralite.
Aussi avons-nous cru devoir modifier I'original, dans ce
sens :
248 F.VBI-ES ET CONTES IMITES DE
BUCEPHALE OU LE CIIEVAL DE BATAILLE
ET LES MOUGHERONS.
Apros avoir dans maint combat
l\va\6 la mortcomnic ua soldat,
Biicepliale perdit la \ic.
II gisait; une main amie,
N'avait pu donner a son corps,
La sepulture due aux morts.
— Nature, jamais ne repose
Et salt a ses secrets desscins,
Faire concourir toute chose;
La mort revit entre ses mains. —
Bientfit des flancs gates de cette noble bete,
Un vif essaim de moucherons
Jailiit et, porJant haut la tote,
Ces petits animaux, infimes avortons,
Osaient vanterleur origine.
— Du favori du Dieu qui regne sur la mer,
Du cheval vif comme I'eclair, '^
Nous S()mines issiisj'imagine,
Bourdonriaient-ils tous a I'envi!
Que de moucherons aujourd'hui !
La fable du Chasseur et son arc est une des plus
ing^nicuses quo Lessing ait ecrites.
« La civilisation doit polir les moeurs sansles enerver, »
telle est la locon qui en rcssort ct sur ractualitc de laqucllc
nous n'insislcrons pas.
M'.ssim;, goi:tiie et noccACi;. 249
LE CHASSEUR ET SON ARC.
Un chasseur possedait un arc en bois d'ebene ,
Quilui servait, au bois el dans la plaine,
A tirer loin et juste : il en faisait grand cas.
— Cependant je ne trouve pas,
Disait-il, un jour, a son arme,
Que Ton ait assez pris soin de te decorer;
Le poli, voila ton seul ciiarme;
Mais on pent y remedier
Et d'une belle ciselure,
Je veux te donncr la parure. —
Ainsi fut fait; un artiste en renom,
Grava sur I'arme, a cette occasion,
Un sujet bien fait pour plaire,
C'etaitune cliasse entiere.
L'homme enchanlo : — Qui do cet ornement,
Etait plus dignc, 6 mon arc! — Cependant,
Pour I'essayeril le tend, 6 surprise!
Enlre ses mains Tare affaibli sebrise.
Nous donncrons, sans couinicntaires, cc dernier apologue
du mCmc auteur.
250 FABLES ET COMES IMiTES DE
LES FURIES.
Pluton voulut changer ses antiques furies;
11 les trouvait sans force el par I'age affaiblies,
Dans leurs dcbiles mains, les terribles serpents,
Ne faisaient plus ouir ces affreux sifflements,
La terrcur des ombres damn^es.
— Ami Mercure , au pied leger,
Dit-il au divin messager,
Je voudrais trois femmes bien nees,
Mais dont la si^verile
Soil un point bien constate,
Je les destine a I'emploi de Furie;
Sur la terre, va done contenter mon envie, —
II dit, Mercure part. Junon au meme instant,
A sa suivante Iris : — Cette Venus pr6tend
Que toute la gent feminine
Obeit a seslois; son orgueil me chagrine,
Je voudrais pouvoir I'abaisser.
Sur la terre, Iris, va chercher
Deux ou trois vierges renommtes
Par leur vertu, leurchastete
Et leur grande severity
Que je puisse opposer. — A travers les nuees
Iris s'elance. Ou n'alla-t-elle pas
Et du globe quel coin fut neglige par elle !
Parlout elle porta ses pas
Mais en vain; a tire d'aile
Elle retourne seule au celeste parvis.
Junon s'ecriu : — 0 ciel! pasunc seule, Iris!
LESSING, GOETHE ET BOCCACE. 251
Ochastetel verlu ! — Des Dieux puissanle reine,
Repond Iris, j'avais trouve, mais non sans peine,
Trois modeles de vertii,
Qui jamais n'avaient connu
D'aniour le scduisant empire;
Mais, helasl j'arrivai Irop tard. —
Trop tard, Iris, que veux-tu dire?
— PourPluton, Mercure avec art,
Les retenait. — Quelles foliesi
Et que fera Pluton de ces hautcs vertus,
Rebelles jusqu'alors au pouvoir de Venus ?
— II en veut faire des furies!
2o2 FABLES ET CONTES IMITES DE
C'^r^T^ niiTij: ei: c^oi^tiie:.
Parmi ' -^'^vr; ? '.'^geres de Goethe sctrouve une chanson,
tres popi ■.'.'THp. que Tillustie poete acomposee
pour se ! j's nialadroits des mallres de
I'art, maii q- \'Oir encore d'autres applications
plus grav'.-:
LE MAGICIEN ET LA BLA,NCHISSEUSE.
Kien n'est plus dangereux qu'une demi-science,
Mieux vaut une eniiere ignorance.
Un sombre el vieuxlogis d'un faubourg ecarte,
Par un r.ingicicn se trouvait habit6
El par Margot la blanchisseuse.
La donzelle fortcurieuse
Etait sans cesse aux aguets,
Pour surprendre les secrels
De son voisin. Un soir, a la scrrure ,
Elle avail I'ocil coUe, par une nuit obscure.
LESSING, GOETHE ET BOCCACE. 2.'i3
Le sorcier enfonce dans son grand fauteuil verl,
Besides sur le ncz , lisait un livre ouvert
Et pos(5 devant iiii sur un bahut antique,
Tout ciiarge de creusets, d'instrumenls de physique,
Quand smidain, sur un mot, le manche du balai
Entre eu branle et comme un valet ,
Va, sedemfene, arrange la boutique,
Fait le ruenage et , du pouvoir magique,
Docile servileur, bientdt rentre en repos.
Margot se dit : si je savais les mots
Qui d'un manche a balai vous font une servante,
Que de peines de moins! Alors si je m'absente,
Mon balai me remplace ct va puiscr mun ''i'' ...
A lout prix 11 me taut ce mot '
Chacun sail ce que peutdesir ardent de fcmmef
Elle en vint a ses fins et la joyeuse dame
Voulut de suite essayer son pouvoir.
Selam! ami balai , dcpCchons ! au .avoir I
Prends deux seaux et rempli ce cuvier a ma place.
Le manche obeissant aussit6t se deplace;
I! part, revient, part encore empresse;
Chaque seau vcnu plcin est aussitdt verse;
Encor quelques instants, la vaste et large pause
Va se trouvcr remplie. — Assez, ccssons la danse,
Mon brave servitcur, c'est bion pour cette fois.
Mais, voyez done le sournois ,-
Qui fait la sourde orcillel Arrete, miserable,
Ou tu vas me noyer! — Mais le manche implacable,
Toujours arm6 de I'un et I'autre seau,
Sans cessc d'apportcr ct de verser d'aulre cau.
Alors, dame Margot guctte son adversairo,
Lc saisit au passage ct le brisc en colore!
254 FABLES ET COMES I.MITES I)E
Mais, 6 stupeur! les deux morceaux,
S'emparant chacun de deux seaux,
Volent ensemble a la riviere.
Pour le coup notre lavandiere
Folle de peur el tremblant pour ses jours,
Jette des cris d'alarme, appelle a son secours.
Le n^cromanl arrive avec le volsinage,
Devine d'un coup d'ceil la cause du lapage,
Prononce I'autre mot, que la sotle ignorait
Et met fin au tuniulle en calmant le balai;
Puis, sans rien dire plus, se d^robe a la vue
De la pauvre Margot, honteuse et morfondue.
N'est-ce pas ainsi que se font, trop souvent, les revolu-
tions, par des politiques ix courte vue, ne connaissant que le
mot qui met en mouvement unpeuple egare? Trop heureux
quand le magicien arrive, a temps, a leur secours etre'tablii
la pyr amide sur sa base !
LESSING, GOETHE ET BOCCACE. 255
COMTE llHTBi: I>E^ UO€€\ClE,
I
LE CUISINIER ET LA GRUE.
La frayeur quelquefois donne aux gens de I'esprit.
A ce sujet, voici ce que Ton trouve ecrit
Dans le Decameron, ouvrage de Boccace ,
Conteur naif et plein de grace.
A Florence vivait un opulent seigneur,
Guido Cavalcanti, passionn6 chasseur.
Un matin, son faucon lui ramene una grue
Grasse, potelee et dodue
Un mets de prince; a son cuisinier
La bete est envoyee et doit, de son diner,
Eire le plat d'honneur ; par les ordres du maltre,
Notre artiste fera paraitre
Dans ce rOti tout son talent.
Du signer Guido, cependant,
L'humeur agreable et civile
Le fait ailer iiors de la \ille
2o6 FAALES ET CO.NTES IMITES DE
Visiter de nombreux amis ;
II ne doit que le soir, retourner au logis.
Depuis une heurc et plus, a la broche fixee,
La volaille , en tournant, d'une oJcur embaumee
Parfumait la maison et tous les alentours,
Quand Brunette survient, Brunette les amours
Du despote de la cuisine.
Du r6li, cuit a point, la succulente mine
Fit sur la signora si grande impression,
Que succombant a la tentation,
Elle exige que d'une cuisse
Son soupirantlui fassedon.
Moi, dit I'autre, que je pt5risse
Si j'y consens, pour qui me prendrait-on ?
Brunette soyez raisonnable,
^ Ne me rendez pas miserable
En exigeant ce que je ne puis vous donner.
Mais elle, de I'abandonner,
Jure, s'il ne fait droit a cette fantaisie.
Bref, le pauvret craignant de perdre son amie,
Plus encore que le baton,
D'une cuisse fait I'abandon.
Du diner, cependant, I'beure clait arrivee;
Sur la table bientot la grue est apportee.
— Que veut dire cela? quel est I'impertinent
Qui, de cette volaille, a pris, impudemment,
Un membre ! s'(5crie en colere
Le mattre de ceans. De notre pauvre pauvre here,
On pcut se figurerct le trouble et I'efTroi.
— Monseigncur... ^coutcz... Monseigneur.. croyez-moi...
I
LESSl.NG , <;0KT11E KT BOCC.VCE. Sj
Lc bon Diou n'a donne qu'une cuisse ii la grue? —
Qu'une cuisse, maraud!... mais demain a ta vue,
J'en veux exposer un lioupeau
Et prends garde, alors, a ta peau
Si de plusd'un seul pied nous les trouvons pourvucs. —
Or il faut savoir que les grues
Se rassemblent, le soir, sur le bord des etangs,
Par un epais taillis mis a I'abri des vents,
Et qu'ajant ramene sous elles
Un de lours pieds et sousleurs ailes.
Insert leur long col, elles passent la nuit
Debout sur un seul pied. — De grand matin, sans bruit,
Maitre et vuletarrivent a portee
D'une troupe encore plongee
Dans un profond soinmeil. — Voyez, maitre, voyez,
Elles n'ont qu'un seul pied el si vous m'en croyez,
II faitfroid, retournons do ce pas a la ville. —
Le detour n'est pas malhabile,
Repoad Guido, mais attends un moment.
Observe quel sera d'un cri I'l^venement. —
Endant alors sa voix : Hal Ha ! Ha ! Chaque grue,
Baissant son autre pied, disparait u la vue
Du coupaijle deconcerle.
— Ell bien ! maitre iVipoii, comment sera traite
L'auteur d'un si liardi mensonge?
— De grace... un moment... mais j'y songe?
Hier (juand j'ajiportais lo plat,
Yous ne ciialcs pas Ha ! Ha I
llien d'etonnant que la cuisse caclice
A vos regards ne se soil pas moutroe I —
n
r\»l.C5 KT OONTES DE LESSilXG, 60ETHR F.T BOCCACE. 25S
Ce trait d'esprit, arrache par la peur,
Mil Guido de si belle humeur
^ue de son mailre queux il pardonna I'offens*
El !e boo raot, bientot, circiila dans Florence.
C^
RENSEIGNEMENTS
sun
L'IGLISE SAIHTE-TRINITI
DE CHERBOURG,
AVAI^T 1794,
RECUEILLIS ET MLS EN ORDKE ,
PAR
I/eglise Sainlc-Trinile fiit pillciM-'l devastcc hi l9.j:itiviiM'
1791. — Doiirot (lies Basses-Alpos;, roprtscnlr.i'.tdii poiiple,
fill cri\nyi! a ChnLoiirg poiii' y al)olii' leLHillo I'li Clirisl. La
veillo (111 pillagv, il avail ordonne a Ions los ciloycn.s tlo se
(1) Nous devons rs,-* prt'cieux renscignsment* a M. \ iclor Isselin,
in're flii ssv.int oiieiitalisto.
26a HENSrifiNEME.NTS SUR u'eUMSE
retinir k Icnrlemain a I'^glise, afin d'y lenir une assembles
federative. Dcs sept heures du malin, il fut ordonneatoutes
Ics personnes qui en avaicnt Ics clefs, de les remetlre a la
[Daison coiniiiune. La municipalitt^ et les niembres du dis-
trict se rcndirent a I'eglise avec Bouret etDelisle, son secre-
taire. Le cortege et le peupleetant assembles dans le temple,
le syndic du district monta en chaire, et, apres avoir donn6
lecture des journaux de la Convention el de ceux de Hebert,
connu aussi sous le nom de pere Duchesne, il arracha le
saint Esprit qui etait plac6 sous lecouronnementde la chaire,
en disant : Que fait ici ce pigeon? Mors la devastation com-
menga. Des forcen(5s s'l^slancenl vers le choeur, en brisent les
portes et les balustrades, renversent I'aigle et le vautour qui
couronnaient le lutrin, montcnt sur I'autel et en enfoncent
le tabernacle. Les uns prennent les ciboires et mangent les
hosties ou se les jettent a la tete, les autres s'emparent de
I'oslensoir et s'en partagent les debris. Les autels furent
renversds. On abattit les images. On lacera les tableaux, les
draperies des chapelles, les bannieres, les ornements des pre-
tres. On mit en pieces le monument nomine vulgairement le
Paradis, les orgues,lesstalles, les bancs, lesconfessionnaux,
les cloches, les vitraux des fenetres. On renversa le calvaire.
Enfin, quelques joursapres, on depava I'eglise etdes macons
furent appelcs pour ani^anlir de nombreux bas-reliefs et
pour piquer des inscriptions qui se trouvaient ca et la,
tant a I'intericur qu'a I'extiMieur de I'eglise.
On doit allribuer ki plus grande parlie de ces desaslres
aux jeunes conscrits de Valognes, qui lenaienl alors garni-
.son a Cherbourg.
SAINTE-TRIMTE DE CHEKBOIRS. 261
I. Ic Chflenr. — Le choeur cHait ferme par des balui-
Irades en bois tie cliene, faconnees en batons de vignc etcou-
ronnecs par uno frise a jour. II y avail qiiarante-luiit sialics
aiissi en chene, richcmenl scluptees. Les volutes des accou-
doirs figuraicnt des langiies de bceuf, et le dessous, qui
L'lail a jour, formail une belle denlelle. Le lulrin, d'un tra-
vail grossier, elait couronne par iin aigle dticliirant un vau-
tour. On voyait sur Tautcl une chaire d'exposilion entour(5e
de quaire colonnes unies, percees ajouret dort^es. Le tableau
de conlre-table, qui etait d'un grand uii'rite, representait
deux anges annoncant a Sara qu'elle enfanterait un fils.
L'autel elait surmonte des trois personnes de la sainte Tri-
nile {!). II elait peint en noir, el to u les les sculptures en
etaienl'dorees. Aux deux cijles du choeur, et au-dessus de
chacune des portes lalerales, il y avail un fort beau tableau :
celui dcdroite representait saint Francois-de-Sales, etcelui de
gauche, saint Cliarles-Borromee. Le derriere de ces tableaux
elait peinl et convert de fleurs de lis d'or. Au-dessous des
enibases des colonnes, sur les credences, c'laient les portraits
de Jesus et de la Viergc : on les atlribuait ii Raphael. Les
piliers du choeur etaienl orn^s du portrait de sainte Cecile et
de tableaux representant les quaire fins de I'liomtne : la
.niorl, le purgatoire, le paradis et I'enfer.
.Vnbe, €ftzci£ix. — Le jube so connposait de trois
pcumeiiux, dont deux, de forme carree, elaicnt orni'-s d'une
guiriande; le troisieiue, celui du milieu, etait cinlrt^ i.'t
(]) Le jour si baliilenicnt niennge pour cilairor le triangle rayon-
nam qui sunnoiUe le mailrc anlcl esl I'ouvrage de M. Frcret.
sculpteur. Ce trav;iil a ete execute en 180a. AvanI cetle epoque. les
bnluslrailes a claire-voie faisnient le tour iln ciia'ur, donl deux
iu'lilt's feii'Hrcs ojivalcs eclairaient le clicvet.
ro|:ro3ent:;i[ on bas-relief la Madeleinea denii-coucli5eeleva»l
311 tele \t'!s lo Cbrist.
l.e ci'ucitix elait iiri clief-d'cieuvre de soiilptiia^ Deux
SMclc.-, I'lm a droile et Taiitre ii gaiiclic, porlaienl, comme
aijjoiird'liui, los sl;Uucs de saint Jean ct do la Yiergc
Bi. r.hapeiSc Salsst-JIcfJBJ-BKptBstc. — En dehors
dii c'licewi-, dii cote de repilre, el en avant de Tun dcs deux
l»ilie!'s de I'entree, se trouvait rautel de suint Jcan-Baplisle.
Au-desiiis de la corniclie, on voy;:!! ce saiot, une croix a la
main, ii'vefa d'unc peau de moulon et accompogn6 d'un
agnoau conclic a scs picds. A sos cfites, elaient ies evangel is-
les saiiilJean el saint Malliieu. Le tableau de conlrc-table
ropreseiiiail la nalivile de saint Jean-Bapliste. Sur Ies gra-
dinsde Taulel, il y avail deux pelites statues , I'unede saint
Zacharie et I'autre de sainio Elisabctb.
@SS. Ciijspelle cle la SaaEste-Vieii'gc. — De I'au-
Ire cute de I'enti'ee du cbccur, etaiH'autt'l de la Vicrgc, etabli
paralielenient h celui dc saint Jean-Bapliste. Stir la cornicbe
on voyait Marie tenant I'enfant Jesus, el ayant aupres d'elie
Ies propheles Isaie et Jereniie. Lc cou'.'onnen'tciit dc Fautel
purlait tiuati'C pctits anges posant sur sa tete un diailemc de
douze ctoiies. Le tableau de contre-table, representant sa
nalivile, elait accompagni^ fles statues de saint Joachim et de
sainle Anne.
■ BV. ChapelSe Saias^- JJaefiEscs. — Pres du lane
actucl des marguillers, elait I'autel de saint Jacques ( I ). Ce
saini, qui porlait le costume des pelerins, tenait un baloa
(II A ci;llo chapelle (eiKiit un b;inc rjui h\'., en 177«, IVibjot d'lin
loiTj dobat onlrc M. Dumourioz, coinmniidaiil a Clicrbuiirg, el la
euro, Ies r'cbovins, Ies mai-gnillers et Ies confreres Je la Merge (!a
ligliso P;iiiilo Trinite.
\
HAl.NTE-lRIMTE DE CHEKBOUftG. 263
d'oii poiulait line gourde. II a\ail iin cliapeau ii la Henri IV,
orne d'line coqiiillc. A sa droile, on reniarquait la statue de
sainte Appoiine cl ii sa gauche celle de saint Maiir, abb^;
aupres de cc dernier se trouvait saint Gilles, ayant a ses
pieds I'atlribut qui le caracterise.
v. Chnpclle Sninte-Catheriuc. — Parallelemenl
a I'autel Saint-Jacques, pres de la cliaire, c^ait I'autel de
sainte Calhei'ine. Cette sainte tcnait los instruments de son
marlyre et avait a ses cotes saint Sever et saint Nicaise. Le
premier de ces saints 6U\\l le patron des tisserands. Celui des
lisseurs qui faisait la toile la plus fine, deposait aux pieds de
sa statue une canette ou fuseau de fil. Saint Nicaise elait le
patron des drapiers.
VI. ChapeUe dn §>aiut-Sacreiueut (i). — Dans
lii nef de gauche, en entrant par le grand portail, on voit
encore la chapclle du SaintSacrement; mais, avanl 1794, il
y avait, au lieu de la cornichc actuelle, une frise sculpt(^c en
dentelle. On y rcmarquait trois tableaux donl les [lersonna-
gesetaientde grandeur nalurelle. Celui du milieu reprteen-
tait la cene de J. C. avcc sesap6tres. A droite, on rcmarquait
le sacrifice d'Abraham, et a gauche le prophete Elie dans le
desert, couclie sous un arbre. L'autel, a la romaine comme
colui d'aujnurd'liui, avait un tnbcrnacle d'une grande sini-
plicite, en bois dj chone. Un ange adorateur ctail place de
chaque cote. Une balustrade en fer ferniait le sanctuaire.
vsi. €Siitp4>9Ee cSc J!esus. — En monlant sur la
gauciie, on trouvait la cliapellc de Jesus. Elle supportait un
(i; I.a coiii-triiclion d'lino cliiiiielle iiarcillc :i colle du Saiiit-SucrG-
ment aun.it i'ni'. exrcutoc sans la rofonle ^'(.■iieralii do.'; cloches (pii
f>u( lien en ]"l, el qui avail epuise les ressnurces du la faliriiiuf
iNot« lirc^e d'uri nieiiioire jioiUnt la dal« du II ()i|iilir« i77S.i
204 HtNSEIGM'ML.NTS SUU l'uGLISE
roiironnc'inent represenlanl un Ecce Homo accompagnc de
tlrux iiDgos h genoiix : cliaciin d'oux len.iit un coiissinet
cliiirg6 tlos JivcTi inslrumenls dc la passion. Siir Icsembasei
(It's colon rics, en dehors, on voyait la slaliie de sainlc
Margiierito, celle de saint Clair el un bas-relief de sainle
AvoJc dans sa prison. Jesus au jardin des Oliviers etait le
sujct du tableau de conlre-lable. Au-dessus de la porle
laterale de cette chapelle, sur renlablemenl exislant encore
anjonrd'lini, on remarquait d'enormcs statues en pierre
ealeaire, represenlanl les deux premieres personnes dc la
saiiile Trinite; un triangle en fer, scoUe derricre le dos de
ces statues, soutenait le saint Esprit. Sur Ic-s piliers, a
droiLe de I'autel, etait adosse saint Ck^mcnt, pape, ayant une
ancre a ses picds, et au dcvant de lui unc petite fregatc du
nom cYEole, suspendue a la voute.
VJS3. CiaapeSIc Saigic-Si^ljasficM. — Plus loin,
du nieiuc cute, etait unc chapelle dediee a saint Sebaslien,
et connue aussi sous le noni de chapelle de saint Frangois.
On y obscrvail la statue de rilluslro martyr, accompagnet de
celle du patron des cordeliers et d'un gioiipe reniarquabic.
Une tour a la porte de laquelle se lenait debout sainte Barbe
consicrnee a la vuc de son p6rc foudroye a ses pieds, lei etait
le sujet dc cc groupc. Au-dossus des gi'adins de I'aulel, il y
avail deux rangs do bas-reliefs, en a!!)alrc, represcntant des
chevaliers. Contre I'un des piliers de I'arcade qui formait
I'enlree de la chapelle, so Irouvail la slatu3 de saint Crcpin.
ax. CSiapelSc SaiiBi-FacB'rs. — La dernicrc cha-
pelle de la nef du Nord, situt^e a I'endroit oil est acluelltnient
la poitede la sacristie, etait dedii'C a .saint Pierre. Surie liaut
de. la cornjrho, assis sur un Irone et re\etu des insignes do
la japaute, les autres apolres. renlouraicnl avec leurs atlri-
luU>. Le tableau dc contre-tablc represcnlait saint Pierre a
S.U.NTi:-TRI.MTE UK CHKRBOUna. 903
genoiix pleurant ses peclics. Sur le pilier do dioitc, h ren-
Irt^e meme ilu choeiir, on voyait saint Nicolas hi-nissant den
enfants; on y remarquait aiissi la statue 6qiicstre dc saint
Martin coupant un pan de son mantcau et le donnant a un
pauvre. En face de Tautol, ctait snspendue a la voOle uiie
petite barqne de pcche dii hord dc iaquellc pondait un filet,
allusion a I'elat primitif des disciples du Saiivenr.
X. Chapcllc SaSiai-l^lafhcI. — Dans le liaiU de la
nef de droite, et pros da clioeiir, se Iroiivait la clinpello de
saint Michel. Sur la corniche, on remarquait le prince d(! la
milice celeste, arme d'une lance et percanl Satan, qu'il lenait
sous ses piods. A ses coles elaienl les statues de saint Come et
de saint Damien. Le tableau de contre-table represontait
I'Arcliange foulant ajux pieds Tennemi du genre liumain. Sur
les gradins de Taulel, il v avait deux rangs de petits bas-
reliefs en albatre, dans le genre de ccux de la chapelle
Saint-Sebastien. On y voyait encore les statues de saint Denis
et de saint Romy.
XI. Chapelle dn Saiut-Sepulcrc. — En descen-
dant du mijine cote, on arri\ail a la cbapelle du Saint-
Sepulcre. Le couronnement portait le relief de la Resurrec-
tion. Le tableau dc contre-table avait pour sujet la visile des
sainlcs femmes au tombeau de Jesus. Ce tableau, actuellc-
nient place a raulcl des morls, fut sauve des mains des
vandales de ITOi par les soins du sieur Robin, lulliier, qui
s'emprcssa dc le rendre h I'cglise, aussitOt que le culle y fut
retabli. II a iHe restaurcel modilie dans sa forme, primili-
venient plus large que haute, par le peinti-e Langevin, qui y
a ajoute de la toile pour y faire une lerrasse et un ciel.
Sous I'embrasure dc la croisee, il y avait un pclit caveau,
en f(u-me de tombeau, avec des statues en pierrc calcaire, qui
repri^senlaient Jesus inoit el couclic dans un linct'uil, Jrsrpit
S5S SEXSEUiNEMENTS SUR l'EGI.ISE
(I'Aiiinalliicel Nicoilirne tenant les coins du suaire, clacconi-
pagnes (!e la Vierge, de saint Jean et des Irois Madeleines.
M. I'abbti Demons nous apprend, dans son Histoire reli-
(jiev.se da Cherbourg, qu'il exlste aux archives de I'^glise
Sainte-Trinitii iin conlrat, portanlla date du 16juin 1644,
ivlatif a la cliapelle du Saint-Sepulcre. Cetle piece constate
que par un accord fait enlre Charles Le Sens, seigneur ct
])atron de Cosqueville, d'une pari, ct le clerge, les uiarguil-
lors, !c mairc et les 6chevins de Cherbourg, d'aulre part,
ledil seigneur de Cosqueville, scs hoirs el descendants en
ligne droite, auront leur seance et sepulture avcc tons droits
honorifiques en ladile cliapelle, par preference a tous
a litres (1).
XII. CissajJcHe Saireft-EiSesBMe. — Plus has, du
ni<5me c6te, on trouvait la chapelle de Saint-Etienne, vulgai-
remcnt connue sous le nom du Rosaire. Sur la corniche, on
voyait saint Elienne niontant au ciel. Le tableau de contre-
table represcntait la V'ierge ct I'enfant Jesus dislribuant des
chapclels a saint Dominique ct a saintcThcrese. Dans I'em-
brasure de la croisee, il y avail une statue de saint Eloi. Le
tabernacle renferniait un ange en argent, porlanl une petite
chassft contenanl un morceau du bois de la vruie croix. Le
jour de Paijues et la s^inaine suivante, on cxposail cct ange
sur I'aulel de saint Jacijiies. Enlre les offices, un enfant de
choeur criait de lemps en tem[)s aux fiddles : Vencz adorer
le bois de la vraie croix; et cliacun s'emprcssait d'y aller
deposer son on'ramlo.
XSBB. CDsapelle Sstinte-Aiiite. — Enfin, la derniere
cliapelle de la ncf du sud otail dediee ii sainte Anne. La md're
(1) Demon'!, nUt. civ. r! rrl. de Cherfr., p. SI.
SAl>TK-TRIMll£ DE CHKHUOUUi;. f(»7
do la Vicrgo ensoignait a liro ;i sa fillc, qui etait ii g<^noux ii
bOS piods, el saint Joacliim sc Icnait dcljoiit dcrricre elle (ll.
IflouHsueiit tie I'Assosnptiou. — Dans lo liaul de
la voiile de la grande ncf, dovant la croisoe, on nprrcevait
un monument appele bizarrement jiar quel(]nc's-iins la
Grippe'e, ct [)av il'tiulrcs Notre-Damc-MoiUec ou le Paradis.
Cc monnment roprosenlait lo paradis tcrrcstrc. On y remar-
quait Adam ft Eve parmi des arbrcs, ct, a une ccrlaine
liauteiir, on voyait dcs personnages de mediocre grandeur,
inns par des ressorts ct figurant I'Assomption de la sainlc
Vierge ct son couronnement dans le ciel. Marie elait cnvi-
ronnec d'line infinite de pelits anges tenant des flambeaux,
qui, lorsqu'ils etaicnt allumes, donnaient a ce mecanisme
un as[)ect toul-a-fait hicrviMlleux. Les demolisseurs do 1794
eurent l);>aucoup de peine a detruire celle niacbine cons-
truileavec line extreme solidite.
©raises. —Les buffels d'orguos, composes d'un quart
do jeu, elaicnt place's a I'enlree de regliso commc ceux
d'aujourd'liui. Le premier prenait les deux tiers de la nef, et
le second, place an-dessus, occupait une grande partie de sa
largeur et s'elevait presquc jusqu'au haut de la vonlc. Le
couronnement consislait en une statue represenlant la
rt'surreclion du Sauvcur, 'enant sa croix ornee d'une bande-
role. Deux anges, a genoiix a ses coles, sonnaient de la
tromprtle.
C'JjaiiT . — La cliairc d'aujourd'liui est celle qui exislait
avanl la premier.; revolution. On la consei'va dans le^but de
servir a la lecture des journ;uix, les jours de decade. Cotte
cliaire, cxeculee par I'iorre Frerel, est pleine de gout et
d'ek'gancc.
'i; Toutes les statues de Irgliseet^icnlpeintesdcdiversescouleHi-s
508 nE.XSElGNEME.NTS SL'R I.'kGLISE
Chapes. — II y avail dans notre eglise Ircize jcux de
chapes, dont unesurtout, do velours aniaranlhe avec brode-
ries d'or, se faisait rcmarquer par sa rare beaule el par sa
grande ricliesse; surson dossier, d'lin bleu d'azur, elaient
brodees les Irois personnes de la Trinite. On pensail commu-
n^ment qu'elle avail ete donnec a I'liglise par FranQois V^,
lors de son voyage a Cherbourg, en 1332.
Biaainicrc. — La banniere, de damas rouge, represen-
tait la sainte Trinity, palronne de Cherbourg.
Balustrades iuterictires. — La claire-voie du
choeur en faisait aulrefois le lour, mais la portion qui se
trouvait au chevel fut demolie en 1809, pour la construction
du nouvel autel. La balustrade de la grande nef, du cold de
I'evangile, etait decorec d'unc superbe danse macabre.
Parmi les personnages, on en remarquait.qni porlaient la
tiare el la mitre. 11 n'en reste plus pour indice aujourd'hui
que le tambour du squelette qui les conviait a la morl. Les
grands bas-reliefs qui ornaient la ciaire-voie du cOte de
l'(5pilre, repr(^sent;iient Adam et Eve dans le paradis terrestre
el des seines de la pa^-iion, notammenl Jesus au Jardin dos
Oliviers, puis dcvant Pilate, le Sauveur traversant le torrent
de Cc^dron, etc., Judas pendu a un arbre, enfin une ville
fortifiee, que nous voyons encore el qui est Jerusalem.
Balustrades e:e:ierBeiires. — L'une des claires-
voies exteiicures, au sud de reglisc, offrait une serie de
medallions, de forme ovale , rcprescntant les busies des
saints apotres Pierre et Paul etd'autres illustres personnages.
€Iefs de Toistc. — Ourlques clefs de voute portaient
des blasons ciseles; d'aulres, des angcs el divers allribuls.
L'une de ces clefs, dans la nef du sud, represente une
fortercsse. A cause des qualre tours dont ellc est llanquee,
nos p6rcs y voyaient, dil-on, le donjon du chateau de
SAINTE-THIMTK DE f.JlEUBOina . SCt
Cherbourg. En efTct, cet edifice avail qiiatre tours, et \c
relief dont nous parlons pcut Lion, si I'on vcut, en tHre
rimage.
Cloches. — II y avail six cloches (1). Cinq ont disparu
dans \ii revolution. La premiere, qui est aujourd'hui la
seconde de notre eglise, fut conserveo pour Tannonce des
decades. Ellc porlait I'inscription suivante : L'an 1774,
nommee Charles, par M?"' Charles Maurice, prince de
Monaco, comlede Valentinois, grand d'Espagne, gouverneur
de la villc el citadelle de Cherbourg, en Basse-Normandie,
ropresente par M. Jean Dutot, subdeiegue, portcur de sa
procuration. Jean le Therouilly, licencie os-lois, nous a
benites (sic), etant marguillers en charge MM. Demons de
Garanlot, Couey-du-Cmiaysel, negociant, et de Laire, direc-
leur de la posle.
Dubosq I'aine nous a faites (sic) (2).
Ostensoii*. — L'ostensoir etait en vermeil, et la croix
qui le surmonlait avail unc couronne enrichie d'un beau
brillant du prix de 3000 fr. Ce diamanl avail ete donne a
I'cglise par M. Deshayes, commissaire g(5neral, ordonnateur
de la marine a Cherbourg (3).
Croix, Lainpes, Chandeliers, etc. — II y avait
cinq croix en argent. Trois appartenaienl au tr^sor de
I'eglise, el Ics deux autres aux confreres de Jesus el de la
Yicrge. II y avait encore deux lampes ct deux chandeliers
(1) Ces cloclies avaient el6 fondues a Cherbourg, en 1774, dans le
jardin des frercs des Ecoles chrtjlieunes, Iransforine dopuis en cour
de l'Il6lel-de-VilIe.
(2) Nous devons la copie de celle inscription a .M. labbe Demons.
(3) Ce renseignement est du a .M. Auguste Fontaine, ancien
Lijoutler.
57M BE.N8K1GNF.MF.NT« SI R LEGIvlSr.
d'iicolyle, enfin des encensoirs et doiix paix. Tous cos olijels
fiircnt rcmis a la coiiimuno par ordrc du syndic dii disliici,
pour t'tre converlis en nionnaios.
Fasids foaptismaiBx. — Les fonts baplismanx (Jfaient
places siir la droite de la grande nef, entrc Ics deux premiers
pilicrs, proclie du portail principal (1).
"ViiraHs. — L'eglise sc faisait reinarqucr par ses vitraux
peinls, ofi'rant un grand nombre de sujots religieux. Lc
vitrail de la seconde des fenelres de la nef de droite repr6-
sentait le baptfime de Notre-Seigneur. On sc rappellc quo
les fonts baptismaux etaient places devant celle fenetre.
Clerge. — Le clerge de l'eglise Sainte-Trinile ctait
compose d'un cure, d'un viraire, de vingt pretres habitues,
de deux sacristains tonsures, do six enfants de chcBur ct
d'un bedeau.
CoMfrci*ic«. — Independamment des confr^ries de la
Sainte-Trinite et de la Sainte-Vicrge, dont parlent nos histo-
riens, il en existait encore Iroisaulres fort utiles a l'eglise .
c'etaient celles de Jesus, de saint Pierre et du Saint-Sacre-
mcnt.
Confreres «lc Jlesus. — I.es confreres de Jesus por-
taient les morts. Leurbanniere, dc damas rouge, representait
J'esus au jardindes Oliviers. lis etaient revetus, dans les ffites
solennelles, d'un chaperon dc damas blanc, orne du monc-
gramme du Christ. Quand lis assislaiont aux inhumations,
ce chai)eron etait noir et brode des niemes insignes. Les
confreres, dans leur chapslle, avaient un banc d'ocuvre su'r-
inonted'une croix accompagnee de deux chandeliers.
Confreres de sniut Pierre. — Les confi^res de
saint Pierre portaient les lanterncsaux processions du Sainl-
(1) Voyez la note sur ce petit monument, p. ioi.
SAINTE-ThlMTK BP. ClIP-HBOl R« . 271
Sacrement, ct lorsqu'on allait adiiiinislror le viiiti(|iie aiK
Rialades. lis avaicnt dcs cliaporons do daiiias rouge, oriit'^s
de deux clefs brodees en fil d'or, postV^s en saiitoir et siir-
tnont^es d'une tiaro. lis s'assemhlaiont dans la cliapelle de
leiir saint patron.
Confreres dii Saint-Sacs'cnierai. — Les confre-
res dii Saint-Sacrcment avaient un chaperon de damas
blanc, orne d'un ostensoir brodo en fil d'or. lis porlalent le
dais a la Fetc-Dicu et lorsqu'on sortait pour donner la com-
munion aux malades. Leur banniere, de la mfimc couleur
que leurs chaperons, offrait le nieme dessin. Leur banc-
d'oeuvre, semblable a celui des confreres de Jesus, faisait
face au banc actuel des marguillers.
Toutes les confreries sortaient, bannit^res en tele, aux
processions de I'Ascension, de la Fete-Dieu et de I'Assomp-
lion, ce qui faisait to plus belelTet, lorsqn'un peuple tout
entier y assistait avec les sentiments de la plus sincere piete^,
et chanlait, commc le clerge, les hymnes sacrees, avec I'ac-
ccntdu plus vif enlhousiasme.
Fete de la Pentecote. — A la fete de la Pentecdte,
ilelait d'usage dans I'eglise Sainte-Trinite de donner la
liberte a un pigeon, et dejeter, paries ouies des voules, des
t^toupes eiiflamm^'es, pendant I'ofTice divin. La colombe,
comme on le sait, figurait la desccnte du saint Esprit sur les
ap(jlres, et les langucs de feu signiliaient que par la predi-
cation de I'Evangile I'Espril-Sainl allait eclairer eleuibraser
I'univers.
Fete cic saint Jrenn-Baptistc. — La veille de la
f6le de saint Jcan-Raplisle, on entassait, en forme de pyra-
mide, sur la place du Rempart, du bois de cordc et des fagots
auxquels Ic cure, accompagne du clerge, des marguillers ct
du Ir^sorier de I'eglise, vcnait pioccssionnellement meltral»
572 KKNSF.lCi.NEME.MS SIR L ECiLlSE
fell, apres Ics premieres Y(?prcs, en chantanl riivmne clu
jour Saint-Jean.
Cettc CL^-efnonie, qui avail aussi lieu presque par loule la
France, rcniontaitaux plus anciens temps dc la monarchie;
c'etail un restc de la fete solslicialc du soleil dans sa plus
grande exaltation. A Paris, le roi lui-meme, accompagne des
grands de sa cour, venail mettrc Ic feu an biicher. L'hisiorien
Dulaure nous apprend que le plus ancien lemoignage de la
participation des rois iicette c^remonie remonle a I'an 1471.
« Louis XI, dit-il, en cetteannee, vint satisfaire a cet usage,
aTimilation des rois ses predecesseurs. Presque tousles rois,
dans la suite, suivirent cet exemplc. Henri IV el Louis XIII
y manqucrent rarement. Louis XIV ne s'y trouva qu'unc
scule fois, en 1648 (1). » De nos jours, il ne nous reste plus
de la Saint-Jean que la danse sous la conronne de fleursdes
champs, oiise reunil, par les soirs d'el^, uns bruyanlc jeu-
nesse.
Lc clochctcar des trepasses.' — Lorsqu'unc
personne etait decedcc, un enfant de I'liospice civil, armc
d'unc sonnelte, convert d'un bonnet carre , vetu d'une
soutane et d'une tuniquc noire, sur le dos de laquelle (5taient
brodes deux tiblas places en sauloirs et surmontes d'une
tete dc mort, faisait retentir les rues de sons lugubrcs, et
criait : Priez Dieu pour les fuleles trepasses et particuliere-
mcnt pour I'anie de N.... Apres avoir enonce les nonis,
prenoms, qualil^s et demcuredu defunt, il faisait connalire
I'heurede Tinhumation et n'omettait pasde dire si lc d^c'di
apparlcnail a une confrerie quelconque (2).
(1) Dulaure, Histoire de Paris.
(21 Sur la demande de la famille du defunf, on lendait dc noir
U porle de sa demeure Celtc lenlure extericurc etait ornee dua
9AINTE-TRIMTE DE CHERBOURG. f73
Cet usage est fort ancien. Una pifece de vers, intitulee /e^
Crieries de Paris, composee au XIV^ siecle par Guillaume
de La Ville-Neuve, en fait mention.
Cette coutume, ^tablie dans plusieurs villes de France, s'est
conserv^e dans celle de Paris jusqu'au rfegne de Louis XIV (\ ).
Ancien poptail dc I'onest. — L'ancien portail
principal, plein d'elegance et de k^gerete, n'avait 6te elev6
que jusqu'a la premiere galerie. II se composait de trois
entrees ex6cut6es dans le style ogival. La premiere occupait
le centre, la seconde faisait face au nord et la troisieme au
sud. On remarquait, entre les nervures de I'arcade cenlrale,
de charmantes ciselures, entre autres, un petit cenlaure et
d'autres figures bizarres. Le dessin qui nous est reste de ce
portail et qui est deposS a rH6tel-de-Ville, ne nous presents
que I'arcade latSrale sud, qui, comme celle du nord, n'offrait
rien de particulier. Au-dessus de I'entree principale, on
voyait, comme aujourd'hui, une statue en pierre calcaire,
representant le Sauveur du monde (2).
Christ et de larmes brod^es en laine blanche. On tendait aussi de
noir I'appartement du decede. Voici les frais que la famille avail
a payer dans ce cas :
Pour la tenture placee a la facade de la maison Of. 25
Dans I'interieur 0 75
Pour le drap mortuaire 0 26
Total 1 f. 25
Cette retribution appartenait a la confrerie de Jesus. On I'em-
ployail a I'enlretien de la chapelle des confreres et au paiemenl,
pour ceux-ci, dune messe basse, qui se celebrait tous les dimanch«s,
a sept heures du matin, a I'autel de Jesus.
(1) Dulaure, Histoire de Paris.
(2) Quoique ce portail n'ail ele deinoli qu'en 1824, nousavonscru
devoir en parlerici, parce qu'il a'est nullepart aussi coroplelemont
decril.
18
274 RENSElGiNEMENTS SUR l'eOLISE SAINTE-TRINITE.
Portall du siid. — Autrefois ce portail avail deux
belles pontes ogivales d'unegrande richessed'ornementation,
qui s'ouvraient sur la nef mfime de I'^glise, c'est-a-dire, a
I'endroit ou sont places maintenant les benitiers. EUes ve-
naient se fermer sur un pilier carr^, festonn6 dans le m^rnc
gout que les murs d'alentour et surmont6 d'une Vierge assise
tenant sur ses genoux le Christ mort. Le porche, garni
de chaque c6te d'un banc en carreau, etait pav6 de pierres
tumulaires, dont la plupartservent actuellement de marches
a la chapelle de J^sus et a la sacristie.
Pierres tumulaires. — Nous ne parlous pas ici
des pierres tumulaires, parce qu'elles sont dScrites dans
YHistoire de Cherbourg, de M. I'abbS Demons; dans les
Guides du Voyageur, de MM. de Berruyer et Fleury, et
enfin dans la Revue arche'ologique du departement de la
Manche.
CONSTATATION
DE LA NATIiBE U'liNE
PARCELLE MICROSCOPIQUE DACIER
fiaus I'os d'lm remplacaut soiipconuc d'amputation volunUirc de
rindei droit ,
P.li> !VI. BESIKOV,
•i Vliarniaclon en chef Jc la marine,
Moinbre de plusieurs soci(it£s savantea.
— =5»€©<i<
En temps de guerre, il n'est pas rare de voirdcs hoinmcs,
qui, pour se faire exemplerou reformer du service militaire,
ont recours a tous les moyens les plus compromettanls,
soil en excitant des plaies d'aspect hideux et rcpoussant,
soil meme en allant jiisqu'a la miililation.
Deux excmplcs viennent lout ri^cemmcnt de se presenter
dans le service de la marine. Jecrois utile d'(5veiller I'atten-
lion sur I'un d'eux. II a donne lieu a une observation assez
276 CO>STATATIOi\ DE LA NATURE d'uNE
curieuseela la constatation mattM-ielle du delit, conslatation
qui ne me seinbic pas sans importance en raison de la masse
sur laquelle j'avais a agir, et du mode employe pour arriver
ii la preuve.
Le nomme M., r^cemnient admis comme remplacant,
cnlre a riiOpital presentant unc section de I'indcx dela
main droite op^ree un peu au-dessous de I'articulation de
la premiere ct de la seconde phalange.
11 attribue cette mutilation a un accident, a Taction d'une
roue de voiture mise en mouvement par lui en jouant avec
deux individus qu'il declare ne pas connaitre.
D'aprc's ce militaire, le doigt se serait trouve saisi entre
I'anglo d'une rnaison et cette meme roue tournant avec
lapidite.
Les caracleres qu'offrenl la section eveillent de suite I'at-
tention du prevot de chirurgie et laissent supposer que cette
mutilation est volontaire.
« La partie d^tachfie m'est remise a I'effet d'examiner une
» petite parcelle brillante, d'eclat metallique ou micace.
» Cette partie devant 6tre conservee comme piece a convic-
» lion el la description devant en etre faite par les chirur-
» giens appelos a donner les premiers soins a M., je me
» bornerai a etablir qu'il exisle vers la partie de I'os misi
» nu une petite parcelle visible a I'ceil, brillante, d'un aspect
» qui rappelle racial de I'acier ou du mica.
» La determination de la nature chimique de cette
» pircelle brillante ne me semblant pas avoir pour but
» unique de constater si elle est const itue'e par du fer,
» dans le cas special dont il s'agit, jc me pose cette
» question.
» Si cette particule est du fer d Vetat metallique, est-
» elle constitue'e par du fer doux tel que celui qui sert a
PAUCELLE MICHOSCOPIQUE d'aCIER. 277
» ferrer les roues de voitU7'es ou bien est-elle forme'e
» d'acier et alors pouvant provenir de I'e'bre'chage d'un
» instrument, tranchant ?
» Pour resoudre celte grave question, je proc6de aux
» cssais qui vont suivre et qui ont donne lieu a un rapport
» dontje vous prcsente ici la substance.
» Apres avoir avec la pointe d'un cure-dent d6tach6 la
» petite parcelle angulcuse entree en partie dans le tissu dc
» I'os, j'approche un aimant ai'titiciel pour la saisir, a I'ins-
» tant elle se precipite sur cet instrument, ce qui me fait
» deja pressentir sa nature que I'examen chimique devra
» venir conflrmer plus tard.
» Toutdevait fairepenser que c'etait du fer metallique et
» rien ne peut faire supposer que ce puisse elre du cobalt
» ou du nickel.
» Pour le savoir positivemenl et determiner meme si cette
» parcelle est de fer doux ou bien d'acier trempe, j'ai tente,
» malgre la pctitesse extreme (1/20 de milligramme au plus)
» de mctlrc a profit lapropriete coercitive de I'acier pour le
» fluidc niagnetique, et I'experience directe, faitc avec toutes
» les precautions qu'exige unc pareille masse, m'a demon-
» ire avec neltctiJ qu'apres avoir subi le contact de I'aimant,
» elle avail conserve la propriete magn^lique et qu'elle atti-
» rait alors la limailie de fer.
» L'essai compuratif dc la limailie de for doux dontje me
» suis servi est venu confirmer par ses propriett's negatives
» une action contraire; cette petite parcelle, que j'ai conser-
» v6e, conimc piece a conviction, se presenle sous la forme
» d'une petite plaque, d'epaisseur inegale, comme cunei-
» forme, tics mince, tr(>s brillante, quand onl'a bienessuvee
» et ajant peut-etre quclquo chose d'analogucii une dent da
» scie Ires tine.
278 CONSTATATIOX DE L\ NATURE d'u.NE
» Examinee a la loupe et au microscope, sa cassure est
» greniie comma celle de racier, landis que la limaille de
y> fer doux soumise aux memes instruments ofTre una sorte
» de transparence a travers laquelle on distingue I'aspect
» libreux et tordu d'une corde a boyau ou d'une petite
» masse de chlorure ammonique gris.
» Ces proprie'tes physlqxics me pcrmettent de penser
» qvc cette porcelle est de I'acier et non du fer doux
» corroyc par le martelage et le laminaxje.
» Ne voulant pas detruire cettc piece de conviction pour
» en demontrer la nature chimiqua, je recherche avec soin k
» I'aide de la loupe s'il ne scrait pas encore rest^ quel-
» qu'alome de ca metal, et je decouvre enfin un petit point
» noir, moins brillanl, qua je detache et enlove avec una
» aiguille aimant<Je.
» Soumise a I'examen chimique, cette seconde particule
y> microscopique, d'un poids et d'un volume inappreciable
» (au plus de 4/100 de milligramme), est traitce dans una
» capsule de porcclaine neuve par deux gouttcs d'acida
» ciilorhydriqua pur. Get acide concentre la noircitdc suite*
» Tatlaque ensuita, lui fait perdre son brillant metalliquc,
» comme il le fail avec I'aciar, tandis qua la fer doux, essaye
» comparativement, conserve son eclat ordinaire et est aussi
» plus vivement altaque.
» L'addition d'une goutte d'acide azotique rend Taction
» vive et le liquide evapore avec precaution prend une belle
» couleur jaune d'or qui laisse une tcinle scmblable sur la
» surface do la capsule; repris par I'eau dislillee, ce rcsidu
» du traitemcnt estsoumis aux reactifs appropries etdonne
» ios rcsultats suivants :
» Cijano fcrrurc do potassium. — Procipilc bleu franc,
> bion not.
PARCELLE MICROSCOPIQUE d'aCIER. 279
» Acide taunique. — Pr5cipit6 bleu franc, bien net.
» Sulfocijamire potassique. — Couleur rouge sang,
» bien nelte.
» Ammoniaque liquide. — Precipit^ jaunatre, sans que
» la liqueur qui surnage prenne de teinte bleue.
» Conclusion. — D'apr^s les doubles caract^res physi-
» ques et ciiimiques qui precedent, je dois conclure :
» 1° Que les deux petiies parcelles me'talliqnes sont de
» meme nature, de meme provenance.
» 2° Qu'elles sont constituees par de lacier trempe et
» nan par du fer doux.
» 3° Qu'en consequence it n'est nullement probable
» qu'elles puissent provenir d'eclat de fer doux ayant
» servi au ferrement d\me roue de voiture.
» 4" Qti'il y a lieu de supposer qu'elles doivent pro-
» venir d'un instrument tranchant en acier trempe'. »
EXTRAIT
D'UiV RAPPORT MfiDICO-LEGAL
SUR UN CAS
D'INFANTICIDE PAR COMBUSTION DANS UN FOUR
d'un enfant nouveau-ne.
PAR
M. BESIVOir,
Pliarmacicn en chef de la Marine,
Bembre dc plusieurs Soci^t^s savantcs.
La conslatation dc rcxistence dii sang sur les vetcmcnts
d'un assassin et de sa victimc, conslitue I'un dcs problemes
les plus delicals de la cliiniie judiciaii'e. Le criminel, en
effet, a inlcret a apportcr la plus grande promptitude a
aneantir un Element souvent fort utile, s'il n'est parfois
e&sentiel, de I'accusalion qui pese sur lui. II so hate de laver
ses vetcmcnts, afin dc fairc disparaitrc les indices dc son
crime.
suR v?i CAS d'infaxticide pau gomuustio.n 28f
Tel est Ic point de depart d'unc note fort interossanle,
presentee par M. Morin, professeur de I'ecole de niedccine
de Rouen, a I'academie de cctte ville.
Une affaire niMico-legale, un infanticide par suite de la
combustion d'un enfant nouveau-ne dans un four, ni'a
fourni I'occasion de remarquer qu'il n'est pas toujours
impossible, non apros le lavage, mais plus encore apres la
carbonisation d'un lissu de fibre ligneuse, de fournir a la
justice, sinon une preuve irrefragable, du moins des indices
accusateurs d'un meurtre, alors que Ton aurait a operer sur
un tissu d'essence ligneuse, s'il etait impregnc^ de sang ou
de matieres albuminoides riches en sang. Pour mieux faire
comprendre le mode operatoire, apprecier les difficullcs qui
peuvent surgir, je crois convenable de donner litteralement
le cas dans lequel je me suis trouve et dont j'ai pu sortir
avec bonheur, puisque les dtibats et I'aveu de I'inculpc^e ont
apporte la confirmation absolue de I'induction que j'avais
tiree.
Mais com me cette affaire est locale, qu'elle est peut-etre
unique en son genre, jevous demandc la permission de vous
donner I'extrait detaille des phases de ce drame.
II s'agissait d'examiner : 1° deux charbons qui ont paru
formes, fun de matieres animates et vi^getales, I'autre, de
matiere puremcnt animale; 2° les debris d'un tissu brule;
3° de pelits fragments d'os calcine a blanc, et de rechercher
quel 6tait le V(5ritable caract6re de toutes ces matieres saisics
dans I'affaire do la fillc N..., accusee d'avoir donn6 la mort
a son enfant ct d'cn avoir briile le cadavre dans le four de
SOS rnaitrcs.
J'entre en matiere.
282 llAl'I'OFtT MEDICO-LEGAL SUR UN CAS
EXA1MEN DU PAQLET i\° 1.
Ce paquet conlient moins d'un gramme d'une substance
grisc, moilie en poudre, moili(5 encore masse caverneuse,
fortlog^re, qui ne peutprovenirde la combustion imparfaile
d'un morceau de bois : au contraire, son aspect laisse
supposer qu'elle pent etre le r(5sultat de la combustion d'une
substance qui a eprouv6 la fusion avant de se carboniser,
puis s'est tumefioe, com me le ferait une subtance animate;
elle est actuellement inodore, Insipide; la portion caver-
neuse est tres friable. La partie pulverente est un peu plus
grise ; elle parait en partie de meme provenance, et elle
laisse voir a I'ceil nu dcs parcelles blanchatres, comme
organiques, ayant de I'analogie avec des debris d'os calcines
et ne ressemblant guere aux residus que peuvent donner les
fibres ligneuses semi-incinerees.
La loupe et le microscope y laissent apercevoir des parcelles
allongees, caverneuses, analogues b. des debris d'os calcines
en poudre grossiere.
Pour m'assurer de la nature chimique de la cendre, il est
precede aux experiences qui vont suivre.
DETERMLNATION DE LA NATURE DES SELS SOLUBLES.
Action de I'eau dlstillee. — L'ebullition prolongee avec
I'eau distillce pure donne, apres filtration, un liquide com-
pletement limpide et incolore, comme le dissolvant employe.
II est extremement alcalin aux papiers reactifs, eu egard a
la quantitc minime (Os'-.l) sur laquelle j'ai pu operer.
Soumise aux reactifs appropries, ce liquide donne les rcsul-
tats qui suivent.
Papier jaune dc curcuma. — Rougit fortcmcnt
D L\I ANTICIUE PAR COMBLSTION. 28;i
Courant d'acide carbonique. — Pas de prt^cipite do
carbonate calcique.
Acide percliloriquc cl alcool. — Preci pi to grenu, no-
table.
Oxalate d'ammoniaquc — Rien de sensible.
Azotate d'argent. — Precipile blanc, insoluble dans
I'acide azotique, soluble dans Tammoniaque.
Azotate de baryte. — Rien.
Ammoniaque. — Precipite blanc, linger, en flocons, ana-
logue a un sel de magnesie.
Eau de chaux. — Trouble notable.
Deduction. — De la limpidile de la liqueur, de son
alcalinile prononcce, il resulte :
\° Que la decomposition organiquea ete complete;
2" Qu'il ne reste que la partie minerale melee d'un peu
de charbon ;
3° Que les reactions qui precedent denotent la presence
dcs sels habitucls des cendres de vegetaux;
^° Que I'alcalinite prononc(5e de la liqueur, la notable
proportion de potasse d^celee par I'acide perchlorique, la
precipitation par I'eau de chaux, feraient croire a la presence
d'une proportion notable de carbonate de potasse;
50 Que ce dernier element laisserait supposer par la
reaction alcaline prononcte qu'il produit avec le papier
jaune de curcuma, qu'il y a en combustion d'une substance
riche en potasse, tel que du genet a balais ou de I'ajonc que
Ton emploie le plus ordinairement pour cbaulTor les fours
dans les campagnes.
liXAMEN DE LA I'ARTIE LNSOLUIiLE.
Incineration incomplete, Icnte comme unc substance
284 RAPPOKT MEDICO-LEGAL SUR UN CAS
azote'e fortement etphosphale'e. — Environ un decigramme
de cette cendre est placee sur unc plaque de platine lamine
recourbce en capsule plate pour completer I'incineration ct
determiner la nature du charbon et en deduire I'origine.
La plaque etant port6e au rouge, aa lieu de scintiller
comme Ic fait lo charbon de bois, de se consumer avec
rai)idite cl de laisser pour residu une cendre fine, tres
divisee, ce produit change peu d'aspect, s'incinere avec la
plus extreme Icnteur el rneme raclion est encore incomplete
apres une heurc de chauffe au rouge vif. II laisse unc
cendre grenue, anguleuse, comme le produit employi^.
Pareil essai est fait concurremment avec du charbon do
bois en fragments bien plus volumineux. L'incineration
marche avec la plus grandc promptitude; elle se termine en
quelques minutes en brulant avec de vivos scintillations.
La cendre n'a rien de grenu, elle est homogene, blanc-
grisatre, tres tenue, ires legere.
Le produit saisi qui constitue le paquet n° 1 dans celtc
experience presenle, au contraire, toutes les phases d'inci-
neration d'une substance organique fortement azotee, egale-
ment riche en phosphate, qui, par la demi-fusion qu'il
eprouve, forme, a bien dire, vernis a la surface des molecules
charbonneuses, les preserve ainsi de Taction oxydante de
I'air et cnraie la marche de rincimiralion.
Cette nianiiire de se conduirc de cette sorte de cendre me
donne lieu dc rechercher de suite les elements essentiels des
OS et des matieres albumino'ides qui les accompagnent dans
I'organisme.
D'apres I'litatde decomposition complc'tc de I't^lement orga-
nique ainsi que me I'a prouve la limpidite de la liqueur de
traitcmcnt par I'cau distillee, il ne me rcste qu'a rechercher
la presence de I'azotc dans le charbon, clement qui ne so
d'i infanticide par COMBlSriON. 'iH'i
h'oiive pas dans le charbon dc bois, ainsi que do constater
la presence d'un pbosphale qui existe en giando abondance
dans les tissus animaux. ct qui est au contraire peu abondant
dans le r^gne vegetal.
Recherche de I'azote. — Pour cela, je dispose dans un
tube ferme d'un boul, par coucbcs successives, un petit
fragment dc potassium et une partie de cendrcs dont j'em-
ploie environ cinq centigrammes Je soumels ce melange
ainsi stratifn^ a la lampe a alcool jusqu'a ce qu'il ait atteint
le rouge obscur. Je laisse refroidir.
Apres avoir brise le tube, j'ajoute un peu d'eau distillce
pour op(irer la dissolution du sel soluble. A I'instant je suis
frappp6 de I'odcur alliacee qui se degage et qui est due a la
decomposition d'un pliosphure alcalin forme qui se dissocie
en hydrogene phosphor^ qui s'ecbappe.
Aucune lueur phosphorique ne se manifeste. Je neglige a
dessein de la provoquer en acidulant la liqueur et cela a
cause du but que je me proposals dans cet essai de constater
la presence de I'azote en formant ainsi un cyanure potassique
simple que pourrait decomposer I'acide.
La solution est jetee sur un petit filtre, ct la liqueur
limpide et transparente, sans couleur aucune, qui en resulte,
estadditionnee d'une goutte de persulfate de fer, lequel, en
raison de I'exces de potasse form(5, precipite I'oxyde de fer
sous la forme d'un depot ocrace que I'instillation dequelques
gouttes d'acide cblorbydrique dissout. La liqueur reprend
alors sa transparence, mais bientot elle passe au vert, puis
au bleu-verdatre. Par la concentration sur une plaque de
porcelaine, il se forme une zone jaunatre avec rexcOs de
persulfate, puis au centre une seric de zones d'un bleu franc
ct vif.
Un second essai identique est fait sur environ un deci-
286 RAPPORT MEDIC0-LE6AL StR UN GAS
gramme. La liqueur qui en resuUe est reunie au residu dc
la premiere operation dans un tube ferm6 portant le n° 4
et dcstinee a servir de piece de conviction.
Du charbon de bois divisfi, traite de la meme maniere et
avec les memes precautions, ne donne lieu a aucune des
manifestations ci-dessus relatdes. Point d'odeur phosphoree,
point de couleur bleue, point de depot. La liqueur roste
legerement jaunatre comme la colore le persulfate ajoute.
Recherche d'un phosphate. — La manifestation de I'odeur
alliacee ou phosphoree me conduit tout directement a y
demontrer la presence d'un phosphate.
Pour cela, je prends le residu de mon incineration pre-
miere; je le traite par un leger exces d'acide azotique pur.
Je le fais bouillir quelques minutes, j'6tends d'eau distillee,
je filtre et 6vapore presqu'd siccite pour chasser I'excSs
d'acide, mais laisser I'acide phosphorique a I'etat trihydrique,
Je reprends par I'eau distillee; le liquide qui en provient
est parfaitement limpide et transparent. J'ajoute quelques
gouttes d'azotate d'argent ammoniacal, qui y determine de
suite un precipite jaune pale abondant; j'ajoute deux a Irois
gouttes d'acide acetique pur, pour dissoudre le phosphate
dechaux ou ammoniaco-magnfeien qui pourraits'y trouvcr.
Par la dissolution, qui en est operee, la belle teinte jaune du
phosphate d'argent apparait. L'addition d'un exces d'acide
azotique en operant alors la dissolution de ce sel, vient
preter un nouveau concours a la constalalion dont 11 s'agit.
Phosphate d'argent jaune. — Ce dep6t n'est point con-
serve comme pi^ce de conviction, parce que, comme la plu-
part des sels d'argent insolubles, il perd sa couleur jaune
a la lumiere qui le rend olivatre.
Phosphate de plomb. — Globule a facettes. — Enfin
line autre petite portion de cclle cendre est traitce par I'acide
D'lNFANTlClDE PAH COMBUSTION. 287
acetif|ue pour dissoudre le pliosplialc de cliaux et de inagno-
sie; la liqueur acide elendue d'eau dislillcc est Irailcc par
I'acetale de plomb qui y determine un precipite blanc fort
abondant. Jete sur un filtre, puis lave, le idL'pdt soumis au
chalumcau donne lieu a la formation du globule blanc, fusi-
ble, cristallise a facettes, qui caractcrise le pliosphate de
plomb.
De ces diverses experiences chimiques resulte :
i" Que I'incineration de cette matiere charbonnee, au
lieu de marcher avec la promptitude qu'ofTre le charbon
vegetal provenant du bois, est au conlraire lente et mfime
incomplete au bout d'une heure; que cette action semblc
attester de la presence d'un charbon azote, pou\ant provenir
de matieres animales;
2° Que Taction du potassium vient confirmer avec la plus
grande neltete I'opinion qui precede et de plus, elle fournit
la certitude qu'il y existe un charbon azote, que ne donne
pas la combustion du bois des landes, des fougeres, etc. qui
pourraient avoir servi a chauffer un four;
3** Qu'il est probable que cette espece de cendre ou de
matiere demi incin^ree a du provenir, en grande partie, de
la presence simultanee d'un element organique animal;
i° Que la manifestation de I'odeur de gaz phosphor^ qui
s'est produite vient corroborer cette maniere de voir ;
5" Que les moyens chimiques les plus caracteristiqiies des
phosphates en attestent la presence a des doses anormalcs,
comparalivement ix celles que donneraicnt des cendres des
bois de chauffage ordinaii'cs;
6" Que cette reunion de caractercs donne lieu de penser
que la petite masse charbonncuse et pulvciulenle a ete en
partie formee par la combustion simultanee de hbrcs ligneu-
ses et de matieres animales riches en phosphore;
288 HAl'I'OUT MEDICO-LEGAL SLH V^ CAS
1° Qu'en tenant compte de I'observalion microscopique
qui est apportee an debut, en outre do la matiere aniinale
qui a dii eprouver la fusion par suite de sa decoinposilion
au feu, il y existe des parceiles blanches, caverneuses qui
ressemblent a des portions d'os completement calcines.
NoTA. L'aspectde ce charbon et les essais qui precedent
peuvent laisser supposer qu'il provcnait de la combustion
dela tete de I'enfant; mais bien que les Elements pbosphores
y soient abondants, il n'etait pas possible, en raison de I'al-
calinite de cette cendre d'oser avancer, meme avec doute,
une telle provenance.
PAQUET N° 2.
L'ouverture du paquet nous laisse voir une sorte de cendre
blanc-grisatre, melee de portions encore adlierentes, noires,
charbonneuses , reticulees , a raailles regulieres, carrees,
qui laissent voir bien nettement qu'elles proviennent d'un
tissu organique assez fin.
Eau distiUee. — Rien de special. — Cette cendre est
legerement alcaline, se dissout en notable proportion dans
Teau distillee et cette solution essayce aux reactifs appro-
pries n'a donne lieu a aucune remarque speciale. L'on y
reconnail la presence des sels alcalins, carbonates, hydro-
chlorates, sulfates de polasse, de sonde, de chaux, etc.
Acide azotique. — Pas de phosphate nettement
demontre. — Traitee par Tacide azotique pur en leger
exces, elle donne une efferversence considerable; reprise
par I'eau distillee la solution concentree avec precaution,
puis traitee par le nitrate d'argent ammoniacal, il ne se ma-
nifeste aucune nuance jaunc, qui puisse fairc supposer la
pr(;sence d'un phosphate.
I
d'infamicide pah comijlstion. 289
Toutefois raffusion Ae rammoniaque liquiJey dt^tcrinine
iin nuage blanc, d'une malierefort It^g^re qni, vue an micros-
cope, simule un depfltde phosphate ammoniaco-mapn('sien,
niais ce seul caractere ne nous permet pas d'avoir une con-
viction assez nette pour affirmcr d'une maniere absoiuo que
c'est un phosphate, et la quantity est telicment petite quc>
malgre la sensibility des autres reactifs habituels dcs phos-
phates, il n'y a pas a songer a y avoir recours, surtout
oblige que nous serlons de fractionner la liqueur di'ja en
quantite bien minime.
Action dupatassium. — Azote parfaitement caracte-
rise. -^ Une petite portion est soumise a Taction du potas-
sium comme lo paquet n" 1 ; elic donnc lieu dans les cir-
conslances convcnables a un depot fort notable de bleu do
Prussc, lorsqu'on y instille quelques gouttes d'un sel fer-
rique.
De lacendre de lissu organique traitee de la memo maniere
ne nous fournit, au contraire, aucune reaction analogue,
qui, comme nous I'avons dit, caracterise les substances orga-
iiiquesquaternaires plus speciales au regne animal.
La presence do I'azotc etant done bien constatee comme il
vient d'etre rapporte, il reste done a savoir si ce lissu provienl
d'une substance animale, de laine, par exemple, ou bien si
ce lissu etant en lin, chanvre ou colon, il so scrail trouve
tache ou impregncde matii-res albiiminoulcs aniiuales lellcs
que do Talbuminc, de la fihriue, du sang, etc.
Tout difficile qu'il soil de r^soudre ce probleme qu'aucune
demonstration direcle ne pent eclairer, voyons si I'induction
ne pout, au conlraire, par exclusion, nous pcrmeltre d'arri-
\cr au moinsa dcs probabilites.
Est-ce un tissu de laine on de fibres litjneuses?—'
L'induction conduit a rejeter la presence dc la laine. —
* 19
290 MAPPORT MKDICO-LEGAL SLR L'N CAS
Nous rappelant que les parties charbonneuses noires, adhe-
rentes encore, laissent parfaitemenl distinguer les maillesdu
tissu, Ton est de suite port6 a exclure la possibilite de I'exis-
tence d'un tissude nature aniinale, laine, poils, etc. En effet,
un tel tissu en brulant, se ful tourment^, recroquevill(^, filt
resl6 sans souplesse, se fut enormement boursouffle, eut
mfime ^prou\6 la fusion , fut devenu caverneux , comme la
petite masse entiere du paquet n° 1 . II n'aurait jamais pu
conserver la nettete des mailles que Ton distingue encore
parfaitement. L'aspect du charbon serait aussi tout different
et il ne serait pas noir mat comme celui-ci.
Ce tissu a-t-il pu ^Ire mi-partie laine, nii-partie fibres
ligneuses? Les observations qui pr^c6dent d(5ja conduisent a
la negation. En effet, on ne file pas, gen^ralement, ensemble
les fibres v(^getales et animales. Dans les tissus mi-l'un, mi-
I'autre, lachaine et la trame sont de deux mati^res diff6-
renles, de sorte qu'alors la fibre animale en se tordant, en
se decomposanl, ne pouvait laisser voir nettement lefii dont
elle faisait la base. L'on ne verrait tout au plus que ie fil du
ligneux en suposant encore (ce qui me semble inadmissible)
que I'influence de la decomposition animale n'eut pas fait
un tout, une masse dans laquelle les Elements organiques
des deux r^gnes se seraient confondus.
Incineration. — L'absence complete d'une substance
textile animale etantadmise, nous continuons nos recherches
k I'effetd'L'lucider la seconde phase de la question, el arriver
a d^montrer si ce tissu ^tant de fil vi^getal a du 6tre
impregne de quelques substances azot^es , devant expliquer
la presence de Tazote a dose 61evce que nous a fourni la
reaction au potassium.
Pourcela, nous procedonsa I'incineration complete d'une
portion de la mali&re charbonneuse noire, et d'apr^s la
d'infanticide PAn comblstion. 291
tnarchc de roperalion, nous sommes portcs a penser que cc
tissu n'a pu Otre forme de laine ou produit analogIl^^ inais
qu'cn jugeanl par la Iciiteur de la reaction, ce charbon en
fil tenu ne saurait 6tre de fibre vegetale seiile et pure.
L'essai au potassium permcltrait done en outre de penser
que ce tissu a pu et du 6tre impregne de quelques niatieres
albumino'idcs du regne animal.
Une nouvelle portion de ccndre est encore Iraitee par
I'acide azotique, lessivce a I'eau distillee, evaporee avec
precaulion, elle donne une liqueur d'un beau jaune d'or
dans laquelle I'alTusion d'une goutte d'une solution tres
etendue de sulfocyanure alcalin determine une belle et richc
couleur rouge sang, qui est tellcment prononcee que Ton
sedemande si ce fer provient de la teinture de ce tissu en
brun ou ennoir (quoique la cendre pure soit assez blanche)
plutot que d'oser I'attribuer au fer normalement exislant
dans le sang.
C'est ce que rinstruction pourra eclairer en s'assurant
dansl'interrogatoire si ce tissu elait en laine, et dans le cas
de la negative, si le tissu vegetal titait ou non teint soit en
bleu, soit en noir ou brun, ou en couleurs mfilees.
Pour nous assurer si ce tissu n'auraitpas 6te teint en bleu
au moyen du bleu de Prusse (ce qui n'est gucre probable)
nous tentons Ics essais suivants :
Si ce tissu a pu rtre teint au bleu de Prusse, il cut peut-
t'tre pu so faire que Taction desalcalis existanl normalement
dans les fibres ligneuses, ou provenant de la teinture ou
encore du lessivage, eut par suite de leur mise en liberie
par la decomposition ign^e, reagir posterieurement sur le
bleu de Prusse employe comme matiere colorante, alors il
sc serait forme un cyanurc triple, jaune (cyanoferrure alca-
lin). Mais I'addilion d'un pcu de solution dc persulfate de
293 RAPPORT MEDICO-LEGAL SLR UN CAS
fcr, en restant miielte, vient demontrer que cette transfor-
malion ne s'esl pas produile.
Nous avons fait de nouveau bouillir una autre petite por-
tion de cendre avec de la potasse a I'alcool bien pure, dans
le cas oil contre toute espt?ce de probabilite, le cyanure
ferrique (bleu de Prusse) n'eiit pas ete decompose, malgr6 la
chalenr 61evee qui avait du etre produite par la combustion
dans le four. Quoique ayant pris toutes les precautions
qu'exigent des recherches aussi delicates, nous n'avons rien
constate qui nous puisse faire croire a I'emploi du bleu de
Prusse com me element de teinture.
Enfin TebuUition de cette cendre avec I'alcool absolu a
donn^ lieu a un residu parfaitement blanc qui, par le sel
ferrique, est encore resle absolument muet; d'oii ces Irois
cssais nous forcent a rejeterl'id^ed'une teinture au bleu de
Prusse.
En resumant les diverses inductions et experiences qui
precedent, noussommes conduits a penser: i° que le paquct
n°2 estconstitue par une partic de cendre grisc, melee a des
portions noires, charbonnees, qui annoncent qu'un tissu
organique lui a donne naissance; 2° que ce tissu devait
etre en fibre ligneuse; 3° que le potassium prouve avec la
plus grande evidence qu'il y existe de I'azole en quantite
Ires notable, qui doit provenir d'une substance riche en cct
element, ayant constitue ou impregn(!: ce tissu; 4" qu'il y
existe en outre du fer en notable proportion, mais non a
Te-tatde compost cyanure; 5° que s'il clait demonfre que le
tissu azotiferc eut et6 en fibres ligneuscs ( lin , chanvre ,
coton), la presence de I'azote en aussi notable proportion
ferait penser qu'il a dii 6tre impregne de matieres organi-
ques animates, aibumine, cbair musculaire, sang, etc.; 6"
que dans le cas oil il serail prouv(5 que ce tissu 6tait d'origine
d'infamicide par combustion. 293
vegtHale, non teint en bleu, briin ou noir, surtout qu'il fut
blanc, il y aurait lieu de penscr que celle matiere albumi-
noide serait du sang ou riche en sang, inais que cette
derniere induction ne saurait etro emise qu'avec la plus
grande reserve.
Paquet n° 3. — Apres avoir rompu les scelles et ouvert
renvcloppe Ton Irouve une pelile bolte tres plate en carton
gris, carree, donl la couverture est separee. Elle contient des'
fragments d'os profondenicnt alteres par la calcination ,
blancs a I'extorieur pour la plupart et laissant encore voir
au centre du charbcn provenant de la decomposition de la
matiere organique qui entre dans leur constitution.
Aucun d'eux n'estentier, soit qn'ils aientele recueillis en
cct etat, soit que pendant Ic transport, ils so soient brises en
se heurtant mutuoUement.
Malgr6 leur etat de division , j'ai procL^d6 a I'examen de
ces portions d'os afin de voir si par comparaison , Ton ne
pourrait arrivcra dScouvrir les os principaux d'un squelette
d'enfant.
Ayant sous les yeux un squelette d'un enfant de 9 niois,
j'ai cru remarquer suffisamrnent d'anatogie dans les formes
encore existantes, dans la grosseur proportionnelle ou pres-
qu'egale pour tenter d'en faire une sorte de classemenl, sur
la verification duquel il est de mon devoir d'appeler I'atlen-
tion de la justice et I'opinion des hoinmrs plus competenls.
Pour faciliter cc dernierlravail j'ai reciieilli et \?,oh\ ciiaqu'-
6it5ment y. examiner en lui donnant un n°d'ordroe; v-^;
que suit ledtHail :
N° 1. Partie inf^rieure des deux femurs.
N° 2. Extremite superieure d'un tibia.
N° 3. Parties du corps des deux humerus.
N" 4. Partie d'un des os iliaques.
294 RAPPORT MEDICO-LEGAL SUR UN CAS
N" 5. Portion eie I'orbite.
N" 6. Portion suptrieure d'un humi5rus.
N'' 7. Portions de c6les.
N° 8. Os du roclier droit et gauche.
N" 9. Extrcmite superieure et interne du tibia gauche.
N° 10. Portion d'os du crane.
N° II. Extremit(53 inferieures des deux tibias.
Css divers (Aliments de conviction ont ensuite t^l6 emballes
isoliL'raent avec une precaution exli'Ome puis renfermes dans
une boite commune.
L'etat actuel de ces divers organes ne pouvant laisser
aucun doule sur leur essence, leur aspect ne pouvant faire
supposer que la defense puisse contester la nature chimique
de ces debris de charpente aniniale, j'ai pense que I'analyse
chimique ne pouvant pas apporter unebien grande lumiere
sur I'origine de ces os et par rapport a la position dans
rechelle animale de I'etredontils const! tuaient la charpente,
je n'ai pas cm devoir y procc^der el je crois de moo devoir
d'en deduire les motifs.
L'analysc des os d'adulte et d'enfant a ete faite, mais non
pas du tout sous le point de vue de la difference dans la
proportion des substances minerales entre elles, notamment
des phosphates et carbonates calcaires et magnesiens qui ea
font la base essentielle.
Reess n'a, en etTet, etabli que la proportionnalitt; de la
matiere organique et de la partie mini^raleincrustante.
Dans le cas dont il s'agil ici, toule la partie organique a
disparu. Pour deduire deTexamen chimique, atlentif, quel-
quc chose de concluant, il faudrait analyser concurremment
les os d'un squelelte d'un enfant de 9 raois, pour comparer
entre eux les os suppost^scorresponclantscttigalcmenl privtJs
do U'ur matiere oi'gani(iue.
1) INFANTICIDE PAR COMBLSTIOX. 895
Mais ne devienJrail-il pas fort difficile de se procurer un
quelette semblable?
Je dois faire observer que si I'idenlil^ de composilion
hiniique fournissait un Element de plus a la conviction, la
lissemblance dans les resultats ne dcvrait pas faire exclure
I'une maniere absolue la similitude d'origine, car ii est
certain qu'il pent se Irouver dcs anomalies, des variantes
dans la composition chimique d'apres I'etat de sant(5, de
constitution de I'enfant et de la mere ; Ton serait done con-
duit a juger surtout d'apres le mode que j'ai employe ci-
dessus, la reconstitution partielle du squelette.
En resumt^, jc dois done me borner a 6tablir ici :
1° Que Ic paquet n" 3 contient des fragments d'os dont la
matiere organique a ete enlevee par une chaleur tr6s ^rte;
2° Que certaines parties de ccs debris de I'organisme
animal me semblent presenter de I'analogie de forme, de
grosseur avec lesos d'un squelette d'enfant de 9 mois, mais
que si ma sp6cialite m'interdit de prononcer et d'affirmcr,
ma conscience me fait un devoir d't^veiller a ce sujet Tatten-
lion de la justice ;
3° Que I'examen chimique n'apporterait un clement
essentiel de conviction que s'il (itait fait comparativement
avec des os d'un enfant nouveau-n(5 ;
4° Que les resultats obtenus dans des conditions aussi
absolues pourraient encore donner lieu a discussion sur Ics
inductions a en liror, en raison des variantes qu'auraient
peul-etre pu leur faire cprouvcr les divcrses phases de la
grossesse, la constitution organique de la m6re et par suite
de I'enfant.
Conclusions ge'ne'rales.
1" Lc paijuct n° I est une matit-ro churbonnee el dcmi
29G n.vpi'ORT Slit u.\ CAS u'inkanticide.
iriciiViiree qui no saurait etre attribuee ii la combustion
impat'failc d'uiio substance ligneuse, consequemment elle
n'est point de charbon dobois.
I.a pai'tie grise n'est point non plus constituce par des
cendi'es de bois seulemcnt.
L'examen chimique approfondi y demonlre avec ncttete
la presence des elements plus essentiellcment constitulifs
des lissus animaux, phospbates et azote.
Le microscope y fait apercevoir des debris fins qui res-
semblcnt a des parccUcs minimes d'os calcines.
Tout concourt pour faire penser que cclte raatiere a da
en grande partic etre produite par la decomposition d'une
uiatiore organique animate, chair et partie d'os.
2° L?paquetn° 2 contient une sorte de cendre qui ne
saurait provenir de la combustion seule de bois divers; mais
les parties noires, encore adh(5renles prouvent netlemenl
par la conservation des mailles qu'elle provienl d'un lissu
d'essence vegelale.
Si I'instruction arrivait a prouver que ce tissu n'a pas etc
teint, ce qui a toutes les probabilites d'etre, il y aurait lieu
d'affirmer qu'il etaitimpr^gne de matieres organiques forte-
ment azotees, telles que les substances albuminoides de
I'organisme animal, peut-elre meme de sang.
Que tout concourt a prouver que ce tissu n'a pu etre fait
de matieres animales textiles, laines, etc. (1).
3*^ Le paquet n° 3 me semble contenir des frogmenfs d'os
calcines qui ont de I'analogie avec ceux d'un enfant nou-
veau-ne.
(1) La deposition d'un temoin oculaire, la declaration de I'accusee
ont jiislifie complelement I'inductlon de la presence du sang sur
un linge blanc.
MEinOIRE
SUR UN PROCEDE
EMPLOYE EN ASGLETER8E
Pour la coiisorvation dcs hois, toiles et curdiigos.
PAR
ni. A. IIIA]V€li\,
lag^nicur de la marine,
Associii titulaire.
Bien dos lecherclics out ct6 faites jusqu'ici, surtout dans
ces dernieres annees, aliii de trouver un procede qui pre-
servul Ics bois de la proinpte deterioration a laquelleils sont
sujets dans les usages, pour ainsi dire univcrsels, auxquels
ils sont employes. Parmi les nombreux moyens qui ont etc
soumis au public, trois nierilent d'etre cites, qui scmblaient
avoir des cbances de succes : -I" le procede d'iuiniersiou
dans une solution de sublime corrosif, invente, je crois,
298 CONSERVATION
par un M. Kyan en Angleterre, proct^de couteux, dangereux
pour les hommes charges de la preparation des bois et
aussi, assure-t-on, pour les personnes qui vivraient dans
des habitations construites avec des bois ainsi prepares;
2° le procMii d'injection d'un sel conservateur dans les
arbres sur pied, au moyen de la force naturelle qui fait
circuler la seve, precede du a M. Boucherie et qui a I'incon-
v6nient de ne pas atteindre le coeur des arbres de fortes
limensions; 3° enfin, un precede Au a M. Payne, en An-
•leterre, et qui consiste a injecler dans les bois deux sels
lont la double decomposition donne lieu a la formation d'un
sulfate de chaux insoluble, qui bouche en quelque sorte
hermetiquement tons les pores et les rend inaccessibles h
rhumidite. Ce moyen detruit la cohesion des fibres et, des
que la pi6ce prepart^e est soumise a un effet quelconque,
I'adhi^rence des cristaux de sulfate de chaux disparait el le
bois redevient, comme auparavant, accessible a I'humidite.
Le proced6 dont j'ai a rendre compte, et qui est du a Sir
William Burnett, directeur general du service de sante dans
la marine anglaise, a ete eprouv6 par plusieurs anntes
I'experience et, s'il ne resout pas compltJlement le probleme,
lu moins a-t-il sur tons les autres des avantages positifs
qui le rendenl digne d'etre experiments en grand.
Ce precede consiste a introduire dans les bois, au moyen
d'une forte pression, une dissolution de chlorure de zinc et
a reniplacer autant que possible la seve par cette dissolu-
tion. Les pieces de bois a preparer sent placees dans un
grand cylindre en tole, dans lequel on commence par faire
le vide, puis on introduil la dissolution et on la force jus-
qu'a une pression de 10 a 12 atmospheres.
Pour les toiles et cordarges, une simple immersion suffit.
D'apres des temoignagcs aulhentiqucs et des experiences
DES BOIS. 299
nombreuses et de natures lr6s-diverses, dont j'ai He h nienie
de juger les resultats, j'ai du acqucirir la conviction que le
clilorure de zinc jouit reellement do la propriete de pre-
server de toute deterioration des substances ligncuses placd'cs
dans des conditions oil les mgines substances non pre|)ar6es
auraient etc rapidement detruitcs. Get effct preservateur est
nioins sensible sur les cordages de cbanvre que sur los bois
et sur la toile, mais il existe cependant.
J'ai vu des planches minces el des pieces en toile a voiles
qui, aprtis avoir subi la preparation, avaient etc placees,
pendant plusieurs niois, sur Ic sol d'une cave tres-humide,
(1) a cote d'autres planches de memes dimensions tirees des
memes madriers et d'autres morceaux de toile decoupes dans
la meme piece qui n'avaient point ete prepares. Les premiers
i'taient parfaitement sains, les seconds offraient des traces
evidentes de deterioration; quelques parties, meme, etaient
completement pourries.
Le contact m6me d'une pi^ce pourrie est sans elTel sur une
piece preparee, ainsi que me I'a demontre le resultat d'une
experience faile a cet effet par le chirurgien en chef de
I'arsenal de Portsmouth.
Incombusiibilite corruptive des bois. — La disso-
lution de chlorure de zinc jouit de deux autres propriet^s
importantes; elle rend le boistresdifiicilement inflammable
et si, dans un batiment en bois, on la melange avec les eaux
de la cale, elle les preserve pour longtemps de toute corrup-
tion et empfiche ainsi la production de cette odeur repous-
sante qui est un des fleaux des maiins. Cette derni^re
propriete a ele mise ii profit a bord du vactli royal Victoria
(1} Cette cave fait partie du palais de Sommcrset-IIouse et est
situce en contre-bas du niveau de I'eau a une petite distance du
bord d« la I'aniise.
300 CONSERVATION
and Albert el j'ai vu a Soutampton Ic paqucbot a vapour
YOriental, de 450 chevaux, a bord duqucl ce precede est
applique aussi avec succes. Quant a la premiere propriete,
elle n'cst pas inoins prt^cieuse et on pourrait eviterde grands
sinistres en I'utilisant dans la construction des toitures,
hangars, etc.
Pour nie rendre comptc de Taction du ciilorure de zinc
sur le bois, action a laquelle est du TelTet preservateur,
j'ai fait nioi-aieme unc experience dont voici le rfeume :
Experience. — De petits morceaux de bois de pin prt^pa-
resetd'autrcsexaclement semblables, n,on prepares, ontet6
plonges separement dans une decoction de boisde campeche
que Ton a fait bouillir pendant 1/4 d'heure; puis ils ont ete
retirt^s ct laves. La teinture avail a peine mordu sur le bois
non prepaie ; celui , au conlraire, qui avail 616 impregne de
cblorure de zinc, avail pris une couleur d'un rouge brun
tres fence.
Des morceaux semblables aux precedents, apres avoir ete
teints et laves de la nieme maniere, ont ete plonges pendant
un quart d'heure environ dans I'eau bouillante. La couleur
du bois non prepare a etc trouv^e presque entierement effa-
cee, celle du bois prepare avail a peine change.
Enfin, de petits morceaux de bois pr6par6s et en lout
semblables a ceux des experiences precedentes ont ete laves
d'abord, puis plonges dans I'eau bouillante, oil on les a
maintenus 1/4 d'lieure. Apres quoi ils ont ete teints comme
les precedents el lav^s a I'eau bouillante. Neanmoins, la
couleur en est restee sensiblement la m6me que si tous ces
lavages n'a\aient point eu lieu.
'Conclusion. — On semble etre en droit de conclure de
ces fails que Ic cblorure de zinc se combine chimiquemcnl
avec lu aialierc ligneuse du bois ct (jue, bien que cc scl soil
DES BOIS. 301
soluble dans I'eair en enormos pioportions, Ic compose qu'il
forme avec Ic bois est coiupletenicnt insoliiblo, mciiic dans
I'eaii bouillante. II n'y a done pas a craindre qu'une piece
de bois ou une voile une fois preparoes pordent, par un
st^jour prolonge dans I'eau, Ics qualites que leur a commu-
niqu^cs le sel prcservatcur , et Ton congoit comment la
niatiere ligneuseayant change de nature, dcvicnt capable dc
resister a des causes dc destruction auxquclles elle n'cut pu
resister auparavant.
Depenses. — Quant aux di'penses qu'occasionnerait I'em-
ploi du procedc de Sir \V. Burnett, ellcs sont de peu d'im-
portance et si Ton considerc I'cconoinie qui rcsuUerait pour
la marine de I'usage d'un procedc elTicace de conservation,
il y a peu a s'en preoccuper. Voici, neanmoins, quelques
ciiiffres qui donneront une idee de ce que ces depenses
pourraient 6tre. 11 resulte d'un assez grand nombre cVope-
rations faites surdiverses natures de bois, dans le» ateliers
de la compagnie qui exploite le brevet de sir W. Burnett,
a. Londres, que:
Un metre cube de chene sain absorbe en moyenneGO litres
dc la dissolution; un metre cube de pin d'Ecosse sain
absorbe en moyenne de 90 a 120 litres dela dissolution; un
nif'tre cube de pin d'Ecosse, atleint d'un commencement de
dtcomposilion, absorbe en moyenne de iSO a 200 litres dc
la dissolution.
Or, la dissolution de zinc se compose dc 1 kilogramme de
chlorure pur pour 100 litres d'eau ; un metre cube de cbene
absorberait done GOO grammes de -chlorure de zinc et un
metre cube de pin du nord environ 1 kilogramme. J'ignorc
quel serait le prix du chlorure dc zinc fabri(]ue en grand;
ce prix doit etre peu eleve. Les proprietaires du brevet dc
Sir W. Burnett le vcndcnt 2 f. oj le kilogramme. Mais il y
302 CONSERVATION
a sur ce prix au mois 70 p. % de benefice, et il n'esl pas
douteux qu'en France on se procurerait ce sel, a moins de
i franc le kilogramme.
On pent done, pour 6tre sur de rester au-dessus de la
v^rite, admettre que cliaque metre cube absorberait I'un
dans I'autre un kilogramme de sel, c'est-a-dire couterait, en
raatieres, un franc de preparation, somme infiniment petite,
si on la compare a celle qui represente le prix du m^tre
cube de bois.
Les depenses en oulillage, installation et main-d'opuvre,
sont pen elev^es aussi; j'en parlerai apres avoir decrit un des
ateliers des arsenaux anglais.
Application en Angleterre. — L'amirautt^ Anglaise a
adopts le proc6d6 de Sir W. Burnett, et dans les deux ports
de Portsmouth et de Chatam, elle a donne des ordres pour
que tons les bois employes, soit aux constructions navales,
soil aux constructions des ateliers, hangars, etc., fussent
d^sormais prepares d'apres ce precede. Un atelier a ^t6
6tabli pour cet objet dans chacun des ports que je viens de
citer. Voici en quoi il consiste:
Appareil. — Un grand cylindreen tole, fabriqu^ comme
une chaudit!re a haute prcssion, d'une longueur de 15 a 16
metres etd'un diametre de I"* 80 environ, est plac(5 horizon-
talement sous un hangar. L'une de ses extremil^s, au moins,
doit se trouver devantun espace libre assez vaste pour qu'on
puisse aisement faire entrer dans le cylindre et en retirer
les plus longues pieces de bois. Cette extremity est termint^e
par une plaque de fonte fortement boulonnee au cylindre et
dans laquelle se trouve une porte que Ton pent fermer her-
metiquement. Un rouleau en fonte port(5 sur deux supports
fondus avec la plaque de tetc, permet de manoeuvrer avcc
facility les pieces que Ton vcut preparer. Le cylindre est
DES BOIS. 303
plac^ sur le sol, il y est mainlenu sur un lit de maconnerie
ou de toiilc autre mani(5re. A c6le, on a creust^ unc fosse
revfitue en magonnerie hydraulique d'une capacile au moins
double de celle du cylindre. C'est dans celte fosse, dont le
fond communique avec celui du cylindre, par un tuyau
muni d'un robinet, que Ton conserve la dissolution de
chlorure de zinc. On la recouvre d'un plancher volant qui
fait partie du sol de I'alelier. Deux syslemes de pom pes sont
^tablisdans cet atelier, savoir, un systenie de deux petites
pompes a air conjuguees et une double pompe foulante. Si
i'emplacement qu'on a choisi se trouve dans le voisinage
d'une machine a vapeur qui marche toule la journee, on
pent emprunter a cette machine la force necessaire pour
manoeuvrer les pompes, car ce travail no dure que fort peu
de temps, sinon une petite machine de 4 a 6 chevaux est
necessaire. Enfin, le cylindre doit etre muni, en outre, d'un
barometre, d'une soupape de sflrete et d'un robinet pour
chasser I'air, et la fosse d'un moyen de jaugeage quel-
conque.
Operation. — Voici mainlenant comment on opere pour
preparer le bois. Les pieces a preparer ayant ete introduites
dans le cylindre, on ferme la porte de la plaque de tete et
on I'assure solidement de maniere k ce qu\;lle rt^siste au vide
eta la pre.>sion. Cela fait, on embraye le mouvcment des
pompes h air de maniere a faire dans ie cylindre un vide de
67 a 68 centimt'tres de mercure. Lorsqu'on a oblenu ce vide,
on ouvre le robinet du tuyau qut fait communiquer le fond
de la fosse avec le cylindre et la dissolution se pr^cipite dans
ce dernier. On laisse travailler les pompes pendant tout le
temps que le cylindre met a se remplir et Ton est assurti
qu'il est plein lorsque les pompes a air commencent k cra-
cher de I'eau. On ferme alors !e robinet de la fosse el la
304 CONSERVATION
communication avec les pompes ii air que I'on anvtc et on
met en mouvement les pompes foulautcs qui forcent dans Ic
cylindre I'eau d'une bache que Ton remplit aux depens do
la dissolution de la fosse. On a soin en meme temps d'ouvrir
le robinel a air pour chasser I'air provenant de Timperfec-
tion du vide ct qui a du s'accumuler dans la partie supti-
rieure du cylindre. Lorsque la soupape de siirete, chargee a
10 atmosplieres, commence a se lever, on arrete, et si Ton
n'a cu a preparer que des bois de faibles dimensions, comme
des bordages, des planches etc., on pent ouvrir le robinet
qui ferme la communication avec la fosse, laisser ecouler la
dissolution et retirer le bois pour le metlre a secher. Si le
bois contenu dans le cylindre est de fort equarrissage, il
faut maintenir la pression pendant deux heures. Dans le
premier cas, I'operation tout entiere, le bois suppose en
place dans le cylindre, ne dure guere plus d'une lieure.
Outillage. — Je mesuisinforme du prix auquel pourrait
revenir routillagc d'un atelier comme ceux de Chatam et de
Portsmouth. En comprenant la machine dans cet outillage,
la dispense totale atleindrait a peine en Angleterre -1,000
livres sterling. Mais en France, il faudrait s'attendre ii cc
que celte somme ne fut pas moindre que 30,000 francs,
somme insignifiante si Ton considerel'immense economic
qui resulterait pour la Marine de I'emploi d'un procedc
cffi.;ace pour la conservation des hois.
Chatam et Porsmouth. — Je viens de decrire la manicrc
d'operer usiteedans Tatelier de la compagnica Londres; elle
differc un peu de celle que I'Amiraute a ordonne de suivre
il, Chatam et a Porstmouth. Dans ces deux ports, les mouve-
incnts de bois se font dans la journee; le matin, on vide le
cylindre rcmpli la veille, cl dans I'apres-midi on le remplit
do nouvcau de hois a preparer, de sorte que I'opt^ration ne
DF.S UOIS. 30o
se fait que dans Ics deux derniorcs hourcs de la joiirnoe de
(ravail el la pression est maintenue, pendant toute la nuit,
dans le cylindre qii'on ne vide que le matin, h rarriv6e des
ouvriers. L'Amiraute anglaise s'est sans doute prt^occupee
de la question de savoir si, en suivant la m6thode i-ecom-
mandee par la compagnie, on parvenait a faire penetrer la
dissolution jusqu'au cueur des plus fortes pieces de bois.
Cette question est, en etTet, d'une haute importance et 11 y a
tout lieu de croirequ'aux yeux de I'Amiraute, elle n'a pas
el6 resolue d'une mani6re satisfaisante; il est peu probable,
en eflfet.qu'une pression del Oatmospheres maintenue pendant
deux heuresseulementsulTise, memeavec'un vide prealable,
pour pousser la dissolution jusqu'au centre d'une piece
d'un fort equarrissage, surtout si cette pi6ce est en chene d ur.
Coeur des arbres. — J'ai du chercher a eclaircir mcs
doutes sur ce sujet : Une piece de chene anglais, parfaite-
inent saine, et d'un grain compact, longue de 4 a 5 metres
et d'un diametre de 0"45 environ, apres avoir subi la pre-
paration au moyen du chlorure de zinc, a etc sciee dcvant
moi par le milieu, et au coeur des deux bouts fraichcment
coupes, deux fragments de bois ont cte dcHaclit^s. L'un a (5te
analyst devant moi, dans le laboratoire altenant aux ateliers
do la compagnie, et le rfeultat de cette analyse ne ra'a pas
paru concluanl; j'ai rapporte I'autre en France et je I'y ai
analyse moi-meme, avec i'aide d'un homme competent, sans
pouvoir y trouver les moindres traces d'un sel de zinc. Cette
derniere analyse, ayant ete faite avec lout le soin possible,
est devenuepour moi une preuve positive que la dissolution
de chlorure de zinc n'attoint pas le centre des fortes pieces
de bois, lorsquc la pression n'est maintenue que pendant
quelques instants. Reussit-on completement lorsqu'on la
niaintient pendant 12 heures? Je n'ai jusqu'ici pour m'aider
20
306 CONSERVATION
a repondre a celte question que Texemple de I'Amiraule
anglaise, qui offre une grande presomption pour raffirmativo,
mais qui ne saurait tenir lieu d'une preuve certaine. Du
resle, cette preuve, si elle existe, il est facile de I'obtenir;
que Ton introdiiise,a defaut de cylindre, dans une chaudiere
a haute pression, un troncon de plancon de 50'=/'° d'equar-
rissage, puis, qu'apros y avoir fait le vide par un moyen
quelconque, on y force avec une presse Iiydraulique une
dissolution de chlorure de zinc, faite dans les proportions
voulues, il sera facile d'y maintenir, pendant -12 heures, une
pression de 1 0 atmospbtires et d'analyser, apres cette t^preuve,
une portion du coeur de la piece. Si I'analyse ne denote pas
la prt^sence du zinc, cela prouvera que douze heures de
pression ne sufTisent pas et on pourra recommencer I'expe-
rience en gardant la pression pendant 24 heures, car, a mes
yeux, la question n'est guere qu'une question de temps.
Dans le cas ou Ton reconnaitrait qu'il faut, pour rt5ussir
completement, maintenir pendant 24 heures le bois sous
une pression de 10 atmospheres, on pourrait adopter ce
laps de temps sans augmenter beaucoup les depenses: un
second cylindre devrait etre joint au premier et la fosse qui
contient le liquide devrait 6tre faite plus grande. Mais il ne
serait utile ni d'avoir d'autres pompes, ni d'augmenter la
force motrice, et le nombre d'homme attach(i a I'atelier res-
terait le m6me, chaque cylindre n'etanl plus vide et rempl
que dedeux jours Tun. Je croisaussi que, danstous les cas, il
serait bon de garder le vide pendant quelque temps dans
le cylindre avant d'y inlroduirc la dissolution de zinc, afin
de permettre a I'air contenu dans les pores du bois de s'e-
cliapper plus completement en entrainant la s6ve.
Etat da bois soufnis au proccde. — Une question in-
tiressante qui se presente ici, c'est celle de savoir dan.s quel
DES BOIS. 307
etaton doitclioisirle boispour le soumeLlrca la pivparalioii;
doit-il6treprisvertencoreoutoiit-a-faitsec?Seloii moi.lebois,
pour subir une preparation eflicace, doit etrc de coupe assez
rccentc, car alors Ics pores en sont ouverls et il est plus
facile d'en extraire la seve ct de la remplacer par un autre
liquidc; un bois bien sec dont les fibres se sont reserrees de
inaniere afaire disparaitre, pour ainsi dire, tous les canaux
de la sive, doit olTrir do grandcs difficulles a une parcille
preparation et il y a certains bois durs avec lesquels ello
devient impossible. Le bois employe doit done etre de coupe
reccnte; de plus, il doit etre travaille ou au moins degrossi;
cela est economique, car le cube en est considerablcment
rcduit; en outre, on est bien plus sur de saturer completc-
ment les pieces dont I'eqiiarrissage est beaucoup moindre.
J'ai vu a Cliatam, en magasin, la membrure complete d'unc
fregale dcstinee a etre mise sous pen sur chantiers; celle
membrure avail ete preparee par le precede Burnett, aprcs
avoir tHe travaillee, et elle elait doposoe sous un liangar afin
de s'y scclier pendant six mois, avant d'etre montee. Ce
. temps suffit, a ce qu'il parait, pour qu'il n'y ait plus aucun
inconvenient a employer le bois prepare, et en sccliant, il
travaille asscz peu pour que le parage ordinaire soil sufll-
sant, lorsqu'on vient a niontcr le biiliment en bois tors.
Quant aux bordages, leur epaisscur etant comparativement
faiblc, on pent les preparer longtemps a I'avancc, lels qu'on
les debile pour le magasin.
Dans le cas ou Ton reconnaitrait qu'avec les precautions
presentees par I'Amiraute anglaisc, on reussit i\ saturer com-
pl(^temcnt dcs bois de fort equarrissage, il deviendrait inte-
ressant d'appliqucr to procede a la conservation des bois de
mature, ct alors, pour (iviter de fausses depenscs, il con\ien-
drait dc porter tout d'abord les dimensions du cvUndrc a
308 r.ONSF.RVATION
ce qn'cllcs devraient etre pour qu'il put reccvoir la plus
/orte piece de bois de mature. A Chatam, lorsque j'ai visite
cat arsenal, retablissement d'un cylindre supplementaire de
95 pieds anglais, destine arepondre a ce besoin, elait en
projet.
Je lerminerai, en enoncant d'une maniere concise les
consequences principales a tirer des considerations qui
precedent:
Conclusions. — 1° Le procede du a Sir William Burnett
est reellemenl efficace pour la conservation des bois, toiles,
etc., lorsqu'on peutsaturer completement ces substances du
liquide preservateur ;
2° Ce proced6 est facile a employer unc fois que les appa-
reils convenablcs sonl ctablis, et il ne donne lieu qu'a une
depense insignifiante, si on en compare le cbiffre a celui
qui represente la valeur du bois prepart^;
3° II n'est pas suffisamment etabli que les moyens meca-
Tiiques employes suffisent pour saturer jusqu'au centre les
plus fortes pieces debois; mais une experience facile est
proposee pour eclaircir ce point important;
4" Enfin, I'exemple donne par I'Amiraute anglaise est un
argument puissant en faveur de I'adoption du procede, sinon
d'une manifere generale, au moins pour les bois de moyenne
et petite dimensions.
Paris, le Novembre 1845.
L'Ingenienr de la Marine,
Signe : A.m. Mangin.
P.-S. — Application en France. Marine. — Bien que les
conclusions de ce mtimoire fusscnl favorablcs au procedd de
DES BOIS. 309
SirVV. Uurnctt, il n'yapasetedonnesuite: lacompagnic qui
exploitait cc proct^de avail des pretentions infiniment trop
^levees pour qu'on put songer a entrer en arrangement avec
elle. II n'a mfime et6 fait depuis aucune experience dans les
arsenaux de la marine, ni pour constater les proprietfis
prcservatrices du chlorure de zinc, ni pour determiner le
meilleur mode de saturation des bois.
Chemin de fer. — Aujourd'hui, le brevet que Sir W.
BurneU avait pris en France est expire el son precede, qui
est lombe dans le domaine public a recu la sanction de
I'experience. L'usage s'en est repandu, et des compagnies de
chemin de fer (entr'aulres celles d'Orleans et de Bordeaux)
I'ont adopte pour la preparation des traverses, poleaux de
leiegraphe, etc.
Ce precede, ainsi qu'on a du le remarquer, se compsse de
deux parties dislinctes :
4° De remploi de moycns mecaniques particulicrs pour
saturer les bois
2° De I'emploi de ciilorure de zinc comme ageni prescr-
vateur.
Autres proccde's. — Bien que depuis 1845 de nombreux
essais aient cilc fails dans le but de trouver un mode do
preparation des bois a la fois efilcace et economique, les
moyens adoptes par Sir W. Burnett sont encore ceux qui
mc paraissen I devoir etre preferes. On trouvc dans les annates
des Ponts-et-Chaussees de Mars et Avril 1830, le rapport
d'une commission d'inspccteurs divisionnaires des Ponts-et-
Cliaussees, cbargee de constater les rt'sullats des essais fails
par M. Boiichcric pour la preservation dos bois, rapport dans
lequel sont decrits avec soin les divers nmyens d'injcclion
successivemenl Icntes par eel invcntcur. Aucun ne parait
sur, economique, expcdilif, comme le procede anglais. Cu
310 CONSERVATION DES BOIS.
sont des moycns pour ainsi dire primitifs.
Quanl a la liqueur a injecler dans les bois pour les
preserver de la pourriture, elle peut etre autre que la
dissolution do chlorure de zinc. 11 rcsulte en effet du rapport
que je viens de citer que le sulfate de cuivre dissous dans la
proportion de i k. 508 par hectolitre d'eau, jouit de pro-
priet^s conservalrices tres positives. L'elTet preservateur de
ce sel est-il de plus longue duree que celui du chlorure de
zinc? C'est une question que I'experience n'a pas, a ma
connaissance, encore resolue, et, tant qu'elle restera inde-
cise, celte dernifere substance aura sur le sulfate de cuivre
nn avantage qui n'est point a negliger, celui du prix de
revicnt.
Cherbourg, le 10 Fevrier 1853.
L'lncjenieur de la marine,
Signe : Am. Mangin.
CATALOeiiE METHODIOIJE
DES LICHENS
RECUEILLIS DANS L'ARRONDISSEMENT
de: cherbocro.
PAR
IH. P.-A. DELACUAPELLE.
1853.
Quelque petits qae fussent CPs objeti, iU itairnt
digues de mon atteDlion,puisqu'iU avaicot niriti
cclle de la netiirp.
BERNlRum D* SAi:<T-riEKK(.
Loisque, en 1826, je fis imprimer a Caen le catalogue dcs
lichens que j'avais recueillis dans I'arrondissement de Cher-
bourg, j'annoncai que j'etais loin d'avoir la pretention dc
donner la lisle de lousccux qui croissent dans nos environs *.
312 CATALOGUE
non seulemcnt un grand iiombre avaient ^chappe a mes
recherclies, mais encore j avais omis volonlairement ceux
dontla determination etait restt^e pour moi incertaine.
Oiioique, depuis cette 6poque, j'aie considerablemeiit
augmente le nonibre des Especes de ce catalogue, soitdans
mes excursions, soit d'apres les indications qui ni'ont ete
donnees, je pense qu'il reste beaucoup de veg(^taux de
cette famille a trouver dans notre localite.
J'avais adopts la nomenclature de la Flore francaise, de
Decandolle, et indique la synonymie d'Acharius, celt;bre
lichenograpbe su^dois, mais, dans ce nouveau travail, ayant
adopte la nomenclature du Botanicon Gallicum, de Duby,
qui a paru depuis, j'ai supprime tons les noms d'auteurs:
ce dernier ouvrage, qui est entre les mains de tous les bota-
nistes, donnant une synonymie assez complete des auteurs
qui ont traite cette matiere.
Comme dans mon premier catalogue, je donne d'abordun
tableau analytique des Genres, et, de plus, pour faciliter
autant que possible la determination des Especes, j'ai joint a
chaque nom de genre I'analyse des especes qu'il contient (1).
Par ce moyen j'espere rendre agreable une etude qui a ete
longtemps negligee, surtout a cause de la difficulteiJe dis-
tinguer par la seule description, etsans en avoir des ecban-
lillons sous les yeux, les lichens qu'on rencontre a chaque
pas.
Dans la famille des lichens, comme dans les plianeroga-
(1). Cette analyse etant im travail plutut elementaire et usiinl
que rigoureusement scientifiquc, je ne I'ai pas fait entrer dans lo
present volume, dans la crainte de trop le grossir, et d'abuser
du Lon vouloir de la societe imperiale academique. Voir, dans la
notice biographique sur mon pere, la lisle de ses opuscules et mc-
niuircs, -^- '^ '^-
BES LICHE.NS. 313
mes, il J- a ties Especes voyageuses ou passageres, remarque
que j'ai consignee dans le Catalogue des Piianeroganies de
rarrondissement de Cherbourg, ouvrage commence il y a
plusieurs annees, et que j'ai continue en y ajoutant chaque
annee les Especes qui m'avaient ecliapp6 auparavant.
Des observations I'aites pendant deux ct trois ans sur
quelques lichens dont j'ai pu suivre la vt''g6tation, il resuite
que plusieurs disparaissent peu-a-peu ou tout-a-coup des
localites oil ils se trouvaienl en abondance. Ainsi le Stereo-
caulon Paschale, que j'ai rt^colte dans une anfractuosite de
rochers sur les i'alaises de Flamanville,adisparu totalement.
Le Placodiuin falyens qui, pendant deux annees, (5lait
tr6s commun sur les dunes de sable pres de la redoute de
Tourlaville, n'a pas larde a en disparaitre, et, malgre mes
recherches dans des localites analogues, je n'ai pu retrouver
aucune trace de ce beau lichen.
Le Yariolaria Rosea, que j'ai signale dansmon premier
catalogue comme une Espece nouvelle et qui ne se trouve
decritedans aucun auteur, s'est reproduit plusieurs annees
de suite sur un mur de terre au pied de la montagne du
Roule. Depuis quelque temps il en adisparu : M. Bertrand
Lach^nee I'a retrouve sur un terrain analogue, dans la
commune de Ilardinvast. Le meme bolaniste a retrouv(3 sur
les rochers du Roule VUrceolaria Acharii, que j'avais
recueilli en abondance sur un rocher schisteux pros de la
Cavee de la Loge, et qui niaintenant ne s'y trouve plus.
Le Parmelia Pseudosinuosa de mon catalogue est le
mdme que le Parmelia Despreauxi, (l(''crit[dans le Bota-
nicon Gallicum. Ce lichen que MM. Lcnormant, Despreaux
et moi avons recueilli en abondance, il y a plus de vingt
ans sur les rochers aurevers nord de la montagne du Roule,
devient de plus en plus rare danscellc localito, et probable-
314 CATALOG IK
men I linira par en disparaitre toul-ii-fait.
t Receptacle pulverulent ou nul, place sur une croCite
pulverulenle.
LEPRA. (Dot. Gall.)
Ci'oute irregulit;i'e, pulverulente, receptacle nul.
L. Chlorina. Poussiereepaisse, velue, d'un jauneverdatre:
Croll sur les rochers humides et ombrages aux environs de
Cherbourg.
L. Flava. Poussicre etalee en plaques minces, d'un jaune
eclatant. Sur I'ccorce des arbres. Rare.
L. Leiphoema. Croute irreguliere d'un blanc grisatre,
paraissant lisse a cause de la t6nuite de la poussiere qui est
plus abondante sur les bords. Sur I'ecorce des arbres, prin-
cipalenient du chene etdu helre.
' L. Sulphurea. Croute d'un glauque verdatre, composee de
granules glabres. Croit sur I'ecorce des arbres, particuliere-
ment sur le chene. Vallee de Quincampoi.x. B. Lachfinee.
L. Botryoides. Croute mince, puis devenant epaisse, com-
posee de granules rugueux, agglomeres, formantdes plaques
vertes: au pied des arbres et des murs bumides.
L. Rubens. Croute mince, floconneuse, d'un rouge pale
etant fraicbe; ccndrcc elantseche. Ecorce des arbres.
L. Antiquitalis. Croute tres mince, noire, composee de
granules glabres, agglomeres, s'etendant en plaques larges
sur les murs ct les rochers.
CONIOCARPON.
Croute mince a peine grenue, receptacles luberculeux,
(
CKS LICHENS. 315
irregulicrs, reconverts d'unepoussierecolort'e, pen adliercnle.
C. Cinnabarinum. Croutelri'S mince, blancliutre; pustules
arrondies irregulierement, recouvertesd'une poussic're rouge:
sur I'ecorce desarbres.
VARIOLARIA.
Croute arrondie ou irreguliere, portant des receptacles
d'abord recouverts d'une poussiereabondanle, puis se creu-
sant en coupe concave.
V. Communis. Croute d'un blanc sale, plus ou moins
etendue; receptacles d'abord luberculeux, recouverts d'une
poussiere abondante,qui,'apr6s sacbiite, montre une cupule
irreguli^re, sansbordsdislincls, et dela couleur de la croute.
La Var. saginea ne se distingue que par I'arbre oil elle croit.
La Var. Aspergilla : croute d'un gris glauque ; poussiere
tres blanclie : croit sur les rochers au pied de la montagne
du Roule.
V. Discoidea. Croute irregulicre d'une saveur Ires amere ;
receptacles a rebords bien dtUermines dont le disque prend
une couleur plombee qui la distingue des especes pr^ceden-
tes : sur ies vieux arbres. La Var. Amara, Acb. sur recorcc
des arbres.
V. Rosea. Nob. Croute d'un blanc verdiitre en plaques
determinees, irrt^gulieres; lubercules nombreux, pelits,
con vexes, et recouverts d'une poussiere blanche lavee de
rose. A la chute dccette poussiere les lubercules s'atTaissent,
ct prescntent une coupe a bord mince ct comnie derhiree,
d'une couleur analogue a la croute. Cetle Espece croit sur la
lerre, au [)ied de la montagne du Roule, pros du Maupas.
V. Ccerulescens (Hot. gall. suppF), Acli. syn. p. 335,
croiile d'un blanc sale, ridde, fornuinl une plaque nrrondie;
316 CATALOG IE
receptacles confluents, d'un gris bleuatre : vieiix murs, au
Roule : B. Lachfinee.
V. Dealbala. Croute epaisse, fendillee, blanche : sur les
rochers, Hardinvast.
tt Receptacles tuberculeux, pMicilles, places sur une
croute pulverulcnle.
BCEMICES.
Receptacle presque globuleux porte sur un pediculc
charnu.
B. Tricetorum. Croute mince, blanchatre; receptacles pe-
dicules d'une belle couleur rose : croit sur la terra dans le
bois de Barnavast, pres de I'eglise du Theil. D.
B. Rufus. Croute d'un brun verdatre; receptacle et pedi-
cule d'un brun roux : croit sur la terre aride ct sur le revers
des fosses. C.
CALYCIUM.
Croute mince et ind(5terminee, quelquefois nulle. Recep-
tacles subereux, noirs, sessiies ou pedicules, d'abord con-
vexes, puis s'evasant au sommet en une espece de godet.
C. Quercinum. Croute grenue, cendree; receptacles pedon-
cules, d'abord con vexes, ensuile presque planes: sur I'^corce
des clienes; bois pres de la Glacerie.
C. Sessile. Croute blancbatre; receptacles sessiies, pyri-
formcs, a disque concave, cntoure d'un rebord plus pAlc ;
ecorce de differents arbres.
DKS IJCIIRNS. 3f7-^
La Var. Tnrbinatum, en forme dc loui)ic aplatic au
sornmet : croit parasite sur le perturaria communis.
C. Trachelinum. Achar. Botan. Gall. Croule blanche;
receptacles allonges, turbines, d'un brun fonce : sur recorce
des arbres, a Octeville; B. Lachenee.
fff Receptacles punctiformes ou plus ou moins allonges,
inseres sur une croule lisse ou grenue.
OPEGRAPIIA.
Receptacles plus ou moins allonges, isoles ou ranieux,
noirs ou recouverts d'une poussiere glauque, presque lou-
jours enfonces dans la croute. (Lirelles).
f Receptacles noirs, simples, peu allonges.
0. Radiata. Croute lissc d'un blanc devenanl olivatre;
receptacles (lirelles) blancs, sans rebords, isoles, ou souvent
rayonnant en etoiles, se rapprochant, quoique irreguliers,
de la forme ovale : croit sur I'^corce lisse de difTerents
arbres.
0. Notha. Croute blanchatre, pulverulente; lirelles planes
a rebords proeminenls : croit sur Ics arbres, principalcment
sur les ormeset les figuiers. B. Lachenee.
La Var. Vulvella prcsente les lirelles plus ou moins rondes
ou ovales, ayant une petite fente elargie au fond, ce qui fait
paraitre la lirclle concave : meme habitat.
0. Macularis. Sur une croute blanche pen marquee
croisscnt en groupe les receptacles ou lirelles. Ellcs sont
tenement rapprochees qu'elles ne prt^scntcnt a la vue qu'une
tache noiie ou rugueuse : sur la peau li.-5se des jeunes
318 CATALOGLE
branches dcs arbres. On a divise cette espece en deux
varictes : I'une, faginea, en plaques larges et arrondies ;
I'autre, queixina, en taches plus^ pelites, a lirelles plus
distinctes.
0. ilerpelica. Croute determinee, d'un brun olivatre;
lirelles ovales, allongees, plus nombreuses au centre : sur
I'ecorce des arbres.
0. Saxatilis. Croute tr^s mince, un peu roussatre, Ir^s
souvent nulle; receptacles arrondis, simples, plus ou moins
allonges, souvent rapproches do manierc a former une tacbe
noire sur les roches : croit sur le gres quartzeux a Ilerque-
ville : assez rare: Berlrand-Laclienee.
•ft Receptacles noirs, allonges, souvent rameux.
0. Atra. croute dt'terminee , arrondic, lisse, blancbc ;
rt^ceplacles longs, ^troits, flexueux, souvent disposes en etoile.
Dans la variety A. denigrata, les receptacles sont rapproches,
entremeles, et disposes en tache arrondie. La Var, Steno-
carpa a les receptacles espaces, convexes, rugueux, et le
disque presque invisible a cause du rapprochement de la
croute. L'espece et la variete sur Tecorce des arbres.
0. Lithyrga. receptacles droits ou flexueux, isoles ou
agglom(5res, saillanls, a bords rcleves et ne laissant qu'une
fente longitudinale. La croute, lorsqu'elle existe, est d'un
blanc sale: commune sur les pierres et les rocbers.
0. Calcaria, nc se distingue de la precedents que par la
couleur de la croute qui est d'un blanc Ires pur: se trouve
sur les murs de I'eglisc de Querqueville.
0. Epipasta. croute Ires mince, luisanfe, b!ancbc\tre;
receptacles tres espaces, les uns punctiformes, los autres
allonges ou rameux, nc depassant I'ticorce sur laquelle its
nES I.IOHENS. 319
croisscnt que dans leiir vicillessc: sur I'ocorce dii cliatai-
gnier: B. Laciicnee.
fff Receptacles noirs , reconverts d'une poussiere
glauque.
0. Sulcata. Croute blanchalre, lisse, quelquefois grenue
ou ridee; la receptacles, simples, quelquefois rameux, sont
proeminenls, convexes : ce qui Ics distingue facilemcnt,
ce sont les stries paralleles qui se font reinarquer sur la
surface dudisque: sur I'ocorce lisse des houx, aHardinvast:
B. Lachenee.
0. Coesia. Croute epaisse, blanche, puherulente; recepta-
cles enfonces, planes, ovales, allonges dans leur vieillesse,
et devenant d'une couleur grise: sur les jeunes branches
des vieux chines: B. Lachtinee.
0. Dentritica. Croute trie's blanche; receptacles disposes en
rameaux, divergents et fourchus : Cherbourg: B. Lachenee.
0. Scripta. Croute mince, menibraneuse, blanchatre;
receptacles simples ou rameux, enfonces dans la croute.
La Var. a. Limitata diffiire par une ligne noire qui
bordc la croijle.
La Var. b. Cerasi se distingue par sa cr6ute lisse, comme
vernissee, disposee en plaques transvcrsalos: les receptacles
egalement places et proeminents, paralleles entre eux.
La Var. Pulverulenta, une des plus communes de ce
genre, a une croOte rugueuse.
La Var. Serpentina a unecroiJte determinee, fendillee;
les receptacles sont longs, etroits, flexueux et entrelaces.
L'Espece et les Varietes se trouvent generalement sur
I'ocorce des jeunes branches de dilT(''rents arbres.
0. Betuligna. Cetlc especc a beaucoup de rapport avec
ro, Cerasi : on remarquc que le disque des receptacles est
320 UKS LICHENS.
plus noir, ct moins charge dc poussiore glauquc : se trouve
sur I'ccorce lisse du Bouleau.
0. Mutabilis. (Cheval.) Croule mince, d'un blanc glauquc,
non limitee; receptacles courts, oblongs, lineaires, les uns
isoles et epars, les autres rapproches et groupes : sur le Ironc
des vieux arbres: B.Laclicnoe.
0. Minuta. (Cheval.) Croiite fcndilloc, d'un gris blan-
chatre; receptacles simples, puncliformesou ovales,abordure
trfes prononcee, nombrcux et rapproches : meme habitat :
B. Lachcnee.
STIGMATIDIUM. (Bot. gall.)
Receptacles enfonces, punctiformes, sans bordurc.
S. Crassum. (Bot. gall.) Opegrapha crassa. (D. C.) —
Environs de Cherbourg.
ffff Receptacles tuberculeux ou en ecusson (Scutelles)
places sur une croiite adherente, plusou moins grenus.
PERTUSARIA.
Croute lisse ou grenuc, blanchatre; receptacles tubercu-
leux, de la couleur de la croiite, ct perct's de plusieurs
pores au sommet.
P. Communis. Croiile mince; receptacles rapproches,
separes par des fissures anguleuscs, gros, irreguliers, perces
au sommet de 3 a 5 petits trous noirs: commune sur tous
les arbres.
P. Leioplaca. Cctte especc se distingue de la precedente
DKS LICHENS. 3?1
par sa croiilc plus lisse, par scs receptacles plus cspuces, ct
se dechirant au sommet c» ouverture irregulicrc: sur Ics
troncs d'arbrcs, au pied du Roule; rare.
VERRUCARIA.
Croute mince; receptacles noirs, globuleux ou hemisplir-
riques, d'abord fermes, puis perces d'un pore au sommet.
t Especes qui croi.ssent sur Ic bois, ou surlccorce des
arbres.
s
V. Galactites. Croute mince, d'un blanc de lait; recepta-
cles petits, orbiculaires, un peu aplatis, espaces : commune
sur I'ecorce des jeunes brancbes d'arbres.
V. Epidcrmidis. Croute blanche, lisse, se confondant avcc
Tecorce; receptacles ecartes, oblongs, trcs petits, paraissant
sortir de dessous Tepidcrme : sur I'ecorce lisse du bouleau.
V. Pnnctiformis. Croute d'un brun clair, indeterminee;
receptacles presque globuleux, petits : sur I'ecorce lisse des
branches d'arbrcs. *
La Var. Ilyloica ne differe de I'espece que par son babilal :
clle croit toujours sur le bois denude, ou sur I't^corce qui
commence a s'ailercr.
La Var. b. Alomaria : croute mince, grise, socoriforidanf
avec recorce; receptacles tres petils, globuleux et luisants ;
sur I'ecorce lisse.
y. Cinerca. Croute lisso, blancbatre, puis fendillee; recep-
tacles petits, ht3m!splieriqucs,rasscmbl0s, presquoconfiiionls:
sur Ics ccorccs; souvent melee avec Ic Pateilaria parasema.
B. Lach(5ni}e.
V. Alba, Croiiti! Ir^s mince, blanche, dcvenanl grise et a
21
3?2 CATALOGUK
peine visiL'le dans sa vieillesse ; receptacles reunis, hemis-
])Iu*iiques, un peu luisants: rare.
V. Glahrnta. Celteespece, dont les receptacles sont un peu
enniques est rapporlee par quelques auteurs a la precedente.
Surl'dcorce des chenes, bois de laPrevallerie, aOcteville.
V. Olivacea. Croutelisse, olivatre, dtHerminee; receptacles
espac^s, ombiliqu^sau sommet : sur I'ecorce lissedes jeunes
arbres.
V. Nitida. Croute epaisse, luisante, souvent fendillee, d'un
b!anc-roussatre ; receptacles nombreux, hemispb6riques ,
enfonc^s dans la croute : sur I'ecorce de differenls arbres.
-ft Espfeces qui croissent sur les picrfes ou les rochers.
V. Coerulea. Croute d'une couleur gris de plomb; recep-
tacles hemispberiques, aplatis au sommet et enfonces dans
la croute : sur les rochers, a la grande Fauconniere, Cher-
bourg.
"V. Dufourii. Croute Epaisse, irreguli^re, d'un gris-blan-
chatre, fendillee; receptacles convexes, ouverts par un pore
au sommet, et places sur un rennemenl de la croute. Les
receptacles sont [ilns^ifaids que dans toutes les especes de
ce genro. S • • aux ehvirnns de Cberbourg; rare.
V. Ejjipv v ,-irise, un peu pulverulenle; recepta-
cles presque globuli'ux, perces au sommet : croit sur les
pierres de cl6lure, rivagede Tourlaville. R. LacbSnee.
v. Muralis. Croute mince, blanche, a peine distincte;
receptacles presque globuleux, enfonces : croit constamment
sur les vieux niortiers.
V. Nigrescens. Croute indelerminee, d'un brun noir; re-
ceptacles protuberanls, gros, coniques, souvent perces au
sommet, un peu luisants : crott sur les rochers, a la grande
Fauconniere.
bKS LICHENS, 323
V. HyJrela. Croute ccndrce, quelquefois devenanl brunc;
receptacles pelits, prcsquc globulcux, enfonces dans la
croute : croU sur les scliistcs humidcs, chemin de TAmont-
Quentin. B. Lach^nee.
V. Mucosa. Croute gelalineuse, d'un vert noir lorsqu'ello
est huniido, Ires lisse ctant scche; receptacles pctits, un pcu
enfonces : croit sur les pierres humiJes, au inoulin de Die-
letle, a Flamanville.
V. Maura. Croute noire, lisse, fendillee; receptacles pelils,
liemispheriqucs, ombiliques : croit sur les roclies au bord
de lamer; commune. B. Lachenee.
V. Glaucina. Croute grise, fendillee; receptacles confluents
d'un bleu noiratrc: commune sur les pierres, dans le che-
min de I'Amont-Quentin.
URCEOLARIA.
' Croute formee de tubercules planes ou concaves, s'ouvrant
a leur sommet en une sculelle enfoncee, entourLio d'un
rebord forme par la croiJte.
■ U. Acharii. Croute irreguli6rement arrondie, mince, tres
adlierentc, d'une coulcur ocliracee, plus ou moins foncee;
les receptacles sont prcsquc toujours rapproclics, au nombre
de 2-3, et paraissent a I'oeil nu comme une legere de-
pression de la croute: croit sur un roclier schisteux ,
chemin de la Loge.
U. Cincrea. Croute d'un gris cendre, fendillee en areolcs;
chacuno d'clles porte 1 a 3 points noirs, qui s'ouvrent on
scutcllcs cntourocs d'un bourrelet forme par la croule : croit
sur les rochers do granit, a Flamanville.
La Var. Polygonia conlicnt plusieurs rd'ccplacles dans
une arcole.
324 CATALOet'E
U. Scruposa. Croute d'un gris blanch^tre, inegale, grcnue,
lendanta sc fendiller; scutelles d'un noirbleuatro, entourees
d'un rebord saillant, crenele, pulverulent, forme par la
croute: commun sur les murs converts de terre.
LaVar. Bryophila croit sur les mousses dans la Mielle
de Tourkiviile.
U. Gibbosa. Ach. Syn. p. 139. Considere comme un
synonyme de I'U. Scruposa par Duby, doit elre regarde au
moins comme une variet(i de cette espece : 11 en differe par
sa croute verruqueuse.
PATELLARIA.
Receptacles (scutelles) sessiles, concaves etant jcunes,
puis planes et convexes, sans bordure, ou avec un rebord
qui n'est qu'une protubi^rance de la circonference de la
scutelle.
f Scutelles noires en dehors et en dedans.
P. Petrfea. Croute d'un blanc grisatre, quelquefois bleu-
atre, fendillee en areoles ; scutelles un peu enfoncces, planes
avec un rebord proeminent : croit sur les rochers et ies murs.
P. Nigra. Croute grenue, formee de papiiles gtilatineuscs
a I't^tat fraia, noire, fendillee en areoles 6tant seche; scutelles
rapprocbees, d'abord planes, puis convexes. Croit sur les
Lords de la Retenue, a Cherbourg.
P. Murina. Croute continue, d'un gris fonce; scutelles
luisantes, d'abord planes, a rebord renfle, puis convexes
sans rcbonJs : sur les rochers schisteux, chemin de la Logo.
Trouv6 par M. B. LachOnee.
P. Alba. Croute membraneuso, blanche, souvent un peu
DES LICHEES. 32S
verdatre, d'un aspect pulverulent; scutelles Ires petites,
planes, sans rebord : croit sur Ics mousses et les troncs
d'arbres.
P. Parascma. Croulc mince, grise ou verdatre, ceinlc
d'une iigne noire, a la maniere des cartes giographiques';
scutelles planes a bordure peu t^levee.
La Var. b. Punctata a les scutelles trcs petites, nom-
breuseset convexes: se trouvc, ainsi que I'espece, sur r(5corce
des arbres.
P. Carphina. DifTere du P. Petri-ea par ses scutelles qui,
d'abord hemispb^riqucs, deviennent planes el sans rebord en
vieiliissant: sur les murs d'un jardin. Passage n° 2, rue de
la Duclieo, a Cberbourg.
P. Fulgiana. Lecidea FuUjiana. Chevall. (FI. Par.) Ciier-
bourg. B. l.acbcnoe.
P. Sabulctorum. Croute etendue, d'un gris blancliatre,
quelquefois verdatre, grenue; scutelles d'abord planes ct
bordees, puis bemispberiques, sans bordure: crolt sur la
mousse au pied des arbres.
P. CitrincUa. Croute grenue, d'un jaiine verdatre: sur la
terreet les mousses; Cberbourg. B. Laciience.
tt Scutelles noires, cornees a I'interieur.
P. Premnca. Croute d'un blancgri&atre, epaisse; scutelles
eparses; d'abord planes, munies d'un rebord, puis irri-gu-
lieremenl convexes et sans rebord. Cotle espece, qui a de
I'analogie avcc le P. Parasema, en dilTerc par la largcur do
ses scutelles. Sur I'ecorce des arbres, bois de la Prt-valleric,
\\ Octcville.
P. Conllucns. Croute epaisso, grise, fendillec; scutelles
grandes, rapprocliees, confluenles, dovenant irresuIiOres,
32<7 ('ATALOGIE
presque globulcuscs, sans rebord : croil sur les rochers
gi-dnitiqnes, a Flamanville.
La Var. b. Delisei a Ics scutellcs un peu enfonc^es, et
conservantqiielques traces de rebord : acte trouvcesurunmur
ii la Polio, pros Cherbourg, par M. B. Lachfinee.
V. Immersa. Croute unie, blanche, pen apparente; scu-
telles un pcu enfonctes dans la pierre, planes avec un rebord,
puis un peu convcxes: sur les rocbers, a la i^tite Faucon-
n'lcre, Cherbourg,.
P. Laplcida. Croute d'un blanc cendre, mince, unie, fen-
dillee en petitesar^oles; scutelles eparses, incrustt"'es dans
la croute, .d'abord planes et a rebord proSminent, puis con-
vexes, sans rebord : sur lesrochers quartzeux.
La Var. Lithophila. Croute presque nulle, scutellcs planes
et anguleuscs: sur les pierres do cloture a Tourlavillc. B.
LachC'nee.
P. Elceochroma. Croute grenue, fendillee, d'un jaune
verdalre, grisatre par places: sur i'ecorce des arbres, le long
du Trottebec, a Cherbourg. B. Laehenee.
ttt Scutelles noires a Texterieur, blar>ches a I'int^rieur.
P. Enteroleuca. Croute mince, grise, grenue; scutelles
d'abord planes et bordees, puis convexes et rugueuses, sans
bardurc: sur I'i^corce des arbres. B. Laehenee.
P. Synolhca. Croute d'un vert noiratre : sur les vieillcs
barrieres, a Cherbourg. B. Laehenee.
tttt Scutelles noires a I'ei^lcrieur, rouges interieurement.
P. Sanguinaria. Croute grenuo ou ridee, grisc, plus on
moius glauque! En ouvrant une des scutellcs, on remarque
L)ES LICHEiNS. 327
un point rouge a la base, ce qui distingue facilement celte
espece : croit sur les rocliers.
ttttt Scutelles noiratres, recou vertes d'une poussicre plus
ou moins glauque.
P. Albo-Coerulescens. Croute blancbo ou grise, fendillee.
Les scutelles, dont le disque est recouvert d'une poussiere
glauque, ont le rcbord prive de poussiere et paifaitement
noil- : croit sur les pierres de granit, a Flamanville.
La Var. b. Turgida; a Octeville.
P. Siiacea. Croute mince, unie, d'un rouge d'ocre; scu-
telles d'abord planes avec un rebord, puis convexes ou dif-
formes : croit sur les roches scbisteuses, chemin de laLoge;
trouve par M. B. Lacbenee.
P. Margaritacea. Croute d'un blnnc grisaire, cntouree
d'une ligne noire; scutelles a rebords proeminents, recou-
verles d'une poussiere blanclie : menie localite. B Lachon'-
P. Epipolia. Croute blanche, epaisse, grenuc, fen I
les scutelles sont litiniis|)heriqu('s , prcsijiie ^! bu.tii.M^s,
recouvertes d'une poussiere grise, trt>s adb^rente : sur un
raur pres de la cbapelle Sl-Sauveur. B. Lachenee.
P. Sulphurea. Lecanora Sulphurea, Bctan. gall. Croiile
jaune, epaisse; scutelles convexes, diflormes, recouvertes
d'une poussiere d'un jaune bleuatrc : roches granitiques a
Fcrmanville,;;cflte du Val-dc-Saire.
f : Obs. La bordure formd'e par la croute manquant souvcnl
dans cctte espece, je I'ai conservec dans le genre Patellaria.
I'. Crelacea. D. C. 11. fr. P. Speirea,Vnr.Crcf(i(ca. Dub.
Bot. gall. Croute continue, luilvcruleiile, d'un blanc d*
lail : .surMcs picrrcs, a Ocle\ille.
328 CATALOGUE
-'•yyttt Sculellcs ile couleur faiive ou brune.
P. Iiicana. Croute epaissc, d'un aspect vein, blanclic,
glaiique lorsqu'elle est liumide, grisc etant sechc. Les scu-
lelles, qui sont trc;srares, sont d'unc couIpim' brune, avec un
rebord cntier el plus pale qut; le disquc. Cetle cspece, comi-
inunc au pied des vieilles souches, se rencontre presque
toujours sans sciitelles : acctelat, ellc a etc dt^crito par
differents auteurs sous le nom de Lepra incana.
P. Viridescens. Croute grenue, verdalre, d'un aspect pul-
verulent, s'etendant irregulieremenl sur les vieilles ecorces,
et nicme sur les mousses. Les sculcUes sontd'abordconvexes
et sans rebord, puis hemisphcriqucs etridees. Croit sur les
vieus pommiers, environs de Cherbourg.
P. Vernalis. Croute grenue, inegale, d'un vertgris; scu-
telles planes ou concaves, a rebord proeminent dans leur
jeuncssc, puis convexe et sans rebord. On rcmarque des
points noirs epars sur le disquc des scutcUcs. Croit sur
recorce des vieux arbres, a Ocleville.
La Var. b. Spba^roidca, P. Rosclla de D. C, se distingue
par ses scutelles devenant globuleuses et agglomerces.
Trouve sur de vieux arbres a Digosville. B. Lacbenee.
P. Rivulosa. Croiile d'un brun cendre, entouree d'uno
ligno noire ; scutelles brunes, noircissant par la dessication,
planes dans ieur jcunesse, devenant oonvexes et irregulieres
en vieiilissant. Couville, sur les roches quartzcuses.
La Var. Decussata, Achar.; nioiitagnc du Roule.
P. Decolorans. Var. Granulosa, Dub. Bot. Gall. Croute
continue, grenue, d'un grls blanchatre: montagnedu Roulc.
ttttttt Scutelles rouges ou rouge-brun.
P. Pacbycarpa. Croiitc grenuo d'un vert ]^"d\e, blan<;hissani;
DES LICHENS. 329
par la dessicalion , et s'ctendant irrogulioremcnt siir les
mousses, oii elle croit. Les sciitollcs sont concaves, avec un
rebord proeminent dans leiir jouncsse; grandcs, un pen
bombccs et sans rebord, en vieillissaiit. CroU sur ia niousse,
foretde Britiiiebec et aii Vrelot.
P. CEruginosa. Crofilc mince, conleur d'un vert de gris
pale; sculelles, d'abord planes, devenant dans Icur vieillcsse
convexes et ridees, sans bordiirc. Croit sur la lerre, parmi
lesvieilles souclies : monlagne du Roule.
P. Ferruginea. Croiite arrondie, cendree, un peu grenue;
scutelles d'un rouge brique, concaves a rebord proemirient,
puis convexes, deformees, avec un legcr rebord persistant:
sur Tecorce des arbres.
P. Lamprocbeila. Celtc espece, qui resserable a la precti-
denle, croit toujours sur les rocliers, ce qui la distingue
sufTisamment.
La Var. Ca3sio-ru(Ta B. g. a etetrouvee sur un mur dc la rue
des Macons, a Clicrbourg, par M. B. Lacbenee.
P. Micropliylla, Var. Picina. Croiite d'un aspect noiratre,
gelalineuse, formee de granules presses, commc imbriques.
Les scutelles sont noircs, planes. Donjon de Bricquebec, mai
-1846. B. Lacbenee.
tttttti't Scutelles jaunes.
P. Lucida. Croiite pulverulente, d'un jaune vcrdatre;
sculelles un peu enfoncecs dans la croiite: croit sur les
rocbers, a la grande Fauconniorc, ct sur les falaises de
Greville. B. Laclienee.
RinZOCARPON. S. C. (Patellarja, Bot. gall.)
Les especcs de cc genre no se dislinguent de celles du pre-
'.V-U) > CATALOUIE
codcrit (juc par los lignes noires qui so croisent a la surface
do ki croijto : ellos croisscnt loujours sur les pierres.
R. Geographicutn. D. C. —Patellaria geographica Bot.
gall. Taclies jaunes, brillantes, placees sur une croule noire,
lellemeut mince qu'elle ne paralt qu'une coloration de la
pierre, et servant de bordure a ces tachcs. Les scutelles, d'un
noir mat, avec un leger rebord, viennent toujours sur la
parlie noire do ce lichen. Commun sur les rochers.
R. Confervoides. D. C. —P. Atro-Alba. Bot. gall. Dans
cette cspece, une croiite d'un gris blanchatre se devcloppe
sur la pellicule noire qui sert a la plante de base et de bor-
dure. Les scutelles, noires, sont un pcu bombecs, avec un
rebord peu apparent. Rochers sur la montagne du Roule.
LeRhizocarponasteriscum.D.C. — Patellaria Atro-Alba,
Bot. gall., var. Dentritica: une a deux scutelles, petites,au
centre d'une laclie noire, de la base de laquelle rayonnent
des filets noirs, rameux, qui donnent a ce lichen la forme
d'un asterisque. Croit sur les rochers quarlzeux, landc de
Bruneval. B. Lachenee.
R. Arrneniacum. Cette espece ne dilTere du Rhizocarpon
geographicum que par ses ecaillcs qui sont d'un jaune
orange: sur les pierres.
LECANORA.
Scutelles sessilcs, planes ou con vexes, entourees d'une
bordure formee par la croutc.
-f Scutelles jaunes.
L. Vitellina. Croiite grenue, (Sparse, d'un jaune brillant;
scutelles de meme couleur, d'abord planes, puis convexes :
croit sur les rochers, ii la Fauconniere.
DES LICHENS. 33f
L. Citiina. Croulcd'iin aspect pulverulent, indclcrininee,
tl'un jaune vif. Cette cspece, Ires-cominune sur les murs, est
presque loujours privee de scutellos, lesquelles sont d'uu
jaune plus fence que la croute.
Le Lecanora Linckii, Clicvall., croissant sur les arbres,
trouve a Brix, par M. Lachi}nee, sur un vieil arbre, doit elre
consldere comme une variete du L. Citrina.
L. Luleo-Alba. Croute nuUe; scutelles d'abord planes, puis
convexes, avec une bordure du meme jaune que le dis(]ue:
croit sur I'ecorce des arbres.
La variete b. Aurantiara differe du type par la couleur
des scutelles, qui sont d'un jaune plus foncequela bordure:
celle-ci souvent blancliit sur les bords.
L. Cerina. Croute indeterminee, blancbe ou grise; scutelles
d'un jaune de cire, avec une bordure d'abord recouvertc
d'une poussiere blanche, puis devenant grise: croit sur
I'ecorce des vieux saules. B. Lachenee.
L. Lutescens. Croute pulverulente.'d'un vertjaunatre; les
scutelles, qu'on trouve rarenientsur cette espece, sont d'une
couleur carnee, brunissant par riige: croit sur les arbres,
aux environs de Clierbourg. B. Lachenee.
L. Ehrartiana. Croute rid(5e, grenue, fendillee, d'un blanc
verdatre: sur I'ecorce des arbres, monlagne du Roulc.
La var. Polytropa, sur les pierres.
L. Chloroleuca. Croiitc grenue, blanchatre; scutelles
agglomerc^es, concaves, d'un jaune verdatre. Rare.
i 1
Scutelles d'un brun fauvc.
L. Subfusca. Crodle phis ou nioins grenue, grisatre; scu-
telles planes a bordure cntiere et epaisse; commun sur
I'ecorce des arbres.
332 CATALOGUE
La var. a. Argenlata, Acli. Syn. Lich. p. 157, a h croftle
orbiculaire, blanche, tn*s lisse, et )cs scutelles planes avec
line bordure Ires enlierc: se trouve siir les arbres, pr^sde
la Glacerie.
La var. Atrynea, croit sur Ics pierres.
L. Scnipulosa. Croiite dt'temiinee, grise, verruqueuse,
fendillce; sculellcs de couleur cirejaune, brunissant en
vieillissant; bordure entiere, puis sinueuse. Celtc espece,
qui a bcaucoup dc rapporl avec la precddente, est la Var.
b. dii Lecanora sulpluirea d'apris Achar. melh. p. 169.
Croit sur les vieux arbres, au Maupas. B. Lachent^e.
L. Varia. Croiito irregulicre, a surface inegale, d'un jaune
verdalre; les scutelles a disque variantdu jaune au rouxbrun,
sont nombreuscs, a bordure llexueuse et crenelee. Sur le bois
denude et les vieilles barrieres. B. Lacbenee.
L. Craspedia. Croute blanche, grenue, inegale; scutelles
d'un rouge-brun en vieillissant: sur les rochers granitiques,
Cosqueville et Angoville.
L. Epibryon. Croiile blanche, irregulierementetendue sur
les mousses; scutelles d'un brun niarron, planes: a la
Jouannerie, a Octeville. B. Lachepee,
L. Retorrida. Croute d'un gris verdatre, grenue ; sur les
pierres. Environs de Cherbourg. B. Lachenee.
fft Scutelles rouges ou roses. ,
L. Ilaimatommn, Ach. Syn. p. 178. Croute epaisse, fen-
dillee, pulverulente, couleur de soufre; scutelles enfoncees,
d'un rouge sanguin, d'abord planes, puis convexes:sur
les rochers, a la grandc Fauconniere.
tttt Scutelles fauves, devenant bruncs ou noiratres.
L. Brunnea. Croute grenue, gelalincusc, d'un brun noi-
BKS Lir.ME.NS. .333
I'Atre; scutelles fauves, devenant d'un brun fonce en vieillis-
sant: sur la terre et los fosses, au village de la Loge.
ttttt Scutelles coulcur de chair, pales, ou reconvenes
de poussifire.
L. Turner!. Croute grenue, pulverulente, d'un blancsale,
verdatre; scutelles espacees, grandes, epaisscs, a disque un
peu concave, d'un rouge pale. La bordure, epaisse, est
d'abord entitire, puis crenelee : sur I'ecorce des vieux arbres,
a Flamanville.
L. Albella. Croute blanche, mince, cartilagineuse: sur
Tecorce des arbres, montagne du Route.
L. Parella. Croute tres blanche, grenue, verruqueuse,
fendill^e; scutelles de la couleur dela croute, larges, a bor-
dure entiere et epaisse : sur les troncs d'arbres et les pierres.
La Var. b. Tumidula differe de I'espece par sa croute
plus mince, par ses scutelles plus convexes, et par la bor-
dure moins epaisse: croit sur I'ecorce des arbres.
La Var. Palescens, beaucoup plus rare, croit sur les
rochers el sur I'ecorce des arbres, a Flamanville.
L. Tartarca. Croute epaisse, grenue, blanche, nn peu
cendree; scutelles larges, planes ou un peu bombees, do
couleur de brique pille, a bordure ondult'e: sur les rochers,
montagne du Roule.
L. Glaucoma. Croute grenue, d'un gris blanchatre, fen-
dillee; scutelles enfoncees dans la croute, d'abord planes,
puis bombees, a disque poudreux, variant dc couleur depuis
le. rouge jusqu'au brun noir : sur les rochers, a Flamanville.
L. Angulosa. Croute membrancusc, grise, d'abord lissc,
puis ruguensc et fendillee; les scutelles, a disque pale,
recouvertcs d'une poussicre glauque, se trouvant deforni(5es
par leur rapprochement: crotl sur I't-corce des arbres. .
334 CATALOGUE
L. Subcarnea. Celle cspeco, qui croit siir les rochers, a
bcaucoiip de rapport avcc la precedente. B. Lachun6c.
L. Hageni. Croule Ires mince, membraneuse, d'un blanc
grisatre ; sculelles devenant brunes en vieiilissant : sur
rccorcc des arbres. «
tffttt Scutelles noires.
L. Coarctata. Ach. Syn. p. f49. Croute etendue, irregu-
liere, un peu rugueusc, grise, fendillee en petites arroles;
scutelles a disque enfonce dans la croute, a surface plane,
k bordure elevee, un peu poudreuse, (^Iranglee de place en
place, de manierea former comme un cbapelet aulour du
disque. Croit sur un mur, cbemin dela Loge; tres rare.
L. Atra. P. Tephromelas, fl. fr. Croute arrondie, grenue,
«n peu ridee; sculelles eparses, a bordure un peu proemi-
nente. Celte espece est commune sur les rocbers ct I'ecorce
des arbres; elle difTere du Lee. Sabfusca par la couleur
noire de ses sculelles.
La Var. b. Confragosa, Ach. se distingue par la teinte
verdatre de sa croute : croit sur les vieux troncs d'arbres, a
Virandeville. B. Lach^nee.
La Var. Grumosa, Ach. ; croule d'un gris-blanchatre.
fffff R^'ceptacles places sur une croute formee par dos
ccailles ou folioles plus ou moins appliqu6es, mais libres, au
moins sur le bord de la croute.
rSORA.
Ecailles planes ou convcxes, dislinclcs, croissant sur une
croute pulvernlentc tres legere.
DES LICHEN?. 333
P. Vesicularis. Croiitc pnlverulenlc, noiralrc, croissant
sur la terrc ou parmi les mousses; porlanl dcs tubercules
foliaces, distincts, a lobes obtus et renfles d'lin gris sale ;
scutelles noires placees sur lecot^ de ces luberculesicommun
dans les mlelles de Cherbourg.
P. Lurida. Croule formee de folioles rondos ou lobecs,
imbriquees, se relevant a leur exlremile superieure, de cou-
leur livide, brune en dessus et moins foncee en dcssous.
Scutelles d'un brun dcvenant noir. Sur un mur pres de la
cliapelle Saint-Sauveur a Cherbourg. Mur pres le manoir a
Equeurdreville. Chemin de I'eglise, a Querqueville. B.
Lachenee.
P. Candida. Differe du P. Vesicularis par ses tubercules
foliaces, reconverts d'une poussiere blanche, adherente.
Moins commun.
SQUAMARIA.
Croute large, irreguliere, form(5e. d'ecaillcs ou folioles
epaisses, souventimbriquees, portant a leur surface des scu-
telles qui ne sont point enfonc^es dans la croute.
S. Crassa. Ecailles<5paisses, planes au centre, lobees sur
les bords, d'un vert jaunatre, blanches sur les bords, en
dessous; scutelles nonibreuses, rousses, a rebord blanchatre.
Falaises de la Hague, juin 18.^2. B. Lachfinee.
PLACODIUM.
Croute orbiculaire, adherenle, grcnue au centre; les
scutelles naissent sur la parlic grenue; les folioles qui
rayonnent du centre a la circonf(5rcnce nc sont visiblcs que
sur les bords.
:j36 t:\TALOGUE
p. Ochrolencum. Croiite d'un jaune vcrdatrc, orbiculairo,
n'(5tant souvent visible qiiesur les'bords, le centrese detrui-
sanl par I'agc. Lcs scutelles sont d'un brun fauve, a bordurc
moins foncee en couleiir. Croit sur les roches de granit, a
Flamanville.
P. Albescens. Croute rugueuse, putverulente, d'un blanc
sale; scutelles ramassces au centre de la croilte, pressees,
anguleuses, couleur de chair devenanl brunc. Commun sur
les pierres el les niurs.
La Var. b. Disperniura differe de Tespece par sa croule
presque nuUe, par ses scutelles eparses, etdevenant prcsquc
noires par la vetuste : meme habitat, niais plus rare.
P. Canescens. Croiitc blanchatre , farineusc, arrondie ;
scutelles d'un noir bleurure, a bordure blanche dans leur
jeunesse, etsans bordure lorsqu'elles sont vieilles. Commun
sur I'ccorce des arbres et sur les pierres.
P. Fulgens. Croiite d'un jaune citrin, en rosette orbicu-
laire; scutelles d'un rouge orangfi, eparses sur la croute.
Cette espece, que j'ai Irouvee croissant sur la terre, dans les
dunes, pres de la redoute de Tourlaville, se fait remarquer
par la couleur brillante des scutelles, ctla belle teinte jaune
de la croute.
P. Murorum. Croiitc verdatre 6tant humide, d'un jaune
obscur etant seche, grenue, a folioles elroites et convexes,
visibles seulement sur lcs bords; scutelles nombreuses,
ramassees au centre de la croute : se Irouve sur les murs.
La Var. Obliteratum, plus commune que le type.
P. Elegans. Cette espece differe de la precedente par la
couleur rouge-orange de la croute, par les folioles ecartees
les unes des autres, et par les scutelles petites, planes et
eparses : sur les rochers, a Flamanville.
P. Candicans. Croute rugueuse, blanche, a folioles ridees,
DKS MCHENS. 337
dilatiJcs sur les Lords; scutcUes noirtUres, rccouvcrles d'une
poussitre glauquo. Rare.
P. Candelariuni. Ne doit pas etre confondu avec Ic Par-
melia Candelaria. M. Chevallior, fl. parisienne, Ten st'paro
avec raison : il se rapprochc dii Phcodium Murorum.
COLLEMA.
Foliolcs de forme variable, d'une consistance gelatineiise ;
d'lin vert noiriitre (!'tant fratclies, raides et fragiles etant
soches; qiielquefois liljrcs.jmbriqiiees ou dressces, qnelque-
fois indislinctes, et no presentant ii la vueqii'iinc croiite
grenue el gelalineusfc.
Feiiilles libres, pen epaisses.
f Sculellcs brunes.
C. Nigrescens. Folioles Iranslucidcs, mollcs, flexibles et
papyracees, formant une rosette ridee; scutelles d'un brr.n
roussatrc: comiiiun sur I'ecorce des arbres.
(]. Furvum. Ccttc espccc dilTore do la procedente par ses
foliolcs couvcrtes, en dessus, de pelils grains nombrcux et
opaques: sur Tecorce dos arbres. B. Lacbencc.
C. Jacobea^fotium. Folioles membrancusesd'un vert fonce,
crepucs, decbiquclees; scutelles d'lui brun pourpre, a bor-
durc analogue fiux foliolcs: sur Ics murs couverts dc terre, a
Tourlavillc.
ft Scutelles rouges.
C. Lacerum. Folioles d'un vert glauque elant bumidcs,
22
338 fiATALOQlE
grises olant sechcs, minces, dressees, irregulieremcnt den-
telees, crepues; scntelles peu nombreuses, pctitcs el rouges:
parnii les mousses, chemin dos Rueltes au t^lcgraphe,
Cherbourg.
2 Folioles epaisses, formant un gazon de folioles redrcs-
s6es, imbriquecs ou peu distinctes.
C. Fasciculare. Croute d'un vert fence, formee de folioles
courtes, lobees ou crenelees, plissees; scutelles a disque
plane, rougeatre, un peu pediculees : sur les fosses, a Sur-
lainville : Murs du fort de Vauville ; oct. 1844.
C. Crispum. Folioles lobees, crenelees, arrondies, dres-
sees, formant une rosette d'un vert fence; les folioles,
distinctes seulement sur les bords, le centre n'ayant I'aspect
que d'une croCite grenue. Les scutelles sont eparses, rou-
geatres, planes et trtis grandes. Sur la terre, dans les Mielles
de Cherbourg.
La Var. a. Pulposum se distingue par la reunion de ses
scutelles au centre de la croute.
Dans la Var. v. Cristatum, loutes les folioles sont distinctes.
Ces deux varietes se trouvent sur la terre humide et parmi
les mousses.
La Var. Granulatum, sur un mur pres de la chapelle
Saint-Sauveur.
C. Tenuissimum. Cette esp^ce forme un petit gazon ras,
imbriqut^; les folioles sont lineaires, mullifides, dentelees,
tr^s serrees: les scutelles sont eparses, planes, d'un roux
brun: crolt sur les murs et la terre humide. B. Lachfin^e.
C. Nigrum. Voycz Patellaria nigra.
ENDOCARPON.
Frondcscarlilagineuses, duros, arrondies presqueen bou-
WKS i.it;i!F;>s. 3.i<.»
clier, Ic plus souvcnt sc|jarces, queUiuefois rassemblees,
lisses en ilessous; rucopUu'lcs renfcniics dans re[iaissoiir de
lafronde, el no s'annongant a rcxlerieurque par une peLilo'
elevation • term fnee'par un oiillco.
E. Fluvialile. Cettc ospece forme'sur. les pierres inondccs
de larges plaques de folioles, a lobos arrondis, releves, d'un
gns-verdalre a I'exterieur, roussatre en dessous : emit siir
les pierres au fond dc la riviere Divello, pres le pont du
Ronle, et dans un ruisscaii, au pied de la falaise, a Greville.
E. Tephroides. rolioles pclites, d'une couleur grise en
dessus, noire en dessous, un peu enfoncees dans la Icrre, a
rcbord irregulicr, cr6nele : sur la Icrrc et parmi les mousses,
sur le donjon de Bricqucboc, et dans les cn\ irons.
E.Pulchellum. Hook. LenormandaJunger mania, Delise.
Folioles d'un blanc-grisalre, a lobes creneles, relevcs sur Ics
bords, isolecs on rounies, et formant uncespe'ce de roscllo
irregulit're : croit sur les mousses ; asscz commune sur les
arbres et les rochers, sur les toulTes de la Jungermania
Tamari.\i, a Ilerqueville. B. Laclienee.
Obs. Le genre Lenormanda a ete forme aux depens du
genre Endocarpon. Acliarius, synon. Lichen, p. 100, rcgarde
I'Endocarpon viride qui sert de type a ce nouveau genre,
comme uneespece doutcuse, n'y ayant apercu aucune.tracc
de fructification.
PELTIGERA.
Feuille simple, lobi'e ; scutelles jjlanes, adiierentcs par
toule leur face inferieure, placees a rexlreniiltJ des lobes,
ordinairemcnt divis^s en forme d'ongle.
;■ Scutelles reni formes, placees sur lebord inferieur des
lobes, et recourbees en dessus.
3iO CATALOGUE
P. Resiipinala. Foliolcs lobces, incisees, cl'iin verl-grisalrc
pn (Icssiis et de couleur pale en dessous : crolt au pied de la
inontagne du Houlc , au pied dcs vicux arbres, panni les
mousses. '
P. Parisis. Feuille plissee, lobee, parsem^e au centre de
pulvinulcs granifornies : la face superieure est d'un brua
clair, I'inferieurc, nuc,d'un brun-noirutre au centre, se
fondant vers les bords en une nuance plus pale que la face
superieure : croit parmi les mousses, pres du hameau Que-
Yillon.
P. Loevigata. Celle espece, qui a beaucoup de rapport avec
la precedente, en differe surtoutpar sa structure plus petite :
meme localite : sc trouve aussi a Brix, au pied des arbres.
B. Lachenee.
ft Scutelles placces sur le bord superieur des lobes.
P. Horizontalis. Fcuillcs larges, lob(5es, d'un vert-blcuatre
t'tant humidcs, gris-blancliatre etant scches. Les lobes por-
tant les scutelles a leur extremite ont la forme horizontale :
sur les rochers, parmi les mousses, au pied do la montagne
du Route.
P. Polydactila. Dans cetti^ espece les scutelles sont plus
nombreuses que dans la precedi'ute ; elles sonl portees sur
des languetles redressees et verlicales : dans le bois.de la
Pierrc-Butee.
P. Canina. Cctte espece, tres commune, differe de Thori-
zontalis par des scutelles asccndantes, et des cspcces Pelti-
gera et Polydaclyla par scs lobes arrondis, et des scutelles
moins nombreuses.
P. Srutata, Fcuillcs a lobes arrondis, sinueux, crepus,
d'un gris cendrc sur la face superieure, rinfericureblancbe,
DKS LICHENS. 34 f
prcsque sans veines; Ics lobules porlant Ics scutelles sont
courts et redresses : crolt sur los vieillcs souches, parmi les
mousses, pros du liamcau Qiieviilon.
STICTA.
Fcuillc membrancuse, lobce oii inciseo plus ou moins
profondement. La face supericure est iiue, r(5ticulee, ou
couvci'te d'asptirilcs pulverulcntes , portant dcs scutelles
fixces seulement par le centre; la face inferieure est garnie
d'un duvet ftlus ou moins epais, laissant apercevoir des
points glabres, cnfonces (Cyphelles), ou dcs veines anasto-
mosees.
t Cyphelloes.
S. Sylvatica. Feuilles redressees, sinuees, lobdes irregulie-
lement, brunes en dessus, recouvertes eh dessous d'un duvet
noiratre entouranl des cyphelles blancbes. L'odeur desa-
greable qu'exliale ce lichen le fait aisemcnt reconnailre :
croit au pied des arbrcs, parmi les mousses, prt'-s de la
Glacerie.
S. Dufourii. Feuilles i lobes arrondis, dt^cliiquetis sur
les bords : la face superieure est d'un brun olivatre, avec des
laches de grains noirs; la face inferieure est garnie d'un
duvet, brun vers le centre, dcvenanl d'un jaunc sale vers les
bords : les cyphelles sont blanches. Celte espece rare a 6ic
trouvoe dans la foret de Bricquebcc, et parmi les mousses, au
l)icd dela monlagnc du Iloule.
S. Fuliginosa. Feuilles arrondics, pcu divisecs, d'un gris
cendr(5 en dessus et marquees de grains noirs nombreux,
couverles en dessous d'un duvet noiratre : ci.miinuu paiiui
342 CATALOGUE
les mousses, siir les roclijrs, an pied de la monlagne du
Roule.
S. Lim]):ila. FeuiUos cntii'res ou divisces en lobes courts
ct arronJis, formant nrie rosolto orbiculaire : leiir face
SLipcrifuro est lisso, d'lin gris roussatre, et mahjue de piil-
viniiles griscs, presque pulverulenles, disposes principale-
ment siir les bords; la face inferieiire garnie d'un duvel
briin cntoiirant des cypliclles blancbes : au pied des vieux
arbres, dans lesbois pros de la Glacerie.
S. Aiirata. Feuille elendue, divistJe en lobes arrondis,
sinueux, creptis el redresses; la face siiperieuce nue, lisse,
d'un vert sombre a I'etat frais, devenanl d'un rouge de bri-
que par la dessication. Le bord des lobes est reconvert d'une
poussiere d'un jaune brillant, qui en dessine les contours;
la f.ice inferieure est garnie d'un duvet brun au centre, so
fondant ct devenant fauve aux extremites des lobes. Les
cypbellcs sont nombreuses, et do la m^me couleur brillante
que lapoiissiere don ties lobes sonlrecou verts. Troncs de\^eux
lietres, dans un petit bois pres du chateau de Flamanville.
Cypliclles doutouses.ou nullos.
S. Herbarea. Feuilles divisees en lobes courts et arrondis,
sinuds et crC-pus sur les bords, formant une rosette orbicu-
laire, qui atteint jusqu'a 13 centim. de diametre; la face
sup6rieure est d'un vert gai etant humide, d'un brun oli\e
Otant s.-'clie; la face inferieure, blancliatre ct colonneuse :
croitsar les arbres, sur le revers nord de la monlagne du
Roule.
S. Glomulifera. Celte espece, qui a beaucoup d'analogie
avec la precedente, soil par la division et la disposition dts
feuilles, soil parson eiendue, s'en distingue facilcmcnt i^ir la
DES LIGHE.N'S. 343
coulcur, qui est d'un vert glauque, a I'etat frais, et surtout
par les paquets d'un vert-brun, assez gros, "composes de
fiiaments rameux, serres et entrecroises que Ton remarque
aux aisselles et sur Ics bords des lobes : sur le tronc dej
arbres, nieme localiltS que le S. Herbacea.
S. Scrobiculata. Feuille large, (Plaice en lobes arrondis,'
bossel^e, reliculee, glauque en dessus, garnie do paquets
pulv(5rulents d'un gris blancbatre ; la face inferieurea duvet
court, noiratre au centre, et jaune cliamois vers les bords :
conimun sur les arbres et les rochers, parmi les mousses; au
pied de la montagne du Roule, Cherbourg.
S. Pulmonacea. Feuille grande, etalee, a lobes profonds,
anguleux, rameux, tronques au sommet, creusee en r^seaux
nombreux; la face supt^rieure d'un vert olive ou brun, I'in-
ferieure d'un roux clair, glabre sur les saillies, noire ct
poilue dans les creux. On remarque souvent des paquels
tirineux, d'un gris de plomb, sur les bords des feuilles, et
les lignes brillantes de la surface superieure. Comraun sur
les arbres, et parmi les mousses, sur les rochers.
S. Linita. Ach. syn. Lich. p. 234. Feuilles a lobes courts,
arrondis, a surface reticulee, un peu luisante, d'unocouleur
olivatre, devenant d'un brun niarron par la dessication; la
face inferieure garnie d'un duvet, brun au centre, devenant
plus pale sur les bords.
Acharius fail observer que cette plante, a cause de la forme
arrondie qu'olfre son ensemble, et par d'aulres din'cronces,
doit eirc separee du S. Pulmonacea. Troncs d'arbres dans la
forel de Bricquebec. B. Lachenee.
PARMELIA.
F(?uille disposuc gend'ralemcnl cii rosollo adlierenlc, libve
5ii , CATALOGUE
sur Ics boi\ls, iinbriquee du centre a lacirconforence, divisce .
en lobes plus ou moins arrondis, ou laciniee, sonvent munie
en dessous do fibriUes radicales. Lcs scutellcs sontfixecs
sur la face supericurc par un poinl conlral.
Y Sculelles rouges, rouge-brun, ou brun-fonce.
P. Perlata. Feuillcelalee, divlsee en lobes courts et arron-
dis, crepus sur les bords, formant une large rosette, d'un
blanc-grisatre etant seche, d'un glauque verdalre etant
iiumide, sur la face superieure, I'inferieure d'un brunclair,
plus fonce sur les bords. Celte espece est trcs commune sur
lcs arbres el sur les rocbers.
La Var. Ciliata se distingue par les poits noirs quibordent
le dessous dcs lobes.
La Var. Celrarioides est plus irregulieremcnt arrondie; la
couleur de la face superieure, d'un blanc glauque, la face
inferieure noire et luisante, parsemee de points tubcrculeux,
remplagant les fibrilles dont on n'apercoit aucune trace : sur
les rocbers, parmi les mousses, pres du liameau Q.uevillon,
a Tourlaville.
P. Caperata. Feuille divisee en lobes larges et arrondis,
formant une large rosette, irreguliere, ridee et fronceedans
le milieu, d'un vert-jaunatre en dessus, noire el presquegla-
bre en dessous: commune sur les arbres et sur lcs rocbers,
P.Borreri. Feuille diviscc en lobes peu saillanls, plisses,
arrondis el creuses aux extremites , formant une rosetlo
presque adh^rente, d'un gris-blenatre, recouvcrts au centre
de pulvinules grises. La face inferieure cstnue sur les bords,
de couleur pale, plus fonceeel munie denombreuses fibrilles
bruncs vers le centre. Ce licben est rare dans nos environs.
P. Saxatilis. Feuilles iinbriqnoes, divisces en lobes sinucs.
DES LICHENS. 3i
40
(l^coup(^s, arrondis aijsommet; !a face siipoiieure est mar-
quee de lignes anastomosecs, grenues, imilant une espt'ce
de broderie. Ce lichen, qui est d'un gris cendrii dans sa
jeuncsse, devient, en vieillissani, d'un bi'.un-noiratie. Com-
niun sur les rochcrs.
La Var. Aizoni, Delise, plus rare dans nosen\ irons, se
distingue par les pulvinulcs grisalres qui recou\rcnlpresque
partoul la face superieura de ce lichen.
P. Omphalodes. Celte cspece diilOre de la precedenle, par
sa surface lisse, sans lignes de poussiere, et par sa couleur
d'un brun-olivalre : conimun sur les rochcrs.
La Var. Panniformisse reconnait au\ nombreuses folioles,
courles, en forme d'ecailles, imbriquees, un pen redrcssees,
et recouvrant la totalite de la plante : croit sur les rochers
granitiques, a Fiamanville.
P. Olivacea. Feuille d'un brun olive, etalee en rosette,
pulverulente au centre, luisante sur le bord des lobes : com-
mun sur les rochers.
La var. Fuliginosa se fait remarquer par la poussiere
noire et grenue qui recouvre prcsque la face superieure du
lichen.
Dans la Yai'. Delisei, les lobes de la feuille sent etroits,
enlremt'd«^s et non adherents. Cette variele croit a Marlinvast,
prcs de la Landelle. B. Lachenee.
P. Conspersa. Feuille divisee en folioles etroiles,Vlt^cou-
pees, sinueuses, planes, arrondicsau somniet, imbriquees
en uno rosette orbiculaire, quebjuefois irreguliere, d'un
jaune verdalre lisse. Cette cspece resscmblc par sa couleur
au Parmelia Caperata, mais elle est bcaucoup plus petite
danstoutes ses parties. Tres commune sur les rochers mari-
limes, u Sciotol, falaisesde Flanunnille.
La Var. b. Stenophylla se tail rctonnaitre jiar sa forme
3 16 CATALOGLK
irregiiliere, et par ses folioles allongeos, pinnatifides, fle-
xiieiises, etentremeloes : croilsur les rochers de la montagne
dii Rou!e.
P. Recurva. Cette espece forme siirles rochers une rosetle
adiierente de toutes parts ; la feuille est decoupee en lobes
rameux, lineaires, convexes endessus, d'un gris jaunatre,
d'un aspect pulverulent : environs de Cherbourg.
P, Sinuosa. Expansion irreguliore, peu adiierente; feuille
divis^e en lobes allonges, pinnatifides, a sinus larges el
arrondis : les lobes s'elargissent aux extreinites et se decou-
pent en lobules crepus; la face superioure est lisse, d'un
blanc glauque ; en vieillissant I'extremite des lobes s'arron-
dit, se boursoufle et se couvre d'une poussiere grise; la face
inferieure est noire, recouverte de fibrilles nombreuses.
Croit sur les rochers de la montagne du Roule.
P. Despreauxi. B. g. P. Pseudosimiosa (Nob.). Cette espece
nouvelle, que j'ai signalee dans nion Cataloguedes Lichens,
Caen, 1826, se fait remarquer par son expansion peu adh^-
rente, en rosette formee d'une feuille divisee en lobes
lineaires, sinueux, planes, de couleur jaune-verdatre sur la
face superioure; le sommet des lobes se renfle dans un age
avance, et se couvre d'une poussiere jaunc. La face infe-
rieure est noii'e et recouverte de fibrilles de meme couleur,
qui d^passent les bords de la feuille.
CettJ espece, Ires-voisine du Parmclia sinuosa, en difffere
par sa couleur qui ne change pas sensiblement par la
dessicalion, et par sa taille qui n'alleint jamais plus de 2 a
3 pouces de diamelre. Croit sur les rochers de la montagne
du Roule.
P. Loevigata. Ach., est considere par le Bot. gall., comme
line forme du P. Sinuosa : se trouve avec le precedent.
P. Physodes. Feuille imbriqiice, d'un jaunc glauque en
DES LICHENS. 317
dessus, glabrc et d'un beau noir en dessous, a folioles olroites,
decoupecs, convexes, obtuscs, renflces au soinmot: commun
sijr les rochers de la montagne du Roule.
La Var. Vittata sc distingue par ses folioles pinnalifides,
dlduses, planes, lineaires: memo localite.
P. Dialrypa. Celta cspece se 'distingue bien du P. Pliy-
sodes, en ce queries folioles sonl percees d'un rang do Irons
arrondis, et que la face inferieure estordiiiaircmcnllilanfhe
el Iibreuse": commun dans la mOuie localitc que le pr^'cedent.
P. Lanuginosa. Celleespece, disposee on rosette irreguliere,
d'un blancjaunalre, est recouverte d'une poussit're grenue
de meme couleur, qui ne laisse distinguer les lobes de la
feuille qu'a leur sommct: la face inferieure est recouverte
d'un duvet noir bleuatrc. Ce liclion croit sur la tcrre,
parmi les mousses, sur les rochers liumides, vallee de
(Juiucampoix.
P. Clementiana. Ce lichen forme une rosette orbiculairc
etquelquefois irr^guliere, blanche, "grenue: les lobes, qui ne
sonl distincls qu'a la circonfcrence, sont lacinies, croneles
et planes; la face inferieure est aussi blanche, munie seu-
lemcnt de quelques fibrilles noircs : croit sur le tronc des
vieux pommiers, a Herqueville, canton de Beaumont. B.
Lachenee.
P. Aleuriles. Feuille en rosette irreguliere, ridee, plissd'e,
a folioles planes, arrondies, crenelees, d'un blanc vcrdalrc
dans sa jeunesse , brunatre en vicillissant , couverte ,
excepte sur les bords, d'une poussiere grenue, adhercnle ;
la face inferieure est de la meme couleur, et porte quelques
fibrilles noiratres: se trouvc sur les vieilles barrieres el sur
le bois denude.
P. Speciosa. Feuille divis(''een folioles longties, incis^es,
rameuscs, d'un gris blanchatre, glabres; los bords drs lobes
348 CATALOGUE
releves, cripus ct bordes d'unc poussiere grisiitrc; la face
inf(irieurc, brune an centre et garnie do fibrilles, nue ot
blanche sur lesbordsi^sur les rocliers, parnii les mousses, a
Toiirlavillc, pres du hameau Quevillon.
P. Aquila. Feuillc diviscc on lobes allonges, convexes,
formant une large plaque imbriquee, dont les foHoles sont
elargies au sommet; en dessus, de couleur brun marron,
glabre; cdi dessous, de couleur pale, et souvent munie de
librillcs : commun sur les'rocbers, a Fiamanville.
ft Scutellcs noires.
P. Cycloselis. Feuillc divisee en folioles etroilcs, lin^aires,
non ciliees, disposee en rosette assrz reguliere, d'un gris
glauque, souvent pulverulente; la face infericure est spon-
gicuse, fibreuse et noire : croit sur les troncs d'arbres, sur
la route du Roule.
fff Scutelles saupoudrees d'une poussiere grise.
P. Pulverulenta. Cette espece forme une large rosette, a
folioles imbriquees, decoupeos, planes, obtuscs, un peu elar-
gies au sommet]; d'un gris roux t^lant seches, d'un vert gai
6tanl fraiches, ou lorsqu'on les humecte; la face infericure
est convene d'un duvet noir; la bordure des scutelles est
d'abord entiere, puis cr(5nelee : tres commune sur les arbrcs,
route de Oucrqueville.
P. Aipolia. Cette espece forme une rosette irreguliere; sa
couleur est gris-cendre : cequi la distingue de la pr6ct^dente,
c'est qu'elle ne cbangc point de couleur par I'humidite : croit
sur le tronc des arbrcs, h Tourlavillc.
P. Slcllaris. Feuillc decoupeecn roliolcs lineaircs, incisees,
DES LICHENS. 349
planes on convcxcs, d'un gris-cenJrc en dessus, blancliatrc
el a fibrilles; noiriitre en dessous. Cette espi^ce est disposec
en une rosetle orbiculaire, au centre do laquelle sont pla-
cces les scutelles, a bordure entiere, proeminentc, ct de la
couleur de la feuille. Croit sur les arbres, a Tourlaville.
P. Coesia. Fenille adherente, divisce en foliolcs lincaires,
deconpees, portant sur leurs bords des paquets de poussierc
grenue, bleuatre : la face superieure est d'un blanc ccndr6,
rinferieure, herissee de polls noiratres; les scutelles, a
rebord blanc : croit sur les pierres el parmi les mousses;
.rocliers au pied de la montagne dn Roule.
Observ. — Je n'ai jamais vu eel iciien sur I'ccorce des arbres.
P. Albinea. Rosette irregulierement arrondie, a folioles
etroites, a lobes nombreux, convexes, creneles el fascicules
au sommet; la face superieure est blanche el nue; I'infe-
rieure est de la meme couleur, ct munie de fibrilles egale-
ment blanches: j'ai tcujours trouve ce lichen prive de scu-
telles. Mur pres de la grande Fauconniere; peucommun;
trouve aussi a Bretteville et a Ilardinvast par M. B.
Lachentie.
P. Farrea. Cette espece forme une rosette orbiculaire d'un
gris blancbatre; les folioles sont laciniees, a lobes courts,
incises, creneles, a bords relev^s, reconverts d'une poussiere
grenue; la face inferieure est blanche, munie de fibrilles
d'un brun noir : sur les vieux murs, a Bretteville, rare. B.
Lachfinee.
tttt Scutelles jaunes.
P. Parietina. Ce lichen forme une rosette a.ssez reguliere,
et so distingue facilement par sa belle couleur jaune; c'cst
un des plus communs : on le trouve sur les arbres et sur Ic?
3-"i0 f.ATALOGlC
pieiTcs. Siir Ifs rocliers niaritimcs des I'ijlaiscs de Flaman-
ville, il se fait remarquer par ses larges plaijues d'un jaune
orange trcsbrillant ; serait-ce une Var. ?
V. Candelaria. Plaque. peuclcndue, adhcrenle, d'un jaurio
palo, it fulioles dislinctes, seulement a la circonference; a
lobes largi's et obtus, planes cL un peu ondules : croit sur les
murs du cbateau de Tourlaville.
La Var. s. L^xhnea fPhyciaPygmea, BorydeSl-Vincenl?).
Ce lichen, par sa petitesse, peut ecliapper a I'observalion,
et, au premier aspect, ne parait qu'une tache jaune, niaisen
Texaminant a I'aide d'une loupe, on reconnait aiscment
qu'il est forme de feuilles rampantes, presque imbriqueeset
libres, decoupees profondement en lobes lineaires s'elargis-
sant aux extremites, qui sont crenelles ct renflees : la face
superieure est d'une belle couleur citrine; I'inft^rieure,
blanche : je n'y ai jamais vu de scutelles : croit sur I'ecorce
des arbres, pres de Cherbourg, rare.
PANNARU.
DifTiljre du genre Parmelia par les scutelles, qui, dans le
genre Pannaria, sont adherentcs par toute leur face infc-
rieure.
P. Rubiginosa. Fcuille adhcrenle, imbriquee, divisee en
lobes divergents, sinueux et a bords crispes; d'un gris sale
a la surface superieure; I'inferieure couverte d'un duvet
bleu noiratre; scutelles centrales nonibreuses, a disquebrun
el a bordure blanchatre el crenelee : sur le tronc des arbres,
a Octeville, presde la Jouanncrie.
P. Phimbea. Feuille dispost^e en rosette orbiculaire, regu-
li^re, de couleur deplomb sur la face superieure, I'inferieure
DES LICHRNS. ,3 > I
garnie d'un diivcl f'pais d'un bleu noiraire; Ics lobes de la
feuille arrondis, crencles, pianos, rayonnaiit du ccnire a la
circonfiirence; scutclleseparses, brnnes, a bordure do meinc
couleur et tres entiert; : cominun sur les arbres, au Yrctot et
dans laforctde Bricqiicbec.
La Var. Myriocarpa se distingue par ses scutelles pins
pelites, tri'S nombreuscs et rapprochces : sur les troncs d'ar-
bres, a Virandeville et aux environs de Cherbourg: trcs
rare.
P. Conoplea. Feuille decoupee en lobes courts, creneles,
releves et crepus, recouverts d'une poudre de couleur gris de
plomb; les scutelles, d'un brun fauve, sont irregulieremont
convexes, souvent tuberculeuses, et sans bordure apparente :
la face inferieure de ce lichen est couverte d'un duvet laineux,
epaiset d'un bleu noiraire : sur les troncs d'arbres, parmi
les mousses, dans le bois de la Prevallerie , a Octc-
ville.
tttttt Folioles libres, plus ou moins dressees et dispo-
sees en gazon, glabres sur les deux faces, divisees en lanie-
res qui portent des receptacles scutelliformes, et sur leurs
bords des paquets farineux,
PIIYCIA.
Feuilles membrancuscs ou cartilagineuses, souvent bossc-
Ides irreguli^rement, planes ou canaliculees, nues ou ciliecs
sur leurs bords.
t Feuilles ciliees, scutelles visiblcs.
P. Chrysopbtalma. Feuilles d'abord blanches, puis dcvc-
3>2 GATALOGLK
nant jaunes, profondeinent dccoupecs eii folioles, duclii-
quetees et ciliees ; les scutelles son t jau nes dans leur jeunesse ;
en vieillissant, elles deviennenl d'un rouge dore. Ce lichen,
rare, croit sur les branches d'arbres, dans un bois taillis sur
la raontagne du Roule.
P. Ciliaris. Feuilles blanches en dessous, vert glauque en
dessiis, divisees en lanieres etroites, rameuscs, canaliculees
en dessous; les scutelles, a disque noiratre, plane, a bordure
blanchatre : commun surrccorce des arbres.
P. Tenclla. Cctle espece, qui a del'analogie ilvec la prcce-
dente, est beaucoup plus pelite dans toutcs scs proportions;
la couleur de son feuillage est d'un gris cendre sur les deux
faces : nicme localile que la precedente.
La Var. Leplalea. Feuillage vert t^tant humide, gris et un
pcu pulverulent etant sec; imbrique et formant, ainsi que
le P. Tenella, des rosettes comma les Parmelia, mais leurs
feuilles ne sont pas adherentes : sur les arbres, dans les
jardins, a Cherbourg.
-j-f Feuilles ciliees, scutelles manquant ordinairement.
P. Flavicans. Ce lichen forme une toufTe serree, a feuilles
dressces, menues, tres rameuses, a lanieres dichotomes, a
rameaux aigus, divergents et irreguliers, legerement con-
caves en dedans : sa couleur est d'un jaune dore, la face
inferieure un peu plus pale : commun sur les rochcrs, u
Fiamanviile.
P. Leucomcla. Feuilles diffuses, sc divisant en folioles
allongees, cuneiformcs, elargies et bifurquees au somniet;
d'une couleur blanc glauque sur la face supcrieurc; I'infe-
rieurc, d'un blanc mat : croit parmi les mousses, dans les
bois, rare.
OES MOHENS. I.'j.l
fft Feuillcs Don cilices, scutellcs manquaiU ordinairc-
nient.
P. Prunaslri. Feuille nioUu el membraneusc, pendante,
ridfie et bosselee irregulicrement; d'un Llanc cendre en
dessus, plus blanche en dcssous; divisec en Ian teres droites
ct lin^aires, garnies sur leurs bords de petits paquets])ulve-
rulents, blancs, Eombreux : conimun sur tousles arbrcs.
P. Glauca. Feuille large, 6tal6e, lisse, glauque en dessus,
■noire endessous; a lobes tri^s larges, presque imbriques,
crepus, farineux a rextreniit^ : croit sur les rochers, au
revers nord de la montagne du Roule.
La Var. B. Fallax, ne differe de I'espece que parce qu'elle
est blanche par places, en dessous.
RAMALINA.
Ce genre, detache du precedent, en differe seuleraent en
ice que, dans le Ramalina, les scutelles sont formees enliere-
ment par la substance rnemc de la feuille, et tr6s souvent
d'une couleur analogue.
7 Scutelles \isibles.
R. Fraxinea. Feuille carlilagineusc, d'un vert gris sur les
deux faces, ridee et bosselee, ordinairenient simple, afolioles
qui vont en s'elargissant ; on n'y remarque point de paquets
farineux : les scutelles, qui sont d'une couleur analogue a la
feuille, sont nombreuses eteparses sur les deux faces. Com-
inun sur les arbrcs,
R. Fastigiata. Cette espece nc differe de la precWenle
qu'en ce qu'elle est plus petite, plus touffue;, cl que ses scu-
23
3o4 CATALOGUE
telles sont placOes au sommet des ramcaux : croit sur les
arbres, dans nos environs.
La Var. Calicaris, plus rare, se distingue par les appen-
dices foliaces qui se trouvent sous les scutelles.
La Var. Exasperata se fait reniarquer par ses rameaux
comprimcs, dilates, et par ses scutelles concaves et meme
en forme de coupe : cette variete a ete trouv^e sur le tronc
des arbres, a Brettevilte, par M. B. Lachfinee.
R. Scopulorum. Les feuilles, comprimees, lisses, planes,
lineaires, un peu lacuneuses, d'un blanccendre, divisees en
rameaux entiers, amincis au sommet, naissent par groupes
serres; les scutelles, de la meme couleur que la feuille,
sont eparses vers I'extremite des feuilles. (La saveur tres
amere de ce lichen le fait aisement reconnaitre). Commun
sur tous les rochers de nos cotes.
La Var. D. Cornuata se fait remarquer par la couleur
noire de la base des feuilles.
Le Ramalina Calicaris de Linn, est leR. Scopulorum dont
les receptacles sont munis d'un eperon en dessous.
La Var. Divaricata, B. gall., sur les rochers maritimes, a
Fermanville, trouvee par B. Lachenee.
ff Scutelles manquantordinairement.
R. Farinacea. Feuille cartilagineuse d'un gris cendre,
glauque ou blanche des deux cOtes, allongde, et divisee en
folioles bifurquees, larges aleur base et pointues au sommet,
garnies sur les bords de gros paquets pulverulents : commun
sur les arbres.
R. Polymorpha. Cette esp^ce forme sur les rochers de
petites touffes serrees ; les feuilles sont planes , d'une
couleur pale, cendree, le plus souvent munies de petites
Dies LinifENS. 355
caviiSs longitudinales, divisccs enlranicaux lineaires aigus, Ic
plus souvcnt terminus par un petit rendement convert de
poussiere : commiin sur Ics picrrcs et sur les niurs.
ttttttt Receptacles tubcrculeiix oii en ecussons, places
sur des liges nues ou garnies d'ecailles ou folioles.
ROCCELLA.
Tigcs pleines, cylindriques, nn pen comprimees, d'une
consislance coriace, portant des paquets epars de poussiere
blanclic; receptacles lieniisphcriques, sessiles, (manquant
ordinairement).
R. Phycopsis. Tigcs nombrenscs arquees et fasciculees au
sommet, a rameaux courts et divcrgents, formant un gazon
serre : les tiges et les rameaux sont munis de paquets fari-
neux. Ce lichen est d'une couleur brun dair, lie de vin, mais
la poussiere blanche qui le recouvrc lui donne un aspect gris
blanchutre : se trouve sur les murs des maisons, a Qucrque-
ville et a Flamanville, quclqucfois sur les rochers.
USNEA.
Tiges rameuses, faibles, axiferes, a ecorce ci ustacee. Les
rticeptacles, en forme de bouclier, sont souvent cilies sur
lours bords.
U. Florida. Tige ferme, en branches capillaires, divergen-
tes, herissees de fibrillcs perpendiculaires a I'axe des bran-
ches, qui portent a leur extremitede larges sculellcs munies
sur les bords de cils ravonnanls. Ce lichen est d'un vert
356 CATALOGIE
cendre oujaunatre; il presenteune toufTe droite : commun
sur les arbres el les rochers.
La Var. Rubiginea, Achar. Synon. p. 305, se fail remar-
quer par la couleur rougeatre des tiges et des rameaux,
principalement a laparlie inferieure de la plante : commun
au pied de la montagne du Roule.
U. Plicata. Tiges longues, pendantes, a rameaux entre-
laces, blanchatres, munis de fibrilles, inclines sur leur axe;
les sculelles portent de longs cils rayonnants : sur les bran-
ches d'arbres.
U. Ceratina. Tiges rugueuses, couchces, pendantes, a
rameaux et fibrilles la plupart inclines a leur axe; la couleur
de ce lichen varie du gris verdatre au rouge brique : croit
sur les troncs d'arbres. B. Lachen^e.
U. Barbata. Tiges tres rameuses, courtes, branchues, a
filets simples et perpendiculaires a leur axe ; les scutelles
sont convexes, a rebord entier, sans cils rayonnants; la cou-
leur de ce lichen est le jaune verdatre : se tronve sur les
vieux arbres.
SPH(EROPHORUS.
Tiges libres, rameuses, lisses, croissant en groupes arron-
dis sur la terre et sur les rochers : les receptacles, qui sont
globuleux, sont places au sommet des rameaux.
S. Fragilio. Dans cette espece, les tiges forment un petit
gazon arrondi, se diviSent par bifurcation, et leurs rameaux
alteignent le meme sommet. Commun sur la terre et les
rochers; falaises de Flamanville.
S. Globiferus. Les tiges sont irreguliercment rameuses,
les rameaux, etalt^s; les suporieurs, un pcu divergents, ce
qui donne a ce lichen I'aspect d'un petit arbre : croit avec
le precedent, et au pied de la montagne du Roule.
DES LICIIfflSS. 357
S. Gompressus. Cette espece se distingue facilement des
pr^cMentes par sa couleur plus blanche et'surtout par ses
tiges et ses rameaux, qui sont visiblement comprim^s :
rochers pres du hameau Quevillon, a Tourlaville.
STEREOCAULON.
Tiges libres, rameuses, arrondies, diargees de paquets
gnenus, d'un aspect plus ou moins pulverulent.
St. Pascliale. Tige tortueuse, rameuse, ferme, blanchatre,
a rameaux divergents, ciiargees de papiiles pulverulentes;
receptacles aplatis, irreguliers, noirs, places au somniet des
rameaux. J'ai trouve cette espece dans une crique de rochers,
sur les falaises de Flamanville.
St. Nanum. Tiges filiformes, rameuses, surtout vers le
sommet : toute la planle est recouverte. d'une poussiere
blanche, cotonneuse. Cette esp6:e croil en abondance entre
les pierres des vieux murs de cloture, pr6s des falaises, u
Flamanville.
St. Condyloideum, Tige d'un blanc-jaunatre, ii rameaux
courts etdifformes, recouvertsde protub(5rances graniformes
qui masquent presque partout la tige et les rameaux. Les
receptacles, qui sont convexes , sont places au sommet:
crolt sur les pierres, dans une ancienne carriere de scliiste,
au Roule, chemin de la Loge.
CENOMYCE.
Tiges creuses, simples ou ramifiees, nucs ou garnies d'e-
eailles ou folioles, 6vasees au sommet en entonnoir, ou ter-
minecsen pointes aigiies : Receptacles subcrcux, convexc*^
338 , C#ALOGUE
fl
solitaires' ou agglorrK^Tcs , places a rextremite destiges ou
rameaux.
f Tiges nues, fistuleuses, simples ou rameuses, a rameaux
tous terminus en pointe aigiie : les receptacles sont charnus,
portes sur des pedicules tr6s courts et cylindriques places a
I'extremite des rameaux (Cladonia).
C. Rangiferina. Tige Ires rameuse, rameaux divises vers
le sommet^en especes de pinceaux courbes du meme cote :
comrnun sur la tcrre parmi les mousses.
La Var. y. Tenuior (Delise) est beaucoup plus petite dans
toutes ses parties; I'extremite des rameaux rayonnante et
pencliee : parmi les rochers, au pied de la monlagne du
Roule.
C. Sylvatica. Tige rameuse, droite, de la meme couleiir
que Tcsptee precedente; rameaux fascicules au sommet,
dresses ou b. peine penches : parmi les mousses et les rochers
au pied du Roule.
C. Racemosa. Tige droite, rameuse, a rameaux fourchus
et divergents : les rameaux sont subules, presque toujours
redresses, mais jamais penches du meme cote. On remarque
sur la tige des ecailles foliacees : la couleur de ce lichen est
un blanc-verdatre. Meme localite que le precedent.
La Var. Foliosa sc fait remarquer par ses tiges munies
d'ecailles foliacees, par le sommet de ses rameaux, fourchus
lorsqu'ils sont sterilcs, et presque en corymbe dans les
fertiles.
C. Furcata. Cette espece qui a beaucoup de rapport avec
la precedente, en differe par ses tiges allongees, subulees et
peu rameuses : croit parmi les mousses, dans les bois de la
monlagne du Roule, ainsi quo les varietessuivantes : Subu-
DES LICHENS. 359
lata, lige rameuse, lisse, ranieaux filiformes, entremeles,
fouroh'js et recourhp.s au sommet; fi. Spinulosa, rameaux
allonges, a ramuli's aiffus, redresses ; Y. Spadicea, lige et
rameaux de conlcur brunc, munis d'^cailles foliacees, glau-
ques en dessus el blanches en dessous.
C. Papillaria. Croiite grenue d'un blanc cendr^, surmontee
de petiles tiges fructifferes, venlrues : sur la terre, a Martin-
vast, aux environs du Dolmen, B. Lachent5e.
C. Pungens. Tiges et rameaux raides, nombreux, formant
une touffe de couleur gris-cendr(^, brunissanta I'extremit^
des rameaux. Y Var. Nivea, se distingue par ses tiges et ses
rameaux greles, llsses et d'un blanc assez pur : croit sur la
terre des vieux murs.
C. Uncialis. Tige droite, d'un blanc jaunalre, a rameaux
dichotomes, courts, se terminant ordinairement en deux
poinles divergenles.
La Var. b. Adunca, Achar. Syn. p. 277, en differe par
I'extremite de ses rameaux, radieset tcrmines en crochet
croissent sur le revers nord de la montagne du Roale.
ft Tiges fistuleuses, naissant sur des feuilles radicales;
epanouies au sommet en un entonnoir portant sur sesbords
des receptacles tuberculeux souvenl agglomer^s (Sphoero-
phorus).
f Receptacles fauves ou bruns.
C. Turgida. C. Varecha, Ach ; C. Candelabrum, Ehrli.
Sciphophoi'HS dijfusus, D. C. fl. fr.
Feuilles pinnatifides, etroites, arrondies, formant sur la
terre ud jjazon epais, d'un vert glauque en dcssus, blanches
360 CATALOGUE
en dessous : les receptacles sont places aulour de I'entonnoir
qui termine les tiges.
C. Gracilis. C. Lemocyna, Acli ; Sciphophorus Cornutus
D. C. fl. fr. — Tiges cylindriqiies rameuses, se lerminant,
les unes en pointe, et alors steriles; les autres, en entonnoir
etroit, et porlant des receptacles d'un brun fonce : revers
iiord de la montagne dti Route.
La Var. Elongata se distingue par ses tiges plus longues
et moins rameuses.
C. Squamosa. C. Sparassa, Achar. ; Scypli. Pixidatus,
Yar. Ventricosus, D. C . fl. fr. — La lige, ecailleuse e^
grenue, se diviseen rameaux renfles, ayant aleurs princi-
pales divisions des ouvertures d'ou partent leurs dernit^res
ramifications, et formenl autour de ces ouvertures une esp6ce
de couronne ; meme localite.
C. Delicatd. Cette es[)ece, qu'on ne Irouve que sur le bois
pourri, forme de petits gazons defeuilles, vert-pale en dessus,
blanchatres en dessous ; les pedicelles, ouverts au sommet,
un peu comprimes ; les receptacles, globuleux , fauves,
deviennent noirs dans leur vieillesse.
C. Cornuta. Var. Radiata ; Scyph. Pixidatus, Var.
radiatus, fl. fr. — Tige allongee, cylindrique, blanchatres
pulverulente, evas6e en entonnoir portant sur ses bords des
digitations rayonnantes : dans les bois et les rochers.
C. Coniocreia. Feuilles petites, arrondies, crenelees, tiges
peu rameuses, la plupart simples, glabres et verdatres a la
bas3, pulverulcntis et blanches au sommet : rare, croft sur
la terre, parmi les mousses. B. Lachenee.
C. Pixidata. D'une rosette de feuilles lobees, crenelees,
quelquefois detruites, et alors ne consistant qu'en une base
granuli'e, s'elevent des pedicelles simples, courjs, s'evasant.
1»ES LICHK.XS. 361
(le la base au soinmet en un entonnoir pres(iue enlier sur
les bords, et portant des rt^ceptacles de loriiie tres varices:
commun.
La Var. fimbriata. C. fiinhriaia, Acb. DilTere par les
bords de son entonnoir qui, au lieu d'etre entiers, sont
dechiquetes.
C. Pocillum. Thaleayant I'apparence d'une croute bomo-
gene, compos^e de folioles ^paisses, lacini6es, imbriquees,
luisantes, de couleur olive rougeatre: tiges courtes, minces,
evasees en entonnoirs etroits, non perces; les lubercules
fructileres, petits et d'un brun noir. Cetle espece se rap-,
proehe de la precedente, et peut en etre consider^e comme
une variete. Croit sur les pelonses seches, dans les Mielles
de Tourlaville.
C. Yerticillata. Folioles nombreuscs, red ressees,dt5cou pees
et crenelees, d'un vert pale en dessus, blanches en dessous:
toutes les tiges sont evasees en entonnoirs larges et denti-
cules; dans un age avanc^, le bord des entonnoirs se garnit
d'ecailles foliacees. D'apres Poiret, suppl. Encycl. meth. p.
364, ce serait une vari(5te du Scyphophorus pixidatus ou
Cornutus s. D. C. (1. fr. Croit dans les Mielles, rare.
C. Endivioefolia. Scyphophorus convolutus, D.C. 11. fr.,
feuilles en touffe large, rccoquill^cs et redressees vers le
sommet; blanches et concaves en dessous, d'un vert jaumitre
et convexes en dessus: les entonnoirs sont simples, en forme
de toupie allongee. Croit dans les licux aridos.
C. Coespitilia. Feuilles norabreuses, serrees, toutes dres-
s6es, formant sur la terre un gazon ras et epais, duquel
s'elevent des tiges simples, tr6s courtes, lisses, Evasees au
sommet en entonnoirs pen marques, couronnes par des
lubercules convexes, souvent agglomores. Croit sur la terre,
parmi les rochers, au pied de la monlagne du Roule.
3:; 2 GATALOGL'E ' '
ft Receptacles rouges ou rouge-brun.
C. Coccifera, Tiges tres courtes, de couleur blanc verdatre,
evasees en entonnoirs ; Ics receptacles sont d'un rouge vif,
un peu p^dicelles : croit sur les vieux murs de cloture, aux
environs de Cherbourg.
C. Defoi'mis. La tige est plus haute que dans I'espece
precedente ; elle est d'un blanc jaunatre, se termine en un
entonnoir, etroit, creneli^, puis s'agrandissant et se lac(5rant
en lanieres larges et portant des receptacles d'un beau rouge,
sou vent agglonieres: croit dans les bruyeres.
C. Bacillaris. Tiges greles, simples ou rameuses an som-
niet, quelquefois sterlles; lesfertiles s'evasent et deviennent
rayonnantes, d'un blanc cendr6 et d'un aspect poudreux;
receptacles d'un beau rouge : croit sur les vieilles souches,
montagne du Roule.
C. Bellidiflora. Tiges cylindriques, raides, d'un blanc
rembruni, couvertes d'ecailles foliacees, ces tiges toutes
evastes en entonnoirs etroits, garnis sur leurs bords de
receptacles trt>s rapproches et rougeatres.
La Var. Polycephala, se distingue par le somniet de ses
tiges, qui se divise en rameaux courts, surmontes de recep-
tacles agglomeres: menie localite.
ISIDIUM.
Tiges tres courtes, reunies et formanl une croute epaisse,
mamelonee en dessus.
I. Corallinum. Croute epaisse, grenue, comme mamelonee
a la surface, d'un blanc grisatre: croit sur les rochcrs gra-
niliqucs ii Flamanville.
DES LICHENS. 3G3
I. Westeringii. Cclte espece, que j'ai trouvee dans la niOriie
localite que la precedente, on dilTere par sa croute fcndillee
en areoles nombrcuses et i)ar la couleiir roiigeatre de cctte
croute.
I. Coccodes. Croute mince, fendillt^e, irroguliere, d'un
grls jaunatre, fornii^e de grains tres rapproches : croit sur
V^covcQ des arbres.
COMPARAISON DES DISTANCES
ENTRE
NEW-YORK
ET LES PORTS DE
CHERBOURG ET BREST,
ET IRAC£ DES ARCS;
-"^^•©et^s-
L'arc de grand cercle de New-York a Cherbourg est de
49° 48' 10" qui, pour 20 lieues marines par degre, font 996
lieues pour la plus courte distance de ccs deux points.
L'arc de grand cercle de New-York a Brest est de 48° 25'
<0", ou 968 lieues; difference 28 lieues en faveur de Brest.
Mais, d'autre part, de Paris a Brest 11 y a 90 lieues marines,
et seulement 54 de Paris a Cherbourg; difft^rence 36 lieues
en faveur de Cherbourg; en sorte qu'en definitive, la distance
de New-York h Paris serait encore plus courte par Cherbourg
que par Brest.
366 DES DISTANCES DE NEW-VORK
Sans doutc, le port de Brest est le fplus occidental de
France, mais I'arc do grand ccrole de New-York a Paris
passe fort au nord do Brest, puisqu'il coupe son meridien
(6° 49' 0.) par plus de 50° de latitude nord, traverse la pro-
vince de Cornouailles dans la partie meridionale de I'Angle-
lerre, et passe memeau nord de Cherbourg. A cause de lenr
construction particuliore, les cartes marines donnent unc
idee tres fausse des lignes de plus courtc distance, dans los
latitudes elevees, et c'est seulement sur un globe terrcstre
qu'on peut se faire une idee exacte des arcs de grand cercle,
ou lignes les plus direcles.
Sans doute, on ne navigue pas toujours en suivant les arcs
de grand cercle, surtout I'liiver, niome avec des vapours;
mais cnfin, il est bon de connaltre malhematiquement les
distances et les routes directes, pour qu'au moins certains
ports ne se prevalent pas des apparences, au detrirnent
d'autres qui, par le fait, sont plus sur la route. C'est dans
ce but que nous presentons a la societe Academique les
calculs de trigonometrie splierique dont nous avons donno
les resultats; ce globe et ces cartes marines sur lesqueiles
nous avons trac6 les arcs de grand cercle dont nous vcnons
de parler.
Depuis qu'il est question de paix.'on se preoccupe des
paquebots transatlantiques et nous avons voulu eclaircir ce
point special des lignes de New-Vork et du Canada etablies
rdcemment, et qui plus particulierement inleressent Cher-
bourg.
CALCULS DES DISTANCES.
Connaissant la longitude et la latitude de deux lieux
com me Cherbourg et New-York, on demande Tare de la
A f.HERnOlRfi KT RK1£ST. 3G7
terre snpposee sph^rique, intercepteenlre ces deux lieux, ou
ce qui revient au meme leur distance (voir le prohleme
XXXIV dans Gueprate, revolution d'un triangle spherique
obliquangle ABC). Cette question donne lieu au cas dans
lequel connaissant deux cfltes b et c, et Tangle compris A,
il s'agit de trouver le Iroisieme c6te a.
Abaissant Tare perpendiculaire P" sur le c6t6 c, on calcu-
lera le segment S par cette proportion
R ; cos. A : : tang, b ', tang. S.
le segment S' est done connu pulsqu'il est ^gal a c + S;
puis on obtiendra le cute a, par cette proportion
cos. S \ cos. S' : : cos. b \ cos. a.
Tatitndp [de Cherbourg N. 49" 38' 31"
Lauiuae ^j^ New-York N. 40" 40'
Complement j ^^ Cherbourg o\x b = 40" 21' 29"
latitude I de New-York ou c = 49" 20'
T.r.„;f„rio (de Cherbourg 0. 3° 57' 18"
Longitude ^ ^^ New-York 0. 76° 18' 32"
Difference en longitude = 72" 21' 34"
Angle au pole ou A = 72° 21' 34".
Log. cos. A= 9,481507 Log. cos. 8'= 9,913938
Log. tang. 7*. = 9,929320 Log. cos. i!» = 9,881962
Log. tang. S= 9,410827 Comp. log. cos. S 0,013944
S = 14° 26' 30" Log. cos. a = 9,809844
c = 49° 20' a = 49° 48' 10"
S' = c—S= 34° 53' 30" X par 20 lieues marines.
(latitude N.=:48° 23' 14" 996', 03 de
^''^^Mlongil'^' 0. — 6° 49' Cherbourg a New- York.
a = 48° 23' 20" 968', 44
de Brest a New-York.
.'3tJS OES DIRTAX.ES DE .\EW-YOHK
DU TRACE DES ARCS DE GRAND CERCLE.
\° Connaissant deux coto i el c ct Tangle compris A, on
oalculera Tangle B ;
2° Avec les deux angles A el B, el le cole b oppose a Tun
d'eux, on calculera le Iroisleme angle.
Pour determiner la posilion des points intermfidiaires,
soil x'ou x", x'" etc. du cult^ a, on formera aulanl de triangles
A Cx', A Cx",elc. donl les deux donnees i el C sonl cons-
tanles el la troisieme, Tangle au pole, A', ou A" ou A'" etc.
est fournie par la difference en longitude du point C avec
les points x', x" etc.
II suffiraqueles angles au polcsoient dedixendixdegres,
et ce sera Taffaire de quelques minutes seulement.
3° On calculera done le c6le c\ etc., avec les deux angles
C el A', et le compris b.
Les cotes c',c",c"' etc. ainsi obtenus, 6tant autant de coni-
plemenls de latitudes, on aura les latitudes des points
inlermediaires x', x", x'" etS^' dont on avail clioisi les
m^ridiens, en adoplant les angles A' A" A'" etc., dMuits
des diilerences en longitude (de dix en dix degres).
On aura ainsi le trace (si nous pouvons nous exprimer
ainsi) de Tare de grand cercle, qu'on pourra porter sur loutes
esp(^ces de cartes geographiques ou marines.
Ainsi, nous avons trouve pour le tracfi de Tare du grand
cercle de Cherbourg a New- York :
Points X' x« I"'
Long. 0. = 10°
20°
30°
Lalit. N. = 30»47'28"
51° S3' 38"
52° 11' 28"
A OHEKBOURG
ET nUF.ST.
X''
XVI
XVII
50"
60"
70°
ZC,^
40"
;il" 30' 5" 50° 6' 3i" 47° 35' 16" 43" 49' 18".
L'arc dc grand ccrclc de New-York a Paris, coupe le
meridien (3° 57' 18" 0.) do Cherbourg, par 49° 47' 18" de
latitude Nord; et celui dc Brest par 50° 22' 10" N.
Cherbourg, le 7 mars 1856.
Le Capitaine de Fre'gate,
E. DE ROSTAI.Ve.
54
TABLE.
Listc (los mcmbrcs Jo la Sociclt t
SlaUits (lu 5 jiiiii ISoi XllL
Notice biogiapliiqne siir M. P. A. Dclacliapcllo,
]);ii- M. de I'onlaiiiiioiil XIX
Notice biograpliique sur M. I'abhe Auger, par
M. de Pontaiiinont XXI If
Notice biograpliique sur M. le D' Obet, par M.
le D"^ Dufour XXVI
Notice liistorique sur la Societc impciiale acadenii(iue
de Gherbouig, par M. Noel 1
Discussion liistorique sur la digue de Cherbourg, iiar
le meme i<)
Taleograpliie de Cherbourg ct do scs environs, par iM.
de Ponlaumont 4:3
Medaillescl monnaics recueillies dans le deparlcnient
de la IManche (18.j2-53), par M. Denis-Lagarde. . . . s:i
Fragments d'hisloire locale, par M. le Sens <)7
Notice liistorique sur Bartheleuiy Pic([ucrcy el sur les
ennilages de Sl-Sauvcur et de St-Acliard, par M,
Lesdos 107
372 TABLE.
Notice sur la foire St-Clair, par M. Lo Jolis 127
Voyagn d'AIgoi' a Smyrnc, par M. le D'' Diifoiir 143
Notice sill" les ancicnncs fabriquos ilc draps de Ciier-
bourg, par M. Le Jolis 157
Notice siir i'arcliipel de Mcndana, par M. Jardin 174
Recherche biograpbique siir M. Desbayes, commissairc
general de la marine, par M. dc Pontaumont 239
Fables ct contcs, par M. de Lapparent 243
Rcnseignements sur I'eglise Saintc-Trinite de Cher-
mivg avant 1794, par M. Le Sens 259
Constalation de la nature d'unc parcelle d'acier etc.
par M. Besnou 275
FAlrail d'un rapport medico-logale, par le nieme 280
Memoire sur un precede employe en Angleterre pour
la conservation des bois, etc., par M. Mangin 297
Catalogue metliodique des Lichens de I'arrondissement
de Cherbourg, par M. P. A. Dclachapcllc 309
Comparaison des distances par Tare de grand cercle
enlre New-York et Cherbourg cl Brest, par M. Ros-
taing 36a
-^1 WIN. m
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