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Full text of "Mémoires de la Société d'émulation du Doubs"

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MÉMOIRES 


DE LA 


SOCIETÉ D'EMULATION 


PEROU RES 


QUATRIÈME SÉRIE 


CINQUIÈME VOLUME 


1869 


BESANCON 
IMPRIMERIE DE DODIVERS ET Ce, 


Grande - Rue, 87. 


1870 


MÉMOIRES 


DE 


LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION 


DU DOUBS 
1869 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 


Séance du 9 janvier 1869. 


PRÉSIDENCE DE MM. FaucomMPrRÉ ET BOULLET. 


Sont présents : 


Bureau : MM. Faucompré, président sortant, élu premier 
vice-président; Boullet, deuxième vice-président sortant, élu 
président; Girod (Victor), premier vice-président sortant; 
Grand (Charles), élu deuxième vice-président; Jacques, tréso- 
rier réélu; Faivre, vice-secrétaire réélu ; FU archiviste 
réélu ; Céston, secrétaire décennal'; 

MES RÉSIDANTS : MM. dus Bial, Bougeot, Bourche- 
riette, Canel, Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Ducat, 
Dunod de Charnage, Gaffarel, Gaultier de Claubry, Gouillaud, 
Grenier, Jacob, Lancrenon, Lhomme, Marchal, Marion, Renaud 
(François), Trémolières, Saillard, Wallon; 

MEMBRE CORRESPONDANT : M. Triplin. 

M. le président Faucompré annonce qu'il a recu, à l'occa- 
sion de son discours d'ouverture de la séance publique, des 
lettres de M. le sénateur Amédée Thierry et de M. l'inspecteur 
général Francis Wey, réponses trop gracieuses envers le pays 
et la Société d'Emulation pour que, malgré les indulgents 

(4 


ant 


éloges qu'elles contiennent à son adresse personnelle, il croie 
pouvoir s’en réserver à lui seul le contenu. 

« On a bien raison, dans cette noble cité des bords du 
Doubs, écrit M. Amédée Thierry, de me traiter comme un 
Franc-Comtois, car je le suis de cœur depuis quarante ans; 
mais une nouvelle bonne fortune pour moi, c’est de rencontrer 
en vous un autre enfant adoptif de la Franche-Comté. » 

« Pour les exilés volontaires du devoir, dit à son tour 
M. Francis Wey, ce qui vient de la terre natale a une saveur 
exquise. Le nom de notre ville, le mot Franche-Comté, ren- 


contrés dans un journal ou sur une affiche, me scintillent 


aux yeux comme des étoiles et me causent toujours au Cœur 
un certain mouvement. Jugez si la sensation est vive quand, 
dans un compte-rendu élégant et sympathique, je reconnais, 
loués comme ils le méritent, les noms qui répondent à mes 
premières affections, et lorsque j'ai le bonheur de retrouver 
une petite place au milieu d'eux! » 

Le procès-verbal de la séance ordinaire du 16 décembre 
1868, et celui de la séance publique du lendemain, sont lus 
et adoptés. 

. Les élections du 16 décembre se trouvant ainsi ratifiées, 
M. Faucompré déclare M. Boullet installé comme président 
et M. Charles Grand installé comme deuxième vice-président. 

M. Boullet, en prenant la direction de la séance, rend grâce 
à la Société, tant pour l'établissement qu'il représente que 
pour lui-même, de la distinction dont il a été l'objet. 

Il communique ensuite une dépêche par laquelle M. le 
Recteur de l'Académie universitaire remercie la Société du 


nouveau don de 189 objets qu'elle vient de faire au musée: 


d'histoire natùrelle : à la lettre est joint un double du procès- 
verbal de ce dépôt, qui a été opéré, le 30 décembre 1868, par 
les soins obligeants de M. le professeur Grenier. 

Par une seconde lettre, en date du 26 décembre 1868, M. le 
Recteur informe la Société que, sur la proposition de Son 
Excellence le Ministre de l’Instruction publique, Sa Majesté 


— HOT 


l'Empereur a fondé dans chacun des ressorts académiques un 
prix de mille francs à décerner au travail jugé le meilleur sur 
quelque point d'archéologie, d'histoire littéraire ou de science 
intéressant les provinces comprises dans le ressort. Les com- 
missions qui décerneraient ces prix devraient, suivant les 
intentions du Ministre, être formées en majorité par les pré- 
sidents et délégués des sociétés savantes des provinces inté- 
ressées. En conséquence, M. le Recteur invite la Société d'E- 
mulation du Doubs à déléguer auprès de lui quelques membres 
qui, sous sa présidence, s’entendraient avec les autres com- 
missaires pour arrêter le sujet du concours et en juger les 
résultats. 

D'un entretien que le conseil d'administration a eu l’hon- 
neur d'avoir à ce sujet avec M. le Recteur, il résulte que, dans 
le cas où notre Société accepterait l'invitation dont il s’agit, le 
nombre de ses délégués devrait être de trois. 

Délibérant sur ces propositions, la Société se déclare disposée 
à seconder, en cette circonstance comme en toute autre, les 
vues généreuses et libérales de Son Excellence M. le Ministre 
de l’Instruction publique : elle fournira done, dans les limites 
indiquées par M. le Recteur, sa part du jury relatif au nouveau 
CONCOUTS. : 

Quant aux commissaires à choisir dans ce but, elle estime 
que son président annuel doit en être de droit; puis un scrutin 
secret est ouvert pour élire deux personnes à l'effet de com- 
pléter la délégation. 

M, Castan ayant obtenu 27 voix et M. Gouillaud 21, ces 
deux membres seront adjoints à M. le président Boullet pour 
entrer dans le jury que M. le Recteur doit prochainement 
réunir. 

M. Grenier rend un compte sommaire de l'envoi fait à la 
Société par l'un de ses membres correspondants, M. Alfred 
Gevrey, procureur impérial à Pondichéry. Cette offrande con- 
siste dans une fort belle collection de coquillages du littoral 
asiatique, puis dans une mouche-feuille, insecte de l’île Mayotte 


— IV — 


(côte orientale de l'Afrique), qui a la forme de la feuille de 
l'arbre sur lequel il habite et, à la facon de ce même végétal, 
passe graduellement, dans le cours de sa vie, du vert-intense 
à la couleur feuille-morte. 

La Compagnie vote des remerciments unanimes à M. Gevrey, 
en échange de son gracieux souvenir, et arrête que les objets 
qui en résultent seront déposés au musée d'histoire naturelle. 

M. Auguste Jaccard, professeur de géologie à l’Académie 
de Neuchâtel, a fait hommage à la Société, dont il est membre 
correspondant, d'un exemplaire de son ouvrage intitulé : 
Matériaux pour la carte géologique de la Suisse, publiés par la 
Commission géologique de la Société helvétique des sciences natu- 
relles, aux frais de la Confédération; sixième livraison, Jura 
vaudois et neuchdtelois, avec deux cartes et huit planches de 
profils géologiques; Berne, 1869, 1 volume in-4° et 2 cartes 
in-folio. à 

Ce magnifique travail se recommande par bien des titres à 
notre attention : son savant auteur nous est connu, et nous 
n'ignorons pas ce qu il y a lieu d'attendre de la sagacité de ses 
observations; en second lieu, la portion de territoire suisse 
dépeinte dans l'ouvrage est géologiquement un corollaire du 
pays que nous habitons, et les données nouvelles qu y à 
recueillies M. Jaccard sont immédiatement applicables à notre 
sol; enfin l'exécution typographique de ce beau livre est faite 
pour charmer l'œil du lecteur. 

Désirant faire à ce cadeau un accueil digne de son impor- 
tance, la Société le confie à l'examen du plus compétent de 
ses membres résidants, M. le professeur Vézian, qui sera prié 
d'en faire l'objet d'un rapport. 

En attendant, des remerciments seront transmis à M. Au- 
guste Jaccard. 

Il sera fait de même à l'égard de notre confrère M. Paul 
Laurens, qui a bien voulu enrichir notre bibliothèque de son 
Annuaire du Doubs et de la Franche-Comté pour 1869, précieux 
recueil de documents statistiques sur nos industries locales, 


— VV — 


rassemblés avec une conscience et présentés avec une clarté 
au-dessus de tous les éloges. 

En l'absence de M. Chotard, chargé de négocier un échange 
de volumes avec la Société académique de l’Aube, le secrétaire 
fait connaître que cette compagnie ne peut disposer en notre 
faveur que des 2° et 3° séries de ses publications. 

L'Assemblée, jugeant la question au point de vue de la 
réciprocité, est d'avis qu'il soit offert à la Société académique 
de l'Aube les 13 derniers volumes de nos Mémoires. 

Au sujet d’un envoi d'objets et de notes fait par M. Carme, 
membre correspondant, M. Alphonse Delacroix communique 
le rapport qui suit et dont l’Assemblée vote l'enregistrement : 

« En réponse à une demande de renseignements ayant trait 
à la recherche de l'emplacement de Dittation, M. Carme a 
envoyé tout à la fois une caisse d'objets et des notes intéres- 
santes sur les rencontres faites par les travaux du chemin de 
fer de Chalon-sur-Saône à Dole. 

» De Pierre à Authume, les ruines indiquées par la Carte 
de l’Etat-major seraient, dit-on, celles d’un château du qua- 
torzième siècle. Il en reste de grands pans de murailles en 
briques. Mais sur le sol de l'enceinte du castel, abondent les 
restes de tuiles romaines. Il y aura donc à examiner si la 
partie des ruines laissée sur place par les démolisseurs ne 
serait pas un noyau de l'époque antique, que le moyen âge 
aurait utilisé. 

» À Beauvoisin, les travaux du chemin de fer ont passé à 
côté d’une enceinte circulaire, d’un hectare de surface, assez 
effacée, située sur la colline appelée Charmoncel, ouvrage 
qu'il ne faut pas confondre avec un reste de fortification très 
rapproché et qui provient de l'ancien château de Beauvoisin. 

» En se rapprochant d’Asnans, à deux kilomètres du village, 
le chemin de fer passe sur le Champ-des-Morts, mais sans 
l'entamer. 

» M. Carme a été frappé des vestiges du travail des hommes 
qui abondent sur le territoire d'Asnans et qui y concordent 


NE 
avec le souvenir de nombreuses trouvailles : armes de pierre, 
objets de bronze, mosaïques, monnaies romaines, débris de 
conduite d'eau, etc. 

» Les fouilles de la gare de Chaussin ont révélé l'existence 
en ce lieu d'un cimetière germanique. M. Carme a recueilli 
plusieurs des objets fournis par les sépultures. À l'exception 
d’une seule que notre confrère n’a pas vu ouvrir, laquelle 
consistait en une tombe renfermant un glaive à deux tran- 
chants avec poignée de bronze, toutes ont livré le scramasax, 
le petit couteau , la boucle de ceinturon et le vase noir orne- 
menté traditionnels. Parmi ces objets, M. Carme a choisi 
pour nous un scramasax long de 37 à 40 centimètres, une 
moitié de boucle de ceinturon et un beau vase qui est le simi- 
laire de ceux qui nous proviennent de gisements analogues. 

» Entre Chaussin et le Doubs, le chemin de fer rencontre 
un nouveau Champ-des-Morts, qui pas plus que l’autre n’a été 
fouillé. 

» Plus loin, un peu avant Port-Aubert, on trouva un puits, 
recouvert par le sol et indiqué cependant par le lieu-dit de la 
contrée : Pièce-du-puits. Cet ouvrage, maconné avec’ grand 
soin, renfermait, dans sa partie la plus basse, des tuiles : 
romaines, des débris d'amphores et de’ vases à pâte fine en 
terre rouge dite de Samos. Près du puits, au milieu de débris 
céramiques de l’époque romaine, était une meule en granit 
ayant 60 centimètres de diamètre. 

» M. Carme présente, au sujet de Port-Aubert, cette obser- 
vation : que de la Saône jusqu’en ce lieu, le Doubs a nécessité, 
par ses ravages, une série incessante de digues, mais qu'au 
point où il vient de recevoir la Loue, il n’a plus besoin d'être 
ainsi Contenu; que ce confluent est un emplacement naturel 
de ville de commerce, et qu'une route antique, dont les habi- 
tants connaissent le tracé sous leurs champs entre Molay et 
Tavaux, traversait aussi le Doubs à un kilomètre au delà de 
Port- Aubert. À l'endroit du gué ou du pont de passage, 
M. Carme a reconnu sous d’eau les restes d'un pavage ancien 


mans 


et sans emploi dans l'état actuel de la distribution des villages 
et des routes modernes. 

» Notre zélé confrère prépare une carte à l'appui de ses 
notes, et annonce l'envoi de nouveaux objets. » 

La Société, justement reconnaissante du fructueux concours 
prêté par M. Carme aux études de l’un de ses membres les 
plus distingués, décide que cet honorable correspondant sera 
remercié, et que les objets.qui composent son envoi seront 
déposés au musée d'archéologie. 

La Société vote ensuite l'impression des sept lectures qui 
ont rempli la séance publique. 

Sont présentés comme candidats au titre de membre rési- 
dant : 

Par MM. Boullet et Castan, M. Viennet, surveillant général 
au Lycée impérial de Besançon ; 

Par MM. Charles Grand et Castan, M. Zaremba, premier 
commis de la direction des domaines. 

MM. Delacroix et Castan demandent le titre de membre 
correspondant pour M. Thuriet (Charles), juge de paix, à 
Amancey. 

A la suite d’un scrutin secret portant sur les candidatures 
posées dans la précédente séance, M. le président proclame : 


Membres résidants 


MM. Devizcegionor (Alfred), pharmacien ; 
. Jacques pe FLeurey, chef d'escadron d'artillerie ; 
Bosseux (Louis), professeur de rhétorique au Lycée 
impérial. É 


Le Président, Le Secrétaire, 


BouLLET. A. CASTAN. 


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Séance du 13 février 1869. 


PRÉSIDENCE DE M. BouLLETï. 


Sont présents : 


Bureau : MM. Boullet, président; Faucompré et Grand 
(Charles), vice-présidents; Jacques, trésorier; Faivre, vice- 
secrétaire; Castan, secrétaire ; 

Meugres RÉsIDANTS : MM. Androt, Bial, Bosseux, Cordier, 
Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Ducat, Gaffarel, 
Gtultier de Claubry, Girod (Victor), Gouillaud, Grenier, Jacob, 
Lancrenon, Lhomme, Marchal, Métin, Michel (Brice), Picard 
(Arthur), Renaud (François), Saillard, Sire, Vivier (Edmond), 
Voisin, Vuilleret, Wallon, Widal. 

Le procès-verbal de la séance du 9 janvier est lu et adopté. 

Par une lettre en date du 6 février courant, M. le marquis 
de Marmier notifie à la Société le décès de son beau-père, 
M. le marquis de Moustier, sénateur, ancien ministre des 
affaires étrangères et président du Conseil général du Doubs. 

En apprenant officiellement cette perte immense qui prive 
la Franche-Comté d'un incomparable patron, la Compagnie 
est unanime à s'associer à la profonde douleur dont le pays 
est encore pénétré; elle se souvient avec émotion du. bien- 
veillant intérêt que M. le marquis de Moustier, alors ministre, 
voulut bien témoigner à ses efforts et à ses travaux, en désirant 
dans nos modestes rangs une place où il espérait, après sa 
retraite, venir travailler avec nous à l'édifice de cette histoire 
franc-comtoise qu'il aimait à l’égal de celle de sa famille. Une 
telle pensée, de la part d’un homme aussi éminent, est un 
titre d'honneur pour la Société d'Emulation du Doubs, et 
achève de lui rendre exceptionnellement précieuse la mémoire 
de l’illustre défunt. 

S'inspirant de ces motifs, la Société délibère à l'unanimité 


que ses sentiments de condoléance seront transmis à la famille 
de M. le marquis de Moustier, puis qu'une notice retracera 
dans ses publications les titres qui recommandaient ce grand 
citoyen à l'estime de la France et à l'affection de la Franche-" 
Comté. 

La Compagnie, sur la proposition de son secrétaire, émet le 
vœu que M. Jules Valfrey, auteur déjà d’un remarquable 
article sur M. le marquis de Moustier, veuille bien se charger 
de la rédaction de cette notice. 

Il est ensuite donné lecture d'une circulaire ministérielle 
nous informant que la huitième réunion des délégués des 
sociétés savantes s'ouvrira, à la Sorbonne, le mardi 30 mars 
prochain, et nous invitant à transmettre, pour le 10 mars au 
plus tard, les noms de nos représentants, ainsi que les travaux 
d'histoire et d'archéologie dont, après audition préalable, nous 
désirerions proposer la lecture. 

Le secrétaire fait connaître à ce propos que M. Drapeyron 
veut bien être cette fois encore notre lecteur dans la section 
d'histoire de la Sorbonne, et que MM. de Rochas et Castan 
ont les mêmes dispositions relativement à la section d'archéo- 
logie. Ces trois auteurs travaillent activement à leurs mé- 
moires, mais ils désirent avoir le plus long temps possible 
pour les achever. Il y aurait lieu en conséquence de fixer à 
une date très rapprochée du dernier délai d'envoi la séance 
du mois de mars, dans laquelle ces travaux seraient entendus. 

Adoptant cette manière de voir, la Société fixe au lundi 
7 mars la tenue de sa prochaine réunion. 

Une dépêche de M. l'Inspecteur d'Académie appelle notre 
attention sur les concours cantonaux et l'exposition scolaire 
récemment institués, en nous demandant de prendre part à la 
souscription ouverte dans l'intérêt de cette double entreprise. 

La Société ne peut qu'applaudir à une institution « dont Île 
résultat, comme le dit fort bien M. l'Inspecteur, doit être de 
provoquer les efforts des maîtres et des élèves de nos écoles 
primaires; » mais les charges qui pèsent sur notre budget 


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nous interdisent d'aller au delà de ce témoignage de vive 
sympathie. Il est d’ailleurs dans les traditions de la Compagnie 
de réserver ses faibles «ressources pour les œuvres dont elle a 
* l'initiative ou à la gestion desquelles elle participe, et, dans la 
circonstance présente, nous ne sommes instruits de l'affaire 
que quand son organisation est complète et quand la généro- 
sité privée s'est manifestée avec éclat en sa faveur. La Société 
n'en recommande pas moins la souscription dont il s’agit à la 
libéralité individuelle de ses membres. 

Le secrétaire communique, au nom de M. Thuriet, juge de 
paix du canton d'Amancey, une note, avec dessins à l'appui, 
sur un menhir et un muraillement antique, dont la découverte 
ajoute deux traits nouveaux à la topographie archéologique 
du pays d’Alaise. 

L'Assemblée accueille cette communication avec intérêt et 
gratitude ; puis elle en vote l'impression dans le prochain 
volume de ses Mémoires. 

Suivant une habitude inaugurée l'an dernier et dont la 
Compagnie est aussi flattée que reconnaissante, M. Paul Lau- 
rens, membre résidant, nous a transmis un état de situation 
de la fabrique bisontine d'horlogerie. Cette note, retenue pour 
entrer dans le procès-verbal, est ainsi conçue : 

« L'intérêt que la Société d'Emulation prend à toules les 
choses qui touchent à l'expansion des forces productives du 
pays m'autorise à penser qu'elle applaudira aux progrès per- 
sévérants de notre fabrique d'horlogerie. 

» Le nombre de montres soumises, en 1868, au contrôle de 
la garantie, à Besancon, a dépassé celui des exercices précé- 
dents : 

117,567 montres en or, 
et 218,394 montres en argent. 


En tout 335,961 


» L'exercice 1867 avait donné 334,649 montres ; 1866, 
305,435, et 1865, 296,012. 


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ML. 


| — XI — 

» Et encore faut-il noter que près de cinq mille pièces, non 
comprises dans le total de 335,961 montres, ont été établies 
chez nous avec des boîtiers tirés de la Suisse. 

» Le résultat de la dernière campagne est donc très remar- 
quable. Notre industrie horlogère résiste aux commotions 
qui agitent les autres branches d’affaires et en compromettent 
l'essor. 

» Les introductions de montres suisses ne se sont pas ralen- 
ties. 59,932 montres étrangères ont été importées en 1868, 
pour 47,435 en 1867; ce qui prouve que les exigences et les 
besoins se multiplient. 

» Toutefois l'avenir et la stabilité de la fabrique bisontine 
ne seront bien sauvegardés que le jour où elle parviendra à 
fonder sur de solides assises plusieurs comptoirs au dehors, 
afin de faciliter l'exportation. 

» Grâce à l’heureuse initiative de certains fabricants, la 
création d'un pareil comptoir semble assurée à Londres ; 
faisons des vœux pour que cette création se développe et 
grandisse. 

» Besancon est maître du marché français ; mais il faut 
craindre le moment où les affaires de ce marché viendraient à 
ressentir quelque atteinte grave, et se mettre en mesure, à 
l’aide de nombreux débouchés à l'extérieur, de maintenir, en 
face de toute éventualité, l'entière activité de notre fabrication. 

» Le nombre de montres revêtues du poincon d'exportation 
n'a été, en 1868, que de 3,766; en 1867, c'étaient 3,814. Il y 
a eu par conséquent ralentissement de l'exportation. 

» De plus, le nombre de boîtes envoyées temporairement en 
Suisse pour être décorées a été : 

En 1808; désirs im 670 
En 1607148218. ANR) CAT 
Ici, accroissement fâcheux. 

» Extension de l'exportation, affranchissement de tout tribut 
de main-d'œuvre payé à l'étranger, voilà le but auquel doivent 
tendre nos artistes et fabricants; ils sont trop intelligents pour 


ÉD ot à Fe 


ne pas le comprendre, et pour ne pas associer dans cette 
pensée essentiellement patriotique leur bonne volonté et leurs 
efforts. » : ‘ 

L'ordre du jour appelle la communication du râteau vol- 
taique inventé par MM. Marchal et Bourdy, membres rési- 
dants. M. Marchal fait fonctionner cet instrument. Il montre 
que son objet est d'enlever, plus commodément qu'avec les 
aimants ordinaires, les paillettes ferrugineuses qui se ren- 
contrent dans les cendres que l'on veut soumettre à l'essai. 
En effet, le râteau voltaïque devant toutes ses propriétés 
attractives au courant qui lui vient d’une pile, il suffit d'in- 
terrompre ce courant pour que les dents du râteau aban- 
donnent d'elles-mêmes tout ce qu'elles ont saisi durant leur 
aimantation temporaire. Avec les aimants ordinaires, il faut 
se donner une peine considérable pour arracher les paillettes 
de fer qui ont adhéré. 

Des remerciments sont votés à MM. Marchal et Bourdy, et 
l'Assemblée promet un bon accueil à la note. que ces hono- 
rables confrères remettront au sujet de leur découverte. 

M. Sire annonce qu'il présentera à la prochaine séance des 
observations sur les deux notes de M. Berthaud, publiées 
dans notre dernier volume. 

La Société, conformément à l’article 18 des statuts, est 
appelée à désigner trois de ses membres, étrangers au conseil 
d'administration, pour arrêter les comptes du trésorier et faire 
connaître le résultat de cette vérification. Le choix de l’Assem- 
blée se porte sur MM. Victor Girod, Edmond Vivier et Bougeot. 

MM. Delacroix (Alphonse) et Castan présentent, comme 
candidat au titre de membre résidant, M. Voisin (Claude- 
François), propriétaire etmembre du conseil des prud'hommes. 

À la suite d’un scrutin secret relatif aux candidatures posées 
dans la précédente réunion, M. le président proclame : 

Membres résidants 
MM. ViIENNeT, surveillant général au Lycée impérial ; 
ZaREmBA, premier commis de la direction des domaines; 


AR 
Membre correspondant 


M. Taurter (Charles), juge de paix du canton d'Amancey. 


Le Président, Le Secrétaire, 


BouLLer. A. CASTAN. 


Séance du 8 mars 1869. 


PRÉSIDENCE DE MM. BouLLer ET FAUcOMPRÉ. 


Sont présents : 


Bureau : MM. Boullet, président; Faucompré et Grand 
(Charles), vice-présidents; Jacques, trésorier; Castan, secrétaire. 

MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Androt, Bial, Bosseux, 
Bougeot, Chotard, Constantin, Delacroix (Alphonse), Delacroix 
(Emile), Devillebichot, Ducat, Ethis (Edmond), Gaffarel, Gaudot, 
Gaultier de Claubry, Girod (Victor), Gouillaud, Lancrenon, 
Lebreton, Marchal, Marion, Métin, Renaud (Francois), Renaud 
(Louis), Sire, Vivier (Edmond), Wallon, Widal, Willemin, 
Zaremba. 

Le procès-verbal de la séance du 13 février est lu et adopté. 

Par une lettre en date du 12 février, M. Jules Valfrey 
déclare accepter la mission d'écrire, pour nos Mémoires, une 
biographie de feu M. le marquis de Moustier. 

La Société, heureuse de cette suite donnée à un vœu qui lui 
est particulièrement cher, vote des remerciments à M. Valfrey. 

Une dépêche de la Société académique de l’Aube, datée du 
20 février, nous informe que l'échange de volumes, entre cette 
savante compagnie et la nôtre, aura lieu conformément aux 
bases posées par notre délibération du 13 février. 

Le conseil d'administration demeure chargé de faire à la 
Société de l'Aube l'envoi dont il s'agit. 

M. Sire, désirant présenter la communication qu'il avait 
annoncée, a installé dans ce but, auprès du bureau, un tableau 


— XIV — 


noir sur chevalet dont il abandonne la propriété à la Compa- 
gnie; ce meuble utile est accepté avec reconnaissance. 

M. Sire s'exprime ensuite en ces termes : | 

« Dans une première note publiée par la Société d'Emula- 
tion du Doubs (1868, p. 38), M. Berthaud propose une expé- 
rience pour la démonstration simplifiée du principe d'Archi- 
mède. Dans cette note, M. Berthaud fait une appréciation 
telle des méthodes publiées par moi sur le même sujet (1866, 
pp. 1-10), que je serais tenté de croire qu'il ne les a pas 
expérimentées avant de les juger. Tout en faisant remarquer 
d'abord que la méthode proposée par cet auteur ne met en 
évidence qu'une partie du principe d'Archimède, je crois de- 
voir faire sur cette méthode les observations suivantes : 

» L'idée de M. Berthaud, de faire écouler le liquide par 
l'orifice étroit d'un tube en forme de syphon, ne me semble 
pas aussi simple qu'à lui; car, outre la longueur de temps que 
ce genre d'écoulement exige, il présente le grave inconvémient 
de ne pas donner constamment le volume de Jiquide déplacé 
par le même corps immergé, et cela par suite des variations 
de l'effet capillaire qui se produit à l’orifice d'écoulement. 

» En effet, l'expèrience montre que si cet orifice est étroit, 
l'écoulement est fort long, et il se produit dans ce cas des 
dénivellations très variables; si, au contraire, l’orifice est large, 
les moindres oscillations du liquide dans le vase principal, la 
descente même du corps à immerger, déterminent la plupart 
du temps le désamorcement du syphon, et l'expérience est à 
recommencer. 

» Enfin, tout le principe de cette méthode repose sur la 
constance de l'effet capillaire à l'orifice d'écoulement, cons- 
tance presque impossible à obtenir, car, malgré les plus 
grandes précautions, la variabilité des effets capillaires sy 
oppose. Par suite, je ne crains pas d'avancer que les expéri- 
mentateurs qui voudront bien essayer la méthode de M. Ber- 
thaud, la trouveront longue et surtout peu simple, car elle 
exige pour être bien comprise la connaissance d’un cas parti- 


— XV — 
culier de l'équilibre des liquides dans les vases communi- 
quants, connaissance qui vient compliquer la question. Et, 
en ne mettant en évidence que la poussée du liquide de bas 
en haut, cette méthode n'offre, d'autre part, aucun avantage 
sur celles généralement suivies dans les cours de physique 
pour cette même phase du principe d’'Archimède; elle est 
donc moins complète et surtout moins conecluante que les 
méthodes que j'ai antérieurement publiées. 

» Dans une deuxième note insérée au même volume (p.41), 
M. Berthaud s'étonne que la plupart des physiciens n’adoptent 
pas sa série de nombres servant à représenter les rapports des 
nombres de vibrations des sons de la gamme diatonique, série 
qui est la suivante : 


4 


“fui ré mi fa ‘sol la. si ut 
(a) À 12 13172 15 16 18 20 221/2 2 
tandis qu'on trouve dans les traités modernes la série : 
(DA BRON ANT SRE (4 RDS PARRESS (6 AAE  Ee G PAR 
série que l'on préfère avec raison à la précédente, qui n’est 
que cette dernière divisée par 2. 

» La raison de cette préférence consiste simplement en ce 
que les nombres entiers sont plus faciles à retenir que les 
nombres fractionnaires, malgré l'assertion opposée de M. Ber- 
thaud. D'un autre côté, si l'on fait tant que d'admettre des 
fractions, autant adopter exclusivement la série des fractions 
ordinaires : | 

Ut a Tee mr as. SOL la: Te ut 
di 2 Bite 
AE MEN RE TR ne 
que l’on emploie très souvent dans les cours. 

» Mais une autre raison de la préférence accordée à la série 
b, c'est qu'elle met mieux en évidence les deux demi-tons de 
la gamme diatonique que ne le fait la série &. » 

L'Assemblée donne acte à M. Sire des observations qui pré- 
cèdent, et en décide l'insertion au procès-verbal. 


ET ANIR 


L'ordre du jour appelle l’audition des études d'histoire et 
d'archéologie préparées en vue des prochaines réunions de la 
Sorbonne. | 

M. Castan donne lecture d’une dissertation sur Le Champ- 
de-Mars de Vesontio, opuscule accompagné de quatre planches, 
dont trois sont dues à notre confrère M. Alfred Ducat. 

M. Emile Delacroix lit quelques extraits d’un travail de 
M. Drapeyron, ayant pour objet la Séparation des nationalités 
française et allemande aux neuvième et divième siècles. 

La Compagnie juge que ces deux productions sont dignes 
d’être lues, en son nom, à la Sorbonne, la première devant la 
section d'archéologie, et la seconde devant la section d'histoire 
du Comité impérial des sociétés savantes. 

M. le président Boullet, obligé de s’absenter, est remplacé 
au fauteuil par M. Faucompré. 

Le secrétaire annonce l’arrivée, pour le lendemain, d’un 
mémoire de M. de Rochas sur la Balistique et la fortification 
chez les Grecs, à la fin du règne d'Alexandre, d'après Philon de 
Byzance. 

La Société donne pouvoir à MM. Bial et Castan d'examiner 
ce travail et de décider s’il y a lieu de le proposer au Ministre 
pour être lu devant la section d'archéologie du Comité. 

Après quoi, la Société arrête au chiffre dix-sept le nombre 
des billets de demi-tarif à demander pour ses délégués. La 
liste à transmettre dans ce but au ministère comprend les 
noms suivants : MM. Boullet, Faucompré, Charles Grand, 
Victor Girod, Chotard, Widal, Gaffarel, Wallon, Vivier 
(Edmond), Vézian, Varaigne, Voisin père, Ducat, Bosseux, 
Willemin, Marion et Castan. 

M. Marchal fait ensuite une ie dont l’Assem- 
blée retient, pour le procès-verbal, l'analyse que voici : 

« On vient de remarquer, dans une usine de Saint-Etienne, 
que le mouvement rapide d’une courroie de transmission en 
cuir dégage de l'électricité statique avec production d'étincelles. 

» Son Excellence le Ministre de la Guerre, en prévision des 


. 


— XVI —" 


accidents qui pourraient en résulter dans les usines à poudre, 
a chargé M. Joutin de rechercher les causes de ce Ro 
et de proposer les moyens d'y obvier. 

» Le moins savant de vos collègues, mais non le moins 
observateur, à fait semblable remarque il y a ‘huit ans : la 
cause lui a semblé des plus naturelles, et il s’est appliqué seu- 
lement à rechercher pourquoi ses effets ne sont pas toujours 
apparents. 

» En 1861, j'étais directeur de l’usine de MM. Grenier, de 
Rameru et Cie, à Torpes. Il m'arrivait fréquemment, dans 
mes rondes de nuit, de sentir une odeur particulière que j’at- 
tribuais à quelque frottement manquant d'huile, ce que l’on 
appelle, en langage d'usine, l'odeur d’échauffé : c'était celle de 
l'ozone. 

» Allant de coussinet en coussinet, je découvris une fois, à 
la faveur de l'obscurité, un dégagement continu d’étincelles 
avec accompagnement de cliquetis, le tout produit par une 
courroie filant environ 200 mètres à la minute. Au moyen 
d'une bouteille ordinaire, de tournure de fer et d’un tire- 
bouchon, j'improvisai une bouteille de Leyde que je chargeai 
à cette source électrique par l'entremise d’une fourchette à 
bouche. Cet appareil fit l'amusement des ouvriers jusqu'à me 
fatiguer. Alors je mis l'un des coussinets de la poulie portant 
cette courroie en communication avec le sol, au moyen d’un 
fil de fer que j'eus soin de dissimuler : dès ce moment, les 
ouvriers n’eurent plus cet amusement qu'à ma fantaisie. 

» Voici comment j'explique le fait dont il s’agit. 

» Toute espèce de frottement occasionne la décomposition 
de l'électricité statique : il en est de même d’une pression 
quelconque, d’une production de calorique. Nous ne passons 
pas la main sur la manche de notre paletot ou sur notre 
chapeau, nous ne caressons pas notre chat, sans qu'il y ait 
mouvement d'électricité. Eh bien ! toutes les causes ci-dessus 
énoncées sont éminemment réunies dans la marche rapide 


d’une courroie de transmission, surtout si elle croise et si elle 
b 


0 D RE 


est frottée de résine, comme cela arrive souvent. Mais pour 
que le dégagement d'électricité soit rendu manifeste par une 
production d'étincelles, il est deux conditions essentielles, 
savoir : 1° que les machines soient éloignées des murs et du 
sol et reposent sur une base peu ou point conductrice de 
l'électricité, comme un plancher en sapin bien sec; 2° que 
l'état de l'atmosphère soit sec, comme il arrive par le vent du 
nord-est. Les machines de meunerie, placées dans le: étages, : 
sont dans les meilleures conditions à ce point de vue : la fanée, 
qui empêche l'humidité de se déposer, rend la situation encore 
* plus favorable. 

» Dans les circonstances où la production d’étince! es élec- 
triques est à craindre, comme dans les fabriques où voltige 
un pulvérin inflammable, je propose, comme moyen préventif, 
d'employer toujours des courroies en cuir gras, de les oindre 
aussitôt qu'elles commencent à se dessécher, de les tenir 
longues afin d’amoindrir leur pression sur les coussinets, de 
ne pas les enduire de résine et d'éviter de les croiser; Comme 
moyen curatif, de mettre les courroies et Les poulies en com- 
munication avec le sol par un fil métallique et une pièce 
métallique à pointes disposée selon le cas. 

» Ce dernier moyen n’a rien de dispendieux, et 1l permet à 
l'électricité décomposée d'aller se reconstituer dans le sol, en 
évitant toute espèce d’étincelle ou de commotion. » 

Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres 
résidants : 

Par MM. Grand (Charles) et Renaud (François), M. Renaud 
(Alphonse), surnuméraire de l'Enregistrement ; 

Par MM. Boullet et Grand, M. Rialpo (Alexandre), profes- 
seur de dessin au Lycée ; 

Par MM. Ethis (Edmond) et Bougeot, M. Gardet ( Victor), 
conducteur des Ponts et chaussées ; 


Par MM. Gaultier de Claubry et Gaffarel, M. Maisonnet, 
négociant. 


— XIX — 
La candidature posée dans la dernière séance ayant été sou- 
mise à un scrutin secret, M. le président proclame : 


Membre résidant 


M. Voisin (Claude-François), propriétaire, membre du conseil 
des prud'hommes. 


Le Vice-Président, Le Secrétaire, 
FAUcoMPRÉ. A. CASTAN. 
Séance du 10 avril 1869. PO. ES 


PRÉSIDENCE DE M. BouLLET. 


Sont présents : 


Bureau : MM. Boullet, président; Grand (Charles), vice- 
président; Jacques, trésorier ; Faivre, vice-secrétaire; Varaigne, 
archiviste; Castan, secrétaire ; 

MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bertrand, Bial, Bosseux, Bougcot, 
Bouvard, Delacroix (Alphonse), Ducat, Gaffarel, Gaultier de 
Claubry, Girod (Victor), Gouillaud, Lebreton, Marchal, Marion, 
Métin, Ravier, Renaud (Francois), Renaud (Louis), Tailleur 
(Louis), Trémolières, Wallon, Willemin. 

Le procès-verbal de la séance du 8 mars est lu et adopté. 

L'ordre du jour appelle un compte-rendu de la part prise 
par les délégués de la Société aux dernières réunions de la 
Sorbonne. 

Le secrétaire fait à cet égard le rapport suivant : 


« Messieurs, 


» Depuis l'année 1864 où, pour la première fois, vous avez 
figuré dans les réunions de la Sorbonne, votre rôle, sur ce 
théâtre annuellement ouvert à l'activité provinciale, s'est sin- 
gulièrement agrandi. Lors de votre première manifestation, 
deux d’entre nous seulement s'étaient rendus à Paris, et il 


n'avait été lu de’ votre part qu'une modeste page de biographie 
franc-comtoise. 

» La contagion du bien-faire, qui est de tradition dans vos 
rangs, ne pouvait manquer de conquérir des prosélytes à une 
lice dont la devise est Emulation, et dans laquelle l'honneur 
de la patrie d'origine ou d'adoption sert de mobile à des efforts 
d'autant plus nobles qu'ils sont étrangers à toute spéculation 
matérielle. 

» C’est ainsi que, d'année en année, le chiffre de vos délé- 
gués à la Sorbonne s'est accru, et que les lectures envoyées 
par vos soins ont augmenté comme nombre et surtout comme 
importance. 

» Quinze membres de’notre Société ont figuré, comme vos 
délégués directs, dans les assises de 1869, et trois d’entre eux 
y ont fait entendre les mémoires que vous aviez jugés, en 
premier ressort, dignes de cette faveur. Aucune compagnie 
savante de l'Empire n'avait fourni un pareil contingent. 

» C'est un travail de votre secrétaire qui a ouvert la série 
des lectures de l’ordre archéologique. Cette étude avait pour 
objet le Champ-de-Mars de Vesontio, le seul des Champs-de- 
Mars provinciaux qui ait été interrogé à fond par la pioche des 
fouilleurs. Les couches inférieures de ce terrain ont montré un 
vaste cimetière du premier siècle dont les médailles s'arrêtent 
au règne de Néron, circonstance remarquable en ce qu'elle 
témoigne, avec les données de l'histoire, que Vesontio ayant 
obtenu de Galba des libertés politiques, son Champ-de-Mars 
cessa d'être l’âsile des morts pour devenir le lieu des assem- 
blées des vivants. A l'effet d'abriter ces réunions, on éleva plus 
tard, par-dessus le remblai dont on avait couvert la nécropole, 
un immense bâtiment circulaire de 80 mètres de diamètre 
intérieur, non compris le dessous des portiques qui l'entou- 
raient. Ces portiques étaient subdivisés par des murs de refend 
obliques, ce qui mettait les diverses cases à la discrétion d’une 
double surveillance générale s’exercant depuis une estrade 
intérieure et depuis un bureau compris dans la facade de 


* AL. 
"TU 


— XXI — 
l'édifice. Gette disposition convient merveilleusement à ce que 
l'on sait des scrutins populaires du monde romain, dans les- 
quels les votants se répartissaient par groupes dont chacun 
délibérait en un parc distinct. Ces groupes répondaient le plus 
souvent à une division de la ville en quartiers ou tribus, de 
sorte que le nombre des subdivisions de nos portiques aurait 
toute chance d'indiquer le chiffre des quartiers de l'antique : 
Vesontio. Or, il se trouve que le nombre de ces subdivisions 
est de sept, chiffre des quartiers ou bannières que le Besancon 
moderne conserva traditionnellement jusqu'à la Révolution 
française. Telle est la donnée capitale de ce mémoire qui, au 
dire du compte-rendu officiel, « a dignement inauguré les 
» séances de 1869. » 

» Quatre planches accompagnent l'étude sur notre Champ- 
de-Mars : trois d'entre elles reproduisent le plan, les coupes 
et les détails d'architecture du grand édifice, premier type 
connu d'un palais électoral du monde romain; la quatrième 
donne les plus saillants objets votifs sortis du cimetière qui 
avait précédé cette construction. Les trois dessins d’architec- 
ture sont l'œuvre de notre habile et obligeant confrère M. Al- 
fred Ducat. 

» Dans la même section d'archéologie, M. de Rochas d’Ai- 
glun a donné lecture d’un mémoire intitulé : La Balistique et 
la fortification chez les Grecs au deuxième siécle avant notre ère. 
« Suivant ce savant auteur, dit le Journal officiel, lorsqu'au 
» seizième siècle on commença à faire des bastions dans le 
» système moderne, c’est-à-dire à angles, on n’inventait rien; 
» on renouvelait un usage des Grecs, dont on ne trouve 
» guère de traces sur le sol, mais qui est fort nettement exposé 
» dans le traité de Philon, base du travail de M. de Rochas 
» d'Aiglun. Comme nous l'avions deviné en écoutant ses 
» observations qui trahissaient une pratique savante des 
» choses de la guerre, le vulgarisateur de Philon appartient à 
» l’armée. L'assemblée a montré la plus chaleureuse sympa- 
» thie au jeune capitaine du génie qui sait si bien employer 


NU 


» les rares loisirs de sa noble profession, et qui se propose, 
» dit-on, de publier une traduction francaise du livre de 
» Philon. » 

» La Société apprendra avec plaisir que cette traduction, 
destinée à mettre à la portée des militaires un traité de premier 
ordre sur une branche considérable de leur art, est aujourd'hui 
à peu près achevée : nous ne tarderons pas à en avoir la preuve. 
palpable, car M. de Rochas se propose de demander à nos 
Mémoires, pour cette nouvelle et intéressante production, une 
hospitalité que nous serons heureux de lui accorder. 

» Comme les années précédentes, c'est M. Drapeyron qui a 
été notre interprète dans la section d'histoire. Son mémoire, 
dit le Journal officiel, « trace l'histoire de la Séparation de la 
» France et de l'Allemagne aux neuvième et dixième siècles. I 
» établit que la Gaule, après avoir recu de la Germanie la 
» féodalité, et la Germanie, après avoir recu de la Gaule ja 
» civilisation romaine, devaient nécessairement prendre deux 
» directions différentes, à cause : 1° de la diversité de leurs 
» éléments; 2° de l'inégalité de leur développement. M. Dra- 
» peyron marque les progrès de la féodalité sur notre sol. Il 
» détermine la part qui revient dans cette œuvre capitale à la 
» royauté carolingienne, à la maison de France, à la dynastie 
» de Saxe et à l’archevêché de Reims. Il met en relief les der- 
» niers descendants de Charlemagne et les premiers Capétiens, 
» trop souvent dépréciés ou défigurés, et les physionomies si 
» originales de l'archevêque Adalbéron et du moine Gerbert, 
» qui ont consommé la révolution depuis longtemps préparée. » 

» L'œuvre de M. Drapeyron, ajouterons-nous, est un mor- 
ceau de grand style : les aperçus les plus neufs et les plus 
larges s'y produisent sous une forme toujours pure et saisis- 
sante. De l'avis de tous les auditeurs, cette communication a 
été l’une des mieux accueillies de celles qui ont rempli les 
séances de la section d'histoire. 

» Parmi les autres lectures faites dans cette même section, 
il en est deux que nous pourrions encore revendiquer comme 


0 D NN rs 


nôtres, bien qu'elles n'aient pas été expédiées sous notre cou- 
vert : en effet, leurs auteurs nous appartiennent comme com- 
patriotes et comme confrères, et les sujets qu'ils ont traités se 
rapportent à l'histoire de la province de Franche-Comté. Nous 
voulons parler d'un mémoire de M. Tissot, correspondant de 
l'Institut, sur un Episode des guerres du quinzième siècle entre 
les Suisses et les Bourguignons (le sac de Pontarlier), et d’un 
coup d'œil de M. Déy, l’un de nos anciens présidents, sur la 
Condition du peuple au comté de Bourgogne pendant le moyen dge. 

» Vous le voyez, Messieurs, la Séquanie a tenu vaillamment 
son drapeau dans la section d'histoire de la Sorbonne. Personne 
n'a été plus sensible à cette heureuse circonstance que l’illustre 
président de la section d'histoire, M. le sénateur Amédée 
Thierry. Vous savez tous le paternel souci de cet homme 
éminent pour l'avancement moral d’une province qui a été le 
berceau de sa brillante carrière d'écrivain et d'administrateur. 
Un nouveau gage de ce sentiment a été donné par M. Thierry 
à vos délégués. Il a réuni six d’entre eux autour d'une table 
splendide, avec plusieurs notabilités parisiennes et provin- 
ciales. Par une délicate attention dont nous avons été à la fois 
flattés et réjouis, M. Henri Martin, le grand historien national, 
avait été convié comme ami de la Séquanie. Le passé, le pré- 
sent et l'avenir de notre province ont tenu la plus grande place 
dans les conversations qui animaient la fête, et, au dessert, 
M. Boullet, président de cette Compagnie, a remercié, comme 
il convenait, notre hôte de son affectueuse sollicitude à l'égard 
de nos efforts et de nos travaux. 

» En somme, Messieurs, la campagne que nous venons de 
faire en votre nom a été ce que vous pouviez souhaiter qu'elle 
fût. Elle ajoutera sans aucun doute à la notoriété de vos 
publications, notoriété qui est déjà considérable, comme vous 
en jugerez par une lettre que vous écrit M. le Sénateur-admi- 
nistrateur de la bibliothèque Mazarine, dans le but d'obtenir, 
pour ce riche établissement, un exemplaire complet de nos 
Mémoires. » 


— XXIV — 
M. le président ayant bien voulu ajouter quelques mots 
flatteurs sur le bon accueil qu'a rencontré, dans la section 
M'archéologie, le travail de M. Castan, lecture est donnée de 
la dépêche de M. le Sénateur-administrateur de la bibliothèque 
Mazarine, demandant, pour le dépôt qu'il conserve, un exem- 
plaire de nos publications. 
La Société, considérant qu'il lui importe que ses travaux 


existent dans l’une des grandes bibliothèques de la capitale, 


délibère qu'un exemplaire des Mémoires sera mis en ordre, 
par les soins de M. l'archiviste, et expédié, sous le couvert du 
Ministre de l'Instruction publique, à l'administration de la 
bibliothèque Mazarine. 

L'Académie impériale de Savoie nous ayant adressé le vo- 
lume qu'elle vient d'éditer, accompagné d’un bel album qui 
en est le complément, il est décidé que cette compagnie recevra 
les volumes parus de notre quatrième série, et qu'un échange 
régulier de publications aura lieu ultérieurement avec elle. 

Le conseil d'administration est autorisé à négocier l'échange 
des volumes à paraître de nos Mémoires contre la revue men- 
suelle intitulée : Matériaux d'archéologie et d'histoire, qui se 
publie à Chalon-sur-Saône, et dont le premier fascicule nous 
a été expédié par les éditeurs, MM. L. Landa et J. Guillemin. 

M. le président saisit l'assemblée de deux actes officiels qui 
ont été notifiés aux représentants des sociétés savantes par 
Son Excellence le Ministre de l'Instruction publique, dans la 
séance solennelle du 3 avril courant. C'est d'abord un décret 
impérial, en date du 30 mars, promulguant l'institution d'un 
prix annuel de 1,000 francs dans chaque ressort académique, 
et décidant en outre qu'un prix de 3,000 francs sera décerné 
par le Comité des sociétés savantes à l'ouvrage jugé le meilleur 
parmi ceux qui, durant l'année précédente, auront été récom- 
pensés dans les concours provinciaux. C'est ensuite un arrêté 
ministériel, en date du 31 mars, réglant que, pour 1869, le 
prix de 1,000 fr. sera décerné à un travail d'histoire, que la 
remisé de ce prix aura lieu dans la prochaine séance solennelle 


Le LL MES 


de rentrée des Faculiés, et que le prix de 3,000 fr. sera proclamé 
dans la séance finale de la réunion des sociétés savantes de 1870, 

Cette communication entendue, la Compagnie, considérant 
que l’article 1° de l'arrêté ministériel précité limite aux tra- 
vaux d'histoire les ouvrages admis, en 1869, à concourir pour 
le prix de 1,000 fr., estime que la délégation de trois membres, 
élus par elle le 9 janvier dernier pour faire partie du jury 
académique, doit être modifiée dans le sens de la spécialité 
qui va être mise en tour. 

M. Castan exprime à ce propos le désir de n'être plus com- 
pris dans la délégation, car il voudrait sé réserver la possibilité 
d'entrer en lice comme concurrent. 

Après quoi, la Société, révisant sa délibération du 9 janvier 
dernier, institue définitivement ses délégués, pour entrer dans 
le jury académique, MM. Boullet, Alphonse Delacroix et 
Chotard. 

M. Marchal présente, tant en son nom qu'en celui de 
M. Bourdy, un appareil imaginé par ces deux honorables 
essayeurs, ef au sujet duquel M. Marchal fournit les explica- 
tions suivantes que l'Assemblée retient pour son procès-verbal : 

« La première pipette de Gay-Lussac est d'une simplicité 
élémentaire, mais le moyen de la remplir par aspiration n’est 
pas pratique avec toutes les liqueurs. D'autre part, le même 
appareil perfectionné ‘est très compliqué et coûte fort cher. 
Nous supprimons tous les inconvénients en passant la tige de 
la pipette dans un bouchon en caoutchouc, lequel ferme un 
flacon à tubulure. Cette tubulure porte un tube en caoutchouc 
qui sert à donner, au moyen de la bouche, une pression sur 
la liqueur. Par ce moyen, on arrive tout doucement à remplir 
exactement la pipette. Elle-même restant à demeure sur le 
flacon dans lequel on doit la vider, aucune perte n’est possible. 
Ajoutons qu'une liqueur titrée est précieuse, en raison des 
soins qu'exige sa préparation, et que notre pipette a le mérite 
de n’en pas laisser perdre. Le récipient, contenant la provision, 
est tenu à la cave pour la conservation de la liqueur. » 


— XXVI — 

MM. Faucompré et Castan demandent le titre de membre 
correspondant pour M. Wäillerme, colonel commandant le 
régiment des Sapeurs-pompiers de Paris; 

. MM. Petit (Jean) et Castan proposent de recevoir en la 
même qualité M. Guyard (Auguste), homme de lettres, rue 
de Vaugirard, 60, à Paris. 

A la suite d'un scrutin secret portant sur les candidatures 
annoncées dans la précédente réunion, M. le président pro- 
clame : 


- 


Membres résidants 


MM. Renaup (Alphonse), surnuméraire de l’Enregistrement; 
Rrazpo (Alexandre), professeur de dessin au Lycée; 
Garper (Victor), conducteur des Ponts et chaussées; 
MAISONNET, négociant. 


Le Président, Le Secrétaire, 


BouLLET. A. CASTAN. 


Séance du 8 mai 1869. 


PRÉSIDENCE DE M. BOULLET. 


Sont présents : 


Bureau : MM. Boullet, président; Grand (Charles), vice- 
président; Jacques, trésorier; Castan, secrétaire ; 

MeuBres RÉsIDANTS : MM. Bial, Bosseux, Delacroix (AI- 
phonse), Courtot, Gaffarel, Gaudot, Gaultier de Claubry, Gre- 
nier, Lebreton, Micaud, Renaud ( Alphonse), Renaud (Louis), 
Saillard, Tissot, Trémolières, Wallon. 

Le procès-verbal de la séance du 10 avril est lu et adopté. 

Par une dépêche en date du 21 avril, M. le Recteur de l'A- 
cadémie nous adresse copie des documents officiels relatifs au 
concours ouvert pour le prix de 1,000 fr., en nous faisant 
connaitre une instruction ministérielle qui fixe au 30 juillet 


at à 


— XXVII — 
prochain le dernier délai pour la remise des travaux des 
concurrents. 

Les intentions actuelles de M. le Recteur étant que la Société 
se borne à députer un seul membre pour entrer dans le jury 
relatif à ce concours, et le chef de l'Académie ayant proposé. 
M. Chotard comme l’un des juges dont le Ministre se réserve 
la nomination, l’Assemblée confère à M. Alphonse Delacroix 
l'unique délégation qu'elle doive faire à cet égard. 

M. le président communique ensuite une invitation de la 
Société d'Emulation de Montbéliard à ceux d'entre nous qui 
seraient disposés à assister à la séance générale et au banquet 
de cette compagnie, le jeudi 13 du courant. : 

MM. Girod (Victor), le commandant Bial et le professeur 
Delavelle ayant manifesté l'intention de prendre part à cette 
fête, la Société leur donne mandat d'y être ses représentants. 

La Commission des antiquités de la Côte-d'Or mettant à 
notre disposition une notable partie de ses Mémoires, il est 
statué qu'en retour cette Compagnie recevra les troisième et 
quatrième séries de nos publications. 

Sur la demande faite par la Société française de numisma- 
tique et d'archéologie d'entrer avec nous en relation d'échanges, 
il est décidé que cette association sera inscrite parmi celles qui 
recoivent nos Mémoires. 

Une semblable requête ayant été présentée par la Société 


d'agriculture du Haut-Rhin, l’Assemblée estime que le but 


spécial poursuivi par cette Compagnie serait beaucoup mieux 
servi par un échange avec la Société d'agriculture du Doubs 
que par l'envoi de nos Mémoires. Il est arrêté, en conséquence, 
que la lettre de la Société d'agriculture du Haut-Rhin, ainsi 
que la livraison qui l'accompagne, seront transmises à la 
Société d'agriculture du Doubs. 

Le secrétaire exhibe une pique en fer, broche à quatre faces, 
munie d’un nœud en forme de losange un peu au-dessus de 
la naissance de la douille, le tout ayant un mètre de longueur. 
Cette pièce, trouvée dans le lit du Doubs, près du moulin 


— XXVII — 
d'Aranthon, commune d'Osselle, est offerte à la Société par 
M. Joseph Piguet, mécanicien. 

Le secrétaire avait jugé que cette arme datait du quatorzième 
siècle, et devait provenir de quelque soldat de ces grandes 
compagnies qui, à l'époque dont il sage dévastèrent notre 
province. 

Ce sentiment ayant été soumis, avec un dessin de l’objet, à 


l'appréciation de M. Jules Quicherat, le savant archéologue a : 


répondu par la consultation suivante : 

«Je partage votre avis sur l’âge de la broche d’Aranthon. 
C’est un des engins dont se servaient les gens de pied dans les 
grandes compagnies du quatorzième siècle et du quinzième. 
Elle me semble répondre aux définitions de la pique flamande, 
ou plançon, que les continuateurs de Ducange ont réunies 
sous les mots pica et plansonus. 

» Le plançon cessa d’être en usage à la fin du quinzième 
siècle. Il fut remplacé par la pique suisse, à fer court emman- 
ché d’un bois qui rappelait par sa longueur l'ancienne sarisse 
macédonienne. » 

La Société décide que cet intéressant monument sera dé- 
posé, sous le nom du donateur, au musée archéologique de 
Besancon, et qu'en outre des remercîments seront adressés à 
M. Joseph Piguet. 

M. le président Boullet donne lecture de la continuation de 
son étude sur la part qui revient aux Francs-Comtois dans le 
domaine des inventions scientifiques : ce nouveau chapitre est 
consacré aux travaux du marquis de Jouffroy relativement à 
la navigation à vapeur. 

La Compagnie, portant un jugement d'ensemble sur lé 
deux lectures qui lui ont été faites par l'honorable président, 
retient pour son volume de 1869 les parties déjà produites du 
travail dont il s’agit, et engage M. Boullet à poursuivre le 
cours de sa bonne entreprise. 

MM. Saint-Eve (Charles) et Castan présentent, comme can- 
didats au titre de membre résidant, MM. Chrétien (Auguste), 


— XXIX — 


directeur du télégraphe à Besançon, et Petitcuenot (Paul), 
avoué près la Cour impériale. 
Sont élus, à la suite d’un scrutin secret : 


Membres correspondants » 


MM. WrizeRMEe, colonel commandant le régiment des Sa- 
peurs-pompiers de Paris ; 
Guyarp (Auguste), littérateur, à Paris. 


Le Président, Le Secrétaire, 


BouLLET. A. CASTAN. 


Séance du 18 juin 1869. 


PRÉSIDENCE DE M. BOULLET. 


Sont présents : 


Bureau : MM. Boullet, président; Grand (Charles), vice- 
président; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire; Varaigne, 
archiviste; Castan, secrétaire ; 

MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bosseux, Cordier, Dunod de Char- 
nage, Gaffarel,. Gaultier de Claubry, Girod (Victor), Grenier, 
Jacquard, Lancrenon, Marchal, Renaud (Alphonse), Renaud 
(Louis), Willemin. 

Le procès-verbal de la séance du 8 mai est lu et adopté. 

L'Académie de Mâcon nous informe qu'une souscription 
est ouverte, sous ses auspices, dans le but d'élever une statue 
à Lamartine; elle nous prie de coopérer à cet hommage 
national. 

Plusieurs membres font observer qu une œuvre non moins 
importante a des droits antérieurement acquis aux largesses 
possibles de la Société : il s’agit de l'expédition au Pôle Nord, 
en faveur de laquelle nous avons organisé un comité franc- 
comtois de souscription, sans que l’état de nos finances nous ait 
encore permis de seconder collectivement ce généreux dessein, 


D'autres membres rappellent que la Compagnie a des dettes, 
résultant de l'appropriation du local des séances, et que son 
premier souci doit être de se libérer. 

Enfin le secrétaire insiste sur ce fait que les travaux en 
cours d'impression dépasseront probablement, comme prix de 
revient, les sommes inscrites aux articles ? et 3 du budget de 
1869. 

Pour ces divers motifs, la Société juge convenable de sur- 
seoir à tout vote de dépense extraordinaire. 

Le secrétaire présente une reproduction photographique du 
plan, dressé par M. Pietro Rosa, des fouilles qui se pour- 
suivent à Rome sur l'emplacement du palais des Césars, aux 
frais de S. M. l'Empereur des Français. Cet intéressant docu- 
ment a été rapporté de Rome par M. Oudet, notre confrère, 
qui veut bien en faire hommage à la Société. 

Il est délibéré qu'en retour de cette gracieuse attention, des 

remerciments seront transmis à M. Oudet. 
M. Victor Girod relate qu'il a assisté, comme délégué de 
notre Compagnie, à la séance générale et au banquet annuel 
de la Société d'Emulation de Montbéliard, et qu'il a saisi cette 
occasion de réitérer à l'élite de nos voisins l'expression de nos 
meilleurs séntiments. | 

L'Assemblée rend grâce à M. Victor Girod de la nouvelle 
preuve qu'il a ainsi donnée de son dévouement à l'œuvre 
commune. | 

M. Gaffarel venant d'achever une thèse de doctorat es-lettres, 
ayant pour sujet les Relations de l’ancien continent avec l’Amé- 
rique antérieurement à Christophe Colomb, communique un 
fragment de cet ouvrage. Dans le chapitre dont il donne lec- 
ture, l’auteur s’est attaché à grouper et à résumer les preuves 
de l'existence d'éléments chrétiens au sein des religions les 
plus anciennes de l'Amérique : curieux indices de rapports 
avec le vieux monde qui, pour n'avoir pas été enregistrés par 
nos chroniques, n’en sont pas moins évidents. 

M. le président félicite M. Gaffarel de l’entreprise qu'il a 


nn + ** Ones 
menée à si bonne fin; il le remercie en.outre d’avoir bien 
voulu initier la Compagnie à ses érudites investigations. 
MM. Grenier et Jacquard demandent le titre de membre 
résidant pour M. Paul Choffat, géologue. 
Puis, un scrutin secret ayant eu lieu sur le compte des 
candidats proposés, M. le président proclame : 
| Membres résidants 
MM. CaRéTIEN (Auguste), directeur de transmissions télé- 
graphiques à Besançon ; 
PerireuenoT (Paul), avoué près la Cour impériale. 


Le Président, Le Secrétaire, 


BouLLET. A. CASTAN. 


Séance du 10 juillet 1869. 


PRÉSIDENCE DE M. CHARLES GRAND. 


Sont présents : 


Bureau : MM. Grand (Charles), vice-président; Faivre, 
vice-secrétaire; Jacques, trésorier; Castan, secrétaire : 

MEMBRES RÉsIDANTS : MM. Bougeot, Delacroix (Alphonse), 
Dunod de Charnage, Gaffarel, Girod (Victor), Hory, Lancrenon, 
Lhomme, Renaud ( Alphonse), Tailleur (Louis), Trémolières, 


Viennet, Vivier, Zaremba. 


Le procès-verbal de la séance du 18 juin est lu et adopté. 
Il est donné lecture d’une dépêche de la Société botanique 
de France, nous informant de l'ouverture, pour le 12 juillet 


. Courant, d'un congrès départemental de botanique à Pontar- 


lier, et invitant notre Compagnie à s'y faire représenter. 

La Société, apprenant que M. Grenier est déjà parti pour 
prêter au congrès son utile assistance, s'empresse de déléguer 
comme son représentant l'honorable doyen de la Faculté des 
sciences, personne ne pouvant mieux remplir un tel mandat 


RNA Te 


que l'homme éminent qui,’ par des travaux universellement 


connus, est devenu parmi nous l’incarnation de la botanique. 

Par une lettre en date du 21 juin, M. Ordinaire de Laco- 
longe, membre correspondant, prie la Société d'accepter 
l'hommage de quatre brochures de mécanique et de physique, 
voulant ainsi resserrer les liens qui l’aftachent à notre Com- 
pagnie. 

Des remerciments seront transmis à ce savant confrère. 

Un mémoire manuscrit sur la botanique, intitulé : Le Rhi- 
zome, la Souche; théorie de l’Anaphytose, est adressé par 
M. François Leclerc, membre correspondant, dans le but 
d'obtenir une place pour cet opuscule dans nos Mémoires. 

Cette communication est renvoyée à l'examen de M. Grenier. 

Le secrétaire expose que l'impression de la Flore jurassique 
de M. Grenier est totalement terminée, et qu'il y aurait lieu 
de prendre une résolution quant à la manière de distribuer le 
deuxième et dernier fascicule de cet ouvrage. 

En effet, ce second fascicule continue la pagination du pre- 
mier, livré en 1864, et doit se souder avec lui pour ne former 
ensemble qu'un seul volume, le 10° de la 3° série de nos 
Mémoires. I] suit de là que, pour les membres qui ne possèdent 
pas le premier fascicule, la livraison dont il s’agit ne consti- 
tuerait qu'un tronçon de volume sans valeur aucune : aussi le 
conseil d'administration a-t-il pensé qu'il y aurait lieu de ne 
servir la seconde livraison de la Flore qu'à ceux qui possèdent 
déjà les 23 premières feuilles de l'ouvrage, ainsi qu'à ceux qui 
voudraient, conformément à l’article 15 du règlement, acquérir, 
au prix de trois francs, le fascicule distribué en 1864. Une 
circulaire informerait de cette disposition tous les membres 


admis postérieurement à 1864, lesquels seraient priés de dire . 


s'ils possèdent le premier fascicule de la Flore, cas auquel ils 
recevraient le second, ou bien s'ils veulent acheter le premier 
fascicule, cas auquel les deux ensemble leur seraient délivrés 
contre le versement de trois francs pour les résidants, et de 
quatre francs pour les correspondants, en raison du port. 


aus - 


NP 0.0. 


La Société, après délibération, approuve cette méthode et 


-autorise le conseil d'administration à s’y conformer. 


M. Victor Girod, organe de la commission des finances: 
présente le rapport suivant : 


« Messieurs, 


» Votre commission des finances a examiné les comptes de 
M. le trésorier, pour l'exercice 1868, et en a reconnu l’exac- 
titude. 

» Notre situation financière, au 31 décembre dernier, était 
la suivante : . 


» Cotisations rachetées avant 1868, capi- 
AR nAENADIes" hr es ne AOTOE 


» RECETTES DE 1868 : 3,030 f. 


» Cotisations rachetées durant cet exer- 
CARE EN NLSICER EPL ne er ALU OS AT + 120 
dont 2,000 fr. sont prêtés à la Société sans 
intérêts, et 1,030 fr. donnent intérêts. 


» Recettes en capitaux disponibles : 


» 1° Subvention de l'Etat. . . . . . .. 900 
» 2  — du département . . .. 300 
Ve — deda ville MTECE Ur TE 600 
» 4° Cotisations des membres résidants. 1,926 
0 Fe correspondants. 427 
» 6° Droits de diplôme et recettes acci- 
HRNIÉLlen nr M SES APCE 47 
» 7° Intérêts des cotisations rachetées. . 30 


» Total des recettes de l'année. 3,950 
» À déduire : cotisations rachetées, capi- 


A RS Le MN ee eee 120 
» Reste en capitaux disponibles. 3,830 


4 XXXIV — 


» DÉPENSES DE 1868 : 


» 1° Avances faites par le trésorier en 1867 . .  382f. 75 
0 LIMPréssiONs CAN AMMNANMATEEL AE AE 0 1,600 » 
» 3° Frais de bureau, chauffage et éclairage . . 64 45 
» 4° Indemnité à l'agent de la Société . . . . . 200 » 
» 5° Solde de l'acquisition de l’herbier Frilley. 200 » 
» 6° Séance publique et banquet. . . . . . .. 154 » 
» 7° Dépenses pour les sciences naturelles. . . 114 25 

» Total des dépenses de l’année. 2,715 45 
» Les recettes disponibles étaient de . .* . . . 3,830 » 
» Elles ont excédé les dépenses de . . . . . .. 1,114 55 


» La commission des finances admet les recettes de 1868 
pour trois mille huit cent trente francs, les dépenses du même 
exercice pour deux mille sept cent quinze francs quarante-cinq, 
centimes : de telle sorte qu'il reste disponible un excédant de 
recettes de onze cent quatorze francs cinquante-cinq centimes, 


plus en capital inaliénable la somme de trois mille trente 


francs. 
» Vos commissaires, Messieurs, termineront en vous pro- 


posant d'adresser des remerciments à M. le trésorier, pour sa . 


collaboration dévouée à l’œuvre commune. 
» Besançon, le 10 juillet 1869. 


» (Signé) Ep. Vivier; E. BouGror; 
» VicroR GIROD, rapporteur. » 


Après audition de cet exposé, la Société est unanime pour 

voter à M. le trésorier les remerciments demandés par la com- 
‘mission des finances. 

M. Gaffarel annonce que l’Académie et la Société archéolo- 
gique de Montpellier sont toutes deux disposées à entrer en 
relations d'échange avec notre Compagnie. 

Ces ouvertures sont accueillies avec empressement. 


LION 
3 


nn: 0, QE 


M. Castan donne lecture d'un récit du Blocus de Besançon 
par Jean de Chalon-Arlay en 1290, morceau qui servirait d’ap- 
pendice et de complément à la narration, précédemment com- 
muniquée, du Siége de Rodolphe de Habsbourg en 1289; l'auteur 
exprime le désir de joindre à l'ensemble trente-neuf docu- 
ments qui justifient les énonciations de son texte. 

La Société autorise M. Castan à compléter ainsi le travail 
dont elle a voté l'impression. 

MM. Delacroix (Alphonse) et Castan broposent d'admettre, 
comme membre résidant, M. Emile Travers, archiviste du 
département du Doubs. 

Puis, un scrutin secret ayant eu lieu, M. le président pr0- 


clame : 
Membre résidant 


M. Corrar (Paul), géologue. 


Le Vice-Président, Le Secrétaire, 


(GRAND. A. CASTAN. 


Séance du 14 août 1869. 


PRÉSIDENCE DE MM. LANCRENON ET CHARLES GRAND. 


En l'absence de MM. les président et vice-présidents, les 
membres présents du conseil d'administration, se conformant 
à l’article 7 du règlement, prient M. Lancrenon d'occuper le : 
fauteuil. 

Sont présents : 

Bureau : MM. Lancrenon, chargé de la présidence; Jacques, 
trésorier; Varaigne, archiviste; Castan, secrétaire ; 

Memgres RÉsIDANTS : MM. Bial, Chofjat, Gauthier (Jules), 
Marchal, Tailleur (Louis), Willemin et Zaremba. 

Le procès-verbal de la séance du 10 juillet est lu et adopté. 

Il est donné communication d’une dépêche de M. le Ministre 
de l'Instruction publique, en date du 11 août courant, par 


— XXXVL — 


laquelle Son Excellence nous informe de l'octroi d’une allo- 
. cation de 500 francs, à titre d'encouragement. 

L'Assemblée accueille avec une vive satisfaction cette bonne 
nouvelle, et vote en retour des remerciments unanimes à Son 
Excellence. 

Par une lettre, en date du 12 août courant, M. le Sénateur- 
administrateur de la bibliothèque Mazarine nous exprime sa 
gratitude pour le don que nous avons fait à cet établissement 
d’un exemplaire complet de nos Mémoires. 

Sur l'invitation qui lui a été faite par M. le Secrétaire général 
de la préfecture, le conseil d'administration se rendra, après 
la séance, à la réception de M. Demanche, nouveau préfet du 
département. 

Le secrétaire, parlant au nom du conseil d'administration, 
rappelle à la Société que M. Duruy vient de déposer, après 
un ministère de six années, le portefeuille de l'Instruction 
publique; il demande s'il n'y aurait pas lieu de saisir cette 
occasion de donner au savant historien, au généreux propa- 
gateur des idées libérales, un témoignage de haute estime et 
de profonde sympathie. 

Accueillant favorablement cette ouverture, la Compagnie se 
remet en mémoire toutes les créations fécondes que M. Duruy 
a réalisées dans le champ si vaste dont la gestion lui était 
confiée. M. Duruy a eu l'immense mérite de comprendre 
l'urgence d’une diffusion aussi large que possible de l’éduca- 
tion publique. Il est, en effet, de la plus sérieuse importance 
que, dans un pays qui dispose de l’arme du suffrage universel, 
chacun ait appris, dès l'âge le plus tendre, que tout droit a 
pour corrélatif un devoir. M. Duruy a également rendu un 
signalé service en accordant à la femme l'accès de l'instruction 
virile. Ce sont les mères qui communiquent aux enfants ces 
premières impressions dont l'influence sur les allures de l’es- 
prit dure autant que l'existence de l'homme. Or, nous vivons 
à une époque où la science tend à devenir la boussole des 


individus et des sociétés. On ne saurait donc former de trop 


+ XXXVI — 


bonne heure aux habitudes scientifiques les jeunes intelli- 
gences, et il serait utile que la mère püût en cela préparer les 
voies à l'instituteur. L'enseignement professionnel n’a pas été 
un moindre bienfait. C'est une somme d'instruction pratique 
mise à la portée de ceux à qui leur fortune ne permet pas de 
suivre en artistes un cours complet d’études. Par là nos ateliers 
se peupleront de sujets méritants, capables non-seulement 
d'exécuter avec supériorité, mais encore de s'associer à la 
pensée des inventeurs et d'en perfectionner les applications. 

Pour ces motifs, la Société, considérant que la mission 
remplie par M. Duruy a servi puissamment la cause de 
l'avancement moral et matériel du pays, croit devoir offrir à 
cet éminent homme d'Etat un hommage de respectueuse gra- 
titude. En conséquence, elle élit, à l'unanimité et par accla- 
mation, M. Duruy au nombre de ses membres honoraires. 

M. l'instituteur Chalot, membre correspondant, demande 
l'impression dans nos Mémoires d'un travail intitulé : Expé- 
riences agricoles el horticoles entreprises de 1863 à 1869. 

La Société renvoie cette étude à l'examen d’une commission 
composée de MM. Faucompré père, Paul Laurens et Philippe 
Faucompré. 

M. Charles Grand, l'un des vice-présidents de la Compagnie, 
étant venu prendre séance, M. Lancrenon lui cède le fauteuil. 

M. Marchal fait une communication, accompagnée d’expé- 
riences, ayant trait à un système de chalumeau qu'il a créé 
en collaboration avec M. Bourdy. 

L'Assemblée prie M. Marchal de rédiger une notice sur cet 
appareil. 

À la suite d'un scrutin secret touchant le candidat proposé 
dans la précédente séance, M. le président proclame : 


Membre résidant 


M. Travers (Emile), archiviste du département du Doubs. 


Le Vice-Président, Le Secrétaire, 
GRAND. A. CASTAN. 


AN 0 OMR 


Séance du 13 novembre 1869. 


PRÉSIDENCE DE M. BouLLET. 


Sont présents : 


Bureau : MM. Boullet, président; Faucompré et Grand, 
vice-présidents; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire ; 
Varaigne, archiviste; Castan, secrétaire ; 

MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Androt, Bial, Bosseux, 
Courtot, Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Gaudot, 
Gaultier de Claubry, Girod (Victor), Gouillaud, Hory, Lebreton, 
Marchal, Paillot, Renaud (Alphonse), Renaud (François), Sire, 
Tissot, Travers, Vézian, Viennet, Wallon, Willemin, Zaremba ; 

MEMBRE CORRESPONDANT : M. Robert (Ulysse). 

Le procès-verbal de la séance du 14 août est lu et adopté. 

En retour de son élection comme membre honoraire, M. le 
sénateur Duruy a écrit à M. le président une lettre dont la 
Société, après audition, vote l’enregistrement. Cette dépêche 
est ainsi CONCÇUE : 

« Villeneuve-Saint-Georges, 6 novembre 1869. 


» Monsieur le Président, 


» La Société d'Emulation du Doubs, dans sa séance du 14 
août 1869, m'a fait la gracieuseté de me nommer membre 
honoraire. J'ai été vivement touché de cette marque de sym- 
pathie, surtout en songeant au moment choisi pour me la 
donner. En véritables antiquaires, vous gardez le culte des 

. morts. 

» Je voulais répondre à la Société de manière à lui prouver 
le prix que j'attache à son estime, en lui envoyant un volume 
dont l'impression devait être achevée avant mon départ pour 
l'Orient. Elle ne l’est pas, et je m'embarque après-demain. 

» Me voilà donc réduit à ne paraître qu’un membre inutile 
de votre active et savante Compagnie. 


‘4 


— XXXIX — 

» Veuillez au moins, Monsieur le Président, transmettre à 
mes collègues l'expression de ma sincère gratitude et recevoir 
pour vous-même l'assurance de ma considération la plus 
distinguée. 

» V. Düruy. » 

Est ensuite communiquée une lettre de M. le Préfet du 
Doubs, en date du 15 septembre, demandant à la Société de 
témoigner dans l'enquête ouverte relativement aux modifica- 
tions à introduire dans la législation de l'imprimerie et de la 
librairie. 

Bien que le délai fixé pour la remise des dépositions semble 
expiré, la Compagnie veut néanmoins faire le possible pour 
répondre à l'attention que l'autorité administrative a eue 
envers elle. A cet effet, le bureau désigne une commission 
qui s'informera de la possibilité d'introduire encore un avis 
dans l'enquête, et, en cas d'affirmation, préparera des réponses 
aux articles du questionnaire joint à la lettre préfectorale. 
Cette commission se compose de MM. Boullet, Charles Grand, 
Victor Girod, Gaultier de Claubry et Travers. 

En réponse à un envoi de publications, accompagné d'une 
lettre demandant que des relations d'échange s’établissent 
entre notre Société et l'Académie royale des sciences de 
Stockholm, il est décidé que cette illustre Compagnie recevra 
immédiatement les volumes parus de la quatrième série de 
nos Mémoires, plus un exemplaire de la Flore jurassique. 

Il est donné lecture d'une lettre de M. Bulle, appuyée de 
plusieurs témoignages, laquelle est écrite dans le but de 
revendiquer une priorité d'invention au sujet du chalumeau 
présenté par M. Marchal à notre séance du mois d'août. 

M. Bulle, autorisé par le conseil d'administration à assister 
à la séance de ce jour, réitère sa réclamation et engage une 
discussion avec M. Marchal. 

La question qui divise ces deux honorables industriels ne 
portant qe sur le fait de l'emploi du gaz de pétrole comme 
agent calorifique d’un chalumeau, M. Lebreton fait observer 


— XL — 
qu'un appareil basé sur ce principe est breveté depuis plu- 
sieurs années, et qu'à ce point de vue le débat n'aurait pas sa 
raison d'être. 

La Société, considérant qu'elle n’a pas qualité pour tran- 
cher une question litigieuse, donne acte à M. Bulle de sa 
réclamation et passe à l'ordre du jour. 

M. le président présente, au nom du conseil d'administra- 
tion, un projet de budget pour l’année 1870. Ce document, 
que la Compagnie adopte sans modification, est ainsi Conçu : 


« RECETTES PRÉSUMÉES. 


» 1° Subvention de l'Etat. . . . . .. ASE ro 900 f. 
pe EL du département . . ; . . . . .. 300 
; a TEE La (CR LE ai A TARA LR D > 600 
» 4° Cotisations des membres résidants . . . . . 1,800 
» D° Id. correspondants . . 600 
» 6° Droit de diplômes, recettes accidentelles. . . 90 
» 1 Intérêts de la partie non empruntée du capital 
des cotisations rachetées . _. . . . . . .. 40 
». Total .!1:: 191800 


» DÉPENSES. 


» 1° Remboursement d'un terme de l'emprunt 
fait, le 16 novembre 1867, sur le capital 


inaliénable des cotisations rachetées . . . . 300 

DR LEO SSLONS arrete 02 Le ONE UE le à VE NERN 2,400 
» 3° Frais de bureau et de recouvrements, chauf- 

aBe PL'ÉCIALATR 2 AR MUENE LoU L'ie Elias 250 

» 4° Frais divers et séance générale . . . . . .. 300 

» 9° Indemnité à l'agent de la Société . . . . . . 200 

» 6° Crédit pour recherches scientifiques. . . . . 290 

» Total des dépenses . . . . 3,700 


» Excédant de recettes . . . 190 » 


ER SUR 


M. Grand soulève incidemment la question du placement 
des fonds provenant des cotisations rachetées : il émet l'avis 
qu'il y aurait avantage pour la Société à convertir en rentes 
sur l'Etat toute la portion libre de ce capital. 

L'Assemblée partageant cette manière de voir, le conseil 
d'administration prie M. le trésorier de faire rentrer au plus 
tôt les fonds dont il s’agit, à l'effet de les échanger contre des 
titres de rente. 

M. le docteur Delacroix, substituant M. Grenier empêché, 
rend compte à la Société d un mémoire de botanique envoyé 
par M. François Leclerc, membre correspondant. 

Conformément aux conclusions de l'honorable rapporteur, 
la Compagnie vote l'impression de ce travail. 

Sur la proposition du secrétaire, l’Assemblée est également 
d'avis de comprendre dans notre prochain volume la Notice sur 
le sculpteur Monnot, produite récemment par M. Lancrenon. 

L'ordre du jour appelle la Société à arrêter les mesures 
relatives à la séance publique et au banquet de l'année 1869. 

Il est délibéré que cette double solennité aura lieu le jeudi 
16 décembre prochain, la séance à une heure et demie dans 
la grande salle de l'hôtel de ville, le banquet à six heures dans 
le salon du palais Granvelle. La souscription au banquet est 
fixée à dix francs par convive. Comme il est d'usage, des invi- 
tations seront faites à ce propos aux membres honoraires de 
la Compagnie ainsi qu'aux Sociétés savantes du voisinage; les 
membres correspondants seront informés de la séance et du 
banquet par une circulaire. MM. Faucompré et Faivre sont 
chargés de régler le menu du banquet, et M. Varaigne délégué 
pour surveiller la décoration des locaux où se tiendra la fête. 
Plein pouvoir est donné au conseil d'administration pour 
composer le programme des lectures qui rempliront la séance 
publique. Une réunion particulière aura lieu le mercredi 15 
décembre, à quatre heures, à l'effet d’élire le conseil de 1870 
et d'expédier les affaires courantes. 

- Sont présentés pour entrer dans la Société : 


— XLIIL — 
Comme membres résidants, 


Par MM. Lancrenon et Castan, M. Charles de Saint-Juan : 

Par MM. Delacroix (Emile) et Faivre, M. Gounand, docteur 
en médecine ; 

Par MM. Jacques et Faivre, M. Constant Levier, chirurgien- 
dentiste; LR 

Par MM. Delacroix { Emile) et Viennet, M. Louis Buisson, 
représentant de commerce ; 


Comme membres correspondants, 


Par MM. Boullet et Castan, M. Philibert Pompée, membre 
du conseil supérieur de l’enseignement secondaire spécial, à 
Ivry (Seine) ; 

Par MM. Delacroix (Alphonse) et Voisin (Pierre), M. Eugène 
Jussy, notaire, à Moissey (Jura) ; 

Par MM. Boullet et Castan, M. Bouthenot-Peugeot, maire 
de Valentigney et président de la Société des bibliothèques 
communales de l'arrondissement de Montbéliard ; 

Par MM. Paillot et Castan, MM. Briot, docteur en méde- 
cine, à Chaussin (Jura), et Louis Chapuis, phares au 
même lieu; 

Par MM. Delavelle et Girod (Victor), M. Gouget ( Hippo- 
lyte), contrôleur des contributions directes, à Montbéliard ; 

Par MM. Jacques et Faivre, M. Gindre, docteur en méde- 
cine, à Pontarlier; 

Par MM. Delacroix { Emile) et Jacques, M. Gauthier, doc- 
teur en médecine, à Luxeuil ; 

Par MM. Boullet et Castan, M. Chervin aîné, directeur- 
fondateur de l'institution des bègues, à Paris; 

Par MM. Perrier (Just) et Saint-Eve (Charles), M. Petit 
(Jean-Hugues), chef de section du chemin de fer, à Pontarlier. 


Le Président, Le Secrétaire, 


BouLLET. | A. CASTAN. 


XLR = 


Séance du 15 décembre 1869. 


PRÉSIDENCE DE M. BouLLzer. 


Sont présents : 


Bureau : MM. Boullet, président; Faucompré et Grand 
(Charles), vice-présidents; Jacques, trésorier; Faivre, vice- 
secrétaire; Varaigne, archiviste ; Castan, secrétaire ; 

Mewgres RÉsIDANTS : MM. Alexandre, Androt, Arnal, Bial, 
Bosseux, Bougeot, Bourcheriette, Canel, Choffat, Chotard, Courtot, 
Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Dunod de Charnage, 
Gaffarel, Gaultier de Claubry, Gauthier (Jules), Girod (Victor), 
Haildy, Jacob, Lancrenon, Mairot (Félix), Marchal, Marion 
(Charles), Petitcuenot, Pourcy de Lusans, Renaud (Alphonse), 
Renaud (Francois), Saint-Eve (Charles), Tissot, Travers, Tré- 
molières, Viennet, Wallon, Widal, Willemin, Zaremba : 

MEMBRE CORRESPONDANT : M. Cloz. 

Le procès-verbal de la séance du 13 novembre ayant été lu 
et adopté, M. Marchal exprime le désir que, nonobstant la 
réclamation de M. Bulle, sa note relative au chalumeau à 
hydro-carbures liquides, modifiée dans le sens de l’applica- 
tion de cet appareil à la fonte de l'or, soit inscrite au procès- 
verbal de la séance de ce jour. 

La Société, sous la réserve de son intention de ne pas se 
faire juge d’une question litigieuse, vote l'insertion de la note 
de M. Marchal, laquelle est ainsi conçue : 

« Fourneau à fondre l'or au moyen ‘des hydro - carbures 
liquides. — Ce fourneau est fondé sur les propriétés bien 
connues que possèdent l'essence de thérébentine, les huiles 
minérales, et autres hydro-carbures liquides, de produire par 
évaporation des gaz éminemment combustibles. 

» Sa construction est divisée en trois parties distinctes : un 
générateur de gaz, un orifice de combustion et un laboratoire. 


INR 


» Le générateur consiste en un cylindre de métal, fermé à 
ses deux extrémités. A trois centimètres au-dessus du fond 
inférieur, existe une grille en forme d'écumoire; à sept centi- 
mètres au-dessous du fond supérieur, existe une semblable 
grille. L'espace compris entre ces deux grilles est rempli de 
coton cardé, ni trop ui trop peu pressé. Les compartiments 
extrêmes restent vides. Un tube, débouchant extérieurement 
au sommet de l'appareil, traverse la couche de coton et dé- 
bouche intérieurement au-dessous de la grille inférieure; un 
autre tube est soudé au sommet de l'appareil et communique 
avec l’espace vide supérieur. 

» Pour se servir de l'appareil, on verse, par le tube débou- 
chant de la partie supérieure, du pétrole volatil, ou gaz mille, 
ou bien de la benzine, en quantité suffisante pour imbiber le 
coton : sil y a excès, le trop-plein se dépose au fond du 
cylindre. On adapte un tube de caoutchouc à l’une et à l’autre 
des tubulures. 

» Le tube en caoutchouc communiquant avec la partie 
supérieure du système porte l'orifice de combustion, lequel 
consiste en un bec de Bunzen, ou en une réunion de plusieurs 
becs, précédés d'un appareil de sûreté. Par l’autre tube, on 
donne une pression d'air, au moyen de la bouche ou d'un 
soufflet. 

» L'air, qui traverse le coton imbibé, entraîne assez d'hy- 
drogène carbonné pour être inflammable, et produit un jet de 
plusieurs décimètres. 

» I est des circonstances où le dard se maintient enflammé, 
d'autres où il est besoin d'une veilleuse. L'expérience montrera 
que cette variante dépend de la pression. 

» L'emploi de notre appareil n’est pas pénible : la chambre 
vide supérieure facilite l'obtention d’un jet continu. 

» Le laboratoire, auquel nous adaptons ce chalumeau, n'est 
qu'une modification du fourneau de MM. H. Sainte-Claire 
Deville et Debray. » 

M. le président communique ensuite les réponses faites aux 


| 
| 
. 
. 
| 
| 
"4 


Re ARTE 


invitations de la Société par les membres honoraires et les 
sociétés voisines : la Compagnie se montre flattée du nombre 
et de la qualité des personnes qui compteront, à la séance 
publique et au banquet, parmi ses auditeurs et ses convives. 

En retour de l'envoi fait par la Société des antiquaires de 
Picardie des deux premiers tomes de la troisième série de ses 
Mémoires, il est décidé que les volumes parus de la quatrième 
série de nos publications seront adressés à cette savante asso- 
ciation, et qu'un échange régulier continuera avec elle. 

Il est également arrêté que la Société d'Emulation de l’Aïn, 
qui nous a gratifié de trois fascicules de ses Annales, sera 
inscrite sur la liste des compagnies correspondantes. 

M. le premier vice-président Faucompré, parlant au nom 
de la commission nommée le 14 août dernier, émet l’avis que 
le travail de M. Chalot, intitulé : Expériences agricoles et horti- 
coles, serait mieux placé dans les Mémoires de la Société d’accli- 
malation, ou dans ceux de la Société d'agriculture de la Haute- 
Saône, que dans les publications de notre Compagnie. L'ho- 
norable rapporteur déclare toutefois que les observations de 
M. Chalot sont très dignes d'intérêt, et qu'il y a lieu, en 
retournant à l’auteur son manuscrit, de le féliciter des utiles 
exemples qu'il donne à la population rurale dont il est l’insti- 
tuteur. 

Ces conclusions sont adoptées. 

M. Alphonse Delacroix, chargé par le conseil d’adminis- 
tration de l'examen d’un travail de M. Quiquerez sur l'Eglise 
et le monastère de Moutier-Grandval, estime que ce travail est 
bon à imprimer dans nos Mémoires. 

La Société se range à cet avis. 

Le secrétaire communique, au nom de M. Travelet, membre 
correspondant, une note sur plusieurs Voies antiques inconnues 
du nord-ouest de la Franche-Comté. | 

La Société autorise l'enregistrement de cette note qui est 


ainsi COnÇUE : 


« Voie de Savigny (Haute-Marne) à Bourguignon-lez-Morey.— 


x 


— XLVI — 
Largeur : 3 mètres; pavé assez incliné sans margines. On la 
voit à une courte distance de Bourguignon, au lieu dit Sur- 
Voncourt, où elle gît cachée par un épais gazon. 

» Voie de Fouvent-le-Haut à la voie de Jussey. — Largeur : 
3 mètres. Elle existe entre Fouvent-le-Haut et Saint-Andoche, 


où elle porte le nom significatif de {a Romaine. Elle passait 


près du moulin, traversait le village et le bois de Saint- 
Andoche. On Ia retrouvait naguère à Pisseloup, derrière 
Suaucourt, à Saint-Julien, à Morey, en la Perrouse. Elle 
rencontrait à Molay la voie de Jussey, par Cherlieu, au camp 
de Bourguignon. 

» Voie de Fouvent-le-Bas à Frettes (Haute-Marne). — Elle 
est indiquée par des restes de stratumen : sur Fouvent-le-Bas, 
aux Perrouses; sur Argillières, aux Perrouses. De ce dernier 
lieu, elle tirait à Frettes, village où ne la grande route de 
FRE à Besancon. 

» Voie de Fouvent-le-Bas à Valeroy (Haute-Marne). — Restes 
d'une voie pavée se montrant, sur une longueur de dix mètres 
environ, dans l’ancien chemin vicinal de Fouvent à Valeroy. 

» Voie desservant le camp de Fouvent-le-Bas. — Les deux 
voies précédentes devaient nécessairement aboutir à la voie 
dite encore aujourd'hui des Etrds, voie qui desservait le camp 
situé sur la montagne de Fouvent, appelée en français Champot 
et en patois Champey. Ce camp, où l’on a trouvé des médailles 
romaines des haut et bas empires, affectait la forme rectangu- 
laire : les tuileaux antiques abondent sur le revers occidental 
de son assiette, seul côté où la ligne de fortification soit facile 
à reconnaitre. » 

La parole est donnée ensuite à M. Emile Travers, rapporteur 
de la commission nommée pour préparer des réponses au 
questionnaire relatif à l'enquête ouverte sur le régime de 
l'imprimerie et de la librairie. 

La commission a été unanime à penser que le brevet devait 
être supprimé pour l’une et pour l’autre de ces professions, 
qu'il y avait lieu, en un mot, d'assurer le libre exercice de la 


sa VIT 


concurrence au double point de vue de la confection et de la 
vente des livres; mais, attendu que la création d'imprimeries 
clandestines constituerait un véritable danger pour le respect 
des personnes et le maintien de l'ordre public, la majorité de 
la commission a été d'avis qu'afin de prévenir ce genre d’abus, 
il serait nécessaire d'exiger de tout imprimeur une déclaration 
préalable et un cautionnement. 

M. Gaultier de Claubry, s'étant trouvé en dissidence avec 
ses collègues de la commission au sujet de la restriction du 
cautionnement, lit une note ayant pour but de faire annuler 
par la Société cette conclusion du rapport. 

Il s'ouvre à ce sujet une discussion dans laquelle un grand 
nombre de membres se font entendre. 

Après quoi, le texte du rapport est mis aux voix et adopté. 

L'ordre du jour appelle la Société à élire son conseil d'ad- 
ministration pour l'année 1870. Les scrutins successifs ouverts 
à cet effet donnent les résultats suivants : 

Pour le président, 35 votants : 
M. Charles Grand, 34 voix ; 
M. Emile Delacroix, { voix. 

Pour le premier vice-président, 29 votants : 
M. Boullet, 28 voix ; 
M. Vézian, 1 voix. 

Pour le deuxième vice-président, 29 votants : 
M. Emile Delacroix, 27 voix ; 
M. Grenier, Î voix ; 
M. Chotard, { voix. 

Pour le vice-secrétaire, 24 votants : 
M. Faivre, 24 voix. 

Pour le trésorier, 24 votants : 
M. Jacques, 24 voix. 

Pour l’archiviste, 24 votants : 
M. Varaigne, 24 voix. 

-En conséquence, M. le président déclare le conseil d’admi- 
nistration de 1870 ainsi composé : 


ar ee. L A CL QE 


Président : im 2 baronne 1e 10e Charles Ga 0e 
Premier Vice-Président. M. BouLLET; 
Deuxième Vice-Président . . . . . . . . . M. Em. DELACRoOIx; 
Secrétaire décennal . . . M. CASTAN; 


Vice-Secrétaire et contrôleur des dépenses . M. FaAIvRE ; 
D'RÉSOPÉON ES NS ET I ET CMS J ACDITERR 
Archivistes a es 5 LOI OR OEM VAR ATEN 


Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres 
résidants : 

Par MM. Paul Laurens et Castan, M. Berr de Turique, con- 
seiller à la Cour impériale ; 

Par MM. Alphonse Delacroix et Castan, M. Jeannot-Droz 
(Alphonse), fabricant d'horlogerie ; : 

Par MM. Victor Girod et Castan, M. Cuillier, relieur de 
livres. 
_ A Ja suite d'un vote favorable émis sur les candidatures 
posées dans la dernière séance, M. le président proclame : 


Membres résidants 


MM. Charles DE SAINT-JUAN ; 
Gounan», docteur en médecine ; 
Levier (Constant), chirurgien-dentiste ; 
Buisson (Louis), représentant de commerce ; 


Membres correspondants 


MM. Poupée (Philibert), membre du Conseil supérieur de 
l'enseignement secondaire spécial, à Ivry-sur-Seine ; 
Jussy (Eugène), notaire, à Moissey (Jura) ; 

- BouTHExoT-PEUGEOT, maire de Valentigney et président 
de la Société des bibliothèques communales de l'ar- 
rondissement de Montbéliard ; 

Brior, docteur en médecine, à Chaussin (Jura); 
CHapuis (Louis), pharmacien, à Chaussin (Jura) ; 
Goucer (Hippolyte), contrôleur des contributions di- 
. rectes, à Montbéliard ; 

Ginpre, docteur en médecine, à Pontarlier ; 


| 
i 
. 
| 


MP SLID ES 


MM. GauTier, docteur en médecine, à Luxeuil ; 
CHERvIN aîné, directeur-fondateur de l’Institution des 
Bègues, à Paris; 
Psrir (Jean-Hugues), chef de section du chemin de fer, 
à Pontarlier. 


Le Président, Le Secrétaire, 


BouLLET. À. CASTAN. 


Séance publique du 16 décembre 1869. 


PRÉSIDENCE DE M. BOULLET. 


La séance s'ouvre extraordinairement à deux heures un 
quart de l'après-midi, dans la grande salle de l'hôtel de ville 
de Besançon. 

Siégent au bureau : 


M. Boullet, président; MM. LE GÉNÉRAL COMMANDANT LA 
T° DIVISION MILITAIRE, LE PRÉFET DU DOUBS, LE RECTEUR DE 
L'ACADÉMIE, LE MAIRE DE LA VILLE et L'INSPECTEUR D ACADÉMIE, 
membres honoraires; M. le colonel fédéral de Mandrot, délégué 
des Sociétés savantes de Neuchâtel et de Genève; M. Weizel, 
président de la Société d'Emulation de Montbéliard ; M. La- 
lance, maire de Montbéliard; M. Bouthenot-Peugeot, président 
de la Société des bibliothèques communales de ce même 
arrondissement; M. Faucompré, premier vice-président de la 
Société d'Emulation du Doubs; MM. Grand et Emile Delacroix, 
président et vice-président élus pour 1870; MM. Jacques, tré- 
sorier; Faivre, vice-secrétaire; Varaigne, archiviste; Valfrey, 
membre correspondant; Jules Gauthier, membæe résidant ; 
Castan, secrétaire ; : 

MEMBRES RÉSIDANTS PRÉSENTS : MM. Bial, Bougeot, Canel, 
Chauvelot, Chotard, Daclin, Delacroix (Alphonse), Dunod de 
Charnage, Fitsch (Christian), Gaffarel, Girod (Victor), Haldy, 

d 


— L— 


Klein, Lancrenon, Lieffroy, Mairot (Félix), Pétey, Pourcy de 
Lusans, Renaud (Alphonse), Renaud (Louis), Rialpo, de Sainte- 
Agathe, Sire, Tissot, Travers, Viennet, Willemin; 

MEMBRES CORRESPONDANTS PRÉSENTS : MM. Cloz, Devarenne, 
Gascon et Sautier. 

Un nombreux public remplit la salle. 

Le secrétaire ayant annoncé l'ordre des lectures, M. le pré- 
sident Boullet en ouvre la série par un Rapport sur les travaux 
de la Société en 1869, suivi de Considérations sur l’Instruction 
primaire envisagée comme cause prétendue de la dépopulation 
des campagnes. 

M. Jules Gauthier lit une étude sur les Gorrevod et leur 
sépulture dans l’église de Marnay. 

M. Jules Valfrey communique une Notice sur le marquis 
de Moustier. 

Enfin M. Castan donne lecture d’un morceau intitulé : Sully 
et le collége de Bourgogne. 

La séance est levée à quatre heures moins un quart. 


Le Président, Le Secrétaire, 


BOouULLET. A. CASTAN. 


de , 
DR CRT 


— LI — 


Banquet de 18369 


Après un entr'acte de deux heures, la Société se réunissait 
à nouveau dans le grand salon du palais Granvelle, autour 
d'une table splendidement servie par la maison Colomat. 

La décoration de ce local princier avait été dirigée par l’ar- 
chiviste de la Société, M. Varaigne, dont l’activité égale le 
goût. M. Baud, décorateur de Dijon, avait disposé dans le 
salon de riches portières en velours rouge à crépines d'or; les 
opulents candélabres du même fournisseur luttaient d'éclat 
avec des corbeilles de fleurs et de plantes rares installées par 
M. Normand. Sur les paroïs du salon brillaient les armoiries 
de la Société d'Emulation du Doubs (le lion franc-comtois, 
l'aigle bisontine et l'abeille impériale), ainsi que les blasons 
de Neuchâtel, de Genève et de Monthéliard; ces divers écus- 
sons ressortaient sur des drapeaux aux couleurs de la France, 
de la Suisse et de la ville de Besancon. A l’une des extrémités 
de la salle figurait un décor allégorique, représentant la divi- 
nité de la fête, l’Emulation, sous l'apparence d’une jeune 
femme qui, après avoir terrassé l’'Ignorance et l’Envie, s’élance 
vers les régions élevées, à la poursuite de palmes et de cou- 
ronnes : cette peinture, vigoureusement brossée, était Le fruit 
du talent et d’une gracieuse attention de M. Lumière. 

Soixante-treize convives ont participé au festin. Occupaient 
les places d'honneur : M. Boullet, président annuel, ayant à 
ses côtés M. le Général de division et M. le premier Président 
de la Cour impériale; M. Grand, président élu pour 1870, 
assis entre M. le Préfet du Doubs et M. le Maire de Besançon. 
Venaient ensuite M. le Recteur de l’Académie et M. l'Inspec- 
teur ; M. le colonel fédéral de Mandrot, délégué des Sociétés 
savantes de Neuchâtel et Genève; M. Wetzel, président de la 
Société d'Emulation de Montbéliard; M. Lalance, maire de 
cette dernière ville; M. Bouthenot-Peugeot, président de la 


Cr DA (FA 


Société des bibliothèques communales du même arrondisse- 
ment; M. Faucompré, premier vice-président annuel; M. Em. 
Delacroix, vice-président élu pour 1870; M. Jules Valfrey, 
rédacteur en chef du Mémorial diplomatique; MM. Lancrenon 
(de l’Institut), Alphonse Delacroix et Victor Girod, anciens 
présidents de la Compagnie; MM. Reynaud-Ducreux et Pourcy 
de Lusans, membres fondateurs; M. le baron Daclin, membre 
du Conseil général; M. le capitaine de frégate Ulysse Deva- 
renne, un enfant distingué de Besançon, qui, dès l’âge de 
trente-six ans, avait conquis les épaulettes de lieutenant-colonel 
et la croix d'officier de la Légion-d'Honneur; MM. les com- 
mandants Sautier, Bial et de Bigot; M. Chotard, professeur 
d'histoire à la Faculté des lettres; M. Mairot, ancien président 
du tribunal de commerce; M. Klein, membre du Conseil 
municipal de Besançon, etc: 

Le menu, très heureusement combiné par MM. le comman- 
dant Faucompré et le docteur Faivre, avait été réussi à souhait 
comme exécution; la pièce monumentale n'était rien moins 
qu'un esturgeon du poids de 45 kilogrammes. Au bas des 
cartes qui indiquaient l’ordre du service, on lisait cette anno- 
tation : « Le bourgogne ordinaire est un cadeau fait à la 
Société par M. Pierre Faivre, de Seurre (Côte-d'Or), membre 
correspondant. » C'était la première fois que la Compagnie 
enregistrait une largesse de cette nature : il va sans dire que 
le meilleur accueil lui a été fait; on raconte même que beau- 
coup formaient tout bas des vœux pour que l'exemple donné 
par l'honorable M. Faivre inaugurât un nouveau genre d’é- 
mulation. , 

Le moment du dessert venu, M. le Préfet s’est levé, et avec 
lui toute l'assistance, pour porter la santé de l'Empereur. 
M. Demanche, chacun le sait aujourd'hui, à la parole facile, 
précise et élégante; il est doué de plus d’une parfaite justesse 
de tact. Son toast en a été la preuve : il en a exclu la politique, 
estimant avec raison qu'elle était étrangère à l'événement. 
Entre les grandes choses accomplies par le second Empire, 


— LIN — 

M. le Préfet s’est borné à faire ressortir l'impulsion donnée 
par le chef de l'Etat à l'esprit de recherches qui demeurera le 
caractère saillant de la phase intellectuelle que nous traver- 
sons. Îl a loué la Société d'Emulation du Doubs pour la noble 
part qu'elle a prise à ce mouvement. Associant gracieusement 
les noms de nos archéologues bisontins à ceux des maîtres de 
la science du passé, M. le Préfet a caractérisé d'un mot heu- 
reux les révélations contestées quelquefois du sol d’Alaise, et 
celles plus positives qui sortent des entrailles de l'antique 
Vesontio. Cette allocution a été saluée par de chaleureux 
applaudissements. 


M. le président Boullet a pris ensuite la parole en ces 
termes : 


« Messieurs, 


» [l y à trente ans, quelques hommes se sont rencontrés 
qui, avec des ressources aussi restreintes qu était grand leur 
dévouement à notre pays, ont fondé la Société d'Emulation 
du Doubs. | 

» [ls ne se proposaient point d'organiser un corps lettré, 
pour s'occuper des travaux du bel esprit. Autre était leur but : 
ils ont fait appel aux hommes de bonne volonté, capables 
d'honorer une association et de concourir par leur initiative 
personnelle au progrès général. Cette disposition était une 
condition de succès, et l'expérience à prouvé que leur idée 
était féconde. 

» Ce germe d'association à produit un grand corps, qui 
compte aujourd'hui ses adhérents par centaines. Mais si le 
nombre nous rend fiers, ajoutons que la qualité ne lui cède 
rien et peut à plus juste titre encore nous enorgueillir ! En 
effet, hommes d'Etat (ministres, sénateurs, députés), hommes 
de lettres, savants, magistrats, militaires, agriculteurs, indus- 
triels, financiers, tous apportent leur concours à l'œuvre com- 
mune, et en font une vraie république des intelligences. 


en LIVRE 


» Que produiit-elle ? Ses travaux et ses mémoires, depuis sa 
fondation, sont déjà un monument national! Nos antiquaires 
y font revivre un passé intéressant et glorieux : ils réunissent 
à l'appui de leurs écrits les vestiges du monde celtique et 
gallo-romain, pour en former un merveilleux musée! Les 
sciences, les arts, l'industrie déposent pieusement dans ces 
mémoires leurs élucubrations au profit de l'avenir. Touchante 
prévoyance dont les générations futures nous sauront gré; car 
nous leur tracons la voie qui les conduiræ sans labeur vers le 
passé que nous nous efforçons de remettre en lumière ! 

» Mais, nous dira-t-on, ces travaux que vous exaltez 1C1, 
sont-ils connus, jugés, appréciés au dehors ? 

» Toutes les sociétés savantes de la France, la plupart des 
corps savants de l'Europe, l'Amérique elle-même, sollicitent 
la faveur de commercer intellectuellement avec nous. Nous y 
répondons, et nous faisons ainsi du libre-échange sans reven- 
diquer de droits protecteurs ! En outre, lorsque chaque année 
le Ministre de l'Instruction publique convoque à la Sorbonne 
les assises scientifiques, ce tournoi du savoir où l'on se rend 
de toutes parts, nous y figurons aussi par nos tenants, qui 
prennent part à la lutte, rompent des lances et nous rapportent 
des couronnes et des croix d'honneur ! 

» Donc nous occupons notre rang, et un rang honorable 
dans le monde intelligent de notre temps, dans ce monde qui 
s'est donné la mission d'associer la science spéculative du 
passé à la science d'application du présent. Heureuse combi- 
naison, d’où résulte une immense somme de bien-être au 
profit des nations modernes, et une prospérité qui ne s'est 
jamais vue à aucune époque des temps passés ! 

» Ces dispositions sont reconnues et affirmées par la sym- 
pathie et l'intérêt que nous témoignent l'Etat, le département 
et la ville : l’occasion est favorable pour les en remercier. 

» Je suis sûr d'être l'interprète des sentiments de tous en 
exprimant notre profonde gratitude à M. le Préfet du Doubs, 
le représentant direct du gouvernement parmi nous, à M. le 


AE D 
Préfet qui, dans un toast éloquent, vient de nous dire en beau 
langage ce que nous devons de reconnaissance à l'Empereur, 
pour avoir rendu la France prospère, puissante et glorieuse ! 

» Merci aussi à la ville, représentée dans cette assemblée 
par une administration municipale dévouée et sympathique à 
toutes les institutions utiles, et particulièrement à la nôtre. 

» Je porte un toast aux fondateurs de la Société qui comptent 
encore dans nos rangs. Ils ont, avec ceux de leurs collabora- 
teurs que la mort a rappelés, et auxquels nous paierons en ce 
jour un juste tribut d'éloges et de regrets, ils ont, dis-je, 
accompli une-œuvre utile et bien mérité du pays ! 

» Associons à ce toast, pour fêter sa bienvenue, le nom de 
notre nouveau président, M. Grand, dont le mérite, le zèle 
et le dévouement donneront une impulsion nouvelle à nos 
travaux, et contribueront à nous maintenir au premier rang 
parmi les sociétés que l'on cite et que l’on distingue en 
France. » 


M. Grand, président nouvellement élu, a répondu comme 
suit au discours de son savant prédécesseur : 


« Messieurs, 


» Il me faut une hien grande confiance dans votre indul- 
sente confraternité pour oser accepter la mission d’être votre 
président, moi qui ne suis ni un savant, ni un lettré. 

» À quel titre donc me suis-je trouvé investi de l'honneur 
de vos suffrages ? 

» Ce ne peut être que par une pensée de bienveillant accueil 
fait à un ancien membre de la Société qui, après une longue 
absence, est venu reprendre avec bonheur sa place au milieu 
de vous. 

» Je suis profondément touché, Messieurs, de ce témoignage 
de votre part, et, à défaut d'autre mérite, je vous promets le 
dévouement le plus absolu aux intérêts de la Société. 

» Conserver intactes les traditions du passé, suivre fidèle- 

7 


ar D eme 


ment la ligne tracée par mes éminents prédécesseurs, telle 
sera mon unique préoccupation : heureux si je ne resle pas 
bien au-dessous de la tâche que m'impose votre trop confiante 
amitié. 

» Votre origine, votre but, vos travaux viennent de vous 
être retracés, avec une grande autorité de langage, par notre 
honorable et érudit président. 

» Oui, Messieurs, vous comptez dans le monde savant, vous 
y tenez une place importante que vos devanciers et vous avez 
laborieusement conquise. 

» Cette place, vous saurez la conserver, et vous le devrez 
encore à vos fondateurs. 

» Au lieu de s’ériger en un cénacle de savants et d’enfermer 
leur dignité dans un cercle de Popilius, ils ont appelé à eux 
tous ceux qui s'intéressent à la prospérité de notre pays : aussi 
en vieillissant vous restez toujours jeunes. 

» C'est bien à vous, Messieurs, que pourrait s'appliquer 
cette charmante devise que porte avec orgueil, depuis 1606, 
la plus ancienne de toutes les associations scientifiques de ce 
versant des Alpes : son emblème est un arbre du jardin des 
Hespérides, et sa devise : Flores, fructusque perennes ; des 
fleurs et des fruits ensemble et toujours. 

» Ne craignons donc pas de rajeunir nos rangs en appelant 
à nous la jeunesse, la jeunesse, cette fleur de la, vie! 

» Personne ici peut-être n’a mieux Compris cette pensée que 
notre honorable président. Après avoir formé pour les luttes 
de la vie des jeunes hommes pleins de savoir et d'idées libé- 
rales, personne plus que lui n’applaudit à leurs efforts et à 
leurs succès. 

» Aussi, je les unis dans un même toast : 

» À notre Président ! 

» À nos jeunes confrères! à la prospérité de leurs travaux!» 


Puis M. Castan, secrétaire de la Société, a porté le toast 
suivant : 


= RAR 


« Messieurs, 


» Lors de la tempête politique de 1830, l'une de nos petites 
villes de Franche-Comté avait installé dans sa maison com- 
mune une sorte de gouvernement provisoire. Les têtes étaient 
échauffées, car dans un pays vignoble on boit sec en temps de 
révolution : aussi les ambassades populaires arrivaient-elles 
sans cesse au siége de ce pouvoir improvisé. À l'une des 
députations, le gouverneur de service demanda quel était son 
chef. Nous sommes tout de chefs ! répondit en chœur le groupe 
frémissant. 

» Ce propos, Messieurs, est mieux qu'une boutade de cir- 
constance : c'est la traduction pittoresque d’un sentiment qui 
n'a cessé d'être la qualité saillante et le capital défaut de notre 
race toujours gauloise. Très aptes à faire des gouvernants, 
nous avons été jusqu'ici fort difficilement gouvernables. L'in- 
variable allure de nos essais démocratiques le démontre : en 
voulant alors être tous individuellement chefs, nous avons 
perdu bien vite les occasions de le devenir un peu tous collec- 
tivement. 

» Cependant le niveau de l'instruction générale s'élève, et 
par là croît incessamment l'action des masses sur la conduite 
des affaires. Chacun est convaincu de cette situation : beaucoup 
réclament très haut des droits; mais combien peu soupconnent 
que la médaille du droit a pour revers le devoir, et que le 
premier des devoirs consiste à sacrifier les convenances per- 
sonnelles à l'intérêt de tous! Cette notion est la pierre angulaire 
de l'éducation publique, et l’on ne saurait trop déployer d'é-: 
nergie pour l'implanter d'une manière durable. 

» À ce point de vue, Messieurs, les sociétés libérales, comme 
est la nôtre, ont à exercer une action des plus salutaires. En 
tant que laboratoires d'études rétrospectives, elles divulguent, 

au profit de la marche du présent, les grandeurs et les défail- 
lances des vieux âges; mais elles peuvent encore servir d'écoles 


NAT 


pratiques aux hommes qui les fréquentent, et donner même 
au pays tout entier des lecons de conduite sociale. 

» En effet, nos associations reposent sur le dévouement de 
tous à un but impersonnel, le progrès de la science. La direc- 
tion de leurs travaux est dévolue à des fonctionnaires électifs, 
qui s'équibrent, se contrôlent et se prêtent une fraternelle 
assistance. Les emplois qu'ils remplissent comportent des 
charges, quelquefois assez lourdes, et il n’en résulte pour eux 
que des satisfactions de conscience. On apprend chez nous à 
accepter le pouvoir sans arrière-pensée d'ambition et à le 
quitter sans l'ombre d'un regret. 

» Ce sont là, Messieurs, d'excellents principes qu'il serait 
bon de nous employer à introduire dans les mœurs publiques. 
Pour ce faire, nous aurions à tirer grand parti des méthodes 
de propagande mises en œuvre par les sociétés qui nous avoi- 
sinent, et tout spécialement par celles dont nous nous félicitons 
de posséder aujourd’hui les savants délégués. Déjà nous avons 
emprunté à la Société d'Emulation de Montbéliard cette bonne 
pensée d'invitations réciproques à nos fêtes. Ne pourrions- 
nous pas, à son exemple, apporter notre contingent d'impul- 
sion à l'œuvre si moralisatrice des bibliothèques communales ? 
Ne devrions-nous pas également adopter cette habitude qu'ont 
les sociétés de la Suisse romande de tenir successivement des 
assises dans les divers centres d'une même contrée ? 

» En posant ces intéressantes questions, je n'ai en Ce mo- 
ment, Messieurs, que le désir de rendre un hommage mérité 
à l'esprit sagement émulateur de sociétés amies. Je terminerai 
donc en buvant aux succès de ces associations, succès qui sont 
aussi les nôtres, puisqu'ils ont pour effet d'activer toujours 
notre marche et quelquefois de l'éclairer ! » 


Les réponses à cette harangue ne se firent pas attendre. 
M. le colonel de Mandrot répliqua le premier : sa parole, que 
nous apprécions toujours davantage, réunit l'élégance de dic- 
tion du gentilhomme à cet esprit d'à-propos que donne l'habi- 


A LIRE 


tude des assemblées. L'érudit militaire exprima des souhaits 
bien sentis au point de vue de la continuation d'un échange 
de bons rapports et de services mutuels entre la Franche- 
Comté et les cantons suisses limitrophes. Les relations ami- 
cales de ces pays sont anciennes; elles n’ont été interrompues 
qu'un instant, et par le fait d'un malentendu qui ne se repro- 
duira pas. La France a intérêt à protéger la Suisse, qui couvre 
une notable portion de ses frontières, et la Suisse doit en 
retour garder une neutralité loyale dans toute complication 
politique qui menacerait la France. Comme gage de la perpé- 
tuité de cet esprit, il est bon que les associations des deux pays 
fraternisent, et c'est pour ce motif que les Sociétés savantes 
de Neuchâtel et Genève ont délégué auprès de nous M. de 
Mandrot. 


À son tour, M. Wetzel, président de la Société d'Emulation 
de Montbéliard, fit entendre les paroles que voici : 


« Messieurs, 


» Chargé de représenter, auprès de vous, la Société d'Emu- 
lation de Montbéliard, je suis venu à votre fête, ou plutôt à 
vos deux belles fêtes, celle de la science tout à l’heure et celle 
de la fraternité maintenant, pour vous apporter, de la part de 
cette Société, sœur cadette de la vôtre, un nouveau témoignage 
de sa cordiale sympathie, et pour boire, en son nom, à la 
continuation des rapports les plus intimes entre les deux com- 
pagnies. Mais ce toast s'élève et s'élargit dans mon esprit, et 
à nos deux sociétés, je vous demande la permission de subs- 
tituer, non pas seulement les deux villes où elles siégent, mais, 
mieux encore, les deux contrées au centre desquelles elles 
fonctionnent. 

» La Franche - Comté et le comté de Montbéliard n'ont 
guère, dans leur histoire, de souvenirs communs : pour en 
trouver, il faut, pour ainsi dire, aller les chercher par-delà les 
siècles, jusque dans notre vieille Séquanie, car, dès qu'il y eut 


— LX — 

une Franche-Comté et un comté de Montbéliard, nos aïeux 
marchèrent sous des bannières différentes ; leurs tendances 

leurs intérêts étaient opposés, souvent hostiles; la ligne géo- 
graphique qui les séparait n’était pas un trait d'union, comme 
devrait l'être toute frontière : c'était une bârrière ; tranchons 
le mot, nos pères ne s'aimaient pas. Pour le bourgeois de 
Montbéliard, la Franche-Comté était une voisine ambitieuse» 
toujours prête à faire revivre les vieilles prétentions de suze- 
raineté qui avaient coûté si cher à son pays; pour le Franc- 
Comtois, le petit pays de Montbéliard était un repaire d'héré- 
tiques et de mécréants duquel il ne pouvait sortir que peste et 
damnation. Le souffle de notre grande révolution, l'esprit 
moderne, l'esprit français, ont passé sur ces misères et les ont 
emportées à jamais. Longtemps encore pourtant, nous nous 
sommes sentis étrangers dans votre beau pays, et longtemps 
aussi VOUS nous avez regardés comme tels : notre race à tous, 
vous le savez, Messieurs, si elle est sûre et fidèle, est lente à 
se livrer. Ce que n'avaient pu faire nos intérêts devenus com- 
muns, le voisinage et les mille rapports qui naissent d'une 
même administration, la science et l'amour de l'étude ont su 
l'accomplir. C’est dans nos réunions, dans des fêtes comme 
celle-ci, que se sont échangées les premières manifestations 
d'affectueuse et cordiale sympathie entre les deux populations. 
Honneur donc à la science, qui, en élevant l'esprit, échauffe 
le cœur ! Grâce à elle, la glace est rompue entre nous, et, dans 
ce banquet qui réunit les représentants les plus éminents de 
la Franche-Comté, je suis heureux et fier, moi l'enfant de 
Montbéliard, ‘de boire à la prospérité de notre pays commun, 
de notre chère Franche-Comté, et à l’union inaltérable de 
tous ses enfants anciens et nouveaux ! » 


Après quoi, M. Alphonse Delacroix, l’un des fondateurs et 
ancien président de la Société, crut devoir remercier M. le 
Préfet de la preuve d'intérêt qu'il venait de donner à l’érudition 
bisontine; il exprima en outre à M. Demanche les sentiments 


= HE 


cordiaux que son esprit élevé et sa franche bienveillance 
avaient fait naître pour le premier magistrat du département. 


Enfin, M. le premier président Loiseau, s'inspirant de ce 
pur et large patriotisme local qui. l'anime, résuma les vœux 
de tous en un toast d’une éloquence simple, nerveuse et con- 
vaincue. Il but à l’union, à la prospérité, à l'avenir de la 
famille comtoise; à la conservation des qualités solides et 
fécondes qui sont le patrimoine de ses enfants. 


Ainsi se termina cette bonne journée, pleine de nobles 
jouissances pour ceux qui y ont pris part. La Société d'Emu- 
lation du Doubs ne pouvait démontrer d'une facon plus pé- 
remptoire que les associations largement ouvertes sont les 
seules où il y ait continuité de sève, libéralisme d'esprit et 
puissance d'action. 


MÉMOIRES 


RAPPORT 


SUR LES TRAVAUX 


DE LA 


NOCIÈTÉ D'ÉMULATION DE DOUBS 


EN 1869 


SUIVI DE CONSIDÉRATIONS SUR L'INSTRUCTION PRIMAIRE 


ENVISAGÉE COMME CAUSE PRÉTENDUE 


DE LA DÉPOPULATION DES CAMPAGNES 


DISCOURS D'OUVERTURE DE LA SÉANCE PUBLIQUE DU 16 DÉCEMBRE 1869 


PAR M. BOULLET 


PRÉSIDENT ANNUEL 


Messieurs, 


Une société s'estime à ses œuvres. C’est donc en analysant 
nos travaux de l’année que nous pourrons juger de nos pro- 
grès, de l'utilité de nos efforts et des résultats qu'ils produisent. 

L'initiative personnelle étant notre grand principe, chacun 
de nous suit la voie de son choix, apporte à l'édifice commun 
les matériaux qu'il a recueillis, et recoit de ses collègues des 
conseils et des encouragements. 

C'est dans la diversité que se trouve l'intérêt de nos recher- 
ches. Nous nous appliquons à les diriger sur des sujets qui 


puissent, avant tout, profiter à notre pays. 


HD 

L’archéologie est le domaine de prédilection des plus dignes 
et des plus renommés parmi nous : aussi lui donnerons-nous 
la priorité dans l'énumération de nos principales productions 
de l’année. 

Nous avons, comme d'habitude, répondu à l'appel du Mi- 
nistre de l'Instruction publique, lorsqu'il a convoqué, à Paris, 
les délégués des sociétés savantes. Quinze membres de notre 
Compagnie se sont rendus à cette réunion, et trois d’entre eux 
y ont pris une part active. 

M. Castan, votre honorable et savant secrétaire, a ouvert la 
série des lectures archéologiques par son remarquable mé- 
moire sur le Champ-de-Mars de Vesontio. Ce travail important 
a tenu attentif à son sujet un auditoire nombreux et choisi; il 
a excité l'intérêt général et inauguré dignement les séances 
de 1869. 

Dans la même section, M. de Rochas d’Aiglun a donné 
lecture d'un mémoire intitulé : La balistique et la fortification 
chez les Grecs au deuxième siècle avant l'ère chrétienne. T1 con- 
vient à un officier du génie de traiter de l’histoire des fortifi- 
cations : aussi M. de Rochas s’en est-il tiré avec un rare mé- 
rite. Sa communication lui a valu des éloges auxquels nous 
nous sommes associés avec d'autant plus de plaisir et d'intérêt, 
que l'auteur nous promet, pour le prochain volume de nos 
annales, un travail sur le morceau principal qui nous reste 
des Grecs en matière de fortification. 

L'histoire a eu aussi son lot dans nos lectures en Sorbonne. 
M. Drapeyron, notre savant correspondant, professeur à Paris, 
nous à dignement représentés dans cette section. Il a fait con- 
naître un très beau mémoire sur la Séparation de la France et 
de l'Allemagne aux 1x° et x° siècles. Votre secrétaire, rendant 
compte de son impression sur ce travail, s'exprime en ces 
termes : « L'œuvre de M. Drapeyron est un morceau de grand 
style; les aperçus les plus neufs et les plus larges s’y produisent 
sous une forme toujours pure et saisissante. De l'avis de tous 
les auditeurs, cette communication a été l’une des mieux 


"4 


5 Re 
TAUAS ; 


a 


accueillies de celles qui ont rempli les séances de la section 
d'histoire. » 

Ajoutons, comme détail important pour la renommée de 
notre Société, que l'illustre président de cette même section 
d'histoire s'associe de cœur à nos succès et se plaît à déclarer 
qu'il est des nôtres. Je veux parler de M. le sénateur Amédée 
Thierry, dont la haute illustration a pris naissance dans les 
murs de cette ville. 

D'autres travaux d'archéologie et d'histoire ont été produits 
par plusieurs d’entre vous dans nos séances mensuelles. 
M. Gaffarel, professeur d'histoire au lycée, nous a lu un frag- 
ment intéressant sur les Relations de l’Amérique avec l’ancien 
continent, antérieurement au voyage de Christophe Colomb. 
Nous avons également entendu avec plaisir un travail histo- 
rique de M. Castan, sur le Blocus de Besançon par-Jean de 
Chalon-Arlay, en 1290. 

Enfin, comme témoignage de la compétence qui vous est 
reconnue en matière d'histoire, M. le Recteur de l’Académie 
vous a priés de choisir dans vos rangs un délégué pour faire 
partie du jury chargé de décerner le prix institué par décret 


. impérial du 30 mars 1869. Vos suffrages se sont portés sur 


M. Alphonse Delacroix, notre docte collègue, classé au pre- 
mier rang parmi les chercheurs en renom. 

Le musée archéologique et le musée d'histoire naturelle 
n'ont pas été oubliés non plus dans vos généreuses préoccu- 
pations. Mentionnons d’abord une pique en fer, provenant 
vraisemblablement de ces grandes compagnies qui ont désolé 
notre pays aux quatorzième et quinzième siècles : cet instru- 
ment, qui vous avait été offert par M. Joseph Piguet, a pris 
place dans les richesses archéologiques que classe avec zèle et 
talent notre digne collaborateur M. Vuilleret. Nous signale- 
rons aussi un plan photographié des fouilles que l'Empereur 
Napoléon III fait exécuter à Rome, sur l'emplacement du 
Palais des Césars : ce plan nous a été gracieusement offert, à 
son retour d'Italie, par M. l'avocat Oudet. 


/ 


— 4 — 


Une collection de coquillages du littoral asiatique et une 
mouche-feuille, curieux insecte de l'île Mayotte, ont enrichi 
le musée d'histoire naturelle. Nous en sommes redevables à 
M. Alfred Gevrey, procureur impérial à Pondichéry. 

Les sciences physiques et naturelles, l’agriculture, l'indus- 
trie, ont eu leur part dans vos travaux. Comme particularité 
à noter, nous signalerons la réunion du Congrès botanique de 
France qui a eu lieu à Pontarlier, au mois de juillet de cette 
annnée, et dont la présidence a été dévolue à notre savant 
collègue M. le docteur Grenier, comme hommage rendu à la 
réputation universelle et si bien méritée que lui accordent les 
naturalistes contemporains. 

En industrie, quoique tous les progrès nous touchent, on 
ne trouvera pas mauvais que nous nous intéressions plus 
spécialement à la branche qui vaut à notre ville une si belle 
somme de prospérité : aussi avons-nous enregistré avec plaisir, 
pour vous les rappeler aujourd’hui, les renseignements que 
nous à fournis notre honorable collègue M. Paul Laurens, 
sur la situation de l'horlogerie bisontine : 340,000 montres 
avaient été fabriquées ici l'année dernière, et Le chiffre de cette 
même production ira plus loin encore pour 1869. 

Nos relations avec les sociétés savantes s'étendent chaque 
année et concourent à donner de la publicité à nos travaux, 
tout en nous procurant, en échange, les éléments d’une pré- 
cieuse bibliothèque. Sept alliances nouvelles ont marqué la 
période dont nous rendons compte, et, parmi celles-ci, une 
alliance royale avec l’Académie des sciences de Stockholm. 

Enfin, notre prospérité numérique vient s'ajouter au bon 
état de notre situation générale et contribue à la maintenir. 
La Société a recu 29 membres nouveaux, dont 19 résidants et 
10 correspondants. Nous avons eu la douleur de perdre un de 
nos associés les plus éminents dans la personne de M. le mar- 
quis de Moustier, sénateur et ancien ministre, mort en février 
dernier. Cet homme si distingué nous honoraït d’une bien- 
veillance que nous n'oublierons jamais; nos travaux l’inté- 


RE 


ressaient comme une portion du patrimoine d'honneur de 
cette bonne province de Franche-Comté, toujours chère à ses 
enfants, qu'ils soient conseillers de la couronne, ou restent 
dans les conditions les plus modestes de la vie! 

Si quelque compensation à cette perte regrettable était pos- 
sible, nous la trouverions dans une élection que vous avez 
faite, également au titre de membre honoraire, d’un autre 
ministre, sénateur aussi, historien distingué autant qu'homme 
d'Etat célèbre. Vous avez déjà nommé M. Duruy, qui a accepté 
avec empressement et gratitude le témoignage de sympathie 
que vous lui avez offert, et qui vous en a remercié par une 
charmante lettre à laquelle le cœur et l'esprit ont collaboré. 


Messieurs , 


Après le compte rendu de nos travaux, je me propose de 
traiter rapidement un sujet dont l'examen m'a paru digne 
de vous intéresser. Il s'agit de l'influence de l'instruction 
primaire sur la dépopulation des campagnes. 

À aucune époque antérieure on ne s'est tant occupé de 
l'instruction primaire qu'on le fait aujourd'hui. La gratuité 
ne suffit plus, on veut l'obligation; et toutes les nations euro- 
péennes ont à cœur de prendre le premier rang dans cette 
course à l'émancipation de l'homme par l'instruction. En 
France particulièrement, depuis la grande cité jusqu’au plus 
humble hameau, on veut que chacun sache au moins lire et 
écrire. Ce sont des aspirations louables, que tous les vrais 
amis du progrès doivent partager, et que le gouvernement, 
dans sa sagesse, seconde par de puissants efforts. 

Le bien qui en résultera est incontestable, et cependant cette 
opinion ne rallie pas l’unanimité des suffrages. Il existe bon 
nombre d'esprits cultivés, distingués même, qui font le procès 
à l'instruction populaire, la rendant responsable d'une partie 
des bouleversements politiques ou sociaux, et notamment de 
la regrettable tendance d’émigration des campagnes vers les 


» 0 — 


villes, tendance plus marquée maintenant qu’elle ne l’a 
jamais été. 

On quitte la campagne pour la ville. C'est un fait qui se 
dessine de plus en plus chaque année. La population des 
villages diminue, les terres restent sans culture; et ceux qui 
s’occupent encore des travaux des champs ne trouvent plus 
de bras pour les aider, même à prix d'or. D'un autre côté, les 
propriétaires qui ont des biens à affermer, ne trouvent que 
très difficilement à les louer, quelqu'avantageuses que soient 
les conditions qu'ils offrent; souvent ils sont obligés de les 
vendre pour en tirer parti. 

Cette situation est triste et affligeante; mais à qui la faute ? 
A l'instruction primaire, disent ceux qui ne veulent pas se 
donner la peine de rechercher la cause du mal! Vous faites 
des savants de tous les paysans, et quand ils ont appris l'or- 
thographe, l'histoire, la géographie, les mathématiques, ils se 
croient des personnages, dédaignent la charrue et les travaux 
des champs, quittent leurs foyers, et viennent à la ville 
vivre d’expédients et de mécomptes, grossir les rangs des 
révoltés contre l’ordre social, et faire l’appoint de toutes les 
révolutions ! 

Le mal existe; on ne s'en plaint pas à tort. Maïs bien loin 
d'en attribuer la cause à l'instruction primaire et de l’en rendre 
responsable, je prétends démontrer que, s'il y a un remède à 
ce mal, c’est elle qui le fournira, et que c'est à elle qu'il faut 
le demander. 

Et, d'abord, examinons ce qu'a de sérieux le reproche 
adressé aux instituteurs de faire des savants. Leur science, à 
tous, est bien limitée, et aucun, que je sache, n’a la prétention 
de donner ce qu'il ne possède pas. Ils sont très heureux, et 
leur mission se trouve remplie à souhait, quand ils ont pu 
apprendre à lire, à écrire et à compter à la généralité de leurs 
élèves. Ajoutons à ce bagage, pour les plus intelligents, quel- 
ques dates et quelques faits de l'histoire, la géographie de 
leur province, et nous aurons le savant qui va bouleverser le 


L. 


LES APR 


monde. C'est dérisoire ! Je demande à un homme sensé de 
quoi est capable, dans la vie pratique des affaires, un jeune 
homme de quinze ans, sortant de son village, avec de sem- 
blables moyens d'existence ? Il pourra être clerc d’huissier, 
commissionnaire d'une étude de notaire ou d’avoué, et gagner 
cinquante centimes par jour. C'est une position sociale peu 
enviable, et je ne la crois pas faite pour séduire bien des 
jeunes gens. 

Mais ce ne sont pas seulement les hommes qui désertent 
nos villages : les femmes aussi, les jeunes filles auxquelles on 
a appris à lire et à écrire trouvent la houe et la faucille trop 
lourdes, et les quittent pour chercher fortune à la ville, et 
quelle fortune ! Est-ce l'instruction qu'elles ont recue qui les 
éloigne ? Est-ce l'institutrice qui leur prêche le luxe et ses 
désordres, le monde et ses misères ? Hélas non! Aïlleurs est 
la cause de ce fléau, et nous allons la montrer. 

Quatre raisons principales contribuent à la dépopulation des 
campagnes. Ce sont : 1° le recrutement annuel de l’armée ; 
2° le développement extrême de l’industrie et du commerce 
depuis quarante ans; 3° les chemins de fer et les moyens de 
communication devenus si faciles qu'ils tentent tout le monde; 
4° enfin, l'accroissement excessif du luxe et l'apparence du 
bien-être des villes, qui séduisent les gens de la campagne. 

Chaque année enlève aux champs des milliers de bras 
robustes et accoutumés aux rudes travaux de la culture. Les 
jeunes soldats, en apprenant le métier de militaire, oublient 
celui de laboureur et souvent le prennent en dégoût. La vie de 
caserne, le contact de la ville, les amollissent, les pervertissent 
et leur enlèvent le désir de revenir aux travaux de leur jeu- 
nesse , lorsque le temps du service est passé. Une partie 
de ces hommes meurent pendant le premier congé; une 
seconde reste au régiment et fait sa carrière de l'état militaire. 
Le plus grand nombre, après deux congés, quittent le service 
et cherchent des emplois qui les éloignent des soins de la 
culture. Ils sont gardes champêtres, gardes forestiers, facteurs 


CPR 
de la poste, domestiques de bonnes maisons. Enfin, une faible 
partie revient au village et se remet au travail. Ajoutons que 
ces hommes déclassés, vieillis prématurément, sans ressources 
suffisantes pour eux-mêmes, ne peuvent pas penser à élever 
une famille et à se marier. De là, une cause majeure d'amoin- 
drissement du chiffre de la population dans les communes 
rurales. 

En outre, le manque de jeunes gens a pour conséquence 
presque forcée l'émigration des filles qui, ne trouvant pas à 
s'établir au village, n'y sont plus retenues par les liens puis- 
sants de la famille, et vont” chercher ailleurs des conditions 
d'existence. Elles sont, du reste, appelées dans les grands 
centres de population par l'essor même qu'ont pris, depuis un 
demi-siècle, l'industrie et le commerce. Les fabriques et les 
ateliers de tous genres se multiplient à la surface de la France 
et demandent des bras pour seconder ou servir les machines 
qu'ils emploient. Les magasins où s'accumulent les produits 
de toutes ces fabriques, ont aussi besoin d'employés pour la 
vente et les placements. Où les prend-on ? En grande partie à 
la campagne. 

L'établissement des chemins de fer a largement contribué 
aussi à déplacer une partie de la population des villages. La 
construction d'abord, l'exploitation en second lieu, et la faci- 
lité des communications ensuite, ont remué prodigieusement 
les paisibles habitants des campagnes. La curiosité et le bon 
marché aidant, on se décide à aller visiter la ville. On y trouve 
installés des parents, des amis, des enfants du village qui 
paraissent heureux, satisfaits de leur position. Ils sont mieux 
vêtus, mieux nourris; ils sont à l'abri des intempéries; ils 
jouissent de l’avantage, inappréciable aux yeux de ces inexpé- 
rimentés, de ne pas travailler la terre, et de se mêler au train 
du monde, aux mouvements de la ville, aux mille incidents 
de la rue. L'idée de partager ce bien-être apparent les séduit. 
Is s’ingéuient à trouver les moyens de rester aussi à la ville 
pour y vivre heureux. Ils ignorent, sans doute, que les 


LE e ann 

exigences du travail ÿ sont plus grandes; qu'il faut plus d’acti- 
vité, d'habileté, de ressources d'esprit qu'on n’en exige à la 
campagne, et que les emplois qu'ils rempliront les assujetti- 
ront à mille désagréments qu'ils ne soupconnent pas. N'im- 
porte, ils veulent y venir, et quand ils y sont, la désillusion 
commence : les difficultés, les mécomptes arrivent. On se 
repent, on regrette la vie facile et paisible de la campagne, la 
quiétude de chaque jour, le travail rude peut-être, mais facile 
pourtant au corps habitué à le supporter. On voudrait bien 
revenir, mais l'amour-propre vous retient, et on persiste à 
souffrir plutôt que de céder à un bon sentiment! 

Il ne suffit pas de signaler le mal et d'en déplorer les consé- 
quences; il importe de rechercher s'il y a un remède et d'où 
il peut venir. 

C'est à l'instruction primaire qu'il faut le demander. C'est 
l'instituteur et l'institutrice, par leurs bonnes lecons et leurs 
sages conseils; c'est le curé, par ses exhortations religieuses, 
qui élèveront une digue contre le torrent. 

Les lecons du maître ne doivent pas se borner à la lecture, 
à l'écriture, au calcul et au catéchisme. Il faut qu'il s'occupe 
aussi et surtout de notions agricoles, des meilleurs procédés 
de culture, des améliorations à introduire dans la vie cham- 
pêtre pour la rendre heureuse, plus facile à supporter, et 
retenir au village ceux qui seraient tentés de le quitter. 

Des conseils ne seront pas de trop sur la bonne tenue et la 
propreté des habitations, sur la disposition et la culture des 
jardins, leur ornementation, leur utilité par les produits en 
fruits et en légumes choisis; sur lés soins à donner aux trou- 
peaux, aux animaux de tous genres que l'on peut élever, 
acclimater, et qui contribueront au bien-être de ceux qui s'en 
occupent. 

Ces meilleures méthodes donneront de prompts résultats. 
L'argent arrivera plus facilement, et avec lui les avantages 
que l’on croit trouver ailleurs, et que l'on cherche souvent en 
vain ! 


— 10 — 

La lecture à la disposition de tous permettra de vulgariser 
les hons livres sur la culture, les travaux des champs, les 
avantages sérieux qu'offre la campagne aux gens qui savent 
s y créer des ressources et se défendre du perfide attrait que 
présente le luxe des villes. 

Les conseils du prêtre, s'adressant à des esprits plus éclairés, 
seront rnieux mis à profit. Il montrera le danger des grands 
centres de population, les mécomptes de la vie aventureuse 
qui attendent ceux qui s'expatrient. Il comparera les difficultés 
de l'existence des travailleurs des villes à celles des gens de 
même condition à la campagne. Il prendra pour exemple ceux 
qui, parts inconsidérément, n'ont abouti qu'à une fin malheu- 
reuse, après avoir traversé une existence pénible. 

Ces précautions générales mettront déjà un frein salutaire 
à la tendance de tous; elles feront réfléchir plus sérieusement 
les plus déterminés et retiendront les hésitants. 

D'ailleurs les conditions du recrutement de l’armée se mo- 
difieront peu à peu, de manière à seconder les vœux que nous 
formons pour qu'un changement s'opère dans cette situation ; 
il s'ensuivra une réaction salutaire au profit des campagnes. 
Le gouvernement a déjà pris l'initiative de cette mesure, en 
réduisant la durée du service actif, et en organisant la garde 
mobile qui permettra aux jeunes gens de faire leur éducation 
militaire, sans les éloigner forcément de leurs familles, de 
leurs travaux et de leurs villages. 

Une autre mesure, dont l'efficacité ne serait pas douteuse et 
le résultat avantageux, consisterait à compléter l’enseignement 
primaire par une instruction professionnelle pratique. 

Nous savons parfaitement que la vie est difficile à la cam- 
pagne, que la culture est pénible et n'est pas toujours rému- 
nératrice des labeurs qu'elle impose. De là naissent, pour ceux 
dont elle est la profession unique, des embarras, souvent de 
la misère que l'on croit éviter en émigrant. 

Dans les pays où la vigne est cultivée, il n'y a que peu de 
chômage et en général assez d’aisance. Mais dans les autres 


CR 


tt — 


parties de la France, où les travaux de culture ne durent que 
pendant la belle saison, on reste plusieurs mois inoccupé, 
sans rien gagner, et on dépense chaque jour une partie des 
réserves de l'été, sans compensation aucune. Si les hommes 
savaient employer ce temps de morte saison à des travaux 
utiles, productifs, en faconnant le bois, la pierre, le fer, ils 
gagneraient largement le pain de chaque jour, se préserve- 
raient de l'ennui du.désœuvrement, et augmenteraient leur 
bien-être avec celui de leur famille. | 

Que, selon les goûts et les aptitudes de chacun, on leur 
apprenne, en sortant de l’école, à faire de la menuiserie, de la 
charpente, du charronnage, des tonneaux, de la toile, etc., à 
extraire et à tailler la pierre des carrières. Ils s’exerceront à 
ces divers travaux quand la charrue sera sous la remise, 
quand la neige et la glace couvriront la terre et ne permettront 
aucune culture. Ils gagneront de l'argent, se créeront des 
ressources à côté de celles qu'ils ont déjà et qui ne leur 
suffisent pas. Alors l’aisance remplacera la gêne, la satisfac- 
tion naïtra des petites économies, et nul ne pensera plus à 
chercher fortune ailleurs ! 

Is enverront leurs produits à la ville voisine, où ils les 
vendront à des prix avantageux aux Consommateurs, parce 
que la main-d'œuvre ne leur coûte rien et qu'ils ont la matière 
première sous la main. Ils seront donc assurés d'en avoir le 
débit et le profit. 

Ces conseils ne sont point de la théorie ni des rêves impos- 
sibles. Ce que j'indique ici se pratique dans les montagnes du 
Doubs et du Jura, dans certaines parties de la Bresse, dans les 
montagnes du Forez. Le cultivateur y est artisan ; il est aisé et 
n'émigre pas. Dans nos villages de plaine, quelles sont les 
familles où le bien-être règne ? Ce sont celles qui ajoutent à 
la culture une petite industrie. 

Mais quel serait le moyen de vulgariser les métiers dans les 
villages ? La chose paraît facile. 11 y a peu de communes qui 
n'ait des artisans capables d'enseigner au moins ce qu'ils 


TIME 
savent. Un atelier organisé dans la maison d'école sera le 
local où se donnera cette instruction pratique. Si cet avantage 
fait défaut à quelque c:mmune, elle demandera à sa voisine 
le secours des homme: du métier. Elle s'’imposera de légers 
sacrifices d'argent, et se procurera les moyens d’avoir un 
enseignement professionnel pratique. 

Deux années, deux hivers d'apprentissage formeront des 
ouvriers assez habiles pour faconner le bois, la pierre, le fer, 
en objets de vente facile, produits utiles qui s'écouleront 
sans difficultés. Les longues soirées de l'hiver seront consa- 
crées à fabriquer ces objets que les villes rechercheront, et 
qu'elles n'auront plus besoin de faire confectionner par des 
ouvriers appelés le plus souvent de la campagne, qui viennent 
travailler et vivre dans des réduits de la ville, sans air, sans 
soleil et assez fréquemment dans la gêne. 

Le laboureur artisan aurait alors une existence assurée, la 
vie active des champs, le soleil, l'air pur, et des travaux 
asréables, parce qu'ils seraient productifs : en hiver, une 
habitation qu'il aurait su rendre riante, des occupations de 
son goût et de son choix, une aisance solide qui lui permettrait 
d'élever une famille et de vivre heureux. Il ne penserait plus 
alors qu'à jouir de tous ces biens, et se rirait des promesses 
trompeuses et du mirage de bien-être de nos cités ! 


LE CHAMP-DE-MARS 


DE 


VESONTIO 


Par M. Auguste CASTAN. 


Séanee du S mars 1969. 


« Movemur enim, nescio quo 
pacto, locis ipsis in quibus eorum 
quos diligimus, aut admiramur, 
adsunt vestigia....….. ; studioseque 
eorum etiam sepulèra contemplor. » 

(Creer. De Legibus, lib, IL. c. 11.) 


I 


C'est un fait acquis à l'histoire que Rome, dans ses con- 
quêtes, n'eut pas seulement souci de reculer indéfiniment les 
limites de son territoire, mais qu'elle voulut aussi, par une 
infusion graduelle de ses institutions et de ses mœurs au sein 
des populations subjuguées, convertir le monde entier en une 
immense famille dont elle garderait la tutelle (t). La nation 
gauloise, plus disposée que toute autre à se laisser séduire par 


(1) « Illud vero, sine ulla dubitatione, maxime nostrum fundavit im- 
perium et populi romani nomen auxit, quod princeps ille, creator 
hujus Urbis, Romulus, fœdere sabino docuit etiam hostibus recipiendis 
augeri hanc civitatem oportere. Cujus auctoritate et exemplo nunquam 
est intermissa a majoribus nostris largitio et communicatio civitatis. » 
(Cicer. Orat. pro Balbo, c. xur.) — « Omnibus municipibus duas esse 
censeo patrias, unam naturæ, alteram civitatis.…..; alteram loci, alte- 
ram juris. (Id., De legibus, lib. II, c. 11.) 


DUR de. 


les nouveautés (!), se prêtait à merveille aux conditions d’un 
tel programme. Une fois annexée à l’Empire, elle ne tarda pas 
à en être l’une des portions les plus romaines (?); et, entre les 
provinces dont elle se composait, la Séquanie mérita d'être 
appelée par Tacite une cité fidèle (®). 

La rapidité de ce changement tint surtout à ce que Rome, 
dans son travail d'amalgame, eut constamment égard à ce 
principe qu'aucune implantation n'est durable qu’à la condi- 
tion d’avoir des racines dans le génie et les habitudes des 
peuples qui doivent la subir. Si les agents impériaux allèrent 
jusqu'à la violence pour extirper du sol gaulois certaines cou- 
tumes incompatibles avec la civilisation dont ils étaient les 
missionnaires (‘), ils se contentèrent, pour tout le reste, de 
modifier les noms sans changer les choses, mettant un soin 
particulier à profiter, dans ce but, de toutes les analogies qui 
existaient entre les institutions du peuple conquis et celles de 
la métropole romaine (°). | 

Le Gaulois était de sa nature dévot (5), guerrier et grand 


() « Quum intelligeret (Cæsar) omnes fere Gallos novis rebus stu- 
dere.…. » — «Cæsar..… infirmitatem Gallorum veritus, quod sunt in 
consiliis capiendis mobiles et novis plerumque rebus student... » 
‘(Beil. Gall., lib. IIL, c. x; lib. IV, c. v). 

(2) « Nuvi pèv oÙv êv eiphvn névres ect dedovhwmévor xal CovTEs xwTà Ta 
moootéyuara Tüy EA6vrwy aÿrodc ‘Pouaiwv. » (STrABON. Geog., lib. IV, 
C. 1V, # 2.) — « Attamen si cuncta bella recenseas, nullum breviore 
spatio quam adversus Gallos confectum. Continua inde ac fida pax. » 
(Tacir. Annal., lib. XI, c. xxrv.) 

(8) « Julius Sabinus..… inconditam popularium turbam in Sequanos 
râpit, conterminam civitatem et nobis fidam. » (Tac. Histor., lib. IV, 
C. LXVII.) 

(#) « Kai toûtwy d’Érauoav adrodc ‘Poparor, za Toy xara Tùs Ouotac ai 
pavtelos Ünevavtéwv Toïs maup’Auiv vopiuotc. » (SRABON. Geog., lib. IV, 
C. IV, $ 9.) 

(5) Voir Amédée Tarernv, De la municipalité romaine et de la con- 
struction du droit communal sous l'Empire romain. (Séances et trav. 
de l'Acad. des sc. mor. et pol., t. XII (1847), pp. 295-96.) 

(£) « Natio est omnium Gallorum admodum dedita religionibus. » 
(Cxs. Bell. Gall., lib. VI, c. xvi.) — « Religione motis cujus haudqua- 
quam negligens est gens. » (Tir. Lav., lib. V, c. xLvi.) 


2 Lu Er SIT TR NAT CRE 
À.) SFR 
o 3 


— 15 — 


parleur (‘) : il aimait en conséquence les démonstrations reli- 
gieuses, les parades militaires et Les assemblées où se forment 
les orateurs ; dans son Olympe, il avait fait une place d'élite 
au dieu des armées, sorti du même moule que le Mars de 
Rome, à qui l'on adressait également des vœux pour le succès 
des combats et dont les temples s'ornaient des dépouilles de 
l'ennemi vaincu (?). Toutes ces pratiques pouvaient être sanc- 
tionnées par le peuple-roi, car lui-même les admettait dans 
ses mœurs, à tel point qu'à Rome un terrain spécial avait été 
réservé pour leur servir de théâtre. Ce terrain s'appelait le 
Champ-de-Mars : il était affecté tout ensemble au culte du 
dieu de la guerre, aux exercices des troupes et aux comices 
populaires. 

Provoquer ou permettre l'établissement d’un Champ-de- 
Mars dans les villes qui se reconstruisaient sur le modèle de 
Rome, ce fut donc, de la part des magistrats romains, une 
manière d'impatroniser sur notre sol les us et coutumes qu'ils 
avaient charge de propager, en même temps qu'une satisfac- 
tion donnée à trois des instincts capitaux de la race gauloise. 

Telle fut la raison d’être des Champs-de-Mars qu'ont pos- 
sédés, durant la période romaine, les principaux centres. de 
population de la Gaule. Mais jusqu'à quel degré ces Champs- 
de-Mars provinciaux ressemblaient-ils à celui de Rome, et 


en quoi s'en éloignaient-ils ? Voilà le problème que nous vou- 


x 


drions contribuer à résoudre, au moyen d'indications excep- 
tionnellement caractéristiques recueillies dans le sous-sol du 
Champ-de-Mars de Vesontio. 


(4) « Pleraque Gallia duas res industriosissime persequitur : rem mi- 
litarem et argute loqui. » (Caronis Orig., lib. II, frag. 3.) — « Natura 
gens gallica bellicosa. » (Sazrust. Catil., c. xz.) — « Gens nata in 
vanos tumultus. » (Tir. Liv., lib. V, c. xxxXvII.) — « Tè Ôè cûumav gühov, 
à vov Tamdy te ot Talatixdv xahobotv, &peméviov Ésrt xai umxdv TE 
Aa Tayùd rpôs uéynv. » (STRABON. Ge0g., lib. IV, c. 1v, 2 2.) 

(#) « (Galli) habent opinionem..…. Martem bella regere. Huic, quum 
prælio dimicare constituerunt, ea, quæ bello ceperint, plerumque devo- 
vent. » (Cæs. Bell. Gall., lib. VI, c. xvur.) 


2 RER 


CPTb 2 


I 


Disons d’abord quelques mots du Champ-de-Mars de Rome, 
le prototype de celui qui va bientôt nous occuper. 

On dénommait ainsi, à Rome, la portion de rive gauche du 
Tibre qui est dominée par les collines du Capitole et du Qui- 
rinal. Ce terrain, situé en dehors de l'enceinte réglementaire 
de la ville, renfermait, dès la plus haute antiquité, un autel 
consacré au dieu de la guerre, sur lequel, au mois d'octobre 
de chaque année, on immolait un cheval. Les Tarquins 
s'étaient approprié ce domaine, et lorsque le peuple s’en res- 
saisit, on décida qu'il ne serait point partagé comme le reste 
des biens de la dynastie déchue, qu'il demeurerait au con- 
traire affecté à des usages publics et que jamais la charrue n'y 
passerait (!). 

En dehors du culte de Mars qui y conserva son principal 
sanctuaire, le Champ, comme on l’appelait abréviativement, 
fut le lieu des exercices ou divertissements qui exigeaient plus 
d'espace que n’en offraient les bâtiments couverts, comme 
aussi celui des assemblées ou cérémonies que les lois romaines 
ne permettaient pas d'accomplir dans l'intérieur de la ville (?). 

« À Rome, dit le géographe Strabon, les embellissements 
ont été surtout prodigués au Champ-de-Mars, qui réunit les 
- ornements de l’art à ceux de la nature. En effet, la grandeur 
de ce Champ est telle que des milliers d'hommes y peuvent 
tous ensemble exécuter des courses de chars et de chevaux, et 


@) Voir d.-B. Prraxesr, Campus Martius antiquæ Urbis, 1762, in-fol. 
fig. 

(8) « "Enerta tas oùolac Ty Tupévvwv els To xouvdy mäor Toiç modirTas 
pépovtes Édecæv, cuyxwphoavtes Ooov dy Adéor ris dE GvTév ÉXEU * xal TV 
adt@v yñv Gonv ÉxÉxTNVTO, Tois Undéva xAApOY ÉxoLTt DLÉVEMLAY, ÉV HLOVOV 
dÉeAGEvOL medtov 6 neïTar peTaËd Tic Te médEwS Lai TOÙ ToTauoù * TOÙTO 
"Apeoc Ündpyetv ispèv oi mpôtepov édngloavro, inrois TE }EULGVA, Ha VÉOL 
&oxodor Ts evomiors medétas yuuvéotov Enmrndeuétarov * Ëtt OÈ ai mpù 
Toûrtou iepèv nv Toù Geo Troûde. » ( Dion. Hazvc. Antiqg. rom., lib. V.) 


ES 


s'exercer à la paume, au disque, à la palestre : les édifices qui 
l'entourent, le gazon toujours vert de sa pelouse, la couronne 
de collines qui y figure une scène demi-circulaire dont les 
deux extrémités s'appuient à la rive du fleuve, tout cela forme 
en cet endroit un spectacle que l'œil abandonne à regret. 
Auprès de ce Champ, l’on en trouve un second, encadré de 
nombreux portiques, parsemé de bocages sacrés , avec trois 
théâtres, un amphithéâtre et des temples superbes presque 
contigus les uns aux autres. À voir d'abord ce beau quartier, 
on croirait ne trouver dans les autres que de simples fau- 
bourgs. Les Romains le regardent comme un véritable et digne 
sanctuaire ; ils y ont placé les monuments funéraires des plus 
illustres personnages des deux sexes. Au premier rang de ces 
tombeaux, brille le Mausolée, lequel consiste en une grosse 
levée de terre, établie proche du fleuve, sur une très haute 
base de marbre blanc, et couverte jusqu’à son sommet d'arbres 
qui ne dépouillent jamais leur verdure; sur ce sommet est la 
statue en bronze d'Auguste, et sous la levée sont déposées les 
cendres de ce prince, de ses parents, de ses amis; en arrière 
se voit un bois sacré formant des promenades admirables ; en 
avant, vers le milieu du Champ, on distingue la place du 
bûcher, plantée intérieurement de peupliers, défendue à l’ex- 


térieur par deux enceintes, l'une de marbre blanc, l’autre de 
ter (1), » 


(1) « Toûruv GÈ Ta mAeïora d Méprios Eyer xduToc, npùc TA pÜoEL RPG AG 
xaù Tôv Ex Thc moovoiac x6o6pov. Kai yap Tù méyelos toù redtou Gaupactrèv äpo 
xoÙ Tüc apuarodpouiac xaiTav AMV inractav axW}AVTOY TApÉYOV TH TOGOÜTW 
nhnôe Tov couto al xplrw al madaiotos yuuvabouÉvwy" Hal Tù meptxeleva 
Épyo xai To Édapos modbov ÔvErouc xai Tv A6poy oTepévar Tov ÜnÈp ToÙ 
Totauoù péypr Toù pelbpou cunvoypapiuñv dbiv Émiôerxvüuevar Üvoarg\}axTov 
napéyouar thv Béav. Ilinaioy d’éoti toù neôtou roûütou al & lo meëlov xai 
too xÜx)1w Tapranüsie xai Ghon aa Déatpa tpiu xal auprléarpov xaè vaoi 
mohutedtec rai auveyeis dote, de mépepyov &v DOÉaLEV ATopaiverv TAV &)Anv 
RÉAL. Atômep icponpeméotatov vouioavtec TobTov Tùv TÉTOV xal TX TV ETt- 
pavectétuy pyAuara évradba xareoxebacav &vÜp@v xal yuvarxdv. "AËto}oY&- 
raroy Ôë ro Mavocwdetoy xadoümevov, ni xpnnidos dYnañs hevxodtBou mpôc 
TG norau& Lux Léya, äypr xopvoñc Tois Getaéor roy DÉVOpuY auvnpegés" 

y 


24 


22,6, EEE 


« Les anciens Romains, écrit de son côté Végèce, choi- 


sirent (pour les exercices militaires) le Champ-de-Mars voisin 


du Tibre, afin qu'après la manœuvre des armes la jeunesse 
püût, en nageant dans ce fleuve, se débarrasser de la sueur, de 
la poussière et de la fatigue... Les jeunes soldats, en effet, 
étaient exercés aux armes chaque matin et chaque après-midi. 
Ceux qui étaient âgés et savaient le métier n’interrompaient 
pas pour autant l'exercice des armes, mais ils ne le faisaient 
qu’une fois par jour (1). » 

Cet esprit militaire, préoccupation dominante du peuple 
romain, imprimait une allure guerrière à tous ses actes. 
Qu'il s'agît de voter des lois, de rendre des jugements, d’élire 
des magistrats, de procéder au recensement, dès que le peuple 
s’assemblait en masse, la réunion s'appelait armée; elle mar- 
chait sous les étendards, au son de la trompette, était soumise 
à la discipline des troupes (?). Dans ses manifestations collec- 
tives, la population de Rome se divisait, selon les circons- 
tances, soit en centuries composées de gens ayant une fortune 
analogue, soit en tribus formées de citoyens habitant un 


êm'darpuw pEv oÙv eixwv Éott yahun To Eebastoù Katoapoc, bT0 dE To ywopurt 
Ofxut eioiv aÙToÙ ai TOY GUYYEVY Ha oixelwv, Ontofev dE Léya &Acos 
mepumérous Oaupactobs Éyov * èv péouw dE T@ medlw Ô Tic xaUGTpOS aÙToÙ 
mepi6ohoc, xai oùroc Môou Aeuxod, x0xAwW DÈv mepreipevov Éxwv cDnpody 
nepippayua, EVTÔs d’aiyeipots xatdputoc. » (STRABON. (Ge0g., lib. V, c. zx, 28.) 

() « Romani veteres, quos tot bella et continua pericula ad omnem 
rei militaris erudierant artem, Campum Martium vicinum Tyberi dele- 
gerunt : in quo’ juventus, post exercitium armorum, sudorem pulve- 


Juniores quidem et novi milites, mane et post meridiem, ad omne genus 
exercebantur armorum. Veteres autem et eruditi, sine intermissione, 
semel in die exercebantur in armis. » (F1. Vecet. De re militari, lib. 
Bec bic ex) 

(2) « Maté rodro mape)Gov 6 Bpodroc, amobeirvuot pecoGaciXéx TÔv omuLe- 
Ansôuevoy Ty apyapeci®v xaTd Tobc marpiouc vémLouc, Exéprov Aovxphtrov * 
naxeïvos aroldouc Tv éxxAnotav, Éxéhoucev Gmodavrac MuELV els Td nEÔLOV 
Evôa cûvnles Av adrois apyarpeotdterv, Éxovras Tà Onka évrayes. » (DIONYS. 
Hauc., Antiq. rom., lib. V.)— Cf. AuPère, L'Histoire romaine à Rome, 
t, IE, p32€ - 


— 19 — 
même quartier (t). Il fallait donc, pour la tenue des comices, 
un local comprenant autant de cases qu'il y avait de groupes 
appelés à délibérer à part. A cet effet, on avait construit au 
Champ-de-Mars un bâtiment, d’abord composé de modestes 
planches et qui paf sa forme rappelait les parcs à moutons : 
pour ce motif, on l'appelait Ovile (?) ou Septa (*). Plus tard, 
au début du régime impérial, lorsque les assemblées popu- 
laires n'eurent plus d'autre objet que celui d’acclamer d’au- 
gustes volontés (‘}, l'ancien parc démocratique fut transformé 
en un splendide palais (*), constamment ouvert aux oisifs (6) 
et où s’étalaient des marchandises de luxe (7). 

Le bâtiment des Septa, contigu à l’autel de Mars, se reliait 
à deux autres édifices qui en étaient le complément : c’étaient 
d'une part le Diribitorium , destiné à la vérification des votes; 


() Mouse, Histoire romaine, trad. Alexandre, t. II, appendice. 

(2) « Citatis Veturiæ senioribus, datum secreto in Ovili cum his con- 
loquendi tempus. » (Tir. Liv. lib., XX VI, c. xxtr.) 

(3) « Est quoque, quo populum jus est includere Septis. » 

(Ovio. Fast., lib. I, v. 53.) 

« Septa proprie sunt loca in Campo Martio inclusa tabulatis, in quibus 
stans populus romanus suffragia ferre consueverat. Sed quoniam hæc 
septa similia sunt ovilibus, duo hæc invicem pro se ponuntur, ut hoc 
loco (Virgilius) septa pro ovilibus posuit. » (Servir in Virgil. Comment. 
Eclog. I, v. 32.) 

(#) Dion. Cass. Hist. rom., lib. LIT, c. xxr. 

(5) » Efficiemus rem gloriosissimam : nam in Campo Martio Septa 
tributis comitiis marmorea sumus et tecta facturi; eaque cingemus 
excelsa porticu, ut mille passuum conficialur : simul adjungetur huic 
operi Villa etiam Publica. » (Crceron. epist. CXLIX, ad Atltic. IV, 16.) 
—« ’Aypérnac Tà Eentd bvouacuéva uaflépwoev * Tadra dE év T@ ’Apeiw nedtw 
gtoais mépié Üno Toù Aenidou mpôs Tac oudeTtxdS Gpyapectas cUVWLxOÏOUN- 
Eva, Ha mhaËl AMivars ai Éwypapnuanty énsxoounoev, ’Loüla aÙûra dd 
toù Aûyoüotou rpocayépeucuc.» (Dion. Cass. ist. rom., lib. LIT, c. xxur.) 

(s) « Fortè remittentem curas, Phœboque levatum 

Pectora, cum patulis tererem vagus otia Septis. » 
(STar. Sylv., IV, 6, 1.) 
(”) « In Septis Mamurra diu, multumque vagatus, 
Hic ubi Roma suas aurea vexit opes. » 
(Mart. Epig., IX, 60, 1.) 


200 — 


d'autre part la Villa Publica, où se faisaient les montres 
d'armes, où siégeaient aussi les censeurs pendant les céré- 
monies du recensement (1), dont la dernière consistait en une 
purification générale du peuple par l'aspersion de l’eau lus- 
trale (?). . 

L'eau circulait à profusion dans le Champ-de-Mars : c'était 
là que venaient aboutir, pour se déverser dans le Tibre, les 
canaux de la source dite Virginale, dus à la munificence 
d'Agrippa (?). 

Ce bienfaiteur de la Rome impériale, illustre d’ailleurs par 
ses exploits militaires, ne pouvait manquer d'avoir son effigie 
au Champ-de-Mars, lieu choisi, dès le début de l'Empire, 
pour ériger des statues aux grands hommes (*) et pour déposer 
les cendres de ceux que l’on voulait exceptionneliement hono- 
rer (5). Il n'était pas légalement possible de dresser plus près 
de Rome des bûüchers et des monuments funéraires, car une 
disposition de la loi des douze tables s’opposait à ce que la 


@) « Et cum hæc (villa) sit communis universi populi....., ubi cohortes 
ad delectum consuli adductæ considant, ubi arma ostendant, ubi cen- 
sores censu admittant populum. » (Varrox. De re rustica, lb. IIT, c. 11.) 


(#) Censu perfecto edixit (Serv. Tullius) ut omnés cives romani, 
equites peditesque, in suis quisque centuriis, in Campo Martio prima 
uce adessent. Ibi instructum exercitum omnem suovetaurilibus lustravit. 
Idque conditum lustrum adpellatum, quia is censendo finis factus est. » 
(Tir. Liv., lib, I, ec. xziv.) — « Comitiis confectis, ut traditum antiquitus 
est, censores in Campo ad aram Martis sellis curulibus consederunt. » 
(Id., lib. XL, c.-xLv.) 


« Idem ter socios pura circumtulit unda, 
Spargens rore levi et ramo felicis olivæ, 
Lustraviique Niro ER Re rrece » 
(Virerz. Æneid., lib. VI, v. 229-231.) 
(8) « Hic ubi Virginea Campus obitur aqua. » 
(Ovip. Fast., lib. I, v. 464.) 


.(é) « Statuas virorum illustrium, ab Augusto ex Capitolina area, 
propter angustias, in Martium Campum collatas,.…. subvertit. » (STTETON. 
Caligula, c. xxx1v.) 

(5) STRABON. Geog., lib. V, €. 11, 2 8. 


LU 22 


combustion des cadavres et les inhumations se fissent dans 
l'intérieur de la ville (!). 

On a pu juger, par Ce qui précède, du rôle considérable 
que jouait le Champ-de-Mars dans la vie publique et privée 
des citoyens de Rome : aussi comprendra-t-on que toute ville 
de province, en faisant alliance avec les habitudes du peuple- 


roi, ait dû affecter à cette destination un morceau de son ter- 


ritoire. 
III 


Lorsque Vesontio dépouilla ses allures gauloises pour se 
reconstruire à la mode romaine, la partie plane de sa presqu'île 
paraît avoir été coupée à angles droits par deux maîtresses. 
voies pavées d'énormes dalles. L'une d'elles, qui se conserve 
à trois mètres au-dessous de notre Grande-Rue actuelle, était 
le prolongement d'un pont romain encore intact (?) ; elle tirait 
en droite ligne à l’are triomphal appelé Porte de Mars (*), pour 
atteindre ensuite, en serpentant, le massif de la citadelle et se 
confondre au delà avec la route militaire de l'Italie au Rhin (*). 
L'autre voie, dont un seul fragment a été mis au jour (5), 


@) « Hominem mortuum, inquit lex in x11 tabulis, in urbe ne sepe- 
lito, neve urito. » (Creer. De Legibus, lib. IL, c. xxx.) 

(2) A. Decacroix, fouilles des rues de Besançon en 1863, dans les 
Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 3° série, t. VIIT, 1863, 
pp. 213-220. 

(8) Voir nos Considérations sur l'arc antique de Porte-Noire à Besan- 
con, dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 4° série, 
t. II, 1866, pp. 420-430. 

(#) Ed. Czerc, La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 113. 

(5) En 1850, devant la maison occupée actuellement par les Petites 
Sœurs des pauvres (rue Saint-Vincent n° 8). « Il y avait là deux dal- 
lages superposés : celui du dessous avait servi d'abord; puis, soit qu'il 
ait été usé, soit qu'il y ait eu nécessité de changer le niveau de l'aire, 
un nouveau dallage avait été établi à cinquante ou soixante centimètr es 
plus haut que le précédent. » (Note de M. l'architecte DELACROIX.) 


EST ou 


devait, selon toute vraisemblance, partir du Palatium (1), lon- 
ger la place qui encadrait le Capitole (?), et aboutir au Champ- 
de-Mars. 

Ce terrain, que les chartes latines appellent Campus Martis, 
que le populaire nomme depuis longtemps Chamars (3), est 
situé au sud-ouest de notre ville. IL formait, au moyen-âge, 
un quartier, le plus vaste et le moins habité de tous, compris 
entre le cours circulaire du Doubs et les rues du Porteau, du 
Perron, de Saint-Vincent, du Lycée et des Bains-du-Pontot. 
Tout ce qui avoisine la rivière, et que l’on appelle aujourd'hui 
le Grand-Chamars, serait naturellement impraticable. Malgré 
les remblais dont il a été rechargé, tant à l'époque où l’on y 
éleva des fortifications qu’à celle où l'on en fit une promenade, 
il est envahi régulièrement par les inondations. Ce devait 
être, dans les temps antiques, un groupe d’ilots, accessibles 
seulement quand les eaux étaient exceptionnellement basses (#). 
Le Petit-Chamars actuel ne présentait guère alors de meilleures 
conditions : on y voyait encore au siécle dernier une énorme 
flaque d’eau à l'endroit où s'élève aujourd'hui le magasin des 


() Cet édifice, sur les ruines duquel s'éleva, au septième siècle, notre 
abbaye Saint-Paul, est ainsi désigné par un contemporain de cette trans- 
formation : « Palatium nuncupant, ob veterum monimenta murorum. » 
(Jonas, Vita S. Columbani, c. x, apud Acta SS. 0. S. B., sæcul. IX, 
pp. 14 et 15.) 

@) Voir notre dissertation sur le Capitole de Vesontio, dans les Mé- 
moîres de la Soc. d'Emulation du Doubs, 4° série, t. IV, 1868, pp. 201-236. 

() « T., Dei gratia Bisuntinus archiepiscopus, Jerosolimitanas partes 
ad subventionem Crucis adire volens, dedi..... ecclesie Sancti Vincentii 
Bisuntini..…. motturas in molendino nostro Campi Martis, quod edi- 
ficavi..… Notandum autem...…. quod Hugo miles de Sancto Quintino 
dedit similiter in eleemosinam memorate ecclesie..……. mansum qui dici- 
tur Chamart.…. Datum anno dominice Incarnationis M° Ce LXXXe 
XNITELO... » (Archives du Doubs, fonds Saint-Vincent, I, 9.) — Voir 
nos Origines de la commune de Besancon, dans les Mémoires de la | 
Société d'Emulation du Doubs, 3e série, t. IT, 1858, pp. 242 et 358. 

(4) Voir le plan de Vesontio joint à notre dissertation sur le Capitole 
de Vesontio et les Capitoles provinciaux du monde romain, dans les 
Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 4e série, t. IV, 1868. 


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bois de l'arsenal. Le Champ-de-Mars romain ne saurait donc 
être cherché en dehors de la zone actuellement comprise entre 
la rue Saint-Vincent et la rue Neuve. 

Depuis trois siècles environ que l'on s'est attaché à garder 
mémoire des vestiges antiques révélés par les fouilles des con- 
structeurs, aucune partie du sous-sol de Besancon n'a fourni 
plus de traces de somptueux édifices gallo-romains que celle 
dont nous venons de parler (1). De nombreuses et élégantes 
mosaïques y ont été découvertes (?). Jean-Jacques Chifflet 
croyait y avoir constaté les ruines d'un temple (*). « On ne 
saurait croire, dit à son tour le P. Prost (*) quelle quantité de 
médailles, d'urnes et de lampes perpétuelles on y a trouvé et 
du plus beau travail. » Dunod témoigne ensuite que dans les 
fondations du dernier bâtiment fait au séminaire, on rencontra 
une profusion de grandes urnes cinéraires rangées deux à 
deux (5). Ce n'était là que le commencement d’un vaste cime- 
tière (5) qui devait , au siècle suivant, être remué par des 


@) « Les Capucins furent reçus à Besançon l'an 1607. M. l'arche- 
vêque Ferdinand de Rye, de Longvic, leur fit bâtir un couvent dans 
les jardins de Chamars. En creusant les fondements de l'église, suivant 
les cordeaux tendus à cet effet, on trouva dans la terre des fondations 
très bien construites et très solides. » (4lmanach historique de Besan- 
con el de la Franche-Comté pour 1758, p. 32.) 

@) Duxon, Histoire du comté de Bourgogne, t. I, p 173; — Cavrus, 
Recueil d'antiquités, t. NI, pl. 108; — Documents inédits pour servir à 
l'histoire de la Franche-Comilé, t. I, p. 184; t. IT, pp. 286-287 ; — Dessins 
de M. l'architecte Marnotte, au musée archéologique de Besançon. 

(8) Vesontio, I, p. 69. 

(4) Histoire de Besançon, manuscrit de la biblioth. de cette ville, p. 73. 

(5) Histoire du comté. de Bourgogne, t. I, pp. 176 et 177. 

(5) Ce cimetière parait n'avoir eu d'autres limites que celles du Cha- 
mars antique lui-même. « En 1806, dit l'abbé Baverel, M. Bertin, négo- 
ciant de Besancon, faisant creuser dans la cour de sa maison, rue 
Sainte - Anne, no 684, trouva. plusieurs urnes ou amphores de terre 
cuite, dont plusieurs étaient d'une très belle forme; elles étaient à dix- 
huit pieds de profondeur, entassées les unes près des autres. On trouva 
dans toutes des cendres mêlées avec de la terre et des ossements...……. 
Il y en a encore beaucoup dans le même endroit. » (Monuments antiques 
trouvés dans l'ancienne Séquanie, manuscrit de Ja biblioth. de Besançon.) 


Dre 


fouilles dont les résultats seront le principal objet de notre 
travail. 


IV 


Ces fouilles ont été faites entre les années 1840 et 1847, 
pour la fondation des bâtiments de notre bel arsenal d'ar- 
tillerie. Aucune méthode scientifique n’a présidé à leur direc- 
tion. Les archéologues bisontins n'étaient pas alors organisés et 
outillés comme ils l'ont été depuis : 1l leur manquait avant tout 
un local pour classer et discuter leurs trouvailles. Ces fouilles 
eurent néanmoins la bonne fortune d'être conduites par un 
garde d'artillerie, M. A. Lafosse, qui s'intéressa aux décou- 
vertes qu'elles procuraient et fit le possible pour en conserver 
le souvenir. Aidé des conseils de quelques personnes com- 
pétentes, il rédigea une description sommaire de ce qu'il avait 
vu, y joignit plusieurs dessins d'objets assez mal choisis, et, 
ce qui valait mieux, des plans et coupes d’une fidélité scrupu- 
leuse : il fit du tout une brochure, tirée à un très petit nombre 
d'exemplaires et forcément incomplète, la publication en ayant 
eu lieu avant l'achèvement des travaux (1). Quant aux objets, 
ils restèrent sa propriété personnelle, jusqu'au jour où la ville 
les acquit moyennant une indemnité de 500 francs. Dans 
l'intervalle, quelques pièces avaient disparu. 

Les sociétés savantes du pays n'étaient pas restées indiffé- 
rentes à ces constatations ; elles avaient chargé quelques-uns 
de leurs membres de les observer , et ceux-ci désirèrent, dans 
l'intérêt de la science, que les fouilles allassent un peu plus 
loin que les jalons posés par les constructeurs : à cet effet, ils se 
formèrent en commission (?), et le résultat de leurs recherches 


@) Notice sur les antiquilés romaines trouvées dans les fouilles du 
nouvel Arsenal de Besançon (Besançon, 1845), imprim. L. de Sainte- 
Agathe, lithog. Renault; 11 pages de texte et 8 planches. 

(2) Cette commission était présidée par un très habile numismate, 
M. Ponçot, et avait pour secrétaire M. Théophile Bruand. Ses opéra- 
tions durèrent depuis le 15 février jusqu'au 19 avril 1848; elles néces- 


bistro 

permit d'exécuter un plan d'ensemble plus complet que celui 
de M. Lafosse. C'est ce document graphique, dont l'original 
appartient au musée de Besancon, que nous éditons à une 
échelle réduite (!). Pour le commenter, nous avons eu recours 
à la notice de M. Lafosse, aux procès-verbaux de la commis- 
sion qui continua l'œuvre de cet observateur (?), à des croquis 
architectoniques faits au moment des fouilles par M. Marnotte, 
aux souvenirs très précis de MM. Alphonse Delacroix et Just 
Vuilleret, enfin, ce qui va sans dire, aux objets de cette pro- 
venance que possède notre collection publique d'archéologie. 
Pour la reproduction des débris d'architecture , nous avons 
fait appel au talent et à l'amitié de M. Alfred Ducat,. 


V 


Les fouilles que nous allons décrire ont traversé de part 
en part la portion centrale de notre Champ-de-Mars. Elles 
ont rencontré, sur ce trajet, cinq couches de terrain parfai- 
tement horizontales et de natures distinctes. Ce fut d'a- 
bord un remblai moderne, épais de un mètre cinquante cen- 
timètres; puis un double remblai de l'époque antique, ayant 
en totalité une épaisseur égale à celle du premier; venait 
ensuite une interposition factice de gravois de rivière, épaisse 
de vingt centimètres; après quoi se montra le sable fin et 


sitèrent une dépense de 634 francs 53 centimes, somme qui fut couverte 
par des allocations de l'Académie de Besançon, de la Société d'agri- 
culture et de la Société d'Emulation du Doubs, ainsi que par des 
souscriptions individuelles. C'est de cette réunion qu'émana la première 
idée de la création d’un musée spécial d'antiquités dans notre ville. La 
demande délibérée par elle, le 12 mars 1848, fut bientôt suivie d'un 
arrêté de M. Th. Déprez, faisant alors les fonctions de maire, qui insti- 
tuait l'établissement désiré. Depuis cette époque, M. Just Vuilleret n'a 
cessé d'en être l'âme, et la classification qu'il y a introduite peut passer 
pour un modèle du genre. 

(1) Plan joint à ce travail. 

2) Nous avons dû la communication de ces procès-verbaux à l'affec- 
tueuse obligeance de M. Just Vuilleret. 


Cr. SE 


vaseux, teint en noir par les infiltrations sur une épaisseur 
d'un mètre, et reprenant à partir du niveau de la rivière la 
teinte jaune qui lui est naturelle (‘). 

Nous n'avons pas à nous occuper du remblai moderne. 
Celui des temps antiques appartenait à deux nivellements suc- 
cessifs. Le plus récent était caractérisé par de nombreux frag- 
ments d'architecture appartenant à la plupart des grands édi- 
fices de Vesontio; M. Delacroix y a reconnu des morceaux de 
la frise de notre Capitole {?) : d'où il suit que ce second nivel- 
lement du Champ-de-Mars est postérieur au grand désastre 
du 1v° siècle, qui a laissé sa trace dans le sous-sol de notre 
ville par une couche à peu près générale de débris incendiés. 
Les apports antérieurs consistaient en un remblai uniforme 
de un mètre vingt centimètres d'épaisseur. Ce remblai formait 
le sol d’un immense édifice circulaire, dont les fondations 
plongeaient jusque par delà le niveau de la rivière. De nom- 
breuses constructions se pressaient autour de ce bâtiment, et 
quelques autres paraissaient avoir été détruites pour lui faire 
place. Un bel égout courait sous le principal édifice (?). Plus 


@) Voir notre planche de coupes. 


(?) Deux des fragments, publiés par nous, de cette frise du Capitole 
proviennent des remblais du Champ-de-Mars : le troisième morceau 
est sorti de l'emplacement du Capitole mème. Le raccordement de ces 
somptueux débris a été fait par M. Alphonse Delacroix, dans l'intérêt 
de notre travail sur le Capitole de Vesontio. (Mémoires de la Société 
d'Emulation du Doubs, Le série, 1868, Capitole, pl. IIL.) 


@) Voir notre planche de coupes. — M. Lafosse décent ainsi cette 
cloaque : « À ? mètres 30 centimètres de profondeur, on a découvert 
un égout demi-circulaire de 1 mètre 15 centimètres de rayon. Les vous- 
soirs, formés de pierres très minces et assez régulières, ont 60 cent. 
de hauteur; les pieds droits sont soutenus jusqu'à l'extrados par des 
contre-murs noyés dans un béton indestructible. Dans ce bloc énorme 
de maçonnerie (4 m. 30 c. sur 1 m. 90 c.), aucun outil n'ayant pu péné- 
trer, il a fallu faire jouer la mine pour y pratiquer une ouverture. 

» Cet égout est dans un état parfait de conservation : on l'a parcouru 
sur une longueur de 45 mètres; plusieurs petits égouts et des tuvaux 
de plomb y aboutissent ; il fait un coude du côté de la ville, et parait 


14 


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loin, dans la direction de l’ouest, régnait une muraille d'ex- 
cellente maconnerie, qui faisait quai sur toute la longueur du 
Petit-Chamars et y endiguait l'anse de rivière dont la flaque 
d'eau, que nous avons signalée, a été le dernier vestige. 

Antérieurement au premier remblai, l'aire de la portion 
centrale du Champ-de-Mars consistait en une croûte graveleuse 
que les piétinements du public avaient polie. Par endroits, 
sur des espaces de huit à dix mètres carrés, le sable avait été 
cuit et affectait une teinte rougeûtre (!) : en ces points, il était 
amalgamé avec des cendres, des charbons et des os calcinés 
d'animaux. C'était déjà un témoignage que l'emplacement qui 
nous occupe avait été voué, dans l'âge romain, aux cérémonies 
funèbres. Le doute à cet égard ne fut bientôt plus possible, 
car la même surface ne tarda pas à montrer un ustrinum , 
enclos affecté à la combustion des cadavres, les vestiges de 
trois encaissements en bois remplis d'os d'animaux consumés, 
puis des tombeaux de famille, dont la construction était aussi 
soignée que le contenu était riche en objets destinés à réjouir 
les mânes des défunts. 

Immédiatement au-dessous de ce sol du Champ-de-Mars 
primitif, la couche d’alluvion qui le supportait produisit une 
multitude de dépôts cinéraires, les uns enfermés dans des 
urnes, les autres abrités par de simples tuiles {?). En haut 
s'accomplissaient les funérailles et dormaient fastueusement 
les restes du riche; sous le sol, foulé par la multitude, des- 
cendaient humblement les cendres du pauvre. 


VI 
Reprenons maintenant, dans leur ordre chronologique, les 


remonter vers la place Granvelle, tandis que l'autre extrémité doit se 
terminer dans l'ancien marais de Chamars. 

» Les 80 centimètres de vase qui l'obstruent sont un témoignage irré- 
cusable de son antiquité. » (Notice, p. 5.) É 

GRId. D. 4. 

() Ed, Crerc, La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 18. 


DO 


indications qui précèdent, afin de grouper autour de chacune 
d'elles les détails capables d'en préciser le sens. 

Avant d'être occupé par un monument public, la place cen- 
trale du Champ-de-Mars de Vesontio servait de cimetière au 
grand oppidum des Séquanes. 

Les cadavres que l'on y amenait étaient d'abord conduits à 
l'ustrinuwm, pour être dévorés par la flamme. 

L'édicule qui remplissait cette fonction à été retrouvé intact. 
C'était un carré, formé par quatre murs de soixante centi- 
mètres de hauteur sur quarante-cinq à cinquante d'épaisseur : 
l'espace ainsi délimité mesurait, à l’intérieur, trois mètres de 
toute face. Au centre existait une pierre de grès rouge, ayant 
largement les dimensions d'un corps humain ; elle était encore 
sur son lit de pose, mais brisée en deux morceaux : une nou- 
velle fracture se produisit lorsqu'on l'enleva (!). L'humidité 
qui la saturait faisait apparaître à sa surface une empreinte 
noire et grasse. Lorsque les piocheurs la découvrirent, elle 
baignait en quelque sorte dans le charbon, la cendre, les me- 
nus ossements calcinés, tout cela mélangé de pièces de mon- 
naie et de débris de vases. 

Conformément à un rite qui était commun aux Gaulois (?) 
et aux Romains (*), on immolait et on brülait des animaux 
pendant la combustion du cadavre de l'homme opulent. 

Au Champ-de-Mars de Vesontio, ces sacrifices se faisaient 


(1) Les deux morceaux extrèmes de cette pierre sont conservés au 
musée de Besançon : le fragment intermédiaire a disparu. 

) « Funera sunt pro cultu Gallorum magnifica et sumptuosa; omnia- 
que, quæ vivis cordi fuisse arbitrantur, in ignem inferunt, etiam ani- 
malia. » (Cæs. Bell. Gall., lib. VL c. xix) 

(8) « Multa boum circa mactantur corpora Morti ; 

Sætigerosque sues, raptasque ex omnibus agris 
In flammam jugulant pecudes...................…. » 
(Virerz. Æneid., lib. XI, v. 197-199.) 

« Habebat puer (amissus) mannulos multos et junctos et solutos : 
habebat canes majores minoresque : habebat luscinias, psittacos, me- 
rulas : omnes Regulus circa rogum trucidavit. » (Pan. Epist., lib. IV. 
110,2") 


2399 22 
en pleine place publique, et les détritus qui en provenaient 


_s’entassaient dans de grandes caisses en bois, dont l'une 


mesurait deux mètres sur un mètre quarante centimètres de 
côté (!) : les ossements qui y dominaient étaient ceux des 
chevaux et des sangliers, animaux qui semblent avoir sym- 
bolisé plus particulièrement la nationalité gauloise. 

À leur tour, les cendres du mort, refroidies par un arrosage 
de vin ou de parfums, étaient pieusement recueillies, puis 
mises dans une urne, ou même, quand il s'agissait d’un 
pauvre, sur une simple tuile creuse (?). Chaque dépôt funèbre 
comportait au moins une pièce de monnaie : l’une de nos 
urnes en a rendu vingt-trois (*). Fréquemment aussi on y 
insérait des objets qui avaient charmé le défunt pendant sa 
vie et que l’on jugeait propres à apaiser ses mânes. Les urnes 
cinéraires étaient la plupart du temps enfermées dans des 
coffrets dont notre nécropole a rendu les clefs. Elles ga- 
gnaient rarement leur dernier gîte sans être entourées de 
vases à offrandes, quelquefois fort remarquables : tels sont, 
dans le bagage qui nous est parvenu, de magnifiques bols en 
terre fine, dont la couleur rouge sang fait si bien valoir les 
curieux ornements en relief (*) ; tels aussi des débris de coupes 


@) Voir notre plan, la Notice de M. Larosse, p. 48, et la Franche- 
Comté à l'époque romaine de M. Ed. CLerc, p. 57. 
(2) « Est honor et tumulis : animas placate paternas ; 
Parvaque in exstinctas munera ferte pyras. 
Parva petunt Manes : pietas pro divite grata est 
Munere : non avidos Styx habet ima Deos. 
Tegula projectis satis est velata coronis ; 
Et sparsæ fruges; parcaque mica salis; 
Inque mero mollita Ceres, violæque solutæ : 
Hæc habeat media testa relicta via. 
Nec majora veto; sed et his placabilis umbra est : 
Adde preces positis et sua verba focis. » 
(Ovin. Fast., lib. IT, v. 533-542.) 
(5) Voir notre plan et la Notice de M. Larosse, p. 8. 
(4) M. Lafosse a publié les plus intéressantes de ces poteries sigillées, 
(Notice, pl. 5 et 7.) 


‘) 


— ) — 


en verre richement colorié,. puis les fragments d'un grand 
vase en bronze doré, enfin une petite fiole en terre grise ayant 
la forme d’une biche au repos (1). 

Mentionnons, parmi les objets votifs : une intaille en cor- 
aline rouge, représentant un génie de la guerre, ailé et cas- 
qué, qui se complaît dans l'arrangement d'un trophée mili- 
taire (?) ; cinq couteaux à lame triangulaire, dont deux en fer 
et trois en bronze (?) : sur le plat de la lame de l’un de ces 
derniers, on lit, profondément gravée en creux, l'inscription 
SVADVRX. V.S.L. M. {‘). La catégorie des outils et objets 
de toilette est surtout riche en fibules de bronze, les unes 
faconnées à la gauloise, les autres à la romaine; on y voitaussi 
un assortiment varié de styles à écrire, quelques bracelets en 
fil de bronze, un pendant d'oreille annulaire à deux globules 
en bronze, une pince à épiler et une grosse aiguille en même 
métal, plusieurs de ces rouelles découpées dont l'usage est 
encore un problème. 

La plupart de nos urnes cinéraires avaient la forme si con- 
nue de l’amphore : on les retrouvait debout dans la terre , en- 
vironnées des vases, le plus souvent brisés, qui leur avaient 
fait escorte (5). 

Les tombeaux élevés au-dessus du sol étaient le privilége 
des familles puissantes. Deux de ces monuments ont été ren- 
contrés par les fouilles de l'arsenal ($), ainsi que les débris de 


@) Voir, à titre de rapprochement avec ce qui précède, la Normandie 
souterraine deM. l'abbé Cocner, ? édit., pp. 163-169. 

@) Voir notre planche d'antiquités, n° 4. 

(8) Un couteau en fer, de même forme que ceux dont il s'agit, se 
trouvait planté au centre d'une sépulture cinéraire du deuxième siècle, 
que l'on avait logée dans l'épiderme d'un fwmulus celtique du pays 
d'Alaise. (A. Casran, Tombelles celtiques du massif d'Alaise, dans les 
Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 3° série, t. III, 1858, 
p. 396, pl. 2, no 14.) 

(#) Voir notre planche d'antiquités, ne 10. 

(5) Les principaux types d'urnes et de vases figurent sur la planche 7 
de la Notice de M. Larosse. 

(5) Voir notre plan. 


— 31 — 
plusieurs autres (1) qui avaient été renversés lors de la bâtisse 
du monument qui se superposa au cimetière. L'extrait suivant 
de la notice de M. Lafosse édifiera sur la richesse du contenu 
des deux t‘mbeaux qui furent trouvés intacts : 

« Parmi le grand nombre de sépultures et de vases funé- 
raires de toutes formes, on a découvert... deux tombeaux en 
maçonnerie : l'un, carré parfait ayant un mètre vingt centi- 
mètres de côté, renfermait trois grandes urnes cinéraires 
dressées et alignées avec 257 médailles, dont un petit nombre 
a été trouvé autour des urnes qui avaient la partie supérieure 
brisée, et le surplus dans l'intérieur. Huit de ces médailles 
. (de la colonie de Nîmes) étaient coupées par moitié, et parmi 
les autres se trouvaient six pièces gauloises; cinq as grand 
bronze; deux quinaires en argent de familles romaines, An- 
tonia et Rubria; deux monétaires d’Auguste, M. L. Agrippa 
et C. Plotius Rufus; le reste appartenant à Auguste, Agrippa, 
Tibère, Germanicus, Caligula et Claude; enfin, dans l’une de 
ces urnes, il y avait une autre petite urne de huit centimètres 
de hauteur contenant aussi des cendres. 

» Le deuxième de ces tombeaux était également en macon- 
nerie, et présentait un carré long de un mètre dix centimètres 
sur soixante-dix centimètres de côté. Dans ce tombeau, dont 
le fond était pavé et recouvert d’une couche de cendres de 
trente centimètres, on a trouvé deux petites urnes en terre, de 
forme grossière; six cents grains en verre opaque, troués el 
cannelés, de couleur bleue, verte et grise, de différentes gros- 
seurs (?);.... plusieurs os également troués et façonnés en 
carré long ; plusieurs pièces plates de cornes de cerfs sciées à 
leur naissance, ornées de quelques grossiers dessins et percées 


@) Ces morceaux sont reproduits dans notre planche de détails d'ar- 
chitecture. 

(2) Voir une de ces perles dans notre planche d'antiquités ne 11. — 
Cf. Sépultures gauloises, romaines, ete., par M. l'abbé Cocxer, pp. 63-65, 
135-136. 


# LR 7 


— 32 — 


/ 
/ 


au centre (1); cinquante défenses de sangliers toutes percées à 
leur base, ou munies d’une virole en bronze avec un an- 
neau (?) : deux ou trois de ces défenses sont d’une dimension 
extraordinaire; des coquilles de pèlerins (peignes de saint 
Jacques) ; des coquilles d'huîtres en grand nombre : ces der- 
nières coquilles se trouvent du reste dans toute l'étendue du 
terrain autour des urnes; deux cents clous d'ornement d’un 
beau travail, mais rongés en partie par l'oxyde, représentant 

des têtes d’empereurs ou des têtes d'animaux, clous qui pro- 
 bablement étaient attachés à des vêtements, à des baudriers 
ou des ceinturons que le temps a détruits ; enfin six médailles 
romaines, toujours d'une époque antérieure à Néron (5). » 

Dans ce que M. Lafosse appelle en bloc clous d'ornement, 
il faut distinguer des boutons à deux têtes, en bronze saucé 
d'argent, dont la plaque extérieure montre des images en re- 
lief produites par l'estampage : ce sont les ancêtres de nos 
boutons d’uniforme. Nous publions trois spécimens de ces 
curieux objets : sur deux on reconuäîtra des têtes d'empereurs, 
approximativement empruntées aux médailles romaines (#); 
sur le troisième apparaît un char gaulois (essedum) occupé par 
une femme qui stimule avec un fouet deux chevaux dont elle 
tient les rênes, représentation qui se voit fréquemment au 
revers des monnaies celtiques (°). 


() Ces apophyses de ramure de cerf sont percées de quatre trous, 
propres à recevoir des cordons d'attache ou de suspension. Les sculp- 
tures qui les ornent sont des phallus : preuve que la lubricité des 
mœurs romaines avait fait un rapide chemin dans la Gaule conquise. — 
Voir le fragment d'un de ces objets qui figure sur notre planche d'an- 
tiquités, no 9. 

(2) Ces défenses n'avaient pas de viroles, mais simplement un anneau 
de suspension en fil de bronze.— Voir notre planche d'antiquités, no 13. 

(8) A. Larosse, Notice, pp. 7 et 8. 

(4) Voir notre planche d'antiquités, nos | et 2. 

(5) Id., no 3. — Voir, comme justification du rapprochement que 
nous faisons, la médaille no 7 de notre planche d'antiquités. Cette pièce 
d'or est la seule de ce métal qui soit sortie des fouilles qui nous oceu- 


— 33 — 

Les limites d'existence de ce cimetière sont nettement 
données par les effigies des monnaies et boutons qu'il a 
rendus. Sur quatre cents médailles, il y en a au moins une 
centaine qui se réfèrent au monnayage gaulois (!), et nombre 
de nos objets votifs présentent également le cachet de l’ancien 
art national : double preuve que l'ouverture du cimetière datait 
des premiers temps de la domination romaine. D'autre part, 
les monnaies romaines rencontrées dans les urnes cinéraires: 
ue dépassent pas le règne de Claude (?), et nos boutons offrent 
comme plus récente image celle de l'empereur Néron (°). 

On sait le rôle important que joua la Séquanie dans l’insur- 
rection gauloise qui précéda la chute de ce détestable mo- 
narque (‘). En retour de cette conduite, l’empereur Galba 
combla notre province de faveurs : accroissement de terri- 
toire, diminution de tribut, concession de libertés muni- 
cipales (5). 


pent : il va sans dire qu'elle n'a pas été rencontrée dans un dépôt 
funèbre, car la loi des douze tables défendait formellement d'enfouir 
avec les restes humains aucun objet en or. (Cicer. De Legibus, lib. IT, 
(228.241 à) 

@) Larosse, Notice, p. 9. — Toutes les monnaies gauloises rencontrées 
dans l'intérieur ou autour des urnes se rapportent au type qui figure 
sous le n° 12 de notre planche d’antiquités. La fréquence de ces mon- 
naies dans notre contrée les a fait, avec toute raison, restituer aux 
Séquanes. (P. DE Sat-Ferseux, Molice sur les monnaies des Lingons et 
sur quelques monnaies des Leukes, des Séquanaïis el des Eduens; Paris, 
1867, gr. in-8°, p. 24, pl. VI no 34) 

(2) Ed. Crerc, La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 18. 

(8) Voir notre planche d'antiquités, n° 2. 

_(4) A. Casraw, La balaïlle de Vesontio et ses vestiges, dans les Mémoires 
de la Société d'Emulation du Doubs, 3° série, t. VII, 1862, pp. 477-490. 

(5) « Galliæ, super memoriam Vindicis, obligatæ recenti dono romanæ 
civitatis, et in posterum tributi levamento. Proximæ tamen germanicis 
exercitibus Galliarum civitates, non eodem honore habitæ, quædam 
etiam finibus ademptis, pari dolore commoda aliena ac suas injurias 
metiebantur. » (Taorr. Histor., lib. I, c. vu.) — « Nec deerat pars Gal- 
liarum quæ Rhenum accolit, easdem partes secuta, ac tum acerrima 
instigatrix adversus Galbianos : hoc enim nomen, fastidito Vindice, in- 
diderant. Igitur Sequanis Æduisque, ac deinde prout opulentia civita- 


— G4 = 

Devenu maître de ses destinées urbaines, en même temps 
que chef-lieu politique d'une importante cité, Vesontio dut 
mettre-son Champ-de-Mars en rapport avec cette situation 
nouvelle. Encombré par les monuments funèbres, cet empla- 
cement se serait peu commodément prêté à la tenue des 
assemblées législatives, électorales et judiciaires. Il était de 
toute nécessité d'en modifier la physionomie primitive: Mais 
les coutumes romaines interdisaient de déranger quoi que ce 
fût dans le mobilier des sépultures. On concilia toute chose, 
en imaginant cet expédient d'un remblai qui a permis, après 
dix-huit siècles d'intervalle, de retrouver chaque détail à la 
place qu'il occupait le jour où l’on cessa de dresser en ce lieu 
les bûchers funéraires. , 

Le cimetière de Vesontio fut porté hors de la ville, sur la 
hauteur et les pentes latérales du Calvus mons (Charmont), 
principalement dans les cantons qui retiennent les vocables 
de Pater, Paradis et Champ-Noir (). 


VIJ 


Le bâtiment circulaire de notre Champ-de-Mars a-t-il suc- 
cédé immédiatement au cimetière ? Nous ne le pensons pas. 
Son architecture est d’une époque sensiblement inférieure 
comme art à ce que produisait le premier siècle de notre ère. 
Et puis l’égout monumental dont l'édifice est contemporain, 
puisque les murailles du second naissaient en divers points 
de l'extrados des voûtes du premier (?), cet égout, dis-je, ne 
se comprend que dans une ville abondamment pourvue d'eau. 


tibus erat, infensi, expugnationes urbium, populationes agrorum.…. 
hauserunt animo :.... contumacia Gallorum irritati, qui remissam a 
Galba quartam tributorum partem, et publice donatos, in ignominiam 
exercitus jactabant. » (Id., tbid., c. 11.) — Cf. Amédée Tarerry, Aistoire 
des Gaulois, t. III, pp. 372-385. 

(:) Voir le plan de Vesontio, qui accompagne notre travail sur “le 
Capitole, dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 4° série, 
t. IV, 1868. 

(?) Voir notre planche de coupes. 


ae 195 — 

Or, Vesontio ne paraît avoir joui de cet avantage qu'à partir 
de la seconde moitié du deuxième siècle, car une médaille de 
Marc-Aurèle s'est rencontrée dans la maçonnerie de l’aqueduc 
romain de notre source d’Arcier (t). Ces considérations nous 
portent à croire que la construction qui va nous occuper date 
aussi du règne de Marc-Aurèle : c'est, selon toute vraisem- 
blance, l'époque où Vesontio recut une colonie romaine (?) et 
acheva de se modeler sur le type de la Ville éternelle. 

Notre édifice ($) montrait, en plan, deux murs circulaires 
concentriques , espacés de quatre mètres trente centimètres et 
reliés de distance en distance par des murs de refend obliques. 
L'une de ces précinctions, faite de petits moellons similaires, 
bien appareillés et liés par un mortier très fin, servait de clô- 
ture extérieure au bâtiment; l’autre se composait de portiques, 
ouverts du côté de l'intérieur et reposant sur des colonnes 
d'une architecture réduite à la plus stricte simplicité (*) : la 


@) Duo», Histoire du comté de Bourgogne, t. I, pp. 126-130 ; — Ed. 


.Czerc, Essai sur l'histoire de la Franche-Comté, t. I, p. 18, et la Franche- 


Comté à l'époque romaine, p. 25. 

(8) Voir notre étude sur le Capitole de Vesontio, dans les Mémoires de 
la Soc. d' Emulation du Doubs, 4e série, t. IV, p. 207.— La plupart des colo- 
nies avaient un surnom qui rappelait les circonstances de leur origine 
et les distinguait du reste de la ville dans laquelle elles étaient parquées. 
La colonie de Vesontio était qualifiée Victrix; nous le savons par l'épi- 
taphe d'un tombeau du second siècle trouvé à Rome et dessiné par 
Boissard. (Antiq. rom., pars V, pl. 59.) Cette épitaphe est ainsi conçue : 


De M. 
PLOCVSAE SVAE 
ALDVOVORIX 
AN'ENTOOBANIEC 
SEQVAN. 

Il y a lieu de corriger, dans ce texte la lettre T du mot AVTV, qui 
résulte certainement d'une faute de lecture, et de la remplacer par un 
G. L'inscription ainsi amendée se lirait de la façon suivante : 

Dis Manibus PLOCVSAE SVAE ALDVOVORIX AVGVslalis 
COLoniæ VICtricis SEQVANorum. (Cf. Duxon, Hist. du comté de 
Bourgogne, t. I, p. 201.) 

(*) Voir le plan joint au présent travail. 

(#) Voir le chapiteau de notre planche de détails d'architecture. 


= one 

masse des chapiteaux et fûts taillés uniformément dans ce 
genre, opposée à la bigarrure des débris arrivés de toute part 
avec les remblais, ne laissa pas un instant de doute sur ce 
qui provenait de l'édifice lui-même. Un mur, formant corde 
par rapport aux portiques, marque sur le plan une barre 
intérieure de trente mètres de long : c'était sans aucun doute 
le mur de soutènement d'une estrade. Une façade horizontale 
régnait à l’est : elle était précédée d'une cour et adossée à une 
logette qui avait un front de treize mètres sur l'intérieur du 
monument. À droite et à gauche de cette logette, siége évident 
d'un bureau de contrôle , étaient deux murailles obliques qui 
bordaient un couloir d'entrée et un couloir de sortie. Le dia- 
mètre intérieur de l'édifice était, non compris les portiques, 
de quatre-vingts mètres. I est douteux qu'une aussi immense 
surface ait jamais été couverte, au moins d’une manière per- 
manente. 

On nous demandera maintenant quel a été l'usage de cette 
colossale construction. 

M. Lafosse l'a baptisée du nom de Cirque (!)}, mais cette 
qualification nous semble inadmissible. La forme des cirques 
romains est connue : elle était oblongue, avec une seule extré- 
mité arrondie (?). De plus, tout cirque comportait des gradins 
pour faire asseoir les spectateurs, et rien de semblable ne s'est 
montré ici. ; 

À son tour, M. Alphonse Delacroix a émis l'hypothèse d’un 
_ marché (*), en se fondant sur l'énorme quantité de poids en 
terre cuite récoltés dans les ruines du monument, puis sur 
cette considération que l’espace délimité par nos portiques est 
égal à celui que la vente des denrées alimentaires nécessite dans 
le Besancon moderne. 

Selon nous, rien n'empêche d'admettre que ce bâtiment ait 


() Molice, p. 4 et 5, pl. I. 

() J.-C. BuzenGert De circo romano, ap. Grævir Thesaur. antiq. rom. 
t. IX, col. 595. 

(*) Guide de l'étranger à Besançon, p. 199. 


— 31 — 
pu servir à l'occasion de marché; mais nous ne pensons pas 
que c’ait été là sa destination essentielle. 

Il ne faut pas oublier d'abord que l'édifice en question occu- 
pait le point central d'un Champ-de-Mars, et que le but de sa 
construction doit nécessairement avoir été en relation intime 
avec les usages auxquels les Champs-de-Mars étaient affectés. 

Il y a lieu de remarquer ensuite que les subdivisions de 
nos portiques sont déterminées par des murs, ce qui indique 
qu'elles avaient trait à des opérations où les groupements 
d'individus se faisaient d’une manière immuable. 

Enfin, l'obliquité de ces murs de séparation résulte évidem- 
ment du désir de mettre les compartiments à la discrétion 
d’une double surveillance, car certaines cloisons biaisent dans 
le sens de la logette, et les autres par rapport à l'estrade inté- 
rieure. | 

Quel était, parmi les actes publics accomplis dans les 
Champs-de-Mars, l'ordre de choses qui répondait à de telles 
exigences ? Ce sont, dirons-nous, ce ne sont que les omices 
populaires. 

On connaît le mécanisme de ces assemblées dans les pro- 
vinces (!) : il est dès lors facile de juger si la machine monu- 
mentale de notre Champ-de-Mars convenait à cette destination. 

Le peuple était premièrement réuni en masse {concio), sous 
la présidence du doyen d'âge des duumvirs (?), lequel expo- 
sait les questions à résoudre. Quoi de mieux approprié à ces 
préliminaires que l'immense surface interne de notre édifice 
et l’estrade qui la dominait ? 

 Eclairé sur l'objet soumis à son vote, le peuple se partageait 
en sections (euriæ (*) ou tribus (*) ), et chacune de celles-ci se 
retirait en une case distincte (singulæ in singulis consæplis) 

@) Vid. Æs Matacitanum, ap. Henzen, /nseript., n° 7421. 


Cd A0. fi 
(5) Orezzr et HenzEeN, /nscript., nos 3740, 3771, 5772, 6963 (not. 2), 


PHONE G) TART- 
Id., nos 3718, 3719. 


LEE 
pour voter par bulletin (per tabellam) dans une urne particu- 
lière (ad cistam cujusque curiæ (1). Ce second acte rend 
compte des subdivisions fixes établies sous nos portiques et de 
l'obliquité de leurs cloisons, grâce à laquelle les délibérations 
partielles pouvaient être surveillées concurremment depuis la 
logette et depuis l’estrade. 

Les groupes ayant délibéré, trois scrutateurs, étrangers à la 
section pour laquelle ils fonctionnaient, étaient préposés à la 
garde de chaque urne et au dépouillement de leur contenu (?). 
Rien de plus commode, au point de vue de cette dernière 
formalité, que le bureau ménagé dans la façade du bâtiment. 

Toutes ces dispositions paraîtraient étranges en dehors de 
l'attribution que nous proposons : avec elle, au contraire, elles 
s'expliquent et se justifient. Nous n'hésitons donc pas à pré- 
senter notre édifice comme le premier spécimen connu d'un 
Ovile provincial. 

Nous avons dit que, dans la tenue de ses comices, le peuple 
de Ronte se divisait, suivant les cas, en centuries, fractionne- 
ment basé sur la quotité des impôts que payait chacun, ou 
bien en tribus, c’est-à-dire en groupes d'individus résidant 
dans un même quartier. Ce dernier mode de fractionnement 
était celui qui s'offrait le plus naturellement à limitation des 
provinciaux : en effet, c'était aux assemblées ainsi conçues 
{comitia tributa) qu'appartenait, à Rome, le choix des magis- 
trats des provinces et celui des commissaires pour l'établisse- 
ment des colonies (3%). La division électorale par quartier 
(regiones) semble avoir dominé dans la Gaule romaine; car, 
lors du réveil municipal au moyen-âge, on voit la plupart de 
nos anciennes villes retrouver dans leurs souvenirs un plan 
de répartition de cette nature, qui aurait été tout autre si elles 
l’eussent créé d’original. 


() Æs Malacitanum, ap. HEexzEx, n° 7421. 

(2) Id., ibld. 

@) Pauli Maxurn De Comitiis Roman., c. xiv; Nic. Grucxir De Co- 
mitiis Roman., lib. IT, c. 11; ap. GRÆæv., Thesaur. antiq. rom., t. I. 


na 2 

En comptant les cases qui existent sous nos portiques, il y 
aurait donc toute chance d'avoir le nombre des quartiers entre 
lesquels se distribuait la population gallo-romaine de Vesontio. 

Ces subdivisions sont au nombre de sept (!), et ce nombre 
est exactement celui des quartiers où bannières que Besançon 
conserva jusqu'à la Révolution française (?). Ces fractions 
modernes étaient fort inégales quant à leur population respec- 
tive : la même inégalité paraît avoir existé déjà à l'époque 
romaine, car les troncons de nos portiques ont des dimensions 
qui varient entre elles du simple au triple. 

Deux questions importantes se présentent au début de l’his- 
toire municipale de Besancon au moyen-àge. Comment la 
commune put-elle, dès sa naissance, mettre la main sur une 
grande forêt et concevoir une division générale de la ville 
dont tant de petites puissances lui disputaient, lambeau par 
lambeau, la souveraineté ? Nous avons montré ailleurs que, 
pour se saisir de la forêt qui fait encore sa richesse, la com- 
mune n'avait eu d'autre titre qu'un droit immémoriakd'usage 
appartenant indistinctement à tout citoyen (*). Nous exhu- 
mons aujourd'hui la preuve que nos bannières du moyen- 
âge procèdent également d'une antique tradition. Ce double 
fait va directement à l'encontre d’une théorie nouvelle qui 
voudrait refuser aux souvenirs romains une notable part d'in- 
fluence dans le mouvement communal des villes épiscopales 
romanes de l'Empire germanique (‘). 


(4) Non compris, bien entendu, les couloirs d'entrée et de sortie. 

() Variations du régime municipal à Besançon, à la suite de notre 
Monographie du Palais Granvelle, dans les Mémoires de la Société d'Emu- 
lation du Doubs, 4e série, t. IT, 1866, pp. 151-157- 

(8) Origines de la commune de Besançon, dans les Mémoires de la Société 
d'Emulation du Doubs, 3e série, t. IIT, 1858, p. 244. 

(4) H. Kirpprer, Etude sur l'origine et les caraclères de la révolution 
communale dans les cités épiscopales romanes de l'Empire germanique ; 
Strasbourg, 1869, in-8°. — En ce qui nous touche personnellement dans 
cet ouvrage, nous ferons respectueusement observer à M. Klippfel qu'il 
n'est pas de bonne règle d'emprunter à un auteur ses idées, ses décou- 
vertes et jusqu'à ses expressions, sans citer même le titre du travail que 


Dr 


Ainsi qu'en dehors de la tenue des comices, les portiques 
de l'Ovile de Rome étaient livrés aux marchands, le com- 
merce put aussi, à certains jours, prendre place dans l'Ovile 
de Vesontio. Le sous-sol de cet édifice recélait, en effet, plu- 
sieurs centaines de poids en terre cuite, deux poids en bronze, 
et la moitié d'une mesure linéaire également en bronze (t). 

Une figurine de sanglier en bronze, dont nous publions 


l'on s'est assimilé, et en affectant au contraire de donner presque tou- 
jours comme d'original des extraits de sources que l'on ne possède que 
par le fait de la même assimilation. Cette manière peut être commode et 
fructueuse ; mais les procédés dont nous usons dans le présent opuscule 
démontreront, une fois de plus, qu'elle ne sera jamais la nôtre. 

() N° 8 de notre planche d'antiquités. — Interrogé par moi au sujet 
de cette mesure, M. l'ingénieur en chef Aurës, si compétent dans les 
questions de métrologie antique, a bien voulu me répondre par la con- 
sultation suivante : 

« Votre fragment de mesure antique est cer lainement la MorTIË D'UN 
PIED ROMAIN. 

» Quant aux divisions qui y existent, voici comment je les explique : 

» La facê sur laquelle on ne trouve qu'un seul point indique la divi- 
sion du pied en quatre palmes, ce point étant placé au milieu du demi- 
pied. Sur les deux autres faces, on voit que trois divisions d'une part 
et quatre divisions de l'autre répondent exactement à la longueur du 
palme. 

» Ge double système correspond ainsi : 

» Dans le premier cas, à la division du pied en 1? onces; 

» Et dans le second cas, à la division du pied en 16 doigts. 

» Le premier de ces deux systèmes existait seul, en Italie, dans les 
premiers temps de la République; mais le second a été plus tard pra- 
tiqué concurremment avec le premier, lorsque les idées grecques ont 
été adoptées par les Romains. 

» La vérité des assertions qui précèdent résulte de trois faits : 

» 10 La mesure que j'assimile au palme romain antique a fort exacte- 
ment 74 millimètres de longueur, et comme la longueur, aujourd'hui 
bien connue, du pied romain est de 296 millimètres, il est clair que le 
quart de cette longueur doit correspondre à 74 millimètres ; 

» 20 On remarque un fragment de la charnière à l'une des extrémités 
de votre mesure ; 

» 30 On y remarque surtout un petit morceau de bronze, muni de 
deux crans, qui servait incontestablement à assurer la igidité de l'ins- 
trument quand on l'ouvrait. Ces deux crans devaient porter sur deux 
petits arrêts placés en saillie sur l'autre moitié aujourd'hui perdue. » 


| 
| 
| 
| 
A 


ER AN Le 


l'image (‘), peut ouvrir un aperçu sur les menus objets de 
vente qui se débitaient sous nos portiques. 
Plusieurs pièces d'armement, comme une lance en bronze, 


plusieurs lancettes en fer, une bouterolle de fourreau d'épée et 


un cimier conique de casque, ces deux débris en bronze, sont 
sortis de nos ruines : objets qui n'ont rien que de très naturel 
dans un milieu journellement fréquenté par les militaires. 

Nous reproduisons, sans espérer qu'on en puisse jamais 
tirer la moindre lumière, un fragment d'inscription sur table 
de bronze (?) ; ce débris infime, découpé à la cisaille par 
quelque main barbare, est peut-être le seul vestige survivant 
des lois qui régissaient Vesontio en matière d'élection. 

L'Ovile de Rome avait pour annexes le Diribitorium , où se 
faisait la récapitulation des votes, puis la Villa Publica, siège 
des opérations du recrutement et du cens (*). 

L'Ovile de Vesontio devait être avoisiné de locaux analogues. 
Nous considérons comme tels un groupe important de con- 
structions qui s'appuyaient à l'ouest contre l'enceinte exté- 
rieure du bâtiment circulaire, et se prolongeaient dans la 
direction de l'hôpital actuel. On a songé trop tard à lever le 
plan de ces intéressants logis : aussi avons-nous le regret de 
n'en pouvoir offrir une idée complète. 

Au sud de notre Ovile, s'élevait une riche demeure, dont la 
pièce principale, pavée en mosaïque, se terminait par l'un de 
ses bouts en manière d'abside. Une cornaline , représentant 
Mars et Vénus, fut rencontrée dans ce local (*), tandis qu'on 
recueillait dans la pièce voisine une jambe de forte statuette 
en bronze du plus bel art (*). Tout indique en ce lieu un 


() N° 6 de notre planche d'antiquités. 

@)Ed:; n° 5: 

(#) Ces deux opérations étaient confiées, dans les provinces, à un seul 
ordre de fonctionnaires.(Léon Renier, Mélanges d'épigraphie, pp. 95 et 96.) 

(‘) Ce bijou n'est malheureusement pas entré dans notre collection 
publique d'archéologie. Nous n'avons sur son compte qu'une mention 
de M. Lafosse. (Notice, p. 11, no 77,) 

(5) Id., 1bid., no 79. 


Los CDC es, 
sanctuaire, vraisemblablement l'autel de Mars, encadré par 
les habitations des pontifes qui le desservaient. 


NEIL”: 


Nous avons vu qu'au début de l'époque impériale, le 
Champ-de-Mars de Rome fut orné d'effigies d'hommes célè- 
bres. Cette décoration de bon aloi semble avoir été imitée 
dans le nôtre; car, au sein des ruines que nous avons décrites, : 
s'est trouvé un titulus de buste ou de statue qui porte, en carac- 
tères de haut style, les mots Publius CORNELIVSs SCIPITo (1). 
Si la municipalité de Vesontio ne put faire tailler que cette 
seule image, convenons que son choix s'était arrêté sur l’une 
des plus dignes figures du Panthéon des gloires romaines. 


IX 


Si les observations numismatiques nous ont puissamment 
servi pour déterminer les époques d'existence du cimetière de 
notre Champ-de-Mars, le même procédé d'information peut 
également nous venir en aide pour fixer le moment de la 
ruine des édifices qui avaient remplacé la nécropole. 

Parmi les décombres de ces constructions, on n’a pas ren- 
contré de médailles postérieures à Magnence (?), tyran mili- 
taire qui usurpa la pourpre en baignant sa chlamyde dans le 
sang du troisième fils de Constantin. Poursuivi par le frère de 
sa victime et désespérant de lui échapper, Magnence se donna 
la mort à Lyon en 353. 

Cette date précède seulement de deux années celle de la 
première grande irruption des Germains dans les Gaules, 
calamité qui dépeupla toute la zone comprise entre le lac de 


(4) Voir un dessin de ce monument dans notre planche de détails 
d'architecture. 

(2) Larosse, Nofice, p. 9: — Ed. Ccerc, La Franche-Comté à l'époque 
romaine, p. 3. 


LYS 

Constance et la Batavie, sur une largeur de soixante lieues en 
deca du Rhin. Quarante-cinq villes de cette région, sans 
compter les bourgs et les forteresses, furent forcées et déman- 
telées par les Barbares (1). 

A la suite de ce désastre, Vesontio ne se releva que comme 
petite ville. « Elle avait été pourtant grande autrefois, écrivait 
l'empereur Julien, ornée de temples magnifiques, entourée de 
solides remparts qui y complétaient l’œuvre défensive de la 
nature (?). » 


HA Xe 


Il nous reste à rapprocher, quant aux principaux traits de 
leurs physionomies respectives, le Champ-de-Mars de Rome 
et son modeste homonyme de la capitale des Séquanes. 

Le Champ-de-Mars de Rome était bordé par le Tibre, et 
situé en dehors de la zone /pomærium) qui renfermait la 
Ville |‘). 


(4) « Kai otputeütw LEv &xuétovros toÿ airou, no AGY mavu lepuavév mepirac 
renopÜnuévas êv Keïroïc môderc àdews xatowmouvrwv. Tù LÈv oùv rAA0oS Toy 
TROREWV TÉVTE HOU AAÙ TETGAPÉLOVTA ÉGTL, TElYn TX OUNPTAGUÉVA, ÊLYA TOV 
TÜpYWY La TV ÉAaTGOVUY ppoupiwv * 1ç ÉVÉLOVEWS Yhç TT Tade OË Toù Privou 
néons oi Bép6apor rù péyeboc, Énécov and Tv TnyGv ATV dpyoevos dypt 
T0Ÿ 'Qucavoÿ mepuhauGdve Tpraxooua DE netyov Thç Atovos T0Ù “Prvou oté- 
ua où mpôs Aus olxouvtec Écyatou tpimAdormy D nv ËTL ToUToU mAGTOS Tù 
xatTaherpBèv Épnuoy dTd This henhacuds, via oùdE véperv EËñv toïc Kedtoïs Ta 
BooxÂuata * xal mohers TUVÈc Épnuor T@v Évoxouvrwv, alc oÙrw rapwxouv of 
Bép&apot. » (JuLrANt imp. ad $S. P. Q. A., episl., inter ejusd. Opera, 
Lipsiæ, 1696, in-fol., pp. 278-279.)— Cf. Henri Marrin, Histoire de France, 
Aéeié tte D.: 197. 

(2) &ITodiyvrov (Buxevriova) DE vov éatity àveinpuévn, néhat ÔÈ WEYGAN TE 
Av, al mohutehéotv iepoïs ÉXEXGOUNTO, TEÏLEL HAPTEPD, XAÏ TPOGÉTL TA PUGEL 
rod ywprou. » (JuLIANt epist. Maximo philosopho, inter ejusd. Opera, 
p. 414.) 

(5) « Pomærium, verbi vim solam intuentes, postmœærium interpre- 
tantur esse. Est autem magis cirea murum locus, quem in condendis ur- 
bibus quondam Etrusci, qua murum ducturi erant, certis circa terminis 
inaugurato consecrabant : ut neque interiore parte ædificia mœænibus 
continuarentur, quæ nunc vulgo etiam conjungunt; et extrinsecus puri 


Er tee 


L'assiette de Vesontio ne se prêtait pas à une semblable 
disposition. Il fallait, pour un Champ-de-Mars, un lieu qui 
fût plat, aussi voisin que possible d'un cours d’eau, et cepen- 
dant contigu à la ville dont il devait dépendre. Or, les mon- 
tagnes forment, et formaient alors bien plus encore qu'au- 
jourd'hui, une ceinture presque immédiate autour de la 
presqu'île de Vesontio. Force fut donc de loger le Champ- 
de-Mars dans un morceau de la partie plane de cette presqu île, 
et d'isoler nominalement ce terrain du pomærium (1). Con- 
trairement donc à ce qui existait à Rome, notre Champ-de-Mars 
était dans l'intérieur de la ville. 

Tant que Vesontio ne jouit d'aucune liberté publique, son 
Champ-de-Mars n'eut d’autres monuments qu'un autel et des 
tombeaux. On faisait aussi des funérailles au Champ-de-Mars 
de Rome, mais exclusivement celles des grands personnages. 
Sous ce rapport donc, Vesontio avait, en imitant , outrepassé 
les proportions du modèle, car le cimetière de son Champ-de- 
Mars était ouvert à tous les citoyens. 

Lorsque Galba eut doté la ville d’une sorte d'autonomie, le 
Champ-de-Mars cessa subitement d'être le domaine silencieux 
des morts, pour devenir le théâtre des plus bruyantes mani- 
festations des vivants : les assemblées populaires y alternèrent : 
dès lors avec les exercices des troupes. 

Plus tard, Vesontio ayant recu dans ses murs une colonie 
romaine, cette circonstance mit à la disposition du sénat local 
une masse d'ouvriers habiles : de grands travaux d'utilité 


aliquid ab humano cultu pateret soli. Hoc spatium, quod neque habi- 
tari, neque arari fas erat, non magis quod post murum esset, quam 
quod murus post id, pomærium Romani adpellarunt. Et in urbis incre- 
mento semper, quantum mé@ænia processura erant, tantum termini hi 
consecrati proferebantur. » (Trr. Liv. lib. I, €. xziv.) 
(y POMOERI 
4 VESONTION 

« Cette inscription a été trouvée en creusant les fondations du mur 
du côté du levant de la citadelle. » {Dexon, Histoire de l'Eglise, ville et 
diocèse de Besançon, t. IL, p. 362) 


PEU ee 

publique s'ensuivirent, et le Champ-de-Mars eut sa part de 
ces embellissements. De même que celui de Rome, il fut le 
déversoir des eaux qui abreuvaient la ville; et par-dessus la 
magnifique cloaque disposée à cet effet, on éleva un immense 
bâtiment pour la tenue des comices. Analogue comme situa- 
tion et comme usage à l'Ovile de Rome {!), cet édifice avait 
une allure originale et parfaitement appropriée aux besoins 
quil devait satisfaire. 

Enfin le Champ-de-Mars de Vesontio parait avoir, comme 
celui de Rome, renfermé plusieurs temples, et n'avoir pas été 
dépourvu de statues d'illustrations romaines. 

Ces données nous ont semblé d'autant plus intéressantes à 
recueillir et à faire connaître , qu'il y a pénurie de renseigne- 
ments au sujet des Champs-de-Mars provinciaux du monde 
romain. Cela vient de ce que généralement les espaces ainsi 
dénommés ont été tenus à distance des habitations : d'où il suit 
qu'aucune bâtisse importante n'est venue, dans les temps 
modernes, mettre en lumière le contenu de leur sous-sol. 
Chez nous, au contraire, il y avait eu nécessité de comprendre 
le Champ-de-Mars dans la ville : grâce à cette irrégularité 
d'un autre âge, ce terrain a eu, de nos jours, le privilége d’être 
remué de fond en comble par la pioche des constructeurs, 
tandis que la charrue effleure à peine la surface de ses con- 
génères. 


@) Voir le fragment du plan gravé sur marbre de l'ancienne Rome, 
où l'on croit reconnaître, mais sans motifs absolument plausibles, les 
Septa ou l'Ovile de la métropole. (Prranesr, Campus Martius antiquæ 
Urbis, tab. XVI, no vr.) 


Cp 


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BEL UTR LISE AU 
HER e HAINE: ; ÉTPÉE sg 
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TABLE 


I. Raison d’être des Champs-de-Mars de la Gaule. 


II. Le Champ-de-Mars de Rome. 
IT. Topographie du Champ-de-Mars de Vesontio. 
IV. Circonstances qui ont fait fouiller ce terrain. 


V. Description sommaire des fouilles. 


VI. Cimetière du Champ-de-Mars de Vesontio. 
VII. Palais électoral du Champ-de-Mars de Vesontio. 
VIII. Effigie du grand Scipion au Champ-de-Mars de Vesontio. 
IX. Date de la ruine des édifices du Champ-de-Mars de Vesontio. 


. Parallèle du Champ-de-Mars de Vesontio et de celui de Rome. 


PLANCHES. 


. Monuments du Champ-de-Mars de Vesontio; plan général. 
. Coupes. 


Détails d'architecture. 


. Objets divers. 


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Société d'Emulation du Doubs 1869. Champ -de-Mars_PL.I 


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2Egout à Debris de mosaïque 
3 Tombeaux el camee en cornaline 
4 Fncassement en representant Mars 


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os calcines d armaux| © Jambe de grande LES 


2 Une contenant 23 statuette en bronze / 


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1060. :; , Champ de Mars. PI 


ANTIQUITÉS 


DU CHAMP -DE-MARS DE VESONTIO 


ESSAI 
SUR LA SÉPARATION 


LA FRANCE ET DE L'ALLEMAGNE 
RAS RS DT -X SIECEES 


PAR M. LUDOVIC DRAPEYRON 


Docteur ès-lettres 
Professeur d'histoire au lycée Napoléon. 


Séance du ® mars 1869. 


Unies durant cinq siècles par les invasions, la Gaule et la 
Germanie ont été rendues à leurs destinées, sous les noms de 
France et d'Allemagne, à l'avènement des Capétiens. 

Comment ce résultat a-t-il été atteint ? C'est là un problème 
difficile à résoudre et dont on n'a pas étudié suffisamment les 
données. 

La Gaule et la Germanie n'avaient jamais vécu d'accord. Il 
y avait entre elles de trop grandes différences de mœurs et 
d'idées. La géographie elle-même les séparait, malgré l'ab- 
sence de frontières bien définies : on n'a, pour s’en convaincre, 
qu’à jeter un regard sur ces montagnes et ces fleuves qui ont 
des directions si opposées. | 

La création de la Neustrie avait été la conséquence de ces 
aspirations contraires. Mais au moment où les Gallo-Romains 
s'attachaient à une sorte de royauté byzantine qui excluait de 
plus en plus l'élément germanique, le bras de Pépin d'Hé- 
ristall avait détruit ce fragile édifice. 

Il fallut subir la domination austrasienne. Pendant long- 


, 


L' 


DES 
temps toute distinction sembla effacée, et Charlemagne régna 
des Karpathes aux Pyrénées. 

Sous la tutelle de ce grand homme, une transformation 
radicale s’accomplit en decà comme au delà du Rhin. La 
Germanie recut la religion et la civilisation romaines; la 
Gaule se vit imposer une aristocratie franque , maîtresse de 
l'Eglise comme du sol. Ici, c'étaient le paganisme et la barbarie; 
là, c'était l'autonomie nationale qui avait disparu. Les pertes 
et les profits étaient bien inégaux. Mais ces résultats, bons ou 
mauvais, étaient acquis, et l’on ne pouvait pas plus songer à 
restaurer la hiérarchie administrative des Césars qu'à remettre 
en honneur le culte d’Odin. 

A la mort du grand empereur (814), l'Austrasie, qui avait 
servi de régulateur aux invasions et d'intermédiaire au chris- 
tianisme , n'était plus qu'un obstacle à l'établissement du 
nouvel ordre social. Elle laissait, dans la Gaule comme dans 
l'Empire, un peuple conquérant en présence d'un peuple 
conquis, complètement étrangers l’un à l’autre. 

Mais comment aurait-elle pu se résigner à périr, ou même 
à déchoir, lorsque le titre impérial, naguère rétabli en sa 
faveur, l'entourait d'un incomparable prestige ? Louis le 
Débounaire, sous l'influence de ces préoccupations, résolut 
d'organiser le saint Empire romain germanique. Il désigna 
pour son successeur son premier fils, lui subordonnant en- 
tièrement les deux autres, qui ne purent faire la paix ou la 
guerre, conclure des mariages où promulguer des lois sans 
l'assentiment de leur aîné. Afin de marquer l’étroite solidarité 
de tous ces rois, il leur prescrivit de se réunir chaque année 
autour de leur chef naturel, et décida que, contrairement à la 
règle germanique, le nombre des royaumes ne saurait être 
augmenté ({). 


(4) « Placuit et nobis et omni populo nostro, more solemni imperiali 
diademate coronatum, nobis et consortem et successorem imperii (Lo- 
tharium), si Dominus ita voluerit, communi voto constitui. Ceteros vero 
fratres ejus, Pippinum videlicet et Ludovicum æquivocum nostrum, 


RAM -T EP 


Plus tard, il se joua, au nom de l'autorité impériale, de la 
constitution impériale elle-même. Père également faible et 
capricieux , il fit et défit les Etats destinés à ses enfants, ne 
conservant intacte, au milieu de ces bouleversements conti- 
nuels, qu'une idée supérieure, mais abstraite, celle de l'Em- 
pire. Il réformait à la fois la famille, le clergé, les monastères, 
l'Etat tout entier, mais sa main imprudente et malhabile 
agoravait les plaies qu'elle voulait guérir. Il présenta, pendant 
un quart de siècle, l'étrange spectacle d'un prince qui ne peut 
se maintenir par lui-même, et que ses ennemis ne peuvent 
renverser parce qu ils ne savent s'entendre. Les Austrasiens, 
qui se plaignaient d'être sacrifiés aux autres peuples, suivaient 
Lothaire dont le dessein, hautement avoué, était de préserver 
le pacte d'Aix-la-Chapelle. La masse des Germains s’opposait 
énergiquement à la tyrannie des dominateurs. Les seigneurs 
et les comtes francs établis en Gaule se portaient alternative- 
ment des deux côtés pour échapper à la tutelle comme à l’in- 
vasion. Les populations, dont ils comprenaient à peine la 
langue, se rangeaient volontiers sous leurs drapeaux, préfé- 
rant leurs maîtres actuels à de nouveaux maitres encore plus 
étrangers et plus exigeants. 

Tels sont les sentiments qui animèrent les combattants de 


communi consilio placuit regiis insigniri nominibus, et loca inferius 
denominata constituere, in quibus post decessum nostrum, sub seniore 
fratre, regali potestate potiantur, juxta inferius adnotata capitula. — 
Cap. 4. Item volumus, ut semel in anno, tempore opportuno, vel simul, 
vel singillatim, juxta quod rerum conditio permiserit, visitandi et viden- 
di, et de his quæ necessaria sunt et quæ ad communem utilitatem 
vel ad perpetuam pacem pertinent, mutuo fraterno amore tractandi 
gratia, ad seniorem fratrem cum donis suis veniant. — 6. Volumus atque 
jubemus, ut senior frater junioribus fratribus suis, quando contra 
exteras nationes auxilium sibi ferre rationabiliter expetiverint... vel per 
se ipsum vel per fideles missos et exercitus suos opportunum eis auxi- 
lium ferat. — 14. Si vero aliquis illorum decedens legitimos filios reli- 
querit, non inter eos potestas dividatur; sed potius populus pariter 
conveniens, unum ex eis, quem Dominus voluerit, eligat. » (Divisio 
ümperii (817), ap. Pertz, Monumenta Germaniæ historica, Legum t. I, 
pp. 198-99.) 


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LORS - 


ET 
Fontanet (84/. Dans cette fameuse journée, les deux grandes 
races se trouvèrent d'accord pour accabler la puissance qui les 
tenait enchaînées l’une à l’autre. Il n'y eut d’hésitation que 
de la part des seigneurs d'Aquitaine. Un grand nombre, avec 
leur roi Pépin, défendirent l’Austrasie, moins redoutable 
pour eux à cause de son éloignement. Les autres, plus pru- 
dents, se tinrent à quelque distance du champ de bataille, ne 
sachant où porter leurs vœux et leurs espérances. On eut un 
immense carnage et point de victoire. Jusqu'au serment de 
Strasbourg, on se demanda s'il y aurait un empire ou des 
royaumes indépendants. Mais l'impuissance des Austrasiens 
éclata enfin à tous les yeux. Si longtemps décimés par les 
expéditions lointaines des princes d'Héristall, ils venaient de 
perdre cinquante mille hommes, leur dernière armée. Le 
traité de Verdun mit à néant la constitution de Louis le Dé- 
bonnaire (843). Dans ce traité, c'est bien moins l’organisation 
de nouveaux Etats qu'il faut voir, que le fait même de la 
séparation. En réalité, les trois signataires prétendirent, 
comme autrefois les fils de Clotaire ou de Pépin le Bref, rester 
rois des Francs. Il y eut pendant quelque temps trois Frances, 
celle de la Seine ou Neustrie, celle de la Meuse ou Austrasie, 
celle du Meyn ou Franconie. La Germanie, la Gaule, l'Italie, 
n'étaient que des annexes importantes par leur étendue, mais 
politiquement secondaires. Ce qui justifie notre assertion, 
c'est que le jeune Pépin, qui n'avait pas obtenu de part dans 
la région franque proprement dite, fut considéré par ses frères 
comme mis hors la loi. 

Il faut faire à ce prince une place considérable dans l’his- 
toire, parce que, le premier parmi les souverains d’origine 
germanique , il cessa de s'appuyer sur la mère patrie, pour 
grouper autour de lui la nouvelle aristocratie territoriale qui 
se formait. Il suivait l'exemple de Bernard de Septimanie, et 
il fut lui-même imité par les deux fils de Lothaire qui, du 
consentement de leur père, règnèrent sur l'Italie et la Pro- 
vence, détachées de l’Austrasie. 


RE  — 


L'Austrasie, réduite au tiers puis à la neuvième partie de 
l'empire carolingien, privée de son glorieux nom, pour n'être 
plus que le royaume de Lothaire, la Lorraine, restait pourtant 
un Etat d'une grande importance à cause de ses souvenirs, de 
sa situation géographique et de son organisation. 

On sait quelle vénération les descendants des envahisseurs 
germains avaient pour saint Arnoul, le grand patron des 
Francs, et pour Charlemagne , le grand monarque des 
Francs. Metz et Aix-la - Chapelle, la capitale religieuse et 
la capitale militaire, n'avaient d'égale, à leurs yeux, que la 
ville de Rome qui avait donné la consécration à ces gloires 
nationales. 

De plus, c'est en Austrasie que le clergé germain, désor- 
mais installé sur tous les siéges épiscopaux de l'Occident, avait 
acquis le plus d'autorité et de consistance. Dans la Germanie, 
il était exclusivement voué à la conversion et à l'instruction 
des Barbares; en Gaule, il s'occupait surtout de concilier les 
dominateurs et les peuples conquis. Mais l’Austrasie avait 
organisé trois puissants évêchés dans trois villes comparables 
à celles désignées plus haut, Mayence, Trèves et Cologne. 
Des questions religieuses considérables, le divorce de Lo- 
‘thaire IL, l'hérésie du moine Gottschalk, étaient abordées 
sans hésitation par des prêtres francs, sinon tout à fait pré- 
parés, du moins déjà instruits et capables de soutenir une 
controverse difficile. Les prélats austrasiens avaient résisté 
aux prétentions du pape, avant et après les tristes événements 
de Lügenfeld, et s'étaient donné la noble mission de rappro- 
cher les fils de Louis. 

Aux évêchés de la France orientale étaient opposés, il est 
vrai, ceux de la France occidentale. Nous ne citerons que 
Reims et Sens. A Reims, Hincmar s'efforcait de constituer 
une nouvelle royauté neustrienne, profondément ecclésias- 
tique comme l'ancienne, mais moins romaine par ses ten- 
dances. Pour y réussir, il invoquait la mémoire du grand 
Remi, l’un de ses prédécesseurs, et de l'abbaye de Saint-Denis 


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= 
où ilavait embrassé la vie monastique {!). À Sens, les pontifes 
cherchaient, en général, à se ménager la faveur du pape et 
celle du souverain, trop souvent rudoyés par Hincmar, et 
finissaient par obtenir le titre de primats des Gaules et de 
Germanie que revendiquaient avec raison les archevêques de 
Mayence et de Trèves. 

Nous le répétons, cette zone austrasienne, qui s'étendait des 
bords de l'Yonne à ceux du Rhin, était une région sacerdo- 
tale où toutes les dominations temporelles devaient être légi- 
timées. Les rois de Lorraine reçurent l’onction sainte à Trèves, 
ceux d'Allemagne à Mayence ou à Cologne, ceux de France 
à Sens ou à Reims. 

Là aussi se réunissaient les grands conciles qui furent plus 
d'une fois des assemblées politiques ; là se formulaient les 
célèbres théories de la fraternité, de la légitimité, de l'Empire, 
de l'Etat, qui nous surprennent par leur élévation (?). 

L'Austrasie séparait donc désormais, par sa neutralité et 
son influence pacifique, les pays qu'elle unissait auparavant. 
Mais la barbarie de ce siècle aurait provoqué infailliblement de 
nouvelles invasions, si des dangers extérieurs n'avaient fait 
taire les convoitises. L'arrivée des Normands fut, sous ce rap- 
port, très utile à l’œuvre inaugurée par le traité de Verdun. 
Ni l'attaque de Louis le Germanique contre la France, ni 
l'entreprise de Charles le Chauve contre l'Allemagne n’abou- 
tirent. Ces ambitieux se virent rappelés immédiatement dans 
leurs foyers. L’Austrasie intervint comme médiatrice : on 
accepta d'autant plus volontiers son arbitrage qu'elle était trop 


(:) Reims, à l'époque carolingienne, est le grand centre littéraire de 
la Gaule. Là ont vécu et écrit : Flodoard, auteur de l'Histoire de 
l'Eglise de Reims et d'une Chronique importante ; — Richer, dont l'Hrs- 
toire, découverte, il y a trente ans, à Bamberg, par le savant M. Pertz, 
a jeté des lumières si vives sur le xe siècle; — enfin Gerbert, qui a 
préludé dans cette ville à son immense renommée. 

(2) Voir la Thèse de M. Faucerox : De Fraternitate. Cônsultez aussi 
le Capitulaire de 817, les Actes du Concile d'Ingelheim en 948, et les 
Discours d'Adalbéron rapportés par RicHer. 


PE = 


faible pour ne pas être désintéressée. Démembrée et partagée 
plus d’une fois encore, elle n'en subsistait pas moins morale- 
ment. Les évêques étaient toujours là, comme les Normands. 

Plus on lit les chroniques de cette époque, plus on se 
persuade que les princes et leurs guerriers obéissaient à une 
nécessité impérieuse dont les incursions scandinaves et la 
médiation de la Lorraine étaient le signe plutôt que la raison 
intime. 

La cause véritable était, suivant nous, la diversité des élé- 
ments dont se composaient la France et l'Allemagne nais- 
santes; C'était l'inégal développement des deux civilisations 
qui s'annoncçaient alors. En Allemagne, on trouvait une 
société voisine encore de la barbarie, mais relativement ho- 
mogène, parce que la même race, la même langue, les mêmes 
usages y prévalaient. En France, il y avait deux sociétés, dont 
l'une rapportait son origine à l'Empire romain, et dont l'autre, 
sortie depuis longtemps déjà des forêts de la Germanie et 
passant de l'état nomade à l’état sédentaire, commençait à 
prendre racine sur le sol où elle avait été transplantée. 

Si on y réfléchit bien, on se convaincra que l'Allemagne 
n avait pas encore sous la main d'institutions qu'elle pût sub- 
stituer à son vieux régime patriarcal, tandis que la France 
voyait se poser impérieusemeut devant elle le difficile pro- 
blème de l'organisation politique. 

Cette organisation, gardons-nous de l'oublier, n'était que 
rudimentaire, malgré tous les efforts de Charlemagne. Ce 
qui le prouve, c’est que les lois continuaient d’être person- 
nelles; — c'est que la propriété hésitait entre le régime allo- 

dial et le régime bénéficiaire. L'histoire de ce grand prince 
‘ nous le montre échouant dans son projet de retrancher les 
contradictions des lois franques et d'en corriger les vices et 
les mauvaises applications. Elle nous le montre échouant 
également dans son entreprise d'empêcher l’usurpation et 
l'hérédité des fiefs. 

Il est vrai qu'habitué à se payer de mots, on ne juge l'état 


EG Le 


social des peuples que d’après les progrès et la décadence de 
la royauté, et on conclut témérairement que, loin de se consti- 
tuer, la société s’est dissoute au 1x° siècle. 

C'est là une bien fausse interprétation d’un fait réel. L’au- 
torité royale n'avait été si grande jusqu'alors que parce que 
la société n'existait pas. Les hommes libres accouraient doci- 
lement auprès de leur chef pour affirmer leur force devant des 
peuples toujours impatients du joug. Rien, dans cette discipline, 
pe rappelait l'obéissance qu'on avait accordée aux empereurs 
romains comme personnification du peuple et de l'Etat. Il n'y 
avait pas d'Etat; il n'y avait que des intérêts particuliers, 
d'accord un instant par suite d’un danger commun, mais qui 
allaient bientôt, par la force même des choses, prendre des 
voies opposées. 

Dès que commenca la fusion des éléments sociaux, l'auto- 
rité générale de la royauté dut progressivement s'éclipser 
pour faire place à un nombre infini d'autorités particulières, 
capables d'exercer une influence immédiate sur les groupes 
qui se formaient d’après certaines affinités. Il était aussi abso- 
lument nécessaire que le droit nouveau prit pour base la 
propriété : Ce phénomène s'est produit toutes les fois que la 
vie sédentaire a remplacé la vie nomade. Il fallait donc que 
la propriété prit une forme unique et définitive, et que le 
pouvoir civil et la loi elle-même s'implantassent dans un sol 
convenablement préparé. 

Tout cela, nous l'affirmons, devait avoir lieu d'abord en 
Gaule. À Charles le Chauve, et non à Louis le Germanique, 
revenait la tâche dont nous parlons. 

On a justement peu de respect pour le fils préféré de Louis 
le Débonnaire. Jamais, en effet, plus d’ambition ne fut unie à 
plus d'impuissance. Il est, sauf l’héroïsme, le Téméraire chargé 
de préparer le règne de la féodalité. 11 s'agite beaucoup, mais 
sa conduite n'offre ni suite ni dignité. Jamais souverain n'ab- 
diqua plus souvent et ne prit, pour sacrifier ses droits, un ton 
plus tristement impérieux. La même année le vit empereur, 


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— J{ — 


consacré comme Charlemagne, et privé de tout empire, de 
tout royaume, presque de tout domaine. La pourpre des 
Césars qu'il étala ne fit que mieux ressortir l'étrange parodie 
dont il s'était chargé. 

Cela a été dit et fort bien dit. Mais un prince qui, sans 
jouer un rôle glorieux, est resté dans son rôle, mérite, après 
tout, plus d'attention. Il représente, bien ou mal, la France 
naissante, Ou, si on aime mieux, cette Gaule féodale qui a sur 
la Germanie une avance de deux ou trois siècles. En tout cas, 
il n'y a qu'une manière légitime de l'apprécier, c’est de lire 
les Capitulaires qui portent son nom. 

Ces Capitulaires ont été promulgués dans les grandes as- 
semblées fraternelles mises en honneur par l’épiscopat austra- 
sien. Les trois souverains reconnus à Verdun devaient, en 
principe, se réunir annuellement sur le territoire franc, et avi- 
ser aux affaires communes. Mais les affaires communes; nous 
le savons, devenaient de plus en plus rares. Aussi Lothaire, 
Louis le Gérmanique et Charles le Chauve ne se donnent- 
ils rendez - vous que de loin en loin. Tantôt c'est le roi 
d'Austrasie qui fait défaut , tantôt le roi de Germanie, tantôt 
l'un et l’autre. Seul le souverain de la Neustrie convoque 
régulièrement son assemblée ecclésiastique et politique. S'il 
n'y a pas de réunion, c’est qu'on est allé combattre les Nor- 
mands. 

Lorsque les trois frères, dans leurs rares entrevues, adres- 
sent aux guerriers et aux évêques des proclamations, il y a 
lieu de constater, dans le langage de Charles, une précision 
que l'on chercherait vainement ailleurs. A l'assemblée de Mer- 
sen, par exemple (847), Lothaire se borne à une phrase géné- 
rale sur les droits de l'Eglise et la concorde fraternelle. Louis 
le Germanique traite certains points de’ détail ou répète les 
propres termes du Capitulaire. Charles le Chauve prend l'ini- 
tiative d'une grave innovation : « Nous voulons que tout 
homme libre de notre royaume se choisisse un seigneur, qui 


| OR abs Li ns Ces QUE 


— 58 — 

sera nous-même ou bien l'un de nos fidèles (1). » C'est par 
cet acte que Charles le Chauve, débarrassé de dangereuses 
compétitions, Commence sa carrière législative. On l'a accusé 
d'avoir ce jour-là même ruiné la royauté. Mettant de côté 
toute préoccupation étrangère à cette époque, disons qu'il a 
constitué la nouvelle société, en préparant l'assimilation des 
alleux et des bénéfices ainsi que la hiérarchie féodale. 

Il ne s’inspirait pas, dans cette occasion, d'idées philoso- 
phiques : il voulait tout simplement se donner une garantie 
contre les pillages de gens sans aveu (?). Ne voyait-on pas un 
Hastings, Pépin d'Aquitaine lui-même s'associer, comme 
Gontran Boson, à ceux que le roi qualifie de «ses infidèles (5)? » 
En créant ce qu'on a nommé la vassalité, en subordonnant 
strictement les hommes libres aux seigneurs, on pouvait rendre 
ces derniers responsables de tous les désordres. Les seigneurs 
étaient à leur tour placés sous la surveillance des évêques char- 
gés de maintenir la pair publique : l'édit de Pistes (864) com- 
pléta l’édit de Mersen, en marquant d'une manière encore 
plus nette les classifications sociales (*). Il est incontestable 
que la royauté seffrayait de son propre ouvrage : quand 
l'Eglise lui prêtait son appui, elle cherchait à revenir en 
arrière, ordonnant, par exemple , de détruire les forteresses 


ou 


() & Volumus etiam, ut unusquisque liber homo in nostro regno 
seniorem, qualem voluerit, in nobis et in nostris fidelibus accipiat. » 
(Adnuntiatio Karoli, cap. 2.) 

() « Rapinæ et deprædationes quæ quasi jure legitimo hactenus 
factæ sunt. » ( Edict. Mersen., cap. 6.) 

(®) Voir notamment dans le Capitulaire de Toucy (année 865, cap. 1): 
« Ut sicut nostri infideles et communes contrarii nostri se invicem confir- 
maverunt ad nostram contrarietatem. — C. 4. Ut nullus infidelium nos- 
trorum, qui liberi homines sunt, in nostro regno immorari vel proprie- 
tatem habere permittalur, nisi fidelitatem nobis promiserit, et noster 
aut nostri fidelis homo deveniat. » — Au sujet de Pépin d'Aquitaine, 
voir Je Synode de Soissons, tenu en 853, €. 3. 

(9) G 1 — « Volumus ut neglegentia comitis ad nostram notitiam per 
episcopos et per missos nostros deferatur, et aliorum neglegentia per 
comites ad nostram notitiam perferatur.….. » 


LES 
qui, d'abord dirigées contre les Normands, se retournaient 
contre le pouvoir royal (!). Mais l'impulsion était donnée, et 
aucune volonté humaine ne pouvait l'arrêter. 

À cette Mérarchie locale qui dominait l'ancienne société 
gallo-romaine , il fallait un couronnement. Où le trouver, 
sinon dans la grande propriété, fondement nécessaire de 
l'ordre nouveau ? Or les principaux propriétaires, ce n'étaient 
pas les hommes libres, ce n'étaient pas les bénéficiers ; c'étaient 
les comtes auxquels leurs charges conféraient, momentané- 
ment, les terres les plus vastes et les plus riches. La logique 
voulait que les comtes, devenus viagers, peut-être avant 
Fontanet, devinssent héréditaires. C'est ce qui eut lieu à 
Kiersy-sur- Oise. Le 14 juin 877, Charles le Chauve tint 
la dernière assemblée de son règne. Comme il partait pour 
l'Italie, il ordonna que, pendant son absence, on remplacät 
tout comte qui viendrait à mourir par son fils ou son plus 
proche parent (?). Il se réservait bien de refuser sa sanction 
au nouveau titulaire (*). Mais cette restriction dérisoire dis- 
parut elle-même deux jours après, dans une sorte d'acte addi- 
tionnel qui insinuait que la royauté ne se réservait plus que 


\ 


le droit d'investiture (*). Le Capitulaire de Kiersy nous montre 


() G. 1 (post omnia lecta). — «Et volumus et expresse mandamus ut 
quicumque istis temporibus castella et firmilales et haïas sine nostro 
verbo fecerunt, kalendis Augusti omnes tales firmitates disfactas 
habeant : quia vicini et circummanentes exinde multas deprædationes 
et impedimenta sustinent. Et qui eas disfacere non voluerint, comites, 
in quorum comitatibus factæ sunt, eas disfaciant. Et si aliquis eis con- 
tradixerit, ad tempus nobis notum facere curent. » 

(2) Cap. 9. — « Si comes obierit, cujus filius nobiscum sit, filius noster 
cum cetéeris fidelibus nostris ordinet de his qui illi plus familiares et 
propinquiores fuerint, qui cum ministerialibus ipsius comitatus et epi- 
scopo ipsum comitatum prævideat usque dum nobis renuntietur. Si 
autem filium parvulum habuerit, ete. » 

(#) « Et pro hoc nullus irascatur, si eumdem comitatum alteri cui 
nobis placuerit dederimus quam illi qui eum hactenus prævidit. » 

(#) « Si comes de isto regno obierit, cujus filius nobiscum sit, filius 
noster cum ceteris fidelibus nostris ordinet de his qui eidem comiti plus 


y; te 


enfin une hiérarchie établie d'après une règle commune, car 
elle proclame l'hérédité, non seulement des offices royaux, 
mais des bénéfices, quel qu'en soit le suzerain, roi ou simple 
seigneur , abbé ou évêque (1). On le voit, la propriété avait 
fini par se confondre avec la souveraineté, parce que les 
charges publiques avaient pu être assimilées aux bénéfices. 

Ce document, l’un des plus considérables de l’histoire, nous 
fait juger de l'abaissement de l'autorité royale en Gaule à la 
fin du 1x° siècle. Il se présente à nous sous la forme d’une 
conversation familière où le roi propose d’abdiquer ses privi- 
lèges et où l'assemblée l’approuve à l'unanimité (?). Mais 
quand il dresse, en séance publique, son testament, quand il 
lègue ses livres aux monastères de Saint-Denis et de Com- 
piègne, quand il donne des ordres à ses fidèles et à son fils, 
quand il prévoit certaine éventualité et recommande avec 
instance de ne pas croire trop facilement à l'annonce de sa 
mort (*),le dialogue cesse, « Les autres articles n'exigent point 
de réponse, car c'est votre sagesse qui les a dictés ! » s'écrient 
les évêques, les comtes et les vassaux (#). 

Que restait-il à la royauté française à la mort de Charles le 
Chauve? Elle conservait : 1° la consécration religieuse; 
2 l'hérédité qui, unie à la consécration religieuse, établissait 
une véritable légitimité ; 3° une suzeraineté médiate ou im- 


familiares, ete., usque dum nobis renuntttur, ut filium illius qui nobis- 
cum erit, de honoribus illius honoremus. » 

() G. 10. — Si aliquis ex fidelibus nostris post obitum nostrum, Dei et 
nostro amore compuncetus, seculo renuntiarè voluerit, et filium vel talem 
propinquum habuerit, qui rei publicæ prodesse valeat, suos honores, 
prout melius volueril, ei valeal placitare. Et si in alode suo quiete 
vivere voluerit, nullus ei aliquod impedimentum facere præsumat, 
neque aliud aliquod ab eo requiratur, nisi solummodo ut ad patriæ 
defensionem, pergat. » 

(@) Voir ce curieux dialogue. 

(8) G. 11. — « Si aliqua occasione filio nostro aut fidelibus nostris de 
nostro obitu nuntiatum fuerit, non facile credatur. » 

(4) « Cetera capitula responsione non egent, quoniam a vestra sapien- 
tia sunt disposita et diflinita. » 


ARTE EE 


médiate qui sexerçait à l’armée par le commandement 
suprême, et dans la vie ordinaire par la confirmation des 
comtés et des bénéfices ; 4° la nomination des ducs, officiers 
supérieurs aux comtes , avec lesquels on finira par les con- 
fondre, quand ils se seront proclamés eux-mêmes héréditaires. 

Le serment prêté par Louis le Bègue (877) nous montre le 
souverain reconnaissant les limites de ses attributions. Il 
« promet de garder au peuple, dont le gouvernement lui a été 
confié en l'assemblée générale de ses fidèles, les lois et les 
statuts conformément à ce qu'ont inséré dans leurs actes les 
rois et empereurs qui l'ont précédé (1). » , 

Evidemment on vient de sortir, de ce côté du Rhin, de l’âge 
barbare où aucun pouvoir, royal ou autre, n’est délimité. 

En Allemagne, au contraire, tout restait encore indéfini, et 
jusqu'à un certain point, arbitraire. Louis le Germanique 
partageait, comme ses prédécesseurs, son PAAAURTE entre 
ses fils ; il n’organisait pas ses Etats. 

En nc comme en Allemagne, la dynastie de Charle- 
magne fut cruellement frappée. En quelques années -(876- 
884), huit rois succombèrent (?), et il ne resta plus d’une race, 
naguère si nombreuse et si active, qu'un enfant posthume et un 
prince aussi lent d'esprit que de corps (*). On vit alors les 
prétentions des seigneurs s'élever bien au-dessus d'un comté 


() « Promitto et perdono vobis, quia unicuique de vobis et ecclesiis 
vobis commissis, secundum primum capitulum quod novissime in 
Carisiaco domnus imperator pater meus a se et a me servaturum, con- 
sentientibus fidelibus illius ac nostris atque apostolicæ Sedis legatis, 
legente Gauzleno, denuntiavit, canonicum privilegium et debitam legem 
atque justitiam conservabo, et defensionem, quantum potuero, adjuvante 
Domino exhibebo, sicut rex unicuique episcopo et ecclesiæ sibi com- 
missæ per rectum exhibere debet. » 

(2) L'empereur Louis IL, fils de Lothaire; — Louis le Germanique et 
deux de ses fils, Carloman de Bavière et Louis de Saxe ; — Charles le 
Chauve, suivi de son fils Louis le Bègue; — enfin Louis III et Carloman, 
fils de Louis le Bègue. 

(8) Charles le Simple, fils de Louis le Bègue, et Charles le Gros, fils 
de Louis le Germanique. . 


0 


ou d'un duché héréditaire. Des rois, dont la plupart étaient 
des descendants plus ou moins indirects, plus ou moins 
avouables du grand empereur, mais dont quelques - uns 
avaient une récente notoriété, s’élancèrent du sol armés de 
pied en cap. C’est Boson, beau-frère de Charles le Chauve, 
qui avait donné le signal de ces audacieuses usurpations en 
saisissant la couronne de Bourgogne. Chose remarquable, 
pendant que l'Italie avait deux rois (1!) et la France trois (?), 
l'Allemagne se contentait d'un seul prince carolingien (°), 
parce que aucune illustration n'avait pu se produire chez elle 
depuis l'extinction des familles héroïques. 

L'intronisation d’Arnulf de Carinthie différait profondé- 
ment de celle d'Eudes, comte de Paris. La première était, 
d’après les Annales de Metz, la suite « d'un complot ourdi 
avec précipitation. » « Les grands du royaume étaient passés 
en foule du côté de l'usurpateur (f), » et avaient, comme dans 
les guerres de Sigebert et de Chilpéric, transféré leurs hom- 
mages d'un camp à un autre camp, et non d'un principe à un 
autre principe. Leur sérieuse préoccupation était de se donner 
un chef noble et brave, capable de les protéger. S'ils avaient 
voulu s'assurer l'hérédité et l'indépendance, ils auraient pris 
une décision tout opposée (888). 

L'élévation d'Eudes coïncide avec la prise de possession des 
grands duchés et des grands comtés par des seigneurs qui 
devaient les garder quatre siècles. Il n’y a point lieu de s’in- 
quiéter ici de l'Aquitaine et de la Provence, royaumes ne 
relevant en réalité que d'eux-mêmes, mais simplement du 
nord de la région appelée aujourd'hui la France. Les comtés 
de Flandre et de Vermandois, les duchés de France et de 
Bourgogne se dessinent nettement à la chute de Charles le 


(4) Guy de Spolète et Bérenger de Frioul. 

(2) Eudes, Boson et Charles le Simple. 

(8) Arnulf de Carinthie, fils de Carloman de Bavière. 

(t) «Et subito facta conspiratione, ab imperatore deficientes... certatim 
transeunt., » Ex Annalibus Mettensibus, ap. D, Bouquer, t. VIII, p. 67. 


— 63 — 
Gros, et c'est leur entente qui provoqua l'exclusion du dernier 
fils de Louis le Bègue, lorsque l'élection du carolingien 
Arnulf fit redouter une intervention germanique et sembla 
compromettre la stabilité des fiefs et des offices. 

Arnulf, parvenu au trône sans condition, sans compétition, 
fut tout-puissant. Eudes dut souscrire à toutes les exigences 
des seigneurs qui l'avaient élu, et eut pour rival le prince 
frustré de ses droits à’ la couronne. 

Charles , auquel la postérité, par une honteuse condescen- 
dance, a confirmé le surnom de Simple que lui décernèrent 
ses ennemis et ses spoliateurs, n'abandonna point sa propre 
cause. Il profita de l'absence des Neustriens et des sympathies 
des Austrasiens, et se mit résolument à l'œuvre. « Il était 
arrivé à sa quinzième année, nous dit son historien ; il expri- 
mait amèrement à ses amis et aux gens de sa maison ses 
regrets d’avoir perdu le trône; il cherchait, par mille moyens, 
à rentrer en possession du royaume de son père ().» La ligue 
féodale, formée récemment, ne présentait aucune cohésion. 
Herbert de Vermandois, jaloux de la nouvelle royauté, se 
souvenait maintenant qu'il avait les mêmes ancêtres que le 
jeune exilé. L’archevêque de Reims, le grand seigneur 
Foulques, allié, lui aussi, à la vieille dynastie, prit avec 
d'autant plus d'ardeur la défense de la légitimité, que l'ar- 
chevêque de Sens, son adversaire naturel, avait consacré le 
prince régnant (?) Il rassembla à Reims tous les seigneurs 
qui pensaient comme lui et recut sous serment leur adhésion. 
I] fit ensuite appel aux métropolitains de Cologne, de Trèves 
et de Mayence, à ses suffragants de Laon, de Châlons et de 
Térouanne, et sacra Charles ITT, le 28 janvier 893, jour anni- 


@) « Jam enim quindennis, de regni amissione apud amicos et domes- 
ticos gravissime conquerebatur; regnumque paternum repetere multo 
conatu moliebatur. » (Ricnert Aistor. lib. I, c. xt.) 

(2) « Ei ergo omnes Belgicæ principes, et aliquot Celticæ summopere 
favebant. Horum quoque consensus, sub Remensi metropolitano, sacra- 
menti jure firmatur. » (Id., ibid.) 


tie : PE 


versaire de la mort de Charlemagne, dans la basilique de 
Saint-Remi. Il le revêtit de la pourpre et lui fit rendre des 
édits dans la ville. 11 écrivit eusuite à Arnulf « que l’on avait 
suivi l'ancienne coutume des Francs, en choisissant un prince 
de la famille royale sans égard pour son âge et pour sa puis- 
sance (!).» Confondant d'une facon très habile les intérêts des 
deux Carolingiens, il ajoutait : « De toute la famille royale, il 
ne reste plus que vous et le jeune Charles votre parent : 
songez à ce qui pourrait arriver si vous veniez à payer la 
dette commune de l'humanité; quand il existe tant de rois 
qui ne sortent point du sang royal et que tant d’autres affec- 
tent le nom de roi, qui protégera votre fils après votre mort 
et l'aidera à monter sur le trône de son père, si vous-même 
vous laissez tomber du sien votre unique parent (?) ? » Ainsi, 
le lien que l'on croyait à jamais brisé se renouait par les mains 
du clergé austrasien. 

Arnulf, dont la légitimité pouvait être contestée (il était 
bâtard de Carloman), fut en proie à une indécision prolongée. 
Il aida alternativement Eudes et Charles, reçut les hommages 
de tous deux, et présida à une sorte de partage entre le roi 
héréditaire et le roi féodal. Lui-même, investi du titre im- 
périal, gardait une attitude menaçante à l'égard de tous les 
rois. Heureusement que sa lutte incessante contre les Nor- 
mands, les Slaves et les Hongrois, l’'empêcha de poursuivre 
autre chose qu'une suzeraineté un peu vaine. 

Eudes et Arnulf disparurent presque en même temps (898- 


@) « De eo quoque quod sine ipsius Arnulfi consilio præsumpserint 
hoc agere morem Francorum gentis asserit secutos se fuisse, quorum 
mos semper fuerit ut, rege decedente, alium de regis stirpe vel succes- 
sione, sine respectu vel interrogatione-cujusquam majoris aut poten- 
tioris regis, eligerent. » (FLopoarnr ÆHistor., lib. IV, c. v.) 

(?) « Cum tot jam de aliena stirpe reges existant, et adhuc sint plures, 
qui sibi regium nomen affectent, quis post ipsius decessum adjuvabit 
ejus filium , ut ad debitam sibi regni conscendat hæreditatem, si con- 
tigerit hunc sibi propinquum cadere Karolum. » (Fcopoarpt Histor., 
Hb. IV, c. v.) 


= 109 = 
899), et le duc de France Robert se rendit un compte assez 
exact de la situation pour ne pas risquer, avant un quart de 
siècle, une nouvelle usurpation. 

Le principe de la légitimité, mis en honneur par l’arche- 
vèque de Reims, prit quelque empire, et le jeune roi passa 
pour avoir autorisé bien des actes étrangers à sa volonté. Il 
aurait distribué de magnifiques principautés; mais il possédait 
à peine pour s1 part quelques villas royales , débris des im- * 
menses domaines de ses aïeux. On nous le représente « beau 
de corps, d'un naturel simple et bon, inhabile aux exercices 
militaires, livré au plaisir avec excès et un peu trop négli- 
geut à rendre la justice, mais généreux et versé dans l'étude 
des lettres, nullement dépourvu d'habileté politique. (!) » Il 
prit pour ministre Haganon, homme d'une naissance obscure, 
qui voulut frapper l'aristocratie territoriale. Par les soins du 
roi et de son conseiller , les Normands et leur chef Rollon, 
établis sur la Seine inférieure, durent tenir en haleine les 
grands vassaux et principalement le duc de France (911). 

De nouvelles complications entravèrent cette œuvre labo- 
rieuse. La branche allemande des Carolingiens s’éteignit (911). 
Les ducs de Franconie, de Saxe, de Souabe et de Bavière 
prétendaient, avec des droits égaux, recueillir son héritage. 
Toutefois le nom de France donna au premier un sérieux 
avantage. La Saxe seule refusa obstinément son hommage à 
Courad, issu de Charlemagne par les femmes. 

La Lorraine, elle aussi, s'agitait. Naguère, bouleversée par 
le sauvage Zwentibold, elle voulait échapper en même temps 
à l'Allemagne et à la Frauce, pour ne pas devenir leur champ 
de bataille. Les difficultés de sa situation lui firent cultiver de 
bonne heure l’art de la politique. Sous l'appellation de Belges, 


() « Ad multam benivolentiam intendebat. Corpore præstanti, ingenio 
bono simplicique ; exercitiis militaribus non adeo assuefactus, at litteris 
iberalibus admodum eruditus; in dando profusus, minime avarus; 
duplici morbo notabilis; libidinis intemperans, ac circa exsequenda 
judicia paulo negligentior fuit, » (Ricaert Âist, lib, I, c. XIV.) 


ÿ 


— 66 — | 
un moine du x‘ siècle nous a dépeint, avec un singulier 
bonheur, les habitants de cette contrée : « Ils excellent dans 
la conduite des affaires : aux grandes choses, ils emploient 
plutôt l'intelligence que la vigueur; mais si l'intelligence 
échoue, alors ils ont recours à la force et à l'audace (!). » C'est 
Ragner au Long Cou, comte de Hainaut, qui, le premier, 
pratiqua ce système de temporisation et d'alternatives, qui est 
l'habileté suprême des petits Etats (?). Une manière d'agir si 
nouvelle alors inspira, dit-on, la légende du renard. La mort 
de Louis l'Enfant (911) lui permit de réaliser en partie ses 
desseins ; il se proclama duc de Lorraine, et reconnut la suze- 
raineté de Charles le Simple, moins périlleuse que celle de 
Conrad. Le roi de France se réjouit d’un événement qui dou- 
blait sa puissance, en rendant à l'unique rejeton des Héristall 
le berceau de sa famille. Mais la mort de Ragner remit tout 
en question (916). On dit que le malheureux prince, assistant 
aux funérailles de son vassal, s’écria, les yeux pleins de larmes, 
comme par un pressentiment de sa propre destinée : « Oh! 
comme la grandeur s'abaisse ! comme l'espace se resserre (#) !» 
Le fils de Ragner, Giselbert, poussa jusqu'à l’inconséquence 
la ruse et la duplicité parternelles. « Ses pieds remuaient sans 
cesse, nous dit le chroniqueur ; son esprit était léger, son lan- 
gage obscur, ses questions fallacieuses; il y avait rarement de 
la suite et de la clarté dans ce qu'il disait; excessivement pro- 
digue de son bien, il convoitait avidement celui des autres; il 
se montrait bienveillant en face de ses supérieurs et de ses 


(ÿ Belgæ rebus disponendis insigniores, robore atque audacia non 
impares; Maxima quæque magis ingenio quam viribus appetunt, et si 
ingenio in appetendis cassantur, viribus audacter utuntur : cibi etiam 
potusque adeo parei. » (RicHerr Aist., lib. I, c. xt.) 

(2) « Ragenerus, vir consularis et nobilis, cognomento Collo-Longus, 
cujus etiam obitus multam reipublicæ in Belgica intulit labem. » (Id., 
lib. I, c. xxxiv.) 

(5) « Cujus exequiis Karolus rex interfuisse dicitur, ac oculos lacrymis 
suffusus dixisse : 0, inquiens, ex allo humilem, ex amplo arctissimum ! 
altero personam, altero monumentum significans. » (Id., ibid.) 


Ps Drop: Et EL Nr, el a 


— 67 — 


égaux, mais il leur portait envie en secret; les troubles , les 
querelles lui causaient une vive joie (1). » 

Tel est l’homme qui allait manier pendant vingt ans les fils 
si compliqués de la politique féodale. Son jeu perpétuel était 
de pousser alternativement à la révolte les seigneurs neus- 
triens et les seigneurs germains contre leurs chefs respectifs. 
Il serait téméraire d'affirmer qu'il n'avait d'autre mobile que 
sa haine contre Charles le Simple. Au fond, il ne faisait que 
continuer la politique de son père. Affranchi de la tutelle des 
princes d'outre-Rhin, il rejetait la suzeraineté d’un Carolin- 
gien dont le nom seul était une menace pour le possesseur de 
l'ancienne Austrasie. 

C'est alors que l'espace se resserra autour de Charles. Les 
Lorrains, si longtemps sympathiques aux représentants de 
leur ancienne dynastie, furent ébranlés. Hilduin , évêque de 
Tongres, « homme capable et énergique, mais turbulent (?), » 
prêta son appui moral à la révolution. 

Au milieu de ces intrigues lorraines, la féodalité française, 
jusqu'alors incertaine et incohérente, acquit de la consistance. 
On fit au roi un procès en règle. On lui adressa des griefs 
dont l’énoncé caractérise suffisamment l'époque : 1° Il avait 
établi et traité comme alliés les Normands en qui l'on s'obs- 
tinait à ne voir que des païens et des pirates; 2° « On s'indi- 
gnait qu'un homme de basse extraction avilit la dignité royale 
et se posât en conseiller du prince, comme s’il y avait faute de 


@) In disciplina militari ex audacia nimius, adeo ut quodcumque 
inevincibile appetere non melueret. Corpore mediocri et denso, duro- 
que membrorum robore, cervice inflexibili, oculis infestis atque inquietis 
sièque mobilibus, ut eorum color nemini ad plenum innotuerit, pedibus 
omnino impatientibus, mente levi. Oratio ejus ambigua ratione çonsis- 
tens, interrogatio fallens, responsio anceps; orationis parles, raro 
dilucidæ sibi cohærebant. Suis adeo profusus, aliena enormiter sitiens, 
majoribus ac sibi æqualibus coram favens, occulte vero invidens ; rerum 
confusione ac mutua dissidentium insectatione plurimum gaudens. » 
(Ricaerr AHistor. lib. I, cap. xxxv.) 

(3) « Virum liberalem ac strenuum, sed factiosum. » (Id., lib. I, c. xx.) 


Fat HAE 


noblesse (,. » Le point d'honneur religieux et nobiliaire s'au- 
noncaient dans cette société nouvelle qui allait le pousser si 
loin ! 

Une alliance matrimoniale entre deux duchés servit de 
base à la ligue qui s’'annoncçait. Emma, fille de Robert, duc 
dé France, épousa Rodolphe, fils de Richard le Justicier, duc 
de Bourgogne. Les comtes de Flandres et de Vermandois, 
contenus dans d'étroites limites, et désireux de s'agrandir aux 
dépens de la Normandie et du domaine royal, adhérèrent aux 
propositions du frère d'Eudes, ambitieux persévérant. L'ar- 
chevèque de Sens, chef spirituel des pays de la Seine et de la 
Saône, était tout prêt à sanctionner la déchéance d'un prince 
patronné par l'Eglise de Reims. 

La hardiesse des grands vassaux s'accrut lorsque la maison 
de Saxe se substitua à celle de Franconie (918). Henri l'Oise- 
leur chassa le Carolingien de la Lorraine, et Robert le rejeta 
dans la ville de Soissons où il vécut en simple particulier. Une 
tentative audacieuse le livra à ses ennemis qui déjà lui pré- 
paraient une prison, quand l'archevêque de Reims Hervé se 
présenta inopinément avec ses guerriers : « Où est le roi mon 
seigneur ? » leur cria-t-il d’une voix terrible. « Il tient conseil 
là dedans, » lui répondirent les conjurés. Alors le prélat 
enfonce la porte de la chambre où on le gardait, et lui dit en 
le prenant par la main : « Viens, mon roi, sers-toi plutôt de 
tes fidèles ! » et il l'entraine vers sa métropole (?). 

Cette protection religieuse fut quelque temps efficace. On vit 
Charles le Simple et Henri l'Oiseleur conclure à Bonn une 


(1) « Primates regem adeunt, ac apud eum satis conqueruntur, 
hominem obscuris parentibus natum, regiæ dignitati multum derogare, 
cum acsi indigentia nobilium, ipse tanquam consulturus regi assistat, » 
(Ricagri lib. I, c, xv.) 

() « Ubi, inquam, est dominus meus rex ? » —'« Intro cum paucis 
consultat ! » Metropolitanus, ostio obserato, vim infert ; serisque pessum- 
datis, cum paucis sedentem repperit. Captum enim custodibus adhi- 
bitis ergastulo deputaverant. Quo metropolitanus manu apprehenso : 
« Veni, inquit, rex, tuisque potius utere. » (Id., lib. I, c. xxr.) 


Fr 


cenf": Éiss 
transaction (). Ce dernier ne se fit jamais sacrer, parce qu'il 
n'était ni Carolingien ni Franc. Mais Giselbert, devenu son 
gendre, recouvra le duché de Lorraine, et reprit violemment 
tous les bénéfices que le roi avait conférés à ses amis politiques. 
« La Celtique, disait-il, doit suffire à Charles; la Belgique et 
la Germanie ont absolument besoin d'un autre chef (?)! » 

La Celtique elle-même échappait au légitime possesseur. 
Soissons réunit pour la troisième fois les seigneurs neustriens. 
On y vit également accourir l'inquiet Giselbert qui, oubliant 
ses propres paroles, répétait que Robert devait régner. 

Robert fut, en effet, élu « par la volonté unanime de tous 
les seigneurs présents (%). » Il fut couronné dans la basilique 
de Reims par Walter, archevêque de Sens, au moment où 
expirait le fidèle Hervé. 

Charles fit un appel touchant aux populations de la Lor- 
raine et de la Champagne « qu'il avait aimées par-dessus tout 
et au milieu desquelles il avait résidé si longtemps (*). » Pré- 
férant noblement la mort à l'exil (5), il marcha contre le tyran, 
ainsi que l’appelait les partisans de la légitimité (5). La bataille 
de Soissons-ne fit que transférer le diadème de Robert, mor- 
tellement frappé, à son gendre Rodolphe {*), auquel le nouvel 


(:) À Bonn, le 7 nov. 921 : « Ego Karolus, divina propitiante clemen- 
tia, rex Francorum occidentalium, amodo ero huic amico meo regi 
orientali Heinrico amicus, etc... » (PErTz, Legum t. V, p. 1.) 

(2) « Socerum itaque adit, eique ab rege dissuadet, Celticam solam 
regi posse sufficere asserens, Belgicam vero atque Germaniam rege alio 
plurimum indigere. » (Ricnert Histor., lib. I, c. xxx1x.) 

(*) « Communi ergo omnium qui aderant decreto, Rotbertus eligitur; 
ac, multo ambitionis elatu, Remos deductus, in basilica Sancti Remigii 
rex creatur. » (Id., lib. I, cap. xLr.) 

(*) « Quos summo semper habuit amore, apud quos diutius conver- 
* gatus sit. » ‘Id., C. xLtI1.) 

(5) « Carius quoque sihi ferro occidi, quam regno a pervasore privari ; 
post regni enim privationem, solummodo superesse in exilium depor- 
tationem. » (Id., ibid.) 

(5) « Omnes quoque in tyrannum unanimes. » (Id., c. xLIv.) 

(COAST. 


ENT ce 
archevêque de Reims, habilement choisi, ne refusa point 
l’onction sainte (923). Tandis que la féodalité disposait à son 
gré du trône de France, le roi de Germanie, tout entier à ses 
luttes contre les Hongrois, ne prenait parti ni pour ni contre 
les usurpateurs. 

L'élection d'Eudes, si on y regarde de près, n'avait été qu'un 
accident; mais l'élection de Robert venait de montrer que la 
féodalité française avait trouvé son centre de mouvance. 

Ce centre était Paris, l'ancienne capitale de la Neustrie 
mérovingienne, dont les souvenirs se ravivaient depuis que 
l'Austrasie ne pesait plus sur elle. 

Héritier du duché de Robert, Hugues le Grand aurait pu 
lui succéder, et c’est son refus qui avait fait la fortune du duc 
de Bourgogne. Mais celui-ci avait compris qu'il ne pouvait 
pas exercer sa nouvelle dignité, en restant dans ses Etats 
héréditaires, trop éloignés du centre d'action. De même que le 
roi de Germanie s'était fixé dans une forteresse de la Saxe, il 
voulut résider dans une forteresse de l'Ile-de-France. Mais la 
féodalité française, comme la féodalité allemande, devait pré- 
senter un singulier désarroi, tant que la couronne ne serait 
pas unie au fief le plus important par son étendue, sa popu- 
lation et surtout sa situation séographique. Les effets de cette 
absence de centre et de lien ne tardèrent point à se montrer. 
Le comte de Vermandois ne vit dans la royauté de Rodolphe 
que l’occasion de préparer la sienne. Il exigea de celui-ci des 
concessions territoriales, et à ses titres il ajouta celui de comte 
de Troyes. Quand il le trouva moins complaisant, 1l s empara 
de la personne de Charles le Simple, par l'une des trahisons 
les plus odieuses que l'histoire ait eu à flétrir. I relâcha de 
temps à autre le prisonnier de Péronne, afin d'inspirer au 
tyran une terreur salutaire. I lui fit même prêter serment de 
fidélité par Guillaume Longue-Epée, duc de Normandie. Il 
alla jusqu’à supplier le pape de lancer l’anathème contre les 
conjurés de Soissons, dont il reniait la cause. Mais son bras 
puissant ressaisissait aussitôt l'illustre victime dont il se faisait, 


PRE ei 


par une amère dérision , le zélé mais hypocrite défenseur ie 

Quel était le secret de ces perfides manœuvres ? L'archevêché 
de Reims était vacant : Herbert avait obtenu ce siège opulent 
et envié pour son fils âgé de cinq ans, c'est-à-dire pour lui- 
même. À ce prix, il redevenait l’implacable geôlier de Charles 
le Simple (?). , 

Les usurpations d'Herbert étaient désormais d'autant plus 
redoutables qu'elles seraient immédiatement légitimées par le 
pouvoir spirituel, confondu dans sa famille avec la force ma- 
térielle. 

Hugues le Grand avait pu dédaigner la couronne ; l’inso- 
lente fortune d'Herbert le trouva moins indifférent. Il déclara 
à la fois la guerre au comte usurpateur et à l'archevêque 
simoniaque, et fut soutenu par le roi son beau-frère. Serré de 
près, Reims dut accepter pour pontife le moine Artold (932). 
Laon, pris d'assaut, ne fut rendu à Herbert que sur l’injonc- 
tion du vainqueur de Mersebourg (933) (#). 

L'année 936 fut signalée par d'autres événements. En Alle- 
magne, Otton recueillait la succession de son père. Un champ 
_ de mai réunit à Aix-la-Chapelle les hommes libres, les digni- 


() « Regi ergo minas Heribertus intendens, Karolum regem a carcere 
eductum in pagum Veromandensem deduxit, non ut regno fidelis eum 
restitueret, at ut ex ejus eductione aliquam suspectis formidinem incu- 
teret. Nortmannis itaque accersitis atque apud oppidum Augam collec- 
tis eum deducit; ibique filium Rollonis pyratæ, de cujus interfectione 
jam relatum est, regis manibus sese militaturum committit, fidemque 
spondet, ac sacramento firmat. — Unde et cum Karolo Remos deve- 
niens, pro eo Romam legatos dirigit, ac Joanni papæ epistolam mitlit, 
per quam significabat contra Karolum nec sese conjurasse, nec conju- 
rationis conscium fuisse, conjuratis tantum invitum cessisse. — Heri- 
bertus vero... ad Rodulfum redit, eique reconciliatus aliquandiu hæsit. 
Cujus in multa gralia susceptus, .…. Karolum mox Peronæ in carcerem 
retrusit. » (Ricaert Aistor. lib. I, ec. zrrr et LIv.) 

(?) « Unde et ab rege donari petens, episcopium Remense sub obtentu 
filii sui adhuc pueri ab eo accepit. » (Id., c. £v.) 

(8) Ricæert lib. I, c. Lvrn-1xr. — Nous remarquons ces paroles signi- 
ficatives : « Heribertus, Germanis qui Rheni litora incolunt eductis, » 
(C. LVIrL.) 


EL TEUNES 

taires ecclésiastiques et les chefs du pays. Quand il eut été 
proclamé par l'assemblée des seigneurs, l'archevêque de 
Mayence le présenta aux guerriers réunis à l'église. « Voici, 
dit-il, celui qui a été choisi par Dieu, désigné par le défunt 
seigneur et roi Henri, et qui vient d'être élevé à la royauté 
par tous les princes, le noble seigneur Otton; si ce choix vous 
plait, levez la main (‘}. » On croirait assister à l'inauguration 
d'urautre Pépin le Bref. La couronne était toujours élective, 
mais les Carolingiens n'avaient plus rien à prétendre au delà 
du Rhin. À 

En France, Hugues le Grand se résignait, par crainte 
d'Herbert, à soutenir le principe de la légitimité. Il s'écriait, 
en présence des grands vassaux : « Mon père, jadis créé roi 
par votre volonté unanime, ne put régner sans crime, puisque 
celui qui seul avait des droits au trône vivait, et vivait en- 
fermé dans une prison! À Dieu ne plaise donc que j'occupe 
la place qu'eut mon père ! Je ne pense pas non plus qu'après 
Rodolphe on doive porter au trône un homme deæace étran- 
gère, Car Ce qu'on a vu de son temps pourrait se reproduire 
encore, à savoir le mépris du roi, et par suite les dissensions 
des grands. Rappelez donc la lignée quelque temps inter- 
rompue, de la famille royale! Par là sera conservée son 
antique noblesse; par là cesseront les plaintes de ses par- 
tisans (2). » Les seigneurs vinrent recevoir Louis IV sur les 


(‘) « En, inquit, adduco vobis a Deo electum, et a domino rerum 
Heinrico olim designatum , nunc vero a cunctis principibus regem fac- 
tum Oddonem; si vohbis ista electio placeat, dextris in cœlum levatis 
significate. » (Wipuxinnr, Res gesiæ Saxonicæ, lib. IL, c. 1.) 

(*) « Pater meus, vestra quondam omnium voluntate rex creatus, non 
sine magno regnavil facinore, cum is cui soli jura regnandi debebantur 
viveret, et vivens carcere clauderetur. Quod credite Deo non acceptum 
fuisse. Unde et abait, ut ego patris loco restituar. Nec vero alieni generis 
quemquam, post divæ memoriæ Rodulfum, arbitror promovendum, 
cum ejus tempore visum sit quid nunc innasei possit, contemptus vide- 
licet regis, ac per hoc principum dissensus. Repetatur ergo interrupta 
paululum regiæ generationis linea, ac Karoli filium Ludovieum a trans- 


ETS = 

rivages du Pas-de-Calais, l'investirent de l'autorité suprême, 
et, pour mieux constater ses droits, le firent tour à tour sacrer 
par les archevêques de Reims et de Sens. 

. Combien l'avènement de Louis d'Outremer différait de celui 
d'Otton le Grand ! La suite ne démentit pas ce début. Malgré 
tous ces honneurs et toutes ces consécrations, le fils de Charles 
le Simple fut encore un peu plus effacé que son père; il ne 
posséda en réalité que la ville de Laon. Ses brillants succès 
‘en Bourgogne le brouillèrent, dès la première heure de son 
rèene avec Hugues le Grand, qui tendit la main à Herbert, 
après l’avoir si longtemps combattu (!). Il lui fallut arracher 
à ce dernier la citadelle qui commandait Laon, son seul 
refuge (?) ! 

Le fils d'Henri l'Oiseleur fut tout d'abord soumis à une 
rude épreuve. Mais cette crise ne fit que mieux ressortir sa 
force. Les ducs allemands, qui pour la plupart appartenaient 
à la maison de Saxe, se révoltèrent contre leur nouveau chef. 
‘Ils furent encouragés dans leur entreprise par l'inquiet Gisel- 
bert, qui fut battu, prit la fuite et se noya dans le Rhin (*). 
Impliqué dans ces nouvelles intrigues , le roi de France ne 
put empêcher l'irruption d'Otton dans ses Etats. 

Otton mit la main sur la France comme sur l'Allemagne. 
Au delà du Rhin, il bouleversa la féodalité naissante, dis- 
tribua à son gré-les duchés à ses fils, à ses gendres et à ses 
frères. Aux grands seigneurs il opposa des évêques puissants, 
et soumit tous ses vassaux au contrôle des comtes palatins. 
Dans la région cisrhénane, il avait affaire à plus forte partie 
et ne pouvait prétendre à cette omnipotence. Mais il l'enlaça 
dans les réseaux qu'il venait de tendre, en mariant ses deux 


marinis partibus revocantes, regem vobis decenter create. Sicque fiet, 
ut et antiqua nobilitas regiæ stirpis servetur et fautores a querimoniis 
quiescant. » (Ricmert Aistor. lib. IE, e. 11.) 

DA AMD: FEr, °C. v. 

(2) Id., c: 1x-x. 

dr cHxIx. 


sœurs au roi et au premier des ducs (!). L’Austrasie fut l'ob- 
jet de sa plus vive sollicitude. I] finit par mettre à sa tête son 
frère Brunon, qui à la dignité d'archevêque joignit celle 
d'archiduc, et la divisa en deux Etats, caractérisés par la 
Meuse et par la Moselle, et dépendant du siége de Cologne, la 
Haute et la Basse Lorraine (Brabant). 


\ / 


Les deux rois; devenus beaux-frères, se lièrent d'amitié, mais 


Louis d'Outremer ne traita jamais sur le pied de l'égalité avec 


le puissant Otton. La féodalité française ressenti vivement 
l'humiliation de son souverain, qui était un affront pour 
elle-même. Le duc de Normandie exprima dans une circon- 
stance solennelle sa manière de voir à ce sujet. 

Une entrevue avait réuni, dans la villa royale d'Attigny, 
Hugues le Grand , Herbert, Arnoul et Guillaume Longue- 
Epée, autour des deux grands suzerains. « Le roi Louis, nous 
dit Richer, s’enferma dans le conclave avec le roi Otton et les 
princes, et, soit à dessein, soil par hasard (on l'ignore), le 
duc Guillaume seul n’y fut point admis. Il attendit longtemps 
en dehors; mais, voyant qu'on ne l’appelait pas, il en concçut 
de l'irritation. Enfin, la colère le gagnant, comme il était em- 
porté et prompt à la main, il enfoncça les portes et les referma 
avec humeur. Etant donc entré, il jette les yeux sur le lit où 
Otton occupait le côté le plus élevé, celui du chevet, et le roi 
l'extrémité la plus basse; devant eux, Hugues et Arnoul, 
placés sur les deux siéges, attendaient que les délibérations 
s'ouvrissent. Guillaume, indigné de l'injure faite au roi : 
« Est-ce que je dois, dit-il, rester étranger à ce qui se traite 
ici ? Me suis-je donc jamais souillé par quelque trahison ? » 
Et s’approchant avec colère : « Roï, dit-il, lève-toi un instant. » 
Le roi se lève, il s'asseoit lui-même, et dit qu'il est indécent 
que le roi paraisse dans une place inférieure, et que qui que 
ce soit s'élève au-dessus de lui; qu'il faut, par conséquent, 


@) À Louis d'Outremer il donna Gerberge, veuve de Giselbert; à 
Hugues le Grand, Edwidge qui fut mère de Hugues Capet. 


*4 
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qu'Otton quitte la place, et que le roi la prenne. Otton se leva 
confus de honte, et céda sa place au roi. Louis et Guillaume 
se trouvèrent alors assis, le roi dans le haut et Guillaume plus 
bas. Debout, appuyé sur un bâton, le prince allemand dissi- 
mula son dépit et se hâta de terminer la discussion {t). » 

Louis d'Outremer, si gravement compromis par son fidèle 
vassal, ne négligea rien pour conserver la précieuse alliance 
d'Otton le Grand. Il y réussit, grâce à la reine Gerberge, son 
épouse, et se montra aussi entreprenant envers les seigneurs 
que réservé à l'égard de l'Allemagne. Le comte de Verman- 
dois, les ducs de Bourgogne et de Normandie étant morts 
presque en même temps, il conçut la pensée d'entrer lui- 
même dans les cadres féodaux par l'acquisition d'un ou de 
plusieurs fiefs. Les crimes d'Herbert, l'illégitimité du fils de 
Guillaume Longue-Epée , les querelles sanglantes des descen- 
dants de Richard le Justicier, excusaient, dans une certaine 
mesure, ses projets audacieux. 

Le duc de France voulut être.de la partie, mais il trahit dès 
que l'intérêt le lui conseilla. H prit pour lui la Bourgogne. 
Quand il vit que son allié voulait garder la Normaudie, il le 
fit retenir prisonnier à Rouen, et ne le relâcha qu'après l'avoir 
dépouillé de la ville de Laon (?). 


() Tandem in iram versus, uipote manu et audacia nimius, foribus 
clausis vim intulit, ac retrorsum vibrabundus adegit. Ingressusque 
lecturm conspicatur gestatorium; in quo etiam a parte cervicalis Otto 
editiore, rex vero in parte extrema humilior residebat. In quorum pro- 
spectu Hugo et Arnulfus, duabus residentes sellis, consilii ordinem 
expectabant. Wilelmus, regis injuriam non passus : « An, » inquit, « his 
interesse non debui? Desertorisne dedecore aliquando sordui ? » Fer- 
vidusque propinquans : « Surge, » inquit, « paullulum, rex ! » Quo mox 
surgente, ipse resedit, dixitque indecens esse regem inferiorem, alium 
vero quemlbet superiorem videri. Quapropter oportere Ottonem inde 
amoliri, regique cedere. Otto pudore affectus surgit, ac regi cedit. Rex 
itaque superior, at Wilelmus inferior, consederunt. Otto penitus inju- 
riam dissimulans, baculo innixus, cœpto negotio finem dare stando 
satagebat. » (RicHer: Aislor. lib. IT, e. xxx1 ef XxxHT.) 

(2) Id.,.tbid., ec. xzu-ur. 


D 


Nul doute que Hugues le Grand n'eût exploité la condes- : 


cendance marquée par le roi de France au roi d'Allemagne. 
L'archevêque Artold, zélé défenseur de la fragile couronne 
des Carolingiens, fut expulsé, grâce à son intervention armée, 
de la ville de Reims, où le jeune Hugues de Vermandois 
s'installa pour la seconde fois. 

Evidemment, la féodalité française venait d'entrer dans une 
phase nouvelle. On la voyait, par suite de ses craintes ou de 
sa Convoitise, s’efforcer 1° d'expulser les rois carolingiens; 
2° d'échapper à la suzeraineté de plus en plus lourde du roi 
de Germanie: 3° d'assurer la suzeraineté nominale, sinon 
effective, au possesseur des duchés de France et de Bourgogne, 
qui seul était capable de la défendre; 4° d'établir à Reims un 


pontife étranger à la maison de Saxe et aux héritiers de 


Charlemagne. 

La cause de Louis IV, celle d’Artold et celle d'Otton, étaient 
donc étroitement liées. Le roi de Germanie vit accourir auprès 
de lui le prince et l'archevêque légitimes. Il évoqua devant 
son tribunal ce procès religieux et politique. L'évêque de 
Trèves eut la présidence. Trois conciles furent successivement 
tenus à Verdun {‘}, à Mouzon {?) et à Ingelheïm (*). Comme 
on le voit, l'Ausirasie conservait toute son importance ecclé- 
siastique. : 

Le concile d'Ingelheim (948) fut l'un des plus considé- 
rables du moyen âge. On y vit, chose qui nous semble au- 
jourd'hui singulière, des évêques allemands chargés de décider 
les affaires françaises (*). Afin d'augmenter l'autorité de cette 
assemblée, le prononcé du jugement fut réservé au reprèé- 
sentant du pape. Il y eut jusqu'à six grands discours où 


6) Rrouert Jistor. lib. IT, ©. LxvI. 

(dc: LXVII-LX VIII. 

Cid crux 

-#) Entre autres, les évêques de Trèves, de Mayence, de Cologne, de 
Spire, de Worms, d'Augshourg, d'Hildesheim, d'Osnabruck, de Maes- 
tricht, : 


ar 

furent abordés les principes mêmes de la société et de l'Etat. 
L'archevêque de Trèves affirmia « que la chose publique avait 
été compromise dans presque toute la Gaule par les entreprises 
des méchants (1). » 

Le légat reconnut « qu'il fallait d'abord rétablir l'autorité 
du roi, afin que, sa force et sa puissance une fois assurées, il 
pût, de son propre mouvement, remettre en honneur les 
églises de Dieu (?). » Le roi exilé retraça l'historique de la 
chute de son père et de la sienne, et provoqua une réplique 
du président et du vicaire apostolique où on engageait Le do- 
minateur de l'Allemagne à mettre sa puissance au service de 
l'autorité spirituelle (*}. Otton répondit avec beaucoup de 
sens : « Attaquez d'abord les ennemis de Louis par les armes 
divines : ou ils succomberont promptement dans ce combat, 
ou, s'il reste quelque chose à faire, nos armes l'effectueront 
plus facilement (*).» L'affaire d’Artold se développa parallè- 
lement à celle du roi de France, et le concile se sépara en ful. 
minant l'anathème contre les deux usurpateurs.. Il fallut, 
toutefois, en venir aux mains (*), et cette guerre aboutit à la 
rentrée de Louis à Laon et d'Artold à Reims (f). 

Hugues le Grand avait eu évidemment le dessous dans cette 
lutte inégale, et il termina assez tristement son existence ; 
mais il avait du moins atteint un grand résultat politique et 
un grand résultat moral : {° en doublant l'étendue de ses 
domaines par l'acquisition de la Bourgogne; 2° en forçant le 


() « Totius pene Galliæ rem publicam pravorum temeritate turbatam, 
magnis subjacere periculis constat. » (Ricaer: Histor. lib. IT, c. Lxxt.) 

(2) « Regiæ dominationis imperium ante dixit restaurandum, ut ejus 
vigore firmato, ejusque potentia utiliter restituta, ejus post liberalitate, 
ecclesiarum Dei honor consequenter recrescat, ejus patrocinio agente, 
virtus bonis quibusque redeat. » (Id., lib. I, c. Lxx11.) 

Oid eh D TTC EXXIII-LXXV. 

(#) « Si ejus insectatores armis divinis adoriamini, consequenter aut 
facili tumultu devicti labascent, aut, si quid impetendum relinquetur, 
facilius nostris armis infirmabitur. » ([d., c. Lxxvr.) 

() Id., ©. LxxvII-LxxxI. 

(5) Id., c. xcr et, seq. 


Sos an NT SE CS NU En an Mars 


ne D. 
suzerain carolingien à n'être plus que l'un des vassaux du roi 
de Germanie. 

Il est avéré que les descendants de Charlemagne ne se 
maintenaient et n'existaient que par la protection d'Otton le 
Grand. C'est à lui que la reine Gerberge eut recours pour 
assurer le trône de son fils. « Tous les princes de Belgique et 
quelques grands de Germanie arrivèrent conduits par le duc 
Brunon; Hugues, ducdes Gaules, se rendit aussi à l'appel. De 
leur côté, les évêques vinrent des differentens contrées dans 
la ville de Reims. Lothaire fut donc, du consentement de 
tous, avec l'appui de son oncle, et aux acclamations des 
princes, sacré roi par l'archevêque Artold (t). » La fortune 
semblait sourire au nouveau souverain qui put faire une 
tournée triomphale dans le Midi. É 

Mais ces hommages s'adressaient en réalité à Otton, vain- 
queur des Hongrois à Mersebourg, roi d'Italie et empereur 
(951-962). Tant qu'il vécut, il n’y eut de troubles nulle part. 
La féodalité allemande était soumise sans réserve; la féodalité 
française rongeait son frein. 

Les choses changèrent de face à la mort du nouveau Char- 
lemagne (973). Il y eut, entre l'Elbe et le Danube, une grande 
agitation bien vite réprimée par le jeune empereur, mais qui 
eut un terrible contre-coup au delà du Rhin. 

Lothaire voyait avec douleur la décadence prolongée, pres- 
que fatale, des Carolingiens, sous la tutelle de la maison de 
Saxe. Saisissant l'occasion qui lui était offerte de secouer ses 
entraves, il convoqua à Laon tous les grands du royaume; il 


() « Adveniunt itaque ab Ottone rege omnes ex Belgica, duce Bru- 
none, principes, sed et ex Germania aliqui. Adest etiam Hugo Galliarum 
dux. Conveniunt quoque Burgundiæ et Aquitaniæ simulque et Gothiæ 
principes. Episcopi etiam e diversis regionum urbibus conveniunt. Atque 
hi omnes in urbem Remorum apud Gerbergam reginam pari voto col- 
lecti sunt. Omnium fit consensus; omnibus animo inest Lotharium patri 
defuncto succedere. Universorum itaque consensu, a domno Artoldo 
Remorum metropolitano, favente Brunone ejus avunculo, principibusque 
diversarum gentium laudantibus... » (Rioner: Aistor. lib. II, c. 1-11.) 


Li 2 

accusa les Saxons de s'être approprié la Lorraine, possession 
de ses ancêtres; il dénonca la présence de l’ennemi commun 
à Aix-la-Chapelle, redevenue la capitale d'un empire. « Otton, 
s'écria-t-il, ose venir se fixer sur nos frontières! » Un historien 
contemporain affirme que tout le monde appuya l'avis du roi, 
sans délibération préalable. La guerre contre l'Allemagne était 
donc devenue nationale : grande nouveauté à coup sûr, indice 
certain de la séparation de plus en plus profonde entre deux 
féodalités ayant la même origine, mais un caractère et des 
intérêts bien différents. Une course rapide mena cette armée 
seigneuriale en vue de la cité ennemie. Otton IT refusait de 
croire à une telle audace de la part d'un prince aussi faible et 
aussi contesté dans ses propres foyers. « Il n’a pas de forces 
suffisantes, il ne peut compter sur les siens! » s'écria le jeune 
prince. Mais l'apparition de vingt mille hommes mit fin à sa 
légitime incrédulité. Il fut contraint de fuir avec l'impératrice 
et les grands de sa cour. Lothaire, maître de toute la Lorraine 
sans combat, et grâce à un entrainement patriotique inconnu 
jusqu'alors, tourna vers le sud-est l'aigle impériale, qui re- 
gardait l'occident comme pour menacer la Gaule. 

Au patriotisme français répondit immédiatement le patrio- 
tisme allemand, et Otton ramena, l'épée dans les reins, son 
adversaire jusque sur les hauteurs de Montmartre. Un nouvel 
effort de Lothaire et de ses vassaux mit fin à l'invasion ger- 
manique (978). 

Les deux nations avaient présenté un instant, par suite des 
haines qui les animaient, une homogénéité trompeuse et qui 
ne dura guère. 

Le moine Richer nous a rendus témoins des combats qui 
se livrèrent dans l’âme de Lothaire, dès qu’elle fut abandonnée 
à ses réflexions : « Si les hostilités continuaient, il était pos- 
sible que le duc se laissât corrompre par les présents d'Otton 
et rentrât en amitié avec lui; si le parti de la réconciliation 
prévalait, il fallait se hâter, pour que le duc n'en eût aucun 
éveil, et ne voulut lui aussi se réconcilier. » 


PAS à. je 

La paix fut donc conclue. Le roi renonça à toute prétention 
sur la Lorraine, et son frère Charles reçut l'investiture du 
Brabant. Quant.au duc de France, Hugues Capet, « ïl 
dissimula son déplaisir et l'étouffa sous la fermeté de son 
caractère. » Redoutant un accord semblable à celui d'In- 
gelheim, il se rendit avec un évêque auprès d'Otton IT, qui 
séjournait à Rome, et parvint à lui sugaérer des doutes con- 
cernant son allié. Le Carolingien, comme s'il eût deviné dans 
le premier de ses vassaux le fondateur d'une nouvelle dynastie, 
mit tout en œuvre pour empêcher son retour. Il se concerta 
à cet effet avec sa belle-mère, l'impératrice Adélaïde, et avec le 
roi des Alpes. « Hugues, leur écrivait-il, non-seulement dé- 
tourne par ses manœuvres les grands de notre royaume de la 
fidélité qui nous est due, mais il s'efforce de nous aliéner 
l'empereur (!)! » Le duc échappa en se déguisant en palefre- 
nier, et franchit ainsi les monts. 

Ces assauts de ruses continuèrent longtemps, et un témoin 
oculaire nous affirme qu'on ne voyait que propriétés usurpées 
et malheureux opprimés. Leur réconciliation ne pouvait être 
qu'un nouvel artifice politique. Il y avait dans l'Etat un per- 
sonnage de trop, et ce personnage, ce n’était pas le duc, repré- 
sentant de l'âge nouveau, mais bien le roi lui-même, repré- 
sentant d'une idée déchue. 

Afin de compliquer une situation déjà si difficile, le rusé 
Capétien, qui venait de reconnaitre le jeune Louis comme 
héritier présomptif de la couronne, soutint « que la majesté 
de deux rois ne devait pas être resserrée dans les étroites 
limites d’un seul royaume (?). » A peine installé, le prétendu . 
suzerain de l'Aquitaine fut abreuvé de dégoûts et trahi par sa 


@) « Hugo dux insidiis non solum regni nostri principes a nostra fide- 
litate amovit, sed et fratrem meum Ottonem a nobis conatur avertere. » 
(Riceri Aistor. lib. IT, c. LxxxvI1.) : 

@) « Ne unius regni angustia, duorum regum majestati nimium dero- 
garet. » (Id., lib. III, c. xcr.) 


D in 


propre épouse. Il dut rentrer à Laon, seul débri d’un immense 
empire. 

L'avènement d'Otton III fut une épreuve dont la maison de 
Saxe sortit victorieuse, mais qui ébranla jusque dans ses fon- 
dements la royauté carolingienne. Henri le Querelleur, duc 
de Bavière, voulut se saisir de la couronne impériale par 
une de ces conjurations qui marquaient l'inconsistance plutôt 
que la force de la féodalité allemande. Lothaire s’unit à lui 
afin de recouvrer, avec la Lorraine, le prestige qu'il avait 
perdu le jour où il l'avait évacuée. 

L'Europe occidentale présenta un-étrange spectacle. Il y eut 
des intrigues aussi profondes, aussi immorales que celles qui, 
cinq siècles plus tard, signalèrent l'établissement de la royauté 
absolue. | 
‘ Les trames de Lothaire et de Henri le Querelleur nous sont 
mal connues; celles de leurs adversaires nous le sont davan- 
tage, parce qu'elles eurent un centre, un chef chargé d’en 
réunir tous les fils, un secrétaire. correspondant au loin avec 
les adhérents, princes ou reines, laïques ou évêques. Ce centre 
était Reims; ce chef, Adalbéron; ce secrétaire affairé, Gerbert 
d'Aurillac. 

Adalbéron était redevable de son siége métropolitain à la 
protection d'Otton le Grand et à la savante politique de Bru- 
non, qui avait si heureusement discipliné le clergé austrasien. 
C'était un seigneur lorrain, frère du comte des Ardennes et 
du comte de Verdun. Maître du diocèse d'Hincmar depuis 
près de vingt ans, il avait usé de son immense crédit pour 
donner aux villes voisines des prélats de la même province et 
de la même famille que lui. Vers 980, nous trouvons quatre 
Adalbéron : à Reims, à Verdun, à Laon et à Metz. 

L’'Adalbéron de Laon, le plus important après l’archevêque, 
est le favori de la reine Emma, qui lui sacrifia peut-être son 
honneur. Quant au grand Adalbéron, il entretient une cor- 
respondance active avec la veuve du grand Otton, la vertueuse 
Adélaïde, et avec la mère du jeune empereur, Théophanie, 

6 


ie — 


princesse byzantine, qui apportait de Constantinople la sa- 
vante duplicité et les ressources infinies des Grecs du Bas- 
Empire. À son instigation, les évêques de Mayence et de 
Liége soutiennent la cause impériale, tandis que ceux de 
Trèves, de Cologne et d'Utrecht, pressés par le duc de Brabant, 
adressent leurs vœux à Lothaire et au Querelleur. 

Si Adalbéron croit tout conduire, c'est Gerbert, son confi- 
dent intime, qui mène tout. L'influence du moine d’Aurillac 
avait sa source dans une instruction si rare à Ce moment 
qu'on n'y voyait qu'un artifice de sorcellerie. Il avait visité 
l’Aquitaine, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, la France, et il 
était venu à Reims, au courant non-seulement de toutes les 
sciences, mais de toutes les intrigues de l'époque. I prodiguait 
les premières dans ces écoles célèbres où s'étaient formés les 
Flodoard et les Richer, et où lui-même élevait le jeune 
fils de Hugues Capet, Robert le Pieux. Quant à la politique, 
il la maniait d'une facon fort discrète, se complaisant pour 
ainsi dire dans les ténèbres (!). « Faire, taire, » telle semble 
avoir été la devise de cet éloquent professeur, toutes les fois 
qu'il s'agissait d'intérêts temporels. Ses correspondants sont 
souvent anonymes, et ses lettres présentent une brièveté 
mystérieuse. [Il est profondément dévoué, quoi qu'on en 
ait dit, à la famille de Saxe, qui, de la condition d'un 
moine obscur, devait l'élevér jusqu'au souverain pontificat. 
Mais il a affaire à un monde si versatile et si ondoyant 
qu'il est obligé plus d’une fois de se contredire. Ainsi, après 
avoir dénoncé à l’évêque de Liége l’entrevue projetée à Brisach 
entre le duc de Bavière et le roi Lothaire, 1l assure l’impéra- 
trice Théophanie de l'amitié des rois français (?). C’est que le 


€) « Tempora periculosa libertatem tulerunt dicendi quæ velis di- 
lucidi. » (Ann. 986.) 

(?} « Germanum Brisacha Rhenum litteris Francorum reges nunc 
adeunt. Henricus reipublicæ hostis dictus kal. febr. occurrit. » — « Do- 
minam meam Theophaniam imperatricem nomine meo convenite; reges 


me EB -= 
colloque n'a pas eu lieu et que Gerbert, malgré toute son ha- 
bileté, a laissé échapper la trace des pourparlers. Mais bientôt: 
il se ravise, lorsqu'il voit Lothaire marcher sur Verdun et 
l'emporter d'assaut. Alors il lance dans toutes les villes de 
Lorraine ses circulaires diplomatiques; il organise cette éner- 
gique résistance contre laquelle viendront se briser les efforts 
de l’héroïque Carolingien. La clairvoyance de son esprit lui 
montrait d'ailleurs la vanité de ces efforts. C'est lui qui, dans 
un acte laconique, avait conseillé à son maître Adalbéron de 
gagner à tout prix l'amitié du duc de France. « Lothaire est 
roi, disait-il plus tard, mais de nom seulement; Hugues ne 
l'est pas de nom, mais il l'est par le fait et par les œuvres (1). » 

Quelles étaient ces œuvres? Nous l’ignorons, car Hugues 
Capet était aussi mystérieux que Gerbert. 

Au moment où l'archevêque de Reims allait comparaître, 
sous l’inculpation de félonie, devant une assemblée de Fran- 
çais, Lothaire mourut, peut-être empoisonné. Son fils Louis, 
jeune homme violent, mais généreux, n'en dénonça pas moins 
« Adalbéron, l’homme le plus scélérat de tous ceux que la 
terre supporte, qui a favorisé en toutes choses Otton, l'ennemi 
des Français (?). » Ce prétendu fainéant entraîna l’armée du 
duc contre la ville de Reims, et infligea à sa mère Emma un 
affront cruel, mérité suivant toute apparence (*). Cette activité 
fébrile ou les terreurs d'Adalbéron le conduisirent au tombeau 
au milieu de ces excès (‘). 


Francorum filio suo favere dicite, nihilque eos aliud conari nisi tyran- 
nidem Henrici regem se facere volentis sub nomine advocationis velle 
destruere. » 

() « Lotharius rex Franciæ prælatus est solo nomine; Hugo vero 
non nomine, sed actu et opere. » (Ann. 985.) 

(2) « Adalbero, Remorum metropolitanus ‘episcopus, homo omnium 
quos terra sustinet sceleratissimus. » (Ricaert /istor. lib. IV, c. 11.) 

(5) Elle écrit à sa mère, l'imperatrice Adélaïde : « Elapsa sunt tem- 
pora mearum deliciarum." Spes in filio fuit, is hostis factus est. » 

(+) « Cujus discessus, eo tempore accidit quo et metropolitani purgatio 
de objectis habenda erat. » (Id., lib. IV, c. v.) 


a — 


Si la mort de Louis accuse aujourd'hui Adalbéron, elle l’ab- . 
solvait alors. Hugues Capet reconnut hautement dans le mé- 
tropolitain « un homme noble et doué d'une haute sagesse [!). » 
La maison de Saxe, qui avait ressenti vivement l’insulte 
faite à Emma et l'appui prêté au Querelleur, se décida sans 
réserve en faveur du duc et de l'archevêque. Celui-ci, qui 
venait de passer, comme par enchantement , du rôle d'accusé 
au rôle d’arbitre suprême, déclara qu'il ne fallait pas trop se 
hâter de choisir un roi; mais, en même temps, il fit prêter 
serment au duc de ne rien faire contre l'intérêt de la patrie (?). 
Lorsque Charles de Basse-Lorraine lui présenta une humble 
requête, il l’écarta d'un geste méprisant : « Tu t'es toujours 
associé à des parjures, à des sacriléges, à des méchants de 
toute espèce, et maintenant encore tu ne veux pas t'en sépa- 
rer (*)! » 

L'assemblée de Senlis (3 juillet 987) réunit au duc de France 
son frère le duc de Bourgogne, et son beau-frère le duc de 
Normandie, tandis que les comtes de Flandres et de Verman- 
dois, qui ne vinrent pas, se déclaraient pour le Carolingien. 
Adalbéron prononça un discours qui nous livre le sens de la 
révolution à laquelle il présidait : « Le trône, disait-il, ne 
s’acquiert pas par droit héréditaire, et l'on ne doit mettre à la 
tête du royaume que celui qui se distingue non-seulement par 
la noblesse corporelle, mais encore par les qualités de l’esprit,. 
celui que l'honneur recommande, qu'appuie la magnanimité. 
Charles a perdu la tête au point de n'avoir plus honte de ser- 
vir un roi étranger, et de se mésallier à une femme prise 
dans l’ordre des vassaux ?... Comment ce puissant duc souf- 
_frirait-il qu'une femme sortie d’une famille de ses vassaux 
devint reine et dominât sur lui? Comment marcherait-il après 


() « Utpote viro nobili et multa sapientia inclyto. » (Ricuerr, lib. IV, 
C. VII.) 

(2) Id., c. vu. 

(8) « Cum perjuris et sacrilegis, aliisque Ron: iis hominibus ipse sem- 
per deditus fueris, nec ab eis adhuc discedere velis. » (Id., c. x.) 


ie: 0 
celle dont les pères et même les supérieurs baissent le genou 
devant lui et posent les mains sous ses pieds (1)? » 

De ce langage nous concluons : 1° que la France venait 
d'acquérir la conscience de sa vie propre et qu'elle se distin- 
guait désormais de l'Allemagne, avec laquelle elle ne voulait 
plus être confondue; 2° que la féodalité repoussait également 
un roi inutile et un roi héréditaire; 3° que le point d'honneur 
et l'orgueil nobiliaire, qui s'annoncçaient dès le règne de Charles 
le Simple, étaient devenus comme les assises de la nouvelle 
société. 

« Donnez-vous pour chef le duc recommandable par ses 
actions, par sa noblesse et par ses troupes, et en qui vous trou- 
verez un défenseur non-seulement de la chose publique, mais 
de vos intérêts privés (?). » Telle était la conclusion du grand 
théoricien féodal (987). 

Hugues Capet, élu par les seigneurs, fut couronné à Noyon 
par le métropolitain entouré de ses évêques. Il sut habilement 
neutraliser le droit féodal par le droit divin, en faisant sacrer 
de son vivant son fils Robert. Tous ses successeurs, jusqu’à 
Philippe-Auguste, suivirent cet exemple salutaire. L'hérédité 
du trône était d'ailleurs naturelle, du moment que leduché 
de France, par sa situation géographique et par sa puissance, 
entrainait dans son orbite tous les Etats féodaux. 

Le prince légitime, Charles, se montra digne, à cette heure 


() « Nec regnum jure hereditario adquiritur, nec in regnum promoven- 
dus est nisi quem non solum corporis nobilitas, sed et animi sapientia 
illustrat, fides munit, magnanimitas firmat... Sed quid dignum Karolo 
conferri potest, quem fides non regit, torpor enervat, postremo qui 
tanta capitis imminutione hebuit, ut externo regi servire non horruerit, 
et uxorem de militari ordine sibi imparem duxerit? Quomodo ergo 
magnus dux patietur de suis militibus feminam sumptam reginam fieri, 
sibique dominari ? Quomodo capiti suo præponet, cujus pares et etiam 
majores sibi genua flectunt pedibusque manus supponunt ? » (RICHERI 
Histor. lib. IV, c. xr.) 

(2) « Promovete igitur vobis ducem, actu, nobilitale, copiis clarissi- 
mum, quem non solum rei publicæ, sed et privalarum rerum tutorem 
invenietis. » (Id., ibid.) 


— 86 — 

suprême, du grand nom qu'il portait. Pour conjurer la dé- 
chéance de sa dynastie, il employa tous les moyens de l’époque, 
la force et l'intrigue. Un hardi coup de main lui livra la ville 
de Laon, avec l’évêque et la reine Emma. Il sut contraindre à 
la fuite l’usurpateur, et fit avec lui assaut de ruse. Hugues 
ayant, dans un but tout politique, promu Arnoul, le bâtard 
de Lothaire, à l’archevêché de Reims, vacant par la mort 
d’Adalbéron, il le gagna facilement à sa cause, car le nouveau 
pontife préféra trahir les serments les plus solennels et les 
plus redoutables plutôt que de voir «la seule personne en qui 
résidât l'espoir de sa race privée de tout honneur (‘). » Les 
négociations qui s’engagèrent ne furent pas entièrement 1gn0- 
rées de Gerbert. Celui-ci, que la subite disparition d’Adalbéron 
avait frappé d'une secrète épouvante, repoussait de toutes ses 
forces l'accusation d'avoir déposé et consacré des rois (?). Il 
avait même des scrupules touchant ce qui venait de s'accom- 
plir, et en faisait part à ses correspondants (#). Mais il se sé- 
para d’Arnoul avec éclat, lorsque la métropole fut livrée au 
prétendant. 

Charles, maître de Laon et de Reims, était exactement dans 


(?) « Qui cum ex tanta dignitate procederet insignis, illud tamen 
infortunii genus arbitrabatur, quod ipse superstes de patrio genere nul- 
lam præter Karolum habebat. Miserrimum quoque sibi videri, si is 
honore frustraretur, in quo solo spes restituendi genus paternum sita 
foret. » (Ricaerr Aistor. lib. IV, c. xxxir.) 

(2) «Ego cum statuissem non discedere a clientela et consilio patris 
mei beati Adalberonis, repente sic eo privatus sum, ut me superesse 
expavescerem. Quippe cum esset nobis cor unum et anima una, nec 
hostes ejus eum putarent translatum, cum me superesse viderent, me 
ad invidiam Karoli nostram patriam tune et nune ‘vexantis, digiti no- 
tabant, qui reges deponerem, regesque ordinarem. » (Ad Raymundum 
abbat. Aurillac. episl., ann. 989.) 

(5) « Recordare, quæso, quid actum sit, o felix quondam et dulcis 
amice, sub imperio patris mei Adalberonis; divi Aug. Lotharii germa- 
nus frater, heres regni, regno expulsus est. Ejus æmuli, u{ opinio mul- 
torum est, inter reges creati sunt. Quo jure legitimus heres exheredatus 
est, quo jure regno privatus est, et quo in paternam domum rediit ? » 
(Ad Adalberon. episc. Laudun. epist., ann. 989.) 


DAT 

la même situation que Louis IV et Lothaire : il ne lui man- 
quait que la consécration religieuse, et il doit prendre rang 
parmi ces rois débiles , mais courageux, que l’on appelle les 
derniers Carolingiens. 

L'évêque de Laon, échappé de sa prison, alla trouver 
Arnoul, et, par son entremise, obtint grâce devant son nou- 
veau maître. Il en profita pour le livrer à Hugues Capet, 
qu'une lutte de quatre ans avait exaspéré (!). 

Jeté dans la tour d'Orléans, Charles eut le même sort que 
son grand-père : Hugues fut pour lui un autre Herbert, plus 
dur encore que le premier, parce qu'il n'avait pas intérêt à 
ménager sa victime. Arnoul, solennellement déposé, fut rem- 
placé par Gerbert (991). 

Il est à remarquer que l'empereur Otton II ne prit aucune 
part, directe ou indirecte, à cette tragique compétition. On 
était bien décidé, en Allemagne, à ne point intervenir tant 
que la France oublierait la Lorraine. 

Seul, le souverain pontife s’obstina à ne pas reconnaître la 
déposition d'Arnoul : les prérogatives de la chaire apostolique 
furent maintenues en face du concile de Saint-Basle. 

Robert le Pieux succéda, au milieu de ces discussions reli- 
gieuses, à son père Hugues Capet (?). Un historien, qui l’a vu 
de près, nous le dépeint « comme excellant dans l'art militaire 
et très versé dans les lois divines et canoniques (*). » C'est à 


G) Ricnerr Aistor. lib. IV, ec. xLH-xLvIr. 

(?) Robert avait été consacré roi dès l'an 988, grâce aux habiles pré- 
cautions et subterfuges de son père : « Uique post sui discessum a vita, 
heredem certum in regno relinqueret, sese consultum cum principibus 
contulit; et, collato cum eis consilio, Remorum metropolitanum Aure- 
lianis de promotione filii sui in regnum prius per legatos, post per sese 
convenit. Cui cum metropolitanus non recte posse creari duos reges in 
eodem anno responderet, ille…. fieri quoque asserebat posse, rege inte- 
rempto, et patria desolata, primatum discordiam, pravorum contra 
bonos tyrannidem, et inde totius gentis captivitatem. » (Id., c. xx1.) 

() «Tanta industria atque solertia clarum, ut et in rebus militaribus 
præcelleret, et divinis ac canonicis institutis clarissimus haberetur. » 
(Ed CU PET.) 


ce prince, qui profitait des actes antérieurs sans en porter la 
responsabilité, que revenait l'honneur de séparer défimtive- 
ment la France et l'Allemagne, en supprimant tout sujet de 
rivalité ou de conflit. Il s'empressa d'admettre l'archevêque 
Arnoul, tandis que Gerbert, appelé à des destinées plus éle- 
vées, devenait lui-même pape et sanctionnait ce qui s'était fait 
à son désavantage ou pour son plus grand bien (996-999). IL 
refusa prudemment la Lorraine et l'Italie, qui se donnaient 
à lui. Afin de ne pas être soupconné de convoiter le royaume 
d'Arles, il renvoya l’héritière de cet Etat, son épouse Berthe. 
Il ne revendiqua pas la suzeraineté du Midi. Il se contenta de 
faire du duché qu’il possédait la première des seigneuries du 
Nord par la réunion de la Bourgogne. 

La mouvance du royaume de France était franchement des- 
sinée et délimitée : immense avantage qui permit aux Capé- 
tiens de vivre et de grandir. 

Comme pour assurer l’œuvre depuis si longtemps entreprise 
et si heureusement réalisée , la France et l'Allemagne, sépa- 
rées par la Lorraine, n’eurent pas même le loisir de se cher- 
cher querelle. L'une fut occupée de ses démêlés avec l’Angle- 
terre, l’autre de ses expéditions en Italie. Grâce à cette heureuse 
circonstance, deux sociétés, deux civilisations se formèrent, 
qui, loin de se nuire, se complètent mutuellement. 

La France et l'Allemagne se sont disputé les gloires qui 
illustrèrent les siècles où elles avaient vécu d’une vie com- 
mune. L'Allemagne, au temps de Frédéric Barberousse, se 
préoccupait, comme le témoigne Otton de Freysingen, de 
la grande révolution qui avait fixé à jamais, sur les bords de 
la Seine, le nom de ces Francs qu'elle revendiquait comme 
ses fondateurs. 


L'HORLOGERIE 


A L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867 
A PARIS. 


Rapport fait au Comité départemental du Doubs, 


PAR M. GEORGES SIRE, 


DIRECTEUR DE L'ÉCOLE D'HORLOGERIE DE BESANCON. 


Séance du 8 juillet 1869. 


INTRODUCTION 


On sait que l'horlogerie civile portative est l'industrie capi- 
tale de la ville de Besançon et celle d’un grand nombre de 
centres de population du département du Doubs. Aussi le 
Comité départemental institué à l’occasion de l'Exposition 
universelle de 1867, à Paris, en chargeant un de ses membres 
de lui faire un rapport sur l’industrie horlogère, avait-il donné 
pour instruction spéciale à ce délégué de s'appliquer surtout 
à rechercher dans les produits similaires des autres nations 
toutes les améliorations et tous les perfectionnements qui 
pourraient avantageusement être introduits dans notre fabri- 
cation nationale, et de signaler en outre les diverses importa- 
tions se rapportant à la même industrie dont nos populations 
des montagnes pourraient faire leur profit en utilisant le chô- 
mage forcé des longs hivers et leur aptitude bien reconnue 


pour ce genre de travaux. 
7 


AD 
Mais, malgré le but spécial de cette mission, le rapporteur 
a Cru qu'il pouvait, sans inconvénient, élargir le cercle de son 
étude; par suite, ce rapport est l'exposé de son examen des pro- 
duits de l'horlogerie envisagés : 1° au point de vue scientifique 
et artistique, 2° au point de vue industriel et commercial. 


L'horlogerie en général peut se diviser en deux parties : 
1° l'horlogerie scientifique ou de précision; ?° l’horlogerie 
civile. 

L'horlogerie de précision comprend les pendules sidérales, 
les régulateurs fixes et les chronomètres de bord ou de ma- 
rine; c'est-à-dire les pièces d’horlogerie qui doivent donner 
la mesure la plus exacte du temps. Cette horlogerie est l’auxi- 
liaire indispensable des astronomes et des marins: il en résulte 
que ses débouchés sont principalement les observatoires et le 
service maritime. Par l'horlogerie de précision, on désigne 
donc le nec plus ultra de la chronométrie moderne; mais si 
sa valeur scientifique est considérable, son importance com- 
merciale est presque nulle, ainsi qu’on le verra plus loin. 

L'horlogerie civile embrasse toutes les horloges qui servent 
à régler nos relations journalières; et, par suite, elle affecte 
plusieurs formes : de Là sa MEL, en Nuits fixe et en 
horlogerie portative. 

Dans l'horlogerie fixe, on trouve les horloges monumentales 
ou de clochers, les pendules variées dites pendules de che- 
minées, les cartels, les coucous, etc. Dans toute cette sorte 
d'horlogerie, le moteur est tantôt un poids, tantôt un ressort; 
mais l'appareil régulateur est généralement un pendule qui 
fonctionne sous l'influence de la pesanteur. 

L'horlogerie civile portative comprend les peudule. de 
voyage, les chronomètres et les montres de poche. Ici le mo- 
teur est nécessairement un ressort, comme l'appareil régula- 
teur est forcément composé d’un balancier circulaire associé 
à un ressort spiral qui remplit, à l'égard du balancier, le 
rôle de la pesanteur vis à vis du pendule. 


— 91 — 

La fabrication de l'horlogerie civile embrasse une somme 
de produits considérables; son importance industrielle et 
commerciale est relativement très grande, et c’est elle seule 
qui constitue , en réalité, ce que l’on désigne communément 
sous le nom d'industrie horlogère. 

Dans l'étude que nous allons faire de l'horlogerie exposée 
au Champ-de-Mars, nous adopterons une méthode qui n'a 
pas, que nous sachions, été suivie par nos prédécesseurs ; 
c'est-à-dire qu’au lieu de passer en revue les produits des 
diverses nations successivement, nous mettrons simultané- 
ment en regard les produits similaires des diverses puissances : 
les comparaisons seront aussi plus nettes et plus évidentes, 
les déductions plus faciles à saisir et en quelque sorte mieux 
justifiées. Par suite, nous n’avons pu nous résigner à faire 
de simples citations des objets qui ont fixé notre attention, ce 
qui aurait réduit ce rapport à une sèche nomenclature. Il 
nous a paru utile, nécessaire même, de préciser par une des- 
cription succincte le point de départ de chaque question 1m- 
portante, ainsi que de signaler les caractères essentiels des 
objets qui s’y rapportent, afin de mieux faire apprécier la 
valeur des perfectionnements apportés, des progrés réalisés ou 
des innovations introduites. 

La marche suivie sera celle du classement des puissances 
dans l’ordre du catalogue officiel et qui est aussi celui du 
placement dans l’intérieur du palais de l'Exposition, c'est-à- 
dire en marchant de gauche à droite à partir de l'entrée prin- 
cipale. 

L'horlogerie fait partie du groupe IIT, composé des articles 
du mobilier, et y constitue la classe 23. 

Les membres du jury international chargés de juger les 
produits de cette classe, sont : 

MM. Laucrer, membre de l’Académie des sciences et du 

Bureau des longitudes, etc, président. — France. 
Brecuer, horloger à Paris, membre du Bureau des 
longitudes. — France. 


=, = 
MM. D' Fricx, membre du Conseil supérieur de l'Instruc- 
tion publique. — Grand duché de Bade. 

C. Fropsxam, horloger à Londres, rapporteur du 
jury d’horlogerie à l'Exposition universelle de 1862. 
— Grande-Bretagne. 

Ch.-A. Wire, horloger à la Chaux-de-Fonds. — 
Suisse. 

E. WaRTMANN, professeur à l'Académie de Genève, 
membre du jury à l'Exposition universelle de 1855 
et à l'Exposition fédérale de 1857, rapporteur. — 
Suisse. 


HORLOGERIE DE PRÉCISION. 


Nous commencerons notre étude par l'horlogerie de préci- 
sion pour bien constater tout d'abord l’état actuel de la science 
chronométrique, et nous établirons une distinction entre les 
chronomètres fixes {horloges sidérales , régulateurs) et les 
chronomètres portatifs de bord ou de marine. 


CHRONOMÈTRES FIXES. — Le principe de la construction 
de ces machines horaires consiste dans un rouage d’une grande 
simplicité, mis en mouvement par un poids moteur le plus 
faible possible relativement pour chaque disposition d'échap- 
pement et de régulateur adoptés. L'appareil modérateur est 
un pendule battant la seconde et dont la compensation doit 
être parfaite. 

La théorie indique que la durée de l’oscillation d'un pen- 
dule composé synchrone du pendule simple est indépendante 
de la masse du pendule, qu’elle dépend de la longueur d'os- 
cillation et de l'intensité de la pesanteur. Or, si l'on s'astreint 
à rester dans le même lieu (et c’est le cas des horloges fixes), 
cette intensité devient constante et dès lors la durée de l'os- 
cillation ne dépend plus que de la longueur d'oscillation. 


— 93 — 

Enfin, il est évident que la durée de l'oscillation sera inva- 
riable si on réalise les conditions nécessaires pour que la lon- 
gueur du pendule n'éprouve pas de modifications par les 
changements de température. On déduit aisément de ces con- 
sidérations que la régularité d'une horloge de précision réside 
en grande partie dans la compensation parfaite de son pendule. 
Il est bien entendu que la grandeur de ces machines horaires 
est généralement suffisante pour permettre l'exécution parfaite 
des rouages et des échappements; et comme la force motrice 
est aussi sensiblement constante, il en résulte que, théori- 
quement, les plus grands écarts dans la marche de ces horloges 
auront leur source dans les variations de la longueur d'’oscil- 
lation du pendule. 

Mais la compensation sérieuse d'un pendule est une opéra- 
tion délicate, et peu de constructeurs sont à même de l’établir 
d'une manière rationelle. Aussi, pour éluder la difficulté, 
beaucoup d'horlogers forment la tige de leurs pendules avec 
des substances peu dilatables, telles que le verre ou le bois de 
sapin. La fragilité de la première de ces substances est un 
obstacle sérieux à son emploi. Quant aux tiges en sapin, 
elles ont un certain crédit, et malheureusement plusieurs 
horlogers admettent qu'elles n'éprouvent aucune variation de 
longueur par les changements de température. Sans doute les 
variations sont faibles, et l'usage des lames de sapin à fibres 
bien parallèles rendrait quelques services en restreignant les 
erreurs des pendules à simple tige, si une autre cause ne 
venait les modifier plus fréquemment et avec plus d'intensité 
que ne le font les changements de température : il s'agit de 
l'humidité de l'air atmosphérique. Il est reconnu que l'aug- 
mentation de l'humidité allonge les tiges de sapin, même 
celles qui sont enduites de substances prétendues imper - 
méables. Donc, si un pendule à tige de sapin est installé de 
manière à subir les influences des variations hygrométriques 
de l'atmosphère, il sera plus irrégulier que s’il était formé d'une 
simple tige métallique. Les pendules à tige de sapin doivent 


— 94 — 
donc être proscrits de l'horlogerie de précision; et si nous in- 
sistons sur ce fait, c'est dans le but de concourir à la dissi- 
pation d’une erreur trop répandue et pour condamner d'avance 
les quelques horloges munies de semblables pendules qui 
figurent à l'Exposition et y sont qualifiées bien gratuitement 
du nom de régulateurs. 

Les deux dispositions compensatrices que le temps et l’ex- 
périence ont consacrées jusqu'à ce jour sont réalisées dans ce 
qu'on appelle le pendule à mercure de GRaHax, et le pendule 
à gril de Harrissox. Dans le pendule de GRAHAM, la compen- 
sation est obtenue par les variations dans la hauteur d’une 
colonne cylindrique de mercure qui constitue en même temps 
la masse oscillante du pendule. Dans celui de HARRISSON, l'in- 
variabilité de la longueur d'oscillation est obtenue par l’anta- 
gonisme de tiges métalliques dont les coefficients de dilatation 
sont différents : les métaux plus spécialement employés dans 
cette disposition sont le fer ou l'acier et le laiton. 

Bien que les deux systèmes de compensation ci - dessus 
soient des inventions anglaises, le pendule de GRaHAm semble 
préféré chez nos voisins d'outre-Manche. On objecte bien à ce 
pendule d’avoir son système compensateur relégué à la partie 
inférieure de la tige, de telle sorte que la compensation pour- 
rait être imparfaite, et même nulle, si la température ne 
variait pas d’une manière uniforme dans la tranche d'air qui 
a pour épaisseur la longueur du pendule. Mais, malgré cette 
imperfection, l'expérience démontre que lorsque ce pendule 
est établi théoriquement, ses fonctions sont parfaites et qu'il 
justifie pleinement la réputation dont il jouit en Angleterre, 

Relativement au pendule à gril, généralement formé d'acier 
et de laiton, la théorie indique que pour un pendule à secondes 
il faut employer, à très peu près, 2".54 de tiges d'acier et 
19.547 de laiton. Or, d’après la disposition de HARRISSON, ces 
longueurs métalliques doivent être comprises dans la lon- 
gueur d'oscillation, qui est en moyenne de 0.993 pour la 
France; il en résulte que l’on est dans la nécessité de frac- 


 — 
tionner les longueurs précédentes, ce qui porte à neuf le 
nombre des tringles métalliques dont se compose la tige du 
pendule, attendu que, pour assurer une action symétrique 
dans la compensation, on est obligé d'associer par paire chaque 
longueur de tringle. 

Le pendule à gril ne présente pas les mêmes chances d'une 
compensation imparfaite, toujours possible dans le pendule de 
GrRaxaum; mais il offre l'inconvénient beaucoup plus grave 
peut-être d'un grand nombre de points de contact. C'est pour 
réduire les fréquentes irrégularités qui en sont la conséquence 
que l’on a tenté de restreindre le nombre des tringles, en em- 
ployant des métaux usuels dont la dilatabilité fût la plus dif- 
férente possible. Or, le zinc est Le plus dilatable des métaux, 
et si on l'emploie concurremment avec l'acier, le nombre total 
des tiges peut être réduit à 5 et même à 3. C'est le cas des 
pendules compensés de Urbain JÜRGENSEN et de DucHEMIx. 
Si, pendant longtemps, le zinc ne fut employé qu'avec réserve, 
c'est parce qu'on s'était apercu que sa dilatation était irrégu- 
lière et se faisait par saccades, ce qui était dû à sa texture 
cristalline. Mais aujourd'hui la métallurgie du zinc est assez 
perfectionnée pour que l'on obtienne des tiges parfaitement 
malléables et exemptes de toute trace de cristallisation ; dès lors 
la dilatation devient plus uniforme, et l'emploi de ce métal 
dans la compensation des pendules rend des services sérieux. 


Parmi les constructeurs qui ont exposé des chronomètres 
fixes ou régulateurs, nous Citerons : 


France. — MM. O. Dumas, ScHARF, SANDOZ, DETOUCHE, 
DantENs - DuviLLIER , BERTHOUD , LESIEUR € PRUD'HOMME , 
BEIGNET. 

Pays-Bas. — M. À. Honwi. 

Prusse. — MM. E. Tree, Scaozrz et E. MULLER. 

Autriche. — M. KRrALIK. 

Etats-Unis. — M. W. Box» et son. 

Grande-Bretagne. — MM. Ch. Fropsxam, DENT et Ci. 


ne = 


L'exécution des pièces de ces artistes est en général très 
soignée. La plupart des régulateurs sont pourvus d'un échap- 
pement à repos de GrRaHam et d'unpendule compensé du même 
auteur. Les échappements n'offrent que des différences peu 
sensibles. Dans quelques régulateurs, on trouve réalisées en 
partie les prescriptions bien connues de Kessets, d'Altona (!). 

Dans quelques pièces des Anglais, on rencontre plusieurs 
des échappements que nos voisins désignent sous le nom 
d'échappements de gravité et dont ceux de Coze, Th. Rem et 
Dexison peuvent être considérés comme types. On sait que le 
caractère essentiel de ces échappements est que les oscillations 
des pendules sont entretenues par les impulsions que leur com- 
muniquent deux appendices pendulaires ou détentes qui sont 
alternativement écartées de leur position de repos par la roue 
d'échappement. Dans les échappements de Core et de Th. 
Re», les appendices ou détentes reviennent à leur position de 
repos par la réaction d'une lance élastique, tandis que dans 
celui de DENISON, ces mêmes détentes fonctionnent sous l’in- 
fluence de la pesanteur seule et constituent en quelque sorte 
des détentes à poids. Ce dernier échappement serait, à la 
rigueur, le vrai type de ceux dits de gravité. 

Dans l'échappement de Dexison, la roue d'échappement 
porte deux sortes de dentures situées à des distances du centre 
assez différentes. Les dents placées près du centre ne sont en 
réalité que des chevilles destinées à repousser alternativement 
les détentes lorsque les autres dents, dites dents de repos (six 
fois plus éloignées du centre de la roue), sont décrochées par 
les oscillations du pendule. Toutes choses égales d'ailleurs, 
ce décrochement exige donc environ six fois moins de force 
que dans les autres échappements, et il se fait sans bruit. Mais, 
par contre, il y aurait une chute considérable si l’on n'avait 


() Malheureusement une bonne partie de ces régulateurs ne mar- 
chaient pas, en sorte qu'il à été impossible de s'assurer des fonctions 
de leurs diverses parties. 


soin de placer sur l'axe de la roue un volant analogue à celui 
des sonneries, ce qui amortit beaucoup le choc. 

Plusieurs pièces remarquables montrent que le principe de 
DENisoN jouit d'une grande considération de l'autre côté du 
détroit, principe qui consiste dans un décrochement très facile 
des dents de la roue de repos et dans des impulsions stricte- 
ment uniformes et indépendantes du rouage. Le frottement 
qu'entraîne ce décrochement est si petit que ses effets sont 
inappréciables dans les horloges de grandes dimensions ; à tel 
point qu'on peut doubler le poids moteur de ces horloges sans 
que l'amplitude de l'oscillation du pendule en soit augmentée 
d'une façon sensible. On sait, au contraire, qu'avec un échap- 
pement à repos ordinaire, la plus légère différence dans le 
poids moteur produit une importante variation dans l'arc 
décrit par le pendule. 

Afin de réduire encore davantage le frottement lors du 
décrochement dans les échappements de gravité, frottement 
qui est la seule circonstance dans laquelle les irrégularités 
du rouage puissent réagir sur le pendule, le docteur JAMES 
CLark a imaginé une disposition extrêmement délicate et qui 
se trouve réalisée dans un régulateur qui forme une des pièces 
les plus remarquables de l'exposition de MEME. Dent et C", 
de Londres. 

Voici, aussi brièvement que possible, en quoi consiste l'in- 
vention du docteur CLark, représentée pl. I, fig. { et 2 : 

La roue d'échappement a six bras rayonnants B B pour les 
repos, et trois chevilles c c pour écarter les détentes à poids 
ou de gravité D D. Seulement, au lieu de s'effectuer sur les- 
dites détentes comme dans l'échappement de DEnisoN, le repos 
a lieu sur la surface cylindrique d'un petit rouleau d'acier R, 
espèce de détente à pivots munie d’encoches et que le pendule 
fait tourner sur son axe à l'aide d’une petite fourchette f qui le 
relie à ladite détente. Chaque dent de la roue de repos sé- 
journe sur la surface du rouleau R, jusqu'à ce que le mouve- 
ment de rotation de ce dernier lui amène une encoche qui lui 


UN (0e 


livre passage; alors elle échappe, et la roue, tournant d'un 
sixième de tour, écarte par une de ses chevilles c l'une des 
détentes de gravité qui doit agir sur le pendule, et une autre 
dent vient tomber au repos sur le rouleau. Elle y séjourne 
jusqu à ce que l'encoche lui permette à son tour de décrocher, 
et ainsi de suite. C'est, comme on le voit, la chute des détentes 
écartées de leur position d'équilibre qui donne l'impulsion au 
pendule et entretient ses oscillations : quant au rouleau, on 
peut juger qu'il offre dans ses fonctions beaucoup d'analogie 
avec celles du rouleau de l'échappement duplex. 

Dans le régulateur de MM. Dexr et Ci°, les proportions de 
la roue d'échappement sont telles que la pression des dents de 
repos sur la surface du rouleau n'est que le + de l'effort né- 
cessaire pour l’écartement des détentes de gravité. D'un autre 
côté, si l'on calcule le rapport des forces d'après les leviers 
qui les transmettent dans les diverses parties de l’échappe- 
ment, on arrive à ce résultat remarquable que la force dépensée 
par le pendule pour opérer le dégagement de la roue d’échap- 
pement n'est que la + partie de l'impulsion que lui transmet 
chaque détente de gravité. MM. Dexr et Cf font en outre 
remarquer que cet échappement n'ayant aucune tendance à 
filer, n’a pas besoin d'être muni d’un volant, et, par suite, le 
poids moteur pouvant être considérablement réduit, les pivots 
éprouvent moins de frottement et le rouage se détériore moins 
promptement. 

Du reste, un régulateur construit d'après les principes ci- 
dessus, pour l'observatoire de l'inventeur, a donné une marche 
telle, que ce dernier offre actuellement 10,000 francs à l'hor- 
loger qui fera un échappement dépassant le sien comme 
régularité de marche. 


NEME. WW. Bond et fils, de Boston, exposent un régulateur 
d'un travail remarquable dans lequel on observe deux pen- 
dules : l’un, à oscillations planes avec compensation mercu- 
rielle, fonctionne à l’aide d’un échappement spécial; l’autre 


— 99 — 


exécute des oscillations coniques. Le pendule conique est le 
modérateur du rouage, mais il régularise surtout le remontoir 
de l'échappement qui anime le pendule à oscillations planes 
et qui n'est là que pour donner la seconde exacte. 

L'échappement qui agit sur le pendule à secondes et qui est 
décroché par le pendule conique est fort ingénieux et bien 
exécuté. Il a de l’analogie avec ceux dits de gravité, en ce 
qu'une espèce de détente à poids vient donner des impulsions 
à la tige du pendule à chaque double oscillation de ce der- 
nier ; la détente offre cette particularité qu’elle est écartée 
de sa position d'équilibre, en partie par la tige du pendule à la 
vibration de retour, et en partie par un excentrique placé sur 
l'axe d’une roue qui fait l'office d’un remontoir. 

Au reste, tout ce système est appliqué à mettre en mouve- 
ment un chronographe pour l'enregistrement électrique des 
observations astronomiques. La roue de remontoir dont il 
vient d'être question fait un tour sur elle-même par seconde: 
en même temps elle rompt le circuit électrique qui anime un 
électro-aimant dont l'armature particulière laisse une em- 
preinte sur un tambour qui fait un tour en quatre minutes. 
D'autre part, il existe sur le circuit un commutateur qui per- 
met d'établir ou d'interrompre ce circuit au moment de chaque 
observation, ce qui détermine des empreintes correspondautes 
sur le tambour, de sorte que le commencement et la fin d’une 
observation peuvent être notés à une très petite fraction de 
seconde près. En somme le travail général de cette pièce est 
bien exécuté, mais on peut à la rigueur lui reprocher certaines 
parties un peu grêles. On a paru redouter l'action sympa- 
thique des deux pendules, bien que la position relative de ces 
pendules et la nature des deux mouvements qui les animent 
donnent peu de probabilité à cette action. Le jury a décerné une 
médaille d'argent aux auteurs qui sont des horlogers de mérite. 


Malgré que la condition sine qua mon pour la parfaite 
marche d'un régulateur soit la simplicité du rouage et de 


— 100 — 


l’échappement, certains constructeurs font bon marché de 
cette condition : aussi sommes-nous disposés à douter de la 
régularité de leurs horloges. C'est notamment l'opinion que 
nous avons du régulateur exposé par M. Seholtz, de Breslau. 
Cette pièce, que nous n'avons pas vu marcher, donne l'heure 
d'un grand nombre de villes; elle nous inspire des doutes à 
cause de son excessive complication, et nous n'en aurions fait 
aucune mention si le poids moteur, par sa construction, ne 
nous avait paru présenter, sinon quelque chose de bien nou- 
veau, du moins une disposition originale. 

Ce poids se compose de trois parties cylindriques fixées sur 
une même base et dans un même plan. Chacun des cylindres 
porte latéralement un cadran et à sa partie supérieure une 
poulie. Or, ces trois poulies, considérées par rapport aux tam- 
bours correspondants de l'intérieur du rouage, constituent un 
système de moufles, et, en pareil cas, on sait que les poulies 
d'une même chape tournent avec des vitesses différentes. Dès 
lors il est facile de concevoir comment, à l’aide de rochets 
établis sur les axes de ces poulies, on peut arriver à faire 
marquer sur les trois cadrans les quantièmes, les jours de la 
semaine et les mois. C'est donc la descente de tout ce système 
formant le poids moteur qui détermine les indications des 
cadrans. Le cylindre médian est en outre échancré latérale- 
ment à sa partie inférieure d’une ouverture circulaire; dans 
celle-ci se meut une petite sphère d'ivoire dont un hémi- 
sphère est peint en bleu clair et dont la rotation graduelle est 
destinée à figurer les phases de la lune. 


Relativement aux poids moteurs des régulateurs, nous signa- 
lerons aussi la disposition adoptée par MEME. Bond et fils 
dans leur chronographe électrique. 

On sait que lorsque l’on veut augmenter la durée de marche 
d'une pendule et que la chute du poids moteur manque de 
hauteur, on moufle la corde , c'est-à-dire qu'on la fait passer 
sur une poulie mobile qui soutient le poids. Cette disposition, 


— 101 — 


qui double la longueur de la corde et par suite la durée de la 
marche, nécessite également la duplication du poids. Mais 
cette intervention d’une poulie mobile introduit deux résis- 
tances qui nuisent à la constance de la traction motrice : {° la 
raideur de la corde qui est augmentée par son ploiement dans 
la gorge de la poulie; 2° le frottement de l'axe de cette poulie. 
Cette dernière résistance est d'autant plus grande que la vi- 
tesse de rotation est plus faible, car elle se compose d'une 
suite d'adhérences fort variables. Pour atténuer les deux résis- 
tances ci-dessus, on prescrit de faire la poulie aussi grande 
et aussi massive que possible, et de n'attacher à la chape 
qu'un contre-poids strictement nécessaire pour maintenir le 
système dans un plan vertical. 

La disposition employée par MM. Box» et fils supprime 
totalement la chape et le contre-poids, attendu que leur poids 
moteur se compose d'une sphère de bronze dans laquelle est 
pratiquée une rainure suivant un grand cercle et dont la pro- 
fondeur est environ la moitié du rayon (pl. I, fig. 3). C'est 
dans cette rainure, faisant l'office d'une gorge de poulie, que 
passe la corde destinée à transmettre au rouage une traction 
égale à la moitié du poids de la sphère. Mais comme le centre 
de gravité est au centre de figure , la sphère ne peut être en 
équilibre stable sur la corde, et, par suite, elle a une tendance 
à tomber de côté; il en résulte un frottement latéral sur les 
parois de la rainure, mais qui est plus faible que celui qui 
aurait lieu sur l'axe d'une poulie tirée par un contre-poids 
égal au poids de ladite sphère. Ce système de poids moteur, de 
facile construction, est donc avantageux toutes les fois que 
l'opération du mouflage est nécessaire. 


Les cages dans lesquelles sont installés les régulateurs 
varient de forme suivant la provenance. La forme anglaise 
est généralement simple et sévère. La cage du régulateur de 
NE. Muller, de Berlin, est d'un style religieux. Au reste, la 
forme n'a pas d'influence; la seule condition essentielle est 
une fermeture hermétique qui élimine la poussière. 


— 102 — 


M. Tiede, horloger de la cour, à Berlin, expose un pendule 
placé dans une cage de verre dans laquelle on peut faire le 
vide. Cette disposition à été motivée par les considérations 
suivantes : 

Les horlogers admettent que les variations dans la pression 
de l'atmosphère exercent une influence très marquée sur le 
réglage des chronomètres nautiques; mais un grand nombre 
admettent aussi que ces mêmes variations ont une influence 
insensible sur les oscillations du pendule, bien que BouGuEr 
ait affirmé cette influence d’une manière spéciale. Cette cause 
de variation n'a jamais cessé de préoccuper les astronomes, et 
plusieurs se sont livrés à des recherches très délicates à ce 
sujet. C'est ainsi que le D" Rogixsox, à Armagh, a reconnu 
qu'une variation de un pouce: anglais dans la hauteur du 
baromètre occasionnait une avance ou un retard de 0,24 
de seconde sur un pendule à compensation mercurielle. 
M. Srauve, à Poulkowa, a trouvé la valeur + 0,32 de se- 
conde. 

M. Forsrer, directeur de l'observatoire de Berlin, a entre- 
pris récemment des recherches sur le même sujet, à l’aide 
d'appareils construits par M. Tixpe. De 650 déterminations 
du temps donné par une pendule que cet horloger a construite 
et qui fonctionne depuis quarante ans d'une manière par- 
faite, M. Forster a trouvé que chaque variation de une ligne 
de Paris dans la pression atmosphérique occasionnnait une 
avance ou un retard de 0,0336 de seconde, ou + 0,0149 se- 
condes par millimètre. Désirant contrôler ce résultat par l'ob- 
servation de la marche d'un pendule fonctionnant dans le 
vide, il demanda à M. Trepe la disposition avec cage de verre 
dont nous venons de parler et dans laquelle le mouvement du 
pendule, au lieu d’être entretenu par un poids, l’est par un 
échappement électro-magnétique. — Or, il résulte d'expé- 
riences rigoureusement faites et soigneusement discutées que 
le coefficient 0,0149 secondes par millimètre a ramené les 
marches à une constance presque parfaite. 


— 103 — 


I] n'est donc plus permis de négliger l'influence de la pres- 
sion atmosphérique sur la marche du pendule, et tout hor- 
loger sérieux devra désormais, dans la discussion des varia- 
tions de la marche d'un régulateur, tenir un compte précis des 
indications de la hauteur barométrique. 

M. Tree expose également deux systèmes de pendules 
compensateurs (pl. Il, fig. { et 2), mais qui ne sont que des 
variations de la disposition indiquée par TrouGxron et dont 
la construction se comprend aisément. — Les deux métaux 
employés sont l'acier et le zinc. — Si la construction de la 
fig. { paraît plus simple, c'est que l’on emploie un tube de 
zinc renfermant dans son intérieur une tige d'acier; tandis 
que, dans la fig. 2., c'est une tige pleine de zinc AB qui pro- 
duit la compensation, ce qui force à disposer les tiges d'acier 
en dehors, et pour qu'il y ait symétrie, il en faut une de plus 
que dans la fig. 1. 

Si l'on prend le rapport des coefficients de dilatation de l'acier 
et du zinc égal à 0,368? , le calcul indique que les longueurs 
respectives de ces métaux à employer pour un pendule à 
secondes doivent être 1,57 et 0.58, à très peu près. — Dans 
les pendules de M. Tip, la longueur effective du zinc est 
de 0.63. Les ouvertures représentées en v, v’ v”, fig. {, sont 
communés au tube de zinc et à la tige d'acier intérieure. L'in- 
troduction d'une goupille dans ces ouvertures permet de faire 
varier la longueur effective du tube de zinc, faculté toujours 
utile par suite de l'incertitude du coefficient de dilatation 
linéaire du métal employé. C'est cette incertitude qui explique 
pourquoi quelques praticiens sont dans l'habitude d'augmen- 
ter de :5 la valeur fournie par le calcul pour la longueur du 
métal qui doit produire la compensation. 


Dans beaucoup de pendules compensés d’après le système 
de GRaHAM, la colonne mercurielle est contenue dans un 
cylindre de fer ou d'acier au lieu d’un tube de verre. Si, par 
cette substitution, le pendule perd en élégance, il gagne en 


— 104 — 


qualité, attendu qu'une paroi de verre qui conduit mal la 
chaleur retarde dans une certaine limite l'équilibre de tempé- 
rature qui produit la compensation , tandis qu'une paroi mé- 
tallique favorise cet équilibre. 


Ici, nous terminerons ce que nous avions à signaler quant 
aux chronomètres fixes exposés ; ils étaient du reste en petit 
nombre, attendu que c'est un genre de fabrication très res- 
treint, dont l'importance commerciale est insignifiante. La 
majeure partie des régulateurs ne marchaient pas lorsque nous 
avons visité l'Exposition ; notre appréciation n'est donc que 
comparative par approximation. Au surplus, le principal mé- 
rite de ces horloges résidant dans une marche parfaite, la 
constatation de cette marche était matériellement impossible 
par suite des installations provisoires auxquelles on a été 
réduit. Il ressort de notre examen qu'aucune idée essentielle- 
ment neuve ne se rencontrait dans ce genre d’horlogerie, et 
qu’à l'exception des perfectionnements introduits par le doc- 
teur CLark dans l'échappement de Dexisox et de ceux signalés 
dans le chronographe électrique de MM. Boxp et fils, la plu- 
part des autres échappements présentaient de nombreux points . 
de ressemblance avec les constructions connues depuis long- 
temps. 


CHRONOMÈTRES PORTATIFS. — Les chronomètres de 
marine représentent le dernier degré de perfection dans cette 
branche de l'horlogerie de précision; en raison de leur fré- 
quent emploi, ils figurent en assez grande quantité à l'Expo- 
sition. — En général, les calibres des chronomètres de marine 
offrent des différences sensibles suivant la provenance; mais 
c'est dans les dimensions que ces différences sont le plus appa- 
rentes. Les chronomètres anglais sont assez uniformes dans 
leurs dimensions et leurs calibres ; ils sont généralement plus 
volumineux que les chronomètres français. Les premiers frap- 
pent par leur nombre et leur exécution pratique, tandis que 


LE LS A EEREE 


EN 


— 105 — 


les seconds sont beaucoup moins nombreux, mais ne le cèdent 
en rien aux pièces anglaises pour la beauté du travail. On 
peut même avancer que les chronomètres français présentent 
dans toutes leurs parties plus de fini et accusent plus de dex- 
térité dans la main-d'œuvre; mais, par contre, la fabrication 
de ces derniers est très inférieure comme nombre à la produc- 
tion anglaise. j 

Si les chronomètres anglais tiennent le haut du pavé sur 
tous les marchés, ce n'est pas qu'ils soient supérieurs aux pro- 
duits similaires francais, mais cela est dû à une production 
plus abondante, peut-être plus variée et surtout à des prix 
de vente plus réduits. La grande extension que nos voisins 
ont donnée à la fabrication des chronomètres de marine était 
une conséquence en quelque sorte forcée de leurs relations 
essentiellement maritimes. — Il est à noter que dans aucun 
pays des encouragements aussi nombreux et aussi importants 
n'ont été donnés à cette branche de l'industrie horlogère qu’en 
Angleterre, et cela notamment dans le temps que la France 
était en révolution à l’intérieur ou en guerre presque perma- 
nente à l'extérieur. Mais si la fabrication française devint 
presque nulle à une certaine époque, elle se releva par l'éner- 
gie d'artistes habiles et avec l'appui du gouvernement qui 
ouvrit des concours et offrit des primes d'achats pour les chro- 
nomètres de bord qui satisferaient à certaines conditions de 
marche. 

Le prix relativement peu élevé des chronomètres anglais 
vient de ce que leur confection est économique par suite de 
la division du travail poussée assez loin. — C’est principale- 
ment dans Clerkenwell, l’un des quartiers de Londres, qu'on 
rencontre la fabrication des chronomètres de bord. Là, des 
spécialistes construisent séparément les divers éléments des 
chronomètres, comme cela se pratique pour les montres de 
poche. Ce mode d’établissage produit nécessairement une ré- 
duction notable dans le prix de revient de ces pièces amenées 
à un certain degré par des ouvriers ordinaires, mais il exige 

8 


— 106 — 


des horlogers de premier choix pour l'achevage et surtout 
pour le réglage. Le talent de ces ouvriers d'élite offre néan- 
moins des nuances sensibles, ce qui apporte des différences 
assez notables dans la qualité, et, par suite, dans le prix de 
vente des chronomètres. C’est ainsi que les plus ordinaires 
sont offerts aux prix de 500 à 600 francs, mais les pièces de 
choix sont généralement payées de 1,000 à 1,200 francs. 

La méthode de la division du travail n'est pas, sous ce 
rapport, aussi largement appliquée en France qu'en Angle- 
terre; en sorte que, malgré de louables efforts, la production 
française est très limitée et n’est évaluée approximativement 
qu'au sixième de la production anglaise. Ce serait environ 
deux cents chronomètres qui se construiraient annuellement 
chez nous, ce qui explique pourquoi tous les ports sont en- 
combrés des produits anglais. 

Mais, malgré ce chiffre restreint, il est établi que ce n'est 
qu'en Angleterre et en France que la fabrication des chrono- 
mètres de marine offre de l'importance, et si quelques artistes 
des autres nations sont venus à l'Exposition avec des chrono- 
mètres, il est facile d'en reconnaître l’origine en ce qui regarde 
le gros œuvre; toutefois, quelques-unes de ces pièces pré- 
sentent des dispositions partielles souvent ingénieuses et ré- 
sultant des études particulières des artistes qui les exposent. 

Les horlogers et savants qui ont exposé des chronomètres 
de bord, ainsi que des perfectionnements ou des résuliats de 
recherches théoriques se rapportant à la même sorte d'horlo- 
gerie, sont assez nombreux, et nous avons spécialement re- 
marqué : 

France. — MM. O. Dumas, ScHaRF, VISsiÈRE, BussaRp, 
JacoB, Brecuer, Ropaner, Henri RoBEerT père et fils, 
DELÉPINE, RicHarp, Paicreps, Rozé fils, LEcoQ, DESFONTAINES, 
CALAME, d. 

Pays-Bas. — M. Honwü, à Amsterdam. 

Prusse. — M. Trene, à Berlin. 

Autriche, — M. WEICHERT. 


— 107 — 


Suisse. — M. GRaNDJEAN et Cie, du Locle. 

Danemark. — MM. WILDSCHJOETZ, JOERGENSEN. 

Grande - Bretagne. — MM. Pooze, KULBERG, PARKINSON- 
FropsHam, BLAKIE, DENT et Ci®, Ch. FropsHam, MERCER, 
SEWILL, WALKER, WHITE... 


Avant de signaler les principales innovations que nous 
croyons avoir reconnues dans les chronomètres exposés, nous 
pensons qu'il est utile de rappeler sommairement le principe 
de ces instruments et le but qu'ils doivent atteindre; il sera 
alors plus facile d'apprécier la valeur et l'esprit des tentatives 
faites pour perfectionner leur marche. 

Bien que tous les chronomètres de marine soient essentiel- 
lement portatifs, néanmoins l'expérience a fait reconnaître 
que leur marche était plus régulière lorsqu'on pouvait leur 
assurer une position aussi invariable que possible, d'où la 
nécessité de les soustraire aux influences du tangage et du 
roulis des navires. A cet effet, tous les chronomètres, soigneu- 
sementrenfermés dans une enveloppe de cuivre, sont suspendus 
dans une boîte, de facon à être mobile autour de deux axes 
rectangulaires entre eux : c’est la suspension de CARDAN. 
Cette disposition offre l'avantage que, quelles que soient les 
oscillations du navire, le chronomètre conserve toujours une 
position sensiblement horizontale. 

La force motrice du rouage est un ressort dont les inégalités 
de tension sont corrigées par l'emploi d'une fusée, laquelle, 
étant bien égalisée, a pour effet de rendre constant le moment 
de la force du ressort dans ses divers tours d’armure. La force 
motrice d’un chronomètre peut donc être considérée comme 
sensiblement uniforme; elle se transmet à l'échappement 
par une série de roues dentées et de pignons, dont les dimen- 
sions sont généralement suffisantes pour faire disparaître la 
plupart des irrégularités qui proviennent de l'emploi de petits . 
engrenages. 

* L'échappement presque exclusivement adopté est l'échappe- 


— 108 — 


ment libre inventé par Pierre LEROY, mais avec quelques 
modifications qui y ont été apportées ultérieurement par divers 
horlogers célèbres, tels que J. Arnozp, F. BerrHoup, EARNs- 
HAW, L. BERTHOUD. ...… Le modérateur est un balancier cir- 
culaire et le régulateur est un ressort spiral. Ce dernier doit 
donc remplir vis-à-vis du balancier exactement le même rôle 
que le pensateur par rapport au pendule. Mais si la pesanteur 
est constante dans le même lieu, il n’en est pas de même d'un 
ressort spiral dont l’isochronisme n'est obtenu que par un 
travail long et compliqué, car il constitue l’une des plus 
grandes difficultés que les chronomètriers aient à surmonter. 

Les échappements des chronomètres exposés varient peu 
dans leur disposition; toutefois, la persistante de la détente à 
ressort se fait remarquer dans les chronomètres anglais mal- 
gré les critiques assez sérieuses dont elle a été l’objet. — Ce- 
pendant quelques échappements nouveaux et deux ou trois 
échappements connus, mais perfectionnés, sont mis en évi- 
dence. Parmi ces échappements, nous ne citerons que celui 
de M. C. FropsHam et ceux de M. RicHarp, de Nantes, 
comme offrant un certain intérêt. 


Le caractère distinctif de l’échappement libre de ME. €. 
Frodsham réside dans la forme de la roue d'échappement 
qui a deux sortes de dents: les unes destinées à assurer le repos, 
les autres à donner les impulsions au balancier. Ces dernières 
sont taillées suivant une courbe qui rappelle l’épicycloïde, de 
sorte qu'elles agissent sur la levée du plateau à la facon des 
dents d’une roue conduisant un pignon. Les dents de repos 
font saillie sur le limbe de la roue et sont légèrement plus 
éloignées du centre que les dents d’impulsion, mais leur pas- 
sage libre est assuré par une entaille convenablement pra- 
tiquée dans le plateau. Chaque dent n'ayant qu'une fonction 
à remplir par chaque tour de la roue (et c'est le propre de 
toutes les roues d'échappement à double denture) , la pointe a 
moins à souffrir, et, par suite, elle peut être très délicate. 


— 109 — 


Néanmoins la roue d'échappement de M. C. FropsHAM nous 
paraît offrir de grandes difficultés d'exécution. 


M. DL. Richard expose deux échappements. Le premier, 
qu'il désigne sous le nom d'échappement libre à détente inde- 
pendante brisée et articulée, est représenté pl. III. — Il diffère 
de l’échappement à détente à ressort ordinaire, en ce que cette 
détente D est interrompue en x et que le décrochement s'opère 
par une pièce intermédiaire a, b, sorte de petite détente à 
pivot qui se trouve sur son prolongement. Il est facile de saisir 
le jeu de cette détente mobile autour du pivot p, pendant la 
vibration directe ou rétrograde du balancier. 

Une autre particularité de cet échappement, c'est que pen- 
dant son repos sur la détente à ressort, la roue d'échappement 
agit sur cette détente par étirement et non par refoulement, 
comme dans la construction ordinaire. Enfin cet échappement 
qui a très peu de chute fonctionne d'une manière très satis- 
faisante. ; 

Le second échappement de M. L. RicHaRp est représenté 
pl. IV. Il est nommé par l'auteur échappement libre excentrique 
à ressort et irrenversable. C'est une modification de celui qu'il 
avait déjà fait connaître sous le nom d'échappement universel. 
Voici en quels termes les fonctions de ce nouvel échappement 
sont décrites par l’auteur : 

« L'échappement est représenté au moment où la dent D de 
» la roue d'échappement est au repos en r sur la pièce circu- 
» laire B. Une détente M est fixée à frottement sous la pièce B, 
» et l'angle de mouvement de tout ce système est arrêté alter- 
nativement par deux plots fendus en tête de vis P P, à 
» l'aide desquels on peut limiter les pénétrations sur les deux - 
repos r, s, par l'intermédiaire de la goupille g. — Le ressort 
» d’ qui est fixé sur la détente M, en m par un petit plot en 
carré long, passe librement entre deux petites goupilles ?, 4. 
» Quand l’excentrique E, ouvert en o et qui est fixé sur la 
» tige du balancier X sous le doigt de levée n, fonctionne 


ÿ 


ÿ 


ÿ 


» 


» 


» 


ÿ 


— 110 — 

dans le sens de la flèche F, D’ entre dans l’entaille 0; ily a 
dégagement de D sur r et, par suite, la dent D’ donne l'im- 
pulsion à n et, par le fait, au balancier. Lorsque E revient 
selon la direction de la flèche F’, d rentre de nouveau dans 
l’entaille o et en ressort pour reprendre la position que l’on 
voit dans la figure pl. IV. det M sont dégagés de tout contact, 
le balancier est complètement libre et la dent D qui s'était 
arrêtée sur le repos s en est sortie en faisant une petite 
chute. La grande chute a lieu lorsque l’excentrique E revient 
dans le sens de la flèche F et qu'une dent tombe sur le doigt 
d'’impulsion n. 

» Les propriétés que possède mon échappement ont été dé- 
clarées impossibles à réaliser par plusieurs de nos grands 
auteurs en horlogerie, car il s'agissait de trouver un échap- 
pement libre réunissant les qualités suivantes : 

» 4° Ayant de la régularité; ?° ne s'arrêtant pas au doigt ; 
3° n'occasionnant pas de renversement, quoique le balancier, 
par une secousse imprévue, fit plusieurs tours de vibration ; 
4° que le balancier ne trouvât aucune résistance pour faire 


partir les dents de la roue d'échappement de leur repos; et, 


ces conditions sont aujourd'hui réalisées, on le voit, avec 
une simplicité extrême, et l'ensemble est d'une exécution 
facile. | 

» Il m'a été confié un vieux chronomètre de À. BREGUET, 
n° 1655, abandonné depuis plus de vingt ans; son échappe- 
ment était un échappement à détente à ressort. J'ai ôté cet 
échappement sans rien déplanter, ni rien détériorer, et je 
l'ai remplacé par le mien. — Les plus grandes variations de 
mon échappement, qui a été suivi par M. HueTTE, à l'ob- 
servatoire de Nantes, ont été, en seize mois, d'une demi- 
seconde d'avance. D’après ce résultat, je crois mon œuvre 
complète. » 


Un examen minutieux des produits exposés révèle moins 


de recherches sur les échappements que sur les moyens d'as- 


TV Er 


LHNERES NA. 


— 111 — 


surer le réglage parfait de la marche des chronomètres. La 
raison en est que les échappements libres, tels qu'on les cons- 
truit actuellement, ont des fonctions très précises et qui laissent 
fort peu de chose à désirer pour être parfaites; mais il n'en est 
pas de même des procédés employés pour obtenir une marche 
uniforme, marche qui dépend essentiellement du modérateur 
et du régulateur, c'est-à-dire du balancier et du spiral. 

Généralement les balanciers des chronomètres de bord 
battent 14,400 vibrations par heure, soit 4 vibrations par 
seconde. Or, pour montrer combien l'isochronisme de ces 
vibrations est difficile à obtenir, nous allons indiquer succinc- 
tement de quoi il dépend. 

Il résulte d’un travail remarquable de M. Puizrprs, ingé- 
nieur en chef des mines, que la durée d’une vibration est 
donnée par la formule 


r=n(/s + 
M 


dans laquelle T est la durée de la vibration exprimée en 
secondes, I le rapport approché de la circonférence au dia- 
mètre, À le moment d'inertie du balancier, L la longueur 
développée du spiral, et M le moment d'élasticité du spiral. 

Cette formule indique les conditions de l'isochronisme, 
puisqu'elle montre que la durée de la vibration est indépen- 
dante de l'amplitude. Mais pour que cette durée soit constante, 
il faut que les trois quantités situées sous le radical soient 
invariables, où que, par un système de compensations réci- 
proques, elles donnent une valeur totale constante; compensa- 
tions sur lesquelles il ne faut jamais compter, attendu : 

1° Que le moment d'inertie du balancier étant le produit de 
sa masse (supposée entièrement dans la serge) par le carré du 
rayon moyen, ce rayon sera nécessairement variable par les 
changements de température, d'où la nécessité de compenser 
le balancier : or, nous verrons bientôt que cette compensation 


— 112 — 


offre de très grandes difficultés et ne peut être réalisée d’une 
manière absolue ; 

20 Que la longueur développée du spiral est une quantité 
essentiellement variable par les changements de température; 

3° Qu'enfin le moment d'élasticité du spiral, qui dépend de 
ses dimensions et de son état moléculaire, éprouve aussi des 
modifications par les mêmes variations de température. On 
voit donc que l'invariabilité individuelle des quantités À, L, M 
est impossible dans les conditions atmosphériques, et que leur 
compensation réciproque est, dans tous les cas, fort problé- 
matique. 


BALANCIERS COMPENSATEURS, — Chacun connaît le 
système du balancier compensateur circulaire; c'est en réalité 
la construction la plus simple et la plus symétrique. Mais il 
est actuellement bien reconnu que cette construction est insuf- 
fisante, car la marche d'un chronomètre parfaitement réglée 
aux températures moyennes n'est plus la même aux tempé- 
ratures extrêmes. Çet effet est le résultat, tantôt d'une insuf- 
fisance, tantôt d'un excès de compensation, suivant la position 
des masses réglantes. — Pour corriger l'insuffisance de la 
compensation, on a imaginé des systèmes variés de compen- 
sation auxiliaire qui intervient alors que l'effet principal 
devient nul; tandis que, pour atténuer l'excès, on emploie des 
modérateurs ou dispositions qui ont pour effet de déplacer les 
centres de mouvement des lames bimétalliques, afin de res- 
treindre leurs excursions dans certaines proportions. 

C'est à réaliser ces deux effets que tendent les nombreux 
spécimens de balanciers compensateurs exposés; mais plu- 
sieurs des dispositions adoptées, bien qu’ingénieuses, offrent, 
par contre, de grandes difficultés d'exécution; et quant à la 
régularité de leurs effets, il est assez difficile de se prononcer, 
car les applications en sont trop récentes, les observations peu 
nombreuses et partant-peu concluantes. Néanmoins nous 
allons faire connaître quelques constructions imaginées par 


— 113 — 


divers artistes de mérite, dans le but de résoudre cette partie 
importante du problème de l’isochronisme des vibrations. 


Balaneiers Jacob. — Cet horloger construit deux sortes 
de balanciers compensateurs pour corriger l'excès ou l'insuffi- 
sance de la compensation aux températures extrêmes. Dans 
l'un, représenté pl. V, fig. 1, les variations aux températures 
extrêmes inférieures sont corrigées par une disposition qui 
permet de déplacer les centres de mouvement des lames bi- 
métalliques. À cet effet, une barette additionnelle B, B, mo- 
bile autour du centre du balancier, est creusée de manière à 
pouvoir comprendre ce dernier en ses extrémités relevées à 
angle droit. — Ces extrémités portent deux vis v, v, contre 
lesquelles viennent toucher les arcs bimétalliques lors des 
abaissements de température. On conçoit facilement que la 
position de ces vis, résultant des dépläcements facultatifs de 
la barette, change le centre de mouvement des arcs bimétal- 
liques de manière à limiter convenablement l'écart des masses 
réglantes à la température extrême inférieure qui a été fixée, 
et par conséquent à annuler l'excès de compensation qui pour- 
rait se produire à cette température. 

Daus l’autre balancier, représenté pl. V, fig. ?, les irrégula- 
rités de la compensation sont corrigées par un Ccompensateur 
auxiliaire qui consiste dans un petit balancier à lames bimé- 
talliques, placé concentriquement à l’intérieur du balancier 
principal. Deux vis d'arrêt v, v’, placées sur la barette du 
grand balancier, servent à limiter les mouvements des lames 
bimétalliques du petit balancier. — Les choses étant ainsi 
disposées, on conçoit qu'en déplaçant les vis v, v’ graduelle- 
ment, et en faisant tourner dans son plan ce petit balancier, 
on pourra lui donner une position telle que ses effets seront 
nuls au-dessous d'une certaine température, tandis qu'ils 
seront efficaces pour des températures supérieures et dans 
lesquelles l'insuffisance du compensateur principal commence 


— 114 — 


à se manifester, dès lors on entrevoit comment le compensa- 
teur auxiliaire peut corriger cette insuffisance. 

Les deux constructions ci-dessus, très judicieusement con- 
cues, ont besoin de la sanction de l'expérience pour bien 
mettre en évidence leurs qualités et affirmer la régularité de 
leurs fonctions. 


Balancier Rodanet (pl. VI, fig. 1). — En 1855, M. Ro- 
DANET père, à l’aide d’un appareil fort ingénieux, a mis en 
évidence ce fait, que dans le balancier circulaire à lames 
bimétalliques le mouvement des masses réglantes était recti- 
ligne, mais qu'il avait lieu suivant des droites qui ne visaient 
pas le centre du balancier; de plus, comme il a également 
constaté que les déplacements des masses sur ces droites sont 
sensiblement proportionnels aux variations de la température, 
on comprend aisément les retards observés aux limites extré- 
mes de température lorsque le réglage a été réalisé pour une 
température moyenne. Aussi M. Ropaner a-t-il déduit cette 
conclusion que l’uniformité de la compensation ne sera obte- 
nue qu'autant que les déplacements des masses se feront 
suivant des rayons du balancier. Or, il résulte des faits pré- 
cédents que ce mouvement est incompatible avec la forme 
circulaire donnée habituellement aux lames bimétalliques. 

C'est d'après ces considérations que M. RODANET a construit 
le balancier ayant la forme de la fig. 1, pl. VI; balancier dans 
lequel les déplacements des masses se font réellement vers le 
centre. L'application de ce balancier à un chronomètre a 
donné à son auteur des résultats assez satisfaisants, mais il 
reconnait lui-même que les expériences ne sont pas assez 
nombreuses pour être décisives. 


Balancier Hohwü,. — Les erreurs de la compensation 
aux extrêmes de température sont corrigées dans le balancier 
How, par un compensateur auxiliaire placé au-dessus des 
ares bimétalliques ordinaires et qui est formé par des lames 


PE 


également bimétalliques, mais beaucoup plus minces que 
celles du compensateur principal et par conséquent plus sen- 
sibles. 

Ce balancier, dont la fig. 2, pl. VI représente la disposition 
générale, ayant été adapté à un chronomètre, a fourni à l’au- 
teur les résultats les plus satisfaisants. 

Ainsi, ce même chronomètre, avec compensateur ordinaire, 
qui fournissait la marche suivante : 


+ 5°, 59 centigrades . . . . . . . . — 3, { secondes. 
1004 TT, O'CeDteTades it ME l'E 
JO cénHerAdes: FUN FUN ME ..— 3,0 — 


une fois muni d'une compensation auxiliaire, a donné : 


1°, 11 centigrades . . . . . . . — 6, 61 secondes. 
sf Cr pr) — SP ERE RE CSOREES 
DA NRR _ ER 6,58 0 


Les résultats remarquables fournis par des chronomètres 
de M. Honwÿ, après 25 ans de marche sous diverses latitudes, 
ne laissent plus de doute sur les précieux effets d’une compen- 
sation additionnelle. — Les certificats des officiers de la 
marine hollandaise, qui ont eu occasion de suivre la marche 
des chronomètres Hoawü, en sont un témoignage irrécusable. 


Balaneier Dent et C°. — C'est surtout en Angleterre 
que la question des balanciers compensateurs a été étudiée 
avec persévérance : aussi les chronomètres anglais sont-ils 
accompagnés de nombreux spécimens de balanciers com- 
pensés dont les combinaisons, très rationnelles en- théorie, 
n'ont probablement pas encore été justifiées par l'expérience, 


-et cest malheureusement ce qui arrive trop souvent dans 


cette importante question. Tous les horlogers connaissent les 
combinaisons fort ingénieuses des balanciers HarTNuPr et 
KüLBERG, mais dont les prévisions n'ont pas été justifiées dans 
l'application. On peut donc dire que les recherches sur la 


— 116 — 
question des balanciers compensateurs sont toujours à l'ordre | 
du jour, et ilest bien intéressant de voir avec quelle ardeur et 
quelle persistance nos voisins ne cessent d'étudier les diverses 
phases du problème. 

Ce problème est-il résolu ? Le grand nombre de solutions 
qu'ils en donnent est bien de nature à faire douter. — Quoi 
qu'il en soit, nous croyons utile de décrire la construction du 
balancier DEXT, à cause de sa simplicité. 

Dans ce balancier {planche VI, fig. 3), l'excès de compen- 
sation aux températures inférieures est modéré par l’action 
de deux ressorts rectilignes 7, r, dont les extrémités e, e’, en 
agissant sur une goupille implantée sur les arcs bimétalliques, 
restreignent la trop grande expansion de ces derniers, de 
manière à rendre constant le moment d'inértie du balancier 
qui tend à augmenter aux basses températures. Les ressorts 
modérateurs v, v sont fixés à une barette additionnelle b, b, 
vissée sur la barette principale de facon à donner à ces ressorts 
upe grande élasticité et surtout une longueur suffisante, afin 
de diminuer l'influence de leur frottement sur les goupilles. 
On peu’ augmenter ou diminuer la tension des ressorts en 
tournant les têtes de vis excentriques v, v, qui agissent sur un 
bras de levier faisant corps avec chaque ressort. 

Il résulte d'une brochure publiée par MM. T. Denr et Cf, 
qu'un balancier construit comme ci-dessus, et appliqué à un 
chronomètre, fit sortir ce dernier, en 1866, avec le n° 4 dans le 
concours ouvert annuellement à l'observatoire de Greenwich : 
il fut acheté à un prix honorifique-par le gouvernement an- 
glais sur le rapport de l'astronome royal. 


Balancier John Poole, — Ce balancier (pl. VIF, fig. 1) 
offre une grande analogie avec un des balanciers JAcoB, c'est- 
à-dire que les erreurs de compensation y sont aussi corrigées 
par le déplacement des centres de mouvement des arcs bimé- 
talliques. Mais ce changement, au lieu d'être produit par les 
mouvements d'une barette auxiliaire comme dans le balancier 


— 117 — 


JAcoB, est obtenu par des vis v, v’, que l'on déplace sur une 
pièce fixe disposée concentriquement à l'extérieur des arcs 
bimétalliques et seulement sur une partie de leur longueur. 
Or, cette disposition nous paraît moins avantageuse que la 
construction JAcoB, attendu que le déplacement des vis n'offre 
pas le moyen de procéder aussi graduellement qu'avec une 
barette mobile. 

Disons en outre qu'il y a déjà plusieurs années que 
M. WinnerL a appliqué à un chronomètre que possède l'Ecole 
polytechnique une disposition analogue à celle de M. Pooze. 
La seule différence consiste en ce que les pièces additionnelles 
qui portent les vis, au lieu d’être rigides comme dans le ba- 
lancier anglais, sont amincies sur une partie de leur longueur, 
de façon à offrir-une certaine flexibilité. Cette simple remarque 
suffit pour constater que la disposition exposée par M. Pooze 
n'est pas nouvelle. 


Balanciers Ch. Frodshaim, — De tous les exposants 
anglais, c’est M. Cn. Fropsaam qui exhibe le plus grand 
nombre de balanciers compensateurs. Ses compensations 
additionnelles sont tantôt rectilignes, tantôt curvilignes. — La 
fig. 2, pl. VII, représente une des formes les plus simples des 
spécimens visibles dans la vitrine de cet horloger de talent. 
La construction et les fonctions se comprennent aisément. Le 
cadre forcément restreint de ce rapport ne nous permet pas de 
donner la description de tous ces spécimens, dont quelques- 
uns sont assez compliqués. D'ailleurs, M. Cx. Fropsxan se 
propose de faire une publication spéciale sur ce sujet; en 
même temps il consignera les résultats fournis par l'expéri- 
mentation de chaque système compensateur. 


Dans tous les balanciers compensés que nous venons de 
citer et dans tous ceux appliqués dans les chronomètres 
exposés, les lames bimétalliques sont formées d'acier et de 
laiton, ce dernier métal ayant habituellement une épaisseur 


— 118 — 


double de celle de l'acier lorsque le balancier est entièrement 
terminé. Quelques constructeurs donnent à l’acier une épais- 
seur égale aux $ de l'épaisseur totale de la lame bimétallique. 

Le laiton est généralement soudé à l'acier à une haute tem- 
pérature par voie de fusion, en sorte que les deux métaux 
revenus à la température ordinaire se trouvent dans des condi- 
tions anormales qui donnent lieu à des crises (suivant l’expres- 
sion d’un officier de marine ), c’est-à-dire à des perturbations 
qui ont fait supposer qu'il se faisait ultérieurement un travail 
moléculaire plus ou moins prolongé et qui modifiait à la longue 
la compensation obtenue primitivement. Aussi quelques bons 
esprits ont songé à opérer la soudure des lames à la tempéra- 
ture ordinaire, en déposant sur la lame d'acier une couche de 
cuivre ou d'argent par voie électro-chimique. C’est notamment 
ce qu'a exécuté M. Lecoo, exposant français qui a construit 
des balanciers formés d'acier et d’une couche d’argent déposée 
par la pile, et dans lesquels la compensation se fait d’une façon 
très régulière. Un compteur muni d'un balancier de cette 
nature lui a été acheté par le gouvernement français. 

Par ce qui vient d'être rapporté sur les balanciers compen- 
sateurs, il est évident que l’invariabilité du moment d'inertie 
n'est pas encore obtenue d’une manière parfaite, et que cette 
question ne doit pas cesser d’exciter la sagacité des artistes. Il 
faut reconnaître toutefois que les horlogers anglais sont ceux 
qui ont fait le plus de recherches et de tentatives pour résoudre 
cette importante partie de l’isochronisme. 


ISOCHRONISME DU SPIRAL, — L'application du spiral au 
balancier circulaire est due à Huyenens; mais, depuis cette 
heureuse addition, on en a beaucoup modifié la forme et la 
construction : toutefois dans la pratique on se borne aujoutr- 
d'hui au spiral plat et au spiral cylindrique ou à boudin. 
C'est ce dernier, que l’on croit avoir été employé pour la pre- 
mière fois par HarrissoN, qui est presque exclusivement 
adopté dans les chronomètres de marine. 


Ne + 


Le, 


— 119 — 


Si nous supposons que, dans la formule précédemment citée, 
le terme A est rendu constant par la compensation rigoureuse 
du balancier, l’isochronisme du spiral appliqué à ce balancier 
serait obtenue toutes les fois que la quantité + serait inva- 
riable. Mais, comme nous l'avons déjà dit, L qui représente la 


longueur développée du spiral, est nécessairement affecté par 


les changements de température, de même que ces change- 


ments modifient aussi la valeur de M ou le moment d'élasticité 
du spiral, quantité dans le calcul de laquelle entre le coeffi- 
cient d’élasticité. Sans doute les modifications causées par les 
variations de température sur les deux quantités L et M sont 
infiniment petites; mais puisque l'erreur causée peut être 


répétée 345,600 fois dans un jour, il n’est pas étonnant qu'elle 


se traduise quelquefois par une avance ou un retard de 
quelques secondes. 

Pierre Leroy a posé en règle que l'isochronisme des vibra- 
tions est obtenu par une certaine longueur de lame du spiral, 
mais on vient de voir que cette règle n’est qu'approximative. 


D'un autre côté, le spiral cylindrique est fixé, comme on sait, 


par une de ses extrémités à la virole, et par l’autre à un piton 
fixe. Déjà l'expérience avait appris que pour obtenir un iso- 
chronisme plus parfait ces extrémités devaient être ramenées 
vers l'axe du balancier à l’aide de courbures partant des spires 
cylindriques; mais, faute d’avoir été déterminées mathémati- 
quement, ces courbures s'obtenaient plus ou moins correcte- 
ment et toujours à la suite de tâtonnements plus ou moins 
longs, suivant l'habileté des artistes. 

Dans un savant mémoire sur la théorie du spiral réglant 
des chronomètres et des montres, M. Puizrrps a fixé les 
conditions géométriques que devaient réaliser les courbes 
extrêmes qui terminent un spiral, afin que ce dernier réu- 
nisse les trois propriétés suivantes : 

1° Que le centre de gravité du spiral entier soit sur l'axe 
du balancier ; 


— 120 — 


2° Que le spiral, dans ses déformations, reste toujours bien 
cylindrique et concentrique ; 

3° Que le balancier n'’exerce dans le jeu du spiral aucune 
pression latérale contre ses pivots. 

M. Puizrpps fait toutefois observer que si le calcul met bien 
en évidence cette manière d'atteindre l’isochronisme , il n’in- 
dique pas qu'il n'y en aurait pas d'autre. Le mémoire de ce 
savant contient plusieurs exemples de courbes extrêmes satis- 
faisant aux conditions précédentes, et il est assez remarquable 
que le même type de courbe les réunit toutes les trois. 

Les courbes terminales de M. Puizrpps jouissent de la 
propriété d'annuler les effets de la température, c'est-à-dire 
que les extrémités du spiral n’exercent aucun effort contre 
l'axe, attendu que si l’un des bouts était fixe comme d'habi- 
tude et l’autre libre, celui-ci viendrait de lui-même remplir les 
conditions de position et d’inclinaison qui lui sont assignées, 

malgré les variations de la température. Ces variations ne 
modifient pas non plus la condition relative au centre de 
gravité. 

M. Rozé fils expose : {° un appareil très délicatement 
construit pour montrer les propriétés ci-dessus ; 2° une dis- 
position pour vérifier la loi de la proportionnalité de la durée 
de vibration avec la racine carrée de la longueur du spiral. 

Depuis la publication des travaux de M. Puizrers, un assez 
grand nombre de chronomètres ont été construits d’après les 
principes théoriques qui y sont consignés.-— Le spiral plat a 
également fixé l'attention de cet ingénieur qui a constaté par 
le calcul, conformément à l'expérience, que cette forme ne se 
prête qu'à un isochronisme relatif. Il reconnaît qu'on améliore 
beaucoup les qualités du spiral plat en ramenant le bout exté- 
rieur vers le centre (spiral Breguet), mais il convient de faire 
le raccord par une courbe constituant l’un des types qu'il a 
donnés. 

Nous ne saurions trop recommander aux horlogers l'étude 
des travaux de M. Puaicrrps sur le spiral réglant des chrono- 


— 121 — 


mètres et des montres. D'ailleurs, pour mettre cette étude à la 
portée d’un plus grand nombre, l'auteur a rédigé un petit 
manuel pratique où les principales propriétés que nous 
venons de rappeler sont démontrées d’une facon très élé- 
mentaire. 


Spiraux d’'Hammersley. — Les horlogers anglais ne 
paraissent pas beaucoup goûter les propriétés des courbes 
terminales théoriques dont il vient d'être fait mention. Ils 
accusent une certaine préférence pour l'emploi de la forme 
du spiral tria in uno d'Hammerszey. Ce spiral (pl. VIT, fig. 3) a 
le corps principal en forme de cylindre, avec ses extrémités 
ramenées vers l'axe en spires analogues au spiral plat : c'est 
la combinaison d'un spiral cylindrique ordinaire avec deux 
spiraux plats qui lui servent de bases. Suivant les adeptes de 
cette forme du spiral, il résulterait une répartition plus 
uniforme du mouvement des diverses spires. On avance aussi 
que les extrémités se trouvant graduellement et par construc- 
tion normale ramenées vers le centre, elles peuvent être 
utilisées telles quelles, sans avoir à subir de courbures ulté- 
rieurement à la trempe et au recuit : d'où il suivrait que l'ac- 
célération des premiers temps de marche, attribuée au travail 
moléculaire des spiraux ainsi façonnés après coup, serait 
amoindrie et peut-être annulée. 

Dans les chronomètres de MM. Dent, Wire, et Ch. 
FropsHam, on rencontre des applications des spiraux tria in 
uno et duo in uno, ce dernier n'étant terminé qu'à une de ses 
extrémités seulement par un spiral plat. M. Ch. FropsHam à 
même essayé de se passer entièrement des courbes terminales, 
en se servant d'un spiral plat dont le bout extérieur est fixé à un 
piton flexible. Cette disposition, qui paraît avoir réussi dans 
les chronomètres, pourrait sans aucun doute trouver son appli- 
cation dans les montres ; cela éviterait les courbures faites à 
la pince. 


— 122 — 


Spiral Jules Calame. — M. Jules CALaME, horloger 
français, expose un spiral de sa construction et destiné à 
rendre invariable la position de repos de l’'échappement. L'au- 
teur part de cette idée que les variations de température non- 
seulement allongent ou raccourcissent le spiral cylindrique 
suivant sa longueur, mais encore déterminent une extension 
ou une contraction dans le sens de la hauteur. Il en résulte- 
rait suivant lui une petite rotation de l'axe du balancier qui 
déplace l'action de la force impulsive dans l'arc de vibration, 
en sorte que l'impulsion n'a pas toujours lieu dans les mêmes 
conditions de tension du spiral. 

Pour éviter ou annuler les effets ci-dessus, M. CALAME 
forme son spiral (pl. VIL, fig. 4) de deux hélices, l’une dextror- 
sum, l'autre sinistrorsum, réunies à la partie médiane par un 
point de rebroussement x. Cette partie médiane et Les deux 
extrémités libres sont cintrées selon les prescriptions de 
M. Puizrpps. Cette forme offrirait, suivant l'auteur, cet avan- 
tage que si les deux extrémités du spiral étaient fixes, par 
exemple, et s'il survenait un allongement ou une contraction 
de la lame, cela déterminerait un déplacement du point de 
rebroussement sans aucune action rotative de l'axe, fait que 
nous n'avons pu vérifier. Ce résultat d'ailleurs ne serait pas 
d'une grande importance, puisque nous avons vu que les 
courbes terminales de M. Puizrprs annulent les effets des 
variations de la température. Mais, en admettant que le spiral 
CALAME corrige les effets signalés par son-auteur, il jouirait 
en outre de la propriété de travailler d’une façon très uniforme, 
parce que dans chaque vibration il y a la moitié des spires 
qui se contractent, tandis que dans l'autre moitié elles se 
dilatent. Or, M. Paizrpps a également démontré par le calcul 
que la diminution du rayon d'un spiral quand il se referme 
est moindre que son augmentation quand il s'ouvre; il en 
résulte que, dans le spiral à deux hélices, le travail de la lame 
serait sensiblement constant pour chaque vibration. M. CALAME 


— 123 — 


nous a aussi présenté un spiral plat disposé pour satisfaire 
aux mêmes conditions. 


Nous avons dit précédemment que ce n'était qu'en Angle- 
terre et en France que la fabrication des chronomètres nau- 
tiques avait quelque importance. C'est grâce aux établissements 
de roulants de Saint-Nicolas d’Aliermont que cette fabrication 
s'est relevée dans notre pays; et si ses débouchés sont encore 
très restreints, il faut reconnaître que les chronomètres fran- 
çais marchent de pair avec les produits anglais : c'est du reste 
ce que l'Exposition de 1867 met parfaitement en évidence. 

En général, les chronomètres anglais sont renfermés dans 
des boîtes ou étuis très confortables; maïs la surface des pièces 
du mécanisme intérieur porte un adouci miroitant, souvent 
désagréable et qui gêne l'appréciation des différents organes. 
On s'étonne aussi de voir un grand nombre de pièces en 
acier recuites au bleu, ce qui donne à l’ensemble un aspect 
d'infériorité. Dans les chronomètres français ces détails sont 
plus soignés. 

Malgré de louables tentatives faites par M. Henri ROBERT 
pour remplacer la fusée par le barillet denté, et malgré les 
résultats satisfaisants obtenus, la fusée continue à être exclu- 
sivement appliquée, malgré ses inconvénients. Il serait juste 
d'encourager des travaux entrepris en vue de la suppression 
de la fusée dont les fonctions sont loin d’être constantes et 
dont la nécessité n’est pas rigoureusement démontrée, attendu 
que si l’isochronisme a pour but de se rendre indépendant de 
l'amplitude des arcs, il n'implique pas l’uniformité absolue 
de la force motrice. 


Si nous nous sommes étendus un peu longuement sur les 
produits de l'horlogerie de précision, c'est afin de bien cons- 
tater l’état de l’art dans cette partie de l’industrie horlogère, 
_partie dont tout le mérite consiste dans une valeur scientifique 
très grande comme division parfaite du temps. Une régularité 


| — 124 — 
de marche irréprochable résultant d’un réglage savamment 
conçu , tel est le but de l'horlogerie de précision, but très 
difficile à atteindre comme on vient de le voir : donc les efforts 
des concurrents ne peuvent être sérieusement contrôlés et 
appréciés que par les Observatoires et le Dépôt de la marine ; 
et il est de toute évidence que c'est de ces établissements que 
devraient partir les récompenses, puisque toute l'importance 
de l'horlogerie de précision réside dans l'application scienti- 
fique qui en est faite par eux. 

Industriellement parlant, l'horlogerie de précision nautique 
n’a aucune importance en France, puisque sa production an- 
nuelle peut s’évaluer, suivant M. Saunier , à 200,000 francs, 
soit à peu près la valeur de 200 chronomètres. Dès lors, c'est 
la régularité de marche de ces instruments scientifiquement 
constatée qui devrait être hautement proclamée et récom- 
pensée, et la seule base d'appréciation sont les notes du Dépôt 
de la marine. 

Si l’on résume ces notes pour les chronomètres présentés 
au concours par les artistes français pendant une certaine 
période, on a le tableau suivant : 


LL 


Chronomètres présentés au Concours du Dépôt de la Marine 
impériale, de mars 1858 au 1° juin 1867. 


; TOTAL 
NOMS Jusqu'à Au-delà des 
D Dale ad Hess | 4 De CHRONO- 
DES ARTISTES. ge 5. de 5”, MÈTRES |, 
présentés. 


BREGUET ..……. 2 17 44 38 o 173 | 
Leroy, Th.. 15 24 32 62 139 


12 37 97 48 | 128 


(ep) 


BERTHOUD 


SCHARE..... 0 


© D D = 
(De ( cz) 
©: 00 "Or 
LS OR | 
+9 
(SE) 
= 
2 


+ 


Cu 
F2 
[æ! 
© 
œ 

OO À 
> 

im © 
he 

ES 

— 
© 
O2 
1 


© 


Ë Dumas , O.. 14 15 57 53 81 220 


Pour l'intelligence de ce tableau , nous dirons que les chro- 
nomètres achetés pour le service de la marine de l'Etat sont 
observés au Dépôt durant un intervalle de trois mois à la tem- 
pérature ambiante et à des températures artificielles de cinq 
à trente degrés. 

Chaque chronomètre n'est déclaré admissible qu'autant 
que le plus grand écart des marches à la température am- 
biante, ajouté au plus grand écart des marches aux tempé- 
ratures artificielles, ne dépasse pas trois secondes. 

Celui qui a le mieux marché dans le cours d'une année 


— 126 — 


recoit une prime de 1,200 fr., pourvu que son écart ne dépasse 
pas deux secondes et demie. 

Les chronomètres de la première colonne de chiffres sont 
dans les conditions exceptionnelles de la prime. Pour le clas- 
sement général, ceux des première et deuxième colonnes 
sont notés comme très bons, troisième colonne satisfaisants , 
quatrième médiocres, etc. 

Or, la discussion du tableau ci-dessus offre tout d'abord ces 
deux résultats : {° que pendant une période de neuf années 
environ, il a été présenté au concours 977 chronomètres , soit 
100 chronomètres par an en moyenne; ?° que sur ces 977 
chronomètres, 117 ont été jugés admissibles, c'est-à-dire 
12 p. 0/0 des pièces présentées. 

Le tableau précédent peut servir à faire apprécier le mérite 
relatif des concurrents, et cela de deux manières : ou en 
envisageant le nombre brut des chronomètres déclarés admis- 
sibles pour chacun, ou bien en comparant ce nombre avec le 
chiffre total des pièces présentées au concours par chaque 
concurrent pendant le même laps de temps. Cette dernière 
méthode serait à notre avis la plus concluante, car elle met- 
trait mieux en relief le talent de chaque artiste; et, par suite, 
devrait être reconnu le plus méritant celui qui, à nombre 
égal de chronomètres présentés au concours dans le même 
temps, en aurait le plus de déclarés admissibles. 

En combinant de cette facon les chiffres contenus dans le 
tableau précédent, on a le classement suivant : 


— 127 — 


TOTAL RAPPORT 
des des 
NOMS DES ARTISTES. Jusqu'à 3”.| cnrono- | CHRONOMÈTRES ADMISSIBLES 
MÈTRES à ceux 
présentés. présentés au concours. 
Jicon.. .%../ ne EN CT 0,162 
RODANEr eurent UR 6 39 0,154 
PRO TL aUre 21 139 0,151 
NVINNERE Lo 2». 2 9 66 0,136 
Dumas ONCE. 29 220 0,130 
NS ere 16 128 0,125 
ÉPRACOUE D RE MNN ANU JA 19 173 0,110 
DORE Mer «Te ue à 4 42 0,095 
BERDAOÉD 2,00 3 43 0,070 
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Il est incontestable que ce tableau établit les titres relatifs 
des artistes près du Dépôt de la marine impériale pour la 
période de neuf années consécutives sus-mentionnée. Or, si 
l'on avait adopté ce mode d'appréciation pour la répartition des 
récompenses revenant à ce genre d’horlogerie (et c'est le seul 
mode équitable en raison du but poursuivi), nous n’aurions 
pas l'exemple de ce qui est arrivé en 1867, puisque MM. Du- 
MAS, SCHARF, VISSIÈRE ont obtenu chacun une médaille d'or, 
tandis que MM. Jacog et Th. Leroy n'ont eu qu’une médaille 
d'argent. Faut-il ajouter encore que M. Théodore Leroy n’a 
concouru que depuis la fin de 1861, et que depuis cette époque 
trois de ses chrononomètres ont été primés et que six se sont 
trouvés dans les conditions exceptionnelles de la prime (pre- 
mier tableau). Assurément de tels succès méritaient mieux 


— 128 — 


qu'une médaille d'argent, et ils prouvent surabondamment 
l'incompétence des jurys des expositions industrielles pour 
apprécier à sa juste valeur l'horlogerie de précision. 

Si les chronomètres de bord sont jugés comme produits 
manufacturiers, ils se présentent dans les conditions les plus 
défavorables, car ils ne peuvent sérieusement entrer en ligne 
de compte avec les produits de l'horlogerie civile. Le mérite de 
l'horlogerie civile résidant exclusivement dans les progrès et 
le bon marché relatif des produits, cette horlogerie offre par 
conséquent un caractère essentiellement industriel, et partant 
c'est au jury des expositions qu'il appartient d'en faire l'ap- 
préciation. Aussi sommes-nous de l'avis des personnes qui 
pensent que c’est à tort que l'on persiste à considérer l'hor- 
logerie de précision comme étant la tête de colonne de l'in- 
dustrie horlogère, attendu que les moyens de réalisation sont 
totalement différents dans ces deux ordres de productions. Les 
améliorations accomplies, les progrès obtenus, les perfection- 
nements apportés successivement dans les moyens de produc- 
tion de l'horlogerie civile ont eu lieu en dehors de l’action de 
l'horlogerie de précision qui, en réalité, ne peut exercer aucune 
influence, commercialement parlant. En effet, quelle influence 
commerciale peut exercer une fabrication annuelle de 200,000 f, 
environ sur une production de 40 millions ? 

Donc, au point de vue scientifique, l'horlogerie de précision 
a droit à des récompenses exceptionnelles, mais qui ne doivent 
en aucune facon usurper ou restreindre celles qui reviennent 
aussi de droit à la catégorie des produits qui constituent une 
branche importante de l’industrie nationale, c'est-à-dire l'in- 
dustrie horlogère proprement dite, industrie qui fait la richesse 
de plusieurs centres de population et procure le salaire d'un 
grand nombre d'artisans. 


— 129 — 


HORLOGERIE CIVILE. 


HORLOGES MONUMENTALES, — L'horlogerie monumen- 
tale française n'a pu être installée dans la partie réservée à 
la classe 23, faute d'espace. Cette fâcheuse circonstance a 
motivé l'abstention d'un grand nombre de constructeurs et 
déterminé la dissémination des œuvres de ceux portés de 
bonne volonté. — Aïnsi, on est obligé, pour étudier cette 
branche d'horlogerie, de parcourir plusieurs galeries où quel- 
ques pièces remarquables ont été reléguées forcément. 

Les constructeurs qui ont exposé de l'horlogerie monumen- 
tale sont : 

France. — MM. Derouce, Coin, Henri LEPAUTE, Paul 
GARNIER, BORREL, BEIGNET, FARcoT. 

Etats-Unis. — M. Stanislas FOURNIER. 

Grande-Bretagne. — MM. Dexr et Ci°, J.-W. BENSox. 


2 


M. DBetoueche. — M. Deroucxe expose une belle horloge 
que l’on remarque à gauche de l'entrée principale donnant 
accès dans le grand vestibule. — Montée sur un châssis d'une 
facon originale, disposée de facon à mettre en pleine évidence 
le mouvement principal, tandis que les rouages des sonneries 
des quarts et des heures sont établis en contre-bas dans un 
plan notablement inférieur , cette horloge est d’un fini d’exé- 
cution irréprochable, mais sans aucune innovation sérieuse 
des principales fonctions; et même les horlogers n’ont pas été 
peu surpris, au début de l'Exposition, de la voir pourvue d’un 
remontoir d'égalité fonctionnant ayec.des vis sans fin. I] faut 
croire que l’on a tenu compte de la critique qui s’est exercée sur 
cette combinaison peu rationnelle, car celle-ci n'a pas tardé à 
être remplacée par une transmission de mouvement plus ad- 
missible. On peut aussi critiquer le système de compensation 
du pendule qui est à leviers. Si cette disposition a pour effet de 


— 130 — 


diminuer le nombre des tiges, elle introduit des articulations 
qui sont autant de causes d'erreurs dont nous parlerons plus 
loin. Du reste, cette horloge est d'un bel aspect, maïs sa con- 
ception n'est pas de nature à rien ajouter à la réputation qu'a 
su acquérir M. DETOUCHE. 

Dans la même vitrine, on remarque diverses petites horloges 
à poids, ou électriques, mais qui rentrent dans une catégorie 
de produits dont nous parlerons plus tard; nous les étudie- 
rons en même temps que quelques autres pièces d’horlogerie 
que le même exposant possède dans une autre vitrine de la 
classe 23. 

Nous devons toutefois dès maintenant inscrire à l'avoir de 
M. Deroucue l'horloge et les compteurs qui animent le météo- 
rographe du R. P. Seccar, installé dans la section des Etats 
pontificaux. Les enregistrements automatiques des principaux 
phénomènes météorologiques, qui se font à l’aide de cette pièce 
remarquable, sont relevés sur des tableaux mis en mouvement 
par ladite horloge au moyen de transmissions fort habilement 
agencées. L'échappement est celui de Graxan; la tige du 
pendule est formée d'une lame de bois de sapin. En somme, 
l'exécution de cette horloge et de ses annexes justifie le choix 
du constructeur fait par l'astronome du Collége romain. 


M. Collin, — À droite de l'entrée principale, se trouve 
l'exposition de M. CozziN, qui comprend plusieurs applica- 
tions réellement neuves de l'horlogerie monumentale. 

En première ligne, nous devons citer une belle horloge 
devant servir de type pour quelques édifices de la capitale 
(pl. VITE, fig. 1). L'échappement est à chevilles avec remontoir 
d'égalité; le pendule, compensé fer et zinc, d’après le système 
de Harrissox ; les pignons sont à lanternes pour les grosses 
transmissions : le tout est d'une très belle exécution. 

Mais ce qui intéresse surtout dans cette horloge, c'est qu'elle 
met en jeu trois innovations importantes pour l'horlogerie 
monumentale : 


— 131 — 


1° Une remise à l'heure électrique (fig. 2) ; 

2° Une transmission électrique (fig. 3); 

3° Enfin, une transmission par ondulation de l'air (fig. 4). 

Le système de remise à l'heure a pour but l'unification de 
l'heure dans les villes, en conservant les horloges existantes, 
et cela à très peu de frais. Voici en quoi consiste ce système : 

Un courant électrique passe par une horloge type et par 
toutes celles à régler. Sur la roue d'échappement de ces der- 
nières est adapté un rochet dans lequel vient s'engager un 
levier mis en mouvement par un électro-aimant; et pour que 
l'horloge type remette à l'heure plusieurs horloges une ou 
deux fois par jour, il est nécessaire que celles-ci avancent de 
5 à 10” sur la première et même plus si l’on veut. Habituel- 
lement, le courant électrique est coupé entre l'horloge type et 
celles à régler. Cinq minutes environ avant le réglage, l’'hor- 
loge type ferme le circuit pour ce qui la concerne, tandis qu'il 
reste encore ouvert dans les autres horloges; mais quelques 
secondes avant l'heure du réglage, ces horloges complètent le 
courant électrique, et alors leurs électro-aimants attirent simul- 
tanément leurs leviers lorsque les cadrans marque l'heure du 
réglage, ou successivement selon la différence de marche de ces 
horloges. La mise en activité des leviers a pour effet d'arrêter 
les roues d'échappement, ce qui n'empêche pas les pendules 
d'osciller. 

Dans ces conditions, toutes les horloges s'arrêteraient bien- 
tôt si l'horloge type ne coupaii le courant électrique en temps 
opportun, c'est-à-dire lorsqu'il est l'heure exacte. Instantané- 
ment toutes les roues d'échappement redeviennent libres et les 
horloges réglées reprennent leur marche. Il est évident qu'un 
courant électrique qui ne fonctionne qu'à de longs intervalles 
ne doit exiger qu'une petite quantité d'électricité; par suite, le 
système de remise à l'heure en question ne doit donc occa- 
sionner qu'une dépense insignifiante. 

Plusieurs horloges de la capitale sont réglées par ce système. 
Ainsi les deux horloges à sonneries de quarts du lycée Bona- 


— 132 — 


parte, l'une donnant sur la rue Caumartin et l'autre sur la rue 
du Hävre, fonctionnent depuis plus de deux ans par ce système 
et avec une parfaite régularité. IL en est de même des trois 
horloges des trois casernes de la garde et des états-majors de 
la Cité, puis de celles des prisons des Madelonnettes. 

Le système de transmission électrique de l'heure permet de 
faire marquer l'heure simultanément sur un grand nombre 
de cadrans par l'électricité seule, à l’aide d’un régulateur type. 
Après plusieurs moyens essayés, M. Cozuin s'est arrêté au 
suivant, qui est fort simple et n'occasionne également qu'une 
faible dépense d'électricité, si l'on se borne à ne faire la trans- 
mission que tous les quarts ou les demi-minutes. Dans ce 
système, chaque cadran récepteur se compose d'une minuterie 
à laquelle est adapté un rochet.qui recoit son mouvement d'un 
eliquet posé sur un levier mu par un électro-aimant, cliquet 
qui est disposé de façon à empêcher que la vitesse acquise par 
le rochet ne fasse passer plusieurs dents à la fois. 

L'électro-aimant ne donne pas directement le mouvement à 
la minuterie; mais lorsqu'il fonctionne, il bande un ressort à 
boudin qui, bientôt abandonné à lui-même, réagit sur le 
levier qui porte le cliquet, de sorte que le rochet est poussé 
par la réaction élastique de ce ressort. Ce mode, préféré par 
M. Cozux, offre ce précieux avantage que le ressort agit sur 
le rochet avec sa plus grande force, précisément lorsqu'il a à 
vaincre l'inertie de la minuterie, et que cette force allant gra- 
duellement en diminuant à mesure que le ressort arrive à la 
fin de sa course, tout tremblement dans les aiguilles se trouve 
ainsi supprimé. 

Le système de transmission de l'heure par ondulation de 
l'air (fig. 4) est une combinaison réellement heureuse, et qui 
consiste en deux corps de pompes de diamètres différents dans 
lesquels se meuvent librement deux pistons. Ces corps de 
pompes sont placés, le plus grand sur l'horloge régulatrice, le 
plus petit près du cadran récepteur, et ils sont reliés par un 
tube plus ou moins long. 


— 133 — 


Comme nous venons de le dire, les pistons sont très libres 
dans les corps de pompes et leur hauteur est environ 20 fois 
leur course. On voit par là qu'ils n’agissent pas en comprimant 
l'air dans la colonne qui les relient, ni en faisant le vide, mais 
en produisant une ondulation dans la colonne gazeuse par 
suite d'un déplacement brusque et très court du gros piston : 
de sorte que le mouvement transmis de cette façon est produit 
non-seulement par l'ascension du piston dans le corps de 
pompe moteur, mais encore par sa descente, et même mieux 
dans cette dernière phase, puisqu'il peut descendre plus vive- 
ment qu'il ne monte. 

Qu'on se représente maintenant la tige du piston moteur 
reliée à un excentrique mû par le remontoir d'égalité de l'hor- 
loge réculatrice, d'une part, et le corps de pompe du petit piston 
articulé avec la minuterie du cadran récepteur, d'autre part. 
Toutes les 20 secondes, par exemple, l'horloge soulève brus- 
quement le piston impulseur et le laisse retomber; l'ébranle- 
ment de la colonne d’air produit un déplacement identique 
du corps de pompe récepteur, et comme chaque mouvement 
ascensionnel et descendant de ce corps de pompe peut faire 
avancer l'aiguille de 10 secondes, il en résulte un déplacement 
total de 20 secondes. Il.importe de remarquer que la trans- 
mission se produit au cadran récepteur par un système inverse 
à celui de l'horloge : en effet, le piston est fixe, l'air du tube 
passe par son centre et c’est le corps de pompe qui est mobile; 
c’est le soulèvement de ce dernier qui communique le mouve- 
ment aux aiguilles par une bielle et un simple encliquetage. 
Tel est le système de transmission de l'heure imaginé par 
M. Cozuin; mais, pour donner de bons résultats, il exige une 
certaine relation entre les diamètres des pistons et celui des 
tubes de communication, selon la distance qui sépare l'horloge 
du cadran. Pour fixer les idées, nous dirons qu'après une 
grande quantité de recherches, l'auteur a reconnu qu'à Notre- 
Dame de Paris, pour transmettre le mouvement de l'horloge, 
distante de 100 mètres du cadran de l'orgue ayant 1",20 de 


. 


— 134 — 


diamètre, le piston moteur devrait avoir 0",20 de diamètre, 
0,10 de hauteur et une course de 0,005; pour le piston ré- 
cepteur, 0",04 de diamètre, et enfin la valeur la plus difficile 
à trouver, 0",006 pour le diamètre du tube de communication. 

A côté des appareils dont nous venons de parler, on remarque 
un spécimen de la disposition imaginée par M. Cozzix dans la 
construction du carillon qui lui a été commandé par la ville 
de Paris pour la tour de Saint-Germain-l'Auxerrois , disposi- 
tion qui offre une grande simplification sur celle qu'affectent 
les carillons les plus renommés. Dans l’origine, ces sonneries 
se faisaient à la main sur une espèce de clavier et à l’aide 
de pédales, ainsi que le montre le système de carillon établi à 
Dunkerque, en 1476. La chronique rapporte qu'il y avait à 
cette époque un carillonneur fameux qui attirait les auditeurs 
de toutes les parties du pays d'Artois et même des Flandres. 
On accourait entendre l'habile manière dont il jouait les airs 
les plus difficiles sur les cloches. Plus tard, les carillons 
fonctionnèrent automatiquement, et jusqu'à nos jours les ca- 
rillons sont encore mis en jeu au moyen de cylindres müûs 
par des rouages que détend une horloge : aussi, pour avoir 
une idée de l’importante modification apportée par M. CozziN 
dans la construction de son carillon, il suffit de se reporter à 
la disposition du mécanisme des boîtes à musique. 

On sait que ce mécanisme consiste en un cylindre de cuivre 
armé de pointes nombreuses et qui est mis en rotation lente 
autour de son axe par un mouvement d'horlogerie, de sorte 
que les pointes, suivant leurs positions sur le cylindre, sou- 
lèvent successivement et simultanément des lames vibrantes, 
de manière à produire des airs et des accords. C’est une dispo- 
sition analogue qui existe dans les fameux carillons de Bruges 
et de Dunkerque; seulement les cylindres sont énormes et 
armés de dents destinées à soulever de lourds marteaux frap- 
pant sur des cloches rendant les différentes notes de la gamme. 
Ces cylindres sont mûs par des rouages que détendent les 
horloges à toutes les heures, et même pour certains carillons 


Lo 


— 135 — 
à tous les quarts d'heure : d’où la nécessité de donner à ces 
cylindres des dimensions considérables variant de ! à 2 mètres. 

Celui de Dunkerque, qui a été parfaitement rétabli par 
M. Henri LEPAUTE, a 1 mètre de diamètre. 

Celui de Bruges, qu'on va refaire, a 2 mètres de diamètre; 
il est en bronze et pèse 10,000 kilogrammes. 

Dès lors on conçoit, dit M. CozLiN, que pour mouvoir ces 
monstrueuses machines, il faille des poids moteurs variant de 
000 à 3,000 kilog., suspendus à des chaînes qu’on enroule sur 
des tambours au moyen de treuils qui demandent de un à 
trois hommes et de une demi-heure à trois heures pour être 
remontées. Le carillon de la Samaritaine, à Paris, qui a été 
détruit en 1813, était établi d'après ce système. 

Le spécimen qu'on voit à l'Exposition est représenté pl. VIIT : 
il n’a que quatre cloches et par conséquent quatre rouages; il 
possède en outre un clavier ordinaire, un clavier électrique, 
puis un cylindre automoteur. 

Les points principaux de ce nouveau système consistent : 
1° dans l'emploi d'un rouage spécial pour chaque cloche et 
proportionné à sa pesanteur ; 2° dans le déclanchement de ces 
rouages, qui ont pour mission de lever les marteaux au 
nombre de quatre sur chaque cloche, qui s'engagent l'un 
après l’autre dans un arrêt où ils restent suspendus, et d'où 
le doigt ou l’ergot du cylindre n'a pas d'autre effort à vaincre, 
pour faire sonner, qu'un petit frottement pour les déclancher; 
après quoi ils tombent instantanément, et répètent la note 
assez vivement pour pouvoir jouer au besoin des doubles et 
même des triples-croches, ce qui est inutile avec les cloches. 
Et c'est au moment même où le doigt déclanche le marteau 
que le rouage est débrayé pour préparer un nouveau marteau 
et le mettre à la disposition du doigt en cas de répétition de 
notes. 

La différence entre les anciens systèmes et celui de 
M. Cozuin consiste donc à ne pas faire lever directement le 


— 136 — 


marteau, mais à se servir d'un rouage intermédiaire entre le 
levier et la touche, ce qui rend l'effort presque nul. 

Un des autres avantages, c’est qu'au lieu d'avoir des cylin- 
dres énormes mesurant jusqu à 2 mètres de diamètre, on 
peut obtenir le même résultat avec des cylindres dix fois plus 
petits, soit de 20 centimètres de diamètre. En outre, ces cy- 
lindres qui ne coûtent que 300 fr., au lieu de 50,000 fr. 
comme dans le carillon de Bruges, pourront être changés à 
volonté, ce qui permettra de jouer tous Les airs nouveaux avec 
la plus grande facilité. 

Ce système a encore pour avantage de permettre l'emploi 
de l'électricité, puisqu'il n'y a plus à produire que des efforts 
minimes. Aussi pourrait-on, de l'orgue de l'église Saint-Ger- 
main-l'Auxerrois, faire des répétitions de cloches, ce qui serait 
d'un effet tout nouveau. En résumé, ce système est d'une 
grande simplicité, puisqu'il se réduit, pour chaque cloche à 
un cylindre, à quatre cames et leurs levées de marteau. 


La planche VIIT renferme également le dessin du maré- 
graphe de M. CozuiN, Ou appareil destiné à enregistrer auto- 
matiquement la hauteur de la mer. Ce dessin est assez expli- 
cite pour n'avoir pas besoin d'un long commentaire, On voit 
que l'appareil se compose d'un grand cylindre tournant autour 
d'un axe horizontal et qu'un mouvement d’horlogerie fait 
mouvoir d'une vitesse uniforme. D'autre part, un flotteur, 
installé dans un puits en libre communication avec la masse 
liquide extérieure dont il s’agit de relever le niveau, fait mou- 
voir, suivant son élévation, un petit chariot portant un stylet 
ou crayon. Comme ce crayon se meut suivant une génératrice 
du cylindre, ce sont ses déplacements relatifs, composés avec 
la rotation uniforme du cylindre, qui tracent sur la surface 
de ce dernier une courbe qui indique la hauteur de l’eau, tel 
jour, à telle ou telle heure, en même temps que les sinuosités 
plus ou moins fortes de cette courbe accusent les variations 
brusques, naturelles ou insolites. La surface du cylindre est 


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— 137 — 


revêtue d'une feuille de papier divisé que l'on renouvelle 
toutes les vingt-quatre heures, ou moins souvent si on le juge 
convenable. Il est bien évident que le marégraphe peut servir 
à inscrire le niveau variable de toute espèce de masse liquide, 
tels que fleuves, canaux, lacs, ou les fluctuations des eaux 
dans les bassins d'alimentation, etc. 


Contréleur de rondes (système Coin). — Ici se termine 
ce que nous avions à dire de l'horlogerie monumentale 
exposée par M. CoLLiN ; mais nous ne pouvons omettre de 
signaler un produit de plus petite dimension du même cons- 
tructeur, qui a rendu les plus grands services pendant la 
durée de l'Exposition universelle, puisqu'il a servi à l’organi- 
sation d'une surveillance générale et par conséquent a contri- 
bué dans une large part à garantir tous les produits exposés : 
nous voulons parler du contrôleur de rondes. C’est d’ailleurs 
une des plus heureuses applications de l'horlogerie, et bien 
qu'elle remonte à une époque notablement antérieure à l’Ex- 
position, on nous saura gré d'indiquer son principe et ses 
divers usages. 

La planche IX représente les diverses parties du système 
de M. Cozux. Il se compose tout d’abord d’un mouvement 
d'horlogerie portatif (fig. 1), dont le cadran, contenu à l’inté- 
rieur d’une boîte, fait un tour en 12 ou 24 heures. Chaque 
veilleur ou surveillant est porteur d'un pareil mouvement, et 
il l'introduit à des heures données dans des boîtes en fonte 
(fig. 2 et 3) placées en des points qui doivent être stricte- 
ment visités. Chaque boîte en fonte contient à l'intérieur un 
poinçon (d, fig. 2), qui est une lettre, un chiffre ou un signe 
de convention quelconque. A toutes les stations, le veilleur 
ouvre la boîte; il applique le mouvement dans des repères, et 
presse sur le poincon qui pénètre par une ouverture longitu- 
dinale dans le mouvement et produit une empreinte sur le 
cadran à l'heure où s’est faite la ronde. Pour que cette em- 


10 


— 138 — 


preinte soit bien visible, il y a sous le cadran une feuille de 
papier noir à décalquer qui recoit l'empreinte de la lettre. 

Les poinçons sont établis dans les boîtes à des hauteurs 
variables, de manière à donner des empreintes suivant un 
rayon du cadran, rayon qui est assez grand pour contenir une 
douzaine de lettres. Toutefois, si la grandeur de l’établisse- 
ment exige plus de 12 stations, rien ne s'oppose à l'installation 
de 20 et même de 50 boîtes en fonte, attendu que pendant que 
le veilleur se rend à toutes les stations en suivant un itinéraire 
qui lui a été désigné, le cadran tourne et laisse de la place 
pour une deuxième série de 1? lettres qu'on pourrait avoir à 
enregistrer. Une nouvelle série peut d'ailleurs succéder à la 
précédente, et ainsi de suite, sans qu'il puisse y avoir ni erreur 
ni confusion sur l'heure et l'ordre de marche des rondes. 

On comprend qu'il était important de mettre le mouvement 
à l'abri de la fraude, en un mot de donner au système toute 
la sécurité désirable. La question principale était d'empêcher le 
veilleur de pouvoir arrêter le cadran, en exerçant sur lui une 
pression à travers la fente laissée libre pour l'entrée des poin- 
cons. M. Coin a paré à cette cause d'erreur en reliant le 
cadran mobile à la roue motrice par un ressort spiral, de facon 
que si l’on retient le cadran, le mouvement n'en continue pas 
moins sa marche; mais au lieu d'entraîner le cadran, il bande 
le ressort spiral qui se détend aussitôt que la pression exercée 
cesse, et alors le cadran vient se mettre à la place où il aurait 
dû être s’il avait constamment cheminé sous l'influence du 
mouvement d'horlogerie. 

Le système de contrôleur de M. Cou offre la plus grande 
sécurité, Car il est à l'abri des veilleurs de mauvaise foi. Par 
un ordre de marche nettement ordonné, il est facile de recon- 
naître les moindres inexactitudes dans le service de la ronde, 
de même que par un changement fortuit des poinçons, ou par 
un itinéraire nouveau, on peut dérouter la malveillance. 

Pendant toute la durée de l'Exposition universelle, la sur- 
veillance générale a été faite jour et nuit par le corps des 


— 139 — 

pompiers de la ville de Paris, à l’aide de 24 contrôleurs 
Cozun, dont les résultats n’ont rien laissé à désirer, ni comme 
régularité de marche, ni comme certitude. Sous ce rapport, 
les exposants doivent une certaine somme de reconnaissance 
à l'inventeur, qui a mis entre les mains de la Commission un 
instrument si sûr, si précis et dont l'usage ne saurait trop 
se vulgariser. Il faut dire toutefois que le système Cozzix est 
déjà appliqué dans un grand nombre d'institutions, parmi 
lesquels on peut citer : 26 établissements publics, 4 prisons, 
14 lignes de chemin de fer, 11 administrations, 23 théâtres, 
13 manufactures des tabacs, 50 lycées, 88 filatures, 38 établis- 
sements métallurgiques, enfin 146 fabriques diverses. 

Du reste M. CozziN varie son système suivant les applica- 
tions. Ainsi, il peut le faire servir à l'enregistrement de la 
quantité de pluie qui tombe à tous les instants, l’associer 
avantageusement au manomètre Bourpon, enfin l'appliquer 
de la manière la plus utile au service des monte-charges des 
mines et des hauts-fourneaux, etc. En résumé, l'exposition 
de M. Cozux est une collection de machines ingénieuses et 
nouvelles; leur exécution est irréprochable, et le silence du 
jury à l'égard de cet exposant est une véritable injustice. D'ail- 
leurs, comme propagateur de l’industrie horlogère, M. CoLLiN 
avait droit à une mention toute spéciale; car il a établi à la 
Combe-Noiret, dans les montagnes du Jura, une fabrique 
d'ébauches qui a apporté le bien-être dans cette localité. Ce 
fait n'était pas ignoré d'une partie des membres du jury : 
aussi leur silence n’en est que plus blessant pour l'exposant. 
Mais nous aurons bien d'autres omissions du même genre 
à signaler dans le cours de ce rapport. 


M. Menri Lepaute. — À l'extrémité du grand vestibule 
donnant accès dans le jardin central, on rencontre une belle 
horloge de M. Henri LepauTe. L'échappement qui est à che- 
villes est une invention de la famille LepauTEe; le pendule est 
compensé d’après le système de Harissonx. Ces deux parties 


— 140 — 


sont d’une très belle exécution; enfin cette pièce, remarquable 
à plus d'un titre, est pourvue d'un remontoir à détente d'une 
combinaison assez ingénieuse. 

Bien que dans les horloges monumentales la force motrice 
soit sensiblement constante, puisqu'elle est formée par des 
poids, la marche est néanmoins influencée par les incorrec- 
tions des engrenages et surtout par les résistances que présente 
le déplacement des grandes aiguilles. Il y à déjà longtemps 
que l'on a songé à soustraire le pendule aux inégalités d’ac- 
tion du rouage principal, en s’efforçcant de transmettre des 
impulsions constantes à l'appareil régulateur. Pour réaliser 
cette constance des impulsions, on ne fait pas agir le poids 
moteur d'une façon plus ou moins directe sur l'échappement 
à l’aide des rouages ordinaires; mais on utilise ces derniers à 
faire remonter une pièce additionnelle à une hauteur constante, 
d’où elle descend en agissant directement sur l'échappement, 
ce qui la fait concourir à imprimer au pendule des impul- 
sions d'une certaine uniformité. Tel est le rôle de cette pièce 
additionnelle ou remontoir d'égalité dont l'indication première 
est due à HuyGxens et LeigniTz. Toutefois l'introduction du 
remontoir d'égalité n’est qu'un palliatif au défaut qu'il s’agit 
de corriger, puisqu'on en est réduit à employer de nouveau 
des engrenages pour annuler les mauvaises fonctions d'autres 
eugrenages. Aussi la conviction des horlogers sérieux est-elle 
qu'un rouage simple bien compris doit être préféré à tout 
remontoir négligé et mal combiné. 

C'est pendant le remontage de la pièce additionnelle que se 
fait le mouvement des aiguilles régularisé par un volant; or, 
ce remontage, qui a lieu à des intervalles de temps plus ou 
moins longs, occasionne toujours une certaine incertitude 
dans la détermination de l'heure. Il y a des remontoirs qui 
ne permettent le mouvement des aiguilles que toutes les mi- 
nutes, d’autres à chaque demi-minute ou quart de minute. 

Dans la pièce de M. Henri LEPAUTE, on rencontre un nou- 
veau remontoir d'égalité dit à détente, qui a spécialement 


— 141 — 


pour objet de réduire notablement les intervalles de remon- 
tage. Voici la description qu'en donne l’auteur : 

« Le troisième mobile de l'horloge est en communication 
directe avec le cylindre, portant le poids moteur au moyen du 
deuxième mobile. 

» Une lanterne L (pl. X, fig. 1), portée par l'arbre de ce 
troisième mobile, engrène avec une roue R, dite intermédiaire, 
et placée sur un arbre dont les pivots sont recus par un coq 
d'acier C appelé chariot de remontoir. 

» Ce chariot est relié à un arbre dont l'axe est dans le prolon- 
sement de celui de la roue d'échappement. L’axe de la roue 
intermédiaire décrit donc dans son mouvement un arc de 
cercle, dont le centre est sur l’axe de cette roue d'échappement 
représenté au pointillé en m. La roue intermédiaire R engrène, 
d'autre part, avec une lanterne L’ que porte l'arbre de la roue 
d'échappement. On voit ainsi que le chariot de remontoir, 
dont la pesanteur est équilibrée à volonté par un contre-poids 
P, prend un point d'appui sur le troisième mobile, tendant 
constamment à soulever ce chariot de remontoir; il l'empêche 
de descendre, ce qu'il ferait évidemment si la roue intermé- 
diaire n’engrenait qu'avec la lanterne d'échappement L’. 

» Le troisième mobile engrène aussi avec le pignon d'une 
roue $, dont l'arbre porte le limacon #. L'arbre autour duquel 
oscille le chariot de remontoir porte en prolongement du 
contre-poids un levier dont l'extrémité est reliée à un autre 
levier plus court, au moyen d'une petite bielle; ce second 
levier, dont le poids s’équilibre à volonté par le contre-poids 0, 
porte à son extrémité un bec b contre lequel vient s'arrêter 
l’ergot du volant V. À côté du bec b est un autre bec a, garni 
d'une pierre dure et destinée à entrer dans les cinq entailles 
pratiquées dans la circonférence du limacon. Au moyen de 
ces deux leviers, le bec parcourt une distance verticale qui eût 
été insuffisante si le levier Q avait servi lui-même à arrêter 
l'ergot du volant V;: car, le remontoir fonctionnant très sou- 
vent, la distance parcourue par le chariot, et par suite par le 


An — 


levier Q, est très petite (condition avantageuse, puisqu'elle 
évite la variation dans le désengrènement qu'on a reproché 
quelquefois au remontoir LEPAUTE). 

» Supposons le bec & au fond de l'entaille du limaçon, le 
balancier, qui bat 3,000 vibrations, fera une vibration pen- 
dant laquelle le bec sera dégagé par le mouvement de l'axe 
du chariot de remontoir; à ce moment le rouage devenu libre, 
puisque le bec a qui le retenait est sorti de l’entaille, se met à 
courir, et les nombres sont calculés de telle sorte qu'après 
cinq vibrations le volant a fait trois tours. 

» De cette facon, les aiguilles marchent les 5/6 du temps, 
et, par suite, leur mouvement n'ayant rien de rapide, on ne 
voit plus de ces secousses comme il arrive dans les remontoirs 
ordinaires, lesquels, devant parcourir souvent un quart de 
minute pendant que le volant fait un demi-tour, élancent les 
aiguilles d’une façon telle que l'appréciation exacte de l'heure 
est impossible sur les grands cadrans. » 

Cette courte description fait suffisamment apprécier les 
avantages du nouveau remontoir de M. Henri LEPAUTE; tou- 
tefois ce remontoir présente encore les défauts communs à 
presque tous les appareils de ce genre : 1° une certaine force 
consommée pour dégager le volant V; 2° ce dégagement qui 
est permanent, puisque l'arrêt n'est jamais au repos, introduit 
nécessairement une cause de variation; 3° la défectuosité de 
l'engrenage de la roue R avec la lanterne, provenant d'une 
pénétration des dents qui varie sans cesse. Il faut le recon- 
naître pourtant, tous ces défauts sont très réduits dans le 
remontoir de M. Henri LepauTE, en raison de la faible 
rotation angulaire des divers mobiles qui le constituent. 

En ce qui concerne le reste de la construction de cette hor- 
loge, on voit avec regret des pignons à lanterne entrer dans la 
composition d’une pièce qui est considérée comme l’une des 
mieux exécutées de l'horlogerie monumentale à l'Exposition. 
Il n'y a que le rouage principal d'exposé; les rouages de 
sonnerie n'y figurent pas, mais on remarque une transmis- 


‘ — 143 — 
sion de l'heure à 40 mètres de distance. Nous l’avons déjà dit, 
l'exécution de cette horloge est parfaite; mais nous sommes 
forcés de reconnaître qu'elle n’est qu'une application de prin- 
cipes et d'organes connus et ne met en évidence aucune idée 
essentiellement nouvelle. Elle ne fait que confirmer la réputa- 
tion justement acquise par la maison qui l’a produite. 


M. Borrel. — Nous ne saurions adresser les mêmes éloges 
à M. Borrez, dont l'exposition se réduit à une pièce médiocre 
installée dans le pavillon du jardin central. Cette pièce, à 
mouvement continu, a été, paraît-il, inventée et exécutée en 
partie par le prédécesseur de M. Borrez,; l'usure de cette hor- 
loge fait tache dans le lieu où elle est installée. En dedors de 
cela, le contingent de M. Borrez consiste dans un cadran sans 
mouvement, et, en face d’une telle pénurie, on se demande 
ce qui a pu mériter une médaille d'or à cet exposant. Et que 
penser ensuite du silence du jury à l'égard de M. Cou, et 
de la modeste médaille de bronze accordée à M. LEPAUTE ? 


ME. Paul Garnier. — En se rapprochant de la classe 23, 
on rencontre, rue de Paris, une belle horloge donnant l'heure 
sur les quatre faces d’un petit campanille qui surmonte la 
vitrine de cet exposant. On y remarque une innovation d'une 
certaine importance, puisqu'il s'agit d'un nouvel échappement 
désigné par son auteur sous le nom d'échappement à force 
constante et à remontoir. La description suivante, empruntée 
à une note de l’auteur, énumère ainsi les avantages de cet 
échappement représenté planche XI : 


« Composition du mécanisme. 


» À BC, roues du rouage. 

» D, pignon engrenant sur la roue C. Son axe porte trois 
bras qui font successivement arrêt la pièce M. Il porte aussi 
un volant à masses, mobile sur la tige pour amortir la force 
vive du rouage. 


— 144 — i 

» E, pignon engrenant également avec la roue C; sur la 
tige est monté un plateau qui porte six chevilles. 

» F, cercle d'impulsion. 

» G, petite masse montée sur le prolongement d'un rayon 
horizontal du cercle d’impulsion F. 

» HH, ancre de l'échappement montée sur la même tige 
que la fourchette. 

» 11’, bras de dégagement monté sur l’ancre H. 

» J, détente retenant le cercle d'impulsion F. 

» l”, dent de dégagement du bras précédent. 

» M, détente d'arrêt du rouage moteur. 

» 0, cheville de dégagement de la détente M, montée sur le 
cercle d'impulsion F. 

» R, cheville d'impulsion montée sur le cercle F. 

» $, cheville d'arrêt du rouage moteur montée sur la détente 4. 

» T, dent du cercle d’impulsion faisant arrêt sur la détente J. 

» V, dent du cercle d'impulsion servant à la mise en place. 


» Fonctions de l’échappement. 


» La planche XI représente l'échappement lorsque le pen- 
dule est arrêté et dans la position verticale. 

» Si, à ce moment, on écarte le pendule pour l’'amener vers 
la droite, le bras 7’ 1 de dégagement, monté sur l'ancre H de 
l'échappement, passera à la droite de la détente J. Si l’on 
abandonne alors le pendule à lui-même, il accomplira son 
oscillation de droite à gauche, et dans ce moment la dent l° 
rencontre-la détente J, l’écarte de sa position de facon à dégager 
la dent T du cercle d’impulsion F; celui-ci, sous l’action de la 
masse G, tournera de gauche à droite, la cheville À rencontrera 
la levée du plan incliné de l'ancre H et lui donnera l'impulsion 
suffisante pour entretenir le mouvement d'oscillation du pen- 
dule. Au moment où la cheville R quitte le plan incliné, la 
cheville O0 rencontre la détente HW, l'écarte de sa position et 
dégage l’un des bras du pignon D qui fait repos sur cette 
détente en s. Le rouage moteur se met en mouvement, et en 


— 45 — : 


même temps le pignon qui porte le disque £, dont une des 
chevilles rencontre la dent V du cercle d'impulsion et le ramène 
dans sa position primitive en remettant la dent T en prise avec 
la détente J; l’un des bras du pignon D, rencontrant la détente 
M qui a repris sa position primitive, arrête le rouage. Le pen- 
dule continue son oscillation de droite à gauche entièrement 
libre et dégagé de tout frottement; il accomplit dans les mêmes 
conditions son oscillation de gauche à droite pour recommencer 
à l’oscillation le dégagement de la détente J, et ainsi de suite. 

» Cet échappement est entièrement libre; la seule résistance 
qu'il ait à vaincre consiste dans le dégagement de la détente J, 
qui dure pendant 1/4 de degré environ, et dont la résistance 
se trouve neutralisée par la force que restitue à ce moment le 
cercle d’impulsion. 

» Il est à force constante, car la masse G, travaillant toujours 
dans les mêmes conditions et sans aucun frottement, donne 
une impulsion toujours égale. » 

Comme dans l'horloge de M. LePauTE, il n'y a que le mé- 
canisme chronométrique d'exposé, mais le châssis porte les 
amorces pour les adjonctions latérales des rouages de sonneries. 

Le pendule est compensé d'après une combinaison du cons- 
tructeur. C'est un système à leviers et à masses mobiles; mais, 
malgré la parfaite-exécution de ce pendule, nous ne pouvons 
que regretter l'introduction de combinaisons qui ne font que 
compliquer la solution du problème de la*compensation, au 
lieu de la simplifier. Ce sont les mêmes objections que nous 
faisons au pendule de la belle horloge de M. DEToucHE, ainsi 
qu'à toutes les combinaisons analogues. Notre appréciation 
est motivée par les considérations suivantes : 

La compensation d’un pendule consistant à produire une 
élévation ou un abaissement du centre d'oscillation de même 
srandeur, mais de sens contraire aux allongements ou aux 
raccourcissements que déterminent les variations de la tempé- 
rature, il est de toute évidence que l'effet sera d'autant plus 
sûr et plus prompt que l’on agira plus directement sur ce 


— 146 — 


centre. C’est ainsi que les choses se passent dans les systèmes 
si renommés de GRAHAM et de Hanisson. Il est vrai qu'avec 
des leviers on restreint notablement le nombre des tiges, mais 
alors on crée des incertitudes dans les points de contact et dans 
les axes de rotation de ces intermédiaires dont les bras de 
levier changent avec l’inclinaison. Ce système comporte natu- 
rellement des articulations qui sont loin de favoriser la trans- 
mission instantanée des effets qui doivent produire la compen- 
sation : aussi cette transmission se fait-elle souvent par saccades 
et quelquefois longtemps après que la cause a agi, à moins 
d'admettre des neutralisations réciproques ; mais alors on a le 
triste spectacle d'un système qui a besoin lui-même d'une 
compensation secondaire pour réaliser la compensation prin- 
cipale. Or, ce sont principalement des irrégularités de cette 
pature auxquelles donne lieu la compensation à leviers, ce qui 
fait que nous n'hésitons pas à la regarder comme incertaine et 
à la repousser. On ne saurait donc trop engager les construc- 
teurs à abandonner une disposition qui, si elle a l'avantage de 
flatter la vue, possède le grave inconvénient d'éloigner le but 
qu'il s'agit d'atteindre. 

Mais, en dehors de cette appréciation, nous reconnaissons 
que l'horloge dont nous venons de parler est l'œuvre d’un 
maître qui, dans les expositions précédentes, a obtenu des 
médailles d’or, la médaille d'honneur et la décoration. Mais les 
temps sont bien changés, car cette horloge, à la facture belle et 
sévère, a valu à son auteur, en 1867, une médaille de bronze! 


M. Beigmet. — Cet horloger expose des pendules com- 
pensateurs dont la construction massive laisse beaucoup à 
désirer; mais, par contre, sa vitrine renferme une belle réduc- 
tion d'une horloge commandée par la ville de Paris. Cette 
pièce, pourvue d’un remontoir d'égalité et d’une transmission 
électrique de l'heure, est d’une très belle exécution : on est 
forcé toutefois de regarder la médaille d'argent décernée à cet 
exposant comme un excès de faveur, si l'on compare son 


— 147 — 


œuvre à celles des constructeurs dont nous venons d'analyser 
les productions. 

M. Fareot. — L'horloge exposée par M. Farcor est munie 
d'un pendule conique fonctionnant au-dessus du mécanisme, 
et dont le point de suspension est dans la main d'une élégante 
statue posée sur un socle en onyx qui sert de cabinet au 
mouvement Au premier abord, cette pièce d'horlogerie est 
plus artistique que mécanique, mais l'examen attentif y fait 
reconnaître des qualités d'exécution et d'imagination qu'on 
regrette de voir associées à l'emploi d’un appareil modérateur 
dont les fonctions sont loin d'être parfaites. Nous voulons 
parler du pendule conique, dont l'application primitive est due 
à Huycxexs, et que les récents travaux de MM. Foucauzr et 
Reprer ont remis en honneur. 

Si les oscillations d’un semblable pendule étaient réellement 
coniques, c'est-à-dire si le centre d'oscillation décrivait des 
ciréonférences rigoureuses, nul doute que l’on obtiendrait une 
régularité de marche très satisfaisante. Mais en raison même 
de la parfaite mobilité de ce pendule, il subit l'influence de la 
rotation diurne de la terre qui transforme les oscillations cir- 
culaires en oscillations elliptiques. On voit de suite que le 
moment de la force motrice qui agit sur le pendule n'est pas 
constant, ce qui trouble l'uniformité de la rotation des rouages, 
circonstance que le déplacement permanent du grand axe de 
l'ellipse vient encore aggraver. Néanmoins, si la régularité de 
marche de cette pièce laisse à désirer, en revanche ses fonc- 
tions extérieures captivent l'attention générale des visiteurs. 
Ces fonctions, moins monotones que celles que l’on observe 
dans les horloges ordinaires, sont en effet agréables à la vue, 
et par cela même nous pensons que les régulateurs de chemi- 
nées, que M. FarcoT construit avec un pendule allié à des 
formes artistiques de bon goût, sont appelés à avoir un certain 
succès. 


— 148 — 

M. Stanislas Fournier. (Nouvelle-Orléans). — Cet 
horloger est Français et habite, depuis une trentaine d'années, 
l'Amérique où il a su se faire une réputation justement méritée. 
Mettant à profit l'état de marasme dans lequel était tombé le 
commerce de l'horlogerie pendant la guerre sécessionniste, cet 
exposant s’est courageusement livré à la recherche de quelques 
solutions vivement désirées, et on peut dire que dans les tra- : 
vaux résultant de cette recherche se rencontrent réellement 
des simplifications utiles et même des innovations susceptibles 
de transformer notablement l'horlogerie monumentale. 

M. Fournier expose deux horloges d'une construction très 
sobre, mais irréprochables quant aux principes des engrenages 
qui sont consciencieusement étudiés et appropriés à leurs 
véritables fonctions. On y recontre l'échappement de GRraHAM 
avec le pendule à gril de Harrisson. Jusque-là rien de nou- 
veau; mais à l'aide de rouages très simples et‘heureusement 
combinés, ces horloges sonnent les quarts et les heures avec 
un seul corps de rouages, ce qui donne à tout l'ensemble un 
cachet de simplicité qui est le vrai caractère des œuvres de 
mérite. 

Cette sonnerie, avec un seul corps de rouages, est régle- 
mentée par un système de déclanchement fort ingénieux, 
bien mis en évidence dans les deux horloges exposées. Les 
carillons sont installés dans deux petits clochetons qui sur- 
montent les cages où sont renfermés les mécanismes. Cette 
sonnerie à un seul corps de rouages, disons-nous, constitue 
déjà une simplification de premier ordre, dont les principaux 
avantages sont d’abord une grande diminution des résistances 
que doit vaincre le mécanisme principal et ensuite une notable 
réduction du prix de revient. 

Tout en louant hautement M. Fournier de la simplification 
du mécanisme de ses horloges monumentales, nous trouvons 
que ses nouvelles sonneries à un seul corps de rouages, mais 
distinct du rouage chronométrique, constituent une invention 
où se révèle dans tout son éclat son talent d'horloger uni à 


— 149 — 


des connaissances scientifiques qu'on rencontre trop rarement 
parmi ses collègues. 

Les nouvelles sonneries de M. Fournier ont ceci de parti- 
culier qu'elles peuvent être mises en jeu par une horloge de 
petite dimension et à une grande distance de celle-ci, tout en 
étant d’une construction et d’une installation peu coûteuses. 
Pour s’en convaincre, il suffit de savoir que l’auteur peut 
livrer aux prix de 500 à 1,000 fr. des sonneries fonctionnant 
pendant huit jours, capables de frapper sur des cloches de 7 
à 8,000 kilog., et qui peuvent être mises en jeu par une horloge 
de quelques centaines de francs au plus. 

Le caractère essentiel de ces sonneries, c’est qu'elles sont 
établies entièrement dans le beffroi, au voisinage des cloches, 
et formées d'organes qui ne redoutent pas les intempéries. 
D'un autre côté, par un système de leviers et de ressorts 
antagonistes convenablement agencés, les marteaux sont 
lancés et frappent sur les cloches exactement comme le fait 
un forgeron sur une enclume. Ce n’est donc pas par le poids 
seul des marteaux que les coups sont sonnés, comme cela 
existe pour toutes les horloges monumentales construites jus- 
qu'à ce jour : il en résulte qu'on peut restreindre beaucoup le 
poids de ces marteaux, ainsi que la force employée pour les 
mettre en jeu. 

S'agit-il d’une église de village, par exemple ? la sonnerie 
étant dans le beffroi, l'horloge peut être de très petite dimen- 
sion et logée dans un espace restreint, facilement accessible 
pour le remontage et l'entretien; puis elle opère le déclanche- 
ment de la sonnerie à l’aide de fils de fer, comme pour les 
sonnettes d'appartement. 

Dans d’autres cas, la distance entre l'horloge et la sonnerie 
peut.être fort grande : alors le déclanchement se fait à l’aide 
d'un courant électrique. Cette disposition offre même l'im- 
mense avantage que des sonneries pourraient être installées 
dans tous les clochers, dans tous les quartiers d’une ville, et 
qu'une seule horloge, voire même une bonne pendule d'ap- 


— 150 — 


partement suffirait pour faire fonctionner. Une semblable orga- 
nisation rendrait d'immenses services dans les grands centres 
populeux, où de nombreuses sonneries de nuit seraient d'une 
plus grande utilité pour le réveil des ouvriers qu'une foule de 
cadrans éclairés. Ajoutons qu'un déclanchement facultatif, 
fait à la main, pourrait mettre en jeu ces sonneries et donner 
l'alarme dans tous les quartiers en cas d'incendie ou d'un 
sinistre quelconque. 

M. Fournir a prévu le cas d'une installation semblable ; 
car, dans la transmission électrique d’une sonnerie à l’autre 
en ce qui regarde les heures, il établit un commutateur qui 
détermine un certain intervalle de temps entre les différentes 
sonneries pour éviter la confusion : ces sonneries peuvent, du 
reste, fonctionner simultanément, si la distance est suffisam- 
ment grande pour qu'elles soient sans influence réciproque. 
Nous ajouterons que le commutateur est réglé par un petit 
volant dont le déclanchement fait varier l'inclinaison des ailes : 
celle-ci éprouvent alors des résistances variables de la part de 
l'air ambiant, ce qui permet d'établir tous les ralentissements 
voulus, toutes les variations de vitesse jugées nécessaires entre 
les sonneries des quarts et des heures. Bien entendu que ces 
dernières sont sonnées plus lentement que les quarts; mais le 
mécanisme est tel que, les heures une fois sonnées, les ailes 
du volant régulateur reprennent de suite leur position plus 
fermée qui correspond à la vitesse de sonneries des quarts. 
On ne peut rien imaginer de plus ingénieux, de plus simple 
et de plus précis. 

En accordant une médaille d'argent à M. Fournier, le jury 
n a fait que signaler cet exposant d'un talent sérieux; mais il 
est -certain que le mérite des travaux précités ne pouvait être 
récompensé à sa juste valeur que par une médaille d'or, attendu 
que ces travaux offrent le caractère de véritables découvertes. 
Ils sont appelés à transformer radicalement l'horlogerie mo- 
numentale, en donnant à ses produits une plus grande certi- 
tude de résultats, jointe à la simplicité et à l’économie dans 


— 151 — 


la construction. Puisse notre modeste compte-rendu favo- 
riser la divulgation des nouvelles sonneries de M. Stanislas 
FourNIER ! 

Indépendamment des œuvres que nous venons de citer, 
nous pourrions également décrire une nouvelle mise à l'heure 
du même auteur, ainsi que ses contrôleuses pour la vérifica- 
tion des rondes de nuit, système presque généralement adopté 
dans les fabriques et usines de l'Amérique du Nord; mais 
cette description nous entrainerait au delà des bornes de ce 
rapport. Nous dirons toutefois en terminant que le talent de 
M. FouRNier a recu une consécration méritée, par l'admission 
dans les collections du Conservatoire des arts et métiers, à 
Paris, de plusieurs de ses appareils montrant de nouvelles et 
ingénieuses applications de l'électricité. 


MM. Dent et C'° (Londres). — Ces fabricants exposent la 
réduction d'une horloge monumentale avec remontoir d’éga- 
lité agissant pendant 15 secondes (l'intervalle serait de 30 se- 
condes pour une horloge de clocher). L'échappement est dit à 
double roue de gravité {double three legged gravity escapement'; 
c'est une modification de l’échappement de Dexisox. 

. Les exposants présentent cette pièce comme un des modèles 
les plus corrects et les plus utiles que l'on puisse construire, 
en tenant compte de tous les perfectionnements modernes. 
L'échappement offrirait ces avantages : d’être plus durable 
qu'aucun autre employé, de fonctionner sans huile, et enfin 
de pouvoir être réparé par un ouvrier d’une habileté ordinaire. 
Voici en quels termes les auteurs indiquent la construction 
et la manière de fonctionner de cet échappement représenté 
planche XIT : 

« La roue d'échappement est formée de deux roues ayant 
chacune trois longues dents de repos ou rayons, 4 BC et abc. 
Elles sont fixées sur le même axe, mais suffisamment écartées 
l'une de l’autre pour laisser osciller librement entre elles les 
palettes de gravité G, &, qui sont mobiles autour de pivots X, Y 


— 152 — 


situés aussi près que possible de l'axe de suspension du pen- 
dule A. 

» Autour de l'axe commun de ces deux roues de repos et 
dans l'intervalle qui existe entre elles, sont disposées trois 
goupilles, r, s, t (dont les projections sont ponctuées dans la 
figure), qui simulent une espèce de pignon à lanterne à trois 
alluchons et dont les parties centrales des roues de repos 
figurent les tourteaux. Ces goupilles, dites de levée, agissent 
alternativement sur les palettes G, 6’, et les écartent d'une 
certaine quantité en tournant dans le même sens que les 
roues de repos, puisque tout ce système est solidaire. 

» Pour l'intelligence du dessin, on a supposé la tige du 
pendule coupée sur une portion de sa longueur, de sorte qu'il 
ne reste qu'une partie de la lame de suspension L et une 
fraction de la tige H contre laquelle viennent presser en P, P° 
les palettes de gravité. 

» Sur les faces antérieure et postérieure de ces palettes sont 
disposées deux levées N, N’, dont les surfaces de contact visent 
le centre de la roue et sur lesquelles les rayons de la roue 
d'échappement viennent alternativement faire repos. 

» La planche XII représente l'échappement dans la position 
où l'une des goupilles ayant agi sur le bras G’ de la palette de 
droite, l’un des rayons B de la double roue fait repos sur la 
levée N. A ce moment, le pendule, ramené vers sa position 
d'équilibre par la palette G qui agit par sa pesanteur sur lui, 
dépasse d’une certaine quantité cette position, et bientôt la 
tige M arrive en contact en P’ avec la palette G’ qu'il écarte; il 
fait décrocher la dent B et continue l'achèvement de l'arc 
supplémentaire de l'oscillation en entraînant la palette G&. 
Immédiatement après ce décrochement, la double roue tourne, 
la goupille { rencontre le bras de la palette G; elle écarte cette 
palette jusqu'à ce que le rayon b de la double roue tombe au 
repos en N’, comme cela avait lieu précédemment en N. Pen- 
dant que cette fonction s'effectue, la tige du pendule, ramenée 
vers sa position d'équilibre par la pesanteur et par la pression 


— 1535 — 


de la palette G, dépasse cette position vers la gauche et vient 
écarter la palette G, ce qui opère le décrochement qui avait 
lieu en N’; alors une nouvelle goupille agit sur le bras de la. 
palette &’, elle l'écarte, un nouveau repos a lieu en NW, et ainsi 
de suite. On voit clairement que les oscillations du pendule 
sont entretenues par l’action des palettes. Celles-ci sont d’abord 
alternativement écartées par le pendule vers la fin de chaque 
oscillation, pendant la durée de l'arc supplémentaire, ce qui 
tend à la rigueur à diminuer l'amplitude; mais les mêmes 
palettes animent le pendule dès le début de chaque oscillation 
et pendant un arc plus grand que le précédent, en un mot, de 
toute la quantité dont ces palettes sont écartées par les goupilles 
r, s, t. C'est donc la différence entre l'arc décrit par le pendule 
soulevant une palette, et celui pendant lequel il subit l'action 
de celle-ci revenant à sa position de repos, qui constitue l'arc 
d'impulsion. » 

De ce qui précède, il résulte que l'impulsion doit être sen- 
siblement constante, puisque chaque palette écartée de sa 
position de repos y revient sous l'influence de la même com- 
posante de la pesanteur, et par suite l'amplitude des oscillations 
du pendule doit être aussi constante malgré les irrégularités 
d'action des engrenages. Cela n'est pas tout à fait rigoureux, 
car il existe des variations dans le jeu des engrenages : cela 
fera varier l'effort nécessaire au décrochement des palettes; 
. mais celles-ci étant relativement très longues, ainsi que les 
rayons de la roue de repos, lesdites variations auront un effet 
presque nul dans la pratique, ou tout au moins inappréciable 
sur les arcs d'oscillation. 

Comme on le reconnaît aisément, la roue d'échappement 
fonctionne avec des chutes de 60°, qui seraient fort nuisibles 
si elles se produisaient en toute liberté; mais un petit volant 
V, V, ajusté à frottement sur l'axe de ladite roue, amortit les 
chocs qui résultent de pareïlles chutes sur les levées de repos 
Nr: 

En résumé, les fonctions de cet échappement seraient très 

11 


— 154 — 


satisfaisantes, n'étaient les grandes évolutions de la roue de 
repos qui produisent des soubresauts et des trépidations que 
le volant ne parvient pas à faire entièrement disparaître. Elles 
montrent néanmoins que les échappements dits de gravité 
jouissent d'une assez grande considération en Angleterre, où 
leur application dans de grandes horloges paraît avoir donné 
de bons résultats. Du reste, le petit modèle exposé par 
MM. Dexr et Ci° est d'une fort belle exécution et de beaucoup 
supérieure aux productions anglaises du même genre. Le 
système de compensation du pendule est formé de tringles de 
fer et de zinc, d’une construction simple et économique qui 
atteint bien le but qu'on se propose. 


M. Benson |Londres). — Deux horloges monumentales 
sont présentées par cet exposant, une petite et l'autre de 
dimensions gigantesques. L'exécution de ces deux pièces est 
fort médiocre et se rapproche de ce que l'on fait en France 
dans les qualités courantes. ( 

L'échappement de gravité de la petite horloge fonctionne 
d'une facon désordonnée, ce qui, au premier abord, semble 
devoir nuire beaucoup à sa régularité et entraîner une alté- 
ration assez prompte; mais il est. clair que cet échappement 
peut fonctionner dans de meilleures conditions, et que le ré- 
glage ne peut être affecté sensiblement par les soubresauts 
signalés, puisque le pendule est isolé du rouage par suite des 
fonctions même de ce genre d'échappement. Néanmoins cette 
horloge était presque toujours arrêtée. 

Quant à la grande horloge, elle est la plus volumineuse 
après celle du palais de Westminster, qui est, comme on sait, 
la plus colossale du monde. Malgré l'éloge pompeux qu'en 
fait la description donnée par le constructeur, on est forcé de 
reconnaître qu'elle a été rendue massive sans nécessité, et 
que ses organes ne décèlent aucune innovation importante. 
Quelques fonctions mêmes ne présentent pas la simplicité mi 
la sécurité qu'on rencontre dans les horloges d'une moindre 


— 155 — 
importance (elle est cotée 25,000 fr.), tels que le remontoir 
d'égalité qui est défectueux, ainsi que le mécanisme qui fait 
marcher l'horloge pendant le remontage des poids et qu’un 
oubli du remonteur peut rendre inutile. 

Cette volumineuse horloge est munie d’un pendule compensé 
exécutant des oscillations de deux secondes; il a une longueur 
théorique de 3",976 environ. La compensation, résultant de 
l'emploi du fer et du zinc, est réalisée à l'aide de la disposition 
représentée pl. X, fig. 2, et qui n'est autre qu'une modification 
du système de BENZENBERG, Où le plomb est remplacé par le 
zinc. Cette disposition offre la plus grande analogie avec celles 
de M. Trepe (cité plus haut); elle est d’une réalisation éco- 
nomique et peut être appliquée à des horloges monumentales 
d'un prix relativement faible. La partie hachée est un tube 
de zinc reposant, par sa partie inférieure, sur l’écrou £ mobile 
sur la partie taraudée de la tige centrale EF. Sur la partie 
supérieure de ce tube repose une traverse AB, qui soutient 
deux tiges de fer €, D, qui soutiennent à leur tour la masse 
oscillante H concentrique au tube de zinc, masse qui peut être 
d'une matière dense quelconque : la fonte est encore ce qu'il 
y aurait de préférable. 

Pour nous résumer sur ce sujet, nous dirons qu'on pouvait 
avoir la même puissance d'effets avec des organes moins mas- 
sifs'que ceux qui composent l'horloge de M. BENSON, et nous 
sommes persuadés que la généralisation des sonneries de 
M. Fournier, dont il a été fait mention aux pages précédentes, 
rendront ridicule, avant qu'il soit peu d'années, l’exhibition 
de pareils colosses. 

Il est regrettable que le défaut de place n'ait pas permis à la 
plupart des constructeurs d'horloges monumentales d'exposer 
les produits de cette partie importante de notre industrie na- 
tionale ; néanmoins, par le peu de pièces exhibées, il est facile 
de reconnaître que la France n’a rien à redouter .des autres 
nations sous ce rapport, car les produits français laissent 
bien loin derrière eux les produits analogues exécutés à 


— 156 — 


l'étranger, et comme conception et comme main-d'œuvre. Les 
œuvres de MM. CoziN, DETOUCHE, LEPAUTE, GARNIER et 
BeiGer, le prouvent surabondamment. 


HORLOGES DE PETIT VOLUME. — Sous ce titre, nous 
groupons une série de pièces d’horlogerie dans laquelle on 
rencontre plusieurs types pouvant à la rigueur être classés 
dans l'horlogerie de précision , tels que les régulateurs de 
cheminées et les pendules de voyage. Mais la majorité des 
produits de ce genre se compose de pendules d'appartements, 
de cartels, d'horloges de Comté, de la Forêt-Noire et d’ A 
magne, qui sont d'une fabrication courante. 


Pendules de voyage. — La pendule de voyage est en quelque 
sorte un monopole de l’industrie parisienne. Les blancs ou les 
roulants sont fournis par les fabriques de l’arrondissement de 
Montbéliard et de St-Nicolas-d’Aliermont. Les échappements à 
balanciers, nécessairement circulaires, sont construits ou sont 
ajoutés à Paris, où les mouvements sont entièrement terminés 
et placés dans des cages ou cabinets plus où moins artistiques. 
La majeure partie de ces pièces est exportée dans le monde 
entier, et nulle part on ne les fabrique aussi bien qu’en France. 

Presque tous les genres d'échappements sont mis en usage 
dans les pendules de voyage, suivant le prix. Les échappe- 
ments à cylindre et à ancre sont construits à l'avance sur des 
plaques par des ouvriers spécialistes des montagnes du Doubs, 
plaques nommées porte-échappements, que l’on adapte ulté- 
rieurement aux roulants précités. Quant aux échappements 
libres que l’on place dans les pièces de précision, ils sont 
généralement construits de toutes pièces et sur commandes. 

Ce n'est que dans la section française que l’on rencontre la 
pendule de voyage exhibée en assez grande quantité; cela tient 
à ce que plusieurs maisons de Paris s’en sont fait une sorte de 
spécialité, et ont donné ainsi à cette branche de l’industrie 
horlogére une assez grande importance. Dans cette classe de 


— 157 — 


produits, on rencontre des spécimens très variés, depuis la 
pièce la plus simple jusqu'à celles à grandes sonneries, à 
quantièmes et calendriers perpétuels, etc... 

Parmi les fabricants de pendules de voyage, ME. K. Jaeot 
tient assurément la tête, et sa fabrication se distingue de celle 
de ses confrères en ce que. tout est construit dans ses ateliers, 
boîtes et mouvements, à l'aide de moyens mécaniques qui lui 
sont propres. Aussi est-ce aux excellents produits de cette 
maison qu'on est redevable de la réputation dont jouit à 
l'étrauger ce genre d’horlogerie. 

De fort jolies pendules de voyage existent dans les vitrines 
de MM. Æh. Leroy, &. Sandoz, Charpentier, Des- 
fontaines : la variété, le goût et le talent artistiques respec- 
tifs de ces exposants se sont manifestés ainsi d'une facon hors 
ligne. Nous citerons d'une manière spéciale une pièce de 
M. CHARPENTIER, dans laquelle se trouve un échappement 
libre d'une construction très élégante. L'axe du balancier, 
celui de la roue d'échappement et la pierre de repos sont placés 
en ligne droite, en sorte que tout l'échappement occupe une 
place qui dépasse de bien peu les dimensions du balancier. 
Cette disposition pourrait recevoir une heureuse application 
dans les chronomètres de poche. 

Nous ne saurioùs passer sous silence l'exposition de RE. Dro- 
court. Le groupe de pendules de voyage qu'il expose est très 
varié et d'une fabrication sérieuse. 

Même observation à l'égard des produits de ME. VW. Reclus. 
Indépendamment d'un bel assortiment de pendules de voyage 
et de pendules régulateurs, la vitrine de cet exposant renferme 
des réveils de divers calibres dont le succès commercial est 
bien connu. 

En somme, cette branche de l'horlogerie française n'a pas 
de rivale à l'étranger, et si l'on remarque dans la section 
anglaise quelques pièces d'une construction et d’une richesse 
exceptionnelles, elles ne peuvent être la preuve d'une fabri- 
cation de quelque importance, attendu que ce sont des 


— 1958 — 


spécimens établis à grands frais pour la circonstance et pour 
montrer ce que l’on est à même d'exécuter dans ce genre, 


Régulateurs de cheminées. — Les régulateurs de cheminées 
sont en assez grand nombre à l'Exposition, notamment dans 
la section française. Leurs mécanismes sont presque tous 
logés dans de jolis cabinets en cuivre doré, avec glaces à 
biseaux; mais plusieurs d’entre eux sont placés dans des cages 
d'un grand luxe et dont les illustrations nobiliaires ou dynas- 
tiques indiquent le rang des personnages auxquels ils sont 
destinés : c'est particulièrement le cas de l'exposition de 
M. CHARPENTIER, qui offre dans ce genre plusieurs pièces très 
remarquables par la précision du mécanisme et la richesse de 
la décoration. 

En raison du peu de hauteur de ces pièces, on emploie le 
pendule à demi-secondes associé à un échappement à coups 
perdus, en sorte que la seconde est marquée avec une grande 
netteté. La force motrice est fournie par l’élasticité d’un res- 
sort emmagasiné dans un barillet denté. Dans les spécimens 
anglais, on rencontre la fusée. 

Plusieurs des échappements adoptés sont connus depuis 
longtemps; d'autres, au contraire, sont nouveaux ou peu con- 
nus : nous ne nous oCCuperons que de ces derniers. 


M. Desfontaines. — Comme variété d'échappements, la 
vitrine de cet exposant mérite une mention spéciale. Nous 
allons décrire un échappement adapté à l'un de ses régulateurs 
et qui, sans être complètement nouveau (!), a fort intéressé 
néanmoins la plupart des visiteurs qui l'ont observé attenti- 
vement. Cet échappement est représenté pl. XII, fig. 2. 

Dans ses fonctions, il offre les caractères d’un échappement 
libre et à force constante; les frottements y sont très réduits, 


@) Il a été inventé, en 1844, par L. Gaviour. 


— 159 — 


il peut marcher sans huile, tout en laissant au pendule une 
grande liberté, conditions très favorables pour le réglage. 

A et B sont deux leviers respectivement mobiles autour des 
axes 0 et 0’. Chacun d'eux porte un bec articulé C, D : le pre- 
. mier sert à assurer le repos de la roue , tandis que le second 
sert à écarter périodiquement le levier B à l’aide de la roue 
d'impulsion N. Les deux roues M et N sont solidaires et fixées 
sur le même axe. D'après le sens de rotation de ces roues, les 
diverses pièces de l’échappement sont dans les positions qu'elles 
occupent lorsque le pendule exécute sa demi-oscillation vers 
la gauche en étant complètement libre. Bientôt le pendule 
revient vers sa position d'équilibre, la dépasse et atteint le 
levier B qu'il écarte jusqu'à l'extrémité de son amplitude. 
Pendant cet écartement, le bec D bascule par son propre poids 
et prend une position plus inclinée. Le levier B agit à son tour 
sur le pendule et lui transmet une impulsion pendant une 
partie de l'oscillation suivante; puis, à un certain moment de 
sa course descendante, la vis V du levier B rencontre le levier 
A et opère le décrochement de la dent X, ce qui laisse à la roue 
sa liberté. Mais, au moment du décrochement, l'extrémité du 
bec D se trouve placé en 4, et c'est ce bec que la roue N remonte 
jusqu'en b en écartant le levier B jusqu au prochain repos, qui 
se fait par la rencontre de la dent X’ avec le bec C revenu à sa 
position d'équilibre par la buttée du levier 4 sur la vis P’. 
Ainsi le décrochement du repos et le remontage du levier B se 
font pendant que le pendule achève de décrire l’arc supplé- 
mentaire qui suit l'arc d'impulsion correspondant à la descente 
du levier B. On voit aussi que le levier d’impulsion B reste 
écarté et'arc-bouté sur la roue N jusqu à ce que le pendule, 
revenant toucher la fourchette, entraîne ce levier, lequel re- 
descend avec le pendule et le pousse jusqu'au point où il y a 
de nouveau décrochement du repos, et ainsi de suite. 

On reconnait aisément que cet échappement fonctionne à la 
manière des échappements de gravité dont nous avons déjà 
parlé et avec lesquels il présente de nombreux points d'analogie. 


— 160 — 


Il en diffère pourtant en ce sens que les impulsions ne sont 
données au pendule que toutes les deux oscillations. 

M. DESFONTAINES expose plusieurs autres échappements dont 
les formes sont des variantes du précédent, et que l’auteur a 
décrits dans une petite publication d'où nous avons extrait ce 
qui précède. Ainsi la pl. XIIT, fig. 1, représente un échappe- 
ment du même auteur qui fonctionne comme celui de Gavrozr; 
les repos y sont fixes, mais la levée est frottante, c'est-à-dire 
que l’écartement du levier d'’impulsion À se fait par une fric- 
tion des chevilles de la roue sur un appendice que porte ledit 
levier. 

On ne saurait louer hautement l'exposition de M. Desron- 
TAINES sans rendre hommage au mérite de M. PornTaux, son 
collaborateur, dont le jury s’est empressé de récompenser le 
talent vraiment incomparable. 


M. Charpentier. — Un échappement, qui se rattache à 
ceux qui précèdent, est exposé par cet horloger sous le nom 
d'échappement à force constante, donnant la seconde fixe avec 
un pendule à demi-secondes. Cet échappement, représenté 
pl. XIV, fig. 1, est décrit de la facon suivante par l’auteur : 

« L’échappement est à force constante, car la masse H, qui 
est fixée sur l'axe du bras L par la vis V, contribue seule à 
entretenir les oscillations du pendule par l'intermédiaire du 
bras L. 

» Le sens de la rotation de la roue indique que le pendule 
entraîne l'ancre À B C de gauche à droite; la dent d vient d'é- 
chapper du repos À, en même temps qu'une dent X de la petite 
roue $ a commencé à agir sur le levier L: la figure-la repré- 
sente vers la fin de son parcours. Le rouage lève donc à lui 
seul le levier L et par conséquent la masse J] fixée sur la tige 
de ce levier. 

» La dent d a parcouru l’espace entre deux dents, et la grande 
roue cessera son mouvement par l'arrêt de la dent 4’ sur le 
repos R’; pendant ce temps, la dent X de la petite roue a levé 


— 161 — 


le levier Z de l'étendue d'un degré, et comme elle est fixée sur 
la grande roue, elle sera arrêtée en même temps que celle-ci. 

» Les deux roues resteront immobiles tout le temps de l'os- 
cillation de gauche à droite, et le levier L a cessé d'être entraîné 
par le pendule, sur lequel il ne pèse plus par la goupille excen- 
trique £, portée par un bouchon à frottement dans l'ancre 
A B C et qui permet de l'engager à volonté. 

» Le reste se comprend aisément; c'est toujours le levier L 
qui d'abord est entraîné par le pendule dans son mouvement 
ascensionnel et qui donne, au contraire, l'impulsion dans sa 
marche descendante. » 


ME. Achille Brocot expose écalement de jolis spécimens 
de régulateurs à effets divers, à quantièmes, etc., et dans les- 
quels il s’est fait une réputation méritée. Le nom de cet habile 
horloger est universellement connu, surtout depuis l'invention 
de son échappement à rouleaux, dont l'usage se répand de 
plus en plus dans la pendule du commerce, par suite de la 
réalisation si parfaile des effets qu'il s'agissait d'obtenir. 

Un des régulateurs de M. Brocor est muni d’un échappe- 
ment à coup perdu donnant une seconde fixe et qui offre un 
certain intérêt. Nous nous dispenserons de décrire cet échap- 
pement, représenté pl. XIV, fig. 2, qui a déjà été exposé à 
Londres en 1862, attendu qu'il rentre dans la catégorie des 
échappements de gravité. Ses fonctions se comprennent aisé- 
ment: c'est toujours un appendice pendulaire À qui est écarté 
de sa position d'équilibre et qui transmet au pendule régula- 
teur une impulsion lorsqu'il revient à cette position. 

Nous ajouterons que M. Achille Brocor s'est acquis récem- 
ment des titres à l'estime des savants et des horlogers par la 
publication de sa Méthode de calcul des rouages par approæi- 
mation, méthode qui dénote chez son auteur des connaissances 
mathématiques qu'on rencontre bien rarement chez les horlo- 
gers, et qui lui a valu les appréciations flatteuses des savants 
de premier ordre. 


— 162 — 

M. Detouche possède dans sa vitrine plusieurs régula- 
teurs et pendules de cheminées offrant le fini d'exécution qui 
caractérise ses produits On peut toutefois regretter, dans 
une collection aussi sérieuse, la présence de certaine pièce 
dite horloge magique. I s'agit d'un cadran de verre au centre 
duquel se meuvent deux aiguilles paraissant n'avoir aucune 
relation avec un rouage; mais il est facile à chacun d'apprécier 
que la transmission du mouvement, établi dans le socle de 
l'horloge, se fait aux aiguilles à l'aide d'un ressort à boudin 
plié suivant les ondulations en col de cygne du support creux 
aboutissant au centre du cadran. 

Parmi les échappements visibles dans cette vitrine, on en 
remarque un qui offre beaucoup de ressemblance avec la dis- 
position du docteur CLark (citée plus haut), à l'exception toute- 
fois que le modérateur, tout en ayant une suspension à lame, 
possède la forme circulaire des balanciers annulaires, et, par 
suite de la position du centre de gravité, la durée de l’oscilla- 
tion nous à paru être d'une seconde. Mais l'impossibilité dans 
laquelle nous avons été de pouvoir étudier attentivement cet 
échappement, nous empêche de formuler aucune appréciation 
sur ses fonctions et ses qualités. 


Une disposition analogue de balancier circulaire à suspen- 
sion à lame est exposée par ME. Miekhel, et appliquée à un 
pendule faisant partie de l'exposition collective du département 
du Doubs. Et même ce balancier est double, car les oscillations 
sont transmises à une couronne entourant le cadran et qui 
fait l'office d’un second balancier relié invariablement avec le 
balancier principal. Nous ne pensons pas que cette disposition 
offre quelque avantage, car nous nous sommes assurés que la 
plus petite différence de niveau de la pendule exerce une 
influence très appréciable sur la régularité de la marche. 


M. Bosio. — Cet exposant possède un spécimen de pen- 
dule avec échappement à force constante directe de son inven- 


— 163 — 
tion. Le principe de cet échappement, qui est à coup perdu, 
consiste en un levier présentant à son extrémité un petit plan 
incliné qui, par sa chute, agit directement sur le pendule en 
communiquant, par son propre poids, une impulsion à un 
rouleau, fixe ou mobile, établi sur la tige du pendule. 

La chute du levier agit en même temps sur une détente qui 
produit le déclanchement d'une roue à chevilles, dont la fonc- 
tion est de remonter le levier pendant que le pendule achève 
sa vibration directe et exécute sa vibration rétrograde. 

L'impulsion transmise est ici rigoureusement constante, 
suivant l'inventeur, puisque c'est le poids du levier tombant 
toujours de la même hauteur qui constitue la force impulsive 
communiquée au pendule. En tous cas, cette force est indé- 
pendante de la force motrice qui anime le rouage, car cette 
dernière n'est employée qu'à remonter le levier impulseur à 
la position invariable d’où il tombe à chaque double oscilla- 
tion. La force motrice du barillet, nécessairement variable, 
ne se traduit que par des vitesses différentes dans le remontage 
du levier, vitesses toujours suffisantes du reste pour que ce 
remontage soit effectué dans le temps que le pendule exécute 
librement les 7/8 de sa course (!). 

Une pendule construite avec un échappement dont nous 
venons d'indiquer sommairement les fonctions, a été expéri- 
mentée au Dépôt de la marine, où pendant une année elle a 
constamment fourni une marche des plus belles. 

Soumis à la Société d'encouragement, l'échappement Bosro 
a été l’objet d'un rapport des plus favorables, et, dans sa séance 
générale du 20 février 1867, ladite Société a décerné à l'in- 
venteur une médaille de platine. 


@) On voit que c'est une idée analogue à celle de l'échappement de 
M. P. Garnier (cité plus haut); seulement, dans l'échappement Bosio, 
c'est le poids d'un levier qui, par sa chute, agit directement sur la tige 
du pendule, tandis que dans celui de M. Garnier. c'est l'action d'un 
contre-poids qui est transmise à cette tige à l'aide d'un ancre et d'une 
fourchette, comme dans les horloges ordinaires. 


— 164 — 


L'échappement Bosio est d'une simplicité et d'une cons- 
truction des plus élégantes. Nous engageons vivement les 
horlogers à lire les deux descriptions qui en ont paru : l’une 
dans le n° 22, tome IT (1866) de la Presse scientifique et indus- 
trielle des Deux-Mondes, l'autre dans le Bulletin de la Société 
d'encouragement (2° série, n° 169). 


ME. Victor Fleury est l'auteur d'un échappement qui 
porte son nom, échappement qu'il a modifié de plusieurs ma- 
nières fort ingénieuses et dont sa vitrine offre les applications 
les plus remarquables, La description de tous ces échappe- 
ments nous entrainerait au delà des bornes de ce rapport : 
aussi nous bornons-nous à engager les horlogers et les ama- 
teurs à lire la brochure dans laquelle l'auteur les explique 
et les reproduit avec beaucoup de détails. 

Parmi les pièces de cette vitrine, on remarque un régulateur 
à demi-secondes avec un échappement singulier; il se réduit 
à une petite boule métallique libre qui se meut dans un petit 
bassin circulaire en cristal de 9 millimètres de diamètre. A 
chaque seconde, le rouage remonte la boule sur une partie 
plane, d'où elle descend en suivant un petit plan incliné. 
Dans ce parcours, la boule agit par son poids sur l'extrémité 
d'un bras de levier attenant au péndule et communique à ce 
dernier l'impulsion nécessaire. « Si donc, dit l’auteur, on 
retirait Ja boule, l'horloge ne marcherait pas. » Sauf l'incon- 
vénient d'occasionner un débit trop rapide du rouage, cet 
échappement, qui est à force constante, règle très bien, sui- 
vant l'affirmation de l'auteur. 

L'inspection de cette vitrine montre que M. FLEURY est un 
travailleur et un chercheur. Pour apprécier cet habile horloger 
à sa véritable valeur, il faut Lire les diverses brochures qu'il a 
publiées sur quelques questions d’horlogerie et qu'on peut se 
procurer chez l’auteur {t). Elles ont pour titres : 


() M. Fceury, horloger, rue de la Paix, 23, à Paris. 


— 165 — 


1° Discours prononcé à la Société des horlogers (1863) ; 
20 Nouveaux principes sur le pendule appliqué à l'horlogerie: 
3° Du parfait échappement que demande le pendule. 


M. Fareot. — Nous avons déjà parlé des pendules de 
cheminées que cet horloger construit avec pendule à oscilla- 
tions coniques; mais le même exposant a installé, dans le 
centre de la classe 23,. un appareil pour régler automatique- 
ment les pendules et dont nous devons dire quelques mots. 

Un dessin serait à la rigueur nécessaire pour bien faire - 
comprendre les fonctions de cet ingénieux instrument cons- 
truit avec une grande élégance; toutefois voici sommairement 
en quoi 1l consiste : 

Tout d’abord il est nécessaire que l’avance et le retard soient 
sur le devant de la pendule à régler; quant à la longueur de 
son pendule oscillant, elle est indifférente. Cela admis, l'appa- 
reil fonctionne lorsqu'on met en relation les deux mouvements 
avec deux roues de champ établies sur le prolongement des 
deux longues tiges. Un pignon commun engrène avec ces 
deux roues et fait partie d'un trois-quarts de cercle denté 
tournant sur la même ligne des longues tiges qui engrène à 
son tour avec la partie inférieure d'une crémaillère. Cette cré- 
maillère agit par sa partie supérieure sur un pignon dont l'axe 
porte une pince serrée sur l'avance et le retard de la pendule 
à régler. 

Cette disposition étant comprise, il est facile de se rendre 
compte du jeu de ce mécanisme. Par la position respective 
des deux mouvements, les deux roues de champ tournant en 
sens contraire l’une de l’autre, si la pendule d'essai est réglée, 
ces deux roues ayant une même vitesse angulaire, le pignon 
qui leur est commun ne fait que tourner librement autour de 
son axe. Maïs si la pendule d'essai avance ou retarde, le 
pignon commun éprouve un certain déplacement par suite 
des vitesses angulaires différentes des deux roues de champ: 
il entraîne par conséquent le trois- quarts de cercle denté, 


— 166 — 


lequel fait mouvoir la crémaillère qui agit en dernier lieu sur 
l'avance ou le retard de la pendule d'essai. C’est en définitive 
l'usage d’un train différentiel; mais l'heureuse application qui 
en a été faite par M. Farcor rend son instrument fort inté- 
ressant; il le sera bien davantage lorsque l’auteur aura dé- 
terminé le temps strictement nécessaire pour opérer par son 
emploi le réglage d’une pendule. 


M. Noblet. — Cet horloger expose simplement une répé- 
tition de nuit avec les quarts et les heures à l’aide d’un seul 
barillet. Ce résultat est obtenu au moyen d’une quadrature 
très simple qui pourrait recevoir une heureuse application 
dans les montres. Le modèle soumis à notre examen présente 
en outre un système d’encliquetage fort ingénieux pour le 
remontage du barillet. 


M. Guilmet. — Parmi un joli choix de pendules, cet 
horloger possède une pièce qui intrigue fort la plupart des 
visiteurs. C’est une pendule avec statuette tenant dans sa main 
la suspension d'un pendule qui oscille extérieurement sans 
aucune communication apparente avec le rouage intérieur: 
en fait, il n y a aucune relation mécanique entre ces deux 
* parties, si bien que l’on à supposé qu'il s'agissait d'attractions 
électriques où magnétiques. Mais, pour faire disparaitre cette 
supposition, M. GuILMET a remplacé le pendule métallique 
primitif par un autre dont la lentille et une partie de la tige 
étaient en cristal. 

La condition nécessaire à l'entretien des oscillations du 
pendule extérieur n'est autre que celle signalée par HuYGHENS 
sous le nom de pendules sympathiques. En calant d’une cer- 
taine facon le socle qui contient le mécanisme, les oscillations 
du pendule intérieur se transmettent de ce socle au pendule 
extérieur, synchrone du premier, dont les oscillations sont 
alors entretenues d'une manière continue. Il est nécessaire 
que les lames de suspension du pendule sympathique soient 


— 167 — 
très minces et possèdent une longueur de 12 à 15 millimètres 
environ. 


M. Niaudet-Breguet. — Nous croyons devoir men- 
tionner d’une facon toute particuhère une nouvelle application 
du diapason comme appareil régulateur des horloges. On sait 
que les vibrations du diapason sont isochrones, car si l'ampli- 
tude des vibrations est augmentée d'une quantité notable, l’in- 
tensité seule du son augmente et la note reste la même; donc 
le nombre des vibrations reste aussi le même dans le même 
temps. Cette propriété, qui avait été mise à profit pour la 
mesure de petits intérvalles de temps, devait faire naître l'idée 
qu'en entretenant les vibrations d’un diapason, celui-ci pour- 
rait servir de régulateur en horlogerie. C’est une tentative de 
cette nature que M. NrauDET-BREGUET à réalisée dans une 
pendule de cheminée qu'on rencontre dans la classe 64, galerie 
des machines. 

La pendule en question se compose, dit l’auteur, d'un 
rouage et d’un diapason qui se prêtent un secours réciproque 
par l'intermédiaire d’un échappement à ancre : le diapason 
règle le débit du rouage en laissant échapper une dent de la 
roue d'échappement à chacune de ses vibrations simples; le 
rouage entretient le mouvement du diapason au moyen d'une 
légère impulsion donnée à l'ancre par chaque dent de roue au 
moment de l’échappement. Le diapason fait 100 vibrations par 
seconde : aussi la roue d'échappement tourne-t-elle avec une 
rapidité extraordinaire. 

On a essayé d’un diapason faisant 512 vibrations simples 
par seconde et par conséquent donnant la note wts; mais cela 
nécessite une force motrice beaucoup plus grande pour vaincre 
l'inertie de la roue d'échappement et éviter les temps perdus. 
D'un autre côté, la rapidité des effets était telle qu'il en est 
résulté une usure considérable des diverses parties de l'échap- 
pement et qu'on a dû y renoncer. La tige du diapason est fixée 
solidement sur un socle à coulisse, qui permet de le déplacer 


— 168 — 


pour donner plus où moins de pénétration à l'échappement, 
pénétration qui est modifiée par les variations de température; 
mais cette cause d'erreurs peut être éliminée par un système 
de compensation. 

Il n’est pas douteux que l’idée que nous venons de rappeler 
ne soit susceptible de plusieurs applications dont la compétence 
de l’auteur nous ménage la surprise. On nous fait déjà entre- 
voir la possibilité de mesurer par ce moyen des fractions très 
petites de temps, c’est-à-dire l'évaluation des centièmes ou des 
millièmes de seconde rendue aussi facile que celle des secondes 
ou des demi-secondes avec les pendules ordinaires. 


Horloge hydraulique. — Vers la fin de l'Exposition, il a été 
établi, sur l'une des bornes-fontaines près de l'avenue de 
Suffren, une horloge fondée sur un principe tout à fait nou- 
veau. Cette horloge, comportant un pendule à demi-secondes 
et un appareil régulateur, n'a ni rouage, ni poids, ni ressort 
moteur : ces organes sont remplacés par la chute d'une petite 
colonne d’eau d'une très faible dépense. 

Cette pièce, imaginée et construite à la hâte par le BP. Em- 
briaco, dominicain attaché à l'Observatoire de la Minerve, 
à Rome, se compose d'une cage à trois compartiments verti- 
caux, fermée de toutes parts par des glaces de verre. Le com- 
partiment médian est réservé aux fonctions hydrauliques de 
l'horloge, tandis que dans les cases voisines se trouvent le 
pendule régulateur et les transmissions au cadran indiquant 
les divisions du temps. La tige du pendule est reliée à une 
fourchette mobile autour d’un axe qui-traverse la partie supé- 
rieure du compartiment médian, et qui porte deux petits plans 
incbnés séparés par une petite arête ou cloison saillante. Un 
réservoir, quicouvre toute la cage, renferme de l’eau maintenue 
à un niveau Constant, et l'écoulement de cette eau a lieu par 
un petit orifice pratiqué au-dessus de la cloison qui sépare les 
deux petits plans inclinés. Si l'écoulement a lieu pendant. que 
le pendule est en repos, la colonne d'eau se divise en deux 


— 169 — 

parties égales sur la cloison et coule symétriquement sui 
chaque plan incliné. Mais si le pendule a recu une impulsion 
initiale, la colonne d’eau tombe entièrement et alternativement 
de chaque côté de la cloison et transmet ainsi à chaque plan 
incliné et, partant, au pendule une impulsion suffisante pour 
entretenir les oscillations de ce dernier, et cela d’une manière 
constante, puisque cette impulsion est donnée par un petit 
tilet d'eau composé de molécules liquides tombant d’une hau- 
teur uniforme; donc le pendule ayant une longueur conve- 
nable, ses oscillations seront isochrones et pourront avoir 
chacune une durée d’une demi-seconde. 

Il était nécessaire de compléter ce système par une combi- 
naison propre à compter et à enregistrer les oscillations du 
pendule, mais sans exercer d'action directe ou indirecte sur 
cet appareil régulateur; or, c'est ce qu'a fait le P. EmBriaco 
en utilisant l'eau déversée des deux petits plans inclinés ci- 
dessus. | 

Pour cela, il a établi, au-dessous de ces plans inclinés, un 
petit appareil culbutant autour d'un axe parallèle à celui du 
pendule et formé de deux bassins recevant alternativement 
l'eau déversée. Cet appareil est équilibré de façon à constituer 
un système synchrone avec le pendule : un curseur permet 
d'obteuir aisément ce résultat. C’est le mouvement de ce der- 
nier appareil qui est transmis à une suite de rochets et de 
limaçons d'une grande simplicité, qui accusent les secondes, 
minutes et heures à l'aide d’aiguilles distinctes. Les combi- 
uaisons imaginées par l'inventeur pour ce mécanisme addi- 
tionnel sont fort ingénieuses; elles occasionnent toutefois une 
augmentation notable de l'orifice d'écoulement et par suite 
une plus grande dépense de liquide. En somme, l'idée du 
P. Empriaco est fort remarquable : elle est certainement le 
germe de plusieurs applications spéciales. 


Fournitures pour petite horlogerie civile. — Nous ne sau- 
rions terminer notre appréciation sur ce genre d’horlogerie, 


12 


— 170 — 
sans mentionner favorablement les remarquables produits 
constituant en quelque sorte la matière première de cette 
branche industrielle. Ces produits n'ont peut-être pas été 
estimés et récompensés à leur juste valeur, mais les connais- 
seurs leur ont donné les éloges qu'ils méritent et en ont con- 
servé un excellent souvenir. 


En première ligne, viennent les excellents produits de 
NUM. Hmile Martin, A. Delépine, Sauteur frères, 
de Saint-Nicolas -d’Aliermont, et ceux plus restreints de 
MM. Croutte et €, de Saint-Aubin-le-Cauf. Ces produits 
consistent en roulants de régulateurs, mouvements de pen- 
dules, pièces de voyage, réveils, habitacles et pièces détachées, 
qui jouissent d’une réputation bien méritée, et entrent dans 
la construction de la majeure partie des pièces de précision. 


Parmi les produits analogues, on remarque ceux de 
MEME. Japy frères, Marty et C°, Roux et C°, de 
l'arrondissement de Montbéliard. C’est d'abord un grand 
assortiment de blancs et de roulants de pendules, de pendules 
de voyage, réveils, etc., puis de remarquables spécimens de 
rouages d'appareils télégraphiques. Tous ces produits ont une 
bien-facture qui dénote les perfectionnements que ces expo- 
sants ne cessent d'apporter à leurs moyens de production et 
qui ont placé leurs établissements au premier rang dans ce 
genre de fabrication. 


MIN. Montandon frères. — Ici se placent naturelle- 
ment les produits de cette importante maison, la plus considé- 
rable qui existe en France pour la fabrication des ressorts 

-moteurs. Leur usine de Rambouillet possède un outillage 
très perfectionné, mis en mouvement par un force motrice de 
30 chevaux. 

Pour bien juger des progrès réalisés et de la prospérité 
acquise par cette usine, il suffit de comparer les quantités 
d'acier consommées à deux époques différentes : 


— 171 — 


En 1862, consommation d'acier . . . 25,000 kilogr. 
En 1866, id. ... Db8,000 — 


L'usine de Rambouillet fabrique essentiellement les ressorts 
pour les pendules et pour les montres, et si, sous ce rapport, 
on compare la production à deux époques, on trouve les 
chiffres suivants : 


Ressorts pour pendules, en 1864, 40,000; en 1866, 800,000 
Id. ‘pour montres, — 72,000; — _2,000,000 
Ces chiffres n’ont évidemment pas besoin de commentaires. 

Disons pourtant que les procédés de fabrication de MM. Mox- 

TANDON frères sont tellement perfectionnés qu’en employant 

de l'acier anglais payant 15 p.°/, de droit d'entrée en France, 

ils convertissent cet acier en ressorts qui, expédiés en Angle- 
terre, reviennennent à un prix inférieur à ceux des fabriques 
de ce pays. 

L'écoulement des produits de l'usine de Rambouillet se fait 
dans les rapports suivants : 


Allemagne. 
3/4 de la production en { Angleterre. 
Amérique. 
France. 
Espagne. 
Hollande. 
Italie. 


1/4 de la production en 


Les produits exposés par MM. Moxranpon frères frappent 
autant par leur élégance et leur rectitude que par leur impor- 
tance industrielle; ils sont du reste parfaitement groupés pour 
en faire apprécier les nombreuses variétés : aussi la médaille 
d'or décernée à ces messieurs par le jury international a-t-elle 
été généralement applaudie. 


A côté de la vitrine précédente se trouve celle de M. Du- 
commun, de Paris, qui contient également des ressorts 
pour la grosse et pour la petite horlogerie, ainsi que des lames 


— 172 — 
d'acier pour scies. Ici encore les produits sont dignes d'atten- 
tion et la mention honorable qui leur est attribuée paraît bien 
méritée. 


Horloges diverses. — La pendule de commerce, ou de Paris, 
forme, on le sait, une branche importante de l'industrie 
horlogère. Les roulants, comme on l’a déjà vu, sont tirés en 
grande partie des fabriques de l'arrondissement de Montbé- 
liard ; mais c'est à Paris que les mouvements sont terminés et 


placés dans des cages ou cabinets où l’art parisien se traduit 


par une multitude de formes variées, dans lesquelles les 
marbres de couleurs, les bronzes artistiques ou dorés se dis- 
putent l’ornementation. Il est regrettable qu'une place spéciale 
n'ait pas été réservée à ce genre d'horlogerie qui s'exporte 
dans le monde entier. 

Parallèlement à la pendule de Paris, on peut placer une classe 
d’horloges, jouissant d’une grande réputation aussi, et que l'on 
désigne sous les noms d'horloges d'Allemagne et de Comté. 

Les fabricants comtois se sont abstenus en 1867, et cela est 
très regrettable, car c'était une occasion exceptionnelle pour eux 
de montrer combien leurs produits ont été perfectionnés, bien 
qu'ils puissent l'être davantage. On ne se persuade pas assez 
qu'aujourd'hui il y a péril pour toute industrie qui reste dans 
le statu quo. Ceux qui usent de la publicité sous toutes ses 
formes ne tardent pas à éclipser et à faire oublier ceux qui, trop 
confiants dans leur valeur, persistent à rester dans l'ombre. 
C'est surtout en matière d'industrie que l'abstention systé- 
matique est dangereuse. 

Les horloges dites d'Allemagne sont, au contraire, exposées 
en grande quantité. On remarque surtout les collections variées 
de MINE. Facques Weber, de Vienne; Robert Wiese, 
de Berlin; Philippe HKissel, de Passau; E. Kalten- 
bach, de Furtwangen; enfin les horloges dites de la Forêt- 
Noire, exposées par MM. Fuerderer, Jægier et C°, à 
Neustadt. 


EPA 


— 173 — 


Les pendules et les régulateurs d'Allemagne sont à poids 
avec la tige du pendule en bois; la construction du mécanisme 
n'offre rien de remarquable, mais la marche en est très satis- 
faisante. Le bon marché relatif de ces horloges les a considé- 
rablement vulsarisées, et elles jouissent d’une excellente répu- 
tation en France, en Allemagne, en Suisse et en divers autres 
pays. Les cabinets de bois, qui renferment ces horloges, 
sont généralement construits avec goût et grande élégance, ce 
qui contribuent dans une large limite à séduire l'acheteur. 
L'œil est, en effet, agréablement flatté par cette ébénisterie 
formée de bois de diverses couleurs, qui s harmonisent assez 
bien avec les boiseries et la plupart des papiers peints. 

Nous estimons que les horloges comtoises trouveraient un 
grand avantage et un plus grand écoulement à être construites 
et modifiées dans le genre des pendules d'Allemagne. Il y 
aurait peu de changements à faire au mécanisme : rien ne 
s'oppose même à l'adoption exclusive du calibre d'Allemagne, 
et, d'autre part, nos ouvriers des montagnes du Doubs et du 
Jura auraient bien vite acquis le nécessaire pour la construc- 
tion d'élégants cabinets en ébénisterie et auxquels la sculpture 
sur bois ne refuserait pas de prêter son concours. Les articles 
de Saint-Claude et des environs sont là pour prouver tout le 
parti avantageux qui pourrait résulter de cette association. 
Nul doute que cette transformation ne soit aussi profitable 
aux horloges de Comté, que les récentes illustrations des cages 
ne l'ont été aux anciens coucous de la Forêt-Noire. Qui ne 
sait que la primitive caisse de bois, grossièrement peinte, a 
fait place à d'élégantes cages en bois sculpté, qu'on rencontre 
dans presque toutes les salles à manger des maisons de cam- 
pagne ? 

L'Amérique s'occupe depuis longtemps de la fabrication de 
la pendule à bon marché; mais, il faut le dire, les quelques 
échantillons exposés par la Compagnie New-Haven Clek, 
du Connecticut, sont bien médiocres et comme construction et 
comme décoration. Il est vrai que le prix d’un dollar (5 fr. 25) 


— 174 — 


est bien réduit aussi. Déjà à l'Exposition universelle de 1851, 
à Londres, l'Amérique avait exposé des petites pendules au 
même prix, et dans lesquelles les roues dentées étaient pro- 
duites et découpées par un seul coup de balancier et utilisées 
sans retouche. Il ne pouvait en être autrement dans un pays 
où la main-d'œuvre est encore très élevée; mais les moyens 
mécaniques appliqués jusqu'à ce jour à ce produit ne nous 
paraissent pas avoir apporté d'améliorations sensibles. Aussi 
ne pensons-nous pas que, dans leur état actuel, ces sortes de 
pendules américaines voient leur écoulement s'augmenter 
beaucoup, en Europe du moins. Elles sont d’un rhabillage 
difficile, et possèdent des pignons à lanterne en fer dont les 
fonctions sont peu rationnelles. 


MM. Japy frères et ©". — Malgré leurs imperfections 
et la grande place qu’elles occupent, les horloges de la Forêt- 
Noire, de même que les pendules d'Allemagne et d'Amérique, 
ont un grand écoulement en France, où leur importation 
annuelle, suivant un homme compétent, ne s'élèverait pas à 
moins de 20 millions de francs. D'un autre côté, il s'est fait, 
il y a peu de temps, des tentatives à Berlin pour l'introduction 
en France de pendules électriques à très bas prix; mais les 
soins constants qu'exige l'entretien des piles actuelles est un 
obstacle sérieux à la vulgarisation des horloges électriques. 

En présence de cet état de choses, il y avait lieu de s'étonner 
que les fabriques de l'arrondissement de Monthéliard, qui 
livrent la presque totalité des blancs et roulants pour la pen- 
dule de Paris, n'aient pas eu plus tôt l'idée d'entreprendre la 
fabrication de la pendule finie à bon marché. Ce résultat ne 
pouvait être obtenu qu'en faisant subir des modifications 1m- 
portantes aux mouvements, sous le double point de vue de la 
durée de la marche et du volume, ou de la place occupée. Les 
moyens mécaniques dont ces fabriques disposent étaient émi- 
nemment propres à cette transformation : aussi vient-elle d’être 
opérée récemment par MM. Japy FRÈRES, de Beaucourt. Ces 


— 175 — 


messieurs ont à l'Exposition des spécimens de pendules d'un 
bon marché incroyable, et d'une durée de marche variant de 
30 heures à 15 jours, à mouvements simples ou à sonneries. 
Les planches XV, XVI et XVII, que nous devons à l’obli- 
geance de ces exposants, montrent parfaitement les diverses 
modifications qu'ils ont fait subir aux mouvements des pen- 
dules ordinaires. 

Disons d'abord que ces sortes de pendules fonctionnent à 
l'aide d'un ressort môteur emmagasiné dans un barillet qui 
a été rendu indépendant, c’est-à-dire qu'il peut être enlevé, 
démonté, réparé sans qu'on soit obligé de changer de place les 
autres mobiles. Par le fait, on peut donner aux barillets une 
grande puissance, en les faisant saillir hors de la cage et en 
faisant reposer leurs pivots dans une barette. Cette disposition 
a permis de rapprocher davantage les deux platines, qui con- 
tiennent entre elles les autres organes du mouvement, et par 
conséquent de donner aux axes moins de longueur. Au pre- 
mier aspect, 1l semble que le parallélisme de ces axes peut 
devenir plus difficile, mais les moyens de plantage adoptés 
sont si précis que cette cause d'imperfection est entièrement 
écartée. Cette moindre longueur des axes, tout en éliminant 
les chances de flexion, permet de faire les pignons en bon 
acier, tandis que ceux plus longs sont en fer dans la plupart 
des pendules à bon marché. Du reste, la fabrication des mou- 
vements est relativement très soignée; leur marche est aussi 
très facile, puisqu'elle se produit par un remontage d'une ou 
de deux dents de rochet. 

Mais dans ce qui précède ne réside pas le seul perfection- 
nement apporté à cette fabrication : les cages ou cabinets, 
dans lesquels sont renfermés les mouvements, sont aussi 
d'une construction spéciale, où l’on trouve alliées la solidité, 
la simplicité et l'élégance. 

En effet, tous ces cabinets sont en fonte et des formes les plus 
variées. Le cadran, les heures, la lunette, les plots ou bossages 
sur lesquels les mouvements sont fixés, toutes ces parties 


— 176 — 


viennent à la fonte d'une seule coulée : on économise ainsi 
du même coup la fabrication du cadran, de la lunette, de la 
fausse plaque et des faux piliers. Ces cabinets sont ensuite 
peints de diverses nuances, depuis l'imitation des marbres et 
des bois de toutes espèces jusqu’à celle des bronzes les plus 
artistiques. 

Ce sont ces modifications qui, introduites dans la construc- 
tion des mouvements et des cabinets à l'aide d’un outillage et 
d'un matériel très perfectionnés, ont permis à MM. Japy FRÈRES 
de pouvoir livrer au commerce des pendules bien soignées, 
d’un rhabillage facile, à des prix exceptionnellement bas. Ainsi 
les pendules sans sonnerie sont cotées 6 fr. pour une marche 
de 30 heures, et 8 fr. 50 pour une marche de 8 jours. Les 
prix des pendules à sonneries sont 8 fr. pour 30 heures de 
marche, 10 fr. 50 pour 8 jours, et 18 fr. pour 15 jours de 
marche. Ces cotes sont la limite extrême du bon marché en 
regard d'une fabrication relativement soignée, et elles nous 
paraissent devoir beaucoup paralyser, sinon arrêter entière- 
ment, l'invasion des produits similaires étrangers. 

“Les pendules dont nous venons de parler font partie de l'ex- 
position collective que la maison Japy FRÈRES ET C° a installée 
dans la classe 40. Les produits si nombreux et si variés de 
cette exposition ne sauraient être décrits en détail, car c'est 
par milliers qu'il faut compter les divers articles de quincail- 
lerie qui la composent et dont le commerce est universel. 
Aussi renvoyons-nous le lecteur aux livraisons 137, 138 et 
139 de l'ouvrage de M. TurGan {Les grandes usines), qui sont 
entièrement consacrées à la description des produits et de 


l’organisation exceptionnelle des usines de MM. Japy FRÈRES 


priCie. 

Toutefois l'exposition ci-dessus intéresse tout particulière- 
ment l'horlogerie, en ce qu'elle contient la collection complète 
de tous les calibres édités par la maison Japy FRÈRES, depuis 
l'origine de la fabrication mécanique des ébauches de montres 
et de pendules en France, collection qui forme un tableau des 


— 177 — L 


plus instructifs et qu'on serait heureux de voir conservé dans 
une école d'horlogerie. 


Nous ne quitterons pas la classe 40 sans citer les remar- 
quables produits de MEME. Juillard et Amstutz, de Mes- 
lières (Doubs) : ce sont des aciers cannelés en longues pièces 
de 150 mètres, pour pignons de 6 à 12 aïles, ou en bouts 
dressés de { pied de longueur, puis des aciers tréfilés ronds 
ou tordus en hélices allongées, etc, Assurément l'octroi d’une 
médaille d'argent à ces fabricants n'a été que justice. 


Dans la même classe, on rencontre aussi les limes de toutes 
sortes, ñotamment celles qui servent au travail de la petite 
horlogerie. Nous avons plus spécialement remarqué les pro- 
duits variés de MEME. Taborin, Bourse {successeur de 
Raoul aîné), Proutat, Michot et Fhomeret. dont la 
renommée est établie depuis longtemps. 


Parmi les produits du même genre fabriqués dans le dépar- 
tement du Doubs, nous citerons également avec éloges : les 
limes diverses de ME. Cia. Weité, de Pont-de-Roïide, et les 
assortiments d'outils d'horlogerie de FEME. Pierre Gueutal 
et fils, Nicolas Gueutal et fils, de Montécheroux. Ces 
deux dernières maisons ont cru devoir refuser la mention 
honorable qui leur a été accordée par le jury; nous sommes 
d'avis, en vérité, qu'elles méritaient mieux. : 

Les outils de NIM. €. Chatelnin et fils, de Montéche- 
roux, sont également très dignes d'attention. 


— 178 — 


MONTRES CIVILES. 


La fabrication des montres civiles est aujourd’hui répandue 
dans plusieurs contrées, et plus spécialement dans l'Amérique, 
l'Angleterre, la France et la Suisse. 

L'Amérique s'est abstenue de paraître à l'Exposition du 
Champ-de-Mars, de sorte qu'il est difficile de se prononcer sur 
les qualités des montres qui y sont construites. On évalue la 
fabrication annuelle de ce pays à 80,000 montres, constituant 
cinq à six qualités de produits. En général, cette fabrication est 
bonne; mais les modules sont assez volumineux et d’un prix 
relativement élevé, par suite de la cherté de la main-d'œuvre. 

Dans le but de pousser à la propagation et au perfectionne- 
ment de cette industrie, les Américains du Nord ont établi 
un droit protecteur considérable, et, avec l'esprit entreprenant 
qui les caractérise, il est probable que bientôt ils ne redoute- 
ront pas la concurrence. [ y a plus, les fabriques étrangères 
qui alimentent encore le marché américain doivent ne pas 
perdre de vue la tendance de ce pays à s'affranchir de leurs 
produits; elles ont à prévoir le cas d’une diminution consi- 
dérable, sinon totale, de leur exportation : peut-être même 
verront-elles surgir une concurrence américaine en Europe, 
si elles ne s'empressent d'entrer dans la même voie de fabri- 
cation. Cette tendance doit intéresser grandement les fabriques 
suisses, puisqu il résulte de documents officiels que le nombre 
de montres qu'elles exportent dans l'Amérique du Nord, par 
le Häâvre, a été, du 1° janvier au 31 décembre 1866 : 


OLA un ME PAS ER 518 
Argent cu M82, 614 
Métal. 5010062604 

Total . . : 304,086 


En Angleterre, la fabrication des montres a lieu dans plu- 
sieurs centres : à Londres pour les montres de précision, à 


— 179 — 


Liverpool pour le genre bon courant et à Coventry pour l'ar- 
ticle commun. D’après les documents officiels, le nombre total 
des montres contrôlées, en 1866, a été de 170,000, estimées 
13,000,000 de francs. 

Besancon est le seul centre de production des montres en 
France. Un très petit nombre de montres s'établissent à Paris, 
et encore, parmi les chiffres officiels du bureau de garantie de 
la capitale, peut-on retrancher une bonne partie des montres 
inscrites qui ne sont, en réalité, que des remboîtages. En 1866, 
il a été fabriqué, à Besancon, 305,435 montres, ayant une 
valeur d'environ 16,000,000 de francs. 

La fabrication des montres est presque exclusivement con- 
centrée en Suisse dans les cantons romans. Dans le canton de 
Neuchâtel, où la fabrication est la plus abondante, les centres 
producteurs principaux sont : la Chaux-de-Fonds, le Locle, 
Neuchâtel et le Val-de-Travers. La production annuelle de ce 
canton est estimée à 800,000 montres, ayant une valeur de 
35,000,000 de francs. 

On évalue à 400,000 le nombre de montres construites dans 
le reste de la Suisse, et notamment dans les cantons de Genève, 
Berne, Vaud et Fribourg. Cette production est estimée à 
22,000,000 de francs. 

En sorte que la production des montres, pour l’année 1866, 
peut être représentée par le tableau suivant : 


| 
PRODUCTION RAPPORT RAPPORT 
PAYS PRODUCTEURS. VALEURS. à la à la 
annuelle, fabrication| valeur 
totale, totale. 


Canton de Neuchâtel.!  800,000/35,000,000! 0,46 | 0,38 
Reste de la-Suisse. .| 400,000/22,000,000! 0,23 0,23 
France (Besançon). .| 300,000/16,000,000! 0,17 0,17 
Angleterre. . . . . .| 170,000/13,000,000! 0,10 0,14 
Amérique . . . . . .| 80,000! 6,000,000! 0,05 0,06 | 


Production et valeur totales. 1,750,000 92,000,000! 


— 180 — - 


. De ce tableau ressort l'importance relative des centres de 
fabrication des montres au commencement de 1867. On y 
constate que la production française, ou plutôt bisontine, a été 
les 0,17 du nombre des montres et aussi ue 0,17 de la valeur 
de la production totale. 

Il serait intéressant de comparer la production annuelle à 
des époques plus antérieures dans chaque pays. Or, pour faire 
cette comparaison, on est forcé de recourir aux indications 
fournies par les bureaux de contrôle ou de garantie, indications 
fort incertaines dans les pays où le contrôle est facultatif, 
comme dans le canton de Neuchâtel, par exemple. Dans l’état 
actuel, il nous paraît instructif de comparer la production des 
montres à Besancon, avec celle d'un centre qui construit sensi- 
blement la même qualité de produits. Nous extrayons du rap- 
port de M. Hinscx le tableau suivant qui, à défaut de statistique 
complète de la production dans le canton de Neuchâtel, con- 
tient les relevés annuels des bureaux de contrôle depuis 1849 : 


r 


— 181 — 


TABLE AU du nombre des boîtes de montres qui ont été poinconnées 
dans les différents bureaux de garantie du canton de Neuchâtel, de 
1849 à 1867 inclusivement. 


EE 


| ANNÉES | BOITES EN OR. |BOITES EN ARGENT. TOTAL. 
1849 74,466 121,339 195,805 | 
1850 80,931 138,557 219,488 | 
1851 100,944 138,962 239,906 
1852 107,306 142,510 249,816 
1853 142,717 170,678 313,395 
1854 107,109 161,157 268,266 
1855 102,348 176,255 278,603 
1856 121,934 195,776 SLT TO 
1857 102,775 174,506 277,281 
1858 79,359 137,853 217,212 
1859 86,709 145,068 LT 
1860 91,884 144,865 236,749 
1861 76,883 160,592 237,475 
1862 102,208 188,121 290,329 | 
1863 108,244 189,633 297,871 
1864 107,671 210,051 A1, 722 
1865 114,922 204,484 319,406 
1866 97,690 164,526 262,216 
1867 82,802 114,133 196,935 
Totaux.| 1,888,902 3,079,066 4,967,968 


D'autre part, le relevé des boîtes poinçonnées à Besançon, 
dans la même période de temps, fournit le tableau suivant : 


— 182 — 


TABLEAU des boîtes de montres fabriquées à Besançon, de 1849 à 
1867 inclusivement, et poinconnées par le bureau de garantie de 
cette ville. 


D D CP 


ANNÉES BOITES EN OR. BOITES EN ARGENT. TOTAL. 
1849 ” 6,149 32,449 38,598 
1850 11,235 48,626 59,861 
1851 14,785 53,091 67,876 
1852, 19,419 57,052 76,471 
1853 29,742 65,155 94,897 
1854 32,594 73,482 106,076 
1855 49,484 92,459 141,943 
1856 60,511 09,654 160,165 
1857 69,325 108,230 177,555 
1858 65,093 125,020 190,113 
1859 66,731 125,145 191,876 
1860 76,146 135,665 | 211,811 
1861 83,678 166,789 | 250,467 . 
1862 87,966 | 166,511 | 254,477 
1863 108,586 | 188,508 | 297,094 
1864 94,718 206,410 | 301,128 
1865 95,594 200,418 296,012 
1866 101,309 | 204,126 305,435 
1867 113,664 | 220,985 334,649 
Totaux.| 1,186,729 2.369.775 | 3,556,504 | 


La comparaison des deux tableaux ci-dessus est instructive 
à plusieurs points de vue. Premièrement on remarque com- 
bien les indications du bureau de contrôle, dans le canton de 
Neuchâtel, sont insuffisantes pour donner une idée exacte de 
la production dans ce cantons puisque, pour 1866, cette pro- 
duction est évaluée à 800,000 montres, et que, dans la même 
année, il n’a été poinconné que 260,000 boîtes environ. C’est 


— 183 — 


une conséquence du contrôle facultatif; mais l'indifférence 
des fabricants neuchâtelois, à l'endroit du contrôle, se com- 
prend d'autant moins. que les droits de garantie sont très 
minimes. En effet, depuis la mise en vigueur de la nouvelle 
loi sur le contrôle (15 janvier 1866), ces droits sont de 5 à 
7 centimes en moyenne pour la boîte d'argent, et de 15 à 20 c. 
pour celle d’or, quel qu’en soit le poids. ” 

En faisant remarquer de nouveau que les chiffres des bu- 
reaux de garantie ne peuvent donner que des indications 
vagues sur le mouvement de l’industrie horlogère dans le 
_ canton de Neuchâtel, ils ont néanmoins donné à M. Hirscx 
l'occasion de faire les observations suivantes que nous ex- 
trayons du rapport qu'il à présenté au Conseil d'Etat dudit 
canton : | 

« Ces chiffres montrent, dit-il, que tandis que le nombre 
des boîtes en or est resté sensiblement stationnaire (sauf en 
1853), celui des boîtes en argent a augmenté jusque dans les 
dernières années considérablement : ce qui semble indiquer, 
d'accord avec l'opinion générale, que c’est surtout la produc- 
tion des montres. bon marché qui s’est développée surtout 
depuis 1862 à 1865, donc déjà dans la période. où régnait ce 
que l’on appelle la crise. En général, le plus grand nombre de 
boîtes a été poinçonné en 1865. Le mouvement rétrograde qui 
est visible en 1866 et surtout en 1867 (bien que le changement 
qui a eu lieu dans notre loi sur le contrôle pourrait y avoir 
quelque influence) s'explique certainement en grande partie 
par le ralentissement général des affaires, et peut-être aussi 
par l'encombrement des marchés qui sera résulté de la fabri- 
cation excessive, en 1864 et 1865, des montres ordinaires en 
argent; mais ne doit-on pas y reconnaître déjà aussi l'effet de 
la nouvelle concurrence des montres fabriquées mécanique- 
ment en Amérique et en Suisse ? » 

Le même rapporteur fait encore observer « que les fluctua- 
tions portent mois sur les montres de qualité supérieure que 
sur les montres courantes, et qu'indépendamment du fait 


CPR 


— 184 — 


bien connu que la fabrication des montres soiguées est plus 
rémunératrice pour l’ouvrier aussi bien que pour l'établisseur, 
les considérations précédentes devraient porter les industriels 
neuchâtelois à développer surtout la fabrication de la bonne 
horlogerie. » À 

Et il continue en faisant ressortir « que les fluctuations 
considérables auxquelles la fabrication neuchâteloise est expo- 
sée et qui sont indiquées par le tableau du contrôle, ainsi que 
la dépréciation des prix qui s’y rattache, doivent faire désirer, 
dans l'intérêt de la population horlogère du canton, que sa 
prospérité dépende moins d'un seul article, et qu'une diversité 
plus grande des produits la garantisse davantage contre les 
crises trop fréquentes dont elle a été l'objet. » Ces considérations 
très patriotiques, qui donnent une idée très exacte de la situa- 
tion de l'horlogerie neuchâteloise, amènent le rapporteur à 
conseiller d’une manière pressante l'introduction de nouvelles 
industries. 

Les chiffres accusés par le bureau de garantie de Besançon 
offrent, au contraire, toute sécurité par suite de la manière 
sévère dont est appliquée en France la loi sur le contrôle des 
matières d'or et d'argent. Par suite aussi de la surveillance 
exercée par le fisc sur le travail des métaux précieux et du 
poinconnage obligatoire, les chiffres du dernier tableau mettent 
dans tout son jour l'importance de la fabrique bisontine et sa 
prospérité toujours croissante. Ils font ressortir, en outre, que 
le nombre des montres fabriquées, soit en or, soit en argent, 
est allé constamment en croissant, et que la proportion des 
montres en or croit plus rapidement que celle des montres en 
argent. En effet, en 1849, les montres en or n'étaient que les 
0,16 environ de la production annuelle, tandis que, dix ans 
plus tard, elles ont atteint les 0,35, c’est-à-dire plus du tiers, 
proportion qui s’est sensiblement maintenue jusqu'à 1867. 

Mais le fait le plus important à constater, c'est que si, en 
dix-neuf ans, la fabrication annuelle a presque décuplé, pen- 
dant le même temps la production des montres d'argent n'est 


— 185 — 


devenue que sept fois plus considérable, tandis que celle des 
montres en or est arrivée à être presque dix-neuf fois plus 
grande. C'est un indice certain que la fabrication de la bonne 
horlogerie tend à se généraliser à Besançon. 

_ On remarque également qu'en 1863 le nombre des montres 
d'or établies a été exceptionnellement très fort, comparé à celui 
des années précédentes, qu'il faiblit notablement dans les 
années suivantes, mais que ce nombre est fortement dépassé 
en 1866 et 1867. 

Enfin la production totale, en 1866, ayant été de 305,435 
montres, si l'on évalue à 300 le nombre des jours de travail 
par an, on voit qu'à cette époque la fabrique bisontine livrait 
déjà au commerce plus de 1,000 montres par jour. 

Ce qui précède établit la situation des trois puissances pro- 
ductrices des montres qui se sont présentées à l'Exposition de 
1867. Nous allons passer en revue les produits exposés par 
chacune d'elles. 


MONTRES ANGLAISES. — Les montres anglaises sont gé- 
néralement pourvues de la fusée, même celles qui sont d'origine 
étrangère, mais établies par les horlogers anglais. Les pièces 
sont hautes, et celles exclusivement construites à Londres sont 
sans contredit ce que l'on fait de mieux dans ce genre et 
comme fini de travail et comme décoration. La vitrine de 
MM. K'. Dent et €'° présente, sous ce rapport, des spécimens 
d'une rare beauté. Les boîtes faites avec un grand soin sont le 
plus souvent unies et sans gravure, à moins qu'elles ne soient 
décorées d'emblèmes héraldiques ; dans ce cas, le travail ne 
laisse rien à désirer et soutient la comparaison avec tout ce 
que l’on fait de mieux à Paris et à Genève. Les montres desti- 
nées à l'exportation, pour l'Espagne et pour l’Amérique du 
Sud, ont, au contraire, des boîtes surchargées de gravures et 
d’arabesques. : 

L'échappement, presque exclusivement employé, est l'échap- 
pement à ancre avec roue en laiton à dents pointues, toute la 
; 13 


— 186 — 

levée étant sur les bras de l'ancre. La roue en laiton est uti- 
lisée telle qu'elle sort du taillage, sans aucune retouche; car, 
dans l'opinion de nos voisins, le taillage laisse des sillons fins 
et parallèles qui conservent bien l'huile. Ils admettent que le 
frottement des roues en acier contre les pierres dures, employées 
dans les montres françaises et suisses, finit par donner une 
poudre ou égrisé qui nuit au réglage : de là leur préférence 
pour les roues en laiton. Ces roues sont généralement d'un 
diamètre moindre que le rayon du balancier, celui-ci étant 
toujours tenu très grand. 

L'ancre est dite de côté, et le levier (fourchette des Français 
et des Suisses) est court, en bon acier et poli plat, mais quelque 
peu massif. Les Anglais déplorent le temps perdu au travail 
des angles rabattus et la fragilité de nos fourchettes dont ils 
redoutent les vibrations. Leur construction est plus simple 
que la nôtre et, partant, les fonctions s’y effectuent plus libre- 
ment, ce qui comporte une certaine médiocrité d'exécution. 
Suivant eux, la courte fourchette donne un meilleure réglage. 
Enfin leurs spiraux ont moins de diamètre que les nôtres, et, 
quand par hasard ils tolèrent l'échappement à cylindre dans 
quelques pièces, ils n'admettent pas une amplitude de vibra- 
tion supérieure à 270°; ils ont même une tendance à restreindre 
cette amplitude pour éviter le renversement, en prévision des 
exercices violents auxquels ils se livrent. 

L'échappement duplex, fort bien construit par les horlogers 
anglais, devient de plus en plus rare; il est avantageusement 
remplacé par celui à ancre qui donne de meilleurs résultats 
et est plus facile à construire dans les mêmes conditions. 

Ce qui caractérise les montres anglaises, c'est un prix 
fort élevé, mais bien justifié du reste par le fini de la main- 
d'œuvre, leur confort et la précision de leur marche. Il faut 
dire cependant que quelques maisons construisent des montres 
dites à bon marché et qui paraissent destinées aux employés 
de chemins de fer et à l’armée des colonies. Les boîtes sont 
en maillechort et le prix varie de 120 à 130 fr. NAME. Join 


— 187 — 


Walker et sons exhibent des montres de cette sorte dont 
le volume très fort serait peu goûté, croyons-nous, sur le 
continent; mais elles semblent répondre au désir et à l'esprit 
pratique de nos voisins. 

En somme, le calibre des montres de fabrication anglaise 
est assez uniforme. Celui des pièces destinées à l'exportation 
est plus varié; mais celles-ci ont une origine étrangère, elles 
sont tirées de la Suisse en grande partie et y ont été construites 
sur commande. Notons en passant que bon nombre de chro- 
nomètres de poche, des meilleurs et soi-disant anglais, sont 
faits par des artistes neuchâtelois. 


MONTRES SUISSES. — La Suisse est certainement le centre 
le plus important de l'industrie horlogère, et la fabrication 
s'y étend depuis le chronomètre de poche, rivalisant avec ceux 
d'Angleterre, jusqu'à la montre la plus commune. 

Les montres de luxe et de précision sont plus spécialement 
construites à Genève, où la production annuelle est évaluée à 
100,000. Le nombre des personnes de ce canton qui s'occupent 
d'horlogerie est environ de 7,000, appartenant à 2,500 familles; 
et si à ce nombre on ajoute celui des personnes qui construisent 
des parties annexes des montres, telles que boîtes à musique, 
on peut dire presque avec certitude que le dixième de la popu- 
lation genevoise est voué à l'industrie horlogère. 

Parmi les produits de Genève, on remarque ceux de 
M. Ekegren, de la maison Pateck, Philippe et €”, 
et de MM. Rossel-Bautte et fils. Il ne nous est pas pos 
sible de passer en revue tous les produits exposés; mais nous 
avons constaté avec plaisir que tous les artistes genevois ont 
rivalisé de talent et de perfection. Une fois de plus, la fabrique 
genevoise aura justifié la réputation universelle qu'elle s'est 
acquise pour le luxe, l’élégance et l’excellence de ses produits. 

La ville de Genève possède une école d'horlogerie fondée, 
il y a près d’un demi-siècle, par la Société des arts; mais cette 
école, devenue municipale, est dirigée aujourd'hui par une 


— 188 — 


commission d'horlogers. Les élèves y sont admis dès l'âge de 
quatorze ans, la durée de l’apprentissage est de quatre années. 
Cette école n'est, en définitive, qu’un atelier d'apprentissage 
essentiellement pratique et confié à des professeurs instruits, 
mais la théorie n'entre pas dans l’enseignement; les apprentis 
ont cependant la faculté de suivre des cours publics appropriés 
qui ont lieu le soir. Les produits exposés par cette institution 
se composent de quelques jolis échappements très amplifiés 
servant aux démonstrations, puis d’une série très remarquable 
des objets construits par les élèves dans les différentes divisions. 
Les résultats obtenus sont dignes d'attention, et le jury les a 
récompensés par une médaille de bronze. 
En 1866, l'école renfermait 60 élèves, dont 40 Genevois. 


Le canton de Neuchâtel fabrique plus spécialement la montre 
d'argent. Toutefois le Locle, les Ponts-de-Martel et les Brenets 
comptent un grand nombre d'établisseurs faisant d'excellentes 
montres qui rivalisent avec les belles qualités de Genève. 

La Chaux-de-Fonds est à la fois un marché et la fabrique 
la plus active de tous les centres de la Suisse. C'est de là que 
s’exporte le plus de montres. La plupart des grandes maisons 
du canton de Neuchâtel ont des comptoirs dans presque toutes 
les parties du monde. Elles alimentaient autrefois le marché 
français; mais elles ont perdu ce débouché par suite du grand 
développement qu'a pris la fabrique de Besançon (!). 

Entre les nombreux exposants du canton de Neuchâtel, 
nous citerons comme ayant les produits les plus remarquables : 
MM. Henri Grandjean ct Jürgensen, du Locle, Plhi- 
liberté Perret, Roberrt-Theurer et fils, Courvoisier 
frères, de la Chaux-de-Fonds. 

Parmi les produits neuchâtelois, nous devons une mention 
spéciale à la montre démocratique de ME. Roskopf. Cette 
montre est caractérisée par une grande simplification du mé- 


() Rapport du jury international (groupe IIT, cl. 23). — M. BreGuert. 


— 189 — 


canisme et une économie de main-d œuvre, ce qui permet de 
livrer au consommateur une montre solide, peu coûteuse et 
d'une marche satisfaisante. Ajoutons que la montre RoskoPr 
a été le point de départ d’une foule de produits analogues. 

MM. Domon fils et Dinichert, établis à Montillier, 
près Morat, construisent environ 30,000 montres par an et 
d'une qualité à peu près semblable à celle de M. Roskopr. 
Comme pour cette dernière, les boîtes sont en composition 
(maillechort, dardenne, cuivre doré) et la plupart sont pour- 
vues d'un remontoir (1). 

Le canton de Neuchâtel possède deux écoles d’horlogerie. 

La plus ancienne est celle du Locle, qui dépend de l'hospice 
_ des vieillards, fondé en 1826 par des souscriptions particulières. 
Comme à l’école de Genève, la pratique y est seule enseignée. 
N'ayant pas envoyé de travaux exécutés par ses élèves, elle 
n'est représentée à l'Exposition que par trois grands modèles 
d'échappement à cylindre, d'échappement à ancre et d'échap- 
pement libre à ressort, construits par ME. Brandt. Ces trois 
modèles sont d'un beau travail, leur exécution est minu- 
tieusement finie, et ils sont bien dignes d’exciter l'émulation 
des jeunes apprentis et des ouvriers amateurs du beau. En 
1866, cette école comptait 26 élèves. « C'est, dit M. WARTMANN, 
un des rares établissements d'Europe qui, profitant à la seule 
classe nécessiteuse, ne vit que par la charité publique. » Mais 
le comité directeur a reconnu l'insuffisance d’un enseignement 


() MM. Domox'et Dinicmert occupent 450 ouvriers. Leurs produits 
sont destinés aux Etats-Unis, au Mexique, aux Indes anglaises, à l'E- 
gypte, aux colonies hollandaises, à l'Espagne et à l'Italie. Ils fournissent 
aussi des ébauches, des finissages et boites à des fabricants d'horlogerie 
suisses et francais. Les prix de vente sont exceptionnellement bas. Ainsi, 
une montre lépine, à cylindre, de 19 lignes, 4 trous, cadran émail, à 
secondes, boîte en composition dorée, réglée à cinq minutes et garantie 
cheminant au bas, est cotée 13 fr. 50; une montre de 20 lignes, genre 
Boston, à ancre, savonnette en bronze d'aluminium, vaut 28 fr. Toutes 
les autres sont comprises entre ces limites de prix. (WARTMANN, Rapport 
sur l'horlogerie.) 


— 190 — 


purement pratique, et, d'accord avec la municipalité et l'Etat, 
une allocation a été récemment votée pour que la théorie fût 
démontrée conjointement avec la pratique. Réorganisée dans 
ce sens, cette école augmentera considérablement les excellents 
fruits qu’elle a déjà portés. 

L'école d’horlogerie de la Chaux-de-Fonds est de fondation 
récente, mais donne néanmoins des résultats très satisfaisants. 
L'outillage et les matières premières sont à la charge des élèves 
qui paient une rétribution scolaire de 25 fr. par mois. Cette 
école n’est pas représentée à l'Exposition. 


Observatoire cantonal. — Les législateurs et administra- 
teurs du canton de Neuchâtel ne se sont pas contentés 
d'appuyer les deux fondations dont nous venons de parler. 
Dans le but de relever l’industrie horlogère, un moment 
abaissée par la spécialisation des ouvriers poussée à l'extrême, 
et par une production très inférieure qu'encourageait une 
spéculation qui ne devait être que momentanée, ils s'empres- 
sèrent de voter la création d'un observatoire à Neuchâtel. Ils 
ont senti qu'il était nécessaire, pour stimuler le zèle des éta- 
blisseurs et des artistes, de leur mettre constamment sous les 
yeux le but le plus élevé que l'horlogerie ait à atteindre. 
Ajoutons qu'ils eurent le bonheur de placer à la tête de l'ob- 
servatoire un jeune et savant astronome allemand, M. le D" 
Hrrscx (depuis naturalisé neuchâtelois), qui dirigea la cons- 
truction des bâtiments et l'installation des instruments. Après 
quoi, le nouveau directeur s'empressa d'étendre le plus 
possible l'utilité pratique de l'observatoire cantonal. Par des 
dispositions heureusement combinées, il organisa la trans- 
mission électrique de l'heure astronomique dans les divers 
centres populeux, à la Chaux-de-Fonds et au Locle d’abord, 
puis plus tard aux Ponts et à Fleurier. Deux artistes du Locle, 
MM. H. GRANDJEAN et JüRGENSEN, ont même demandé et 
obtenu que l'heure fût envoyée directement dans leurs ateliers. 

En instituant des concours et des primes à décerner aux 


— 191 — 


chronomètres et montres de poche qui donneraient le meilleur 
réglage, l'observatoire a réveillé l'émulation parmi les fabri- 
cants neuchâtelois qui se sont empressés de répondre à cet 
appel. L'observation des pièces soumises au concours offre, 
en outre, cet avantage de déterminer scientifiquement les 
procédés et organes de fabrication en usage qui donnent les 
meilleurs résultats de marche et ceux qui sont inférieurs, de 
signaler les choses à encourager ou celles dont il y a lieu de 
conseiller l'abandon, d'indiquer les points faibles dans l'ins- 
truction des ouvriers, en un mot d'aider à la marche d’une 
excellente fabrication. 

Par un grand dévouement à l'horlogerie neuchâteloise, par 
une communauté d'idées et un contact journalier avec les 
artistes du pays, M. Hirscx s’est multiplié et a donné à tout 
le canton une impulsion scientifique dont l'industrie horlogère 
s’applaudit chaque jour. Tout en adhérant sans réserve aux 
compléments projetés des écoles d'horlogerie du Locle et de la 
Chaux-de-Fonds, M. Hrrscx reconnaît l'urgence et conseille la 
création d'une école identique dans le Val-de-Travers et d’une 
école de perfectionnement à Neuchâtel. « Nous ne devons 
pas nous borner à des écoles d'apprentissage pratique, dit-il, 
il nous faut des écoles théoriques et pratiques complètes, 
telles qu'elles existent à Besancon et à Cluses. Car, pour 
nous maintenir dans la lutte de la concurrence et pour 
suivre l’évolution qui se prépare dans la fabrication, il nous 
faut des horlogers qui possèdent à la fois l'art et la science 
horlogères; nos établisseurs devront être mécaniciens et in- 
génieurs. » Il nous resterait à signaler les travaux purement 
scientifiques que poursuit le directeur de l'observatoire et dont 
il adresse chaque année l'exposé à une commission d'inspec- 
tion. Maïs les bornes de ce rapport nous l’interdisent. Nous 
dirons toutefois, avec M. Laussepar (!), que le bel établissement 


(1) Elude sur le développement de l'horlogerie dans le département du 
Doubs et en Suisse. (Annales du Conservatoire des arts et métiers.) 


— 192 — 


dont M. Hrrscu fait les honneurs avec une courtoisie parfaite, 
donne la conviction que la science n’a rien à perdre et tout à 
gagner en s'associant à des entreprises d'utilité publique d’un 
ordre élevé. 


Les produits de 69 ateliers du Jura bernois sont groupés 
avec goût en exposition collective. Ces montres, très variées, 
mais dans les qualités communes, sont fort satisfaisantes et 
comme travail et comme prix. Cette collection, qui résume les 
diverses qualités plus spécialement produites dans le vallon de 
Saint-Imier, à Porrentruy, au Noïirmont, à Tramelau et à 
Bienne, forme un ensemble des plus intéressants. 

Une école d’horlogerie a été créée, il y a quelques années, 
dans le vallon de Saint-Imier, mais nous manquons de docu- 
ments sur son organisation et la nature de son enseignement. 


Les fournitures d'horlogerie suisses sont aussi largement 
représentées à l'Exposition. On remarque les collections de 
cadrans de MM. Henry frères et Humbert-Droz, de la 
Chaux-de-Fonds, et surtout celle de la maison Cereelle, 
Fournier et ©, de Genève, qui occupe 50 ouvriers et livre 
95,000 cadrans par année. Citons également la fabrique d’é- 
bauches et finissages de ME. Jaceottet, de Travers (Eugène 
Mauler et ©, successeurs), dont la vitrine contient des 
calibres très variés, des balanciers et assortiments pour ancre 
à levées visibles et couvertes. Enfin les fameux produits de la 
Vallée sont représentés par la maison Leeoultre-Borgeaud, 
du Sentier, une de celles qui ont acquis la renommée la 
mieux justifiée dans ce genre de fabrication. 


On sait que plusieurs centres du Val-de-Travers s'occupent 
de la fabrication des outils et machines d'horlogerie. Quelques 
maisons de Couvet, de Mothiers-Travers et du Locle, possèdent 
de belles vitrines installées dans la galerie des machines. Ce 
sont toujours les mêmes outils à peu de choses près : même 


— 193 — 


forme et même destination spéciale. La grande division du 
travail a multiplié considérablement le nombre des outils ne 
servant à exécuter qu'une ou deux fonctions au plus. Il serait 
très avantageux d'avoir réunies dans une seule machine les 
fonctions de plusieurs outils. Ainsi, par exemple, il est regret- 
table que les machines à fendre et à tailler, si nombreuses 
dans les fabriques d’horlogerie, n'aient aucune disposition 
pour exécuter le taillage des engrenages coniques; et ce que 
nous disons pour ces machines, nous pourrions le répéter 
pour bien d'autres outils. Sous ce rapport, nous sommes 
forcés de reconnaître qu'il n'y a aucun perfectionnement à 
signaler. 


MONTRES FRANÇAISES, — FABRIQUE BISONTINE. — 
Nous l'avons déjà dit, Besancon est le seul centre de fabrica- 
tion des montres en France. Le tableau suivant fait voir qu'en 
1866 il a été fabriqué, à Besançon, 305,435 montres. Aïlleurs 
la fabrication n'existe que dans des proportions extrêmement 
restreintes, ainsi que le fait ressortir le tabléau dressé d'après 
les documents officiels, et que nous extrayons du Compte-rendu 
des travaux de la chambre de commerce de Besancon (exercice 


1866) : 


— 194 — 


TABLEAU des boîtes de montres de fabrique nationale contrôlées, 
en 1866, dans les bureaux de garantie de l'Empire français. 


DÉSIGNATION NOMBRE NOMBRE | 
; ; de boîtes TOTAL. 
des bureaux de garantie. de boites en or. en argent. 


Pari ae Pen 40 5,282 5,922 
Evo es » 88 88 
Marseille . . . .. » » » 
Bordeaux . . ... » 4 4 
LonlouseuLlEs Te » » » 
Learn. 4.5: » » » 
Strasbourg. . . .. , | 2 » | 
Chambéry. . . .. , | » » | 
NICE LR ET a » » | 
AAUEDY a na » » » 
Pontarlier... ) » » 
Bellegarde. . . .. » » » 

| Total. 5,414 
DESADBON ed 101,309 204,126 305,435 


| Total général. | 310,849 


Ainsi, 5,414 montres ont été fabriquées dans le reste de la 
France, etsi on les ajoute aux 305,435 mentionnées plus haut, 
on arrive au chiffre de 310,849 montres pour la fabrication 
francaise et dans laquelle Besancon entre pour plus de 98 °/. 


Jusqu'à ce jour, la fabrique bisontine a dirigé toute son 
activité sur le marché français dont elle s'est emparé à peu 
près entièrement. En effet, les montres de fabrication étran- 
gère soumises au Contrôle français se sont élevées, en 1866, 
aux nombres suivants, que l'on trouve également consignés 
dans le Compte-rendu des travaux de la chambre de commerce 
de Besancon (exercice 1866) : 


— 195 — 


MONTRES 
Bureaux. en or. en argent. Total. 
Besancon . .. 4,455 19,976 24,431 
Pontarlier . . . 5,968 8,832 14,800 
Bellegarde . . . 3,609 647 4,526 
Parts Lepereneret 1,030 17,101 18,131 
ÉVON- one 4,978 3,646 8,624 
Marseille. . .. 202 295 047 
Bordeaux. . . . 12 231 243 
Strasbourg. . . 16 169 185 
Toulouse. 12 » » » 
Le Hävre. . .. 6) 2 7 
Chambéry . . . 11 49 60 
Annecy .... l 81 82 
NICOLE 101 57 158 


20,438 51,086 71,524 


Ainsi, en 1866, l'industrie étrangère a fait pénétrer en 
France 71,524 pièces, de sorte qu’il a été répandu dans le 
commerce français 382,273 montres, chiffre dans lequel la 
production bisontine entre pour 80 °/,. Ce résultat montre que 
Besancon tend de plus en plus à s'affranchir de tout tribut 
envers la Suisse, et il met bien en relief les puissants élé- 
ments de vitalité que cette ville renferme au point de vue de 
l'horlogerie. 

Du reste, c'est quelque chose de beau et de touchant que la 
naissance et les développements de la fabrique bisontine. A 
l'origine, c’est une poignée de Neuchâtelois forcés de fuir leur 
patrie par suite de la tourmente de 1793, et qui trouvent en 
France un appui sympathique dans le gouvernement révo- 
lutionnaire. Un secours pécuniaire, vraiment fabuleux pour 
le temps, leur est offert et sert de fondement à la naissante 
industrie. 11 semble qu'on a hâte de rapatrier ce que la révo- 
cation de l'édit de Nantes a fait perdre à la France d'artisans 
et de richesses industrielles. Les débuts furent difficiles : il y 


— 196 — 


eut des phases de revers et des phases de succès; néanmoins, 
à travers une foule de péripéties, les pas sont lents, maïs ils 
sont sûrs. 

La seconde proclamation de la République, en 1848, faillit 
faire périr l'horlogerie bisontine qui devait la vie à la Répu- 
blique de 93. Pourtant l'orage ne fut que passager, et bientôt 
la confiance fit place à la crainte. La crise, bien que fort dou- 
loureuse pour nos horlogers peu affermis, ne tarda pas à être 
oubliée par suite d’un essor nouveau que prit la fabrique. 
Jusqu'à cette époque, la population horlogère bisontine n'était 
guère composée que de familles suisses primitivement émigrées 
et auxquelles s'étaient ralliés volontairement d’autres compa- 
triotes. Mais, à partir de 1848, la population indigène entre 
franchement dans l'industrie des montres, et c'est réellement 
à partir de cette agrégation que l'horlogerie bisontine apparaît 
forte et prospère. 


La fabrique bisontine n'avait participé que timidement à l'Ex- 
position universelle de 1855, à Paris; elle n'y était représentée 
que par quelques artistes. Mais, en 1860, elle avait été assez 
forte pour constituer l’une des parties les plus importantes de 
l'Exposition universelle de Besançon, organisée par les soins de 
la Société d'Emulation du Doubs, sous le patronage de S. A. I. 
le prince Napoléon. Cette Exposition n'eut pas la visite de son 
illustre protecteur, de sorte que l'horlogerie bisontine manqua 
cette occasion de se faire connaître d'une partie du monde 
officiel. Toutefois, malgré une année exceptionnellement plu- 
vieuse et peu favorable pour les touristes, cette Exposition, 
installée à l'Est extrême de la France, fut néanmoins visitée 
par les fervents de l’industrie et les connaisseurs intéressés : 
aussi l'horlogerie bisontine a-t-elle vu s’accroître rapidement, 
à partir de cette époque, et sa réputation et sa production. En 
1860, elle ne produisait que 211,811 montres, tandis qu'en 
1868 elle en a livré 335,961; c'est donc, huit ans après, une 
augmentation annuelle de 124,150 montres. 


— 197 — 


Bien que la fabrique bisontine ne se soit occupée jusqu'à 
ce jour que des articles français, les ressources qu'elle a gra- 
duellement acquises lui permettent de produire actuellement 
tous les genres propres à l'exportation : c'est dire qu'elle est 
à même de répondre aux.diverses exigences du commerce 
avec l'étranger. 


Quelques maisons ont fait des tentatives couronnées de 
succès pour trouver des débouchés au dehors, et l’un de ces 
comptoirs a depuis longtemps déjà le privilége de la fabrication 
et de l’exportation des montres soignées pour la Chine. 


L'établissage se: fait à Besancon comme dans les fabriques 
suisses, c’est-à-dire par une division très grande du travail; 
la main-d'œuvre des femmes y entre également pour une 
large part. 

La fabrique de Besançon tire ses blancs et ses finissages de 
la Vallée de Joux et du Val-de-Travers, pour les ouvrages de 
choix , et des fabriques de l'arrondissement de Montbéliard et 
du Haut-Rhin, pour les qualités courantes. 


La population horlogère de Besançon est évaluée à 15,000 
âmes; son mouvement d'affaires s'est traduit, en 1866, par le 
chiffre de 16,000,000 de francs pour les montres seulement. 


Ecole d’horlogerie de Besançon. — Reconnaissant de plus en 
plus l'insuffisance des apprentissages en horlogerie, plusieurs 
fabricants ou hommes dévoués à l’industrie sollicitèrent et 
oblinrent la fondation d’une école d’horlogerie dans cette ville. 
Instituée, le 23 février 1861, par le Conseil municipal, elle ne 
fut installée que le 1° février 1862 dans un superbe bâtiment 
appartenant à la ville. L'enseignement de cette école est théo- 
rique et pratique. La durée réglementaire des cours est de 
trois années. Mais il est facultatif aux élèves, dont l'application 
et la bonne conduite sont l'objet de rapports favorables, de 
prolonger leur séjour à l'école pour y suivre des cours de 
perfectionnement. 


— 198 — 


La rétribution scolaire est de 200 fr. par an; les matières 
premières et l'outillage sont fournis par l'établissement. 

Par la nature de son enseignement et par l'impulsion donnée 
aux études, cette institution fournit progressivement des hor- 
logers instruits, connaissant sérieusement la théorie et la pra- 
tique de leur profession, et 1l est incontestable que le nombre 
croissant des horlogers habiles contribuera puissamment à 
élever la qualité et à étendre la réputation des produits d'un 
centre de fabrication qui, comme on l’a vu plus haut, a dé- 
cuplé en moins de vingt ans le chiffre de sa production. 

On a reproché à cette institution de donner trop de temps à 
la théorie au détriment de la pratique. Le programme de l’en- 
seignement que nous rapportons ci-dessous fera justice de 
cette allégation. 


Programme de l'enseignement de l'Ecole d'horlogerie 
de Besançon. 


{'° ANNÉE. — (3° division). 


Enseignement pratique. — Eléments de limage, de tournage, 
forgeage et écrouissage des métaux. — Confection des petits 
outils pour le travail des ébauches et pour le finissage. — 
Construction des ébauches sur les calibres les plus employés. 

Enseignement théorique. — Révision de l’enseignement pri- 
maire. — Arithmétique. — Système métrique. — Géographie. 

Dessin linéaire. — Principes généraux. — Dessin des outils 
et des machines les plus simples employés dans l'horlogerie. 


2° ANNÉE. — (2° division). 


Enseignement. pratique. — Finissages sur des ébauches de 
divers calibres. — Pivotage. — Confection des diverses pièces 
de l’échappement à cylindre. 

Enseignement théorique. — Exercices de style. — Géogra- 
phie. — Arithmétique. — Géométrie élémentaire et ses appli- 
cations. — Eléments de mécanique. 


— 199 — 


Dessin linéaire. — Epures de géométrie. — Epures des ma- 
chines et outils employés en horlogerie. — Dessin des diverses 
parties de la montre. 


3° ANNÉE. — ({"° division). 


Enseignement pratique. — Construction et plantage des 
échappements. — Repassage. — Réglage. — Remontage. 

Enseignement théorique. — Cours de mécanique physique 
appliquée. — Notions de chimie industrielle. — Cosmogra- 
phie. — Comptabilité commerciale. — Géographie générale. 

Dessin linéaire. — Tracé théorique et pratique des engre- 
nages., — Epures des échappements. — Dessin des mouve- 
ments d’horlogerie d’après nature. 


Les lecons théoriques sont données, dans les trois divisions, 
tous Les jours de la semaine, de 7 heures à 9 heures du matin, 
le jeudi excepté. 

Le travail de l'atelier a lieu tous les jours de 9 heures du 
matin à midi, et de { heure 1/2 à 5 heures du soir. 

Le cours de dessin à lieu, pour les trois divisions réunies, 
trois jours par semaine, les lundi, mardi et vendredi, de 5 à 
7 heures du soir. 

Le cours de comptabilité commerciale et de géographie gé- 
nérale, pour les élèves de la 1"° division, est tenu le mercredi 
de chaque semaine, de 5 à 7 heures du soir. 

Le samedi, le directeur fait subir aux élèves un examen 
récapitulatif du travail de la semaine, afin de suivre en quelqüe 
sorte pas à pas la marche des études. 

Ainsi, on le voit, la théorie emploie { heure 3/4 par jour le 
matin, le jeudi excepté; tandis que les cours pratiques durent 
6 heures par jour, réparties en deux séances de 3 heures, et 
ont lieu tous les jours de la semaine. 

Chaque cours théorique ou pratique est enseigné par un 
professeur spécial, et la marche des études y est organisée de 
façon qu'à toutes les phases de l'apprentissage les jeunes hor- 


— 200 — 


logers puissent faire une comparaison et une étude constantes 
de la théorie et des résultats fournis par la pratique. 

Ajoutons que, comme complément de l'école, un pensionnat 
pour les élèves horlogers appartenant aux familles domiciliées 
au dehors, est installé dans les dépendances du lycée impérial, 
conformément à une décision de Son Excellence le Ministre 
de l’Instruction publique, à la date du 21 juillet 1865. 

Ce pensionnat est tout à fait spécial et distinct du pensionnat 
du lycée; les jeunes gens qui y sont placés demeurent soumis 
à la même surveillance et ont le même régime alimentaire 
que les élèves du lycée. 

Indépendamment de l’enseignement technique donné à 
l'école d'horlogerie, les élèves pensionnaires reçoivent, sous 
la direction du proviseur, des lecons particulières dont le 
programme comprend l’enseignement religieux, les langues 
vivantes (allemand, anglais), la gymnastique et les arts d'a- 
grément, musique, dessin de la tête et d'ornementation. 

Fondée pour faciliter et perfectionner l'éducation profes- 
sionnelle des ouvriers en vue d’une industrie spéciale, l’école 
d'horlogerie de Besançon peut être considérée comme l'un 
des types de l’enseignement professionnel (!). 

Mais, il ne faut pas se le dissimuler, l’enseignement dans 
une école professionnelle spéciale doit être d’une nature toute 
particulière ; il doit rendre aussi intimes que possible la théorie 
et la pratique. En ce qui concerne l'horlogerie, l’enseignement 
doit emprunter aux sciences positives tous les principes géné- 
raux qui régissent les diverses fonctions des machines horaires, 
leur donner un corps, les enchaîner d'une manière métho- 
dique, afin de faire ressortir, aux yeux des élèves, combien la 
Connaissance des notions théoriques facilite l'exécution ma- 
auelle ce qui excitera en eux le désir du travail intelligent. 


() Les demandes d'explications ou de renseignements doivent être 
adressées à M. le maire de Besançon ou au directeur de l'école d'horlo- 
gerie. 


— 201 — 


Il importe beaucoup aussi de familiariser les élèves avec les 
diverses applications des sciences aux moyens de mesurer le 
temps, de leur signaler dans quelle mesure la théorie y inter- 
vient, soit quant à l’idée première, soit quant aux procédés 
employés dans l'exécution. Sous ce rapport, l’école d’horlogerie 
de Besancon est largement dotée, puisque le personnel enseiï- 
gnant est tel qu'il satisfait à tous les besoins; c'est assurément, 
parmi toutes les écoles du même genre, celle où l'enseignement 
professionnel spécial est organisé sur les plus larges bases. 

Si, chaque année, une exposition locale et publique des tra- 
vaux des élèves a pour but d’exciter leur émulation, en même 
temps que d'initier le public intéressé de la ville à la nature 
et la marche de l'enseignement scolaire, la participation de 
l'école d’horlogerie de Besançon à l'Exposition universelle a 
pour objet de la faire connaître au monde entier. 

L'école bisontine expose donc le travail manuel exécuté par 
ses élèves dans les diverses phases de l'apprentissage. En 
regard du travail de chaque élève se trouve inscrit et son âge 
et le temps écoulé depuis son entrée à l'école, de sorte que le 
public peut apprécier la marche et l'esprit de l’enseignemen’ 
Cette exposition excite vivement la curiosité des horlogers de 
bonne foi, qui sont frappés des résultats obtenus. 

Dans l'exposition des travaux de cette école figure aussi un 
mouvement de montre très amplifié, constituant un appareil 
de démonstration. Il a été construit par les professeurs. Nous 
avons déjà dit que des appareils analogues existent dans les 
vitrines des autres écoles, ce qui prouve combien ces sortes 
d'amplification sont indispensables à ceux qui s'occupent 
d'enseignement méthodique, car elles mettent en évidence des 
particularités essentielles sur lesquelles les professeurs ont 
besoin d’insister vis-à-vis des élèves, particularités que le petit 
volume des montres ordinaires rend peu distinctes et souvent 
incompréhensibles, par suite d'une trop grande vitesse de 
marche. 


Le jury, voulant récompenser les résultats obtenus par la 
14 


—- 202 — tres 
jeune ecole bisontine, lui a décerné une médaille semblable à 
celles obtenues par l’école de Cluses et les deux écoles suisses. 
Nous venons de citer l’école de Cluses. Cette institution a 
été fondée, en 1848, par le gouvernement sarde, dans le but 
d'introduire la fabrication complète des montrés dans les 
montagnes de la Haute-Savoie. Après l'annexion de la Savoie 
à la France, cette école a été réorganisée, décrétée école im- 
périale d'horlogerie, le 30 novembre 1863, et placée sous la 
direction d'un horloger de mérite, M. Bexorr. Les produits 
exposés par cette école consistent en une série de travaux faits 
par les élèves, et en une belle collection d'échappements exé- 
cutés pour les démonstrations et dont plusieurs ont déjà figuré 
dans les expositions antérieures. 


Des centres de fabrication dans le Doubs qui alimentent.la 
fabrique bisontine. — En dehors du chef-lieu, on rencontre 
dans le département du Doubs des milliers d'ouvriers s'occu- 
pant de la construction de l'horlogerie de gros et de petit vo- 
lume, c’est-à-dire des mouvements de pendules, des ébauches, 
des finissages et échappements pour montres. 

Arrondissement de Montbéliard. — C'est dans les centres de 
cet arrondissement que s'établit la presque totalité des blancs- 
roulants (!) qui alimentent la fabrique de pendules de Paris. 

Les maisons Japy frères, Japy, de Berne-Seloncourt, 
Roux et C°, Marti et ©, représentent un chiffre impor- 
tant de production, et le dépôt que ces maisons ont fondé en 
commun, boulevard du Prince-Eugène, livre aux horlogers 


de Paris 300,000 mouvements de pendules par an. Nous avons: 


déjà dit que quelques-unes de ces maisons construisent aussi 
les mouvements des télégraphes électriques ; MM. Roux 


= ————_——— CE 


@) On appelle blancs-roulants les mouvements de pendules composés 
des roues taillées, arrondies, des pignons pivotés, le tout mis en place 
ainsi que le barillet. Par blancs-roulants pour montres, on désigne les 
mouvements au même degré d'avancement. 


— 203 EE 
et ©‘ apportent une attention et un soin Es à ce RCure 
de fabrication. 


Le travail de l'horlogerie de petit volume accuse une pro- 
duction non moins remarquable, puisque MM. Japy FRÈRES 
ont fabriqué, en 1865, 638,640 ébauches ou finissages de 
montres, dont 502,392 ont été livrés à la Suisse, et 136,248 à 
Besançon. | 


Les maisons Louis Japy, à Berne-Seloncourt, HBeur- 
nier frères, Baudroit, Gondelfinger et Bichet, et 
Villequez, à Seloncourt, produisent annuellement 215,000 
ébauches de montres et finissages, dont une partie est exportée 
en Suisse. 


Dans ce même arrondissement se trouvent beaucoup d’autres 
ateliers qui s occupent de la construction des porte-échappe- 
ments pour les pendules de voyage, l’une des spécialités de 
l'industrie parisienne. Enfin, comme industrie étroitement 
hée à l'horlogerie, il faut citer la fabrication des boîtes à mu- 
sique, qui a pris une grande extension sous l'impulsion de 
M. Auguste Lépée, à Sainte-Suzanne; en effet, plus de 
30,000 pièces sont livrées annuellement au commerce par 
cette maison: | 


Les horlogers des cantons de Saint-Hippolyte, du Russey 
et de Maiche, s'adonnent plus spécialement à la fabrication 
des assortiments pour les échappements à ancre, à cylindre, à 
palettes, et exportent, en Suisse, en Angleterre et en Alle- 
imagne, de nombreux produits dont les spécimens remar- 
quables figurent dans la vitrine collective du Doubs. | 


C'est dans les villages des cantons que nous venons de citer 
que se construit la presque totalité des fournitures qu'emploient 
les fabriques suisses; et, sous ce rapport, il existe un grand 
préjugé qu'il serait temps de faire disparaître. En effet, on 
représente sans cesse la fabrique bisontine comme tributaire 
de la Suisse, tandis que cette dernière ne pourrait se passer 
du concours des fabricants français. « Sans la France, dit 


— 204 — 


M. Repter (t), la Suisse serait fort en peine pour suffire aux 
demandes qui lui sont faites de l'étranger, tandis que la France 
peut se passer de la Suisse, et a chez elle tous les éléments de 
production dont la grosse part alimente la Suisse elle-même, 
sinon comme pièces finies, au moins comme préparations, 
ébauches, pièces détachées, échappements, etc. » 


Arrondissement de Pontarlier. — Les cantons de Pontarlier 
et de Morteau comptent aussi beaucoup d'ouvriers se livrant 
à la fabrication des cylindres, des ancres et des roues; ils font 
de nombreux envois à Genève et aux autres fabriques suisses. 

Depuis quelque temps, la fabrication des blancs-roulants 
pour montres prend dans ces mêmes cantons un grand accrois- 
sement; ce qui tient au perfectionnement de la qualité des 
produits, à tel point que tout fait présager que, dans ur avenir 
prochain, ces produits feront une sérieuse concurrence à ceux 
si bien réputés de la Vallée de Joux. 


Arrondissement de Bawme-les-Dames. — Dans cet arrondis- 
sement il a été créé, sous la direction de MEME. Meusy frères, 
une fabrique de plantages qui jouit d'une réputation haute- 
ment justifiée. 


Outils d'horlogerie. — Les fabriques de Besancon, des Gras 
et de Montécheroux font, en France et à l'étranger, un com- 
merce considérable pour la fourniture et la confection des 
machines et outils d'horlogerie. 

La fabrication des limes pour horlogerie occupe aussi, à 
Besançon et dans l'arrondissement de Montbéliard, plusieurs 
ateliers dont les produits trouvent également un écoulement 
facile en France et à l'étranger. 

Ce rapide exposé montre que tous les éléments qui con- 
coureñt à la fabrication de l'horlogerie sont abondamment 
répartis dans le département du Doubs, et que c’est à Besançon 


() Les récompenses de la classe 23, brochure, chez l'auteur; Paris, 
1867. 


— 205 — 


que viennent se centraliser toutes les subdivisions du travail 
dont cette fabrication est l’objet. 


C'est à Besancon que, remis entre les mains d'ouvriers 
intelligents, ces éléments divers sont réunis et coordonnés. 

C'est à Besancon, enfin, que la forme définitive et la vie 
leur sont données. 

On compte à Besancon 200 maisons qui se livrent spécia- 
lement à la fabrication et au commerce des montres, et qui, 
par la perfection de leurs produits, sont tellement en posses- 
sion du marché français, qu'on peut citer aujourd'hui huit à 
dix maisons suisses qui, pour continuer en France d'anciennes 
relations commerciales, ont dû fonder à Besancon des comp- 
toirs d'achat et de fabrication. 

La construction des boîtes d’or et d'argent y occupe 105 ate- 
liers. Chacun d'eux se compose de 7 à 8 ouvriers, ce qui porte 
à environ 850 le nombre des spécialités de cette branche de 
travail. À ce chiffre il faut ajouter celui des femmes qui, dans 
le polissage et le finissage des boîtes, trouvent une occupation 
lucrative. 

La décoration des boîtes, qui comprend la gravure, le guil- 
lochage, l’'émaillage et la ciselure, occupe environ 400 ouvriers 
et artistes. 

Enfin, de grands ateliers travaillent à Besancon pour l'ex- 
portation ; ainsi des quantités considérables de ressorts de 
montres, de cadrans, de chaînes de fusées pour montres an- 
glaises, de rouge à polir et d'huile pour horlogerie, s'expédient 
régulièrement pour l'Angleterre, l'Allemagne et l'Amérique. 

Telles sont les conditions dans lesquelles se trouvait la 
fabrique d’horlogerie de Besancon au moment de l'ouverture 
de l'Exposition universelle à laquelle elle s’est empressée de 
concourir. 


Comité départemental du Doubs. — L'article 3 du règlement 
général de l'Exposition universelle était ainsi conçu : 


— 206 — 


« Dans chaque département de l'Empire français, la Com- 
mission impériale constituera, avant le 25 août 1865, un 
Comité départemental qui aura pour mission : 

» {° De faire connaître, dans toute l'étendue du département, 
les mesures concernant l'organisation de l'Exposition, et de 
distribuer les formules de demande d'admission, ainsi que les 
autres documents émanant de la Commission impériale ; 

» 2° De signaler, avant le 31 octobre 1865, les principaux 
artistes, agriculteurs et manufacturiers, dont l'admission à 
l'Exposition universelle semblerait particulièrement utile à 
l'éclat de cette solennité ; 

» 3° De provoquer, comme il est dit à l’article 29, les expo- 
sitions de produits agricoles du département; 

» 4° D'instituer une commission de savants, d'agriculteurs, 
de manufacturiers, de contre-maîtres et autres hommes spé- 
ciaux pour faire une étude particulière de l'Exposition univer- 
selle, et pour publier un rapport sur les applications nouvelles 
qui pourraient être faites, dans le département, des enseigne- 
ments qu'elle aura fournis; 

» 9° De préparer, par voie de souscription, de cotisation et 
par toutes autres mesures, la création d’un fonds destiné à 
faciliter la visite et l'étude de l'Exposition universelle aux 
contre-maîtres, cultivateurs et ouvriers du département, et à 

.subvenir aux frais de publication du rapport mentionné ci- 
dessus. » | 


Le Comité départemental du Doubs a été créé ensuite d’une 
délibération de la Commission impériale par un arrêté dont 
voici la teneur : 


« LE MARÉCHAL DE FRANCE MINISTRE DE LA MaIsoN DE L'Em- 
PEREUR ET DES BEAUX-ARTS, VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION 
IMPÉRIALE, : 

» Vu le règlement général délibéré par la Commission im- 
périale, le 7 juillet 1865, et approuvé par décret impérial, en 
date du 12 juillet 1865: 


— 207 — 


» Vu la délibération de-la-Commission impériale, en date 
du 31 juillet 1865; Let 

» Vu l'arrêté du 7 août 1865, concernant la nomination des 
Comités départementaux, 


» Arrête : 


» Art. {*. Le Comité départemental du Doubs est composé 
ainsi qu'il suit : MED EE 
MM. 
Bra, capitaine, professeur à l'Ecole d'artillerie de Besançon; 
BLonDpEAU (DE), propriétaire de forges, à Saint-Hippolyte ; 
Brerizcor (Léon), membre du Conseil général ; | 
BussierRe (Jules pe), président de la Société d'agriculture; 
Bossy (Xavier), fabricant d'horlogerie ; 
Casraw, inspecteur des archives communales du Doubs ; 
CHagauDp-Larour (baron p£), fabricant d'horlogerie, à Mont- 
béliard. 
Cuvinor, ingénieur du service hydraulique ; 


2 Faucouwpré, chef d'escadron d'artillerie en retraite, lauréat de 


la prime d'honneur au concours agricole de Besançon ; 

Fernier (Louis), président du conseil des prud'hommes ; 

FoNTAINE, ingénieur des ponts et chaussées ; 

Giro» (Victor), président du cercle de l'horlogerie; 

Grenier (Charles), président de la-Société d'horticulture ; 

Jary (Octave), manufacturier à la Feschotte ; 

JEANNOT-Droz, fabricant d’'horlogerie ; 

LorimiEr (Charles), fabricant d'horlogerie, membre de la 
Chambre de commerce ; 

Meier, manufacturier, à l'Isle-sur-le-Doubs ; 

Moxraxpox (Henri), fabricant d'horlogerie ; 

Morez, président de la Chambre consultative des arts ét ma- 
néfactures de Montbéliard ; 

OUTHENIN-CHALANDRE, manufacturier, membre de la Chambre 
de commerce ; 

Peuceor (Charles), manufacturier à Pont-de-Roïde ; 


ET: 

.. MM. E 

Peucsor (Constant), manufacturier à Audincourt, membre 
de l’un des comités d'admission institués à Paris près la 
Commission impériale ; 

Peucsor (Jules), manufacturier, à Hérimoncourt; 

RÉsaL, ingénieur des mines ; 

SrrouL, directeur de la Compagnie des forges d'Audincourt; 

Vanpez (Auguste), vice-président de la Chambre d'agriculture 
de Pontarlier, à la Ferrière-sous-Jougne; 

VanpEL (Charles), manufacturier, à Pontarlier; 

VauTHERIN (Jules), gérant de la Compagnie des forges de 
Franche-Comté. | 


» Art. 2. Le conseiller d'Etat, commissaire général, est 
chargé de l'exécution du présent arrêté. 


» Paris, le 17 août 1865. 
» (Signé) VAILLANT. » 


Le Comité s’est constitué, le 28 août 1865, sous la présidence 
de M. le Préfet du Doubs; puis il a procédé à la formation de 
son bureau. 

Ont été élus : 

Président, M. BRETILLOT ; 

Vice-Présidents, MM. STRouL et FAUCOMPRÉ ; 

Secrétaires, MM. Résa, CasTan, le baron DE CHABAUD- 

LaTour et CUVINOT. 

Profitant de la faculté que lui accordait l’article 6 de l'arrêté 
du 7 août 1865, concernant l’organisation des Comités dépar- 
tementaux, le Comité du Doubs s'est adjoint, dès sa première 
séance : 


MM. 
KHacmPpELTz, graveur en horlogerie, à Besançon ; 
Laurens (Paul), rédacteur de l'Annuaire départemental ; : 
LéPées, fabricant de boîtes de musique, à Sainte-Suzanne ; 
Mixary, ingénieur de la Corapagnie des forges de Franche- 
Comté; 


— 209 — 
MM. 
SIRE, directeur de l'Ecole municipale d'horlogerie de Besançon; 
SCHEURER-SAHLER, filateur, à Audincourt. 


Dans une séance subséquente (7 octobre 1865), le Comité 
complétait la liste de ses adjonctions en ouvrant ses rangs à 
M. Savoye (Charles), fabricant d’horlogerie à Besançon et à 
Paris. 

Conformément aux instructions de la Commission impé- 
riale, le Comité devait tout d'abord « faire connaître, dans 
toute l'étendue du département, les mesures concernant l'or- 
ganisation de l'Exposition. » 

Il a cherché à atteindre ce but au moyen de la proclamation 
suivante, qui a été publiée sous la double forme d’une affiche 
et d’une circulaire : 


EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867, A PARIS. 
COMITÉ DÉPARTEMENTAL DU DOUBS. 


« Le gouvernement de l'Empereur convie, pour la seconde 
fois, les producteurs de toutes les nations du monde à se me- 
surer avec les producteurs de la France. 

» On ne conteste plus aujourd'hui les merveilleux effets de 
ces luttes pacifiques, qui donnent à chaque peuple une cons- 
cience nette de sa valeur, lui indiquent les véritables voies de 
son développement moral et matériel, éteignent enfin, au profit 
du bien-être général, ces rivalités mesquines dont l’inflaence 
a tant de fois assombri notre passé. 

» La Commission impériale de l'Exposition universelle de 
1867, désirant qu'aucune des forces vives de la nation n'é- 
chappe à la grande manifestation qu'elle organise, a constitué 
dans chacun des départements français un Comité corres- 
pondant. 

» Ces Comités ont pour mission : 

» 1° De provoquer les adhésions utiles à l'éclat de la solen- 

nité qui se prépare ; 


En | 


» 2 De renseigner les exposants sur les mesures SAS 
par la Commission impériale : 

» 3° De faire étudier l'Exposition au point de vue des ensei- 
gnements applicables à chaque région, et de publier ces études 
spéciales ; 

» 4° De créer un fonds destiné à faciliter la visite de l'Ex- 
position à des cultivateurs, contre-maîtres et ouvriers. 

» Le Comité départemental du Doubs s’efforcera de remplir 
dignement les intentions de la Commission impériale. Il sait 
qu'il a besoin pour cela du bon vouloir de tous; mais il 
n'ignore pas non plus tout ce qu'il y a lieu d'attendre, en 
pareille circonstance, d’un pays intelligent et sérieux comme 
le nôtre. 

» L'Exposition de 1867 comprendra les produits agricoles, 
industriels et artistiques; et le département du Doubs est en 
mesure de figurer avec distinction dans chacune de ces caté- 
gories du concours. 

» S'est-il présenté Jamais une occasion plus solennelle de 
faire valoir les qualités de ce vigoureux bétail fémelin que les 
éleveurs du Nord se disputent sur nos foires? Hésiterions-nous 
à mettre en lumière les fromages et la boissellerie, ces deux 
sources de la prospérité de nos montagnes; puis ces vins et 
ces kirschs de nos vallées, dont l'exquise finesse n’est encore 
appréciée que par un trop petit nombre de connaisseurs ? 

La réputation de nos grandes usines métallurgiques est 
universelle ; mais nos industriels tiendront à montrer que, 
malgré la concurrence des produits de qualité inférieure, ils 


peuvent honorablement maintenir les procédés d’une fabrica- . 


tion habile et consciencieuse. Notre horlogerie, qui alimente 
à peu près exclusivement les marchés français, a chance de 
faire, en 1867, plus d'une conquête de débouchés nouveaux. 
Les industries si ingénieuses de la contrée de Montbéliard 
charmeront à leur tour les visiteurs, et étendront encore la 
renommée de science et de travail de la patrie de Cuvier. 

» Nos artistes connaissent trop bien le chemin du salon et 


A def 
K 7h 3 


— 211 — 


“+ les bonnes fortunes de ce champ-clos, pour que nous puis- 
__ sions douter de leur présence au rendez-vous de 1867. 

» Le Comité départemental tient à la disposition des pro- 
ducteurs du pays les formules de demandes d'admission et 
autres documents publiés par la Commission impériale. Il 
‘leur communique, ci-après, les articles du règlement général. 
qu il leur importe dès à présent de connaître. 

» Il les prie de vouloir bien transmettre à son président un 

_ double des demandes qu'ils adresseront à la Commission im- 
périale, et cela dans le but de simplifier la tâche des personnes 
qui étudieront l'Exposition universelle au point de vue du 
département, 

» Quant à la création d’un fonds destiné à permettre la visite 
du concours à des agriculteurs, des contre-maîtres et des ou- 
vriers, cette idée est trop généreuse et trop féconde pour que 
sa réalisation puisse faire ici l'objet d’un doute. Le Comité 
départemental ose compter, dans ce but, sur la coopération 
des Conseils municipaux, des Chambres de commerce et d'a- 
griculture, des associations scientifiques, agricoles, indus- 
trielles et artistiques, de toutes les personnes enfin qui aiment 
les classes laborieuses et jugent que c'est surtout par l'instruc- 
tion qu'on arrive à les rendre meilleures. 

» La liste des corporations ou personnes qui auront pris 
part à cette bonne œuvre sera soigneusement établie; elle sera 
publiée à la suite de l'étude spéciale que dirigera le Comité. 

» Grâce à la facilité des transports, au besoin de mieux en 
mieux senti des relations internationales, l'Exposition univer- 
selle de 1867 promet de dépasser, comme proportions et comme 
intérêt, toutes les manifestations du même genre qui l'ont pré- 
cédée. Il faut qu'il en soit ainsi pour l'honneur de la France, et 
l'indifférence ne saurait être permise en face d'un tel sentiment. 

» Besançon, le 30 août 1865. 

» Au nom du Comité départemental du Doubs : 
» Le Président, L'un des Secrétaires, 
» L. BRETILLOT. A. CaSTAN. » 


— 212 — 


Ce document, communiqué à la Commission impériale, a 

- eu la bonne fortune d’être jugé digne par cette haute assem- 

blée de servir de guide aux autres Comités des départements. 

Cent exemplaires envoyés, sur sa demande, à M. le Commis- 

saire général, ont été adressés, en effet, à titre de renseigne- 
"ment, à tous les Comités départementaux de France. 

Par l'article 27 de son règlement général, la Commission 
impériale. avait formulé le désir que les producteurs français, 
exerçant des industries comprises dans une même classe, 
s’entendissent entre eux pour faire un projet d'installation 
dans l'emplacement qui aurait été affecté à leur classe. 

Le Comité jugea qu'un concert de cette nature était parti- 
culièrement désirable pour l'installation des produits de la 
fabrication horlogère de Besançon et du département du. 
Doubs. Le Comité réunit, à cet effet, les établisseurs d’horlo- 
gerie de Besancon, qui adhérèrent unanimement à cette com- 
binaison. M. Ch. Savoye, désigné comme mandataire du 
groupe horloger près la Commission impériale, s'empressa de 
parcourir les montagnes du Doubs pour obtenir le concours 
des fabricants d'outils, d'ébauches et de toutes les parties 
détachées relatives à la construction des montres. 

Nous ne saurions adresser trop complètement nos éloges à 
M. Ch. Savoye pour le zèle et le dévouement qu'il a déployés 
dans sa mission. Il ne fallait rien moins que son ardent désir 
de faire triompher le droit pour vaincre les difficultés qu'il a 
rencontrées de la part des délégués parisiens, tant pour la place 
à obtenir que pour le genre de vitrine à installer. Nous ne 
pouvons oublier de dire aussi que c'est aux démarches désin- 
téressées de M. Ch. Savoye, près des fabricants et ouvriers 
des montagnes du Doubs, que l’on doit les nombreuses adhé- 
sions que l'on a enregistrées. 

Enfin, lorsque le nombre définitif des exposants horlogers 
fut connu, une splendide vitrine a été construite et installée 
dans une des meilleures places de la classe 23. C’est dans 
cette vitrine que se trouvent classés les produits de la fabrique 


bisontine et des divers arrondissements du Doubs, représentés 


par 86 exposants. 


Au-dessus de cette vitrine, on lit l'inscription que voici : 


Exposition collective des ouvriers, contre-maîtres - 


Les exposants dont les produits figurent dans cette vitrine 


— 213 — 


et fabricants du Doubs. 


monumentale sont les suivants : 


Etablisseurs et ouvriers. 


MM. Savoye frères et Cie, à Besançon. 
Fernier, Louis, et frères, id. 


JEANNOT-DROZ, id. 
Bossy, Xavier, . id. 
CRESSIER, id. 
BourrTey fils, id. 
FAvRE-HEINRICH, id. 
Taminrau et Cie, id. 
BorTeL et fils, id. 


Haas jeune, 


id. 


LamBEerT, Hippolyte, id. 
WuILLEUMIER et sœurs, id. 


DE LimaN, | id. 
Cosre, Auguste, id. 
BELLAT, Jules, id. 
PrzyazLcowskr, Julien, id. 
MonTanpoN, Charles, id. 
MicHeL, id. 
Naupier, Louis, id. 
MÉTAYER, id. 
Rauss, id. 


L'EcoLt MUNICIPALE D'HORLOGERIE : G. SIRE, directeur. 


Fabricants d'ébauches, remontoirs, etc. 


MM. Jaccarp, Ulysse, à Besançon. 
BEURNIER frères, à Seloncourt. 


MM. 


MM. 


MM. 


MM. 


.— 214 — 
. Dupommier et MaRGuET, à Villers-le-Lac. 
BiérruY frères, id. 
Finisseurs. 


Moxxer, Charles, au Creux de Damprichard. 
Hinrzy, Auguste, à Charmauvillers. 


Blancs de pendules et appareils télégraphiques. 
Roux et Ci°, à Montbéliard. 


Planteurs d’échappements. 


GéLix, Constant, à Montbéliard. 

Bruor, Louis, et Cie, id. 

MarGuET, Emile, à Villers-le-Lac. 

Meuzy frères, à Baume-les-Dames. 

Marxey, Edouard, aux Verrières-de-Joux. 

GirarD, Paul, à Besançon. 

CouLon, Joseph, id. 

Pizzoy, Victor-Léon, à Besançon (réparage de ponts par 
procédés mécaniques). 


Fabricants d'assortiments pour échappements à verge, 


à cylindre, à ancre, etc. 


CHATELAIN, Auguste, à Charquemont. 
LAMBERT, Amable, à Villers-le-Lac. 
Bargier, Xavier, à Charquemont. 
BixéreuY frères, id. 

More, Aimé, aux Ecorces. 

SaroN, Xavier, à Besancon. 

Leroux, Pierre, id. 


Fabricants d'équarrissoirs, fraises, raquettes, balanciers, 


MM. 


vis, secrets, pierres, etc. 
SÉRANT, à Besancon. 
JuNop, Ulysse, id. 
MarécHaux (Me), id. 


MM. 


MM. 


MM. 


MM. 


MM. 


— 215 — 
QuéLerT, Jean-Pierre, à Besançon. 
Guxor, 2 ed. 
MonTaRLiER, à Villers-le-Lac. 
Viaz, à Besancon. 
DesserT, Frédéric, 1d. 
Fabricants d’aiguilles. 


Bipau, Emmanuel, à Besançon. 


HuGuEnIN, Ulysse, id. 
JEANNERET, Armand, id. 
Gizzer, Edouard, id. 
Lécrivaix, Claude, id. 
BALANCHE, id. 


PERNeT, Jeanne (M'°), id. 


Fabricants de ressorts. 
Berraoup (M"° veuve), à Besançon. 
HumBerT-LEeBoN, Lucien, id. 

Fabricants de cadrans. 


JoBeLiN, Célestin, à Besançon. 
ALIX, Just, id. 
MATHIEU, Alphonse, id. 


Doreurs et argenteurs. 
Giro», Victor, à Besancon. 


BERTHELOT, id. 
PINAIRE, id. 


Préparateurs de matières d’or et d'argent pour monteurs 


MM. 


de boîtes, pendants, bélières, etc. 


PuiLiserT, Léon, à Besancon. 
Æscximanx et Cj°, id. 
Maraey-DorErT, id. (plaqué, galonné). 


Monteurs de boîtes d’or. 


. Braxc, Jean, à Besançon. 


— 216 — 


MM. Meyer, Jean, à Besancon. 
PerreNoup et (ie, id. 
PERRELET (M"° veuve) et fils, id. 
GuigaRp père et fils, id. 
HAMBART frères, id. 


Monteurs de boîtes d'argent. 


MM. Couzer, Edouard, à Besancon. 
Rozanp, Jean-Joseph, id. 
SAVOUREY, Arthur, id. 


Domox, id. 
Méxawr frères, à Damprichard (maillechort, dardenne). 


Graveurs. 


MM. Borzcor, Constant, à Besançon. 
Borzcor, Charles, id. 
Borzcor, Victor, id. 


Poudres à polir, huiles et fournitures diverses. 


MM. Marcna et FRANCK-DE-PRÉAUMONT, à Besançon. 
JUILLARD père et fils, id. 


MM. Savoye frères et ©. — L'exposition de cette 
maison, une des plus anciennes de la fabrique bisontine, est, 
sans contredit, des plus complètes et des plus riches. Tous les 
genres français y sont représentés et exécutés à l'égal de ceux 
de la Suisse. La variété des produits montre bien tout ce 
qu'une intelligente entente des affaires peut enfanter en fait 
d'industrie. À côté de mouvements simples parfaitement ter- 
minés, on remarque des pièces avec remontoir à déclanche- 
ment, et, entre autres nouveautés, de jolis fonds de boîtes en 
camées d'un goût exquis. Plus de 300 montres, toutes plus 
confortables les unes que les autres, prouvent que la maison 
SavoyE a tenu à honneur de montrer tout ce que la fabrique 


— 217 — 


bisontine offre de ressources en ce genre et qu'elle est à même 
de lutter avec les meilleures maisons de la Suisse. 


M. Louis Fernier et frères. — L'installation de ces 
messieurs rivalise avec la précédente. C'est aussi le fait d’une 
maison solidement constituée. Deux fils de M. Louis FERNIER 
ont été des élèves distingués de l’école d'horlogerie de Besan- 
con; deux de ses frères sont également horlogers : en sorte 
que tout ce personnel d'élite fait de cette maison une des rares 
exceptions parmi les fabricants d'horlogerie proprement dits, 
et justifie la réputation qu'elle s'est acquise non-seulement en 
France, mais encore à l'étranger. 

Variété, construction rigoureuse, élégance, telles sont les 
qualités offertes par les montres de ces exposants qui, avec la 
maison SAvVoyE, occupent le premier rang des producteurs 
français. Aussi regardons-nous comme dérisoires les récom- 
penses accordées par le jury à ces deux maisons, les plus im- 
portantes de la fabrique bisontine. 


ME. Jeannot - Droz, tout en fabriquant sur une large 
échelle la montre de commerce, s'occupe aussi avec succès 
de la montre pour particuliers, qui était une spécialité de son 
prédécesseur à Besançon. Son envoi recèle un grand nombre 
de belles pièces pour hommes et pour femmes : les unes ornées 
d'émaux, de chiffres ciselés en relief ou gravés, les autres 
d’armoiries du meilleur style. Les produits de cet exposant 
prouvent une fois de plus combien est riche en ressources la 
fabrique bisontine, et qu’il n’y a qu'à savoir les utiliser pour 
obtenir des résultats remarquables. 


À M. Bossy s'applique une partie de ce que nous venons 
de dire relativement à la construction de la montre pour par- 
ticuliers. Les montres de M. Bossy sont variées et d'une bonne 
facture; en un mot, elles reflètent les caractères d’une excellente 
maison. On a critiqué M. Bossy d’avoir exposé un chronomètre 

15 


— 218 — 


de poche avec échappement à tourbillon, qui n'aurait pas été 
fabriqué chez lui. En admettant ce fait qui n'est pas prouvé, et 
lors même que cet échappement aurait été planté en Suisse et 
le mouvement terminé à Besançon, la critique aurait moins 
de valeur que celle qu'on peut adresser aux Anglais qui 
exhibent des pendules de voyage entièrement faites à Paris, 
ou des chronomètres de poche complètement construits dans 
le canton de Neuchätel. 


M. Houttey fils expose moins de produits que ses voisins, 
mais ils ne leur cèdent pas en qualité. Ses pièces à répétition, 
à secondes indépendantes, à remortoir, ont le cachet de la 
bonne école. Du reste, tous les horlozers français ont connu 
M. BourTeyx père : renommée oblige. 


ME. Cressier fait aussi sa spécialité de la montre pour par- 
ticuliers. Sa coquette exposition révèle Les soins les plus scru- 
puleux dans le choix de pièces irréprochables comme travail et 
comme décoration. De jolis émaux, des peintures délicates, 
des incrustations de pierres précieuses, sont artistement dissé- 
minés sur ses fonds de boîtes. Cet exposant s'est fait une règle 
de n'employer que des produits essentiellement français, eten 
stimulant les artistes bisontins, il a été pour une grande part 
dans les progrès qu'a accomplis la fabrique bisontine depuis 
un certain nombre d'années. 

A la suite de livraisons faites en haut lieu, M. CREssIER a 
obtenu le brevet de fournisseur de l'Empereur des Français, 
titre que la qualité de ses pièces justifie pleinement. 


MA. Favre-Heinrich possède une vitrine pleine de jolies 
montres, et notamment une belle collection de pièces à remon- 
toir, depuis la montre de luxe jusqu'à la montre courante du 
commerce. Cet exposant et ceux qui précèdent sont assurément 
les fabricants bisontins qui savent le mieux utiliser les forces 
vives de la fabrique française. Cela résulte d’un talent incon- 


L'RNPE 


— 219 — 


testé en horlogerie, d'une connaissance parfaite de la fabri- 
cation, du choix des ouvriers et d’une sévérité constante dans 
l'exécution. 


MM. Taminiau et C'° exposent aussi une collection 
très variée de montres à remontoir, mais dans les qualités 
courantes. C’est néanmoins de la bonne horlogerie. 


NE. Hippolyte Lambert expose une belle série de 
montres variées en or et en argent d’une bonne facture. C'est 
du travail consciencieux qui offre toute garantie. 


Pareille observation pour les montres de MM. Wuilleu- 
mier et sœur, qui sont également très-variées et comme 
genre et comme qualité. 


M. Auguste Coste expose un assortiment de pièces bien 
construites mais dans les qualités qui constituent plus spé- 
cialement la montre de commerce. C’est en définitive de la 
bonne horlogerie. 


ME. Bella à également droit à une mention favorable pour 
les beaux spécimens qu'il expose. Il est regrettable qu'un plus 
grand nombre d'exposants ne soient pas venus, comme lui, 
montrer tout ce que la fabrique bisontine a fait de progrès 
dans un genre d'horlogerie qui a grandement contribué à 
augmenter sa réputation: 


MX. Haas et M. Boitel sont également exposants dans la 
vitrine collective du Doubs, et dans la section suisse pour le 
premier, et dans l'exposition parisienne pour le second. Ces 
deux maisons font fabriquer à Besancon. La vitrine de 
M. Haas est remarquable comme richesse et comme qualités 
de certaines montres, mais dont l’origine suisse est évidente. 
Toutefois les produits de M. Haas dénotent ce que ce fabricant 
est à même de faire exécuter, et on ne peut que lui adresser 
des éloges pour la beauté de son exposition. 


— 220 — 


L'apport de M. Borrez contient des montres d'une bonne 
construction, mais dont l'origine mixte offre la plus grande 
analozie avec celles de M. Haas. Mais si cet exposant et 
M. Haas ont établi à Besançon des comptoirs de fabrication, 
c'est une preuve que la localité offre des ressources que l’on 
chercherait vainement ailleurs. Il est aujourd'hui reconnu 
que la montre courante du commerce s'établit mieux à Be- 
sançcon qu'en Suisse, à égalité de prix. 


Parmi les autres horlogers de mérite, nous devons encore 
citer ME. Julien Przyalgowskhi. Cet artiste n’expose que 
deux montres dont le travail et le genre, peut-être un peu 
démodés, n’en possèdent pas moins les qualités requises pour 
un bon réglage. On retrouve dans ces deux pièces le même 
talent qui a procuré à cet horloger des récompenses dans les 
expositions antérieures. 


M. Charles Montandom possède une seule montre à 
secondes indépendantes et à remontoir par le pendant, faite 
entièrement par lui. Cette pièce, finement travaillée et bien 
conçue, à particulièrement fixé l'attention de M. C. FRopsHAM, 
l'un des jurés, qui en a témoigné hautement sa satisfaction. 
C'est évidemment à cet exposant que s'adresse la mention 
honorable que le catalogue officiel attribue à tort à M. Henri 
MoNTANDON, qui n'a rien exposé. 


. M. Ulysse Jaceard expose un joli carton où se trouvent 
groupées les diverses pièces des remontoirs par le pendant. 
C'est une spécialité de cet exposant, dont le travail est irré- 
prochable en tous points 


Les ébauches de FEMME. Beurmnier frères sont bien trai- 
tées; elles sont une précieuse ressource pour les bonnes qua- 
lités de montres de la fabrique française. 


Les ébauches de MEME. Dupommier et Marguet, de 
MM. Binétruy frères, sont plus soignées que les précé- 


- — 221 — 


dentes : c'est presque de l'ouvrage de la Vallée de Joux. Les 
mêmes exposants fabriquent aussi des blancs avec plantages 
d'échappement à ancre d’un beau travail. 


MM. Houx et © ont un assortiment des plus complets 
de blancs de pendules, de métronomes et de mouvements 
pour télégraphes. Les pièces détachées, qui accompagnent les 
pièces montées, mettent en évidence les soins apportés dans 
l'exécution des détails. Le taillage des pignons et des roues 
est bieri entendu et d'une bonne facture. Il est facile de faire 
d'excellentes pendules avec des roulants d'une telle exécution, 
qui est l’objet de perfectionnements constants dans cette im- . 
portante maison. Aussi a-t-elle refusé la médaille de bronze 
qui lui est accordée, en 1867, pour des produits meilleurs que 
ceux qui lui avaient mérité une médaille de première classe 
en 1855. 


Les finissages de MEME. Charles Monnet ct Auguste 
Himtzy sont bien traités. Le finissage des barillets est soigné, 
le pivotage bien exécuté et les roues bien en place, en sorte 
que les engrenages fonctionnent dans d'excellentes conditions. 
C'est du travail fait en conscience et qui dénote chez les expo- 
sants une connaissance profonde de leur profession. 


Une partie intéressante de la vitrine collective du Doubs est 
celle relative aux plantages d'échappements. On observe avec 
plaisir les porte - échappements à ancre et à cylindre de 
M. Constant Gelim, pour pendules de voyage, compteurs, 
etc., ainsi que ceux de ME. Constant Bruot, de Monthé- 
liard. Les plantages de 35. Emile Marguet, de Villers-le- 
Lac, et de MM. Meuzy frères, de Baume-les-Dames, sont 
très remarquables, et indiquent des auxiliaires auxquels on 
‘peut s'adresser en toute confiance. Nous ne saurions passer 
sous silence le pivotage finement fait de Si. Paul Girard 
et de ME. FSoseph Coulon, de Besancon, et enfin les beaux 
plantages-ancre de M. Edourrd Mathey, des Verrières-de- 


— 222 — 
Joux. Ces exposants forment une pléiade de bons horlogers, 


prêts à répondre à toutes les exigences d’une fabrication hors 
ligne. 


M. Pilloy est arrivé, à la suite de patientes recherches, à 
imaginer des procédés mécaniques pour le réparage des ponts 
des montres. Les spécimens exposés ne laissent rien à désirer, 
et on ne peut qu'applaudir à ce résultat, tardivement compris 
par les établisseurs, qui donne aux ponts une forme des plus 
correctes, abrége le temps et simplifie notablement le travail 
des repasseurs. 


Dans les assortiments, on aime à examiner les jolis cartons 
contenant les roues de cylindre et cylindres dans leurs diver 
degrés d'avancement de M. Xavier Barbier et de M. Au- 
guste Chatelaïin, tous deux de Charquemont; les verges 
etassortiments ancre de MINE. Binétruy frères, de la même 
localité ; les fourchettes, ancres, plateaux et ellipses de 
M. Amable Lambert, de Villers-le-Lac. Enfin, parmi les 
spécialistes qui s'occupent plus particulièrement de la confec- 
tion des roues de cylindres, nous citerons les remarquables 
spécimens de M. Aimé Morel, des Ecofces, dont la produc- 
tion est presque exclusivement destinée à la fabrique gene- 
voise. Les roues de cylindre de ME. Saron et de M. Pierre 
Leroux, de Besancon, méritent également des éloges pour 
leur élégance, leur régularité, et surtout pour la parfaite incli- 
naison de leurs dents. 


NS. Sérant possède un carton sur lequel est artistement 
fixée une belle collection d'équarrissoirs pour grosse et petite 
horlogerie. Le travail est régulièrement fait, mais nous n'avons 
pu apprécier le mordant et la qualité de la trempe de l’acier 
employé. 


Les taillages à la fraise ou au couteau de roues dentées, 
rochets, molettes, etc., de M. Ulysse Junod, sont réguliè- 


LENS 


— 223 — 


rement divisés et franchement coupés. On voit que cet expo- 
sant construit lui-même ses fraises qu'il sait varier à l'infini. 
L’habileté bien reconnue de M. Juxop est une grande ressource 
pour la construction des pièces nouvelles ou de celles qui 
dépassent les dimensions généralement usitées dans les 
fabriques. 


Les balanciers variés de RE. Guyon, de Besançon, et de 
M. Moutarlier, de Villers-le-Lac, ont un mérite réel et 
ont droit à une mention spéciale. 

La fabrication de vis et chevillots de M. QGuélet, de Besan- 
con, est estimable sous bien des rapports. 

Les secrets de boîtes de ME. Vial accusent son adresse et 
son savoir dans cette partie importante, qui intéresse au plus 
haut degré la fermeture et partant la conservation des montres. 

Des compliments doivent être adressés à B”° Maréchaux 
pour ses raquettes correctement terminées et d’un poli irré- 
prochable. 

La fabrication des pierres dures et leur sertissage ont un 
représentant distingué dans ME. Frédéric Dessert, de Be- 
sancon. Les échantillons qu'il expose montrent qu'il n'est 
arrèté par aucune difficulté. 


La fabrication des aiguilles est largement représentée. Les 
envois de MAN. Emmanuel Bidau, Ulysse Hugue- 
nin et Armand Jeanneret, fixent “A particulièrement 
l'attention comme étant les plus variés et les plus complets. 
Tous les genres usités dans les qualités courantes et dans les 
pièces de précision s'y trouvent réunis, depuis la plus fine 
trotteuse jusqu'à la seconde de rézulateur, depuis Faiguille 
simple monochrome jusqu'à celle damasquinée, 

Les expositions de RA#. Edouard Gillet, Lée cvivain, 
Balanche ct de M'° Jeanne Pernet, pour être plus 
modestes, n’en sont pas moins estimables, quoiqu elles se 
distinguent entre elles par des qualités diverses de main- 
d'œuvre et par l'élégance des formes. 


»* 


— 9224 — 

Les ressorts de montres exposés par M”° veuve Berthoud 
sont d’une grande beauté. Le choix des aciers, les soins par- 
ticuliers apportés à la trempe invariablement exécutée par 
M. Berroup fils, la précision dans l’égalisage et l’uniformité 
obtenue dans le recuit, ont fait aux ressorts de M° BEerrHouD 
une réputation incontestée. Nous avons visité en détail les 
procédés de fabrication de cette maison, et nous avons eu la 
raison de l'estime dont ces ressorts jouissent non-seulement 
en France, mais en Angleterre, où ils sont exportés en quan- 
tité assez considérable (1). 

Les ressorts de M. Lueiemn Humbert-Lebon sont éga- 
lement dignes d'attention. Leur graduation est habilement 
mise en relief par une disposition aussi élégante que simple. 
Avec ces deux maisons, la fabrique bisontine n’a rien à envier 
à la Suisse, car elles sont à même de répondre à tous ses 
besoins comme qualité et fini d'exécution. 


Les cadrans exposés révèlent une connaissance parfaite de 
cette profession, et c'est avec plaisir qu'on examine les spéci- 
mens de M. Johelin. Ses émaux sont variés et irréprochables 
comme teinte et comme pureté; la peinture en est toujours 
correcte et bien disposée, signes irrécusables d’une surveillance 
sérieuse et d'un désir permanent de livrer des produits de 
choix. 

Des qualités non moins réelles existent dans les cadrans de 
NE. Just Alix et de M. Alphonse Mathieu. On y ren- 
contre quelques petites peintures de bon aloi qui frisent 
presque la miniature et disent assez ce qu'on peut espérer de 
ces exposants. 


On sait que la dorure électro-chimique a remplacé. en hor- 
logerie, la dorure au mercure. Trois exposants bisontins, 
MINI. Victor Girod, Berthelot ct Pinaire, ont des pro- 
duits qui mettent en évidence les diverses phases de la dorure 


() Cette maison produit annuellement 20,000 douzaines de ressorts. 


— 225 — 


à la pile appliquée aux mouvements de montres. Voici som- 
mairement les diverses manipulations que nécessite ce genre 
de dorure. 

Les pièces à dorer sont préalablement adoucies à la pierre, 
puis sont décapées en paquets. Ensuite la surface est grenée : 
l'opération consiste à frotter cette surface à l'aide d’une brosse 
rude en crin et enduite d’une pâte formée d’argent en poudre, 
de sel de cuisine, de crème de tartre et d'eau en quantité con- 
venable. On produit de cette facon, à la surface des objets 
fixés sur un liége, un grain uniforme résultant de l’adhérence 
successive de parcelles d'argent : ce grain est avivé par un 
gratte-brosse. Les objets sont mis dans le bain à dorer en 
étant reliés au pôle négatif de la pile. La dorure obtenue est 
mate. Le grain doré est de nouveau avivé ou brillanté par un 
gratte-brosse; les pièces sont lavées, séchées et deviennent alors 
prêtes à être remontées. Si les pièces à dorer renferment des 
parties en acier poli, ces parties doivent être, avant toutes les 
opérations, préservées par une couche de vernis ou épargne. 

En faisant varier la composition du bain, l'intensité du 
courant électrique et la température, on peut faire acquérir à 
la dorure diverses nuances suivant les exigences du commerce. 
Les dorages des trois exposants que nous venons de citer sont 
remarquables sous ce rapport; ils prouvent qu'entre leurs 
mains la dorure électro-chimique est susceptible de recevoir 
une foule d'applications. 


Le titre de l’alliage de la petite bijouterie, qui comprend les 
boîtes de montres, doit être, comme on sait, à un titre légal de 
750 millièmes pour l'or, et de 800 millièmes pour l'argent, 
avec une tolérance de 3 millièmes pour le premier de ces titres 
et de 5 millièmes pour le second. 

Autrefois chaque monteur de boîtes était obligé de fondre 
ou de constituer lui-même le titre de l'alliage qu'il devait 
employer, et d'en faire exécuter l'essai pour être certain de ce 
titre. Il en résultait une grande dépense de temps et des 


À ACTEUR 


= 
» 67. TOR 


— 226 — 


chances d'accidents fort onéreuses, indépendamment de ce 
que cette facon de procéder exigeait la formation d’une quan- 
tité d’alliage dont on ne trouvait pas toujours de suite l'emploi. 
C’est pour supprimer ces inconvénients que l'industrie dont 
nous allons parler a été créée. 

Cette industrie consiste à opérer sur une grande quantité 
d'alliage, à le dénaturer, c’est-à-dire à en accomplir le dégros- 
sissage pour la fabrication des boîtes de montres, et à le vendre 
par parties fractionnées pour un nombre de boîtes quelconque, 
tout en garantissant le titre légal de cet alliage. On conçoit dès 
lors tout ce qu'il y a d'avantageux, pour le monteur de boîtes 
en Or ou en argent, à pouvoir se procurer de suite la stricte 
quantité d’alliage pour un nombre de boîtes donné avec dé- 
grossissage fait (t). Il est bien entendu qu'en dehors de la 
valeur intrinsèque de la matière, il paie un excédant pour frais 
de fonte, d'essai et de dégrossissage. Les tournures, limailles, 
et autres déchets résultant du travail des boîtes, lui sont repris 
après fusion et à un prix qui dépend du titre du nouvel alliage. 

Deux maisons sont établies à Besancon pour la préparation 
des matières d'or et d'argent telle que nous venons de l’ex- 
poser brièvement. Ce sont celles de MK. Léon Philihert et 
NERI. Æschimann eé €. 

Les produits exposés par ces messieurs consistent en échan- 
tillons très variés de fils pour carrures et lunettes, unies ou 
ciselées, en plaques de fonds, cuveites, pendants et bélières 
de toutes dimensions, le tout obtenu à l'aide de moyens mé- 
caniques mus par des machines à vapeur. Ce sont des produits 
de cette nature qui alimentent la presque totalité des ateliers 
de monteurs de boîtes de Besancon. | 

Une industrie analogue à la précédente est celle de la fabri- 
cation du plaqué et du galonné pour boîtes en argent. Ce genre 
de dégrossissage n'est pas exécuté à Besancon, mais au Locle 
par M. Mathey-BDoret, qui en à établi un dépôt important 


@) Ce qui lui permet de restreindre son personnel et son outillage. 


Er os 
au sein de la fabrique bisontine, et dont des échantillons bien 
groupés figurent dans la vitrine collective du Doubs. 


Nous venons d'indiquer l'origine des alliages qui servent à 
la fabrication des boîtes de montres. Six monteurs de boîtes 
en or et quatre monteurs de boîtes en argent de la fabrique 
bisontine exposent le produit de leur travail, depuis la boîte 
simple jusqu'à la plus compliquée. Autrefois les boîtes de 
choix se tiraient de la Suisse; mais aujourd'hui nos monteurs 
de boîtes rivalisent avec ceux de Genève et du canton de Neu- 
châtel. Il est facile de s’en convaincre par les spécimens des 
monteurs de boîtes français dont les noms sont cités plus haut. 
Dans les tournages, les charnières, les ajustements des fonds 
et les fermetures, tous ont tenu à prouver qu'ils ne redoutent 
pas la comparaison avec les produits similaires suisses, et ils 
ont eu raison. Cette concurrence ne peut les atteindre, et 
nous les remercions sincèrement d'être venus affirmer que les 
305 mille boîtes contrôlées à Besancon, en 1866, y ont été 
entièrement construites par eux et leurs collègues, et qu'ils 
sont à même de suffire à une plus grande production dès 
qu'elle sera demandée. 


MIW. Ménant frères, de Damprichard, ont envoyé un 
beau choix de boîtes en composition (maïllechort, dardenne, 
etc.). Pour être construites avec des alliages communs, ces 
boîtes n’en sont pas moins d'une bonne exécution; les char- 
nières sont solides et la fermeture hermétique. 


Les graveurs et guillocheurs bisontins se sont abstenus. La 
fabrique bisontine possède pourtant de grands ateliers pour ce 
genre de travail, et une foule d'artistes de mérite dont les 
œuvres auraient pu enrichir la vitrine collective. Cette absten- 
tion est regrettable et nous n’en rechercherons pas les motifs. 
Nous citerons toutefois l'exception offerte par MINE. Constant 
Boillot, Charles Boillot et Victor Boillot, qui se sont 
empressés de répondre à l'appel du Comité. Leurs travaux sont 


— 228 — 


dignes d'éloges, et on examine avec intérêt les gravures et les 
chiffres ciselés qui sont dans le cadre de M. Constant Boizcor, 
et ceux qui décorent les montres exposées par RE. Jennnot- 
Droez, également exécutés par cet artiste. Un mérite au moins 
égal existe dans les œuvres de M. Charles Borzror; et, même 
pour montrer que sa science ne se limite pas à la parfaite 
exécution des articles de commerce, cet artiste expose une 
gravure en taille douce sur acier de la fameuse Descente de 
croix de Rubens. La difficulté était grande, mais elle a été 
surmontée avec bonheur. 

Les gravures et guillochages sortant de l'atelier de M. Victor 
BorzLor, ont aussi un très grand mérite, et on ne peut que 
regretter le silence du jury à l'égard de cet exposant et de ses 
deux frères dont les œuvres excitent vivement l'attention des 
visiteurs. 


Nous terminerons cette revue de la vitrine collective en 
signalant les divers échantillons de peroxyde de fer exposés 
par MIRE. Rlarehal et Franmchk-de-Préaummont et par 
RENE. Juillard père et fils. On sait que ce peroxyde à 
divers degrés de dureté est désigné sous le nom de rouge à 
polir; il sert en effet au polissage des boîtes de montres, de la 
bijouterie, des aciers, des glaces, etc. Les produits estimés de 
ces exposants alimentent une partie de la fabrique bisontine. 


Des récompenses. 


Ici s'arrête l'examen que nous avons fait des œuvres conte- 
nues dans la vitrine collective du Doubs, et ce n’est que suc- 
cinctement, à notre grand regret, que nous avons pu rendre 
compte de chacune d'elles. Nous avons opéré toutefois avec 
conscience et sincérité. Nous donnons, il est vrai, le résultat de 
nos appréciations personnelles; mais nous avons eu l’occasion 
bien des fois de nous trouver d'accord avec des autorités d'une 
compétence incontestable. 11 résulte donc de cet examen que 
la vitrine collective du Doubs met en évidence une grande et 


— 229 — 


belle industrie, unique en France et centralisée dans une 
seule ville limitrophe de la Suisse. Il semble qu'une pareille 
industrie, dont les développements tiennent du prodige, pos- 
sède les sympathies générales, et qu'il serait non-seulement 
du devoir de l'Etat, mais de son intérêt, de lui ménager les 
moyens de se développer encore. Il n’en est malheureusement 
pas ainsi. Le traité de commerce avec la Suisse, notamment, 
est là pour prouver la situation difficile qui est faite à la 
fabrique bisontine, par suite de droits protecteurs illusoires et 
certainement plus nuisibles que le libre-échange. 

Une occasion exceptionnelle s'est offerte de montrer au 
monde entier l'existence et surtout l'importance de cette in- 
dustrie, et elle a été saisie avec empressement. C'est l'Exposi- 
tion universelle de 1867. Pourquoi faut-il que là encore tant 
d'efforts aient été méconnus officiellement ? Le jury a visité au 
pas de course les œuvres de 86 exposants, et c'est à peine s'il a 
consacré deux heures à l'examen de la multitude de produits 
renfermés dans la vitrine collective du Doubs. D'un coup-d'œil 
si peu sérieux et donné d'une façon presque dédaigneuse, il ne 
pouvait rien résulter de favorable pour la fabrique bisontine. 
En effet, le jury a daigné accorder quelques médailles de 
bronze et des mentions honorables à certains exposants, et à 
l'exposition collective une médaille d'argent. C'était un véri- 
table déni de justice. Aussi cette médaille d'argent a-t-elle été 
refusée avec la plus digne unanimité. 

Nous avons fait ressortir l'empressement de l'horlogerie du 
Doubs à se rendre à l'appel du Comité départemental; nous 
allons indiquer les frais que cette participation a occasionnés 
aux fabricants et aux ouvriers, et nous mettrons en regard 
l’accueïl qui leur a été fait en retour par le jury international. 

On a vu précédemment que, pour satisfaire le désir nette- 
ment exprimé par la Commission impériale, on décida que 
l'exposition de l’industrie horlogère du Doubs serait collective : 
ce qui entraîna la construction d'une vitrine monumentale 
dont le prix élevé, réuni aux frais d'installation, de garde et 


— 230 — 


de surveillance pendant toute la durée de l'Exposition, ont 
porté les frais généraux à 6 fr. le décimètre carré, soit 600 fr. 
le mètre carré. Or, comme la surface occupée par la vitrine 
collective est de 16,54 mètres carrés, cela porte la dépense à 
9,924 fr.; et, si à cette somme on ajoute les frais d'expédition 
et de réexpédition des produits, on dépasse le chiffre de 
10,000 fr. 

De l'aveu du rapporteur suisse, il est reconnu que l’horlo- 
gerie du Doubs a fait des progrès sérieux depuis les précédentes 
Expositions. En effet, M. WarTManx dit « que le jury a cons- 
taté avec plaisir les progrès très évidents de cette importante 
fabrication comparée à ce qu'elle était en 1855. » 

M. Brecuer est plus explicite, car dans son rapport à la 
Commission impériale il s'exprime ainsi : 

« De même que Genève, la fabrique de Besancon emprunte 
ses ébauches et finissages à la Vallée de Joux et au Val-de- 
Travers pour les ouvrages de choix. C’est la même manière 
de faire qu'en Suisse; mais cependant l'ouvrage n'atteint pas 
encore le fim, la belle exécution que l'on trouve dans l’horlo- 
gerie suisse et genevoise. 

» Besançon à fait beaucoup de progrès depuis quelques 
années, et l'on peut être sûr, avec le désir de bien faire qui 
existe chez les fabricants et les ouvriers, que dans peu d'années 
on les verra exécuter quelques pièces d'horlogerie aussi bien 
finies qu'à Genève. Cependant il est à craindre que Genève 
ne conserve encore longtemps sa suprématie, car sa position 
géographique est telle qu’elle appelle chaque année un con- 
cours d'étrangers de distinction qui entretiennent le bon goût 
et la grâce des formes de ses ouvrages. » 

Sans doute la position géographique de Genève est pour 
beaucoup dans la richesse de son industrie; mais nous avons 
confiance dans le savoir-faire de l'ouvrier français qui, lorsqu'il 
est placé dans de bonnes conditions d'existence, s’efforce tou- 
jours d'égaler l'étranger et se laisse rarement distancer par lui. 

En tout cas, si les progrès de la fabrique bisontine sont si 


— 231 — 


hautement affirmés, il est au moins étrange qu'on les ait si mal 
reconnus officiellement, qu'on les ait même dissimulés par une 
récompense de même ordre que celle accordée aux coopérateurs 
de quelques grandes maisons. Nous sommes loin de contester le 
mérite de ces coopérateurs; nous avons vu, au contraire, avec 
plaisir qu'en 1867 on avait enfin songé à reconnaître le talent 
d'artistes dont les œuvres se voient partout dans les vitrines 
de leurs patrons, tandis que leurs noms ne figurent nulle part. 
Mais, quel que soit le mérite de ces artistes, leur coopération 
à la prospérité de la maison qui les emploie peut-elle être 
comparée aux progrès industriels de tout un département ? 

Il est certain qu une omission grave a été faite par l'indus- 
trie horlogère du Doubs : c’est de n'avoir pas posé comme con- 
dition sine qua non de son adhésion qu'un juré au moins fût 
pris dans son sein, condition que justifiait largement le nombre 
de ses exposants comparé à celui des horlogers français égale- 
ment exposants. Il est évident que ce juré n'aurait pas eu de 
peine à faire prévaloir la vérité, en insistant sur les progrès 
et les résultats commerciaux de l'horlogerie du Doubs. Mais 
à supposer que les jurés français ignoraient ces résultats, il 
y avait dans le jury des Suisses qui ne les connaissaient que 
trop, et leur amour-propre national aurait eu le bon goût de 
s'effacer dans une question d'équité. 

Du reste, la fabrique bisontine n'est pas la seule qui ait été 
méconnue par le jury de la classe 23. Parmi les exposants 
anglais, il y a une maison que tous les connaisseurs jugeaient 
digne de la médaille d’or. C'est la maison F. Denr er Ci°, de 
Londres. On a décerné à cette maison une médaille d'argent 
qui, certes, ne l'a pas satisfaite : aussi s'est-elle plaint dans le 
Times de la partialité du jury et surtout de l'influence du 
vice-président M. Ch. Fropsxam. Il en est résulté une petite 
polémique entre MM. Der er Ci° et M. Ch. Fropsaam. Les 
personnes que cela pourrait intéresser trouveront la traduction 
des lettres échangées entre ces messieurs, dans le numéro de 
janvier 1868 de la Revue chronométrique. 


— 232 — 
Pour l'édification du lecteur, nous extrayons de la réponse 
de M. Ch. Fropsxan les passages suivants : 


« Il est important pour les exposants de comprendre qu'au- 
cunes récompenses spéciales n'étaient assignées aux Anglais, 
Français et Suisses séparément. Le concours était interna- 
tional, et d'abord le nombre des médailles si limité que chaque 
pays aurait pu les gagner toutes 
C'a été pour le jury une tâche très difficile et très pémible de 
tirer la ligne. Ceci montre combien le concours fut serré et 
combien honorable pour chaque exposant. Les chronomètres 
de bord anglais étaient l'admiration de tous, et particulière- 
ment de notre président. Je crains que les Français n'aient à 
se plaindre. Leur nombre était si grand, ils vinrent si tard, et 
le temps pour faire notre rapport pressait tellement, qu’il fut 
impossible de leur rendre pleine justice. » 


Il n'est pas possible d'être plus explicite, et on ne saurait 
trop féliciter M. Ch. FropsHam de sa franchise. En face d’une 
pareille déclaration, on se demande avec étonnement quel a 
été le rôle des jurés français. Il nous semble qu'en conscience 
le grand nombre des horlogers français ne pouvait être une 
raison déterminante de les passer sous la jambe et de ne jeter 
sur leurs produits qu'un regard superficiel. 

Nous reconnaissons que la tâche imposée au jury était diffi- 
cile; mais il n y avait que plus de mérite à la mener à bonne 
et surtout impartiale fin. Nous savons que le temps accordé 
au jury pour faire son rapport était Court; mais c'était aussi 
une raison pour le répartir sagement; s'il en avait été ainsi, 
on n'aurait pas eu le singulier spectacle « de juges étrangers 
étonnés qu'il y eût des horlogers ailleurs que cliez eux, de 
grands travaux jugés en cinq minutes, des joujoux discutés 
des heures entières, etc. (1). » 


4) Rapter, Les récompenses de la classe 23. 


« 


_— 233 — 


Quant au reproche adressé aux horlogers français d'être 
venus si tard, il ne saurait s'appliquer aux horlogers du 
Doubs; car nous affirmons, nous qui, conjointement avec Le 
délégué du Doubs, avons procédé à l'installation de la vitrine 
collective, qu'elle était au complet lorsque, le mardi 23 avril, 
à une heure du soir, le jury s’est présenté pour en faire 
l'examen. 

Nous avons avancé précédemment que cet examen a duré 
moins de deux heures; c'est l’exacte vérité, et nous adresse- 
rons, à notre tour, au jury le reproche d'avoir procédé à cet 
examen avec un grand dédain et avec des idées préconçues 
sur le peu d'importance de l’industrie horlogère dans le Doubs 
en général, et sur le peu de mérite de chacun de ses exposants 
en particulier. 

Que les juges étrangers aient ignoré ou feint d'ignorer l'im- 
portance de l'horlogerie dans le Doubs, cela se comprend, et 
l'esprit de concurrence justifie leur silence. Mais n'’était-il pas 
du devoir des jurés français d'insister tout particulièrement 
sur ce point, et de proclamer une fois pour toutes que cette 
industrie est vraiment nationale, en lui faisant décerner une 
récompense à la hauteur des progrès obtenus ? 

Vainement on invoquerait le manque de documents. 

En effet, on a dit qu’une foule d'industries, et notamment 
les grandes usines, avaient été appréciées et Jugées sur mé- 
moires ; d'accord. Mais, sous ce rapport encore, l’industrie 
horlogère du Doubs avait rédigé et publié une notice expli- 
cative à l'appui de son exposition collective. Ce mémoire con- 
tenait des chiffres d'une authenticité incontestable et d’une 
grande éloquence. Si ces chiffres avaient été discutés, com- 
parés et interprétés d'une facon équitable par le jury, nul 
doute que son verdict aurait eu une autre conclusion; nous 
aimons à le croire du moins. 

Eh bien, ce que le jury n’a pas jugé à propos de voir, nous 
allons le mettre sous les yeux du lecteur. 

En préconisant les expositions collectives, la Commission 

16 


=, 


— 234 — 


impériale avait évidemment le désir que les jurys pussent se 
rendre compte de l'importance réelle de chacune des industries 
ainsi groupées, étudier leur situation présente, présager celle 
future, et signaler à l'Etat les mesures propres à accélérer leur 
prospérité. Or, vis-à-vis de l'Etat, quelle est la situation de la 
fabrique bisontine ? La voici. 

On a vu plus haut le nombre toujours croissant de la 


fabrication annuelle des montres à Besançon; nous allons 


rapporter, en regard de la production annuelle, les droits 
perçus par le fisc pour le contrôle des matières d'or et d'argent 
employées dans la confection des boites durant les quinze 
dernières années. 

Les chiffres du tableau suivant sont extraits du Compte-rendu 


des travaux de la Chambre de commerce de Besançon pour l’année 
1868 : 


— 235 — 


NOMBRE de boîtes de montres fabriquées à Besancon, de 1854 à 1888 
inclusivement, et soumises au contrôle de cette ville. 


NOMBRE DE BOITES MONTANT 
ANNEES | — TOTAL, des droits perçus 
en or. en argeñt. | ‘par le fisc. 

fm Re 

1854 32,994 73,482 106,076 99,063 24 
1855 19,484 | 02,459 | 141,943 | 153,246 07 
1856 60,511 99,654 160,165 | 198,429 72 
1857 69,325 | 108,230 | 177,555 | 226.926 40 
1858 65,093 125,020 190,113 | 229,699 56 
1859 66,731 125,145 191,876 227,497 80 
1860 76,146 135,665 211,811 272,601 60 
1861 83,678 166,789 250,467 305,453 04 
1862 87,966 166,511 254,477 | 320,938 56 
1863 | 108,586 | 188,508 | 297,094 | 395,992 56 
1864 94,718 206,410 304,128 365,324 04 
1865 | 95,594 200,418 296,012 374,268 » 
1866 101,309 204,126 305,435 | 399,305 52 

| Totaux 991,735 | 1,892,417 | 2,884,152 13,568,746 11 
| 1867 113,664 | 220,985 | 334,649 | 445,322 16 
| 1868 117,567 218,394 |‘ 335,961 455,417 64 
Totaux | 1,222,966 | 2,331,796 | 3,554,762 |4,469,485 91 


Ainsi, de 1854 à 1866, c'est-à-dire dans une période de 
treize années, la fabrique bisontine a construit 2,884,152 
montres, sur lesquelles l'Etat a perçu des droits s'élevant à 
3,568,746 fr. 11 c. En 1854, l'Etat percevait déjà 100,000 fr. 
environ par an; en 1866, la fabrique versait au Trésor près 
de 400,000 fr. Voilà un résultat qui devait avoir une certaine 
importance aux yeux du jury, s’il s'était donné la peine de le 
vérifier. Mais ce qui doit consoler les horlogers bisontins du 
déni de justice dont ils ont été l’objet, c’est que, depuis, la 


— 236 — 
fabrique a progressé quand même et dans des proportions qui 
dépassent toute espérance. En effet, on constate qu'à la fin de 
1868, les droits perçus annuellement par le fisc s'élèvent, en 
moyenne, à 450,000 fr., attendu que le nombre des montres 
fabriquées a été augmenté de 670,610, et les droits perçus de 
900,739 fr. 80 c. - 

Voilà évidemment un résultat que le nombre des miabties 
toujours croissant de la fabrication bisontine, avant 1867, 
faisait bien prévoir ; et si, malgré son éloquence, cette pros-. 
périté n'avait aucun crédit auprès du jury de la classe 23, ce 
dernier aurait pu, par compensation, s'inspirer des sentiments 
de quelques autres jurys, notamment de celui de la classe 40 
vis-à-vis des produits métallurgiques, lequel semble avoir 
pris en grande considération que le traité de commerce avec, 
l'Angleterre ayant créé une situation presque désespérée aux 
producteurs du fer français, on devait leur tenir grand compte 
des efforts faits par eux pour soutenir la concurrence des fers 
anglais. 

Mais, sous ce rapport encore, la fabrique d’horlogerie fran- 
caise n’a-t-elle pas aussi à lutter contre la Suisse, et ne lutte- 
t-elle pas avec avantage, malgré les conditions plus difficiles 
où se trouvent placés les horlogers bisontins ? Pour « en être 
convaincu, il suffit de savoir : 

Premièrement, que les fabricants français n'ont pas la 
faculté de faire contrôler leurs boîtes finies, faculté qui est 
accordée aux Suisses pour les montres importées, el qu'il en 
résulte un préjudice des plus sérieux pour les nationaux ; 

Secondement, que les modes d'essais appliqués aux produits 
français et étrangers ne sont pas les mêmes ; les boîtes suisses 
importées sont essayées au touchau, tandis que les boîtes 
brutes françaises sont obligatoirement essayées à la coupelle : 
or, le premier mode d'essai n’est qu'approximatif, puisque de 
l’aveu des meilleurs essayeurs il ne permet pas d'évaluer une 
différence de moins de 15 millièmes environ, et comme la 
tolérance n’est que de 3 millièmes, il est donc facultatif aux 


— 237 — 
Suisses de profiter impunément de toute cette tolérance et 
plus largement encore, si bon leur semble ; 

Troisièmement, enfin, l'assimilation qui est faite, par la 
douane française, des boîtes de montres suisses à la bijouterie 
vient encore aggraver la situation. 

Dans le Compte-rendu de ses travaux, en 1865, la Chambre 
de commerce de Besançon avait déjà fait ressortir « que la 
protection concédée à l’industrie nationale par le traité de 
commerce conclu avec la Suisse, était à peu près réduite à 
néant, par suite de l'application aux boîtiers de montres, 
introduits isolément, du tarif spécial stipulé à l'égard des 
articles de bijouterie. » 

Il y a évidemment dans ce mode de procéder une interpré- 
tation vicieuse des termes du traité. Aussi, la Chambre de 
commerce de Besançon croit-elle devoir revenir sur ce sujet, 
en 1866, et signaler que, malgré ses réclamations et ses ins- 
tances, malgré l'appui que le Conseil général du département 
a bien voulu prêter à ses démarches, dans sa séance d'août . 
1866, l'administration persévère dans les errements qu'elle a 
suivis. 

« Il ne nous paraît pas nécessaire de revenir ici sur la dis- 
cussion qui s'est engagée sur ce sujet, dit le Compte-rendu de 
1866. Nous rappellerons seulement que le boîtier fini paie, 
comme bijouterie, sur le pied de 500 francs les 100 kilogr., 
une taxe insignifiante de 10 à 15 centimes au plus, en raison 
de la modicité de son poids, et que le mouvement, présenté 
séparément pour üne valeur de 15 à 20 francs, par exemple, 
acquitte ad valorem 75 cent. à 1 franc de droit; de telle sorte 
qu une fois la frontière dépassée, on réunit le mouvement au 
boîtier, ce qui constitue la montre, et on se trouve avoir fait 
entrer celle-ci moyennant une taxe de 1 franc 10 à { franc 
15 centimes, alors que le traité impose l'horlogerie au 5 °/, de 
sa valeur, ou, au choix de l'importateur, à 5 francs la-pièce 
pour la montre à boîte d'or, et à l'franc pour la montre à 
boîte d'argent.” 


— 238 — 


» N'est-ce pas là un véritable subterfuge ? Peut-on raison- 
nablement admettre qu'un boîtier fini, qui a. été tourné pour 
recevoir un mouvement de calibre déterminé, qui comporte 
les marques et les empreintes de ce mouvement, peut-on 
admettre que ce soit un bijou, un objet susceptible d'avoir un 
emploi, une destination quelconque en dehors de la formation 
de la montre ? | 

» Un boîtier de montre est-il un article de bijouterie? Voilà 
tout ce qui fait l'objet du débat. Poser la question, n'est-ce pas 
la résoudre ? » . 

En toute conscience, de telles anomalies sont des plus re- 
grettables, et, Jusqu'à ce jour, c'est vainement que la Chambre 
de commerce de Besançon a protesté contre elles. On se plaît 
à citer la courtoisie des Français; mais nous ne pensons pas 
que la politesse francaise soit ici en cause, et que ous devions 
souffrir qu'au point de vue industriel et commercial les étran- 
gers soient mieux traités que les nationaux. 

Eh bien, malgré cette situation défavorable du producteur 
français, la fabrique bisontine prospère; les chiffres du tableau 
que nous venons de produire en font foi. Mais ce n’est pas 
sans efforts que de pareils résultats sont atteints : c’est par une 
émulation constante et des sacrifices nombreux que les hor- 
logers bisontins gagnent du terrain. Et, dans tous les horlo- 
gers du Doubs, le jury n'en à pas jugé un seul digne d’une 
distinction spéciale, n'a pas jugé l'exposition collective de ce 
département à la hauteur d'une médaille d'or. Il n'a pas 
trouvé parmi ce grand nombre d'exposants qui s'occupent 
d'une belle profession exigeant des aptitudes sérieuses, qui 
font prospérer une industrie unique en France et rapportant 
au Trésor des sommes considérables, le jury, disons-nous, 
n'a pas trouvé le mérite qu'on a reconnu chez les marchands 
de pommades, fes bimbelottiers et les tailleurs d’habits ! 

Loin de là, il a accordé à l'horlogerie du Doubs, en masse, 
une médaille secondaire, comme pour en consacrer la médio- 
crité, l'enrayer en quelque sorte dans ses développements. 


— 239 — 


_ Heureusement qu il en a été tout le contraire. Maïs la consé- 
quence à tirer de la décision du jury à l'égard de l’industrie 


horlogère dans le Doubs, c'est qu'elle doit être une lecon pour 
l'avenir; car, avec M. DENT, nous croyons « qu’elle montre le 
danger de choisir ou plutôt d'accepter des juges pris dans les 
rangs des exposants rivaux ou des concurrents en affaires, 
attendu qu'ils ne sont pas exempts des préventions insépa- 
rables de la rivalité et de la jalousie commerciales, » | 
Pour nous résumer, nous dirons que la fabrique bisontine 
n'a qu'à s'applaudir d’avoir participé d'une façon si large à 
l'Exposition universelle de 1867. Elle ne doit conserver aucun 
souvenir du déni de justice dont elle a été l'objet; car, quand 
des actes de cette nature se produisent, ce ne sont pas les 
victimes qui sont le plus à plaindre. D'ailleurs ne recueille- 
t-elle pas aujourd'hui sa véritable récompense, c'est-à-dire 
une juste appréciation du public qu'on parvient rarement à 
égarer longtemps, et une plus grande confiance de la part du 


commerce, puisque de 305,000 montres, en 1866, sa fabrica- 


tion dépassera 400,000 montres en 1869? C'est donc une aug- 
mentation annuelle de 100,000 montres en trois ans ! 

Si une nouvelle Exposition se présente, qu'elle y envoie ses 
produits en plus grande abondance; que de nouveaux adhé- 
rents se joignent aux anciens; mais qu'elle mette pour condi- 
tion qu'un juré au moins sera pris dans son sein. D'ici là, 
qu elle redouble d'efforts pour améliorer ses produits; qu'elle 
s'appliqué à développer ce qui constitue la décoration, qu'elle 
s'attache surtout à former et à recruter de bons ouvriers, et 
nous osons lui prédire qu'avant peu d'années elle sera au 
moins légale des fabriques d’horlogerie les plus renommées. 


— 240 — 


Liste des récompenses. 


FRANCE. 


Médailles d'or : Dumas, — Montandon frères, — Vissière, 
— Scharf, — Borrel. | 

Médailles d'argent : Leroy, — Jacob, — Rodanet, — Beignet, 
— Desfontaines, — Brocot, — Saunier, — Industrie de l’hor- 
logerie du département du Doubs, — Philipps, — Vérité. 

Médailles de bronze : Ecole d'horlogerie de Besançon, — 
Ecole d'horlogerie de Cluses, — Bussard, — Lecoq, — Ri- 
chard, — Haas, — Herliez, — Sandoz, — Jeannot-Droz, — 
Savoye frères, — Couet, — Farcot, — Fleury, — Bourdin, — 
Drocourt, — Japy, — Marti et Roux, — Martin, — Roux et Cf, 
— Gindraux, — Ferret, — Charpentier, — Lepaute, — Rozé, 
— Bosio, — Alleaume, — Boitel, — Leroy, — Garnier, — 
Delépine. 

Mentions honorables : Detouche, — Bouttey, — De Liman, 
— Robert, — Fernier frères, — Cressier, — Montandon, — 
Requier, — Maillot, — Pierret, — Christophe, — Calame, — 
Maurel, — ({ Damiens-Duvillier), — Jacot, — Lemaistre, — 
Croutte, — Sautteur frères, — Noblet, — Moreau, — Jacquin, 
— Roblin, — Ducommun, — Hangard, — Lutzenrah, — 
Guilmet, — Lesieur et Prudhomme, — Avril. 


ÉTRANGER. 


Médailles d'or : Poole, — Kulberg, — Parkinson et Frods- 
ham, — Patek et Philippe, — Mairet, — Lutz, — Ekegren. 

Médailles d'argent : Blackie, — Dent, — Mercer, — Adams, 
Nicole et Capt, — Grandjean (Rossel-Bautte), — Jurgensen, 
— Nardin — (Humbert-Ramus), — Kralik, — Scholenberger, 
— Martens, — Tiede, — Scholtz, — Actiengesellschaft, — 
Reïlhmann, — Wildschjætz, — Fournier, — Howü, 


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— 241 — 


Médailles de bronze : Sewil, — Johannsen, — White, — 
Walker, — Benson, — Claxton, — Holdwork, — Vivier, — 
Webster, — Ovelle, — Industrie de l'horlogerie du Jura ber- 
nois, — Ecole d'horlogerie de Genève, — Ecole d’horlogerie 
du Locle — (Corcelle-Fournier), — Lecotltre, — Borgeaud, — 
Mauler, — Berlié, — Courvoisier frères — (Girard-Perregaux), 
— Guinand, — Perrenoud , — Roskopf, — Domon et Dini- 
chert, — Devain, — Lenenberger, — Clavel, — Weichert, — 
Maren-Zeller, — Weber, — Kaltenbach, — Maurer, — Sei- 
bold, — Jœrgensen, — Petersen, Hackmann, — Baab. 

Mentions honorables : Webster, — Ovelle, — Faure, — 
Jurgensen fils, — Meylan, — Perret (Robert-Theurer), — 
Bornand, — Cuendet — {Dubois-Bandelier), — (Huguenin et 
fils), — Jaccard et Bornand, — Reynaud, — Bovy, — Baud, 
“ — Antony Bovy, — Gundina, — Baud, — Prost, — Jacquet, 
— Gostly, — Rauss, — Grumbach, — Resch, — Beha, — 
Hettich, — Wehrlé, — Furderer et Jægler, — Schirmann, 
— Bob, — Haas et fils, — Veisser, — Weiss, — Becker, — 
Fabrique de Schwenningen, — Hærz, — Muller, — Gérard, 
— New-Haven-Clock et Ci, — Morand, — Bozzi, — Mazetti, 
— Son, — Adler. 


COOPÉRATEURS. 


Médailles d’ argent : Brown, à Paris, chez M. Breguet ; — 
Watkins, à Londres, chez M. Ch. Frodsham; — Rouge, à 
. Genève, chez MM. Patek, Philippe et Cie. 

Médailles de bronze : Pointaux, à Paris, chez M. Desfon- 
taines; — Bois-de-Chêne, à Genève, chez M. Rossel-Bautte ; 
— Mauser, à Lenzkirch {Société anonyme pour l'horlogerie). 


— 242 — 


Protestation du Comité départe- 
mental du Doubs contre la part 
faite à l’horlogerie de cette région 
dans les récompenses de la classe 
23. 


Séance du 9 juillet 1867. 


« L'ordre du jour indique la communication de la liste des 
récompenses accordées à la classe 23 de l'Exposition univer- 
selle, document qui a été transmis au Comité par son délégué 
à Paris. 


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» M. Victor Girop donne lecture de cette liste, en appelant 


l'attention de ses collègues. sur le rang qu'y occupe la fabrique 
d'horlogerie de Besancon et du département du Doubs. Une 
médaille d'argent est décernée aux 30,000 artistes qui com- 
posent ce groupe pour leur exposition collective. L'honorable 
membre déclare que les patrons et ouvriers de la fabrique se 
regardent comme lésés par cette distinction de troisième ordre, 
qui nest en rapport ni avec la qualité de leurs produits, ni 
avec l'importance du chiffre de leurs-affaires ; 1l communique 
les requêtes que les intéressés se proposent d’adfesser à S. M. 
l'Empereur et à LL. EE. les Ministres d'Etat et du Commerce, 
tant pour motiver leur refus de la récompense dont il s’agit, 
que pour demander réparation de cette erreur commise à leur 
préjudice. | 

» Le Comité, invité à se prononcer sur €e chef, constate, 
une fois de plus, la marche ascendante que n'a cessé de suivre 
la fabrication horlogère dans le département du Doubs. Depuis 
1855, cette fabrication a triplé son chiffre d'affaires; et, quant 
à l'estime dont jouissent ses produits, il suffira de dire que les 
montres de.Besancon alimentent pour les quatre cinquièmes 
le marché français, à ce point que plusieurs maisons suisses, 


QE 


voulant continuer leurs relations avec la France, ont dû fonder 
des comptoirs dans notre ville. En 1819, époque où Besançon 
n'établissait pas 20,000 montres par an, le jury d’une Expo- 
sition nationale décernait à notre fabrique une médaille d’ar- 
gent collective. En 1855, alors que les affaires de cette même 
industrie ne se traduisaient que par un chiffre de 141,943 
montres, plusieurs maisons bisontines obtenaient du jury 
international des médailles de deuxième classe. Aujourd'hui 
que l'horlogerie de Besancon a produit, l’année dernière, 
305,435 montres, sur 310,849, nombre total de la fabrication 
française ; que le chiffre pécuniaire de ses affaires atteint 
16 millions: que, réunie aux industries analogues du dépar- 
tement du Doubs, son exposition collective représente 30,000 
ouvriers, un chiffre d’affaires de 24 millions, et 72 années des 
plus nobles efforts, il peut lui sembler étrange qu'on la fasse 
plutôt reculer que monter dans l'ordre des récompenses, et 
qu'on la classe en bloc $ur le même plan qu'un simple colla- 
borateur de maison parisienne. 

» En conséquence, le Comité s'associe unanimement aux 
justes réclamations des fabricants et ouvriers horlogers du 
département du Doubs. Il proteste, vis-à-vis de ces honorables 
artistes, que s’il avait pu prévoir un pareil résultat, 1l n'aurait 
pas cédé aux instances réitérées de la Commission impériale 
pour les engager à entrer collectivement dans le concours. 
11 délibère enfin que cette expression de ses sentiments sera 
transmise à la Commission impériale pour valoir ce que de 
droit. 


» Le Président, L'un des Secrétaires, 


» L. BRETIELOT. A. CASTAN. » 


INTRODUCTION. 
I. HORLOGERIE DE PRÉCISION. 

À. Chronomètres fixes. 
Dent et Ci. 
W. Bond et fils. 
Scholtz. 
Muller. 
Tiede. 

B. Chronomètres portatifs. 
C. Frodsham. 
L. Richard. 


C. Balanciers compensateurs. 
Jacob. 
Rodanet: 
Hohwu. 
Dent et Ci. 
John Poole. 
C. Frodsham. 


D. Isochronisme du spiral. 
Rozé fils. 
Hammersley. 

Jules Calame. 


IT. HORLOGERIE CIVILE. 


A. Horloges monumentales. 
Detouche. 
Collin. 
Henri Lepaute. 
Borrel. 


— 245 — 
Paul Garnier. 
Beignet. 
Farcot. 
Stanislas Fournier. 
Dent et C*. 
Benson. 


B. Horlogerie de petit volume. 


a 


Pendules de voyage. 

H. Jacot. 

Th. Leroy. 

G. Sandoz. 

Charpentier. 
Desfontaines. 

Drocourt. 4 
V. Reclus. 


Régulateurs de cheminées. 
Desfontaines. 
Charpentier. 
Achille Brocot. 
Detouche. 
Michel. 

Bosio. 

Victor. Fleury. 
Farcot. 

Noblet. 

Guilmet. 
Niaudet-Breguet. 


Horloge hydraulique. " 
P. Embriaco. 


d. Fournitures pour petite horlogerie civile. 


Emile Martin. 
A. Delépine. 
Sauteur frères. 
Croutte et C*. 
Japy frères. 
Marty et C*. 


— 246 — 
Roux et C. 


Montandon frères. 
Ducommun. 


e. Horloges diverses. 


Jacques Weber. 

Robert Wiese. 

Philippe Kissel. 

L. Kaltenbach. 

Fuerderer-Jægler et C'*. 
New-Haven-Clock. « 
Japy frères et C. 


f. Fournitures et outils d'horlogerie. 


Juillard et Amstutz. 

Taborin. 

Bourse, successeur de Raoul aîné. 
Proutat, Michot et Thomeret. 

Ch. Weité. 

Pierre Gueutal et fils. 

Nicolas Gueutal et fils. 

Chatelain et fils. 


HI. MONTRES CIVILES. 


Production américaine. 
— anglaise. 
— suisse. 
— - française. 


4. Montres anglaises, 


_ Dent et C*. 
John Walker et fils. 


: B, Montres suisses. 


Ekegren. 
Pateck, Philippe et C*. 
. Rossel-Bautte et fils. 
Ecole d’horlogerie de Genève. 
Henri Grandjean. 


#, 


b. 


— 247 — 

Jürgensen. 
Philibert Perret. 
Robert-Theurer et fils. 
Courvoisier frères. 
Roskopf. 
Domon et Dinichert. 
Ecole d’horlogerie du Locle. 

— de la Chaux-de-Fonds. 


Observatoire cantonal de Neuchâtel. 
D: Hirsch. 


Exposition du Jura bernois. 


C. Montres françaises. — Fabrique bisontine. 


a. 


Ecole d’horlogerie de Besançon. 


Ecole impériale de Cluses. 


Des centres de fabrication dans le Doubs qui alimentent 
la fabrique bisontine. 

Arrondissement de Montbéliard. 

Japÿ frères et C!‘, de Beaucourt. 

L. Japy, de Berne-Seloncourt. 

Roux et C*. 

Marti et C*. 

Beurnier frères. 

Baudroit. 

Gondelfinger et Bichet. 

Vuillequez. 

Auguste Lépée. 

Arrondissement de Pontarlier. 

Arrondissement de Baume-les-Dames, 

Meusy frères. 

Comité départemental du Doubs. 

Circulaire du Comité. 


Exposition collective des ouvriers, contre-maîtres et 
fabricants du Doubs. 


Liste des exposants. 


: LE Des récompenses. 


IV. LISTE DES RÉCOMPENSES. 


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Etranger. ; 
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| récompenses de la classe 2. 


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Marégraphe. 


SOCIÉTÉ 


D'ÉMULATION DU DOURS. 


Horloge de haute précision avec remontoir d'égalité, — Æransmission électrique. 
Remise à l'heure électrique. — Transmission par ondulations de l'air. 
Modèles des Horloges de Notre-Dame, métropole, Tour Saint-Germain -l'Auxerrois, 
Saint - Augustin et Trinité, à Paris. 


L'HORLOGERIE À L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867, À PARIS. 


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J Doungrc in 


Spécimen du nouveau système de Carillon de la Tour Saint-Germain-l'Auxerrois. 


© 42 Cloches, la grosse de 2,000 kilog. — 42 touches piano & main, — Cylindres de rechange. 


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Marégraphe. 


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L'HORLOGERIE À L'EXPOSITION. UNIVERSELLE DE 1867, À PARIS. 


SOCIÊTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS. 
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Coutrôleur de ronde de nuit. 


Boîtes en fonte du contrôleur avec poinçon à l'intérieur. 
fig. 2. 


fig. 3. 


Brevet SGDG. 


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Exemple d'une ronde dans une fabrique. Cadrans de contrôleur (grandeur naturelle). Pompier faisant une ronde avec le heu 


Société d'Émulation du Doubs PT 10. 


Remontoir d'egalite de M Henri Lepaute. 


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de 1867 a Paris. 


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aa Platines. 
hbb Piliers. 


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Barette. 

Barillet de minuterie. 

Pignon de grande moyenne éngrenant .avec 
le barillet précédent ; il a 12 ailes. : 

Roue de grande moyenne, montée sur le 
pignon précédent ; elle est taillée de 78 dents. 
Pignon de iengue tige, engrenant avec la roue 

de grande muyenne; il a 8 ailes. 

Roue de longe tige, montée sur le pignon 
précédent ; elle porte 84 dents. 

Pignon de champ, engrenant avec la roue de 
longue tige; il a G ailes. 

Roue de champ, montée sur le pignon précé- 
dent ; elle a 70 dents. 

Pignon d’échappement, engrenant avec la roue 
de champ; il a 6 ailes. 

Roue d’échappement, montée sur le pignon 
préeédent; elle a 40 dents. 

Ancre d’échappement, 

Barette d’échappement. 

Balaueier. 

Vite & Lent. 

Rochets. 

Ressorts Masses. 

Chaussée. 

Renvoi. 

Canon. 

Barillet de sonnerie. 5 

Pignon de petite moyenne, engrenant avec le 
barillet précédent ; il a 42 ailes. 

Roue de petite moyenne ou de sonnerie, 
montée sur le pignon précédent; elle a 72 dents. 

Pignon de cheville, engrenant avec la roue de 
petite moyenne; il a 8 ailes. 

Roue de cheville, montée sur le pignon précé- 
dent ; elle est taillée à 70 dents, et porte sur son 
limbe 10 chevilles qui servent à soulever le mar- 
teau. 


D 
D’ 


H 


N. 


Pignon d’ereille, engrenant avec la roue de 
cheville; il a 7 ailes. 

Roue d'oreille, montée sur le pignon précédent ; 
elle porte 63 dents; sur son limbe est fixée une 
seule cheville qui butte contre la détente et em- 
pêche les rouages de sonnerie de tourner. 

Pignon de délai, engrenant avec la roue d’o- 
reille; il a 7 ailes. 

Roue de délai, montée sur le pignon précédent: 
elle a 56 dents et porte une cheville qui vient 
butter contre la palette du détentillon en prépa- 
rant la sonnerie. 

Pignon de volant, engrenant avec la roue de 
délai; il a 7 aïles. 

Volant, plaque de laiton très-mince, ayant pour 
but de ralentir la vitesse de la sonnerie par la 
résistance de l'air. 

Roue de compte ou chaperon, roue taillée de 
plusieurs entailles inégales. réglant le nombre 
des coups qui doivent être frappés par la sonne- 
rie; elle est montée sur le pignon de petite 
moyenne. ! 

Détente, pièce engagée dans les entailles de la 
roue de compte, et permettant à la sonnerie de 
fonctionner lorsqu'elle se soulève. 

Détentillon , pièce de laiton à 2 branches, dont 
l’une est actionnée par les goupilles de la chaus- 
sée, et dont l’autre porte une palette contre la- 
quelle vient butter la goupille de la roue de délai. 

Esse, pièce appuyant sur le détentillon et fixée 
sur la détente. 

Ressort d’esse, appuyant sur l’esse. 

Arbre du marteau, actionné par la roue de 
chevilles. 

Marteau, frappant les heures sur le timbre. 

Ressort rend, agissant sur le marteau. 

Porte-timbre, 

Timbre. 


B. Avoir soin de ne jamais mettre la pendule à 


l'heure en tournant les aiguilles À gauche. 

S'il arrivait que la sonnerie ne soit pas d'accord avec 
Jes aiguilles, il faudrait faire sonner la pendule au 
moyen du tirage T jusqu’à ce que l'accord soit rétabli. 


Societe d'Emulalion du Doubs. 


MOUVEMENT 8 Jours Fl.16. 


À BARILLET INDÉPENDANT 
SYSTEME Japy FF". 


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Coupe. Vue de devant. Vue par cote 
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de 1867. à Paris. 


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aa Platines. 
bbb Piliers. 


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Barillet. 


Barette, plaque de laiton supportée par deux 
piliers et dans laquelle roule un des pivots de 
l'arbre du barillet. 


Pignon de grande moyenne engrenant avec 
le barillet; il a 12 ailes et fait 3 tours °, par 
jour. 


Roue de grande moyenne, montée sur le 
pignon précédent ; elle a 52 dents. 


Pignon de longue tige, engrenant avec la roue 
de grande moyenne; il a 8 ailes et fait 24 tours 
par jour. 

Roue de iongue tige, montée sur le pignon 
précédent ; elle est taillée à 80 dents. 


Pignon de champ, engrenant avec la roue de 
Jongue tige; il a 6 ailes et fait 320 tours par 
jour. 

Roue de champ, montée sur le pignon précé- 
dent ; elle a 74 dents. 


Pignon d’échsppement, engrenant avec la roue 
de champ; il a 6 ailes et fait 3946 ?}s tours par 
jour. : 


Roue d’échappement, montée sur le pignon 
précédent; elle a 40 dents. 

Ancre d’échappement, pièce qui suspend et 
rétablit alternativement le mouvement de la roue 
d'échappement en laissant échapper les dents 
une à une. 


—_ 


m 


© ©. > 


oo 


Baretté d’échappement, dans laquelle roule un 
pivot de la tige d’ancre. 


Vite & Lent. 


Balancter. Il fait 43,156 oscillations simples par 
heure. 


Rochet. 

Masse. 

Ressort d’encliquetage. 
Chaussée. 

Renvoi. 


Canon. 


MOUVEMENT 30 HEURES I. 15. 


À BARILLET INDÉPENDANT 
SYSTEME JaPy FF". 


Vue par cote Que..de devant 


| À Horlogerie à L Exposition universelle 


de 1867. 3 Paris. 


Societe d'Emulalion du Doubs. 


LÉGENDE. 


a Platines, ou plaques dans lesquelles roulent les 
pivots des mobiles. 


b Piliers, montants qui réunissent les platines et les 
maintiennent à l’écartement nécessaire. 


c Barillet, boîte circulaire fermée d’un côté par un 
couvercle, et de l’autre par un fonds denté com- 
mandant les rouages. 


d Barette. 
[ Pignon de longue tige, engrenant avec le barillet; 
il a 8 ailes et fait 24 tours par jour. 


[ Roue de longue tige, montée sur le pignon pré- 
cédent; elle a 80 dents. 


g Pignon de champ, engrenant avec la roue de 
longue tige; il à 6 ailes et fait 320 tours par jour. 


g Roue de champ, montée sur le pignon précédent ; 
elle est taillée de 74 dents. 


h Pignon d’échappement, engrenant avec la roue 
de champ; il a G ailes et fait 3946 ?/; tours par 
jour. 


-h Roue d’échappement, montée sur le pignon pré- 
cédent ; elle est taillée de 52 dents. 

i Rouleau. Pièce qui suspend et rétablit alternative- 
ment le mouvement des rouages en laissant échap- 
per une à une les dents de la roue d’échappement. 

k Vite & Lent, petit excentrique servant à donner 
plus ou moins de prise au rouleau. 


| Balancier, tige oscillante supportée par le rouleau 
et terminée par une lentille; sa fonction est de 
déterminer par sa longueur la durée des oscilla- 
tions du rouleau. 

Cette lentille porte une rainure de forme spirale 
dans laquelle s'engage une goupille fixée à la tige 
du balancier. En tournant la Aentille à gauche ou 
à droite, on retarde ou on avance la pendule. 

Le balancier fait 17,012 oscillations simples par 
heure. 


m Rochet, roues à dents inclinées empêchant, avec le 
ressort masse, le ressort de se dérouler pendant 
le remoniage. 


ñn Ressort masse, pièce appuyant sur le rochet. 


o Chaussée, pièce ajustée à frottement dur sur la 
longue tige, et portant à carré l'aiguille des mi- 
nutes. À l’autre bout, la chaussée porte un pignon 
engrenant avec la roue de renvoi. 

p Renvoi, pignon et roue, commandés par la chaus- 
sée et déterminant le rapport des vitesses des ai- 
guilles. 


q Canon, pièce montée sur la chaussée, portant à 
une extrémité l'aiguille des heures, et à l’autre 
une roue engrenant avec le pignon de renvoi. 


La 


CPS men 


A RAREx M 


L'ÉGLISE ET LE MONASTÈRE 


DE 


MOUTIER-GRANDVAL 


PAR M. A. QUIQUEREZ 


ANCIEN PRÉFET DE DELÉMONT (Suisse). 


Séance du 15 décembre 1869. 


INTRODUCTION. 


La présente notice était destinée non pas à figurer isolément 
dans aucun recueil, mais bien à former un des chapitres de 
l’histoire de la prévôté de Moutier-Grandval, que nous avons 
rédigée, et dont nous avons détaché les pages qui vont suivre 
pour en lire quelques extraits dans la localité même qui doit 
son nom à ce monument. ’ 

Il nous a paru d’ailleurs intéressant de réunir nos recher- 
ches et nos souvenirs sur un des plus vénérables monuments 
de nos contrées, sur un lieu d’où la civilisation s’est propagée 
dans le Jura à une époque encore bien voisine de la barbarie. 
Grandval a été une pépinière de missionnaires et d’instituteurs 
pour l'Helvétie bourguignonne. Il y avait en ce lieu une école 
célèbre où enseignaient de savants personnages; c'était. un 
foyer de lumière comme Saint-Gall, avec lequel Grandval 
rivalisait d'efforts et de persévérance. 

17 


— 250 — 
Notre but n'est point de faire actuellement l’histoire du 


monastère. Nous voulons seulement décrire le monument 


tel qu'il devait être au temps de sa prospérité, et dire com- 
ment il a fini par disparaître de siècle en siècle, sans bientôt 
laisser d'autres vestiges que nos plans et dessins si imparfaits. 

On étudie, dans les habitations lacustres, les débris d'une 

époque antérieure à l'histoire; qu'il nous soit permis à notre 
tour de scruter les ruines d’une institution qui a jadis illustré 
la Burgondie. 
. La fondation de Grandval est attribuée à Gondonius, due 
d'Alsace, qui, vers le milieu du septième siècle, donna à saint 
Walbert, second successeur de saint Colomban à Luxeuil, 
une assez vaste étendue de terres au sud de la haute Alsace, 
embrassant la contrée entre la rivière de Lucelle, le Doubs 
et la chaîne de Pierre- Pertuis. Ce territoire, appelé alors 
Sornegau, forme aujourd'hui les vallées ou districts de Delé- 
mont et de Moutier (730 à 750). 

Walbert envoya Fridoald, un de ses religieux, pour établir 
le nouveau monastère dans une vallée arrosée de ruisseaux 
poissonneux et qu'il nomma Grandval. À ce nom primitif on 
ajouta celui de monastère, dont le langage vulgaire fit Moutier. 
Ce fut d’abord une des succursales de Luxeuil; mais, peu 
après, Walbert en confia l'administration à Germain, un 
noble trévirois, en lui remettant la direction de deux autres 
monastères déjà existants : Saint-Ursanne, sur le Doubs, et 
Vertème, dans une vallée latérale de celle de Delémont. 

Germain et ses compagnons s'occupèrent activement de dé- 
fricher la contrée où Fridoald avait bâti les premiers édifices 
du cloître. I en rendit l’accès plus facile en rouvrant les an- 
ciennes routes, et bientôt Grandval fut en renom dans toute 
la région environnante. Comme alors la possession des terres 
donnait des droits considérables sur les hommes et les choses, 
l'influence croissante de l’abbaye porta ombrage à Atticus, 
duc d'Alsace, second successeur de Gondonius. 11 arriva à la 


tête d’une armée pour revendiquer ses droits. L'abbé voulut: 


Las "0" 


È 


— 251 — 
défendre ses administrés et devint victime de son zèle. Germain 
et Randoald, son prieur, furent tués par les soldats austrasiens, 
gens à demi païens, et la contrée fut ravagée (entre les années 
666 et 670). 

Après la mort de Germain, mis au rang des saints et des 
martyrs, Grandval recut des dons nombreux et des sanctions 
royales, dont la plus ancienne connue est celle du roi Carlo- 
man, rappelant, en 769, celles antérieures du roi Pépin. On 
en trouve ensuite d’autres des princes carolingiens : Charles 
le Gros, en 884, ajouta aux domaines et aux droits de Grandval 
le monastère de Saint-Imier. 

Durant cette période et les siècles suivants, notre abbaye eut 
une école célèbre en Burgondie : par ses savants professeurs, 
tels que Nocherus, Hilpéric, Ison, elle rivalisa avec celle de 
Saint-Gall. 

Lors du partage de l'empire des Carolingiens, Grandval 
tomba au pouvoir des rois de la Bourgogne transjurane (888). 
Sous leur règne, cette abbaye fut saccagée par les Hongrois 
(899 à 930), et ensuite restaurée par la reine Berthe, qui fit 
bâtir une tour en avant du portail de la basilique. Un de ces 
rois redressa les abus d'autorité commis par les avoués du 
monastère, avoués issus des comtes d'Alsace et d’Atticus (962). 
L'un de ces comtes, Luitfrid, ayant pris l’habit monacal de 
Saint-Benoît, devint abbé à Grandval et y mourut vers l’an 
1000. 

En 999 et 1000, Rodolphe IT, dernier roi de Bourgogne, 
donna à l’église de Bâle ses droits de haute souveraineté sur 
Grandval et ses dépendances. Cet acte de quelques lignes fut 
la source du pouvoir temporel des évêques de Bâle sur tous 
les domaines des Bénédictins de Grandval, de Saint-Imier, de - 
Saint-Ursanne et de Vertème. 

Durant les démêlés de l'empereur Henri IV avec le pape - 
Grégoire VII, les Bénédictins ayant pris le parti de la cour de 
Rome, l’empereur, l'évêque de Bâle et les seigneurs de leur 
parti chassèrent ces moines de leurs demeures et les rempla- - 


— 252 — 
cèrent par des chanoïnes (1075 à 1079). On attribue à Sigé- 
nand, premier prévôt de Grandval, la fondation de l’abbaye 
de Bellelay, qu'il dota au moyen d’un démembrement des 
domaines de Grandval (1136). 

Vers les années 1269 à 1270, Rodolphe, comte de Habsbourg, 
en guerre avec l’évêque de Bâle, a dû incendier Grandval. Les 
Bernois firent de même, en 1376, durant leurs querelles avec 
Jean de Vienne, ancien archevêque de Besançon, puis évêque 
de Metz et alors évêque de Bâle. En 1499, le neveu d’un autre 
évèque incendia Grandval, ravageant cette contrée combour- 
geoise de Berne, durant la guerre que l'Autriche faisait aux 
confédérés. L'église fut restaurée dans les années suivantes ; 
mais la Réforme religieuse vint heurter à sa porte en 1533. 
Les réformés firent irruption dans l'antique basilique et la 
dévastèrent. La foudre, peu après, incendia la tour du clocher. 
Les chanoines se réfugièrent à Delémont, où ils se fixèrent, 
après diverses tentatives pour rentrer dans leur ancienne de- 
meure. Depuis lors, l'église abbatiale, qui remontait aux sep- 
tième ou huitième siècles, s'en alla graduellement en ruine ; 
enfin on la démolit en 1859. 

Telles sont les principales dates relatives aux monuments 
que nous allons décrire : avec ces quelques lignes, il y a pos- 
sibilité de s'orienter dans leur chronologie. 


Le monastère de Grandval est détruit depuis tant de siècles 
qu'il paraît téméraire d'essayer seulement d'en indiquer la 
place. Cependant ce n'est pas chose impossible : l'étude des 
actes et de la localité même, les renseignements traditionnels, 
les découvertes de murailles ou de fondations faites à diverses 
époques, notamment à l'occasion de la bâtisse de la nouvelle 
église, sur l'emplacement de l'ancienne, en 1859, nous ont 
fourni des données que nous croyons pouvoir publier, en les 
comparant avec le mode général de construction des monas- 
tères, et plus spécialement avec le plan de l’abbaye de Saint- 
Gall, au commencement du neuvième siècle. Ce plan, dont 


— 253 — 

l'original existe encore, a été publié et élucidé par M. le D' 
Ferdinand Keller, en 1844 (1), et il est pour notre sujet d’une 
grande importance, parceque Saint-Gall était du même ordre 
que Grandval et qu'il existait alors des relations intimes entre 
ces deux maisons de Bénédictins. Bien que la conformation 
des deux terrains ne soit pas la même, on ne laissera pas que 
de reconnaître une singulière analogie entre ces établissements 
religieux contemporains; et même il y a lieu d’ajouter que 
l'église de Grandvaf était plus ancienne que celle qu'on re- 
construisit à Saint-Gall d’après le plan précité. 


En effet, suivant le dire de M. Keller, si habile à puiser aux 
meilleures sources, le couvent primitif de Saint-Gall était en 
bois, avec une modeste chapelle. Il fut rebâti, de 720 à 760, 
sous l'administration de l'abbé Othmar. On dédia alors l’église 
à saint Paul. Elle avait 100 pieds de long sur 60 de large, 
dimensions qui se rapprochent beaucoup de celles de Grandval 
dont nous avons vu les ruines. Le sarcophage, qui renfermait 
la dépouille mortelle de saint Gall, était placé entre l'autel et 
le mur de l’abside. À Grandval, la tombe de saint Germain 
était dans la même position. Les murs de Saint-Gall étaient 
construits en petits moellons liés par un mortier fort dur, et 
Grandval offrait ce même appareil. Dans l’intérieur du Couvent 
de Saint-Gall il y avait une chapelle dédiée au prince des 
Apôtres; à Grandval l’église était aussi primitivement sous le 
vocable de saint Pierre. Lorsque, vers l’année 820, il fallut 
rebâtir l’église et le couvent de Saint-Gall, on demanda un plan 
à Gerung, architecte de Louis le Débonnaire, et son exécution 
fut confiée à un moine de Saint-Gall du nom de Winihard, 
qu'un religieux de Reichnau appelle un second Dédale, et que 


() Publié dans les Mémoires de la Société des antiquaires de Zurich, 
sous ce titre : Bauriss des Klosters St-Gallen, vom Jahr 820, in-40, 
41 pages avec fac-similé du plan original. — Ce même document a été 
reproduit par M. Albert Lexorr, dans le tome premier de son Histoire 
de l'architecture monastique. 


— 254 — 


célébrèrent dés vers inscrits dans la salle du chapitre de 
Saint-Gall. 

La forme carrée fut généralement admise pour tous les 
édifices. La plupart n'avaient qu'un seul étage sur le rez-de- 
chaussée, à l'exception d'un bâtiment attenant à l'église et 
renfermant la bibliothèque, avec la salle des calligraphes et 
autres personnes attachées à cet établissement. On avait adopté 
le plan des maisons orientales, ayant une cour centrale, 
comme on en avait encore des exemples dans les débris de 
toutes les villa romaines de la contrée. L'eau des toits se 
déversait dans la cour sur laquelle s'ouvraient les apparte- 
ments. Alors, comme encore longtemps après, on ne faisait 
usage que de bardeaux pour couvrir les toits; on n'employait 
plus la tuile antique, et la tuile actuelle ne vint que plus tard. 


L'ÉGLISE ABBATIALE, PUIS COLLÉGIALE. 


Après ces considérations générales sur les rapports qu'il 
pouvait y avoir entre les abbayes de Saint-Gall et de Grandval, 
uous allons passer à la description des principaux édifices de 
ce dernier monastère. Nous commencerons par l’église, seul 
monument qui se soit maintenu jusqu'à nos Jours. 

Il s’agit d’abord de déterminer si c'était bien l'édifice pri- 
mitif, la première église bâtie à Grandval, ou bien une cons- 
truction postérieure. Dans les documents que nous avons 
réunis sur l'histoire de cette abbaye, on voit, par un récit de 
Babolène, que la première église ou basilique élevée en ce 
lieu était dédiée à saint Pierre, et que c’est dans son enceinte 
qu'on apporta et inhuma le corps de saint Germain, vers l'an 
666, après que le vénérable abbé eut été mis à mort par les 
soldats encore à demi-paiens du duc d'Alsace. Selon toute 
apparence, ce n'était point Fridoald, le premier délégué de 
Luxeuil, qui l'avait bâtie, mais bien l'abbé Germain, et alors 


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— 255 — 


il ne devait y avoir qu'une seule église en ce lieu. Un siècle 
après, en 769, puis en 849, les actes portent que Grandval 
avait été construit en honneur de la Vierge Marie* et, en 866, 
ils ajoutent, pour la première fois, le nom de saint Germain à 
celui de la Mère de Dieu. En 871, Ison fut enterré dans l’église 
de Saint-Germain de Grandval, et dès lors, jusqu'au milieu 
du douzième siècle, les actes continuent de la nommer l’église 
de la Vierge-Marie et de Saint-Germain de Grandval, ou même 
encore (1160) « de Sainte-Marie où repose le corps de saint 
Germain. » En 1179, apparaissent en même temps l’église de 
Saint-Germain et la chapelle de Saint-Pierre, qui appartenait 
au trésor de Grandval. Depuis lors, le nom de Saint-Germain 
est plus souvent donné à la basilique que celui de la Vierge- 
Marie, et la chapelle de Saint-Pierre devint l’église paroissiale. 

Il est ensuite à remarquer qu'à Saint-Imier, à Saint-Ur-- 
sanne et à Grandval, dès l'époque où il y avait encore des 
monastères dans chacune de ces localités et avant leur con- 
version en chapitres de chanoïnes, il existait dans chacun de 
ces lieux deux églises : l’une pour le couvent et l’autre pour 
les habitants de la paroisse. À chaque lieu encore la tradition 
donne à l'église paroissiale un âge antérieur à celui de l’église 
du monastère. À Saint-Ursanne, comme à Saint-Imier, les 
débris des églises paroissiales confirment cette tradition. Il en 
-serait probablement de même à Grandval, si cette église n'a- 
vait pas été rebâtie au dix-huitième siècle. 

Babolène nomme basilique de Saint-Pierre la seule église 
qu'il y avait de son temps à Grandval, c'est-à-dire à la fin du 
septième siècle, et on a vu qu'elle n'était plus, dès le douzième 
siècle, qu'une dépendance du monastère, tandis qu'au huitième 
siècle apparaissait déjà une église sous le vocable de la Vierge- 
Marie, renfermant la tombe de saint Germain et empruntant 
également le nom de ce vénérable abhé. 

Il est donc probable que, dans ces trois localités, il y eut 
d'abord de petites églises suffisantes alors pour ces monas- 
tères, mais que ceux-ci ayant pris plus d'extension, il fallut 


— 256 — 
construire de plus grandes églises : celles-ci furent affectées 
au service spécial du-couvent, tandis que les anciennes églises 
furent attribuées à celui de la paroisse. 

A Saint-Imier, cette construction doit être contemporaine 
de l'érection de la basilique latine de Grandval; et celle-ci, 
comme sa sœur, appartient par son architecture à la fin du 
septième siècle ou au commencement du huitième : à Saint- 
Ursanne, le changement que nous venons de signaler n’eut 
lieu qu'au dixième siècle. Nous croyons qu'à Grandval cette 
bâtisse fut nécessitée par l’affluence des pèlerins qu'attirait le 
tombeau de saint Germain, et que ce fut alors qu'on transféra 
celui-ci dans la nouvelle basilique. Il a dû en être de même à 
Saint-Imier et à Saint-Ursanne. 

L'acte d'ouverture du tombeau de saint Connie en 1477, 
dit qu'on trouva le corps de ce martyr comme il y avait été 
placé depuis l'érection de l’église par la fondatrice de celle-ci : 
ce qui montre que le rédacteur de cet acte croyait que c'était 
la reine Berthe qui avait fondé l’église de Grandval, tandis 
qu’elle n'avait opéré qu'une restauration. Il est également 


certain que ce ne fut pas cette princesse qui fit transférer le 


tombeau dans l'église abbatiale, puisque celle-ci le renfermait 
déjà en 866, et que l'architecture de cet édifice remonte à une 
époque encore antérieure. 

Nous ne pouvons assigner de date certaine à cette construc- 
tion; mais on verra par divers détails qu’elle doit avoir suivi 
de près la mort de saint Germain, et appartenir à ce temps où 
les miracles qu’on lui attribuait faisaient le plus de bruit et 
attiraient le plus grand nombre de pèlerins; c'était naturelle- 
ment l'époque où l’abbaye acquérait le plus d'extension. Ce 
moment correspond précisément avec la date de la première 
réédification de l’église et du monastère de Saint-Gall; ce qui 
est un motif de plus pour nous aider des plans de cette dernière 
abbaye dans la recherche des édifices de Grandval. 

Au centre des établissements constituant l’abbaye de Saint- 


Gall étaient l’église et le cloître. À Grandval on voyait aussi le 


— 257 — 

temple du Seigneur occuper le point le plus éminent, au 
milieu et au-dessus des édifices du monastère, dominant au 
loin toute la vallée, afin d'attirer constamment l'attention des 
hommes et d'éveiller en eux le souvenir de la présence de 
Dieu. Son plan, de forme basilicale, était'divisé, dans le sens 
de sa longueur, en trois parties inégales que séparaient deux 
rangées de piliers. Chacune de ces divisions ou nefs était 
terminée à l’orient par un hémicycle ou abside semi-circulaire. 
Ces nefs avaient 112 pieds de longueur sur une largeur de 34 
pour la grande nef, et de 12 pieds pour chaque nef latérale, 
donnant une largeur totale, y compris les piliers, de 62 pieds 
dans œuvre. Les collatérales étaient séparées de la nef centrale 
par sept arcades de {2 pieds d'ouverture sur 27 de hauteur, 
reposant sur des piliers carrés, couronnés de consoles ou 
tailloirs fort simples supportant des arcs à plein cintre. Ces 
colonnes n'avaient point de sous-bases et reposaient tout d’une 
venue sur le pavé. 

La vallée de Moutier avait fourni le grès ou la molasse pour 
les pierres de taille de tout l'édifice. Les arcades des portes et 
des fenêtres étaient construites à voussoirs cunéiformes, séparés 
par une épaisse couche de mortier; les jointures étaient recou- 
vertes par un ciment particulier. Les voussoirs des fenêtres 
étaient alternativement en tuf et en grès, imitant un mode de 
bâtisse qu'on voit à la porte du théâtre romain de Mandeure, 
où les voussoirs sont en pierre de deux couleurs, et qu'on 
remarque également aux parties de la cathédrale de Bâle qui 
remontent au commencement du onzième siècle. Les murs 
d'enceinte étaient formés de moellons ou pierres de petit 
appareil rangées en assises régulières, dans le genre des 
édifices romains. Ces pierres étaient posées à bain de mortier, 
mais tous les rangs n'avaient pas la même hauteur. On y 
remarquait du calcaire, du grès et du tuf, mais point de 
briques. Les joints de chaque pierre se trouvaient remplis 
d’un ciment très dur, différant de celui employé pour la ma- 
connerie. On avait ensuite indiqué les jointures en traçant 


— 258 — 


dans le mortier frais, avec le tranchant de la truelle ou d'un 
autre instrument, de petites raies. Ce mode était déjà employé 
par les Romains, comme on le voit aux théâtres de Mandeure 
et d'Avenches et à plusieurs autres édifices publics ou privés 
de cette époque. M. Blavignac l’a reconnu dans l'ancienne 
partie de l'église de Tournus, près de Chalon ; il le regarde 
comme un caractère d'antiquité antérieur au neuvième siècle, 
et c'est pour nous un indice de la conservation des usages 
romains dans nos contrées durant l'époque barbare, et un 
point de repère important pour constater l'antiquité de divers 
débris de l’abbaye de Grandval. En quelques lieux on remar- 
quait l'empreinte de l’étoffe grossière dont étaient vêtus les 
ouvriers occupés à cimenter ces pierres et qui s'étaient appuyés 
contre le mortier encore frais (). Dans des temps plus mo- 
dernes, ces murs avaient reçu un nouveau crépissage, mais il 
était facile de distinguer le travail primitif. 

A limitation de quelques basiliques de l'époque latine, 
c'est-à-dire selon l'usage même du temps où l’on avait bâti 
Grandval, l'église avait cinq portes : celle de la facade de 
l’ouest, ou porta speciosa, et deux de chaque côté, au nord et 
au sud, correspondant aux seconde et cinquième arcades. De 
ces quatre portes latérales, toutes à plein-cintre et de 12 pieds 
de hauteur sur 6 de largeur, les deux premières avaient été 
murées déjà à une époque éloignée. Les deux suivantes avaient 
éprouvé d'autres modifications : celle du midi convertie, vers 
le quatorzième siècle, en une porte ogivale plus petite et 
inscrite sous l’ancienne; l’autre, dans des temps modernes, 
honteusement défigurée. Nous reviendrons bientôt à la porte 
principale. 

Des fenêtres à plein-cintre, correspondant avec les arcades, 
éclairaient les nefs latérales. Elles étaient petites (6 pieds sur 3), 


@) Lors de la démolition de l'église, nous avons eu soin d'enlever 
quelques fragments de ce mortier portant des raies et les marques des 
habits de ces maçons du septième siècle, plus un morceau de bois placé 
- par eux entre deux pierres de taille. 


= 968 = 


comme on avait coutume de les faire à une époque où l'usage 
du verre n'était pas commun ({!). Ces fenêtres présentaient 
deux évasements séparés par un filet. La claire-voie n'existait 
plus, les murailles ayant été rasées jusqu'à la base des fenêtres 
qui éclairaient la grande ref. Celles-ci correspondaient au 
nombre des arcades, et d'après l’une d'elles qui avait été con- 
servée, mais murée dans un bâtiment attenant à l’église, et 
selon un vieux dessin, elles ne devaient pas être beaucoup plus 
grandes que celles des bas-côtés. Entre les arcades et la base 
des fenêtres régnait un cordon en pierres peu saïllant et sans 


-moulures, simulant peut-être l’entablement. Il était à deux 


pieds et demi au-dessus des arcades, et la muraille se trouvait 
encore de neuf à dix pieds plus élevée. 

Le chœur ou l’abside de la grande nef formait un hémicycle 
de 32 pieds d'ouverture sur 18 de profondeur (?). Au centre 
devait s'élever l'autel, isolé de manière qu’on püt circuler tout 
à l'entour pour le service de l’église et les pratiques des pèle- 
rins qui visitaient le tombeau de saint Germain placé sous le 
pavé, derrière l'autel. Aux pilastres qui soutenaient l’archi- 
volte, à l'entrée de l’abside, on remarquait les débris de deux 
consoles qui avaient probablement supporté des statues. Le 
chœur était éclairé par üne grande fenêtre centrale à plein- 
cintre et par deux autres petites fenêtres latérales terminées 
en trilobes, genre d'ornement qu'on remarque dans de très 
anciennes églises. Les absides des bas-côtés n'avaient chacune 
qu'une seule fenêtre à plein-cintre et de petite dimension. 

La porte principale de l’église était quadrangulaire, avec 
un fronton surmonté d’un arc en décharge pour soulager le 
linteau. Les voussoirs cunéiformes étaient ajustés comme 


() On voyait, dans les décombres de l'église, des fragments de verre 
à vitre d'une grande épaisseur et irrégularité, qui semblaient provenir 
des fenêtres primitives et nullement des petites cibles rondes qu'on 
usagea plus tard. 

(2) Cette différence de deux pieds entre la longueur doublé du rayon 
et la longueur de l’abside provenait de l'épaisseur des pilastres, 


— 260 — 

ceux des portes latérales. Le linteau ne reposait pas sur des 
pieds droits d’une seule pièce, mais ceux-ci étaient formés de 
grosses pierres du côté de la baïe et de pierres plus petites du 
côté des murs, à l'effet de former un double pied droit : 
on voit un pareil mode de construction à la porte du théâtre 
de Mandeure. Une table carrée, placée au-dessus du fronton, 
a dû porter une inscription; mais la main des hommes a 
effacé ce qu'on y avait tracé à la gloire de Dieu. C'est une des 
mutilations de la Réforme (1). 

Les trois absides étaient voûtées en calotte, mais le grand arc 
de la nef centrale était fort surbaissé et nullement à plein- 
cintre. Rien n'indiquait que la grande nef et les bas-côtés 
eussent été voûtés. Nous croyons qu'il n'y eut primitivement 
que des plafonds en bois, comme on le voit encore à la basi- 
lique contemporaine de Saint-Imier, et comme il en existait 
dans beaucoup d’autres églises de cette époque. Nous appuyons 
notre opinion à cet égard sur le peu d'épaisseur des murs et 
sur l'absence de contreforts. Les murailles n'auraient pu ré- 
sister à la poussée des voûtes, et les contreforts irréguliers, 
qu'on remarquait du côté du nord seulement, étaient d’une 
époque plus récente et avaient eu pour but de renforcer la 
muraille du bas-côté de gauche, à raison des voûtes qu'on y 
avait établies plus tard. Il y a lieu toutefois d'observer qu'on 
remarquait dans la grande nef, depuis la cinquième travée 
jusqu'au chœur, des trous de consoles ajustées postérieurement 
dans les piliers. Ce travail en sous-æuvre indiquait, par la 
forme et la position des consoles, que celles-ci avaient pu 
donner naissance à des voûtes ogivales et commencer les arêtes. 
Mais ces voûtes, qui n'ont pas laissé de traces contre les murs, 
ne devaient couvrir que la partie de la basilique réservée aux 
chanoines. Il en restait trop peu de vestiges pour qu'on püt 


@) Ounix (Manuel d'archéologie, p. 105, pl. VIIT, fig. 13) donne le 
dessin d'une porte qui offre la plus grande ressemblance avec celle de 
Grandval. — Cf. DE Cavmoxr, Cours d'antiquilés monumentales, pl. LI V, 
fig. 2. 


— 261 — 

fixer la date de leur construction, qui toutefois a dû avoir lieu 
vers la fin du treizième ou le commencement du quatorzième 
siècle, après deux incendies de l’église, mais à des époques où 
les chanoines étaient moins pauvres que lorsqu'ils restaurèrent, 
en 1503, leur basilique incendiée en 1499. Aïnsi il se pourrait 
que la partie orientale de la grande nef eût été voûtée, tandis 
que les quatre travées vers l'ouest ne l'étaient point, et encore 
ces voûtes pouvaient être en bois. 

Un inventaire des archives de Moutier-Grandval, du milieu 
du quinzième siècle, indique le nom de tous les autels qui 
ornaient alors l’église et dont chacun avait des revenus par- 
ticuliers. Le maître-autel était dédié à la Vierge Marie (Notre- 
Dame de Grandval), qu'on a vu désignée comme patronne de 
cette abbaye dès le huitième siècle. Selon divers documents, 
le même autel était aussi sous le vocable de saint Germain de 
Grandval. L'abside de droite renfermait l'autel de Saint- 
Michel, celui de gauche l'autel de Saint-[mier, tandis que les 
autels de Sainte-Catherine, Saint-Oswald, Saint-Antoine, 
Saint-Germain évêque, Sainte-Croix et de la Conception de la 
Vierge-Marie, occupaient les côtés des nefs, adossés soit aux 
piliers, soit à des murailles dont on avait fermé l'ouverture de 
quelques arcades. On voyait encore dans la nef de droite un 
restant de peinture contre une muraille qui avait dû former 
le fond d’un de ces autels (1). 


(4) D'après d'autres indications du prévôt Chariatte, il y aurait eu 
douze autels dédiés : à la Sainte-Vierge , à la Conception de Marie, à 
saint Germain et saint Randoald, à saint Imier, à saint Jean-Baptiste, 
à saint Henri, à saint Antoine, à saint Valentin, à saint Quirin, à saint 
Oswald, à saint Vendelin, à saint Germain évêque, à saint Sébastien, 
à saint Fabien, à saint Roch, à saint Sylvestre, pape, à saint Michel et à 
tous les Anges, à saint Pierre et saint Paul et à tous les Apôtres, à saint 
Nicolas, à saint Christophe, à saint Urs, aux dix mille Martyrs et aux 
onze mille Vierges, à sainte Catherine, à sainte Barbe, à sainte Apollo- 
nie, à sainte Foi, sainte Anne, sainte Madeleine, sainte Othile, sainte 
Agathe et sainte Marguerite. Evidemment le même autel était dédié à 
plusieurs saints, car nous avons eu peine de trouver place pour neuf 
autels dans la distribution de l'église. 


— 262 —. 

La partie orientale de la nef de gauche avait été séparée de 
l’église et transformée en chapelle particulière, voûtée en ogive 
et-éclairée par deux fenêtres de même style : c'était une œuvre 
de l’année 1503. Cette chapelle fut ensuite convertie en sacristie 
dont la porte extérieure, ouverte dans une des grandes portes 
latérales, permettait d'arriver au château prévôtal par le 
chemin le plus court. La porte qu'on voyait dans les derniers 
temps avait été refaite plus tard. Dans le mur de cette même 
chapelle, on remarquait une petite fenêtre ogivale ouverte vers 
le treizième siècle et ensuite remurée : sa forme en lancette 
indiquait l’époque que nous lui assignons ; tandis que la 
porte ogivale qui mettait la sacristie en communication avec 
l’église rappelait la fin du quinzième siècle. La sacristie pri- 
mitive devait être du côté droit, à l'emplacement du grenier 
à grain qu'on adossa, en 1637, contre le mur de l'église. 
Ce grenier fut alors élevé sur les ruines d’une des aïles du 
monastère. 

La place réservée dans l’église aux Bénédictins, puis aux 
chanoïnes et chapelains, occupait les trois travées les plus 
rapprochées du chœur. On sait qu'il était d'usage d'y placer 
des stalles ou formes de chaque côté de la nef. Le rang adossé 
aux arcades murées et le plus élevé était pour les chanoines ; 
le second rang, d’une marche plus bas, pour les chapelains 
ou pour les simples prêtres; les enfants de chœur ou de l'école 
occupaient des petits bancs à ras de terre. 

Les nefs de la basilique étaient jadis parées de grandes 
pierres tombales ornées de sculptures et d'inscriptions, Mais 
ce pavé avait éprouvé diverses modifications. On y remarquait 
des parties en briques et en carreaudage. Nous avons observé 
que primitivement il devait être en bois ou planches posées 
sur une couche de béton formé de chaux et de tuile pilée, 
comme on l’employait en cas semblables dans les villa ro- 
maines du pays. Plus tard, et selon toute apparence après un 
incendie de l’église, on exhaussa le sol de deux pieds et demi, 
et c'est alors qu'on employa des briques pour une partie du 


— 263 — 
pavé, tandis que le restant était RARES TEEN DE de 
pierres tombales et de carreaudage. 

Comme il n’y avait pas de crypte ou d'église souterraine, 
on enterrait les personnes de distinction dans les nefs. Lors- 
qu'on à fait quelques fouilles, en 1858, et ensuite démoli ce 
monument, nous avons observé et mesuré un couloir voûté, 
prenant naissance en avant du chœur et se prolongeant sous 
celui-ci jusqu’à la place où devait être l’autel. Son entrée était 
sous le pavé devant l'abside; il se fermait par une grosse 
pierre et l'on y descendait par quelques marches. C’est par ce 
petit caveau qu'on arrivait au tombeau de saint Germain placé 
derrière l'autel, mais sous le pavé. Cette position souterraine 
a présérvé le tombeau de toute violation, lors des diverses 
dévastations de l’église. Celle-ci pouvait être complètement 
saccagée et incendiée, sans que la sépulture en pût souffrir. 
Aussi est-ce pour ce motif qu’à son ouverture, faite en grande 
pompe en 1477, on trouva le corps de saint Germain tel qu’il 
y avait été déposé primitivement. L'abside était élevée de cinq. 
pieds au-dessus du niveau de l’église, ce qui avait permis 
d'établir avec facilité ce petit caveau de cinq pieds de haut sur 
trois pieds dix pouces de large, avec des murs de deux pieds 
d'épaisseur. Il était recouvert d’une voûte à plein-cintre, et 
tout indiquait, dans l’ensemble et les détails, un travail con- 
temporain de la bâtisse de l’église, avec quelques réparations 
postérieures qu'accusait l'emploi de certains matériaux. En 
décomptant la longueur du caveau et l'épaisseur du mur, il 
restait un espace de neuf pieds derrière l'autel et tout à l’entour 
de celui-ci, pour le service du chœur. 

Au bas de l’église, dans la nef de droite, on voyait une 
muraille ou rampe soutenue par une voûte et sur laquelle. 
reposait l'escalier conduisant à l’orgue et dans la tour. Cette 
rampe masquait une des portes latérales, à cet effet remurée, 
et elle indiquait une construction plus récente, peut-être déjà 
contemporaine du clocher érigé au dixième siècle ou des res- 
taurations de 1269 et 1376. On remarquait aussi, à l'extrémité 


LOU 


occidentale de chaque nef latérale, une petite porte communi- 
quant avec des bâtiments attenant à la tour et dont on parlera 
bientôt. 

Dans l'église primitive et avant la bâtisse du clocher, il y 
avait trois fenêtres au-dessus du portail de l’ouest. Celle du 
centre était à plein-cintre, et ses pieds droits ornés de colon- 
nettes à chapiteaux cubiques : circonstance intéressante, puis- 
qu'elle prouve qu'on en faisait déjà usage avant le dixième 
siècle, époque où cette fenêtre a été masquée par l'érection de 
la tour. Les deux autres fenêtres percées et remurées plus 
haut n’offraient plus aucun caractère architectural reconnais- 
sable. Il y avait encore dans cette même muraille d’autres 
ouvertures remurées qui, avec les précédentes, prouvaient le 
dégagement primitif de cette facade. Celle-ci, à l'extrémité, 
était ornée de pilastres sans saillie, ou plutôt de bandes mu- 
rales simulant des pilastres. Ces bandes formaient vraisem- 
blablement des panneaux, couronnés par des arcatures ou 
petites arcades à plein-cintre régnant le long du pignon. 

La tour, placée au centre de cette façade, a été démolie au 
commencement de ce siècle. Nous en avons encore vu une 
partie qui a été dessinée par M. Villeneuve. Elle avait trois 
étages au-dessus du rez-de-chaussée, construit lui-même à la 
hauteur du toit des nefs latérales. Les deux premiers étages 
n'avaient que de petites fenêtres, mais le troisième était éclairé . 
des quatre côtés par des fenêtres géminées à plein-cintre. Un 
toit à quatre pans, surmonté d’une croix, couronmait l'édifice. 

Cette tour formait un carré de vingt-trois pieds dans œuvre, 
avec des murs de six pieds de trois côtés seulement, tandis 
que, vers l'église, l'édifice était simplement adossé et soudé à 
l'ancienne façade au moyen d'entailles et de raccordements 
qu'on distinguait facilement. Le revêtement extérieur des 
murailles des premiers étages se composait de pierres de taille 
empruntées à la molasse de la vallée; plus haut, on s'était 
servi du tuf. Le revêtement intérieur du narthex était, dans 
les rangs inférieurs, en molasse, et, plus haut, en calcaire 


— 265 — 
blanc à nérinées, par assises régulières, avec des façades fine- 
ment taillées. C'était sur les rangées du milieu qu’on avait 
tracé une inscription dont on parlera plus loin. 

La porte d'entrée s'ouvrait à l’occident;.elle avait onze pieds 
de large. Sa voûte, à plein-cintre, reposait sur des pieds droits 
couronnés de tailloirs. Intérieurement, on remarquait à ses 
angles quatre colonnes cylindriques, à chapiteaux cubiques 
supportant les arêtes très massives d’une voûte à plein-cintre. 
A l’époque de la bâtisse de la tour, et pour la régularité de 
l'architecture, on avait construit une seconde arcade au-dessus 
de l'arc en décharge qui recouvrait le linteau de la porte de 
l’église. Cette arcade reposait sur des pieds droits, avec tailloirs 
chanfreinés de chaque côté de l’ancien portail; elle servait en 
même temps à porter la muraille orientale.de la tour. 

Il existait des arcades semblables des trois autres côtés : les 
moulures des tailloirs et des corniches imitaient la forme de 
ceux des piliers de l'intérieur de la basilique, mais les cor- 
beiïlles des chapiteaux faisaient assez voir qu'elles appartenaient 
à une époque plus récente. C'était déjà la forme cubique 
substituée au chapiteau corinthien que les artistes ne savaient 
plus exécuter. Les feuillages qui les ornaient étaient lourds et 
sans grâce, révélant complètement la facture du dixième siècle. 

Il résulte de ces faits que la tour avait été bâtie et appuyée 
contre l’ancienne facade de la basilique dont l’ornementation 


m'était pas destinée à être cachée, que cette tour masquait les 


bandes murales, les fenêtres et couvrait sans doute encore 
d'autres détails d'architecture vers le haut du pignon que 
nous n'avons plus vu dans son entier. 

De chaque côté de la tour et, comme celle-ci, adossés à la 
facade occidentale, on voyait les restes de deux édifices bâtis 
et faisant corps avec le clocher jusqu'au premier étage. Ils 
formaient chacun un parallélogramme de vingt-quatre pieds 
de long sur treize de large intérieurement. Recouverts de 
voûtes en berceau, ils communiquaient avec la basilique cha- 
cun par une petite porte, et ne recevaient de jour à l'occident 


18 


— 266 — 

que par de petites fenêtres carrées. Ce ne pouvaient étre des 
chapelles, elles eussent été trop peu éclairées; ni des sacristies, 
étant trop éloignées du chœur, mais plutôt des hypogées. Les 
portes qui les mettaient en communication avec les nefs 
latérales ont probablement été ouvertes dans les anciens murs 
lorsqu'on construisit ces édifices. Nous n'avons plus vu les 
étages supérieurs que sur un vieux tableau où ils sont impar- 
faitement représentés. On a pu en faire usage, par analogie 
avec ce qui existait à Saint-Gall, pour y placer le trésor, les 
archives et la bibliothèque. Nous ne pouvons admettre que 
ces édifices aient été primitivement deux tours en saillie sur 
la façade, dont elles auraient également couvert une partie 
des détails d'architecture; car, lors même que les sceaux de la 
prévôté de Moutier-Grandval représentent un portail d'église 
avec deux tours, ces sceaux n ont été faits qu'à une époque où, 
bien certainement, la basilique de Grandval n'avait qu'une 
seule tour. 

C'est dans le bâtiment de droite et dans son mur méridional 
qu'on remarquait une petite porte à plein-cintre qui devait 
conduire dans l'aile occidentale du couvent. La position de 
cette’ porte indique que l'aile dont il s'agit avait un corridor 
du côté de la cour intérieure, et que cette partie du monastère 
s’avançait de vingt-quatre pieds, et de l'épaisseur du mur, au 
delà de la façade primitive de la basilique, bien entendu avant 
la construction de la tour. La muraille dans laquelle était 
percée cette porte indiquait une construction différente de 
celle des autres murs de notre édifice. Elle offrait tous les 
caractères d'antiquité que nous avons déjà signalés aux plus 
anciennes parties de l’église, comme une imitation des temps 
romains. Elle nous révèle et précise l'existence du couvent, et 
en même temps qu'il devait y avoir, avant l'érection de la 
tour, un narthex ou portique régnant sur toute la longueur 
de la facade de lorient, mais seulement jusqu'à la hauteur 
des petites nefs, comme le prouvaient les bandes murales qui 
ne commencalent qu à ce même niveau. Ce narthex ayant été 


— 267 — 
remplacé, au dixième siècle, par la tour et les deux édifices 
contigus, on le transféra alors en avant du clocher seulement, 
comme nous en avons reconnu la preuve par ses fondations 
mêmes. | | 

On sait qu'au moyen âge les porches des églises étaient des 
lieux de réunion où l'on traitait de toutes sortes d’affaires. Si, 
à Grandval, les abbés, puis les prévôts, avaient tenu leurs 
assises en plein air, devant le parvis, sur l'esplanade où se 
trouvait la pierre celtique, ensuite consacrée à saint Germain, 
il est aussi certain qu’en cas de pluie ces prélats et leurs justi- 
ciables se retiraient sous le porche de la basilique et même 
dans l'intérieur de celle-ci. 

A ces portiques était souvent attaché le droit d'asile, sans 
qu'il fût besoin de pénétrer dans la basilique. C'était le refuge 
des pauvres qui y demandaient l'aumône, le lieu de pénitence 
des grands coupables auxquels on interdisait l'entrée de l'église. 
Là aussi se tenaient les catéchumènes et ceux qui attendaient 
le baptême. Sous ces mêmes portiques, en signe d'humilité, 
les princes, les prélats, les bienfaiteurs des églises demandaient 
d'être inhumés, croyant que ceux qui fouleraient chaque jour 
leur tombe songeraient à prier pour eux. C'était peut-être 
quelque grand personnage qui reposait au côté gauche du 
portique, sous la tour, et dont on pouvait encore lire une partie 
de l’épitaphe en 1833. Depuis lors, cette inscription a disparu 
avec les colonnes, les sculptures et les autres ornements de ce 
narthex. Le marteau impitoyable des maçons a détruit tout ce 
qui restait de ce monument, comme si c'eût été une gloire de 
n’en point laisser de vestiges ({). 

Après cette description générale de la basilique, description 
résultant d'une levée du plan de l'édifice, de nombreuses 


(4) Lorsqu'on démolissait l'église, en 1859, nous avions obtenu qu'on 
miît de côté toutes les pierres sculptées. Elles étaient rangées dans la 
grange attenant à la préfecture. On eut besoin du local pour y placer 
les lits des ouvriers, et tout ce qu'on avait cru sauver de la destruction 
fut englouti dans les remblais de la terrasse sous l'église nouvelle, 


op E 


visites et d’une longue étude, nous devons encore ajouter 
quelques mots sur son ornementation, autant qu'il est possible 


de le faire après toutes les mutilations subies par le monument 


à l’époque de la Réformation. Cette ornementation, comme 
celle de tous les édifices de la période barbare, devait être très 
simple et l'architecte en avait été fort avare. Les améliorations 
qu'on y avait apportées n'avaient guère pu se développer que 
dans les autels, les stalles, les tombeaux et quelques autres 
parties intérieures de la basilique, où l’on pouvait déroger 
à la simplicité primitive. 

C'est ainsi que l'autel placé au centre de l’abside devait être 
formé d'un massif de mur entouré de bas-reliefs représentant 
des enroulements, des entrelacs et autres dessins employés 
dans les sixième et septième siècles. Nous avons retrouvé trois 
fragments de ces pierres; ils ont été photographiés et ensuite 
décrits dans l’Indicateur d'histoire du mois de juin 1861. Ces 
pierres sont en grès molassique, et leurs sculptures ont la plus 
grande analogie avec celles de quelques pierres de l’église de 
Coire, regardées à bon droit comme des sculptures de l’époque 
carolingienne (!). Sur le revers des pierres de Grandval, on 
remarquait quelques lignes, quelques traits gravés, lorsqu'on 
a usagé plus tard ces débris pour couvrir des sépultures. 
Aussi nous présumons que l'autel primitif, dont elles faisaient 
partie, a été détruit par les Hongrois, dans la première moitié 
du dixième siècle, lorsqu'ils saccagèrent Grandval, et laissèrent 
leur nom redouté à un pont jeté sur un torrent voisin, au 
passage de la vieille voie romaine. 

: Nous avons ensuite eu le temps de dessiner un chapiteau 
de colonne différant, sous divers rapports, de ceux qui cou- 
ronnaient les colonnes sous la tour du clocher, mais dont 
l’ornementation , tout en conservant une certaine analogie 
avec celle de ces dernières, atteste cependant une plus haute 


@) Mittheilungen d. antiqg. Gesellschaft in Zurich, t. XI, fig. 7, tab. 9 
et 12; texte page 155. 


— 269 — 

antiquité. Rien dans l'architecture et la distribution de la 
basilique n’a pu nous indiquer l'emplacement de cette pierre 
qu'on avait remurée dans la terrasse, sous le jardin, ou si 
l'on veut dans la base des murs de l’ancien monastère. Ses 
dimensions considérables accusent son emploi dans l’orne- 
mentation d'un édifice proportionné à la grandeur de cette 
pièce. Par contre, plusieurs autres chapiteaux se sont trouvés 
sous le pavé de l’église, dans le remblai de deux pieds et demi 
d'épaisseur sur le pavé primitif. Ils sont de petites dimensions 
et ont pu appartenir à des autels en pierre ou à quelque 
autre détail d'intérieur. Mais, chose digne de remarque, ils 
offrent une grande ressemblance avec des chapiteaux romains 
que noûs avons vus dans les ruines de Mandeure, et ils 
accusent une épotçue antérieure au style roman. L'un d’eux 
était muré dans la porte latérale du sud, au-dessus d’une 
restauration du quinzième ou seizième siècle. Nous avons 
déjà remarqué que la fenêtre de l’ouest, au-dessus du grand 
portail, était ornée de colonnes à chapiteaux cubiques, soit 
que cette forme füt déjà admise au septième ou huitième 
siècle, soit que cette fenêtre eut été refaite au dixième siècle, 
peu ayant l'érection de la tour qui la fit fermer. Nous avons 
également recueilli sous le pavé un débris de chapiteau offrant 
un travail plus soigné que tous les précédents et qui n'aurait 
pas déparé un édifice romain dont il rappelle complètement 
les sculptures. 

A l'exception de l'inscription mutilée qu'il y avait encore 
sur la muraille de la tour en 1833, nous n'avons pu en re- 
trouver aucune autre. Quelques vestiges de peinture à fresque 
dans le bas-côté de droite n'étaient pas suffisants pour que 
l'on ose dire que toutes les murailles avaient recu ce genre 
d'ornementation. 

Quant aux tombeaux qu'avait dû renfermer la basilique, la 
plupart avaient déjà été fouillés et détruits depuis longtemps 
lorsqu'on a démoli ce monument en 1859. On croyait que 
des émigrés français y avaient caché des sommes importantes 


— 270 — 


avant l'occupation de la Prévôté par les armées françaises, en 
décembre 1797, et l'on avait opéré des fouilles en cachette à 
plus d’une reprise. Les travaux faits pour la reconstruction 
du temple n'étaient point dirigés en vue de faire des décou- 
vertes archéologiques : aussi n’a-t-on trouvé que peu de 
sépultures offrant quelque intérêt, ou qui n'avaient pas été 
visitées précédemment. Nous citerons d’abord un tombeau 
découvert à l'entrée de l'avant-chœur, près du pilier qui devait 
soutenir la chaire. Il était construit en pierres taillées et mu- 
rées. [1 avait 6 pieds de long sur 15 pouces de large, avec une 
excavation de 10 pouces sur 7 pour la tête, marquant ainsi 
les épaules et se rétrécissant vers les pieds. Il était recouvert 
par une muraille bâtie à l'époque où l'on exhaussa le sol pri- 
mitif. [1 contenait un squelette d'homme de taille moyenne. 
La mâchoire, bien conservée, indiquait qu'elle appartenait à 
un individu encore jeune et qui n'avait pas encore ses deux 
dernières dents. Sur sa poitrine reposait un calice et une 
patène en argent fin, battu fort mince et d'une bonne conser- 
vation. Le calice était sans ornement, mais de forme sem- 
blable à celle du calice dit de saint Germain, conservé parmi 
les reliques du premier abbé de Grandval. Sur la patène, on 
voit gravé avec peu d'art un agneau pascal tenant une croix. 
Le nymbe est à trois rayons, pour imiter une gloire ou 
pour symboliser la Trinité. Ces deux objets, ainsi que le 
tombeau, appartiennent vraisemblablement au neuvième ou 
dixième siècle, et ils indiquent le lieu de sépulture d'un 
prêtre (!). 
Vers le haut de la nef latérale de droite, qui semble avoir 
été destinée à la sépulture de personnages importants, se trou« 
vait une tombe murée peu différemment de la précédente, 
affectant le mode de construction que nous avons souvent 
rencontré dans les cimetières gallo-romains. Elle renfermait 


(4) Indicateur d'histoire, août 1859, p. 45. — On a reconnu des tombes 
semblables dans les caveaux de Saint-Denis, lesquelles sont censées 
eppartenir au plus tard au onzième siècle. 


Te, GOT 


nb. À 
F à 


— 271 — 


les ossements d'une jeune femme inhumée dans un état de 
grossesse fort avancé, comme on pouvait en juger par la tête 
bien formée et déjà consolidée de son enfant. Mais, fait digne 
de remarque, cette femme avait encore une belle chevelure 
blonde, tressée en nattes longues et serrées. La forme de la 
tombe et l'état des pierres qui la recouvraient indiquaient une 
époque fort éloignée. A cette occasion, nous rappellerons 
qu'au commencement de ce siècle on a trouvé, dans l’église 
de Frienisberg, entre Arberg et Berne, le squelette d’une 
femme ayant aussi sa chevelure blonde, tressée comme celle 
de Grandval. On a présumé que ce pouvait être une des filles 
d'Oudelhard, comte de Sogren et de Seedorf, qui fonda Frie- 
nisbers, en 1131, et qui y fut lui-même inhumé (!). 

Les deux tombeaux de Grandval offrent un contraste inté- 
ressant. Celui de gauche contenait la dépouille mortelle d’un 
jeune homme ayant renoncé au monde lorsqu'il sortait à 
peine de l'adolescence. Celui de droite, une jeune femme qui 
avait obéi aux lois de la nature, mais à laquelle la mort ne 
donna pas le temps de devenir mère. L'un pouvait être le fils 
de quelque grande famille, que le hasard avait fait naître le 
second et que les mœurs du temps vouaient à la prêtrise, sou- 
vent même avant qu'il fût né: ce n'était pas un moine, ni un 
chanoine de Grandval, parce qu'il aurait été inhumé ailleurs. 
L'autre devait être une grande dame, dont la famille jouissait 
d'assez de crédit ou de fortune pour obtenir une sépulture en 
un lieu aussi honorable. 

Dans cette même nef de droite, nous avons vu plusieurs 
fragments de pierres tombales sur lesquels on remarquait les 
restes de statues en demi-bosse, représentant des personnages 
vêtus de longues robes à plis serrés, attestant aussi une.époque 
voisine du dixième siècle. Seraient-ce les tombes des disciples 
de ce savant Ison, qui fut aussi enterré dans l’église de Grandval 


() Indicateur d'histoire, juin 1861, avec planche. — Essai sur l'histoire 
des comtes de Sogren, 1863. 


2 apaie 


en mai 871? Mais comme on attribuait des miracles à son 
tombeau, un seigneur bourguignon fit enlever secrètement le 
corps du saint pour profiter de ses miracles. 

Beaucoup de sépultures ont été ouvertes avec si peu de soins 
qu'on n'a pris aucune peine pour étudier leur contenu et pour 
conserver quelques objets qu'elles renfermaient. Toutes n’é- 
aient pas dans l’église : aussi aurons-nous à rechercher plus 
tard les anciens cimetières de ce monastère. Nous nous con- 
tenterons pour le moment de remarquer qu'il a dû. exister un 
chemin le long de la facade septentrionale de la basilique, et 
que cette voie devait être assez large pour qu'on püût établir 
des tombes le long de ce mur sans obstruer le chemin. C’est 
ce qu'a prouvé la découverte, en 1860, d'un grand tombeau 
construit en pierres de luf, taillées et murées en sorte de mé- 
nager également un emplacement pour la tête et les épaules 
du mort. Le couvercle, aussi en tuf, était à trois pans et un 
peu excavé en dessous. Des tombeaux de tuf, peu différents du 
précédent, ont été trouvés plusieurs fois, à une lieue de là, 
entre Crémine et Saint-Joseph, avec des objets burgondes ou 
francs. 

Nous n'avons pu découvrir, à Grandval, un seul débris de 
statue. On a déjà remarqué qu'il devait y en avoir aux pilastres 
supportant l'archivolte du chœur. On sait que des statues 
replacées à l'entrée de la tour furent, durant la Réformation, 
arrachées et brisées, comme on avait déjà à cette époque 
détruit toutes les statues, tous les autels, toutes les images, les 
tombeaux et tout ce qui rappelait le culte catholique de la 
veille. Dès lors, il aurait fallu un grand hasard pour retrouver 
quelques ae de la statuaire de ce monument, 


Résumant nos impressions sur la basilique de Grandval et les 
antiquités qu'on y a découvertes, nous croyons pouvoir émettre 
l'opinion que le vaisseau de l’église était incontestablement la 
plus ancienne partie de ce monument. Le mode de construc- 
fion de ses murailles en pierres de petit appareil, les.voussoirs. 


LL 


— 213 — 


cunéiformes de ses arcs à plein-cintre, la manière dont les 
joints des pierres étaient cimentés, la simplicité des piliers et 
des moulures des corniches, le nombre des portes latérales, la 
forme de la porte occidentale, et plusieurs autres détails, indi- 
quaient un édifice du style latin bien antérieur au dixième 
siècle. 

À Grandval, la tour seule rappelle l'architecture des an- 
ciennes parties des églises de Payerne, de Neuchâtel, de Saint- 
Ursanne, de Zurich et de Bâle; et encore ce qui restait de cette 
tour était plus lourd et plus barbare que ce qu'on observe dans 
les édifices précités. Excepté cette tour et quelques restaura- 
tions, l'ensemble de la basilique était absolument étranger et 
antérieur à l'architecture romane. 

Les auteurs qui ont traité de l’architecture religieuse au 
moyen âge prétendent qu'avant Charlemagne il n’y avait pas 
dans ses Etats d'églises bâties en pierres ; mais cette assertion 
est trop générale, et les actes de Saint-Gall, comme chez nous 
les ruines de Grandval et de Saint-Imier, prouvent le con- 
traire. Neus pensons que si Fridoald et saint Germain n'eurent 
pas le temps de bâtir la basilique qui a subsisté jusqu'à nos 
Jours, cette construction ne laissa pas que d'avoir lieu soit 
encore à la fin du septième siècle, soit au plus tard en même 
temps que la première réédification de Saint-Gall, au com- 
mencement du siècle suivant. Ce fut alors que les Bénédictins, 
ces architectes des églises d'Occident, élevèrent le vaisseau de 
la basilique de Grandval. Cet édifice, de style purement latin, 
subsista jusqu à l'invasion des Hongrois, qui le saccagèrent et 
l'incendièrent au dixième siècle. Mais ses murs furent jugés 
assez solides pour supporter une nouvelle charpente et proba- 
blement une simple couverture en bois, selon l’usage d'alors; 
car on voit, dans les archives de Saint-Gall, qu’en 890, Udalric 
de Laufstenau avait pris les bardeaux destinés à la toiture de la 
basilique pour en couvrir son propre château (1). Nous n'avons 


() Collection de diplômes du chanoine FonTaINE, mss., tom. I, p. 41: 


— 214 — 

trouvé dans les débris de Grandval que des tuiles appartenant 
à la forme moderne et qui, au moins dès le onzième siècle, 
ont remplacé les tuiles romaines et les bardeaux. Quelques- 
unes étaient vernissées, mais les plus anciennes dates qu'elles 
portaient n'étaient que du milieu du dix-septième siècle. 

Quant à la tour, nonobstant qu'on n'ait aucun document 
certain prouvant que c'est la reine Berthe qui l’a fait bâtir, 
nous croyons que l'architecture de cet édifice étant d'accord 
avec toutes les traditions écrites, on ne peut élever de doute 
sur la date de son érection dans la première moitié du dixième 
siècle. Si ce n’est pas précisément aux frais ou par les ordres 
de la reine de Bourgogne que l'entreprise eut lieu, ce fut 
indubitablement de son temps. 


La basilique était précédée, à l’ouest, par une esplanade où 
se réunissait le peuple à son entrée ou à sa sortie de l'église. 
Cette place publique était ombragée de grands arbres entre- 
tenus et remplacés avec soin; on en voit encore des restes. 
C'était là que l'abbé, puis le prévôt de Grandval, jouissant de 
droits seigneuriaux et cléricaux fort étendus, ouvrait ses 
assises, comme aussi les plaids généraux de toute la contrée 
‘soumise à son autorité. Aux temps celtiques, on tenait les 
assemblées politiques, judiciaires et religieuses dans des lieux 
consacrés au culte, où il y avait des pierres levées ou de 
sacrifices. Or, à Grandval, sur la place que nous décrivons, il 
existait une de ces pierres qui a peut-être donné son nom au 
village voisin de Perrefite (pierre fichée, petra fixa). Comme 
des pratiques superstitieuses restaient attachées à ces pierres, 
on mit celle de Grandval sous le vocable du premier abbé, et 
la pierre de saint Germain servit de siége au président des 
plaids du moyen âge, comme elle avait été employée au même 
usage dès les temps celtiques. Il serait même possible qu'e la 
présence de cette roche en ce lieu, et le culte païen qu'on lui 


« Etiam tegulas, quas fissas habuimus ad tegendum Sancti Galli basi- 
licam, vi abstuljt et super domum suam in Lustenowe imponere jussit. » 


Fa 


— 275 — 


rendait, n'aient pas été sans influence sur le choix de l'em- 
placement de la basilique de Grandval (!). 


Il - 
LE MONASTÈRE. 


Suivant un usage qu'on remarque dans l'établissement 
d'un grand nombre de monastères, et qu'on voit déjà au plan 
de Saint-Gall, le cloître ou l'habitation cloîtrée des moines 
bénédictins existait au sud de l’église et lui attenait par les 
deux ailes, tandis qu'au milieu du carré formé par ces édi- 
fices il y avait une cour et des portiques (?). Nous avons pu 
mesurer une partie importante des dimensions de ces bâti- 
ments, lorsqu'en 1859 on a creusé les fondations de la terrasse 
actuelle. On voyait que ces édifices avaient été détruits par 
un incendie et qu'ils avaient été couverts avec des tuiles, 
comme celles dont on se sert de nos jours. Une des portes 
latérales de l’église communiquait avec l'aile orientale de ces 
coustructions : à Saint-Gall cette aile renfermait, au rez-de- 
chaussée, le dortoir des frères, et, au premier étage, celui des 
religieux. À Grandval, la sacristie devait être au rez-de-chaus- 
sée, occupant le compartiment touchant à l'église. Comme à 
Saint-Gall, le réfectoire pouvait se trouver de plein-pied dans 
le bâtiment du sud, et le vestiaire au premier étage. 


(*) Il y avait encore de nos jours deux autres pierres dites de saint 
Germain : l'une près de la route, dans les roches de Moutier, et l'autre 
dans le cimetière de l'antique chapelle ou basilique de Courendelin. 
La première s'était ramollie pour servir de coussin aux genoux du saint, 
et l'autre pour lui former un siége plus commode. Nous en avons 
signalé une autre qui est encore dressée dans la chapelle de Saint-Hum- 
bert, près de Bussecourt, et qui est plus vénérée que le patron de cette 
église. 

(?) L'usage de bâtir les monastères au sud de leurs églises dérivait 
principalement de la règle admise pour l'orientation de celles-ci, le 
chœur devant être tourné vers le levant. 


| — 216 — 

“ D'anciennes fenêtres qu'on remarqua dans le mur suppor- 
tant le jardin, lors des travaux faits en 1859 pour le rebâtir, 
nous ont indiqué que c'était dans ce bâtiment qu’existaient les 
caves qui, à Saint-Gall, étaient au contraire dans l'aile de 
l’ouest. À Grandval, la conformation du terrain a dû faire 
ménager des caves et sous cet édifice et-sous les deux ailes. 
Dans l’une de celles-ci et à l’ouest, on avait sans doute établi 
le magasin de vivres, le lardarium et autres locaux. Tous ces 
édifices étaient en pierres, et l'extrémité de l’aile occidentale 
touchant à l'église avait une porte à plein-cintre pour com- 
muniquer avec le narthex. Comme on l’a déjà dit, cette mu- 
raille, qu'on pourrait appeler la facade septentrionale de cette 
aile, offrait les caractères des constructions les plus anciennes 
de Grandval. Ces débris, auxquels on ne portait aucune 
attention à raison de leur état de ruines et d'encombrement, 
ont été pour nous un indice palpable de l'existence de cette 
partie du monastère primitif, de son mode de bâtisse en pierres 
comme la basilique, et de sa communication avec celle-ci. 

La cour intérieure, qui avait dû constituer un jardin, fut, 
par la suite des temps et par l'abandon du monastère, trans- 
formée en cimetière. Peut-être même les portiques furent-ils 
changés en cloîtres dans lesquels on inhuma également, 
lorsque les chanoines, abandonnant la vie en communauté, 
résidèrent chacun dans une maison particulière. 

D'après les mesures que nous avons prises en 1859 et 
d’après le plan levé alors, nous pouvons assurer avec certitude 
que le couvent avait une longueur de 160 pieds pour sa façade 
du.sud, chacune de ses ailes 90 pieds sur une égale largeur 
de 35 pieds, laissant au milieu une cour de 90 pieds sur 60. 
Selon l'usage, un corridor devait régner tout à l’entour de ces 
édifices du côté de la cour, et les appartements se trouver du 
côté extérieur. 

À Saint-Gall, la maison des oblats ou des novices, leur 
église particulière et l’infirmerie étaient placés sur le pro- 
longement oriental de l'église abbatiale. Ces établissements 


— 271 — 
pouvaient occuper à Grandval les environs et l'emplacement 
du château, comme l'indiquent des fondations nombreuses 
qu'on a rencontrées plusieurs fois entre la basilique et la 
_ maison préfectorale (!) 

Chacune de ces grandes dépendances obligatoires des mo- 
nastères, tels que le cloître, l’abbatiale, l’école, l'hôtellerie, 
l'infirmerie, la maison des oblats, ainsi que l'habitation des 
médecins qui se rattachait à l’infirmerie, avaient des dépen- 
dances particulières, selon leurs besoins. Toutes avaient une 
cuisine avec ses accessoires, une boulangerie et une brasserie 
pour le cloître, l'abbatiale et l'hôtellerie, ainsi que des bains. 
Les moulins de Saint-Gall usaient dix meules par an. Il y 
avait un four où l’on cuisait mille pains à la fois, une brasserie 
qui employait cent malters d'avoine par cuite. 

Il y avait encore bien d’autres choses qu'on nomme confor- 
tables et qui tenaient alors à l'hygiène du monastère. Telle 
était la maison spéciale où l’on pratiquait la saignée- pério- 
dique des moines et où ils étaient mis à un régime plus sévère 
que la pitance ordinaire du cloître. Cet usage s’est perpétué 
dans nos monastères du Jura, pour ainsi dire jusqu à nos 
jours. Nous en avons retrouvé la preuve dans les écrits de 
Bellelay, à la fin du dix-septième siècle. La maison de Saint- 
Gall, destinée à cet usage, est désignée sur le plan : Fleotomatis 
hic gustandum portionariis. Cette pratique était du reste pres- 
crite par la règle de Saint-Benoît, mais elle n'était pas un 
moyen hygiénique spécial aux monastères : tous les habitants 
du pays de Porrentruy s'y conformaient, et, pour ce motif, 
ils jouissaient du privilége de pouvoir pêcher dans les rivières 
seigneuriales le jour de leur saignée, de même que les femmes 
en couches. 

C’est près de la salle au régime débilitant qu’on trouvait, à 


() Un acte de l'année 797, cité par le chanoine FonTaine (t. I, p. 17), 
fournit des détails très curieux sur le régime des oblats de Saint-Gall, 
à cette époque. 


— 218 — 


Saint-Gall, la maison des médecins et le jardin botanique, 
appelé herbulariwm : sur le plan on lit le nom des plantes aro- 
matiques et vulnéraires qu'on y cultivait, et qui sont les mêmes 
qu'on emploie encore communément dans les campagnes. 

A l’école publique, comme au noviciat, attenaient des loge- 
ments particuliers pour les professeurs et les maîtres : ce qui 
prouve que ceux-ci, qu'on attirait de toutes parts, n'étaient 
point confondus avec les autres moines. 

Nous avons tout lieu de croire que le ruisseau de Badri, 
sortant du flanc de la montagne à l’ouest de Grandval, a pris 
son nom de l’usage qu'on faisait de ses eaux pour alimenter : 
les bains et les fontaines du monastère. Plus tard elles ser- 
virent à remplir les fossés du château prévôtal, comme moyen 
de défense, tout en nourrissant en même temps du poisson 
pour la table du prévôt. 

Ainsi, à Grandval, comme à Saint-Gall, rayonnaient de 
trois côtés de la basilique les principaux bâtiments constituant 
le monastère, ne laissant d'espace vide qu’en avant du portail 
occidental de l'église. L'examen du terrain et des fondations 
qu'il recèle indiquent que ce n’est point de notre part une 
supposition hasardée, mais que, sauf quelques modifications, 
il y aurait suffisamment d'espace sur le flanc de la montagne 
pour construire convenablement tous les édifices attachés au- 
trefois à une abbaye. 

Mais là ne se bornaient pas les dépendances du monastère 
de Grandval. Si la conformation du coteau sous l'église ne 
permettait pas d'y bâtir tous les autres édifices qu'on voit sur 
le plan de Saint-Gall, et qui étaient indispensables à Grandval, 
- il y avait de la place en abondance un peu plus bas, dans la 
direction de la rivière. Il est probable que la maison commu- 
nale actuelle occupe l'emplacement de celle des pauvres, dési- 
gnée dans plusieurs actes. C’est là qu'on recevait les pèlerins 
qui venaient visiter le tombeau de saint Germain, resté en 
grand renom même encore après la Réformation. On y soignait 
les pauvres malades étrangers et ceux de la colonie monacale 


— 279 — 
n’appartenant pas spécialement au cloître. I] existé encore un 
règlement de cette maison portant la date de 1308. 

Sur l’emplacement de la partie centrale du bourg actuel de 
Moutier, devaient se trouver les ateliers pour tous les métiers 
nécessaires à une corporation religieuse d'alors, afin, dit la 
règle de Saint-Benoît, que les religieux ne fussent pas dé- 
tournés de la vie monastique en allant se pourvoir au loin 
des choses indispepsables. Cet usage existe encore plus ou 
moins dans les monastères actuels. Il devait donc y avoir, à 
Grandval comme à Saint-Gall, des tanneurs pour préparer 
les cuirs du bétail abattu dans la boucherie du couvent, des 
corroyeurs, des cordonniers, des selliers, des ouvriers en bois, 
charpentiers, menuisiers, charrons et tourneurs. Ceux-ci 
exerçaient une profession importante, parce que toute la vais- 
selle de table (plats, assiettes ou tailloirs, gobelets, etc.) était 
en bois. Les ouvriers travaillant les métaux étaient nombreux: 
maréchaux, serruriers, armuriers, orfèvres. Ces derniers trou- 
vaient suffisamment d'occupation pour confectionner les orne- 
ments des églises et les reliures de livres de prix. Il y avait 
un atelier pour fouler les draps, d’autres pour préparer et 
tisser les laines , le lin, le chanvre, et force tailleurs pour 
couper et coudre toutes ces étoffes. 

Il est probable qu'à Grandval ces divers ateliers n'étaient 
pas tous réunis dans le même édifice, mais qu'ils en occu- 
paient plusieurs, répartis le plus avantageusement selon leurs 
besoins, comme aussi pour usager les cours d'eau qu'offrait 
la localité. On sait, par exemple, que les ouvriers en gros fers 
étaient établis sur la rive droite de la Byrse, pour utiliser la 
chute que fait un petit ruisseau avant sa jonction avec cette 
rivière (1). 

Toujours sur l'emplacement de Moutier actuel, devaient 
encore se trouver les habitations des hommes employés à la 


() Des scories de fer et l'existence actuelle de petites usines en ce lieu 
confirment les données fourmies à cet égard par de vieux tableaux. 


— 280 — 
culture des terres, les granges pour serrer les récoltes, les 
écuries pour les chevaux de main et ceux de labour, pour les 
bœufs de travail et à l’engrais, pour les vaches laitières, les 
chèvres, les brebis et les porcs. À Saint-Gall, six grands édi- 
fices contigus étaient employés à cette destination, sans comp- 
ter un autre voisin pour le logement des hommes non occupés 
à leur tour de garde journalière et nocturne des troupeaux 
dans les champs et les écuries. Là aussi existait un vaste 
grenier pour la conservation des grains, fui provemaient soit 
des terres exploitées directement par les Bénédictins, soit des 
fermages et des dimes des vastes domaines relevant de l'abbaye. 

Une basse-cour considérable exigeait aussi des gardiens 
spéciaux pour les poules et les oies. Les œufs et la chair de 
ces volailles étaient pour la table et les plumes pour la literie. 
Nous présumons que la basse-cour de Grandval devait être 
près de la rivière ou d'un des ruisseaux qui s’y réunissent en 
ce lieu. 

Après les habitations diverses qu'on vient d'énumérer et 
qui ont donné naissance au bourg de Moutier, il faut ajouter 
les jardins et les vergers. Le verger de Saint-Gall servait en 
même temps de cimetière. La tristesse qu'inspire ordinaire- 
ment ce champ de repos était tempérée par la vue d'arbres en 
fleurs au chargés de fruits. Symbolisant en quelque sorte la 
résurrection dernière, la nature renaissait et produisait sur 
les débris qu'accumulait la mort. Aussi, au milieu de cette 
enceinte, dont un côté était réservé aux Bénédictins et l’autre 
aux étrangers, s'élevait la croix du salut de tous avec cette 
inscription : {nter ligna soli hæc semper sanctissima crux,.in 
qua perpetuæ pomæ salutis olent. 

Sur ces tombes croissaient les pommiers, poiriers, pruniers, 
cerisiers, noyers, neffliers, coignassiers, pêchers, châtaigners, 
figuiers, amandiers, noisetiers-aveliniers, mûriers, lauriers, 
tous les arbres en un mot qui ornent encore nos vergers les 
mieux cultivés et qu'on connaissait déjà en Suisse au com- 
mencement du neuvième siècle. Si tous ne pouvaient pros- 


— 281 — 


pérer à Grandval, il faut croire aussi que le terrain, profon- 
dément remué par le creusage des fosses et amendé par les 
détritus humains, acquérait une fertilité dont nous n'avons 
plus que de rares exemples dans nos cimetières dénués de tous 
soins et de toutes plantations. Quelques personnes peuvent 
encore se souvenir, à Porrentruy, des beaux fruits que four- 
nissait le verger de Lorette, où l'on avait enterré un nombre 
assez considérable de soldats français à la fin du siècle dernier. 

Cet aménagement du cimetière de Saint-Gall en verger est 
pour nous une indication qui permet de retrouver celui de 
Grandval : aussi lui assignons-nous l'emplacement des prés 
et jardins derrière la maison curiale et l'hôtel du Cerf, jus- 
qu'au ruisseau qui se jette près de là dans la Byrse, et plus 
probablement jusqu'à la rivière même. Ce terrain d’alluvion 
et profond permettait le creusage des fosses et la culture des 
arbres; et c'est bien là, en effet, qu'on a trouvé, à diverses 
reprises, des sarcophages en pierre renfermant des squelettes, 
il est vrai d'âges divers, mais dont plusieurs pouvaient appar- 
tenir aux premiers temps de l’abbaye. On a dû abandonner 
ce champ de sépulture après la suppression des Bénédictins, 
lorsque la vie commune ne fut plus exigée des chanoiïines 
leurs successeurs, à la fin du onzième siècle. C’est alors qu'on 
convertit la cour du cloître en cimetière pour les chanoines, 
que la plate-forme devant la basilique fut plus spécialement 
affectée à l’inhumation des habitants de Roche, et qu'on ouvrit 
un champ de repos près de l’église paroissiale de Saint-Pierre 
pour d’autres ressortissants de la paroisse. 

Parmi les sépultures découvertes dans l'ancien verger de 
Grandval, nous citerons un sarcophage en tuf, formé de plu- 
sieurs morceaux, qui se trouvait près de l'hôtel du Cerf, dont 
l'emplacement occupe les fondations d'une villa romaine, 
comme l'indique une aire en ciment romain rencontrée sous 
les caves de la maison et quelques tuiles à rebords de la même 
époque. Le tombeau dont nous parlons renfermait un grand 
squelette humain ayant un vase en terre grise près de sa tête, 


19 


— 282 — 

D'autres sarcophages d’une seule pièce, créusés dans des blocs 
de calcaire blanc à nérinées, matière qui a généralement 
servi chez nous à fabriquer les tombeaux, se sont rencontrés 
près du précédent, comme aussi derrière la maison curiale et 
jusque dans le canal ou ruisseau voisin, où l’un d'eux sortait 
encore de terre en 1865. Ce dernier fait indique que le canal 
est plus récent et que le champ de sépulture allait jusqu'à la 
Byrse. 

Probablement près de ce verger se trouvaient les jardins, si 
indispensables pour la culture des légumes qui formaient une 
partie très notable de la nourriture obligatoire des Bénédictins. 
Nous ne prétendons pas assigner avec précision l'emplacement 
des jardins de Grandval : aussi nous contenterons-nous de 
dire qu'alors, dans ceux de Saint-Gall, on cultivait toutes 
les plantes bulbeuses que nous avons encore actuellement : 
oignons, poireaux, aulx, échalottes et ciboules; les plantes 
d'assaisonnement : persil, fenouil, cerfeuil, anis, coriandre, 
sauge, thym et autres. Si l'on ne voit pas figurer sur le plan 
de Saint-Gall les choux, les raves, les carottes, les pois et 
quelques autres gros légumes, c'est qu'ils ne trouvaient pas 
une place suffisante dans les jardins, et qu'on les cultivait 
dans les champs avec les plantes oléagineuses, la navette et 
les pavots. Il y a tout lieu de croire que l'ensemble des éta- 
blissements situés au-dessous du monastère était environné 
de murailles qui, si elles ne furent pas construites dès le 
principe, devinrent plus tard indispensables, quand on eut 
appris, par une cruelle expérience, ce que c'était que d'être 
pillé par des bandes armées. Nous croyons pouvoir indiquer 
quelques traces de cette enceinte, et même fixer l'emplacement 
de sa porte orientale par celui de la maison qui, en 1401, 
s'appelait sub porta, et a encore conservé longtemps ce nom 
qui lui venait de sa situation au-dessus de la porte du bourg. 
Elle fut achetée, en 1401, par le chapitre de Grandval pour y 
loger un seul chanoine, à l'exclusion des autres, et, à la Ré- 
formation, on l'assigna pour l'habitation du prédicant. Aux 


cms DGA 


deux époques, ce fut à raison de sa proximité de l’église pa- 
roissiale qu'elle fut choisie pour faciliter le service du pasteur. 

Cette maison était bâtie en face de la maison curiale actuelle, 
et la muraille d'enceinte remontait depuis là vers le nord jus- 
qu'à une maison derrière laquelle passe le sentier pour monter 
à la basilique. Cette maison d'angle appartient à un des plus 
anciens modes de construction, et une partie doit remonter 
au delà du dixième siècle. De cet angle, la muraille, faisant 
face au nord, courait vers l’ouest, comme on peut encore en 
juger par les fondations. Elle devait aller jusqu'au delà de 
l’ancienne maison communale, dont la vieille tour pouvait 
faire partie des fortifications, tout aussi bien qu'être employée 
comme prison (!). Le mur redescendait vers le sud, probable- 
ment par l'alignement extérieur de la rangée de maisons qui 
ferme le bourg à l’occident jusque vers le milieu de la lon- 
gueur de cette rangée, d’où il faisait retour vers l’orient, der- 
rière le pâté de maisons embrassant l'hôtel de la Couronne, 
pour aboutir au sud du presbytère actuel, près de la maison 
sub porta. Cette enceinte paraît avoir laissé l’ancien cimetière 
en dehors, et nous ne pensons pas qu'elle se soit appuyée à la 
rivière, parce qu'elle aurait enveloppé un terrain trop vaste. 
C'est, en effet, dans cet espace, ainsi limité, qu'on rencontre 
le plus de traces d'anciennes fondations et d’antiquités. C'est 
là qu'un vieux dessin du commencement du dix-huitième 
siècle groupe les maisons de Moutier, dont l’une, portant la 
date de 1717, existe encore (?). D'après quelques autres indi- 
cations, la route ancienne n'aurait pas suivi la rue du bourg, 
mais elle aurait, au contraire, laissé celui-ci de côté, depuis près 
de la porte orientale, pour passer dans le cimetière derrière 
l'hôtel du Cerf et arriver obliquement au pont sur la Byrse. 


() Un vieux dessin de cette tour fait penser qu'elle était fort anté- 
rieure au quinzième siècle, Elle avait une horloge et un clocheton pour 
beffroi. 

(3) Les vergsrs entre la route et la Byrse, au-dessous de Moutier, 
s'appellent Clos dos velle, ou sous la ville. 


— 284 — 
Elle aurait alors remonté la rive droite de la rivière jusqu'à 
un second pont près de Chalière. Cette route n’est déjà plus 
indiquée sur le vieux dessin précité, et, dans tous les cas, le 
bourg: fermé devait avoir une porte à l'orient déjà indiquée, 
une à l'occident ou vers le sud pour la route de l'Helvétie, et 
une au nord pour aller au monastère. 

On ne s'explique pas pourquoi l'église paroissiale de Saint- 
Pierre se trouvait en dehors de ces retranchements, à moins 
que son cimetière, entouré de murailles, n'ait été selon l'usage 
relié à l'enceinte très rapprochée du bourg, ou à celle peu 
éloignée de l’abbaye, ou enfin n'ait offert isolément un moyèn 
suffisant de défense. Cette manière de fortifier les monastères 
et leurs dépendances n'était pas nouvelle, et elle se perpétua 
longtemps. L'historien Jean de Muller rapporte qu'en 957 
l'abbé de Saint-Gall fit environner de murs les dépendances 
du couvent dans la crainte des Hongrois, ces mêmes hommes 
qui avaient saccagé Grandval (‘). C’est à cette enceinte que le 
chroniqueur Stumpf attribue la fondation de la ville de Saint- 
Gall. Le même fait a eu lieu à Saint-Ursanne. 

Il est également probable que les bâtiments sur la hauteur, 
qui environnaient la basilique, avaient une enceinte murée 
particulière, formant une espèce de citadelle au - dessus du 
bourg. C'est dans cette église même qu'en 1486 un curé de 
Buren, indûment élu prévôt par le pape, soutint un siége, 
avec ses paroissiens avinés, contre le prévôt nommé par les 
chanoines et aidé du châtelain de Delémont, Jean Tschadem, 
sire de Courroux, un des braves de la guerre de Bourgogne. 
Ce fut à cette occasion que la prévôté de Moutier, violemment 
envahie par les Bernois, se trouva forcée d'accepter la com- 
bourgeoisie de Berne, ce qui eut pour conséquence l’intro- 
duction de la Réformation. 


() Histoire de la Confédération suisse, t. I, p. 249. On voit encore au 
village de Muttenz, près de Bâle, un cimetière fortifié qui peut donner 
une idée bien précise de ce moyen de défense aux époques antérieures à 
l'invention de la poudre. 


La 
Ve 


— 285 — 


Nous n'avons pas non plus la certitude que la route romaine 
ait traversé l'enceinte murée du bourg, ou plutôt la place occu- 
pée par elle. Cette voie a laissé des traces qu'on a retrouvées 
dans les fondations des maisons près de l'hôtel du Cerf. Peut- 
être suivait-elle la vieille route qu'on a indiquée en dehors du 
bourg. Tout porte à croire que Moutier avait été occupé à 
l'époque romaine, puisqu'il y avait un castellum muré sur le 
flanc du coteau, à l’ouest de l’église, dominant la vallée et 
correspondant avec plusieurs autres positions militaires. C'est 
sur l'emplacement de ce castellum qu'on dressa ensuite le 
gibet, à proximité du siége de la justice, sur l’esplanade devant 
l'église abbatiale. L'occupation de Moutier à l'époque romaine 
se révèle encore par des tuiles à rebords rencontrées dans des 
fouilles, par des restes de canaux construits avec ces mêmes 
tuiles antiques, toujours dans l’espace englohé par l'enceinte 
du bourg et près de l’église paroissiale. 

On a déjà dit quelle était l'origine et la destination de cette 
église. Comme elle resta toujours, ainsi que ses revenus, dans 
la dépendance de l’abbaye, puis du chapitre, on se demande 
si, après la bâtisse de la basilique, on ne fit pas servir la 
chapelle de Saint-Pierre au service des oblats. On nous à 
montré un couloir voûté qui débouchait près de cette église, 
et qui remontait vers l'emplacement qu'on a assigné à la 
maison des novices, entre la basilique et le château prévôtal. 
Les Bénédictins ayant été expulsés à la fin du onzième siècle, 
on n'eut plus besoin d'un logement pour les oblats; plusieurs 
autres dépendances du monastère cessèrent alors d'avoir leur 
destination primitive et se convertirent successivement en 
établissements privés. La population du lieu se modifia de 
même, et l'érection d'une église paroissiale en devint une 
suite toute naturelle. Il est probable que la basilique de Saint- 
Pierre, dont parle Babolène, n'était qu'une modeste chapelle 
qui resta fort longtemps ainsi, peut-être même jusqu’en 1741, 
époque où on la rebâtit, en conservant une partie de la 
tour qui passait pour fort ancienne. Il y a une date de 1733 


= 880: = 


sur cette église, qui fut vraisemblablement l'objet de diverses 
restaurations. Sa petitesse et sa forme basilicale lui sont com- 
munes avec la plupart des églises primitives de nos contrées : 
témoin l'église dédiée à saint Martin au village de Grandval. 


[IT 


DESTINÉES DE MOUTIER-GRANDVAL. 


Si, après avoir reconstitué cet établissement tel qu il devait 
être durant les premiers siècles de son existence, nous jetons 
un coup d'œil sur ce qu'il devint plus tard, on devra d'abord 
se rappeler que les invasions des Huns ou des Hongrois, 
durant la première moitié du dixième siècle, lui portèrent 
une atteinte funeste. La tradilion a gardé à Moutier le sou- 
venir du passage de ces barbares, en donnant leur nom à un 
pont qu'ils franchirent, sans doute avec accompagnement de 
circonstances actuellement oubliées. L'histoire ne rapporte 
également qu'avec obscurité cette dévastation de Grandval, et 
sa restauration presque immédiate par la reine de Bourgogne, 
la célèbre. Berthe de Suabe. On pouvait naguère, jusqu'à un 

ertain point, suppléer au silence de l’histoire en étudiant les 

ruines de ce monument et de ses diverses restaurations. Elles 
indiquaient que les Hongrois, encore paiens, avaient dù 
incendier la basilique, mais laisser ses murs noircis encore 
debout. Il est probable que les bâtiments du monastère eurent 
le même sort. Toutefois on replaça des toitures sur les anciens 
murs, et la pieuse reine fit ajouter une grosse tour en avant 
du portail occidental de la basilique, masquant les fenêtres et 
les détails d'architecture de cette façade, qui n'ont plus reparu 
qu'à la démolition récente de la tour. 

Cette tour servit de porche pour abriter les pèlerins avant 
leur entrée dans le sanctuaire; ses étages supérieurs furent 
employés pour y loger les cloches, et le plus élevé forma un 
poste d'observation et de défense, à l'instar de cette tour de 


— 287 — 
Saint-Gall dont le vieux plan mentionne ainsi la destination : 
Ad universa superinspicienda. 

On a dit précédemment que ce fut aussi au dixième siècle 
que l'abbé de Saint-Gall fit fortifier son monastère, et l'on a 
indiqué quelques fondations et débris de murailles de la 
même époque qui peuvent faire penser que ce fut alors éga- 
lement qu'on fortifia Grandval pour résister à de nouvelles 
attaques. 

À la fin du onzième siècle, lorsque l'empereur Henri IV et 
l'évêque de Bâle expulsèrent les Bénédictins de Grandval, 
pour les punir de leur attachement à la cour de Rome alors 
en guerre contre le chef de l'empire, et les remplacèrent par 
des chanoines plus soumis, il est probable que ceux-ci s’ins- 
tallèrent simplement dans les édifices de leurs prédécesseurs 
et y vécurent en communauté, qu'ils conservèrent en partie 
les établissements des Bénédictins dont ils ne pouvaient se 
passer, et qu'ils restèrent ainsi jusqu'en 1269 ou 1270, époque 
que l'on assigne à une expédition du comte Rodolphe de 
Habsbourg, dont les soldats auraient alors incendié le monas- 
tère de Grandval en allant de Soleure à Bâle. Cet acte de vio- 
lence ayant délogé les chanoines, ils durent chercher d'autres 
habitations pour vivre chacun isolément, comme l'usage s’en 
était déjà établi, et 1l nous paraît probable que l'abbatiale, 
qu'avait dû occuper le prévôt, fut alors transformée en une 
maison forte, environnée de murailles et de fossés plein d'eau. 

Ce fut le premier château prévôtal qui est encore nommé en 
1533, ce qui indique qu'il avait peut-être échappé au désastre 
de 1499 ou subi une prompte restauration. Le second, ou celui 
actuel, fut bâti vers 1590, avec sa cour fermée de murailles et 
flanquée de quatre tourelles. Un incendie fortuit l'ayant atteint 
en 1740, on replaça une nouvelle charpente sur ses murs, 
dans lesquels on perça des fenêtres espacées régulièrement, 
tout en conservant la distribution du rez-de-chaussée à cause 
des voûtes solides qui s’y trouvaient. 

On ne sait au juste si l'église fut également brûlée par les 


— 288 — 


bandes de Rodolphe; mais tout porte à le croire, car le mo- 
nastère la touchait par ses deux ailes, et d'ailleurs il y avait 
dans les murs et les débris de la basilique divers indices d'une 
restauration de la fin du treizième siècle. 

On a la certitude que les Bernoïs et les Soleurois, en guerre 
avec Jean de Vienne, saccagèrent Grandval en 1367, que les 
Autrichiens brûlèrent la basilique le 4 juillet 1499, et qu'en 
ces deux occasions ce qui restait de l'ancien monastère éprouva 
de grands désastres. De là vient que dans la basilique on 
remarquait des radoubements dont le style correspondait avec 
ces diverses dates de dévastation (!). 

Après la Réformation et le pillage de l'église, en 1533, par 
les iconoclastes d'alors, la basilique n'éprouva plus que des 
restaurations insignifiantes. Elle fut même négligée de plus 
en plus par les chanoines qui, depuis 1670, avaient perdu tout 
espoir de se rétablir à Moutier, et par les réformés du lieu ui, 
après l'avoir accaparée de force, sous prétexte que leur église 
paroissiale était trop petite, ne contribuèrent plus dès lors qu'à 
sa ruine. Devenue propriété privée au commencement de notre 
siècle, elle servit de carrière aux bâtisseurs de Moutier. Sa 
tour, battue en brèche par leur pic destructeur, s'écroula pour 
fournir des matériaux à une maison particulière. Les tuiles de 
la grande nef furent vendues pour couvrir diverses maisons, 
et la charpente fut dispersée. Les bas-côtés se maintinrent 
encore, parce que leur toiture de peu de valeur n'aurait pas 
remboursé les frais d'une démolition. L'abside de gauche, atte- 
nant à la sacristie, servit à l'installation d'un four à chaux. 
Les colonnes en pierre de grès, dont la reine Berthe avait fait 
décorer les angles intérieurs du narthex, furent exploitées 


() Un incendie ayant brûlé vingt-une maisons à Moutier, en 1566, 
on employa encore beaucoup de débris ‘des anciennes dépendances du 
monastère pour rebâtir ces édifices privés. Les habitations des chanoines 
disparurent successivement, au point que déjà au commencement du 
dix-huitième siècle il n'en existait plus. Toutes avaient été rebâlies et 
transformées, 


= 289 — 

pour fournir des âtres à de vulgaires cuisines. Les chapiteaux 
des colonnes, sculptés du septième au huitième siècle, furent 
murés pour fermer les brêches d’une terrasse. Les pierres de 
revêtement de l'autel primitif, datant des mêmes siècles, eurent 
. un semblable sort, nonobstant la beauté de leurs sculptures. 
De grands arbres s'élevèrent alors dans la nef centrale, et 
leurs racines allèrent visiter les tombes séculaires qui avaient 
échappé à des fouilles diverses. 

C'est lorsque ce monument du septième siècle était dans un 
tel état de désolation que nous l'avons visité, exploré, étudié, 
dessiné, mesuré, pour qu'il en restât encore quelques souve- 
nirs; et bien nous en a pris, car, en 1859, ceux-là dont les 
ancêtres avaient causé la ruine de cet édifice, qui avaient 
eux-mêmes lutté pendant plusieurs années pour en obtenir 
l'injuste possession ou occupation et le saccager plus à leur 
aise, s'avisèrent de le démolir tout à fait. Ils réédifièrent sur 
ses fondations une construction ayant un même nombre de 
nefs et de travées, mais ne ressemblant plus en rien à l'antique 
basilique, ce vénérable ouvrage des civilisateurs de la vallée, 
l'un des monuments les plus remarquables de l'Helvétie et 
pour ainsi dire de l'Europe, étant un des très rares débris de 
l'architecture du septième siècle. 

Qu'un autre décrive et vante l'édifice nouveau ! Pour nous, 
nous regrettons celui dont on a effacé la trace. C'était un vieil 
ami avec lequel nous aimions à causer, interrogeant chaque 
pierre, croyant entendre des chants religieux lorsque le vent 
pleurait dans ses murs désolés, pensant revoir ses habitants 
quand l'ombre des arbres se balançait bizarrement sur ses 
parois blanchies, nous représentant les scènes diverses qui 
s'étaient passées dans cette enceinte, les joies des noces et des 
baptêmes, les sanglots des enterrements, les cantiques des 
fêtes solennelles, les lugubres chants des matines, enfin 
regrettant chaque fois de quitter ces ruines dans la crainte 
qu'elles ne disparussent avant que leur étude ne fût terminée! 


— 290 — 


LÉGENDE DU PLAN DE MOUTIER-GRANDVAL. 


{. Basilique, ou église abbatiale, construite du septième au 
huitième siècle. 

2. Tour bâtie au dixième siècle en avant du portail. Elle a dû 
avoir un narthex devant sa porte. 

3. Muraille plus ancienne que la tour, avec porte pour entrer 
dans le monastère. 

4. Cour intérieure, ou cloître, environnée de trois côtés par 
les édifices du couvent proprement dit. 

5. Aile occidentale qui, à Saint-Gall, renfermait des caves et 
magasins de vivres : à Grandval les caves s'étendaient 
sous les trois bâtiments. 

6. La sacristie près de l’église, puis le réfectoire au rez-de- 
chaussée et le vestiaire au premier étage. 

7. Le dortoir des frères dans le bas et celui des moines au 
premier. I] se pourrait qu'à Grandval la distribution de 
cette aile eût été différente de son analogue de Saint-Gall. 
Les murs indiqués au plan ont été retrouvés en 1859. A 
cette époque, la terrasse du jardin était construite sur 
d'anciennes fondations, mais le monastère s'étendait jus- 
que sur la ligne de l'ancien grenier bâti contre l'église 
en 1637. — La cour intérieure a dû être jadis entourée de 
portiques; elle s'est ensuite convertie en cimetière pour 
les chanoines. 

8. Esplanade devant l'église. On y tenait les plaids généraux 
de la prévôté, près de la pierre dite de saint Germain, 
roche druidique mise sous le nom du premier abbé de 
Grandval. Ce lieu fut tardivement converti en cimetière 
pour les habitants du village de Roche. 

9. Emplacement présumé de l'abbatiale primitive, ensuite 
convertie en château prévôtal vers le treizième siècle. Cet 

©" édifice fut alors environné de retranchements et d’un 


— 291 — 


fossé plein d'eau arrivant depuis le ruisseau de Badri. 
Il est nommé en 1533. Nous avons encore entrevu l'in- 
dication des fossés. Des vieillards y ont vu des restes 
de murailles. 

10. Château prévôtal construit vers 1590, avec sa cour murée, 
ses quatre tourelles et une plate-forme au sud. Il fut 
rebâti, en 1740, après un incendie arrivé en 1737. On 
‘conserva ses voûtes et ses murailles dans lesquelles on 
régularisa l'ouverture des fenêtres. La dépense s'éleva à 
15,000 livres de Bâle. 

11. Fondations de murailles anciennes. 


12. Idem. — A Saint-Gall cet emplacement était occupé par 
l'école publique. 

13. Idem. — Comme à Saint-Gall, ce pouvait être la place 
de l'infirmerie avec le logement des méde- 
cins. 

14. Idem. — Ce pouvait être le lieu où se trouvait l’'hôtel- 


lerie, au débouché de la montée ou du che- 
min sur le plateau. 

15. Idem. — A Saint-Gall, la maison des novices et leur 
église particulière occupaient l'emplacement 
qui, à Grandval, se trouve entre l'église et 
le château, et où il y a de nombreuses fon- 
dations. 

16. Conduit souterrain voûüté en tuf. Il sortait obliquement 
des ruines ci-dessus dans la direction de la tour de l'é- 
glise paroissiale, venant hors de terre près d’une source 
au-dessus du cimetière. — Depuis cette source, on a 
remarqué un canal construit en tuiles romaines. On en a 
retrouvé des débris dans la cour de l’hôtel de la Couronne. 

17. Fondations de murailles fort épaisses, ayant formé proba- 
blement l'enceinte qui enveloppait les dépendances du 
couvent : contre ces murs pouvaient s'appuyer quelques 
édifices. 

18. Maison communale construite, en 1844, sur l'emplacement 


19. 


20. 
217 


22: 


23. 


24. 


25. 


26. 


ve 


— 292 — 


d'une vieille tour. Il est possible que ce soit là qu'ait été 
située la maison des pauvres ou hospice primitif des 
pèlerins, avec des bains, comme à Saint-Gall : de cette 
dernière circonstance le ruisseau de Badri aurait tiré son 
nom. — La tour, antérieure au quinzième siècle, servit 
aussi de prison. 

Rangée de maisons dont la façade occidentale a dû former 
la clôture du bourg ou des dépendances de l’abbaye : 
ateliers, granges, écuries, etc. 

Même clôture vers le sud. 

Maison nommée, en 1401, sub porta, ce qui fait présumer 
que c'était là que se trouvait l'entrée orientale du bourg. 
Ce nom, sub porta, se retrouve dans plusieurs actes jus- 
qu'au dix-huitième siècle. 

Il devait y avoir une poterne pour aller vers le monastère, 
près de cette maison dont une partie des murs appartient 
à l’époque primitive du monastère. 

Basilique de Saint-Pierre au septième siècle, qui devint 
ensuite église paroissiale. Sa dernière restauration eut lieu 
en 1741. On ne conserva que la base de la tour, dans les 
murs de laquelle on remarque des débris d'àâges divers. 

Cimetière paroissial, jadis environné de fortes murailles 
pouvant servir à la défense du bourg, selon un ancien 
usage. 

Maison où l'on a trouvé un bénitier en pierre, qui pouvait 
provenir des démolitions des églises. 

Emplacement où l'on a découvert, à diverses reprises, des 
tombeaux ou des sarcophages en pierre d'un seul mor- 
ceau, ou construit en tuf, ainsi que d'autres sépultures 
en grand nombre. Quelques-unes semblaient remonter 
à l'époque gallo-romaine. Mais ce lieu pouvait être aussi 
le cimetière de l'abbaye primitive et en même temps un 
verger planté d'arbres fruitiers, comme à Saint-Gall. 

Passage de l’ancienne voie romaine. On y a trouvé beau- 
coup de fers de cheval celtiques et romains. 


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PLAN 
MOUTIER GRANDVAL 
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= 293 — 


28. Hôtel du Cerf. On a rencontré, en creusant les caves, des 
pavés en béton romain, ou en ciment avec tuile pilée. 
L'emplacement du castellum romain, au lieu appelé sur 
Neufchété, se trouvait à environ 700 pieds, en tirant droit 
à l'ouest, de l'angle occidental inférieur des bâtiments 
accolés à la basilique. On y a trouvé des fondations de 
murailles. 


BOTANIQUE 


THÉORIE DE L'ANAPHYTOSE 


LE RHIZOME. — LA SOUCHE. 


PAR M. FRANÇOIS LECLERC (de Seurre). 


Séance du 13 novembre 1869. 


I 
THÉORIE DE L'ANAPHYTOSE. 


Le lecteur voudra bien m'accorder que, dans ma critique du 
système de la feuille considérée comme l'élément générateur 
de la plante (1), je n'ai pas attaqué à la légère cette opimion 
émise et soutenue comme une théorie par Auguste Saint-Hilaire 
dans ses Lecons de botanique et de morphologie, en osant me 
mettre en opposition avec une autorité imposante et respectée. 
Auguste Saint-Hilaire, professant une admiration profonde 
pour le génie scientifique de Gœæthe, s’applaudit de voir le 
système de ce savant naturaliste, ensemble ses idées bien long- 
temps négligées, s'introduire dans tous les ouvrages de bota- 
nique (?). J'ai commencé à m'expliquer sur la théorie de la 
feuille, en signalant les propositions suivantes des auteurs qui 
l'ont adoptée : 


() Quelques observat. sur le cadre placentaire (12 mai 1866), et Mono- 
graphie de l'appareil floral de l'Ipomæa purpurea (9 février 1867), dans 
les Mém. de la Soc. d'Emul. du Doubs, 4e série, t. IX et III. 

(*) Lecons, disc. préliminaire, p. xv. 


— 295 — 


« Toute expansion florale (pétales et étamines) se compare 
aux feuilles de la plante; la feuille est considérée comme se 
modifiant pour devenir anthère et donner naissance au pollen ; 
l'ovule lui-même est regardé comme une branche en miniature 
composée de son axe et d'organes appendiculaires (:) ; enfin le 
placenta comme représentant la tige, et les ovules ses ra- 
meaux. » J'ai dit que toute cette conception me semblait dé- 
couler d'une métaphysique qui s’éloignait visiblement de la 
philosophie naturelle, et contredisait formellement la vraie 
théorie de la phase nouvelle du développement floral dans la 
plante, ainsi que la doctrine de l'Epigénèse. 

Decandolle reconnaissait que la conversion des organes, soit 
de feuilles à l’état pétaloïde, soit de pétales à l’état foliacé, était 
un phénomène plutôt physiologique qu'anatomique (morpho- 
logique); mais il en tirait une conclusion forcée, en affirmant 
que tous les organes floraux n'étaient que des verticilles de 
feuilles dans un état particulier. Puis, plus loin, modifiant 
son assertion, il constatait l'influence réciproque de l’un des 
systèmes sur l’autre, et disait que l'état des verticilles, dont 
l'inflorescence se compose, n’est en général modifié que de 
proche en proche : ainsi, ajoutait-il, les bractées ne deviennent 
pétaloïdes que lorsque les calices le sont aussi; les étamines 
ne deviennent foliacées que quand les pétales sont déjà passés 
à cet état (?). L'état foliacé, disait-il encore, est celui dans 
lequel ces organes servent à la nutrition ; l’état pétaloïde tend 
avec plus ou moins d'énergie à les rapprocher de la sexualité (f). 
Mais il est visible que les botanistes qui sont venus après De- 
candolle ont exagéré son opinion sur la théorie des métamor- 
phoses : Achille Richard, entre autres, Moquin-Tandon et 
Auguste Saint-Hilaire. Or, parmi les rares adversaires de cette 
théorie végétale, se rencontrent Martins et Bravais qui, dans 
- leur Précis d'histoire naturelle (*), s'expriment ainsi : 


() Lecons, pp. 543-414. | 
() Organograph., t. IL. — (°) Id., t. II, pp. 543-44.— (+) Id., pp. 223-24. 


— 96 — 

« Un grand nombre de botanistes considèrent aujourd'hui 
la fleur comme continuée par plusieurs verticilles de feuilles 
plus ou moins modifiées. Cette opinion, émise déjà par Linnée, 
développée par l'illustre Gæthe, dans son livre de la Métamor- 
phose des plantes, a étè soutenue, dans ces derniers temps, par 
des savants du plus haut mérite, parmi lesquels nous citerons 
MM. Decandolle, Ræper, Robert Brown, Turpin, du Petit- 
Thouars, Raspail, etc... Pour eux, la fleur ne serait qu'un 
bourgeon qui, au lieu de donner naissance à un scion, a ses 
mérithalles assez rapprochés pour que les parties qui en 
naissent semblent prendre attache à un même niveau. Ils 
apportent en preuve l'apparence foliacée du calice, la trans- 
formation si fréquente des étamines et même des pistils en 
. pétales; on cite même des plantes dans lesquelles les différentes 
parties de la fleur, tout en conservant leur position habituelle, 
ont pris un aspect foliacé, telle est la Capucine observée par 
du Petit-Thouars. On cite des changements inverses, c'est-à- 
dire des sépales transformés en pétales, des pétales transformés 
en étamines, des étamines changées en carpelles, etc. Mais de 
ces diverses métamorphoses faut-il conclure que ces organes 
remplissent chacun des fonctions particulières dans lesquelles 
ils ne peuvent se suppléer, fonctions absolument essentielles 
au but de la nature, la propagation de l'espèce ? Faut-il con- 
clure, disons-nous, que des organes si nécessaires sont une 
simple modification d'autres organes qui ont aussi leur rôle à 
jouer dans la vie végétale ? Nous ne le pensons pas : quelque 
déférence que nous professions pour le haut savoir des hommes 
que nous avons cités, ne serait-il pas plus simple de dire que 
ces organes sont ce qu'ils doivent être dans les circonstances 
où ils se développent; qu'étant tous formés de deux tissus 
fondamentaux, le cellulaire et le vasculaire, leur nature dé- 
pendra de la disposition que ceux-ci affecteront, disposition 
qui dépendra elle-même des circonstances de la végétation, 
Suivant nous donc, la transformation des différents organes 
des plantes les uns dans les autres n’est point une preuve 


— 297 — 

incontestable de leur nature foliacée; elle prouve seulement 
que ces organes étant formés de tissus élémentaires identiques, 
ceux-ci pourront se disposer en feuilles dans une circonstance 
donnée, tandis que dans une autre ils s’arrangeront en éta- 
mines, etc., mais pour cela l'étamine n’est pas plus une feuille 
que la feuille n'est une étamine..…… ; toutes les monstruosités 
s'expliquent aussi bien dans notre manière de voir que dans 
celle des savants qui ont adopté l'opinion contraire. » 

Cette citation, un peu longue, expose mieux que je n'aurais 
pu le faire les motifs qui me font adhérer à l'opinion de 
MM. Martins et Bravais. 

Les ressemblances que l’on a parfois signalées entre la tige 
et le rameau sont de celles toutefois qui concordent avec la 
théorie méthodiquement développée par un botaniste de Berlin, 
M. Schultz-Schultzenstein, et n’est autre que celle de l'Epigé- 
nèse. Je me propose, dans le présent mémoire, de m'appuyer 
sur ce remarquable travail pour exposer mes idées sur la 
nature de la souche et du rhizome. 

Dans la théorie positive qu'expose M. Schultz-Schultzen- 
stein, l'individu végétal est considéré comme l'élément du 
végétal tout entier; il le désigne sous le nom d’Anaphyton (). 
On reconnaîtra aisément en ce point la théorie zoologique des 
zoonites développée par A. Bugès (?), qui constate sous cette 
dénomination un élément de vie animale indépendant et pou- 
vant constituer des animaux très simples, tels que les Volvoces 
et les Acéphalocystes, mais pouvant s'associer à d’autres 
zoonites pour former des animaux composés, comme les 
Annélides. 

Le système érigé en principe par les maîtres de la science, 
qui veut que tout végétal provienne d’une feuille, ne soit 


() De la différence qui existe entre la théorie de l Anaphytose des plantes 
et la théorie de la métamorphose, dans les Actes du congrès international 
de botanique, 1867. 

(?) Mémoire sur la conformité organique dans l'échelle animale, in-4s, 
1832. 


20 


— 298 — 


qu'une feuille métamorphosée, cette donnée, qui renferme 
des abstractions, a été attaquée dans un long mémoire lu 
au congrès international de botanique (en août 1867) par 
M. Schultz-Schultzenstein (!). Il a semblé logique à ce savant 
de substituer à ce prétendu principe celui de l'Anaphytose, qui 
a pour objet morphologique essentiel l'article végétal (?); et il 
y procède par les motifs suivants : 

1° Si la feuille était la forme typique de laquelle dussent 
sortir toutes les plantes et parties de plantes, il n’y aurait ni 
plante ni partie de plante qui ne provint d'une feuille : au 
contraire, nous voyons plusieurs parties de plantes, comme 
les racines, et beaucoup de plantes, comme les champignons, 
les conferves, se développer sans qu'il y ait eu formation anté- 
rieure de feuilles; il existe des plantes complètement dépour- 
vues de feuilles, qui néanmoins portent des fleurs et des fruits. 

2° Avant que l'on voulût expliquer par la feuille toutes les 
autres parties de la plante, il fallait expliquer la nature ou la 
formation de la feuille elle-même. La théorie de Gæthe prétend 
tout expliquer à l’aide d'un élément qui n’est lui-même ni 
expliqué ni déterminé, et dont l'explication est précisément la 
grande énigme de la botanique. 

Or, selon le botaniste de Berlin, l'article ou l'Anaphyton 
est dans la plante un individu complet, qui contient tous les 
organes et toutes les fonctions intérieures de la plante. Il peut 
par lui-même vivre, germer, former de nouvelles pousses ou 
fournir une marcotte de la plante. Chaque fragment de racine 
ou de feuille, ne contenant que des nervures, peut former des 
boutons. La désarticulation des Anaphyta est donc un procédé 
d'individualisation par lequel les articles ou Anaphyta de- 
viennent indépendants. 

La loi de formation organique (toujours d'après l’auteur), ne 
réside point dans une abstraction ; l'explication de l'évolution 
du végétal par la feuille se réduit à des formules vides. En 


G) Mémoire cité, p. 100. — (#) Id., ibid. 


= 1000 
transformant la feuille dans les différentes parties de l'individu 
végétal, on identifie ces parties différentes dans ce qu'elles ont 
d’essentiel, ce qui contredit la variété de leurs fonctions (‘). 
Cette observation s'applique surtout à la floraison et à la for- 
mation sexuelle de l'embryon. | 

« Noys considérons, dit l’auteur, la ramification comme le 
véritable principe morphologique de la plante; elle se reconnaît 
dans tous les organes, c’est le fondement de toute formation 
végétale, et l'aspect général de la plante n'est qu'une expres- 
sion tangible de la loi de la ramification. Il n’y a aucune plante 
qui ne soit ou ne puisse se ramifier dans toutes ses parties : 
aux tiges seules on reconnaît la faculté d'émettre, et par for- 
mation axillaire, des bourgeons qui s’allongent en rameaux 
doués des mêmes facultés. Les tiges aphylles de certaines 
Chénopodées poussent des rameaux et bourgeonnent sans 
feuilles ni boutons; il en est de même des plantes chez les- 
quelles la ramification se produit au-dessous des feuilles, c'est- 
à-dire des Equisétacées et surtout des Fougères. Dans la racine 
y a-t-il feuilles ou boutons, et n’y a-t-il pas ramification ? 
N'est-ce pas également vrai de la ramification des Chara, des 
Conferves, des Champignons ? Chez tous ces végétaux, vous 
trouverez des rejetons, mais jamais de feuilles. Enfin ce qu'on 
appelle bourgeon n’est qu’un mode particulier de la formation 
raméale. Il importe donc de rendre la notion générale de 
rameau et de ramification complètement indépendante de 
l'existence des boutons et des feuilles (?). » 

Si l'indépendance de la feuille a été méconnue, c’est parce 
qu'on la considérait, avec les partisans de la métamorphose, 


@) J'avoue, pour ma part, que c'est cette variété de fonctions dans la 
plante qui m'a suggéré l'opinion d'une origine différente des organes 
axiles et des organes floraux. Ces derniers puisent dans les mêmes ma- 
tériaux, mais ne sont pas des organes transformés, métamorphosés. 

(*) La théorie de Turpi et de Decanpozce, basée sur la feuille, con- 
sidérait surtout l'axe; d'après cette base, toutes les parties de la plante 
provenaient de feuilles ou appendices rangés autour de l'axe. 


— 300 — 


comme un appendice de l'axe, pensant que ses vaisseaux ne 
faisaient que continuer ceux de l'axe. Cependant on aurait dû 
reconnaître la formation indépendante des feuilles chez les 
végétaux où 1l n'existe pas de tige, les Fucoïdées, les Lichénées, 
les Lemnacées. En réalité, les feuilles sont, dans l’ensemble 
de la vie végétale, supérieures à la tige; elles sont plaçées sur 
elle et se forment sans elle. 

Les rameaux qui prouvent l'existence de la ramification 
dans les feuilles sont les nervures qui se produisent comme 
les mérithalles successifs des racines, par simple anaphytose 
ou simple superposition d'articles, sans boutons ni aisselles 
de feuilles. Aïnsi les feuilles ne sont pas de nature appendi- 
culaire, et leur métamorphose en d’autres organes ne peut 
s'admettre; il n'y a donc pas à recourir aux feuilles qui 
n'existent qu'en vertu de leur propre ramification, mais s’en 
prendre directement au système particulier des organes que 
l'on considère. S'il est une fois démontré que les nervures des 
feuilles sont de véritables rameaux qui se forment par la rami- 
fication des pétioles caulinaires, il va de soi que les nervures 
du calice et des pétales, aussi bien que celles des fruits, ont 
tout à fait la même signification, que toutes ces parties portent 
en elles le caractère général de ramification, et qu'un squelette 
de fruit témoigne de la ramification qui le constitue, aussi 
bien que le squelette de la feuille. 

Les rameaux étant composés d'articles successifs lacs bout 
à bout, les articles ou anaphytes sont les éléments morpholo- 
giques de la ramification (Anaphytosis), et par conséquent de 
l'aspect extérieur des plantes. En effet, ce n’est pas par expan- 
sion, mais par l’adjonction de nouveaux articles à leur extré- 
mité (!), que se fait l'évolution des rameaux. Quand il existe 
des nœuds sur los tiges, les articles y sont nettement définis; 
ils le sont moins dans beaucoup d'arbres dont la tige cependant 
s'augmente chaque année par la formation d’un ou.plusieurs 


() Par addition de parties, par épigénèse, 


— 301 — 

mérithalles qui sont autant de nouveaux articles. Les articles 
ne manquent pas non plus dans les autres parties de la plante, 
là feuille ou la racine. La séparation qui s'effectue d'elle-même 
à certaines périodes, suivie des parties terminales, feuilles, 
fleurs, fruits ou racines, prouve clairement l'existence d'articles 
isolés organiquement les uns des autres. Dans les feuilles 
ramifiées, des légumineuses, des ombellifères / Afhamanta, 
Oreoselinum), l'articulation est aussi fortement marquée par 
des nœuds que dans les tiges. Maïs les feuilles simples offrent 
elles-mêmes (Cratæqus) des articles formés par les nervures : 
de même chez les Arthrophyllum, les Citrus, etc. 

Ces articulations existent à tous les étages du végétal au 
point de séparation des organes de divers ordres, entre les 
racines et le tronc au niveau du Collet, entre le rhizome et la 
tige annuelle qui en sort {Jris, Convallaria), entre les racines 
et les bulbes, entre la tige et le pétiole, entre le pétiole et la 
feuille, entre les pédoncules et les fleurs ou les fruits, entre le 
_ réceptacle floral et les organes qui en naissent, entre le placenta 
et les semences. 

Les nœuds qui indiquent la place d’une articulation et qu’on 
connaît principalement sur la tige, sont exprimés dans le fruit 
par les sutures des carpelles. M. Dumortier (dit M. Schultz- 
Schultzenstein) a assimilé les nœuds des plantes aux jointures 
des animaux, Comparaison fausse, ajoute-t-il, et qui a conduit 
Decandolle à signaler l'articulation comme caractérisée par la 
cessation naturelle de l’adhérence organique, et par la sponta- 
néité de la séparation des parties voisines. D'où il suivrait que 
les parties qui ne se séparaient pas n'avaient ni articulations 
ni nœuds. Or, les étamines, les pétales et les sépales ne sont 
pas caduques dans toutes les plantes, mais souvent persistants, 
bien qu'ils soient articulés sur le réceptacle; les feuilles, qui 
sont partout unies à la tige par des nœuds, restent souvent 
fixées à cette tige après la mort de l'ensemble. Il ne faut pas 
croire que la chute soit le signe unique de l'articulation; il se 
peut qu'il y ait articulation sans séparation nécessaire d'articles. 


— 302 — 

Lorsqu'il se fait une séparation, elle se produit par la des- 
truction des articulations de vaisseaux et de cellules dans les 
nœuds : telle est, selon l’auteur, la raison pour laquelle les 
parties se détachent les unes des autres, comme cela arrive 
partout à la maturité d'une formation organique. La chute des 
couches d’écorce dans la vigne, des feuilles, des fleurs, des 
fruits, la séparation des articles de la tige dans beaucoup de 
plantes est due à un seul et même procédé, que ce botaniste a 
désigné sous le nom de Biaphytose. C’est un phénomène mor- 
phologique qui s'applique à la formation extérieure, à l’Ana- 
phytose, et cela appartient au premier rang à l'articulation. 
Ceci n’est plus de la théorie purement cellulaire, dans laquelle 
on ne reconnaît guère les organes et les fonctions, puisqu'il 
n'y a partout que des cellules. 

L’articulation est le fondement de la ramification ; les ra- 
meaux sont des séries d'articles qui croissent sur un tronc 
formé lui-même de semblables séries d'articles plus âgés. La 
formation d'articles est la condition de la ramification ; il y a 
entre ces deux actes morphologiques une conexion naturelle 
et nécessaire : c'est en cette connexion que gît la conception 
organique ou la signification de la ramification dans le règne 
végétal (t). D’après elle, la ramification est un procédé orga- 
nique de génération; ce n’est point une division mécanique 
des formations axiles préexistantes, mais elle consiste en un 
accroissement dû à de nouveaux rangs d'articles qui se pro- 
duisent sur de plus anciens articles formant leur tronc. La 
pousse durcie de l’année dernière donne au printemps une 
nouvelle pousse : pour cela, elle devient tronc, de sorte que 
les nouvelles pousses ne représentent que les rameaux qui ne 
pourraient certainement pas naître par une division du tronc 
plus âgé. Il n’est pas plus logique de croire qu'une étamine 
insérée sur un pétale soit née d'une division du pétale et 
puisse former avec lui une adhérence, puisque l'étamine est 


(:) Scauutz-ScHULTzENSTEIN, Théorie de l'Anaphytose, p. 112. 


— 303 — 


une nouvelle pousse émanant, par Anaphytose, du pétale sur 
lequel elle s’insère. 

La théorie de la métamorphose considère la feuille ou le 
jet (réunion de la tige et de la feuille) comme l'élément simple. 
La théorie de l'Anaphytose montre, au contraire, que la feuille 
n'est pas un élément morphologique simple, mais une forma- 
tion composée par articulation et ramification des parties vrai- 
ment élémentaires. 

Gœthe a tenu pour simple un individu tout composé, la 
feuille ou le rejeton ; il n’a pas discuté l'individualité composée 
de la plante; il l’a regardée tout entière comme un individu 
simple. Or, ce qu'on appelle métamorphose n'est pas autre 
chose que les diverses formes extérieures de l'articulation et 
de la ramification des Anaphyta : une construction (phytodo- 
mie) formée de membres individuels par ramification. Gœthe 
explique la théorie des fleurs par une métamorphose des 
feuilles; mais dans l'anaphytose les fleurs et leurs parties (les 
étamines et les pistils) ne se forment jamais par une méta- 
morphose des feuilles, au contraire, par une nouvelle ana- 
phytose à elles propre (‘), c’est-à-dire par un nouveau système 
d’articulation et de ramification qui produit un développement 
graduel propre à de nouvelles fonctions. En un mot, l'Ana- 
phyte est pour M. Schultz-Schultzenstein (?) une partie de la 
plante qui représente un article-individu, susceptible de pro- 
pager la plante comme chacune des nervures des feuilles d’un 
Begonia ou d’une Fougère. Chaque feuille ne croît que selon 
la forme qu'elle avait d'après le plan primitif : elle ne se mé- 
tamorphose jamais en une autre partie; mais les feuilles qui 
se succèdent présentent de nouvelles formes par le développe- 
ment graduel de leur ramification sans métamorphose de l’une 
ou de l'autre. 


(:) Les vraies feuilles ont sur la même plante une contexture si diffé- 
rente de celle des fleurs et des fruits, que ceux-ci ne peuvent pas être 
une simple transformation des premières. (Voir Mém. sur l'Anaphytose, 
volume du congrès, p. 104.) — (?) Mémoire cité, p. 117. 


à = Qu — 


t Les axes et les appendices ne sont nullement des parties 
contraires, ni mécaniquement ni organiquement, mais bien 
plutôt des parties identiques dans l’origine (1). On le reconnaît 
à ce que souvent les feuilles se changent en véritables rameaux, 
tandis que, d'autre part, des organes morphologiquement cau- 
linaires se résolvent en feuilles parfaites, comme cela est 
évident pour les Fougères, les Phyllocladus, les Ruscus, les 
Cycadées, etc., dont on appelle les feuilles rameaux foliacés. 

La théorie de la Prolepsis, d'après Linnée, impliquait la for- 
mation de la fleur par anticipation (Prolepsis), c'est-à-dire que 
les jeunes pousses formées de tiges et de feuilles réduites, 
seraient comme la plante primitive, ou l'élément morpholo- 
gique. C'était l'évolution de plusieurs bourgeons de l’année 
envaginés les uns dans les autres par raccourcissement de 
l'axe. Gœthe ne voyait, dans le développement de la plante, 
que la métamorphose de la feuille : pour Linnée, la plante 
était la larva de la fleur; pour Gæthe c'était une fleur trans- 
formée ou métamorphosée. D'après Gœthe, la feuille était le 
type végétal original, partie simple et toujours présente pour 
produire tous les autres organes en se métamorphosant. 
Comme on voit, dit M. Schultz-Schultzenstein, il attribuait à 
la feuille une importance supérieure à celle de l'embryon 
même, puisque l'embryon est constitué par des feuilles. Enfin, 
ajoute l’auteur, le végétal, considéré sous le point de vue le 
plus simple, paraît un assemblage organique de cellules, d’a- 
près la théorie adoptée, car, physiologiquement parlant, chaque 
forme de cellule serait nantie d’une fonction distincte. Quant 
à la théorie de l’anaphytose, elle a pour objet morphologique 
essentiel l’article végétal. 

J'aurais pu joindre à ces faits de détail les considérations 
philosophiques dont M. Schutz-Schultzenstein appuie sa doc- 
trine dn végétal et qui offrent un grand intérêt (?). J'ai dû 


() Auguste SaiNT-HicatRe reconnaît aussi l'identité originelle de la 
tige et du rameau. {Leçons de bot., ch. 1.) — () Mémoire cité, pp. 114-116. 


— 305 — 


chercher ici à réduire l'extrait déjà très long que je viens de 
faire de ce beau Mémoire. Je me sens porté à accepter les 
propositions principales sur lesquelles il repose; toutefois 1l est 
bon de se rappeler que des aphorismes résumés en un principe 
unique, subissent la chance défavorable d’être souvent heurtés 
par des exceptions. A l'égard de l'Anaphytose, je ne doute pas 
qu'on ne la conçoive comme une loi de la végétation, comme 
un fait dominant et général, surtout si on commence par l'ob- 
server dans les végétaux inférieurs. On est alors à même de 
remarquer qu’elle se prononce là d'une manière plus simple 
et en même temps plus patente que dans les végétaux plus 
haut placés par leur organisation. Du reste, on rencontre 
chaque jour la preuve de ce phénomène dans toutes les divi- 
sions et classes, principalement dans les espèces où les parties 
se détachent, soit vers la fin de la végétation du sujet, soët par 
suite de sa dessiccation. Ainsi, dans les Liliacées (Lys jaune), 
les Yucca; parmi les sarmenteuses  Vitis, Cissus quinquefolia), 
dans le Sambucus racemosa, l’Æsculus pavia, le Ricin, cer- 
taines plantes grasses, et beaucoup d’autres plantes où les 
feuilles cessent d'être adhérentes, ainsi que leurs fleurs, celles 
surtout où le pédoncule de la feuille, ou bien le pétale de la 
fleur, le sépale du calice, sont marqués à la base par un 
hourrelet, 


Il 


LE RHIZOME ET SES FONCTIONS. 


Je me suis rapproché de la théorie de M. Schultz-Schultzen- 
stein avec d'autant plus d’'empressement que j'avais à démon- 
trer les caractères et l’origine du rhizome et de la souche dans 
les plantes. La formation en articles ou anaphytes du rhizome 
se rattache de toute évidence à la conception lumineuse du 
botaniste allemand, et.ce fait qui devait apparaître at moins 
comme une étrange exception aux yeux des partisans du 


— 306 — 


système de la feuille, aurait dû présenter à leur esprit de toutes 
autres conditions de cause et d'effet. Or, c’est dans le rhizome 
notamment que se manifeste l’Anaphytose comme un phéno- 
mène de végétation primitive dans les Dicotylées aussi bien 
que dans les Monocotylées; de l'époque primitive, dis-je, 
puisqu'il prédomine chez les végétaux des classes inférieures, 
et qu'il semble n'être plus actuellement qu'un fait sporadique 
dans les Dicotylées. La végétation du rhizome, c’est l’Anaphy- 
tose dans toute sa simplicité {Polygonatum, Dentaria, Gratiola). 
Pour le rhizome de la première de ces plantes, le Sceau de 
Salomon, chaque article ou anaphyte peut émettre une tige 
et donner une nouvelle plante par séparation. La nature offre 
là les deux modes principaux pour la vie de la plante, par la 
racine proprement dite, et par le rhizome ou racine articulée. 
Les racines voyageuses, telles que celles du Chiendent, sont à 
articles très allongés; dans la tige des végétaux comme dans 
leurs racines, les ramifications sont encore une expression de 
l’Anaphytose. 

Dans les rhizomes sensiblement articulés, le dernier article, 
celui qui vient s'ajouter chaque année, est évidemment le 
collet du rhizome. Certains rhizomes, tout en acquérant un 
nouvel article, semblent plutôt s’enfoncer en terre qu’en sortir 
(Igname, Tamier, Nymphæa), tandis que d’autres gagnent 
la surface du sol (Betterave champêtre, Rave orbiculaire), en 
n y adhérant que par quelques racines, bien que le vrai carac- 
tère du rhizome soit d'en être dépourvu à sa base et de ne 
croître que par son extrémité supérieure. Le rhizome de 
l'Igname se nourrit latéralement par des racines très déliées ; 
à examiner un rhizome de Nymphæa à l'endroit du collet, on 
voit qu'il se forme d’abord des mamelons d’où partent les 
rudiments enroulés des pédoncules qui doivent porter les 
feuilles, puis de ceux qui doivent porter les fleurs. La souche 
de la Bryone émet des feuilles immédiatement à son collet, 
de même que le Nymphæa : cette racine volumineuse peut 
s’assimiler aux rhizomes, 


— 307 — 


On peut observer trois modes de végétation dans les rh1- 
zOmes : Ceux qui sont peu inclinés dans le sol ne donnent de 
pousses que par le collet (Igname, Tamier, Betterave, Iris, etc.); 
ceux qui, plus inclinés, végètent presque uniquement par la 
partie supérieure ou le collet, en laissant sur leur longueur à 
peu près dépourvue de racines et de rejets à tiges (Gratiola offic., 
Dentaria pentaphylla, Betonica alopecuros, etc.) la marque de 
leurs articles annuels; puis ceux qui, presque horizontaux, 
produisent des feuilles et une tige par leur extrémité antérieure 
et progressive, et donnent également des tiges de place en place 
sur leur longueur. Ce dernier cas est celui des Polygonatum, 
Convallaria, Butomus wmbellatus, Acorus Calamus, Scirpus . 
palustris, etc. (!) : dans le Polygonatum les folioles du collet 
s'oblitèrent, et le sigillum qu'elles laissent sur le rhizome reste 
à nu dans le sol après la nouvelle pousse du collet, laquelle 
donne lieu à un nouvel article. Or, les mérithalles successifs 
de ces racines se forment, comme on voit, par anaphytose, 
c'est-à-dire par une simple superposition d'articles (?). 

La tige des Palmiers a semblé à Auguste Saint-Hilaire l'a- 
nalogue des rhizomes souterrains : en effet, il est à remarquer 
que dans la production de cette tige arborescente un premier 
développement herbacé finit par être remplacé par le rhizome 
associé sous terre avec la racine; celle-ci émet un bourgeon 
qui pousse des feuilles dans le sens vertical pour former une 
tige ou un tronc composé d'anneaux ou de collets empilés. 
Dans les autres végétaux pourvus d'un rhizome souterrain, il 
y a presque toujours une racine restante d'où procède la tige 
du sujet; l'exception ne se remarque guère dans nos plantes 
d'Europe que dans quelques espèces Monocotylées, du genre 
Convallaria, par exemple. 


(1) Certaines espèces, comme l’/Znula salicina, le Scorzonera erios- 
perma, simulent des rhizomes ou racines articulées. 

(*) Dans cette catégorie se trouvent aussi les Betonica purpurea et 
Alopecuros. Je ne ferai qu'indiquer parmi les exotiques les Zingibéracées, 
le rhizome féculent de quelques Curcuma, et dans celle des Marantacées, 
Maranta arundinacea, le rhizome fournissant l'Arrouvroot, aux Antilles. 


— 308 — 


Les genres Nymphæa et Nuphar présentent des affinités avec 
les Endogènes par leur rhizome, et en outre par le mode de 
développement de leurs feuilles et de leur hampe florale; mais 
leur végétation vigoureuse est favorisée par un grand nombre 
de racines fixées sur toute la longueur du rhizome très charnu. 
Or, la présence ordinaire de cette sorte de racine dans ces 
plantes me semble un argument pour maintenir la grande 
division endogénique comme inférieure à celle des Exogènes. 
Aussi je n'hésite pas, sur ce motif, à placer les genres Nuphar 
et Nymphæa parmi les plantes endogènes. 

Auguste Saint-Hilaire distingue les rhizomes en indéter- 
minés et déterminés. 

Les rhizomes indéterminés sont ceux qui végètent en se 
propageant directement au moyen d'un bourgeon terminal, 
leur extrémité inférieure se détruisant peu à peu chaque année. 
La racine primaire de la plante ayant péri, le rhizome émet 
des racines adventives qui nourrissent le sujet, mais en outre 
il naît à l'aisselle des feuilles ou écailles des tiges des rameaux 
florifères : c’est le cas des rhizomes horizontaux { Butomus 
umbell., Acorus Calamus), et des rhizomes obliques dans les 
Primula offic., Scabiosa succisa, Triticum repens; ce sont des 
racines mordues (succisæ). 

Les seconds, dits déterminés ,- apparaissent sur l'aisselle 
d'une des écailles souterraines d’une tige qui a fructifié et 
ensuite péri. Le bourgeon formé ne tarde pas à s’allonger en 
une pousse horizontalement dirigée dans le sol. Lorsque ce 
rameau a fleuri et fructifié, un bourgeon né à son collet ou à 
sa base s'allonge en un rameau souterrain qui passe par les 
mêmes phases, en laissant à son rhizome un article ou anneau 
portant un verticille de folioles ou écailles, et ainsi de suite à 
mesure de la végétation du sujet, le rhizome présentant une 
suite d’anneaux (anaphytes) accolés bout à bout (sceau de 
Salomon, Nénuphar) (!). 


. . É n . 0 Û 
(:) Je citerai encore les espèces Cerastium aquaticum, Primula cre- 


— 309 — 

Le même botaniste fait observer, à propos des rhizomes et 
des tiges souterraines (Scirpus, Primula, Menyanthes, Euphor- 
bia dulcis), que ces plantes végètent à peu près de la même 
manière que le stipe des Palmiers et des Yucca, qui s’allonge 
par le moyen d'un bourgeon toujours feuillé (1). 


TI 
LA SOUCHE DANS LES PLANTES. 


Quant aux souches, leur formation dans les plantes est en 
général due à la même cause que celle qui fait naître les rh1- 
zomes. $i l’on porte son attention sur la souche de la Chéli- 
doine {Chelidonium majus), on voit que d'abord la plante a 
commencé à s'établir sur une racine pivotante, puis au haut 
de cette racine s’est produit par côté un bourgeon émettant des 
radicelles ; par suite s’est formé au-dessus le nouveau collet, 
qui, devenant creux, s’est élevé chaque année en laissant der- 
rière lui les rudiments des feuilles de l’année précédente, de 
manière à former une souche qui se garnit à sa partie supé- 
rieure de racines adventives et chevelues. IL est visible ici, 
comme dans l'accroissement des rhizomes, que c'est toujours 
le collet actuel qui donne lieu au bourgeon d'où viendra 
l’anaphyte ou l'article qui constituera le collet qui doit suivre. 
Cette plante forme ainsi deux sortes de racines. 

La végétation des tubercules de l’Arum vulgare est égale- 
ment celle d’un rhizome. Un petit mamelon apparaissant sur 
un tubercule en fait naître un nouveau : celui-ci laisse après 
lui, dès la seconde année, un sac ou poche paraissant flétri ou 
vide, mais renfermant un tissu cellulaire lâche et un peu 


nata, Schauzaria palustris, Veronica bellidioides ; et il s'en trouve 
même avec des espèces appartenant aux classes les plus élevées des 
Exogènes {Thalictrum flavum, Ranunculus flammula, Anemone nemo- 
rosa, etc.). 

(1) Leçons de botanique, p. 112. 


= 310 — : 


humide; c'est la partie morte du rhizome. Néanmoins ce sac 
se gonfle à mesure que le tubercule grossit : ce dernier prend 
une forme ovoide ou à peu près sphérique à la faveur des 
radicelles qui l'entourent; on aperçoit à la surface les linéa- 
ments circulaires de la zone annuelle, ou de l’anaphyte sur- 
ajouté. Enfin, le phénomène des souches se formant successi- 
vement par la superposition des collets et l'accompagnement 
de nombreuses radicelles, se présente chez plusieurs Fougères 
et autres espèces, telles que le Paris quadrifolia, l'Adoæa mos- 
chatellina, l'Anemone nemorosa, le Polygonum bistorta et plu- 
sieurs Potentilla. 

D’après Auguste Saint-Hilaire, nulle vraie racine n'est arti- 
culée : opinion qui ne concorde pas avec la théorie de l'ana- 
phytose, celle-ci comprenant en principe la ramification ; mais 
ce qui signale la nature spéciale de la racine comme organe 
et la distingue de la tige, c'est qu'exposée à la lumière elle 
ne contracte pas de chlorophylle. Du reste, l'expérience de 
Duhamel (le retournement du Saule) n’a rien prouvé en 


faveur de l'identité de la racine et de la tige, comme on l'avait . 


prétendu. 


Des faits plus haut exposés sur les fonctions du rhizome et 


de la souche, je crois pouvoir déduire théoriquement ce qui 
suit : que des vestiges d'un ancien ordre de choses apparaissant 
encore actuellement dans la flore, les souches et les rhizomes 
déterminés ou sympodes (Aug. Saint-Hilaire) que présentent 
un certain nombre de plantes exogènes, rappellent l'époque où 
il n'existait pas de classes de végétaux pourvus de fonctions 
spéciales, période où la création végétale participait de l'état 
embryonnaire, où les formes inférieures se rencontraient 
parmi celles dues à un développement plus récent; car selon 
Joseph Leconte (‘), les premiers animaux et les premières 
plantes qui se manifestent sont des types de connexion réunis- 


(:) Voir Plantes des terrains carbonifères, traduit de l'anglais par M. le 
professeur Brullé. (Mém. de l’Académie de Dijon, année 1862.) 


Mis ; + 4 


— 311 — 


sant les caractères de plusieurs familles qui aujourd’hui sont 
distinctes et séparées par de grands intervalles : or, ces racines 
souterraines étant devenues par suite l'attribut de classes 
moins élevées dans la série, leur présence semble être en 
quelque sorte accidentelle dans des plantes à la vie desquelles 
elles ne paraissent pas essentielles, puisque ces mêmes plantes 
sont en outre pourvues de racines normales, soit pivotantes, 
soit fibrillaires. On voit, bien qu'un assez grand nombre de 
plantes exogènes soit pourvu de rhizomes, que c'est le 
propre des Endogènes, dans l’état actuel, d'être munies de 
souches ou de rhizomes; car, ainsi que l'avait déjà pensé 
Auguste Saint-Hilaire, le stipe du Palmier n'est autre chose 
qu’un rhizome aérien. Les espèces que j'ai énumérées parmi 
les Exogènes, et qui ont retenu un rhizome ou une souche 
souterraine, participaient davantage de la nature des Endo- 
gènes, en se rapprochant de leur infériorité d'organisation. 
Cette doctrine était dès longtemps dans le concept de plusieurs 
naturalistes antérieurement à Joseph Leconte, tels que M. Ami 
Boué (!); depuis elle a été reprise par M. Georges Pouchet (?). 


() Manuel du géoloque voyageur, ? vol. in-12, 1836. 
(*) De la pluralité des races humaines, in-80, 1864. 


SULLY 


ET 


LE COLLÉGE DE BOURGOGNE 


PAR M. AUGUSTE CASTAN 


Séance publique du 46 décembre 1869. 


I 


Malgré les commotions qui l'isolèrent, pendant six siècles, 
de la nation dont elle parlait le langage et dont elle pratiquait 
les mœurs, la Franche-Comté n’oublia point que, sous le nom 
de Séquanie, elle avait tenu le sceptre de la nationalité gau- 
loise; et, bien que politiquement associée à deux peuples enne- : 
mis" de la France, elle ne cessa de sympathiser par les affi- 
nités intellectuelles avec l’âme de cette vieille Gaule qui se 
réveillait ardente et généreuse dans un corps nouveau. 

Autant que les crises politiques le permirent, les Francs- 
Comtois allèrent préférablement chercher en France l’inspira- 
tion et le savoir. Bon nombre réussirent sur ce terrain et par- 
vinrent à s’y fixer : ils préparèreut ainsi, par les voies d’une 
pacifique attraction, la rentrée de notre province dans le sein 
de la mère-patrie. Il convient de ne pas oublier les noms de 
ces hommes d'élite qui fortifièrent ainsi la plus sensée de nos 
traditions. Quatre d’entre eux méritent uné mention spéciale : 
Claude Goudimel, de Besançon, le créateur de la musique 
populaire, qui écrivit pour l’église protestante de Paris Jes 

| 21 


— 314 — 


x 


plus anciens chœurs 
Dole, qui fit école en France par le ton vraiment évangélique 
de ses prédications (?); Pierre Matthieu, de Pesmes, qui oc- 
cupa avec distinction, sous Henri IV et Louis XIIT, le poste 
d'historiographe de France (?); Jean Mairet, de Besançon, qui 
trouva le moule de la tragédie moderne et ouvrit, par sa So- 
phonisbe, la’ carrière où Corneille enfanta des miracles de 
génie ({). 


LA 


@) « Un de leurs plus fréquents amusements (des Neuchâtelois) est de 
chanter avec leurs femmes et leurs enfants les psaumes à quatre parties; 
et l'on est tout étonné d'entendre sortir de ces cabanes champêtres 
l'harmonie forte et mâle de Goudimel, depuis si longtemps oubliée de 
nos savants artistes. » (J.-J. Rousseau, Lettre à d’ Alembert sur son article 
Genève, Œuvres, édition Musset-Pathay, t. II, p. 85.) — « Le Franc- 
Comtois Goudimel,.…. gardant la sève austère et pure de ses montagnes 
du Jura, fit hardiment des psaumes un chant d'amis, un chant de frères, 
une musique à quatre parties. » (Mrcmecer, Guerres de religion, p. 111.) 

(2) « Le P. Lejeune est le premier, que je sache, dont les sermons 
soient absolument exempts de cette bigarrure scandaleuse [l accouple- 
ment d'allusions mythologiques et de citations bibliques]; et, dans cetfe 
partie au moins, il faut le regarder comme le réformateur de la prédi- 
. cation. » (JoLY, Histoire de la prédication, p. 465.) — Cf. Gratien ReNoux, 
Etudes sur les sermons du P. Lejeune, 1863. 

() « L'historien Matthieu doit être lu par ceux qui traitent du règne 
de Henri 1V, parce qu'il était historiographe de ce prince, qui prenoit 
plaisir à l'instruire lui-même de diverses particularités de ses aven- 
tures. » (Danrez, Histoire de France, préface, édit. de 1729, t. I, p. zv.) — 
Les poésies morales de Malthieu ont mérité cette recommandation de 
Mouière (Sganarelle, acte I, scène 1) : 


Lisez-moi, comme il faut, au lieu de ces sornettes, 
Les Quatrains de Pibrac et les doctes Tablettes 
Du conseiller Matthieu; l'ouvrage est dé valeur 

Et plein de beaux dictons à réciter par cœur. 


(4) « Depuis trente ans que M. Mairet a fait admirer sa Sophonisbe sur 
notre théâtre, elle y dure encore; et il ne faut point de marque plus con- 
vaincante de son mérite que cette durée, qu'on peut nommer une 
ébauche, ou plutôt des arrhes de l'immortalité qu'elle assure à son 
illustre auteur : et certainement il faut avouer qu'elle a des endroits 
inimitables, et qu'il serait dangereux de retâter après lui. » (CORNEILLE, 
Préface de sa Sophonisbe.) — «Il faut toujours se souvenir que cette 


Ed 


à quatre parties (‘); Jean Lejeune, de * 


— 315 — : 

Mairet ne garda pas pour lui seul le crédit que lui valut sa 
situation d'idole de la scène française; il le mit largement à la 
disposition de sa province natale, et celle-ci lui dut, à deux 
reprises, d'être épargnée dans les assauts que Richelieu diri- 
geait incessamment contre la maison d'Autriche (!). Il con- 
tribua aussi, plus que personne, à nous faire restituer le col- 
lége de Bourgogne, un instant coufisqué par l'implacable 
cardinal (?), qui ignorait sans doute que, dans une cir- 
constance néfaste, cetasile des étudiants pauvres de la Franche- 
Comté avait rendu à la France le service insigne de préserver 
les jours du grand Sully. 


L 

pièce, écrite longtemps avant le Cid, est la première qui apprit aux 
Français les règles de la tragédie, et qui mit le théâtre en honneur... 
Corneille surpassa Mairet en tout, mais il né le fit point oublier; et 
même, quand il voulut traiter le sujet de Sophonisbe, le public donna 
la préférence à l'ancienne tragédie de Mairet..……. La fin de l'ancienne 
Sophonisbe est surtout admirable; c'est un coup de théâtre et le plus 
beau qui fût alors. Je crois donc vous présenter un hommage digne 
de vous en ressuscitant la mère de toutes les tragédies francaises, laissée 
depuis quatre-vingts ans dans son tombeau. » ( VocraiRe, Epitre dédi- 
catoire de sa Sophonisbe au duc de la Vallière.) 

@) Mairet, nommé résidant de la Franche-Comté près la cour de France, 
obtint, en 1649 et en 1651, deux traités de neutralité qui, assimilant notre 
province aux cantons suisses, la mirent à l'abri des complications poli- 
tiques. (Voir Rocner pe FRasne, Vie de Jean Mairet, lue à l'Académie 
de Besançon, le ?8 janvier 1754, dans le recueil des travaux manuscrits 
de cette compagnie, t. I, fol. 282-304. 

(2) Richelieu, exaspéré de l'héroïque résistance que la Franche-Comté 
lui opposait depuis six ans, saisit le collége de Bourgogne et l'adjugea 
. aux missionnaires de la Propagation de la Foi. Les lettres-patentes qui 
ordonnèrent cette iniquité sont du 27 février 1638. La réintégration des 
boursiers comtois dans le collége eut lieu, en vertu de nouvelles lettres- 
patentes, le 26 mars 1640. {Archives de l'ancienne Université, cart. XIX, 
liasse 1, no 19.) — Mairet était alors le familier et le pensionnaire du 
cardinal, et l'on voit, par sa correspondance avec le parlement et les 
Etats de la Franche-Comté, qu'il s'intéressait vivement à la fondation 
que sa province possédait dans l'Université de Paris. 


— 316 — 
I 


Le collége de Bourgogne (!), autrement dit le royal gym- 
nase des Francs -Comtois en l'Université de Paris, résul- 
tait d'une disposition du codicille de la reine Jeanne, veuve de 
Philippe le Long (?). Cette princesse était la fille de notre 
comte Othon IV, ce chevaleresque étourdi qui donna dans 
tous les piéges que Philippe le Bel tendit à son amour du 
faste et des prouesses guerrières, et finit, pour échapper aux 
poursuites de ses créanciers, par vendre au rusé mo- 
narque sa seigneurie êt ses enfants (*). Jeanne avait retenu de 
son père une vive admiration pour la France et une préoccu- 
pation généreuse envers les gens d'étude. Ces deux senti- 
ments, mêlés d'une tendre sollicitude pour l'avancement moral 
de notre province, inspirèrent la fondation d’un établissement 
qui s’appela le collége de Bourgogne. 

Cet établissement s'ouvrit en 1335 ; il était situé en face du 
‘grand couvent des Cordeliers de Paris, sur l'emplacement 
qu'occupe aujourd'hui l'Ecole de médecine. Son personnel se 
composait d'un principal, d'un chapelain et de dix-huit bour- 
siers, tous, autant que possible, originaires de la Franche- 
Comté (‘). Le principal avait seul la police de la maison, mais 


(:) L'auteur du présent opuscule a sur le métier, depuis tantôt dix-sept 
ans, une Histoire du collége de Bourgogne, qu'il espère ne pas trop tarder 
à pouvoir mettre au jour. 

(2) Cet acte fut passé au château d'Asnières, en, mai 1325. (Archives de 
l'Empire, J. 404, ne 30.) 

(8) Voir nos notices sur ugues de Besançon et sur le sa de Besancon 
par Rodolphe de Habsbourg, dans les Mémoires de la Société d'Emulation 
du Doubs, 4e série, t. I (1865) et t. IV (1868). 

(4) « Hoc autem, in institutione dictorum scolarium in domo, collegia 
seu congregatione predictis, volumus, præcipimus et mandamus expresse, 
ac specialiter perpetuo obseïvari, quod si de comitatu Burgundiæ aliqui 
clerici seculares Parisïis studere sint apti, et idonei ad audiendum pre-. 
dictas facultates vel aliquam earumdem, in receptione dictorum scola- 


Le dr à 3 


— 317 — 


sa gestion économique devait être contrôlée par le chapelain, 
et aucune mesure extraordinaire ne pouvait être prise qu'en 
vertu d'une délibération du corps.des boursiers. Cette commu- 
nauté, astreinte à une vie presque monacale, était formée de 
garcons d’un âge raisonnable, car il fallait, pour y entrer, 
avoir terminé ses études de grammaire et être apte à suivre 
les cours de l’enseignement supérieur. À cet effet, les bour- 
siers du collége se rendaient aux leçons publiques de la Fa- 
culté des Arts. Dans l'intérieur de l'établissement, le prin« 
cipal se bornait à leur faire, chaque jour non férié, une 
conférence, tantôt sur la logique, tantôt sur les sciences natu- 
relles. L'inspection du collége, la nomination de ses fonction- 
naires, ainsi que la collation de ses bourses, appartenaient à 
deux dignitaires, que l’on qualifiait de supérieurs majeurs * 
c'était le chancelier de Notre-Dame de Paris et le gardien du 
. grand couvent des Cordeliers {!). 

On le voit, le collége de Bourgogne était à l'origine bien 
moins une maison d'éducation qu'une sorte d'hospice, où, 
moyennant le revenu affecté aux bourses (trois sous par se- . 
maine pour chacune), les pauvres étudiants s'alimentaient en 
commun sous un toit qui ne leur coûtait rien. Ce fut là le : 
régime de tous les colléges de l'Université de Paris jusque vers 
le milieu du quinzième siècle. Il se fit alors une modification 
profonde dans leurs conditions d'existence. Le collége de Na- 
varre, qui partageait avec celui de Bourgogne l'honneur d'être 
issu d’une volonté royale, le collége de Navarre, voulant sous- 
traife ses suppôts au contact des étudiants vagabonds qui fré- 
quentaient les cours officiels, eut la pensée d'amener chez lui 
des professeurs patentés et de leur fournir de vastes salles : 
des écoliers libres vinrent se joindre aux boursiers pour re- 


rium, quoties locus seu loca vacabunt, omnibus aliis preferantur. » 
(Slatuta collegii Burgundiæ, redact. sub ann. 1331, promulgat. sub ann. 
1335, art. vi, ap. Fécisrex, Hist. de Paris, t. V, p. 639.) 

@) Voir les Slatuts du collége de Bourgogne, dans l'ouvrage que nous 
venons de citer. . 


— 318 — 


cueillir cet enseignement et pour aïder, par le paiement d’une 
contribution scolaire, à solder les maîtres et à faire les frais 
des locaux. En peu de temps, Navarre eut une clientèle exté- 
rieure assez nombreuse pour organiser un cours complet 
d’études classiques (‘). L'Université et le gouvernement s'em- 
pressèrent de donner les mains à cette innovation : en encou- 
rageant les autres colléges à tenter le même essai, ces deux 
puissances eurent en vue de diviser la masse des étudiants, 
et, par ce moyen, de rendre impossible ces coalitions qui 
avaient tant de fois ensanglanté le pavé de Paris. Le collége 
de Bourgogne fut des premiers à entrer dans cette voie et à y 
réussir. 

À partir de la modification que nous venons d'indiquer, il 
y eut dans tout collége deux administrations distinctes : la 
communauté des boursiers, propriétaire des bâtiments et des 
biens de la fondation, dans laquelle le principal n’était que le 
premier entre ses égaux ; puis la pédagogie, c'est-à-dire l’en- 
treprise des cours payés par ceux qui y venaient du dehors, 
affaire qui appartenait exclusivement au principal, soit comme 
profit, soit comme perte (?). 


III 


A l’époque qui va bientôt nous occuper, le collége. de Bour- 
gogne avait pour principal un docteur en théologie nommé 


Pierre fGemelli, né en Franche-Comté d'un père italien. 


Neveu du cordelier Ambroise Mallet, l’un des supérieurs ma- 
jeurs du collége de Bourgogne, Gemelli avait été institué 
principal en 1562, au mépris d’une provision apostolique qui 
pourvoyait de l'emploi l’un des boursiers. Ceux-ci s'étaient 
ligués contre le nouveau venu, et il n'avait fallu rien moins 


Q} Lauxon Historia archigymnasii Navarræ, pp. 103-104. 
@) Voir le Tableau d'un collège vers l'an 1500, dans l'Histoire de 
Sainte-Barbe, par M. J. Quicuerar, t. I, pp. 73-92. 


— 319 — 


qu'un arrêt du parlement de Paris pour les soumettre (t). La 
sentence imposait à Gemelli l'obligation de résider dans le 
collége; mais l'animosité des boursiers avait bientôt rendu 
impossible l'exécution de cette clause. Gemelli ne demandait 
d’ailleurs qu’un prétexte pour s'affranchir de la résidence. 
Jeune encore, il avait une réputation faite comme prédica- 
teur, et la cour de Rome étant.alors en quête de défenseurs de 
l’orthodoxie, cette spécialité ne pouvait manquer de lui valoir 
de fructueux emplois (?). Par son langage élégant et ses allures 
de grand seigneur, 1 séduisit Mathieu Cointerel, dataire 
apostolique (*), et obtint un assez bon nombre de bénéfices. 
Ayant pris place dans le chapitre de l’église de Cambrai, il ne 
lui manqua que quelques voix pour y être élu archevêque : son 
échec fut le loyer des campagnes déclamatoires qu'il avait 
faites contre les Jésuites et les Espagnols. Il essaya. de se 
venger en accablant de quolibets le rival qui lui avait été 
préféré, mais il ne réussit qu’à se rendre impossible à Cam- 
brai (*). Plus tard, la mort du savant Antoine Lulle laissa 


@) Arrét du parlement de Paris, en date du 21 janvier 1563, imprimé 
dans le. recueil intitulé : Jugements et arresis pour la jurisdiction du 
chancelier de l'Eglise et Université de Paris, pp. 3-6; Paris, 1692, in-4o. 

(?) Gemelli a fait lui-même le récit de ses succès oratoires, dans une 
épitre dédicatoire à Mathieu Cointerel, qui ouvre l'opuscule intitulé : 
Orationes duæ pro Sorbonicis dispulationibus ; Paris, 1574, in-80. — On 
connaît, en outre, du même auteur un livret intitulé : De christiant ho- 
minis el ecclesiastici officio tempore accommodata…. catholica narratio: 
Romæ, 1576, in-4o. (Ch. Wwuss, Catalogue de la bibliothèque du château 
de Saint-Ylie (Jura), Paris, 1869, no 465.) À 

(8) «M. le président de Bourgoingne..…. loue les sermons qu'a faict les 
dimanches en caresme M. Gemelly, les prédications duquel estoient à 
feu M. l'archevesque de Cambray de Berghes suspectes et à aulcuns 
aultres : ne scay si c'estoit avec bon fondement ou non; mais en fin l'on 
procura de s'en faire quicte, le soupçonnant qu'il commeüt sédition et 
que à ceste fin fussent ses sermons. De là il alla à Rome où il a eu toute 
faveur de monseigneur l'illustrissime cardinal Contarel, estant lors 
dataire, lequel, comme je tiens, le favorise encoires. » (GRANVELLE, Lettre 
à Bellefontaine, Madrid, 29 septembre 1584.) 

(#) Voir une curieuse peinture du rôle de Gemelli à Cambrai, tracée 


— 320 — 


vacants à Besancon les postes d'archidiacre de Luxeuil et de 
vicaire général de l'archevêque. Gemelli recueillit cette double 
succession (!)}, mais ne put conserver longtemps le mandat de 
vicaire général : Le cardinal de Granvelle, devenu archevêque 
de Besançon, avait connu de trop près son intempérance de 
langue pour être disposé à lui accorder confiance {?). Gemelli 
ne songea dès lors qu'à se ménager une plantureuse retraite : | 
à cet effet, il échangea son archidiaconé et sa prébende contre 
de riches chapellenies (*); il mourut au mois de février 1604, 


par l'auteur des Mémoires pour servir à l'histoire de Louis de Barlay- 
mont, et insérée par A. Le Gray dans ses Recherches sur l'église métro- 
politaine de Cambrai, 1825, in-40, pp. 208-209. 

() « Comparuit personaliter in loco capitulari R. D. Petrus Gemelli, 
aliàs de Pise, presbiter Bisunt. diocesis, sacre theologie Parisiis doctor; 
proposuit impetrasse in curia Romana canonicatum et alteram preben- 
dam de St Vyt, necnon et archidiaconatam de Luxovio in ecclesia Bi- 
suntina, per obitum Antonii Lulli vacantes, et de ïllis per Gregorium 
papam XIII fuisse provisum... » (Acta capituli Bisuntini, 24 martii 158%; 
aux Archives du Doubs.) — Dès le ?8 juillet 1582, Gemelli paraît avec la 
qualité de vicaire général du cardinal Claude de la Baume, archevêque 
de Besancon. 

(@) « M. Gemelly est sçavant, et tel il s'est montré à Rome et ailleurs. 
A Cambray l'on le tenoit pour suspect et séditieux, mais ce m'est grand 
contentement et consolation que là [à Besançon] l’on n'ayt riens aperçeu 
de tel; c'est un bien grand mal qu'il soit tant noté d’avarice (qu'est la 
racine de tous maulx) et qu'il soit noté de non vivre en conformité de 
ses sermons. Il ha toujours le mesme crédit avec M. l'illustrissime 
Contarel, et pourtant nous fault comporter avec luy de sorte qu'il n'aye 
occasioh de nous faire la guerre; et me contenteray de luy donner 
quelque traictement raisonnable afin qu'il presche et que le traictement 
soit pour le temps que je vouldray, pour le tenir en bride. » — « L'of- 
fice que s'est faict..….. à l'endroit de M. nostre maistre Gemelly me semble 
fort bien, et, à vous dire la vérité, je desiroie qu'il se fit plus pour 
contenter l'illustrissime cardinal Contarelli, qui le favorise, et afin qu'il 
voie que l'on l'a voulu honorer, que pour l'envie que j'aye que ledit 
Gemelly presche. Et quant au vicariat, puisque vous m'avez faïct ce 
plaisir de si volontiers l'accepter, il me pardonnera, s’il luy plaît, qu'il 
ne me servira de vicaire tant que je vive. » (GranveLce, Lettres à Belle: 
fontaine, Madrid, 27 décembre 1584, et Sarragosse, 22 mars 1585.) 

(5) L'acte d'échange de sa stalle de chanoine contre la chapelle de 
Saint-Nicolas de Châteauvillain est daté de l'Université d'Orléans, le 


— 321 — 


avec les titres de protonotaire apostolique et de prieur com- 
mendataire de Coligny (en Bresse) et de Rosey (en Franche- 
Comté) (!). 

- Pour un homme aussi bien renté que l'était Gemelli, la 
principalité du collégse de Bourgogne ne fut qu'une bague au 
doigt de mince importance : il traita cet emploi comme un 
bénéfice ecclésiastique, constituant en son lieu un fermier qui 
exerçait ses droits dans l'établissement et lui servait, en re- 
tour, une rente de cinq à six cents francs par année (?). 
Disons de suite, à sa décharge, qu'il ne fut pas l'inventeur de 
ce système, car lorsqu'il prit possession de Bourgogne, il en 
trouva la pédagogie amodiée à Jacques Charpentier (). 

Ce personnage avait mis en grande réputation notre col- 
lége. Au dire des contemporains, il y professait avec un tel 
éclat que ses auditeurs, appartenant à toutes les nations du 
monde, remplissaient non-seulement la salle, mais la cour et 
la rue sur lesquelles ouvraient les fenêtres du local (*). Ce 


3 octobre 1600. Son office d'archidiacre fut troqué, en 1602, contre la 
chapelle de Saint-Lazare de l'église Sainte- Madeleine de Besançon. 
(Acta capituli Bisunt., ? octob: 1601 et 17 maiïi 1602.) 

(1) Papiers du prieuré de Rosey, aux Archives des hospices de Besançon. 

@) « J'entendz que l'on se plaint de luy à Paris, de ce qu'il retient la 
charge de principal du collége de Bourgogne et qu'il en tire prouffit, y 
ayant entremis un François que luy en rend tous les ans cinq ou six 
cens francs. » (GRANVELLE, Leltre à Bellefontaine, Madrid, 29 sept. 1584.) 

(#) Dans le procès-verbal de l'assemblée universitaire du 13 décembre 
1556, Jacques Charpentier est qualifié de Burgundici collegii moderator 
el præfectus. (Buzæt Histor. Univers. Paris., t. VI, p. 489. — « Que s'il 
plaisoit audict sieur de la Faye quicter la charge et pédagogie dudict 
collége, que, sèlon le bail précédent dudict sieur de la Faye, il soit tenu 
à la restitution des choses amplement et par le menu escriptes au bail 
de M. Charpentier. » {Règlement proposé à l'acceptation des supérieurs 
du collége de Bourgogne par les boursiers, le 27 septembre 1576; Archives 
de l'ancienne Universilé, cart. x1x, liasse 1, no 6.) 

(4) « Nunquam ille pedem aliquè intulit, quin splendor unà ingens et 
alma faustitas continu ingrederentur. Quocirca, dum toto decennio 
philosophicis præceptionibus explicandis Burgundam domum exornavit, 
cum nulla esset aula quæ tam multos auditores caperet, quam multi ad 
eum non ex Gallia modo, verum etiam ex Germania, Italia, Hispania, 


nr 


4 
succès ne tenait pas seulement à l'éloquence nerveuse et pas- 
sionnée du maître; elle était avant tout le fait d’une lutte de 
principes dans laquelle Charpentier et Ramus tenaient les 
deux grands rôles opposés. Question énorme, en effet, que 
celle de savoir si le moment était venu de rompre avec les 
procédés d'enseignement du moyen âge qui, depuis tant de 
siècles, emprisonnaient la pensée humaine et la condamnaient 
à un travail aussi stérile que celui qu'accomplit l’écureuil en 
s'agitant dans un cylindre mobile! Les novateurs, en haine 


de la scolastique, préconisaient une méthode en quelque sorte. 


contemplative, qui se bornât à éveiller et à diriger le goût, 
tout en respectant la liberté des aspirations individuelles. On 
allait donc pouvoir apprendre en se passant de l’école, inter- 
préter les auteurs sans le secours des gloses officielles, penser 
en dehors des formules convenues : quel scandale, quelle 
abomination! Les vieux universitaires virent dans cette nou- 
veauté un corollaire du protestantisme, qu'il fallait à tout 
prix étouffer. Charpentier se fit le champion de cette croisade 
réactionnaire, et ses cours dans l'auditoire de Bourgogne 
furent bien moins des lecons que des diatribes contre Ramus, 
le coryphée de la moderne doctrine. Après dix ans de cet 
exercice, se trouvant à bout de verve et de rage, ayant pu 
constater par expérience que toutes les invectives du monde 
ne sauraient interdire à qui bon semble de croire que la terre 
tourne et que le soleil luit pour tous, Charpentier quitta 
brusquement la philosophie pour la médecine, délaissant 


et longinquis nationibns remotisque insulis accedebant, vel hyeme 


summa, tempestatibus perfrigidis, imbribus maximis, aream tamen, 
eamque viæ*publicæ partem quæ aulæ adjacet, ac ad quæ modo loca 
vox ejus deferretur, videri semper potuerunt completa et conferta. Quæ 
deinde vis hominum omnibus ejus domus ostiis cum effunderetur, thea- 
trum ingens dixisses, non scholam exhauriri. Collegium itaque Burgün- 
dorum cum longè amplissimum ornatissimumque summa diligentia labo- 
ribusque maximis reddidisset, vocareturque jam ad medicinæ studia.…, 
in doctorum collegium...……. est adscitus. » (CL. Hermonorn Gozzir Jac. 
Carpentari tumulus ; Paris., 1574, in-4°, fol. 3 verso.) 


« NT 


— 323 — 


ainsi son emploi de chef de la pédagogie du collége de Bour- 
gogne. Gemelli le remplaca par Geoffroy de la Faye. 

Celui-ci régentait au collége de Bourgogne depuis l’année 
1552. C'était un pieux et savant prêtre, d'un caractère doux et 
aimable, bien que très ferme dans l'exercice du devoir (!). 
Etant recteur, en 1562 (?), il sut résister énergiquement à la 
prétention qu'avait la reine-mère de réduire l'Université à 
trois grands colléges (*); mais son opposition fut si digne que 
l’altière princesse n'en conserva pour lui qu'un vif sentiment 
d'estime, à tel point qu'elle l’attacha plus tard à sa personne 
“en qualité d’aumônier. Etranger aux exagérations qui étaient 
le fléau du temps où il vivait, Geoffroy de la Faye comptait 
des sympathies dans les camps les plus opposés; il s’honorait 
à bon droit de l'amitié de l’illustre Turnèbe (*), le restaura- 
teur des études grecques en France, celui que Montaigne 
appelait « l'âme la plus polie du monde (*). » Bien qu'étran- 


() Geoffroy de la Faye était né à Paris vers 1530. Reçu maître-ès-arts 
en 1551, il entra comme régent au collége de Bourgogne l'année suivante. 
Il fut honoré à deux reprises des fonctions de recteur de l'Université, 
le 24 mars 1562 et le 23 juin 1581. Dans le cours de cette dernière année, 
la reine-mère Catherine de Médicis se l'attacha en qualité d'aumônier. 
Pour cela, Geoffroy de la Faye ne quitta pas notre collége. On lit, en effet, 
dans les comptes de la maison de Catherine de l'an 1585 : « A maistre 
de la Faye, principal du collége de Bourgogne, 300 livres tournois. » 
(Archives de l'Empire, kk, 116, fol. 25 recto.) 

@) « Die 24 martii 1562, electus est rector Godefridus de la Faye, 
Burgundici collegii primarius ac moderator, vir religiosus, insigni pie- 
tate, fide et probitate præditus, præ cæteris tali honore dignus propter 
singularem in perficiendis rebus diligentiam et auctoritatem, et in 
aggrediendis prudentiam, in omnes summam mansuetudinem, ut legitur 
in Actis academicis. » (Buzær Histor. Univ. Paris., t. VI, p. 550.) 

(5) Id. ibid. 

(* «Adrien Turnèbe étant venu dans ce temps-là voir son ami Geoffroy 
de la Faye, celui-ci mena chez Turnèbe le jeune de Thou, qui se l'im- 
prima si fortement, que l'image de cet homme célèbre, qui mourut peu 
de temps après, lui demeura toujours dans l'esprit, même en dormant. » 
(Mémoires sur la vie de Jacques-Auguste de Thou, en tête de la traduction 
française de son Histoire universelle ; Londres, 1734, in-4°, p. 7.) 

(5) « Comme j'ay veu Adrianus Turnebus, qui n'ayant faict autre pro- 


M 


ger à notre province, il voulait que les Francs-Comtois fussent 
bien traités dans la maison de la reine Jeanne : aussi sa table 
leur était-elle libéralement ouverte (‘}. Sous un tel gouvérne- 
ment, le collége de Bourgogne dut être moins envahi que tout 


autre par les agitations de la rue; ses portes ne se fermèrent 


… 


que quand la guerre civile, avec la peste et la famine pour 
complices, eurent rendu impossible aux étudiants le séjour de 
Paris. En attendant, Geoffroy de la Faye attirait dans son 
établissement les meilleurs esprits du Corps universitaire, 
sachant les y retenir par -une foule de bons procédés (?). Les 
professeurs de Bourgogne formaient alors un groupe d'élite. 


fession que de lettres, en laquelle c'estoit, à mon opinion, le plus grand 
homme qui fust il y a mil ans, n'avoit toutesfois rien de pédantesque que 
le port de sa robbe et quelque facon externe qui pouvoit n'estre pas 


civilisée à la courtisane : qui sont choses de néant... Car au dedans . 


c'estoit l'âme la plus polie du monde. » (Essais, livre I, ch. xx1v.) 


() « Estant en dispute combien il y avoit de Paris jusques à St-Denis, 
le sieur de la Faye, principal du collége de Bourgongne, qui l'avoit traicté, 
à cause du pays, luy dit : I n'y a qu'une bonne demie lieue. Si, a dit le 
sieur Gaulard, je gage cinquante escus qu'il y en a une entière, il ya 
plus de dix ans. » (Tapouror, Les contes facécieux du sieur Gaulard, 
gentilhomme de la Franche-Comté Bourquignotte, fol. 11 verso.) 

(2) « Cum superioribus mensibus, mihi collegarum precibus fracto, et 
prudentissimi Burgundianæ scholæ moderatoris Faïi nostri, incredibili 
in omnes, summa vero érga me humanitate, de eo quem tenere cœperam, 
studiorum cursu revocato, vobiscum philosophandi sese quædam quasi 
injecisset cupiditas.…. » (Mic. Marescorr Tilelmani dialecticæ præfatio; 
Paris, 1563, in-4°.) — «Godofredus Faïus, noster gymnasiarchus (de 
quo plura dicturus non sum hoc tempore, quam quod viro tanto, tam 
strenuo, tam diligenti, tam gravi, tam literato, tam ad præclarissima 
quæque idoneo, parietes mediusfidius isti gratias agere!gestiant ). » 
(Jo. Roenxt /n Joannis Martini e regio Burgundionum ludo missionem 
[Paris., 1572], in-8e, fol. 4 verso.) — « Hac in regia Burgundionum 
schola, aliquot ante mensibus, honorificè accitus a sapientissimo doc- 
trinæque laude imprimis commendato moderatore primario D. Faïo : 
cui homini quantum jure ‘tribuam, non est necesse hic dicere. Unum 
illud asservare ausim, mihi, pro felici hujus anni auspicio, permultum 
arridere auctoritatem homini revera cordati et eruditi,… in hac schola.… 
in qua egregiè cordatus homo Faïus, juventutis informandæ insignis 
artifex, habenas tanta laude moderetur, et præceptores omnes literarum 


— 325 — 


Il nous suffira de nommer parmi eux : Henri de Monan- 
theuil {‘), devenu plus tard l’une des lumières du Collége de 
France; Michel Märescot (?) et Jean Martin (*), les futurs 


politiarum, omnisque humanitatis amantissimi, pro sua quisque parte, 
suo muneri respondeant. » (OL. Mrnois OÜratio habita in regio Burgun- 
dionum gymnasio, prid. kal. octob. 1575, apud ejusd. De re lilieraria, 
p. 72; Paris., 1576, in-80.) 

@) Henri de Monantheuil, dont de Thou avait appris les premiers élé- 
ments des sciences exactes, cultiva depuis avec un égal succès la méde- 
cine et les mathématiques. Comme médecin, il démonétisa dans l'opinion 
publique le fameux charlatan Rivière, que le parlement expulsa de la 
capitale. Ses travaux en mathématiques lui valurent une chaire dans 
cette spécialité au Collége royal de France. Durant la Ligue, son cabinet 
fut l'un des centres d'action du parti national, et Henri IV n'oublia 
point ce qu'il devait à cette honnête conduite. Henri de Monantheuil 
mourut, âgé de 70 ans, le 19 novembre 1606. (Voir Gouser, Mémoire 
historique sur le-Collége de France, édit. in-80,t. II, pp. 83-95.) 


(2) Michel Marescot professait la philosophie au collége de Bourgogne, 
lorsqu'il fut élu recteur de l'Université, le 16 décembre 1564. C'est dans 
sa chambre de professeur que le tribunal universitaire déclara la guerre 
aux Jésuites. Plus tard, Marescot, devenu médecin célèbre, démasqua 
la fourberie des Capucins qui, avec la prétendue thaumaturge Marthe 
Broissier, exploitaient indignement la crédulité publique. Marescot, que 
Guy Patin appelle un bon homme et un grand médecin, fut jusqu'à sa 
mort, arrivée le 20 octobre 1605, le premier médecin de Henri IV. (Voir 
Hazow, Notices sur les hommes célèbres de la Facullé de médecine de Paris, 
pp. 66-70.) 

(5) Jean Martin, qui professa pendant six ans la rhétorique et la phi- 
losophie au collége de Bourgogne, avant d'interpréter Hippocrate au 
Collége de France, «estoit, dit le cardinal du Perron, un homme très 
singulier en toules sortes de sciences, et particulièrement en la connois- 
sance des langues latine, grecque, hébraïque et arabique. » Henri IV le 
consultait, en même temps que Marescot, sur sa santé, et il avait le titre 
de premier médecin de la reine. Guy Patin rapporte à son sujet le trait 
suivant : « Feu mon père étant en cette ville député pour notre pays, y 
tomba malade l'an 1601 d'une fièvre continue, et échut à avoir M. Martin 
pour médecin, lequel ne voulut prendre de lui aucune récompense resfi- 
tula valetudine, lui disant qu'il ne prenoit jamais d'argent de plus pauvre 
que lui quand ils étoient gens de bien, comme il se tenoit pour tel; cela 
lui acquit une rente d'un pâté de venaison, qui lui a été payée tous les 
ans jusqu'à sa mort (fin de 1604). » (Voir Gouser, Mémoire historique sur 
le Collége de France, édit. in-8e, t. III, pp. 57-68.) 


Li 


— 326 — 


médecins de Henri IV et de Marie de Médicis; enfin Jean de 
Rouen [‘), le plus brillant rhéteur de son époque. Au pied 
des chaires de ces savants maîtres, qu voyait nombre d’en- 
fants des meilleures familles, dont quelques-uns montraient 
déjà les qualités qui devaient les conduire à l'illustration : 
Jacques-Auguste de Thou venait de quitter notre collége (?), 
quand on y amena le jeune Maximilien de Béthune, connu 
dans l'histoire sous le nom de Sully. 


IV | à 


Maximilien de Béthune, que l’on appelait alors M. de 
Rosny, était le second fils d’un gentilhomme qui, après avoir 
suivi jusqu'au bout la fortune du prince de Condé, s'était 
ensuite attaché au roi de Navarre, et avait été conduit à em- 


(:) Jean de Rouen, dont le nom dit assez l'origine, professa pendant 
douze ans la rhétorique au collége de Bourgogne, et avec un tel succès 
que «nul ne se croyait suffisamment éloquent et disert s'il ne l'avait 
entendu. » Elu recteur, le 23 juin 1575, il ‘continua la lutte, ouverte par 
son ami Marescot, contre l'invasion de l'Université par les Jésuites. La 
vogue le suivit au collége d'Harcourt, et c'est là qu'Henri III l'envoya 
chercher pour lui confier l'éducation du jeune Charles de Valois, fils 
naturel de Charles IX. Lors du rétablissement de la paix publique, il fut 
l'un de ceux qui contribuèrent le plus à relever l'Université de ses ruines. 
Il cumulait à cette époque la charge d'aumônier du roi et celle de prin- 
cipal du collége du Trésorier. Ayant eu, en 1612, la pieuse ambition de 
prendre le grade de,docteur en théologie, il employa ses épargnes à doter 
la Sorbonne d'une chaire des cas de conscience. ( Vid. Buzær Aistor. 
Univers. Paris., t. VI, pp. 955-956. — Cf. Jourpaix, Histoire de l'Univer- 
sité de Paris aux xvrre el xvirre siècles, pp. 72-73.) 

(3) « Dès qu'il eut atteint l'âge de dix ans (1563), on le fit étudier, et 
peu de temps après on le mit au collége de Bourgogne, avec René 
Roulier, neveu de l'évêque de Senlis... Henri Monantheuil, de Reims, 
fut le premier qui lui donna des leçons; il étudia ensuite sous Jean 
Martin, de Paris, et ensuite sous Michel Marescot et Pierre du Val, de 
Normandie, philosophes célèbres qui tous exercèrent depuis la médecine 
à Paris avec une grande réputation. » (Mémoires sur la vie de Jacques- 
Auguste de Thou, en tête de la traduction française de son Histoire 
universelle, pp. 4 et 5.) 


de 197 ea 
brasser la foi protestante, formule d'opposition politique du 
moment. Avant même d'être envoyé à Paris pour y faire ses 
études, le petit Maximilien eut un poste de courtisan près de 
l'héritier présomptif de la Navarre, le prince qui devait un 
jour gouverner la France sous le nom de Henri IV. 

Rosny avait douze ans et suivait, sous la conduite d'un 
gouverneur, les cours du collége de Bourgogne, qaand la 
reine-mère Catherine, voulant mettre un térme aux guerres 
civiles, imagina l’expédient d'un mariage entre sa fille, la 
catholique Marguerite, et le protestant Henri de Navarre. 
Le parti huguenot, alors dirigé par Jeanne d’Albret, mère 
du jeune prince, et par l'intègre amiral de Coligny, ac- 
cepta ce gage de réconciliation. L'aristocratie protestante se 
rendit en masse à Paris, où l'on affecta de lui faire oublier 
dans des fêtes ses anciens griefs contre le pouvoir. Tout sem- 
blait aller pour le mieux, lorsque Catherine s’aperçut que le 
roi Charles IX, jusque là maintenu sous sa tutelle, s'éprenait 
d'admiration pour Coligny et s’inspirait de ses conseils. Si cette 
intimité continuait, sa domination allait décroître : en mère ja- 
louse, en vindicative Italienne, elle eut bientôt juré la perte de 
Coligny. Les Guises, ennemis mortels de l'amiral, furent man- 
dés en toute hâte et se chargèrent de trouver un assassin. Coli- 
gny ne fut que blessé. A la douleur folle qu’en témoigna le roi, 
Catherine estima que c'en était fait d'elle si l'amiral revenait 
en cour ; les protestants connaissaient d’ailleurs sa complicité 
dans le guet-apens et ne la lui pardonneraient jamais. Un 
coup d’audace pouvait seul la tirer de ce mauvais pas. En- 
glober Coligny dans un massacre général ‘des protestants, 
noyer ainsi dans le sang d’un grand nombre les traces de 
l'attentat commis contre un seul, justifier le tout par le souci 
de la tranquillité de l'Etat et le zèle pour la religion catho- 
lique, tel fut le plan infernal que conçut Catherine. Par une 
série de fausses nouvelles et de terreurs habilement jouées, on 
. enleva le consentement du jeune homme débile qui occupait 
le trône de France. 


— 328 — ; 


Le soir du 23 août 1572, l’écolier Rosny s'était couché de 
bonne heure, voulant le lendemain, qui était un dimanche, 
se trouver de grand matin près de son cher seigneur Henri 
de Navarre. Vers trois heures de la nuit, il est brusquement 
réveillé par des vociférations qui partaient de la rue et par le 
tocsin que sonnaient toutes les cloches. Son gouverneur, 
nommé Saint-Julien, et son valet de chambre, mis en émoi 
par les mêmes bruits, s’habillent en toute hâte et courent 
savoir ce qui se passait. Ne les voyant pas-revenir (et il ne 
devait pas les revoir), Rosny descend à son tour : il rencontre 
son hôte, huguenot comme lui, qui le presse de l’accompagner 
immédiatement à la messe « afin de guarentir sa vie et sa 
maison du saccagement. » Quoique bien jeune, l'étudiant 
comprit qu'il avait dû être marqué pour le massacre : dès lors 
une cachette le préserverait bien mieux qu'une messe. Il ac- 
cepta néanmoins le bréviaire catholique que lui présentait son 
hôte, puis il alla revêtir sa robe d'écolier, mit le livre sous son 
bras et tira droit au collége de Bourgogne. Geotiroy de la 
Faye, chef de l'établissement, était bien vu de la reine-mère, 
et son logis, non suspecté, devenait la plus sûre des retraites ; 
mais C@ personnage était prêtre, et il s'agissait d'obtenir de lui 
le salut d’un huguenot. Rosny pensa que le noble caractère 
de son maître se prêterait à cette transaction. À peine avait-il 
fait quelques pas, qu'un corps de garde l’arrêta dans la rue 
Saint-Jacques : les soldats commencaient à le rudoyer, quand 
l’un d'eux s'étant saisi du livre que portait l’écolier, montra 
aux autres que c'étaient de grosses Heures, et détermina ainsi 
son élargissement. Ce passe-port lui permit de traverser encore 
deux nouveaux corps de garde, l’un dans la rue de la Harpe, 
l'autre à l'issue du cloître Saint-Benoît. Sur ce parcours, il vit 
enfoncer et piller des maisons, égorger des hommes, des 


— 329 — 


femmes, des enfants, Le tout aux cris de Tue, tue! 6 huguenot, 
6 huguenot! Il arrive haletant à la porte du collége, mais le 
portier refuse par deux fois d'ouvrir : heureusement l’écolier 
trouve dans sa poche de quoi graisser le marteau. Geoffroy de 
la Faye, discrètement prévenu, descend aussitôt. A la vue de 
son élève, il est ému de compassion, mais fort embarrassé : il 
avait dans sa chambre deux ecclésiastiques « qui disoient y 
avoir dessein formé de tuer tous les huguenots, jusques aux 
enfants à la mamelle, et ce à l'exemple des Vespres siciliennes. » 
Au risque de compromettre gravement sa personne et son 
collége, Geoffroy de la Faye prit Rosny par la main, le mit 
sous clef dans une chambre secrète et l'y fit nourrir pendant 
trois jours. Après quoi, parut un édit royal qui fit cesser le 
massacre (1). 

Ainsi fut sauvé d'une mort certaine, parle fait d'une fon- 
dation franc-comtoise, le plus sage ministre qui ait géré les 
affaires de la France, Le seul qui se soit montré constamment 
l'avocat du peuple, opposant aux prodigalités de la cour un 
langage comme celui-ci : « Tout cela seroit bon, si Sa Majesté 
prenoit l'argent en sa bourse; mais lever cela sur les mar- 
chands, artisans, laboureurs et pasteurs, il n’y a nulle raison, 
estant ceux qui nourrissent le roy et nous tous (?). » 

Sully ne se contenta pas de noter dans ses Mémoires le ser- 
vice qu'il avait recu du collége de Bourgogne; il fit de son 
mieux pour le reconnaitre. Geoffroy de la Faye, tant qu'il 
vécut, fut « son particulier amy; » et quant à la Franche- 
Comté, il usa de toute son influence, en 1595, pour dissuader 
Henri IV d'entreprendre sur cette province une course mili- 
taire qui nous causa d'énormes dommages (*), mais eut ce- 


() Le récit qui précède est emprunté, de point en point, aux OEcono- 
mies royales ou Mémoires de Sully, livre I, ch. v. : 

(?) Réponse de Sully à la duchesse de Verneuil, qui remontrait que le 
roi pouvait bien faire des cadeaux. 

(8) Le connétable de Montmorency fut l'instigateur de cette campagne, 
que Sully appelait la pire résolution. Henri IV regretta lui-même de 


22 


— 330 — 
pendant une conséquence aimable, celle d’avoir éveillé chez 


le galant monarque un goût prononcé pour notre vin d’Ar- 
bois (!). 


s'y être laissé entraîner, car « à son retour de la Franche-Comté, il se 
plaignoit de ceux qui l'avoient induit à ce voyage.» (UEconomies royales, 
livre II, ch. xxx.) 

() Lors de l’entrevue de réconciliation qu'eut Henri IV avec le duc 
de Mayenne (1596), le roi s'amusa un instant à essouffler, par une pro- 
menade trop rapide, son ancien ennemi qui était obèse et affecté d'une 
sciatique; puis, après une dernière protestation de dévouement réci- 
proque, il lui dit amicalement : « Allez vous en reposer, rafraischir et 
boire un coup au chasteau..….; j'ay du vin d'Arbois en mes offices, dont 
je vous envoyeray deux bouteilles, car je sçay bien que vous ne le hayés 
pas. » (0Economies royales, livre IT, ‘ch. 1.) 


LES SAVANTS MODERNES 


DE LA FRANCHE-COMTÉ 


PAR M. A.-F. BOULLET 


DOCTEUR ÈS-SCIENCES 
PROVISEUR DU LYCÉE IMPÉRIAL DE BESANCON. 


Séances des 6 juin 1868 et S mai 1869. 


INTRODUCTION 


Notre siècle a été si fécond en découvertes importantes, et 
le mouvement scientifique qui le caractérise tellement marqué, 
que l’épithète de siècle des lumières lui est dévolue sans con- 
testation. Jamais, en effet, plus de travaux de l'esprit n'illus- 
trèrent une période quelconque des annales du monde. L'in- 
telligence humaine s’est surpassée dans les conceptions hardies 
et les applications heureuses de la science au profit des nations 
modernes, et nous jouissons maintenant d’une foule d'avan- 
tages qui sont le résultat du travail des savants pendant les 
quatre-vingts dernières années qui viennent de s'écouler. 

Quelle part la France a-t-elle prise à ce mouvement, à ce 
progrès, et, dans cette part, quelle proportion pouvons-nous 
revendiquer pour notre province de Franche-Comté ? La ques- 
tion est digne d'intérêt. Sa solution nous fournira l’occasion 
de mettre en lumière les noms de plusieurs hommes distingués 
de notre pays, dont les travaux importants ne sont pas assez 
connus de ceux mêmes qu ils intéressent. 

Ce qui caractérise le progrès scientifique de notre temps se 
rattache plus encore à l'application qu'à la spéculation, et c'est 


— 332 — 

surtout dans l'application des sciences aux arts et à l'industrie 
modernes que nous l’emportons sur nos devanciers. Nous 
allons examiner successivement la marche des sciences phy- 
siques et chimiques, en les prenant à leur vrai point de départ, 
et nous montrerons dans quelle mesure nos compatriotes ont 
contribué à donner cette vive impulsion, qui se traduit presque 
chaque jour par une découverte nouvelle. Nous rattacherons 
à cette étude, comme auxiliaires indispensables, les travaux de 
nos mathématiciens proprement dits, et nous la compléterons 
par un exposé succinct des nombreuses découvertes des na- 
turalistes, dont les noms, pour plusieurs du moins, sont déjà 
couronnés par la gloire ! 


CHAPITRE 1!°. 


LES PEHWYSTOTENS, 


D’Auxiron, — de Jouffroy. 


” C'est à la France qu'est due la plus importante découverte 
de notre temps, l'application de la vapeur d'eau comme force 
motrice. C'est à la Franche-Comté que revient la gloire des 
premiers essais heureux de cette application à la locomotion. 

Les premières recherches vraiment sérieuses qui aient été 
tentées pour utiliser la force élastique de la vapeur d'eau, 
remontent au milieu du dix-septième siècle (1647), époque 
où naquit, à Blois, le docteur Papin, l'inventeur et le vulga- 
risateur de la machine à vapeur. 

Colbert venait de fonder l'Académie des sciences et d'y 
appeler, par des largesses dignes d’un ministre du grand roi, 
le célèbre Huygens, hollandais d’origine, qui devint peu de 
temps après le protecteur et l'ami du jéune physicien blaisois, 
dont les idées et les travaux devaient remuer le monde! Esprit 
chercheur et inquiet, Papin ne se contenta pas des ressources 


— 333 — 


qu'il trouvait à Paris pour mettre en œuvre ses conceptions et 
ses projets. Il alla demander à l'Angleterre d'abord, puis plus 
tard à l'Italie et à l'Allemagne, des encouragements et même 
des moyens d'existence, car il se trouva mêlé aux querelles 
religieuses qui rendirent son exil obligatoire, de volontaire 
qu'il avait été d'abord. 

A Londres, il se lia d'amitié avec Boyle, qui le mit en rap- 
port direct avec la plupart des savants anglais dont se compo- 
sait la Société royale. I fut lui-même admis à l'honneur de 
faire partie de cette illustre compagnie et il y-occupa un rang 
distingué. C’est comme académicien qu'il publia la description 
de son appareil connu sous le nom de digesteur ou marmite de 
Papin. La force de la vapeur se trouve mise en évidence par 
la disposition même de cet appareil; et, par une circonstance 
qui a tenu à la fois du hasard et de la curiosité, l’idée est 
venue à l'inventeur d'y ajouter une soupape de sûreté, pour 
voir, il le dit lui-même, ce qui se passait dans le digesteur. 

Une pensée générale occupait l'esprit des savants en Europe 
au moment où Papin faisait ses pérégrinations scientifiques. 
On cherchait partout le moyen d'utiliser la pression de l’air 
comme force productrice du mouvement. Les nombreuses 
expériences faites sur la machine pneumatique avaient suggéré 
à plusieurs savants l'idée d'employer cette nouvelle décou- 
verte pour donner l'impulsion à des moteurs particuliers. 
Papin, suivant cette idée, imagina une machine destinée, 
selon lui, à transporter la force des rivières. Elle avait, dans 
sa construction, un tel rapport de similitude avec nos chemins 
de fer atmosphériques actuels, que la comparaison, à deux 
siècles de distance, y trouve la même disposition. 

Cet appareil, sur lequel Papin fondait de grandes espérances, 
ne fonctionna pas avec succès, probablement à cause de l'im- 
perfection de son installation. Il fut presque aussitôt aban- 
donné que connu, et remplacé par une autre machine dans 
laquelle le moteur était la force élastique de la vapeur d’eau. 

Ce n’est qu'après de longs tâtonnements et des observations 


— 334 — 


souvent répétées, que Papin reconnut la possibilité de faire 
mouvoir un piston dans un tube par l'effet de la vapeur, et 
d'entraîner ensuite un poids plus ou moins lourd en sens 
opposé au mouvement de ce piston, par l’action de la pression 
atmosphérique, après la condensation de la vapeur au-dessous 
du piston, dans le corps de pompe. C'était un problème diffi- 
cile à résoudre, et sa solution, véritable inspiration de génie, 
a immortalisé son auteur! Il entrevit, en effet, dès le début, 
quel parti on pourrait tirer de cette force, car il dit lui-même: 
« Comment peut-on employer cette force pour tirer hors des 
mines l’eau et le minerai, pour lancer des globes de fer à de 
grandes distances, pour naviguer contre le vent et faire beau- 
coup d’autres applications? Chacun, dans l’occasion, imagi- 
nera un système de machines approprié au but qu’il se pro- 
pose (t).» Ce fut l'unique objet de ses préoccupations; car il 
fit construire et organiser, quelque temps après, un appareil 
destiné à faire mouvoir un bateau qui devait être essayé sur 
la Fulda, rivière de la Hesse-Electorale. 

Des dissensions survinrent entre lui et des personnages 
influents de Marbourg, qui s’intéressaient au succès de son 
entreprise. Il se découragea, et prit la résolution de quitter 
l'Allemagne pour revenir en Angleterre essayer de nouveau 
ses expériences de navigation à vapeur. 

C’est le philosophe Leïbnitz, son ami, qu’il chargea de né- 
gocier son départ avec l'électeur de Hesse, son protecteur et 
son appui. La question se compliquait du passage du bateau 
de Papin de la Fulda dans le Weser; il y avait des forma- 
lités à remplir, des droits à payer, et le mauvais vouloir d’une 
association de bateliers à prévenir. On discuta et l'autorisation 
pour le passage du bateau fut refusée. 

Cette résolution causa un profond chagrin à notre inventeur, 
et recula pour longtemps encore le triomphe de son idée et la 
vulgarisation de sa découverte. Il écrivait à cette époque : 


@) Actes des érudils de Leipsig. 


LA‘ T4 


— 335 — 

« L'expérience de mon bateau a été faite; elle a réussi de la 
manière que j espérais. La force du courant de la rivière était 
si peu de chose, en comparaison de la force de mes rames, 
qu'on avait de la peine à reconnaître qu'il allait plus vite en 
descendant qu'en montant. Si Dieu me fait la grâce d'arriver 
heureusement à Londres, et d'y faire des vaisseaux de cette 
construction qui aient assez de profondeur pour appliquer la 
machine à feu à donner le mouvement aux roues, je suis 
persuadé que nous pourrons produire des effets qui paraîtront 
incroyables à ceux qui ne les auront pas vus. » . 

Toutes ses espérances s'étaient concentrées sur le succès de 
cette invention. C'était le rêve de sa vie entière, le résultat de 
ses travaux et de ses méditations de vingt années; il touchait 
à la fortune, à la gloire peut-être, s’il parvenait à montrer à 
Londres cet appareil naviguant par l'action de la vapeur. 
Hélas ! tant de bonheur ne lui était pas réservé; il eut la 
douleur de voir son œuvre brisée par les bateliers qui lui 
refusaient l'entrée du Weser, en prévision du dommage que 
pourrait leur causer cette invention si elle arrivait à être 
appliquée et utilisée. 

Ce fut la dernière épreuve qu'il put supporter. Affaibli par 
l’âge et les maladies, il regagna tristement l'Angleterre, où il 
n'eut même plus la consolation de retrouver ses anciens amis. 
Cependant la Société royale lui vint encore en aïde et lui 
donna le pain de chaque jour; mais il n'eut plus les ressources 
nécessaires pour s'occuper de ses inventions; et, pour lui, 
vivre sans exercer son esprit à imaginer quelque appareil 
nouveau, c'était ne pas exister. Il mourut, en 1714, pauvre, 
oublié, loin de sa patrie et de sa famille, et la postérité qui lui 
élève des statues ignore où reposent ses cendres ! 

Les travaux de Papin sont marqués au cachet du génie, et 
quoiqu'on ait voulu contester ses découvertes, il n'en reste 
pas moins acquis à la science que le monde lui est redevable 
de la première idée pratique de la navigation à vapeur. 

Les idées que Papin avait semées dans presque toute l’Eu- 


— 336 — 
rope portèrent leurs fruits. On s’occupait de les réaliser et de 
les perfectionner en Allemagne, en Italie, en Angleterre et en 
France. C'était un Français qui avait découvert le principe, 
ce furent aussi des Français, nos compatriotes, qui les pre- 
miers l'appliquèrent. 

MM. d'Auxiron et de Follenai, capitaines tous deux dans la 
légion de Lorraine, étaient nés à Besancon, le premier en 1731, 
et le second en 1734. Amis d'enfance, élèves de l'Ecole d’ar- 
tillerie, savants l’un et l'autre, ils s'occupaient activement des 
questions à l’ordre du jour parmi les savants en 1772, et ils 
avaient formé le projet de construire des bateaux capables de 
remonter le cours des fleuves et des rivières au moyen de la 
pompe à feu. 

M. d'Auxiron rédigea les plans, prépara les devis des dé- 
penses, puis se rendit à Paris pour communiquer son projet 
au gouvernement et demander le privilége d'une concession 
de navigation libre et exclusive, pendant quinze années, sur 
toutes les rivières de France. Tandis qu'il s'occupait de ces 
projets et faisait construire un bateau à vapeur, M. de Follenai 
cherchait des actionnaires parmi ses amis, pour constituer un 
capital social à l’aide duquel ils pourraient mener à bonne fin 
leur entreprise. 

C'est à l’île des Cygnes, sur la Seine, près de Paris, que fut 
construit le premier bateau destiné à naviguer par l’action de 
la vapeur. Il était, d'après des documents authentiques, muni 
d'une chaudière, d'un arbre garni de roues, et ajusté de facon 
à imprimer le mouvement. 

Le jour de l'inauguration était attendu avec une impatience 
facile à comprendre : les inventeurs, les actionnaires, les cu- 
rieux et les incrédules en grand nombre pressaient l'ingénieur 
d'en finir et de montrer par des faits que son problème était 
résolu, lorsqu'en 1774, à la veille des épreuves décisives, le 
bateau fut submergé. 

D'Auxiron fut accusé d’avoir détruit son œuvre dans la 
crainte d'un insuccès. Poursuivi par ses associés et par les 


— 331 — 
ouvriers qui avaient contribué à la destruction de leur travail, 
il fut obligé de se cacher pour se soustraire à ces menaces et 
même à l’'emprisonnement. Il fut, par cet acte de méchanceté 
inouie, découragé, ruiné et réduit aux aboïis, selon sa propre 
expression. Il mourut peu de temps après, à l'âge de 47 ans. 

D'Auxiron mort, son idée ne devait pas disparaître avec 
lui. Son associé, M. de Follenai, partageait l'enthousiasme de 
l'inventeur, et il se mit en devoir de trouver un continuateur 
de leur projet. Ce fut Claude de Jouffroy d'Abbans qu'il 
choisit. Dans cette circonstance encore, un hasard heureux 
réunit ces hommes qui, sans se connaître, poursuivaient la 
même idée. 

M. de Jouffroy, né à Roche-sur-l'Ognon (Haute-Saône), le 
30 septembre 1750, débuta, comme MM. d'Auxiron et de 
Follenai, par la carrière des armes. A vingt ans il était sous- 
lieutenant au régiment de Bourbon. Exilé pour une affaire 
d'honneur aux îles Sainte-Marguerite, il occupa ses loisirs à 
observer et à étudier les galères à rames. La difficulté de ce 
mode de navigation le frappa, et l’idée de substituer aux 
rames un moteur plus fort et moins assujétissant pour 
l'homme lui vint à l'esprit. C'était en 1774 que, sur les bords 
d'une île de la Méditerranée, notre compatriote cherchait un 
nouveau moyen de navigation, pendant que la même année, 
en même temps, d'Auxiron et de Follenai faisaient construire 
à Paris un bateau destiné au même but. 

M. de Follenai était lié d'amitié et en relations de bon voi- 
- sinage avec le père de Claude de Jouffroy. Ces rapports ser- 
virent de trait d'union entre les deux inventeurs, et dans un 
voyage à Paris, Jouffroy y rencontra d'Auxiron et de Follenai, 
qui s'étaient réunis à Chaillot, chez les Périer, pour examiner 
une machine de Watt, récemment importée d'Angleterre et 
connue sous le nom de pompe à feu de Chaillot. C'est là que 
firent connaissance les hommes dont les efforts réunis allaient 
doter le monde d’un moyen de locomotion dont les effets sont 
merveilleux. 


— 338 — 


Dans cette réunion, d'Auxiron exposa les procédés qu'il 
faisait mettre en pratique pour la construction du bateau dont 
nous avons parlé. Périer les critiqua et décrivit un méca- 
nisme dont l'infaillibilité lui paraissait évidente. Jouffroy 
avait aussi ses vues particulières, qu'il développa à son tour 
et qui parurent bonnes à d’Auxiron, car il l’encouragea à les 
appliquer, et lui écrivit en mourant : « Courage, mon ami, 
vous seul êtes dans le vrai! » 

De Jouffroy quitta Paris, revint en Franche-Comté, et, aidé 
du chaudronnier de son village, il construisit, en 1776, une 
machine qu'il adapta à un bateau. 

L'embarcation avait 13 mètres de longueur sur 1,95 delar- 
geur. Au milieu était installée une machine de Watt à simple 
effet. Elle mettait en mouvement un système de roues arti- 
culées qui constituaient l'appareil moteur du bateau. La 
transmission du mouvement se faisait au moyen d’une chaîne 
de fer attachée au piston de la machine. Cette chaîne s’enroulait 
sur une poulie pour venir se fixer au chassis formant la rame. 
Ce chassis était formé de deux lames en bois, indépendantes 
l'une de l'autre, réunies à une tige. qui les assujétissait au 
bateau. Un contrepoids placé à l'extrémité du chassis le rame- 
nait à l’avañt pendant le mouvement d'ascension du piston, et, 
dans ce mouvement, les lames se rapprochaient d’elles-mêmes 
par suite de la résistance de l'eau. La condensation de la va- 
peur ayant opéré le vide dans l’intérieur du cylindre, la pres- 
sion atmosphérique entraiînait le piston jusqu'au bas de sa 
course, et, par suite, la traction de la chaîne ramenait la rame 
contre les flancs du bateau, tandis que les lames mobiles s’ou- 
vraient, de manière à présenter toute leur surface à la résis- 
tance du fluide. 

Cette embarcation naviguait sur le Doubs, entre Baume- 
les-Dames et Montbéliard, pendant les mois de juin et de 
juillet de l’année 1776. Il y a donc actuellement 94 ans qu’un 
essai de navigation à vapeur se faisait dans motre province et 
illustrait, par une œuvre imparfaite à la vérité, mais portant 


— 339 — 


néanmoins le cachet d'une grande invention, l’un des membres 
d'une des plus nobles et des plus anciennes familles de notre 
pays. 

C'était un début heureux et encourageant pour notre inven- 
teur; mais l'ambition de M. de Jouffroy ne se bornait pas à 
donner aux habitants de Baume-les-Dames le spectacle inté- 
ressant d'une embarcation mise en mouvement par un pro- 
cédé qui, en ce temps, paraissait tenir du prodige. Il voulait 
utiliser sa découverte et en recueillir les avantages, tout en 
rendant un grand service à son pays. 

Pour atteindre ce but, il fallait d'abord modifier l'appareil 
moteur de façon à en rendre le mouvement continu, d'inter- 
mittent qu'il était, ensuite construire un bateau de dimensions 
et de force suffisantes pour affronter les grands fleuves et servir 
au transport des voyageurs et des marchandises. 

La première condition se trouva remplie par la substitution 
des roues à aubes aux rames articulées, et par l'addition d’un 
cylindre accouplé à celui de la première machine. C'était, 
sans tâtonnements et par une inspiration de génie mécanique, 
la machine fixe de nos jours, avec ses deux corps de pompe, 
son tiroir pour livrer passage à la vapeur et un réfrigérant 
pour la condensation. 

C'est à Lyon que fut construit ce premier pyroscaphe, sur 
les plans et d’après les dessins de Jouffroy : entreprise colos- 
sale, eu égard aux ressources dont on disposait à cette époque 
et aux difficultés qu'il fallait vaincre ! Les dimensions du ba- 
teau étaient considérables ; 11 mesurait 46 mètres de longueur, 
4,50 de largeur et jaugeait 300 tonneaux. 

Le monde savant se joignit à la foule des curieux pour 
assister à l'inauguration de ce bateau à vapeur, qui remonta la 
Saône de Lyon à l'île Barbe. Jamais expérience de cette nature 
n'avait été vue dans cette grande cité, et la foule émerveillée, 
encombrant les quais de la Saône, les ponts, les toits des maï- 
sons, battait des mains, poussait des cris de joie et d’approba- 
tion, en voyant cette grande embarcation se mouvoir sans le 


— 340 — 


secours des hommes, sous l’action d'un mécanisme auquel 
l'imagination prêtait tout le merveilleux possible. 

Acte fut pris de cette expérience et de sa réussite par des 
membres de l’Académie de Lyon, qui rédigèrent un procès- 
verbal dont la minute se trouve encore chez un notaire de 
cette ville. C'est le 15 juillet 1783 qu'eut lieu cet essai décisif 
de la navigation à vapeur en France. 

Consignons cette date mémorable avec orgueil pour notre 
pays, et avec reconnaissance pour l’homme de génie qui, fort 
de sa conviction et confiant dans son idée, a bravé la raillerie 
et souffert la misère pour doter le monde d'une invention 
qui, en moins d’un siècle, devait transformer les relations 
sociales ! 

Une découverte n'est appréciée et ne vaut qu'en proportion 
de son utilité. Nous savons aujourd'hui, par une expérience 
de plus de quatre-vingts ans, ce que renfermait de promesses 
et d'avantages celle de M. de Jouffroy ; mais il devait subir le 
sort fatal réservé à la plupart des inventeurs célèbres, et ne 
recueillir que déceptions et mécomptes. En effet, la jalousie et 
le mauvais vouloir de ceux qui étaient chargés de juger son 
œuvre et d'apprécier son travail furent un obstacle sérieux à 
l'appui qu'il réclamait du gouvernement; on lui refusa le 
privilége qu'il sollicitait. 

La condition d'un monopole de trente années pour l'exploi-. 
tation de la navigation à vapeur sur les rivières et les fleuves 
de France était exigée par une compagnie financière qui se 
chargeait, à ce prix, de la construction et de la mise en œuvre 
des bateaux à vapeur. La requête de M. de Jouffroy au mi- 
nistre de Calonne fut renvoyée à une commission composée 
de trois membres de l’Académie des sciences; mais celle-ci, 
ne voulant pas ajouter foi aux témoignages venus de Lyon, 
demanda de nouvelles expériences. C'était une fin de non- 
recevoir provoquée par Périer qui, consulté quelques années 
auparavant sur les chances de succès que présentait l'inven- 
tion de M. de Jouffroy, l'avait déclarée impraticable. Sa no- 


— 341 — 
toriété comme académicien et grand industriel donnait un 
poids considérable à l'opinion qu'il émettait. On exigea donc 
de nouveaux essais faits à Paris même, et par suite la néces- 
sité pour M. de Jouffroy d'exécuter un nouveau modèle de 
son bateau, et de le conduire à Paris pour le soumettre à 
l'épreuve que réclamaient les académiciens. 

L'inventeur avait épuisé les faibles ressources que ne lui 
avaient pas enlevées l'orage révolutionnaire et ses entreprises 
dispendieuses. Il était revenu à Abbans, où, sans maudire sa 
mauvaise fortune et les hommes qui entravaient ses succès, il 
se mit à construire le petit modèle de bateau qu'il voulait 
soumettre à l'examen des académiciens. Il écrivait en 1801 à 
M. de Follenai, son associé, une lettre qui peint sa situation, 
et dont je vais citer quelques passages : 

« Comme on me demande un petit modèle, je travaille fort 
à celui que j'ai commencé. J'y mets tous mes soins; j'espère 
qu'il satisfera tous ceux qui le verront. Je suis presque décidé 
à le porter moi-même à Paris. Je chargerais sur mon chariot 
deux muids de mon vin blanc vieux, et nous deux Ferdinand 
nous le conduirions à Paris avec le reste de l’eau de cerises-et 
le modèle. » 

Spectacle étrange qu'’eût offert ce gentilhomme savant et 
pauvre, conduisant à longue distance et à petites journées la 
machine qui, dans peu de temps, appliquée aux chemins de 
fer, dévorera l'espace et effacera les distances ! 

Ce projet de voyage ne fut pas réalisé. M. de Joufiroy se 
contenta d'envoyer son modèle réduit au 25° du bateau qui 
naviguait à Lyon; mais, de parti pris, on le trouva défectueux 
et on le mit de côté sans examen. 

Depuis cette époque jusqu'en 1813, M. de Jouffroy se 
préoccupa de constituer une société d'actionnaires qui pussent 
se joindre à lui et réaliser des capitaux pour tirer parti de son 
invention. Le retour des Bourbons lui fut favorable. Il obtint 
un brevet d’inventeur et l'appui marqué du comte d'Artois, 
qui donna son nom (Charles-Philippe) à un nouveau bateau = 


— 342 — 
lancé sur la Seine en 1817, en présence de son illustre par- 
rain, des princes de la cour, de plusieurs savants et d’un 
nombre considérable de spectateurs. 

Entre temps, les idées et les travaux de M. de Jouffroy, si 
fort débattus, si mal accueillis en France, avaient été observés 
et appréciés ailleurs. L’Angleterre et surtout l'Amérique s'en 
emparèrent, les mirent à profit, et, pendant que l'on discutait 
chez nous, Fulton construisait un bateau semblable à celui de 
M. de Jouffroy, inaugurant ainsi la navigation à vapeur sur 
les grands fleuves de l'Amérique. I n’a jamais d'ailleurs re- 
vendiqué la priorité de l'invention, et il dit lui-même que la 
gloire en revient à l’auteur des expériences faites en 1783, 
sur la Saône, à Lyon. 

Le 4 mai 1840, une commission de l'Académie des sciences, 
composée de MM. Arago, Charles Dupin, Poncelet et Séguin, 
chargée de rendre compte d’un nouveau système de naviga- 
tion présenté par M. le marquis Achille de Jouffroy, s'expri- 
mait en ces termes : 

« Fils de l’homme qui le premier réalisa pratiquement 
l’immortelle pensée de Papin, M. Achille de Jouffroy n'a pas 
cessé d’avoir les yeux fixés sur l'œuvre de son père : jaloux de 
faire des progrès de la vapeur une gloire de famille, il s'ef- 
force d'y apporter son contingent personnel. » 

Par cette déclaration, le premier tribunal scientifique du 
monde a rendu hommage au génie de notre compatriote et 
conslaté d'une manière définitive les droits de notre pro- 
vince à l’une des plus grandes et des plus utiles découvertes 
des temps modernes! 


LES GORREVOD 
ET LEUR SÉPULTURE DANS L'ÉGLISE DE MARNAY 


PAR M. JULES GAUTHIER 


ARCHIVISTE DU DEPARTEMENT DU DOUBS 


Séance publique du 46 décembre 1869. 


On chercherait vainement aujourd’hui les tombeaux somp- 
tueux qui recouvraient autrefois, dans les cloîtres de nos 
abbayes et les chapelles de nos églises, la sépulture des grandes 
familles de cette province. Presque innombrables il y a quel- 
ques siècles, les dalles historiées; les statues agenouillées ou 
gisantes qui représentaient l'image des nobles seigneurs et des 
prélats francs-comtois, les inscriptions qui redisaient leurs 
titres et leur fortune, ont péri pour la plupart. Avec ces richésses 
artistiques qui peuplaient nos églises, a disparu le souvenir 
des personnages dont elles devaient immortaliser le nom, et 
les quelques monuments de ce genre qui subsistent, souvent 
défigurés ou incomplets, font regretter davantage, par les ren- 
seignements précieux qu'ils fournissent et les souvenirs qu'ils 
rappellent, la perte de ceux que le temps a détruits. 

C'est un vrai service rendu à notre histoire que la décou- 
verte on la restauration d’une de ces tombes : aussi chacun 
doit-il applaudir à la pensée intelligente qui vient de restaurer 
dans la vieille église de Marnay, et cela après deux siècles 


— 344 — 


d'oubli, un monument élevé à la mémoire des derniers sei- 
gneurs de la maison de Gorrevod (1). 

Une charmante statue de la Vierge en albâtre florentin, 
supportée par une élégante pyramide à quatre étages d'archi- 
tecture italienne, une inscription sur marbre blanc nommant 
les trois personnes qui reposent encore dans le caveau sei- 
gneurial, c'est là tout le monument. 

Sa simplicité contraste avec la splendeur passée de la famille 
dont il recouvre la tombe, famille qui a fourni à la province 
des personnages aussi célèbres naguère qu’ils sont inconnus 
maintenant. 

Après avoir vu exhumer les restes des Gorrevod, il nous est 
venu la pensée d'exhumer aussi leur histoire, et nous avons 
cru qu'au moment où l'on relevait leur tombeau, c'était le cas 
de rappeler leurs services et leur gloire, aussi oubliés que leur 
nom. 

D'origine bressanne (?), la maison de Gorrevod avait été, 
au seizième siècle, transplantée sur le sol franc-comtois par 
Marguerite d'Autriche. Dans la pléiade d'hommes d'Etat qu'a- 
vait su créer autour d'elle Le génie de cette princesse, son plus 
cher conseiller et son plus intime confident était le gouverneur 
de Bresse, Laurent de Gorrevod. Associé par elle à la direction 
politique des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, comme 
chef de ses finances et membre de ses conseils, Laurent par- 
tagea bientôt la prédilection de Marguerite pour notre province. 
Il y avait acquis d'importantes seigneuries : il y éleva à Marnay 
une demeure princière; ses fréquents ‘séjours en Franche- 


(:) C'est aux frais et par les soins de M. le duc Roger DE BAUFFRE- 
MONT, représentant actuel de la maison de Gorrevod, que s'est faite La 
restauration du caveau seigneurial et du monument qui le surmonte, 
dans la chapelle reconstruite au seizième siècle, sous le vocable de saints 
Pierre et Paul, par Laurent Ier de Gorrevod. Cette chapelle, située-à 
gauche du chœur de l'église de Marnay, est connue maintenant sous le 
nom de chapelle de Notre-Dame du Château. 

() Guicnenon (Hist. de Bresse, 3° partie, pp. 190 et HAUTES donne la 
généalogie des Gorrevod. 


— 345 — 
Comté, les relations qu'il y entretint, les services qu'il sut lui 
rendre, y eurent bientôt fait oublier pour lui la méfiance et la 
jalousie qu'excita souvent une origine étrangère. 

Mêlé aux grandes affaires politiques, à tous les traités im- 
portants que le commencement du seizième siècle vit conclure 
en Flandre, en Autriche, en Espagne, Laurent de Gorrevod 
fit remarquer partout la loyauté et l'énergie de son caractere, 
aussi bien que la sagesse de ses conseils (1). 

En 1513, il était au siége de Thérouanne avec Maximilien (?); 
en 1518, il assistait, à Valladolid, au couronnement du jeune 
roi d'Espagne, que la mort de son aïeul et le vote des grands 
électeurs élevait quelques mois plus tard à la dignité impériale 
sous le nom de Charles-Quint. Après avoir négocié, en com- 
pagnie de Perrenot de Granvelle et du président Hugues 
Marmier, la neutralité entre la Franche-Comté et la Suisse (#), 
on le voyait, en 1525, délibérer aux conférences de Tolède, 
et signer le traité de Madrid, qui délivra François I‘ de sa 
captivité (+). 

Le collier de la Toison-d’Or (*), les titres de grand-maïître 
de la maison de Charles-Quint (f), de maréchal de Bourgogne, 
de duc de Nele en Italie, de comte de Pont-de-Vaux en Bresse (?), 
furent la récompense de ses services. Son crédit, tout-puissant 
auprès de l'Empereur et de sa tante dont il recevait sans cesse: 
des marques de bienveillance et d'affection, s'employaït volon- 
tiers à servir les intérêts d'une province dont, par adoption, il 


@) Le Gray, Négociations entre la France el l'Autriche, t, I, p. xxIx. 

(2) In., 2bid., t. I, pp. 534-538, et t. II, p. 240; — Correspondance de 
Marguerite d'Autriche et de Maximilien, t. IT, pp. 196, 197, 230, 314, etc. 

(5) Inventaire des titres de la maison de Chalon : titres généraux G, 68 
(Archives du Doubs). 

(*) GozLur, édit. Duvernoy, col. 1611. 

(5) Ip., col. 1107, no 132. 

(5) Pièce justificative no I. — La plupart des diplômes qui conférèrent 
à Laurent [er toutes ces dignités sont conservés aux archives du château 
de Scey-sur-Saône. 

(*) Gurcmenow, Hist. de Bresse, 3° partie, pp. 190 et suiv. 


28 


—- 340 —- 

était devenu citoyen. Besancon, . où il avait acquis droit de 
bourgeoisie; Dole, où souvent il était venu apporter au parle- 
ment les ordres de l’archiduchesse ; Salins, dont il était 
vicomte depuis 1520, avaient en lui un puissant appui à 
Madrid et à Bruxelles. Protecteur dévoué de tous les Francs- 
Comiois qui venaient briguer les emplois de la cour, il ouvrit 
à plusieurs d'entre eux le chemin de la fortune, et si les 
hommes d'Etat qui lui succédèrent l'ont éclipsé par leur répu- 
tation, on ne doit pas oublier que Laurent de Gorrevod 2x 
préparé leur carrière et encouragé leurs débuts. 

En 1527, averti par la vieillesse des approches de la mort, 
Laurent, qui venait de perdre sa fille unique, régla, dans son 
château de Marnay, ses dispositions dernières. Deux ans plus 
tard, au lendemain de la paix de Cambrai, dont il avait arrêté 
les bases comme plénipotentiaire de l'Empereur, Laurent de 
Gorrevod expirait à Barcelone. Comme les Granvelle, dont il 
avait été le précurseur, il mourait sur la terre étrangère, fidèle 
à ses maîtres jusqu'au dernier soupir. 

La mort ne le sépara point de la souveraine au service de 
laquelle il avait consacré sa vie : son corps fut ramené à 
Bourg, où, dans la merveilleuse église dont il avait lui-même 
dirigé la construction (!), Marguerite d'Autriche avait réservé 
une chapelle et une tombe au plus dévoué de ses serviteurs. 

Besancon et les villes du comté de Bourgogne envoyèrent 
des députés porter à sa veuve des témoignages de sympathie, 
et nommèrent des représentants pour assister à ses funé- 
railles (?). On s'y souvint longtemps des services qu avait 
rendus à l'Empire et à la Franche-Comté le grand-maître de 
la maison de Charles-Quint. 

La Révolution, qui respecta l'albâtre du tombeau de Mar- 
guerite d'Autriche, a fait disparaître le splendide mausolée de 
bronze du baron de Marnay; mais son image est restée peinte 


() J. Baux, Histoire de Brou. 
(?) Délibérations de la commune de Besancon, ann. 1529. 


E. 


— 347 — 
sur les frêles vitraux de Brou, où l’on voit encore sculptées 
contre les murs de sa chapelle ses armoiries et sa devise : 
Pour jamais. 

La splendeur dont le nom des Gorrevod avait brillé du 
vivant de Laurent I*, continua, entretenue par de riches 
alliances, chez les héritiers de sa fortune. Son frère Louis, 
évêque de Maurienne, avait obtenu de Léon X la pourpre de 
cardinal; son neveu Jean de Gorrevod hérita, à la cour de 


l'Empereur, de sa faveur et de ses titres (1). Des trois fils que 


ce dernier laissa, l’un, Francois, vicomte de Salins, vécut en 
simple gentilhomme dans ses terres de Franche-Comté; le 
second, Antoine, chassé par la Réforme de son évêché de 
Lausanne, gouverna cinquante ans l'abbaye Saint-Paul de 
Besançon où une inscription rappelle encore ses qualités et 
ses bienfaits (?). L'ainé, qui se nommait Laurent comme son 
erand-oncle, fut maréchal et gouverneur du comté de Bour- 
gogne. Vrai guerrier, on le vit couvert de blessures et de 
gloire dans toutes les guerres entre l'Empire et la France. 
Prisonnier au siége de Metz, il ne sortit de captivité que pour 
devenir grand-maître de l'artillerie impériale, et décider par 
sa valeur le gain des batailles de Cambrai et de Saint-Quen- 
tin (#). Une mort glorieuse, au siége de Genève où il accom- 
pagnait le duc de Savoie son suzerain, mit fin, en 1589, à 
cette carrière toute chevaleresque. 

Laurent IT ne laissait qu'un fils, Charles-Emmanuel. Celui- 
ci, dernier chef de sa maison, repose à Marnay sous le monu- 
ment que nous décrivions tout à. l'heure. Après avoir nommé 
ses ancêtres, il ne nous reste plus qu'à esquisser sa vie et qu'à 
raconter sa mort. 

. Franc-Comtois par sa mère, Péronne de la Baume, sœur 


°@) Duxon (Hist. du comté de Bourgogne, t. II) donne la généalogie des 
Gorrevod. 


(?) A. Ducar, Notice sur l'abbaye Saint-Paul, dans les Annales franc- 
comtoises. 


(8) Il mourut en 1544 et fut enterré à Brou (Pièce justificative no Il), 


— 348 — 

d'un archevêque de Besancon (!), Charles-Emmanuel était né 
à Bourg en 1569. Le duc de Savoie et la duchesse Marguerite 
de France l'avaient tenu sur les fonts du baptême; il passa 
à leur cour comme page, puis comme gentilhomme de la 
chambre, les premières années de sa jeunesse. Ses brillants 
débuts dans la carrière des armes lui avaient valu le com- 
mandement d'une compagnie des ordonnances (?), quand la 
réunion de la Bresse à la France l'obligea de quitter la cour 
de Savoie. | 

Les relations anciennes qui unissaient sa famille aux mai- 
sons régnantes d'Autriche et d'Espagne lui firent choisir de 
préférence le service des archidues qui gouvernaient alors la 
Franche-Comté et les Pays-Bas (*). La haute naissance, la 
bravoure déjà connue du jeune officier, lui ménagèrent, à 
Bruxelles, le plus sympathique accueil : ses heureuses qua- 
lités lui concilièrent rapidement l'estime et l'affection des 
princes et lui méritèrent leur faveur qu'une heureuse circons- 
tance ne fit qu'accroître. 

A la bataille de Nieuport, où il avait suivi l'archiduc Albert, 
Charles-Emmanuel sauva par son courage la vie et la liberté 
de son maitre qu'un cavalier ennemi emmenait prisonnier. 
La reconnaissance du souverain fut à la hauteur de ce service. 
Après l'avoir attaché à leur personne comme gentilhomme, 
avoir érigé en sa faveur le marquisat de Marnay, les archiducs 
l'appelèrent à siéger dans leurs conseils, le nommèrent gou- 
verneur d'une partie de leurs Etats et lui obtinrent du roi 
d'Espagne le brevet de chevalier de la Toison-d'Or. Ils auraient 
voulu le nommer gouverneur de Franche-Comté; mais pour 
ne point enlever cet office au dernier des Vergy, ils durent se 
contenter de le nommer membre du conseil qui régissait 


() Péronne était sœur de Claude de la Baume, archevêque de Besan- 
con de 1545 à 1584. 

(?) On nommait ainsi, en Savoie, les milices appelées en Franche- 
Comté Les élus. 

() Albert d'Autriche et Isabelle-Claire-Eugénie. 


— 349 — 


la province, de l'y créer baïlli d’Amont, et de l’inscrire au 
nombre des chevaliers d'honneur du parlement de Dole (1). 
Ces nouveaux liens, qui rattachèrent le marquis de Marnay 
à notre pays, n'eurent pour résultat que d'y multiplier les 
heureux effets de son influente protection et d'y faire aimer 
davantage un nom qu'on y avait toujours respecté. 

Charles-Emmanuel avait atteint à ce moment l’âge de cin- 
quante ans. Seul héritier du nom et des titres de sa famille, 
il semblait devoir être le dernier à les porter, quand il se 
décida subitement à un mariage auquel les instances de l’ar- 
chiduchesse Isabelle-Claire-Eugénie le sollicitaient dès long- 
temps. | 

Isabelle de Bourgogne, fille du comte de Falais en Flandre, 
avait dix-sept ans : sa beauté, son esprit, sa naissance lui 
valaient les hommages empressés de toute la cour de Bruxelles. 
Le duc d’Aumale, de la maison de Lorraine, le duc de Monte- 
cuculli, si célèbre plus tard dans la guerre de Trente ans, 
avaient inutilement sollicité sa main. Aussi, quand l’archidu- 
chesse proposa pour la première fois le nom du marquis de 
Marnay à sa demoiselle d'honneur, la réponse d'Isabelle avait 
été celle-ci : « Comment voulez-vous, Madame, qu'après avoir 
refusé deux ducs, je puisse épouser un marquis ! (?) » 

Mais Charles-Emmanuel de Gorrevod avait le pas sur bien 
des princes : ses démarches auprès d'Isabelle de Bourgogne 
furent agréées, et, au mois d'avril 1621, toute la cour assistait 
aux fêtes de leur mariage. Un an plus tard, l’archiduchesse 
voulut donner son nom au premier fils né de cette union, et, 
quelques mois après, la double couronne de duc de Pont-de- 
Vaux en France et de prince du Saint-Empire d'Allemagne, 
put consoler Isabelle d’avoir épousé un simple marquis. 


(") Patentes des 8 novembre 1608 et 21 septembre 1624 {3e et 4° vol. des 
Actes importants du parlement de Dole, aux Archives du Doubs, série B). 

(?) Nous extrayons la plupart de ces détails d’une chronique rédigée. 
au commencement du dix-huitième siècle, par un carme déchaussé du 
couvent de Marnay et conservée aux archives de la Haute-Saône. 


— 350 — 


La vie active du marquis de Marnay s'était passée presque 
entière dans le tumulte des camps et l'agitation des cours. 
Rassasié d'honneurs et de dignités, ce fut en Franche-Comté 
qu'il vint goûter le bonheur, nouveau pour lui, de la vie de. 
famille, bonheur dont il ne devait pas jouir longtemps. Son 
château de Marnay, célèbre par ses hautes tours, ses toits de 
cuivre doré, ses vastes salles meublées de riches tapisseries et 
de précieux tableaux des peintres de Flandre et d'Italie, pas- 
sait alors pour la merveille de la province. Depuis un an déjà, il 
s'y était retiré avec son épouse et leurs trois enfants, quand une 
cruelle maladie vint l'y surprendre dans la maturité de l’âge. 

En quelques jours, les médecins appelés de Besançon déses- 
pérèrent de sa vie. Entouré de ses amis convoqués en toute 
hâte, consolant Isabelle impuissante à cacher son désespoir, 
Charles-Emmanuel vit venir la mort sans la craindre et s’y 
prépara sans faiblir. On l'entendit dicter d’une voix calme, à 
son ami l'avocat Brun, le célèbre diplomate (!), l'expression 
de ses dernières volontés. A l'aîné de ses enfants, Philippe- 
Eugène, il laissait, avec ses terres de Bresse, sa bonne épée 
qui avait sauvé l’archiduc Albert à Nieuport; réservant au 
second de ses fils, Charles - Emmanuel, son marquisat de 
Marnay et ses terres de Bourgogne, il léguait à sa fille Made- 
leine et à sa chère Isabelle le surplus de ses biens, ne prélevant 
sur leur part que quelques tableaux et quelques bijoux pour 
ses parents et ses compagnons d'armes. 

Le 4 novembre 1625, à huit heures du soir, après avoir 
embrassé une dernière fois ses enfants et leur mère, adressé 
un dernier adieu à ses amis et à ses serviteurs, très haut et très 
puissant seigneur Charles-Emmanuel de Gorrevod, prince du 
Saint-Empire, expirait sous le froc de carme déchaussé qu'il 
avait voulu revêtir à ses derniers instants (?) 


() L’original de ce testament existe aux archives de Scey-sur-Saône : 
une copie se trouve aux Archives du Doubs, papiers de commune. 
série E, Fourg. 

(?) Manuscrit des carmes de Marnay cité plus haut. 


— Jo! — 

On respecta le désir qu'il avait manifesté dans son testa- 
ment; et, sans pompeuses funérailles, on descendit son corps 
dans le caveau de sa chapelle de Marnay. Au lieu du tombeau 
fastueux que semblaient réclamer sa naissance et sa fortune, 
une simple pierre sans inscription, et le monument qu'on 
relevait il y a quelques semaines, marquèrent seuls l'endroit 
de sa sépulture. 

Veuve à vingt-deux ans, Isabelle de Bourgogne comprit de 
suite ses devoirs de mère. Fidèle à la mémoire de son époux, 
elle repoussa dignement les démarches tentées auprès d'elle, 
et se consacra à l'éducation de ses enfants avec un dévouement 
dont ses contemporains ont rendu témoignage (!). La mort 
de sa fille, le départ de ses fils, étudiants des universités de 
Dole et de Fribourg, la laissèrent bientôt seule dans sa tristesse, 
auprès de la tombe de son époux. Elle ne quitta plus Marnay. 
C'est à peine si les calamités de la guerre de Dix ans l’éloi- 
enerent un moment de son château. 

Son fils aîné, Philippe-Eugène, avait dû, sous la menace 
d'une confiscation de ses terres de Bresse, quitter le service de 
son pays pour celui de la France, et porter à Lens et à Rocroy, 
glorieusement il est vrai, mais contre l'Espagne, l'épée que 
son père avait illustrée à Nieuport. 

Fidèle à la maison d'Autriche, dont le sang coulait dans ses 
veines, Isabelle reporta toute son affection sur son second fils 
Charles-Emmanuel. Entré dans les ordres, devenu abhé de 
Monthenoît et de Baume, celui-ci obtint de bonne heure le 
poste éminent de haut doyen de Besancon. L'archevêché étant 
venu à vaquer en 1658, les suffrages du chapitre y élurent le 
marquis de Marnay. Déjà en possession du temporel de son 


() Voici une phrase de Girardot de Noseroy, qui confirme encore ce 
que d’autres documents nous ont révélé : « Le marquis de Marnay, qui 
avoit appry la cour et l’estat en la maison des archiducs Albert et 
Isabelle, et avoit tesmoigné sa valeur en la bataille de Niéuport, estoit 
naguère décédé, ayant laissé trois petits seigneurs soub la conduitte 
d’une vertueuse mère. » (Guerre de Dix ans, p. 75.) 


LL pp 
siége, le nouveau prélat n'attendait plus que li nstitution du 
pape, quand la mort le surprit à Madrid, où il négociait avec 
le roi les intérêts de son diocèse. Il avait à peine trente-six ans, 
Toute la province le regretta; la noblesse et le parlement s'em- 
pressèrent. d'exprimer à sa mère la grande part qu'ils prenaient 
à son affliction (!). | 

« Il n'est plus pour moi de consolation dans ce monde (2), » 
répondit Isabelle à tous ces témoignages de sympathie. Sa vie, 
désormais sans joies et sans espérances, s’écoula dans une 
solitude que les courtes visites de son fils Philippe-Eugène, 
vieilli obscurément dans les antichambres de Versailles, vin- 
rent rarement animer. La tristesse et la prière remplirent ses 
derniers jours, et, après avoir vu passer les deux conquêtes 
françaises qui détruisirent ses dernières affections, la marquise 
de Marnay rejoignit dans la tombe, le 9 août 1676, ceux qu eue 
avait pleurés si longtemps. 

Dix ans plus tard, la maison de Gorrevod était éteinte. Les 
deux siècles qui se sont écoulés depuis l'extinction de leur race 
ont suffi pour effacer le souvenir des Gorrevod : les châteaux 
qu'ils possédaient en Franche-Comté sont détruits ou mutilés, 
leurs domaines sont tombés en des mains vulgaires, et, dans 
les deux provinces qui se sont partagé leurs tombes, il ne reste 
plus, pour conserver le souvenir de leur splendeur passée, que 
les vitraux de l’église de Brou et le monument de Marnay (°). 


() Correspondance du parlement, aux Archives du Doubs, année 1659, 
20 août, 

(>) Pièce justficative n° II. 

(5) Nous ne pouvons penser sans regret à un acte maladroit qu'il y a 
deux ans la municipalité de Marnay a accompli, en vendant presque à 
vil prix, pour exécuter des réparations plus ou moins intelligentes dans 
son église, un splendide tableau sur bois que lui avaient laissé les Gorre- 
vod. Peint dans le style des figures d'Holbein, ce retable, composé de 
deux volets, représentait /a Messe de saint Grégoire, sujet si populaire au 
seizième siècle : les personnages, le pape, les évêques, les cardinaux, 
agenouillés devant un autel, étaient reproduits avec une puissance-de 
physionomie et une vérité d'expression qui nous avaient toujours frappé. 
Dans la partie supérieure, Jes attributs de la Passion étaient tous figurés 


— 3535 — 

Charles-Emmanuel de Gorrevod, Isabelle de Bourgogne et 
leur fille Madeleine reposent encore dans l'église de Marnay. 
Leur caractère, les services rendus au pays par eux et par 
leurs ancêtres, leur:méritaient d'échapper à l’oubli, et ce n’est 
qu'un acte de justice que l’on vient d'accomplir en recueillant 
leurs cendres et en restaurant leur tombeau. 


au-dessus des armoiries des donateurs, Laurent Ier de Gorrevod et 
Claude de Revoire sa femme. Qu'est devenu ce chef-d'œuvre abandonné 
aux mains mercenaires d'un brocanteur ? 


— 354 — 
PIÈCES JUSTIFICATIVES, 


Lettres-patentes de grand-maître de la maison de Charles-Quint, 
pour Laurent Ier de Gorrevd (1er octobre 1527). 
(Archives du château de Scey-sur-Saône.) 


Maistres de nostre hostel, maistre de la chambre aux deniers 
et contreroleur de la despence ordinaire de nostredict hostel : 
Pour la bonne expérience et congnoissance qu'avons de la 
personne de nostre très chier et féal chevalier de nostre ordre 
et maréchal de Bourgoingne le conte de Pontdevaulx, Nous 
l'avons retenu en l’estat de grand maistre de nostre hostel 
vaccant par,le trespas-de nostre vice-roy de Naples messire 
Charles de Lanoy. Si voulons et vous ordonnons que dez le 
jourd'huy, date de ceste, vous l'inscripvez audict estat ès escriz, 
livres et papiers de nostredict hostel a ce ordonnez, et le 
comptez et faictes payer doresnavant des gaiges lyvroisons et 
autres drois accoustumez et appartenans audict estat, ainsi que 
faisiez audict vice-roy et autres ses prédécesseurs en icelluy 
estat de grand maistre. Car ainsi Nous plait-il. Fait en nostre 
cité de Bourges, le premier jour d'octobre l’an mil cinq cens 
vingt et sept, 


» CHARLES. 


(Original sur papier.) 


355 — 


IT 


Notes sur la mort de Jean de Gorrevod. 
{Archives du Doubs. — Papiers de la famille Pavans de Ceccaty.) 


L'an mil cinq cent quarante quatre, le dix neufvième jour 
du mois de septembre, entre sept et huit heures devant midy, 
rendit l'âme à Dieu le noble et vertueux messire Jehan de 
Gorrevod, comte de Pont-de-Vaux, vicomte de Salins, baron 
de Marnay et de Saint-Juliain en Bresse et seigneur de Four, 
Salans, Corcondray, etc., trespassa au lieu de Pont-de-Vaux 
ledit jour, et fut son corps mené en grande solennité à Brou, 
et là fut mis en un charnier, la veille Saint-Michiel lors sui- 
vant, entre ses prédécesseurs, assavoir monsieur le grand 
maistre et madame la grande maitresse, ses oncle et tante. Et 
prions Dieu que par sa grande miséricorde les veuille colloquer 
avec ses anges en Paradis. 

Et ce a écrit un sien pauvre ancien serviteur, lequel est 
tenu prier Dieu pour son âme, et se nomme Hans Exagelen 
Vauthier, lequel prie à tous ceux qui ce verront et orront 
ayent commémoration de sadite âme en disant un De profundis, 
Pater noster et Ave Maria. Amen. 


(Original sur papier.) 


[LS 


—. 356 — 


II 


Lettre écrite par Isabelle de Bourgogne, marquise de Marnay, au par- 
lement de Dole, à l'occasion de la mort de son fils, Charles-Emmanuel 
de Gorrevod, archevêque de Besançon. 

(Archives du Doubs, Correspondance du parlement.) 


Messieurs, 


Les tesmoignages du ressentiment que vous m'avez donné 
de la perte de mon filz m'ont esté si agréables, que si j'estois 
à présent capable de recevoir quelque soulagement à mon 
desplaisir, le souvenir que vous avez eu de moy dans mon 
affliction me fourniroit le plus advantageux subjet que je 
puisse rencontrer. Mais l'estat où ceste mort impréveue m'a 
réduitte ne me permettant pas de trouver aucun moyen de 
consolations dans le monde, me prive de gouster celuy que je 
doibs tirer des marques de votre affection. Ce n’est pas, 
Messieurs, que je ne les recoive avec toute la gratitude et la 
recognoissance dont je puis estre capable, et que dans toutes 
les occasions je ne fasse cognoistre les obligations que je vous 
en ay et comment je suis véritablement, Messieurs, 


Votre très humble et très affectionnée servante, 


I. DE BOURGONGNE. 


À Marnay, le 25 aoust 1659. 


(Original sur papier.) 


NOTIEF 


SUR 


LE SCULPTEUR MONNOT 


PAR M. LANCRENON 


CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE (ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS) 


Séance du 43 novembre 1969 


La nature physique d’une contrée agit directement sur le 
moral des habitants, en déterminant chez ceux-ci des aptitudes 
dominantes qui sont particulièrement visibles dans la sphère 
des arts. C'est ainsi que les régions montagneuses, où le-sol a 
de puissants reliefs, sont surtout fécondes en sculpteurs, tandis 
que les peintres sortent en plus grand nombre des vallées 
riantes et des plaines qu'inonde la lumière. 

L'artiste dont je racontais la vie l'année dernière, Jacques 
Prévost, qui réussit principalement dans la peinture, élait né 
sur les bords de la Saône (‘). Le sculpteur dont je voudrais 
parler cette fois, Etienne Monnot, vit le jour, au contraire, 
sur l’un des plus âpres plateaux de notre Franche-Comté. 

Moxxor (Pierre-Etienne) naquit à Orchamps-Vennes en 
1658, d’une famille originaire de Besançon, qui avait quitté 
cette ville pour s'attacher à la maison de Rye, héritière de 
l’importante seigneurie de Vennes. Deux gentilshommes de 


@) Notice sur Jacques Prévost, dans les Mémoires de la Société d'Emu= 
lation du Doubs, le série, t. IV, 1868, pp. 299-307; 


— 358 — 


cette race avaient occupé de hauts emplois à la cour de 
Charles-Quint; ils avaient rivalisé avec les Granvelle pour 
l'acquisition des belles œuvres de la Renaissance, et quelqués 
productions de cette admirable époque s'étaient conservées 
dans le mobilier de leurs descendants. L'intelligence précoce 
du jeune Monnot s'illumina d'un reflet de ces merveilles, et 
sa vocation pour la sculpture fut décidée. De même que l’étin- 
celle ne jaillit du caillou que par le choc du briquet, de même 
les aptitudes de l'enfant ne se révèlent que si elles sont amor- 
cées par une vive impression produite en temps opportun : de 
là l'utilité de mettre les œuvres de grand style à la disposition 
de tous les regards. 

Mais si le goût, qui résulte de l'éducation de l'œil, peut 
naître et Jusqu'à un certain’ point se former sans l'assistance 
d'un maître, il n’en est pas de même de l'éducation de Ja 
main : celle-ci est essentiellement le fait des conseils de l'ex- 
périence, ainsi que d’une direction graduelle ét suivie. Or, à 
l'époque où Monnot dut choisir une carrière, ces dernières 
ressources manquaient totalement dans notre province. Déci- 
mée par une guerre d'extermination qui n'avait pas duré 
moins de dix ans consécutifs, la population franc-comtoise 
reconstruisait à la hâte ses villages incendiés : tremblante à la 
pensée des catastrophes de l'avenir, elle enfouissait ses maigres 
épargnes monétaires dans les mêmes cavernes où jadis elle 
s'était barricadée contre les féroces poursuites de l’armée 
franco-suédoise (!). 

Autre était la situation de nos voisins du duché de Bour- 
sogne. Rentrés depuis deux siècles dans le giron de la mère 
patrie, ils avaient joui dès lors d’un régime régulier et calme; 
et Dijon, leur capitale, continuait, sous l'égide de la France, 
les traditions de culture artistique que les derniers ducs de 


() Voir, sur cette lamentable époque (1632-1642), GirarDoT DE NosERoY, 
Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne ; Besancon, 1843, 
gr. in-8°. 


LTREGUEE 
- Bourgogne y avaient fondées. Là vivait, au temps qui nous 
“occupe, un sculpteur de mérite, nommé Jean Dubois, dont 
les ouvrages, plus expressifs que corrects, jouissent encore 
d’une certaine réputation : on connait surtout son remarquable 
groupe de la Vierge montant au ciel, dans l'église Notre-Dame 
de Dijon (!). Monnot fit ses études dans l'atelier de cet habile 
patron, et travailla sous sa gouverne, comme ouvrier, jusqu à 
l’âge de trente ans (?). 

N'ayant plus rien à apprendre de ce maître, et soucieux de 
recevoir de plus hautes lecons, Monnot eut la hardiesse de 
courir droit à l'antique métropole des arts. Paris lui eût été 
également ouvert, car, pendant son apprentissage, Louis XIV 
avait consommé l'annexion de la Franche-Comté au royaume 
de France. Mais le grand roi avait reconnu lui-même la supé- 
riorité de la ville pontificale en matière d'art, puisqu'il venait 
de créer à Rome une Académie pour le perfectionnement de 
l'élite des peintres, sculpteurs ef architectes que produisait la 
France. Un autre señtiment put encore agir sur la détermi- 
nation de Monnot : c'était l'exemple de nombreux compatriotes 
qui, antérieurement à la conquête française, avaient fait de 

- brillantes fortunes artistiques dans la ville éternelle. Les trois 
peintres du nom de Courtois (*), les sculpteurs Michel Maille 
et Villerme (‘), tous sortis de nos montagnes, avaient eu 
l'honneur de peupler de leurs ouvrages les sanctuaires et les 
galeries de Rome. Monnot eut l'ambition de marcher sur leurs 
traces et de montrer à son tour ce que peut l'intelligence servie 
par le travail. 

En qualité de Français, et surtout comme enfant d'une 


() Ch. Mureau et J. Garnier, Galerie boùrguignonne, t. I, pp. 301-302; 

(2) Trcozzr, Dizionario degli archiletti, seultori, etc., t. II, p. 468. 

(S) DEsaLLiER D'ARGENVILLE, Abrégé de la vie des plus fameuæ peintres, 
t. II, pp. 313-316. 

(*) Supplemento alla serie dei trecenio elogi e ritratti degli uomini 
ilustri in pilltura, scultura, etc., col, 944. — Dussreux, Les artistes fran: 
gais à l'étranger, pp. 344 et 347 


— 360 — 
province nouvellement conquise, Monnot put. avoir son.entréé 
à l’Académie de France et sa part dans les moyens d’instruc- 
tion que l'on y possédait. Ce fut d’ailleurs pour lui l’occasion 
de connaître les pensionnaires français qui se livraient à la 
sculpture, et de collaborer comme auxiliaire aux ouvrages qu'il 
était alors de mode de confier à ces colons, d'autant plus choyés 
qu'ils étaient nouveaux venus. Habitué à faire fléchir son 
ciseau sous la volonté d'autrui, l’ancien ouvrier de Jean 
Dubois eut de suite l'assurance du pain quotidien. ë 

Parmi les pensionnaires de l’Académie de France, aucun 
n'obtint un succès plus précoce et plus éclatant que Pierre 
Le Gros, arrivé à Rome en 1690. Il était à peine depuis cinq 
ans dans cette ville, qu'il remporta le prix d’un concours que 
les Jésuites avaient ouvert pour la décoration d'une chapelle 
consacrée au fondateur de leur ordre : le groupe prineipal, 
Saint Ignace enlevé par les anges, devait être coulé en argent 
et rehaussé de pierres précieuses; les sujets accessoires, en 
bronze ét en marbre, devaient être enchâssés dans l’or et le 
_ Jlapis. Monnot fut associé à cette œuvre, qui est demeurée 

l'idéal de l'opulence : c’est de sa main que sortirent les anges 
qui emportent le bienheureux (1). 

Le Gros fut satisfait de la collaboration de Monnot, car il 
lui continua sa confiance pour l'exécution des commandes 
ultérieures qu'il recut des Jésuites. Dans l’église de ces reli- 
gieux qui sert de chapelle à leur fameux collége, nos deux ar- 
tistes travaillèrent ensemble au tombeau du pape Grégoire XV, 
et le nom de Monnot reste attaché aux deux Renomméés qui 
couronnent le monument (?}. Ces deux Renommées remplirent 
convenablement leur office envers le sculpteur à. qui elles 
devaient la naissance. Depuis lors, en effet, Monnot eut une 


réputation faite, et les travaux vinrent directement le trouver. 
& 


(?) Ticozzi, loc. cit. — CanrTu, Histoire universelle, trad; fr, t. XNWI, 
p: 712. 


(*) Dussreux, Les artistes français à l'étranger, p. 341: 


— 361 — 

La part qu'il avait si heureusement prise au tombeau de 
Grégoire XV eut pour lui une conséquence capitale, celle de 
décider la famille Odescalchi à lui demander le mausolée du 
pape Innocent XI. Cet ouvrage était destiné à l’une des grandes 
chapelles de la basilique de Saint-Pierre, l'édifice où Michel- 
Ange a multiplié les tours de force de son génie. C'était une 
noble et lourde tâche que celle de produire un: travail digne 
d'entrer dans la compagnie de tant d2 chefs-d'œuvre : Monnot 
l'acsepta courageusement et sut la conduire à bonne fin. « Le 
tombeau d'Innocent XI, dit le voyageur Lalande, est porté 
sur deux lions de bronze : la Religion et la Justice y sont 
représentées en marbre; elles sont bien pensées et ont de 
l'expression, ainsi que la figure du pape; les draperies en sont 
bien faites; le bas-relief qui est sur le piédestal exprime la 
levée du siéce de Vienne par les Turcs, qu'on attribua en 
partie aux vœux et aux prières d'Innocent XI. Ce pape est 
en odeur de sainteté, et le peuple a coutume de baiser son 
tombeau (t). » | 

Cette grande œuvre classa Monnot parmi les célébrités de 
son époque : aussi, quand le pape Clément XI voulut remplir 
les niches de la grande nef de Saint-Jean de Latran par douze 


- statues colossales des apôtres, notre artiste fut-il désigné en 


première ligne pour coopérer à cette décoration monumentale. 
On lui confia les deux figures les plus enviées, celles de saint 
Pierre et de saint Paul (2), dont chacune lui fut payée 5,000 
écus romains, c'est-à-dire près de 18,000 livres de France (f). 

Dans une dépêche du mois de juillet 1715, adressée à son 
gouvernement, le directeur de l'Académie de France donne 
des regrets à un bon scupteur « qui, disait-il, s'est retiré près 
du prince de Hesse-Cassel, où il a de grands emplois qui lui 


() Voyage en Italie, t. XII, pp. 114-115. 
(2) Niey, Jtinéraire de Rome, trad. franc., p. 172. 


(5) Lecoy pe La Marcxe, L'Académie de France à Rome d'après la cor- 
respondance de ses directeurs, dans la Gazette des Beaux-Arts, juillet 1869. 


24 


/ 


— 362 — 
sont bien payés (‘): » Ce bon sculpteur n'était autre que nôtre 
Monnot, et le prince qui avait réussi à le détacher de Rome, 
c'était le landgrave Charles, le plus riche souverain de l'Alle- 
magne, alors occupé de créer un pare qui éclipsât celui de 
Versailles. Ce n'était pas assez pour ce prince d’avoir enrichi 
ses bosquets et ses grottes des copies en marbre de tous les 
chefs-d'œuvre de la statuaire antique, il voulait y joindre une 
œuvre originale qui fût la plus haute expression de l'art con- 
temporain. Monnot comprit tout l'honneur, mais en même 
temps toutes les obligations qui découlaient d'un tel mandat : 
aussi voulut-il avoir à lui seul la responsabilité pleine et 
entière de son exécution. Il s'agissait de construire un Bain 
de marbre qui tirât son luxe d'un nombre considérable de 
statues et de bas-reliefs allégoriques. Monnot trouvait ainsi 
l’occasion de placer honorablement plusieurs statues qui atteñ- 
daient les acheteurs dans son atelier. Désirant que rien ne 
manquât à l'édifice comme harmonie, notre artiste tint à ce 
que la totalité de l’œuvre sortit de sa pensée et de sa main : le 
statuaire dut pour cela s’improviser architecte; mais la magni- 
fique hospitalité du landgrave rendit lésère cette nécessité. 
Monnot ne mit pas moins de treize années à étudier son projet 
et à l’accomplir (?). Les connaisseurs y vantent’ particulière- 
ment une statue de Faune qui, par sa touche magistrale, 
rappelle l'antique; ils estiment moins les bas-reliefs, dont la 
composition « se ressent de la manière galante qui régnait 
alors en France (#). » Le tout était terminé en 1728. 

Le landgrave Charles ne jouit pas longtemps de ce splen- 
dide ouvrage : il mourut le 23 mars 1730, rendant ainsi à 
notre artiste la liberté de regagner l'Italie, sa patrie adoptive. 
Le travail était devenu une fonction essentielle de l'existence 


(4) Lecoy DE LA MARCHE, loc. cit. 

(*) Concurremment avec ce grand travail, Monnot exécuta, pour la 
galerie artistique de Cassel, les bustes du landgrave Charles, de son père 
et de son fils. (Note fournie par M. Henri We.) 

(*) Winkelmann und sein Jahrhundert, pp. 262-263. - 


Le ARE 


de Monnot, en même temps qu'un remède contre les tristesses 
qui accompagnent la vie (!) : aussi s'empressa-t-il de rouvrir 
à Rome l'atelier qu'il y avait laissé vacant pendant treize 
années; mais l'âge lui fit désormais un devoir de léguer à des 
mains plus jeunes les grandes entreprises. On ne connaît de 
cette dernière période de sa vie que deux bas - reliefs. qui 
accostent, dans une chapelle de Sainte-Marie de la Victoire, 
la statue de saint Joseph (?). 

Il existe à Rome un coin de terre où les colons de la 
Franche-Comté ont droit d'asile, soit pendant leur vie, soit 
après leur mort: C'est l'hospice et l'église de Saint-Claude, 
. double fondation franc-comtoise qui remonte à cette époque 
néfaste où douze mille de nos compatriotes, fuyant les horreurs 
combitées de la guerre, de la peste et de la famine, trouvèrent 
un refuge dans la capitale du monde chrétien. Il est de tradi- 
tion d'inhumer dans ce sanctuaire tout Franc-Comtois que la 
mort surprend à Rome. Entre les tombes qui y sont nom- 
breuses, il n'en est point de plus vénérée que la dalle en 
marbre blanc qui recouvre les restes de notre artiste. On y lit 
une épitaphe latine dont voici la traduction : « A la mémoire 
de Pierre-Etienne Monnot, d'Orchämps-Vennes, au comté de 
Bourgogne, d'une famille de Besançon, architecte distingué 
de son temps, sculpteur fameux par des ouvrages exécutés 
avec une rare perfection, également chéri des siens et de ses 
concitoyens, qui vécut soixante-quinze ans : tempérant, doux, 
irréprochable dans ses mœurs, il mourut le 4 août 1733; ses 
fils Nicolas et Joseph, les plus affligés de la douleur commune, 
ont élevé à leur père bien-aiïmé ce monument dans une place 
généreusement concédée par la nation comtoise. » 


@) Vers cette époque, Monnot perdit deux fils, Pierre et François, qui 
l'avaient secondé dans l'exécution du Marmorbad : François mourut à 
Cassel. (Note fournie par M. Henri Wet.) ; 

(2) Nisy, Jtinéraire de Rome, trad. fr., p. 256. 


— 364 — 


APPENDICE 
Description du Bain de marbre de Cassel (°). 


Le Bain de marbre constitue l'une des aïles de l'Orangerie, 
palais qui se trouve dans l'Aue, parc attenant à la ville de 
Cassel, 

L'édifice forme un carré équilatéral, renfermant un second 
carré à pans coupés qui supporte une coupole : c'est une sorte 
de lanterne posée sur le Bain proprement dit, dans lequel on 
descend par un escalier. Les quatre faces principales de cette 
lanterne sont percées d'arcatures, flanquées elles-mêmes de . 
pilastres corinthiens : les pilastres se répètent sur les pans 
coupés qui sont également évidés et barrés seulement par une 
margelle. L'entablement de l'édicule central est relié par des 
voûtes en berceau aux murailles de clôture. Celles-ci sont 
décorées de tableaux en haut-relief, deux sur chaque. face, 
ayant huit pieds en hauteur sur cinq pieds quatre pouces de 
largeur. Ces reliefs représentent des scènes tirées des Métamor- 
phoses d'Ovide; en voici les sujets : 

1° Les Noces d'Ariane et de Thésée; 2° la Nymphe Aré- 
thuse surprise dans le bain par Alphée; 3° Diane au bain, 
avec ses Nymphes, épiée par Acton qui commence à être 
changé en cerf; 4° Daphnée, changée en laurier, échappe 
ainsi aux poursuites d'Apollon; 5° Vénus Anadyomène, sou- 
tenue par des Naïades; 6° Andromède délivrée par Persée; 
7° Calisto, dépouillée de ses vêtements par ses compagnes, est 
convaincue de sa faute en présence de Diane; 8° Europe 
enlevée par Jupiter qui a pris la forme d'un taureau. 


() Cette description est tirée de l’opuscule intitulé : Vas Marmorbad 
bei Kassel, mil einem Stahlstich : Kassel, bei Wilhelm Appel, 1845, in-12. 
— Notre savant confrère M. le professeur Henri Werz, correspondant de 
l'Institut (Académie des Inscriptions et Belles-lettres), a bien voulu nous 
procurer un exemplaire de cette brochure et en traduire à notre intention 
les passages principaux : nous le prions d'agréer, en retour de ce bon 
office, nos affectueux remerciments. 


865 — 


Sur deux faces opposées des mêmes murailles, s'élèvent des 
cheminées monumentales. Au-dessus de l’une se voit le buste 
du landgrave Charles, en marbre d'Egypte; au-dessus de 
l’autre, le buste de son épouse, Marie-Amélie de Courlande. 
Ces deux bustes sont entourés de figures allégoriques. 

Douze statues sont réparties dans le local. — Une dans 
chaque coin, à savoir : Latone et ses deux enfants; Narcisse; 
Léda avec l'Amour et Jupiter changé en cygne; un Faune 
accompagné d'un chien et portant un chevreuil sur un bâton 
noueux. — Quatre statues sur les côtés des deux cheminées, 
à savoir : Flore; Mercure avec Cupidon; Paris tenant la 
pomme ; Mercure avec Cupidon. — Quatre statues dans les 
évidements des pans coupés, à savoir : Bacchus; Apollon 
écorchant Marsyas; Minerve avec deux Génies; une Bacchante. 
en cadence. 

Les reliefs et les statues sont en marbre blanc. Le tout, à 
l'exception de la Minerve et de la Bacchante, est sorti du 
ciseau de Monnot. 

I est probable que le landgrave Charles avait fait la con- 
naissance de cet artiste lorsqu'il visita l'Italie, en 1700. Cinq 
des statues précitées sont antérieures à cette époque : Léda 
porte la date de 1692; Bacchus celle de 1697; Apollon, 
Minerve et Mercure celle de 1698. La Vénus est de 1708 ; 
Latone et Narcisse de 1712; le Faune et la Bacchante de 1716; 
Paris, ainsi que les hauts-reliefs, de 1720. 

La décoration de l'édifice ne fut terminée qu'en 1728, 
comme le témoigne l'inscription suivante qui se trouve à 
l'intérieur, près de la porte : 

PTRVS STEF. MONNOT 


FECIT OMNIA OPERA. MARMORIS 
ANNO D. M. DCCXX VIII. 


Monnot avait recu 14,000 thalers pour les dix statues. Le 
landgrave lui avait assigné, en outre, 4,500 thalers pour la 
construction du pavillon et du Bain. 


LB MENHIR DE NORVAUX 
ET LE MURAILLEMENT DE LA CHATELLE 


(Pourtour d’Alaise) 


PAR M. CHARLES THURIET 


JUGE DE. PAIX 


Séance du 13 février 14869 


La vallée profonde de Norvaux commence à Cléron, au 
bord de la Loue, non loin de la Pierre qui vire, et monte, du 
nord au sud, jusqu à la hauteur du plateau, entre Amancey 
et Flagey, où, après s'être divisée en plusieurs gorges j lus 
étroites, elle se termine, à peu près comme toutes celles de la 
contrée, par des escarpements dentelés de rentrants et de 
saillants. 

Vous savez que d'abord, au milieu des broussailles qui 
dominent la côte des Vieilles- Vignes de Cléron, on voit, à 
gauche, le grand menhir de Toum-tâtre, énorme aiguille de 
rocher qui a près de 40 mètres d’élévation, et qui, plantée 
perpendiculairement dans le sol, affecte à l'œil la forme 
grossière et gigantesque d’un moine, avec une couronne de 
cheveux autour de la tête et une cordelière serrée autour des 
reins. M. Delacroix a décrit ce monument géologique et rap- 
porté la légende qui s'y rattache ('). 


() « Là se trouve ce qu'on appelle le plus communément aujourd'hui 
la Poupée des Vieilles- Vignes. Le vieux nom est Toum-tâtre, qui signifie 
la tombe-tertre. Cette pierre des morts est un menhaut gigantesque, de 


ne ee me ne 


— 367 — 

Si, quand on ést en face de ce mounolithe, au lieu de Suivre 
la route qui conduit de Cléron à Fertans, on s'engage dans 
l'étroit chemin de la vallée de Norvaux, on arrive, après une 
marche d’une demi-heure, au centre même de la vallée, à la 
hauteur du hameau qui servit longtemps de retraite au con- 
ventionnel Besson. Là, sur le flanc occidental du vallon, à 
l'extrémité d'une sorte d’esplanade, on trouve debout, en par- 
fait équilibre, une pyramide carrée ayant 2 mètres de largeur 
à sa base, sur 5 mètres d'élévation. Elle est surmontée d'une 
croix de bois, et une niche, destinée apparemment à recevoir 
une Madone, a été creusée dans un de ses flancs. 

Les frères Laurent, propriétaires actuels du hameau de 
Norvaux et du terrain sur lequel repose cette pierre monu- 
mentale, la considèrent comme ayant été jadis un autel drui- 
dique. Les habitants d'Amancey ont le même sentiment. 

Cette pierre est accompagnée, à sa base, de deux autres 
pierres de forme cubique beaucoup plus petites. Comme ce 
groupe de pierres occupe l'extrémité de l’esplanade, il ne serait 
pas impossible que d’autres blocs, semblables aux deux petits, 
eussent été roulés dans le fond du ravin, c'est-à-dire à une 
profondeur de 20 ou 30 mètres, où ils se seraient brisés. Tou- 
tefois, il existe dans le fond de ce ravin, au-dessous même de 
la pierre dite druidique, un énorme rocher cubique, dont un 
des angles est comme planté dans le lit du ruisseau pour en 
arrêter où pour en détourner le cours. Ce rocher couvrirait à 
lui seul un are de terrain. Il est figuré au plan cadastral de la 
commune d'Amancey, sous le nom de Gros-Rocher. Quant à 
la pyramide, dite pierre druidique, elle n'y figure pas, et 


trente-neuf mètres de stature, semblable à ceux que l’on consacrait à 
Guyon. Aa tiers de la hauteur, une sorte de rétrécissement a été disposé, 
et un homme peut y faire, debout, le tour du monolithe. Les passants 
croient reconnaitre une tête rustique dans la forme du sommet. « Un 
» esprit, dit la tradition, s'était chargé de porter la pierre sur ses épaules 
» d'un bord à l’autre de la vallée; mais, arrivé devant les Curons, il se 
» trouva impuissant à franchir ce degré, » (Alaïse et Séquanie, p. 85.) 


- 


— 368 — 
l'esplanade, à l'extrémité de laquelle elle se trouve, ne porte 
aucun nom de nature à rappeler un souvenir celtique. Je dois 
toutefois faire observer qu'autour de cette pierre monumentale, 
on remarque un certain nombre de rochers, plus ou moins 
gros, formant en quelque sorte un demi-cercle d'un rayon 
d'environ quarante pas. L'esplanade qui porte toutes ces pierres, 
smgulières par leur forme et par leur disposition, a une éten- 
due de plus de deux hectares. Elle occupe le plus beau point 
de vue de la vallée. On y aperçoit Toum-tâtre dans le lointain. 
Quand, de cet endroit, on jette un cri, l'écho de la roche qui 
domine et menace les maisons de Norvaux, vous renvoie, 
longtemps après et d'une manière très distincte, le bruit et les 
inflexions de votre voix. 

I me paraît très admissible que ce lieu ait été autrefois 
choisi et consacré comme sanctuaire par les Druides. 

En remontant le chemin de Norvaux à Amancey, on ren- 
contre, au sommet de la vallée, la fontaine le Pomme-gaude. 
Entre le ruisseau que forme cette fontaine et celui de la Pisse, 
qui tombe en cascade de 12 mètres de hauteur, il existe, à 
l'extrémité du communal de la Fioz, un promontoire escarpé 
appelé Sur-la-Chatelle. Un reste de muraille, qui s'allonge de 
Pomme-gaude à la cascade de la Pisse et sépare le communal 
de la Fioz de l'extrémité de cette plaine rocailleuse dite Sur- 
la-Chätelle, se distingue parfaitement dans toute son étendue. 
Ce vestige n'a certainement aucun rapport avec les pierres 
curieuses qui existent dans le fond de la vallée de Norvaux, 
mais il peut se rattacher à l'ensemble des études qui ont été 
faites sur le plateau d'Amancey. C'est à ce point de vue que 
je le signale, ne l'ayant pas trouvé mentionné dans les mé- 
moires que j'ai lus jusqu'à ce jour. 


CE) 


NOTICE 


SUR LE MAROUIS DE MOUSTIER 


A SENATEUR 
ANCIEN AMBASSADEUR ET MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGÈRES 


GRAND'CROIX DE LA LEGION D'HONNEUR 


PAR M. J. VALFREY 


Séance publique du 46 décembre 1869 


Messieurs, 


Vous m'avez fait un honneur insigne en mé confiant la 
tâche de vous raconter la vie de l’homme d'Etat éminent 
qu'une mort prématurée a enlevé au commencement de cette 
année à l'affection de sa famille et de ses compatriotes, et à 
l'estime universelle du monde politique. Les circonstances 
m'ont permis de beaucoup connaître M. de Moustier; jose 
même dire qu'il m'honorait d'une confiance particulière, et 
qu'il m'a associé de très près aux actes qui ont marqué les 
derniers temps de sa vie publique : dans de telles conditions, 
il m'a paru possible de répondre au désir que vous avez bien 
voulu m’exprimer, et je viens aujourd’hui vous donner com- 
munication du modeste travail que j'ai consacré à la mémoire 
de M. le marquis de Moustier. 

Un des maïtres de la critique moderne a posé récemment 
‘en principe que la meilleure méthode pour étudier un homme 
supérieur consiste à le prendre dans son pays natal, dans sa 
race, dans ses ascendants et ancêtres : on arrive ainsi plus tôt 
et plus sûrement, selon lui, à jeter un grand jour sur ses 
qualités secrètes et essentielles. 


DIX 
&t 


— 310 — 

Cette méthode conduit à des résultats d'une exactitude 
rigoureuse, lorsqu'on l'applique à un homme qui, comme 
M. de Moustier, n'a fait, en suivant la carrière mn 
que s'inspirer des traditions de sa famille. 

M. de Moustier était fils et doublement petit-fils de diplo- 
mates. Son grand-père paternel, le marquis Eléonor de 
Moustier, élevé d’abord pour le métier des armes, dont il fit 
l'apprentissage à Besancon même vers 1766, fut attaché trois 
années après à l'ambassade de Lisbonne, d’où il passa à 
Naples. Puis, ministre du roi près l'électeur de Trèves, chargé 
ensuite d’une mission spéciale à Londres, il fut envoyé, en 
1787, aux Etats-Unis en remplacement de M. de la Luzerne. 
Rentré à Paris à la fin de 1789, on lui confia l'ambassade de 
Berlin, d'où il fut rappelé, en 1790, par une. lettre du roi, qui 
lui destinait le ministère des affaires étrangères sur les pres- 
santes recommandations de Mirabeau. « Il faut avant tout, 
avait écrit de lui le grand orateur dans une de ses fameuses 
notes à la cour, avoir quelqu'un au conseil avec qui l'on 
puisse causer à cœur ouvert. Il faut y faire entrer M. de 
Moustier. » Celui-ci toutefois crut devoir décliner l'offre de 
Louis XVI, et il accepta à titre de compensation l'ambassade 
de Constantinople. Mais les événements se précipitaient à Paris 
avec une telle rapidité que le marquis de Moustier résigna 
bientôt ses fonctions. Pendant toute la période révolutionnaire 
qui suivit, on le vit résider tour à tour en Angleterre et en 
Prusse, attaché aux intérêts et à la personne du comte de 
Provence. La Restauration le ramena en France; c'est là qu'il 
mourut en 1816, avec le titre de lieutenant-général. Un con- 
temporain qui l'avait bien connu, Bertrand de Molleville, lui 
reconnaît dans ses Mémoires une réputation méritée « de 
talents, d'instruction et d'énergie. » | 

Par sa mère, M. de Moustier trouvait à son berceau les 
mêmes attaches. Son grand-père maternel, le comte de la 
Forêt, a joué en effet, sous le premier empire, un rôle diplo- 
matique dont M. Thiers a reconnu toute l'importance, encore 


— 311 — 
qu'il ait mêlé à son récit des détails inexacts. Il suffira de 
rappeler ici que le comte de la Forêt occupa successivement 
les postes les plus considérables en Allemagne, comme ministre 
à Munich, puis à Berlin; qu'il fut mêlé très étroitement aux 
affaires d'Espagne, comme ambassadeur à Madrid, enfin 
qu'après avoir été un instant ministre des affaires étrangères 
de la première Restauration, il fit partie de la mission chargée 
d'aller traiter au camp des alliés les conditions de la paix au 
lendemain du désastre de Waterloo. 

Le père de M. de Moustier avait parcouru aussi tous les 
degrés de la même carrière. Nous le trouvons simple élève 
diplomatique, attaché au ministère des affaires étrangères, au 
mois de mai 1800; puis secrétaire de légation à Dresde, mi- 
nistre à Carlsruhe et à Stuttgard, de 1810 à 1813. A cette 
époque, 1l donne sa démission et rentre dans la vie privée. 
Sept ans après, il revient à l’activité en acceptant le poste de 
Hanovre, d’où il est envoyé un peu plus tard à Berne. En 
1824, il est élu député du Doubs et prend à ce titre une part 
très active aux travaux de la Chambre, lorsque la démission 
de Chateaubriand le porte à l'intérim du ministère des affaires 
étrangères avec le titre de directeur des affaires politiques. A 
l'avènement du baron de Damas, il retourne à Berne, mais 
cette fois comme ambassadeur, et il est appelé en dernier lieu 
à Madrid, en la même qualité, dans le cours de l’année 1825. 
La révolution de Portugal ayant éclaté sur ces entrefaites, et 
le marquis de Moustier pouvant être suspecté de nourrir pour 
don Miguel des sympathies peu en accord avec les instructions 
de son gouvernement, le cabinet des Tuileries se voit bientôt 
dans l'obligation de rappeler son représentant, qui cette fois 
sort définitivement de la carrière diplomatique. 

Je vous demande pardon, Messieurs, de m'êtré arrêté si 
| longuement sur les ascendants immédiats de notre illustre 
compatriote. Mais j'ai pensé que ces détails serviraient à expli- 
quer par quel enchaînement de circonstances M. de Moustier 
devait montrer plus tard une vocation et des aptitudes si pra- 


— J12 — 

noncées pour la profession diplomatique. Je me hâte d'ajouter 
que sa famille le laissa sous ce rapport à une complète dispo- 
sition de lui-même, Elle se contenta de lui assurer une édu- 
cation sérieuse, à laquelle la mère de M. de Moustier, femme 
aussi éminente par les qualités de l'esprit que par celles du 
cœur, se dévoua avec une persévérance infatigable. A dix-huit 
ans, notre jeune compatriote n'avait pas seulement terminé 
les études qui forment le bagage d’une bonne éducation ordi- 
naire ; il avait acquis, en outre, un fonds d'instruction à la 
fois étendu et varié, qu'une mémoire prodigieuse, jointe à une 
intelligence perpétuellement active, accroissait tous les jours. 
Dès cette époque, l'histoire, la littérature, la philosophie le 
passionnaient, et, grâce à une habile direction, elles avaient 
fait de lui, à un âge où l'on n’a que trop de tendances, dans 
une situation pareille à la sienne, à s'affranchir de l'obligation 
du travail, un homme déjà mûr, aguerri à toutes les curio- 
sités d’une raison précoce, et cherchant dans l'étude le plaisir 
unique de comprendre et de savoir. 

C'est ainsi que s'écoula entièrement la jéunesse d M. de 
Moustier. [1 avait trente ans lorsque la révolution de 1848 
éclata. En possession d'un grand nom, d’une grande fortune, 
il pensa que le moment était venu pour lui de sortir de la vie 
privée et d'aborder les affaires. Il brigua et obtint d'abord un 
siége au Conseil général de notre département : en 1849, la 
faveur électorale le porta plus haut, et il fut envoyé comme 
député du Doubs à l'Assemblée législative. Une fois dans ce 
milieu, M. de Moustier sut bien vite s'y faire apprécier et con- 
sidérer. Fidèle à son mandat, autant qu'à ses traditions de 
famille, il prit place dans le parti de l’ordre, et il devint un de 
ses auxiliaires les plus actifs, sinon par les luttes de la tribune, 
au moing par celles de la presse. 

On trouvera tout naturel, je suppose, que son attitude à 
l’Assemblée législative et sa position de famille élevée aient 
appelé de bonne heure sur lui l'attention et les sympathies du 
monde politique. Aussi, lorsqu'en 1852 l'Empire succéda à la 


— 313 — 

République, M. de Moustier se trouva-t-il naturellement au 
nombre des hommes dont le nouveau gouvernement devait 
songer à s'entourer. L'Empereur n'y manqua pas, et dans les 
premiers mois de l'année 1853, il nomma M. de Moustier 
envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Berlin. 
_ M. de Moustier débutait dans la carrière diplomatique par 
un poste de première importance. Les événements ne tardèrent 
pas à justifier le choix que le souverain avait fait de lui. M. de 
Moustier arrivait, en effet, à Berlin dans les circonstances les 
plus difficiles. La guerre de Crimée allait éclater, et comme 
l’ancienne organisation de l'Allemagne était censée solidariser 
les forces germaniques dans toute action extérieure, on com- 
prend l'intérêt qu'il y avait pour notre pays à empêcher une 
alliance, alors très possible, entre la Prusse et la Russie. 
M. de Moustier donna dans cette première occasion la mesure 
de son esprit de discernement. D'abord, modeste, discret, et 
uniquement attentif à bien renseigner son gouvernement, il 
sut gagner ainsi la confiance de la famille royale de Prusse et 
du cabinet de Berlin, et quand le moment vint pour lui d'agir 
avec fermeté et vigueur dans un but de patriotisme, il grandit 
avec sa tâche et détourna l'alliance qu'il était chargé de pré- 
venir. Les hostilités une fois commentées, la Russie, malgré 
des démarches et des efforts réitérés sur l’effet desquels elle 
avait le droit de compter, se trouva donc privée aussi bien du 
concours de la Prusse que de celui de l'Autriche. Dès lors 
l'expédition franco-anglaise, menacée à l’origine de rencontrer 
sur son chemin les trois puissances du Nord coalisées, se 
réduisit au Cadre d’une entreprise dont les chances étaient 
faciles à calculer, et qui ne présentait plus de dangers hors de 
proportion avec les intérêts qu'elle se proposait de sauvegarder. 

Les fonctions politiques ont parfois, Messieurs, des exigences 
auxquelles la raison d'Etat commande de se soumettre aveu- 
glément. M. de Moustier en fit l'épreuve. Représentant de la 
France auprès d'un gouvernément qui, malgré la neutralité à 
laquelle il s'était condamné, jouissait toujours de l'intimité du 


cabmet de Saint-Pétershbourg, et qui en recevait à ce titre des 
confidences fréquentes sur les péripéties et les chances finales 
de l'expédition de Crimée, notre ministre à Berlin parvint à 
“obtenir communication de ces rapports secrets, et c’est une 
vérité admise que la transmission à Paris des renseignements 
spéciaux qu ils contenaient, contribua efficacement à amener 
la réussite du plan de campagne des armées alliées contre 
Sébastopol. Je n'aurais pas fait allusion à cet incident, sl 
était resté dans le domaine des confidences diplomatiques ; 
mais je crois me rappeler qu'au moment où M. de Moustier 
fut nommé ministre des affaires étrangères, le Times le raconta 
dans tous ses détails, en reconnaissant d’ailleurs expressément 
que M. de Moustier avait rendu dans cette occasion un service 
signalé à l’Angleterre et à la France. Il n’y a donc ici aucune 
indiscrétion de ma par!, et je suis convaincu que vous verrez, 
comme moi, dans ce trait peut-être sans précédents, une 
preuve coneluante de l'habileté avec laquelle M. de Moustier 
remplissait ces hautes fonctions. 

La crainte d’abuser de votre patience m'empêche, Messieurs, 
de vous exposer, avec les développements qu'elles comporte- 
raient, toutes les affaires auxquelles M. de Moustier fut mêlé 
pendant sa mission en Prusse. J'ai indiqué les principales : 
pour les autres, comme la question de Neuchâtel et la guerre 
d'Italie, qui achevèrent de le poser en homme d'Etat, je me 
borne à faire appel à vos souvenirs historiques. 

M. de Moustier était à Berlin depuis six ans, lorsqu'il fut 
appelé, à la fin de 1859, par la confiance de l'Empereur, au 
poste d'ambassadeur à Vienne. Sur ce nouveau théâtre, rou- 
vert à la diplomatie française après une guerre qui avait sus- 
pendu les relations entre Vienne et Paris pendant cinq mois, 
M. de Moustier rencontra des difficultés qui n’exigeaient rien 
moins que la rare souplesse et l'imperturbable sang-froid de 
son esprit. La paix de Villafranca venait à peine d'être signée, 


que ses stipulations s’en allaient déjà en lambeaux. Sous la 


pression du sentiment national, les trônes s'écroulaient au 


out 


— 313 — 

centre et au sud de la Péninsule, et le cabinet des Tuileries, 
tout en exprimant des regrets que je dois croire sincères en 
présence des progrès de la révolution triomphante, en était 
arrivé à se demander si les principes de sa politique lui impo- 
saient le devoir de défendre, contre le sentiment des popula- 
tions intéressées, la construction désormais caduque élevée 
par les négociateurs du traité de Zurich. Dans ces conditions, 
la tâche de l'ambassadeur de France était toute tracée : elle 
consistait à détourner l'Autriche d’une intervention armée en 
Jtalie, qui eût pu compromettre les résultats essentiels de 
l'expédition de 1859, et à préserver ainsi le maintien de la 
paix contre des retours offensifs justifiés à la vérité par un droit 
écrit, mais rendu chaque jour plus impossible par la rapidité 
des événements. M. de Moustier sut faire face, avec sa dexté- 
rité habituelle, à cette situation délicate, et lorsqu'en 1861 
l'ambassade de Constantinople devint vacante, il y fut nommé. 

M. de Moustier rencontra à Constantinople son ambassade 
de prédilection. Il y contracta le goût particulier des affaires 
orientales, et il réussit très vite à les connaître à fond, au 
point que, sur les mille questions qui s'y mêlent, il ne fut 
jamais pris au dépourvu. Tout ce qui s’est fait de ce côté 
depuis neuf ans est son œuvre, accomplie avec une perspica- 
cité sur laquelle les amis et les adversaires de sa pohtique 
sont pleinement d'accord. Il fut assez heureux pour résoudre 
avec un Constant succès les difficultés les plus diverses en 
Servie, au Montenegro et dans les principautés danubiennes. 
Il prêta également un concours actif aux réformes libérales 
que le sultan et la Sublime-Porte ont promulguées dans ces 
dernières années et dont ils poursuivent encore le développe- 
ment. Enfin, c’est à l'initiative de M. de Moustier qu'est dû 
le règlement de plusieurs autres questions de premier ordre, 
telles que le percement de l’isthme de Suez, dont l’inaugura- 
tion vient d’avoir lieu avec tant de solennité, et la concession 
aux étrangers du droit de propriété dans l'empire ottoman. 
© Mais j'ai hâte d'arriver, Messieurs, à la date qui marque le 


— 3760 — 

point culminant de la carrière politique de M. de Moustier. 
C'est le 1* septembre 1866 qu'il fut nommé ministre des 
affaires étrangères en remplacement de l'honorable M. Drouyn 
de Lhuys. À coup sûr, le choix de l'Empereur n'avait rien 
que de très naturel : sous tous les gouvernements, il est 
d'usage, à moins de circonstances graves, de recruter les 
ministres des affaires étrangères dans le personnel des ambas- 
sadeurs. Mais on peut dire que M. de Moustier était, parmi 
les membres élevés du corps diplomatique français, celui qui 
avait le moins dirigé ses ambitions de ce côté et que ce témor- 
gnage de la confiance impériale devait surprendre le plus. Je 
ne crois manquer à aucune convenance en rapportant ici que 
M. de Moustier se sentit troublé à la première nouvelle de sa 
nomination, et qu'il n’accepta les fonctions qui en découlaient 
qu'avec la répugnance d’un esprit sincèrement modeste. Tou- 
tefois, des affaires urgentes réclamaient sa présence à Constan- 
tinople pendant quelque temps encore, et il ne prit réellement 
possession du ministère des affaires étrangères que dans les 
premiers jours du mois d'octobre suivant. | 

Personne n’ignore dans quelle situation délicate le gouver- 
nement impérial se trouvait au moment où M. de Moustier 
quitta l'ambassade de Constantinople. Des événements consi- 
dérables, qui venaient de s'’accomplir au centre de l'Europe, 
avaient renversé le vieil édifice de l'équilibre international, 
altéré la situation historique de la France, et établi à nos 
portes, par l'unification improvisée de l'Allemagne, une puis 
sance militaire de premier ordre. Faute d’avoir su ou voulu 
agir à temps, le cabinet des Tuileries s'était cru obligé de 
reconnaître les faits accomplis, par une circulaire diplomatique 
dont les conclusions ne manquaient certes pas de netteté, mais 
qui n’en avait pas moins causé dans l'opinion un désappoin- 
tement sensible. Ce document, qui ne porte pas, je tiens à le 
constater, la signature de M. de Moustier, avait été rédigé sous 
l'influence de certaines illusions que l'honorable ministre 
trouva très répandues à son arrivée à Paris, et qu'il dut accepter 


— 311 — 
de confiance, puisqu'elles étaient le point de départ d’une 
politique qu'il n’avait eu le temps ni les moyens de contrôler. 

Vous devinez, Messieurs, qu'il s’agit ici de la question du 
Luxembourg. La presse s’est montrée quelquefois sévère pour 
le gouvernement et le ministre qui ont soulevé cette question. 
Ma tâche consiste à rétablir des faits que le public a mal con- 
nus, et à montrer que M. de Moustier n'en doit pas supporter 
la responsabilité devant l’histoire. On lui avait dit, au moment 
où il prenait possession du ministère des affaires étrangères, 
après un intérim d’un mois géré par un de ses collègues : 
« Le roi de Hollande est disposé à nous céder le Luxembourg 
moyennant de certaines conditions. La Prusse, de son côté, 
reconnaît que les traités de 1815 ayant été détruits par ses 
propres mains, elle est déchue du droit de tenir garnison dans 
une ville qui est désormais en dehors du territoire fédéral. 
En conséquence, le cabinet de Berlin ne peut ni ne veut 
s'opposer à la cession projetée, et il ne s’agit plus, au point où 
en sont les choses, que de conduire l'affaire avec tact, discré- 
tion et célérité. » 

C'est sur ces données que M. de Moustier engagea la redou- 
table question du Luxembourg. Mais, au bout de quelques 
semaines, il ne tarda pas à s’apercevoir que la Prusse avait 
une tendance marquée à se relâcher des bonnes dispositions 
qu'on lui avait attribuées, et lorsque le gouvernement francais 
dut réclamer du cabinet de Berlin, au commencement de 
l’année 1867, une déclaration catégorique qui lui permit de 
passer outre, il ne rencontra plus de sa part qu'un refus formel 
de tenir les promesses sur lesquelles la négociation s'était 
ouverte. En présence de ce fait, la situation changeait de face 
et acquérait une gravité soudaine; car, au moment même où 
la Prusse manifestait ainsi la résolution de s'opposer à la 
cession du territoire grand-ducal, les conditions de cette ces- 
sion se trouvaient déjà arrêtées entre la France et le roi de 
Hollande. 

Il fallut bien cependant se rendre à l'évidence, et M. de 

26 


— 318 — 


Moustier, moins affecté que surpris de l'attitude peu amicale 
de la Prusse, n'eut plus d'autre préoccupation que de sortir 
honorablement d’une affaire mal engagée. Sans doute, la ten- 
tation était forte de n'écouter que les suggestions du point 
d'honneur, mais le véritable patriotisme consiste souvent à 
surmonter les susceptibilités les mieux justifiées et à ne pas 
leur sacrifier légèrement les intérêts permanents d'un grand 
pays. Avec cet esprit avisé et juste qui est le propre du véri- 
table homme d'Etat, M. de Moustier se rendit promptement 
compte des éléments de la question luxembourgeoise. Il ne 
s'agissait pas seulement pour la France d'acquérir un territoire 
d'une insignifiante étendue, il s'agissait surtout d'amener le 
cabinet de Berlin à se dessaisir d’un droit de garnison qu'il 
tenait exclusivement des traités de 1815, auxquels il venait de 
porter un coup mortel. Après tout, il était fort indifférent à 
une nation de 40 millions d'’âmes, comme la nôtre, de compter 
un département de plus; mais ce qui était réellement inad- 
missible, c'est que la Prusse se prévalût plus longtemps d’une 
stipulation dont la caducité était son propre ouvrage, pour 
occuper militairement un point stratégique placé en sentinelle 
avancée sur notre frontière nord-est. L'incontestable mérite 
de M. de Moustier est d'avoir compris de suite que le cabinet 
des Tuileries ne se diminuerait, ni à ses yeux ni aux yeux de 


l'Europe, en abandonnant le premier point, mais que sur le . 


second aucune concession n'était possible. 

A la suite de délibérations approfondies, le conseil des 
ministres se rallia à l'opinion de M. de Moustier, et le cabinet 
des Tuileries se mit immédiatement à l'œuvre pour amener 
pacifiquement la Prusse à un sacrifice militaire dont les pas- 
sions allemandes s’efforçaient de le détourner comme d’une 
humiliation nationale. 

C'est ici, Messieurs, je ne crains pas de le dire très haut, 
que M. de Moustier fit preuve d’une habileté réellement supé- 
rieure. Il n'avait qu'un moyen de surmonter le mauvais vou- 


loir trop évident de la Prusse : c'était d'en appeler au jugement 


—\379 — 


des grandes puissances, qui, saisies régulièrement de la ques- 
tion luxembourgeoise, décideraient si en continuant d'occuper 
une forteresse non fédérale, le cabinet de Berlin ne compro- 
mettait pas volontairement par des exigences peu justifiables 
le maintien de la paix. Cette consultation internationale, 
même dans le cas où elle eût échoué, répondait d’ailleurs à 
un autre intérêt : elle nous permettait de gagner du temps, el 
de nous préparer ainsi à des éventualités qui, en se réalisant 
dès la fin d'avril, nous eussent trouvés dans une sorte d'indi- 
gence militaire au double point de vue des troupes et de 
l'armement. i 

Posées sur un terrain excellent et faites avec une entière 
franchise, les ouvertures du gouvernement français rencon- 
trèrent immédiatement, de la part des puissances neutres, un 
accueil encourageant. La Russie fut la première à les recevoir 
dans cet esprit : l'adhésion du cabinet de Saint-Pétersbourg 
avait son prix; elle se traduisit bientôt par une proposition de 
conférence, à laquelle l'Autriche, l'Angleterre et l'Italie ne 
pouvaient manquer de se rallier. En qüelques jours cette 
proposition devint un projet officiel, qui fut soumis alors aux 
parties intéressées. Après diverses péripéties, la France et la 
Prusse l’acceptèrent, et la conférence de Londres, à la suite 
de délibérations rapides, fut assez heureuse pour résoudre à 
l'amiable, et dans les conditions que nous avions prévues, un 
conflit qui avait mis sérieusement en péril la paix de l'Europe. 
La France avait dû renoncer à l'acquisition du Luxembourg ; 
mais la Prusse, sous la pression des cabinets européens, se 
résignait en même temps à évacuer une forteresse qu'elle 
considérait à juste titre comme un point stratégique de pre- 
mière importance. 

M. de Moustier, par la fermeté, la décision et la rectitude 
de son esprit, avait contribué efficacement à ce résultat; là est 
le succès le plus marquant de sa carrière diplomatique. On 
ne se figure pas, à distance, les émotions par lesquelles passe 
‘un homme de cœur quand il tient ainsi entre ses mains, au 


— 380 — 
bout de la dépêche qu'il expédie, la paix et la guerre. M. dé 
Moustier était moins qu'un autre inaccessible à ces émotions, 
maïs il savait les dissimuler sous une placidité apparente, tant 
il craignait, en s’y laissant aller, de perdre le sentiment exact 
des intérêts placés sous sa responsabilité. La signature du 
traité du 11 mai 1867 lui causa donc une satisfaction réelle, 
etilest convenable d'ajouter qu'elle ne fut pas saluée avec 
moins de joie par le pays tout entier. Car, on n’a pas oublié 
que, par une coïncidence des plus fâcheuses, la question du 
Luxembourg s'était posée dans toute sa gravité le jour même 
où Paris inaugurait sa dernière exposition universelle. Une 
guerre immédiate n’eût fait que l’ajourner; mais la crainte 
d'une guerre lui était plus funeste : elle paralysait entièrement 
son essor et menacçait de la maintenir indéfiniment dans une 
stagnation intolérable pour les intérêts gigantesques qui sy 
trouvaient engagés de tous les points du monde. Le traité du 
11 mai mit un terme à ces fâcheuses incertitudes, et la grande 
fête internationale du Champ-de-Mars put désormais suivre 
son cours régulier. Les souverains d'Europe, en venantsla 
visiter quelques semaines plus tard et en acceptant l'hospitalité 
brillante &e la cour des Tuileries, achevèrent de démontrer 
que la conférence de Londres avait accompli une œuvre sé- 
rieuse, et que tout danger d’une guerre immédiate entre la 
France et la Prusse avait réellement disparu. 

C’est dans ces circonstances que M. de Moustier recut du 
chef de l'Etat le grand cordon de la Légion d'honneur. Nos 
mœurs démocratiques s'accommodent toujours de ces distinc- 
tions, quand elles servent à mettre en relief des services excep- 
tionnels : on savait la prodigieuse activité, la rare souplesse 
que M. de Moustier avait déployée dans la question luxem- 
bourgeoise ; rien ne parut donc plus naturel que de voir le 
souverain lui donner une récompense qui ne doit jamais être 
le complément d'une situation politique, mais le témoignage 
qu'elle est bien remplie. 

Il était dit, Messieurs, que, dans le cours de cette même 


Rd 2 don ie ft. Où, 


DRE TT 


— 381 — 
année 1867, la paix publique n’échapperait à un premier 
danger que pour se trouver bientôt aux prises avec de nou- 
velles difficultés. En effet, vers la fin du mois de septembre, 
l'horizon s'assombrit du côté de l'Italie, et il devint évident 
pour tous qu'un coup de main se préparait contre les Etats du 
pape. Il ne m'appartient pas, Messieurs, d'entrer à ce propos 
dans le vif de la question romaine, et encore moins d’agiter 
ici les graves problèmes qui s'y rattachent. Je ne veux ni ne 
puis dire qu'une chose, c'est que cette affaire ne se présente 
pas tout d'une pièce, mais qu'elle renferme les éléments les 
plus complexes. Au moment où les bandes garibaldiennes 
franchirent la frontière pontificale et allèrent livrer bataille, 
au nom de la révolution, à un gouvernement régulier, une 
émotion indicible s'empara de la presse et de l'opinion, et 
chacun, suivant ses idées et ses passions, se mit en devoir 
d’influencer la liberté d'action du gouvernement. En d'autres 
termes, on rouvrit le débat sur la souveraineté temporelle du 
pape, qui dans la conviction des uns est nécessaire, qui dans 
celle des autres est inadmissible. Un gouvernement, c'est 
mon avis du moins, est tenu de rester étranger à ces disputes 
et de n’engager dans sa politique aucun des principes qui sont 
du domaine de la philosophie pure ou de la religion. M. de 
Moustier le comprit mieux que tout autre et avant tout autre. 
Pendant qu'autour de lui on s'’agitait pour et contre les intérêts 
opposés de l'Italie et du Saint-Siége, lui, allant droit au but, 
se demandait dans quelle mesure les événements dont le ter- 
-ritoire pontifical était le théâtre engageaient la responsabilité 
du cabinet des Tuileries, excédaient la lettre et l'esprit des 
traités par lesquels celui de Florence avait promis de respecter 
l'intégrité des Etats romains. Or, la situation à cet égard était 
bien claire. Par l’article premier de la convention du 15 sep- 
tembre 1864, l'Italie s'était engagée à ne pas attaquer le terri- 
toire actuel du Saint-Père, «et à empêcher, même par la force, 
toute attaque venant de l'extérieur contre ledit territoire.» On 
aurait pu varier d'opinion sur la nature et l'étendue de cette 


— 382 — 


stipulation dans de certaines éventualités; mais le fait est qu'en 
présence d'une agression flagrante du territoire pontifical par 
des bandes garibaldiennes, recrutées, organisées et équipées 
sur le territoire italien, la violation de la convention du 15 
septembre était hors de doute. M. de Moustier n'hésita donc 
pas : pour lui, la question, embarrassée à plaisir par des esprits 
plus passionnés et moins nets, se réduisit immédiatement à 
savoir s’il était de la dignité et de l'intérêt bien entendu de la 
France de laisser porter atteinte à sa propre signature, et de 
permettre au gouvernement italien de s'approprier, contre ses 
engagements formels, les résultats d’une entreprise qu'il avait 
été, dans l'hypothèse la plus favorable, impuissant à prévenir. 
En vain essaya-t-on de le circonvemir, de l'effrayer par la 
perspective d'une coalition européenne, à laquelle certaines 
ouvertures peu scrupuleuses du ministère Ratazzi avaient 
semblé un instant donner quelque consistance. L’honorable 
ministre ne se laissa pas fléchir : son patriotisme lui disait 
qu'il y a des cas où, même au prix des dangers les plus graves, 
la conciliation descend à la faiblesse; et d’ailleurs il croyait 
connaître assez le tempérament des puissances dont l'Italie 
avait invoqué le secours pour ne rien redouter d'elles. L'évé- 
nement justifia ces sages prévisions : la seconde expédition 
romaine put donc s'effectuer, et sans vouloir, je le répète, 
préjuger les questions qu'elle soulève, j'ai le droit de dire que 
c'est un honneur pour M. de Moustier d’y avoir attaché son 
nom. 

Tels sont, Messieurs, les deux événements de haute impor- 
tance qui signalèrent l'administration de M. de Moustier. Il 
était sincèrement dévoué au maintien de la paix; il la voulait, 
non comme le couronnement d’une politique exempte de toute 
défaillance dans le passé, mais comme le moyen le plus sûr 
pour ne pas aggraver une situation périlleuse et ne pas ajouter 
à l'ébranlement causé en Europe par l'unification de l’Alle- 
magne. De là son esprit de réserve, ses allures de tempori- 
sation vis-à-vis de la question d'Orient, que l'insurrection 


— 383 — 


candiote tenait toujours ouverte. Quand on lui imputait à 
grief cette stratégie de Fabricius, il se défendait avec une cer- 
taine vivacité ; mais il avait l’art souverain d'être discret en 
paraissant faire des confidences. I laissait deviner plutôt qu'il 
n'avouait que dans ce milieu inflammable du monde oriental, 
le contre-coup des événements de 1866 nous avait créé des 
intérêts complexes, qui n'étaient jamais mieux sauvegardés 
que par l'équilibre. À coup sûr, il n’eût pas demandé mieux 
que d'appliquer la politique du traité de Paris, cette politique 
qui eut la bonne fortune, au commencement du second empire, 
d’unir dans un effort gigantesque les forces de la France et de 
l'Angleterre contre la Russie. Mais il nous était venu depuis, 
au centre de l'Europe, des difficultés qui nous imposaient 
l'obligation de ménager le cabinet de Saint-Pétersbourg dont 
nous avions réclamé et accepté les bons offices dans la ques- 
tion luxembourgeoise. L'action de notre diplomatie à Cons- 
tantinople et à Athènes devait donc se ressentir jusqu à un 
certain point de ces deux intérêts entre lesquels M. de Moustier 
sut admirablement tenir la balance égale. 

C'est au milieu de ces graves préoccupations que s’est écoulé 
le temps durant lequel l'honorable M. de Moustier a dirigé le 
ministère des affaires étrangères. Mais je serais injuste pour 
sa mémoire, si j'oubliais qu'à ces préoccupations s'était ajoutée, 
dès le commencement de l’année 1867, l'éventualité de venir 
défendre en personne devant les Chambres la politique dont il 
était l'exécuteur responsable. La lettre impériale du 19 janvier, 
puis le sénatus-consulte qui libella les réformes promises dans 
cette lettre, avaient étendu à tous les membres du ministère le 
droit, jusque-là réservé au seul ministre d'Etat et à des com- 
missaires spéciaux choisis par l'Empereur, de représenter le 
gouvernement au sein du Corps législatif et du Sénat. M. de 
Moustier n'envisageait pas sans appréhension la perspective 
d'aborder la tribune française. Eloigné de nos débats parle- 
mentaires depuis près de quinze ans, disposé en outre par 
nature à une certaine timidité, 1l se croyait sincèrement hors 


— 384 — | 
des conditions voulues pour sauvegarder les intérêts politiques 


confiés à sa parole. Ajoutons, pour dire toute la vérité, que la . 


discussion publique des affaires extérieures présente des diffi- 
cultés particulières. Le malheur de ces sortes de questions, 
pourquoi ne pas l'avouer, c’est que tout le monde croit les 
connaître pertinemment, et qu'elles se prêtent plus que les 
autres à des développements oratoires susceptibles de frapper 
vivement l'opinion, quand même ils ne reposent que sur des 
données vagues ou des affirmations téméraires, En même 
temps, la nature des choses exige qu’un ministre des relations 
extérieures use de la plus grande circonspection dans les 
informations qu'il produit à la tribune, car ses déclarations, 
tout le monde le comprend, engagent la liberté d'action de 
son propre gouvernement vis-à-vis de puissances dont il faut 
souvent ménager les susceptibilités, et dont l’amitié, comme 
dans les rapports privés, s’accommoderait assez mal avec la 
dénonciation de leurs défauts ou de leurs vices de caractère. 
On s’étonnera moins maintenant de la répugnance que M. de 
Moustier montrait pour la tribune. Toutefois les instances de 
ses amis et le sentiment de son devoir lui permirent de la 
surmonter, et il fit ses débuts au Sénat et au Corps législatif 
au mois de décembre 1867, à l’occasion de l'expédition ro- 
maine, qui avait été dans ces deux assemblées l'objet d’inter- 
pellations séparées mais simultanées. 

M. de Moustier s’en tira avec honneur et succès, Naturelle- 
ment il avait la parole facile et élégante : il était doué même 
au plus haut degré de ce qu’on appelle l'esprit de conversation. 
Le Sénat et le Corps législatif furent unanimes à reconnaître 
qu'à ces dons naturels il joignait encore une connaissance 
minutieuse des affaires de son département, et qu’il possédait 
à fond l’art des tempéraments diplomatiques. C’est merveille, 
en effet, que de voir, en relisant ses discours, avec quelle 
finesse il évite les engagements qu’on lui demande, exprime 
une politique très déterminée avec des formules qui semblent 
se Jouer entre les contraires, et finalement réussit à produire 


— 385 — 

sur son auditoire des impressions que celui-ci prend pour des 
déclarations formelles. Son tour de force, sous ce rapport, ce 
fut le discours qu'il prononca au printemps de l’année suivante 
sur la question d'Orient : il avait trouvé le moyen de traiter à 
fond son sujet sans dire un mot de la Russie, alors que le but 
de l’interpellation était précisément de l’amener à définir sa 
politique à l'égard de cette puissance. On objectera, Messieurs, 
que ces feintes savantes ont pour effet d'annihiler le contrôle 
des assemblées délibérantes sur les actes essentiels du pouvoir : 
cela est vrai dans une certaine mesure; seulement je réponds 
que la tâche d'un ministre des affaires étrangères consiste à 
se découvrir le moins possible en temps ordinaire, et j'en 
conclus que, puisque telle est la tradition aussi bien en An- 
gleterre qu'en France, M. de Moustier réunissait toutes les 
qualités nécessaires pour la maintenir. 

Nous touchons ici, Messieurs, au terme de cette RE et 
trop rapide carrière. Depuis longtemps déjà M. de Moustier 
souffrait d’une affection du cœur, que les fatigues et les émo- 
tions d’un ministère laborieux réussissaient fatalement à pré- 
cipiter. Au commencement de l'hiver de 1868, il se sentit tout 
d'un coup plus gravement atteint : on le vit néanmoins lutter 
contre la maladie avec une rare force de volonté. Malgré des 
souffrances qui commencaient à être intolérables, il avait fait 
effort sur lui-même pour se rendre à un dernier conseil des 
ministres; quand il revint à son hôtel, la maladie qui devait 
l'emporter s'était déclarée à l’état aigu, et quelques jours après 
l'Empereur acceptait sa démission de ministre des affaires 
étrangères en le nommant sénateur. À partir de ce moment, 
la maladie de M. de Moustier suivit son cours, interrompue 
par des améliorations passagères que sa famille et ses amis 
suivaient avec des illusions persistantes. Un dénouement dou- 
loureux vint bientôt y mettre‘fin. En effet, le 5 février dernier, 
M. de Moustier expira à la suite d’une crise que l'on croyait 
la veille encore définitivement conjurée. 

Telle est, Messieurs, à grands traits la vie de notre éminent 


— 386 — 


compatriote. Il laisse un nom justement considéré parmi les 


hommes d'Etat du second empire. Sa droiture, son esprit 
avisé, son tact parfait, l'avaient élevé sans effort à la hauteur 
de toutes les situations. Quand on examine sa physionomie 
politique, on découvre en elle un mélange excellent d’aptitudes 
de race et de talents acquis. La diplomatie, comme il la com- 
prenait et la pratiquait, peut se comparer à un territoire de 
grande étendue, qu'il faut garder sur quelques points avec 
une armée, mais sur tous les autres avec des manières cour- 
toises. Il avait ce que j'appellerai la mesure des choses, cette 
sorte d'intuition qui consiste à se rendre compte avec promp- 
titude de l'ensemble d’une question, des conséquences d’un 
acte. A la fois prudent et alerte, temporisateur et soudain dans 
ses allures, il affectait de se dissimuler les difficultés des affaires 
jusqu'au jour où il croyait le moment venu pour les résoudre 
par une intervention décisive. Il excellait surtout à démêler 
le point capital à sauvegarder dans toute négociation, à en 
distraire les éléments étrangers * mais, une fois en possession 
d'un droit essentiel, il en poursuivait la revendication avec 
toute l'énergie d'une nature qui aimait à retrouver son prime- 
saut et à s y abandonner. 

M. de Moustier, Messieurs, a d’autres titres à notre affec- 
tueux souvenir. Il était notre compatriote, et vous savez tous 
comme moi combien il aimait cette province, par quels liens 
il était spécialement attaché à notre Société. C'était un de ses 
rêves d'avenir, à lui qui avait franchi, à 51 ans, tous les degrés 
d’une carrière brillante, de venir se fixer plus tard dans sa 
terre de Bournel, et de mettre à profit Les loisirs qu'il se pro- 
mettait d'y goûter pour prendre une participation suivie à nos 
réunions (‘). Les nombreuses questions d'archéologie et d'his- 


(:) En raison de cette sympathie, Madame de Moustier a voulu qu'un 
portrait rendît vivant parmi nous le souvenir de celui dont elle fut la 
digne compagne : aussi a-t-elle fait exécuter et tirer à ses frais, pour les 
Mémoires de la Société d' Emulation du Doubs, la belle image qui accom- 
pagne cette notice. 


— 387 — 


toire qui s'agitent parmi vous et qui vous ont valu depuis si 
| longtemps la haute estime du monde savant, toutes ces ques- 
tions lui étaient presque familières : du moins, il en causait 
volontiers et s'y intéressait avec une prédilection marquée. 
C'est donc plus qu'un compatriote illustre que nous avons 
perdu; c’est aussi un collaborateur, et j'ai connu M. de 
Moustier trop dévoué à notre Société pour ne pas lui donner 
ce titre en terminant le travail que vous m'avez chargé de 
consacrer à sa mémoire. 


— 388 — 


OBJETS DIVERS 


DONS 
Faits à la Société en 1869. 


Par Son Exc. M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION 


PDEDTQURR- NE IR ARS ANRRER PARTIES RER 500 fr. 
Par le DÉPARTEMENT pu Dougs . . . . . . . .. 300 
Par la NEUBE DEDESANCON EU AURA 600 


Pat Son Exc. M. ze MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE : 

Revue des Sociétés savantes des départements, 4° série, t. VIII, 
septembre à décembre 1868; 1. IX, janvier à octobre 1869 ; — 
Mémoires lus à la Sorbonne en 1868, histoire et archéologie, 
2 vol. in-8° ; 

Par LA CHAMBRE DE COMMERCE DE BESANCON, Compte-rendu 
de l’année 1868. 


Par MM. 

Paul Laurens, membre résidant, son Annuaire du Doubs et 
de la Franche-Comté pour 1869 ; 

Auguste Jaccarp, membre correspondant, ses Matériaux 
pour la carte géologique de la Suisse, 6° livraison, Jura vaudois 
et neuchâtelois, avec 2 cartes et 8 planches de profils géolo- 
giques, Berne, 1869, 1 vol. in-4° et ? cartes in-fol.; 

GRENIER, membre résidant, Mémoires de l’Académie de Sta- 
nislas, 1869 ; 

Henri. MarTIN, membre honoraire, son travail intitulé : 
Mystères des Bardes de l’île de Bretagne, broch. in-8° ; 


| 
[ 
9 
À 
L 


=. 
rs = 


= 389 — 

VIVIEN DE SAINT-MarTIN, membre correspondant, son Année 
géographique, 1868 ; 

MarzeT, membre résidant, son mémoire sur le Chapitre du 
château de Gray et le chef de sainte Elisabeth, Vesoul, 1869, 
broch. in-8° ; | 

ORDINAIRE DE LACOLONGE, membre correspondant, ses quatre 
brochures intitulées : £Zxamen des divers moyens proposés pour 
faire contribuer la traction à l’adhérence des locomotives ; — 
Un puits doit-il être ouvert ou foncé ? — Note sur l'écoulement 
des eaux de toiture; — Recherches théoriques et pratiques sur le 
ventilateur à force centrifuge ; 

GAFFAREL, membre résidant, ses thèses de doctorat ès-lettres 
intitulées : Etude sur les rapports de l'Amérique et de l’ancien 
continent avant Christophe-Colomb, et De Franciæ commercio . 
régnantibus Carolinis ; 

Déy, membre correspondant, sa Controverse archéologique 
sur les origines de l’église de Chivy (Aisne), Laon, 1869, br. in-8°; 

Francois Leczerc, membre correspondant, sa Note sur un 
perfectionnement introduit dans la fabrication du vinaigre de 
bois, Lons-le-Saunier, 1868, broch. in-8° ; 

JuiLLARD, pasteur, ses Souvenirs d'un voyage en Chine, con- 
férences faites à Montbéliard de 1864 à 1867, 1 vol. in-12 ; 

CHERvIN aîné, membre Correspondant, son Rapport au 
Ministre de l’Instruction publique sur l’'Institution des Bèques à 
Paris, suivi d’un Rapport au conseil municipal de Marseille sur 
le cours de prononciation de M. Chervin, broch. in-8° ; 

C. Fzeury, son volume intitulé Francs-Comtois et Suisses, 
Besancon, 1869, in-12. 


Ouper, membre résidant, Plan des fouilles du Palais des 
Césars à Rome, levé sous la direction de M. Pietro Rosa et repro- 
duit par la photographie ; 

Joseph PiGueT, mécanicién au moulin d’Aranthon, com- 
mune d'Osselle (Doubs), une pique en fer du quatorzième siècle, 
trouvée audit lieu ; 


— 390 — 


CarME, membre correspondant, un scramasax, une moitié 
de boucle de ceinturon et un vase funéraire en terre noire, le 
tout provenant des sépultures burgondes rencontrées par les 
fouilles de la gare de Chaussin (Jura). 


* Envois faits en 1869 par les Sociétés correspondantes 


Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny, 
9 année, 1868, n° 10-12, 10° année, 1869, n°s 1-7; 


Bulletin hebdomadaire de l'Association scientifique de France, 


n% 98-150, 13 décembre 1868 — 12 décembre 1869; 

Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts de la 
Marne, 1867 et 1868; ; 

Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, séance 
publique du ?8 janvier 1868 ; 

Bulletin de la Société impériale d’horticulture pratique du 
Rhône, 1868, n°° 10-12, 1869, n°s 1-6; 

Société de secours des amis des sciences, comptes-rendus des 
11° et 12° séances publiques annuelles, 1868 et 1869 ; 

Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Colmar, 1867 et 
1868 ; 

Bulletin de la Société de l’industrie de la Mayenne, section des 
sciences, lettres et arts, tom. IV, 1867; 

Bulletin de la Socièté d’Emulation de l'Allier, t. IX, 4° livrai- 
son, 1866, tom. X, ?° livraison, 1866 ; — Etudes sur la chro- 
nologie des sires de Bourbon, du dixième au treizième siècle, 
par A. Chazaud, publication de ladite Société, 1865 ; 

Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles, t. X, 
n° 60 et 61, feuilles 8-12, pl. 4et 5; 

Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de 
Bordeaux, tom. V, 1867, fin du vol., tom. VI, 2° cahier, 1868, 
1e cahier, 1869, tom. VII, pp. 33-59 ; 

Annales de la Société littéraire, scientifique et artistique d'Apt 
(Vaucluse), 3° année, 1865-1866 ; 


— 391 — 

Bulletin périodique publié par les Sociétés d'agriculture et 
d'horticulture du Doubs, nov. et déc. 1868 ; 

Mémoires de l’Académie de Lyon, classe des sciences, t. XV; 

Bulletin de la Société dunoise, n° 5 et 6, janvier-octobre, 
1869 ; À 

Bulletin de la Société géologique de France, 2° série, t. XXV, 
t. XXVI, feuilles 1-24; — Réapparition du genre Arethusina 
et Faune silurienne, deux opuscules de Joachim Barrande, 
Prague, 1868, br. in-8°; 

Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 
2° série, tom. II, 1869 ; 

Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 2° série, t. XXV 
et XX VI, 1868; — Annuaire de la même Académie, 35° année, 
1869 ; 

Bulletin de la Commission des antiquités de la Seine-Inférieure, 
tom. I, 1867; 

Annales de la Société d'Emulation des Vosges, tom. XII, 
1® cahier, 1868 ; 

Bulletin trimestriel de la Société d'agriculture de Joigny, 
29° année, 1868, n° 80, 30° année, 1869, n° 81-83 ; 

Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, procès-ver- 
baux, t. VI, et concours de 1867 ; 

Mémoires de l’Académie impériale des sciences, belles-lettres et 
arts de Savoie, 2° série, tom. X, avec album de 17 planches 
lithographiées ; 
© Mémoires de la Société d'Emulation du Jura, 1868 ; 

Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de 
l'Yonne, tom. XXII, 1868, 3° et 4° trimestres, t. XXIIT, 1869, 
1e et 2° trimestres ; 

Bulletin de la Société algérienne de climatologie, 5° année, 
1868, n°° 4-6 ; 

Société des sciences naturelles du grand-duché de Luxembourg, 
tom. X, 1867-1868; | 

Comptes-rendus de la Société française de numismatique et 


d'archéologie, 1868 et 1869; 


— 9392 — 


Bulletin de la Société industrielle d'Angers et du département 
de Maine-et-Loire, 3° série, t. VITII-X, 1867-1868 ; 

Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la 
Haute-Saône, 3° série, n° 1, 1869 ; 

Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, t. XXTII 
(lettres et arts), t. XXIV (sciences), 1868; — Procès-verbaux 
des séances de la même Société et Inventaire bibliographique des 
ouvrages qui lui ont été offerts en 1867; 

Mémoires de la Société d'Emulation de Montbéliard, 2° série, 
t. I, 1862-1864, pp. 405-526, t. IT, pp. 110-429 ; 

Annales de la Société impériale d'agriculture de Lyon, 3° série, 
t. IV-VII, 1860-1863, 4° série, t. IE, 1867; 

Mémoires de la Société académique de l'Aube, ?° série, tom. I 
à XIV, 1847-1863, 3° série, t. V, 1868; — Table générale des 
inalières desdits mémoires, de 1822 à 1863; — Notice sur les 
collections du musée de Troyes fondé et dirigé par la Société 
académique de l'Aube, 2° édition, 1864, in-8° ; — Organisation 
de la Société académique de l'Aube, 6° édition, 1869 ; 

Bulletin de la Société polymatique du Morbihan, 1868, ?° se- 
mestre, 1869, 1° semestre; — Histoire naturelle du Morbihan : 
catalogue des mammifères, oiseaux et reptiles, par M. Taslé père; 

Rapport du président de la Commission d'archéologie de la 
Haute-Saône sur les ruines romaines de Saint-Sulpice, Vesoul, 
1869, in-8° : 

Mémoires de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or, 
t. II à IV, V (2et 3° livraisons), VI, VII ({"°et 2° livraisons); 
— Répertoire archéologique de la Côte-d'Or (arrondissement de 
Dijon), publié sous les auspices de cette Commission ; 

Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agriculture 
et industrie de Saint-Quentin, 3° série, t. VIII, 1868 ; 

Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 
t. XVIII, 1868 ; — Registres consulaires de la ville de Limoges, 
t. IL, feuilles 21-31; — Nobiliaire du Limousin, t. IL, feuilles 
26-37 ; ‘ 

Annaæles de la Société impériale d'agriculture , industrie , 


— 393 — 
sciences, &rts et belles-leitres de la Loire, à Saint-Etienne, t. XII, 
1868 ; 

Matériaux d'archéologie et d'histoire, par les archéologues de 
Saône-et-Loire, n°° 2 à 7, 1869; 

Mémoires de la Société impériale des sciences naturelles de 
Cherbourg, t. XIV (2° série, t. IV), 1869; | 

Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel, 
t. VIII, 2° cahier; LT 

Bulletin de la Société des sciences naturelles et historiques de 
l'Ardèche, n° 5, 1868 ; 

Bulletin de la Société de statistique, des sciences naturelles et 
des arts industriels de l'Isère, 3° série, t. I, 1869 ; 

Mémoires de l'Académie du Gard, nov. 1867 — août 1868; 

Bulletin de la Société impériale des HAUTES de France, 
année 1868 et 2° trimestre 1869 ; 

Société des sciences médicales ï l'arrondissement de Gannat, 
23° année, 1868-1869 ; 

Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie, 3° série, 
tom. Jet IT; 

Annales de la Société impériale d'Emvulation de l'Ain, 1869, 
janvier-septembre ; 

Jahrbuch der k. k. geologischen Reichanstalt, in Wien, 
B: XVII, n%2, 3, 4, 1867, B. XVIII, n° 1, 3, 4, 1868, 
B. XIX, n° 1, 1869; — Verhandlungen, n° 13-18, 1867, 
n° 1-18, 1868, n° 1-5, 1869 ; 
© Süzungberichte der kœnigl. bayer. Akademie der Wissen- 
-schaften zu München, 1867, B. II, H. 4, 1868, B. I, H. 1, 
B. II, H. 2-3, 1869, B. I, H. 1-4, B. I, H. 1; — Monætliche 
und jæhrliche Resultate der an der kænigl. Sternwarte bei Mün- 
chen von 1857 bis 1866, von D'J. Lamont ; — Beobachtungen 
des Meteorologischen Observatoriums auf den Hohenpeissenberg 
von 1851 bis 1864, von D'J. Lamont (VI und VII Supplement- 
bænder zu den Annalen der Münchener Sternwarte), München, 
1868, in-8° ; — Verzeichnisf von 6323 telescopischen Sternen 
(VIIT Supplementband zu den Annalen der Münchener Stern= 

21 


— 394 — 

warte): — Die Grosshirnwindungen des Menschen, von D' Th. 
L. W. Bischoff, München, 1868, in-4°; — Beitræge zur Kennt- . 
niss der Procæn-oder Kreide-Formation im nordwetlichen Bæh- 
men, von CG. W. Gümbel, München, 1868. in-4°; — Uber die 
Theorien der Ernæhrung der thierischen Organismen, von Karl 
Voit, München, 1868, in-4° ; — Versuche über die Wasserver- 
dunstung auf besætem und unbesætem Boden, von August Vogel, 
München, 1867, in-4°; — Denkrede auf Heinrich-August Vogel, 
von August Vogel, München, 1868, in-8° ; 

Verhandlungen der naturforschenden Gesellschaft in Basel, 
B. V, H, 2, Basel, 1869; 

Dreizehnter Bericht der oberhessischen Gesellschaft fur Natur- 
und-Heilkunde, Giessen, april 1869; 

Vierteljahrsschrift der naturforschenden Gesellschaft in Zürich, 
1867 und 1868 ; | 

Kongl. Svenska Vetenskaps-Akademiens Handlingar, Bd. V-2, 
1864, Bd. VI-I, 1865, 2, 1866, Bd. VII-1, 1867, in-4°; — 
Ofversigt af k. svenska Vetenskaps-Akademiens FϾrhandlingar, 
Bd. XXII-XX V, 1865-1868, in-8°; — Lefnadsteckningar œfver 
kongl. swenska Vetenskaps-Akademiens, Bd. I, H. 1, 1869, in-8°; 
— Die Thierarten des Aristoteles von den Klassen der Sæugethiere, 
Vœgel, Reptilien und Insecten, von Karl. J. Sundewall, Stoc- 
kholm, 1863, in-8; — Conspectum avium Picinarum, edidit 
Carolus J, Sundewall, Stockholmiæ, 1866, in-8° ; 

Memoirs reade before the Boston Society of natural Mstory, 
t. I, part. IV, Boston, 1869, in-4°; — Proceedings, june 1868 — 
march 1869 ; — Occasional papers, t. I {Entomological corres- 
pondence of T. W. Harris), Boston, 1869, in-8° ; 

Annual report of the board of regents of the Smithsonian 
Institution, 1867 ; 

Memoirs of the literary and philosophical Society of Manches- 
ter, ser. III, t. 3, 1868; — Proceedings, t. V, 1865-66, t. VI, 
1866-67, 1. VII, 1867-68. | 


— 395 — È 


MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ 


Au 15 août 1870. 


Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique 
l'année de sa réception dans la Société. 

Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles 
sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément 
à l'article 21 du règlement. 


Conseil d'administration pour 1870. 


Préadents 0 JS A MM Gann (Gharles): 

Premier De PA RETENE NT A BouULLET ; 

Deuxième Vice-Président . . . . . .. Decacroix (Em.); 

NS ÉCR GITE ÉCERARAU. VAE 2 Mer. CASTAN ; 

Vice-Secrét. et RUE des dépenses. FAIVRE ; 

Trésorier . SUR JACQUES ; 

Archiviste MENT VARAIGNE. 

Secrétatre honoraire 3 012 + .., M. BAVOUX: 
Membres honoraires. . 

MM. 


Le Prérer du département du Doubs. 

L'ARCHEVÈQUE du diocèse de Besancon. 

Le GÉNÉRAL commandant la 7° division militaire. 

Le PREMIER PRÉSIDENT de la Cour impériale de Besançon. 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour impériale de Besançon. 

Le RecrTeur de l'Académie de Besançon. 

Le Maire de la ville de Besancon. 

L'InsPecTEUR d'Académie à Besançon. 

BayLe, professeur de paléontologie à l'Ecole des mines; Paris. 
— 1851. 


— 396 — 
MM. 
BLancaarD, Em., membre de l’Institut (Académie des scienc.), 
professeur au Muséum d'histoire naturelle; Paris. — 1867. 
Coquanp, Henri, professeur de géologie; Marseille. — 1850. 
Devizze, Henri-Sainte-Claire, membre de l’Institut (Académie 
des sciences) ; Paris. — 1847. 
Devoisins, sous-préfet des Andelys (Eure). — 1842. 
Dougcenay, Henri, entomologiste; Epping, comté d’Essex 
(Angleterre). — 1853. 
Duruy, Victor, sénateur, ancien ministre de l’Instruction 
publique ; Villeneuve-St-Georges (Seine-et-Oise). — 1869. 
_Gov&er, docteur en médecine; Dole (Jura). — 1852. 
Lézur, membre de l’Institut (Académie des sciences morales); 
rue Vanneau, 15, Paris. — 1866. 
Magie (M£'), évêque de Versailles. — 1858. 
Martin, Henri, historien; Paris-Passy, rue du Ranelagh, 54. 
— 1865. 
Panavey, ancien conseiller d'Etat, rue des Petites-Ecuries, 44, 
Paris. — 1863. 
Quicaerar, Jules, professeur à l'Ecole impériale des Chartes; 
Paris, rue Casimir-Delavigne, 9. — 1859. 
Résaz, Henri, ingénieur des mines (service du contrôle des 
chemins de fer Paris-Lyon); Besançon. — 1853. 
THierry, Amédée, sénateur, membre de l'Institut ( Académie 
des sciences morales); rue de Tournon, 12, Paris. — 1867. 


Membres résidants (1). 


ApLER, fabricant d'horlogerie, quai Vauban, 30-32. — 1859. 
ALEXANDRE, Secrétaire du conseil des prud'hommes, rue 
d'Anvers, 4. — 1860. 


() Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile 
habituel est hors de Besançon, mais qui ont demandé le titre de résidants, 
afin de-payer le maæinuwm de la cotisation et de contribuer ainsi d'une 
manière plus large aux travaux de la Société. 


1 


— 397 — 
MM. : 

Azviser, président de chambre à la Cour impériale, rue du 
Mont-Sainte-Marie, 1. — 1857. 

D'ARBAUMONT, chef d’escadron d'artillerie en retraite, rue 
Sainte-Anne, 1. — 1857. | 

ARNAL, économe du Lycée impérial. — 1858. 

BanER, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870. 

BaïzLy (l'abbé), maître des cérémonies de la cathédrale.— 1865. 

BargauD, Auguste, adjoint au maire, rue Saint-Vincent, 43. 
— 1857. . 

BarBaup, Charles, négociant, rue Neuve-St-Pierre, 15.—1862. 

* Bavoux, Vital, contrôleur des douanes, à Valenciennes 
(Nord). 

BELLaIR, médecin-vétérinaire, rue de la Bouteille, 7. — 1865. 

BeLor, essayeur du commerce, rue de l'Arsenal, 9. — 1855. 

Berre DE TURIQUE, conseiller à la Cour impériale, rue Neuve, 
24. — 1870. 

BERTHELIN, Charles, ingénieur en chef des ponts et chaussées, 
rue de Glères, 23. — 1858. 

BERTIN, négociant, aux Chaprais (banlieue). — 1863. 

* BERTRAND, docteur en médec., rue des Granges, 9. — 1855. 

Besson, avoué, place Saint-Pierre, 17. — 1855. 

Braz, Paul, chef d’escadron d'artillerie, sous-directeur à l’ar- 
senal. — 1858. 

Brez, chef de cabinet du préfet du Doubs, hôtel de la préfec- 
ture. — 1870. 

DE Bicor, chef d’escadron d'Etat-major, rue de la Préfecture, 
31. — 1868. 

BLonpeau, Charles, entrepreneur de menuiserie, vice-présid. 
du conseil des prud'hommes, rue Saint-Paul, 57. — 1854. 

BLonpeau, Léon, entrepreneur de charpenterie, rue Saint- 
Paul, 57. — 1845. 

BLoxpon, docteur en médecine, rue des Granges, 68. — 1851. 

_Bonier, Eugène, doct. en médec., Grande-Rue, 53. — 1867. 

Boizzor, Constant, graveur, place Saint-Amour, 1. — 1870, 


— 398 —. 


MM. k 
BorrTeux, inspecteur honoraire du service des enfants assistés, 
rue de la Bouteille, 9. — 1867. ‘ 


Bozce, propriétaire, rue des Cliambrettes, 18. — 1870. 
Bosseux, Louis, professeur de rhétorique au Lycée, rue des 
Granges, 7. — 1869. 
Bossy, Xavier, fabric. d’horl., rue des Chambrettes, 6.—1867. 
Boueror, Eugène, sous-chef de bureau à l'hôtel de ville, 
secrét. du bureau de bienfaisance, rue Battant, 20. — 1868. 
BouLcer, proviseur du Lycée impérial. — 1863. 
BourRCHERIETTE dit POURCHERESSE, entrepreneur de peinture 
et propriétaire, rue des Chambrettes, 8. — 1859. à 
Bourpy, Pierre, essayeur du comm., rue de la Lue, 9.— 1862. 
Bourier, Edouard, propriétaire, place Granvelle. — 1868. 


BoussiNGAULT, chimiste, essayeur de la garantie. — 1870. 
Bourrey, Paul, fabricant d'horlogerie, juge au tribunal de 
commerce, rue Moncey, 12. — 1859. 


Bouvarp, Louis, avocat, Grande-Rue, 95. — 1868. 
Boysson p'Ecoze, trésorier-payeur général du département, 
rue de la Préfecture, 22. — 1852. 


BRezIN, Félix, sculpteur, faubourg Tarragnoz. — 1868. 
BRETEGNIER, notaire, rue Saint-Vincent, 22. — 1857. 


BrerTizLor, Eugène, propriétaire, rue des Granges, 46.—1840. 

BrerTizzor, Léon, banquier, ancien maire de la ville, président 
du tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 21. — 1853. 

BrerTizLoT, Maurice, propr., rue de la Préfecture, 21.— 1857. 

BrerTiLLor, Paul, propriét., rue de la Préfecture, 21. — 1857. 

Brucxow, professeur à l'Ecole de médecine, médecin des hos- 
pices, rue des Granges, 16. — 1860. 

BRuGNON, ancien notaire, membre du conseil municipal, rue 
de la Préfecture, 12. — 1855. 

Bruxswicx, Léon, fabric. d’horlos., Grande-Rue, 28. — 1859. 

Brusser, notaire, Grande-Rue, 14. — 1870. 

Buisson, Louis, représentant de commerce, rue de la Préfec- 
ture, 10. — 1869. | 


— 399 — 
MM. 

pe Bussierre, Jules, conseiller honoraire à la Cour impériale, 
président honoraire de la Société d'agriculture, rue du Clos, 
33. — 1857. 

CaxEL, chef de bureau à la ne — 1862. 

CARLET, Joseph, ingénieur des ponts et chaussées, rue Neuve, 
13. — 1858. 

Casran, Auguste, conservateur de la bibliothèque et des 
archives de la ville, rue Saint-Paul, 3. — 1856. 

DE CHARDONNET (le vicomte), ancien élève de l'Ecole polytech- 
nique, rue du Perron, 28. — 1856. | 

CHauveLoT, professeur d’arboriculture; la Butte (banlieue). 

” — 1858. 

Cenevier, professeur à l'Ecole de médecine, chirurgien en 
chef des hospices, rue de la Vieiïlle-Monnaie, 3. — 1851. 

CHevizzreT, professeur de mathématiques Reise au Lycée 
impérial, rue du Clos, 27. — 1857. 

Cuorrar, Paul, géologue, rue des Granges, 21. — 1869. 

CxoTarp, professeur d'histoire à la Faculté des lettres, rue du 
Chapitre, 19. — 1866. 

CHRÉTIEN, Auguste, directeur des transmissions télégraphi- 
ques, palais Granvellé. — 1869. 

pe CONEGLIANO (le marquis), chambellan de l'Empereur, an- 
cien député du Doubs, rue de Ponthieu, 62, à Paris.— 1857. 

Corprer, Jules-Joseph, employé des douanes, rue de la Pré- 
fecture, 26. — 1862. 

CouLon, Henri, avocat, rue de la Lue, 7. — 1856. 

CourLer, proviseur de Lycée en retraite, rue Ronchaux, 11. 
— 1863. 

CourrorT, Théodule, commis-greffier à la Cour impér iale. — 
1866. 

Courexor, professeur à l'Ecole de médecine, médecin en chef 
des hospices, Grande-Rue, 44. — 1852. 

CueniN, Edmond, pharmacien, rue des Granges, 40. — 1863. 

Cuizuier, relieur de livres, Grande-Rue, 58. — 1870. 


— 400 — 


MM. 

Dacux (le baron), juge au tribunal de première instance, 
membre du conseil général, rue de la Préfecture, 23.—1865. 

Davin, notaire, Grande-Rue, 107. — 1858. 

Decoumois, Ch., directeur d'usine; la Butte (banlieue). — 
1862. 

Deracroix, Alphonse, architecte de la ville. — 1840. 

Deracroix, Emile, professeur à l'Ecole de médecine, imspec- 
teur des eaux de Luxeuil, Grand-Rue, 33. — 1840. 

Dexaws. vérificateur des poids et mesures, rue Proudhon, 4. 
— 1866. | 

Dérrey, Just, banquier, Grande-Rue, 96. — 1857. 


Diérricn, Bernard, négociant, membre du conseil des pru- : 


d'hommes, Grande-Rue, 73. — 1859. 


Dusosr, Jules, maître de forges, rue Sainte-Anne, 2. — 1840. 
. Ducar, Alfred, architecte, rue Saint-Pierre, 19. — 1855: 
Dunop DE CHARNAGE, avocat, rue de la Bouteille, 1. — 1863. 


Durer, géomètre, rue Neuve, 28. — 1858. 

Erms, Edmond, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1860. 

Eruis, Ernest, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1855. 

Ermis, Léon, sous-inspecteur des forêts, rue de la Préfecture, 
25. — 1862. : 

Favre, Adolphe, professeur à l'Ecole de médecine, Grande- 
Rue, 76. — 1862. 

Faucomrré, chef d’escadron d'artillerie en retraite, lauréat 
de la prime d'honneur au concours régional agricole de 
Besancon en 1865, rue du Clos, 31. — 1855. 

Faucomrré, Philippe, professeur d'agriculture du département 
du Doubs, rue du Clos, 31. — 1868. 

FEnnier, Louis, fabricant d’horlogerie, membre du conseil 
municipal, rue Ronchaux, 3. — 1859. 

Feuvrier (l'abbé), professeur à Saint-François-Xavier, rue des 
Bains-du-Pontot, 4. — 1856. 

Frrscx, Christian, propriétaire et entrepreneur de maçonnerie, 
rue du Chateur, 12. — 1866. 


” 


— AO! — 


MM. , 

Fox, agent principal d'assurances, place Saint-Pierre, 6. — 
1865. | 

Fou, Auguste, mécanicien, rue de l’Arsenal, 9. — 1862. 

GAFFAREL, professeur d'histoire au Lycée, rue de la Préfec- 
ture, 31. — 1868. 

GarperT, Victor, conducteur des ponts et chaussées, rue Mo- 
rand, 11. — 1869. 

Gassmann, Emile, rédacteur en chef du Courrier franc-comtois, 
rue du Mont-Sainte-Marie, 8. — 1867. 

_ Gaupor, médecin; Saint-Ferjeux (banlieue). — 1861. 

GAUFFRE, receveur principal des postes en retraite, rue Mo- 
rand. — 1862. 

GauLTiER DE CLAUBRY, professeur au Lycée; aux Chaprais 
(banlieue). — 1868. 

GauTHERoT, entrepren. de menuiserie, rue Morand, 9.— 1865. 

GauTHiIER, Charles, négociant en fournitures d’horlogerie, 
rue du Chateur, 7. — 1870. 

GauTaier, Jules, archiviste du département du Doubs, rue 
Neuve, 6. — 1866. 

GÉrarD, Edouard, banquier, ancien adjoint au maire de 
Besançon ; Genève, quai du Mont-Blanc, 5. — 1854. 

GéranD, Jules, professeur de philosophie au Lycée impérial, 
rue Neuve 5. — 1865. 

Gæer, Théodose, avocat, Grande-Rue, 6. — 1870. 

GizLaRD, avoué près la Cour impériale, rue des Granges, 62. 
— 1870. 

Girarpor, Régis, banquier, rue Saint-Vincent, 15. — 1857. 

Giron, Achille, propriétaire; Saint-Claude (banlieue).—1856. 

GrroD, avoué, rue Moncey, 5. — 1856. 

Girop, Léon, surnuméraire de l'enregistrement, rue Neuve, 
17. — 1870. 

Giro», Victor, adjoint au maire, Grande-Rue, 70. — 1859. 

Grrozer, Louis, dit ANDRoT, peintre-décorateur, rué de l'Ecole, 
28-30. — 1866. 


— ADS 
MM. 
GLorcer, Pierre, huissier, Grande-Rue, 58. — 1859. 
GouizLauD, professeur à la Faculté des sciences, rue Saint- 
Vincent, 3. — 1851. 
Gouxanp, Alexandre, doct. en méd., Grande-Rue, 30.—1869. 
Grax», Charles, directeur de l'enregistrement et des domaines, 
Grande-Rue, 68. — 1852, 
GRAND, Jean-Antoine, greffier de paix du canton sud de Be- 
sançon, rue Morand, 12. — 1868. 
GRANGÉ, pharmacien, rue Morand, 7. — 1859. 
GRENIER, Charles, doyen de la Faculté des sciences et profes- 
seur à l'Ecole de médecine. — 1840. 
GResserT, Félix, lieutenant-colonel d'artillerie, propriétaire, 
Grande-Rue, 53. — 1866. 
GRévy, Albert, avocat, rue des Granges, 62. — 1870. : | 
GROSJEAN, ancien bijoutier, rue des Granges, 21. — 1859. | 
GROSRICHARD, pharmacien, place de l'Abondance, 17.— 1870. : 
GUERRIN, avocat, rue de la Préfecture, 20. — 1855. 
GuiBaRD (l'abbé), aumônier de la citadelle, rue du Chapitre, 7. 
— 1866. 
GuicaarD, Albert, pharmacien, rue d'Anvers. 3. — 1853. 


GUILLEMIN, ingénieur-constructeur ; Casamène (banlieue). — 
1840. 


GUILLIN, libraire, rue Battant, 3. — 1870. 


Hazpy, fabricant d'horlogerie, rue Saint-Jean, 3. — 1859. 
Hory, propriétaire, rue de Glères, 17. — 1854. 
Huarr, Arthur, avocat, rue de la Préfecture, 13. — 1870. 


JacoB, Alexandre, maire de Pirey, propriétaire, rue Saint- 
Paul, 54. — 1866. 

Jacquarp, Albert, banquier, membre du conseil municipal, 
rue des Granges, 21. — 1852. 

JAcQUES, docteur en médecine, rue du Clos, 32. — 1857. 
Jacques DE FLeurey, chef d’escadron d'artillerie, Grande-Rue, 
98. — 18069. 

JEANNINGROS, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. — 1864. 


. — À03 —. 
MM. 

JeANNoT-Droz, Alphonse, fabricant d’horlogerie, Grande- : 
Rue, 103. — 1870. 

DE JOUFFROY (le comte Joseph), membre du conseil général, 
au château d'Abbans-Dessous et à Besançon, rue du Cha- 
pitres 4. = 18530 

Kzeix, Auguste, propriétaire, membre du conseil municipal; 
aux Chaprais (banlieue). — 1858. 

LacosTe, archiviste-adjoint du département du Doubs.— 1870. 

LANCRENON, conservateur du Musée et directeur de l'Ecole de 
dessin, corresp. de l’Institut, rue de la Bouteille, 9. — 1859. 

LAMBERT, Léon, ingénieur en chef des ponts et chaussées en 
retraite, rue des Granges, 74. — 1852. 

Lauper, conducteur des ponts et chaussées, rue Ronchaux, 
10. — 1854. 

Laurens, Paul, président de la Société d'agriculture du Doubs, 
rue Saint-Vincent, 22. — 1854. 

LEBLANC, Léon, peintre, membre du conseil des prud'hommes, 
rue Morand, 8. — 1867. 

LEson, Eugène, docteur en médecine, Grande-Rue, 88.—1855. 

LEBRETON, directeur de l'usine à gaz, Grande-Rue, 97. — 1866. 

LeGEenDRE, Louis, chef de bureau à l'hôtel de ville, receveur 
du bureau de bienfaisance, rue du Chateur, 15. — 1866. 

LéPaAGneY, François, horticulteur; la Butte (banlieue).—1857. 

Levier, Constant, chirurgien-dentiste, rue Morand, 8.—1869. 

LHomE, L., anc. not., rue de la Vieille-Monnaie, 4.— 1864. 

Lierrroy, Aimé, propriétaire, rue Neuve, 11. — 1864. 

DE LONGEviILLE (le comte), propriétaire, rue Neuve, 7.— 1855. 

Louvor, Hub.-Nic., notaire, Grande-Rue, 48. — 1860. 

Lumière, Antoine, photographe, rue des Granges, 59.— 1865. 

MacnaRD, viticulteur, Grande-Rue, 14. — 1858. 

Marre, ingénieur en chef des ponts et chaussées, rue Neuve, 
15. — 1851. 

Marror, Félix, banquier, membre du conseil d'arrondisse- 
ment, rue de la Préfecture, 17. — 1857. 


— 404 — : 


MM. 
D re Edouard, entrepreneur de charpenterie, rue ai 
— 1865. 
nn négociant, rue Saint-Pierre, 13. — 1869. 
Marcxaz, Georges, essayeur du commerce, Grande-Rue, 14, 
— 1860. 
Marion, mécanicien ; Casamène (banlieue). — 1857. 
MarioN, Charles, libraire, place Saint-Pierre, 2. — 1868. 
Marzer, Adolphe, secrétaire général de la préfecture de la 
Haute-Saône. — 1852. 
Marque, Hector, propriétaire, ancien élève de l'Ecole poly- 
technique; Poligny (Jura). — 1851. - 
MARTIN, Jules, manufacturier; Casamène (banlieue).— 1870. 
Marxior, Joseph, avocat, rue du Chateur, 20. — 1851. 
MazoyiE, ancien notaire, rue des Chambrettes, 12. — 1840. 
Mérin, Georges, agent voyer, rue du Chateur, 17. — 1868. 
Mrcau», Jules, direct. en retraite de la succurs. de la Banque, 
juge au tribunal de comm., rue des Granges, 38. — 1855. 
Mircxez, Brice, décorateur des promenades de la ville; Fon- 
taine-Ecu éhsUE — 1865. 
Myrzcer, profess. de philosophie à la Faculté des lettres. 1870. 
Monnier, Paul, correcteur d’impr., rue de Glères, 15.-—1868. 
Morez, Ernest, docteur en médecine, rue Moncey, 12.—1863. 
Mourrize, Alfred, banquier, rue de la Préfecture, 31.—1856. 
Norrer, voyer de la ville, rue de la Madeleine, 19. — 1855. 
D'Orivaz, Léon, propriétaire, rue du Clos, 22. — 1854. 
D'OrIvAL, Paul, conseiller à la Cour impériale, place Saint- 
Jean, 6. — 1852. 
Ouper, Gustave, avocat, rue Moncey, 2. — 1855. 
OUTHENIN - CHALANDRE , fabricant de papier et imprimeur, 
membre et ancien président de la Chambre de commerce, 
rue des Granges, 23. — 1843. 
OUTHENIN-CHALANDRE, Joseph, ancien juge au tribunal de 
commerce, Grande-Rue, 68. — 1856. 
PaizLor, Justin, naturaliste, rue des Chambrettes, 13.—1837. 


| 


— 405 — 


MM. 
ParGuez (le baron), docteur en médecine, Grande-Rue, ‘106. 
1857. ; 
PEQUIGNOT, Ernest, monteur de boîtes; Montjoux (banlieue). 
— 1870. 


PERCEROT, architecte, rue du Chateur, 25. — 1841. 

PÉrrARD, docteur en médecine, rue du Clos-St-Paul, 6.—1861. 

PériarD, Alfred, négociant, rue des Granges, 9. — 1870. 

DE PÉRIGNY, Arthur, officier surveillant du dépôt d'étalons; la 
Butte (banlieue). — 1870. 

DE PÉRIGNY, Félix, directeur du dépôt d'étalons; la Butte 
(banlieue). — 1870. 

PErNarp, négociant, rue de Chartres, 8. — 1868. 

PERRIER, Just, employé à la préfecture, quai Napoléon, 1. — 
1866. 

PERRUCHE DE VELNA, avocat, rue Saint-Vincent, 18. — 1870. 

Pérey, chirurgien-dentiste, Grande-Rue, 70. — 1842. 

PEeTiTeuENoT, Paul, avoué près la Cour impér., Grande-Rue, 
107. — 1869. 

Picarp, Arthur, banquier, Grande-Rue, 48. — 1867. 

Piquet, Emm., fabricant d’horlogerie, place Saint-Pierre, 9, 
— 1856. 

Piquerez, Aristide, fabricant d'horlogerie, rue de Glères, 23. 
— 1866. 

PorGnanp, médecin-vétérinaire, rue Morand, 9. — 1855. 

Porter, Joseph, entrepreneur de plâtrerie, rue d’Arènes, 93. 
— 1870. 

Pourcy pe Lusaxs, docteur en médecine, rue de la Préfecture, 
23. — 1840. | 

PROUDHON, Camille, conseiller à la Cour impériale, Grande- 
Rue, 129. — 1856. 

Proupaon, Léon, maire de la ville, rue de la Préfecture, 25. 
— 1856. 

Race, Louis, négociant, ancien adjoint au maire, rue Bat- 
tant, 7. — 1857. 


= Aÿ6 = 


MM. 
RatINE, Pierre, négociant, rue Baltant, 7. — 1859. 
Ravier, Franc.-Joseph, ancien avoué; St-Claude (banlieue). : 
— 1858. 


* RenauD, Alphonse, licencié en droit, surnuméraire de l'en- 
registrement, abbaye Saint-Paul. — 1869. 

Rexau», Francois, négociant, abbaye Saint-Paul. — 1859. 

Rexaup, Louis, ancien pharmacien, rue d'Anvers, 4.— 1854. 

REenauD, Victor, agent comptable de la caisse d'épargne, rue 
de la Préfecture, 16. — 1865. 

Reynaup-Ducreux, professeur à l'Ecole d'artillerie, rue Ron- 
chaux, 22. — 1840. 

RraLpo, profess. de dessin au Lycée, rue du Clos, 16.— 1869. 

Rozer, Pierre, syndic des faillites, rue Battant, 57. — 1870. 

SAILLARD, Albin, professeur à l'Ecole de médecine, Grande- 
Rue, 117. — 1866. 

SaINT-Eve, Ch., entrepreneur de serrurerie, place Granvelle. 
— 1865. 

SanT-Eve, Louis, fondeur en métaux, rue de Chartres, 8. — 
1852. 

Samnr-Ginesr, Etienne, architecte du département du Doubs, 
rue de la Préfecture, 18. — 1866. | 

DE SamT-JuaAN (le baron Charles), rue des Granges, 4.—1869. 

DE SAINTE-AGATHE, Louis, ancien ue au maire, rue d'An- 
vers, |. — 1851. 6 

SICARD, Honoré, négociant, rue de la Préfecture, 4. — 1859. 

SIRE, Greorges, docteur ès-sciences, essayeur de ï qe, 
rue Morand, 16. — 1847. 

STEHLIN, professeur de musique à l'Ecole noymale, Grande- 
Rue, 108. — 1867. 

TAILLEUR, propriétaire, rue d'Arènes, 33. — 1858. 

TaiépauD (l'abbé), chanoine, Grande-Rue, 112. — 1855. 

Tissor, économe de l’Asile départemental, rue des Granges, 
23. — 1868. 

TouRNIER, Justin, propriét,, rue de la Préfecture, 25.— 1855, 


— 407 — 
MM. 
Tournier, Paul, professeur à l'Ecole de médecine, rue des 
Granges, 32. — 1866. 
TRAVELET, ancien essayeur de la garantie, rue HEURE 
93. — 1854. 
TRÉMOLIÈRES, Jules, avocat, rue des Martelots, 1. — 1840. 
VARAIGNE, Charles, premier commis de la direction des con- 
tributions indirectes, rue Saint-Vincent, 18. — 1856. 
Veiz-Picarb, Adolphe, juge au tribunal de commerce, Grande- 
Rue, 14. — 1859. 
DE VEZET (le comte), propriétaire, rue Neuve, 17 ter.— 1859. 
DE VEzeT (le vicomte Edouard), membre du conseil d'arron- 


dissement, rue Neuve, 17 ter. — 1870. 
Vézian, professeur à la Faculté des sciences, rue Neuve, ?1. 
— 1860. 


VieNNET, surveillant nr au Lycée, rue de la Préfecture, 
10. — 1869. 

Vivier, Edmond, directeur des prisons du département du 
Doubs, quai Napoléon, 27. — 1866. 

Voisin, Claude-Francçois, entrepreneur, membre du conseil 
des prud'hommes, rue d'Anvers, 4. — 1869. 

Voisin, Pierre, propriét., directeur de la société d'entreprises 
Voisin et Ci*; Montrapon (banlieue). — 1855. 

VouzEau, conservateur des forêts, rue des Granges, 38.—1856. 

VuILLERET, Just, juge au tribunal, secrétaire de la commission 
municipale d'archéologie, rue Saint-Jean, 11. — 1851. 

WERLEIN, Amédée, négociant, rue des Granges, 44. — 1870. 

Wipaz, prof. à la Faculté des lettres, Grande-Rue, 79.—1868. 

WILLEMIN, propriétaire, rue de la Madeleine, 20. — 1868. 

ZAREMBA, premier commis de la direction de l'enregistrement, 
rue des Granges, 7. — 1869. 


— 408 — 


Membres correspondants. 


MM. 

D'ANDELARRE (le marquis), député de la Haute-Saône; au 
château d'Andelarre, près Vesoul. — 1868. 

Baizzy, pharmacien ; Vauvillers (Haute-Saône). — 1867. 

BaLANCHE, Stanisl., ingénieur-chimiste ; Thann (Haut-Rhin). 
— 1868. 

DE BANCENEL, chef de bataillon du génie en retraite; Liesle 
(Doubs). — 1851. 

Barpy, Henri, pharmacien; Saint-Dié (Vosges). — 1853. 

BarRAL, pharmacien, ancien maire de la ville de Morteau 
(Doubs). — 1864. 

BATAILLARD, Claude-Joseph, greffier de la justice de paix; 
Audeux (Doubs). — 1857. 

BeauquierR, économe de Lycée en retraite; Montjoux (ban- 
lieue). — 1843. 

BELTRÉMIEUX, agent de change; La Rochelle (Charente-[mfé- 
rieure). — 1856. 

Benorr, Claude-Emile, vérificateur des douanes; Paris, rue 
du Faubourg-Saint-Martin, 188. — 1854. 

Benoir, vérificateur des poids et mesures; Dole (Jura).—1870., 

* BERTHAUD, professeur de physique au Lycée de Mâcon 
(Saône-et-Loire). — 1860. 

* BerTaoT, ingénieur en chef de canal en retraite; Pouilly 
(Saône-et-Loire). — 1851. ; 
BErTRAND, Alexandre, conservateur du Musée impérial de 

Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise). — 1866. 
Besson, directeur des salines de Salins (Jura). — 1859. 
Bgrrenp, Abel, impr.-lithogr.; Lure (Haute-Saône). — 1862. 
* BEUQUE, triangulateur au service de la topographie algé- 
rienne ; Constantine. — 1853. | 
Bixio, Maurice, agronome, rue de Rennes, 93, Paris.—1866. 
BLANc&e, naturaliste et étudiant en droit; Dijon (Côte-d'Or). 
— 1865. 


= 10 
MM. | 

* pe BoiscecomTEe (le vicomte), général de division; Paris, 
boulevard Haussmann, 82. — 1854. 

Borssecer, archéologue ; Vesoul (Haute-Saône). — 1866. 

Boïrssonx, Emile, propriétaire ; Moncley (Doubs). — 1865. 

* Bouizzer, Appolon, rue de Grenelle-St-Honoré, 18, Paris. 
— 1860. 

BouTHEeNoT-PEuGEoT, président de la Société des bibliothèques 
communales de l'arrondissement de Montbéliard, maire de 
Valentigney (Doubs). — 1869. 

Bouvor, chef de bataillon du génie en retraite; Dole (Jura). 
— 1864. 

BRANGET , conducteur des ponts et chaussées ; Terre-Noire 
(Loire). — 1852. 

* BREDIN, profess. au Lycée de Vesoul (Haute-Saône).—1857. 

Brior, docteur en médecine ; Chaussin (Jura). — 1869. 

Bucxer, Alexandre, propriét.; Gray (Haute-Saône). — 1859. 

BurcxarpT, Jean-Rodolphe, docteur en droit, conseiller à la 
Cour d'appel de Bâle (Suisse). — 1866. 

CarME, conducteur des travaux du chemin de fer; Chaussin 
(Jura). — 1856. ê 
CaRTEREAU, docteur en médecine; Bar-sur-Seine (Aube). — 

1858. 

CasrTan, Francis, capitaine d'artillerie à la poudrerie du Bou- 
chet (Seine-et-Oise). — 1860. 

Cessac, archéologue, rue des Feuillantines, 101, Paris.—1863. 

CHaLor, instituteur; Froideterre, près Lure (Haute-Saône).— 
1868. 

.… CHAMPIN, secrétaire général de la préfecture de l'Aisne; Laon. 
— 1865. 

Capuis, Louis, pharmacien ; Chaussin (Jura). — 1869. 

CHarpy, Léon, archéologue ; Saint-Amour (Jura). — 1870. 

CHATELET, curé de Cussey-sur-l'Ognon (Doubs). — 1868. 

* Caazaun, archiviste du département de l’Allier; Moulins.— 
1865. 


28 


— 110 — 


MM. : 

CHervix aîné, directeur-fondateur de l’Institution des Bègues; 
Paris, avenue d'Eylau, 90. — 1869. 

* CLoz, Louis, peintre; Lons-le-Saunier (Jura). — 1863. 

Coran», chef d'institution; Ecully (Rhône). — 1857. 

Cozar», Charles, architecte; Lure (Haute-Saône). — 1864. 

Co1w, juge de paix; Pontarlier (Doubs). — 1864. 

* ConNTEJEAN, Charles, professeur à la Faculté des sciences de 
Poitiers (Vienne). — 1851. 

Cosre, docteur en médecine et pharmacien de première classe; 
Salins (Jura). — 1866. 

* CoTTEAU, juge au tribunal de première instance; Auxerre 
(Yonne). — 1860. 

* CourHEeRuT, Aristide, notaire; Lure (Haute-Saône).—1862. 

CréBeLy, Justin, employé aux forges de Franche-Comté ; 
Fraisans (Jura). — 1865. 

Cuiner, curé de canton; Amancey (Doubs). — 1844. 

Curé, docteur en médecine; Pierre (Saône-et-Loire). — 1855. 

DarLor, ingénieur-opticien, rue Chapon, 14, Paris. — 1864. 

DErAvELLE, inspect. primaire; Montbéliard (Doubs).— 1866. 

DELEULE, instituteur; Jougne (Doubs). — 1863. 

Dépierres, Auguste, avocat, bibliothécaire de la ville de Lure 
(Haute-Saône). — 1859. 

* DEsseRTINES, direct. des forges de Quingey (Doubs).— 1866. 

Derzem, ingénieur en chef des ponts et chaussées, Niort 
(Deux-Sèvres). — 1851. 

* Deus, Eugène, banquier; Epernay (Marne). — 1860. 

DEvarenNE, Ulysse, capitaine de frégate de la marine impé- 
riale; Toulon (Var). — 1867. 

Devaux, pharmacien ; Gy (Haute-Saône). — 1860. 

Déy, conservateur des hypothèques ; Laon (Aisne). — 1853. 

Donner, chef de service de la compagnie des chemins de fer 
de Paris à Lyon; Paris. — 1857. 

Drapeyron, Ludovic, professeur d'histoire au Lycée Napoléon, 
rue Clotaire, 3, Paris. — 1866. 


— M1 — 

DumorTier, Eugène, négociant, avenue de Saxe, 97, Lyon 
(Rhône). — 1857. 

Favre (Pierre), apiculteur ; Seurre (Côte-d'Or). — 1865. 

* FazLor, fils, architecte, Montbéliard (Doubs). — 1858. 

FarGEauD, professeur de Faculté en retraite ; Saint-Léonard 
(Haute-Vienne). — 1842. 

* Favre, Alphonse, profess. à l'Académie de Genève (Suisse). 
— 1862. 

* pe Ferry, Henri, maire de Bussières, par Saint-Sorlin, près 
Mäcon (Saône-et-Loire). — 1860. 

* Fire, curé de la Rivière (Doubs). — 1854. 

Fozrète, curé de Verne (Doubs). — 1858. 

* ForTuné, Pierre-Félix, empl. aux forges de Franche-Comté; 
Fraisans (Jura). — 1865. 

* DE FROMENTEL, docteur en médecine; Gray (Haute-Saône). 
— 1857. 

GazLoTti, Léon, capitaine, professeur à l'Ecole impériale 
d'Etat-major, rue du Hâvre, 9, Paris. — 1866. 

GARNIER, Georges, avocat; Bayeux (Calvados). — 1867. 

Gascox, Edouard, agent voyer; Fontaine-Française (Côte- 
d'Or). — 1868. 

GAUTHIER, docteur en médecine ; Luxeuil (Haute-Saône). — 
1869. 

= GENTILHOMME, pharmac. de l'Empereur; Plombières (Vosges). 
— 1859. 

Gevrey, Alfred, procureur impérial à Pondichéry (Indes 
françaises). — 1860. 

GinprE, docteur en médecine; Pontarlier (Doubs). — 1869. 

* GIRARDIER, agent voyer d'arrondissem!; Pontarlier (Doubs). 
— 1856. 

* Grron, Louis, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1851. 

Giron, Louis, doct. en médec.; Mignovillars (Doubs).—1870. 


* Goprow, doyen de la Fac. des sciences de Nancy (Meurthe). 
— 1843, | 


— 412 — 


MM. 
* GoqueL, Ch., manufacturier, au Logelbach (Haut-Rhin). 
— 1856. 
GoGueL, pasteur; Sainte-Suzanne, près Montbéliard (Doubs). 
— 1864. 


GoGueLy, Jules, archit.; Baume-les-Dames (Doubs). — 1856. 

GouGer, Hippolyte, contrôleur des contributions directes ; 
Montbéliard (Doubs). — 1869. 

* GRANDMOUGIN, architecte de la ville et des bains de Luxeuil 
(Haute-Saône). — 1858. 

GRENIER, Edouard, littérateur, rue de Lille, 52, Paris.—1870. 

* GuiLzemoT, Antoine, entomologiste; Thiers (Puy-de-Dôme). 
— 1854. 

Guyarp, Auguste, littérateur, rue de Vaugirard, 60, Paris. — 
1869. 

Hucow, Charles, littérateur; Moscou (Russie). — 1866. 

HuGon, Gusrave, maire et suppléant du juge de paix de 
Nozeroy (Jura). — 1867. 

* Jaccarp, Auguste, professeur de géologie à l’Académie de 

Neuchâtel (Suisse) ; au Locle. — 1860. 

Jourpy, Emile, lieutenant d'artillerie, licencié ès-sciences 
naturelles ; Vincennes (Seine). — 1870. 

Jussy, Eugène, notaire; Moissey (Jura). — 1869. 

DE KavanNAGH-BALLYANE (le baron Henri), à Graz (Styrie). — 
1867. 

KLEIN, ancien Juge au tribunal de comm. de la Seine, adjoint 
au maire du 16° arrondiss. de Paris; Passy-Paris. — 1858. 

* Koecazin, Oscar, chimiste ; Dornach (Haut-Rhin).— 1858. 

Koacer, Xavier, président de la Société jurassienne d’Emu- 
lation; Porrentruy, canton de Berne (Suisse). — 1864. 

* KoxcLmanN, receveur du timbre; Angers (Maine-et-Loire). 
— 1861. 

* Kozer, Charles, constructeur ; Tavaux (Jura). — 1856. 

* LamoTre, directeur de hauts-fourn.; Ottange, par Aumetz 
(Moselle). — 1859. 


— 415 — 
MM. 

* Lanezois, juge de paix; Dole (Jura). — 1854. 

LANTERNIER, Chef du dépôt des forges de Larians ; Lyon, rue 
Sainte-Hélène, 10. — 1855. 

Larour-pu-Mouuin, député du Doubs, rue de Suresnel, 17, 
Paris. — 1864. 

* LAURENT, Ch., ingénieur civil, rue de Chabrol, 35, Paris. — 
1860. 

* LeBEAU, chef du service commercial de la Compagnie des 
forges de Franche-Comté; Fraisans (Jura). — 1859. 


LEBRUN-DALBANNE, archéologue, Troyes (Aube). — 1868. 

Leczerc, François, archéologue ct naturaliste; Seurre (Côte- 
d'Or). — 1866. 

LeNorManD, avocat; Vire (Calvatlos). — 18435. 

* Leras, inspecteur d'Académie; Auxerre (Yonne). — 1858. 

Laomme, Victor, directeur des douanes ; Colmar (Haut-Rhin). 
— 1842. 

Licrer, Arthur, pharmacien ; Salins (Jura). — 1863. 


Lory, professeur de géologie à la Faculté des sciences de 
Grenoble (Isère). — 1857. 

Macxarp, Jules, peintre d'histoire, pensionnaire de l'Aca- 
démie de France à Rome. — 1866. 

* MarzLaRp, docteur en médecine; Dijon {Côte-d'Or).—1855. 

MaisonxerT, curé de Villers-Pater (Haute-Saône). — 1856. 

* pe Manpror, colonel fédéral; Neuchâtel (Suisse). — 1866. 

DE ManproT, Bernard, élève de l'Ecole impériale des Chartes ; 
Paris. —- 1870. 

Marcou, Jules, géologue, boulevard St-Michel, 81. — Paris. 
— 1845. 

DE MarmiErR (le duc), député au Corps législatif; Seveux 
(Haute-Saône). — 1854. 

De Marmier (le marquis), membre du conseil général du 
Doubs ; rue de l'Université, 11, Paris. — 1867. 

MarquiseT, Gaston, propriét.; Fontaine-lez-Luxeuil ( Haute- 
Saône). -— 1858. 


— 414 — 


MM. 

Marin, docteur en médecine, Aumessas (Gard). — 1855. 

* Maruey, Charles, pharmacien; Ornans (Doubs).— 1856. 

pe MENTHON, René, botaniste; Menthon (Haute-Savoie). — 
1854, 

* Micez,, Auguste, instituteur communal ; Mulhouse (Haut- 
Rhin). — 1842. 

MicxeLor, ingénieur en chef des ponts et chaussées, rue de la 
Chaise, 24, Paris. — 1858. 

MiGnaRp, correspondant du minist. de l'Instruction publique ; 
Dijon (Côte-d'Or). — 1868. 

Monnier, Eugène, architecte, rue Billault, 19, Paris. — 1866. 

Moréri, docteur en médecine, rue de Rivoli, 68, Paris. — 
1857. 

Mouror, instituteur public; Beure (Doubs). — 1870. 

Muenrer, Henri-Auguste, ingénieur-architecte, rue du Fau- 
bourg-Saint-Denis, 176, Paris. — 1868. 

Muxier, médecin; Foncine-le-Haut (Jura). — 1847. 

Musrox, docteur en médecine ; rue de Seine, 76, Paris. — 
1864. 

pe Nervaux, Edmond, chef de bureau au ministère de l’Inté- 
rieur; Paris. — 1856. » 

ORDINAIRE DE LACOLONGE, chef d’escadron d'artillerie en re- 
traite; Bordeaux (Gironde). — 1856. 

* PaRANDIER, inspecteur général des ponts et chaussées, rue 
de Berri, 43, Paris. — 1852. 

Paris, docteur en médecine; Luxeuil (Haute-Saône). — 1866. 

Parisor, Louis, pharmacien ; Belfort (Haut-Rhin). — 1855. 

PARMENTIER, Jules, membre du conseil général de la Haute- 
Saône; Lure. — 1864. 

Parez, ancien maire de Quingey (Doubs). — 1866. 

Pécour, Auguste, archiviste-paléographe, attaché à l'ambas- 
sade de France à Rome; château de Villiers, à Draveil 
{Seine-et-Oise). — 1865. 

PERRIER, Francis, manufacturier; Thervay (Jura). — 1867. 


— 415 — 


MM. 

* PEerrow, conservateur du musée de la ville de Gray (Haute- 
Saône). — 1857. 

* Pessières, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1853. 

Perir, Jean, statuaire, rue d'Enfer, 89, Paris. — 1866. 

Perir, Jean-Hugues, chef de section du chemin de fer; Pon- 
tarlier (Doubs). — 1869. 

Peucsor, Constant, membre du conseil général; Audincourt 
(Doubs). — 1857 

Prerney, docteur en médec.; Luxeuil (Haute-Saône). — 1860. 

PrzLop, Félix, notaire ; Pontarlier (Doubs). — 1867. 

PinaïRe, Jules, juge de paix; Clerval (Doubs). — 1868. 

Poisor, Maurice, avocat; Dijon (Côte-d'Or). — 1870. 

Pozy, receveur des contribut. indirectes; Héricourt (Haute- 
Saône). — 1869. 

Pompée, Philibert, membre du conseil supérieur de l’ensei- 
gnement secondaire spécial; Ivry (Seine). — 1869. 

PÔxe, docteur en médec., ancien maire de Pontarlier (Doubs). 
— 1842. 

Du PouEy, général en retraite; Pelousey (Doubs). — 1865. 

PourTier, Jules, employé des contributions indirectes; Arc- 
et-Senans (Doubs). — 1866. 

ProsrT, Bernard, archiviste-paléographe, rue Bonaparte , 17, 
Paris. — 1867. 

Proupxon, Hippolyte, membre du conseil d'arrondissement ; 
Ornans (Doubs). — 1854. 

* Quécer, Lucien, docteur en médec.; Hérimoncourt (Doubs). 
— 1862. 

QuiquEerEz, ancien préfet de Delémont; Bellerive, canton de 
Berne (Suisse). — 1864. 

Racine, P.-J., ancien avoué; Oiselay (Haute-Saône).— 1856. 

REBILLARD, pasteur; Trémoins (Haute-Saône). — 1856. 

Repper, recev. des douanes; Lanslebourg (Savoie). — 1868. 

* Rexaun, Alphonse, officier principal d'administration de 
l'hôpital militaire de Vincennes. — 1855. 


— 116 — 
MM. 
* RenauD, Edouard, capitaine au régiment des sapeurs-pom- 
piers de Paris, au Louvre, B. Rivoli. — 1868. 
Rexau», docteur en médec.; Goux-lez-Usiers (Doubs).—1854. 
Revon, Pierre, banquier; Gray (Haute-Saône). — 1858. 


RicHarD, Ch., docteur en médecine; Autrey-lez-Gray (Haute- 


Saône). — 1861. 

RoBnerT, Paul, peintre - paysagiste; Montagney, canton de 
Pesmes (Haute-Saône). — 1867. 

pe RocHas D'AIGLUN, capitaine du génie; Grenoble (Isère). — 
1866. 

RozLorT, contrôleur des contributions indirectes en retraite: 
aux Chaprais (banlieue de Besancon). — 1846. 

RouGer, docteur en médecine; Arboiïs (Jura). — 1856. 

Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Carmes, rue de Vaugi- 
rard, 70, Paris. — 1867. 

* Sancey, Louis, propriét.; Montjoux (banlieue de Besancon). 
— 1855. 

SARRAZIN, propriétaire de mines ; Laissey (Doubs). — 1862. 

* SARRETTE, colonel du 34° régiment de ligne; Alcer.—1864. 

* DE SAUSSURE, Henri, naturaliste; château de la Charnéa, 
près Bonne-sur-Ménage (Haute-Savoie). — 1854. 

SAUTIER, chef de bataillon du génie en retraite; Vesoul (Haute- 
Saône). — 1848. | 

TarzLeur, Louis, prof. au collége de St-Claude (Jura).—1867. 

* THénarD (le baron), membre de l'Institut (Académie des 
sciences); Talmay (Côte-d'Or). — 1851. 

TaierrY, Gilbert, auditeur de première classe au Conseil 
d'Etat, boulevard Malesherbes, 20, Paris. — 1868." 

TaurieT, Charles, juge de paix; Rougemont (Doubs).—1869. 

Tissor, correspondant de l'Institut, doyen de la Faculté des 
lettres de Dijon (Côte-d'Or). — 1859. 

Tougin, Charles, professeur au collége arabe d’Alger.— 1856. 

Tourer, Félix, percepteur; Nans-sous-Sainte-Anne (Doubs). 
— 1854. | 


4 
u 


+4 


— 417 — 
MM. 

* Tournier, Ed., docteur ès-lettres, rue de Vaugirard, 92, 
Paris. — 1854. 

Travezer, Nicolas, propriétaire; Bourguignon - lez - Morey 
(Haute-Saône). — 1857. 

Travers, Emile, conseiller de préfecture ; Caen (Calvados). — 
1869. 

Trrppuin, Julien, représentant de la fabrique bisontine d’hor- 
logerie, à Londres, Hart street Bloomsbury, 13. — 1868. 

TRucHELUT, photographe, rue Richelieu, 98, Paris. — 1854. 

Tusrey, Alexandre, archiviste aux archives de l'Empire, place 
Wagram, 4, Paris. — 1863. 

Vazrrey, Jules, chef de bureau au ministère de l'Intérieur, 
rue Treilhard, 3, Paris. — 1860. 

VENDRELY, pharmacien ; Champagney (Haute-Saône).—1863. 

Virgile, Emile, libraire, maison Victor Masson, rue de l'E- 
cole-de-Médecine, 17, Paris. — 1862. 

VreiLce, Eugène, fabricant de meules ; La Ferté-sous-Jouarre 
(Seine-et-Marne). — 1860. 

VIvIEN DE SAINT-MARTIN, vice-président de la Société de géo- 
graphie, quai Bourbon, 15, Paris. — 1863. 

WALLON, Henri, ancien élève de l'Ecole normale, professeur 
de Lycée; Paris. — 1868. 

* WeTzeL, architecté de la ville et président de la Société 
d'Emulation de Montbéliard (Doubs). — 1864. 

Wey, Francis, inspecteur général des archives de France; 
Paris, rue de Clichy, 14. — 1860. 

* WiLLERME, Colonel commandant le régiment des sapeurs- 
pompiers de Paris. — 1869. 


— 18 — 


SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. 


Le millésime indique l’année dans laquelle ont commence les relations. 
FRANCE 


Comité impérial des travaux historiques et des sociétés 
savantes près le Ministère des Lettres, Sciences et 


Beaux-Arts (deux exemplaires des Mémoires). . . . . 1856 
Ain 

Société impériale d'Emulation de l'Ain, à Bourg . . . 1869 
Aisne 


Société académique des sciences, arts, belles-lettres, 
agriculture et industrie de Saint-Quentin . . . . .. 1862 


Allier 


Société des sciences médicales de l'arrondissement de 


LCR à rl MOMENONEAR REINE CRE EE SL US Sd 1851 
Société d'Emulation du département de l'Allier; Mou- 
F2 PORTA E LUE ER x RAT VEN LE RE LS GS à 1860 
Alpes-Maritimes 


Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes ; 


DAC PME acte RE dr TON PC ICIELE 1867 
Ardèche 
Société des sciences naturelles et historiques de l’Ar- x 
dechesPVASD 7 LR RRQ CASAARE TE EE RSR 1863 
Aube 
Société académique de l'Aube; Troyes. . . . . . . . . 1867 
‘ Bouches-du-Rhône 
Société de statistique de Marseille . . . . . . . . . . . 1867 


Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille. 1867 


— 419 — 
Calvados 
Société Linnéenne de Normandie ; ent en 
Société française d'archéologie; Caen . ........ 
Charente-Inférieure 
Société d'agriculture de Rochefort . . A ARNANE à ce 
Côte-d'Or 
Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. . 
Société d'agriculture et d'industrie agricole du départe- 
inout-de l COR Or DEONE EME REA AA 
Commission des antiquités du département de la Côte- 
OUR AMOR Fe NP EE de eue 2 ze MS 
Doubs 
Académie des sciences, belles-lettres etarts de Besançon. 
Société d'agriculture, sciences naturelles et arts du dé- 
partement du Doubs; Besançon . : : . . ... . . .. 
Commission archéologique de Besançon . . . . . . .. 
Société d'Emulation de Montbéliard . . . . . . . . .. 
Société de médecine de Besançon : . . . : . . . . .. 
Société de lecture de Besancon . ... . . .. . . ... .. 
Eure-et-Loir 
Société Dunoise ; Châteaudun ............. 
Gard 
Acadie Niness cn Eee 
Société scientifique et littéraire d'Alais. . . . . . . .. 
; Gironde 


Commission des monuments de la Gironde; Bordeaux. 
Société des sciences physiques et naturelles de Bor- 


Hérault 


eademie de MONET PLAN RENNES 
Société archéologique de Montpellier. . . . , . .. À 


1857 
1861 


— 420 — 
Isère 


Société de statistique et d'histoire naturelle du départe- 
ment.de l'ISeres"GrEuONer A MOUATN. PA TRPENNES 


Jura 
Société d'Emulation du département du Jura; Lons- 
1É-Éaanier te ANR. RE TS TT Te NE 
Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny 
Loire 
Société impériale d'agriculture, industrie, sciences, arts 
et belles-lettres du département de la Loire; Saint- 
RENE Re UE CE. ERA MR TI EEE 
Loiret 
Société archéologique de l'Orléanais; Orléans . . . .. 


Maine-et-Loire 


Société industrielle d'Angers et du département de: 


Maine-pi-[Loire; Atari 01e SEC ASNNNRR NE 
Société académique de Maine-et-Loire; Angers . . .. 


Manche 
Société des sciences naturelles de Cherbourg. . . . .. 
Marne 


Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du 
département de la Marne; Châlons . . . .. 


Mayenne 


* Société de l'industrie de la Mayenne ; Laval . . . . .. 
Société d'archéologie, sciences, arts et belles-lettres du 
département de la Mayenne; Mayenne . . . . . .. 


Meuse 
Société philomatique de Verdun: . . . . . . "LE 
Morbihan 


Société polymathique du Morbihan ; Vannes . . . .. 


1857 


1844 
1860 


1866 


1851 


Moselle 


Société d'histoire naturelle du département de la Mo- 
Sa ERA PART JARORSARESNET EUROS SO ARE 


: Oise 
Société d'agriculture de Compiègne . . ........ 
Pyrénées (Hautes-) 
Société académique des Hautes-Pyrénées ; Tarbes. . . 
Pyrénées-Orlentales 


Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- 
HAICIAAIOS SE CLIP A OPEN GRR EURE, TE 


Rhin (Sas-) 


Société des sciences naturelles de Strasbourg. . . . . . j 


Rhin (Haut-) 


Société d'histoire naturelle de Colmar . . . . . . . .. 
Rhône 


Société Einnéenne de Lyom 1... 0 0 US Un 
Société d'agriculture, d'histoire naturelle et arts utiles 

nn MAR es A Stern A el 2 OR AE GE io 
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. . 
Société d'horticulture pratique du département du 

RONDE PVO UC NON CE AVE SR TR A ER 
TEE (Een ad RUES A à MON CL RES APS SU 


Saône-et-Loire 
Société Eduenne; Autun. . . . .. RS A RTE 
Société d'archéologie de Chalon-sur-Saône . . . . .. 
Mode dEMMACOn Ne AL MAN. AR AM r ere 
Rédaction des Matériaux d'archéologie et d'histoire ; 
CAIOn= Ur SAONE A APARTMENTS ATEN 
Saône )Haute-) 


Commission d'archéologie de la Haute-Saône ; Vesoul. 


1845 


1862 


1859 


1861 


— 422 — 
Sarthe 
Société d'agriculture, sciences et arts; le Mans. .... 
Savoie (Haute-) 
Académie impériale de Savoie; Chambéry. . . .. 
Seine 


Société géologique de France; Paris . . . . . . . . .. 
Société de secours des amis des sciences ; Paris . 
Société de linguistique; Paris, rue de Lille, 34 
Association scientifique; Paris : . . : "#22, 
Société d'encouragement pour l'industrie nationale ; 
PATISE PORN ET Ne PPUNOUE AE TE OP RER 
Société impériale dès antiquaires de France; Paris. . . 
Société française de numismatique et d'archéologie ; 
Paris, -rue:de l'Univers A0 4 re PC CU 


Seine-et-Marne 
Société d'archéologie, sciences, lettres et arts de Seine- 
et- Marne Mel. 2 PEER ESS EEE 
Seine-et-Oise 


Société des sciences naturelles et médicales de Seine- 
et=-Oise :/Versanlleg:, 4 2ram 0 PR ann ACTE Ar RIRE 


Seine-Inférieure 
Commission départementale des antiquités de la Seine- 
In TIGUTE MAUR NME NN RAS PEINE NE 
Somme 

Société des antiquaires de Picardie; Amiens. . . . .. 
Tarn 

Société scientifique et littéraire de Castres . . . . . . . 
Var 


Société des sciences naturelles, des lettres et des beaux- 


arts de Cannes et de l’arrondissement de Grasse, . . 
é 


1869 


1869 


1847 
1863 
1865 
1866 


1867 
1867 


1869 


1865 


1865 


1869 


1869 


1860 


1870 


RS ee 
Vienne (Haute-) 


Société archéologique et historique du Limousin ; 
AMOR ES NN EU NDS) Mn 1.7... ES 


Vosges 


Société d'Emulation du département des Vosges; 
SO de LR EMEA 204 Ag 2 29 9 SEAT ENT CT EE 


Yonne 


Société des sciences historiques et naturelles de 
'Nourié SLAUXEETEL AE SE MN NUE Are Me : 
pogiélé d'agriculture de Joigny. et LCR, 


ALGÉRIE 


Société de climatologie algérienne ; Alger . . . . . .. 
Société historique algérienne ; Alger. . . . . . . . .. 


ALLEMAGNE 

Institut impérial et royal de géologie de l'empire d'Au- 
triche (Kæserlich‘kæniglich geologische Reichsan- 
HEURE Sr 111 ONE en on EE 
Académie royale des sciences de Bavière, à Munich 
(Kænigl. bayer. Akademie der Wissenschaften zu 
München), représentée par M. Scheuring, libraire, 

D A ÉD ER RAC AE A En ES OR OR SE AN ON E TEA ER PE 
Société des sciences naturelles de Brême (Naturwissen- 
schaïtlicher. Verein, zu Bremet}} , 04 0500.04 
Société des sciences naturelles et médicales de la 
Haute-Hesse (Oberhessische Gesselschaft für Natur 
Heilküunde):/Gisssen 05 eine Dane 
Société des sciences naturelles du grand - duché de 
Luxembourg; Luxembourg . . . . . .. . . . ... 
"Société royale physico - économique de Kænigsberg 
(Kænigliche physikalisch-ækonomische Gesellschaft 
zu Kormesbéms Pruégé "5,101 20 RENE 


1852 


1855 


1852 


1866 


1867 
1870 


1855 


1865 


1866 


— 424 — 
AMÉRIQUE 
Société d'histoire naturelle de Boston, représentée par 
MM. Gustave Bossange et C°, libraires, quai Vol- 
up en PATIBE AA PA SES EUR vEbreS OA UT SSD NS 
Institut Smithsonien de Washington, représenté par 
MM. Gustave Bossange et Ci . ........... 
ANGLETERRE 
Société littéraire et philosophique de Manchester (Lite- 
rary and philosophical Society of Manchester). . 


BELGIQUE 
Académie royale de Belgique; Bruxelles. . . . . . .. 


SUÈDE 
Académie royale des sciences de Stockholm, représen- 
tée par M. Otto Lorenz, libraire, rue des Beaux- 
NCIS SES PATES C2 ARNO E 
SUISSE 
Société des curieux de la nature de Bâle (Naturfor- 
schenden Gesellschaft in Basel) . . . . . . . . . .. 
Société d'histoire naturelle de Berne (Bernerische Na- 
turforschenden Gesellschaft): 224 nec 
Société jurassienne d’Emulation de Porrentruy, canton 
de Der E es ENNERES LOTS RENE AR EE 
Société d'histoire et d'archéologie de Genève. . . . . . 
Institut national de Genève: . . :..::.... .. 
Société vaudoise des sciences naturelles ; Lausanne . 
Société neuchâteloise des sciences naturelles; Neuchâtel. 
Société d'histoire et d'archéologie de Neuchâtel . . . . 
Société helvétique des sciences naturelles (Allgemeine 
schweizerische Gesellschaft für die gesammten Na- 
turwissensehatten) ZurICE 4m EU Res 
Société de physique et des sciences naturelles de Zurich 
(Naturforschenden Gesellschaft in Zurich) . . . .. 
Société des antiquaires de Zurich ........... 


1865 


1869 


1859 


1868 


1869 


| — 427 — 
Election de M. le sénateur Duruy comme membre hono- 
LATTES LUCE ER RIREEE PP: XXXVI, XXXVII, XXXVIII Et XXXIX 
Fourneau à fondre l’or au moyen des hydro-carbures li- 
quides, par MM. MarcHaz et BOURDY.... pp. XXXVII, XXXIX, XL, 
XLIII CÉ XLIV 
 Déposition de la Société dans qe relative au régime 


de l'imprimerie et de la librairie... ... pp. xXXIx, XLVI et xLvII 
Budget de 1870. AS DEL 
Voies antiques nn _ re … set die or par 

M. N. TRAVELET . 25e Bo made e PDP EL VO EN 
Election du conseil d'administration de 1870.. pp. XLVII et XLVIII 
SENneE publique... L ROME Ni Ur PP. XLIX-L 


Banquet de 1869 : toasts de MM. le en DEMANGHE, le pré- 

sident BouLLET, GRAND, CasTAN, le colonel nE MANDROT, 

WeïTzEL, À. DELACROIX et le premier président LoisEau, 
PP. LI-LXI 


MÉMOIRES 


Rapport sur les travaux de la Société en 1869, suivi 
de considérations sur l'instruction primaire envi- 
sagèe comme cause prétendue de la dépopulation des 


CODpONneS DM BOULEET AR Eee tee se de Da ed 
Le Champ-de-Mars de Vesontio, par M. A. CasTan 

MO DIAENES ET NES SN in Pen Nr Tr Dre 
Essai sur la séparation de la France et de l'Allemagne 

aux 1x° et x° siècles, par M. L. DRAPEYRON........ p.. 49 
L’'Horlogerie à l'Exposition universelle de 1867, à Paris, 

par M° Georges.Smme (17 planches).........,..... D'7107 
L'église et le monastère de Moutier - Grandval, par 

PE RO one ID MN se p. 249 
Théorie de l’anaphytose (en botanique); le rhizomie, la 

souche, par M. F. LEGLERG..................... p. 294 


Sully et le collège de Bourgogne, par M. A. CASTAN... p. 9313 
Les savants modernes de la Franche-Comté : d’Auxiron 
et de Jouffroy, par M. BouLLET................ A AE 1 


— 428 — 

Les Gorrevod et leur sépulture dans l’église de Marnay, 
par M. Jules: GAUTAIER ALL Use Suns Reese 

… Notice sur le sculpteur Monnot, par M. LANCRENON... 
Le menhir de Norvaux et le muraillement de la Chdtelle 
(pourtour d’Alaise), par M. Ch. THURIET......... 
Notice sur le marquis de Moustier, par M. J. VALFREY 
DOTE EME RL RER ENE RP RER RECENSE 


OBJETS DIVERS 


Dons faits à la Société en 1869.. ...... , 
Envois des Sociétés correspondantes. ............,..... 
Membres de la Société au 15 août 1870................. 
Liste des Sociétés correspondantes.. ... 

Bibliothèques recevant les Mémoires. ...... 


Besançon — Imp. Dodivers. 


: 343 
M 


. 366 


. 369 


. 388 
. 390 
. 399 
. 418 
. 425 


L 
LA + 
ES PRE PP ET RS 


æ— 425 — 


BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES 


AYANT DROIT A UN EXEMPLAIRE DES MÉMOIRES 


Bibliothèque de la ville de Besançon. 


Id. 
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Id. 
Id. 
Id. 
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Id. 
Id. 


de l'Ecole impériale d'artillerie de Besançon. 
de la ville de Montbéliard. 

de la ville de Pontarlier. 

de la ville de Baume-les-Dames. 

de la ville de Vesoul. 

de la ville de Gray. 

de la ville de Lure. 

de la ville de Lons-le-Saunier. 

de la ville de Dole. 

de la ville de Poligny. 

de la ville de Salins. 

de la ville d'Arbois. 

du musée impérial de Saint-Germain. 
Mazarine, à Paris. 


ERRATUM 


Ajouter à la liste des membres résidants : 


M. BaTaiLLe, Paul, ingénieur des ponts et chaussées et du 
contrôle du chemin de fer, Grande-Rue, 106, — 1870. 


— 426 — 


TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME 


PROCÈS -VERBAUX 


Délégation de la Société pour la composition du jury chargé 
de décerner, en 1869, le prix de 1,000 fr. pp. 11, ut, XX1V. XXV, 
XXVI et XXVII 

Rapport de M. Alphonse DELAcRoIx sur les communications 


archéologiques de M. CARME.. Ses ain ve ea ee 2 ON IINRNERE 
Mort de M. le marquis DE ur ne honoraire. pp. VIN, 
IX et XIII 

Réunion de la Sorbonne en 1869 : lectures de MM. Drarey- 
RON, DE ROCHAS D'AIGLUN et CASTAN... ...: PP. IX, XVI, XIX-XXIII 

Situation de la fabrique bisontine d’horlogerie, par M. Paul 
LAURENS . He done de VO DPA LS ÉNOLE 
Râteau ee de NM. Mais. a Bobi AT LR cha AE "pan 

Observations de M. SIRE sur deux notes publiées dans nos 
Mémoires par M. BERTHAUD. sata get Eee a 2e MAT CUITS 


Moyen de prévenir les effets Sadene de l'électricité résul- 
tant du frottement des courroies d'usines, par M. MARCHAL, 
pP. XVI-XVIII 
Système de pipette, par MM. MarcHaz et BOURDY......... D. XXV. 
Opinion de MM. J. QuicHERaT et CASTAN sur une pique en 
fer offerte par M. Joseph PIGUET.. ......... Pp. XXVII et XXVIII 
Séance générale de la Société d'Emulation de Montbéliard : 
délégation remplie à cet égard par M. Victor GIROD. .... p. xxx 
Sur les relations de l’ancien continent avec l'Amérique anté- 
rieurement à Christophe-Colomb, par M. GAFFAREL. pp. XXxX-XxXxI 
Congrès de botanique à Pontarlier : délégation remplie à cet 


égard par M. GRENIER. REA Es eee COPAIN 
Délibération relative à la distribution du deuxième fascicule 
de la Flore jurassique. . ce séoaue se, APPAXX AIX EAU 


Rapport sur la FRE an de 1868, par M. Victor 
GEROP EPS CRETE Ce LT NM STATS PP. XXXIII EL XXXIV 


RIT TEN 
LENS ya 


New York Botanical Garden Library 


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00288 8020 


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