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MÉMOIRES
DE LA
SOCIETÉ D'EMULATION
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QUATRIÈME SÉRIE
CINQUIÈME VOLUME
1869
BESANCON
IMPRIMERIE DE DODIVERS ET Ce,
Grande - Rue, 87.
1870
MÉMOIRES
DE
LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION
DU DOUBS
1869
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Séance du 9 janvier 1869.
PRÉSIDENCE DE MM. FaucomMPrRÉ ET BOULLET.
Sont présents :
Bureau : MM. Faucompré, président sortant, élu premier
vice-président; Boullet, deuxième vice-président sortant, élu
président; Girod (Victor), premier vice-président sortant;
Grand (Charles), élu deuxième vice-président; Jacques, tréso-
rier réélu; Faivre, vice-secrétaire réélu ; FU archiviste
réélu ; Céston, secrétaire décennal';
MES RÉSIDANTS : MM. dus Bial, Bougeot, Bourche-
riette, Canel, Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Ducat,
Dunod de Charnage, Gaffarel, Gaultier de Claubry, Gouillaud,
Grenier, Jacob, Lancrenon, Lhomme, Marchal, Marion, Renaud
(François), Trémolières, Saillard, Wallon;
MEMBRE CORRESPONDANT : M. Triplin.
M. le président Faucompré annonce qu'il a recu, à l'occa-
sion de son discours d'ouverture de la séance publique, des
lettres de M. le sénateur Amédée Thierry et de M. l'inspecteur
général Francis Wey, réponses trop gracieuses envers le pays
et la Société d'Emulation pour que, malgré les indulgents
(4
ant
éloges qu'elles contiennent à son adresse personnelle, il croie
pouvoir s’en réserver à lui seul le contenu.
« On a bien raison, dans cette noble cité des bords du
Doubs, écrit M. Amédée Thierry, de me traiter comme un
Franc-Comtois, car je le suis de cœur depuis quarante ans;
mais une nouvelle bonne fortune pour moi, c’est de rencontrer
en vous un autre enfant adoptif de la Franche-Comté. »
« Pour les exilés volontaires du devoir, dit à son tour
M. Francis Wey, ce qui vient de la terre natale a une saveur
exquise. Le nom de notre ville, le mot Franche-Comté, ren-
contrés dans un journal ou sur une affiche, me scintillent
aux yeux comme des étoiles et me causent toujours au Cœur
un certain mouvement. Jugez si la sensation est vive quand,
dans un compte-rendu élégant et sympathique, je reconnais,
loués comme ils le méritent, les noms qui répondent à mes
premières affections, et lorsque j'ai le bonheur de retrouver
une petite place au milieu d'eux! »
Le procès-verbal de la séance ordinaire du 16 décembre
1868, et celui de la séance publique du lendemain, sont lus
et adoptés.
. Les élections du 16 décembre se trouvant ainsi ratifiées,
M. Faucompré déclare M. Boullet installé comme président
et M. Charles Grand installé comme deuxième vice-président.
M. Boullet, en prenant la direction de la séance, rend grâce
à la Société, tant pour l'établissement qu'il représente que
pour lui-même, de la distinction dont il a été l'objet.
Il communique ensuite une dépêche par laquelle M. le
Recteur de l'Académie universitaire remercie la Société du
nouveau don de 189 objets qu'elle vient de faire au musée:
d'histoire natùrelle : à la lettre est joint un double du procès-
verbal de ce dépôt, qui a été opéré, le 30 décembre 1868, par
les soins obligeants de M. le professeur Grenier.
Par une seconde lettre, en date du 26 décembre 1868, M. le
Recteur informe la Société que, sur la proposition de Son
Excellence le Ministre de l’Instruction publique, Sa Majesté
— HOT
l'Empereur a fondé dans chacun des ressorts académiques un
prix de mille francs à décerner au travail jugé le meilleur sur
quelque point d'archéologie, d'histoire littéraire ou de science
intéressant les provinces comprises dans le ressort. Les com-
missions qui décerneraient ces prix devraient, suivant les
intentions du Ministre, être formées en majorité par les pré-
sidents et délégués des sociétés savantes des provinces inté-
ressées. En conséquence, M. le Recteur invite la Société d'E-
mulation du Doubs à déléguer auprès de lui quelques membres
qui, sous sa présidence, s’entendraient avec les autres com-
missaires pour arrêter le sujet du concours et en juger les
résultats.
D'un entretien que le conseil d'administration a eu l’hon-
neur d'avoir à ce sujet avec M. le Recteur, il résulte que, dans
le cas où notre Société accepterait l'invitation dont il s’agit, le
nombre de ses délégués devrait être de trois.
Délibérant sur ces propositions, la Société se déclare disposée
à seconder, en cette circonstance comme en toute autre, les
vues généreuses et libérales de Son Excellence M. le Ministre
de l’Instruction publique : elle fournira done, dans les limites
indiquées par M. le Recteur, sa part du jury relatif au nouveau
CONCOUTS. :
Quant aux commissaires à choisir dans ce but, elle estime
que son président annuel doit en être de droit; puis un scrutin
secret est ouvert pour élire deux personnes à l'effet de com-
pléter la délégation.
M, Castan ayant obtenu 27 voix et M. Gouillaud 21, ces
deux membres seront adjoints à M. le président Boullet pour
entrer dans le jury que M. le Recteur doit prochainement
réunir.
M. Grenier rend un compte sommaire de l'envoi fait à la
Société par l'un de ses membres correspondants, M. Alfred
Gevrey, procureur impérial à Pondichéry. Cette offrande con-
siste dans une fort belle collection de coquillages du littoral
asiatique, puis dans une mouche-feuille, insecte de l’île Mayotte
— IV —
(côte orientale de l'Afrique), qui a la forme de la feuille de
l'arbre sur lequel il habite et, à la facon de ce même végétal,
passe graduellement, dans le cours de sa vie, du vert-intense
à la couleur feuille-morte.
La Compagnie vote des remerciments unanimes à M. Gevrey,
en échange de son gracieux souvenir, et arrête que les objets
qui en résultent seront déposés au musée d'histoire naturelle.
M. Auguste Jaccard, professeur de géologie à l’Académie
de Neuchâtel, a fait hommage à la Société, dont il est membre
correspondant, d'un exemplaire de son ouvrage intitulé :
Matériaux pour la carte géologique de la Suisse, publiés par la
Commission géologique de la Société helvétique des sciences natu-
relles, aux frais de la Confédération; sixième livraison, Jura
vaudois et neuchdtelois, avec deux cartes et huit planches de
profils géologiques; Berne, 1869, 1 volume in-4° et 2 cartes
in-folio. à
Ce magnifique travail se recommande par bien des titres à
notre attention : son savant auteur nous est connu, et nous
n'ignorons pas ce qu il y a lieu d'attendre de la sagacité de ses
observations; en second lieu, la portion de territoire suisse
dépeinte dans l'ouvrage est géologiquement un corollaire du
pays que nous habitons, et les données nouvelles qu y à
recueillies M. Jaccard sont immédiatement applicables à notre
sol; enfin l'exécution typographique de ce beau livre est faite
pour charmer l'œil du lecteur.
Désirant faire à ce cadeau un accueil digne de son impor-
tance, la Société le confie à l'examen du plus compétent de
ses membres résidants, M. le professeur Vézian, qui sera prié
d'en faire l'objet d'un rapport.
En attendant, des remerciments seront transmis à M. Au-
guste Jaccard.
Il sera fait de même à l'égard de notre confrère M. Paul
Laurens, qui a bien voulu enrichir notre bibliothèque de son
Annuaire du Doubs et de la Franche-Comté pour 1869, précieux
recueil de documents statistiques sur nos industries locales,
— VV —
rassemblés avec une conscience et présentés avec une clarté
au-dessus de tous les éloges.
En l'absence de M. Chotard, chargé de négocier un échange
de volumes avec la Société académique de l’Aube, le secrétaire
fait connaître que cette compagnie ne peut disposer en notre
faveur que des 2° et 3° séries de ses publications.
L'Assemblée, jugeant la question au point de vue de la
réciprocité, est d'avis qu'il soit offert à la Société académique
de l'Aube les 13 derniers volumes de nos Mémoires.
Au sujet d’un envoi d'objets et de notes fait par M. Carme,
membre correspondant, M. Alphonse Delacroix communique
le rapport qui suit et dont l’Assemblée vote l'enregistrement :
« En réponse à une demande de renseignements ayant trait
à la recherche de l'emplacement de Dittation, M. Carme a
envoyé tout à la fois une caisse d'objets et des notes intéres-
santes sur les rencontres faites par les travaux du chemin de
fer de Chalon-sur-Saône à Dole.
» De Pierre à Authume, les ruines indiquées par la Carte
de l’Etat-major seraient, dit-on, celles d’un château du qua-
torzième siècle. Il en reste de grands pans de murailles en
briques. Mais sur le sol de l'enceinte du castel, abondent les
restes de tuiles romaines. Il y aura donc à examiner si la
partie des ruines laissée sur place par les démolisseurs ne
serait pas un noyau de l'époque antique, que le moyen âge
aurait utilisé.
» À Beauvoisin, les travaux du chemin de fer ont passé à
côté d’une enceinte circulaire, d’un hectare de surface, assez
effacée, située sur la colline appelée Charmoncel, ouvrage
qu'il ne faut pas confondre avec un reste de fortification très
rapproché et qui provient de l'ancien château de Beauvoisin.
» En se rapprochant d’Asnans, à deux kilomètres du village,
le chemin de fer passe sur le Champ-des-Morts, mais sans
l'entamer.
» M. Carme a été frappé des vestiges du travail des hommes
qui abondent sur le territoire d'Asnans et qui y concordent
NE
avec le souvenir de nombreuses trouvailles : armes de pierre,
objets de bronze, mosaïques, monnaies romaines, débris de
conduite d'eau, etc.
» Les fouilles de la gare de Chaussin ont révélé l'existence
en ce lieu d'un cimetière germanique. M. Carme a recueilli
plusieurs des objets fournis par les sépultures. À l'exception
d’une seule que notre confrère n’a pas vu ouvrir, laquelle
consistait en une tombe renfermant un glaive à deux tran-
chants avec poignée de bronze, toutes ont livré le scramasax,
le petit couteau , la boucle de ceinturon et le vase noir orne-
menté traditionnels. Parmi ces objets, M. Carme a choisi
pour nous un scramasax long de 37 à 40 centimètres, une
moitié de boucle de ceinturon et un beau vase qui est le simi-
laire de ceux qui nous proviennent de gisements analogues.
» Entre Chaussin et le Doubs, le chemin de fer rencontre
un nouveau Champ-des-Morts, qui pas plus que l’autre n’a été
fouillé.
» Plus loin, un peu avant Port-Aubert, on trouva un puits,
recouvert par le sol et indiqué cependant par le lieu-dit de la
contrée : Pièce-du-puits. Cet ouvrage, maconné avec’ grand
soin, renfermait, dans sa partie la plus basse, des tuiles :
romaines, des débris d'amphores et de’ vases à pâte fine en
terre rouge dite de Samos. Près du puits, au milieu de débris
céramiques de l’époque romaine, était une meule en granit
ayant 60 centimètres de diamètre.
» M. Carme présente, au sujet de Port-Aubert, cette obser-
vation : que de la Saône jusqu’en ce lieu, le Doubs a nécessité,
par ses ravages, une série incessante de digues, mais qu'au
point où il vient de recevoir la Loue, il n’a plus besoin d'être
ainsi Contenu; que ce confluent est un emplacement naturel
de ville de commerce, et qu'une route antique, dont les habi-
tants connaissent le tracé sous leurs champs entre Molay et
Tavaux, traversait aussi le Doubs à un kilomètre au delà de
Port- Aubert. À l'endroit du gué ou du pont de passage,
M. Carme a reconnu sous d’eau les restes d'un pavage ancien
mans
et sans emploi dans l'état actuel de la distribution des villages
et des routes modernes.
» Notre zélé confrère prépare une carte à l'appui de ses
notes, et annonce l'envoi de nouveaux objets. »
La Société, justement reconnaissante du fructueux concours
prêté par M. Carme aux études de l’un de ses membres les
plus distingués, décide que cet honorable correspondant sera
remercié, et que les objets.qui composent son envoi seront
déposés au musée d'archéologie.
La Société vote ensuite l'impression des sept lectures qui
ont rempli la séance publique.
Sont présentés comme candidats au titre de membre rési-
dant :
Par MM. Boullet et Castan, M. Viennet, surveillant général
au Lycée impérial de Besançon ;
Par MM. Charles Grand et Castan, M. Zaremba, premier
commis de la direction des domaines.
MM. Delacroix et Castan demandent le titre de membre
correspondant pour M. Thuriet (Charles), juge de paix, à
Amancey.
A la suite d’un scrutin secret portant sur les candidatures
posées dans la précédente séance, M. le président proclame :
Membres résidants
MM. Devizcegionor (Alfred), pharmacien ;
. Jacques pe FLeurey, chef d'escadron d'artillerie ;
Bosseux (Louis), professeur de rhétorique au Lycée
impérial. É
Le Président, Le Secrétaire,
BouLLET. A. CASTAN.
AVI =
Séance du 13 février 1869.
PRÉSIDENCE DE M. BouLLETï.
Sont présents :
Bureau : MM. Boullet, président; Faucompré et Grand
(Charles), vice-présidents; Jacques, trésorier; Faivre, vice-
secrétaire; Castan, secrétaire ;
Meugres RÉsIDANTS : MM. Androt, Bial, Bosseux, Cordier,
Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Ducat, Gaffarel,
Gtultier de Claubry, Girod (Victor), Gouillaud, Grenier, Jacob,
Lancrenon, Lhomme, Marchal, Métin, Michel (Brice), Picard
(Arthur), Renaud (François), Saillard, Sire, Vivier (Edmond),
Voisin, Vuilleret, Wallon, Widal.
Le procès-verbal de la séance du 9 janvier est lu et adopté.
Par une lettre en date du 6 février courant, M. le marquis
de Marmier notifie à la Société le décès de son beau-père,
M. le marquis de Moustier, sénateur, ancien ministre des
affaires étrangères et président du Conseil général du Doubs.
En apprenant officiellement cette perte immense qui prive
la Franche-Comté d'un incomparable patron, la Compagnie
est unanime à s'associer à la profonde douleur dont le pays
est encore pénétré; elle se souvient avec émotion du. bien-
veillant intérêt que M. le marquis de Moustier, alors ministre,
voulut bien témoigner à ses efforts et à ses travaux, en désirant
dans nos modestes rangs une place où il espérait, après sa
retraite, venir travailler avec nous à l'édifice de cette histoire
franc-comtoise qu'il aimait à l’égal de celle de sa famille. Une
telle pensée, de la part d’un homme aussi éminent, est un
titre d'honneur pour la Société d'Emulation du Doubs, et
achève de lui rendre exceptionnellement précieuse la mémoire
de l’illustre défunt.
S'inspirant de ces motifs, la Société délibère à l'unanimité
que ses sentiments de condoléance seront transmis à la famille
de M. le marquis de Moustier, puis qu'une notice retracera
dans ses publications les titres qui recommandaient ce grand
citoyen à l'estime de la France et à l'affection de la Franche-"
Comté.
La Compagnie, sur la proposition de son secrétaire, émet le
vœu que M. Jules Valfrey, auteur déjà d’un remarquable
article sur M. le marquis de Moustier, veuille bien se charger
de la rédaction de cette notice.
Il est ensuite donné lecture d'une circulaire ministérielle
nous informant que la huitième réunion des délégués des
sociétés savantes s'ouvrira, à la Sorbonne, le mardi 30 mars
prochain, et nous invitant à transmettre, pour le 10 mars au
plus tard, les noms de nos représentants, ainsi que les travaux
d'histoire et d'archéologie dont, après audition préalable, nous
désirerions proposer la lecture.
Le secrétaire fait connaître à ce propos que M. Drapeyron
veut bien être cette fois encore notre lecteur dans la section
d'histoire de la Sorbonne, et que MM. de Rochas et Castan
ont les mêmes dispositions relativement à la section d'archéo-
logie. Ces trois auteurs travaillent activement à leurs mé-
moires, mais ils désirent avoir le plus long temps possible
pour les achever. Il y aurait lieu en conséquence de fixer à
une date très rapprochée du dernier délai d'envoi la séance
du mois de mars, dans laquelle ces travaux seraient entendus.
Adoptant cette manière de voir, la Société fixe au lundi
7 mars la tenue de sa prochaine réunion.
Une dépêche de M. l'Inspecteur d'Académie appelle notre
attention sur les concours cantonaux et l'exposition scolaire
récemment institués, en nous demandant de prendre part à la
souscription ouverte dans l'intérêt de cette double entreprise.
La Société ne peut qu'applaudir à une institution « dont Île
résultat, comme le dit fort bien M. l'Inspecteur, doit être de
provoquer les efforts des maîtres et des élèves de nos écoles
primaires; » mais les charges qui pèsent sur notre budget
RUE ee EE
nous interdisent d'aller au delà de ce témoignage de vive
sympathie. Il est d’ailleurs dans les traditions de la Compagnie
de réserver ses faibles «ressources pour les œuvres dont elle a
* l'initiative ou à la gestion desquelles elle participe, et, dans la
circonstance présente, nous ne sommes instruits de l'affaire
que quand son organisation est complète et quand la généro-
sité privée s'est manifestée avec éclat en sa faveur. La Société
n'en recommande pas moins la souscription dont il s’agit à la
libéralité individuelle de ses membres.
Le secrétaire communique, au nom de M. Thuriet, juge de
paix du canton d'Amancey, une note, avec dessins à l'appui,
sur un menhir et un muraillement antique, dont la découverte
ajoute deux traits nouveaux à la topographie archéologique
du pays d’Alaise.
L'Assemblée accueille cette communication avec intérêt et
gratitude ; puis elle en vote l'impression dans le prochain
volume de ses Mémoires.
Suivant une habitude inaugurée l'an dernier et dont la
Compagnie est aussi flattée que reconnaissante, M. Paul Lau-
rens, membre résidant, nous a transmis un état de situation
de la fabrique bisontine d'horlogerie. Cette note, retenue pour
entrer dans le procès-verbal, est ainsi conçue :
« L'intérêt que la Société d'Emulation prend à toules les
choses qui touchent à l'expansion des forces productives du
pays m'autorise à penser qu'elle applaudira aux progrès per-
sévérants de notre fabrique d'horlogerie.
» Le nombre de montres soumises, en 1868, au contrôle de
la garantie, à Besancon, a dépassé celui des exercices précé-
dents :
117,567 montres en or,
et 218,394 montres en argent.
En tout 335,961
» L'exercice 1867 avait donné 334,649 montres ; 1866,
305,435, et 1865, 296,012.
RL mL
ML.
| — XI —
» Et encore faut-il noter que près de cinq mille pièces, non
comprises dans le total de 335,961 montres, ont été établies
chez nous avec des boîtiers tirés de la Suisse.
» Le résultat de la dernière campagne est donc très remar-
quable. Notre industrie horlogère résiste aux commotions
qui agitent les autres branches d’affaires et en compromettent
l'essor.
» Les introductions de montres suisses ne se sont pas ralen-
ties. 59,932 montres étrangères ont été importées en 1868,
pour 47,435 en 1867; ce qui prouve que les exigences et les
besoins se multiplient.
» Toutefois l'avenir et la stabilité de la fabrique bisontine
ne seront bien sauvegardés que le jour où elle parviendra à
fonder sur de solides assises plusieurs comptoirs au dehors,
afin de faciliter l'exportation.
» Grâce à l’heureuse initiative de certains fabricants, la
création d'un pareil comptoir semble assurée à Londres ;
faisons des vœux pour que cette création se développe et
grandisse.
» Besancon est maître du marché français ; mais il faut
craindre le moment où les affaires de ce marché viendraient à
ressentir quelque atteinte grave, et se mettre en mesure, à
l’aide de nombreux débouchés à l'extérieur, de maintenir, en
face de toute éventualité, l'entière activité de notre fabrication.
» Le nombre de montres revêtues du poincon d'exportation
n'a été, en 1868, que de 3,766; en 1867, c'étaient 3,814. Il y
a eu par conséquent ralentissement de l'exportation.
» De plus, le nombre de boîtes envoyées temporairement en
Suisse pour être décorées a été :
En 1808; désirs im 670
En 1607148218. ANR) CAT
Ici, accroissement fâcheux.
» Extension de l'exportation, affranchissement de tout tribut
de main-d'œuvre payé à l'étranger, voilà le but auquel doivent
tendre nos artistes et fabricants; ils sont trop intelligents pour
ÉD ot à Fe
ne pas le comprendre, et pour ne pas associer dans cette
pensée essentiellement patriotique leur bonne volonté et leurs
efforts. » : ‘
L'ordre du jour appelle la communication du râteau vol-
taique inventé par MM. Marchal et Bourdy, membres rési-
dants. M. Marchal fait fonctionner cet instrument. Il montre
que son objet est d'enlever, plus commodément qu'avec les
aimants ordinaires, les paillettes ferrugineuses qui se ren-
contrent dans les cendres que l'on veut soumettre à l'essai.
En effet, le râteau voltaïque devant toutes ses propriétés
attractives au courant qui lui vient d’une pile, il suffit d'in-
terrompre ce courant pour que les dents du râteau aban-
donnent d'elles-mêmes tout ce qu'elles ont saisi durant leur
aimantation temporaire. Avec les aimants ordinaires, il faut
se donner une peine considérable pour arracher les paillettes
de fer qui ont adhéré.
Des remerciments sont votés à MM. Marchal et Bourdy, et
l'Assemblée promet un bon accueil à la note. que ces hono-
rables confrères remettront au sujet de leur découverte.
M. Sire annonce qu'il présentera à la prochaine séance des
observations sur les deux notes de M. Berthaud, publiées
dans notre dernier volume.
La Société, conformément à l’article 18 des statuts, est
appelée à désigner trois de ses membres, étrangers au conseil
d'administration, pour arrêter les comptes du trésorier et faire
connaître le résultat de cette vérification. Le choix de l’Assem-
blée se porte sur MM. Victor Girod, Edmond Vivier et Bougeot.
MM. Delacroix (Alphonse) et Castan présentent, comme
candidat au titre de membre résidant, M. Voisin (Claude-
François), propriétaire etmembre du conseil des prud'hommes.
À la suite d’un scrutin secret relatif aux candidatures posées
dans la précédente réunion, M. le président proclame :
Membres résidants
MM. ViIENNeT, surveillant général au Lycée impérial ;
ZaREmBA, premier commis de la direction des domaines;
AR
Membre correspondant
M. Taurter (Charles), juge de paix du canton d'Amancey.
Le Président, Le Secrétaire,
BouLLer. A. CASTAN.
Séance du 8 mars 1869.
PRÉSIDENCE DE MM. BouLLer ET FAUcOMPRÉ.
Sont présents :
Bureau : MM. Boullet, président; Faucompré et Grand
(Charles), vice-présidents; Jacques, trésorier; Castan, secrétaire.
MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Androt, Bial, Bosseux,
Bougeot, Chotard, Constantin, Delacroix (Alphonse), Delacroix
(Emile), Devillebichot, Ducat, Ethis (Edmond), Gaffarel, Gaudot,
Gaultier de Claubry, Girod (Victor), Gouillaud, Lancrenon,
Lebreton, Marchal, Marion, Métin, Renaud (Francois), Renaud
(Louis), Sire, Vivier (Edmond), Wallon, Widal, Willemin,
Zaremba.
Le procès-verbal de la séance du 13 février est lu et adopté.
Par une lettre en date du 12 février, M. Jules Valfrey
déclare accepter la mission d'écrire, pour nos Mémoires, une
biographie de feu M. le marquis de Moustier.
La Société, heureuse de cette suite donnée à un vœu qui lui
est particulièrement cher, vote des remerciments à M. Valfrey.
Une dépêche de la Société académique de l’Aube, datée du
20 février, nous informe que l'échange de volumes, entre cette
savante compagnie et la nôtre, aura lieu conformément aux
bases posées par notre délibération du 13 février.
Le conseil d'administration demeure chargé de faire à la
Société de l'Aube l'envoi dont il s'agit.
M. Sire, désirant présenter la communication qu'il avait
annoncée, a installé dans ce but, auprès du bureau, un tableau
— XIV —
noir sur chevalet dont il abandonne la propriété à la Compa-
gnie; ce meuble utile est accepté avec reconnaissance.
M. Sire s'exprime ensuite en ces termes : |
« Dans une première note publiée par la Société d'Emula-
tion du Doubs (1868, p. 38), M. Berthaud propose une expé-
rience pour la démonstration simplifiée du principe d'Archi-
mède. Dans cette note, M. Berthaud fait une appréciation
telle des méthodes publiées par moi sur le même sujet (1866,
pp. 1-10), que je serais tenté de croire qu'il ne les a pas
expérimentées avant de les juger. Tout en faisant remarquer
d'abord que la méthode proposée par cet auteur ne met en
évidence qu'une partie du principe d'Archimède, je crois de-
voir faire sur cette méthode les observations suivantes :
» L'idée de M. Berthaud, de faire écouler le liquide par
l'orifice étroit d'un tube en forme de syphon, ne me semble
pas aussi simple qu'à lui; car, outre la longueur de temps que
ce genre d'écoulement exige, il présente le grave inconvémient
de ne pas donner constamment le volume de Jiquide déplacé
par le même corps immergé, et cela par suite des variations
de l'effet capillaire qui se produit à l’orifice d'écoulement.
» En effet, l'expèrience montre que si cet orifice est étroit,
l'écoulement est fort long, et il se produit dans ce cas des
dénivellations très variables; si, au contraire, l’orifice est large,
les moindres oscillations du liquide dans le vase principal, la
descente même du corps à immerger, déterminent la plupart
du temps le désamorcement du syphon, et l'expérience est à
recommencer.
» Enfin, tout le principe de cette méthode repose sur la
constance de l'effet capillaire à l'orifice d'écoulement, cons-
tance presque impossible à obtenir, car, malgré les plus
grandes précautions, la variabilité des effets capillaires sy
oppose. Par suite, je ne crains pas d'avancer que les expéri-
mentateurs qui voudront bien essayer la méthode de M. Ber-
thaud, la trouveront longue et surtout peu simple, car elle
exige pour être bien comprise la connaissance d’un cas parti-
— XV —
culier de l'équilibre des liquides dans les vases communi-
quants, connaissance qui vient compliquer la question. Et,
en ne mettant en évidence que la poussée du liquide de bas
en haut, cette méthode n'offre, d'autre part, aucun avantage
sur celles généralement suivies dans les cours de physique
pour cette même phase du principe d’'Archimède; elle est
donc moins complète et surtout moins conecluante que les
méthodes que j'ai antérieurement publiées.
» Dans une deuxième note insérée au même volume (p.41),
M. Berthaud s'étonne que la plupart des physiciens n’adoptent
pas sa série de nombres servant à représenter les rapports des
nombres de vibrations des sons de la gamme diatonique, série
qui est la suivante :
4
“fui ré mi fa ‘sol la. si ut
(a) À 12 13172 15 16 18 20 221/2 2
tandis qu'on trouve dans les traités modernes la série :
(DA BRON ANT SRE (4 RDS PARRESS (6 AAE Ee G PAR
série que l'on préfère avec raison à la précédente, qui n’est
que cette dernière divisée par 2.
» La raison de cette préférence consiste simplement en ce
que les nombres entiers sont plus faciles à retenir que les
nombres fractionnaires, malgré l'assertion opposée de M. Ber-
thaud. D'un autre côté, si l'on fait tant que d'admettre des
fractions, autant adopter exclusivement la série des fractions
ordinaires : |
Ut a Tee mr as. SOL la: Te ut
di 2 Bite
AE MEN RE TR ne
que l’on emploie très souvent dans les cours.
» Mais une autre raison de la préférence accordée à la série
b, c'est qu'elle met mieux en évidence les deux demi-tons de
la gamme diatonique que ne le fait la série &. »
L'Assemblée donne acte à M. Sire des observations qui pré-
cèdent, et en décide l'insertion au procès-verbal.
ET ANIR
L'ordre du jour appelle l’audition des études d'histoire et
d'archéologie préparées en vue des prochaines réunions de la
Sorbonne. |
M. Castan donne lecture d’une dissertation sur Le Champ-
de-Mars de Vesontio, opuscule accompagné de quatre planches,
dont trois sont dues à notre confrère M. Alfred Ducat.
M. Emile Delacroix lit quelques extraits d’un travail de
M. Drapeyron, ayant pour objet la Séparation des nationalités
française et allemande aux neuvième et divième siècles.
La Compagnie juge que ces deux productions sont dignes
d’être lues, en son nom, à la Sorbonne, la première devant la
section d'archéologie, et la seconde devant la section d'histoire
du Comité impérial des sociétés savantes.
M. le président Boullet, obligé de s’absenter, est remplacé
au fauteuil par M. Faucompré.
Le secrétaire annonce l’arrivée, pour le lendemain, d’un
mémoire de M. de Rochas sur la Balistique et la fortification
chez les Grecs, à la fin du règne d'Alexandre, d'après Philon de
Byzance.
La Société donne pouvoir à MM. Bial et Castan d'examiner
ce travail et de décider s’il y a lieu de le proposer au Ministre
pour être lu devant la section d'archéologie du Comité.
Après quoi, la Société arrête au chiffre dix-sept le nombre
des billets de demi-tarif à demander pour ses délégués. La
liste à transmettre dans ce but au ministère comprend les
noms suivants : MM. Boullet, Faucompré, Charles Grand,
Victor Girod, Chotard, Widal, Gaffarel, Wallon, Vivier
(Edmond), Vézian, Varaigne, Voisin père, Ducat, Bosseux,
Willemin, Marion et Castan.
M. Marchal fait ensuite une ie dont l’Assem-
blée retient, pour le procès-verbal, l'analyse que voici :
« On vient de remarquer, dans une usine de Saint-Etienne,
que le mouvement rapide d’une courroie de transmission en
cuir dégage de l'électricité statique avec production d'étincelles.
» Son Excellence le Ministre de la Guerre, en prévision des
.
— XVI —"
accidents qui pourraient en résulter dans les usines à poudre,
a chargé M. Joutin de rechercher les causes de ce Ro
et de proposer les moyens d'y obvier.
» Le moins savant de vos collègues, mais non le moins
observateur, à fait semblable remarque il y a ‘huit ans : la
cause lui a semblé des plus naturelles, et il s’est appliqué seu-
lement à rechercher pourquoi ses effets ne sont pas toujours
apparents.
» En 1861, j'étais directeur de l’usine de MM. Grenier, de
Rameru et Cie, à Torpes. Il m'arrivait fréquemment, dans
mes rondes de nuit, de sentir une odeur particulière que j’at-
tribuais à quelque frottement manquant d'huile, ce que l’on
appelle, en langage d'usine, l'odeur d’échauffé : c'était celle de
l'ozone.
» Allant de coussinet en coussinet, je découvris une fois, à
la faveur de l'obscurité, un dégagement continu d’étincelles
avec accompagnement de cliquetis, le tout produit par une
courroie filant environ 200 mètres à la minute. Au moyen
d'une bouteille ordinaire, de tournure de fer et d’un tire-
bouchon, j'improvisai une bouteille de Leyde que je chargeai
à cette source électrique par l'entremise d’une fourchette à
bouche. Cet appareil fit l'amusement des ouvriers jusqu'à me
fatiguer. Alors je mis l'un des coussinets de la poulie portant
cette courroie en communication avec le sol, au moyen d’un
fil de fer que j'eus soin de dissimuler : dès ce moment, les
ouvriers n’eurent plus cet amusement qu'à ma fantaisie.
» Voici comment j'explique le fait dont il s’agit.
» Toute espèce de frottement occasionne la décomposition
de l'électricité statique : il en est de même d’une pression
quelconque, d’une production de calorique. Nous ne passons
pas la main sur la manche de notre paletot ou sur notre
chapeau, nous ne caressons pas notre chat, sans qu'il y ait
mouvement d'électricité. Eh bien ! toutes les causes ci-dessus
énoncées sont éminemment réunies dans la marche rapide
d’une courroie de transmission, surtout si elle croise et si elle
b
0 D RE
est frottée de résine, comme cela arrive souvent. Mais pour
que le dégagement d'électricité soit rendu manifeste par une
production d'étincelles, il est deux conditions essentielles,
savoir : 1° que les machines soient éloignées des murs et du
sol et reposent sur une base peu ou point conductrice de
l'électricité, comme un plancher en sapin bien sec; 2° que
l'état de l'atmosphère soit sec, comme il arrive par le vent du
nord-est. Les machines de meunerie, placées dans le: étages, :
sont dans les meilleures conditions à ce point de vue : la fanée,
qui empêche l'humidité de se déposer, rend la situation encore
* plus favorable.
» Dans les circonstances où la production d’étince! es élec-
triques est à craindre, comme dans les fabriques où voltige
un pulvérin inflammable, je propose, comme moyen préventif,
d'employer toujours des courroies en cuir gras, de les oindre
aussitôt qu'elles commencent à se dessécher, de les tenir
longues afin d’amoindrir leur pression sur les coussinets, de
ne pas les enduire de résine et d'éviter de les croiser; Comme
moyen curatif, de mettre les courroies et Les poulies en com-
munication avec le sol par un fil métallique et une pièce
métallique à pointes disposée selon le cas.
» Ce dernier moyen n’a rien de dispendieux, et 1l permet à
l'électricité décomposée d'aller se reconstituer dans le sol, en
évitant toute espèce d’étincelle ou de commotion. »
Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres
résidants :
Par MM. Grand (Charles) et Renaud (François), M. Renaud
(Alphonse), surnuméraire de l'Enregistrement ;
Par MM. Boullet et Grand, M. Rialpo (Alexandre), profes-
seur de dessin au Lycée ;
Par MM. Ethis (Edmond) et Bougeot, M. Gardet ( Victor),
conducteur des Ponts et chaussées ;
Par MM. Gaultier de Claubry et Gaffarel, M. Maisonnet,
négociant.
— XIX —
La candidature posée dans la dernière séance ayant été sou-
mise à un scrutin secret, M. le président proclame :
Membre résidant
M. Voisin (Claude-François), propriétaire, membre du conseil
des prud'hommes.
Le Vice-Président, Le Secrétaire,
FAUcoMPRÉ. A. CASTAN.
Séance du 10 avril 1869. PO. ES
PRÉSIDENCE DE M. BouLLET.
Sont présents :
Bureau : MM. Boullet, président; Grand (Charles), vice-
président; Jacques, trésorier ; Faivre, vice-secrétaire; Varaigne,
archiviste; Castan, secrétaire ;
MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bertrand, Bial, Bosseux, Bougcot,
Bouvard, Delacroix (Alphonse), Ducat, Gaffarel, Gaultier de
Claubry, Girod (Victor), Gouillaud, Lebreton, Marchal, Marion,
Métin, Ravier, Renaud (Francois), Renaud (Louis), Tailleur
(Louis), Trémolières, Wallon, Willemin.
Le procès-verbal de la séance du 8 mars est lu et adopté.
L'ordre du jour appelle un compte-rendu de la part prise
par les délégués de la Société aux dernières réunions de la
Sorbonne.
Le secrétaire fait à cet égard le rapport suivant :
« Messieurs,
» Depuis l'année 1864 où, pour la première fois, vous avez
figuré dans les réunions de la Sorbonne, votre rôle, sur ce
théâtre annuellement ouvert à l'activité provinciale, s'est sin-
gulièrement agrandi. Lors de votre première manifestation,
deux d’entre nous seulement s'étaient rendus à Paris, et il
n'avait été lu de’ votre part qu'une modeste page de biographie
franc-comtoise.
» La contagion du bien-faire, qui est de tradition dans vos
rangs, ne pouvait manquer de conquérir des prosélytes à une
lice dont la devise est Emulation, et dans laquelle l'honneur
de la patrie d'origine ou d'adoption sert de mobile à des efforts
d'autant plus nobles qu'ils sont étrangers à toute spéculation
matérielle.
» C’est ainsi que, d'année en année, le chiffre de vos délé-
gués à la Sorbonne s'est accru, et que les lectures envoyées
par vos soins ont augmenté comme nombre et surtout comme
importance.
» Quinze membres de’notre Société ont figuré, comme vos
délégués directs, dans les assises de 1869, et trois d’entre eux
y ont fait entendre les mémoires que vous aviez jugés, en
premier ressort, dignes de cette faveur. Aucune compagnie
savante de l'Empire n'avait fourni un pareil contingent.
» C'est un travail de votre secrétaire qui a ouvert la série
des lectures de l’ordre archéologique. Cette étude avait pour
objet le Champ-de-Mars de Vesontio, le seul des Champs-de-
Mars provinciaux qui ait été interrogé à fond par la pioche des
fouilleurs. Les couches inférieures de ce terrain ont montré un
vaste cimetière du premier siècle dont les médailles s'arrêtent
au règne de Néron, circonstance remarquable en ce qu'elle
témoigne, avec les données de l'histoire, que Vesontio ayant
obtenu de Galba des libertés politiques, son Champ-de-Mars
cessa d'être l’âsile des morts pour devenir le lieu des assem-
blées des vivants. A l'effet d'abriter ces réunions, on éleva plus
tard, par-dessus le remblai dont on avait couvert la nécropole,
un immense bâtiment circulaire de 80 mètres de diamètre
intérieur, non compris le dessous des portiques qui l'entou-
raient. Ces portiques étaient subdivisés par des murs de refend
obliques, ce qui mettait les diverses cases à la discrétion d’une
double surveillance générale s’exercant depuis une estrade
intérieure et depuis un bureau compris dans la facade de
* AL.
"TU
— XXI —
l'édifice. Gette disposition convient merveilleusement à ce que
l'on sait des scrutins populaires du monde romain, dans les-
quels les votants se répartissaient par groupes dont chacun
délibérait en un parc distinct. Ces groupes répondaient le plus
souvent à une division de la ville en quartiers ou tribus, de
sorte que le nombre des subdivisions de nos portiques aurait
toute chance d'indiquer le chiffre des quartiers de l'antique :
Vesontio. Or, il se trouve que le nombre de ces subdivisions
est de sept, chiffre des quartiers ou bannières que le Besancon
moderne conserva traditionnellement jusqu'à la Révolution
française. Telle est la donnée capitale de ce mémoire qui, au
dire du compte-rendu officiel, « a dignement inauguré les
» séances de 1869. »
» Quatre planches accompagnent l'étude sur notre Champ-
de-Mars : trois d'entre elles reproduisent le plan, les coupes
et les détails d'architecture du grand édifice, premier type
connu d'un palais électoral du monde romain; la quatrième
donne les plus saillants objets votifs sortis du cimetière qui
avait précédé cette construction. Les trois dessins d’architec-
ture sont l'œuvre de notre habile et obligeant confrère M. Al-
fred Ducat.
» Dans la même section d'archéologie, M. de Rochas d’Ai-
glun a donné lecture d’un mémoire intitulé : La Balistique et
la fortification chez les Grecs au deuxième siécle avant notre ère.
« Suivant ce savant auteur, dit le Journal officiel, lorsqu'au
» seizième siècle on commença à faire des bastions dans le
» système moderne, c’est-à-dire à angles, on n’inventait rien;
» on renouvelait un usage des Grecs, dont on ne trouve
» guère de traces sur le sol, mais qui est fort nettement exposé
» dans le traité de Philon, base du travail de M. de Rochas
» d'Aiglun. Comme nous l'avions deviné en écoutant ses
» observations qui trahissaient une pratique savante des
» choses de la guerre, le vulgarisateur de Philon appartient à
» l’armée. L'assemblée a montré la plus chaleureuse sympa-
» thie au jeune capitaine du génie qui sait si bien employer
NU
» les rares loisirs de sa noble profession, et qui se propose,
» dit-on, de publier une traduction francaise du livre de
» Philon. »
» La Société apprendra avec plaisir que cette traduction,
destinée à mettre à la portée des militaires un traité de premier
ordre sur une branche considérable de leur art, est aujourd'hui
à peu près achevée : nous ne tarderons pas à en avoir la preuve.
palpable, car M. de Rochas se propose de demander à nos
Mémoires, pour cette nouvelle et intéressante production, une
hospitalité que nous serons heureux de lui accorder.
» Comme les années précédentes, c'est M. Drapeyron qui a
été notre interprète dans la section d'histoire. Son mémoire,
dit le Journal officiel, « trace l'histoire de la Séparation de la
» France et de l'Allemagne aux neuvième et dixième siècles. I
» établit que la Gaule, après avoir recu de la Germanie la
» féodalité, et la Germanie, après avoir recu de la Gaule ja
» civilisation romaine, devaient nécessairement prendre deux
» directions différentes, à cause : 1° de la diversité de leurs
» éléments; 2° de l'inégalité de leur développement. M. Dra-
» peyron marque les progrès de la féodalité sur notre sol. Il
» détermine la part qui revient dans cette œuvre capitale à la
» royauté carolingienne, à la maison de France, à la dynastie
» de Saxe et à l’archevêché de Reims. Il met en relief les der-
» niers descendants de Charlemagne et les premiers Capétiens,
» trop souvent dépréciés ou défigurés, et les physionomies si
» originales de l'archevêque Adalbéron et du moine Gerbert,
» qui ont consommé la révolution depuis longtemps préparée. »
» L'œuvre de M. Drapeyron, ajouterons-nous, est un mor-
ceau de grand style : les aperçus les plus neufs et les plus
larges s'y produisent sous une forme toujours pure et saisis-
sante. De l'avis de tous les auditeurs, cette communication a
été l’une des mieux accueillies de celles qui ont rempli les
séances de la section d'histoire.
» Parmi les autres lectures faites dans cette même section,
il en est deux que nous pourrions encore revendiquer comme
0 D NN rs
nôtres, bien qu'elles n'aient pas été expédiées sous notre cou-
vert : en effet, leurs auteurs nous appartiennent comme com-
patriotes et comme confrères, et les sujets qu'ils ont traités se
rapportent à l'histoire de la province de Franche-Comté. Nous
voulons parler d'un mémoire de M. Tissot, correspondant de
l'Institut, sur un Episode des guerres du quinzième siècle entre
les Suisses et les Bourguignons (le sac de Pontarlier), et d’un
coup d'œil de M. Déy, l’un de nos anciens présidents, sur la
Condition du peuple au comté de Bourgogne pendant le moyen dge.
» Vous le voyez, Messieurs, la Séquanie a tenu vaillamment
son drapeau dans la section d'histoire de la Sorbonne. Personne
n'a été plus sensible à cette heureuse circonstance que l’illustre
président de la section d'histoire, M. le sénateur Amédée
Thierry. Vous savez tous le paternel souci de cet homme
éminent pour l'avancement moral d’une province qui a été le
berceau de sa brillante carrière d'écrivain et d'administrateur.
Un nouveau gage de ce sentiment a été donné par M. Thierry
à vos délégués. Il a réuni six d’entre eux autour d'une table
splendide, avec plusieurs notabilités parisiennes et provin-
ciales. Par une délicate attention dont nous avons été à la fois
flattés et réjouis, M. Henri Martin, le grand historien national,
avait été convié comme ami de la Séquanie. Le passé, le pré-
sent et l'avenir de notre province ont tenu la plus grande place
dans les conversations qui animaient la fête, et, au dessert,
M. Boullet, président de cette Compagnie, a remercié, comme
il convenait, notre hôte de son affectueuse sollicitude à l'égard
de nos efforts et de nos travaux.
» En somme, Messieurs, la campagne que nous venons de
faire en votre nom a été ce que vous pouviez souhaiter qu'elle
fût. Elle ajoutera sans aucun doute à la notoriété de vos
publications, notoriété qui est déjà considérable, comme vous
en jugerez par une lettre que vous écrit M. le Sénateur-admi-
nistrateur de la bibliothèque Mazarine, dans le but d'obtenir,
pour ce riche établissement, un exemplaire complet de nos
Mémoires. »
— XXIV —
M. le président ayant bien voulu ajouter quelques mots
flatteurs sur le bon accueil qu'a rencontré, dans la section
M'archéologie, le travail de M. Castan, lecture est donnée de
la dépêche de M. le Sénateur-administrateur de la bibliothèque
Mazarine, demandant, pour le dépôt qu'il conserve, un exem-
plaire de nos publications.
La Société, considérant qu'il lui importe que ses travaux
existent dans l’une des grandes bibliothèques de la capitale,
délibère qu'un exemplaire des Mémoires sera mis en ordre,
par les soins de M. l'archiviste, et expédié, sous le couvert du
Ministre de l'Instruction publique, à l'administration de la
bibliothèque Mazarine.
L'Académie impériale de Savoie nous ayant adressé le vo-
lume qu'elle vient d'éditer, accompagné d’un bel album qui
en est le complément, il est décidé que cette compagnie recevra
les volumes parus de notre quatrième série, et qu'un échange
régulier de publications aura lieu ultérieurement avec elle.
Le conseil d'administration est autorisé à négocier l'échange
des volumes à paraître de nos Mémoires contre la revue men-
suelle intitulée : Matériaux d'archéologie et d'histoire, qui se
publie à Chalon-sur-Saône, et dont le premier fascicule nous
a été expédié par les éditeurs, MM. L. Landa et J. Guillemin.
M. le président saisit l'assemblée de deux actes officiels qui
ont été notifiés aux représentants des sociétés savantes par
Son Excellence le Ministre de l'Instruction publique, dans la
séance solennelle du 3 avril courant. C'est d'abord un décret
impérial, en date du 30 mars, promulguant l'institution d'un
prix annuel de 1,000 francs dans chaque ressort académique,
et décidant en outre qu'un prix de 3,000 francs sera décerné
par le Comité des sociétés savantes à l'ouvrage jugé le meilleur
parmi ceux qui, durant l'année précédente, auront été récom-
pensés dans les concours provinciaux. C'est ensuite un arrêté
ministériel, en date du 31 mars, réglant que, pour 1869, le
prix de 1,000 fr. sera décerné à un travail d'histoire, que la
remisé de ce prix aura lieu dans la prochaine séance solennelle
Le LL MES
de rentrée des Faculiés, et que le prix de 3,000 fr. sera proclamé
dans la séance finale de la réunion des sociétés savantes de 1870,
Cette communication entendue, la Compagnie, considérant
que l’article 1° de l'arrêté ministériel précité limite aux tra-
vaux d'histoire les ouvrages admis, en 1869, à concourir pour
le prix de 1,000 fr., estime que la délégation de trois membres,
élus par elle le 9 janvier dernier pour faire partie du jury
académique, doit être modifiée dans le sens de la spécialité
qui va être mise en tour.
M. Castan exprime à ce propos le désir de n'être plus com-
pris dans la délégation, car il voudrait sé réserver la possibilité
d'entrer en lice comme concurrent.
Après quoi, la Société, révisant sa délibération du 9 janvier
dernier, institue définitivement ses délégués, pour entrer dans
le jury académique, MM. Boullet, Alphonse Delacroix et
Chotard.
M. Marchal présente, tant en son nom qu'en celui de
M. Bourdy, un appareil imaginé par ces deux honorables
essayeurs, ef au sujet duquel M. Marchal fournit les explica-
tions suivantes que l'Assemblée retient pour son procès-verbal :
« La première pipette de Gay-Lussac est d'une simplicité
élémentaire, mais le moyen de la remplir par aspiration n’est
pas pratique avec toutes les liqueurs. D'autre part, le même
appareil perfectionné ‘est très compliqué et coûte fort cher.
Nous supprimons tous les inconvénients en passant la tige de
la pipette dans un bouchon en caoutchouc, lequel ferme un
flacon à tubulure. Cette tubulure porte un tube en caoutchouc
qui sert à donner, au moyen de la bouche, une pression sur
la liqueur. Par ce moyen, on arrive tout doucement à remplir
exactement la pipette. Elle-même restant à demeure sur le
flacon dans lequel on doit la vider, aucune perte n’est possible.
Ajoutons qu'une liqueur titrée est précieuse, en raison des
soins qu'exige sa préparation, et que notre pipette a le mérite
de n’en pas laisser perdre. Le récipient, contenant la provision,
est tenu à la cave pour la conservation de la liqueur. »
— XXVI —
MM. Faucompré et Castan demandent le titre de membre
correspondant pour M. Wäillerme, colonel commandant le
régiment des Sapeurs-pompiers de Paris;
. MM. Petit (Jean) et Castan proposent de recevoir en la
même qualité M. Guyard (Auguste), homme de lettres, rue
de Vaugirard, 60, à Paris.
A la suite d'un scrutin secret portant sur les candidatures
annoncées dans la précédente réunion, M. le président pro-
clame :
-
Membres résidants
MM. Renaup (Alphonse), surnuméraire de l’Enregistrement;
Rrazpo (Alexandre), professeur de dessin au Lycée;
Garper (Victor), conducteur des Ponts et chaussées;
MAISONNET, négociant.
Le Président, Le Secrétaire,
BouLLET. A. CASTAN.
Séance du 8 mai 1869.
PRÉSIDENCE DE M. BOULLET.
Sont présents :
Bureau : MM. Boullet, président; Grand (Charles), vice-
président; Jacques, trésorier; Castan, secrétaire ;
MeuBres RÉsIDANTS : MM. Bial, Bosseux, Delacroix (AI-
phonse), Courtot, Gaffarel, Gaudot, Gaultier de Claubry, Gre-
nier, Lebreton, Micaud, Renaud ( Alphonse), Renaud (Louis),
Saillard, Tissot, Trémolières, Wallon.
Le procès-verbal de la séance du 10 avril est lu et adopté.
Par une dépêche en date du 21 avril, M. le Recteur de l'A-
cadémie nous adresse copie des documents officiels relatifs au
concours ouvert pour le prix de 1,000 fr., en nous faisant
connaitre une instruction ministérielle qui fixe au 30 juillet
at à
— XXVII —
prochain le dernier délai pour la remise des travaux des
concurrents.
Les intentions actuelles de M. le Recteur étant que la Société
se borne à députer un seul membre pour entrer dans le jury
relatif à ce concours, et le chef de l'Académie ayant proposé.
M. Chotard comme l’un des juges dont le Ministre se réserve
la nomination, l’Assemblée confère à M. Alphonse Delacroix
l'unique délégation qu'elle doive faire à cet égard.
M. le président communique ensuite une invitation de la
Société d'Emulation de Montbéliard à ceux d'entre nous qui
seraient disposés à assister à la séance générale et au banquet
de cette compagnie, le jeudi 13 du courant. :
MM. Girod (Victor), le commandant Bial et le professeur
Delavelle ayant manifesté l'intention de prendre part à cette
fête, la Société leur donne mandat d'y être ses représentants.
La Commission des antiquités de la Côte-d'Or mettant à
notre disposition une notable partie de ses Mémoires, il est
statué qu'en retour cette Compagnie recevra les troisième et
quatrième séries de nos publications.
Sur la demande faite par la Société française de numisma-
tique et d'archéologie d'entrer avec nous en relation d'échanges,
il est décidé que cette association sera inscrite parmi celles qui
recoivent nos Mémoires.
Une semblable requête ayant été présentée par la Société
d'agriculture du Haut-Rhin, l’Assemblée estime que le but
spécial poursuivi par cette Compagnie serait beaucoup mieux
servi par un échange avec la Société d'agriculture du Doubs
que par l'envoi de nos Mémoires. Il est arrêté, en conséquence,
que la lettre de la Société d'agriculture du Haut-Rhin, ainsi
que la livraison qui l'accompagne, seront transmises à la
Société d'agriculture du Doubs.
Le secrétaire exhibe une pique en fer, broche à quatre faces,
munie d’un nœud en forme de losange un peu au-dessus de
la naissance de la douille, le tout ayant un mètre de longueur.
Cette pièce, trouvée dans le lit du Doubs, près du moulin
— XXVII —
d'Aranthon, commune d'Osselle, est offerte à la Société par
M. Joseph Piguet, mécanicien.
Le secrétaire avait jugé que cette arme datait du quatorzième
siècle, et devait provenir de quelque soldat de ces grandes
compagnies qui, à l'époque dont il sage dévastèrent notre
province.
Ce sentiment ayant été soumis, avec un dessin de l’objet, à
l'appréciation de M. Jules Quicherat, le savant archéologue a :
répondu par la consultation suivante :
«Je partage votre avis sur l’âge de la broche d’Aranthon.
C’est un des engins dont se servaient les gens de pied dans les
grandes compagnies du quatorzième siècle et du quinzième.
Elle me semble répondre aux définitions de la pique flamande,
ou plançon, que les continuateurs de Ducange ont réunies
sous les mots pica et plansonus.
» Le plançon cessa d’être en usage à la fin du quinzième
siècle. Il fut remplacé par la pique suisse, à fer court emman-
ché d’un bois qui rappelait par sa longueur l'ancienne sarisse
macédonienne. »
La Société décide que cet intéressant monument sera dé-
posé, sous le nom du donateur, au musée archéologique de
Besancon, et qu'en outre des remercîments seront adressés à
M. Joseph Piguet.
M. le président Boullet donne lecture de la continuation de
son étude sur la part qui revient aux Francs-Comtois dans le
domaine des inventions scientifiques : ce nouveau chapitre est
consacré aux travaux du marquis de Jouffroy relativement à
la navigation à vapeur.
La Compagnie, portant un jugement d'ensemble sur lé
deux lectures qui lui ont été faites par l'honorable président,
retient pour son volume de 1869 les parties déjà produites du
travail dont il s’agit, et engage M. Boullet à poursuivre le
cours de sa bonne entreprise.
MM. Saint-Eve (Charles) et Castan présentent, comme can-
didats au titre de membre résidant, MM. Chrétien (Auguste),
— XXIX —
directeur du télégraphe à Besançon, et Petitcuenot (Paul),
avoué près la Cour impériale.
Sont élus, à la suite d’un scrutin secret :
Membres correspondants »
MM. WrizeRMEe, colonel commandant le régiment des Sa-
peurs-pompiers de Paris ;
Guyarp (Auguste), littérateur, à Paris.
Le Président, Le Secrétaire,
BouLLET. A. CASTAN.
Séance du 18 juin 1869.
PRÉSIDENCE DE M. BOULLET.
Sont présents :
Bureau : MM. Boullet, président; Grand (Charles), vice-
président; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire; Varaigne,
archiviste; Castan, secrétaire ;
MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Bosseux, Cordier, Dunod de Char-
nage, Gaffarel,. Gaultier de Claubry, Girod (Victor), Grenier,
Jacquard, Lancrenon, Marchal, Renaud (Alphonse), Renaud
(Louis), Willemin.
Le procès-verbal de la séance du 8 mai est lu et adopté.
L'Académie de Mâcon nous informe qu'une souscription
est ouverte, sous ses auspices, dans le but d'élever une statue
à Lamartine; elle nous prie de coopérer à cet hommage
national.
Plusieurs membres font observer qu une œuvre non moins
importante a des droits antérieurement acquis aux largesses
possibles de la Société : il s’agit de l'expédition au Pôle Nord,
en faveur de laquelle nous avons organisé un comité franc-
comtois de souscription, sans que l’état de nos finances nous ait
encore permis de seconder collectivement ce généreux dessein,
D'autres membres rappellent que la Compagnie a des dettes,
résultant de l'appropriation du local des séances, et que son
premier souci doit être de se libérer.
Enfin le secrétaire insiste sur ce fait que les travaux en
cours d'impression dépasseront probablement, comme prix de
revient, les sommes inscrites aux articles ? et 3 du budget de
1869.
Pour ces divers motifs, la Société juge convenable de sur-
seoir à tout vote de dépense extraordinaire.
Le secrétaire présente une reproduction photographique du
plan, dressé par M. Pietro Rosa, des fouilles qui se pour-
suivent à Rome sur l'emplacement du palais des Césars, aux
frais de S. M. l'Empereur des Français. Cet intéressant docu-
ment a été rapporté de Rome par M. Oudet, notre confrère,
qui veut bien en faire hommage à la Société.
Il est délibéré qu'en retour de cette gracieuse attention, des
remerciments seront transmis à M. Oudet.
M. Victor Girod relate qu'il a assisté, comme délégué de
notre Compagnie, à la séance générale et au banquet annuel
de la Société d'Emulation de Montbéliard, et qu'il a saisi cette
occasion de réitérer à l'élite de nos voisins l'expression de nos
meilleurs séntiments. |
L'Assemblée rend grâce à M. Victor Girod de la nouvelle
preuve qu'il a ainsi donnée de son dévouement à l'œuvre
commune. |
M. Gaffarel venant d'achever une thèse de doctorat es-lettres,
ayant pour sujet les Relations de l’ancien continent avec l’Amé-
rique antérieurement à Christophe Colomb, communique un
fragment de cet ouvrage. Dans le chapitre dont il donne lec-
ture, l’auteur s’est attaché à grouper et à résumer les preuves
de l'existence d'éléments chrétiens au sein des religions les
plus anciennes de l'Amérique : curieux indices de rapports
avec le vieux monde qui, pour n'avoir pas été enregistrés par
nos chroniques, n’en sont pas moins évidents.
M. le président félicite M. Gaffarel de l’entreprise qu'il a
nn + ** Ones
menée à si bonne fin; il le remercie en.outre d’avoir bien
voulu initier la Compagnie à ses érudites investigations.
MM. Grenier et Jacquard demandent le titre de membre
résidant pour M. Paul Choffat, géologue.
Puis, un scrutin secret ayant eu lieu sur le compte des
candidats proposés, M. le président proclame :
| Membres résidants
MM. CaRéTIEN (Auguste), directeur de transmissions télé-
graphiques à Besançon ;
PerireuenoT (Paul), avoué près la Cour impériale.
Le Président, Le Secrétaire,
BouLLET. A. CASTAN.
Séance du 10 juillet 1869.
PRÉSIDENCE DE M. CHARLES GRAND.
Sont présents :
Bureau : MM. Grand (Charles), vice-président; Faivre,
vice-secrétaire; Jacques, trésorier; Castan, secrétaire :
MEMBRES RÉsIDANTS : MM. Bougeot, Delacroix (Alphonse),
Dunod de Charnage, Gaffarel, Girod (Victor), Hory, Lancrenon,
Lhomme, Renaud ( Alphonse), Tailleur (Louis), Trémolières,
Viennet, Vivier, Zaremba.
Le procès-verbal de la séance du 18 juin est lu et adopté.
Il est donné lecture d’une dépêche de la Société botanique
de France, nous informant de l'ouverture, pour le 12 juillet
. Courant, d'un congrès départemental de botanique à Pontar-
lier, et invitant notre Compagnie à s'y faire représenter.
La Société, apprenant que M. Grenier est déjà parti pour
prêter au congrès son utile assistance, s'empresse de déléguer
comme son représentant l'honorable doyen de la Faculté des
sciences, personne ne pouvant mieux remplir un tel mandat
RNA Te
que l'homme éminent qui,’ par des travaux universellement
connus, est devenu parmi nous l’incarnation de la botanique.
Par une lettre en date du 21 juin, M. Ordinaire de Laco-
longe, membre correspondant, prie la Société d'accepter
l'hommage de quatre brochures de mécanique et de physique,
voulant ainsi resserrer les liens qui l’aftachent à notre Com-
pagnie.
Des remerciments seront transmis à ce savant confrère.
Un mémoire manuscrit sur la botanique, intitulé : Le Rhi-
zome, la Souche; théorie de l’Anaphytose, est adressé par
M. François Leclerc, membre correspondant, dans le but
d'obtenir une place pour cet opuscule dans nos Mémoires.
Cette communication est renvoyée à l'examen de M. Grenier.
Le secrétaire expose que l'impression de la Flore jurassique
de M. Grenier est totalement terminée, et qu'il y aurait lieu
de prendre une résolution quant à la manière de distribuer le
deuxième et dernier fascicule de cet ouvrage.
En effet, ce second fascicule continue la pagination du pre-
mier, livré en 1864, et doit se souder avec lui pour ne former
ensemble qu'un seul volume, le 10° de la 3° série de nos
Mémoires. I] suit de là que, pour les membres qui ne possèdent
pas le premier fascicule, la livraison dont il s’agit ne consti-
tuerait qu'un tronçon de volume sans valeur aucune : aussi le
conseil d'administration a-t-il pensé qu'il y aurait lieu de ne
servir la seconde livraison de la Flore qu'à ceux qui possèdent
déjà les 23 premières feuilles de l'ouvrage, ainsi qu'à ceux qui
voudraient, conformément à l’article 15 du règlement, acquérir,
au prix de trois francs, le fascicule distribué en 1864. Une
circulaire informerait de cette disposition tous les membres
admis postérieurement à 1864, lesquels seraient priés de dire .
s'ils possèdent le premier fascicule de la Flore, cas auquel ils
recevraient le second, ou bien s'ils veulent acheter le premier
fascicule, cas auquel les deux ensemble leur seraient délivrés
contre le versement de trois francs pour les résidants, et de
quatre francs pour les correspondants, en raison du port.
aus -
NP 0.0.
La Société, après délibération, approuve cette méthode et
-autorise le conseil d'administration à s’y conformer.
M. Victor Girod, organe de la commission des finances:
présente le rapport suivant :
« Messieurs,
» Votre commission des finances a examiné les comptes de
M. le trésorier, pour l'exercice 1868, et en a reconnu l’exac-
titude.
» Notre situation financière, au 31 décembre dernier, était
la suivante : .
» Cotisations rachetées avant 1868, capi-
AR nAENADIes" hr es ne AOTOE
» RECETTES DE 1868 : 3,030 f.
» Cotisations rachetées durant cet exer-
CARE EN NLSICER EPL ne er ALU OS AT + 120
dont 2,000 fr. sont prêtés à la Société sans
intérêts, et 1,030 fr. donnent intérêts.
» Recettes en capitaux disponibles :
» 1° Subvention de l'Etat. . . . . . .. 900
» 2 — du département . . .. 300
Ve — deda ville MTECE Ur TE 600
» 4° Cotisations des membres résidants. 1,926
0 Fe correspondants. 427
» 6° Droits de diplôme et recettes acci-
HRNIÉLlen nr M SES APCE 47
» 7° Intérêts des cotisations rachetées. . 30
» Total des recettes de l'année. 3,950
» À déduire : cotisations rachetées, capi-
A RS Le MN ee eee 120
» Reste en capitaux disponibles. 3,830
4 XXXIV —
» DÉPENSES DE 1868 :
» 1° Avances faites par le trésorier en 1867 . . 382f. 75
0 LIMPréssiONs CAN AMMNANMATEEL AE AE 0 1,600 »
» 3° Frais de bureau, chauffage et éclairage . . 64 45
» 4° Indemnité à l'agent de la Société . . . . . 200 »
» 5° Solde de l'acquisition de l’herbier Frilley. 200 »
» 6° Séance publique et banquet. . . . . . .. 154 »
» 7° Dépenses pour les sciences naturelles. . . 114 25
» Total des dépenses de l’année. 2,715 45
» Les recettes disponibles étaient de . .* . . . 3,830 »
» Elles ont excédé les dépenses de . . . . . .. 1,114 55
» La commission des finances admet les recettes de 1868
pour trois mille huit cent trente francs, les dépenses du même
exercice pour deux mille sept cent quinze francs quarante-cinq,
centimes : de telle sorte qu'il reste disponible un excédant de
recettes de onze cent quatorze francs cinquante-cinq centimes,
plus en capital inaliénable la somme de trois mille trente
francs.
» Vos commissaires, Messieurs, termineront en vous pro-
posant d'adresser des remerciments à M. le trésorier, pour sa .
collaboration dévouée à l’œuvre commune.
» Besançon, le 10 juillet 1869.
» (Signé) Ep. Vivier; E. BouGror;
» VicroR GIROD, rapporteur. »
Après audition de cet exposé, la Société est unanime pour
voter à M. le trésorier les remerciments demandés par la com-
‘mission des finances.
M. Gaffarel annonce que l’Académie et la Société archéolo-
gique de Montpellier sont toutes deux disposées à entrer en
relations d'échange avec notre Compagnie.
Ces ouvertures sont accueillies avec empressement.
LION
3
nn: 0, QE
M. Castan donne lecture d'un récit du Blocus de Besançon
par Jean de Chalon-Arlay en 1290, morceau qui servirait d’ap-
pendice et de complément à la narration, précédemment com-
muniquée, du Siége de Rodolphe de Habsbourg en 1289; l'auteur
exprime le désir de joindre à l'ensemble trente-neuf docu-
ments qui justifient les énonciations de son texte.
La Société autorise M. Castan à compléter ainsi le travail
dont elle a voté l'impression.
MM. Delacroix (Alphonse) et Castan broposent d'admettre,
comme membre résidant, M. Emile Travers, archiviste du
département du Doubs.
Puis, un scrutin secret ayant eu lieu, M. le président pr0-
clame :
Membre résidant
M. Corrar (Paul), géologue.
Le Vice-Président, Le Secrétaire,
(GRAND. A. CASTAN.
Séance du 14 août 1869.
PRÉSIDENCE DE MM. LANCRENON ET CHARLES GRAND.
En l'absence de MM. les président et vice-présidents, les
membres présents du conseil d'administration, se conformant
à l’article 7 du règlement, prient M. Lancrenon d'occuper le :
fauteuil.
Sont présents :
Bureau : MM. Lancrenon, chargé de la présidence; Jacques,
trésorier; Varaigne, archiviste; Castan, secrétaire ;
Memgres RÉsIDANTS : MM. Bial, Chofjat, Gauthier (Jules),
Marchal, Tailleur (Louis), Willemin et Zaremba.
Le procès-verbal de la séance du 10 juillet est lu et adopté.
Il est donné communication d’une dépêche de M. le Ministre
de l'Instruction publique, en date du 11 août courant, par
— XXXVL —
laquelle Son Excellence nous informe de l'octroi d’une allo-
. cation de 500 francs, à titre d'encouragement.
L'Assemblée accueille avec une vive satisfaction cette bonne
nouvelle, et vote en retour des remerciments unanimes à Son
Excellence.
Par une lettre, en date du 12 août courant, M. le Sénateur-
administrateur de la bibliothèque Mazarine nous exprime sa
gratitude pour le don que nous avons fait à cet établissement
d’un exemplaire complet de nos Mémoires.
Sur l'invitation qui lui a été faite par M. le Secrétaire général
de la préfecture, le conseil d'administration se rendra, après
la séance, à la réception de M. Demanche, nouveau préfet du
département.
Le secrétaire, parlant au nom du conseil d'administration,
rappelle à la Société que M. Duruy vient de déposer, après
un ministère de six années, le portefeuille de l'Instruction
publique; il demande s'il n'y aurait pas lieu de saisir cette
occasion de donner au savant historien, au généreux propa-
gateur des idées libérales, un témoignage de haute estime et
de profonde sympathie.
Accueillant favorablement cette ouverture, la Compagnie se
remet en mémoire toutes les créations fécondes que M. Duruy
a réalisées dans le champ si vaste dont la gestion lui était
confiée. M. Duruy a eu l'immense mérite de comprendre
l'urgence d’une diffusion aussi large que possible de l’éduca-
tion publique. Il est, en effet, de la plus sérieuse importance
que, dans un pays qui dispose de l’arme du suffrage universel,
chacun ait appris, dès l'âge le plus tendre, que tout droit a
pour corrélatif un devoir. M. Duruy a également rendu un
signalé service en accordant à la femme l'accès de l'instruction
virile. Ce sont les mères qui communiquent aux enfants ces
premières impressions dont l'influence sur les allures de l’es-
prit dure autant que l'existence de l'homme. Or, nous vivons
à une époque où la science tend à devenir la boussole des
individus et des sociétés. On ne saurait donc former de trop
+ XXXVI —
bonne heure aux habitudes scientifiques les jeunes intelli-
gences, et il serait utile que la mère püût en cela préparer les
voies à l'instituteur. L'enseignement professionnel n’a pas été
un moindre bienfait. C'est une somme d'instruction pratique
mise à la portée de ceux à qui leur fortune ne permet pas de
suivre en artistes un cours complet d’études. Par là nos ateliers
se peupleront de sujets méritants, capables non-seulement
d'exécuter avec supériorité, mais encore de s'associer à la
pensée des inventeurs et d'en perfectionner les applications.
Pour ces motifs, la Société, considérant que la mission
remplie par M. Duruy a servi puissamment la cause de
l'avancement moral et matériel du pays, croit devoir offrir à
cet éminent homme d'Etat un hommage de respectueuse gra-
titude. En conséquence, elle élit, à l'unanimité et par accla-
mation, M. Duruy au nombre de ses membres honoraires.
M. l'instituteur Chalot, membre correspondant, demande
l'impression dans nos Mémoires d'un travail intitulé : Expé-
riences agricoles el horticoles entreprises de 1863 à 1869.
La Société renvoie cette étude à l'examen d’une commission
composée de MM. Faucompré père, Paul Laurens et Philippe
Faucompré.
M. Charles Grand, l'un des vice-présidents de la Compagnie,
étant venu prendre séance, M. Lancrenon lui cède le fauteuil.
M. Marchal fait une communication, accompagnée d’expé-
riences, ayant trait à un système de chalumeau qu'il a créé
en collaboration avec M. Bourdy.
L'Assemblée prie M. Marchal de rédiger une notice sur cet
appareil.
À la suite d'un scrutin secret touchant le candidat proposé
dans la précédente séance, M. le président proclame :
Membre résidant
M. Travers (Emile), archiviste du département du Doubs.
Le Vice-Président, Le Secrétaire,
GRAND. A. CASTAN.
AN 0 OMR
Séance du 13 novembre 1869.
PRÉSIDENCE DE M. BouLLET.
Sont présents :
Bureau : MM. Boullet, président; Faucompré et Grand,
vice-présidents; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire ;
Varaigne, archiviste; Castan, secrétaire ;
MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Androt, Bial, Bosseux,
Courtot, Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Gaudot,
Gaultier de Claubry, Girod (Victor), Gouillaud, Hory, Lebreton,
Marchal, Paillot, Renaud (Alphonse), Renaud (François), Sire,
Tissot, Travers, Vézian, Viennet, Wallon, Willemin, Zaremba ;
MEMBRE CORRESPONDANT : M. Robert (Ulysse).
Le procès-verbal de la séance du 14 août est lu et adopté.
En retour de son élection comme membre honoraire, M. le
sénateur Duruy a écrit à M. le président une lettre dont la
Société, après audition, vote l’enregistrement. Cette dépêche
est ainsi CONCÇUE :
« Villeneuve-Saint-Georges, 6 novembre 1869.
» Monsieur le Président,
» La Société d'Emulation du Doubs, dans sa séance du 14
août 1869, m'a fait la gracieuseté de me nommer membre
honoraire. J'ai été vivement touché de cette marque de sym-
pathie, surtout en songeant au moment choisi pour me la
donner. En véritables antiquaires, vous gardez le culte des
. morts.
» Je voulais répondre à la Société de manière à lui prouver
le prix que j'attache à son estime, en lui envoyant un volume
dont l'impression devait être achevée avant mon départ pour
l'Orient. Elle ne l’est pas, et je m'embarque après-demain.
» Me voilà donc réduit à ne paraître qu’un membre inutile
de votre active et savante Compagnie.
‘4
— XXXIX —
» Veuillez au moins, Monsieur le Président, transmettre à
mes collègues l'expression de ma sincère gratitude et recevoir
pour vous-même l'assurance de ma considération la plus
distinguée.
» V. Düruy. »
Est ensuite communiquée une lettre de M. le Préfet du
Doubs, en date du 15 septembre, demandant à la Société de
témoigner dans l'enquête ouverte relativement aux modifica-
tions à introduire dans la législation de l'imprimerie et de la
librairie.
Bien que le délai fixé pour la remise des dépositions semble
expiré, la Compagnie veut néanmoins faire le possible pour
répondre à l'attention que l'autorité administrative a eue
envers elle. A cet effet, le bureau désigne une commission
qui s'informera de la possibilité d'introduire encore un avis
dans l'enquête, et, en cas d'affirmation, préparera des réponses
aux articles du questionnaire joint à la lettre préfectorale.
Cette commission se compose de MM. Boullet, Charles Grand,
Victor Girod, Gaultier de Claubry et Travers.
En réponse à un envoi de publications, accompagné d'une
lettre demandant que des relations d'échange s’établissent
entre notre Société et l'Académie royale des sciences de
Stockholm, il est décidé que cette illustre Compagnie recevra
immédiatement les volumes parus de la quatrième série de
nos Mémoires, plus un exemplaire de la Flore jurassique.
Il est donné lecture d'une lettre de M. Bulle, appuyée de
plusieurs témoignages, laquelle est écrite dans le but de
revendiquer une priorité d'invention au sujet du chalumeau
présenté par M. Marchal à notre séance du mois d'août.
M. Bulle, autorisé par le conseil d'administration à assister
à la séance de ce jour, réitère sa réclamation et engage une
discussion avec M. Marchal.
La question qui divise ces deux honorables industriels ne
portant qe sur le fait de l'emploi du gaz de pétrole comme
agent calorifique d’un chalumeau, M. Lebreton fait observer
— XL —
qu'un appareil basé sur ce principe est breveté depuis plu-
sieurs années, et qu'à ce point de vue le débat n'aurait pas sa
raison d'être.
La Société, considérant qu'elle n’a pas qualité pour tran-
cher une question litigieuse, donne acte à M. Bulle de sa
réclamation et passe à l'ordre du jour.
M. le président présente, au nom du conseil d'administra-
tion, un projet de budget pour l’année 1870. Ce document,
que la Compagnie adopte sans modification, est ainsi Conçu :
« RECETTES PRÉSUMÉES.
» 1° Subvention de l'Etat. . . . . .. ASE ro 900 f.
pe EL du département . . ; . . . . .. 300
; a TEE La (CR LE ai A TARA LR D > 600
» 4° Cotisations des membres résidants . . . . . 1,800
» D° Id. correspondants . . 600
» 6° Droit de diplômes, recettes accidentelles. . . 90
» 1 Intérêts de la partie non empruntée du capital
des cotisations rachetées . _. . . . . . .. 40
». Total .!1:: 191800
» DÉPENSES.
» 1° Remboursement d'un terme de l'emprunt
fait, le 16 novembre 1867, sur le capital
inaliénable des cotisations rachetées . . . . 300
DR LEO SSLONS arrete 02 Le ONE UE le à VE NERN 2,400
» 3° Frais de bureau et de recouvrements, chauf-
aBe PL'ÉCIALATR 2 AR MUENE LoU L'ie Elias 250
» 4° Frais divers et séance générale . . . . . .. 300
» 9° Indemnité à l'agent de la Société . . . . . . 200
» 6° Crédit pour recherches scientifiques. . . . . 290
» Total des dépenses . . . . 3,700
» Excédant de recettes . . . 190 »
ER SUR
M. Grand soulève incidemment la question du placement
des fonds provenant des cotisations rachetées : il émet l'avis
qu'il y aurait avantage pour la Société à convertir en rentes
sur l'Etat toute la portion libre de ce capital.
L'Assemblée partageant cette manière de voir, le conseil
d'administration prie M. le trésorier de faire rentrer au plus
tôt les fonds dont il s’agit, à l'effet de les échanger contre des
titres de rente.
M. le docteur Delacroix, substituant M. Grenier empêché,
rend compte à la Société d un mémoire de botanique envoyé
par M. François Leclerc, membre correspondant.
Conformément aux conclusions de l'honorable rapporteur,
la Compagnie vote l'impression de ce travail.
Sur la proposition du secrétaire, l’Assemblée est également
d'avis de comprendre dans notre prochain volume la Notice sur
le sculpteur Monnot, produite récemment par M. Lancrenon.
L'ordre du jour appelle la Société à arrêter les mesures
relatives à la séance publique et au banquet de l'année 1869.
Il est délibéré que cette double solennité aura lieu le jeudi
16 décembre prochain, la séance à une heure et demie dans
la grande salle de l'hôtel de ville, le banquet à six heures dans
le salon du palais Granvelle. La souscription au banquet est
fixée à dix francs par convive. Comme il est d'usage, des invi-
tations seront faites à ce propos aux membres honoraires de
la Compagnie ainsi qu'aux Sociétés savantes du voisinage; les
membres correspondants seront informés de la séance et du
banquet par une circulaire. MM. Faucompré et Faivre sont
chargés de régler le menu du banquet, et M. Varaigne délégué
pour surveiller la décoration des locaux où se tiendra la fête.
Plein pouvoir est donné au conseil d'administration pour
composer le programme des lectures qui rempliront la séance
publique. Une réunion particulière aura lieu le mercredi 15
décembre, à quatre heures, à l'effet d’élire le conseil de 1870
et d'expédier les affaires courantes.
- Sont présentés pour entrer dans la Société :
— XLIIL —
Comme membres résidants,
Par MM. Lancrenon et Castan, M. Charles de Saint-Juan :
Par MM. Delacroix (Emile) et Faivre, M. Gounand, docteur
en médecine ;
Par MM. Jacques et Faivre, M. Constant Levier, chirurgien-
dentiste; LR
Par MM. Delacroix { Emile) et Viennet, M. Louis Buisson,
représentant de commerce ;
Comme membres correspondants,
Par MM. Boullet et Castan, M. Philibert Pompée, membre
du conseil supérieur de l’enseignement secondaire spécial, à
Ivry (Seine) ;
Par MM. Delacroix (Alphonse) et Voisin (Pierre), M. Eugène
Jussy, notaire, à Moissey (Jura) ;
Par MM. Boullet et Castan, M. Bouthenot-Peugeot, maire
de Valentigney et président de la Société des bibliothèques
communales de l'arrondissement de Montbéliard ;
Par MM. Paillot et Castan, MM. Briot, docteur en méde-
cine, à Chaussin (Jura), et Louis Chapuis, phares au
même lieu;
Par MM. Delavelle et Girod (Victor), M. Gouget ( Hippo-
lyte), contrôleur des contributions directes, à Montbéliard ;
Par MM. Jacques et Faivre, M. Gindre, docteur en méde-
cine, à Pontarlier;
Par MM. Delacroix { Emile) et Jacques, M. Gauthier, doc-
teur en médecine, à Luxeuil ;
Par MM. Boullet et Castan, M. Chervin aîné, directeur-
fondateur de l'institution des bègues, à Paris;
Par MM. Perrier (Just) et Saint-Eve (Charles), M. Petit
(Jean-Hugues), chef de section du chemin de fer, à Pontarlier.
Le Président, Le Secrétaire,
BouLLET. | A. CASTAN.
XLR =
Séance du 15 décembre 1869.
PRÉSIDENCE DE M. BouLLzer.
Sont présents :
Bureau : MM. Boullet, président; Faucompré et Grand
(Charles), vice-présidents; Jacques, trésorier; Faivre, vice-
secrétaire; Varaigne, archiviste ; Castan, secrétaire ;
Mewgres RÉsIDANTS : MM. Alexandre, Androt, Arnal, Bial,
Bosseux, Bougeot, Bourcheriette, Canel, Choffat, Chotard, Courtot,
Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Dunod de Charnage,
Gaffarel, Gaultier de Claubry, Gauthier (Jules), Girod (Victor),
Haildy, Jacob, Lancrenon, Mairot (Félix), Marchal, Marion
(Charles), Petitcuenot, Pourcy de Lusans, Renaud (Alphonse),
Renaud (Francois), Saint-Eve (Charles), Tissot, Travers, Tré-
molières, Viennet, Wallon, Widal, Willemin, Zaremba :
MEMBRE CORRESPONDANT : M. Cloz.
Le procès-verbal de la séance du 13 novembre ayant été lu
et adopté, M. Marchal exprime le désir que, nonobstant la
réclamation de M. Bulle, sa note relative au chalumeau à
hydro-carbures liquides, modifiée dans le sens de l’applica-
tion de cet appareil à la fonte de l'or, soit inscrite au procès-
verbal de la séance de ce jour.
La Société, sous la réserve de son intention de ne pas se
faire juge d’une question litigieuse, vote l'insertion de la note
de M. Marchal, laquelle est ainsi conçue :
« Fourneau à fondre l'or au moyen ‘des hydro - carbures
liquides. — Ce fourneau est fondé sur les propriétés bien
connues que possèdent l'essence de thérébentine, les huiles
minérales, et autres hydro-carbures liquides, de produire par
évaporation des gaz éminemment combustibles.
» Sa construction est divisée en trois parties distinctes : un
générateur de gaz, un orifice de combustion et un laboratoire.
INR
» Le générateur consiste en un cylindre de métal, fermé à
ses deux extrémités. A trois centimètres au-dessus du fond
inférieur, existe une grille en forme d'écumoire; à sept centi-
mètres au-dessous du fond supérieur, existe une semblable
grille. L'espace compris entre ces deux grilles est rempli de
coton cardé, ni trop ui trop peu pressé. Les compartiments
extrêmes restent vides. Un tube, débouchant extérieurement
au sommet de l'appareil, traverse la couche de coton et dé-
bouche intérieurement au-dessous de la grille inférieure; un
autre tube est soudé au sommet de l'appareil et communique
avec l’espace vide supérieur.
» Pour se servir de l'appareil, on verse, par le tube débou-
chant de la partie supérieure, du pétrole volatil, ou gaz mille,
ou bien de la benzine, en quantité suffisante pour imbiber le
coton : sil y a excès, le trop-plein se dépose au fond du
cylindre. On adapte un tube de caoutchouc à l’une et à l’autre
des tubulures.
» Le tube en caoutchouc communiquant avec la partie
supérieure du système porte l'orifice de combustion, lequel
consiste en un bec de Bunzen, ou en une réunion de plusieurs
becs, précédés d'un appareil de sûreté. Par l’autre tube, on
donne une pression d'air, au moyen de la bouche ou d'un
soufflet.
» L'air, qui traverse le coton imbibé, entraîne assez d'hy-
drogène carbonné pour être inflammable, et produit un jet de
plusieurs décimètres.
» I est des circonstances où le dard se maintient enflammé,
d'autres où il est besoin d'une veilleuse. L'expérience montrera
que cette variante dépend de la pression.
» L'emploi de notre appareil n’est pas pénible : la chambre
vide supérieure facilite l'obtention d’un jet continu.
» Le laboratoire, auquel nous adaptons ce chalumeau, n'est
qu'une modification du fourneau de MM. H. Sainte-Claire
Deville et Debray. »
M. le président communique ensuite les réponses faites aux
|
|
.
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"4
Re ARTE
invitations de la Société par les membres honoraires et les
sociétés voisines : la Compagnie se montre flattée du nombre
et de la qualité des personnes qui compteront, à la séance
publique et au banquet, parmi ses auditeurs et ses convives.
En retour de l'envoi fait par la Société des antiquaires de
Picardie des deux premiers tomes de la troisième série de ses
Mémoires, il est décidé que les volumes parus de la quatrième
série de nos publications seront adressés à cette savante asso-
ciation, et qu'un échange régulier continuera avec elle.
Il est également arrêté que la Société d'Emulation de l’Aïn,
qui nous a gratifié de trois fascicules de ses Annales, sera
inscrite sur la liste des compagnies correspondantes.
M. le premier vice-président Faucompré, parlant au nom
de la commission nommée le 14 août dernier, émet l’avis que
le travail de M. Chalot, intitulé : Expériences agricoles et horti-
coles, serait mieux placé dans les Mémoires de la Société d’accli-
malation, ou dans ceux de la Société d'agriculture de la Haute-
Saône, que dans les publications de notre Compagnie. L'ho-
norable rapporteur déclare toutefois que les observations de
M. Chalot sont très dignes d'intérêt, et qu'il y a lieu, en
retournant à l’auteur son manuscrit, de le féliciter des utiles
exemples qu'il donne à la population rurale dont il est l’insti-
tuteur.
Ces conclusions sont adoptées.
M. Alphonse Delacroix, chargé par le conseil d’adminis-
tration de l'examen d’un travail de M. Quiquerez sur l'Eglise
et le monastère de Moutier-Grandval, estime que ce travail est
bon à imprimer dans nos Mémoires.
La Société se range à cet avis.
Le secrétaire communique, au nom de M. Travelet, membre
correspondant, une note sur plusieurs Voies antiques inconnues
du nord-ouest de la Franche-Comté. |
La Société autorise l'enregistrement de cette note qui est
ainsi COnÇUE :
« Voie de Savigny (Haute-Marne) à Bourguignon-lez-Morey.—
x
— XLVI —
Largeur : 3 mètres; pavé assez incliné sans margines. On la
voit à une courte distance de Bourguignon, au lieu dit Sur-
Voncourt, où elle gît cachée par un épais gazon.
» Voie de Fouvent-le-Haut à la voie de Jussey. — Largeur :
3 mètres. Elle existe entre Fouvent-le-Haut et Saint-Andoche,
où elle porte le nom significatif de {a Romaine. Elle passait
près du moulin, traversait le village et le bois de Saint-
Andoche. On Ia retrouvait naguère à Pisseloup, derrière
Suaucourt, à Saint-Julien, à Morey, en la Perrouse. Elle
rencontrait à Molay la voie de Jussey, par Cherlieu, au camp
de Bourguignon.
» Voie de Fouvent-le-Bas à Frettes (Haute-Marne). — Elle
est indiquée par des restes de stratumen : sur Fouvent-le-Bas,
aux Perrouses; sur Argillières, aux Perrouses. De ce dernier
lieu, elle tirait à Frettes, village où ne la grande route de
FRE à Besancon.
» Voie de Fouvent-le-Bas à Valeroy (Haute-Marne). — Restes
d'une voie pavée se montrant, sur une longueur de dix mètres
environ, dans l’ancien chemin vicinal de Fouvent à Valeroy.
» Voie desservant le camp de Fouvent-le-Bas. — Les deux
voies précédentes devaient nécessairement aboutir à la voie
dite encore aujourd'hui des Etrds, voie qui desservait le camp
situé sur la montagne de Fouvent, appelée en français Champot
et en patois Champey. Ce camp, où l’on a trouvé des médailles
romaines des haut et bas empires, affectait la forme rectangu-
laire : les tuileaux antiques abondent sur le revers occidental
de son assiette, seul côté où la ligne de fortification soit facile
à reconnaitre. »
La parole est donnée ensuite à M. Emile Travers, rapporteur
de la commission nommée pour préparer des réponses au
questionnaire relatif à l'enquête ouverte sur le régime de
l'imprimerie et de la librairie.
La commission a été unanime à penser que le brevet devait
être supprimé pour l’une et pour l’autre de ces professions,
qu'il y avait lieu, en un mot, d'assurer le libre exercice de la
sa VIT
concurrence au double point de vue de la confection et de la
vente des livres; mais, attendu que la création d'imprimeries
clandestines constituerait un véritable danger pour le respect
des personnes et le maintien de l'ordre public, la majorité de
la commission a été d'avis qu'afin de prévenir ce genre d’abus,
il serait nécessaire d'exiger de tout imprimeur une déclaration
préalable et un cautionnement.
M. Gaultier de Claubry, s'étant trouvé en dissidence avec
ses collègues de la commission au sujet de la restriction du
cautionnement, lit une note ayant pour but de faire annuler
par la Société cette conclusion du rapport.
Il s'ouvre à ce sujet une discussion dans laquelle un grand
nombre de membres se font entendre.
Après quoi, le texte du rapport est mis aux voix et adopté.
L'ordre du jour appelle la Société à élire son conseil d'ad-
ministration pour l'année 1870. Les scrutins successifs ouverts
à cet effet donnent les résultats suivants :
Pour le président, 35 votants :
M. Charles Grand, 34 voix ;
M. Emile Delacroix, { voix.
Pour le premier vice-président, 29 votants :
M. Boullet, 28 voix ;
M. Vézian, 1 voix.
Pour le deuxième vice-président, 29 votants :
M. Emile Delacroix, 27 voix ;
M. Grenier, Î voix ;
M. Chotard, { voix.
Pour le vice-secrétaire, 24 votants :
M. Faivre, 24 voix.
Pour le trésorier, 24 votants :
M. Jacques, 24 voix.
Pour l’archiviste, 24 votants :
M. Varaigne, 24 voix.
-En conséquence, M. le président déclare le conseil d’admi-
nistration de 1870 ainsi composé :
ar ee. L A CL QE
Président : im 2 baronne 1e 10e Charles Ga 0e
Premier Vice-Président. M. BouLLET;
Deuxième Vice-Président . . . . . . . . . M. Em. DELACRoOIx;
Secrétaire décennal . . . M. CASTAN;
Vice-Secrétaire et contrôleur des dépenses . M. FaAIvRE ;
D'RÉSOPÉON ES NS ET I ET CMS J ACDITERR
Archivistes a es 5 LOI OR OEM VAR ATEN
Sont présentés pour entrer dans la Société comme membres
résidants :
Par MM. Paul Laurens et Castan, M. Berr de Turique, con-
seiller à la Cour impériale ;
Par MM. Alphonse Delacroix et Castan, M. Jeannot-Droz
(Alphonse), fabricant d'horlogerie ; :
Par MM. Victor Girod et Castan, M. Cuillier, relieur de
livres.
_ A Ja suite d'un vote favorable émis sur les candidatures
posées dans la dernière séance, M. le président proclame :
Membres résidants
MM. Charles DE SAINT-JUAN ;
Gounan», docteur en médecine ;
Levier (Constant), chirurgien-dentiste ;
Buisson (Louis), représentant de commerce ;
Membres correspondants
MM. Poupée (Philibert), membre du Conseil supérieur de
l'enseignement secondaire spécial, à Ivry-sur-Seine ;
Jussy (Eugène), notaire, à Moissey (Jura) ;
- BouTHExoT-PEUGEOT, maire de Valentigney et président
de la Société des bibliothèques communales de l'ar-
rondissement de Montbéliard ;
Brior, docteur en médecine, à Chaussin (Jura);
CHapuis (Louis), pharmacien, à Chaussin (Jura) ;
Goucer (Hippolyte), contrôleur des contributions di-
. rectes, à Montbéliard ;
Ginpre, docteur en médecine, à Pontarlier ;
|
i
.
|
MP SLID ES
MM. GauTier, docteur en médecine, à Luxeuil ;
CHERvIN aîné, directeur-fondateur de l’Institution des
Bègues, à Paris;
Psrir (Jean-Hugues), chef de section du chemin de fer,
à Pontarlier.
Le Président, Le Secrétaire,
BouLLET. À. CASTAN.
Séance publique du 16 décembre 1869.
PRÉSIDENCE DE M. BOULLET.
La séance s'ouvre extraordinairement à deux heures un
quart de l'après-midi, dans la grande salle de l'hôtel de ville
de Besançon.
Siégent au bureau :
M. Boullet, président; MM. LE GÉNÉRAL COMMANDANT LA
T° DIVISION MILITAIRE, LE PRÉFET DU DOUBS, LE RECTEUR DE
L'ACADÉMIE, LE MAIRE DE LA VILLE et L'INSPECTEUR D ACADÉMIE,
membres honoraires; M. le colonel fédéral de Mandrot, délégué
des Sociétés savantes de Neuchâtel et de Genève; M. Weizel,
président de la Société d'Emulation de Montbéliard ; M. La-
lance, maire de Montbéliard; M. Bouthenot-Peugeot, président
de la Société des bibliothèques communales de ce même
arrondissement; M. Faucompré, premier vice-président de la
Société d'Emulation du Doubs; MM. Grand et Emile Delacroix,
président et vice-président élus pour 1870; MM. Jacques, tré-
sorier; Faivre, vice-secrétaire; Varaigne, archiviste; Valfrey,
membre correspondant; Jules Gauthier, membæe résidant ;
Castan, secrétaire ; :
MEMBRES RÉSIDANTS PRÉSENTS : MM. Bial, Bougeot, Canel,
Chauvelot, Chotard, Daclin, Delacroix (Alphonse), Dunod de
Charnage, Fitsch (Christian), Gaffarel, Girod (Victor), Haldy,
d
— L—
Klein, Lancrenon, Lieffroy, Mairot (Félix), Pétey, Pourcy de
Lusans, Renaud (Alphonse), Renaud (Louis), Rialpo, de Sainte-
Agathe, Sire, Tissot, Travers, Viennet, Willemin;
MEMBRES CORRESPONDANTS PRÉSENTS : MM. Cloz, Devarenne,
Gascon et Sautier.
Un nombreux public remplit la salle.
Le secrétaire ayant annoncé l'ordre des lectures, M. le pré-
sident Boullet en ouvre la série par un Rapport sur les travaux
de la Société en 1869, suivi de Considérations sur l’Instruction
primaire envisagée comme cause prétendue de la dépopulation
des campagnes.
M. Jules Gauthier lit une étude sur les Gorrevod et leur
sépulture dans l’église de Marnay.
M. Jules Valfrey communique une Notice sur le marquis
de Moustier.
Enfin M. Castan donne lecture d’un morceau intitulé : Sully
et le collége de Bourgogne.
La séance est levée à quatre heures moins un quart.
Le Président, Le Secrétaire,
BOouULLET. A. CASTAN.
de ,
DR CRT
— LI —
Banquet de 18369
Après un entr'acte de deux heures, la Société se réunissait
à nouveau dans le grand salon du palais Granvelle, autour
d'une table splendidement servie par la maison Colomat.
La décoration de ce local princier avait été dirigée par l’ar-
chiviste de la Société, M. Varaigne, dont l’activité égale le
goût. M. Baud, décorateur de Dijon, avait disposé dans le
salon de riches portières en velours rouge à crépines d'or; les
opulents candélabres du même fournisseur luttaient d'éclat
avec des corbeilles de fleurs et de plantes rares installées par
M. Normand. Sur les paroïs du salon brillaient les armoiries
de la Société d'Emulation du Doubs (le lion franc-comtois,
l'aigle bisontine et l'abeille impériale), ainsi que les blasons
de Neuchâtel, de Genève et de Monthéliard; ces divers écus-
sons ressortaient sur des drapeaux aux couleurs de la France,
de la Suisse et de la ville de Besancon. A l’une des extrémités
de la salle figurait un décor allégorique, représentant la divi-
nité de la fête, l’Emulation, sous l'apparence d’une jeune
femme qui, après avoir terrassé l’'Ignorance et l’Envie, s’élance
vers les régions élevées, à la poursuite de palmes et de cou-
ronnes : cette peinture, vigoureusement brossée, était Le fruit
du talent et d’une gracieuse attention de M. Lumière.
Soixante-treize convives ont participé au festin. Occupaient
les places d'honneur : M. Boullet, président annuel, ayant à
ses côtés M. le Général de division et M. le premier Président
de la Cour impériale; M. Grand, président élu pour 1870,
assis entre M. le Préfet du Doubs et M. le Maire de Besançon.
Venaient ensuite M. le Recteur de l’Académie et M. l'Inspec-
teur ; M. le colonel fédéral de Mandrot, délégué des Sociétés
savantes de Neuchâtel et Genève; M. Wetzel, président de la
Société d'Emulation de Montbéliard; M. Lalance, maire de
cette dernière ville; M. Bouthenot-Peugeot, président de la
Cr DA (FA
Société des bibliothèques communales du même arrondisse-
ment; M. Faucompré, premier vice-président annuel; M. Em.
Delacroix, vice-président élu pour 1870; M. Jules Valfrey,
rédacteur en chef du Mémorial diplomatique; MM. Lancrenon
(de l’Institut), Alphonse Delacroix et Victor Girod, anciens
présidents de la Compagnie; MM. Reynaud-Ducreux et Pourcy
de Lusans, membres fondateurs; M. le baron Daclin, membre
du Conseil général; M. le capitaine de frégate Ulysse Deva-
renne, un enfant distingué de Besançon, qui, dès l’âge de
trente-six ans, avait conquis les épaulettes de lieutenant-colonel
et la croix d'officier de la Légion-d'Honneur; MM. les com-
mandants Sautier, Bial et de Bigot; M. Chotard, professeur
d'histoire à la Faculté des lettres; M. Mairot, ancien président
du tribunal de commerce; M. Klein, membre du Conseil
municipal de Besançon, etc:
Le menu, très heureusement combiné par MM. le comman-
dant Faucompré et le docteur Faivre, avait été réussi à souhait
comme exécution; la pièce monumentale n'était rien moins
qu'un esturgeon du poids de 45 kilogrammes. Au bas des
cartes qui indiquaient l’ordre du service, on lisait cette anno-
tation : « Le bourgogne ordinaire est un cadeau fait à la
Société par M. Pierre Faivre, de Seurre (Côte-d'Or), membre
correspondant. » C'était la première fois que la Compagnie
enregistrait une largesse de cette nature : il va sans dire que
le meilleur accueil lui a été fait; on raconte même que beau-
coup formaient tout bas des vœux pour que l'exemple donné
par l'honorable M. Faivre inaugurât un nouveau genre d’é-
mulation. ,
Le moment du dessert venu, M. le Préfet s’est levé, et avec
lui toute l'assistance, pour porter la santé de l'Empereur.
M. Demanche, chacun le sait aujourd'hui, à la parole facile,
précise et élégante; il est doué de plus d’une parfaite justesse
de tact. Son toast en a été la preuve : il en a exclu la politique,
estimant avec raison qu'elle était étrangère à l'événement.
Entre les grandes choses accomplies par le second Empire,
— LIN —
M. le Préfet s’est borné à faire ressortir l'impulsion donnée
par le chef de l'Etat à l'esprit de recherches qui demeurera le
caractère saillant de la phase intellectuelle que nous traver-
sons. Îl a loué la Société d'Emulation du Doubs pour la noble
part qu'elle a prise à ce mouvement. Associant gracieusement
les noms de nos archéologues bisontins à ceux des maîtres de
la science du passé, M. le Préfet a caractérisé d'un mot heu-
reux les révélations contestées quelquefois du sol d’Alaise, et
celles plus positives qui sortent des entrailles de l'antique
Vesontio. Cette allocution a été saluée par de chaleureux
applaudissements.
M. le président Boullet a pris ensuite la parole en ces
termes :
« Messieurs,
» [l y à trente ans, quelques hommes se sont rencontrés
qui, avec des ressources aussi restreintes qu était grand leur
dévouement à notre pays, ont fondé la Société d'Emulation
du Doubs. |
» [ls ne se proposaient point d'organiser un corps lettré,
pour s'occuper des travaux du bel esprit. Autre était leur but :
ils ont fait appel aux hommes de bonne volonté, capables
d'honorer une association et de concourir par leur initiative
personnelle au progrès général. Cette disposition était une
condition de succès, et l'expérience à prouvé que leur idée
était féconde.
» Ce germe d'association à produit un grand corps, qui
compte aujourd'hui ses adhérents par centaines. Mais si le
nombre nous rend fiers, ajoutons que la qualité ne lui cède
rien et peut à plus juste titre encore nous enorgueillir ! En
effet, hommes d'Etat (ministres, sénateurs, députés), hommes
de lettres, savants, magistrats, militaires, agriculteurs, indus-
triels, financiers, tous apportent leur concours à l'œuvre com-
mune, et en font une vraie république des intelligences.
en LIVRE
» Que produiit-elle ? Ses travaux et ses mémoires, depuis sa
fondation, sont déjà un monument national! Nos antiquaires
y font revivre un passé intéressant et glorieux : ils réunissent
à l'appui de leurs écrits les vestiges du monde celtique et
gallo-romain, pour en former un merveilleux musée! Les
sciences, les arts, l'industrie déposent pieusement dans ces
mémoires leurs élucubrations au profit de l'avenir. Touchante
prévoyance dont les générations futures nous sauront gré; car
nous leur tracons la voie qui les conduiræ sans labeur vers le
passé que nous nous efforçons de remettre en lumière !
» Mais, nous dira-t-on, ces travaux que vous exaltez 1C1,
sont-ils connus, jugés, appréciés au dehors ?
» Toutes les sociétés savantes de la France, la plupart des
corps savants de l'Europe, l'Amérique elle-même, sollicitent
la faveur de commercer intellectuellement avec nous. Nous y
répondons, et nous faisons ainsi du libre-échange sans reven-
diquer de droits protecteurs ! En outre, lorsque chaque année
le Ministre de l'Instruction publique convoque à la Sorbonne
les assises scientifiques, ce tournoi du savoir où l'on se rend
de toutes parts, nous y figurons aussi par nos tenants, qui
prennent part à la lutte, rompent des lances et nous rapportent
des couronnes et des croix d'honneur !
» Donc nous occupons notre rang, et un rang honorable
dans le monde intelligent de notre temps, dans ce monde qui
s'est donné la mission d'associer la science spéculative du
passé à la science d'application du présent. Heureuse combi-
naison, d’où résulte une immense somme de bien-être au
profit des nations modernes, et une prospérité qui ne s'est
jamais vue à aucune époque des temps passés !
» Ces dispositions sont reconnues et affirmées par la sym-
pathie et l'intérêt que nous témoignent l'Etat, le département
et la ville : l’occasion est favorable pour les en remercier.
» Je suis sûr d'être l'interprète des sentiments de tous en
exprimant notre profonde gratitude à M. le Préfet du Doubs,
le représentant direct du gouvernement parmi nous, à M. le
AE D
Préfet qui, dans un toast éloquent, vient de nous dire en beau
langage ce que nous devons de reconnaissance à l'Empereur,
pour avoir rendu la France prospère, puissante et glorieuse !
» Merci aussi à la ville, représentée dans cette assemblée
par une administration municipale dévouée et sympathique à
toutes les institutions utiles, et particulièrement à la nôtre.
» Je porte un toast aux fondateurs de la Société qui comptent
encore dans nos rangs. Ils ont, avec ceux de leurs collabora-
teurs que la mort a rappelés, et auxquels nous paierons en ce
jour un juste tribut d'éloges et de regrets, ils ont, dis-je,
accompli une-œuvre utile et bien mérité du pays !
» Associons à ce toast, pour fêter sa bienvenue, le nom de
notre nouveau président, M. Grand, dont le mérite, le zèle
et le dévouement donneront une impulsion nouvelle à nos
travaux, et contribueront à nous maintenir au premier rang
parmi les sociétés que l'on cite et que l’on distingue en
France. »
M. Grand, président nouvellement élu, a répondu comme
suit au discours de son savant prédécesseur :
« Messieurs,
» Il me faut une hien grande confiance dans votre indul-
sente confraternité pour oser accepter la mission d’être votre
président, moi qui ne suis ni un savant, ni un lettré.
» À quel titre donc me suis-je trouvé investi de l'honneur
de vos suffrages ?
» Ce ne peut être que par une pensée de bienveillant accueil
fait à un ancien membre de la Société qui, après une longue
absence, est venu reprendre avec bonheur sa place au milieu
de vous.
» Je suis profondément touché, Messieurs, de ce témoignage
de votre part, et, à défaut d'autre mérite, je vous promets le
dévouement le plus absolu aux intérêts de la Société.
» Conserver intactes les traditions du passé, suivre fidèle-
7
ar D eme
ment la ligne tracée par mes éminents prédécesseurs, telle
sera mon unique préoccupation : heureux si je ne resle pas
bien au-dessous de la tâche que m'impose votre trop confiante
amitié.
» Votre origine, votre but, vos travaux viennent de vous
être retracés, avec une grande autorité de langage, par notre
honorable et érudit président.
» Oui, Messieurs, vous comptez dans le monde savant, vous
y tenez une place importante que vos devanciers et vous avez
laborieusement conquise.
» Cette place, vous saurez la conserver, et vous le devrez
encore à vos fondateurs.
» Au lieu de s’ériger en un cénacle de savants et d’enfermer
leur dignité dans un cercle de Popilius, ils ont appelé à eux
tous ceux qui s'intéressent à la prospérité de notre pays : aussi
en vieillissant vous restez toujours jeunes.
» C'est bien à vous, Messieurs, que pourrait s'appliquer
cette charmante devise que porte avec orgueil, depuis 1606,
la plus ancienne de toutes les associations scientifiques de ce
versant des Alpes : son emblème est un arbre du jardin des
Hespérides, et sa devise : Flores, fructusque perennes ; des
fleurs et des fruits ensemble et toujours.
» Ne craignons donc pas de rajeunir nos rangs en appelant
à nous la jeunesse, la jeunesse, cette fleur de la, vie!
» Personne ici peut-être n’a mieux Compris cette pensée que
notre honorable président. Après avoir formé pour les luttes
de la vie des jeunes hommes pleins de savoir et d'idées libé-
rales, personne plus que lui n’applaudit à leurs efforts et à
leurs succès.
» Aussi, je les unis dans un même toast :
» À notre Président !
» À nos jeunes confrères! à la prospérité de leurs travaux!»
Puis M. Castan, secrétaire de la Société, a porté le toast
suivant :
= RAR
« Messieurs,
» Lors de la tempête politique de 1830, l'une de nos petites
villes de Franche-Comté avait installé dans sa maison com-
mune une sorte de gouvernement provisoire. Les têtes étaient
échauffées, car dans un pays vignoble on boit sec en temps de
révolution : aussi les ambassades populaires arrivaient-elles
sans cesse au siége de ce pouvoir improvisé. À l'une des
députations, le gouverneur de service demanda quel était son
chef. Nous sommes tout de chefs ! répondit en chœur le groupe
frémissant.
» Ce propos, Messieurs, est mieux qu'une boutade de cir-
constance : c'est la traduction pittoresque d’un sentiment qui
n'a cessé d'être la qualité saillante et le capital défaut de notre
race toujours gauloise. Très aptes à faire des gouvernants,
nous avons été jusqu'ici fort difficilement gouvernables. L'in-
variable allure de nos essais démocratiques le démontre : en
voulant alors être tous individuellement chefs, nous avons
perdu bien vite les occasions de le devenir un peu tous collec-
tivement.
» Cependant le niveau de l'instruction générale s'élève, et
par là croît incessamment l'action des masses sur la conduite
des affaires. Chacun est convaincu de cette situation : beaucoup
réclament très haut des droits; mais combien peu soupconnent
que la médaille du droit a pour revers le devoir, et que le
premier des devoirs consiste à sacrifier les convenances per-
sonnelles à l'intérêt de tous! Cette notion est la pierre angulaire
de l'éducation publique, et l’on ne saurait trop déployer d'é-:
nergie pour l'implanter d'une manière durable.
» À ce point de vue, Messieurs, les sociétés libérales, comme
est la nôtre, ont à exercer une action des plus salutaires. En
tant que laboratoires d'études rétrospectives, elles divulguent,
au profit de la marche du présent, les grandeurs et les défail-
lances des vieux âges; mais elles peuvent encore servir d'écoles
NAT
pratiques aux hommes qui les fréquentent, et donner même
au pays tout entier des lecons de conduite sociale.
» En effet, nos associations reposent sur le dévouement de
tous à un but impersonnel, le progrès de la science. La direc-
tion de leurs travaux est dévolue à des fonctionnaires électifs,
qui s'équibrent, se contrôlent et se prêtent une fraternelle
assistance. Les emplois qu'ils remplissent comportent des
charges, quelquefois assez lourdes, et il n’en résulte pour eux
que des satisfactions de conscience. On apprend chez nous à
accepter le pouvoir sans arrière-pensée d'ambition et à le
quitter sans l'ombre d'un regret.
» Ce sont là, Messieurs, d'excellents principes qu'il serait
bon de nous employer à introduire dans les mœurs publiques.
Pour ce faire, nous aurions à tirer grand parti des méthodes
de propagande mises en œuvre par les sociétés qui nous avoi-
sinent, et tout spécialement par celles dont nous nous félicitons
de posséder aujourd’hui les savants délégués. Déjà nous avons
emprunté à la Société d'Emulation de Montbéliard cette bonne
pensée d'invitations réciproques à nos fêtes. Ne pourrions-
nous pas, à son exemple, apporter notre contingent d'impul-
sion à l'œuvre si moralisatrice des bibliothèques communales ?
Ne devrions-nous pas également adopter cette habitude qu'ont
les sociétés de la Suisse romande de tenir successivement des
assises dans les divers centres d'une même contrée ?
» En posant ces intéressantes questions, je n'ai en Ce mo-
ment, Messieurs, que le désir de rendre un hommage mérité
à l'esprit sagement émulateur de sociétés amies. Je terminerai
donc en buvant aux succès de ces associations, succès qui sont
aussi les nôtres, puisqu'ils ont pour effet d'activer toujours
notre marche et quelquefois de l'éclairer ! »
Les réponses à cette harangue ne se firent pas attendre.
M. le colonel de Mandrot répliqua le premier : sa parole, que
nous apprécions toujours davantage, réunit l'élégance de dic-
tion du gentilhomme à cet esprit d'à-propos que donne l'habi-
A LIRE
tude des assemblées. L'érudit militaire exprima des souhaits
bien sentis au point de vue de la continuation d'un échange
de bons rapports et de services mutuels entre la Franche-
Comté et les cantons suisses limitrophes. Les relations ami-
cales de ces pays sont anciennes; elles n’ont été interrompues
qu'un instant, et par le fait d'un malentendu qui ne se repro-
duira pas. La France a intérêt à protéger la Suisse, qui couvre
une notable portion de ses frontières, et la Suisse doit en
retour garder une neutralité loyale dans toute complication
politique qui menacerait la France. Comme gage de la perpé-
tuité de cet esprit, il est bon que les associations des deux pays
fraternisent, et c'est pour ce motif que les Sociétés savantes
de Neuchâtel et Genève ont délégué auprès de nous M. de
Mandrot.
À son tour, M. Wetzel, président de la Société d'Emulation
de Montbéliard, fit entendre les paroles que voici :
« Messieurs,
» Chargé de représenter, auprès de vous, la Société d'Emu-
lation de Montbéliard, je suis venu à votre fête, ou plutôt à
vos deux belles fêtes, celle de la science tout à l’heure et celle
de la fraternité maintenant, pour vous apporter, de la part de
cette Société, sœur cadette de la vôtre, un nouveau témoignage
de sa cordiale sympathie, et pour boire, en son nom, à la
continuation des rapports les plus intimes entre les deux com-
pagnies. Mais ce toast s'élève et s'élargit dans mon esprit, et
à nos deux sociétés, je vous demande la permission de subs-
tituer, non pas seulement les deux villes où elles siégent, mais,
mieux encore, les deux contrées au centre desquelles elles
fonctionnent.
» La Franche - Comté et le comté de Montbéliard n'ont
guère, dans leur histoire, de souvenirs communs : pour en
trouver, il faut, pour ainsi dire, aller les chercher par-delà les
siècles, jusque dans notre vieille Séquanie, car, dès qu'il y eut
— LX —
une Franche-Comté et un comté de Montbéliard, nos aïeux
marchèrent sous des bannières différentes ; leurs tendances
leurs intérêts étaient opposés, souvent hostiles; la ligne géo-
graphique qui les séparait n’était pas un trait d'union, comme
devrait l'être toute frontière : c'était une bârrière ; tranchons
le mot, nos pères ne s'aimaient pas. Pour le bourgeois de
Montbéliard, la Franche-Comté était une voisine ambitieuse»
toujours prête à faire revivre les vieilles prétentions de suze-
raineté qui avaient coûté si cher à son pays; pour le Franc-
Comtois, le petit pays de Montbéliard était un repaire d'héré-
tiques et de mécréants duquel il ne pouvait sortir que peste et
damnation. Le souffle de notre grande révolution, l'esprit
moderne, l'esprit français, ont passé sur ces misères et les ont
emportées à jamais. Longtemps encore pourtant, nous nous
sommes sentis étrangers dans votre beau pays, et longtemps
aussi VOUS nous avez regardés comme tels : notre race à tous,
vous le savez, Messieurs, si elle est sûre et fidèle, est lente à
se livrer. Ce que n'avaient pu faire nos intérêts devenus com-
muns, le voisinage et les mille rapports qui naissent d'une
même administration, la science et l'amour de l'étude ont su
l'accomplir. C’est dans nos réunions, dans des fêtes comme
celle-ci, que se sont échangées les premières manifestations
d'affectueuse et cordiale sympathie entre les deux populations.
Honneur donc à la science, qui, en élevant l'esprit, échauffe
le cœur ! Grâce à elle, la glace est rompue entre nous, et, dans
ce banquet qui réunit les représentants les plus éminents de
la Franche-Comté, je suis heureux et fier, moi l'enfant de
Montbéliard, ‘de boire à la prospérité de notre pays commun,
de notre chère Franche-Comté, et à l’union inaltérable de
tous ses enfants anciens et nouveaux ! »
Après quoi, M. Alphonse Delacroix, l’un des fondateurs et
ancien président de la Société, crut devoir remercier M. le
Préfet de la preuve d'intérêt qu'il venait de donner à l’érudition
bisontine; il exprima en outre à M. Demanche les sentiments
= HE
cordiaux que son esprit élevé et sa franche bienveillance
avaient fait naître pour le premier magistrat du département.
Enfin, M. le premier président Loiseau, s'inspirant de ce
pur et large patriotisme local qui. l'anime, résuma les vœux
de tous en un toast d’une éloquence simple, nerveuse et con-
vaincue. Il but à l’union, à la prospérité, à l'avenir de la
famille comtoise; à la conservation des qualités solides et
fécondes qui sont le patrimoine de ses enfants.
Ainsi se termina cette bonne journée, pleine de nobles
jouissances pour ceux qui y ont pris part. La Société d'Emu-
lation du Doubs ne pouvait démontrer d'une facon plus pé-
remptoire que les associations largement ouvertes sont les
seules où il y ait continuité de sève, libéralisme d'esprit et
puissance d'action.
MÉMOIRES
RAPPORT
SUR LES TRAVAUX
DE LA
NOCIÈTÉ D'ÉMULATION DE DOUBS
EN 1869
SUIVI DE CONSIDÉRATIONS SUR L'INSTRUCTION PRIMAIRE
ENVISAGÉE COMME CAUSE PRÉTENDUE
DE LA DÉPOPULATION DES CAMPAGNES
DISCOURS D'OUVERTURE DE LA SÉANCE PUBLIQUE DU 16 DÉCEMBRE 1869
PAR M. BOULLET
PRÉSIDENT ANNUEL
Messieurs,
Une société s'estime à ses œuvres. C’est donc en analysant
nos travaux de l’année que nous pourrons juger de nos pro-
grès, de l'utilité de nos efforts et des résultats qu'ils produisent.
L'initiative personnelle étant notre grand principe, chacun
de nous suit la voie de son choix, apporte à l'édifice commun
les matériaux qu'il a recueillis, et recoit de ses collègues des
conseils et des encouragements.
C'est dans la diversité que se trouve l'intérêt de nos recher-
ches. Nous nous appliquons à les diriger sur des sujets qui
puissent, avant tout, profiter à notre pays.
HD
L’archéologie est le domaine de prédilection des plus dignes
et des plus renommés parmi nous : aussi lui donnerons-nous
la priorité dans l'énumération de nos principales productions
de l’année.
Nous avons, comme d'habitude, répondu à l'appel du Mi-
nistre de l'Instruction publique, lorsqu'il a convoqué, à Paris,
les délégués des sociétés savantes. Quinze membres de notre
Compagnie se sont rendus à cette réunion, et trois d’entre eux
y ont pris une part active.
M. Castan, votre honorable et savant secrétaire, a ouvert la
série des lectures archéologiques par son remarquable mé-
moire sur le Champ-de-Mars de Vesontio. Ce travail important
a tenu attentif à son sujet un auditoire nombreux et choisi; il
a excité l'intérêt général et inauguré dignement les séances
de 1869.
Dans la même section, M. de Rochas d’Aiglun a donné
lecture d'un mémoire intitulé : La balistique et la fortification
chez les Grecs au deuxième siècle avant l'ère chrétienne. T1 con-
vient à un officier du génie de traiter de l’histoire des fortifi-
cations : aussi M. de Rochas s’en est-il tiré avec un rare mé-
rite. Sa communication lui a valu des éloges auxquels nous
nous sommes associés avec d'autant plus de plaisir et d'intérêt,
que l'auteur nous promet, pour le prochain volume de nos
annales, un travail sur le morceau principal qui nous reste
des Grecs en matière de fortification.
L'histoire a eu aussi son lot dans nos lectures en Sorbonne.
M. Drapeyron, notre savant correspondant, professeur à Paris,
nous à dignement représentés dans cette section. Il a fait con-
naître un très beau mémoire sur la Séparation de la France et
de l'Allemagne aux 1x° et x° siècles. Votre secrétaire, rendant
compte de son impression sur ce travail, s'exprime en ces
termes : « L'œuvre de M. Drapeyron est un morceau de grand
style; les aperçus les plus neufs et les plus larges s’y produisent
sous une forme toujours pure et saisissante. De l'avis de tous
les auditeurs, cette communication a été l’une des mieux
"4
5 Re
TAUAS ;
a
accueillies de celles qui ont rempli les séances de la section
d'histoire. »
Ajoutons, comme détail important pour la renommée de
notre Société, que l'illustre président de cette même section
d'histoire s'associe de cœur à nos succès et se plaît à déclarer
qu'il est des nôtres. Je veux parler de M. le sénateur Amédée
Thierry, dont la haute illustration a pris naissance dans les
murs de cette ville.
D'autres travaux d'archéologie et d'histoire ont été produits
par plusieurs d’entre vous dans nos séances mensuelles.
M. Gaffarel, professeur d'histoire au lycée, nous a lu un frag-
ment intéressant sur les Relations de l’Amérique avec l’ancien
continent, antérieurement au voyage de Christophe Colomb.
Nous avons également entendu avec plaisir un travail histo-
rique de M. Castan, sur le Blocus de Besançon par-Jean de
Chalon-Arlay, en 1290.
Enfin, comme témoignage de la compétence qui vous est
reconnue en matière d'histoire, M. le Recteur de l’Académie
vous a priés de choisir dans vos rangs un délégué pour faire
partie du jury chargé de décerner le prix institué par décret
. impérial du 30 mars 1869. Vos suffrages se sont portés sur
M. Alphonse Delacroix, notre docte collègue, classé au pre-
mier rang parmi les chercheurs en renom.
Le musée archéologique et le musée d'histoire naturelle
n'ont pas été oubliés non plus dans vos généreuses préoccu-
pations. Mentionnons d’abord une pique en fer, provenant
vraisemblablement de ces grandes compagnies qui ont désolé
notre pays aux quatorzième et quinzième siècles : cet instru-
ment, qui vous avait été offert par M. Joseph Piguet, a pris
place dans les richesses archéologiques que classe avec zèle et
talent notre digne collaborateur M. Vuilleret. Nous signale-
rons aussi un plan photographié des fouilles que l'Empereur
Napoléon III fait exécuter à Rome, sur l'emplacement du
Palais des Césars : ce plan nous a été gracieusement offert, à
son retour d'Italie, par M. l'avocat Oudet.
/
— 4 —
Une collection de coquillages du littoral asiatique et une
mouche-feuille, curieux insecte de l'île Mayotte, ont enrichi
le musée d'histoire naturelle. Nous en sommes redevables à
M. Alfred Gevrey, procureur impérial à Pondichéry.
Les sciences physiques et naturelles, l’agriculture, l'indus-
trie, ont eu leur part dans vos travaux. Comme particularité
à noter, nous signalerons la réunion du Congrès botanique de
France qui a eu lieu à Pontarlier, au mois de juillet de cette
annnée, et dont la présidence a été dévolue à notre savant
collègue M. le docteur Grenier, comme hommage rendu à la
réputation universelle et si bien méritée que lui accordent les
naturalistes contemporains.
En industrie, quoique tous les progrès nous touchent, on
ne trouvera pas mauvais que nous nous intéressions plus
spécialement à la branche qui vaut à notre ville une si belle
somme de prospérité : aussi avons-nous enregistré avec plaisir,
pour vous les rappeler aujourd’hui, les renseignements que
nous à fournis notre honorable collègue M. Paul Laurens,
sur la situation de l'horlogerie bisontine : 340,000 montres
avaient été fabriquées ici l'année dernière, et Le chiffre de cette
même production ira plus loin encore pour 1869.
Nos relations avec les sociétés savantes s'étendent chaque
année et concourent à donner de la publicité à nos travaux,
tout en nous procurant, en échange, les éléments d’une pré-
cieuse bibliothèque. Sept alliances nouvelles ont marqué la
période dont nous rendons compte, et, parmi celles-ci, une
alliance royale avec l’Académie des sciences de Stockholm.
Enfin, notre prospérité numérique vient s'ajouter au bon
état de notre situation générale et contribue à la maintenir.
La Société a recu 29 membres nouveaux, dont 19 résidants et
10 correspondants. Nous avons eu la douleur de perdre un de
nos associés les plus éminents dans la personne de M. le mar-
quis de Moustier, sénateur et ancien ministre, mort en février
dernier. Cet homme si distingué nous honoraït d’une bien-
veillance que nous n'oublierons jamais; nos travaux l’inté-
RE
ressaient comme une portion du patrimoine d'honneur de
cette bonne province de Franche-Comté, toujours chère à ses
enfants, qu'ils soient conseillers de la couronne, ou restent
dans les conditions les plus modestes de la vie!
Si quelque compensation à cette perte regrettable était pos-
sible, nous la trouverions dans une élection que vous avez
faite, également au titre de membre honoraire, d’un autre
ministre, sénateur aussi, historien distingué autant qu'homme
d'Etat célèbre. Vous avez déjà nommé M. Duruy, qui a accepté
avec empressement et gratitude le témoignage de sympathie
que vous lui avez offert, et qui vous en a remercié par une
charmante lettre à laquelle le cœur et l'esprit ont collaboré.
Messieurs ,
Après le compte rendu de nos travaux, je me propose de
traiter rapidement un sujet dont l'examen m'a paru digne
de vous intéresser. Il s'agit de l'influence de l'instruction
primaire sur la dépopulation des campagnes.
À aucune époque antérieure on ne s'est tant occupé de
l'instruction primaire qu'on le fait aujourd'hui. La gratuité
ne suffit plus, on veut l'obligation; et toutes les nations euro-
péennes ont à cœur de prendre le premier rang dans cette
course à l'émancipation de l'homme par l'instruction. En
France particulièrement, depuis la grande cité jusqu’au plus
humble hameau, on veut que chacun sache au moins lire et
écrire. Ce sont des aspirations louables, que tous les vrais
amis du progrès doivent partager, et que le gouvernement,
dans sa sagesse, seconde par de puissants efforts.
Le bien qui en résultera est incontestable, et cependant cette
opinion ne rallie pas l’unanimité des suffrages. Il existe bon
nombre d'esprits cultivés, distingués même, qui font le procès
à l'instruction populaire, la rendant responsable d'une partie
des bouleversements politiques ou sociaux, et notamment de
la regrettable tendance d’émigration des campagnes vers les
» 0 —
villes, tendance plus marquée maintenant qu’elle ne l’a
jamais été.
On quitte la campagne pour la ville. C'est un fait qui se
dessine de plus en plus chaque année. La population des
villages diminue, les terres restent sans culture; et ceux qui
s’occupent encore des travaux des champs ne trouvent plus
de bras pour les aider, même à prix d'or. D'un autre côté, les
propriétaires qui ont des biens à affermer, ne trouvent que
très difficilement à les louer, quelqu'avantageuses que soient
les conditions qu'ils offrent; souvent ils sont obligés de les
vendre pour en tirer parti.
Cette situation est triste et affligeante; mais à qui la faute ?
A l'instruction primaire, disent ceux qui ne veulent pas se
donner la peine de rechercher la cause du mal! Vous faites
des savants de tous les paysans, et quand ils ont appris l'or-
thographe, l'histoire, la géographie, les mathématiques, ils se
croient des personnages, dédaignent la charrue et les travaux
des champs, quittent leurs foyers, et viennent à la ville
vivre d’expédients et de mécomptes, grossir les rangs des
révoltés contre l’ordre social, et faire l’appoint de toutes les
révolutions !
Le mal existe; on ne s'en plaint pas à tort. Maïs bien loin
d'en attribuer la cause à l'instruction primaire et de l’en rendre
responsable, je prétends démontrer que, s'il y a un remède à
ce mal, c’est elle qui le fournira, et que c'est à elle qu'il faut
le demander.
Et, d'abord, examinons ce qu'a de sérieux le reproche
adressé aux instituteurs de faire des savants. Leur science, à
tous, est bien limitée, et aucun, que je sache, n’a la prétention
de donner ce qu'il ne possède pas. Ils sont très heureux, et
leur mission se trouve remplie à souhait, quand ils ont pu
apprendre à lire, à écrire et à compter à la généralité de leurs
élèves. Ajoutons à ce bagage, pour les plus intelligents, quel-
ques dates et quelques faits de l'histoire, la géographie de
leur province, et nous aurons le savant qui va bouleverser le
L.
LES APR
monde. C'est dérisoire ! Je demande à un homme sensé de
quoi est capable, dans la vie pratique des affaires, un jeune
homme de quinze ans, sortant de son village, avec de sem-
blables moyens d'existence ? Il pourra être clerc d’huissier,
commissionnaire d'une étude de notaire ou d’avoué, et gagner
cinquante centimes par jour. C'est une position sociale peu
enviable, et je ne la crois pas faite pour séduire bien des
jeunes gens.
Mais ce ne sont pas seulement les hommes qui désertent
nos villages : les femmes aussi, les jeunes filles auxquelles on
a appris à lire et à écrire trouvent la houe et la faucille trop
lourdes, et les quittent pour chercher fortune à la ville, et
quelle fortune ! Est-ce l'instruction qu'elles ont recue qui les
éloigne ? Est-ce l'institutrice qui leur prêche le luxe et ses
désordres, le monde et ses misères ? Hélas non! Aïlleurs est
la cause de ce fléau, et nous allons la montrer.
Quatre raisons principales contribuent à la dépopulation des
campagnes. Ce sont : 1° le recrutement annuel de l’armée ;
2° le développement extrême de l’industrie et du commerce
depuis quarante ans; 3° les chemins de fer et les moyens de
communication devenus si faciles qu'ils tentent tout le monde;
4° enfin, l'accroissement excessif du luxe et l'apparence du
bien-être des villes, qui séduisent les gens de la campagne.
Chaque année enlève aux champs des milliers de bras
robustes et accoutumés aux rudes travaux de la culture. Les
jeunes soldats, en apprenant le métier de militaire, oublient
celui de laboureur et souvent le prennent en dégoût. La vie de
caserne, le contact de la ville, les amollissent, les pervertissent
et leur enlèvent le désir de revenir aux travaux de leur jeu-
nesse , lorsque le temps du service est passé. Une partie
de ces hommes meurent pendant le premier congé; une
seconde reste au régiment et fait sa carrière de l'état militaire.
Le plus grand nombre, après deux congés, quittent le service
et cherchent des emplois qui les éloignent des soins de la
culture. Ils sont gardes champêtres, gardes forestiers, facteurs
CPR
de la poste, domestiques de bonnes maisons. Enfin, une faible
partie revient au village et se remet au travail. Ajoutons que
ces hommes déclassés, vieillis prématurément, sans ressources
suffisantes pour eux-mêmes, ne peuvent pas penser à élever
une famille et à se marier. De là, une cause majeure d'amoin-
drissement du chiffre de la population dans les communes
rurales.
En outre, le manque de jeunes gens a pour conséquence
presque forcée l'émigration des filles qui, ne trouvant pas à
s'établir au village, n'y sont plus retenues par les liens puis-
sants de la famille, et vont” chercher ailleurs des conditions
d'existence. Elles sont, du reste, appelées dans les grands
centres de population par l'essor même qu'ont pris, depuis un
demi-siècle, l'industrie et le commerce. Les fabriques et les
ateliers de tous genres se multiplient à la surface de la France
et demandent des bras pour seconder ou servir les machines
qu'ils emploient. Les magasins où s'accumulent les produits
de toutes ces fabriques, ont aussi besoin d'employés pour la
vente et les placements. Où les prend-on ? En grande partie à
la campagne.
L'établissement des chemins de fer a largement contribué
aussi à déplacer une partie de la population des villages. La
construction d'abord, l'exploitation en second lieu, et la faci-
lité des communications ensuite, ont remué prodigieusement
les paisibles habitants des campagnes. La curiosité et le bon
marché aidant, on se décide à aller visiter la ville. On y trouve
installés des parents, des amis, des enfants du village qui
paraissent heureux, satisfaits de leur position. Ils sont mieux
vêtus, mieux nourris; ils sont à l'abri des intempéries; ils
jouissent de l’avantage, inappréciable aux yeux de ces inexpé-
rimentés, de ne pas travailler la terre, et de se mêler au train
du monde, aux mouvements de la ville, aux mille incidents
de la rue. L'idée de partager ce bien-être apparent les séduit.
Is s’ingéuient à trouver les moyens de rester aussi à la ville
pour y vivre heureux. Ils ignorent, sans doute, que les
LE e ann
exigences du travail ÿ sont plus grandes; qu'il faut plus d’acti-
vité, d'habileté, de ressources d'esprit qu'on n’en exige à la
campagne, et que les emplois qu'ils rempliront les assujetti-
ront à mille désagréments qu'ils ne soupconnent pas. N'im-
porte, ils veulent y venir, et quand ils y sont, la désillusion
commence : les difficultés, les mécomptes arrivent. On se
repent, on regrette la vie facile et paisible de la campagne, la
quiétude de chaque jour, le travail rude peut-être, mais facile
pourtant au corps habitué à le supporter. On voudrait bien
revenir, mais l'amour-propre vous retient, et on persiste à
souffrir plutôt que de céder à un bon sentiment!
Il ne suffit pas de signaler le mal et d'en déplorer les consé-
quences; il importe de rechercher s'il y a un remède et d'où
il peut venir.
C'est à l'instruction primaire qu'il faut le demander. C'est
l'instituteur et l'institutrice, par leurs bonnes lecons et leurs
sages conseils; c'est le curé, par ses exhortations religieuses,
qui élèveront une digue contre le torrent.
Les lecons du maître ne doivent pas se borner à la lecture,
à l'écriture, au calcul et au catéchisme. Il faut qu'il s'occupe
aussi et surtout de notions agricoles, des meilleurs procédés
de culture, des améliorations à introduire dans la vie cham-
pêtre pour la rendre heureuse, plus facile à supporter, et
retenir au village ceux qui seraient tentés de le quitter.
Des conseils ne seront pas de trop sur la bonne tenue et la
propreté des habitations, sur la disposition et la culture des
jardins, leur ornementation, leur utilité par les produits en
fruits et en légumes choisis; sur lés soins à donner aux trou-
peaux, aux animaux de tous genres que l'on peut élever,
acclimater, et qui contribueront au bien-être de ceux qui s'en
occupent.
Ces meilleures méthodes donneront de prompts résultats.
L'argent arrivera plus facilement, et avec lui les avantages
que l’on croit trouver ailleurs, et que l'on cherche souvent en
vain !
— 10 —
La lecture à la disposition de tous permettra de vulgariser
les hons livres sur la culture, les travaux des champs, les
avantages sérieux qu'offre la campagne aux gens qui savent
s y créer des ressources et se défendre du perfide attrait que
présente le luxe des villes.
Les conseils du prêtre, s'adressant à des esprits plus éclairés,
seront rnieux mis à profit. Il montrera le danger des grands
centres de population, les mécomptes de la vie aventureuse
qui attendent ceux qui s'expatrient. Il comparera les difficultés
de l'existence des travailleurs des villes à celles des gens de
même condition à la campagne. Il prendra pour exemple ceux
qui, parts inconsidérément, n'ont abouti qu'à une fin malheu-
reuse, après avoir traversé une existence pénible.
Ces précautions générales mettront déjà un frein salutaire
à la tendance de tous; elles feront réfléchir plus sérieusement
les plus déterminés et retiendront les hésitants.
D'ailleurs les conditions du recrutement de l’armée se mo-
difieront peu à peu, de manière à seconder les vœux que nous
formons pour qu'un changement s'opère dans cette situation ;
il s'ensuivra une réaction salutaire au profit des campagnes.
Le gouvernement a déjà pris l'initiative de cette mesure, en
réduisant la durée du service actif, et en organisant la garde
mobile qui permettra aux jeunes gens de faire leur éducation
militaire, sans les éloigner forcément de leurs familles, de
leurs travaux et de leurs villages.
Une autre mesure, dont l'efficacité ne serait pas douteuse et
le résultat avantageux, consisterait à compléter l’enseignement
primaire par une instruction professionnelle pratique.
Nous savons parfaitement que la vie est difficile à la cam-
pagne, que la culture est pénible et n'est pas toujours rému-
nératrice des labeurs qu'elle impose. De là naissent, pour ceux
dont elle est la profession unique, des embarras, souvent de
la misère que l'on croit éviter en émigrant.
Dans les pays où la vigne est cultivée, il n'y a que peu de
chômage et en général assez d’aisance. Mais dans les autres
CR
tt —
parties de la France, où les travaux de culture ne durent que
pendant la belle saison, on reste plusieurs mois inoccupé,
sans rien gagner, et on dépense chaque jour une partie des
réserves de l'été, sans compensation aucune. Si les hommes
savaient employer ce temps de morte saison à des travaux
utiles, productifs, en faconnant le bois, la pierre, le fer, ils
gagneraient largement le pain de chaque jour, se préserve-
raient de l'ennui du.désœuvrement, et augmenteraient leur
bien-être avec celui de leur famille. |
Que, selon les goûts et les aptitudes de chacun, on leur
apprenne, en sortant de l’école, à faire de la menuiserie, de la
charpente, du charronnage, des tonneaux, de la toile, etc., à
extraire et à tailler la pierre des carrières. Ils s’exerceront à
ces divers travaux quand la charrue sera sous la remise,
quand la neige et la glace couvriront la terre et ne permettront
aucune culture. Ils gagneront de l'argent, se créeront des
ressources à côté de celles qu'ils ont déjà et qui ne leur
suffisent pas. Alors l’aisance remplacera la gêne, la satisfac-
tion naïtra des petites économies, et nul ne pensera plus à
chercher fortune ailleurs !
Is enverront leurs produits à la ville voisine, où ils les
vendront à des prix avantageux aux Consommateurs, parce
que la main-d'œuvre ne leur coûte rien et qu'ils ont la matière
première sous la main. Ils seront donc assurés d'en avoir le
débit et le profit.
Ces conseils ne sont point de la théorie ni des rêves impos-
sibles. Ce que j'indique ici se pratique dans les montagnes du
Doubs et du Jura, dans certaines parties de la Bresse, dans les
montagnes du Forez. Le cultivateur y est artisan ; il est aisé et
n'émigre pas. Dans nos villages de plaine, quelles sont les
familles où le bien-être règne ? Ce sont celles qui ajoutent à
la culture une petite industrie.
Mais quel serait le moyen de vulgariser les métiers dans les
villages ? La chose paraît facile. 11 y a peu de communes qui
n'ait des artisans capables d'enseigner au moins ce qu'ils
TIME
savent. Un atelier organisé dans la maison d'école sera le
local où se donnera cette instruction pratique. Si cet avantage
fait défaut à quelque c:mmune, elle demandera à sa voisine
le secours des homme: du métier. Elle s'’imposera de légers
sacrifices d'argent, et se procurera les moyens d’avoir un
enseignement professionnel pratique.
Deux années, deux hivers d'apprentissage formeront des
ouvriers assez habiles pour faconner le bois, la pierre, le fer,
en objets de vente facile, produits utiles qui s'écouleront
sans difficultés. Les longues soirées de l'hiver seront consa-
crées à fabriquer ces objets que les villes rechercheront, et
qu'elles n'auront plus besoin de faire confectionner par des
ouvriers appelés le plus souvent de la campagne, qui viennent
travailler et vivre dans des réduits de la ville, sans air, sans
soleil et assez fréquemment dans la gêne.
Le laboureur artisan aurait alors une existence assurée, la
vie active des champs, le soleil, l'air pur, et des travaux
asréables, parce qu'ils seraient productifs : en hiver, une
habitation qu'il aurait su rendre riante, des occupations de
son goût et de son choix, une aisance solide qui lui permettrait
d'élever une famille et de vivre heureux. Il ne penserait plus
alors qu'à jouir de tous ces biens, et se rirait des promesses
trompeuses et du mirage de bien-être de nos cités !
LE CHAMP-DE-MARS
DE
VESONTIO
Par M. Auguste CASTAN.
Séanee du S mars 1969.
« Movemur enim, nescio quo
pacto, locis ipsis in quibus eorum
quos diligimus, aut admiramur,
adsunt vestigia....….. ; studioseque
eorum etiam sepulèra contemplor. »
(Creer. De Legibus, lib, IL. c. 11.)
I
C'est un fait acquis à l'histoire que Rome, dans ses con-
quêtes, n'eut pas seulement souci de reculer indéfiniment les
limites de son territoire, mais qu'elle voulut aussi, par une
infusion graduelle de ses institutions et de ses mœurs au sein
des populations subjuguées, convertir le monde entier en une
immense famille dont elle garderait la tutelle (t). La nation
gauloise, plus disposée que toute autre à se laisser séduire par
(1) « Illud vero, sine ulla dubitatione, maxime nostrum fundavit im-
perium et populi romani nomen auxit, quod princeps ille, creator
hujus Urbis, Romulus, fœdere sabino docuit etiam hostibus recipiendis
augeri hanc civitatem oportere. Cujus auctoritate et exemplo nunquam
est intermissa a majoribus nostris largitio et communicatio civitatis. »
(Cicer. Orat. pro Balbo, c. xur.) — « Omnibus municipibus duas esse
censeo patrias, unam naturæ, alteram civitatis.…..; alteram loci, alte-
ram juris. (Id., De legibus, lib. II, c. 11.)
DUR de.
les nouveautés (!), se prêtait à merveille aux conditions d’un
tel programme. Une fois annexée à l’Empire, elle ne tarda pas
à en être l’une des portions les plus romaines (?); et, entre les
provinces dont elle se composait, la Séquanie mérita d'être
appelée par Tacite une cité fidèle (®).
La rapidité de ce changement tint surtout à ce que Rome,
dans son travail d'amalgame, eut constamment égard à ce
principe qu'aucune implantation n'est durable qu’à la condi-
tion d’avoir des racines dans le génie et les habitudes des
peuples qui doivent la subir. Si les agents impériaux allèrent
jusqu'à la violence pour extirper du sol gaulois certaines cou-
tumes incompatibles avec la civilisation dont ils étaient les
missionnaires (‘), ils se contentèrent, pour tout le reste, de
modifier les noms sans changer les choses, mettant un soin
particulier à profiter, dans ce but, de toutes les analogies qui
existaient entre les institutions du peuple conquis et celles de
la métropole romaine (°). |
Le Gaulois était de sa nature dévot (5), guerrier et grand
() « Quum intelligeret (Cæsar) omnes fere Gallos novis rebus stu-
dere.…. » — «Cæsar..… infirmitatem Gallorum veritus, quod sunt in
consiliis capiendis mobiles et novis plerumque rebus student... »
‘(Beil. Gall., lib. IIL, c. x; lib. IV, c. v).
(2) « Nuvi pèv oÙv êv eiphvn névres ect dedovhwmévor xal CovTEs xwTà Ta
moootéyuara Tüy EA6vrwy aÿrodc ‘Pouaiwv. » (STrABON. Geog., lib. IV,
C. 1V, # 2.) — « Attamen si cuncta bella recenseas, nullum breviore
spatio quam adversus Gallos confectum. Continua inde ac fida pax. »
(Tacir. Annal., lib. XI, c. xxrv.)
(8) « Julius Sabinus..… inconditam popularium turbam in Sequanos
râpit, conterminam civitatem et nobis fidam. » (Tac. Histor., lib. IV,
C. LXVII.)
(#) « Kai toûtwy d’Érauoav adrodc ‘Poparor, za Toy xara Tùs Ouotac ai
pavtelos Ünevavtéwv Toïs maup’Auiv vopiuotc. » (SRABON. Geog., lib. IV,
C. IV, $ 9.)
(5) Voir Amédée Tarernv, De la municipalité romaine et de la con-
struction du droit communal sous l'Empire romain. (Séances et trav.
de l'Acad. des sc. mor. et pol., t. XII (1847), pp. 295-96.)
(£) « Natio est omnium Gallorum admodum dedita religionibus. »
(Cxs. Bell. Gall., lib. VI, c. xvi.) — « Religione motis cujus haudqua-
quam negligens est gens. » (Tir. Lav., lib. V, c. xLvi.)
2 Lu Er SIT TR NAT CRE
À.) SFR
o 3
— 15 —
parleur (‘) : il aimait en conséquence les démonstrations reli-
gieuses, les parades militaires et Les assemblées où se forment
les orateurs ; dans son Olympe, il avait fait une place d'élite
au dieu des armées, sorti du même moule que le Mars de
Rome, à qui l'on adressait également des vœux pour le succès
des combats et dont les temples s'ornaient des dépouilles de
l'ennemi vaincu (?). Toutes ces pratiques pouvaient être sanc-
tionnées par le peuple-roi, car lui-même les admettait dans
ses mœurs, à tel point qu'à Rome un terrain spécial avait été
réservé pour leur servir de théâtre. Ce terrain s'appelait le
Champ-de-Mars : il était affecté tout ensemble au culte du
dieu de la guerre, aux exercices des troupes et aux comices
populaires.
Provoquer ou permettre l'établissement d’un Champ-de-
Mars dans les villes qui se reconstruisaient sur le modèle de
Rome, ce fut donc, de la part des magistrats romains, une
manière d'impatroniser sur notre sol les us et coutumes qu'ils
avaient charge de propager, en même temps qu'une satisfac-
tion donnée à trois des instincts capitaux de la race gauloise.
Telle fut la raison d’être des Champs-de-Mars qu'ont pos-
sédés, durant la période romaine, les principaux centres. de
population de la Gaule. Mais jusqu'à quel degré ces Champs-
de-Mars provinciaux ressemblaient-ils à celui de Rome, et
en quoi s'en éloignaient-ils ? Voilà le problème que nous vou-
x
drions contribuer à résoudre, au moyen d'indications excep-
tionnellement caractéristiques recueillies dans le sous-sol du
Champ-de-Mars de Vesontio.
(4) « Pleraque Gallia duas res industriosissime persequitur : rem mi-
litarem et argute loqui. » (Caronis Orig., lib. II, frag. 3.) — « Natura
gens gallica bellicosa. » (Sazrust. Catil., c. xz.) — « Gens nata in
vanos tumultus. » (Tir. Liv., lib. V, c. xxxXvII.) — « Tè Ôè cûumav gühov,
à vov Tamdy te ot Talatixdv xahobotv, &peméviov Ésrt xai umxdv TE
Aa Tayùd rpôs uéynv. » (STRABON. Ge0g., lib. IV, c. 1v, 2 2.)
(#) « (Galli) habent opinionem..…. Martem bella regere. Huic, quum
prælio dimicare constituerunt, ea, quæ bello ceperint, plerumque devo-
vent. » (Cæs. Bell. Gall., lib. VI, c. xvur.)
2 RER
CPTb 2
I
Disons d’abord quelques mots du Champ-de-Mars de Rome,
le prototype de celui qui va bientôt nous occuper.
On dénommait ainsi, à Rome, la portion de rive gauche du
Tibre qui est dominée par les collines du Capitole et du Qui-
rinal. Ce terrain, situé en dehors de l'enceinte réglementaire
de la ville, renfermait, dès la plus haute antiquité, un autel
consacré au dieu de la guerre, sur lequel, au mois d'octobre
de chaque année, on immolait un cheval. Les Tarquins
s'étaient approprié ce domaine, et lorsque le peuple s’en res-
saisit, on décida qu'il ne serait point partagé comme le reste
des biens de la dynastie déchue, qu'il demeurerait au con-
traire affecté à des usages publics et que jamais la charrue n'y
passerait (!).
En dehors du culte de Mars qui y conserva son principal
sanctuaire, le Champ, comme on l’appelait abréviativement,
fut le lieu des exercices ou divertissements qui exigeaient plus
d'espace que n’en offraient les bâtiments couverts, comme
aussi celui des assemblées ou cérémonies que les lois romaines
ne permettaient pas d'accomplir dans l'intérieur de la ville (?).
« À Rome, dit le géographe Strabon, les embellissements
ont été surtout prodigués au Champ-de-Mars, qui réunit les
- ornements de l’art à ceux de la nature. En effet, la grandeur
de ce Champ est telle que des milliers d'hommes y peuvent
tous ensemble exécuter des courses de chars et de chevaux, et
@) Voir d.-B. Prraxesr, Campus Martius antiquæ Urbis, 1762, in-fol.
fig.
(8) « "Enerta tas oùolac Ty Tupévvwv els To xouvdy mäor Toiç modirTas
pépovtes Édecæv, cuyxwphoavtes Ooov dy Adéor ris dE GvTév ÉXEU * xal TV
adt@v yñv Gonv ÉxÉxTNVTO, Tois Undéva xAApOY ÉxoLTt DLÉVEMLAY, ÉV HLOVOV
dÉeAGEvOL medtov 6 neïTar peTaËd Tic Te médEwS Lai TOÙ ToTauoù * TOÙTO
"Apeoc Ündpyetv ispèv oi mpôtepov édngloavro, inrois TE }EULGVA, Ha VÉOL
&oxodor Ts evomiors medétas yuuvéotov Enmrndeuétarov * Ëtt OÈ ai mpù
Toûrtou iepèv nv Toù Geo Troûde. » ( Dion. Hazvc. Antiqg. rom., lib. V.)
ES
s'exercer à la paume, au disque, à la palestre : les édifices qui
l'entourent, le gazon toujours vert de sa pelouse, la couronne
de collines qui y figure une scène demi-circulaire dont les
deux extrémités s'appuient à la rive du fleuve, tout cela forme
en cet endroit un spectacle que l'œil abandonne à regret.
Auprès de ce Champ, l’on en trouve un second, encadré de
nombreux portiques, parsemé de bocages sacrés , avec trois
théâtres, un amphithéâtre et des temples superbes presque
contigus les uns aux autres. À voir d'abord ce beau quartier,
on croirait ne trouver dans les autres que de simples fau-
bourgs. Les Romains le regardent comme un véritable et digne
sanctuaire ; ils y ont placé les monuments funéraires des plus
illustres personnages des deux sexes. Au premier rang de ces
tombeaux, brille le Mausolée, lequel consiste en une grosse
levée de terre, établie proche du fleuve, sur une très haute
base de marbre blanc, et couverte jusqu’à son sommet d'arbres
qui ne dépouillent jamais leur verdure; sur ce sommet est la
statue en bronze d'Auguste, et sous la levée sont déposées les
cendres de ce prince, de ses parents, de ses amis; en arrière
se voit un bois sacré formant des promenades admirables ; en
avant, vers le milieu du Champ, on distingue la place du
bûcher, plantée intérieurement de peupliers, défendue à l’ex-
térieur par deux enceintes, l'une de marbre blanc, l’autre de
ter (1), »
(1) « Toûruv GÈ Ta mAeïora d Méprios Eyer xduToc, npùc TA pÜoEL RPG AG
xaù Tôv Ex Thc moovoiac x6o6pov. Kai yap Tù méyelos toù redtou Gaupactrèv äpo
xoÙ Tüc apuarodpouiac xaiTav AMV inractav axW}AVTOY TApÉYOV TH TOGOÜTW
nhnôe Tov couto al xplrw al madaiotos yuuvabouÉvwy" Hal Tù meptxeleva
Épyo xai To Édapos modbov ÔvErouc xai Tv A6poy oTepévar Tov ÜnÈp ToÙ
Totauoù péypr Toù pelbpou cunvoypapiuñv dbiv Émiôerxvüuevar Üvoarg\}axTov
napéyouar thv Béav. Ilinaioy d’éoti toù neôtou roûütou al & lo meëlov xai
too xÜx)1w Tapranüsie xai Ghon aa Déatpa tpiu xal auprléarpov xaè vaoi
mohutedtec rai auveyeis dote, de mépepyov &v DOÉaLEV ATopaiverv TAV &)Anv
RÉAL. Atômep icponpeméotatov vouioavtec TobTov Tùv TÉTOV xal TX TV ETt-
pavectétuy pyAuara évradba xareoxebacav &vÜp@v xal yuvarxdv. "AËto}oY&-
raroy Ôë ro Mavocwdetoy xadoümevov, ni xpnnidos dYnañs hevxodtBou mpôc
TG norau& Lux Léya, äypr xopvoñc Tois Getaéor roy DÉVOpuY auvnpegés"
y
24
22,6, EEE
« Les anciens Romains, écrit de son côté Végèce, choi-
sirent (pour les exercices militaires) le Champ-de-Mars voisin
du Tibre, afin qu'après la manœuvre des armes la jeunesse
püût, en nageant dans ce fleuve, se débarrasser de la sueur, de
la poussière et de la fatigue... Les jeunes soldats, en effet,
étaient exercés aux armes chaque matin et chaque après-midi.
Ceux qui étaient âgés et savaient le métier n’interrompaient
pas pour autant l'exercice des armes, mais ils ne le faisaient
qu’une fois par jour (1). »
Cet esprit militaire, préoccupation dominante du peuple
romain, imprimait une allure guerrière à tous ses actes.
Qu'il s'agît de voter des lois, de rendre des jugements, d’élire
des magistrats, de procéder au recensement, dès que le peuple
s’assemblait en masse, la réunion s'appelait armée; elle mar-
chait sous les étendards, au son de la trompette, était soumise
à la discipline des troupes (?). Dans ses manifestations collec-
tives, la population de Rome se divisait, selon les circons-
tances, soit en centuries composées de gens ayant une fortune
analogue, soit en tribus formées de citoyens habitant un
êm'darpuw pEv oÙv eixwv Éott yahun To Eebastoù Katoapoc, bT0 dE To ywopurt
Ofxut eioiv aÙToÙ ai TOY GUYYEVY Ha oixelwv, Ontofev dE Léya &Acos
mepumérous Oaupactobs Éyov * èv péouw dE T@ medlw Ô Tic xaUGTpOS aÙToÙ
mepi6ohoc, xai oùroc Môou Aeuxod, x0xAwW DÈv mepreipevov Éxwv cDnpody
nepippayua, EVTÔs d’aiyeipots xatdputoc. » (STRABON. (Ge0g., lib. V, c. zx, 28.)
() « Romani veteres, quos tot bella et continua pericula ad omnem
rei militaris erudierant artem, Campum Martium vicinum Tyberi dele-
gerunt : in quo’ juventus, post exercitium armorum, sudorem pulve-
Juniores quidem et novi milites, mane et post meridiem, ad omne genus
exercebantur armorum. Veteres autem et eruditi, sine intermissione,
semel in die exercebantur in armis. » (F1. Vecet. De re militari, lib.
Bec bic ex)
(2) « Maté rodro mape)Gov 6 Bpodroc, amobeirvuot pecoGaciXéx TÔv omuLe-
Ansôuevoy Ty apyapeci®v xaTd Tobc marpiouc vémLouc, Exéprov Aovxphtrov *
naxeïvos aroldouc Tv éxxAnotav, Éxéhoucev Gmodavrac MuELV els Td nEÔLOV
Evôa cûvnles Av adrois apyarpeotdterv, Éxovras Tà Onka évrayes. » (DIONYS.
Hauc., Antiq. rom., lib. V.)— Cf. AuPère, L'Histoire romaine à Rome,
t, IE, p32€ -
— 19 —
même quartier (t). Il fallait donc, pour la tenue des comices,
un local comprenant autant de cases qu'il y avait de groupes
appelés à délibérer à part. A cet effet, on avait construit au
Champ-de-Mars un bâtiment, d’abord composé de modestes
planches et qui paf sa forme rappelait les parcs à moutons :
pour ce motif, on l'appelait Ovile (?) ou Septa (*). Plus tard,
au début du régime impérial, lorsque les assemblées popu-
laires n'eurent plus d'autre objet que celui d’acclamer d’au-
gustes volontés (‘}, l'ancien parc démocratique fut transformé
en un splendide palais (*), constamment ouvert aux oisifs (6)
et où s’étalaient des marchandises de luxe (7).
Le bâtiment des Septa, contigu à l’autel de Mars, se reliait
à deux autres édifices qui en étaient le complément : c’étaient
d'une part le Diribitorium , destiné à la vérification des votes;
() Mouse, Histoire romaine, trad. Alexandre, t. II, appendice.
(2) « Citatis Veturiæ senioribus, datum secreto in Ovili cum his con-
loquendi tempus. » (Tir. Liv. lib., XX VI, c. xxtr.)
(3) « Est quoque, quo populum jus est includere Septis. »
(Ovio. Fast., lib. I, v. 53.)
« Septa proprie sunt loca in Campo Martio inclusa tabulatis, in quibus
stans populus romanus suffragia ferre consueverat. Sed quoniam hæc
septa similia sunt ovilibus, duo hæc invicem pro se ponuntur, ut hoc
loco (Virgilius) septa pro ovilibus posuit. » (Servir in Virgil. Comment.
Eclog. I, v. 32.)
(#) Dion. Cass. Hist. rom., lib. LIT, c. xxr.
(5) » Efficiemus rem gloriosissimam : nam in Campo Martio Septa
tributis comitiis marmorea sumus et tecta facturi; eaque cingemus
excelsa porticu, ut mille passuum conficialur : simul adjungetur huic
operi Villa etiam Publica. » (Crceron. epist. CXLIX, ad Atltic. IV, 16.)
—« ’Aypérnac Tà Eentd bvouacuéva uaflépwoev * Tadra dE év T@ ’Apeiw nedtw
gtoais mépié Üno Toù Aenidou mpôs Tac oudeTtxdS Gpyapectas cUVWLxOÏOUN-
Eva, Ha mhaËl AMivars ai Éwypapnuanty énsxoounoev, ’Loüla aÙûra dd
toù Aûyoüotou rpocayépeucuc.» (Dion. Cass. ist. rom., lib. LIT, c. xxur.)
(s) « Fortè remittentem curas, Phœboque levatum
Pectora, cum patulis tererem vagus otia Septis. »
(STar. Sylv., IV, 6, 1.)
(”) « In Septis Mamurra diu, multumque vagatus,
Hic ubi Roma suas aurea vexit opes. »
(Mart. Epig., IX, 60, 1.)
200 —
d'autre part la Villa Publica, où se faisaient les montres
d'armes, où siégeaient aussi les censeurs pendant les céré-
monies du recensement (1), dont la dernière consistait en une
purification générale du peuple par l'aspersion de l’eau lus-
trale (?). .
L'eau circulait à profusion dans le Champ-de-Mars : c'était
là que venaient aboutir, pour se déverser dans le Tibre, les
canaux de la source dite Virginale, dus à la munificence
d'Agrippa (?).
Ce bienfaiteur de la Rome impériale, illustre d’ailleurs par
ses exploits militaires, ne pouvait manquer d'avoir son effigie
au Champ-de-Mars, lieu choisi, dès le début de l'Empire,
pour ériger des statues aux grands hommes (*) et pour déposer
les cendres de ceux que l’on voulait exceptionneliement hono-
rer (5). Il n'était pas légalement possible de dresser plus près
de Rome des bûüchers et des monuments funéraires, car une
disposition de la loi des douze tables s’opposait à ce que la
@) « Et cum hæc (villa) sit communis universi populi....., ubi cohortes
ad delectum consuli adductæ considant, ubi arma ostendant, ubi cen-
sores censu admittant populum. » (Varrox. De re rustica, lb. IIT, c. 11.)
(#) Censu perfecto edixit (Serv. Tullius) ut omnés cives romani,
equites peditesque, in suis quisque centuriis, in Campo Martio prima
uce adessent. Ibi instructum exercitum omnem suovetaurilibus lustravit.
Idque conditum lustrum adpellatum, quia is censendo finis factus est. »
(Tir. Liv., lib, I, ec. xziv.) — « Comitiis confectis, ut traditum antiquitus
est, censores in Campo ad aram Martis sellis curulibus consederunt. »
(Id., lib. XL, c.-xLv.)
« Idem ter socios pura circumtulit unda,
Spargens rore levi et ramo felicis olivæ,
Lustraviique Niro ER Re rrece »
(Virerz. Æneid., lib. VI, v. 229-231.)
(8) « Hic ubi Virginea Campus obitur aqua. »
(Ovip. Fast., lib. I, v. 464.)
.(é) « Statuas virorum illustrium, ab Augusto ex Capitolina area,
propter angustias, in Martium Campum collatas,.…. subvertit. » (STTETON.
Caligula, c. xxx1v.)
(5) STRABON. Geog., lib. V, €. 11, 2 8.
LU 22
combustion des cadavres et les inhumations se fissent dans
l'intérieur de la ville (!).
On a pu juger, par Ce qui précède, du rôle considérable
que jouait le Champ-de-Mars dans la vie publique et privée
des citoyens de Rome : aussi comprendra-t-on que toute ville
de province, en faisant alliance avec les habitudes du peuple-
roi, ait dû affecter à cette destination un morceau de son ter-
ritoire.
III
Lorsque Vesontio dépouilla ses allures gauloises pour se
reconstruire à la mode romaine, la partie plane de sa presqu'île
paraît avoir été coupée à angles droits par deux maîtresses.
voies pavées d'énormes dalles. L'une d'elles, qui se conserve
à trois mètres au-dessous de notre Grande-Rue actuelle, était
le prolongement d'un pont romain encore intact (?) ; elle tirait
en droite ligne à l’are triomphal appelé Porte de Mars (*), pour
atteindre ensuite, en serpentant, le massif de la citadelle et se
confondre au delà avec la route militaire de l'Italie au Rhin (*).
L'autre voie, dont un seul fragment a été mis au jour (5),
@) « Hominem mortuum, inquit lex in x11 tabulis, in urbe ne sepe-
lito, neve urito. » (Creer. De Legibus, lib. IL, c. xxx.)
(2) A. Decacroix, fouilles des rues de Besançon en 1863, dans les
Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 3° série, t. VIIT, 1863,
pp. 213-220.
(8) Voir nos Considérations sur l'arc antique de Porte-Noire à Besan-
con, dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 4° série,
t. II, 1866, pp. 420-430.
(#) Ed. Czerc, La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 113.
(5) En 1850, devant la maison occupée actuellement par les Petites
Sœurs des pauvres (rue Saint-Vincent n° 8). « Il y avait là deux dal-
lages superposés : celui du dessous avait servi d'abord; puis, soit qu'il
ait été usé, soit qu'il y ait eu nécessité de changer le niveau de l'aire,
un nouveau dallage avait été établi à cinquante ou soixante centimètr es
plus haut que le précédent. » (Note de M. l'architecte DELACROIX.)
EST ou
devait, selon toute vraisemblance, partir du Palatium (1), lon-
ger la place qui encadrait le Capitole (?), et aboutir au Champ-
de-Mars.
Ce terrain, que les chartes latines appellent Campus Martis,
que le populaire nomme depuis longtemps Chamars (3), est
situé au sud-ouest de notre ville. IL formait, au moyen-âge,
un quartier, le plus vaste et le moins habité de tous, compris
entre le cours circulaire du Doubs et les rues du Porteau, du
Perron, de Saint-Vincent, du Lycée et des Bains-du-Pontot.
Tout ce qui avoisine la rivière, et que l’on appelle aujourd'hui
le Grand-Chamars, serait naturellement impraticable. Malgré
les remblais dont il a été rechargé, tant à l'époque où l’on y
éleva des fortifications qu’à celle où l'on en fit une promenade,
il est envahi régulièrement par les inondations. Ce devait
être, dans les temps antiques, un groupe d’ilots, accessibles
seulement quand les eaux étaient exceptionnellement basses (#).
Le Petit-Chamars actuel ne présentait guère alors de meilleures
conditions : on y voyait encore au siécle dernier une énorme
flaque d’eau à l'endroit où s'élève aujourd'hui le magasin des
() Cet édifice, sur les ruines duquel s'éleva, au septième siècle, notre
abbaye Saint-Paul, est ainsi désigné par un contemporain de cette trans-
formation : « Palatium nuncupant, ob veterum monimenta murorum. »
(Jonas, Vita S. Columbani, c. x, apud Acta SS. 0. S. B., sæcul. IX,
pp. 14 et 15.)
@) Voir notre dissertation sur le Capitole de Vesontio, dans les Mé-
moîres de la Soc. d'Emulation du Doubs, 4° série, t. IV, 1868, pp. 201-236.
() « T., Dei gratia Bisuntinus archiepiscopus, Jerosolimitanas partes
ad subventionem Crucis adire volens, dedi..... ecclesie Sancti Vincentii
Bisuntini..…. motturas in molendino nostro Campi Martis, quod edi-
ficavi..… Notandum autem...…. quod Hugo miles de Sancto Quintino
dedit similiter in eleemosinam memorate ecclesie..……. mansum qui dici-
tur Chamart.…. Datum anno dominice Incarnationis M° Ce LXXXe
XNITELO... » (Archives du Doubs, fonds Saint-Vincent, I, 9.) — Voir
nos Origines de la commune de Besancon, dans les Mémoires de la |
Société d'Emulation du Doubs, 3e série, t. IT, 1858, pp. 242 et 358.
(4) Voir le plan de Vesontio joint à notre dissertation sur le Capitole
de Vesontio et les Capitoles provinciaux du monde romain, dans les
Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 4e série, t. IV, 1868.
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d
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LU y: MERS
bois de l'arsenal. Le Champ-de-Mars romain ne saurait donc
être cherché en dehors de la zone actuellement comprise entre
la rue Saint-Vincent et la rue Neuve.
Depuis trois siècles environ que l'on s'est attaché à garder
mémoire des vestiges antiques révélés par les fouilles des con-
structeurs, aucune partie du sous-sol de Besancon n'a fourni
plus de traces de somptueux édifices gallo-romains que celle
dont nous venons de parler (1). De nombreuses et élégantes
mosaïques y ont été découvertes (?). Jean-Jacques Chifflet
croyait y avoir constaté les ruines d'un temple (*). « On ne
saurait croire, dit à son tour le P. Prost (*) quelle quantité de
médailles, d'urnes et de lampes perpétuelles on y a trouvé et
du plus beau travail. » Dunod témoigne ensuite que dans les
fondations du dernier bâtiment fait au séminaire, on rencontra
une profusion de grandes urnes cinéraires rangées deux à
deux (5). Ce n'était là que le commencement d’un vaste cime-
tière (5) qui devait , au siècle suivant, être remué par des
@) « Les Capucins furent reçus à Besançon l'an 1607. M. l'arche-
vêque Ferdinand de Rye, de Longvic, leur fit bâtir un couvent dans
les jardins de Chamars. En creusant les fondements de l'église, suivant
les cordeaux tendus à cet effet, on trouva dans la terre des fondations
très bien construites et très solides. » (4lmanach historique de Besan-
con el de la Franche-Comté pour 1758, p. 32.)
@) Duxon, Histoire du comté de Bourgogne, t. I, p 173; — Cavrus,
Recueil d'antiquités, t. NI, pl. 108; — Documents inédits pour servir à
l'histoire de la Franche-Comilé, t. I, p. 184; t. IT, pp. 286-287 ; — Dessins
de M. l'architecte Marnotte, au musée archéologique de Besançon.
(8) Vesontio, I, p. 69.
(4) Histoire de Besançon, manuscrit de la biblioth. de cette ville, p. 73.
(5) Histoire du comté. de Bourgogne, t. I, pp. 176 et 177.
(5) Ce cimetière parait n'avoir eu d'autres limites que celles du Cha-
mars antique lui-même. « En 1806, dit l'abbé Baverel, M. Bertin, négo-
ciant de Besancon, faisant creuser dans la cour de sa maison, rue
Sainte - Anne, no 684, trouva. plusieurs urnes ou amphores de terre
cuite, dont plusieurs étaient d'une très belle forme; elles étaient à dix-
huit pieds de profondeur, entassées les unes près des autres. On trouva
dans toutes des cendres mêlées avec de la terre et des ossements...…….
Il y en a encore beaucoup dans le même endroit. » (Monuments antiques
trouvés dans l'ancienne Séquanie, manuscrit de Ja biblioth. de Besançon.)
Dre
fouilles dont les résultats seront le principal objet de notre
travail.
IV
Ces fouilles ont été faites entre les années 1840 et 1847,
pour la fondation des bâtiments de notre bel arsenal d'ar-
tillerie. Aucune méthode scientifique n’a présidé à leur direc-
tion. Les archéologues bisontins n'étaient pas alors organisés et
outillés comme ils l'ont été depuis : 1l leur manquait avant tout
un local pour classer et discuter leurs trouvailles. Ces fouilles
eurent néanmoins la bonne fortune d'être conduites par un
garde d'artillerie, M. A. Lafosse, qui s'intéressa aux décou-
vertes qu'elles procuraient et fit le possible pour en conserver
le souvenir. Aidé des conseils de quelques personnes com-
pétentes, il rédigea une description sommaire de ce qu'il avait
vu, y joignit plusieurs dessins d'objets assez mal choisis, et,
ce qui valait mieux, des plans et coupes d’une fidélité scrupu-
leuse : il fit du tout une brochure, tirée à un très petit nombre
d'exemplaires et forcément incomplète, la publication en ayant
eu lieu avant l'achèvement des travaux (1). Quant aux objets,
ils restèrent sa propriété personnelle, jusqu'au jour où la ville
les acquit moyennant une indemnité de 500 francs. Dans
l'intervalle, quelques pièces avaient disparu.
Les sociétés savantes du pays n'étaient pas restées indiffé-
rentes à ces constatations ; elles avaient chargé quelques-uns
de leurs membres de les observer , et ceux-ci désirèrent, dans
l'intérêt de la science, que les fouilles allassent un peu plus
loin que les jalons posés par les constructeurs : à cet effet, ils se
formèrent en commission (?), et le résultat de leurs recherches
@) Notice sur les antiquilés romaines trouvées dans les fouilles du
nouvel Arsenal de Besançon (Besançon, 1845), imprim. L. de Sainte-
Agathe, lithog. Renault; 11 pages de texte et 8 planches.
(2) Cette commission était présidée par un très habile numismate,
M. Ponçot, et avait pour secrétaire M. Théophile Bruand. Ses opéra-
tions durèrent depuis le 15 février jusqu'au 19 avril 1848; elles néces-
bistro
permit d'exécuter un plan d'ensemble plus complet que celui
de M. Lafosse. C'est ce document graphique, dont l'original
appartient au musée de Besancon, que nous éditons à une
échelle réduite (!). Pour le commenter, nous avons eu recours
à la notice de M. Lafosse, aux procès-verbaux de la commis-
sion qui continua l'œuvre de cet observateur (?), à des croquis
architectoniques faits au moment des fouilles par M. Marnotte,
aux souvenirs très précis de MM. Alphonse Delacroix et Just
Vuilleret, enfin, ce qui va sans dire, aux objets de cette pro-
venance que possède notre collection publique d'archéologie.
Pour la reproduction des débris d'architecture , nous avons
fait appel au talent et à l'amitié de M. Alfred Ducat,.
V
Les fouilles que nous allons décrire ont traversé de part
en part la portion centrale de notre Champ-de-Mars. Elles
ont rencontré, sur ce trajet, cinq couches de terrain parfai-
tement horizontales et de natures distinctes. Ce fut d'a-
bord un remblai moderne, épais de un mètre cinquante cen-
timètres; puis un double remblai de l'époque antique, ayant
en totalité une épaisseur égale à celle du premier; venait
ensuite une interposition factice de gravois de rivière, épaisse
de vingt centimètres; après quoi se montra le sable fin et
sitèrent une dépense de 634 francs 53 centimes, somme qui fut couverte
par des allocations de l'Académie de Besançon, de la Société d'agri-
culture et de la Société d'Emulation du Doubs, ainsi que par des
souscriptions individuelles. C'est de cette réunion qu'émana la première
idée de la création d’un musée spécial d'antiquités dans notre ville. La
demande délibérée par elle, le 12 mars 1848, fut bientôt suivie d'un
arrêté de M. Th. Déprez, faisant alors les fonctions de maire, qui insti-
tuait l'établissement désiré. Depuis cette époque, M. Just Vuilleret n'a
cessé d'en être l'âme, et la classification qu'il y a introduite peut passer
pour un modèle du genre.
(1) Plan joint à ce travail.
2) Nous avons dû la communication de ces procès-verbaux à l'affec-
tueuse obligeance de M. Just Vuilleret.
Cr. SE
vaseux, teint en noir par les infiltrations sur une épaisseur
d'un mètre, et reprenant à partir du niveau de la rivière la
teinte jaune qui lui est naturelle (‘).
Nous n'avons pas à nous occuper du remblai moderne.
Celui des temps antiques appartenait à deux nivellements suc-
cessifs. Le plus récent était caractérisé par de nombreux frag-
ments d'architecture appartenant à la plupart des grands édi-
fices de Vesontio; M. Delacroix y a reconnu des morceaux de
la frise de notre Capitole {?) : d'où il suit que ce second nivel-
lement du Champ-de-Mars est postérieur au grand désastre
du 1v° siècle, qui a laissé sa trace dans le sous-sol de notre
ville par une couche à peu près générale de débris incendiés.
Les apports antérieurs consistaient en un remblai uniforme
de un mètre vingt centimètres d'épaisseur. Ce remblai formait
le sol d’un immense édifice circulaire, dont les fondations
plongeaient jusque par delà le niveau de la rivière. De nom-
breuses constructions se pressaient autour de ce bâtiment, et
quelques autres paraissaient avoir été détruites pour lui faire
place. Un bel égout courait sous le principal édifice (?). Plus
@) Voir notre planche de coupes.
(?) Deux des fragments, publiés par nous, de cette frise du Capitole
proviennent des remblais du Champ-de-Mars : le troisième morceau
est sorti de l'emplacement du Capitole mème. Le raccordement de ces
somptueux débris a été fait par M. Alphonse Delacroix, dans l'intérêt
de notre travail sur le Capitole de Vesontio. (Mémoires de la Société
d'Emulation du Doubs, Le série, 1868, Capitole, pl. IIL.)
@) Voir notre planche de coupes. — M. Lafosse décent ainsi cette
cloaque : « À ? mètres 30 centimètres de profondeur, on a découvert
un égout demi-circulaire de 1 mètre 15 centimètres de rayon. Les vous-
soirs, formés de pierres très minces et assez régulières, ont 60 cent.
de hauteur; les pieds droits sont soutenus jusqu'à l'extrados par des
contre-murs noyés dans un béton indestructible. Dans ce bloc énorme
de maçonnerie (4 m. 30 c. sur 1 m. 90 c.), aucun outil n'ayant pu péné-
trer, il a fallu faire jouer la mine pour y pratiquer une ouverture.
» Cet égout est dans un état parfait de conservation : on l'a parcouru
sur une longueur de 45 mètres; plusieurs petits égouts et des tuvaux
de plomb y aboutissent ; il fait un coude du côté de la ville, et parait
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loin, dans la direction de l’ouest, régnait une muraille d'ex-
cellente maconnerie, qui faisait quai sur toute la longueur du
Petit-Chamars et y endiguait l'anse de rivière dont la flaque
d'eau, que nous avons signalée, a été le dernier vestige.
Antérieurement au premier remblai, l'aire de la portion
centrale du Champ-de-Mars consistait en une croûte graveleuse
que les piétinements du public avaient polie. Par endroits,
sur des espaces de huit à dix mètres carrés, le sable avait été
cuit et affectait une teinte rougeûtre (!) : en ces points, il était
amalgamé avec des cendres, des charbons et des os calcinés
d'animaux. C'était déjà un témoignage que l'emplacement qui
nous occupe avait été voué, dans l'âge romain, aux cérémonies
funèbres. Le doute à cet égard ne fut bientôt plus possible,
car la même surface ne tarda pas à montrer un ustrinum ,
enclos affecté à la combustion des cadavres, les vestiges de
trois encaissements en bois remplis d'os d'animaux consumés,
puis des tombeaux de famille, dont la construction était aussi
soignée que le contenu était riche en objets destinés à réjouir
les mânes des défunts.
Immédiatement au-dessous de ce sol du Champ-de-Mars
primitif, la couche d’alluvion qui le supportait produisit une
multitude de dépôts cinéraires, les uns enfermés dans des
urnes, les autres abrités par de simples tuiles {?). En haut
s'accomplissaient les funérailles et dormaient fastueusement
les restes du riche; sous le sol, foulé par la multitude, des-
cendaient humblement les cendres du pauvre.
VI
Reprenons maintenant, dans leur ordre chronologique, les
remonter vers la place Granvelle, tandis que l'autre extrémité doit se
terminer dans l'ancien marais de Chamars.
» Les 80 centimètres de vase qui l'obstruent sont un témoignage irré-
cusable de son antiquité. » (Notice, p. 5.) É
GRId. D. 4.
() Ed, Crerc, La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 18.
DO
indications qui précèdent, afin de grouper autour de chacune
d'elles les détails capables d'en préciser le sens.
Avant d'être occupé par un monument public, la place cen-
trale du Champ-de-Mars de Vesontio servait de cimetière au
grand oppidum des Séquanes.
Les cadavres que l'on y amenait étaient d'abord conduits à
l'ustrinuwm, pour être dévorés par la flamme.
L'édicule qui remplissait cette fonction à été retrouvé intact.
C'était un carré, formé par quatre murs de soixante centi-
mètres de hauteur sur quarante-cinq à cinquante d'épaisseur :
l'espace ainsi délimité mesurait, à l’intérieur, trois mètres de
toute face. Au centre existait une pierre de grès rouge, ayant
largement les dimensions d'un corps humain ; elle était encore
sur son lit de pose, mais brisée en deux morceaux : une nou-
velle fracture se produisit lorsqu'on l'enleva (!). L'humidité
qui la saturait faisait apparaître à sa surface une empreinte
noire et grasse. Lorsque les piocheurs la découvrirent, elle
baignait en quelque sorte dans le charbon, la cendre, les me-
nus ossements calcinés, tout cela mélangé de pièces de mon-
naie et de débris de vases.
Conformément à un rite qui était commun aux Gaulois (?)
et aux Romains (*), on immolait et on brülait des animaux
pendant la combustion du cadavre de l'homme opulent.
Au Champ-de-Mars de Vesontio, ces sacrifices se faisaient
(1) Les deux morceaux extrèmes de cette pierre sont conservés au
musée de Besançon : le fragment intermédiaire a disparu.
) « Funera sunt pro cultu Gallorum magnifica et sumptuosa; omnia-
que, quæ vivis cordi fuisse arbitrantur, in ignem inferunt, etiam ani-
malia. » (Cæs. Bell. Gall., lib. VL c. xix)
(8) « Multa boum circa mactantur corpora Morti ;
Sætigerosque sues, raptasque ex omnibus agris
In flammam jugulant pecudes...................…. »
(Virerz. Æneid., lib. XI, v. 197-199.)
« Habebat puer (amissus) mannulos multos et junctos et solutos :
habebat canes majores minoresque : habebat luscinias, psittacos, me-
rulas : omnes Regulus circa rogum trucidavit. » (Pan. Epist., lib. IV.
110,2")
2399 22
en pleine place publique, et les détritus qui en provenaient
_s’entassaient dans de grandes caisses en bois, dont l'une
mesurait deux mètres sur un mètre quarante centimètres de
côté (!) : les ossements qui y dominaient étaient ceux des
chevaux et des sangliers, animaux qui semblent avoir sym-
bolisé plus particulièrement la nationalité gauloise.
À leur tour, les cendres du mort, refroidies par un arrosage
de vin ou de parfums, étaient pieusement recueillies, puis
mises dans une urne, ou même, quand il s'agissait d’un
pauvre, sur une simple tuile creuse (?). Chaque dépôt funèbre
comportait au moins une pièce de monnaie : l’une de nos
urnes en a rendu vingt-trois (*). Fréquemment aussi on y
insérait des objets qui avaient charmé le défunt pendant sa
vie et que l’on jugeait propres à apaiser ses mânes. Les urnes
cinéraires étaient la plupart du temps enfermées dans des
coffrets dont notre nécropole a rendu les clefs. Elles ga-
gnaient rarement leur dernier gîte sans être entourées de
vases à offrandes, quelquefois fort remarquables : tels sont,
dans le bagage qui nous est parvenu, de magnifiques bols en
terre fine, dont la couleur rouge sang fait si bien valoir les
curieux ornements en relief (*) ; tels aussi des débris de coupes
@) Voir notre plan, la Notice de M. Larosse, p. 48, et la Franche-
Comté à l'époque romaine de M. Ed. CLerc, p. 57.
(2) « Est honor et tumulis : animas placate paternas ;
Parvaque in exstinctas munera ferte pyras.
Parva petunt Manes : pietas pro divite grata est
Munere : non avidos Styx habet ima Deos.
Tegula projectis satis est velata coronis ;
Et sparsæ fruges; parcaque mica salis;
Inque mero mollita Ceres, violæque solutæ :
Hæc habeat media testa relicta via.
Nec majora veto; sed et his placabilis umbra est :
Adde preces positis et sua verba focis. »
(Ovin. Fast., lib. IT, v. 533-542.)
(5) Voir notre plan et la Notice de M. Larosse, p. 8.
(4) M. Lafosse a publié les plus intéressantes de ces poteries sigillées,
(Notice, pl. 5 et 7.)
‘)
— ) —
en verre richement colorié,. puis les fragments d'un grand
vase en bronze doré, enfin une petite fiole en terre grise ayant
la forme d’une biche au repos (1).
Mentionnons, parmi les objets votifs : une intaille en cor-
aline rouge, représentant un génie de la guerre, ailé et cas-
qué, qui se complaît dans l'arrangement d'un trophée mili-
taire (?) ; cinq couteaux à lame triangulaire, dont deux en fer
et trois en bronze (?) : sur le plat de la lame de l’un de ces
derniers, on lit, profondément gravée en creux, l'inscription
SVADVRX. V.S.L. M. {‘). La catégorie des outils et objets
de toilette est surtout riche en fibules de bronze, les unes
faconnées à la gauloise, les autres à la romaine; on y voitaussi
un assortiment varié de styles à écrire, quelques bracelets en
fil de bronze, un pendant d'oreille annulaire à deux globules
en bronze, une pince à épiler et une grosse aiguille en même
métal, plusieurs de ces rouelles découpées dont l'usage est
encore un problème.
La plupart de nos urnes cinéraires avaient la forme si con-
nue de l’amphore : on les retrouvait debout dans la terre , en-
vironnées des vases, le plus souvent brisés, qui leur avaient
fait escorte (5).
Les tombeaux élevés au-dessus du sol étaient le privilége
des familles puissantes. Deux de ces monuments ont été ren-
contrés par les fouilles de l'arsenal ($), ainsi que les débris de
@) Voir, à titre de rapprochement avec ce qui précède, la Normandie
souterraine deM. l'abbé Cocner, ? édit., pp. 163-169.
@) Voir notre planche d'antiquités, n° 4.
(8) Un couteau en fer, de même forme que ceux dont il s'agit, se
trouvait planté au centre d'une sépulture cinéraire du deuxième siècle,
que l'on avait logée dans l'épiderme d'un fwmulus celtique du pays
d'Alaise. (A. Casran, Tombelles celtiques du massif d'Alaise, dans les
Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 3° série, t. III, 1858,
p. 396, pl. 2, no 14.)
(#) Voir notre planche d'antiquités, ne 10.
(5) Les principaux types d'urnes et de vases figurent sur la planche 7
de la Notice de M. Larosse.
(5) Voir notre plan.
— 31 —
plusieurs autres (1) qui avaient été renversés lors de la bâtisse
du monument qui se superposa au cimetière. L'extrait suivant
de la notice de M. Lafosse édifiera sur la richesse du contenu
des deux t‘mbeaux qui furent trouvés intacts :
« Parmi le grand nombre de sépultures et de vases funé-
raires de toutes formes, on a découvert... deux tombeaux en
maçonnerie : l'un, carré parfait ayant un mètre vingt centi-
mètres de côté, renfermait trois grandes urnes cinéraires
dressées et alignées avec 257 médailles, dont un petit nombre
a été trouvé autour des urnes qui avaient la partie supérieure
brisée, et le surplus dans l'intérieur. Huit de ces médailles
. (de la colonie de Nîmes) étaient coupées par moitié, et parmi
les autres se trouvaient six pièces gauloises; cinq as grand
bronze; deux quinaires en argent de familles romaines, An-
tonia et Rubria; deux monétaires d’Auguste, M. L. Agrippa
et C. Plotius Rufus; le reste appartenant à Auguste, Agrippa,
Tibère, Germanicus, Caligula et Claude; enfin, dans l’une de
ces urnes, il y avait une autre petite urne de huit centimètres
de hauteur contenant aussi des cendres.
» Le deuxième de ces tombeaux était également en macon-
nerie, et présentait un carré long de un mètre dix centimètres
sur soixante-dix centimètres de côté. Dans ce tombeau, dont
le fond était pavé et recouvert d’une couche de cendres de
trente centimètres, on a trouvé deux petites urnes en terre, de
forme grossière; six cents grains en verre opaque, troués el
cannelés, de couleur bleue, verte et grise, de différentes gros-
seurs (?);.... plusieurs os également troués et façonnés en
carré long ; plusieurs pièces plates de cornes de cerfs sciées à
leur naissance, ornées de quelques grossiers dessins et percées
@) Ces morceaux sont reproduits dans notre planche de détails d'ar-
chitecture.
(2) Voir une de ces perles dans notre planche d'antiquités ne 11. —
Cf. Sépultures gauloises, romaines, ete., par M. l'abbé Cocxer, pp. 63-65,
135-136.
# LR 7
— 32 —
/
/
au centre (1); cinquante défenses de sangliers toutes percées à
leur base, ou munies d’une virole en bronze avec un an-
neau (?) : deux ou trois de ces défenses sont d’une dimension
extraordinaire; des coquilles de pèlerins (peignes de saint
Jacques) ; des coquilles d'huîtres en grand nombre : ces der-
nières coquilles se trouvent du reste dans toute l'étendue du
terrain autour des urnes; deux cents clous d'ornement d’un
beau travail, mais rongés en partie par l'oxyde, représentant
des têtes d’empereurs ou des têtes d'animaux, clous qui pro-
bablement étaient attachés à des vêtements, à des baudriers
ou des ceinturons que le temps a détruits ; enfin six médailles
romaines, toujours d'une époque antérieure à Néron (5). »
Dans ce que M. Lafosse appelle en bloc clous d'ornement,
il faut distinguer des boutons à deux têtes, en bronze saucé
d'argent, dont la plaque extérieure montre des images en re-
lief produites par l'estampage : ce sont les ancêtres de nos
boutons d’uniforme. Nous publions trois spécimens de ces
curieux objets : sur deux on reconuäîtra des têtes d'empereurs,
approximativement empruntées aux médailles romaines (#);
sur le troisième apparaît un char gaulois (essedum) occupé par
une femme qui stimule avec un fouet deux chevaux dont elle
tient les rênes, représentation qui se voit fréquemment au
revers des monnaies celtiques (°).
() Ces apophyses de ramure de cerf sont percées de quatre trous,
propres à recevoir des cordons d'attache ou de suspension. Les sculp-
tures qui les ornent sont des phallus : preuve que la lubricité des
mœurs romaines avait fait un rapide chemin dans la Gaule conquise. —
Voir le fragment d'un de ces objets qui figure sur notre planche d'an-
tiquités, no 9.
(2) Ces défenses n'avaient pas de viroles, mais simplement un anneau
de suspension en fil de bronze.— Voir notre planche d'antiquités, no 13.
(8) A. Larosse, Notice, pp. 7 et 8.
(4) Voir notre planche d'antiquités, nos | et 2.
(5) Id., no 3. — Voir, comme justification du rapprochement que
nous faisons, la médaille no 7 de notre planche d'antiquités. Cette pièce
d'or est la seule de ce métal qui soit sortie des fouilles qui nous oceu-
— 33 —
Les limites d'existence de ce cimetière sont nettement
données par les effigies des monnaies et boutons qu'il a
rendus. Sur quatre cents médailles, il y en a au moins une
centaine qui se réfèrent au monnayage gaulois (!), et nombre
de nos objets votifs présentent également le cachet de l’ancien
art national : double preuve que l'ouverture du cimetière datait
des premiers temps de la domination romaine. D'autre part,
les monnaies romaines rencontrées dans les urnes cinéraires:
ue dépassent pas le règne de Claude (?), et nos boutons offrent
comme plus récente image celle de l'empereur Néron (°).
On sait le rôle important que joua la Séquanie dans l’insur-
rection gauloise qui précéda la chute de ce détestable mo-
narque (‘). En retour de cette conduite, l’empereur Galba
combla notre province de faveurs : accroissement de terri-
toire, diminution de tribut, concession de libertés muni-
cipales (5).
pent : il va sans dire qu'elle n'a pas été rencontrée dans un dépôt
funèbre, car la loi des douze tables défendait formellement d'enfouir
avec les restes humains aucun objet en or. (Cicer. De Legibus, lib. IT,
(228.241 à)
@) Larosse, Notice, p. 9. — Toutes les monnaies gauloises rencontrées
dans l'intérieur ou autour des urnes se rapportent au type qui figure
sous le n° 12 de notre planche d’antiquités. La fréquence de ces mon-
naies dans notre contrée les a fait, avec toute raison, restituer aux
Séquanes. (P. DE Sat-Ferseux, Molice sur les monnaies des Lingons et
sur quelques monnaies des Leukes, des Séquanaïis el des Eduens; Paris,
1867, gr. in-8°, p. 24, pl. VI no 34)
(2) Ed. Crerc, La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 18.
(8) Voir notre planche d'antiquités, n° 2.
_(4) A. Casraw, La balaïlle de Vesontio et ses vestiges, dans les Mémoires
de la Société d'Emulation du Doubs, 3° série, t. VII, 1862, pp. 477-490.
(5) « Galliæ, super memoriam Vindicis, obligatæ recenti dono romanæ
civitatis, et in posterum tributi levamento. Proximæ tamen germanicis
exercitibus Galliarum civitates, non eodem honore habitæ, quædam
etiam finibus ademptis, pari dolore commoda aliena ac suas injurias
metiebantur. » (Taorr. Histor., lib. I, c. vu.) — « Nec deerat pars Gal-
liarum quæ Rhenum accolit, easdem partes secuta, ac tum acerrima
instigatrix adversus Galbianos : hoc enim nomen, fastidito Vindice, in-
diderant. Igitur Sequanis Æduisque, ac deinde prout opulentia civita-
— G4 =
Devenu maître de ses destinées urbaines, en même temps
que chef-lieu politique d'une importante cité, Vesontio dut
mettre-son Champ-de-Mars en rapport avec cette situation
nouvelle. Encombré par les monuments funèbres, cet empla-
cement se serait peu commodément prêté à la tenue des
assemblées législatives, électorales et judiciaires. Il était de
toute nécessité d'en modifier la physionomie primitive: Mais
les coutumes romaines interdisaient de déranger quoi que ce
fût dans le mobilier des sépultures. On concilia toute chose,
en imaginant cet expédient d'un remblai qui a permis, après
dix-huit siècles d'intervalle, de retrouver chaque détail à la
place qu'il occupait le jour où l’on cessa de dresser en ce lieu
les bûchers funéraires. ,
Le cimetière de Vesontio fut porté hors de la ville, sur la
hauteur et les pentes latérales du Calvus mons (Charmont),
principalement dans les cantons qui retiennent les vocables
de Pater, Paradis et Champ-Noir ().
VIJ
Le bâtiment circulaire de notre Champ-de-Mars a-t-il suc-
cédé immédiatement au cimetière ? Nous ne le pensons pas.
Son architecture est d’une époque sensiblement inférieure
comme art à ce que produisait le premier siècle de notre ère.
Et puis l’égout monumental dont l'édifice est contemporain,
puisque les murailles du second naissaient en divers points
de l'extrados des voûtes du premier (?), cet égout, dis-je, ne
se comprend que dans une ville abondamment pourvue d'eau.
tibus erat, infensi, expugnationes urbium, populationes agrorum.….
hauserunt animo :.... contumacia Gallorum irritati, qui remissam a
Galba quartam tributorum partem, et publice donatos, in ignominiam
exercitus jactabant. » (Id., tbid., c. 11.) — Cf. Amédée Tarerry, Aistoire
des Gaulois, t. III, pp. 372-385.
(:) Voir le plan de Vesontio, qui accompagne notre travail sur “le
Capitole, dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 4° série,
t. IV, 1868.
(?) Voir notre planche de coupes.
ae 195 —
Or, Vesontio ne paraît avoir joui de cet avantage qu'à partir
de la seconde moitié du deuxième siècle, car une médaille de
Marc-Aurèle s'est rencontrée dans la maçonnerie de l’aqueduc
romain de notre source d’Arcier (t). Ces considérations nous
portent à croire que la construction qui va nous occuper date
aussi du règne de Marc-Aurèle : c'est, selon toute vraisem-
blance, l'époque où Vesontio recut une colonie romaine (?) et
acheva de se modeler sur le type de la Ville éternelle.
Notre édifice ($) montrait, en plan, deux murs circulaires
concentriques , espacés de quatre mètres trente centimètres et
reliés de distance en distance par des murs de refend obliques.
L'une de ces précinctions, faite de petits moellons similaires,
bien appareillés et liés par un mortier très fin, servait de clô-
ture extérieure au bâtiment; l’autre se composait de portiques,
ouverts du côté de l'intérieur et reposant sur des colonnes
d'une architecture réduite à la plus stricte simplicité (*) : la
@) Duo», Histoire du comté de Bourgogne, t. I, pp. 126-130 ; — Ed.
.Czerc, Essai sur l'histoire de la Franche-Comté, t. I, p. 18, et la Franche-
Comté à l'époque romaine, p. 25.
(8) Voir notre étude sur le Capitole de Vesontio, dans les Mémoires de
la Soc. d' Emulation du Doubs, 4e série, t. IV, p. 207.— La plupart des colo-
nies avaient un surnom qui rappelait les circonstances de leur origine
et les distinguait du reste de la ville dans laquelle elles étaient parquées.
La colonie de Vesontio était qualifiée Victrix; nous le savons par l'épi-
taphe d'un tombeau du second siècle trouvé à Rome et dessiné par
Boissard. (Antiq. rom., pars V, pl. 59.) Cette épitaphe est ainsi conçue :
De M.
PLOCVSAE SVAE
ALDVOVORIX
AN'ENTOOBANIEC
SEQVAN.
Il y a lieu de corriger, dans ce texte la lettre T du mot AVTV, qui
résulte certainement d'une faute de lecture, et de la remplacer par un
G. L'inscription ainsi amendée se lirait de la façon suivante :
Dis Manibus PLOCVSAE SVAE ALDVOVORIX AVGVslalis
COLoniæ VICtricis SEQVANorum. (Cf. Duxon, Hist. du comté de
Bourgogne, t. I, p. 201.)
(*) Voir le plan joint au présent travail.
(#) Voir le chapiteau de notre planche de détails d'architecture.
= one
masse des chapiteaux et fûts taillés uniformément dans ce
genre, opposée à la bigarrure des débris arrivés de toute part
avec les remblais, ne laissa pas un instant de doute sur ce
qui provenait de l'édifice lui-même. Un mur, formant corde
par rapport aux portiques, marque sur le plan une barre
intérieure de trente mètres de long : c'était sans aucun doute
le mur de soutènement d'une estrade. Une façade horizontale
régnait à l’est : elle était précédée d'une cour et adossée à une
logette qui avait un front de treize mètres sur l'intérieur du
monument. À droite et à gauche de cette logette, siége évident
d'un bureau de contrôle , étaient deux murailles obliques qui
bordaient un couloir d'entrée et un couloir de sortie. Le dia-
mètre intérieur de l'édifice était, non compris les portiques,
de quatre-vingts mètres. I est douteux qu'une aussi immense
surface ait jamais été couverte, au moins d’une manière per-
manente.
On nous demandera maintenant quel a été l'usage de cette
colossale construction.
M. Lafosse l'a baptisée du nom de Cirque (!)}, mais cette
qualification nous semble inadmissible. La forme des cirques
romains est connue : elle était oblongue, avec une seule extré-
mité arrondie (?). De plus, tout cirque comportait des gradins
pour faire asseoir les spectateurs, et rien de semblable ne s'est
montré ici. ;
À son tour, M. Alphonse Delacroix a émis l'hypothèse d’un
_ marché (*), en se fondant sur l'énorme quantité de poids en
terre cuite récoltés dans les ruines du monument, puis sur
cette considération que l’espace délimité par nos portiques est
égal à celui que la vente des denrées alimentaires nécessite dans
le Besancon moderne.
Selon nous, rien n'empêche d'admettre que ce bâtiment ait
() Molice, p. 4 et 5, pl. I.
() J.-C. BuzenGert De circo romano, ap. Grævir Thesaur. antiq. rom.
t. IX, col. 595.
(*) Guide de l'étranger à Besançon, p. 199.
— 31 —
pu servir à l'occasion de marché; mais nous ne pensons pas
que c’ait été là sa destination essentielle.
Il ne faut pas oublier d'abord que l'édifice en question occu-
pait le point central d'un Champ-de-Mars, et que le but de sa
construction doit nécessairement avoir été en relation intime
avec les usages auxquels les Champs-de-Mars étaient affectés.
Il y a lieu de remarquer ensuite que les subdivisions de
nos portiques sont déterminées par des murs, ce qui indique
qu'elles avaient trait à des opérations où les groupements
d'individus se faisaient d’une manière immuable.
Enfin, l'obliquité de ces murs de séparation résulte évidem-
ment du désir de mettre les compartiments à la discrétion
d’une double surveillance, car certaines cloisons biaisent dans
le sens de la logette, et les autres par rapport à l'estrade inté-
rieure. |
Quel était, parmi les actes publics accomplis dans les
Champs-de-Mars, l'ordre de choses qui répondait à de telles
exigences ? Ce sont, dirons-nous, ce ne sont que les omices
populaires.
On connaît le mécanisme de ces assemblées dans les pro-
vinces (!) : il est dès lors facile de juger si la machine monu-
mentale de notre Champ-de-Mars convenait à cette destination.
Le peuple était premièrement réuni en masse {concio), sous
la présidence du doyen d'âge des duumvirs (?), lequel expo-
sait les questions à résoudre. Quoi de mieux approprié à ces
préliminaires que l'immense surface interne de notre édifice
et l’estrade qui la dominait ?
Eclairé sur l'objet soumis à son vote, le peuple se partageait
en sections (euriæ (*) ou tribus (*) ), et chacune de celles-ci se
retirait en une case distincte (singulæ in singulis consæplis)
@) Vid. Æs Matacitanum, ap. Henzen, /nseript., n° 7421.
Cd A0. fi
(5) Orezzr et HenzEeN, /nscript., nos 3740, 3771, 5772, 6963 (not. 2),
PHONE G) TART-
Id., nos 3718, 3719.
LEE
pour voter par bulletin (per tabellam) dans une urne particu-
lière (ad cistam cujusque curiæ (1). Ce second acte rend
compte des subdivisions fixes établies sous nos portiques et de
l'obliquité de leurs cloisons, grâce à laquelle les délibérations
partielles pouvaient être surveillées concurremment depuis la
logette et depuis l’estrade.
Les groupes ayant délibéré, trois scrutateurs, étrangers à la
section pour laquelle ils fonctionnaient, étaient préposés à la
garde de chaque urne et au dépouillement de leur contenu (?).
Rien de plus commode, au point de vue de cette dernière
formalité, que le bureau ménagé dans la façade du bâtiment.
Toutes ces dispositions paraîtraient étranges en dehors de
l'attribution que nous proposons : avec elle, au contraire, elles
s'expliquent et se justifient. Nous n'hésitons donc pas à pré-
senter notre édifice comme le premier spécimen connu d'un
Ovile provincial.
Nous avons dit que, dans la tenue de ses comices, le peuple
de Ronte se divisait, suivant les cas, en centuries, fractionne-
ment basé sur la quotité des impôts que payait chacun, ou
bien en tribus, c’est-à-dire en groupes d'individus résidant
dans un même quartier. Ce dernier mode de fractionnement
était celui qui s'offrait le plus naturellement à limitation des
provinciaux : en effet, c'était aux assemblées ainsi conçues
{comitia tributa) qu'appartenait, à Rome, le choix des magis-
trats des provinces et celui des commissaires pour l'établisse-
ment des colonies (3%). La division électorale par quartier
(regiones) semble avoir dominé dans la Gaule romaine; car,
lors du réveil municipal au moyen-âge, on voit la plupart de
nos anciennes villes retrouver dans leurs souvenirs un plan
de répartition de cette nature, qui aurait été tout autre si elles
l’eussent créé d’original.
() Æs Malacitanum, ap. HEexzEx, n° 7421.
(2) Id., ibld.
@) Pauli Maxurn De Comitiis Roman., c. xiv; Nic. Grucxir De Co-
mitiis Roman., lib. IT, c. 11; ap. GRÆæv., Thesaur. antiq. rom., t. I.
na 2
En comptant les cases qui existent sous nos portiques, il y
aurait donc toute chance d'avoir le nombre des quartiers entre
lesquels se distribuait la population gallo-romaine de Vesontio.
Ces subdivisions sont au nombre de sept (!), et ce nombre
est exactement celui des quartiers où bannières que Besançon
conserva jusqu'à la Révolution française (?). Ces fractions
modernes étaient fort inégales quant à leur population respec-
tive : la même inégalité paraît avoir existé déjà à l'époque
romaine, car les troncons de nos portiques ont des dimensions
qui varient entre elles du simple au triple.
Deux questions importantes se présentent au début de l’his-
toire municipale de Besancon au moyen-àge. Comment la
commune put-elle, dès sa naissance, mettre la main sur une
grande forêt et concevoir une division générale de la ville
dont tant de petites puissances lui disputaient, lambeau par
lambeau, la souveraineté ? Nous avons montré ailleurs que,
pour se saisir de la forêt qui fait encore sa richesse, la com-
mune n'avait eu d'autre titre qu'un droit immémoriakd'usage
appartenant indistinctement à tout citoyen (*). Nous exhu-
mons aujourd'hui la preuve que nos bannières du moyen-
âge procèdent également d'une antique tradition. Ce double
fait va directement à l'encontre d’une théorie nouvelle qui
voudrait refuser aux souvenirs romains une notable part d'in-
fluence dans le mouvement communal des villes épiscopales
romanes de l'Empire germanique (‘).
(4) Non compris, bien entendu, les couloirs d'entrée et de sortie.
() Variations du régime municipal à Besançon, à la suite de notre
Monographie du Palais Granvelle, dans les Mémoires de la Société d'Emu-
lation du Doubs, 4e série, t. IT, 1866, pp. 151-157-
(8) Origines de la commune de Besançon, dans les Mémoires de la Société
d'Emulation du Doubs, 3e série, t. IIT, 1858, p. 244.
(4) H. Kirpprer, Etude sur l'origine et les caraclères de la révolution
communale dans les cités épiscopales romanes de l'Empire germanique ;
Strasbourg, 1869, in-8°. — En ce qui nous touche personnellement dans
cet ouvrage, nous ferons respectueusement observer à M. Klippfel qu'il
n'est pas de bonne règle d'emprunter à un auteur ses idées, ses décou-
vertes et jusqu'à ses expressions, sans citer même le titre du travail que
Dr
Ainsi qu'en dehors de la tenue des comices, les portiques
de l'Ovile de Rome étaient livrés aux marchands, le com-
merce put aussi, à certains jours, prendre place dans l'Ovile
de Vesontio. Le sous-sol de cet édifice recélait, en effet, plu-
sieurs centaines de poids en terre cuite, deux poids en bronze,
et la moitié d'une mesure linéaire également en bronze (t).
Une figurine de sanglier en bronze, dont nous publions
l'on s'est assimilé, et en affectant au contraire de donner presque tou-
jours comme d'original des extraits de sources que l'on ne possède que
par le fait de la même assimilation. Cette manière peut être commode et
fructueuse ; mais les procédés dont nous usons dans le présent opuscule
démontreront, une fois de plus, qu'elle ne sera jamais la nôtre.
() N° 8 de notre planche d'antiquités. — Interrogé par moi au sujet
de cette mesure, M. l'ingénieur en chef Aurës, si compétent dans les
questions de métrologie antique, a bien voulu me répondre par la con-
sultation suivante :
« Votre fragment de mesure antique est cer lainement la MorTIË D'UN
PIED ROMAIN.
» Quant aux divisions qui y existent, voici comment je les explique :
» La facê sur laquelle on ne trouve qu'un seul point indique la divi-
sion du pied en quatre palmes, ce point étant placé au milieu du demi-
pied. Sur les deux autres faces, on voit que trois divisions d'une part
et quatre divisions de l'autre répondent exactement à la longueur du
palme.
» Ge double système correspond ainsi :
» Dans le premier cas, à la division du pied en 1? onces;
» Et dans le second cas, à la division du pied en 16 doigts.
» Le premier de ces deux systèmes existait seul, en Italie, dans les
premiers temps de la République; mais le second a été plus tard pra-
tiqué concurremment avec le premier, lorsque les idées grecques ont
été adoptées par les Romains.
» La vérité des assertions qui précèdent résulte de trois faits :
» 10 La mesure que j'assimile au palme romain antique a fort exacte-
ment 74 millimètres de longueur, et comme la longueur, aujourd'hui
bien connue, du pied romain est de 296 millimètres, il est clair que le
quart de cette longueur doit correspondre à 74 millimètres ;
» 20 On remarque un fragment de la charnière à l'une des extrémités
de votre mesure ;
» 30 On y remarque surtout un petit morceau de bronze, muni de
deux crans, qui servait incontestablement à assurer la igidité de l'ins-
trument quand on l'ouvrait. Ces deux crans devaient porter sur deux
petits arrêts placés en saillie sur l'autre moitié aujourd'hui perdue. »
|
|
|
|
A
ER AN Le
l'image (‘), peut ouvrir un aperçu sur les menus objets de
vente qui se débitaient sous nos portiques.
Plusieurs pièces d'armement, comme une lance en bronze,
plusieurs lancettes en fer, une bouterolle de fourreau d'épée et
un cimier conique de casque, ces deux débris en bronze, sont
sortis de nos ruines : objets qui n'ont rien que de très naturel
dans un milieu journellement fréquenté par les militaires.
Nous reproduisons, sans espérer qu'on en puisse jamais
tirer la moindre lumière, un fragment d'inscription sur table
de bronze (?) ; ce débris infime, découpé à la cisaille par
quelque main barbare, est peut-être le seul vestige survivant
des lois qui régissaient Vesontio en matière d'élection.
L'Ovile de Rome avait pour annexes le Diribitorium , où se
faisait la récapitulation des votes, puis la Villa Publica, siège
des opérations du recrutement et du cens (*).
L'Ovile de Vesontio devait être avoisiné de locaux analogues.
Nous considérons comme tels un groupe important de con-
structions qui s'appuyaient à l'ouest contre l'enceinte exté-
rieure du bâtiment circulaire, et se prolongeaient dans la
direction de l'hôpital actuel. On a songé trop tard à lever le
plan de ces intéressants logis : aussi avons-nous le regret de
n'en pouvoir offrir une idée complète.
Au sud de notre Ovile, s'élevait une riche demeure, dont la
pièce principale, pavée en mosaïque, se terminait par l'un de
ses bouts en manière d'abside. Une cornaline , représentant
Mars et Vénus, fut rencontrée dans ce local (*), tandis qu'on
recueillait dans la pièce voisine une jambe de forte statuette
en bronze du plus bel art (*). Tout indique en ce lieu un
() N° 6 de notre planche d'antiquités.
@)Ed:; n° 5:
(#) Ces deux opérations étaient confiées, dans les provinces, à un seul
ordre de fonctionnaires.(Léon Renier, Mélanges d'épigraphie, pp. 95 et 96.)
(‘) Ce bijou n'est malheureusement pas entré dans notre collection
publique d'archéologie. Nous n'avons sur son compte qu'une mention
de M. Lafosse. (Notice, p. 11, no 77,)
(5) Id., 1bid., no 79.
Los CDC es,
sanctuaire, vraisemblablement l'autel de Mars, encadré par
les habitations des pontifes qui le desservaient.
NEIL”:
Nous avons vu qu'au début de l'époque impériale, le
Champ-de-Mars de Rome fut orné d'effigies d'hommes célè-
bres. Cette décoration de bon aloi semble avoir été imitée
dans le nôtre; car, au sein des ruines que nous avons décrites, :
s'est trouvé un titulus de buste ou de statue qui porte, en carac-
tères de haut style, les mots Publius CORNELIVSs SCIPITo (1).
Si la municipalité de Vesontio ne put faire tailler que cette
seule image, convenons que son choix s'était arrêté sur l’une
des plus dignes figures du Panthéon des gloires romaines.
IX
Si les observations numismatiques nous ont puissamment
servi pour déterminer les époques d'existence du cimetière de
notre Champ-de-Mars, le même procédé d'information peut
également nous venir en aide pour fixer le moment de la
ruine des édifices qui avaient remplacé la nécropole.
Parmi les décombres de ces constructions, on n’a pas ren-
contré de médailles postérieures à Magnence (?), tyran mili-
taire qui usurpa la pourpre en baignant sa chlamyde dans le
sang du troisième fils de Constantin. Poursuivi par le frère de
sa victime et désespérant de lui échapper, Magnence se donna
la mort à Lyon en 353.
Cette date précède seulement de deux années celle de la
première grande irruption des Germains dans les Gaules,
calamité qui dépeupla toute la zone comprise entre le lac de
(4) Voir un dessin de ce monument dans notre planche de détails
d'architecture.
(2) Larosse, Nofice, p. 9: — Ed. Ccerc, La Franche-Comté à l'époque
romaine, p. 3.
LYS
Constance et la Batavie, sur une largeur de soixante lieues en
deca du Rhin. Quarante-cinq villes de cette région, sans
compter les bourgs et les forteresses, furent forcées et déman-
telées par les Barbares (1).
A la suite de ce désastre, Vesontio ne se releva que comme
petite ville. « Elle avait été pourtant grande autrefois, écrivait
l'empereur Julien, ornée de temples magnifiques, entourée de
solides remparts qui y complétaient l’œuvre défensive de la
nature (?). »
HA Xe
Il nous reste à rapprocher, quant aux principaux traits de
leurs physionomies respectives, le Champ-de-Mars de Rome
et son modeste homonyme de la capitale des Séquanes.
Le Champ-de-Mars de Rome était bordé par le Tibre, et
situé en dehors de la zone /pomærium) qui renfermait la
Ville |‘).
(4) « Kai otputeütw LEv &xuétovros toÿ airou, no AGY mavu lepuavév mepirac
renopÜnuévas êv Keïroïc môderc àdews xatowmouvrwv. Tù LÈv oùv rAA0oS Toy
TROREWV TÉVTE HOU AAÙ TETGAPÉLOVTA ÉGTL, TElYn TX OUNPTAGUÉVA, ÊLYA TOV
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T0Ÿ 'Qucavoÿ mepuhauGdve Tpraxooua DE netyov Thç Atovos T0Ù “Prvou oté-
ua où mpôs Aus olxouvtec Écyatou tpimAdormy D nv ËTL ToUToU mAGTOS Tù
xatTaherpBèv Épnuoy dTd This henhacuds, via oùdE véperv EËñv toïc Kedtoïs Ta
BooxÂuata * xal mohers TUVÈc Épnuor T@v Évoxouvrwv, alc oÙrw rapwxouv of
Bép&apot. » (JuLrANt imp. ad $S. P. Q. A., episl., inter ejusd. Opera,
Lipsiæ, 1696, in-fol., pp. 278-279.)— Cf. Henri Marrin, Histoire de France,
Aéeié tte D.: 197.
(2) &ITodiyvrov (Buxevriova) DE vov éatity àveinpuévn, néhat ÔÈ WEYGAN TE
Av, al mohutehéotv iepoïs ÉXEXGOUNTO, TEÏLEL HAPTEPD, XAÏ TPOGÉTL TA PUGEL
rod ywprou. » (JuLIANt epist. Maximo philosopho, inter ejusd. Opera,
p. 414.)
(5) « Pomærium, verbi vim solam intuentes, postmœærium interpre-
tantur esse. Est autem magis cirea murum locus, quem in condendis ur-
bibus quondam Etrusci, qua murum ducturi erant, certis circa terminis
inaugurato consecrabant : ut neque interiore parte ædificia mœænibus
continuarentur, quæ nunc vulgo etiam conjungunt; et extrinsecus puri
Er tee
L'assiette de Vesontio ne se prêtait pas à une semblable
disposition. Il fallait, pour un Champ-de-Mars, un lieu qui
fût plat, aussi voisin que possible d'un cours d’eau, et cepen-
dant contigu à la ville dont il devait dépendre. Or, les mon-
tagnes forment, et formaient alors bien plus encore qu'au-
jourd'hui, une ceinture presque immédiate autour de la
presqu'île de Vesontio. Force fut donc de loger le Champ-
de-Mars dans un morceau de la partie plane de cette presqu île,
et d'isoler nominalement ce terrain du pomærium (1). Con-
trairement donc à ce qui existait à Rome, notre Champ-de-Mars
était dans l'intérieur de la ville.
Tant que Vesontio ne jouit d'aucune liberté publique, son
Champ-de-Mars n'eut d’autres monuments qu'un autel et des
tombeaux. On faisait aussi des funérailles au Champ-de-Mars
de Rome, mais exclusivement celles des grands personnages.
Sous ce rapport donc, Vesontio avait, en imitant , outrepassé
les proportions du modèle, car le cimetière de son Champ-de-
Mars était ouvert à tous les citoyens.
Lorsque Galba eut doté la ville d’une sorte d'autonomie, le
Champ-de-Mars cessa subitement d'être le domaine silencieux
des morts, pour devenir le théâtre des plus bruyantes mani-
festations des vivants : les assemblées populaires y alternèrent :
dès lors avec les exercices des troupes.
Plus tard, Vesontio ayant recu dans ses murs une colonie
romaine, cette circonstance mit à la disposition du sénat local
une masse d'ouvriers habiles : de grands travaux d'utilité
aliquid ab humano cultu pateret soli. Hoc spatium, quod neque habi-
tari, neque arari fas erat, non magis quod post murum esset, quam
quod murus post id, pomærium Romani adpellarunt. Et in urbis incre-
mento semper, quantum mé@ænia processura erant, tantum termini hi
consecrati proferebantur. » (Trr. Liv. lib. I, €. xziv.)
(y POMOERI
4 VESONTION
« Cette inscription a été trouvée en creusant les fondations du mur
du côté du levant de la citadelle. » {Dexon, Histoire de l'Eglise, ville et
diocèse de Besançon, t. IL, p. 362)
PEU ee
publique s'ensuivirent, et le Champ-de-Mars eut sa part de
ces embellissements. De même que celui de Rome, il fut le
déversoir des eaux qui abreuvaient la ville; et par-dessus la
magnifique cloaque disposée à cet effet, on éleva un immense
bâtiment pour la tenue des comices. Analogue comme situa-
tion et comme usage à l'Ovile de Rome {!), cet édifice avait
une allure originale et parfaitement appropriée aux besoins
quil devait satisfaire.
Enfin le Champ-de-Mars de Vesontio parait avoir, comme
celui de Rome, renfermé plusieurs temples, et n'avoir pas été
dépourvu de statues d'illustrations romaines.
Ces données nous ont semblé d'autant plus intéressantes à
recueillir et à faire connaître , qu'il y a pénurie de renseigne-
ments au sujet des Champs-de-Mars provinciaux du monde
romain. Cela vient de ce que généralement les espaces ainsi
dénommés ont été tenus à distance des habitations : d'où il suit
qu'aucune bâtisse importante n'est venue, dans les temps
modernes, mettre en lumière le contenu de leur sous-sol.
Chez nous, au contraire, il y avait eu nécessité de comprendre
le Champ-de-Mars dans la ville : grâce à cette irrégularité
d'un autre âge, ce terrain a eu, de nos jours, le privilége d’être
remué de fond en comble par la pioche des constructeurs,
tandis que la charrue effleure à peine la surface de ses con-
génères.
@) Voir le fragment du plan gravé sur marbre de l'ancienne Rome,
où l'on croit reconnaître, mais sans motifs absolument plausibles, les
Septa ou l'Ovile de la métropole. (Prranesr, Campus Martius antiquæ
Urbis, tab. XVI, no vr.)
Cp
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BEL UTR LISE AU
HER e HAINE: ; ÉTPÉE sg
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TABLE
I. Raison d’être des Champs-de-Mars de la Gaule.
II. Le Champ-de-Mars de Rome.
IT. Topographie du Champ-de-Mars de Vesontio.
IV. Circonstances qui ont fait fouiller ce terrain.
V. Description sommaire des fouilles.
VI. Cimetière du Champ-de-Mars de Vesontio.
VII. Palais électoral du Champ-de-Mars de Vesontio.
VIII. Effigie du grand Scipion au Champ-de-Mars de Vesontio.
IX. Date de la ruine des édifices du Champ-de-Mars de Vesontio.
. Parallèle du Champ-de-Mars de Vesontio et de celui de Rome.
PLANCHES.
. Monuments du Champ-de-Mars de Vesontio; plan général.
. Coupes.
Détails d'architecture.
. Objets divers.
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3 Tombeaux el camee en cornaline
4 Fncassement en representant Mars
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ANTIQUITÉS
DU CHAMP -DE-MARS DE VESONTIO
ESSAI
SUR LA SÉPARATION
LA FRANCE ET DE L'ALLEMAGNE
RAS RS DT -X SIECEES
PAR M. LUDOVIC DRAPEYRON
Docteur ès-lettres
Professeur d'histoire au lycée Napoléon.
Séance du ® mars 1869.
Unies durant cinq siècles par les invasions, la Gaule et la
Germanie ont été rendues à leurs destinées, sous les noms de
France et d'Allemagne, à l'avènement des Capétiens.
Comment ce résultat a-t-il été atteint ? C'est là un problème
difficile à résoudre et dont on n'a pas étudié suffisamment les
données.
La Gaule et la Germanie n'avaient jamais vécu d'accord. Il
y avait entre elles de trop grandes différences de mœurs et
d'idées. La géographie elle-même les séparait, malgré l'ab-
sence de frontières bien définies : on n'a, pour s’en convaincre,
qu’à jeter un regard sur ces montagnes et ces fleuves qui ont
des directions si opposées. |
La création de la Neustrie avait été la conséquence de ces
aspirations contraires. Mais au moment où les Gallo-Romains
s'attachaient à une sorte de royauté byzantine qui excluait de
plus en plus l'élément germanique, le bras de Pépin d'Hé-
ristall avait détruit ce fragile édifice.
Il fallut subir la domination austrasienne. Pendant long-
,
L'
DES
temps toute distinction sembla effacée, et Charlemagne régna
des Karpathes aux Pyrénées.
Sous la tutelle de ce grand homme, une transformation
radicale s’accomplit en decà comme au delà du Rhin. La
Germanie recut la religion et la civilisation romaines; la
Gaule se vit imposer une aristocratie franque , maîtresse de
l'Eglise comme du sol. Ici, c'étaient le paganisme et la barbarie;
là, c'était l'autonomie nationale qui avait disparu. Les pertes
et les profits étaient bien inégaux. Mais ces résultats, bons ou
mauvais, étaient acquis, et l’on ne pouvait pas plus songer à
restaurer la hiérarchie administrative des Césars qu'à remettre
en honneur le culte d’Odin.
A la mort du grand empereur (814), l'Austrasie, qui avait
servi de régulateur aux invasions et d'intermédiaire au chris-
tianisme , n'était plus qu'un obstacle à l'établissement du
nouvel ordre social. Elle laissait, dans la Gaule comme dans
l'Empire, un peuple conquérant en présence d'un peuple
conquis, complètement étrangers l’un à l’autre.
Mais comment aurait-elle pu se résigner à périr, ou même
à déchoir, lorsque le titre impérial, naguère rétabli en sa
faveur, l'entourait d'un incomparable prestige ? Louis le
Débounaire, sous l'influence de ces préoccupations, résolut
d'organiser le saint Empire romain germanique. Il désigna
pour son successeur son premier fils, lui subordonnant en-
tièrement les deux autres, qui ne purent faire la paix ou la
guerre, conclure des mariages où promulguer des lois sans
l'assentiment de leur aîné. Afin de marquer l’étroite solidarité
de tous ces rois, il leur prescrivit de se réunir chaque année
autour de leur chef naturel, et décida que, contrairement à la
règle germanique, le nombre des royaumes ne saurait être
augmenté ({).
(4) « Placuit et nobis et omni populo nostro, more solemni imperiali
diademate coronatum, nobis et consortem et successorem imperii (Lo-
tharium), si Dominus ita voluerit, communi voto constitui. Ceteros vero
fratres ejus, Pippinum videlicet et Ludovicum æquivocum nostrum,
RAM -T EP
Plus tard, il se joua, au nom de l'autorité impériale, de la
constitution impériale elle-même. Père également faible et
capricieux , il fit et défit les Etats destinés à ses enfants, ne
conservant intacte, au milieu de ces bouleversements conti-
nuels, qu'une idée supérieure, mais abstraite, celle de l'Em-
pire. Il réformait à la fois la famille, le clergé, les monastères,
l'Etat tout entier, mais sa main imprudente et malhabile
agoravait les plaies qu'elle voulait guérir. Il présenta, pendant
un quart de siècle, l'étrange spectacle d'un prince qui ne peut
se maintenir par lui-même, et que ses ennemis ne peuvent
renverser parce qu ils ne savent s'entendre. Les Austrasiens,
qui se plaignaient d'être sacrifiés aux autres peuples, suivaient
Lothaire dont le dessein, hautement avoué, était de préserver
le pacte d'Aix-la-Chapelle. La masse des Germains s’opposait
énergiquement à la tyrannie des dominateurs. Les seigneurs
et les comtes francs établis en Gaule se portaient alternative-
ment des deux côtés pour échapper à la tutelle comme à l’in-
vasion. Les populations, dont ils comprenaient à peine la
langue, se rangeaient volontiers sous leurs drapeaux, préfé-
rant leurs maîtres actuels à de nouveaux maitres encore plus
étrangers et plus exigeants.
Tels sont les sentiments qui animèrent les combattants de
communi consilio placuit regiis insigniri nominibus, et loca inferius
denominata constituere, in quibus post decessum nostrum, sub seniore
fratre, regali potestate potiantur, juxta inferius adnotata capitula. —
Cap. 4. Item volumus, ut semel in anno, tempore opportuno, vel simul,
vel singillatim, juxta quod rerum conditio permiserit, visitandi et viden-
di, et de his quæ necessaria sunt et quæ ad communem utilitatem
vel ad perpetuam pacem pertinent, mutuo fraterno amore tractandi
gratia, ad seniorem fratrem cum donis suis veniant. — 6. Volumus atque
jubemus, ut senior frater junioribus fratribus suis, quando contra
exteras nationes auxilium sibi ferre rationabiliter expetiverint... vel per
se ipsum vel per fideles missos et exercitus suos opportunum eis auxi-
lium ferat. — 14. Si vero aliquis illorum decedens legitimos filios reli-
querit, non inter eos potestas dividatur; sed potius populus pariter
conveniens, unum ex eis, quem Dominus voluerit, eligat. » (Divisio
ümperii (817), ap. Pertz, Monumenta Germaniæ historica, Legum t. I,
pp. 198-99.)
CR SN RSI JE PES US ENT UNS LE ANNEE
LORS -
ET
Fontanet (84/. Dans cette fameuse journée, les deux grandes
races se trouvèrent d'accord pour accabler la puissance qui les
tenait enchaînées l’une à l’autre. Il n'y eut d’hésitation que
de la part des seigneurs d'Aquitaine. Un grand nombre, avec
leur roi Pépin, défendirent l’Austrasie, moins redoutable
pour eux à cause de son éloignement. Les autres, plus pru-
dents, se tinrent à quelque distance du champ de bataille, ne
sachant où porter leurs vœux et leurs espérances. On eut un
immense carnage et point de victoire. Jusqu'au serment de
Strasbourg, on se demanda s'il y aurait un empire ou des
royaumes indépendants. Mais l'impuissance des Austrasiens
éclata enfin à tous les yeux. Si longtemps décimés par les
expéditions lointaines des princes d'Héristall, ils venaient de
perdre cinquante mille hommes, leur dernière armée. Le
traité de Verdun mit à néant la constitution de Louis le Dé-
bonnaire (843). Dans ce traité, c'est bien moins l’organisation
de nouveaux Etats qu'il faut voir, que le fait même de la
séparation. En réalité, les trois signataires prétendirent,
comme autrefois les fils de Clotaire ou de Pépin le Bref, rester
rois des Francs. Il y eut pendant quelque temps trois Frances,
celle de la Seine ou Neustrie, celle de la Meuse ou Austrasie,
celle du Meyn ou Franconie. La Germanie, la Gaule, l'Italie,
n'étaient que des annexes importantes par leur étendue, mais
politiquement secondaires. Ce qui justifie notre assertion,
c'est que le jeune Pépin, qui n'avait pas obtenu de part dans
la région franque proprement dite, fut considéré par ses frères
comme mis hors la loi.
Il faut faire à ce prince une place considérable dans l’his-
toire, parce que, le premier parmi les souverains d’origine
germanique , il cessa de s'appuyer sur la mère patrie, pour
grouper autour de lui la nouvelle aristocratie territoriale qui
se formait. Il suivait l'exemple de Bernard de Septimanie, et
il fut lui-même imité par les deux fils de Lothaire qui, du
consentement de leur père, règnèrent sur l'Italie et la Pro-
vence, détachées de l’Austrasie.
RE —
L'Austrasie, réduite au tiers puis à la neuvième partie de
l'empire carolingien, privée de son glorieux nom, pour n'être
plus que le royaume de Lothaire, la Lorraine, restait pourtant
un Etat d'une grande importance à cause de ses souvenirs, de
sa situation géographique et de son organisation.
On sait quelle vénération les descendants des envahisseurs
germains avaient pour saint Arnoul, le grand patron des
Francs, et pour Charlemagne , le grand monarque des
Francs. Metz et Aix-la - Chapelle, la capitale religieuse et
la capitale militaire, n'avaient d'égale, à leurs yeux, que la
ville de Rome qui avait donné la consécration à ces gloires
nationales.
De plus, c'est en Austrasie que le clergé germain, désor-
mais installé sur tous les siéges épiscopaux de l'Occident, avait
acquis le plus d'autorité et de consistance. Dans la Germanie,
il était exclusivement voué à la conversion et à l'instruction
des Barbares; en Gaule, il s'occupait surtout de concilier les
dominateurs et les peuples conquis. Mais l’Austrasie avait
organisé trois puissants évêchés dans trois villes comparables
à celles désignées plus haut, Mayence, Trèves et Cologne.
Des questions religieuses considérables, le divorce de Lo-
‘thaire IL, l'hérésie du moine Gottschalk, étaient abordées
sans hésitation par des prêtres francs, sinon tout à fait pré-
parés, du moins déjà instruits et capables de soutenir une
controverse difficile. Les prélats austrasiens avaient résisté
aux prétentions du pape, avant et après les tristes événements
de Lügenfeld, et s'étaient donné la noble mission de rappro-
cher les fils de Louis.
Aux évêchés de la France orientale étaient opposés, il est
vrai, ceux de la France occidentale. Nous ne citerons que
Reims et Sens. A Reims, Hincmar s'efforcait de constituer
une nouvelle royauté neustrienne, profondément ecclésias-
tique comme l'ancienne, mais moins romaine par ses ten-
dances. Pour y réussir, il invoquait la mémoire du grand
Remi, l’un de ses prédécesseurs, et de l'abbaye de Saint-Denis
> ST
\ N° spi
=
où ilavait embrassé la vie monastique {!). À Sens, les pontifes
cherchaient, en général, à se ménager la faveur du pape et
celle du souverain, trop souvent rudoyés par Hincmar, et
finissaient par obtenir le titre de primats des Gaules et de
Germanie que revendiquaient avec raison les archevêques de
Mayence et de Trèves.
Nous le répétons, cette zone austrasienne, qui s'étendait des
bords de l'Yonne à ceux du Rhin, était une région sacerdo-
tale où toutes les dominations temporelles devaient être légi-
timées. Les rois de Lorraine reçurent l’onction sainte à Trèves,
ceux d'Allemagne à Mayence ou à Cologne, ceux de France
à Sens ou à Reims.
Là aussi se réunissaient les grands conciles qui furent plus
d'une fois des assemblées politiques ; là se formulaient les
célèbres théories de la fraternité, de la légitimité, de l'Empire,
de l'Etat, qui nous surprennent par leur élévation (?).
L'Austrasie séparait donc désormais, par sa neutralité et
son influence pacifique, les pays qu'elle unissait auparavant.
Mais la barbarie de ce siècle aurait provoqué infailliblement de
nouvelles invasions, si des dangers extérieurs n'avaient fait
taire les convoitises. L'arrivée des Normands fut, sous ce rap-
port, très utile à l’œuvre inaugurée par le traité de Verdun.
Ni l'attaque de Louis le Germanique contre la France, ni
l'entreprise de Charles le Chauve contre l'Allemagne n’abou-
tirent. Ces ambitieux se virent rappelés immédiatement dans
leurs foyers. L’Austrasie intervint comme médiatrice : on
accepta d'autant plus volontiers son arbitrage qu'elle était trop
(:) Reims, à l'époque carolingienne, est le grand centre littéraire de
la Gaule. Là ont vécu et écrit : Flodoard, auteur de l'Histoire de
l'Eglise de Reims et d'une Chronique importante ; — Richer, dont l'Hrs-
toire, découverte, il y a trente ans, à Bamberg, par le savant M. Pertz,
a jeté des lumières si vives sur le xe siècle; — enfin Gerbert, qui a
préludé dans cette ville à son immense renommée.
(2) Voir la Thèse de M. Faucerox : De Fraternitate. Cônsultez aussi
le Capitulaire de 817, les Actes du Concile d'Ingelheim en 948, et les
Discours d'Adalbéron rapportés par RicHer.
PE =
faible pour ne pas être désintéressée. Démembrée et partagée
plus d’une fois encore, elle n'en subsistait pas moins morale-
ment. Les évêques étaient toujours là, comme les Normands.
Plus on lit les chroniques de cette époque, plus on se
persuade que les princes et leurs guerriers obéissaient à une
nécessité impérieuse dont les incursions scandinaves et la
médiation de la Lorraine étaient le signe plutôt que la raison
intime.
La cause véritable était, suivant nous, la diversité des élé-
ments dont se composaient la France et l'Allemagne nais-
santes; C'était l'inégal développement des deux civilisations
qui s'annoncçaient alors. En Allemagne, on trouvait une
société voisine encore de la barbarie, mais relativement ho-
mogène, parce que la même race, la même langue, les mêmes
usages y prévalaient. En France, il y avait deux sociétés, dont
l'une rapportait son origine à l'Empire romain, et dont l'autre,
sortie depuis longtemps déjà des forêts de la Germanie et
passant de l'état nomade à l’état sédentaire, commençait à
prendre racine sur le sol où elle avait été transplantée.
Si on y réfléchit bien, on se convaincra que l'Allemagne
n avait pas encore sous la main d'institutions qu'elle pût sub-
stituer à son vieux régime patriarcal, tandis que la France
voyait se poser impérieusemeut devant elle le difficile pro-
blème de l'organisation politique.
Cette organisation, gardons-nous de l'oublier, n'était que
rudimentaire, malgré tous les efforts de Charlemagne. Ce
qui le prouve, c’est que les lois continuaient d’être person-
nelles; — c'est que la propriété hésitait entre le régime allo-
dial et le régime bénéficiaire. L'histoire de ce grand prince
‘ nous le montre échouant dans son projet de retrancher les
contradictions des lois franques et d'en corriger les vices et
les mauvaises applications. Elle nous le montre échouant
également dans son entreprise d'empêcher l’usurpation et
l'hérédité des fiefs.
Il est vrai qu'habitué à se payer de mots, on ne juge l'état
EG Le
social des peuples que d’après les progrès et la décadence de
la royauté, et on conclut témérairement que, loin de se consti-
tuer, la société s’est dissoute au 1x° siècle.
C'est là une bien fausse interprétation d’un fait réel. L’au-
torité royale n'avait été si grande jusqu'alors que parce que
la société n'existait pas. Les hommes libres accouraient doci-
lement auprès de leur chef pour affirmer leur force devant des
peuples toujours impatients du joug. Rien, dans cette discipline,
pe rappelait l'obéissance qu'on avait accordée aux empereurs
romains comme personnification du peuple et de l'Etat. Il n'y
avait pas d'Etat; il n'y avait que des intérêts particuliers,
d'accord un instant par suite d’un danger commun, mais qui
allaient bientôt, par la force même des choses, prendre des
voies opposées.
Dès que commenca la fusion des éléments sociaux, l'auto-
rité générale de la royauté dut progressivement s'éclipser
pour faire place à un nombre infini d'autorités particulières,
capables d'exercer une influence immédiate sur les groupes
qui se formaient d’après certaines affinités. Il était aussi abso-
lument nécessaire que le droit nouveau prit pour base la
propriété : Ce phénomène s'est produit toutes les fois que la
vie sédentaire a remplacé la vie nomade. Il fallait donc que
la propriété prit une forme unique et définitive, et que le
pouvoir civil et la loi elle-même s'implantassent dans un sol
convenablement préparé.
Tout cela, nous l'affirmons, devait avoir lieu d'abord en
Gaule. À Charles le Chauve, et non à Louis le Germanique,
revenait la tâche dont nous parlons.
On a justement peu de respect pour le fils préféré de Louis
le Débonnaire. Jamais, en effet, plus d’ambition ne fut unie à
plus d'impuissance. Il est, sauf l’héroïsme, le Téméraire chargé
de préparer le règne de la féodalité. 11 s'agite beaucoup, mais
sa conduite n'offre ni suite ni dignité. Jamais souverain n'ab-
diqua plus souvent et ne prit, pour sacrifier ses droits, un ton
plus tristement impérieux. La même année le vit empereur,
Er
re
— J{ —
consacré comme Charlemagne, et privé de tout empire, de
tout royaume, presque de tout domaine. La pourpre des
Césars qu'il étala ne fit que mieux ressortir l'étrange parodie
dont il s'était chargé.
Cela a été dit et fort bien dit. Mais un prince qui, sans
jouer un rôle glorieux, est resté dans son rôle, mérite, après
tout, plus d'attention. Il représente, bien ou mal, la France
naissante, Ou, si on aime mieux, cette Gaule féodale qui a sur
la Germanie une avance de deux ou trois siècles. En tout cas,
il n'y a qu'une manière légitime de l'apprécier, c’est de lire
les Capitulaires qui portent son nom.
Ces Capitulaires ont été promulgués dans les grandes as-
semblées fraternelles mises en honneur par l’épiscopat austra-
sien. Les trois souverains reconnus à Verdun devaient, en
principe, se réunir annuellement sur le territoire franc, et avi-
ser aux affaires communes. Mais les affaires communes; nous
le savons, devenaient de plus en plus rares. Aussi Lothaire,
Louis le Gérmanique et Charles le Chauve ne se donnent-
ils rendez - vous que de loin en loin. Tantôt c'est le roi
d'Austrasie qui fait défaut , tantôt le roi de Germanie, tantôt
l'un et l’autre. Seul le souverain de la Neustrie convoque
régulièrement son assemblée ecclésiastique et politique. S'il
n'y a pas de réunion, c’est qu'on est allé combattre les Nor-
mands.
Lorsque les trois frères, dans leurs rares entrevues, adres-
sent aux guerriers et aux évêques des proclamations, il y a
lieu de constater, dans le langage de Charles, une précision
que l'on chercherait vainement ailleurs. A l'assemblée de Mer-
sen, par exemple (847), Lothaire se borne à une phrase géné-
rale sur les droits de l'Eglise et la concorde fraternelle. Louis
le Germanique traite certains points de’ détail ou répète les
propres termes du Capitulaire. Charles le Chauve prend l'ini-
tiative d'une grave innovation : « Nous voulons que tout
homme libre de notre royaume se choisisse un seigneur, qui
| OR abs Li ns Ces QUE
— 58 —
sera nous-même ou bien l'un de nos fidèles (1). » C'est par
cet acte que Charles le Chauve, débarrassé de dangereuses
compétitions, Commence sa carrière législative. On l'a accusé
d'avoir ce jour-là même ruiné la royauté. Mettant de côté
toute préoccupation étrangère à cette époque, disons qu'il a
constitué la nouvelle société, en préparant l'assimilation des
alleux et des bénéfices ainsi que la hiérarchie féodale.
Il ne s’inspirait pas, dans cette occasion, d'idées philoso-
phiques : il voulait tout simplement se donner une garantie
contre les pillages de gens sans aveu (?). Ne voyait-on pas un
Hastings, Pépin d'Aquitaine lui-même s'associer, comme
Gontran Boson, à ceux que le roi qualifie de «ses infidèles (5)? »
En créant ce qu'on a nommé la vassalité, en subordonnant
strictement les hommes libres aux seigneurs, on pouvait rendre
ces derniers responsables de tous les désordres. Les seigneurs
étaient à leur tour placés sous la surveillance des évêques char-
gés de maintenir la pair publique : l'édit de Pistes (864) com-
pléta l’édit de Mersen, en marquant d'une manière encore
plus nette les classifications sociales (*). Il est incontestable
que la royauté seffrayait de son propre ouvrage : quand
l'Eglise lui prêtait son appui, elle cherchait à revenir en
arrière, ordonnant, par exemple , de détruire les forteresses
ou
() & Volumus etiam, ut unusquisque liber homo in nostro regno
seniorem, qualem voluerit, in nobis et in nostris fidelibus accipiat. »
(Adnuntiatio Karoli, cap. 2.)
() « Rapinæ et deprædationes quæ quasi jure legitimo hactenus
factæ sunt. » ( Edict. Mersen., cap. 6.)
(®) Voir notamment dans le Capitulaire de Toucy (année 865, cap. 1):
« Ut sicut nostri infideles et communes contrarii nostri se invicem confir-
maverunt ad nostram contrarietatem. — C. 4. Ut nullus infidelium nos-
trorum, qui liberi homines sunt, in nostro regno immorari vel proprie-
tatem habere permittalur, nisi fidelitatem nobis promiserit, et noster
aut nostri fidelis homo deveniat. » — Au sujet de Pépin d'Aquitaine,
voir Je Synode de Soissons, tenu en 853, €. 3.
(9) G 1 — « Volumus ut neglegentia comitis ad nostram notitiam per
episcopos et per missos nostros deferatur, et aliorum neglegentia per
comites ad nostram notitiam perferatur.….. »
LES
qui, d'abord dirigées contre les Normands, se retournaient
contre le pouvoir royal (!). Mais l'impulsion était donnée, et
aucune volonté humaine ne pouvait l'arrêter.
À cette Mérarchie locale qui dominait l'ancienne société
gallo-romaine , il fallait un couronnement. Où le trouver,
sinon dans la grande propriété, fondement nécessaire de
l'ordre nouveau ? Or les principaux propriétaires, ce n'étaient
pas les hommes libres, ce n'étaient pas les bénéficiers ; c'étaient
les comtes auxquels leurs charges conféraient, momentané-
ment, les terres les plus vastes et les plus riches. La logique
voulait que les comtes, devenus viagers, peut-être avant
Fontanet, devinssent héréditaires. C'est ce qui eut lieu à
Kiersy-sur- Oise. Le 14 juin 877, Charles le Chauve tint
la dernière assemblée de son règne. Comme il partait pour
l'Italie, il ordonna que, pendant son absence, on remplacät
tout comte qui viendrait à mourir par son fils ou son plus
proche parent (?). Il se réservait bien de refuser sa sanction
au nouveau titulaire (*). Mais cette restriction dérisoire dis-
parut elle-même deux jours après, dans une sorte d'acte addi-
tionnel qui insinuait que la royauté ne se réservait plus que
\
le droit d'investiture (*). Le Capitulaire de Kiersy nous montre
() G. 1 (post omnia lecta). — «Et volumus et expresse mandamus ut
quicumque istis temporibus castella et firmilales et haïas sine nostro
verbo fecerunt, kalendis Augusti omnes tales firmitates disfactas
habeant : quia vicini et circummanentes exinde multas deprædationes
et impedimenta sustinent. Et qui eas disfacere non voluerint, comites,
in quorum comitatibus factæ sunt, eas disfaciant. Et si aliquis eis con-
tradixerit, ad tempus nobis notum facere curent. »
(2) Cap. 9. — « Si comes obierit, cujus filius nobiscum sit, filius noster
cum cetéeris fidelibus nostris ordinet de his qui illi plus familiares et
propinquiores fuerint, qui cum ministerialibus ipsius comitatus et epi-
scopo ipsum comitatum prævideat usque dum nobis renuntietur. Si
autem filium parvulum habuerit, ete. »
(#) « Et pro hoc nullus irascatur, si eumdem comitatum alteri cui
nobis placuerit dederimus quam illi qui eum hactenus prævidit. »
(#) « Si comes de isto regno obierit, cujus filius nobiscum sit, filius
noster cum ceteris fidelibus nostris ordinet de his qui eidem comiti plus
y; te
enfin une hiérarchie établie d'après une règle commune, car
elle proclame l'hérédité, non seulement des offices royaux,
mais des bénéfices, quel qu'en soit le suzerain, roi ou simple
seigneur , abbé ou évêque (1). On le voit, la propriété avait
fini par se confondre avec la souveraineté, parce que les
charges publiques avaient pu être assimilées aux bénéfices.
Ce document, l’un des plus considérables de l’histoire, nous
fait juger de l'abaissement de l'autorité royale en Gaule à la
fin du 1x° siècle. Il se présente à nous sous la forme d’une
conversation familière où le roi propose d’abdiquer ses privi-
lèges et où l'assemblée l’approuve à l'unanimité (?). Mais
quand il dresse, en séance publique, son testament, quand il
lègue ses livres aux monastères de Saint-Denis et de Com-
piègne, quand il donne des ordres à ses fidèles et à son fils,
quand il prévoit certaine éventualité et recommande avec
instance de ne pas croire trop facilement à l'annonce de sa
mort (*),le dialogue cesse, « Les autres articles n'exigent point
de réponse, car c'est votre sagesse qui les a dictés ! » s'écrient
les évêques, les comtes et les vassaux (#).
Que restait-il à la royauté française à la mort de Charles le
Chauve? Elle conservait : 1° la consécration religieuse;
2 l'hérédité qui, unie à la consécration religieuse, établissait
une véritable légitimité ; 3° une suzeraineté médiate ou im-
familiares, ete., usque dum nobis renuntttur, ut filium illius qui nobis-
cum erit, de honoribus illius honoremus. »
() G. 10. — Si aliquis ex fidelibus nostris post obitum nostrum, Dei et
nostro amore compuncetus, seculo renuntiarè voluerit, et filium vel talem
propinquum habuerit, qui rei publicæ prodesse valeat, suos honores,
prout melius volueril, ei valeal placitare. Et si in alode suo quiete
vivere voluerit, nullus ei aliquod impedimentum facere præsumat,
neque aliud aliquod ab eo requiratur, nisi solummodo ut ad patriæ
defensionem, pergat. »
(@) Voir ce curieux dialogue.
(8) G. 11. — « Si aliqua occasione filio nostro aut fidelibus nostris de
nostro obitu nuntiatum fuerit, non facile credatur. »
(4) « Cetera capitula responsione non egent, quoniam a vestra sapien-
tia sunt disposita et diflinita. »
ARTE EE
médiate qui sexerçait à l’armée par le commandement
suprême, et dans la vie ordinaire par la confirmation des
comtés et des bénéfices ; 4° la nomination des ducs, officiers
supérieurs aux comtes , avec lesquels on finira par les con-
fondre, quand ils se seront proclamés eux-mêmes héréditaires.
Le serment prêté par Louis le Bègue (877) nous montre le
souverain reconnaissant les limites de ses attributions. Il
« promet de garder au peuple, dont le gouvernement lui a été
confié en l'assemblée générale de ses fidèles, les lois et les
statuts conformément à ce qu'ont inséré dans leurs actes les
rois et empereurs qui l'ont précédé (1). » ,
Evidemment on vient de sortir, de ce côté du Rhin, de l’âge
barbare où aucun pouvoir, royal ou autre, n’est délimité.
En Allemagne, au contraire, tout restait encore indéfini, et
jusqu'à un certain point, arbitraire. Louis le Germanique
partageait, comme ses prédécesseurs, son PAAAURTE entre
ses fils ; il n’organisait pas ses Etats.
En nc comme en Allemagne, la dynastie de Charle-
magne fut cruellement frappée. En quelques années -(876-
884), huit rois succombèrent (?), et il ne resta plus d’une race,
naguère si nombreuse et si active, qu'un enfant posthume et un
prince aussi lent d'esprit que de corps (*). On vit alors les
prétentions des seigneurs s'élever bien au-dessus d'un comté
() « Promitto et perdono vobis, quia unicuique de vobis et ecclesiis
vobis commissis, secundum primum capitulum quod novissime in
Carisiaco domnus imperator pater meus a se et a me servaturum, con-
sentientibus fidelibus illius ac nostris atque apostolicæ Sedis legatis,
legente Gauzleno, denuntiavit, canonicum privilegium et debitam legem
atque justitiam conservabo, et defensionem, quantum potuero, adjuvante
Domino exhibebo, sicut rex unicuique episcopo et ecclesiæ sibi com-
missæ per rectum exhibere debet. »
(2) L'empereur Louis IL, fils de Lothaire; — Louis le Germanique et
deux de ses fils, Carloman de Bavière et Louis de Saxe ; — Charles le
Chauve, suivi de son fils Louis le Bègue; — enfin Louis III et Carloman,
fils de Louis le Bègue.
(8) Charles le Simple, fils de Louis le Bègue, et Charles le Gros, fils
de Louis le Germanique. .
0
ou d'un duché héréditaire. Des rois, dont la plupart étaient
des descendants plus ou moins indirects, plus ou moins
avouables du grand empereur, mais dont quelques - uns
avaient une récente notoriété, s’élancèrent du sol armés de
pied en cap. C’est Boson, beau-frère de Charles le Chauve,
qui avait donné le signal de ces audacieuses usurpations en
saisissant la couronne de Bourgogne. Chose remarquable,
pendant que l'Italie avait deux rois (1!) et la France trois (?),
l'Allemagne se contentait d'un seul prince carolingien (°),
parce que aucune illustration n'avait pu se produire chez elle
depuis l'extinction des familles héroïques.
L'intronisation d’Arnulf de Carinthie différait profondé-
ment de celle d'Eudes, comte de Paris. La première était,
d’après les Annales de Metz, la suite « d'un complot ourdi
avec précipitation. » « Les grands du royaume étaient passés
en foule du côté de l'usurpateur (f), » et avaient, comme dans
les guerres de Sigebert et de Chilpéric, transféré leurs hom-
mages d'un camp à un autre camp, et non d'un principe à un
autre principe. Leur sérieuse préoccupation était de se donner
un chef noble et brave, capable de les protéger. S'ils avaient
voulu s'assurer l'hérédité et l'indépendance, ils auraient pris
une décision tout opposée (888).
L'élévation d'Eudes coïncide avec la prise de possession des
grands duchés et des grands comtés par des seigneurs qui
devaient les garder quatre siècles. Il n’y a point lieu de s’in-
quiéter ici de l'Aquitaine et de la Provence, royaumes ne
relevant en réalité que d'eux-mêmes, mais simplement du
nord de la région appelée aujourd'hui la France. Les comtés
de Flandre et de Vermandois, les duchés de France et de
Bourgogne se dessinent nettement à la chute de Charles le
(4) Guy de Spolète et Bérenger de Frioul.
(2) Eudes, Boson et Charles le Simple.
(8) Arnulf de Carinthie, fils de Carloman de Bavière.
(t) «Et subito facta conspiratione, ab imperatore deficientes... certatim
transeunt., » Ex Annalibus Mettensibus, ap. D, Bouquer, t. VIII, p. 67.
— 63 —
Gros, et c'est leur entente qui provoqua l'exclusion du dernier
fils de Louis le Bègue, lorsque l'élection du carolingien
Arnulf fit redouter une intervention germanique et sembla
compromettre la stabilité des fiefs et des offices.
Arnulf, parvenu au trône sans condition, sans compétition,
fut tout-puissant. Eudes dut souscrire à toutes les exigences
des seigneurs qui l'avaient élu, et eut pour rival le prince
frustré de ses droits à’ la couronne.
Charles , auquel la postérité, par une honteuse condescen-
dance, a confirmé le surnom de Simple que lui décernèrent
ses ennemis et ses spoliateurs, n'abandonna point sa propre
cause. Il profita de l'absence des Neustriens et des sympathies
des Austrasiens, et se mit résolument à l'œuvre. « Il était
arrivé à sa quinzième année, nous dit son historien ; il expri-
mait amèrement à ses amis et aux gens de sa maison ses
regrets d’avoir perdu le trône; il cherchait, par mille moyens,
à rentrer en possession du royaume de son père ().» La ligue
féodale, formée récemment, ne présentait aucune cohésion.
Herbert de Vermandois, jaloux de la nouvelle royauté, se
souvenait maintenant qu'il avait les mêmes ancêtres que le
jeune exilé. L’archevêque de Reims, le grand seigneur
Foulques, allié, lui aussi, à la vieille dynastie, prit avec
d'autant plus d'ardeur la défense de la légitimité, que l'ar-
chevêque de Sens, son adversaire naturel, avait consacré le
prince régnant (?) Il rassembla à Reims tous les seigneurs
qui pensaient comme lui et recut sous serment leur adhésion.
I] fit ensuite appel aux métropolitains de Cologne, de Trèves
et de Mayence, à ses suffragants de Laon, de Châlons et de
Térouanne, et sacra Charles ITT, le 28 janvier 893, jour anni-
@) « Jam enim quindennis, de regni amissione apud amicos et domes-
ticos gravissime conquerebatur; regnumque paternum repetere multo
conatu moliebatur. » (Ricnert Aistor. lib. I, c. xt.)
(2) « Ei ergo omnes Belgicæ principes, et aliquot Celticæ summopere
favebant. Horum quoque consensus, sub Remensi metropolitano, sacra-
menti jure firmatur. » (Id., ibid.)
tie : PE
versaire de la mort de Charlemagne, dans la basilique de
Saint-Remi. Il le revêtit de la pourpre et lui fit rendre des
édits dans la ville. 11 écrivit eusuite à Arnulf « que l’on avait
suivi l'ancienne coutume des Francs, en choisissant un prince
de la famille royale sans égard pour son âge et pour sa puis-
sance (!).» Confondant d'une facon très habile les intérêts des
deux Carolingiens, il ajoutait : « De toute la famille royale, il
ne reste plus que vous et le jeune Charles votre parent :
songez à ce qui pourrait arriver si vous veniez à payer la
dette commune de l'humanité; quand il existe tant de rois
qui ne sortent point du sang royal et que tant d’autres affec-
tent le nom de roi, qui protégera votre fils après votre mort
et l'aidera à monter sur le trône de son père, si vous-même
vous laissez tomber du sien votre unique parent (?) ? » Ainsi,
le lien que l'on croyait à jamais brisé se renouait par les mains
du clergé austrasien.
Arnulf, dont la légitimité pouvait être contestée (il était
bâtard de Carloman), fut en proie à une indécision prolongée.
Il aida alternativement Eudes et Charles, reçut les hommages
de tous deux, et présida à une sorte de partage entre le roi
héréditaire et le roi féodal. Lui-même, investi du titre im-
périal, gardait une attitude menaçante à l'égard de tous les
rois. Heureusement que sa lutte incessante contre les Nor-
mands, les Slaves et les Hongrois, l’'empêcha de poursuivre
autre chose qu'une suzeraineté un peu vaine.
Eudes et Arnulf disparurent presque en même temps (898-
@) « De eo quoque quod sine ipsius Arnulfi consilio præsumpserint
hoc agere morem Francorum gentis asserit secutos se fuisse, quorum
mos semper fuerit ut, rege decedente, alium de regis stirpe vel succes-
sione, sine respectu vel interrogatione-cujusquam majoris aut poten-
tioris regis, eligerent. » (FLopoarnr ÆHistor., lib. IV, c. v.)
(?) « Cum tot jam de aliena stirpe reges existant, et adhuc sint plures,
qui sibi regium nomen affectent, quis post ipsius decessum adjuvabit
ejus filium , ut ad debitam sibi regni conscendat hæreditatem, si con-
tigerit hunc sibi propinquum cadere Karolum. » (Fcopoarpt Histor.,
Hb. IV, c. v.)
= 109 =
899), et le duc de France Robert se rendit un compte assez
exact de la situation pour ne pas risquer, avant un quart de
siècle, une nouvelle usurpation.
Le principe de la légitimité, mis en honneur par l’arche-
vèque de Reims, prit quelque empire, et le jeune roi passa
pour avoir autorisé bien des actes étrangers à sa volonté. Il
aurait distribué de magnifiques principautés; mais il possédait
à peine pour s1 part quelques villas royales , débris des im- *
menses domaines de ses aïeux. On nous le représente « beau
de corps, d'un naturel simple et bon, inhabile aux exercices
militaires, livré au plaisir avec excès et un peu trop négli-
geut à rendre la justice, mais généreux et versé dans l'étude
des lettres, nullement dépourvu d'habileté politique. (!) » Il
prit pour ministre Haganon, homme d'une naissance obscure,
qui voulut frapper l'aristocratie territoriale. Par les soins du
roi et de son conseiller , les Normands et leur chef Rollon,
établis sur la Seine inférieure, durent tenir en haleine les
grands vassaux et principalement le duc de France (911).
De nouvelles complications entravèrent cette œuvre labo-
rieuse. La branche allemande des Carolingiens s’éteignit (911).
Les ducs de Franconie, de Saxe, de Souabe et de Bavière
prétendaient, avec des droits égaux, recueillir son héritage.
Toutefois le nom de France donna au premier un sérieux
avantage. La Saxe seule refusa obstinément son hommage à
Courad, issu de Charlemagne par les femmes.
La Lorraine, elle aussi, s'agitait. Naguère, bouleversée par
le sauvage Zwentibold, elle voulait échapper en même temps
à l'Allemagne et à la Frauce, pour ne pas devenir leur champ
de bataille. Les difficultés de sa situation lui firent cultiver de
bonne heure l’art de la politique. Sous l'appellation de Belges,
() « Ad multam benivolentiam intendebat. Corpore præstanti, ingenio
bono simplicique ; exercitiis militaribus non adeo assuefactus, at litteris
iberalibus admodum eruditus; in dando profusus, minime avarus;
duplici morbo notabilis; libidinis intemperans, ac circa exsequenda
judicia paulo negligentior fuit, » (Ricaert Âist, lib, I, c. XIV.)
ÿ
— 66 — |
un moine du x‘ siècle nous a dépeint, avec un singulier
bonheur, les habitants de cette contrée : « Ils excellent dans
la conduite des affaires : aux grandes choses, ils emploient
plutôt l'intelligence que la vigueur; mais si l'intelligence
échoue, alors ils ont recours à la force et à l'audace (!). » C'est
Ragner au Long Cou, comte de Hainaut, qui, le premier,
pratiqua ce système de temporisation et d'alternatives, qui est
l'habileté suprême des petits Etats (?). Une manière d'agir si
nouvelle alors inspira, dit-on, la légende du renard. La mort
de Louis l'Enfant (911) lui permit de réaliser en partie ses
desseins ; il se proclama duc de Lorraine, et reconnut la suze-
raineté de Charles le Simple, moins périlleuse que celle de
Conrad. Le roi de France se réjouit d’un événement qui dou-
blait sa puissance, en rendant à l'unique rejeton des Héristall
le berceau de sa famille. Mais la mort de Ragner remit tout
en question (916). On dit que le malheureux prince, assistant
aux funérailles de son vassal, s’écria, les yeux pleins de larmes,
comme par un pressentiment de sa propre destinée : « Oh!
comme la grandeur s'abaisse ! comme l'espace se resserre (#) !»
Le fils de Ragner, Giselbert, poussa jusqu'à l’inconséquence
la ruse et la duplicité parternelles. « Ses pieds remuaient sans
cesse, nous dit le chroniqueur ; son esprit était léger, son lan-
gage obscur, ses questions fallacieuses; il y avait rarement de
la suite et de la clarté dans ce qu'il disait; excessivement pro-
digue de son bien, il convoitait avidement celui des autres; il
se montrait bienveillant en face de ses supérieurs et de ses
(ÿ Belgæ rebus disponendis insigniores, robore atque audacia non
impares; Maxima quæque magis ingenio quam viribus appetunt, et si
ingenio in appetendis cassantur, viribus audacter utuntur : cibi etiam
potusque adeo parei. » (RicHerr Aist., lib. I, c. xt.)
(2) « Ragenerus, vir consularis et nobilis, cognomento Collo-Longus,
cujus etiam obitus multam reipublicæ in Belgica intulit labem. » (Id.,
lib. I, c. xxxiv.)
(5) « Cujus exequiis Karolus rex interfuisse dicitur, ac oculos lacrymis
suffusus dixisse : 0, inquiens, ex allo humilem, ex amplo arctissimum !
altero personam, altero monumentum significans. » (Id., ibid.)
Ps Drop: Et EL Nr, el a
— 67 —
égaux, mais il leur portait envie en secret; les troubles , les
querelles lui causaient une vive joie (1). »
Tel est l’homme qui allait manier pendant vingt ans les fils
si compliqués de la politique féodale. Son jeu perpétuel était
de pousser alternativement à la révolte les seigneurs neus-
triens et les seigneurs germains contre leurs chefs respectifs.
Il serait téméraire d'affirmer qu'il n'avait d'autre mobile que
sa haine contre Charles le Simple. Au fond, il ne faisait que
continuer la politique de son père. Affranchi de la tutelle des
princes d'outre-Rhin, il rejetait la suzeraineté d’un Carolin-
gien dont le nom seul était une menace pour le possesseur de
l'ancienne Austrasie.
C'est alors que l'espace se resserra autour de Charles. Les
Lorrains, si longtemps sympathiques aux représentants de
leur ancienne dynastie, furent ébranlés. Hilduin , évêque de
Tongres, « homme capable et énergique, mais turbulent (?), »
prêta son appui moral à la révolution.
Au milieu de ces intrigues lorraines, la féodalité française,
jusqu'alors incertaine et incohérente, acquit de la consistance.
On fit au roi un procès en règle. On lui adressa des griefs
dont l’énoncé caractérise suffisamment l'époque : 1° Il avait
établi et traité comme alliés les Normands en qui l'on s'obs-
tinait à ne voir que des païens et des pirates; 2° « On s'indi-
gnait qu'un homme de basse extraction avilit la dignité royale
et se posât en conseiller du prince, comme s’il y avait faute de
@) In disciplina militari ex audacia nimius, adeo ut quodcumque
inevincibile appetere non melueret. Corpore mediocri et denso, duro-
que membrorum robore, cervice inflexibili, oculis infestis atque inquietis
sièque mobilibus, ut eorum color nemini ad plenum innotuerit, pedibus
omnino impatientibus, mente levi. Oratio ejus ambigua ratione çonsis-
tens, interrogatio fallens, responsio anceps; orationis parles, raro
dilucidæ sibi cohærebant. Suis adeo profusus, aliena enormiter sitiens,
majoribus ac sibi æqualibus coram favens, occulte vero invidens ; rerum
confusione ac mutua dissidentium insectatione plurimum gaudens. »
(Ricaerr AHistor. lib. I, cap. xxxv.)
(3) « Virum liberalem ac strenuum, sed factiosum. » (Id., lib. I, c. xx.)
Fat HAE
noblesse (,. » Le point d'honneur religieux et nobiliaire s'au-
noncaient dans cette société nouvelle qui allait le pousser si
loin !
Une alliance matrimoniale entre deux duchés servit de
base à la ligue qui s’'annoncçait. Emma, fille de Robert, duc
dé France, épousa Rodolphe, fils de Richard le Justicier, duc
de Bourgogne. Les comtes de Flandres et de Vermandois,
contenus dans d'étroites limites, et désireux de s'agrandir aux
dépens de la Normandie et du domaine royal, adhérèrent aux
propositions du frère d'Eudes, ambitieux persévérant. L'ar-
chevèque de Sens, chef spirituel des pays de la Seine et de la
Saône, était tout prêt à sanctionner la déchéance d'un prince
patronné par l'Eglise de Reims.
La hardiesse des grands vassaux s'accrut lorsque la maison
de Saxe se substitua à celle de Franconie (918). Henri l'Oise-
leur chassa le Carolingien de la Lorraine, et Robert le rejeta
dans la ville de Soissons où il vécut en simple particulier. Une
tentative audacieuse le livra à ses ennemis qui déjà lui pré-
paraient une prison, quand l'archevêque de Reims Hervé se
présenta inopinément avec ses guerriers : « Où est le roi mon
seigneur ? » leur cria-t-il d’une voix terrible. « Il tient conseil
là dedans, » lui répondirent les conjurés. Alors le prélat
enfonce la porte de la chambre où on le gardait, et lui dit en
le prenant par la main : « Viens, mon roi, sers-toi plutôt de
tes fidèles ! » et il l'entraine vers sa métropole (?).
Cette protection religieuse fut quelque temps efficace. On vit
Charles le Simple et Henri l'Oiseleur conclure à Bonn une
(1) « Primates regem adeunt, ac apud eum satis conqueruntur,
hominem obscuris parentibus natum, regiæ dignitati multum derogare,
cum acsi indigentia nobilium, ipse tanquam consulturus regi assistat, »
(Ricagri lib. I, c, xv.)
() « Ubi, inquam, est dominus meus rex ? » —'« Intro cum paucis
consultat ! » Metropolitanus, ostio obserato, vim infert ; serisque pessum-
datis, cum paucis sedentem repperit. Captum enim custodibus adhi-
bitis ergastulo deputaverant. Quo metropolitanus manu apprehenso :
« Veni, inquit, rex, tuisque potius utere. » (Id., lib. I, c. xxr.)
Fr
cenf": Éiss
transaction (). Ce dernier ne se fit jamais sacrer, parce qu'il
n'était ni Carolingien ni Franc. Mais Giselbert, devenu son
gendre, recouvra le duché de Lorraine, et reprit violemment
tous les bénéfices que le roi avait conférés à ses amis politiques.
« La Celtique, disait-il, doit suffire à Charles; la Belgique et
la Germanie ont absolument besoin d'un autre chef (?)! »
La Celtique elle-même échappait au légitime possesseur.
Soissons réunit pour la troisième fois les seigneurs neustriens.
On y vit également accourir l'inquiet Giselbert qui, oubliant
ses propres paroles, répétait que Robert devait régner.
Robert fut, en effet, élu « par la volonté unanime de tous
les seigneurs présents (%). » Il fut couronné dans la basilique
de Reims par Walter, archevêque de Sens, au moment où
expirait le fidèle Hervé.
Charles fit un appel touchant aux populations de la Lor-
raine et de la Champagne « qu'il avait aimées par-dessus tout
et au milieu desquelles il avait résidé si longtemps (*). » Pré-
férant noblement la mort à l'exil (5), il marcha contre le tyran,
ainsi que l’appelait les partisans de la légitimité (5). La bataille
de Soissons-ne fit que transférer le diadème de Robert, mor-
tellement frappé, à son gendre Rodolphe {*), auquel le nouvel
(:) À Bonn, le 7 nov. 921 : « Ego Karolus, divina propitiante clemen-
tia, rex Francorum occidentalium, amodo ero huic amico meo regi
orientali Heinrico amicus, etc... » (PErTz, Legum t. V, p. 1.)
(2) « Socerum itaque adit, eique ab rege dissuadet, Celticam solam
regi posse sufficere asserens, Belgicam vero atque Germaniam rege alio
plurimum indigere. » (Ricnert Histor., lib. I, c. xxx1x.)
(*) « Communi ergo omnium qui aderant decreto, Rotbertus eligitur;
ac, multo ambitionis elatu, Remos deductus, in basilica Sancti Remigii
rex creatur. » (Id., lib. I, cap. xLr.)
(*) « Quos summo semper habuit amore, apud quos diutius conver-
* gatus sit. » ‘Id., C. xLtI1.)
(5) « Carius quoque sihi ferro occidi, quam regno a pervasore privari ;
post regni enim privationem, solummodo superesse in exilium depor-
tationem. » (Id., ibid.)
(5) « Omnes quoque in tyrannum unanimes. » (Id., c. xLIv.)
(COAST.
ENT ce
archevêque de Reims, habilement choisi, ne refusa point
l’onction sainte (923). Tandis que la féodalité disposait à son
gré du trône de France, le roi de Germanie, tout entier à ses
luttes contre les Hongrois, ne prenait parti ni pour ni contre
les usurpateurs.
L'élection d'Eudes, si on y regarde de près, n'avait été qu'un
accident; mais l'élection de Robert venait de montrer que la
féodalité française avait trouvé son centre de mouvance.
Ce centre était Paris, l'ancienne capitale de la Neustrie
mérovingienne, dont les souvenirs se ravivaient depuis que
l'Austrasie ne pesait plus sur elle.
Héritier du duché de Robert, Hugues le Grand aurait pu
lui succéder, et c’est son refus qui avait fait la fortune du duc
de Bourgogne. Mais celui-ci avait compris qu'il ne pouvait
pas exercer sa nouvelle dignité, en restant dans ses Etats
héréditaires, trop éloignés du centre d'action. De même que le
roi de Germanie s'était fixé dans une forteresse de la Saxe, il
voulut résider dans une forteresse de l'Ile-de-France. Mais la
féodalité française, comme la féodalité allemande, devait pré-
senter un singulier désarroi, tant que la couronne ne serait
pas unie au fief le plus important par son étendue, sa popu-
lation et surtout sa situation séographique. Les effets de cette
absence de centre et de lien ne tardèrent point à se montrer.
Le comte de Vermandois ne vit dans la royauté de Rodolphe
que l’occasion de préparer la sienne. Il exigea de celui-ci des
concessions territoriales, et à ses titres il ajouta celui de comte
de Troyes. Quand il le trouva moins complaisant, 1l s empara
de la personne de Charles le Simple, par l'une des trahisons
les plus odieuses que l'histoire ait eu à flétrir. I relâcha de
temps à autre le prisonnier de Péronne, afin d'inspirer au
tyran une terreur salutaire. I lui fit même prêter serment de
fidélité par Guillaume Longue-Epée, duc de Normandie. Il
alla jusqu’à supplier le pape de lancer l’anathème contre les
conjurés de Soissons, dont il reniait la cause. Mais son bras
puissant ressaisissait aussitôt l'illustre victime dont il se faisait,
PRE ei
par une amère dérision , le zélé mais hypocrite défenseur ie
Quel était le secret de ces perfides manœuvres ? L'archevêché
de Reims était vacant : Herbert avait obtenu ce siège opulent
et envié pour son fils âgé de cinq ans, c'est-à-dire pour lui-
même. À ce prix, il redevenait l’implacable geôlier de Charles
le Simple (?). ,
Les usurpations d'Herbert étaient désormais d'autant plus
redoutables qu'elles seraient immédiatement légitimées par le
pouvoir spirituel, confondu dans sa famille avec la force ma-
térielle.
Hugues le Grand avait pu dédaigner la couronne ; l’inso-
lente fortune d'Herbert le trouva moins indifférent. Il déclara
à la fois la guerre au comte usurpateur et à l'archevêque
simoniaque, et fut soutenu par le roi son beau-frère. Serré de
près, Reims dut accepter pour pontife le moine Artold (932).
Laon, pris d'assaut, ne fut rendu à Herbert que sur l’injonc-
tion du vainqueur de Mersebourg (933) (#).
L'année 936 fut signalée par d'autres événements. En Alle-
magne, Otton recueillait la succession de son père. Un champ
_ de mai réunit à Aix-la-Chapelle les hommes libres, les digni-
() « Regi ergo minas Heribertus intendens, Karolum regem a carcere
eductum in pagum Veromandensem deduxit, non ut regno fidelis eum
restitueret, at ut ex ejus eductione aliquam suspectis formidinem incu-
teret. Nortmannis itaque accersitis atque apud oppidum Augam collec-
tis eum deducit; ibique filium Rollonis pyratæ, de cujus interfectione
jam relatum est, regis manibus sese militaturum committit, fidemque
spondet, ac sacramento firmat. — Unde et cum Karolo Remos deve-
niens, pro eo Romam legatos dirigit, ac Joanni papæ epistolam mitlit,
per quam significabat contra Karolum nec sese conjurasse, nec conju-
rationis conscium fuisse, conjuratis tantum invitum cessisse. — Heri-
bertus vero... ad Rodulfum redit, eique reconciliatus aliquandiu hæsit.
Cujus in multa gralia susceptus, .…. Karolum mox Peronæ in carcerem
retrusit. » (Ricaert Aistor. lib. I, ec. zrrr et LIv.)
(?) « Unde et ab rege donari petens, episcopium Remense sub obtentu
filii sui adhuc pueri ab eo accepit. » (Id., c. £v.)
(8) Ricæert lib. I, c. Lvrn-1xr. — Nous remarquons ces paroles signi-
ficatives : « Heribertus, Germanis qui Rheni litora incolunt eductis, »
(C. LVIrL.)
EL TEUNES
taires ecclésiastiques et les chefs du pays. Quand il eut été
proclamé par l'assemblée des seigneurs, l'archevêque de
Mayence le présenta aux guerriers réunis à l'église. « Voici,
dit-il, celui qui a été choisi par Dieu, désigné par le défunt
seigneur et roi Henri, et qui vient d'être élevé à la royauté
par tous les princes, le noble seigneur Otton; si ce choix vous
plait, levez la main (‘}. » On croirait assister à l'inauguration
d'urautre Pépin le Bref. La couronne était toujours élective,
mais les Carolingiens n'avaient plus rien à prétendre au delà
du Rhin. À
En France, Hugues le Grand se résignait, par crainte
d'Herbert, à soutenir le principe de la légitimité. Il s'écriait,
en présence des grands vassaux : « Mon père, jadis créé roi
par votre volonté unanime, ne put régner sans crime, puisque
celui qui seul avait des droits au trône vivait, et vivait en-
fermé dans une prison! À Dieu ne plaise donc que j'occupe
la place qu'eut mon père ! Je ne pense pas non plus qu'après
Rodolphe on doive porter au trône un homme deæace étran-
gère, Car Ce qu'on a vu de son temps pourrait se reproduire
encore, à savoir le mépris du roi, et par suite les dissensions
des grands. Rappelez donc la lignée quelque temps inter-
rompue, de la famille royale! Par là sera conservée son
antique noblesse; par là cesseront les plaintes de ses par-
tisans (2). » Les seigneurs vinrent recevoir Louis IV sur les
(‘) « En, inquit, adduco vobis a Deo electum, et a domino rerum
Heinrico olim designatum , nunc vero a cunctis principibus regem fac-
tum Oddonem; si vohbis ista electio placeat, dextris in cœlum levatis
significate. » (Wipuxinnr, Res gesiæ Saxonicæ, lib. IL, c. 1.)
(*) « Pater meus, vestra quondam omnium voluntate rex creatus, non
sine magno regnavil facinore, cum is cui soli jura regnandi debebantur
viveret, et vivens carcere clauderetur. Quod credite Deo non acceptum
fuisse. Unde et abait, ut ego patris loco restituar. Nec vero alieni generis
quemquam, post divæ memoriæ Rodulfum, arbitror promovendum,
cum ejus tempore visum sit quid nunc innasei possit, contemptus vide-
licet regis, ac per hoc principum dissensus. Repetatur ergo interrupta
paululum regiæ generationis linea, ac Karoli filium Ludovieum a trans-
ETS =
rivages du Pas-de-Calais, l'investirent de l'autorité suprême,
et, pour mieux constater ses droits, le firent tour à tour sacrer
par les archevêques de Reims et de Sens.
. Combien l'avènement de Louis d'Outremer différait de celui
d'Otton le Grand ! La suite ne démentit pas ce début. Malgré
tous ces honneurs et toutes ces consécrations, le fils de Charles
le Simple fut encore un peu plus effacé que son père; il ne
posséda en réalité que la ville de Laon. Ses brillants succès
‘en Bourgogne le brouillèrent, dès la première heure de son
rèene avec Hugues le Grand, qui tendit la main à Herbert,
après l’avoir si longtemps combattu (!). Il lui fallut arracher
à ce dernier la citadelle qui commandait Laon, son seul
refuge (?) !
Le fils d'Henri l'Oiseleur fut tout d'abord soumis à une
rude épreuve. Mais cette crise ne fit que mieux ressortir sa
force. Les ducs allemands, qui pour la plupart appartenaient
à la maison de Saxe, se révoltèrent contre leur nouveau chef.
‘Ils furent encouragés dans leur entreprise par l'inquiet Gisel-
bert, qui fut battu, prit la fuite et se noya dans le Rhin (*).
Impliqué dans ces nouvelles intrigues , le roi de France ne
put empêcher l'irruption d'Otton dans ses Etats.
Otton mit la main sur la France comme sur l'Allemagne.
Au delà du Rhin, il bouleversa la féodalité naissante, dis-
tribua à son gré-les duchés à ses fils, à ses gendres et à ses
frères. Aux grands seigneurs il opposa des évêques puissants,
et soumit tous ses vassaux au contrôle des comtes palatins.
Dans la région cisrhénane, il avait affaire à plus forte partie
et ne pouvait prétendre à cette omnipotence. Mais il l'enlaça
dans les réseaux qu'il venait de tendre, en mariant ses deux
marinis partibus revocantes, regem vobis decenter create. Sicque fiet,
ut et antiqua nobilitas regiæ stirpis servetur et fautores a querimoniis
quiescant. » (Ricmert Aistor. lib. IE, e. 11.)
DA AMD: FEr, °C. v.
(2) Id., c: 1x-x.
dr cHxIx.
sœurs au roi et au premier des ducs (!). L’Austrasie fut l'ob-
jet de sa plus vive sollicitude. I] finit par mettre à sa tête son
frère Brunon, qui à la dignité d'archevêque joignit celle
d'archiduc, et la divisa en deux Etats, caractérisés par la
Meuse et par la Moselle, et dépendant du siége de Cologne, la
Haute et la Basse Lorraine (Brabant).
\ /
Les deux rois; devenus beaux-frères, se lièrent d'amitié, mais
Louis d'Outremer ne traita jamais sur le pied de l'égalité avec
le puissant Otton. La féodalité française ressenti vivement
l'humiliation de son souverain, qui était un affront pour
elle-même. Le duc de Normandie exprima dans une circon-
stance solennelle sa manière de voir à ce sujet.
Une entrevue avait réuni, dans la villa royale d'Attigny,
Hugues le Grand , Herbert, Arnoul et Guillaume Longue-
Epée, autour des deux grands suzerains. « Le roi Louis, nous
dit Richer, s’enferma dans le conclave avec le roi Otton et les
princes, et, soit à dessein, soil par hasard (on l'ignore), le
duc Guillaume seul n’y fut point admis. Il attendit longtemps
en dehors; mais, voyant qu'on ne l’appelait pas, il en concçut
de l'irritation. Enfin, la colère le gagnant, comme il était em-
porté et prompt à la main, il enfoncça les portes et les referma
avec humeur. Etant donc entré, il jette les yeux sur le lit où
Otton occupait le côté le plus élevé, celui du chevet, et le roi
l'extrémité la plus basse; devant eux, Hugues et Arnoul,
placés sur les deux siéges, attendaient que les délibérations
s'ouvrissent. Guillaume, indigné de l'injure faite au roi :
« Est-ce que je dois, dit-il, rester étranger à ce qui se traite
ici ? Me suis-je donc jamais souillé par quelque trahison ? »
Et s’approchant avec colère : « Roï, dit-il, lève-toi un instant. »
Le roi se lève, il s'asseoit lui-même, et dit qu'il est indécent
que le roi paraisse dans une place inférieure, et que qui que
ce soit s'élève au-dessus de lui; qu'il faut, par conséquent,
@) À Louis d'Outremer il donna Gerberge, veuve de Giselbert; à
Hugues le Grand, Edwidge qui fut mère de Hugues Capet.
*4
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SORA M ET re on En
“x : 253 PA Fra
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qu'Otton quitte la place, et que le roi la prenne. Otton se leva
confus de honte, et céda sa place au roi. Louis et Guillaume
se trouvèrent alors assis, le roi dans le haut et Guillaume plus
bas. Debout, appuyé sur un bâton, le prince allemand dissi-
mula son dépit et se hâta de terminer la discussion {t). »
Louis d'Outremer, si gravement compromis par son fidèle
vassal, ne négligea rien pour conserver la précieuse alliance
d'Otton le Grand. Il y réussit, grâce à la reine Gerberge, son
épouse, et se montra aussi entreprenant envers les seigneurs
que réservé à l'égard de l'Allemagne. Le comte de Verman-
dois, les ducs de Bourgogne et de Normandie étant morts
presque en même temps, il conçut la pensée d'entrer lui-
même dans les cadres féodaux par l'acquisition d'un ou de
plusieurs fiefs. Les crimes d'Herbert, l'illégitimité du fils de
Guillaume Longue-Epée , les querelles sanglantes des descen-
dants de Richard le Justicier, excusaient, dans une certaine
mesure, ses projets audacieux.
Le duc de France voulut être.de la partie, mais il trahit dès
que l'intérêt le lui conseilla. H prit pour lui la Bourgogne.
Quand il vit que son allié voulait garder la Normaudie, il le
fit retenir prisonnier à Rouen, et ne le relâcha qu'après l'avoir
dépouillé de la ville de Laon (?).
() Tandem in iram versus, uipote manu et audacia nimius, foribus
clausis vim intulit, ac retrorsum vibrabundus adegit. Ingressusque
lecturm conspicatur gestatorium; in quo etiam a parte cervicalis Otto
editiore, rex vero in parte extrema humilior residebat. In quorum pro-
spectu Hugo et Arnulfus, duabus residentes sellis, consilii ordinem
expectabant. Wilelmus, regis injuriam non passus : « An, » inquit, « his
interesse non debui? Desertorisne dedecore aliquando sordui ? » Fer-
vidusque propinquans : « Surge, » inquit, « paullulum, rex ! » Quo mox
surgente, ipse resedit, dixitque indecens esse regem inferiorem, alium
vero quemlbet superiorem videri. Quapropter oportere Ottonem inde
amoliri, regique cedere. Otto pudore affectus surgit, ac regi cedit. Rex
itaque superior, at Wilelmus inferior, consederunt. Otto penitus inju-
riam dissimulans, baculo innixus, cœpto negotio finem dare stando
satagebat. » (RicHer: Aislor. lib. IT, e. xxx1 ef XxxHT.)
(2) Id.,.tbid., ec. xzu-ur.
D
Nul doute que Hugues le Grand n'eût exploité la condes- :
cendance marquée par le roi de France au roi d'Allemagne.
L'archevêque Artold, zélé défenseur de la fragile couronne
des Carolingiens, fut expulsé, grâce à son intervention armée,
de la ville de Reims, où le jeune Hugues de Vermandois
s'installa pour la seconde fois.
Evidemment, la féodalité française venait d'entrer dans une
phase nouvelle. On la voyait, par suite de ses craintes ou de
sa Convoitise, s’efforcer 1° d'expulser les rois carolingiens;
2° d'échapper à la suzeraineté de plus en plus lourde du roi
de Germanie: 3° d'assurer la suzeraineté nominale, sinon
effective, au possesseur des duchés de France et de Bourgogne,
qui seul était capable de la défendre; 4° d'établir à Reims un
pontife étranger à la maison de Saxe et aux héritiers de
Charlemagne.
La cause de Louis IV, celle d’Artold et celle d'Otton, étaient
donc étroitement liées. Le roi de Germanie vit accourir auprès
de lui le prince et l'archevêque légitimes. Il évoqua devant
son tribunal ce procès religieux et politique. L'évêque de
Trèves eut la présidence. Trois conciles furent successivement
tenus à Verdun {‘}, à Mouzon {?) et à Ingelheïm (*). Comme
on le voit, l'Ausirasie conservait toute son importance ecclé-
siastique. :
Le concile d'Ingelheim (948) fut l'un des plus considé-
rables du moyen âge. On y vit, chose qui nous semble au-
jourd'hui singulière, des évêques allemands chargés de décider
les affaires françaises (*). Afin d'augmenter l'autorité de cette
assemblée, le prononcé du jugement fut réservé au reprèé-
sentant du pape. Il y eut jusqu'à six grands discours où
6) Rrouert Jistor. lib. IT, ©. LxvI.
(dc: LXVII-LX VIII.
Cid crux
-#) Entre autres, les évêques de Trèves, de Mayence, de Cologne, de
Spire, de Worms, d'Augshourg, d'Hildesheim, d'Osnabruck, de Maes-
tricht, :
ar
furent abordés les principes mêmes de la société et de l'Etat.
L'archevêque de Trèves affirmia « que la chose publique avait
été compromise dans presque toute la Gaule par les entreprises
des méchants (1). »
Le légat reconnut « qu'il fallait d'abord rétablir l'autorité
du roi, afin que, sa force et sa puissance une fois assurées, il
pût, de son propre mouvement, remettre en honneur les
églises de Dieu (?). » Le roi exilé retraça l'historique de la
chute de son père et de la sienne, et provoqua une réplique
du président et du vicaire apostolique où on engageait Le do-
minateur de l'Allemagne à mettre sa puissance au service de
l'autorité spirituelle (*}. Otton répondit avec beaucoup de
sens : « Attaquez d'abord les ennemis de Louis par les armes
divines : ou ils succomberont promptement dans ce combat,
ou, s'il reste quelque chose à faire, nos armes l'effectueront
plus facilement (*).» L'affaire d’Artold se développa parallè-
lement à celle du roi de France, et le concile se sépara en ful.
minant l'anathème contre les deux usurpateurs.. Il fallut,
toutefois, en venir aux mains (*), et cette guerre aboutit à la
rentrée de Louis à Laon et d'Artold à Reims (f).
Hugues le Grand avait eu évidemment le dessous dans cette
lutte inégale, et il termina assez tristement son existence ;
mais il avait du moins atteint un grand résultat politique et
un grand résultat moral : {° en doublant l'étendue de ses
domaines par l'acquisition de la Bourgogne; 2° en forçant le
() « Totius pene Galliæ rem publicam pravorum temeritate turbatam,
magnis subjacere periculis constat. » (Ricaer: Histor. lib. IT, c. Lxxt.)
(2) « Regiæ dominationis imperium ante dixit restaurandum, ut ejus
vigore firmato, ejusque potentia utiliter restituta, ejus post liberalitate,
ecclesiarum Dei honor consequenter recrescat, ejus patrocinio agente,
virtus bonis quibusque redeat. » (Id., lib. I, c. Lxx11.)
Oid eh D TTC EXXIII-LXXV.
(#) « Si ejus insectatores armis divinis adoriamini, consequenter aut
facili tumultu devicti labascent, aut, si quid impetendum relinquetur,
facilius nostris armis infirmabitur. » ([d., c. Lxxvr.)
() Id., ©. LxxvII-LxxxI.
(5) Id., c. xcr et, seq.
Sos an NT SE CS NU En an Mars
ne D.
suzerain carolingien à n'être plus que l'un des vassaux du roi
de Germanie.
Il est avéré que les descendants de Charlemagne ne se
maintenaient et n'existaient que par la protection d'Otton le
Grand. C'est à lui que la reine Gerberge eut recours pour
assurer le trône de son fils. « Tous les princes de Belgique et
quelques grands de Germanie arrivèrent conduits par le duc
Brunon; Hugues, ducdes Gaules, se rendit aussi à l'appel. De
leur côté, les évêques vinrent des differentens contrées dans
la ville de Reims. Lothaire fut donc, du consentement de
tous, avec l'appui de son oncle, et aux acclamations des
princes, sacré roi par l'archevêque Artold (t). » La fortune
semblait sourire au nouveau souverain qui put faire une
tournée triomphale dans le Midi. É
Mais ces hommages s'adressaient en réalité à Otton, vain-
queur des Hongrois à Mersebourg, roi d'Italie et empereur
(951-962). Tant qu'il vécut, il n’y eut de troubles nulle part.
La féodalité allemande était soumise sans réserve; la féodalité
française rongeait son frein.
Les choses changèrent de face à la mort du nouveau Char-
lemagne (973). Il y eut, entre l'Elbe et le Danube, une grande
agitation bien vite réprimée par le jeune empereur, mais qui
eut un terrible contre-coup au delà du Rhin.
Lothaire voyait avec douleur la décadence prolongée, pres-
que fatale, des Carolingiens, sous la tutelle de la maison de
Saxe. Saisissant l'occasion qui lui était offerte de secouer ses
entraves, il convoqua à Laon tous les grands du royaume; il
() « Adveniunt itaque ab Ottone rege omnes ex Belgica, duce Bru-
none, principes, sed et ex Germania aliqui. Adest etiam Hugo Galliarum
dux. Conveniunt quoque Burgundiæ et Aquitaniæ simulque et Gothiæ
principes. Episcopi etiam e diversis regionum urbibus conveniunt. Atque
hi omnes in urbem Remorum apud Gerbergam reginam pari voto col-
lecti sunt. Omnium fit consensus; omnibus animo inest Lotharium patri
defuncto succedere. Universorum itaque consensu, a domno Artoldo
Remorum metropolitano, favente Brunone ejus avunculo, principibusque
diversarum gentium laudantibus... » (Rioner: Aistor. lib. II, c. 1-11.)
Li 2
accusa les Saxons de s'être approprié la Lorraine, possession
de ses ancêtres; il dénonca la présence de l’ennemi commun
à Aix-la-Chapelle, redevenue la capitale d'un empire. « Otton,
s'écria-t-il, ose venir se fixer sur nos frontières! » Un historien
contemporain affirme que tout le monde appuya l'avis du roi,
sans délibération préalable. La guerre contre l'Allemagne était
donc devenue nationale : grande nouveauté à coup sûr, indice
certain de la séparation de plus en plus profonde entre deux
féodalités ayant la même origine, mais un caractère et des
intérêts bien différents. Une course rapide mena cette armée
seigneuriale en vue de la cité ennemie. Otton IT refusait de
croire à une telle audace de la part d'un prince aussi faible et
aussi contesté dans ses propres foyers. « Il n’a pas de forces
suffisantes, il ne peut compter sur les siens! » s'écria le jeune
prince. Mais l'apparition de vingt mille hommes mit fin à sa
légitime incrédulité. Il fut contraint de fuir avec l'impératrice
et les grands de sa cour. Lothaire, maître de toute la Lorraine
sans combat, et grâce à un entrainement patriotique inconnu
jusqu'alors, tourna vers le sud-est l'aigle impériale, qui re-
gardait l'occident comme pour menacer la Gaule.
Au patriotisme français répondit immédiatement le patrio-
tisme allemand, et Otton ramena, l'épée dans les reins, son
adversaire jusque sur les hauteurs de Montmartre. Un nouvel
effort de Lothaire et de ses vassaux mit fin à l'invasion ger-
manique (978).
Les deux nations avaient présenté un instant, par suite des
haines qui les animaient, une homogénéité trompeuse et qui
ne dura guère.
Le moine Richer nous a rendus témoins des combats qui
se livrèrent dans l’âme de Lothaire, dès qu’elle fut abandonnée
à ses réflexions : « Si les hostilités continuaient, il était pos-
sible que le duc se laissât corrompre par les présents d'Otton
et rentrât en amitié avec lui; si le parti de la réconciliation
prévalait, il fallait se hâter, pour que le duc n'en eût aucun
éveil, et ne voulut lui aussi se réconcilier. »
PAS à. je
La paix fut donc conclue. Le roi renonça à toute prétention
sur la Lorraine, et son frère Charles reçut l'investiture du
Brabant. Quant.au duc de France, Hugues Capet, « ïl
dissimula son déplaisir et l'étouffa sous la fermeté de son
caractère. » Redoutant un accord semblable à celui d'In-
gelheim, il se rendit avec un évêque auprès d'Otton IT, qui
séjournait à Rome, et parvint à lui sugaérer des doutes con-
cernant son allié. Le Carolingien, comme s'il eût deviné dans
le premier de ses vassaux le fondateur d'une nouvelle dynastie,
mit tout en œuvre pour empêcher son retour. Il se concerta
à cet effet avec sa belle-mère, l'impératrice Adélaïde, et avec le
roi des Alpes. « Hugues, leur écrivait-il, non-seulement dé-
tourne par ses manœuvres les grands de notre royaume de la
fidélité qui nous est due, mais il s'efforce de nous aliéner
l'empereur (!)! » Le duc échappa en se déguisant en palefre-
nier, et franchit ainsi les monts.
Ces assauts de ruses continuèrent longtemps, et un témoin
oculaire nous affirme qu'on ne voyait que propriétés usurpées
et malheureux opprimés. Leur réconciliation ne pouvait être
qu'un nouvel artifice politique. Il y avait dans l'Etat un per-
sonnage de trop, et ce personnage, ce n’était pas le duc, repré-
sentant de l'âge nouveau, mais bien le roi lui-même, repré-
sentant d'une idée déchue.
Afin de compliquer une situation déjà si difficile, le rusé
Capétien, qui venait de reconnaitre le jeune Louis comme
héritier présomptif de la couronne, soutint « que la majesté
de deux rois ne devait pas être resserrée dans les étroites
limites d’un seul royaume (?). » A peine installé, le prétendu .
suzerain de l'Aquitaine fut abreuvé de dégoûts et trahi par sa
@) « Hugo dux insidiis non solum regni nostri principes a nostra fide-
litate amovit, sed et fratrem meum Ottonem a nobis conatur avertere. »
(Riceri Aistor. lib. IT, c. LxxxvI1.) :
@) « Ne unius regni angustia, duorum regum majestati nimium dero-
garet. » (Id., lib. III, c. xcr.)
D in
propre épouse. Il dut rentrer à Laon, seul débri d’un immense
empire.
L'avènement d'Otton III fut une épreuve dont la maison de
Saxe sortit victorieuse, mais qui ébranla jusque dans ses fon-
dements la royauté carolingienne. Henri le Querelleur, duc
de Bavière, voulut se saisir de la couronne impériale par
une de ces conjurations qui marquaient l'inconsistance plutôt
que la force de la féodalité allemande. Lothaire s’unit à lui
afin de recouvrer, avec la Lorraine, le prestige qu'il avait
perdu le jour où il l'avait évacuée.
L'Europe occidentale présenta un-étrange spectacle. Il y eut
des intrigues aussi profondes, aussi immorales que celles qui,
cinq siècles plus tard, signalèrent l'établissement de la royauté
absolue. |
‘ Les trames de Lothaire et de Henri le Querelleur nous sont
mal connues; celles de leurs adversaires nous le sont davan-
tage, parce qu'elles eurent un centre, un chef chargé d’en
réunir tous les fils, un secrétaire. correspondant au loin avec
les adhérents, princes ou reines, laïques ou évêques. Ce centre
était Reims; ce chef, Adalbéron; ce secrétaire affairé, Gerbert
d'Aurillac.
Adalbéron était redevable de son siége métropolitain à la
protection d'Otton le Grand et à la savante politique de Bru-
non, qui avait si heureusement discipliné le clergé austrasien.
C'était un seigneur lorrain, frère du comte des Ardennes et
du comte de Verdun. Maître du diocèse d'Hincmar depuis
près de vingt ans, il avait usé de son immense crédit pour
donner aux villes voisines des prélats de la même province et
de la même famille que lui. Vers 980, nous trouvons quatre
Adalbéron : à Reims, à Verdun, à Laon et à Metz.
L’'Adalbéron de Laon, le plus important après l’archevêque,
est le favori de la reine Emma, qui lui sacrifia peut-être son
honneur. Quant au grand Adalbéron, il entretient une cor-
respondance active avec la veuve du grand Otton, la vertueuse
Adélaïde, et avec la mère du jeune empereur, Théophanie,
6
ie —
princesse byzantine, qui apportait de Constantinople la sa-
vante duplicité et les ressources infinies des Grecs du Bas-
Empire. À son instigation, les évêques de Mayence et de
Liége soutiennent la cause impériale, tandis que ceux de
Trèves, de Cologne et d'Utrecht, pressés par le duc de Brabant,
adressent leurs vœux à Lothaire et au Querelleur.
Si Adalbéron croit tout conduire, c'est Gerbert, son confi-
dent intime, qui mène tout. L'influence du moine d’Aurillac
avait sa source dans une instruction si rare à Ce moment
qu'on n'y voyait qu'un artifice de sorcellerie. Il avait visité
l’Aquitaine, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, la France, et il
était venu à Reims, au courant non-seulement de toutes les
sciences, mais de toutes les intrigues de l'époque. I prodiguait
les premières dans ces écoles célèbres où s'étaient formés les
Flodoard et les Richer, et où lui-même élevait le jeune
fils de Hugues Capet, Robert le Pieux. Quant à la politique,
il la maniait d'une facon fort discrète, se complaisant pour
ainsi dire dans les ténèbres (!). « Faire, taire, » telle semble
avoir été la devise de cet éloquent professeur, toutes les fois
qu'il s'agissait d'intérêts temporels. Ses correspondants sont
souvent anonymes, et ses lettres présentent une brièveté
mystérieuse. [Il est profondément dévoué, quoi qu'on en
ait dit, à la famille de Saxe, qui, de la condition d'un
moine obscur, devait l'élevér jusqu'au souverain pontificat.
Mais il a affaire à un monde si versatile et si ondoyant
qu'il est obligé plus d’une fois de se contredire. Ainsi, après
avoir dénoncé à l’évêque de Liége l’entrevue projetée à Brisach
entre le duc de Bavière et le roi Lothaire, 1l assure l’impéra-
trice Théophanie de l'amitié des rois français (?). C’est que le
€) « Tempora periculosa libertatem tulerunt dicendi quæ velis di-
lucidi. » (Ann. 986.)
(?} « Germanum Brisacha Rhenum litteris Francorum reges nunc
adeunt. Henricus reipublicæ hostis dictus kal. febr. occurrit. » — « Do-
minam meam Theophaniam imperatricem nomine meo convenite; reges
me EB -=
colloque n'a pas eu lieu et que Gerbert, malgré toute son ha-
bileté, a laissé échapper la trace des pourparlers. Mais bientôt:
il se ravise, lorsqu'il voit Lothaire marcher sur Verdun et
l'emporter d'assaut. Alors il lance dans toutes les villes de
Lorraine ses circulaires diplomatiques; il organise cette éner-
gique résistance contre laquelle viendront se briser les efforts
de l’héroïque Carolingien. La clairvoyance de son esprit lui
montrait d'ailleurs la vanité de ces efforts. C'est lui qui, dans
un acte laconique, avait conseillé à son maître Adalbéron de
gagner à tout prix l'amitié du duc de France. « Lothaire est
roi, disait-il plus tard, mais de nom seulement; Hugues ne
l'est pas de nom, mais il l'est par le fait et par les œuvres (1). »
Quelles étaient ces œuvres? Nous l’ignorons, car Hugues
Capet était aussi mystérieux que Gerbert.
Au moment où l'archevêque de Reims allait comparaître,
sous l’inculpation de félonie, devant une assemblée de Fran-
çais, Lothaire mourut, peut-être empoisonné. Son fils Louis,
jeune homme violent, mais généreux, n'en dénonça pas moins
« Adalbéron, l’homme le plus scélérat de tous ceux que la
terre supporte, qui a favorisé en toutes choses Otton, l'ennemi
des Français (?). » Ce prétendu fainéant entraîna l’armée du
duc contre la ville de Reims, et infligea à sa mère Emma un
affront cruel, mérité suivant toute apparence (*). Cette activité
fébrile ou les terreurs d'Adalbéron le conduisirent au tombeau
au milieu de ces excès (‘).
Francorum filio suo favere dicite, nihilque eos aliud conari nisi tyran-
nidem Henrici regem se facere volentis sub nomine advocationis velle
destruere. »
() « Lotharius rex Franciæ prælatus est solo nomine; Hugo vero
non nomine, sed actu et opere. » (Ann. 985.)
(2) « Adalbero, Remorum metropolitanus ‘episcopus, homo omnium
quos terra sustinet sceleratissimus. » (Ricaert /istor. lib. IV, c. 11.)
(5) Elle écrit à sa mère, l'imperatrice Adélaïde : « Elapsa sunt tem-
pora mearum deliciarum." Spes in filio fuit, is hostis factus est. »
(+) « Cujus discessus, eo tempore accidit quo et metropolitani purgatio
de objectis habenda erat. » (Id., lib. IV, c. v.)
a —
Si la mort de Louis accuse aujourd'hui Adalbéron, elle l’ab- .
solvait alors. Hugues Capet reconnut hautement dans le mé-
tropolitain « un homme noble et doué d'une haute sagesse [!). »
La maison de Saxe, qui avait ressenti vivement l’insulte
faite à Emma et l'appui prêté au Querelleur, se décida sans
réserve en faveur du duc et de l'archevêque. Celui-ci, qui
venait de passer, comme par enchantement , du rôle d'accusé
au rôle d’arbitre suprême, déclara qu'il ne fallait pas trop se
hâter de choisir un roi; mais, en même temps, il fit prêter
serment au duc de ne rien faire contre l'intérêt de la patrie (?).
Lorsque Charles de Basse-Lorraine lui présenta une humble
requête, il l’écarta d'un geste méprisant : « Tu t'es toujours
associé à des parjures, à des sacriléges, à des méchants de
toute espèce, et maintenant encore tu ne veux pas t'en sépa-
rer (*)! »
L'assemblée de Senlis (3 juillet 987) réunit au duc de France
son frère le duc de Bourgogne, et son beau-frère le duc de
Normandie, tandis que les comtes de Flandres et de Verman-
dois, qui ne vinrent pas, se déclaraient pour le Carolingien.
Adalbéron prononça un discours qui nous livre le sens de la
révolution à laquelle il présidait : « Le trône, disait-il, ne
s’acquiert pas par droit héréditaire, et l'on ne doit mettre à la
tête du royaume que celui qui se distingue non-seulement par
la noblesse corporelle, mais encore par les qualités de l’esprit,.
celui que l'honneur recommande, qu'appuie la magnanimité.
Charles a perdu la tête au point de n'avoir plus honte de ser-
vir un roi étranger, et de se mésallier à une femme prise
dans l’ordre des vassaux ?... Comment ce puissant duc souf-
_frirait-il qu'une femme sortie d’une famille de ses vassaux
devint reine et dominât sur lui? Comment marcherait-il après
() « Utpote viro nobili et multa sapientia inclyto. » (Ricuerr, lib. IV,
C. VII.)
(2) Id., c. vu.
(8) « Cum perjuris et sacrilegis, aliisque Ron: iis hominibus ipse sem-
per deditus fueris, nec ab eis adhuc discedere velis. » (Id., c. x.)
ie: 0
celle dont les pères et même les supérieurs baissent le genou
devant lui et posent les mains sous ses pieds (1)? »
De ce langage nous concluons : 1° que la France venait
d'acquérir la conscience de sa vie propre et qu'elle se distin-
guait désormais de l'Allemagne, avec laquelle elle ne voulait
plus être confondue; 2° que la féodalité repoussait également
un roi inutile et un roi héréditaire; 3° que le point d'honneur
et l'orgueil nobiliaire, qui s'annoncçaient dès le règne de Charles
le Simple, étaient devenus comme les assises de la nouvelle
société.
« Donnez-vous pour chef le duc recommandable par ses
actions, par sa noblesse et par ses troupes, et en qui vous trou-
verez un défenseur non-seulement de la chose publique, mais
de vos intérêts privés (?). » Telle était la conclusion du grand
théoricien féodal (987).
Hugues Capet, élu par les seigneurs, fut couronné à Noyon
par le métropolitain entouré de ses évêques. Il sut habilement
neutraliser le droit féodal par le droit divin, en faisant sacrer
de son vivant son fils Robert. Tous ses successeurs, jusqu’à
Philippe-Auguste, suivirent cet exemple salutaire. L'hérédité
du trône était d'ailleurs naturelle, du moment que leduché
de France, par sa situation géographique et par sa puissance,
entrainait dans son orbite tous les Etats féodaux.
Le prince légitime, Charles, se montra digne, à cette heure
() « Nec regnum jure hereditario adquiritur, nec in regnum promoven-
dus est nisi quem non solum corporis nobilitas, sed et animi sapientia
illustrat, fides munit, magnanimitas firmat... Sed quid dignum Karolo
conferri potest, quem fides non regit, torpor enervat, postremo qui
tanta capitis imminutione hebuit, ut externo regi servire non horruerit,
et uxorem de militari ordine sibi imparem duxerit? Quomodo ergo
magnus dux patietur de suis militibus feminam sumptam reginam fieri,
sibique dominari ? Quomodo capiti suo præponet, cujus pares et etiam
majores sibi genua flectunt pedibusque manus supponunt ? » (RICHERI
Histor. lib. IV, c. xr.)
(2) « Promovete igitur vobis ducem, actu, nobilitale, copiis clarissi-
mum, quem non solum rei publicæ, sed et privalarum rerum tutorem
invenietis. » (Id., ibid.)
— 86 —
suprême, du grand nom qu'il portait. Pour conjurer la dé-
chéance de sa dynastie, il employa tous les moyens de l’époque,
la force et l'intrigue. Un hardi coup de main lui livra la ville
de Laon, avec l’évêque et la reine Emma. Il sut contraindre à
la fuite l’usurpateur, et fit avec lui assaut de ruse. Hugues
ayant, dans un but tout politique, promu Arnoul, le bâtard
de Lothaire, à l’archevêché de Reims, vacant par la mort
d’Adalbéron, il le gagna facilement à sa cause, car le nouveau
pontife préféra trahir les serments les plus solennels et les
plus redoutables plutôt que de voir «la seule personne en qui
résidât l'espoir de sa race privée de tout honneur (‘). » Les
négociations qui s’engagèrent ne furent pas entièrement 1gn0-
rées de Gerbert. Celui-ci, que la subite disparition d’Adalbéron
avait frappé d'une secrète épouvante, repoussait de toutes ses
forces l'accusation d'avoir déposé et consacré des rois (?). Il
avait même des scrupules touchant ce qui venait de s'accom-
plir, et en faisait part à ses correspondants (#). Mais il se sé-
para d’Arnoul avec éclat, lorsque la métropole fut livrée au
prétendant.
Charles, maître de Laon et de Reims, était exactement dans
(?) « Qui cum ex tanta dignitate procederet insignis, illud tamen
infortunii genus arbitrabatur, quod ipse superstes de patrio genere nul-
lam præter Karolum habebat. Miserrimum quoque sibi videri, si is
honore frustraretur, in quo solo spes restituendi genus paternum sita
foret. » (Ricaerr Aistor. lib. IV, c. xxxir.)
(2) «Ego cum statuissem non discedere a clientela et consilio patris
mei beati Adalberonis, repente sic eo privatus sum, ut me superesse
expavescerem. Quippe cum esset nobis cor unum et anima una, nec
hostes ejus eum putarent translatum, cum me superesse viderent, me
ad invidiam Karoli nostram patriam tune et nune ‘vexantis, digiti no-
tabant, qui reges deponerem, regesque ordinarem. » (Ad Raymundum
abbat. Aurillac. episl., ann. 989.)
(5) « Recordare, quæso, quid actum sit, o felix quondam et dulcis
amice, sub imperio patris mei Adalberonis; divi Aug. Lotharii germa-
nus frater, heres regni, regno expulsus est. Ejus æmuli, u{ opinio mul-
torum est, inter reges creati sunt. Quo jure legitimus heres exheredatus
est, quo jure regno privatus est, et quo in paternam domum rediit ? »
(Ad Adalberon. episc. Laudun. epist., ann. 989.)
DAT
la même situation que Louis IV et Lothaire : il ne lui man-
quait que la consécration religieuse, et il doit prendre rang
parmi ces rois débiles , mais courageux, que l’on appelle les
derniers Carolingiens.
L'évêque de Laon, échappé de sa prison, alla trouver
Arnoul, et, par son entremise, obtint grâce devant son nou-
veau maître. Il en profita pour le livrer à Hugues Capet,
qu'une lutte de quatre ans avait exaspéré (!).
Jeté dans la tour d'Orléans, Charles eut le même sort que
son grand-père : Hugues fut pour lui un autre Herbert, plus
dur encore que le premier, parce qu'il n'avait pas intérêt à
ménager sa victime. Arnoul, solennellement déposé, fut rem-
placé par Gerbert (991).
Il est à remarquer que l'empereur Otton II ne prit aucune
part, directe ou indirecte, à cette tragique compétition. On
était bien décidé, en Allemagne, à ne point intervenir tant
que la France oublierait la Lorraine.
Seul, le souverain pontife s’obstina à ne pas reconnaître la
déposition d'Arnoul : les prérogatives de la chaire apostolique
furent maintenues en face du concile de Saint-Basle.
Robert le Pieux succéda, au milieu de ces discussions reli-
gieuses, à son père Hugues Capet (?). Un historien, qui l’a vu
de près, nous le dépeint « comme excellant dans l'art militaire
et très versé dans les lois divines et canoniques (*). » C'est à
G) Ricnerr Aistor. lib. IV, ec. xLH-xLvIr.
(?) Robert avait été consacré roi dès l'an 988, grâce aux habiles pré-
cautions et subterfuges de son père : « Uique post sui discessum a vita,
heredem certum in regno relinqueret, sese consultum cum principibus
contulit; et, collato cum eis consilio, Remorum metropolitanum Aure-
lianis de promotione filii sui in regnum prius per legatos, post per sese
convenit. Cui cum metropolitanus non recte posse creari duos reges in
eodem anno responderet, ille…. fieri quoque asserebat posse, rege inte-
rempto, et patria desolata, primatum discordiam, pravorum contra
bonos tyrannidem, et inde totius gentis captivitatem. » (Id., c. xx1.)
() «Tanta industria atque solertia clarum, ut et in rebus militaribus
præcelleret, et divinis ac canonicis institutis clarissimus haberetur. »
(Ed CU PET.)
ce prince, qui profitait des actes antérieurs sans en porter la
responsabilité, que revenait l'honneur de séparer défimtive-
ment la France et l'Allemagne, en supprimant tout sujet de
rivalité ou de conflit. Il s'empressa d'admettre l'archevêque
Arnoul, tandis que Gerbert, appelé à des destinées plus éle-
vées, devenait lui-même pape et sanctionnait ce qui s'était fait
à son désavantage ou pour son plus grand bien (996-999). IL
refusa prudemment la Lorraine et l'Italie, qui se donnaient
à lui. Afin de ne pas être soupconné de convoiter le royaume
d'Arles, il renvoya l’héritière de cet Etat, son épouse Berthe.
Il ne revendiqua pas la suzeraineté du Midi. Il se contenta de
faire du duché qu’il possédait la première des seigneuries du
Nord par la réunion de la Bourgogne.
La mouvance du royaume de France était franchement des-
sinée et délimitée : immense avantage qui permit aux Capé-
tiens de vivre et de grandir.
Comme pour assurer l’œuvre depuis si longtemps entreprise
et si heureusement réalisée , la France et l'Allemagne, sépa-
rées par la Lorraine, n’eurent pas même le loisir de se cher-
cher querelle. L'une fut occupée de ses démêlés avec l’Angle-
terre, l’autre de ses expéditions en Italie. Grâce à cette heureuse
circonstance, deux sociétés, deux civilisations se formèrent,
qui, loin de se nuire, se complètent mutuellement.
La France et l'Allemagne se sont disputé les gloires qui
illustrèrent les siècles où elles avaient vécu d’une vie com-
mune. L'Allemagne, au temps de Frédéric Barberousse, se
préoccupait, comme le témoigne Otton de Freysingen, de
la grande révolution qui avait fixé à jamais, sur les bords de
la Seine, le nom de ces Francs qu'elle revendiquait comme
ses fondateurs.
L'HORLOGERIE
A L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867
A PARIS.
Rapport fait au Comité départemental du Doubs,
PAR M. GEORGES SIRE,
DIRECTEUR DE L'ÉCOLE D'HORLOGERIE DE BESANCON.
Séance du 8 juillet 1869.
INTRODUCTION
On sait que l'horlogerie civile portative est l'industrie capi-
tale de la ville de Besançon et celle d’un grand nombre de
centres de population du département du Doubs. Aussi le
Comité départemental institué à l’occasion de l'Exposition
universelle de 1867, à Paris, en chargeant un de ses membres
de lui faire un rapport sur l’industrie horlogère, avait-il donné
pour instruction spéciale à ce délégué de s'appliquer surtout
à rechercher dans les produits similaires des autres nations
toutes les améliorations et tous les perfectionnements qui
pourraient avantageusement être introduits dans notre fabri-
cation nationale, et de signaler en outre les diverses importa-
tions se rapportant à la même industrie dont nos populations
des montagnes pourraient faire leur profit en utilisant le chô-
mage forcé des longs hivers et leur aptitude bien reconnue
pour ce genre de travaux.
7
AD
Mais, malgré le but spécial de cette mission, le rapporteur
a Cru qu'il pouvait, sans inconvénient, élargir le cercle de son
étude; par suite, ce rapport est l'exposé de son examen des pro-
duits de l'horlogerie envisagés : 1° au point de vue scientifique
et artistique, 2° au point de vue industriel et commercial.
L'horlogerie en général peut se diviser en deux parties :
1° l'horlogerie scientifique ou de précision; ?° l’horlogerie
civile.
L'horlogerie de précision comprend les pendules sidérales,
les régulateurs fixes et les chronomètres de bord ou de ma-
rine; c'est-à-dire les pièces d’horlogerie qui doivent donner
la mesure la plus exacte du temps. Cette horlogerie est l’auxi-
liaire indispensable des astronomes et des marins: il en résulte
que ses débouchés sont principalement les observatoires et le
service maritime. Par l'horlogerie de précision, on désigne
donc le nec plus ultra de la chronométrie moderne; mais si
sa valeur scientifique est considérable, son importance com-
merciale est presque nulle, ainsi qu’on le verra plus loin.
L'horlogerie civile embrasse toutes les horloges qui servent
à régler nos relations journalières; et, par suite, elle affecte
plusieurs formes : de Là sa MEL, en Nuits fixe et en
horlogerie portative.
Dans l'horlogerie fixe, on trouve les horloges monumentales
ou de clochers, les pendules variées dites pendules de che-
minées, les cartels, les coucous, etc. Dans toute cette sorte
d'horlogerie, le moteur est tantôt un poids, tantôt un ressort;
mais l'appareil régulateur est généralement un pendule qui
fonctionne sous l'influence de la pesanteur.
L'horlogerie civile portative comprend les peudule. de
voyage, les chronomètres et les montres de poche. Ici le mo-
teur est nécessairement un ressort, comme l'appareil régula-
teur est forcément composé d’un balancier circulaire associé
à un ressort spiral qui remplit, à l'égard du balancier, le
rôle de la pesanteur vis à vis du pendule.
— 91 —
La fabrication de l'horlogerie civile embrasse une somme
de produits considérables; son importance industrielle et
commerciale est relativement très grande, et c’est elle seule
qui constitue , en réalité, ce que l’on désigne communément
sous le nom d'industrie horlogère.
Dans l'étude que nous allons faire de l'horlogerie exposée
au Champ-de-Mars, nous adopterons une méthode qui n'a
pas, que nous sachions, été suivie par nos prédécesseurs ;
c'est-à-dire qu’au lieu de passer en revue les produits des
diverses nations successivement, nous mettrons simultané-
ment en regard les produits similaires des diverses puissances :
les comparaisons seront aussi plus nettes et plus évidentes,
les déductions plus faciles à saisir et en quelque sorte mieux
justifiées. Par suite, nous n’avons pu nous résigner à faire
de simples citations des objets qui ont fixé notre attention, ce
qui aurait réduit ce rapport à une sèche nomenclature. Il
nous a paru utile, nécessaire même, de préciser par une des-
cription succincte le point de départ de chaque question 1m-
portante, ainsi que de signaler les caractères essentiels des
objets qui s’y rapportent, afin de mieux faire apprécier la
valeur des perfectionnements apportés, des progrés réalisés ou
des innovations introduites.
La marche suivie sera celle du classement des puissances
dans l’ordre du catalogue officiel et qui est aussi celui du
placement dans l’intérieur du palais de l'Exposition, c'est-à-
dire en marchant de gauche à droite à partir de l'entrée prin-
cipale.
L'horlogerie fait partie du groupe IIT, composé des articles
du mobilier, et y constitue la classe 23.
Les membres du jury international chargés de juger les
produits de cette classe, sont :
MM. Laucrer, membre de l’Académie des sciences et du
Bureau des longitudes, etc, président. — France.
Brecuer, horloger à Paris, membre du Bureau des
longitudes. — France.
=, =
MM. D' Fricx, membre du Conseil supérieur de l'Instruc-
tion publique. — Grand duché de Bade.
C. Fropsxam, horloger à Londres, rapporteur du
jury d’horlogerie à l'Exposition universelle de 1862.
— Grande-Bretagne.
Ch.-A. Wire, horloger à la Chaux-de-Fonds. —
Suisse.
E. WaRTMANN, professeur à l'Académie de Genève,
membre du jury à l'Exposition universelle de 1855
et à l'Exposition fédérale de 1857, rapporteur. —
Suisse.
HORLOGERIE DE PRÉCISION.
Nous commencerons notre étude par l'horlogerie de préci-
sion pour bien constater tout d'abord l’état actuel de la science
chronométrique, et nous établirons une distinction entre les
chronomètres fixes {horloges sidérales , régulateurs) et les
chronomètres portatifs de bord ou de marine.
CHRONOMÈTRES FIXES. — Le principe de la construction
de ces machines horaires consiste dans un rouage d’une grande
simplicité, mis en mouvement par un poids moteur le plus
faible possible relativement pour chaque disposition d'échap-
pement et de régulateur adoptés. L'appareil modérateur est
un pendule battant la seconde et dont la compensation doit
être parfaite.
La théorie indique que la durée de l’oscillation d'un pen-
dule composé synchrone du pendule simple est indépendante
de la masse du pendule, qu’elle dépend de la longueur d'os-
cillation et de l'intensité de la pesanteur. Or, si l'on s'astreint
à rester dans le même lieu (et c’est le cas des horloges fixes),
cette intensité devient constante et dès lors la durée de l'os-
cillation ne dépend plus que de la longueur d'oscillation.
— 93 —
Enfin, il est évident que la durée de l'oscillation sera inva-
riable si on réalise les conditions nécessaires pour que la lon-
gueur du pendule n'éprouve pas de modifications par les
changements de température. On déduit aisément de ces con-
sidérations que la régularité d'une horloge de précision réside
en grande partie dans la compensation parfaite de son pendule.
Il est bien entendu que la grandeur de ces machines horaires
est généralement suffisante pour permettre l'exécution parfaite
des rouages et des échappements; et comme la force motrice
est aussi sensiblement constante, il en résulte que, théori-
quement, les plus grands écarts dans la marche de ces horloges
auront leur source dans les variations de la longueur d'’oscil-
lation du pendule.
Mais la compensation sérieuse d'un pendule est une opéra-
tion délicate, et peu de constructeurs sont à même de l’établir
d'une manière rationelle. Aussi, pour éluder la difficulté,
beaucoup d'horlogers forment la tige de leurs pendules avec
des substances peu dilatables, telles que le verre ou le bois de
sapin. La fragilité de la première de ces substances est un
obstacle sérieux à son emploi. Quant aux tiges en sapin,
elles ont un certain crédit, et malheureusement plusieurs
horlogers admettent qu'elles n'éprouvent aucune variation de
longueur par les changements de température. Sans doute les
variations sont faibles, et l'usage des lames de sapin à fibres
bien parallèles rendrait quelques services en restreignant les
erreurs des pendules à simple tige, si une autre cause ne
venait les modifier plus fréquemment et avec plus d'intensité
que ne le font les changements de température : il s'agit de
l'humidité de l'air atmosphérique. Il est reconnu que l'aug-
mentation de l'humidité allonge les tiges de sapin, même
celles qui sont enduites de substances prétendues imper -
méables. Donc, si un pendule à tige de sapin est installé de
manière à subir les influences des variations hygrométriques
de l'atmosphère, il sera plus irrégulier que s’il était formé d'une
simple tige métallique. Les pendules à tige de sapin doivent
— 94 —
donc être proscrits de l'horlogerie de précision; et si nous in-
sistons sur ce fait, c'est dans le but de concourir à la dissi-
pation d’une erreur trop répandue et pour condamner d'avance
les quelques horloges munies de semblables pendules qui
figurent à l'Exposition et y sont qualifiées bien gratuitement
du nom de régulateurs.
Les deux dispositions compensatrices que le temps et l’ex-
périence ont consacrées jusqu'à ce jour sont réalisées dans ce
qu'on appelle le pendule à mercure de GRaHax, et le pendule
à gril de Harrissox. Dans le pendule de GRAHAM, la compen-
sation est obtenue par les variations dans la hauteur d’une
colonne cylindrique de mercure qui constitue en même temps
la masse oscillante du pendule. Dans celui de HARRISSON, l'in-
variabilité de la longueur d'oscillation est obtenue par l’anta-
gonisme de tiges métalliques dont les coefficients de dilatation
sont différents : les métaux plus spécialement employés dans
cette disposition sont le fer ou l'acier et le laiton.
Bien que les deux systèmes de compensation ci - dessus
soient des inventions anglaises, le pendule de GRaHAm semble
préféré chez nos voisins d'outre-Manche. On objecte bien à ce
pendule d’avoir son système compensateur relégué à la partie
inférieure de la tige, de telle sorte que la compensation pour-
rait être imparfaite, et même nulle, si la température ne
variait pas d’une manière uniforme dans la tranche d'air qui
a pour épaisseur la longueur du pendule. Mais, malgré cette
imperfection, l'expérience démontre que lorsque ce pendule
est établi théoriquement, ses fonctions sont parfaites et qu'il
justifie pleinement la réputation dont il jouit en Angleterre,
Relativement au pendule à gril, généralement formé d'acier
et de laiton, la théorie indique que pour un pendule à secondes
il faut employer, à très peu près, 2".54 de tiges d'acier et
19.547 de laiton. Or, d’après la disposition de HARRISSON, ces
longueurs métalliques doivent être comprises dans la lon-
gueur d'oscillation, qui est en moyenne de 0.993 pour la
France; il en résulte que l’on est dans la nécessité de frac-
—
tionner les longueurs précédentes, ce qui porte à neuf le
nombre des tringles métalliques dont se compose la tige du
pendule, attendu que, pour assurer une action symétrique
dans la compensation, on est obligé d'associer par paire chaque
longueur de tringle.
Le pendule à gril ne présente pas les mêmes chances d'une
compensation imparfaite, toujours possible dans le pendule de
GrRaxaum; mais il offre l'inconvénient beaucoup plus grave
peut-être d'un grand nombre de points de contact. C'est pour
réduire les fréquentes irrégularités qui en sont la conséquence
que l’on a tenté de restreindre le nombre des tringles, en em-
ployant des métaux usuels dont la dilatabilité fût la plus dif-
férente possible. Or, le zinc est Le plus dilatable des métaux,
et si on l'emploie concurremment avec l'acier, le nombre total
des tiges peut être réduit à 5 et même à 3. C'est le cas des
pendules compensés de Urbain JÜRGENSEN et de DucHEMIx.
Si, pendant longtemps, le zinc ne fut employé qu'avec réserve,
c'est parce qu'on s'était apercu que sa dilatation était irrégu-
lière et se faisait par saccades, ce qui était dû à sa texture
cristalline. Mais aujourd'hui la métallurgie du zinc est assez
perfectionnée pour que l'on obtienne des tiges parfaitement
malléables et exemptes de toute trace de cristallisation ; dès lors
la dilatation devient plus uniforme, et l'emploi de ce métal
dans la compensation des pendules rend des services sérieux.
Parmi les constructeurs qui ont exposé des chronomètres
fixes ou régulateurs, nous Citerons :
France. — MM. O. Dumas, ScHARF, SANDOZ, DETOUCHE,
DantENs - DuviLLIER , BERTHOUD , LESIEUR € PRUD'HOMME ,
BEIGNET.
Pays-Bas. — M. À. Honwi.
Prusse. — MM. E. Tree, Scaozrz et E. MULLER.
Autriche. — M. KRrALIK.
Etats-Unis. — M. W. Box» et son.
Grande-Bretagne. — MM. Ch. Fropsxam, DENT et Ci.
ne =
L'exécution des pièces de ces artistes est en général très
soignée. La plupart des régulateurs sont pourvus d'un échap-
pement à repos de GrRaHam et d'unpendule compensé du même
auteur. Les échappements n'offrent que des différences peu
sensibles. Dans quelques régulateurs, on trouve réalisées en
partie les prescriptions bien connues de Kessets, d'Altona (!).
Dans quelques pièces des Anglais, on rencontre plusieurs
des échappements que nos voisins désignent sous le nom
d'échappements de gravité et dont ceux de Coze, Th. Rem et
Dexison peuvent être considérés comme types. On sait que le
caractère essentiel de ces échappements est que les oscillations
des pendules sont entretenues par les impulsions que leur com-
muniquent deux appendices pendulaires ou détentes qui sont
alternativement écartées de leur position de repos par la roue
d'échappement. Dans les échappements de Core et de Th.
Re», les appendices ou détentes reviennent à leur position de
repos par la réaction d'une lance élastique, tandis que dans
celui de DENISON, ces mêmes détentes fonctionnent sous l’in-
fluence de la pesanteur seule et constituent en quelque sorte
des détentes à poids. Ce dernier échappement serait, à la
rigueur, le vrai type de ceux dits de gravité.
Dans l'échappement de Dexison, la roue d'échappement
porte deux sortes de dentures situées à des distances du centre
assez différentes. Les dents placées près du centre ne sont en
réalité que des chevilles destinées à repousser alternativement
les détentes lorsque les autres dents, dites dents de repos (six
fois plus éloignées du centre de la roue), sont décrochées par
les oscillations du pendule. Toutes choses égales d'ailleurs,
ce décrochement exige donc environ six fois moins de force
que dans les autres échappements, et il se fait sans bruit. Mais,
par contre, il y aurait une chute considérable si l’on n'avait
() Malheureusement une bonne partie de ces régulateurs ne mar-
chaient pas, en sorte qu'il à été impossible de s'assurer des fonctions
de leurs diverses parties.
soin de placer sur l'axe de la roue un volant analogue à celui
des sonneries, ce qui amortit beaucoup le choc.
Plusieurs pièces remarquables montrent que le principe de
DENisoN jouit d'une grande considération de l'autre côté du
détroit, principe qui consiste dans un décrochement très facile
des dents de la roue de repos et dans des impulsions stricte-
ment uniformes et indépendantes du rouage. Le frottement
qu'entraîne ce décrochement est si petit que ses effets sont
inappréciables dans les horloges de grandes dimensions ; à tel
point qu'on peut doubler le poids moteur de ces horloges sans
que l'amplitude de l'oscillation du pendule en soit augmentée
d'une façon sensible. On sait, au contraire, qu'avec un échap-
pement à repos ordinaire, la plus légère différence dans le
poids moteur produit une importante variation dans l'arc
décrit par le pendule.
Afin de réduire encore davantage le frottement lors du
décrochement dans les échappements de gravité, frottement
qui est la seule circonstance dans laquelle les irrégularités
du rouage puissent réagir sur le pendule, le docteur JAMES
CLark a imaginé une disposition extrêmement délicate et qui
se trouve réalisée dans un régulateur qui forme une des pièces
les plus remarquables de l'exposition de MEME. Dent et C",
de Londres.
Voici, aussi brièvement que possible, en quoi consiste l'in-
vention du docteur CLark, représentée pl. I, fig. { et 2 :
La roue d'échappement a six bras rayonnants B B pour les
repos, et trois chevilles c c pour écarter les détentes à poids
ou de gravité D D. Seulement, au lieu de s'effectuer sur les-
dites détentes comme dans l'échappement de DEnisoN, le repos
a lieu sur la surface cylindrique d'un petit rouleau d'acier R,
espèce de détente à pivots munie d’encoches et que le pendule
fait tourner sur son axe à l'aide d’une petite fourchette f qui le
relie à ladite détente. Chaque dent de la roue de repos sé-
journe sur la surface du rouleau R, jusqu'à ce que le mouve-
ment de rotation de ce dernier lui amène une encoche qui lui
UN (0e
livre passage; alors elle échappe, et la roue, tournant d'un
sixième de tour, écarte par une de ses chevilles c l'une des
détentes de gravité qui doit agir sur le pendule, et une autre
dent vient tomber au repos sur le rouleau. Elle y séjourne
jusqu à ce que l'encoche lui permette à son tour de décrocher,
et ainsi de suite. C'est, comme on le voit, la chute des détentes
écartées de leur position d'équilibre qui donne l'impulsion au
pendule et entretient ses oscillations : quant au rouleau, on
peut juger qu'il offre dans ses fonctions beaucoup d'analogie
avec celles du rouleau de l'échappement duplex.
Dans le régulateur de MM. Dexr et Ci°, les proportions de
la roue d'échappement sont telles que la pression des dents de
repos sur la surface du rouleau n'est que le + de l'effort né-
cessaire pour l’écartement des détentes de gravité. D'un autre
côté, si l'on calcule le rapport des forces d'après les leviers
qui les transmettent dans les diverses parties de l’échappe-
ment, on arrive à ce résultat remarquable que la force dépensée
par le pendule pour opérer le dégagement de la roue d’échap-
pement n'est que la + partie de l'impulsion que lui transmet
chaque détente de gravité. MM. Dexr et Cf font en outre
remarquer que cet échappement n'ayant aucune tendance à
filer, n’a pas besoin d'être muni d’un volant, et, par suite, le
poids moteur pouvant être considérablement réduit, les pivots
éprouvent moins de frottement et le rouage se détériore moins
promptement.
Du reste, un régulateur construit d'après les principes ci-
dessus, pour l'observatoire de l'inventeur, a donné une marche
telle, que ce dernier offre actuellement 10,000 francs à l'hor-
loger qui fera un échappement dépassant le sien comme
régularité de marche.
NEME. WW. Bond et fils, de Boston, exposent un régulateur
d'un travail remarquable dans lequel on observe deux pen-
dules : l’un, à oscillations planes avec compensation mercu-
rielle, fonctionne à l’aide d’un échappement spécial; l’autre
— 99 —
exécute des oscillations coniques. Le pendule conique est le
modérateur du rouage, mais il régularise surtout le remontoir
de l'échappement qui anime le pendule à oscillations planes
et qui n'est là que pour donner la seconde exacte.
L'échappement qui agit sur le pendule à secondes et qui est
décroché par le pendule conique est fort ingénieux et bien
exécuté. Il a de l’analogie avec ceux dits de gravité, en ce
qu'une espèce de détente à poids vient donner des impulsions
à la tige du pendule à chaque double oscillation de ce der-
nier ; la détente offre cette particularité qu’elle est écartée
de sa position d'équilibre, en partie par la tige du pendule à la
vibration de retour, et en partie par un excentrique placé sur
l'axe d’une roue qui fait l'office d’un remontoir.
Au reste, tout ce système est appliqué à mettre en mouve-
ment un chronographe pour l'enregistrement électrique des
observations astronomiques. La roue de remontoir dont il
vient d'être question fait un tour sur elle-même par seconde:
en même temps elle rompt le circuit électrique qui anime un
électro-aimant dont l'armature particulière laisse une em-
preinte sur un tambour qui fait un tour en quatre minutes.
D'autre part, il existe sur le circuit un commutateur qui per-
met d'établir ou d'interrompre ce circuit au moment de chaque
observation, ce qui détermine des empreintes correspondautes
sur le tambour, de sorte que le commencement et la fin d’une
observation peuvent être notés à une très petite fraction de
seconde près. En somme le travail général de cette pièce est
bien exécuté, mais on peut à la rigueur lui reprocher certaines
parties un peu grêles. On a paru redouter l'action sympa-
thique des deux pendules, bien que la position relative de ces
pendules et la nature des deux mouvements qui les animent
donnent peu de probabilité à cette action. Le jury a décerné une
médaille d'argent aux auteurs qui sont des horlogers de mérite.
Malgré que la condition sine qua mon pour la parfaite
marche d'un régulateur soit la simplicité du rouage et de
— 100 —
l’échappement, certains constructeurs font bon marché de
cette condition : aussi sommes-nous disposés à douter de la
régularité de leurs horloges. C'est notamment l'opinion que
nous avons du régulateur exposé par M. Seholtz, de Breslau.
Cette pièce, que nous n'avons pas vu marcher, donne l'heure
d'un grand nombre de villes; elle nous inspire des doutes à
cause de son excessive complication, et nous n'en aurions fait
aucune mention si le poids moteur, par sa construction, ne
nous avait paru présenter, sinon quelque chose de bien nou-
veau, du moins une disposition originale.
Ce poids se compose de trois parties cylindriques fixées sur
une même base et dans un même plan. Chacun des cylindres
porte latéralement un cadran et à sa partie supérieure une
poulie. Or, ces trois poulies, considérées par rapport aux tam-
bours correspondants de l'intérieur du rouage, constituent un
système de moufles, et, en pareil cas, on sait que les poulies
d'une même chape tournent avec des vitesses différentes. Dès
lors il est facile de concevoir comment, à l’aide de rochets
établis sur les axes de ces poulies, on peut arriver à faire
marquer sur les trois cadrans les quantièmes, les jours de la
semaine et les mois. C'est donc la descente de tout ce système
formant le poids moteur qui détermine les indications des
cadrans. Le cylindre médian est en outre échancré latérale-
ment à sa partie inférieure d’une ouverture circulaire; dans
celle-ci se meut une petite sphère d'ivoire dont un hémi-
sphère est peint en bleu clair et dont la rotation graduelle est
destinée à figurer les phases de la lune.
Relativement aux poids moteurs des régulateurs, nous signa-
lerons aussi la disposition adoptée par MEME. Bond et fils
dans leur chronographe électrique.
On sait que lorsque l’on veut augmenter la durée de marche
d'une pendule et que la chute du poids moteur manque de
hauteur, on moufle la corde , c'est-à-dire qu'on la fait passer
sur une poulie mobile qui soutient le poids. Cette disposition,
— 101 —
qui double la longueur de la corde et par suite la durée de la
marche, nécessite également la duplication du poids. Mais
cette intervention d’une poulie mobile introduit deux résis-
tances qui nuisent à la constance de la traction motrice : {° la
raideur de la corde qui est augmentée par son ploiement dans
la gorge de la poulie; 2° le frottement de l'axe de cette poulie.
Cette dernière résistance est d'autant plus grande que la vi-
tesse de rotation est plus faible, car elle se compose d'une
suite d'adhérences fort variables. Pour atténuer les deux résis-
tances ci-dessus, on prescrit de faire la poulie aussi grande
et aussi massive que possible, et de n'attacher à la chape
qu'un contre-poids strictement nécessaire pour maintenir le
système dans un plan vertical.
La disposition employée par MM. Box» et fils supprime
totalement la chape et le contre-poids, attendu que leur poids
moteur se compose d'une sphère de bronze dans laquelle est
pratiquée une rainure suivant un grand cercle et dont la pro-
fondeur est environ la moitié du rayon (pl. I, fig. 3). C'est
dans cette rainure, faisant l'office d'une gorge de poulie, que
passe la corde destinée à transmettre au rouage une traction
égale à la moitié du poids de la sphère. Mais comme le centre
de gravité est au centre de figure , la sphère ne peut être en
équilibre stable sur la corde, et, par suite, elle a une tendance
à tomber de côté; il en résulte un frottement latéral sur les
parois de la rainure, mais qui est plus faible que celui qui
aurait lieu sur l'axe d'une poulie tirée par un contre-poids
égal au poids de ladite sphère. Ce système de poids moteur, de
facile construction, est donc avantageux toutes les fois que
l'opération du mouflage est nécessaire.
Les cages dans lesquelles sont installés les régulateurs
varient de forme suivant la provenance. La forme anglaise
est généralement simple et sévère. La cage du régulateur de
NE. Muller, de Berlin, est d'un style religieux. Au reste, la
forme n'a pas d'influence; la seule condition essentielle est
une fermeture hermétique qui élimine la poussière.
— 102 —
M. Tiede, horloger de la cour, à Berlin, expose un pendule
placé dans une cage de verre dans laquelle on peut faire le
vide. Cette disposition à été motivée par les considérations
suivantes :
Les horlogers admettent que les variations dans la pression
de l'atmosphère exercent une influence très marquée sur le
réglage des chronomètres nautiques; mais un grand nombre
admettent aussi que ces mêmes variations ont une influence
insensible sur les oscillations du pendule, bien que BouGuEr
ait affirmé cette influence d’une manière spéciale. Cette cause
de variation n'a jamais cessé de préoccuper les astronomes, et
plusieurs se sont livrés à des recherches très délicates à ce
sujet. C'est ainsi que le D" Rogixsox, à Armagh, a reconnu
qu'une variation de un pouce: anglais dans la hauteur du
baromètre occasionnait une avance ou un retard de 0,24
de seconde sur un pendule à compensation mercurielle.
M. Srauve, à Poulkowa, a trouvé la valeur + 0,32 de se-
conde.
M. Forsrer, directeur de l'observatoire de Berlin, a entre-
pris récemment des recherches sur le même sujet, à l’aide
d'appareils construits par M. Tixpe. De 650 déterminations
du temps donné par une pendule que cet horloger a construite
et qui fonctionne depuis quarante ans d'une manière par-
faite, M. Forster a trouvé que chaque variation de une ligne
de Paris dans la pression atmosphérique occasionnnait une
avance ou un retard de 0,0336 de seconde, ou + 0,0149 se-
condes par millimètre. Désirant contrôler ce résultat par l'ob-
servation de la marche d'un pendule fonctionnant dans le
vide, il demanda à M. Trepe la disposition avec cage de verre
dont nous venons de parler et dans laquelle le mouvement du
pendule, au lieu d’être entretenu par un poids, l’est par un
échappement électro-magnétique. — Or, il résulte d'expé-
riences rigoureusement faites et soigneusement discutées que
le coefficient 0,0149 secondes par millimètre a ramené les
marches à une constance presque parfaite.
— 103 —
I] n'est donc plus permis de négliger l'influence de la pres-
sion atmosphérique sur la marche du pendule, et tout hor-
loger sérieux devra désormais, dans la discussion des varia-
tions de la marche d'un régulateur, tenir un compte précis des
indications de la hauteur barométrique.
M. Tree expose également deux systèmes de pendules
compensateurs (pl. Il, fig. { et 2), mais qui ne sont que des
variations de la disposition indiquée par TrouGxron et dont
la construction se comprend aisément. — Les deux métaux
employés sont l'acier et le zinc. — Si la construction de la
fig. { paraît plus simple, c'est que l’on emploie un tube de
zinc renfermant dans son intérieur une tige d'acier; tandis
que, dans la fig. 2., c'est une tige pleine de zinc AB qui pro-
duit la compensation, ce qui force à disposer les tiges d'acier
en dehors, et pour qu'il y ait symétrie, il en faut une de plus
que dans la fig. 1.
Si l'on prend le rapport des coefficients de dilatation de l'acier
et du zinc égal à 0,368? , le calcul indique que les longueurs
respectives de ces métaux à employer pour un pendule à
secondes doivent être 1,57 et 0.58, à très peu près. — Dans
les pendules de M. Tip, la longueur effective du zinc est
de 0.63. Les ouvertures représentées en v, v’ v”, fig. {, sont
communés au tube de zinc et à la tige d'acier intérieure. L'in-
troduction d'une goupille dans ces ouvertures permet de faire
varier la longueur effective du tube de zinc, faculté toujours
utile par suite de l'incertitude du coefficient de dilatation
linéaire du métal employé. C'est cette incertitude qui explique
pourquoi quelques praticiens sont dans l'habitude d'augmen-
ter de :5 la valeur fournie par le calcul pour la longueur du
métal qui doit produire la compensation.
Dans beaucoup de pendules compensés d’après le système
de GRaHAM, la colonne mercurielle est contenue dans un
cylindre de fer ou d'acier au lieu d’un tube de verre. Si, par
cette substitution, le pendule perd en élégance, il gagne en
— 104 —
qualité, attendu qu'une paroi de verre qui conduit mal la
chaleur retarde dans une certaine limite l'équilibre de tempé-
rature qui produit la compensation , tandis qu'une paroi mé-
tallique favorise cet équilibre.
Ici, nous terminerons ce que nous avions à signaler quant
aux chronomètres fixes exposés ; ils étaient du reste en petit
nombre, attendu que c'est un genre de fabrication très res-
treint, dont l'importance commerciale est insignifiante. La
majeure partie des régulateurs ne marchaient pas lorsque nous
avons visité l'Exposition ; notre appréciation n'est donc que
comparative par approximation. Au surplus, le principal mé-
rite de ces horloges résidant dans une marche parfaite, la
constatation de cette marche était matériellement impossible
par suite des installations provisoires auxquelles on a été
réduit. Il ressort de notre examen qu'aucune idée essentielle-
ment neuve ne se rencontrait dans ce genre d’horlogerie, et
qu’à l'exception des perfectionnements introduits par le doc-
teur CLark dans l'échappement de Dexisox et de ceux signalés
dans le chronographe électrique de MM. Boxp et fils, la plu-
part des autres échappements présentaient de nombreux points .
de ressemblance avec les constructions connues depuis long-
temps.
CHRONOMÈTRES PORTATIFS. — Les chronomètres de
marine représentent le dernier degré de perfection dans cette
branche de l'horlogerie de précision; en raison de leur fré-
quent emploi, ils figurent en assez grande quantité à l'Expo-
sition. — En général, les calibres des chronomètres de marine
offrent des différences sensibles suivant la provenance; mais
c'est dans les dimensions que ces différences sont le plus appa-
rentes. Les chronomètres anglais sont assez uniformes dans
leurs dimensions et leurs calibres ; ils sont généralement plus
volumineux que les chronomètres français. Les premiers frap-
pent par leur nombre et leur exécution pratique, tandis que
LE LS A EEREE
EN
— 105 —
les seconds sont beaucoup moins nombreux, mais ne le cèdent
en rien aux pièces anglaises pour la beauté du travail. On
peut même avancer que les chronomètres français présentent
dans toutes leurs parties plus de fini et accusent plus de dex-
térité dans la main-d'œuvre; mais, par contre, la fabrication
de ces derniers est très inférieure comme nombre à la produc-
tion anglaise. j
Si les chronomètres anglais tiennent le haut du pavé sur
tous les marchés, ce n'est pas qu'ils soient supérieurs aux pro-
duits similaires francais, mais cela est dû à une production
plus abondante, peut-être plus variée et surtout à des prix
de vente plus réduits. La grande extension que nos voisins
ont donnée à la fabrication des chronomètres de marine était
une conséquence en quelque sorte forcée de leurs relations
essentiellement maritimes. — Il est à noter que dans aucun
pays des encouragements aussi nombreux et aussi importants
n'ont été donnés à cette branche de l'industrie horlogère qu’en
Angleterre, et cela notamment dans le temps que la France
était en révolution à l’intérieur ou en guerre presque perma-
nente à l'extérieur. Mais si la fabrication française devint
presque nulle à une certaine époque, elle se releva par l'éner-
gie d'artistes habiles et avec l'appui du gouvernement qui
ouvrit des concours et offrit des primes d'achats pour les chro-
nomètres de bord qui satisferaient à certaines conditions de
marche.
Le prix relativement peu élevé des chronomètres anglais
vient de ce que leur confection est économique par suite de
la division du travail poussée assez loin. — C’est principale-
ment dans Clerkenwell, l’un des quartiers de Londres, qu'on
rencontre la fabrication des chronomètres de bord. Là, des
spécialistes construisent séparément les divers éléments des
chronomètres, comme cela se pratique pour les montres de
poche. Ce mode d’établissage produit nécessairement une ré-
duction notable dans le prix de revient de ces pièces amenées
à un certain degré par des ouvriers ordinaires, mais il exige
8
— 106 —
des horlogers de premier choix pour l'achevage et surtout
pour le réglage. Le talent de ces ouvriers d'élite offre néan-
moins des nuances sensibles, ce qui apporte des différences
assez notables dans la qualité, et, par suite, dans le prix de
vente des chronomètres. C’est ainsi que les plus ordinaires
sont offerts aux prix de 500 à 600 francs, mais les pièces de
choix sont généralement payées de 1,000 à 1,200 francs.
La méthode de la division du travail n'est pas, sous ce
rapport, aussi largement appliquée en France qu'en Angle-
terre; en sorte que, malgré de louables efforts, la production
française est très limitée et n’est évaluée approximativement
qu'au sixième de la production anglaise. Ce serait environ
deux cents chronomètres qui se construiraient annuellement
chez nous, ce qui explique pourquoi tous les ports sont en-
combrés des produits anglais.
Mais, malgré ce chiffre restreint, il est établi que ce n'est
qu'en Angleterre et en France que la fabrication des chrono-
mètres de marine offre de l'importance, et si quelques artistes
des autres nations sont venus à l'Exposition avec des chrono-
mètres, il est facile d'en reconnaître l’origine en ce qui regarde
le gros œuvre; toutefois, quelques-unes de ces pièces pré-
sentent des dispositions partielles souvent ingénieuses et ré-
sultant des études particulières des artistes qui les exposent.
Les horlogers et savants qui ont exposé des chronomètres
de bord, ainsi que des perfectionnements ou des résuliats de
recherches théoriques se rapportant à la même sorte d'horlo-
gerie, sont assez nombreux, et nous avons spécialement re-
marqué :
France. — MM. O. Dumas, ScHaRF, VISsiÈRE, BussaRp,
JacoB, Brecuer, Ropaner, Henri RoBEerT père et fils,
DELÉPINE, RicHarp, Paicreps, Rozé fils, LEcoQ, DESFONTAINES,
CALAME, d.
Pays-Bas. — M. Honwü, à Amsterdam.
Prusse. — M. Trene, à Berlin.
Autriche, — M. WEICHERT.
— 107 —
Suisse. — M. GRaNDJEAN et Cie, du Locle.
Danemark. — MM. WILDSCHJOETZ, JOERGENSEN.
Grande - Bretagne. — MM. Pooze, KULBERG, PARKINSON-
FropsHam, BLAKIE, DENT et Ci®, Ch. FropsHam, MERCER,
SEWILL, WALKER, WHITE...
Avant de signaler les principales innovations que nous
croyons avoir reconnues dans les chronomètres exposés, nous
pensons qu'il est utile de rappeler sommairement le principe
de ces instruments et le but qu'ils doivent atteindre; il sera
alors plus facile d'apprécier la valeur et l'esprit des tentatives
faites pour perfectionner leur marche.
Bien que tous les chronomètres de marine soient essentiel-
lement portatifs, néanmoins l'expérience a fait reconnaître
que leur marche était plus régulière lorsqu'on pouvait leur
assurer une position aussi invariable que possible, d'où la
nécessité de les soustraire aux influences du tangage et du
roulis des navires. A cet effet, tous les chronomètres, soigneu-
sementrenfermés dans une enveloppe de cuivre, sont suspendus
dans une boîte, de facon à être mobile autour de deux axes
rectangulaires entre eux : c’est la suspension de CARDAN.
Cette disposition offre l'avantage que, quelles que soient les
oscillations du navire, le chronomètre conserve toujours une
position sensiblement horizontale.
La force motrice du rouage est un ressort dont les inégalités
de tension sont corrigées par l'emploi d'une fusée, laquelle,
étant bien égalisée, a pour effet de rendre constant le moment
de la force du ressort dans ses divers tours d’armure. La force
motrice d’un chronomètre peut donc être considérée comme
sensiblement uniforme; elle se transmet à l'échappement
par une série de roues dentées et de pignons, dont les dimen-
sions sont généralement suffisantes pour faire disparaître la
plupart des irrégularités qui proviennent de l'emploi de petits .
engrenages.
* L'échappement presque exclusivement adopté est l'échappe-
— 108 —
ment libre inventé par Pierre LEROY, mais avec quelques
modifications qui y ont été apportées ultérieurement par divers
horlogers célèbres, tels que J. Arnozp, F. BerrHoup, EARNs-
HAW, L. BERTHOUD. ...… Le modérateur est un balancier cir-
culaire et le régulateur est un ressort spiral. Ce dernier doit
donc remplir vis-à-vis du balancier exactement le même rôle
que le pensateur par rapport au pendule. Mais si la pesanteur
est constante dans le même lieu, il n’en est pas de même d'un
ressort spiral dont l’isochronisme n'est obtenu que par un
travail long et compliqué, car il constitue l’une des plus
grandes difficultés que les chronomètriers aient à surmonter.
Les échappements des chronomètres exposés varient peu
dans leur disposition; toutefois, la persistante de la détente à
ressort se fait remarquer dans les chronomètres anglais mal-
gré les critiques assez sérieuses dont elle a été l’objet. — Ce-
pendant quelques échappements nouveaux et deux ou trois
échappements connus, mais perfectionnés, sont mis en évi-
dence. Parmi ces échappements, nous ne citerons que celui
de M. C. FropsHam et ceux de M. RicHarp, de Nantes,
comme offrant un certain intérêt.
Le caractère distinctif de l’échappement libre de ME. €.
Frodsham réside dans la forme de la roue d'échappement
qui a deux sortes de dents: les unes destinées à assurer le repos,
les autres à donner les impulsions au balancier. Ces dernières
sont taillées suivant une courbe qui rappelle l’épicycloïde, de
sorte qu'elles agissent sur la levée du plateau à la facon des
dents d’une roue conduisant un pignon. Les dents de repos
font saillie sur le limbe de la roue et sont légèrement plus
éloignées du centre que les dents d’impulsion, mais leur pas-
sage libre est assuré par une entaille convenablement pra-
tiquée dans le plateau. Chaque dent n'ayant qu'une fonction
à remplir par chaque tour de la roue (et c'est le propre de
toutes les roues d'échappement à double denture) , la pointe a
moins à souffrir, et, par suite, elle peut être très délicate.
— 109 —
Néanmoins la roue d'échappement de M. C. FropsHAM nous
paraît offrir de grandes difficultés d'exécution.
M. DL. Richard expose deux échappements. Le premier,
qu'il désigne sous le nom d'échappement libre à détente inde-
pendante brisée et articulée, est représenté pl. III. — Il diffère
de l’échappement à détente à ressort ordinaire, en ce que cette
détente D est interrompue en x et que le décrochement s'opère
par une pièce intermédiaire a, b, sorte de petite détente à
pivot qui se trouve sur son prolongement. Il est facile de saisir
le jeu de cette détente mobile autour du pivot p, pendant la
vibration directe ou rétrograde du balancier.
Une autre particularité de cet échappement, c'est que pen-
dant son repos sur la détente à ressort, la roue d'échappement
agit sur cette détente par étirement et non par refoulement,
comme dans la construction ordinaire. Enfin cet échappement
qui a très peu de chute fonctionne d'une manière très satis-
faisante. ;
Le second échappement de M. L. RicHaRp est représenté
pl. IV. Il est nommé par l'auteur échappement libre excentrique
à ressort et irrenversable. C'est une modification de celui qu'il
avait déjà fait connaître sous le nom d'échappement universel.
Voici en quels termes les fonctions de ce nouvel échappement
sont décrites par l’auteur :
« L'échappement est représenté au moment où la dent D de
» la roue d'échappement est au repos en r sur la pièce circu-
» laire B. Une détente M est fixée à frottement sous la pièce B,
» et l'angle de mouvement de tout ce système est arrêté alter-
nativement par deux plots fendus en tête de vis P P, à
» l'aide desquels on peut limiter les pénétrations sur les deux -
repos r, s, par l'intermédiaire de la goupille g. — Le ressort
» d’ qui est fixé sur la détente M, en m par un petit plot en
carré long, passe librement entre deux petites goupilles ?, 4.
» Quand l’excentrique E, ouvert en o et qui est fixé sur la
» tige du balancier X sous le doigt de levée n, fonctionne
ÿ
ÿ
ÿ
»
»
»
ÿ
— 110 —
dans le sens de la flèche F, D’ entre dans l’entaille 0; ily a
dégagement de D sur r et, par suite, la dent D’ donne l'im-
pulsion à n et, par le fait, au balancier. Lorsque E revient
selon la direction de la flèche F’, d rentre de nouveau dans
l’entaille o et en ressort pour reprendre la position que l’on
voit dans la figure pl. IV. det M sont dégagés de tout contact,
le balancier est complètement libre et la dent D qui s'était
arrêtée sur le repos s en est sortie en faisant une petite
chute. La grande chute a lieu lorsque l’excentrique E revient
dans le sens de la flèche F et qu'une dent tombe sur le doigt
d'’impulsion n.
» Les propriétés que possède mon échappement ont été dé-
clarées impossibles à réaliser par plusieurs de nos grands
auteurs en horlogerie, car il s'agissait de trouver un échap-
pement libre réunissant les qualités suivantes :
» 4° Ayant de la régularité; ?° ne s'arrêtant pas au doigt ;
3° n'occasionnant pas de renversement, quoique le balancier,
par une secousse imprévue, fit plusieurs tours de vibration ;
4° que le balancier ne trouvât aucune résistance pour faire
partir les dents de la roue d'échappement de leur repos; et,
ces conditions sont aujourd'hui réalisées, on le voit, avec
une simplicité extrême, et l'ensemble est d'une exécution
facile. |
» Il m'a été confié un vieux chronomètre de À. BREGUET,
n° 1655, abandonné depuis plus de vingt ans; son échappe-
ment était un échappement à détente à ressort. J'ai ôté cet
échappement sans rien déplanter, ni rien détériorer, et je
l'ai remplacé par le mien. — Les plus grandes variations de
mon échappement, qui a été suivi par M. HueTTE, à l'ob-
servatoire de Nantes, ont été, en seize mois, d'une demi-
seconde d'avance. D’après ce résultat, je crois mon œuvre
complète. »
Un examen minutieux des produits exposés révèle moins
de recherches sur les échappements que sur les moyens d'as-
TV Er
LHNERES NA.
— 111 —
surer le réglage parfait de la marche des chronomètres. La
raison en est que les échappements libres, tels qu'on les cons-
truit actuellement, ont des fonctions très précises et qui laissent
fort peu de chose à désirer pour être parfaites; mais il n'en est
pas de même des procédés employés pour obtenir une marche
uniforme, marche qui dépend essentiellement du modérateur
et du régulateur, c'est-à-dire du balancier et du spiral.
Généralement les balanciers des chronomètres de bord
battent 14,400 vibrations par heure, soit 4 vibrations par
seconde. Or, pour montrer combien l'isochronisme de ces
vibrations est difficile à obtenir, nous allons indiquer succinc-
tement de quoi il dépend.
Il résulte d’un travail remarquable de M. Puizrprs, ingé-
nieur en chef des mines, que la durée d’une vibration est
donnée par la formule
r=n(/s +
M
dans laquelle T est la durée de la vibration exprimée en
secondes, I le rapport approché de la circonférence au dia-
mètre, À le moment d'inertie du balancier, L la longueur
développée du spiral, et M le moment d'élasticité du spiral.
Cette formule indique les conditions de l'isochronisme,
puisqu'elle montre que la durée de la vibration est indépen-
dante de l'amplitude. Mais pour que cette durée soit constante,
il faut que les trois quantités situées sous le radical soient
invariables, où que, par un système de compensations réci-
proques, elles donnent une valeur totale constante; compensa-
tions sur lesquelles il ne faut jamais compter, attendu :
1° Que le moment d'inertie du balancier étant le produit de
sa masse (supposée entièrement dans la serge) par le carré du
rayon moyen, ce rayon sera nécessairement variable par les
changements de température, d'où la nécessité de compenser
le balancier : or, nous verrons bientôt que cette compensation
— 112 —
offre de très grandes difficultés et ne peut être réalisée d’une
manière absolue ;
20 Que la longueur développée du spiral est une quantité
essentiellement variable par les changements de température;
3° Qu'enfin le moment d'élasticité du spiral, qui dépend de
ses dimensions et de son état moléculaire, éprouve aussi des
modifications par les mêmes variations de température. On
voit donc que l'invariabilité individuelle des quantités À, L, M
est impossible dans les conditions atmosphériques, et que leur
compensation réciproque est, dans tous les cas, fort problé-
matique.
BALANCIERS COMPENSATEURS, — Chacun connaît le
système du balancier compensateur circulaire; c'est en réalité
la construction la plus simple et la plus symétrique. Mais il
est actuellement bien reconnu que cette construction est insuf-
fisante, car la marche d'un chronomètre parfaitement réglée
aux températures moyennes n'est plus la même aux tempé-
ratures extrêmes. Çet effet est le résultat, tantôt d'une insuf-
fisance, tantôt d'un excès de compensation, suivant la position
des masses réglantes. — Pour corriger l'insuffisance de la
compensation, on a imaginé des systèmes variés de compen-
sation auxiliaire qui intervient alors que l'effet principal
devient nul; tandis que, pour atténuer l'excès, on emploie des
modérateurs ou dispositions qui ont pour effet de déplacer les
centres de mouvement des lames bimétalliques, afin de res-
treindre leurs excursions dans certaines proportions.
C'est à réaliser ces deux effets que tendent les nombreux
spécimens de balanciers compensateurs exposés; mais plu-
sieurs des dispositions adoptées, bien qu’ingénieuses, offrent,
par contre, de grandes difficultés d'exécution; et quant à la
régularité de leurs effets, il est assez difficile de se prononcer,
car les applications en sont trop récentes, les observations peu
nombreuses et partant-peu concluantes. Néanmoins nous
allons faire connaître quelques constructions imaginées par
— 113 —
divers artistes de mérite, dans le but de résoudre cette partie
importante du problème de l’isochronisme des vibrations.
Balaneiers Jacob. — Cet horloger construit deux sortes
de balanciers compensateurs pour corriger l'excès ou l'insuffi-
sance de la compensation aux températures extrêmes. Dans
l'un, représenté pl. V, fig. 1, les variations aux températures
extrêmes inférieures sont corrigées par une disposition qui
permet de déplacer les centres de mouvement des lames bi-
métalliques. À cet effet, une barette additionnelle B, B, mo-
bile autour du centre du balancier, est creusée de manière à
pouvoir comprendre ce dernier en ses extrémités relevées à
angle droit. — Ces extrémités portent deux vis v, v, contre
lesquelles viennent toucher les arcs bimétalliques lors des
abaissements de température. On conçoit facilement que la
position de ces vis, résultant des dépläcements facultatifs de
la barette, change le centre de mouvement des arcs bimétal-
liques de manière à limiter convenablement l'écart des masses
réglantes à la température extrême inférieure qui a été fixée,
et par conséquent à annuler l'excès de compensation qui pour-
rait se produire à cette température.
Daus l’autre balancier, représenté pl. V, fig. ?, les irrégula-
rités de la compensation sont corrigées par un Ccompensateur
auxiliaire qui consiste dans un petit balancier à lames bimé-
talliques, placé concentriquement à l’intérieur du balancier
principal. Deux vis d'arrêt v, v’, placées sur la barette du
grand balancier, servent à limiter les mouvements des lames
bimétalliques du petit balancier. — Les choses étant ainsi
disposées, on conçoit qu'en déplaçant les vis v, v’ graduelle-
ment, et en faisant tourner dans son plan ce petit balancier,
on pourra lui donner une position telle que ses effets seront
nuls au-dessous d'une certaine température, tandis qu'ils
seront efficaces pour des températures supérieures et dans
lesquelles l'insuffisance du compensateur principal commence
— 114 —
à se manifester, dès lors on entrevoit comment le compensa-
teur auxiliaire peut corriger cette insuffisance.
Les deux constructions ci-dessus, très judicieusement con-
cues, ont besoin de la sanction de l'expérience pour bien
mettre en évidence leurs qualités et affirmer la régularité de
leurs fonctions.
Balancier Rodanet (pl. VI, fig. 1). — En 1855, M. Ro-
DANET père, à l’aide d’un appareil fort ingénieux, a mis en
évidence ce fait, que dans le balancier circulaire à lames
bimétalliques le mouvement des masses réglantes était recti-
ligne, mais qu'il avait lieu suivant des droites qui ne visaient
pas le centre du balancier; de plus, comme il a également
constaté que les déplacements des masses sur ces droites sont
sensiblement proportionnels aux variations de la température,
on comprend aisément les retards observés aux limites extré-
mes de température lorsque le réglage a été réalisé pour une
température moyenne. Aussi M. Ropaner a-t-il déduit cette
conclusion que l’uniformité de la compensation ne sera obte-
nue qu'autant que les déplacements des masses se feront
suivant des rayons du balancier. Or, il résulte des faits pré-
cédents que ce mouvement est incompatible avec la forme
circulaire donnée habituellement aux lames bimétalliques.
C'est d'après ces considérations que M. RODANET a construit
le balancier ayant la forme de la fig. 1, pl. VI; balancier dans
lequel les déplacements des masses se font réellement vers le
centre. L'application de ce balancier à un chronomètre a
donné à son auteur des résultats assez satisfaisants, mais il
reconnait lui-même que les expériences ne sont pas assez
nombreuses pour être décisives.
Balancier Hohwü,. — Les erreurs de la compensation
aux extrêmes de température sont corrigées dans le balancier
How, par un compensateur auxiliaire placé au-dessus des
ares bimétalliques ordinaires et qui est formé par des lames
PE
également bimétalliques, mais beaucoup plus minces que
celles du compensateur principal et par conséquent plus sen-
sibles.
Ce balancier, dont la fig. 2, pl. VI représente la disposition
générale, ayant été adapté à un chronomètre, a fourni à l’au-
teur les résultats les plus satisfaisants.
Ainsi, ce même chronomètre, avec compensateur ordinaire,
qui fournissait la marche suivante :
+ 5°, 59 centigrades . . . . . . . . — 3, { secondes.
1004 TT, O'CeDteTades it ME l'E
JO cénHerAdes: FUN FUN ME ..— 3,0 —
une fois muni d'une compensation auxiliaire, a donné :
1°, 11 centigrades . . . . . . . — 6, 61 secondes.
sf Cr pr) — SP ERE RE CSOREES
DA NRR _ ER 6,58 0
Les résultats remarquables fournis par des chronomètres
de M. Honwÿ, après 25 ans de marche sous diverses latitudes,
ne laissent plus de doute sur les précieux effets d’une compen-
sation additionnelle. — Les certificats des officiers de la
marine hollandaise, qui ont eu occasion de suivre la marche
des chronomètres Hoawü, en sont un témoignage irrécusable.
Balaneier Dent et C°. — C'est surtout en Angleterre
que la question des balanciers compensateurs a été étudiée
avec persévérance : aussi les chronomètres anglais sont-ils
accompagnés de nombreux spécimens de balanciers com-
pensés dont les combinaisons, très rationnelles en- théorie,
n'ont probablement pas encore été justifiées par l'expérience,
-et cest malheureusement ce qui arrive trop souvent dans
cette importante question. Tous les horlogers connaissent les
combinaisons fort ingénieuses des balanciers HarTNuPr et
KüLBERG, mais dont les prévisions n'ont pas été justifiées dans
l'application. On peut donc dire que les recherches sur la
— 116 —
question des balanciers compensateurs sont toujours à l'ordre |
du jour, et ilest bien intéressant de voir avec quelle ardeur et
quelle persistance nos voisins ne cessent d'étudier les diverses
phases du problème.
Ce problème est-il résolu ? Le grand nombre de solutions
qu'ils en donnent est bien de nature à faire douter. — Quoi
qu'il en soit, nous croyons utile de décrire la construction du
balancier DEXT, à cause de sa simplicité.
Dans ce balancier {planche VI, fig. 3), l'excès de compen-
sation aux températures inférieures est modéré par l’action
de deux ressorts rectilignes 7, r, dont les extrémités e, e’, en
agissant sur une goupille implantée sur les arcs bimétalliques,
restreignent la trop grande expansion de ces derniers, de
manière à rendre constant le moment d'inértie du balancier
qui tend à augmenter aux basses températures. Les ressorts
modérateurs v, v sont fixés à une barette additionnelle b, b,
vissée sur la barette principale de facon à donner à ces ressorts
upe grande élasticité et surtout une longueur suffisante, afin
de diminuer l'influence de leur frottement sur les goupilles.
On peu’ augmenter ou diminuer la tension des ressorts en
tournant les têtes de vis excentriques v, v, qui agissent sur un
bras de levier faisant corps avec chaque ressort.
Il résulte d'une brochure publiée par MM. T. Denr et Cf,
qu'un balancier construit comme ci-dessus, et appliqué à un
chronomètre, fit sortir ce dernier, en 1866, avec le n° 4 dans le
concours ouvert annuellement à l'observatoire de Greenwich :
il fut acheté à un prix honorifique-par le gouvernement an-
glais sur le rapport de l'astronome royal.
Balancier John Poole, — Ce balancier (pl. VIF, fig. 1)
offre une grande analogie avec un des balanciers JAcoB, c'est-
à-dire que les erreurs de compensation y sont aussi corrigées
par le déplacement des centres de mouvement des arcs bimé-
talliques. Mais ce changement, au lieu d'être produit par les
mouvements d'une barette auxiliaire comme dans le balancier
— 117 —
JAcoB, est obtenu par des vis v, v’, que l'on déplace sur une
pièce fixe disposée concentriquement à l'extérieur des arcs
bimétalliques et seulement sur une partie de leur longueur.
Or, cette disposition nous paraît moins avantageuse que la
construction JAcoB, attendu que le déplacement des vis n'offre
pas le moyen de procéder aussi graduellement qu'avec une
barette mobile.
Disons en outre qu'il y a déjà plusieurs années que
M. WinnerL a appliqué à un chronomètre que possède l'Ecole
polytechnique une disposition analogue à celle de M. Pooze.
La seule différence consiste en ce que les pièces additionnelles
qui portent les vis, au lieu d’être rigides comme dans le ba-
lancier anglais, sont amincies sur une partie de leur longueur,
de façon à offrir-une certaine flexibilité. Cette simple remarque
suffit pour constater que la disposition exposée par M. Pooze
n'est pas nouvelle.
Balanciers Ch. Frodshaim, — De tous les exposants
anglais, c’est M. Cn. Fropsaam qui exhibe le plus grand
nombre de balanciers compensateurs. Ses compensations
additionnelles sont tantôt rectilignes, tantôt curvilignes. — La
fig. 2, pl. VII, représente une des formes les plus simples des
spécimens visibles dans la vitrine de cet horloger de talent.
La construction et les fonctions se comprennent aisément. Le
cadre forcément restreint de ce rapport ne nous permet pas de
donner la description de tous ces spécimens, dont quelques-
uns sont assez compliqués. D'ailleurs, M. Cx. Fropsxan se
propose de faire une publication spéciale sur ce sujet; en
même temps il consignera les résultats fournis par l'expéri-
mentation de chaque système compensateur.
Dans tous les balanciers compensés que nous venons de
citer et dans tous ceux appliqués dans les chronomètres
exposés, les lames bimétalliques sont formées d'acier et de
laiton, ce dernier métal ayant habituellement une épaisseur
— 118 —
double de celle de l'acier lorsque le balancier est entièrement
terminé. Quelques constructeurs donnent à l’acier une épais-
seur égale aux $ de l'épaisseur totale de la lame bimétallique.
Le laiton est généralement soudé à l'acier à une haute tem-
pérature par voie de fusion, en sorte que les deux métaux
revenus à la température ordinaire se trouvent dans des condi-
tions anormales qui donnent lieu à des crises (suivant l’expres-
sion d’un officier de marine ), c’est-à-dire à des perturbations
qui ont fait supposer qu'il se faisait ultérieurement un travail
moléculaire plus ou moins prolongé et qui modifiait à la longue
la compensation obtenue primitivement. Aussi quelques bons
esprits ont songé à opérer la soudure des lames à la tempéra-
ture ordinaire, en déposant sur la lame d'acier une couche de
cuivre ou d'argent par voie électro-chimique. C’est notamment
ce qu'a exécuté M. Lecoo, exposant français qui a construit
des balanciers formés d'acier et d’une couche d’argent déposée
par la pile, et dans lesquels la compensation se fait d’une façon
très régulière. Un compteur muni d'un balancier de cette
nature lui a été acheté par le gouvernement français.
Par ce qui vient d'être rapporté sur les balanciers compen-
sateurs, il est évident que l’invariabilité du moment d'inertie
n'est pas encore obtenue d’une manière parfaite, et que cette
question ne doit pas cesser d’exciter la sagacité des artistes. Il
faut reconnaître toutefois que les horlogers anglais sont ceux
qui ont fait le plus de recherches et de tentatives pour résoudre
cette importante partie de l’isochronisme.
ISOCHRONISME DU SPIRAL, — L'application du spiral au
balancier circulaire est due à Huyenens; mais, depuis cette
heureuse addition, on en a beaucoup modifié la forme et la
construction : toutefois dans la pratique on se borne aujoutr-
d'hui au spiral plat et au spiral cylindrique ou à boudin.
C'est ce dernier, que l’on croit avoir été employé pour la pre-
mière fois par HarrissoN, qui est presque exclusivement
adopté dans les chronomètres de marine.
Ne +
Le,
— 119 —
Si nous supposons que, dans la formule précédemment citée,
le terme A est rendu constant par la compensation rigoureuse
du balancier, l’isochronisme du spiral appliqué à ce balancier
serait obtenue toutes les fois que la quantité + serait inva-
riable. Mais, comme nous l'avons déjà dit, L qui représente la
longueur développée du spiral, est nécessairement affecté par
les changements de température, de même que ces change-
ments modifient aussi la valeur de M ou le moment d'élasticité
du spiral, quantité dans le calcul de laquelle entre le coeffi-
cient d’élasticité. Sans doute les modifications causées par les
variations de température sur les deux quantités L et M sont
infiniment petites; mais puisque l'erreur causée peut être
répétée 345,600 fois dans un jour, il n’est pas étonnant qu'elle
se traduise quelquefois par une avance ou un retard de
quelques secondes.
Pierre Leroy a posé en règle que l'isochronisme des vibra-
tions est obtenu par une certaine longueur de lame du spiral,
mais on vient de voir que cette règle n’est qu'approximative.
D'un autre côté, le spiral cylindrique est fixé, comme on sait,
par une de ses extrémités à la virole, et par l’autre à un piton
fixe. Déjà l'expérience avait appris que pour obtenir un iso-
chronisme plus parfait ces extrémités devaient être ramenées
vers l'axe du balancier à l’aide de courbures partant des spires
cylindriques; mais, faute d’avoir été déterminées mathémati-
quement, ces courbures s'obtenaient plus ou moins correcte-
ment et toujours à la suite de tâtonnements plus ou moins
longs, suivant l'habileté des artistes.
Dans un savant mémoire sur la théorie du spiral réglant
des chronomètres et des montres, M. Puizrrps a fixé les
conditions géométriques que devaient réaliser les courbes
extrêmes qui terminent un spiral, afin que ce dernier réu-
nisse les trois propriétés suivantes :
1° Que le centre de gravité du spiral entier soit sur l'axe
du balancier ;
— 120 —
2° Que le spiral, dans ses déformations, reste toujours bien
cylindrique et concentrique ;
3° Que le balancier n'’exerce dans le jeu du spiral aucune
pression latérale contre ses pivots.
M. Puizrpps fait toutefois observer que si le calcul met bien
en évidence cette manière d'atteindre l’isochronisme , il n’in-
dique pas qu'il n'y en aurait pas d'autre. Le mémoire de ce
savant contient plusieurs exemples de courbes extrêmes satis-
faisant aux conditions précédentes, et il est assez remarquable
que le même type de courbe les réunit toutes les trois.
Les courbes terminales de M. Puizrpps jouissent de la
propriété d'annuler les effets de la température, c'est-à-dire
que les extrémités du spiral n’exercent aucun effort contre
l'axe, attendu que si l’un des bouts était fixe comme d'habi-
tude et l’autre libre, celui-ci viendrait de lui-même remplir les
conditions de position et d’inclinaison qui lui sont assignées,
malgré les variations de la température. Ces variations ne
modifient pas non plus la condition relative au centre de
gravité.
M. Rozé fils expose : {° un appareil très délicatement
construit pour montrer les propriétés ci-dessus ; 2° une dis-
position pour vérifier la loi de la proportionnalité de la durée
de vibration avec la racine carrée de la longueur du spiral.
Depuis la publication des travaux de M. Puizrers, un assez
grand nombre de chronomètres ont été construits d’après les
principes théoriques qui y sont consignés.-— Le spiral plat a
également fixé l'attention de cet ingénieur qui a constaté par
le calcul, conformément à l'expérience, que cette forme ne se
prête qu'à un isochronisme relatif. Il reconnaît qu'on améliore
beaucoup les qualités du spiral plat en ramenant le bout exté-
rieur vers le centre (spiral Breguet), mais il convient de faire
le raccord par une courbe constituant l’un des types qu'il a
donnés.
Nous ne saurions trop recommander aux horlogers l'étude
des travaux de M. Puaicrrps sur le spiral réglant des chrono-
— 121 —
mètres et des montres. D'ailleurs, pour mettre cette étude à la
portée d’un plus grand nombre, l'auteur a rédigé un petit
manuel pratique où les principales propriétés que nous
venons de rappeler sont démontrées d’une facon très élé-
mentaire.
Spiraux d’'Hammersley. — Les horlogers anglais ne
paraissent pas beaucoup goûter les propriétés des courbes
terminales théoriques dont il vient d'être fait mention. Ils
accusent une certaine préférence pour l'emploi de la forme
du spiral tria in uno d'Hammerszey. Ce spiral (pl. VIT, fig. 3) a
le corps principal en forme de cylindre, avec ses extrémités
ramenées vers l'axe en spires analogues au spiral plat : c'est
la combinaison d'un spiral cylindrique ordinaire avec deux
spiraux plats qui lui servent de bases. Suivant les adeptes de
cette forme du spiral, il résulterait une répartition plus
uniforme du mouvement des diverses spires. On avance aussi
que les extrémités se trouvant graduellement et par construc-
tion normale ramenées vers le centre, elles peuvent être
utilisées telles quelles, sans avoir à subir de courbures ulté-
rieurement à la trempe et au recuit : d'où il suivrait que l'ac-
célération des premiers temps de marche, attribuée au travail
moléculaire des spiraux ainsi façonnés après coup, serait
amoindrie et peut-être annulée.
Dans les chronomètres de MM. Dent, Wire, et Ch.
FropsHam, on rencontre des applications des spiraux tria in
uno et duo in uno, ce dernier n'étant terminé qu'à une de ses
extrémités seulement par un spiral plat. M. Ch. FropsHam à
même essayé de se passer entièrement des courbes terminales,
en se servant d'un spiral plat dont le bout extérieur est fixé à un
piton flexible. Cette disposition, qui paraît avoir réussi dans
les chronomètres, pourrait sans aucun doute trouver son appli-
cation dans les montres ; cela éviterait les courbures faites à
la pince.
— 122 —
Spiral Jules Calame. — M. Jules CALaME, horloger
français, expose un spiral de sa construction et destiné à
rendre invariable la position de repos de l’'échappement. L'au-
teur part de cette idée que les variations de température non-
seulement allongent ou raccourcissent le spiral cylindrique
suivant sa longueur, mais encore déterminent une extension
ou une contraction dans le sens de la hauteur. Il en résulte-
rait suivant lui une petite rotation de l'axe du balancier qui
déplace l'action de la force impulsive dans l'arc de vibration,
en sorte que l'impulsion n'a pas toujours lieu dans les mêmes
conditions de tension du spiral.
Pour éviter ou annuler les effets ci-dessus, M. CALAME
forme son spiral (pl. VIL, fig. 4) de deux hélices, l’une dextror-
sum, l'autre sinistrorsum, réunies à la partie médiane par un
point de rebroussement x. Cette partie médiane et Les deux
extrémités libres sont cintrées selon les prescriptions de
M. Puizrpps. Cette forme offrirait, suivant l'auteur, cet avan-
tage que si les deux extrémités du spiral étaient fixes, par
exemple, et s'il survenait un allongement ou une contraction
de la lame, cela déterminerait un déplacement du point de
rebroussement sans aucune action rotative de l'axe, fait que
nous n'avons pu vérifier. Ce résultat d'ailleurs ne serait pas
d'une grande importance, puisque nous avons vu que les
courbes terminales de M. Puizrprs annulent les effets des
variations de la température. Mais, en admettant que le spiral
CALAME corrige les effets signalés par son-auteur, il jouirait
en outre de la propriété de travailler d’une façon très uniforme,
parce que dans chaque vibration il y a la moitié des spires
qui se contractent, tandis que dans l'autre moitié elles se
dilatent. Or, M. Paizrpps a également démontré par le calcul
que la diminution du rayon d'un spiral quand il se referme
est moindre que son augmentation quand il s'ouvre; il en
résulte que, dans le spiral à deux hélices, le travail de la lame
serait sensiblement constant pour chaque vibration. M. CALAME
— 123 —
nous a aussi présenté un spiral plat disposé pour satisfaire
aux mêmes conditions.
Nous avons dit précédemment que ce n'était qu'en Angle-
terre et en France que la fabrication des chronomètres nau-
tiques avait quelque importance. C'est grâce aux établissements
de roulants de Saint-Nicolas d’Aliermont que cette fabrication
s'est relevée dans notre pays; et si ses débouchés sont encore
très restreints, il faut reconnaître que les chronomètres fran-
çais marchent de pair avec les produits anglais : c'est du reste
ce que l'Exposition de 1867 met parfaitement en évidence.
En général, les chronomètres anglais sont renfermés dans
des boîtes ou étuis très confortables; maïs la surface des pièces
du mécanisme intérieur porte un adouci miroitant, souvent
désagréable et qui gêne l'appréciation des différents organes.
On s'étonne aussi de voir un grand nombre de pièces en
acier recuites au bleu, ce qui donne à l’ensemble un aspect
d'infériorité. Dans les chronomètres français ces détails sont
plus soignés.
Malgré de louables tentatives faites par M. Henri ROBERT
pour remplacer la fusée par le barillet denté, et malgré les
résultats satisfaisants obtenus, la fusée continue à être exclu-
sivement appliquée, malgré ses inconvénients. Il serait juste
d'encourager des travaux entrepris en vue de la suppression
de la fusée dont les fonctions sont loin d’être constantes et
dont la nécessité n’est pas rigoureusement démontrée, attendu
que si l’isochronisme a pour but de se rendre indépendant de
l'amplitude des arcs, il n'implique pas l’uniformité absolue
de la force motrice.
Si nous nous sommes étendus un peu longuement sur les
produits de l'horlogerie de précision, c'est afin de bien cons-
tater l’état de l’art dans cette partie de l’industrie horlogère,
_partie dont tout le mérite consiste dans une valeur scientifique
très grande comme division parfaite du temps. Une régularité
| — 124 —
de marche irréprochable résultant d’un réglage savamment
conçu , tel est le but de l'horlogerie de précision, but très
difficile à atteindre comme on vient de le voir : donc les efforts
des concurrents ne peuvent être sérieusement contrôlés et
appréciés que par les Observatoires et le Dépôt de la marine ;
et il est de toute évidence que c'est de ces établissements que
devraient partir les récompenses, puisque toute l'importance
de l'horlogerie de précision réside dans l'application scienti-
fique qui en est faite par eux.
Industriellement parlant, l'horlogerie de précision nautique
n’a aucune importance en France, puisque sa production an-
nuelle peut s’évaluer, suivant M. Saunier , à 200,000 francs,
soit à peu près la valeur de 200 chronomètres. Dès lors, c'est
la régularité de marche de ces instruments scientifiquement
constatée qui devrait être hautement proclamée et récom-
pensée, et la seule base d'appréciation sont les notes du Dépôt
de la marine.
Si l’on résume ces notes pour les chronomètres présentés
au concours par les artistes français pendant une certaine
période, on a le tableau suivant :
LL
Chronomètres présentés au Concours du Dépôt de la Marine
impériale, de mars 1858 au 1° juin 1867.
; TOTAL
NOMS Jusqu'à Au-delà des
D Dale ad Hess | 4 De CHRONO-
DES ARTISTES. ge 5. de 5”, MÈTRES |,
présentés.
BREGUET ..……. 2 17 44 38 o 173 |
Leroy, Th.. 15 24 32 62 139
12 37 97 48 | 128
(ep)
BERTHOUD
SCHARE..... 0
© D D =
(De ( cz)
©: 00 "Or
LS OR |
+9
(SE)
=
2
+
Cu
F2
[æ!
©
œ
OO À
>
im ©
he
ES
—
©
O2
1
©
Ë Dumas , O.. 14 15 57 53 81 220
Pour l'intelligence de ce tableau , nous dirons que les chro-
nomètres achetés pour le service de la marine de l'Etat sont
observés au Dépôt durant un intervalle de trois mois à la tem-
pérature ambiante et à des températures artificielles de cinq
à trente degrés.
Chaque chronomètre n'est déclaré admissible qu'autant
que le plus grand écart des marches à la température am-
biante, ajouté au plus grand écart des marches aux tempé-
ratures artificielles, ne dépasse pas trois secondes.
Celui qui a le mieux marché dans le cours d'une année
— 126 —
recoit une prime de 1,200 fr., pourvu que son écart ne dépasse
pas deux secondes et demie.
Les chronomètres de la première colonne de chiffres sont
dans les conditions exceptionnelles de la prime. Pour le clas-
sement général, ceux des première et deuxième colonnes
sont notés comme très bons, troisième colonne satisfaisants ,
quatrième médiocres, etc.
Or, la discussion du tableau ci-dessus offre tout d'abord ces
deux résultats : {° que pendant une période de neuf années
environ, il a été présenté au concours 977 chronomètres , soit
100 chronomètres par an en moyenne; ?° que sur ces 977
chronomètres, 117 ont été jugés admissibles, c'est-à-dire
12 p. 0/0 des pièces présentées.
Le tableau précédent peut servir à faire apprécier le mérite
relatif des concurrents, et cela de deux manières : ou en
envisageant le nombre brut des chronomètres déclarés admis-
sibles pour chacun, ou bien en comparant ce nombre avec le
chiffre total des pièces présentées au concours par chaque
concurrent pendant le même laps de temps. Cette dernière
méthode serait à notre avis la plus concluante, car elle met-
trait mieux en relief le talent de chaque artiste; et, par suite,
devrait être reconnu le plus méritant celui qui, à nombre
égal de chronomètres présentés au concours dans le même
temps, en aurait le plus de déclarés admissibles.
En combinant de cette facon les chiffres contenus dans le
tableau précédent, on a le classement suivant :
— 127 —
TOTAL RAPPORT
des des
NOMS DES ARTISTES. Jusqu'à 3”.| cnrono- | CHRONOMÈTRES ADMISSIBLES
MÈTRES à ceux
présentés. présentés au concours.
Jicon.. .%../ ne EN CT 0,162
RODANEr eurent UR 6 39 0,154
PRO TL aUre 21 139 0,151
NVINNERE Lo 2». 2 9 66 0,136
Dumas ONCE. 29 220 0,130
NS ere 16 128 0,125
ÉPRACOUE D RE MNN ANU JA 19 173 0,110
DORE Mer «Te ue à 4 42 0,095
BERDAOÉD 2,00 3 43 0,070
Broad ani: | Afrils te 84 0,045
PMBOIS A Ne PAU, 0 6 (p)
Il est incontestable que ce tableau établit les titres relatifs
des artistes près du Dépôt de la marine impériale pour la
période de neuf années consécutives sus-mentionnée. Or, si
l'on avait adopté ce mode d'appréciation pour la répartition des
récompenses revenant à ce genre d’horlogerie (et c'est le seul
mode équitable en raison du but poursuivi), nous n’aurions
pas l'exemple de ce qui est arrivé en 1867, puisque MM. Du-
MAS, SCHARF, VISSIÈRE ont obtenu chacun une médaille d'or,
tandis que MM. Jacog et Th. Leroy n'ont eu qu’une médaille
d'argent. Faut-il ajouter encore que M. Théodore Leroy n’a
concouru que depuis la fin de 1861, et que depuis cette époque
trois de ses chrononomètres ont été primés et que six se sont
trouvés dans les conditions exceptionnelles de la prime (pre-
mier tableau). Assurément de tels succès méritaient mieux
— 128 —
qu'une médaille d'argent, et ils prouvent surabondamment
l'incompétence des jurys des expositions industrielles pour
apprécier à sa juste valeur l'horlogerie de précision.
Si les chronomètres de bord sont jugés comme produits
manufacturiers, ils se présentent dans les conditions les plus
défavorables, car ils ne peuvent sérieusement entrer en ligne
de compte avec les produits de l'horlogerie civile. Le mérite de
l'horlogerie civile résidant exclusivement dans les progrès et
le bon marché relatif des produits, cette horlogerie offre par
conséquent un caractère essentiellement industriel, et partant
c'est au jury des expositions qu'il appartient d'en faire l'ap-
préciation. Aussi sommes-nous de l'avis des personnes qui
pensent que c’est à tort que l'on persiste à considérer l'hor-
logerie de précision comme étant la tête de colonne de l'in-
dustrie horlogère, attendu que les moyens de réalisation sont
totalement différents dans ces deux ordres de productions. Les
améliorations accomplies, les progrès obtenus, les perfection-
nements apportés successivement dans les moyens de produc-
tion de l'horlogerie civile ont eu lieu en dehors de l’action de
l'horlogerie de précision qui, en réalité, ne peut exercer aucune
influence, commercialement parlant. En effet, quelle influence
commerciale peut exercer une fabrication annuelle de 200,000 f,
environ sur une production de 40 millions ?
Donc, au point de vue scientifique, l'horlogerie de précision
a droit à des récompenses exceptionnelles, mais qui ne doivent
en aucune facon usurper ou restreindre celles qui reviennent
aussi de droit à la catégorie des produits qui constituent une
branche importante de l’industrie nationale, c'est-à-dire l'in-
dustrie horlogère proprement dite, industrie qui fait la richesse
de plusieurs centres de population et procure le salaire d'un
grand nombre d'artisans.
— 129 —
HORLOGERIE CIVILE.
HORLOGES MONUMENTALES, — L'horlogerie monumen-
tale française n'a pu être installée dans la partie réservée à
la classe 23, faute d'espace. Cette fâcheuse circonstance a
motivé l'abstention d'un grand nombre de constructeurs et
déterminé la dissémination des œuvres de ceux portés de
bonne volonté. — Aïnsi, on est obligé, pour étudier cette
branche d'horlogerie, de parcourir plusieurs galeries où quel-
ques pièces remarquables ont été reléguées forcément.
Les constructeurs qui ont exposé de l'horlogerie monumen-
tale sont :
France. — MM. Derouce, Coin, Henri LEPAUTE, Paul
GARNIER, BORREL, BEIGNET, FARcoT.
Etats-Unis. — M. Stanislas FOURNIER.
Grande-Bretagne. — MM. Dexr et Ci°, J.-W. BENSox.
2
M. DBetoueche. — M. Deroucxe expose une belle horloge
que l’on remarque à gauche de l'entrée principale donnant
accès dans le grand vestibule. — Montée sur un châssis d'une
facon originale, disposée de facon à mettre en pleine évidence
le mouvement principal, tandis que les rouages des sonneries
des quarts et des heures sont établis en contre-bas dans un
plan notablement inférieur , cette horloge est d’un fini d’exé-
cution irréprochable, mais sans aucune innovation sérieuse
des principales fonctions; et même les horlogers n’ont pas été
peu surpris, au début de l'Exposition, de la voir pourvue d’un
remontoir d'égalité fonctionnant ayec.des vis sans fin. I] faut
croire que l’on a tenu compte de la critique qui s’est exercée sur
cette combinaison peu rationnelle, car celle-ci n'a pas tardé à
être remplacée par une transmission de mouvement plus ad-
missible. On peut aussi critiquer le système de compensation
du pendule qui est à leviers. Si cette disposition a pour effet de
— 130 —
diminuer le nombre des tiges, elle introduit des articulations
qui sont autant de causes d'erreurs dont nous parlerons plus
loin. Du reste, cette horloge est d'un bel aspect, maïs sa con-
ception n'est pas de nature à rien ajouter à la réputation qu'a
su acquérir M. DETOUCHE.
Dans la même vitrine, on remarque diverses petites horloges
à poids, ou électriques, mais qui rentrent dans une catégorie
de produits dont nous parlerons plus tard; nous les étudie-
rons en même temps que quelques autres pièces d’horlogerie
que le même exposant possède dans une autre vitrine de la
classe 23.
Nous devons toutefois dès maintenant inscrire à l'avoir de
M. Deroucue l'horloge et les compteurs qui animent le météo-
rographe du R. P. Seccar, installé dans la section des Etats
pontificaux. Les enregistrements automatiques des principaux
phénomènes météorologiques, qui se font à l’aide de cette pièce
remarquable, sont relevés sur des tableaux mis en mouvement
par ladite horloge au moyen de transmissions fort habilement
agencées. L'échappement est celui de Graxan; la tige du
pendule est formée d'une lame de bois de sapin. En somme,
l'exécution de cette horloge et de ses annexes justifie le choix
du constructeur fait par l'astronome du Collége romain.
M. Collin, — À droite de l'entrée principale, se trouve
l'exposition de M. CozziN, qui comprend plusieurs applica-
tions réellement neuves de l'horlogerie monumentale.
En première ligne, nous devons citer une belle horloge
devant servir de type pour quelques édifices de la capitale
(pl. VITE, fig. 1). L'échappement est à chevilles avec remontoir
d'égalité; le pendule, compensé fer et zinc, d’après le système
de Harrissox ; les pignons sont à lanternes pour les grosses
transmissions : le tout est d'une très belle exécution.
Mais ce qui intéresse surtout dans cette horloge, c'est qu'elle
met en jeu trois innovations importantes pour l'horlogerie
monumentale :
— 131 —
1° Une remise à l'heure électrique (fig. 2) ;
2° Une transmission électrique (fig. 3);
3° Enfin, une transmission par ondulation de l'air (fig. 4).
Le système de remise à l'heure a pour but l'unification de
l'heure dans les villes, en conservant les horloges existantes,
et cela à très peu de frais. Voici en quoi consiste ce système :
Un courant électrique passe par une horloge type et par
toutes celles à régler. Sur la roue d'échappement de ces der-
nières est adapté un rochet dans lequel vient s'engager un
levier mis en mouvement par un électro-aimant; et pour que
l'horloge type remette à l'heure plusieurs horloges une ou
deux fois par jour, il est nécessaire que celles-ci avancent de
5 à 10” sur la première et même plus si l’on veut. Habituel-
lement, le courant électrique est coupé entre l'horloge type et
celles à régler. Cinq minutes environ avant le réglage, l’'hor-
loge type ferme le circuit pour ce qui la concerne, tandis qu'il
reste encore ouvert dans les autres horloges; mais quelques
secondes avant l'heure du réglage, ces horloges complètent le
courant électrique, et alors leurs électro-aimants attirent simul-
tanément leurs leviers lorsque les cadrans marque l'heure du
réglage, ou successivement selon la différence de marche de ces
horloges. La mise en activité des leviers a pour effet d'arrêter
les roues d'échappement, ce qui n'empêche pas les pendules
d'osciller.
Dans ces conditions, toutes les horloges s'arrêteraient bien-
tôt si l'horloge type ne coupaii le courant électrique en temps
opportun, c'est-à-dire lorsqu'il est l'heure exacte. Instantané-
ment toutes les roues d'échappement redeviennent libres et les
horloges réglées reprennent leur marche. Il est évident qu'un
courant électrique qui ne fonctionne qu'à de longs intervalles
ne doit exiger qu'une petite quantité d'électricité; par suite, le
système de remise à l'heure en question ne doit donc occa-
sionner qu'une dépense insignifiante.
Plusieurs horloges de la capitale sont réglées par ce système.
Ainsi les deux horloges à sonneries de quarts du lycée Bona-
— 132 —
parte, l'une donnant sur la rue Caumartin et l'autre sur la rue
du Hävre, fonctionnent depuis plus de deux ans par ce système
et avec une parfaite régularité. IL en est de même des trois
horloges des trois casernes de la garde et des états-majors de
la Cité, puis de celles des prisons des Madelonnettes.
Le système de transmission électrique de l'heure permet de
faire marquer l'heure simultanément sur un grand nombre
de cadrans par l'électricité seule, à l’aide d’un régulateur type.
Après plusieurs moyens essayés, M. Cozuin s'est arrêté au
suivant, qui est fort simple et n'occasionne également qu'une
faible dépense d'électricité, si l'on se borne à ne faire la trans-
mission que tous les quarts ou les demi-minutes. Dans ce
système, chaque cadran récepteur se compose d'une minuterie
à laquelle est adapté un rochet.qui recoit son mouvement d'un
eliquet posé sur un levier mu par un électro-aimant, cliquet
qui est disposé de façon à empêcher que la vitesse acquise par
le rochet ne fasse passer plusieurs dents à la fois.
L'électro-aimant ne donne pas directement le mouvement à
la minuterie; mais lorsqu'il fonctionne, il bande un ressort à
boudin qui, bientôt abandonné à lui-même, réagit sur le
levier qui porte le cliquet, de sorte que le rochet est poussé
par la réaction élastique de ce ressort. Ce mode, préféré par
M. Cozux, offre ce précieux avantage que le ressort agit sur
le rochet avec sa plus grande force, précisément lorsqu'il a à
vaincre l'inertie de la minuterie, et que cette force allant gra-
duellement en diminuant à mesure que le ressort arrive à la
fin de sa course, tout tremblement dans les aiguilles se trouve
ainsi supprimé.
Le système de transmission de l'heure par ondulation de
l'air (fig. 4) est une combinaison réellement heureuse, et qui
consiste en deux corps de pompes de diamètres différents dans
lesquels se meuvent librement deux pistons. Ces corps de
pompes sont placés, le plus grand sur l'horloge régulatrice, le
plus petit près du cadran récepteur, et ils sont reliés par un
tube plus ou moins long.
— 133 —
Comme nous venons de le dire, les pistons sont très libres
dans les corps de pompes et leur hauteur est environ 20 fois
leur course. On voit par là qu'ils n’agissent pas en comprimant
l'air dans la colonne qui les relient, ni en faisant le vide, mais
en produisant une ondulation dans la colonne gazeuse par
suite d'un déplacement brusque et très court du gros piston :
de sorte que le mouvement transmis de cette façon est produit
non-seulement par l'ascension du piston dans le corps de
pompe moteur, mais encore par sa descente, et même mieux
dans cette dernière phase, puisqu'il peut descendre plus vive-
ment qu'il ne monte.
Qu'on se représente maintenant la tige du piston moteur
reliée à un excentrique mû par le remontoir d'égalité de l'hor-
loge réculatrice, d'une part, et le corps de pompe du petit piston
articulé avec la minuterie du cadran récepteur, d'autre part.
Toutes les 20 secondes, par exemple, l'horloge soulève brus-
quement le piston impulseur et le laisse retomber; l'ébranle-
ment de la colonne d’air produit un déplacement identique
du corps de pompe récepteur, et comme chaque mouvement
ascensionnel et descendant de ce corps de pompe peut faire
avancer l'aiguille de 10 secondes, il en résulte un déplacement
total de 20 secondes. Il.importe de remarquer que la trans-
mission se produit au cadran récepteur par un système inverse
à celui de l'horloge : en effet, le piston est fixe, l'air du tube
passe par son centre et c’est le corps de pompe qui est mobile;
c’est le soulèvement de ce dernier qui communique le mouve-
ment aux aiguilles par une bielle et un simple encliquetage.
Tel est le système de transmission de l'heure imaginé par
M. Cozuin; mais, pour donner de bons résultats, il exige une
certaine relation entre les diamètres des pistons et celui des
tubes de communication, selon la distance qui sépare l'horloge
du cadran. Pour fixer les idées, nous dirons qu'après une
grande quantité de recherches, l'auteur a reconnu qu'à Notre-
Dame de Paris, pour transmettre le mouvement de l'horloge,
distante de 100 mètres du cadran de l'orgue ayant 1",20 de
.
— 134 —
diamètre, le piston moteur devrait avoir 0",20 de diamètre,
0,10 de hauteur et une course de 0,005; pour le piston ré-
cepteur, 0",04 de diamètre, et enfin la valeur la plus difficile
à trouver, 0",006 pour le diamètre du tube de communication.
A côté des appareils dont nous venons de parler, on remarque
un spécimen de la disposition imaginée par M. Cozzix dans la
construction du carillon qui lui a été commandé par la ville
de Paris pour la tour de Saint-Germain-l'Auxerrois , disposi-
tion qui offre une grande simplification sur celle qu'affectent
les carillons les plus renommés. Dans l’origine, ces sonneries
se faisaient à la main sur une espèce de clavier et à l’aide
de pédales, ainsi que le montre le système de carillon établi à
Dunkerque, en 1476. La chronique rapporte qu'il y avait à
cette époque un carillonneur fameux qui attirait les auditeurs
de toutes les parties du pays d'Artois et même des Flandres.
On accourait entendre l'habile manière dont il jouait les airs
les plus difficiles sur les cloches. Plus tard, les carillons
fonctionnèrent automatiquement, et jusqu'à nos jours les ca-
rillons sont encore mis en jeu au moyen de cylindres müûs
par des rouages que détend une horloge : aussi, pour avoir
une idée de l’importante modification apportée par M. CozziN
dans la construction de son carillon, il suffit de se reporter à
la disposition du mécanisme des boîtes à musique.
On sait que ce mécanisme consiste en un cylindre de cuivre
armé de pointes nombreuses et qui est mis en rotation lente
autour de son axe par un mouvement d'horlogerie, de sorte
que les pointes, suivant leurs positions sur le cylindre, sou-
lèvent successivement et simultanément des lames vibrantes,
de manière à produire des airs et des accords. C’est une dispo-
sition analogue qui existe dans les fameux carillons de Bruges
et de Dunkerque; seulement les cylindres sont énormes et
armés de dents destinées à soulever de lourds marteaux frap-
pant sur des cloches rendant les différentes notes de la gamme.
Ces cylindres sont mûs par des rouages que détendent les
horloges à toutes les heures, et même pour certains carillons
Lo
— 135 —
à tous les quarts d'heure : d’où la nécessité de donner à ces
cylindres des dimensions considérables variant de ! à 2 mètres.
Celui de Dunkerque, qui a été parfaitement rétabli par
M. Henri LEPAUTE, a 1 mètre de diamètre.
Celui de Bruges, qu'on va refaire, a 2 mètres de diamètre;
il est en bronze et pèse 10,000 kilogrammes.
Dès lors on conçoit, dit M. CozLiN, que pour mouvoir ces
monstrueuses machines, il faille des poids moteurs variant de
000 à 3,000 kilog., suspendus à des chaînes qu’on enroule sur
des tambours au moyen de treuils qui demandent de un à
trois hommes et de une demi-heure à trois heures pour être
remontées. Le carillon de la Samaritaine, à Paris, qui a été
détruit en 1813, était établi d'après ce système.
Le spécimen qu'on voit à l'Exposition est représenté pl. VIIT :
il n’a que quatre cloches et par conséquent quatre rouages; il
possède en outre un clavier ordinaire, un clavier électrique,
puis un cylindre automoteur.
Les points principaux de ce nouveau système consistent :
1° dans l'emploi d'un rouage spécial pour chaque cloche et
proportionné à sa pesanteur ; 2° dans le déclanchement de ces
rouages, qui ont pour mission de lever les marteaux au
nombre de quatre sur chaque cloche, qui s'engagent l'un
après l’autre dans un arrêt où ils restent suspendus, et d'où
le doigt ou l’ergot du cylindre n'a pas d'autre effort à vaincre,
pour faire sonner, qu'un petit frottement pour les déclancher;
après quoi ils tombent instantanément, et répètent la note
assez vivement pour pouvoir jouer au besoin des doubles et
même des triples-croches, ce qui est inutile avec les cloches.
Et c'est au moment même où le doigt déclanche le marteau
que le rouage est débrayé pour préparer un nouveau marteau
et le mettre à la disposition du doigt en cas de répétition de
notes.
La différence entre les anciens systèmes et celui de
M. Cozuin consiste donc à ne pas faire lever directement le
— 136 —
marteau, mais à se servir d'un rouage intermédiaire entre le
levier et la touche, ce qui rend l'effort presque nul.
Un des autres avantages, c’est qu'au lieu d'avoir des cylin-
dres énormes mesurant jusqu à 2 mètres de diamètre, on
peut obtenir le même résultat avec des cylindres dix fois plus
petits, soit de 20 centimètres de diamètre. En outre, ces cy-
lindres qui ne coûtent que 300 fr., au lieu de 50,000 fr.
comme dans le carillon de Bruges, pourront être changés à
volonté, ce qui permettra de jouer tous Les airs nouveaux avec
la plus grande facilité.
Ce système a encore pour avantage de permettre l'emploi
de l'électricité, puisqu'il n'y a plus à produire que des efforts
minimes. Aussi pourrait-on, de l'orgue de l'église Saint-Ger-
main-l'Auxerrois, faire des répétitions de cloches, ce qui serait
d'un effet tout nouveau. En résumé, ce système est d'une
grande simplicité, puisqu'il se réduit, pour chaque cloche à
un cylindre, à quatre cames et leurs levées de marteau.
La planche VIIT renferme également le dessin du maré-
graphe de M. CozuiN, Ou appareil destiné à enregistrer auto-
matiquement la hauteur de la mer. Ce dessin est assez expli-
cite pour n'avoir pas besoin d'un long commentaire, On voit
que l'appareil se compose d'un grand cylindre tournant autour
d'un axe horizontal et qu'un mouvement d’horlogerie fait
mouvoir d'une vitesse uniforme. D'autre part, un flotteur,
installé dans un puits en libre communication avec la masse
liquide extérieure dont il s’agit de relever le niveau, fait mou-
voir, suivant son élévation, un petit chariot portant un stylet
ou crayon. Comme ce crayon se meut suivant une génératrice
du cylindre, ce sont ses déplacements relatifs, composés avec
la rotation uniforme du cylindre, qui tracent sur la surface
de ce dernier une courbe qui indique la hauteur de l’eau, tel
jour, à telle ou telle heure, en même temps que les sinuosités
plus ou moins fortes de cette courbe accusent les variations
brusques, naturelles ou insolites. La surface du cylindre est
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— 137 —
revêtue d'une feuille de papier divisé que l'on renouvelle
toutes les vingt-quatre heures, ou moins souvent si on le juge
convenable. Il est bien évident que le marégraphe peut servir
à inscrire le niveau variable de toute espèce de masse liquide,
tels que fleuves, canaux, lacs, ou les fluctuations des eaux
dans les bassins d'alimentation, etc.
Contréleur de rondes (système Coin). — Ici se termine
ce que nous avions à dire de l'horlogerie monumentale
exposée par M. CoLLiN ; mais nous ne pouvons omettre de
signaler un produit de plus petite dimension du même cons-
tructeur, qui a rendu les plus grands services pendant la
durée de l'Exposition universelle, puisqu'il a servi à l’organi-
sation d'une surveillance générale et par conséquent a contri-
bué dans une large part à garantir tous les produits exposés :
nous voulons parler du contrôleur de rondes. C’est d’ailleurs
une des plus heureuses applications de l'horlogerie, et bien
qu'elle remonte à une époque notablement antérieure à l’Ex-
position, on nous saura gré d'indiquer son principe et ses
divers usages.
La planche IX représente les diverses parties du système
de M. Cozux. Il se compose tout d’abord d’un mouvement
d'horlogerie portatif (fig. 1), dont le cadran, contenu à l’inté-
rieur d’une boîte, fait un tour en 12 ou 24 heures. Chaque
veilleur ou surveillant est porteur d'un pareil mouvement, et
il l'introduit à des heures données dans des boîtes en fonte
(fig. 2 et 3) placées en des points qui doivent être stricte-
ment visités. Chaque boîte en fonte contient à l'intérieur un
poinçon (d, fig. 2), qui est une lettre, un chiffre ou un signe
de convention quelconque. A toutes les stations, le veilleur
ouvre la boîte; il applique le mouvement dans des repères, et
presse sur le poincon qui pénètre par une ouverture longitu-
dinale dans le mouvement et produit une empreinte sur le
cadran à l'heure où s’est faite la ronde. Pour que cette em-
10
— 138 —
preinte soit bien visible, il y a sous le cadran une feuille de
papier noir à décalquer qui recoit l'empreinte de la lettre.
Les poinçons sont établis dans les boîtes à des hauteurs
variables, de manière à donner des empreintes suivant un
rayon du cadran, rayon qui est assez grand pour contenir une
douzaine de lettres. Toutefois, si la grandeur de l’établisse-
ment exige plus de 12 stations, rien ne s'oppose à l'installation
de 20 et même de 50 boîtes en fonte, attendu que pendant que
le veilleur se rend à toutes les stations en suivant un itinéraire
qui lui a été désigné, le cadran tourne et laisse de la place
pour une deuxième série de 1? lettres qu'on pourrait avoir à
enregistrer. Une nouvelle série peut d'ailleurs succéder à la
précédente, et ainsi de suite, sans qu'il puisse y avoir ni erreur
ni confusion sur l'heure et l'ordre de marche des rondes.
On comprend qu'il était important de mettre le mouvement
à l'abri de la fraude, en un mot de donner au système toute
la sécurité désirable. La question principale était d'empêcher le
veilleur de pouvoir arrêter le cadran, en exerçant sur lui une
pression à travers la fente laissée libre pour l'entrée des poin-
cons. M. Coin a paré à cette cause d'erreur en reliant le
cadran mobile à la roue motrice par un ressort spiral, de facon
que si l’on retient le cadran, le mouvement n'en continue pas
moins sa marche; mais au lieu d'entraîner le cadran, il bande
le ressort spiral qui se détend aussitôt que la pression exercée
cesse, et alors le cadran vient se mettre à la place où il aurait
dû être s’il avait constamment cheminé sous l'influence du
mouvement d'horlogerie.
Le système de contrôleur de M. Cou offre la plus grande
sécurité, Car il est à l'abri des veilleurs de mauvaise foi. Par
un ordre de marche nettement ordonné, il est facile de recon-
naître les moindres inexactitudes dans le service de la ronde,
de même que par un changement fortuit des poinçons, ou par
un itinéraire nouveau, on peut dérouter la malveillance.
Pendant toute la durée de l'Exposition universelle, la sur-
veillance générale a été faite jour et nuit par le corps des
— 139 —
pompiers de la ville de Paris, à l’aide de 24 contrôleurs
Cozun, dont les résultats n’ont rien laissé à désirer, ni comme
régularité de marche, ni comme certitude. Sous ce rapport,
les exposants doivent une certaine somme de reconnaissance
à l'inventeur, qui a mis entre les mains de la Commission un
instrument si sûr, si précis et dont l'usage ne saurait trop
se vulgariser. Il faut dire toutefois que le système Cozzix est
déjà appliqué dans un grand nombre d'institutions, parmi
lesquels on peut citer : 26 établissements publics, 4 prisons,
14 lignes de chemin de fer, 11 administrations, 23 théâtres,
13 manufactures des tabacs, 50 lycées, 88 filatures, 38 établis-
sements métallurgiques, enfin 146 fabriques diverses.
Du reste M. CozziN varie son système suivant les applica-
tions. Ainsi, il peut le faire servir à l'enregistrement de la
quantité de pluie qui tombe à tous les instants, l’associer
avantageusement au manomètre Bourpon, enfin l'appliquer
de la manière la plus utile au service des monte-charges des
mines et des hauts-fourneaux, etc. En résumé, l'exposition
de M. Cozux est une collection de machines ingénieuses et
nouvelles; leur exécution est irréprochable, et le silence du
jury à l'égard de cet exposant est une véritable injustice. D'ail-
leurs, comme propagateur de l’industrie horlogère, M. CoLLiN
avait droit à une mention toute spéciale; car il a établi à la
Combe-Noiret, dans les montagnes du Jura, une fabrique
d'ébauches qui a apporté le bien-être dans cette localité. Ce
fait n'était pas ignoré d'une partie des membres du jury :
aussi leur silence n’en est que plus blessant pour l'exposant.
Mais nous aurons bien d'autres omissions du même genre
à signaler dans le cours de ce rapport.
M. Menri Lepaute. — À l'extrémité du grand vestibule
donnant accès dans le jardin central, on rencontre une belle
horloge de M. Henri LepauTe. L'échappement qui est à che-
villes est une invention de la famille LepauTEe; le pendule est
compensé d’après le système de Harissonx. Ces deux parties
— 140 —
sont d’une très belle exécution; enfin cette pièce, remarquable
à plus d'un titre, est pourvue d'un remontoir à détente d'une
combinaison assez ingénieuse.
Bien que dans les horloges monumentales la force motrice
soit sensiblement constante, puisqu'elle est formée par des
poids, la marche est néanmoins influencée par les incorrec-
tions des engrenages et surtout par les résistances que présente
le déplacement des grandes aiguilles. Il y à déjà longtemps
que l'on a songé à soustraire le pendule aux inégalités d’ac-
tion du rouage principal, en s’efforçcant de transmettre des
impulsions constantes à l'appareil régulateur. Pour réaliser
cette constance des impulsions, on ne fait pas agir le poids
moteur d'une façon plus ou moins directe sur l'échappement
à l’aide des rouages ordinaires; mais on utilise ces derniers à
faire remonter une pièce additionnelle à une hauteur constante,
d’où elle descend en agissant directement sur l'échappement,
ce qui la fait concourir à imprimer au pendule des impul-
sions d'une certaine uniformité. Tel est le rôle de cette pièce
additionnelle ou remontoir d'égalité dont l'indication première
est due à HuyGxens et LeigniTz. Toutefois l'introduction du
remontoir d'égalité n’est qu'un palliatif au défaut qu'il s’agit
de corriger, puisqu'on en est réduit à employer de nouveau
des engrenages pour annuler les mauvaises fonctions d'autres
eugrenages. Aussi la conviction des horlogers sérieux est-elle
qu'un rouage simple bien compris doit être préféré à tout
remontoir négligé et mal combiné.
C'est pendant le remontage de la pièce additionnelle que se
fait le mouvement des aiguilles régularisé par un volant; or,
ce remontage, qui a lieu à des intervalles de temps plus ou
moins longs, occasionne toujours une certaine incertitude
dans la détermination de l'heure. Il y a des remontoirs qui
ne permettent le mouvement des aiguilles que toutes les mi-
nutes, d’autres à chaque demi-minute ou quart de minute.
Dans la pièce de M. Henri LEPAUTE, on rencontre un nou-
veau remontoir d'égalité dit à détente, qui a spécialement
— 141 —
pour objet de réduire notablement les intervalles de remon-
tage. Voici la description qu'en donne l’auteur :
« Le troisième mobile de l'horloge est en communication
directe avec le cylindre, portant le poids moteur au moyen du
deuxième mobile.
» Une lanterne L (pl. X, fig. 1), portée par l'arbre de ce
troisième mobile, engrène avec une roue R, dite intermédiaire,
et placée sur un arbre dont les pivots sont recus par un coq
d'acier C appelé chariot de remontoir.
» Ce chariot est relié à un arbre dont l'axe est dans le prolon-
sement de celui de la roue d'échappement. L’axe de la roue
intermédiaire décrit donc dans son mouvement un arc de
cercle, dont le centre est sur l’axe de cette roue d'échappement
représenté au pointillé en m. La roue intermédiaire R engrène,
d'autre part, avec une lanterne L’ que porte l'arbre de la roue
d'échappement. On voit ainsi que le chariot de remontoir,
dont la pesanteur est équilibrée à volonté par un contre-poids
P, prend un point d'appui sur le troisième mobile, tendant
constamment à soulever ce chariot de remontoir; il l'empêche
de descendre, ce qu'il ferait évidemment si la roue intermé-
diaire n’engrenait qu'avec la lanterne d'échappement L’.
» Le troisième mobile engrène aussi avec le pignon d'une
roue $, dont l'arbre porte le limacon #. L'arbre autour duquel
oscille le chariot de remontoir porte en prolongement du
contre-poids un levier dont l'extrémité est reliée à un autre
levier plus court, au moyen d'une petite bielle; ce second
levier, dont le poids s’équilibre à volonté par le contre-poids 0,
porte à son extrémité un bec b contre lequel vient s'arrêter
l’ergot du volant V. À côté du bec b est un autre bec a, garni
d'une pierre dure et destinée à entrer dans les cinq entailles
pratiquées dans la circonférence du limacon. Au moyen de
ces deux leviers, le bec parcourt une distance verticale qui eût
été insuffisante si le levier Q avait servi lui-même à arrêter
l'ergot du volant V;: car, le remontoir fonctionnant très sou-
vent, la distance parcourue par le chariot, et par suite par le
An —
levier Q, est très petite (condition avantageuse, puisqu'elle
évite la variation dans le désengrènement qu'on a reproché
quelquefois au remontoir LEPAUTE).
» Supposons le bec & au fond de l'entaille du limaçon, le
balancier, qui bat 3,000 vibrations, fera une vibration pen-
dant laquelle le bec sera dégagé par le mouvement de l'axe
du chariot de remontoir; à ce moment le rouage devenu libre,
puisque le bec a qui le retenait est sorti de l’entaille, se met à
courir, et les nombres sont calculés de telle sorte qu'après
cinq vibrations le volant a fait trois tours.
» De cette facon, les aiguilles marchent les 5/6 du temps,
et, par suite, leur mouvement n'ayant rien de rapide, on ne
voit plus de ces secousses comme il arrive dans les remontoirs
ordinaires, lesquels, devant parcourir souvent un quart de
minute pendant que le volant fait un demi-tour, élancent les
aiguilles d’une façon telle que l'appréciation exacte de l'heure
est impossible sur les grands cadrans. »
Cette courte description fait suffisamment apprécier les
avantages du nouveau remontoir de M. Henri LEPAUTE; tou-
tefois ce remontoir présente encore les défauts communs à
presque tous les appareils de ce genre : 1° une certaine force
consommée pour dégager le volant V; 2° ce dégagement qui
est permanent, puisque l'arrêt n'est jamais au repos, introduit
nécessairement une cause de variation; 3° la défectuosité de
l'engrenage de la roue R avec la lanterne, provenant d'une
pénétration des dents qui varie sans cesse. Il faut le recon-
naître pourtant, tous ces défauts sont très réduits dans le
remontoir de M. Henri LepauTE, en raison de la faible
rotation angulaire des divers mobiles qui le constituent.
En ce qui concerne le reste de la construction de cette hor-
loge, on voit avec regret des pignons à lanterne entrer dans la
composition d’une pièce qui est considérée comme l’une des
mieux exécutées de l'horlogerie monumentale à l'Exposition.
Il n'y a que le rouage principal d'exposé; les rouages de
sonnerie n'y figurent pas, mais on remarque une transmis-
‘ — 143 —
sion de l'heure à 40 mètres de distance. Nous l’avons déjà dit,
l'exécution de cette horloge est parfaite; mais nous sommes
forcés de reconnaître qu'elle n’est qu'une application de prin-
cipes et d'organes connus et ne met en évidence aucune idée
essentiellement nouvelle. Elle ne fait que confirmer la réputa-
tion justement acquise par la maison qui l’a produite.
M. Borrel. — Nous ne saurions adresser les mêmes éloges
à M. Borrez, dont l'exposition se réduit à une pièce médiocre
installée dans le pavillon du jardin central. Cette pièce, à
mouvement continu, a été, paraît-il, inventée et exécutée en
partie par le prédécesseur de M. Borrez,; l'usure de cette hor-
loge fait tache dans le lieu où elle est installée. En dedors de
cela, le contingent de M. Borrez consiste dans un cadran sans
mouvement, et, en face d’une telle pénurie, on se demande
ce qui a pu mériter une médaille d'or à cet exposant. Et que
penser ensuite du silence du jury à l'égard de M. Cou, et
de la modeste médaille de bronze accordée à M. LEPAUTE ?
ME. Paul Garnier. — En se rapprochant de la classe 23,
on rencontre, rue de Paris, une belle horloge donnant l'heure
sur les quatre faces d’un petit campanille qui surmonte la
vitrine de cet exposant. On y remarque une innovation d'une
certaine importance, puisqu'il s'agit d'un nouvel échappement
désigné par son auteur sous le nom d'échappement à force
constante et à remontoir. La description suivante, empruntée
à une note de l’auteur, énumère ainsi les avantages de cet
échappement représenté planche XI :
« Composition du mécanisme.
» À BC, roues du rouage.
» D, pignon engrenant sur la roue C. Son axe porte trois
bras qui font successivement arrêt la pièce M. Il porte aussi
un volant à masses, mobile sur la tige pour amortir la force
vive du rouage.
— 144 — i
» E, pignon engrenant également avec la roue C; sur la
tige est monté un plateau qui porte six chevilles.
» F, cercle d'impulsion.
» G, petite masse montée sur le prolongement d'un rayon
horizontal du cercle d’impulsion F.
» HH, ancre de l'échappement montée sur la même tige
que la fourchette.
» 11’, bras de dégagement monté sur l’ancre H.
» J, détente retenant le cercle d'impulsion F.
» l”, dent de dégagement du bras précédent.
» M, détente d'arrêt du rouage moteur.
» 0, cheville de dégagement de la détente M, montée sur le
cercle d'impulsion F.
» R, cheville d'impulsion montée sur le cercle F.
» $, cheville d'arrêt du rouage moteur montée sur la détente 4.
» T, dent du cercle d’impulsion faisant arrêt sur la détente J.
» V, dent du cercle d'impulsion servant à la mise en place.
» Fonctions de l’échappement.
» La planche XI représente l'échappement lorsque le pen-
dule est arrêté et dans la position verticale.
» Si, à ce moment, on écarte le pendule pour l’'amener vers
la droite, le bras 7’ 1 de dégagement, monté sur l'ancre H de
l'échappement, passera à la droite de la détente J. Si l’on
abandonne alors le pendule à lui-même, il accomplira son
oscillation de droite à gauche, et dans ce moment la dent l°
rencontre-la détente J, l’écarte de sa position de facon à dégager
la dent T du cercle d’impulsion F; celui-ci, sous l’action de la
masse G, tournera de gauche à droite, la cheville À rencontrera
la levée du plan incliné de l'ancre H et lui donnera l'impulsion
suffisante pour entretenir le mouvement d'oscillation du pen-
dule. Au moment où la cheville R quitte le plan incliné, la
cheville O0 rencontre la détente HW, l'écarte de sa position et
dégage l’un des bras du pignon D qui fait repos sur cette
détente en s. Le rouage moteur se met en mouvement, et en
— 45 — :
même temps le pignon qui porte le disque £, dont une des
chevilles rencontre la dent V du cercle d'impulsion et le ramène
dans sa position primitive en remettant la dent T en prise avec
la détente J; l’un des bras du pignon D, rencontrant la détente
M qui a repris sa position primitive, arrête le rouage. Le pen-
dule continue son oscillation de droite à gauche entièrement
libre et dégagé de tout frottement; il accomplit dans les mêmes
conditions son oscillation de gauche à droite pour recommencer
à l’oscillation le dégagement de la détente J, et ainsi de suite.
» Cet échappement est entièrement libre; la seule résistance
qu'il ait à vaincre consiste dans le dégagement de la détente J,
qui dure pendant 1/4 de degré environ, et dont la résistance
se trouve neutralisée par la force que restitue à ce moment le
cercle d’impulsion.
» Il est à force constante, car la masse G, travaillant toujours
dans les mêmes conditions et sans aucun frottement, donne
une impulsion toujours égale. »
Comme dans l'horloge de M. LePauTE, il n'y a que le mé-
canisme chronométrique d'exposé, mais le châssis porte les
amorces pour les adjonctions latérales des rouages de sonneries.
Le pendule est compensé d'après une combinaison du cons-
tructeur. C'est un système à leviers et à masses mobiles; mais,
malgré la parfaite-exécution de ce pendule, nous ne pouvons
que regretter l'introduction de combinaisons qui ne font que
compliquer la solution du problème de la*compensation, au
lieu de la simplifier. Ce sont les mêmes objections que nous
faisons au pendule de la belle horloge de M. DEToucHE, ainsi
qu'à toutes les combinaisons analogues. Notre appréciation
est motivée par les considérations suivantes :
La compensation d’un pendule consistant à produire une
élévation ou un abaissement du centre d'oscillation de même
srandeur, mais de sens contraire aux allongements ou aux
raccourcissements que déterminent les variations de la tempé-
rature, il est de toute évidence que l'effet sera d'autant plus
sûr et plus prompt que l’on agira plus directement sur ce
— 146 —
centre. C’est ainsi que les choses se passent dans les systèmes
si renommés de GRAHAM et de Hanisson. Il est vrai qu'avec
des leviers on restreint notablement le nombre des tiges, mais
alors on crée des incertitudes dans les points de contact et dans
les axes de rotation de ces intermédiaires dont les bras de
levier changent avec l’inclinaison. Ce système comporte natu-
rellement des articulations qui sont loin de favoriser la trans-
mission instantanée des effets qui doivent produire la compen-
sation : aussi cette transmission se fait-elle souvent par saccades
et quelquefois longtemps après que la cause a agi, à moins
d'admettre des neutralisations réciproques ; mais alors on a le
triste spectacle d'un système qui a besoin lui-même d'une
compensation secondaire pour réaliser la compensation prin-
cipale. Or, ce sont principalement des irrégularités de cette
pature auxquelles donne lieu la compensation à leviers, ce qui
fait que nous n'hésitons pas à la regarder comme incertaine et
à la repousser. On ne saurait donc trop engager les construc-
teurs à abandonner une disposition qui, si elle a l'avantage de
flatter la vue, possède le grave inconvénient d'éloigner le but
qu'il s'agit d'atteindre.
Mais, en dehors de cette appréciation, nous reconnaissons
que l'horloge dont nous venons de parler est l'œuvre d’un
maître qui, dans les expositions précédentes, a obtenu des
médailles d’or, la médaille d'honneur et la décoration. Mais les
temps sont bien changés, car cette horloge, à la facture belle et
sévère, a valu à son auteur, en 1867, une médaille de bronze!
M. Beigmet. — Cet horloger expose des pendules com-
pensateurs dont la construction massive laisse beaucoup à
désirer; mais, par contre, sa vitrine renferme une belle réduc-
tion d'une horloge commandée par la ville de Paris. Cette
pièce, pourvue d’un remontoir d'égalité et d’une transmission
électrique de l'heure, est d’une très belle exécution : on est
forcé toutefois de regarder la médaille d'argent décernée à cet
exposant comme un excès de faveur, si l'on compare son
— 147 —
œuvre à celles des constructeurs dont nous venons d'analyser
les productions.
M. Fareot. — L'horloge exposée par M. Farcor est munie
d'un pendule conique fonctionnant au-dessus du mécanisme,
et dont le point de suspension est dans la main d'une élégante
statue posée sur un socle en onyx qui sert de cabinet au
mouvement Au premier abord, cette pièce d'horlogerie est
plus artistique que mécanique, mais l'examen attentif y fait
reconnaître des qualités d'exécution et d'imagination qu'on
regrette de voir associées à l'emploi d’un appareil modérateur
dont les fonctions sont loin d'être parfaites. Nous voulons
parler du pendule conique, dont l'application primitive est due
à Huycxexs, et que les récents travaux de MM. Foucauzr et
Reprer ont remis en honneur.
Si les oscillations d’un semblable pendule étaient réellement
coniques, c'est-à-dire si le centre d'oscillation décrivait des
ciréonférences rigoureuses, nul doute que l’on obtiendrait une
régularité de marche très satisfaisante. Mais en raison même
de la parfaite mobilité de ce pendule, il subit l'influence de la
rotation diurne de la terre qui transforme les oscillations cir-
culaires en oscillations elliptiques. On voit de suite que le
moment de la force motrice qui agit sur le pendule n'est pas
constant, ce qui trouble l'uniformité de la rotation des rouages,
circonstance que le déplacement permanent du grand axe de
l'ellipse vient encore aggraver. Néanmoins, si la régularité de
marche de cette pièce laisse à désirer, en revanche ses fonc-
tions extérieures captivent l'attention générale des visiteurs.
Ces fonctions, moins monotones que celles que l’on observe
dans les horloges ordinaires, sont en effet agréables à la vue,
et par cela même nous pensons que les régulateurs de chemi-
nées, que M. FarcoT construit avec un pendule allié à des
formes artistiques de bon goût, sont appelés à avoir un certain
succès.
— 148 —
M. Stanislas Fournier. (Nouvelle-Orléans). — Cet
horloger est Français et habite, depuis une trentaine d'années,
l'Amérique où il a su se faire une réputation justement méritée.
Mettant à profit l'état de marasme dans lequel était tombé le
commerce de l'horlogerie pendant la guerre sécessionniste, cet
exposant s’est courageusement livré à la recherche de quelques
solutions vivement désirées, et on peut dire que dans les tra- :
vaux résultant de cette recherche se rencontrent réellement
des simplifications utiles et même des innovations susceptibles
de transformer notablement l'horlogerie monumentale.
M. Fournier expose deux horloges d'une construction très
sobre, mais irréprochables quant aux principes des engrenages
qui sont consciencieusement étudiés et appropriés à leurs
véritables fonctions. On y recontre l'échappement de GRraHAM
avec le pendule à gril de Harrisson. Jusque-là rien de nou-
veau; mais à l'aide de rouages très simples et‘heureusement
combinés, ces horloges sonnent les quarts et les heures avec
un seul corps de rouages, ce qui donne à tout l'ensemble un
cachet de simplicité qui est le vrai caractère des œuvres de
mérite.
Cette sonnerie, avec un seul corps de rouages, est régle-
mentée par un système de déclanchement fort ingénieux,
bien mis en évidence dans les deux horloges exposées. Les
carillons sont installés dans deux petits clochetons qui sur-
montent les cages où sont renfermés les mécanismes. Cette
sonnerie à un seul corps de rouages, disons-nous, constitue
déjà une simplification de premier ordre, dont les principaux
avantages sont d’abord une grande diminution des résistances
que doit vaincre le mécanisme principal et ensuite une notable
réduction du prix de revient.
Tout en louant hautement M. Fournier de la simplification
du mécanisme de ses horloges monumentales, nous trouvons
que ses nouvelles sonneries à un seul corps de rouages, mais
distinct du rouage chronométrique, constituent une invention
où se révèle dans tout son éclat son talent d'horloger uni à
— 149 —
des connaissances scientifiques qu'on rencontre trop rarement
parmi ses collègues.
Les nouvelles sonneries de M. Fournier ont ceci de parti-
culier qu'elles peuvent être mises en jeu par une horloge de
petite dimension et à une grande distance de celle-ci, tout en
étant d’une construction et d’une installation peu coûteuses.
Pour s’en convaincre, il suffit de savoir que l’auteur peut
livrer aux prix de 500 à 1,000 fr. des sonneries fonctionnant
pendant huit jours, capables de frapper sur des cloches de 7
à 8,000 kilog., et qui peuvent être mises en jeu par une horloge
de quelques centaines de francs au plus.
Le caractère essentiel de ces sonneries, c’est qu'elles sont
établies entièrement dans le beffroi, au voisinage des cloches,
et formées d'organes qui ne redoutent pas les intempéries.
D'un autre côté, par un système de leviers et de ressorts
antagonistes convenablement agencés, les marteaux sont
lancés et frappent sur les cloches exactement comme le fait
un forgeron sur une enclume. Ce n’est donc pas par le poids
seul des marteaux que les coups sont sonnés, comme cela
existe pour toutes les horloges monumentales construites jus-
qu'à ce jour : il en résulte qu'on peut restreindre beaucoup le
poids de ces marteaux, ainsi que la force employée pour les
mettre en jeu.
S'agit-il d’une église de village, par exemple ? la sonnerie
étant dans le beffroi, l'horloge peut être de très petite dimen-
sion et logée dans un espace restreint, facilement accessible
pour le remontage et l'entretien; puis elle opère le déclanche-
ment de la sonnerie à l’aide de fils de fer, comme pour les
sonnettes d'appartement.
Dans d’autres cas, la distance entre l'horloge et la sonnerie
peut.être fort grande : alors le déclanchement se fait à l’aide
d'un courant électrique. Cette disposition offre même l'im-
mense avantage que des sonneries pourraient être installées
dans tous les clochers, dans tous les quartiers d’une ville, et
qu'une seule horloge, voire même une bonne pendule d'ap-
— 150 —
partement suffirait pour faire fonctionner. Une semblable orga-
nisation rendrait d'immenses services dans les grands centres
populeux, où de nombreuses sonneries de nuit seraient d'une
plus grande utilité pour le réveil des ouvriers qu'une foule de
cadrans éclairés. Ajoutons qu'un déclanchement facultatif,
fait à la main, pourrait mettre en jeu ces sonneries et donner
l'alarme dans tous les quartiers en cas d'incendie ou d'un
sinistre quelconque.
M. Fournir a prévu le cas d'une installation semblable ;
car, dans la transmission électrique d’une sonnerie à l’autre
en ce qui regarde les heures, il établit un commutateur qui
détermine un certain intervalle de temps entre les différentes
sonneries pour éviter la confusion : ces sonneries peuvent, du
reste, fonctionner simultanément, si la distance est suffisam-
ment grande pour qu'elles soient sans influence réciproque.
Nous ajouterons que le commutateur est réglé par un petit
volant dont le déclanchement fait varier l'inclinaison des ailes :
celle-ci éprouvent alors des résistances variables de la part de
l'air ambiant, ce qui permet d'établir tous les ralentissements
voulus, toutes les variations de vitesse jugées nécessaires entre
les sonneries des quarts et des heures. Bien entendu que ces
dernières sont sonnées plus lentement que les quarts; mais le
mécanisme est tel que, les heures une fois sonnées, les ailes
du volant régulateur reprennent de suite leur position plus
fermée qui correspond à la vitesse de sonneries des quarts.
On ne peut rien imaginer de plus ingénieux, de plus simple
et de plus précis.
En accordant une médaille d'argent à M. Fournier, le jury
n a fait que signaler cet exposant d'un talent sérieux; mais il
est -certain que le mérite des travaux précités ne pouvait être
récompensé à sa juste valeur que par une médaille d'or, attendu
que ces travaux offrent le caractère de véritables découvertes.
Ils sont appelés à transformer radicalement l'horlogerie mo-
numentale, en donnant à ses produits une plus grande certi-
tude de résultats, jointe à la simplicité et à l’économie dans
— 151 —
la construction. Puisse notre modeste compte-rendu favo-
riser la divulgation des nouvelles sonneries de M. Stanislas
FourNIER !
Indépendamment des œuvres que nous venons de citer,
nous pourrions également décrire une nouvelle mise à l'heure
du même auteur, ainsi que ses contrôleuses pour la vérifica-
tion des rondes de nuit, système presque généralement adopté
dans les fabriques et usines de l'Amérique du Nord; mais
cette description nous entrainerait au delà des bornes de ce
rapport. Nous dirons toutefois en terminant que le talent de
M. FouRNier a recu une consécration méritée, par l'admission
dans les collections du Conservatoire des arts et métiers, à
Paris, de plusieurs de ses appareils montrant de nouvelles et
ingénieuses applications de l'électricité.
MM. Dent et C'° (Londres). — Ces fabricants exposent la
réduction d'une horloge monumentale avec remontoir d’éga-
lité agissant pendant 15 secondes (l'intervalle serait de 30 se-
condes pour une horloge de clocher). L'échappement est dit à
double roue de gravité {double three legged gravity escapement';
c'est une modification de l’échappement de Dexisox.
. Les exposants présentent cette pièce comme un des modèles
les plus corrects et les plus utiles que l'on puisse construire,
en tenant compte de tous les perfectionnements modernes.
L'échappement offrirait ces avantages : d’être plus durable
qu'aucun autre employé, de fonctionner sans huile, et enfin
de pouvoir être réparé par un ouvrier d’une habileté ordinaire.
Voici en quels termes les auteurs indiquent la construction
et la manière de fonctionner de cet échappement représenté
planche XIT :
« La roue d'échappement est formée de deux roues ayant
chacune trois longues dents de repos ou rayons, 4 BC et abc.
Elles sont fixées sur le même axe, mais suffisamment écartées
l'une de l’autre pour laisser osciller librement entre elles les
palettes de gravité G, &, qui sont mobiles autour de pivots X, Y
— 152 —
situés aussi près que possible de l'axe de suspension du pen-
dule A.
» Autour de l'axe commun de ces deux roues de repos et
dans l'intervalle qui existe entre elles, sont disposées trois
goupilles, r, s, t (dont les projections sont ponctuées dans la
figure), qui simulent une espèce de pignon à lanterne à trois
alluchons et dont les parties centrales des roues de repos
figurent les tourteaux. Ces goupilles, dites de levée, agissent
alternativement sur les palettes G, 6’, et les écartent d'une
certaine quantité en tournant dans le même sens que les
roues de repos, puisque tout ce système est solidaire.
» Pour l'intelligence du dessin, on a supposé la tige du
pendule coupée sur une portion de sa longueur, de sorte qu'il
ne reste qu'une partie de la lame de suspension L et une
fraction de la tige H contre laquelle viennent presser en P, P°
les palettes de gravité.
» Sur les faces antérieure et postérieure de ces palettes sont
disposées deux levées N, N’, dont les surfaces de contact visent
le centre de la roue et sur lesquelles les rayons de la roue
d'échappement viennent alternativement faire repos.
» La planche XII représente l'échappement dans la position
où l'une des goupilles ayant agi sur le bras G’ de la palette de
droite, l’un des rayons B de la double roue fait repos sur la
levée N. A ce moment, le pendule, ramené vers sa position
d'équilibre par la palette G qui agit par sa pesanteur sur lui,
dépasse d’une certaine quantité cette position, et bientôt la
tige M arrive en contact en P’ avec la palette G’ qu'il écarte; il
fait décrocher la dent B et continue l'achèvement de l'arc
supplémentaire de l'oscillation en entraînant la palette G&.
Immédiatement après ce décrochement, la double roue tourne,
la goupille { rencontre le bras de la palette G; elle écarte cette
palette jusqu'à ce que le rayon b de la double roue tombe au
repos en N’, comme cela avait lieu précédemment en N. Pen-
dant que cette fonction s'effectue, la tige du pendule, ramenée
vers sa position d'équilibre par la pesanteur et par la pression
— 1535 —
de la palette G, dépasse cette position vers la gauche et vient
écarter la palette G, ce qui opère le décrochement qui avait
lieu en N’; alors une nouvelle goupille agit sur le bras de la.
palette &’, elle l'écarte, un nouveau repos a lieu en NW, et ainsi
de suite. On voit clairement que les oscillations du pendule
sont entretenues par l’action des palettes. Celles-ci sont d’abord
alternativement écartées par le pendule vers la fin de chaque
oscillation, pendant la durée de l'arc supplémentaire, ce qui
tend à la rigueur à diminuer l'amplitude; mais les mêmes
palettes animent le pendule dès le début de chaque oscillation
et pendant un arc plus grand que le précédent, en un mot, de
toute la quantité dont ces palettes sont écartées par les goupilles
r, s, t. C'est donc la différence entre l'arc décrit par le pendule
soulevant une palette, et celui pendant lequel il subit l'action
de celle-ci revenant à sa position de repos, qui constitue l'arc
d'impulsion. »
De ce qui précède, il résulte que l'impulsion doit être sen-
siblement constante, puisque chaque palette écartée de sa
position de repos y revient sous l'influence de la même com-
posante de la pesanteur, et par suite l'amplitude des oscillations
du pendule doit être aussi constante malgré les irrégularités
d'action des engrenages. Cela n'est pas tout à fait rigoureux,
car il existe des variations dans le jeu des engrenages : cela
fera varier l'effort nécessaire au décrochement des palettes;
. mais celles-ci étant relativement très longues, ainsi que les
rayons de la roue de repos, lesdites variations auront un effet
presque nul dans la pratique, ou tout au moins inappréciable
sur les arcs d'oscillation.
Comme on le reconnaît aisément, la roue d'échappement
fonctionne avec des chutes de 60°, qui seraient fort nuisibles
si elles se produisaient en toute liberté; mais un petit volant
V, V, ajusté à frottement sur l'axe de ladite roue, amortit les
chocs qui résultent de pareïlles chutes sur les levées de repos
Nr:
En résumé, les fonctions de cet échappement seraient très
11
— 154 —
satisfaisantes, n'étaient les grandes évolutions de la roue de
repos qui produisent des soubresauts et des trépidations que
le volant ne parvient pas à faire entièrement disparaître. Elles
montrent néanmoins que les échappements dits de gravité
jouissent d'une assez grande considération en Angleterre, où
leur application dans de grandes horloges paraît avoir donné
de bons résultats. Du reste, le petit modèle exposé par
MM. Dexr et Ci° est d'une fort belle exécution et de beaucoup
supérieure aux productions anglaises du même genre. Le
système de compensation du pendule est formé de tringles de
fer et de zinc, d’une construction simple et économique qui
atteint bien le but qu'on se propose.
M. Benson |Londres). — Deux horloges monumentales
sont présentées par cet exposant, une petite et l'autre de
dimensions gigantesques. L'exécution de ces deux pièces est
fort médiocre et se rapproche de ce que l'on fait en France
dans les qualités courantes. (
L'échappement de gravité de la petite horloge fonctionne
d'une facon désordonnée, ce qui, au premier abord, semble
devoir nuire beaucoup à sa régularité et entraîner une alté-
ration assez prompte; mais il est. clair que cet échappement
peut fonctionner dans de meilleures conditions, et que le ré-
glage ne peut être affecté sensiblement par les soubresauts
signalés, puisque le pendule est isolé du rouage par suite des
fonctions même de ce genre d'échappement. Néanmoins cette
horloge était presque toujours arrêtée.
Quant à la grande horloge, elle est la plus volumineuse
après celle du palais de Westminster, qui est, comme on sait,
la plus colossale du monde. Malgré l'éloge pompeux qu'en
fait la description donnée par le constructeur, on est forcé de
reconnaître qu'elle a été rendue massive sans nécessité, et
que ses organes ne décèlent aucune innovation importante.
Quelques fonctions mêmes ne présentent pas la simplicité mi
la sécurité qu'on rencontre dans les horloges d'une moindre
— 155 —
importance (elle est cotée 25,000 fr.), tels que le remontoir
d'égalité qui est défectueux, ainsi que le mécanisme qui fait
marcher l'horloge pendant le remontage des poids et qu’un
oubli du remonteur peut rendre inutile.
Cette volumineuse horloge est munie d’un pendule compensé
exécutant des oscillations de deux secondes; il a une longueur
théorique de 3",976 environ. La compensation, résultant de
l'emploi du fer et du zinc, est réalisée à l'aide de la disposition
représentée pl. X, fig. 2, et qui n'est autre qu'une modification
du système de BENZENBERG, Où le plomb est remplacé par le
zinc. Cette disposition offre la plus grande analogie avec celles
de M. Trepe (cité plus haut); elle est d’une réalisation éco-
nomique et peut être appliquée à des horloges monumentales
d'un prix relativement faible. La partie hachée est un tube
de zinc reposant, par sa partie inférieure, sur l’écrou £ mobile
sur la partie taraudée de la tige centrale EF. Sur la partie
supérieure de ce tube repose une traverse AB, qui soutient
deux tiges de fer €, D, qui soutiennent à leur tour la masse
oscillante H concentrique au tube de zinc, masse qui peut être
d'une matière dense quelconque : la fonte est encore ce qu'il
y aurait de préférable.
Pour nous résumer sur ce sujet, nous dirons qu'on pouvait
avoir la même puissance d'effets avec des organes moins mas-
sifs'que ceux qui composent l'horloge de M. BENSON, et nous
sommes persuadés que la généralisation des sonneries de
M. Fournier, dont il a été fait mention aux pages précédentes,
rendront ridicule, avant qu'il soit peu d'années, l’exhibition
de pareils colosses.
Il est regrettable que le défaut de place n'ait pas permis à la
plupart des constructeurs d'horloges monumentales d'exposer
les produits de cette partie importante de notre industrie na-
tionale ; néanmoins, par le peu de pièces exhibées, il est facile
de reconnaître que la France n’a rien à redouter .des autres
nations sous ce rapport, car les produits français laissent
bien loin derrière eux les produits analogues exécutés à
— 156 —
l'étranger, et comme conception et comme main-d'œuvre. Les
œuvres de MM. CoziN, DETOUCHE, LEPAUTE, GARNIER et
BeiGer, le prouvent surabondamment.
HORLOGES DE PETIT VOLUME. — Sous ce titre, nous
groupons une série de pièces d’horlogerie dans laquelle on
rencontre plusieurs types pouvant à la rigueur être classés
dans l'horlogerie de précision , tels que les régulateurs de
cheminées et les pendules de voyage. Mais la majorité des
produits de ce genre se compose de pendules d'appartements,
de cartels, d'horloges de Comté, de la Forêt-Noire et d’ A
magne, qui sont d'une fabrication courante.
Pendules de voyage. — La pendule de voyage est en quelque
sorte un monopole de l’industrie parisienne. Les blancs ou les
roulants sont fournis par les fabriques de l’arrondissement de
Montbéliard et de St-Nicolas-d’Aliermont. Les échappements à
balanciers, nécessairement circulaires, sont construits ou sont
ajoutés à Paris, où les mouvements sont entièrement terminés
et placés dans des cages ou cabinets plus où moins artistiques.
La majeure partie de ces pièces est exportée dans le monde
entier, et nulle part on ne les fabrique aussi bien qu’en France.
Presque tous les genres d'échappements sont mis en usage
dans les pendules de voyage, suivant le prix. Les échappe-
ments à cylindre et à ancre sont construits à l'avance sur des
plaques par des ouvriers spécialistes des montagnes du Doubs,
plaques nommées porte-échappements, que l’on adapte ulté-
rieurement aux roulants précités. Quant aux échappements
libres que l’on place dans les pièces de précision, ils sont
généralement construits de toutes pièces et sur commandes.
Ce n'est que dans la section française que l’on rencontre la
pendule de voyage exhibée en assez grande quantité; cela tient
à ce que plusieurs maisons de Paris s’en sont fait une sorte de
spécialité, et ont donné ainsi à cette branche de l’industrie
horlogére une assez grande importance. Dans cette classe de
— 157 —
produits, on rencontre des spécimens très variés, depuis la
pièce la plus simple jusqu'à celles à grandes sonneries, à
quantièmes et calendriers perpétuels, etc...
Parmi les fabricants de pendules de voyage, ME. K. Jaeot
tient assurément la tête, et sa fabrication se distingue de celle
de ses confrères en ce que. tout est construit dans ses ateliers,
boîtes et mouvements, à l'aide de moyens mécaniques qui lui
sont propres. Aussi est-ce aux excellents produits de cette
maison qu'on est redevable de la réputation dont jouit à
l'étrauger ce genre d’horlogerie.
De fort jolies pendules de voyage existent dans les vitrines
de MM. Æh. Leroy, &. Sandoz, Charpentier, Des-
fontaines : la variété, le goût et le talent artistiques respec-
tifs de ces exposants se sont manifestés ainsi d'une facon hors
ligne. Nous citerons d'une manière spéciale une pièce de
M. CHARPENTIER, dans laquelle se trouve un échappement
libre d'une construction très élégante. L'axe du balancier,
celui de la roue d'échappement et la pierre de repos sont placés
en ligne droite, en sorte que tout l'échappement occupe une
place qui dépasse de bien peu les dimensions du balancier.
Cette disposition pourrait recevoir une heureuse application
dans les chronomètres de poche.
Nous ne saurioùs passer sous silence l'exposition de RE. Dro-
court. Le groupe de pendules de voyage qu'il expose est très
varié et d'une fabrication sérieuse.
Même observation à l'égard des produits de ME. VW. Reclus.
Indépendamment d'un bel assortiment de pendules de voyage
et de pendules régulateurs, la vitrine de cet exposant renferme
des réveils de divers calibres dont le succès commercial est
bien connu.
En somme, cette branche de l'horlogerie française n'a pas
de rivale à l'étranger, et si l'on remarque dans la section
anglaise quelques pièces d'une construction et d’une richesse
exceptionnelles, elles ne peuvent être la preuve d'une fabri-
cation de quelque importance, attendu que ce sont des
— 1958 —
spécimens établis à grands frais pour la circonstance et pour
montrer ce que l’on est à même d'exécuter dans ce genre,
Régulateurs de cheminées. — Les régulateurs de cheminées
sont en assez grand nombre à l'Exposition, notamment dans
la section française. Leurs mécanismes sont presque tous
logés dans de jolis cabinets en cuivre doré, avec glaces à
biseaux; mais plusieurs d’entre eux sont placés dans des cages
d'un grand luxe et dont les illustrations nobiliaires ou dynas-
tiques indiquent le rang des personnages auxquels ils sont
destinés : c'est particulièrement le cas de l'exposition de
M. CHARPENTIER, qui offre dans ce genre plusieurs pièces très
remarquables par la précision du mécanisme et la richesse de
la décoration.
En raison du peu de hauteur de ces pièces, on emploie le
pendule à demi-secondes associé à un échappement à coups
perdus, en sorte que la seconde est marquée avec une grande
netteté. La force motrice est fournie par l’élasticité d’un res-
sort emmagasiné dans un barillet denté. Dans les spécimens
anglais, on rencontre la fusée.
Plusieurs des échappements adoptés sont connus depuis
longtemps; d'autres, au contraire, sont nouveaux ou peu con-
nus : nous ne nous oCCuperons que de ces derniers.
M. Desfontaines. — Comme variété d'échappements, la
vitrine de cet exposant mérite une mention spéciale. Nous
allons décrire un échappement adapté à l'un de ses régulateurs
et qui, sans être complètement nouveau (!), a fort intéressé
néanmoins la plupart des visiteurs qui l'ont observé attenti-
vement. Cet échappement est représenté pl. XII, fig. 2.
Dans ses fonctions, il offre les caractères d’un échappement
libre et à force constante; les frottements y sont très réduits,
@) Il a été inventé, en 1844, par L. Gaviour.
— 159 —
il peut marcher sans huile, tout en laissant au pendule une
grande liberté, conditions très favorables pour le réglage.
A et B sont deux leviers respectivement mobiles autour des
axes 0 et 0’. Chacun d'eux porte un bec articulé C, D : le pre-
. mier sert à assurer le repos de la roue , tandis que le second
sert à écarter périodiquement le levier B à l’aide de la roue
d'impulsion N. Les deux roues M et N sont solidaires et fixées
sur le même axe. D'après le sens de rotation de ces roues, les
diverses pièces de l’échappement sont dans les positions qu'elles
occupent lorsque le pendule exécute sa demi-oscillation vers
la gauche en étant complètement libre. Bientôt le pendule
revient vers sa position d'équilibre, la dépasse et atteint le
levier B qu'il écarte jusqu'à l'extrémité de son amplitude.
Pendant cet écartement, le bec D bascule par son propre poids
et prend une position plus inclinée. Le levier B agit à son tour
sur le pendule et lui transmet une impulsion pendant une
partie de l'oscillation suivante; puis, à un certain moment de
sa course descendante, la vis V du levier B rencontre le levier
A et opère le décrochement de la dent X, ce qui laisse à la roue
sa liberté. Mais, au moment du décrochement, l'extrémité du
bec D se trouve placé en 4, et c'est ce bec que la roue N remonte
jusqu'en b en écartant le levier B jusqu au prochain repos, qui
se fait par la rencontre de la dent X’ avec le bec C revenu à sa
position d'équilibre par la buttée du levier 4 sur la vis P’.
Ainsi le décrochement du repos et le remontage du levier B se
font pendant que le pendule achève de décrire l’arc supplé-
mentaire qui suit l'arc d'impulsion correspondant à la descente
du levier B. On voit aussi que le levier d’impulsion B reste
écarté et'arc-bouté sur la roue N jusqu à ce que le pendule,
revenant toucher la fourchette, entraîne ce levier, lequel re-
descend avec le pendule et le pousse jusqu'au point où il y a
de nouveau décrochement du repos, et ainsi de suite.
On reconnait aisément que cet échappement fonctionne à la
manière des échappements de gravité dont nous avons déjà
parlé et avec lesquels il présente de nombreux points d'analogie.
— 160 —
Il en diffère pourtant en ce sens que les impulsions ne sont
données au pendule que toutes les deux oscillations.
M. DESFONTAINES expose plusieurs autres échappements dont
les formes sont des variantes du précédent, et que l’auteur a
décrits dans une petite publication d'où nous avons extrait ce
qui précède. Ainsi la pl. XIIT, fig. 1, représente un échappe-
ment du même auteur qui fonctionne comme celui de Gavrozr;
les repos y sont fixes, mais la levée est frottante, c'est-à-dire
que l’écartement du levier d'’impulsion À se fait par une fric-
tion des chevilles de la roue sur un appendice que porte ledit
levier.
On ne saurait louer hautement l'exposition de M. Desron-
TAINES sans rendre hommage au mérite de M. PornTaux, son
collaborateur, dont le jury s’est empressé de récompenser le
talent vraiment incomparable.
M. Charpentier. — Un échappement, qui se rattache à
ceux qui précèdent, est exposé par cet horloger sous le nom
d'échappement à force constante, donnant la seconde fixe avec
un pendule à demi-secondes. Cet échappement, représenté
pl. XIV, fig. 1, est décrit de la facon suivante par l’auteur :
« L’échappement est à force constante, car la masse H, qui
est fixée sur l'axe du bras L par la vis V, contribue seule à
entretenir les oscillations du pendule par l'intermédiaire du
bras L.
» Le sens de la rotation de la roue indique que le pendule
entraîne l'ancre À B C de gauche à droite; la dent d vient d'é-
chapper du repos À, en même temps qu'une dent X de la petite
roue $ a commencé à agir sur le levier L: la figure-la repré-
sente vers la fin de son parcours. Le rouage lève donc à lui
seul le levier L et par conséquent la masse J] fixée sur la tige
de ce levier.
» La dent d a parcouru l’espace entre deux dents, et la grande
roue cessera son mouvement par l'arrêt de la dent 4’ sur le
repos R’; pendant ce temps, la dent X de la petite roue a levé
— 161 —
le levier Z de l'étendue d'un degré, et comme elle est fixée sur
la grande roue, elle sera arrêtée en même temps que celle-ci.
» Les deux roues resteront immobiles tout le temps de l'os-
cillation de gauche à droite, et le levier L a cessé d'être entraîné
par le pendule, sur lequel il ne pèse plus par la goupille excen-
trique £, portée par un bouchon à frottement dans l'ancre
A B C et qui permet de l'engager à volonté.
» Le reste se comprend aisément; c'est toujours le levier L
qui d'abord est entraîné par le pendule dans son mouvement
ascensionnel et qui donne, au contraire, l'impulsion dans sa
marche descendante. »
ME. Achille Brocot expose écalement de jolis spécimens
de régulateurs à effets divers, à quantièmes, etc., et dans les-
quels il s’est fait une réputation méritée. Le nom de cet habile
horloger est universellement connu, surtout depuis l'invention
de son échappement à rouleaux, dont l'usage se répand de
plus en plus dans la pendule du commerce, par suite de la
réalisation si parfaile des effets qu'il s'agissait d'obtenir.
Un des régulateurs de M. Brocor est muni d’un échappe-
ment à coup perdu donnant une seconde fixe et qui offre un
certain intérêt. Nous nous dispenserons de décrire cet échap-
pement, représenté pl. XIV, fig. 2, qui a déjà été exposé à
Londres en 1862, attendu qu'il rentre dans la catégorie des
échappements de gravité. Ses fonctions se comprennent aisé-
ment: c'est toujours un appendice pendulaire À qui est écarté
de sa position d'équilibre et qui transmet au pendule régula-
teur une impulsion lorsqu'il revient à cette position.
Nous ajouterons que M. Achille Brocor s'est acquis récem-
ment des titres à l'estime des savants et des horlogers par la
publication de sa Méthode de calcul des rouages par approæi-
mation, méthode qui dénote chez son auteur des connaissances
mathématiques qu'on rencontre bien rarement chez les horlo-
gers, et qui lui a valu les appréciations flatteuses des savants
de premier ordre.
— 162 —
M. Detouche possède dans sa vitrine plusieurs régula-
teurs et pendules de cheminées offrant le fini d'exécution qui
caractérise ses produits On peut toutefois regretter, dans
une collection aussi sérieuse, la présence de certaine pièce
dite horloge magique. I s'agit d'un cadran de verre au centre
duquel se meuvent deux aiguilles paraissant n'avoir aucune
relation avec un rouage; mais il est facile à chacun d'apprécier
que la transmission du mouvement, établi dans le socle de
l'horloge, se fait aux aiguilles à l'aide d'un ressort à boudin
plié suivant les ondulations en col de cygne du support creux
aboutissant au centre du cadran.
Parmi les échappements visibles dans cette vitrine, on en
remarque un qui offre beaucoup de ressemblance avec la dis-
position du docteur CLark (citée plus haut), à l'exception toute-
fois que le modérateur, tout en ayant une suspension à lame,
possède la forme circulaire des balanciers annulaires, et, par
suite de la position du centre de gravité, la durée de l’oscilla-
tion nous à paru être d'une seconde. Mais l'impossibilité dans
laquelle nous avons été de pouvoir étudier attentivement cet
échappement, nous empêche de formuler aucune appréciation
sur ses fonctions et ses qualités.
Une disposition analogue de balancier circulaire à suspen-
sion à lame est exposée par ME. Miekhel, et appliquée à un
pendule faisant partie de l'exposition collective du département
du Doubs. Et même ce balancier est double, car les oscillations
sont transmises à une couronne entourant le cadran et qui
fait l'office d’un second balancier relié invariablement avec le
balancier principal. Nous ne pensons pas que cette disposition
offre quelque avantage, car nous nous sommes assurés que la
plus petite différence de niveau de la pendule exerce une
influence très appréciable sur la régularité de la marche.
M. Bosio. — Cet exposant possède un spécimen de pen-
dule avec échappement à force constante directe de son inven-
— 163 —
tion. Le principe de cet échappement, qui est à coup perdu,
consiste en un levier présentant à son extrémité un petit plan
incliné qui, par sa chute, agit directement sur le pendule en
communiquant, par son propre poids, une impulsion à un
rouleau, fixe ou mobile, établi sur la tige du pendule.
La chute du levier agit en même temps sur une détente qui
produit le déclanchement d'une roue à chevilles, dont la fonc-
tion est de remonter le levier pendant que le pendule achève
sa vibration directe et exécute sa vibration rétrograde.
L'impulsion transmise est ici rigoureusement constante,
suivant l'inventeur, puisque c'est le poids du levier tombant
toujours de la même hauteur qui constitue la force impulsive
communiquée au pendule. En tous cas, cette force est indé-
pendante de la force motrice qui anime le rouage, car cette
dernière n'est employée qu'à remonter le levier impulseur à
la position invariable d’où il tombe à chaque double oscilla-
tion. La force motrice du barillet, nécessairement variable,
ne se traduit que par des vitesses différentes dans le remontage
du levier, vitesses toujours suffisantes du reste pour que ce
remontage soit effectué dans le temps que le pendule exécute
librement les 7/8 de sa course (!).
Une pendule construite avec un échappement dont nous
venons d'indiquer sommairement les fonctions, a été expéri-
mentée au Dépôt de la marine, où pendant une année elle a
constamment fourni une marche des plus belles.
Soumis à la Société d'encouragement, l'échappement Bosro
a été l’objet d'un rapport des plus favorables, et, dans sa séance
générale du 20 février 1867, ladite Société a décerné à l'in-
venteur une médaille de platine.
@) On voit que c'est une idée analogue à celle de l'échappement de
M. P. Garnier (cité plus haut); seulement, dans l'échappement Bosio,
c'est le poids d'un levier qui, par sa chute, agit directement sur la tige
du pendule, tandis que dans celui de M. Garnier. c'est l'action d'un
contre-poids qui est transmise à cette tige à l'aide d'un ancre et d'une
fourchette, comme dans les horloges ordinaires.
— 164 —
L'échappement Bosio est d'une simplicité et d'une cons-
truction des plus élégantes. Nous engageons vivement les
horlogers à lire les deux descriptions qui en ont paru : l’une
dans le n° 22, tome IT (1866) de la Presse scientifique et indus-
trielle des Deux-Mondes, l'autre dans le Bulletin de la Société
d'encouragement (2° série, n° 169).
ME. Victor Fleury est l'auteur d'un échappement qui
porte son nom, échappement qu'il a modifié de plusieurs ma-
nières fort ingénieuses et dont sa vitrine offre les applications
les plus remarquables, La description de tous ces échappe-
ments nous entrainerait au delà des bornes de ce rapport :
aussi nous bornons-nous à engager les horlogers et les ama-
teurs à lire la brochure dans laquelle l'auteur les explique
et les reproduit avec beaucoup de détails.
Parmi les pièces de cette vitrine, on remarque un régulateur
à demi-secondes avec un échappement singulier; il se réduit
à une petite boule métallique libre qui se meut dans un petit
bassin circulaire en cristal de 9 millimètres de diamètre. A
chaque seconde, le rouage remonte la boule sur une partie
plane, d'où elle descend en suivant un petit plan incliné.
Dans ce parcours, la boule agit par son poids sur l'extrémité
d'un bras de levier attenant au péndule et communique à ce
dernier l'impulsion nécessaire. « Si donc, dit l’auteur, on
retirait Ja boule, l'horloge ne marcherait pas. » Sauf l'incon-
vénient d'occasionner un débit trop rapide du rouage, cet
échappement, qui est à force constante, règle très bien, sui-
vant l'affirmation de l'auteur.
L'inspection de cette vitrine montre que M. FLEURY est un
travailleur et un chercheur. Pour apprécier cet habile horloger
à sa véritable valeur, il faut Lire les diverses brochures qu'il a
publiées sur quelques questions d’horlogerie et qu'on peut se
procurer chez l’auteur {t). Elles ont pour titres :
() M. Fceury, horloger, rue de la Paix, 23, à Paris.
— 165 —
1° Discours prononcé à la Société des horlogers (1863) ;
20 Nouveaux principes sur le pendule appliqué à l'horlogerie:
3° Du parfait échappement que demande le pendule.
M. Fareot. — Nous avons déjà parlé des pendules de
cheminées que cet horloger construit avec pendule à oscilla-
tions coniques; mais le même exposant a installé, dans le
centre de la classe 23,. un appareil pour régler automatique-
ment les pendules et dont nous devons dire quelques mots.
Un dessin serait à la rigueur nécessaire pour bien faire -
comprendre les fonctions de cet ingénieux instrument cons-
truit avec une grande élégance; toutefois voici sommairement
en quoi 1l consiste :
Tout d’abord il est nécessaire que l’avance et le retard soient
sur le devant de la pendule à régler; quant à la longueur de
son pendule oscillant, elle est indifférente. Cela admis, l'appa-
reil fonctionne lorsqu'on met en relation les deux mouvements
avec deux roues de champ établies sur le prolongement des
deux longues tiges. Un pignon commun engrène avec ces
deux roues et fait partie d'un trois-quarts de cercle denté
tournant sur la même ligne des longues tiges qui engrène à
son tour avec la partie inférieure d'une crémaillère. Cette cré-
maillère agit par sa partie supérieure sur un pignon dont l'axe
porte une pince serrée sur l'avance et le retard de la pendule
à régler.
Cette disposition étant comprise, il est facile de se rendre
compte du jeu de ce mécanisme. Par la position respective
des deux mouvements, les deux roues de champ tournant en
sens contraire l’une de l’autre, si la pendule d'essai est réglée,
ces deux roues ayant une même vitesse angulaire, le pignon
qui leur est commun ne fait que tourner librement autour de
son axe. Maïs si la pendule d'essai avance ou retarde, le
pignon commun éprouve un certain déplacement par suite
des vitesses angulaires différentes des deux roues de champ:
il entraîne par conséquent le trois- quarts de cercle denté,
— 166 —
lequel fait mouvoir la crémaillère qui agit en dernier lieu sur
l'avance ou le retard de la pendule d'essai. C’est en définitive
l'usage d’un train différentiel; mais l'heureuse application qui
en a été faite par M. Farcor rend son instrument fort inté-
ressant; il le sera bien davantage lorsque l’auteur aura dé-
terminé le temps strictement nécessaire pour opérer par son
emploi le réglage d’une pendule.
M. Noblet. — Cet horloger expose simplement une répé-
tition de nuit avec les quarts et les heures à l’aide d’un seul
barillet. Ce résultat est obtenu au moyen d’une quadrature
très simple qui pourrait recevoir une heureuse application
dans les montres. Le modèle soumis à notre examen présente
en outre un système d’encliquetage fort ingénieux pour le
remontage du barillet.
M. Guilmet. — Parmi un joli choix de pendules, cet
horloger possède une pièce qui intrigue fort la plupart des
visiteurs. C’est une pendule avec statuette tenant dans sa main
la suspension d'un pendule qui oscille extérieurement sans
aucune communication apparente avec le rouage intérieur:
en fait, il n y a aucune relation mécanique entre ces deux
* parties, si bien que l’on à supposé qu'il s'agissait d'attractions
électriques où magnétiques. Mais, pour faire disparaitre cette
supposition, M. GuILMET a remplacé le pendule métallique
primitif par un autre dont la lentille et une partie de la tige
étaient en cristal.
La condition nécessaire à l'entretien des oscillations du
pendule extérieur n'est autre que celle signalée par HuYGHENS
sous le nom de pendules sympathiques. En calant d’une cer-
taine facon le socle qui contient le mécanisme, les oscillations
du pendule intérieur se transmettent de ce socle au pendule
extérieur, synchrone du premier, dont les oscillations sont
alors entretenues d'une manière continue. Il est nécessaire
que les lames de suspension du pendule sympathique soient
— 167 —
très minces et possèdent une longueur de 12 à 15 millimètres
environ.
M. Niaudet-Breguet. — Nous croyons devoir men-
tionner d’une facon toute particuhère une nouvelle application
du diapason comme appareil régulateur des horloges. On sait
que les vibrations du diapason sont isochrones, car si l'ampli-
tude des vibrations est augmentée d'une quantité notable, l’in-
tensité seule du son augmente et la note reste la même; donc
le nombre des vibrations reste aussi le même dans le même
temps. Cette propriété, qui avait été mise à profit pour la
mesure de petits intérvalles de temps, devait faire naître l'idée
qu'en entretenant les vibrations d’un diapason, celui-ci pour-
rait servir de régulateur en horlogerie. C’est une tentative de
cette nature que M. NrauDET-BREGUET à réalisée dans une
pendule de cheminée qu'on rencontre dans la classe 64, galerie
des machines.
La pendule en question se compose, dit l’auteur, d'un
rouage et d’un diapason qui se prêtent un secours réciproque
par l'intermédiaire d’un échappement à ancre : le diapason
règle le débit du rouage en laissant échapper une dent de la
roue d'échappement à chacune de ses vibrations simples; le
rouage entretient le mouvement du diapason au moyen d'une
légère impulsion donnée à l'ancre par chaque dent de roue au
moment de l’échappement. Le diapason fait 100 vibrations par
seconde : aussi la roue d'échappement tourne-t-elle avec une
rapidité extraordinaire.
On a essayé d’un diapason faisant 512 vibrations simples
par seconde et par conséquent donnant la note wts; mais cela
nécessite une force motrice beaucoup plus grande pour vaincre
l'inertie de la roue d'échappement et éviter les temps perdus.
D'un autre côté, la rapidité des effets était telle qu'il en est
résulté une usure considérable des diverses parties de l'échap-
pement et qu'on a dû y renoncer. La tige du diapason est fixée
solidement sur un socle à coulisse, qui permet de le déplacer
— 168 —
pour donner plus où moins de pénétration à l'échappement,
pénétration qui est modifiée par les variations de température;
mais cette cause d'erreurs peut être éliminée par un système
de compensation.
Il n’est pas douteux que l’idée que nous venons de rappeler
ne soit susceptible de plusieurs applications dont la compétence
de l’auteur nous ménage la surprise. On nous fait déjà entre-
voir la possibilité de mesurer par ce moyen des fractions très
petites de temps, c’est-à-dire l'évaluation des centièmes ou des
millièmes de seconde rendue aussi facile que celle des secondes
ou des demi-secondes avec les pendules ordinaires.
Horloge hydraulique. — Vers la fin de l'Exposition, il a été
établi, sur l'une des bornes-fontaines près de l'avenue de
Suffren, une horloge fondée sur un principe tout à fait nou-
veau. Cette horloge, comportant un pendule à demi-secondes
et un appareil régulateur, n'a ni rouage, ni poids, ni ressort
moteur : ces organes sont remplacés par la chute d'une petite
colonne d’eau d'une très faible dépense.
Cette pièce, imaginée et construite à la hâte par le BP. Em-
briaco, dominicain attaché à l'Observatoire de la Minerve,
à Rome, se compose d'une cage à trois compartiments verti-
caux, fermée de toutes parts par des glaces de verre. Le com-
partiment médian est réservé aux fonctions hydrauliques de
l'horloge, tandis que dans les cases voisines se trouvent le
pendule régulateur et les transmissions au cadran indiquant
les divisions du temps. La tige du pendule est reliée à une
fourchette mobile autour d’un axe qui-traverse la partie supé-
rieure du compartiment médian, et qui porte deux petits plans
incbnés séparés par une petite arête ou cloison saillante. Un
réservoir, quicouvre toute la cage, renferme de l’eau maintenue
à un niveau Constant, et l'écoulement de cette eau a lieu par
un petit orifice pratiqué au-dessus de la cloison qui sépare les
deux petits plans inclinés. Si l'écoulement a lieu pendant. que
le pendule est en repos, la colonne d'eau se divise en deux
— 169 —
parties égales sur la cloison et coule symétriquement sui
chaque plan incliné. Mais si le pendule a recu une impulsion
initiale, la colonne d’eau tombe entièrement et alternativement
de chaque côté de la cloison et transmet ainsi à chaque plan
incliné et, partant, au pendule une impulsion suffisante pour
entretenir les oscillations de ce dernier, et cela d’une manière
constante, puisque cette impulsion est donnée par un petit
tilet d'eau composé de molécules liquides tombant d’une hau-
teur uniforme; donc le pendule ayant une longueur conve-
nable, ses oscillations seront isochrones et pourront avoir
chacune une durée d’une demi-seconde.
Il était nécessaire de compléter ce système par une combi-
naison propre à compter et à enregistrer les oscillations du
pendule, mais sans exercer d'action directe ou indirecte sur
cet appareil régulateur; or, c'est ce qu'a fait le P. EmBriaco
en utilisant l'eau déversée des deux petits plans inclinés ci-
dessus. |
Pour cela, il a établi, au-dessous de ces plans inclinés, un
petit appareil culbutant autour d'un axe parallèle à celui du
pendule et formé de deux bassins recevant alternativement
l'eau déversée. Cet appareil est équilibré de façon à constituer
un système synchrone avec le pendule : un curseur permet
d'obteuir aisément ce résultat. C’est le mouvement de ce der-
nier appareil qui est transmis à une suite de rochets et de
limaçons d'une grande simplicité, qui accusent les secondes,
minutes et heures à l'aide d’aiguilles distinctes. Les combi-
uaisons imaginées par l'inventeur pour ce mécanisme addi-
tionnel sont fort ingénieuses; elles occasionnent toutefois une
augmentation notable de l'orifice d'écoulement et par suite
une plus grande dépense de liquide. En somme, l'idée du
P. Empriaco est fort remarquable : elle est certainement le
germe de plusieurs applications spéciales.
Fournitures pour petite horlogerie civile. — Nous ne sau-
rions terminer notre appréciation sur ce genre d’horlogerie,
12
— 170 —
sans mentionner favorablement les remarquables produits
constituant en quelque sorte la matière première de cette
branche industrielle. Ces produits n'ont peut-être pas été
estimés et récompensés à leur juste valeur, mais les connais-
seurs leur ont donné les éloges qu'ils méritent et en ont con-
servé un excellent souvenir.
En première ligne, viennent les excellents produits de
NUM. Hmile Martin, A. Delépine, Sauteur frères,
de Saint-Nicolas -d’Aliermont, et ceux plus restreints de
MM. Croutte et €, de Saint-Aubin-le-Cauf. Ces produits
consistent en roulants de régulateurs, mouvements de pen-
dules, pièces de voyage, réveils, habitacles et pièces détachées,
qui jouissent d’une réputation bien méritée, et entrent dans
la construction de la majeure partie des pièces de précision.
Parmi les produits analogues, on remarque ceux de
MEME. Japy frères, Marty et C°, Roux et C°, de
l'arrondissement de Montbéliard. C’est d'abord un grand
assortiment de blancs et de roulants de pendules, de pendules
de voyage, réveils, etc., puis de remarquables spécimens de
rouages d'appareils télégraphiques. Tous ces produits ont une
bien-facture qui dénote les perfectionnements que ces expo-
sants ne cessent d'apporter à leurs moyens de production et
qui ont placé leurs établissements au premier rang dans ce
genre de fabrication.
MIN. Montandon frères. — Ici se placent naturelle-
ment les produits de cette importante maison, la plus considé-
rable qui existe en France pour la fabrication des ressorts
-moteurs. Leur usine de Rambouillet possède un outillage
très perfectionné, mis en mouvement par un force motrice de
30 chevaux.
Pour bien juger des progrès réalisés et de la prospérité
acquise par cette usine, il suffit de comparer les quantités
d'acier consommées à deux époques différentes :
— 171 —
En 1862, consommation d'acier . . . 25,000 kilogr.
En 1866, id. ... Db8,000 —
L'usine de Rambouillet fabrique essentiellement les ressorts
pour les pendules et pour les montres, et si, sous ce rapport,
on compare la production à deux époques, on trouve les
chiffres suivants :
Ressorts pour pendules, en 1864, 40,000; en 1866, 800,000
Id. ‘pour montres, — 72,000; — _2,000,000
Ces chiffres n’ont évidemment pas besoin de commentaires.
Disons pourtant que les procédés de fabrication de MM. Mox-
TANDON frères sont tellement perfectionnés qu’en employant
de l'acier anglais payant 15 p.°/, de droit d'entrée en France,
ils convertissent cet acier en ressorts qui, expédiés en Angle-
terre, reviennennent à un prix inférieur à ceux des fabriques
de ce pays.
L'écoulement des produits de l'usine de Rambouillet se fait
dans les rapports suivants :
Allemagne.
3/4 de la production en { Angleterre.
Amérique.
France.
Espagne.
Hollande.
Italie.
1/4 de la production en
Les produits exposés par MM. Moxranpon frères frappent
autant par leur élégance et leur rectitude que par leur impor-
tance industrielle; ils sont du reste parfaitement groupés pour
en faire apprécier les nombreuses variétés : aussi la médaille
d'or décernée à ces messieurs par le jury international a-t-elle
été généralement applaudie.
A côté de la vitrine précédente se trouve celle de M. Du-
commun, de Paris, qui contient également des ressorts
pour la grosse et pour la petite horlogerie, ainsi que des lames
— 172 —
d'acier pour scies. Ici encore les produits sont dignes d'atten-
tion et la mention honorable qui leur est attribuée paraît bien
méritée.
Horloges diverses. — La pendule de commerce, ou de Paris,
forme, on le sait, une branche importante de l'industrie
horlogère. Les roulants, comme on l’a déjà vu, sont tirés en
grande partie des fabriques de l'arrondissement de Montbé-
liard ; mais c'est à Paris que les mouvements sont terminés et
placés dans des cages ou cabinets où l’art parisien se traduit
par une multitude de formes variées, dans lesquelles les
marbres de couleurs, les bronzes artistiques ou dorés se dis-
putent l’ornementation. Il est regrettable qu'une place spéciale
n'ait pas été réservée à ce genre d'horlogerie qui s'exporte
dans le monde entier.
Parallèlement à la pendule de Paris, on peut placer une classe
d’horloges, jouissant d’une grande réputation aussi, et que l'on
désigne sous les noms d'horloges d'Allemagne et de Comté.
Les fabricants comtois se sont abstenus en 1867, et cela est
très regrettable, car c'était une occasion exceptionnelle pour eux
de montrer combien leurs produits ont été perfectionnés, bien
qu'ils puissent l'être davantage. On ne se persuade pas assez
qu'aujourd'hui il y a péril pour toute industrie qui reste dans
le statu quo. Ceux qui usent de la publicité sous toutes ses
formes ne tardent pas à éclipser et à faire oublier ceux qui, trop
confiants dans leur valeur, persistent à rester dans l'ombre.
C'est surtout en matière d'industrie que l'abstention systé-
matique est dangereuse.
Les horloges dites d'Allemagne sont, au contraire, exposées
en grande quantité. On remarque surtout les collections variées
de MINE. Facques Weber, de Vienne; Robert Wiese,
de Berlin; Philippe HKissel, de Passau; E. Kalten-
bach, de Furtwangen; enfin les horloges dites de la Forêt-
Noire, exposées par MM. Fuerderer, Jægier et C°, à
Neustadt.
EPA
— 173 —
Les pendules et les régulateurs d'Allemagne sont à poids
avec la tige du pendule en bois; la construction du mécanisme
n'offre rien de remarquable, mais la marche en est très satis-
faisante. Le bon marché relatif de ces horloges les a considé-
rablement vulsarisées, et elles jouissent d’une excellente répu-
tation en France, en Allemagne, en Suisse et en divers autres
pays. Les cabinets de bois, qui renferment ces horloges,
sont généralement construits avec goût et grande élégance, ce
qui contribuent dans une large limite à séduire l'acheteur.
L'œil est, en effet, agréablement flatté par cette ébénisterie
formée de bois de diverses couleurs, qui s harmonisent assez
bien avec les boiseries et la plupart des papiers peints.
Nous estimons que les horloges comtoises trouveraient un
grand avantage et un plus grand écoulement à être construites
et modifiées dans le genre des pendules d'Allemagne. Il y
aurait peu de changements à faire au mécanisme : rien ne
s'oppose même à l'adoption exclusive du calibre d'Allemagne,
et, d'autre part, nos ouvriers des montagnes du Doubs et du
Jura auraient bien vite acquis le nécessaire pour la construc-
tion d'élégants cabinets en ébénisterie et auxquels la sculpture
sur bois ne refuserait pas de prêter son concours. Les articles
de Saint-Claude et des environs sont là pour prouver tout le
parti avantageux qui pourrait résulter de cette association.
Nul doute que cette transformation ne soit aussi profitable
aux horloges de Comté, que les récentes illustrations des cages
ne l'ont été aux anciens coucous de la Forêt-Noire. Qui ne
sait que la primitive caisse de bois, grossièrement peinte, a
fait place à d'élégantes cages en bois sculpté, qu'on rencontre
dans presque toutes les salles à manger des maisons de cam-
pagne ?
L'Amérique s'occupe depuis longtemps de la fabrication de
la pendule à bon marché; mais, il faut le dire, les quelques
échantillons exposés par la Compagnie New-Haven Clek,
du Connecticut, sont bien médiocres et comme construction et
comme décoration. Il est vrai que le prix d’un dollar (5 fr. 25)
— 174 —
est bien réduit aussi. Déjà à l'Exposition universelle de 1851,
à Londres, l'Amérique avait exposé des petites pendules au
même prix, et dans lesquelles les roues dentées étaient pro-
duites et découpées par un seul coup de balancier et utilisées
sans retouche. Il ne pouvait en être autrement dans un pays
où la main-d'œuvre est encore très élevée; mais les moyens
mécaniques appliqués jusqu'à ce jour à ce produit ne nous
paraissent pas avoir apporté d'améliorations sensibles. Aussi
ne pensons-nous pas que, dans leur état actuel, ces sortes de
pendules américaines voient leur écoulement s'augmenter
beaucoup, en Europe du moins. Elles sont d’un rhabillage
difficile, et possèdent des pignons à lanterne en fer dont les
fonctions sont peu rationnelles.
MM. Japy frères et ©". — Malgré leurs imperfections
et la grande place qu’elles occupent, les horloges de la Forêt-
Noire, de même que les pendules d'Allemagne et d'Amérique,
ont un grand écoulement en France, où leur importation
annuelle, suivant un homme compétent, ne s'élèverait pas à
moins de 20 millions de francs. D'un autre côté, il s'est fait,
il y a peu de temps, des tentatives à Berlin pour l'introduction
en France de pendules électriques à très bas prix; mais les
soins constants qu'exige l'entretien des piles actuelles est un
obstacle sérieux à la vulgarisation des horloges électriques.
En présence de cet état de choses, il y avait lieu de s'étonner
que les fabriques de l'arrondissement de Monthéliard, qui
livrent la presque totalité des blancs et roulants pour la pen-
dule de Paris, n'aient pas eu plus tôt l'idée d'entreprendre la
fabrication de la pendule finie à bon marché. Ce résultat ne
pouvait être obtenu qu'en faisant subir des modifications 1m-
portantes aux mouvements, sous le double point de vue de la
durée de la marche et du volume, ou de la place occupée. Les
moyens mécaniques dont ces fabriques disposent étaient émi-
nemment propres à cette transformation : aussi vient-elle d’être
opérée récemment par MM. Japy FRÈRES, de Beaucourt. Ces
— 175 —
messieurs ont à l'Exposition des spécimens de pendules d'un
bon marché incroyable, et d'une durée de marche variant de
30 heures à 15 jours, à mouvements simples ou à sonneries.
Les planches XV, XVI et XVII, que nous devons à l’obli-
geance de ces exposants, montrent parfaitement les diverses
modifications qu'ils ont fait subir aux mouvements des pen-
dules ordinaires.
Disons d'abord que ces sortes de pendules fonctionnent à
l'aide d'un ressort môteur emmagasiné dans un barillet qui
a été rendu indépendant, c’est-à-dire qu'il peut être enlevé,
démonté, réparé sans qu'on soit obligé de changer de place les
autres mobiles. Par le fait, on peut donner aux barillets une
grande puissance, en les faisant saillir hors de la cage et en
faisant reposer leurs pivots dans une barette. Cette disposition
a permis de rapprocher davantage les deux platines, qui con-
tiennent entre elles les autres organes du mouvement, et par
conséquent de donner aux axes moins de longueur. Au pre-
mier aspect, 1l semble que le parallélisme de ces axes peut
devenir plus difficile, mais les moyens de plantage adoptés
sont si précis que cette cause d'imperfection est entièrement
écartée. Cette moindre longueur des axes, tout en éliminant
les chances de flexion, permet de faire les pignons en bon
acier, tandis que ceux plus longs sont en fer dans la plupart
des pendules à bon marché. Du reste, la fabrication des mou-
vements est relativement très soignée; leur marche est aussi
très facile, puisqu'elle se produit par un remontage d'une ou
de deux dents de rochet.
Mais dans ce qui précède ne réside pas le seul perfection-
nement apporté à cette fabrication : les cages ou cabinets,
dans lesquels sont renfermés les mouvements, sont aussi
d'une construction spéciale, où l’on trouve alliées la solidité,
la simplicité et l'élégance.
En effet, tous ces cabinets sont en fonte et des formes les plus
variées. Le cadran, les heures, la lunette, les plots ou bossages
sur lesquels les mouvements sont fixés, toutes ces parties
— 176 —
viennent à la fonte d'une seule coulée : on économise ainsi
du même coup la fabrication du cadran, de la lunette, de la
fausse plaque et des faux piliers. Ces cabinets sont ensuite
peints de diverses nuances, depuis l'imitation des marbres et
des bois de toutes espèces jusqu’à celle des bronzes les plus
artistiques.
Ce sont ces modifications qui, introduites dans la construc-
tion des mouvements et des cabinets à l'aide d’un outillage et
d'un matériel très perfectionnés, ont permis à MM. Japy FRÈRES
de pouvoir livrer au commerce des pendules bien soignées,
d’un rhabillage facile, à des prix exceptionnellement bas. Ainsi
les pendules sans sonnerie sont cotées 6 fr. pour une marche
de 30 heures, et 8 fr. 50 pour une marche de 8 jours. Les
prix des pendules à sonneries sont 8 fr. pour 30 heures de
marche, 10 fr. 50 pour 8 jours, et 18 fr. pour 15 jours de
marche. Ces cotes sont la limite extrême du bon marché en
regard d'une fabrication relativement soignée, et elles nous
paraissent devoir beaucoup paralyser, sinon arrêter entière-
ment, l'invasion des produits similaires étrangers.
“Les pendules dont nous venons de parler font partie de l'ex-
position collective que la maison Japy FRÈRES ET C° a installée
dans la classe 40. Les produits si nombreux et si variés de
cette exposition ne sauraient être décrits en détail, car c'est
par milliers qu'il faut compter les divers articles de quincail-
lerie qui la composent et dont le commerce est universel.
Aussi renvoyons-nous le lecteur aux livraisons 137, 138 et
139 de l'ouvrage de M. TurGan {Les grandes usines), qui sont
entièrement consacrées à la description des produits et de
l’organisation exceptionnelle des usines de MM. Japy FRÈRES
priCie.
Toutefois l'exposition ci-dessus intéresse tout particulière-
ment l'horlogerie, en ce qu'elle contient la collection complète
de tous les calibres édités par la maison Japy FRÈRES, depuis
l'origine de la fabrication mécanique des ébauches de montres
et de pendules en France, collection qui forme un tableau des
— 177 — L
plus instructifs et qu'on serait heureux de voir conservé dans
une école d'horlogerie.
Nous ne quitterons pas la classe 40 sans citer les remar-
quables produits de MEME. Juillard et Amstutz, de Mes-
lières (Doubs) : ce sont des aciers cannelés en longues pièces
de 150 mètres, pour pignons de 6 à 12 aïles, ou en bouts
dressés de { pied de longueur, puis des aciers tréfilés ronds
ou tordus en hélices allongées, etc, Assurément l'octroi d’une
médaille d'argent à ces fabricants n'a été que justice.
Dans la même classe, on rencontre aussi les limes de toutes
sortes, ñotamment celles qui servent au travail de la petite
horlogerie. Nous avons plus spécialement remarqué les pro-
duits variés de MEME. Taborin, Bourse {successeur de
Raoul aîné), Proutat, Michot et Fhomeret. dont la
renommée est établie depuis longtemps.
Parmi les produits du même genre fabriqués dans le dépar-
tement du Doubs, nous citerons également avec éloges : les
limes diverses de ME. Cia. Weité, de Pont-de-Roïide, et les
assortiments d'outils d'horlogerie de FEME. Pierre Gueutal
et fils, Nicolas Gueutal et fils, de Montécheroux. Ces
deux dernières maisons ont cru devoir refuser la mention
honorable qui leur a été accordée par le jury; nous sommes
d'avis, en vérité, qu'elles méritaient mieux. :
Les outils de NIM. €. Chatelnin et fils, de Montéche-
roux, sont également très dignes d'attention.
— 178 —
MONTRES CIVILES.
La fabrication des montres civiles est aujourd’hui répandue
dans plusieurs contrées, et plus spécialement dans l'Amérique,
l'Angleterre, la France et la Suisse.
L'Amérique s'est abstenue de paraître à l'Exposition du
Champ-de-Mars, de sorte qu'il est difficile de se prononcer sur
les qualités des montres qui y sont construites. On évalue la
fabrication annuelle de ce pays à 80,000 montres, constituant
cinq à six qualités de produits. En général, cette fabrication est
bonne; mais les modules sont assez volumineux et d’un prix
relativement élevé, par suite de la cherté de la main-d'œuvre.
Dans le but de pousser à la propagation et au perfectionne-
ment de cette industrie, les Américains du Nord ont établi
un droit protecteur considérable, et, avec l'esprit entreprenant
qui les caractérise, il est probable que bientôt ils ne redoute-
ront pas la concurrence. [ y a plus, les fabriques étrangères
qui alimentent encore le marché américain doivent ne pas
perdre de vue la tendance de ce pays à s'affranchir de leurs
produits; elles ont à prévoir le cas d’une diminution consi-
dérable, sinon totale, de leur exportation : peut-être même
verront-elles surgir une concurrence américaine en Europe,
si elles ne s'empressent d'entrer dans la même voie de fabri-
cation. Cette tendance doit intéresser grandement les fabriques
suisses, puisqu il résulte de documents officiels que le nombre
de montres qu'elles exportent dans l'Amérique du Nord, par
le Häâvre, a été, du 1° janvier au 31 décembre 1866 :
OLA un ME PAS ER 518
Argent cu M82, 614
Métal. 5010062604
Total . . : 304,086
En Angleterre, la fabrication des montres a lieu dans plu-
sieurs centres : à Londres pour les montres de précision, à
— 179 —
Liverpool pour le genre bon courant et à Coventry pour l'ar-
ticle commun. D’après les documents officiels, le nombre total
des montres contrôlées, en 1866, a été de 170,000, estimées
13,000,000 de francs.
Besancon est le seul centre de production des montres en
France. Un très petit nombre de montres s'établissent à Paris,
et encore, parmi les chiffres officiels du bureau de garantie de
la capitale, peut-on retrancher une bonne partie des montres
inscrites qui ne sont, en réalité, que des remboîtages. En 1866,
il a été fabriqué, à Besancon, 305,435 montres, ayant une
valeur d'environ 16,000,000 de francs.
La fabrication des montres est presque exclusivement con-
centrée en Suisse dans les cantons romans. Dans le canton de
Neuchâtel, où la fabrication est la plus abondante, les centres
producteurs principaux sont : la Chaux-de-Fonds, le Locle,
Neuchâtel et le Val-de-Travers. La production annuelle de ce
canton est estimée à 800,000 montres, ayant une valeur de
35,000,000 de francs.
On évalue à 400,000 le nombre de montres construites dans
le reste de la Suisse, et notamment dans les cantons de Genève,
Berne, Vaud et Fribourg. Cette production est estimée à
22,000,000 de francs.
En sorte que la production des montres, pour l’année 1866,
peut être représentée par le tableau suivant :
|
PRODUCTION RAPPORT RAPPORT
PAYS PRODUCTEURS. VALEURS. à la à la
annuelle, fabrication| valeur
totale, totale.
Canton de Neuchâtel.! 800,000/35,000,000! 0,46 | 0,38
Reste de la-Suisse. .| 400,000/22,000,000! 0,23 0,23
France (Besançon). .| 300,000/16,000,000! 0,17 0,17
Angleterre. . . . . .| 170,000/13,000,000! 0,10 0,14
Amérique . . . . . .| 80,000! 6,000,000! 0,05 0,06 |
Production et valeur totales. 1,750,000 92,000,000!
— 180 — -
. De ce tableau ressort l'importance relative des centres de
fabrication des montres au commencement de 1867. On y
constate que la production française, ou plutôt bisontine, a été
les 0,17 du nombre des montres et aussi ue 0,17 de la valeur
de la production totale.
Il serait intéressant de comparer la production annuelle à
des époques plus antérieures dans chaque pays. Or, pour faire
cette comparaison, on est forcé de recourir aux indications
fournies par les bureaux de contrôle ou de garantie, indications
fort incertaines dans les pays où le contrôle est facultatif,
comme dans le canton de Neuchâtel, par exemple. Dans l’état
actuel, il nous paraît instructif de comparer la production des
montres à Besancon, avec celle d'un centre qui construit sensi-
blement la même qualité de produits. Nous extrayons du rap-
port de M. Hinscx le tableau suivant qui, à défaut de statistique
complète de la production dans le canton de Neuchâtel, con-
tient les relevés annuels des bureaux de contrôle depuis 1849 :
r
— 181 —
TABLE AU du nombre des boîtes de montres qui ont été poinconnées
dans les différents bureaux de garantie du canton de Neuchâtel, de
1849 à 1867 inclusivement.
EE
| ANNÉES | BOITES EN OR. |BOITES EN ARGENT. TOTAL.
1849 74,466 121,339 195,805 |
1850 80,931 138,557 219,488 |
1851 100,944 138,962 239,906
1852 107,306 142,510 249,816
1853 142,717 170,678 313,395
1854 107,109 161,157 268,266
1855 102,348 176,255 278,603
1856 121,934 195,776 SLT TO
1857 102,775 174,506 277,281
1858 79,359 137,853 217,212
1859 86,709 145,068 LT
1860 91,884 144,865 236,749
1861 76,883 160,592 237,475
1862 102,208 188,121 290,329 |
1863 108,244 189,633 297,871
1864 107,671 210,051 A1, 722
1865 114,922 204,484 319,406
1866 97,690 164,526 262,216
1867 82,802 114,133 196,935
Totaux.| 1,888,902 3,079,066 4,967,968
D'autre part, le relevé des boîtes poinçonnées à Besançon,
dans la même période de temps, fournit le tableau suivant :
— 182 —
TABLEAU des boîtes de montres fabriquées à Besançon, de 1849 à
1867 inclusivement, et poinconnées par le bureau de garantie de
cette ville.
D D CP
ANNÉES BOITES EN OR. BOITES EN ARGENT. TOTAL.
1849 ” 6,149 32,449 38,598
1850 11,235 48,626 59,861
1851 14,785 53,091 67,876
1852, 19,419 57,052 76,471
1853 29,742 65,155 94,897
1854 32,594 73,482 106,076
1855 49,484 92,459 141,943
1856 60,511 09,654 160,165
1857 69,325 108,230 177,555
1858 65,093 125,020 190,113
1859 66,731 125,145 191,876
1860 76,146 135,665 | 211,811
1861 83,678 166,789 | 250,467 .
1862 87,966 | 166,511 | 254,477
1863 108,586 | 188,508 | 297,094
1864 94,718 206,410 | 301,128
1865 95,594 200,418 296,012
1866 101,309 | 204,126 305,435
1867 113,664 | 220,985 334,649
Totaux.| 1,186,729 2.369.775 | 3,556,504 |
La comparaison des deux tableaux ci-dessus est instructive
à plusieurs points de vue. Premièrement on remarque com-
bien les indications du bureau de contrôle, dans le canton de
Neuchâtel, sont insuffisantes pour donner une idée exacte de
la production dans ce cantons puisque, pour 1866, cette pro-
duction est évaluée à 800,000 montres, et que, dans la même
année, il n’a été poinconné que 260,000 boîtes environ. C’est
— 183 —
une conséquence du contrôle facultatif; mais l'indifférence
des fabricants neuchâtelois, à l'endroit du contrôle, se com-
prend d'autant moins. que les droits de garantie sont très
minimes. En effet, depuis la mise en vigueur de la nouvelle
loi sur le contrôle (15 janvier 1866), ces droits sont de 5 à
7 centimes en moyenne pour la boîte d'argent, et de 15 à 20 c.
pour celle d’or, quel qu’en soit le poids. ”
En faisant remarquer de nouveau que les chiffres des bu-
reaux de garantie ne peuvent donner que des indications
vagues sur le mouvement de l’industrie horlogère dans le
_ canton de Neuchâtel, ils ont néanmoins donné à M. Hirscx
l'occasion de faire les observations suivantes que nous ex-
trayons du rapport qu'il à présenté au Conseil d'Etat dudit
canton : |
« Ces chiffres montrent, dit-il, que tandis que le nombre
des boîtes en or est resté sensiblement stationnaire (sauf en
1853), celui des boîtes en argent a augmenté jusque dans les
dernières années considérablement : ce qui semble indiquer,
d'accord avec l'opinion générale, que c’est surtout la produc-
tion des montres. bon marché qui s’est développée surtout
depuis 1862 à 1865, donc déjà dans la période. où régnait ce
que l’on appelle la crise. En général, le plus grand nombre de
boîtes a été poinçonné en 1865. Le mouvement rétrograde qui
est visible en 1866 et surtout en 1867 (bien que le changement
qui a eu lieu dans notre loi sur le contrôle pourrait y avoir
quelque influence) s'explique certainement en grande partie
par le ralentissement général des affaires, et peut-être aussi
par l'encombrement des marchés qui sera résulté de la fabri-
cation excessive, en 1864 et 1865, des montres ordinaires en
argent; mais ne doit-on pas y reconnaître déjà aussi l'effet de
la nouvelle concurrence des montres fabriquées mécanique-
ment en Amérique et en Suisse ? »
Le même rapporteur fait encore observer « que les fluctua-
tions portent mois sur les montres de qualité supérieure que
sur les montres courantes, et qu'indépendamment du fait
CPR
— 184 —
bien connu que la fabrication des montres soiguées est plus
rémunératrice pour l’ouvrier aussi bien que pour l'établisseur,
les considérations précédentes devraient porter les industriels
neuchâtelois à développer surtout la fabrication de la bonne
horlogerie. » À
Et il continue en faisant ressortir « que les fluctuations
considérables auxquelles la fabrication neuchâteloise est expo-
sée et qui sont indiquées par le tableau du contrôle, ainsi que
la dépréciation des prix qui s’y rattache, doivent faire désirer,
dans l'intérêt de la population horlogère du canton, que sa
prospérité dépende moins d'un seul article, et qu'une diversité
plus grande des produits la garantisse davantage contre les
crises trop fréquentes dont elle a été l'objet. » Ces considérations
très patriotiques, qui donnent une idée très exacte de la situa-
tion de l'horlogerie neuchâteloise, amènent le rapporteur à
conseiller d’une manière pressante l'introduction de nouvelles
industries.
Les chiffres accusés par le bureau de garantie de Besançon
offrent, au contraire, toute sécurité par suite de la manière
sévère dont est appliquée en France la loi sur le contrôle des
matières d'or et d'argent. Par suite aussi de la surveillance
exercée par le fisc sur le travail des métaux précieux et du
poinconnage obligatoire, les chiffres du dernier tableau mettent
dans tout son jour l'importance de la fabrique bisontine et sa
prospérité toujours croissante. Ils font ressortir, en outre, que
le nombre des montres fabriquées, soit en or, soit en argent,
est allé constamment en croissant, et que la proportion des
montres en or croit plus rapidement que celle des montres en
argent. En effet, en 1849, les montres en or n'étaient que les
0,16 environ de la production annuelle, tandis que, dix ans
plus tard, elles ont atteint les 0,35, c’est-à-dire plus du tiers,
proportion qui s’est sensiblement maintenue jusqu'à 1867.
Mais le fait le plus important à constater, c'est que si, en
dix-neuf ans, la fabrication annuelle a presque décuplé, pen-
dant le même temps la production des montres d'argent n'est
— 185 —
devenue que sept fois plus considérable, tandis que celle des
montres en or est arrivée à être presque dix-neuf fois plus
grande. C'est un indice certain que la fabrication de la bonne
horlogerie tend à se généraliser à Besançon.
_ On remarque également qu'en 1863 le nombre des montres
d'or établies a été exceptionnellement très fort, comparé à celui
des années précédentes, qu'il faiblit notablement dans les
années suivantes, mais que ce nombre est fortement dépassé
en 1866 et 1867.
Enfin la production totale, en 1866, ayant été de 305,435
montres, si l'on évalue à 300 le nombre des jours de travail
par an, on voit qu'à cette époque la fabrique bisontine livrait
déjà au commerce plus de 1,000 montres par jour.
Ce qui précède établit la situation des trois puissances pro-
ductrices des montres qui se sont présentées à l'Exposition de
1867. Nous allons passer en revue les produits exposés par
chacune d'elles.
MONTRES ANGLAISES. — Les montres anglaises sont gé-
néralement pourvues de la fusée, même celles qui sont d'origine
étrangère, mais établies par les horlogers anglais. Les pièces
sont hautes, et celles exclusivement construites à Londres sont
sans contredit ce que l'on fait de mieux dans ce genre et
comme fini de travail et comme décoration. La vitrine de
MM. K'. Dent et €'° présente, sous ce rapport, des spécimens
d'une rare beauté. Les boîtes faites avec un grand soin sont le
plus souvent unies et sans gravure, à moins qu'elles ne soient
décorées d'emblèmes héraldiques ; dans ce cas, le travail ne
laisse rien à désirer et soutient la comparaison avec tout ce
que l’on fait de mieux à Paris et à Genève. Les montres desti-
nées à l'exportation, pour l'Espagne et pour l’Amérique du
Sud, ont, au contraire, des boîtes surchargées de gravures et
d’arabesques. :
L'échappement, presque exclusivement employé, est l'échap-
pement à ancre avec roue en laiton à dents pointues, toute la
; 13
— 186 —
levée étant sur les bras de l'ancre. La roue en laiton est uti-
lisée telle qu'elle sort du taillage, sans aucune retouche; car,
dans l'opinion de nos voisins, le taillage laisse des sillons fins
et parallèles qui conservent bien l'huile. Ils admettent que le
frottement des roues en acier contre les pierres dures, employées
dans les montres françaises et suisses, finit par donner une
poudre ou égrisé qui nuit au réglage : de là leur préférence
pour les roues en laiton. Ces roues sont généralement d'un
diamètre moindre que le rayon du balancier, celui-ci étant
toujours tenu très grand.
L'ancre est dite de côté, et le levier (fourchette des Français
et des Suisses) est court, en bon acier et poli plat, mais quelque
peu massif. Les Anglais déplorent le temps perdu au travail
des angles rabattus et la fragilité de nos fourchettes dont ils
redoutent les vibrations. Leur construction est plus simple
que la nôtre et, partant, les fonctions s’y effectuent plus libre-
ment, ce qui comporte une certaine médiocrité d'exécution.
Suivant eux, la courte fourchette donne un meilleure réglage.
Enfin leurs spiraux ont moins de diamètre que les nôtres, et,
quand par hasard ils tolèrent l'échappement à cylindre dans
quelques pièces, ils n'admettent pas une amplitude de vibra-
tion supérieure à 270°; ils ont même une tendance à restreindre
cette amplitude pour éviter le renversement, en prévision des
exercices violents auxquels ils se livrent.
L'échappement duplex, fort bien construit par les horlogers
anglais, devient de plus en plus rare; il est avantageusement
remplacé par celui à ancre qui donne de meilleurs résultats
et est plus facile à construire dans les mêmes conditions.
Ce qui caractérise les montres anglaises, c'est un prix
fort élevé, mais bien justifié du reste par le fini de la main-
d'œuvre, leur confort et la précision de leur marche. Il faut
dire cependant que quelques maisons construisent des montres
dites à bon marché et qui paraissent destinées aux employés
de chemins de fer et à l’armée des colonies. Les boîtes sont
en maillechort et le prix varie de 120 à 130 fr. NAME. Join
— 187 —
Walker et sons exhibent des montres de cette sorte dont
le volume très fort serait peu goûté, croyons-nous, sur le
continent; mais elles semblent répondre au désir et à l'esprit
pratique de nos voisins.
En somme, le calibre des montres de fabrication anglaise
est assez uniforme. Celui des pièces destinées à l'exportation
est plus varié; mais celles-ci ont une origine étrangère, elles
sont tirées de la Suisse en grande partie et y ont été construites
sur commande. Notons en passant que bon nombre de chro-
nomètres de poche, des meilleurs et soi-disant anglais, sont
faits par des artistes neuchâtelois.
MONTRES SUISSES. — La Suisse est certainement le centre
le plus important de l'industrie horlogère, et la fabrication
s'y étend depuis le chronomètre de poche, rivalisant avec ceux
d'Angleterre, jusqu'à la montre la plus commune.
Les montres de luxe et de précision sont plus spécialement
construites à Genève, où la production annuelle est évaluée à
100,000. Le nombre des personnes de ce canton qui s'occupent
d'horlogerie est environ de 7,000, appartenant à 2,500 familles;
et si à ce nombre on ajoute celui des personnes qui construisent
des parties annexes des montres, telles que boîtes à musique,
on peut dire presque avec certitude que le dixième de la popu-
lation genevoise est voué à l'industrie horlogère.
Parmi les produits de Genève, on remarque ceux de
M. Ekegren, de la maison Pateck, Philippe et €”,
et de MM. Rossel-Bautte et fils. Il ne nous est pas pos
sible de passer en revue tous les produits exposés; mais nous
avons constaté avec plaisir que tous les artistes genevois ont
rivalisé de talent et de perfection. Une fois de plus, la fabrique
genevoise aura justifié la réputation universelle qu'elle s'est
acquise pour le luxe, l’élégance et l’excellence de ses produits.
La ville de Genève possède une école d'horlogerie fondée,
il y a près d’un demi-siècle, par la Société des arts; mais cette
école, devenue municipale, est dirigée aujourd'hui par une
— 188 —
commission d'horlogers. Les élèves y sont admis dès l'âge de
quatorze ans, la durée de l’apprentissage est de quatre années.
Cette école n'est, en définitive, qu’un atelier d'apprentissage
essentiellement pratique et confié à des professeurs instruits,
mais la théorie n'entre pas dans l’enseignement; les apprentis
ont cependant la faculté de suivre des cours publics appropriés
qui ont lieu le soir. Les produits exposés par cette institution
se composent de quelques jolis échappements très amplifiés
servant aux démonstrations, puis d’une série très remarquable
des objets construits par les élèves dans les différentes divisions.
Les résultats obtenus sont dignes d'attention, et le jury les a
récompensés par une médaille de bronze.
En 1866, l'école renfermait 60 élèves, dont 40 Genevois.
Le canton de Neuchâtel fabrique plus spécialement la montre
d'argent. Toutefois le Locle, les Ponts-de-Martel et les Brenets
comptent un grand nombre d'établisseurs faisant d'excellentes
montres qui rivalisent avec les belles qualités de Genève.
La Chaux-de-Fonds est à la fois un marché et la fabrique
la plus active de tous les centres de la Suisse. C'est de là que
s’exporte le plus de montres. La plupart des grandes maisons
du canton de Neuchâtel ont des comptoirs dans presque toutes
les parties du monde. Elles alimentaient autrefois le marché
français; mais elles ont perdu ce débouché par suite du grand
développement qu'a pris la fabrique de Besançon (!).
Entre les nombreux exposants du canton de Neuchâtel,
nous citerons comme ayant les produits les plus remarquables :
MM. Henri Grandjean ct Jürgensen, du Locle, Plhi-
liberté Perret, Roberrt-Theurer et fils, Courvoisier
frères, de la Chaux-de-Fonds.
Parmi les produits neuchâtelois, nous devons une mention
spéciale à la montre démocratique de ME. Roskopf. Cette
montre est caractérisée par une grande simplification du mé-
() Rapport du jury international (groupe IIT, cl. 23). — M. BreGuert.
— 189 —
canisme et une économie de main-d œuvre, ce qui permet de
livrer au consommateur une montre solide, peu coûteuse et
d'une marche satisfaisante. Ajoutons que la montre RoskoPr
a été le point de départ d’une foule de produits analogues.
MM. Domon fils et Dinichert, établis à Montillier,
près Morat, construisent environ 30,000 montres par an et
d'une qualité à peu près semblable à celle de M. Roskopr.
Comme pour cette dernière, les boîtes sont en composition
(maillechort, dardenne, cuivre doré) et la plupart sont pour-
vues d'un remontoir (1).
Le canton de Neuchâtel possède deux écoles d’horlogerie.
La plus ancienne est celle du Locle, qui dépend de l'hospice
_ des vieillards, fondé en 1826 par des souscriptions particulières.
Comme à l’école de Genève, la pratique y est seule enseignée.
N'ayant pas envoyé de travaux exécutés par ses élèves, elle
n'est représentée à l'Exposition que par trois grands modèles
d'échappement à cylindre, d'échappement à ancre et d'échap-
pement libre à ressort, construits par ME. Brandt. Ces trois
modèles sont d'un beau travail, leur exécution est minu-
tieusement finie, et ils sont bien dignes d’exciter l'émulation
des jeunes apprentis et des ouvriers amateurs du beau. En
1866, cette école comptait 26 élèves. « C'est, dit M. WARTMANN,
un des rares établissements d'Europe qui, profitant à la seule
classe nécessiteuse, ne vit que par la charité publique. » Mais
le comité directeur a reconnu l'insuffisance d’un enseignement
() MM. Domox'et Dinicmert occupent 450 ouvriers. Leurs produits
sont destinés aux Etats-Unis, au Mexique, aux Indes anglaises, à l'E-
gypte, aux colonies hollandaises, à l'Espagne et à l'Italie. Ils fournissent
aussi des ébauches, des finissages et boites à des fabricants d'horlogerie
suisses et francais. Les prix de vente sont exceptionnellement bas. Ainsi,
une montre lépine, à cylindre, de 19 lignes, 4 trous, cadran émail, à
secondes, boîte en composition dorée, réglée à cinq minutes et garantie
cheminant au bas, est cotée 13 fr. 50; une montre de 20 lignes, genre
Boston, à ancre, savonnette en bronze d'aluminium, vaut 28 fr. Toutes
les autres sont comprises entre ces limites de prix. (WARTMANN, Rapport
sur l'horlogerie.)
— 190 —
purement pratique, et, d'accord avec la municipalité et l'Etat,
une allocation a été récemment votée pour que la théorie fût
démontrée conjointement avec la pratique. Réorganisée dans
ce sens, cette école augmentera considérablement les excellents
fruits qu’elle a déjà portés.
L'école d’horlogerie de la Chaux-de-Fonds est de fondation
récente, mais donne néanmoins des résultats très satisfaisants.
L'outillage et les matières premières sont à la charge des élèves
qui paient une rétribution scolaire de 25 fr. par mois. Cette
école n’est pas représentée à l'Exposition.
Observatoire cantonal. — Les législateurs et administra-
teurs du canton de Neuchâtel ne se sont pas contentés
d'appuyer les deux fondations dont nous venons de parler.
Dans le but de relever l’industrie horlogère, un moment
abaissée par la spécialisation des ouvriers poussée à l'extrême,
et par une production très inférieure qu'encourageait une
spéculation qui ne devait être que momentanée, ils s'empres-
sèrent de voter la création d'un observatoire à Neuchâtel. Ils
ont senti qu'il était nécessaire, pour stimuler le zèle des éta-
blisseurs et des artistes, de leur mettre constamment sous les
yeux le but le plus élevé que l'horlogerie ait à atteindre.
Ajoutons qu'ils eurent le bonheur de placer à la tête de l'ob-
servatoire un jeune et savant astronome allemand, M. le D"
Hrrscx (depuis naturalisé neuchâtelois), qui dirigea la cons-
truction des bâtiments et l'installation des instruments. Après
quoi, le nouveau directeur s'empressa d'étendre le plus
possible l'utilité pratique de l'observatoire cantonal. Par des
dispositions heureusement combinées, il organisa la trans-
mission électrique de l'heure astronomique dans les divers
centres populeux, à la Chaux-de-Fonds et au Locle d’abord,
puis plus tard aux Ponts et à Fleurier. Deux artistes du Locle,
MM. H. GRANDJEAN et JüRGENSEN, ont même demandé et
obtenu que l'heure fût envoyée directement dans leurs ateliers.
En instituant des concours et des primes à décerner aux
— 191 —
chronomètres et montres de poche qui donneraient le meilleur
réglage, l'observatoire a réveillé l'émulation parmi les fabri-
cants neuchâtelois qui se sont empressés de répondre à cet
appel. L'observation des pièces soumises au concours offre,
en outre, cet avantage de déterminer scientifiquement les
procédés et organes de fabrication en usage qui donnent les
meilleurs résultats de marche et ceux qui sont inférieurs, de
signaler les choses à encourager ou celles dont il y a lieu de
conseiller l'abandon, d'indiquer les points faibles dans l'ins-
truction des ouvriers, en un mot d'aider à la marche d’une
excellente fabrication.
Par un grand dévouement à l'horlogerie neuchâteloise, par
une communauté d'idées et un contact journalier avec les
artistes du pays, M. Hirscx s’est multiplié et a donné à tout
le canton une impulsion scientifique dont l'industrie horlogère
s’applaudit chaque jour. Tout en adhérant sans réserve aux
compléments projetés des écoles d'horlogerie du Locle et de la
Chaux-de-Fonds, M. Hrrscx reconnaît l'urgence et conseille la
création d'une école identique dans le Val-de-Travers et d’une
école de perfectionnement à Neuchâtel. « Nous ne devons
pas nous borner à des écoles d'apprentissage pratique, dit-il,
il nous faut des écoles théoriques et pratiques complètes,
telles qu'elles existent à Besancon et à Cluses. Car, pour
nous maintenir dans la lutte de la concurrence et pour
suivre l’évolution qui se prépare dans la fabrication, il nous
faut des horlogers qui possèdent à la fois l'art et la science
horlogères; nos établisseurs devront être mécaniciens et in-
génieurs. » Il nous resterait à signaler les travaux purement
scientifiques que poursuit le directeur de l'observatoire et dont
il adresse chaque année l'exposé à une commission d'inspec-
tion. Maïs les bornes de ce rapport nous l’interdisent. Nous
dirons toutefois, avec M. Laussepar (!), que le bel établissement
(1) Elude sur le développement de l'horlogerie dans le département du
Doubs et en Suisse. (Annales du Conservatoire des arts et métiers.)
— 192 —
dont M. Hrrscu fait les honneurs avec une courtoisie parfaite,
donne la conviction que la science n’a rien à perdre et tout à
gagner en s'associant à des entreprises d'utilité publique d’un
ordre élevé.
Les produits de 69 ateliers du Jura bernois sont groupés
avec goût en exposition collective. Ces montres, très variées,
mais dans les qualités communes, sont fort satisfaisantes et
comme travail et comme prix. Cette collection, qui résume les
diverses qualités plus spécialement produites dans le vallon de
Saint-Imier, à Porrentruy, au Noïirmont, à Tramelau et à
Bienne, forme un ensemble des plus intéressants.
Une école d’horlogerie a été créée, il y a quelques années,
dans le vallon de Saint-Imier, mais nous manquons de docu-
ments sur son organisation et la nature de son enseignement.
Les fournitures d'horlogerie suisses sont aussi largement
représentées à l'Exposition. On remarque les collections de
cadrans de MM. Henry frères et Humbert-Droz, de la
Chaux-de-Fonds, et surtout celle de la maison Cereelle,
Fournier et ©, de Genève, qui occupe 50 ouvriers et livre
95,000 cadrans par année. Citons également la fabrique d’é-
bauches et finissages de ME. Jaceottet, de Travers (Eugène
Mauler et ©, successeurs), dont la vitrine contient des
calibres très variés, des balanciers et assortiments pour ancre
à levées visibles et couvertes. Enfin les fameux produits de la
Vallée sont représentés par la maison Leeoultre-Borgeaud,
du Sentier, une de celles qui ont acquis la renommée la
mieux justifiée dans ce genre de fabrication.
On sait que plusieurs centres du Val-de-Travers s'occupent
de la fabrication des outils et machines d'horlogerie. Quelques
maisons de Couvet, de Mothiers-Travers et du Locle, possèdent
de belles vitrines installées dans la galerie des machines. Ce
sont toujours les mêmes outils à peu de choses près : même
— 193 —
forme et même destination spéciale. La grande division du
travail a multiplié considérablement le nombre des outils ne
servant à exécuter qu'une ou deux fonctions au plus. Il serait
très avantageux d'avoir réunies dans une seule machine les
fonctions de plusieurs outils. Ainsi, par exemple, il est regret-
table que les machines à fendre et à tailler, si nombreuses
dans les fabriques d’horlogerie, n'aient aucune disposition
pour exécuter le taillage des engrenages coniques; et ce que
nous disons pour ces machines, nous pourrions le répéter
pour bien d'autres outils. Sous ce rapport, nous sommes
forcés de reconnaître qu'il n'y a aucun perfectionnement à
signaler.
MONTRES FRANÇAISES, — FABRIQUE BISONTINE. —
Nous l'avons déjà dit, Besancon est le seul centre de fabrica-
tion des montres en France. Le tableau suivant fait voir qu'en
1866 il a été fabriqué, à Besançon, 305,435 montres. Aïlleurs
la fabrication n'existe que dans des proportions extrêmement
restreintes, ainsi que le fait ressortir le tabléau dressé d'après
les documents officiels, et que nous extrayons du Compte-rendu
des travaux de la chambre de commerce de Besancon (exercice
1866) :
— 194 —
TABLEAU des boîtes de montres de fabrique nationale contrôlées,
en 1866, dans les bureaux de garantie de l'Empire français.
DÉSIGNATION NOMBRE NOMBRE |
; ; de boîtes TOTAL.
des bureaux de garantie. de boites en or. en argent.
Pari ae Pen 40 5,282 5,922
Evo es » 88 88
Marseille . . . .. » » »
Bordeaux . . ... » 4 4
LonlouseuLlEs Te » » »
Learn. 4.5: » » »
Strasbourg. . . .. , | 2 » |
Chambéry. . . .. , | » » |
NICE LR ET a » » |
AAUEDY a na » » »
Pontarlier... ) » »
Bellegarde. . . .. » » »
| Total. 5,414
DESADBON ed 101,309 204,126 305,435
| Total général. | 310,849
Ainsi, 5,414 montres ont été fabriquées dans le reste de la
France, etsi on les ajoute aux 305,435 mentionnées plus haut,
on arrive au chiffre de 310,849 montres pour la fabrication
francaise et dans laquelle Besancon entre pour plus de 98 °/.
Jusqu'à ce jour, la fabrique bisontine a dirigé toute son
activité sur le marché français dont elle s'est emparé à peu
près entièrement. En effet, les montres de fabrication étran-
gère soumises au Contrôle français se sont élevées, en 1866,
aux nombres suivants, que l'on trouve également consignés
dans le Compte-rendu des travaux de la chambre de commerce
de Besancon (exercice 1866) :
— 195 —
MONTRES
Bureaux. en or. en argent. Total.
Besancon . .. 4,455 19,976 24,431
Pontarlier . . . 5,968 8,832 14,800
Bellegarde . . . 3,609 647 4,526
Parts Lepereneret 1,030 17,101 18,131
ÉVON- one 4,978 3,646 8,624
Marseille. . .. 202 295 047
Bordeaux. . . . 12 231 243
Strasbourg. . . 16 169 185
Toulouse. 12 » » »
Le Hävre. . .. 6) 2 7
Chambéry . . . 11 49 60
Annecy .... l 81 82
NICOLE 101 57 158
20,438 51,086 71,524
Ainsi, en 1866, l'industrie étrangère a fait pénétrer en
France 71,524 pièces, de sorte qu’il a été répandu dans le
commerce français 382,273 montres, chiffre dans lequel la
production bisontine entre pour 80 °/,. Ce résultat montre que
Besancon tend de plus en plus à s'affranchir de tout tribut
envers la Suisse, et il met bien en relief les puissants élé-
ments de vitalité que cette ville renferme au point de vue de
l'horlogerie.
Du reste, c'est quelque chose de beau et de touchant que la
naissance et les développements de la fabrique bisontine. A
l'origine, c’est une poignée de Neuchâtelois forcés de fuir leur
patrie par suite de la tourmente de 1793, et qui trouvent en
France un appui sympathique dans le gouvernement révo-
lutionnaire. Un secours pécuniaire, vraiment fabuleux pour
le temps, leur est offert et sert de fondement à la naissante
industrie. 11 semble qu'on a hâte de rapatrier ce que la révo-
cation de l'édit de Nantes a fait perdre à la France d'artisans
et de richesses industrielles. Les débuts furent difficiles : il y
— 196 —
eut des phases de revers et des phases de succès; néanmoins,
à travers une foule de péripéties, les pas sont lents, maïs ils
sont sûrs.
La seconde proclamation de la République, en 1848, faillit
faire périr l'horlogerie bisontine qui devait la vie à la Répu-
blique de 93. Pourtant l'orage ne fut que passager, et bientôt
la confiance fit place à la crainte. La crise, bien que fort dou-
loureuse pour nos horlogers peu affermis, ne tarda pas à être
oubliée par suite d’un essor nouveau que prit la fabrique.
Jusqu'à cette époque, la population horlogère bisontine n'était
guère composée que de familles suisses primitivement émigrées
et auxquelles s'étaient ralliés volontairement d’autres compa-
triotes. Mais, à partir de 1848, la population indigène entre
franchement dans l'industrie des montres, et c'est réellement
à partir de cette agrégation que l'horlogerie bisontine apparaît
forte et prospère.
La fabrique bisontine n'avait participé que timidement à l'Ex-
position universelle de 1855, à Paris; elle n'y était représentée
que par quelques artistes. Mais, en 1860, elle avait été assez
forte pour constituer l’une des parties les plus importantes de
l'Exposition universelle de Besançon, organisée par les soins de
la Société d'Emulation du Doubs, sous le patronage de S. A. I.
le prince Napoléon. Cette Exposition n'eut pas la visite de son
illustre protecteur, de sorte que l'horlogerie bisontine manqua
cette occasion de se faire connaître d'une partie du monde
officiel. Toutefois, malgré une année exceptionnellement plu-
vieuse et peu favorable pour les touristes, cette Exposition,
installée à l'Est extrême de la France, fut néanmoins visitée
par les fervents de l’industrie et les connaisseurs intéressés :
aussi l'horlogerie bisontine a-t-elle vu s’accroître rapidement,
à partir de cette époque, et sa réputation et sa production. En
1860, elle ne produisait que 211,811 montres, tandis qu'en
1868 elle en a livré 335,961; c'est donc, huit ans après, une
augmentation annuelle de 124,150 montres.
— 197 —
Bien que la fabrique bisontine ne se soit occupée jusqu'à
ce jour que des articles français, les ressources qu'elle a gra-
duellement acquises lui permettent de produire actuellement
tous les genres propres à l'exportation : c'est dire qu'elle est
à même de répondre aux.diverses exigences du commerce
avec l'étranger.
Quelques maisons ont fait des tentatives couronnées de
succès pour trouver des débouchés au dehors, et l’un de ces
comptoirs a depuis longtemps déjà le privilége de la fabrication
et de l’exportation des montres soignées pour la Chine.
L'établissage se: fait à Besancon comme dans les fabriques
suisses, c’est-à-dire par une division très grande du travail;
la main-d'œuvre des femmes y entre également pour une
large part.
La fabrique de Besançon tire ses blancs et ses finissages de
la Vallée de Joux et du Val-de-Travers, pour les ouvrages de
choix , et des fabriques de l'arrondissement de Montbéliard et
du Haut-Rhin, pour les qualités courantes.
La population horlogère de Besançon est évaluée à 15,000
âmes; son mouvement d'affaires s'est traduit, en 1866, par le
chiffre de 16,000,000 de francs pour les montres seulement.
Ecole d’horlogerie de Besançon. — Reconnaissant de plus en
plus l'insuffisance des apprentissages en horlogerie, plusieurs
fabricants ou hommes dévoués à l’industrie sollicitèrent et
oblinrent la fondation d’une école d’horlogerie dans cette ville.
Instituée, le 23 février 1861, par le Conseil municipal, elle ne
fut installée que le 1° février 1862 dans un superbe bâtiment
appartenant à la ville. L'enseignement de cette école est théo-
rique et pratique. La durée réglementaire des cours est de
trois années. Mais il est facultatif aux élèves, dont l'application
et la bonne conduite sont l'objet de rapports favorables, de
prolonger leur séjour à l'école pour y suivre des cours de
perfectionnement.
— 198 —
La rétribution scolaire est de 200 fr. par an; les matières
premières et l'outillage sont fournis par l'établissement.
Par la nature de son enseignement et par l'impulsion donnée
aux études, cette institution fournit progressivement des hor-
logers instruits, connaissant sérieusement la théorie et la pra-
tique de leur profession, et 1l est incontestable que le nombre
croissant des horlogers habiles contribuera puissamment à
élever la qualité et à étendre la réputation des produits d'un
centre de fabrication qui, comme on l’a vu plus haut, a dé-
cuplé en moins de vingt ans le chiffre de sa production.
On a reproché à cette institution de donner trop de temps à
la théorie au détriment de la pratique. Le programme de l’en-
seignement que nous rapportons ci-dessous fera justice de
cette allégation.
Programme de l'enseignement de l'Ecole d'horlogerie
de Besançon.
{'° ANNÉE. — (3° division).
Enseignement pratique. — Eléments de limage, de tournage,
forgeage et écrouissage des métaux. — Confection des petits
outils pour le travail des ébauches et pour le finissage. —
Construction des ébauches sur les calibres les plus employés.
Enseignement théorique. — Révision de l’enseignement pri-
maire. — Arithmétique. — Système métrique. — Géographie.
Dessin linéaire. — Principes généraux. — Dessin des outils
et des machines les plus simples employés dans l'horlogerie.
2° ANNÉE. — (2° division).
Enseignement. pratique. — Finissages sur des ébauches de
divers calibres. — Pivotage. — Confection des diverses pièces
de l’échappement à cylindre.
Enseignement théorique. — Exercices de style. — Géogra-
phie. — Arithmétique. — Géométrie élémentaire et ses appli-
cations. — Eléments de mécanique.
— 199 —
Dessin linéaire. — Epures de géométrie. — Epures des ma-
chines et outils employés en horlogerie. — Dessin des diverses
parties de la montre.
3° ANNÉE. — ({"° division).
Enseignement pratique. — Construction et plantage des
échappements. — Repassage. — Réglage. — Remontage.
Enseignement théorique. — Cours de mécanique physique
appliquée. — Notions de chimie industrielle. — Cosmogra-
phie. — Comptabilité commerciale. — Géographie générale.
Dessin linéaire. — Tracé théorique et pratique des engre-
nages., — Epures des échappements. — Dessin des mouve-
ments d’horlogerie d’après nature.
Les lecons théoriques sont données, dans les trois divisions,
tous Les jours de la semaine, de 7 heures à 9 heures du matin,
le jeudi excepté.
Le travail de l'atelier a lieu tous les jours de 9 heures du
matin à midi, et de { heure 1/2 à 5 heures du soir.
Le cours de dessin à lieu, pour les trois divisions réunies,
trois jours par semaine, les lundi, mardi et vendredi, de 5 à
7 heures du soir.
Le cours de comptabilité commerciale et de géographie gé-
nérale, pour les élèves de la 1"° division, est tenu le mercredi
de chaque semaine, de 5 à 7 heures du soir.
Le samedi, le directeur fait subir aux élèves un examen
récapitulatif du travail de la semaine, afin de suivre en quelqüe
sorte pas à pas la marche des études.
Ainsi, on le voit, la théorie emploie { heure 3/4 par jour le
matin, le jeudi excepté; tandis que les cours pratiques durent
6 heures par jour, réparties en deux séances de 3 heures, et
ont lieu tous les jours de la semaine.
Chaque cours théorique ou pratique est enseigné par un
professeur spécial, et la marche des études y est organisée de
façon qu'à toutes les phases de l'apprentissage les jeunes hor-
— 200 —
logers puissent faire une comparaison et une étude constantes
de la théorie et des résultats fournis par la pratique.
Ajoutons que, comme complément de l'école, un pensionnat
pour les élèves horlogers appartenant aux familles domiciliées
au dehors, est installé dans les dépendances du lycée impérial,
conformément à une décision de Son Excellence le Ministre
de l’Instruction publique, à la date du 21 juillet 1865.
Ce pensionnat est tout à fait spécial et distinct du pensionnat
du lycée; les jeunes gens qui y sont placés demeurent soumis
à la même surveillance et ont le même régime alimentaire
que les élèves du lycée.
Indépendamment de l’enseignement technique donné à
l'école d'horlogerie, les élèves pensionnaires reçoivent, sous
la direction du proviseur, des lecons particulières dont le
programme comprend l’enseignement religieux, les langues
vivantes (allemand, anglais), la gymnastique et les arts d'a-
grément, musique, dessin de la tête et d'ornementation.
Fondée pour faciliter et perfectionner l'éducation profes-
sionnelle des ouvriers en vue d’une industrie spéciale, l’école
d'horlogerie de Besançon peut être considérée comme l'un
des types de l’enseignement professionnel (!).
Mais, il ne faut pas se le dissimuler, l’enseignement dans
une école professionnelle spéciale doit être d’une nature toute
particulière ; il doit rendre aussi intimes que possible la théorie
et la pratique. En ce qui concerne l'horlogerie, l’enseignement
doit emprunter aux sciences positives tous les principes géné-
raux qui régissent les diverses fonctions des machines horaires,
leur donner un corps, les enchaîner d'une manière métho-
dique, afin de faire ressortir, aux yeux des élèves, combien la
Connaissance des notions théoriques facilite l'exécution ma-
auelle ce qui excitera en eux le désir du travail intelligent.
() Les demandes d'explications ou de renseignements doivent être
adressées à M. le maire de Besançon ou au directeur de l'école d'horlo-
gerie.
— 201 —
Il importe beaucoup aussi de familiariser les élèves avec les
diverses applications des sciences aux moyens de mesurer le
temps, de leur signaler dans quelle mesure la théorie y inter-
vient, soit quant à l’idée première, soit quant aux procédés
employés dans l'exécution. Sous ce rapport, l’école d’horlogerie
de Besancon est largement dotée, puisque le personnel enseiï-
gnant est tel qu'il satisfait à tous les besoins; c'est assurément,
parmi toutes les écoles du même genre, celle où l'enseignement
professionnel spécial est organisé sur les plus larges bases.
Si, chaque année, une exposition locale et publique des tra-
vaux des élèves a pour but d’exciter leur émulation, en même
temps que d'initier le public intéressé de la ville à la nature
et la marche de l'enseignement scolaire, la participation de
l'école d’horlogerie de Besançon à l'Exposition universelle a
pour objet de la faire connaître au monde entier.
L'école bisontine expose donc le travail manuel exécuté par
ses élèves dans les diverses phases de l'apprentissage. En
regard du travail de chaque élève se trouve inscrit et son âge
et le temps écoulé depuis son entrée à l'école, de sorte que le
public peut apprécier la marche et l'esprit de l’enseignemen’
Cette exposition excite vivement la curiosité des horlogers de
bonne foi, qui sont frappés des résultats obtenus.
Dans l'exposition des travaux de cette école figure aussi un
mouvement de montre très amplifié, constituant un appareil
de démonstration. Il a été construit par les professeurs. Nous
avons déjà dit que des appareils analogues existent dans les
vitrines des autres écoles, ce qui prouve combien ces sortes
d'amplification sont indispensables à ceux qui s'occupent
d'enseignement méthodique, car elles mettent en évidence des
particularités essentielles sur lesquelles les professeurs ont
besoin d’insister vis-à-vis des élèves, particularités que le petit
volume des montres ordinaires rend peu distinctes et souvent
incompréhensibles, par suite d'une trop grande vitesse de
marche.
Le jury, voulant récompenser les résultats obtenus par la
14
—- 202 — tres
jeune ecole bisontine, lui a décerné une médaille semblable à
celles obtenues par l’école de Cluses et les deux écoles suisses.
Nous venons de citer l’école de Cluses. Cette institution a
été fondée, en 1848, par le gouvernement sarde, dans le but
d'introduire la fabrication complète des montrés dans les
montagnes de la Haute-Savoie. Après l'annexion de la Savoie
à la France, cette école a été réorganisée, décrétée école im-
périale d'horlogerie, le 30 novembre 1863, et placée sous la
direction d'un horloger de mérite, M. Bexorr. Les produits
exposés par cette école consistent en une série de travaux faits
par les élèves, et en une belle collection d'échappements exé-
cutés pour les démonstrations et dont plusieurs ont déjà figuré
dans les expositions antérieures.
Des centres de fabrication dans le Doubs qui alimentent.la
fabrique bisontine. — En dehors du chef-lieu, on rencontre
dans le département du Doubs des milliers d'ouvriers s'occu-
pant de la construction de l'horlogerie de gros et de petit vo-
lume, c’est-à-dire des mouvements de pendules, des ébauches,
des finissages et échappements pour montres.
Arrondissement de Montbéliard. — C'est dans les centres de
cet arrondissement que s'établit la presque totalité des blancs-
roulants (!) qui alimentent la fabrique de pendules de Paris.
Les maisons Japy frères, Japy, de Berne-Seloncourt,
Roux et C°, Marti et ©, représentent un chiffre impor-
tant de production, et le dépôt que ces maisons ont fondé en
commun, boulevard du Prince-Eugène, livre aux horlogers
de Paris 300,000 mouvements de pendules par an. Nous avons:
déjà dit que quelques-unes de ces maisons construisent aussi
les mouvements des télégraphes électriques ; MM. Roux
= ————_——— CE
@) On appelle blancs-roulants les mouvements de pendules composés
des roues taillées, arrondies, des pignons pivotés, le tout mis en place
ainsi que le barillet. Par blancs-roulants pour montres, on désigne les
mouvements au même degré d'avancement.
— 203 EE
et ©‘ apportent une attention et un soin Es à ce RCure
de fabrication.
Le travail de l'horlogerie de petit volume accuse une pro-
duction non moins remarquable, puisque MM. Japy FRÈRES
ont fabriqué, en 1865, 638,640 ébauches ou finissages de
montres, dont 502,392 ont été livrés à la Suisse, et 136,248 à
Besançon. |
Les maisons Louis Japy, à Berne-Seloncourt, HBeur-
nier frères, Baudroit, Gondelfinger et Bichet, et
Villequez, à Seloncourt, produisent annuellement 215,000
ébauches de montres et finissages, dont une partie est exportée
en Suisse.
Dans ce même arrondissement se trouvent beaucoup d’autres
ateliers qui s occupent de la construction des porte-échappe-
ments pour les pendules de voyage, l’une des spécialités de
l'industrie parisienne. Enfin, comme industrie étroitement
hée à l'horlogerie, il faut citer la fabrication des boîtes à mu-
sique, qui a pris une grande extension sous l'impulsion de
M. Auguste Lépée, à Sainte-Suzanne; en effet, plus de
30,000 pièces sont livrées annuellement au commerce par
cette maison: |
Les horlogers des cantons de Saint-Hippolyte, du Russey
et de Maiche, s'adonnent plus spécialement à la fabrication
des assortiments pour les échappements à ancre, à cylindre, à
palettes, et exportent, en Suisse, en Angleterre et en Alle-
imagne, de nombreux produits dont les spécimens remar-
quables figurent dans la vitrine collective du Doubs. |
C'est dans les villages des cantons que nous venons de citer
que se construit la presque totalité des fournitures qu'emploient
les fabriques suisses; et, sous ce rapport, il existe un grand
préjugé qu'il serait temps de faire disparaître. En effet, on
représente sans cesse la fabrique bisontine comme tributaire
de la Suisse, tandis que cette dernière ne pourrait se passer
du concours des fabricants français. « Sans la France, dit
— 204 —
M. Repter (t), la Suisse serait fort en peine pour suffire aux
demandes qui lui sont faites de l'étranger, tandis que la France
peut se passer de la Suisse, et a chez elle tous les éléments de
production dont la grosse part alimente la Suisse elle-même,
sinon comme pièces finies, au moins comme préparations,
ébauches, pièces détachées, échappements, etc. »
Arrondissement de Pontarlier. — Les cantons de Pontarlier
et de Morteau comptent aussi beaucoup d'ouvriers se livrant
à la fabrication des cylindres, des ancres et des roues; ils font
de nombreux envois à Genève et aux autres fabriques suisses.
Depuis quelque temps, la fabrication des blancs-roulants
pour montres prend dans ces mêmes cantons un grand accrois-
sement; ce qui tient au perfectionnement de la qualité des
produits, à tel point que tout fait présager que, dans ur avenir
prochain, ces produits feront une sérieuse concurrence à ceux
si bien réputés de la Vallée de Joux.
Arrondissement de Bawme-les-Dames. — Dans cet arrondis-
sement il a été créé, sous la direction de MEME. Meusy frères,
une fabrique de plantages qui jouit d'une réputation haute-
ment justifiée.
Outils d'horlogerie. — Les fabriques de Besancon, des Gras
et de Montécheroux font, en France et à l'étranger, un com-
merce considérable pour la fourniture et la confection des
machines et outils d'horlogerie.
La fabrication des limes pour horlogerie occupe aussi, à
Besançon et dans l'arrondissement de Montbéliard, plusieurs
ateliers dont les produits trouvent également un écoulement
facile en France et à l'étranger.
Ce rapide exposé montre que tous les éléments qui con-
coureñt à la fabrication de l'horlogerie sont abondamment
répartis dans le département du Doubs, et que c’est à Besançon
() Les récompenses de la classe 23, brochure, chez l'auteur; Paris,
1867.
— 205 —
que viennent se centraliser toutes les subdivisions du travail
dont cette fabrication est l’objet.
C'est à Besancon que, remis entre les mains d'ouvriers
intelligents, ces éléments divers sont réunis et coordonnés.
C'est à Besancon, enfin, que la forme définitive et la vie
leur sont données.
On compte à Besancon 200 maisons qui se livrent spécia-
lement à la fabrication et au commerce des montres, et qui,
par la perfection de leurs produits, sont tellement en posses-
sion du marché français, qu'on peut citer aujourd'hui huit à
dix maisons suisses qui, pour continuer en France d'anciennes
relations commerciales, ont dû fonder à Besancon des comp-
toirs d'achat et de fabrication.
La construction des boîtes d’or et d'argent y occupe 105 ate-
liers. Chacun d'eux se compose de 7 à 8 ouvriers, ce qui porte
à environ 850 le nombre des spécialités de cette branche de
travail. À ce chiffre il faut ajouter celui des femmes qui, dans
le polissage et le finissage des boîtes, trouvent une occupation
lucrative.
La décoration des boîtes, qui comprend la gravure, le guil-
lochage, l’'émaillage et la ciselure, occupe environ 400 ouvriers
et artistes.
Enfin, de grands ateliers travaillent à Besancon pour l'ex-
portation ; ainsi des quantités considérables de ressorts de
montres, de cadrans, de chaînes de fusées pour montres an-
glaises, de rouge à polir et d'huile pour horlogerie, s'expédient
régulièrement pour l'Angleterre, l'Allemagne et l'Amérique.
Telles sont les conditions dans lesquelles se trouvait la
fabrique d’horlogerie de Besancon au moment de l'ouverture
de l'Exposition universelle à laquelle elle s’est empressée de
concourir.
Comité départemental du Doubs. — L'article 3 du règlement
général de l'Exposition universelle était ainsi conçu :
— 206 —
« Dans chaque département de l'Empire français, la Com-
mission impériale constituera, avant le 25 août 1865, un
Comité départemental qui aura pour mission :
» {° De faire connaître, dans toute l'étendue du département,
les mesures concernant l'organisation de l'Exposition, et de
distribuer les formules de demande d'admission, ainsi que les
autres documents émanant de la Commission impériale ;
» 2° De signaler, avant le 31 octobre 1865, les principaux
artistes, agriculteurs et manufacturiers, dont l'admission à
l'Exposition universelle semblerait particulièrement utile à
l'éclat de cette solennité ;
» 3° De provoquer, comme il est dit à l’article 29, les expo-
sitions de produits agricoles du département;
» 4° D'instituer une commission de savants, d'agriculteurs,
de manufacturiers, de contre-maîtres et autres hommes spé-
ciaux pour faire une étude particulière de l'Exposition univer-
selle, et pour publier un rapport sur les applications nouvelles
qui pourraient être faites, dans le département, des enseigne-
ments qu'elle aura fournis;
» 9° De préparer, par voie de souscription, de cotisation et
par toutes autres mesures, la création d’un fonds destiné à
faciliter la visite et l'étude de l'Exposition universelle aux
contre-maîtres, cultivateurs et ouvriers du département, et à
.subvenir aux frais de publication du rapport mentionné ci-
dessus. » |
Le Comité départemental du Doubs a été créé ensuite d’une
délibération de la Commission impériale par un arrêté dont
voici la teneur :
« LE MARÉCHAL DE FRANCE MINISTRE DE LA MaIsoN DE L'Em-
PEREUR ET DES BEAUX-ARTS, VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION
IMPÉRIALE, :
» Vu le règlement général délibéré par la Commission im-
périale, le 7 juillet 1865, et approuvé par décret impérial, en
date du 12 juillet 1865:
— 207 —
» Vu la délibération de-la-Commission impériale, en date
du 31 juillet 1865; Let
» Vu l'arrêté du 7 août 1865, concernant la nomination des
Comités départementaux,
» Arrête :
» Art. {*. Le Comité départemental du Doubs est composé
ainsi qu'il suit : MED EE
MM.
Bra, capitaine, professeur à l'Ecole d'artillerie de Besançon;
BLonDpEAU (DE), propriétaire de forges, à Saint-Hippolyte ;
Brerizcor (Léon), membre du Conseil général ; |
BussierRe (Jules pe), président de la Société d'agriculture;
Bossy (Xavier), fabricant d'horlogerie ;
Casraw, inspecteur des archives communales du Doubs ;
CHagauDp-Larour (baron p£), fabricant d'horlogerie, à Mont-
béliard.
Cuvinor, ingénieur du service hydraulique ;
2 Faucouwpré, chef d'escadron d'artillerie en retraite, lauréat de
la prime d'honneur au concours agricole de Besançon ;
Fernier (Louis), président du conseil des prud'hommes ;
FoNTAINE, ingénieur des ponts et chaussées ;
Giro» (Victor), président du cercle de l'horlogerie;
Grenier (Charles), président de la-Société d'horticulture ;
Jary (Octave), manufacturier à la Feschotte ;
JEANNOT-Droz, fabricant d’'horlogerie ;
LorimiEr (Charles), fabricant d'horlogerie, membre de la
Chambre de commerce ;
Meier, manufacturier, à l'Isle-sur-le-Doubs ;
Moxraxpox (Henri), fabricant d'horlogerie ;
Morez, président de la Chambre consultative des arts ét ma-
néfactures de Montbéliard ;
OUTHENIN-CHALANDRE, manufacturier, membre de la Chambre
de commerce ;
Peuceor (Charles), manufacturier à Pont-de-Roïde ;
ET:
.. MM. E
Peucsor (Constant), manufacturier à Audincourt, membre
de l’un des comités d'admission institués à Paris près la
Commission impériale ;
Peucsor (Jules), manufacturier, à Hérimoncourt;
RÉsaL, ingénieur des mines ;
SrrouL, directeur de la Compagnie des forges d'Audincourt;
Vanpez (Auguste), vice-président de la Chambre d'agriculture
de Pontarlier, à la Ferrière-sous-Jougne;
VanpEL (Charles), manufacturier, à Pontarlier;
VauTHERIN (Jules), gérant de la Compagnie des forges de
Franche-Comté. |
» Art. 2. Le conseiller d'Etat, commissaire général, est
chargé de l'exécution du présent arrêté.
» Paris, le 17 août 1865.
» (Signé) VAILLANT. »
Le Comité s’est constitué, le 28 août 1865, sous la présidence
de M. le Préfet du Doubs; puis il a procédé à la formation de
son bureau.
Ont été élus :
Président, M. BRETILLOT ;
Vice-Présidents, MM. STRouL et FAUCOMPRÉ ;
Secrétaires, MM. Résa, CasTan, le baron DE CHABAUD-
LaTour et CUVINOT.
Profitant de la faculté que lui accordait l’article 6 de l'arrêté
du 7 août 1865, concernant l’organisation des Comités dépar-
tementaux, le Comité du Doubs s'est adjoint, dès sa première
séance :
MM.
KHacmPpELTz, graveur en horlogerie, à Besançon ;
Laurens (Paul), rédacteur de l'Annuaire départemental ; :
LéPées, fabricant de boîtes de musique, à Sainte-Suzanne ;
Mixary, ingénieur de la Corapagnie des forges de Franche-
Comté;
— 209 —
MM.
SIRE, directeur de l'Ecole municipale d'horlogerie de Besançon;
SCHEURER-SAHLER, filateur, à Audincourt.
Dans une séance subséquente (7 octobre 1865), le Comité
complétait la liste de ses adjonctions en ouvrant ses rangs à
M. Savoye (Charles), fabricant d’horlogerie à Besançon et à
Paris.
Conformément aux instructions de la Commission impé-
riale, le Comité devait tout d'abord « faire connaître, dans
toute l'étendue du département, les mesures concernant l'or-
ganisation de l'Exposition. »
Il a cherché à atteindre ce but au moyen de la proclamation
suivante, qui a été publiée sous la double forme d’une affiche
et d’une circulaire :
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867, A PARIS.
COMITÉ DÉPARTEMENTAL DU DOUBS.
« Le gouvernement de l'Empereur convie, pour la seconde
fois, les producteurs de toutes les nations du monde à se me-
surer avec les producteurs de la France.
» On ne conteste plus aujourd'hui les merveilleux effets de
ces luttes pacifiques, qui donnent à chaque peuple une cons-
cience nette de sa valeur, lui indiquent les véritables voies de
son développement moral et matériel, éteignent enfin, au profit
du bien-être général, ces rivalités mesquines dont l’inflaence
a tant de fois assombri notre passé.
» La Commission impériale de l'Exposition universelle de
1867, désirant qu'aucune des forces vives de la nation n'é-
chappe à la grande manifestation qu'elle organise, a constitué
dans chacun des départements français un Comité corres-
pondant.
» Ces Comités ont pour mission :
» 1° De provoquer les adhésions utiles à l'éclat de la solen-
nité qui se prépare ;
En |
» 2 De renseigner les exposants sur les mesures SAS
par la Commission impériale :
» 3° De faire étudier l'Exposition au point de vue des ensei-
gnements applicables à chaque région, et de publier ces études
spéciales ;
» 4° De créer un fonds destiné à faciliter la visite de l'Ex-
position à des cultivateurs, contre-maîtres et ouvriers.
» Le Comité départemental du Doubs s’efforcera de remplir
dignement les intentions de la Commission impériale. Il sait
qu'il a besoin pour cela du bon vouloir de tous; mais il
n'ignore pas non plus tout ce qu'il y a lieu d'attendre, en
pareille circonstance, d’un pays intelligent et sérieux comme
le nôtre.
» L'Exposition de 1867 comprendra les produits agricoles,
industriels et artistiques; et le département du Doubs est en
mesure de figurer avec distinction dans chacune de ces caté-
gories du concours.
» S'est-il présenté Jamais une occasion plus solennelle de
faire valoir les qualités de ce vigoureux bétail fémelin que les
éleveurs du Nord se disputent sur nos foires? Hésiterions-nous
à mettre en lumière les fromages et la boissellerie, ces deux
sources de la prospérité de nos montagnes; puis ces vins et
ces kirschs de nos vallées, dont l'exquise finesse n’est encore
appréciée que par un trop petit nombre de connaisseurs ?
La réputation de nos grandes usines métallurgiques est
universelle ; mais nos industriels tiendront à montrer que,
malgré la concurrence des produits de qualité inférieure, ils
peuvent honorablement maintenir les procédés d’une fabrica- .
tion habile et consciencieuse. Notre horlogerie, qui alimente
à peu près exclusivement les marchés français, a chance de
faire, en 1867, plus d'une conquête de débouchés nouveaux.
Les industries si ingénieuses de la contrée de Montbéliard
charmeront à leur tour les visiteurs, et étendront encore la
renommée de science et de travail de la patrie de Cuvier.
» Nos artistes connaissent trop bien le chemin du salon et
A def
K 7h 3
— 211 —
“+ les bonnes fortunes de ce champ-clos, pour que nous puis-
__ sions douter de leur présence au rendez-vous de 1867.
» Le Comité départemental tient à la disposition des pro-
ducteurs du pays les formules de demandes d'admission et
autres documents publiés par la Commission impériale. Il
‘leur communique, ci-après, les articles du règlement général.
qu il leur importe dès à présent de connaître.
» Il les prie de vouloir bien transmettre à son président un
_ double des demandes qu'ils adresseront à la Commission im-
périale, et cela dans le but de simplifier la tâche des personnes
qui étudieront l'Exposition universelle au point de vue du
département,
» Quant à la création d’un fonds destiné à permettre la visite
du concours à des agriculteurs, des contre-maîtres et des ou-
vriers, cette idée est trop généreuse et trop féconde pour que
sa réalisation puisse faire ici l'objet d’un doute. Le Comité
départemental ose compter, dans ce but, sur la coopération
des Conseils municipaux, des Chambres de commerce et d'a-
griculture, des associations scientifiques, agricoles, indus-
trielles et artistiques, de toutes les personnes enfin qui aiment
les classes laborieuses et jugent que c'est surtout par l'instruc-
tion qu'on arrive à les rendre meilleures.
» La liste des corporations ou personnes qui auront pris
part à cette bonne œuvre sera soigneusement établie; elle sera
publiée à la suite de l'étude spéciale que dirigera le Comité.
» Grâce à la facilité des transports, au besoin de mieux en
mieux senti des relations internationales, l'Exposition univer-
selle de 1867 promet de dépasser, comme proportions et comme
intérêt, toutes les manifestations du même genre qui l'ont pré-
cédée. Il faut qu'il en soit ainsi pour l'honneur de la France, et
l'indifférence ne saurait être permise en face d'un tel sentiment.
» Besançon, le 30 août 1865.
» Au nom du Comité départemental du Doubs :
» Le Président, L'un des Secrétaires,
» L. BRETILLOT. A. CaSTAN. »
— 212 —
Ce document, communiqué à la Commission impériale, a
- eu la bonne fortune d’être jugé digne par cette haute assem-
blée de servir de guide aux autres Comités des départements.
Cent exemplaires envoyés, sur sa demande, à M. le Commis-
saire général, ont été adressés, en effet, à titre de renseigne-
"ment, à tous les Comités départementaux de France.
Par l'article 27 de son règlement général, la Commission
impériale. avait formulé le désir que les producteurs français,
exerçant des industries comprises dans une même classe,
s’entendissent entre eux pour faire un projet d'installation
dans l'emplacement qui aurait été affecté à leur classe.
Le Comité jugea qu'un concert de cette nature était parti-
culièrement désirable pour l'installation des produits de la
fabrication horlogère de Besançon et du département du.
Doubs. Le Comité réunit, à cet effet, les établisseurs d’horlo-
gerie de Besancon, qui adhérèrent unanimement à cette com-
binaison. M. Ch. Savoye, désigné comme mandataire du
groupe horloger près la Commission impériale, s'empressa de
parcourir les montagnes du Doubs pour obtenir le concours
des fabricants d'outils, d'ébauches et de toutes les parties
détachées relatives à la construction des montres.
Nous ne saurions adresser trop complètement nos éloges à
M. Ch. Savoye pour le zèle et le dévouement qu'il a déployés
dans sa mission. Il ne fallait rien moins que son ardent désir
de faire triompher le droit pour vaincre les difficultés qu'il a
rencontrées de la part des délégués parisiens, tant pour la place
à obtenir que pour le genre de vitrine à installer. Nous ne
pouvons oublier de dire aussi que c'est aux démarches désin-
téressées de M. Ch. Savoye, près des fabricants et ouvriers
des montagnes du Doubs, que l’on doit les nombreuses adhé-
sions que l'on a enregistrées.
Enfin, lorsque le nombre définitif des exposants horlogers
fut connu, une splendide vitrine a été construite et installée
dans une des meilleures places de la classe 23. C’est dans
cette vitrine que se trouvent classés les produits de la fabrique
bisontine et des divers arrondissements du Doubs, représentés
par 86 exposants.
Au-dessus de cette vitrine, on lit l'inscription que voici :
Exposition collective des ouvriers, contre-maîtres -
Les exposants dont les produits figurent dans cette vitrine
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et fabricants du Doubs.
monumentale sont les suivants :
Etablisseurs et ouvriers.
MM. Savoye frères et Cie, à Besançon.
Fernier, Louis, et frères, id.
JEANNOT-DROZ, id.
Bossy, Xavier, . id.
CRESSIER, id.
BourrTey fils, id.
FAvRE-HEINRICH, id.
Taminrau et Cie, id.
BorTeL et fils, id.
Haas jeune,
id.
LamBEerT, Hippolyte, id.
WuILLEUMIER et sœurs, id.
DE LimaN, | id.
Cosre, Auguste, id.
BELLAT, Jules, id.
PrzyazLcowskr, Julien, id.
MonTanpoN, Charles, id.
MicHeL, id.
Naupier, Louis, id.
MÉTAYER, id.
Rauss, id.
L'EcoLt MUNICIPALE D'HORLOGERIE : G. SIRE, directeur.
Fabricants d'ébauches, remontoirs, etc.
MM. Jaccarp, Ulysse, à Besançon.
BEURNIER frères, à Seloncourt.
MM.
MM.
MM.
MM.
.— 214 —
. Dupommier et MaRGuET, à Villers-le-Lac.
BiérruY frères, id.
Finisseurs.
Moxxer, Charles, au Creux de Damprichard.
Hinrzy, Auguste, à Charmauvillers.
Blancs de pendules et appareils télégraphiques.
Roux et Ci°, à Montbéliard.
Planteurs d’échappements.
GéLix, Constant, à Montbéliard.
Bruor, Louis, et Cie, id.
MarGuET, Emile, à Villers-le-Lac.
Meuzy frères, à Baume-les-Dames.
Marxey, Edouard, aux Verrières-de-Joux.
GirarD, Paul, à Besançon.
CouLon, Joseph, id.
Pizzoy, Victor-Léon, à Besançon (réparage de ponts par
procédés mécaniques).
Fabricants d'assortiments pour échappements à verge,
à cylindre, à ancre, etc.
CHATELAIN, Auguste, à Charquemont.
LAMBERT, Amable, à Villers-le-Lac.
Bargier, Xavier, à Charquemont.
BixéreuY frères, id.
More, Aimé, aux Ecorces.
SaroN, Xavier, à Besancon.
Leroux, Pierre, id.
Fabricants d'équarrissoirs, fraises, raquettes, balanciers,
MM.
vis, secrets, pierres, etc.
SÉRANT, à Besancon.
JuNop, Ulysse, id.
MarécHaux (Me), id.
MM.
MM.
MM.
MM.
MM.
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QuéLerT, Jean-Pierre, à Besançon.
Guxor, 2 ed.
MonTaRLiER, à Villers-le-Lac.
Viaz, à Besancon.
DesserT, Frédéric, 1d.
Fabricants d’aiguilles.
Bipau, Emmanuel, à Besançon.
HuGuEnIN, Ulysse, id.
JEANNERET, Armand, id.
Gizzer, Edouard, id.
Lécrivaix, Claude, id.
BALANCHE, id.
PERNeT, Jeanne (M'°), id.
Fabricants de ressorts.
Berraoup (M"° veuve), à Besançon.
HumBerT-LEeBoN, Lucien, id.
Fabricants de cadrans.
JoBeLiN, Célestin, à Besançon.
ALIX, Just, id.
MATHIEU, Alphonse, id.
Doreurs et argenteurs.
Giro», Victor, à Besancon.
BERTHELOT, id.
PINAIRE, id.
Préparateurs de matières d’or et d'argent pour monteurs
MM.
de boîtes, pendants, bélières, etc.
PuiLiserT, Léon, à Besancon.
Æscximanx et Cj°, id.
Maraey-DorErT, id. (plaqué, galonné).
Monteurs de boîtes d’or.
. Braxc, Jean, à Besançon.
— 216 —
MM. Meyer, Jean, à Besancon.
PerreNoup et (ie, id.
PERRELET (M"° veuve) et fils, id.
GuigaRp père et fils, id.
HAMBART frères, id.
Monteurs de boîtes d'argent.
MM. Couzer, Edouard, à Besancon.
Rozanp, Jean-Joseph, id.
SAVOUREY, Arthur, id.
Domox, id.
Méxawr frères, à Damprichard (maillechort, dardenne).
Graveurs.
MM. Borzcor, Constant, à Besançon.
Borzcor, Charles, id.
Borzcor, Victor, id.
Poudres à polir, huiles et fournitures diverses.
MM. Marcna et FRANCK-DE-PRÉAUMONT, à Besançon.
JUILLARD père et fils, id.
MM. Savoye frères et ©. — L'exposition de cette
maison, une des plus anciennes de la fabrique bisontine, est,
sans contredit, des plus complètes et des plus riches. Tous les
genres français y sont représentés et exécutés à l'égal de ceux
de la Suisse. La variété des produits montre bien tout ce
qu'une intelligente entente des affaires peut enfanter en fait
d'industrie. À côté de mouvements simples parfaitement ter-
minés, on remarque des pièces avec remontoir à déclanche-
ment, et, entre autres nouveautés, de jolis fonds de boîtes en
camées d'un goût exquis. Plus de 300 montres, toutes plus
confortables les unes que les autres, prouvent que la maison
SavoyE a tenu à honneur de montrer tout ce que la fabrique
— 217 —
bisontine offre de ressources en ce genre et qu'elle est à même
de lutter avec les meilleures maisons de la Suisse.
M. Louis Fernier et frères. — L'installation de ces
messieurs rivalise avec la précédente. C'est aussi le fait d’une
maison solidement constituée. Deux fils de M. Louis FERNIER
ont été des élèves distingués de l’école d'horlogerie de Besan-
con; deux de ses frères sont également horlogers : en sorte
que tout ce personnel d'élite fait de cette maison une des rares
exceptions parmi les fabricants d'horlogerie proprement dits,
et justifie la réputation qu'elle s'est acquise non-seulement en
France, mais encore à l'étranger.
Variété, construction rigoureuse, élégance, telles sont les
qualités offertes par les montres de ces exposants qui, avec la
maison SAvVoyE, occupent le premier rang des producteurs
français. Aussi regardons-nous comme dérisoires les récom-
penses accordées par le jury à ces deux maisons, les plus im-
portantes de la fabrique bisontine.
ME. Jeannot - Droz, tout en fabriquant sur une large
échelle la montre de commerce, s'occupe aussi avec succès
de la montre pour particuliers, qui était une spécialité de son
prédécesseur à Besançon. Son envoi recèle un grand nombre
de belles pièces pour hommes et pour femmes : les unes ornées
d'émaux, de chiffres ciselés en relief ou gravés, les autres
d’armoiries du meilleur style. Les produits de cet exposant
prouvent une fois de plus combien est riche en ressources la
fabrique bisontine, et qu’il n’y a qu'à savoir les utiliser pour
obtenir des résultats remarquables.
À M. Bossy s'applique une partie de ce que nous venons
de dire relativement à la construction de la montre pour par-
ticuliers. Les montres de M. Bossy sont variées et d'une bonne
facture; en un mot, elles reflètent les caractères d’une excellente
maison. On a critiqué M. Bossy d’avoir exposé un chronomètre
15
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de poche avec échappement à tourbillon, qui n'aurait pas été
fabriqué chez lui. En admettant ce fait qui n'est pas prouvé, et
lors même que cet échappement aurait été planté en Suisse et
le mouvement terminé à Besançon, la critique aurait moins
de valeur que celle qu'on peut adresser aux Anglais qui
exhibent des pendules de voyage entièrement faites à Paris,
ou des chronomètres de poche complètement construits dans
le canton de Neuchätel.
M. Houttey fils expose moins de produits que ses voisins,
mais ils ne leur cèdent pas en qualité. Ses pièces à répétition,
à secondes indépendantes, à remortoir, ont le cachet de la
bonne école. Du reste, tous les horlozers français ont connu
M. BourTeyx père : renommée oblige.
ME. Cressier fait aussi sa spécialité de la montre pour par-
ticuliers. Sa coquette exposition révèle Les soins les plus scru-
puleux dans le choix de pièces irréprochables comme travail et
comme décoration. De jolis émaux, des peintures délicates,
des incrustations de pierres précieuses, sont artistement dissé-
minés sur ses fonds de boîtes. Cet exposant s'est fait une règle
de n'employer que des produits essentiellement français, eten
stimulant les artistes bisontins, il a été pour une grande part
dans les progrès qu'a accomplis la fabrique bisontine depuis
un certain nombre d'années.
A la suite de livraisons faites en haut lieu, M. CREssIER a
obtenu le brevet de fournisseur de l'Empereur des Français,
titre que la qualité de ses pièces justifie pleinement.
MA. Favre-Heinrich possède une vitrine pleine de jolies
montres, et notamment une belle collection de pièces à remon-
toir, depuis la montre de luxe jusqu'à la montre courante du
commerce. Cet exposant et ceux qui précèdent sont assurément
les fabricants bisontins qui savent le mieux utiliser les forces
vives de la fabrique française. Cela résulte d’un talent incon-
L'RNPE
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testé en horlogerie, d'une connaissance parfaite de la fabri-
cation, du choix des ouvriers et d’une sévérité constante dans
l'exécution.
MM. Taminiau et C'° exposent aussi une collection
très variée de montres à remontoir, mais dans les qualités
courantes. C’est néanmoins de la bonne horlogerie.
NE. Hippolyte Lambert expose une belle série de
montres variées en or et en argent d’une bonne facture. C'est
du travail consciencieux qui offre toute garantie.
Pareille observation pour les montres de MM. Wuilleu-
mier et sœur, qui sont également très-variées et comme
genre et comme qualité.
M. Auguste Coste expose un assortiment de pièces bien
construites mais dans les qualités qui constituent plus spé-
cialement la montre de commerce. C’est en définitive de la
bonne horlogerie.
ME. Bella à également droit à une mention favorable pour
les beaux spécimens qu'il expose. Il est regrettable qu'un plus
grand nombre d'exposants ne soient pas venus, comme lui,
montrer tout ce que la fabrique bisontine a fait de progrès
dans un genre d'horlogerie qui a grandement contribué à
augmenter sa réputation:
MX. Haas et M. Boitel sont également exposants dans la
vitrine collective du Doubs, et dans la section suisse pour le
premier, et dans l'exposition parisienne pour le second. Ces
deux maisons font fabriquer à Besancon. La vitrine de
M. Haas est remarquable comme richesse et comme qualités
de certaines montres, mais dont l’origine suisse est évidente.
Toutefois les produits de M. Haas dénotent ce que ce fabricant
est à même de faire exécuter, et on ne peut que lui adresser
des éloges pour la beauté de son exposition.
— 220 —
L'apport de M. Borrez contient des montres d'une bonne
construction, mais dont l'origine mixte offre la plus grande
analozie avec celles de M. Haas. Mais si cet exposant et
M. Haas ont établi à Besançon des comptoirs de fabrication,
c'est une preuve que la localité offre des ressources que l’on
chercherait vainement ailleurs. Il est aujourd'hui reconnu
que la montre courante du commerce s'établit mieux à Be-
sançcon qu'en Suisse, à égalité de prix.
Parmi les autres horlogers de mérite, nous devons encore
citer ME. Julien Przyalgowskhi. Cet artiste n’expose que
deux montres dont le travail et le genre, peut-être un peu
démodés, n’en possèdent pas moins les qualités requises pour
un bon réglage. On retrouve dans ces deux pièces le même
talent qui a procuré à cet horloger des récompenses dans les
expositions antérieures.
M. Charles Montandom possède une seule montre à
secondes indépendantes et à remontoir par le pendant, faite
entièrement par lui. Cette pièce, finement travaillée et bien
conçue, à particulièrement fixé l'attention de M. C. FRopsHAM,
l'un des jurés, qui en a témoigné hautement sa satisfaction.
C'est évidemment à cet exposant que s'adresse la mention
honorable que le catalogue officiel attribue à tort à M. Henri
MoNTANDON, qui n'a rien exposé.
. M. Ulysse Jaceard expose un joli carton où se trouvent
groupées les diverses pièces des remontoirs par le pendant.
C'est une spécialité de cet exposant, dont le travail est irré-
prochable en tous points
Les ébauches de FEMME. Beurmnier frères sont bien trai-
tées; elles sont une précieuse ressource pour les bonnes qua-
lités de montres de la fabrique française.
Les ébauches de MEME. Dupommier et Marguet, de
MM. Binétruy frères, sont plus soignées que les précé-
- — 221 —
dentes : c'est presque de l'ouvrage de la Vallée de Joux. Les
mêmes exposants fabriquent aussi des blancs avec plantages
d'échappement à ancre d’un beau travail.
MM. Houx et © ont un assortiment des plus complets
de blancs de pendules, de métronomes et de mouvements
pour télégraphes. Les pièces détachées, qui accompagnent les
pièces montées, mettent en évidence les soins apportés dans
l'exécution des détails. Le taillage des pignons et des roues
est bieri entendu et d'une bonne facture. Il est facile de faire
d'excellentes pendules avec des roulants d'une telle exécution,
qui est l’objet de perfectionnements constants dans cette im- .
portante maison. Aussi a-t-elle refusé la médaille de bronze
qui lui est accordée, en 1867, pour des produits meilleurs que
ceux qui lui avaient mérité une médaille de première classe
en 1855.
Les finissages de MEME. Charles Monnet ct Auguste
Himtzy sont bien traités. Le finissage des barillets est soigné,
le pivotage bien exécuté et les roues bien en place, en sorte
que les engrenages fonctionnent dans d'excellentes conditions.
C'est du travail fait en conscience et qui dénote chez les expo-
sants une connaissance profonde de leur profession.
Une partie intéressante de la vitrine collective du Doubs est
celle relative aux plantages d'échappements. On observe avec
plaisir les porte - échappements à ancre et à cylindre de
M. Constant Gelim, pour pendules de voyage, compteurs,
etc., ainsi que ceux de ME. Constant Bruot, de Monthé-
liard. Les plantages de 35. Emile Marguet, de Villers-le-
Lac, et de MM. Meuzy frères, de Baume-les-Dames, sont
très remarquables, et indiquent des auxiliaires auxquels on
‘peut s'adresser en toute confiance. Nous ne saurions passer
sous silence le pivotage finement fait de Si. Paul Girard
et de ME. FSoseph Coulon, de Besancon, et enfin les beaux
plantages-ancre de M. Edourrd Mathey, des Verrières-de-
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Joux. Ces exposants forment une pléiade de bons horlogers,
prêts à répondre à toutes les exigences d’une fabrication hors
ligne.
M. Pilloy est arrivé, à la suite de patientes recherches, à
imaginer des procédés mécaniques pour le réparage des ponts
des montres. Les spécimens exposés ne laissent rien à désirer,
et on ne peut qu'applaudir à ce résultat, tardivement compris
par les établisseurs, qui donne aux ponts une forme des plus
correctes, abrége le temps et simplifie notablement le travail
des repasseurs.
Dans les assortiments, on aime à examiner les jolis cartons
contenant les roues de cylindre et cylindres dans leurs diver
degrés d'avancement de M. Xavier Barbier et de M. Au-
guste Chatelaïin, tous deux de Charquemont; les verges
etassortiments ancre de MINE. Binétruy frères, de la même
localité ; les fourchettes, ancres, plateaux et ellipses de
M. Amable Lambert, de Villers-le-Lac. Enfin, parmi les
spécialistes qui s'occupent plus particulièrement de la confec-
tion des roues de cylindres, nous citerons les remarquables
spécimens de M. Aimé Morel, des Ecofces, dont la produc-
tion est presque exclusivement destinée à la fabrique gene-
voise. Les roues de cylindre de ME. Saron et de M. Pierre
Leroux, de Besancon, méritent également des éloges pour
leur élégance, leur régularité, et surtout pour la parfaite incli-
naison de leurs dents.
NS. Sérant possède un carton sur lequel est artistement
fixée une belle collection d'équarrissoirs pour grosse et petite
horlogerie. Le travail est régulièrement fait, mais nous n'avons
pu apprécier le mordant et la qualité de la trempe de l’acier
employé.
Les taillages à la fraise ou au couteau de roues dentées,
rochets, molettes, etc., de M. Ulysse Junod, sont réguliè-
LENS
— 223 —
rement divisés et franchement coupés. On voit que cet expo-
sant construit lui-même ses fraises qu'il sait varier à l'infini.
L’habileté bien reconnue de M. Juxop est une grande ressource
pour la construction des pièces nouvelles ou de celles qui
dépassent les dimensions généralement usitées dans les
fabriques.
Les balanciers variés de RE. Guyon, de Besançon, et de
M. Moutarlier, de Villers-le-Lac, ont un mérite réel et
ont droit à une mention spéciale.
La fabrication de vis et chevillots de M. QGuélet, de Besan-
con, est estimable sous bien des rapports.
Les secrets de boîtes de ME. Vial accusent son adresse et
son savoir dans cette partie importante, qui intéresse au plus
haut degré la fermeture et partant la conservation des montres.
Des compliments doivent être adressés à B”° Maréchaux
pour ses raquettes correctement terminées et d’un poli irré-
prochable.
La fabrication des pierres dures et leur sertissage ont un
représentant distingué dans ME. Frédéric Dessert, de Be-
sancon. Les échantillons qu'il expose montrent qu'il n'est
arrèté par aucune difficulté.
La fabrication des aiguilles est largement représentée. Les
envois de MAN. Emmanuel Bidau, Ulysse Hugue-
nin et Armand Jeanneret, fixent “A particulièrement
l'attention comme étant les plus variés et les plus complets.
Tous les genres usités dans les qualités courantes et dans les
pièces de précision s'y trouvent réunis, depuis la plus fine
trotteuse jusqu'à la seconde de rézulateur, depuis Faiguille
simple monochrome jusqu'à celle damasquinée,
Les expositions de RA#. Edouard Gillet, Lée cvivain,
Balanche ct de M'° Jeanne Pernet, pour être plus
modestes, n’en sont pas moins estimables, quoiqu elles se
distinguent entre elles par des qualités diverses de main-
d'œuvre et par l'élégance des formes.
»*
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Les ressorts de montres exposés par M”° veuve Berthoud
sont d’une grande beauté. Le choix des aciers, les soins par-
ticuliers apportés à la trempe invariablement exécutée par
M. Berroup fils, la précision dans l’égalisage et l’uniformité
obtenue dans le recuit, ont fait aux ressorts de M° BEerrHouD
une réputation incontestée. Nous avons visité en détail les
procédés de fabrication de cette maison, et nous avons eu la
raison de l'estime dont ces ressorts jouissent non-seulement
en France, mais en Angleterre, où ils sont exportés en quan-
tité assez considérable (1).
Les ressorts de M. Lueiemn Humbert-Lebon sont éga-
lement dignes d'attention. Leur graduation est habilement
mise en relief par une disposition aussi élégante que simple.
Avec ces deux maisons, la fabrique bisontine n’a rien à envier
à la Suisse, car elles sont à même de répondre à tous ses
besoins comme qualité et fini d'exécution.
Les cadrans exposés révèlent une connaissance parfaite de
cette profession, et c'est avec plaisir qu'on examine les spéci-
mens de M. Johelin. Ses émaux sont variés et irréprochables
comme teinte et comme pureté; la peinture en est toujours
correcte et bien disposée, signes irrécusables d’une surveillance
sérieuse et d'un désir permanent de livrer des produits de
choix.
Des qualités non moins réelles existent dans les cadrans de
NE. Just Alix et de M. Alphonse Mathieu. On y ren-
contre quelques petites peintures de bon aloi qui frisent
presque la miniature et disent assez ce qu'on peut espérer de
ces exposants.
On sait que la dorure électro-chimique a remplacé. en hor-
logerie, la dorure au mercure. Trois exposants bisontins,
MINI. Victor Girod, Berthelot ct Pinaire, ont des pro-
duits qui mettent en évidence les diverses phases de la dorure
() Cette maison produit annuellement 20,000 douzaines de ressorts.
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à la pile appliquée aux mouvements de montres. Voici som-
mairement les diverses manipulations que nécessite ce genre
de dorure.
Les pièces à dorer sont préalablement adoucies à la pierre,
puis sont décapées en paquets. Ensuite la surface est grenée :
l'opération consiste à frotter cette surface à l'aide d’une brosse
rude en crin et enduite d’une pâte formée d’argent en poudre,
de sel de cuisine, de crème de tartre et d'eau en quantité con-
venable. On produit de cette facon, à la surface des objets
fixés sur un liége, un grain uniforme résultant de l’adhérence
successive de parcelles d'argent : ce grain est avivé par un
gratte-brosse. Les objets sont mis dans le bain à dorer en
étant reliés au pôle négatif de la pile. La dorure obtenue est
mate. Le grain doré est de nouveau avivé ou brillanté par un
gratte-brosse; les pièces sont lavées, séchées et deviennent alors
prêtes à être remontées. Si les pièces à dorer renferment des
parties en acier poli, ces parties doivent être, avant toutes les
opérations, préservées par une couche de vernis ou épargne.
En faisant varier la composition du bain, l'intensité du
courant électrique et la température, on peut faire acquérir à
la dorure diverses nuances suivant les exigences du commerce.
Les dorages des trois exposants que nous venons de citer sont
remarquables sous ce rapport; ils prouvent qu'entre leurs
mains la dorure électro-chimique est susceptible de recevoir
une foule d'applications.
Le titre de l’alliage de la petite bijouterie, qui comprend les
boîtes de montres, doit être, comme on sait, à un titre légal de
750 millièmes pour l'or, et de 800 millièmes pour l'argent,
avec une tolérance de 3 millièmes pour le premier de ces titres
et de 5 millièmes pour le second.
Autrefois chaque monteur de boîtes était obligé de fondre
ou de constituer lui-même le titre de l'alliage qu'il devait
employer, et d'en faire exécuter l'essai pour être certain de ce
titre. Il en résultait une grande dépense de temps et des
À ACTEUR
=
» 67. TOR
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chances d'accidents fort onéreuses, indépendamment de ce
que cette facon de procéder exigeait la formation d’une quan-
tité d’alliage dont on ne trouvait pas toujours de suite l'emploi.
C’est pour supprimer ces inconvénients que l'industrie dont
nous allons parler a été créée.
Cette industrie consiste à opérer sur une grande quantité
d'alliage, à le dénaturer, c’est-à-dire à en accomplir le dégros-
sissage pour la fabrication des boîtes de montres, et à le vendre
par parties fractionnées pour un nombre de boîtes quelconque,
tout en garantissant le titre légal de cet alliage. On conçoit dès
lors tout ce qu'il y a d'avantageux, pour le monteur de boîtes
en Or ou en argent, à pouvoir se procurer de suite la stricte
quantité d’alliage pour un nombre de boîtes donné avec dé-
grossissage fait (t). Il est bien entendu qu'en dehors de la
valeur intrinsèque de la matière, il paie un excédant pour frais
de fonte, d'essai et de dégrossissage. Les tournures, limailles,
et autres déchets résultant du travail des boîtes, lui sont repris
après fusion et à un prix qui dépend du titre du nouvel alliage.
Deux maisons sont établies à Besancon pour la préparation
des matières d'or et d'argent telle que nous venons de l’ex-
poser brièvement. Ce sont celles de MK. Léon Philihert et
NERI. Æschimann eé €.
Les produits exposés par ces messieurs consistent en échan-
tillons très variés de fils pour carrures et lunettes, unies ou
ciselées, en plaques de fonds, cuveites, pendants et bélières
de toutes dimensions, le tout obtenu à l'aide de moyens mé-
caniques mus par des machines à vapeur. Ce sont des produits
de cette nature qui alimentent la presque totalité des ateliers
de monteurs de boîtes de Besancon. |
Une industrie analogue à la précédente est celle de la fabri-
cation du plaqué et du galonné pour boîtes en argent. Ce genre
de dégrossissage n'est pas exécuté à Besancon, mais au Locle
par M. Mathey-BDoret, qui en à établi un dépôt important
@) Ce qui lui permet de restreindre son personnel et son outillage.
Er os
au sein de la fabrique bisontine, et dont des échantillons bien
groupés figurent dans la vitrine collective du Doubs.
Nous venons d'indiquer l'origine des alliages qui servent à
la fabrication des boîtes de montres. Six monteurs de boîtes
en or et quatre monteurs de boîtes en argent de la fabrique
bisontine exposent le produit de leur travail, depuis la boîte
simple jusqu'à la plus compliquée. Autrefois les boîtes de
choix se tiraient de la Suisse; mais aujourd'hui nos monteurs
de boîtes rivalisent avec ceux de Genève et du canton de Neu-
châtel. Il est facile de s’en convaincre par les spécimens des
monteurs de boîtes français dont les noms sont cités plus haut.
Dans les tournages, les charnières, les ajustements des fonds
et les fermetures, tous ont tenu à prouver qu'ils ne redoutent
pas la comparaison avec les produits similaires suisses, et ils
ont eu raison. Cette concurrence ne peut les atteindre, et
nous les remercions sincèrement d'être venus affirmer que les
305 mille boîtes contrôlées à Besancon, en 1866, y ont été
entièrement construites par eux et leurs collègues, et qu'ils
sont à même de suffire à une plus grande production dès
qu'elle sera demandée.
MIW. Ménant frères, de Damprichard, ont envoyé un
beau choix de boîtes en composition (maïllechort, dardenne,
etc.). Pour être construites avec des alliages communs, ces
boîtes n’en sont pas moins d'une bonne exécution; les char-
nières sont solides et la fermeture hermétique.
Les graveurs et guillocheurs bisontins se sont abstenus. La
fabrique bisontine possède pourtant de grands ateliers pour ce
genre de travail, et une foule d'artistes de mérite dont les
œuvres auraient pu enrichir la vitrine collective. Cette absten-
tion est regrettable et nous n’en rechercherons pas les motifs.
Nous citerons toutefois l'exception offerte par MINE. Constant
Boillot, Charles Boillot et Victor Boillot, qui se sont
empressés de répondre à l'appel du Comité. Leurs travaux sont
— 228 —
dignes d'éloges, et on examine avec intérêt les gravures et les
chiffres ciselés qui sont dans le cadre de M. Constant Boizcor,
et ceux qui décorent les montres exposées par RE. Jennnot-
Droez, également exécutés par cet artiste. Un mérite au moins
égal existe dans les œuvres de M. Charles Borzror; et, même
pour montrer que sa science ne se limite pas à la parfaite
exécution des articles de commerce, cet artiste expose une
gravure en taille douce sur acier de la fameuse Descente de
croix de Rubens. La difficulté était grande, mais elle a été
surmontée avec bonheur.
Les gravures et guillochages sortant de l'atelier de M. Victor
BorzLor, ont aussi un très grand mérite, et on ne peut que
regretter le silence du jury à l'égard de cet exposant et de ses
deux frères dont les œuvres excitent vivement l'attention des
visiteurs.
Nous terminerons cette revue de la vitrine collective en
signalant les divers échantillons de peroxyde de fer exposés
par MIRE. Rlarehal et Franmchk-de-Préaummont et par
RENE. Juillard père et fils. On sait que ce peroxyde à
divers degrés de dureté est désigné sous le nom de rouge à
polir; il sert en effet au polissage des boîtes de montres, de la
bijouterie, des aciers, des glaces, etc. Les produits estimés de
ces exposants alimentent une partie de la fabrique bisontine.
Des récompenses.
Ici s'arrête l'examen que nous avons fait des œuvres conte-
nues dans la vitrine collective du Doubs, et ce n’est que suc-
cinctement, à notre grand regret, que nous avons pu rendre
compte de chacune d'elles. Nous avons opéré toutefois avec
conscience et sincérité. Nous donnons, il est vrai, le résultat de
nos appréciations personnelles; mais nous avons eu l’occasion
bien des fois de nous trouver d'accord avec des autorités d'une
compétence incontestable. 11 résulte donc de cet examen que
la vitrine collective du Doubs met en évidence une grande et
— 229 —
belle industrie, unique en France et centralisée dans une
seule ville limitrophe de la Suisse. Il semble qu'une pareille
industrie, dont les développements tiennent du prodige, pos-
sède les sympathies générales, et qu'il serait non-seulement
du devoir de l'Etat, mais de son intérêt, de lui ménager les
moyens de se développer encore. Il n’en est malheureusement
pas ainsi. Le traité de commerce avec la Suisse, notamment,
est là pour prouver la situation difficile qui est faite à la
fabrique bisontine, par suite de droits protecteurs illusoires et
certainement plus nuisibles que le libre-échange.
Une occasion exceptionnelle s'est offerte de montrer au
monde entier l'existence et surtout l'importance de cette in-
dustrie, et elle a été saisie avec empressement. C'est l'Exposi-
tion universelle de 1867. Pourquoi faut-il que là encore tant
d'efforts aient été méconnus officiellement ? Le jury a visité au
pas de course les œuvres de 86 exposants, et c'est à peine s'il a
consacré deux heures à l'examen de la multitude de produits
renfermés dans la vitrine collective du Doubs. D'un coup-d'œil
si peu sérieux et donné d'une façon presque dédaigneuse, il ne
pouvait rien résulter de favorable pour la fabrique bisontine.
En effet, le jury a daigné accorder quelques médailles de
bronze et des mentions honorables à certains exposants, et à
l'exposition collective une médaille d'argent. C'était un véri-
table déni de justice. Aussi cette médaille d'argent a-t-elle été
refusée avec la plus digne unanimité.
Nous avons fait ressortir l'empressement de l'horlogerie du
Doubs à se rendre à l'appel du Comité départemental; nous
allons indiquer les frais que cette participation a occasionnés
aux fabricants et aux ouvriers, et nous mettrons en regard
l’accueïl qui leur a été fait en retour par le jury international.
On a vu précédemment que, pour satisfaire le désir nette-
ment exprimé par la Commission impériale, on décida que
l'exposition de l’industrie horlogère du Doubs serait collective :
ce qui entraîna la construction d'une vitrine monumentale
dont le prix élevé, réuni aux frais d'installation, de garde et
— 230 —
de surveillance pendant toute la durée de l'Exposition, ont
porté les frais généraux à 6 fr. le décimètre carré, soit 600 fr.
le mètre carré. Or, comme la surface occupée par la vitrine
collective est de 16,54 mètres carrés, cela porte la dépense à
9,924 fr.; et, si à cette somme on ajoute les frais d'expédition
et de réexpédition des produits, on dépasse le chiffre de
10,000 fr.
De l'aveu du rapporteur suisse, il est reconnu que l’horlo-
gerie du Doubs a fait des progrès sérieux depuis les précédentes
Expositions. En effet, M. WarTManx dit « que le jury a cons-
taté avec plaisir les progrès très évidents de cette importante
fabrication comparée à ce qu'elle était en 1855. »
M. Brecuer est plus explicite, car dans son rapport à la
Commission impériale il s'exprime ainsi :
« De même que Genève, la fabrique de Besancon emprunte
ses ébauches et finissages à la Vallée de Joux et au Val-de-
Travers pour les ouvrages de choix. C’est la même manière
de faire qu'en Suisse; mais cependant l'ouvrage n'atteint pas
encore le fim, la belle exécution que l'on trouve dans l’horlo-
gerie suisse et genevoise.
» Besançon à fait beaucoup de progrès depuis quelques
années, et l'on peut être sûr, avec le désir de bien faire qui
existe chez les fabricants et les ouvriers, que dans peu d'années
on les verra exécuter quelques pièces d'horlogerie aussi bien
finies qu'à Genève. Cependant il est à craindre que Genève
ne conserve encore longtemps sa suprématie, car sa position
géographique est telle qu’elle appelle chaque année un con-
cours d'étrangers de distinction qui entretiennent le bon goût
et la grâce des formes de ses ouvrages. »
Sans doute la position géographique de Genève est pour
beaucoup dans la richesse de son industrie; mais nous avons
confiance dans le savoir-faire de l'ouvrier français qui, lorsqu'il
est placé dans de bonnes conditions d'existence, s’efforce tou-
jours d'égaler l'étranger et se laisse rarement distancer par lui.
En tout cas, si les progrès de la fabrique bisontine sont si
— 231 —
hautement affirmés, il est au moins étrange qu'on les ait si mal
reconnus officiellement, qu'on les ait même dissimulés par une
récompense de même ordre que celle accordée aux coopérateurs
de quelques grandes maisons. Nous sommes loin de contester le
mérite de ces coopérateurs; nous avons vu, au contraire, avec
plaisir qu'en 1867 on avait enfin songé à reconnaître le talent
d'artistes dont les œuvres se voient partout dans les vitrines
de leurs patrons, tandis que leurs noms ne figurent nulle part.
Mais, quel que soit le mérite de ces artistes, leur coopération
à la prospérité de la maison qui les emploie peut-elle être
comparée aux progrès industriels de tout un département ?
Il est certain qu une omission grave a été faite par l'indus-
trie horlogère du Doubs : c’est de n'avoir pas posé comme con-
dition sine qua non de son adhésion qu'un juré au moins fût
pris dans son sein, condition que justifiait largement le nombre
de ses exposants comparé à celui des horlogers français égale-
ment exposants. Il est évident que ce juré n'aurait pas eu de
peine à faire prévaloir la vérité, en insistant sur les progrès
et les résultats commerciaux de l'horlogerie du Doubs. Mais
à supposer que les jurés français ignoraient ces résultats, il
y avait dans le jury des Suisses qui ne les connaissaient que
trop, et leur amour-propre national aurait eu le bon goût de
s'effacer dans une question d'équité.
Du reste, la fabrique bisontine n'est pas la seule qui ait été
méconnue par le jury de la classe 23. Parmi les exposants
anglais, il y a une maison que tous les connaisseurs jugeaient
digne de la médaille d’or. C'est la maison F. Denr er Ci°, de
Londres. On a décerné à cette maison une médaille d'argent
qui, certes, ne l'a pas satisfaite : aussi s'est-elle plaint dans le
Times de la partialité du jury et surtout de l'influence du
vice-président M. Ch. Fropsxam. Il en est résulté une petite
polémique entre MM. Der er Ci° et M. Ch. Fropsaam. Les
personnes que cela pourrait intéresser trouveront la traduction
des lettres échangées entre ces messieurs, dans le numéro de
janvier 1868 de la Revue chronométrique.
— 232 —
Pour l'édification du lecteur, nous extrayons de la réponse
de M. Ch. Fropsxan les passages suivants :
« Il est important pour les exposants de comprendre qu'au-
cunes récompenses spéciales n'étaient assignées aux Anglais,
Français et Suisses séparément. Le concours était interna-
tional, et d'abord le nombre des médailles si limité que chaque
pays aurait pu les gagner toutes
C'a été pour le jury une tâche très difficile et très pémible de
tirer la ligne. Ceci montre combien le concours fut serré et
combien honorable pour chaque exposant. Les chronomètres
de bord anglais étaient l'admiration de tous, et particulière-
ment de notre président. Je crains que les Français n'aient à
se plaindre. Leur nombre était si grand, ils vinrent si tard, et
le temps pour faire notre rapport pressait tellement, qu’il fut
impossible de leur rendre pleine justice. »
Il n'est pas possible d'être plus explicite, et on ne saurait
trop féliciter M. Ch. FropsHam de sa franchise. En face d’une
pareille déclaration, on se demande avec étonnement quel a
été le rôle des jurés français. Il nous semble qu'en conscience
le grand nombre des horlogers français ne pouvait être une
raison déterminante de les passer sous la jambe et de ne jeter
sur leurs produits qu'un regard superficiel.
Nous reconnaissons que la tâche imposée au jury était diffi-
cile; mais il n y avait que plus de mérite à la mener à bonne
et surtout impartiale fin. Nous savons que le temps accordé
au jury pour faire son rapport était Court; mais c'était aussi
une raison pour le répartir sagement; s'il en avait été ainsi,
on n'aurait pas eu le singulier spectacle « de juges étrangers
étonnés qu'il y eût des horlogers ailleurs que cliez eux, de
grands travaux jugés en cinq minutes, des joujoux discutés
des heures entières, etc. (1). »
4) Rapter, Les récompenses de la classe 23.
«
_— 233 —
Quant au reproche adressé aux horlogers français d'être
venus si tard, il ne saurait s'appliquer aux horlogers du
Doubs; car nous affirmons, nous qui, conjointement avec Le
délégué du Doubs, avons procédé à l'installation de la vitrine
collective, qu'elle était au complet lorsque, le mardi 23 avril,
à une heure du soir, le jury s’est présenté pour en faire
l'examen.
Nous avons avancé précédemment que cet examen a duré
moins de deux heures; c'est l’exacte vérité, et nous adresse-
rons, à notre tour, au jury le reproche d'avoir procédé à cet
examen avec un grand dédain et avec des idées préconçues
sur le peu d'importance de l’industrie horlogère dans le Doubs
en général, et sur le peu de mérite de chacun de ses exposants
en particulier.
Que les juges étrangers aient ignoré ou feint d'ignorer l'im-
portance de l'horlogerie dans le Doubs, cela se comprend, et
l'esprit de concurrence justifie leur silence. Mais n'’était-il pas
du devoir des jurés français d'insister tout particulièrement
sur ce point, et de proclamer une fois pour toutes que cette
industrie est vraiment nationale, en lui faisant décerner une
récompense à la hauteur des progrès obtenus ?
Vainement on invoquerait le manque de documents.
En effet, on a dit qu’une foule d'industries, et notamment
les grandes usines, avaient été appréciées et Jugées sur mé-
moires ; d'accord. Mais, sous ce rapport encore, l’industrie
horlogère du Doubs avait rédigé et publié une notice expli-
cative à l'appui de son exposition collective. Ce mémoire con-
tenait des chiffres d'une authenticité incontestable et d’une
grande éloquence. Si ces chiffres avaient été discutés, com-
parés et interprétés d'une facon équitable par le jury, nul
doute que son verdict aurait eu une autre conclusion; nous
aimons à le croire du moins.
Eh bien, ce que le jury n’a pas jugé à propos de voir, nous
allons le mettre sous les yeux du lecteur.
En préconisant les expositions collectives, la Commission
16
=,
— 234 —
impériale avait évidemment le désir que les jurys pussent se
rendre compte de l'importance réelle de chacune des industries
ainsi groupées, étudier leur situation présente, présager celle
future, et signaler à l'Etat les mesures propres à accélérer leur
prospérité. Or, vis-à-vis de l'Etat, quelle est la situation de la
fabrique bisontine ? La voici.
On a vu plus haut le nombre toujours croissant de la
fabrication annuelle des montres à Besançon; nous allons
rapporter, en regard de la production annuelle, les droits
perçus par le fisc pour le contrôle des matières d'or et d'argent
employées dans la confection des boites durant les quinze
dernières années.
Les chiffres du tableau suivant sont extraits du Compte-rendu
des travaux de la Chambre de commerce de Besançon pour l’année
1868 :
— 235 —
NOMBRE de boîtes de montres fabriquées à Besancon, de 1854 à 1888
inclusivement, et soumises au contrôle de cette ville.
NOMBRE DE BOITES MONTANT
ANNEES | — TOTAL, des droits perçus
en or. en argeñt. | ‘par le fisc.
fm Re
1854 32,994 73,482 106,076 99,063 24
1855 19,484 | 02,459 | 141,943 | 153,246 07
1856 60,511 99,654 160,165 | 198,429 72
1857 69,325 | 108,230 | 177,555 | 226.926 40
1858 65,093 125,020 190,113 | 229,699 56
1859 66,731 125,145 191,876 227,497 80
1860 76,146 135,665 211,811 272,601 60
1861 83,678 166,789 250,467 305,453 04
1862 87,966 166,511 254,477 | 320,938 56
1863 | 108,586 | 188,508 | 297,094 | 395,992 56
1864 94,718 206,410 304,128 365,324 04
1865 | 95,594 200,418 296,012 374,268 »
1866 101,309 204,126 305,435 | 399,305 52
| Totaux 991,735 | 1,892,417 | 2,884,152 13,568,746 11
| 1867 113,664 | 220,985 | 334,649 | 445,322 16
| 1868 117,567 218,394 |‘ 335,961 455,417 64
Totaux | 1,222,966 | 2,331,796 | 3,554,762 |4,469,485 91
Ainsi, de 1854 à 1866, c'est-à-dire dans une période de
treize années, la fabrique bisontine a construit 2,884,152
montres, sur lesquelles l'Etat a perçu des droits s'élevant à
3,568,746 fr. 11 c. En 1854, l'Etat percevait déjà 100,000 fr.
environ par an; en 1866, la fabrique versait au Trésor près
de 400,000 fr. Voilà un résultat qui devait avoir une certaine
importance aux yeux du jury, s’il s'était donné la peine de le
vérifier. Mais ce qui doit consoler les horlogers bisontins du
déni de justice dont ils ont été l’objet, c’est que, depuis, la
— 236 —
fabrique a progressé quand même et dans des proportions qui
dépassent toute espérance. En effet, on constate qu'à la fin de
1868, les droits perçus annuellement par le fisc s'élèvent, en
moyenne, à 450,000 fr., attendu que le nombre des montres
fabriquées a été augmenté de 670,610, et les droits perçus de
900,739 fr. 80 c. -
Voilà évidemment un résultat que le nombre des miabties
toujours croissant de la fabrication bisontine, avant 1867,
faisait bien prévoir ; et si, malgré son éloquence, cette pros-.
périté n'avait aucun crédit auprès du jury de la classe 23, ce
dernier aurait pu, par compensation, s'inspirer des sentiments
de quelques autres jurys, notamment de celui de la classe 40
vis-à-vis des produits métallurgiques, lequel semble avoir
pris en grande considération que le traité de commerce avec,
l'Angleterre ayant créé une situation presque désespérée aux
producteurs du fer français, on devait leur tenir grand compte
des efforts faits par eux pour soutenir la concurrence des fers
anglais.
Mais, sous ce rapport encore, la fabrique d’horlogerie fran-
caise n’a-t-elle pas aussi à lutter contre la Suisse, et ne lutte-
t-elle pas avec avantage, malgré les conditions plus difficiles
où se trouvent placés les horlogers bisontins ? Pour « en être
convaincu, il suffit de savoir :
Premièrement, que les fabricants français n'ont pas la
faculté de faire contrôler leurs boîtes finies, faculté qui est
accordée aux Suisses pour les montres importées, el qu'il en
résulte un préjudice des plus sérieux pour les nationaux ;
Secondement, que les modes d'essais appliqués aux produits
français et étrangers ne sont pas les mêmes ; les boîtes suisses
importées sont essayées au touchau, tandis que les boîtes
brutes françaises sont obligatoirement essayées à la coupelle :
or, le premier mode d'essai n’est qu'approximatif, puisque de
l’aveu des meilleurs essayeurs il ne permet pas d'évaluer une
différence de moins de 15 millièmes environ, et comme la
tolérance n’est que de 3 millièmes, il est donc facultatif aux
— 237 —
Suisses de profiter impunément de toute cette tolérance et
plus largement encore, si bon leur semble ;
Troisièmement, enfin, l'assimilation qui est faite, par la
douane française, des boîtes de montres suisses à la bijouterie
vient encore aggraver la situation.
Dans le Compte-rendu de ses travaux, en 1865, la Chambre
de commerce de Besançon avait déjà fait ressortir « que la
protection concédée à l’industrie nationale par le traité de
commerce conclu avec la Suisse, était à peu près réduite à
néant, par suite de l'application aux boîtiers de montres,
introduits isolément, du tarif spécial stipulé à l'égard des
articles de bijouterie. »
Il y a évidemment dans ce mode de procéder une interpré-
tation vicieuse des termes du traité. Aussi, la Chambre de
commerce de Besançon croit-elle devoir revenir sur ce sujet,
en 1866, et signaler que, malgré ses réclamations et ses ins-
tances, malgré l'appui que le Conseil général du département
a bien voulu prêter à ses démarches, dans sa séance d'août .
1866, l'administration persévère dans les errements qu'elle a
suivis.
« Il ne nous paraît pas nécessaire de revenir ici sur la dis-
cussion qui s'est engagée sur ce sujet, dit le Compte-rendu de
1866. Nous rappellerons seulement que le boîtier fini paie,
comme bijouterie, sur le pied de 500 francs les 100 kilogr.,
une taxe insignifiante de 10 à 15 centimes au plus, en raison
de la modicité de son poids, et que le mouvement, présenté
séparément pour üne valeur de 15 à 20 francs, par exemple,
acquitte ad valorem 75 cent. à 1 franc de droit; de telle sorte
qu une fois la frontière dépassée, on réunit le mouvement au
boîtier, ce qui constitue la montre, et on se trouve avoir fait
entrer celle-ci moyennant une taxe de 1 franc 10 à { franc
15 centimes, alors que le traité impose l'horlogerie au 5 °/, de
sa valeur, ou, au choix de l'importateur, à 5 francs la-pièce
pour la montre à boîte d'or, et à l'franc pour la montre à
boîte d'argent.”
— 238 —
» N'est-ce pas là un véritable subterfuge ? Peut-on raison-
nablement admettre qu'un boîtier fini, qui a. été tourné pour
recevoir un mouvement de calibre déterminé, qui comporte
les marques et les empreintes de ce mouvement, peut-on
admettre que ce soit un bijou, un objet susceptible d'avoir un
emploi, une destination quelconque en dehors de la formation
de la montre ? |
» Un boîtier de montre est-il un article de bijouterie? Voilà
tout ce qui fait l'objet du débat. Poser la question, n'est-ce pas
la résoudre ? » .
En toute conscience, de telles anomalies sont des plus re-
grettables, et, Jusqu'à ce jour, c'est vainement que la Chambre
de commerce de Besançon a protesté contre elles. On se plaît
à citer la courtoisie des Français; mais nous ne pensons pas
que la politesse francaise soit ici en cause, et que ous devions
souffrir qu'au point de vue industriel et commercial les étran-
gers soient mieux traités que les nationaux.
Eh bien, malgré cette situation défavorable du producteur
français, la fabrique bisontine prospère; les chiffres du tableau
que nous venons de produire en font foi. Mais ce n’est pas
sans efforts que de pareils résultats sont atteints : c’est par une
émulation constante et des sacrifices nombreux que les hor-
logers bisontins gagnent du terrain. Et, dans tous les horlo-
gers du Doubs, le jury n'en à pas jugé un seul digne d’une
distinction spéciale, n'a pas jugé l'exposition collective de ce
département à la hauteur d'une médaille d'or. Il n'a pas
trouvé parmi ce grand nombre d'exposants qui s'occupent
d'une belle profession exigeant des aptitudes sérieuses, qui
font prospérer une industrie unique en France et rapportant
au Trésor des sommes considérables, le jury, disons-nous,
n'a pas trouvé le mérite qu'on a reconnu chez les marchands
de pommades, fes bimbelottiers et les tailleurs d’habits !
Loin de là, il a accordé à l'horlogerie du Doubs, en masse,
une médaille secondaire, comme pour en consacrer la médio-
crité, l'enrayer en quelque sorte dans ses développements.
— 239 —
_ Heureusement qu il en a été tout le contraire. Maïs la consé-
quence à tirer de la décision du jury à l'égard de l’industrie
horlogère dans le Doubs, c'est qu'elle doit être une lecon pour
l'avenir; car, avec M. DENT, nous croyons « qu’elle montre le
danger de choisir ou plutôt d'accepter des juges pris dans les
rangs des exposants rivaux ou des concurrents en affaires,
attendu qu'ils ne sont pas exempts des préventions insépa-
rables de la rivalité et de la jalousie commerciales, » |
Pour nous résumer, nous dirons que la fabrique bisontine
n'a qu'à s'applaudir d’avoir participé d'une façon si large à
l'Exposition universelle de 1867. Elle ne doit conserver aucun
souvenir du déni de justice dont elle a été l'objet; car, quand
des actes de cette nature se produisent, ce ne sont pas les
victimes qui sont le plus à plaindre. D'ailleurs ne recueille-
t-elle pas aujourd'hui sa véritable récompense, c'est-à-dire
une juste appréciation du public qu'on parvient rarement à
égarer longtemps, et une plus grande confiance de la part du
commerce, puisque de 305,000 montres, en 1866, sa fabrica-
tion dépassera 400,000 montres en 1869? C'est donc une aug-
mentation annuelle de 100,000 montres en trois ans !
Si une nouvelle Exposition se présente, qu'elle y envoie ses
produits en plus grande abondance; que de nouveaux adhé-
rents se joignent aux anciens; mais qu'elle mette pour condi-
tion qu'un juré au moins sera pris dans son sein. D'ici là,
qu elle redouble d'efforts pour améliorer ses produits; qu'elle
s'appliqué à développer ce qui constitue la décoration, qu'elle
s'attache surtout à former et à recruter de bons ouvriers, et
nous osons lui prédire qu'avant peu d'années elle sera au
moins légale des fabriques d’horlogerie les plus renommées.
— 240 —
Liste des récompenses.
FRANCE.
Médailles d'or : Dumas, — Montandon frères, — Vissière,
— Scharf, — Borrel. |
Médailles d'argent : Leroy, — Jacob, — Rodanet, — Beignet,
— Desfontaines, — Brocot, — Saunier, — Industrie de l’hor-
logerie du département du Doubs, — Philipps, — Vérité.
Médailles de bronze : Ecole d'horlogerie de Besançon, —
Ecole d'horlogerie de Cluses, — Bussard, — Lecoq, — Ri-
chard, — Haas, — Herliez, — Sandoz, — Jeannot-Droz, —
Savoye frères, — Couet, — Farcot, — Fleury, — Bourdin, —
Drocourt, — Japy, — Marti et Roux, — Martin, — Roux et Cf,
— Gindraux, — Ferret, — Charpentier, — Lepaute, — Rozé,
— Bosio, — Alleaume, — Boitel, — Leroy, — Garnier, —
Delépine.
Mentions honorables : Detouche, — Bouttey, — De Liman,
— Robert, — Fernier frères, — Cressier, — Montandon, —
Requier, — Maillot, — Pierret, — Christophe, — Calame, —
Maurel, — ({ Damiens-Duvillier), — Jacot, — Lemaistre, —
Croutte, — Sautteur frères, — Noblet, — Moreau, — Jacquin,
— Roblin, — Ducommun, — Hangard, — Lutzenrah, —
Guilmet, — Lesieur et Prudhomme, — Avril.
ÉTRANGER.
Médailles d'or : Poole, — Kulberg, — Parkinson et Frods-
ham, — Patek et Philippe, — Mairet, — Lutz, — Ekegren.
Médailles d'argent : Blackie, — Dent, — Mercer, — Adams,
Nicole et Capt, — Grandjean (Rossel-Bautte), — Jurgensen,
— Nardin — (Humbert-Ramus), — Kralik, — Scholenberger,
— Martens, — Tiede, — Scholtz, — Actiengesellschaft, —
Reïlhmann, — Wildschjætz, — Fournier, — Howü,
tr
— 241 —
Médailles de bronze : Sewil, — Johannsen, — White, —
Walker, — Benson, — Claxton, — Holdwork, — Vivier, —
Webster, — Ovelle, — Industrie de l'horlogerie du Jura ber-
nois, — Ecole d'horlogerie de Genève, — Ecole d’horlogerie
du Locle — (Corcelle-Fournier), — Lecotltre, — Borgeaud, —
Mauler, — Berlié, — Courvoisier frères — (Girard-Perregaux),
— Guinand, — Perrenoud , — Roskopf, — Domon et Dini-
chert, — Devain, — Lenenberger, — Clavel, — Weichert, —
Maren-Zeller, — Weber, — Kaltenbach, — Maurer, — Sei-
bold, — Jœrgensen, — Petersen, Hackmann, — Baab.
Mentions honorables : Webster, — Ovelle, — Faure, —
Jurgensen fils, — Meylan, — Perret (Robert-Theurer), —
Bornand, — Cuendet — {Dubois-Bandelier), — (Huguenin et
fils), — Jaccard et Bornand, — Reynaud, — Bovy, — Baud,
“ — Antony Bovy, — Gundina, — Baud, — Prost, — Jacquet,
— Gostly, — Rauss, — Grumbach, — Resch, — Beha, —
Hettich, — Wehrlé, — Furderer et Jægler, — Schirmann,
— Bob, — Haas et fils, — Veisser, — Weiss, — Becker, —
Fabrique de Schwenningen, — Hærz, — Muller, — Gérard,
— New-Haven-Clock et Ci, — Morand, — Bozzi, — Mazetti,
— Son, — Adler.
COOPÉRATEURS.
Médailles d’ argent : Brown, à Paris, chez M. Breguet ; —
Watkins, à Londres, chez M. Ch. Frodsham; — Rouge, à
. Genève, chez MM. Patek, Philippe et Cie.
Médailles de bronze : Pointaux, à Paris, chez M. Desfon-
taines; — Bois-de-Chêne, à Genève, chez M. Rossel-Bautte ;
— Mauser, à Lenzkirch {Société anonyme pour l'horlogerie).
— 242 —
Protestation du Comité départe-
mental du Doubs contre la part
faite à l’horlogerie de cette région
dans les récompenses de la classe
23.
Séance du 9 juillet 1867.
« L'ordre du jour indique la communication de la liste des
récompenses accordées à la classe 23 de l'Exposition univer-
selle, document qui a été transmis au Comité par son délégué
à Paris.
A: SAC RATE
IE 4
» M. Victor Girop donne lecture de cette liste, en appelant
l'attention de ses collègues. sur le rang qu'y occupe la fabrique
d'horlogerie de Besancon et du département du Doubs. Une
médaille d'argent est décernée aux 30,000 artistes qui com-
posent ce groupe pour leur exposition collective. L'honorable
membre déclare que les patrons et ouvriers de la fabrique se
regardent comme lésés par cette distinction de troisième ordre,
qui nest en rapport ni avec la qualité de leurs produits, ni
avec l'importance du chiffre de leurs-affaires ; 1l communique
les requêtes que les intéressés se proposent d’adfesser à S. M.
l'Empereur et à LL. EE. les Ministres d'Etat et du Commerce,
tant pour motiver leur refus de la récompense dont il s’agit,
que pour demander réparation de cette erreur commise à leur
préjudice. |
» Le Comité, invité à se prononcer sur €e chef, constate,
une fois de plus, la marche ascendante que n'a cessé de suivre
la fabrication horlogère dans le département du Doubs. Depuis
1855, cette fabrication a triplé son chiffre d'affaires; et, quant
à l'estime dont jouissent ses produits, il suffira de dire que les
montres de.Besancon alimentent pour les quatre cinquièmes
le marché français, à ce point que plusieurs maisons suisses,
QE
voulant continuer leurs relations avec la France, ont dû fonder
des comptoirs dans notre ville. En 1819, époque où Besançon
n'établissait pas 20,000 montres par an, le jury d’une Expo-
sition nationale décernait à notre fabrique une médaille d’ar-
gent collective. En 1855, alors que les affaires de cette même
industrie ne se traduisaient que par un chiffre de 141,943
montres, plusieurs maisons bisontines obtenaient du jury
international des médailles de deuxième classe. Aujourd'hui
que l'horlogerie de Besancon a produit, l’année dernière,
305,435 montres, sur 310,849, nombre total de la fabrication
française ; que le chiffre pécuniaire de ses affaires atteint
16 millions: que, réunie aux industries analogues du dépar-
tement du Doubs, son exposition collective représente 30,000
ouvriers, un chiffre d’affaires de 24 millions, et 72 années des
plus nobles efforts, il peut lui sembler étrange qu'on la fasse
plutôt reculer que monter dans l'ordre des récompenses, et
qu'on la classe en bloc $ur le même plan qu'un simple colla-
borateur de maison parisienne.
» En conséquence, le Comité s'associe unanimement aux
justes réclamations des fabricants et ouvriers horlogers du
département du Doubs. Il proteste, vis-à-vis de ces honorables
artistes, que s’il avait pu prévoir un pareil résultat, 1l n'aurait
pas cédé aux instances réitérées de la Commission impériale
pour les engager à entrer collectivement dans le concours.
11 délibère enfin que cette expression de ses sentiments sera
transmise à la Commission impériale pour valoir ce que de
droit.
» Le Président, L'un des Secrétaires,
» L. BRETIELOT. A. CASTAN. »
INTRODUCTION.
I. HORLOGERIE DE PRÉCISION.
À. Chronomètres fixes.
Dent et Ci.
W. Bond et fils.
Scholtz.
Muller.
Tiede.
B. Chronomètres portatifs.
C. Frodsham.
L. Richard.
C. Balanciers compensateurs.
Jacob.
Rodanet:
Hohwu.
Dent et Ci.
John Poole.
C. Frodsham.
D. Isochronisme du spiral.
Rozé fils.
Hammersley.
Jules Calame.
IT. HORLOGERIE CIVILE.
A. Horloges monumentales.
Detouche.
Collin.
Henri Lepaute.
Borrel.
— 245 —
Paul Garnier.
Beignet.
Farcot.
Stanislas Fournier.
Dent et C*.
Benson.
B. Horlogerie de petit volume.
a
Pendules de voyage.
H. Jacot.
Th. Leroy.
G. Sandoz.
Charpentier.
Desfontaines.
Drocourt. 4
V. Reclus.
Régulateurs de cheminées.
Desfontaines.
Charpentier.
Achille Brocot.
Detouche.
Michel.
Bosio.
Victor. Fleury.
Farcot.
Noblet.
Guilmet.
Niaudet-Breguet.
Horloge hydraulique. "
P. Embriaco.
d. Fournitures pour petite horlogerie civile.
Emile Martin.
A. Delépine.
Sauteur frères.
Croutte et C*.
Japy frères.
Marty et C*.
— 246 —
Roux et C.
Montandon frères.
Ducommun.
e. Horloges diverses.
Jacques Weber.
Robert Wiese.
Philippe Kissel.
L. Kaltenbach.
Fuerderer-Jægler et C'*.
New-Haven-Clock. «
Japy frères et C.
f. Fournitures et outils d'horlogerie.
Juillard et Amstutz.
Taborin.
Bourse, successeur de Raoul aîné.
Proutat, Michot et Thomeret.
Ch. Weité.
Pierre Gueutal et fils.
Nicolas Gueutal et fils.
Chatelain et fils.
HI. MONTRES CIVILES.
Production américaine.
— anglaise.
— suisse.
— - française.
4. Montres anglaises,
_ Dent et C*.
John Walker et fils.
: B, Montres suisses.
Ekegren.
Pateck, Philippe et C*.
. Rossel-Bautte et fils.
Ecole d’horlogerie de Genève.
Henri Grandjean.
#,
b.
— 247 —
Jürgensen.
Philibert Perret.
Robert-Theurer et fils.
Courvoisier frères.
Roskopf.
Domon et Dinichert.
Ecole d’horlogerie du Locle.
— de la Chaux-de-Fonds.
Observatoire cantonal de Neuchâtel.
D: Hirsch.
Exposition du Jura bernois.
C. Montres françaises. — Fabrique bisontine.
a.
Ecole d’horlogerie de Besançon.
Ecole impériale de Cluses.
Des centres de fabrication dans le Doubs qui alimentent
la fabrique bisontine.
Arrondissement de Montbéliard.
Japÿ frères et C!‘, de Beaucourt.
L. Japy, de Berne-Seloncourt.
Roux et C*.
Marti et C*.
Beurnier frères.
Baudroit.
Gondelfinger et Bichet.
Vuillequez.
Auguste Lépée.
Arrondissement de Pontarlier.
Arrondissement de Baume-les-Dames,
Meusy frères.
Comité départemental du Doubs.
Circulaire du Comité.
Exposition collective des ouvriers, contre-maîtres et
fabricants du Doubs.
Liste des exposants.
: LE Des récompenses.
IV. LISTE DES RÉCOMPENSES.
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C opérateurs.
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SOCIÉTÉ
D'ÉMULATION DU DOURS.
Horloge de haute précision avec remontoir d'égalité, — Æransmission électrique.
Remise à l'heure électrique. — Transmission par ondulations de l'air.
Modèles des Horloges de Notre-Dame, métropole, Tour Saint-Germain -l'Auxerrois,
Saint - Augustin et Trinité, à Paris.
L'HORLOGERIE À L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867, À PARIS.
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J Doungrc in
Spécimen du nouveau système de Carillon de la Tour Saint-Germain-l'Auxerrois.
© 42 Cloches, la grosse de 2,000 kilog. — 42 touches piano & main, — Cylindres de rechange.
PI6;
Marégraphe.
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L'HORLOGERIE À L'EXPOSITION. UNIVERSELLE DE 1867, À PARIS.
SOCIÊTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS.
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Coutrôleur de ronde de nuit.
Boîtes en fonte du contrôleur avec poinçon à l'intérieur.
fig. 2.
fig. 3.
Brevet SGDG.
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Exemple d'une ronde dans une fabrique. Cadrans de contrôleur (grandeur naturelle). Pompier faisant une ronde avec le heu
Société d'Émulation du Doubs PT 10.
Remontoir d'egalite de M Henri Lepaute.
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Barillet de minuterie.
Pignon de grande moyenne éngrenant .avec
le barillet précédent ; il a 12 ailes. :
Roue de grande moyenne, montée sur le
pignon précédent ; elle est taillée de 78 dents.
Pignon de iengue tige, engrenant avec la roue
de grande muyenne; il a 8 ailes.
Roue de longe tige, montée sur le pignon
précédent ; elle porte 84 dents.
Pignon de champ, engrenant avec la roue de
longue tige; il a G ailes.
Roue de champ, montée sur le pignon précé-
dent ; elle a 70 dents.
Pignon d’échappement, engrenant avec la roue
de champ; il a 6 ailes.
Roue d’échappement, montée sur le pignon
préeédent; elle a 40 dents.
Ancre d’échappement,
Barette d’échappement.
Balaueier.
Vite & Lent.
Rochets.
Ressorts Masses.
Chaussée.
Renvoi.
Canon.
Barillet de sonnerie. 5
Pignon de petite moyenne, engrenant avec le
barillet précédent ; il a 42 ailes.
Roue de petite moyenne ou de sonnerie,
montée sur le pignon précédent; elle a 72 dents.
Pignon de cheville, engrenant avec la roue de
petite moyenne; il a 8 ailes.
Roue de cheville, montée sur le pignon précé-
dent ; elle est taillée à 70 dents, et porte sur son
limbe 10 chevilles qui servent à soulever le mar-
teau.
D
D’
H
N.
Pignon d’ereille, engrenant avec la roue de
cheville; il a 7 ailes.
Roue d'oreille, montée sur le pignon précédent ;
elle porte 63 dents; sur son limbe est fixée une
seule cheville qui butte contre la détente et em-
pêche les rouages de sonnerie de tourner.
Pignon de délai, engrenant avec la roue d’o-
reille; il a 7 ailes.
Roue de délai, montée sur le pignon précédent:
elle a 56 dents et porte une cheville qui vient
butter contre la palette du détentillon en prépa-
rant la sonnerie.
Pignon de volant, engrenant avec la roue de
délai; il a 7 aïles.
Volant, plaque de laiton très-mince, ayant pour
but de ralentir la vitesse de la sonnerie par la
résistance de l'air.
Roue de compte ou chaperon, roue taillée de
plusieurs entailles inégales. réglant le nombre
des coups qui doivent être frappés par la sonne-
rie; elle est montée sur le pignon de petite
moyenne. !
Détente, pièce engagée dans les entailles de la
roue de compte, et permettant à la sonnerie de
fonctionner lorsqu'elle se soulève.
Détentillon , pièce de laiton à 2 branches, dont
l’une est actionnée par les goupilles de la chaus-
sée, et dont l’autre porte une palette contre la-
quelle vient butter la goupille de la roue de délai.
Esse, pièce appuyant sur le détentillon et fixée
sur la détente.
Ressort d’esse, appuyant sur l’esse.
Arbre du marteau, actionné par la roue de
chevilles.
Marteau, frappant les heures sur le timbre.
Ressort rend, agissant sur le marteau.
Porte-timbre,
Timbre.
B. Avoir soin de ne jamais mettre la pendule à
l'heure en tournant les aiguilles À gauche.
S'il arrivait que la sonnerie ne soit pas d'accord avec
Jes aiguilles, il faudrait faire sonner la pendule au
moyen du tirage T jusqu’à ce que l'accord soit rétabli.
Societe d'Emulalion du Doubs.
MOUVEMENT 8 Jours Fl.16.
À BARILLET INDÉPENDANT
SYSTEME Japy FF".
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de 1867. à Paris.
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Barette, plaque de laiton supportée par deux
piliers et dans laquelle roule un des pivots de
l'arbre du barillet.
Pignon de grande moyenne engrenant avec
le barillet; il a 12 ailes et fait 3 tours °, par
jour.
Roue de grande moyenne, montée sur le
pignon précédent ; elle a 52 dents.
Pignon de longue tige, engrenant avec la roue
de grande moyenne; il a 8 ailes et fait 24 tours
par jour.
Roue de iongue tige, montée sur le pignon
précédent ; elle est taillée à 80 dents.
Pignon de champ, engrenant avec la roue de
Jongue tige; il a 6 ailes et fait 320 tours par
jour.
Roue de champ, montée sur le pignon précé-
dent ; elle a 74 dents.
Pignon d’échsppement, engrenant avec la roue
de champ; il a 6 ailes et fait 3946 ?}s tours par
jour. :
Roue d’échappement, montée sur le pignon
précédent; elle a 40 dents.
Ancre d’échappement, pièce qui suspend et
rétablit alternativement le mouvement de la roue
d'échappement en laissant échapper les dents
une à une.
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Baretté d’échappement, dans laquelle roule un
pivot de la tige d’ancre.
Vite & Lent.
Balancter. Il fait 43,156 oscillations simples par
heure.
Rochet.
Masse.
Ressort d’encliquetage.
Chaussée.
Renvoi.
Canon.
MOUVEMENT 30 HEURES I. 15.
À BARILLET INDÉPENDANT
SYSTEME JaPy FF".
Vue par cote Que..de devant
| À Horlogerie à L Exposition universelle
de 1867. 3 Paris.
Societe d'Emulalion du Doubs.
LÉGENDE.
a Platines, ou plaques dans lesquelles roulent les
pivots des mobiles.
b Piliers, montants qui réunissent les platines et les
maintiennent à l’écartement nécessaire.
c Barillet, boîte circulaire fermée d’un côté par un
couvercle, et de l’autre par un fonds denté com-
mandant les rouages.
d Barette.
[ Pignon de longue tige, engrenant avec le barillet;
il a 8 ailes et fait 24 tours par jour.
[ Roue de longue tige, montée sur le pignon pré-
cédent; elle a 80 dents.
g Pignon de champ, engrenant avec la roue de
longue tige; il à 6 ailes et fait 320 tours par jour.
g Roue de champ, montée sur le pignon précédent ;
elle est taillée de 74 dents.
h Pignon d’échappement, engrenant avec la roue
de champ; il a G ailes et fait 3946 ?/; tours par
jour.
-h Roue d’échappement, montée sur le pignon pré-
cédent ; elle est taillée de 52 dents.
i Rouleau. Pièce qui suspend et rétablit alternative-
ment le mouvement des rouages en laissant échap-
per une à une les dents de la roue d’échappement.
k Vite & Lent, petit excentrique servant à donner
plus ou moins de prise au rouleau.
| Balancier, tige oscillante supportée par le rouleau
et terminée par une lentille; sa fonction est de
déterminer par sa longueur la durée des oscilla-
tions du rouleau.
Cette lentille porte une rainure de forme spirale
dans laquelle s'engage une goupille fixée à la tige
du balancier. En tournant la Aentille à gauche ou
à droite, on retarde ou on avance la pendule.
Le balancier fait 17,012 oscillations simples par
heure.
m Rochet, roues à dents inclinées empêchant, avec le
ressort masse, le ressort de se dérouler pendant
le remoniage.
ñn Ressort masse, pièce appuyant sur le rochet.
o Chaussée, pièce ajustée à frottement dur sur la
longue tige, et portant à carré l'aiguille des mi-
nutes. À l’autre bout, la chaussée porte un pignon
engrenant avec la roue de renvoi.
p Renvoi, pignon et roue, commandés par la chaus-
sée et déterminant le rapport des vitesses des ai-
guilles.
q Canon, pièce montée sur la chaussée, portant à
une extrémité l'aiguille des heures, et à l’autre
une roue engrenant avec le pignon de renvoi.
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L'ÉGLISE ET LE MONASTÈRE
DE
MOUTIER-GRANDVAL
PAR M. A. QUIQUEREZ
ANCIEN PRÉFET DE DELÉMONT (Suisse).
Séance du 15 décembre 1869.
INTRODUCTION.
La présente notice était destinée non pas à figurer isolément
dans aucun recueil, mais bien à former un des chapitres de
l’histoire de la prévôté de Moutier-Grandval, que nous avons
rédigée, et dont nous avons détaché les pages qui vont suivre
pour en lire quelques extraits dans la localité même qui doit
son nom à ce monument. ’
Il nous a paru d’ailleurs intéressant de réunir nos recher-
ches et nos souvenirs sur un des plus vénérables monuments
de nos contrées, sur un lieu d’où la civilisation s’est propagée
dans le Jura à une époque encore bien voisine de la barbarie.
Grandval a été une pépinière de missionnaires et d’instituteurs
pour l'Helvétie bourguignonne. Il y avait en ce lieu une école
célèbre où enseignaient de savants personnages; c'était. un
foyer de lumière comme Saint-Gall, avec lequel Grandval
rivalisait d'efforts et de persévérance.
17
— 250 —
Notre but n'est point de faire actuellement l’histoire du
monastère. Nous voulons seulement décrire le monument
tel qu'il devait être au temps de sa prospérité, et dire com-
ment il a fini par disparaître de siècle en siècle, sans bientôt
laisser d'autres vestiges que nos plans et dessins si imparfaits.
On étudie, dans les habitations lacustres, les débris d'une
époque antérieure à l'histoire; qu'il nous soit permis à notre
tour de scruter les ruines d’une institution qui a jadis illustré
la Burgondie.
. La fondation de Grandval est attribuée à Gondonius, due
d'Alsace, qui, vers le milieu du septième siècle, donna à saint
Walbert, second successeur de saint Colomban à Luxeuil,
une assez vaste étendue de terres au sud de la haute Alsace,
embrassant la contrée entre la rivière de Lucelle, le Doubs
et la chaîne de Pierre- Pertuis. Ce territoire, appelé alors
Sornegau, forme aujourd'hui les vallées ou districts de Delé-
mont et de Moutier (730 à 750).
Walbert envoya Fridoald, un de ses religieux, pour établir
le nouveau monastère dans une vallée arrosée de ruisseaux
poissonneux et qu'il nomma Grandval. À ce nom primitif on
ajouta celui de monastère, dont le langage vulgaire fit Moutier.
Ce fut d’abord une des succursales de Luxeuil; mais, peu
après, Walbert en confia l'administration à Germain, un
noble trévirois, en lui remettant la direction de deux autres
monastères déjà existants : Saint-Ursanne, sur le Doubs, et
Vertème, dans une vallée latérale de celle de Delémont.
Germain et ses compagnons s'occupèrent activement de dé-
fricher la contrée où Fridoald avait bâti les premiers édifices
du cloître. I en rendit l’accès plus facile en rouvrant les an-
ciennes routes, et bientôt Grandval fut en renom dans toute
la région environnante. Comme alors la possession des terres
donnait des droits considérables sur les hommes et les choses,
l'influence croissante de l’abbaye porta ombrage à Atticus,
duc d'Alsace, second successeur de Gondonius. 11 arriva à la
tête d’une armée pour revendiquer ses droits. L'abbé voulut:
Las "0"
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— 251 —
défendre ses administrés et devint victime de son zèle. Germain
et Randoald, son prieur, furent tués par les soldats austrasiens,
gens à demi païens, et la contrée fut ravagée (entre les années
666 et 670).
Après la mort de Germain, mis au rang des saints et des
martyrs, Grandval recut des dons nombreux et des sanctions
royales, dont la plus ancienne connue est celle du roi Carlo-
man, rappelant, en 769, celles antérieures du roi Pépin. On
en trouve ensuite d’autres des princes carolingiens : Charles
le Gros, en 884, ajouta aux domaines et aux droits de Grandval
le monastère de Saint-Imier.
Durant cette période et les siècles suivants, notre abbaye eut
une école célèbre en Burgondie : par ses savants professeurs,
tels que Nocherus, Hilpéric, Ison, elle rivalisa avec celle de
Saint-Gall.
Lors du partage de l'empire des Carolingiens, Grandval
tomba au pouvoir des rois de la Bourgogne transjurane (888).
Sous leur règne, cette abbaye fut saccagée par les Hongrois
(899 à 930), et ensuite restaurée par la reine Berthe, qui fit
bâtir une tour en avant du portail de la basilique. Un de ces
rois redressa les abus d'autorité commis par les avoués du
monastère, avoués issus des comtes d'Alsace et d’Atticus (962).
L'un de ces comtes, Luitfrid, ayant pris l’habit monacal de
Saint-Benoît, devint abbé à Grandval et y mourut vers l’an
1000.
En 999 et 1000, Rodolphe IT, dernier roi de Bourgogne,
donna à l’église de Bâle ses droits de haute souveraineté sur
Grandval et ses dépendances. Cet acte de quelques lignes fut
la source du pouvoir temporel des évêques de Bâle sur tous
les domaines des Bénédictins de Grandval, de Saint-Imier, de -
Saint-Ursanne et de Vertème.
Durant les démêlés de l'empereur Henri IV avec le pape -
Grégoire VII, les Bénédictins ayant pris le parti de la cour de
Rome, l’empereur, l'évêque de Bâle et les seigneurs de leur
parti chassèrent ces moines de leurs demeures et les rempla- -
— 252 —
cèrent par des chanoïnes (1075 à 1079). On attribue à Sigé-
nand, premier prévôt de Grandval, la fondation de l’abbaye
de Bellelay, qu'il dota au moyen d’un démembrement des
domaines de Grandval (1136).
Vers les années 1269 à 1270, Rodolphe, comte de Habsbourg,
en guerre avec l’évêque de Bâle, a dû incendier Grandval. Les
Bernois firent de même, en 1376, durant leurs querelles avec
Jean de Vienne, ancien archevêque de Besançon, puis évêque
de Metz et alors évêque de Bâle. En 1499, le neveu d’un autre
évèque incendia Grandval, ravageant cette contrée combour-
geoise de Berne, durant la guerre que l'Autriche faisait aux
confédérés. L'église fut restaurée dans les années suivantes ;
mais la Réforme religieuse vint heurter à sa porte en 1533.
Les réformés firent irruption dans l'antique basilique et la
dévastèrent. La foudre, peu après, incendia la tour du clocher.
Les chanoines se réfugièrent à Delémont, où ils se fixèrent,
après diverses tentatives pour rentrer dans leur ancienne de-
meure. Depuis lors, l'église abbatiale, qui remontait aux sep-
tième ou huitième siècles, s'en alla graduellement en ruine ;
enfin on la démolit en 1859.
Telles sont les principales dates relatives aux monuments
que nous allons décrire : avec ces quelques lignes, il y a pos-
sibilité de s'orienter dans leur chronologie.
Le monastère de Grandval est détruit depuis tant de siècles
qu'il paraît téméraire d'essayer seulement d'en indiquer la
place. Cependant ce n'est pas chose impossible : l'étude des
actes et de la localité même, les renseignements traditionnels,
les découvertes de murailles ou de fondations faites à diverses
époques, notamment à l'occasion de la bâtisse de la nouvelle
église, sur l'emplacement de l'ancienne, en 1859, nous ont
fourni des données que nous croyons pouvoir publier, en les
comparant avec le mode général de construction des monas-
tères, et plus spécialement avec le plan de l’abbaye de Saint-
Gall, au commencement du neuvième siècle. Ce plan, dont
— 253 —
l'original existe encore, a été publié et élucidé par M. le D'
Ferdinand Keller, en 1844 (1), et il est pour notre sujet d’une
grande importance, parceque Saint-Gall était du même ordre
que Grandval et qu'il existait alors des relations intimes entre
ces deux maisons de Bénédictins. Bien que la conformation
des deux terrains ne soit pas la même, on ne laissera pas que
de reconnaître une singulière analogie entre ces établissements
religieux contemporains; et même il y a lieu d’ajouter que
l'église de Grandvaf était plus ancienne que celle qu'on re-
construisit à Saint-Gall d’après le plan précité.
En effet, suivant le dire de M. Keller, si habile à puiser aux
meilleures sources, le couvent primitif de Saint-Gall était en
bois, avec une modeste chapelle. Il fut rebâti, de 720 à 760,
sous l'administration de l'abbé Othmar. On dédia alors l’église
à saint Paul. Elle avait 100 pieds de long sur 60 de large,
dimensions qui se rapprochent beaucoup de celles de Grandval
dont nous avons vu les ruines. Le sarcophage, qui renfermait
la dépouille mortelle de saint Gall, était placé entre l'autel et
le mur de l’abside. À Grandval, la tombe de saint Germain
était dans la même position. Les murs de Saint-Gall étaient
construits en petits moellons liés par un mortier fort dur, et
Grandval offrait ce même appareil. Dans l’intérieur du Couvent
de Saint-Gall il y avait une chapelle dédiée au prince des
Apôtres; à Grandval l’église était aussi primitivement sous le
vocable de saint Pierre. Lorsque, vers l’année 820, il fallut
rebâtir l’église et le couvent de Saint-Gall, on demanda un plan
à Gerung, architecte de Louis le Débonnaire, et son exécution
fut confiée à un moine de Saint-Gall du nom de Winihard,
qu'un religieux de Reichnau appelle un second Dédale, et que
() Publié dans les Mémoires de la Société des antiquaires de Zurich,
sous ce titre : Bauriss des Klosters St-Gallen, vom Jahr 820, in-40,
41 pages avec fac-similé du plan original. — Ce même document a été
reproduit par M. Albert Lexorr, dans le tome premier de son Histoire
de l'architecture monastique.
— 254 —
célébrèrent dés vers inscrits dans la salle du chapitre de
Saint-Gall.
La forme carrée fut généralement admise pour tous les
édifices. La plupart n'avaient qu'un seul étage sur le rez-de-
chaussée, à l'exception d'un bâtiment attenant à l'église et
renfermant la bibliothèque, avec la salle des calligraphes et
autres personnes attachées à cet établissement. On avait adopté
le plan des maisons orientales, ayant une cour centrale,
comme on en avait encore des exemples dans les débris de
toutes les villa romaines de la contrée. L'eau des toits se
déversait dans la cour sur laquelle s'ouvraient les apparte-
ments. Alors, comme encore longtemps après, on ne faisait
usage que de bardeaux pour couvrir les toits; on n'employait
plus la tuile antique, et la tuile actuelle ne vint que plus tard.
L'ÉGLISE ABBATIALE, PUIS COLLÉGIALE.
Après ces considérations générales sur les rapports qu'il
pouvait y avoir entre les abbayes de Saint-Gall et de Grandval,
uous allons passer à la description des principaux édifices de
ce dernier monastère. Nous commencerons par l’église, seul
monument qui se soit maintenu jusqu'à nos Jours.
Il s’agit d’abord de déterminer si c'était bien l'édifice pri-
mitif, la première église bâtie à Grandval, ou bien une cons-
truction postérieure. Dans les documents que nous avons
réunis sur l'histoire de cette abbaye, on voit, par un récit de
Babolène, que la première église ou basilique élevée en ce
lieu était dédiée à saint Pierre, et que c’est dans son enceinte
qu'on apporta et inhuma le corps de saint Germain, vers l'an
666, après que le vénérable abbé eut été mis à mort par les
soldats encore à demi-paiens du duc d'Alsace. Selon toute
apparence, ce n'était point Fridoald, le premier délégué de
Luxeuil, qui l'avait bâtie, mais bien l'abbé Germain, et alors
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— 255 —
il ne devait y avoir qu'une seule église en ce lieu. Un siècle
après, en 769, puis en 849, les actes portent que Grandval
avait été construit en honneur de la Vierge Marie* et, en 866,
ils ajoutent, pour la première fois, le nom de saint Germain à
celui de la Mère de Dieu. En 871, Ison fut enterré dans l’église
de Saint-Germain de Grandval, et dès lors, jusqu'au milieu
du douzième siècle, les actes continuent de la nommer l’église
de la Vierge-Marie et de Saint-Germain de Grandval, ou même
encore (1160) « de Sainte-Marie où repose le corps de saint
Germain. » En 1179, apparaissent en même temps l’église de
Saint-Germain et la chapelle de Saint-Pierre, qui appartenait
au trésor de Grandval. Depuis lors, le nom de Saint-Germain
est plus souvent donné à la basilique que celui de la Vierge-
Marie, et la chapelle de Saint-Pierre devint l’église paroissiale.
Il est ensuite à remarquer qu'à Saint-Imier, à Saint-Ur--
sanne et à Grandval, dès l'époque où il y avait encore des
monastères dans chacune de ces localités et avant leur con-
version en chapitres de chanoïnes, il existait dans chacun de
ces lieux deux églises : l’une pour le couvent et l’autre pour
les habitants de la paroisse. À chaque lieu encore la tradition
donne à l'église paroissiale un âge antérieur à celui de l’église
du monastère. À Saint-Ursanne, comme à Saint-Imier, les
débris des églises paroissiales confirment cette tradition. Il en
-serait probablement de même à Grandval, si cette église n'a-
vait pas été rebâtie au dix-huitième siècle.
Babolène nomme basilique de Saint-Pierre la seule église
qu'il y avait de son temps à Grandval, c'est-à-dire à la fin du
septième siècle, et on a vu qu'elle n'était plus, dès le douzième
siècle, qu'une dépendance du monastère, tandis qu'au huitième
siècle apparaissait déjà une église sous le vocable de la Vierge-
Marie, renfermant la tombe de saint Germain et empruntant
également le nom de ce vénérable abhé.
Il est donc probable que, dans ces trois localités, il y eut
d'abord de petites églises suffisantes alors pour ces monas-
tères, mais que ceux-ci ayant pris plus d'extension, il fallut
— 256 —
construire de plus grandes églises : celles-ci furent affectées
au service spécial du-couvent, tandis que les anciennes églises
furent attribuées à celui de la paroisse.
A Saint-Imier, cette construction doit être contemporaine
de l'érection de la basilique latine de Grandval; et celle-ci,
comme sa sœur, appartient par son architecture à la fin du
septième siècle ou au commencement du huitième : à Saint-
Ursanne, le changement que nous venons de signaler n’eut
lieu qu'au dixième siècle. Nous croyons qu'à Grandval cette
bâtisse fut nécessitée par l’affluence des pèlerins qu'attirait le
tombeau de saint Germain, et que ce fut alors qu'on transféra
celui-ci dans la nouvelle basilique. Il a dû en être de même à
Saint-Imier et à Saint-Ursanne.
L'acte d'ouverture du tombeau de saint Connie en 1477,
dit qu'on trouva le corps de ce martyr comme il y avait été
placé depuis l'érection de l’église par la fondatrice de celle-ci :
ce qui montre que le rédacteur de cet acte croyait que c'était
la reine Berthe qui avait fondé l’église de Grandval, tandis
qu’elle n'avait opéré qu'une restauration. Il est également
certain que ce ne fut pas cette princesse qui fit transférer le
tombeau dans l'église abbatiale, puisque celle-ci le renfermait
déjà en 866, et que l'architecture de cet édifice remonte à une
époque encore antérieure.
Nous ne pouvons assigner de date certaine à cette construc-
tion; mais on verra par divers détails qu’elle doit avoir suivi
de près la mort de saint Germain, et appartenir à ce temps où
les miracles qu’on lui attribuait faisaient le plus de bruit et
attiraient le plus grand nombre de pèlerins; c'était naturelle-
ment l'époque où l’abbaye acquérait le plus d'extension. Ce
moment correspond précisément avec la date de la première
réédification de l’église et du monastère de Saint-Gall; ce qui
est un motif de plus pour nous aider des plans de cette dernière
abbaye dans la recherche des édifices de Grandval.
Au centre des établissements constituant l’abbaye de Saint-
Gall étaient l’église et le cloître. À Grandval on voyait aussi le
— 257 —
temple du Seigneur occuper le point le plus éminent, au
milieu et au-dessus des édifices du monastère, dominant au
loin toute la vallée, afin d'attirer constamment l'attention des
hommes et d'éveiller en eux le souvenir de la présence de
Dieu. Son plan, de forme basilicale, était'divisé, dans le sens
de sa longueur, en trois parties inégales que séparaient deux
rangées de piliers. Chacune de ces divisions ou nefs était
terminée à l’orient par un hémicycle ou abside semi-circulaire.
Ces nefs avaient 112 pieds de longueur sur une largeur de 34
pour la grande nef, et de 12 pieds pour chaque nef latérale,
donnant une largeur totale, y compris les piliers, de 62 pieds
dans œuvre. Les collatérales étaient séparées de la nef centrale
par sept arcades de {2 pieds d'ouverture sur 27 de hauteur,
reposant sur des piliers carrés, couronnés de consoles ou
tailloirs fort simples supportant des arcs à plein cintre. Ces
colonnes n'avaient point de sous-bases et reposaient tout d’une
venue sur le pavé.
La vallée de Moutier avait fourni le grès ou la molasse pour
les pierres de taille de tout l'édifice. Les arcades des portes et
des fenêtres étaient construites à voussoirs cunéiformes, séparés
par une épaisse couche de mortier; les jointures étaient recou-
vertes par un ciment particulier. Les voussoirs des fenêtres
étaient alternativement en tuf et en grès, imitant un mode de
bâtisse qu'on voit à la porte du théâtre romain de Mandeure,
où les voussoirs sont en pierre de deux couleurs, et qu'on
remarque également aux parties de la cathédrale de Bâle qui
remontent au commencement du onzième siècle. Les murs
d'enceinte étaient formés de moellons ou pierres de petit
appareil rangées en assises régulières, dans le genre des
édifices romains. Ces pierres étaient posées à bain de mortier,
mais tous les rangs n'avaient pas la même hauteur. On y
remarquait du calcaire, du grès et du tuf, mais point de
briques. Les joints de chaque pierre se trouvaient remplis
d’un ciment très dur, différant de celui employé pour la ma-
connerie. On avait ensuite indiqué les jointures en traçant
— 258 —
dans le mortier frais, avec le tranchant de la truelle ou d'un
autre instrument, de petites raies. Ce mode était déjà employé
par les Romains, comme on le voit aux théâtres de Mandeure
et d'Avenches et à plusieurs autres édifices publics ou privés
de cette époque. M. Blavignac l’a reconnu dans l'ancienne
partie de l'église de Tournus, près de Chalon ; il le regarde
comme un caractère d'antiquité antérieur au neuvième siècle,
et c'est pour nous un indice de la conservation des usages
romains dans nos contrées durant l'époque barbare, et un
point de repère important pour constater l'antiquité de divers
débris de l’abbaye de Grandval. En quelques lieux on remar-
quait l'empreinte de l’étoffe grossière dont étaient vêtus les
ouvriers occupés à cimenter ces pierres et qui s'étaient appuyés
contre le mortier encore frais (). Dans des temps plus mo-
dernes, ces murs avaient reçu un nouveau crépissage, mais il
était facile de distinguer le travail primitif.
A limitation de quelques basiliques de l'époque latine,
c'est-à-dire selon l'usage même du temps où l’on avait bâti
Grandval, l'église avait cinq portes : celle de la facade de
l’ouest, ou porta speciosa, et deux de chaque côté, au nord et
au sud, correspondant aux seconde et cinquième arcades. De
ces quatre portes latérales, toutes à plein-cintre et de 12 pieds
de hauteur sur 6 de largeur, les deux premières avaient été
murées déjà à une époque éloignée. Les deux suivantes avaient
éprouvé d'autres modifications : celle du midi convertie, vers
le quatorzième siècle, en une porte ogivale plus petite et
inscrite sous l’ancienne; l’autre, dans des temps modernes,
honteusement défigurée. Nous reviendrons bientôt à la porte
principale.
Des fenêtres à plein-cintre, correspondant avec les arcades,
éclairaient les nefs latérales. Elles étaient petites (6 pieds sur 3),
@) Lors de la démolition de l'église, nous avons eu soin d'enlever
quelques fragments de ce mortier portant des raies et les marques des
habits de ces maçons du septième siècle, plus un morceau de bois placé
- par eux entre deux pierres de taille.
= 968 =
comme on avait coutume de les faire à une époque où l'usage
du verre n'était pas commun ({!). Ces fenêtres présentaient
deux évasements séparés par un filet. La claire-voie n'existait
plus, les murailles ayant été rasées jusqu'à la base des fenêtres
qui éclairaient la grande ref. Celles-ci correspondaient au
nombre des arcades, et d'après l’une d'elles qui avait été con-
servée, mais murée dans un bâtiment attenant à l’église, et
selon un vieux dessin, elles ne devaient pas être beaucoup plus
grandes que celles des bas-côtés. Entre les arcades et la base
des fenêtres régnait un cordon en pierres peu saïllant et sans
-moulures, simulant peut-être l’entablement. Il était à deux
pieds et demi au-dessus des arcades, et la muraille se trouvait
encore de neuf à dix pieds plus élevée.
Le chœur ou l’abside de la grande nef formait un hémicycle
de 32 pieds d'ouverture sur 18 de profondeur (?). Au centre
devait s'élever l'autel, isolé de manière qu’on püt circuler tout
à l'entour pour le service de l’église et les pratiques des pèle-
rins qui visitaient le tombeau de saint Germain placé sous le
pavé, derrière l'autel. Aux pilastres qui soutenaient l’archi-
volte, à l'entrée de l’abside, on remarquait les débris de deux
consoles qui avaient probablement supporté des statues. Le
chœur était éclairé par üne grande fenêtre centrale à plein-
cintre et par deux autres petites fenêtres latérales terminées
en trilobes, genre d'ornement qu'on remarque dans de très
anciennes églises. Les absides des bas-côtés n'avaient chacune
qu'une seule fenêtre à plein-cintre et de petite dimension.
La porte principale de l’église était quadrangulaire, avec
un fronton surmonté d’un arc en décharge pour soulager le
linteau. Les voussoirs cunéiformes étaient ajustés comme
() On voyait, dans les décombres de l'église, des fragments de verre
à vitre d'une grande épaisseur et irrégularité, qui semblaient provenir
des fenêtres primitives et nullement des petites cibles rondes qu'on
usagea plus tard.
(2) Cette différence de deux pieds entre la longueur doublé du rayon
et la longueur de l’abside provenait de l'épaisseur des pilastres,
— 260 —
ceux des portes latérales. Le linteau ne reposait pas sur des
pieds droits d’une seule pièce, mais ceux-ci étaient formés de
grosses pierres du côté de la baïe et de pierres plus petites du
côté des murs, à l'effet de former un double pied droit :
on voit un pareil mode de construction à la porte du théâtre
de Mandeure. Une table carrée, placée au-dessus du fronton,
a dû porter une inscription; mais la main des hommes a
effacé ce qu'on y avait tracé à la gloire de Dieu. C'est une des
mutilations de la Réforme (1).
Les trois absides étaient voûtées en calotte, mais le grand arc
de la nef centrale était fort surbaissé et nullement à plein-
cintre. Rien n'indiquait que la grande nef et les bas-côtés
eussent été voûtés. Nous croyons qu'il n'y eut primitivement
que des plafonds en bois, comme on le voit encore à la basi-
lique contemporaine de Saint-Imier, et comme il en existait
dans beaucoup d’autres églises de cette époque. Nous appuyons
notre opinion à cet égard sur le peu d'épaisseur des murs et
sur l'absence de contreforts. Les murailles n'auraient pu ré-
sister à la poussée des voûtes, et les contreforts irréguliers,
qu'on remarquait du côté du nord seulement, étaient d’une
époque plus récente et avaient eu pour but de renforcer la
muraille du bas-côté de gauche, à raison des voûtes qu'on y
avait établies plus tard. Il y a lieu toutefois d'observer qu'on
remarquait dans la grande nef, depuis la cinquième travée
jusqu'au chœur, des trous de consoles ajustées postérieurement
dans les piliers. Ce travail en sous-æuvre indiquait, par la
forme et la position des consoles, que celles-ci avaient pu
donner naissance à des voûtes ogivales et commencer les arêtes.
Mais ces voûtes, qui n'ont pas laissé de traces contre les murs,
ne devaient couvrir que la partie de la basilique réservée aux
chanoines. Il en restait trop peu de vestiges pour qu'on püt
@) Ounix (Manuel d'archéologie, p. 105, pl. VIIT, fig. 13) donne le
dessin d'une porte qui offre la plus grande ressemblance avec celle de
Grandval. — Cf. DE Cavmoxr, Cours d'antiquilés monumentales, pl. LI V,
fig. 2.
— 261 —
fixer la date de leur construction, qui toutefois a dû avoir lieu
vers la fin du treizième ou le commencement du quatorzième
siècle, après deux incendies de l’église, mais à des époques où
les chanoines étaient moins pauvres que lorsqu'ils restaurèrent,
en 1503, leur basilique incendiée en 1499. Aïnsi il se pourrait
que la partie orientale de la grande nef eût été voûtée, tandis
que les quatre travées vers l'ouest ne l'étaient point, et encore
ces voûtes pouvaient être en bois.
Un inventaire des archives de Moutier-Grandval, du milieu
du quinzième siècle, indique le nom de tous les autels qui
ornaient alors l’église et dont chacun avait des revenus par-
ticuliers. Le maître-autel était dédié à la Vierge Marie (Notre-
Dame de Grandval), qu'on a vu désignée comme patronne de
cette abbaye dès le huitième siècle. Selon divers documents,
le même autel était aussi sous le vocable de saint Germain de
Grandval. L'abside de droite renfermait l'autel de Saint-
Michel, celui de gauche l'autel de Saint-[mier, tandis que les
autels de Sainte-Catherine, Saint-Oswald, Saint-Antoine,
Saint-Germain évêque, Sainte-Croix et de la Conception de la
Vierge-Marie, occupaient les côtés des nefs, adossés soit aux
piliers, soit à des murailles dont on avait fermé l'ouverture de
quelques arcades. On voyait encore dans la nef de droite un
restant de peinture contre une muraille qui avait dû former
le fond d’un de ces autels (1).
(4) D'après d'autres indications du prévôt Chariatte, il y aurait eu
douze autels dédiés : à la Sainte-Vierge , à la Conception de Marie, à
saint Germain et saint Randoald, à saint Imier, à saint Jean-Baptiste,
à saint Henri, à saint Antoine, à saint Valentin, à saint Quirin, à saint
Oswald, à saint Vendelin, à saint Germain évêque, à saint Sébastien,
à saint Fabien, à saint Roch, à saint Sylvestre, pape, à saint Michel et à
tous les Anges, à saint Pierre et saint Paul et à tous les Apôtres, à saint
Nicolas, à saint Christophe, à saint Urs, aux dix mille Martyrs et aux
onze mille Vierges, à sainte Catherine, à sainte Barbe, à sainte Apollo-
nie, à sainte Foi, sainte Anne, sainte Madeleine, sainte Othile, sainte
Agathe et sainte Marguerite. Evidemment le même autel était dédié à
plusieurs saints, car nous avons eu peine de trouver place pour neuf
autels dans la distribution de l'église.
— 262 —.
La partie orientale de la nef de gauche avait été séparée de
l’église et transformée en chapelle particulière, voûtée en ogive
et-éclairée par deux fenêtres de même style : c'était une œuvre
de l’année 1503. Cette chapelle fut ensuite convertie en sacristie
dont la porte extérieure, ouverte dans une des grandes portes
latérales, permettait d'arriver au château prévôtal par le
chemin le plus court. La porte qu'on voyait dans les derniers
temps avait été refaite plus tard. Dans le mur de cette même
chapelle, on remarquait une petite fenêtre ogivale ouverte vers
le treizième siècle et ensuite remurée : sa forme en lancette
indiquait l’époque que nous lui assignons ; tandis que la
porte ogivale qui mettait la sacristie en communication avec
l’église rappelait la fin du quinzième siècle. La sacristie pri-
mitive devait être du côté droit, à l'emplacement du grenier
à grain qu'on adossa, en 1637, contre le mur de l'église.
Ce grenier fut alors élevé sur les ruines d’une des aïles du
monastère.
La place réservée dans l’église aux Bénédictins, puis aux
chanoïnes et chapelains, occupait les trois travées les plus
rapprochées du chœur. On sait qu'il était d'usage d'y placer
des stalles ou formes de chaque côté de la nef. Le rang adossé
aux arcades murées et le plus élevé était pour les chanoines ;
le second rang, d’une marche plus bas, pour les chapelains
ou pour les simples prêtres; les enfants de chœur ou de l'école
occupaient des petits bancs à ras de terre.
Les nefs de la basilique étaient jadis parées de grandes
pierres tombales ornées de sculptures et d'inscriptions, Mais
ce pavé avait éprouvé diverses modifications. On y remarquait
des parties en briques et en carreaudage. Nous avons observé
que primitivement il devait être en bois ou planches posées
sur une couche de béton formé de chaux et de tuile pilée,
comme on l’employait en cas semblables dans les villa ro-
maines du pays. Plus tard, et selon toute apparence après un
incendie de l’église, on exhaussa le sol de deux pieds et demi,
et c'est alors qu'on employa des briques pour une partie du
— 263 —
pavé, tandis que le restant était RARES TEEN DE de
pierres tombales et de carreaudage.
Comme il n’y avait pas de crypte ou d'église souterraine,
on enterrait les personnes de distinction dans les nefs. Lors-
qu'on à fait quelques fouilles, en 1858, et ensuite démoli ce
monument, nous avons observé et mesuré un couloir voûté,
prenant naissance en avant du chœur et se prolongeant sous
celui-ci jusqu’à la place où devait être l’autel. Son entrée était
sous le pavé devant l'abside; il se fermait par une grosse
pierre et l'on y descendait par quelques marches. C’est par ce
petit caveau qu'on arrivait au tombeau de saint Germain placé
derrière l'autel, mais sous le pavé. Cette position souterraine
a présérvé le tombeau de toute violation, lors des diverses
dévastations de l’église. Celle-ci pouvait être complètement
saccagée et incendiée, sans que la sépulture en pût souffrir.
Aussi est-ce pour ce motif qu’à son ouverture, faite en grande
pompe en 1477, on trouva le corps de saint Germain tel qu’il
y avait été déposé primitivement. L'abside était élevée de cinq.
pieds au-dessus du niveau de l’église, ce qui avait permis
d'établir avec facilité ce petit caveau de cinq pieds de haut sur
trois pieds dix pouces de large, avec des murs de deux pieds
d'épaisseur. Il était recouvert d’une voûte à plein-cintre, et
tout indiquait, dans l’ensemble et les détails, un travail con-
temporain de la bâtisse de l’église, avec quelques réparations
postérieures qu'accusait l'emploi de certains matériaux. En
décomptant la longueur du caveau et l'épaisseur du mur, il
restait un espace de neuf pieds derrière l'autel et tout à l’entour
de celui-ci, pour le service du chœur.
Au bas de l’église, dans la nef de droite, on voyait une
muraille ou rampe soutenue par une voûte et sur laquelle.
reposait l'escalier conduisant à l’orgue et dans la tour. Cette
rampe masquait une des portes latérales, à cet effet remurée,
et elle indiquait une construction plus récente, peut-être déjà
contemporaine du clocher érigé au dixième siècle ou des res-
taurations de 1269 et 1376. On remarquait aussi, à l'extrémité
LOU
occidentale de chaque nef latérale, une petite porte communi-
quant avec des bâtiments attenant à la tour et dont on parlera
bientôt.
Dans l'église primitive et avant la bâtisse du clocher, il y
avait trois fenêtres au-dessus du portail de l’ouest. Celle du
centre était à plein-cintre, et ses pieds droits ornés de colon-
nettes à chapiteaux cubiques : circonstance intéressante, puis-
qu'elle prouve qu'on en faisait déjà usage avant le dixième
siècle, époque où cette fenêtre a été masquée par l'érection de
la tour. Les deux autres fenêtres percées et remurées plus
haut n’offraient plus aucun caractère architectural reconnais-
sable. Il y avait encore dans cette même muraille d’autres
ouvertures remurées qui, avec les précédentes, prouvaient le
dégagement primitif de cette facade. Celle-ci, à l'extrémité,
était ornée de pilastres sans saillie, ou plutôt de bandes mu-
rales simulant des pilastres. Ces bandes formaient vraisem-
blablement des panneaux, couronnés par des arcatures ou
petites arcades à plein-cintre régnant le long du pignon.
La tour, placée au centre de cette façade, a été démolie au
commencement de ce siècle. Nous en avons encore vu une
partie qui a été dessinée par M. Villeneuve. Elle avait trois
étages au-dessus du rez-de-chaussée, construit lui-même à la
hauteur du toit des nefs latérales. Les deux premiers étages
n'avaient que de petites fenêtres, mais le troisième était éclairé .
des quatre côtés par des fenêtres géminées à plein-cintre. Un
toit à quatre pans, surmonté d’une croix, couronmait l'édifice.
Cette tour formait un carré de vingt-trois pieds dans œuvre,
avec des murs de six pieds de trois côtés seulement, tandis
que, vers l'église, l'édifice était simplement adossé et soudé à
l'ancienne façade au moyen d'entailles et de raccordements
qu'on distinguait facilement. Le revêtement extérieur des
murailles des premiers étages se composait de pierres de taille
empruntées à la molasse de la vallée; plus haut, on s'était
servi du tuf. Le revêtement intérieur du narthex était, dans
les rangs inférieurs, en molasse, et, plus haut, en calcaire
— 265 —
blanc à nérinées, par assises régulières, avec des façades fine-
ment taillées. C'était sur les rangées du milieu qu’on avait
tracé une inscription dont on parlera plus loin.
La porte d'entrée s'ouvrait à l’occident;.elle avait onze pieds
de large. Sa voûte, à plein-cintre, reposait sur des pieds droits
couronnés de tailloirs. Intérieurement, on remarquait à ses
angles quatre colonnes cylindriques, à chapiteaux cubiques
supportant les arêtes très massives d’une voûte à plein-cintre.
A l’époque de la bâtisse de la tour, et pour la régularité de
l'architecture, on avait construit une seconde arcade au-dessus
de l'arc en décharge qui recouvrait le linteau de la porte de
l’église. Cette arcade reposait sur des pieds droits, avec tailloirs
chanfreinés de chaque côté de l’ancien portail; elle servait en
même temps à porter la muraille orientale.de la tour.
Il existait des arcades semblables des trois autres côtés : les
moulures des tailloirs et des corniches imitaient la forme de
ceux des piliers de l'intérieur de la basilique, mais les cor-
beiïlles des chapiteaux faisaient assez voir qu'elles appartenaient
à une époque plus récente. C'était déjà la forme cubique
substituée au chapiteau corinthien que les artistes ne savaient
plus exécuter. Les feuillages qui les ornaient étaient lourds et
sans grâce, révélant complètement la facture du dixième siècle.
Il résulte de ces faits que la tour avait été bâtie et appuyée
contre l’ancienne facade de la basilique dont l’ornementation
m'était pas destinée à être cachée, que cette tour masquait les
bandes murales, les fenêtres et couvrait sans doute encore
d'autres détails d'architecture vers le haut du pignon que
nous n'avons plus vu dans son entier.
De chaque côté de la tour et, comme celle-ci, adossés à la
facade occidentale, on voyait les restes de deux édifices bâtis
et faisant corps avec le clocher jusqu'au premier étage. Ils
formaient chacun un parallélogramme de vingt-quatre pieds
de long sur treize de large intérieurement. Recouverts de
voûtes en berceau, ils communiquaient avec la basilique cha-
cun par une petite porte, et ne recevaient de jour à l'occident
18
— 266 —
que par de petites fenêtres carrées. Ce ne pouvaient étre des
chapelles, elles eussent été trop peu éclairées; ni des sacristies,
étant trop éloignées du chœur, mais plutôt des hypogées. Les
portes qui les mettaient en communication avec les nefs
latérales ont probablement été ouvertes dans les anciens murs
lorsqu'on construisit ces édifices. Nous n'avons plus vu les
étages supérieurs que sur un vieux tableau où ils sont impar-
faitement représentés. On a pu en faire usage, par analogie
avec ce qui existait à Saint-Gall, pour y placer le trésor, les
archives et la bibliothèque. Nous ne pouvons admettre que
ces édifices aient été primitivement deux tours en saillie sur
la façade, dont elles auraient également couvert une partie
des détails d'architecture; car, lors même que les sceaux de la
prévôté de Moutier-Grandval représentent un portail d'église
avec deux tours, ces sceaux n ont été faits qu'à une époque où,
bien certainement, la basilique de Grandval n'avait qu'une
seule tour.
C'est dans le bâtiment de droite et dans son mur méridional
qu'on remarquait une petite porte à plein-cintre qui devait
conduire dans l'aile occidentale du couvent. La position de
cette’ porte indique que l'aile dont il s'agit avait un corridor
du côté de la cour intérieure, et que cette partie du monastère
s’avançait de vingt-quatre pieds, et de l'épaisseur du mur, au
delà de la façade primitive de la basilique, bien entendu avant
la construction de la tour. La muraille dans laquelle était
percée cette porte indiquait une construction différente de
celle des autres murs de notre édifice. Elle offrait tous les
caractères d'antiquité que nous avons déjà signalés aux plus
anciennes parties de l’église, comme une imitation des temps
romains. Elle nous révèle et précise l'existence du couvent, et
en même temps qu'il devait y avoir, avant l'érection de la
tour, un narthex ou portique régnant sur toute la longueur
de la facade de lorient, mais seulement jusqu'à la hauteur
des petites nefs, comme le prouvaient les bandes murales qui
ne commencalent qu à ce même niveau. Ce narthex ayant été
— 267 —
remplacé, au dixième siècle, par la tour et les deux édifices
contigus, on le transféra alors en avant du clocher seulement,
comme nous en avons reconnu la preuve par ses fondations
mêmes. | |
On sait qu'au moyen âge les porches des églises étaient des
lieux de réunion où l'on traitait de toutes sortes d’affaires. Si,
à Grandval, les abbés, puis les prévôts, avaient tenu leurs
assises en plein air, devant le parvis, sur l'esplanade où se
trouvait la pierre celtique, ensuite consacrée à saint Germain,
il est aussi certain qu’en cas de pluie ces prélats et leurs justi-
ciables se retiraient sous le porche de la basilique et même
dans l'intérieur de celle-ci.
A ces portiques était souvent attaché le droit d'asile, sans
qu'il fût besoin de pénétrer dans la basilique. C'était le refuge
des pauvres qui y demandaient l'aumône, le lieu de pénitence
des grands coupables auxquels on interdisait l'entrée de l'église.
Là aussi se tenaient les catéchumènes et ceux qui attendaient
le baptême. Sous ces mêmes portiques, en signe d'humilité,
les princes, les prélats, les bienfaiteurs des églises demandaient
d'être inhumés, croyant que ceux qui fouleraient chaque jour
leur tombe songeraient à prier pour eux. C'était peut-être
quelque grand personnage qui reposait au côté gauche du
portique, sous la tour, et dont on pouvait encore lire une partie
de l’épitaphe en 1833. Depuis lors, cette inscription a disparu
avec les colonnes, les sculptures et les autres ornements de ce
narthex. Le marteau impitoyable des maçons a détruit tout ce
qui restait de ce monument, comme si c'eût été une gloire de
n’en point laisser de vestiges ({).
Après cette description générale de la basilique, description
résultant d'une levée du plan de l'édifice, de nombreuses
(4) Lorsqu'on démolissait l'église, en 1859, nous avions obtenu qu'on
miît de côté toutes les pierres sculptées. Elles étaient rangées dans la
grange attenant à la préfecture. On eut besoin du local pour y placer
les lits des ouvriers, et tout ce qu'on avait cru sauver de la destruction
fut englouti dans les remblais de la terrasse sous l'église nouvelle,
op E
visites et d’une longue étude, nous devons encore ajouter
quelques mots sur son ornementation, autant qu'il est possible
de le faire après toutes les mutilations subies par le monument
à l’époque de la Réformation. Cette ornementation, comme
celle de tous les édifices de la période barbare, devait être très
simple et l'architecte en avait été fort avare. Les améliorations
qu'on y avait apportées n'avaient guère pu se développer que
dans les autels, les stalles, les tombeaux et quelques autres
parties intérieures de la basilique, où l’on pouvait déroger
à la simplicité primitive.
C'est ainsi que l'autel placé au centre de l’abside devait être
formé d'un massif de mur entouré de bas-reliefs représentant
des enroulements, des entrelacs et autres dessins employés
dans les sixième et septième siècles. Nous avons retrouvé trois
fragments de ces pierres; ils ont été photographiés et ensuite
décrits dans l’Indicateur d'histoire du mois de juin 1861. Ces
pierres sont en grès molassique, et leurs sculptures ont la plus
grande analogie avec celles de quelques pierres de l’église de
Coire, regardées à bon droit comme des sculptures de l’époque
carolingienne (!). Sur le revers des pierres de Grandval, on
remarquait quelques lignes, quelques traits gravés, lorsqu'on
a usagé plus tard ces débris pour couvrir des sépultures.
Aussi nous présumons que l'autel primitif, dont elles faisaient
partie, a été détruit par les Hongrois, dans la première moitié
du dixième siècle, lorsqu'ils saccagèrent Grandval, et laissèrent
leur nom redouté à un pont jeté sur un torrent voisin, au
passage de la vieille voie romaine.
: Nous avons ensuite eu le temps de dessiner un chapiteau
de colonne différant, sous divers rapports, de ceux qui cou-
ronnaient les colonnes sous la tour du clocher, mais dont
l’ornementation , tout en conservant une certaine analogie
avec celle de ces dernières, atteste cependant une plus haute
@) Mittheilungen d. antiqg. Gesellschaft in Zurich, t. XI, fig. 7, tab. 9
et 12; texte page 155.
— 269 —
antiquité. Rien dans l'architecture et la distribution de la
basilique n’a pu nous indiquer l'emplacement de cette pierre
qu'on avait remurée dans la terrasse, sous le jardin, ou si
l'on veut dans la base des murs de l’ancien monastère. Ses
dimensions considérables accusent son emploi dans l’orne-
mentation d'un édifice proportionné à la grandeur de cette
pièce. Par contre, plusieurs autres chapiteaux se sont trouvés
sous le pavé de l’église, dans le remblai de deux pieds et demi
d'épaisseur sur le pavé primitif. Ils sont de petites dimensions
et ont pu appartenir à des autels en pierre ou à quelque
autre détail d'intérieur. Mais, chose digne de remarque, ils
offrent une grande ressemblance avec des chapiteaux romains
que noûs avons vus dans les ruines de Mandeure, et ils
accusent une épotçue antérieure au style roman. L'un d’eux
était muré dans la porte latérale du sud, au-dessus d’une
restauration du quinzième ou seizième siècle. Nous avons
déjà remarqué que la fenêtre de l’ouest, au-dessus du grand
portail, était ornée de colonnes à chapiteaux cubiques, soit
que cette forme füt déjà admise au septième ou huitième
siècle, soit que cette fenêtre eut été refaite au dixième siècle,
peu ayant l'érection de la tour qui la fit fermer. Nous avons
également recueilli sous le pavé un débris de chapiteau offrant
un travail plus soigné que tous les précédents et qui n'aurait
pas déparé un édifice romain dont il rappelle complètement
les sculptures.
A l'exception de l'inscription mutilée qu'il y avait encore
sur la muraille de la tour en 1833, nous n'avons pu en re-
trouver aucune autre. Quelques vestiges de peinture à fresque
dans le bas-côté de droite n'étaient pas suffisants pour que
l'on ose dire que toutes les murailles avaient recu ce genre
d'ornementation.
Quant aux tombeaux qu'avait dû renfermer la basilique, la
plupart avaient déjà été fouillés et détruits depuis longtemps
lorsqu'on a démoli ce monument en 1859. On croyait que
des émigrés français y avaient caché des sommes importantes
— 270 —
avant l'occupation de la Prévôté par les armées françaises, en
décembre 1797, et l'on avait opéré des fouilles en cachette à
plus d’une reprise. Les travaux faits pour la reconstruction
du temple n'étaient point dirigés en vue de faire des décou-
vertes archéologiques : aussi n’a-t-on trouvé que peu de
sépultures offrant quelque intérêt, ou qui n'avaient pas été
visitées précédemment. Nous citerons d’abord un tombeau
découvert à l'entrée de l'avant-chœur, près du pilier qui devait
soutenir la chaire. Il était construit en pierres taillées et mu-
rées. [1 avait 6 pieds de long sur 15 pouces de large, avec une
excavation de 10 pouces sur 7 pour la tête, marquant ainsi
les épaules et se rétrécissant vers les pieds. Il était recouvert
par une muraille bâtie à l'époque où l'on exhaussa le sol pri-
mitif. [1 contenait un squelette d'homme de taille moyenne.
La mâchoire, bien conservée, indiquait qu'elle appartenait à
un individu encore jeune et qui n'avait pas encore ses deux
dernières dents. Sur sa poitrine reposait un calice et une
patène en argent fin, battu fort mince et d'une bonne conser-
vation. Le calice était sans ornement, mais de forme sem-
blable à celle du calice dit de saint Germain, conservé parmi
les reliques du premier abbé de Grandval. Sur la patène, on
voit gravé avec peu d'art un agneau pascal tenant une croix.
Le nymbe est à trois rayons, pour imiter une gloire ou
pour symboliser la Trinité. Ces deux objets, ainsi que le
tombeau, appartiennent vraisemblablement au neuvième ou
dixième siècle, et ils indiquent le lieu de sépulture d'un
prêtre (!).
Vers le haut de la nef latérale de droite, qui semble avoir
été destinée à la sépulture de personnages importants, se trou«
vait une tombe murée peu différemment de la précédente,
affectant le mode de construction que nous avons souvent
rencontré dans les cimetières gallo-romains. Elle renfermait
(4) Indicateur d'histoire, août 1859, p. 45. — On a reconnu des tombes
semblables dans les caveaux de Saint-Denis, lesquelles sont censées
eppartenir au plus tard au onzième siècle.
Te, GOT
nb. À
F à
— 271 —
les ossements d'une jeune femme inhumée dans un état de
grossesse fort avancé, comme on pouvait en juger par la tête
bien formée et déjà consolidée de son enfant. Mais, fait digne
de remarque, cette femme avait encore une belle chevelure
blonde, tressée en nattes longues et serrées. La forme de la
tombe et l'état des pierres qui la recouvraient indiquaient une
époque fort éloignée. A cette occasion, nous rappellerons
qu'au commencement de ce siècle on a trouvé, dans l’église
de Frienisberg, entre Arberg et Berne, le squelette d’une
femme ayant aussi sa chevelure blonde, tressée comme celle
de Grandval. On a présumé que ce pouvait être une des filles
d'Oudelhard, comte de Sogren et de Seedorf, qui fonda Frie-
nisbers, en 1131, et qui y fut lui-même inhumé (!).
Les deux tombeaux de Grandval offrent un contraste inté-
ressant. Celui de gauche contenait la dépouille mortelle d’un
jeune homme ayant renoncé au monde lorsqu'il sortait à
peine de l'adolescence. Celui de droite, une jeune femme qui
avait obéi aux lois de la nature, mais à laquelle la mort ne
donna pas le temps de devenir mère. L'un pouvait être le fils
de quelque grande famille, que le hasard avait fait naître le
second et que les mœurs du temps vouaient à la prêtrise, sou-
vent même avant qu'il fût né: ce n'était pas un moine, ni un
chanoine de Grandval, parce qu'il aurait été inhumé ailleurs.
L'autre devait être une grande dame, dont la famille jouissait
d'assez de crédit ou de fortune pour obtenir une sépulture en
un lieu aussi honorable.
Dans cette même nef de droite, nous avons vu plusieurs
fragments de pierres tombales sur lesquels on remarquait les
restes de statues en demi-bosse, représentant des personnages
vêtus de longues robes à plis serrés, attestant aussi une.époque
voisine du dixième siècle. Seraient-ce les tombes des disciples
de ce savant Ison, qui fut aussi enterré dans l’église de Grandval
() Indicateur d'histoire, juin 1861, avec planche. — Essai sur l'histoire
des comtes de Sogren, 1863.
2 apaie
en mai 871? Mais comme on attribuait des miracles à son
tombeau, un seigneur bourguignon fit enlever secrètement le
corps du saint pour profiter de ses miracles.
Beaucoup de sépultures ont été ouvertes avec si peu de soins
qu'on n'a pris aucune peine pour étudier leur contenu et pour
conserver quelques objets qu'elles renfermaient. Toutes n’é-
aient pas dans l’église : aussi aurons-nous à rechercher plus
tard les anciens cimetières de ce monastère. Nous nous con-
tenterons pour le moment de remarquer qu'il a dû. exister un
chemin le long de la facade septentrionale de la basilique, et
que cette voie devait être assez large pour qu'on püût établir
des tombes le long de ce mur sans obstruer le chemin. C’est
ce qu'a prouvé la découverte, en 1860, d'un grand tombeau
construit en pierres de luf, taillées et murées en sorte de mé-
nager également un emplacement pour la tête et les épaules
du mort. Le couvercle, aussi en tuf, était à trois pans et un
peu excavé en dessous. Des tombeaux de tuf, peu différents du
précédent, ont été trouvés plusieurs fois, à une lieue de là,
entre Crémine et Saint-Joseph, avec des objets burgondes ou
francs.
Nous n'avons pu découvrir, à Grandval, un seul débris de
statue. On a déjà remarqué qu'il devait y en avoir aux pilastres
supportant l'archivolte du chœur. On sait que des statues
replacées à l'entrée de la tour furent, durant la Réformation,
arrachées et brisées, comme on avait déjà à cette époque
détruit toutes les statues, tous les autels, toutes les images, les
tombeaux et tout ce qui rappelait le culte catholique de la
veille. Dès lors, il aurait fallu un grand hasard pour retrouver
quelques ae de la statuaire de ce monument,
Résumant nos impressions sur la basilique de Grandval et les
antiquités qu'on y a découvertes, nous croyons pouvoir émettre
l'opinion que le vaisseau de l’église était incontestablement la
plus ancienne partie de ce monument. Le mode de construc-
fion de ses murailles en pierres de petit appareil, les.voussoirs.
LL
— 213 —
cunéiformes de ses arcs à plein-cintre, la manière dont les
joints des pierres étaient cimentés, la simplicité des piliers et
des moulures des corniches, le nombre des portes latérales, la
forme de la porte occidentale, et plusieurs autres détails, indi-
quaient un édifice du style latin bien antérieur au dixième
siècle.
À Grandval, la tour seule rappelle l'architecture des an-
ciennes parties des églises de Payerne, de Neuchâtel, de Saint-
Ursanne, de Zurich et de Bâle; et encore ce qui restait de cette
tour était plus lourd et plus barbare que ce qu'on observe dans
les édifices précités. Excepté cette tour et quelques restaura-
tions, l'ensemble de la basilique était absolument étranger et
antérieur à l'architecture romane.
Les auteurs qui ont traité de l’architecture religieuse au
moyen âge prétendent qu'avant Charlemagne il n’y avait pas
dans ses Etats d'églises bâties en pierres ; mais cette assertion
est trop générale, et les actes de Saint-Gall, comme chez nous
les ruines de Grandval et de Saint-Imier, prouvent le con-
traire. Neus pensons que si Fridoald et saint Germain n'eurent
pas le temps de bâtir la basilique qui a subsisté jusqu'à nos
Jours, cette construction ne laissa pas que d'avoir lieu soit
encore à la fin du septième siècle, soit au plus tard en même
temps que la première réédification de Saint-Gall, au com-
mencement du siècle suivant. Ce fut alors que les Bénédictins,
ces architectes des églises d'Occident, élevèrent le vaisseau de
la basilique de Grandval. Cet édifice, de style purement latin,
subsista jusqu à l'invasion des Hongrois, qui le saccagèrent et
l'incendièrent au dixième siècle. Mais ses murs furent jugés
assez solides pour supporter une nouvelle charpente et proba-
blement une simple couverture en bois, selon l’usage d'alors;
car on voit, dans les archives de Saint-Gall, qu’en 890, Udalric
de Laufstenau avait pris les bardeaux destinés à la toiture de la
basilique pour en couvrir son propre château (1). Nous n'avons
() Collection de diplômes du chanoine FonTaINE, mss., tom. I, p. 41:
— 214 —
trouvé dans les débris de Grandval que des tuiles appartenant
à la forme moderne et qui, au moins dès le onzième siècle,
ont remplacé les tuiles romaines et les bardeaux. Quelques-
unes étaient vernissées, mais les plus anciennes dates qu'elles
portaient n'étaient que du milieu du dix-septième siècle.
Quant à la tour, nonobstant qu'on n'ait aucun document
certain prouvant que c'est la reine Berthe qui l’a fait bâtir,
nous croyons que l'architecture de cet édifice étant d'accord
avec toutes les traditions écrites, on ne peut élever de doute
sur la date de son érection dans la première moitié du dixième
siècle. Si ce n’est pas précisément aux frais ou par les ordres
de la reine de Bourgogne que l'entreprise eut lieu, ce fut
indubitablement de son temps.
La basilique était précédée, à l’ouest, par une esplanade où
se réunissait le peuple à son entrée ou à sa sortie de l'église.
Cette place publique était ombragée de grands arbres entre-
tenus et remplacés avec soin; on en voit encore des restes.
C'était là que l'abbé, puis le prévôt de Grandval, jouissant de
droits seigneuriaux et cléricaux fort étendus, ouvrait ses
assises, comme aussi les plaids généraux de toute la contrée
‘soumise à son autorité. Aux temps celtiques, on tenait les
assemblées politiques, judiciaires et religieuses dans des lieux
consacrés au culte, où il y avait des pierres levées ou de
sacrifices. Or, à Grandval, sur la place que nous décrivons, il
existait une de ces pierres qui a peut-être donné son nom au
village voisin de Perrefite (pierre fichée, petra fixa). Comme
des pratiques superstitieuses restaient attachées à ces pierres,
on mit celle de Grandval sous le vocable du premier abbé, et
la pierre de saint Germain servit de siége au président des
plaids du moyen âge, comme elle avait été employée au même
usage dès les temps celtiques. Il serait même possible qu'e la
présence de cette roche en ce lieu, et le culte païen qu'on lui
« Etiam tegulas, quas fissas habuimus ad tegendum Sancti Galli basi-
licam, vi abstuljt et super domum suam in Lustenowe imponere jussit. »
Fa
— 275 —
rendait, n'aient pas été sans influence sur le choix de l'em-
placement de la basilique de Grandval (!).
Il -
LE MONASTÈRE.
Suivant un usage qu'on remarque dans l'établissement
d'un grand nombre de monastères, et qu'on voit déjà au plan
de Saint-Gall, le cloître ou l'habitation cloîtrée des moines
bénédictins existait au sud de l’église et lui attenait par les
deux ailes, tandis qu'au milieu du carré formé par ces édi-
fices il y avait une cour et des portiques (?). Nous avons pu
mesurer une partie importante des dimensions de ces bâti-
ments, lorsqu'en 1859 on a creusé les fondations de la terrasse
actuelle. On voyait que ces édifices avaient été détruits par
un incendie et qu'ils avaient été couverts avec des tuiles,
comme celles dont on se sert de nos jours. Une des portes
latérales de l’église communiquait avec l'aile orientale de ces
coustructions : à Saint-Gall cette aile renfermait, au rez-de-
chaussée, le dortoir des frères, et, au premier étage, celui des
religieux. À Grandval, la sacristie devait être au rez-de-chaus-
sée, occupant le compartiment touchant à l'église. Comme à
Saint-Gall, le réfectoire pouvait se trouver de plein-pied dans
le bâtiment du sud, et le vestiaire au premier étage.
(*) Il y avait encore de nos jours deux autres pierres dites de saint
Germain : l'une près de la route, dans les roches de Moutier, et l'autre
dans le cimetière de l'antique chapelle ou basilique de Courendelin.
La première s'était ramollie pour servir de coussin aux genoux du saint,
et l'autre pour lui former un siége plus commode. Nous en avons
signalé une autre qui est encore dressée dans la chapelle de Saint-Hum-
bert, près de Bussecourt, et qui est plus vénérée que le patron de cette
église.
(?) L'usage de bâtir les monastères au sud de leurs églises dérivait
principalement de la règle admise pour l'orientation de celles-ci, le
chœur devant être tourné vers le levant.
| — 216 —
“ D'anciennes fenêtres qu'on remarqua dans le mur suppor-
tant le jardin, lors des travaux faits en 1859 pour le rebâtir,
nous ont indiqué que c'était dans ce bâtiment qu’existaient les
caves qui, à Saint-Gall, étaient au contraire dans l'aile de
l’ouest. À Grandval, la conformation du terrain a dû faire
ménager des caves et sous cet édifice et-sous les deux ailes.
Dans l’une de celles-ci et à l’ouest, on avait sans doute établi
le magasin de vivres, le lardarium et autres locaux. Tous ces
édifices étaient en pierres, et l'extrémité de l’aile occidentale
touchant à l'église avait une porte à plein-cintre pour com-
muniquer avec le narthex. Comme on l’a déjà dit, cette mu-
raille, qu'on pourrait appeler la facade septentrionale de cette
aile, offrait les caractères des constructions les plus anciennes
de Grandval. Ces débris, auxquels on ne portait aucune
attention à raison de leur état de ruines et d'encombrement,
ont été pour nous un indice palpable de l'existence de cette
partie du monastère primitif, de son mode de bâtisse en pierres
comme la basilique, et de sa communication avec celle-ci.
La cour intérieure, qui avait dû constituer un jardin, fut,
par la suite des temps et par l'abandon du monastère, trans-
formée en cimetière. Peut-être même les portiques furent-ils
changés en cloîtres dans lesquels on inhuma également,
lorsque les chanoines, abandonnant la vie en communauté,
résidèrent chacun dans une maison particulière.
D'après les mesures que nous avons prises en 1859 et
d’après le plan levé alors, nous pouvons assurer avec certitude
que le couvent avait une longueur de 160 pieds pour sa façade
du.sud, chacune de ses ailes 90 pieds sur une égale largeur
de 35 pieds, laissant au milieu une cour de 90 pieds sur 60.
Selon l'usage, un corridor devait régner tout à l’entour de ces
édifices du côté de la cour, et les appartements se trouver du
côté extérieur.
À Saint-Gall, la maison des oblats ou des novices, leur
église particulière et l’infirmerie étaient placés sur le pro-
longement oriental de l'église abbatiale. Ces établissements
— 271 —
pouvaient occuper à Grandval les environs et l'emplacement
du château, comme l'indiquent des fondations nombreuses
qu'on a rencontrées plusieurs fois entre la basilique et la
_ maison préfectorale (!)
Chacune de ces grandes dépendances obligatoires des mo-
nastères, tels que le cloître, l’abbatiale, l’école, l'hôtellerie,
l'infirmerie, la maison des oblats, ainsi que l'habitation des
médecins qui se rattachait à l’infirmerie, avaient des dépen-
dances particulières, selon leurs besoins. Toutes avaient une
cuisine avec ses accessoires, une boulangerie et une brasserie
pour le cloître, l'abbatiale et l'hôtellerie, ainsi que des bains.
Les moulins de Saint-Gall usaient dix meules par an. Il y
avait un four où l’on cuisait mille pains à la fois, une brasserie
qui employait cent malters d'avoine par cuite.
Il y avait encore bien d’autres choses qu'on nomme confor-
tables et qui tenaient alors à l'hygiène du monastère. Telle
était la maison spéciale où l’on pratiquait la saignée- pério-
dique des moines et où ils étaient mis à un régime plus sévère
que la pitance ordinaire du cloître. Cet usage s’est perpétué
dans nos monastères du Jura, pour ainsi dire jusqu à nos
jours. Nous en avons retrouvé la preuve dans les écrits de
Bellelay, à la fin du dix-septième siècle. La maison de Saint-
Gall, destinée à cet usage, est désignée sur le plan : Fleotomatis
hic gustandum portionariis. Cette pratique était du reste pres-
crite par la règle de Saint-Benoît, mais elle n'était pas un
moyen hygiénique spécial aux monastères : tous les habitants
du pays de Porrentruy s'y conformaient, et, pour ce motif,
ils jouissaient du privilége de pouvoir pêcher dans les rivières
seigneuriales le jour de leur saignée, de même que les femmes
en couches.
C’est près de la salle au régime débilitant qu’on trouvait, à
() Un acte de l'année 797, cité par le chanoine FonTaine (t. I, p. 17),
fournit des détails très curieux sur le régime des oblats de Saint-Gall,
à cette époque.
— 218 —
Saint-Gall, la maison des médecins et le jardin botanique,
appelé herbulariwm : sur le plan on lit le nom des plantes aro-
matiques et vulnéraires qu'on y cultivait, et qui sont les mêmes
qu'on emploie encore communément dans les campagnes.
A l’école publique, comme au noviciat, attenaient des loge-
ments particuliers pour les professeurs et les maîtres : ce qui
prouve que ceux-ci, qu'on attirait de toutes parts, n'étaient
point confondus avec les autres moines.
Nous avons tout lieu de croire que le ruisseau de Badri,
sortant du flanc de la montagne à l’ouest de Grandval, a pris
son nom de l’usage qu'on faisait de ses eaux pour alimenter :
les bains et les fontaines du monastère. Plus tard elles ser-
virent à remplir les fossés du château prévôtal, comme moyen
de défense, tout en nourrissant en même temps du poisson
pour la table du prévôt.
Ainsi, à Grandval, comme à Saint-Gall, rayonnaient de
trois côtés de la basilique les principaux bâtiments constituant
le monastère, ne laissant d'espace vide qu’en avant du portail
occidental de l'église. L'examen du terrain et des fondations
qu'il recèle indiquent que ce n’est point de notre part une
supposition hasardée, mais que, sauf quelques modifications,
il y aurait suffisamment d'espace sur le flanc de la montagne
pour construire convenablement tous les édifices attachés au-
trefois à une abbaye.
Mais là ne se bornaient pas les dépendances du monastère
de Grandval. Si la conformation du coteau sous l'église ne
permettait pas d'y bâtir tous les autres édifices qu'on voit sur
le plan de Saint-Gall, et qui étaient indispensables à Grandval,
- il y avait de la place en abondance un peu plus bas, dans la
direction de la rivière. Il est probable que la maison commu-
nale actuelle occupe l'emplacement de celle des pauvres, dési-
gnée dans plusieurs actes. C’est là qu'on recevait les pèlerins
qui venaient visiter le tombeau de saint Germain, resté en
grand renom même encore après la Réformation. On y soignait
les pauvres malades étrangers et ceux de la colonie monacale
— 279 —
n’appartenant pas spécialement au cloître. I] existé encore un
règlement de cette maison portant la date de 1308.
Sur l’emplacement de la partie centrale du bourg actuel de
Moutier, devaient se trouver les ateliers pour tous les métiers
nécessaires à une corporation religieuse d'alors, afin, dit la
règle de Saint-Benoît, que les religieux ne fussent pas dé-
tournés de la vie monastique en allant se pourvoir au loin
des choses indispepsables. Cet usage existe encore plus ou
moins dans les monastères actuels. Il devait donc y avoir, à
Grandval comme à Saint-Gall, des tanneurs pour préparer
les cuirs du bétail abattu dans la boucherie du couvent, des
corroyeurs, des cordonniers, des selliers, des ouvriers en bois,
charpentiers, menuisiers, charrons et tourneurs. Ceux-ci
exerçaient une profession importante, parce que toute la vais-
selle de table (plats, assiettes ou tailloirs, gobelets, etc.) était
en bois. Les ouvriers travaillant les métaux étaient nombreux:
maréchaux, serruriers, armuriers, orfèvres. Ces derniers trou-
vaient suffisamment d'occupation pour confectionner les orne-
ments des églises et les reliures de livres de prix. Il y avait
un atelier pour fouler les draps, d’autres pour préparer et
tisser les laines , le lin, le chanvre, et force tailleurs pour
couper et coudre toutes ces étoffes.
Il est probable qu'à Grandval ces divers ateliers n'étaient
pas tous réunis dans le même édifice, mais qu'ils en occu-
paient plusieurs, répartis le plus avantageusement selon leurs
besoins, comme aussi pour usager les cours d'eau qu'offrait
la localité. On sait, par exemple, que les ouvriers en gros fers
étaient établis sur la rive droite de la Byrse, pour utiliser la
chute que fait un petit ruisseau avant sa jonction avec cette
rivière (1).
Toujours sur l'emplacement de Moutier actuel, devaient
encore se trouver les habitations des hommes employés à la
() Des scories de fer et l'existence actuelle de petites usines en ce lieu
confirment les données fourmies à cet égard par de vieux tableaux.
— 280 —
culture des terres, les granges pour serrer les récoltes, les
écuries pour les chevaux de main et ceux de labour, pour les
bœufs de travail et à l’engrais, pour les vaches laitières, les
chèvres, les brebis et les porcs. À Saint-Gall, six grands édi-
fices contigus étaient employés à cette destination, sans comp-
ter un autre voisin pour le logement des hommes non occupés
à leur tour de garde journalière et nocturne des troupeaux
dans les champs et les écuries. Là aussi existait un vaste
grenier pour la conservation des grains, fui provemaient soit
des terres exploitées directement par les Bénédictins, soit des
fermages et des dimes des vastes domaines relevant de l'abbaye.
Une basse-cour considérable exigeait aussi des gardiens
spéciaux pour les poules et les oies. Les œufs et la chair de
ces volailles étaient pour la table et les plumes pour la literie.
Nous présumons que la basse-cour de Grandval devait être
près de la rivière ou d'un des ruisseaux qui s’y réunissent en
ce lieu.
Après les habitations diverses qu'on vient d'énumérer et
qui ont donné naissance au bourg de Moutier, il faut ajouter
les jardins et les vergers. Le verger de Saint-Gall servait en
même temps de cimetière. La tristesse qu'inspire ordinaire-
ment ce champ de repos était tempérée par la vue d'arbres en
fleurs au chargés de fruits. Symbolisant en quelque sorte la
résurrection dernière, la nature renaissait et produisait sur
les débris qu'accumulait la mort. Aussi, au milieu de cette
enceinte, dont un côté était réservé aux Bénédictins et l’autre
aux étrangers, s'élevait la croix du salut de tous avec cette
inscription : {nter ligna soli hæc semper sanctissima crux,.in
qua perpetuæ pomæ salutis olent.
Sur ces tombes croissaient les pommiers, poiriers, pruniers,
cerisiers, noyers, neffliers, coignassiers, pêchers, châtaigners,
figuiers, amandiers, noisetiers-aveliniers, mûriers, lauriers,
tous les arbres en un mot qui ornent encore nos vergers les
mieux cultivés et qu'on connaissait déjà en Suisse au com-
mencement du neuvième siècle. Si tous ne pouvaient pros-
— 281 —
pérer à Grandval, il faut croire aussi que le terrain, profon-
dément remué par le creusage des fosses et amendé par les
détritus humains, acquérait une fertilité dont nous n'avons
plus que de rares exemples dans nos cimetières dénués de tous
soins et de toutes plantations. Quelques personnes peuvent
encore se souvenir, à Porrentruy, des beaux fruits que four-
nissait le verger de Lorette, où l'on avait enterré un nombre
assez considérable de soldats français à la fin du siècle dernier.
Cet aménagement du cimetière de Saint-Gall en verger est
pour nous une indication qui permet de retrouver celui de
Grandval : aussi lui assignons-nous l'emplacement des prés
et jardins derrière la maison curiale et l'hôtel du Cerf, jus-
qu'au ruisseau qui se jette près de là dans la Byrse, et plus
probablement jusqu'à la rivière même. Ce terrain d’alluvion
et profond permettait le creusage des fosses et la culture des
arbres; et c'est bien là, en effet, qu'on a trouvé, à diverses
reprises, des sarcophages en pierre renfermant des squelettes,
il est vrai d'âges divers, mais dont plusieurs pouvaient appar-
tenir aux premiers temps de l’abbaye. On a dû abandonner
ce champ de sépulture après la suppression des Bénédictins,
lorsque la vie commune ne fut plus exigée des chanoiïines
leurs successeurs, à la fin du onzième siècle. C’est alors qu'on
convertit la cour du cloître en cimetière pour les chanoines,
que la plate-forme devant la basilique fut plus spécialement
affectée à l’inhumation des habitants de Roche, et qu'on ouvrit
un champ de repos près de l’église paroissiale de Saint-Pierre
pour d’autres ressortissants de la paroisse.
Parmi les sépultures découvertes dans l'ancien verger de
Grandval, nous citerons un sarcophage en tuf, formé de plu-
sieurs morceaux, qui se trouvait près de l'hôtel du Cerf, dont
l'emplacement occupe les fondations d'une villa romaine,
comme l'indique une aire en ciment romain rencontrée sous
les caves de la maison et quelques tuiles à rebords de la même
époque. Le tombeau dont nous parlons renfermait un grand
squelette humain ayant un vase en terre grise près de sa tête,
19
— 282 —
D'autres sarcophages d’une seule pièce, créusés dans des blocs
de calcaire blanc à nérinées, matière qui a généralement
servi chez nous à fabriquer les tombeaux, se sont rencontrés
près du précédent, comme aussi derrière la maison curiale et
jusque dans le canal ou ruisseau voisin, où l’un d'eux sortait
encore de terre en 1865. Ce dernier fait indique que le canal
est plus récent et que le champ de sépulture allait jusqu'à la
Byrse.
Probablement près de ce verger se trouvaient les jardins, si
indispensables pour la culture des légumes qui formaient une
partie très notable de la nourriture obligatoire des Bénédictins.
Nous ne prétendons pas assigner avec précision l'emplacement
des jardins de Grandval : aussi nous contenterons-nous de
dire qu'alors, dans ceux de Saint-Gall, on cultivait toutes
les plantes bulbeuses que nous avons encore actuellement :
oignons, poireaux, aulx, échalottes et ciboules; les plantes
d'assaisonnement : persil, fenouil, cerfeuil, anis, coriandre,
sauge, thym et autres. Si l'on ne voit pas figurer sur le plan
de Saint-Gall les choux, les raves, les carottes, les pois et
quelques autres gros légumes, c'est qu'ils ne trouvaient pas
une place suffisante dans les jardins, et qu'on les cultivait
dans les champs avec les plantes oléagineuses, la navette et
les pavots. Il y a tout lieu de croire que l'ensemble des éta-
blissements situés au-dessous du monastère était environné
de murailles qui, si elles ne furent pas construites dès le
principe, devinrent plus tard indispensables, quand on eut
appris, par une cruelle expérience, ce que c'était que d'être
pillé par des bandes armées. Nous croyons pouvoir indiquer
quelques traces de cette enceinte, et même fixer l'emplacement
de sa porte orientale par celui de la maison qui, en 1401,
s'appelait sub porta, et a encore conservé longtemps ce nom
qui lui venait de sa situation au-dessus de la porte du bourg.
Elle fut achetée, en 1401, par le chapitre de Grandval pour y
loger un seul chanoine, à l'exclusion des autres, et, à la Ré-
formation, on l'assigna pour l'habitation du prédicant. Aux
cms DGA
deux époques, ce fut à raison de sa proximité de l’église pa-
roissiale qu'elle fut choisie pour faciliter le service du pasteur.
Cette maison était bâtie en face de la maison curiale actuelle,
et la muraille d'enceinte remontait depuis là vers le nord jus-
qu'à une maison derrière laquelle passe le sentier pour monter
à la basilique. Cette maison d'angle appartient à un des plus
anciens modes de construction, et une partie doit remonter
au delà du dixième siècle. De cet angle, la muraille, faisant
face au nord, courait vers l’ouest, comme on peut encore en
juger par les fondations. Elle devait aller jusqu'au delà de
l’ancienne maison communale, dont la vieille tour pouvait
faire partie des fortifications, tout aussi bien qu'être employée
comme prison (!). Le mur redescendait vers le sud, probable-
ment par l'alignement extérieur de la rangée de maisons qui
ferme le bourg à l’occident jusque vers le milieu de la lon-
gueur de cette rangée, d’où il faisait retour vers l’orient, der-
rière le pâté de maisons embrassant l'hôtel de la Couronne,
pour aboutir au sud du presbytère actuel, près de la maison
sub porta. Cette enceinte paraît avoir laissé l’ancien cimetière
en dehors, et nous ne pensons pas qu'elle se soit appuyée à la
rivière, parce qu'elle aurait enveloppé un terrain trop vaste.
C'est, en effet, dans cet espace, ainsi limité, qu'on rencontre
le plus de traces d'anciennes fondations et d’antiquités. C'est
là qu'un vieux dessin du commencement du dix-huitième
siècle groupe les maisons de Moutier, dont l’une, portant la
date de 1717, existe encore (?). D'après quelques autres indi-
cations, la route ancienne n'aurait pas suivi la rue du bourg,
mais elle aurait, au contraire, laissé celui-ci de côté, depuis près
de la porte orientale, pour passer dans le cimetière derrière
l'hôtel du Cerf et arriver obliquement au pont sur la Byrse.
() Un vieux dessin de cette tour fait penser qu'elle était fort anté-
rieure au quinzième siècle, Elle avait une horloge et un clocheton pour
beffroi.
(3) Les vergsrs entre la route et la Byrse, au-dessous de Moutier,
s'appellent Clos dos velle, ou sous la ville.
— 284 —
Elle aurait alors remonté la rive droite de la rivière jusqu'à
un second pont près de Chalière. Cette route n’est déjà plus
indiquée sur le vieux dessin précité, et, dans tous les cas, le
bourg: fermé devait avoir une porte à l'orient déjà indiquée,
une à l'occident ou vers le sud pour la route de l'Helvétie, et
une au nord pour aller au monastère.
On ne s'explique pas pourquoi l'église paroissiale de Saint-
Pierre se trouvait en dehors de ces retranchements, à moins
que son cimetière, entouré de murailles, n'ait été selon l'usage
relié à l'enceinte très rapprochée du bourg, ou à celle peu
éloignée de l’abbaye, ou enfin n'ait offert isolément un moyèn
suffisant de défense. Cette manière de fortifier les monastères
et leurs dépendances n'était pas nouvelle, et elle se perpétua
longtemps. L'historien Jean de Muller rapporte qu'en 957
l'abbé de Saint-Gall fit environner de murs les dépendances
du couvent dans la crainte des Hongrois, ces mêmes hommes
qui avaient saccagé Grandval (‘). C’est à cette enceinte que le
chroniqueur Stumpf attribue la fondation de la ville de Saint-
Gall. Le même fait a eu lieu à Saint-Ursanne.
Il est également probable que les bâtiments sur la hauteur,
qui environnaient la basilique, avaient une enceinte murée
particulière, formant une espèce de citadelle au - dessus du
bourg. C'est dans cette église même qu'en 1486 un curé de
Buren, indûment élu prévôt par le pape, soutint un siége,
avec ses paroissiens avinés, contre le prévôt nommé par les
chanoines et aidé du châtelain de Delémont, Jean Tschadem,
sire de Courroux, un des braves de la guerre de Bourgogne.
Ce fut à cette occasion que la prévôté de Moutier, violemment
envahie par les Bernois, se trouva forcée d'accepter la com-
bourgeoisie de Berne, ce qui eut pour conséquence l’intro-
duction de la Réformation.
() Histoire de la Confédération suisse, t. I, p. 249. On voit encore au
village de Muttenz, près de Bâle, un cimetière fortifié qui peut donner
une idée bien précise de ce moyen de défense aux époques antérieures à
l'invention de la poudre.
La
Ve
— 285 —
Nous n'avons pas non plus la certitude que la route romaine
ait traversé l'enceinte murée du bourg, ou plutôt la place occu-
pée par elle. Cette voie a laissé des traces qu'on a retrouvées
dans les fondations des maisons près de l'hôtel du Cerf. Peut-
être suivait-elle la vieille route qu'on a indiquée en dehors du
bourg. Tout porte à croire que Moutier avait été occupé à
l'époque romaine, puisqu'il y avait un castellum muré sur le
flanc du coteau, à l’ouest de l’église, dominant la vallée et
correspondant avec plusieurs autres positions militaires. C'est
sur l'emplacement de ce castellum qu'on dressa ensuite le
gibet, à proximité du siége de la justice, sur l’esplanade devant
l'église abbatiale. L'occupation de Moutier à l'époque romaine
se révèle encore par des tuiles à rebords rencontrées dans des
fouilles, par des restes de canaux construits avec ces mêmes
tuiles antiques, toujours dans l’espace englohé par l'enceinte
du bourg et près de l’église paroissiale.
On a déjà dit quelle était l'origine et la destination de cette
église. Comme elle resta toujours, ainsi que ses revenus, dans
la dépendance de l’abbaye, puis du chapitre, on se demande
si, après la bâtisse de la basilique, on ne fit pas servir la
chapelle de Saint-Pierre au service des oblats. On nous à
montré un couloir voûté qui débouchait près de cette église,
et qui remontait vers l'emplacement qu'on a assigné à la
maison des novices, entre la basilique et le château prévôtal.
Les Bénédictins ayant été expulsés à la fin du onzième siècle,
on n'eut plus besoin d'un logement pour les oblats; plusieurs
autres dépendances du monastère cessèrent alors d'avoir leur
destination primitive et se convertirent successivement en
établissements privés. La population du lieu se modifia de
même, et l'érection d'une église paroissiale en devint une
suite toute naturelle. Il est probable que la basilique de Saint-
Pierre, dont parle Babolène, n'était qu'une modeste chapelle
qui resta fort longtemps ainsi, peut-être même jusqu’en 1741,
époque où on la rebâtit, en conservant une partie de la
tour qui passait pour fort ancienne. Il y a une date de 1733
= 880: =
sur cette église, qui fut vraisemblablement l'objet de diverses
restaurations. Sa petitesse et sa forme basilicale lui sont com-
munes avec la plupart des églises primitives de nos contrées :
témoin l'église dédiée à saint Martin au village de Grandval.
[IT
DESTINÉES DE MOUTIER-GRANDVAL.
Si, après avoir reconstitué cet établissement tel qu il devait
être durant les premiers siècles de son existence, nous jetons
un coup d'œil sur ce qu'il devint plus tard, on devra d'abord
se rappeler que les invasions des Huns ou des Hongrois,
durant la première moitié du dixième siècle, lui portèrent
une atteinte funeste. La tradilion a gardé à Moutier le sou-
venir du passage de ces barbares, en donnant leur nom à un
pont qu'ils franchirent, sans doute avec accompagnement de
circonstances actuellement oubliées. L'histoire ne rapporte
également qu'avec obscurité cette dévastation de Grandval, et
sa restauration presque immédiate par la reine de Bourgogne,
la célèbre. Berthe de Suabe. On pouvait naguère, jusqu'à un
ertain point, suppléer au silence de l’histoire en étudiant les
ruines de ce monument et de ses diverses restaurations. Elles
indiquaient que les Hongrois, encore paiens, avaient dù
incendier la basilique, mais laisser ses murs noircis encore
debout. Il est probable que les bâtiments du monastère eurent
le même sort. Toutefois on replaça des toitures sur les anciens
murs, et la pieuse reine fit ajouter une grosse tour en avant
du portail occidental de la basilique, masquant les fenêtres et
les détails d'architecture de cette façade, qui n'ont plus reparu
qu'à la démolition récente de la tour.
Cette tour servit de porche pour abriter les pèlerins avant
leur entrée dans le sanctuaire; ses étages supérieurs furent
employés pour y loger les cloches, et le plus élevé forma un
poste d'observation et de défense, à l'instar de cette tour de
— 287 —
Saint-Gall dont le vieux plan mentionne ainsi la destination :
Ad universa superinspicienda.
On a dit précédemment que ce fut aussi au dixième siècle
que l'abbé de Saint-Gall fit fortifier son monastère, et l'on a
indiqué quelques fondations et débris de murailles de la
même époque qui peuvent faire penser que ce fut alors éga-
lement qu'on fortifia Grandval pour résister à de nouvelles
attaques.
À la fin du onzième siècle, lorsque l'empereur Henri IV et
l'évêque de Bâle expulsèrent les Bénédictins de Grandval,
pour les punir de leur attachement à la cour de Rome alors
en guerre contre le chef de l'empire, et les remplacèrent par
des chanoines plus soumis, il est probable que ceux-ci s’ins-
tallèrent simplement dans les édifices de leurs prédécesseurs
et y vécurent en communauté, qu'ils conservèrent en partie
les établissements des Bénédictins dont ils ne pouvaient se
passer, et qu'ils restèrent ainsi jusqu'en 1269 ou 1270, époque
que l'on assigne à une expédition du comte Rodolphe de
Habsbourg, dont les soldats auraient alors incendié le monas-
tère de Grandval en allant de Soleure à Bâle. Cet acte de vio-
lence ayant délogé les chanoines, ils durent chercher d'autres
habitations pour vivre chacun isolément, comme l'usage s’en
était déjà établi, et 1l nous paraît probable que l'abbatiale,
qu'avait dû occuper le prévôt, fut alors transformée en une
maison forte, environnée de murailles et de fossés plein d'eau.
Ce fut le premier château prévôtal qui est encore nommé en
1533, ce qui indique qu'il avait peut-être échappé au désastre
de 1499 ou subi une prompte restauration. Le second, ou celui
actuel, fut bâti vers 1590, avec sa cour fermée de murailles et
flanquée de quatre tourelles. Un incendie fortuit l'ayant atteint
en 1740, on replaça une nouvelle charpente sur ses murs,
dans lesquels on perça des fenêtres espacées régulièrement,
tout en conservant la distribution du rez-de-chaussée à cause
des voûtes solides qui s’y trouvaient.
On ne sait au juste si l'église fut également brûlée par les
— 288 —
bandes de Rodolphe; mais tout porte à le croire, car le mo-
nastère la touchait par ses deux ailes, et d'ailleurs il y avait
dans les murs et les débris de la basilique divers indices d'une
restauration de la fin du treizième siècle.
On a la certitude que les Bernoïs et les Soleurois, en guerre
avec Jean de Vienne, saccagèrent Grandval en 1367, que les
Autrichiens brûlèrent la basilique le 4 juillet 1499, et qu'en
ces deux occasions ce qui restait de l'ancien monastère éprouva
de grands désastres. De là vient que dans la basilique on
remarquait des radoubements dont le style correspondait avec
ces diverses dates de dévastation (!).
Après la Réformation et le pillage de l'église, en 1533, par
les iconoclastes d'alors, la basilique n'éprouva plus que des
restaurations insignifiantes. Elle fut même négligée de plus
en plus par les chanoines qui, depuis 1670, avaient perdu tout
espoir de se rétablir à Moutier, et par les réformés du lieu ui,
après l'avoir accaparée de force, sous prétexte que leur église
paroissiale était trop petite, ne contribuèrent plus dès lors qu'à
sa ruine. Devenue propriété privée au commencement de notre
siècle, elle servit de carrière aux bâtisseurs de Moutier. Sa
tour, battue en brèche par leur pic destructeur, s'écroula pour
fournir des matériaux à une maison particulière. Les tuiles de
la grande nef furent vendues pour couvrir diverses maisons,
et la charpente fut dispersée. Les bas-côtés se maintinrent
encore, parce que leur toiture de peu de valeur n'aurait pas
remboursé les frais d'une démolition. L'abside de gauche, atte-
nant à la sacristie, servit à l'installation d'un four à chaux.
Les colonnes en pierre de grès, dont la reine Berthe avait fait
décorer les angles intérieurs du narthex, furent exploitées
() Un incendie ayant brûlé vingt-une maisons à Moutier, en 1566,
on employa encore beaucoup de débris ‘des anciennes dépendances du
monastère pour rebâtir ces édifices privés. Les habitations des chanoines
disparurent successivement, au point que déjà au commencement du
dix-huitième siècle il n'en existait plus. Toutes avaient été rebâlies et
transformées,
= 289 —
pour fournir des âtres à de vulgaires cuisines. Les chapiteaux
des colonnes, sculptés du septième au huitième siècle, furent
murés pour fermer les brêches d’une terrasse. Les pierres de
revêtement de l'autel primitif, datant des mêmes siècles, eurent
. un semblable sort, nonobstant la beauté de leurs sculptures.
De grands arbres s'élevèrent alors dans la nef centrale, et
leurs racines allèrent visiter les tombes séculaires qui avaient
échappé à des fouilles diverses.
C'est lorsque ce monument du septième siècle était dans un
tel état de désolation que nous l'avons visité, exploré, étudié,
dessiné, mesuré, pour qu'il en restât encore quelques souve-
nirs; et bien nous en a pris, car, en 1859, ceux-là dont les
ancêtres avaient causé la ruine de cet édifice, qui avaient
eux-mêmes lutté pendant plusieurs années pour en obtenir
l'injuste possession ou occupation et le saccager plus à leur
aise, s'avisèrent de le démolir tout à fait. Ils réédifièrent sur
ses fondations une construction ayant un même nombre de
nefs et de travées, mais ne ressemblant plus en rien à l'antique
basilique, ce vénérable ouvrage des civilisateurs de la vallée,
l'un des monuments les plus remarquables de l'Helvétie et
pour ainsi dire de l'Europe, étant un des très rares débris de
l'architecture du septième siècle.
Qu'un autre décrive et vante l'édifice nouveau ! Pour nous,
nous regrettons celui dont on a effacé la trace. C'était un vieil
ami avec lequel nous aimions à causer, interrogeant chaque
pierre, croyant entendre des chants religieux lorsque le vent
pleurait dans ses murs désolés, pensant revoir ses habitants
quand l'ombre des arbres se balançait bizarrement sur ses
parois blanchies, nous représentant les scènes diverses qui
s'étaient passées dans cette enceinte, les joies des noces et des
baptêmes, les sanglots des enterrements, les cantiques des
fêtes solennelles, les lugubres chants des matines, enfin
regrettant chaque fois de quitter ces ruines dans la crainte
qu'elles ne disparussent avant que leur étude ne fût terminée!
— 290 —
LÉGENDE DU PLAN DE MOUTIER-GRANDVAL.
{. Basilique, ou église abbatiale, construite du septième au
huitième siècle.
2. Tour bâtie au dixième siècle en avant du portail. Elle a dû
avoir un narthex devant sa porte.
3. Muraille plus ancienne que la tour, avec porte pour entrer
dans le monastère.
4. Cour intérieure, ou cloître, environnée de trois côtés par
les édifices du couvent proprement dit.
5. Aile occidentale qui, à Saint-Gall, renfermait des caves et
magasins de vivres : à Grandval les caves s'étendaient
sous les trois bâtiments.
6. La sacristie près de l’église, puis le réfectoire au rez-de-
chaussée et le vestiaire au premier étage.
7. Le dortoir des frères dans le bas et celui des moines au
premier. I] se pourrait qu'à Grandval la distribution de
cette aile eût été différente de son analogue de Saint-Gall.
Les murs indiqués au plan ont été retrouvés en 1859. A
cette époque, la terrasse du jardin était construite sur
d'anciennes fondations, mais le monastère s'étendait jus-
que sur la ligne de l'ancien grenier bâti contre l'église
en 1637. — La cour intérieure a dû être jadis entourée de
portiques; elle s'est ensuite convertie en cimetière pour
les chanoines.
8. Esplanade devant l'église. On y tenait les plaids généraux
de la prévôté, près de la pierre dite de saint Germain,
roche druidique mise sous le nom du premier abbé de
Grandval. Ce lieu fut tardivement converti en cimetière
pour les habitants du village de Roche.
9. Emplacement présumé de l'abbatiale primitive, ensuite
convertie en château prévôtal vers le treizième siècle. Cet
©" édifice fut alors environné de retranchements et d’un
— 291 —
fossé plein d'eau arrivant depuis le ruisseau de Badri.
Il est nommé en 1533. Nous avons encore entrevu l'in-
dication des fossés. Des vieillards y ont vu des restes
de murailles.
10. Château prévôtal construit vers 1590, avec sa cour murée,
ses quatre tourelles et une plate-forme au sud. Il fut
rebâti, en 1740, après un incendie arrivé en 1737. On
‘conserva ses voûtes et ses murailles dans lesquelles on
régularisa l'ouverture des fenêtres. La dépense s'éleva à
15,000 livres de Bâle.
11. Fondations de murailles anciennes.
12. Idem. — A Saint-Gall cet emplacement était occupé par
l'école publique.
13. Idem. — Comme à Saint-Gall, ce pouvait être la place
de l'infirmerie avec le logement des méde-
cins.
14. Idem. — Ce pouvait être le lieu où se trouvait l’'hôtel-
lerie, au débouché de la montée ou du che-
min sur le plateau.
15. Idem. — A Saint-Gall, la maison des novices et leur
église particulière occupaient l'emplacement
qui, à Grandval, se trouve entre l'église et
le château, et où il y a de nombreuses fon-
dations.
16. Conduit souterrain voûüté en tuf. Il sortait obliquement
des ruines ci-dessus dans la direction de la tour de l'é-
glise paroissiale, venant hors de terre près d’une source
au-dessus du cimetière. — Depuis cette source, on a
remarqué un canal construit en tuiles romaines. On en a
retrouvé des débris dans la cour de l’hôtel de la Couronne.
17. Fondations de murailles fort épaisses, ayant formé proba-
blement l'enceinte qui enveloppait les dépendances du
couvent : contre ces murs pouvaient s'appuyer quelques
édifices.
18. Maison communale construite, en 1844, sur l'emplacement
19.
20.
217
22:
23.
24.
25.
26.
ve
— 292 —
d'une vieille tour. Il est possible que ce soit là qu'ait été
située la maison des pauvres ou hospice primitif des
pèlerins, avec des bains, comme à Saint-Gall : de cette
dernière circonstance le ruisseau de Badri aurait tiré son
nom. — La tour, antérieure au quinzième siècle, servit
aussi de prison.
Rangée de maisons dont la façade occidentale a dû former
la clôture du bourg ou des dépendances de l’abbaye :
ateliers, granges, écuries, etc.
Même clôture vers le sud.
Maison nommée, en 1401, sub porta, ce qui fait présumer
que c'était là que se trouvait l'entrée orientale du bourg.
Ce nom, sub porta, se retrouve dans plusieurs actes jus-
qu'au dix-huitième siècle.
Il devait y avoir une poterne pour aller vers le monastère,
près de cette maison dont une partie des murs appartient
à l’époque primitive du monastère.
Basilique de Saint-Pierre au septième siècle, qui devint
ensuite église paroissiale. Sa dernière restauration eut lieu
en 1741. On ne conserva que la base de la tour, dans les
murs de laquelle on remarque des débris d'àâges divers.
Cimetière paroissial, jadis environné de fortes murailles
pouvant servir à la défense du bourg, selon un ancien
usage.
Maison où l'on a trouvé un bénitier en pierre, qui pouvait
provenir des démolitions des églises.
Emplacement où l'on a découvert, à diverses reprises, des
tombeaux ou des sarcophages en pierre d'un seul mor-
ceau, ou construit en tuf, ainsi que d'autres sépultures
en grand nombre. Quelques-unes semblaient remonter
à l'époque gallo-romaine. Mais ce lieu pouvait être aussi
le cimetière de l'abbaye primitive et en même temps un
verger planté d'arbres fruitiers, comme à Saint-Gall.
Passage de l’ancienne voie romaine. On y a trouvé beau-
coup de fers de cheval celtiques et romains.
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MOUTIER GRANDVAL
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= 293 —
28. Hôtel du Cerf. On a rencontré, en creusant les caves, des
pavés en béton romain, ou en ciment avec tuile pilée.
L'emplacement du castellum romain, au lieu appelé sur
Neufchété, se trouvait à environ 700 pieds, en tirant droit
à l'ouest, de l'angle occidental inférieur des bâtiments
accolés à la basilique. On y a trouvé des fondations de
murailles.
BOTANIQUE
THÉORIE DE L'ANAPHYTOSE
LE RHIZOME. — LA SOUCHE.
PAR M. FRANÇOIS LECLERC (de Seurre).
Séance du 13 novembre 1869.
I
THÉORIE DE L'ANAPHYTOSE.
Le lecteur voudra bien m'accorder que, dans ma critique du
système de la feuille considérée comme l'élément générateur
de la plante (1), je n'ai pas attaqué à la légère cette opimion
émise et soutenue comme une théorie par Auguste Saint-Hilaire
dans ses Lecons de botanique et de morphologie, en osant me
mettre en opposition avec une autorité imposante et respectée.
Auguste Saint-Hilaire, professant une admiration profonde
pour le génie scientifique de Gœæthe, s’applaudit de voir le
système de ce savant naturaliste, ensemble ses idées bien long-
temps négligées, s'introduire dans tous les ouvrages de bota-
nique (?). J'ai commencé à m'expliquer sur la théorie de la
feuille, en signalant les propositions suivantes des auteurs qui
l'ont adoptée :
() Quelques observat. sur le cadre placentaire (12 mai 1866), et Mono-
graphie de l'appareil floral de l'Ipomæa purpurea (9 février 1867), dans
les Mém. de la Soc. d'Emul. du Doubs, 4e série, t. IX et III.
(*) Lecons, disc. préliminaire, p. xv.
— 295 —
« Toute expansion florale (pétales et étamines) se compare
aux feuilles de la plante; la feuille est considérée comme se
modifiant pour devenir anthère et donner naissance au pollen ;
l'ovule lui-même est regardé comme une branche en miniature
composée de son axe et d'organes appendiculaires (:) ; enfin le
placenta comme représentant la tige, et les ovules ses ra-
meaux. » J'ai dit que toute cette conception me semblait dé-
couler d'une métaphysique qui s’éloignait visiblement de la
philosophie naturelle, et contredisait formellement la vraie
théorie de la phase nouvelle du développement floral dans la
plante, ainsi que la doctrine de l'Epigénèse.
Decandolle reconnaissait que la conversion des organes, soit
de feuilles à l’état pétaloïde, soit de pétales à l’état foliacé, était
un phénomène plutôt physiologique qu'anatomique (morpho-
logique); mais il en tirait une conclusion forcée, en affirmant
que tous les organes floraux n'étaient que des verticilles de
feuilles dans un état particulier. Puis, plus loin, modifiant
son assertion, il constatait l'influence réciproque de l’un des
systèmes sur l’autre, et disait que l'état des verticilles, dont
l'inflorescence se compose, n’est en général modifié que de
proche en proche : ainsi, ajoutait-il, les bractées ne deviennent
pétaloïdes que lorsque les calices le sont aussi; les étamines
ne deviennent foliacées que quand les pétales sont déjà passés
à cet état (?). L'état foliacé, disait-il encore, est celui dans
lequel ces organes servent à la nutrition ; l’état pétaloïde tend
avec plus ou moins d'énergie à les rapprocher de la sexualité (f).
Mais il est visible que les botanistes qui sont venus après De-
candolle ont exagéré son opinion sur la théorie des métamor-
phoses : Achille Richard, entre autres, Moquin-Tandon et
Auguste Saint-Hilaire. Or, parmi les rares adversaires de cette
théorie végétale, se rencontrent Martins et Bravais qui, dans
- leur Précis d'histoire naturelle (*), s'expriment ainsi :
() Lecons, pp. 543-414. |
() Organograph., t. IL. — (°) Id., t. II, pp. 543-44.— (+) Id., pp. 223-24.
— 96 —
« Un grand nombre de botanistes considèrent aujourd'hui
la fleur comme continuée par plusieurs verticilles de feuilles
plus ou moins modifiées. Cette opinion, émise déjà par Linnée,
développée par l'illustre Gæthe, dans son livre de la Métamor-
phose des plantes, a étè soutenue, dans ces derniers temps, par
des savants du plus haut mérite, parmi lesquels nous citerons
MM. Decandolle, Ræper, Robert Brown, Turpin, du Petit-
Thouars, Raspail, etc... Pour eux, la fleur ne serait qu'un
bourgeon qui, au lieu de donner naissance à un scion, a ses
mérithalles assez rapprochés pour que les parties qui en
naissent semblent prendre attache à un même niveau. Ils
apportent en preuve l'apparence foliacée du calice, la trans-
formation si fréquente des étamines et même des pistils en
. pétales; on cite même des plantes dans lesquelles les différentes
parties de la fleur, tout en conservant leur position habituelle,
ont pris un aspect foliacé, telle est la Capucine observée par
du Petit-Thouars. On cite des changements inverses, c'est-à-
dire des sépales transformés en pétales, des pétales transformés
en étamines, des étamines changées en carpelles, etc. Mais de
ces diverses métamorphoses faut-il conclure que ces organes
remplissent chacun des fonctions particulières dans lesquelles
ils ne peuvent se suppléer, fonctions absolument essentielles
au but de la nature, la propagation de l'espèce ? Faut-il con-
clure, disons-nous, que des organes si nécessaires sont une
simple modification d'autres organes qui ont aussi leur rôle à
jouer dans la vie végétale ? Nous ne le pensons pas : quelque
déférence que nous professions pour le haut savoir des hommes
que nous avons cités, ne serait-il pas plus simple de dire que
ces organes sont ce qu'ils doivent être dans les circonstances
où ils se développent; qu'étant tous formés de deux tissus
fondamentaux, le cellulaire et le vasculaire, leur nature dé-
pendra de la disposition que ceux-ci affecteront, disposition
qui dépendra elle-même des circonstances de la végétation,
Suivant nous donc, la transformation des différents organes
des plantes les uns dans les autres n’est point une preuve
— 297 —
incontestable de leur nature foliacée; elle prouve seulement
que ces organes étant formés de tissus élémentaires identiques,
ceux-ci pourront se disposer en feuilles dans une circonstance
donnée, tandis que dans une autre ils s’arrangeront en éta-
mines, etc., mais pour cela l'étamine n’est pas plus une feuille
que la feuille n'est une étamine..…… ; toutes les monstruosités
s'expliquent aussi bien dans notre manière de voir que dans
celle des savants qui ont adopté l'opinion contraire. »
Cette citation, un peu longue, expose mieux que je n'aurais
pu le faire les motifs qui me font adhérer à l'opinion de
MM. Martins et Bravais.
Les ressemblances que l’on a parfois signalées entre la tige
et le rameau sont de celles toutefois qui concordent avec la
théorie méthodiquement développée par un botaniste de Berlin,
M. Schultz-Schultzenstein, et n’est autre que celle de l'Epigé-
nèse. Je me propose, dans le présent mémoire, de m'appuyer
sur ce remarquable travail pour exposer mes idées sur la
nature de la souche et du rhizome.
Dans la théorie positive qu'expose M. Schultz-Schultzen-
stein, l'individu végétal est considéré comme l'élément du
végétal tout entier; il le désigne sous le nom d’Anaphyton ().
On reconnaîtra aisément en ce point la théorie zoologique des
zoonites développée par A. Bugès (?), qui constate sous cette
dénomination un élément de vie animale indépendant et pou-
vant constituer des animaux très simples, tels que les Volvoces
et les Acéphalocystes, mais pouvant s'associer à d’autres
zoonites pour former des animaux composés, comme les
Annélides.
Le système érigé en principe par les maîtres de la science,
qui veut que tout végétal provienne d’une feuille, ne soit
() De la différence qui existe entre la théorie de l Anaphytose des plantes
et la théorie de la métamorphose, dans les Actes du congrès international
de botanique, 1867.
(?) Mémoire sur la conformité organique dans l'échelle animale, in-4s,
1832.
20
— 298 —
qu'une feuille métamorphosée, cette donnée, qui renferme
des abstractions, a été attaquée dans un long mémoire lu
au congrès international de botanique (en août 1867) par
M. Schultz-Schultzenstein (!). Il a semblé logique à ce savant
de substituer à ce prétendu principe celui de l'Anaphytose, qui
a pour objet morphologique essentiel l'article végétal (?); et il
y procède par les motifs suivants :
1° Si la feuille était la forme typique de laquelle dussent
sortir toutes les plantes et parties de plantes, il n’y aurait ni
plante ni partie de plante qui ne provint d'une feuille : au
contraire, nous voyons plusieurs parties de plantes, comme
les racines, et beaucoup de plantes, comme les champignons,
les conferves, se développer sans qu'il y ait eu formation anté-
rieure de feuilles; il existe des plantes complètement dépour-
vues de feuilles, qui néanmoins portent des fleurs et des fruits.
2° Avant que l'on voulût expliquer par la feuille toutes les
autres parties de la plante, il fallait expliquer la nature ou la
formation de la feuille elle-même. La théorie de Gæthe prétend
tout expliquer à l’aide d'un élément qui n’est lui-même ni
expliqué ni déterminé, et dont l'explication est précisément la
grande énigme de la botanique.
Or, selon le botaniste de Berlin, l'article ou l'Anaphyton
est dans la plante un individu complet, qui contient tous les
organes et toutes les fonctions intérieures de la plante. Il peut
par lui-même vivre, germer, former de nouvelles pousses ou
fournir une marcotte de la plante. Chaque fragment de racine
ou de feuille, ne contenant que des nervures, peut former des
boutons. La désarticulation des Anaphyta est donc un procédé
d'individualisation par lequel les articles ou Anaphyta de-
viennent indépendants.
La loi de formation organique (toujours d'après l’auteur), ne
réside point dans une abstraction ; l'explication de l'évolution
du végétal par la feuille se réduit à des formules vides. En
G) Mémoire cité, p. 100. — (#) Id., ibid.
= 1000
transformant la feuille dans les différentes parties de l'individu
végétal, on identifie ces parties différentes dans ce qu'elles ont
d’essentiel, ce qui contredit la variété de leurs fonctions (‘).
Cette observation s'applique surtout à la floraison et à la for-
mation sexuelle de l'embryon. |
« Noys considérons, dit l’auteur, la ramification comme le
véritable principe morphologique de la plante; elle se reconnaît
dans tous les organes, c’est le fondement de toute formation
végétale, et l'aspect général de la plante n'est qu'une expres-
sion tangible de la loi de la ramification. Il n’y a aucune plante
qui ne soit ou ne puisse se ramifier dans toutes ses parties :
aux tiges seules on reconnaît la faculté d'émettre, et par for-
mation axillaire, des bourgeons qui s’allongent en rameaux
doués des mêmes facultés. Les tiges aphylles de certaines
Chénopodées poussent des rameaux et bourgeonnent sans
feuilles ni boutons; il en est de même des plantes chez les-
quelles la ramification se produit au-dessous des feuilles, c'est-
à-dire des Equisétacées et surtout des Fougères. Dans la racine
y a-t-il feuilles ou boutons, et n’y a-t-il pas ramification ?
N'est-ce pas également vrai de la ramification des Chara, des
Conferves, des Champignons ? Chez tous ces végétaux, vous
trouverez des rejetons, mais jamais de feuilles. Enfin ce qu'on
appelle bourgeon n’est qu’un mode particulier de la formation
raméale. Il importe donc de rendre la notion générale de
rameau et de ramification complètement indépendante de
l'existence des boutons et des feuilles (?). »
Si l'indépendance de la feuille a été méconnue, c’est parce
qu'on la considérait, avec les partisans de la métamorphose,
@) J'avoue, pour ma part, que c'est cette variété de fonctions dans la
plante qui m'a suggéré l'opinion d'une origine différente des organes
axiles et des organes floraux. Ces derniers puisent dans les mêmes ma-
tériaux, mais ne sont pas des organes transformés, métamorphosés.
(*) La théorie de Turpi et de Decanpozce, basée sur la feuille, con-
sidérait surtout l'axe; d'après cette base, toutes les parties de la plante
provenaient de feuilles ou appendices rangés autour de l'axe.
— 300 —
comme un appendice de l'axe, pensant que ses vaisseaux ne
faisaient que continuer ceux de l'axe. Cependant on aurait dû
reconnaître la formation indépendante des feuilles chez les
végétaux où 1l n'existe pas de tige, les Fucoïdées, les Lichénées,
les Lemnacées. En réalité, les feuilles sont, dans l’ensemble
de la vie végétale, supérieures à la tige; elles sont plaçées sur
elle et se forment sans elle.
Les rameaux qui prouvent l'existence de la ramification
dans les feuilles sont les nervures qui se produisent comme
les mérithalles successifs des racines, par simple anaphytose
ou simple superposition d'articles, sans boutons ni aisselles
de feuilles. Aïnsi les feuilles ne sont pas de nature appendi-
culaire, et leur métamorphose en d’autres organes ne peut
s'admettre; il n'y a donc pas à recourir aux feuilles qui
n'existent qu'en vertu de leur propre ramification, mais s’en
prendre directement au système particulier des organes que
l'on considère. S'il est une fois démontré que les nervures des
feuilles sont de véritables rameaux qui se forment par la rami-
fication des pétioles caulinaires, il va de soi que les nervures
du calice et des pétales, aussi bien que celles des fruits, ont
tout à fait la même signification, que toutes ces parties portent
en elles le caractère général de ramification, et qu'un squelette
de fruit témoigne de la ramification qui le constitue, aussi
bien que le squelette de la feuille.
Les rameaux étant composés d'articles successifs lacs bout
à bout, les articles ou anaphytes sont les éléments morpholo-
giques de la ramification (Anaphytosis), et par conséquent de
l'aspect extérieur des plantes. En effet, ce n’est pas par expan-
sion, mais par l’adjonction de nouveaux articles à leur extré-
mité (!), que se fait l'évolution des rameaux. Quand il existe
des nœuds sur los tiges, les articles y sont nettement définis;
ils le sont moins dans beaucoup d'arbres dont la tige cependant
s'augmente chaque année par la formation d’un ou.plusieurs
() Par addition de parties, par épigénèse,
— 301 —
mérithalles qui sont autant de nouveaux articles. Les articles
ne manquent pas non plus dans les autres parties de la plante,
là feuille ou la racine. La séparation qui s'effectue d'elle-même
à certaines périodes, suivie des parties terminales, feuilles,
fleurs, fruits ou racines, prouve clairement l'existence d'articles
isolés organiquement les uns des autres. Dans les feuilles
ramifiées, des légumineuses, des ombellifères / Afhamanta,
Oreoselinum), l'articulation est aussi fortement marquée par
des nœuds que dans les tiges. Maïs les feuilles simples offrent
elles-mêmes (Cratæqus) des articles formés par les nervures :
de même chez les Arthrophyllum, les Citrus, etc.
Ces articulations existent à tous les étages du végétal au
point de séparation des organes de divers ordres, entre les
racines et le tronc au niveau du Collet, entre le rhizome et la
tige annuelle qui en sort {Jris, Convallaria), entre les racines
et les bulbes, entre la tige et le pétiole, entre le pétiole et la
feuille, entre les pédoncules et les fleurs ou les fruits, entre le
_ réceptacle floral et les organes qui en naissent, entre le placenta
et les semences.
Les nœuds qui indiquent la place d’une articulation et qu’on
connaît principalement sur la tige, sont exprimés dans le fruit
par les sutures des carpelles. M. Dumortier (dit M. Schultz-
Schultzenstein) a assimilé les nœuds des plantes aux jointures
des animaux, Comparaison fausse, ajoute-t-il, et qui a conduit
Decandolle à signaler l'articulation comme caractérisée par la
cessation naturelle de l’adhérence organique, et par la sponta-
néité de la séparation des parties voisines. D'où il suivrait que
les parties qui ne se séparaient pas n'avaient ni articulations
ni nœuds. Or, les étamines, les pétales et les sépales ne sont
pas caduques dans toutes les plantes, mais souvent persistants,
bien qu'ils soient articulés sur le réceptacle; les feuilles, qui
sont partout unies à la tige par des nœuds, restent souvent
fixées à cette tige après la mort de l'ensemble. Il ne faut pas
croire que la chute soit le signe unique de l'articulation; il se
peut qu'il y ait articulation sans séparation nécessaire d'articles.
— 302 —
Lorsqu'il se fait une séparation, elle se produit par la des-
truction des articulations de vaisseaux et de cellules dans les
nœuds : telle est, selon l’auteur, la raison pour laquelle les
parties se détachent les unes des autres, comme cela arrive
partout à la maturité d'une formation organique. La chute des
couches d’écorce dans la vigne, des feuilles, des fleurs, des
fruits, la séparation des articles de la tige dans beaucoup de
plantes est due à un seul et même procédé, que ce botaniste a
désigné sous le nom de Biaphytose. C’est un phénomène mor-
phologique qui s'applique à la formation extérieure, à l’Ana-
phytose, et cela appartient au premier rang à l'articulation.
Ceci n’est plus de la théorie purement cellulaire, dans laquelle
on ne reconnaît guère les organes et les fonctions, puisqu'il
n'y a partout que des cellules.
L’articulation est le fondement de la ramification ; les ra-
meaux sont des séries d'articles qui croissent sur un tronc
formé lui-même de semblables séries d'articles plus âgés. La
formation d'articles est la condition de la ramification ; il y a
entre ces deux actes morphologiques une conexion naturelle
et nécessaire : c'est en cette connexion que gît la conception
organique ou la signification de la ramification dans le règne
végétal (t). D’après elle, la ramification est un procédé orga-
nique de génération; ce n’est point une division mécanique
des formations axiles préexistantes, mais elle consiste en un
accroissement dû à de nouveaux rangs d'articles qui se pro-
duisent sur de plus anciens articles formant leur tronc. La
pousse durcie de l’année dernière donne au printemps une
nouvelle pousse : pour cela, elle devient tronc, de sorte que
les nouvelles pousses ne représentent que les rameaux qui ne
pourraient certainement pas naître par une division du tronc
plus âgé. Il n’est pas plus logique de croire qu'une étamine
insérée sur un pétale soit née d'une division du pétale et
puisse former avec lui une adhérence, puisque l'étamine est
(:) Scauutz-ScHULTzENSTEIN, Théorie de l'Anaphytose, p. 112.
— 303 —
une nouvelle pousse émanant, par Anaphytose, du pétale sur
lequel elle s’insère.
La théorie de la métamorphose considère la feuille ou le
jet (réunion de la tige et de la feuille) comme l'élément simple.
La théorie de l'Anaphytose montre, au contraire, que la feuille
n'est pas un élément morphologique simple, mais une forma-
tion composée par articulation et ramification des parties vrai-
ment élémentaires.
Gœthe a tenu pour simple un individu tout composé, la
feuille ou le rejeton ; il n’a pas discuté l'individualité composée
de la plante; il l’a regardée tout entière comme un individu
simple. Or, ce qu'on appelle métamorphose n'est pas autre
chose que les diverses formes extérieures de l'articulation et
de la ramification des Anaphyta : une construction (phytodo-
mie) formée de membres individuels par ramification. Gœthe
explique la théorie des fleurs par une métamorphose des
feuilles; mais dans l'anaphytose les fleurs et leurs parties (les
étamines et les pistils) ne se forment jamais par une méta-
morphose des feuilles, au contraire, par une nouvelle ana-
phytose à elles propre (‘), c’est-à-dire par un nouveau système
d’articulation et de ramification qui produit un développement
graduel propre à de nouvelles fonctions. En un mot, l'Ana-
phyte est pour M. Schultz-Schultzenstein (?) une partie de la
plante qui représente un article-individu, susceptible de pro-
pager la plante comme chacune des nervures des feuilles d’un
Begonia ou d’une Fougère. Chaque feuille ne croît que selon
la forme qu'elle avait d'après le plan primitif : elle ne se mé-
tamorphose jamais en une autre partie; mais les feuilles qui
se succèdent présentent de nouvelles formes par le développe-
ment graduel de leur ramification sans métamorphose de l’une
ou de l'autre.
(:) Les vraies feuilles ont sur la même plante une contexture si diffé-
rente de celle des fleurs et des fruits, que ceux-ci ne peuvent pas être
une simple transformation des premières. (Voir Mém. sur l'Anaphytose,
volume du congrès, p. 104.) — (?) Mémoire cité, p. 117.
à = Qu —
t Les axes et les appendices ne sont nullement des parties
contraires, ni mécaniquement ni organiquement, mais bien
plutôt des parties identiques dans l’origine (1). On le reconnaît
à ce que souvent les feuilles se changent en véritables rameaux,
tandis que, d'autre part, des organes morphologiquement cau-
linaires se résolvent en feuilles parfaites, comme cela est
évident pour les Fougères, les Phyllocladus, les Ruscus, les
Cycadées, etc., dont on appelle les feuilles rameaux foliacés.
La théorie de la Prolepsis, d'après Linnée, impliquait la for-
mation de la fleur par anticipation (Prolepsis), c'est-à-dire que
les jeunes pousses formées de tiges et de feuilles réduites,
seraient comme la plante primitive, ou l'élément morpholo-
gique. C'était l'évolution de plusieurs bourgeons de l’année
envaginés les uns dans les autres par raccourcissement de
l'axe. Gœthe ne voyait, dans le développement de la plante,
que la métamorphose de la feuille : pour Linnée, la plante
était la larva de la fleur; pour Gæthe c'était une fleur trans-
formée ou métamorphosée. D'après Gœthe, la feuille était le
type végétal original, partie simple et toujours présente pour
produire tous les autres organes en se métamorphosant.
Comme on voit, dit M. Schultz-Schultzenstein, il attribuait à
la feuille une importance supérieure à celle de l'embryon
même, puisque l'embryon est constitué par des feuilles. Enfin,
ajoute l’auteur, le végétal, considéré sous le point de vue le
plus simple, paraît un assemblage organique de cellules, d’a-
près la théorie adoptée, car, physiologiquement parlant, chaque
forme de cellule serait nantie d’une fonction distincte. Quant
à la théorie de l’anaphytose, elle a pour objet morphologique
essentiel l’article végétal.
J'aurais pu joindre à ces faits de détail les considérations
philosophiques dont M. Schutz-Schultzenstein appuie sa doc-
trine dn végétal et qui offrent un grand intérêt (?). J'ai dû
() Auguste SaiNT-HicatRe reconnaît aussi l'identité originelle de la
tige et du rameau. {Leçons de bot., ch. 1.) — () Mémoire cité, pp. 114-116.
— 305 —
chercher ici à réduire l'extrait déjà très long que je viens de
faire de ce beau Mémoire. Je me sens porté à accepter les
propositions principales sur lesquelles il repose; toutefois 1l est
bon de se rappeler que des aphorismes résumés en un principe
unique, subissent la chance défavorable d’être souvent heurtés
par des exceptions. A l'égard de l'Anaphytose, je ne doute pas
qu'on ne la conçoive comme une loi de la végétation, comme
un fait dominant et général, surtout si on commence par l'ob-
server dans les végétaux inférieurs. On est alors à même de
remarquer qu’elle se prononce là d'une manière plus simple
et en même temps plus patente que dans les végétaux plus
haut placés par leur organisation. Du reste, on rencontre
chaque jour la preuve de ce phénomène dans toutes les divi-
sions et classes, principalement dans les espèces où les parties
se détachent, soit vers la fin de la végétation du sujet, soët par
suite de sa dessiccation. Ainsi, dans les Liliacées (Lys jaune),
les Yucca; parmi les sarmenteuses Vitis, Cissus quinquefolia),
dans le Sambucus racemosa, l’Æsculus pavia, le Ricin, cer-
taines plantes grasses, et beaucoup d’autres plantes où les
feuilles cessent d'être adhérentes, ainsi que leurs fleurs, celles
surtout où le pédoncule de la feuille, ou bien le pétale de la
fleur, le sépale du calice, sont marqués à la base par un
hourrelet,
Il
LE RHIZOME ET SES FONCTIONS.
Je me suis rapproché de la théorie de M. Schultz-Schultzen-
stein avec d'autant plus d’'empressement que j'avais à démon-
trer les caractères et l’origine du rhizome et de la souche dans
les plantes. La formation en articles ou anaphytes du rhizome
se rattache de toute évidence à la conception lumineuse du
botaniste allemand, et.ce fait qui devait apparaître at moins
comme une étrange exception aux yeux des partisans du
— 306 —
système de la feuille, aurait dû présenter à leur esprit de toutes
autres conditions de cause et d'effet. Or, c’est dans le rhizome
notamment que se manifeste l’Anaphytose comme un phéno-
mène de végétation primitive dans les Dicotylées aussi bien
que dans les Monocotylées; de l'époque primitive, dis-je,
puisqu'il prédomine chez les végétaux des classes inférieures,
et qu'il semble n'être plus actuellement qu'un fait sporadique
dans les Dicotylées. La végétation du rhizome, c’est l’Anaphy-
tose dans toute sa simplicité {Polygonatum, Dentaria, Gratiola).
Pour le rhizome de la première de ces plantes, le Sceau de
Salomon, chaque article ou anaphyte peut émettre une tige
et donner une nouvelle plante par séparation. La nature offre
là les deux modes principaux pour la vie de la plante, par la
racine proprement dite, et par le rhizome ou racine articulée.
Les racines voyageuses, telles que celles du Chiendent, sont à
articles très allongés; dans la tige des végétaux comme dans
leurs racines, les ramifications sont encore une expression de
l’Anaphytose.
Dans les rhizomes sensiblement articulés, le dernier article,
celui qui vient s'ajouter chaque année, est évidemment le
collet du rhizome. Certains rhizomes, tout en acquérant un
nouvel article, semblent plutôt s’enfoncer en terre qu’en sortir
(Igname, Tamier, Nymphæa), tandis que d’autres gagnent
la surface du sol (Betterave champêtre, Rave orbiculaire), en
n y adhérant que par quelques racines, bien que le vrai carac-
tère du rhizome soit d'en être dépourvu à sa base et de ne
croître que par son extrémité supérieure. Le rhizome de
l'Igname se nourrit latéralement par des racines très déliées ;
à examiner un rhizome de Nymphæa à l'endroit du collet, on
voit qu'il se forme d’abord des mamelons d’où partent les
rudiments enroulés des pédoncules qui doivent porter les
feuilles, puis de ceux qui doivent porter les fleurs. La souche
de la Bryone émet des feuilles immédiatement à son collet,
de même que le Nymphæa : cette racine volumineuse peut
s’assimiler aux rhizomes,
— 307 —
On peut observer trois modes de végétation dans les rh1-
zOmes : Ceux qui sont peu inclinés dans le sol ne donnent de
pousses que par le collet (Igname, Tamier, Betterave, Iris, etc.);
ceux qui, plus inclinés, végètent presque uniquement par la
partie supérieure ou le collet, en laissant sur leur longueur à
peu près dépourvue de racines et de rejets à tiges (Gratiola offic.,
Dentaria pentaphylla, Betonica alopecuros, etc.) la marque de
leurs articles annuels; puis ceux qui, presque horizontaux,
produisent des feuilles et une tige par leur extrémité antérieure
et progressive, et donnent également des tiges de place en place
sur leur longueur. Ce dernier cas est celui des Polygonatum,
Convallaria, Butomus wmbellatus, Acorus Calamus, Scirpus .
palustris, etc. (!) : dans le Polygonatum les folioles du collet
s'oblitèrent, et le sigillum qu'elles laissent sur le rhizome reste
à nu dans le sol après la nouvelle pousse du collet, laquelle
donne lieu à un nouvel article. Or, les mérithalles successifs
de ces racines se forment, comme on voit, par anaphytose,
c'est-à-dire par une simple superposition d'articles (?).
La tige des Palmiers a semblé à Auguste Saint-Hilaire l'a-
nalogue des rhizomes souterrains : en effet, il est à remarquer
que dans la production de cette tige arborescente un premier
développement herbacé finit par être remplacé par le rhizome
associé sous terre avec la racine; celle-ci émet un bourgeon
qui pousse des feuilles dans le sens vertical pour former une
tige ou un tronc composé d'anneaux ou de collets empilés.
Dans les autres végétaux pourvus d'un rhizome souterrain, il
y a presque toujours une racine restante d'où procède la tige
du sujet; l'exception ne se remarque guère dans nos plantes
d'Europe que dans quelques espèces Monocotylées, du genre
Convallaria, par exemple.
(1) Certaines espèces, comme l’/Znula salicina, le Scorzonera erios-
perma, simulent des rhizomes ou racines articulées.
(*) Dans cette catégorie se trouvent aussi les Betonica purpurea et
Alopecuros. Je ne ferai qu'indiquer parmi les exotiques les Zingibéracées,
le rhizome féculent de quelques Curcuma, et dans celle des Marantacées,
Maranta arundinacea, le rhizome fournissant l'Arrouvroot, aux Antilles.
— 308 —
Les genres Nymphæa et Nuphar présentent des affinités avec
les Endogènes par leur rhizome, et en outre par le mode de
développement de leurs feuilles et de leur hampe florale; mais
leur végétation vigoureuse est favorisée par un grand nombre
de racines fixées sur toute la longueur du rhizome très charnu.
Or, la présence ordinaire de cette sorte de racine dans ces
plantes me semble un argument pour maintenir la grande
division endogénique comme inférieure à celle des Exogènes.
Aussi je n'hésite pas, sur ce motif, à placer les genres Nuphar
et Nymphæa parmi les plantes endogènes.
Auguste Saint-Hilaire distingue les rhizomes en indéter-
minés et déterminés.
Les rhizomes indéterminés sont ceux qui végètent en se
propageant directement au moyen d'un bourgeon terminal,
leur extrémité inférieure se détruisant peu à peu chaque année.
La racine primaire de la plante ayant péri, le rhizome émet
des racines adventives qui nourrissent le sujet, mais en outre
il naît à l'aisselle des feuilles ou écailles des tiges des rameaux
florifères : c’est le cas des rhizomes horizontaux { Butomus
umbell., Acorus Calamus), et des rhizomes obliques dans les
Primula offic., Scabiosa succisa, Triticum repens; ce sont des
racines mordues (succisæ).
Les seconds, dits déterminés ,- apparaissent sur l'aisselle
d'une des écailles souterraines d’une tige qui a fructifié et
ensuite péri. Le bourgeon formé ne tarde pas à s’allonger en
une pousse horizontalement dirigée dans le sol. Lorsque ce
rameau a fleuri et fructifié, un bourgeon né à son collet ou à
sa base s'allonge en un rameau souterrain qui passe par les
mêmes phases, en laissant à son rhizome un article ou anneau
portant un verticille de folioles ou écailles, et ainsi de suite à
mesure de la végétation du sujet, le rhizome présentant une
suite d’anneaux (anaphytes) accolés bout à bout (sceau de
Salomon, Nénuphar) (!).
. . É n . 0 Û
(:) Je citerai encore les espèces Cerastium aquaticum, Primula cre-
— 309 —
Le même botaniste fait observer, à propos des rhizomes et
des tiges souterraines (Scirpus, Primula, Menyanthes, Euphor-
bia dulcis), que ces plantes végètent à peu près de la même
manière que le stipe des Palmiers et des Yucca, qui s’allonge
par le moyen d'un bourgeon toujours feuillé (1).
TI
LA SOUCHE DANS LES PLANTES.
Quant aux souches, leur formation dans les plantes est en
général due à la même cause que celle qui fait naître les rh1-
zomes. $i l’on porte son attention sur la souche de la Chéli-
doine {Chelidonium majus), on voit que d'abord la plante a
commencé à s'établir sur une racine pivotante, puis au haut
de cette racine s’est produit par côté un bourgeon émettant des
radicelles ; par suite s’est formé au-dessus le nouveau collet,
qui, devenant creux, s’est élevé chaque année en laissant der-
rière lui les rudiments des feuilles de l’année précédente, de
manière à former une souche qui se garnit à sa partie supé-
rieure de racines adventives et chevelues. IL est visible ici,
comme dans l'accroissement des rhizomes, que c'est toujours
le collet actuel qui donne lieu au bourgeon d'où viendra
l’anaphyte ou l'article qui constituera le collet qui doit suivre.
Cette plante forme ainsi deux sortes de racines.
La végétation des tubercules de l’Arum vulgare est égale-
ment celle d’un rhizome. Un petit mamelon apparaissant sur
un tubercule en fait naître un nouveau : celui-ci laisse après
lui, dès la seconde année, un sac ou poche paraissant flétri ou
vide, mais renfermant un tissu cellulaire lâche et un peu
nata, Schauzaria palustris, Veronica bellidioides ; et il s'en trouve
même avec des espèces appartenant aux classes les plus élevées des
Exogènes {Thalictrum flavum, Ranunculus flammula, Anemone nemo-
rosa, etc.).
(1) Leçons de botanique, p. 112.
= 310 — :
humide; c'est la partie morte du rhizome. Néanmoins ce sac
se gonfle à mesure que le tubercule grossit : ce dernier prend
une forme ovoide ou à peu près sphérique à la faveur des
radicelles qui l'entourent; on aperçoit à la surface les linéa-
ments circulaires de la zone annuelle, ou de l’anaphyte sur-
ajouté. Enfin, le phénomène des souches se formant successi-
vement par la superposition des collets et l'accompagnement
de nombreuses radicelles, se présente chez plusieurs Fougères
et autres espèces, telles que le Paris quadrifolia, l'Adoæa mos-
chatellina, l'Anemone nemorosa, le Polygonum bistorta et plu-
sieurs Potentilla.
D’après Auguste Saint-Hilaire, nulle vraie racine n'est arti-
culée : opinion qui ne concorde pas avec la théorie de l'ana-
phytose, celle-ci comprenant en principe la ramification ; mais
ce qui signale la nature spéciale de la racine comme organe
et la distingue de la tige, c'est qu'exposée à la lumière elle
ne contracte pas de chlorophylle. Du reste, l'expérience de
Duhamel (le retournement du Saule) n’a rien prouvé en
faveur de l'identité de la racine et de la tige, comme on l'avait .
prétendu.
Des faits plus haut exposés sur les fonctions du rhizome et
de la souche, je crois pouvoir déduire théoriquement ce qui
suit : que des vestiges d'un ancien ordre de choses apparaissant
encore actuellement dans la flore, les souches et les rhizomes
déterminés ou sympodes (Aug. Saint-Hilaire) que présentent
un certain nombre de plantes exogènes, rappellent l'époque où
il n'existait pas de classes de végétaux pourvus de fonctions
spéciales, période où la création végétale participait de l'état
embryonnaire, où les formes inférieures se rencontraient
parmi celles dues à un développement plus récent; car selon
Joseph Leconte (‘), les premiers animaux et les premières
plantes qui se manifestent sont des types de connexion réunis-
(:) Voir Plantes des terrains carbonifères, traduit de l'anglais par M. le
professeur Brullé. (Mém. de l’Académie de Dijon, année 1862.)
Mis ; + 4
— 311 —
sant les caractères de plusieurs familles qui aujourd’hui sont
distinctes et séparées par de grands intervalles : or, ces racines
souterraines étant devenues par suite l'attribut de classes
moins élevées dans la série, leur présence semble être en
quelque sorte accidentelle dans des plantes à la vie desquelles
elles ne paraissent pas essentielles, puisque ces mêmes plantes
sont en outre pourvues de racines normales, soit pivotantes,
soit fibrillaires. On voit, bien qu'un assez grand nombre de
plantes exogènes soit pourvu de rhizomes, que c'est le
propre des Endogènes, dans l’état actuel, d'être munies de
souches ou de rhizomes; car, ainsi que l'avait déjà pensé
Auguste Saint-Hilaire, le stipe du Palmier n'est autre chose
qu’un rhizome aérien. Les espèces que j'ai énumérées parmi
les Exogènes, et qui ont retenu un rhizome ou une souche
souterraine, participaient davantage de la nature des Endo-
gènes, en se rapprochant de leur infériorité d'organisation.
Cette doctrine était dès longtemps dans le concept de plusieurs
naturalistes antérieurement à Joseph Leconte, tels que M. Ami
Boué (!); depuis elle a été reprise par M. Georges Pouchet (?).
() Manuel du géoloque voyageur, ? vol. in-12, 1836.
(*) De la pluralité des races humaines, in-80, 1864.
SULLY
ET
LE COLLÉGE DE BOURGOGNE
PAR M. AUGUSTE CASTAN
Séance publique du 46 décembre 1869.
I
Malgré les commotions qui l'isolèrent, pendant six siècles,
de la nation dont elle parlait le langage et dont elle pratiquait
les mœurs, la Franche-Comté n’oublia point que, sous le nom
de Séquanie, elle avait tenu le sceptre de la nationalité gau-
loise; et, bien que politiquement associée à deux peuples enne- :
mis" de la France, elle ne cessa de sympathiser par les affi-
nités intellectuelles avec l’âme de cette vieille Gaule qui se
réveillait ardente et généreuse dans un corps nouveau.
Autant que les crises politiques le permirent, les Francs-
Comtois allèrent préférablement chercher en France l’inspira-
tion et le savoir. Bon nombre réussirent sur ce terrain et par-
vinrent à s’y fixer : ils préparèreut ainsi, par les voies d’une
pacifique attraction, la rentrée de notre province dans le sein
de la mère-patrie. Il convient de ne pas oublier les noms de
ces hommes d'élite qui fortifièrent ainsi la plus sensée de nos
traditions. Quatre d’entre eux méritent uné mention spéciale :
Claude Goudimel, de Besançon, le créateur de la musique
populaire, qui écrivit pour l’église protestante de Paris Jes
| 21
— 314 —
x
plus anciens chœurs
Dole, qui fit école en France par le ton vraiment évangélique
de ses prédications (?); Pierre Matthieu, de Pesmes, qui oc-
cupa avec distinction, sous Henri IV et Louis XIIT, le poste
d'historiographe de France (?); Jean Mairet, de Besançon, qui
trouva le moule de la tragédie moderne et ouvrit, par sa So-
phonisbe, la’ carrière où Corneille enfanta des miracles de
génie ({).
LA
@) « Un de leurs plus fréquents amusements (des Neuchâtelois) est de
chanter avec leurs femmes et leurs enfants les psaumes à quatre parties;
et l'on est tout étonné d'entendre sortir de ces cabanes champêtres
l'harmonie forte et mâle de Goudimel, depuis si longtemps oubliée de
nos savants artistes. » (J.-J. Rousseau, Lettre à d’ Alembert sur son article
Genève, Œuvres, édition Musset-Pathay, t. II, p. 85.) — « Le Franc-
Comtois Goudimel,.…. gardant la sève austère et pure de ses montagnes
du Jura, fit hardiment des psaumes un chant d'amis, un chant de frères,
une musique à quatre parties. » (Mrcmecer, Guerres de religion, p. 111.)
(2) « Le P. Lejeune est le premier, que je sache, dont les sermons
soient absolument exempts de cette bigarrure scandaleuse [l accouple-
ment d'allusions mythologiques et de citations bibliques]; et, dans cetfe
partie au moins, il faut le regarder comme le réformateur de la prédi-
. cation. » (JoLY, Histoire de la prédication, p. 465.) — Cf. Gratien ReNoux,
Etudes sur les sermons du P. Lejeune, 1863.
() « L'historien Matthieu doit être lu par ceux qui traitent du règne
de Henri 1V, parce qu'il était historiographe de ce prince, qui prenoit
plaisir à l'instruire lui-même de diverses particularités de ses aven-
tures. » (Danrez, Histoire de France, préface, édit. de 1729, t. I, p. zv.) —
Les poésies morales de Malthieu ont mérité cette recommandation de
Mouière (Sganarelle, acte I, scène 1) :
Lisez-moi, comme il faut, au lieu de ces sornettes,
Les Quatrains de Pibrac et les doctes Tablettes
Du conseiller Matthieu; l'ouvrage est dé valeur
Et plein de beaux dictons à réciter par cœur.
(4) « Depuis trente ans que M. Mairet a fait admirer sa Sophonisbe sur
notre théâtre, elle y dure encore; et il ne faut point de marque plus con-
vaincante de son mérite que cette durée, qu'on peut nommer une
ébauche, ou plutôt des arrhes de l'immortalité qu'elle assure à son
illustre auteur : et certainement il faut avouer qu'elle a des endroits
inimitables, et qu'il serait dangereux de retâter après lui. » (CORNEILLE,
Préface de sa Sophonisbe.) — «Il faut toujours se souvenir que cette
Ed
à quatre parties (‘); Jean Lejeune, de *
— 315 — :
Mairet ne garda pas pour lui seul le crédit que lui valut sa
situation d'idole de la scène française; il le mit largement à la
disposition de sa province natale, et celle-ci lui dut, à deux
reprises, d'être épargnée dans les assauts que Richelieu diri-
geait incessamment contre la maison d'Autriche (!). Il con-
tribua aussi, plus que personne, à nous faire restituer le col-
lége de Bourgogne, un instant coufisqué par l'implacable
cardinal (?), qui ignorait sans doute que, dans une cir-
constance néfaste, cetasile des étudiants pauvres de la Franche-
Comté avait rendu à la France le service insigne de préserver
les jours du grand Sully.
L
pièce, écrite longtemps avant le Cid, est la première qui apprit aux
Français les règles de la tragédie, et qui mit le théâtre en honneur...
Corneille surpassa Mairet en tout, mais il né le fit point oublier; et
même, quand il voulut traiter le sujet de Sophonisbe, le public donna
la préférence à l'ancienne tragédie de Mairet..……. La fin de l'ancienne
Sophonisbe est surtout admirable; c'est un coup de théâtre et le plus
beau qui fût alors. Je crois donc vous présenter un hommage digne
de vous en ressuscitant la mère de toutes les tragédies francaises, laissée
depuis quatre-vingts ans dans son tombeau. » ( VocraiRe, Epitre dédi-
catoire de sa Sophonisbe au duc de la Vallière.)
@) Mairet, nommé résidant de la Franche-Comté près la cour de France,
obtint, en 1649 et en 1651, deux traités de neutralité qui, assimilant notre
province aux cantons suisses, la mirent à l'abri des complications poli-
tiques. (Voir Rocner pe FRasne, Vie de Jean Mairet, lue à l'Académie
de Besançon, le ?8 janvier 1754, dans le recueil des travaux manuscrits
de cette compagnie, t. I, fol. 282-304.
(2) Richelieu, exaspéré de l'héroïque résistance que la Franche-Comté
lui opposait depuis six ans, saisit le collége de Bourgogne et l'adjugea
. aux missionnaires de la Propagation de la Foi. Les lettres-patentes qui
ordonnèrent cette iniquité sont du 27 février 1638. La réintégration des
boursiers comtois dans le collége eut lieu, en vertu de nouvelles lettres-
patentes, le 26 mars 1640. {Archives de l'ancienne Université, cart. XIX,
liasse 1, no 19.) — Mairet était alors le familier et le pensionnaire du
cardinal, et l'on voit, par sa correspondance avec le parlement et les
Etats de la Franche-Comté, qu'il s'intéressait vivement à la fondation
que sa province possédait dans l'Université de Paris.
— 316 —
I
Le collége de Bourgogne (!), autrement dit le royal gym-
nase des Francs -Comtois en l'Université de Paris, résul-
tait d'une disposition du codicille de la reine Jeanne, veuve de
Philippe le Long (?). Cette princesse était la fille de notre
comte Othon IV, ce chevaleresque étourdi qui donna dans
tous les piéges que Philippe le Bel tendit à son amour du
faste et des prouesses guerrières, et finit, pour échapper aux
poursuites de ses créanciers, par vendre au rusé mo-
narque sa seigneurie êt ses enfants (*). Jeanne avait retenu de
son père une vive admiration pour la France et une préoccu-
pation généreuse envers les gens d'étude. Ces deux senti-
ments, mêlés d'une tendre sollicitude pour l'avancement moral
de notre province, inspirèrent la fondation d’un établissement
qui s’appela le collége de Bourgogne.
Cet établissement s'ouvrit en 1335 ; il était situé en face du
‘grand couvent des Cordeliers de Paris, sur l'emplacement
qu'occupe aujourd'hui l'Ecole de médecine. Son personnel se
composait d'un principal, d'un chapelain et de dix-huit bour-
siers, tous, autant que possible, originaires de la Franche-
Comté (‘). Le principal avait seul la police de la maison, mais
(:) L'auteur du présent opuscule a sur le métier, depuis tantôt dix-sept
ans, une Histoire du collége de Bourgogne, qu'il espère ne pas trop tarder
à pouvoir mettre au jour.
(2) Cet acte fut passé au château d'Asnières, en, mai 1325. (Archives de
l'Empire, J. 404, ne 30.)
(8) Voir nos notices sur ugues de Besançon et sur le sa de Besancon
par Rodolphe de Habsbourg, dans les Mémoires de la Société d'Emulation
du Doubs, 4e série, t. I (1865) et t. IV (1868).
(4) « Hoc autem, in institutione dictorum scolarium in domo, collegia
seu congregatione predictis, volumus, præcipimus et mandamus expresse,
ac specialiter perpetuo obseïvari, quod si de comitatu Burgundiæ aliqui
clerici seculares Parisïis studere sint apti, et idonei ad audiendum pre-.
dictas facultates vel aliquam earumdem, in receptione dictorum scola-
Le dr à 3
— 317 —
sa gestion économique devait être contrôlée par le chapelain,
et aucune mesure extraordinaire ne pouvait être prise qu'en
vertu d'une délibération du corps.des boursiers. Cette commu-
nauté, astreinte à une vie presque monacale, était formée de
garcons d’un âge raisonnable, car il fallait, pour y entrer,
avoir terminé ses études de grammaire et être apte à suivre
les cours de l’enseignement supérieur. À cet effet, les bour-
siers du collége se rendaient aux leçons publiques de la Fa-
culté des Arts. Dans l'intérieur de l'établissement, le prin«
cipal se bornait à leur faire, chaque jour non férié, une
conférence, tantôt sur la logique, tantôt sur les sciences natu-
relles. L'inspection du collége, la nomination de ses fonction-
naires, ainsi que la collation de ses bourses, appartenaient à
deux dignitaires, que l’on qualifiait de supérieurs majeurs *
c'était le chancelier de Notre-Dame de Paris et le gardien du
. grand couvent des Cordeliers {!).
On le voit, le collége de Bourgogne était à l'origine bien
moins une maison d'éducation qu'une sorte d'hospice, où,
moyennant le revenu affecté aux bourses (trois sous par se- .
maine pour chacune), les pauvres étudiants s'alimentaient en
commun sous un toit qui ne leur coûtait rien. Ce fut là le :
régime de tous les colléges de l'Université de Paris jusque vers
le milieu du quinzième siècle. Il se fit alors une modification
profonde dans leurs conditions d'existence. Le collége de Na-
varre, qui partageait avec celui de Bourgogne l'honneur d'être
issu d’une volonté royale, le collége de Navarre, voulant sous-
traife ses suppôts au contact des étudiants vagabonds qui fré-
quentaient les cours officiels, eut la pensée d'amener chez lui
des professeurs patentés et de leur fournir de vastes salles :
des écoliers libres vinrent se joindre aux boursiers pour re-
rium, quoties locus seu loca vacabunt, omnibus aliis preferantur. »
(Slatuta collegii Burgundiæ, redact. sub ann. 1331, promulgat. sub ann.
1335, art. vi, ap. Fécisrex, Hist. de Paris, t. V, p. 639.)
@) Voir les Slatuts du collége de Bourgogne, dans l'ouvrage que nous
venons de citer. .
— 318 —
cueillir cet enseignement et pour aïder, par le paiement d’une
contribution scolaire, à solder les maîtres et à faire les frais
des locaux. En peu de temps, Navarre eut une clientèle exté-
rieure assez nombreuse pour organiser un cours complet
d’études classiques (‘). L'Université et le gouvernement s'em-
pressèrent de donner les mains à cette innovation : en encou-
rageant les autres colléges à tenter le même essai, ces deux
puissances eurent en vue de diviser la masse des étudiants,
et, par ce moyen, de rendre impossible ces coalitions qui
avaient tant de fois ensanglanté le pavé de Paris. Le collége
de Bourgogne fut des premiers à entrer dans cette voie et à y
réussir.
À partir de la modification que nous venons d'indiquer, il
y eut dans tout collége deux administrations distinctes : la
communauté des boursiers, propriétaire des bâtiments et des
biens de la fondation, dans laquelle le principal n’était que le
premier entre ses égaux ; puis la pédagogie, c'est-à-dire l’en-
treprise des cours payés par ceux qui y venaient du dehors,
affaire qui appartenait exclusivement au principal, soit comme
profit, soit comme perte (?).
III
A l’époque qui va bientôt nous occuper, le collége. de Bour-
gogne avait pour principal un docteur en théologie nommé
Pierre fGemelli, né en Franche-Comté d'un père italien.
Neveu du cordelier Ambroise Mallet, l’un des supérieurs ma-
jeurs du collége de Bourgogne, Gemelli avait été institué
principal en 1562, au mépris d’une provision apostolique qui
pourvoyait de l'emploi l’un des boursiers. Ceux-ci s'étaient
ligués contre le nouveau venu, et il n'avait fallu rien moins
Q} Lauxon Historia archigymnasii Navarræ, pp. 103-104.
@) Voir le Tableau d'un collège vers l'an 1500, dans l'Histoire de
Sainte-Barbe, par M. J. Quicuerar, t. I, pp. 73-92.
— 319 —
qu'un arrêt du parlement de Paris pour les soumettre (t). La
sentence imposait à Gemelli l'obligation de résider dans le
collége; mais l'animosité des boursiers avait bientôt rendu
impossible l'exécution de cette clause. Gemelli ne demandait
d’ailleurs qu’un prétexte pour s'affranchir de la résidence.
Jeune encore, il avait une réputation faite comme prédica-
teur, et la cour de Rome étant.alors en quête de défenseurs de
l’orthodoxie, cette spécialité ne pouvait manquer de lui valoir
de fructueux emplois (?). Par son langage élégant et ses allures
de grand seigneur, 1 séduisit Mathieu Cointerel, dataire
apostolique (*), et obtint un assez bon nombre de bénéfices.
Ayant pris place dans le chapitre de l’église de Cambrai, il ne
lui manqua que quelques voix pour y être élu archevêque : son
échec fut le loyer des campagnes déclamatoires qu'il avait
faites contre les Jésuites et les Espagnols. Il essaya. de se
venger en accablant de quolibets le rival qui lui avait été
préféré, mais il ne réussit qu’à se rendre impossible à Cam-
brai (*). Plus tard, la mort du savant Antoine Lulle laissa
@) Arrét du parlement de Paris, en date du 21 janvier 1563, imprimé
dans le. recueil intitulé : Jugements et arresis pour la jurisdiction du
chancelier de l'Eglise et Université de Paris, pp. 3-6; Paris, 1692, in-4o.
(?) Gemelli a fait lui-même le récit de ses succès oratoires, dans une
épitre dédicatoire à Mathieu Cointerel, qui ouvre l'opuscule intitulé :
Orationes duæ pro Sorbonicis dispulationibus ; Paris, 1574, in-80. — On
connaît, en outre, du même auteur un livret intitulé : De christiant ho-
minis el ecclesiastici officio tempore accommodata…. catholica narratio:
Romæ, 1576, in-4o. (Ch. Wwuss, Catalogue de la bibliothèque du château
de Saint-Ylie (Jura), Paris, 1869, no 465.) À
(8) «M. le président de Bourgoingne..…. loue les sermons qu'a faict les
dimanches en caresme M. Gemelly, les prédications duquel estoient à
feu M. l'archevesque de Cambray de Berghes suspectes et à aulcuns
aultres : ne scay si c'estoit avec bon fondement ou non; mais en fin l'on
procura de s'en faire quicte, le soupçonnant qu'il commeüt sédition et
que à ceste fin fussent ses sermons. De là il alla à Rome où il a eu toute
faveur de monseigneur l'illustrissime cardinal Contarel, estant lors
dataire, lequel, comme je tiens, le favorise encoires. » (GRANVELLE, Lettre
à Bellefontaine, Madrid, 29 septembre 1584.)
(#) Voir une curieuse peinture du rôle de Gemelli à Cambrai, tracée
— 320 —
vacants à Besancon les postes d'archidiacre de Luxeuil et de
vicaire général de l'archevêque. Gemelli recueillit cette double
succession (!)}, mais ne put conserver longtemps le mandat de
vicaire général : Le cardinal de Granvelle, devenu archevêque
de Besançon, avait connu de trop près son intempérance de
langue pour être disposé à lui accorder confiance {?). Gemelli
ne songea dès lors qu'à se ménager une plantureuse retraite : |
à cet effet, il échangea son archidiaconé et sa prébende contre
de riches chapellenies (*); il mourut au mois de février 1604,
par l'auteur des Mémoires pour servir à l'histoire de Louis de Barlay-
mont, et insérée par A. Le Gray dans ses Recherches sur l'église métro-
politaine de Cambrai, 1825, in-40, pp. 208-209.
() « Comparuit personaliter in loco capitulari R. D. Petrus Gemelli,
aliàs de Pise, presbiter Bisunt. diocesis, sacre theologie Parisiis doctor;
proposuit impetrasse in curia Romana canonicatum et alteram preben-
dam de St Vyt, necnon et archidiaconatam de Luxovio in ecclesia Bi-
suntina, per obitum Antonii Lulli vacantes, et de ïllis per Gregorium
papam XIII fuisse provisum... » (Acta capituli Bisuntini, 24 martii 158%;
aux Archives du Doubs.) — Dès le ?8 juillet 1582, Gemelli paraît avec la
qualité de vicaire général du cardinal Claude de la Baume, archevêque
de Besancon.
(@) « M. Gemelly est sçavant, et tel il s'est montré à Rome et ailleurs.
A Cambray l'on le tenoit pour suspect et séditieux, mais ce m'est grand
contentement et consolation que là [à Besançon] l’on n'ayt riens aperçeu
de tel; c'est un bien grand mal qu'il soit tant noté d’avarice (qu'est la
racine de tous maulx) et qu'il soit noté de non vivre en conformité de
ses sermons. Il ha toujours le mesme crédit avec M. l'illustrissime
Contarel, et pourtant nous fault comporter avec luy de sorte qu'il n'aye
occasioh de nous faire la guerre; et me contenteray de luy donner
quelque traictement raisonnable afin qu'il presche et que le traictement
soit pour le temps que je vouldray, pour le tenir en bride. » — « L'of-
fice que s'est faict..….. à l'endroit de M. nostre maistre Gemelly me semble
fort bien, et, à vous dire la vérité, je desiroie qu'il se fit plus pour
contenter l'illustrissime cardinal Contarelli, qui le favorise, et afin qu'il
voie que l'on l'a voulu honorer, que pour l'envie que j'aye que ledit
Gemelly presche. Et quant au vicariat, puisque vous m'avez faïct ce
plaisir de si volontiers l'accepter, il me pardonnera, s’il luy plaît, qu'il
ne me servira de vicaire tant que je vive. » (GranveLce, Lettres à Belle:
fontaine, Madrid, 27 décembre 1584, et Sarragosse, 22 mars 1585.)
(5) L'acte d'échange de sa stalle de chanoine contre la chapelle de
Saint-Nicolas de Châteauvillain est daté de l'Université d'Orléans, le
— 321 —
avec les titres de protonotaire apostolique et de prieur com-
mendataire de Coligny (en Bresse) et de Rosey (en Franche-
Comté) (!).
- Pour un homme aussi bien renté que l'était Gemelli, la
principalité du collégse de Bourgogne ne fut qu'une bague au
doigt de mince importance : il traita cet emploi comme un
bénéfice ecclésiastique, constituant en son lieu un fermier qui
exerçait ses droits dans l'établissement et lui servait, en re-
tour, une rente de cinq à six cents francs par année (?).
Disons de suite, à sa décharge, qu'il ne fut pas l'inventeur de
ce système, car lorsqu'il prit possession de Bourgogne, il en
trouva la pédagogie amodiée à Jacques Charpentier ().
Ce personnage avait mis en grande réputation notre col-
lége. Au dire des contemporains, il y professait avec un tel
éclat que ses auditeurs, appartenant à toutes les nations du
monde, remplissaient non-seulement la salle, mais la cour et
la rue sur lesquelles ouvraient les fenêtres du local (*). Ce
3 octobre 1600. Son office d'archidiacre fut troqué, en 1602, contre la
chapelle de Saint-Lazare de l'église Sainte- Madeleine de Besançon.
(Acta capituli Bisunt., ? octob: 1601 et 17 maiïi 1602.)
(1) Papiers du prieuré de Rosey, aux Archives des hospices de Besançon.
@) « J'entendz que l'on se plaint de luy à Paris, de ce qu'il retient la
charge de principal du collége de Bourgogne et qu'il en tire prouffit, y
ayant entremis un François que luy en rend tous les ans cinq ou six
cens francs. » (GRANVELLE, Leltre à Bellefontaine, Madrid, 29 sept. 1584.)
(#) Dans le procès-verbal de l'assemblée universitaire du 13 décembre
1556, Jacques Charpentier est qualifié de Burgundici collegii moderator
el præfectus. (Buzæt Histor. Univers. Paris., t. VI, p. 489. — « Que s'il
plaisoit audict sieur de la Faye quicter la charge et pédagogie dudict
collége, que, sèlon le bail précédent dudict sieur de la Faye, il soit tenu
à la restitution des choses amplement et par le menu escriptes au bail
de M. Charpentier. » {Règlement proposé à l'acceptation des supérieurs
du collége de Bourgogne par les boursiers, le 27 septembre 1576; Archives
de l'ancienne Universilé, cart. x1x, liasse 1, no 6.)
(4) « Nunquam ille pedem aliquè intulit, quin splendor unà ingens et
alma faustitas continu ingrederentur. Quocirca, dum toto decennio
philosophicis præceptionibus explicandis Burgundam domum exornavit,
cum nulla esset aula quæ tam multos auditores caperet, quam multi ad
eum non ex Gallia modo, verum etiam ex Germania, Italia, Hispania,
nr
4
succès ne tenait pas seulement à l'éloquence nerveuse et pas-
sionnée du maître; elle était avant tout le fait d’une lutte de
principes dans laquelle Charpentier et Ramus tenaient les
deux grands rôles opposés. Question énorme, en effet, que
celle de savoir si le moment était venu de rompre avec les
procédés d'enseignement du moyen âge qui, depuis tant de
siècles, emprisonnaient la pensée humaine et la condamnaient
à un travail aussi stérile que celui qu'accomplit l’écureuil en
s'agitant dans un cylindre mobile! Les novateurs, en haine
de la scolastique, préconisaient une méthode en quelque sorte.
contemplative, qui se bornât à éveiller et à diriger le goût,
tout en respectant la liberté des aspirations individuelles. On
allait donc pouvoir apprendre en se passant de l’école, inter-
préter les auteurs sans le secours des gloses officielles, penser
en dehors des formules convenues : quel scandale, quelle
abomination! Les vieux universitaires virent dans cette nou-
veauté un corollaire du protestantisme, qu'il fallait à tout
prix étouffer. Charpentier se fit le champion de cette croisade
réactionnaire, et ses cours dans l'auditoire de Bourgogne
furent bien moins des lecons que des diatribes contre Ramus,
le coryphée de la moderne doctrine. Après dix ans de cet
exercice, se trouvant à bout de verve et de rage, ayant pu
constater par expérience que toutes les invectives du monde
ne sauraient interdire à qui bon semble de croire que la terre
tourne et que le soleil luit pour tous, Charpentier quitta
brusquement la philosophie pour la médecine, délaissant
et longinquis nationibns remotisque insulis accedebant, vel hyeme
summa, tempestatibus perfrigidis, imbribus maximis, aream tamen,
eamque viæ*publicæ partem quæ aulæ adjacet, ac ad quæ modo loca
vox ejus deferretur, videri semper potuerunt completa et conferta. Quæ
deinde vis hominum omnibus ejus domus ostiis cum effunderetur, thea-
trum ingens dixisses, non scholam exhauriri. Collegium itaque Burgün-
dorum cum longè amplissimum ornatissimumque summa diligentia labo-
ribusque maximis reddidisset, vocareturque jam ad medicinæ studia.…,
in doctorum collegium...……. est adscitus. » (CL. Hermonorn Gozzir Jac.
Carpentari tumulus ; Paris., 1574, in-4°, fol. 3 verso.)
« NT
— 323 —
ainsi son emploi de chef de la pédagogie du collége de Bour-
gogne. Gemelli le remplaca par Geoffroy de la Faye.
Celui-ci régentait au collége de Bourgogne depuis l’année
1552. C'était un pieux et savant prêtre, d'un caractère doux et
aimable, bien que très ferme dans l'exercice du devoir (!).
Etant recteur, en 1562 (?), il sut résister énergiquement à la
prétention qu'avait la reine-mère de réduire l'Université à
trois grands colléges (*); mais son opposition fut si digne que
l’altière princesse n'en conserva pour lui qu'un vif sentiment
d'estime, à tel point qu'elle l’attacha plus tard à sa personne
“en qualité d’aumônier. Etranger aux exagérations qui étaient
le fléau du temps où il vivait, Geoffroy de la Faye comptait
des sympathies dans les camps les plus opposés; il s’honorait
à bon droit de l'amitié de l’illustre Turnèbe (*), le restaura-
teur des études grecques en France, celui que Montaigne
appelait « l'âme la plus polie du monde (*). » Bien qu'étran-
() Geoffroy de la Faye était né à Paris vers 1530. Reçu maître-ès-arts
en 1551, il entra comme régent au collége de Bourgogne l'année suivante.
Il fut honoré à deux reprises des fonctions de recteur de l'Université,
le 24 mars 1562 et le 23 juin 1581. Dans le cours de cette dernière année,
la reine-mère Catherine de Médicis se l'attacha en qualité d'aumônier.
Pour cela, Geoffroy de la Faye ne quitta pas notre collége. On lit, en effet,
dans les comptes de la maison de Catherine de l'an 1585 : « A maistre
de la Faye, principal du collége de Bourgogne, 300 livres tournois. »
(Archives de l'Empire, kk, 116, fol. 25 recto.)
@) « Die 24 martii 1562, electus est rector Godefridus de la Faye,
Burgundici collegii primarius ac moderator, vir religiosus, insigni pie-
tate, fide et probitate præditus, præ cæteris tali honore dignus propter
singularem in perficiendis rebus diligentiam et auctoritatem, et in
aggrediendis prudentiam, in omnes summam mansuetudinem, ut legitur
in Actis academicis. » (Buzær Histor. Univ. Paris., t. VI, p. 550.)
(5) Id. ibid.
(* «Adrien Turnèbe étant venu dans ce temps-là voir son ami Geoffroy
de la Faye, celui-ci mena chez Turnèbe le jeune de Thou, qui se l'im-
prima si fortement, que l'image de cet homme célèbre, qui mourut peu
de temps après, lui demeura toujours dans l'esprit, même en dormant. »
(Mémoires sur la vie de Jacques-Auguste de Thou, en tête de la traduction
française de son Histoire universelle ; Londres, 1734, in-4°, p. 7.)
(5) « Comme j'ay veu Adrianus Turnebus, qui n'ayant faict autre pro-
M
ger à notre province, il voulait que les Francs-Comtois fussent
bien traités dans la maison de la reine Jeanne : aussi sa table
leur était-elle libéralement ouverte (‘}. Sous un tel gouvérne-
ment, le collége de Bourgogne dut être moins envahi que tout
autre par les agitations de la rue; ses portes ne se fermèrent
…
que quand la guerre civile, avec la peste et la famine pour
complices, eurent rendu impossible aux étudiants le séjour de
Paris. En attendant, Geoffroy de la Faye attirait dans son
établissement les meilleurs esprits du Corps universitaire,
sachant les y retenir par -une foule de bons procédés (?). Les
professeurs de Bourgogne formaient alors un groupe d'élite.
fession que de lettres, en laquelle c'estoit, à mon opinion, le plus grand
homme qui fust il y a mil ans, n'avoit toutesfois rien de pédantesque que
le port de sa robbe et quelque facon externe qui pouvoit n'estre pas
civilisée à la courtisane : qui sont choses de néant... Car au dedans .
c'estoit l'âme la plus polie du monde. » (Essais, livre I, ch. xx1v.)
() « Estant en dispute combien il y avoit de Paris jusques à St-Denis,
le sieur de la Faye, principal du collége de Bourgongne, qui l'avoit traicté,
à cause du pays, luy dit : I n'y a qu'une bonne demie lieue. Si, a dit le
sieur Gaulard, je gage cinquante escus qu'il y en a une entière, il ya
plus de dix ans. » (Tapouror, Les contes facécieux du sieur Gaulard,
gentilhomme de la Franche-Comté Bourquignotte, fol. 11 verso.)
(2) « Cum superioribus mensibus, mihi collegarum precibus fracto, et
prudentissimi Burgundianæ scholæ moderatoris Faïi nostri, incredibili
in omnes, summa vero érga me humanitate, de eo quem tenere cœperam,
studiorum cursu revocato, vobiscum philosophandi sese quædam quasi
injecisset cupiditas.…. » (Mic. Marescorr Tilelmani dialecticæ præfatio;
Paris, 1563, in-4°.) — «Godofredus Faïus, noster gymnasiarchus (de
quo plura dicturus non sum hoc tempore, quam quod viro tanto, tam
strenuo, tam diligenti, tam gravi, tam literato, tam ad præclarissima
quæque idoneo, parietes mediusfidius isti gratias agere!gestiant ). »
(Jo. Roenxt /n Joannis Martini e regio Burgundionum ludo missionem
[Paris., 1572], in-8e, fol. 4 verso.) — « Hac in regia Burgundionum
schola, aliquot ante mensibus, honorificè accitus a sapientissimo doc-
trinæque laude imprimis commendato moderatore primario D. Faïo :
cui homini quantum jure ‘tribuam, non est necesse hic dicere. Unum
illud asservare ausim, mihi, pro felici hujus anni auspicio, permultum
arridere auctoritatem homini revera cordati et eruditi,… in hac schola.…
in qua egregiè cordatus homo Faïus, juventutis informandæ insignis
artifex, habenas tanta laude moderetur, et præceptores omnes literarum
— 325 —
Il nous suffira de nommer parmi eux : Henri de Monan-
theuil {‘), devenu plus tard l’une des lumières du Collége de
France; Michel Märescot (?) et Jean Martin (*), les futurs
politiarum, omnisque humanitatis amantissimi, pro sua quisque parte,
suo muneri respondeant. » (OL. Mrnois OÜratio habita in regio Burgun-
dionum gymnasio, prid. kal. octob. 1575, apud ejusd. De re lilieraria,
p. 72; Paris., 1576, in-80.)
@) Henri de Monantheuil, dont de Thou avait appris les premiers élé-
ments des sciences exactes, cultiva depuis avec un égal succès la méde-
cine et les mathématiques. Comme médecin, il démonétisa dans l'opinion
publique le fameux charlatan Rivière, que le parlement expulsa de la
capitale. Ses travaux en mathématiques lui valurent une chaire dans
cette spécialité au Collége royal de France. Durant la Ligue, son cabinet
fut l'un des centres d'action du parti national, et Henri IV n'oublia
point ce qu'il devait à cette honnête conduite. Henri de Monantheuil
mourut, âgé de 70 ans, le 19 novembre 1606. (Voir Gouser, Mémoire
historique sur le-Collége de France, édit. in-80,t. II, pp. 83-95.)
(2) Michel Marescot professait la philosophie au collége de Bourgogne,
lorsqu'il fut élu recteur de l'Université, le 16 décembre 1564. C'est dans
sa chambre de professeur que le tribunal universitaire déclara la guerre
aux Jésuites. Plus tard, Marescot, devenu médecin célèbre, démasqua
la fourberie des Capucins qui, avec la prétendue thaumaturge Marthe
Broissier, exploitaient indignement la crédulité publique. Marescot, que
Guy Patin appelle un bon homme et un grand médecin, fut jusqu'à sa
mort, arrivée le 20 octobre 1605, le premier médecin de Henri IV. (Voir
Hazow, Notices sur les hommes célèbres de la Facullé de médecine de Paris,
pp. 66-70.)
(5) Jean Martin, qui professa pendant six ans la rhétorique et la phi-
losophie au collége de Bourgogne, avant d'interpréter Hippocrate au
Collége de France, «estoit, dit le cardinal du Perron, un homme très
singulier en toules sortes de sciences, et particulièrement en la connois-
sance des langues latine, grecque, hébraïque et arabique. » Henri IV le
consultait, en même temps que Marescot, sur sa santé, et il avait le titre
de premier médecin de la reine. Guy Patin rapporte à son sujet le trait
suivant : « Feu mon père étant en cette ville député pour notre pays, y
tomba malade l'an 1601 d'une fièvre continue, et échut à avoir M. Martin
pour médecin, lequel ne voulut prendre de lui aucune récompense resfi-
tula valetudine, lui disant qu'il ne prenoit jamais d'argent de plus pauvre
que lui quand ils étoient gens de bien, comme il se tenoit pour tel; cela
lui acquit une rente d'un pâté de venaison, qui lui a été payée tous les
ans jusqu'à sa mort (fin de 1604). » (Voir Gouser, Mémoire historique sur
le Collége de France, édit. in-8e, t. III, pp. 57-68.)
Li
— 326 —
médecins de Henri IV et de Marie de Médicis; enfin Jean de
Rouen [‘), le plus brillant rhéteur de son époque. Au pied
des chaires de ces savants maîtres, qu voyait nombre d’en-
fants des meilleures familles, dont quelques-uns montraient
déjà les qualités qui devaient les conduire à l'illustration :
Jacques-Auguste de Thou venait de quitter notre collége (?),
quand on y amena le jeune Maximilien de Béthune, connu
dans l'histoire sous le nom de Sully.
IV | à
Maximilien de Béthune, que l’on appelait alors M. de
Rosny, était le second fils d’un gentilhomme qui, après avoir
suivi jusqu'au bout la fortune du prince de Condé, s'était
ensuite attaché au roi de Navarre, et avait été conduit à em-
(:) Jean de Rouen, dont le nom dit assez l'origine, professa pendant
douze ans la rhétorique au collége de Bourgogne, et avec un tel succès
que «nul ne se croyait suffisamment éloquent et disert s'il ne l'avait
entendu. » Elu recteur, le 23 juin 1575, il ‘continua la lutte, ouverte par
son ami Marescot, contre l'invasion de l'Université par les Jésuites. La
vogue le suivit au collége d'Harcourt, et c'est là qu'Henri III l'envoya
chercher pour lui confier l'éducation du jeune Charles de Valois, fils
naturel de Charles IX. Lors du rétablissement de la paix publique, il fut
l'un de ceux qui contribuèrent le plus à relever l'Université de ses ruines.
Il cumulait à cette époque la charge d'aumônier du roi et celle de prin-
cipal du collége du Trésorier. Ayant eu, en 1612, la pieuse ambition de
prendre le grade de,docteur en théologie, il employa ses épargnes à doter
la Sorbonne d'une chaire des cas de conscience. ( Vid. Buzær Aistor.
Univers. Paris., t. VI, pp. 955-956. — Cf. Jourpaix, Histoire de l'Univer-
sité de Paris aux xvrre el xvirre siècles, pp. 72-73.)
(3) « Dès qu'il eut atteint l'âge de dix ans (1563), on le fit étudier, et
peu de temps après on le mit au collége de Bourgogne, avec René
Roulier, neveu de l'évêque de Senlis... Henri Monantheuil, de Reims,
fut le premier qui lui donna des leçons; il étudia ensuite sous Jean
Martin, de Paris, et ensuite sous Michel Marescot et Pierre du Val, de
Normandie, philosophes célèbres qui tous exercèrent depuis la médecine
à Paris avec une grande réputation. » (Mémoires sur la vie de Jacques-
Auguste de Thou, en tête de la traduction française de son Histoire
universelle, pp. 4 et 5.)
de 197 ea
brasser la foi protestante, formule d'opposition politique du
moment. Avant même d'être envoyé à Paris pour y faire ses
études, le petit Maximilien eut un poste de courtisan près de
l'héritier présomptif de la Navarre, le prince qui devait un
jour gouverner la France sous le nom de Henri IV.
Rosny avait douze ans et suivait, sous la conduite d'un
gouverneur, les cours du collége de Bourgogne, qaand la
reine-mère Catherine, voulant mettre un térme aux guerres
civiles, imagina l’expédient d'un mariage entre sa fille, la
catholique Marguerite, et le protestant Henri de Navarre.
Le parti huguenot, alors dirigé par Jeanne d’Albret, mère
du jeune prince, et par l'intègre amiral de Coligny, ac-
cepta ce gage de réconciliation. L'aristocratie protestante se
rendit en masse à Paris, où l'on affecta de lui faire oublier
dans des fêtes ses anciens griefs contre le pouvoir. Tout sem-
blait aller pour le mieux, lorsque Catherine s’aperçut que le
roi Charles IX, jusque là maintenu sous sa tutelle, s'éprenait
d'admiration pour Coligny et s’inspirait de ses conseils. Si cette
intimité continuait, sa domination allait décroître : en mère ja-
louse, en vindicative Italienne, elle eut bientôt juré la perte de
Coligny. Les Guises, ennemis mortels de l'amiral, furent man-
dés en toute hâte et se chargèrent de trouver un assassin. Coli-
gny ne fut que blessé. A la douleur folle qu’en témoigna le roi,
Catherine estima que c'en était fait d'elle si l'amiral revenait
en cour ; les protestants connaissaient d’ailleurs sa complicité
dans le guet-apens et ne la lui pardonneraient jamais. Un
coup d’audace pouvait seul la tirer de ce mauvais pas. En-
glober Coligny dans un massacre général ‘des protestants,
noyer ainsi dans le sang d’un grand nombre les traces de
l'attentat commis contre un seul, justifier le tout par le souci
de la tranquillité de l'Etat et le zèle pour la religion catho-
lique, tel fut le plan infernal que conçut Catherine. Par une
série de fausses nouvelles et de terreurs habilement jouées, on
. enleva le consentement du jeune homme débile qui occupait
le trône de France.
— 328 — ;
Le soir du 23 août 1572, l’écolier Rosny s'était couché de
bonne heure, voulant le lendemain, qui était un dimanche,
se trouver de grand matin près de son cher seigneur Henri
de Navarre. Vers trois heures de la nuit, il est brusquement
réveillé par des vociférations qui partaient de la rue et par le
tocsin que sonnaient toutes les cloches. Son gouverneur,
nommé Saint-Julien, et son valet de chambre, mis en émoi
par les mêmes bruits, s’habillent en toute hâte et courent
savoir ce qui se passait. Ne les voyant pas-revenir (et il ne
devait pas les revoir), Rosny descend à son tour : il rencontre
son hôte, huguenot comme lui, qui le presse de l’accompagner
immédiatement à la messe « afin de guarentir sa vie et sa
maison du saccagement. » Quoique bien jeune, l'étudiant
comprit qu'il avait dû être marqué pour le massacre : dès lors
une cachette le préserverait bien mieux qu'une messe. Il ac-
cepta néanmoins le bréviaire catholique que lui présentait son
hôte, puis il alla revêtir sa robe d'écolier, mit le livre sous son
bras et tira droit au collége de Bourgogne. Geotiroy de la
Faye, chef de l'établissement, était bien vu de la reine-mère,
et son logis, non suspecté, devenait la plus sûre des retraites ;
mais C@ personnage était prêtre, et il s'agissait d'obtenir de lui
le salut d’un huguenot. Rosny pensa que le noble caractère
de son maître se prêterait à cette transaction. À peine avait-il
fait quelques pas, qu'un corps de garde l’arrêta dans la rue
Saint-Jacques : les soldats commencaient à le rudoyer, quand
l’un d'eux s'étant saisi du livre que portait l’écolier, montra
aux autres que c'étaient de grosses Heures, et détermina ainsi
son élargissement. Ce passe-port lui permit de traverser encore
deux nouveaux corps de garde, l’un dans la rue de la Harpe,
l'autre à l'issue du cloître Saint-Benoît. Sur ce parcours, il vit
enfoncer et piller des maisons, égorger des hommes, des
— 329 —
femmes, des enfants, Le tout aux cris de Tue, tue! 6 huguenot,
6 huguenot! Il arrive haletant à la porte du collége, mais le
portier refuse par deux fois d'ouvrir : heureusement l’écolier
trouve dans sa poche de quoi graisser le marteau. Geoffroy de
la Faye, discrètement prévenu, descend aussitôt. A la vue de
son élève, il est ému de compassion, mais fort embarrassé : il
avait dans sa chambre deux ecclésiastiques « qui disoient y
avoir dessein formé de tuer tous les huguenots, jusques aux
enfants à la mamelle, et ce à l'exemple des Vespres siciliennes. »
Au risque de compromettre gravement sa personne et son
collége, Geoffroy de la Faye prit Rosny par la main, le mit
sous clef dans une chambre secrète et l'y fit nourrir pendant
trois jours. Après quoi, parut un édit royal qui fit cesser le
massacre (1).
Ainsi fut sauvé d'une mort certaine, parle fait d'une fon-
dation franc-comtoise, le plus sage ministre qui ait géré les
affaires de la France, Le seul qui se soit montré constamment
l'avocat du peuple, opposant aux prodigalités de la cour un
langage comme celui-ci : « Tout cela seroit bon, si Sa Majesté
prenoit l'argent en sa bourse; mais lever cela sur les mar-
chands, artisans, laboureurs et pasteurs, il n’y a nulle raison,
estant ceux qui nourrissent le roy et nous tous (?). »
Sully ne se contenta pas de noter dans ses Mémoires le ser-
vice qu'il avait recu du collége de Bourgogne; il fit de son
mieux pour le reconnaitre. Geoffroy de la Faye, tant qu'il
vécut, fut « son particulier amy; » et quant à la Franche-
Comté, il usa de toute son influence, en 1595, pour dissuader
Henri IV d'entreprendre sur cette province une course mili-
taire qui nous causa d'énormes dommages (*), mais eut ce-
() Le récit qui précède est emprunté, de point en point, aux OEcono-
mies royales ou Mémoires de Sully, livre I, ch. v. :
(?) Réponse de Sully à la duchesse de Verneuil, qui remontrait que le
roi pouvait bien faire des cadeaux.
(8) Le connétable de Montmorency fut l'instigateur de cette campagne,
que Sully appelait la pire résolution. Henri IV regretta lui-même de
22
— 330 —
pendant une conséquence aimable, celle d’avoir éveillé chez
le galant monarque un goût prononcé pour notre vin d’Ar-
bois (!).
s'y être laissé entraîner, car « à son retour de la Franche-Comté, il se
plaignoit de ceux qui l'avoient induit à ce voyage.» (UEconomies royales,
livre II, ch. xxx.)
() Lors de l’entrevue de réconciliation qu'eut Henri IV avec le duc
de Mayenne (1596), le roi s'amusa un instant à essouffler, par une pro-
menade trop rapide, son ancien ennemi qui était obèse et affecté d'une
sciatique; puis, après une dernière protestation de dévouement réci-
proque, il lui dit amicalement : « Allez vous en reposer, rafraischir et
boire un coup au chasteau..….; j'ay du vin d'Arbois en mes offices, dont
je vous envoyeray deux bouteilles, car je sçay bien que vous ne le hayés
pas. » (0Economies royales, livre IT, ‘ch. 1.)
LES SAVANTS MODERNES
DE LA FRANCHE-COMTÉ
PAR M. A.-F. BOULLET
DOCTEUR ÈS-SCIENCES
PROVISEUR DU LYCÉE IMPÉRIAL DE BESANCON.
Séances des 6 juin 1868 et S mai 1869.
INTRODUCTION
Notre siècle a été si fécond en découvertes importantes, et
le mouvement scientifique qui le caractérise tellement marqué,
que l’épithète de siècle des lumières lui est dévolue sans con-
testation. Jamais, en effet, plus de travaux de l'esprit n'illus-
trèrent une période quelconque des annales du monde. L'in-
telligence humaine s’est surpassée dans les conceptions hardies
et les applications heureuses de la science au profit des nations
modernes, et nous jouissons maintenant d’une foule d'avan-
tages qui sont le résultat du travail des savants pendant les
quatre-vingts dernières années qui viennent de s'écouler.
Quelle part la France a-t-elle prise à ce mouvement, à ce
progrès, et, dans cette part, quelle proportion pouvons-nous
revendiquer pour notre province de Franche-Comté ? La ques-
tion est digne d'intérêt. Sa solution nous fournira l’occasion
de mettre en lumière les noms de plusieurs hommes distingués
de notre pays, dont les travaux importants ne sont pas assez
connus de ceux mêmes qu ils intéressent.
Ce qui caractérise le progrès scientifique de notre temps se
rattache plus encore à l'application qu'à la spéculation, et c'est
— 332 —
surtout dans l'application des sciences aux arts et à l'industrie
modernes que nous l’emportons sur nos devanciers. Nous
allons examiner successivement la marche des sciences phy-
siques et chimiques, en les prenant à leur vrai point de départ,
et nous montrerons dans quelle mesure nos compatriotes ont
contribué à donner cette vive impulsion, qui se traduit presque
chaque jour par une découverte nouvelle. Nous rattacherons
à cette étude, comme auxiliaires indispensables, les travaux de
nos mathématiciens proprement dits, et nous la compléterons
par un exposé succinct des nombreuses découvertes des na-
turalistes, dont les noms, pour plusieurs du moins, sont déjà
couronnés par la gloire !
CHAPITRE 1!°.
LES PEHWYSTOTENS,
D’Auxiron, — de Jouffroy.
” C'est à la France qu'est due la plus importante découverte
de notre temps, l'application de la vapeur d'eau comme force
motrice. C'est à la Franche-Comté que revient la gloire des
premiers essais heureux de cette application à la locomotion.
Les premières recherches vraiment sérieuses qui aient été
tentées pour utiliser la force élastique de la vapeur d'eau,
remontent au milieu du dix-septième siècle (1647), époque
où naquit, à Blois, le docteur Papin, l'inventeur et le vulga-
risateur de la machine à vapeur.
Colbert venait de fonder l'Académie des sciences et d'y
appeler, par des largesses dignes d’un ministre du grand roi,
le célèbre Huygens, hollandais d’origine, qui devint peu de
temps après le protecteur et l'ami du jéune physicien blaisois,
dont les idées et les travaux devaient remuer le monde! Esprit
chercheur et inquiet, Papin ne se contenta pas des ressources
— 333 —
qu'il trouvait à Paris pour mettre en œuvre ses conceptions et
ses projets. Il alla demander à l'Angleterre d'abord, puis plus
tard à l'Italie et à l'Allemagne, des encouragements et même
des moyens d'existence, car il se trouva mêlé aux querelles
religieuses qui rendirent son exil obligatoire, de volontaire
qu'il avait été d'abord.
A Londres, il se lia d'amitié avec Boyle, qui le mit en rap-
port direct avec la plupart des savants anglais dont se compo-
sait la Société royale. I fut lui-même admis à l'honneur de
faire partie de cette illustre compagnie et il y-occupa un rang
distingué. C’est comme académicien qu'il publia la description
de son appareil connu sous le nom de digesteur ou marmite de
Papin. La force de la vapeur se trouve mise en évidence par
la disposition même de cet appareil; et, par une circonstance
qui a tenu à la fois du hasard et de la curiosité, l’idée est
venue à l'inventeur d'y ajouter une soupape de sûreté, pour
voir, il le dit lui-même, ce qui se passait dans le digesteur.
Une pensée générale occupait l'esprit des savants en Europe
au moment où Papin faisait ses pérégrinations scientifiques.
On cherchait partout le moyen d'utiliser la pression de l’air
comme force productrice du mouvement. Les nombreuses
expériences faites sur la machine pneumatique avaient suggéré
à plusieurs savants l'idée d'employer cette nouvelle décou-
verte pour donner l'impulsion à des moteurs particuliers.
Papin, suivant cette idée, imagina une machine destinée,
selon lui, à transporter la force des rivières. Elle avait, dans
sa construction, un tel rapport de similitude avec nos chemins
de fer atmosphériques actuels, que la comparaison, à deux
siècles de distance, y trouve la même disposition.
Cet appareil, sur lequel Papin fondait de grandes espérances,
ne fonctionna pas avec succès, probablement à cause de l'im-
perfection de son installation. Il fut presque aussitôt aban-
donné que connu, et remplacé par une autre machine dans
laquelle le moteur était la force élastique de la vapeur d’eau.
Ce n’est qu'après de longs tâtonnements et des observations
— 334 —
souvent répétées, que Papin reconnut la possibilité de faire
mouvoir un piston dans un tube par l'effet de la vapeur, et
d'entraîner ensuite un poids plus ou moins lourd en sens
opposé au mouvement de ce piston, par l’action de la pression
atmosphérique, après la condensation de la vapeur au-dessous
du piston, dans le corps de pompe. C'était un problème diffi-
cile à résoudre, et sa solution, véritable inspiration de génie,
a immortalisé son auteur! Il entrevit, en effet, dès le début,
quel parti on pourrait tirer de cette force, car il dit lui-même:
« Comment peut-on employer cette force pour tirer hors des
mines l’eau et le minerai, pour lancer des globes de fer à de
grandes distances, pour naviguer contre le vent et faire beau-
coup d’autres applications? Chacun, dans l’occasion, imagi-
nera un système de machines approprié au but qu’il se pro-
pose (t).» Ce fut l'unique objet de ses préoccupations; car il
fit construire et organiser, quelque temps après, un appareil
destiné à faire mouvoir un bateau qui devait être essayé sur
la Fulda, rivière de la Hesse-Electorale.
Des dissensions survinrent entre lui et des personnages
influents de Marbourg, qui s’intéressaient au succès de son
entreprise. Il se découragea, et prit la résolution de quitter
l'Allemagne pour revenir en Angleterre essayer de nouveau
ses expériences de navigation à vapeur.
C’est le philosophe Leïbnitz, son ami, qu’il chargea de né-
gocier son départ avec l'électeur de Hesse, son protecteur et
son appui. La question se compliquait du passage du bateau
de Papin de la Fulda dans le Weser; il y avait des forma-
lités à remplir, des droits à payer, et le mauvais vouloir d’une
association de bateliers à prévenir. On discuta et l'autorisation
pour le passage du bateau fut refusée.
Cette résolution causa un profond chagrin à notre inventeur,
et recula pour longtemps encore le triomphe de son idée et la
vulgarisation de sa découverte. Il écrivait à cette époque :
@) Actes des érudils de Leipsig.
LA‘ T4
— 335 —
« L'expérience de mon bateau a été faite; elle a réussi de la
manière que j espérais. La force du courant de la rivière était
si peu de chose, en comparaison de la force de mes rames,
qu'on avait de la peine à reconnaître qu'il allait plus vite en
descendant qu'en montant. Si Dieu me fait la grâce d'arriver
heureusement à Londres, et d'y faire des vaisseaux de cette
construction qui aient assez de profondeur pour appliquer la
machine à feu à donner le mouvement aux roues, je suis
persuadé que nous pourrons produire des effets qui paraîtront
incroyables à ceux qui ne les auront pas vus. » .
Toutes ses espérances s'étaient concentrées sur le succès de
cette invention. C'était le rêve de sa vie entière, le résultat de
ses travaux et de ses méditations de vingt années; il touchait
à la fortune, à la gloire peut-être, s’il parvenait à montrer à
Londres cet appareil naviguant par l'action de la vapeur.
Hélas ! tant de bonheur ne lui était pas réservé; il eut la
douleur de voir son œuvre brisée par les bateliers qui lui
refusaient l'entrée du Weser, en prévision du dommage que
pourrait leur causer cette invention si elle arrivait à être
appliquée et utilisée.
Ce fut la dernière épreuve qu'il put supporter. Affaibli par
l’âge et les maladies, il regagna tristement l'Angleterre, où il
n'eut même plus la consolation de retrouver ses anciens amis.
Cependant la Société royale lui vint encore en aïde et lui
donna le pain de chaque jour; mais il n'eut plus les ressources
nécessaires pour s'occuper de ses inventions; et, pour lui,
vivre sans exercer son esprit à imaginer quelque appareil
nouveau, c'était ne pas exister. Il mourut, en 1714, pauvre,
oublié, loin de sa patrie et de sa famille, et la postérité qui lui
élève des statues ignore où reposent ses cendres !
Les travaux de Papin sont marqués au cachet du génie, et
quoiqu'on ait voulu contester ses découvertes, il n'en reste
pas moins acquis à la science que le monde lui est redevable
de la première idée pratique de la navigation à vapeur.
Les idées que Papin avait semées dans presque toute l’Eu-
— 336 —
rope portèrent leurs fruits. On s’occupait de les réaliser et de
les perfectionner en Allemagne, en Italie, en Angleterre et en
France. C'était un Français qui avait découvert le principe,
ce furent aussi des Français, nos compatriotes, qui les pre-
miers l'appliquèrent.
MM. d'Auxiron et de Follenai, capitaines tous deux dans la
légion de Lorraine, étaient nés à Besancon, le premier en 1731,
et le second en 1734. Amis d'enfance, élèves de l'Ecole d’ar-
tillerie, savants l’un et l'autre, ils s'occupaient activement des
questions à l’ordre du jour parmi les savants en 1772, et ils
avaient formé le projet de construire des bateaux capables de
remonter le cours des fleuves et des rivières au moyen de la
pompe à feu.
M. d'Auxiron rédigea les plans, prépara les devis des dé-
penses, puis se rendit à Paris pour communiquer son projet
au gouvernement et demander le privilége d'une concession
de navigation libre et exclusive, pendant quinze années, sur
toutes les rivières de France. Tandis qu'il s'occupait de ces
projets et faisait construire un bateau à vapeur, M. de Follenai
cherchait des actionnaires parmi ses amis, pour constituer un
capital social à l’aide duquel ils pourraient mener à bonne fin
leur entreprise.
C'est à l’île des Cygnes, sur la Seine, près de Paris, que fut
construit le premier bateau destiné à naviguer par l’action de
la vapeur. Il était, d'après des documents authentiques, muni
d'une chaudière, d'un arbre garni de roues, et ajusté de facon
à imprimer le mouvement.
Le jour de l'inauguration était attendu avec une impatience
facile à comprendre : les inventeurs, les actionnaires, les cu-
rieux et les incrédules en grand nombre pressaient l'ingénieur
d'en finir et de montrer par des faits que son problème était
résolu, lorsqu'en 1774, à la veille des épreuves décisives, le
bateau fut submergé.
D'Auxiron fut accusé d’avoir détruit son œuvre dans la
crainte d'un insuccès. Poursuivi par ses associés et par les
— 331 —
ouvriers qui avaient contribué à la destruction de leur travail,
il fut obligé de se cacher pour se soustraire à ces menaces et
même à l’'emprisonnement. Il fut, par cet acte de méchanceté
inouie, découragé, ruiné et réduit aux aboïis, selon sa propre
expression. Il mourut peu de temps après, à l'âge de 47 ans.
D'Auxiron mort, son idée ne devait pas disparaître avec
lui. Son associé, M. de Follenai, partageait l'enthousiasme de
l'inventeur, et il se mit en devoir de trouver un continuateur
de leur projet. Ce fut Claude de Jouffroy d'Abbans qu'il
choisit. Dans cette circonstance encore, un hasard heureux
réunit ces hommes qui, sans se connaître, poursuivaient la
même idée.
M. de Jouffroy, né à Roche-sur-l'Ognon (Haute-Saône), le
30 septembre 1750, débuta, comme MM. d'Auxiron et de
Follenai, par la carrière des armes. A vingt ans il était sous-
lieutenant au régiment de Bourbon. Exilé pour une affaire
d'honneur aux îles Sainte-Marguerite, il occupa ses loisirs à
observer et à étudier les galères à rames. La difficulté de ce
mode de navigation le frappa, et l’idée de substituer aux
rames un moteur plus fort et moins assujétissant pour
l'homme lui vint à l'esprit. C'était en 1774 que, sur les bords
d'une île de la Méditerranée, notre compatriote cherchait un
nouveau moyen de navigation, pendant que la même année,
en même temps, d'Auxiron et de Follenai faisaient construire
à Paris un bateau destiné au même but.
M. de Follenai était lié d'amitié et en relations de bon voi-
- sinage avec le père de Claude de Jouffroy. Ces rapports ser-
virent de trait d'union entre les deux inventeurs, et dans un
voyage à Paris, Jouffroy y rencontra d'Auxiron et de Follenai,
qui s'étaient réunis à Chaillot, chez les Périer, pour examiner
une machine de Watt, récemment importée d'Angleterre et
connue sous le nom de pompe à feu de Chaillot. C'est là que
firent connaissance les hommes dont les efforts réunis allaient
doter le monde d’un moyen de locomotion dont les effets sont
merveilleux.
— 338 —
Dans cette réunion, d'Auxiron exposa les procédés qu'il
faisait mettre en pratique pour la construction du bateau dont
nous avons parlé. Périer les critiqua et décrivit un méca-
nisme dont l'infaillibilité lui paraissait évidente. Jouffroy
avait aussi ses vues particulières, qu'il développa à son tour
et qui parurent bonnes à d’Auxiron, car il l’encouragea à les
appliquer, et lui écrivit en mourant : « Courage, mon ami,
vous seul êtes dans le vrai! »
De Jouffroy quitta Paris, revint en Franche-Comté, et, aidé
du chaudronnier de son village, il construisit, en 1776, une
machine qu'il adapta à un bateau.
L'embarcation avait 13 mètres de longueur sur 1,95 delar-
geur. Au milieu était installée une machine de Watt à simple
effet. Elle mettait en mouvement un système de roues arti-
culées qui constituaient l'appareil moteur du bateau. La
transmission du mouvement se faisait au moyen d’une chaîne
de fer attachée au piston de la machine. Cette chaîne s’enroulait
sur une poulie pour venir se fixer au chassis formant la rame.
Ce chassis était formé de deux lames en bois, indépendantes
l'une de l'autre, réunies à une tige. qui les assujétissait au
bateau. Un contrepoids placé à l'extrémité du chassis le rame-
nait à l’avañt pendant le mouvement d'ascension du piston, et,
dans ce mouvement, les lames se rapprochaient d’elles-mêmes
par suite de la résistance de l'eau. La condensation de la va-
peur ayant opéré le vide dans l’intérieur du cylindre, la pres-
sion atmosphérique entraiînait le piston jusqu'au bas de sa
course, et, par suite, la traction de la chaîne ramenait la rame
contre les flancs du bateau, tandis que les lames mobiles s’ou-
vraient, de manière à présenter toute leur surface à la résis-
tance du fluide.
Cette embarcation naviguait sur le Doubs, entre Baume-
les-Dames et Montbéliard, pendant les mois de juin et de
juillet de l’année 1776. Il y a donc actuellement 94 ans qu’un
essai de navigation à vapeur se faisait dans motre province et
illustrait, par une œuvre imparfaite à la vérité, mais portant
— 339 —
néanmoins le cachet d'une grande invention, l’un des membres
d'une des plus nobles et des plus anciennes familles de notre
pays.
C'était un début heureux et encourageant pour notre inven-
teur; mais l'ambition de M. de Jouffroy ne se bornait pas à
donner aux habitants de Baume-les-Dames le spectacle inté-
ressant d'une embarcation mise en mouvement par un pro-
cédé qui, en ce temps, paraissait tenir du prodige. Il voulait
utiliser sa découverte et en recueillir les avantages, tout en
rendant un grand service à son pays.
Pour atteindre ce but, il fallait d'abord modifier l'appareil
moteur de façon à en rendre le mouvement continu, d'inter-
mittent qu'il était, ensuite construire un bateau de dimensions
et de force suffisantes pour affronter les grands fleuves et servir
au transport des voyageurs et des marchandises.
La première condition se trouva remplie par la substitution
des roues à aubes aux rames articulées, et par l'addition d’un
cylindre accouplé à celui de la première machine. C'était,
sans tâtonnements et par une inspiration de génie mécanique,
la machine fixe de nos jours, avec ses deux corps de pompe,
son tiroir pour livrer passage à la vapeur et un réfrigérant
pour la condensation.
C'est à Lyon que fut construit ce premier pyroscaphe, sur
les plans et d’après les dessins de Jouffroy : entreprise colos-
sale, eu égard aux ressources dont on disposait à cette époque
et aux difficultés qu'il fallait vaincre ! Les dimensions du ba-
teau étaient considérables ; 11 mesurait 46 mètres de longueur,
4,50 de largeur et jaugeait 300 tonneaux.
Le monde savant se joignit à la foule des curieux pour
assister à l'inauguration de ce bateau à vapeur, qui remonta la
Saône de Lyon à l'île Barbe. Jamais expérience de cette nature
n'avait été vue dans cette grande cité, et la foule émerveillée,
encombrant les quais de la Saône, les ponts, les toits des maï-
sons, battait des mains, poussait des cris de joie et d’approba-
tion, en voyant cette grande embarcation se mouvoir sans le
— 340 —
secours des hommes, sous l’action d'un mécanisme auquel
l'imagination prêtait tout le merveilleux possible.
Acte fut pris de cette expérience et de sa réussite par des
membres de l’Académie de Lyon, qui rédigèrent un procès-
verbal dont la minute se trouve encore chez un notaire de
cette ville. C'est le 15 juillet 1783 qu'eut lieu cet essai décisif
de la navigation à vapeur en France.
Consignons cette date mémorable avec orgueil pour notre
pays, et avec reconnaissance pour l’homme de génie qui, fort
de sa conviction et confiant dans son idée, a bravé la raillerie
et souffert la misère pour doter le monde d'une invention
qui, en moins d’un siècle, devait transformer les relations
sociales !
Une découverte n'est appréciée et ne vaut qu'en proportion
de son utilité. Nous savons aujourd'hui, par une expérience
de plus de quatre-vingts ans, ce que renfermait de promesses
et d'avantages celle de M. de Jouffroy ; mais il devait subir le
sort fatal réservé à la plupart des inventeurs célèbres, et ne
recueillir que déceptions et mécomptes. En effet, la jalousie et
le mauvais vouloir de ceux qui étaient chargés de juger son
œuvre et d'apprécier son travail furent un obstacle sérieux à
l'appui qu'il réclamait du gouvernement; on lui refusa le
privilége qu'il sollicitait.
La condition d'un monopole de trente années pour l'exploi-.
tation de la navigation à vapeur sur les rivières et les fleuves
de France était exigée par une compagnie financière qui se
chargeait, à ce prix, de la construction et de la mise en œuvre
des bateaux à vapeur. La requête de M. de Jouffroy au mi-
nistre de Calonne fut renvoyée à une commission composée
de trois membres de l’Académie des sciences; mais celle-ci,
ne voulant pas ajouter foi aux témoignages venus de Lyon,
demanda de nouvelles expériences. C'était une fin de non-
recevoir provoquée par Périer qui, consulté quelques années
auparavant sur les chances de succès que présentait l'inven-
tion de M. de Jouffroy, l'avait déclarée impraticable. Sa no-
— 341 —
toriété comme académicien et grand industriel donnait un
poids considérable à l'opinion qu'il émettait. On exigea donc
de nouveaux essais faits à Paris même, et par suite la néces-
sité pour M. de Jouffroy d'exécuter un nouveau modèle de
son bateau, et de le conduire à Paris pour le soumettre à
l'épreuve que réclamaient les académiciens.
L'inventeur avait épuisé les faibles ressources que ne lui
avaient pas enlevées l'orage révolutionnaire et ses entreprises
dispendieuses. Il était revenu à Abbans, où, sans maudire sa
mauvaise fortune et les hommes qui entravaient ses succès, il
se mit à construire le petit modèle de bateau qu'il voulait
soumettre à l'examen des académiciens. Il écrivait en 1801 à
M. de Follenai, son associé, une lettre qui peint sa situation,
et dont je vais citer quelques passages :
« Comme on me demande un petit modèle, je travaille fort
à celui que j'ai commencé. J'y mets tous mes soins; j'espère
qu'il satisfera tous ceux qui le verront. Je suis presque décidé
à le porter moi-même à Paris. Je chargerais sur mon chariot
deux muids de mon vin blanc vieux, et nous deux Ferdinand
nous le conduirions à Paris avec le reste de l’eau de cerises-et
le modèle. »
Spectacle étrange qu'’eût offert ce gentilhomme savant et
pauvre, conduisant à longue distance et à petites journées la
machine qui, dans peu de temps, appliquée aux chemins de
fer, dévorera l'espace et effacera les distances !
Ce projet de voyage ne fut pas réalisé. M. de Joufiroy se
contenta d'envoyer son modèle réduit au 25° du bateau qui
naviguait à Lyon; mais, de parti pris, on le trouva défectueux
et on le mit de côté sans examen.
Depuis cette époque jusqu'en 1813, M. de Jouffroy se
préoccupa de constituer une société d'actionnaires qui pussent
se joindre à lui et réaliser des capitaux pour tirer parti de son
invention. Le retour des Bourbons lui fut favorable. Il obtint
un brevet d’inventeur et l'appui marqué du comte d'Artois,
qui donna son nom (Charles-Philippe) à un nouveau bateau =
— 342 —
lancé sur la Seine en 1817, en présence de son illustre par-
rain, des princes de la cour, de plusieurs savants et d’un
nombre considérable de spectateurs.
Entre temps, les idées et les travaux de M. de Jouffroy, si
fort débattus, si mal accueillis en France, avaient été observés
et appréciés ailleurs. L’Angleterre et surtout l'Amérique s'en
emparèrent, les mirent à profit, et, pendant que l'on discutait
chez nous, Fulton construisait un bateau semblable à celui de
M. de Jouffroy, inaugurant ainsi la navigation à vapeur sur
les grands fleuves de l'Amérique. I n’a jamais d'ailleurs re-
vendiqué la priorité de l'invention, et il dit lui-même que la
gloire en revient à l’auteur des expériences faites en 1783,
sur la Saône, à Lyon.
Le 4 mai 1840, une commission de l'Académie des sciences,
composée de MM. Arago, Charles Dupin, Poncelet et Séguin,
chargée de rendre compte d’un nouveau système de naviga-
tion présenté par M. le marquis Achille de Jouffroy, s'expri-
mait en ces termes :
« Fils de l’homme qui le premier réalisa pratiquement
l’immortelle pensée de Papin, M. Achille de Jouffroy n'a pas
cessé d’avoir les yeux fixés sur l'œuvre de son père : jaloux de
faire des progrès de la vapeur une gloire de famille, il s'ef-
force d'y apporter son contingent personnel. »
Par cette déclaration, le premier tribunal scientifique du
monde a rendu hommage au génie de notre compatriote et
conslaté d'une manière définitive les droits de notre pro-
vince à l’une des plus grandes et des plus utiles découvertes
des temps modernes!
LES GORREVOD
ET LEUR SÉPULTURE DANS L'ÉGLISE DE MARNAY
PAR M. JULES GAUTHIER
ARCHIVISTE DU DEPARTEMENT DU DOUBS
Séance publique du 46 décembre 1869.
On chercherait vainement aujourd’hui les tombeaux somp-
tueux qui recouvraient autrefois, dans les cloîtres de nos
abbayes et les chapelles de nos églises, la sépulture des grandes
familles de cette province. Presque innombrables il y a quel-
ques siècles, les dalles historiées; les statues agenouillées ou
gisantes qui représentaient l'image des nobles seigneurs et des
prélats francs-comtois, les inscriptions qui redisaient leurs
titres et leur fortune, ont péri pour la plupart. Avec ces richésses
artistiques qui peuplaient nos églises, a disparu le souvenir
des personnages dont elles devaient immortaliser le nom, et
les quelques monuments de ce genre qui subsistent, souvent
défigurés ou incomplets, font regretter davantage, par les ren-
seignements précieux qu'ils fournissent et les souvenirs qu'ils
rappellent, la perte de ceux que le temps a détruits.
C'est un vrai service rendu à notre histoire que la décou-
verte on la restauration d’une de ces tombes : aussi chacun
doit-il applaudir à la pensée intelligente qui vient de restaurer
dans la vieille église de Marnay, et cela après deux siècles
— 344 —
d'oubli, un monument élevé à la mémoire des derniers sei-
gneurs de la maison de Gorrevod (1).
Une charmante statue de la Vierge en albâtre florentin,
supportée par une élégante pyramide à quatre étages d'archi-
tecture italienne, une inscription sur marbre blanc nommant
les trois personnes qui reposent encore dans le caveau sei-
gneurial, c'est là tout le monument.
Sa simplicité contraste avec la splendeur passée de la famille
dont il recouvre la tombe, famille qui a fourni à la province
des personnages aussi célèbres naguère qu’ils sont inconnus
maintenant.
Après avoir vu exhumer les restes des Gorrevod, il nous est
venu la pensée d'exhumer aussi leur histoire, et nous avons
cru qu'au moment où l'on relevait leur tombeau, c'était le cas
de rappeler leurs services et leur gloire, aussi oubliés que leur
nom.
D'origine bressanne (?), la maison de Gorrevod avait été,
au seizième siècle, transplantée sur le sol franc-comtois par
Marguerite d'Autriche. Dans la pléiade d'hommes d'Etat qu'a-
vait su créer autour d'elle Le génie de cette princesse, son plus
cher conseiller et son plus intime confident était le gouverneur
de Bresse, Laurent de Gorrevod. Associé par elle à la direction
politique des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, comme
chef de ses finances et membre de ses conseils, Laurent par-
tagea bientôt la prédilection de Marguerite pour notre province.
Il y avait acquis d'importantes seigneuries : il y éleva à Marnay
une demeure princière; ses fréquents ‘séjours en Franche-
(:) C'est aux frais et par les soins de M. le duc Roger DE BAUFFRE-
MONT, représentant actuel de la maison de Gorrevod, que s'est faite La
restauration du caveau seigneurial et du monument qui le surmonte,
dans la chapelle reconstruite au seizième siècle, sous le vocable de saints
Pierre et Paul, par Laurent Ier de Gorrevod. Cette chapelle, située-à
gauche du chœur de l'église de Marnay, est connue maintenant sous le
nom de chapelle de Notre-Dame du Château.
() Guicnenon (Hist. de Bresse, 3° partie, pp. 190 et HAUTES donne la
généalogie des Gorrevod.
— 345 —
Comté, les relations qu'il y entretint, les services qu'il sut lui
rendre, y eurent bientôt fait oublier pour lui la méfiance et la
jalousie qu'excita souvent une origine étrangère.
Mêlé aux grandes affaires politiques, à tous les traités im-
portants que le commencement du seizième siècle vit conclure
en Flandre, en Autriche, en Espagne, Laurent de Gorrevod
fit remarquer partout la loyauté et l'énergie de son caractere,
aussi bien que la sagesse de ses conseils (1).
En 1513, il était au siége de Thérouanne avec Maximilien (?);
en 1518, il assistait, à Valladolid, au couronnement du jeune
roi d'Espagne, que la mort de son aïeul et le vote des grands
électeurs élevait quelques mois plus tard à la dignité impériale
sous le nom de Charles-Quint. Après avoir négocié, en com-
pagnie de Perrenot de Granvelle et du président Hugues
Marmier, la neutralité entre la Franche-Comté et la Suisse (#),
on le voyait, en 1525, délibérer aux conférences de Tolède,
et signer le traité de Madrid, qui délivra François I‘ de sa
captivité (+).
Le collier de la Toison-d’Or (*), les titres de grand-maïître
de la maison de Charles-Quint (f), de maréchal de Bourgogne,
de duc de Nele en Italie, de comte de Pont-de-Vaux en Bresse (?),
furent la récompense de ses services. Son crédit, tout-puissant
auprès de l'Empereur et de sa tante dont il recevait sans cesse:
des marques de bienveillance et d'affection, s'employaït volon-
tiers à servir les intérêts d'une province dont, par adoption, il
@) Le Gray, Négociations entre la France el l'Autriche, t, I, p. xxIx.
(2) In., 2bid., t. I, pp. 534-538, et t. II, p. 240; — Correspondance de
Marguerite d'Autriche et de Maximilien, t. IT, pp. 196, 197, 230, 314, etc.
(5) Inventaire des titres de la maison de Chalon : titres généraux G, 68
(Archives du Doubs).
(*) GozLur, édit. Duvernoy, col. 1611.
(5) Ip., col. 1107, no 132.
(5) Pièce justificative no I. — La plupart des diplômes qui conférèrent
à Laurent [er toutes ces dignités sont conservés aux archives du château
de Scey-sur-Saône.
(*) Gurcmenow, Hist. de Bresse, 3° partie, pp. 190 et suiv.
28
—- 340 —-
était devenu citoyen. Besancon, . où il avait acquis droit de
bourgeoisie; Dole, où souvent il était venu apporter au parle-
ment les ordres de l’archiduchesse ; Salins, dont il était
vicomte depuis 1520, avaient en lui un puissant appui à
Madrid et à Bruxelles. Protecteur dévoué de tous les Francs-
Comiois qui venaient briguer les emplois de la cour, il ouvrit
à plusieurs d'entre eux le chemin de la fortune, et si les
hommes d'Etat qui lui succédèrent l'ont éclipsé par leur répu-
tation, on ne doit pas oublier que Laurent de Gorrevod 2x
préparé leur carrière et encouragé leurs débuts.
En 1527, averti par la vieillesse des approches de la mort,
Laurent, qui venait de perdre sa fille unique, régla, dans son
château de Marnay, ses dispositions dernières. Deux ans plus
tard, au lendemain de la paix de Cambrai, dont il avait arrêté
les bases comme plénipotentiaire de l'Empereur, Laurent de
Gorrevod expirait à Barcelone. Comme les Granvelle, dont il
avait été le précurseur, il mourait sur la terre étrangère, fidèle
à ses maîtres jusqu'au dernier soupir.
La mort ne le sépara point de la souveraine au service de
laquelle il avait consacré sa vie : son corps fut ramené à
Bourg, où, dans la merveilleuse église dont il avait lui-même
dirigé la construction (!), Marguerite d'Autriche avait réservé
une chapelle et une tombe au plus dévoué de ses serviteurs.
Besancon et les villes du comté de Bourgogne envoyèrent
des députés porter à sa veuve des témoignages de sympathie,
et nommèrent des représentants pour assister à ses funé-
railles (?). On s'y souvint longtemps des services qu avait
rendus à l'Empire et à la Franche-Comté le grand-maître de
la maison de Charles-Quint.
La Révolution, qui respecta l'albâtre du tombeau de Mar-
guerite d'Autriche, a fait disparaître le splendide mausolée de
bronze du baron de Marnay; mais son image est restée peinte
() J. Baux, Histoire de Brou.
(?) Délibérations de la commune de Besancon, ann. 1529.
E.
— 347 —
sur les frêles vitraux de Brou, où l’on voit encore sculptées
contre les murs de sa chapelle ses armoiries et sa devise :
Pour jamais.
La splendeur dont le nom des Gorrevod avait brillé du
vivant de Laurent I*, continua, entretenue par de riches
alliances, chez les héritiers de sa fortune. Son frère Louis,
évêque de Maurienne, avait obtenu de Léon X la pourpre de
cardinal; son neveu Jean de Gorrevod hérita, à la cour de
l'Empereur, de sa faveur et de ses titres (1). Des trois fils que
ce dernier laissa, l’un, Francois, vicomte de Salins, vécut en
simple gentilhomme dans ses terres de Franche-Comté; le
second, Antoine, chassé par la Réforme de son évêché de
Lausanne, gouverna cinquante ans l'abbaye Saint-Paul de
Besançon où une inscription rappelle encore ses qualités et
ses bienfaits (?). L'ainé, qui se nommait Laurent comme son
erand-oncle, fut maréchal et gouverneur du comté de Bour-
gogne. Vrai guerrier, on le vit couvert de blessures et de
gloire dans toutes les guerres entre l'Empire et la France.
Prisonnier au siége de Metz, il ne sortit de captivité que pour
devenir grand-maître de l'artillerie impériale, et décider par
sa valeur le gain des batailles de Cambrai et de Saint-Quen-
tin (#). Une mort glorieuse, au siége de Genève où il accom-
pagnait le duc de Savoie son suzerain, mit fin, en 1589, à
cette carrière toute chevaleresque.
Laurent IT ne laissait qu'un fils, Charles-Emmanuel. Celui-
ci, dernier chef de sa maison, repose à Marnay sous le monu-
ment que nous décrivions tout à. l'heure. Après avoir nommé
ses ancêtres, il ne nous reste plus qu'à esquisser sa vie et qu'à
raconter sa mort.
. Franc-Comtois par sa mère, Péronne de la Baume, sœur
°@) Duxon (Hist. du comté de Bourgogne, t. II) donne la généalogie des
Gorrevod.
(?) A. Ducar, Notice sur l'abbaye Saint-Paul, dans les Annales franc-
comtoises.
(8) Il mourut en 1544 et fut enterré à Brou (Pièce justificative no Il),
— 348 —
d'un archevêque de Besancon (!), Charles-Emmanuel était né
à Bourg en 1569. Le duc de Savoie et la duchesse Marguerite
de France l'avaient tenu sur les fonts du baptême; il passa
à leur cour comme page, puis comme gentilhomme de la
chambre, les premières années de sa jeunesse. Ses brillants
débuts dans la carrière des armes lui avaient valu le com-
mandement d'une compagnie des ordonnances (?), quand la
réunion de la Bresse à la France l'obligea de quitter la cour
de Savoie. |
Les relations anciennes qui unissaient sa famille aux mai-
sons régnantes d'Autriche et d'Espagne lui firent choisir de
préférence le service des archidues qui gouvernaient alors la
Franche-Comté et les Pays-Bas (*). La haute naissance, la
bravoure déjà connue du jeune officier, lui ménagèrent, à
Bruxelles, le plus sympathique accueil : ses heureuses qua-
lités lui concilièrent rapidement l'estime et l'affection des
princes et lui méritèrent leur faveur qu'une heureuse circons-
tance ne fit qu'accroître.
A la bataille de Nieuport, où il avait suivi l'archiduc Albert,
Charles-Emmanuel sauva par son courage la vie et la liberté
de son maitre qu'un cavalier ennemi emmenait prisonnier.
La reconnaissance du souverain fut à la hauteur de ce service.
Après l'avoir attaché à leur personne comme gentilhomme,
avoir érigé en sa faveur le marquisat de Marnay, les archiducs
l'appelèrent à siéger dans leurs conseils, le nommèrent gou-
verneur d'une partie de leurs Etats et lui obtinrent du roi
d'Espagne le brevet de chevalier de la Toison-d'Or. Ils auraient
voulu le nommer gouverneur de Franche-Comté; mais pour
ne point enlever cet office au dernier des Vergy, ils durent se
contenter de le nommer membre du conseil qui régissait
() Péronne était sœur de Claude de la Baume, archevêque de Besan-
con de 1545 à 1584.
(?) On nommait ainsi, en Savoie, les milices appelées en Franche-
Comté Les élus.
() Albert d'Autriche et Isabelle-Claire-Eugénie.
— 349 —
la province, de l'y créer baïlli d’Amont, et de l’inscrire au
nombre des chevaliers d'honneur du parlement de Dole (1).
Ces nouveaux liens, qui rattachèrent le marquis de Marnay
à notre pays, n'eurent pour résultat que d'y multiplier les
heureux effets de son influente protection et d'y faire aimer
davantage un nom qu'on y avait toujours respecté.
Charles-Emmanuel avait atteint à ce moment l’âge de cin-
quante ans. Seul héritier du nom et des titres de sa famille,
il semblait devoir être le dernier à les porter, quand il se
décida subitement à un mariage auquel les instances de l’ar-
chiduchesse Isabelle-Claire-Eugénie le sollicitaient dès long-
temps. |
Isabelle de Bourgogne, fille du comte de Falais en Flandre,
avait dix-sept ans : sa beauté, son esprit, sa naissance lui
valaient les hommages empressés de toute la cour de Bruxelles.
Le duc d’Aumale, de la maison de Lorraine, le duc de Monte-
cuculli, si célèbre plus tard dans la guerre de Trente ans,
avaient inutilement sollicité sa main. Aussi, quand l’archidu-
chesse proposa pour la première fois le nom du marquis de
Marnay à sa demoiselle d'honneur, la réponse d'Isabelle avait
été celle-ci : « Comment voulez-vous, Madame, qu'après avoir
refusé deux ducs, je puisse épouser un marquis ! (?) »
Mais Charles-Emmanuel de Gorrevod avait le pas sur bien
des princes : ses démarches auprès d'Isabelle de Bourgogne
furent agréées, et, au mois d'avril 1621, toute la cour assistait
aux fêtes de leur mariage. Un an plus tard, l’archiduchesse
voulut donner son nom au premier fils né de cette union, et,
quelques mois après, la double couronne de duc de Pont-de-
Vaux en France et de prince du Saint-Empire d'Allemagne,
put consoler Isabelle d’avoir épousé un simple marquis.
(") Patentes des 8 novembre 1608 et 21 septembre 1624 {3e et 4° vol. des
Actes importants du parlement de Dole, aux Archives du Doubs, série B).
(?) Nous extrayons la plupart de ces détails d’une chronique rédigée.
au commencement du dix-huitième siècle, par un carme déchaussé du
couvent de Marnay et conservée aux archives de la Haute-Saône.
— 350 —
La vie active du marquis de Marnay s'était passée presque
entière dans le tumulte des camps et l'agitation des cours.
Rassasié d'honneurs et de dignités, ce fut en Franche-Comté
qu'il vint goûter le bonheur, nouveau pour lui, de la vie de.
famille, bonheur dont il ne devait pas jouir longtemps. Son
château de Marnay, célèbre par ses hautes tours, ses toits de
cuivre doré, ses vastes salles meublées de riches tapisseries et
de précieux tableaux des peintres de Flandre et d'Italie, pas-
sait alors pour la merveille de la province. Depuis un an déjà, il
s'y était retiré avec son épouse et leurs trois enfants, quand une
cruelle maladie vint l'y surprendre dans la maturité de l’âge.
En quelques jours, les médecins appelés de Besançon déses-
pérèrent de sa vie. Entouré de ses amis convoqués en toute
hâte, consolant Isabelle impuissante à cacher son désespoir,
Charles-Emmanuel vit venir la mort sans la craindre et s’y
prépara sans faiblir. On l'entendit dicter d’une voix calme, à
son ami l'avocat Brun, le célèbre diplomate (!), l'expression
de ses dernières volontés. A l'aîné de ses enfants, Philippe-
Eugène, il laissait, avec ses terres de Bresse, sa bonne épée
qui avait sauvé l’archiduc Albert à Nieuport; réservant au
second de ses fils, Charles - Emmanuel, son marquisat de
Marnay et ses terres de Bourgogne, il léguait à sa fille Made-
leine et à sa chère Isabelle le surplus de ses biens, ne prélevant
sur leur part que quelques tableaux et quelques bijoux pour
ses parents et ses compagnons d'armes.
Le 4 novembre 1625, à huit heures du soir, après avoir
embrassé une dernière fois ses enfants et leur mère, adressé
un dernier adieu à ses amis et à ses serviteurs, très haut et très
puissant seigneur Charles-Emmanuel de Gorrevod, prince du
Saint-Empire, expirait sous le froc de carme déchaussé qu'il
avait voulu revêtir à ses derniers instants (?)
() L’original de ce testament existe aux archives de Scey-sur-Saône :
une copie se trouve aux Archives du Doubs, papiers de commune.
série E, Fourg.
(?) Manuscrit des carmes de Marnay cité plus haut.
— Jo! —
On respecta le désir qu'il avait manifesté dans son testa-
ment; et, sans pompeuses funérailles, on descendit son corps
dans le caveau de sa chapelle de Marnay. Au lieu du tombeau
fastueux que semblaient réclamer sa naissance et sa fortune,
une simple pierre sans inscription, et le monument qu'on
relevait il y a quelques semaines, marquèrent seuls l'endroit
de sa sépulture.
Veuve à vingt-deux ans, Isabelle de Bourgogne comprit de
suite ses devoirs de mère. Fidèle à la mémoire de son époux,
elle repoussa dignement les démarches tentées auprès d'elle,
et se consacra à l'éducation de ses enfants avec un dévouement
dont ses contemporains ont rendu témoignage (!). La mort
de sa fille, le départ de ses fils, étudiants des universités de
Dole et de Fribourg, la laissèrent bientôt seule dans sa tristesse,
auprès de la tombe de son époux. Elle ne quitta plus Marnay.
C'est à peine si les calamités de la guerre de Dix ans l’éloi-
enerent un moment de son château.
Son fils aîné, Philippe-Eugène, avait dû, sous la menace
d'une confiscation de ses terres de Bresse, quitter le service de
son pays pour celui de la France, et porter à Lens et à Rocroy,
glorieusement il est vrai, mais contre l'Espagne, l'épée que
son père avait illustrée à Nieuport.
Fidèle à la maison d'Autriche, dont le sang coulait dans ses
veines, Isabelle reporta toute son affection sur son second fils
Charles-Emmanuel. Entré dans les ordres, devenu abhé de
Monthenoît et de Baume, celui-ci obtint de bonne heure le
poste éminent de haut doyen de Besancon. L'archevêché étant
venu à vaquer en 1658, les suffrages du chapitre y élurent le
marquis de Marnay. Déjà en possession du temporel de son
() Voici une phrase de Girardot de Noseroy, qui confirme encore ce
que d’autres documents nous ont révélé : « Le marquis de Marnay, qui
avoit appry la cour et l’estat en la maison des archiducs Albert et
Isabelle, et avoit tesmoigné sa valeur en la bataille de Niéuport, estoit
naguère décédé, ayant laissé trois petits seigneurs soub la conduitte
d’une vertueuse mère. » (Guerre de Dix ans, p. 75.)
LL pp
siége, le nouveau prélat n'attendait plus que li nstitution du
pape, quand la mort le surprit à Madrid, où il négociait avec
le roi les intérêts de son diocèse. Il avait à peine trente-six ans,
Toute la province le regretta; la noblesse et le parlement s'em-
pressèrent. d'exprimer à sa mère la grande part qu'ils prenaient
à son affliction (!). |
« Il n'est plus pour moi de consolation dans ce monde (2), »
répondit Isabelle à tous ces témoignages de sympathie. Sa vie,
désormais sans joies et sans espérances, s’écoula dans une
solitude que les courtes visites de son fils Philippe-Eugène,
vieilli obscurément dans les antichambres de Versailles, vin-
rent rarement animer. La tristesse et la prière remplirent ses
derniers jours, et, après avoir vu passer les deux conquêtes
françaises qui détruisirent ses dernières affections, la marquise
de Marnay rejoignit dans la tombe, le 9 août 1676, ceux qu eue
avait pleurés si longtemps.
Dix ans plus tard, la maison de Gorrevod était éteinte. Les
deux siècles qui se sont écoulés depuis l'extinction de leur race
ont suffi pour effacer le souvenir des Gorrevod : les châteaux
qu'ils possédaient en Franche-Comté sont détruits ou mutilés,
leurs domaines sont tombés en des mains vulgaires, et, dans
les deux provinces qui se sont partagé leurs tombes, il ne reste
plus, pour conserver le souvenir de leur splendeur passée, que
les vitraux de l’église de Brou et le monument de Marnay (°).
() Correspondance du parlement, aux Archives du Doubs, année 1659,
20 août,
(>) Pièce justficative n° II.
(5) Nous ne pouvons penser sans regret à un acte maladroit qu'il y a
deux ans la municipalité de Marnay a accompli, en vendant presque à
vil prix, pour exécuter des réparations plus ou moins intelligentes dans
son église, un splendide tableau sur bois que lui avaient laissé les Gorre-
vod. Peint dans le style des figures d'Holbein, ce retable, composé de
deux volets, représentait /a Messe de saint Grégoire, sujet si populaire au
seizième siècle : les personnages, le pape, les évêques, les cardinaux,
agenouillés devant un autel, étaient reproduits avec une puissance-de
physionomie et une vérité d'expression qui nous avaient toujours frappé.
Dans la partie supérieure, Jes attributs de la Passion étaient tous figurés
— 3535 —
Charles-Emmanuel de Gorrevod, Isabelle de Bourgogne et
leur fille Madeleine reposent encore dans l'église de Marnay.
Leur caractère, les services rendus au pays par eux et par
leurs ancêtres, leur:méritaient d'échapper à l’oubli, et ce n’est
qu'un acte de justice que l’on vient d'accomplir en recueillant
leurs cendres et en restaurant leur tombeau.
au-dessus des armoiries des donateurs, Laurent Ier de Gorrevod et
Claude de Revoire sa femme. Qu'est devenu ce chef-d'œuvre abandonné
aux mains mercenaires d'un brocanteur ?
— 354 —
PIÈCES JUSTIFICATIVES,
Lettres-patentes de grand-maître de la maison de Charles-Quint,
pour Laurent Ier de Gorrevd (1er octobre 1527).
(Archives du château de Scey-sur-Saône.)
Maistres de nostre hostel, maistre de la chambre aux deniers
et contreroleur de la despence ordinaire de nostredict hostel :
Pour la bonne expérience et congnoissance qu'avons de la
personne de nostre très chier et féal chevalier de nostre ordre
et maréchal de Bourgoingne le conte de Pontdevaulx, Nous
l'avons retenu en l’estat de grand maistre de nostre hostel
vaccant par,le trespas-de nostre vice-roy de Naples messire
Charles de Lanoy. Si voulons et vous ordonnons que dez le
jourd'huy, date de ceste, vous l'inscripvez audict estat ès escriz,
livres et papiers de nostredict hostel a ce ordonnez, et le
comptez et faictes payer doresnavant des gaiges lyvroisons et
autres drois accoustumez et appartenans audict estat, ainsi que
faisiez audict vice-roy et autres ses prédécesseurs en icelluy
estat de grand maistre. Car ainsi Nous plait-il. Fait en nostre
cité de Bourges, le premier jour d'octobre l’an mil cinq cens
vingt et sept,
» CHARLES.
(Original sur papier.)
355 —
IT
Notes sur la mort de Jean de Gorrevod.
{Archives du Doubs. — Papiers de la famille Pavans de Ceccaty.)
L'an mil cinq cent quarante quatre, le dix neufvième jour
du mois de septembre, entre sept et huit heures devant midy,
rendit l'âme à Dieu le noble et vertueux messire Jehan de
Gorrevod, comte de Pont-de-Vaux, vicomte de Salins, baron
de Marnay et de Saint-Juliain en Bresse et seigneur de Four,
Salans, Corcondray, etc., trespassa au lieu de Pont-de-Vaux
ledit jour, et fut son corps mené en grande solennité à Brou,
et là fut mis en un charnier, la veille Saint-Michiel lors sui-
vant, entre ses prédécesseurs, assavoir monsieur le grand
maistre et madame la grande maitresse, ses oncle et tante. Et
prions Dieu que par sa grande miséricorde les veuille colloquer
avec ses anges en Paradis.
Et ce a écrit un sien pauvre ancien serviteur, lequel est
tenu prier Dieu pour son âme, et se nomme Hans Exagelen
Vauthier, lequel prie à tous ceux qui ce verront et orront
ayent commémoration de sadite âme en disant un De profundis,
Pater noster et Ave Maria. Amen.
(Original sur papier.)
[LS
—. 356 —
II
Lettre écrite par Isabelle de Bourgogne, marquise de Marnay, au par-
lement de Dole, à l'occasion de la mort de son fils, Charles-Emmanuel
de Gorrevod, archevêque de Besançon.
(Archives du Doubs, Correspondance du parlement.)
Messieurs,
Les tesmoignages du ressentiment que vous m'avez donné
de la perte de mon filz m'ont esté si agréables, que si j'estois
à présent capable de recevoir quelque soulagement à mon
desplaisir, le souvenir que vous avez eu de moy dans mon
affliction me fourniroit le plus advantageux subjet que je
puisse rencontrer. Mais l'estat où ceste mort impréveue m'a
réduitte ne me permettant pas de trouver aucun moyen de
consolations dans le monde, me prive de gouster celuy que je
doibs tirer des marques de votre affection. Ce n’est pas,
Messieurs, que je ne les recoive avec toute la gratitude et la
recognoissance dont je puis estre capable, et que dans toutes
les occasions je ne fasse cognoistre les obligations que je vous
en ay et comment je suis véritablement, Messieurs,
Votre très humble et très affectionnée servante,
I. DE BOURGONGNE.
À Marnay, le 25 aoust 1659.
(Original sur papier.)
NOTIEF
SUR
LE SCULPTEUR MONNOT
PAR M. LANCRENON
CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE (ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS)
Séance du 43 novembre 1969
La nature physique d’une contrée agit directement sur le
moral des habitants, en déterminant chez ceux-ci des aptitudes
dominantes qui sont particulièrement visibles dans la sphère
des arts. C'est ainsi que les régions montagneuses, où le-sol a
de puissants reliefs, sont surtout fécondes en sculpteurs, tandis
que les peintres sortent en plus grand nombre des vallées
riantes et des plaines qu'inonde la lumière.
L'artiste dont je racontais la vie l'année dernière, Jacques
Prévost, qui réussit principalement dans la peinture, élait né
sur les bords de la Saône (‘). Le sculpteur dont je voudrais
parler cette fois, Etienne Monnot, vit le jour, au contraire,
sur l’un des plus âpres plateaux de notre Franche-Comté.
Moxxor (Pierre-Etienne) naquit à Orchamps-Vennes en
1658, d’une famille originaire de Besançon, qui avait quitté
cette ville pour s'attacher à la maison de Rye, héritière de
l’importante seigneurie de Vennes. Deux gentilshommes de
@) Notice sur Jacques Prévost, dans les Mémoires de la Société d'Emu=
lation du Doubs, le série, t. IV, 1868, pp. 299-307;
— 358 —
cette race avaient occupé de hauts emplois à la cour de
Charles-Quint; ils avaient rivalisé avec les Granvelle pour
l'acquisition des belles œuvres de la Renaissance, et quelqués
productions de cette admirable époque s'étaient conservées
dans le mobilier de leurs descendants. L'intelligence précoce
du jeune Monnot s'illumina d'un reflet de ces merveilles, et
sa vocation pour la sculpture fut décidée. De même que l’étin-
celle ne jaillit du caillou que par le choc du briquet, de même
les aptitudes de l'enfant ne se révèlent que si elles sont amor-
cées par une vive impression produite en temps opportun : de
là l'utilité de mettre les œuvres de grand style à la disposition
de tous les regards.
Mais si le goût, qui résulte de l'éducation de l'œil, peut
naître et Jusqu'à un certain’ point se former sans l'assistance
d'un maître, il n’en est pas de même de l'éducation de Ja
main : celle-ci est essentiellement le fait des conseils de l'ex-
périence, ainsi que d’une direction graduelle ét suivie. Or, à
l'époque où Monnot dut choisir une carrière, ces dernières
ressources manquaient totalement dans notre province. Déci-
mée par une guerre d'extermination qui n'avait pas duré
moins de dix ans consécutifs, la population franc-comtoise
reconstruisait à la hâte ses villages incendiés : tremblante à la
pensée des catastrophes de l'avenir, elle enfouissait ses maigres
épargnes monétaires dans les mêmes cavernes où jadis elle
s'était barricadée contre les féroces poursuites de l’armée
franco-suédoise (!).
Autre était la situation de nos voisins du duché de Bour-
sogne. Rentrés depuis deux siècles dans le giron de la mère
patrie, ils avaient joui dès lors d’un régime régulier et calme;
et Dijon, leur capitale, continuait, sous l'égide de la France,
les traditions de culture artistique que les derniers ducs de
() Voir, sur cette lamentable époque (1632-1642), GirarDoT DE NosERoY,
Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgongne ; Besancon, 1843,
gr. in-8°.
LTREGUEE
- Bourgogne y avaient fondées. Là vivait, au temps qui nous
“occupe, un sculpteur de mérite, nommé Jean Dubois, dont
les ouvrages, plus expressifs que corrects, jouissent encore
d’une certaine réputation : on connait surtout son remarquable
groupe de la Vierge montant au ciel, dans l'église Notre-Dame
de Dijon (!). Monnot fit ses études dans l'atelier de cet habile
patron, et travailla sous sa gouverne, comme ouvrier, jusqu à
l’âge de trente ans (?).
N'ayant plus rien à apprendre de ce maître, et soucieux de
recevoir de plus hautes lecons, Monnot eut la hardiesse de
courir droit à l'antique métropole des arts. Paris lui eût été
également ouvert, car, pendant son apprentissage, Louis XIV
avait consommé l'annexion de la Franche-Comté au royaume
de France. Mais le grand roi avait reconnu lui-même la supé-
riorité de la ville pontificale en matière d'art, puisqu'il venait
de créer à Rome une Académie pour le perfectionnement de
l'élite des peintres, sculpteurs ef architectes que produisait la
France. Un autre señtiment put encore agir sur la détermi-
nation de Monnot : c'était l'exemple de nombreux compatriotes
qui, antérieurement à la conquête française, avaient fait de
- brillantes fortunes artistiques dans la ville éternelle. Les trois
peintres du nom de Courtois (*), les sculpteurs Michel Maille
et Villerme (‘), tous sortis de nos montagnes, avaient eu
l'honneur de peupler de leurs ouvrages les sanctuaires et les
galeries de Rome. Monnot eut l'ambition de marcher sur leurs
traces et de montrer à son tour ce que peut l'intelligence servie
par le travail.
En qualité de Français, et surtout comme enfant d'une
() Ch. Mureau et J. Garnier, Galerie boùrguignonne, t. I, pp. 301-302;
(2) Trcozzr, Dizionario degli archiletti, seultori, etc., t. II, p. 468.
(S) DEsaLLiER D'ARGENVILLE, Abrégé de la vie des plus fameuæ peintres,
t. II, pp. 313-316.
(*) Supplemento alla serie dei trecenio elogi e ritratti degli uomini
ilustri in pilltura, scultura, etc., col, 944. — Dussreux, Les artistes fran:
gais à l'étranger, pp. 344 et 347
— 360 —
province nouvellement conquise, Monnot put. avoir son.entréé
à l’Académie de France et sa part dans les moyens d’instruc-
tion que l'on y possédait. Ce fut d’ailleurs pour lui l’occasion
de connaître les pensionnaires français qui se livraient à la
sculpture, et de collaborer comme auxiliaire aux ouvrages qu'il
était alors de mode de confier à ces colons, d'autant plus choyés
qu'ils étaient nouveaux venus. Habitué à faire fléchir son
ciseau sous la volonté d'autrui, l’ancien ouvrier de Jean
Dubois eut de suite l'assurance du pain quotidien. ë
Parmi les pensionnaires de l’Académie de France, aucun
n'obtint un succès plus précoce et plus éclatant que Pierre
Le Gros, arrivé à Rome en 1690. Il était à peine depuis cinq
ans dans cette ville, qu'il remporta le prix d’un concours que
les Jésuites avaient ouvert pour la décoration d'une chapelle
consacrée au fondateur de leur ordre : le groupe prineipal,
Saint Ignace enlevé par les anges, devait être coulé en argent
et rehaussé de pierres précieuses; les sujets accessoires, en
bronze ét en marbre, devaient être enchâssés dans l’or et le
_ Jlapis. Monnot fut associé à cette œuvre, qui est demeurée
l'idéal de l'opulence : c’est de sa main que sortirent les anges
qui emportent le bienheureux (1).
Le Gros fut satisfait de la collaboration de Monnot, car il
lui continua sa confiance pour l'exécution des commandes
ultérieures qu'il recut des Jésuites. Dans l’église de ces reli-
gieux qui sert de chapelle à leur fameux collége, nos deux ar-
tistes travaillèrent ensemble au tombeau du pape Grégoire XV,
et le nom de Monnot reste attaché aux deux Renomméés qui
couronnent le monument (?}. Ces deux Renommées remplirent
convenablement leur office envers le sculpteur à. qui elles
devaient la naissance. Depuis lors, en effet, Monnot eut une
réputation faite, et les travaux vinrent directement le trouver.
&
(?) Ticozzi, loc. cit. — CanrTu, Histoire universelle, trad; fr, t. XNWI,
p: 712.
(*) Dussreux, Les artistes français à l'étranger, p. 341:
— 361 —
La part qu'il avait si heureusement prise au tombeau de
Grégoire XV eut pour lui une conséquence capitale, celle de
décider la famille Odescalchi à lui demander le mausolée du
pape Innocent XI. Cet ouvrage était destiné à l’une des grandes
chapelles de la basilique de Saint-Pierre, l'édifice où Michel-
Ange a multiplié les tours de force de son génie. C'était une
noble et lourde tâche que celle de produire un: travail digne
d'entrer dans la compagnie de tant d2 chefs-d'œuvre : Monnot
l'acsepta courageusement et sut la conduire à bonne fin. « Le
tombeau d'Innocent XI, dit le voyageur Lalande, est porté
sur deux lions de bronze : la Religion et la Justice y sont
représentées en marbre; elles sont bien pensées et ont de
l'expression, ainsi que la figure du pape; les draperies en sont
bien faites; le bas-relief qui est sur le piédestal exprime la
levée du siéce de Vienne par les Turcs, qu'on attribua en
partie aux vœux et aux prières d'Innocent XI. Ce pape est
en odeur de sainteté, et le peuple a coutume de baiser son
tombeau (t). » |
Cette grande œuvre classa Monnot parmi les célébrités de
son époque : aussi, quand le pape Clément XI voulut remplir
les niches de la grande nef de Saint-Jean de Latran par douze
- statues colossales des apôtres, notre artiste fut-il désigné en
première ligne pour coopérer à cette décoration monumentale.
On lui confia les deux figures les plus enviées, celles de saint
Pierre et de saint Paul (2), dont chacune lui fut payée 5,000
écus romains, c'est-à-dire près de 18,000 livres de France (f).
Dans une dépêche du mois de juillet 1715, adressée à son
gouvernement, le directeur de l'Académie de France donne
des regrets à un bon scupteur « qui, disait-il, s'est retiré près
du prince de Hesse-Cassel, où il a de grands emplois qui lui
() Voyage en Italie, t. XII, pp. 114-115.
(2) Niey, Jtinéraire de Rome, trad. franc., p. 172.
(5) Lecoy pe La Marcxe, L'Académie de France à Rome d'après la cor-
respondance de ses directeurs, dans la Gazette des Beaux-Arts, juillet 1869.
24
/
— 362 —
sont bien payés (‘): » Ce bon sculpteur n'était autre que nôtre
Monnot, et le prince qui avait réussi à le détacher de Rome,
c'était le landgrave Charles, le plus riche souverain de l'Alle-
magne, alors occupé de créer un pare qui éclipsât celui de
Versailles. Ce n'était pas assez pour ce prince d’avoir enrichi
ses bosquets et ses grottes des copies en marbre de tous les
chefs-d'œuvre de la statuaire antique, il voulait y joindre une
œuvre originale qui fût la plus haute expression de l'art con-
temporain. Monnot comprit tout l'honneur, mais en même
temps toutes les obligations qui découlaient d'un tel mandat :
aussi voulut-il avoir à lui seul la responsabilité pleine et
entière de son exécution. Il s'agissait de construire un Bain
de marbre qui tirât son luxe d'un nombre considérable de
statues et de bas-reliefs allégoriques. Monnot trouvait ainsi
l’occasion de placer honorablement plusieurs statues qui atteñ-
daient les acheteurs dans son atelier. Désirant que rien ne
manquât à l'édifice comme harmonie, notre artiste tint à ce
que la totalité de l’œuvre sortit de sa pensée et de sa main : le
statuaire dut pour cela s’improviser architecte; mais la magni-
fique hospitalité du landgrave rendit lésère cette nécessité.
Monnot ne mit pas moins de treize années à étudier son projet
et à l’accomplir (?). Les connaisseurs y vantent’ particulière-
ment une statue de Faune qui, par sa touche magistrale,
rappelle l'antique; ils estiment moins les bas-reliefs, dont la
composition « se ressent de la manière galante qui régnait
alors en France (#). » Le tout était terminé en 1728.
Le landgrave Charles ne jouit pas longtemps de ce splen-
dide ouvrage : il mourut le 23 mars 1730, rendant ainsi à
notre artiste la liberté de regagner l'Italie, sa patrie adoptive.
Le travail était devenu une fonction essentielle de l'existence
(4) Lecoy DE LA MARCHE, loc. cit.
(*) Concurremment avec ce grand travail, Monnot exécuta, pour la
galerie artistique de Cassel, les bustes du landgrave Charles, de son père
et de son fils. (Note fournie par M. Henri We.)
(*) Winkelmann und sein Jahrhundert, pp. 262-263. -
Le ARE
de Monnot, en même temps qu'un remède contre les tristesses
qui accompagnent la vie (!) : aussi s'empressa-t-il de rouvrir
à Rome l'atelier qu'il y avait laissé vacant pendant treize
années; mais l'âge lui fit désormais un devoir de léguer à des
mains plus jeunes les grandes entreprises. On ne connaît de
cette dernière période de sa vie que deux bas - reliefs. qui
accostent, dans une chapelle de Sainte-Marie de la Victoire,
la statue de saint Joseph (?).
Il existe à Rome un coin de terre où les colons de la
Franche-Comté ont droit d'asile, soit pendant leur vie, soit
après leur mort: C'est l'hospice et l'église de Saint-Claude,
. double fondation franc-comtoise qui remonte à cette époque
néfaste où douze mille de nos compatriotes, fuyant les horreurs
combitées de la guerre, de la peste et de la famine, trouvèrent
un refuge dans la capitale du monde chrétien. Il est de tradi-
tion d'inhumer dans ce sanctuaire tout Franc-Comtois que la
mort surprend à Rome. Entre les tombes qui y sont nom-
breuses, il n'en est point de plus vénérée que la dalle en
marbre blanc qui recouvre les restes de notre artiste. On y lit
une épitaphe latine dont voici la traduction : « A la mémoire
de Pierre-Etienne Monnot, d'Orchämps-Vennes, au comté de
Bourgogne, d'une famille de Besançon, architecte distingué
de son temps, sculpteur fameux par des ouvrages exécutés
avec une rare perfection, également chéri des siens et de ses
concitoyens, qui vécut soixante-quinze ans : tempérant, doux,
irréprochable dans ses mœurs, il mourut le 4 août 1733; ses
fils Nicolas et Joseph, les plus affligés de la douleur commune,
ont élevé à leur père bien-aiïmé ce monument dans une place
généreusement concédée par la nation comtoise. »
@) Vers cette époque, Monnot perdit deux fils, Pierre et François, qui
l'avaient secondé dans l'exécution du Marmorbad : François mourut à
Cassel. (Note fournie par M. Henri Wet.) ;
(2) Nisy, Jtinéraire de Rome, trad. fr., p. 256.
— 364 —
APPENDICE
Description du Bain de marbre de Cassel (°).
Le Bain de marbre constitue l'une des aïles de l'Orangerie,
palais qui se trouve dans l'Aue, parc attenant à la ville de
Cassel,
L'édifice forme un carré équilatéral, renfermant un second
carré à pans coupés qui supporte une coupole : c'est une sorte
de lanterne posée sur le Bain proprement dit, dans lequel on
descend par un escalier. Les quatre faces principales de cette
lanterne sont percées d'arcatures, flanquées elles-mêmes de .
pilastres corinthiens : les pilastres se répètent sur les pans
coupés qui sont également évidés et barrés seulement par une
margelle. L'entablement de l'édicule central est relié par des
voûtes en berceau aux murailles de clôture. Celles-ci sont
décorées de tableaux en haut-relief, deux sur chaque. face,
ayant huit pieds en hauteur sur cinq pieds quatre pouces de
largeur. Ces reliefs représentent des scènes tirées des Métamor-
phoses d'Ovide; en voici les sujets :
1° Les Noces d'Ariane et de Thésée; 2° la Nymphe Aré-
thuse surprise dans le bain par Alphée; 3° Diane au bain,
avec ses Nymphes, épiée par Acton qui commence à être
changé en cerf; 4° Daphnée, changée en laurier, échappe
ainsi aux poursuites d'Apollon; 5° Vénus Anadyomène, sou-
tenue par des Naïades; 6° Andromède délivrée par Persée;
7° Calisto, dépouillée de ses vêtements par ses compagnes, est
convaincue de sa faute en présence de Diane; 8° Europe
enlevée par Jupiter qui a pris la forme d'un taureau.
() Cette description est tirée de l’opuscule intitulé : Vas Marmorbad
bei Kassel, mil einem Stahlstich : Kassel, bei Wilhelm Appel, 1845, in-12.
— Notre savant confrère M. le professeur Henri Werz, correspondant de
l'Institut (Académie des Inscriptions et Belles-lettres), a bien voulu nous
procurer un exemplaire de cette brochure et en traduire à notre intention
les passages principaux : nous le prions d'agréer, en retour de ce bon
office, nos affectueux remerciments.
865 —
Sur deux faces opposées des mêmes murailles, s'élèvent des
cheminées monumentales. Au-dessus de l’une se voit le buste
du landgrave Charles, en marbre d'Egypte; au-dessus de
l’autre, le buste de son épouse, Marie-Amélie de Courlande.
Ces deux bustes sont entourés de figures allégoriques.
Douze statues sont réparties dans le local. — Une dans
chaque coin, à savoir : Latone et ses deux enfants; Narcisse;
Léda avec l'Amour et Jupiter changé en cygne; un Faune
accompagné d'un chien et portant un chevreuil sur un bâton
noueux. — Quatre statues sur les côtés des deux cheminées,
à savoir : Flore; Mercure avec Cupidon; Paris tenant la
pomme ; Mercure avec Cupidon. — Quatre statues dans les
évidements des pans coupés, à savoir : Bacchus; Apollon
écorchant Marsyas; Minerve avec deux Génies; une Bacchante.
en cadence.
Les reliefs et les statues sont en marbre blanc. Le tout, à
l'exception de la Minerve et de la Bacchante, est sorti du
ciseau de Monnot.
I est probable que le landgrave Charles avait fait la con-
naissance de cet artiste lorsqu'il visita l'Italie, en 1700. Cinq
des statues précitées sont antérieures à cette époque : Léda
porte la date de 1692; Bacchus celle de 1697; Apollon,
Minerve et Mercure celle de 1698. La Vénus est de 1708 ;
Latone et Narcisse de 1712; le Faune et la Bacchante de 1716;
Paris, ainsi que les hauts-reliefs, de 1720.
La décoration de l'édifice ne fut terminée qu'en 1728,
comme le témoigne l'inscription suivante qui se trouve à
l'intérieur, près de la porte :
PTRVS STEF. MONNOT
FECIT OMNIA OPERA. MARMORIS
ANNO D. M. DCCXX VIII.
Monnot avait recu 14,000 thalers pour les dix statues. Le
landgrave lui avait assigné, en outre, 4,500 thalers pour la
construction du pavillon et du Bain.
LB MENHIR DE NORVAUX
ET LE MURAILLEMENT DE LA CHATELLE
(Pourtour d’Alaise)
PAR M. CHARLES THURIET
JUGE DE. PAIX
Séance du 13 février 14869
La vallée profonde de Norvaux commence à Cléron, au
bord de la Loue, non loin de la Pierre qui vire, et monte, du
nord au sud, jusqu à la hauteur du plateau, entre Amancey
et Flagey, où, après s'être divisée en plusieurs gorges j lus
étroites, elle se termine, à peu près comme toutes celles de la
contrée, par des escarpements dentelés de rentrants et de
saillants.
Vous savez que d'abord, au milieu des broussailles qui
dominent la côte des Vieilles- Vignes de Cléron, on voit, à
gauche, le grand menhir de Toum-tâtre, énorme aiguille de
rocher qui a près de 40 mètres d’élévation, et qui, plantée
perpendiculairement dans le sol, affecte à l'œil la forme
grossière et gigantesque d’un moine, avec une couronne de
cheveux autour de la tête et une cordelière serrée autour des
reins. M. Delacroix a décrit ce monument géologique et rap-
porté la légende qui s'y rattache (').
() « Là se trouve ce qu'on appelle le plus communément aujourd'hui
la Poupée des Vieilles- Vignes. Le vieux nom est Toum-tâtre, qui signifie
la tombe-tertre. Cette pierre des morts est un menhaut gigantesque, de
ne ee me ne
— 367 —
Si, quand on ést en face de ce mounolithe, au lieu de Suivre
la route qui conduit de Cléron à Fertans, on s'engage dans
l'étroit chemin de la vallée de Norvaux, on arrive, après une
marche d’une demi-heure, au centre même de la vallée, à la
hauteur du hameau qui servit longtemps de retraite au con-
ventionnel Besson. Là, sur le flanc occidental du vallon, à
l'extrémité d'une sorte d’esplanade, on trouve debout, en par-
fait équilibre, une pyramide carrée ayant 2 mètres de largeur
à sa base, sur 5 mètres d'élévation. Elle est surmontée d'une
croix de bois, et une niche, destinée apparemment à recevoir
une Madone, a été creusée dans un de ses flancs.
Les frères Laurent, propriétaires actuels du hameau de
Norvaux et du terrain sur lequel repose cette pierre monu-
mentale, la considèrent comme ayant été jadis un autel drui-
dique. Les habitants d'Amancey ont le même sentiment.
Cette pierre est accompagnée, à sa base, de deux autres
pierres de forme cubique beaucoup plus petites. Comme ce
groupe de pierres occupe l'extrémité de l’esplanade, il ne serait
pas impossible que d’autres blocs, semblables aux deux petits,
eussent été roulés dans le fond du ravin, c'est-à-dire à une
profondeur de 20 ou 30 mètres, où ils se seraient brisés. Tou-
tefois, il existe dans le fond de ce ravin, au-dessous même de
la pierre dite druidique, un énorme rocher cubique, dont un
des angles est comme planté dans le lit du ruisseau pour en
arrêter où pour en détourner le cours. Ce rocher couvrirait à
lui seul un are de terrain. Il est figuré au plan cadastral de la
commune d'Amancey, sous le nom de Gros-Rocher. Quant à
la pyramide, dite pierre druidique, elle n'y figure pas, et
trente-neuf mètres de stature, semblable à ceux que l’on consacrait à
Guyon. Aa tiers de la hauteur, une sorte de rétrécissement a été disposé,
et un homme peut y faire, debout, le tour du monolithe. Les passants
croient reconnaitre une tête rustique dans la forme du sommet. « Un
» esprit, dit la tradition, s'était chargé de porter la pierre sur ses épaules
» d'un bord à l’autre de la vallée; mais, arrivé devant les Curons, il se
» trouva impuissant à franchir ce degré, » (Alaïse et Séquanie, p. 85.)
-
— 368 —
l'esplanade, à l'extrémité de laquelle elle se trouve, ne porte
aucun nom de nature à rappeler un souvenir celtique. Je dois
toutefois faire observer qu'autour de cette pierre monumentale,
on remarque un certain nombre de rochers, plus ou moins
gros, formant en quelque sorte un demi-cercle d'un rayon
d'environ quarante pas. L'esplanade qui porte toutes ces pierres,
smgulières par leur forme et par leur disposition, a une éten-
due de plus de deux hectares. Elle occupe le plus beau point
de vue de la vallée. On y aperçoit Toum-tâtre dans le lointain.
Quand, de cet endroit, on jette un cri, l'écho de la roche qui
domine et menace les maisons de Norvaux, vous renvoie,
longtemps après et d'une manière très distincte, le bruit et les
inflexions de votre voix.
I me paraît très admissible que ce lieu ait été autrefois
choisi et consacré comme sanctuaire par les Druides.
En remontant le chemin de Norvaux à Amancey, on ren-
contre, au sommet de la vallée, la fontaine le Pomme-gaude.
Entre le ruisseau que forme cette fontaine et celui de la Pisse,
qui tombe en cascade de 12 mètres de hauteur, il existe, à
l'extrémité du communal de la Fioz, un promontoire escarpé
appelé Sur-la-Chatelle. Un reste de muraille, qui s'allonge de
Pomme-gaude à la cascade de la Pisse et sépare le communal
de la Fioz de l'extrémité de cette plaine rocailleuse dite Sur-
la-Chätelle, se distingue parfaitement dans toute son étendue.
Ce vestige n'a certainement aucun rapport avec les pierres
curieuses qui existent dans le fond de la vallée de Norvaux,
mais il peut se rattacher à l'ensemble des études qui ont été
faites sur le plateau d'Amancey. C'est à ce point de vue que
je le signale, ne l'ayant pas trouvé mentionné dans les mé-
moires que j'ai lus jusqu'à ce jour.
CE)
NOTICE
SUR LE MAROUIS DE MOUSTIER
A SENATEUR
ANCIEN AMBASSADEUR ET MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGÈRES
GRAND'CROIX DE LA LEGION D'HONNEUR
PAR M. J. VALFREY
Séance publique du 46 décembre 1869
Messieurs,
Vous m'avez fait un honneur insigne en mé confiant la
tâche de vous raconter la vie de l’homme d'Etat éminent
qu'une mort prématurée a enlevé au commencement de cette
année à l'affection de sa famille et de ses compatriotes, et à
l'estime universelle du monde politique. Les circonstances
m'ont permis de beaucoup connaître M. de Moustier; jose
même dire qu'il m'honorait d'une confiance particulière, et
qu'il m'a associé de très près aux actes qui ont marqué les
derniers temps de sa vie publique : dans de telles conditions,
il m'a paru possible de répondre au désir que vous avez bien
voulu m’exprimer, et je viens aujourd’hui vous donner com-
munication du modeste travail que j'ai consacré à la mémoire
de M. le marquis de Moustier.
Un des maïtres de la critique moderne a posé récemment
‘en principe que la meilleure méthode pour étudier un homme
supérieur consiste à le prendre dans son pays natal, dans sa
race, dans ses ascendants et ancêtres : on arrive ainsi plus tôt
et plus sûrement, selon lui, à jeter un grand jour sur ses
qualités secrètes et essentielles.
DIX
&t
— 310 —
Cette méthode conduit à des résultats d'une exactitude
rigoureuse, lorsqu'on l'applique à un homme qui, comme
M. de Moustier, n'a fait, en suivant la carrière mn
que s'inspirer des traditions de sa famille.
M. de Moustier était fils et doublement petit-fils de diplo-
mates. Son grand-père paternel, le marquis Eléonor de
Moustier, élevé d’abord pour le métier des armes, dont il fit
l'apprentissage à Besancon même vers 1766, fut attaché trois
années après à l'ambassade de Lisbonne, d’où il passa à
Naples. Puis, ministre du roi près l'électeur de Trèves, chargé
ensuite d’une mission spéciale à Londres, il fut envoyé, en
1787, aux Etats-Unis en remplacement de M. de la Luzerne.
Rentré à Paris à la fin de 1789, on lui confia l'ambassade de
Berlin, d'où il fut rappelé, en 1790, par une. lettre du roi, qui
lui destinait le ministère des affaires étrangères sur les pres-
santes recommandations de Mirabeau. « Il faut avant tout,
avait écrit de lui le grand orateur dans une de ses fameuses
notes à la cour, avoir quelqu'un au conseil avec qui l'on
puisse causer à cœur ouvert. Il faut y faire entrer M. de
Moustier. » Celui-ci toutefois crut devoir décliner l'offre de
Louis XVI, et il accepta à titre de compensation l'ambassade
de Constantinople. Mais les événements se précipitaient à Paris
avec une telle rapidité que le marquis de Moustier résigna
bientôt ses fonctions. Pendant toute la période révolutionnaire
qui suivit, on le vit résider tour à tour en Angleterre et en
Prusse, attaché aux intérêts et à la personne du comte de
Provence. La Restauration le ramena en France; c'est là qu'il
mourut en 1816, avec le titre de lieutenant-général. Un con-
temporain qui l'avait bien connu, Bertrand de Molleville, lui
reconnaît dans ses Mémoires une réputation méritée « de
talents, d'instruction et d'énergie. » |
Par sa mère, M. de Moustier trouvait à son berceau les
mêmes attaches. Son grand-père maternel, le comte de la
Forêt, a joué en effet, sous le premier empire, un rôle diplo-
matique dont M. Thiers a reconnu toute l'importance, encore
— 311 —
qu'il ait mêlé à son récit des détails inexacts. Il suffira de
rappeler ici que le comte de la Forêt occupa successivement
les postes les plus considérables en Allemagne, comme ministre
à Munich, puis à Berlin; qu'il fut mêlé très étroitement aux
affaires d'Espagne, comme ambassadeur à Madrid, enfin
qu'après avoir été un instant ministre des affaires étrangères
de la première Restauration, il fit partie de la mission chargée
d'aller traiter au camp des alliés les conditions de la paix au
lendemain du désastre de Waterloo.
Le père de M. de Moustier avait parcouru aussi tous les
degrés de la même carrière. Nous le trouvons simple élève
diplomatique, attaché au ministère des affaires étrangères, au
mois de mai 1800; puis secrétaire de légation à Dresde, mi-
nistre à Carlsruhe et à Stuttgard, de 1810 à 1813. A cette
époque, 1l donne sa démission et rentre dans la vie privée.
Sept ans après, il revient à l’activité en acceptant le poste de
Hanovre, d’où il est envoyé un peu plus tard à Berne. En
1824, il est élu député du Doubs et prend à ce titre une part
très active aux travaux de la Chambre, lorsque la démission
de Chateaubriand le porte à l'intérim du ministère des affaires
étrangères avec le titre de directeur des affaires politiques. A
l'avènement du baron de Damas, il retourne à Berne, mais
cette fois comme ambassadeur, et il est appelé en dernier lieu
à Madrid, en la même qualité, dans le cours de l’année 1825.
La révolution de Portugal ayant éclaté sur ces entrefaites, et
le marquis de Moustier pouvant être suspecté de nourrir pour
don Miguel des sympathies peu en accord avec les instructions
de son gouvernement, le cabinet des Tuileries se voit bientôt
dans l'obligation de rappeler son représentant, qui cette fois
sort définitivement de la carrière diplomatique.
Je vous demande pardon, Messieurs, de m'êtré arrêté si
| longuement sur les ascendants immédiats de notre illustre
compatriote. Mais j'ai pensé que ces détails serviraient à expli-
quer par quel enchaînement de circonstances M. de Moustier
devait montrer plus tard une vocation et des aptitudes si pra-
— J12 —
noncées pour la profession diplomatique. Je me hâte d'ajouter
que sa famille le laissa sous ce rapport à une complète dispo-
sition de lui-même, Elle se contenta de lui assurer une édu-
cation sérieuse, à laquelle la mère de M. de Moustier, femme
aussi éminente par les qualités de l'esprit que par celles du
cœur, se dévoua avec une persévérance infatigable. A dix-huit
ans, notre jeune compatriote n'avait pas seulement terminé
les études qui forment le bagage d’une bonne éducation ordi-
naire ; il avait acquis, en outre, un fonds d'instruction à la
fois étendu et varié, qu'une mémoire prodigieuse, jointe à une
intelligence perpétuellement active, accroissait tous les jours.
Dès cette époque, l'histoire, la littérature, la philosophie le
passionnaient, et, grâce à une habile direction, elles avaient
fait de lui, à un âge où l'on n’a que trop de tendances, dans
une situation pareille à la sienne, à s'affranchir de l'obligation
du travail, un homme déjà mûr, aguerri à toutes les curio-
sités d’une raison précoce, et cherchant dans l'étude le plaisir
unique de comprendre et de savoir.
C'est ainsi que s'écoula entièrement la jéunesse d M. de
Moustier. [1 avait trente ans lorsque la révolution de 1848
éclata. En possession d'un grand nom, d’une grande fortune,
il pensa que le moment était venu pour lui de sortir de la vie
privée et d'aborder les affaires. Il brigua et obtint d'abord un
siége au Conseil général de notre département : en 1849, la
faveur électorale le porta plus haut, et il fut envoyé comme
député du Doubs à l'Assemblée législative. Une fois dans ce
milieu, M. de Moustier sut bien vite s'y faire apprécier et con-
sidérer. Fidèle à son mandat, autant qu'à ses traditions de
famille, il prit place dans le parti de l’ordre, et il devint un de
ses auxiliaires les plus actifs, sinon par les luttes de la tribune,
au moing par celles de la presse.
On trouvera tout naturel, je suppose, que son attitude à
l’Assemblée législative et sa position de famille élevée aient
appelé de bonne heure sur lui l'attention et les sympathies du
monde politique. Aussi, lorsqu'en 1852 l'Empire succéda à la
— 313 —
République, M. de Moustier se trouva-t-il naturellement au
nombre des hommes dont le nouveau gouvernement devait
songer à s'entourer. L'Empereur n'y manqua pas, et dans les
premiers mois de l'année 1853, il nomma M. de Moustier
envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Berlin.
_ M. de Moustier débutait dans la carrière diplomatique par
un poste de première importance. Les événements ne tardèrent
pas à justifier le choix que le souverain avait fait de lui. M. de
Moustier arrivait, en effet, à Berlin dans les circonstances les
plus difficiles. La guerre de Crimée allait éclater, et comme
l’ancienne organisation de l'Allemagne était censée solidariser
les forces germaniques dans toute action extérieure, on com-
prend l'intérêt qu'il y avait pour notre pays à empêcher une
alliance, alors très possible, entre la Prusse et la Russie.
M. de Moustier donna dans cette première occasion la mesure
de son esprit de discernement. D'abord, modeste, discret, et
uniquement attentif à bien renseigner son gouvernement, il
sut gagner ainsi la confiance de la famille royale de Prusse et
du cabinet de Berlin, et quand le moment vint pour lui d'agir
avec fermeté et vigueur dans un but de patriotisme, il grandit
avec sa tâche et détourna l'alliance qu'il était chargé de pré-
venir. Les hostilités une fois commentées, la Russie, malgré
des démarches et des efforts réitérés sur l’effet desquels elle
avait le droit de compter, se trouva donc privée aussi bien du
concours de la Prusse que de celui de l'Autriche. Dès lors
l'expédition franco-anglaise, menacée à l’origine de rencontrer
sur son chemin les trois puissances du Nord coalisées, se
réduisit au Cadre d’une entreprise dont les chances étaient
faciles à calculer, et qui ne présentait plus de dangers hors de
proportion avec les intérêts qu'elle se proposait de sauvegarder.
Les fonctions politiques ont parfois, Messieurs, des exigences
auxquelles la raison d'Etat commande de se soumettre aveu-
glément. M. de Moustier en fit l'épreuve. Représentant de la
France auprès d'un gouvernément qui, malgré la neutralité à
laquelle il s'était condamné, jouissait toujours de l'intimité du
cabmet de Saint-Pétershbourg, et qui en recevait à ce titre des
confidences fréquentes sur les péripéties et les chances finales
de l'expédition de Crimée, notre ministre à Berlin parvint à
“obtenir communication de ces rapports secrets, et c’est une
vérité admise que la transmission à Paris des renseignements
spéciaux qu ils contenaient, contribua efficacement à amener
la réussite du plan de campagne des armées alliées contre
Sébastopol. Je n'aurais pas fait allusion à cet incident, sl
était resté dans le domaine des confidences diplomatiques ;
mais je crois me rappeler qu'au moment où M. de Moustier
fut nommé ministre des affaires étrangères, le Times le raconta
dans tous ses détails, en reconnaissant d’ailleurs expressément
que M. de Moustier avait rendu dans cette occasion un service
signalé à l’Angleterre et à la France. Il n’y a donc ici aucune
indiscrétion de ma par!, et je suis convaincu que vous verrez,
comme moi, dans ce trait peut-être sans précédents, une
preuve coneluante de l'habileté avec laquelle M. de Moustier
remplissait ces hautes fonctions.
La crainte d’abuser de votre patience m'empêche, Messieurs,
de vous exposer, avec les développements qu'elles comporte-
raient, toutes les affaires auxquelles M. de Moustier fut mêlé
pendant sa mission en Prusse. J'ai indiqué les principales :
pour les autres, comme la question de Neuchâtel et la guerre
d'Italie, qui achevèrent de le poser en homme d'Etat, je me
borne à faire appel à vos souvenirs historiques.
M. de Moustier était à Berlin depuis six ans, lorsqu'il fut
appelé, à la fin de 1859, par la confiance de l'Empereur, au
poste d'ambassadeur à Vienne. Sur ce nouveau théâtre, rou-
vert à la diplomatie française après une guerre qui avait sus-
pendu les relations entre Vienne et Paris pendant cinq mois,
M. de Moustier rencontra des difficultés qui n’exigeaient rien
moins que la rare souplesse et l'imperturbable sang-froid de
son esprit. La paix de Villafranca venait à peine d'être signée,
que ses stipulations s’en allaient déjà en lambeaux. Sous la
pression du sentiment national, les trônes s'écroulaient au
out
— 313 —
centre et au sud de la Péninsule, et le cabinet des Tuileries,
tout en exprimant des regrets que je dois croire sincères en
présence des progrès de la révolution triomphante, en était
arrivé à se demander si les principes de sa politique lui impo-
saient le devoir de défendre, contre le sentiment des popula-
tions intéressées, la construction désormais caduque élevée
par les négociateurs du traité de Zurich. Dans ces conditions,
la tâche de l'ambassadeur de France était toute tracée : elle
consistait à détourner l'Autriche d’une intervention armée en
Jtalie, qui eût pu compromettre les résultats essentiels de
l'expédition de 1859, et à préserver ainsi le maintien de la
paix contre des retours offensifs justifiés à la vérité par un droit
écrit, mais rendu chaque jour plus impossible par la rapidité
des événements. M. de Moustier sut faire face, avec sa dexté-
rité habituelle, à cette situation délicate, et lorsqu'en 1861
l'ambassade de Constantinople devint vacante, il y fut nommé.
M. de Moustier rencontra à Constantinople son ambassade
de prédilection. Il y contracta le goût particulier des affaires
orientales, et il réussit très vite à les connaître à fond, au
point que, sur les mille questions qui s'y mêlent, il ne fut
jamais pris au dépourvu. Tout ce qui s’est fait de ce côté
depuis neuf ans est son œuvre, accomplie avec une perspica-
cité sur laquelle les amis et les adversaires de sa pohtique
sont pleinement d'accord. Il fut assez heureux pour résoudre
avec un Constant succès les difficultés les plus diverses en
Servie, au Montenegro et dans les principautés danubiennes.
Il prêta également un concours actif aux réformes libérales
que le sultan et la Sublime-Porte ont promulguées dans ces
dernières années et dont ils poursuivent encore le développe-
ment. Enfin, c’est à l'initiative de M. de Moustier qu'est dû
le règlement de plusieurs autres questions de premier ordre,
telles que le percement de l’isthme de Suez, dont l’inaugura-
tion vient d’avoir lieu avec tant de solennité, et la concession
aux étrangers du droit de propriété dans l'empire ottoman.
© Mais j'ai hâte d'arriver, Messieurs, à la date qui marque le
— 3760 —
point culminant de la carrière politique de M. de Moustier.
C'est le 1* septembre 1866 qu'il fut nommé ministre des
affaires étrangères en remplacement de l'honorable M. Drouyn
de Lhuys. À coup sûr, le choix de l'Empereur n'avait rien
que de très naturel : sous tous les gouvernements, il est
d'usage, à moins de circonstances graves, de recruter les
ministres des affaires étrangères dans le personnel des ambas-
sadeurs. Mais on peut dire que M. de Moustier était, parmi
les membres élevés du corps diplomatique français, celui qui
avait le moins dirigé ses ambitions de ce côté et que ce témor-
gnage de la confiance impériale devait surprendre le plus. Je
ne crois manquer à aucune convenance en rapportant ici que
M. de Moustier se sentit troublé à la première nouvelle de sa
nomination, et qu'il n’accepta les fonctions qui en découlaient
qu'avec la répugnance d’un esprit sincèrement modeste. Tou-
tefois, des affaires urgentes réclamaient sa présence à Constan-
tinople pendant quelque temps encore, et il ne prit réellement
possession du ministère des affaires étrangères que dans les
premiers jours du mois d'octobre suivant. |
Personne n’ignore dans quelle situation délicate le gouver-
nement impérial se trouvait au moment où M. de Moustier
quitta l'ambassade de Constantinople. Des événements consi-
dérables, qui venaient de s'’accomplir au centre de l'Europe,
avaient renversé le vieil édifice de l'équilibre international,
altéré la situation historique de la France, et établi à nos
portes, par l'unification improvisée de l'Allemagne, une puis
sance militaire de premier ordre. Faute d’avoir su ou voulu
agir à temps, le cabinet des Tuileries s'était cru obligé de
reconnaître les faits accomplis, par une circulaire diplomatique
dont les conclusions ne manquaient certes pas de netteté, mais
qui n’en avait pas moins causé dans l'opinion un désappoin-
tement sensible. Ce document, qui ne porte pas, je tiens à le
constater, la signature de M. de Moustier, avait été rédigé sous
l'influence de certaines illusions que l'honorable ministre
trouva très répandues à son arrivée à Paris, et qu'il dut accepter
— 311 —
de confiance, puisqu'elles étaient le point de départ d’une
politique qu'il n’avait eu le temps ni les moyens de contrôler.
Vous devinez, Messieurs, qu'il s’agit ici de la question du
Luxembourg. La presse s’est montrée quelquefois sévère pour
le gouvernement et le ministre qui ont soulevé cette question.
Ma tâche consiste à rétablir des faits que le public a mal con-
nus, et à montrer que M. de Moustier n'en doit pas supporter
la responsabilité devant l’histoire. On lui avait dit, au moment
où il prenait possession du ministère des affaires étrangères,
après un intérim d’un mois géré par un de ses collègues :
« Le roi de Hollande est disposé à nous céder le Luxembourg
moyennant de certaines conditions. La Prusse, de son côté,
reconnaît que les traités de 1815 ayant été détruits par ses
propres mains, elle est déchue du droit de tenir garnison dans
une ville qui est désormais en dehors du territoire fédéral.
En conséquence, le cabinet de Berlin ne peut ni ne veut
s'opposer à la cession projetée, et il ne s’agit plus, au point où
en sont les choses, que de conduire l'affaire avec tact, discré-
tion et célérité. »
C'est sur ces données que M. de Moustier engagea la redou-
table question du Luxembourg. Mais, au bout de quelques
semaines, il ne tarda pas à s’apercevoir que la Prusse avait
une tendance marquée à se relâcher des bonnes dispositions
qu'on lui avait attribuées, et lorsque le gouvernement francais
dut réclamer du cabinet de Berlin, au commencement de
l’année 1867, une déclaration catégorique qui lui permit de
passer outre, il ne rencontra plus de sa part qu'un refus formel
de tenir les promesses sur lesquelles la négociation s'était
ouverte. En présence de ce fait, la situation changeait de face
et acquérait une gravité soudaine; car, au moment même où
la Prusse manifestait ainsi la résolution de s'opposer à la
cession du territoire grand-ducal, les conditions de cette ces-
sion se trouvaient déjà arrêtées entre la France et le roi de
Hollande.
Il fallut bien cependant se rendre à l'évidence, et M. de
26
— 318 —
Moustier, moins affecté que surpris de l'attitude peu amicale
de la Prusse, n'eut plus d'autre préoccupation que de sortir
honorablement d’une affaire mal engagée. Sans doute, la ten-
tation était forte de n'écouter que les suggestions du point
d'honneur, mais le véritable patriotisme consiste souvent à
surmonter les susceptibilités les mieux justifiées et à ne pas
leur sacrifier légèrement les intérêts permanents d'un grand
pays. Avec cet esprit avisé et juste qui est le propre du véri-
table homme d'Etat, M. de Moustier se rendit promptement
compte des éléments de la question luxembourgeoise. Il ne
s'agissait pas seulement pour la France d'acquérir un territoire
d'une insignifiante étendue, il s'agissait surtout d'amener le
cabinet de Berlin à se dessaisir d’un droit de garnison qu'il
tenait exclusivement des traités de 1815, auxquels il venait de
porter un coup mortel. Après tout, il était fort indifférent à
une nation de 40 millions d'’âmes, comme la nôtre, de compter
un département de plus; mais ce qui était réellement inad-
missible, c'est que la Prusse se prévalût plus longtemps d’une
stipulation dont la caducité était son propre ouvrage, pour
occuper militairement un point stratégique placé en sentinelle
avancée sur notre frontière nord-est. L'incontestable mérite
de M. de Moustier est d'avoir compris de suite que le cabinet
des Tuileries ne se diminuerait, ni à ses yeux ni aux yeux de
l'Europe, en abandonnant le premier point, mais que sur le .
second aucune concession n'était possible.
A la suite de délibérations approfondies, le conseil des
ministres se rallia à l'opinion de M. de Moustier, et le cabinet
des Tuileries se mit immédiatement à l'œuvre pour amener
pacifiquement la Prusse à un sacrifice militaire dont les pas-
sions allemandes s’efforçaient de le détourner comme d’une
humiliation nationale.
C'est ici, Messieurs, je ne crains pas de le dire très haut,
que M. de Moustier fit preuve d’une habileté réellement supé-
rieure. Il n'avait qu'un moyen de surmonter le mauvais vou-
loir trop évident de la Prusse : c'était d'en appeler au jugement
—\379 —
des grandes puissances, qui, saisies régulièrement de la ques-
tion luxembourgeoise, décideraient si en continuant d'occuper
une forteresse non fédérale, le cabinet de Berlin ne compro-
mettait pas volontairement par des exigences peu justifiables
le maintien de la paix. Cette consultation internationale,
même dans le cas où elle eût échoué, répondait d’ailleurs à
un autre intérêt : elle nous permettait de gagner du temps, el
de nous préparer ainsi à des éventualités qui, en se réalisant
dès la fin d'avril, nous eussent trouvés dans une sorte d'indi-
gence militaire au double point de vue des troupes et de
l'armement. i
Posées sur un terrain excellent et faites avec une entière
franchise, les ouvertures du gouvernement français rencon-
trèrent immédiatement, de la part des puissances neutres, un
accueil encourageant. La Russie fut la première à les recevoir
dans cet esprit : l'adhésion du cabinet de Saint-Pétersbourg
avait son prix; elle se traduisit bientôt par une proposition de
conférence, à laquelle l'Autriche, l'Angleterre et l'Italie ne
pouvaient manquer de se rallier. En qüelques jours cette
proposition devint un projet officiel, qui fut soumis alors aux
parties intéressées. Après diverses péripéties, la France et la
Prusse l’acceptèrent, et la conférence de Londres, à la suite
de délibérations rapides, fut assez heureuse pour résoudre à
l'amiable, et dans les conditions que nous avions prévues, un
conflit qui avait mis sérieusement en péril la paix de l'Europe.
La France avait dû renoncer à l'acquisition du Luxembourg ;
mais la Prusse, sous la pression des cabinets européens, se
résignait en même temps à évacuer une forteresse qu'elle
considérait à juste titre comme un point stratégique de pre-
mière importance.
M. de Moustier, par la fermeté, la décision et la rectitude
de son esprit, avait contribué efficacement à ce résultat; là est
le succès le plus marquant de sa carrière diplomatique. On
ne se figure pas, à distance, les émotions par lesquelles passe
‘un homme de cœur quand il tient ainsi entre ses mains, au
— 380 —
bout de la dépêche qu'il expédie, la paix et la guerre. M. dé
Moustier était moins qu'un autre inaccessible à ces émotions,
maïs il savait les dissimuler sous une placidité apparente, tant
il craignait, en s’y laissant aller, de perdre le sentiment exact
des intérêts placés sous sa responsabilité. La signature du
traité du 11 mai 1867 lui causa donc une satisfaction réelle,
etilest convenable d'ajouter qu'elle ne fut pas saluée avec
moins de joie par le pays tout entier. Car, on n’a pas oublié
que, par une coïncidence des plus fâcheuses, la question du
Luxembourg s'était posée dans toute sa gravité le jour même
où Paris inaugurait sa dernière exposition universelle. Une
guerre immédiate n’eût fait que l’ajourner; mais la crainte
d'une guerre lui était plus funeste : elle paralysait entièrement
son essor et menacçait de la maintenir indéfiniment dans une
stagnation intolérable pour les intérêts gigantesques qui sy
trouvaient engagés de tous les points du monde. Le traité du
11 mai mit un terme à ces fâcheuses incertitudes, et la grande
fête internationale du Champ-de-Mars put désormais suivre
son cours régulier. Les souverains d'Europe, en venantsla
visiter quelques semaines plus tard et en acceptant l'hospitalité
brillante &e la cour des Tuileries, achevèrent de démontrer
que la conférence de Londres avait accompli une œuvre sé-
rieuse, et que tout danger d’une guerre immédiate entre la
France et la Prusse avait réellement disparu.
C’est dans ces circonstances que M. de Moustier recut du
chef de l'Etat le grand cordon de la Légion d'honneur. Nos
mœurs démocratiques s'accommodent toujours de ces distinc-
tions, quand elles servent à mettre en relief des services excep-
tionnels : on savait la prodigieuse activité, la rare souplesse
que M. de Moustier avait déployée dans la question luxem-
bourgeoise ; rien ne parut donc plus naturel que de voir le
souverain lui donner une récompense qui ne doit jamais être
le complément d'une situation politique, mais le témoignage
qu'elle est bien remplie.
Il était dit, Messieurs, que, dans le cours de cette même
Rd 2 don ie ft. Où,
DRE TT
— 381 —
année 1867, la paix publique n’échapperait à un premier
danger que pour se trouver bientôt aux prises avec de nou-
velles difficultés. En effet, vers la fin du mois de septembre,
l'horizon s'assombrit du côté de l'Italie, et il devint évident
pour tous qu'un coup de main se préparait contre les Etats du
pape. Il ne m'appartient pas, Messieurs, d'entrer à ce propos
dans le vif de la question romaine, et encore moins d’agiter
ici les graves problèmes qui s'y rattachent. Je ne veux ni ne
puis dire qu'une chose, c'est que cette affaire ne se présente
pas tout d'une pièce, mais qu'elle renferme les éléments les
plus complexes. Au moment où les bandes garibaldiennes
franchirent la frontière pontificale et allèrent livrer bataille,
au nom de la révolution, à un gouvernement régulier, une
émotion indicible s'empara de la presse et de l'opinion, et
chacun, suivant ses idées et ses passions, se mit en devoir
d’influencer la liberté d'action du gouvernement. En d'autres
termes, on rouvrit le débat sur la souveraineté temporelle du
pape, qui dans la conviction des uns est nécessaire, qui dans
celle des autres est inadmissible. Un gouvernement, c'est
mon avis du moins, est tenu de rester étranger à ces disputes
et de n’engager dans sa politique aucun des principes qui sont
du domaine de la philosophie pure ou de la religion. M. de
Moustier le comprit mieux que tout autre et avant tout autre.
Pendant qu'autour de lui on s'’agitait pour et contre les intérêts
opposés de l'Italie et du Saint-Siége, lui, allant droit au but,
se demandait dans quelle mesure les événements dont le ter-
-ritoire pontifical était le théâtre engageaient la responsabilité
du cabinet des Tuileries, excédaient la lettre et l'esprit des
traités par lesquels celui de Florence avait promis de respecter
l'intégrité des Etats romains. Or, la situation à cet égard était
bien claire. Par l’article premier de la convention du 15 sep-
tembre 1864, l'Italie s'était engagée à ne pas attaquer le terri-
toire actuel du Saint-Père, «et à empêcher, même par la force,
toute attaque venant de l'extérieur contre ledit territoire.» On
aurait pu varier d'opinion sur la nature et l'étendue de cette
— 382 —
stipulation dans de certaines éventualités; mais le fait est qu'en
présence d'une agression flagrante du territoire pontifical par
des bandes garibaldiennes, recrutées, organisées et équipées
sur le territoire italien, la violation de la convention du 15
septembre était hors de doute. M. de Moustier n'hésita donc
pas : pour lui, la question, embarrassée à plaisir par des esprits
plus passionnés et moins nets, se réduisit immédiatement à
savoir s’il était de la dignité et de l'intérêt bien entendu de la
France de laisser porter atteinte à sa propre signature, et de
permettre au gouvernement italien de s'approprier, contre ses
engagements formels, les résultats d’une entreprise qu'il avait
été, dans l'hypothèse la plus favorable, impuissant à prévenir.
En vain essaya-t-on de le circonvemir, de l'effrayer par la
perspective d'une coalition européenne, à laquelle certaines
ouvertures peu scrupuleuses du ministère Ratazzi avaient
semblé un instant donner quelque consistance. L’honorable
ministre ne se laissa pas fléchir : son patriotisme lui disait
qu'il y a des cas où, même au prix des dangers les plus graves,
la conciliation descend à la faiblesse; et d’ailleurs il croyait
connaître assez le tempérament des puissances dont l'Italie
avait invoqué le secours pour ne rien redouter d'elles. L'évé-
nement justifia ces sages prévisions : la seconde expédition
romaine put donc s'effectuer, et sans vouloir, je le répète,
préjuger les questions qu'elle soulève, j'ai le droit de dire que
c'est un honneur pour M. de Moustier d’y avoir attaché son
nom.
Tels sont, Messieurs, les deux événements de haute impor-
tance qui signalèrent l'administration de M. de Moustier. Il
était sincèrement dévoué au maintien de la paix; il la voulait,
non comme le couronnement d’une politique exempte de toute
défaillance dans le passé, mais comme le moyen le plus sûr
pour ne pas aggraver une situation périlleuse et ne pas ajouter
à l'ébranlement causé en Europe par l'unification de l’Alle-
magne. De là son esprit de réserve, ses allures de tempori-
sation vis-à-vis de la question d'Orient, que l'insurrection
— 383 —
candiote tenait toujours ouverte. Quand on lui imputait à
grief cette stratégie de Fabricius, il se défendait avec une cer-
taine vivacité ; mais il avait l’art souverain d'être discret en
paraissant faire des confidences. I laissait deviner plutôt qu'il
n'avouait que dans ce milieu inflammable du monde oriental,
le contre-coup des événements de 1866 nous avait créé des
intérêts complexes, qui n'étaient jamais mieux sauvegardés
que par l'équilibre. À coup sûr, il n’eût pas demandé mieux
que d'appliquer la politique du traité de Paris, cette politique
qui eut la bonne fortune, au commencement du second empire,
d’unir dans un effort gigantesque les forces de la France et de
l'Angleterre contre la Russie. Mais il nous était venu depuis,
au centre de l'Europe, des difficultés qui nous imposaient
l'obligation de ménager le cabinet de Saint-Pétersbourg dont
nous avions réclamé et accepté les bons offices dans la ques-
tion luxembourgeoise. L'action de notre diplomatie à Cons-
tantinople et à Athènes devait donc se ressentir jusqu à un
certain point de ces deux intérêts entre lesquels M. de Moustier
sut admirablement tenir la balance égale.
C'est au milieu de ces graves préoccupations que s’est écoulé
le temps durant lequel l'honorable M. de Moustier a dirigé le
ministère des affaires étrangères. Mais je serais injuste pour
sa mémoire, si j'oubliais qu'à ces préoccupations s'était ajoutée,
dès le commencement de l’année 1867, l'éventualité de venir
défendre en personne devant les Chambres la politique dont il
était l'exécuteur responsable. La lettre impériale du 19 janvier,
puis le sénatus-consulte qui libella les réformes promises dans
cette lettre, avaient étendu à tous les membres du ministère le
droit, jusque-là réservé au seul ministre d'Etat et à des com-
missaires spéciaux choisis par l'Empereur, de représenter le
gouvernement au sein du Corps législatif et du Sénat. M. de
Moustier n'envisageait pas sans appréhension la perspective
d'aborder la tribune française. Eloigné de nos débats parle-
mentaires depuis près de quinze ans, disposé en outre par
nature à une certaine timidité, 1l se croyait sincèrement hors
— 384 — |
des conditions voulues pour sauvegarder les intérêts politiques
confiés à sa parole. Ajoutons, pour dire toute la vérité, que la .
discussion publique des affaires extérieures présente des diffi-
cultés particulières. Le malheur de ces sortes de questions,
pourquoi ne pas l'avouer, c’est que tout le monde croit les
connaître pertinemment, et qu'elles se prêtent plus que les
autres à des développements oratoires susceptibles de frapper
vivement l'opinion, quand même ils ne reposent que sur des
données vagues ou des affirmations téméraires, En même
temps, la nature des choses exige qu’un ministre des relations
extérieures use de la plus grande circonspection dans les
informations qu'il produit à la tribune, car ses déclarations,
tout le monde le comprend, engagent la liberté d'action de
son propre gouvernement vis-à-vis de puissances dont il faut
souvent ménager les susceptibilités, et dont l’amitié, comme
dans les rapports privés, s’accommoderait assez mal avec la
dénonciation de leurs défauts ou de leurs vices de caractère.
On s’étonnera moins maintenant de la répugnance que M. de
Moustier montrait pour la tribune. Toutefois les instances de
ses amis et le sentiment de son devoir lui permirent de la
surmonter, et il fit ses débuts au Sénat et au Corps législatif
au mois de décembre 1867, à l’occasion de l'expédition ro-
maine, qui avait été dans ces deux assemblées l'objet d’inter-
pellations séparées mais simultanées.
M. de Moustier s’en tira avec honneur et succès, Naturelle-
ment il avait la parole facile et élégante : il était doué même
au plus haut degré de ce qu’on appelle l'esprit de conversation.
Le Sénat et le Corps législatif furent unanimes à reconnaître
qu'à ces dons naturels il joignait encore une connaissance
minutieuse des affaires de son département, et qu’il possédait
à fond l’art des tempéraments diplomatiques. C’est merveille,
en effet, que de voir, en relisant ses discours, avec quelle
finesse il évite les engagements qu’on lui demande, exprime
une politique très déterminée avec des formules qui semblent
se Jouer entre les contraires, et finalement réussit à produire
— 385 —
sur son auditoire des impressions que celui-ci prend pour des
déclarations formelles. Son tour de force, sous ce rapport, ce
fut le discours qu'il prononca au printemps de l’année suivante
sur la question d'Orient : il avait trouvé le moyen de traiter à
fond son sujet sans dire un mot de la Russie, alors que le but
de l’interpellation était précisément de l’amener à définir sa
politique à l'égard de cette puissance. On objectera, Messieurs,
que ces feintes savantes ont pour effet d'annihiler le contrôle
des assemblées délibérantes sur les actes essentiels du pouvoir :
cela est vrai dans une certaine mesure; seulement je réponds
que la tâche d'un ministre des affaires étrangères consiste à
se découvrir le moins possible en temps ordinaire, et j'en
conclus que, puisque telle est la tradition aussi bien en An-
gleterre qu'en France, M. de Moustier réunissait toutes les
qualités nécessaires pour la maintenir.
Nous touchons ici, Messieurs, au terme de cette RE et
trop rapide carrière. Depuis longtemps déjà M. de Moustier
souffrait d’une affection du cœur, que les fatigues et les émo-
tions d’un ministère laborieux réussissaient fatalement à pré-
cipiter. Au commencement de l'hiver de 1868, il se sentit tout
d'un coup plus gravement atteint : on le vit néanmoins lutter
contre la maladie avec une rare force de volonté. Malgré des
souffrances qui commencaient à être intolérables, il avait fait
effort sur lui-même pour se rendre à un dernier conseil des
ministres; quand il revint à son hôtel, la maladie qui devait
l'emporter s'était déclarée à l’état aigu, et quelques jours après
l'Empereur acceptait sa démission de ministre des affaires
étrangères en le nommant sénateur. À partir de ce moment,
la maladie de M. de Moustier suivit son cours, interrompue
par des améliorations passagères que sa famille et ses amis
suivaient avec des illusions persistantes. Un dénouement dou-
loureux vint bientôt y mettre‘fin. En effet, le 5 février dernier,
M. de Moustier expira à la suite d’une crise que l'on croyait
la veille encore définitivement conjurée.
Telle est, Messieurs, à grands traits la vie de notre éminent
— 386 —
compatriote. Il laisse un nom justement considéré parmi les
hommes d'Etat du second empire. Sa droiture, son esprit
avisé, son tact parfait, l'avaient élevé sans effort à la hauteur
de toutes les situations. Quand on examine sa physionomie
politique, on découvre en elle un mélange excellent d’aptitudes
de race et de talents acquis. La diplomatie, comme il la com-
prenait et la pratiquait, peut se comparer à un territoire de
grande étendue, qu'il faut garder sur quelques points avec
une armée, mais sur tous les autres avec des manières cour-
toises. Il avait ce que j'appellerai la mesure des choses, cette
sorte d'intuition qui consiste à se rendre compte avec promp-
titude de l'ensemble d’une question, des conséquences d’un
acte. A la fois prudent et alerte, temporisateur et soudain dans
ses allures, il affectait de se dissimuler les difficultés des affaires
jusqu'au jour où il croyait le moment venu pour les résoudre
par une intervention décisive. Il excellait surtout à démêler
le point capital à sauvegarder dans toute négociation, à en
distraire les éléments étrangers * mais, une fois en possession
d'un droit essentiel, il en poursuivait la revendication avec
toute l'énergie d'une nature qui aimait à retrouver son prime-
saut et à s y abandonner.
M. de Moustier, Messieurs, a d’autres titres à notre affec-
tueux souvenir. Il était notre compatriote, et vous savez tous
comme moi combien il aimait cette province, par quels liens
il était spécialement attaché à notre Société. C'était un de ses
rêves d'avenir, à lui qui avait franchi, à 51 ans, tous les degrés
d’une carrière brillante, de venir se fixer plus tard dans sa
terre de Bournel, et de mettre à profit Les loisirs qu'il se pro-
mettait d'y goûter pour prendre une participation suivie à nos
réunions (‘). Les nombreuses questions d'archéologie et d'his-
(:) En raison de cette sympathie, Madame de Moustier a voulu qu'un
portrait rendît vivant parmi nous le souvenir de celui dont elle fut la
digne compagne : aussi a-t-elle fait exécuter et tirer à ses frais, pour les
Mémoires de la Société d' Emulation du Doubs, la belle image qui accom-
pagne cette notice.
— 387 —
toire qui s'agitent parmi vous et qui vous ont valu depuis si
| longtemps la haute estime du monde savant, toutes ces ques-
tions lui étaient presque familières : du moins, il en causait
volontiers et s'y intéressait avec une prédilection marquée.
C'est donc plus qu'un compatriote illustre que nous avons
perdu; c’est aussi un collaborateur, et j'ai connu M. de
Moustier trop dévoué à notre Société pour ne pas lui donner
ce titre en terminant le travail que vous m'avez chargé de
consacrer à sa mémoire.
— 388 —
OBJETS DIVERS
DONS
Faits à la Société en 1869.
Par Son Exc. M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION
PDEDTQURR- NE IR ARS ANRRER PARTIES RER 500 fr.
Par le DÉPARTEMENT pu Dougs . . . . . . . .. 300
Par la NEUBE DEDESANCON EU AURA 600
Pat Son Exc. M. ze MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE :
Revue des Sociétés savantes des départements, 4° série, t. VIII,
septembre à décembre 1868; 1. IX, janvier à octobre 1869 ; —
Mémoires lus à la Sorbonne en 1868, histoire et archéologie,
2 vol. in-8° ;
Par LA CHAMBRE DE COMMERCE DE BESANCON, Compte-rendu
de l’année 1868.
Par MM.
Paul Laurens, membre résidant, son Annuaire du Doubs et
de la Franche-Comté pour 1869 ;
Auguste Jaccarp, membre correspondant, ses Matériaux
pour la carte géologique de la Suisse, 6° livraison, Jura vaudois
et neuchâtelois, avec 2 cartes et 8 planches de profils géolo-
giques, Berne, 1869, 1 vol. in-4° et ? cartes in-fol.;
GRENIER, membre résidant, Mémoires de l’Académie de Sta-
nislas, 1869 ;
Henri. MarTIN, membre honoraire, son travail intitulé :
Mystères des Bardes de l’île de Bretagne, broch. in-8° ;
|
[
9
À
L
=.
rs =
= 389 —
VIVIEN DE SAINT-MarTIN, membre correspondant, son Année
géographique, 1868 ;
MarzeT, membre résidant, son mémoire sur le Chapitre du
château de Gray et le chef de sainte Elisabeth, Vesoul, 1869,
broch. in-8° ; |
ORDINAIRE DE LACOLONGE, membre correspondant, ses quatre
brochures intitulées : £Zxamen des divers moyens proposés pour
faire contribuer la traction à l’adhérence des locomotives ; —
Un puits doit-il être ouvert ou foncé ? — Note sur l'écoulement
des eaux de toiture; — Recherches théoriques et pratiques sur le
ventilateur à force centrifuge ;
GAFFAREL, membre résidant, ses thèses de doctorat ès-lettres
intitulées : Etude sur les rapports de l'Amérique et de l’ancien
continent avant Christophe-Colomb, et De Franciæ commercio .
régnantibus Carolinis ;
Déy, membre correspondant, sa Controverse archéologique
sur les origines de l’église de Chivy (Aisne), Laon, 1869, br. in-8°;
Francois Leczerc, membre correspondant, sa Note sur un
perfectionnement introduit dans la fabrication du vinaigre de
bois, Lons-le-Saunier, 1868, broch. in-8° ;
JuiLLARD, pasteur, ses Souvenirs d'un voyage en Chine, con-
férences faites à Montbéliard de 1864 à 1867, 1 vol. in-12 ;
CHERvIN aîné, membre Correspondant, son Rapport au
Ministre de l’Instruction publique sur l’'Institution des Bèques à
Paris, suivi d’un Rapport au conseil municipal de Marseille sur
le cours de prononciation de M. Chervin, broch. in-8° ;
C. Fzeury, son volume intitulé Francs-Comtois et Suisses,
Besancon, 1869, in-12.
Ouper, membre résidant, Plan des fouilles du Palais des
Césars à Rome, levé sous la direction de M. Pietro Rosa et repro-
duit par la photographie ;
Joseph PiGueT, mécanicién au moulin d’Aranthon, com-
mune d'Osselle (Doubs), une pique en fer du quatorzième siècle,
trouvée audit lieu ;
— 390 —
CarME, membre correspondant, un scramasax, une moitié
de boucle de ceinturon et un vase funéraire en terre noire, le
tout provenant des sépultures burgondes rencontrées par les
fouilles de la gare de Chaussin (Jura).
* Envois faits en 1869 par les Sociétés correspondantes
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny,
9 année, 1868, n° 10-12, 10° année, 1869, n°s 1-7;
Bulletin hebdomadaire de l'Association scientifique de France,
n% 98-150, 13 décembre 1868 — 12 décembre 1869;
Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts de la
Marne, 1867 et 1868; ;
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, séance
publique du ?8 janvier 1868 ;
Bulletin de la Société impériale d’horticulture pratique du
Rhône, 1868, n°° 10-12, 1869, n°s 1-6;
Société de secours des amis des sciences, comptes-rendus des
11° et 12° séances publiques annuelles, 1868 et 1869 ;
Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Colmar, 1867 et
1868 ;
Bulletin de la Société de l’industrie de la Mayenne, section des
sciences, lettres et arts, tom. IV, 1867;
Bulletin de la Socièté d’Emulation de l'Allier, t. IX, 4° livrai-
son, 1866, tom. X, ?° livraison, 1866 ; — Etudes sur la chro-
nologie des sires de Bourbon, du dixième au treizième siècle,
par A. Chazaud, publication de ladite Société, 1865 ;
Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles, t. X,
n° 60 et 61, feuilles 8-12, pl. 4et 5;
Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de
Bordeaux, tom. V, 1867, fin du vol., tom. VI, 2° cahier, 1868,
1e cahier, 1869, tom. VII, pp. 33-59 ;
Annales de la Société littéraire, scientifique et artistique d'Apt
(Vaucluse), 3° année, 1865-1866 ;
— 391 —
Bulletin périodique publié par les Sociétés d'agriculture et
d'horticulture du Doubs, nov. et déc. 1868 ;
Mémoires de l’Académie de Lyon, classe des sciences, t. XV;
Bulletin de la Société dunoise, n° 5 et 6, janvier-octobre,
1869 ; À
Bulletin de la Société géologique de France, 2° série, t. XXV,
t. XXVI, feuilles 1-24; — Réapparition du genre Arethusina
et Faune silurienne, deux opuscules de Joachim Barrande,
Prague, 1868, br. in-8°;
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe,
2° série, tom. II, 1869 ;
Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 2° série, t. XXV
et XX VI, 1868; — Annuaire de la même Académie, 35° année,
1869 ;
Bulletin de la Commission des antiquités de la Seine-Inférieure,
tom. I, 1867;
Annales de la Société d'Emulation des Vosges, tom. XII,
1® cahier, 1868 ;
Bulletin trimestriel de la Société d'agriculture de Joigny,
29° année, 1868, n° 80, 30° année, 1869, n° 81-83 ;
Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, procès-ver-
baux, t. VI, et concours de 1867 ;
Mémoires de l’Académie impériale des sciences, belles-lettres et
arts de Savoie, 2° série, tom. X, avec album de 17 planches
lithographiées ;
© Mémoires de la Société d'Emulation du Jura, 1868 ;
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de
l'Yonne, tom. XXII, 1868, 3° et 4° trimestres, t. XXIIT, 1869,
1e et 2° trimestres ;
Bulletin de la Société algérienne de climatologie, 5° année,
1868, n°° 4-6 ;
Société des sciences naturelles du grand-duché de Luxembourg,
tom. X, 1867-1868; |
Comptes-rendus de la Société française de numismatique et
d'archéologie, 1868 et 1869;
— 9392 —
Bulletin de la Société industrielle d'Angers et du département
de Maine-et-Loire, 3° série, t. VITII-X, 1867-1868 ;
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la
Haute-Saône, 3° série, n° 1, 1869 ;
Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, t. XXTII
(lettres et arts), t. XXIV (sciences), 1868; — Procès-verbaux
des séances de la même Société et Inventaire bibliographique des
ouvrages qui lui ont été offerts en 1867;
Mémoires de la Société d'Emulation de Montbéliard, 2° série,
t. I, 1862-1864, pp. 405-526, t. IT, pp. 110-429 ;
Annales de la Société impériale d'agriculture de Lyon, 3° série,
t. IV-VII, 1860-1863, 4° série, t. IE, 1867;
Mémoires de la Société académique de l'Aube, ?° série, tom. I
à XIV, 1847-1863, 3° série, t. V, 1868; — Table générale des
inalières desdits mémoires, de 1822 à 1863; — Notice sur les
collections du musée de Troyes fondé et dirigé par la Société
académique de l'Aube, 2° édition, 1864, in-8° ; — Organisation
de la Société académique de l'Aube, 6° édition, 1869 ;
Bulletin de la Société polymatique du Morbihan, 1868, ?° se-
mestre, 1869, 1° semestre; — Histoire naturelle du Morbihan :
catalogue des mammifères, oiseaux et reptiles, par M. Taslé père;
Rapport du président de la Commission d'archéologie de la
Haute-Saône sur les ruines romaines de Saint-Sulpice, Vesoul,
1869, in-8° :
Mémoires de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or,
t. II à IV, V (2et 3° livraisons), VI, VII ({"°et 2° livraisons);
— Répertoire archéologique de la Côte-d'Or (arrondissement de
Dijon), publié sous les auspices de cette Commission ;
Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agriculture
et industrie de Saint-Quentin, 3° série, t. VIII, 1868 ;
Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin,
t. XVIII, 1868 ; — Registres consulaires de la ville de Limoges,
t. IL, feuilles 21-31; — Nobiliaire du Limousin, t. IL, feuilles
26-37 ; ‘
Annaæles de la Société impériale d'agriculture , industrie ,
— 393 —
sciences, &rts et belles-leitres de la Loire, à Saint-Etienne, t. XII,
1868 ;
Matériaux d'archéologie et d'histoire, par les archéologues de
Saône-et-Loire, n°° 2 à 7, 1869;
Mémoires de la Société impériale des sciences naturelles de
Cherbourg, t. XIV (2° série, t. IV), 1869; |
Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel,
t. VIII, 2° cahier; LT
Bulletin de la Société des sciences naturelles et historiques de
l'Ardèche, n° 5, 1868 ;
Bulletin de la Société de statistique, des sciences naturelles et
des arts industriels de l'Isère, 3° série, t. I, 1869 ;
Mémoires de l'Académie du Gard, nov. 1867 — août 1868;
Bulletin de la Société impériale des HAUTES de France,
année 1868 et 2° trimestre 1869 ;
Société des sciences médicales ï l'arrondissement de Gannat,
23° année, 1868-1869 ;
Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie, 3° série,
tom. Jet IT;
Annales de la Société impériale d'Emvulation de l'Ain, 1869,
janvier-septembre ;
Jahrbuch der k. k. geologischen Reichanstalt, in Wien,
B: XVII, n%2, 3, 4, 1867, B. XVIII, n° 1, 3, 4, 1868,
B. XIX, n° 1, 1869; — Verhandlungen, n° 13-18, 1867,
n° 1-18, 1868, n° 1-5, 1869 ;
© Süzungberichte der kœnigl. bayer. Akademie der Wissen-
-schaften zu München, 1867, B. II, H. 4, 1868, B. I, H. 1,
B. II, H. 2-3, 1869, B. I, H. 1-4, B. I, H. 1; — Monætliche
und jæhrliche Resultate der an der kænigl. Sternwarte bei Mün-
chen von 1857 bis 1866, von D'J. Lamont ; — Beobachtungen
des Meteorologischen Observatoriums auf den Hohenpeissenberg
von 1851 bis 1864, von D'J. Lamont (VI und VII Supplement-
bænder zu den Annalen der Münchener Sternwarte), München,
1868, in-8° ; — Verzeichnisf von 6323 telescopischen Sternen
(VIIT Supplementband zu den Annalen der Münchener Stern=
21
— 394 —
warte): — Die Grosshirnwindungen des Menschen, von D' Th.
L. W. Bischoff, München, 1868, in-4°; — Beitræge zur Kennt- .
niss der Procæn-oder Kreide-Formation im nordwetlichen Bæh-
men, von CG. W. Gümbel, München, 1868. in-4°; — Uber die
Theorien der Ernæhrung der thierischen Organismen, von Karl
Voit, München, 1868, in-4° ; — Versuche über die Wasserver-
dunstung auf besætem und unbesætem Boden, von August Vogel,
München, 1867, in-4°; — Denkrede auf Heinrich-August Vogel,
von August Vogel, München, 1868, in-8° ;
Verhandlungen der naturforschenden Gesellschaft in Basel,
B. V, H, 2, Basel, 1869;
Dreizehnter Bericht der oberhessischen Gesellschaft fur Natur-
und-Heilkunde, Giessen, april 1869;
Vierteljahrsschrift der naturforschenden Gesellschaft in Zürich,
1867 und 1868 ; |
Kongl. Svenska Vetenskaps-Akademiens Handlingar, Bd. V-2,
1864, Bd. VI-I, 1865, 2, 1866, Bd. VII-1, 1867, in-4°; —
Ofversigt af k. svenska Vetenskaps-Akademiens FϾrhandlingar,
Bd. XXII-XX V, 1865-1868, in-8°; — Lefnadsteckningar œfver
kongl. swenska Vetenskaps-Akademiens, Bd. I, H. 1, 1869, in-8°;
— Die Thierarten des Aristoteles von den Klassen der Sæugethiere,
Vœgel, Reptilien und Insecten, von Karl. J. Sundewall, Stoc-
kholm, 1863, in-8; — Conspectum avium Picinarum, edidit
Carolus J, Sundewall, Stockholmiæ, 1866, in-8° ;
Memoirs reade before the Boston Society of natural Mstory,
t. I, part. IV, Boston, 1869, in-4°; — Proceedings, june 1868 —
march 1869 ; — Occasional papers, t. I {Entomological corres-
pondence of T. W. Harris), Boston, 1869, in-8° ;
Annual report of the board of regents of the Smithsonian
Institution, 1867 ;
Memoirs of the literary and philosophical Society of Manches-
ter, ser. III, t. 3, 1868; — Proceedings, t. V, 1865-66, t. VI,
1866-67, 1. VII, 1867-68. |
— 395 — È
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
Au 15 août 1870.
Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique
l'année de sa réception dans la Société.
Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles
sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément
à l'article 21 du règlement.
Conseil d'administration pour 1870.
Préadents 0 JS A MM Gann (Gharles):
Premier De PA RETENE NT A BouULLET ;
Deuxième Vice-Président . . . . . .. Decacroix (Em.);
NS ÉCR GITE ÉCERARAU. VAE 2 Mer. CASTAN ;
Vice-Secrét. et RUE des dépenses. FAIVRE ;
Trésorier . SUR JACQUES ;
Archiviste MENT VARAIGNE.
Secrétatre honoraire 3 012 + .., M. BAVOUX:
Membres honoraires. .
MM.
Le Prérer du département du Doubs.
L'ARCHEVÈQUE du diocèse de Besancon.
Le GÉNÉRAL commandant la 7° division militaire.
Le PREMIER PRÉSIDENT de la Cour impériale de Besançon.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour impériale de Besançon.
Le RecrTeur de l'Académie de Besançon.
Le Maire de la ville de Besancon.
L'InsPecTEUR d'Académie à Besançon.
BayLe, professeur de paléontologie à l'Ecole des mines; Paris.
— 1851.
— 396 —
MM.
BLancaarD, Em., membre de l’Institut (Académie des scienc.),
professeur au Muséum d'histoire naturelle; Paris. — 1867.
Coquanp, Henri, professeur de géologie; Marseille. — 1850.
Devizze, Henri-Sainte-Claire, membre de l’Institut (Académie
des sciences) ; Paris. — 1847.
Devoisins, sous-préfet des Andelys (Eure). — 1842.
Dougcenay, Henri, entomologiste; Epping, comté d’Essex
(Angleterre). — 1853.
Duruy, Victor, sénateur, ancien ministre de l’Instruction
publique ; Villeneuve-St-Georges (Seine-et-Oise). — 1869.
_Gov&er, docteur en médecine; Dole (Jura). — 1852.
Lézur, membre de l’Institut (Académie des sciences morales);
rue Vanneau, 15, Paris. — 1866.
Magie (M£'), évêque de Versailles. — 1858.
Martin, Henri, historien; Paris-Passy, rue du Ranelagh, 54.
— 1865.
Panavey, ancien conseiller d'Etat, rue des Petites-Ecuries, 44,
Paris. — 1863.
Quicaerar, Jules, professeur à l'Ecole impériale des Chartes;
Paris, rue Casimir-Delavigne, 9. — 1859.
Résaz, Henri, ingénieur des mines (service du contrôle des
chemins de fer Paris-Lyon); Besançon. — 1853.
THierry, Amédée, sénateur, membre de l'Institut ( Académie
des sciences morales); rue de Tournon, 12, Paris. — 1867.
Membres résidants (1).
ApLER, fabricant d'horlogerie, quai Vauban, 30-32. — 1859.
ALEXANDRE, Secrétaire du conseil des prud'hommes, rue
d'Anvers, 4. — 1860.
() Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile
habituel est hors de Besançon, mais qui ont demandé le titre de résidants,
afin de-payer le maæinuwm de la cotisation et de contribuer ainsi d'une
manière plus large aux travaux de la Société.
1
— 397 —
MM. :
Azviser, président de chambre à la Cour impériale, rue du
Mont-Sainte-Marie, 1. — 1857.
D'ARBAUMONT, chef d’escadron d'artillerie en retraite, rue
Sainte-Anne, 1. — 1857. |
ARNAL, économe du Lycée impérial. — 1858.
BanER, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870.
BaïzLy (l'abbé), maître des cérémonies de la cathédrale.— 1865.
BargauD, Auguste, adjoint au maire, rue Saint-Vincent, 43.
— 1857. .
BarBaup, Charles, négociant, rue Neuve-St-Pierre, 15.—1862.
* Bavoux, Vital, contrôleur des douanes, à Valenciennes
(Nord).
BELLaIR, médecin-vétérinaire, rue de la Bouteille, 7. — 1865.
BeLor, essayeur du commerce, rue de l'Arsenal, 9. — 1855.
Berre DE TURIQUE, conseiller à la Cour impériale, rue Neuve,
24. — 1870.
BERTHELIN, Charles, ingénieur en chef des ponts et chaussées,
rue de Glères, 23. — 1858.
BERTIN, négociant, aux Chaprais (banlieue). — 1863.
* BERTRAND, docteur en médec., rue des Granges, 9. — 1855.
Besson, avoué, place Saint-Pierre, 17. — 1855.
Braz, Paul, chef d’escadron d'artillerie, sous-directeur à l’ar-
senal. — 1858.
Brez, chef de cabinet du préfet du Doubs, hôtel de la préfec-
ture. — 1870.
DE Bicor, chef d’escadron d'Etat-major, rue de la Préfecture,
31. — 1868.
BLonpeau, Charles, entrepreneur de menuiserie, vice-présid.
du conseil des prud'hommes, rue Saint-Paul, 57. — 1854.
BLonpeau, Léon, entrepreneur de charpenterie, rue Saint-
Paul, 57. — 1845.
BLoxpon, docteur en médecine, rue des Granges, 68. — 1851.
_Bonier, Eugène, doct. en médec., Grande-Rue, 53. — 1867.
Boizzor, Constant, graveur, place Saint-Amour, 1. — 1870,
— 398 —.
MM. k
BorrTeux, inspecteur honoraire du service des enfants assistés,
rue de la Bouteille, 9. — 1867. ‘
Bozce, propriétaire, rue des Cliambrettes, 18. — 1870.
Bosseux, Louis, professeur de rhétorique au Lycée, rue des
Granges, 7. — 1869.
Bossy, Xavier, fabric. d’horl., rue des Chambrettes, 6.—1867.
Boueror, Eugène, sous-chef de bureau à l'hôtel de ville,
secrét. du bureau de bienfaisance, rue Battant, 20. — 1868.
BouLcer, proviseur du Lycée impérial. — 1863.
BourRCHERIETTE dit POURCHERESSE, entrepreneur de peinture
et propriétaire, rue des Chambrettes, 8. — 1859. à
Bourpy, Pierre, essayeur du comm., rue de la Lue, 9.— 1862.
Bourier, Edouard, propriétaire, place Granvelle. — 1868.
BoussiNGAULT, chimiste, essayeur de la garantie. — 1870.
Bourrey, Paul, fabricant d'horlogerie, juge au tribunal de
commerce, rue Moncey, 12. — 1859.
Bouvarp, Louis, avocat, Grande-Rue, 95. — 1868.
Boysson p'Ecoze, trésorier-payeur général du département,
rue de la Préfecture, 22. — 1852.
BRezIN, Félix, sculpteur, faubourg Tarragnoz. — 1868.
BRETEGNIER, notaire, rue Saint-Vincent, 22. — 1857.
BrerTizLor, Eugène, propriétaire, rue des Granges, 46.—1840.
BrerTizzor, Léon, banquier, ancien maire de la ville, président
du tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 21. — 1853.
BrerTizLoT, Maurice, propr., rue de la Préfecture, 21.— 1857.
BrerTiLLor, Paul, propriét., rue de la Préfecture, 21. — 1857.
Brucxow, professeur à l'Ecole de médecine, médecin des hos-
pices, rue des Granges, 16. — 1860.
BRuGNON, ancien notaire, membre du conseil municipal, rue
de la Préfecture, 12. — 1855.
Bruxswicx, Léon, fabric. d’horlos., Grande-Rue, 28. — 1859.
Brusser, notaire, Grande-Rue, 14. — 1870.
Buisson, Louis, représentant de commerce, rue de la Préfec-
ture, 10. — 1869. |
— 399 —
MM.
pe Bussierre, Jules, conseiller honoraire à la Cour impériale,
président honoraire de la Société d'agriculture, rue du Clos,
33. — 1857.
CaxEL, chef de bureau à la ne — 1862.
CARLET, Joseph, ingénieur des ponts et chaussées, rue Neuve,
13. — 1858.
Casran, Auguste, conservateur de la bibliothèque et des
archives de la ville, rue Saint-Paul, 3. — 1856.
DE CHARDONNET (le vicomte), ancien élève de l'Ecole polytech-
nique, rue du Perron, 28. — 1856. |
CHauveLoT, professeur d’arboriculture; la Butte (banlieue).
” — 1858.
Cenevier, professeur à l'Ecole de médecine, chirurgien en
chef des hospices, rue de la Vieiïlle-Monnaie, 3. — 1851.
CHevizzreT, professeur de mathématiques Reise au Lycée
impérial, rue du Clos, 27. — 1857.
Cuorrar, Paul, géologue, rue des Granges, 21. — 1869.
CxoTarp, professeur d'histoire à la Faculté des lettres, rue du
Chapitre, 19. — 1866.
CHRÉTIEN, Auguste, directeur des transmissions télégraphi-
ques, palais Granvellé. — 1869.
pe CONEGLIANO (le marquis), chambellan de l'Empereur, an-
cien député du Doubs, rue de Ponthieu, 62, à Paris.— 1857.
Corprer, Jules-Joseph, employé des douanes, rue de la Pré-
fecture, 26. — 1862.
CouLon, Henri, avocat, rue de la Lue, 7. — 1856.
CourLer, proviseur de Lycée en retraite, rue Ronchaux, 11.
— 1863.
CourrorT, Théodule, commis-greffier à la Cour impér iale. —
1866.
Courexor, professeur à l'Ecole de médecine, médecin en chef
des hospices, Grande-Rue, 44. — 1852.
CueniN, Edmond, pharmacien, rue des Granges, 40. — 1863.
Cuizuier, relieur de livres, Grande-Rue, 58. — 1870.
— 400 —
MM.
Dacux (le baron), juge au tribunal de première instance,
membre du conseil général, rue de la Préfecture, 23.—1865.
Davin, notaire, Grande-Rue, 107. — 1858.
Decoumois, Ch., directeur d'usine; la Butte (banlieue). —
1862.
Deracroix, Alphonse, architecte de la ville. — 1840.
Deracroix, Emile, professeur à l'Ecole de médecine, imspec-
teur des eaux de Luxeuil, Grand-Rue, 33. — 1840.
Dexaws. vérificateur des poids et mesures, rue Proudhon, 4.
— 1866. |
Dérrey, Just, banquier, Grande-Rue, 96. — 1857.
Diérricn, Bernard, négociant, membre du conseil des pru- :
d'hommes, Grande-Rue, 73. — 1859.
Dusosr, Jules, maître de forges, rue Sainte-Anne, 2. — 1840.
. Ducar, Alfred, architecte, rue Saint-Pierre, 19. — 1855:
Dunop DE CHARNAGE, avocat, rue de la Bouteille, 1. — 1863.
Durer, géomètre, rue Neuve, 28. — 1858.
Erms, Edmond, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1860.
Eruis, Ernest, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1855.
Ermis, Léon, sous-inspecteur des forêts, rue de la Préfecture,
25. — 1862. :
Favre, Adolphe, professeur à l'Ecole de médecine, Grande-
Rue, 76. — 1862.
Faucomrré, chef d’escadron d'artillerie en retraite, lauréat
de la prime d'honneur au concours régional agricole de
Besancon en 1865, rue du Clos, 31. — 1855.
Faucomrré, Philippe, professeur d'agriculture du département
du Doubs, rue du Clos, 31. — 1868.
FEnnier, Louis, fabricant d’horlogerie, membre du conseil
municipal, rue Ronchaux, 3. — 1859.
Feuvrier (l'abbé), professeur à Saint-François-Xavier, rue des
Bains-du-Pontot, 4. — 1856.
Frrscx, Christian, propriétaire et entrepreneur de maçonnerie,
rue du Chateur, 12. — 1866.
”
— AO! —
MM. ,
Fox, agent principal d'assurances, place Saint-Pierre, 6. —
1865. |
Fou, Auguste, mécanicien, rue de l’Arsenal, 9. — 1862.
GAFFAREL, professeur d'histoire au Lycée, rue de la Préfec-
ture, 31. — 1868.
GarperT, Victor, conducteur des ponts et chaussées, rue Mo-
rand, 11. — 1869.
Gassmann, Emile, rédacteur en chef du Courrier franc-comtois,
rue du Mont-Sainte-Marie, 8. — 1867.
_ Gaupor, médecin; Saint-Ferjeux (banlieue). — 1861.
GAUFFRE, receveur principal des postes en retraite, rue Mo-
rand. — 1862.
GauLTiER DE CLAUBRY, professeur au Lycée; aux Chaprais
(banlieue). — 1868.
GauTHERoT, entrepren. de menuiserie, rue Morand, 9.— 1865.
GauTHiIER, Charles, négociant en fournitures d’horlogerie,
rue du Chateur, 7. — 1870.
GauTaier, Jules, archiviste du département du Doubs, rue
Neuve, 6. — 1866.
GÉrarD, Edouard, banquier, ancien adjoint au maire de
Besançon ; Genève, quai du Mont-Blanc, 5. — 1854.
GéranD, Jules, professeur de philosophie au Lycée impérial,
rue Neuve 5. — 1865.
Gæer, Théodose, avocat, Grande-Rue, 6. — 1870.
GizLaRD, avoué près la Cour impériale, rue des Granges, 62.
— 1870.
Girarpor, Régis, banquier, rue Saint-Vincent, 15. — 1857.
Giron, Achille, propriétaire; Saint-Claude (banlieue).—1856.
GrroD, avoué, rue Moncey, 5. — 1856.
Girop, Léon, surnuméraire de l'enregistrement, rue Neuve,
17. — 1870.
Giro», Victor, adjoint au maire, Grande-Rue, 70. — 1859.
Grrozer, Louis, dit ANDRoT, peintre-décorateur, rué de l'Ecole,
28-30. — 1866.
— ADS
MM.
GLorcer, Pierre, huissier, Grande-Rue, 58. — 1859.
GouizLauD, professeur à la Faculté des sciences, rue Saint-
Vincent, 3. — 1851.
Gouxanp, Alexandre, doct. en méd., Grande-Rue, 30.—1869.
Grax», Charles, directeur de l'enregistrement et des domaines,
Grande-Rue, 68. — 1852,
GRAND, Jean-Antoine, greffier de paix du canton sud de Be-
sançon, rue Morand, 12. — 1868.
GRANGÉ, pharmacien, rue Morand, 7. — 1859.
GRENIER, Charles, doyen de la Faculté des sciences et profes-
seur à l'Ecole de médecine. — 1840.
GResserT, Félix, lieutenant-colonel d'artillerie, propriétaire,
Grande-Rue, 53. — 1866.
GRévy, Albert, avocat, rue des Granges, 62. — 1870. : |
GROSJEAN, ancien bijoutier, rue des Granges, 21. — 1859. |
GROSRICHARD, pharmacien, place de l'Abondance, 17.— 1870. :
GUERRIN, avocat, rue de la Préfecture, 20. — 1855.
GuiBaRD (l'abbé), aumônier de la citadelle, rue du Chapitre, 7.
— 1866.
GuicaarD, Albert, pharmacien, rue d'Anvers. 3. — 1853.
GUILLEMIN, ingénieur-constructeur ; Casamène (banlieue). —
1840.
GUILLIN, libraire, rue Battant, 3. — 1870.
Hazpy, fabricant d'horlogerie, rue Saint-Jean, 3. — 1859.
Hory, propriétaire, rue de Glères, 17. — 1854.
Huarr, Arthur, avocat, rue de la Préfecture, 13. — 1870.
JacoB, Alexandre, maire de Pirey, propriétaire, rue Saint-
Paul, 54. — 1866.
Jacquarp, Albert, banquier, membre du conseil municipal,
rue des Granges, 21. — 1852.
JAcQUES, docteur en médecine, rue du Clos, 32. — 1857.
Jacques DE FLeurey, chef d’escadron d'artillerie, Grande-Rue,
98. — 18069.
JEANNINGROS, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. — 1864.
. — À03 —.
MM.
JeANNoT-Droz, Alphonse, fabricant d’horlogerie, Grande- :
Rue, 103. — 1870.
DE JOUFFROY (le comte Joseph), membre du conseil général,
au château d'Abbans-Dessous et à Besançon, rue du Cha-
pitres 4. = 18530
Kzeix, Auguste, propriétaire, membre du conseil municipal;
aux Chaprais (banlieue). — 1858.
LacosTe, archiviste-adjoint du département du Doubs.— 1870.
LANCRENON, conservateur du Musée et directeur de l'Ecole de
dessin, corresp. de l’Institut, rue de la Bouteille, 9. — 1859.
LAMBERT, Léon, ingénieur en chef des ponts et chaussées en
retraite, rue des Granges, 74. — 1852.
Lauper, conducteur des ponts et chaussées, rue Ronchaux,
10. — 1854.
Laurens, Paul, président de la Société d'agriculture du Doubs,
rue Saint-Vincent, 22. — 1854.
LEBLANC, Léon, peintre, membre du conseil des prud'hommes,
rue Morand, 8. — 1867.
LEson, Eugène, docteur en médecine, Grande-Rue, 88.—1855.
LEBRETON, directeur de l'usine à gaz, Grande-Rue, 97. — 1866.
LeGEenDRE, Louis, chef de bureau à l'hôtel de ville, receveur
du bureau de bienfaisance, rue du Chateur, 15. — 1866.
LéPaAGneY, François, horticulteur; la Butte (banlieue).—1857.
Levier, Constant, chirurgien-dentiste, rue Morand, 8.—1869.
LHomE, L., anc. not., rue de la Vieille-Monnaie, 4.— 1864.
Lierrroy, Aimé, propriétaire, rue Neuve, 11. — 1864.
DE LONGEviILLE (le comte), propriétaire, rue Neuve, 7.— 1855.
Louvor, Hub.-Nic., notaire, Grande-Rue, 48. — 1860.
Lumière, Antoine, photographe, rue des Granges, 59.— 1865.
MacnaRD, viticulteur, Grande-Rue, 14. — 1858.
Marre, ingénieur en chef des ponts et chaussées, rue Neuve,
15. — 1851.
Marror, Félix, banquier, membre du conseil d'arrondisse-
ment, rue de la Préfecture, 17. — 1857.
— 404 — :
MM.
D re Edouard, entrepreneur de charpenterie, rue ai
— 1865.
nn négociant, rue Saint-Pierre, 13. — 1869.
Marcxaz, Georges, essayeur du commerce, Grande-Rue, 14,
— 1860.
Marion, mécanicien ; Casamène (banlieue). — 1857.
MarioN, Charles, libraire, place Saint-Pierre, 2. — 1868.
Marzer, Adolphe, secrétaire général de la préfecture de la
Haute-Saône. — 1852.
Marque, Hector, propriétaire, ancien élève de l'Ecole poly-
technique; Poligny (Jura). — 1851. -
MARTIN, Jules, manufacturier; Casamène (banlieue).— 1870.
Marxior, Joseph, avocat, rue du Chateur, 20. — 1851.
MazoyiE, ancien notaire, rue des Chambrettes, 12. — 1840.
Mérin, Georges, agent voyer, rue du Chateur, 17. — 1868.
Mrcau», Jules, direct. en retraite de la succurs. de la Banque,
juge au tribunal de comm., rue des Granges, 38. — 1855.
Mircxez, Brice, décorateur des promenades de la ville; Fon-
taine-Ecu éhsUE — 1865.
Myrzcer, profess. de philosophie à la Faculté des lettres. 1870.
Monnier, Paul, correcteur d’impr., rue de Glères, 15.-—1868.
Morez, Ernest, docteur en médecine, rue Moncey, 12.—1863.
Mourrize, Alfred, banquier, rue de la Préfecture, 31.—1856.
Norrer, voyer de la ville, rue de la Madeleine, 19. — 1855.
D'Orivaz, Léon, propriétaire, rue du Clos, 22. — 1854.
D'OrIvAL, Paul, conseiller à la Cour impériale, place Saint-
Jean, 6. — 1852.
Ouper, Gustave, avocat, rue Moncey, 2. — 1855.
OUTHENIN - CHALANDRE , fabricant de papier et imprimeur,
membre et ancien président de la Chambre de commerce,
rue des Granges, 23. — 1843.
OUTHENIN-CHALANDRE, Joseph, ancien juge au tribunal de
commerce, Grande-Rue, 68. — 1856.
PaizLor, Justin, naturaliste, rue des Chambrettes, 13.—1837.
|
— 405 —
MM.
ParGuez (le baron), docteur en médecine, Grande-Rue, ‘106.
1857. ;
PEQUIGNOT, Ernest, monteur de boîtes; Montjoux (banlieue).
— 1870.
PERCEROT, architecte, rue du Chateur, 25. — 1841.
PÉrrARD, docteur en médecine, rue du Clos-St-Paul, 6.—1861.
PériarD, Alfred, négociant, rue des Granges, 9. — 1870.
DE PÉRIGNY, Arthur, officier surveillant du dépôt d'étalons; la
Butte (banlieue). — 1870.
DE PÉRIGNY, Félix, directeur du dépôt d'étalons; la Butte
(banlieue). — 1870.
PErNarp, négociant, rue de Chartres, 8. — 1868.
PERRIER, Just, employé à la préfecture, quai Napoléon, 1. —
1866.
PERRUCHE DE VELNA, avocat, rue Saint-Vincent, 18. — 1870.
Pérey, chirurgien-dentiste, Grande-Rue, 70. — 1842.
PEeTiTeuENoT, Paul, avoué près la Cour impér., Grande-Rue,
107. — 1869.
Picarp, Arthur, banquier, Grande-Rue, 48. — 1867.
Piquet, Emm., fabricant d’horlogerie, place Saint-Pierre, 9,
— 1856.
Piquerez, Aristide, fabricant d'horlogerie, rue de Glères, 23.
— 1866.
PorGnanp, médecin-vétérinaire, rue Morand, 9. — 1855.
Porter, Joseph, entrepreneur de plâtrerie, rue d’Arènes, 93.
— 1870.
Pourcy pe Lusaxs, docteur en médecine, rue de la Préfecture,
23. — 1840. |
PROUDHON, Camille, conseiller à la Cour impériale, Grande-
Rue, 129. — 1856.
Proupaon, Léon, maire de la ville, rue de la Préfecture, 25.
— 1856.
Race, Louis, négociant, ancien adjoint au maire, rue Bat-
tant, 7. — 1857.
= Aÿ6 =
MM.
RatINE, Pierre, négociant, rue Baltant, 7. — 1859.
Ravier, Franc.-Joseph, ancien avoué; St-Claude (banlieue). :
— 1858.
* RenauD, Alphonse, licencié en droit, surnuméraire de l'en-
registrement, abbaye Saint-Paul. — 1869.
Rexau», Francois, négociant, abbaye Saint-Paul. — 1859.
Rexaup, Louis, ancien pharmacien, rue d'Anvers, 4.— 1854.
REenauD, Victor, agent comptable de la caisse d'épargne, rue
de la Préfecture, 16. — 1865.
Reynaup-Ducreux, professeur à l'Ecole d'artillerie, rue Ron-
chaux, 22. — 1840.
RraLpo, profess. de dessin au Lycée, rue du Clos, 16.— 1869.
Rozer, Pierre, syndic des faillites, rue Battant, 57. — 1870.
SAILLARD, Albin, professeur à l'Ecole de médecine, Grande-
Rue, 117. — 1866.
SaINT-Eve, Ch., entrepreneur de serrurerie, place Granvelle.
— 1865.
SanT-Eve, Louis, fondeur en métaux, rue de Chartres, 8. —
1852.
Samnr-Ginesr, Etienne, architecte du département du Doubs,
rue de la Préfecture, 18. — 1866. |
DE SamT-JuaAN (le baron Charles), rue des Granges, 4.—1869.
DE SAINTE-AGATHE, Louis, ancien ue au maire, rue d'An-
vers, |. — 1851. 6
SICARD, Honoré, négociant, rue de la Préfecture, 4. — 1859.
SIRE, Greorges, docteur ès-sciences, essayeur de ï qe,
rue Morand, 16. — 1847.
STEHLIN, professeur de musique à l'Ecole noymale, Grande-
Rue, 108. — 1867.
TAILLEUR, propriétaire, rue d'Arènes, 33. — 1858.
TaiépauD (l'abbé), chanoine, Grande-Rue, 112. — 1855.
Tissor, économe de l’Asile départemental, rue des Granges,
23. — 1868.
TouRNIER, Justin, propriét,, rue de la Préfecture, 25.— 1855,
— 407 —
MM.
Tournier, Paul, professeur à l'Ecole de médecine, rue des
Granges, 32. — 1866.
TRAVELET, ancien essayeur de la garantie, rue HEURE
93. — 1854.
TRÉMOLIÈRES, Jules, avocat, rue des Martelots, 1. — 1840.
VARAIGNE, Charles, premier commis de la direction des con-
tributions indirectes, rue Saint-Vincent, 18. — 1856.
Veiz-Picarb, Adolphe, juge au tribunal de commerce, Grande-
Rue, 14. — 1859.
DE VEZET (le comte), propriétaire, rue Neuve, 17 ter.— 1859.
DE VEzeT (le vicomte Edouard), membre du conseil d'arron-
dissement, rue Neuve, 17 ter. — 1870.
Vézian, professeur à la Faculté des sciences, rue Neuve, ?1.
— 1860.
VieNNET, surveillant nr au Lycée, rue de la Préfecture,
10. — 1869.
Vivier, Edmond, directeur des prisons du département du
Doubs, quai Napoléon, 27. — 1866.
Voisin, Claude-Francçois, entrepreneur, membre du conseil
des prud'hommes, rue d'Anvers, 4. — 1869.
Voisin, Pierre, propriét., directeur de la société d'entreprises
Voisin et Ci*; Montrapon (banlieue). — 1855.
VouzEau, conservateur des forêts, rue des Granges, 38.—1856.
VuILLERET, Just, juge au tribunal, secrétaire de la commission
municipale d'archéologie, rue Saint-Jean, 11. — 1851.
WERLEIN, Amédée, négociant, rue des Granges, 44. — 1870.
Wipaz, prof. à la Faculté des lettres, Grande-Rue, 79.—1868.
WILLEMIN, propriétaire, rue de la Madeleine, 20. — 1868.
ZAREMBA, premier commis de la direction de l'enregistrement,
rue des Granges, 7. — 1869.
— 408 —
Membres correspondants.
MM.
D'ANDELARRE (le marquis), député de la Haute-Saône; au
château d'Andelarre, près Vesoul. — 1868.
Baizzy, pharmacien ; Vauvillers (Haute-Saône). — 1867.
BaLANCHE, Stanisl., ingénieur-chimiste ; Thann (Haut-Rhin).
— 1868.
DE BANCENEL, chef de bataillon du génie en retraite; Liesle
(Doubs). — 1851.
Barpy, Henri, pharmacien; Saint-Dié (Vosges). — 1853.
BarRAL, pharmacien, ancien maire de la ville de Morteau
(Doubs). — 1864.
BATAILLARD, Claude-Joseph, greffier de la justice de paix;
Audeux (Doubs). — 1857.
BeauquierR, économe de Lycée en retraite; Montjoux (ban-
lieue). — 1843.
BELTRÉMIEUX, agent de change; La Rochelle (Charente-[mfé-
rieure). — 1856.
Benorr, Claude-Emile, vérificateur des douanes; Paris, rue
du Faubourg-Saint-Martin, 188. — 1854.
Benoir, vérificateur des poids et mesures; Dole (Jura).—1870.,
* BERTHAUD, professeur de physique au Lycée de Mâcon
(Saône-et-Loire). — 1860.
* BerTaoT, ingénieur en chef de canal en retraite; Pouilly
(Saône-et-Loire). — 1851. ;
BErTRAND, Alexandre, conservateur du Musée impérial de
Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise). — 1866.
Besson, directeur des salines de Salins (Jura). — 1859.
Bgrrenp, Abel, impr.-lithogr.; Lure (Haute-Saône). — 1862.
* BEUQUE, triangulateur au service de la topographie algé-
rienne ; Constantine. — 1853. |
Bixio, Maurice, agronome, rue de Rennes, 93, Paris.—1866.
BLANc&e, naturaliste et étudiant en droit; Dijon (Côte-d'Or).
— 1865.
= 10
MM. |
* pe BoiscecomTEe (le vicomte), général de division; Paris,
boulevard Haussmann, 82. — 1854.
Borssecer, archéologue ; Vesoul (Haute-Saône). — 1866.
Boïrssonx, Emile, propriétaire ; Moncley (Doubs). — 1865.
* Bouizzer, Appolon, rue de Grenelle-St-Honoré, 18, Paris.
— 1860.
BouTHEeNoT-PEuGEoT, président de la Société des bibliothèques
communales de l'arrondissement de Montbéliard, maire de
Valentigney (Doubs). — 1869.
Bouvor, chef de bataillon du génie en retraite; Dole (Jura).
— 1864.
BRANGET , conducteur des ponts et chaussées ; Terre-Noire
(Loire). — 1852.
* BREDIN, profess. au Lycée de Vesoul (Haute-Saône).—1857.
Brior, docteur en médecine ; Chaussin (Jura). — 1869.
Bucxer, Alexandre, propriét.; Gray (Haute-Saône). — 1859.
BurcxarpT, Jean-Rodolphe, docteur en droit, conseiller à la
Cour d'appel de Bâle (Suisse). — 1866.
CarME, conducteur des travaux du chemin de fer; Chaussin
(Jura). — 1856. ê
CaRTEREAU, docteur en médecine; Bar-sur-Seine (Aube). —
1858.
CasrTan, Francis, capitaine d'artillerie à la poudrerie du Bou-
chet (Seine-et-Oise). — 1860.
Cessac, archéologue, rue des Feuillantines, 101, Paris.—1863.
CHaLor, instituteur; Froideterre, près Lure (Haute-Saône).—
1868.
.… CHAMPIN, secrétaire général de la préfecture de l'Aisne; Laon.
— 1865.
Capuis, Louis, pharmacien ; Chaussin (Jura). — 1869.
CHarpy, Léon, archéologue ; Saint-Amour (Jura). — 1870.
CHATELET, curé de Cussey-sur-l'Ognon (Doubs). — 1868.
* Caazaun, archiviste du département de l’Allier; Moulins.—
1865.
28
— 110 —
MM. :
CHervix aîné, directeur-fondateur de l’Institution des Bègues;
Paris, avenue d'Eylau, 90. — 1869.
* CLoz, Louis, peintre; Lons-le-Saunier (Jura). — 1863.
Coran», chef d'institution; Ecully (Rhône). — 1857.
Cozar», Charles, architecte; Lure (Haute-Saône). — 1864.
Co1w, juge de paix; Pontarlier (Doubs). — 1864.
* ConNTEJEAN, Charles, professeur à la Faculté des sciences de
Poitiers (Vienne). — 1851.
Cosre, docteur en médecine et pharmacien de première classe;
Salins (Jura). — 1866.
* CoTTEAU, juge au tribunal de première instance; Auxerre
(Yonne). — 1860.
* CourHEeRuT, Aristide, notaire; Lure (Haute-Saône).—1862.
CréBeLy, Justin, employé aux forges de Franche-Comté ;
Fraisans (Jura). — 1865.
Cuiner, curé de canton; Amancey (Doubs). — 1844.
Curé, docteur en médecine; Pierre (Saône-et-Loire). — 1855.
DarLor, ingénieur-opticien, rue Chapon, 14, Paris. — 1864.
DErAvELLE, inspect. primaire; Montbéliard (Doubs).— 1866.
DELEULE, instituteur; Jougne (Doubs). — 1863.
Dépierres, Auguste, avocat, bibliothécaire de la ville de Lure
(Haute-Saône). — 1859.
* DEsseRTINES, direct. des forges de Quingey (Doubs).— 1866.
Derzem, ingénieur en chef des ponts et chaussées, Niort
(Deux-Sèvres). — 1851.
* Deus, Eugène, banquier; Epernay (Marne). — 1860.
DEvarenNE, Ulysse, capitaine de frégate de la marine impé-
riale; Toulon (Var). — 1867.
Devaux, pharmacien ; Gy (Haute-Saône). — 1860.
Déy, conservateur des hypothèques ; Laon (Aisne). — 1853.
Donner, chef de service de la compagnie des chemins de fer
de Paris à Lyon; Paris. — 1857.
Drapeyron, Ludovic, professeur d'histoire au Lycée Napoléon,
rue Clotaire, 3, Paris. — 1866.
— M1 —
DumorTier, Eugène, négociant, avenue de Saxe, 97, Lyon
(Rhône). — 1857.
Favre (Pierre), apiculteur ; Seurre (Côte-d'Or). — 1865.
* FazLor, fils, architecte, Montbéliard (Doubs). — 1858.
FarGEauD, professeur de Faculté en retraite ; Saint-Léonard
(Haute-Vienne). — 1842.
* Favre, Alphonse, profess. à l'Académie de Genève (Suisse).
— 1862.
* pe Ferry, Henri, maire de Bussières, par Saint-Sorlin, près
Mäcon (Saône-et-Loire). — 1860.
* Fire, curé de la Rivière (Doubs). — 1854.
Fozrète, curé de Verne (Doubs). — 1858.
* ForTuné, Pierre-Félix, empl. aux forges de Franche-Comté;
Fraisans (Jura). — 1865.
* DE FROMENTEL, docteur en médecine; Gray (Haute-Saône).
— 1857.
GazLoTti, Léon, capitaine, professeur à l'Ecole impériale
d'Etat-major, rue du Hâvre, 9, Paris. — 1866.
GARNIER, Georges, avocat; Bayeux (Calvados). — 1867.
Gascox, Edouard, agent voyer; Fontaine-Française (Côte-
d'Or). — 1868.
GAUTHIER, docteur en médecine ; Luxeuil (Haute-Saône). —
1869.
= GENTILHOMME, pharmac. de l'Empereur; Plombières (Vosges).
— 1859.
Gevrey, Alfred, procureur impérial à Pondichéry (Indes
françaises). — 1860.
GinprE, docteur en médecine; Pontarlier (Doubs). — 1869.
* GIRARDIER, agent voyer d'arrondissem!; Pontarlier (Doubs).
— 1856.
* Grron, Louis, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1851.
Giron, Louis, doct. en médec.; Mignovillars (Doubs).—1870.
* Goprow, doyen de la Fac. des sciences de Nancy (Meurthe).
— 1843, |
— 412 —
MM.
* GoqueL, Ch., manufacturier, au Logelbach (Haut-Rhin).
— 1856.
GoGueL, pasteur; Sainte-Suzanne, près Montbéliard (Doubs).
— 1864.
GoGueLy, Jules, archit.; Baume-les-Dames (Doubs). — 1856.
GouGer, Hippolyte, contrôleur des contributions directes ;
Montbéliard (Doubs). — 1869.
* GRANDMOUGIN, architecte de la ville et des bains de Luxeuil
(Haute-Saône). — 1858.
GRENIER, Edouard, littérateur, rue de Lille, 52, Paris.—1870.
* GuiLzemoT, Antoine, entomologiste; Thiers (Puy-de-Dôme).
— 1854.
Guyarp, Auguste, littérateur, rue de Vaugirard, 60, Paris. —
1869.
Hucow, Charles, littérateur; Moscou (Russie). — 1866.
HuGon, Gusrave, maire et suppléant du juge de paix de
Nozeroy (Jura). — 1867.
* Jaccarp, Auguste, professeur de géologie à l’Académie de
Neuchâtel (Suisse) ; au Locle. — 1860.
Jourpy, Emile, lieutenant d'artillerie, licencié ès-sciences
naturelles ; Vincennes (Seine). — 1870.
Jussy, Eugène, notaire; Moissey (Jura). — 1869.
DE KavanNAGH-BALLYANE (le baron Henri), à Graz (Styrie). —
1867.
KLEIN, ancien Juge au tribunal de comm. de la Seine, adjoint
au maire du 16° arrondiss. de Paris; Passy-Paris. — 1858.
* Koecazin, Oscar, chimiste ; Dornach (Haut-Rhin).— 1858.
Koacer, Xavier, président de la Société jurassienne d’Emu-
lation; Porrentruy, canton de Berne (Suisse). — 1864.
* KoxcLmanN, receveur du timbre; Angers (Maine-et-Loire).
— 1861.
* Kozer, Charles, constructeur ; Tavaux (Jura). — 1856.
* LamoTre, directeur de hauts-fourn.; Ottange, par Aumetz
(Moselle). — 1859.
— 415 —
MM.
* Lanezois, juge de paix; Dole (Jura). — 1854.
LANTERNIER, Chef du dépôt des forges de Larians ; Lyon, rue
Sainte-Hélène, 10. — 1855.
Larour-pu-Mouuin, député du Doubs, rue de Suresnel, 17,
Paris. — 1864.
* LAURENT, Ch., ingénieur civil, rue de Chabrol, 35, Paris. —
1860.
* LeBEAU, chef du service commercial de la Compagnie des
forges de Franche-Comté; Fraisans (Jura). — 1859.
LEBRUN-DALBANNE, archéologue, Troyes (Aube). — 1868.
Leczerc, François, archéologue ct naturaliste; Seurre (Côte-
d'Or). — 1866.
LeNorManD, avocat; Vire (Calvatlos). — 18435.
* Leras, inspecteur d'Académie; Auxerre (Yonne). — 1858.
Laomme, Victor, directeur des douanes ; Colmar (Haut-Rhin).
— 1842.
Licrer, Arthur, pharmacien ; Salins (Jura). — 1863.
Lory, professeur de géologie à la Faculté des sciences de
Grenoble (Isère). — 1857.
Macxarp, Jules, peintre d'histoire, pensionnaire de l'Aca-
démie de France à Rome. — 1866.
* MarzLaRp, docteur en médecine; Dijon {Côte-d'Or).—1855.
MaisonxerT, curé de Villers-Pater (Haute-Saône). — 1856.
* pe Manpror, colonel fédéral; Neuchâtel (Suisse). — 1866.
DE ManproT, Bernard, élève de l'Ecole impériale des Chartes ;
Paris. —- 1870.
Marcou, Jules, géologue, boulevard St-Michel, 81. — Paris.
— 1845.
DE MarmiErR (le duc), député au Corps législatif; Seveux
(Haute-Saône). — 1854.
De Marmier (le marquis), membre du conseil général du
Doubs ; rue de l'Université, 11, Paris. — 1867.
MarquiseT, Gaston, propriét.; Fontaine-lez-Luxeuil ( Haute-
Saône). -— 1858.
— 414 —
MM.
Marin, docteur en médecine, Aumessas (Gard). — 1855.
* Maruey, Charles, pharmacien; Ornans (Doubs).— 1856.
pe MENTHON, René, botaniste; Menthon (Haute-Savoie). —
1854,
* Micez,, Auguste, instituteur communal ; Mulhouse (Haut-
Rhin). — 1842.
MicxeLor, ingénieur en chef des ponts et chaussées, rue de la
Chaise, 24, Paris. — 1858.
MiGnaRp, correspondant du minist. de l'Instruction publique ;
Dijon (Côte-d'Or). — 1868.
Monnier, Eugène, architecte, rue Billault, 19, Paris. — 1866.
Moréri, docteur en médecine, rue de Rivoli, 68, Paris. —
1857.
Mouror, instituteur public; Beure (Doubs). — 1870.
Muenrer, Henri-Auguste, ingénieur-architecte, rue du Fau-
bourg-Saint-Denis, 176, Paris. — 1868.
Muxier, médecin; Foncine-le-Haut (Jura). — 1847.
Musrox, docteur en médecine ; rue de Seine, 76, Paris. —
1864.
pe Nervaux, Edmond, chef de bureau au ministère de l’Inté-
rieur; Paris. — 1856. »
ORDINAIRE DE LACOLONGE, chef d’escadron d'artillerie en re-
traite; Bordeaux (Gironde). — 1856.
* PaRANDIER, inspecteur général des ponts et chaussées, rue
de Berri, 43, Paris. — 1852.
Paris, docteur en médecine; Luxeuil (Haute-Saône). — 1866.
Parisor, Louis, pharmacien ; Belfort (Haut-Rhin). — 1855.
PARMENTIER, Jules, membre du conseil général de la Haute-
Saône; Lure. — 1864.
Parez, ancien maire de Quingey (Doubs). — 1866.
Pécour, Auguste, archiviste-paléographe, attaché à l'ambas-
sade de France à Rome; château de Villiers, à Draveil
{Seine-et-Oise). — 1865.
PERRIER, Francis, manufacturier; Thervay (Jura). — 1867.
— 415 —
MM.
* PEerrow, conservateur du musée de la ville de Gray (Haute-
Saône). — 1857.
* Pessières, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1853.
Perir, Jean, statuaire, rue d'Enfer, 89, Paris. — 1866.
Perir, Jean-Hugues, chef de section du chemin de fer; Pon-
tarlier (Doubs). — 1869.
Peucsor, Constant, membre du conseil général; Audincourt
(Doubs). — 1857
Prerney, docteur en médec.; Luxeuil (Haute-Saône). — 1860.
PrzLop, Félix, notaire ; Pontarlier (Doubs). — 1867.
PinaïRe, Jules, juge de paix; Clerval (Doubs). — 1868.
Poisor, Maurice, avocat; Dijon (Côte-d'Or). — 1870.
Pozy, receveur des contribut. indirectes; Héricourt (Haute-
Saône). — 1869.
Pompée, Philibert, membre du conseil supérieur de l’ensei-
gnement secondaire spécial; Ivry (Seine). — 1869.
PÔxe, docteur en médec., ancien maire de Pontarlier (Doubs).
— 1842.
Du PouEy, général en retraite; Pelousey (Doubs). — 1865.
PourTier, Jules, employé des contributions indirectes; Arc-
et-Senans (Doubs). — 1866.
ProsrT, Bernard, archiviste-paléographe, rue Bonaparte , 17,
Paris. — 1867.
Proupxon, Hippolyte, membre du conseil d'arrondissement ;
Ornans (Doubs). — 1854.
* Quécer, Lucien, docteur en médec.; Hérimoncourt (Doubs).
— 1862.
QuiquEerEz, ancien préfet de Delémont; Bellerive, canton de
Berne (Suisse). — 1864.
Racine, P.-J., ancien avoué; Oiselay (Haute-Saône).— 1856.
REBILLARD, pasteur; Trémoins (Haute-Saône). — 1856.
Repper, recev. des douanes; Lanslebourg (Savoie). — 1868.
* Rexaun, Alphonse, officier principal d'administration de
l'hôpital militaire de Vincennes. — 1855.
— 116 —
MM.
* RenauD, Edouard, capitaine au régiment des sapeurs-pom-
piers de Paris, au Louvre, B. Rivoli. — 1868.
Rexau», docteur en médec.; Goux-lez-Usiers (Doubs).—1854.
Revon, Pierre, banquier; Gray (Haute-Saône). — 1858.
RicHarD, Ch., docteur en médecine; Autrey-lez-Gray (Haute-
Saône). — 1861.
RoBnerT, Paul, peintre - paysagiste; Montagney, canton de
Pesmes (Haute-Saône). — 1867.
pe RocHas D'AIGLUN, capitaine du génie; Grenoble (Isère). —
1866.
RozLorT, contrôleur des contributions indirectes en retraite:
aux Chaprais (banlieue de Besancon). — 1846.
RouGer, docteur en médecine; Arboiïs (Jura). — 1856.
Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Carmes, rue de Vaugi-
rard, 70, Paris. — 1867.
* Sancey, Louis, propriét.; Montjoux (banlieue de Besancon).
— 1855.
SARRAZIN, propriétaire de mines ; Laissey (Doubs). — 1862.
* SARRETTE, colonel du 34° régiment de ligne; Alcer.—1864.
* DE SAUSSURE, Henri, naturaliste; château de la Charnéa,
près Bonne-sur-Ménage (Haute-Savoie). — 1854.
SAUTIER, chef de bataillon du génie en retraite; Vesoul (Haute-
Saône). — 1848. |
TarzLeur, Louis, prof. au collége de St-Claude (Jura).—1867.
* THénarD (le baron), membre de l'Institut (Académie des
sciences); Talmay (Côte-d'Or). — 1851.
TaierrY, Gilbert, auditeur de première classe au Conseil
d'Etat, boulevard Malesherbes, 20, Paris. — 1868."
TaurieT, Charles, juge de paix; Rougemont (Doubs).—1869.
Tissor, correspondant de l'Institut, doyen de la Faculté des
lettres de Dijon (Côte-d'Or). — 1859.
Tougin, Charles, professeur au collége arabe d’Alger.— 1856.
Tourer, Félix, percepteur; Nans-sous-Sainte-Anne (Doubs).
— 1854. |
4
u
+4
— 417 —
MM.
* Tournier, Ed., docteur ès-lettres, rue de Vaugirard, 92,
Paris. — 1854.
Travezer, Nicolas, propriétaire; Bourguignon - lez - Morey
(Haute-Saône). — 1857.
Travers, Emile, conseiller de préfecture ; Caen (Calvados). —
1869.
Trrppuin, Julien, représentant de la fabrique bisontine d’hor-
logerie, à Londres, Hart street Bloomsbury, 13. — 1868.
TRucHELUT, photographe, rue Richelieu, 98, Paris. — 1854.
Tusrey, Alexandre, archiviste aux archives de l'Empire, place
Wagram, 4, Paris. — 1863.
Vazrrey, Jules, chef de bureau au ministère de l'Intérieur,
rue Treilhard, 3, Paris. — 1860.
VENDRELY, pharmacien ; Champagney (Haute-Saône).—1863.
Virgile, Emile, libraire, maison Victor Masson, rue de l'E-
cole-de-Médecine, 17, Paris. — 1862.
VreiLce, Eugène, fabricant de meules ; La Ferté-sous-Jouarre
(Seine-et-Marne). — 1860.
VIvIEN DE SAINT-MARTIN, vice-président de la Société de géo-
graphie, quai Bourbon, 15, Paris. — 1863.
WALLON, Henri, ancien élève de l'Ecole normale, professeur
de Lycée; Paris. — 1868.
* WeTzeL, architecté de la ville et président de la Société
d'Emulation de Montbéliard (Doubs). — 1864.
Wey, Francis, inspecteur général des archives de France;
Paris, rue de Clichy, 14. — 1860.
* WiLLERME, Colonel commandant le régiment des sapeurs-
pompiers de Paris. — 1869.
— 18 —
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES.
Le millésime indique l’année dans laquelle ont commence les relations.
FRANCE
Comité impérial des travaux historiques et des sociétés
savantes près le Ministère des Lettres, Sciences et
Beaux-Arts (deux exemplaires des Mémoires). . . . . 1856
Ain
Société impériale d'Emulation de l'Ain, à Bourg . . . 1869
Aisne
Société académique des sciences, arts, belles-lettres,
agriculture et industrie de Saint-Quentin . . . . .. 1862
Allier
Société des sciences médicales de l'arrondissement de
LCR à rl MOMENONEAR REINE CRE EE SL US Sd 1851
Société d'Emulation du département de l'Allier; Mou-
F2 PORTA E LUE ER x RAT VEN LE RE LS GS à 1860
Alpes-Maritimes
Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes ;
DAC PME acte RE dr TON PC ICIELE 1867
Ardèche
Société des sciences naturelles et historiques de l’Ar- x
dechesPVASD 7 LR RRQ CASAARE TE EE RSR 1863
Aube
Société académique de l'Aube; Troyes. . . . . . . . . 1867
‘ Bouches-du-Rhône
Société de statistique de Marseille . . . . . . . . . . . 1867
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille. 1867
— 419 —
Calvados
Société Linnéenne de Normandie ; ent en
Société française d'archéologie; Caen . ........
Charente-Inférieure
Société d'agriculture de Rochefort . . A ARNANE à ce
Côte-d'Or
Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. .
Société d'agriculture et d'industrie agricole du départe-
inout-de l COR Or DEONE EME REA AA
Commission des antiquités du département de la Côte-
OUR AMOR Fe NP EE de eue 2 ze MS
Doubs
Académie des sciences, belles-lettres etarts de Besançon.
Société d'agriculture, sciences naturelles et arts du dé-
partement du Doubs; Besançon . : : . . ... . . ..
Commission archéologique de Besançon . . . . . . ..
Société d'Emulation de Montbéliard . . . . . . . . ..
Société de médecine de Besançon : . . . : . . . . ..
Société de lecture de Besancon . ... . . .. . . ... ..
Eure-et-Loir
Société Dunoise ; Châteaudun .............
Gard
Acadie Niness cn Eee
Société scientifique et littéraire d'Alais. . . . . . . ..
; Gironde
Commission des monuments de la Gironde; Bordeaux.
Société des sciences physiques et naturelles de Bor-
Hérault
eademie de MONET PLAN RENNES
Société archéologique de Montpellier. . . . , . .. À
1857
1861
— 420 —
Isère
Société de statistique et d'histoire naturelle du départe-
ment.de l'ISeres"GrEuONer A MOUATN. PA TRPENNES
Jura
Société d'Emulation du département du Jura; Lons-
1É-Éaanier te ANR. RE TS TT Te NE
Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny
Loire
Société impériale d'agriculture, industrie, sciences, arts
et belles-lettres du département de la Loire; Saint-
RENE Re UE CE. ERA MR TI EEE
Loiret
Société archéologique de l'Orléanais; Orléans . . . ..
Maine-et-Loire
Société industrielle d'Angers et du département de:
Maine-pi-[Loire; Atari 01e SEC ASNNNRR NE
Société académique de Maine-et-Loire; Angers . . ..
Manche
Société des sciences naturelles de Cherbourg. . . . ..
Marne
Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du
département de la Marne; Châlons . . . ..
Mayenne
* Société de l'industrie de la Mayenne ; Laval . . . . ..
Société d'archéologie, sciences, arts et belles-lettres du
département de la Mayenne; Mayenne . . . . . ..
Meuse
Société philomatique de Verdun: . . . . . . "LE
Morbihan
Société polymathique du Morbihan ; Vannes . . . ..
1857
1844
1860
1866
1851
Moselle
Société d'histoire naturelle du département de la Mo-
Sa ERA PART JARORSARESNET EUROS SO ARE
: Oise
Société d'agriculture de Compiègne . . ........
Pyrénées (Hautes-)
Société académique des Hautes-Pyrénées ; Tarbes. . .
Pyrénées-Orlentales
Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-
HAICIAAIOS SE CLIP A OPEN GRR EURE, TE
Rhin (Sas-)
Société des sciences naturelles de Strasbourg. . . . . . j
Rhin (Haut-)
Société d'histoire naturelle de Colmar . . . . . . . ..
Rhône
Société Einnéenne de Lyom 1... 0 0 US Un
Société d'agriculture, d'histoire naturelle et arts utiles
nn MAR es A Stern A el 2 OR AE GE io
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. .
Société d'horticulture pratique du département du
RONDE PVO UC NON CE AVE SR TR A ER
TEE (Een ad RUES A à MON CL RES APS SU
Saône-et-Loire
Société Eduenne; Autun. . . . .. RS A RTE
Société d'archéologie de Chalon-sur-Saône . . . . ..
Mode dEMMACOn Ne AL MAN. AR AM r ere
Rédaction des Matériaux d'archéologie et d'histoire ;
CAIOn= Ur SAONE A APARTMENTS ATEN
Saône )Haute-)
Commission d'archéologie de la Haute-Saône ; Vesoul.
1845
1862
1859
1861
— 422 —
Sarthe
Société d'agriculture, sciences et arts; le Mans. ....
Savoie (Haute-)
Académie impériale de Savoie; Chambéry. . . ..
Seine
Société géologique de France; Paris . . . . . . . . ..
Société de secours des amis des sciences ; Paris .
Société de linguistique; Paris, rue de Lille, 34
Association scientifique; Paris : . . : "#22,
Société d'encouragement pour l'industrie nationale ;
PATISE PORN ET Ne PPUNOUE AE TE OP RER
Société impériale dès antiquaires de France; Paris. . .
Société française de numismatique et d'archéologie ;
Paris, -rue:de l'Univers A0 4 re PC CU
Seine-et-Marne
Société d'archéologie, sciences, lettres et arts de Seine-
et- Marne Mel. 2 PEER ESS EEE
Seine-et-Oise
Société des sciences naturelles et médicales de Seine-
et=-Oise :/Versanlleg:, 4 2ram 0 PR ann ACTE Ar RIRE
Seine-Inférieure
Commission départementale des antiquités de la Seine-
In TIGUTE MAUR NME NN RAS PEINE NE
Somme
Société des antiquaires de Picardie; Amiens. . . . ..
Tarn
Société scientifique et littéraire de Castres . . . . . . .
Var
Société des sciences naturelles, des lettres et des beaux-
arts de Cannes et de l’arrondissement de Grasse, . .
é
1869
1869
1847
1863
1865
1866
1867
1867
1869
1865
1865
1869
1869
1860
1870
RS ee
Vienne (Haute-)
Société archéologique et historique du Limousin ;
AMOR ES NN EU NDS) Mn 1.7... ES
Vosges
Société d'Emulation du département des Vosges;
SO de LR EMEA 204 Ag 2 29 9 SEAT ENT CT EE
Yonne
Société des sciences historiques et naturelles de
'Nourié SLAUXEETEL AE SE MN NUE Are Me :
pogiélé d'agriculture de Joigny. et LCR,
ALGÉRIE
Société de climatologie algérienne ; Alger . . . . . ..
Société historique algérienne ; Alger. . . . . . . . ..
ALLEMAGNE
Institut impérial et royal de géologie de l'empire d'Au-
triche (Kæserlich‘kæniglich geologische Reichsan-
HEURE Sr 111 ONE en on EE
Académie royale des sciences de Bavière, à Munich
(Kænigl. bayer. Akademie der Wissenschaften zu
München), représentée par M. Scheuring, libraire,
D A ÉD ER RAC AE A En ES OR OR SE AN ON E TEA ER PE
Société des sciences naturelles de Brême (Naturwissen-
schaïtlicher. Verein, zu Bremet}} , 04 0500.04
Société des sciences naturelles et médicales de la
Haute-Hesse (Oberhessische Gesselschaft für Natur
Heilküunde):/Gisssen 05 eine Dane
Société des sciences naturelles du grand - duché de
Luxembourg; Luxembourg . . . . . .. . . . ...
"Société royale physico - économique de Kænigsberg
(Kænigliche physikalisch-ækonomische Gesellschaft
zu Kormesbéms Pruégé "5,101 20 RENE
1852
1855
1852
1866
1867
1870
1855
1865
1866
— 424 —
AMÉRIQUE
Société d'histoire naturelle de Boston, représentée par
MM. Gustave Bossange et C°, libraires, quai Vol-
up en PATIBE AA PA SES EUR vEbreS OA UT SSD NS
Institut Smithsonien de Washington, représenté par
MM. Gustave Bossange et Ci . ...........
ANGLETERRE
Société littéraire et philosophique de Manchester (Lite-
rary and philosophical Society of Manchester). .
BELGIQUE
Académie royale de Belgique; Bruxelles. . . . . . ..
SUÈDE
Académie royale des sciences de Stockholm, représen-
tée par M. Otto Lorenz, libraire, rue des Beaux-
NCIS SES PATES C2 ARNO E
SUISSE
Société des curieux de la nature de Bâle (Naturfor-
schenden Gesellschaft in Basel) . . . . . . . . . ..
Société d'histoire naturelle de Berne (Bernerische Na-
turforschenden Gesellschaft): 224 nec
Société jurassienne d’Emulation de Porrentruy, canton
de Der E es ENNERES LOTS RENE AR EE
Société d'histoire et d'archéologie de Genève. . . . . .
Institut national de Genève: . . :..::.... ..
Société vaudoise des sciences naturelles ; Lausanne .
Société neuchâteloise des sciences naturelles; Neuchâtel.
Société d'histoire et d'archéologie de Neuchâtel . . . .
Société helvétique des sciences naturelles (Allgemeine
schweizerische Gesellschaft für die gesammten Na-
turwissensehatten) ZurICE 4m EU Res
Société de physique et des sciences naturelles de Zurich
(Naturforschenden Gesellschaft in Zurich) . . . ..
Société des antiquaires de Zurich ...........
1865
1869
1859
1868
1869
| — 427 —
Election de M. le sénateur Duruy comme membre hono-
LATTES LUCE ER RIREEE PP: XXXVI, XXXVII, XXXVIII Et XXXIX
Fourneau à fondre l’or au moyen des hydro-carbures li-
quides, par MM. MarcHaz et BOURDY.... pp. XXXVII, XXXIX, XL,
XLIII CÉ XLIV
Déposition de la Société dans qe relative au régime
de l'imprimerie et de la librairie... ... pp. xXXIx, XLVI et xLvII
Budget de 1870. AS DEL
Voies antiques nn _ re … set die or par
M. N. TRAVELET . 25e Bo made e PDP EL VO EN
Election du conseil d'administration de 1870.. pp. XLVII et XLVIII
SENneE publique... L ROME Ni Ur PP. XLIX-L
Banquet de 1869 : toasts de MM. le en DEMANGHE, le pré-
sident BouLLET, GRAND, CasTAN, le colonel nE MANDROT,
WeïTzEL, À. DELACROIX et le premier président LoisEau,
PP. LI-LXI
MÉMOIRES
Rapport sur les travaux de la Société en 1869, suivi
de considérations sur l'instruction primaire envi-
sagèe comme cause prétendue de la dépopulation des
CODpONneS DM BOULEET AR Eee tee se de Da ed
Le Champ-de-Mars de Vesontio, par M. A. CasTan
MO DIAENES ET NES SN in Pen Nr Tr Dre
Essai sur la séparation de la France et de l'Allemagne
aux 1x° et x° siècles, par M. L. DRAPEYRON........ p.. 49
L’'Horlogerie à l'Exposition universelle de 1867, à Paris,
par M° Georges.Smme (17 planches).........,..... D'7107
L'église et le monastère de Moutier - Grandval, par
PE RO one ID MN se p. 249
Théorie de l’anaphytose (en botanique); le rhizomie, la
souche, par M. F. LEGLERG..................... p. 294
Sully et le collège de Bourgogne, par M. A. CASTAN... p. 9313
Les savants modernes de la Franche-Comté : d’Auxiron
et de Jouffroy, par M. BouLLET................ A AE 1
— 428 —
Les Gorrevod et leur sépulture dans l’église de Marnay,
par M. Jules: GAUTAIER ALL Use Suns Reese
… Notice sur le sculpteur Monnot, par M. LANCRENON...
Le menhir de Norvaux et le muraillement de la Chdtelle
(pourtour d’Alaise), par M. Ch. THURIET.........
Notice sur le marquis de Moustier, par M. J. VALFREY
DOTE EME RL RER ENE RP RER RECENSE
OBJETS DIVERS
Dons faits à la Société en 1869.. ...... ,
Envois des Sociétés correspondantes. ............,.....
Membres de la Société au 15 août 1870.................
Liste des Sociétés correspondantes.. ...
Bibliothèques recevant les Mémoires. ......
Besançon — Imp. Dodivers.
: 343
M
. 366
. 369
. 388
. 390
. 399
. 418
. 425
L
LA +
ES PRE PP ET RS
æ— 425 —
BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES
AYANT DROIT A UN EXEMPLAIRE DES MÉMOIRES
Bibliothèque de la ville de Besançon.
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de l'Ecole impériale d'artillerie de Besançon.
de la ville de Montbéliard.
de la ville de Pontarlier.
de la ville de Baume-les-Dames.
de la ville de Vesoul.
de la ville de Gray.
de la ville de Lure.
de la ville de Lons-le-Saunier.
de la ville de Dole.
de la ville de Poligny.
de la ville de Salins.
de la ville d'Arbois.
du musée impérial de Saint-Germain.
Mazarine, à Paris.
ERRATUM
Ajouter à la liste des membres résidants :
M. BaTaiLLe, Paul, ingénieur des ponts et chaussées et du
contrôle du chemin de fer, Grande-Rue, 106, — 1870.
— 426 —
TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME
PROCÈS -VERBAUX
Délégation de la Société pour la composition du jury chargé
de décerner, en 1869, le prix de 1,000 fr. pp. 11, ut, XX1V. XXV,
XXVI et XXVII
Rapport de M. Alphonse DELAcRoIx sur les communications
archéologiques de M. CARME.. Ses ain ve ea ee 2 ON IINRNERE
Mort de M. le marquis DE ur ne honoraire. pp. VIN,
IX et XIII
Réunion de la Sorbonne en 1869 : lectures de MM. Drarey-
RON, DE ROCHAS D'AIGLUN et CASTAN... ...: PP. IX, XVI, XIX-XXIII
Situation de la fabrique bisontine d’horlogerie, par M. Paul
LAURENS . He done de VO DPA LS ÉNOLE
Râteau ee de NM. Mais. a Bobi AT LR cha AE "pan
Observations de M. SIRE sur deux notes publiées dans nos
Mémoires par M. BERTHAUD. sata get Eee a 2e MAT CUITS
Moyen de prévenir les effets Sadene de l'électricité résul-
tant du frottement des courroies d'usines, par M. MARCHAL,
pP. XVI-XVIII
Système de pipette, par MM. MarcHaz et BOURDY......... D. XXV.
Opinion de MM. J. QuicHERaT et CASTAN sur une pique en
fer offerte par M. Joseph PIGUET.. ......... Pp. XXVII et XXVIII
Séance générale de la Société d'Emulation de Montbéliard :
délégation remplie à cet égard par M. Victor GIROD. .... p. xxx
Sur les relations de l’ancien continent avec l'Amérique anté-
rieurement à Christophe-Colomb, par M. GAFFAREL. pp. XXxX-XxXxI
Congrès de botanique à Pontarlier : délégation remplie à cet
égard par M. GRENIER. REA Es eee COPAIN
Délibération relative à la distribution du deuxième fascicule
de la Flore jurassique. . ce séoaue se, APPAXX AIX EAU
Rapport sur la FRE an de 1868, par M. Victor
GEROP EPS CRETE Ce LT NM STATS PP. XXXIII EL XXXIV
RIT TEN
LENS ya
New York Botanical Garden Library
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00288 8020
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