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Full text of "Mmoires de la Socit gologique de France. Palontologie"

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MÉMOIRE N° 1 


LE DRYOPITHÈQUE 


MÉMOIRES 


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SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE 
à DE FRANCE 


PALÉONTOLOGIE 


MÉMOIRE N° 1 


LE DRYOPITHÈQUE 


PAR 


Albert GAUDRY 


Membre de l'Instilut, 
Professeur de Paléontologie au Muséum d'Histoire Nalurelle 


PARIS 


LIBRAIRIE POLYTECHNIQUE BAUDRY ET C', ÉDITEURS 
15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 49 
MAISON À LIÈGE, RUE DES DOMINICAINE, 7. 


1890 


LE DRYOPITHÈQUE 


Par M. Albert GAUDRY 


Le Dryopithèque est le seul Singe anthropomorphe trouvé à l'état fossile qu’on ait pu com- 
parer avec l'homme. Le Miocène de Sansan a fourni un anthropomorphe, le Pliopithèque ; 
mais ce Singe est si pelit que personne n’a eu la pensée d'un rapprochement avec l'espèce 
humaine. 

C'est en 1856 que Fontan découvrit le Dryopithèque dans le Miocène moyen de St-Gaudens 
et que Lartet en donna la description (1). Fontan recueillit une mâchoire inférieure cassée en 
trois morceaux séparés et un humérus. Ce dernier os, étant privé de ses deux épiphyses, est 
indéterminable. On a restauré la mâchoire de manière à lui donner un peu l'aspect de la 
mâchoire de l'homme. Je figure ici une de ses branches (PI. I, fig. 1). Les arrière-molaires ont 
la dimension des dents humaines. En terminant la description des pièces du Dryopithèque, 
Lartet a écrit : « En résumé, le nouveau Singe fossile vient évidemment se placer, avec 
des caractères supérieurs à certains points de vue, dans le groupe des Simiens qui com- 
prend déjà le Chimpanzé, l'Orang, le Gorille, les Gibbons et le petil Singe fossile de 
Sansan (Pliopithecus anliquus, Gerv.). Il diffère de tous ces Singes par quelques détails 
dentaires et plus manifestement encore par le raccourcissement très sensible de la face.» 
Dans l'explication des figures, Lartet est revenu sur ce raccoureissement, et il a dit : « Sous 
ce rapport, le Dryopithecus se rapprochait beaucoup du type nègre. » On comprend, 
d'après ces paroles d'un paléontologiste aussi habile et aussi pradent que l'était Edouard 
Lartet, l'intérêt que dut exciter la mâchoire du Dryopithèque. 

En 1875, le colonel Duhousset, dans un travail comparatif sur les mâchoires de l’homme et 
des animaux vivants (2), s’est exprimé ainsi : « //me reste à parler du singe paléontolo- 
gique qui, d'après l'avis des savants, se rapprocheruil plus du type inférieur humain que 

les singes anthropomorphes actuels ; le Dryopithecus Fontani de Lartet, trouvé à St- 
Gaudens, dont nous avons été à même de calquer la mâchoire inférieure au Museum, 
comparé au jeune chimpanzé d'Aubry, s'éloigne beaucoup plus du contour humain que 
ce dernier. » 

Dans mes Ænchaînements du monde animal (3), j'ai fait dessiner le profil de la mâchoire 
d’un Tasmanien au-dessous de celle du Dryopithèque, en faisant remarquer que la longueur 
de l’espace occupé par la canine et les deux prémolaires est bien moindre comparativement 
chez l’homme que chez le singe fossile ; «cette différence, ai-je dit, est d'une importance 
considérable, car Le raccourcissement des dents de devant est en rapport avec le peu de 
saillie de la face... Ce qui caractérise essentiellement la tête de l'homme, c'est un déve- 

() Note sur un grand singe fossile qui se rattache au groupe des singes supérieurs, avec une planche in-4 


(Comptes rendus de l'Ac.des Sc., vol. XLIIT, séance du 98 juillet 1856). Lartet a donné au singe de St-Gaudens le 
nom de Dryopithecus Fontani. 

(2) Etude comparative de l'os maxillaire inférieur, l'Homme et le Singe, note accompagnée de plusieurs figures 
(La Nalure, 3° année, p. 252, 20 mars 1875). 

(3) Mammifères tertiaires, p. 237, fig. 310, 311, 1878. 


6 LE DRYOPITHEQUE. 


loppement extrême des os qui entourent l'encéphale, siège de la pensée, et une diminution 
des os de la face. » 

Gervais (1), MM. Richard Owen (2), Forsyth Major (3), Boyd Dawkins (4), ete. ont parlé 
aussi des morceaux de Dryopithèques trouvés en 1856. 

Une nouvelle pièce de la même espèce de singe (PI. I, fig. 2 et 3) vient d'être obtenue à 
St-Gaudens par M. Félix Regnault, naturaliste de 
Toulouse, connu par plusieurs intéressantes re- 
cherches paléontologiques.M. Regnault m'a prié de 
l'étudier. J'ai été surpris en la recevant, car bien 
: ? \ qu'elle appartienne à la même espèce que l’échan- 

K Ta Dayprilhe Pre, Z AJ  tillon de 1856, elle conduit à des conclusions très. 

\ “He différentes. MM. de Quatrefages et Hamy ont bien 
voulu me communiquer les mâächoires humaines 
des collections du Museum qui ont les tendances 
les plus bestiales. Je figure (PL. TI, fig. 6) l’une d'’el- 
les,celle de la fameuse Vénus hottentote, et je repré- 
sente dans Ja mème position (PI. I, fig. 3) la nou- 
velle pièce de Dryopithèque ; chacun pourra voir 
que non seulement celte dernière est très éloignée 
de la màchoire humaine, mais encore qu'elle a des 
caractères moins élevés que celles de quelques-uns 
des Singes actuels. 


On a l'habitude pour juger du prognathisme de 
considérer la face antérieure des mâchoires. En 
plaçant les unes au-dessus des autres comme dans 
les diagrammes ci-contre les mächoires d'un Fran- 
cais, de la Vénus hottentote, d'un Chimpanzé et 
d'un Dryopithèque, on voit que celle de l'homme 
blanc se porte plus en avant que celle des races les 
moins élevées ; celles des singes se portent nette- 
ment en arrière, Mais il n'y a pas une grande 
différence sous ce rapport entre le Chimpansé et le 
Dryopithèque. En réalité le degré d'obliquité de la 
face antérieure des mâchoires n'indique que très 
incomplètement le prognathisme, car il se peut que 


la mâchoire s'allonge plus ou moins dans la région 
des incisives et des canines, sans qu'elle s'allonge dans la région des molaires. Pour avoir 
une idée exacte du degré de prognathisme, il est nécessaire de considérer le râtelier tout 
entier. Or, lorsque nous regardons l’ensemble du râtelier du Dryopithèque, nous sommes 


(1) Zoologie et Paléontologie françaises, p. T, 1899. 

(2) Palæontology, 2e éd., p.383, 1841. 

(3) Note sur les singes fossiles trouvés en Italie, précédée d'un aperçu sur les quadrumanes fossiles en général 
(Extr. des Actes de la Soc. italienne des Sc. nat., tome XV, 1872). 

(4) Early Man in Britain, p.58, 1880. 


LE DRYOPITHÈQUE. 7 


frappés de son allongement. Si on ramène au chiffre 100 la largeur du râtelier du singe fos- 
sile, du Gorille, de l'Orang-outang, du Chimpanzé, de la Vénus hottentote (1), on trouve 
que la longueur proportionnelle est de 177 dans le premier, de 166 dans le second, de 144 
dans le troisième, de 434 dans le quatrième et de 98 seulement chez la Vénus hottentote. 
Ces chiffres montrent que la face du Dryopithèque était plus proéminente que celle de 
lOrang-outang, du Chimpanzé, et devait former un grand contraste avec la face humaine. 
Il y a lieu de s'étonner que la mâchoire de Dryopithèque trouvée récemment indique une 
face plus allongée que celle de quelques-uns des grands singes actuels, tandis que celle décou- 
verte en 4856 a fait supposer une face moins allongée et moins différente par conséquent de celle 
de l'homme. Lartet a écrit : « Ce qui reste de la paroi alvéolaire de la canine, implantée 
presque sur la même ligne transverse que les incisives, dénoterait que le plan antérieur 
oumentonnier de la mâchoire a du être à peu près vertical... Notre singe fossile aurait 
eu la région du menton plus haute, plus étroite el probablement aussi plus verticale 
qu'aucun de nos singes supérieurs, les Gibbons exceptés. » I est bien vrai que la canine de 
la pièce étudiée par Lartet (PI. I, fig. 1) est presque verticale et serrée contre la première 
prémolaire, que le menton semble moins épais, et la symphyse moins longue que dans la 
mâchoire trouvée par M. Regnault (PI. I, fig. 2). Cette différence d'aspect provient en partie 
de ce que la seconde mâchoire du Dryopithèque a subi une compression verticale, comme le 
montrent la brisure et l'écrasement de son bord inférieur, tandis que la branche droite de la 
première mâchoire a été au contraire un peu déjetée en dehors, c'est-à-dire du côté opposé à 
la symphyse. La différence résulte aussi de ce que la première mâchoire appartient à un plus 


jeune animal que la seconde, ainsi que le prouvent toutes ses dents sans aucune marque 


d'usure et ses dernières molaires qui n'étaient pas encore soudées à leurs alvéoles. Or le pro- 
gnathisme se développe extraordinairement avec l’âge chez les singes (2) et par conséquent 
lenrs mâchoires doivent s’allonger et s'épaissir. 

La mâchoire du Dryopithèque trouvée par M. Regnault présente une particularité qui me 
frappe encore plus que l'allongement de la face, c'est le peu de place laissé à la langue. 
C’est quelque chose assurément d'avoir une belle figure, mais il y a pour nous quelque chose 
de plus important encore, c'est d’avoir la puissance d'exprimer nos pensées par la parole. La 


comparaison de la mâchoire du Dryopithèque avec celle des autres grands Singes et de 


l'homme me semble fournir un commencement d'indication pour ce qu’on pourrait appeler 


l'histoire de la lang'e. Quand on passe de l’homme blanc à l’homme nègre, de l’homme 
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nègre au Chimpanzé, du Chimpanzé à l'Orang-outang ou au Gibbon, de l'Orang-outang au 
Gorille, du Gorille au Dryopithèque, on trouve une série de dégradations dans la disposi- 
tion de la langue. 


La langue humaine peut s'étendre beaucoup en largeur parce que la mâchoire inférieure 
(PI. I, fig. 6) en forme d'arc laisse un grand espace entre les rangées des arrière-molaires. 
Elle peut aussi s'étendre beaucoup en longueur parce que la paroi osseuse du menton est 


(1) Le râtelier de la nouvelle mâchoire du Dryopithèque a 0m,071 de longueur sur 0m,040 de largeur, celui 
du Gorille à 0,100 sur 0,060 ; celui de l'Orang-outang 0,085 sur 0,059 ; celui du Chimpanzé 0,070 sur 0,052 ; celui 
de la Vénus hottentote 0,055 sur 0,056. Ce dernier n’est donc pas plus long que large. 

(2) La différence de prognathisme entre les jeunes et les vieux singes est tellement grande qu’elle est incroyable, 
si on n’a pas eu occasion de l'observer soi-même dans les collections des singes actuels ; elle explique les étranges 


erreurs auxquelles les plus habiles naturalistes ont été exposés, en déterminant les espèces de singes anthro. 
pomorphes. 


8 LE DRYOPITHÈQUE. 


très amincie ; elle l’est à tel point que quelquefois elle est translucide au-dessous des incisi- 
ves ; en outre, comme le montre le diagramme d’une mâchoire de Français représenté 
page 6, sa partie inférieure se porte en avant, formant souvent un bombement très carac- 
térisé dans la partie où s’insère le muscle appelé la houppe du menton. Chacun peut consta- 
ter sur soi-même que l'extrémité antérieure de la langue est habituellement courbée en bas; 
l'avance de la partie inférieure du menton sert à lui ménager plus de place. 

Dans la mâchoire inférieure des races humaines les moins élevées, dites prognathes (voir 
le diagramme de la mâchoire de la Vénus hottentote, page 6), le menton se porte moins en 
avant el laisse un peu moins de place pour les mouvements de la partie antérieure de la 
langue : la différence n’est pas très grande. 

Chez le Chimpanzé, le bas du menton est porté en arrière (voir le diagramme dela mâchoire 
de Chimpanzé, p. 6); en outre le râtelier cesse de former l’are, les deux rangées des mo- 
laires tendent à devenir parallèles (PI. I, fig. 5). La langue a donc moins de place pour s’al- 
longer en avant, pour s'élargir en arrière. 

Chez l'Orang-outang et le Gibbon, il y a proportionnément moins d'intervalle que chez le 
Chimpanzé entre les mandibules ; la langue est donc forcément encore plus étroite. 

Chez le Gorille (PL I, fig. 4), il en est de mème. En outre le menton s’est beaucoup épaissi 
et porté en arrière ; le bas de la symphyse se prolonge jusqu'à l’aplomb des premières ar- 
ritre-molaires. Ainsi la langue a moins de place en avant que dans l'Orang-outang et sur- 
tout dans le Chimpanzé. Duvernoy, qui a fait un important mémoire (1) sur les grands Sin- 
ges, a figuré les langues du Chimpanzé et du Gorille; celle du second est notablement plus 
étroite. Dès sa jeunesse, le Gorille a déja sa langue assez rétréci, comme le montrent la 
figure que Bischoff a donnée (2) et un dessin que M. Deniker a bien voulu me communi- 
quer (3). 

Chez le Dryopithèque (PL I, fig. 3), l'intervalle entre les mandibules était aussi resserré 
que chez le Gorille, par conséquent la langue élait aussi élroile; les os du menton élaient 
plus épaissis, leur paroi postérieure restait sur un plan élevé jusqu'à l’aplomb des arrière- 
molaires, de sorte que la langue avait encore moins de placé en avant. Je ne vois quel- 
que chose d'analogue que chez les Singes non anthropomorphes, tels que ceux du 
groupe des Macaques. M. Sauvinel, qui est chargé, sous la direction de M. Alphonse Milne 
Edwards, de la ménagerie du Museum, a bien voulu me mettre à mème d'étudier quelques- 
uns de ces Singes. Nous avons remarqué ensemble que les Macaques, les Magots avaient la 
langue étroite, très épaisse en arrière, mince en avant; même en tenant compte de la mau- 
vaise volonté que ces animaux mettaient à montrer leur langue, il nous a semblé qu'ils ne la 
liraient pas aussi loin et avec autant de souplesse que les hommes; cet instrument a chez 
eux des mouvements bien plus bornés. Il devait en être de mème du Dryopithèque. Ainsi 
cerlainement ce n'est pas le Singe du Miocène de la France qui pourra jeter de la lumière 
sur la grande question de l'origine du langage; il n’établit pas un intermédiaire entre 
l'homme qui parle et les bêtes qui crient. 


(1) Des caractères anatomiques des grands Singes pseudo-anthropomorphes (Archives du Museum d'hist. nat., 
tome VIIT, avec nombreuses planches, 1855-1856). 

(2) Beriträge zur Anatomie des Gorilla (Abhand, d. IT CI. d, Kais. Akad. der Wissens, tome XII], partie 111). 

(3) Il n’en élait pas de même à l'état fœtal. M, Deniker dans ses belles Recherches anatomiques et embryologrques 
sur les Singes anthropoides (Archives de z0ol. exp. et gén., 2e série, 4885) a montré que Ja langue était bien moins 
étroite chez le fœtus de Gorille que chez l'individu jeune ou adulte. 


CEUX, 


LE DRYOPITHÈQUE. 9 


Sur la mâchoire trouvée par Fontan en 1856 les deux dernières molaires manquent; on 
ne voit que leurs alvéoles ; Lartet en a conclu qu’elles devaient pousser plus tard que les au- 
tres dents. Il a dit à ce sujet : « Dans l’espèce humaine, les canines et les molaires de lait tom- 
bent et sont remplacées avant l'évolution des dernières molaires. Dans les Singes en général, 
la sortie de la dernière molaire précède la chute et le remplacement de la canine de lait... 
Dans notre Singe fossile, toutes les dents de lait étaient lombées et remplacées par la canine et 
les deux fausses molaires de seconde dentition, avant que la dernière molaire eüt effectué son 
évolution complète sur le bord dentaire. Ce serait une marche de dentition intermédiaire à 
celle de l'homme et des singes vivants, sauf le Gibbon Siamang, sur lequel j'ai observé les mé- 
mes circonstances de dentilion que dans notre singe fossile. » 

Puisque les dernières arrière-molaires sont tombées sur la mâchoire trouvée en 1856, c'est 
sans doute qu’elles n'étaient pas encore soudées, mais l'inspection de leurs alvéoles m'a 
montré que leur développement devait être déjà très avancé et qu'il a dû suivre de bien près 
celui des autres dents, car celles-ci sont encore toutes fraiches, elles n'ont aucune marque 
d'usure. Sur la mâchoire qui vient d’être découverte par M. Regnault, la dernière arrière- 
molaire a été brisée d'un côté, mais sur l'autre côté elle existe. Elle est aussi usée que les ca- 
nines et les secondes prémolaires ; elle n’est pas beaucoup moins usée que la seconde arrière- 
molaire ; elle confirme donc l’idée que le développement des dernières arrière-molaires s’est 
fait très peu de temps après celui des autres dents. Or chez l'homme, les dernières molaires 
poussent tardivement; c'est pour cela qu’on les appelle dents de sagesse. M. Magitot dans 
son important ouvrage sur les Anomalies du système dentaire les indique comme poussant 
généralement de 18 à 25 ans: dans le Traité élémentaire d'anatomie descriptive de Jamain, 
je lis qu’elles poussent de 20 à 30 ans. 

Il s'en faut de beaucoup que chez tous les singes, la sortie de la dernière molaire précède la 
chute et le remplacement dela canine de lait. Broca, après avoir rappelé que Pruner Bey avait 
comme Lartet constaté que chez le Dryopithèque la sortie de la canine avait précédé celle de 
la dernière molaire, a dit : ce fail est loin d'être exceptionnel ; id se retrouve ainsi que 
M. Magilot nous l'a démontré, dans le genre Chimpanzé..… et dans le genre Sajou (1). 
Broca ajoute qu'il l’a observé dans deux autres Sajous et dans le Macacus rhesus. M. For- 
syth Major à fait une semblable remarque sur un autre sujet de Macacus rhesus. Lui et 
Boyd Dawkins en ont tiré la conclusion que le mode d'évolution des dents du Dryopithèque 

‘ne pouvait être invoqué comme une preuve de supériorité. J'ai en effet constaté que chez 
beaucoup de singes de la collection du Museum la sortie des dernières molaires a eu lieu soit 
en même temps que celle de la canine, soit après. Voici la liste des sujets sur lesquels j'ai 
fait celle vérification : 

Un Chimpanzé. — La dernière molaire et la canine poussent en mème temps. 

Un Orang-outang. — La dernière molaire n'est pas poussée, quoique la canine le soit. 

Un Gibbon Siamang — La dernière molaire et la canine poussent en même temps. 

Un Semnopithèque entelle. — La dernière molaire et la canine sont en train de pousser, 
mais la dernière molaire est un peu moins avancée que la canine. 

Un Rhinopithèque (Rhinopithecus Roxellanæ).— La dernière molaire n’est pas complète- 
ment sortie, quoique la canine le soit. 


Deux Guenons. — La dernière molaire n’est pas poussée, quoique la canine le soit. 


(1) Mémoires d'anthropologie zoologique et biologique, p. 89, 1877. 


10 LE DRYOPITHÈQUE. 


Un Magot. — La dernière molaire et la canine sont dans le même état de développement. 

Un Bonnet chinois (Macacus sinicus). — Id. 

Un Macaque de Buffon (Macacus cynomolqus). — Id. 

Un Macaque de Buffon. — La dernière molaire n'est pas encore tout à fait poussée, quoi- 
que la canine le soit. 

Un Cynocéphale babouin. — La dernière molaire et la canine sont dans le même état de 
développement. 

Un Cynocéphale papion (Cyn. sphynx). — La dernière molaire n’est pas poussée, quoique 
la canine le soit. 

Un Cynocéphale chacma (Cyn. porcarius). — Id. 

Un Cynocéphale voisin du Cyn. chacina. — La dernière molaire et la canine sont dans le 
mème élat de développement. 

Deux Mandrilles Choras (M. Mormon). — Le développement de la dernière molaire est 
moins avancé que celui de la canine. 

Ces exemples montrent que le Dryopithèque par le mode d'évolution de ses dents se rap- 
proche moins de l’homme que des singes inférieurs (Guenon, Macaque, Cynocéphale, Man- 
drille). 

Outre les différences que je viens d'indiquer, la mâchoire inférieure du Dryopithèque se 
distingue de celle de l'homme par les particularités suivantes dont on se rendra compte en 
comparant les figures 1,2, 3 de la planche I avec la figure 6 : 

Les incisives paraissent un peu plus étroites (si toutefois on peut baser une opinion sur des 
dents très usées). Les canines ont le double de hauteur des autres dents, au lieu que, chez 
l’homme, elles ne les dépassent pas sensiblement ; elles ont près de leur bord antérieur un 
sillon qui n'existe pas chez l'homme ; leur face externe est alignée à la suite des molaires sur 
la face latérale de la mâchoire, au lieu d’être alignée sur la face antérieure ou mentonnière. 
La première prémolaire ressemble à celle de la plupart des singes et diffère beaucoup de 
celle de l’homme ; elle est bien plus grosse, plus allongée, plus pointue et plus élevée; son 
denticule externe est très développé et son denticule interne est à peine sensible, tandis que 
chez l'homme le denticule externe ne dépasse pas la hauteur des autres dents et le denticule 
interne est très visible. La seconde prémolaire est également fort éloignée de celle de l'homme 
et rentre dans le type ordinaire des singes ; elle est bien plus longue que large, au lieu que 
celle de l'homme est aussi large et souvent mème plus large que longue ; cette différence 
provient de ce que le second lobe du Dryopithèque est bien développé et forme un talon très 
accusé. Les arrière-molaires ont plus de longueur que chez l'homme comparativement à la 
largeur ; elles ont, ainsi que Lartet l'a remarqué, un léger rudiment de bourrelet qu'on ne 
voit pas dans les dents humaines; leurs denticules forment des mamelons moins élevés, moins 
ronds, plus ridés qui donnent aux dents une disposition plus mousse, 

Le Dryopithèque ressemble au Chimpanzé, à l'Orang-outang et au petit Pliopithèque de 
Sansan par ses arrière-molaires, mais j'ai dit qu'ilen diffère par son menton épais, sa longue 
symphyse. 

Il s'éloigne moins du Gorille que des autres anthropomorphes par la forme de sa mâchoire, 
cependant les os de son menton ont encore plus d'épaisseur en arrière ; la taille est bien 
moindre ; les denticules des arrière-molaires sont moins élevés et n’ont pas, comme dans le 
Gorille, une tendance à la forme transverse. 


À 


LE DRYOPITHÈQUE. 11 


Il se rapproche des singes non anthropomorphes du groupe Macaque par la disposition de 
sa symphyse; il en diffère par ses arrière-molaires à surface mousse. 

Fontan a trouvé avec le Drvopithèque le Macrotheriuim qui caractérise Sansan et n'a pas 
été rencontré à Simorre ; M. Regnault vient de découvrir avec lui le Dinotherium qui a été 
signalé à Simorre, mais non à Sansan. Il est donc difficile de dire si le Dryopilhecus du 
Miocène moyen de St-Gaudens est de l'horizon de Simorre ou de celui de Sansan. 


RÉSUMÉ 


Le Dryopithèque, à en juger par ce que nous en possédons, se place au rang le plus bas 
parmi les singes anthropomorphes. Si j'avais à classer ces animaux, je les disposerais de la 
manière suivante : 

Chimpanzé. 

Orang-outang, Gibbon, Pliopithèque. 
Gorille. 

Dryopithèque. 


Dans mes Enchaîinements du monde animal, j'ai donné les raisons pour lesquelles je ne 
croyais pas que les silex de Thenay eussent été taillés, mais j'ai dit que, si un jour il venait 
à être démontré qu'ils l'ont été, il me semblait si impossible de concevoir l'existence de l’es- 
pèce humaine à l’époque du Miocène moyen que je les attribuerais au Dryopithèque plutôt 
qu'à l’homme. Aujourd'hui, devenu un peu moins ignorant, je ne tiendrai plus le mème 
langage. À en juger par l’état de nos connaissances, 1l n'y avait en Europe dans les temps 
terliaires ni homme, ni aucune créature qui se rapprochàt de lui. Puisque le Dryopithèque est 
le plus élevé des grands singes fossiles découverts jusqu’à ce jour, nous devons reconnaitre 
que la paléontologie n'a pas encore fourni d'indice d'enchaîinement entre l'homme et les 
animaux. 

C'est une curieuse chose de constater que les singes anthropomorphes actuels ont des 
caractères plus élevés dans l’état fœtal et l’état jeune que dans l’âge adulte. Nous devons sans 
doute croire qu'ici la marche paléontologique n'a pas été conforme à la marche embryogéni- 
que ; car, si on la supposait conforme, il faudrait admettre que les singes anthropomorphes 
actuels représentent un type primitivement élevé, moins éloigné de l'homme, qui aurait subi 
avec le temps une dégradation. Les caractères d’infériorité qui sont annoncés par la mà- 
choire du Dryopithèque s’opposent à cette hypothèse. 


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MÉMOIRE N° 1. 


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Fig. 1. — Une des branches de la mâchoire du Dryopithèque de Fontan, décrite en 1856 
par Edouard Lartet. — Elle est représentée de profil, de grandeur naturelle. Il y a une cas- 
sure en avant de la canine ; celle-ci est brisée; la première prémolaire est très élevée; la 
seconde prémolaire est plus petite ; on voit les deux premières arrière-molaires; la dernière 
manque. Il y a en bas du menton une saillie latérale qu'on retrouve chez plusieurs singes et 
qui manque chez l’homme. 


Fig. 2 et 3. — Mâchoire inférieure du Dryopithèque de Fontan, qui vient d'être trouvée 
par M. Félix Regnault. Elle est représentée de grandeur naturelle, vue de profil et en dessus 
pour montrer la longueur et surtout la hauteur de sa symphyse. Les incisives sont pelites 
et étroites, très usées ; les canines sont pointues ; on voit, à la suite des deux prémolaires ; 
trois arrière-molaires d’un côté ; sur l’autre côté, la dernière molaire a été enlevée. 


Fig. 4. — Màchoire inférieure de Gorille, aux 3/4 de grandeur, représentée dans la même 
position que la précédente pour montrer que sa symphyse est moins épaisse, sur un plan 
moins élevé; les deux rangées de molaires sont alignées et rapprochées l’une de l'autre 
comme dans le Dryopithecus. Û 


Fig. 5. — Mächoire inférieure de Chimpanzé, grandeur naturelle, représentée en dessus. 
Le menton est moins épais que dans le Gorille et les deux rangées de molaires sont plus 
écartées l'une de l’autre. 


Fig. 6. — Mâchoire inférieure de la Vénus Hottentote, grandeur naturelle, représentée en 
dessus, On voit que le râtelier, au lieu d’avoir une forme allongée, a une forme arquée, que 
le menton est mince, que les canines sont petites, non pointues, que la première prémo- 
laire ne surpasse pas la seconde, que les arrière-molaires sont rondes, peu allongées et ont 
des tubercules moins mousses que dans les autres figures. 


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